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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 7 avril 1998 - Vol. 35 N° 117

Consultations particulières sur le rapport Pierre-F. Côté sur le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman


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Table des matières

Auditions

Remarques finales


Autres intervenants
M. Marcel Landry, président
M. Roger Paquin, président suppléant
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Lawrence S. Bergman
M. Mario Dumont
Mme Lyse Leduc
M. Jean Filion
*M. Jean Dion, ADQ
*M. Jacques Hébert, idem
*M. Serge Marcil, PLQ
*M. François Tremblay, idem
*M. Joël Gauthier, idem
*Mme Chantale Turcot, MNQ
*M. Henri Laberge, idem
*M. Fabien Béchard, PQ
*M. Maxime Barakat, idem
*M. Gilles Gaumond, idem
*M. François Casgrain, Directeur général des élections
*Mme Francine Barry, bureau du Directeur général des élections
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous allons débuter nos travaux. Je rappelle le mandat de la commission: de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le rapport Pierre-F. Côté sur les suites du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et sur des modifications à des législations électorales.

M. le secrétaire, pourriez-vous nous annoncer les remplacements, s'il vous plaît?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Lefebvre (Frontenac) est remplacé par M. Bergman (D'Arcy-McGee) et M. Mulcair (Chomedey) par M. Sirros (Laurier-Dorion).

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, merci.

Alors, voici l'ordre du jour de la présente journée d'auditions: à 9 h 30, nous recevons l'Action démocratique du Québec; à 10 h 30, nous recevons les représentants du Parti libéral du Québec et la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec; à 11 h 30, nous recevons le Mouvement national des Québécoises et des Québécois. Nous suspendrons nos travaux à 12 h 30 et nous reprendrons à 15 heures avec les représentants du Parti québécois; à 16 heures, nous recevrons le Directeur général des élections; à 17 h 30, nous aurons les remarques finales et nous ajournerons nos travaux à 18 heures.


Auditions

Alors, j'invite maintenant les représentants de l'Action démocratique du Québec à nous faire part de leur mémoire. Alors, messieurs, bienvenue à la commission des institutions. Nous vous demandons de vous identifier pour les fins d'enregistrement de nos échanges. Alors, votre présentation...


Action démocratique du Québec (ADQ)

M. Dion (Jean): Bonjour, mon nom est Jean Dion, président de l'Action démocratique du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, de M. Jacques Hébert, directeur général de l'Action démocratique du Québec.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Bonjour!

M. Dion (Jean): Alors, le 16 janvier 1998, Me Pierre-F. Côté remettait au premier ministre Bouchard son rapport et ses recommandations sur le jugement rendu par la Cour suprême dans l'affaire Libman ainsi que sur les modifications à être apportées aux législations électorales pertinentes. Puisque ces recommandations ont trait aux droits démocratiques fondamentaux que sont le droit de vote et le droit à l'éligibilité, l'Action démocratique du Québec tient à présenter son point de vue, lequel se retrouve en marge des conclusions principales de Me Côté.

Par ailleurs, notre formation politique tient à déplorer que, malgré les engagements gouvernementaux en ce sens, aucune réforme de la Loi électorale n'est en voie d'être réalisée. Depuis quatre ans, seulement des ajustements mineurs ont été apportés à la Loi électorale. Il faut d'ailleurs déplorer que le mandat de Me Côté se soit à nouveau limité à des ajustements somme toute mineurs à la Loi.

Ceci dit, l'Action démocratique du Québec a déjà manifesté son accord avec les conclusions de la Cour suprême dans l'affaire Libman. L'Action démocratique du Québec a également dénoncé les intentions du gouvernement Bouchard relativement à l'utilisation de la clause nonobstant comme façon d'esquiver les conclusions en nullité du plus haut tribunal du pays. À ce titre, notre position demeure inchangée.

Le présent mémoire a pour but d'étayer les positions susmentionnées et de les présenter dans une optique concrète et pragmatique. À cause de l'importance qu'il revêt dans toute société démocratique, l'exercice du droit de vote doit être traité avec prudence et ouverture. Il ne s'agit pas d'éluder les difficultés ni de reporter à plus tard les problèmes qui se posent maintenant, il s'agit plutôt de trouver une solution adéquate et actuelle aux injustices qui se manifestent et de les traiter en harmonie avec les lois fondamentales qui nous gouvernent.

Le présent mémoire sera donc divisé en trois sections distinctes. D'abord, nous analyserons le jugement de la Cour suprême tout en proposant des avenues de solution. Deuxièmement, nous identifierons des éléments de la Loi électorale que nous jugeons également problématiques en regard des Chartes canadienne et québécoise des droits de la personne. Enfin, nous commenterons les différentes modifications à des législations électorales présentées par Me Côté dans son rapport.

D'abord, concernant le jugement Libman. Par son jugement, la Cour suprême statue qu'en régissant les dépenses électorales autorisées via un système exclusif de deux comités-parapluies, la Loi sur les consultations populaires porte atteinte à la liberté d'expression et à la liberté d'association telle qu'édictée aux Chartes canadienne et québécoise des droits et libertés. Cette atteinte est limitée à un groupe restreint d'individus qui, à l'instar des abstentionnistes, se voyaient presque totalement interdire le droit d'effectuer des dépenses électorales à moins qu'ils ne s'associent à un des deux comités-parapluies.

(9 h 40)

Il faut souligner que tant la Cour supérieure que la Cour d'appel du Québec avaient préalablement conclu que la Loi sur les consultations populaires portait effectivement atteinte à la liberté d'expression et à la liberté d'association des Québécois et Québécoises. Toutefois, ces deux tribunaux n'avaient pas invalidé les dispositions pertinentes de la loi, jugeant que cette atteinte pouvait être justifiée dans le cadre d'une société libre et démocratique. La Cour suprême juge pour sa part qu'il est possible d'amender la Loi sur les consultations populaires afin que celle-ci ne brime plus la liberté d'expression et la liberté d'association de certains Québécois et Québécoises.

Une fois le jugement rendu, les leaders péquistes ont immédiatement brandi la menace d'avoir recours à la clause «nonobstant» afin d'imposer et de maintenir l'intégrité de la Loi sur les consultations populaires. Alors que, il y a quelques mois à peine, le premier ministre Bouchard disait qu'il aurait bien du mal à se regarder dans le miroir s'il devait un jour avoir recours à cette clause, tout semble maintenant aller de soi et les miroirs ne semblent plus lui faire très peur.

En ce sens, l'Action démocratique du Québec se réjouit de la recommandation de Pierre-F. Côté de ne pas recourir à la clause «nonobstant». En toute circonstance, l'utilisation de la clause «nonobstant» devrait être une mesure extrême liée à la présence d'un fort consensus populaire. Le recours à cette clause par Robert Bourassa, en 1988, était d'ailleurs cautionné par une vaste majorité de la population québécoise. Toutefois, utiliser cette clause par stricte opportunisme politique revient à dénaturer les Chartes et à traiter avec très peu d'égards les libertés qui y sont protégées.

Rien ne peut, à notre avis, justifier l'utilisation de la clause «nonobstant» à la suite du jugement de la Cour suprême sur la Loi sur les consultations populaires. Contrairement à la situation prévalant avec la loi 101, en 1988, il n'existe pas actuellement d'urgence et de consensus social pouvant légitimer le recours au «nonobstant». De plus, des amendements peuvent facilement être apportés à la loi, de façon à rendre cette dernière conforme aux Chartes et à la décision de la Cour suprême.

Il faut également noter que la Loi sur les consultations populaires est d'une nature très particulière. Comme toutes les lois électorales, elle régit l'exercice de deux droits démocratiques les plus fondamentaux, à savoir: le droit de voter et de se présenter dans le cadre d'une élection ou d'un référendum.

Tolérer que de telles lois briment les droits fondamentaux de certains individus et légitimer cette tolérance par l'application de la clause «nonobstant» constituerait, en fait, une atteinte très grave à l'image de la démocratie québécoise et certes un pied de nez à l'héritage moral de René Lévesque.

Il faut conclure que seuls des arguments politiques pourraient justifier le gouvernement Bouchard de recourir et de requérir à la clause «nonobstant». Ces arguments ne sont pas suffisants. Ce n'est pas parce qu'une loi québécoise est partiellement invalidée par un tribunal qu'il faille automatiquement condamner ce tribunal et utiliser tous les moyens disponibles pour oblitérer cet affront.

Dans tous les pays démocratiques du monde, les tribunaux ont le pouvoir d'invalider les dispositions législatives lorsque celles-ci portent atteinte aux droits fondamentaux des citoyens. En pareil cas, outre circonstances exceptionnelles, une société juste et démocratique doit se plier aux décisions judiciaires et remodeler ses lois en conséquence.

En conséquence, l'Action démocratique du Québec rejette, à l'instar de Me Côté, le recours à la clause «nonobstant» dans le cas de modifications à la Loi électorale ou à la Loi sur les consultations populaires et propose que l'on procède aux modifications législatives nécessaires.

Il faut aussi avoir l'humilité d'admettre que nos lois ne sont jamais parfaites. Nos lois électorales ne font pas exception à cette règle. L'objectif doit être d'agencer celles-ci avec les droits démocratiques de l'ensemble des citoyens, nonobstant leur opinion, leurs origines ou tout autre critère de distinction inclus aux Chartes.

À cet égard, nous considérons que les solutions proposées par la Cour suprême comportent plusieurs éléments positifs. Elles ont l'avantage d'être simples, justes et faciles d'application. D'ailleurs, ces propositions reposent sur les conclusions de la commission Lortie qui a étudié en profondeur les mécanismes électoraux au niveau fédéral. Il s'agirait d'une grave erreur que d'appliquer aux conclusions en nullité de la Cour suprême un remède complexe, éclaté et difficilement gérable qui viserait d'abord et avant tout à préserver la polarisation des enjeux référendaires. Il est en effet de la responsabilité des États non seulement d'édicter des lois mais aussi d'avoir les capacités de les appliquer. En ce sens, créer un mécanisme inutilement complexe nous mènerait de Charybde en Scylla.

Dans la foulée des recommandations de la Cour suprême, Me Côté propose des ajustements mineurs à la Loi électorale visant à en assurer l'encadrement des tiers dans le respect d'une certaine liberté en regard des comités-parapluies. Ainsi, il retient trois types d'intervenants, soit: les individus isolés, les individus indépendants et les groupes indépendants. Ces intervenants devraient obtenir une autorisation du Conseil du référendum.

Les modifications législatives contenues dans le rapport Côté répondent, quant à nous, à deux objectifs importants. D'abord, elles assurent la constitutionnalité du processus référendaire québécois. Ensuite, elles répondent au fait que, dans le débat politique, il n'y a pas que du blanc et du noir. Il y a une multitude d'opinions qui doivent pouvoir être entendues sur la place publique, et ce, dans le respect du principe d'équité entre les options.

En conséquence, l'Action démocratique du Québec est en accord avec les modifications contenues dans le rapport Côté quant à l'intervention des tiers, puisqu'elles s'appuient sur le jugement de la Cour suprême, sur les recommandations de la commission Lortie ainsi que sur le principe du pluralisme politique.

M. Hébert (Jacques): Quoique le rapport de M. Côté soit muet sur le sujet, certaines dispositions de la Loi électorale risquent de recevoir le même sort que dans le cas du jugement Libman en regard des Chartes québécoise et canadienne des droits des personnes. En effet, l'Action démocratique du Québec croit que plusieurs dispositions de la loi actuelle sont inéquitables. D'ailleurs, une requête en jugement déclaratoire a été présentée devant la Cour supérieure à cet effet.

Au fil des années, le Parti libéral et le Parti québécois ont modifié la Loi électorale pour se donner des avantages financiers à même les contributions que verse l'État aux partis politiques. Nous avons aujourd'hui un système où les dés sont pipés et qui favorisent le bipartisme. Il en résulte un régime de financement public qui favorise l'échange périodique du pouvoir entre le PQ et le PLQ et qui nuit à l'émergence de nouveaux partis politiques.

Ainsi, plusieurs mesures ont été adoptées afin de donner aux partis politiques formant le gouvernement et l'opposition officielle des avantages qui accentuent exagérément l'écart entre leurs moyens financiers et ceux des autres formations politiques, et ce, à même les fonds publics. Des exemples à ce sujet-là: Plusieurs dispositions de la Loi électorale rendent inéquitable le processus électoral en ce qu'elle confère à certains candidats des avantages qu'elle nie à d'autres, et ce, sur la base de leur affiliation politique. À cet égard, il convient d'identifier certains exemples. Et vous trouverez d'ailleurs à la fin du document la requête qui a été déposée.

D'abord, à l'élection du 12 septembre 1994, l'État québécois a remboursé aux représentants partisans des candidats bénéficiant de l'avantage prévu à l'article 137 une somme de 3 656 350 $. Deuxièmement, toujours à l'occasion de cette élection, les candidats du PLQ et du PQ se sont partagé 3 173 260 $ à titre d'avance sur les dépenses de tout ou en accord avec les avantages conférés par l'article 449 de Loi électorale.

En plus de violer à sa face même le droit à l'éligibilité ainsi que la liberté d'association et d'expression protégés par les Chartes, plusieurs articles de la Loi électorale favorisent le bipartisme institutionnel, imposent un désavantage financier lié à l'affiliation politique, désavantagent certaines formations politiques dans le cadre de recrutement de leurs bénévoles et candidats, avantagent certaines formations politiques dans l'expression et la communication du contenu de leur programme électoral.

Nous soumettons que le financement des candidats à une élection devrait être dénué de toute condition ou critère arbitraire et ne s'opérer qu'en fonction de normes objectives applicables à tous et à toutes. Ce souci d'équité et d'égalité ressort d'ailleurs de la transcription du témoignage rendu le 23 mai 1995 par M. Pierre-F. Côté, qui était à l'époque Directeur général des élections, devant la commission permanente des institutions, et je cite: «Je m'interrogeais sur l'équité de cette façon de procéder en regard de la Charte des droits et libertés. Aujourd'hui, je constate que l'ensemble de l'aide financière, y compris les programmes, semble favoriser les grands partis politiques représentés à l'Assemblée nationale. Il faut sérieusement se demander quel impact cela produit chez les tiers partis et sur la possibilité de chances égales pour tout électeur qui veut briguer les suffrages de façon comparable à toute autre. Par exemple, est-ce équitable?»

Est-il démocratique et équitable de consentir des avantages financiers aux candidats des partis qui sont en fonction de leurs critères partisans? Nous croyons que non.

En conséquence, l'Action démocratique du Québec recommande que soient abrogées les dispositions contenues dans la Loi électorale portant atteinte à l'équité quant au financement des formations politiques et au recrutement des candidats et bénévoles.

Pour ce qui est des autres modifications proposées par M. Côté, dans son rapport, Me Côté propose une série d'ajustements à la Loi électorale. Même s'il ne s'agit pas d'un projet de réforme électorale, nous jugeons important de faire connaître les commentaires de l'Action démocratique en ces matières.

Le droit de vote en ce qui a trait à l'identité de l'électeur. Le droit de vote des électeurs revêt un caractère sacré que personne ne peut usurper. Afin de protéger ce droit fondamental, tous les mécanismes raisonnables doivent être mis en place. En ce sens, nous sommes en accord avec le principe de l'identification des électeurs au bureau de scrutin. Par ailleurs, nous nous réjouissons de la recommandation de M. Côté quant à l'inutilité d'émettre une carte d'électeur spécifique. Cependant, nous jugeons que le principe de l'identification systématique est exagéré. Selon l'Action démocratique du Québec, un électeur ne devrait présenter une pièce d'identification que si et seulement si le scrutateur émet des doutes sérieux quant à l'identité de l'électeur.

(9 h 50)

En conséquence, l'Action démocratique du Québec est en accord avec le principe de l'identification de l'électeur, et ce, à l'aide d'une pièce d'identification déjà existante. Néanmoins, l'Action démocratique du Québec s'oppose à l'identification systématique de l'électeur et considère qu'il appartient au scrutateur de contrôler l'identité de l'électeur s'il a un doute raisonnable.

Pour ce qui est de l'inscription automatique des électeurs de 18 ans et des néo-Canadiens, lors des dernières élections complémentaires où l'on a utilisé pour la première fois la liste électorale permanente, plusieurs électeurs ont été privés de leur droit de vote. Il est malheureux que des jeunes et des néo-Canadiens aient été privés de ce droit fondamental faute d'un mécanisme approprié d'inscription automatique dans la loi. L'Action démocratique du Québec déplore de telles situations et appuie les solutions proposées afin de corriger cette problématique grave. De plus, nous croyons qu'il serait souhaitable d'adopter des dispositions semblables à la loi fédérale quant à la possibilité d'être inscrit sur la liste électorale le jour même de l'élection.

Donc, l'Action démocratique du Québec souhaite que des corrections soient apportées à la Loi électorale afin d'assurer l'inscription automatique des jeunes de 18 ans et des néo-Canadiens, et ce, avant la tenue de prochain scrutin. De plus, l'Action démocratique du Québec est favorable à l'inscription de l'électeur sur la liste électorale le jour même de l'élection.

Pour ce qui est de l'influence indue et de certaines dépenses non autorisées, l'indépendance de l'électeur et le respect de l'équité constituent des fondements essentiels dans un système électoral démocratique. Le législateur doit donc s'assurer que l'électeur ne puisse subir des pressions indues quant à des choix politiques. De même, l'équité entre les partis politiques et les différents camps référendaires doit être respectée tant sur le plan des dépenses que sur le plan du financement public. En ce sens, nous sommes favorables aux propositions présentées dans ce rapport à ce sujet.

Néanmoins, au sujet de la recommandation 62, il convient, selon nous, de préciser les moyens disponibles à un candidat ou à un camp référendaire pour empêcher une dépense non autorisée favorisant son élection ou son option. Donc, l'Action démocratique du Québec est en accord avec le principe proposé dans le rapport Côté, qui vise à interdire toute influence indue auprès d'un électeur et à contrôler des dépenses non autorisées, et ce, en rendant responsables ceux qui profitent d'une infraction à la loi.

Pour ce qui est de la simultanéité des élections scolaires et municipales, Me Côté propose la tenue des élections scolaires et municipales à la même date, en l'an 2002, ainsi qu'un encadrement plus adéquat de ces élections par le Directeur général des élections. L'Action démocratique du Québec ne s'oppose pas à cette modification dans la mesure où cette dernière est susceptible d'accroître le taux de participation des électeurs au scrutin. De plus, nous jugeons souhaitable que l'ensemble des municipalités soient soumises aux mêmes règles électorales.

En conséquence, l'Action démocratique du Québec est d'accord avec les modifications proposées par Me Côté quant à la tenue simultanée d'élections au niveau scolaire et municipal et à l'adoption de règles électorales uniformes.

M. Dion (Jean): Au cours des derniers mois, tant publiquement qu'au niveau du comité consultatif du Directeur général des élections, le gouvernement du Parti québécois a démontré son manque flagrant de volonté politique quant à l'adoption d'une véritable réforme électorale. À l'aube de la fin du présent mandat, il y a peu d'espoir qu'une véritable réforme soit enclenchée par le gouvernement, et ce, malgré les engagements répétés.

Nous nous retrouvons devant cette commission parce que le jugement dans l'affaire Libman nous y a contraints. Une telle situation est déplorable car, encore une fois, le Parti québécois semble vouloir privilégier des modifications de nature technique à la Loi électorale. De plus, rappelons que, dans le dossier de la nomination d'un Directeur général des élections, de façon permanente, le cabinet du premier ministre s'est moqué des institutions en prolongeant unilatéralement, par voie législative, le mandat du DGE intérimaire.

Quoiqu'il en soit dans ce mémoire, nous rejetons le recours à la clause dérogatoire au sein de législations à caractère électoral et proposons les correctifs nécessaires. De même, nous croyons que le jugement Libman offre l'occasion d'amorcer une réflexion à l'égard de nos lois référendaires en fonction du pluralisme et non en vertu de la polarisation. De plus, nous croyons que d'autres dispositions des lois électorales risquent de ne pas passer le test des Chartes. En effet, plusieurs articles de la Loi électorale ne respectent pas le principe d'équité. Enfin, nous avons livré nos commentaires quant aux modifications techniques proposées par Me Pierre-F. Côté.

Nos lois électorales demeurent le fondement de notre démocratie. C'est pour cette raison que l'Action démocratique du Québec participe à chaque exercice visant à améliorer son fonctionnement. Bien plus qu'un exercice technique, nous espérons néanmoins que cette fois-ci nous assisterons à l'ébauche d'une véritable réforme électorale. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, merci, M. Dion, M. Hébert. J'inviterais maintenant le ministre responsable à débuter les échanges.

M. Chevrette: M. le Président, je ne sais pas si je devrais questionner. Je ne sais pas si j'ai le droit de questionner, puisqu'en vertu de l'article 35 de nos règlements, nous sommes en présence d'individus qui poursuivent en fonction des tribunaux civils, qui demandent l'annulation, en vertu des droits de la Charte, prévus dans la Charte, de pans de mur de tout le financement des partis politiques. Et ils se prononcent à tour de bras, d'autre part, eux-mêmes sur lesdits objets, alors qu'en vertu de l'article 35.3°, qui se lit comme suit: «Parler d'une affaire qui est devant les tribunaux où un organisme quasi judiciaire, ou qui fait l'objet d'une enquête, si les paroles prononcées peuvent porter préjudice à qui que ce soit», c'est des paroles interdites et des propos non parlementaires, sous le thème.

Donc, je suis un petit peu embêté. Je ne sais pas trop quoi vous poser comme questions, parce que c'est sub judice. Donc, vous me voyez un petit peu mal pris, mais je vais essayer, dans le cadre de la jurisprudence, d'y aller du bout des doigts pour essayer de savoir exactement ce que cette formation politique peut avoir dans les tripes et dans la tête.

Je vous avoue, en les écoutant, c'est le seul groupe qui est passé devant nous pour dire que nos lois électorales ne valaient à peu près rien, alors que la Cour suprême du Canada, lors du jugement Libman, vante tous les mérites de cette législation et nous demande de ne corriger qu'un petit quantum. L'Action démocratique du Québec, par son secrétaire général et sans doute par son président qui est assis à la table ce matin, nous dit qu'il n'y a pas grand-chose qui vaut cher dans cette loi-là parce que l'Action démocratique n'en retire pas les profits qu'elle devrait escompter. Je suis donc mal pris pour questionner ce groupe. Mais je vais leur demander quand même une couple de questions.

Ils mentionnent, à la page 4, qu'ils reviennent... Excusez, c'est à la page 7 – ils supposent carrément que l'utilisation de la disposition dérogatoire... – intitulée: «En toutes circonstances, l'utilisation de la clause «nonobstant» devrait être une mesure extrêmement liée à la présence d'un fort consensus populaire.»

Comment vous savez, par quel moyen, quel est le pifomètre ou l'instrument qui va nous dire qu'il y a un... Va-t-il falloir faire un référendum pour savoir si les gens sont occupés à ou sont intéressés à? C'est quoi que vous proposez comme mécanique?

M. Hébert (Jacques): Comme façon de voir s'il y a un fort consensus, je pense que, de façon générale, les groupes d'intérêts, quand ils commencent à s'affirmer ou à affirmer leur position sur l'utilisation de la clause, ils le disent haut et fort, d'une part...

M. Chevrette: Oui, mais supposons...

M. Hébert (Jacques): ...et souvent, si vous me permettez, également, on peut voir que certains sondages disent clairement ce que la population pense de l'utilisation d'une clause dérogatoire dans certains cas, et je pense que les sondages, de façon éloquente, témoignent de la volonté populaire. Votre premier ministre l'a d'ailleurs dit la semaine passée quand il disait que les gens ne voulaient pas, fortement, avoir de référendum.

M. Chevrette: Mais prenons pour acquis que la CSN, la FTQ, la CEQ, la CSD...

M. Hébert (Jacques): Vos alliés.

M. Chevrette: ...tous les groupes que vous aimez, supposons que les groupes d'intérêts ou les groupes d'influence, le Conseil du patronat, étaient d'accord même avec un référendum, seriez-vous d'accord, vous autres?

M. Hébert (Jacques): Avec le référendum?

M. Chevrette: À supposer que l'ADQ serait contre, est-ce que vous considéreriez qu'il y a un consensus, qu'il y a un vaste consensus au Québec?

M. Hébert (Jacques): Juste préciser ce que vous venez de dire, M. Chevrette. Vous dites: S'ils étaient d'accord avec le référendum?

M. Chevrette: Avec un référendum, par exemple... Avec la clause «nonobstant», tiens!

M. Sirros: Ils sont obnubilés un peu par le référendum, mais ça va. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Non, non, on pourrait en faire un avec double question: Charest-Calgary, Bouchard-souveraineté? Moi, je suis d'accord.

M. Sirros: Ha, ha, ha! C'est vrai qu'ils sont piqués au vif.

M. Hébert (Jacques): Ou trois questions. Il serait peut-être bien de sortir de deux questions toujours, deux options. Écoutez, ce qu'on dit carrément, c'est ça, M. Chevrette: S'il y a un vaste consensus pour utiliser la clause «nonobstant», c'est une des conditions. L'autre condition, c'est... On parle ici des lois qui contrôlent le système démocratique, les droits fondamentaux. Je pense qu'il serait bizarre de soustraire cette loi-là de la Charte canadienne et de la Charte québécoise.

M. Chevrette: Oui, mais considéreriez-vous qu'il y aurait un consensus au Québec si l'Action démocratique était contre?

(10 heures)

M. Hébert (Jacques): Écoutez, on ne prétend pas porter la voix de l'ensemble des Québécois. Ça, c'est une situation hypothétique. Je ne vois pas trop, trop où vous voulez en venir avec ça. Mais, si tous les groupes sont favorables, je pense que c'est ça que ça veut dire, un consensus social.

M. Chevrette: Je vais vous dire où je veux en venir. Quand je lis votre mémoire, vous semblez être les gens les plus sévères quant au contenu même de la loi actuelle. Pas de farce, vous êtes plus sévères que la Cour suprême du Canada, c'est peu dire. Manning puis vous autres, ce serait à peu près semblable en ce qui regarde la valeur de nos lois démocratiques au Québec. C'est comme si rien n'était bon, rien, rien n'était bon dans nos lois existantes, alors que le jugement de la Cour suprême prend à peu près 75 pages pour dire qu'elle est bonne, sauf qu'il faut corriger un petit quantum pour la rendre correcte. Vous me surprenez drôlement.

M. Hébert (Jacques): Mais vous savez, M. Chevrette, si vous me permettez, que le juge va juger de ce qui lui est soumis, et ce n'est pas l'ensemble de la loi qui lui a été soumis, c'est certaines dispositions de la loi qui lui ont été soumises. Et, à cet égard-là, le juge a dit effectivement qu'il y avait une brimation au niveau des droits démocratiques.

Prochainement, vous l'avez mentionné, le juge sera appelé à juger des dispositions contre les autres dispositions qu'on attaque dans la Loi électorale. Mais ce qu'on dit, de façon générale, c'est que la Loi électorale est une bonne loi, elle mérite par contre d'être améliorée. C'est ce qu'on dit depuis quatre ans, qu'elle mérite une vraie réforme et non pas des réformes suite à des jugements. Et c'est pour ça qu'on invite les parlementaires à procéder à une véritable réforme, pour éviter, encore une fois, après un éventuel jugement à venir ou plus tard, d'être obligé de retourner en commission parlementaire pour faire des ajustements à la pièce. Je pense que ça prend plus de vision que ça, au Québec, ça prend une réforme globale.

M. Chevrette: Oui, mais reconnaissez-vous que, le jugement de la Cour suprême dans le cas Libman, les juges ont pris beaucoup, beaucoup d'espace dans le jugement pour se prononcer sur le fondement même démocratique de notre loi. Et, n'eût été de ce petit quantum qui fut contesté par M. Libman ou de cette petite ouverture à une expression de droit individuel, reconnaissez-vous que, par rapport au jugement sévère que vous portez sur l'ensemble de la loi, la Cour suprême est... La Cour suprême m'apparaît pour la première fois de ma vie, par rapport à l'ADQ, bien sûr... Mais l'ADQ a l'air plus à droite que la Cour suprême.

M. Hébert (Jacques): Non. Regardez, c'est facile de dire ça, M. Chevrette. La Loi électorale comporte au-dessus de 550 articles; on attaque 11 articles. Je pense que c'est gros de dire qu'on dit que la loi dans son ensemble est mal faite. Onze articles sur au-dessus de 550 articles. Donc, vous ne m'embarquerez pas à dire qu'on dénonce l'ensemble de sa loi. Au contraire, on a toujours dit qu'on avait une bonne loi. Mais toute loi est perfectible, et c'est ce qu'on vous demande de faire, de faire une véritable amélioration de la Loi électorale et non pas de toujours être en réaction, mais d'être en proaction.

M. Chevrette: Vous êtes contre toute clause «nonobstant» dans la loi. Est-ce que vous vous branchez...

M. Hébert (Jacques): Dans ce cas-ci.

M. Chevrette: ...dans le camp des Donderi, des Tyler, des Libman? Dans quel camp vous vous branchez?

M. Hébert (Jacques): M. Chevrette, on est dans le camp de la démocratie et on dit que, dans ce cas-ci, la clause «nonobstant» serait tout à fait ridicule, on n'a pas besoin de ça. La preuve, c'est que M. Côté nous amène des suggestions qui sont valables, pertinentes, et on est d'accord avec ces recommandations-là. Je pense que ça ne donne rien de crêper le chignon des Québécois, encore une fois, en arrivant avec une clause du genre et de faire comme vous faites actuellement, M. Chevrette.

M. Chevrette: Pardon?

M. Hébert (Jacques): De faire actuellement ce que vous faites, d'essayer de nous crêper le chignon...

M. Chevrette: Je ne vous crêpe pas le chignon, je parle...

M. Hébert (Jacques): ...en disant qu'on rejette la Loi électorale dans son ensemble.

M. Chevrette: Je prends votre texte puis je le trouve sévère.

M. Hébert (Jacques): Oui, c'est vrai.

M. Chevrette: Je n'ai pas l'habitude de me laisser crêper le chignon non plus, par exemple. Mais je vais continuer parce que, si vous considérez ça comme du crêpage de chignon, vous avez l'épiderme sensible, mon cher jeune homme. Ha, ha, ha!

M. Hébert (Jacques): Non, non, ça va très bien.

M. Chevrette: J'ai déjà vu quelque chose de plus corsé que ça, moi, ici, en cette Assemblée. Ceci dit, je vous repose la question. M. Donderi et compagnie disent que, quel que soit le montant que vous voudrez, qu'on marquera, ils s'objecteront de toute façon puis ils retourneront en Cour. M. Côté a beau avoir des belles formules, ce n'est pas M. Côté qui va contrôler Donderi, puis ce n'est pas M. Côté qui va contrôler Libman, puis qui va contrôler Tyler, puis qui va contrôler Julius Grey. Tu leur dis: 2 000 $, ça «aurait-u» de l'allure? Et ce n'est pas ça.

On a fait la démonstration, autant le Parti libéral que nous, qu'avec 3 000 $ non contrôlés on pourrait se retrouver avec des sommes... Mille personnes à 3 000 $, ça fait plus que le 2 500 000 $ qui est donné à chaque camp. Vous n'allez pas jusque-là, j'espère. Pour me permettre de me montrer plus doux, pourriez-vous me donner quelle formule plus douce vous utiliseriez?

M. Hébert (Jacques): C'est une situation hypothétique, ils n'ont pas encore poursuivi. Mais ce qu'on constate, par contre, c'est que M. Côté, dans ses recommandations, se rapproche énormément des hypothèses de solutions que la Cour suprême avait avancées. D'ailleurs, il s'était basé sur la commission Lortie, qui disait clairement que ça devait être un montant minime qui devait être autorisé pour éviter de déséquilibrer les forces en présence. À partir du moment où il y a un jugement et il y a une modification législative qui se colle sur le jugement, je pense que, s'il y a des gens qui, par la suite, voulaient contester, ça serait leur droit, mais, hypothétiquement – puisque c'est une situation hypothétique – on peut aussi hypothétiquement dire que leurs chances seraient minces.

M. Chevrette: Mais vous n'êtes pas en train de dire que la Cour suprême dit que 1 000 $, c'est correct. Ce n'est pas ça qu'elle dit, la Cour suprême. Relisez-le bien. La Cour suprême dit que la commission Lortie a proposé 1 000 $, mais, dans un paragraphe, plus bas, la Cour prétend bien qu'elle n'est pas en mesure de juger si 1 000 $, c'est bon ou si ce n'est pas bon. Rappelez-vous comme il faut la lecture. Si on veut parler comme il faut...

M. Hébert (Jacques): Oui, «par exemple», mais elle le donne en exemple.

M. Chevrette: Non, mais, vous êtes d'accord avec moi que la Cour suprême ne dit pas que 1 000 $, c'est le bon montant.

M. Hébert (Jacques): Non, mais elle le cite en exemple.

M. Chevrette: Il faut faire attention. Il y a plusieurs personnes qui disent ça depuis le début, et ce n'est pas le cas.

M. Hébert (Jacques): Mais, M. Chevrette, elle le cite en exemple et elle utilise ce qui est avancé dans la commission Lortie. Si elle n'était pas d'accord ou favorable à ça, elle ne le citerait pas en exemple.

M. Chevrette: Pardon? Qu'est-ce que vous me dites là, vous?

M. Hébert (Jacques): Je vous dis que la Cour suprême a cité ça en exemple pour illustrer de quelle façon ça pourrait se faire. Elle a utilisé le rapport de la commission Lortie. Si elle n'était pas favorable ou proche de ces conclusions-là, à moins d'un manque de jugement, si elle n'était pas favorable à ça, elle ne l'aurait certainement pas cité en exemple.

M. Chevrette: La commission Lortie...

M. Hébert (Jacques): De toute façon, écoutez, c'est une situation... Ce que vous êtes en train de me dire c'est: Si jamais ils poursuivaient encore... C'est plus qu'hypothétique, ça.

M. Chevrette: En tout cas, si vous jugez que la Cour suprême nous dit de marquer 1 000 $, moi, ce n'est pas ce que je prétends. Je prétends qu'ils disent: Corrigez. Il y a déjà des exemples sur la table. Mais on vous fera remarquer que le gouvernement canadien n'a jamais appliqué le rapport Lortie qui était dédié...

M. Hébert (Jacques): Je vous rappellerai, M. Chevrette...

M. Chevrette: ...et que c'est seule notre loi qui encadre véritablement le financement des partis politiques.

M. Hébert (Jacques): Je vous rappellerai, M. Chevrette, qu'on est ici pour réagir au rapport soumis par Me Côté. Et, à ce rapport-là, à ces recommandations-là, nous disons que nous sommes d'accord. Nous ne sommes pas ici pour réagir au jugement de la Cour suprême. M. Côté propose qu'un plafond de 1 000 $ pour les tiers soit fixé. Nous sommes favorables à cette mesure-là et aussi favorables au fait que les indépendants ne puissent mettre en commun leurs biens, leurs montants.

M. Chevrette: O.K. L'autre question...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, si vous me permettez, peut-être une précision à l'attention de M. Hébert. Le mandat qu'on a, comme commission des institutions, ce n'est pas exclusivement le rapport Pierre-F. Côté, c'est aussi sur les suites du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman, alors, le mandat n'est pas exclusivement le rapport Pierre-F. Côté, et aussi, sur des modifications à des législations électorales. Alors, il ne faudrait pas circonscrire de trop près le mandat.

M. Hébert (Jacques): Votre mandat à vous. Mais, nous, on nous a demandé de réagir au rapport de Pierre-F. Côté, qui touche l'ensemble de ces mesures-là.

M. Chevrette: Deux petites questions, vite.

M. Hébert (Jacques): Oui.

M. Chevrette: Vous voulez une vaste réforme. Êtes-vous d'accord avec le vote à 16 ans, dans une vaste réforme? Deuxième question, vite, vite: Vous dites que vous êtes en faveur de l'identification de l'électeur et vous le banalisez au point que vous n'avez plus rien à dire, en disant: Ça va être un fort doute du scrutateur. Qu'est-ce qu'il y a de changé, si c'est un fort doute du scrutateur? Et il ne risque pas d'y avoir précisément cette discrimination à cause de la consonance ou de la résonnance d'un nom, alors que, si c'est obligatoire, tout le monde montre sa photo... Expliquez-moi les deux questions.

M. Hébert (Jacques): D'une part, on ne banalise pas. Il ne faudrait pas non plus le dramatiser. La Loi électorale est fondée sur la confiance que l'électeur a envers le système. Il y a des gens, effectivement, qui font des gestes, des manoeuvres électorales frauduleuses qui vont voter et qui n'ont pas le droit de vote, mais c'est une infime partie de la population. De façon générale, les Québécois sont très responsables et respectueux de nos institutions, et c'est une minorité de personnes qui vont ainsi entraver ou contrevenir à la loi. Et on pense que, quand il y a une minorité de personnes qui agissent ainsi, ça ne nous donne strictement rien de mettre sur le même pied d'égalité tous les Québécois et les Québécoises en disant: Vous devrez présenter patte blanche parce qu'on pense que vous pouvez...

M. Chevrette: Je vous arrête juste là-dessus.

M. Hébert (Jacques): Oui.

M. Chevrette: Ne serait-ce que 5 %, 2 % ou 1 %, vous arrivez avec une photo. Vous le regardez, vous dites: Stemkowski! Oups! Stemkowski, montre-moi donc ta photo. Ce n'est pas discriminatoire pour lui, par rapport à demander la photo à Chevrette comme à Stemkowski? Vous ne pensez pas que l'équité et le traitement de la personne, c'est que tout le monde est sur un même pied pour rendre... Peut-être, vous ne voulez pas banaliser, mais vous êtes en train, précisément, d'insérer, par vos propos, un système qui est plus discriminant que tout ce qui a existé auparavant.

(10 h 10)

M. Hébert (Jacques): Pas du tout, M. Chevrette. La preuve, c'est qu'actuellement la loi permet l'assermentation quand il y a un doute. De la même façon, s'il y a un doute, on va demander une assermentation. Mais on sait très bien que quelqu'un qui veut frauder la loi, il va le faire, son serment, et ça ne le dérange pas pantoute parce qu'il ne sera pas retrouvé par la suite. Actuellement, ça existe dans la loi, cet aspect discriminant là que vous mentionnez. O.K.? Et, nous, on dit: Pour appuyer le serment...

Une voix: ...

M. Hébert (Jacques): Non. On dit: Pour appuyer le serment, dans le fond... Parce que, pour des gens qui ont peu de respect pour les lois, le serment n'a pas plus de valeur. Et on dit: Pour appuyer ça, oui, il y a une pièce d'identité.

M. Chevrette: Votre serment est la pièce d'identité.

M. Hébert (Jacques): Non, je ne parle pas du serment.

M. Chevrette: Dorénavant...

M. Hébert (Jacques): Je vous dis que le serment, il existe déjà.

M. Chevrette: Oui.

M. Hébert (Jacques): C'est une situation où, quand le scrutateur a un doute – le scrutateur ou une des personnes à la table – il peut demander que l'électeur soit assermenté. Ça se fait déjà, là. Quand on a un doute raisonnable, on peut demander qu'il soit assermenté. O.K.? Nous, ce qu'on dit, c'est qu'avec la carte d'identité de la même façon, s'il y a un doute raisonnable, on demande à la personne de présenter sa preuve d'identité ou de résidence, tout simplement ça.

Quand je vous disais, tout à l'heure: il ne faut pas dramatiser, c'est faux qu'une majorité de Québécois fraude le système électoral, et on trouve qu'il ne serait pas opportun de...

M. Chevrette: C'est beau. Vote à 16 ans.

M. Hébert (Jacques): Pardon?

M. Chevrette: Vote à 16 ans.

M. Dion (Jean): Pour ce qui est du vote à 16 ans, l'Action démocratique a déjà dans son programme – ça a été voté lors d'un conseil général – une proposition visant à adopter et à promouvoir le vote à 16 ans, mais pas le vote à 16 ans comme ça, comme d'autres formations politiques ont pu le promouvoir. On croit que le vote à 16 ans, ça serait bon, ça serait utile, ça élargirait justement le champ des électeurs. Cependant, on croit que, préalablement, il devrait y avoir, dans les institutions scolaires, les institutions d'enseignement, une période au cours de laquelle les jeunes, qui sont en devenir, les jeunes, qui vont devenir des électeurs, auraient des cours d'initiation à la vie démocratique et à la vie parlementaire afin que, lorsqu'ils auront ce droit-là de vote, ils soient totalement conscients du geste qu'ils vont poser et de ce sur quoi ils auront à se prononcer.

Une voix: Tu sautes.

M. Chevrette: Qu'est-ce qui fait ça?

Une voix: Je ne sais pas.

M. Chevrette: Tu as un problème avec un micro? Oui, bien...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vous pouvez continuer.

M. Chevrette: C'est parce qu'on pensait que c'était Mme Pepin qui tapait du pied, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: ...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça va? M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je suivais avec attention les échanges entre le ministre et les gens qui nous présentent leur mémoire aujourd'hui. Ça m'a surpris un petit peu parce que j'ai cru presque déceler dans les paroles du ministre un genre d'appui à la Cour suprême.

M. Chevrette: ...

M. Sirros: Ha, ha, ha! Alors, il disait que la Cour suprême, c'était un bon jugement, ça défendait la loi, ça mettait en valeur... Et je me rappelais les premières réactions du ministre, au mois d'octobre, où il y avait juste M. Harry Rosen qui était content de m'entendre tellement il déchirait ses chemises. Puis M. Rosen en vend, des chemises, entre autres. Alors, il avait déchiré – je ne sais pas, moi – trois, quatre, cinq chemises à dénoncer la Cour suprême qu'aujourd'hui il utilise pour vous dire que vous, vous exagérez, tandis que la Cour suprême est raisonnable.

Le sub judice aussi. Moi, j'ai eu un peu le même réflexe. Il y a beaucoup, dans votre mémoire, qui parle des affaires qui sont sub judice. Mais je suis moins inquiet par rapport à ça parce que notre règlement nous dit que, si les paroles prononcées peuvent causer préjudice... Peut-être que le ministre est plus porté à faire attention, parce que les paroles qu'il prononce, souvent, portent préjudice, plus souvent qu'autrement.

Mais ça étant dit, je pense que ça vaut la peine qu'on établisse... Moi, je veux me distancer par rapport aux propos tenus. Je ne trouve pas que votre mémoire est une attaque en règle contre l'ensemble de la loi. Je trouve que vous soulevez des points que vous avez décidé de mener en Cour pour faire prouver votre point, sur le financement, avec lequel vous n'êtes pas d'accord. C'est vrai, et je partage un peu le...

