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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 21 janvier 2003 - Vol. 37 N° 104

Consultation générale sur le document intitulé Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! La commission des institutions se réunit ce matin avec le mandat suivant, c'est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur l'Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaumier (Champlain) est remplacé par M. Duguay (Duplessis); Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière) est remplacée par M. Bédard (Chicoutimi); M. Dion (Saint-Hyacinthe), par M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean); Mme Leduc (Mille-Îles), par M. Laprise (Roberval); M. Gautrin (Verdun), par M. Sirros (Laurier-Dorion); Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), par M. Kelley (Jacques-Cartier); Mme Mancuso (Viger), par M. Ouimet (Marquette); et M. Pelletier (Chapleau), par Mme Gauthier (Jonquière). Enfin, M. Dumont (Rivière-du-Loup) est remplacé par M. Corriveau (Saguenay). Et M. Bégin est membre de la commission à titre de député indépendant.

Organisation des travaux

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le secrétaire. Alors, je souhaite la bienvenue à toutes les personnes qui sont présentes ici, dans cette salle, et même aux autres qui suivent nos travaux avec attention. Et je vous indique tout de suite que je vais me référer, j'espère le moins souvent possible, aux règlements qui régissent nos travaux. J'entends procéder comme il se doit avec équité et impartialité mais aussi avec rigueur, tout particulièrement en ce qui concerne les temps de parole qui existent dans de telles occasions.

Alors, je vous donne lecture de l'ordre du jour pour aujourd'hui. M. le député de Louis-Hébert.

n (9 h 40) n

M. Bégin: ...s'il vous plaît, M. le Président. Je vois dans la feuille que c'est marqué 10 minutes pour députés indépendants. Nous sommes deux; est-ce que je dois comprendre que nous avons à partager le temps ou si chacun d'entre nous pouvons disposer de 10 minutes?

Le Président (M. Lachance): À moins d'un consentement des membres de la commission, vous devrez partager le temps. M. le député de Saguenay.

M. Bégin: Compte tenu de l'importance du sujet et de l'universalité des propos qu'on doit avoir, je demanderais à mes collègues d'accepter que nous puissions parler 10 minutes, même si je n'ai pas l'intention de parler 10 minutes.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Oui, M. le Président. Oui, bien, je rajouterai à ça que présentement, moi, je remplace un membre de la commission des institutions, ça fait qu'au niveau de la répartition du temps, il me semble approprié que ça se reflète dans votre décision, le fait que je représente quelqu'un qui est membre de la commission et que je ne suis pas ici seulement à titre de député indépendant non membre.

Le Président (M. Lachance): Ça ne change absolument rien dans notre règlement, M. le député de Saguenay. Alors, je fais lecture de l'ordre du jour. M. le ministre.

M. Trudel: M. le Président, si vous voulez disposer de cette question, vous pouvez rajouter un cinq minutes. Nous serions consentants pour le député indépendant.

Le Président (M. Lachance): De toute façon, les députés indépendants, quels qu'ils soient, sont considérés comme des députés indépendants. Alors, si on avait prévu 10 minutes pour les députés indépendants, à ce moment-là, ce que vous me dites, c'est qu'on pourrait rajouter un cinq minutes, ce qui fait 15 minutes pour les deux députés indépendants; 15 minutes divisées par deux, si je me souviens bien, c'est 7,5 minutes. Alors, c'est plate de voir au partage du temps en secondes comme ça, là, mais il faut s'entendre sur une façon de fonctionner et j'espère que ça pourra se faire dans la bonne entente et l'harmonie. M. le député.

M. Kelley: ...M. le Président, on peut mettre la suspension à 11 h 45, parce qu'on va commencer légèrement en retard. Je ne veux pas couper dans le temps alloué aux trois négociateurs, qui est prévu après les remarques préliminaires, alors je suis prêt à midi moins 10 ou quelque chose comme ça pour laisser le temps qu'il faut à la fin de nos travaux de l'avant-midi.

Le Président (M. Lachance): Alors, là-dessus, M. le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition, je n'ai pas de problème. En ce qui concerne les remarques préliminaires, nous allons prendre le temps qui est déjà prévu, suite à ce que je viens d'entendre, et tous les parlementaires, à l'intérieur du bloc de temps, auront la possibilité de se faire entendre.

