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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 29 mars 2000 - Vol. 36 N° 57

Consultation générale sur le projet de loi n° 99 - Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. Roger Bertrand, président
M. Joseph Facal
M. Marc Boulianne
M. Roger Paquin
M. Benoît Pelletier
Mme Fatima Houda-Pepin
*M. Henri Massé, FTQ
*M. René Roy, idem
*M. Keith Henderson, Parti Égalité
*M. Brent Tyler, idem
*M. David Wood, idem
*M. Renaud Lanthier, Impact Jeunesse Montérégie
*M. Bernard Ouellet, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente et une minutes)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions réamorce ses travaux dans le cadre de la consultation générale et des auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec.

Tout d'abord, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, il n'y a aucun remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il n'y a pas de remplacement. À l'ordre du jour proposé pour cette journée, nous rencontrerons d'abord, pour une période d'une heure, les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, suivra M. Alain Gaumond, en avant-midi. Nous suspendons nos travaux, en principe, à 11 heures pour reprendre avec le Parti Égalité à 15 heures; à 16 heures, Impact Jeunesse Montérégie; à 17 heures, Mme Dana Larrivée. Normalement, nous pourrions ajourner nos travaux vers 17 h 30. Est-ce que ce projet d'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.


Auditions

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Nous en venons donc à la rencontre des représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, dont son président, M. Henri Massé. J'inviterais M. Massé et les personnes qui l'accompagnent à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Je rappelle que nous avons réservé une période d'une heure pour la présente rencontre – il ne s'agit pas d'un objectif à atteindre mais d'une limite, disons – et, pour la première partie, une vingtaine de minutes maximum consacrées à la présentation. Je pense, M. Massé, que vous connaissez bien la formule. Nous passons par la suite aux échanges. Vous avez la parole, en vous invitant bien sûr à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.


Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Massé (Henri): Oui, M. le Président. D'abord, je voudrais vous remercier de cette invitation. Je suis avec René Roy, qui est le secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, et Suzanne Amyot, vice-présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. René Roy va présenter le mémoire.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. M. Roy.

M. Roy (René): Alors, bonjour, messieurs dames. L'exercice de consultation auquel la FTQ entend se prêter est essentiel. Il importe en effet que le plus grand nombre puisse se prononcer sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec. La FTQ, qui représente près de 500 000 travailleuses et travailleurs québécois, vous remercie de cette possibilité qui lui est offerte de se faire entendre.

Nous n'entendons cependant pas réagir de manière classique par une analyse détaillée du projet de loi n° 99. Nous souhaitons plutôt identifier clairement l'objectif qui, selon nous, devrait être poursuivi et préciser les principes qui sous-tendent notre appui à toute démarche visant à faire parler d'une seule voix l'Assemblée nationale du Québec.

Un seul objectif: répondre dans l'unanimité aux attaques fédérales. Le gouvernement fédéral, en déposant son projet de loi, dit souhaiter une question et une majorité claires. Les Québécois et les Québécoises, par la voix de leur Assemblée nationale, doivent donner une réponse tout aussi claire à cette tentative du fédéral de s'ingérer dans ce qui ne le concerne pas. S'il est vrai que le Parlement du Canada aura à prendre des décisions quant aux stratégies qu'il devrait mettre de l'avant suite à un référendum québécois gagnant, il est pour le moins prématuré de prendre dès maintenant des positions stratégiques qui ne peuvent tenir compte du contexte concret dans lequel les deux gouvernements se retrouveraient dans un futur proche ou éloigné.

La population du Québec s'attend à une réaction unanime et ne pourrait accepter que, pour des considérations uniquement partisanes, les trois partis politiques soient incapables de s'entendre. Le Québec doit donc réagir d'une seule voix à cette attaque du fédéral, comme il a toujours su le faire dans le passé sous la direction de gouvernements québécois tant fédéralistes que souverainistes. C'est une telle unanimité qui permettra au message québécois de passer auprès du gouvernement fédéral mais surtout auprès de l'ensemble de la population canadienne. La manière de l'obtenir, par ce projet de loi ou autrement, appartient à l'Assemblée nationale tout entière. Et la FTQ n'entend pas privilégier un moyen plutôt qu'un autre.

Un premier message: maîtres de notre destin. Un leitmotiv: les Québécoises et les Québécois sont membres de leur destin. C'est à eux et à eux seuls de décider de l'avenir du Québec dans ou hors du Canada. Le Québec est doté d'institutions démocratiques qui garantissent des changements démocratiques. Le Québec n'a de leçons à recevoir de personne à cet égard. Notre loi électorale, notamment le financement des partis politiques, est exemplaire. Notre loi des consultations populaires l'est tout autant. Le Québec n'a pas besoin que le grand frère fédéral regarde par-dessus son épaule pour corriger ses supposés manquements à la démocratie. Au contraire, nous croyons que le gouvernement fédéral aurait tout avantage à s'inspirer des grands pans des lois électorales québécoises, ce qu'il promet souvent de faire mais ne fait jamais.

De plus, le gouvernement fédéral joue un rôle extrêmement dangereux. En s'immisçant dans le processus démocratique québécois, en faisant loi de son intention de ne pas respecter le vote majoritaire des Québécois et des Québécoises advenant un résultant positif à un référendum pour la souveraineté, il attisera un ressentiment qui pourrait malheureusement empêcher des négociations civilisées. Alors même qu'il aura un rôle important à jouer pour représenter les intérêts des autres Canadiens et Canadiennes à une table de négociation, il sera essentiel qu'il s'assoie de bonne foi.

Un deuxième message: l'obligation de négocier. Ce sont des travailleuses et des travailleurs syndiqués qui parlent par notre voix. Ces Québécoises et ces Québécois sont fort bien placés pour comprendre les principes qui sous-tendent l'obligation de négocier de bonne foi. Pour elles et eux, il est révoltant de constater qu'une des parties est déjà de mauvaise foi avant même que le processus de négociations n'ait commencé. Car comment pouvez-vous interpréter autrement le geste d'Ottawa?

Le projet de loi fédéral décrit, en effet, en long et en large toutes les situations où le gouvernement fédéral se devra de n'engager aucune négociation. C'est comme si un employeur avait le droit de décréter à l'avance qu'il ne négociera pas si le syndicat demande la sécurité d'emploi ou une augmentation de salaire. On le sait, les employeurs ne peuvent se soustraire à l'obligation de négocier de bonne foi, parce qu'il y a une loi qui exige le contraire. Le gouvernement fédéral n'a pas le droit de se situer au-dessus des lois ou d'un avis de la Cour suprême qui a statué sur l'obligation de négocier de bonne foi.

Qui plus est, on peut se demander si un gouvernement a le droit moral d'attacher les mains des gouvernements qui pourraient lui succéder d'ici à ce qu'un référendum ait lieu. Un nouveau gouvernement fédéral qui voudrait, de bonne foi, négocier pourrait en être empêché par une loi.

Mais nous ne voulons pas faire de débats de juristes puisque, à ce jour, on a entendu autant d'interprétations de l'avis de la Cour suprême ou du projet de loi fédéral qu'il y avait de commentateurs de tous les horizons politiques. Nous voulons retourner ce débat dans l'arène du politique et des voies stratégiques que tant le Québec que le fédéral devront faire lorsqu'il y aura un référendum sur la souveraineté. Dans le contexte du moment, l'analyse des résultats d'un référendum gagnant servira de base aux négociations qui devront inévitablement s'ensuivre. Et c'est là, et seulement là que toutes les questions à négocier devront être mises sur la table par les deux parties et que des négociations de bonne foi devront débuter.

En conclusion, envoyer un message clair et unanime. La FTQ réitère l'importance d'envoyer un message unanime de l'Assemblée nationale du Québec au fédéral, les moyens de le faire relevant des nécessaires discussions entre les différents partis politiques qui y sont représentés. La FTQ souhaite que ni les libéraux ni les adéquistes ne bloquent ce processus de recherche d'une unanimité fondée sur des principes clairs. Et nous souhaitons que le gouvernement péquiste fasse tout ce qu'il faut pour aller chercher cette unanimité. Voilà. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Roy, au nom de la FTQ. Merci à M. Massé. M. le ministre.

(9 h 40)

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous remercie beaucoup pour votre contribution à nos travaux. Votre mémoire contient une idée centrale qui est qu'il faudrait absolument que l'Assemblée nationale soit unanime dans sa réponse au gouvernement fédéral. Et vous pressez tous les partis ici représentés de rechercher cette unanimité. Je peux seulement parler au nom de la majorité ministérielle pour vous dire que, depuis le début, nous avons dit que le projet de loi n° 99 était bonifiable, amendable et que nous allons examiner avec la plus grande ouverture d'esprit toutes les propositions d'amendement qui y seront apportées pour essayer de l'améliorer. Nous continuons à espérer l'unanimité.

Évidemment, ce sera à l'opposition de nous dire si elle reste campée sur un refus initial très ferme qu'elle a donné sans même prendre la peine de nous dire quels étaient les articles du projet de loi n° 99 qui lui posent particulièrement problème et sans être capable de nous expliquer, si certains articles sont problématiques, pourquoi elle se refuse de chercher à les amender.

Pour le reste, un peu plus tôt, dans la section intitulée L'obligation de négocier , vous dites qu'il y a eu autant d'interprétations de l'avis de la Cour suprême qu'il y a de commentateurs de tous les horizons politiques. Je me permettrais simplement de nuancer cette affirmation-là. Vous trouverez, en tout cas au Québec, assez peu de juristes qui soutiennent que C-20 reflète fidèlement l'avis de la Cour suprême. Je pense que, chez les gens qui ont pour métier de fouiller ces questions-là, semble se dégager une opinion majoritaire à l'effet que C-20 va passablement plus loin que l'avis de la Cour suprême.

Nulle part l'avis de la Cour suprême ne donne au Parlement fédéral le droit de déterminer unilatéralement qu'est-ce qui est acceptable comme question et qui ne l'est pas. Nulle part l'avis de la Cour suprême ne donne au Parlement fédéral le droit de fixer a posteriori quelle serait la majorité requise. Nulle part l'avis de la Cour suprême ne donne au gouvernement fédéral le droit de fixer unilatéralement le contenu d'une négociation. Alors, je crois que, de plus en plus, on voit apparaître au Québec des gens crédibles qui soutiennent que C-20 pourrait à certains égards être peut-être inconstitutionnel, à la lumière de l'avis de la Cour suprême. Et nous allons surveiller avec intérêt les développements à cet égard-là.

Mais je retiens que, pour vous, ce qui est le plus pressant, c'est de parvenir à l'unanimité. Et soyez assurés que, de ce côté-ci, nous sommes absolument prêts avec la plus absolue bonne foi à faire tout ce qui est humainement possible pour parvenir à cette unanimité. Quand je regarde 99 dans son état actuel, je n'y vois rien de particulièrement souverainiste, je n'y vois rien qui n'ait pas été réitéré au préalable à de nombreuses reprises par tous les gouvernements précédents du Québec et, donc, je continue à espérer qu'il soit possible de l'adopter unanimement. C'était l'essentiel du commentaire que j'avais à faire, M. le Président. Je crois que mes collègues ont probablement des questions plus précises.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Avant de passer à d'autres questions, est-ce que vous avez... Ça va? Très bien. Donc, oui, M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Bienvenue, M. Massé, M. Roy et Mme Savoie. À la page 3 de votre mémoire, dans le deuxième paragraphe, vous citez que «le gouvernement fédéral n'a pas le droit de se situer au-dessus des lois ou d'un avis de la Cour suprême qui a statué sur l'obligation de négocier de bonne foi». Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. J'aimerais connaître votre position à ce sujet-là.

M. Massé (Henri): Dans le fond, quand on dit... Je n'ai pas répliqué au ministre tantôt. On ne veut pas en faire un débat juridique. On pense, nous, que c'est une question éminemment politique, point à la ligne. Quand on regarde, par exemple, de quelle façon s'est déroulé le projet C-20 au fédéral, je dirais, hormis la lutte du Bloc, c'est passé dans la quasi-unanimité dans le reste du Canada, quasi, puis je dirais quasiment la quasi-indifférence aussi dans le reste du Canada, et, au Québec, c'est passé aussi quasiment, malheureusement, dans la quasi-indifférence. Je dis «malheureusement». Je ne suis pas sûr que c'est si malheureux que ça. Le gros bon sens populaire, ça existe. On n'a pas vu de débat, là, au Québec autour de C-20 entre les forces fédéralistes puis les forces nationalistes, déchirer leurs chemises dans les quatre coins du Québec. Moi, je pense que le gros bon sens populaire, c'est de se dire que cette question-là, c'est au Québec qu'elle va se décider.

Il n'y a pas un jugement de la Cour suprême, il n'y a pas un décret gouvernemental canadien, il n'y a pas une loi canadienne qui va empêcher les Québécois et les Québécoises de se donner un pays. Il y a rien qu'une loi qui existe, tant qu'à nous, c'est la loi du nombre sur notre territoire national. Et, à partir du moment où les Québécois puis les Québécoises vont décider, ça va être fait, et le reste du Canada devra négocier, devra prendre acte de... Ça fait que c'est une question, encore une fois, de gros bon sens. On pourra légiférer tant qu'on voudra à Ottawa puis interpréter les jugements de la Cour suprême tant qu'on voudra, c'est au peuple du Québec de décider de ça.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, M. le député.

M. Boulianne: Je voudrais revenir sur ce que M. le ministre disait tout à l'heure, l'unanimité. Alors, vous êtes des spécialistes de la négociation, vous êtes des spécialistes aussi du rapport de force. Est-ce que vous croyez que, si on n'obtient pas ce rapport de force là qu'est l'unanimité, alors on est en position de faiblesse et ça aura des conséquences assez graves pour le Québec?

M. Massé (Henri): On est convaincus. Maintenant, on interpelle les deux bords de la Chambre. Quand on veut avoir l'unanimité, ça ne se fait pas tout seul. Moi, je ne me suis jamais obstiné tout seul, je m'obstine toujours avec quelqu'un en face de moi. Et, je pense, à ce moment-ci, projet de loi ou pas... Puis on sait que c'est important, ce qui se passe. Et on était fiers de venir à l'Assemblée nationale ce matin, c'est un débat qui nous préoccupe beaucoup. Mais on pense, encore une fois, que c'est de sortir la classe politique du Québec unanime. Parce que c'est toute la classe politique du Québec qui est en train de manger des taloches, autant les fédéralistes. Dans le fond, moi, je pense que le fédéralisme au Québec n'a jamais été aussi bien défendu que par les forces fédéralistes à l'Assemblée nationale du Québec. Et, avec ce genre de projet de loi là, on déplace complètement le débat d'endroit et on pense que ça n'a pas sa place, et, moi, je pense, des deux côtés de la Chambre.

C'est là qu'on insiste beaucoup, la FTQ, sur l'unanimité. C'est ça qui fait que, nous, on est une centrale, on fait partie d'une autre centrale canadienne, qui est le Congrès du travail du Canada, on rencontre les syndicats pancanadiens semaine après semaine, ils suivent le débat au Québec, et on a eu beaucoup d'appui d'ailleurs du mouvement syndical canadien, qui supporte les choix qui se font au Québec, parce que le mouvement syndical québécois est unanime. Si on était divisés, au Québec, dans le mouvement syndical, sur ces questions-là, ce n'est pas vrai qu'on serait supportés par le mouvement syndical canadien. Et on pense qu'à ce moment-ci on devrait retrouver la même chose dans le monde politique.

M. Boulianne: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Merci, M. le Président. Dans le rétablissement d'un rapport de force convenable et nécessaire pour le Québec, en plus ou à côté ou en concordance avec le projet de loi n° 99, est-ce qu'il y aurait d'autres actions que l'Assemblée nationale ou que le gouvernement devrait initier à ce moment-ci?

M. Massé (Henri): On n'a pas regardé ces questions-là. On s'est préoccupé de réagir au projet de loi C-20. Maintenant, je pense que l'initiative doit venir de la classe politique. On n'a pas regardé ces questions-là.

M. Paquin: Dans votre souhait, pour ne pas dire dans votre voeu très intime de souhaiter que l'Assemblée nationale parle d'une même voix dans ce dossier-là nonobstant le moyen mais qu'on trouve une façon de dire les choses ensemble, est-ce que votre volonté d'un message unique, univocal de la part du Québec inclut les différents groupes du milieu?

Est-ce que, par exemple, dans le cas des autochtones, vous pensez qu'il y a lieu qu'on fasse un examen plus à fond, plus serré du contenu du projet de loi, de façon à faire en sorte que les premières nations qui vivent au Québec et qui partagent notre sort et notre avenir puissent s'y reconnaître mieux? Et, si oui, ça serait quoi, le genre de démarche, le genre d'ouverture que vous pourriez nous suggérer dans ce sens-là?

M. Roy (René): La réponse qui nous vient facilement à l'esprit, c'est de dire: Oui, on devrait l'adapter. On a suivi un peu la présentation des autochtones, surtout des Cris. On a été un peu désappointés par une de leurs déclarations, mais je pense que ça faisait un peu partie de la frustration qu'ils avaient envers le projet de loi comme tel. Alors, on le souhaite sûrement que le projet de loi puisse être adapté pour inclure des mesures qui reconnaîtraient davantage les droits des autochtones comme peuple, tout en gardant sûrement le paragraphe qu'on a bien vu dans la loi, sur l'indivisibilité du Québec, que seul le Parlement du Québec a le pouvoir sur le territoire du Québec tout entier.

Alors, l'inclusion, on n'est pas, à la FTQ, entré en détail là-dedans et, ce matin, on n'est pas préparés à vous donner des suggestions comme telles sur les droits des autochtones. Vraiment, on a des relations avec eux, on en a invité. M. Saganash, qui était ici, a été invité à notre congrès, a été reçu avec beaucoup de chaleur par les délégués de la FTQ au dernier congrès. Alors, il est sûrement important que l'Assemblée nationale, que le Québec tout entier garde des bonnes relations avec eux. Et on est d'accord avec certains amendements qui pourraient faciliter leur compréhension du projet de loi.

(9 h 50)

M. Paquin: Sur le fait que le projet de loi n° 99 est davantage un projet de loi de positionnement du peuple du Québec et de son institution de l'Assemblée nationale qu'un plaidoyer en faveur de l'une ou l'autre des options constitutionnelles, ça a comme effet de lui conférer un caractère que certains ont appelé quasi constitutionnel, c'est-à-dire qu'il s'agit des lignes maîtresses qui décrivent le mieux possible les droits et prérogatives du peuple du Québec et des institutions dont il s'est doté. Est-ce que vous êtes confortable avec ce caractère quasi constitutionnel de ce projet de loi?

M. Massé (Henri): On est très confortable. On n'a aucun problème de fond avec le projet de loi. Mais, encore une fois, quand on vous invite à l'unanimité, je pense que l'exercice doit revenir à la classe politique. Je pense qu'au-delà du projet de loi ce qui est important à ce moment-ci, c'est d'avoir une décision unanime de l'Assemblée nationale pour contrer les efforts du gouvernement fédéral. L'unanimité, encore une fois, moi, je pense, est plus importante que si on s'enfarge dans certains paragraphes du projet de loi. Je pense qu'il faudrait être assez ouvert pour regarder ça à fond.