Vous faites ressortir des positions que, vous estimez, vous désavantagent en tant que parti politique et vous le faites sous l'angle de: Le système de financement des partis politiques favorise le bipartisme, et vous le dénoncez à partir de ça. Moi, je vous suggérerais que ce n'est pas tellement le financement des partis politiques qui favorise le bipartisme, mais que le financement des partis politiques découle du fait que notre système électoral favorise le bipartisme. Vous ne faites pas mention du fait, par exemple, que, dans votre cas, le système de financement des partis politiques vous favorise également. Il y a des bouts où ça vous favorise. Vous avez un plus grand pourcentage de votre budget de fonctionnement qui est assumé par les frais de l'État que les deux grands partis.

Et c'est peut-être le fait qu'il y a deux grands partis avec des longues traditions, avec des programmes complets qui fait en sorte qu'ils reçoivent plus de financement au niveau de leurs candidats que d'autres. Et, jumelé avec le fait que notre système électoral à majorité simple par comté favorise nécessairement l'émergence de deux partis, le reste suit. Mais vous êtes devant les tribunaux sur ça. Je pense que, de façon correcte, on laissera les tribunaux juger de votre requête. Et je vous dirais d'emblée que, dans l'éventualité où les tribunaux trouveraient – ou la Cour suprême, si ça arrive jusque là – qu'il faut modifier notre loi pour tenir compte de ce que vous amenez comme argument, tout de suite je vous dirai que c'est ce qu'on devrait faire, se réunir de nouveau, sans déchirement de chemise, sans grands discours sur l'utilisation de la clause «nonobstant» immédiate, etc., pour, en tout cas, boucher le bec à la Cour, etc., comme ça a été le cas, et qu'on devrait examiner ce que la Cour suprême va nous dire dans la requête que vous avez amenée devant les tribunaux.

L'autre volet de votre mémoire, qui touche des éléments qui ne sont pas devant les tribunaux, le ministre a brièvement référé à la question de l'identification en parlant de banalisation. Là aussi, moi, au contraire, je trouve que vous amenez une approche pragmatique, réaliste, qui tient compte de la réalité québécoise, sans exagération et sans dramatisation de la situation. Et j'ai cru comprendre qu'il y a certaines similitudes avec d'autres mémoires qu'on va entendre un peu plus tard, peut-être.

Mais je ne veux pas non plus prendre trop de temps parce que je sais que le député de Rivière-du-Loup va vouloir certainement profiter de l'opportunité qui lui est donnée pour poser des questions. En fait, j'ai de la difficulté à trouver des questions comme telles à vous poser, si ce n'était que de commenter votre mémoire. Et je vais peut-être m'arrêter là, juste en termes de commentaires, et peut-être laisser un des collègues poursuivre l'échange. Vous avez peut-être une réaction? Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui. M. Dion.

M. Dion (Jean): J'aimerais apporter un correctif au préambule de M. Sirros, qui mentionnait, bien entendu, que c'est le système électoral qui fait en sorte que ça favorise le bipartisme, en référant à la longue histoire et aux programmes complets des deux autres formations politiques. J'aimerais souligner que, malgré que nous ayons une histoire un petit peu plus courte, nous avons nous aussi un programme complet.

M. Sirros: Dans le cadre des échanges corrects entre nous. Voilà.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Oui. Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, à la page 18, vous faites référence à l'influence indue et aux dépenses non autorisées. Dans le camp du Oui, dont vous avez fait partie pendant le référendum de 1995, est-ce que, dans votre opinion, les syndicats avaient une influence indue sur leurs membres? Et est-ce qu'en soutenant le camp du Oui les syndicats avaient fait des dépenses peut-être indirectes? Et je fais référence au personnel qui était partie du camp du Oui, qui encourait des dépenses non autorisées. Et est-ce que, dans votre mémoire, votre recommandation 3.3 s'attaque au problème des syndicats qui ont joué ce rôle dans le camp du Oui pendant le référendum de 1995?

M. Hébert (Jacques): Pouvez-vous répéter la dernière partie de votre question, s'il vous plaît, sur la 3.3?

M. Bergman: Est-ce que votre recommandation 3.3 vise à contrôler les syndicats, le rôle qu'ils ont joué pendant le référendum de 1995 en exerçant un rôle indu sur leurs membres et aussi en encourant des dépenses peut-être indirectes et personnelles qui ont soutenu votre camp pendant la période du référendum? Et est-ce que c'était une manière de contrôler les dépenses qui étaient effectuées par les syndicats pendant le référendum, mais les dépenses non autorisées?

M. Hébert (Jacques): Influence indue, ici, on parle vraiment d'influence indue lors d'événements comme, justement, un référendum, où une compagnie va inciter des employés à voter pour une option ou pour une autre. C'est à ça qu'on fait référence surtout. Et on fait aussi référence, évidemment, au «love-in», au «love Québec», où il y a eu beaucoup d'argent de dépensé, qui n'a pas été contrôlé, quand on parle des infractions.

(10 h 20)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que vous pourriez répéter, s'il vous plaît?

Une voix: Quand on parle d'influence indue, ici, dans ce...

M. Bergman: Je vous demande l'influence indue qui a été exercée par les syndicats pendant les périodes référendaires, l'influence indue, les dépenses non autorisées, les dépenses indirectes par le personnel qui était...

M. Hébert (Jacques): Mais de quoi vous parlez, au juste, l'influence indue des syndicats? À quoi vous faites référence?

M. Bergman: L'influence indue sur leurs membres pour...

M. Hébert (Jacques): Nous, on ne parle pas seulement des syndicats, on parle de toute personne, de tout employeur, syndicat, peu importe. On pense que l'influence indue devrait effectivement être banalisée, contrôlée. On ne parle pas seulement des syndicats. On pense que cet aspect-là de l'influence indue en période électorale doit vraiment être mis sous le boisseau. Mais je ne comprends pas pourquoi vous parlez particulièrement des syndicats.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de La Pinière, il faut garder du temps pour M. le député de Rivière-du-Loup parce que, selon nos règles, le groupe parlementaire formant le gouvernement et l'opposition officielle réservent une période de cinq minutes aux...

Mme Houda-Pepin: Combien de temps nous reste-t-il, M. le Président?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il vous reste cinq minutes.

Mme Houda-Pepin: Cinq minutes. Alors, très rapidement. J'ai une question, donc je vais y aller directement. À la page 16 de votre mémoire, vous soulevez la question de l'inscription automatique des électeurs de 18 ans et des néo-Canadiens. Puis vous vous indignez aussi du fait que plusieurs électeurs ont été privés de leur droit de vote lors des dernières élections. Est-ce que vous pouvez quantifier ce «plusieurs»? On parle de quoi? Vous parlez de cas réels, d'hypothèses?

Parce que, l'information que nous avons eue du Directeur général des élections, il y a quelques jours, on nous a fait justement une présentation sur la liste électorale permanente et on nous a expliqué que la mise à jour a été faite régulièrement, notamment en ce qui concerne les personnes qui ont atteint l'âge de 18 ans. Est-ce qu'on parle de la même chose ou est-ce que vous voyez d'autres éléments qui ne sont pas dans l'information qu'on a reçue du DGE?

M. Hébert (Jacques): ...je n'ai pas entre les mains, vous comprendrez. Mais, pour ce qui est de l'inscription des 18 ans, ce qu'on a vu lors des élections partielles – puis ça, d'ailleurs, ça a été mentionné, ça a été discuté au comité consultatif du Directeur général des élections – c'est beaucoup de jeunes qui ont atteint l'âge de 18 ans. Et actuellement, il y a un processus qui fait que les jeunes qui atteignent 18 ans, il y a une communication avec la Régie de l'assurance-maladie du Québec, ils sont informés qu'ils doivent s'inscrire. Peu le font. Je n'ai pas de chiffres comme tels à vous donner. Vous semblez en avoir, vous.

Mais ce dont on s'aperçoit, lors des élections partielles, c'est que beaucoup, beaucoup de jeunes qui ont atteint 18 ans dans les quelques mois qui ont précédé n'étaient pas inscrits. Beaucoup d'électeurs ont l'impression qu'ils ne savent même pas qu'il n'y a plus de recensement. Alors, nous, on est favorables avec ça, que les jeunes qui atteignent 18 ans soit automatiquement inscrits sur la liste électorale. Mais on avait d'ailleurs mentionné qu'on ne souhaitait pas que cette mesure-là soit en application... Non, ce n'est pas vrai, excusez, je pense à une autre mesure. Donc, celle-là, on est favorable à ce qu'elle soit inscrite.

Mme Houda-Pepin: Mais, d'après l'information du DGE – encore une fois, je réfère à ce qui nous a été dit – cette mise à jour se fait déjà. Par ailleurs, concernant les néo-Canadiens, il y a un protocole d'entente qui a été signé avec le ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté pour obtenir au fur et à mesure les coordonnées des personnes qui obtiennent leur citoyenneté, donc qui ont la qualité d'électeur. Est-ce que ce procédé-là vous semble défaillant ou est-ce que, quand vous avez rédigé votre mémoire, vous n'aviez pas accès à cette information-là? Je veux être rassurée.

M. Hébert (Jacques): Oui. Ça m'étonnerait... Je voudrais juste vérifier. Ce que vous semblez me dire, c'est qu'actuellement les jeunes sont automatiquement inscrits dès qu'ils ont 18 ans à la liste électorale. C'est ça que vous me dites?

Mme Houda-Pepin: Ce que nous avons eu comme information du DGE, et j'ai le document, je pourrais vous le montrer, c'est que la mise à jour est faite par la RAMQ, notamment en ce qui concerne les décès – on supprime les personnes qui sont décédées – les électeurs potentiels. Et, pour les électeurs potentiels, il y a ceux qui ont atteint l'âge de 18 ans. Par ailleurs, on nous a également parlé, pour les néo-Canadiens, qu'ils sont inscrits parce qu'il y a un protocole d'entente avec Immigration Canada, qui fait que ces noms-là sont transmis à la RAMQ. Est-ce que ce procédé vous semble correct ou est-ce que vous estimez qu'il y a d'autres mécanismes qu'il faudrait mettre de l'avant pour resserrer les contrôles?

M. Hébert (Jacques): Ce que je vous dis, simplement, c'est que ce mécanisme-là, c'est un mécanisme pour transmettre l'information au Directeur général des élections, mais que ça n'a pas pour effet d'inscrire sur la liste électorale. Et je pense que Mme Barry me le confirmait. Actuellement, les néo-Québécois et les jeunes de 18 ans ne sont pas automatiquement inscrits sur la liste électorale. Le DGE a l'information. C'est à ça que sert le mécanisme. Mais on s'aperçoit que malgré le fait que le DGE envoie des avis aux jeunes qui atteignent 18 ans, malgré ça, il y a beaucoup de jeunes qui ne s'inscrivent pas sur la liste électorale. Et, afin de bonifier la liste électorale, on pense que ça serait une bonne chose qu'ils soient automatiquement inscrits. Par la suite, un jeune qui ne veut pas être inscrit sur la liste électorale pourrait faire la demande d'être radié de la liste.

Mme Houda-Pepin: Mais le principe de la liste électorale repose justement sur la liberté de choix, de s'inscrire ou de ne pas s'inscrire, de voter ou de ne pas voter. Est-ce que ce que vous êtes en train de nous dire que la catégorie jeune doit être traitée différemment des autres catégories, abstraction faite de ce principe de base qui est la liberté de choix?

M. Hébert (Jacques): Ce qu'on dit, c'est qu'il faut que les jeunes soient inscrits, justement, et que, s'ils ne veulent pas être sur la liste, ils envoient une indication disant qu'ils veulent être radiés de là. Leur choix, il reste... On respecte leur liberté d'être inscrits ou pas. Je ne pense pas que les jeunes, ça soit parce qu'ils ne veulent pas être là, c'est plus par négligence ou par peu d'intérêt.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. D'abord, je me dois de souligner l'humour habituel du député de Joliette, du ministre responsable, qui a commencé ce matin en nous parlant du sub judice. Une des plus magnifiques règles de notre parlementarisme fait que, quand un aspect d'une affaire est devant les tribunaux et qu'on n'a pas trop le goût d'en parler, on étale sub judice. L'attente du sub judice est grande en masse, et on met tout ce qu'on veut en dessous de ça pour ne pas à avoir à se prononcer là-dessus. Ça a agrémenté d'une façon humoristique notre début de journée.

Il nous en a aussi appris, le ministre, parce qu'il nous a appris ce matin, en référant au Reform Party et à la droite, que le pluralisme des partis, c'est à droite. Il y a quand même là une notion intéressante pour quelqu'un qui se targue que c'est la social-démocratie et la générosité. Ils avaient ça dans leur programme, avant de l'enlever, le pluralisme des partis et l'accès à une plus grande démocratie. Donc, c'est devenu un concept de droite. C'est sûrement un apprentissage fort intéressant qu'on fait tous ensemble ce matin.

La question que je veux poser, sur le deuxième chapitre du mémoire, c'est... Vous nous informez des réalités de la Loi électorale, et je pense que vous avez absolument raison de le faire parce que tout le monde est d'accord pour un financement. Et, là-dessus, la Cour suprême ne s'est jamais prononcée, contrairement à ce que dit le ministre, qui était carrément dans l'erreur, malheureusement, là-dessus. La Cour suprême a reconnu que le contrôle des dépenses est une bonne chose. Jamais la Cour suprême ne s'est prononcée sur la façon dont les fonds publics sont distribués entre les partis. Elle va avoir une première occasion de le faire. Mais je pense qu'il serait intéressant pour la commission et je pense qu'on espère tous... Tout le monde, ici, est de bonne foi et espère que ces choses-là puissent se régler dans la sérénité et dans le meilleur intérêt de la démocratie.

J'aimerais que vous nous décriviez, dans un comté particulier, comment ça se traduit, les règles du financement actuel, en termes de revenus recueillis versus les dépenses qui peuvent être effectuées. Parce que, moi, mon constat, mon impression, c'est que la Loi électorale fait qu'actuellement deux partis vont ramasser, en vue d'une élection partielle, le même 20 000 $ puis qu'il y en a un qui va en dépenser 90 000 $ et l'autre va en dépenser 20 000 $. Ça, c'est la Loi électorale comme moi je la vois. Mais je voudrais savoir si vous avez la même perception que moi.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le directeur général.

M. Hébert (Jacques): L'exemple est assez simple. Je pense qu'on peut prendre une des dernières partielles qu'on a eues, qui est l'élection partielle de Pointe-aux-Trembles, où j'étais candidat. Dans le cas de l'élection de Pointe-aux-Trembles, j'ai dû ramasser un montant de 23 000 $ pour faire les dépenses, et il a fallu que je le ramasse au complet. J'ai dépensé 23 000 $, j'ai obtenu près de 18 % et je n'ai eu droit à aucun montant de remboursement. Alors que, par exemple, le candidat libéral a dépensé 30 000 $ dans sa campagne, mais il n'a dû ramasser que 15 000 $, puisqu'il y avait déjà des avances, il était assuré d'un remboursement.

(10 h 30)

Par ailleurs, il y a toute la question des représentants. C'est de l'argent qui n'apparaît pas dans les dépenses électorales. Mais les représentants des membres du Parti québécois et du Parti libéral, qui font du travail partisan, qui font sortir le vote le jour du scrutin, eux sont payés par l'État, c'est-à-dire à même mes taxes. Donc, moi, cette journée-là, mes taxes servaient à payer du monde qui travaillait contre moi. Et on ne voit pas pourquoi...

D'ailleurs, M. Chevrette disait tout à l'heure qu'on voulait s'arroger ces avantages-là. Ou c'est M. Sirros, je ne me souviens plus. Non, ce qu'on dit, nous, c'est qu'on devrait les abolir. On devrait abolir les avantages indus qui sont conférés par la loi. Donc, ce sont des sommes d'argent qui sont octroyées par la Loi électorale. Puis j'aimerais ça, ici, que quelqu'un puisse m'expliquer comment on peut justifier que le représentant du Parti québécois ou du Parti libéral, que ce représentant soit payé, ou que même à la prochaine élection, dans le cas de D'Arcy-McGee, que le prochain candidat du Parti québécois, qui n'a obtenu que 3,5 % à la dernière élection générale, lui, à la prochaine élection, tous ses représentants vont être payés. Il va avoir droit aux avances de fonds, il va avoir droit automatiquement au remboursement de ses dépenses électorales. Dites-moi que ça, c'est équitable, je me transforme.

M. Chevrette: M. le Président, je pourrais peut-être dire que c'est faux, ce qui vient d'être dit. Je m'excuse de contredire mon collègue du comité consultatif, mais il le sait bien, que c'est faux. Il sait très bien, par exemple, que M. le député de Rivière-du-Loup, dans Rivière-du-Loup, lui, ses représentants vont être payés. C'est ceux du Parti libéral qui ne le seront pas. Répondez correctement, ça ne me dérange pas, mais répondez ce qui est vrai. Quand vous parlez de dépenses de 90 000 $, c'est faux. Il n'y a pas un député au Québec qui peut dépenser 90 000 $ dans un comté. C'est tout à fait faux. Il faudrait au moins dire la vérité. Ça ne me dérange pas, moi, que vous disiez exactement la vérité, mais dites-la.

Quand vous dites que les députés... que vous ne serez pas remboursés, si chez nous, dans mon comté, c'est l'Action démocratique qui est deuxième, ça ne sera pas les libéraux qui seront payés. Si c'était le PQ qui était troisième dans Rivière-du-Loup, c'est le PQ qui ne serait pas payé. C'est parce que vous n'avez pas atteint le rang de deuxième, effectivement. Mais ne dites pas qu'automatiquement... que ce n'est pas correct. Je vous dis: Vous pouvez être en désaccord avec cette formule-là, mais dites exactement, au moins, comment ça se passe.

Et ce qui se passe dans Rivière-du-Loup, c'est le Parti libéral qui pourrait chialer, en l'occurrence. Et dans d'autres comtés, ça peut être un autre parti. Ça pourrait être le Parti québécois qui n'est pas rétribué dans certains comtés du West Island. Les faits, c'est ça. À partir de ça, est-ce que c'est juste? Ça, c'est une autre paire de culottes. Faisons une discussion sur des principes d'équité plus larges, plus hauts, je suis d'accord, mais donnons les faits exacts.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion. M. le député de Rivière-du-Loup, je vous reviendrai après.

M. Chevrette: C'est tout à fait vrai.

M. Sirros: On me place dans une situation où je me dois d'être d'accord avec le ministre.

M. Chevrette: Non, mais je ne suis pas encore assez mesquin, en ce qui me concerne, moi, pour chercher l'appui du député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: De toute façon, sur ça, il faut que je le lui donne parce que, effectivement, vous avez fait un petit tour de passe-passe en imputant les dépenses pour les représentants aux dépenses électorales du candidat, ce qui n'est pas la même chose, étant donné que, d'abord, le représentant ne travaille pas le jour de l'élection pour faire sortir le vote, comme vous dites, mais...

M. Hébert (Jacques): Bien voyons donc, M. Sirros, s'il vous plaît, un peu de sérieux là! Qu'est-ce qu'il fait le représentant? Vous savez c'est quoi un «runner». On vient du Parti libéral, nous autres aussi. Le «runner», qu'est-ce qu'il fait? Voyons donc, il va chercher les listes où le représentant marque les électeurs, il l'envoie au local du comité électoral pour qu'il appelle les gens. Voyons!

M. Sirros: Franchement là! Un instant, un instant! À moins que vous fassiez des élections différemment de ce que je fais depuis 17 ans, le représentant, il est à la table.

M. Hébert (Jacques): Oui.

M. Sirros: Il reste là. C'est un «runner» qui fait le travail de sortir... Le représentant identifie pour lui...

M. Hébert (Jacques): Qu'est-ce qu'il sort, le «runner»?

M. Sirros: Pardon? Le «runner» n'est pas payé.

M. Hébert (Jacques): Non, mais qu'est-ce qu'il vient chercher, le «runner»?

M. Sirros: De toute façon, ce que je vous ai dit là, c'est un tour de passe-passe, j'estime, que d'imputer ces dépenses-là aux dépenses du candidat.

M. Hébert (Jacques): Vous esquivez la question. Ça, c'est un tour de passe-passe, M. Sirros.

M. Sirros: En tout cas.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Rivière-du-Loup, dernière question.

M. Dumont: Oui. Là, je pense que, M. le Président, le tour de passe-passe s'est fait en 1989, avant l'élection générale de 1989, alors qu'il y avait juste deux partis et qu'on a amendé la loi pour se donner une série de beaux privilèges. Le gros tour de passe-passe, c'est ce jour-là qu'il s'est fait.

Sur la question des représentants, je m'excuse, à Rivière-du-Loup, à la dernière élection, d'abord, c'est faux ce qui a été dit. Le Parti libéral, qui a eu 17 % du vote, a été remboursé dans Rivière-du-Loup, contrairement à tous les candidats de l'ADQ qui avaient eu des 16 %, des 17 % et des 18 %, qui n'ont pas été remboursés. Parce que le parti était là dans le passé, ils ont été remboursés. Oui, ça, c'est la loi actuelle, vous pouvez vérifier.

Moi, si j'avais voulu payer mes représentants dans Rivière-du-Loup au même salaire qu'étaient les autres, c'est 15 000 $ de dépenses électorales qu'il aurait fallu que j'enlève en publicité, que j'enlève ailleurs pour payer les représentants. Puis si les représentants ne font pas sortir le vote... Je pense qu'il n'y a pas grand-monde qui va croire ça. C'est sûr que c'est un «runner» qui va chercher la liste mais, le représentant, qu'est-ce qu'il fait à la table? Il fait sortir le vote. Le représentant, c'est un travailleur d'élection. Puis ces partis-là sont assez futés pour savoir que, s'ils vont faire gagner 125 $ à quelqu'un pour une journée, bien, ils vont lui faire vendre deux, trois cartes de membre. Donc, du «membership» les 1 000, 1 500 membres par comté, je comprends bien, c'est tout le monde qui va gagner de l'argent avec sa femme et son frère. Ça fait qu'à un moment donné il faut être capable de regarder la Loi électorale en pleine face pour s'apercevoir à quel point elle est faite présentement pour protéger du monde. Et le tour de passe-passe qui s'est fait en 1989, on va essayer de le défaire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Bien. En conclusion, M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, je ne voudrais pas que les auditeurs qui écoutent aient l'impression qu'on a changé les règles du jeu, ça a toujours été les deux premiers qui ont des remboursements pour les représentants. Et ça, je l'ai vérifié. J'en ai la conviction. D'abord, après cinq élections, tu sais un peu comment ça se passe; deuxièmement, prendre ses rêves pour des réalités, c'est une autre paire de culottes, ça. Mais les deux premiers sont remboursés; c'est ça, la règle, il n'y en a pas d'autres.

Si vous jugez que, dans votre propre comté, ce n'est pas ça qui s'est fait, amenez-le, déposez-le, on va le regarder, parce que ce n'est pas ça. Et les partis, après avoir vérifié, même les partis, ce n'est pas ça qui se fait. Si l'ADQ avait été deuxième dans 40 comtés, ils auraient été payés dans 40 comtés comme deuxième. C'est de même que ça marche, on n'a pas changé les règles du jeu...

M. Dumont: Quatre cent cinquante-sept cartes.

M. Chevrette: ...et je suis très surpris de voir qu'on maintient cela comme... Et même, il y a une nomination en plus. Aux prochaines élections – vous savez très, très bien, quand tu arrives à la table de votation, au bureau de scrutin – l'ADQ sera première et le parti qui est arrivé deuxième nommera le secrétaire, le greffier principal, et l'adjoint, ce sera celui qui est arrivé deuxième. C'est les règles du jeu normales, ça. C'est pour ça que je ne vois pas...

M. Dumont: Il ne connaît même pas la loi.

M. Chevrette: On n'a pas changé ces règles-là. Remarquez bien qu'on était habitués, c'est vrai, mais dans un comté on fait différemment, en tout cas pour un certain temps; on verra aux prochaines élections.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, c'était le temps dont nous disposions. Alors, messieurs de l'ADQ, je veux vous remercier de votre présentation.

Des voix: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous recevons maintenant les représentants du Parti libéral du Québec et de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec.

Alors, bonjour. Vous disposez, messieurs, d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et je vous demanderais, pour les fins de l'enregistrement, de vous identifier. Il y a certains personnages qui sont déjà fort bien connus ici.


Parti libéral du Québec (PLQ) et Commission-Jeunesse du parti libéral du Québec (CJPL)

M. Marcil (Serge): Oui, M. le Président. Mon nom est Serge Marcil, je suis le directeur général du Parti libéral du Québec. J'aimerais vous présenter Me François Tremblay, qui est le président de la Commission juridique du Parti libéral du Québec, de même que Me Joël Gauthier, qui est le président de la Commission de l'animation et de l'organisation du parti. Malheureusement, le président de la Commission-Jeunesse a dû s'absenter ce matin à cause d'évaluations à l'université. Donc, on va essayer de trouver le plus jeune de nous trois pour prendre la parole à sa place. Donc, je vais laisser M. le président de la Commission des affaires juridiques faire l'exposé et ensuite on répondra aux questions.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, Me Tremblay.

M. Tremblay (François): Alors, bonjour. La contribution importante du PLQ à la mise en place et à l'amélioration des institutions démocratiques québécoises, que ce soit le droit de vote aux femmes, la Charte des droits et libertés de la personne et les deux réformes électorales de 1989 et de 1992, repose sur des principes que partagent tous les libéraux.

Ces principes permettent de mieux comprendre les motifs et l'esprit qui ont animé et continueront d'animer ces lois, ces réformes, ces programmes et, bien sûr, ce mémoire. Il nous apparaît donc important de les rappeler: premièrement, garantir l'emprise du citoyen sur l'État; deuxièmement, à cette fin, favoriser la participation d'un nombre grandissant de citoyens, et ce, de façon plus spécifique, en facilitant l'exercice du droit de vote; troisièmement, assurer la transparence des processus décisionnels et enfin, rechercher des consensus avant d'adopter des modifications au régime existant afin de s'assurer que nos instruments démocratiques demeurent au service et sous le contrôle de la population et non de son gouvernement.

(10 h 40)

Notre mémoire se divise en quatre parties. Premièrement, Me Gauthier décrira le contexte de notre intervention. En second lieu, j'examinerai les suites à donner au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman. Par la suite, Me Gauthier commentera la question de l'inscription automatique sur la liste électorale des jeunes qui atteignent l'âge de 18 ans et des néo-Canadiens. Enfin, il abordera brièvement la possibilité de tenir des élections municipales et scolaires de façon simultanée. Alors, je cède la parole à Me Gauthier.

M. Gauthier (Joël): Alors, je vous remercie. MM. et Mmes les parlementaires, nous, du Parti libéral du Québec, ne remettons pas en cause l'opportunité, voire même l'obligation pour la commission parlementaire d'examiner les suites à donner à l'affaire Libman, bien qu'on puisse comprendre depuis environ une semaine qu'il y a moins d'urgence parce qu'il n'y aura peut-être pas de référendum. À tout événement, nous ne remettons pas en cause l'obligation de la commission d'examiner cette question, c'est plutôt dans la deuxième partie du document que nos craintes surviennent.

En effet, le rapport Côté aborde, dans un deuxième temps, un nombre limité de sujets devant éventuellement faire l'objet de modifications législatives. Le PLQ n'a jamais été consulté d'aucune façon quant au choix de ces autres sujets. Pourtant, en mai 1996, voici ce que nous disions dans notre mémoire devant cette commission: «Nous tenons ici à rappeler que seul le ministre a eu l'opportunité de soumettre des thèmes de réflexion au Directeur général des élections.»

Vraisemblablement, ce message a été entendu mais sûrement pas compris puisque aujourd'hui on peut lire dans l'introduction du rapport Côté que c'est le ministre qui, de façon unilatérale, a dicté les sujets à être abordés. Nous réitérons qu'il est hautement préférable que ce soit l'ensemble des formations politiques représentées à l'Assemblée nationale plutôt que le gouvernement qui choisissent les sujets à être étudiés et analysés par M. Côté et par la commission parlementaire. Et je vous soulignerai que dans ces matières, qui sont les matières de l'exercice du droit de vote et de la Loi électorale, je pense que tous les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale se doivent d'être consultés et on doit être au-dessus de la partisanerie pour s'assurer que tous et chacun des électeurs, peu importe son orientation politique, puissent être représentés adéquatement et qu'on puisse favoriser le droit de vote de la très grande majorité sinon de la totalité des électeurs.

Nous ne pouvons que déplorer encore une fois que ce soit seulement le gouvernement et son ministre qui ait eu l'opportunité de soumettre des thèmes de réflexion à M. Côté. Une courte analyse des sujets qui font l'objet des chapitres 2, 4 et 5 du rapport Côté, soit l'identification des électeurs, l'influence indue et les dépenses non autorisées, nous laisse d'ailleurs perplexes quant aux autres critères ayant dicté ce choix.

Quant à l'identification des électeurs, on se rappellera que, lors d'une commission parlementaire tenue ici, en mai 1996, ces sujets avaient déjà été abordés et je n'ai pas à rappeler ici la position qu'avaient adoptée trois gardiens gouvernementaux des droits des citoyens: le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne et la Commission d'accès à l'information, qui émettaient de sérieuses réserves face à ces propositions. D'ailleurs, je comprends que certains de ces organismes sont revenus cette année faire part des mêmes craintes et réserves qu'ils pouvaient avoir.

Cependant, ce qu'on ne constate pas ici, à cette commission, c'est que le gouvernement n'a pas retenu les sujets qui avaient déjà fait l'objet d'un consensus au sein du comité consultatif, pas plus d'ailleurs que les propositions qui étaient faites par le PLQ ou l'ADQ mais pour lesquelles le Parti québécois exprimait son désaccord.

Vous comprendrez qu'il n'est pas de notre intention, je m'excuse, de revenir longuement dans le présent mémoire sur la question de l'identification des électeurs puisque, quant à nous, cette question a été réglée en 1996. Toutefois, je vous souligne qu'il me fera extrêmement plaisir de répondre à toute question concernant l'identification des électeurs.

Quant à la notion d'influence indue et de dépenses non autorisées, nous avons lu avec attention les chapitres 4 et 5 du rapport Côté, soit l'influence indue et les dépenses non autorisées. Nous constatons d'abord que les recommandations 55 à 64, soit les seules recommandations contenues dans ces chapitres, correspondent parfois mot à mot aux propositions contenues en page 47 du document de réflexion du DGE de 1995 et sur lesquelles une consultation générale s'est tenue au printemps 1996.

Une lecture des mémoires déposés en 1996 démontre que seul le Parti québécois s'est montré favorable à ces propositions. Ces dernières recevaient cependant des objections de la part du Parti du développement du Québec, du Parti libéral du Québec, du Conseil du patronat, d'Alliance Québec et de la FTQ. Nous sommes en droit de nous demander pourquoi, à peine deux ans après les commissions parlementaires du printemps de 1996, demande-t-on aux mêmes groupes, associations et personnes de revenir se prononcer en commission sur les mêmes questions.

M. Tremblay (François): Merci, Me Gauthier. Alors, j'aborderai le deuxième sujet qui concerne les suites à donner au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman. Évidemment, je crois qu'il est important à ce stade-ci de souligner que ce jugement, pour sa très grande partie, comme plusieurs intervenants l'ont mentionné ce matin, consacre et constitutionnalise le processus démocratique qui avait été mis en place dans le cadre de la Loi sur les consultations populaires.

À ce niveau-ci, il faut répéter que ces garanties du caractère démocratique de cette loi ainsi que les préoccupations exprimées par la Cour suprême au niveau de la diffusion égale des expressions ont non seulement donné un éclairage important sur tous les débats qui concernent ces questions, mais ont aussi accordé une protection constitutionnelle à une loi qui est extrêmement importante pour la vie démocratique au Québec. Et plusieurs des aspects, comme, par exemple, les comités-parapluies, les affiliations, ont été dans une très grande mesure consacrés constitutionnellement par la Cour suprême en vertu des tests appliqués dans les affaires Oakes et dans les affaires Dagenais. Alors, c'est une grande victoire de ce côté-là au niveau de la protection accordée par la Cour à cette loi.

Seul l'article 404, qui couvre la question de la limitation des dépenses non réglementées, a créé une difficulté parce que – il est important de le souligner – le critère de l'atteinte minimale n'a pas été, dans l'esprit de la Cour, rencontré. Alors, ce que demande la Cour, c'est de vérifier le contenu de l'article 404 et, à ce moment-ci, c'est que l'ensemble de la loi sera protégé.

Ceci m'amène évidemment au deuxième point: l'utilisation de la clause dérogatoire. Il est important de souligner que tous les tribunaux au Québec: la Cour supérieure, la Cour d'appel, peu importe le résultat où ces cours en sont venues, ont consacré le fait que l'expression politique est au coeur même des valeurs fondamentales que cherche à protéger la liberté d'expression. Alors, si on faisait une grille d'analyse, ce que l'on doit protéger au maximum, c'est la liberté d'expression et, au-delà de cela, c'est l'expression politique.

Alors, je crois que Me Gauthier a mentionné tout à l'heure l'importance de se dégager des questions partisanes parce que, en matière de démocratie, ces questions sont à un débat plus élevé que d'autres questions qui peuvent concerner des lois plus particulières.

Il est important de souligner aussi que la Cour suprême en est venue à la conclusion que le même résultat aurait été atteint peu importe qu'on ait appliqué la Charte canadienne des droits et libertés que la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Alors, l'utilisation d'une clause dérogatoire, face au principe fondamental énoncé par la Cour suprême et par les tous les tribunaux au Québec de protéger l'expression politique, constituerait un recul important dans nos institutions démocratiques. Et nous devons féliciter, je pense, l'intervention et l'analyse qu'a faites M. Côté à ce niveau-ci parce que, dans la communauté internationale, ce type de restriction de l'expression politique est très mal vu. Et notre plus haut tribunal et nos tribunaux aussi, au Québec, ont confirmé ce point-là.

Alors, je crois que c'est important de souligner cet aspect parce que parfois des gens comprennent mal quel est l'effet de la clause dérogatoire. C'est comme une charte des droits et libertés de l'individu, de la personne et on dit: Malgré cette charte-là, tu n'as pas ce droit. Alors, on véhicule des notions, mais il faut bien comprendre l'effet profond que l'on donne lorsqu'à toute législation on pense spontanément à la clause «nonobstant».

L'examen des solutions proposées par le rapport Côté nous amène à traiter des questions et des recommandations 1 à 5 qui visent à introduire dans la loi une section sur les intervenants particuliers. Ces recommandations semblent répondre aux situations ciblées par la Cour suprême. Nous avions une réserve au niveau des individus ou groupes indépendants puisqu'on regroupait dans cette notion-là les personnes ou associations qui sont en désaccord avec la formulation de la question. Nous exprimions une réserve parce que c'est tellement large que beaucoup de personnes, d'individus isolés pourraient intervenir sur cette question.

(10 h 50)

Lorsque l'on fait l'historique et l'exégèse des problèmes qu'on a eus dans le passé avec le référendum, la fameuse question a été effectivement un problème. Alors, nous sommes face à un choix: ou la question est simple et ne provoque aucune situation où un individu isolé pourrait prétendre à quoi que ce soit comme intervention, ou elle est complexe. Et si elle est complexe, il faut s'attendre à ce que plusieurs individus isolés ou groupes indépendants interviennent. Alors, notre préoccupation est à l'effet qu'il faut garder cette exception de l'affaire Libman dans le contexte particulier dans lequel la Cour suprême a dû la traiter et, si les questions sont trop larges, la Cour suprême devra intervenir à nouveau. Et, si notre processus actuel permet à des groupes isolés de poser des questions sur la formulation ou d'intervenir sur la formulation, on va avoir encore un problème de constitutionnalité.

Qui devrait accorder les autorisations? Actuellement, le rapport Côté propose le Conseil du référendum pour traiter de ces questions. Nous devons souligner le fait que nous avons des hésitations à imposer aux citoyens, à un individu isolé, l'obligation de se présenter devant un organisme judiciaire formé de trois juges du Québec pour exercer un droit fondamental comme celui de l'expression politique. À ce niveau-ci, la Cour suprême aussi annonce le fait qu'on ne peut pas déléguer des pouvoirs discrétionnaires trop larges en matière de contrôle ou d'exercice du droit fondamental de l'expression politique.

Nos recommandations sont à l'effet que, dans un premier temps, comme, d'ailleurs, la Commission des droits de la personne le mentionnait, c'est qu'à toutes fins pratiques on pourrait considérer le dépôt auprès du Directeur général des élections ou d'une personne désignée par lui d'une formule dans laquelle la personne ferait une déclaration spontanée qui pourrait être appuyée par un affidavit, une déclaration assermentée, dans lequel elle déclarerait rencontrer les critères prévus par la loi pour la notion d'individu isolé ou groupe ou individu indépendant.

Automatiquement, à ce moment-ci, si la personne est en mesure de compléter cette formule et de l'appuyer d'un serment, cette personne-là serait traitée comme un individu isolé ou un groupe indépendant. Les formulations, on doit utiliser celles que la Cour suprême a retenues. Cependant, rien n'empêcherait un groupe, ou un comité-parapluie, ou un groupe affilié, d'intervenir auprès du Conseil du référendum pour contester le contenu de la déclaration. Alors, là, on renverserait le fardeau imposé à l'individu isolé, ou au groupe indépendant, ou à un individu indépendant, de devoir se présenter devant un tribunal ou devant un juge du Québec pour exercer un droit fondamental. Je crois que c'est une question qui est importante parce que le droit de vote – et je le souligne – ou le droit de l'expression politique doit, par tous les partis, être protégé, et toutes les limites ou toutes les contraintes qu'on peut lui imposer seront examinées par la Cour suprême dans le futur avec beaucoup d'attention parce que c'est un droit fondamental, c'est un droit qui est encore au-delà du simple droit à l'expression ou droit de parole.

Au niveau des montants admissibles, c'est extrêmement difficile. Vous savez qu'on a une fourchette, c'est 1 000 $, d'un côté. Dans le contexte d'un référendum national, selon le rapport Lortie, c'est 3 000 $ au niveau de notre législation. Il y a un caractère discrétionnaire que la Cour suprême a voulu souligner.

Dans notre rapport, nous mentionnons 1 500 $; on peut parler de 2 000 $. Tout dépend, en fait, du statut des modifications qui seront apportées à l'article 404 et en particulier au niveau, évidemment, de quelles sont les dépenses non réglementées. On parle, en particulier, du fameux 600 $ pour les assemblées. Alors, 1 500 $, 2 000? il y a une question au législateur et l'Assemblée nationale devrait normalement se prononcer sur un montant puisque les paramètres, on les connaît. Et nous, comme tel, c'est 1 500 $, si les dépenses comme la notion de l'article 404 est respectée, alors que ça peut être 2 000 $ s'il y a des modifications.

Un dernier élément – je m'excuse de devoir écourter rapidement – c'est la question du rééquilibrage. Cette question-là est fondamentale parce que ça suppose que lorsque des comités ou des groupes ou des individus isolés d'une façon ou d'une autre par leurs interventions peuvent favoriser l'un ou l'autre des partis au niveau des comités-parapluies, il faut se poser la question du déséquilibre qui peut être créé à ce niveau-ci. Par exemple, il faut garder à l'esprit que 1 000 personnes ou 1 000 individus isolés à 1 000 $ chacun, ça fait déjà 1 000 000 $. Comme les comptables l'expriment, c'est matériel, ce n'est pas rien. Alors, il faut garder à l'esprit ce type d'incident là qui pourrait arriver et qui pourrait provoquer un débalancement du débat et de l'égalité des chances. Et je pense que toutes les orientations ou les formations politiques, de ce côté-là, gardent à l'esprit l'équité en matière électorale et l'égalité des chances au niveau de ces interventions-là.

Alors, ce qu'il faut considérer et de façon très attentive, c'est le fait que – l'une des options du côté du Conseil du référendum ou peu importe de quelle façon on pourra traiter de la question – si on en vient à la conclusion que l'une des options peut être avantagée par l'intervention d'individus isolés ou de groupes indépendants, alors, ce million-là qui arrive, dans l'exemple que je vous donnais de 1 000 personnes à 1 000 $, le Conseil du référendum pourrait attribuer ou augmenter le plafond du comité-parapluie de l'autre côté. Sauf que ce n'est pas une règle absolue parce que certaines interventions de groupes isolés en faveur d'une option peuvent nuire autant qu'elles peuvent aider; il y a un caractère discrétionnaire à ce niveau-là. Alors, notre rapport souligne que, même si une question est difficile à traiter, cela n'empêche pas qu'il faut la traiter, puisqu'il faut préserver cet équilibre et cette égalité des chances des différentes options.

M. Gauthier (Joël): Quant à l'inscription à la liste électorale permanente, dans la mesure où l'on entend favoriser l'exercice du droit de vote, il faut faciliter l'inscription à la liste électorale permanente de ceux et celles qui ont la qualité d'électeur. Pour y parvenir, le gouvernement se doit d'être sensible aux difficultés particulières rencontrées par certaines clientèles et rechercher des solutions pratiques face à certaines problématiques.

Nous nous serions attendus à ce que le gouvernement mandate Me Côté afin qu'il analyse l'ensemble des problématiques liées à l'inscription sur la liste électorale et aussi à la radiation de certaines personnes de la liste électorale. Malheureusement, il n'a été mandaté qu'à l'égard d'une seule problématique, laissant de côté les difficultés rencontrées par d'autres personnes.

Nous allons ici commenter brièvement la question spécifique abordée dans le chapitre 3 du rapport Côté, soit l'inscription des jeunes de 18 ans et des néo-Canadiens, tout en abordant par la suite d'autres problématiques liées à l'inscription sur la liste mais qui ne sont pas discutées dans le rapport commandé par le gouvernement.

La Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec s'est prononcée l'automne dernier en faveur de l'inscription automatique pour les citoyens atteignant l'âge de la majorité et pour ceux qui obtiennent la citoyenneté canadienne. Évidemment, il faut y apporter un bémol: cette inscription doit être conditionnelle au fait que ces citoyens réunissent toutes les conditions pour obtenir la qualité d'électeur.

Les recommandations qu'on retrouve au chapitre 3 du rapport de Me Côté vont donc dans le sens des principes défendus par le Parti libéral du Québec, car il nous importe de tout mettre en oeuvre afin de faciliter la participation des citoyens à l'exercice démocratique qu'est une élection ou une consultation populaire. Les jeunes et les néo-Canadiens sont deux groupes d'électeurs qui, traditionnellement, participent moins au processus électoral. Il nous apparaît donc important de corriger cette situation. À cet égard, la recommandation 51 du rapport Côté est un pas dans la bonne direction.

À ce stade-ci, cependant, il nous importe de noter que, si l'objectif est de faciliter la participation en général des citoyens à tout exercice démocratique, il nous apparaît que les recommandations du rapport Côté sont insuffisantes et qu'une réforme plus large devrait être faite pour couvrir le cas des personnes âgées, d'autant plus que nous sommes dans un contexte, vous le savez sans doute, de vieillissement de la population, où la mobilité de ces gens qui sont en centre d'accueil, qui sont souvent dans des centres hospitaliers, devrait leur permettre de pouvoir... On devrait permettre, dans une réforme, qu'une commission de révision itinérante puisse procéder.