Donc, je répète. Lorsque nous allons débuter, ce sera d'abord les remarques préliminaires du groupe parlementaire formant le gouvernement, pour une période de 30 minutes, ensuite les remarques préliminaires du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, pour une période de 20 minutes, et les remarques parlementaires des députés indépendants, pour un 15 minutes. Par la suite, nous entendrons les négociateurs de l'entente de principe d'ordre général. Mais nous allons ensuite suspendre nos travaux et, en début d'après-midi, nous entendrons M. Guy Chevrette, à 14 heures, pour poursuivre avec le Conseil tribal Mamuitun et terminer nos travaux d'aujourd'hui avec la communauté Uashat.

M. le ministre, vous avez la parole.

M. Trudel: Oui, M. le Président. Peut-être un tout petit éclaircissement aussi pour bien s'entendre sur l'ordre des travaux. Donc, 30 minutes pour la partie gouvernemental; j'ai des collègues, à l'intérieur de ce 30 minutes, qui m'ont indiqué qu'ils souhaiteraient prendre la parole, alors je prendrai 15 à 20 minutes et ils pourront compléter dans le même bloc?

Le Président (M. Lachance): C'est tout à fait ça, M. le ministre. Moi, lorsque du côté ministériel il y aura 30 minutes, ce sera fini, ce sera du côté de l'opposition officielle. Et, avant de vous permettre d'amorcer vos propos, M. le ministre, je voudrais demander à toutes les personnes dans cette salle qui ont un appareil de téléphonie cellulaire ou autre bidule du genre de bien vouloir fermer, s'il vous plaît. Merci.

Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

Remarques préliminaires

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. En se souhaitant une bonne commission parlementaire autour de ce sujet fondamental, important pour l'avenir de deux nations qui sont concernées, qui sont impliquées dans le processus que nous allons analyser et les orientations que nous aurons à adopter. Je serai, tout au cours de cette commission, accompagné en particulier de M. Éric Cardinal, qui est conseiller politique au cabinet du ministre responsable des Affaires autochtones, et de M. Rémy Girard, qui est le sous-ministre au Secrétariat aux affaires autochtones.

M. le Président, une commission importante pour l'avenir du Québec, pour l'avenir de nos relations avec les nations autochtones, en particulier avec la nation innue. Notre présence en tant que parlementaires à cette commission constitue une étape majeure dans les relations entre le Québec et les autochtones. Le moment est historique, il faut le rappeler. Je tiens à le préciser, car la seule fois qu'une commission parlementaire de l'Assemblée nationale a porté sur les droits des autochtones, c'était en 1983 et elle a donné ensuite lieu à la reconnaissance des nations autochtones par l'Assemblée nationale du Québec.

Le moment est historique aussi parce que nous avons devant nous une proposition d'entente de principe répondant aux revendications territoriales globales d'une nation autochtone, la nation innue. La dernière fois que le Québec s'est retrouvé dans cette situation, c'était en 1975 et s'en est suivi la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Depuis 1976, avec la signature de la Convention du Nord-Est québécois avec les Naskapis, aucune négociation avec des nations autochtones n'a permis de se rendre aussi loin qu'aujourd'hui avec la nation innue.

En 1983, lors de la commission parlementaire sur les droits et les besoins fondamentaux des Amérindiens et des Inuits, le premier ministre d'alors, M. René Lévesque, considérait déjà à ce moment que tous devaient, et je cite, «devaient avoir le sentiment d'avoir avancé dans le sens d'une meilleure compréhension de part et d'autre». On peut certes comprendre les inquiétudes manifestées à l'égard de la proposition d'entente de principe intervenue entre les négociateurs des quatre communautés innues, de la nation innue, du gouvernement fédéral et du gouvernement québécois. Les faits d'ailleurs, plus que les préjugés, sauront toutefois mieux répondre aux questions et fournir aux Québécois et aux Québécoises toute l'information nécessaire afin qu'ils puissent se forger eux-mêmes une opinion sur cette question.

La présente proposition d'entente de principe est constituée d'un texte de 88 pages et de nombreuses annexes cartographiques. Elle a été négociée à partir de l'Approche commune, une position de base fixant les grandes balises de la négociation et rendue publique en juillet 2000. L'objectif de l'Approche commune et de la négociation qui a suivi est de définir l'exercice des droits déjà existants et de créer un réel partenariat entre le Québec et les Innus. L'exemple récent de l'entente historique conclue avec les Cris démontre que l'avenir des relations avec les autochtones passe par le partenariat et le développement économique, l'objectif étant de créer davantage de richesses au profit des deux nations respectives.

