L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 10 juin 1998 - Vol. 35 N° 136

Consultations particulières sur la déclaration de Calgary


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Organisation des travaux

Auditions

Organisation des travaux (suite)

Auditions (suite)

Remarques finales

Mémoire déposé


Autres intervenants
M. Marcel Landry, président
Mme Nicole Léger
Mme Jocelyne Caron
M. Mario Dumont
M. Joseph Facal
M. Lucien Bouchard
* M. Jacques Gauthier, ADQ
*Témoin interrogé par les membres de la commission
    Note de l'éditeur: La commission a aussi siégé en soirée pour l'étude détaillée du projet de loi n° 422 - Loi modifiant la Loi sur les cours municipales et la Loi sur les tribunaux judiciaires. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

Journal des débats


(Onze heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous reprenons nos travaux. Je rappelle le mandat de la commission de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur la déclaration de Calgary, notamment en ce qui a trait à une future entente-cadre sur l'union sociale, et ce, en regard des droits et compétences de l'Assemblée nationale, du gouvernement du Québec et des revendications historiques de ces derniers.

M. le secrétaire, pourriez-vous nous annoncer les remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Houda-Pepin (La Pinière) est remplacée par M. Fournier (Châteauguay).


Organisation des travaux

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Merci. Alors, à l'ordre du jour aujourd'hui, nous recevons, ce matin, M. Jacques-Yvan Morin. Compte tenu du décalage, il est déjà 11 h 35, nous recevrons ensuite, à 12 h 35, M. Alain-G. Gagnon. Nous suspendrons les travaux à 13 h 35 et nous reprendrons nos travaux à 15 heures avec l'Action démocratique du Québec. À 16 h 30, nous recevrons le Parti québécois et, à compter de 18 heures, nous procéderons aux remarques finales. Nous devrions ajourner nos travaux à 19 heures.

M. Fournier: M. le Président, peut-être, pour le respect du règlement, je vous demanderais plutôt de faire en sorte que nous suspendions, comme c'est prévu, à 13 heures, puisque c'est l'ordre de la Chambre aussi qui se termine à 13 heures, et que vous puissiez condenser les présentations de 11 heures et midi, de façon à ce que les deux intervenants puissent intervenir mais selon le respect de l'ordre qui est de terminer à 13 heures, de manière à ce qu'on ait justement ce deux heures pour nous préparer ensuite à lire les mémoires de cet après-midi. On vient de les recevoir, là... en fait, pour un que je viens de recevoir, je n'ai pas l'autre encore, mais je pense que ce serait comme juste normal. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, des commentaires à cet effet?

M. Brassard: Des commentaires. C'est évident que, pour aller au-delà de 13 heures, je présume que vous avez besoin d'un consentement unanime. Je constate que, depuis le début de ces travaux, le député de Châteauguay avait donné ce consentement. Là, pour aujourd'hui, je ne sais trop pourquoi...

M. Fournier: Je l'ai expliqué. Si le ministre...

M. Brassard: Bon. Disons que c'est un prétexte, ça, là.

M. Fournier: Bien, là, M. le Président, je pense que, là, on me prête des intentions. Je viens de recevoir le document de l'Action démocratique, ceux de cet après-midi. Je me donne la peine de lire les mémoires et je voudrais me donner la peine de me préparer pour cet après-midi, et dans le respect du règlement. C'est vrai, le ministre a raison, j'ai donné mon consentement à tout débordement avant, j'ai demandé qu'on siège le soir, tout ça, j'ai joué le jeu avec ce qui me semblait le plus de fair-play. Maintenant, je ne peux pas donner mon consentement, eu égard au fait que cet après-midi je dois avoir le temps de lire les documents. Voilà. Dans le respect du règlement, d'ailleurs.

Mme Léger: M. le Président?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

Mme Léger: Est-ce que c'est possible de faire un compromis à ce niveau-là? Alors, au lieu de terminer à 13 h 35, de terminer à 13 h 15?

M. Fournier: Bien, si vous voulez faire un compromis, là, l'important pour moi étant d'avoir les heures auxquelles j'ai droit pour la préparation, si on termine à 13 h 35, qu'on décale ensuite la présentation de l'Action démocratique à 15 h 35, je n'ai pas de problème avec ça. Mais que j'aie ce deux heures qui m'est disponible pour me préparer, pour lire. Il faut que je les lise, les mémoires, avant de venir ici. Alors, oui, je suis prêt à consentir si on donne le deux heures que j'ai; ça va permettre de respecter tout le monde, autant les témoins que les parlementaires. Alors, je suis disponible à ce qu'on décale l'après-midi à 15 h 35, si c'est le voeu du ministre.

Mme Léger: Ma proposition n'était pas le retour; était, cette fois-ci, de terminer à 13 h 15.

M. Fournier: Oui, très bien, mais je vous relance la proposition. Je peux donner mon consentement si, dû au décalage qui nous amène maintenant à 13 h 40, on reprend ensuite à 15 h 40 avec les autres parties. Libre au ministre de choisir.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Eh bien, puisque nous allons de contreproposition en contreproposition mais que nous ne progressons pas dans nos travaux, nous allons donc consacrer 40 minutes pour l'audition des témoins et nous terminerons à 13 heures, et je vais partager entre les porte-parole du côté ministériel et de l'opposition le temps imparti. Alors, en tenant compte de ces contraintes-là, vous conviendrez avec moi qu'on va quand même donner du temps aux témoins de présenter leur mémoire.


Auditions

Sur ce, je souhaite la bienvenue à M. Jacques-Yvan Morin à notre commission. Alors, on vous donnerait, Me Morin, une période d'environ 16 minutes pour la présentation de votre mémoire. Bienvenue!


M. Jacques-Yvan Morin

M. Morin (Jacques-Yvan): M. le Président, j'avoue ne pas être trop malheureux de me retrouver dans l'ambiance de l'Assemblée nationale à laquelle j'ai consacré une douzaine d'années de ma vie, que ce soit à titre de chef de l'opposition ou à titre de membre du gouvernement. Évidemment, je serais plus heureux si le but de l'exercice consistait à définir l'avenir du Québec de façon affirmative et non, une fois de plus, d'avoir à le défendre contre les formules Fulton-Favreau et autres chartes de Victoria. Mais la vie politique est ainsi faite au Québec, et je me plie volontiers, une fois de plus, après Meech, Charlottetown, à faire l'examen d'une énième tentative de la part du Canada anglais de régler le problème canadien.

(11 h 40)

Ce qui me frappe - je ne suis pas le seul, comme vous avez pu le constater - c'est que de Meech à Charlottetown et à Calgary nous sommes devant une peau de chagrin pour le Québec, une démarche qui vise en quelque sorte à le paralyser progressivement, à resserrer encore les liens du filet dans lequel on veut l'enfermer depuis un certain coup de force de 1981.

Mon texte ayant été envoyé à la commission, j'imagine qu'on vous l'a distribué, alors je vais tenter de le résumer. L'examen attentif des trois dernières propositions successives que nous avons connues depuis le rapatriement unilatéral montre que ces propositions ou ces exercices sont de plus en plus restrictifs pour le Québec, comme si l'on tentait de légitimer le coup de force initial en le prolongeant, voire en le consolidant.

Les mots pour décrire le Québec et sa place dans le système canadien sont déjà très révélateurs. De la société distincte à la société unique, on voit bien qu'il s'agit d'éviter à tout prix un certain vocabulaire et d'éviter de reconnaître l'existence, ici, d'un peuple, vocable qui pourrait donner ouverture à l'application du principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes qui est consacré par la charte des Nations unies et qui a été accepté officiellement par le Canada dans la déclaration adoptée par les pays occidentaux à Helsinki, en 1975.

Nous sommes devant trois propositions en 10 ans, ce n'est pas peu de choses: les deux premières acceptées par les gouvernements québécois, des gouvernements déjà résignés, la troisième élaborée l'an dernier à Calgary en l'absence du Québec et ne constituant guère qu'une déclaration d'intention de la part des premiers ministres provinciaux. Si nous ne nous occupons pas de ces questions qui, avouons-le, sont fastidieuses, les constitutionnalistes du Canada anglais, eux, veillent au grain et ils soignent le vocabulaire. D'étape en étape, le fil qui retient cette espèce d'épée de Damoclès constitutionnelle au-dessus de nos têtes va s'amenuisant, et, bon, dans cette perspective, Calgary n'est que le dernier avatar de cette évolution. Il en serait presque drôle si le destin politique du Québec n'était pas en cause.

Mais ce n'est pas tout. Notre rétrogradation du rang de peuple ou de nation à celui de société distincte, puis unique serait en effet caricaturale, tout au plus, si elle n'était accompagnée de dispositions compromettant l'autonomie du Québec et sa facilité à résister aux standards nationaux établis par la majorité anglophone au mépris d'ailleurs - on l'a rappelé devant cette commission - des compétences exclusives des provinces. Le Québec est en quelque sorte graduellement immobilisé, un peu comme Gulliver, par les fils constitutionnels qu'on lui propose. Et, ma foi, s'il se laissait faire, je ne doute pas qu'on arriverait assez rapidement à l'immobiliser complètement et à lui donner la figure d'une vaste région administrative du Canada, sans plus.

Cependant, si tel est bien le sens de la déclaration de Calgary, je pense qu'on ne peut pas apprécier la portée de cette déclaration sans se référer aux accords du lac Meech et de Charlottetown. Il existe, en effet, entre ces étapes, ces trois étapes, une continuité de dessein remarquable. Il ne faut pas sous-estimer nos compatriotes anglo-canadiens ni leurs constitutionnalistes. Ils ont un dessein très net qui ressort de toute cette évolution et qui, du point de vue québécois, commence à ressembler à une sorte d'entonnoir dans lequel on aimerait nous entraîner.

L'intention de contraindre le Québec était déjà apparente dans l'acte unilatéral fédéral de 1982 et dans les manoeuvres qui ont abouti à le priver de son droit de consentir aux modifications constitutionnelles ou de les refuser. Ce dessein ne s'est jamais démenti par la suite. Bien sûr, l'accord de Meech, combattu par le Nouveau-Brunswick et refusé par le Manitoba et Terre-Neuve, comportait quelques aménagements ponctuels revendiqués par l'entente interprovinciale de Victoria de 1978. Par exemple, l'octroi d'une compensation financière dans tous les cas de retrait des programmes fédéraux-provinciaux à frais partagés.

Mais ce qui est important, c'est de constater une fois de plus que l'ensemble de l'accord et toutes les suites dont nous avons été témoins vont clairement à l'encontre des revendications fondamentales du Québec depuis les années soixante, y compris les revendications du gouvernement Lesage et du gouvernement Bourassa. Ce droit de retrait avec compensation financière, avantageux en apparence pour les provinces, constituait en fin d'analyse une reculade, puisque le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral se trouvait de la sorte constitutionnalisé - je pense au projet d'article 106a de Meech - et cela, dans des secteurs de compétence provinciale.

Le retrait avec compensation eût été soumis en effet à la condition que le Québec appliquât un programme compatible avec les objectifs nationaux. Et l'entrée en vigueur de ce principe eût été contraire à l'attitude très ferme que le Québec avait toujours eue à ce sujet, de Taschereau à Lesage, à Lévesque, en passant même par Bourassa version 1970. On se souviendra de l'attitude de M. Bourassa à Victoria, où il avait revendiqué pour le Québec l'exclusivité dans tout le domaine social, à la suite du rapport Castonguay.

En s'inclinant désormais devant l'acte illégitime perpétré contre lui le 5 novembre 1981, je pense que le Québec eût accepté de soumettre ses revendications au consentement des autres provinces et aux normes nationales. En somme, déjà Meech, mais encore davantage Charlottetown, c'était la fin officielle, en quelque sorte, et la fin constitutionnalisée de la Révolution tranquille.

Or, c'était à la fois trop et trop peu pour la majorité anglo-canadienne: trop en ce sens que la société distincte lui paraissait menacer sa conception de l'unité nationale, et trop peu pour tous ceux qui souhaitaient un renforcement du pouvoir fédéral de dépenser, lequel pouvait sembler affaibli par le droit de retrait pourtant très limité des provinces.

C'est pourquoi, d'ailleurs, avant même que l'accord du lac Meech ne fût soumis à la ratification des provinces, on commença, à Ottawa, à l'affaiblir, particulièrement dans le cadre du comité spécial des communes présidé par le député Charest et chargé d'examiner un projet de résolutions d'accompagnement - vous vous en souviendrez - dont on espérait qu'il rassurerait certaines provinces pour lesquelles l'accord paraissait trop favorable au Québec et insuffisamment sensible aux besoins des provinces moins développées.

Et c'est en effet dans le rapport Charest du 17 mai 1990 que l'on trouve une vive mise en garde contre tout affaiblissement du pouvoir fédéral de dépenser en matière de bien-être et de développement économique. Je pense au paragraphe 22 du rapport Charest. On ne s'étonnera pas que même Robert Bourassa version 1990 ait tenu à déclarer que certains principes du rapport Charest étaient inacceptables pour le Québec.

(11 h 50)

Or, voici que le principe d'égalité des provinces vient mettre en péril à la fois la société distincte et tout projet de statut particulier tel, par exemple, que Jean Lesage l'avait conçu.

Cette érosion des positions du Québec s'accélère depuis Charlottetown et elle ne doit pas étonner outre mesure de la part du Canada anglophone, mais on s'explique mal comment le gouvernement Bourassa ait pu en venir à l'accepter, surtout quand on sait que, 17 mois avant Charlottetown, la commission Bélanger-Campeau avait conclu ses travaux en déclarant que les deux seules façons de résoudre la crise canadienne étaient la modification en profondeur du régime fédéral ou, à défaut d'entente, l'accession du Québec à la souveraineté. Cela se passait, vous vous en souviendrez, en mars 1991. Du moins, le résultat du référendum de 1992 a-t-il montré que les Québécois n'étaient pas entièrement dupes, puisque 56,6 % des électeurs ont voté contre l'acceptation de l'accord de Charlottetown.

De toute manière, aux yeux de certains, les dispositions de l'accord sur la société distincte parurent encore trop favorables au Québec. On y décelait des concessions contraires à l'unité canadienne, telle qu'elle est conçue par la majorité anglophone. Bon. De surcroît, l'Ouest canadien voyait ses attentes déçues en matière de réforme du Sénat, de sorte que, pour l'ensemble du Canada, le refus a excédé 54 % du corps électoral.

Alors, c'est ainsi que se présente la situation pendant les quatre ans et demi qui ont précédé le référendum québécois de 1995 sur la souveraineté. Et le résultat, inconfortable pour le Oui comme pour le Non, ce résultat qui signifiait ni avec toi ni sans toi, de même que l'arrivée au pouvoir du premier ministre Bouchard ont persuadé les leaders des provinces anglophones qu'il leur fallait reprendre l'initiative.

Mais telle était la problématique de Calgary: Comment concilier des attitudes devenues de plus en plus incompatibles depuis Meech, compte tenu de l'intransigeance croissante dont ils étaient témoins à l'endroit des revendications québécoises? Le résultat de cet exercice impossible, auquel le Québec n'a pas participé mais qu'on souhaite le voir accepter, est la déclaration de Calgary, à propos de laquelle je vais me permettre quelques commentaires. Les dispositions ambiguës échappent malheureusement à l'analyse juridique, à moins de les situer dans le contexte du dernier quart de siècle, et notamment par rapport aux accords avortés de 1987 et de 1992.

Que signifie, M. le Président, que signifie en effet la société à caractère unique de Calgary si on ne la compare à la société distincte, ou au peuple québécois, ou à la dualité nationale des années soixante? Non seulement cette expression de caractère unique est-elle encore plus vague que la société distincte, même dans le langage courant, mais on s'est ingénié à la neutraliser pour le cas où la Cour suprême serait, par aventure, tentée de lui conférer la moindre portée constitutionnelle. Et deux techniques ont été utilisées pour cela, deux techniques: la première tend à restreindre le sens de la société unique, de la notion même, et l'autre circonscrit la société unique en parlant de la subordination du Québec au principe de l'égalité des provinces.

Toute la question, donc, est de savoir si on peut être à la fois une société unique et une société égale, ce qui n'est pas loin d'être une contradiction dans les termes, à moins, évidemment, de vouloir tromper tout le monde par des jeux de mots comme ceux de Calgary.

Il serait sans doute temps, M. le Président, que j'attire l'attention sur un fait particulier, c'est que le caractère unique qu'on entend conférer au Québec ne signifie pas qu'on soit prêt à lui conférer le moindre pouvoir pour protéger ce caractère unique et les caractéristiques principales qu'il comporte, comme par exemple la langue. Et c'est là encore le comité Charest qui insiste pour qu'il soit dit clairement qu'un tel rôle de protection que le Québec aurait pu se voir conférer ne lui vaut aucun nouveau pouvoir législatif. C'est dit en toutes lettres dans le rapport Charest, comme s'il s'agissait de rassurer le Canada anglais au sujet de la portée de ces expressions.

M. le Président, je pense qu'il me faut peut-être dire deux mots de conclusion, quitte à revenir sur les détails de Calgary dans la conversation qui suivra. Revenons aux sources de l'exercice constitutionnel qui nous a menés du lac Meech à Calgary, en passant par Charlottetown. Cet exercice, vous vous en souviendrez, est essentiellement dû à une promesse de Pierre Elliott Trudeau faite pendant le référendum de 1980. M. Trudeau avait promis de régler le problème québécois. Seulement, il l'a fait à sa façon, selon la conception qu'il se faisait du Québec. Et c'est pourquoi il s'est cru autorisé, s'appuyant sur la majorité anglophone, à imposer sa conception de la réforme nécessaire, au mépris, d'ailleurs, des protestations de ses alliés libéraux québécois qui avaient appelé à voter non à la souveraineté-association. Paradoxalement, la démarche de révision constitutionnelle, dont l'objectif initial était de répondre aux attentes du Québec, s'est donc transformée d'échec en échec en une sorte de curée - curée avec un e muet à la fin - où l'on distingue de plus en plus clairement les sentiments véritables du Canada anglophone à notre endroit.

Aussi, l'Assemblée nationale - c'est ma conclusion - doit-elle, à mon avis, exprimer clairement cette incompatibilité croissante entre les aspirations des deux peuples, telle qu'elle ressort des étapes que nous venons de parcourir rapidement, ces étapes qui vont de l'acte unilatéral de 1982 à cette autre démarche unilatérale qu'on a esquissée à Calgary, qui n'est pas obligatoire pour le Québec mais qui n'en est pas moins dangereuse. Et l'Assemblée nationale ne doit surtout pas laisser croire qu'il pourrait s'y trouver le début du commencement de l'amorce d'une solution acceptable pour le Québec. Mettre le bras dans cet engrenage, M. le Président, dont on sait maintenant qu'il nous entraîne toujours plus fortement dans la direction opposée de celle qui convient depuis toujours au Québec, c'est en quelque sorte abandonner son droit d'aînesse pour un méchant plat de mauvaises lentilles. Tout se passe, d'ailleurs, comme si le Canada anglophone voulait nous mettre au pied du mur, en demeure de choisir entre le destin qu'il entend lui-même déterminer pour nous et la souveraineté. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. Morin. M. le ministre.

M. Brassard: Merci, M. Morin, d'avoir accepté de venir nous rencontrer pour échanger avec les parlementaires sur la déclaration de Calgary. Je pense que l'expression que vous utilisez est tout à fait signifiante, éclairante aussi. C'est l'expression de peau de chagrin, quand vous comparez Meech, Charlottetown et Calgary. Je pense que plusieurs experts l'ont signalé, vous le faites également, il y a un ratatinement progressif...

(12 heures)

Une voix: ...

M. Brassard: ... - oui, c'est ça - de la portée des offres que le Canada anglais consent à faire au Québec.

Et ce qui m'amène à ma première question. On en a parlé hier avec M. Tremblay - ancien conseiller constitutionnel du premier ministre Bourassa, même si le Parti libéral semble vouloir oublier cette partie de l'histoire du Québec, et le rôle que M. Tremblay a joué, c'est de l'histoire, ça fait partie de l'histoire... Et M. Tremblay nous disait aussi que ce que la commission Bélanger-Campeau proposait comme alternative, c'est-à-dire un renouvellement en profondeur du régime fédéral, d'une part, et, d'autre part, l'accession du Québec à la souveraineté, que cette alternative-là n'existe plus et que tout projet ayant pour fins de renouveler profondément, de transformer profondément le régime fédéral dans le sens des aspirations et des revendications du Québec est voué irrémédiablement à l'échec, ne trouvera pas preneur au Canada anglais.

Alors donc, quand on combine cette régression en termes de portée des offres du Canada anglais au Québec, de Meech à Calgary, à également toute une série d'interventions, à la reprise, si l'on veut, de la dynamique centralisatrice de l'État fédéral - actuellement, depuis un certain temps, toute une série d'interventions qui sont des ingérences et des empiétements manifestes dans nos champs de compétence, il y a une dynamique centralisatrice qui est reprise de plus belle depuis un certain nombre de mois, de l'autre côté de l'Outaouais - quand on conjugue tout ça, au fond, est-ce que le constat qu'on doit faire, c'est qu'il n'y a plus aucun espoir que quelque projet que ce soit vise à transformer profondément le régime fédéral?

Et on le verra, cet après-midi, avec l'ADQ, M. Dumont, dans son mémoire, semble vouloir revenir à ce qu'on pourrait appeler l'«allairisme», qui est effectivement un projet substantiel de changement, de transformation profonde du régime fédéral. Mais est-ce qu'on ne doit pas constater, devant ces offres qui se ratatinent et devant cette offensive centralisatrice fédérale qui a repris de plus belle, est-ce qu'on ne doit pas, finalement, constater que tout projet de renouvellement en profondeur du régime fédéral est voué irrémédiablement à l'échec et que l'alternative, ce n'est plus celle qu'on retrouve dans le rapport Bélanger-Campeau, que l'alternative, maintenant, c'est, au fond: Vous acceptez le régime fédéral tel qu'il est, tel qu'il fonctionne, ou alors vous acceptez de vous engager sur la voie de la souveraineté?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Morin.

M. Morin (Jacques-Yvan): M. le Président, il faut convenir qu'il y a, dans la démarche anglo-canadienne, quelque chose de légitime, tout comme dans la nôtre. Le Canada anglais, depuis l'établissement même de la fédération, a toujours eu pour objectif de créer une union législative forte.

C'est un très vieux malentendu qui existe entre nous, je veux dire entre Canada anglais et Canada français, souvenez-vous des débats sur la Confédération: d'une part, Macdonald voulant établir l'union législative la plus étroite possible et ne consentant au fédéralisme que parce qu'il ne peut pas faire autrement et, d'autre part, les porte-parole du Bas-Canada de l'époque, que ce soit les Dorion, par exemple, les libéraux, n'est-ce pas, proposant, au contraire, une interprétation du fédéralisme qui allait dans le sens de la décentralisation et dans le sens du chacun chez soi. C'était, de façon prémonitoire, le Maîtres chez nous de Jean Lesage, particulièrement dans tout ce qui touchait à la société québécoise, à la nature de la société québécoise, c'est-à-dire l'éducation et le social, en particulier le social.

Donc, c'est un très vieux malentendu et il s'est manifesté, depuis lors, de mille façons. Sauf que maintenant il prend une forme plus dramatique parce que, d'une part, la commission Bélanger-Campeau, comme vous l'avez rappelé, propose une alternative entre un fédéralisme entièrement rénové, de fond en comble, ou la souveraineté, tandis que le Canada anglais, fidèle à sa conception des choses, qui, encore une fois, est légitime du point de vue anglo-canadien - elle ne l'est pas de notre point de vue, mais elle l'est de leur point de vue - nous propose une tout autre alternative, qui est la suivante: Ou bien vous rentrez dans le moule ou bien allez-vous-en.

Ils n'ajoutent peut-être pas toujours clairement la deuxième partie de l'alternative, mais elle ressort tout de même très clairement des propos, des conversations qu'on peut avoir avec nos collègues constitutionnalistes anglo-canadiens. Vous n'êtes pas contents, allez-vous-en. Mais ayez le courage de vous en aller. Et ça, on pense que vous ne l'avez pas. C'est un peu ça qu'on nous dit. Alors, j'ose espérer que c'est notre version de l'alternative qui est fidèle à notre conception du fédéralisme depuis les tout débuts qui prévaudra.

Je pense que, effectivement, le Québec est devant l'alternative. Il est au pied du mur. Je sais bien que la déclaration de Calgary n'a pas de statut juridique particulier. L'un de ceux qui m'ont précédés devant cette commission, le professeur Frémont, a parlé de façon amusante et exacte d'une carte de Noël. Ça a à peu près la même valeur. Sauf qu'elle nous dit ce que pense le Canada anglais. Elle nous dit politiquement la conception que se fait le Canada anglais de l'avenir du pays. Et on voit bien que cette conception n'est pas compatible avec celle du Québec depuis les origines.

Là, il semble y avoir un flottement dans la position libérale actuelle. J'imagine que cette commission et le débat en Chambre permettront de clarifier tout ça. Moi, je ne pourrai croire que l'opposition actuelle s'éloigne des politiques de Lesage et de Bourassa. Je ne croirai qu'elle s'en éloigne que lorsque je l'aurai entendu dire clairement. Jusqu'ici, je suis un peu inquiet de ce que j'entends, notamment au sujet de l'union sociale canadienne. Mais je réserve mon jugement là-dessus jusqu'à ce que j'en sache plus long. Parce que, pour l'instant, la position libérale me paraît un petit peu opaque. Sinon, j'en aurais parlé plus amplement ce matin.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Bonjour, Me Morin. Quand j'entends des intervenants, que ce soit vous, que ce soit le ministre, qui sont toujours en train de se dire: Ah! ça, c'est la position du Parti libéral ou devrait être la position du Parti libéral, je me dis toujours: Vous devriez prendre une carte de membre du Parti libéral et venir dans les instances du Parti libéral, venir travailler. Vous vous apercevriez que nous avons adopté un programme, Reconnaissance et interdépendance , que je vous conseille de lire.

Évidemment, il faudrait faire un choix dès le départ. Il faudrait choisir de dire que nous avons, comme Québécois, une appartenance québécoise très forte. Nous avons aussi une appartenance canadienne et j'ajoute une appartenance à la francophonie canadienne, puisque vous avez parlé tantôt de ces deux peuples: Canadiens français et Canadiens anglais. Je dois vous dire que le Parti québécois a décidé, la semaine dernière, de larguer la francophonie canadienne en sautant dans le bateau du Reform. Je comprends bien que, pour quelqu'un qui veut séparer le Québec du Canada, il n'y ait pas de problème à cet égard. Mais quelqu'un qui, au-delà des organisations étatiques, dit qu'il doit toujours y avoir une marge de manoeuvre accrue pour la francophonie en terre d'Amérique, et notamment la francophonie canadienne, dont je suis...

Je sais que le ministre, lui, n'est pas capable de me le dire. Je lui ai déjà demandé s'il se sentait membre de la francophonie canadienne, peut-être qu'il pourrait nous le dire tantôt, mais il me semble que mon souvenir, c'est qu'il n'avait pas dit qu'il était membre de la francophonie canadienne. Moi, je pense qu'on doit maintenir le plus possible les outils pour développer la francophonie canadienne.

Ceci étant, je voulais d'abord commencer - et je sais que M. Gagnon est là aussi - en disant que c'est à regret que nous devons réduire les interventions. J'aurais préféré que nous puissions aller un petit peu plus loin dans le temps étant donné que nous aurions pu reporter à plus tard. Vous savez qu'en session intensive - vous connaissez ça, quoiqu'on ait un peu changé, ça se termine à minuit maintenant - il est possible d'aller jusqu'à minuit. Alors, on aurait très bien pu décaler les présentations de l'ADQ et du PQ un peu plus tard. Je n'ai pas besoin de vous dire que, évidemment - vous connaissez ça aussi - pour le Parti québécois, ça les aurait reportés après les nouvelles de 17 heures. Et, finalement, ce qui est important, c'est beaucoup plus le show télé que ce qui se passe ici, à cette commission, pour ce parti. Et c'est pourquoi le parti du ministre a décidé de vous pénaliser un peu.

(12 h 10)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay, je tiens à vous rappeler que, même à la commission parlementaire, les principes de l'article 35 à l'effet de prêter des intentions à qui que ce soit s'appliquent là aussi. Alors, je vous demanderais une certaine retenue.

M. Fournier: Disons, M. le Président, que, sans pouvoir avoir un degré de certitude, ça m'est venu à l'idée. Alors, je le partage avec vous.

J'arrive sur un point où le ministre vous a fait parler. J'ai un certain nombre de points à aborder avec vous, notamment sur le constat qu'il n'y avait plus de possibilité au renouvellement du fédéralisme. Il parle notamment de Charlottetown, en commençant, un peu plus tôt. Simplement pour faire un petit point. Ça me désole toujours de voir que, depuis quatre ans, on a, au gouvernement du Québec, un parti qui non seulement a, à plusieurs reprises, déclaré qu'il n'allait faire aucun geste pour renouveler le fédéralisme, améliorer le Canada, non seulement l'a-t-il dit, mais a plutôt aussi multiplié les actions pour multiplier les échecs.

Alors, peut-être toujours prendre ça avec un grain de sel quand on entend des gens nous dire, surtout au gouvernement du Parti québécois: On constate, depuis quatre ans, qu'il n'y a pas eu de renouvellement. Bien, très bien, et, encore une fois, il faut en prendre et en laisser, je vais en parler tantôt. Mais on peut au moins constater quelque chose. Voilà un gouvernement qui nous l'a dit et redit: Je ne vais pas travailler au renouvellement des intérêts du Canada, au renouvellement de la fédération, même si ça devait être dans l'intérêt des Québécois.

Vous avez parlé tantôt de deux blocs monolithiques. Bon. Il y aurait au Canada anglais des gens qui, dans vos rencontres de constitutionnalisme, vous disent deux messages: Rentrez dans le rang, sinon partez. Et ça, vous nous en faites ici état, devant cette commission, comme étant la très grande vérité qu'il faut comprendre d'un ensemble canadien de plusieurs millions d'habitants. Simplement pour mettre en nuance un peu cette affirmation que vous faites, il y a M. Laforest, qui est venu la semaine dernière et qui nous a dit, lui, que, dans les cercles de politologues, constitutionnalistes, enfin, tous ceux qui réfléchissent à la question, il y avait beaucoup de mouvement, beaucoup de propositions de mouvement, et on pouvait voir en même temps les gens qui discutaient du mouvement dans les provinces, hein, les provinces elles-mêmes qui prennent des initiatives qu'avant elles ne prenaient pas.

Ça me permet de toucher un mot sur la page 8 de votre mémoire, où vous parlez de l'initiative du gouvernement central, pour rappeler que c'est à tout le contraire qu'on assiste avec ce texte sur Calgary. Ce sont les provinces qui ont décidé d'aller de l'avant et de dire: Nous allons offrir une réponse; nous sommes, nous aussi, des gouvernements légitiment élus par nos populations et nous avons quelque chose à dire quant à l'avenir du Canada et à la place à donner au Québec. Donc, je pense que ça aussi, ç'a à être mis en contexte.

Parlant de contexte, c'est ce que vous faites à la page 4, vous dites qu'il faut situer Calgary dans son contexte, vous parlez des leçons de 1987 et de 1992. Je pense qu'il y a effectivement dans ce contexte une leçon à retirer et cette leçon, c'est de ne pas faire de paquet global, d'offre globale, d'où la compréhension qu'on doit avoir de ce texte de Calgary comme n'étant pas - je sais bien que le gouvernement aime le dépeindre ainsi et que certains s'en font les porte-voix lorsqu'ils viennent nous voir, parmi ceux qui ont accepté d'être présents à cette commission - une offre finale et globale.

Il y a, je dirais - pour reprendre l'expression du premier ministre actuel - un chantier parmi tant d'autres. Parce que, si on veut remettre Calgary dans son contexte, il faudra rappeler le chantier de la main-d'oeuvre, qui a connu un dénouement heureux - pour ne prendre qu'une seule année, l'an dernier - en mai; il y a le chantier de l'union économique, qui a été approfondi à St. Andrews, c'était en août; il y a le chantier des commissions scolaires linguistiques, où on a assisté à un amendement constitutionnel; il y a le chantier du pouvoir fédéral de dépenser, dont je comprends bien que vous nous dites que c'est épouvantable.

Je comprends, pour un souverainiste, de trouver que c'est épouvantable. Me Lajoie nous l'a abondamment démontré hier. Mais reste que le ministre lui-même constate que, sur la table, il y a un libellé qui reçoit l'appui des provinces et qui est très près des positions du Québec, c'est le ministre lui-même qui le dit. Donc, il y a du progrès là, il faut bien voir que ce chantier est en évolution. Calgary est un autre chantier, sur la reconnaissance, où encore - je pense que c'est le premier ministre de Terre-Neuve disait, il y a quelques jours: C'est une ouverture au dialogue. Bon.

Alors, remettons ça dans le contexte, et je prends juste une seule année. Voilà des développements qui s'inscrivent sur des pistes que l'on retrouve dans Reconnaissance et interdépendance . Et, si vous trouvez que c'est opaque, je vous encourage à le lire. Bien sûr, il y a d'autres dossiers que celui-là uniquement, et, oui, c'est vrai, le Parti libéral du Québec parle aussi de santé, on parle aussi d'économie, on parle aussi d'éducation. Je devrais dire: On parle surtout, parce qu'un parti politique, dois-je vous le rappeler, doit répondre, dans son mandat, au souhait de ses concitoyens. Nous sommes des représentants de la population, conséquemment, si on ne s'intéresse pas à leurs préoccupations, ma fois, que faisons-nous ici? Et je pense qu'il faut répondre à ces préoccupations-là et je pense qu'on fait bien de s'en préoccuper. Je laisse aux autres partis le soin de faire leurs propres choix.

À la page 5, vous faites cette expression... Vous dites, c'est au tout début: «L'expression "société distincte", rappelons-le, comportait déjà une dilution de la notion de peuple.» Je pourrais faire une longue démonstration. Je me fie simplement à ce qui est accessible à la grandeur de la planète. Ce que je signifie par là, c'est: Comment nous nous appelons, nous, au Québec, par la voix de notre gouvernement du Parti québécois? Comment on se nomme? Pas juste à l'égard du Canada, je termine là-dessus, mais à l'égard de la planète, c'est le site Internet: Site officiel du premier ministre du Québec, bienvenue! Et, sur quatre lignes, le Québec est une société moderne.

Alors, moi, je veux bien vous lire, ce n'est pas nécessaire que je partage... d'autres ont eu d'autres opinions, mais simplement pour vous rappeler que c'est un ministre du Québec, du Parti québécois, qui se nomme société et non peuple. J'ai terminé mon neuf minutes, semble-t-il.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Morin.

M. Morin (Jacques-Yvan): M. le Président, je vais tenter de répondre un peu à tous les points qui ont été soulevés, et tout d'abord sur cette notion de peuple. Il est vrai que, au XIXe siècle et même dans la majeure partie du XXe, quand on parlait du peuple franco-canadien, on pensait à l'ensemble des francophones du Canada, c'est un fait. Seulement, cette notion a évolué, surtout depuis la Révolution tranquille. Et, dans une large mesure, le résultat de cette Révolution tranquille a fait en sorte qu'on est passé peu à peu à la notion de peuple québécois, qui est celle qui est couramment admise aujourd'hui. Ça ne signifie pas, cependant, qu'on doive pour autant négliger le sort des Franco-Canadiens ou de ceux qu'on peut désormais appeler légitimement les Canadiens français, c'est-à-dire ceux qu'on appelle aussi les francophones hors Québec. Je pense qu'il faut s'en soucier.

Moi-même, étant d'origine acadienne - il y a bien longtemps à vrai dire, il y a plus de deux siècles - je ne saurais m'en désintéresser. Mais il faut bien voir que le Canada... Il faut se méfier de l'utilisation que peuvent faire certains Anglo-Canadiens, même certains Québécois, de l'existence de ces minorités pour, en quelque sorte, faire chanter le Québec et l'empêcher de régler le problème du Québec. Ça, c'est un danger qui est souvent perceptible dans le dialogue que nous avons avec le Canada anglais. Et, pour ma part, j'ai toujours pensé qu'on serait dans une meilleure posture pour protéger les minorités, et anglophones du Québec et francophones du Canada, lorsque le Québec sera vraiment maître de ses destinées, y compris de ses destinées linguistiques.