M. Paquin: Nous, c'est bien certain que, de façon très ouverte, de façon très limpide vis-à-vis de la population, on veut que le signal soit extrêmement clair que nous considérons que l'offensive de C-20 n'est pas seulement inutile et inopportune et n'est pas seulement vaine, elle est également pernicieuse. Ce que nous souhaitons, de ce côté-ci, c'est de faire en sorte que le message soit le plus limpide, le plus clair, le plus structurant possible pour l'avenir. Et on est disposé à examiner tous les aspects qui pourraient faire en sorte que cette même voix du Québec soit la plus forte possible. C'est pour ça qu'on explore du côté des autochtones, c'est pour ça qu'on interpelle nos vis-à-vis de l'opposition en leur demandant: Donnez-nous des indications sur ce qui vous semble inacceptable dans le projet de loi. Donnez-nous des indications. C'est ce qui pourrait faire qu'on puisse, ensemble, parler d'une même voix.

Et, par défaut, à ce moment-ci, on est obligé même d'envisager d'autres hypothèses, c'est-à-dire de faire des choses supplémentaires. Par exemple, il y a des gens qui ont évoqué la possibilité de faire une constituante pour essayer de voir de quelle façon, au-dessus des lignes de parti, on pourrait, d'une façon ordonnée et cohérente, essayer de voir ce qu'ensemble nous avons à dire comme peuple sur ce genre de question là et sur d'autres. Alors, je voudrais que vous partiez d'ici avec l'assurance de notre ouverture et de notre volonté d'aller vers cette unanimité que vous souhaitez et que nous souhaitons aussi.

Avant de vous laisser partir, s'il me reste une minute ou deux, j'aimerais vous poser une question justement sur cet aspect-là d'une éventuelle constituante. Est-ce que, chez vous, vous avez déjà réfléchi à cette hypothèse-là, qui est plus que des états généraux, qui est une constituante comme telle pour le Québec? Si oui, bien, nous dire un petit peu comment vous la voyez. On a eu quelques suggestions, jusqu'ici, à cet égard-là. Est-ce que, vous, vous avez déjà une réflexion là-dessus?

M. Massé (Henri): On a déjà travaillé là-dessus il y a quelques années. Il faudrait rafraîchir notre position. Maintenant, moi, une constituante pour regarder toute la question du Québec, on peut être très à l'aise avec ça, mais je ne suis pas sûr qu'on serait à l'aise avec ça pour être en réaction au projet de loi C-20. Moi, je pense qu'on ne devrait pas se placer dans un contexte d'opposition à C-20. Tant qu'à moi, le C-20, là, c'est un projet de loi qui n'a pas eu beaucoup de répercussions au Québec parce que je pense que la majorité des Québécois puis des Québécoises, qu'ils soient fédéralistes ou qu'ils soient indépendantistes, pensent que cette question-là doit se décider au Québec. C'est bien évident qu'on est obligé de rouspéter. Si on ne dit pas un mot puis qu'on ne fait rien, je veux dire, c'est pareil comme si c'était au fédéral de décider. Mais je ne sortirais pas les canons pour tuer je ne dirais pas une mouche, mais pas loin.

M. Paquin: En fin de compte, c'est que, dans votre esprit, C-20 aura été une occasion d'amorcer une réflexion. Mais, quant à l'avoir engagée et à consulter beaucoup des représentants des différents horizons de notre société et quant à faire cette réflexion à ce moment-ci, même si elle a été entreprise à la suite de C-20, elle prend sa vie propre à ce moment-ci, et ça nous amène à faire toutes sortes de réflexions justement parce que nous tenons fermement à pouvoir donner de façon claire et de la façon la plus unanime possible le point de vue du Québec, à ce moment-ci, sur ce qu'il est, sur ce qu'il souhaite être et sur les moyens qu'il veut se donner pour décider de la façon dont il va décider de son avenir. Alors, c'est dans ce sens-là que je vous remercie, en tout cas, de votre contribution. Moi, ça épuise les questions que j'avais à vous poser.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Avant de passer la parole au porte-parole de l'opposition officielle – il reste deux minutes environ – est-ce que vous pourriez m'aider à comprendre l'essentiel de la position que vous avez brièvement esquissée, là, du mouvement syndical canadien auquel vous appartenez? D'après ce que j'en comprends, vous nous dites: Nous, comme membres de ce mouvement-là, ils sont derrière notre position. Et l'essentiel de votre position, c'est cet appel à l'unanimité.

Deux questions: Est-ce qu'ils sont allés... Est-ce que ça veut dire pour autant que le mouvement syndical canadien appuie aussi votre position quant à l'appui que vous donnez au projet de loi n° 99? Et, d'autre part, en ce qui regarde C-20, vous avez très bien décrit tout à l'heure l'indifférence dans laquelle le reste du Canada est à l'égard de C-20, est-ce que c'est le même haussement d'épaules que manifestent vos collègues du reste du Canada, au niveau du mouvement syndical, à l'égard de C-20?

M. Massé (Henri): Le mouvement syndical canadien a condamné unanimement C-20 et a toujours appuyé et appuie encore, a réitéré dernièrement son appui en disant: C'est au Québec de décider. C'est bien évident que le mouvement syndical canadien espère qu'on restera dans le Canada, il le souhaite ardemment. Il souhaiterait que la Constitution canadienne soit profondément changée pour faire en sorte qu'on reste dans le Canada. Mais, en même temps, ils disent: C'est au Québécois et aux Québécoises de faire ce choix-là. Ça n'appartient pas au gouvernement fédéral, ça n'appartient pas au reste du Canada, c'est au Québec que ça se décide. Et ils ont réitéré cette position-là dans le cadre du projet de loi C-20.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. M. le porte-parole de l'opposition officielle.

(10 heures)

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour, merci de votre présentation, merci d'être ici, à l'Assemblée nationale. Les motifs pour lesquels on peut être contre le projet de loi C-20, à mon avis, sont nombreux. Moi, je n'aime ni le libellé du projet de loi C-20 ni l'esprit dans lequel ce projet de loi là baigne. Et je peux vous assurer que je n'aime pas le message qui est envoyé par le projet de loi C-20, qui est un message en vertu duquel les Québécois n'auraient pas le droit de choisir eux-mêmes leur avenir. Enfin, c'est le message essentiel qui se dégage du projet de loi C-20. Et, moi, c'est quelque chose que je déplore, parce que, tout en étant fédéraliste, j'ai toujours eu confiance en la sagesse du peuple québécois et, en fin de compte, j'ai toujours voulu que le Québec ait devant lui toutes les options politiques et constitutionnelles qui soient. Et je souhaite ardemment que les gens soient bien informés par ailleurs quant aux enjeux réels qui se présentent à eux sur le parcours de la collectivité québécoise. Donc, l'information est importante, mais je n'ai jamais aimé que l'on envoie un message en vertu duquel les Québécois, en tant que peuple, ne pourraient décider eux-mêmes de leur avenir.

Cela étant dit, par rapport à votre mémoire je note que l'appel à l'unanimité que vous lancez s'adresse tout autant à l'opposition officielle, tout autant à l'ADQ, j'imagine, qu'au gouvernement lui-même. Et vous dites que vous souhaitez que le gouvernement péquiste fasse tout ce qu'il faut pour aller chercher cette unanimité.

Vous me permettrez néanmoins de rappeler que l'opposition officielle avait présenté à l'Assemblée nationale trois motions l'automne dernier qui réitéraient des principes qui, pour nous, étaient très importants. Ces principes étaient les suivants: d'abord, l'autorité et la légitimité de l'Assemblée nationale du Québec et des pouvoirs de l'Assemblée nationale; deuxièmement, le principe du 50 % plus un comme règle démocratique fondamentale; et, troisièmement, le renvoi de la Cour suprême de 1998.

Pourquoi le renvoi de la Cour suprême de 1998? Parce que la Cour suprême a très habilement à mon avis exposé dans ce jugement quel était l'ensemble des conditions objectives d'accession du Québec à la sécession en tenant non seulement du droit interne, mais aussi du droit international et des précédents internationaux et en tenant non seulement compte des principes politiques et en fin de compte des principes démocratiques, mais aussi des principes juridiques et des principes constitutionnels.

Alors, cette motion-là a été rejetée à trois reprises par le gouvernement. Le gouvernement a refusé d'appuyer cette motion. Et bien entendu nous aurions eu là en tout cas l'occasion d'avoir un premier geste unanime de la part de l'Assemblée nationale, peut-être pas le dernier. Nous aurions eu là l'occasion d'avoir un premier geste unanime de la part de l'Assemblée nationale, mais ça n'a pas été possible faute d'appui du gouvernement.

Quand le projet de loi n° 99 lui-même a été déposé à l'Assemblée nationale, je dois vous dire que nous n'avons pu en prendre connaissance qu'au moment même du dépôt du projet de loi. Jamais le gouvernement n'a-t-il tenté, avant de déposer le projet de loi, de négocier avec l'opposition officielle, comme cela normalement se fait lorsqu'on est en présence de questions si fondamentales.

Jamais donc le gouvernement n'a cherché à négocier avec l'opposition officielle ce qui pourrait être le contenu acceptable d'un quelconque projet de loi. Jamais ça n'a été fait. On nous a présenté le projet de loi et on nous a même invités à l'approuver immédiatement de façon à ce que tout le débat que l'on tient aujourd'hui n'ait pas lieu, en nous disant: Si vous donnez votre appui sans condition à ce projet de loi, on ne tiendra pas la commission parlementaire. Drôle de façon de voir la démocratie québécoise, dans un premier temps, et drôle de façon aussi de confronter l'opposition officielle, avec un projet de loi qui a été concocté de toutes pièces par le gouvernement sans que nous soyons consultés, et j'oserais même dire probablement à la dernière minute.

Alors, cela, donc, étant dit, vous comprenez qu'il y a différents facteurs qui sont des facteurs qui tiennent au fond, qui nous séparent, nous, l'opposition officielle du gouvernement. C'est dommage, mais parmi ces facteurs il y a le renvoi de la Cour suprême de 1998. Et c'est justement là-dessus que j'aimerais vous entendre. Quelle autorité morale et politique, vous, donnez-vous à ce jugement, qui pourtant avait été applaudi à l'époque par tout le monde, y compris par le gouvernement du Québec et dont aujourd'hui ce même gouvernement cherche à se dissocier ou du moins à n'en retenir que les passages qui font son affaire? J'aimerais donc savoir ce que vous pensez du jugement de la Cour suprême de 1998 et quelle autorité morale et politique vous donnez à ce jugement dans le débat qui nous occupe.

M. Massé (Henri): Écoutez, on n'est pas des juristes, mais ce qu'on a retenu essentiellement de ce jugement-là, c'est que la Cour suprême a décidé dans le fond que c'était une question politique. Ce n'était pas à la Cour suprême de trancher que c'était une question politique. Elle nous retourne à nos devoirs. Et encore une fois, c'est pour ça qu'on parle d'unanimité ce matin. Nous, on est accoutumés en relations de travail. Chaque fois qu'on arrive sur le bord de l'éclatement, on fait toujours une analyse du processus pourquoi on est rendu là puis finalement souvent on réussi quand même à régler. Et, moi, je pense qu'il n'est pas trop tard encore pour l'Assemblée nationale du Québec d'arriver à cette unanimité-là.

Pas pour l'image que ça va dégager au Québec, je pense que les Québécois et les Québécoises encore une fois savent passablement où s'en aller avec ces questions-là, mais pour l'image qu'on va dégager dans le reste du Canada. Ce n'est pas... C'est vrai, encore une fois je dis: Ça s'est passé dans le reste du Canada avec une certaine indifférence, mais ça a soulevé aussi certaines divisions, et je pense que c'est important que la classe politique au Québec renvoie encore un message d'unanimité là-dedans. Surtout tourner autour de la clarté, pareil comme si au Québec on n'est pas capable de décider de nos affaires intelligemment. Tu sais, je veux dire, la question de la clarté... Quand la première question qui a été posée au référendum en 1976...

C'est peut-être vrai, quand on regardait la question comme telle, elle semblait ambiguë. Moi, je sais bien qu'une question de même, on l'aurait posée dans nos syndicats chez nous en disant: Pouvez-vous nous donner le mandat d'aller vous négocier une convention collective, puis on reviendra vous voir de toute façon avant de faire n'importe quoi?, ça passerait à 99 %. Et, au Québec, le référendum a été battu par 60 % du monde, c'est parce que la question, pour le monde, était claire.

Tu sais, ça me fait penser au Parti réformiste qui a appuyé le projet de loi C-20. Ils viennent de faire un référendum pour se transformer en Alliance canadienne. La question, c'est: Est-ce que le Parti réformiste devrait adopter la nouvelle constitution et la déclaration politique de l'Alliance canadienne réformiste conservatrice? C'était précédé de quatre grands principes d'introduction, 32 pages de déclarations politiques qui référaient aussi au programme. Bon, bien, le monde a voté à 92 %. Je suis convaincu que, quand le monde a voté, il savait sur quoi il votait. C'était se donner un parti de droite pancanadien.

Moi, je pense que la question, au Québec, c'est la même chose. Et c'est important à ce moment-ci, parce que, ça, ça met de la confusion dans le reste du Canada autour de ces questions-là. Ils disent: Est-ce que les Québécois sont en train de décider d'affaires qu'ils ne savent pas sur lesquelles ils décident? Et ça, ce message-là, c'est ça qu'il faut, dans le reste du Canada, montrer que ce n'est pas vrai. Même si on n'est pas d'accord sur la question d'un parti à l'autre, on sait que, quand les Québécois puis les Québécoises se prononcent, pour eux autres, c'est quand même passablement clair. Et, moi, je pense que ça, ça peut être dommageable dans le reste du Canada si on accrédite la thèse qu'on ne sait pas sur quoi on vote quand on vote à un référendum, puis autant pour les fédéralistes que pour les souverainistes.

M. Pelletier (Chapleau): D'autres commentaires, monsieur, madame?

M. Roy (René): Bien, simplement que vous dites: Le jugement de la Cour suprême, c'est une opinion. La Cour suprême est revenue pour nous dire clairement que c'était une opinion, que justement elle voulait clairement laisser savoir à tout le monde qu'elle n'avait pas porté un jugement, qu'elle avait donné son opinion sur la manière dont elle voyait que les choses devraient se passer. C'est simplement ça que je voulais rajouter là-dessus.

M. Pelletier (Chapleau): O.K. Alors, j'en prends bonne note. Je dois vous dire, M. le Président, que, moi, en ce qui me concerne, j'accorde beaucoup plus d'autorité morale et politique au jugement de la Cour suprême. D'ailleurs, vous avez remarqué, je parlais d'autorité morale et politique, je n'ai même pas embarqué dans toute la question de l'autorité juridique du jugement. Et c'est cette autorité morale et politique là que je donne au jugement et que nous donnons, nous, dans l'opposition officielle, au jugement, qui justement nous sépare pour l'instant du gouvernement. Je voulais que vous le sachiez et que vos membres le sachent aussi. Merci, madame, messieurs.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, sur ce, il me reste à remercier les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, notamment son président, M. Henri Massé, pour leur contribution à nos travaux. Merci encore une fois.

Je rappelle donc que la commission des institutions est réunie afin de procéder à une consultation générale et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec.

(10 h 10)

Nous allons maintenant avoir le plaisir d'accueillir M. Alain Gaumond. J'inviterais M. Gaumond à bien vouloir s'avancer et prendre place, s'il vous plaît. Est-ce que M. Gaumond est... Je croyais l'avoir vu il y a quelques instants.

Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 11)

(Reprise à 10 h 11)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons réamorcer nos travaux. Je rappelle donc que nous avons le plaisir de recevoir M. Alain Gaumond, toujours en ce qui regarde cette consultation générale sur le projet de loi n° 99.

M. Gaumond, nous avons réservé une période de 30 minutes pour la présente rencontre dont une dizaine de minutes réservées à la présentation de votre mémoire ou de votre point de vue et par la suite nous passerons aux échanges. Alors, je vous invite donc à prendre la parole.

Une voix: Il a un problème de malentendant. Je ne pas si c'est possible...

M. Gaumond (Alain): Ce n'est pas terrible.

Une voix: Un problème de surdité.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, je m'emploierai donc à parler le plus fort possible et doucement.

M. Gaumond (Alain): On parle-tu? Ils me comprennent-u, eux autres?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui.

M. Gaumond (Alain): Me comprenez-vous, vous, là?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, nous vous comprenons très bien.

M. Gaumond (Alain): Vous êtes bons des oreilles. Écoute-moi.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 13)

(Reprise à 10 h 18)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Assoyez-vous.

Alors, nous reprenons nos travaux. M. Gaumond, si vous voulez procéder à la présentation.


M. Alain Gaumond

M. Gaumond (Alain): O.K., c'est parti? Bon. La consultation... Projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État québécois. Aux membres de la commission parlementaire, voici mon point de vue sur le projet de loi n° 99.

J'observe à tous les jours qu'il y a au gouvernement du Québec et les gens en général des lois non écrites mais que les gens appliquent à tous les jours, que le non ne veut pas dire non et qu'un oui ne signifie pas un oui mais bien un non à la fin. Nous l'avons vu avec le présent gouvernement, et du travail entre les fonctionnaires de deux niveaux de gouvernement, provincial et fédéral, se sont poursuivis... dans le passé, actuel.

Nous retrouvons dans le projet de loi une foule de considérants sur divers sujets, mais d'une façon générale. Est-ce pour faciliter la lecture et en alléger le projet de loi n° 99? Il y a de nombreuses omissions ou oublis ou des détails qui précisent le but ou objectif visé par ledit projet de loi n° 99. Voici ces omissions ou oublis et détails.

(10 h 20)

L'historique du projet de loi n° 99. Autrement dit, pourquoi est-ce qu'au gouvernement provincial on a créé le projet? C'est suite au projet fédéral, le C-20, présenté par M. Chrétien, Jean Chrétien. Les omissions et précisions sur l'État québécois, c'est-à-dire le gouvernement du Québec, de par son Conseil des ministres, de l'Assemblée nationale, comprenant le Conseil des ministres, la députation du Parti québécois, de l'opposition, à savoir le chef du Parti libéral, la députation du tiers parti, c'est-à-dire le chef du parti démocratique du Québec. C'est que, dans ce sens-là, moi, ce que je trouve important quand on fait un référendum, vu que ça devient une consultation générale, ça devient, si tu veux... c'est quelque chose qui est historique, quand tu consultes l'ensemble de la population. C'est dans ce but-là et puis en même temps c'est dans le but, aussi, pour guider les historiens de l'histoire du Québec. C'est dans ce sens-là, moi, que j'ai écrit ces choses-là.