A-t-on besoin de répéter que la négociation constitue la seule voie possible pour s'entendre? Elle est absolument nécessaire parce que des règlements par la voie des tribunaux sont plus complexes, plus longs et plus coûteux. La négociation permet à chacune des nations de concilier des enjeux économiques, sociaux et démographiques, et ce, sur le même territoire. Comme le disait si bien dimanche dernier le grand chef cri Ted Moses, alors qu'il recevait le prix de personnalité de l'année, il n'y a qu'un seul Québec, partageons-le dans la paix et le respect mutuel. Voilà aussi l'essence de la négociation avec les Innus.

Et la position de notre gouvernement à ce sujet est très claire. La voie à suivre, c'est celle de l'humanisme, celle qui conduit à des décisions éclairées, à une solidarité et à un respect du pluralisme culturel qui conduit à une fraternité. La négociation d'une entente de nation à nation comporte évidemment un questionnement de part et d'autre sur les buts et les moyens à prendre afin d'assurer la survie et le développement des communautés. Il est essentiel que les milieux décident de quelle façon ils peuvent mettre en commun leurs ressources afin d'assurer une occupation harmonieuse du territoire, une occupation viable et fructueuse aux deux nations.

À cet égard, la présente proposition d'entente de principe qui est soumise à l'analyse de la commission des institutions a soulevé, faut-il le rappeler, le moins que l'on puisse dire, les passions autant chez nos concitoyens non autochtones que dans les communautés innues. Eh oui! Le défi, il est d'une très grande envergure. Comme tout projet proposant un changement, de nouvelles conceptions, il peut engendrer des controverses et parfois même de l'animosité. Il est normal que la négociation suscite des questions et qu'elle soulève des inquiétudes, nous en sommes conscients, et notre volonté pour davantage de paix et de développement nous amène à traiter toutes les critiques avec sérieux et rigueur.

n (9 h 50) n

C'est dans cette perspective que le gouvernement du Québec a mandaté mon ex-collègue Guy Chevrette afin qu'il effectue une tournée d'information et de consultation dans les régions concernées par la proposition d'entente de principe. Il a préparé un rapport qui pourra lui aussi, bien sûr, guider la réflexion du gouvernement et de la commission sur des questions aussi cruciales que celles de l'implication des populations régionales dans le processus de négociation, la meilleure façon d'assurer l'équité entre les nations, et plusieurs autres, évidemment, sur le contenu de l'entente de principe général qui est devant nous.

L'intérêt du gouvernement du Québec dans la présente commission parlementaire est très clair. Les travaux de cette commission nous permettront de guider et d'orienter notre décision en ce qui a trait à la signature de l'entente de principe avec les Innus. Il devient alors essentiel d'entendre tous les individus, tous les groupes qui se sentent concernés ou qui possèdent une expertise sur la question de la négociation avec les peuples autochtones. Et cela constitue, d'une façon formelle, une première consultation ? et d'autres également pourraient suivre ? essentielle, je le répète, une consultation qui favorisera certainement notre réflexion sur des perspectives plus larges en ce qui a trait aux relations entre le Québec et les premiers peuples.

À ce sujet, je tiens à exprimer ma satisfaction face au nombre impressionnant de mémoires soumis à cette commission. Cela démontre tout l'intérêt manifesté à l'égard de la commission et de la pertinence d'une telle démarche pour les nations concernées, pour tout le Québec. Je tiens par ailleurs à ce que cette commission parlementaire, en plus de marquer la volonté du Québec de s'entendre avec les Innus, soit un nouvel outil de concertation entre les différents intervenants de la société civile.

Je souhaite vraiment que tous soient entendus et puissent s'exprimer. Mais je désire également que chacun puisse pousser sa réflexion à ce propos sur la base des enjeux qui touchent également d'autres groupes sur le territoire québécois. Je suis convaincu que le malaise, oui, entourant la négociation de cette proposition d'entente de principe est essentiellement basé sur une profonde méconnaissance de la question autochtone dans son ensemble, alimentée par une perception biaisée selon laquelle les communautés autochtones bénéficient de plusieurs largesses de la part des gouvernements. Tout cela, bien sûr, constitue un terreau fertile pour renforcer des préjugés.