On me signale que mon temps est épuisé. Alors, on s'en remet à vos questions. Et, si vous avez des questions quant aux élections municipales et scolaires simultanées, ça nous fera plaisir aussi d'y répondre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Pour aller dans le même sens de l'humour de M. Gauthier, qui disait que depuis la semaine passée il n'y avait pas de référendum, je peux lui annoncer qu'il pourrait y en avoir un, par exemple, avec, sur un bulletin, l'option Calgary et l'option souveraineté, et les citoyens pourraient faire leur choix entre les deux. Ça pourrait être très intéressant effectivement et, à ce moment-là, les sourires ne seraient absolument pas les mêmes.

(11 heures)

Ceci dit, je me permets de corriger votre mémoire à la page 2. Ce n'est pas en 1989 que nous avons commencé le vote itinérant ou encore le vote par anticipation, c'est bien plutôt en 1967, je crois, ou 1964, 1967, amendé en 1977, d'ailleurs, par notre gouvernement. C'est parce qu'à la page 2 vous parlez de 1989; on dirait qu'en 1989 tout renaît. Ce n'est pas ça dans les faits – si vous voulez avoir les découpures juridiques, je vous les donnerai – c'est en 1964: S.R.Q. 1964, article 281; et également en 1977, quand ça a été amendé, article 283. En 1977, j'étais...

Une voix: ...comité, oui.

M. Chevrette: Je me rappelle, moi aussi. C'est ça. C'est juste un correctif, parce qu'on a l'air de sortir des limbes, en 1989.

Ceci dit, ça m'amène à vous poser une question, d'entrée de jeu. À la page 11 de votre document, à l'article 2.3.1, vous mentionnez que les catégories «individu» et «groupe indépendant» ne devraient pas être retenues, car la Cour suprême n'envisage pas ce scénario. Pourriez-vous lire le jugement de la Cour suprême à l'alinéa 74, à la page 7?

Une voix: Page 47.

M. Chevrette: Page 47? C'est 47. Excusez!

M. Tremblay (François): Je peux vous donner la citation. Je la connais, la citation.

M. Chevrette: Oui. Si on ne légifère pas en ce qui concerne cette catégorie, ne croyez-vous pas qu'il pourrait y avoir une contestation au niveau de la loi, puisque, spécifiquement, l'alinéa 74...

M. Tremblay (François): Oui, parce que comme je l'ai mentionné lors de mon exposé, il est important de souligner que, dans la passé, puis c'est d'ailleurs ce que M. Libman a probablement plaidé avec ardeur par le biais de ses avocats, c'est le fait que les questions, souvent, prêtaient à confusion, compte tenu de la longueur et de la complexité des notions qui étaient véhiculées dans leur contenu.

Alors, notre propos est le suivant. Effectivement, dans la décision de la Cour suprême, le juge Lamer ou, en tout cas, la Cour suprême – parce qu'on suppose que le juge en chef a dû s'impliquer – donne deux exemples, comme les abstentionnistes et ceux qui ont des problèmes avec la question.

Alors, dans l'exposé verbal que j'ai fait, j'ai souligné ce point-là, qu'effectivement il va falloir avoir la protection pour la formulation de la question, si celle-ci n'est pas simple et claire et s'il faut qu'à sa face même elle limite ou elle rende impossible les problèmes de formulation de question. Et c'est dans cet esprit-là, parce qu'on a mis en preuve les longues questions qui ont été posées, et probablement que ça a créé une difficulté parce que, sur chaque phrase ou chaque concept, quelqu'un peut avoir une intervention.

Alors, je dois vous dire que nous modulons notre intervention à l'effet qu'effectivement nous sommes d'accord avec la Cour suprême et avec les propos que vous tenez à l'effet qu'il faut traiter de cette question, au niveau de la formulation de la question, mais que le problème aurait beaucoup moins d'acuité ou on aurait beaucoup moins de difficulté à traiter de cette question-là, justement, si, dans le futur, les questions soumises à la politique étaient simples et couvraient des sujets qui peuvent être facilement appréhendés par le voteur, l'électeur moyen.

M. Chevrette: Je voudrais préciser que tous les consensus... Parce que vous affirmez dans votre mémoire que les consensus ne sont pas là. C'est précisément parce qu'il y a un consensus qu'on les retrouvera tous dans la loi. Tous les consensus du comité consultatif seront dans la loi. Automatique. Même la commande a été passée au Directeur général des élections. Et on n'a pas à discuter là-dessus. On est d'accord pour que tout ce qui se dégage comme consensus soit inclus.

Et vous affirmez que vous n'êtes pas consultés. Qu'est-ce que vous faites, ce matin, d'abord, si vous n'êtes pas consultés? Vous donnez votre opinion.

M. Tremblay (François): Là, M. le ministre, je crois que c'est très important de souligner que nous sommes en présence d'un expert, lorsque nous parlons à M. Côté ou au Directeur général des élections. C'est un expert dans toutes questions de consultation populaire ou en matière électorale.

M. Chevrette: Je vous remercie en son nom. Ça n'a pas été toujours la perception de votre formation politique vis-à-vis lui.

M. Tremblay (François): Non, non, mais on ne peut pas nier le fait qu'un expert peut se tromper aussi. Il faut bien mettre des bémols. Mais, tout de même, lorsqu'on pose, on oriente des questions qui sont adressées à un expert, les avocats savent très bien que les réponses peuvent varier selon les questions qui sont posées. Alors, notre intervention est strictement sur le point... J'ai lu des débats en 1996 qui étaient... Je crois qu'il aurait été prudent, qu'il aurait été raisonnable que, dans ces questions-là, où il y a eu des rencontres préliminaires avec quelqu'un qui, à toutes fins pratiques, a le statut d'un juge... Il a le statut, il est nommé, en tout cas il a une protection que l'Assemblée nationale lui accorde. Je pense qu'il aurait été prudent – c'est tout ce que l'on mentionne dans notre rapport – que, dans ces situations-là où on parle de l'expression politique, où des questions légitimes se posent... Lorsque le rapport sort, il y a des points importants qui ne sont pas couverts. Alors, je pense que les autres formations politiques peuvent s'interroger. Pourquoi, au niveau de la rédaction du mandat ou des discussions qui ont entouré le mandat que l'on confie au Directeur général des élections, il n'y aurait pas eu sa consultation a priori et non pas a posteriori puisque, là, on vit avec un rapport qui aurait peut-être pu être complété, bonifié?

M. Chevrette: Si vous aviez eu la chance de lui parler, lui auriez-vous conseiller, par exemple, la reconnaissance du droit de vote à 16 ans?

M. Tremblay (François): Moi, c'est une question qui... Restons sur le point qui fait l'objet du rapport.

M. Chevrette: Oui, mais imaginez-vous donc que c'est nous autres qui questionnons et que vous répondez.

M. Tremblay (François): Oui, mais la question, c'est qu'on peut traiter du vote à 16 ans... Et le but de mon intervention est de dire ceci. C'est que peut-être qu'on aurait pu, sans parler d'orienter, préciser les mandats. Et on aurait eu un éclairage d'un expert sur la question, qui aurait fait le tour des législations mondiales puis nous serait arrivé avec des rapports. Et, à ce moment-là, le débat serait plus éclairé et ferait avancer toute la question, une question fondamentale en démocratie, soit celle de l'expression politique à 16 ans ou à 18 ans. C'est le but de notre propos dans le rapport.

M. Chevrette: Seize ans, qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Gauthier (Joël): Nous, on pense que la majorité, au Québec, c'est 18 ans, avec toutes les obligations légales qui en découlent. Seize ans, ça nous apparaît à première vue un peu jeune, d'autant plus que ça amènerait des problématiques où des étudiants au niveau secondaire auraient droit de vote. Et, quant à nous, on s'en tient à la position de la majorité, qui est 18 ans, avec toutes les conséquences qui en découlent.

M. Chevrette: Merci. Vous en êtes venus à vous résoudre, le temps où votre formation politique assumait le pouvoir, à utiliser à quelques reprises, je dirais à plusieurs reprises, la clause «nonobstant». Comment en arrivez-vous aujourd'hui à honnir cette clause qui fait partie intégrante de la Constitution canadienne, qui vous est très chère, et que vous ne voudriez pas voir utilisée?

M. Tremblay (François): Je crois qu'il y a une évolution dans les idées politiques et je crois que la Cour suprême aussi... Il faut garder à l'esprit que 1982 a introduit une Charte, et il a fallu attendre 1987 et 1989 pour avoir les arrêts Oakes et les arrêts Dagenais, qui ont établi les principes gouvernant l'intervention justement de la Cour en matière de charte. Il y a une évolution qui se fait à ce niveau-ci. Et je pense que mon propos peut-être a été mal saisi. Mais, dans toutes les lois qu'il y a au Québec, ce que je retiens, moi, des propos tenus par la Cour suprême, c'est que l'expression politique, c'est fondamental.

Parce qu'on parle de différents droits qui sont protégés par les chartes, tant canadienne que québécoise. Mais, à ce niveau-ci, la Cour suprême a pris la peine de bien souligner les interventions de la Cour d'appel du Québec en première instance pour souligner, encore une fois, que des clauses dérogatoires peuvent peut-être s'appliquer à différents éléments. Mais ce qu'elle mentionne, elle dit: Ça, c'est une expression, l'expression politique, à toutes fins pratiques, c'est suprême.

Donc, c'est pour ça qu'au niveau de la clause «nonobstant», il faut distinguer ce cas-là du cas d'autres lois, qui, pour des fins qui étaient à ce moment-là et dans le contexte économique, politique et juridique aussi particulier, ont dû être utilisées. Mais, dans ce cas particulier, où on dit à quelqu'un: Tu ne peux pas t'exprimer politiquement, là, il faut agir avec la plus grande prudence et la plus grande bonne foi parce que la Cour, on voit qu'elle veut protéger ce droit-là qui est couvert par la Charte.

M. Chevrette: J'ai un petit commentaire puis une petite question, pour permettre aux autres... Le petit commentaire, c'est la perception que vous avez de la loi spéciale. J'en suis sans doute responsable et je veux l'expliquer. C'est que, s'il y avait eu déclenchement des élections, s'il n'y avait pas eu de loi, afin d'avoir une loi qui encadrerait le financement, il aurait fallu une loi immédiate, parce qu'on aurait fait une élection sans aucune législation, c'est dans ce sens-là. Donc, je veux corriger cette impression-là, parce que ça n'a jamais été de dire: Je présente une loi spéciale pour le financement. J'ai toujours dit: Il y aura une loi qui sera débattue dans le cadre normal, avec les consensus qui existaient du Comité consultatif et quelques autres points, mais, si jamais il y avait déclenchement des élections, il y aurait une loi plus précipitée qui ne toucherait que le contenu du financement parce qu'on serait sans aucune clause de financement. Là, je voulais corriger parce que ça a été compris, je pense, différemment.

La question que je veux vous poser, d'autre part, c'est la suivante. Vous ne voyez aucun motif nouveau d'adopter des mesures concernant l'influence indue et les dépenses non autorisées, et ce, depuis la commission de 1996. Croyez-vous sincèrement qu'il ne faut pas encadrer davantage la pression qui se fait sur le travailleur dans certaines usines par un employeur qui, carrément et ouvertement, quand ce n'est pas par lettre, c'est par chantage... Est-ce que vous considérez qu'on doit laisser aller faire ça, face à un droit aussi fondamental que le droit de voter?

Une voix: ...syndicat.

M. Gauthier (Joël): Alors, M. le ministre...

(11 h 10)

M. Chevrette: Non, non, on ne parle pas de syndicat, là. Le syndicat, c'est une chose qui est en dehors de la shop. Je parle du propriétaire qui a la main-mise sur le droit au travail de l'individu. Parlons de deux choses différentes, là. Parlons d'abord du droit de l'employeur. Si vous voulez questionner, vous questionnerez sur votre cas. Mais je vous dis: un employeur qui se promène dans son usine et qui dit: Demain matin, si un tel ou une telle ne passe pas ici ou si le référendum gagne, vous êtes dehors, je ferme ma shop, est-ce que vous considérez que ce n'est pas un outrage aux droits et libertés des personnes, ça? Est-ce que ce n'est pas fondamental vis-à-vis du respect du droit de vote le plus fondamental? Je suis surpris même de votre point de vue là-dessus. Et j'aimerais vous entendre, très sérieusement.

M. Gauthier (Joël): Dans un premier temps, M. le ministre, moi, je vous dirai que, quant au rapport Côté – et je le dis avec déférence – nous, on a été surpris à quel point les deux chapitres qui portent sur l'influence indue et les dépenses non autorisées étaient sibyllins. Je pense que, au total, il y a quatre pages pour ces deux chapitres, incluant une quinzaine de recommandations.

Première des choses. Qu'est-ce que l'influence indue, M. le ministre? Quand mon voisin de bureau vient me jaser et tente de me convaincre pendant une heure et demie des bienfaits de la souveraineté du Québec, est-ce que, ça, c'est de l'influence indue? C'est la première des choses. Qu'est-ce que l'influence indue?

Si vous avez des cas précis à nous mettre sur la table, moi, ça va me faire plaisir d'en discuter avec vous. Mais les mythes à savoir: Il y aurait de l'influence indue des employeurs, moi, quant à moi, et je vous le dis, M. le ministre, ça fait quand même quelques années que je fais de la politique, je n'en ai pas vu de ça. D'autre part, ce que j'ai vu...

M. Chevrette: Si vous aviez quatre affidavits dans les mains...

M. Gauthier (Joël): Non, non. Laissez-moi terminer, M. le ministre. D'autre part, ce que j'ai vu au niveau de l'influence indue, M. le ministre, ce sont des centrales syndicales qui, à partir de leur banque de données, sortent la liste de tous les membres pour leur envoyer dans une enveloppe les raisons pour lesquelles telle centrale syndicale appuie un mouvement souverainiste. Il faudra se poser la question. Est-ce que, là, on ne se sert pas, on ne va pas à l'encontre de la Loi sur les renseignements personnels dans le secteur privé quand on constitue un dossier, quand on a des noms et adresses d'individus et qu'on s'en sert à d'autres fins? Alors, ça, est-ce que c'est de l'influence indue?

M. Chevrette: O.K. Mais, M. Gauthier, je vais reprendre ma question. Vous êtes avocat?

M. Gauthier (Joël): Oui.

M. Chevrette: Bon. Je suis sûr que vous allez la comprendre. Vous savez très bien que jaser et dire à quelqu'un: Écoute, je favorise telle formation politique ou telle idée, c'est une chose. Mais, dire à ce même quelqu'un sur qui je tiens tous les pouvoirs... Si demain matin je te dis: Tu ne votes pas pour ça, je ferme ma shop, considérez-vous que c'est du même acabit, Me Gauthier? Je vous demande si c'est du même acabit.

M. Gauthier (Joël): Je vous dirais, M. le ministre: plutôt que de véhiculer un mythe, donnez-nous des situations où ça s'est produit. Deuxième des choses, je vous dirais qu'il faut faire attention à ces matières. Il faut faire attention à ces matières, M. le ministre, pour ne pas renverser le fardeau de preuve. Ici, on a une bonne loi, la Loi électorale, c'est une excellente loi. Donnez plutôt des ressources au Directeur général des élections pour que celui-ci puisse réaliser ses enquêtes et puisse poursuivre. Mais n'inversez pas les fardeaux de preuve. Qu'on donne au DGE les ressources nécessaires et, s'il y a matière à infraction, quelle qu'elle soit, que le DGE entreprenne les procédures, fasse enquête et prenne les poursuites.

M. Chevrette: Je constate donc que vous vous refusez de répondre sur la nature même de ces faits et je trouve ça, personnellement, décevant.

M. Gauthier (Joël): M. le ministre, je pense que vous ne m'entendez pas.

M. Chevrette: J'entends et, surtout, j'ai compris que vous vouliez vous garder toutes ces portes ouvertes. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Ce genre d'insinuation à la fin de garder des portes ouvertes, c'est dans la limite de porter des intentions aux invités qui sont ici, et ce n'est pas ce que j'ai entendu, moi. On va aborder le sujet tantôt, M. le Président, mais, au préalable, il me semble qu'il faudrait qu'on aborde la procédure. Parce que j'ai entendu dire par le ministre quelque chose qui me fait saisir le fait que le ministre ne comprend pas ce qu'on a voulu dire, quand je lui soulignais que les consultations devraient être faites de façon conjointe par tous les partis et que la procédure qu'il a utilisée, qui était de rencontrer un spécialiste, lui dicter, lui suggérer ou lui indiquer les sujets sur lesquels le spécialiste devrait consulter, ce n'est pas notre façon de voir les choses.

C'est vrai qu'en comité consultatif on a établi un certain nombre de consensus. C'est des consensus établis entre partis politiques, entre représentants de partis politiques. Moi, je trouverais ça normal dans la procédure qu'on amène ces consensus ici pour qu'on puisse les tester auprès de la population. Il n'y a rien qui nous dit que, nous, on a toute la vérité, M. le Président. Et, normalement, une commission parlementaire devrait nous permettre de tester les consensus auxquels on est arrivé, de les entériner, en quelque sorte, par la population, et de les passer dans la législation par la suite. Et, si on voulait aller au-delà de ce qu'on a examiné en comité consultatif, ça aurait dû être normalement des sujets qu'on aurait identifiés ensemble.

Pourquoi le ministre a choisi certains sujets, comme l'influence indue, par exemple, où il dit à M. Côté, dans ce cas-ci: Allez donc me faire des recommandations sur ça? Quand il conclut ses commentaires avec des insinuations, tel qu'il vient de le faire, on constate que c'est parce qu'il veut régler ses dossiers. Et, quand le ministre responsable de la Réforme électorale, qui appartient à un parti politique, veut utiliser une commission parlementaire pour régler ses dossiers... C'est ça qu'on voulait dénoncer, M. le Président, par rapport à la façon dont on devrait normalement légiférer en matière de réforme électorale.

À moins qu'on veuille remettre en question le fonctionnement du comité consultatif. Parce que, si le ministre, chaque fois que le comité consultatif arrive à des consensus, dit: Bon, ça, je l'ai, maintenant je vais prendre la commission parlementaire comme un instrument pour faire passer mes affaires à moi, là, ça remet en question toute la bonne foi avec laquelle nous abordons notre travail au comité consultatif.

Normalement, on devrait amener les consensus du comité consultatif en commission parlementaire, les tester auprès de la population, voir si effectivement ceux que nous avons identifiés, nous, comme représentants des partis politiques, trouvent écho au sein de la population, les entériner, les passer dans nos lois. Et, par la suite, si on veut vérifier d'autres sujets qu'on n'a pas pu, pour des raisons x, y ou z, aborder en comité consultatif, on devrait s'entendre pour qu'on choisisse la personne, s'il s'agit d'une personne qui va aller faire la consultation sur le terrain pour nous, pour qu'on choisisse ensemble les sujets puis qu'on travaille véritablement en consensus. Sinon, le ministre n'utilise une commission parlementaire que comme un instrument pour atteindre ses fins politiques et partisanes. Et sa conclusion récente, tout à l'heure, me laisse croire que c'est ça, son but. Alors, ça, sur le processus.

On va revenir tantôt sur l'influence indue, parce que je trouve que vous avez des citations là et du Conseil du patronat et de la FTQ qui disent carrément que c'est une fausse piste dans laquelle on est. Si un employeur dit à un employé: Tu votes pour telle option, sinon tu perds ta job, je suis pas mal certain que c'est déjà dans la loi que ce n'est pas permis, ça, et qu'il y a déjà des pénalités de prévues. Mais, si le ministre veut dire, lui, que si une personne exprime son opinion quant aux conséquences de tel ou tel vote... Moi, je connais beaucoup de pays où celui qui gouverne pense qu'il a la vérité infuse et qu'il l'a tout seul, et il décrète d'en haut ce qui est correct et ce qui n'est pas correct. On appelle ça généralement des dictatures. Je ne pense pas qu'on en est là. Mais il ne faudrait pas non plus qu'on entérine la mentalité qui veut que, parce que quelqu'un a un problème qu'il veut régler, il utilise nos institutions parlementaires pour passer... en tout cas, faire des affirmations qui ne trouvent aucun écho réel sur le terrain.

Question plus précise sur un autre sujet. Vous avez mentionné des montants qui découlent de la nécessité d'encadrer les dépenses et vous avez mentionné une fourchette possible entre 1 000 $, qui est la référence faite par la Cour suprême, puis le 3 000 $, qui est ce qui est permis par nous. Et vous vous arrêtez à un chiffre de 1 500 $. Vous ramenez, et je pense que vous êtes les premiers à le faire, la question du 600 $, qui est déjà prévu dans la loi.

(11 h 20)

Si je vous ai bien compris, vous dites finalement: Le montant qu'on devrait identifier comme limite de dépenses pour les non-affiliés, en quelque sorte, devrait tenir du fait qu'il y a déjà un 600 $ de prévu. Donc, si c'est 1 000 $, on devrait aussi... En fait, c'est 1 600 $, parce qu'il s'agit aussi du 600 $. Si on veut abolir cette notion de 600 $ pour la tenue d'une réunion, on pourrait imaginer 1 500 $ ou 2 000 $. Est-ce que je vous ai bien compris sur ça?

M. Tremblay (François): Oui, c'est bien ça, parce que, en l'absence de nouveau texte de l'article 404 qui fait l'énumération des dépenses non réglementées, on doit assumer que cet article-là ne sera pas comme tel modifié. Donc, il faut garder à l'esprit le fait que ce 600 $ existe et que, si on le... Vous savez, c'est qu'on n'a aucun moyen de déterminer le nombre d'individus isolés qui peuvent intervenir dans un débat et profiter de ce 600 $. La Cour suprême, là-dessus, nous donne d'une façon sibylline, il faut bien le dire, que, sur le plan électoral canadien, c'est 1 000 $, mais elle ne se prononce pas. Mais le danger ou l'écueil qu'il faut surveiller, c'est qu'il est, à ce stade-ci et dans le cadre de tout référendum, difficile de déterminer le nombre d'individus isolés qui pourront bénéficier du 600 $. Alors, nous, nous assumons que, s'il est dans l'article 404, à ce moment-là, le 1 500 $ plus ce 600 $ constituent une enveloppe qui, sans qu'elle soit... Elle est peut-être peu généreuse pour l'individu, mais, si on multiplie le nombre d'individus isolés, à ce moment-là, la préoccupation d'équilibrer ou de favoriser l'égalité du discours peut devenir préoccupante.

Alors, il y a des paramètres quantitatifs, c'est-à-dire la notion du 1 000 $ et du 3 000 $, mais qui sont aussi dosés par le fait que, comme on ignore le nombre d'individus isolés ou de groupes qui vont intervenir, le 3 000 $ que l'on donne, c'est dans le maximum la fourchette, mais, lui, il est à l'intérieur d'un comité-parapluie où le discours est coordonné. Alors, 1 500 $ ou 2 000 $, pour répondre à votre question, nous, nous assumons dans nos propos que le 600 $ se maintient et, s'il est maintenu notre recommandation, c'est 1 500 $.

M. Sirros: D'accord. Pouvez-vous également expliciter, dans un autre volet de votre mémoire, la question de l'identification de l'électeur, nous expliciter un peu votre point de vue sur ça?

M. Gauthier (Joël): Quant à la question de l'identification des électeurs, un, il y a un article dans la loi... Vous me permettrez, M. le ministre... M. le député de Laurier-Dorion, vous me permettrez, dans un premier temps, de vous dire que notre loi électorale, elle est bien faite; quant à moi, elle est complète, puis il faut le saluer. Je pense qu'il faut saluer cette loi-là, qui a découlé de plusieurs gouvernements, qui a pris racine en 1963-1964 sous le gouvernement Lesage, qui a été réformée en 1977 et qui a été votée à l'unanimité. Il y avait cinq partis qui étaient représentés en Chambre, puis, il faut le souligner, en 1977, les cinq partis ont voté de façon unanime. Alors, cette loi-là, c'est un code complet.

Avant de répondre sur l'identification des électeurs, je veux juste vous dire que, quant à l'influence indue, tantôt, on m'a posé des questions, et j'ai eu l'occasion de vérifier dans le texte de loi, et, lorsqu'on faisait référence à un exemple hypothétique, je voudrais quand même référer aux articles 557 et 558 de la Loi électorale, qui prévoient cette situation. Alors, quand on dit que la loi, c'est un code complet qui a tout prévu, bien, il faut le saluer.

Quant à l'identification des électeurs, toujours dans la même Loi électorale, on prévoit à l'article 350 que, lorsqu'un électeur se présente au bureau de votation et qu'il y a un doute quant à son identité, le scrutateur peut exiger le serment. C'est l'article 350 qui dit ça. Et là il y a un processus qui s'engage: on prête le serment, et le greffier, à côté, va entrer dans le livre que tel électeur, on lui a demandé le serment puis pour quelle raison on a demandé le serment. Alors, il y a déjà un processus qui est prévu.

Quant à nous, ce ne serait pas une bonne idée de demander de façon obligatoire... Il y a déjà un processus quand on n'est pas sûr. La bonne foi se présume. Quand on se présente à la table et qu'on dit: Je m'appelle Joël Gauthier, la bonne foi se présume. Il y a un mécanisme de prévu à l'article 350 et, si on veut ne pas embarquer dans le cirque de l'article 350 – et je le dis avec respect quand je parle du cirque: le grand livre, puis inscrire le nom de l'électeur qui a été assermenté à telle date à la demande de monsieur ou de madame X – je pense qu'on pourra de façon facultative demander à l'électeur: Écoutez, j'ai un doute sur votre identité, pouvez-vous me sortir une carte d'identité que vous avez sur vous? Puis on règle la question de façon rapide.

D'autre part, ma lecture des différents mémoires qui ont été présentés ici lors de la présente commission, en 1998, et en 1996, tend à me démontrer qu'il n'y a pas vraiment une réalité qui exigerait... L'histoire des télégraphes, c'est dans le temps de Duplessis. Jean-Paul L'Allier, le maire de Québec, vous en a parlé. L'ex-député de Taillon, Claude Filion, il en a parlé dans son mémoire pour la Commission des droits de la personne, à l'effet... Écoutez, on n'est pas à l'ère duplessiste et on n'a pas à revivre dans une ère que je qualifierai de néo-duplessiste. Les télégraphes, ça n'existe pas. Alors, quant à nous, pourquoi créer des contraintes pour 5 000 000 d'électeurs, alors que c'est une réalité qui vise peut-être un ou deux cas isolés dans une élection?

M. Sirros: Le fait qu'en exigeant de façon obligatoire à 5 000 000 de personnes de présenter une pièce d'identité et le fait aussi qu'en fin de compte c'est la carte d'assurance-maladie qui est la pièce maîtresse dans tout ça, parce que c'est celle-là que tout le monde normalement détient, et le fait que les gens de la Régie nous ont dit que, bon an mal an, il y a 90 000 personnes qui perdent leur carte, que ça prend deux, trois semaines pour la remplacer à partir du moment où ils sont saisis de la demande et que ça implique qu'à tout moment donné il peut y avoir quelque chose... Je pense que le chiffre était de 8 000 personnes. On peut présumer que la moitié d'eux sont des adultes, même plus, parce que notre population est de plus en plus âgée. Donc, à tout moment donné, il y a quelque chose comme minimalement 4 000 personnes qui n'ont pas de carte sur elles. On sait d'ailleurs qu'ils nous ont dit également qu'il y a au-delà de 80 000 réclamations qui sont faites par les médecins, qui reçoivent des patients qui n'ont pas leur carte d'assurance-maladie au moment d'aller recevoir un service qui requiert la carte d'assurance-maladie.

La déduction que je fais, donc: c'est fort possible qu'on retrouve ce même nombre au niveau des personnes qui vont aller voter sans la carte d'assurance-maladie, comme ce n'est pas tout le monde qui a un passeport, ce n'est pas tout le monde qui a un permis de conduire, surtout pas les clientèles plus fragiles. On pense à des personnes âgées, on pense à des personnes plus démunies qui n'ont pas nécessairement de voiture, etc., et encore moins de passeport. Comment estimez-vous les risques d'empêcher l'exercice du vote par rapport à cette espèce de hantise qu'il semble y avoir de l'autre côté, de prévenir la fraude?

M. Gauthier (Joël): Deux choses, M. le député. Dans un premier temps je vous dirais que, si, en date d'aujourd'hui, la carte d'assurance-maladie était obligatoire et qu'il y avait une élection, moi, je n'aurais pas la qualité d'électeur. Je vous dis que, si, en date d'aujourd'hui, il y avait un scrutin et que la carte d'assurance-maladie était obligatoire, moi, qui suis citoyen canadien qui respecte toutes les conditions, qui ai ma qualité d'électeur, qui suis propriétaire foncier, qui ai une automobile, etc., je ne pourrais même pas avoir le droit de vote lors du vote parce que...

M. Sirros: Bien, pour être...

M. Gauthier (Joël): Non, non, mais c'est un cas dont vous devez tenir compte en tant que parlementaires, dans cette commission. Je vais vous donner mon cas à moi. Lorsque j'ai renouvelé mon permis de conduire, on a pris des photos pour ma carte d'assurance-maladie. Pour une raison x, y, z, la RAMQ m'a écrit à l'effet que les photos n'étaient pas bonnes ou qu'ils avaient perdu mes photos. Et j'attends depuis plusieurs mois qu'on me retourne ma carte d'assurance-maladie. Alors, ça, c'est la première des choses.

M. Sirros: Mais, en toute honnêteté, vous auriez pu voter avec votre permis de conduire, selon la proposition. Mais je pense plus à des situations où quelqu'un qui n'aurait pas un permis de conduire se trouverait dans la situation que vous décrivez.

M. Gauthier (Joël): Bien, cette personne-là, qui n'aurait pas de passeport, pas de permis de conduire et qui aurait perdu malencontreusement sa carte d'assurance-maladie ne pourrait pas voter. Il y a aussi l'autre situation, M. le député, la situation de la personne qui serait au bureau de votation, qui se déplace et qui, pour une raison quelconque a oublié ses cartes d'identité ou son portefeuille. Pensez-vous que cette personne-là, on va lui permettre de voter? M. le député, quant à moi, cette personne-là, on va la refuser, alors qu'elle était inscrite sur la liste et qu'elle a la qualité d'électeur. Je pense qu'il faut, dans ces matières, favoriser le droit de vote et permettre à la personne qui est inscrite sur la liste électorale, nonobstant qu'elle ait en sa possession ou non..., de pouvoir voter.

M. Sirros: Et c'est dans ce sens-là, de favoriser l'exercice du droit de vote, que vous vous prononcez assez clairement en faveur de l'inscription automatique des nouveaux citoyens et de ceux qui atteignent l'âge de 18 ans, sur la liste électorale permanente. Ce n'est pas nécessairement à vous que je pose la question, mais un problème qui m'est venu à l'esprit, c'est: Quelqu'un qui atteint l'âge de 18 ans, comment peut-on automatiquement présumer qu'il est citoyen?

M. Chevrette: Citoyen canadien?

M. Sirros: Oui.

M. Chevrette: À cause de l'entente.

M. Sirros: Ce n'est pas le fait qu'on atteint l'âge de la maturité qui fait en sorte qu'on est citoyen. Il faudrait qu'on prévoie un mécanisme de croisement quelconque avec le...

M. Chevrette: Il l'est.

M. Sirros: Non.

M. Chevrette: Oui. On «peut-u» répondre? Oui, parce que l'entente avec Immigration Canada, maintenant, va le permettre automatiquement. Parce que, s'il n'y avait pas eu cette entente avec Immigration Canada, on n'aurait pas pu, effectivement. Mais là tout citoyen...

(11 h 30)

M. Sirros: Non, mais, je veux dire, quelqu'un qui arrive ici – je ne sais pas – de la France, pour prendre cet exemple-là, et qui a trois ans quand il vient ici, il ne fait jamais de demande de citoyenneté, ses parents ne font jamais de demande de citoyenneté. Il atteint l'âge de 18 ans. La Régie va signaler que cette personne-là a atteint l'âge de 18 ans, mais la personne n'est pas citoyenne.

M. Chevrette: Oui, mais, automatiquement, s'il n'a pas le dossier de citoyenneté canadienne et qu'il rentre...

M. Sirros: Mais un Québécois, votre fils, par exemple, qui serait né au Québec, serait automatiquement citoyen, mais n'aurait pas un fichier au niveau de la citoyenneté, non plus, parce qu'il n'a jamais fait de demande de citoyenneté.

Une voix: Il n'est pas obligé, il...

M. Sirros: Exact. Alors, lui...

M. Chevrette: Non, celui qui est né au Québec, automatiquement...

M. Sirros: Mais écoutez deux secondes, c'est un problème réel.

M. Chevrette: Non, je pense qu'il y a deux choses. Celui qui est né au Québec est automatiquement, en vertu...

M. Sirros: Comment va-t-on le savoir? C'est ça que je demande. Parce que vous me répondez: On va le savoir en se référant au fichier des citoyens. Puis je vous dis que non, parce que celui qui est né ici n'a pas besoin de demander la citoyenneté.

M. Chevrette: Oui. Dans la proposition du Directeur général des élections, à 69, 52, c'est: «Prévoir que le Directeur général des élections expédie à chaque électeur concerné un avis-réponse comportant les vérifications suivantes...» C'est là que vous l'avez. Même s'il l'inscrit, il l'envoie à l'individu même. Et il y a deux, trois questions, dont «la vérification de la qualité d'électeur, à savoir: nom et prénom correctement autographiés; citoyen canadien», deuxième question. Il inscrit, mais il contre-vérifie individuellement.

M. Sirros: Mais là est-ce que la personne va devoir aller faire comme ceux qui avaient été mis sur la liste électorale permanente, présenter des pièces d'identité pour prouver sa citoyenneté?

M. Chevrette: Non, ça, c'est la procédure de correspondance écrite entre le Directeur général des élections et tout simplement l'électeur. Mais effectivement, quand vous dites: Il y a l'inscription automatique...

M. Sirros: Je pense que ça vaut la peine de vérifier.

M. Chevrette: ...il peut y avoir une inscription automatique quand... La liste des nouveaux Québécois, des nouveaux citoyens canadiens reconnus, elle, elle rentre automatique...

M. Sirros: Ça, c'est correct. Mais...

M. Chevrette: ...et l'inscription. Et, dans ces cas-là précis, du 18 ans et plus, mais qui n'ont jamais fait de demande et qui ne sont pas ou qui ne seraient pas nés au Québec, qui seraient arrivés à sept ans ou huit ans, par exemple – c'est ça que vous dites – qui ont une carte d'assurance-maladie et puis qui seraient sur la liste, il y a contre-vérification automatique du...

M. Sirros: Il doit nécessairement, donc, y avoir contre-vérification pour tout le monde.

M. Chevrette: Bien, c'est ce que M. Côté...

M. Sirros: Nous propose.

M. Chevrette: ...nous recommande dans les pages 69, 70.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs, j'aimerais...

M. Sirros: En tout cas, juste pour conclure, M. le Président...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...vous rappeler qu'actuellement, vous...

M. Chevrette: C'est vrai qu'on est en retard.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...êtes en train de faire un débat...

M. Chevrette: C'est beau. Mais c'est intéressant.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...qu'on devrait faire à l'étape des remarques finales.

M. Sirros: Oui. Tout ce que j'ai voulu faire, M. le Président, c'est de souligner qu'il y a peut-être là, en dépit du fait qu'on va tous faciliter le droit de vote, un problème...

M. Chevrette: Un problème.

M. Sirros: ...qu'on devrait examiner plus à fond, à un moment donné, parce que c'est une possibilité de fausse inscription sur la liste électorale par le biais de l'automatisme, à moins qu'on ait une façon de contre-vérifier l'exactitude des renseignements. C'est le cas pour les nouveaux citoyens, parce qu'on va recevoir une liste de ceux qui ont posé le geste. Ça pose peut-être un problème pour ceux qui sont nés ici, qui n'ont jamais demandé de citoyenneté, parce qu'ils n'ont pas à la demander. Et il pourrait donc y avoir une zone grise. C'est tout ce que j'ai voulu faire en soulignant ça.

M. Chevrette: Il faut le regarder...

M. Sirros: Alors, j'arrête là, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, messieurs, nous vous remercions de votre présentation. Nous allons maintenant recevoir les représentants du Mouvement national des Québécoises et des Québécois, Mme Chantale Turcot et M. Henri Laberge.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paquin): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous recevons maintenant le Mouvement national des Québécoises et des Québécois, représenté par Mme Turcot, qui est première vice-présidente, et M. Laberge, qui est conseiller.

Alors, nous disposons de 55 minutes, réparties en trois périodes à peu près équitables de chaque côté. Alors, si vous voulez commencer votre exposé.


Mouvement national des Québécoises et des Québécois (MNQ)

Mme Turcot (Chantale): M. le Président, je vous remercie de votre invitation. Je représente le Mouvement national des Québécoises et des Québécois. Je veux juste préciser, d'entrée de jeu, que le Mouvement regroupe 17 sociétés nationales et Saint-Jean-Baptiste oeuvrant dans autant de territoires du Québec et qui comptent au total 180 000 adhérents.

Notre mémoire comprend deux parties: d'abord, une analyse critique du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et une autre partie qui est une revue des principales améliorations que nous aimerions voir apportées à la Loi référendaire du Québec.

D'abord, sur le jugement de la Cour suprême. Si on n'en retenait que la conclusion, le jugement de la Cour suprême du Canada semblerait ne tenir aucun compte de l'importance de la nécessité de sauvegarder l'égalité des droits des citoyens dans l'exercice de la liberté d'expression politique et dans celui de se prononcer sur des enjeux politiques majeurs lors d'un référendum.

Il déclare, ce jugement, que les articles contestés de la Loi sur la consultation populaire, c'est-à-dire ceux relatifs au contrôle des dépenses, violent les libertés d'expression et d'association et qu'ils ne constituent pas une limite raisonnable. En conséquence, le tribunal déclare inopérantes les dispositions contestées tout en admettant que, de ce fait, toutes les autres dispositions relatives aux dépenses référendaires deviennent sans objet. Toute l'économie de la loi semble ainsi remise en cause.

Mais, si on se donne la peine de le lire en entier, le jugement de la Cour suprême apparaît beaucoup plus nuancé. L'article 404 est le seul qui fasse vraiment problème, et il ne fait vraiment problème, selon la Cour suprême, que pour un certain nombre d'individus et de groupes qui ne peuvent pas s'associer ni s'affilier et qui, par le fait même, ne peuvent s'exprimer qu'au moyen de dépenses non réglementées.

Le jugement de la Cour suprême est globalement très favorable à l'esprit de notre loi référendaire, dont il reconnaît le caractère éminemment démocratique et la légitimité des objectifs qu'elle poursuit en matière de contrôle des dépenses en période référendaire. Ce qui ne l'empêche pas, par des conclusions qui détonnent au regard de l'analyse d'ensemble, d'invalider une partie essentielle de cette loi au risque de compromettre des objectifs qu'elle reconnaît très valables par ailleurs.

Nous dirons cependant que, selon nous, dans le jugement qui nous intéresse ici, la Cour suprême glisse un peu trop rapidement sur les difficultés, les inconvénients et les possibles effets pervers de la formule qu'elle privilégie. Si on autorise des dépenses référendaires hors de comités-parapluies aux individus et aux groupes dits indépendants, comment s'assurer, par exemple, de l'équilibre qui doit être maintenu entre les interventions ainsi financées qui favorisent une option et celles qui favorisent l'autre? Faudrait-il alors restreindre le nombre des individus isolés et des groupes indépendants autorisés à dépenser de façon autonome en n'accordant des autorisations qu'en nombre égal pour chacune des options? Si on procédait de cette façon, qu'en serait-il de la liberté d'expression des individus et des groupes qui resteraient non autorisés?

Si on établit que l'exercice de la liberté d'expression pour un individu isolé ou un groupe indépendant suppose nécessairement qu'il puisse dépenser au-delà de ce qui est compris dans les dépenses non réglementées, que dire de la liberté d'expression de ceux qui ne disposent pas d'un revenu suffisant pour envisager des dépenses référendaires autonomes?

La contribution des fonds publics au financement des comités nationaux et, par ricochet, des groupes qui leur sont affiliés constitue selon nous une bien meilleure contribution à l'égalité des chances quant à l'exercice de la liberté d'expression qu'une simple autorisation à dépenser, sans mesure de soutien aux citoyens qui n'ont pas d'argent pour financer l'expression autonome de leur point de vue personnel.

Ce qui manque le plus à l'analyse effectuée par la Cour suprême dans son jugement sur notre loi référendaire, c'est de reconnaître le référendum comme l'étape finale d'une délibération collective beaucoup plus vaste. En dehors des périodes électorales, les citoyens, individuellement ou regroupés, et les associations de toutes sortes peuvent se prononcer sur l'opportunité d'un référendum, sur le sens de la question ou sur ce que devrait être, selon eux, la formulation précise. Ils peuvent présenter des mémoires ou des pétitions, tenir des assemblées, organiser des groupes de discussion La période référendaire n'est pas faite pour remettre en question l'opportunité du référendum ou pour contester la formulation de la question, puisque l'occasion d'en discuter a été donnée dans les étapes antérieures.

(11 h 40)

Il y a ici une analogie à établir avec le processus de décision de toute assemblée délibérante. Les membres de l'assemblée ont normalement une période allouée pour discuter du contenu de l'ordre du jour et de la procédure d'assemblée. Sur chacune des propositions en discussion, ils peuvent proposer des amendements ou des sous-amendements, en discuter et en disposer selon la procédure adoptée. Parvenu à l'étape de l'adoption d'une proposition principale amendée ou non, le président voit normalement à ce qu'on ne revienne pas indéfiniment sur le contenu de l'ordre du jour, qu'on ne remette pas sans cesse en question la procédure, qu'on ne ramène pas constamment les amendements ou sous-amendements précédemment rejetés.

Dira-t-on que la liberté d'expression est violée lorsqu'une assemblée s'en tient à l'ordre du jour et à la procédure établie et, le temps venu, se prononce sur la proposition principale et sur rien d'autre à ce moment-là? On violerait certainement la liberté d'expression, si on nous plongeait abruptement sans avertissement dans une campagne référendaire sur un sujet dont personne n'aurait pu discuter auparavant et avec une question surgissant des délibérations de cénacles fermés. Des dispositions préventives contre les effets de surprise seraient beaucoup plus utiles pour promouvoir la liberté d'expression politique des citoyens que la remise en cause des règles relatives au contrôle des dépenses référendaires.