(12 h 20)

Le député, M. le Président, le député a semblé dire, du moins c'est comme ça que j'ai saisi ses propos, que le gouvernement avait renoncé à toute proposition, à toute présence dans les dossiers concrets de la réforme du fédéralisme canadien. Pour ce que j'en connais, puisque j'ai été témoin et j'ai même eu la responsabilité des Affaires intergouvernementales pendant deux ans - et, à ce moment-là, ça comprenait et l'international et le fédéral-provincial - pour ce que j'en sais, le Québec a tenté de multiples façons d'influencer l'évolution de dossiers concrets du fédéralisme, je pense en particulier dans le domaine de ce qu'on appelle l'union sociale canadienne.

Quelquefois, j'entends les gens de l'opposition dire que le Québec est absent de ce dossier. Ça m'étonne un peu parce que même les journaux font état de certaines prises de position du Québec, notamment le premier ministre qui a proposé de participer à un groupe de travail sur l'union sociale pancanadienne, mais à condition qu'aucune dépense fédérale nouvelle n'ait lieu dans le champ des compétences provinciales. Ça me semblait être une position tout à fait conforme à la tradition, même libérale, du Québec. Et il rappelait également que l'examen du droit de retrait devait être remis sur le métier, le droit de retrait avec compensation financière.

Alors, évidemment, tout cela a été refusé, mais on ne peut pas accuser le Québec de ne pas avoir fait des propositions. Le Québec a été présent dans ce dossier, que je sache, dès que la chose a été annoncée par le budget Martin d'avril 1996 et même avant, même en 1995, dès que le gouvernement fédéral a fait connaître ses intentions.

Alors, il me paraît que c'est fausser la réalité que de dire que le Québec ne tente pas des efforts concrets. Je sais, par exemple, aussi que le ministre des Affaires intergouvernementales a participé et est même intervenu en avril dernier, il n'y a pas longtemps, dans ce dossier, pour établir les positions du Québec, les rappeler et faire acte de présence. Il n'a pas été absent, que je sache. En tout cas, c'est ce que les journaux en ont rapporté et c'est là-dessus que j'en juge.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, Me Morin...

M. Morin (Jacques-Yvan): Je m'arrête là, M. le Président, puisque le temps va nous manquer.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, Me Morin, il est dommage qu'on n'ait pas eu plus de temps pour échanger avec vous parce que je pense que plusieurs questions nous sont restées sur les lèvres. Alors, je tiens à vous remercier. Nous aurons sûrement l'occasion, en d'autres temps, d'échanger avec vous sur ces questions. Alors, je vous remercie de votre contribution.

M. Morin (Jacques-Yvan): C'est moi qui vous remercie, M. le Président, de même que tous les membres de cette commission.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci.


Organisation des travaux (suite)

Mme Malavoy: M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, Mme la députée.

Mme Malavoy: Simplement rapidement, M. le Président, j'aimerais que vous me confirmiez s'il restait un petit peu de temps à ma formation politique dont je ne pourrai disposer parce que, du côté de l'opposition, on a pris beaucoup trop de temps pour poser sa question. Et je crois que, si on tient à terminer à l'heure, la moindre des choses, c'est de ne pas déborder dans son propre temps.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il nous reste... Non, Mme la députée de Sherbrooke, tel que je l'avais annoncé, j'avais convenu de donner le maximum de temps - compte tenu des contraintes que la commission s'était imposées - donc, aux témoins pour présenter leur mémoire. Or, Me Morin a pris un peu plus que 16 minutes, en fait 19 minutes.

Mme Malavoy: Je ne pose pas de question, aussi, M. le Président.

M. Fournier: Je suis bien prêt à renouveler mon offre de pouvoir donner une heure à chacun en ayant le deux heures de pause et, ensuite, de reporter ce qu'on a de 15 heures à... je ne sais plus quelle heure. Ça fait deux heures plus tard.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais ça repose le problème de la fin.

M. Fournier: Non, on peut aller plus loin. On finira à 20 h 30. Il n'y a pas de problème, M. le Président. Moi, je n'ai aucun problème. On ne pénalise personne. Si la députée de Sherbrooke veut poser des questions, moi, je ne demande rien de mieux. L'important, c'est qu'on protège aussi le droit de préparer l'après-midi. C'est tout.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Sauf que nous avons aussi, par ailleurs, M. le député de Châteauguay, d'autres mandats à la commission des institutions ce soir.

M. Fournier: Dommage!


Auditions (suite)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, j'inviterais tout de suite M. Gagnon à venir nous faire sa présentation. Alors, lorsque la présentation de M. Gagnon sera terminée, je partagerai le temps entre l'opposition et le parti ministériel. Bienvenue, M. Gagnon.


M. Alain-G. Gagnon

M. Gagnon (Alain-G.): Merci beaucoup. Je me réjouis que la commission des institutions procède à des consultations particulières sur la déclaration de Calgary. On sait qu'il n'y a pas 24 heures l'Assemblée législative de Nouvelle-Écosse était la neuvième Assemblée législative à appuyer cette déclaration-là, la rendant encore plus significative. Et il est donc malheureux que certains membres d'un certain parti, donc le Parti libéral, ne soient pas plus actifs, plus présents dans le contexte d'une déclaration qui me semble drôlement importante.

Il y a quelques années, dans la foulée des travaux de la commission Bélanger-Campeau, je faisais l'exercice d'analyser l'évolution de la fédération canadienne et, au terme de cette recherche, je fis le constat que depuis le début de la Révolution tranquille le point de vue du Québec, c'est-à-dire le point de vue exprimé à travers ses institutions politiques, ne change pas vraiment. La quête d'hétérogénéité culturelle perdure et le désir d'assumer pleinement ses compétences exclusives se confirme et même s'accentue.

Plusieurs avenues ont été empruntées au cours des années: le fédéralisme de coopération et de concertation prévalant à l'époque de Lester B. Pearson, le fédéralisme de concurrence et de tutelle qui a caractérisé le règne de Pierre Elliott Trudeau - qui a déjà été, même, un de mes employeurs - le fédéralisme communautaire d'abord énoncé par Joe Clark à travers la formule d'un Canada défini comme une communauté de communautés, puis par Brian Mulroney dans ses tentatives de traduire sur le terrain politique le «beau risque» de René Lévesque. Ces démarches constitutionnelles n'ont toujours pas permis de réconcilier le Québec et le Canada.

Plus près de nous, l'élection fédérale de 1993 et la réélection du Parti libéral du Canada, toujours sous le leadership de Jean Chrétien, en juin 1997, confirment le retour du fédéralisme de tutelle. Nous sommes entrés dans une période qui laisse peu de place à la négociation entre les deux principaux ordres de gouvernements. Le gouvernement fédéral, fort d'un appui considérable dans les provinces situées à l'ouest de la rivière des Outaouais, tient de moins en moins compte, notamment, des doléances des provinces de l'Atlantique - et on a vu les conséquences de cela à l'élection fédérale de juin - et encore moins des demandes traditionnelles du Québec. Les conséquences de cet état de fait sont néfastes pour le rétablissement d'un lien de confiance entre le Québec et les partenaires de la fédération canadienne, lien qui a été rompu lors du rapatriement de 1982.

Les dernières années ont été fertiles en rebondissements de toutes sortes. On se rappellera la débâcle de Meech en 1990, l'entente de Charlottetown en 1992, la défaite des conservateurs de Brian Mulroney, qui avaient travaillé énormément sur le renouvellement de la fédération, en 1993, la défaite des libéraux provinciaux en 1994 et le référendum d'octobre 1995. On connaît les résultats. Les autonomistes et les nationalistes québécois étaient à moins de 53 000 votes de la majorité absolue, règle ultime, on le sait, dans une démocratie libérale, ce qui leur aurait donné le mandat de négocier une nouvelle entente avec les Canadiens hors Québec en vue du renouvellement des appareils d'État.

Depuis octobre 1995, le gouvernement fédéral s'active à rendre plus difficile que jamais toute réforme constitutionnelle. Les ministre fédéraux se sont plu à parler de plan A et de plan B pour contraindre les Québécois à accepter le statu quo maintenant qualifié d'évolutif et à s'en réjouir. Ces deux angles d'approche, le plan A et le plan B, font partie d'une seule et même stratégie, soit l'imposition de l'ordre constitutionnel canadien de 1982.

Cette imposition se fait soit en ignorant tout simplement les revendications du Québec dans des champs aussi diversifiés que le sont la santé, la culture et l'éducation, soit encore par la voie de l'intervention du gouvernement fédéral dans des champs de compétence exclusive aux provinces - ici encore, on se rappellera du pouvoir fédéral de dépenser, pouvoir déclaratoire et pouvoir de désaveu - soit encore et ultimement par l'intimidation, c'est-à-dire en faisant appel à la contrainte - le renvoi devant la Cour suprême et même la menace à peine voilée de faire appel à l'armée, en suggérant que les initiatives prises par le gouvernement du Québec manquent de transparence.

C'est dans ce contexte qu'il faut situer la déclaration de Calgary: En quoi cette déclaration peut-elle permettre de répondre aux revendications du Québec et en quoi est-elle en mesure de réconcilier le Québec avec l'ordre constitutionnel qui lui a été imposé en 1982? Donc, il faudra non pas utiliser l'expression qui a été utilisée plus tôt ce matin, ce n'est pas l'approche du prendre ou à laisser, mais c'est vraiment de gré ou de force.

(12 h 30)

Soulignons que le gouvernement fédéral a jusqu'ici refusé de donner son appui officiel à la déclaration. Soulignons aussi que la déclaration a fait l'objet de nombreuses réserves dans plusieurs provinces. À ce jour, les principaux intervenants ayant fait des représentations lors des audiences publiques qui se sont tenues à l'extérieur du Québec y sont allés de propos vagues. Il est loin d'être acquis que les Canadiens seront conviés à se prononcer lors d'un référendum sur les mérites de la déclaration. Le danger d'un rejet et d'une polarisation accrue quant aux tenants et aux aboutissants de la déclaration est trop sérieux pour que le gouvernement fédéral s'engage naïvement dans une pareille démarche et, probablement aussi, pour que le Parti libéral du Québec fasse de même.

Le principal objectif poursuivi par les provinces et, derrière celles-ci, le gouvernement fédéral, se limite simplement à dire que la reprise des négociations constitutionnelles entre le Québec et ses partenaires canadiens devra se faire dans un cadre de discussion prédéterminé qui ne tient aucunement compte de la notion même de peuple québécois.

Les auteurs de la déclaration rappellent leur volonté commune de faire des propositions pouvant permettre aux Québécois d'adhérer à la fédération canadienne. Les auteurs se proposent de défendre concurremment l'égalité des provinces, l'égalité des personnes et l'égalité des chances. En outre, on reprend la notion d'asymétrie qui était au coeur du rapport de la commission Pepin-Robarts de 1979. Sans représenter une percée significative au chapitre du partage des pouvoirs, l'utilisation de cette avenue pourrait toutefois apporter certains accommodements susceptibles d'intéresser les représentants des partis politiques à Québec. Il faut signaler toutefois la mauvaise perception que les Canadiens ont du concept d'asymétrie, qu'ils réduisent souvent à des privilèges. Les auteurs de la déclaration auraient cherché à contrer cette critique en indiquant que toutes les provinces pourraient s'en prévaloir.

On fait référence, en passant, dans la déclaration au fait que le Québec se caractérise par son caractère unique, on prend soin de limiter ses traits distinctifs à la majorité francophone, la culture et la tradition civiliste. Il est aussi précisé que l'Assemblée nationale, législative, selon le terme employé dans la déclaration, pourrait en faire la promotion uniquement au sein du Canada. Cela suggère donc que l'Assemblée nationale pourrait veiller à l'affirmation du caractère unique de la société québécoise dans la mesure où elle respectera les règles du jeu que la fédération canadienne aura cru bon de lui imposer. Par ailleurs, les auteurs de la déclaration n'ont pas cru utile de proposer la constitutionnalisation de la notion de caractère unique de la société québécoise, la rendant, par le fait même, non effective.

L'ouverture faite à l'expression des trois formes d'égalité auxquelles je viens de me référer - provinces, personnes, chances - sans d'ailleurs qu'un ordre de priorité n'ait été même établi entre celles-ci, passe sous silence la logique égalitaire qui tend à dominer la scène politique québécoise depuis le début des années soixante. Je me réfère ici à l'égalité des conditions et à l'égalité des peuples. La déclaration de Calgary oppose à la logique égalitaire québécoise qui se fonde sur l'égalité des conditions et des peuples, je le rappelle, une logique concurrente, favorisant l'ordre constitutionnel de 1982, ordre constitutionnel qui a été répudié, on le sait, à l'unanimité des partis politiques représentés à l'Assemblée nationale, dès 1982.

La dualité culturelle, élément définisseur, s'il en est un, à l'origine de la fédération canadienne se dissipe au profit d'un projet d'intégration pancanadienne et est astreinte, selon les termes utilisés dans la déclaration, au dynamisme des langues françaises et anglaises, article 4 de la fameuse déclaration. Toute référence au peuple fondateur s'est éteinte, toute référence à l'histoire a disparu, comme si le Canada n'avait de passé que son expérience récente.

La déclaration de Calgary souscrit à la notion générale de diversité comme fondement de l'unité canadienne, mais les auteurs prennent bien soin de ne pas préciser de quelle diversité il s'agit. Sommes-nous en présence de la diversité profonde réclamée par mon collègue philosophe Charles Taylor? Rappelons, à cet égard, que selon Taylor, et je le cite: «Il existe de grandes différences en matière de culture, de perspective et d'histoire chez une population qui n'en partage pas moins la même idée de ce que signifie l'allégeance au Canada.» Il continue: «Cette attitude est loin de plaire à tous les Canadiens. Pour les Québécois et pour la plupart des Canadiens français, être Canadien, pour ceux qui veulent encore l'être, veut dire appartenir à un élément particulier du Canada, la nation québécoise ou canadienne-française. La même remarque s'applique grosso modo aux communautés autochtones du pays.»

Sommes-nous en présence de la diversité multiculturelle dénoncée par Neil Bissoondath dans le Marché des illusions pour son incapacité de faire des habitants du Canada de vrais citoyens, c'est-à-dire des personnes qui rejettent les ghettos ethniques et qui participent au processus de délibération démocratique avec leurs concitoyens, toutes origines confondues, à l'intérieur des deux principales cultures sociétales au pays?

La notion de diversité utilisée par les auteurs de la déclaration correspond à celle dont nous avons héritée de Pierre Trudeau dès 1971 et qui a été enchâssée dans la Constitution de 1982, sans le consentement du Québec, je le rappelle. Le sens donné à la notion de diversité s'inscrit dans le même sillon et tourne le dos au sens que souhaiterait lui donner Charles Taylor ou encore le groupe de recherche sur les sociétés plurinationales auquel ont adhéré James Tully, Guy Laforest et plusieurs autres.

Quant à l'idée d'égalité à laquelle j'ai fait allusion plus tôt, il faut aussi faire le même constat. Il ne s'agit pas pour les auteurs de la déclaration de Calgary de faire amende honorable en reconnaissant l'injustice de 1982, selon l'expression même de l'un des plus grands spécialistes sur le fédéralisme canadien qui était Donald Smiley. Il est révélateur que les notions d'égalité des peuples et d'égalité des conditions soient absentes de la déclaration de Calgary. Cela ne présage rien de bon pour le Québec quant à la signature de l'entente-cadre sur l'union sociale présentement à l'étude.

À cet égard, rappelons que la déclaration va jusqu'à réclamer la participation du gouvernement fédéral dans la prestation des programmes sociaux, champ de compétence provincial s'il en est un. Cette position commune des représentants territoriaux et provinciaux laisse entrevoir une fois de plus que les provinces hors Québec et le Québec évoluent carrément selon des logiques distinctes.

La solidarité canadienne ne pourra se construire sans tenir compte de la logique égalitaire qui domine le champ politique au Québec. Égalité des peuples et égalité des conditions doivent, dans une perspective québécoise, avoir voix au chapitre, sous-tendre même les relations de pouvoir au sein de l'espace politique canadien. La déclaration de Calgary se révèle pour le moment un fourre-tout. On y traite du fonctionnement de la fédération, des relations de pouvoir, de l'asymétrie, de la diversité, de la tolérance, de l'égalité des provinces et des individus, de la présence des peuples autochtones, du caractère multiculturel canadien, du dynamisme des langues française et anglaise et, une fois tous ces éléments réitérés, on y inscrit les particularismes québécois. On y parle de tout sauf de la question de fond, question d'ailleurs qui remet en question les fondements mêmes de la fédération canadienne, soit le droit inaliénable des Québécois de faire sécession démocratiquement.

Pour essayer de rendre acceptable la déclaration de Calgary auprès des administrations territoriales et provinciales, il a fallu inscrire dans le texte une foule d'événements qui ne tiennent aucunement compte des attentes du Québec et surtout qui sont en porte-à-faux avec les revendications exprimées par l'ensemble de la classe politique québécoise depuis l'injustice de 1982.

Malgré cette volonté politique territoriale et provinciale d'en arriver à une position commune, la déclaration de Calgary ne fera sans doute pas l'objet d'une vraie consultation populaire auprès de tous les Canadiens parce que, comme l'ont fait l'entente du lac Meech et le projet de Charlottetown, elle polariserait à nouveau les Canadiens et ferait ressortir le peu d'ouverture des Canadiens hors Québec à l'égard de la communauté nationale québécoise. Pareille consultation est trop risquée pour le gouvernement fédéral. On peut donc s'attendre à ce que, une fois tenue la prochaine élection provinciale au Québec, la déclaration de Calgary soit reléguée aux oubliettes.

La déclaration de Calgary, on l'aura deviné, n'a rien pour répondre aux attentes des souverainistes du Québec. Ce n'est pas l'objectif poursuivi par ses initiateurs. Qui plus est, cette même déclaration n'a rien non plus à offrir à ceux qui croient toujours que le Canada peut se renouveler en tenant compte des priorités de la société québécoise. C'est comme si le Canada se construisait sans égard pour cet État membre de la fédération. C'est comme si le Québec avait déjà quitté la fédération canadienne. La déclaration de Calgary confirme l'absence d'une volonté politique réelle de mettre fin au mal canadien, selon l'expression d'André Burelle, ancien haut fonctionnaire à Ottawa.

(12 h 40)

Selon moi, et pour conclure, le mal qui ronge les assises de la fédération canadienne est principalement de deux ordres. Premièrement, la fermeture à la diversité profonde exprimée dams le refus de reconnaître l'existence même du peuple québécois. Ce qu'il est très facile, par ailleurs, de faire en Grande-Bretagne est extrêmement difficile à réaliser dans un pays qui a un lien fraternel avec cet autre pays membre des États internationaux. Et, deuxièmement, l'opposition exprimée contre l'affirmation du principe de l'égalité des conditions auquel on préfère le principe de l'égalité des chances, principe qui règne en maître aux États-Unis et dans la plupart des provinces situées à l'ouest du Québec; principe, s'il en est un, qui est à l'origine de l'existence des plus grandes inéquités entre les classes sociales, les communautés politiques et les groupes sociaux se partageant un même espace géopolitique. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. Gagnon. M. le ministre.

M. Brassard: Merci, M. Gagnon, d'avoir répondu à notre invitation d'être parmi nous aujourd'hui. Je vais essayer d'être très bref pour vous laisser le plus de temps possible pour répondre. Vous évoquez l'expression de M. Burelle, Le mal canadien , et vous l'identifiez, ce mal - on en a parlé devant cette commission avec d'autres experts invités... Essentiellement, ce mal canadien, c'est d'abord et avant tout le refus de reconnaître l'existence d'un peuple québécois. C'est ce que vous dites et c'est ce que vous venez de dire, d'ailleurs, en conclusion. Évidemment, le refus de reconnaître l'existence d'un peuple québécois aussi, ç'a comme corollaire le refus de reconnaître à ce peuple le droit de disposer de son avenir, de décider de son avenir politique.

Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que la déclaration, quand on y lit que la société québécoise, société unique, avec un certain nombre de caractéristiques, que l'Assemblée nationale ou l'Assemblée législative - c'est plutôt cette expression-là qu'on utilise dans la déclaration - aurait comme rôle de promouvoir... non, non pas de promouvoir, pardon, excusez-moi, de protéger ce caractère unique au sein du Canada, est-ce que cette expression-là - je pense qu'en matière constitutionnelle tout mot a un sens, a une signification - est-ce que le fait d'indiquer «uniquement au sein du Canada», ça signifie que non seulement on ne veut pas reconnaître l'existence d'un peuple québécois, mais que, en même temps, par cette expression, on annonce aussi ou on envoie le signal qu'on ne veut pas reconnaître à ce peuple le droit de décider démocratiquement de son avenir?

M. Gagnon (Alain-G.): Merci, M. le ministre. Bon. Il est certain que ceux qui sont à l'origine de la déclaration de Calgary souhaitent que le Canada se maintienne tel quel. Ils souhaitent aussi que, s'il y a transformations, ces transformations-là respectent l'ordre constitutionnel de 1982. La seule évolution que, moi, j'y vois, c'est au chapitre de l'épanouissement. On dit aussi que l'Assemblée législative - nationale - québécoise pourra essayer de favoriser, donc, essayer d'encourager un certain épanouissement de cette société-là au sein même de la fédération canadienne. On ne peut pas dire qu'il y a une tendance, il y a un effort d'empêcher quand même cette promotion de la société québécoise, mais il faudra que ça soit fait... Donc, on nie au Québec la possibilité de faire sécession, du moins, sur une base politique, il n'y a aucun doute de ce côté-là. Mais il y a quand même une reconnaissance, un déplacement intéressant, sauf que ça doit se faire à l'intérieur des institutions actuelles et on doit reconnaître la fédération canadienne pour ce qu'elle est. C'est très difficile, pour des autonomistes et des souverainistes, de pouvoir accepter une telle interprétation.

M. Brassard: En matière d'union sociale, votre interprétation de l'article 7 me semble être la bonne. Vous dites que ce qu'il y a d'important dans cet article 7, c'est cette reconnaissance explicite du rôle et des responsabilités du gouvernement fédéral en matière de programmes sociaux, programmes de santé, et ça, évidemment, sans évoquer d'aucune façon quelque droit de retrait que ce soit, même modeste. Vous convenez que c'est absolument inacceptable pour quelque gouvernement du Québec que ce soit, souverainiste ou fédéraliste.

M. Gagnon (Alain-G.): L'union sociale, c'est un dossier extrêmement important pour le Québec. J'ai déjà consacré un texte dans une revue qui s'appelle Possibles , où j'ai indiqué cette tendance à la centralisation. Et ce qui est intéressant ici, c'est que les provinces hors Québec donnent leur plein consentement à ce transfert de pouvoirs éventuellement à l'instance fédérale. Ce n'est pas du tout la position que l'ensemble des gouvernements du Québec ont défendue au cours des dernières années. En tout cas, je n'ai pas à la mémoire même un seul gouvernement libéral, un seul ministre libéral qui aurait accepté cette prise de position là. Elle a toujours été dénoncée par le parti ministériel, mais aussi lorsque c'étaient les libéraux provinciaux qui avaient la gouverne.

Par ailleurs, il faut aussi souligner qu'à l'intérieur de cette déclaration de Calgary il y a ce concept d'asymétrie. Il ne faut pas que cette notion soit perdue. Il y a peut-être dans cette notion d'asymétrie... parce qu'on vit à l'intérieur d'une fédération canadienne, on est encadrés par une fédération canadienne, on opère à l'intérieur de cette fédération-là. Il y a des règles du jeu qui nous ont été imposées, mais on se doit de les respecter, à moins qu'il y ait un jour un vote majoritaire permettant au Québec de faire sécession démocratiquement. Pour le moment, la seule prise que le Québec a, c'est cet article 6 où on fait allusion à l'asymétrie, mais cette asymétrie pourrait être proposée à l'ensemble des provinces canadiennes.

Alors, dans l'union sociale qui est présentement à l'étude, le Québec pourrait quand même essayer de se servir de cet élément-là comme prise pour justifier de maintenir sa prise de position actuelle. Mais, moralement, il serait un peu bizarre que la fédération canadienne et que les provinces canadiennes cherchent à imposer au Québec des règles du jeu dans un champ qui lui est exclusif, sans son consentement.

Le Québec constitue un État membre de la fédération canadienne. La fédération canadienne n'a pas créé le Québec. C'est le Québec et les autres États membres qui ont créé la fédération canadienne. Donc, il est essentiel que, si le Québec fait des concessions, son consentement est requis. Et, là-dessus, l'ensemble des constitutionnalistes ou des juristes du type Jacques Frémont, par exemple, ou des collègues de l'Université McGill s'entendent en général sur cette prise de position là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay. Je vous rappelle que votre temps d'intervention, incluant la réponse, totalise 10 minutes.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Gagnon. Page 7, vous parlez de l'égalité des conditions et de l'égalité des chances. Vous dites qu'on a rejeté le principe de l'égalité des conditions, si j'ai bien compris, pour plutôt préférer celui de l'égalité des chances. Et vous dites que ça renie un peu, si j'ai bien compris, au moins 30 ans d'évolution où le Québec avait plutôt favorisé le concept d'égalité des conditions plutôt que des chances. J'aimerais que vous me parliez des références sur lesquelles vous vous appuyez pour me dire que, effectivement, c'est l'égalité des conditions qui nous habite et, en même temps, peut-être nous dire un peu la différence entre les deux concepts. Merci. Courte question.

M. Gagnon (Alain-G.): Merci. Une question fondamentale, par ailleurs. Je l'apprécie. Lorsqu'on parle de l'égalité des chances, on présume que, dans le fond, tout le monde, tout citoyen, quel qu'il soit, peut avoir accès à tous les postes, donc peu importe sa formation, peu importe son orientation politique, peu importe son orientation sexuelle, que tous les gens, tout le monde est né égal et aura donc accès à des fonctions ou pourra avancer dans la société sans aucune difficulté. C'est une prise de position qui est très populaire dans l'Ouest canadien. C'est une prise de position intellectuelle et idéologique qui est au coeur de la réflexion du Parti réformiste - vous allez faire le même constat avec moi - pour qui tout le monde devrait être traité de la même façon.

Or, il y a aussi une autre façon de voir les choses, qui est l'égalité des conditions et des communautés politiques qui sont des communautés politiques qui sont inégales ou qui sont minoritaires dans des sociétés. Et, parce qu'elles sont minoritaires ou inégales, il faut les traiter inégalement. Pas inéquitablement. Inégalement. Le plus bel exemple: les nations autochtones. Les nations autochtones, on le sait, ont des conditions d'existence tragiques, dans certains sens, si on se réfère aux années soixante, qui s'améliorent de plus en plus. Donc, pour que ces communautés-là, les gens vivant à l'intérieur de ces communautés-là puissent un jour avoir vraiment un rôle très important à jouer comme citoyens, on doit leur donner des conditions telles, améliorer leurs chances, dans le fond, d'existence pour leur permettre d'avoir voix au chapitre.

(12 h 50)

À l'intérieur de la fédération canadienne, on peut se pencher sur le cas du Québec, qui est une minorité qui se comporte parfois en majorité sur le sol québécois, mais, dans l'ensemble de la fédération, c'est une minorité. J'ai fait allusion au collègue Donald Smiley, qui, lui, a dénoncé l'entente de 1981, le rapatriement de 1981, disant que c'était une entente qui s'appuyait davantage sur l'égalité des chances et qui niait au Québec, qui était une communauté minoritaire à l'intérieur de la fédération canadienne, un droit d'existence comme État membre d'une fédération. Étant donné sa condition minoritaire, il fallait lui donner des conditions supérieures pour améliorer sa prise de position.

Lors du référendum de 1995, avec un collègue, j'ai fait une étude sur le comportement électoral. On a senti que, dès que les gens qui militaient en faveur du Oui ont commencé à parler d'avoir une société plus équitable, le vent a tourné. Je ne dis pas que les intentions ultimes des instances qui étaient derrière ce projet-là croyaient exactement à cette idée, mais, dès qu'on a mis l'accent sur l'égalité des conditions, dès qu'on a dit que les Québécois devraient avoir les mêmes chances en termes de conditions, le vent a tourné et là on a vu un appui de plus en plus fort qui appuyait le projet souverainiste québécois. On a vu le Regroupement des femmes, par exemple, s'allier fortement pour cette prise de position, souverainiste à l'époque.

M. Fournier: Je vous pose la question parce que je dois vous avouer que ça m'a un petit peu étonné de vous entendre dire que c'était appuyé sur un modèle où le Québec, depuis plusieurs années, choisissait le concept d'égalité des conditions plutôt que d'égalité des chances. Je ne veux pas en faire un plat, je veux parler d'autres choses aussi. Mais, simplement à titre de référence, j'ai un extrait du programme du Parti québécois de 1982 qui portait un chapitre 3 très clair sur l'égalité des chances, dont il était question. On peut toujours dire que c'était en 1982 puis que ça fait un bon petit bout de temps, mais, si on prend celui de 1996, novembre, pas janvier, donc celui du premier ministre actuel, c'est encore d'égalité des chances qu'on nous parle. Alors, je voulais simplement qu'on se comprenne. Je comprends que vous êtes très véhément à l'égard du Canada qui ne reconnaît pas le concept d'égalité des conditions, j'imagine que cette véhémence se répercute sur le Parti québécois.

Quelques mots sur peuple et société, peut-être que vous avez pu noter tantôt ce que je disais avec Me Morin. Quand le premier ministre d'un parti souverainiste, séparatiste, indépendantiste, appelez-le comme vous voulez, met sur sa page Internet que le Québec est une société, je ne voudrais pas non plus que ceux qui partagent son idéologie nous disent que c'est épouvantable que les autres nous nomment société alors qu'on se dit peuple, alors que, dans le fond, ici même, ces propres gens là se nomment société aussi. Je veux dire, à un moment donné, si c'est comme ça que le premier ministre du Québec se nomme, c'est comme ça qu'il est reconnu et là, après ça, on va commencer à dire que c'est bien effrayant, il faut faire attention.

Sur l'union sociale, je vous ai entendu, peut-être que j'ai mal compris puis je vous invite à me corriger. Vous avez dit: Sur l'union sociale, le Québec fait bande à part. L'ensemble des autres provinces, eux autres, ce qu'ils veulent, c'est envoyer ça à Ottawa, ils ne veulent rien savoir là-dedans. Ils veulent centraliser ça à Ottawa. À moins que j'aie mal compris, là, c'est juste pour vous dire: Faites un tour du côté de l'Ontario, très, très rapidement, là, puis vous allez vous apercevoir que ce que vous nous avez dit, ça ne colle pas à la réalité d'aujourd'hui, peut-être à une réalité passée, je ne sais pas.

M. Gagnon (Alain-G.): J'apprécie votre question, je pense que je peux répondre, surtout au troisième élément parce que j'ai peur que vous preniez trop de mon temps.

M. Fournier: J'aurais pu vous en donner une autre, mais je vais vous écouter là-dessus, juste pour voir si j'avais bien compris, ça va vous permettre d'avoir quelques minutes encore.

M. Gagnon (Alain-G.): Merci, j'apprécie votre intervention brève.

M. Fournier: Avec grand plaisir.

M. Gagnon (Alain-G.): Il est certain que, comme vous dites, aujourd'hui, plusieurs personnes en Ontario trouvent que ça peut être très risqué, très dangereux, même le premier ministre de l'Ontario, M. Harris. Il a dit même que le gouvernement fédéral volait les gens de sa province. Donc, aujourd'hui, il y a une semaine, il y a deux semaines, cette position-là, elle est remise en question drôlement. Là, on parle d'une transition, d'une évolution historique. La position de l'Ontario, historiquement, jusqu'à il y a quelques semaines, concernant l'union sociale, est une position qui est drôlement favorable à cette union sociale. Lorsqu'il y a eu des audiences à Ottawa, il y a eu beaucoup de représentants qui se sont présentés, et la majorité des prises de position étaient très favorables à cette fusion d'intérêts, cette fusion d'horizons avec un gouvernement qui assumerait des positions de plus en plus importantes. Il serait heureux, si votre position s'avère la bonne, que le Québec puisse y trouver un allié éventuellement. Mais ça reste à démontrer.

M. Fournier: Mais juste pour vous dire, depuis quelques semaines, je vous rappelle... Le rapport Courchesne, qui vient de l'Ontario, ça, ce n'est pas quelques semaines, on en parlait hier, c'est Jasper. Je vous rappelle que ça a commencé, pour reprendre un peu Me Morin, à Terre-Neuve quand M. Parizeau a sacré le camp. C'est là que ça a commencé sur l'union sociale, quand les provinces - c'était un forum interprovincial - ont dit entre elles: Ça suffit, on va reprendre notre marge de manoeuvre. Mais vous avez bien raison - je veux juste corriger ça - les provinces sont sur le même chemin que celui que le Québec souhaite.

Le problème, c'est que le Québec ne veut pas se faire d'alliés. Savez-vous pourquoi? Parce que, si on avait une stratégie d'alliance et si ça marchait, si les Québécois tiraient profit de cette alliance entre provinces qui fait comprendre à Ottawa qu'il y a une manière d'aménager le partage de la richesse créée à la grandeur du Canada en offrant de meilleurs services aux citoyens, ce serait une réussite. Savez-vous ce que ça donne, une réussite? Ça prouve que ça marche. Et, quand on prouve que ça marche dans le Canada, ça donne un méchant coup de pied dans le projet de séparation, d'où la tactique de rupture, d'isolement et de non-participation.

Je pense que c'est important de rappeler, quand vous venez nous dire que c'est dans les dernières semaines que ça se passe, c'est important de noter... Allez voir Glen Clark en Colombie-Britannique, allez voir Ralph Klein, allez voir Mike Harris et demandez au ministre qui est là d'appeler ses homologues, plutôt que d'en rencontrer un ou deux une fois par année, pour avoir un son juste de ce qui se passe dans les provinces. Moi, je veux bien qu'on nous dépeigne l'ensemble canadien comme étant un bloc monolithique qui est synonyme de Jean Chrétien, mais c'est beaucoup plus compliqué que ça, et ça bouge.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci, M. Gagnon, merci beaucoup. Je pense que vous nous avez bien démontré, puis en situant votre exposé vraiment dans tout le contexte et toutes les démarches qui ont été faites dans ce dossier-là, vous nous démontrez bien qu'il y a deux visions: en fait, une vision qui veut une égalité des provinces, égalité des chances, égalité des personnes, et l'autre vision de l'égalité des peuples, une reconnaissance de l'égalité des peuples et égalité des conditions.

Vous nous démontrez aussi que, à partir de 1982, à partir du moment où le lien de confiance a été rompu, on a tenté de plus en plus d'imposer cette vision, ce fédéralisme de tutelle, que vous appelez, tellement que, finalement, la proposition qu'on a devant nous, elle ne répond absolument pas à la vision québécoise autant des souverainistes que des fédéralistes. On se retrouve donc devant une offre qui ne répond à aucune des demandes traditionnelles.

Vous nous dites aussi que toute référence aux peuples fondateurs s'est éteinte, toute référence à l'histoire a disparu, comme si le Canada n'avait de passé que son expérience récente. Et son expérience récente, c'est 1982, c'est le fédéralisme de tutelle, c'est la nouvelle vision.

Donc, est-ce que pour vous, finalement, l'offre qui nous est présentée... D'ailleurs, une petite parenthèse, ce que vous nous dites, finalement: Une offre sur laquelle le gouvernement fédéral ne pourrait même pas faire un référendum parce qu'il ne pourrait pas être appuyé dans cette offre-là. Est-ce que, finalement, ce qu'on essaie de faire, c'est de faire accepter au peuple québécois la vision, cette nouvelle vision depuis 1982 du Canada anglais, finalement?

M. Gagnon (Alain-G.): Vous avez remarqué que je n'ai pas utilisé le terme d'«offre» mais plutôt d'«état de fait». Ce que, moi, je constate dans la déclaration, c'est que des collègues des provinces canadiennes nous disent: Voici où nous en sommes dans la fédération canadienne, voici les grands principes sur lesquels notre problématique est articulée, on y tient. Il n'y a pas d'offre là-dedans; vous devez accepter ça ou encore vous taire.

Mme Caron: De gré ou de force, comme vous le disiez tantôt.

(13 heures)

M. Gagnon (Alain-G.): C'est ça, de gré ou de force. Pour moi, je n'y vois aucune avenue. Il serait très intéressant, il aurait été drôlement démocratique, le principe démocratique aurait pu être bien enchâssé, on aurait pu dire: On reconnaît à chacun des États membres de la fédération canadienne le droit de faire sécession. Moi, je pense que ç'aurait été la façon la plus importante et la meilleure de dire aux Québécois: Nous vous faisons confiance, nous croyons que la fédération canadienne peut se vendre, elle a le privilège d'être quelque chose de rassembleur, elle est rassembleuse. Si elle est rassembleuse, on doit permettre au Québec, qui constitue une nation à l'intérieur de la fédération canadienne, d'avoir un droit à la sécession qui soit officialisé et confirmé par les autres États membres de la fédération canadienne.