Du peuple québécois, qui à mon avis... est moins précise et qui se dit comme suit: «Du peuple de langue française et de religion catholique» et – trois petits points. Ce qui est très important et que je n'ai pas marqué: de culture générale. Quand on parle de culture générale, on parle de la musique et de la chanson, les poèmes, du théâtre, le cinéma, ça peut être aussi la façon du boire et du manger en général. C'est ça, pour moi, la culture.

Des autres peuples de langue anglaise, O.K., espagnole, italienne, etc. Et aussi de diverses religions pratiquées par ces gens-là... se doivent d'être décrites. On prend comme... Je vais donner un exemple. Si on prend les anglophones – ça peut être des anglophones, ici, de Québec comme de la région de Montréal – ces gens-là ont aussi une culture propre qui est à eux autres; ils ont ce qu'on appelle leur propre religion, leurs croyances et ils résident ici, sur le territoire du Québec.

Ça peut être la même chose aussi pour les gens, les Espagnols, les Italiens, qui sont situés, eux autres, surtout dans la région de Montréal, qui, eux autres, ont emmené avec eux autres une culture qui leur est propre. C'est dans ce sens-là.

Bon. La même chose pour ce qui est des peuples amérindiens, algonquins, etc., et qu'on dit aujourd'hui «autochtones», autrefois disait «les Indiens». C'est dans le sens que le... Moi, quand on va à la petite école, on avait enseigné qu'on appelait ça «les Indiens». Aujourd'hui, on dit qu'on appelle ça les «autochtones». Bon. Sur les autochtones, bon, pareil comme nous, au Québec, vous avez différentes... il y a eu différents peuples. Ces gens-là ont survécu jusqu'à aujourd'hui, et, nous, en tant que Québécois, en tant que Québécois francophones, nous devons leur dire merci parce que ces gens-là nous ont donné beaucoup dès les débuts de la colonisation. Justement, ici, à Québec, en 1608, quand Champlain s'est installé, les premières années ont été difficiles, et ils ont vécu ce qu'on appelle la maladie du scorbut. Si les Indiens n'avaient pas été ici, les débuts auraient été encore plus dramatiques. Comprenez-vous? C'est dans ce sens-là que je donne cette précision-là.

De l'individualité du territoire du Québec actuel et qui comprend entre 15 et 17 régions et sous-régions, alors qu'on se devrait de lire le contraire de la divisibilité du territoire. Bon. Lorsqu'on parle de l'indivisibilité du territoire, c'est très important, c'est qu'on parle des régions qui composent l'ensemble du Québec. C'est que le Québec ne peut pas être une seule région administrée par un seul conseil administratif. Comprenez-vous? Alors là, l'histoire nous montre que le territoire du Québec, sur 400 ans, a été divisé, et vous avez ce qu'on appelle des sous-régions. Ici, vous êtes dans la région de Québec. Moi, je viens de la région Chaudière-Appalaches, et dans ma région à moi nous avons ce qu'on appelle une sous-région qu'on appelle la Côte-du-Sud. C'est comme ça. Puis les gens se sont donné une sous-région, et puis c'est une culture... ils ont développé, si tu veux, une culture qui est propre à eux autres.

Alors qu'on se devrait de lire le contraire de cette divisibilité du territoire du Québec. C'est que, si on va sur une consultation générale et que, vous savez comme moi, il y a des gens qui vont voter le oui et le non, et ça va donner... si on devait mettre ça sur une carte géographique, vous auriez pu... comme un résultat électoral. Vous auriez des oui d'un bord puis des non sur l'autre bord, comprenez-vous, dispersés un peu partout sur la province. C'est dans ce sens-là. Ce qui est très important.

Bon. Des pouvoirs de gestion en quadriparties, c'est-à-dire individuelle, municipale, provinciale et internationale. Bon, si on reprend l'idée du Québec, là, de son territoire, c'est que nous sommes une seule personne. Moi, je suis une personne, puis j'ai ici, aux côtés de moi, une autre personne. Vous êtes un ensemble de personnes qui composent la société. Cette société-là, homme ou femme qui compose la famille aussi, c'est réparti sur l'ensemble du territoire. Ça a donné des municipalités et ça a donné ce qu'on appelle aussi l'État du Québec. Comprenez-vous? Puis, l'État du Québec, lui, a une interrelation avec les autres provinces, ce qui donne le Canada, et le Canada est un pays national et à la fois international qui, lui, doit composer avec les deux types de lois, comprenez-vous, pour pouvoir faire un ensemble pour que tout fonctionne bien. C'est ce qu'on appelle l'international.

Des pouvoirs de gestion du Conseil des ministres, c'est-à-dire de tous les ministres concernés, comme les ministres de l'Environnement, de l'Éducation, des Finances, pour ne nommer que ceux-là, à titre d'exemple, et du nom de chaque ministre de l'époque du référendum... C'est que je vous réfère, comme tout à l'heure, à la question référendaire. Si on fait un référendum qui est historique, alors il est important de nommer ces gens-là, parce qu'ils font partie du gouvernement. Comprenez-vous? Alors, quand on relit, soit que... les gens, ils diront: Tiens, il y a un tel monsieur qui est à tel endroit. Tel ministre ou tel premier ministre était là à l'époque de ce référendum-là.

De plus, ce projet de loi n° 99, par le biais de l'amendement à l'Assemblée nationale de la loi référendaire de 1979 – j'ai marqué 1979, je n'ai pas fait de recherches, sauf qu'on a fait un premier référendum en 1980, ça fait que je situe ça autour de 1979, là, la commission est mesure de mieux me préciser la date... pour en faire une voix plus représentative et plus claire des droits et devoirs de l'État du Québec, dit du gouvernement, par le biais du conseil. C'est que je vous réfère souvent au Conseil des ministres parce que c'est là que les grandes décisions se prennent. C'est les décisions gouvernementales, et, quand on prend ce genre de décision là, quelle que soit la décision, elle se répercute sur l'ensemble de la population du Québec. Comprenez-vous? C'est une décision qui devient un petit peu... suite à un consensus des ministres, c'est une décision qui est politique, mais, si on l'applique sur l'ensemble de la population, ça devient apolitique.

Voilà, en gros, résumé ce que devrait être le projet de loi n° 99, en incluant, pour terminer, la non-obligation et l'obligation du gouvernement de poursuivre le travail ou pas par une réponse dite de non et de oui et de préciser à ses concitoyens et concitoyennes s'il y a un comité de mis en place pour poursuivre le travail ou pas par ses fonctionnaires.

Le projet, je termine en disant que, si le gouvernement va avec son projet de loi, qu'il décide d'en faire une loi, là je dis à la commission, moi, que le projet de loi, là, devrait être intégré à l'ensemble de la loi consultative des référendums. Ça complète, si tu veux, c'est un ajout, c'est une entrée, dans le fond, qu'on fait. Comprenez-vous? C'est une espèce de guide. On guide le gouvernement quels que soient les partis. Quand le parti actuel, le gouvernement actuel ne sera plus là, les autres gouvernements auront une espèce de cheminement, une espèce de guide pour pouvoir suivre une ligne assez bien précise, puis là ils disent aux gens: Bien, regardez, là, si on va dans la question du référendum, vous allez savoir qu'est-ce qu'on devient, nous, les Québécois: Est-ce qu'on reste dans la Constitution canadienne ou bien si on décide de devenir plus autonomes, ou bien si on décide de devenir indépendants? Comprenez-vous?

(10 h 30)

Alors, si on décide de trois choix, peu importe le choix, que ce soit l'autonomie ou la souveraineté, comme le gouvernement dit actuellement, si on parle de souveraineté, il faut mettre des guillemets. C'est très important. La souveraineté, entre guillemets, ça veut dire, ça, l'autonomie maximale pour le gouvernement du Québec, puis ce n'est pas juste pour le gouvernement du Québec, c'est pour l'ensemble de toutes les provinces au Canada dans la Confédération canadienne.

Si on se réfère au gouvernement d'Ottawa, qui est le fameux projet de loi C-20, qui est devenu par la suite une loi, qui est devenu 20, alors là, C-20 est devenu une loi, ça veut dire que le gouvernement fédéral a une ligne directrice pour le Québec, mais ça peut s'appliquer aussi... ce n'est pas juste pour le Québec, il faut que ça soit pour toutes les provinces et les territoires. C'est très important. Bon.

La dernière partie, c'est qu'on l'a vue sur les derniers référendums. Ça, il faudrait que vous vous référiez aux médias d'information. Les deux référendums où on a dit non, M. Trudeau avait dit: Un non ne veut pas dire un non. Il avait dit que... pour lui, pour M. Trudeau, il avait dit que c'était important de continuer à négocier. C'est pour ça que ça a donné la signature de 1982. C'est très important, ça. C'est que, quand la Reine est venue ici, au Canada, à Ottawa, en avril lors de la signature du rapatriement, elle avait souligné et avait dit: Dommage que le Québec ne soit pas de la partie. C'est très important, ce qu'elle avait dit. Je le souligne parce qu'il faut que ça soit dit, ça, ces choses-là.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien, M. Gaumond.

M. Gaumond (Alain): Bon. Là, je reviens à M. Bouchard. M. Bouchard, lors du deuxième référendum, avait dit à un moment donné que les discussions se poursuivaient entre le Québec et Ottawa. Il avait dit que c'était au niveau des fonctionnaires. Ça aussi, c'est très important. Il faut que, ça, les gens le sachent. C'est que, si M. Bouchard continue, si des négociations se font pareil, alors là, c'est très important de pouvoir le dire: Là, nous sommes rendus... les négociations se sont faites, nous avons de l'information, il y a eu des ententes.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Gaumond.

M. Gaumond (Alain): Un instant, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je vous demanderais de terminer, s'il vous plaît.

M. Gaumond (Alain): J'ai apporté un peu de documentation à donner à la commission. C'est très important. C'est que le dossier de la Constitution canadienne, quand on parle de rapatriement et puis justement qui permet à l'ensemble des provinces de fonctionner, c'est avec ça que les provinces fonctionnent. La Constitution, c'est un guide. Je vous apporte ici un document que j'ai ramassé, que j'ai gardé, qui est très important. C'est un texte en rapport avec le consensus sur la Constitution de Charlottetown, le 28 février 1992. Ce document-là avait été accepté en partie par l'ensemble des provinces.

Il y a eu aussi l'accord du lac Meech. Tout le monde sait ce que ça veut dire, ça. Bon.

J'ai aussi un autre document que je montre à la commission, qui est très important. Lorsque nous parlons du commerce, des lois qui permettent aux gens de fonctionner, c'est à partir... il se fait des accords. Alors, ici, vous avez un texte qui permet ce qu'on appelle le libre-échange, qui avait été très contesté à une certaine époque. Puis, aujourd'hui, on voit ce que ça donne, le libre-échange. Il y a des satisfactions, il y a des insatisfactions.

J'ai aussi un autre document que j'ai gardé, qui est très important, c'était à l'époque de M. René Lévesque. Ça fait que c'est très important.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Est-ce que ça termine?

M. Gaumond (Alain): C'est un dossier que, moi, j'étais à la commission, j'ai suivi, et c'est pour ça que... Le projet de loi n° 99, c'est une suite logique au C-20.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien, merci de votre présentation. Je vais demander au ministre maintenant d'intervenir.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue à l'Assemblée nationale, M. Gaumond. Approchez-vous.

M. Gaumond, je veux vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous remercie beaucoup pour votre contribution à nos travaux.

Une voix: ...

M. Facal: À ce moment-là, peut-être que ce que vous pourriez faire, vous, c'est bien comprendre ce que je voudrais lui dire et ensuite m'aider à lui... Je voudrais simplement lui souhaiter la bienvenue parmi nous, lui dire que je le remercie beaucoup d'avoir pris la peine de rédiger un mémoire et de venir le présenter.

Habituellement, nous recevons ici surtout des groupes, mais je suis toujours très impressionné quand des citoyens seuls prennent la peine de venir défendre leur point de vue, et je le remercie beaucoup pour ça. Ce que je retiens...

Une voix: Arrête. Arrête, il faut qu'il traduise.

M. Facal: Non. Il va tout ramasser à la fin. Je suis sûr qu'il est capable.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Facal: Ce que je retiens...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Le ministre, essentiellement, vous remercie.

Une voix: Il te remercie de ta présence.

M. Facal: Et que nous avons lu avec beaucoup d'intérêt son mémoire. Ce qu'il nous dit là-dedans, c'est qu'il voudrait que des précisions supplémentaires soient ajoutées au projet de loi n° 99. Nous, ce qu'on fait ici, c'est qu'on reçoit les suggestions de tous les gens, puis on reste ouvert à l'idée de voir comment on pourrait améliorer le projet de loi. Puis je le remercie beaucoup.

M. Gaumond (Alain): Monsieur, ce que, moi, je vous ai dit tantôt, pour répondre, pour simplifier la discussion pour les questions, c'est que votre projet de loi n° 99, comprenez-vous, c'est une réplique toute simple au gouvernement fédéral. C'est ça qui est très important. Vous ne pouvez pas ne pas répondre au gouvernement fédéral, parce que, si vous faites ça, le gouvernement fédéral va toujours empiéter sur vos droits, comprenez-vous? Alors, on ne peut pas s'opposer. Ceux qui disent non, c'est parce qu'ils ne veulent pas faire de chicane.

Alors, si on ne veut pas de chicane, si on ne veut pas de guerre, à un moment donné, il va falloir qu'il y ait un mécanisme d'interrelations. Je vais vous montrer qu'est-ce que c'est que ça veut dire. Ça, Ottawa est là, Québec est là, mais ça peut être Québec, ça peut être Ottawa qui est là, ça peut être l'Ontario ou n'importe quelle province dans la Constitution canadienne, comprenez-vous? Parce que la Constitution, c'est un guide, ça, c'est des choses qui sont reconnues, c'est des choses qui sont internationales.

Quand on s'en va à Ottawa, on s'en va sur le plan national, on s'en va sur le plan international. Si Ottawa nous a donné l'autorisation d'aller sur le plan international, c'est parce qu'on a modifié des lois. Québec, il va falloir qu'il comprenne à un moment donné qu'il ne faut plus que ça fasse ça. Il va falloir que ça fasse ça, c'est très important.

Voyez-vous, on a une expérience, on a des difficultés de communication. Je ne porte pas d'appareil parce que c'est personnel à moi. Puis c'est une question d'habitude, ça. C'est une question de coût, ça. Si je porte un appareil, j'ai des coûts, c'est moi qui paie. Le gouvernement m'aide en partie à payer mes frais, comprenez-vous? C'est comme dans toute relation, ça, c'est de la communication. Nous vivons dans un monde de communication aujourd'hui. C'est un monde qui est très rapide, et c'est ça, c'est très important.

(10 h 40)

S'il y a un mécanisme, là, entre les deux, entre Ottawa puis Québec, s'ils sont capables de le faire entre les fonctionnaires, si le gouvernement décide, par le biais du Conseil des ministres, de faire ça, de décider ça, il faut que ça se fasse. Là, ça, M. Bouchard n'a pas le choix, il faut qu'il passe par la partisanerie de son parti, M. Bouchard puis monsieur... les deux chefs de parti, s'ils sont d'accord avec ça, comprenez-vous?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Gaumond.

M. Gaumond (Alain): Il ne faut pas aller plus loin, il faut que ça fasse ça si on veut avoir la paix.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien, M. Gaumond.

M. Gaumond (Alain): Moi, je viens ici pour dire aux gens...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Gaumond, nous sommes à la fin de la rencontre qui était prévue. Je ne sais pas s'il y a d'autres questions à ce moment-ci. Il n'y a pas d'autres questions. Au nom des membres de la commission, j'aimerais vous remercier pour votre présence à nos travaux.

Sur ce, je suspends nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 42)

(Reprise à 15 h 14)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions reprend ses travaux dans le cadre de la consultation générale et des auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec.

Nous avons comme premier groupe invité les représentants du Parti Égalité, dont le chef du parti, M. Keith Henderson. Je vous souhaite donc la bienvenue. Nous avons une période d'une heure de consacrée à la présente rencontre, dont 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, à la suite de quoi, nous passerons aux échanges. Alors, vous avez la parole, M. Henderson, en vous invitant à présenter les personnes qui vous accompagnent.


Parti Égalité

M. Henderson (Keith): Merci, M. le Président. Premièrement, je veux vous dire merci pour l'occasion de présenter notre point de vue ici, à la commission. Deuxièmement, je veux faire les présentations. Ici, à droite, est Me Brent Tyler, qui est conseiller juridique du Parti Égalité. À part de ça, il est porte-parole pour le Comité spécial pour l'unité canadienne. Brent aura quelque chose à dire pendant la période de présentation du Parti, pour quelques minutes. À gauche, Me David Wood, qui est aussi conseiller juridique du Parti Égalité et un autre porte-parole du Comité spécial pour l'unité canadienne. Nous sommes, comme parti, membres de cet organisme-là.

Donc, vous avez tous le mémoire du Parti Égalité. Je ne veux pas répéter tout ce qu'il y a là-dedans, je vais juste vous donner un petit sommaire et souligner un seul point, un seul.

Si vous avez lu le mémoire, vous allez bien entendre que, comme parti et comme citoyens canadiens, nous pensons que le projet de loi n° 99 fait fi de la décision de la Cour suprême sur la DUI rendue en août 1998. Nous pensons cela fermement. Il y a toutes sortes de façons par lesquelles le projet de loi fait fi de cette décision-là, et nous en avons donné quelques exemples dans le mémoire, mais juste pour en faire le sommaire: sur la question, par exemple, de l'étendue d'un droit à l'autodétermination du Québec; sur la question de l'étendue des pouvoirs de la Législature du Québec de conduire des référendums et de conclure des traités internationaux; sur la question des droits de la Législature du Québec de désavouer la Constitution du Canada; la divisibilité du Québec; le pouvoir de la Législature du Québec de déterminer seule le régime politique et le statut juridique du Québec. Et, à part de ça, nous soulignons l'hostilité du projet de loi n° 99 envers les principes de la constitutionnalité, du fédéralisme et de la primauté du droit.

Mais le seul point que je veux souligner cet après-midi, c'est un point qui apparaît à la page 11 du mémoire et c'est une sorte de recommandation que nous faisons au gouvernement et, à part de ça, à l'opposition. C'est tout simplement qu'il faut absolument faire une sorte de renvoi, un geste à l'appui de la primauté du droit au Québec. Et la recommandation, c'est de soumettre l'ébauche de législation à la Cour d'appel du Québec afin de vérifier la constitutionnalité de la législation avant qu'elle ne soit débattue dans la Législature. Et, si vous me permettez, juste quelques réflexions là-dessus, sur cette recommandation-là.