Les chiffres cependant traduisant la réalité de ces communautés sont tout autres: 66 % de la population active de ces communautés, de ces nations est au chômage; l'explosion démographique a fait doubler la population des moins de 15 ans; les communautés sont aux prises avec plusieurs, plusieurs difficultés, notamment le décrochage scolaire, un développement endémique, un taux de suicide élevé, en particulier chez la population plus jeune. Ainsi, l'avenir qui attend les populations des communautés n'est pas des plus enviables.

Il faut d'abord voir à ce que tout le monde soit bien informé des faits, afin de pouvoir discuter des enjeux de la négociation avec les autochtones. C'est le rôle du gouvernement du Québec, et voilà en particulier pourquoi nous sommes réunis ici aujourd'hui, en commission parlementaire de l'Assemblée nationale. Il faut comprendre les craintes formulées par nos compatriotes du Saguenay?Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord. Certaines de ces craintes proviennent du fait que le processus semble leur échapper. À cela, je peux affirmer que le gouvernement prendra tout le temps nécessaire pour statuer sur les modalités de la présente proposition d'entente de principe avec la nation innue.

J'exprime ainsi à nouveau le souhait que cette commission parlementaire entende tous ceux et celles qui ont quelque chose à dire sur ce projet d'entente afin que le gouvernement ait l'aperçu le plus complet de la situation. Je crois sincèrement que l'avenir du Québec passe par sa capacité de s'ouvrir aux nations autochtones et à établir avec elles des relations d'une nouvelle dimension, fondées sur la compréhension, le respect mutuel et j'ajouterais aussi en vue d'établir une relation fraternelle, sur l'amitié. Il est pleinement dans notre intérêt de tirer pleinement partie de cette richesse collective que représente la présence de 11 nations autochtones au Québec. Il est aussi de notre devoir de gouvernement de poursuivre à leur égard une politique progressiste. Tout cela n'est pas incompatible avec le développement du Québec, bien au contraire.

Je remercie, aussi, les membres de la commission qui vont prendre, au cours des prochains jours, tous ces moments pour faire progresser ce partage vers une plus grande fraternité, vers une entente plus formelle avec une nation et d'autres nations présentes sur le territoire québécois. Et je suis convaincu que la volonté de convergence sera exprimée ici et que nous pourrons en tirer des conclusions et des orientations qui vont nous permettre de faire progresser tout le Québec au cours des prochains mois et des prochaines années.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre d'État à la Population et aux Affaires autochtones. Et j'invite maintenant M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Stéphan Tremblay

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Traiter de paix et de bonne entente entre peuples est l'une des choses les plus difficiles sur cette planète. M. le Président, je suis entré dans ce Parlement le 17 juin dernier, au moment où une importante négociation était déjà en cours entre autochtones et non-autochtones. Je n'ai donc pas choisi de débattre de cette question, on me l'a imposée un peu et j'ai même dû en débattre régulièrement pendant une campagne électorale. Même si je considère que cette négociation n'est pas parfaite, et qu'il aurait fallu davantage de transparence, et qu'il faudra dans l'avenir certainement inclure davantage les populations régionales dans ce cadre de négociation, je crois que nous devons poursuivre le dialogue. Ce rapprochement, je ne nous le souhaite pas seulement à travers ce texte juridique, mais aussi entre nations et pour un rapprochement culturel entre les nations.

Comme bien des Québécois, j'ai voyagé à travers le monde pour connaître d'autres cultures, pour m'apercevoir à mon retour, lorsque je suis revenu, que je ne connaissais pas le peuple avec lequel je partageais un même territoire. J'ai décidé alors de me rapprocher personnellement de cette culture par, notamment, M. Clifford Moar, chef de bande de Mashteuiatsh, chez nous, aussi par des Attikameks de Wemotaci, et j'ai pu alors découvrir une culture fascinante que, sincèrement, je croyais disparue. J'ai aussi découvert une détresse sociale absolument désolante, un taux de décrochage scolaire, de suicide, de violence conjugale, de chômage incroyablement élevé et également un taux de natalité incroyablement élevé qui me permet d'avoir certaines inquiétudes quant à l'avenir.