Mme Caron: Merci beaucoup.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. Gagnon, je vous remercie de votre présentation. Sur ce, nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures. Nous reprendrons nos travaux à 15 heures. Merci, M. Gagnon.

M. Gagnon (Alain-G.): Merci bien.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 14 h 59)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons débuter nos travaux. Je rappelle le mandat de la commission de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur la déclaration de Calgary, notamment en ce qui a trait à une future entente-cadre sur l'union sociale, et ce, en regard des droits et compétences de l'Assemblée nationale, du gouvernement du Québec et des revendications historiques de ces derniers.

Nous recevons maintenant l'Action démocratique du Québec représentée par M. Mario Dumont, qui en est le chef, et Me Jacques Gauthier, président de la Commission politique et du Comité constitutionnel. Bienvenue messieurs. Vous disposez d'une période de 30 minutes pour la présentation de votre mémoire, laquelle présentation sera suivie, comme vous le savez, d'une période d'une heure d'échange avec les parlementaires de la commission.


Action démocratique du Québec (ADQ)

M. Dumont: Merci, M. le Président. On tenait à participer comme parti politique qui aspire, lors de la prochaine élection, à obtenir la confiance des électeurs québécois, comme les autres. On tenait à être présents, à participer, à apporter notre contribution aux travaux de cette commission-là, pas tellement qu'on soit des obsédés de constitution - s'il y a un parti qui n'en a pas fait son cheval de bataille en Chambre dans les dernières années, c'est bien nous autres - mais surtout parce que, en matière d'avenir du Québec, on a des préoccupations. Certains d'entre nous, dont les deux qui vous parlent, ont déjà, au fil de leur carrière, au cours de leur carrière, de leurs engagements politiques, eu l'occasion de poser des gestes majeurs, des réorientations dus à cette question-là de l'avenir du Québec, qui est toujours présente.

(15 heures)

Je l'ai dit dans mes remarques d'introduction, la semaine passée: Quand on a quelque chose à dire, je suis de ceux qui pensent qu'on peut le dire partout. Je suis toujours méfiant des gens qui disent que le forum n'est pas le bon. Quand on a une opinion précise sur ce qui doit se passer, on est prêt à la livrer dans un casse-croûte comme au Parlement parce qu'on a quelque chose à raconter. Les gens qui se cachent parce que le forum n'est jamais le bon, c'est souvent suspect qu'ils ont des choses à cacher et pas grand-chose à dire. Dans ce cas-ci, c'est le Parlement qui est le forum, qui est le lieu privilégié pour exprimer nos positions.

On va le faire en deux temps. Me Gauthier, qui m'accompagne, va faire une présentation sur la dimension, sur l'entente de Calgary comme telle, et, ensuite, j'aurai l'occasion de parler un peu parce que, au-delà de l'entente de Calgary, je pense que cette commission-là a un devoir de servir de point d'arrêt dans une stratégie constitutionnelle, à l'heure actuelle, du gouvernement qui n'a pas livré de grands résultats, servir de point d'arrêt, de questionnement pour savoir où on s'en va comme société.

M. Gauthier (Jacques): Alors, la déclaration de Calgary, c'est une main tendue, à l'heure actuelle. Il ne faut pas être insensible, selon nous, au geste qui est posé par le reste du Canada. Il faut étudier cette déclaration-là, quant à nous, notamment à l'aune du rapport Allaire, qui était sans doute la position constitutionnelle, de mémoire récente, qui a obtenu le plus large consensus au Québec.

D'abord, un rappel historique. On vit présentement une grande lassitude au Québec sur cette question-là. C'est une lassitude qui s'explique bien. Ça fait suite à 30 ans de polarisation, 30 ans de radicalisation des positions des acteurs. Il y a, à toutes fins utiles, deux générations de Québécois qui, depuis leur naissance, ont assisté à des débats stériles, des débats qui n'ont amené strictement aucun résultat et aucun gain pour le Québec, et parfois des reculs: que l'on remonte à la déclaration de Victoria, en 1971, qui a été jugée insuffisante par le gouvernement libéral de Robert Bourassa; pour passer au référendum de 1980 avec les résultats qu'on a connus, dont le rapatriement unilatéral de la Constitution; que l'on passe par l'entente du lac Meech qui était pour certains, au Canada - et ç'a tué l'entente de Meech - trop généreuse pour le Québec; pour passer ensuite à l'entente de Charlottetown qui était trop généreuse pour le Québec dans le reste du Canada et pas suffisamment au Québec; et, enfin, par le dernier référendum; et, finalement, la déclaration de Calgary.

Alors, jusqu'au dernier référendum, ces deux générations de Québécois qui ont assisté aux débats ont constaté une chose: le bilan des 30 dernières années... Et je pense que les deux partis politiques qui ont eu l'occasion d'exercer le pouvoir, et de mener le débat, et de proposer leurs solutions ont un bilan qui ne peut montrer aucun résultat positif et que des reculs. On risque fort de voir la déclaration de Calgary subir à peu près le même sort. On est à peu près dans un état où, dans la mesure où il y a un refus de réinventer en profondeur la forme de nos relations entre le Québec et le reste du Canada, on ne pourra pas sortir de l'impasse constitutionnelle.

Alors, Calgary, c'est, d'une certaine manière, un geste de main tendue, et, pour cela, on pense que l'effort est louable. Quand on regarde cependant la substance et qu'on la compare aux positions traditionnelles du Québec, on ne peut pas manquer d'être déçu. On va regarder tout à l'heure au plan, notamment, du partage des pouvoirs pour constater qu'il n'y a strictement rien - c'est là la position, la revendication traditionnelle la plus importante au Québec.

Quand on replace les choses dans leur contexte, on sait tous que la déclaration de Calgary a suivi un référendum, en 1995, qui a eu le résultat qu'on connaît. Le peu de contenu de la déclaration de Calgary n'est peut-être pas étranger au fait que, d'une part, le Parti québécois et le gouvernement en place n'a montré aucun signe d'ouverture à quelque discussion que ce soit qui pourrait entraîner une résolution de la question constitutionnelle et que, en même temps, de l'autre côté de la Chambre, le Parti libéral du Québec donnait le signal qu'à peu près n'importe quoi pourrait être acceptable pour continuer à dire qu'on était toujours dans un Canada fort et uni. En fait, on constate que, aujourd'hui, en juin 1998, le Reform Party est plus généreux au plan du réaménagement des pouvoirs dans la fédération canadienne que ce que réclame le Parti libéral du Québec.

Au plan du réaménagement des pouvoirs, la déclaration de Calgary est absolument muette. Il n'y a rien qui puisse conférer quelque contrôle que ce soit plus important à l'Assemblée nationale ou aux Parlements des provinces. Quand on le compare au rapport Allaire, comme je le mentionnais un peu plus tôt, évidemment, on a un univers de différences. Le rapport Allaire conférait à l'Assemblée nationale 22 pouvoirs, on parlait d'un réaménagement en profondeur, d'un rapatriement extrêmement important de pouvoirs vers les provinces. Dans la déclaration de Calgary, on ne constate strictement aucun gain à ce sujet-là.

En fait, c'est un peu pire, parce qu'on peut constater deux reculs. Il y a un empiétement du gouvernement fédéral qui est consacré, notamment, à l'article 7 qui peut permettre des intrusions du gouvernement fédéral via les normes nationales. À l'alinéa qui suit l'article 7 de la déclaration de Calgary, on précise ces possibilités de normer en matière de programmes sociaux. Et là, dans le cas de cet alinéa, c'est encore un petit peu plus dangereux que ce qu'on a fait historiquement avec les intrusions fédérales. Il faut se rappeler que ces intrusions étaient faites principalement par le biais du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral.

L'alinéa qui suit l'article 7 de la déclaration de Calgary oblige les gouvernements à se concerter et on n'a pas beaucoup de difficultés à imaginer qui va être le chef d'orchestre, à la différence près que, cette fois, la baguette de chef d'orchestre que va tenir le gouvernement fédéral, elle ne sera pas financière, elle ne sera pas fiscale, elle va être d'un autre ordre. Alors, là, il y a une nouvelle forme d'empiétement qui est permise, qui est encore plus grande que ce à quoi on a assisté par le biais du pouvoir de dépenser qui, historiquement, est exercé par le gouvernement fédéral.

Donc, en conclusion, au plan du rapatriement des pouvoirs, la déclaration de Calgary n'apporte strictement rien. Elle ne met pas fin aux intrusions fédérales. Au contraire, elle les légitimise. On ne fait aucune priorité d'une éventuelle décentralisation des pouvoirs vers les provinces. Donc, on est extrêmement loin du rapport Allaire qui fait et qui faisait consensus, au Québec, depuis longtemps.

Au plan du caractère unique du Québec, la déclaration qui est contenue dans Calgary, on a, ici, la troisième étape d'une longue itération vers une dilution de ce que ça veut dire. Il faut se rappeler que, dans Meech, on appelait le Québec une société distincte, ce qui pouvait avoir des effets juridiques notables. Ça a été un peu dilué dans Charlottetown, lorsqu'on a balisé la notion de société distincte en la référant à la culture française, à la langue, aux institutions et au droit civil, et on la dilue encore une fois de plus dans Calgary.

Il faut se rappeler que, dans les jours qui ont suivi l'adoption de la déclaration de Calgary, il y a un certain nombre de premiers ministres d'autres provinces qui ont commencé à dire que le Québec est unique mais que toutes les provinces sont, par ailleurs, uniques, à divers points de vue. Alors, voilà pour le caractère unique du Québec. Donc, on n'est pas énormément plus avancé qu'on l'était avant.

Au plan de l'égalité des provinces, la déclaration de Calgary contient, à de nombreuses reprises, la référence à l'égalité des provinces et à l'égalité de tous les Canadiens. Voilà un concept qui peut être très uniformisant à terme, d'autant plus que c'est un concept qu'on introduit alors qu'on n'assistera à aucune décentralisation des pouvoirs. Alors, accepter ce principe-là, c'est renier pour longtemps, sinon toujours, le concept des deux peuples fondateurs. Je crois qu'il n'y a aucun parti politique, au Québec, ni aucun gouvernement qui a accepté de renier ce principe-là. C'est contraire, aussi, au besoin de souplesse, de flexibilité que le Québec, depuis 30 ans, revendique à travers ses divers gouvernements.

(15 h 10)

La déclaration de Calgary, lorsqu'on regarde son contexte, est adoptée dans une période qui est concomitante aux discussions alentour de la future entente-cadre sur l'union sociale canadienne. On se rappelle tous que, dans les semaines qui ont précédé le référendum de 1995, on avait assisté à une pléthore de promesses de changements des ténors du Canada fédéral. On a oublié, semble-t-il, ces promesses-là. Aujourd'hui, on assiste, au contraire, à un certain nombre de projets qui vont, encore une fois, se matérialiser sous forme d'intrusion du gouvernement fédéral, que ce soit au plan des bourses du millénaire, que ce soit au plan des projets relatifs aux prestations pour enfants, au soutien pour handicapés, ce sont tous des thèmes qui sont chers à tout le monde, sauf qu'on ne s'entend pas sur qui doit les gérer.

Le gouvernement fédéral a malheureusement oublié les promesses qui étaient faites dans les semaines précédant le référendum. On a malheureusement oublié qu'on pouvait capitaliser sur certaines discussions qui, par ailleurs, ont été fructueuses. On pense à la formation de la main-d'oeuvre. Ça a pris 30 ans d'efforts, mais finalement on est arrivé à des résultats. Alors, plutôt que de capitaliser là-dessus, on a continué à s'enferrer dans la polarisation, dans les intrusions, plutôt que de tenter de régler le problème d'une façon qui soit coopérative et harmonieuse.

Alors, en conclusion, on constate qu'il n'y a pas de substance réelle qui apporte des gains pour le Québec dans la déclaration de Calgary. On ne peut, par ailleurs, pas passer sous silence le fait qu'il y a une main tendue et qu'il y a à tout le moins le début d'une volonté de se parler. Et on pense que dans le processus qui devra suivre on doit en tenir compte d'une façon qui soit significative. Sur ce, quant aux perspectives d'avenir, je vais passer la main à M. Dumont.

M. Dumont: Oui. Bien, pour passer à des perspectives d'avenir, je pense qu'il faut partir des lendemains du dernier référendum, où on s'est retrouvé avec à peu près le pire des scénarios, c'est-à-dire qu'on a eu un résultat où les gens ont dit non à une proposition en majorité, et ça je l'ai dit mille et une fois: Un résultat serré en démocratie est néanmoins un résultat. On ne peut pas catégoriser les résultats. Mais on doit quand même lire ce qui en découle en termes d'opinion de la population. Et ce dont on s'est aperçu, ça aurait pu être exactement le contraire, au lendemain du référendum, quand je dis le pire des scénarios, c'est qu'autant le gouvernement du Québec que l'opposition officielle se sont cantonnés dans leurs positions traditionnelles et, s'il y a quelque chose, là, avec le gouvernement fédéral pour faire le tempo, pour faire la musique, tout le monde s'est adonné à une radicalisation du débat.

Ça a signifié l'absence, dans bien des cas, d'une défense réelle, pratique, efficace des intérêts du Québec. Ça donne lieu, à titre indicatif, à des incohérences comme l'intérêt soudain du PQ qui nous a dit... encore le premier ministre nous a dit, ce matin, que peu importe ce qui était proposé, lui, c'était la souveraineté qui était la seule solution, mais il nous fait étudier Calgary. Il développe dans l'espace de quelques jours, quelques semaines un intérêt soudain pour étudier Calgary. Et l'opposition officielle, qui avait réclamé des premiers ministres des provinces une entente comme Calgary, boycotte la commission qui vient l'étudier. Ça, c'est ce que nous donne une radicalisation du débat, un débat qui devient tellement partisan que la capacité de faire le point, de réfléchir sur l'intérêt du Québec s'en trouve largement diminuée.

Et la position actuelle du Québec autant - je l'appelle comme ça - le refus du résultat qui est la politique officielle du Parti québécois... Quand le soir du référendum on dit: On se crache dans les mains, puis on recommence, non, je m'excuse, quand il n'y a pas d'événement historique majeur qui se produit - et là il y a de la littérature là-dessus de déclarations du début des années quatre-vingt de premier ministre, de ministres du Parti québécois - on ne recommence pas la même affaire, on ne reconsulte pas le monde sur la même affaire. On se tourne de bord, puis on se cherche des avenues qui vont permettre à la population d'avancer.

Me Gauthier a parlé de l'attitude du gouvernement fédéral, du plan B et des intrusions qui sont permises, évidemment, par la position de faiblesse du Québec, et, bon, l'opposition officielle, ça se passe sous silence. C'est évident que l'opposition officielle est piégée dans sa position que je qualifierais de fédéralisme à genoux, pour reprendre les termes de l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes du temps de M. Bourassa.

Dans les constats postréférendaires qu'il faut donc poser, le premier constat postréférendaire, à mon avis, qui est une nécessité de base si on veut penser à solutionner, à régler quelque chose, c'est de comprendre que les Québécois ne sont pas divisés sur l'avenir du Québec, comme on s'habitue à le dire: Le résultat est 50-50, les Québécois sont divisés sur l'avenir du Québec. Les Québécois ne sont pas si divisés que ça. On divise les Québécois, on positionne le débat d'une façon à ce que les Québécois se divisent 50-50. Il n'en demeure pas moins qu'il y a des positions, dont le rapport Allaire, des positions centristes qui recueillent facilement l'adhésion d'une majorité beaucoup plus considérable de Québécois pour peu qu'on veuille les leur offrir.

Deuxième constat, après 30 ans de chicanes constitutionnelles, après un bilan égal à zéro en termes de résultat positif, même des reculs, il faut qu'il y ait une reconnaissance que les solutions qui ont été essayées, de part et d'autre, ont provoqué une incapacité de régler le différend et que autant le modèle de la souveraineté classique que le fédéralisme à genoux sont des voies sans issues, sont des reculs potentiels pour le Québec.

Troisième constat postréférendaire, la dynamique d'affrontement qui s'est - j'ai eu l'occasion d'en parler durant la commission - dessinée entre les péquistes et les libéraux fédéraux entrave complètement la possibilité d'un dialogue sur des bases nouvelles. Et ça aussi, il y a des témoins experts qui nous l'ont dit.

Autre constat, si le Québec est divisé sur une chose, c'est bien sur l'agenda référendaire du Parti québécois. Et l'agenda référendaire, donc la menace constante d'un autre référendum, jumelé au refus qui est perçu par des gens du gouvernement de prendre acte du choix des Québécois lors du dernier référendum, ça ouvre la porte à l'émergence de groupes, l'émergence d'acteurs de plus en plus radicaux qui prennent des positions qui ne sont pas habituelles dans le paysage politique québécois, qui prennent des positions pour lesquelles il n'y a pas de gagnant, qui prennent des positions sur des questions linguistiques, sur des questions comme la partition, qui sont seulement sources d'affrontement. Alors, je pense que, dans l'état des choses, les partis politiques ont la responsabilité et le devoir de ne pas jeter davantage d'huile sur le feu.

La répétition du référendum de 1995 dans un avenir proche constituerait selon nous un affaiblissement politique considérable pour le Québec, un affaiblissement social aussi. Parce que des tensions répétées sur un même enjeu, dans les mêmes conditions, pour arriver visiblement à un même résultat ne paraît pas une stratégie tellement gagnante.

Et c'est probablement un des faits intéressants de la commission, et c'est probablement la surprise de Lucien Bouchard au sortir de cette commission, j'espère, la surprise du ministre aussi, c'est qu'on a fait la commission et le gouvernement l'a organisée, d'autant plus qu'il y a un certain nombre d'acteurs fédéralistes qui ont choisi de ne pas participer pour suivre le mot d'ordre du Parti libéral du Québec. Et je suis convaincu que le gouvernement devait s'attendre à se faire dire: Bien, Calgary, ça ne vaut rien. Holà! Un autre référendum au plus vite! On embarque dans la stratégie péquiste, tout le monde saute dans le buggy puis on fait un autre référendum!

Mais ce n'est pas ce que les témoins experts sont venus dire. Les témoins experts sont venus dire au gouvernement: Effectivement, Calgary, c'est pauvre en substance, mais votre stratégie, la stratégie péquiste, c'est une stratégie perdante. Vous ne nous emmenez pas dans des voies nouvelles, vous reprenez la même ornière.

Ça me fait penser, des fois, on voit des gens qui sont pris dans la neige puis qui essaient de s'en sortir, mais les roues passent toujours à la même place, ils sont toujours dans la même ornière, ils avancent, ils reculent, ils avancent, ils reculent. Puis, au bout d'une demi-heure, ils sont encore calés plus profond dans la même ornière, mais ils ne sont pas capables de s'en sortir. Bien, le gouvernement, ce qu'il nous propose, c'est cette stratégie-là: quatre, cinq coups de roues de plus dans la même ornière, mais pas de vision nouvelle là-dessus. Pourtant, il y a eu un référendum, pourtant, sur le projet qui était mis de l'avant, le peuple a eu l'occasion de se prononcer.

Donc, au niveau des constats, et peut-être le constat le plus important, c'est que - et c'est l'idée qu'on a mise de l'avant en parlant d'un moratoire sur un autre référendum, sur ces questions-là, pour le prochain mandat - je pense qu'un répit est nécessaire pour plusieurs raisons. D'abord, pour le Québec, parce que notre population elle-même a vécu des tensions importantes parce que notre population a été archisollicitée. Puis là, regardez, faites n'importe quelle lecture de l'opinion publique depuis les derniers mois, c'est de pire en pire. C'étaient les deux tiers, il y a quelque temps, là, c'est rendu, cette semaine, 71 % des gens qui demandent à ce gouvernement-là: Sortez-nous de ce carcan-là, de cet agenda référendaire là.

(15 h 20)

Deuxièmement, on a besoin d'un répit, d'un apaisement pour espérer un règlement, parce que, quand tout le monde est braqué, quand la même génération de gens, puis dans certains cas, là... Là, on voit que ça commence à être compliqué, la joute politique, surtout si on regarde les enjeux constitutionnels parce que, là, on a un premier ministre au Québec qui est un ancien ministre conservateur, dont l'ancien chef sous lequel il a démissionné pour des raisons constitutionnelles pousse et c'est celui qui convainc l'autre de se présenter, son ancien collègue ministre. Pendant ce temps-là, à Ottawa, on a encore comme premier ministre celui qui a fait le rapatriement de la Constitution. Là, tous les fils sont mêlés. Il ne faut pas se surprendre que, avec tous les antécédents et tous les fils qui sont mêlés d'une génération qui s'est plantée à résoudre le débat constitutionnel, aujourd'hui tout soit paralysé. Il ne faut pas s'en surprendre. Puis la nécessité d'un répit, c'est pour laisser passer du temps. C'est pour qu'on puisse peut-être changer un certain nombre des acteurs, oublier un certain nombre des dogmes et des bibites que tout le monde a et essayer de revoir les choses sur des bases plus nouvelles, sur des bases plus logiques, sur des bases plus constructives.

Troisièmement, la nécessité d'un répit et d'un apaisement, je pense que ça serait souhaitable, ne serait-ce que sur le plan démocratique dans le respect de la volonté populaire qui a été exprimée lors du dernier référendum. Je veux, sur la nécessité de cet apaisement-là... Je pense que j'en ai cité quelques éléments ce matin au premier ministre lors de la période de questions, mais je pense que surtout les gens au niveau du gouvernement du Parti québécois auraient intérêt à refouiller dans leurs propres réflexions internes. Il y a déjà des gens au Parti québécois qui ont été placés dans la même situation après le référendum de 1980 puis qui ont eu, en vue de l'élection suivante... Le débat s'est fait: Est-ce qu'on repropose pour le mandat prochain un autre référendum? Puis il y a une sorte de sagesse qui a émergé de tout ça: Nous promettons qu'il n'y a pas de référendum par respect à l'égard de la majorité qui s'est prononcée le 20 mai.

On disait, René Lévesque qui parlait: «S'il en est un qui pourrait être pressé de la réaliser, c'est bien moi. Mais, entre notre volonté d'atteindre notre objectif et son aboutissement, il y a le peuple du Québec qui décide. À vouloir bousculer - et ça, c'est une lettre publiée dans Le Devoir qui était adressée à l'actuel député de Bourget - tout cela ensemble et tenter de précipiter notre peuple malgré lui, nous risquons de bloquer pour bien des années et même, hélas, de rendre suspect son légitime appétit de liberté collective, pour le seul plaisir de faire le décompte des votes pour la souveraineté.»

Intéressants, quand même, les propos du ministre actuel, député de Lac-Saint-Jean. Le 3 novembre 1984, il parlait à peu près à une distance semblable du référendum de 1980. Il nous disait: «L'opinion publique n'épouse pas notre objectif de souveraineté - et là la réflexion est intéressante - un nouvel échec si rapproché du dernier ne pourrait être que catastrophique - imaginez un troisième, là! - et ne servirait en rien la cause.» Ça, c'est ce que le ministre disait.

Moi, je pense, là, qu'il a intérêt à retourner se ressourcer, à sortir de l'obsession des référendums. Mais évidemment qu'il est un peu facile de dire: Bon, bien, on n'a pas besoin de se redonner une stratégie. On ne se présente pas aux tables. On ne défend pas l'intérêt du public plus que ça parce que, nous autres, là, on s'en va vers un autre référendum. Puis c'est ça, notre stratégie. Puis nos membres sont bien contents de ça. Puis nos vendeux de cartes de membres sont bien contents de ça. Mais, quand on gouverne, on a à gérer l'intérêt du Québec. On a à prendre en considération l'intérêt du Québec d'une façon un peu plus convaincante que ce que le gouvernement nous a démontré.

Ce que je disais tout à l'heure est une conclusion intéressante de la commission. Moi, en tout cas, c'est la conclusion que j'en tire. Ça a été ma surprise, d'ailleurs, parce que plusieurs intervenants sont venus nous dire... Je suis allé rechercher dans les mémoires, dans les déclarations qu'ils nous ont faites ici, quelques citations - je ne l'ai pas fait de façon exhaustive - de MM. Frémont, Garant, Laforest, Dufour, Allaire. On a dit: Il faut sortir des ornières. Il faut ouvrir un nouveau dialogue, des bases nouvelles. M. Laforest nous disait: Il faut sortir radicalement des cadres traditionnels, une redéfinition du partenariat entre le Canada et le Québec. Christian Dufour a été assez éloquent sur le fait que la stratégie autant du Parti québécois que du Parti libéral du Québec n'était pas capable de gérer de façon dynamique les relations Québec-Canada et de nous emmener vers des progrès.

Donc, si on fait la lecture du constat, on a une population qui veut qu'on la laisse tranquille avec ça. C'est légitime. On a une population qui veut que ça se règle. Puis on a en place des acteurs qui sont figés dans des positions traditionnelles, un gouvernement qui veut répéter l'histoire, refaire un tour de roue dans le vide. Et on a, parallèlement à ça, des experts, des témoins, des gens qui réfléchissent sur l'avenir du Québec, qui nous disent: Si les vieilles méthodes ont fait échec, si la façon dont on a procédé jusqu'à maintenant, on a manqué notre coup, si, d'un côté, le monde ne me suit pas, peut-être qu'on devrait sortir des ornières, peut-être qu'on devrait sortir des cadres traditionnels. C'est ce qu'on s'est fait dire comme commission par plusieurs des experts.

Bien, oui, je pense que c'est ce que notre parti veut vous dire aujourd'hui. Il faut sortir des sentiers battus, il faut offrir à la population... lever la menace d'un autre référendum ou d'une répétition de référendum, peu importe, pour le prochain mandat, sortir des sentiers battus, ouvrir un dialogue nouveau, mettre de côté des recettes qui n'ont pas réussi, peut-être laisser passer un peu de temps pour mettre de côté des acteurs qui sont champions des recettes qui ne réussissent pas, qui nous ont conduits à l'impasse, qui nous ont coûté cher pour nous livrer peu de résultats, et revenir aux deux objectifs.

Et ça, c'est Christian Dufour qui a été intéressant, qui nous l'a bien rappelé. Revenir aux deux objectifs qui sont au coeur de tous les projets qui ont eu une chance de rallier la population du Québec: Être maîtres chez eux, désir d'autonomie, désir très présent dans tout ce que le Québec a proposé; et, deuxièmement, désir d'être partenaires d'une nouvelle union, partenaires à part entière d'un ensemble commun, plus moderne, plus fonctionnel, où on ne se marche pas sur les pieds, où on n'embarque pas dans les pouvoirs les uns des autres, où le Québec peut défendre ses affaires. Donc, partenaires d'un ensemble commun avec les autres Canadiens. Ce que certains appellent une véritable confédération. On fête la Confédération le 1er juillet, mais on vit dans une fédération de plus en plus centralisée, malheureusement, mais ce que certains appellent une véritable confédération.

J'ai eu l'honneur - Me Gauthier était membre du comité Allaire, j'étais président des jeunes libéraux au moment où ça a été adopté - de défendre cette position-là qui était une position qui nous emmenait dans cette direction-là, qui nous garantissait l'obligation d'un résultat, qui nous proposait une union moderne et fonctionnelle, au Québec, au reste du Canada. Et là il y a un élément nouveau qui est intéressant, c'est qu'on s'aperçoit qu'à l'extérieur du Québec l'opposition officielle, le Reform Party, met sur la table une proposition, évidemment, qui, dans sa forme actuelle, ne serait pas acceptable pour le Québec, mais qui met de l'avant, au niveau du partage des pouvoirs, une décentralisation assez considérable, qui met de l'avant une décentralisation par laquelle le rapport Allaire trouve son principal écho comme on n'a jamais connu dans le reste du Canada.

Ma conclusion est relativement simple. Le Québec a, en matière constitutionnelle, une expérience qui n'est pas très heureuse du point de vue des résultats. Les positions dans lesquelles se cantonnent les partis ici, à l'Assemblée nationale, sont connues mais éprouvées, parce que les échecs de ces positions-là sont la source de l'absence de résultats. On sort d'une commission où on s'est fait dire à maintes reprises qu'il faut sortir des sentiers battus, qu'il faut avoir un peut plus d'imagination, où on s'est fait dire: On n'a pas le droit de se cantonner dans des positions traditionnelles trop faciles.

(15 h 30)

Et ce que j'espère, M. le Président... Et j'ai été déçu, ce matin, des réponses du premier ministre. Je pensais que, si le premier ministre tenait une commission comme celle-là, si le premier ministre était prêt à étudier Calgary, s'il faisait des déclarations intéressées - je ne dirais pas favorables, je vais dire intéressées - sur les propositions qui sont mises de l'avant par l'opposition officielle à Ottawa, j'avais cru comprendre que c'est parce que le premier ministre reconnaissait enfin le résultat du référendum puis était prêt à aller vers autre chose que la répétition d'un référendum dans l'immédiat. Je pensais qu'il avait autre chose à l'esprit.

Mais, ce matin, à la période des questions, le premier ministre nous a rappelé que c'était ça, son obsession, et on aura l'occasion de l'entendre tout à l'heure. Mais, si c'est le carcan de son parti qui l'enferme, si c'est ça qui fait que, aujourd'hui, comme premier ministre du Québec, comme chef d'un gouvernement qui a à défendre l'intérêt de tous les Québécois, on n'est pas capable de se donner - comme leur propre parti l'a déjà fait dans le passé - une position gagnante pour le Québec, de se donner une position de force pour le Québec, eh bien, on aura fait cette commission-là pour rien, malheureusement, M. le Président. Si on n'est pas capable d'en sortir avec un gouvernement qui a une stratégie gagnante pour le Québec, qui est capable de mettre de côté ses ornières, qui est capable de mettre de côté ses stratégies traditionnelles pour penser à l'intérêt supérieur du Québec, on aura fait cette commission-là pour rien.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Brassard: Merci, M. le Président. M. Gauthier, M. Dumont, d'abord je vous sais gré d'être présents à cette commission et d'avoir répondu, comme parti politique représenté à l'Assemblée nationale, à l'invitation de la commission pour venir exprimer vos vues et votre vision des choses relativement à la déclaration de Calgary, c'est tout à votre honneur. Bof! Je dis «c'est tout à votre honneur», au fond, c'est que, vous le dites vous-même: Voilà une commission permanente de l'Assemblée nationale qui examine un document politique quand même important. Il est tout à fait normal à ce moment-là que et les parlementaires et les partis politiques s'y intéressent et participent à ce forum, contrairement à ce que fait l'opposition officielle. Bon.

Donc, comme parti politique, vous proposez ce qu'on appelle - ce n'est pas une expression nouvelle, c'est dans notre vocabulaire politique depuis une trentaine d'années - une troisième voie. Et à cet égard, selon vous, la référence moderne, c'est le rapport Allaire, qui proposait une décentralisation massive. C'est l'expression que vous utilisez, avec raison: 22 pouvoirs, compétence exclusive; et seulement six pouvoirs, compétence exclusive, pour ce qui est de l'État fédéral; puis un certain nombre de compétences partagées. Effectivement, le rapport Allaire constituait une proposition de décentralisation qu'on peut qualifier de massive sans le moindre doute. Et, dans votre mémoire, vous indiquez que, selon vous, c'est la référence moderne en matière de décentralisation.

Vous parlez aussi d'édification d'une véritable confédération, confédération au sens exact du terme, selon la définition qu'on en donne dans les manuels de science politique, c'est-à-dire, donc, là aussi une union d'États souverains, en quelque sorte. C'est, si je me souviens bien, la définition qu'on donne d'une confédération. Et puis en même temps, ce faisant, proposant cette troisième voie, cette décentralisation massive, vous qualifiez cette proposition de sortie des sentiers battus. Vous voulez que le Québec sorte des sentiers battus, et ce que vous proposez irait dans ce sens-là.

Moi, je veux simplement vous signaler, avant de vous poser des questions, que vous n'avez pas inventé la troisième voie, elle existe dans le paysage politique depuis des générations. Ç'a porté d'autres noms, mais la thèse des États associés, à l'époque des années soixante, c'était aussi une troisième voie, c'était aussi la troisième voie. Même chose pour la thèse du statut particulier pour le Québec, où le Québec se voyait accorder un certain nombre de compétences que n'avaient pas les autres provinces. Ça aussi, c'était ce qu'on appelait, à une certaine époque, la troisième voie. Donc, la troisième voie, c'est un projet ou c'est une proposition qui est dans le paysage politique québécois depuis, on peut dire, des générations. Je ne pense pas qu'on puisse prétendre que vous venez d'inventer un projet constitutionnel nouveau.

Mais je reconnais, cependant, que votre proposition et votre position en matière constitutionnelle, n'étant pas nouvelle, est, cependant, persistante dans l'histoire politique récente du Québec. Il y a toujours eu, au Québec, des partis politiques, puis aussi une proportion parfois importante de la population, du peuple québécois, dont le premier choix, la préférence était de voir se transformer en profondeur le régime fédéral. C'était aussi la position de Gil Rémillard, qui était ministre des Affaires intergouvernementales à l'époque de M. Bourassa, une transformation en profondeur. Il prenait toujours soin d'ajouter «en profondeur» du régime fédéral pour mieux répondre aux aspirations du peuple québécois.

Mais, quand on regarde la réalité, il y a Calgary. On en a parlé depuis deux semaines, ici, de Calgary, dont la portée n'est d'aucune façon satisfaisante, ni pour vous ni pour nous. Pour le Parti libéral, on ne le sait pas trop. On le saura un jour, peut-être. Peut-être aujourd'hui, dans les remarques finales, mais on ne le sait pas. Mais, pour nous et pour vous et pour la très grande majorité des experts qui sont venus devant nous, Calgary, c'est insuffisant parce que ça ne répond pas, d'aucune façon, aux demandes dites traditionnelles du Québec.

Mais, en même temps qu'on nous fait cette offre insuffisante, qui n'est pas acceptable pour le Québec, il y a, sur le terrain, une offensive centralisatrice sans précédent, une dynamique centralisatrice sans précédent venant de l'autre côté de l'Outaouais, toute une série d'interventions, de décisions, de politiques, de programmes mis en oeuvre par le gouvernement fédéral qui sont dans nos champs de compétence. On essaie d'y résister tant bien que mal, parfois pas toujours avec succès, comme dans le cas des bourses du millénaire. Mais c'est ça, la réalité, aussi, qu'on ne peut pas nier puis qu'on ne peut pas ignorer, et ce qui conduit le Québec à ce que M. Frémont appelle la «municipalisation des provinces» ou ce que M. Brun perçoit comme étant la mise en place, plus ou moins, d'un État unitaire au Canada - d'un État unitaire - et, donc, de l'abandon du caractère fédéral de l'État canadien.

Alors, moi, ma question, elle est très simple. M. Dumont, comme chef d'un parti politique, sur la scène politique québécoise, ma question, elle est très simple, vous voulez sortir des sentiers battus, et votre proposition pour ce faire, c'est ce que vous appelez la troisième voie. C'est ce que vous appelez une décentralisation massive. C'est ce que vous appelez le rapport Allaire, que vous considérez comme la référence moderne en cette matière. Si Gil Rémillard était parmi nous encore et à cette table, il qualifierait ça d'une transformation en profondeur du régime fédéral, sans aucun doute. Sans aucun doute.

Sachant ce que le Canada anglais est en mesure de proposer et sachant très bien les limites qu'il ne peut pas dépasser, comment pensez-vous, vraiment, puisque tout le monde a échoué, d'un côté comme de l'autre - ça a abouti à l'échec; nous comme eux, on n'a pas réussi, résultat zéro - puisque vous demandez une obligation de résultat, comment pensez-vous arriver à une obligation de résultat, connaissant la réalité, avec une proposition comme celle-là, comment pensez-vous que le Canada anglais va accueillir une proposition comme celle-là? Comment pensez-vous que le dialogue va s'engager de façon fructueuse avec une proposition comme celle-là, qui se situe à 1 000 lieues de la déclaration de Calgary, qui se situe à contre-courant avec ce qui se passe actuellement sur le terrain, avec ce que le fédéral est en train de faire, avec le rapport de force qui est celui qui existe présentement? Comment pensez-vous sortir vraiment des sentiers battus? Comment allez-vous réussir à faire accepter par le Canada anglais une proposition de cette envergure?