On a fait une recommandation pareille il y a sept ans devant une commission pareille, la commission qui étudiait les amendements à la loi 101. C'était un autre gouvernement, le gouvernement libéral, ce jour-là. Et on a dit à Claude Ryan: Ce que vous proposez, nous pensons que les règlements que vous proposez sont inconstitutionnels, et, compte tenu du fait qu'on a reçu il y a quelques semaines la décision de l'ONU sur l'affichage, etc., ce serait une bonne idée de faire un renvoi de ces règlements aux tribunaux et ça va éviter des contestations juridiques.Le gouvernement libéral n'a pas entendu, il a refusé de faire ça, et, sept ans plus tard, on est bel et bien au centre de ces contestations juridiques de la loi 101.

Et, à part de ça, vous le savez très bien, il y a un juge qui a décidé: Oui, c'est vrai, les dispositions, section 58, ne sont pas constitutionnelles. Oui, c'est en appel, je le sais très bien. Mais la chose qu'il faut souligner, c'est tout simplement qu'on aurait pu éviter toutes ces contestations-là si, avant le débat, avant l'adoption de ces règlements, on avait procédé par la voie des tribunaux.

(17 h 20)

Deuxième exemple. C'est juste pour souligner le sérieux du propos. Avant le référendum de 1995, le Parti Égalité a dit directement au gouvernement: Ce que vous proposez est illégal, est inconstitutionnel, nous en sommes convaincus. Et je souligne que même le New York Times a pris note de ce que nous avons dit, parce qu'il y avait une demi-page dans le New York Times qui reflétait exactement notre position. Donc, ce n'est pas une position farfelue. C'était une position sérieuse. On a dit ça. Et, vous le savez très bien, M. Guy Bertrand se présentait comme citoyen devant les tribunaux et contestait le projet de souveraineté du Québec, le projet de loi, et il a gagné. Un juge, Lesage, a dit que c'était inconstitutionnel avant le référendum, vous le savez très bien.

Un autre exemple: question de pouvoir du Québec d'effectuer une déclaration unilatérale d'indépendance. Comme Parti Égalité, avant le référendum de 1995, on a dit au gouvernement et au gouvernement fédéral: Faites le renvoi de ce projet de loi devant les tribunaux, messieurs, pour déterminer la constitutionnalité ou l'inconstitutionnalité de cette proposition. C'est vrai que le gouvernement fédéral a pris deux ans pour accéder à notre suggestion. C'est vrai. Mais le gouvernement fédéral l'a fait. Et le résultat, c'est l'opinion juridique faite en août 1998. C'était un renvoi, vous le savez très bien, du gouvernement fédéral pour avoir une opinion: Est-ce que c'est légal ou non?

Donc, ce que je veux dire, tout simplement, c'est une chose assez importante. Et, si vous permettez – parce qu'on a 20 minutes, il y a des collègues qui veulent dire quelque chose – juste deux ou trois réflexions sur la démocratie québécoise. Et je sais très bien que vous tenez à coeur la démocratie québécoise. C'est important pour vous autres et pour moi aussi. Je suis Québécois, je suis né ici, c'est important. Je dirais tout simplement que le gouvernement du Québec, ce n'est pas seulement la Législature, cet édifice, ici. Non, ce n'est pas tout simplement la Législature et le cabinet. Ça, c'est l'Exécutif. Les tribunaux font partie du gouvernement du Québec, oui. C'est un palier légitime du gouvernement. Ça existe. Ça existe pour une raison: parce que la démocratie se pratique dans un encadrement des lois constitutionnelles. Donc, ce que je ne veux pas faire aujourd'hui, cet après-midi...

On peut dire: Oui, vous avez raison, non, vous n'avez pas raison, c'est vrai, ce n'est pas vrai, on peut faire des échanges – et ces échanges-là sont importants, je ne veux pas minimiser ça, c'est important – je suis sûr quand même qu'après l'heure, moi, je vais sortir de cette salle et je ne serai pas convaincu et, vous, comme gouvernement vous ne serez pas convaincu par mes arguments, j'en suis sûr. Mais ce n'est pas à moi de décider ça ni à vous autres. C'est les tribunaux qui vont décider si, bel et bien, vous avez le droit de faire adopter une telle loi. Et je dirais tout simplement que c'est la voie de responsabilité d'un gouvernement. C'est controversé.

Je sais très bien que vous n'allez pas mettre devant les tribunaux toutes sortes de lois. C'est ridicule. Vous avez la légitimité d'un gouvernement, je le sais, je comprends ça. Mais, quand c'est une question de droit fondamental, et c'est une question de droits fondamentaux, ici, c'est indéniable, il faut procéder avec prudence. Et la voie de la prudence, dans une telle situation, avant un débat qui peut-être va être assez difficile, avant le débat, avant l'adoption, qu'on s'assure que, oui, comme gouvernement on a le droit de faire adopter ça, ce n'est pas beaucoup demander, mais c'est la seule recommandation que je souligne pour vous autres. Pourquoi? Parce que, sinon et vous procédez en utilisant, comme gouvernement, votre majorité législative, qui existe et qui est légitime, vous allez provoquer des contestations des citoyens. C'est sûr, c'est sûr. Mais c'est plus efficace et plus courageux d'un gouvernement d'assumer ce fardeau de légitimité légale, de l'assumer. Ce n'est pas la responsabilité des citoyens. C'est dispendieux, c'est une perte de temps, ça demande beaucoup d'agressivité une bonne part de notre vie pour assurer nos droits. Mais, vous, comme gouvernement, vous avez le droit de procéder directement aux tribunaux d'une manière très efficace. Et je veux souligner tout simplement: essayez de trouver un moyen de le faire. Mais il y a d'autres choses à dire, et je passe la parole à M. Brent Tyler, ici.

M. Tyler (Brent): Thank you, Mr. Henderson. I will be addressing this commission in one of the official languages of the National Assembly. I'd be more than happy to answer questions in the other official language.

René Lévesque was a democrat. He envisaged one referendum seeking a mandate to negotiate sovereignty-association to be followed by another referendum to ratify any negotiated settlement or agreement. And, whenever the possibility of a unilateral declaration of independence was raised, René Lévesque was categorical. He refused to consider it because knowing, as a democrat, the consequences of a unilateral declaration of independence is chaos and anarchy.

Now, a unilateral declaration of independence was first contemplated by the Québec Liberal Party in Bill 150, adopted in 1991, which provided that Québec would become sovereign within a year if satisfactory offers of constitutional change were not made by the rest of Canada. An offer came in the form of the Charlottetown Accord.

In 1995, MM. Parizeau, Bouchard and Dumont proposed sovereignty-partnership, and the details of the partnership were to be worked out within a year. What, in reality, happened in 1995? Well, we had Mr. Parizeau's lobster trap; we had him film a victory speech. We also had a fax to the Canadian military inviting them to become members of the new Québec army the day after a Yes vote. We had a letter from Mr. Landry to the foreign embassies inviting them to recognize the fact of a Yes vote. We had plan O which put $19 billion of Québec tax payers' pension funds at risk to shore up the Canadian dollar in the event of a run on the Canadian dollar in the international currency markets. So it's clear, I think, to any objective observer that the PQ had no intention of negotiating anything in 1995. Rather, it was the intention of the PQ to proceed fairly quickly to a unilateral declaration of independence.

I do not think it is an exaggeration to say that the 1995 referendum constitutes the single greatest threat to civil rights in this country's history. It was recognized by Mr. Justice Robert Lesage in his judgment rendered in the case of Guy Bertrand, in September 1995, before the referendum. And I'm referring not only to those civil rights set out in the Canadian Charter of Rights, which some members of this Assembly might have a difficult time accepting, but certainly it also applies to the Québec Charter of Rights. And I have a copy of the Québec Charter of Rights here, and it's signed by Lucien Bouchard, and these were the rights that the Members of the PQ Government were prepared to risk, if not violate, by their conduct during the 1995 referendum.

So you are not democrats worthy of the name if you do not immediately renounce to any recourse to a unilateral declaration of independence. In 1995, all the Members of this Assembly, either if you were Members of the Parti québécois, either actively participated in or if you were Members of the Québec Liberal Party, were complicitous in an attempt to overthrow the constitutional order in this country. So we ask you, for the record: Will you, as democrats, renounce now and forever to any recourse to a unilateral declaration of independence? Will you do it?

(15 h 30)

Members of this Government have made their choice known during the course of these hearings and the hearings in Ottawa on the Clarity Act. Members of the PQ Government have clearly chosen revolution. The question remains for Members of the Québec Liberal Party and the Action démocratique: Will you choose revolution? Will you repudiate the legacy of René Lévesque? Will you respect the opinion of the Supreme Court in its entirety? Will you respect the rights of citizens who elected you, their rights under the Canadian Charter and the Québec Charter of Rights, or will you repudiate those charters? Those are my comments. I look forward to your questions.

M. Henderson (Keith): Si nous avons deux minutes de plus, si c'est possible, Me Wood aura quelque chose à...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Tout à fait. Il vous reste trois minutes.

M. Wood (David): Avec votre permission, il est clair, d'après les remarques de Me Tyler, que la chose qui nous inquiète le plus, c'est la possibilité d'une proclamation unilatérale de sécession, mais peut-être pas pour les raisons que vous croyez.

On ne veut surtout pas que le gouvernement du Québec soit mis en tutelle par Ottawa. C'est ce que Washington a fait en 1867 avec les gouvernements des États sécessionnistes. Et, si ça arrive ici, ça risque de compromettre longtemps la capacité de ce gouvernement de jouer le rôle qui lui est destiné. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, merci beaucoup pour cette présentation. M. le ministre.

M. Facal: Merci, M. le Président. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. Vous qualifiez le projet de loi n° 99 de nul et non avenu et vous dites qu'il vise le renversement révolutionnaire de la démocratie constitutionnelle canadienne. Il y aurait beaucoup à dire et, en même temps, peu à dire sur votre mémoire. Je suis entièrement d'accord avec vous, M. Henderson, sur un point: De toute évidence, rien de ce que je pourrais dire ne vous convaincra, et je ne vous étonnerai pas en vous disant que rien de ce que vous pourrez dire ne me convaincra. Nous sommes à des années-lumière.

Je suis quand même frappé par le ton vraiment provocateur de votre mémoire, que j'ai pris la peine de lire. Je trouve que votre mémoire présente une argumentation vraiment outrancière. Bien des gens opposés à nos vues sont venus s'exprimer et l'ont fait dans un ton beaucoup plus mesuré que le vôtre. Il est clair, dans votre mémoire, que sitôt le projet de loi n° 99 adopté vous entendez le contester devant les tribunaux. Vous verrez à ce sujet en temps et lieu ce que le gouvernement du Québec entend faire.

Je note aussi que vous faites une lecture très sélective, très déformante, parfois très originale de l'avis de la Cour suprême. Je vois aussi – et, en ce sens, vous êtes cohérent avec vos déclarations passées – que, pour vous, le peuple québécois est une fiction, puisque vous qualifiez la communauté occupant le territoire du Québec de «public québécois». Vous dites que ce public québécois n'a droit qu'à l'autodétermination interne au sein de l'entité politique appelée Canada. Vous comprendrez qu'il est assez choquant pour moi de vous entendre parler d'autodétermination interne pour le Québec au sein du Canada, quand on considère que le Québec est assujetti à une loi constitutionnelle qu'il n'a pas signée, qui ne reconnaît pas l'existence du peuple québécois, qu'il vit au sein d'un régime fédéral dont la Constitution fondatrice est quotidiennement violée par un gouvernement fédéral qui d'aucune façon ne respecte ni l'esprit ni la lettre du partage des pouvoirs, qu'on a refusé au Québec à de multiples reprises la moindre reconnaissance significative comme société distincte, et j'en passe.

J'ai aussi peine à réconcilier ce que vous faites dire à l'avis de la Cour suprême avec ce que l'avis dit quand on prend la peine de le lire. Je prends simplement un exemple: Votre point de vue sur la partition du Québec se réconcilie assez difficilement avec ce que dit, par exemple, le paragraphe 83 de l'avis, et je cite: «Dans le cas d'un État fédéral, la sécession signifie normalement le détachement d'une entité territoriale de la fédération.» Fin de la citation. Bref, la Cour ne parle pas, comme vous le faites, du détachement d'une partie du territoire de l'entité, mais bien de l'entité territoriale au complet, ce qui, dans le cas d'une fédération comme le Canada, signifie une des entités fédérées au complet, en l'occurrence le territoire d'une province, et ainsi de suite. Mais ce serait véritablement trop long, et, comme nous en convenons tous les deux, je ne vous convaincrai pas.

Simplement une question me traverse l'esprit. Vous avez demandé au gouvernement du Québec d'aller tester la constitutionnalité du projet de loi n° 99. Est-il de votre intention de demander à M. Dion d'aller, lui, tester la constitutionnalité de la loi C-20 devant les tribunaux?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Henderson.

M. Henderson (Keith): Je peux répondre très facilement. La différence entre C-20 et le projet de loi n° 99, c'est ceci: Il y avait un renvoi fait par le gouvernement fédéral, il y avait une opinion juridique rendue par la Cour suprême, et, d'après moi, la loi C-20 se basait très facilement sur cette opinion juridique. On peut contester, c'est vrai. Et, aujourd'hui, j'ai lu qu'il y a des Québécois qui vont faire exactement ça. Mais on ne peut pas nier le fait que le renvoi a été fait. Et ce que nous demandons tout simplement, c'est que le gouvernement du Québec fasse exactement la même chose. Après ça, peut-être qu'on ne serait pas content avec la législation que vous allez proposer, basée sur ce renvoi, et c'est, à cette instance-là, notre droit de procéder, comme citoyens, devant les tribunaux encore, comme propose M. Larose. Mais la différence est claire, et, si vous procédez par la voie d'un renvoi, on n'aura pas beaucoup à vous reprocher.

M. Facal: Donc, si j'ai bien compris, vous n'avez pas l'intention de demander la même chose au gouvernement fédéral, parce que, dans votre esprit, C-20 n'est que la traduction fidèle en termes législatifs de l'avis de la Cour suprême.

(15 h 40)

M. Henderson (Keith): C'est ça.

M. Facal: Bon. Alors, là-dessus, évidemment, vous comprendrez que voilà un autre point de divergence profonde entre nous. À mon humble avis, la loi fédérale C-20 travestit grossièrement l'avis de la Cour suprême. Nulle part l'avis de la Cour suprême ne donne au Parlement fédéral le droit de statuer unilatéralement sur la clarté de la question et nulle part l'avis de la Cour suprême ne donne au Parlement fédéral le droit d'imposer une question excluant, par exemple, toute référence à un partenariat ou une association. Nulle part la Cour ne donne au Parlement fédéral l'autorité de fixer a posteriori et à son gré la majorité requise. Il n'y a aucun paragraphe de l'avis de la Cour suprême qui permet de fonder ces articles-là du projet de loi C-20.

Ce débat, bien entendu, reste ouvert. Mais je suis très étonné de voir qu'au Québec se multiplie le nombre de gens qui soutiennent que c'est C-20 qui pourrait, à certains égards, être inconstitutionnel à la lumière de l'avis de la Cour suprême. Par exemple, ne serait-ce que parmi les juristes. Nous avons déjà M. Jean-Maurice Arbour, M. Henri Brun, M. André Tremblay, Mme Andrée Lajoie. Et, parmi les intellectuels non juristes mais assurément crédibles, j'ai déjà pris note des interventions publiques de M. Claude Bariteau, de M. Guy Lachapelle, de M. Guy Laforest, de M. Nelson Michaud, de M. Denis Monière, de M. Michel Seymour. Parmi même les éditorialistes, M. Venne, du Devoir . Tous ces gens soutiennent que C-20 pourrait être considéré à bien des égards comme outrepassant largement les prescriptions de l'avis de la Cour suprême. Aussi, j'ai de plus en plus l'impression qu'en termes de légalité le fardeau de la preuve est en train de se déplacer. Mais ce débat reste probablement encore ouvert.

J'aimerais maintenant vous entendre sur un autre point. Selon vous, le gouvernement du Québec est évidemment irrévocablement, totalement, entièrement lié par l'avis de la Cour suprême. Exact?

M. Henderson (Keith): Par?

M. Facal: L'avis de la Cour suprême. Le gouvernement du Québec est totalement lié par l'avis de la Cour suprême.

M. Henderson (Keith): Par la Constitution telle qu'interprétée par les tribunaux.

M. Facal: L'avis de la Cour. D'accord. Mais comment expliquez-vous, par exemple, que, il y a quelques semaines à peine, c'était le 11 janvier 2000, le juge de chef de la Cour suprême, Antonio Lamer, qui était, en fait, le juge en chef au moment du renvoi, quelques jours après qu'il ait cessé d'exercer ses fonctions, disait, je cite: «Il y a une distinction à faire entre un jugement et un renvoi. Le renvoi sur la sécession du Québec, comme tous les renvois, n'est qu'une opinion. Ni le Québec ni le restant du Canada n'est obligé de suivre notre opinion.» Fin de la citation. Alors, ce n'est pas Jacques Parizeau ou Lucien Bouchard qui dit cela, c'est le juge en chef de la Cour suprême. Or, j'aimerais vous entendre. Qui dit vrai: vous ou le juge en chef Lamer?

M. Henderson (Keith): Non, non, je comprends très bien ce que vous voulez dire, mais, une opinion juridique, c'est quelque chose d'assez sérieux. Si, par exemple, il y avait une adoption d'une loi, comme une déclaration unilatérale de l'indépendance, et la Cour suprême avait quelque chose de véritable à considérer, parce qu'une opinion juridique, c'est toujours, dans un certain sens, hypothétique, je suis sûr que la Cour suprême va adopter exactement la même position qu'elle a adoptée dans l'opinion juridique. Donc, je pense qu'il faut prendre au sérieux ces décisions et je vois que M. Bouchard et les membres du cabinet ont été très contents de citer certaines portions de ce jugement. Il ne faut pas choisir entre les aspects de ce jugement en disant tout simplement: Ça, c'est une opinion juridique, on ne prend pas ça au sérieux, mais, ça, cette décision-là, de la Cour suprême, c'est très important. Il ne faut pas jouer ce jeu.

Mais mon collègue a quelque chose à ajouter.

M. Tyler (Brent): Oui, je voulais simplement souligner que le jugement de l'honorable juge Robert Lesage, dans le dossier de Guy Bertrand, c'était plus qu'une opinion juridique, selon votre raisonnement, M. le ministre. C'était un litige intenté par un citoyen contre le gouvernement du Québec et, le gouvernement du Québec, à un moment donné, a décidé de s'absenter de la salle de cour. Alors, ce jugement est toujours là. Il n'y a pas eu d'appel. C'est un jugement final, d'un juge francophone ici, dans le district de Québec. Ce n'est pas une opinion juridique, c'est un jugement de la Cour supérieure. Premier des commentaires.

Deuxième chose. Je pense que vous êtes en train de démontrer pourquoi ce serait nécessaire de porter le projet de loi n° 99 devant les tribunaux, parce que, à ce moment-là, on peut regarder les dispositions de la loi, une fois adoptée, et on peut regarder la Constitution canadienne et le jugement de la Cour suprême et on peut, par cette façon-là, assujettir votre raisonnement à un examen juridique. Alors, ce que vous êtes en train de dire, c'est non seulement souhaitable mais nécessaire que les citoyens portent ce projet de loi devant les tribunaux, et nous sommes d'accord.