J'espère que cette négociation pourra engendrer éventuellement de retrouver une certaine dignité de la part des autochtones. Je souhaite aussi une entente gagnant-gagnant, car j'ai découvert, à travers les textes juridiques, un flou, et je crois que cette négociation d'Approche commune nous permettra d'établir un cadre de cohabitation entre nos deux nations. Ce ne sera certainement pas une chose facile, mais je crois que nous devons trouver une voie gagnant-gagnant, et c'est pourquoi j'adhère pleinement, peu importe le temps que ça prendra, à ce concept de négociation. Des deux côtés, autochtones comme non-autochtones, il faudra mettre un peu d'eau dans notre vin, changer certaines de nos habitudes et travailler ensemble.

Je dois dire cependant, M. le Président, comme ancien pilote de brousse et donc ayant côtoyé beaucoup de Québécois utilisant le territoire du Nord québécois et même du nord du Saguenay?Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord, que la chasse, la pêche et la villégiature ne sont pas des valeurs secondaires pour nos concitoyens du Québec. Ce sont des valeurs intégrantes de notre culture et de ma propre culture. C'est pourquoi je suis de ceux qui croient que l'on peut et que l'on doit trouver une Approche commune de cohabitation entre les deux nations. J'en suis persuadé. Ce ne sera pas une chose facile, ça peut être une tâche qui durera plusieurs années, mais je crois que nous n'avons pas le choix et que c'est la meilleure chose à faire pour les deux peuples. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. J'invite maintenant M. le député de Duplessis pour la suite de ces remarques préliminaires. M. le député.

M. Normand Duguay

M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Moi également, d'entrée de jeu, je tiens à remercier toute la délégation de la Côte-Nord qui se sont déplacés pour ces audiences-là, un dossier très important pour la population que je représente et, bien sûr, pour les enjeux que cela peut comporter pour un secteur que je couvre, notamment dans Duplessis, un immense territoire de 225 000 km² qui représente des communautés francophones, anglophones, et six communautés montagnaises, et une naskapie. Alors, M. le Président, juste cette petite entrée en matière, c'est juste pour vous démontrer l'importance que peut avoir ce dossier-là pour les populations que je représente.

Et permettez-moi de faire un peu l'historique. Mon collègue du Lac-Saint-Jean tout à l'heure a parlé à titre de nouvel arrivant. Mais, un peu d'historique. Souvenons-nous que, le 20 mars 1985, M. Lévesque, René Lévesque, avait fait adopter une motion qui reconnaissait des droits aux autochtones. À partir de ce moment-là, bien sûr, dans les droits que l'on leur reconnaissait, on leur accordait des droits de chasse, de pêche, de piégeage, de récolte ainsi que des droits de participation à la gestion des territoires fauniques. Alors, une fois que ces principes ont été adoptés, maintenant, essayons de regarder comment ça se traduit sur le territoire et on va être à même de constater que c'est important qu'on ait une Approche commune, une entente de principe.

n (10 heures) n

Et, moi, je vais vous relater quelques expériences que l'on vit depuis des années. Et j'ai eu l'occasion de faire la tournée avec M. Chevrette pour la consultation et je peux vous dire que, même si M. Chevrette connaissait très bien le dossier, on s'est rendu compte qu'il y avait des choses qui étaient peut-être inconnues.

Alors, juste pour vous placer dans un contexte, dans le territoire qu'on représente, autant les populations blanches qu'autochtones, on vit très proche. Et, pour la communauté de Sept-Îles, juste vous placer un petit peu dans le contexte, on a un centre commercial qui est géré par la communauté autochtone, et, dans ce centre commercial là, bien sûr autant les Blancs et les autochtones cohabitent, font des achats. Et, lorsqu'on est sur ce territoire-là, la communauté autochtone n'est pas assujettie aux taxes, et bien sûr que les Blancs qui font leurs achats d'une façon journalière constatent qu'il y a des irrégularités et également, lorsqu'on se promène sur le territoire, par rapport aux chasseurs et aux piégeurs.

Alors, on est une population qui fréquente ces territoires-là, et, d'une façon journalière, on cohabite ensemble, et on est à même de constater qu'il y a certaines irrégularités qui se produisent d'une façon régulière. Et, encore une fois, il y a... qu'on le veuille, qu'on ne le veuille pas, il y a certains irritants qui se vivent au jour le jour. Alors, c'est donc pour vous faire comprendre que la situation actuelle, il y a des contraintes, et l'Approche commune vient régulariser, d'une façon ou d'une autre, toute cette problématique-là. Alors, on est à même de constater que, si la situation continue dans le sens où on est partis, il va y avoir quand même des confrontations au jour le jour, et je pense que l'Approche commune pourrait facilement régulariser une partie de toute cette problématique-là.