(15 h 40)

M. Dumont: Deux éléments. D'abord, M. le ministre nous indique que le gouvernement fédéral empiète, et je pense qu'on ne nie pas ça, ça a été décrit par Me Gauthier. Mais là il y a une raison à ça. Présentement, le Québec, devrait être protégé comme jamais, là. Techniquement, si on regarde les discours prononcés par le gouvernement du Parti québécois, c'est Dominic Hasek qui devrait être devant le but, là, hein? Ces gens-là se roulent dans le drapeau à chaque occasion, ils ont fait leur dernière campagne comme des grands nationalistes, et là ce qu'on constate, c'est que, dans la pratique, dans des dossiers sectoriels, ils n'ont pas de stratégies, ils n'ont pas d'alliés, ils ne sont même pas capables de trouver les bons arguments pour défendre le Québec.

Christian Dufour est venu nous rappeler que, quand il était le temps d'invoquer la société distincte parce que le gouvernement fédéral, aussi mince, aussi léger que ça pouvait être comme geste, a voté une résolution sur la société distincte, le gouvernement du Québec n'a même pas trouvé les arguments opportuns. Il se l'est fait reprocher par des experts, son inhabileté à défendre des intérêts du Québec. Parce que, dans sa stratégie, la défense des intérêts du Québec ne se fait pas dans une perspective de discussion avec le reste du Canada, elle se fait dans une perspective de préparation, déjà, du prochain référendum, strictement. Et la stratégie, si vous nous faites le constat que le fédéral empiète et qu'il semble avoir pas mal de marge de manoeuvre pour le faire, bien, je m'excuse, mais la conclusion de ça, c'est que votre stratégie, elle ne marche pas. C'est que la stratégie du gouvernement actuel n'est pas bonne parce que, si le gouvernement fédéral est capable de le faire et qu'il ne se fait pas bombarder, c'est que la stratégie du gouvernement du Québec n'a pas été valable, n'a pas été gagnante.

Et ce qu'il nous dit, aujourd'hui, il reconnaît lui-même qu'il n'a pas pu amener de résultats, que, du point de vue des résultats, c'est zéro. Je suis heureux de l'entendre, c'est au moins une des conclusions auxquelles la commission sera arrivée. C'est ce qu'on dit, mais c'est...

M. Brassard: Je reprenais vos propos.

M. Dumont: Vous repreniez mes propos? Ah bon! vous les constatiez aussi, sans doute, mais...

M. Brassard: C'est une autre affaire, ça.

M. Dumont: Remarquez que, dans le cas du Parti québécois et du Parti libéral, il faut toujours que je sois prudent parce que, quand je dis «résultats zéro», ils peuvent prendre ça favorablement parce que ça oublie, ça laisse de côté, si on ne complète pas la phrase, les reculs qu'ils ont fait connaître au Québec. Alors, quand on dit «résultats zéro», c'est déjà les faire bien paraître.

Donc, la deuxième question sur laquelle il nous amène, c'est: Qu'est-ce que le Canada anglais est en mesure de proposer? Nous, on met de l'avant l'idée du rapport Allaire, qui est une approche, quand même, de décentralisation, une approche pratico-pratique, qui axe moins sur les symboles, plus sur la pratique. Et ça aussi, il y a un certain nombre de constitutionnalistes qui sont venus nous dire: Les pouvoirs législatifs, c'est d'abord et avant tout ce qui permet au Québec d'exprimer son caractère distinctif. Il nous demande: Qu'est-ce que le Canada anglais est en mesure de proposer? Savez-vous, moi, je ne le sais pas. Ce que je constate, au Canada anglais, aujourd'hui, à l'heure où on se parle, c'est un gouvernement fédéral qui, à l'autre extrême au niveau des positions, au niveau de l'attitude, calque l'attitude du gouvernement du Parti québécois, ou c'est le Parti québécois qui calque l'attitude, mais c'est rigidité, c'est non-écoute, c'est radicalisation du débat, etc.

Ça, c'est ce que je constate. Donc, est-ce que, dans ce gouvernement-là, actuel, avec les acteurs qui sont en place depuis des années puis un premier ministre qui est celui qui a fait le rapatriement de la Constitution, est-ce qu'il y a là l'essence d'un règlement maintenant? Je ne suis pas sûr, vraiment pas. Mais est-ce qu'on doit mesurer seulement à ça ce que le Canada anglais ou le reste du Canada est en mesure de proposer? Je ne suis pas sûr non plus.

Parce qu'on regarde l'opposition officielle, juste en face, qui - et je le dis très sereinement - sans être - il faut voir l'historique, les positions et les campagnes de publicité de ce parti-là - des gens qui, demain matin, j'ai l'impression, vont accrocher le fleurdelisé après leur balcon puis vont devenir des maniaques du Québec, puis vont vouloir toute la gang déménager dans le Bas-du-Fleuve ou à Rivière-du-Loup, d'un point de vue pratique, ces gens-là arrivent à la conclusion qu'il faut régler des affaires. Ces gens-là constatent que le système coûte cher. Ces gens-là écoutent un peu les propositions qui viennent de partout, ont sûrement, parmi leurs propositions, regardé le rapport Allaire, parce que ça ne se peut pas, arriver à des choses qui, en parallèle, ont autant de similitudes sans l'avoir regardé puis mettre sur la table une proposition.

Puis il y a une couple de principes, là-dedans, avec lesquels j'ai des problèmes. Il y a des affaires, je pense, qui ne seraient pas acceptables dans leurs formes actuelles pour le Québec. Mais ça, c'est lancé comme ça, là, ce n'est pas le résultat d'une négociation avec le Québec, c'est lancé comme ça. Donc, la mesure de ce que le reste du Canada et les autres Canadiens pourraient proposer, on va seulement pouvoir la prendre, cette mesure-là, quand il y aura, au Québec, des gens sérieux, des gens qui, plutôt que de nier le résultat référendaire, s'appuieront sur le résultat référendaire pour se donner une force politique et aller véritablement engager la discussion pour arriver à des résultats.

Ce n'est, évidemment, les gens qui pourraient entamer sérieusement cette négociation-là, sûrement pas le Parti libéral du Québec, parce que c'est assez difficile d'arriver à une négociation puis de dire: Vous autres, vous êtes des gens qui en offrez plus que, moi, j'en demande. Mais là je vais en demander plus pour vous accoter. En fait, si on arrivait à une table de négociation entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral, dans l'hypothèse où Jean Charest se trouverait chef du gouvernement du Québec, on se demande de quel côté de la table, par réflexe, il serait tenté de s'asseoir. On se demande: Son envie, sa passion personnel, ça serait de s'asseoir de quel côté de la table?

Alors, si c'est ça, la mesure de la capacité du reste du Canada à s'adapter, à innover, à proposer des solutions innovatrices, elle va être mesurée à la capacité d'un gouvernement du Québec de se donner une force politique pour faire bouger les choses puis sortir des ornières stériles dans lesquelles on a enfermé le débat.

M. Brassard: Il y a une autre conclusion aussi qui se dégage. Vous semblez l'oublier puis elle m'apparaît essentielle dans la perspective de ce que vous proposez. C'est que l'histoire des négociations constitutionnelles depuis 40 ans démontre que ce qu'il y a sur la table, à la fin des négociations, c'est toujours moins que ce qu'il y avait au début. Toujours! C'est une constante. Alors, là, si on amorce des négociations constitutionnelles avec, sur la table, la déclaration de Calgary, c'est clair qu'à la fin des négociations il n'y aura pas plus. Il va y avoir moins. Alors, à ne pas oublier.

Ceci étant dit, vous dites qu'il faut une stratégie gagnante. Ce gouvernement est incapable de se donner des alliés, de conclure des alliances, de faire des coalitions pour améliorer son rapport de force et obtenir gain de cause. Je veux juste vous donner un exemple bien récent. Dans le cas du dossier des bourses du millénaire, l'obsession millénariste de Jean Chrétien, dans le cas des bourses du millénaire, il s'est forgé - puis elle a tenu jusqu'au bout puis elle tient encore - une coalition très vaste regroupant l'ensemble des intervenants dans le monde de l'éducation. L'Assemblée nationale a finalement parlé d'une voix unanime. Vous en étiez aussi. Alors, voilà. Donc, je ne pense pas, le gouvernement, qu'on puisse l'accuser d'être isolé dans ce dossier-là précis.

Le dossier des bourses du millénaire, dossier capital. Une ingérence majeure du gouvernement fédéral dans un champ de compétence exclusif du Québec, l'éducation. On n'était pas tout seul. Le gouvernement avait, à côté de lui, avec lui, l'ensemble des intervenants constituant une vaste coalition, puis on a parlé d'une seule voix. Puis, à l'Assemblée nationale aussi, on a parlé d'une seule voix, puis ça n'a pas marché.

Alors, je veux bien que vous semonciez le gouvernement parce qu'il n'a pas de stratégie gagnante, mais je vous pose une question peut-être un peu naïve, là: Dans le cas du dossier des bourses du millénaire, c'était quoi, la stratégie gagnante? Se trouver des alliés? On en avait. Tous les intervenants étaient avec nous dans une coalition. Obtenir l'appui de l'Assemblée nationale de façon unanime? C'est chose faite aussi puis ça n'a pas marché. Le gouvernement fédéral s'est buté, entêté et a rejeté du revers de la main les propositions. Il n'y a pas eu de négociation. Ça, je peux vous le dire. On a essayé de négocier, mais il n'y en a pas eu du tout. Alors, je veux bien qu'on nous propose ou qu'on nous incite à mettre en oeuvre des stratégies gagnantes, mais encore faut-il que ça réponde, de l'autre côté. C'était quoi, la stratégie gagnante, dans ce dossier-là?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Ce que le ministre vient de nous décrire, c'est qu'il n'a pas de stratégie. Ce qu'il dit, c'est que son gouvernement n'a pas de stratégie. Il a tenu un référendum, la population s'est prononcée, et, le lendemain, sa seule stratégie, c'était d'organiser l'autre référendum. Entre-temps, quand quelqu'un nous pile sur le pied, on crie. Puis là on dit: J'ai crié, mais en même temps tout le monde a crié autour de moi. Ce n'est pas ça, une stratégie, c'est une façon de donner au Québec un rapport de force. C'est une façon de voir venir les coups. Et, quand les coups nous arrivent comme ça...

(15 h 50)

Quand on parle d'alliés, je comprends, le ministre interprète ça en disant: On a des alliés au Québec. On est allé chercher l'appui des partis au Québec. Je pense que, dans une stratégie d'ensemble, il aurait intérêt à se faire des alliés à l'extérieur du Québec et je pense que, dans certains dossiers, ce serait possible. Mais il faut avoir une stratégie, pas une stratégie où tu cries quand tu te fais piler sur le pied, une stratégie d'ensemble où tu exerces un rapport de force, au nom du Québec, pour le Québec. Et ce serait facile à bâtir en s'appuyant sur le résultat d'un référendum où, dans le reste du Canada, on est venu les mains tellement moites qu'il y avait des télécommandes de tv qui ont été brûlées et qui ont passé la nuit sur la corde à linge pour sécher. Vraiment, il y a des gens qui ont réagi, là. Et ça aurait été une occasion unique de s'appuyer là-dessus, de bâtir un rapport de force, et le gouvernement du Québec a manqué son coup là-dessus et c'est là-dessus qu'il va être jugé.

Mais je veux revenir sur votre prémisse, aussi. Vous nous disiez: Ce qui est sur la table à l'heure actuelle, c'est Calgary puis vous constatiez que ce n'est pas beaucoup, ce qu'il y a sur la table. Les premiers ministres des autres provinces se sont réunis, ont offert Calgary. Ce n'est effectivement pas beaucoup, mais c'est quand même plus que ce qu'il y a depuis le 31 octobre 1995, que ce qui a été mis sur la table par le gouvernement du Québec. Le gouvernement du Québec n'a rien mis sur la table. Ce qu'il a mis sur la table, c'est des plans, c'est des stratégies pour préparer déjà le prochain référendum, strictement. Et je vais aller un cran plus loin. Si le Parti québécois nous embarquait dans un autre référendum qui devait avoir à peu près le même résultat que la dernière fois, il n'y en aura plus, de table. Une stratégie aussi perdante que celle-là, il n'y en aurait même plus, de table. Ça, je pense que c'est un jugement de la population à long terme, de l'histoire, qui serait sévère là-dessus.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Merci beaucoup, M. le Président. M. Dumont, M. Gauthier, bonjour. D'abord, peut-être d'entrée de jeu, puisque c'est comme ça que vous avez commencé, à savoir en parlant de ceux qui participaient à nos travaux, peut-être qu'il est bon de rappeler pour ceux qui se joignent à nous qu'hier on avait un treizième désistement, donc c'est près de la moitié des témoins qui ont choisi de ne pas participer à ce que Jacques Parizeau appelait une farce. Puisqu'on approche de la toute fin, les remarques finales vont suivre à 18 heures ou à peu près, on peut même déjà faire le décompte du fait que le vice-premier ministre nous a consacré une heure, la ministre de l'Emploi, deux heures, et que la ministre de l'Éducation - qui sont tous membres de cet exercice - n'est pas venue du tout. Donc, il a plein de monde qui ne sont pas venus. J'espère qu'ils étaient utiles dans les occupations... En tout cas, la ministre de l'Éducation, je pense qu'elle a pas mal d'affaires à faire.

Essentiellement, je comprends quand le député de Rivière-du-Loup nous dit que, quand il a quelque chose à dire, il peut le dire n'importe où. Ce n'est pas parce qu'on vous offre un fauteuil dans une trappe, qu'il faut nécessairement jouer le rôle du homard, hein! Il est possible de se faire entendre un peu partout, et ce n'est pas obligatoire de tomber dans le piège. Je comprends que le député a déjà joué le rôle dans une astuce comme celle-là avec les commissions régionales. Il s'est retrouvé là où il s'est retrouvé aussi, mais on n'est pas obligés de tous faire le choix qu'il fait.

Parlant d'où il s'est retrouvé justement après ces commissions régionales, ça me rappelle les propos que vous teniez à propos des chefs du Parti québécois et du Parti libéral du Québec, rappelant leur passé conservateur, puis vous disiez que c'est mélangeant. On pourrait généraliser et on pourrait se dire: Bien, voilà M. Dumont qui était libéral, maintenant adéquiste, et qui partage avec le chef du Parti québécois la famille souverainiste. Alors, ça aussi, c'est mélangeant. Puis c'est vrai que, quand on entend le député de Rivière-du-Loup, souvent on a l'impression que c'est des lignes - notamment la semaine dernière - qui étaient directement sorties du Parti québécois. C'est vrai que sur la photo on se dit: Dans le fond, vous auriez presque pu faire la présentation avec le député de Jonquière. Il manque Jacques Parizeau, mais il n'est jamais tellement loin derrière. Ça, on le sait quand même.

Si vous me permettez, je vais prendre certains passages de votre mémoire pour y apporter quelques commentaires. Après ça, je pourrai procéder à une question. À la page 5 du mémoire, vous dites que ni le Parti libéral ni le Parti québécois n'ont donné suite ou ont pris acte du résultat référendaire de 1995. Je veux juste vous dire que c'est vrai pour le nombre de fois qu'on a déposé des motions et que le PQ ne voulait pas dire: Non, non, je respecte le choix référendaire. Ce n'est probablement pas dans leurs cordes.

Mais simplement pour rappeler, parce qu'on s'amuse à dire: Le Parti libéral du Québec, où loge-t-il? Après octobre 1995, pendant un an de temps, les membres du Parti libéral du Québec - vous connaissez comment ça fonctionne - ont fait des consultations, ont fait des tournées, ont réfléchi. Et il y a un document qui est sorti et qui a ensuite été adopté par les membres et qui s'appelle Reconnaissance et interdépendance , qui est moderne, je vous en passe un papier, et qui, je dirais, articule le choix des Québécois, qui tient compte du référendum. Et, comme je vous l'expliquerai tantôt, vous verrez que non seulement le choix a été articulé, mais qu'il est déjà en voie de réalisation ou dans des chantiers en progression qui nous permettent de viser des progrès qui sont là.

À la page 7, vous nous dites que Calgary procède d'un même moule que Charlottetown ou... Je pense que ça, c'est faire erreur. Là, je pense que vous êtes tombé dans le piège du Parti québécois et je pense qu'il faut rappeler ça, ramener ça et, d'ailleurs, la motion qui nous amène ici, l'objectif de cette commission, c'est ça aussi un peu le piège, c'est de dire: Calgary, c'est la réponse finale, la réponse globale. Tout est dit là et c'est là qu'on le lit et c'est fini. On regarde juste ça. C'est le moule. On est à une époque bien différente de celles de Meech et Charlottetown où c'étaient des rondes globales et finales. Là, je dirais - et ce que je disais ce matin pour prendre l'expression du premier ministre du Québec actuel: Il y a différents chantiers.

On procède par différents chantiers: le chantier de la main-d'oeuvre, qui été adopté l'année passée, qui a été accepté Québec-Ottawa; le chantier de l'union économique, l'approfondissement de l'union économique à St. Andrews avec les premiers ministres des provinces, qui ont décidé d'aller plus loin, d'aller de l'avant pour le bénéfice des gens que l'on représente, que l'on sert, les Québécois et les Québécoises; le chantier de l'amendement constitutionnel des commissions scolaires linguistiques - ce sont tous des éléments qui sont dans le programme incidemment - pour lequel il a fallu forcer le gouvernement du Parti québécois, on s'en souvient, qui ne voulait pas faire de progrès, il ne fallait pas montrer que ça marche et après ça ils l'ont banalisé, bien, ça aussi, c'est un autre chantier de changement, de progrès, de réalisation, de succès, de choses qui fonctionnent; il y a le chantier du pouvoir de dépenser, on en a assez parlé, le député de Rivière-du-Loup était ici, j'y reviendrai peut-être tantôt, depuis 1995, ce sont les provinces, pas Ottawa, les provinces qui ont lancé le bal pour encadrer le pouvoir fédéral de dépenser.

Tantôt, j'écoutais le député qui disait au ministre que sa stratégie d'alliance ne fonctionnait pas parce qu'il ne parlait pas à personne à l'extérieur du Québec. Il a raison. Le ministre, l'année passée, a parlé à deux de ses homologues, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick, et, l'année d'avant, juste au Nouveau-Brunswick, et ça, une fois chacun. Là, tu ne peux pas savoir beaucoup ce qui se passe ailleurs si tu ne leur parles pas. On ne peut pas développer de grandes stratégies d'alliance dans ce temps-là. Alors, c'est évident que là-dessus il n'y a pas beaucoup de progrès. Dans le cas du pouvoir de dépenser, il y a un chantier en évolution depuis 1995 où M. Parizeau avait quitté malheureusement, mais qui est en évolution, qui fonctionne, qui, si le Québec se tenait debout, si le gouvernement du Parti québécois faisait des alliances, nous permettrait de faire des gains. Calgary, bien, c'est un chantier parmi ceux-là, c'est le chantier de la reconnaissance.

Alors, il faut faire attention quand vous acceptez la logique péquiste, qui dit: Bien, là, il ne faut pas regarder ailleurs, c'est juste ça, et analysez le texte comme si c'était un texte juridique. C'est Brian Tobin qui disait encore il y a quelques jours: C'est une ouverture au dialogue.

(16 heures)

À la page 8 et à la page 9, là, c'est le saut aux partis réformistes. Bon. «Le Parti réformiste - dites-vous à la page 8 - est plus généreux en termes de dévolution de pouvoirs au Québec que ne le demande le Parti libéral et son nouveau chef.» À la page 9, vous dites que l'article 7 de Calgary va entraîner un empiétement du fédéral, notamment dans ses capacités d'imposer des nouvelles normes fédérales. Vous êtes contre 7 parce que ça impose, ça donne à Ottawa, dites-vous, la possibilité d'imposer de nouvelles normes et, à la page d'avant, vous êtes pour le Parti réformiste. Vous aimez ça, vous, les propositions du Parti réformiste.

Je veux juste vous dire: Soyez très prudent quand vous dites ça et je passe le même message au Parti québécois. Le Parti réformiste propose de donner une compétence législative - on parlait tantôt des compétences législatives - au gouvernement fédéral d'imposer des normes dans tous les secteurs. Ça fait que je veux bien que vous réclamiez 2 000 pouvoirs si vous voulez, mais, si vous permettez que le fédéral ait une compétence législative pour imposer des normes nationales dans tous les dossiers, dans tous les secteurs, dans toutes les compétences, vous n'êtes pas bien, bien avancé. Moi, à votre place, je ferais attention avant d'embarquer dans toutes les propositions qui sont faites.

De dire qu'il y a au Parti réformiste des propositions de changement, c'est une chose. De dire qu'il y a du mouvement chez les provinces qui vont dans le sens des demandes du Québec qui datent, de dire, comme disait M. Laforest, que chez les intellectuels il y a du mouvement, soit, il y a du mouvement, et je pense qu'il faut capitaliser là-dessus, il faut le voir pour s'en apercevoir et tisser les bonnes alliances pour faire gagner les Québécois. Je pense que c'est là où on en est.

Sur le paragraphe 7, où vous dites que de façon automatique ça amène le fédéral à pouvoir imposer des nouvelles normes, je pense que vous êtes au courant maintenant - parce que je l'ai cité assez souvent - de ce que les provinces ont mis sur la table déjà pour l'encadrement du pouvoir de dépenser. Et ce qu'elles cherchent, comme le Québec, c'est de s'assurer de pouvoir affirmer de façon plus importante leurs responsabilités.

On a parlé tantôt, vous en parlez à la page 12, le ministre en a parlé tantôt, ça fait 30 ans de chicanes constitutionnelles et un bilan égal à zéro. Là, je n'ai pas trop compris si le ministre trouve qu'il est d'accord ou pas avec le zéro. Ce n'est pas clair. Mais, en tout cas, moi, ce que je veux vous dire là-dessus, c'est...

M. Brassard: Parce que vous avez fait une liste, tout à l'heure, de nos succès. Alors, ce n'est pas zéro. Ce n'est certainement pas zéro.

M. Fournier: Je pense que c'est important de noter les succès. Et puis je suis très content que vous notiez qu'il y a des succès dans le Canada. Mais il faut toujours faire attention quand on fait des constats comme celui-là. C'est: le bilan égal à zéro, puis 30 ans, c'est fini. C'est comme si on regardait juste un arbre puis tu ne t'aperçois pas qu'il y a une forêt, selon l'expression. Il y a des choses qui doivent être corrigées. Il y a des améliorations à apporter. Il n'y a personne qui va dire le contraire. Tout le monde dit ça.

Mais de dire que tout est échec, que le bilan est zéro, ça me semble un peu gros. On peut penser... Vous remontez dans le temps. Je ne veux pas faire une chronologie complète de tout ce qui s'est passé. Mais, dans les années soixante: la Caisse de dépôt. Dans les années soixante-dix, c'étaient les premières ententes sur l'immigration. Dieu sait que, pour une société d'accueil comme la nôtre, majoritairement francophone, l'immigration, c'est important. Les années quatre-vingt et le statut du Québec dans la francophonie internationale, le pouvoir d'influence que le Québec a joué pour pouvoir amener nos partenaires au libre-échange. Je veux dire, il faut quand même les voir, ces éléments-là, s'apercevoir... Bon, l'entente sur l'immigration qui a été approfondie en 1991. En 1994, l'Accord sur le commerce interprovincial approfondi, comme je le disais, l'été dernier. Je comprends qu'on puisse dire: Il y a des choses à améliorer. Moi, je n'ai pas de problème avec ça. Je partage ça. On en a fait un tas, de recommandations. Mais de là à dire que tout est zéro, je pense que c'est aller un peu vite.

Avant de poser ma question, j'ai une autre remarque à faire. Celle-là, elle est, je dirais, peut-être un peu plus personnelle. À la page 12 toujours, vous parlez des positions extrêmes du PQ et du PLQ et vous dites que ça a amené des acteurs politiques extrémistes, notamment en regard de la partition du territoire québécois.

Juste vous dire quelque chose. Moi, j'ai assisté à deux débats qui étaient organisés par les partitionnistes. Je suis allé rencontrer ces gens-là, puis je leur ai dit que c'était la pire idée que j'avais jamais entendue, les décourager de suivre ce chemin-là. Je n'ai vu personne, je n'ai pas vu le député de Rivière-du-Loup, je n'ai vu personne de l'ADQ avoir le courage d'aller rencontrer ces gens-là pour dire: Ce n'est pas le bon chemin. Je n'ai pas vu non plus le ministre. Ah! je n'ai pas vu le ministre du tout. Je l'ai vu attiser la flamme, par exemple. Je l'ai vu mettre un petit peu d'air en dessous du feu, mais je ne l'ai pas vu une fois dans un de ces débats-là.

Mais le Parti libéral du Québec, des représentants, on est allé puis on leur a dit: Ce n'est pas une bonne idée, changez vos slogans, changez vos objectifs, ce n'est pas comme ça qu'on construit une société. Juste pour faire attention, quand on parle d'intégrité du territoire, il y en a qui se gargarisent là-dedans, mais, moi, je veux juste donner cet exemple. Je pense bien que le Parti libéral du Québec, même dans l'opposition, on a démontré qu'on pouvait être constructif. On l'a fait avec la main-d'oeuvre en forçant le gouvernement, on l'a fait avec les commissions scolaires, c'est nous qui avons initié ça. Et, à l'égard du mouvement partitionniste, s'il y a quelqu'un qui a pris la parole et qui a dit: Abandonnez ces divisions que vous créez, bien, c'est nous. Alors, il faudrait peut-être juste faire attention.

M. Brassard: ...

M. Fournier: Il y en a un peu partout, M. le ministre.

M. Brassard: Mais les réunions, c'est dans votre comté.

M. Fournier: Des mouvements comme ceux-là, il y en a un peu partout, et vous avez une responsabilité à cet égard-là. Je ne vous conseille pas d'embarquer sur le sujet.

Une voix: Oh, oh, oh!

M. Fournier: J'ai une question pour vous, M. Dumont.

M. Brassard: J'assume mes responsabilités.

M. Fournier: Juste pour qu'on se comprenne comme il faut, je sais que vous dites que, quand vous avez une opinion, vous pouvez l'exprimer partout, et je vais faire un petit peu d'histoire.

En août 1994 - pas cette année, en août 1994 - Le Devoir titrait: Mario Dumont demande au PQ de repousser la tenue du référendum . Ça, ce n'est pas l'année passée, ce n'est pas cette année, c'est en 1994. En janvier 1995, alors que vous acceptez de participer dans l'astuce des commissions régionales, vous dites: «L'ADQ veut démontrer qu'il n'est dans aucun camp, pas plus le camp souverainiste que le camp fédéraliste.» Ça, c'est en janvier 1995. Je vous ai déjà montré ce que ça a donné le 12 juin 1995. Après nous avoir dit: Reportez, je ne suis dans aucun camp, vous avez fait le camp de la souveraineté.

Le 6 janvier 1998, vous dites: «Si jamais le gouvernement du Parti québécois était réélu et organisait un nouveau référendum, le chef de l'Action démocratique aurait naturellement à se prononcer. Mais il ne serait pas question de militer dans un des comités, comme ce fut le cas en 1995.» Ça, ça nous rappelle étrangement celle de janvier 1995.

Ma question, c'est la suivante. On a l'impression d'avoir déjà vu ce film-là, et je comprends que c'est hypothétique, mais, si jamais - et ce n'est pas un souhait que je formule - le Parti québécois était réélu - et ils se sont engagés à tenir un référendum - vous êtes où? Dans l'autobus du Oui? Êtes-vous encore en train de prendre des photos avec le camp souverainiste, vous qui dites aujourd'hui, si je vous entends bien, que ce n'est pas une bonne idée de faire un autre référendum sur la souveraineté?

M. Dumont: D'abord, je suis honoré que vous gardiez ma photo si précieusement près de vous.

M. Fournier: Pas juste vous, il y en a au moins deux autres. L'honneur vaut trois.

M. Dumont: Mais, non, je pense que c'est une question importante, parce que, là où vous nous amenez, c'est évidemment le jour où une élection se passe et qu'on n'est pas élu, et que le débat constitutionnel va de l'avant. Et, surtout, prenez l'hypothèse que vous mettez de l'avant, où le gouvernement du Parti québécois tenait un autre référendum. C'est évident que la politique qui nous reste pour un parti comme le nôtre, c'est la politique du moindre mal. Il faut regarder, au moment où la question sera posée, en vertu de la question qui est là, en vertu de ce qui est offert en dehors de cette question-là, ce qui est le moins pire pour le Québec, parce que, moi, je pense que, s'il y a un autre référendum, ça va être un recul pour le Québec, et c'est une évaluation que notre parti pourra faire à ce moment-là. Il est évident - et ça, je l'ai déjà dit et je le répète - qu'on ne sera pas de l'organisation d'un autre référendum qu'on ne souhaite pas.

Mais, si c'était possible d'être ailleurs que dans la politique du moindre mal, d'être dans la politique du progrès, de l'avancement, des gains pour le Québec, c'est drôle, mais ça me plairait davantage. Là, on a deux générations qu'on a brûlées dans les échecs constitutionnels. Il me semble qu'on serait dû pour arrêter la même dynamique avant d'en brûler une autre.

Il y a votre programme. J'ai été amusé par le député de Châteauguay, qui nous a fait une démonstration savante que le Parti québécois était en train de réaliser son programme. C'est rassurant, parce que, pour avoir vécu l'expérience du rapport Allaire, j'ai vu la capacité de son propre parti à réaliser son propre programme. Mais là il se fait une fierté de voir qu'il y a des chapitres de son programme qui sont en train d'être réalisés par le Parti québécois. Mais c'est pour le moins amusant. C'est bien le programme qui a été rédigé par M. de Montigny? C'est bien ça, le programme?

M. Fournier: Ça a été rédigé et adopté par les membres du parti. C'est dangereux de toujours mettre un nom, c'est toujours dangereux de mettre un seul nom.

M. Dumont: Non, mais mon souvenir, c'est que le rédacteur que les médias nous rapportaient, c'était M. de Montigny, qui travaille aujourd'hui au cabinet de Stéphane Dion. C'est bien ça?

M. Fournier: Il était un des collaborateurs, comme bien d'autres membres du Parti libéral du Québec.

M. Dumont: Mais c'était le président du comité, qui travaille au bureau de M. Stéphane Dion aujourd'hui.

M. Fournier: Oui, oui, tout à fait, oui.

M. Dumont: O.K., je voulais juste être certain.

(16 h 10)

M. Fournier: Je regarde comment vous procédez dans votre analyse des documents. Vous regardez le nom d'une personne, vous regardez ce qu'elle fait maintenant et vous dites: Voilà, ce n'est pas bon. Ça me fait penser un peu à la réaction qu'a eue le Parti québécois. Moins vous, là, maintenant, moins vous maintenant.

M. Dumont: Ne vous mettez pas sur la défensive, je n'ai rien conclu, moi, là. Ne vous mettez pas sur la défensive par rapport à ça, là!

M. Fournier: Ah oui! j'ai compris ce que vous faisiez. C'était exactement comme le Parti québécois avec la carte de Noël dont parlait Jacques Frémont. Ils ont regardé les signataires et ils ne s'intéressent pas du tout à savoir ce qu'on peut faire avec la carte et le message qui est dans la carte. Moi, je vous conseille de lire ce que le seul parti au Québec a fait pour articuler le choix des Québécois de 1995. Je vous conseille de le regarder, de le lire et de vous dire: Voilà où il y a le progrès.

Je comprends, d'ailleurs, dans la réponse que vous me donnez sur dans quel camp vous seriez, que, dans le fond, si le PQ était élu, vous seriez un peu mal pris parce qu'il y aurait cette obligation de référendum qui nous pénalise et dont vous dites qu'on ne devrait pas... Je pense que vous avez dit «catastrophique». C'est l'expression qui a été utilisée, celle du ministre à l'époque. Et je comprends donc que ce que vous souhaitez, c'est l'élection du Parti libéral du Québec avec Jean Charest. Non, je comprends que vous pouvez toujours rêver en couleur. Mais, comme on l'a vu dans Argenteuil, vous êtes, vous peut-être, encore chef de l'ADQ, mais les voteurs de l'ADQ ont eu tendance à se déplacer, comme l'a fait le vote, vers le Parti libéral du Québec, qui donne des indications concrètes de ce qu'il y a à faire.

Je vous ramène sur le pouvoir de dépenser. On en a parlé abondamment durant les deux semaines où on était ici et vous parlez de stratégie d'alliance. Moi, ce que je vous demande, c'est ce que vous pensez, vous, M. Dumont, de ce que les provinces ont fait depuis août 1995, les provinces, pas le fédéral, sur l'encadrement du pouvoir de dépenser. Comment vous avez vu cette évolution du dossier et comment qualifiez-vous l'état d'avancement de ce dossier actuellement?

M. Dumont: C'est-à-dire que, moi, je suis un peu... Mais, d'abord, je vais commencer avant de l'oublier par... Vous dites que, s'il y avait un autre référendum, je serais un peu mal pris. Ça, ce n'est pas grave; c'est mon problème ou le problème de... Ce qui est grave, là, c'est que le Québec serait mal pris. Hein! Ça, c'est grave. Des stratégies perdantes pour le Québec, ça fait que la population risque de s'en sortir perdante, ça fait qu'une autre génération risque d'être sacrifiée, ça fait que des reculs pour le Québec, c'est négatif. C'est ça qui est l'enjeu.

Sur la question du pouvoir de dépenser, je dois dire que je vois ce qu'il y a dans l'entente de Calgary, ça a plutôt tendance à... en tout cas, les formulations qui sont là, les avis qu'on a eus ont plutôt tendance à m'inquiéter puis à me dire qu'on s'en va vers une justification du pouvoir fédéral de dépenser. Cependant, je constate comme vous qu'au niveau des provinces il y a des réflexions, ce qui m'amène pas à conclure que ça va arriver à un succès, parce qu'il y a encore le gouvernement fédéral qui est loin d'embarquer là-dedans, mais ce qui m'amène à conclure que, peut-être, sur des dossiers sectoriels, compte tenu des réflexions qui ont cours - puis j'ai l'occasion de parler à des gens un peu partout au Canada de temps en temps - on ne peut pas prendre pour acquis systématiquement que dans tous les dossiers tout le monde serait contre le gouvernement du Québec, là. On ne peut pas prendre ça pour acquis; quand on prend ça pour acquis puis qu'on arrête toute stratégie de discussion d'alliance potentielle, à mon avis, on joue mal sa carte, on joue mal ses cartes.

Je ne peux pas arriver à une conclusion plus positive cependant parce que j'ai l'impression que des discussions entre les provinces, une fois que le fédéral sera passé dedans, un éventuel article risquerait davantage de regarder une justification du pouvoir fédéral de dépenser qu'un encadrement sérieux. Quoique, contrairement à des témoins qui sont venus ici, je suis du genre pratique. Donc, un encadrement à la Meech, moi, je suis à l'aise avec ça. Je veux dire, je ne suis pas frileux à l'idée même qu'en le nommant on crée un scandale. Mais je pense qu'il faut être prudent dans la formulation.

M. Fournier: On sait que le gouvernement du Parti québécois devrait faire, devant ce qui se passe dans les provinces... Je vais être un peu plus clair, parce qu'il faut savoir que, si Calgary est le chantier de la reconnaissance, le chantier de l'encadrement du pouvoir de dépenser, lui, il a commencé bien avant et il se poursuit. C'est un autre élément et ce n'est pas dans Calgary, vraiment, concrètement. Il faut le voir ailleurs. Ça a commencé à Terre-Neuve en août 1995 quand Jacques Parizeau a quitté. Ça s'est poursuivi durant toutes les années subséquentes jusqu'en décembre dernier où là les provinces ont dit: Maintenant, nous allons aller négocier avec le fédéral.

Et ce que les provinces ont mis sur la table, ce que les provinces mettent sur la table, c'est un encadrement qui parle notamment d'une possibilité pour les provinces - je parle de toutes les provinces, à l'exception du fédéral, mais toutes les provinces - un encadrement du pouvoir fédéral de dépenser qui permet un retrait avec soit une compensation inconditionnelle ou un retrait avec compensation du type Meech, duquel le ministre nous a fait l'aveu, la semaine dernière, qu'en ce moment était sur la table - nous, on ne l'a pas, mais, lui, il l'a - un libellé qui se rapprochait de façon très, très proche des demandes que le Québec a toujours faites.

Alors, moi, je vous demande: Comment vous considérez l'action du gouvernement du Parti québécois depuis le mois d'août 1995, quand on sait que, dans toutes ces discussions-là, une seule fois parmi une trentaine de rencontres, une seule fois - la dernière - le ministre y est allé? Je veux savoir parce que tantôt vous parliez de cette stratégie d'alliance à l'extérieur. Comment vous auriez aimé que le gouvernement du Québec défende les intérêts du Québec, là-dedans?