M. Henderson (Keith): Un autre point, M. Facal, parce que c'est important. On n'est pas ici d'accord, c'est vrai, sur les questions fondamentales, mais, comme j'ai dit tout à l'heure, c'est une question d'assurer que les tribunaux sont impliqués. C'est à eux autres de décider si vous avez raison, si le gouvernement a raison ou si les citoyens qui pensent comme nous autres ont raison. Vous avez dit, par exemple, qu'il y a toutes sortes de choses dans la loi C-20 qui ne vous plaisent pas du tout. Comme gouvernement du Québec, vous avez toujours l'option de mettre ça devant les tribunaux. Vous, si vous voulez contester la constitutionnalité de C-20, vous avez l'option de le faire. Et, si vous n'êtes pas correct, les tribunaux vont dire: Non, C-20, c'est constitutionnel, et il faut l'accepter. Dès que les tribunaux décident une telle chose, il faut l'accepter parce que les tribunaux, comme j'ai dit, font partie du gouvernement.

M. Facal: Je vais laisser la parole à l'opposition...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...revenir éventuellement.

M. Facal: ...et éventuellement revenir. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. M. le porte-parole de l'opposition.

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Je dois vous dire qu'hier, dans le journal La Presse , il y a eu un article signé par Denis Lessard, et l'article termine de la façon suivante, je cite: «Déjà, Alliance Québec a annoncé que, dès l'adoption du projet de Québec, il serait contesté en cour. Le projet de loi n° 99 est très vulnérable devant les tribunaux, convient-on rapidement du côté souverainiste. "Il est plein de choses correctes politiquement mais qui, sous l'angle juridique, s'appuient difficilement sur la Constitution actuelle."» Donc, si j'en crois cet article de Denis Lessard, il y a plusieurs personnes chez les souverainistes qui estiment que le projet de loi n° 99 est inconstitutionnel.

(15 h 50)

Je tiens par ailleurs à souligner ceci. Nous avons eu, au cours des derniers jours, plusieurs intervenants qui sont venus parler de l'idée que soit mise sur pied, avant le prochain référendum, une assemblée constituante afin justement d'élaborer un projet de constitution d'un éventuel Québec souverain. Il y en a même qui sont venus parler ici de reconstitution d'une espèce de commission Bélanger-Campeau. Le premier ministre Parizeau a lui-même utilisé le terme «acte fondateur» en parlant du projet de loi n° 99, ayant sans doute à l'esprit que ce serait l'acte fondateur finalement d'un Québec souverain. Toutes ces affirmations qui vont dans le sens d'une nouvelle commission Bélanger-Campeau, d'une assemblée constituante pour définir la constitution d'un Québec souverain, d'un projet de loi n° 99 qui serait l'acte fondateur d'un futur Québec souverain, tout cela confirme l'opposition officielle dans l'impression qu'elle a toujours eue que le projet de loi n° 99 s'inscrit dans une démarche préréférendaire et s'inscrit dans une démarche qui finalement est une démarche sécessionniste ou enfin préparatoire à une sécession éventuelle du Québec.

Je suis par ailleurs extrêmement étonné de voir que du côté ministériel on balaie à l'occasion du revers de la main le jugement de la Cour suprême du Canada dont, à l'occasion encore une fois, on semble vouloir nier l'autorité morale, politique et juridique. Je suis très étonné parce que, si le jugement de la Cour suprême du Canada ne veut rien dire, s'il n'a aucune valeur, eh bien, le reste du Canada n'aura pas d'obligation de négocier. Il ne faut pas oublier ça. J'imagine que vous trouvez utile de rappeler aux citoyens du Québec que le reste du Canada a, en vertu du renvoi de la Cour suprême de 1998, l'obligation de négocier suite à une question claire et suite à un verdict clair. Bien, cette obligation-là, elle repose sur le jugement: ou vous reconnaissez l'autorité du jugement ou vous ne reconnaissez pas cette autorité, mais branchez-vous. Parce que vous ne pouvez pas retenir de ce jugement seulement ce qui fait votre affaire et rejeter le reste.

Je note par ailleurs que le juriste professeur de droit Patrice Garant a exprimé dans des articles de journaux le point de vue que les articles 3 et 10 du projet de loi n° 99 étaient inconstitutionnels. Vous-même, dans votre mémoire, vous faites l'affirmation suivante qui est une affirmation forte à l'égard de laquelle je vais vouloir vous entendre. Vous dites ceci, et je pense que ça résume votre mémoire, sauf que ça fait abstraction du principe de la partition, et vous savez que je suis contre la partition du Québec et que je suis pour l'intégrité territoriale du Québec. Mais, si on exclut donc la question de la partition à laquelle vous ne faites pas référence dans le passage que je vais vous lire, si on exclut cela, je pense que ça résume assez bien votre mémoire. Vous dites ceci, à la page 1: «Le projet de loi n° 99 répudie la primauté du droit, cherche à abroger la Constitution du Canada, ignore les principes du fédéralisme canadien et fait fi des prononcés de la Cour suprême.» Pourriez-vous expliciter?

M. Henderson (Keith): With pleasure, and I am going to do this in the other official language of Québec and of Canada, my own language, English.

First of all, before I comment on that, I want to make one comment on the territorial question, and it comes back to what Mr Facal suggested some moments ago, that. In fact, the Supreme Court really said that the whole of Québec, the whole of its territory would be permitted to secede. This, of course, is not so. There are passages I can cite you that are clear. Territory must be on the table in any negotiations that are true negotiations or those negotiations don't take place. That's what the Court said. There are just too many – les autochtones sont impliqués, par exemple, dans la même direction – places where the Supreme Court said that no one seriously expects Québec can secede with its territory intact. And that's a virtual quote, and I can cite you chapter and verse after, if you wish. In fact, it's there, in the brief. That's point 1, on page 8, a direct citation, from the Supreme Court, speaking about this fact.

So, while it's true that the Government and the Official Opposition don't wish to accept partition, the Supreme Court has already said: Territory will have to be negotiated, and the Federal Government's C-20 has already gone in that direction too. Let me just say that.

But, on the other issues – and I know that my colleagues have things to add, so I'll say what I have to say and then let my friends... On the other issues, I'm very happy to hear that the Official Opposition in Québec thinks or is beginning to think that this law – bill 99 – is unconstitutional. I hope that I hear, from the Official Opposition of Québec, a motion to that effect. I think that would be extremely useful and I hope that the Official Opposition joins with us and other people who feel the same way to attack this bill if the Government doesn't listen and doesn't take it to the courts, as we've suggested, to find out if that is true. In fact, even the proceeding position... if the Québec Liberal Party and the Official Opposition would join with and say: Yes. This bill should be brought before the Québec courts, the Québec Court of Appeal, to find out if it's legitimate and constitutional. That's a fair and reasonable way of proceeding, and we'd be very, very happy to join with the Official Opposition in that request, and I hope the Government, you know, seriously, would consider that request that's made in good faith.

But you raise much larger issues when you speak of the... initial opening lines and... I will say this, just to be brief about it, because I know my friends want to add: The Court was clear that the question of the political future of Québec was not just for Quebeckers. It had to proceed by the route of a constitutional amendment. The Constitution has to be amended to allow Québec to secede unilaterally – or not even unilaterally, obviously – but to secede at all. That's fundamental. If it's a constitutional amendment that's required, all Canadians will have a say – all of us. If the Official Opposition accepts this judgment in its entirety, what it's accepting is that the future of our country is for all of us to decide, according to our own legal and constitutional framework. And that means, probably, referendums in B.C., in Alberta, because they have their own special way of proceeding. It may mean a national referendum; we did this on Charlottetown. We may have to do it again if ever Mr Facal and the other people from the Government of Québec have their way. This is what the Supreme Court has said. So, there's much more to be said, but it's important to underline that this is not for Québec alone to decide, and that's where bill 99 makes its fundamental error.

There are others who want to speak, and I'll...

M. Tyler (Brent): You mentioned, Mr Pelletier, some advice that the Minister should follow, and that is that you must take the Supreme Court judgment in its entirety. With the greatest respect, I submit to you that when you say, as a representative of the Québec Liberal Party, that the territorial integrity of Québec must never be put into doubt, you are in fact not respecting the Supreme Court judgment. Because the Supreme Court made it perfectly clear that, in the event of a unilateral declaration of independence or even in the event of a negotiated secession, the borders will be on the table.

You've also mentioned, in another hearing, that 50 % plus one continued to be the position of the Québec Liberal Party. Well, then, we will have a semantic debate on what a clear majority is. But 50 % plus one, the reason why it is not practical, quite apart from legal issues, is: If you have the population of Québec divided down the middle, you will never succeed, no government of Québec could possibly succeed in pulling off a secession. You and I have had an opportunity to exchange in other forums less formal than this one, but the subject came up. And we have to look at the period of transition that would take place and the horrible chaos that would be wreaked on the population of Québec during this transitional period. And 50 % plus one, quite apart from whatever legal arguments could be brought to bear, as a practical matter, 50 % plus one would be a disaster for all of us.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Wood.

(16 heures)

M. Wood (David): Vous avez parlé de votre position sur la partition. J'aimerais préciser que notre préférence est un Québec indivisible à l'intérieur d'un Canada indivisible et que nous n'envisageons la partition des deux que comme compromis. Notre position, c'est qu'on ne peut pas partitionner le Québec sans le consentement du gouvernement québécois, comme on ne peut pas partitionner le Canada sans le consentement du gouvernement canadien, appuyé dans les deux cas par les autres votes nécessaires pour amender la Constitution.

M. Pelletier (Chapleau): Oui. Vous me permettrez de préciser, messieurs, qu'il est fort possible que la Cour suprême ait suggéré que la question de la partition du Québec soit sur la table lors d'une négociation éventuelle dans le contexte de l'accession du Québec à la sécession, du moins à la souveraineté. Et je ne partage pas d'ailleurs la lecture que fait M. le ministre, du jugement. Je pense que la Cour, en tout cas sans le dire très clairement, j'en conviens, a suggéré que la question du territoire du Québec soit mise sur la table lors d'une éventuelle négociation.

Cependant, vous admettrez avec moi que plusieurs questions sont laissées aux soins des acteurs politiques eux-mêmes. Lorsque la Cour dit qu'il faut un verdict populaire clair suite à une question claire, moi, je vous le dis, pour moi, un verdict populaire clair suite à une question claire, c'est 50 % plus un. Lorsque la Cour dit que la partition peut être sur la table lors d'une négociation, du moins suggère que ce soit sur la table, moi, je vous le dis, pour un, je vais tout faire pour que le Québec, en tout état de cause, maintienne son intégrité territoriale, bon, et je vais défendre ce principe-là jusqu'au bout. Mais je ne suis qu'un des acteurs politiques, bien entendu. C'est l'ensemble de la communauté politique qui, finalement, jugera vraiment de ces questions et qui déterminera vraiment de l'issue de l'ensemble de ces enjeux et de l'ensemble de ces débats. Moi, en tant qu'acteur politique, j'ai le droit de me prononcer et je vous dis que, pour moi, 50 % plus un, suite à une question claire, c'est correct, et je vous dis que la partition du Québec, moi, personnellement, je ne favorise pas cela, je suis pour l'intégrité territoriale du Québec.

M. Henderson (Keith): I know Mr. Wood wants a quick response, but I want to read you something which I think is very important, and it's from the Supreme Court judgment – opinion, whatever you wish – of August 1998. It reads: «Constitutional amendment often requires some form of substantial consensus precisely because the content of the underlying principles of our Constitution demand it. By requiring broad support in the form of an "enhanced majority" – that's the term used – to achieve constitutional change, the Constitution insures that minority interests must be addressed before proposed changes which could affect them may be enacted.» I stress the term, the Court did not say «simple majority», they said «enhanced majority».

Now, that means, when we're talking constitutional change – and surely, the future of our country is such an important change – we cannot accept that 50 % plus one is sufficient. We must accept an enhanced majority, to use the terms of the Court, to begin such an important proceeding. I'll just let Mr Wood speak, I know he wants to, and then...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Wood.

M. Wood (David): Vous avez parlé de 50 % plus un, mais je vous souligne que la Cour suprême a bien spécifié qu'il ne s'agit pas d'une question légale mais d'une question politique. Ça veut dire qu'il y a 11 gouvernements au Canada qui se demanderont: S'agit-il d'une réponse claire à une question claire aux yeux de mes électeurs à moi? Il n'y a aucun de ces 11 gouvernements qui peut imposer ses opinions aux 10 autres.

M. Pelletier (Chapleau): When the Court uses the words «enhanced majority», it's in the perspective of the constitutional modification itself and not in the perspective of the referendum per se. So, that's a major distinction to make.

M. Henderson (Keith): C'est une distinction importante, mais, quand même, entamer des négociations sur la fin du Canada est une question si importante qu'il faut avoir plus de 50 % plus un pour entamer des négociations d'une telle taille. Je n'accepte pas qu'on puisse dissoudre un pays avec une simple majorité, 50 % plus un. Ça demande plus et la loi C-20 demande plus. On ne spécifie pas combien, malheureusement, à notre égard, parce que je suis sûr que, pour dissoudre le Parti libéral du Québec ou même le Parti Égalité, ça prend deux tiers. C'est le nombre d'une «enhanced majority» généralement accepté.

M. Pelletier (Chapleau): M. le Président, je n'avais pas d'autres questions.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le ministre.

M. Facal: Oui, M. le Président. Très brièvement, quatre points. D'abord, M. Henderson se réjouit du fait que l'opposition officielle semble penser comme lui sur la légalité du projet de loi n° 99. «New bedfellows»: le Parti Égalité et le Parti libéral du Québec.

Dans un deuxième temps, le député de Chapleau cite une source anonyme qui dit que le projet de loi n° 99 ne se subordonne pas à la Constitution de 1982. Moi, je ne cite pas des sources anonymes, j'en cite des vraies. Alors que le député de Chapleau s'évertue à dire que C-20 est inutile et inopportun, je note que ses collègues à lui, les députés de Laurier-Dorion, de Jacques-Cartier, de NDG, de Viger, de Westmount–Saint-Louis, eux, endossent C-20. Quant au chef du Parti libéral du Québec, le député de Viger nous a révélé le fond de sa pensée quand il a dit aux mêmes journalistes, mais, lui, avait le courage d'accepter d'être cité honnêtement: «Je ne peux pas vous dire ce qu'il en pense, la discussion n'est pas allée jusque-là.»

Troisièmement, sur la question territoriale, il serait intéressant de rappeler que, lorsqu'il s'est agi de prendre position sur des cas d'accession à la souveraineté par des États membres de fédération, le Canada, lui, a appuyé le principe de la stabilité des frontières. Notamment, Mme McDougall déclarait, en octobre 1991, au moment de la dissolution de la Yougoslavie, je cite: «Le Canada s'oppose toujours aussi fermement au recours à la force pour régler les différends politiques et pour réaliser des gains territoriaux. Aucun gain territorial et aucune modification de frontières réalisés par la force en Yougoslavie ne sont acceptables.» Bref, pour le Canada, ce qui est bon pour la Yougoslavie ne l'est pas pour le Québec.

Enfin, quant à vous, M. Henderson, ce seront mes derniers mots, je dois vous dire que: With all due respect, I find your views so extreme, so extravagant, so outlandish, that I have trouble seeing how you can expect to be taken seriously.

That being said, a healthy democracy is one which allows all points of view, however farfetched, to be heard. In that sense, your presence here simply shows how healthy Québec democracy is and your testimony is, in itself, a tribune to the spirit of tolerance and goodwill of all Quebeckers.

M. Henderson (Keith): Thank you, first of all, for that endorsement. I'm very happy to be here, and I meant that sincerely. But I just want to say, about our extremism and our outlandishness, the following: When we contested bill 101, we were accused of exactly the same thing, and now judges are saying that maybe we were right.

When we said that the projet de loi sur la souveraineté du Québec était inconstitutionnel, les membres du Parti québécois ont réagi de la même façon: c'est une sorte d'extrémisme, etc. Mais les juges de notre société ici, à Québec, ont dit que vous aviez raison.

(16 h 10)

Troisièmement, quand on a dit que, si on va faire la partition du Canada, ça va nécessairement provoquer la partition du Québec, on a eu exactement la même réponse: C'est extrême, c'est ridicule, c'est farfelu. Mais maintenant on a la Cour suprême de notre pays et le gouvernement fédéral qui disent exactement la même chose. Donc, si nous sommes des extrémistes et si nous sommes des clowns, si nous sommes complètement farfelus, ça veut dire que les autres institutions, comme les tribunaux et le gouvernement fédéral, sont exactement la même chose. Et je me trouve dans une bonne compagnie, mais je ne veux pas terminer sur ce jeu-là parce que ce que vous avez dit, que la tolérance de la société québécoise est importante, la démocratie se poursuit dans l'échange des points de vue, et je suis complètement contre, M. Facal, ce que vous avez dit. Je ne suis pas convaincu, mais vous n'êtes pas convaincu par moi non plus, je le sais. Vous avez le droit évidemment à vos opinions et moi aux miennes, mais on n'en reste pas là, parce qu'on parle de choses très, très importantes. Il faut trancher ces questions, il faut avoir une institution sérieuse qui peut trancher ces questions. Et je retourne à ma recommandation. Il y a cette institution. Ce sont les tribunaux.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Brièvement. Vous pouvez terminer, mais brièvement, s'il vous plaît. Ça va?

M. Henderson (Keith): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, il nous reste quelques minutes pour une intervention du porte-parole de l'opposition officielle.

M. Pelletier (Chapleau): Oui, merci, M. le Président. Par sa sortie d'il y a quelques minutes, le ministre, je pense, a démontré, alors qu'il prétend, d'un côté, que le projet de loi n° 99 est bonifiable, que, d'un autre côté, son idée est faite et que ce projet de loi n'est pas bonifiable, puisqu'il n'accorde aucune importance à ceux qui viennent proposer des arguments, avancer des arguments voulant qu'il puisse y avoir dans le projet de loi n° 99 actuel, tel que libellé, des dispositions qui sont illégales ou inconstitutionnelles. Si vraiment, dans son esprit, le projet de loi n'était pas parfait et était vraiment bonifiable, je pense qu'il porterait beaucoup plus d'attention à ceux qui lui présentent des arguments qui sont fondés sur l'invalidité ou l'inconstitutionnalité. Ce n'est pas faire chambre commune, c'est tout simplement élargir un peu les horizons du parti ministériel, élargir les horizons du gouvernement et faire en sorte que le gouvernement, qui a déjà sa voie toute tracée, son idée toute faite, sa stratégie tout établie, finalement reconnaisse enfin que le projet de loi n° 99 puisse ne pas avoir atteint le degré de perfection que le gouvernement croit qu'il a atteint jusqu'à présent. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il me reste... Oui, brièvement, M. Tyler.