Alors, M. le Président, d'entrée de jeu, c'était juste pour vous faire prendre conscience qu'il y a urgence à agir. Et, dans l'immédiat, il faudrait peut-être permettre aux deux communautés de trouver une façon, à court terme, de former des comités qui feraient le suivi de toute cette problématique-là. Et je sais que, dans le mémoire qui a été déposé par M. Chevrette, on est à même de constater qu'il y a des recommandations sur lesquelles la présente commission va sûrement être à même de se prononcer et d'apporter une attention particulière.

Alors, M. le Président, c'est avec plaisir bien sûr que je participe à cette commission. Et on aura l'occasion, tout au long du processus, de trouver des solutions à court, moyen et long terme pour que nos deux comités puissent vivre harmonieusement sur cet immense territoire.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Saguenay, pardon, de Duplessis. Je ne veux pas vous enlever votre comté. Je voudrais vous dire que vous êtes disciplinés, du côté ministériel, jusqu'à maintenant. Je ne prends rien pour acquis pour l'avenir, mais il reste 11 minutes pour le temps qui est imparti du côté gouvernemental, et M. le député de Roberval a manifesté son intérêt aussi pour prendre la parole. Alors, M. le député de Chicoutimi.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président.

Une voix: Je pense que...

M. Bédard: Non, laissez aller M. le député de Roberval. Je conclurai, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): D'accord. M. le député de Roberval.

M. Benoît Laprise

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Je pense que, après 35 ans de vie politique, c'est la première fois que j'ai l'occasion de travailler aussi étroitement avec mes voisins de Mashteuiatsh, avec les gens qui sont là depuis le début et qui défendent des droits ancestraux qui sont tout à fait justifiés. Mais comme, les Blancs, nous avons des droits, et également les autochtones, mais aux droits s'ajoutent également des responsabilités, de part et d'autre, de conserver nos territoires, de mettre nos richesses naturelles au profit de nos populations. Et je crois que l'Approche commune va nous permettre vraiment de trouver un terrain d'entente afin que... Si le Québec, il serait seulement qu'un Québec où il y a deux grandes nations qui cohabitent, ils doivent le faire dans le respect les uns des autres et aussi pour le bien des générations actuelles et aussi des générations futures.

Alors, je crois qu'on doit trouver, dans cette Approche commune, un avenir prometteur pour les gens de la jeune génération, nos enfants, nos petits-enfants, qui permettra également de se respecter, même de ça, de partager une culture aussi riche l'une que l'autre. Et je suis persuadé que ça va être au profit de l'ensemble du développement de notre région en particulier et aussi de tout le Québec, parce que nous saurons partager également nos richesses culturelles, partager nos talents, les mettre en lumière, les développer au service d'une population qui n'attend que ce son de cloche là pour vraiment collaborer de façon très étroite ensemble. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Roberval. M. le député de Chicoutimi, c'est à votre tour.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, vous me permettrez aussi de saluer les chefs des différentes nations, et plus particulièrement celle que nous côtoyons régulièrement chez nous, alors M. Clifford Moar, chef de Mashteuiatsh, et à vous tous.

Vous comprenez que je suis heureux et honoré d'être ici, de participer à cet exercice fort important pour le Québec et pour les nations qui le peuplent, qui peuplent son territoire. Si les débats en général ont tendance à s'élever d'ailleurs à l'intérieur de ces commissions, je vous dirais que le sujet d'aujourd'hui commande une telle attitude, au-delà de toute partisanerie, au-delà de tout intérêt qui pourrait détourner les véritables orientations que doit prendre cette commission.

Si j'ai salué aussi le chef Moar, c'est que ma sensibilisation au dossier autochtone a commencé sur ses terres ancestrales, sur ses terres familiales, à Mashteuiatsh, où, par rapport à la population, j'ai eu l'avantage de bénéficier, je vous dirais, pendant plus d'une journée et une nuit, d'une sensibilisation particulière, relativement à cette réalité, sur le plan humain mais aussi sur le plan juridique ? parce que, vous le savez, il maîtrise aussi bien le plan humain que le plan juridique. Et ça m'a permis, par rapport même à la population qui habite le territoire du Saguenay?Lac-Saint-Jean et de l'ensemble québécois, de bénéficier d'un avantage, celui d'avoir eu cette information-là, privilégiée, qui m'a permis de faire un passage plus en douceur entre, finalement, la perception, malheureusement, parfois qui guide nos paroles et nos actions et plutôt cette réalité vécue par les différentes nations et aussi la réalité juridique.