M. Gauthier (Jacques): Si on me permet. On ne sait pas si la dernière participation du ministre annonce une reprise des participations dans l'avenir. Ça, c'est lui qui pourra l'indiquer. Ce qui est certain, c'est que la première chose à faire, c'est de cesser d'avoir cette espèce de perception que de participer aux rencontres fédérales-provinciales ou interprovinciales, c'est de miner la position du Québec.

La première chose à faire, c'est de lever l'hypothèque de la menace d'un référendum à brève ou moyenne échéance. Ça m'apparaît être des solutions qui peuvent être porteuses d'avenir. Peut-être que ça ne sera pas fructueux, mais on ne le saura qu'en bout de processus. La moindre des choses, c'est d'aller s'asseoir à table et de discuter. On rapportera les résultats qu'on rapportera et on en sera juge à ce moment-là. Il n'y a rien qui commettra le Québec avant qu'on ait signé. Maintenant, si on veut faire des gains, je pense que c'est préférable d'être là.

Rappelons-nous la position de Robert Bourassa. Quand Robert Bourassa avait refusé d'aller s'asseoir aux tables de ce qui a éventuellement mené à Charlottetown, ça a peut-être été une partie de l'explication du résultat que ça a donné aussi. Tout le processus qui a mené à l'accord de juillet, à l'époque, et, ensuite, à Charlottetown, c'est un processus d'où le Québec avait été absent. Ce n'est peut-être pas la solution qui peut être porteuse de résultats.

M. Fournier: Merci. M. le Président, c'est tout. Je suis juste heureux d'entendre que des gens qui ne sont pas affiliés au PQ ou au Parti libéral du Québec constatent que la défense des intérêts du Québec, ça passe par l'action, ça passe par une stratégie d'alliance avec des partenaires, ça passe par un gouvernement qui fait de véritables relations intergouvernementales, qui rencontre sans arrêt les partenaires et qui soit capable de défendre de façon concrète les citoyens.

Il faut regarder le dossier que certains appellent le dossier identitaire ou constitutionnel, il faut le prendre toujours par le bout du citoyen. Comment on améliore les services pour nos concitoyens? Comment on fait en sorte qu'ils en aient pour leur argent de payeurs de taxes, eux qui nous disent: On paie assez cher, faites ça comme il faut, organisez-vous, les gouvernements, pour que ça marche?

Et le gouvernement du Québec reçoit aujourd'hui le message pas juste de l'opposition qui lui rappelle et martèle depuis je ne sais pas combien de temps, mais aussi de gens qui ne sont pas affiliés à l'opposition officielle qui viennent dire au ministre: Cessez donc votre boudage! Cessez donc l'isolement et commencez à prendre contact!

Et, l'année prochaine, si jamais il n'y a pas d'élection en septembre, quand je vous demanderai combien de fois vous avez rencontré des ministres des autres provinces et lesquels, que vous puissiez me répondre: Tous et de façon assidue pour que les Québécois soient mieux servis. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Fabre.

M. Facal: Merci, M. le Président. M. le député de Rivière-du-Loup, Me Gauthier, je ne veux pas du tout essayer d'argumenter que nous avons raison et que vous avez tort. On fait ça tout le temps, ici. Je veux seulement, honnêtement, essayer de comprendre où vous vous situez. Alors, je vous pose deux seules questions et après je vous laisse tout le temps pour y répondre.

(16 h 20)

Première question. Faisons l'hypothèse qu'un malheur s'abat sur le Québec, que le Parti libéral prend le pouvoir et que Jean Charest devient premier ministre. Faisons cette hypothèse. Deux choses peuvent, à ce moment-là, survenir. Soit la déclaration de Calgary est jetée aux oubliettes et elle apparaît, à ce moment-là, pour ce que certains pensaient qu'elle était, une aide pour que le Parti libéral du Québec puisse avoir quelque chose à offrir; ou bien alors, autre hypothèse, M. Charest entreprend des négociations constitutionnelles sur la base des principes contenus dans Calgary. Dans cette éventualité-là, est-ce que, selon vous, un gouvernement Charest devrait tenir un référendum sur les principes contenus dans Calgary ou s'il pourrait simplement l'imposer par un vote de l'Assemblée nationale? Et, dans la perspective où vous pensez qu'il est obligé de faire un référendum lui aussi, dans quel camp seriez-vous? C'est ma première question.

La deuxième question est la suivante: J'ai été étonné dans votre mémoire de ne pas voir revenir votre idée classique du moratoire de 10 ans. Vous dites qu'il faut plutôt revenir à une stratégie «allairiste». Alors, encore une fois, pour mieux comprendre, est-ce qu'il faut, selon vous, exclure tout référendum, peu importe la question, pendant 10 ans? Ou bien, est-ce que, pour vous, pour dégager cette majorité québécoise dont vous dites que vous sentez qu'elle est là, ce serait ça, la stratégie gagnante, envisager un référendum quand le moment sera venu, dans moins de 10 ans ou dans plus de 10 ans, un référendum sur un rapatriement massif de pouvoirs, comme le prévoit le rapport Allaire? Est-ce que c'est ça, la stratégie gagnante? Honnêtement, je n'essaie pas de vous piéger, j'essaie honnêtement de comprendre.

M. Dumont: Deux choses: d'abord, si Jean Charest était jamais élu, ce qu'on croit comprendre, il y a des gens qui ont dit qu'il sera obligé de faire un référendum sur Calgary. C'est des gens comme moi qui constate qu'avant l'élection il ne semble pas en voie de se prononcer. Un référendum, il faut sortir de l'obsession des référendums, ce n'est pas la seule façon pour un gouvernement, pour un parti politique, d'aller chercher une légitimité.

Si Jean Charest dit: Demain matin, moi, ma base, c'est Calgary, je travaille avec Calgary, puis je vais essayer d'avoir les autres provinces où tout le monde signe Calgary, bien, à ce moment-là, je pense qu'il aurait, sans faire de référendum, la légitimité, une fois élu, pour l'accorder. Mais il faut que ce soit clair. Il faut que, durant l'élection, il aille clairement chercher ce mandat-là. Si, durant l'élection, sur Calgary, il reste flou, comme le député de Châteauguay qui participe aux travaux de la commission puis on ne sait toujours pas s'il est pour ou contre, ou à moitié pour ou à moitié contre, c'est clair que, sur la base d'aucune légitimité comme ça, je ne pense pas qu'il pourrait faire adhérer le Québec à la Constitution de 1982, même avec une déclaration comme celle-là.

Je dois vous dire que je pense que, si Jean Charest avait à choisir entre le rapport Allaire puis la Constitution de 1982, j'ai l'impression qu'on serait une gang qui auraient peur des résultats. Ses propos, son discours est beaucoup plus proche d'accepter avec quelques améliorations, quelques adoucissements, le rapatriement de Trudeau que le rapport Allaire, qui a été le programme du Parti libéral pendant un bout.

Ça, c'est pour une chose. La deuxième chose mais dans le même ordre d'idées, quand on a parlé d'un moratoire, c'était sur la base d'un constat que la population - puis ça nous a été redit cette semaine - soit à 71 %, le niveau de conviction des gens là-dessus, ne veut pas voir leur gouvernement, voir le PQ maintenir son carcan d'un autre référendum. Et je demeure convaincu que, tant qu'il ne se produira pas d'événement historique majeur, de renversement, de bouleversement significatif, comme par exemple l'échec de Meech a pu en être un, il n'y a pas lieu de recommencer un autre référendum.

C'est dans cet esprit-là qu'on a voté l'idée d'un moratoire, donc que, durant le prochain mandat, un vote pour l'ADQ va être un vote pour un parti qui ne tiendra pas de référendum. Mais on essaie de convaincre le gouvernement actuel mais, dans le fond, tout le monde de la pertinence de ça. On a toujours dit, cependant, qu'on ne laisserait pas tomber. Un moratoire sur la tenue d'un référendum, sur la réouverture de la chicane constitutionnelle des référendums ne signifie pas l'abandon des responsabilités des partis politiques devant la défense des intérêts du Québec.

Et en ce sens-là, alors qu'on est convoqué par la commission, on revient dire ce qu'on a toujours dit, c'est que, nous autres, c'est dans cette direction-là qu'il faut aller, c'est que le rapport Allaire est la référence moderne pour nous guider vers des changements qui vont être positifs pour le Québec. Là, on peut ajouter de surcroît que, dans le reste du Canada, avec la position prise par le Reform Party, il y a un écho - on ne peut pas dire sur tous les points, je suis d'accord avec ça - mais il y a un écho comme on n'en a jamais vu dans le reste du Canada, au rapport Allaire. Donc, minimalement, ça ouvre des voies à des discussions éventuelles sur cette base-là et que cette base-là est plus que jamais, pour le Québec, intéressante et crédible.

Et ça ne nécessite pas, à mon avis, qu'un gouvernement du Québec, encore là, qui voudrait s'enclencher dans cette stratégie-là pourrait très bien s'appuyer sur le résultat du dernier référendum ou sur une élection. Et je ne pense pas qu'avant de se lancer dans la défense du niveau d'autonomie du Québec qui est réclamé dans le rapport Allaire le gouvernement serait tenu de tenir un référendum là-dessus. La légitimité peut venir autant d'une élection que d'un référendum. Mais, dans ce cas-ci, à mon avis, la légitimité vient d'un référendum qui a dit quand même pas mal de choses.

M. Facal: Mais, si la légitimité peut provenir d'un autre type de consultation qu'un référendum, si la légitimité peut provenir d'une élection, pourquoi est-ce que le premier ministre Bouchard est tenu de faire un référendum et de le gagner pour faire la souveraineté, alors qu'un premier ministre Charest, lui, pourrait se contenter d'une simple élection, pas de référendum, pour imposer Calgary?

M. Dumont: Bien, je pense qu'il y a une légère différence, avec tout le respect que je vous dois. Il y a une légère différence entre faire accéder le Québec à la souveraineté et modifier la Constitution actuelle en restant à l'intérieur du même ordre constitutionnel. Je pense que la plupart des gens verront cette différence-là. En vous répétant - et je pense que je tiens à être formel là-dessus - qu'à mon avis le Parti libéral du Québec a un devoir de prendre des positions très précises. Soyons honnêtes, la seule raison qui peut motiver le Parti libéral du Québec à ne pas être plus précis dans ses positions, c'est que, dans le fond, Calgary, ils sont relativement à l'aise avec ça puis que, dans le fond, la tentation est forte de leur part de signer là-dessus.

Mais, s'ils ne le disent pas clairement en campagne électorale, je ne vois d'aucune façon comment est-ce qu'ils pourraient au lendemain se proclamer d'une légitimité d'aller dans ce sens-là, parce que c'est ça, l'enjeu, là, donc de faire adhérer le Québec au rapatriement de Trudeau.

M. Facal: Vous dites qu'il y a de plus en plus de gens au Canada qui font écho au rapport Allaire. Qui, ça? Ce n'est pas ça que, moi, je sens quand je vais dans le reste du Canada. S'il y en a, je m'en réjouis. Qui, ça?

M. Dumont: Bien, là, vous avez vu comme moi l'opposition officielle. Évidemment, quand on est dans la stratégie de l'organisation d'un prochain référendum, qui est la stratégie dans laquelle le gouvernement du Parti québécois s'est enfermé, c'est évident qu'on peut refuser de voir ce qui existe ailleurs. Mais, pour moi, il est très clair que la proposition qui a été mise de l'avant par le Reform Party, qui n'est pas là... et là soyons clairs, qui n'est pas probablement le parti qui a le plus de drapeaux fleurdelisés accrochés sur ses balcons, mais qui constate, comme d'autres gens au Québec, que, d'un point de vue pratique, que, d'un point de vue d'organisation du Canada, on aurait intérêt à décentraliser, à aller vers un modèle davantage d'une confédération. Et ça se ressemble.

Et faites le parallèle entre le projet de loi qui est mis de l'avant par le Reform et le rapport Allaire et vous allez voir un nombre important de similitudes. Ce n'est pas pareil. Il y a un nombre important de similitudes. Et c'est un écho qui est certainement nouveau dans le reste du Canada. Et certainement qu'on peut minimalement constater que ce que Preston Manning et le Reform sont en train d'offrir, c'est plus que ce que Jean Charest, chef du Parti libéral du Québec, demande pour le Québec. Alors, ça, ça doit être noté. Et, pour des gens comme nous qui pensent que le rapport Allaire est la référence moderne pour présider aux orientations futures d'un gouvernement du Québec, bien, c'est une bonne nouvelle.

M. Facal: M. le Président, je veux simplement ajouter un commentaire. Comme Jean Charest ne demande rien, il n'est pas étonnant que n'importe quoi venant du Reform soit plus. Mais je souligne simplement que, dans le document du Reform sur le nouveau Canada, on dit, par exemple, qu'après un oui les citoyens qui le désirent auraient le droit de demeurer au Canada. Ça, c'est la partition. On dit également que la reconnaissance internationale du Québec ne serait pas permise avant que le Canada n'en donne la permission. On dit que les conditions de la sécession devraient être entérinées par la population canadienne lors d'un référendum. C'est aussi ça, la proposition du Reform. Je veux être bien sûr que vous en êtes conscient, là.

M. Gauthier (Jacques): Je pense que tout le monde a compris. Ce n'est pas de ce volet-là qu'on a traité.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de Rivière-du-Loup, Me Gauthier, nous vous remercions de votre participation aux travaux de cette commission.

M. Dumont: Ça a été un plaisir.

(16 h 30)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous recevons maintenant M. le chef du Parti québécois.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre et chef du Parti québécois, bienvenue à la commission des institutions. Vous disposez d'une période de 30 minutes pour la présentation de votre exposé, à la suite de quoi les membres de la commission pourront échanger avec vous.


Parti québécois

M. Bouchard: Merci, M. le Président, Mmes, MM. les députés. En décembre dernier, les Assemblées législatives de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve adoptaient ce qu'on appelle la déclaration de Calgary. L'Assemblée du Manitoba procédait de même en mars dernier, alors que la Colombie-Britannique et l'Ontario emboîtaient le pas il y a trois semaines. La Nouvelle-Écosse a suivi hier. De son côté, le premier ministre du Canada, M. Jean Chrétien, a déjà donné son aval à la déclaration de Calgary, manifestant son intention même de la faire entériner par la Chambre des communes.

Nous sommes donc en présence d'une position unanime des provinces du reste du Canada et du gouvernement fédéral dont le but avoué est de transmettre au Québec une réponse aux revendications qu'il formule depuis toujours, mais plus particulièrement depuis une trentaine d'années. Au Québec, cependant, cette déclaration a eu, somme toute, peu d'impact. De la part du gouvernement du Québec, cela se comprend. Mais, sans entrer dans les détails à ce moment-ci, on peut tout de même rappeler que furent rapidement mis en lumière les faiblesses et les dangers de ce document. Plus curieusement, même l'opposition officielle - le Parti libéral du Québec - s'est faite discrète sur le sujet, et, récemment encore, je dirais de façon encore plus particulière depuis l'arrivée du nouveau chef. On peut s'en étonner.

Pourtant, l'enthousiasme de M. Johnson était à ce point débordant qu'il saluait à l'avance un document qui n'existait pas encore. Avant même que la déclaration n'existe, la veille de la rencontre des premiers ministres, il indiquait, et je cite: «Je vais tirer tout le crédit pour moi-même et mon parti, et avec raison, d'avoir pris mon bâton de pèlerin et d'avoir convaincu les premiers ministres du Canada que le problème de l'unité canadienne, ce n'est pas seulement le "rebalancing" ou l'union sociale, c'est la reconnaissance du Québec.» Fin de la citation.

De fait, le chef du Parti libéral avait longuement sillonné le Canada pour susciter une réponse, une prise de position. Le député de Châteauguay s'en rappellera, lui qui avait accompagné son chef, et peut-être même a-t-il partagé sa ferveur. Ce débordement de fierté était paradoxal lorsqu'on prenait la peine de comparer cette déclaration et le programme officiel du Parti libéral du Québec. Je ne parle pas ici du rapport Allaire, mais de ce qui lui a succédé et qui a été adopté au congrès du 27 mars 1997.

L'essentiel de la déclaration de Calgary est en opposition flagrante avec le programme du Parti libéral du Québec. Qu'il s'agisse du caractère distinct du Québec du programme libéral, devenu le caractère unique de Calgary; qu'il s'agisse d'une limitation du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral présent dans l'un, absent dans l'autre, peu importe, le chef d'alors du PLQ a longuement plaidé pour qu'on constitutionnalise la déclaration de Calgary. Plus déroutant encore: la valse hésitation du nouveau chef du Parti libéral. M. Charest retrouve une journée la substance de Meech dans Calgary tout en se rétractant le lendemain. Pourtant, s'il existe une corrélation, une symétrie entre deux textes, on la retrouve entre Calgary et le programme politique de M. Charest à l'époque récente où il était chef du Parti conservateur.

Ainsi, la déclaration de Calgary, loin de protéger les compétences des provinces, invite le gouvernement fédéral à s'y immiscer, et tout particulièrement en ce qui concerne les programmes sociaux. Dans son programme électoral de 1997, M. Charest proposait, quant à lui, pour le seul secteur de l'éducation, l'établissement de normes interprovinciales, un fonds canadien d'excellence en éducation, un institut national d'examen qui ferait subir des tests aux élèves de troisième année, de secondaire I et V.

Le 8 septembre 1997, M. Charest, alors chef du Parti conservateur, écrivait au premier ministre du Nouveau-Brunswick pour le féliciter des travaux sur la déclaration de Calgary. Enthousiaste sur le fond, il l'était beaucoup moins sur la démarche au Québec, et je le cite: «Toute discussion sérieuse sur la modification de la Constitution ne peut avoir lieu tant que le Québec n'aura pas élu un gouvernement prêt et disposé à s'engager dans un tel processus. Le moment venu, nous devrions être prêts à aller de l'avant rapidement.» Fin de la citation.

Faut-il comprendre que, pour le nouveau chef du Parti libéral du Québec et pour le parti tout entier, il est maintenant urgent de ne rien dire, de rester silencieux, de se soustraire au débat démocratique jusqu'au moment où, espère-t-on, on pourra procéder à la vapeur à l'adoption d'un projet dont on connaît d'ores et déjà le caractère insatisfaisant, voire préjudiciable au Québec?

On pourrait le penser, puisque, dans sa lettre, M. Charest fixe les balises de ce qu'il considère essentiel pour le Canada. Après avoir insisté sur la nécessité d'un gouvernement central fort, il indique, et je le cite: «Durant la dernière campagne électorale fédérale, j'ai proposé un changement de cet ordre en matière de soins de santé - la création d'un pacte canadien prévoyant des normes nationales et un mécanisme de règlement des différends. Cette nouvelle approche de cogestion s'étendrait à des domaines tels que l'éducation et la formation - reconnaissant la compétence exclusive des provinces (sic) - la politique économique - par exemple l'établissement de cibles communes de réduction du déficit et de la dette, d'un plafond de dépenses, etc. - et le commerce interprovincial.» Fin de la citation.

Après avoir explicitement donné le feu vert à l'abandon de la société distincte pour lui substituer le caractère unique du Québec, M. Charest plaidait pour la constitution d'un comité mixte de la Chambre et du Sénat qui serait chargé d'examiner les propositions des premiers ministres des provinces. Et je le cite de nouveau: «Aussi, je propose que les chefs des cinq partis politiques représentés à la Chambre des communes s'engagent à participer pleinement aux travaux de ce comité, lequel devrait avoir un mandat précis et un bref délai aux fins de la présentation de son rapport.» Fin de la citation.

Comment expliquer que la consultation parlementaire qui était essentielle hier à Ottawa soit devenue superflue, inutile et sans intérêt aujourd'hui à Québec, alors même que les premiers concernés sont les Québécoises et les Québécois?

La déclaration de Calgary est importante. Elle l'est parce qu'elle veut être la réponse à 40 ans de demandes légitimes de tous les gouvernements du Québec. Elle est aussi importante que le rapatriement unilatéral de 1982, puisque son adoption emporterait, pour le Québec, la ratification politique de cette Constitution dénoncée par l'Assemblée nationale du Québec. Elle est lourde de conséquences parce qu'elle marquerait l'abandon des revendications fondamentales de la suite ininterrompue de tous les gouvernements du Québec depuis la guerre. Elle porte de véritables dangers pour le Québec ainsi que l'ont dit la grande majorité des experts que vous avez entendus. Les constats généraux sont durs, accablants même.

André Tremblay, ex-conseiller constitutionnel de M. Robert Bourassa, et je le cite: «La déclaration de Calgary ne propose rien de prometteur et devrait être rejetée catégoriquement par tous les partis qui siègent dans cette Chambre. Elle fait pire que de consacrer le triomphe de l'immobilisme et de la rhétorique insignifiante; elle formule des orientations foncièrement incompatibles avec nos demandes et intérêts minimaux.» Fin de la citation.

Henri Brun, et je le cite: «En conséquence, il apparaît bien difficile de soutenir que la déclaration de Calgary est de par son contenu un pas dans la direction du Québec, de soutenir qu'elle est annonciatrice de modifications juridiques accommodantes et sécurisantes pour le Québec. En tant que déclaration politique d'intention, elle pointe, d'un point de vue québécois, au mieux vers l'inconnu, au pire dans la mauvaise direction.» Fin de la citation.

Je veux citer aussi M. Simon Langlois: «La déclaration de Calgary risque donc de déboucher à nouveau sur une impasse. Elle a été formulée en fonction d'une définition de la réalité canadienne qui oublie en quelque sorte l'un de ses aspects constitutifs essentiels: sa composante francophone.» Fin de la citation.

Et M. Guy Lachapelle: «La déclaration de Calgary représente pour le Québec moins que Meech. Son approche minimaliste démontre clairement que la classe politique canadienne préfère opter pour le vide constitutionnel plutôt que pour des changements substantiels.» Fin de la citation.

(16 h 40)

Et le professeur Jacques-Yvan Morin, et je le cite: «Elle - l'Assemblée nationale - ne doit surtout pas laisser croire qu'il pourrait s'y trouver le début du commencement de l'amorce d'une solution acceptable pour le Québec. Mettre le bras dans cet engrenage, dont on sait maintenant qu'il nous entraîne toujours plus fortement dans la direction opposée à celle qui convient au Québec, c'est en quelque sorte abandonner son droit d'aînesse pour un plat de mauvaises lentilles.» Fin de la citation.

Quant à M. Jean Allaire, ancien président de la commission constitutionnelle du Parti libéral du Québec, il vous a déclaré: «La déclaration pourrait être un truc électoral peut-être pour les prochaines élections provinciales, c'est-à-dire donner un semblant d'argument pour les fédéralistes à tout prix.» Fin de la citation.

M. le Président, les fédéralistes du Québec n'ont de cesse de répéter que la déclaration de Calgary n'est qu'une main tendue, un signal positif d'ouverture très important pour le Québec. Ce qu'on veut laisser croire, c'est qu'il y aura plus, plus tard. Du même souffle cependant, les fédéralistes du Québec refusent obstinément de dire ce qu'ils veulent de plus. Cette gêne dans les milieux fédéralistes traduit une évidence. Autant on est convaincu que la déclaration de Calgary est inacceptable pour le Québec, autant on est conscient que toute bonification le moindrement substantielle sera refusée. Ceci résume toute la tristesse de l'opération.

Tout ce que les fédéralistes ont demandé au fil des épisodes constitutionnels est rejeté. Tout ce qu'on demandait il n'y a pas si longtemps en disant que ce sont les conditions minimales sinon il faudra nous tourner vers la souveraineté du Québec a été oublié, oblitéré. On en est venu à la reddition, déguisée sans doute, car on dit qu'on va discuter après les élections si on gagne, mais une reddition tout de même. On cherche à masquer le vide et les dangers de Calgary. C'est une ouverture, dit-on, l'amorce d'un processus. C'est faire bien peu de cas de l'histoire récente du Québec. On en a connu, des ouvertures, des bases de discussions.

En 1981, le premier ministre du Québec, M. René Lévesque, avait reçu le signal positif du reste du Canada. Il avait conclu une entente pour faire obstacle au coup de force constitutionnel de MM. Trudeau et Chrétien. Ça s'est terminé par la nuit des longs couteaux, la mise à l'écart du Québec et l'imposition forcée d'une constitution qui supprimait pour le Québec des droits qu'il avait toujours eus.

En 1987, le premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, convenait d'une base de discussions. M. Bourassa disait: «Ce sont les conditions les plus minimales jamais formulées par un gouvernement du Québec.» Fin de la citation. Ce fut l'accord du lac Meech qui, je le mentionne au passage, devait être suivi par une ronde de négociations sur un nouveau partage des compétences. J'y ai cru. Je l'ai défendu partout au Canada.

Le premier ministre du Nouveau-Brunswick d'abord, ensuite celui du Manitoba et finalement celui de Terre-Neuve, aiguillonnés par l'actuel premier ministre du Canada, M. Chrétien, ont décidé de torpiller l'accord. Les cinq conditions les plus minimales: société distincte, immigration, pouvoir fédéral de dépenser, droit de veto sur les institutions fédérales et nominations de trois juges du Québec à la Cour suprême, c'était encore trop pour le Québec.

Confronté à l'impasse, le premier ministre Bourassa choisissait la seule voie qui lui apparaissait ouverte. Au lendemain de la mort de Meech, il déclara, et je cite: «Le Canada anglais doit comprendre d'une façon très claire que, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, le Québec est aujourd'hui et pour toujours une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement.» Fin de la citation.

De concert avec le chef de l'opposition, M. Bourassa mit alors sur pied la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec - la commission Bélanger-Campeau. Composée de représentants de tous les secteurs d'activité du Québec, cette Commission s'est livrée à l'une des plus vastes consultations jamais vues sur l'avenir du Québec, et c'est dans cette salle, d'ailleurs, que beaucoup des réunions de la Commission ont eu lieu. M. Bourassa a fait siennes les conclusions de la Commission et déposa à l'Assemblée nationale le projet de loi 150. De par cette loi, un référendum sur la souveraineté du Québec serait tenu au plus tard en octobre 1992. Et, s'il advenait que le reste du Canada veuille déposer des offres au Québec, ces dernières devraient lier préalablement les provinces, et ce, pour éviter la volte-face de Meech.

M. Bourassa avait solennellement pris l'engagement de ne plus négocier à un contre dix, mais, à l'été de 1992, il décida ce qu'il aurait fort bien pu qualifier d'ouverture, de main tendue, de signal très positif. Le reste du Canada a travaillé à de nouvelles offres. Dès son arrivée à la rencontre de Charlottetown, M. Bourassa a été mis en face du refus des autres provinces et du fédéral de modifier ce qui avait déjà été décidé pour le Québec. Dans des circonstances sur lesquelles je ne veux pas revenir, il céda. Il amenda la loi 150 pour forcer un référendum sur les offres de Charlottetown. Et, comme on le sait, les Québécoises et les Québécois ont voté contre parce qu'ils y trouvaient trop peu pour le Québec, et le reste du Canada fit de même parce qu'il y en avait encore trop pour le Québec.

Puis, en 1993, le Canada anglais a élu Jean Chrétien. Le Québec, lui, votait massivement pour le Bloc québécois. Et là il n'y a pas eu de main tendue, il n'y a pas eu de signal positif quand M. Chrétien était convaincu qu'il remporterait facilement la victoire au référendum et qu'ainsi le Québec serait définitivement mis à sa place. Les Québécoises et les Québécois allaient lui dire autre chose. Devant le risque réel d'une victoire du Oui et uniquement à cause de cela, on a eu droit à une nouvelle main tendue, un signal positif, une promesse de reconnaître le caractère distinct du Québec - encore une fois limité, balisé, étriqué. Cela rappelait la promesse de M. Trudeau au référendum de 1980: «Votez non, disait-il, et nous répondrons aux souhaits du Québec.» C'est le rapatriement unilatéral qu'on a eu. La promesse de M. Chrétien, elle, s'est transformée en plan B avec M. Stéphane Dion en prime.

On ne peut traiter de Calgary sans tenir compte du reste. Calgary n'est pas l'amorce d'un processus. C'est un autre épisode de la saga fédérale canadienne qui refuse de reconnaître le Québec pour ce qu'il est: un peuple au plein sens du terme, un peuple qui a besoin des pouvoirs nécessaires à son plein développement, sur le plan culturel, économique et politique, un peuple qui refuse de se fondre dans l'égalité des provinces, un peuple qui refuse de se voir dominé par un gouvernement central que le reste du Canada souhaite le plus fort possible et qui, depuis 30 ans, s'emploie jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, année après année à grignoter les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec.

Il est tellement significatif de voir que le Canada anglais n'a aucune hésitation - et c'est tant mieux - à reconnaître les peuples autochtones mais qu'il reste coi lorsqu'il s'agit de faire de même pour l'autre peuple fondateur. Le déjà peu exigeant caractère distinct du Québec a été banalisé par le rapport Charest d'abord, par Charlottetown ensuite, il est disparu enfin dans Calgary. Et on pense qu'il s'agit d'une ouverture au dialogue. Un dialogue vers quoi? Le caractère spécifique d'une province de Québec égale à toutes les autres, sans statut distinct spécifique, sans autre pouvoir que ceux de l'Île-du-Prince-Édouard? Les Québécoises et les Québécois ne renonceront pas à ce qu'ils sont, à leur avenir et à celui de leurs enfants pour des phrases vides de sens qui les enfermeraient, au mieux, dans le statu quo et, plus certainement, dans une mouvance centralisatrice étouffante.

Je ne peux m'attarder, M. le Président, sur tous les aspects de la déclaration. Je tiens cependant à souligner tout le danger que recèle l'article 7. S'il est une chose essentielle pour le Québec, c'est bien le respect des compétences exclusives du Québec, et plus particulièrement en matière de santé, de sécurité du revenu, d'éducation, de politique familiale. Depuis 30 ans, le gouvernement fédéral cherche à s'immiscer dans les compétences du Québec. Il le fait essentiellement par le biais de ce qu'on appelle un pouvoir dit de dépenser que le Québec n'a jamais voulu reconnaître, cherchant à protéger ses compétences exclusives.

Or, l'article 7 énonce, et je cite: «Les Canadiens et les Canadiennes souhaitent que les rapports entre leurs gouvernements soient marqués par la coopération et la souplesse, pour faire en sorte que la fédération fonctionne efficacement. La population canadienne désire que ses gouvernements oeuvrent de concert, tout particulièrement en matière de prestation de programmes sociaux. Les provinces et les territoires réaffirment leur volonté de collaborer avec le gouvernement du Canada afin de mieux répondre aux besoins des Canadiens et des Canadiennes.» Fin de la citation.

Il s'agirait donc de légitimer les intrusions du gouvernement fédéral, celles du passé comme celles de l'avenir. Nous nous trouverions donc à accepter à l'avance l'instauration de normes nationales en santé, en éducation et dans tous les domaines. Notons qu'Ottawa a toujours proposé que de telles normes nationales puissent être fixées par le gouvernement fédéral et sept provinces sur 10 représentant 50 % de la population. Le Québec ne pourrait rien y faire. À titre d'exemple, M. Allan Rock pourrait légitimement aller de l'avant avec son programme de soins à domicile. MM. Chrétien et Pettigrew trouveraient l'assentiment préalable du Québec et toute la justification nécessaire pour les bourses du millénaire, que tout le secteur québécois dénonce, ou pour imposer des examens pancanadiens aux élèves québécois, comme le rêve d'ailleurs M. Charest.

Il existe une parade à cette triste perspective. Il s'agirait de prévoir que chaque province puisse se retirer d'une initiative fédérale dans ses champs de juridiction en contrepartie d'une juste compensation financière. Ce droit de retrait a toujours été au coeur des discussions Québec-Ottawa. En 1964, le premier ministre Jean Lesage avait obtenu de son homologue fédéral, M. Pearson, un tel droit pour 29 programmes fédéraux. Il n'y en a pas un mot dans la déclaration de Calgary.

(16 h 50)

En décembre dernier, à la rencontre fédérale-provinciale d'Ottawa, j'ai cherché à obtenir ce genre de droit de retrait avec pleine compensation pour le Québec. Même si certaines provinces semblaient intéressées à en discuter, M. Chrétien s'est empressé de tuer la demande dans l'oeuf. Et, pour les bénéfices de la commission, je dépose le document que j'ai présenté à Ottawa et soumis à tous les premiers ministres.


Document déposé

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je reçois le dépôt.

M. Bouchard: Le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, le député de Lac-Saint-Jean, a réitéré la même demande à ses collègues, qui semblent l'avoir écouté. Le gouvernement fédéral n'a pas encore répondu. Il est clairement à prévoir encore une fois qu'au mieux ce gouvernement va limiter toute reconnaissance du droit de retrait à des programmes cofinancés, parce que, justement, ce type de financement n'existe pour ainsi dire plus.

Parlant de programmes sociaux, je tiens ici encore à rappeler que le gouvernement fédéral s'est comporté de façon odieuse en la matière. Alors que tous les discours fédéraux pérorent sur l'importance des programmes sociaux, le gouvernement fédéral a impitoyablement sabré dans sa part de financement. Depuis 1994 seulement, le Québec s'est vu priver de 11 000 000 000 $, 11 000 000 000 $, dont 7 000 000 000 $ à la santé, 3 000 000 000 $ à l'éducation et 1 000 000 000 $ à la sécurité du revenu.

En même temps, le fédéral coupait dans l'assurance-emploi. M. Chrétien a tellement réduit l'accessibilité à l'assurance-emploi tout en maintenant les cotisations trop élevées qu'il en a littéralement exclu les jeunes, les travailleurs saisonniers, les travailleurs à temps partiel et une large part des travailleurs à temps plein. On évalue que la réforme, à terme, amènera 36 000 bénéficiaires de plus à l'aide sociale. Pire, M. Chrétien s'est accaparé des surplus de l'assurance-emploi pour diminuer d'autant son déficit. Il a même poussé l'audace jusqu'à prétendre qu'il s'agissait de constituer une réserve pour une prochaine récession. Il s'agit d'une fumisterie. Il n'y a pas d'argent en réserve. Il n'y a pas de caisse. Il n'y a qu'une pure inscription comptable.

Toutes ces manoeuvres sont en elles-mêmes dramatiques pour nos programmes sociaux et démontrent bien qu'il est impérieux pour le Québec de contrôler ses politiques fiscales et de réoccuper les champs fiscaux littéralement confisqués par le gouvernement de M. Jean Chrétien.

Pourtant, l'instauration du Transfert social canadien et la réforme de l'assurance-emploi cachent une autre réalité dont on a peu parlé. Il est de la nature même des cycles économiques que, tôt ou tard, un ralentissement, voire une récession, survienne. Le Transfert social canadien et la réforme de l'assurance-emploi ont été planifiés de telle sorte que les dépenses fédérales en ces matières soient dorénavant plafonnées, quelle que soit la conjoncture économique. Et, dans l'hypothèse d'une récession économique, le Québec, comme toutes les autres provinces, sera frappé de plein fouet par l'augmentation des dépenses sociales, alors que les impôts des Québécois seront toujours confisqués par Ottawa, sans que ce dernier n'encoure de charges additionnelles.

On aurait voulu mettre en place une stratégie pour déstabiliser les finances publiques des provinces et du Québec qu'on ne s'y serait pas pris autrement. On s'imagine sans doute, à Ottawa, que des provinces à genoux financièrement seront d'autant plus dociles. On saupoudrera alors les impôts confisqués sous le chantage de normes nationales et autres contraintes diverses.

En conclusion, M. le Président, on me permettra d'indiquer que la déclaration de Calgary ne peut être considérée en faisant abstraction du processus dans lequel elle s'inscrit. Elle ne peut être vraiment analysée sans tenir compte de l'éclairage particulier des épisodes des dernières années. Le rapatriement unilatéral de 1982, l'accord du lac Meech, le rapport Charest, le rapport Bélanger-Campeau, la loi 150, les offres de Charlottetown, les promesses de M. Chrétien démontrent bien que la déclaration de Calgary suit la pente descendante de ce que le reste du Canada est prêt à reconnaître au Québec.

Cette déclaration, M. le Président, représente moins que l'accord du lac Meech ou que les propositions de Charlottetown, pourtant très largement rejetées par les Québécoises et les Québécois. Ces derniers ont clairement indiqué ce qu'ils attendaient du reste du Canada. Ils l'ont fait par le rapport de la commission Bélanger-Campeau, par les dispositions de la loi 150 et par leur vote aux référendums de 1992 et 1995.