Pour toutes les raisons que nous avons développées, nous favorisons le maintien dans toute la mesure du possible de la règle voulant que les dépenses référendaires autorisées soient limitées, en période référendaire proprement dite, aux comités nationaux et aux groupes qui y sont associés ou affiliés. La remise en question de cette règle fondamentale risque de compromettre l'économie générale de la loi sans nous assurer nécessairement que les nouvelles règles adoptées ne seront pas contestées à leur tour devant les tribunaux.

Et, si, comme nous le souhaitons, on décide de maintenir pour l'essentiel les règles actuelles relatives aux dépenses réglementées et à la non-intervention des tiers, il ne faudrait pas hésiter à recourir à la clause dérogatoire prévue à l'article 33 de la Charte canadienne et à l'article 52 de la Charte québécoise. Nous convenons qu'il ne faut recourir à la clause dérogatoire qu'en cas de nécessité et pour des motifs analogues à ceux qui pourraient justifier la dérogation à la Charte québécoise. La protection des principes de notre loi référendaire constitue, à n'en pas douter, un de ces cas de nécessité.

Des améliorations à la loi. Sur l'identification des électeurs, nous sommes en accord avec les conclusions du rapport, mais avec quelques réserves. Le rapport Pierre-F. Côté suggère que la carte d'assurance-maladie, le permis de conduire ou le passeport canadien puisse servir aux fins de l'identification de l'électeur au bureau de scrutin. La mise en oeuvre de cette suggestion représenterait une amélioration très importante à la situation actuelle, mais elle comporte des inconvénients que nous voulons signaler par rapport à l'utilisation d'une carte de citoyen-électeur.

Aucune des trois cartes suggérées par le rapport Côté n'est à la fois exclusive aux personnes ayant qualité d'électeur, et d'ailleurs les personnes ne les possèdent pas toutes nécessairement. La carte d'assurance-maladie s'adresse à tous les résidents du Québec, dont certains n'ont pas encore l'âge de 18 ans et dont certains autres ne sont pas citoyens. Tous les électeurs n'ont pas forcément un permis de conduire, et des résidents permanents qui n'ont pas encore le statut de citoyens peuvent en détenir un. Quant au passeport canadien, seule une minorité de citoyens en a un en permanence et systématiquement renouvelé.

Pour simplifier les opérations et pour éviter toute catégorisation plus ou moins inconsciente des électeurs pour les travailleurs du bureau de scrutin, donc pour prévenir toute discrimination sur cette base, il serait nettement préférable de pouvoir recourir à une seule et même carte d'identification bien adaptée à ce à quoi elle est destinée. Y apparaîtraient les nom, prénom, sexe, date et lieu de naissance de l'électeur ainsi que l'adresse de son domicile actuel et sa photo. De plus, une carte de citoyen-électeur comporterait le double avantage de confirmer l'identité de la personne et de confirmer en même temps sa qualité de citoyen-électeur.

Sur la confection et la révision de la liste électorale permanente. L'inscription sur la liste électorale revêt une importance cruciale dans le fonctionnement de notre système démocratique, d'où l'importance des mécanismes de confection et de révision périodiques de la liste électorale permanente. Il est important, par exemple, que l'électeur ne soit pas seulement inscrit sur la liste de la circonscription de son domicile, mais, quels que soient ses changements de domicile et même dans l'hypothèse où l'on aurait perdu la trace de son domicile, qu'il demeure inscrit sur une liste nationale avec les renseignements permanents relatifs à son identité et avec un code d'identification permanent qui le suivra dans ses déplacements. Cela est important pour faciliter la vérification des inscriptions prévues, par exemple à l'article 40.36, ainsi que les radiations pour cause de décès, pour cause de perte de citoyenneté et en cas d'abandon de tout domicile au Québec.

Nous appuyons les recommandations du rapport Côté visant à rendre automatique la procédure d'inscription sur la liste électorale des nouveaux citoyens et des personnes qui atteignent l'âge de 18 ans, quitte à faire valider systématiquement ces nouvelles inscriptions et les renseignements qui y sont attachés par la personne concernée. De plus, la loi devrait prévoir des mécanismes de radiation de noms de la liste électorale qui ne reposent pas systématiquement sur la délation. Le Directeur général des élections devrait pouvoir procéder lui-même à la radiation dès qu'il possède les informations justifiant une telle radiation, quitte à devoir en faire rapport à une commission de révision.

Sur les chapitres La prévention de l'influence indue et Empêcher les dépenses non autorisées , nous appuyons intégralement les recommandations du rapport Côté.

Périodicité et date des diverses élections. Nous proposons des pistes de réflexion, notamment: les élections municipales devraient peut-être se tenir la même année, le premier dimanche de novembre, et toutes les élections scolaires l'année suivante, encore une fois, le premier dimanche de novembre. Dans une perspective plus large, peut-être devra-t-on évaluer la possibilité de s'orienter, pour les élections législatives québécoises, vers un système prévoyant des élections à période fixe, lesquelles se tiendraient aussi au début de novembre ou à la fin d'octobre, mais dans une année où il n'y aurait ni élection municipale, ni élection scolaire.

Nous ajoutons une autre piste de réflexion: donner un caractère plus fondamental à la loi référendaire. Nous voulons suggérer que la Loi sur la consultation populaire pourrait éventuellement être refondue pour intégrer une déclaration des droits politiques du peuple québécois ainsi que des citoyens électeurs. Le peuple étant souverain, il devrait aller de soi que les institutions politiques soient liées par les décisions entérinées en référendum, que celui-ci est donc plus qu'une simple consultation populaire mais le moment privilégié par excellence d'adoption des orientations politiques fondamentales. Nous suggérons que, dans cette perspective, la Loi sur la consultation populaire refondue et enrichie prenne le nom de loi sur la souveraineté populaire. C'était l'essentiel de nos propos. Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, Mme Turcot. Alors, j'inviterais maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Chevrette: D'abord, vous me permettrez de vous souhaiter la bienvenue et de vous remercier. C'est un bon mémoire. Vous donnez vos opinions très claires. Pour utiliser un mot cher à certains éditorialistes, votre texte n'est pas un texte sibyllin; ça veut dire qu'il se comprend par le commun des mortels. Il est clair, il a l'avantage d'établir chaque chose.

Je voudrais vous parler tout d'abord d'un de ces sujets. C'est la fameuse question de la clause «nonobstant». La fameuse question de «nonobstant», c'est une clause qui a été déjà utilisée par certaines formations politiques. Puis, aujourd'hui, ils honnissent cette clause. Ce n'est pas bon quand c'est utilisé par d'autres. C'est juste bon quand c'est utilisé par ceux qui s'en sont servi au préalable. Et c'est sur un droit aussi fondamental que celui du droit de vote, c'est ce qui détermine toutes les conditions démocratiques d'un peuple.

(11 h 50)

Moi, je sais qu'on n'a pas adhéré à la Constitution de 1982, ce que l'entente de Calgary voudrait bien nous faire faire. On sait qu'au Québec il y a une formation politique qui commence à lorgner vis-à-vis l'entente de Calgary, qui trouve ça bon, même si c'est inférieur au rapport Charest, même si c'est inférieur à Charlottetown, même si c'est inférieur à Meech. Qu'est-ce que vous diriez, vous autres, d'un référendum avec deux questions: Quels sont ceux qui sont pour Calgary et ceux qui sont pour la souveraineté? Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Turcot (Chantale): M. Chevrette, vous me mettez un petit peu dans l'embarras. Probablement que mon opinion personnelle compte très peu. Je représente ici 17 sociétés régionales, et m'avancer à répondre à cette question serait peut-être un peu présumer de ce que pourront décider les 17 sociétés.

Néanmoins, j'aimerais préciser qu'en ce qui concerne la clause dérogatoire, même si on dit que c'est brimer des libertés individuelles, je pense que la clause dérogatoire, si elle est là, c'est qu'on peut, à l'occasion et pour des motifs supérieurs, s'en servir. Elle est là. C'est une sagesse, je pense, parce que, à l'occasion, les droits collectifs d'une société peuvent prévaloir sur les droits individuels. Et je pense que la clause «nonobstant», c'est le privilège du législateur qui doit contrebalancer à l'occasion ce que pourraient décider les tribunaux. Les tribunaux ne sont pas élus, c'est le législateur qui est élu, et le législateur peut avoir de très bonnes raisons d'utiliser la clause dérogatoire.

M. Chevrette: Étant donné que le Mouvement national a quand même des contacts à travers le monde, qu'est-ce qui devient si odieux – j'aimerais ça que vous m'expliquiez ça, moi – pour un gouvernement du Québec, par exemple, qui utiliserait éventuellement la clause «nonobstant», une clause qui nous a été rentrée dans le gosier avec un marteau-pilon – si vous me permettez l'expression – en 1982, dans une constitution à laquelle on n'a jamais adhéré, qu'on n'a jamais signée? Mais, en bons démocrates, on utilise un moyen, un outil qui nous est donné par cette Constitution qui nous est imposée et, du jour au lendemain, on devient des galeux. C'est un peu comme dans Les animaux malades de la peste: «Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.» Il y en a qui vont me dire: Moi, j'ai le mal de mon pays. Mais j'aimerais quand même vous entendre nous dire ce que qui fait en sorte qu'on devient des pernicieux, sur le plan démocratique, d'utiliser démocratiquement une constitution qui nous fut imposée.

Mme Turcot (Chantale): M. Laberge souhaiterait répondre. Il n'a pas de micro, je ne sais pas si vous allez bien l'entendre. Il est difficile...

M. Chevrette: Non, c'est correct. C'est tout branché. Vous pouvez y aller. On entend.

M. Laberge (Henri): Oui? Bon. Nous disons, dans le mémoire, qu'il ne faut pas abuser de la clause «nonobstant». Le plus possible, il faut s'en tenir aux principes qui sont établis dans la Charte québécoise. C'est la Charte québécoise surtout, nous, que nous voulons qui soit respectée intégralement parce que la Charte québécoise, c'est le fondement des valeurs sur lesquelles il y a un consensus dans la société québécoise, et, parmi ces consensus-là, il y a la liberté d'expression. Alors, ça, c'est le principe de base. Il ne faut pas abuser de la clause dérogatoire. Mais il y a des cas où ça apparaît plus odieux. Par exemple, quand on s'en sert systématiquement pour violer la liberté de religion ou l'égalité des droits en matière scolaire, ça nous apparaît d'un odieux qu'on ne devrait pas tolérer.

Mais, dans le cas présent, la Cour suprême a reconnu que les valeurs que voulait défendre la loi référendaire, c'étaient des valeurs très importantes, des valeurs démocratiques absolument fondamentales. Là, la Cour suprême propose un mécanisme mais qui comporte des inconvénients très sérieux. Et puis on les mentionne dans notre mémoire. On dit que, pour protéger la liberté d'expression mais avec l'égalité des citoyens dans cette expression de liberté, il est nécessaire d'aller au-delà de ce que la Cour suprême autorise et à ce moment-là, mais uniquement dans ce cadre-là. Ce n'est pas une clause «nonobstant» qui permet de violer toutes les libertés. C'est une clause «nonobstant» qui permettait d'encadrer l'exercice de la liberté d'expression.

Puis là on donne un exemple. On doit comparer un peu ça à une assemblée délibérante. Une assemblée délibérante se donne un ordre du jour, mais, une fois qu'elle l'a adopté, le président ne donnera pas la liberté de parole à quelqu'un qui est complètement hors de l'ordre du jour. Ici même, on se présente aujourd'hui devant vous, mais est-ce qu'on va dire que vous brimez la liberté d'expression parce que vous recevez uniquement les mémoires qui portent sur le sujet qui est en discussion? Alors, dans une période référendaire, c'est un peu pareil. C'est que c'est cinq semaines seulement, puis, simplement, durant cette période-là, on s'en tient à l'ordre du jour qui a été fixé par la société, c'est-à-dire qu'on a pu discuter très librement, personne n'est empêché de discuter de la question référendaire avant la formulation de tout, mais, quand arrive le moment de décider, on fait comme une assemblée délibérante, on dit: Actuellement, ce qui est à l'ordre du jour, c'est ça, puis il faut en discuter. Puis ceux qui veulent discuter d'autre chose, on ne vous permet pas de venir briser le déroulement de la délibération qui est en train de se faire.

M. Chevrette: Vous, vous penchez... Pour être favorable à l'inclusion de la clause «nonobstant» avec les nuances que vous y apportez, quel a été votre cheminement? Moi, je disais, l'autre jour, je crois que c'est à un de mes collègues d'en face: Comment ne pas réagir quand un M. Donderi, un M. Tyler, un M. Libman nous disent d'ores et déjà que, si on corrige dans le sens de la Cour suprême, avec un 1 000 $, ce ne sera pas assez? Le Parti Égalité a à peu près dit la même chose également, si ma mémoire est fidèle. Je me disais: Ce sont ces gens-là qui contribuent le plus à faire en sorte de prouver la légitimité d'une clause «nonobstant» parce qu'ils nous disent d'ores et déjà qu'ils ne respecteront pas une législation au départ. Est-ce que ça a été votre cheminement? C'est quoi?

M. Laberge (Henri): Oui, ce serait peut-être une prudence. Même dans l'hypothèse où on accepterait toutes les propositions Côté comme réponse au jugement de la Cour suprême, ce serait quand même une prudence d'utiliser la clause «nonobstant», pas dans le sens de dire qu'on met de côté les libertés, mais dans le sens de s'assurer que les mesures qu'on a prises n'iront pas toujours être contestées devant les tribunaux. Alors, dans ce sens-là, ce serait une prudence.

Mais nous pensons que les propositions retenues par le rapport Côté, il y a des inconvénients qu'il faut regarder de façon très sérieuses et s'assurer que ça ne brise pas le processus même qui a été établi, avec les principes démocratiques que la Cour suprême reconnaît, d'ailleurs. Alors, si on s'assure de tout ça, à ce moment-là, normalement, on ne devrait pas avoir besoin de la clause «nonobstant», mais ce serait quand même une prudence pour s'assurer qu'elle ne soit pas constamment contestée.

M. Chevrette: Merci. Parce que je voudrais permettre à mes collègues de questionner par la suite. Donc, alternance?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour aussi, j'aimerais vous accueillir, vous souhaiter la bienvenue, vous dire également que je trouve que votre mémoire est clair, en tout cas beaucoup plus pondéré que celui qui nous a été présenté il y a quelques jours. Je ne sais pas si c'est un de vos membres, par exemple, de Montréal. Si c'est un de vos membres, en tout cas, ce n'est pas le 1er avril, alors je ne le traiterai pas comme un poisson d'avril. Je trouve que vous présentez un mémoire à propos par, rapport au sujet qu'on discute.

J'ai trois questions, trois sujets sur lesquels j'aimerais vous questionner, un qui commence avec la clause «nonobstant» et, donc, qui fait la suite peut-être des questions que le ministre vous posait. La question du ministre était, finalement: Comment ça se fait que des gens qui ont déjà utilisé la clause «nonobstant» maintenant trouvent que c'est épouvantable de l'utiliser? Je ne sais pas si c'est parce que le ministre ne veut pas comprendre ou qu'il ne comprend pas, mais j'ai comme l'impression que vous avez compris, vous, parce que...

(12 heures)

Je vais vous expliquer pourquoi. Parce que j'estime qu'il y a une hiérarchie de lois, en quelque sorte, au niveau de celles qui sont les plus fondamentales par rapport à la protection de l'expression de la démocratie. Et, en haut, à la tête, il y a la question de la liberté d'expression qui donne droit à la liberté d'expression politique. Et vous avez parlé de la nécessité, des fois, de baliser ou d'équilibrer les droits collectifs et les droits individuels. Moi, je vous dis tout de suite, je ne vois aucune situation – et je le dis au ministre – où les droits collectifs devraient nous justifier de brimer le droit individuel de liberté d'expression politique ou de liberté d'expression. Je ne peux pas imaginer qu'une société va dire: Au nom des droits collectifs, j'empêche la liberté d'expression d'un individu. Donc, à ce niveau de hiérarchie, je ne peux pas voir, moi, de justification pour la clause «nonobstant». Quand on descend en bas, si on veut parler de l'expression... le droit à l'affichage commercial ou... Il y a eu même des utilisations de la clause «nonobstant», je pense, pour prévenir des situations dans le domaine de l'éducation, si ma mémoire est bonne. Ça m'échappe un peu.

M. Laberge (Henri): ...les lois sur l'éducation aussi.

M. Sirros: Sur l'éducation, sur l'instruction publique.

M. Laberge (Henri): Toutes les lois sur l'éducation dérogent à la liberté d'expression.

M. Sirros: Oui, à cause de la... Donc, on utilise la clause «nonobstant» pour ne pas permettre leur contestation en fonction d'une discrimination par rapport à la religion, je pense. Mais on voit tout de suite que ce n'est pas du même ordre. Alors, la liberté d'expression démocratique, des idées démocratiques en vue de choisir un gouvernement par le biais des votes, moi, je ne peux pas voir de situation où les droits collectifs devraient nous amener à utiliser la clause «nonobstant» afin de brimer ça.

Mme Turcot (Chantale): Est-ce que...

M. Laberge (Henri): Vous voulez-vous qu'on réponde d'abord à ça?

M. Sirros: Bien, ma question c'était: Vous dites, à la page 11 de votre mémoire: «Il ne faudrait pas hésiter à recourir, si nécessaire...» Alors, pouvez-vous m'indiquer quelles seraient les conditions de nécessité qui pourraient vous amener, vous, dans le cas qui nous préoccupe, à envisager la clause «nonobstant»?

Mme Turcot (Chantale): D'abord, quand on parle de liberté d'expression politique, je pense que tout citoyen en n'importe quel temps a sa liberté d'expression. Ce qui est contrôlé, je pense, par la loi référendaire et la Loi électorale, c'est les limites de dépenses. Et ce n'est pas seulement pour la loi référendaire, mais c'est chaque individu. Il y a des limites pour donner à un parti politique, il y a des limites que les partis politiques doivent dépenser, doivent respecter, il y a des limites que les députés doivent faire dans les dépenses. Alors, je pense qu'il ne faudrait pas confondre non plus, quand on parle de limiter l'expression politique: ce sont les dépenses, et ce sont les dépenses seulement pendant les 30 jours de la période référendaire. Et tout individu garde sa liberté d'expression. Je pense que, ça, il faut être clair. Si tu veux...

M. Sirros: C'est aussi important pour vous que pour moi qu'on protège la liberté d'expression de l'utilisation de la clause «nonobstant». Parce qu'on pourrait utiliser la clause «nonobstant» pour brimer la liberté d'expression. On ne peut pas l'utiliser pour empêcher le droit de vote, dans la Constitution.

Mme Turcot (Chantale): Non, non, absolument. Je pense que, là, si on veut utiliser la clause dérogatoire, c'est seulement sur les dépenses permises aux individus et seulement pendant les 30 jours ou 34 jours de la période référendaire. Comme pour la Loi électorale, il y a des limites aussi à ce que les partis peuvent dépenser, à ce que les individus peuvent donner à un parti politique. Alors, je pense que, là, il faut bien s'entendre. Et en tout temps, avant ces 30 jours, chaque individu peut s'exprimer de la façon qu'il veut, et les dépenses ne sont pas contrôlées, à ce moment-là.

M. Sirros: Mais est-ce que j'ai raison de dire, donc, que vous aussi, vous avez dans votre schéma d'analyse une hiérarchie?

Mme Turcot (Chantale): Absolument.

M. Sirros: Donc, ce n'est pas parce qu'on a utilisé la clause «nonobstant» une fois qu'on devrait ne pas être gêné de l'utiliser n'importe quand.

Mme Turcot (Chantale): Non, absolument.

M. Sirros: Merci.

M. Laberge (Henri): Sauf que je voudrais ajouter quelque chose au sujet de la hiérarchie.

M. Sirros: Ah! Il n'écoutait pas, c'est dommage.

M. Laberge (Henri): Au sujet de la hiérarchie, je voudrais ajouter une chose, c'est que, dans mon catéchisme à moi, la liberté de pensée, la liberté de religion, la liberté de conscience, ça aussi ça fait partie du sommet de la hiérarchie. C'est au moins aussi important que la liberté d'expression. Parce que comment peut-on respecter la liberté d'expression si la liberté de pensée et la liberté de conscience ne sont pas respectées d'abord? Je pense que, même, dans l'ordre de la hiérarchie, c'est ça qui est au plus haut de tout. Or, c'est cette liberté de conscience et de religion qui est mise de côté par le «nonobstant» dans les lois sur l'éducation.

M. Sirros: Non, je ne pense pas. Au contraire, ce n'est pas du tout la liberté de religion qui est mise en cause. Je pense qu'il s'agit plus du mode d'organisation du système électoral basé sur certains critères.

M. Laberge (Henri): Pas du mode du système électoral. Non, non.

M. Sirros: Pas le système électoral, le système éducatif.

M. Laberge (Henri): Le système éducatif, oui.

M. Sirros: Oui, mais ça n'a rien à faire avec la liberté de religion. On est libre.

M. Laberge (Henri): Quand tu n'as pas d'autre choix de t'inscrire à une école, une école qui s'appelle catholique et une école qui est protestante, et que le citoyen qui n'est ni catholique, ni protestant n'a pas d'autre choix que de choisir entre les deux écoles, il y a comme quelque chose qui brime un peu sa liberté.

M. Sirros: Attention, parce que vous êtes en train de faire l'argumentation de ceux qui disent... C'est exactement les raisons pour lesquelles ils s'opposent à la loi 101 au niveau de la liberté d'instruction en anglais.

M. Laberge (Henri): Non, non, ce n'est pas du tout la même chose.

M. Sirros: Mais c'est le même raisonnement. En tout cas, c'est...

M. Laberge (Henri): Écoutez, j'espère que vous n'irez pas placer la religion sur le même pied que la langue.

M. Sirros: Non, je n'ai pas dit ça. Je vous ai dit que vous utilisez le même raisonnement. Alors, faites attention.

M. Laberge (Henri): Non. Je fais très attention parce que...

M. Sirros: Laissez-moi venir à ma deuxième question, quand même.

M. Laberge (Henri): ...nous avons fait exactement... Tout ce raisonnement-là, nous l'avons fait, qui est la distinction entre la question de la langue et la question de la religion. C'est deux questions qui sont très différentes, même si la liberté de la langue a aussi sa valeur. Nous reconnaissons que la liberté de la langue, dans la vie privée, l'État ne doit jamais embarquer là-dedans. Mais la langue a aussi un aspect public, alors qu'il ne doit pas y avoir une religion publique. Il n'y a pas une religion officielle.

M. Sirros: Bien, si vous voulez qu'on insiste sur ça deux secondes, vous me dites, vous, que ça brime votre liberté de religion de vous enlever...

M. Laberge (Henri): Je ne parle pas de mon cas à moi, là.

M. Sirros: Bien, vous...

M. Laberge (Henri): Je parle du fait qu'on utilise la clause «nonobstant» pour...

M. Sirros: Bon. Laissez-moi reprendre. Vous me dites, vous, que ça brime la liberté de religion de quelqu'un parce que la clause «nonobstant» permet d'organiser le système éducatif sur une base qui vous enlève la possibilité d'exprimer votre religion à travers le système scolaire, n'est-ce pas?

M. Laberge (Henri): D'une façon, oui. En tout cas...

M. Sirros: Alors, et je vous dis: le parallèle à ça que d'autres font, c'est qu'ils disent: Ça brime ma liberté – ce n'est pas mon cas – de m'exprimer dans la langue de mon choix parce que vous m'empêchez d'avoir accès à un système scolaire dans la langue que je... Tu sais... Ça, ce n'est pas le point majeur, de toute façon, de notre mémoire, c'est un aparté. Le deuxième point que je voulais faire au niveau de votre mémoire, c'est sur la carte d'identité.

M. Laberge (Henri): Est-ce que vous me permettez?

M. Sirros: Oui.

M. Laberge (Henri): Je voudrais parler des droits individuels versus les droits collectifs dont vous avez parlé.

M. Sirros: Oui. Allez-y.

M. Laberge (Henri): Là-dessus, je pense qu'on est souvent mal compris.

M. Sirros: Peut-être.

M. Laberge (Henri): Il ne faut pas opposer les droits collectifs puis les droits individuels, dire qu'au nom des droits collectifs on peut brimer des droits individuels. Je pense que ce n'est jamais comme ça qu'il faut comprendre la situation. C'est que les droits collectifs doivent être harmonisés avec les droits individuels parce que les droits collectifs sont souvent une condition pour protéger les droits individuels. Par exemple...

M. Sirros: Je n'ai pas de problème avec ça en autant qu'on n'harmonise pas les droits individuels pour concorder avec les droits collectifs. C'est ça, la différence fondamentale. Vous dites donc la même chose, et c'est pour ça qu'on est d'accord avec, par exemple, la Charte de la langue française, etc. On n'a pas de problème avec ça.

M. Laberge (Henri): C'est ça. Puis le droit collectif qui est en jeu ici, c'est le droit pour le peuple de s'exprimer librement en tant que peuple. C'est ça.

M. Sirros: C'est correct. Maintenant, sur la carte d'identité, vous, vous amenez... Et c'est dommage que le ministre ne soit pas ici pour nous écouter parce que... Je m'excuse.

Une voix: ...

M. Sirros: Il n'est pas à sa place, mais il est là. Je ne devrais pas le faire. Mais vous, vous dites, écoutez, à peu près la même chose que la Commission d'accès à l'information et la Commission des droits de la personne sur l'utilisation des cartes uniquement pour leur finalité. Vous dites: Si on est pour avoir une carte d'identité pour régler la question du vote, il ne faudrait pas que ce soit autre chose qu'une carte destinée à cette fin. Donc, le principe de l'utilisation des cartes d'identité uniquement pour les fins pour lesquelles elles sont conçues, vous le maintenez, vous l'appuyez, vous trouvez que c'est important.

Mme Turcot (Chantale): Oui, parce que, pour ce cas-ci, il ne faut pas oublier que le droit de vote est lié à la citoyenneté. Alors, est-ce qu'on a une carte qui dit qu'on est citoyen, pour l'instant, du Canada et qu'on a droit de vote? Il y aurait le passeport canadien, mais il y a une minorité de personnes qui l'ont. La carte d'assurance-maladie, ça ne dit pas qu'on est citoyen, ni le permis de conduire. C'est pour ça que, déjà, ça serait une première étape intéressante que d'habituer les électeurs à s'identifier au moment d'aller voter parce que c'est un geste important, non pas pour limiter l'accès au droit de vote, mais pour montrer au citoyen que c'est un geste important et pour inspirer confiance aussi dans tout le processus démocratique et, dans un deuxième temps, étudier la possibilité d'utiliser une carte d'électeur parce que, là, ça...

M. Sirros: O.K. Je comprends donc que, vous, ce n'est pas tellement une mesure de contrôle que vous cherchez qu'une mesure qui... en tout cas, une conception de l'organisation de la société qui fait en sorte qu'il y aurait une carte de citoyenneté, une carte d'identité et que, comme le geste de voter, c'est un geste important, ça prendrait cette affirmation de l'identité et de la citoyenneté à travers une carte spécifique à cette fin-là. Donc, ce n'est pas une mesure de contrôle, pour vous.

Mme Turcot (Chantale): Non.

(12 h 10)

M. Sirros: Donc, je peux en déduire que vous ne voyez pas la nécessité de contrôle, à ce moment-ci, au niveau des fraudes, ou des choses comme ça. Ça peut passer, mais ce n'est pas l'élément principal qui vous amène à vouloir avoir une carte d'identité.

M. Laberge (Henri): Oui, c'est pour aussi éviter l'aspect odieux de dire: Vous, monsieur, je mets en doute votre identité. Il y a toujours un aspect un peu odieux à ça, tu sais, de mettre en doute le... Alors, si on dit: De façon générale, automatique, les gens se présentent et ils ont une carte d'identité, à ce moment-là, l'odieux de l'identification n'existe pas. Parce que, effectivement, il peut arriver que ce soit un très honnête citoyen-électeur qui se présente et puis que quelqu'un mette en doute son identité, mais de bonne foi, et là on crée une espèce de malaise qui n'a pas de raison d'être. Alors, en le mettant d'une façon automatique, normale: On présente la carte d'électeur, à ce moment-là, on évite ces situations-là.

Mais ça n'empêcherait pas que, dans le cas où quelqu'un aurait oublié sa carte, il y ait d'autres mécanismes comme l'identification par d'autres personnes qui sont présentes, des personnes qui sont déjà identifiées puis qui disent: Lui, je le connais. À ce moment-là, on l'inscrit, il a été identifié par telle personne puis... Bon, voilà. Mais ce serait la règle générale qu'on se présenterait avec la carte d'électeur.

M. Sirros: Mais je suggère pourtant que ça devient odieux quand ça devient systématique. C'est quand on met en doute de façon systématique pour des critères x, y, z que ça peut devenir odieux de demander la carte à quelqu'un, ou la façon de s'identifier. Mais l'égalité ne doit pas... Vous savez, il y avait une fable, dans l'Antiquité qui voulait que quelqu'un traite tout le monde de façon égale. On le mettait sur un lit puis on mesurait puis, s'il était trop long, bien, on coupait les jambes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: S'il était trop court, on les étirait. Mais on disait: Tout le monde est traité de façon égale. Ce n'est pas ma conception de la démocratie. L'égalité, ça ne veut pas dire identique. Qu'il y ait des situations où, pour des raisons raisonnables, quelqu'un qui semble connaître la personne qui se présente, mais ne voit pas, dans le visage la personne, celui qu'il pense connaître, ça peut arriver, au niveau des scrutateurs, des représentants, etc.. Et prévoir qu'il peut y avoir des doutes raisonnables qui surgissent, ça devrait normalement rester dans la marginalité. Et, quand ça devient systématique – parce qu'il y a des partis politiques qui décident qu'ils vont systématiquement mettre en doute... – je pense que ça détourne le sens de la présomption de bonne foi que, normalement, l'État doit faire, en tout cas, dans mon esprit, vis-à-vis ses relations avec les citoyens. Mais j'en retiens que, pour vous, ce n'est pas tellement un élément de contrôle que vous cherchez qu'un élément de valorisation du statut de citoyen.

Mme Turcot (Chantale): Oui. Est-ce que je peux ajouter une petite chose...

M. Sirros: Oui.

Mme Turcot (Chantale): ...à propos de l'égalité, si ça vous agace? Il y a un élément auquel on est très sensible, c'est l'aspect discriminatoire, dans la société. Et je peux vous donner un exemple. Mon voisin est canadien depuis 20 ans, il a droit de vote, mais il a un fort accent roumain et quand, à chaque recensement, il se fait demander: Êtes-vous citoyen canadien? Avez-vous droit de vote? peut-être que ce citoyen-là et d'autres comme lui sont fatigués d'être pointés du doigt. Alors...

M. Sirros: On pourrait peut-être aussi demander à nos partis politiques de ne pas présumer, parce que quelqu'un a un accent, qu'il n'est pas citoyen. Et je vous assure que ce n'est pas le Parti libéral qui fait ça. Mais, ça, en tout cas...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Turcot (Chantale): J'en suis persuadée, monsieur.

M. Sirros: Voilà! Troisième point...

Une voix: ...

M. Sirros: Oui, ils ont un accent, au Lac-Saint-Jean, aussi puis... Le troisième volet de ma question porte sur la question de l'influence indue. À la page 15, vous faites une affirmation qui me surprend parce que ça dit de façon très crue ce que j'ai cru lire dans le rapport de M. Côté. Vous dites: «La complicité mentale est difficile à prouver, mais nous estimons qu'elle devrait être présumée.» Donc, vous faites un renversement assez radical de la présomption de l'innocence.

M. Laberge (Henri): On dit à quelles conditions elle doit être présumée. C'est des conditions très strictes.

M. Sirros: Oui, mais, en tout cas... Allez-y, parce que... En tout cas, moi, j'étais juste pour conclure sur ça. Je trouve qu'une règle fondamentale de notre société, c'est que, justement, on présume l'innocence quand on a des preuves qu'on croit être suffisantes pour amener un individu en cour pour le condamner pour avoir enfreint notre loi, on le fait. Mais on ne commence pas au préalable en disant: Si j'ai constaté quelque chose, je présume qu'il y a eu de la complicité. C'est à vous, donc, devant le tribunal, de prouver que ce n'était pas le cas. Vous faites un renversement important de ce qui va nous amener nécessairement à une présomption de culpabilité.

M. Laberge (Henri): Mais il y a quand même une preuve, là. C'est une présomption...

M. Sirros: Où est-elle? Vous dites qu'elle est difficile à prouver?

M. Laberge (Henri): Oui, elle est difficile à prouver. Mais il y a un minimum de preuve qui doit être établi. C'est d'abord que la... Voyons! En page 15... Rappelez-moi à quel endroit, parce que, là, j'ai...

M. Sirros: Page 15.

M. Laberge (Henri): Oui.

M. Sirros: Vous dites, et je vais vous le lire: «La complicité mentale est difficile à prouver. Nous estimons qu'elle devrait être présumée dès que le candidat le parti ou le comité qui tire avantage d'une dépense non autorisée en a connaissance et ne la dénonce pas ou ne prend pas des moyens sérieux pour empêcher qu'elle soit effectuée.»

M. Laberge (Henri): C'est ça. Alors, c'est...

M. Sirros: Moi, je vous proposerais...

M. Laberge (Henri): ...les deux éléments, ça. Il faut que ça lui ait profité, puis, deuxièmement, il faut qu'il n'ait rien fait pour l'empêcher.

M. Sirros: Et qui va décider ça?

M. Laberge (Henri): C'est le même mécanisme que si on devait démontrer qu'il est complice.

M. Sirros: Oui, mais vous venez de présumer qu'il y a eu complicité.

M. Laberge (Henri): Oui. Alors, à partir du moment où on a prouvé que ça lui rapporte, et que, deuxièmement, il n'a rien fait pour l'empêcher et il était au courant...

M. Sirros: Je m'excuse, là. Qui a prouvé quoi? Vous avez soupçonné. Vous n'aviez rien prouvé, jusqu'à date.

M. Laberge (Henri): Non, non. N'interprétez pas nos paroles n'importe comment, là.

M. Sirros: Mais, non, je n'interprète pas, parce que... Prenons un cas concret.

M. Laberge (Henri): Oui.

M. Sirros: On est sur le terrain.

M. Laberge (Henri): Oui.

M. Sirros: Le député – j'oublie son comté – qui trouvait... En tout cas, on est sur le terrain, et quelqu'un dit: Moi, je soupçonne qu'un tel a su qu'un tel allait agir de façon qui allait l'aider. Il n'a rien fait. Je dépose plainte. On l'amène devant le tribunal.

M. Laberge (Henri): «Je soupçonne», ce n'est pas ça qu'on dit, nous.

M. Sirros: Oui.

M. Laberge (Henri): On ne dit pas: Quand il est soupçonné que ça lui rapporte ou qu'il le savait.

M. Sirros: À moins que je vous lise mal...

M. Laberge (Henri): C'est quand il le savait que ça lui rapportait. Alors, ce n'est pas un soupçon, là.

M. Sirros: Mais laissez-moi le relire. Vous dites: «Nous estimons que la complicité doit être présumée...

M. Laberge (Henri): «Présumée si...», continuez la phrase.

M. Sirros: ... – bien oui – si le parti ou le comité qui tire avantage en a connaissance et ne la dénonce pas.»

M. Laberge (Henri): Et ne la dénonce pas.

M. Sirros: Oui, mais qui va... Vous ne voyez pas le point, là?

M. Laberge (Henri): Il a seulement à dire: Je l'ai dénoncé, puis à prouver les mesures qu'il a prises pour empêcher que ça se produise, puis, à ce moment-là, il n'y a plus de complicité.

M. Sirros: Mais pourquoi, tout de suite, vous me placez... Vous m'accusez, moi, supposons...

M. Laberge (Henri): Je pense que c'est nécessaire, dans le cas, parce que, autrement, c'est trop facile pour quelqu'un de dire: Prouvez que j'ai été complice. Puis, à ce moment-là, tout le mécanisme de la...

M. Sirros: Oui, mais c'est comme ça que ça marche, normalement, dans la société.

M. Laberge (Henri): Bien, oui, mais...

M. Sirros: Prouvez-moi que j'ai fait un geste illégal, et je vais me voir condamné, et c'est normal.

M. Laberge (Henri): Alors que si...

M. Sirros: Mais vous, vous me dites: Prouvez-moi que vous ne l'avez pas fait, et vous allez être libéré. Aïe! C'est fondamental. Je ne sais pas si vous ne le voyez pas, mais... Je n'essaie pas de mettre des paroles dans votre bouche, j'essaie de...

M. Laberge (Henri): Non, non. Mais comprenez très bien ce qu'on veut dire. C'est qu'il faut quand même, pour que la présomption joue, il y a trois conditions: que ça lui ait profité, qu'il soit au courant et qu'il ne l'ait pas dénoncé puis qu'il n'ait pas pris de mesures pour l'empêcher.

M. Sirros: Oui, mais vous ne voyez pas le fait qu'à partir du moment où vous présumez la complicité mentale vous placez tout de suite l'éventuel...

M. Laberge (Henri): Non, mais c'est parce que vous...

M. Sirros: Laissez-moi juste compléter. Vous placez tout de suite le présumé accusé dans une position où c'est à lui de se défendre avant d'être vraiment devant des accusations. Vous dites: Moi, j'estime que vous en avez eu connaissance, et vous n'avez pas agi de façon qui me plaît pour l'empêcher, donc je dépose plainte. Et là je vais vous amener devant le tribunal. Et là on va voir. De deux choses l'une: soit vous aurez à prouver que vous n'avez pas agi de cette façon-là, soit celui qui vous accuse aura à prouver. Mais, de toute façon, vous l'aurez amené devant un tribunal sur une simple présomption, de votre part, de complicité.

M. Laberge (Henri): Non.

M. Sirros: Bien, oui, c'est ce que vous dites.

M. Laberge (Henri): Non, non, ce n'est pas ce qu'on dit. En tout cas, écoutez, moi, je vous explique ce qu'on veut dire. Si vous me comprenez mal, là... Écoutez mon explication.

M. Sirros: J'écoute, puis j'essaie de...

M. Laberge (Henri): La présomption ne joue que si les trois conditions sont réunies. Alors, on ne dit pas: Il est présumé être au courant, il est présumé n'avoir rien fait puis il est présumé... C'est que la présomption joue, si ces conditions-là sont remplies.

(12 h 20)

M. Sirros: O.K. C'est important. Alors, écoutez-moi aussi, parce que ce que je vous dis, c'est que ces conditions, dans un système tel qu'on le vit actuellement... O.K.? Je suis quelqu'un qui s'estime avoir été lésé dans quelque chose. J'ai des preuves que j'amène devant le tribunal puis devant un procureur et je dis: Bien, voici... En tout cas, si c'est dans le domaine criminel, c'est le procureur qui va analyser la valeur des preuves qu'il détient. Puis il va porter plainte, seulement...

M. Laberge (Henri): Je comprends tout ça.

M. Sirros: Alors, vous, vous dites...

M. Laberge (Henri): Mais ce que vous êtes en train...

M. Sirros: Mais laissez-moi juste compléter. Parce que vous dites: À partir du moment – nécessairement, c'est comme ça que ça va se dérouler – où je saisis le tribunal d'une présomption de complicité mentale, le tribunal va être obligé d'amener l'autre devant le tribunal pour procès, puis là on va voir, à la fin, si oui ou non, il a commis ça. Mais il ne pourra pas évaluer la pertinence des preuves parce que ça se base sur la présomption de la complicité mentale. Donc, la pertinence des preuves va être faite devant procès. Et c'est ça que je trouve lourd de conséquences.

Pourquoi ne pas l'appliquer, à ce moment-là, à des situations où, je ne sais pas: Moi, j'estime que, lui, il m'a volé. Il me manque 1 000 $, il me manque de l'argent et j'estime que c'est lui. Je vais chez le procureur et je lui dis: C'est lui, je présume, qui l'a fait. Il l'amène devant le tribunal pour qu'il prouve que c'est lui qui l'a fait ou que, lui, il prouve qu'il ne l'a pas fait, un des deux. Mais, lui, il va avoir à subir un procès. En tout cas, je pense que je saisis.

M. Laberge (Henri): Ce que vous êtes en train de faire là, je pense que c'est dangereux pour ce que vous voulez protéger parce que vous êtes en train de nous faire dire ce que nous ne disons pas. Et je pense que, sur le fond, on n'est peut-être pas aussi loin que vous semblez le dire. Mais vous laissez l'impression à l'ensemble de la commission que nous proposons un renversement total de la règle de la présomption d'innocence, alors que ce n'est absolument pas ça.

Il y a trois éléments, puis ces trois éléments-là doivent être rencontrés pour que la présomption joue. On ne dit pas que l'individu doit être présumé l'avoir connu, on ne dit pas qu'il doit être présumé que ça lui ait profité puis on ne dit pas qu'il est présumé n'avoir rien fait. On dit que si ça lui a profité, que s'il est au courant des faits et puis que s'il n'a rien fait, ça, ça doit être prouvé. Mais une fois cette preuve-là faite, il est présumé être complice.

M. Sirros: Correct. Je pense qu'on a fait de part et d'autre ce qu'on avait à faire. On laissera ça comme ça. Je vous laisse le dernier mot sur ça. Je ne partage pas...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): O.K. Vous avez plaidé de part et d'autre. J'inviterais maintenant Mme la députée de Mille-Îles. Et il nous reste sept minutes.

Mme Leduc: Oui, bonjour à Mme Turcot et à M. Laberge. À mon tour aussi de souligner la qualité du mémoire que vous nous avez présenté. Je pense que votre réflexion est appuyée sur une connaissance profonde, finalement, du Québec, du système démocratique québécois et aussi de l'importance que les Québécois et Québécoises accordent à l'exercice du droit de vote. On en a la preuve par le haut taux de participation, que ce soit aux élections, si on compare à d'autres sociétés, ou au référendum. Alors, je pense que vous avez bien saisi ça.

Moi, mon intervention porterait sur un sujet qui a déjà été abordé par mon collègue de Laurier-Dorion, qui est l'identification des électeurs. Et je pense que, là, vous avez bien saisi. C'est à la page 12. Souvent, quand on parle de l'identification des électeurs, on laisse entendre que les gens qui seraient favorables à cette option seraient des gens qui mettraient en doute toute la bonne foi de l'ensemble des citoyens et des citoyennes québécois, ce qui n'est pas le cas dans votre mémoire.

Vous soulignez bien, à la page 12: «On admet aussi à voter sous condition l'électeur sous le nom d'une personne qui a déjà voté. Cette procédure ne fait reculer que des fraudeurs d'occasion – et on admet avec tout le monde que des fraudeurs d'occasion, il n'y en a pas énormément. Cependant, elle n'a aucun effet sur les fraudeurs professionnels.»