M. Tyler (Brent): M. Facal, when we have disagreements in a liberal democracy, we go to Court, and you and us, we may never agree perhaps even on the time of day. The only thing I can say to you is: We'll see you in Court. Have a good day.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, il me reste donc, au nom des membres de la commission, à remercier M. Henderson et les personnes qui l'accompagnent pour votre participation à nos travaux. Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): La commission des institutions poursuit ses travaux dans le cadre de la consultation générale et des auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec. Nous en sommes à rencontrer les représentants d'Impact Jeunesse Montérégie et ses porte-parole, MM. Renaud Lanthier et Bernard Ouellet, que j'inviterais à bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.

Je vous indique que nous avons donc également réservé une période d'une heure pour le présent échange, selon la formule habituelle, c'est-à-dire 20 minutes pour la présentation de votre mémoire ou de votre point de vue, et, par la suite, nous passerons aux échanges.


Impact Jeunesse Montérégie

M. Lanthier (Renaud): Alors, dans un premier temps, M. le Président, je voudrais déposer...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Vous pouvez vous asseoir. Il n'y a pas de problème, soyez à l'aise et bien sûr en nous présentant...

M. Lanthier (Renaud): Juste avant de commencer tout simplement la présentation, etc., nous avons des copies de notre mémoire revu et corrigé, toujours les mêmes idées de fond, cependant avec certaines améliorations. Alors, j'aimerais, si c'était possible, avec votre permission, déposer les mémoires pour chacun des membres de la commission.


Mémoire déposé

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça nous fera plaisir de les recevoir. Alors, vous avez la parole.

M. Lanthier (Renaud): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je me présente. Mon nom est Renaud Lanthier, je suis accompagné de M. Bernard Ouellet. Nous sommes les porte-parole d'Impact Jeunesse Montérégie. Alors, dans un premier temps, nous allons présenter notre mémoire et, par la suite, nous serons très intéressés à répondre à vos questions.

Alors, en tant que regroupement de jeunes professionnels préoccupés par le développement social de notre génération, nous avons analysé la problématique de la démocratie dans nos systèmes politiques, et plus particulièrement le rôle de la loi 99, afin de protéger les valeurs sociales québécoises. En effet, le projet de loi C-20 et sa réponse provinciale, par le truchement du projet de loi n° 99, sont des sujets qui méritent réflexion et qui auront une incidence directe sur la jeunesse non seulement en Montérégie, mais aussi et surtout sur l'ensemble du Québec. Nous avons donc décidé de nous pencher sur la question de tenter de voir quel impact aura le projet de loi C-20 sur la démocratie québécoise, mais aussi sur la réputation de la démocratie du Canada. De plus, nous nous interrogeons sur la place que prend la démocratie à l'intérieur de nos systèmes politiques ainsi que le rôle que doivent jouer les gouvernements dans le cadre démocratique.

La première question soulevée par les deux projets de loi est la suivante: Qui est le détenteur de la primauté politique au Québec? Qui détient le pouvoir de changer le statut politique du Québec? Et, si vous préférez, plus spécifiquement, qui, du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial, représente le plus directement les intérêts des Québécois et qui peut le mieux prendre acte des décisions de ces derniers quant à leur avenir au sein de la fédération canadienne à laquelle ils appartiennent? Il est important de noter comme prémisse que nous ne sommes pas ici pour présenter les vues de quelque parti politique. Notre souhait est que ce travail serve un jour à toute démocratie constituée sur le même mode que le Canada dans le respect de ses minorités et de ses groupes nationaux distincts. Pour ce qui est de la légitimité démocratique au Québec ou de ce que nous appelons «la primauté politique», nous nous sommes penchés sur les origines de la fédération et de son façonnement afin de voir de quelle façon l'accession du Québec s'est faite dans le cadre constitutionnel canadien. Par la suite, nous nous sommes interrogés sur les pouvoirs délégués au gouvernement central par les provinces et dans quelle mesure l'abrogation de cesdits pouvoirs remet aujourd'hui en question le retrait de l'une des parties constituantes du Canada.

Avant tout, il est essentiel de distinguer les différents types de constitution. Certaines, comme celle des États-Unis, rejettent explicitement la notion de séparation de l'une de ses parties. Les événements de 1865 scellèrent la question. Parmi les autres, ne citons en exemple que le cas de l'ex-Union soviétique qui garantit légalement le droit de ses constituantes à se retirer.

Pour ce qui est du cas canadien, nulle mention n'est faite quant au droit ou non de retrait de la fédération. Il nous faut donc revenir dans le passé et voir dans quel contexte la fédération canadienne fut créée. À ce chapitre, un avis rendu par le Conseil privé de Londres, en 1892, donc 25 ans après la création du Canada, peut nous aider à nous éclairer sur les vues lors de la création du Canada et les interprétations de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, pierre d'assise de la Constitution canadienne telle que nous la connaissons maintenant. Alors, citation du Conseil privé de Londres: «Le but de l'Acte de 1867 était non pas de fusionner les provinces en une seule ni de mettre les gouvernements provinciaux en état de subordination par rapport à une autorité centrale, mais de créer un gouvernement fédéral dans lequel elles seraient représentées et auquel serait confiée d'une façon exclusive l'administration des affaires dans lesquelles elles avaient un intérêt commun, chaque province conservant son indépendance et son autonomie.»

Un peu plus loin, toujours dans le même texte: «Le gouvernement du Dominion devait recevoir les pouvoirs, les biens et les revenus nécessaires à l'exercice complet de ses attributions constitutionnelles et les provinces conserver le résidu pour les besoins de l'administration provinciale. Toutefois, pour ce qui est des matières que l'article 92 réserve spécialement à la législation provinciale, la province reste exempte de contrôle fédéral et sa souveraineté est la même qu'avant l'adoption de la loi.»

Alors, cet avis du Conseil privé de Londres est tout à fait pertinent dans le cadre de la réflexion que nous venons d'entamer. Premièrement, il fixe les pouvoirs du gouvernement central et ajoute ensuite la notion de souveraineté des provinces en regard de ce qu'elles possédaient déjà comme pouvoir. Dans le cas qui nous occupe, celui du droit fondamental des Québécoises et Québécois de disposer d'eux-mêmes, cet avis semble très clairement identifier les législatures provinciales comme seules détentrices de la légitimité politique sur les questions ne touchant que l'administration locale. Par extension, nous pensons qu'il s'agit là d'une confirmation à tout le moins implicite que la primauté politique ne revient pas au gouvernement central qui n'a sous son égide que le contrôle sur les questions ayant un intérêt commun.

(16 h 20)

L'indépendance d'une des constituantes porte certainement un intérêt pour l'ensemble de la fédération, mais, comme on ajoute que les provinces conservent leur autonomie et leur indépendance, nous ne voyons pas dans l'esprit de la constitution une reconnaissance explicite de la suprématie du gouvernement central sur cette question qui est de nature strictement provinciale. Ajoutons à cela, nous avons déjà effleuré le sujet, la préséance existentielle des gouvernements provinciaux. Plusieurs textes en font d'ailleurs référence. Le Conseil privé de Londres n'est qu'un des acteurs s'arrêtant à cette notion, qui semble faire l'unanimité.

Un autre exemple sont les propos tenus par Honoré Mercier lors d'un discours prononcé à l'Assemblée législative de Québec le 7 avril 1884. Citation: «L'existence des provinces a précédé celle de la puissance et c'est d'elles que celle-ci a reçu ses pouvoirs. Les provinces possédaient le gouvernement responsable en 1867: elles avaient leur législature, leurs lois et toute l'autonomie qui est inhérente à une colonie. Les provinces ont délégué, dans l'intérêt général, une partie de leurs pouvoirs et ce qu'elles n'ont pas délégué, elles l'ont gardé et le possèdent encore. Elles sont souveraines dans les limites de leurs attributions et toute atteinte portée à cette souveraineté est une violation du pacte fédéral.» Fin de la citation. Nous pensons donc, en regard de ces différentes affirmations, que le seul fait que les législatures provinciales aient précédé l'existence du pouvoir central suffit pour affirmer que la primauté politique ou le pouvoir de décréter le retrait ou non de la fédération relève des États provinciaux et non du gouvernement central.

De plus, le cas du Québec est différent de par son appartenance à la communauté française. Son intégration à la fédération n'aurait pas eu lieu sans une certaine reconnaissance et le maintien de sa souveraineté sur certaines de ses prérogatives déjà en place avant la Confédération. Déjà la reconnaissance du pouvoir des États provinciaux faisait partie de l'esprit de la Constitution ou plutôt de l'idée que l'on se faisait de cette Constitution. Georges-Étienne Cartier, l'un des pères fondateurs de la fédération canadienne présente le texte fondamental canadien comme étant l'affirmation et la pleine reconnaissance de la souveraineté nationale française à l'intérieur même de la fédération, évoquant la notion d'État dans l'État. Il serait quelque peu hasardeux d'aller à l'encontre de la pensée de l'un des bâtisseurs de notre pays. Citation: «Telle est la signification que l'on doit attacher à cette Constitution. On y voit la reconnaissance de la nationalité française. Comme nationalité distincte et séparée, nous formons un État dans l'État avec pleine jouissance de nos droits, la reconnaissance formelle de notre indépendance nationale.» Fin de la citation.

Ceci, pour nous, répond à la première question sur la primauté politique canadienne. Il semble assez évident, à la lecture de ces textes, que la législature provinciale et, dans le cas qui nous préoccupe, l'Assemblée nationale du Québec, est seule détentrice de la volonté québécoise. Ajoutons qu'en regard des différents textes inclus dans le présent mémoire nous nous devons d'ajouter qu'en regard de la Constitution et de la création du Canada, le Québec est toujours détenteur du pouvoir de déterminer de son avenir et qu'il n'est pas du ressort du gouvernement fédéral de s'immiscer dans les affaires des législatures provinciales. Il n'aura qu'à prendre acte de la décision démocratiquement prise par l'une de ses constituantes.

M. Ouellet (Bernard): Alors, bonjour, M. le Président. Bernard Ouellet, porte-parole d'Impact Jeunesse Montérégie.

De plus, nous croyons, afin que puisse survivre l'harmonie sociale, que les bases du système politique d'un État donné doivent présenter une entière crédibilité vis-à-vis celles et ceux qui partagent l'espace d'une même communauté. Nous entendons, dans la présente, par le terme «crédibilité», la foi que l'on porte à une chose en tant que phénomène social. Il s'agit en fait de la pierre d'assise de toutes les lois, des fondements et du mode de fonctionnement de ces lieux communautaires. Cette crédibilité envers le système politique représentatif de ses occupants ne peut s'acquérir que par ce qu'on appelle «le moins pire de tous les systèmes», c'est-à-dire la démocratie. Ainsi, la mise en commun des termes «crédibilité» et «démocratie» apparaît aux yeux même de notre communauté de plus en plus difficile à concilier à l'intérieur des systèmes politiques qui nous sont imposés. L'histoire de nombreux pays démocratiques est marquée par des luttes sociales par lesquelles le peuple aura affirmé sa position face à des décisions prises par ceux qui ont la responsabilité de les gouverner.

Toutefois, nombre de ces défenseurs idéologiques qui ont mené ces combats auront eu accès à des véhicules démocratiques par lesquels ils auront pu faire entendre leur voix. Ils ont présenté des idées et fait entendre la voix de la majorité. De par ces luttes, les personnalités politiques auront souvent été la cible de tous les malaises de nos communautés. Malgré cela, les peuples démocratiques ont conservé une confiance souvent aveugle envers leur système politique. Cette confiance, nous l'octroyons non pas à des personnes ni à des façons de faire politiques, mais plutôt à des concepts et à des lois socialement acceptés qui sont réunis à l'intérieur même des principes de la démocratie.

Les personnalités politiques se succèdent, les façons de procéder se transforment, mais une chose demeure et doit demeurer, c'est cette structure démocratique qui établit les règles du jeu de toutes celles et ceux qui veulent faire entendre leur voix. Nous savons très bien que, malgré l'accessibilité universelle que doit démontrer la démocratie, certains acteurs sociaux sont plus à même d'utiliser les véhicules que veut bien offrir la démocratie. Toutefois, un fait demeure, c'est qu'en prenant les moyens socialement reconnus il est possible de faire entendre la voix de ses pairs. Cette présentation n'est pas originale, puisqu'elle ne fait que présenter une vision ou une interprétation conventionnelle de ce que sont, en principe, nos systèmes politiques. Aujourd'hui, un constat alarmant se présente à nous. En effet, nous croyons que ce système politique est remis en cause. Nous croyons que les fondements, ses bases qui régissent l'essence même de ces lois, ne tiennent plus, puisque atteinte directe lui est portée. À partir de ce constat, de nombreuses questions surgissent auprès de ceux qui forment la jeunesse. C'est d'ailleurs sur ces thèmes que se poursuivra le reste du présent exposé.

Premièrement, sur quoi pouvons-nous poser nos espoirs si les règles de la démocratie ne tiennent plus? En fait, nous voulons déborder du cadre politique dans lequel le gouvernement fédéral a implanté son projet de loi C-20, car, si les principes démocratiques, par exemple 50 % plus un, ne tiennent plus, l'intégrité même de cette loi ne peut tenir davantage.

Nous sommes à même de nous questionner à l'effet qu'une loi qui remet en cause les principes démocratiques n'est pas elle-même en train de remettre en doute la crédibilité des systèmes politiques qui la régissent. Par conséquent, cette crédibilité en devient nulle et la confiance de la communauté, si chère au maintien de la démocratie, disparaît alors. Si tel est le constat, que nous réserve l'avenir? Peut-être une ère exempte de cadres réellement démocratiques, privant ainsi la communauté de ces véhicules donnant accès aux tribunes démocratiques. Ces cadres, socialement acceptés, auxquels tous et toutes doivent se conformer au détriment d'objectifs personnels, sont les moyens les plus adéquats pour faire entendre celles et ceux qui veulent faire respecter leur intégrité en tant que partie prenante d'une communauté.

Le mode électoral et référendaire de 50 % plus un est un cadre intègre, démocratique, socialement accepté. Ce cadre, applicable pour toute question de quelque nature indépendante des jugements de valeur, des cultures, des opinions et des circonstances est et doit demeurer l'unique véhicule menant à la prise de décision d'une communauté.

Une autre question nous préoccupe: À quoi bon un système politique, s'il n'est pas fondé sur la démocratie? À quoi bon le fédéralisme canadien ou un État souverain du Québec si la démocratie n'est pas le fondement de l'une ou l'autre des options? À devoir choisir entre le projet de loi C-20 du gouvernement fédéral ainsi que celui du gouvernement provincial, nous sommes forcés de reconnaître que le projet de loi fédéral remet en cause les principes même de la démocratie, alors que le projet de loi n° 99 du gouvernement québécois réaffirme ce droit à la démocratie. Il n'y a pas deux niveaux de démocratie, l'un qui permettrait au Québec de déterminer lui-même sa destinée et l'autre qui jugerait de la validité de ce premier niveau de la démocratie. Le peuple ne parle que d'une voix, et cette voix se fera reconnaître sur la scène internationale selon les principes déjà acceptés. Aucun gouvernement, organisation ou groupe social ne peut entraver ce que la démocratie a déjà décidé. Les règles sont simples, claires et immuables.

(16 h 30)

Nous avons préalablement parlé de trois thèmes dans notre exposé, soit crédibilité, démocratie et confiance. Bien que crédibilité et démocratie ne fassent pas toujours bon ménage, la confiance face au système politique permet à la communauté de participer à la construction et à l'amélioration de la communauté. Si cette confiance disparaissait, quel véhicule serait-il encore possible d'utiliser pour faire entendre notre voix et faire respecter les volontés de la majorité? Dans cette perspective, comment pouvons-nous penser, nous qui formons la jeunesse, construire un fédéralisme représentatif? Comment pouvons-nous même participer à cette construction si les fondements ne comprennent pas les principes propres à la démocratie? Jamais un gouvernement ne doit s'ingérer dans les règles qui régissent la démocratie pour la raison évidente que ces règles n'appartiennent pas au gouvernement, mais sans contredit au peuple et uniquement au peuple.

À l'inverse, à quoi bon un Québec souverain si les principes démocratiques ne sont pas parties prenantes de ce nouveau pays? Jusqu'à présent, rien ne nous laisse croire que le gouvernement du Québec va oser s'ingérer dans le fondement des règles démocratiques. On peut accuser les gouvernements de gouverner de façon inadéquate, les élections seront là pour en décider, c'est le propre de la démocratie, mais on ne peut accepter qu'un gouvernement entrave les fondements sur lesquels repose son pouvoir. L'histoire est tristement remplie d'épisodes où des principes élémentaires de la démocratie ont été bafoués, et c'est souvent avec regret que l'on cite ces moments sombres. Il n'y a pas d'atteinte mineure à la démocratie, puisqu'il s'agit d'un tout, trop souvent fragile. On a souvent peine à imaginer la portée d'une atteinte dite mineure.

M. Lanthier (Renaud): La démocratie existe avant tout parce que le peuple a décidé de vivre en société sous ce système politique. Pour ce faire, le peuple a développé des instances le représentant afin de voir aux grandes orientations que doit prendre la société en général. Bien que conscient des limites de la démocratie, le peuple s'y soumet. Il reconnaît, à tout le moins implicitement, que ce système est celui qui permet le mieux de sauvegarder les libertés fondamentales de chacun si chères à tous et de permettre une vie collective enrichissante et sécuritaire où les plus faibles ne sont pas automatiquement la proie des plus forts.

Les instances gouvernementales ne devraient jamais perdre de vue ces principes fondamentaux et ne jamais oublier qu'elles ne sont que les créatures du peuple qui, à l'extrême, pourrait décider collectivement de les éliminer et de les remplacer par de nouvelles structures ou même par un nouveau régime. C'est le peuple créateur de ces instances qui est souverain et qui doit voir à son autodétermination et non ces créatures qui ne font que le représenter et gérer le bien-être collectif.

De plus, il ne faut pas oublier qu'un peuple évolue au fil des ans et des siècles et que les choix qu'il a faits il y a 20, 30 ou même 100 ans peuvent ne plus lui convenir. Que doit faire le peuple en cette occasion? Il a l'obligation morale d'interroger les personnes qui le composent afin de réorienter ses principes, sa destinée le cas échéant, s'il juge de manière démocratique que des changements s'imposent. À partir du moment où la majorité des individus composant un peuple, c'est-à-dire 50 % plus un, décident qu'il y a nécessité d'apporter des correctifs, alors on peut affirmer que le peuple s'est prononcé, que le peuple a pris une décision selon les règles démocratiques reconnues depuis des centaines d'années et qu'il a confié du même coup à ces créatures, c'est-à-dire à ces instances politiques, un mandat d'appliquer les décisions prises. Rien ne peut le contraindre par la force, si ce n'est, malheureusement, un autre peuple.