Même le Parti libéral s'était clairement exprimé sur les besoins du Québec. Le rapport Allaire, un temps programme officiel du Parti libéral, fixait à 22 le nombre de compétences exclusives nécessaires au Québec, et, dans l'hypothèse où il ne pourrait les obtenir, enclenchait résolument l'accès à la souveraineté et la conclusion d'un partenariat.

La déclaration de Calgary est même contraire aux intérêts du Québec. Elle consacre l'égalité des provinces de façon à nier au Québec toute possibilité d'un fédéralisme renouvelé ou asymétrique ou d'un statut spécial pour le Québec. Elle nie l'existence du peuple du Québec pour le fondre dans la seule réalité canadienne, en contravention flagrante du pacte entre les deux peuples fondateurs. Elle légitimise les violations des compétences du Québec par un appel non déguisé au gouvernement fédéral à poursuivre ses intrusions dans les programmes sociaux. Et elle ne fait nulle part référence à un quelconque droit de retrait avec pleine compensation.

Calgary, M. le Président, fait aussi apparaître clairement l'abandon, par le Parti libéral du Québec, de toute vélléité de voir un jour satisfaites les revendications du Québec. Devant l'impossibilité du fédéralisme renouvelé, devant le refus de la souveraineté que le rapport Allaire et la loi 150 endossaient pourtant, il ne reste plus que l'abandon des intérêts du Québec et une béate résignation sans égard aux conséquences.

Plus que jamais, la seule voie ouverte au Québec est celle de l'atteinte de sa pleine souveraineté. Les récentes années ont encore permis de consolider les acquis qui feront du Québec un participant dynamique à la vie internationale. Ses finances publiques sont en bonne voie de redressement, son économie est de plus en plus ouverte sur le monde, comme en témoigne la progression fulgurante de ses exportations vers les États-Unis et les autres pays. Les Québécoises et les Québécois ne souhaitent plus voir leurs représentants agoniser sur des textes politiques et constitutionnels dénués de sens véritable et gaspiller tant d'énergie à la sauvegarde de leurs intérêts continuellement remis en cause par un fédéralisme dépassé.

La déclaration de Calgary n'offre pas de réelles perspectives pour le Québec de demain. Il faudra en tirer les conclusions et faire en sorte qu'apparaissent les conditions gagnantes qui permettront enfin de faire le choix d'un véritable pays. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le premier ministre. M. le ministre.

M. Brassard: M. le Président, merci. Comme je l'ai fait d'abord pour l'Action démocratique du Québec, je dois dire tout d'abord que je suis très heureux que le Parti québécois, lui aussi, ait accepté de comparaître devant la commission et que ce soit le président du parti qui soit parmi nous.

Je veux surtout vous interroger sur l'union sociale. On en a beaucoup parlé au cours des deux semaines d'audiences, et surtout le député de Châteauguay. C'était un peu sa marotte, son obsession. Il revenait constamment sur l'union sociale et sur le processus qui est en cours également, le processus de négociation en vue de la signature d'un accord-cadre sur l'union sociale. Sa thèse - qu'il a sans cesse répétée, pensant sans doute que, à force de répéter cette thèse, les Québécois finiraient par y croire - c'est que le gouvernement ne se préoccupe d'aucune façon du processus qui est en cours visant à conclure un accord sur l'union sociale, que le gouvernement est silencieux, que la chaise est vide et que le gouvernement fait preuve d'une sorte d'indifférence à l'égard du processus qui est en cours.

(17 heures)

Et le député de Châteauguay, évidemment, s'indigne de cette prétendue indifférence ou de ce silence du gouvernement et réclame et la présence du gouvernement dans le processus en cours et également - on le sent dans les propos du député de Châteauguay et on le voit dans son programme Reconnaissance et interdépendance ... Il y a un programme pour le moment, pour le moment. On verra. Si le nouveau chef du Parti libéral a signé de façon ostentatoire sa carte du parti, je ne l'ai pas encore vu signer le programme Reconnaissance et interdépendance . Je ne l'ai pas encore vu. On verra. Mais c'est dans ce programme-là, cependant, qu'on trouve que - et je vais vous citer un passage - le Parti libéral du Québec - l'opposition officielle - dirigé par Jean Charest, est d'accord avec, en matière sociale, en matière de programmes sociaux, l'imposition de normes et de standards dits nationaux.

Voici ce qui est écrit: «Le balisage du pouvoir de dépenser et la redéfinition des responsabilités respectives des deux niveaux de gouvernement qui s'ensuit créera inévitablement une nouvelle dynamique. Tous s'entendent, en effet, pour reconnaître que l'union économique et son pendant l'union sociale ne peuvent fonctionner efficacement en l'absence de normes nationales et de standards communs.» Ça, c'est la position officielle du Parti libéral du Québec.

Moi, ce que je vous pose comme question, c'est de nous indiquer, encore une fois - vous l'avez évoqué dans votre présentation, mais de nous indiquer encore une fois - d'abord les positions du gouvernement en regard de ce processus de négociation visant à aboutir à un accord-cadre sur l'union sociale: Pourquoi le gouvernement n'est pas partie prenante et à part entière du processus? Et pourquoi, pour être partie prenante du processus, a-t-il formulé certaines conditions?

Et je voudrais que vous indiquiez également à cette commission dans quels forums intergouvernementaux vous avez eu l'occasion de parler, donc de ne pas être silencieux - le gouvernement n'est pas silencieux sur cette question-là - de parler, de vous exprimer, d'indiquer de façon très claire et très précise les positions du gouvernement du Québec, que ce soit à Jasper, à St. Andrews ou à Ottawa, pour que l'on comprenne bien que, contrairement à ce que véhicule le Parti libéral par la voix du député de Châteauguay, le gouvernement du Québec est loin d'être indifférent face à ce processus, il est conscient des dangers, des risques, des menaces qui pèsent sur les compétences du Québec, et qu'il a agi, il a parlé dans différents forums intergouvernementaux.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre.

M. Bouchard: Merci, M. le Président. La première conférence fédérale-provinciale à laquelle j'ai assisté avec mes collègues premiers ministres des provinces, c'était durant l'été 1996, à Jasper. Et c'est la première fois que j'ai eu à discuter formellement avec mes collègues de leur projet de réaliser ce qu'ils appellent l'union sociale. L'affaire était dans l'air, et je pense qu'ils l'avaient déjà évoquée à une première conférence à Terre-Neuve, en présence de M. Parizeau, je crois, mais c'est venu formellement devant moi aux séances de Jasper.

Alors, moi, je les ai interrogés sur ce qu'ils avaient en tête et il est apparu très clairement que ce qu'ils souhaitaient... Ils ont été très francs avec moi, comme ils l'ont été publiquement tout le temps. Ils souhaitaient la mise en place de programmes auxquels le gouvernement fédéral participerait de différentes façons avec l'établissement de normes nationales auxquelles tout le monde devrait se conformer pour bénéficier du programme de financement.

Alors, moi, je me souviens que dans un climat très positif... Les gens seraient même étonnés de voir à quel point ça discute positivement, directement, mais à notre manière à nous tous, très directement. Je leur ai posé une question, à un moment donné, à Jasper. Je leur ai demandé: Oui, mais est-ce à dire que vous allez imposer au Québec ces normes nationales que vous définirez conjointement avec le gouvernement fédéral? Est-ce votre intention?

Alors, évidemment, ils ont bien vu que c'était gros. Je n'ai pas eu de réponse à Jasper. J'ai reposé la question en 1997 à St. Andrews, l'an dernier. Je l'ai reposée, la question. Ils ont bien vu que c'était très important. D'ailleurs, pour qui connaît un peu l'histoire des négociations, des discussions entre le Québec et le reste du Canada, c'est au coeur des grands différends qui nous ont séparés, entre autres M. Lesage et M. Bourassa, et les autres.

Et rappelez-vous aussi que c'est autour de cette affaire-là que M. Lévesque a donné sa confiance à huit autres provinces à Ottawa en 1981, quand il a accepté de signer un accord avec ces provinces pour même accepter le rapatriement de la Constitution canadienne de Londres, mais à la condition que le Québec se voie reconnaître un droit de retrait de ces programmes avec pleine compensation financière. C'était une des clauses importantes, c'était la condition sine qua non qu'avait posée M. Lévesque. Donc, ils savaient bien que c'était important, les premiers ministres des provinces. Mais ça ne bougeait pas.

En décembre dernier, à la conférence fédérale-provinciale cette fois-ci à Ottawa, en présence du premier ministre Chrétien - je vais toujours me rappeler de ça, c'était à l'occasion d'un déjeuner où il n'y avait que présents les premiers ministres; j'étais assis à la gauche de M. Chrétien, et il y avait une table, comme ça, on y était tous - j'ai déposé une proposition par laquelle on acceptait, nous, le gouvernement du Québec, d'entrer dans les négociations qui se préparaient - pas celles de Calgary, mais celles de l'union sociale - et de participer à l'élaboration même des normes, mais à la condition qu'on nous reconnaisse formellement un droit de retrait avec pleine compensation financière.

Je savais que, faisant ça, il y avait le même risque que M. Lévesque avait couru lui-même. M. Lévesque, quand il a accepté de faire confiance aux gens qui acceptaient cette disposition en 1981, on sait comment ça a tourné: ils l'ont laissé tomber, et ensuite ils ont prétendu qu'il avait renoncé au droit de veto, qu'on a perdu par la suite en Cour suprême. Et puis on n'a pas eu le droit de veto et on n'a pas eu non plus le droit de retrait, et on a tout perdu. Je savais qu'il y avait un risque là-dedans, mais je sentais une certaine volonté autour de la table du côté des provinces, et je me disais: Si nous avons le droit de retrait avec pleine compensation, le Québec pourra se retirer quand il le voudra de ces programmes, quand il pensera que ce n'est pas des programmes qu'il veut ou qu'ils sont incompatibles avec les siens, et il aura l'argent ensuite pour faire ce qu'il veut.

Et là c'était la troisième fois que j'en parlais devant mes collègues des provinces, la première fois en présence de M. Chrétien. Et j'ai senti... Je vous le dis, là, il y en a plusieurs d'entres eux qui, tout de suite, regardant le texte, ont montré je ne dis pas une disposition à accepter la proposition, mais d'en discuter, par exemple. Ils trouvaient qu'il y avait des formulations... Certains ont commencé à dire: Oui, mais telle formulation ne nous plaît pas. M. Chrétien, à ce moment-là, de façon très catégorique, est intervenu pour refuser toute discussion là-dessus, il a mis fin à la discussion. La proposition, elle existe, elle est là; elle existe, elle est dans le dossier.

Donc, oui, le Québec a été présent, oui, le Québec est encore présent, puisque nous avons fait du chemin encore depuis. Quand je vous disais que les premiers ministres des provinces étaient prêts à en discuter en décembre dernier, ils le démontrent, maintenant, parce qu'ils ont commencé à bouger dans leurs positions: ils sont maintenant en face du gouvernement fédéral avec une position que le fédéral n'a jamais acceptée. Et, si vous voyiez les textes, maintenant, de l'union sociale! M. Brassard le sait mieux que quiconque, lui qui assiste à ces réunions. Le 18 avril, il était là, à Toronto, et c'est lui qui leur a dit: La formulation du droit de retrait telle qu'elle est là, ça ne marche pas, parce que vous avez une condition qui n'en est pas une, puisque vous vous en remettez à l'exclusion de programmes cofinancés, alors qu'il n'y en aura plus, de cofinancés. Il faut élargir, il faut que ce soient toutes sortes de programmes, peu importe qu'ils soient cofinancés ou pas.

Alors, les provinces ont accepté de modifier leur texte, et, le 18 juin, je sais que, M. le ministre, vous vous rendez à nouveau à cette rencontre. Mais là on va voir ce que le fédéral va répondre. Le fédéral a toujours dit non à ça, il a toujours dit non.

Donc, le gouvernement du Québec n'est pas absent de ces discussions, nous travaillons très fort. Par exemple, nous sommes ceux qui ont réussi, en négociant avec le gouvernement fédéral, avec l'appui de tout le Québec, à régler le problème de la main-d'oeuvre; en partie, pas aussi bien qu'on le souhaiterait, mais on a transféré la main-d'oeuvre active, en termes de ressources et de gestion, au Québec. Nous sommes ceux qui ont réussi à faire modifier la Constitution canadienne pour permettre la mise en place de commissions scolaires linguistiques.

(17 h 10)

Donc, ce gouvernement est un gouvernement qui n'a pas refusé de travailler et de négocier avec les autres, mais qui, face à la déclaration de Calgary, ne peut pas faire autrement que de dire non parce que là c'est un recul. Là, il n'y a pas un gouvernement au monde qui peut accepter ça. Il n'y a pas un gouvernement, il n'y a pas un parti qui peut accepter ça. Et je suis extrêmement surpris de voir que le parti de Jean Lesage, que le parti de Robert Bourassa ne dénonce pas immédiatement cette déclaration. C'est extrêmement surprenant. Il faut qu'il y ait là une astuce électorale; il faut qu'on se réserve quelque chose de caché, de dissimulé. C'est pour ça que cette commission est importante: pour qu'on puisse voir exactement où les gens se situent par rapport à un document qui fait reculer le Québec. C'est très important, je crois, que nous sachions.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Bonjour, M. Bouchard. D'entrée de jeu, peut-être vous rappeler, comme le ministre prend le soin de nous signaler qu'il remercie les gens qui viennent témoigner à la commission, vous signaler ce que vous savez déjà. Hier, nous assistions à un treizième désistement de témoin qui avait été listé par le gouvernement du Parti québécois sur 30 témoins. Donc, près de la moitié des témoins experts que le Parti québécois avait convoqués ont décidé de ne pas jouer le jeu. Peut-être ont-ils écouté l'appel de Jacques Parizeau qui avait dit de cette commission combien elle était une farce. Je tiens d'entrée de jeu à rappeler le contexte de cette commission avant de parler du contexte qui entoure Calgary.

Je vous rappelle que le Parti libéral du Québec, l'opposition officielle, a demandé, à vous-même, en votre titre, d'ailleurs, auquel vous venez aujourd'hui, parce que je comprends bien que vous êtes invité comme président du parti, mais je vois que vous venez plus à titre de premier ministre du Québec... À titre de premier ministre du Québec, vous avez refusé de convoquer une commission sur la santé qui aurait fait le tour de l'ensemble de la problématique. On ne peut pas quand même cacher qu'au Québec le secteur de la santé est dans un état catastrophique.

Comme vous profitez souvent... depuis ce matin, en tout cas, c'est la deuxième fois que je vous entends dire ça, citer des gens qui avaient des allégeances ou étaient des conseillers du Parti libéral à l'époque, je vous citerai un ancien chef de votre parti, du Parti québécois, Mon Dieu! un ancien premier ministre, Pierre Marc Johnson, qui disait, le 9 mai dernier, à Marie-Claude Lavallée lors d'une entrevue: «Une société comme la nôtre ne peut pas éternellement remettre sur le tapis un débat aussi déchirant pour une partie de la population. Il faut de temps en temps accepter les accalmies dans notre vie politique et se concentrer sur l'éducation, la santé.» Je crois qu'il aurait été plus approprié pour le gouvernement du Québec, le gouvernement du Parti québécois, de faire ce que l'ancien premier ministre Pierre Marc Johnson disait de faire, ce que nous, du Parti libéral du Québec, nous souhaitions qu'il soit fait au Québec: répondre aux priorités, aux préoccupations des gens qu'on représente.

Forcément, je sais qu'on peut toujours se dire: Bien, on est issu d'un parti, alors il faut qu'on se batte pour nos membres. Mais peut-être est-ce dû au fait que je suis nouvellement élu, on a toujours l'impression, quand on vient au salon bleu, qu'on représente surtout la population qui nous y délègue. Et, à n'en pas douter, les citoyens québécois souhaitent que le gouvernement se préoccupe de la santé, de l'éducation, de l'emploi, de l'économie.

Malheureusement, vous avez choisi plutôt de faire ce que d'autres ont appelé des pièges, des astuces, vous avez décidé de nous donner une commission dans laquelle on était pour poser le point de départ que vous, d'ailleurs, rappelez à plusieurs passages dans votre témoignage: c'est l'offre finale, c'est la réponse totale, globale à ce que le Québec demande depuis 150 ans, alors que tout le monde le dit, tout le monde le sait, c'est un appel au dialogue. Dans le fond, c'est des premiers ministres des provinces qui disent: Il me semble qu'il y aurait place à l'amélioration du Canada, une amélioration qui ferait une place au Québec. Je sais que ça vous embête. Vous, comme M. Parizeau, vous préférez les drapeaux brûlés, mais là, voilà, c'était un signal, un appel au dialogue.

Je vais parler d'un certain nombre de contradictions avec vous. La première est peut-être celle sur le pouvoir de dépenser. Le ministre parle de la marotte que je tiens. C'est parce que justement il a oublié de s'en occuper. Alors, je profite de l'occasion pour lui dire que son gouvernement nous a totalement abandonnés, a totalement abandonné la défense des intérêts du Québec. Parce qu'il n'y a que la défense des intérêts du Parti québécois, alors, forcément, il ne faut pas qu'il y ait trop de progrès.

Alors, d'une part, je voudrais le remercier, le féliciter. Je le dis du fond du coeur. Il a découvert qu'on avait un programme, alors dorénavant je ne l'entendrai plus dire: On cherche le programme, ils ne savent pas où ils s'en vont. Oui, il y a un programme qui s'appelle Reconnaissance et interdépendance . Je le montre encore, c'est le programme des membres du Parti libéral du Québec. Et je vois que vous l'avez lu, j'en suis bien heureux. Vous n'en avez cité qu'un tout petit bout sur les normes nationales, effectivement. Il faut trouver des moyens d'aménager le partage de la richesse créée à la grandeur du Canada pour offrir des meilleurs services à nos concitoyens dans le respect de nos compétences. Bien oui, bien oui! Si on pense aux citoyens, la concertation, je sais que ça vous fait peur, mais la concertation, c'est bon si ça sert nos concitoyens qui nous ont élus.

Et puis dans ce document on parle aussi du droit de retrait avec compensation. D'ailleurs, les normes nationales, ça ne donne pas des boutons, quand on y participe, quand on les accepte, quand on influence ces normes nationales. Pas quand on reste à la maison et que les autres les définissent; quand on participe à leur élaboration, quand on influence. L'exemple du Québec qui influençait pour l'entente sur le libre-échange, il y a une possibilité lorsqu'on prend notre place pour influencer. Dans les normes nationales aussi. Ça ne donne pas des boutons. Jacques Frémont nous a dit ici que les normes nationales, c'est normal; Patrice Garant a dit la même chose. Vous-même, M. Bouchard, du temps de Meech - il n'y a pas quand même des lunes - vous étiez d'accord avec l'encadrement du pouvoir de dépenser dans Meech. Vous-même, vous avez fait des discours là-dessus.

Je dis qu'il y a des contradictions déjà parce que vous nous dites qu'il n'y a plus rien, que ce n'est pas bon, ce qu'il y a sur la table. Mais je vais vous citer votre ministre qui est ici, pas plus tard que la semaine dernière, qui nous disait ici, à cette commission: «C'est vrai qu'il y a actuellement sur la table un texte qui aurait pour effet d'encadrer le pouvoir fédéral de dépenser et qui reconnaîtrait le droit de retrait avec compensation financière pour les provinces lorsqu'il y aurait des initiatives ou des programmes fédéraux dans le champ des compétences des provinces. Oui, c'est vrai. Il y a un libellé sur la table, il y a un libellé sur la table qui semble faire l'affaire d'un bon nombre de provinces et qui se rapproche - je l'ai dit - de la position, qui est très proche de la position historique du Québec en cette matière.» Il est dans votre gouvernement, là, il est aux mêmes réunions du Conseil des ministres, là. Déjà, entre vous deux vous vous contredisez.

Il y a sur la table de la part des provinces un désir d'aller dans le même sens que le Québec. Au-delà de la description que vous nous faites de vos relations avec eux individuellement, il faut bien constater que, depuis août 1995, quand Jacques Parizeau a sacré le camp à Terre-Neuve, quand on commençait à parler de ça, le Québec est totalement absent. Vous me dites et vous essayez de nous repasser la même chose, vous nous dites que le ministre participe à ces rencontres-là.

Lorsqu'on demande, à l'étude des crédits, s'il participe à ces rencontres, le Secrétariat aux affaires intergouvernementales, le ministre, est-ce qu'il y va? On prend, pour l'année 1997 - je vous fais fi de l'année 1996, on n'était jamais là. Le 10 juin à Calgary? Non, on n'était pas là. Le 6 octobre? Non, on n'était pas là. Le 9 janvier de cette année? On n'était pas là. Le 19 janvier? On n'était pas là. Le 18 février, le 27 février, le 13 mars de cette année? Je vais vous le dire, M. Bouchard, le Québec était absent. Je vais vous le dire aussi clair que c'est. Alors que les provinces souhaitent, désirent aller dans la même direction que le Québec souhaite depuis longtemps, vous avez choisi, comme gouvernement, la rupture, l'isolation.

Et je vous rappelle simplement que, lorsqu'on demande au ministre s'il rencontre ses homologues des autres provinces, si vous voulez être sérieux lorsque vous préparez des dossiers, lorsque vous allez à ces rencontres, lorsqu'on lui demande: Combien de fois a-t-il rencontré ses homologues des autres provinces? Bien, je vais vous le dire. Pour l'année qui vient de se terminer, on a appris aux crédits qu'il avait rencontré deux de ses homologues. Vous devriez suivre ça d'un peu plus près. Il a rencontré l'Ontario, le Nouveau-Brunswick une fois, le même jour les deux. L'année d'avant, il a rencontré une province, le Nouveau-Brunswick, une fois.

Alors, moi, je veux bien vous écouter puis vous entendre dire aux Québécois que c'est épouvantable comment les autres ne sont pas fins avec le Québec, mais, si on avait un gouvernement qui défendait les intérêts du Québec puis qui travaillait au progrès, peut-être que ça irait un petit peu mieux. Peut-être, peut-être! Je vous donne juste un petit conseil pour l'avenir. Si jamais il n'y a pas d'élection puis qu'il y a des crédits l'année prochaine, j'espère que le ministre va nous répondre qu'il les a tous rencontrés, puis souvent. Parce que c'est ça qu'attendent les Québécois d'un gouvernement qui va travailler à améliorer leur situation.

(17 h 20)

Je comprends que votre position à vous, comme celle de Jacques Parizeau, comme celle du ministre, souvent répétée, ce n'est pas d'améliorer le Canada, ce n'est pas de servir les intérêts des Québécois. Je comprends, vous l'avez assez dit. Mais, à un moment donné, peut-être qu'il faudrait réaliser qu'il y a une responsabilité démocratique à remplir.

La question qui se pose après votre témoignage, surtout quand on regarde les contradictions qu'on vient de voir, c'est finalement: Peut-on vous croire? En fait, la question que les Québécois se posent est encore plus profonde et plus subtile: Le premier ministre se croit-il lui-même? Croit-il ce qu'il nous dit? D'une même chose, vous nous avez tellement souvent dit: C'est noir et c'est blanc, c'est chaud et c'est froid, que de plus en plus on se demande de ce premier ministre: Dit-il ce qu'il pense? Pense-t-il ce qu'il dit?

De virage en virage en survirage, on dirait que vous avez fini par perdre le chemin et vous perdre vous-même. Peut-on vous croire? Vous, qui de l'union sociale - parce qu'on parle de l'union sociale, en 1993, vous étiez chef du Bloc - disiez à l'époque: «L'une des grandes réussites canadiennes, c'est qu'on s'est soucié des démunis et qu'on a essayé de partager la richesse. On a créé des programmes sociaux qui comptent parmi les meilleurs au monde, et ça, il faut le préserver», 1993. Aujourd'hui: Québec n'a pas d'affaire dans l'union sociale canadienne.

Où est la vérité entre ces deux contradictions? Vous qui, en 1988, parlant du Canada, disiez: «Nous savons que nous partageons un pays libre - j'insiste sur le «libre» - qui s'est fixé comme objectif d'aplanir les inégalités entre les hommes et les femmes, entre les ethnies, entre les groupes linguistiques, entre les riches et les pauvres. Et, si le Canada sur la scène internationale parle de paix d'une voix autorisée et crédible, c'est qu'à l'intérieur il s'est toujours efforcé de résoudre dans le dialogue - «dialogue», disiez-vous - les occasions de conflit qui surgissent.»

Aujourd'hui, on prétend, vous prétendez que ce pays est une prison et qu'il faut refuser le dialogue. Vous qui parliez du Québec comme d'une société à l'époque de Meech et encore en 1997, ça ne fait pas des lunes, ça ne fait pas si longtemps. En 1997, sur votre site, à vous, premier ministre du Québec, sur votre site Internet, sur quatre lignes, vous nommez le Québec comme une société. Votre propre gouvernement, avec le document du ministère des Relations internationales - pas rien, internationales, la carte de visite sur le monde - vous vous nommez 12 fois «société» et aucune fois «peuple». Meech, votre site, vos propres documents, et, aujourd'hui, c'est le peuple, sinon ça recule. Où est donc la vérité dans ces contradictions?

Vous qui qualifiiez le Québec, en 1990... Chapeau! En 1990, vous qualifiiez déjà le Québec d'unique. Vous étiez à une conférence de presse à l'Empire Club de Toronto, et vous disiez: «Hardly enough, what makes Québec a unique, distinct society in the existing Constitution is not primarily its French language and culture; what makes it different and unique was already formally recognized more than two centuries ago by the British colonial ruler, it's its Civil Law tradition.» Maintenant unique, c'est Wayne Gretzky et la Tour du CN. Pourquoi? Pourquoi ces contradictions? Où est la vérité?

Vous, qui parliez de la langue française au Canada et au Québec, disiez en 1988, à propos de la francophonie canadienne: «Ce ne serait pas plus concevable de laisser entre les mains du gouvernement du Québec la survie de la minorité anglophone que d'abandonner les francophones au Canada entre les mains des pouvoirs provinciaux. Ce ne serait pas concevable que le fédéral fasse une chose comme celle-là.»

À Boston, il n'y a vraiment pas longtemps, votre dernier voyage: «Le résultat est que le Québec est le seul endroit au Canada où la proportion de gens qui vivent en français ne diminue pas. De plus, l'utilisation du français comme langue seconde parmi les nouveaux arrivants n'est plus une exception, mais la norme. C'est ainsi que 93 % de tous les Québécois ont maintenant une connaissance du français. Nous sommes très fiers de ce résultat.»

Non, on ne recule pas. On peut être fier des progrès qui se produisent dans le Canada. C'est possible d'y arriver à l'intérieur du Canada. Mais vous avez choisi la semaine dernière ce qui me semble être une surprise incroyable, incroyable. Vous avez trouvé maintenant le salut avec le Reform Party, qui propose d'abandonner la francophonie canadienne, exactement d'ailleurs - ce n'est peut-être pas si surprenant finalement - comme la séparation le ferait, sans aucun bénéfice, sans aucun bénéfice pour la francophonie en terre d'Amérique.

Sur les programmes sociaux, c'est noir et blanc en même temps. Sur la société québécoise, c'est noir et blanc en même temps. Sur le caractère unique, c'est noir et blanc en même temps. Sur la langue, c'est noir et blanc en même temps. S'il fallait sonner une cloche à chaque contradiction, on ne s'entendrait plus parler, au Québec, M. le Président. Si le premier ministre portait la montre de Réjean dans La petite vie , je pense que la pile ne durerait pas longtemps.

Je le répète, à force de virer, le premier ministre a perdu son chemin. Il s'est perdu lui-même et il a perdu le Québec en même temps. Et on arrive à cette commission, elle-même le produit d'un virage, d'une contradiction. Alors que, en septembre, il ne fallait pas consulter, là, maintenant, on consulte pour la frime. On dit: Calgary, ça, c'est l'offre finale, globale, ça répond à tout. On ne regarde pas ce qui se passe à côté. Surtout, il ne faudrait pas en parler.

Mais on n'est pas les seuls qui ont vu l'astuce là-dedans. Détournement d'institutions , disait Le Soleil . Un exercice bidon, c'est ça qu'on fait là, M. Bouchard. C'est ça que les gens disent, les observateurs nous regardent aller. C'est ça qu'on fait là. La Presse , Un piège grossier . Ce n'est pas juste l'opposition officielle, là. Il y a la moitié des témoins qui ne sont pas venus. Il y a Jacques Parizeau qui dit que c'est une farce. Les observateurs disent que c'est bidon, que c'est un piège, que c'est un détournement d'institution. Je veux dire qu'on va se rendre compte à un moment donné qu'il y a quelque chose qui ne marche pas dans cette astuce-là.

Je sais que, pour vous, l'astuce, c'était de se dire: Si l'opposition parle de Calgary puis parle de constitution, bien, elle va moins parler de santé, elle va moins parler d'éducation, elle va moins parler d'économie. Sauf que l'opposition, elle va faire ce qu'elle a à faire, elle va représenter les Québécois, s'occuper de leurs priorités, puis elle va vous dire, à chaque fois que vous faites des annonces dans la santé, en faisant accroire que vous mettez de l'argent, puis c'est 110 000 000 $, puis que les coupures sont 150 000 000 $, qu'il manque encore de l'argent pour cette année. Puis, si ça allait mal l'année passée, ça va aller encore plus mal cette année parce qu'il y a encore des coupures cette année. On va vous le dire. On va le faire. Notre mandat, c'est notre responsabilité démocratique et on va la prendre.

Vous avez beau nous dire que vous vous occupez de l'emploi, il y en a 14 000, emplois, de perdus, au mois de mai. Et, depuis que vous êtes le premier ministre du Québec, de tous les emplois qui ont été créés au Canada, le Québec en obtient 7 %, quand on est 25 % de la population. Notre richesse relative est à la hauteur de 22 %, 23 %. Quand on a 7 %, en termes de création d'emplois au Canada, je ne peux pas vous dire que vous mettez vos priorités à la bonne place en ce moment. On a envie de vous dire: Arrêtez donc de virer. À la longue, ça finit par faire un trou.

Je sais bien que vous voulez savoir où on loge parce qu'on nous le demande souvent. On loge, si ce n'était pas clair encore, du côté de l'économie; l'économie pour l'emploi, l'économie pour l'éducation, l'économie pour la santé. L'économie dans un monde de concurrence, d'interrelation et d'interdépendance. C'est Reconnaissance et interdépendance , qui ne part pas d'un dogme des années cinquante ou soixante, mais qui part des besoins des gens d'ici, qui dit: Oui, le dialogue pour le progrès plutôt que la rupture pour le recul. C'est différents chantiers de progrès. Différents chantiers de progrès, c'est ça que ça donne, le dialogue.

(17 h 30)

La main-d'oeuvre, c'est un chantier, un résultat. Ça a été long, je le concède, on l'a eu, il ne fallait pas le banaliser le lendemain. Il fallait dire: Voilà, c'est un succès. Tant mieux, on est content, on est fier. L'union économique, le PQ était contre ça, l'union économique, l'Accord sur le commerce interprovincial. En 1994, les provinces ont fait ça. Ça a été approfondi, puis finalement le PQ a dit: C'est une bonne idée, on va embarquer là-dedans. Good! Excellent! Vous avez bien fait de nous suivre là-dessus. Approfondir l'union économique comme ça a été fait à St. Andrews, l'été dernier, ça, c'était un chantier de progrès. Les commissions scolaires, le pouvoir de dépenser. Calgary, c'est un autre chantier de reconnaissance.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay, le préambule à votre question a duré déjà 20 minutes. Alors, en principe, une intervention, même en commission, ne doit pas dépasser 20 minutes.

M. Fournier: Ma question, c'est la suivante: Devant toutes ces contradictions, vous nous demandez de croire ce que vous nous dites. Moi, je vais vous poser ce que les Québécois se posent en ce moment. C'est le test de la sincérité. Je vais vous demander si vous êtes sincère quand vous parlez d'information aux Québécois, si vous êtes sincère quand vous dites: Les Québécois, lors du choix démocratique qu'ils ont à faire, ils doivent être informés de ce que les partis ont dans leur carton?

Je vais vous demander, vous, vendredi prochain, si les plaidoiries sur le plan O à la Commission d'accès, je vais vous demander, vous, qui êtes détenteur du plan O, le plan de sauvetage, là - c'est 20 000 000 000 $ de notre argent qui a été comparé à un montage financier comme la crise du pesos ou la crise asiatique par le haut fonctionnaire du ministère des Finances, à la Commission d'accès - je vais vous demander si le plan O, vous allez le rendre public? Parce que, quand on a voté, au dernier référendum, vous ne nous avez jamais dit qu'il y avait un plan O. Vous nous avez dit: Votez oui, c'est l'Eldorado. Puis là on s'aperçoit que l'Eldorado, c'était un leurre.

Jacques Parizeau, le grand négociateur, le Parti québécois, dans ses cartons, savait qu'un oui, c'était une perte des valeurs du Québec à hauteur de 20 000 000 000 $. Alors, je vous demande si vous êtes sincère quand vous dites que vous faites des commissions pour informer les Québécois? Allez-vous relever le test de la sincérité? Allez-vous rendre public le plan O? Allez-vous dire aux Québécois que, lorsqu'on exerce le droit à l'autodétermination, il est normal qu'on ait toute l'information? C'est ça, ma question.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je pense que je vais réagir à certains éléments du préambule avant de répondre à la question qui est un peu plaquée artificiellement sur ce long préambule.

D'abord, quelques chiffres, très rapidement. On a eu le front de nous parler des emplois, M. le Président. S'il y a un gouvernement qui s'est occupé d'emploi, c'est bien notre gouvernement. Et je n'ai pas peur de comparer notre bilan à celui du dernier mandat du Parti libéral, M. le Président, parce que, durant les quatre dernières années, durant le dernier mandat du gouvernement libéral, le gouvernement libéral a créé 0 % du total des emplois créés au Canada durant cette période, de 1990 à 1994. Pendant que le Canada créait des emplois, le Québec n'en a créé aucun, 0 %.

Et, nous, M. le Président, depuis que nous avons été élus, nous en avons créé 140 000, 140 000, ce qui représente à peu près plus ou moins 20 % de la moyenne de création d'emplois au Canada. Alors, ça, ça vous donne une idée du reste. On se permet une incursion dans l'emploi, une accusation contre le gouvernement dans sa gestion économique, et on oublie de dire que nous avons réussi là où le Parti libéral a échoué de façon lamentable, au point de vue de l'emploi.

Une autre affaire. Par exemple, il nous dit, on laisse entendre que notre gouvernement n'assiste pas aux réunions fédérales-provinciales. M. le Président, durant la période de 1990, 1991, 1992, le gouvernement libéral s'est absenté de 136 conférences fédérales-provinciales. Il en a manqué 136. Il doit le savoir. Je pense que le député de Châteauguay était membre du cabinet de M. Rémillard qui était chargé de ces réunions-là. Alors, ils en ont manqué 136. Nous, durant les récentes années, 10 seulement où on était absent. Alors, côté festival des absences, qu'on regarde du côté du Parti libéral et non pas de notre gouvernement.

On est présent, M. le Président. On est présent à ces réunions. On défend les intérêts du Québec. Et je voudrais déposer ici un tableau détaillé qui montre les performances du Québec en termes de présence dans ces réunions fédérales-provinciales.

La santé. D'abord, il faut rappeler deux choses, M. le Président. C'est important de rappeler ça. C'est important de rappeler que, en 1988, alors qu'il y avait les libéraux au pouvoir, la commission Rochon - le même Jean Rochon qui présidait à la commission - a déposé, après de longues études, un rapport sur la situation du système de santé québécois pour conclure qu'il était absolument urgent d'entreprendre et de terminer une réforme qui allait moderniser notre système de santé, qui allait lui donner des nouveaux standards et qui le configurerait en fonction des nouveaux besoins de la santé et de la nouvelle technologie, en tenant compte des changements démographiques, de la population qui vieillit, du type de soins qui devait être de plus en plus requis dans certains cas, et ainsi de suite.

Le gouvernement libéral du temps a reçu le rapport, l'a fait sien, l'a trouvé très bon et s'est trouvé convaincu que, en effet, ça pressait de faire la réforme du système de soins au Québec, puisque tout le monde, d'ailleurs, la faisait ailleurs. Alors, ils ont chargé un ministre, M. Marc-Yvan Côté, à l'époque le ministre de la Santé et des Affaires sociales, de conduire à bonne fin cette réforme. Ils ont commencé à la faire. Le ministre voulait la faire, mais, au bout de quelques mois, dès les premières difficultés - parce que c'est dur, changer des choses, M. le Président, c'est dur de remettre les choses sur rail - l'équipe libérale a laissé tomber son ministre, puis ils ont renoncé à faire la réforme.