Dans le fond, quand on demande la carte d'électeur, c'est à ces fraudeurs organisés, ce ne sont pas des individus comme tels, c'est à ceux-là qu'on s'adresse. Je pense que c'est ça qu'on veut. Et, même si ce n'est pas très fréquent, c'est évident que cette tactique peut être utilisée dans des circonstances où on pense qu'un nombre minimal de votes peut faire changer la balance d'un côté ou de l'autre. Et nier que ceci puisse exister, c'est comme un peu nier la nature humaine. Je pense qu'une chose qui est possible, souvent, les gens essaient de s'en servir quand il y a des enjeux qui leur tiennent à coeur ou d'autres enjeux où c'est possible de changer les enjeux.

Moi, ce que je voudrais vous entendre... On a parlé de l'identification. Je suis d'accord que, compte tenu que le droit de vote est important pour l'ensemble des citoyens, il ne faut pas prendre de mesures qui vont en restreindre l'accès. Vous, vous sembliez parler plutôt d'une carte spécifique, d'une carte d'électeur ou d'une carte de citoyen. On a proposé, dans le rapport de M. Côté, qu'il y ait différentes cartes possibles. Et tout ça a des lacunes parce qu'on dit que peut-être certaines personnes ne les auront pas, à ce moment-là.

Il circule aussi une idée qu'il y aurait une carte de citoyen ou une carte d'identité qui serait facultative. Sans nécessairement proposer que tout le monde ait une carte de citoyen, il y aurait une carte facultative. Moi, je voudrais vous entendre là-dessus parce que ça m'apparaîtrait un quatrième moyen, finalement. Les personnes qui pensent ne pas avoir de permis de conduire, ne pas avoir de passeport, possiblement, se prémunissent contre la perte d'une carte d'assurance-maladie, qu'elle soit échue ou qu'ils l'oublient. Ça serait comme une quatrième carte que les gens pourraient se procurer. Parce que c'est vrai qu'on a un droit de voter, mais on a aussi une responsabilité, quand on connaît les enjeux, la façon de fonctionner, d'avoir en main ce qui va nous permettre d'exercer notre droit.

C'est quoi, votre position là-dessus? Est-ce que vous voulez absolument une carte d'électeur obligatoire ou une carte de citoyen obligatoire pour l'ensemble des citoyens, ou si elle pourrait être facultative et être finalement un moyen d'appoint pour permettre au plus grand nombre l'accès, ne pas limiter l'accès au vote, mais finalement en baliser l'exercice pour être sûr que ceux qui l'exercent sont vraiment ceux qui ont le droit de l'exercer, ce qui est la majorité des citoyens, et que les systèmes organisés ne peuvent pas profiter de certaines lacunes dans le système?

Et je suis très sensible au fait que – pour avoir travaillé dans des bureaux d'élection avant d'être élue ici – demander à un citoyen de s'identifier, c'est toujours très lourd sur le scrutateur ou la personne qui est en poste là de prendre cette décision. Alors, dans le fond, quand tout le monde la présente, ça élimine cette façon de discriminer.

M. Laberge (Henri): Je pense que le système qui va faire le moins de différence entre les électeurs, qui va traiter le plus possible les électeurs tous sur le même pied, qui va permettre le moins de catégoriser les électeurs selon le type de carte qu'ils vont présenter, ce sera le meilleur. Je pense que l'utilisation de plusieurs cartes, en plus des... On l'a mentionné un peu dans notre mémoire. On a parlé de l'aspect discriminatoire ou ségrégationniste que ça pouvait représenter. Une catégorie d'électeurs pourrait être plus portée à utiliser tel type de carte, une autre catégorie d'électeurs une autre carte, une autre catégorie d'électeurs utiliserait plutôt le passeport canadien. Ça nous apparaît quelque chose qui, fondamentalement, est vicié au point de départ, la multiplicité des cartes.

Il vaut mieux un système où il y a une seule carte, mais une carte qui est faite spécialement pour l'objet pour lequel on l'utilise, puis ne pas être obligé de demander aux gens: Avez-vous un permis de conduire? Bien, oui, mais les gens n'ont pas tous un permis de conduire. Est-ce que vous avez un passeport canadien? Bien, tout le monde n'a pas un passeport canadien. Alors, il faut qu'il y ait une carte que tout le monde utilise. Et nous préférons très nettement que ce soit une carte qui est spécifiquement une carte d'électeur, une carte de citoyen-électeur. Je pense que c'est le système qui est le meilleur.

Bien sûr, si, pour des raisons que nous n'avons pas analysées, on arrive à la conclusion qu'une autre carte pourrait être utilisée, on pourrait peut-être s'y rallier. Mais il faudrait que ce soit une carte unique et puis qu'on évite le plus possible les inconvénients que nous mentionnons là-dedans. Mais nous avons la certitude que la meilleure solution, ça serait celle d'une carte d'électeur pour tout le monde. Parce que, si elle est facultative, à ce moment-là, on fait encore une fois des types d'identification qui sont différents. Puis ça a possiblement un aspect discriminatoire ou un aspect de différenciation entre les catégories d'électeurs parce qu'il y aura certaines catégories d'électeurs qui vont être plus portés à demander la carte que d'autres, puis là peut-être que les officiers vont dire: Ah! lui, tiens, on l'a, on reconnaît qu'il fait partie de tel groupe parce que, lui, il a demandé sa carte, alors que d'autres le néglige. Alors, non, c'est malsain. Il vaut mieux une carte qui est la même pour tout le monde puis qui s'applique à tous les électeurs d'une façon générale.

(12 h 30)

Mme Leduc: Mais je voudrais quand même bien clarifier. Quand vous dites «une carte qui s'applique à tout le monde», à ce moment-là, vous préconisez aussi que tout le monde la présente pour exercer son droit de vote ou si c'est juste sur demande?

M. Laberge (Henri): Non, que ce soit automatique, de façon à enlever le caractère odieux de dire: Monsieur, je doute de votre identité. Je pense qu'il y a toujours un caractère odieux à ça. Et, des fois, on est obligé de le faire. Mais il est possible que le monsieur, ce soit un monsieur très honnête, et là on l'a mis dans une situation de gêne de façon non nécessaire. Mais, si, par contre, on dit; Ne demandez pas parce qu'il ne faut pas mettre les gens dans la gêne, on se prive d'une possibilité de contrôle qui est nécessaire, en certaines circonstances.

En disant: Tout le monde présente normalement sa carte, on évite ces situations-là. Et, si quelqu'un a oublié sa carte, là, il pourrait y avoir un mécanisme qui soit prévu pour compenser, mais que l'exception soit plutôt dans ce sens-là qu'à l'inverse, que d'être obligé de demander la carte uniquement à ceux dont on soupçonne qu'il est un possible fraudeur.

Mme Leduc: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Sur ce, mesdames et messieurs, nous avons terminé nos auditions pour cet avant-midi. Alors, nous suspendons nos travaux jusqu'après la période des questions à l'Assemblée nationale. Mme Turcot, M. Laberge, je veux vous remercier de votre présentation.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise à 15 h 14)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, veuillez prendre place, nous allons débuter nos travaux.

Nous recevons maintenant les représentants du Parti québécois. Alors, mesdames, messieurs, vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, laquelle présentation sera suivie évidemment d'échanges avec les membres de nos formations politiques présentes. Je vous demanderais, M. Béchard, d'identifier les gens qui vous accompagnent pour les fins d'enregistrements de nos échanges. Bienvenue.


Parti québécois (PQ)

M. Béchard (Fabien): Alors, bonjour, M. le Président, Mmes, MM. les députés. Je voudrais vous présenter d'abord, à ma droite, Mme Diane Bourgeois, présidente du Comité national d'action politique des femmes, M. Maxime Barakat, président de la région Montréal–Ville-Marie; à ma gauche, M. Gilles Gaumond, président de la capitale nationale; et moi-même, Fabien Béchard, premier vice-président du Parti québécois.

Alors, M. le Président, nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui, d'abord pour témoigner de l'intérêt marqué de notre parti et particulièrement du fondateur de notre parti, M. Lévesque, pour améliorer les moeurs politiques et la qualité de la vie démocratique. On n'a qu'à songer à la Loi sur le financement des partis politiques, à la Loi sur la consultation populaire et à d'autres gestes posés, à d'autres législations posées pour reconnaître cet apport-là de notre parti et de notre fondateur. Nous sommes ici également, bien sûr, pour suggérer des rectifications au processus électoral, suite à l'expérience des derniers scrutins généraux et particulièrement des partielles. Mais également aussi, nous sommes ici pour donner suite au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et aux recommandations émises par M. Côté.

Je dois noter aussi, au départ, que c'est un peu ironique que le Québec ait à refaire ce qu'il fait déjà mieux que d'autres. Faut-il rappeler que notre Loi sur la consultation populaire a été utilisée et reconnue pour sa qualité aussi bien en 1980, en 1992, en 1995; que M. Côté a été appelé à aller dans divers pays du monde pour expliquer cette loi-là, compte tenu qu'elle constitue un modèle avec des mécanismes originaux; qu'elle a été jugée par deux cours du Québec comme posant des limites raisonnables à l'exercice des libertés individuelles dans le cadre d'une société libre et démocratique. Au fond seule la Cour suprême y a trouvé un problème, un petit problème, d'une part, selon nous, en élargissant de façon fort discutable la notion de liberté d'expression politique, c'est-à-dire en associant la liberté d'expression... – nous autres, on n'estime pas que la liberté d'expression est brimée parce qu'on enlève un moyen à une personne pour exprimer ses choses si tous les autres moyens sont à sa disposition – d'autre part, aussi, je pense, en ignorant peut-être, encore une fois, la spécificité québécoise.

On sait ce qui distingue une société. Entre les diverses sociétés, l'équilibre entre les droits individuels et l'égalité des citoyens varie. Il y a des sociétés où l'égalité des citoyens prend un tel pouvoir que finalement ça devient la dictature et l'abolition des libertés individuelles. Il y a d'autres places où la liberté individuelle prend tellement d'espace que ça donne lieu à des abus extrêmement importants ou sinon à l'anarchie. Alors, ce qui distingue les diverses sociétés, souvent c'est l'équilibre entre les libertés individuelles et l'égalité, l'équité des citoyens. Et, au Québec, notre conception justement de cet équilibre-là, qui se retrouvait dans notre Loi sur la consultation populaire, est plus forte que ce qu'on retrouve ailleurs dans le reste du Canada. Mais, malgré tout, nous avons voulu quand même essayer de voir comment c'était possible de donner suite au jugement de la Cour suprême et d'apporter un certain nombre d'accommodements à notre Loi sur la consultation populaire.

Je veux rappeler aussi que nous avons déposé au printemps 1996 un mémoire dont nous allons reprendre certains éléments, dont on rappelle un certain nombre d'éléments ici. Et, dans la présentation que je vais faire maintenant, on va s'attacher essentiellement à quatre grandes questions: l'identification de l'électeur, la liste électorale permanente, le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et surtout son impact sur la Loi sur la consultation populaire, et finalement la disposition dérogatoire. Puis, après une mise en garde, nous conclurons.

En ce qui concerne l'identification de l'électeur, il est important d'indiquer que le droit de vote pour tout citoyen ayant la qualité d'électeur, sans discrimination de race, de langue, de religion, c'est quelque chose de fondamental et que, justement à cause du caractère fondamental de ça, on doit s'assurer que la personne qui se présente pour exercer le droit de vote corresponde bien à la personne qui est inscrite sur la liste électorale. Alors, dans cette perspective-là, il nous apparaît important d'avoir une carte pour permettre d'identifier l'électeur, en évitant d'avoir le processus de dire: Oups! j'ai des doutes par rapport à cette personne-là. Alors, déjà, pour une personne, exprimer à l'autre qu'elle a des doutes quant à sa qualité d'électeur et la personne qui se fait mettre en doute sa qualité d'électeur, on sait que ça pose un certain nombre de difficultés au plan humain, au plan personnel, tout à fait compréhensibles.

(15 h 20)

Par ailleurs, on sait que c'est important de préserver, comme je l'ai indiqué, le droit de vote, d'où, dans notre mémoire de 1996, on suggérait, nous autres, au lieu de multiplier les cartes, l'instauration d'une carte maîtresse multiservices avec photo. Par contre, on sait très bien que c'est une question complexe, que toute la question de la protection des renseignements est en cause, que ça demande des délais aussi d'instaurer ça. En attendant, il nous apparaît que la recommandation qui a été faite dans le rapport Côté est extrêmement intéressante. Parce qu'il ne faut pas oublier que, des habitudes d'identification, on en a. Quand je suis arrivé ici aujourd'hui avec mes collègues, j'ai montré ma carte d'assurance-maladie pour pouvoir entrer, il y en a d'autres qui ont montré leur permis de conduire pour pouvoir entrer, et il n'y a personne qui s'est offusqué de ça. Alors, on est donc d'accord avec le fait qu'on exige l'utilisation de cartes avec photo d'usage courant, carte d'assurance-maladie, permis de conduire, passeport canadien, et on ajoute à ça la carte de citoyenneté canadienne, qui possède les mêmes caractéristiques que les autres cartes qui étaient suggérées dans le rapport Côté. On veut s'assurer, bien sûr, que, pour les cartes d'assurance-maladie qui ne comporteraient pas de photo, on puisse éventuellement procéder à l'émission de cartes avec photo.

Le droit de vote est important. Au moment du vote, ça nous apparaît important, l'identification de l'électeur. Ça nous apparaît important aussi quand la personne veut s'inscrire sur une liste électorale. Il nous semble qu'on doit avoir les mêmes exigences, les mêmes critères lorsqu'il s'agit d'inscrire quelqu'un sur la liste électorale permanente.

Parlant de la liste électorale permanente, et là c'est le deuxième aspect important que je tenais à soulever aujourd'hui, on sait que ça nécessite des corrections, que ça pose des difficultés de mise à jour. Alors, il y a toute une série de mesures, à mon sens, qui doivent être prises pour faire en sorte que cette liste-là soit la plus conforme possible à la réalité et qu'elle puisse s'ajuster aussi à l'évolution des choses pour modification, pour transformation ou déplacement des citoyens le mieux possible.

Alors, dans un premier temps, on demande donc de corriger la liste pour les 113 000 personnes qui s'y trouvent sans savoir si elles ont le droit de vote et dont aussi on n'a pas de nouvelles de leur part. Je pense que c'est important qu'on puisse savoir qui sont ces personnes-là. Est-ce que tout simplement c'est une erreur sur la liste? Est-ce que c'est une erreur dans le fichier de la RAMQ? Alors, je pense que c'est important de vérifier ça. Alors, on recommanderait que le Directeur général des élections prenne les moyens appropriés pour pouvoir rejoindre ces gens-là et corriger les choses. Et on suggère aussi de radier. Après trois vaines tentatives pour rejoindre ces personnes-là, que ces personnes-là puissent être radiées, puisque c'est possible pour ces personnes-là de se réinscrire, puisqu'on va proposer une commission de révision permanente, puisqu'on va proposer une commission des bureaux de révision en période électorale et référendaire.

Nous sommes d'accord également avec l'identification automatique des jeunes et des néo-Canadiens selon les mesures et les mécanismes proposés par M. Côté. Je pense que c'est un message important qu'on envoie sur l'importance du processus démocratique. Et ça nous permet, aussi bien pour les néo-Canadiens que pour les jeunes, de dire: C'est important, le droit de vote, c'est important à ce point qu'on vous inscrit automatiquement, bien sûr en leur offrant la possibilité, s'ils ne veulent pas être inscrits, de pouvoir se désinscrire. Et éventuellement aussi ce que ça amène, c'est beaucoup moins de cas à résoudre en période électorale ou référendaire, moins de cas, de problématiques de jeunes qui n'auraient pas trouvé le moyen de s'inscrire, qui n'auraient pas réussi à s'inscrire. Ces mécanismes-là de révision permanente doivent viser l'ensemble des gens qui ont la qualité d'électeur, qui ont droit de vote.

On propose également, et ça, c'était proposé dans notre mémoire de 1996, la mise sur pied d'une commission de révision permanente, si possible, avant le prochain rendez-vous électoral – j'ai bien dit «si possible». Alors, bien sûr, pourquoi? Parce qu'il y a une mobilité de plus en plus grande des personnes, avec la disparition des recensements aussi, puis avec l'expérience des partielles, si on ne procède pas à une révision sur une base permanente, on se retrouve avec un nombre de cas tellement élevé à traiter dans une période de temps relativement courte qu'on risque de priver des gens indûment de leur droit de vote. Alors, ça nous apparaît important de mettre sur pied une commission de révision permanente, que cette commission permanente ait des bureaux dans chacune des régions de façon à ce qu'on puisse procéder à l'inscription puis aux corrections.

D'ici là, et même dès les premiers temps, je pense que c'est important que, pour la révision en période électorale, on accroisse le nombre de bureaux de révision, qu'on accroisse aussi le nombre d'agents-réviseurs et qu'on accroisse la période de révision. Parce que l'expérience des partielles a montré que la période de révision à 10 jours, c'était extrêmement court, que les gens avaient beaucoup de difficultés à répondre à la tâche, à répondre aux besoins.

Alors, on demande donc, le temps que la commission permanente soit en place, que le processus soit rodé – par la suite, on pourra toujours réévaluer – qu'on augmente le nombre d'agents-réviseurs, la période de révision et le nombre de bureaux de révision, tout en permettant un moment d'analyse pour les dossiers pour les gens de la commission de révision, parce que, très souvent, les gens de la commission de révision n'ont pas de temps d'analyse pour les dossiers. Puis on aimerait que ça soit mis en vigueur avant le prochain rendez-vous électoral.

On revient aussi à la charge sur une question; c'est la question du vote hors Québec. Il y a des abus possibles, on l'a vu. Il y a des comtés où, en 1994, il y avait 70 électeurs hors Québec qui se sont inscrits pour voter, puis, un an plus tard, en 1995, il y en avait 490 hors Québec qui pouvaient s'inscrire pour voter. Le vote hors Québec repose, au fond, sur la notion d'intention. Or, par nature, ce n'est pas vérifiable et ça donne lieu à des abus. Certains se font dire: Si tu as l'intention de revenir, tu as juste à signifier ton intention puis tu peux voter. D'autres se font dire des choses différentes. Alors, c'est extrêmement difficile de s'assurer de la qualité d'électeur du vote hors Québec. Alors, je pense, comme on a dit tantôt, que le droit de vote de chacun est extrêmement important. Il ne faut pas que ce droit de vote là soit annulé par l'exercice de droits de vote qui ne seraient pas corrects.

Alors, au lieu de se référer à la notion d'intention, on se dit: Il y a déjà des critères qui existent, qui sont appliqués dans le cas de l'assurance-maladie pour le maintien de la validité de la carte d'assurance-maladie pour les gens qui s'absentent du Québec. Alors, c'est des critères qui sont déjà vérifiables, c'est des critères déjà acceptés, c'est des critères qui sont transposables et c'est des critères qui ont fait leurs preuves. Alors, pourquoi ne pas appliquer et utiliser ces critères-là pour le maintien ou non du droit de vote pour les gens qui s'absentent du Québec?

En ce qui concerne le jugement de la Cour suprême, on endosse en partie les solutions mises de l'avant par M. Côté pour accommoder les personnes que la Cour estime brimées. Nous acceptons d'introduire – nous le recommandons, d'ailleurs – une catégorie qu'on appelle «les intervenants particuliers». Toutefois, nous n'avons retenu comme intervenants particuliers que les individus isolés. Et nous avons modifié la définition, c'est-à-dire que l'individu isolé, ce n'est pas l'individu qui favorise une option, c'est l'individu qui favorise le Oui ou ne favorise pas le Oui. Donc, on a remplacé «qui favorise une option» par cette expression-là. Bien sûr, on conserve les qualités pour se qualifier, elles demeurent les mêmes.

Maintenant, on pourrait se poser la question: Pourquoi on n'a pas retenu les indépendants? D'une part, il ne faut pas multiplier, non plus, parce que, plus on multiplie les catégories, plus ça devient difficile de gérer ces choses-là. Alors, pourquoi on n'a pas retenu les indépendants? Parce qu'on s'est attardé aux trois motifs relevés pour la notion d'indépendants. Il y avait trois motifs pour justifier l'existence d'indépendants.

L'abstentionnisme. Alors, nous autres, on se dit: On fait tout, au Québec et dans nos sociétés démocratiques, pour amener les gens à participer au processus démocratique, à exercer leur droit de vote, à intervenir, à s'exprimer, mais on ne va pas jusqu'à l'obligation légale, au nom, justement, du respect des libertés individuelles. Mais par ailleurs, on n'est pas non plus pour aller jusqu'à institutionnaliser, formaliser dans une loi l'incitation à ne pas participer au processus électoral. Donc, pour nous autres, les abstentionnistes, il faut laisser ça de côté justement pour les motifs que j'ai indiqués.

En ce qui concerne l'autre motif qu'on utilisait pour maintenir la notion d'indépendance, c'était le fait que des gens peuvent être en désaccord avec la question. Alors, quand on est en désaccord avec la question, c'est quoi, les trois possibilités qui s'offrent? Si on est en désaccord avec la question, on peut choisir de s'abstenir. Or, je viens de parler des abstentions, qu'est-ce qu'on fait avec? Ou encore, on est en désaccord avec la question, puis on se dit: On est tellement en désaccord, que, moi, je ne pourrais pas voter oui. Alors, on sera dans les «isolés Non», à ce moment-là. Ou quelqu'un est en désaccord avec la question, mais il dit: Compte tenu de l'enjeu, puis de l'importance, il faut quand même voter oui à la question. À ce moment-là, cette personne sera dans les «isolés Oui». Alors, c'est pour ces raisons-là qu'il ne nous apparaît pas... Donc, le deuxième motif, qui est le désaccord avec la question, ne justifie pas, à notre sens, la création de la notion d'indépendant.

Et pour ce qui concerne l'annulation. L'autre motif invoqué pour les indépendants, c'est l'annulation. Or, peu importe le motif qu'on va invoquer pour l'annulation – le processus ne nous plaît pas... – au-delà du motif qu'on peut invoquer, la personne, ce qu'elle est en train de dire, c'est qu'elle ne peut pas dire oui à la question posée. Ça ne veut pas dire qu'elle va répondre non, mais c'est clair qu'elle ne peut pas dire oui à la question posée; alors, dans les «isolés Non». C'est pour cette raison-là qu'on ne voit pas l'intérêt de maintenir la catégorie «indépendant».

(15 h 30)

Nous sommes également d'accord avec le processus d'accréditation suggéré par M. Côté, parce que c'est une question extrêmement importante. Il faut que les gens qui, effectivement, demandent une accréditation à ce titre-là... C'est des cas exceptionnels, c'est pour permettre, pour élargir pour un tiers la notion de liberté d'expression. Alors, il faut donc que le processus qui donne lieu à ça, qui donne droit à ça soit extrêmement rigoureux, parce que, chaque fois qu'il y a des dérapages là-dedans, c'est l'ensemble de la population qui est pénalisée. Alors, en ce sens-là, on est d'accord avec le fait que ça relève d'un conseil du référendum ou par un juge de la Cour du Québec quand c'est référé par le Conseil du référendum. Nous sommes également d'accord avec un délai de cinq jours pour soumettre une demande et également pour accorder une autorisation dans les deux jours qui suivent ce délai, mais seulement pour les demandes soumises dans le délai de cinq jours. Nous tenons...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il vous reste cinq minutes.

M. Béchard (Fabien): Cinq minutes. Oh là là! Alors, nous tenons également à une limitation aux dépenses. Le montant de 1 000 $ nous apparaît suffisant, et nous posons un plafond aux dépenses de façon à assurer une équité entre les partis; et pas question, bien sûr, de mise en commun.

Nous en venons à la question de la clause dérogatoire. Nous recommandons l'introduction d'une disposition dérogatoire dans la Loi sur la consultation populaire. Alors, pourquoi nous recommandons ça? D'une part parce que, comme je l'ai indiqué tantôt, c'est une loi éprouvée, c'est une loi modèle, c'est une loi acceptée par les cours du Québec, qui reflète nos valeurs, notre identité, qui va être modifiée pour apporter un certain nombre d'accommodements. Et pourquoi on devrait retourner, à ce moment-là, devant les juges? Qui doit avoir le dernier mot? Le peuple par ses élus ou les juges de la Cour suprême? La démocratie ou les juges? Et c'est un problème qui se pose aussi, dans le cadre d'une société, que la réponse définitive, quand il y a un débat sur ces questions-là, soit apportée par les élus; c'est le pouvoir d'initiative d'une Assemblée nationale démocratique par rapport au pouvoir des juges.

D'autre part, il faut éviter aussi... Il y a des gens qui ont annoncé que, peu importent les modifications qu'on va faire, si elles ne correspondent pas à leur interprétation du jugement de la Cour suprême, si elles ne répondent pas à leurs attentes: On va contester de toute façon. On a vu aussi que le gouvernement fédéral a utilisé à des fins politiques le renvoi à la Cour suprême, a utilisé la Cour suprême à des manoeuvres politiques, puis c'est le président de la Commission du droit international de l'ONU qui l'a déclaré. On veut donc éviter que soit tenue dans l'insécurité juridique la population en période référendaire et de façon constante, de façon permanente, ce qui risque de briser le climat nécessaire à une vie démocratique saine.

D'autre part, il faut bien rappeler que ce n'est pas nous autres qui avons mis dans la Constitution canadienne la disposition dérogatoire. Et la Constitution canadienne, à notre sens, doit être le fondement de la démocratie canadienne. Et ce serait étonnant que, dans le fondement de la démocratie canadienne, on ait mis là un outil technique qui, par nature, serait illégitime et inutilisable. D'ailleurs, je rappelle qu'il y a des lois qui utilisent actuellement cette disposition dérogatoire, il y a des personnes aussi. La loi 178 que les libéraux ont fait adopter en 1988, on a utilisé également la disposition dérogatoire.

Mais plus grave encore, ce qu'il faut se dire, c'est que, si on ne met pas de limite et si on n'utilise pas la disposition dérogatoire parce qu'on trouve que les limites au plan financier ne sont pas suffisantes, moi, je pose la question: Il y a combien de citoyens et de citoyennes du Québec qui sont capables de mettre 1 000 $ dans une campagne référendaire? Et ce n'est pas la majorité. Et, chaque fois qu'on augmente, on augmente la possibilité pour ceux qui ont de l'argent de pouvoir s'exprimer davantage, de faire davantage valoir leur point de vue que ceux qui n'en ont pas les moyens. Alors, au nom de l'équité, de l'équilibre, vantés par ailleurs par la Cour suprême, je crois qu'on doit avoir recours également à la clause dérogatoire.

Finalement, et je voudrais terminer là-dessus, par une mise en garde, il faut que le législateur soit méticuleux. Ça prend un encadrement strict parce que, même avec la loi qu'on avait antérieurement, on a vu des dérapages. On n'a qu'à penser à la manifestation d'amour. Chaque dérapage, c'est une injustice pour l'ensemble de la population. La justice électorale appelle la plus grande vigilance légale, au nom justement du droit fondamental qui s'exerce là.

En conclusion, M. le Président, je pense qu'il faut aller au-delà des lignes partisanes pour préserver et enrichir notre vie démocratique. La qualité de notre démocratie est enviée dans le monde. C'est une caractéristique majeure de notre spécificité en tant que peuple francophone d'Amérique. D'ici la souveraineté, continuons de refaire ce que nous faisons déjà mieux que les autres dans l'accommodement et la bonne entente mais sans laxisme et compromission. L'exercice électoral et référendaire démocratique est un droit fondamental pour le peuple québécois. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. Béchard. M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Merci, madame, messieurs de notre parti. Si j'ai bien compris, en suivant l'actualité politique des dernières semaines et des derniers jours, il y a des choses assez paradoxales qui se passent. On va chercher quelqu'un d'un autre parti et d'une autre province pour en faire un chef politique au Québec, avec la volonté politique de ne pas faire de référendum, tout en annonçant qu'il en fera un sur Calgary.

Ma première question est la suivante: Est-ce que vous croyez que sur un même bulletin de vote, il serait possible d'avoir une double question? Par exemple, comme les deux hypothèses... Autant le Parti québécois que le Parti libéral, dorénavant, auront à faire un référendum de toute évidence. Déjà, le nouveau chef s'est prononcé en faveur de la thèse de l'entente de Calgary. Donc, comme il devra y avoir un référendum, l'un sur l'entente de Calgary ou l'un sur la souveraineté, il ne serait pas possible d'accoler les deux thèses aux deux formations politiques et de faire une question à double volet: Je suis en faveur de l'entente de Calgary ou je suis en faveur de la souveraineté politique? Comment vous voyez cette approche?

M. Béchard (Fabien): Actuellement, la Loi sur la consultation populaire actuelle implique une question qui appelle un oui ou un non et non un choix entre deux possibilités comme celles-là. C'est toujours possible...

M. Chevrette: Pardon? Je n'ai pas compris ce que vous avez dit.

M. Béchard (Fabien): J'ai dit: la Loi sur la consultation populaire actuelle... Ça appellerait des modifications par rapport à la loi actuelle, je crois, puisque la loi actuelle implique une question qui se répond par oui ou non.

M. Chevrette: Non.

M. Béchard (Fabien): À moins que j'erre, mais il me semble que...

M. Chevrette: Je ne veux pas vous contredire, mais je vous dis tout de suite...

M. Béchard (Fabien): Oui, mais je vais répondre...

M. Chevrette: ...que les choix multiples sont possibles dans un référendum, dans la loi actuelle.

M. Béchard (Fabien): C'est une chose qui est envisageable. Ça a déjà été envisagé, effectivement, par le Comité national des jeunes du parti. Ce n'est pas une chose qui a été retenue. Mais, moi, ce que je peux vous dire, c'est qu'il va y avoir un référendum bientôt, que ce référendum-là va porter sur la souveraineté et qu'il va être gagnant. Alors, c'est tout ce que je peux vous dire.

M. Chevrette: Mais, sur ce que je vous dis, je ne veux pas vous contredire, mais je vous dis qu'il existe la possibilité des choix multiples. Il n'y a rien dans la loi, on a beau la lire, j'ai consulté même ceux qui ont conçu la Loi sur la consultation populaire, et effectivement on pourrait avoir trois choix sur le bulletin de vote, ça ne change rien, il s'agit de faire un choix... Mais, dans les circonstances, ce qui est intéressant, c'est que le Parti libéral du Québec, ils sont prêts à recommander l'entente de Calgary. Nous, on dit: Calgary, c'est moins que le rapport Charest, qui, lui, était moins que Charlottetown, qui, lui, était moins que Meech. Donc, on est prêts, nous autres, à marquer sur un même bulletin de vote: Calgary, Parti libéral du Québec, Jean Charest? Souveraineté, Parti québécois, Lucien bouchard? et à faire faire un choix. Ça vous irait? Ça vous «sourirait-u» comme approche?

M. Béchard (Fabien): Si je comprends bien, vous voulez régler les deux questions en même temps. On va répondre oui à la souveraineté et non à Calgary. Mais, en répondant oui à la souveraineté, on arrive au même résultat. Mais je pense qu'on ne s'est pas arrêté à cette possibilité-là.

M. Chevrette: Y a-t-il moyen que vous...

M. Béchard (Fabien): Ça peut poser peut-être beaucoup plus de problèmes, beaucoup plus de difficultés au niveau des débats ou des discussions, mais ce n'est pas impossible. Mais je ne veux pas avancer une opinion là-dessus, puisqu'on n'a pas vraiment développé tous les enjeux et toutes les implications, mais ce n'est pas impossible.

M. Chevrette: Non, mais je vous lance l'idée pour que vous y réfléchissiez. C'est parce que, actuellement, j'ai comme l'impression qu'on a réussi à accréditer dans la tête de la population québécoise qu'il y a seulement le Parti québécois qui voulait un référendum. Et c'est faux. Rappelez-vous les 48 heures qui ont précédé la venue du sauveur. Il n'y a eu, pendant plusieurs jours, aucune question dans l'air. Mais une des premières questions, c'est: Calgary, est-ce que vous trouvez que ça a de l'allure? Et il a osé avancer... C'est le seul élément de contenu que j'ai compris jusqu'à date, mais il me semblait d'accord un peu avec cela. Donc, pourquoi ne pas donner l'opportunité au nouveau chef libéral de présenter sa thèse plutôt que de chialer contre un référendum, alors que lui-même veut en faire un? Pourquoi pas un seul? C'est une économie de temps, d'argent et d'énergie.

M. Béchard (Fabien): Disons qu'on n'a pas peur de l'exercice démocratique du référendum. Ça semble faire peur à d'autres.

M. Chevrette: C'est beau.

M. Béchard (Fabien): Alors, je demanderais peut-être à M. Barakat de rajouter quelque chose.

M. Barakat (Maxime): J'ajouterais, là-dessus, M. le ministre, que, jusqu'à preuve du contraire, les médias nous ont indiqué clairement que M. Charest ne veut pas de référendum sur la déclaration de Calgary.

(15 h 40)

M. Chevrette: Depuis quand?

M. Barakat (Maxime): Donc, il veut imposer à la société québécoise... Il a voulu sa déclaration de Calgary, qui ne reconnaît pas la notion de peuple québécois et qui autorise le pouvoir central à empiéter dans les champs de compétence provinciale. Donc, je ne pense pas que M. Charest sera d'accord, puisqu'il veut imposer sa déclaration de Calgary, qui est imposée par les gens qui l'ont envoyé au Québec.

M. Chevrette: Oui, mais il aurait l'air de quoi, si toutes les provinces faisaient un référendum là-dessus et s'il n'en faisait pas un, lui, le grand démocrate violet? Ça n'aurait pas de bon sens.

M. Barakat (Maxime): Non, mais il y a peut-être une crainte...

M. Chevrette: Non, non, mais, si le Nouveau-Brunswick faisait un référendum, si la Nouvelle-Écosse faisait un référendum, si le Manitoba, Terre-Neuve, la Colombie-Britannique et l'Ontario faisaient un référendum, M. Charest ferait son référendum. Parce qu'il y a une cohésion au niveau des provinces anglophones. Et je suis persuadé que, comme il a trouvé que ça avait de l'allure, cette conférence de Calgary, il serait probablement heureux de la soumettre, vu que... Puis il y a eu un effet d'entraînement, dans les autres provinces canadiennes. Parce que ses premiers appels téléphoniques, il les a faits à Ralph Klein, ce n'est pas ici au Québec qu'il les a faits, vous vous rappellerez. Donc, par cohésion et par solidarité avec ceux qui l'ont amené, est-ce qu'il ne pourrait pas être appelé à vouloir faire la même chose qu'eux autres et offrir l'opportunité, à ce moment-là, de sauver un des deux référendums possibles, mais d'en faire un d'un seul coup sur les deux questions? C'est pour ça que je m'aventurais sur cette question.

M. Béchard (Fabien): Alors, nous, on n'a pas peur d'un référendum.

M. Chevrette: Merci. La question que je veux vous poser également, c'est le vote hors Québec. Vous dites: «Quant au vote hors Québec, ne plus retenir la notion d'intention de revenir, mais utiliser plutôt les critères de la RAMQ.» C'est le fameux six mois dont vous parlez?

M. Béchard (Fabien): C'est ça, parce qu'il y a des critères très précis au niveau du maintien de la validité de la carte d'assurance-maladie: si quelqu'un s'absente plus de six mois du Québec... Mais il y a aussi toute une série d'exceptions à ça: si quelqu'un travaille pour le gouvernement à l'étranger... Alors, toutes les exceptions sont prévues. Alors, nous autres, on avait insisté là-dessus, au mémoire de 1996, on s'est dit: Pourquoi ne pas trouver un moyen qui soit le même pour tout le monde, qui soit éprouvé, déjà utilisé, vérifiable, objectif et qui montre un caractère de générosité aussi? Parce qu'on sait qu'au niveau de la carte de l'assurance-maladie pour le maintien de la validité, compte tenu de l'importance des enjeux de ça aussi... Personne ne va nier l'importance des enjeux de la santé.

M. Chevrette: Est-ce que j'irais loin en disant qu'après six mois sauf pour le personnel... – parce que j'essaie d'interpréter le texte – après six mois hors Québec, si vous n'êtes pas travaillant dans des ambassades ou bien dans des délégations, automatiquement... Si vous avez vendu vos biens, vous n'êtes plus domicilié au Québec, vous avez cependant l'intention de revenir peut-être un de ces jours, est-ce que c'est ça que ça veut dire? Moi, même si j'avais voté en faveur de cette loi, j'avais de très grandes réticences sur le vote hors Québec, en particulier pour ceux qui liquident tous leurs biens puis qui s'en vont. Je n'ai jamais compris pourquoi ils pouvaient avoir des prétentions, après 10, 12 ans, de revenir: Je reviendrai peut-être pêcher dans le lac L'Assomption un jour. Tu sais? Mais ça, ça m'apparaît effectivement difficile à gober, quand on ne conserve pas des biens puis qu'on ne conserve pas un lien par le biais soit du travail dans les ambassades canadiennes ou bien dans les délégations. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire aussi?

M. Béchard (Fabien): Oui, absolument, on veut évacuer ça. On le sait, en Écosse dernièrement, le dernier référendum qu'ils ont tenu, c'est seulement les gens qui étaient sur le territoire écossais; ceux qui étaient à l'étranger, les Écossais à l'étranger n'ont pas pu exercer leur droit de vote. Les gens qui sont domiciliés au Québec, qui s'absentent du Québec pour un temps donné, au fond, les critères qui maintiennent... Je n'ai pas tous les cas d'exception. J'ai les documents ici, les critères qui sont pour la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Je ne pourrais pas faire la liste de tous les critères, mais il y a toute une série de critères, un encadrement, des vérifications. Peut-être qu'il y en a qui ne sont pas directement applicables, mais je pense que ça vaudrait la peine qu'on examine ça de façon à ne pas faire reposer ça sur quelque chose qui n'est absolument pas vérifiable puis qui peut donner lieu...

On l'a vu, de 70 à 490 en l'espace d'un an, dans le même comté. C'est peut-être juste de la bonne foi, tant mieux. Mais pourquoi ne pas se donner un critère qui est déjà appliqué, vérifié, utilisé ailleurs et qui confère une certaine crédibilité au système, puis compte tenu de l'importance du droit de vote? Parce que, chaque fois que quelqu'un qui n'a pas le droit de vote vient voter, il annule, au fond, le droit de vote de quelqu'un qui, lui, a exercé correctement son droit. Et, des fois, c'est souvent par ignorance, sans connaître exactement le fonctionnement. Alors, c'est pour ça que ça nous apparaît important de se donner – il y a toujours la notion de domicile qui est ici: domicilié au Québec – en plus de la notion de domicile, d'introduire des critères, quitte à les bonifier, si on dit: Six mois ce n'est pas assez, il faudrait aller plus loin. Mais pourquoi ne pas utiliser un processus, une procédure, puis des règles de même nature ou similaires à celles utilisées dans le cas de l'assurance-maladie?

M. Chevrette: Vous parlez d'une commission permanente de révision. Il y a de plus en plus de gens, d'ailleurs, pas nécessairement même au niveau des partis politiques, mais au niveau des travailleurs d'élection, de ceux qui depuis des années sont versés dans ça, qui nous disent à peu près tous la même chose: Pourquoi ne pas mettre une commission permanente? Je suis assez ébranlé sur le sujet. J'y songe très sérieusement parce que c'est des gens de toutes les formations politiques qui me disent ça.

On s'en vient avec une expérience de liste permanente pour une première fois. On n'a pas de commission permanente. Il va y avoir de l'inscription automatique de jeunes de 18 ans, si on l'insère dans la loi. Il y a des zones grises à cela.

Est-ce qu'il n'y a pas lieu d'avoir une commission électorale permanente de révision pour qu'on puisse véritablement corriger ces lacunes-là? Qu'est-ce que vous en pensez, vous autres, à part de dire que vous êtes pour une commission? Je l'ai bien compris. Mais c'est dû à quels facteurs? Et qu'est-ce que vous avez amené... quel est l'argument? Est-ce que c'est l'argumentation, par exemple, des zones grises ou encore c'est l'argumentation du fait que vous risquez, dans des périodes x de l'année... Moi, je pense à une élection, par exemple, à la fin de l'été, quand, au mois de juillet, il y a une foule de déplacements, et également tôt l'automne, quand les étudiants arrivent massivement dans les universités du Québec. Est-ce que c'est ça qui vous amène... C'est quoi? Quels sont les arguments? Sortez-les-moi donc tous.

M. Béchard (Fabien): C'est parce que, comme on n'avait pas de... À partir du moment où le recensement avant la période électorale ou référendaire disparaît, ça veut dire que tu te retrouves avec une liste qui a été confectionnée déjà depuis un certain temps et qui n'a pas été utilisée durant cette période-là. Donc, on se retrouve dans des partielles – il y a eu des partielles, dernièrement – dans des comtés avec 2 000, 2 500, 3 000 cas de gens qui doivent être déplacés, radiés, inscrits. Alors, ça crée une charge énorme en période électorale et référendaire. Et, en plus, éliminant le recensement, la période se trouve restreinte aussi.

Alors, devant ce fait-là, devant la mobilité aussi de plus en plus grande des personnes, il faut, à notre sens, procéder à une révision en permanence, de façon que les gens sachent que, si effectivement il y a des déplacements, et tout ça, il existe en permanence une commission où ils peuvent faire apporter les changements, se faire réinscrire avec le changement d'adresse, donc procéder aux transformations puis aux changements.

Alors, je pense que c'est ça qui est important, de façon que, si on épure régulièrement, si on corrige régulièrement la liste, éventuellement, quand on va se retrouver en période électorale ou référendaire, on risque de se retrouver avec beaucoup moins de cas litigieux, beaucoup moins de difficultés et beaucoup moins de problèmes. Peut-être pas dans les premiers temps. C'est pour ça que, dans un premier temps on dit: Il faut rapidement, quand même, augmenter le nombre d'agents réviseurs, le nombre de bureaux de révision puis la période de révision durant la période électorale ou référendaire. Parce que, actuellement, avant que la commission soit en place, avant que la commission puisse prendre son rodage, puis fonctionner correctement, il faut trouver un mécanisme durant cette période-là.

Par ailleurs, une fois cette période-là de rodage faite, peut-être qu'on va évaluer qu'on va pouvoir raccourcir la période de révision et le nombre d'agents durant la période électorale ou référendaire. Mais je pense que, dans un premier temps, il faut mettre sur pied cette commission-là, la mettre en marche et, en même temps aussi, accroître, d'ici à ce que cette commission puisse être efficace, les effectifs, les ressources et les périodes nécessaires pour s'assurer que personne ne soit pénalisé par la confection de la liste électorale.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion, s'il vous plaît.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Bienvenue.

Une voix: Bonjour. Ça me fait plaisir.