M. Ouellet (Bernard): Alors, en conclusion, M. le Président, parce que le Québec détient la primauté politique sur le territoire québécois, tel que nous l'avons démontré au début de ce présent mémoire;

Parce que la démocratie est un fait incontestable et inviolable;

Parce que la démocratie est la base de l'espoir que fonde la jeunesse dans notre système politique;

Parce qu'il appartient au peuple de décider de ses systèmes politiques et non aux instances politiques de déterminer les fondements de la démocratie;

Nous croyons que le projet de loi du gouvernement provincial se veut nécessaire et souhaitable. En effet, à ce stade-ci, nous devons rappeler à nos élus d'Ottawa, qui semblent les avoir oubliés, quelques principes fondamentaux de la démocratie.

Le projet de loi présenté ne contraint en rien le peuple québécois, il affirme, au contraire – on devrait dire «il réaffirme» – le droit des Québécois et des Québécoises à disposer d'eux-mêmes dans le respect des règles démocratiques.

Pour ce faire, nous proposons que soit ajouté le considérant suivant: «Considérant que les pouvoirs dévolus par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui confère à chaque province son indépendance et son autonomie, règle de base de l'entrée du Bas-Canada dans la Confédération;»

Et que soit ajouté à l'article 10, à la fin du deuxième paragraphe qui débute comme suit: «Aucun autre Parlement ou gouvernement ne peut réduire les pouvoirs, l'autorité et la souveraineté et la légitimité de l'Assemblée nationale...» Et on ajoute «ni ne peut contraindre, par ses propres lois, la volonté démocratique du peuple québécois».

En tant qu'élu du peuple, le gouvernement du Québec au grand complet doit se faire la voix des Québécois et affirmer haut et fort les droits de ceux-ci. La réaffirmation passe ici par la loi proposée qui doit, selon nous, obtenir dans son intégralité l'appui de tous les élus, peu importe leur allégeance politique, car ici ce n'est pas de politique qu'il s'agit, mais bien de droits démocratiques fondamentaux du peuple québécois. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci de votre présentation. M. le ministre.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale et je vous remercie pour votre contribution. J'aurai quelques commentaires plutôt que des questions.

Je dois vous dire que votre mémoire est remarquable. Il est très clairement écrit, il est très, très vigoureusement argumenté au plan logique et il est très solidement documenté, notamment en ce qui a trait aux circonstances historiques qui ont donné naissance au régime fédéral dans lequel nous vivons. Je l'ai vraiment trouvé excellent, et qu'il vienne de la part d'un regroupement de jeunes le rend encore plus remarquable.

J'ai l'impression que la phrase qui résume le mieux votre mémoire, c'est celle qui dit: «À devoir choisir, le projet de loi C-20 du gouvernement fédéral remet en cause les principes de base mêmes de la démocratie, alors que le projet de loi n° 99 du gouvernement québécois réaffirme ce droit à la démocratie.» Je crois vraiment que tout est là.

Vous remarquerez, cependant, que bien d'autres groupes avant vous... En fait, non, une minorité de groupes. Mais, souvent, certaines remarques de l'opposition officielle opposent à la volonté démocratique du peuple québécois ce qu'on appelle la primauté du droit. Entre autres, le parrain du projet de loi C-20, M. Dion, insiste beaucoup sur la primauté du droit, sauf qu'il faudrait rappeler que la primauté du droit doit exclure l'arbitraire du pouvoir. Or, C-20 est un monument à l'arbitraire. Quand on invoque, donc, la primauté du droit au nom de C-20, on travestit la règle de droit.

Regardons ce que dit C-20. C-20 veut donner à la Chambre des communes le pouvoir de déclarer non claire la question sur la base de – et, ici, je cite le texte même de la loi fédérale – «tout avis qu'elle estime pertinent». L'avis de qui?

C-20 dit aussi que la Chambre des communes se verra attribuer le pouvoir d'évaluer la majorité requise à la lumière de – je cite encore le texte de C-20 – tous autres facteurs ou circonstances estimés pertinents. Lesquels? Quels facteurs? Quelles circonstances? Alors, si ce n'est plus, par exemple, 50 % plus un, qu'est-ce que c'est, la nouvelle règle?

Nous sommes devant l'arbitraire le plus complet. Devant un tel arbitraire, comment est-ce que le citoyen peut se gouverner? Dans le fond, ce que lui dit C-20, au citoyen, c'est que son vote n'aura que l'importance que les députés de la Chambre des communes voudront bien lui accorder. Dans le fond, ce que nous dit C-20, quand on y pense, c'est que les 2 308 360 Québécois qui ont voté oui ne savaient pas ce qu'ils faisaient puis qu'il faut les protéger contre eux-mêmes, alors qu'en fait il faut se rappeler que les 2 308 360 Québécois qui ont voté oui, c'est plus que la totalité de la population de la Saskatchewan, du Manitoba, de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Écosse puis de l'Île-du-Prince-Édouard mise ensemble.

(16 h 40)

Il y a une phrase dans votre mémoire qui est absolument remarquable, mais que j'ai trouvée dans la première version de votre mémoire, je ne l'ai pas retrouvée dans la nouvelle copie que vous avez distribuée, et c'est la phrase qui dit: «Nous n'affirmons pas que nous entrons dans une ère dictatoriale, mais plutôt à l'intérieur de cadres non démocratiques qui privent la communauté de ses véhicules donnant accès aux tribunes démocratiques.» Je n'aurais pas mieux dit que ça. C'est lumineux.

Enfin, je terminerai en disant que vous êtes aussi un des groupes qui ont fait le plus remarquable effort pour concevoir des amendements sensés, crédibles, sérieux pour bonifier 99, et je vous assure qu'on va les examiner avec tout l'intérêt qu'ils méritent. Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Commentaires avant de passer au... M. le député de Frontenac, vous avez une question, allez-y.

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Lanthier et M. Ouellet. C'est extrêmement intéressant comme mémoire. Vous parlez de souveraineté, vous parlez de démocratie et aussi, comme disait le ministre, vous faites référence à l'histoire, d'autant plus que vous citez Georges-Étienne Cartier. Alors, pour un ancien professeur d'histoire, je trouve ça très intéressant, surtout lorsque vous lui faites dire: L'existence des provinces et la souveraineté. Aujourd'hui, Georges-Étienne Cartier dirait: L'existence de l'État du Québec et de la souveraineté.

Vous parlez beaucoup de démocratie et vous parlez de confiance, il y a une question de confiance aussi. Alors, ma question se pose de la façon suivante. Vous parlez de crédibilité envers le système et vous dites que la seule façon d'acquérir une crédibilité, c'est par la démocratie, est-ce que vous croyez que la loi C-20, par exemple, va miner cette crédibilité-là?

M. Ouellet (Bernard): Va miner la crédibilité de...

M. Boulianne: Oui, va...

M. Ouellet (Bernard): En fait, oui. Bien, en fait, tout à fait. Si la loi C-20 est antidémocratique en tant que telle... En fin de compte, c'est que si jamais, autrement dit, on voit une faille dans ce système-là, comment nous, en tant que citoyens, on peut dire: Bon, bien, est-ce que c'est un précédent? Est-ce que c'est vers ça que le système s'en va? Et jusqu'où ça peut aller? Éventuellement, nous qui voulons construire quelque chose, est-ce que, en quelque part, on n'est pas en train de se dire: Bien, à n'importe quel moment, nos réalisations peuvent être entravées à cause qu'on n'a plus confiance aux instances qui sont là?

Je crois qu'une commission, ici, c'est un bel exemple de la démocratie, puis, si ça n'existait pas, bien, je ne vois pas comment on pourrait se faire entendre. Donc, en quelque part... Mais, si par contre on n'avait pas confiance en la commission, par exemple, on ne serait pas ici puis on se dirait, bon, bien, un peu comme certaines personnes qui sont blasées... C'est surtout là-dedans qu'il ne faut pas que le gouvernement entraîne la population, à enlever cette confiance-là.

M. Lanthier (Renaud): Si je peux me permettre d'ajouter, tout simplement...

M. Boulianne: Oui.

M. Lanthier (Renaud): ...la règle de base de la démocratie, ça restera, en tout cas pour nous, je pense, l'expression de la volonté du peuple, de la majorité du peuple. Donc, c'est-à-dire que, lorsqu'on est en présence d'une décision qui est prise à 50 % plus un, on est en présence de ce qu'on a toujours considéré depuis des centaines d'années comme étant l'expression de la démocratie, et tout projet de loi qui vient toucher cette règle de base, cette règle fondamentale là nous apparaît comme, effectivement, pouvoir discréditer la démocratie.

M. Boulianne: Bien, à la page 17, par ailleurs, vous soulignez qu'il serait opportun de rappeler à nos voisins d'Ottawa les principes fondamentaux démocratiques qu'ils semblent avoir oubliés. Alors, le projet de loi n° 99, je pense que c'est une mécanique qui le fait. Est-ce que vous avez d'autres suggestions? De quelle façon on pourrait le leur rappeler?

M. Lanthier (Renaud): Bien, dans un premier temps, effectivement on considère que le projet de loi n° 99, qui vient réaffirmer les droits des Québécois, est une façon de le rappeler. Je pense qu'il n'y aura pas vraiment de manière différente de le faire. Je pense que nos voisins d'Ottawa devront s'apercevoir que les Québécois, peu importe l'allégeance politique, sont des gens qui sont foncièrement démocrates et qu'ils veulent vivre dans un système démocratique.

M. Boulianne: Est-ce que vous croyez – évidemment, c'est un rapport de force – que le fait que, par exemple, l'opposition officielle n'appuie pas le projet de loi n° 99 nous met en position de faiblesse face à Ottawa?

M. Lanthier (Renaud): Je pense que oui, et c'est une des conclusions de notre mémoire, là, lorsque l'on dit qu'on croit que tous les députés devraient se rallier derrière le projet de loi n° 99. Ce n'est pas pour rien, c'est parce qu'on considère qu'il faut démontrer une forte présence au niveau fédéral, leur démontrer que nous sommes solidaires du fait que certaines règles démocratiques sont entachées par le projet de loi C-20. Et donc je pense qu'à ce moment-là, peu importe si, en quelque part on peut trouver le projet de loi inconstitutionnel éventuellement ou qu'il y a peut-être certains aspects qui pourraient être discutables, il faut que les députés se réunissent derrière le projet pour présenter au fédéral une vision solidaire de ce qu'est la démocratie pour nous.

M. Boulianne: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Oui. Tantôt, le critique de l'opposition voyait à travers les propos des députés de ce côté-ci et du texte du projet de loi n° 99 une espèce d'astuce préréférendaire. Il indiquait que, de son point de vue, il y avait dans ce projet de loi la semence d'une quelconque stratégie référendaire. À mon point de vue, il s'agit d'un document qui est strictement l'affirmation de plusieurs principes qui animent les citoyens du Québec et qui ont animé tous les premiers ministres du Québec depuis le début de ce statut constitutionnel que nous vivons.

Je voudrais savoir votre point de vue, est-ce que, directement ou indirectement, de façon quelconque, vous percevez à travers l'un ou l'autre des attendus, ou des articles, ou des combinaisons d'attendus et combinaisons d'articles... est-ce que vous voyez quoi que ce soit qui soit à la fois ou partisan, ou préréférendaire, ou entaché d'intentions, ou porteur d'un potentiel quelconque en vue d'une ou l'autre des options qui sont ouvertes devant les Québécois? Mon point de vue, vous le connaissez, c'est que ce projet de loi là décrit des faits, affirme des choses, ouvre l'avenir et qu'il ne prend pas parti ni pour le fédéralisme, ni pour son renouvellement, ni pour le statut constitutionnel actuel du Québec, ni pour un statut éventuel, ni pour la souveraineté, et tout ça, mais tantôt on nous a dit qu'il y avait tout ça à l'intérieur. Moi, je voudrais savoir votre point de vue, est-ce que – pour employer un mot qu'on utilise en latin – le projet, il est «clean» de ce côté-là?

M. Ouellet (Bernard): Moi, personnellement, je crois que c'est... On va répondre oui ou non suivant la définition qu'on veut donner aux institutions québécoises, en ce sens que est-ce que le projet de loi définit la vision que les Québécois veulent avoir de leur État? O.K. Donc, si, pour nous, on croit que le projet de loi C-20 n'entrave pas la démarche du Québec, n'entrave pas le futur, bien à quoi bon le projet de loi n° 99?

Mais, si au contraire on se sent lésés et on pense que la définition même, l'essence même du Québec est remise en cause et la définition qui est donnée dans le projet de loi correspond à nos valeurs en tant que peuple, je crois que ce projet-là a tout à fait sa pertinence puis sa raison d'être et son importance aussi. On ne peut pas passer à côté de ça. Je parlais tantôt de créer des précédents, mais il ne faudrait pas en arriver là.

(16 h 50)

M. Paquin: Le porte-parole de l'opposition nous dit aussi qu'il faudrait que le projet de loi porte de façon claire une référence à l'avis de la Cour suprême. Nous, on se méfie de ça de ce côté, ici, parce qu'on ne voudrait pas reconnaître par le biais ce qu'on ne veut pas reconnaître, à savoir la Constitution de 1982 et ses institutions. Il s'avère que, bien sûr, parce que la tarte aux pommes a bon goût, nous, on aime la tarte aux pommes, puis la Cour suprême a dit que la tarte aux pommes, c'était bon, et donc, sur un certain nombre de choses, il y a une convergence des avis. Mais, si nous voulons réaffirmer les principes, par exemple, du 50 % plus un, ou du fait que le territoire du Québec n'est pas divisible, ou des choses comme ça, c'est parce que c'est ce que le peuple du Québec pense et c'est ce que son institution devrait traduire. Et c'est pour ça que nous le proposons à tout le monde et non pas parce que la Cour suprême le pense aussi. Est-ce que, selon vous, le fait d'inclure un article sur l'avis de la Cour suprême sur ces questions-là nous mettrait en danger?

Compte tenu de notre volonté, de notre souhait, de notre désir que tous les députés de l'Assemblée nationale puissent se rallier au projet, on peut envisager, donc, des amendements, et on est prêts à les examiner pour peu qu'on nous les formule et pour peu qu'ils ne nous mettent pas en péril sur l'essentiel. Donc, est-ce qu'on devrait aller vers une référence à l'avis de la Cour suprême? Et jusqu'où pouvons-nous aller dans ce sens-là sans nous faire reconnaître par le biais la Constitution de 1982?

M. Ouellet (Bernard): En fait, si je peux répondre, nous, on est partis d'une prémisse démocratique. En fait, on n'a pas vraiment parlé de droit dans notre... Bon, à ce que je sache, l'Assemblée nationale, c'est le représentant du peuple, puis ceux qui forment les lois, bien, forment les lois pour le peuple. Ça fait que, si on s'en tient à cette prémisse-là, personnellement, je ne vois pas l'importance d'inclure une telle référence. Oui, par contre, le juridique a quand même une importance dans notre fonctionnement social, mais, de là à l'inclure là-dedans, c'est une autre question qu'on n'a pas abordée. Mais, comme je vous dis, étant donné que l'Assemblée nationale est la représentante du peuple et que c'est la voix du peuple qui doit précéder, bien je pense que la réponse est là.

M. Paquin: Est-ce qu'il reste du temps?

Vous accordez de l'importance à ce qu'il y ait unanimité autour de ce projet de loi là. À quels compromis invitez-vous le gouvernement du Québec pour obtenir l'assentiment du Parti libéral?

M. Lanthier (Renaud): C'est une bonne question.

M. Ouellet (Bernard): C'est une bonne question. En fait, on pourrait juste rappeler que de dire, bon, bien, le Québec dans lequel tous les partis ont toujours... Puis, en fait, vous, vous faisiez référence que les gouvernements se sont succédé et ont toujours gardé en prémisse ce même attachement aux valeurs québécoises, de n'importe quelle allégeance, je crois que, en quelque part, la question fondamentale à se demander, c'est de se dire: Est-ce que le projet de loi C-20 du gouvernement fédéral peut remettre en cause de façon directe ou indirecte cette autodétermination qu'on a toujours eue au Québec? S'il y a le moindre de doute de dire oui, je crois qu'on n'a absolument rien à perdre à appuyer ce projet-là puis de dire: Bon, bien, quand il sera question de la souveraineté, il pourra y avoir un autre débat à ce sujet-là. Mais de reconnaître nos instances démocratiques, pour moi, ce n'est pas un compromis, comme vous dites, c'est le bon sens.

M. Lanthier (Renaud): En fait, je pense que ce qu'on veut exprimer, c'est qu'il n'y a pas de compromis possible lorsqu'on parle d'affirmer des droits fondamentaux d'un peuple. Comme il nous semble, le projet de loi n° 99 affirme et réaffirme les droits fondamentaux des Québécois et des Québécoises, et, pour cette raison-là, on considère qu'il devrait être appuyé par tout le monde et qu'on ne peut pas faire de compromis vraiment sur une affirmation des droits que chacun des Québécois et Québécoises a et qu'il veut garder et conserver.

M. Paquin: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le porte-parole de l'opposition officielle... Oui, je pense effectivement que Mme la députée de La Pinière aimerait intervenir dans le cadre de nos travaux, mais, connaissant les règles qui régissent nos commissions, j'aurais besoin, bien sûr, du consentement des collègues. Est-ce qu'il y a consentement pour permettre à Mme la députée de La Pinière de poser des questions? Oui? Ça va? Bon.

M. Paquin: D'autant plus que Mme la députée de La Pinière s'intéresse toujours aux porte-parole qui nous viennent de la Montérégie.

M. Boulianne: On accepte, Mme la députée...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, bienvenue, Mme la députée de La Pinière. Vous avez la parole.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président, M. le ministre et chers collègues. En effet, je ne suis pas membre de cette auguste commission. J'en étais membre il y a quelques temps et, présentement, je suis à la commission des finances publiques, mais je suis venue spécialement pour vous écouter parce que je suis fière de voir des jeunes de la Montérégie s'impliquer dans les débats. J'ai eu le plaisir de vous accueillir et d'échanger avec vous lors des consultations sur la réduction des impôts. Vous avez présenté un mémoire avec des suggestions assez intéressantes, il faut dire. Alors, je vous revois à nouveau, M. Renaud Lanthier et M. Bernard Ouellet, avec grand plaisir. Et je vous ai écouté, j'ai lu votre mémoire, et ce que je trouve d'intéressant, c'est que finalement vous êtes sortis des sentiers battus pour focaliser sur la problématique de la démocratie, et ça, c'est tout à votre honneur, parce que, en fait, c'est une valeur fondamentale à laquelle on doit adhérer et qu'on doit défendre aussi quelles que soient nos allégeances politiques, et je trouvais ça très rafraîchissant et très intéressant. Évidemment, c'est une valeur qu'on partage fondamentalement. Je suis persuadée, mes collègues de l'autre côté, nous, du Parti libéral du Québec, la démocratie, c'est une valeur qui est centrale aussi à nos orientations et à nos convictions.