On s'est retrouvé en 1994, donc six ans plus tard, M. le Président, alors que tout le monde à peu près avait fait la réforme, avec une situation exacerbée, un système de soins compromis. Qu'on se rappelle ce qui se disait à l'époque sur le système de soins au Québec. Il a fallu le sauver, c'est une opération sauvetage qu'il a fallu faire. Il s'est trouvé providentiellement que nous avions de disponible à ce moment-là, au sein du cabinet, un homme qui s'appelle Jean Rochon et qui a accepté avec courage et compétence d'entreprendre cette réforme, qui est en train de la terminer, M. le Président, et qui a amélioré la qualité des soins au Québec, qui a amélioré les périodes d'attente, en les diminuant, qui a amélioré le nombre de créations de lits à longue durée et qui va mettre le système de santé du Québec dans l'ère moderne, qui va en faire un des meilleurs systèmes au monde et qui va le préserver en partant et qui va corriger les terribles erreurs, la terrible irresponsabilité dont ont fait preuve ceux qui nous ont précédés.

Alors, que ce soit difficile, oui. Que ça prête flanc à la démagogie, on vient d'en avoir un exemple tout à l'heure, oui, bien sûr. C'est un pique-nique pour les démagogues, surtout ceux à qui on fait face chaque jour à l'opposition de l'Assemblée nationale. Bien, oui, les démagogues, les irresponsables qui ont créé le problème, qui ont été incapables d'intervenir pour faire ce qu'il fallait faire, qui ont échoué, qui ont jeté la serviette, qui n'ont pas eu le courage et qui, aujourd'hui, sont les premiers à jouer à la démagogie, M. le Président, moi, ça ne m'émeut pas.

Nous allons terminer cette réforme avec le respect des patients, avec le respect du personnel, avec l'appui de tout le monde au Québec. C'est une des grandes choses que le Québec aura faites, M. le Président, que cette réforme dans des conditions difficiles, au moment même où il fallait, en plus, réparer l'irresponsabilité financière des libéraux qui nous ont précédés et qui nous ont laissé un déficit de 6 000 000 000 $, M. le Président. Nous sommes en train de réussir grâce à la solidarité, à la vigueur de notre société, malgré la démagogie de l'opposition. Alors, côté santé, c'est ma réponse.

Pour ce qui est de la commission parlementaire, on s'autorise de propos que M. Parizeau aurait tenus sur la commission. Moi, j'ai déjà entendu M. Parizeau faire un commentaire sur la commission parlementaire, ici, des commentaires où il faisait une distinction. Je l'ai entendu, c'est lorsque nous avons inauguré les bustes du président Roosevelt et de M. Churchill ici, récemment. M. Parizeau était là, il a fait une entrevue de presse. Je l'ai entendu dire: Calgary, c'est une farce. Ce n'est pas la commission; Calgary, c'est une farce. Puis, ensuite, il a fait un discours dans les Cantons-de-l'Est, puis il y a un journal local, The Record , qui a rapporté des propos de façon très ambiguë, dont s'inspire l'opposition maintenant pour démissionner devant sa responsabilité de venir se prononcer sur Calgary.

La réalité, c'est que toutes les Législatures du Canada, de toutes les provinces canadiennes, M. le Président, ont tenu des commissions parlementaires avant d'adopter formellement, en séance plénière des Législatures, la déclaration de Calgary. Et nous qui faisons l'objet de cette déclaration, nous qui sommes les récipiendaires de ce qu'on présente comme une offre, on ne voudrait pas l'étudier, on ne voudrait pas la regarder? Voyons, M. le Président, c'est une vieille habitude, chez les libéraux, la chaise vide. Au lendemain de l'élection de 1994 de M. Parizeau, quand il a fait les grandes consultations sur l'avenir politique du Québec, il y avait encore des chaises vides. Lesquelles? Les chaises des libéraux. Ces chaises vides qui sont là, c'est les chaises de qui? Les chaises des libéraux. La chaise vide qui est là, c'est la chaise de M. Charest, qui n'a pas voulu venir se prononcer.

Alors, M. le Président, Calgary, qu'est-ce que c'est pour les libéraux d'ici? C'est une astuce électorale. Le chef du temps et le député de Châteauguay, celui qui a des accents indignés aujourd'hui, ils se sont promenés partout au Canada pour supplier les premiers ministres des provinces: S'il vous plaît, donnez-nous quelque chose, n'importe quoi pour qu'on puisse avoir un programme électoral parce qu'autrement on s'en va à l'abattoir. C'est ce qu'ils ont fait, M. le Président.

(17 h 40)

Et puis, ensuite, quand ils ont vu venir l'affaire: Ah! nous avons tout le crédit de cette chose, nous avons tout le crédit. Et M. Johnson a même dit qu'il avait demandé de la mettre dans la Constitution. Ce n'est pas un processus amorcé, ça. J'ai déjà déposé en commission parlementaire, ici, devant lui le libellé littéral de ce qu'il a dit. Il a trouvé ça merveilleux. Il a trouvé que c'était merveilleux. Il était en compagnie du député de Châteauguay, qui, certainement, a dû s'émerveiller lui aussi, puisque c'est le fruit commun de leurs pérégrinations pancanadiennes. Alors, merveilleux puis, en plus, ils le veulent dans la Constitution. En tout cas, c'est ce que disait M. Johnson.

Alors, aujourd'hui, qu'est-ce qui se passe? Ils ont bien vu que les Québécois n'acceptent pas cette déclaration, enfin, ceux qui s'étaient exprimés jusqu'à maintenant. Ils ont entendu M. Ryan dire que le Québec était un peuple et que l'une des grandes failles de la déclaration, c'est de ne pas reconnaître que c'est un peuple. Incidemment, j'aime la suggestion du député de Châteauguay parce que, si c'est vrai qu'on a mis «société» partout, ça va être partout «peuple». Je vais m'occuper de ça quand je vais rentrer dans mon bureau tout à l'heure. Très bonne suggestion parce qu'on va s'appeler ce qu'on est. Parce qu'on est un peuple, et, nous, on le dit et on le reconnaît. Il n'y a rien qui pourra se régler vraiment dans l'avenir politique du Québec tant que le reste du Canada n'aura pas reconnu que nous sommes un peuple.

Mais, pour le reconnaître, il faut d'abord que nous nous comportions comme un peuple. Il faut d'abord que nous donnions la signature d'un peuple. Ça va se faire à un référendum quand, comme un peuple, nous répondrons: Oui, nous sommes un peuple et nous voulons nous comporter comme un peuple souverain. Après ça, on va nous prendre au sérieux. Jusque-là, ils écoutent les députés de Châteauguay et autres personnes qui se promènent un peu partout qui commandent des bonbons comme astuces de programme électoral. C'est lui, le problème. Le jour où on sera réunis ensemble...

Chaque fois qu'on a eu l'appui de l'opposition, on a réussi des choses. Le problème, c'est qu'on est divisés et qu'on a en face de nous un parti qui veut prendre le pouvoir, qui flatte la population en lui disant: Écoutez, le déficit, c'est bien trop dur, ça, il faut arrêter. C'est difficile, il faut arrêter de se forcer comme ça. Puis la santé, nous autres, on va tout régler ça. Comment? Ils ne nous l'ont pas dit. L'emploi, on va en créer. Ils n'en ont jamais créé avant nous. Nous, on en crée. Ça, ils ne l'ont pas dit non plus.

Le problème, c'est qu'on se retrouve dans un climat préélectoral avec un parti qui oublie ce qu'il a été, qui oublie ses grandes allégeances, qui oublie que l'honneur du Parti libéral, ce n'est pas le député de Châteauguay, c'est Jean Lesage. C'est elle, la vérité. C'est qu'il y a un bris de continuité entre le Parti libéral... qui a été l'un des grands constructeurs du Québec moderne, qui a toujours eu une vision d'avenir. Peut-être qu'il n'était pas souverainiste, mais il avait le droit de ne pas l'être. Mais, au moins, étant fédéraliste, il était fédéraliste responsable, fédéraliste lucide qui assumait ses responsabilités et qui parlait au reste du Canada. Aujourd'hui, M. le Président, on se couche devant le reste du Canada.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Alors, je constate qu'on est à l'heure des bilans. Le premier ministre cite un certain nombre de mémoires pour faire un bilan sur les travaux de la commission. Effectivement, la plupart des mémoires sur Calgary ont été assez sévères envers le contenu. Par contre, comme il est temps de faire le bilan de cette commission-là, ce n'est pas tellement là ma surprise.

Vous avez aussi insisté, M. le premier ministre - c'est presque l'objet de la plus grande partie de votre mémoire - sur l'incapacité du Parti libéral de défendre les intérêts du Québec. Je pense que ça aussi la population le voit. Quand un parti n'est pas capable de venir devant une assemblée, devant le Parlement dans lequel il veut former le gouvernement pour dire: Nous, nos positions en matière de l'avenir du Québec sont celles-ci, je pense que ce parti-là fait la démonstration, en elle-même, de son incapacité à proposer des alternatives sérieuses de défense des intérêts du Québec.

Par contre, à l'heure des bilans, moi, je fais une autre constatation. J'ai écouté les mémoires. Je sais que vous avez cité une série d'extraits, et je vais en citer un certain nombre aussi, de gens qui, pour la plupart, ont été sévères avec Calgary mais qui disent autre chose.

M. Frémont disait à un moment donné: «Je suis découragé. Il me semble qu'on est enfermé. Il faut sortir des ornières.» M. Garant a dit: «Il faut ouvrir un nouveau dialogue.» M. le professeur Laforest, qui était intéressant, a dit: «Il faut sortir radicalement des cadres traditionnels.» Il a dit aussi: «Il faut une redéfinition du partenariat entre le Canada et le Québec.» M. Christian Dufour a été encore plus précis dans son analyse de la stratégie actuelle du gouvernement et a dit: «La stratégie univoque du gouvernement du Parti québécois l'empêche de gérer de façon dynamique le rapport avec le Canada anglais, enlevant de la crédibilité au nouveau partenariat qu'il voulait bâtir avec celui-ci.» Il va un peu plus loin et dit: «C'est ainsi que le gouvernement s'est avéré incapable de saluer sur le plan politique la main canadienne-anglaise tendue à Calgary.» Et, dans votre mémoire, M. le premier ministre, vous nous citez largement M. Allaire. Vous dites que M. Allaire nous a dit, à cette commission: «On ne peut pas tenir la population sur les barricades constamment.»

Ce que je suis en train de dire, c'est qu'un des bilans de cette commission-là, c'est que la politique du Parti québécois, l'obsession référendaire, n'a pas obtenu d'appui des experts. Les experts sont venus nous dire: Calgary, ça ne livre pas la marchandise. La plupart des experts n'ont pas été très impressionnés par le Parti libéral, c'est bien clair, hein, par sa non-participation, par son incapacité de lancer des idées. La plupart des experts nous ont laissé entendre, sans être trop sévères envers le gouvernement, que sa politique, c'est un cul de sac.

Des experts qui nous amené des réflexions plus loin nous ont dit que, s'il fallait qu'un troisième référendum soit fait dans l'immédiat, dans les mêmes conditions, avec les mêmes résultats, puis qu'il soit encore perdu, ce serait épouvantable. Je suis heureux, M. le premier ministre, que, dans votre mémoire, vous nous citiez le rapport Allaire ou M. Allaire aux deux pages. Mais la réalisation des objectifs nationalistes mais pratiques qui sont dans le rapport Allaire requiert de lever - j'en ai parlé ce matin à la période de questions - la menace d'un autre référendum. Si la position du Parti libéral à genoux place le Québec dans une position de faiblesse, le référendum à répétition place probablement autant le Québec dans une position de faiblesse. Les voies extrêmes ne sont pas gagnantes, et ce que ma génération est en train de constater, c'est que ça s'est échangé le pouvoir, mais ils n'ont rien réglé.

En tout cas, moi, ma conclusion de cette commission-là, c'est qu'il y a pas mal de gens au Québec, dans ceux qui sont nationalistes mais qui ont un sens pratique, dans ceux qui n'ont pas un dogme nationaliste, que ce n'est pas juste les référendums, que ce n'est pas juste le drapeau, que ce n'est pas juste des symboles, dans ceux pour qui le nationalisme, c'est des gains pour le Québec en termes d'autonomie qui sont venus nous dire: La stratégie du Parti québécois est une stratégie perdante, comme celle des libéraux. C'est ça qu'ils sont venus nous dire.

Je serais curieux de vous entendre, ça va être ça, ma question... parce que le rapport Allaire a obtenu récemment des échos dans le reste du Canada, avec les positions prises par le Reform, a obtenu des échos comme jamais, dans le reste du Canada, mais là je constate que, dans cette commission-là, le rapport Allaire a obtenu des échos au Québec. Probablement même que, le premier ministre, des intervenants qui sont venus se présenter ici qu'il considérait comme dans sa manche et des appuis à la souveraineté sont ressortis en disant: Il faut sortir des cadres traditionnels.

Ma question au premier ministre: Ça lui prendrait quoi... Parce que ce matin, dans ma première question, il a dit: C'est la souveraineté qui est la seule solution. Dans ma dernière question, il a dit: Bien, on les étudie, les offres, on va les regarder. Je prends sa dernière réponse comme étant la bonne: Ça lui prendrait quoi dans des offres, ça lui prendrait quoi comme propositions, ça lui prendrait quoi comme décentralisation pour lever la menace d'un référendum? Si la réponse, c'est que ça ne prendrait rien, que n'importe quoi ne serait jamais assez bon, ça, ça veut dire qu'il nous lance dans un référendum à tout prix. Et, si c'est dans un référendum à tout prix, j'aimerais ça qu'il nous dise comment il sent que les gens ont appuyé, dans cette commission-là, comment lui arrive à la conclusion que sa politique gouvernementale a été appuyée?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre.

M. Bouchard: Merci, M. le Président. Merci de la question, M. le député de Rivière-du-Loup. D'abord, je vous trouve un peu sévère pour le gouvernement, c'est vrai que c'est votre rôle dans l'opposition, mais un peu sévère quand vous dites qu'on a été obsédé par le référendum. Ce qu'on a fait depuis qu'on est au pouvoir, c'est de gérer le Québec comme jamais. Je connais très peu de périodes, dans l'histoire politique du Québec, où un gouvernement a posé et a pris tant de décisions de gestion, dans le domaine de l'investissement, dans le domaine de l'emploi, dans le domaine des finances publiques, dans le domaine de l'exportation, dans le domaine du commerce international, justement, dans le domaine social. Les mesures sociales adoptées par le gouvernement sont sans précédent surtout dans le contexte où on a travaillé, toute la suite de ce qu'on a adopté. Puis l'éducation, la réforme de l'éducation, les commissions scolaires linguistiques. On a fait des choses. J'ai hâte à la campagne électorale pour pouvoir faire le bilan parce que c'est lourd, comme bilan. C'est très, très, riche. C'est très, très, très, très, très généreux, comme activité gouvernementale.

Alors, vous dites: Obsession du référendum. Référendum, oui, nous croyons que l'avenir politique du Québec, ça va se décider par référendum. Ça ne va pas se décider par des gens qui refusent de se prononcer, qui se cachent en dessous des bureaux, en arrière des chaises vides, pour se réserver la possibilité, si jamais ils forment un gouvernement plus tard, d'adopter en catimini, par un décret, par un trait de plume, un texte qui n'a pas de bon sens, un texte qui nous fait reculer, de l'aveu de tout le monde ou à peu près, mais en attendant de se dérober.

(17 h 50)

Non, nous, nous pensons que la décision que les Québécois devront prendre, elle devra se prendre par référendum, par une consultation populaire qui va traiter uniquement de la question. Je vous donne raison sur une chose. Je conviens avec vous qu'on est affaibli par des référendums perdants. J'en conviens avec vous. Je pense que nous ne devons plus perdre de référendum. Dorénavant, le référendum, celui qui va décider, il faudra le gagner.

Et, quand je parle de conditions gagnantes, c'est ce que je veux dire. Je veux d'abord dire qu'on se prépare, par un environnement économique, un environnement financier, un environnement social, à construire solidement les assises de ce qui sera le fondement du Québec souverain, du Québec qu'on voudra construire ensemble, premièrement.

Et, deuxièmement, je ne souhaite pas faire un référendum qu'on perdra, et ce que j'ai dit, je le pense très sérieusement. Je crois que, quand on déclenchera un autre référendum, c'est parce qu'il y aura les conditions raisonnablement acquises de gagner ce référendum pour qu'on soit ensemble, pour qu'une majorité se dégage afin que nous puissions nous présenter devant le Canada anglais à une table de discussion où, pour la première fois, ils devront nous prendre au sérieux, où ils seront en face d'un peuple qui vient de se comporter comme tel, qui vient de donner un mandat à son gouvernement, un mandat de discuter avec lui visière levée, avec une force politique comme il n'en a jamais eu.

Le problème de nos négociations avec le reste du Canada, c'est qu'on n'est pas assez forts, c'est qu'on y va divisés, c'est qu'on y va sans mandat de la population qui fasse que l'autre accorde autorité à ce qu'on dit. Alors, ce que nous sommes en train de construire, c'est véritablement l'autorité du Québec quand il s'assoira à nouveau à une table avec le reste du Canada pour déterminer ses positions.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

M. Dumont: Faites votre référendum sur la base du rapport Allaire, vous allez avoir 70 %. Ça va être de la base politique, ça.

M. Bouchard: Bien, parlons du rapport Allaire, parce que c'est votre rapport, c'est votre position à vous. C'est votre position, ça, à vous. Or, vous aussi, si j'emploie les termes caricaturaux que vous avez employés, vous avez l'obsession référendaire, puisque, dans le rapport Allaire, il y a la liste de tous les pouvoirs qu'on veut récupérer d'Ottawa - il y en a 22, si je me rappelle bien - et puis on dit: Mais, s'ils ne veulent pas, on fait un référendum. Ce serait sur la souveraineté, bien sûr. C'est le rapport Allaire, ça. C'est votre position à vous, qui est à ce point de vue assez proche de la nôtre, n'est-ce pas?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. M. le premier ministre, vous vous y connaissez effectivement très bien - et vous venez de nous le dire - au niveau des négociations entre le Québec et le reste du Canada. Et les experts sont effectivement venus nous dire qu'il y avait des dangers extrêmement sérieux par rapport à la déclaration de Calgary. Je reprendrai les propos du constitutionnaliste qui a suivi M. Bourassa, qui a suivi M. Rémillard tout au long de l'histoire récente du Québec, qui est venu nous dire que c'était pire que le statu quo et pire que rien, parce que, lorsqu'on part négocier avec une base comme Calgary, les dangers sont très grands, c'est même une menace d'affaiblissement de notre compétence législative en matière de langue parce qu'il n'y a aucune clause de sauvegarde de cette compétence.

Le député de Châteauguay, tout au long de nos travaux, n'a jamais voulu se prononcer. Et ça aussi, les experts l'ont déploré, qu'un parti politique d'opposition officielle ne se prononce pas sur un document accepté par toutes les provinces. Il nous a échappé une première définition un peu avant 16 heures cet après-midi: il nous a dit que Calgary, c'était le chantier de la reconnaissance, le chantier de la reconnaissance, alors qu'on ne reconnaît pas le peuple québécois. Tout ce qu'on reconnaît, c'est l'égalité des provinces, la diversité et les intrusions du gouvernement fédéral.

Alors, M. le premier ministre, qu'est-ce que vous pensez de ce chantier de la reconnaissance, tel que défini par le député de Châteauguay, et des dangers d'une négociation si on part avec cette base?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre.

M. Bouchard: Alors, ce que je pense, c'est que le magasinage des mots se poursuit. «Chantier», c'est un nouveau, celui-là, je pense; je ne l'ai pas entendu encore, celui-là. Ça nous montre à quel point, quand on n'a pas de projet à présenter, on cherche à cacher sa vacuité par des mots.

Ça, ça nous rappelle la genèse de cette déclaration de Calgary: au coeur de tout, il y a «unique». Alors, c'est intéressant de se rappeler de ce reportage que nous avons eu sur les ondes de Radio-Canada où on nous a expliqué l'anatomie de Calgary. On s'est rendu compte que... Même M. Charest a employé un mot extrêmement révélateur: On a fait le magasinage des mots. Pas des réalités, pas des reconnaissances. On a pris le dictionnaire. Au fond, c'est le dictionnaire qui était la mine des renseignements. On a regardé le dictionnaire et on a cherché des mots qui n'ont pas été employés. Il y en a eu beaucoup, de mots, d'employés, évidemment; ça devient difficile, là. Il faut faire appel, même, à des cercles qui ne sont pas des cercles politiques, parce que les politiciens fédéraux, les fédéralistes ont épuisé leur capacité étymologique de trouver des mots nouveaux.

Alors, ils ont fait appel à des gens d'affaires. Ils ont fait appel au grand lobby des entreprises canadiennes. Et c'est M. Tom d'Aquino qui a trouvé le mot «unique», alors qu'il était déjà dans le dictionnaire. D'autres l'avaient déjà employé avant dans le fil de discours, mais, quand on fait un discours, on n'est pas en train d'écrire la Constitution, M. le Président. Alors, je trouve que c'est vraiment désolant parce que je pense qu'on aurait besoin, pour faire un vrai débat, d'avoir des gens qui proposent des options.

Et, au fond, s'il y a une chose qui est bonne là-dedans... Moi, je dirais que, dans la déclaration de Calgary, il y a une chose qui reste, finalement, là. À toute chose, il y a un côté positif. Et le côté positif de cet exercice, c'est que ça nous révèle qu'ils ont beau chercher, tout ce qu'ils trouvent, c'est en bas de ce qu'ils ont déjà offert et qu'on a déjà refusé et qu'au fond ils sont en train de faire la démonstration péremptoire qu'il y a finalement une seule option. Il y en a une seule, il y en a un seul, projet politique, pour le Québec, c'est que le Québec se comporte comme un peuple souverain puis qu'il s'assoit vis-à-vis son partenaire future puis ses amis du Canada anglais pour définir comment ça va se passer.

Et je crois que l'idée du partenariat, elle est fondamentale. Et elle a fait son chemin parce que, dans un discours à la Chambre des communes, M. Rock a reconnu de façon très précise et très express qu'au lendemain d'un référendum positif pour la souveraineté ils négocieraient et qu'ils exigeraient de négocier les paramètres de ce qui arriverait par la suite. Et là-dedans il y a les grands sujets puis les grands thèmes que nous voulons nous-mêmes aborder au cours de ces négociations.

Alors, au fond, sauf si les fédéralistes étaient capables - s'ils pouvaient le faire aujourd'hui - par exemple, de nous proposer une option alternative, il n'y a que cela. On peut rêver. On peut exhumer le rapport Allaire des oubliettes et politiques récentes, mais on sait que le rapport Allaire, même le Parti libéral n'a pas pu vivre avec. Il a été obligé de convoquer un autre congrès pour le déchirer puis se priver des services de jeunes militants brillants comme le député de Rivière-du-Loup. Mais ce qui reste, M. le Président, présentement, en face de nous et pour l'avenir, on ne voit rien poindre d'autre que des choses qui vont diminuer du côté du Canada anglais puis un seul vrai projet politique, celui de la souveraineté du Québec.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, il reste à peine trois minutes. Alors, si vous voulez poser votre question, allez-y rapidement.

Mme Léger: Merci, M. le Président. Suite à ces nombreuses années où le Québec a fait valoir ses préoccupations d'exercer ses compétences, d'acquérir des pouvoirs supplémentaires au sein du fédéralisme, de même, d'exercer d'une façon exclusive ses compétences, le Canada a répondu entre autres par l'accord du lac Meech et Charlottetown. On peut aussi présumer ses intentions récentes par le plan B, l'accréditation de la partition, l'utilisation du judiciaire par le renvoi à la Cour suprême et même David Levine, récemment.

Le Québec, quant à lui, toujours de façon paisible et dans un respect de la démocratie, a fait un référendum en 1980, un référendum pour que la population s'exprime et non à la manière d'obscurs individus qui agissent en catimini et font des détractions derrière le dos du Québec. En 1995, nous sommes revenus avec un référendum, 15 années plus tard, toujours en respectant la démocratie. Et la population du Québec s'est prononcée à 49,4 % pour la souveraineté du Québec. Après toutes ces années, le Québec est allé à son maximum d'acceptation des offres canadiennes, et le Canada a obtenu 49,4 % comme réponse du Québec.

Cela a été pris durement au Canada. Le Canada a réalisé le bond considérable franchi au cours de ces 15 dernières années. Il a paniqué et s'invitait à prendre au sérieux la situation et à apporter des solutions. En guise de réponse à tout cela, le Canada anglais nous répond par la déclaration de Calgary, en nous considérant unique et que toutes les provinces sont égales. C'est sa réponse et c'est sa résultante.

M. André Tremblay nous disait, hier: C'est la déclaration de Calgary ou la souveraineté. Le maximum que l'on peut nous offrir au Canada, c'est la déclaration de Calgary. C'est le maximum. C'est la résultante de notre réponse de 49,4 %. On ne pourra jamais faire plus. Donc, c'est la déclaration de Calgary qui nous reste comme choix.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Pardon, madame.

(18 heures)

Mme Léger: Je sais très bien que, comme président du Parti québécois, notre formation politique, nous soutenons la thèse de la souveraineté.

Pensez-vous que le Canada anglais puisse nous offrir quelque chose de mieux que la déclaration de Calgary? Pensez-vous qu'après toutes ces années on peut s'attendre à un plus grand respect de notre affirmation nationale? Vous, M. Bouchard, qui fréquentez depuis quelques années les premiers ministres du Canada anglais, qui avez eu l'occasion d'échanger, de négocier avec eux dans plusieurs dossiers et plusieurs forums, pourquoi donc les premiers ministres du Canada ont-ils accepté de participer à une telle aventure, à offrir un tel document? Je ne peux croire qu'ils décodent à ce point mal la volonté et les attentes des Québécois.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre.

M. Bouchard: Je pense que je n'ai pas beaucoup de temps pour répondre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Effectivement, la question était...

M. Bouchard: Je pense que le coeur de la question, c'est: Est-ce qu'on peut, de façon raisonnable, espérer que va venir du Canada anglais autre chose que Calgary? Au fond, c'était la question. M. le Président, il faut s'inspirer quand même de ce qui est arrivé parce que, depuis 1990, chaque fois qu'au Canada anglais on s'est penché sur une proposition à faire au Québec, on est toujours allé en spirale descendante. On a toujours diminué. On négocie en reculant, du côté du Canada anglais.

Meech I, le premier Meech, là, les cinq conditions désavouées par le rapport Charest, qui fabrique un autre Meech dilué qu'on peut appeler le Meech II, refusé par le Canada anglais. Ensuite, on fait Charlottetown qui est en bas de Meech II, refusé même par le Canada anglais. Ça ne va jamais assez bas pour que le Canada anglais l'accepte. Ça baisse, ça baisse, puis le Canada anglais refuse tout le temps. Puis là ils nous sont arrivés avec Calgary qui est en bas de tout ce qui a jamais précédé les propositions qui ont été faites au Québec.

Alors, il est évident que la dynamique, c'est que le Canada anglais, se fiant sur les fédéralistes québécois, se fiant sur les libéraux du Québec, compte sur l'impossibilité pour les Québécois de pouvoir montrer assez de force politique pour arracher les concessions qu'il faut. Or, donc, ça dépend de nous, finalement. Je crois que - je vais répondre à la question très brièvement, M. le Président - finalement on peut se poser la question de façon académique: Est-ce qu'ils vont nous faire une proposition? Il n'y a pas d'espoir de ce côté-là. L'espoir n'est pas chez les autres, il est chez nous, M. le Président.

M. Fournier: Question de règlement.

M. Bouchard: Deux phrases. C'est fatigant, parler comme ça d'espoir, au Québec, mais on va finir là-dessus, si vous me permettez.

M. Fournier: Non, je demande simplement que le président applique le règlement, tout simplement.

M. Bouchard: Mais on m'a posé une question. Je voudrais y répondre.

M. Fournier: Oui, qu'on vous laisse 30 secondes pour terminer, je n'ai pas de problème, mais qu'on termine.

M. Bouchard: Bon. Alors, non seulement, M. le Président, les libéraux refusent de parler, mais ils veulent nous empêcher de parler nous autres mêmes à la commission.

M. Fournier: Si vous aviez laissé votre députée arrêter puis qu'elle vous pose la question plus tôt, vous auriez pu prendre tout le temps que vous voulez. De toute façon, c'est de la redite.

M. Bouchard: M. le Président, je voudrais finir sur deux phrases.

M. Fournier: Alors, il est 18 heures. Selon les règlements de la Chambre, c'est terminé. M. le Président, je vous demande d'appliquer le règlement, à moins que vous disiez au premier ministre qu'il a 30 secondes pour terminer. Pas de problème.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay, je vous rappellerai aussi que, dans votre préambule à votre question, vous avez pris plus de 22 minutes, alors qu'on ne dépasse jamais 20 minutes.

M. Fournier: Donnez-lui une minute, si vous voulez, mais...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je vous donne...

M. Bouchard: Il nous donne une minute, prenons-la, M. le Président. On nous offre une minute, sautons dessus.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Voilà. Alors, je vous invite, M. le premier ministre, à répondre brièvement.

M. Bouchard: M. le Président, il faudrait être poli quand même, non. On pourrait nous laisser parler. Non, non, non, une minute. Écoutez, M. le député de Châteauguay, vous venez de consentir à une minute de plus pour que je puisse répondre à la question. Alors, laissez-moi donc l'utiliser, cette minute, si vous me permettez.

Ce que je dis, M. le Président, c'est que c'est un peu futile d'essayer de savoir, finalement, s'ils vont finir par nous faire une offre supérieure à celles qu'ils nous ont déjà faites. Parce que toute l'histoire, depuis 150 ans maintenant presque, c'est non. Ça baisse tout le temps puis ça diminue tout le temps. Je crois qu'il faut plutôt se tourner vers nous-mêmes. Il faut plutôt décider si nous-mêmes voulons que l'intérêt public du Québec, que les revendications fondamentales du Québec se réalisent. Ça dépend de nous. Ça dépend uniquement de nous. Quand nous l'aurons compris, M. le Président, nous saurons qu'il faut prendre la décision, puis voter majoritairement pour un oui à un référendum sur la souveraineté.


Remarques finales

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, merci, M. le premier ministre. Ceci clôt la période des auditions publiques. Nous en sommes maintenant rendus à l'étape des remarques finales.

Alors, j'invite les membres à reprendre place et nous entamons les remarques finales. Alors, j'inviterais d'abord Mme la députée de Sherbrooke.


Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: Oui, M. le Président. L'exercice de la parole est au coeur même de notre vie de parlementaires. C'est parce que nous passons ici de longues heures à écouter, à réfléchir, à discuter, parfois de façon un peu musclée, que nous en arrivons à définir des orientations et voter des lois qui améliorent le sort des gens du Québec.

En certaines occasions, comme ces derniers jours, nous parlons de nos rapports avec le Canada. Que nous le voulions ou non, ces rapports sont au coeur des grands enjeux qui préoccupent la population. Avec raison, celle-ci veut l'assurance de soins de santé de qualité, de perspective d'emplois intéressants, de ressources dans le domaine de l'éducation. Mais il est faux de croire que nos politiques en cette matière ne dépendent que de nous. Elles dépendent aussi des pouvoirs que nous avons pour les définir et, bien entendu, des argents dont nous disposons pour les implanter. Cela s'appelle les règles du jeu.

Or, qu'est-ce que la déclaration de Calgary vient nous dire quant à ces règles du jeu? C'est la question à laquelle ont répondu 17 experts et deux partis politiques - deux sur trois parce que le Parti libéral n'est pas venu. Les échanges furent sérieux, à l'image de ceux et celles qui sont venus de bonne foi nous faire partager leur analyse et leur point de vue, mais aussi leurs doutes, leurs inquiétudes et parfois leurs désillusions.

Au terme de cet exercice, j'aimerais exprimer ce que j'en retiens, après avoir tout écouté, pris des notes et, quand le temps le permettait, posé des questions. En survolant les pages de mon cahier, je me rends compte que j'ai recueilli des mots clés qui, revus rapidement, sont comme une synthèse de nos discussions. Je les ai classés autour du contenu - de quoi parle-t-on - puis du contexte - quel est le décor - et enfin des images qui souvent ont remplacé les phrases avec beaucoup d'efficacité.

Le contenu, tout d'abord. À travers les sept articles qui constituent la déclaration de Calgary, deux éléments de contenu reviennent sans arrêt: ce qui réfère à la culture et ce qui réfère au pouvoir. La culture, notre culture, elle devrait être reconnue comme étant celle d'un peuple au même titre que les autochtones, qui, eux, ont droit à cette appellation dans la déclaration. Or, on est venu nous dire que la spécificité québécoise est banalisée, que le qualificatif de caractère unique est un symbole sans signification et sans portée. On nous a aussi démontré que de fois en fois nous allions de recul en recul. Les deux peuples fondateurs ont disparu au profit de la société distincte qui elle-même s'efface aujourd'hui devant ce nouveau caractère unique. Même ce dernier est censé s'épanouir dans ce régime fédéral et contribuer au bien-être du Canada.

Est-ce là le terreau pour exercer nos compétences en matière de langue et de culture? Je retiens plutôt qu'il y a menace d'affaiblissement de nos compétences législatives en matière linguistique, dont la plus belle pièce est la Charte de la langue française.

Autre élément de contenu: le pouvoir. Là-dessus, aucun doute n'est possible. Les mots qui reviennent évoquent l'ingérence du fédéral, le pouvoir du plus riche, l'intrusion en douce, le potentiel centralisateur de la déclaration de Calgary. La meilleure illustration en est l'évolution du pouvoir de dépenser, qui donne au gouvernement fédéral le moyen de se mêler de plus en plus de nos affaires dans les domaines de l'éducation et des politiques familiales, par exemple.

Passons maintenant au contexte évoqué par les experts, au décor dans lequel se tissent les relations Canada-Québec. Pour certains, l'évolution des deux sociétés se fait en parallèle, sans point de rencontre. Pour d'autres, le régime a quelque chose d'impérial et met en évidence l'inégalité, ou l'illusion d'égalité, ou encore l'égalité fictive entre les deux paliers de gouvernement. Et c'est là que les mots commencent à se charger d'un sens nouveau parce qu'il ne s'agit pas seulement d'idées, de concepts défendus par les uns et les autres. Il s'agit aussi des sentiments qu'éveille en chacun de nous cette délicate question de nos rapports avec le reste du Canada.

C'est pourquoi on a vu apparaître, au fil des présentations, des mots tels que: double impuissance du Québec, mi à l'intérieur, mi à l'extérieur du Canada, ambiguïté des offres et ambivalence des réponses, piège pour le Québec de ce type de partenariat, déclaration qui javellise, aseptise et ratatine le statut du Québec.

(18 h 10)

J'aimerais terminer sur des images qui ont valu bien des discours. Celle d'abord de la carte de Noël, offerte dès le début de ces auditions, bien reprise par les médias, et qui évoque qu'on ne nous oublie pas tout à fait. Celle ensuite du goulot d'étranglement ou de l'entonnoir dans lequel se trouvent bloquées les revendications du Québec. Celle, enfin, de la main tendue que certains voudraient que l'on saisisse sans trop savoir ce qu'elle renferme.

On le voit, les règles du jeu des rapports Canada-Québec contenues dans la déclaration de Calgary ne sont pas porteuses d'espoir. Ce regard que les autres portent sur nous ne nous convient pas non seulement parce qu'il rétrécit de fois en fois, mais surtout parce qu'il ne nous reconnaît pas pour ce que nous sommes et serons toujours, c'est-à-dire un peuple libre de ses choix.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Oui, peut-être me préciser si je peux séparer mon intervention en deux temps, de manière à respecter l'alternance.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Les remarques finales, c'est une intervention. Ensuite, le député de Rivière-du-Loup aussi. Alors, je vais vous donner votre temps. Vous disposez d'une période de 19 minutes. Alors, compte tenu de la fin des travaux, à 19 minutes je vous arrête.

M. Fournier: Ah! je n'ai pas de doute que, dans mon cas, vous allez m'arrêter, M. le Président. Je n'ai pas de doute que le règlement s'applique pour un côté, ça.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il s'applique pour tout le monde.