M. Sirros: Si j'avais un petit coin au lèvres, quand j'écoutais le ministre vous questionner sur toute la question de l'impact de M. Charest sur la scène politique québécoise, c'était la confirmation, un peu, de ce qui semble préoccuper beaucoup de nos vis-à-vis, ces jours-ci, tu sais, chercher quoi dire et comment le dire et dire presque n'importe quoi, entre autres le fait qu'il s'agit d'un député d'une autre province. À ce que je sache, c'est un député qui s'est fait élire pendant toutes ses années de vie politique dans la ville de Sherbrooke. À ce que je sache, la ville de Sherbrooke se trouve au Québec. Quelqu'un a évoqué la possibilité qu'il n'était pas concrétisé parce que le domicile était encore à Hull, pour ceux qui ne le savaient pas.

(15 h 50)

Mais, cela étant dit, on peut s'attendre à à peu près n'importe quoi au niveau de la démagogie sur cette question-là, y inclus le nouveau hochet qu'on a trouvé, tu sais, d'insister sur un référendum sur Calgary, je ne sais pas trop quoi, ce qui me semble être la démonstration un peu plus parfaite de l'obsession que votre parti a par rapport au référendum. On est au point où, maintenant, le Parti québécois nous propose non seulement un référendum mais possiblement deux, non seulement une question mais possiblement deux. Et, moi, je dirais: Pourquoi pas une troisième, au bout de la ligne? L'influence de la pleine lune sur l'état d'esprit du ministre, quand on examine la Loi électorale, ça pourrait être ça aussi. Là, on nous dit qu'on va assister possiblement à une question multiple, etc. Donc, l'obsession référendaire, on le constate, elle est vraiment de votre côté.

Quant à nous, quand on arrivera au pouvoir, on verra à ce moment-là qui s'objectera à la reconnaissance de l'identité québécoise dans la Constitution canadienne. On verra. Et on verra aussi les motifs que les gens vont essayer d'invoquer pour s'objecter à la reconnaissance de notre identité. Mais, d'ici là, moi, un conseil que j'ai à vous donner, peut-être: Réglez d'abord vos affaires de: C'est quoi, un référendum gagnant? «C'est-u» un où on va essayer de gagner en convainquant les gens qu'on va avoir les conditions gagnantes, ou est-ce que c'est quelque chose qu'on ne fera pas parce qu'on n'est pas sûr d'avoir les conditions gagnantes? Et comment est-ce qu'on interprète? Réglez ça d'abord, puis on parlera du reste.

Quant à nous, on est ici, il me semble, pour examiner l'impact du jugement de la Cour suprême sur notre Loi électorale et pour voir comment on peut amender notre Loi électorale pour qu'elle continue à être un modèle de démocratie. Et c'est là où je veux m'entretenir un petit peu avec vous, sur la question de la clause «nonobstant», parce que vous faites une affirmation qui me semble un peu... En tout cas, on va voir.

Vous dites, à la page 3 du mémoire, que nous sommes bien supérieurs, ici, au Québec. Même notre Charte, elle est supérieure à la Charte canadienne. Vous le dites, je pense, en toutes lettres à la page 3. Et vous dites aussi que la Constitution, ça nous a été imposé, et c'est tout à fait légitime d'utiliser la clause «nonobstant». Mais le jugement de la Cour suprême a aussi dit qu'elle serait arrivée à la même conclusion en fonction de la Charte québécoise. Et, n'eût été de la Constitution canadienne, il n'y aurait pas de possibilité d'utiliser la clause dérogatoire. Et, si vous voulez être logiques avec votre raisonnement, il faudrait l'utiliser deux fois, la clause dérogatoire: une fois pour contrer la Charte canadienne des droits et libertés et une autre fois pour contrer la Charte québécoise des droits et libertés, pour garder la loi telle qu'on l'aurait amendée.

Alors, là, mon questionnement est le suivant. Si vous n'acceptez pas la Constitution canadienne, logiquement, vous devrez tout simplement proposer d'utiliser la clause «nonobstant» uniquement par rapport à la Charte canadienne, qui a été incluse dans la Constitution canadienne, et non pas par rapport à la Charte québécoise. Mais, comme on sait déjà que la loi aurait été inconstitutionnelle même avec la Charte québécoise, qu'est-ce que vous suggérez? Voulez-vous utiliser la clause «nonobstant» aussi contre la Charte québécoise des droits et libertés?

M. Béchard (Fabien): Alors, deux choses. D'abord, j'aimerais revenir peut-être sur... Vous avez fait un long préambule sur Calgary.

M. Sirros: Non, non, non, je commentais des commentaires.

M. Béchard (Fabien): Oui. Ha, ha, ha! Alors, nous autres, je pense qu'on croit au processus démocratique, et c'est extrêmement important que les gens, que la population soit consultée quand on veut imposer une constitution. On a vu les effets dévastateurs de la Constitution de 1982. Alors, il ne faudrait pas répéter la même chose avec l'entente de Calgary. Quand on dit que ça nous reconnaît comme peuple, je pense qu'il y a un certain nombre d'affirmations qu'il faut bien remettre à leur place. Les seuls peuples reconnus dans l'entente de Calgary, c'est les peuples autochtones. Ni le peuple acadien n'est reconnu, ni le peuple québécois, dans l'entente de Calgary. Et la reconnaissance du caractère unique, on est d'accord dans la mesure où ça ne veut rien dire, ça n'a aucun effet quant à la réalité actuelle du Québec. Alors, ceci, c'était mon préambule.

Alors, c'est vrai que la Constitution canadienne, on y réfère, et il y a des choses... Parce que, même si on ne l'a pas adoptée, même si ça nous a été imposé, il y a des lois avec lesquelles je suis en désaccord, mais ces lois-là s'appliquent quand même. Et cette loi-là, la Constitution canadienne met à notre disposition un outil qu'on pourrait utiliser aussi bien pour la Charte québécoise que pour la Charte canadienne, parce qu'il y a des limites aux libertés individuelles, et c'est normal, même quand nous avons une charte des droits et libertés. Quand il y a une charte des droits et libertés, le législateur dit: Il y a des limites raisonnables, qu'on peut trouver raisonnables dans une société libre démocratique. Et, même si le législateur, dans certains cas, peut trouver non raisonnable... Je vous rappellerai que les deux cours du Québec ont trouvé que notre loi respectait, mettait des limites raisonnables aux droits et libertés de la personne. Alors, ça, il faut bien se le dire, aussi. Alors, nous autres, ça nous apparaît tout à fait raisonnable de poser des limites de cette nature-là parce que, comme je l'ai indiqué tantôt, on a un équilibre entre les libertés individuelles et l'équité entre les citoyens et une perception de cet équilibre-là par la société québécoise qui est différente de ce qui peut être ailleurs. Merci. M. Gaumond veut...

M. Sirros: Si je comprends bien, vous voulez...

M. Gaumond (Gilles): M. le député?

M. Sirros: Oui, oui.

M. Gaumond (Gilles): Aussi, un des autres motifs qui prône pour le choix de la clause «nonobstant», c'est qu'il faut penser qu'une fois la loi adoptée, quelle qu'elle soit, il va toujours y avoir des plaideurs qui vont prétendre qu'on est capable de la défendre et de gagner à la Cour suprême, et je pense que M. Côté est l'un de ceux-là. Par contre, il va toujours y avoir des plaideurs qui vont dire: On peut l'attaquer, et ils ont le droit de l'attaquer nécessairement. Si on ne met pas la clause «nonobstant», en plein processus référendaire, la loi peut être attaquée et, à ce moment-là... Vous savez que, dans la cause Libman, ça a pris six ans, de 1991 à 1997. Ça a pris six ans.

Donc, pendant le processus référendaire, ceux qui auront gagné en première instance diront: On va aller en appel, on va gagner. Et ceux qui auront perdu vont dire: On va aller en appel et on va essayer de rectifier des choses. Ça aussi, c'est donner une sécurité juridique à la loi. Et, en tant que législateurs, c'est un élément important dont vous devez tenir compte. Parce que, à quoi ça sert de faire une loi qui, à l'intérieur du processus et en cours de processus, va être attaquée de toute part, soit par un camp ou par un autre? Donc, c'est ça qu'est assurer la sécurité.

Et la clause «nonobstant», ce n'est pas la panacée, c'est un instrument juridique donné par le législateur. On se sert de l'instrument juridique un peu comme la clause prohibitive qu'on retrouve dans certaines lois lorsqu'on veut protéger la juridiction d'un tribunal. On dit: On laisse l'entière juridiction à ce tribunal-là et on y met une clause prohibitive. C'est deux accessoires à des fins différentes, mais ce sont des accessoires à la fois législatifs et juridiques pour assurer une sécurité à la loi adoptée.

M. Sirros: Moi, je vous fais tout simplement remarquer que, n'eût été de la Constitution canadienne, que vous décriez comme étant illégitime, il n'y aurait eu aucun instrument possible pour contester la décision de la Cour suprême qui aurait été rendue en fonction de la Charte québécoise des droits et libertés. Et le seul recours qu'on aurait ici, ça aurait été de l'amender et de vivre avec par rapport à d'éventuels contestations, ce qui est le droit des gens de le faire. Donc, si je résume bien, vous dites: On veut quand même utiliser le fruit d'un instrument qu'on considère illégitime pour s'attaquer à un instrument que nous considérons comme Québécois, étant supérieur à celui du fédéral – vous le dites en bas de page – et je trouve ça... En tout cas, on essaie de tout dire en disant une chose puis son contraire.

Moi, je suis de ceux qui préfèrent amender notre loi le plus correctement possible en tenant compte du jugement de la Cour suprême. Et, si jamais il y a des gens qui veulent contester de nouveau, je trouverais que ça serait leur droit. Ça n'a pas mis en cause la légitimité du dernier référendum, le fait qu'il y avait devant les tribunaux une cause pendante, n'est-ce pas? Alors, la cause n'était pas encore entendue. Ça n'a pas remis en cause le jugement. Et je pense que c'est dangereux pour une société d'enlever le droit à des citoyens d'avoir recours. C'est mon opinion. C'est peut-être pour ça que je suis dans le Parti libéral et pas dans le Parti québécois...

M. Chevrette: Oui, mais le Parti libéral nous a obligé par le fait même à abandonner tous les...

M. Sirros: Je n'ai interrompu personne, là. Je n'ai interrompu personne, M. le ministre. Je vous ai laissé faire toutes les affirmations démagogiques que vous vouliez faire.

M. Chevrette: Ah! Allez-y donc de vos petites...

M. Sirros: Laissez-moi parler correctement.

M. Chevrette: Vous affirmez des choses faussement.

M. Sirros: Bien, M. le Président...

M. Chevrette: ...les poursuites de la manifestation d'amour dues à ce jugement, et vous en étiez fiers et vous vous en réjouissiez, à part ça.

M. Sirros: Voulez-vous, s'il vous plaît, M. le Président, intervenir pour le calmer?

(16 heures)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Chevrette: La vérité a ses droits, dans cette Assemblée.

M. Sirros: Voulez-vous, M. le Président, le calmer s'il vous plaît?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion, vous pouvez poursuivre.

M. Sirros: Merci beaucoup.

M. Chevrette: La vérité a ses droits.

M. Sirros: Moi, je trouve que c'est dangereux pour une société d'empêcher le recours devant les tribunaux pour des lois de cette nature à des citoyens, une fois qu'on aurait fait le maximum qu'on peut faire pour s'assurer qu'on se donne une sécurité juridique par rapport aux amendements. Donc, dans ce sens-là, je suis d'accord avec le rapport qui nous est amené.

L'autre point que j'avais, c'était au niveau des abstentionnistes. Je trouve ça curieux aussi que vous disiez: C'est oui ou non, puis l'abstentionnisme, on ne doit pas donner suite à cette recommandation de la Cour suprême de prévoir la possibilité pour des personnes d'exprimer une position qui, je pense, est légitime. À l'Assemblée nationale, on nous demande: Qui est pour? Qui est contre? Qui s'abstient? De façon institutionnalisée, tous les jours, chaque fois qu'il y a un vote – là, on vient d'en avoir un – on demande ça. Alors, je ne comprends pas pourquoi vous voulez empêcher ça sans pourtant aller là où logiquement vous devriez aller si vous prenez cette position-là et qui serait d'avoir un vote obligatoire. Parce qu'une autre façon de s'abstenir, c'est de ne pas aller voter. Il me semble que ce serait mieux pour la société qu'on comptabilise ceux qui veulent s'abstenir.

M. Béchard (Fabien): D'abord, on n'empêche pas les gens de s'abstenir. Ce qu'on dit, c'est qu'on ne formalisera pas dans la loi des mécanismes puis des moyens financiers additionnels que l'ensemble de la population n'a pas puis que l'ensemble des citoyens n'ont pas pour promouvoir l'abstention; c'est différent. Donc, on n'est pas contre le fait que des gens s'abstiennent.

Ensuite, je vais revenir sur des choses que vous avez indiquées tantôt. Vous avez parlé que vous vouliez des amendements. Nous autres aussi, je vous ferais remarquer qu'on veut des amendements à la loi, suite au jugement de la Cour suprême, et ça, je pense que c'est important de le considérer. D'autre part, vous dites qu'on utilise la clause dérogatoire de la Constitution canadienne. Si on n'avait pas la Constitution canadienne, on aurait notre propre constitution et on pourrait effectivement avoir, nous autres aussi, des outils juridiques techniques pour pouvoir éventuellement mettre des limites à l'application des droits et libertés individuels.

Quand je dis, par ailleurs, que notre Charte est meilleure que la Charte canadienne, c'est que vous savez probablement, tout comme moi, que la Charte canadienne permet à des individus qui sont brimés par le gouvernement, par l'État ou par des organismes directement reliés par l'État de poursuivre, en vertu de la Charte canadienne. Mais, en vertu de la Charte québécoise, un individu peut aussi vis-à-vis un autre individu, donc ce n'est pas uniquement vis-à-vis l'État et les organismes que la Charte des droits et libertés du Québec s'applique. Et c'est en ce sens-là que je dis que notre Charte des droits et libertés élargit davantage les possibilités pour les citoyens et les citoyennes d'exercer leurs droits, d'autant plus que, et, là aussi, ça marque la spécificité du Québec, elle fait une place beaucoup plus large aux droits sociaux aussi. Alors, je voudrais aussi permettre à M. Barakat de rajouter quelque chose sur la...

M. Barakat (Maxime): Oui, sur le premier volet, M. le député de Laurier-Dorion, vous savez, il y a un problème qui guette certains politiciens, c'est l'amnésie. Et vous nous posez la question pourquoi on protège notre amendement à une loi éventuelle avec une clause dérogatoire. Pourquoi on le fait? Parce que, si vous avez bien compris la devise québécoise, c'est Je me souviens . Pourquoi vous l'avez fait et vous étiez un des membres du cabinet de Robert Bourassa, lors de la loi n° 178? Pourquoi vous avez protégé avec une clause dérogatoire? Et, aujourd'hui, vous êtes en train de dire que le Parti québécois, comme gouvernement, n'a pas de légitimité de le faire? Moi, je pense que vous êtes en train de fausser un peu le débat.

M. Sirros: Je vais vous interrompre parce que vous présentez mal ce que je dis. Moi, effectivement, sur la loi n° 178, ce que je dis, ce que j'ai dit ce matin, ce que j'ai dit depuis le début, c'est qu'effectivement la clause «nonobstant», elle peut être un instrument légitime, elle est là, et le gouvernement peut décider de l'utiliser, mais il faut exercer un certain discernement dans son utilisation. Et, moi, dans mon échelle de valeurs, j'ai un schéma qui met certains types de lois en haut d'autres. Et je trouve que la liberté d'expression individuelle, elle est plus fondamentale comme valeur que la liberté de l'expression commerciale sur laquelle la loi n° 178 avait utilisé la clause «nonobstant». Et, en ça, on diffère de ce que le gouvernement du Parti québécois faisait, où il utilisait la clause «nonobstant» sans discernement, automatiquement, à tout moment où il y avait une loi adoptée à l'Assemblée nationale, pour démontrer qu'on n'acceptait pas, à l'époque, la légitimité de la Constitution canadienne.

M. Barakat (Maxime): Vous êtes en train de nous dire...

M. Sirros: Mais, je vous le répète, la question initiale sur la clause «nonobstant», c'est que, donc, si vous voulez garder dans ce formalisme péquiste, vous devrez normalement dire: La clause dérogatoire, on devrait l'utiliser uniquement par rapport à la Charte canadienne des droits et libertés. Là, je ne pourrais pas vous dire quoi que ce soit, ce serait totalement logique.

M. Barakat (Maxime): Oui, M. le député...

M. Sirros: Mais là vous êtes en train d'argumenter que vous voulez utiliser l'instrument de la Constitution sur la Charte québécoise. Et je comprends donc que, dans la perspective d'un Québec indépendant, vous allez calquer la constitution québécoise éventuelle sur la Constitution canadienne.

M. Barakat (Maxime): Vous êtes en train...

M. Sirros: Pourquoi faire tout ce drame pour pas grand-chose?

M. Barakat (Maxime): ...de nous dire, M. le député: Faites ce que je dis et ne faites pas ce qu'on fait, nous, comme Parti libéral.

M. Sirros: Non, non, non.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Barakat (Maxime): Vous exigez, M. le député, du discernement de la part du Parti québécois. Pourquoi vous ne l'avez pas exigé, ce discernement, avec une telle vigueur que vous êtes en train aujourd'hui de promouvoir...

M. Sirros: Sûr?

M. Barakat (Maxime): ...lors de la loi 178?

M. Sirros: Mais je viens de vous expliquer. Si vous ne voulez pas comprendre, d'accord, mais «discernement», ça veut dire choisir les lois dans lesquelles on l'utilise. Je vous ai dit que j'ai une échelle qui met certaines lois plus haut que d'autres, au niveau de leur valeur par rapport à la qualité de notre démocratie. Vous n'allez pas me dire qu'une loi qu'on adopte sur – je ne sais pas, moi – le Fonds de la faune ou des routes, a la même importance, comme société, que la Loi électorale. Mais vous, vous le faites. En tout cas...

M. Gaumond (Gilles): Oui, mais M. le député, avec respect, je dois vous affirmer que ça me surprend, de la part d'un législateur, de dire que les lois ne sont pas sur le même pied d'égalité. Ce n'est pas dans votre esprit...

M. Sirros: Mais franchement, là!

M. Gaumond (Gilles): ...que les lois doivent être sur le même pied d'égalité, c'est formellement. Toutes les lois sont sur le même pied d'égalité, sauf la Constitution et sauf la Charte. Vous, vous mettez des lois. Est-ce que vous allez dire à quelqu'un qui se fait enlever sa voiture parce qu'il a consommé de l'alcool que sa liberté d'expression et sa liberté d'action n'est pas réduite? Oui, elle est certainement réduite. Cette loi-là, pour cette fin spécifique là, est aussi importante que l'autre loi sur les fins spécifiques.

Monsieur, vous ne légiférez pas le lundi sur des lois moins importantes puis le vendredi sur des lois importantes. Elles sont toutes importantes. La preuve, c'est qu'on doit les respecter. Alors, c'est dans votre esprit. D'ailleurs, vous employez le mot, M. le député, c'est de valeur. La seule hiérarchie, ce n'est pas vous qui pouvez la faire et ce n'est pas moi qui la fais, et il n'y en a pas, sauf la Constitution et la Charte. C'est le problème.

M. Sirros: M. le Président, je me permets de différer. Moi, je trouve que la loi qu'on a adoptée décrétant le harfang des neiges l'oiseau officiel du Québec, elle a probablement moins d'impact sur la qualité de notre démocratie que la Loi référendaire ou la Loi électorale. Ça, je le dis sans gêne, qu'on me juge sur ça. Et, dans ce sens-là, j'aurais un peu plus de réserve à utiliser la clause «nonobstant» pour empêcher la liberté d'expression individuelle que je pourrais en avoir sur autre chose. Mais ça étant dit, là...

M. Béchard (Fabien): Ça, là-dessus...

M. Sirros: ...permettez-moi d'arriver sur un terrain sur lequel on va être d'accord. Je vous suggère...

M. Béchard (Fabien): Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...vite, M. le député de Laurier-Dorion...

M. Béchard (Fabien): Là-dessus, je pense...

M. Sirros: Mon Dieu! Mon Dieu! Mon Dieu!

M. Béchard (Fabien): Mais, là-dessus, ce qu'il faut se...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...parce que vous avez utilisé 19 min 30 s, à date. Alors...

M. Sirros: Ah! bien, M. le Président...

Une voix: Il ne reste plus de temps?

M. Béchard (Fabien): Là-dessus, il faut dire que la liberté d'expression politique, quand on parle de limitation à la liberté d'expression politique, c'est une limitation très, très petite. Ce n'est pas empêcher les gens de s'exprimer politiquement. C'est en limiter l'utilisation à des dépenses réglementées. C'est juste ça, là. Ce n'est pas empêcher les citoyens de s'exprimer, d'écrire, de se promener, de faire valoir leur point de vue partout. Il faut faire attention, quand on utilise ça, il ne faut pas abuser. Et la liberté d'expression...

M. Sirros: ...effectivement.

M. Béchard (Fabien): ...politique, quand on empêche toute une population de s'exprimer en lui imposant une constitution...

M. Sirros: Oui, oui, oui.

M. Béchard (Fabien): ...il y a une brimade à la liberté d'expression politique beaucoup plus large, beaucoup plus grande, parce que, au-delà de l'ensemble des individus, c'est toute une collectivité puis un peuple qu'on nie.

M. Sirros: Oui, oui, oui.

Une voix: Ah, Seigneur!

M. Béchard (Fabien): Alors, en ce sens-là, je pense qu'il faut bien poser les choses, quand on discute de ces questions-là. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le...

M. Chevrette: Oui, M. le Président, très brièvement...

Une voix: À condition...

(16 h 10)

M. Chevrette: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Nonobstant le castor, on va prendre le harfang. Mais, ceci dit, je voudrais vous dire, moi, que, si on avait eu la clause «nonobstant» dans notre loi sur le financement, tous ceux qui ont été libérés d'accusations pour avoir violé les lois fondamentales sur le financement politique lors de la manifestation d'amour, par la voie des airs ou par voie terrestre par les autobus, et où il y a eu des dizaines de milliers et des centaines de milliers de dollars d'investis, créant ainsi un débalancement au niveau financier, la clause «nonobstant» aurait au moins créé l'obligation à ces gens-là de se présenter devant une cour de justice et d'être jugés, dans le débalancement des forces en présence. Mais ça a l'air que, dans certaines formations politiques, le signe de piastre compte beaucoup plus que l'équité dans la somme monétaire au niveau de la voie démocratique. Ceci dit...

Une voix: ...

M. Chevrette: Écoutez, vous avez votre style, vous?

M. Sirros: Oui, c'est vrai.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Oui. Et, moi, je ne l'ai emprunté nulle part, j'essaie de l'avoir naturellement. Et, en ce qui vous concerne, il faut bien avoir vécu des choses mauditement plus antidémocratiques ailleurs pour venir chialer contre le régime démocratique ici! Je pense qu'on est capable de s'exprimer correctement. Je ne vous ai pas dérangé. S'il vous plaît, laissez-moi donc tranquille!

M. Sirros: Vous m'avez dérangé constamment.

M. Chevrette: Oui. Il faut bien connaître des régimes beaucoup plus totalitaires que celui qu'on peut avoir au Québec pour venir jaser contre la démocratie québécoise. J'en ai plein le dos de ça, de cette diminution et de ce rapetissement qu'on tente toujours de faire du même côté d'une table.

Ceci dit, si on avait eu la clause «nonobstant», on aurait au moins des individus qui seraient venus au moins se présenter devant des cours et qui auraient dû s'expliquer sur, fondamentalement, ce qu'ils ont fait, les gestes qu'ils ont posés et le débalancement démocratique qu'ils ont occasionné. Et ça, je pense que c'est fondamental dans nos lois. Il y en a qui se spécialisent à vouloir enlever tout ça sous le prétexte des libertés individuelles et des droits et libertés individuels. Poussé un peu loin, ça voudrait dire, complètement, des contextes anarchiques, sans aucun contrôle, où l'argent prime quel que soit le système.

Moi, personnellement, c'est justement ce type d'arguments poussés à l'extrême, qui frôlent l'anarchie qui me pousse à une sympathie très grande vis-à-vis les moyens à prendre pour conserver nos principes fondamentaux. Et on ne les emprunte pas n'importe où, on les prend là où on nous les a imposés, unilatéralement. Il y a des gens qui devraient réfléchir à ça avant de s'exprimer et de se retrouver heureux dans une terre aussi démocratique que celle du Québec.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Dernier commentaire?

M. Gaumond (Gilles): Peut-être un dernier commentaire. À la page 55 du jugement, on dit: «Il est vrai que les dispositions contestées – même celles contestées – ne privent pas totalement ces individus et ces groupes de liberté d'expression, ce qui devrait normalement en faire une atteinte plus facilement justifiable.» Et c'est dans ce cadre-là que la loi a été corrigée par les amendements de M. Côté et par ceux que nous appuyons aussi. Donc, il faut se souvenir de ça: la liberté d'expression reste, elle est utilisée, elle sert à tout le monde, on ne contrôle que les dépenses. Et c'est l'atteinte minimale qu'on vise ici, et c'est l'interprétation de cette atteinte minimale qui est en cause. Et ce que M. Côté et d'autres personnes qui sont intervenues ici... Et même le député de Laurier-Dorion doit certainement être d'accord là-dessus, sur l'atteinte minimale. On doit préserver l'expression, la liberté d'expression, et cette atteinte minimale là, il s'agit de l'encadrer, uniquement et simplement, la Cour suprême le dit.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, merci.

M. Sirros: M. le Président, je voudrais remercier nos invités...

M. Chevrette: C'est fini.

M. Sirros: ...et dire au ministre... Je le mettrais au défi, moi...

M. Chevrette: Si tu as de quoi à me dire, tu me le diras ailleurs.

M. Sirros: Je le mets au défi d'utiliser la clause «nonobstant». Parce que ce qu'il fait, c'est pour un show qu'il le fait, M. le Président. Si, là, véritablement, ce qu'il pense de nous... qu'il l'utilise.

M. Chevrette: M. le Président...

M. Sirros: Parce que ce qu'il dit quant au dénigrement qu'on fait constamment du Québec, c'est sa façon habituelle de s'indigner sur commande, complètement à côté de la track. Je ne l'accepte pas, comme Québécois, M. le Président.

M. Chevrette: M. le Président, je vais répondre à ce savant député qui diminue quotidiennement le Québec en matière de réforme électorale. S'il y en a un qui devrait comprendre et être sensible aux droits démocratiques collectifs que l'on veut se donner, c'est bien lui. Et je ne l'ai jamais entendu parler positivement des lois démocratiques du Québec, jamais.

M. Gaumond (Gilles): Alors, je remercie la commission.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Madame, messieurs, nous vous remercions de votre présentation.

J'inviterais maintenant M. le Directeur général des élections et son équipe à prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous entendons maintenant M. le Directeur général des élections. Alors, bienvenue, Me Casgrain. Bienvenue, madame, messieurs. Nous disposons d'une période de 30 minutes pour la présentation de vos remarques en regard du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et du rapport Pierre-F. Côté. Alors, bienvenue.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Aussitôt cette période de présentation terminée, nous pourrons procéder à des échanges.


Directeur général des élections

M. Casgrain (François): Je vous remercie. Je voudrais vous présenter au préalable les gens qui m'accompagnent: à ma droite, Me Jean Chartier, directeur des affaires juridiques; immédiatement à ma gauche, Me Francine Barry de la Direction des affaires juridiques; M. Octavio Soares, qui est l'adjoint au financement chez le Directeur général des élections.

M. le Président, Mmes et MM. les députés, je vous remercie de m'offrir l'opportunité de vous rencontrer dans le cadre de cette commission parlementaire. Mes commentaires porteront évidemment particulièrement sur le rapport de Me Pierre-F. Côté, qui fait suite au jugement dans l'affaire Libman. Mais je serai également disponible pour répondre à des questions concernant les modifications à la législation électorale.

Nous avons eu l'occasion au cours des derniers mois, si ce n'est pas des dernières années, de discuter avec le comité consultatif de plusieurs modifications éventuelles à la loi. Je suis heureux d'entendre le ministre nous dire que nous devrions pouvoir éventuellement avoir une législation qui fera état de ces consensus-là. Donc, je serais disponible pour répondre à vos questions, si jamais il s'en pose.

En 1963, le Québec innovait en matière électorale en introduisant un ensemble de dispositions législatives visant à contrôler les dépenses faites dans le cadre d'une campagne électorale par les candidats et les partis politiques. Cette législation consacrait le principe de l'égalité des chances et la reconnaissance du rôle prépondérant des partis politiques et des candidats dans une campagne électorale.

En effet, l'établissement d'un plafond de dépenses électorales et l'interdiction faite aux tiers d'effectuer de telles dépenses étaient au coeur même du système de contrôle mis en place par la loi de 1963. Aucune législation subséquente n'est venue diluer ces règles de base. Au contraire, l'adoption, en 1977, de la première loi régissant le financement des partis politiques est venue renforcer des objectifs de la législation de 1963, soit de préserver l'ensemble du processus démocratique d'un assujettissement au pouvoir de l'argent.

Par l'adoption de la Loi sur la consultation populaire, le législateur étendait au référendum le modèle issu de ce qu'était devenu au Québec la tradition démocratique de contrôle des campagnes électorales. Ainsi, depuis la première législation du début des années 1960, le consensus social autour de ces objectifs et des moyens mis en oeuvre pour les atteindre n'a, à toutes fins utiles, jamais été remis en cause. On comprend, dès lors, que le jugement rendu par la Cour suprême en octobre dernier ait soulevé de vives réactions et surtout de vives inquiétudes.

Une lecture attentive du jugement nous convainc que la Cour suprême endosse les objectifs qui sous-tendent la législation québécoise. Les paragraphes 40 et 41 du jugement identifient clairement ces objectifs, à savoir: «Garantir le caractère démocratique de la consultation populaire; assurer une égalité de participation et d'influence entre les tenants de chaque option; permettre un choix éclairé de la part des électeurs; et préserver la confiance de l'électorat dans le processus démocratique.» Ces objectifs, auxquels la société québécoise souscrit depuis maintenant deux décennies, la Cour les considère tout aussi souhaitables et louables qu'au moment de l'adoption de la Loi sur la consultation populaire, en 1978.

(16 h 20)

La portée de l'invalidation déclarée par la Cour, analysée dans le cadre général du jugement, est donc beaucoup plus restreinte que certains observateurs ont pu d'abord le laisser croire. En effet, comme le circonscrit bien le rapport de M. Côté, les correctifs que la Cour invite le législateur à apporter à la loi pour la rendre conforme aux exigences de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne visent quelques catégories bien spécifiques d'intervenants, à savoir les individus et groupes qui ne sont ni favorables ni défavorables à aucune option et les individus qui, tout en étant favorables à une option, ne peuvent, pour des raisons idéologiques ou stratégiques, s'associer à aucun comité ou groupe affilié.

À partir du moment où la Cour suprême reconnaît la validité des objectifs qui sous-tendent la loi, c'est à l'ombre de ceux-ci que doivent être évalués les correctifs qu'elle invite le législateur à apporter, et la solution qu'il faut privilégier est celle qui leur porte le moins atteinte. Comme le jugement a le grand mérite d'identifier clairement les catégories d'intervenants auxquels la Loi doit offrir un canal d'expression, la solution retenue devrait s'inscrire à l'intérieur de ces balises.

La solution préconisée dans le rapport de M. Côté, prise dans son ensemble, a le mérite de s'en tenir justement aux balises fixées par la Cour et ainsi de restreindre l'atteinte aux objectifs fondamentaux de la loi. L'identification stricte des intervenants visés, la procédure d'autorisation préalable obligatoire, la limitation des dépenses autorisées et l'obligation de faire rapport sont autant d'éléments qui devraient minimiser l'impact de la brèche faite dans le système actuel et qui respectent l'esprit des dispositions de la loi qui s'applique aux intervenants déjà reconnus que sont les comités nationaux et leurs groupes affiliés.

La contribution que nous souhaitons offrir à l'important débat qui occupe, depuis la parution du jugement, l'ensemble des intervenants intéressés par les institutions démocratiques se veut la plus positive et la plus ouverte possible. Les points sur lesquels nous avons choisi d'attirer l'attention des membres de la commission ne visent pas à remettre en cause l'approche générale retenue dans le rapport de M. Côté.

Cependant, certaines particularités de la formule proposée soulèvent des interrogations et nous conduisent, dans certains cas, à explorer des voies alternatives. Notre approche se veut surtout fonctionnelle, en ce sens qu'elle traduit nos préoccupations en tant que responsables désignés pour administrer le processus électoral. Il n'appartient pas au Directeur général des élections de se prononcer sur les choix précis que devra faire le législateur, par exemple en regard du montant maximum des dépenses que les tiers intervenants pourraient désormais être autorisés à effectuer ou en regard de l'opportunité de fixer ou non un montant différent selon qu'il s'agit d'un individu ou d'un groupe.

Les remarques qui suivent visent essentiellement à permettre que les orientations qui seront retenues le soient en toute connaissance de leurs avantages et de leurs limites et qu'elles soient réalistes dans leur application. J'aborderai donc successivement les points suivants: le caractère judiciaire du processus d'autorisation, l'équilibrage des autorisations partisanes, le cas particulier des opposants à la formulation de la question et, finalement, la solution proposée en contexte électoral.

Le premier point que nous voulons aborder concerne la proposition faite de recourir à l'appareil judiciaire pour administrer le processus d'autorisation des tiers intervenants. Le choix de recourir aux tribunaux soulève la question de la nature même de l'autorisation visée. En effet, selon que l'on reconnaisse aux mécanismes d'autorisation un caractère quasi judiciaire ou strictement administratif, le choix de l'autorité responsable sera forcément différent.

Le rôle que l'on entend faire jouer à l'autorité responsable d'accorder des autorisations n'est pas très clair dans le rapport. Certains éléments laissent à penser que cette autorité aura à juger de la recevabilité de la demande d'autorisation après une analyse des intentions ou des orientations politiques du requérant. Si tel est le cas, la décision impliquera forcément l'exercice d'une discrétion de nature judiciaire, et, à ce titre, il nous apparaît qu'elle devrait alors être réservée à l'appareil judiciaire.

Par ailleurs, d'autres recommandations contenues dans le rapport portent à croire que le modèle privilégié s'inspire plutôt de l'approche fondée sur la bonne foi, appuyée par un engagement solennel du requérant de se conformer aux exigences de la loi. Une telle approche est d'ailleurs celle retenue dans la législation électorale, que ce soit au chapitre des déclarations de candidature ou à celui de l'autorisation des partis politiques ou des candidats indépendants. Si tel est le cas, le rôle dévolu à l'autorité responsable est davantage de nature administrative, et on peut s'interroger sur la nécessité d'avoir recours à l'appareil judiciaire.

M. Côté invoque dans son rapport la charge imposante de travail du Directeur général des élections et des directeurs du scrutin, dans un calendrier très serré, de même que les coûts importants que pourrait générer cette nouvelle responsabilité. Bien qu'il soit impossible d'évaluer la charge réelle de travail supplémentaire que représenterait ce processus d'autorisation, nous nous permettons de rappeler que l'organisation des 125 bureaux des directeurs du scrutin est suffisamment souple pour permettre la prise en charge d'une telle responsabilité et que l'expérience développée en matière de réception des déclarations de candidature et d'autorisation des candidats indépendants au cours d'une période électorale n'est pas sans analogie avec celle qui pourrait être requise pour accomplir adéquatement les nouvelles fonctions. Le législateur aura donc à déterminer si le processus d'autorisation qu'il entend mettre en place doit être de nature administrative ou quasi judiciaire, ce choix déterminant à son tour l'autorité compétente pour assumer un tel rôle.

L'équilibrage des autorisations partisanes. Pour les intervenants auxquels la Cour suprême enjoint le législateur d'accorder la possibilité d'effectuer des dépenses, se retrouvent des individus qualifiés dans le rapport de Me Côté d'individus isolés qui désirent faire des dépenses favorisant une option donnée. Comme le souligne fort à propos le rapport, il est impossible de prédire l'ampleur que pourrait prendre le mouvement des demandes d'autorisation. Force est cependant de constater que, quelle que soit cette ampleur, son impact est direct sur le respect de l'égalité des chances que visait à préserver le système actuel. Il faut, dès lors, explorer sérieusement la possibilité d'élaborer une solution qui permette de respecter le plus intégralement possible cet objectif d'égalité.

La solution préconisée dans le rapport sous étude ne prévoit aucun mécanisme pour restreindre ou, mieux, éliminer le déséquilibre des forces qui pourrait découler d'une répartition inégale des demandes d'autorisation favorables à l'une ou l'autre option. Certaines modalités peuvent pourtant être introduites pour contrer de tels effets.

Dans un premier temps, on peut songer à fixer une enveloppe globale constituant le plafond que peuvent atteindre les dépenses des individus isolés favorables à une option mais en désaccord avec l'idéologie ou la stratégie du comité national. Une limite au montant que chaque individu autorisé peut dépenser serait évidemment imposée. L'introduction d'une telle modalité n'assure pas à elle seule une égalité parfaite entre les options en présence, à moins que le nombre d'autorisations accordées favorables à chacune ne soit identique. Elle permet toutefois de limiter l'impact global des dépenses des individus isolés et de limiter le déséquilibre potentiel entre les options.

Si l'on veut préserver intégralement les qualités entre les options, une seconde modalité peut être introduite. Il s'agirait de prévoir un mécanisme d'équilibrage des autorisations accordées en augmentant, le cas échéant, le plafond des dépenses autorisées d'un comité national du montant équivalent à la différence entre le total des dépenses autorisées aux individus isolés favorables à chacune des options.

Le cas particulier des opposants à la formulation de la question. Au nombre des individus et groupes identifiés comme indépendants et pouvant, selon la solution proposée, obtenir une autorisation de dépenser se trouvent ceux qui sont en désaccord avec la formulation de la question. Comme le souligne M. Côté dans son rapport, il est important de se rappeler que le processus référendaire comprend, en fait, deux étapes distinctes tant par leur nature que par l'encadrement légal qui les régit.

Dans un premier temps, il y a le débat sur la question. Cette étape s'amorce à l'Assemblée nationale, et sa durée dépend essentiellement de l'aménagement de l'horaire des travaux parlementaires, sous réserve que ce débat a une durée maximale de 35 heures. Tout au cours de cette période, aucune règle ne régit les dépenses qui peuvent être faites par quiconque pour exprimer son point de vue sur la question. Au terme du débat parlementaire, la question fait l'objet d'un vote à l'Assemblée nationale, respectant ainsi le caractère démocratique sur lequel est fondé le régime parlementaire.

La période référendaire proprement dite ne s'enclenche, quant à elle, que par la prise du décret ordonnant la tenue d'un référendum. Dans un contexte où le choix donné à l'électeur est de répondre oui ou non ou, si la réponse n'est pas une réponse positive ou négative, le choix entre deux options, il est difficile de concevoir que des dépenses encourues pour manifester son opposition à la formulation de la question ne favoriseront pas l'une des options.

Dans cette perspective, il nous apparaît essentiel de préciser qu'une autorisation ne peut être accordée aux groupes et individus s'opposant à la formulation de la question, si ces derniers entendent prôner une réponse positive ou négative à la question. Une telle exigence est par ailleurs conforme aux balises identifiées par la Cour suprême, puisqu'elle assimile ces groupes et individus à ceux qui ne sont ni favorables, ni défavorables à aucune des options en présence, comme les abstentionnistes.

(16 h 30)

Solution préconisée en contexte électoral. La solution préconisée par le rapport Côté vise essentiellement à accorder aux seuls individus et groupes qui prônent l'abstention ou l'annulation du vote le droit de faire des dépenses limitées au cours d'une période électorale pour faire valoir leur point de vue. Cette proposition a certes le mérite de constituer une brèche minimale au système mis en place et, partant, de préserver l'égalité des chances entre les protagonistes. À la lumière du jugement de la Cour suprême, force nous est cependant de craindre que cette solution ne soit pas jugée satisfaisante pour rencontrer les critères de l'atteinte minimale à la liberté d'expression. En effet, le choix de cette solution repose sur le postulat qu'à partir du moment où tous les individus ou groupes peuvent se présenter comme candidat ou former un parti politique, s'ils désirent intervenir dans le débat électoral, il n'y a pas d'atteinte à la liberté d'expression, sauf dans les cas d'abstentionnisme qu'on voit mal contraindre à se présenter candidat ou à former un parti politique pour faire valoir leur point de vue.

Notre lecture du jugement ne nous permet malheureusement pas d'affirmer avec autant de certitude que le droit de se présenter candidat ou de former un parti politique constitue à lui seul un canal d'expression suffisant. En effet, en faisant une analyse des exceptions à la notion de dépenses réglementées, la cour insiste sur une nécessaire marge de manoeuvre dans le choix des véhicules d'expression qui doit être accordée pour satisfaire les exigences de la Charte.

La Cour suprême est, par ailleurs, très consciente des aspects négatifs sur l'objectif d'égalité des chances que pourrait provoquer une absence de contrôle et de limites à la liberté de dépenser pour exprimer son point de vue au cours d'une campagne électorale. La difficulté importante à laquelle le législateur est ainsi confronté tient à ce qu'il est très difficile de fixer clairement la ligne de démarcation entre une intervention partisane, c'est-à-dire celle qui favorise directement ou indirectement un candidat ou un parti, et la prise de position sur un sujet d'intérêt public qui peut, la plupart du temps, être rattachée à un enjeu électoral.

Donc, quel que soit le scénario qui pourrait être retenu, la détermination d'une limite relativement basse aux montants que les tiers intervenants pourraient dépenser demeure le seul moyen de diminuer leur impact sur l'égalité des chances. Les réflexions qui précèdent visaient essentiellement à envisager des alternatives à la solution préconisée dans le rapport de M. Côté, et ce, sur la base de notre analyse du jugement de façon à assurer la plus grande sécurité juridique aux amendements que le législateur pourrait apporter à la Loi électorale.

Certains autres sujets ont été abordés dans le rapport de M. Côté, dont l'identification des électeurs. Le Directeur général des élections a déjà eu l'occasion de faire connaître son point de vue sur la question de l'identification des électeurs notamment en présentant un mémoire devant la commission de la culture dans le cadre de la consultation menée en février 1997 sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée. Le Directeur général des élections se disait alors en faveur de l'utilisation de la carte d'assurance-maladie si un consensus social et politique était établi à cet effet.