Vous avez parlé aussi de l'expression de la majorité, oui, et j'ajouterais tout simplement pour compléter un peu ce qui a été dit que, nous, de l'aile parlementaire libérale, on a aussi affirmé ces principes à l'Assemblée nationale par la voix de M. Charest, le chef de l'opposition officielle, qui a présenté une motion à l'Assemblée nationale où il affirme et réaffirme l'autonomie de l'Assemblée nationale ainsi que la valeur de la démocratie telle que vous l'avez décrite. Alors, sur ces points-là, on se rejoint. Je suis persuadée que vous êtes conscients de ça et qu'on peut diverger, évidemment, de stratégie et de moyens pour atteindre un objectif, mais fondamentalement je me reconnais dans les propos que vous avez tenus sur la démocratie et je peux vous assurer qu'ils sont bien accueillis de notre côté.

Et je vous félicite encore une fois comme représentants des jeunes de la Montérégie. Comme présidente du caucus libéral de la Montérégie, ça me fait énormément plaisir de vous voir parmi nous. Merci d'avoir pris la peine d'écrire un mémoire, de venir le défendre, de vous être déplacés, puis transmettez mes amitiés à tous les jeunes de votre groupe. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, il me reste, au nom des membres de la commission, à vous remercier pour votre contribution à nos travaux. Merci encore une fois.

M. Ouellet (Bernard): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Nous en venons donc à la dernière étape de cet après-midi, et j'invite Mme Dana Larrivée à bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît, et à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je rappelle que la commission des institutions est réunie afin de procéder à une consultation générale et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec.

Alors, Mme Larrivée, nous avons réservé une période d'une demi-heure pour cette rencontre. Vous aurez, pour la présentation de votre mémoire ou de votre point de vue, 10 minutes maximum, à la suite de quoi nous passerons aux échanges.


Mme Dana Larrivée

Mme Larrivée (Dana): Merci, monsieur...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, bienvenue encore. Vous avez la parole.

Mme Larrivée (Dana): Bonsoir. Je suis Gaspésienne, je suis née Gaspésienne, je ne veux pas défendre la Gaspésie, mais, tout de même, je pense que, comme citoyenne, je suis citoyenne ordinaire...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): C'est à votre honneur de défendre la Gaspésie.

(17 heures)

Mme Larrivée (Dana): Bien, c'est-à-dire que je suis fière de l'être, et mes parents, mes grands-parents, mes arrière-grands-parents ont cultivé et défriché la même terre. Et, si je reprends le texte du projet de loi n° 99 que j'ai lu dans le journal, je témoigne donc d'une continuité historique enracinée dans son territoire parce que je pense que mes parents étaient là au début de la Gaspésie. Tout ça pour vous dire que je suis venue surtout défendre la participation des citoyens dans les décisions qui sont prises en leur nom. Des décisions qui les concernent très intimement. Il faut dire que les petits endroits, je pense, ont une façon particulière de voir les décisions qui sont prises pour eux parce qu'ils sont très liés au territoire, ils sont très proches de leur territoire, ils le connaissent souvent par toutes ses facettes géographiques, même s'ils ne peuvent pas toujours l'exprimer.

Alors, le projet de loi n° 99 fait appel à la démocratie, c'est-à-dire que c'est surtout la publicité, je pense, qui a énoncé des grandes lettres en rapport avec le démocratie. Et, pour nous, la démocratie, ça veut dire – je parle comme citoyenne, là – consultation, donc on fait appel à la légitimité du processus, on parle de transparence, à ce moment-là, et on parle de dialogue avec les citoyens.

Quand on parle de ce projet de loi et qu'on dit qu'il fait appel au peuple, aux citoyens, je me suis demandée: Est-ce qu'on va encore demander la participation des citoyens uniquement au point de départ, c'est-à-dire qu'on demande aux citoyens de voter, de se prononcer et comme de déléguer à un ensemble de personnes ou à une personne ce qui va se décider pour eux? Bon, d'accord, on est pour ou on est contre le projet. Ce n'est pas nécessairement mon propos tout à fait. C'est de supposer que ce projet-là va avoir une suite et quelle sorte de suite il va avoir, quelle sorte de décisions vont être prises sur le plan pratique. Parce qu'on se réfère toujours au concret.

Il nous semble qu'après avoir invoqué la légitimité pour obtenir le droit de procéder à quelque chose, on enclenche ensuite des décisions qui me semblent un peu arbitraires et qui s'appuieraient davantage sur le processus légal plutôt que sur la légitimité. Alors, c'est toujours ce dilemme entre la légitimité puis la légalité quand on prend des décisions pour nous. Donc, il y aurait, à notre sens, un manque d'adéquation entre les orientations, les politiques de départ puis les applications concrètes qu'on fait par après.

Alors, pour être courte, quand même, je voudrais demander que la participation des citoyens soit encadrée d'une manière assez efficace pour que le dynamisme des citoyens demeure actif dans le projet et pour que les décisions, à ce moment-là, qui vont être prises ultérieurement rencontrent la compréhension et la confiance, parce que de la légitimité dépend la transition harmonieuse ou, en tout cas, la plus harmonieuse possible. Alors, si on parle d'encadrement des citoyens, je n'ai pas nécessairement de façons à proposer, mais je dis que, ça, ça doit exister pour que les citoyens soient partie prenante de cette formule qu'on veut adopter.

Mais l'encadrement, comment va-t-il être fait? Une loi, ça peut avoir l'air tout à fait démocratique, ça peut protéger la participation des gens puis, en même temps, se révéler très restrictive dans l'application.

Et je voudrais vous donner un exemple, ici. Sans vouloir refaire les choses, je voudrais simplement vous donner un exemple qui nous a frappés assez fort dans la petite municipalité pour laquelle j'ai travaillé sur le projet de regroupement municipal. C'est juste un exemple – je ne veux pas changer quoi que ce soit aux décisions qui ont été prises – tout simplement pour vous dire comment la participation des citoyens a été vue.

Alors, je passe rapidement sur les orientations. On sait que les orientations, les politiques, les visées de départ englobaient la participation du citoyen dans le projet de regroupement. Sauf que, dès qu'on a passé à la phase concrète, c'est-à-dire là où les gens étaient vraiment intéressés, les citoyens n'avaient comme plus rien à voir, ils ont été complètement ignorés. Alors, on les a placés tout simplement devant le fait accompli.

Et qu'est-ce qu'on peut faire? La seule chose qui nous restait, c'était de retourner à l'article 90 de la Loi sur l'organisation territoriale municipale, qui disait qu'on pouvait faire opposition à la demande de regroupement ou, en tout cas, apporter nos choses et qu'à ce moment-là c'est la ministre des Affaires municipales qui devait prendre les décisions.

En fin de compte, Mme Harel nous a dit que le référendum local, que nous n'avons pas eu, dans notre cas, de toute façon, que les référendums locaux étaient consultatifs. Bon. Ça a été un coup dur pour nous. Ça nous excluait, encore une fois. C'est ça que je veux vous dire. Et on se demande aussi comment on peut... Parce que la loi fait appel plusieurs fois à une consultation possible. Par exemple, si l'opposition est examinée d'une certaine façon, donc, à ce moment-là, il va y avoir un référendum. Puis là il y a même l'article 95 qui dit: Êtes-vous favorable au regroupement des territoires de ces municipalités? Et c'est une question, ça, sur un scrutin référendaire. Alors là on se dit: Bien, on va encore avoir une chance. Mais on n'en a pas, puisque c'est Mme la ministre qui prend les décisions.

Ce que je veux dire ici, c'est que, si on confie à une seule personne le soin de prendre toutes les décisions pour une communauté, qu'elle soit large ou petite, est-ce qu'on fait la bonne chose? C'est un point de vue de citoyen. À notre sens, ça n'est pas correct, d'autant plus que la loi semble donner beaucoup de place au citoyen, mais, en pratique, il n'y en a pas.

Ensuite de ça, il y avait même un point sur une question de modification au projet. Bon, encore là, il s'agissait qu'une municipalité soit d'accord avec la modification puis que l'autre ne le soit pas pour annuler toute consultation, annuler les articles suivants. Donc...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je vous inviterais à vous diriger tranquillement vers votre conclusion.

Mme Larrivée (Dana): Oui, c'est ça, j'y arrive, monsieur. Donc, je me dis que, dans ce projet que nous avons vécu d'une façon très concrète, si je fais le rapport avec le projet de loi n° 99, est-ce qu'on va toujours mettre la légalité en avant, alors que la légitimité, elle, est ignorée, si vous voulez, dans toutes les suites du projet, dans toutes les suites des décisions? Donc, si on s'occupe seulement de la légalité dans les décisions, à notre sens, ça va générer beaucoup d'insatisfaction et la transition ne pourrait certainement pas être très harmonieuse.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci pour votre présentation. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Larrivée. Je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. Nous avons lu intégralement votre mémoire, ce qui n'est pas un grand exploit, considérant qu'il est très, très court. Je crois comprendre que votre souci premier, c'est que la démocratie soit, disons, réelle et pas seulement formelle ou apparente. Et vous dites: La démocratie, c'est un processus de consultation, mais qu'arrive-t-il de la démocratie si après que nous aurons été consultés le législateur fait à sa tête? C'est un bon point.

(17 h 10)

Il se trouve cependant que les démocraties, c'est quelque chose d'extrêmement complexe. Laissez-moi vous donner un exemple que chaque député ici a probablement vécu. Je reçois dans mon bureau de comté un citoyen qui me soumet ses doléances et qui me dit: Je vous ai élu, vous êtes mon représentant, vous devez donc aller défendre mes vues à Québec. Fort bien. Mais, une demi-heure plus tard, arrive un autre citoyen du même comté qui, lui, a un point de vue diamétralement opposé au précédent, et il me dit: Je vous ai élu, vous êtes mon représentant, vous devez donc défendre mon point de vue à Québec. Je fais quoi?

La démocratie représentative telle que nous l'avons ici élaborée suppose, oui, un mécanisme de consultation, imparfait certes mais probablement le meilleur que nous ayons réussi à établir sur la face de la terre. Mais, après la consultation, les élus sont précisément élus pour décider au nom de ce qu'ils pensent être, bien imparfaitement, l'intérêt général. Et, précisément parce que les élus n'ont pas la science infuse, l'électorat a, à intervalles réguliers, la possibilité de reconduire sa confiance dans ses élus ou de changer d'équipe. En d'autres termes, en démocratie, une fois qu'on est consulté, il arrivera que, des fois, les élus feront comme on souhaite et, d'autres fois, les élus ne feront pas comme on souhaite. L'important, c'est d'avoir été entendu.

Vous évoquez un point précis, la question des municipalités. Et vous reprenez un argument fréquent, notamment de M. Dion, qui est de dire: Comment le gouvernement du Québec peut-il accorder autant d'importance à l'expression de la volonté populaire du peuple québécois sur son avenir politique et faire si peu cas des référendums tenus dans les municipalités? C'est un argument qui est ce qu'on appelle communément un sophisme, c'est-à-dire un argument qui a des apparences de logique. En fait, on compare ici des pommes et des oranges.

Dans le cas de l'avenir politique du Québec, il est question d'une nation, d'un peuple. Or, les peuples reçoivent leur légitimité en vertu du droit naturel, c'est-à-dire qu'ils existent en dehors de toute reconnaissance de la part d'autrui, et leur existence précède les États, les lois, les cadres qu'on se donne. Les municipalités, elles, sont des créatures de l'Assemblée nationale, n'existent que par la volonté du législateur. Elles n'ont donc aucun pouvoir leur permettant, par exemple, de décider de leur appartenance ou pas au territoire du Québec.

Imaginez la situation si, au terme d'un référendum sur, par exemple, le rattachement au Canada, pouvaient quitter le Québec ou demeurer au Canada toutes les municipalités au sein desquelles une majorité de citoyens aurait voté en ce sens. Le territoire du Québec serait un fromage de gruyère. Et, si ensuite vous réduisez au maximum votre champ d'observation, là, le problème se pose au niveau du quartier puis au niveau de la rue. Et, si chacun est libre de faire entièrement ce qu'il veut au nom d'une conception absolutiste de la démocratie, il n'y a plus de cohérence, il n'y a plus de tissu social, il n'y a plus de société qui tient.

L'opposition officielle, notamment le député de Hull, invoque souvent l'exemple du Mont-Tremblant. Il devrait évidemment retourner un petit peu plus en arrière, à supposer qu'il le sache, et étudier le cas de Laval. Laval, la deuxième plus grande ville du Québec, c'était 15 municipalités qu'un gouvernement libéral a voulu fusionner. Les maires des 15 villages, ne voulant rien savoir, ont organisé des référendums qui ont donné une majorité opposée à la fusion. Eh bien, le gouvernement libéral du temps a imposé la fusion et a créé ce qui est aujourd'hui la deuxième plus grande ville du Québec. Et ce fut un geste visionnaire, à l'époque. C'est ça aussi, prendre ses responsabilités.

Je retiens, cela dit, votre souci essentiel, qui est que le projet de loi, dans les suites que nous lui donnerons et qui ne sont pas arrêtées pour l'instant, fasse la plus grande place possible au citoyen. Et je termine simplement en vous disant, comme je l'ai déjà dit à d'autres, que je trouve toujours admirables des individus qui, sans avoir la sécurité que procure le groupe et le nombre, rédigent un mémoire seuls et viennent se faire entendre seuls au Parlement. C'est aussi ça, un citoyen engagé, puis je salue ça. Puis je vous en remercie.

Mme Larrivée (Dana): Est-ce que je peux réagir?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Bien sûr.

M. Facal: Bien sûr, madame.

Mme Larrivée (Dana): Vous parlez d'intérêt général quand on prend une décision, quand un député, par exemple, prend une décision. Je suis d'accord avec vous, parce que n'importe qui peut se tromper, puis on peut avoir aussi des idées divergentes à partir de positions différentes. Mais je conçois mal que mon député ne m'explique pas pourquoi il serait contre moi, par exemple.

M. Facal: Bien sûr.

Mme Larrivée (Dana): La question de transparence, je crois que c'est extrêmement important. Des décisions, quand je dis «arbitraires», c'est un petit peu comme si on n'avait plus rien à voir là-dedans, alors qu'en réalité ça nous concerne vraiment. Moi, je suis concernée par ce qui se passe au Québec, par les décisions qui vont être prises, par ce que le Québec va devenir.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien.

Mme Larrivée (Dana): Je suis vraiment très concernée.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Vous aurez le temps, M. le député de Saint-Jean, pour une brève question.

M. Paquin: O.K. Alors, brièvement. Vous démontrez l'importance que vous accordez à la participation du citoyen non seulement dans vos paroles, mais par votre présence. Et, à cet égard-là, il y a une évocation qui a été faite par plusieurs des personnes qui sont venues témoigner, disant qu'il serait opportun que les valeurs qui sont véhiculées dans ce projet de loi là et qui correspondent à ce qu'on veut le mieux possible calquer sur la volonté du peuple du Québec puissent faire l'objet d'un travail d'une assemblée constituante qui permettrait effectivement de donner la parole à plus de citoyens, peut-être de faire un travail plus en profondeur et de faire en sorte que la définition que l'on ait de ces objectifs des citoyens soit le mieux possible cueillie chez eux-mêmes et le mieux possible reflétée. Qu'est-ce que vous pensez d'une idée comme celle-là, celle d'avoir une assemblée constituante?

Mme Larrivée (Dana): Ça ne serait peut-être pas une mauvaise idée, en tout cas, peut-être même une très bonne parce que les gens deviendraient plus familiers, je pense, avec ce qui se passerait éventuellement. Parce que, là, on dit oui à quelque chose ou on dit non, mais on ne sait pas vraiment qu'est-ce qui va se passer après ou qu'est-ce qui pourrait éventuellement se passer après. Si on apportait des propositions quand même claires, relativement simples pour que les gens puissent s'exprimer et parler de ce pays qu'ils veulent... Parce que, nous, évidemment, on ne s'occupe pas nécessairement de lois, bien qu'on ait à y toucher, bien qu'on ait à en subir les conséquences surtout quand on ne les connaît pas. Et je crois qu'on va peut-être plus parler de quotidien.

C'était notre point de vue d'ailleurs dans la question des fusions municipales. Ce n'était pas de dire: On ne veut pas ce projet-là ou on en... c'était surtout: On veut quelque chose, on sait qu'il va y avoir quelque chose, mais ce sont nos petites propriétés, nos petites affaires qui nous intéressent. Qu'est-ce qu'on va devenir, nous autres, à l'intérieur de ça? Et je crois que, réellement, ça, ça a été complètement oublié, ignoré.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le porte-parole de l'opposition officielle.

(17 h 20)

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Je dois vous dire que, quand on parle de démocratie, je suis toujours particulièrement attentif parce que j'appartiens à un parti politique qui a eu, enfin, un plus grand nombre de votes que le Parti québécois à la dernière élection, mais qui, malgré tout, n'a pas eu le pouvoir. Donc, le principe démocratique est certainement une valeur qui, disons, suscite mon intérêt et retient mon attention.

D'autre part, je suis obligé de vous donner raison lorsque, en fin de compte, vous faites valoir le grand défaut qu'a la ministre des Affaires municipales d'imposer trop souvent ses décisions aux dépens des instances locales et en dépit de ce que pensent vraiment les citoyens et les citoyennes dans les différentes municipalités, cités et villes et autres localités du Québec.

J'aimerais dire par ailleurs qu'il faut faire attention avec l'idée d'assemblée constituante parce que l'assemblée constituante ne serait pas un forum ouvert pour tous les citoyens, là, ça serait un groupe restreint d'individus qui décideraient de la constitution, finalement, d'un Québec souverain. C'est ça qu'ont dans l'esprit les gens du parti ministériel. Et cela confirme dans notre esprit, à nos yeux, justement, le fait que nous sommes engagés ici dans un processus préréférendaire dont le projet de loi n° 99 est la première étape, qu'il y aura d'autres étapes qui suivront, que nous sommes dans un processus présécessionniste. Et, bien entendu, cet esprit que nous avions déjà perçu dès le mois de décembre est en train de se confirmer petit à petit à nos yeux.

Mais, cela étant dit, tout comme M. le ministre, je vous remercie, madame, de votre présentation et je vous remercie des commentaires que vous avez formulés. Oui?

Mme Larrivée (Dana): À ce moment-là, je rectifie un petit peu ce que je disais tout à l'heure. Je pense toujours que la participation des citoyens est extrêmement importante, parce qu'il y a de plus en plus de citoyens qui s'intéressent à la vie politique, à la vie surtout de leur milieu. Par contre, je me dis que, si on s'engage trop vite dans un processus, on risque de mettre les gens devant le fait accompli, comme nous l'avons été. Et où sont les citoyens, là-dedans? C'est la question que je pose.

M. Paquin: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien.

M. Paquin: ...afin de rectifier les propos?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Malheureusement, il ne nous reste plus de temps. Nous aurons l'occasion très certainement dans des séances ultérieures de rectifier les choses que vous estimez devoir être rectifiées. Alors, à ce moment-ci, Madame Larrivée, je vous remercie de votre participation à nos travaux.

Et, la commission ayant complété son mandat pour la journée, son ordre du jour, j'ajourne les travaux jusqu'à demain, 9 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 24)


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