M. Fournier: Ça, je n'ai pas de doute.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay, d'ailleurs...

M. Fournier: Alors, je vais donc commencer, puisque mes 19 minutes...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...j'ai toléré le temps que vous avez pris pour poser votre question qui excédait le temps de parole normalement disponible.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Les remarques finales sur une commission où, somme toute, j'ai essayé de faire preuve du plus de fair-play possible même si je venais à reculons. J'ai essayé de faire preuve du plus de fair-play possible, je pense que vous l'avez constaté. J'aurais apprécié, j'aurais apprécié que, lorsque je vous demandais de faire appliquer le règlement, vous l'appliquiez. J'aurais apprécié. Ça n'a pas été le cas, c'est malheureux.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Et que vous le respectiez aussi.

M. Fournier: Ah! Bien, ça, ce sera aux autres intervenants d'y voir.

Il y a dans cette commission que nous avons eue sur Calgary des témoins qui ne sont pas venus. Et, évidemment, s'ils ne sont pas venus, c'est parce qu'ils ne voulaient pas jouer le homard dans la trappe que tendait le Parti québécois.

Simplement pour noter au passage, je le dis pour que ce soit au dossier, M. le Président. Je vais citer certains passages de gens qui avaient été invités, simplement pour que ce soit au dossier, que les gens se rappellent de ne pas tirer d'autres conclusions de cette commission que le fait qu'il y en a une moitié qui est venue puis une moitié qui n'est pas venue. Puis, dans la moitié qui est venue, on a entendu qu'il y avait des mains tendues, que c'était une ouverture. Il y en a qui ont dit le contraire. Puis, dans ceux qui ne sont pas venus, il y en a qui disaient que ce n'était peut-être pas si mal que ça puis qu'il y avait une ouverture au dialogue.

Alors, Vincent Lemieux n'est pas venu, il disait dans Le Soleil du mois de septembre: «Ce qui me semble le plus important, c'est que les neuf premiers ministres se soient mis d'accord pour discuter. Dans cette opération, ce ne sont pas les mots "société distincte" ou "caractère unique" qui sont importants, c'est le fait qu'on reconnaisse quelque chose de particulier au Québec, qu'on l'appelle comme on voudra.» Oui, de fait, il y a une ouverture à permettre que le Québec trouve sa place au Canada, c'est ce que Vincent Lemieux voyait.

Benoît Pelletier était un autre des témoins qui étaient sur la liste du Parti québécois. Benoît Pelletier a déjà écrit un texte au mois de novembre dans lequel il disait: «À première vue et pris isolément, ce dernier concept nous semble tout à fait acceptable, celui du caractère unique plutôt que société unique. Dans le fond, ce que recherchent surtout un grand nombre de Québécois, au-delà du vocabulaire choisi, c'est une reconnaissance constitutionnelle du fait que le Québec n'est pas une province comme les autres. Cette province n'est ni supérieure ni inférieure aux autres, elle est tout simplement différente, voilà tout.

«Dans le contexte du compromis de Calgary, le danger de voir l'égalité des provinces miner les particularismes qui s'expriment au sein du Canada est toutefois diminué à la lumière du fait que cette entente reconnaît également la diversité des provinces et la spécificité québécoise. Cette entente politique cherche d'ailleurs à établir un certain équilibre entre ces trois données.

«Certes, certains ont déjà noté que l'égalité des provinces est énoncée plus souvent dans le document de Calgary que le caractère unique du Québec. Toutefois, une telle analyse purement mathématique de l'ensemble du compromis de Calgary nous semble être plutôt simpliste. En effet, cette analyse omet que le caractère unique du Québec est reconnu comme étant fondamental pour le bien-être du Canada. En conclusion, le concept de caractère unique du Québec nous semble, en lui-même, être aussi valable que celui du caractère distinct du Québec. Par ailleurs, le cadre de discussion de Calgary nous semble chercher à établir un équilibre fort acceptable entre l'égalité des provinces, la diversité canadienne et la spécificité québécoise.»

D'autres témoins qui étaient sur la liste, qui ont préféré ne pas jouer le jeu de la trappe, comme on l'a vu d'ailleurs tantôt à la toute fin, quand on a vu que le règlement n'était même pas appliqué pour passer le message du premier ministre, quand ils se sont dit: On n'ira pas jouer ce jeu-là, ils avaient de bonnes raisons, mais c'est ce qu'ils auraient dit. Et je pourrais en citer d'autres.

J'ai déjà cité Brian Dickson. Je pense que, s'il y a quelqu'un qu'on peut écouter pour voir d'où ça vient... Surtout que le premier ministre essayait de dire qu'il y avait du magasinage de mots qui avait été fait. Simplement rappeler que Brian Dickson, le 27 juillet 1996, disait: «Parmi ces changements - il parlait des changements constitutionnels - certains nécessiteront éventuellement une forme quelconque d'enchâssement constitutionnel. C'est le cas notamment de la reconnaissance du caractère unique du Québec au sein du Canada - ça, ça se passait un an avant. Permettez-moi de dire tout de go que je suis très à l'aise avec ce concept. En fait, les tribunaux interprètent déjà la Charte des droits et la Constitution en tenant compte du rôle distinctif du Québec dans la protection et la promotion de son caractère francophone.»

Je vous rappelle que celui qui était devant nous, le premier ministre du Québec, il appuyait l'accord du lac Meech qui parlait d'une société distincte. Le juge Dickson nous dit: Elle est déjà appliquée. Certes, il faudrait la mettre dans la Constitution pour s'assurer que ce jugement ne change pas, mais la Cour suprême l'utilise comme guide. Ça existe déjà. Caractère unique, c'est équivalent. C'est ça qu'il nous dit. C'est ça qu'on aurait pu entendre au sein de cette commission.

Je vous recite le passage que j'ai lu tantôt du premier ministre du Québec qui dit qu'on magasine les mots. Il faut avoir du culot. Il disait ceci, le 15 février 1990, à l'Empire Club de Toronto, dans une vie antérieure, dans le temps qu'il était peut-être quelqu'un d'autre: «Hardly enough, what makes Québec a unique - ce n'est pas Tom d'Aquino qui parle, là, c'est Lucien Bouchard - distinct society - unique, distinct, qu'est-ce qu'il voulait dire? - in the existing Constitution is not primarily its French language and culture; what makes it different and unique...» Il magasine des mots? Voyons donc! Il appuyait ça!

Soyons honnête deux minutes. Le premier ministre du Québec actuel appuyait l'idée de société distincte, savait que unique, distinct, différent, ce que ça voulait dire, c'est que le Québec est particulier, qu'il a besoin d'avoir une place, qu'il soit reconnu et que, au fond, ce que Calgary fait, c'est de dire comment on peut dialoguer, ouvrir un dialogue ensemble pour parler de ça, pour faire en sorte que Québec retrouve la place qui lui revient dans l'ensemble canadien.

C'est un appel au dialogue. Je rappelle cette citation, encore du premier ministre du Québec, que je vous ai lue tantôt, à propos du Canada: «Nous savons que nous partageons un pays libre - ce n'est pas une prison, là, c'est ça qu'il disait, il a changé d'idée - qui s'est fixé comme objectif d'aplanir les inégalités entre les hommes et les femmes, entre les ethnies, entre les groupes linguistiques, entre les riches et les pauvres. Et, si le Canada, sur la scène internationale - puis là le député de Rivière-du-Loup qui parlait de la partition, tantôt, le député du Lac-Saint-Jean qui est ici qui nous parle du chaos puis qui a déjà parlé de l'armée, il devrait relire le passage comme il faut de son premier ministre - parle de paix d'une voix autorisée et crédible, c'est qu'à l'intérieur il s'est toujours efforcé de résoudre dans le dialogue les occasions de conflits qui surgissaient.»

Pas de les provoquer. Pas de les provoquer. Pas de mettre de l'huile sur le feu. Le dialogue, disait Lucien Bouchard, dans une vie antérieure, avant d'être premier ministre du Québec, du Parti québécois, devrais-je dire. Je veux vous rappeler encore que, sur l'union sociale, il dit que c'était une des grandes réussites canadiennes. J'ai eu l'occasion de le dire et de la lire, cette citation de Lucien Bouchard, assez souvent.

Je pense qu'on a fait le tour des contradictions. On en a assez, en tout cas, de contradictions du premier ministre du Québec, et je pense que son test de sincérité qu'on lui a posé tantôt, bien, il l'a échoué lamentablement. Il n'a pas dit un mot. Pas dit un mot. Pas un mot sur le 20 000 000 000 $. Moi, je vais aller plaider vendredi à la Commission d'accès à l'information. Ça fait deux ans que je cours après ça. Les Québécois veulent savoir.

Je pense que le Parti québécois devrait avoir honte de mettre la main sur le coeur puis de venir nous dire: Nous, ce qu'on veut, c'est informer les Québécois. Il faut avoir du culot en maudit, quand tu leur caches pendant une campagne référendaire où on exerce notre droit à l'autodétermination, oui, si précieux, mais qu'on leur cache... En fait, c'est plus que cacher. On fait la promotion d'un Eldorado puis dans nos cartons, en arrière, on est en train de se préparer pour les contrecoups qui vont être non seulement sérieux, plutôt durs, à la hauteur de 20 000 000 000 $ de notre argent qui est dans notre fonds qui s'appelle la Caisse de dépôt, qui est le fonds de retraite de tous les Québécois et les Québécoises.

Ça n'a pas l'air de vous déranger beaucoup. Ça n'a pas l'air de déranger personne du côté du Parti québécois qu'on ait laissé un référendum aller en faisant croire à l'Eldorado puis que, de l'autre côté, on se préparait à un gros trou économique. Ça n'a pas l'air à vous déranger beaucoup.

(18 h 20)

Ah non! nous, ce qu'on veut, c'est informer les Québécois. Informer les Québécois! 20 000 000 000 $! La députée de Pointe-aux-Trembles me parle d'un déficit de 6 000 000 000 $. Ça n'a pas de commune mesure avec la tromperie qu'on a faite aux Québécois au dernier référendum, la cachette, cachette qui continue. J'ai demandé au premier ministre: Est-ce qu'il s'engage à le rendre public? Pas un maudit mot là-dessus. Le respect des Québécois, mon oeil! Le premier ministre du Parti québécois, le premier ministre de Jonquière.

Revenir à cette commission, M. le Président. Une carte de Noël, une carte de Noël. L'image était bonne. Une carte de Noël. Une carte de Noël, c'est quoi? D'abord, c'est quelqu'un qui pense à nous. C'est le contraire de quelqu'un qui pile sur le drapeau. C'est le contraire de quelqu'un qui nous veut du mal. Commençons par se dire ça. Hum? Et je comprends que ce qui est le réflexe du Parti québécois quand il reçoit la carte de Noël, ce n'est pas de lire le texte. Il regarde qui a signé la carte, puis il dit: Oh! c'est les premiers ministres des provinces. Dans leur langage, ils appellent ça le Canada anglais, comme si c'était un gros bloc monolithique. Ah! c'est les premiers ministres des provinces qui ont signé ça. Oh! ce n'est pas bon pour le PQ. Il prend la carte, sacre ça aux vidanges.

C'est ça qui s'est passé le lendemain puis le surlendemain, où on nous a dit: Il n'y aura pas de consultation là-dessus. Ce n'est pas bon, c'est pourri, ça vient du Canada. On sacre ça aux vidanges. Non, c'est une carte de Noël. Qu'est-ce qu'elle dit, qu'est-ce qu'il y a dans la carte de Noël? Bien, ça dit à peu près ceci, comme une carte de Noël. Ça dit: En cette période des fêtes, on va regarder d'où on vient, ce qui s'est passé, puis les occasions ratées. Puis il y en a eu, des occasions ratées, des occasions manquées.

Mais, quand tu es dans le temps des fêtes puis que tu prépares tes cartes, tu penses aussi à l'avenir puis tu dis: On a peut-être manqué des coups, mais, pour l'avenir, j'aimerais ça si on pouvait reprendre ça, si on pouvait engager un dialogue, si on pouvait faire une place au Québec.

Vous nous demandez ce que le Parti libéral du Québec pense de Calgary. Je ne comprends même pas que vous posiez la question, à part pour les effets de propagande. On l'a dit le lendemain: C'est un pas, un pas dans la direction du dialogue. C'est ce qu'on a dit le lendemain, puis, si vous ne nous croyez pas, allez lire les transcripts. On a dit ça ici, à la salle des conférences. Mais ça ne vous intéresse pas ce qu'on dit. Vous aimez beaucoup mieux nous mettre des mots dans la bouche. Ça, c'est la tactique péquiste reconnue: on met des mots dans la bouche, on invente pour eux autres, on leur fait leur position, hein. C'est incroyable!

Position Reconnaissance et interdépendance . Au moins, le ministre, aujourd'hui - victoire! - a compris. On a un programme constitutionnel. Il s'appelle Reconnaissance et interdépendance . Il l'a lu. Je ne sais pas s'il l'a lu au complet ou si c'est ses acolytes qui l'ont lu, mais, s'il le lit au complet, il va voir que, sur certains points, s'ils travaillaient avec nous, on pourrait faire du chemin, comme ils ont accepté finalement de le faire avec les commissions scolaires linguistiques.

Oui, c'est une carte de Noël qui dit: Il y a eu des occasions ratées, puis, si on regarde l'avenir, il y a une place pour le Québec dans le Canada, puis on voudrait que vous y participiez. Alors, le PQ dit non, évidemment. Et qu'est-ce qu'il y a aussi dans cette carte de Noël? Il y a comme un petit P.S. en dessous puis ça dit: N'oubliez pas de regarder le reste du courrier qu'on vous a envoyé. Ouvrez tout le courrier qu'on vous a envoyé.

Parce que, moi, ça a été une surprise pour moi de m'apercevoir que Jacques Frémont, qui vient ici, nous dit: Écoutez, sur les négociations sur l'union sociale depuis 1995, je dois vous dire que je ne suis pas au courant. Je lui parle d'un document des premiers ministres des provinces sur l'union sociale, il dit: Je ne suis pas au courant. Vous vous rappellerez, il nous a dit: Bien, c'est difficile à obtenir. Puis j'ai dit: C'est sur Internet. Vous vous en souvenez, là? C'est ça qu'il a dit.

J'ai posé la question, après, à tout le monde. Me Duplé m'a dit: J'ai choisi de ne pas en parler. Je comprends ce qu'on fait ici. Je comprends. Si on voulait une meilleure démonstration de la trappe à homards que constitue cette commission, une meilleure, je pense que je pourrais difficilement en trouver. Me Duplé dit: Moi, j'ai choisi de parler du point 7 tel qu'il est, sans le mettre dans son contexte de l'ensemble des discussions sur l'union sociale. Bien non. Pourquoi? Parce qu'il aurait fallu parler, à ce moment-là, du fait que le ministre lui-même trouve que le libellé qui est sur la table nous rapproche, est intéressant, est un progrès. Mais, non, là, on voulait jouer le jeu plus du gouvernement. Comprends-tu? Il fallait passer le message, supposément pour informer le monde.

Aïe! aïe! ce n'est pas comme ça qu'on informe le monde. Si on informe le monde, on met tout sur la table, on permet qu'il y ait une discussion large et puis, surtout, on leur dit: Quand on veut informer, c'est parce qu'on veut améliorer.

Alors, le défaut, je dirais le déficit le plus grand de cette astuce qu'est cette commission, c'est probablement le fait que le gouvernement du Parti québécois a choisi de ne pas représenter les Québécois, de ne pas écouter le référendum, de ne pas travailler à améliorer le Canada pour faire une place au Québec. Et aujourd'hui il veut nous dire que c'est bien effrayant, les tentatives, les ouvertures au dialogue là-dessus. Ça ne nous intéresse pas; nous, on ne veut pas améliorer. Alors, à quoi bon faire une commission bidon, dans le fond, qui tourne en rond? Vous avez déjà tiré la conclusion. Ça aurait été préférable, ça aurait été bien préférable qu'on fasse une commission sur la santé.

Si on avait fait une commission sur la santé, il y aurait eu des infirmières, des médecins, des représentants des malades qui seraient venus dire au gouvernement qu'il y a eu des erreurs puis peut-être qu'il y aurait eu des solutions qui auraient été amenées, proposées au gouvernement dans l'intérêt des Québécois. Peut-être que c'est ça qu'on aurait aussi appris. Mais ce n'est pas le choix que vous avez fait! Le gouvernement a fait le choix de camoufler.

Puis je vous le dis tout de suite, là, c'est ce qu'il va faire aussi pour la campagne électorale. Le premier ministre nous dit: Moi, je suis fier de mon bilan puis on va en parler pendant la campagne électorale. Foutaise! Il ne faut pas le croire. Bien, en réalité, on ne peut jamais le croire, lui. On l'a passé, le test de sincérité, tantôt, là: c'est zéro. Il ne veut pas en parler, de son bilan. Voyons donc!

Lui, ce qu'il veut, c'est diviser les Québécois. Il vit de ça. Le Parti québécois, ça existe comment, ça? Ça existe si ça ne marche pas, s'il y a des échecs. Que tu les inventes, que tu inventes l'humiliation, ce n'est pas grave. Ça marche comme ça, le Parti québécois, parce que le principe de base du Parti québécois, c'est le grief. Ça ne fonctionne pas, tout est mauvais, on s'en va. Alors, là, si ça commence à fonctionner, c'est moins bon pour la campagne, c'est moins bon pour le membership. Les gens disent: Oui, mais là écoute, ça commence à fonctionner.

Moi, quand je regarde 1997, la main-d'oeuvre, l'union économique, l'approfondissement de l'Accord sur le commerce interprovincial, on s'en souvient, on en a parlé tellement ensemble, le ministre et moi. Il était contre ça, dans le temps, à la dernière campagne électorale. Il a fait une campagne contre ça. Vous avez été élus contre ça, mais vous avez fini par comprendre que c'était une bonne idée. Vous avez dit oui, on a passé un projet de loi n° 15, l'Accord sur le commerce interprovincial, l'approfondissement.

C'est sûr que, si on se sépare, on le perd, cet Accord-là. C'est un accord sur le commerce interprovincial. Ça se comprend, évidemment! Mais, au moins, vous avez accepté, dans le temps présent, de l'améliorer. C'est un progrès, ça. La main-d'oeuvre, c'est un progrès, l'approfondissement de l'union économique, c'est un progrès, l'amendement constitutionnel sur les commissions scolaires linguistiques...

Un amendement constitutionnel! Le ministre va dire: Bien, oui, c'est nous autres qui l'avons fait. Aïe! L'amendement constitutionnel, ça vous «tente-tu» qu'on en parle, là? L'historique du débat pour s'apercevoir comment la ministre de l'Éducation était contre, comment il a fallu monter une pression puis s'assurer que tout le monde allait tellement dans ce sens-là que là le PQ ne pouvait plus rien faire d'autre. Bien, par chance, ils l'on fait! Il faut saluer ça. On devrait continuer dans ce sens-là: faire des progrès. Il y en a, des progrès. Il ne faut pas avoir peur de le dire. Il ne faut pas regarder juste les choses qui ne vont pas bien.

Le pouvoir de dépenser. Moi, là, s'il y en a un, parti, qui s'est tenu debout, c'est bien le nôtre. On initie des motions en Chambre pour essayer de lever quelque chose. Sur les bourses du millénaire, combien de fois on s'est levé puis qu'il y avait le leader en face, là, qui disait: Non, non, non, on ne veut pas parler de ça! Il y a un libellé qui est sur la table. Puis là la plus grosse farce - je change de sujet, M. le Président - c'est quand le premier ministre nous dit: Mon ministre, lui, est au courant, il suit ça. Il suit ça! Boy! Parlez-y, là, je pense qu'il n'est pas au courant. Parce que, moi, je l'ai, là, selon le SAIC, combien de fois on va assister à ces rencontres-là. Puis il est allé une fois sur combien en tout, là, je ne sais pas, une trentaine, peut-être, sur deux ans, trois ans? Une fois.

Alors, moi, je regarde ça puis je me dis: Faisons une petite conclusion de tout ça. Si on a comme mandat de représenter la population, est-ce qu'on ne doit pas, même si on est un gouvernement séparatiste, dire non à la séparation? Ça veut dire que le Québec n'est pas séparé. Si le Québec n'est pas séparé, ça veut dire qu'il est encore dans le Canada. S'il est encore dans le Canada, ça veut dire que, comme mandat de gouvernement, je dois représenter mes électeurs, ma population dans le cadre canadien. C'est ça que ça veut dire.

Alors, dans ce temps-là, on ne répond pas à tous les jours: Moi, je n'ai pas le mandat d'améliorer le Canada, comme le ministre fait. On ne dit pas ça. Au contraire, on dit: Voilà, j'avais un projet. Les Québécois l'ont rejeté. Maintenant, je dois continuer ce mandat-là, je ne suis pas allé en élection. Le PQ, il n'est pas en élection, le lendemain. Il dit: Moi, je reste. Je suis là, je reste, j'en profite! Et il fallait plutôt respecter la volonté démocratique des gens et il fallait dire: Je vais travailler à améliorer le Canada.

(18 h 30)

Alors, ce gouvernement - et je conclus là-dessus, M. le Président - nous amène dans une commission où on tente de parler moins de santé, moins d'éducation, moins d'emploi en monopolisant l'opinion publique sur Calgary, sur la Constitution. Je pense que ce n'était pas une astuce tellement démocratique, pour dire le moins.

Et, par ailleurs, quand un gouvernement a déjà dit qu'il n'allait pas améliorer le Canada, qu'il n'allait pas faire la place que le Québec cherche dans le Canada, qu'il n'allait pas défendre les intérêts des Québécois sur une base de services auxquels on s'attend, comment on peut donner de la crédibilité à ce type d'opération, comment on peut croire à ça?

J'ai fait le tour des contradictions que le premier ministre tient depuis plusieurs années sur le sujet. Moi, j'espère juste qu'on finisse par avoir l'heure juste, à un moment donné. Je suis tanné des contradictions de ce gouvernement-là, je suis tanné des leurres, des faux-fuyants, des on va informer le monde, on veut informer le monde, quand, une semaine avant, on a dit: Nous autres, on veut aller débusquer Jean Charest. Cette affaire-là, c'est pour essayer de planter les libéraux parce qu'ils sont en avance, puis on est en train de paniquer puis on veut gagner des élections. C'est ça qu'ils ont dit, M. le Président, c'est ça qu'ils font.

Alors, il me semble qu'on est tanné de ça, il me semble qu'on est tanné d'un gouvernement qui fait ça. Les Québécois sont tannés des astuces puis des chicanes. Je l'ai déjà dit. Ils se disent: On paie assez cher, faites ça comme il faut, entendez-vous, faites qu'on ait des services de santé, en éducation, faites que l'économie fonctionne, faites que l'hypothèque référendaire soit levée, faites que les investissements restent, que les investissements viennent, faites que notre richesse collective s'accroisse plutôt que d'assister à l'appauvrissement auquel on est subordonné à tous les jours.

Je disais, d'entrée de jeu, dans les remarques préliminaires, M. le Président, que je venais ici à reculons. Je suis très heureux de quitter, je suis très heureux de pouvoir m'assurer que, par le fait que je quitte, ça veut dire que le ministre quitte aussi. Et, si le ministre quitte, ça veut dire qu'il aura du temps pour s'occuper de la défense des intérêts du Québec. Et je souhaite qu'à partir de demain il s'applique à rencontrer, discuter avec ses homologues des autres provinces pour s'apercevoir qu'on peut, ensemble, progresser dans l'intérêt de tous les Québécois. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Châteauguay. M. le député de Bourget.


M. Camille Laurin

M. Laurin: M. le Président, les nombreux experts entendus lors de cette commission sont reconnus pour leur profonde connaissance des dossiers constitutionnels Canada-Québec. Ils ont fait preuve, comme lors des discussions sur la Constitution de 1982, Meech et Charlottetown, d'une indépendance d'esprit remarquable. Ils nous ont livré généreusement le fond de leur pensée, que ce soit dans leurs mémoires ou dans leurs échanges avec les membres de la commission. Leurs opinions ont du poids et devraient faire réfléchir sérieusement tous les citoyens du Québec.

De ces opinion ainsi que de la pseudoparticipation fantomatique du Parti libéral du Québec, dont le chef semble avoir pour devise: Je m'avance masqué, je retiens, pour ma part, les conclusions suivantes. Un, même si elle se veut une réponse du Canada anglais au Oui souverainiste à 49,5 % du référendum de 1995 et aux demandes pressantes et répétées des fédéralistes québécois qui ont rejeté la Constitution de 1982, le renouvellement en profondeur du fédéralisme centralisateur et prédateur d'Ottawa, la déclaration de Calgary passe totalement à côté des attentes et revendications du Québec des 40 dernières années.

Deux, le Québec n'y est pas reconnu comme peuple alors que les autochtones le sont. On n'y reconnaît plus au Québec le statut de peuple fondateur à l'égal du Canada anglais de l'époque de la Confédération canadienne. La dualité canadienne, toujours reconnue avant Trudeau, Chrétien et Charest, n'y apparaît plus. Et le caractère français du Québec n'y est plus évoqué que comme un élément parmi beaucoup d'autres de la diversité et du multiculturalisme canadien.

Trois, malgré les caractéristiques spécifiques qu'on veut bien lui reconnaître, le Québec doit se contenter d'un statut égal à celui des autres provinces, comme l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve. Ses pouvoirs en matière de langue, de culture, d'éducation, de santé doivent s'exercer au sein du Canada, c'est-à-dire en tenant compte des règles du jeu que lui imposent l'accord constitutionnel de 1982 et tous les autres, toujours plus centralisateurs, qui se dessinent à l'horizon. Il n'a droit à aucun pouvoir particulier, à moins que cet éventuel pouvoir soit offert en même temps aux autres provinces. Au cas où il refuserait de participer à un accord conclu entre les autres provinces et Ottawa, il perd tout droit à une juste compensation financière ou à un transfert équitable de points d'impôt.

Quatre, par l'article 7 de la déclaration, le Québec est invité à se concerter avec le Canada anglais et à signer avec lui la prochaine entente-cadre sur l'union sociale, qui conférera, pour la première fois, au gouvernement central le pouvoir de dépenser dans les juridictions provinciales qu'il envahit, par exemple, santé, éducation, services sociaux, et le reste, auxquels le Québec a toujours tenu comme à la prunelle de ses yeux.

Cinq, non seulement le Québec n'a-t-il rien à gagner d'une pareille déclaration éventuellement incorporée à la Constitution canadienne, mais il risque d'y perdre les quelques juridictions importantes qu'il lui reste. À cet égard, la déclaration de Calgary n'est pas un premier pas en avant ou une invitation au dialogue, mais un énorme recul et une menace d'étranglement du Québec; non pas une main tendue, mais un poing fermé, car le Canada anglais ne lui offrira jamais davantage et continuera ses manoeuvres d'encerclement.

Six, le Parti libéral du Québec s'est refusé, tout au long des travaux de la commission, à discuter de ces enjeux majeurs. Il a tourné autour du pot, dansé autour d'un problème pourtant de vie ou de mort pour l'avenir du peuple québécois. Pourquoi ces entrechats acrobatiques? Pourquoi cette fuite suicidaire? Pourquoi? Pour ménager son nouveau chef qui se tortille comme un diable dans l'eau bénite pour ne pas montrer au peuple québécois ses vraies couleurs, qui risqueraient de l'effrayer. Car ses vraies couleurs apparaissent nettement dans le programme Charest de la dernière élection fédérale et dans la longue lettre de Charest-McKenna en septembre 1997.

Résumons-les en quelques lignes: Notre pays, dit Charest, est né d'une union économique et non pas, comme tout le monde nous l'a dit ici d'un contrat entre deux peuples. Le gouvernement central ne doit pas se départir de ses pouvoirs, mais, bien au contraire, les augmenter. Il ne faut surtout pas accorder au Québec un traitement de faveur, des pouvoirs ou des privilèges spéciaux. Il faut reconnaître à toutes les provinces une égalité de statut. Les questions d'intérêt pancanadien, c'est-à-dire à peu près toutes, dans la tête de M. Charest, doivent être assumées par le gouvernement fédéral, dans un esprit de partenariat. Un gouvernement Charest conclura avec les provinces un pacte canadien prévoyant des normes nationales en matière de soins de santé, d'éducation, de formation, de politique économique et de commerce interprovincial.

L'heure n'est pas venue de procéder à des modifications constitutionnelles. Attendons, pour cela, que Jean Charest remplace Lucien Bouchard comme premier ministre du Québec. Mais, le moment venu, il faudra aller rapidement de l'avant. Jean Charest appuiera les initiatives centralisatrices de Jean Chrétien en matière de santé, d'éducation, et le reste - bourses du millénaire, prestations pour enfants, et j'en passe - car il avait pris les mêmes engagements et allait même plus loin dans son programme de 1997.

(18 h 40)

Jean Charest a réussi à se défiler jusqu'ici. Il a honte. Il se cache. Il a peur. Mais le masque finira bien par tomber, et le peuple du Québec rejettera alors aussi bien cette déclaration informe et dangereuse que celui qui la souhaitait et l'appuyait sans oser l'avouer. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le ministre.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Je vais me limiter à quelques brefs commentaires. D'abord, moi, je dois vous dire bien sincèrement, M. le Président, que j'ai trouvé cet exercice extrêmement utile. Les échanges qu'on a eus avec les experts et aussi évidemment les partis politiques qui ont accepté de venir nous rencontrer, ces échanges-là nous ont permis, je pense, de bien analyser le contenu d'un document politique majeur qui, s'il est vrai que ce n'est pas un document constitutionnel, ou que ce n'est pas un amendement constitutionnel, n'en demeure pas moins un document politique majeur et qui vient d'être adopté, à partir d'hier, par neuf Parlements des neuf provinces du Canada anglais, ce qui n'est pas rien.

Je pense que les échanges avec les experts ont été extrêmement utiles. Je pense que maintenant on en connaît bien le contenu, de cette déclaration. On en a bien saisi la portée aussi. Puis l'objectif de la commission, c'était ça. C'était un objectif parfaitement légitime.

Encore une fois, le premier ministre l'a indiqué, alors qu'il était chef du Parti conservateur, M. Charest a réclamé, à la Chambre des communes, la tenue d'un comité mixte Sénat-Chambre des communes du Parlement fédéral. Il disait même, dans sa missive aux premiers ministres, à ce moment-là: Il faudrait que les chefs des partis fédéraux participent activement aux travaux de ce comité mixte de Sénat-Chambre des communes sur la déclaration. Elle n'était pas encore connue, la déclaration, mais il savait que ça se préparait, que les premiers ministres allaient se réunir à Calgary. Et, à ce moment-là, il leur disait: Écoutez, cette déclaration-là, c'est important, ce que vous faites là. Il faudra regarder ça et il faudra que la Chambre des communes, par un comité mixte, examine minutieusement cette déclaration. Ça, c'était l'opinion de M. Charest, comme chef du Parti conservateur.

Et voilà que, comme chef du Parti libéral du Québec, il trouve ça tout à fait illégitime qu'une commission parlementaire de l'Assemblée nationale fasse exactement ce qu'il proposait qu'un comité mixte Sénat-Chambre des communes fasse à Ottawa. Alors, je trouve ça un peu curieux comme comportement. On l'a à maintes reprises mise en lumière, cette curiosité, ce paradoxe, en quelque sorte. Je sais que le député de Châteauguay nous a servi depuis le début les mêmes ritournelles: commission bidon, détournement d'institution. Bah! C'est un peu gros comme accusation. Je pense que ça ne fait pas très crédible. Et la plupart des experts qui sont venus devant nous d'ailleurs ont, je pense, presque tous dit, d'entrée de jeu, que c'était important que l'Assemblée nationale, institution démocratique par excellence du Québec, de la société québécoise, se penche sur cette déclaration, l'examine puis en fasse le tour, comme on dit.

Donc, dans cette perspective-là, les accusations du député de Châteauguay de commission bidon, de détournement d'institution, je pense que ce sont des accusations qui sont peu crédibles, qui valent ce qu'elles valent, c'est-à-dire des manoeuvres partisanes pour, encore une fois, justifier l'absence du chef du Parti libéral du Québec. On l'a maintes fois soulignée. Tout à l'heure, j'ai souri quand j'entendais le député de Châteauguay qui disait: Il faudrait qu'on ait l'heure juste. Il faudrait que le gouvernement nous donne l'heure juste. J'aimerais ça que l'opposition officielle nous donne l'heure juste aussi. Je sais bien qu'il brandit...

Une voix: ...

M. Brassard: Voilà, il le fait encore une fois. Il brandit à chaque fois son programme Interdépendance et reconnaissance , sauf que je n'ai pas encore vu le chef du Parti libéral du Québec brandir ce programme. Il aurait été intéressant de voir, dans ce programme, quels sont les éléments que le chef du Parti libéral, M. Charest, assume, prend à son compte. Le député de Châteauguay me dit: L'ensemble du document. On verra bien. Mais ça aurait été non seulement intéressant, mais je pense qu'il allait de soi... Et ça, à tout le moins, le chef de l'ADQ, l'Action démocratique du Québec, lui, a bien compris l'exercice et a bien compris qu'un parti politique québécois ne peut pas se permettre d'être silencieux face à ce qui, il faut bien le reconnaître, constitue une offre du Canada anglais au Québec à la suite du référendum et face aux demandes québécoises en cette matière.

Je voudrais juste faire une remarque également sur le référendum de 1995 parce que ça, le député de Châteauguay revient constamment là-dessus en disant: Le gouvernement n'accepte pas les résultats référendaires. Je ne comprends pas comment il peut dire ça. Le gouvernement accepte les résultats référendaires. Si on n'acceptait pas les résultats référendaires, le Québec serait souverain aujourd'hui. On accepte les résultats référendaires. Les Québécois ont dit non à notre proposition puis à notre projet d'un Québec souverain. On ne le fait pas. Le Québec n'est pas souverain aujourd'hui. Il est toujours membre de la fédération canadienne.

Sauf que là il va beaucoup trop loin en interprétant les résultats référendaires en disant qu'il y a un mandat là-dedans qui vient du peuple de procéder au renouvellement de la fédération canadienne. Pas du tout. Le seul résultat référendaire, c'est que les Québécois ont dit non, avec une très faible majorité, à ce qu'on leur proposait, le projet de souveraineté. C'est ça, le résultat référendaire. Ils ont dit non au projet de souveraineté avec une offre de partenariat. Ils n'ont pas dit oui à quelque projet que ce soit de transformation du régime fédéral. D'aucune façon. Alors donc, oui, on est dans le régime fédéral, c'est clair, mais on n'a pas de mandat, mais absolument aucun mandat d'accepter des transformations, comme celles qu'on retrouve dans la déclaration de Calgary, du régime fédéral. Absolument pas, d'aucune façon.

Et je terminerai là-dessus, M. le Président. Il me fait sourire souvent, le député de Châteauguay. Je crois que, dans ses remarques finales, je le trouvais un peu hargneux, je dois dire. J'aime mieux quand il est plus détendu. Dans ses remarques, il a dit de la déclaration de Calgary que c'était le chantier de la reconnaissance. Il y avait plusieurs chantiers, paraît-il. C'est vraiment un gros chantier, le Canada. C'est assez extraordinaire. Et, entre autres, la déclaration de Calgary, c'était le chantier de la reconnaissance. Bien, quand on a entendu les experts venir témoigner devant nous, ce n'est pas la conclusion qu'on doit avoir. Ce n'est pas le chantier de la reconnaissance, la déclaration de Calgary. C'est le cimetière des revendications historiques du Québec.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: C'est ça, la déclaration de Calgary. C'est loin d'être un chantier de la reconnaissance, c'est un cimetière.

Donc, dans cette perspective-là, je pense que les Québécois, après ces deux semaines, seront mieux informés sur le contenu de la déclaration. C'était l'objectif qu'on visait, sauf qu'ils n'en sauront pas plus sur ce que pense le chef du Parti libéral. Il faudra bien un jour qu'il nous le dise parce que, quand il y aura des élections - ce n'est pas dans le mois qui vient, ce n'est pas le mois prochain, alors ne soyez pas trop fébriles, ce n'est pas demain la veille, ça viendra en son temps - il faudra bien que le chef du Parti libéral se commette et nous dise ce qu'il en pense, non seulement de la déclaration de Calgary, mais également de ce qu'il entend faire sur le plan constitutionnel et pour régler la question du Québec.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, sur ce, je vous remercie de vos remarques finales.


Mémoire déposé

Avant de conclure ces travaux, je voudrais déposer le mémoire de M. Claude Ryan qui l'a acheminé à la commission. M. Ryan n'a pas été entendu à la commission, selon son voeu. Alors, je le dépose, pour les fins de cette commission.

Alors, merci de votre participation et nous ajournons nos travaux sine die sur ce mandat. La commission des institutions reprend cependant ses travaux ce soir à 21 heures sur un autre mandat. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 50)


Document(s) associé(s) à la séance