Rappelons que lors d'un scrutin l'identification de l'électeur se fait par la vérification de son inscription sur la liste électorale à partir d'une déclaration verbale de l'électeur, de ses nom, adresse, et, s'il y a lieu, de sa date de naissance. Autrefois, la plupart des membres du personnel électoral et des représentants présents au bureau de vote étaient issus de la section de vote. Il était donc probable qu'au moins l'une de ces personnes connaisse l'électeur. Aujourd'hui, le phénomène d'urbanisation et l'anonymat des grandes villes où l'on retrouve près des deux tiers de la population placent les électeurs et les membres du personnel électoral dans une dynamique complètement différente et sûrement moins personnalisée. Bien que les télégraphes semblent appartenir au passé, il arrive encore que des électeurs se présentent pour voter et qu'une autre personne ait déjà voté à leur place, phénomène qu'il n'est pas possible de quantifier. Dans les cas où l'on doute de l'identité d'un électeur, une assermentation peut lui être demandée. Ces assermentations sont consignées au registre du scrutin, mais elles sont noyées à travers tous les autres cas d'assermentation, d'où encore là l'impossibilité de les quantifier. Au-delà du nombre de ces incidents, c'est l'intégrité du système électoral qui est mise en cause à chaque fois. Or, c'est sur l'intégrité du système que repose la confiance des électeurs.

L'opportunité d'obliger l'électeur à s'identifier à l'aide d'un document d'identité comportant sa photographie doit être évaluée en fonction des avantages qu'une telle mesure comporte, notamment en regard du niveau de crédibilité élevé dont le processus électoral doit pouvoir jouir. Il nous apparaît, en effet, que l'identification de l'électeur au moment de l'exercice de son droit de vote permettrait d'éliminer tout doute sur l'existence de pratiques illégales. Par ailleurs, nous ne croyons pas que l'introduction d'une telle exigence comporterait des inconvénients importants sur le déroulement même du vote. Nous tenons toutefois à insister sur la nécessité de prévoir des règles d'application suffisamment souples pour ne pas déposséder injustement un électeur d'un de ses droits les plus fondamentaux.

Il nous apparaît enfin nécessaire d'insister sur le fait que l'exigence de l'identification ne saurait avoir pour objectif ou pour conséquence de vérifier la qualité d'électeur de celui qui se présente pour exercer son droit de vote. En effet, la qualité d'électeur est établie au moment de l'inscription sur la liste électorale et seule une commission de révision peut, le cas échéant, la remettre en cause. De même, l'identification de l'électeur ne saurait en aucun cas permettre de suppléer, le jour du vote, à l'absence d'inscription sur la liste électorale. Enfin, si l'identification obligatoire apporte une valeur ajoutée à l'intégrité et à la crédibilité du processus électoral, elle n'a aucun effet de cette nature en regard de la qualité des informations contenues à la liste permanente.

Quant aux pièces d'identité mentionnées comme étant les plus propices à atteindre l'objectif poursuivi, il faut être conscient de certaines de leurs limites. Ainsi, selon les informations dont nous disposons, ce n'est qu'au cours de l'année 1999 que la Société de l'assurance automobile du Québec prévoit terminer son premier cycle d'émission de permis de conduire avec la photographie du détenteur.

Par ailleurs, les 341 025 personnes âgées de 75 ans et plus ne sont pas tenues d'avoir leur photographie sur leur permis de conduire ni non plus sur leur carte d'assurance-maladie, ce qui représente environ 6,2 % de la population électorale de 18 ans et plus. Il ne faut pas non plus perdre de vue que les personnes âgées de 65 ans ne détiennent un permis de conduire que dans une proportion de 48,3 %.

Quant à la carte d'assurance-maladie, les données présentées devant cette commission par la Régie de l'assurance-maladie du Québec démontrent bien qu'il y a toujours à un moment donné des bénéficiaires qui ne l'ont pas en leur possession. Le passeport demeure le seul document d'identité sur lequel la photographie de son détenteur est présente dans tous les cas. Malheureusement, il ne s'agit pas d'un document largement répandu dans la population ni d'un document que l'on porte régulièrement sur soi.

Si le principe de l'identification nous apparaît raisonnable, il faut éviter d'adopter des modalités d'application trop rigoureuses. On pourrait ainsi atteindre l'objectif souhaité en acceptant qu'un électeur puisse s'identifier à l'aide d'une carte comportant sa photographie. Il faudrait toutefois prévoir des modalités pour éviter de faire perdre son droit de vote à l'électeur qui ne possède pas de carte avec photo, que ce soit en lui permettant de présenter d'autres documents attestant son identité, comme c'est le cas pour l'inscription sur la liste électorale, ou en lui demandant de prêter serment.

Finalement, l'inscription automatique sur la liste électorale permanente. Le rapport aborde la question de l'inscription automatique de certains électeurs sur la liste électorale permanente, soit les jeunes qui atteignent l'âge de 18 ans et les personnes qui acquièrent leur citoyenneté canadienne. Sur la base de l'expérience que nous avons accumulée depuis plus d'un an déjà auprès des jeunes de 18 ans, il faut en effet admettre que le taux de réponse que nous obtenons à l'invitation que nous leur transmettons de s'inscrire sur la liste permanente est fort décevant puisqu'il n'a atteint jusqu'à maintenant que 45,7 %, ces chiffres-là bougeant à peu près à tous les jours, tout dépendant du nombre de demandes qu'on envoie aux électeurs, mais ils se situent toujours, environ entre 45 % sans jamais dépasser 50 %.

Si l'on considère que 135 000 Québécois ont atteint cet âge en 1997, l'exhaustivité de la liste permanente risque de se détériorer de façon significative au cours d'un cycle électoral si ce taux de réponse n'augmente pas. Dans cette perspective, la proposition contenue dans le rapport nous semble constituer une amélioration souhaitable, d'autant plus que les modalités qui sont prévues respectent la liberté de l'électeur puisque ce dernier reçoit un avis d'inscription et qu'il peut alors signifier sa décision de ne pas être inscrit sur la liste électorale permanente.

Il faut cependant mentionner que dans le cas des jeunes de 18 ans aucune vérification de leur qualité d'électeur ne pourrait être faite avant qu'il ne soient inscrits, notamment en regard de leur citoyenneté. Il appartiendrait alors au jeune qui reçoit un avis d'inscription de nous signifier qu'il n'a pas la qualité requise. Selon les données de Statistique Canada, en 1996, 2,9 % des personnes résidant au Québec n'ont pas la citoyenneté canadienne.

Enfin, il est difficile d'évaluer le nombre d'inscriptions et de mauvaises adresses qu'un tel système d'inscription automatique pourrait générer. Nous croyons toutefois que les inconvénients précédemment identifiés ne sont pas suffisamment importants en regard des avantages escomptés de l'inscription automatique.

En conclusion, toute proposition de modification législative visant à combler le vide causé par l'invalidation prononcée par la Cour suprême devra respecter les objectifs à la base de la législation électorale québécoise soit: 1° l'égalité des chances entre les protagonistes; 2° la dissociation du débat électoral ou référendaire et du poids des forces financières; 3° l'exercice libre et éclairé du vote de chaque électeur; et finalement la transparence par la divulgation des sources de financement et la production de rapports de dépenses. Ces objectifs traduisent la recherche du difficile équilibre entre les libertés individuelles et l'intérêt collectif. Le maintien d'une société libre et démocratique commande, en outre, la protection de l'intégrité du système moral, social et politique sur lequel elle est érigée.

(16 h 40)

Le scénario proposé dans le rapport de M. Côté nous apparaît répondre aux orientations données par la Cour suprême tout en atteignant l'équilibre recherché. En effet, l'identification précise des intervenants visés, l'introduction d'une procédure formelle d'autorisation et d'enregistrement préalable, la fixation d'une limite raisonnable des dépenses autorisées, l'interdiction de mise en commun et l'obligation de faire rapport sont autant d'éléments qui s'inscrivent dans la continuité des moyens mis en oeuvre au fil des années pour garantir l'atteinte des objectifs sous-jacents à la législation électorale. Il nous apparaît toutefois que l'introduction de modalités visant à équilibrer les dépenses effectuées par les individus isolés en faveur d'une option et celles faites par les comités nationaux serait de nature à préserver davantage l'égalité des chances. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Tout d'abord, je vous remercie pour votre mémoire, et je voudrais tout de suite vous amener à la page 11, dans des petites questions rapides, parce que je voudrais avoir une série de clarifications.

À la page 11, vous constatez qu'il y a 2,9 % des personnes résidant au Québec qui ne sont pas de citoyenneté canadienne. C'est une observation que vous faites. On avait découvert au cours de la journée... M. le député de Laurier, je pense, a souligné cette zone grise: suite à l'inscription automatique, on ne connaissait pas nécessairement le statut ou la qualité d'électeur. Quelle solution vous préconisez pour corriger cette zone grise là, puisque vous l'avez identifiée?

M. Casgrain (François): Bon. Une des possibilités, ça serait peut-être d'exiger – on en parlait sur l'heure du dîner – de demander plutôt au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration du Canada de nous fournir non pas seulement le nom des personnes ayant la citoyenne canadienne et ayant 18 ans, mais également les jeunes qui obtiennent leur citoyenneté canadienne. Mais le problème que l'on a dans une situation semblable: Est-ce que ça veut dire que les autres 97 % qu'on ne serait pas en mesure de vérifier sont des gens qui sont nés au Canada? Est-ce qu'on peut prendre pour acquis cela? Et s'ils ne le sont pas? C'est très difficile de trouver une solution concluante.

La seule solution, la meilleure solution qu'on peut avoir, c'est de prévoir l'inscription automatique en écrivant aux gens, en leur disant qu'il faut qu'ils aient la qualité d'électeur. S'ils n'ont pas la qualité d'électeur, ils doivent à ce moment-là demander leur retrait de la liste électorale ou il y a des pénalités très importantes qui peuvent à ce moment-là entrer en ligne de compte.

M. Chevrette: Mais d'ici à ce qu'on l'inscrive dans la loi, je suppose que vous allez vous pencher sur les moyens d'ordre pratique?

M. Casgrain (François): Oui, tout à fait, de manière à pouvoir justement éviter que des personnes n'ayant pas la qualité d'électeur puissent être inscrites sur la liste électorale.

M. Chevrette: Merci. À la page 5. Je m'excuse, je vais me promener dans les pages parce que je veux prioriser mes questions au cas où je n'aurais pas assez de temps. À la page 5, vous dites de fixer une enveloppe globale égale à 10 % des dépenses déjà autorisées aux comités. Donc, il y a 2 500 000 $ à un comité du Non, 2 500 000 $ à un comité du Oui, ce qui fait 500 000 $ avec votre 10 %, si j'ai bien compris.

M. Casgrain (François): C'est ça. Donc, c'est un exemple là. Il s'agirait d'établir une enveloppe, mais ça serait à déterminer, l'enveloppe. Mais c'est un exemple, ici.

M. Chevrette: Mais si vous parlez de 10 % de 5 000 000 $ actuellement, c'est 500 000 $.

M. Casgrain (François): 5 000 000 $, ça fait 500 000 $ partagés entre les deux options.

M. Chevrette: Vous avez des demandes pour 1 000 000 $, qu'est-ce que vous faites? Quels sont les droits du nombre de personnes qui ne peuvent pas toucher au deuxième 500 000 $ que vous n'avez pas?

M. Casgrain (François): C'est-à-dire que...

M. Chevrette: Donnez un exemple concret parce que le député de Montmorency n'a pas l'air de comprendre.

M. Filion: Je comprends très bien, M. le Président.

M. Chevrette: S'il y a 1 000 000 $ de demandes...

M. Filion: S'il me laisse la parole, je vais lui expliquer.

M. Chevrette: ...puis que vous avez 500 000 $, qui vous favorisez? Est-ce que c'est par région? Est-ce que c'est par comté? Est-ce que c'est par date d'inscription?

M. Filion: Comté. Par comté. C'est divisé par comté.

M. Casgrain (François): Disons que je pense que c'est une question... 1 000 000 $, je pense que c'est un petit peu gros de penser qu'on pourrait avoir autant de demandes d'autorisation, surtout qu'il y a un délai très court pour pouvoir faire ces demandes-là. Évidemment, s'il y avait un très grand nombre de demandes, disons qu'il y avait un engouement très grand, je pense qu'à ce moment-là le fait de fixer justement une enveloppe, c'est le fait de déterminer... À ce moment-là, il faut rentrer au niveau de ces enveloppes-là.

Je vous dirais, un comité national, il y a beaucoup plus de projets probablement que pour les sommes qu'ils peuvent dépenser. Ils sont obligés à ce moment-là de décider de prioriser. Dans ce cas-ci, je pense que ce qui serait la solution, c'est de dire: On ne priorisera pas un électeur par rapport à un autre. Il s'agirait à ce moment-là de voir en fonction de la limite qui est accordée ce que ça peut donner à chacun des individus. Moi, je pense qu'on n'ira pas au bout de la réserve.

M. Chevrette: M. Casgrain, le comité ou le parapluie, c'est un collectif. La somme que vous libérez, c'est pour des respects d'un droit individuel en vertu du jugement. Comment vous conciliez le jugement qui se veut sur le respect d'un droit individuel par rapport à un parapluie qui, lui, est nécessairement un collectif? J'ai de la difficulté à vous suivre parce que, moi, j'ai toujours été de ceux qui disent: Plus on s'embarque dans des masses, et non pas un droit de dépenser jusqu'à, plus on risque précisément d'officialiser publiquement l'injustice d'un droit individuel par rapport à une autre personne qui n'a pas été assez vite ou qui a appris après quatre jours que... Puis je me demande pourquoi vous n'avez pas fait la distinction, comme P.D.G. ou Directeur général des élections, entre le droit de dépenser comme expression individuelle par rapport à un droit d'aller chercher des subventions au niveau national de 10 %. Avez-vous fait la distinction?

M. Casgrain (François): Regardez, je pense qu'il y a différentes possibilités au niveau, par exemple, de l'utilisation des masses. Est-ce qu'on garde un collectif, qui est un montant réservé, et à ce moment-là qui est comme un peu indépendant, mais qui est quand même fixé par la loi? Parce qu'il y a différentes modalités qui peuvent être envisagées. On peut dire que les groupes et les individus ne seront pas distingués, on peut les mettre ensemble et dire: Ce sont des affiliés. On va gérer ces affiliés-là; ils peuvent être gérés par les comités nationaux. Les comités nationaux, on sait la difficulté qu'il peut y avoir éventuellement parce qu'on sait... À partir du moment où on a un budget qui nous est réservé ou de l'argent qu'on pense pouvoir dépenser, on fait un budget en fonction de l'argent qu'on pense dépenser.

Donc, à partir du moment où quelqu'un vient nous demander de l'argent, généralement on n'a plus de budget pour accorder à cette personne-là. Donc, l'idée est que, soit qu'on fait un budget qui est réservé et, à ce moment-là, qui ne grève pas le budget d'un comité national; à ce moment-là, il y aura moins de tentation de ne pas accorder. Si on y va au niveau du comité national, c'est une autre possibilité et, à ce moment-là, on laisse au comité national d'essayer de faire en sorte que cet individu-là s'inscrive à l'intérieur des activités du comité. Parce qu'il ne faut pas oublier que cet individu-là doit, si on se fie à ce qui est prévu ici, est quelqu'un qui doit venir faire une déclaration non seulement qu'il est favorable à une des options, mais qu'il n'est pas capable de travailler avec un des comités nationaux ou un des comités affiliés. Donc, il a quand même une déclaration à faire que, pour des raisons idéologiques ou stratégiques, il est incapable de pouvoir s'associer ou s'affilier à un des comités nationaux ou à un des comités affiliés déjà en place.

M. Chevrette: Mais votre 10 %, M. Casgrain, il sert à des individus isolés. C'est ce que j'ai compris à la page 5.

M. Casgrain (François): On donne un exemple ici: on peut établir 10 %, on peut établir 5 %. Il s'agit d'établir un pourcentage qui soit effectivement raisonnable en fonction des montants qui peuvent être dépensés.

M. Chevrette: Vous parlez d'un cas isolé.

M. Casgrain (François): Oui.

M. Chevrette: Le cas isolé, lui, ça peut être quelqu'un qui n'est pas d'accord avec le comité du Non; c'est un individu qui n'accepte pas l'argumentaire du Non ou qui n'accepte pas l'argumentaire du Oui. Un cas isolé n'est pas nécessairement un abstentionniste. Donc, vous êtes en train de mettre dans les cas isolés, individuellement, toute la ribambelle des options: le gars qui n'accepte pas la stratégie; il est Non, mais c'est parce que ça en donne trop au lieu de pas assez; il est Non parce qu'il n'aime pas la bette de celui qui dirige le parapluie du Non. Il y a une foule de raisons pour lesquelles il est Non. Ce n'est pas le nombre de marginaux qui... qu'on ne peut pas énumérer ici, et la même chose dans le camp du Oui.

Ne risquez-vous pas, à ce moment-là, de faire empiéter sur les argents destinés à ce que la grande normalité des choses considère comme acquis? Tu es pour ou tu es contre quelque chose; tu n'es pas contre pour nécessairement les mêmes raisons et tu n'es pas pour nécessairement pour les mêmes raisons. Mais là, on diluerait, on diluerait, on diluerait, alors que la loi avait au moins ce côté de bon, c'est que quelqu'un qui voulait s'exprimer – et son droit individuel – il pouvait, jusqu'à un seuil de, pour des activités précises, s'exprimer. Qu'est-ce qui a été contesté? Ce n'est pas le fait d'aller prendre 10 % ou 15 % des argents destinés au parapluie du Oui ou au parapluie du Non, c'est le quantum pour l'expression individuelle, et c'est là que je ne comprends pas votre mémoire, M. le DGE.

M. Casgrain (François): Ah, non, mais c'est peut-être là... il y a peut-être une mésentente sur ce qui est mentionné. Ce qu'on dit, ce n'est pas de dire que la personne peut aller jusqu'à 10 %. Ce qu'on dit, c'est que, si on veut préserver l'égalité que la Cour suprême reconnaît comme étant valable, donc on peut établir... Mais cependant il faut laisser une place à quelque part pour des gens qui sont incapables d'agir au sein d'un comité.

Donc, ce qu'on dit, nous, c'est que non seulement on devrait établir une somme qu'une personne pourrait aller chercher individuellement, mais on dit: On devrait limiter l'ensemble des sommes individuelles justement pour préserver le collectif. En fait, la limitation du 10 %, c'est pour préserver l'effet, effectivement, qui est reconnu valide par la Cour suprême, du fait qu'il faut contrôler l'ensemble des dépenses et il faut privilégier, en fait, ce collectif-là même au détriment de certaines opérations individuelles. Donc, c'est dans ce sens-là que le 10 % s'ajoute comme deuxième limite à la première, qui serait une limite individuelle, mais l'ensemble des individus ne pourraient pas dépasser une certaine somme. Je veux dire, c'est dans ce sens-là. C'est un exemple qui pourrait permettre, à ce moment-là, de chercher un rééquilibre.

(16 h 50)

M. Chevrette: Je reviendrai, M. le Président, pour permettre une alternance.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion, s'il vous plaît.

M. Sirros: Oui. Merci, M. le Président. Moi, étant donné qu'on a l'occasion de parler avec le DGE par intérim sur ces questions, je constate qu'il y a un certain nombre de questions et je commencerai avec la question de l'identification de l'électeur.

Vous semblez partager certaines craintes qui nous ont été exprimées quant à l'équilibre à trouver entre l'identification puis l'exercice du vote. Et je vais le dire, je trouve que vous mettez de l'avant une proposition qui pourrait peut-être rassembler l'ensemble des tendances, laquelle, moi, personnellement, je trouve un mérite à l'examiner.

En fait, vous dites: Examinons la possibilité d'avoir une identification sans la rendre obligatoire, dans le sens de permettre aussi une possibilité d'accommoder les gens qui n'auraient pas leur carte sur eux. Donc, de ne pas faire perdre le droit de vote par une mesure appliquée mécaniquement au niveau de l'obligation faite pour l'identification. Je pense qu'il y a là une voie qui mérite d'être explorée. Ça semble rejoindre plus ou moins ce que l'ADQ mettait de l'avant et ce que le PLQ mettait de l'avant aussi, où on préconisait le recours à une carte possible, mais avec une possibilité aussi pour la personne de s'assermenter, si tel était son choix. Vous dites presque la même chose en demandant l'identification. Si la personne n'a pas sa carte ou ne veut pas la présenter, j'imagine, à moins qu'on le fouille, il pourrait s'assermenter et ça devrait normalement rester une mesure exceptionnelle. Je pense que peut-être il y a une piste de solution que vous nous offrez, qui nous permettrait quand même d'arriver à un consensus au niveau des amendements concernant l'identification.

Vous ne parlez pas du tout d'un autre sujet qui a fait l'objet de certains échanges plus tôt aujourd'hui, qui m'ont laissé, moi, perplexe par rapport à une recommandation que les gens nous faisaient au niveau de la présomption de complicité, et je parle du dossier de l'influence indue, entre guillemets. Vous ne l'avez pas abordé. Pouvez-vous nous donner un peu votre façon de voir cette question-là?

M. Casgrain (François): Disons, sur l'influence indue, surtout sur le fait qu'on puisse éventuellement imputer certaines dépenses à un candidat qui ne les dénoncerait pas. Je pense que, là-dessus, il faudrait faire attention au niveau de l'imputation. Ce que j'ai compris, moi, c'est que ce qui est proposé – là, bon, on pourrait effectivement échanger là-dessus – c'est de dire: Écoutez, on a une situation x qui favorise nettement un candidat. Ce candidat-là, évidemment, il faudrait être en mesure de démontrer – puis c'est là qu'il peut y avoir une problématique – qu'il est au courant, effectivement, de la dépense qui est effectuée. À partir du moment où la dépense est effectuée, qu'il sait qu'elle n'était pas autorisée, c'est de faire en sorte qu'il puisse y avoir une infraction pour la personne qui ne la dénoncerait pas.

Évidemment, c'est difficile un petit peu de concilier... De notre côté, ce que je comprends, c'est que chacun des parlementaires, ici, est d'accord avec les règles de contrôle des dépenses électorales, la nécessité d'assurer un contrôle des dépenses électorales, la nécessité donc d'avoir un respect des règles. Maintenant, est-ce qu'il faut faire en sorte qu'on vienne à imputer la dépense? C'est une question, je pense, qu'il faut peut-être se poser, mais ça va assez loin, et ça pourrait être difficile, effectivement, en Cour.

Si on fait une présomption... Il faut dire que c'est des présomptions qui existent dans d'autres domaines. Il existe certaines lois, au niveau du droit de l'environnement, où il y a des espèces de renversements lorsqu'on a réussi à établir un certain nombre d'éléments ponctuels. Donc, je comprends que, dans ce cas-ci, il faudrait démontrer que le parti était au courant de la dépense et que, dans ce cas-ci, il n'a rien fait de manière à contrer ou, au moins, à la dénoncer. Bon. Je pense que c'est quelque chose, là, qui va quand même un peu loin, mais il s'agirait de voir, là, jusqu'où les parlementaires tiennent effectivement au respect de l'équilibre et jusqu'où ce respect de l'équilibre là... On pourrait arriver à un déséquilibre si on n'arrivait pas à avoir de telles règles. Donc, je pense que c'est la démonstration qu'il faudrait en faire.

Il n'y a pas eu, dans le passé, d'exemple, avant le référendum, qui allait si loin. Le dernier référendum, je pense, est celui qui a amené une réaction de certaines personnes à cet égard-là.

M. Sirros: Dans votre esprit, ce genre d'intervention devrait être une intervention a priori ou a posteriori? La Commission des droits de la personne nous a parlé en disant: Si on établit un certain nombre d'éléments qui font en sorte qu'il y aurait une influence indue, ça serait une intervention une fois qu'on aurait ces éléments en main et qu'on aurait un peu la preuve qu'il y avait complicité, qu'on pourrait donc intervenir plutôt que de présumer au préalable qu'il y a complicité et...

M. Casgrain (François): C'est-à-dire que ça dépend là. Lorsqu'on dit une «complicité», c'est une forme de complicité mais qui est un peu différente. Dans ce cas-ci, moi, ce que je comprends, c'est qu'il faut quand même démontrer non seulement qu'il y a eu une dépense et que cette dépense-là a favorisé un parti, si le parti ou le candidat n'est pas vraiment au courant de cette dépense-là, comment peut-il la dénoncer? On ne peut sûrement pas faire une infraction pour la personne qui ne l'a pas connue. Si la dépense lui est dénoncée en tant que telle, est-ce qu'il n'appartient pas – et je pense que c'est là la question qui est posée – au candidat: Non, non, cette dépense-là, ce n'est pas moi qui l'ai autorisée. Je n'ai pas autorisé cette dépense-là et, en fait, je ne suis pas d'accord avec le fait qu'on fasse une dépense qui n'est pas autorisée. Je pense que c'est dans ce sens-là, moi, que j'avais lu, qui pourrait être une possibilité, effectivement.

M. Sirros: Et donc, ça serait à qui de contrôler les tiers? Ça ne serait pas au DGE d'intervenir à ce moment-là, une fois que le candidat aurait dit: Moi, je ne suis pas au courant de cette dépense-là et je ne la réclame pas?

M. Casgrain (François): À l'heure actuelle, effectivement, c'est ça, c'est-à-dire que si le tiers a fait une dépense qui n'est pas autorisée ou qui ne va pas dans le sens de modifications qu'on pourrait apporter, donc c'est clair et net qu'il appartient au Directeur général des élections à ce moment-là de dire: Écoutez, vous n'avez pas fait une dépense qui est autorisée. Vous avez donc contrevenu à la loi et une infraction peut être prise contre vous. Ce que je comprends, c'est d'aller plus loin. Il y a une complicité. Il y a deux types de complicité: il y a la complicité où on dit «on aide quelqu'un à commettre l'infraction» et il y a celle qu'on a un peu à 560 dans la loi, qui est déjà un petit peu présente, où on dit: Le candidat ou le chef du parti qui permet qu'une dépense non autorisée soit effectuée... Est-ce qu'il l'a permise, ici?

Donc, là, ce que je comprends de l'intervention, c'est d'aller un peu plus loin. Si on lui dénonce une dépense qui l'avantage et qu'il ne fait rien, est-ce qu'il ne devrait y avoir également une infraction puisqu'il encourage en quelque sorte cette dépense-là en ne la dénonçant pas? Là, c'est quand même aller assez loin, mais ça dépend du caractère qu'on veut accorder évidemment à la dissociation du geste du tiers par rapport à celui du candidat. Comment le candidat peut-il se dissocier pour éviter que quelqu'un puisse penser qu'il y est associé?

M. Sirros: Dans un autre ordre d'idées, si on nous avait consultés au niveau des sujets à amener devant nous en commission parlementaire, un des sujets que j'aurais mis sur la table aurait été toute la question de la nomination des scrutateurs. Je trouve – et on l'a vécu au dernier référendum d'une façon dramatique – qu'il y aurait lieu peut-être de rebalancer, surtout dans un référendum, la nomination des scrutateurs. Parce que, étant donné que c'est le scrutateur qui est finalement le chef de la table, le président de la table, et comme tous les scrutateurs sont nommés par le gouvernement, celui qui propose la question, moi, je pense qu'il y aurait lieu peut-être d'envisager d'autres formules qui permettraient d'avoir un équilibre.

Une de celles qui me viennent à l'esprit, ça serait – et ça pourrait même aussi s'appliquer lors d'une élection – de prendre ça au hasard dans le sens de dire: Les pairs sont nommés par untel et les impairs sont nommés par le deuxième. Poll 1, c'est un scrutateur nommé par le Oui; le poll 2, c'est le Non, etc. Et ça pourrait peut-être être la même chose au niveau des élections pour au moins avoir l'équilibre et ça éliminerait toute possibilité de... Comment vous réagissez à ça?

(17 heures)

M. Casgrain (François): Bien, je réagis plutôt favorablement, dans le sens qu'on parlait tout à l'heure d'intégrité du système et d'image que donne le système. À l'heure actuelle, les nominations font douter, dans certains cas, que des décisions pourraient être prises en fonction du parti qui a recommandé le scrutateur. Donc, je pense que ça, ça nuit au système démocratique en soi. Parce que je crois personnellement que la très grande majorité des gens font correctement leur travail. Par exemple, lorsque je suis allé au recomptage dans la circonscription électorale de Saint-Jean, qui a fini par une égalité des voix, ce que j'ai constaté généralement, c'est que les scrutateurs avaient tendance à faire bénéficier... en fait, voulaient respecter le droit de vote des électeurs. La tendance naturelle du scrutateur, c'est de compter les bulletins de vote et de les compter correctement.

Par exemple, dans ce cas-ci, il y a eu plus de bulletins de vote rejetés par le juge ou par les avocats des parties qu'il n'y en a eu en fait par les scrutateurs eux-mêmes. Donc, moi, je pense que dans ce cas-ci, c'est la question de l'apparence qui pourrait être favorisée. Une des difficultés qui est reliée un petit peu à ça, c'est, je vous dirais, le montant qu'on donne à l'un et à l'autre. On donne des responsabilités qui sont à peu près équivalentes à l'un et à l'autre, on paye l'un plus que l'autre et, évidemment, on veut essayer de nommer celui qui est rémunéré le plus.

Moi, je pense qu'il n'y a pas de raison, pour des gens qui font exactement, si on peut dire, le même travail à la table, qui ont des responsabilités différentes, qu'on paye de façon différente les gens. Par exemple, si on avait une rémunération égale entre le scrutateur puis le secrétaire, probablement qu'on voudrait moins absolument nommer le scrutateur lorsqu'on est candidat ou qu'on est partie. Ça équilibrerait.

Et je pense que, là-dessus, on pourrait plus facilement, effectivement, aller après ça et dire: Nous prenons les listes des partis, et on prend la moitié des scrutateurs d'un côté, la moitié des secrétaires de l'autre côté, et, à ce moment-là, on s'organise pour avoir les équipes qui soient le plus homogènes. À ce moment-là aussi, ça militerait beaucoup plus, ça serait beaucoup plus facile de faire en sorte que... Vous savez, les directives, on les fait approuver par les membres des partis politiques au niveau du comité consultatif et, après ça, c'est en fonction de ces directives-là qu'on donne la formation. À mon avis, la formation devrait suffire. On devrait s'entendre pour qu'une seule formation soit donnée pour qu'on puisse, à ce moment-là, s'assurer du respect des règles.

M. Sirros: Bien, vous savez – ce n'est pas moi qui vous l'apprends – que vous avez le pouvoir de faire des recommandations. Puis, étant donné qu'on n'a pas été consultés sur les sujets qu'on devait avoir ici devant nous, dans un rapport, moi, je vous suggérerais fortement de faire une recommandation dans ce sens-là au niveau des scrutateurs, tout au moins dans un référendum où on pourrait retrouver l'équilibre, où la moitié serait nommée par un côté puis l'autre moitié par l'autre.

M. Filion: Pourquoi avoir limité vos recommandations? C'est ça, la question.

M. Casgrain (François): C'est-à-dire, pour peut-être répondre à M. Sirros, je veux dire, si vous regardez à nouveau le rapport sur l'utilisation d'un nouveau bulletin de vote, j'ai une série de recommandations à cet égard-là, où on faisait une recommandation, justement, sur un rééquilibre éventuellement de la nomination du personnel électoral. Je pense que ce que je viens de vous dire va dans ce sens-là. Peut-être pas au niveau de la rémunération, je vous rajoute la question de la rémunération, je ne pense pas qu'elle ait fait partie...

M. Sirros: Juste pour mémoire, parce que je ne me rappelle pas de la recommandation que vous faisiez dans ce sens-là, pouvez-vous la reprendre au niveau de l'équilibre? Comment vous suggérez le trouver?

M. Casgrain (François): C'est que je pense qu'il fallait revoir la façon de nommer le personnel électoral de façon à pouvoir éventuellement équilibrer ou nommer une partie des scrutateurs et des secrétaires d'un côté et de l'autre. Donc, je pense que cette suggestion-là... Il faudrait que je retrouve, voir... C'est suite au rapport sur l'essai du nouveau bulletin de vote.

M. Sirros: Mais, moi, spontanément, j'avais pensé à prendre les numéros de polls. Et les pairs, c'est untel; les impairs, c'est l'autre. Et puis ça, ça donne 50 %.

M. Casgrain (François): Pour répondre, si vous me permettez, juste à la question qui m'a été posée par M. Filion, c'est sûr et certain que j'ai fait porter mon intervention surtout sur le rapport de M. Côté, puisqu'il y avait déjà amplement matière sur le rapport de M. Côté.

J'ai eu l'occasion déjà de faire valoir plusieurs des... Le Directeur général des élections et moi-même, on a déjà eu l'occasion, parce que je parle en même temps... parce qu'il y en a beaucoup qui venaient de mon prédécesseur, M. Côté, qui a fait quand même plusieurs recommandations d'amélioration de la Loi électorale. Je pense qu'on a cheminé beaucoup là-dessus. Je pense que, oui, il faut arriver à des modifications à la loi électorale. C'est ce qu'on essaie toujours de faire, une analyse, et d'en faire, des recommandations à cet égard-là.

M. Sirros: S'il y a des collègues qui veulent poser des questions?

Le Président (M. Paquin): Alors, M. le député de Montmorency, si vous voulez terminer votre questionnement à ce moment-ci.

M. Filion: Je n'ai pas commencé, M. le Président.

M. Chevrette: On vient de nous permettre cinq minutes à nous deux.

M. Filion: Je n'ai même pas encore commencé, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Ah, moi, j'ai entendu une question qui venait de vous et j'ai entendu une réponse qui y a été donnée.

M. Filion: Oui, oui. M. le Président, on parle de liberté d'expression. J'espère que vous allez me donner mon cinq minutes.

M. Chevrette: Oui, mais c'est ça. Tu as parlé à contretemps, mais tu as parlé.

M. Filion: M. le Président, oui, j'aurais une couple de questions. Vous semblez apporter beaucoup d'importance dans votre mémoire à l'égalité des chances entre les protagonistes. Mais, là, vous vous limitez à soulever des points, effectivement, au niveau des dépenses électorales, qui brimeraient la liberté d'expression. Est-ce que vous êtes d'accord effectivement avec toutes les mesures, au niveau des dépenses, qui ont été soulevées dans le tome II, l'annexe 2 où on énumère différents articles de loi qu'on devrait amender pour éliminer effectivement cette problématique-là de brimer la liberté d'expression? Ma première question, c'est celle-là. Et la deuxième, bien, j'en aurai une autre.

M. Casgrain (François): Sur l'annexe 2. Je m'excuse, je n'ai pas l'annexe 2 avec moi.

M. Filion: C'est parce que c'est un document qui a été préparé suite à de la consultation entre M. Côté et chez vous. Comme vous ne mentionnez pas du tout de balises précises dans votre mémoire, je me demandais si vous étiez effectivement d'accord avec les éléments qui étaient soulevés dans le rapport de M. Côté à ce niveau-là.

(Consultation)

M. Filion: Bien non. Laissez-moi le temps de parler. Franchement!

M. Casgrain (François): Je vais demander à Mme Barry. Excusez-moi, M. Filion, de peut-être... Parce que je ne retrace pas l'annexe 2 et on me dit que c'est...

Mme Barry (Francine): La compréhension de l'objectif de l'annexe 2 qui était produite au rapport de M. Côté, c'est qu'il s'agit d'une présentation de l'ensemble des dispositions législatives applicables en matière de financement et de contrôle pour montrer, d'une part, leur parenté dans différentes législations électorales et, si je ne m'abuse, aussi pour référer, dans certains cas, à leur historique et à leur évolution historique.

Mais ma compréhension, enfin, de cette annexe-là, ce n'est pas que M. Côté laissait entendre, ce faisant, que chacune de ces dispositions donnait lieu à une proposition de recommandation de modification.

M. Filion: Mais ce serait souhaitable qu'elle soit modifiée?

Mme Barry (Francine): Ah bien là, ça, ça vous appartient de poser votre jugement, mais, ce que je veux juste dire...

M. Filion: Non, non, mais écoutez, nous, les législateurs, justement on veut savoir qu'est-ce qu'on doit corriger pour ne pas se retrouver dans une problématique de poursuite éventuelle. Alors, est-ce que, effectivement, on doit le corriger, oui ou non? Vous êtes l'instance qui devez nous guider.

M. Casgrain (François): Oui, effectivement, il y a des correctifs, vous avez raison. On a déjà soulevé, nous, les correctifs à apporter: entre autres, la partie du scrutin, mais également sur le financement. Parmi ceux-ci, il y a avait des questions reliées à l'autorisation des partis, des candidats indépendants, la possibilité qu'on puisse accorder entre autres aussi des autorisations à des candidats indépendants non seulement à partir de l'émission du décret mais, par exemple, est-ce qu'on ne devrait pas accorder ça après un certain nombre d'années après un mandat ou immédiatement après l'élection?

Il y avait une recommandation qui avait été faite, en tout cas, dès qu'on arrive à la quatrième année d'un mandat, lorsqu'un candidat indépendant prévoit vouloir se présenter candidat, qu'il puisse obtenir une autorisation de manière à pouvoir obtenir des sommes d'argent conformément à la loi et bénéficier des avantages qu'offre effectivement le fait d'aller chercher de l'argent des contributions de contribuables lorsque nous sommes autorisés, c'est-à-dire la déduction fiscale, etc.

On proposait également qu'un député qui devient indépendant puisse obtenir une autorisation dès le moment où il devient indépendant pour lui permettre, pour la même raison, de recueillir de l'argent conformément à la loi. Parce qu'il nous apparaissait qu'on avait un système, à un moment donné, un petit peu à double...

M. Filion: Mais quand ça a été fait, cette recommandation-là, ça n'a pas été retenu? L'argumentation dont vous parlez sur le financement?

M. Casgrain (François) : Écoutez, ce qu'on a dit, c'est qu'il y a plusieurs recommandations qui ont fait l'objet effectivement de consensus qui devraient apparaître dans la loi. Je présume que certaines de ces dispositions-là devraient apparaître dans la loi qui sera déposée puisqu'on en a parlé. Il semblait y avoir, en tout cas, si je me souviens bien, un consensus sur ces questions-là.

Je pense qu'il y a eu certaines interrogations qui ont été posées, par exemple, par les différents partis, mais je n'ai pas compris qu'il y avait de réticences à pouvoir aller de l'avant avec certaines modifications à cet égard-là. Donc, là, il faudrait voir qu'est-ce que le projet de loi qui sera déposé par le ministre inclura, mais je pense qu'il pourrait inclure effectivement des dispositions à cet égard-là.

M. Filion: Est-ce que l'actuel projet de loi qui est en cours, qui va être déposé bientôt à l'Assemblée nationale, est préparé par le Directeur général des élections ou par le Procureur général?

M. Casgrain (François): C'est-à-dire qu'il y a eu dans le passé un mécanisme qui s'est établi dans le sens que le Directeur général des élections aidait le gouvernement dans la rédaction des dispositions législatives. Donc, généralement il y a toujours quelqu'un du ministère de la Justice, des gens du secrétaire à la législation mais également quelqu'un du Directeur général des élections de manière à s'assurer d'une cohésion de la Loi électorale. Évidemment, dans des cas d'autres ministères, ce sont généralement des avocats du ministère qui vont avec le ministère de la Justice et le secrétariat. Dans le cas du Directeur général des élections donc on est impliqués. On est évidemment intimement impliqués puisqu'on est les gens qui connaissent le mieux la Loi électorale. Donc, oui, on est toujours généralement... Ça fait partie, d'ailleurs, des dispositions de la Loi électorale de pouvoir conseiller le gouvernement en matière de lois électorales. Donc, c'est un rôle qu'on a à jouer, effectivement, lorsque arrive la rédaction de ces lois-là.

(17 h 10)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: J'avais aussi touché la proposition que vous faites à l'effet de ne pas exclure des partis politiques et de les considérer, en fait, comme des groupes indépendants. J'essayais de trouver, dans le jugement de la Cour suprême, la référence. J'ai comme une vague «recollection» que la Cour suprême disait que les partis politiques ne devraient pas être considérés comme des groupes, qu'ils devraient être des gens qui peuvent s'associer à l'un ou l'autre mais qu'il pourrait y avoir une autre forme d'association qui serait un regroupement d'individus. Vous, vous faites le raisonnement: Un regroupement d'individus, à partir du moment où on ne leur pose pas de question sur leur orientation politique, peut être un parti politique et on devrait le permettre. Pouvez-vous juste clarifier un peu?

M. Casgrain (François): Disons que ce qu'on a pu juste indiquer là-dessus, c'est qu'un parti politique, généralement, en tant que tel, considéré comme un groupe, va se placer pour une option ou pour une autre option, peut être un groupe affilié, peut faire partie intégrante du comité qui est mis en place. Vous savez qu'on a, des fois, des affiliations formelles; d'autres fois, on a des affiliations, si on peut dire, plus... je ne dirais pas une intégration, mais de différents groupes qui viennent au niveau des différents comités.

Donc, à cet égard-là, ce qu'on dit: Lorsqu'un parti politique, si c'était le cas, prônerait l'abstention, est-ce qu'on pourrait considérer que ce parti politique là, parce qu'il est un parti politique, ne pourrait pas prôner l'abstention indépendamment de ses membres individuellement? On dit que non. Je pense que ça irait, première des choses, à l'encontre, probablement, de la liberté d'association, puisque les partis politiques sont reconnus justement en fonction de la liberté d'association.

Si on a des partis politiques – et on a la possibilité de se former en parti politique – c'est parce qu'il existe une liberté d'association; comme il existe un possibilité de ne pas s'associer, de ne pas être un parti politique, d'être indépendant. Donc, c'est là la distinction où on dit: Il faut faire attention, je pense, de dire que, parce qu'on est un parti politique on doit nécessairement agir uniquement par les individus et non pas par le parti comme groupe.

M. Sirros: Oui, mais c'est dans le cas où le parti politique prône l'abstentionnisme, parce que ça pourrait être un «oui, mais», ou...

M. Casgrain (François): Uniquement au niveau des abstentionnistes, parce qu'un parti politique est nécessairement reconnu comme étant un groupe et il y a des règles d'affiliation pour les groupes, prévues dans la loi, et ça, ça a été reconnu par la Cour suprême.

M. Sirros: Je ne sais pas si...

M. Chevrette: Oui. Tout d'abord, élargir le nombre de pièces d'identification possibles. Vous semblez ouvrir cette voie. J'en avais parlé avec le président de la Commission d'accès à l'information également. Moi, je suis d'accord. Puis, si on l'élargit pas mal, j'aimerais ça savoir comment vous conciliez cela avec le maintien de la formule du serment, à ce moment-là.

M. Casgrain (François): Ce que je comprends, moi, c'est qu'au départ on établit un principe: la personne doit, pour pouvoir se présenter pour voter, avoir en sa possession une pièce d'identité. Cependant, il faut être conscient que la personne qui se présente pour voter, elle va se présenter dans un court laps de temps. Elle n'est pas, comme dans une demande d'inscription à la Commission de révision ouverte pendant deux ou trois semaines, où elle peut revenir la journée d'ensuite. Si elle ne vote pas cette journée-là ou elle ne vote pas au moment où elle se présente, fini, son droit de vote vient d'être bousillé. Donc, je pense qu'il faut établir la règle, évidemment, faire la publicité nécessaire. Et, moi, je crois que les gens vont arriver avec leur pièce d'identité. Les gens vont préférer présenter leur pièce d'identité qu'y aller à la pièce, parce qu'il y aurait une discrimination qui serait créée.

M. Chevrette: Ce n'est pas la question que je vous pose, M. Casgrain. Ne déviez pas de la question. Vous soulignez, dans votre mémoire, l'élargissement des possibilités d'identification, ce avec quoi je suis d'accord, je l'ai même dit au président de la Commission d'accès à l'information, puis je lui ai dit que j'aimerais ça qu'il nous en propose, à part de ça, rappelez-vous. Si on élargit, en plus des trois, je ne sais pas, si on en propose trois, quatre autres, puis on permet même la photo certifiée, supposons, pourquoi maintenez-vous le serment, à ce moment-là? C'est ça que je vous pose, comme question, il n'y a pas d'autre chose, là.

M. Casgrain (François): Pour permettre à l'électeur de pouvoir exercer son droit de vote, parce qu'il peut arriver qu'un électeur n'ait pas la carte en question. Il n'y a pas tant de cartes avec photo que cela.

M. Chevrette: Mais le gars qui a perdu sa carte d'élection, en France, sa carte d'électeur, s'il la perd, il «peut-u» voter?

M. Casgrain (François): La carte d'électeur, en France ou dans certains pays, vous savez comment elle est fournie: on lui fournit une carte à partir de la liste électorale. On lui fournit une carte puis on lui envoie la carte. La carte, s'il l'utilise...

M. Chevrette: Je vous demande si celui qui ne l'a pas vote.

M. Casgrain (François): S'il vote? Non.

M. Chevrette: Parfait. Donc, à partir du fait, ici... C'est ça que je veux vous faire comprendre, là. Moi, je veux qu'on soit pour la vertu et la tarte aux pommes, mais je ne veux plus que ça ne veuille rien dire non plus, puis il s'agit précisément qu'on ouvre une porte pour que notre système soit tout flanché. Je veux vous dire: Ce qui est important, M. Casgrain, c'est la visualité de la personne, la photo. Ce n'est pas le code, ce n'est pas le numéro, ce n'est pas la date de naissance, c'est: Est-ce que l'image projetée par rapport à celle qui s'identifie au nom, c'est la même personne? Ça, j'ai expliqué ça au directeur général de la Commission d'accès et c'est là qu'il m'a dit: On pourrait peut-être voir d'autres moyens. S'il y a d'autres moyens, pourquoi persister à maintenir un double régime qui est plus généreux que partout au monde dans ceux qui ont une carte d'électeur. J'aimerais ça que vous m'expliquiez cela, pourquoi.

M. Casgrain (François): Bien, je pense avoir fourni la réponse tout à l'heure, M. Chevrette. Je n'ai pas d'autre réponse à vous fournir.

M. Chevrette: Merci.

M. Casgrain (François): La réponse, ce que j'ai dit tout à l'heure est celle que j'avais à vous donner là-dessus.

M. Chevrette: Je passe à d'autre chose, d'abord. La deuxième chose dont je voudrais parler: Quand vous avez songé à élargir le nombre de pièces d'identification, à quoi pensiez-vous?

M. Casgrain (François): On pensait, entre autres, que ça pourrait être une photographie d'une société de transport. Par exemple, pour obtenir une photographie à la Société de transport de la ville de Montréal, la personne doit se présenter en personne, se faire photographier directement et apporter des pièces d'identité. Donc, on peut avoir l'assurance que, normalement, la photo qui se retrouve sur cette carte de transport là est quand même véridique.

Donc, je pense qu'il y a des cartes comme ça qui peuvent... Les cartes d'employeurs, par exemple, émis par un employeur... Il existe des cartes de fonctionnaires, des cartes à l'Assemblée nationale, qui sont reconnues, qui sont validées. Donc, il peut y avoir certaines cartes qu'on pourrait identifier. Je n'en ai pas fait une nomenclature complète, là. Il faudrait voir quand même pour s'assurer d'une certaine sécurité au niveau de la carte qui pourrait être utilisée.

M. Chevrette: Est-ce qu'on peut vous demander de nous la fournir, aux membres de la commission, cette nomenclature? Vous pourriez mettre quelques-uns de vos proches pour nous envoyer ça?

M. Casgrain (François): Il nous fera plaisir de le faire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci.

M. Chevrette: Aux pages 7 et 8, vous dites ceci: «Au terme de la Loi électorale, permettre à des individus ou groupes indépendants [...] car le fait de se porter candidat indépendant n'est pas suffisant.» J'aimerais que vous m'expliquiez concrètement, vous. Je ne sais pas, moi, un type se déclare indépendant pour un motif religieux, puis il fait campagne, puis il réussit à se créer un noyau, parti qu'il enregistre; vous n'avez pas le choix que de l'enregistrer. Pourquoi ce n'est pas suffisant?

M. Casgrain (François): C'est-à-dire qu'une personne qui veut s'exprimer n'est pas obligée de se présenter candidat. Généralement, c'est ça la liberté d'association qui est reconnue. Lorsqu'on parle qu'une personne a le droit de se porter candidate, ce n'est pas une obligation de se porter candidate pour faire valoir son point de vue. Cependant, il faut qu'elle sache que si elle ne se présente pas candidate, il va y avoir des limites qui vont être données à sa liberté d'expression. Je pense que la Cour suprême nous indique clairement qu'il faut voir à trouver une façon de permettre la liberté d'expression de ces individus-là. C'est pour ça que j'indique que le fait de dire qu'il peut se présenter candidat, ça serait une fausse sécurité, au niveau de l'Assemblée nationale, je pense, de lui dire: Oui, oui, il n'y a pas de problème, vous pouvez aller dans ce sens-là, vous avez juste à l'obliger à être candidat, vous n'aurez pas de problème au niveau de la constitutionnalité et de la Charte. Moi, je vous dis: Non, vous allez avoir des problèmes. C'est le message que je lance maintenant.

Donc, si vous voulez trouver une solution, je pense qu'il y a des solutions qui sont offertes – elles ne sont pas nombreuses cependant – de manière à pouvoir permettre une certaine forme de liberté d'expression tout en préservant nécessairement aussi l'égalité des chances des personnes qui, elles, décident de se présenter candidates.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion.

(17 h 20)

M. Sirros: J'aimerais, si vous permettez, M. le Président, revenir sur la question de l'inscription automatique sur la liste permanente. Je viens de revoir cette question, surtout par rapport à ceux qui atteignent l'âge de la majorité à 18 ans. Vous dites, à un moment donné, selon les données de Statistique Canada: 2,9 %, disons 3 % des personnes résidant au Québec n'ont pas la citoyenneté canadienne. Et vous dites, à la fin: «Nous croyons toutefois que les inconvénients précédemment identifiés ne sont pas suffisamment importants au regard des avantages escomptés de l'inscription automatique pour ne pas adopter l'inscription automatique des gens qui atteignent l'âge de la maturité, essayer de les rejoindre, même si vous n'avez que 50 % qui répondent.»

Mon problème, et je pense que c'est un problème substantiel, si j'ai raison, c'est que le 3 %, c'est un 3 % cumulatif, vous savez. Chaque année, on risque d'avoir 3 % de personnes qui seront inscrites sur la liste électorale, de ceux qui atteignent l'âge de la majorité, qui n'auront pas le droit d'être sur la liste électorale. Et l'année prochaine, il va y avoir un autre 3 %...

M. Casgrain (François) Non.

M. Sirros: Bien, oui.

M. Casgrain (François): Non, c'est-à-dire que c'est toujours...

M. Sirros: À moins que je n'aie pas raison, mais expliquez-moi.

M. Casgrain (François): ...3 % d'un certain nombre, là. Au départ, on ne commence pas...

M. Chevrette: Au bout de 30 ans, il n'y a plus personne! Ha, ha, ha!

M. Sirros: Ils sont morts.

M. Casgrain (François): Au départ, on ne commencera pas à 3 % de 5 000 000.

M. Sirros: Non, non.

M. Casgrain (François): Bon.

M. Sirros: 3 % de ceux...

M. Casgrain (François): C'est sûr et certain que...

M. Sirros: ...qui sont...

M. Casgrain (François): Qui atteignent l'âge de 18 ans, qui sont susceptibles...

M. Sirros: Qui atteignent l'âge de 18 ans.

M. Casgrain (François): La première des choses, je veux faire attention au chiffre de 2,9 %, puisque c'est le seul qui nous était disponible. Comment se répartissent des non-citoyens canadiens par rapport à ceux qui ont plus de 18 ans et moins de 18 ans? On sait qu'il y a des gens qui n'ont pas la citoyenneté canadienne qui ont pu avoir des enfants nés au Canada qui, dans lequel cas, seraient citoyens canadiens. Est-ce que, à ce moment-là, le nombre de 2,9 % au niveau des enfants est inférieur dans la catégorie moins de 18 ans? Fort probablement. De combien? Je l'ignore. Je ne suis pas en mesure de le quantifier.

Maintenant, c'est sûr et certain que ce qu'on veut mettre en application, c'est de faire en sorte que... Là, on l'a analysé. Est-ce qu'on préfère qu'on ait uniquement 45 % des électeurs et une grande difficulté au niveau du vote, etc., ou on favorise une inscription plus large, quitte à mettre en place des mécanismes nous permettant de faire en sorte que ces gens-là ne se retrouvent pas sur la liste électorale.

Dans certains cas, il y a des gens qui nous écrivent. Par exemple, à l'heure actuelle, dans ceux qui nous répondent, il y en a un certain nombre qui vont nous écrire, qui vont nous dire: Je ne désire pas être inscrit sur la liste électorale. On ne se demande pas: Pourquoi vous ne voulez pas être inscrits sur la liste électorale. Probablement que dans certains de ces gens-là il y a des gens qui n'ont pas la qualité d'électeur ou un certain nombre nous disent ne pas avoir la qualité d'électeur. Donc, je pense qu'il y a des gens qui vont continuer de nous écrire.

Évidemment, on a un taux de réponse insatisfaisant. Probablement que dans ces 2,7 % ou 2,5 % là il y a un certain nombre que ne nous réécrirons pas, c'est fort probable, mais j'ai l'impression, moi, qu'on va retrouver avec beaucoup moins que 2,5 %. J'ai l'impression qu'il faut cependant être conscient de cela, c'est la raison pour laquelle je le soulevais, parce qu'on ne peut pas, je pense, légiférer sans connaître ces données-là.

M. Sirros: Je suis d'accord, mais ce que j'essaie de comprendre, c'est que si on permet... Chaque année, il y a des gens qui atteignent la maturité, 18 ans, un certain nombre, puis un certain nombre d'entre eux n'ont pas la qualité d'électeur. Donc, chaque année, de façon cumulative, si je comprends bien, on va inclure sur la liste électorale un certain nombre de personnes qui n'ont pas la qualité d'électeur. Moi, j'ai pris le chiffre de 3 % parce que c'était 3 %; c'est peut-être 2 %, je n'en sais rien. Mais ce que j'essaie de faire ressortir, c'est que l'impact d'une mesure comme telle, il va être cumulatif, à moins que je me trompe.

M. Casgrain (François): Oui. Par exemple, si on prend 135 000 cette année, s'il y en avait 1 %, par exemple, qui ne répondaient pas ou qui restaient inscrits sur la liste électorale alors qu'ils n'ont pas la qualité d'électeur, on parle de 1 300.

M. Sirros: Donc, l'année prochaine, un autre 1 300.

M. Casgrain (François): Donc, l'an prochain, c'est un autre 1 300 qui s'ajouterait éventuellement, à moins que... Évidemment, il ne faut pas oublier qu'on a un mécanisme de révision aussi. On a un mécanisme de révision scolaire, on en a un municipal, et provincial.

M. Sirros: Tout ce que j'essaie de voir, on se donnerait donc un moyen d'inscrire dans la liste électorale, de façon automatique, des gens non qualifiés, quitte à essayer de mettre sur pied des mesures pour les épurer par la suite, si je comprends bien. Je veux juste faire ressortir le fait que ce n'est pas, au niveau de la maturité, aussi étanche qu'on pense, aussi étanche, par exemple que ça peut l'être quand les gens vont puis font une demande de citoyenneté. Ça leur est accordé puis on reçoit la liste de ceux qui ont reçu la citoyenneté. Ils l'ont, la qualité d'électeur, pas de doute.

M. Casgrain (François): Donc, il y a des personnes, lesquelles on n'obtiendra pas leur nombre. Je pense que la Régie de l'assurance-maladie vous a dit: On a quand même un certain nombre de personnes qui, d'après les informations que l'on a, n'ont pas la citoyenneté canadienne. Donc, les gens qui n'ont pas la citoyenneté canadienne, aux yeux de la RAMQ, ils ne nous les fournissent pas; donc, première épuration. Comme je vous ai dit, on peut essayer de voir le 2,9 %. Il y en a probablement moins que 2,9 %, probablement que la RAMQ en enlève déjà. Évidement, il faut mettre en place un mécanisme, mais vous avez raison de dire qu'on ne sera jamais capable d'épurer complètement l'ensemble de ces personnes-là.

Maintenant, la question qui se pose: Est-ce qu'on prive 70 000 personnes éventuellement de leur inscription sur la liste électorale par le fait de ne pas les inclure ou on prend la chance qu'un certain nombre puisse éventuellement être sur la liste électorale? Je pense que c'est ça, la problématique qui est mise sur la table à l'égard de cette recommandation-là.

M. Chevrette: La semaine passée, il y avait à peu près aucun citoyen qui ne demandait pas sa citoyenneté, puis aujourd'hui on est en train de dire qu'il va y en avoir une maudite gang qui vont être sur la liste sans citoyenneté. Il faudrait qu'on ait un discours un petit peu cohérent quelque part, là. Parce que, quand on dit quelque chose un lundi, il ne faut pas penser qu'on est tous concombres puis qu'on ne comprend rien le mercredi, là.

La semaine passée, on m'a dit dans cette assemblée-ci qu'il n'y avait à peu près aucun citoyen, que c'était très minime, c'était très infime, le nombre de citoyens qui ne demandaient pas leur citoyenneté dès qu'ils étaient en âge de le faire. Bon. Aujourd'hui, on pense qu'il y a quasiment 3 % de monde par année qui va être sur les listes électorales qui n'auront pas la citoyenneté.

Il y a d'autres mécanismes, M. le président-directeur général des élections, pour contrôler la qualité de l'électeur de ceux que vous inscrivez automatiquement, j'espère. J'espère qu'on va être assez imaginatif et inventif pour être capable d'aller chercher cette infime minorité qui va être inscrite automatiquement puis de qui vous allez exiger la qualité d'électeur, j'espère. Parce qu'on est en train de faire un débat alarmiste là pour monter que ça peut être épouvantable, l'ouverture que l'on crée.

C'est vrai que, dans votre mémoire, vous soulignez un fait. Vous ne le qualifiez pas, à mon point de vue, suffisamment, et vous n'indiquez pas les moyens pour le contrer. Ce que je vous demande, comme ministre responsable et au nom des parlementaires ici, c'est de nous préparer immédiatement les moyens de contrôler un tel pouvoir ou devoir qu'on donnerait au Directeur général des élections d'inscrire automatiquement les néo-Québécois qui deviennent citoyens canadiens et les jeunes de 18 ans qui, dès qu'ils atteindraient l'âge de 18 ans, par une mécanique que, je suis convaincu, vous êtes capable de penser au niveau de votre équipe et de nous présenter à la première occasion qu'on aura... Parce qu'il y a un consensus quasi unanime des groupes qui ont circulé devant nous, je crois, sur l'inscription automatique des néo-Québécois et de tout le monde, et des 18 ans.

Ce que je veux donc vous dire, c'est qu'il faudra penser effectivement à la zone grise, parce qu'on en a parlé aujourd'hui à deux ou trois reprises. Mais s'il y a une zone grise, s'il y a un nombre minime, il doit y avoir un moyen, je pense, de contrer l'inscription, à ce moment-là, pour la qualité de la liste permanente.

M. Casgrain (François): Donc, c'est sûr qu'on va rechercher le meilleur moyen et avant que le législateur soit en mesure de conclure sur cette question-là. On a déjà peut-être certaines idées juste ici, en y pensant. On va être en mesure de les vérifier et de donner aux parlementaires la solution qui nous apparaît la plus propice à faire en sorte que, effectivement, on n'ait que les personnes ayant la qualité d'électeur sur la liste.

M. Chevrette: M. le Président, moi, je suis prêt. À ce moment-là, même s'il reste une minute, on peut peut-être commencer nos remarques de fermeture de part et d'autre, et je voudrais remercier le DGE et ses acolytes.

M. Sirros: Oui. Je veux également les remercier, M. le Président. Et juste avant de conclure sur cette dernière question d'une personne qui tient deux discours différents, on me fait remarquer qu'il y a une mesure qui peut poser problème quant à l'intégrité de la liste. C'est soulevé par le directeur général lui-même. Je rappelle au ministre que même le Parti libéral, on s'est prononcé favorable à l'inclusion automatique des gens. Il s'agit, par contre, de trouver les mesures de contrôler pour qu'on ne se retrouve pas dans 10 ans avec une liste pleine de problèmes qui étaient ceux que le ministre voulait éviter en essayant d'avoir des contrôles par la suite. Alors, mieux vaut prévenir que guérir, M. le Président.

Merci beaucoup au Directeur général des élections.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, merci, Me Casgrain.

M. Casgrain (François): Merci beaucoup.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, je voudrais cependant aviser tout de suite que, moi, j'ai l'intention de donner des orientations claires, pour notre formation politique, de ce qu'on entend mettre dans le futur projet de loi. Dans mes remarques finales, si ça peut intéresser quelqu'un.

M. Sirros: Est-ce qu'on peut juste suspendre deux minutes?

M. Chevrette: Si ça pouvait intéresser quelqu'un...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, vous me permettrez auparavant de remercier Me Casgrain et l'équipe du Directeur général des élections. Merci de votre présence.

(Suspension de la séance à 17 h 30)

(Reprise à 17 h 32)

Le Président (M. Paquin): Nous reprenons nos travaux. Nous disposons d'un peu moins d'une demi-heure. Il y a combien de parlementaires membres de la commission qui désirent faire des remarques finales? Alors, un de chaque côté. Alors, vous avez la moitié du temps chacun. Est-ce qu'on commence par vous, M. le député de Laurier-Dorion?

Une voix: Quatorze minutes, je pense.

M. Sirros: Oui, M. le Président, ça peut aller.

Le Président (M. Paquin): Quatorze minutes.


Remarques finales


M. Christos Sirros

M. Sirros: Quatorze minutes, ou 13 minutes et demie, ou... Mon intention n'est pas d'utiliser tout le temps, M. le Président, mais de dire un certain nombre de choses suite à la conclusion de nos travaux.

Je commencerai par le début qui est toute la question du processus qui nous a amenés ici. Je reprends un peu ce que je disais plus tôt aujourd'hui, que nous avons un comité consultatif sur lequel siègent des représentants des trois partis politiques représentés à l'Assemblée nationale. Le rôle du comité consultatif devrait être et est d'examiner avec le Directeur général des élections un certain nombre de questions qui peuvent faire l'objet éventuellement d'amendements législatifs et d'essayer de dégager tout au moins les items sur lesquels il peut y avoir un consensus.

Si le comité consultatif est pour avoir un certain sens, M. le Président, il faut qu'on le traite avec respect. Si on est pour le traiter avec respect, c'est qu'on le prend au sérieux. Si on le prend au sérieux, on examine, au comité consultatif, les sujets qui sont amenés à la table par l'un ou l'autre des trois représentants, des trois groupes qui sont représentés, puis on les étudie, puis on les débat, puis on les examine. Si la suite des choses est à l'effet que, dès que ça ne fait pas l'affaire du gouvernement ou du ministre, on amène d'autres sujets ou les sujets qui n'ont pas fait l'objet d'entente au comité consultatif en commission parlementaire, en commandant aussi des rapports sur un nombre limité de sujets, limité dans le sens que nous n'avons pas été consultés sur les sujets qui auraient dû faire l'objet d'un examen par un spécialiste qui aurait été engagé par le gouvernement pour préparer un rapport pour le compte du gouvernement, pas plus qu'on a été consultés, et non pas que je mets en doute de quelque façon que ce soit les compétences de la personne qui a fait le rapport, mais nous n'avons pas non plus été consultés sur le choix de la personne... donc, il est clair qu'il s'agit ici d'un rapport du gouvernement qui se prononce sur un certain nombre de sujets qui préoccupent le gouvernement.

Moi, à mon point de vue, ce serait souhaitable qu'on puisse, dans une commission parlementaire comme celle-ci, amener ici les sujets qui ont fait l'objet de consensus au comité consultatif, les valider auprès des groupes et des populations à qui on pourrait demander leur point de vue, également. Si, effectivement, on trouve dans la société, aussi, des consensus sur les sujets qui ont fait l'objet de consensus au comité consultatif, il me semble que la voie est libre pour des amendements législatifs. Si on constate que ça pose des problèmes dans la société, notre consensus à nous, en tant que formation politique, il faudrait qu'on réexamine nos affaires.

Les autres sujets devraient normalement être issus d'une consultation bipartisane ou non partisane de l'ensemble des personnes siégeant à l'Assemblée nationale pour qu'on puisse amener, devant la commission parlementaire, des recommandations qui pourraient faire l'objet de consultations, qui sont issues un peu de tout le monde, et, là encore, essayer de dégager les points sur lesquels il y a un consensus social pour nous indiquer que la voie est libre pour les amendements législatifs. Si on est pour faire des amendements législatifs, et le ministre nous a déjà annoncé, je ne dirais pas menacés, mais il nous a annoncé qu'il va donner des instructions claires pour indiquer quelles sont les orientations que son parti politique et son gouvernement veulent voir dans la Loi électorale, dont on se targue de dire qu'elle est la Loi électorale de tous les Québécois, et une Loi électorale qui n'est quand même pas à essayer de corriger des fautes majeures dans notre système... S'il y en avait, il y en avait il y a 25, 30 ans qui ont été corrigées, de façon telle que l'auteur du présent rapport, à maintes reprises, a vanté la qualité de la démocratie québécoise, et nous aussi, y inclus celui qui vous parle, n'en déplaise au ministre qui persiste des fois à ne voir que les points de nos désaccords, y inclus celui qui vous parle qui trouve que la qualité de la démocratie au Québec, elle est quand même assez avancée, merci... Donc, ce que je veux dire par ça, c'est que le besoin de chambardement au niveau de l'adoption d'amendements qui ne font l'affaire que d'une partie de cette Chambre n'est pas si essentiel. On peut même se poser la question: si ce n'est essentiel que dans l'esprit de l'organisateur en chef du Parti québécois, parce qu'il advient que celui qui est l'organisateur en chef du Parti québécois est également ministre responsable de la Réforme électorale. Il y a là quelque chose qui cloche. Et on le voit chaque fois qu'on émet une opinion différente d'avec le ministre; bien, les chemises commencent à se déchirer, M. le Président. On l'a vu tantôt, aussitôt qu'on a indiqué qu'on avait un point de vue qui divergeait avec celui du ministre, les accusations fusaient de toutes parts, de tous côtés: on était des gens qui dénigraient le Québec, etc., etc.; on n'était presque pas des Québécois, M. le Président.

Alors, ça étant dit, sur le processus j'aimerais qu'on fasse un appel à ce qu'on puisse s'assurer que ce qui va sortir de cette commission, ce seront des amendements qui vont retrouver l'appui consensuel de l'ensemble des personnes qui sont ici. Puis il y en a déjà un certain nombre qu'on peut voir tout de suite. La question, par exemple, de la Commission de révision permanente, je pense qu'on voit tout de suite qu'il y a un consensus qui se dégage au niveau de l'instauration d'un tel mécanisme de révision permanente. En tout cas, il y a une série de... puis je ne les ai malheureusement pas listées devant moi, mais il y a une série de choses qu'on peut facilement retrouver qui font l'objet de consensus.

Si on peut aller un peu plus en détail maintenant sur les suites à donner au jugement de la Cour suprême, parce qu'il y avait ça qui était un élément majeur, qui a déclenché la tenue de cette commission, et il y avait par la suite, et on en parlera, quelques autres sujets qui ont fait l'objet de recommandations de la part de celui que le gouvernement a retenu pour présenter un rapport. Sur les suites à donner au jugement de la Cour suprême, je pense que de façon générale on s'entend tous pour dire qu'il faut qu'on procède à des amendements. Même le ministre a abandonné sa position initiale qui était le recours immédiat et automatique à la clause «nonobstant» pour maintenir la loi telle quelle. Il se rabat maintenant sur l'utilisation de la clause «nonobstant» de façon préventive et, tout le long de nos audiences ici, il revenait avec cette question-là. Je répète, je le mets au défi de l'utiliser, s'il était le moindrement sérieux quand il parlait de l'utilisation de la clause «nonobstant», parce que je suis convaincu qu'il ne l'était pas, qu'il ne faisait ça que pour la galerie, comme une façon de faire ce virage qui va l'amener à déposer des amendements sans tenir compte de la clause «nonobstant» parce qu'il sait au fond de lui-même que ça n'a pas de sens. Et j'aurais bien aimé le voir le dire honnêtement, puis finir avec ça, puis qu'on arrête là.

(17 h 40)

Il y a un autre élément qui est intéressant au niveau des suites à donner, qui a été amené tout à l'heure par le Directeur général des élections, la question du rééquilibrage. Si la Cour suprême ouvre la voie à la possibilité pour qu'il y ait des gens qui s'expriment, parce qu'ils seront des gens isolés, il va y en avoir quand même un certain nombre qui vont se prononcer soit de façon isolée pour le Oui, soit de façon isolée pour le Non. Dans la perspective de l'équité qu'on veut tous garder dans notre loi, ça serait intéressant d'envisager un mécanisme de rééquilibrage qui ferait en sorte, par exemple, que, s'il y avait, je ne sais pas, moi, 1 000 personnes qui se prononçaient de façon isolée pour le Non puis seulement 100 personnes qui se prononçaient de façon isolée pour le Oui, et que ça équivalait à une certaine somme d'argent, que la différence soit donnée au comité du Oui pour augmenter son plafond de dépenses afin d'équilibrer, ou l'inverse. Alors, un mécanisme de rééquilibrage serait intéressant.

L'autre point sur lequel je sens qu'on va avoir des discussions viriles, je dirais, c'est sur la question de l'identification obligatoire des électeurs. Je répète que je trouve que le dernier mémoire du Directeur général des élections nous donne une voie de compromis qui me semble, à première vue, acceptable, pour nous de l'opposition, de permettre l'identification des électeurs, mais de s'assurer que par le biais, par exemple, de l'assermentation, quand la carte n'existe pas ou que la personne ne l'a pas, personne ne soit privé de son droit de vote. Je trouverais ça inutile, avoir une mesure inutile, parce que la preuve ne nous a aucunement été faite qu'il y a un problème réel qu'on doit régler avec un système de contrôle. Il y en a qui se sont prononcés durant ces auditions en faveur d'une carte de l'électeur, pas pour des mesures de contrôle. Je pense au Mouvement national des Québécois qui nous disait: Ça serait intéressant de l'avoir pour valoriser le statut de citoyen. Personne n'est venu nous dire ici qu'il y avait un urgent besoin de contrôler l'exercice du vote. Au contraire, plusieurs personnes nous ont dit qu'il n'y a absolument aucune raison de soupçonner qu'il y a quelque incidence réelle de fraude ou de supposition de vote, M. le Président.

Et je constate que le ministre, tantôt... en tout cas, il disait qu'il n'y avait pas de problème à envisager l'inclusion... non, soyons plus justes, il s'offusquait qu'il semblait déceler chez nous une volonté de s'assurer que 100 % de ceux qui sont sur la liste électorale soient des gens qui ont la qualité d'électeur. Parce que je soulignais un problème à l'effet que, si on va avec l'inscription automatique des 18 ans, il y a un pourcentage, qui peut varier, mais dont le plafond semble être 3 %, de ceux qui atteignent l'âge de la majorité qui vont être inscrits sur la liste électorale sans avoir le droit. Et le ministre semblait dire: Il n'y a rien là, il n'y a pas de problème, on va trouver une façon de le régler. Je lui souligne que c'est un raisonnement qui me fait penser que c'est plus, des fois, l'organisateur en chef du Parti québécois qui parle que le ministre responsable de la Réforme électorale.

Ça étant dit, on a aussi entendu des mûres et des pas vertes. Je pense à la recommandation qui nous avait été faite par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, que, malheureusement, des députés du Parti québécois ont prise au sérieux – je constate que le ministre n'était pas ici – la recommandation étant de ne faire voter que ceux qui ont une maîtrise de la langue officielle, même si ça s'appliquerait, semble-t-il, seulement pour ceux qui, dans le futur, deviendraient des citoyens, puis qu'on ne toucherait pas à ceux qui sont déjà là. Je voudrais que le ministre profite de ses remarques finales pour au moins être d'accord avec nous sur l'énormité de ce genre de propos et rappeler à certains de ses collègues qu'il y a des moments où il faut effectivement appeler les choses par leur nom. J'ai essayé d'être gentil en supposant que c'était un poisson d'avril, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Paquin): Merci beaucoup, M. le député de Laurier-Dorion. M. le député de Joliette.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Donc, M. le Président, je vais parler pour moi-même, en n'essayant pas d'interpréter du tout les propos du député de Laurier, parce que tout ce qu'il a essayé de dire, c'est: Ce que j'aurais pu dire, ou ce que j'aurais dû dire, ou ce que j'ai dit, puis qu'il n'a pas compris.

Donc, suite à ces audiences, je remarque des choses très claires. Il y a des consensus très larges, et je pense qu'il faut effectivement transposer ces consensus, ou majoritaires, ou unanimes dans certains cas, au niveau de la loi. Entre autres, sur le jugement Libman, je pense qu'il y a un consensus pour au moins créer des catégories de personnes, des intervenants particuliers. Je pense qu'il faut donner suite à cela, en rappelant que j'avais ouvert toutes les portes au début, contrairement à ce qu'a dit le député de Laurier. J'avais mis même une proposition additionnelle sur la table pour qu'on puisse discuter de tous les scénarios. Je ne suis pas fermé au départ, moi, à aucune formule. Je voulais écouter, puis on a eu des consensus, puis on va les réaliser.

L'enregistrement de ces individus ou groupes auprès du DGE ou du Conseil du référendum, ça ne m'apparaît pas clair. C'est divisé. Il y a des gens qui préconisent que ce soit au niveau du DGE, d'autres que ce soit au niveau du Conseil du référendum. Il va falloir comme gouvernement donner une orientation claire parce que ça ne m'apparaît pas précis au niveau du débat. Il y a des groupes qui ne se sont pas prononcés du tout, d'autres qui se sont prononcés en disant: Est-ce que le DGE a les effectifs? – il faut croire que oui parce qu'il le propose – alors que d'autres disent: C'est peut-être mieux que ce soit un juge de la Cour provinciale – il y a quand même 256 ou 260 et quelques juges de la Cour provinciale éparpillés sur l'ensemble du territoire québécois, et ça fait sérieux, on ne niaise pas avec la puck quand on va devant un juge demander quelque chose. En tout cas, je suis prêt à le débattre. J'irai d'abord au Conseil des ministres chercher une orientation. Je n'ai pas une idée ferme.

Quant au maximum des dépenses, on en a entendu de toutes sortes. Il y en a qui ont préconisé 3 000 $ parce qu'on permettait le don de 3 000 $. La Cour suprême donnait le montant de 1 000 $ par rapport à ce qui a déjà existé dans une commission, la commission Sirois, je crois...

Une voix: Lortie.

M. Chevrette: Lortie, excusez. Donc, on verra quant au quantum.

Mais je peux vous dire une chose: s'il y a eu des gens qui se sont exprimés sur la connaissance linguistique, il y en a un joyeux paquet d'un autre côté qui ont flyé sur l'autre bord. Moi, je vous dis que... personnellement, je réponds à la question de M. le député de Laurier: c'est la qualité de l'électeur pour l'instant, c'est la citoyenneté. C'est clair? On prend pour acquis que la citoyenneté s'atteint par la connaissance des deux langues. Et c'est ça qui est sur la table. Il n'a pas été question dans aucun mémoire, dans aucune orientation gouvernementale de changer cela.

Deuxième chose, sur la création du comité électoral qui serait comme le Conseil du référendum pour la Loi électorale ainsi que la loi des élections municipales, il n'y a pas eu un mot de personne. Donc, on n'a pas été avancés là-dessus. Il n'y a pas un mémoire qui en a parlé. On verra à ce moment-là à juger de la situation.

Sur la clause «nonobstant», ce sont quelques groupes qui se sont exprimés en faveur. La majorité des groupes ont plutôt préféré dire: Choisissez une autre formule. Je ferai donc état de la situation. C'est à peu près comme au niveau des sondages, ça reflète à peu près ce courant-là jusqu'à date.

Quant à l'identification de l'électeur, 75 % des groupes entendus sont d'accord. Et quand on le regarde, ça correspond, 75 %; 85 % et 89 %, les deux sondages que j'avais déposés. Manifestement, il y a un consensus majoritaire au Québec. Et soyez assurés que cela, je vais le recommander au Conseil des ministres, l'identification de l'électeur, et peut-être en élargissant la possibilité d'identification. Mais il est évident qu'il y aura identification de l'électeur.

(17 h 50)

Quant au nombre de cartes ou possibilités, on verra, mais c'est vraiment la visualité. On se comprend bien, là. Ce n'est pas l'intrusion dans la vie personnelle de quelqu'un, c'est que la figure, la physionomie corresponde bien quand le type... Quand on va se présenter puis que ce sera, je ne sais pas, moi, Lise Leduc, bien Lise Leduc aura sa carte. Si sa binette ne lui ressemble pas, pas du tout, bien elle aura des problèmes. Mais c'est la visualité. On se comprend bien? Ceux qui charrient sur le captage des numéros de dossiers, ce n'est pas le dossier de la santé qu'on veut savoir, ce n'est pas son dossier médical: Quelle maladie haineuse pourrait-il avoir ou pourrait-elle avoir? C'est la figure, et ça, c'est un courant généralisé au Québec. Il n'y a pas de honte à mettre sa photo pour montrer que c'est bien toi. Et ça, je pense que ce n'est pas être rétrograde, c'est être avant-gardiste. Puis j'ose espérer qu'on ira vers la carte – je vous le dis tout de suite – d'électeur ou au moins une carte de citoyen qui permettra d'éviter l'accumulation des cartes. Mais, ceci dit, entre-temps, la possibilité de l'identification, elle sera là, soyez assurés de ça, et le Parlement aura à se prononcer. On prendra nos responsabilités politiques parce qu'on pense que c'est désiré par une large portion de la population.

L'inscription des électeurs de 18 ans. Je pense que là aussi il y a un très, très large consensus, et on va demander au DGE de nous présenter des formules. Le constat est fait dans le mémoire même du DGE. On va lui dire de travailler avec nous sur des moyens de rendre efficiente l'inscription automatique pour que ce soit véritablement ceux qui ont la qualité d'électeur. Et ça, je pense que je n'ai pas à tergiverser longtemps parce que toutes les formations politiques semblaient d'accord autant sur les 18 ans que sur les néo-Québécois, d'autant plus qu'il y a une entente avec Immigration Canada. Et je vous dirai que celui-là même qui a lutté d'une façon féroce allant jusqu'à un filibuster à n'en plus finir, qui est assis en face de moi, contre la liste électorale permanente... je voudrais lui annoncer qu'on a conclu un contrat avec le gouvernement fédéral qui va s'accaparer de notre liste électorale permanente et qui va nous donner tant par année, comme contrat, pour bénéficier des bienfaits des moyens modernes de constituer une liste électorale. Je voudrais remercier ceux qui ont contribué: je vois M. Côté, qui est encore ici, et ses collaborateurs qui... les nouveaux qui sont assis, en place, étaient des collaborateurs de M. Côté. Et on avait une liste électorale permanente qu'on a réussi même à faire, qui a constitué la base d'un contrat avec le fédéral pour montrer que les moyens modernes ne sont pas exclus par tout le monde. Et je suis surpris même qu'il y en ait qui, pour fédéralistes comme tels, ne sont pas contents de cet échange de bonne foi avec le gouvernement central.

Influence indue des dépenses non autorisées. C'est plutôt favorable à resserrer les règles, si je regarde le consensus qui se dégage, mais on n'en a pas parlé abondamment d'autre part. Si on regarde dans les mémoires, c'est majoritaire quand même.

Élections municipales. La simultanéité ne fait pas nécessairement consensus, d'après ce que j'ai pu comprendre. Il y a une majorité qui est favorable cependant à des règles électorales accrues aux différents niveaux. La majorité veut plus d'études, de réflexion, puis de discussion pour proposer des changements. Donc, je pense qu'on va devoir s'asseoir plus sérieusement avec les deux unions, qui ont décliné l'invitation d'ailleurs. Ça, c'est assez remarquable, elles ont décliné. Au moins le scolaire s'est présenté, mais les deux grandes unions municipales ont décliné l'invitation, dans certains cas à la dernière minute, de sorte qu'il va falloir retrouver un forum avec les deux unions pour regarder cela, je pense, de façon plus sérieuse.

Donc, M. le Président, vous aurez remarqué que c'est vrai qu'on a donné un mandat à M. Pierre-F. Côté, c'est tout à fait vrai. Il y a eu un jugement qui est venu. Le jugement invalide nos lois. Pour nous, c'est une loi extrêmement importante, le financement des partis politiques, c'est nous qui l'avons amenée, c'est M. Lévesque. Et nous sommes devant une situation où il n'existe pas de législation comme telle. S'il y avait des élections demain matin, il faudrait même procéder en toute urgence, à l'Assemblée nationale, pour réhabiliter des clauses. Donc, c'est sérieux.

On en a profité, comme gouvernement, pour mettre d'autres sujets, oui, parce qu'on est un parti politique qui a un programme politique, puis dans lequel programme politique il est dit... Ça nous a été demandé, l'inscription automatique. On y donne suite pour fins de consultation. Ça nous a été demandé, l'identification de l'électeur. On y donne suite, puis on demande aux gens: Qu'est-ce que vous en pensez? Ce sont là des sujets... Si on attend exclusivement les grands consensus et les uniques consensus du comité consultatif, je m'excuse, j'ai beaucoup de respect pour corriger des choses secondaires qui font consensus entre les deux partis, mais jamais on aurait évolué sur la liste électorale permanente au Québec si on s'en était tenu au fameux comité consultatif sur lequel siège le député de Laurier, jamais la liste électorale permanente n'aurait existé au Québec, jamais, jamais, parce qu'on a parlé, je crois, quelque chose comme tout près de 80 heures en tout, pour ne pas dépasser l'article 1, 2 ou 3. On n'en voulait pas.

Aujourd'hui, la liste électorale permanente est devenue un moyen moderne, un moyen moderne que le Québec a mis de l'avant et qui a conclu des ententes même avec le gouvernement fédéral qui va se servir dorénavant de notre liste électorale permanente. Je suis convaincu que, quand on arrivera à l'identification de l'électeur, il s'en faudra peu de mois pour que le gouvernement fédéral et les provinces canadiennes utilisent le même moyen que nous. C'est un moyen de toujours raffiner davantage notre système électoral, de le rendre le plus imperméable possible à n'importe quoi, et ça rend notre système de mieux en mieux adapté à ce qui se fait un peu à travers le monde pour sauvegarder ce droit fondamental. Le droit de vote, le droit de se donner ou pas un pays, le droit de se donner ou pas un gouvernement, c'est sérieux. Et les pays les plus avancés sur le plan de la démocratie ont ça, cette carte d'électeur, et, s'ils ne l'ont pas, en plus de ça, ils ne votent même pas, eux autres. Nous, on est prêts à élargir ici, trouver les moyens d'élargir cette possibilité d'identification, mais faire en sorte que la bonne personne pose le bon geste, et ça, je pense que c'est une preuve qu'on veut raffiner les choses.

Moi, je remercie mes collègues qui ont participé: mon collègue Jolivet, qui a partagé avec moi, puisqu'il est ministre délégué à la Réforme électorale, cette place à l'Assemblée nationale, et j'ose espérer que, d'ici quelques semaines, nous pourrons présenter à l'Assemblée nationale un projet de loi, un projet de loi qui sera débattu, comme tous les autres, et qui, je l'espère, tiendra compte de tous ces consensus qui auront été établis ici par nos intervenants. On ira discuter même de façon plus approfondie avec les groupes qui ne se sont pas présentés. On verra si on ne peut pas attendre pour légiférer sur certains aspects. Par exemple, je pense à la fiscalité municipale qui, comment dirais-je, inquiète beaucoup de députés de l'Assemblée nationale. C'est des deux côtés de la Chambre, à part ça; je ne parle pas seulement des porte-parole du Parti libéral ou du porte-parole de l'ADQ. Il y a beaucoup de députés de l'Assemblée nationale qui m'ont demandé de façon expresse – je ne donnerai pas les noms: Voulez-vous vous pencher très sérieusement sur le financement des élections municipales? On me dit même, puis je ne suis pas en mesure d'évaluer parce que je ne suis pas un spécialiste de l'évaluation, on me dit qu'il se dépense presque autant dans l'élection de certaines villes que dans toute une élection provinciale. On nous dit que les dépenses ne sont nullement contrôlées sur des mois et des mois qu'on dépense et qu'on devrait carrément mettre fin à cela. Je suis un peu au courant, je ne suis pas au courant comme... parce que, nous, dans nos milieux périphériques de Montréal, dans une petite ville, et dans nos milieux ruraux, on ne vit pas ces phénomènes-là de façon aussi cruciale. Mais je pense qu'il est temps effectivement qu'on fasse quelque chose, qu'on encadre les dépenses électorales du monde municipal et du monde scolaire, parce qu'il y a des partis maintenant, il y a des équipes, et, si on veut que la démocratie soit sauvegardée et que la piastre n'ait pas d'influence sur le vote, qu'on permette des chances égales et non pas: Plus tu as de piastres, plus tu as de chances, je pense qu'il faudra faire quelque chose, et je suis disposé à présenter au Conseil des ministres, sur ces principes-là, quelque chose de concret dès le prochain dépôt de projet de loi, dès le prochain. Je vous remercie, tout le monde.

Le Président (M. Paquin): Ça conclut votre présentation. Alors, Mmes, MM. les députés membres de la commission des institutions, nous avons siégé plusieurs jours et nous avons procédé à des consultations particulières et des auditions publiques sur le rapport de Pierre-F. Côté, c.r., sur les suites du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et sur des modifications à des législations électorales. Je tiens, au nom des membres de la commission, à remercier l'auteur, qui est M. Côté, qui a participé à l'ensemble de nos débats et qui a été présent, de même que les groupes qui sont intervenus, qui ont témoigné, qui ont écrit à la commission et qui nous ont fait part de leurs points de vue sur l'ensemble de ces questions. Au nom de la présidence, je remercie les participants, les députés. La commission des institutions ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 59)


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