Alors, aussi rappeler que ces différentes années, il faut le dire, et particulièrement la dernière, ont été charnières pour le Québec dans ses relations entre la nation québécoise et les différentes nations qui la peuplent. Le ministre a cité les paroles de Ted Moses il y a quelques minutes ? on pourrait citer presque l'ensemble de son discours ? qui montrent à quel point nous avons avancé et que le Québec fait maintenant oeuvre, je vous dirais, de démonstration pour l'ensemble du monde au niveau des relations qu'il mène avec ces peuples autochtones. Et je voyais, encore tout dernièrement, le ministre délégué, en France, défendre et rappeler les relations harmonieuses qui existent entre la nation crie et la nation québécoise. Alors, vous comprendrez le chemin que nous avons parcouru dans les 15 dernières années. Souhaitons que cette commission permette d'en faire un peu plus.

Alors, je tiens, vous comprendrez, d'entrée de jeu, à réaffirmer mon adhésion à ces négociations qui visent à concilier les nations en ces temps, je pense, où le dialogue, l'ouverture, la compréhension doivent guider nos actions, nos actions de notre nation, mais, je pense, celles de toutes les nations de ce monde. Alors, je souhaite aussi participer à cette commission de façon à permettre à nos populations de mieux comprendre. Et, à l'évidence, ce projet d'entente... ces discussions méritent et doivent être vulgarisées et mieux comprises par nos populations. Alors, c'est à nous, c'est notre responsabilité de faire oeuvre de transparence, de rendre... ce qui est parfois plus juridique, de le rendre plus humain auprès de nos gens pour que ce qui fait l'objet de l'entente soit bien compris et assimilé et que les gens se sentent écoutés. Et ils le seront, écoutés et bien représentés, parce que, oui, mon rôle est ici à titre de parlementaire, mais aussi à titre de représentant d'une population plus intimement touchée par le projet d'entente.

Alors, je souhaite que cette commission rejoigne ces objectifs. Je souhaite que nos nations et que mes interventions permettront de mieux se comprendre entre nations et permettront aussi de mieux faire comprendre encore le contenu de l'entente. Alors, je souhaite... Je suis convaincu que le contenu et le rapport que nous aurons finalement à faire ensemble seront productifs pour les relations entre le Québec et ses différentes nations, entre la nation québécoise et ses différentes nations. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Chicoutimi. Est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté du groupe parlementaire formant le gouvernement? Ça va? Alors, M. le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle, pour vos remarques préliminaires.

M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission, les invités qui sont parmi nous aujourd'hui en très grand nombre, je pense que le premier message de l'opposition officielle, c'est le mot: Enfin! La commission parlementaire qu'on fait aujourd'hui, c'est quelque chose que nous avons réclamé, surtout depuis le dévoilement de ce texte il y a déjà sept mois. Alors, je pense qu'il y avait une certaine urgence de permettre un débat public. Alors, enfin qu'on peut le commencer aujourd'hui.

n (10 h 10) n

C'est quelque chose que nous avons réclamé tout le long du processus. Parce que, dans les échanges que j'ai eus, notamment avec le prédécesseur du ministre en titre et le député de Rouyn-Noranda? Témiscamingue, moi, j'ai insisté que, si on veut une entente qui va réussir, et je pense que c'est l'intérêt de l'ensemble de la société québécoise, il faut agir dans la plus grande transparence possible. Et tout le long du processus, depuis le dévoilement de cette entente en 2000 ou des grandes lignes de l'Approche commune qui ont été dévoilées au mois de juillet 2000, nous avons insisté davantage qu'il faut redoubler nos efforts, que pas uniquement les négociateurs à la table soient dans le coup, mais qu'également l'ensemble des populations concernées soient dans le coup.

Alors, que nous sommes ici aujourd'hui, nous sommes heureux, mais c'est quelque chose que nous voulions faire préalablement. Parce que, en écoutant les membres de l'autre côté de la table, je comprends l'importance, je comprends qu'il y avait un progrès qui a été fait, mais il demeure quand même qu'il y a des problèmes, il demeure quand même qu'on a besoin de cet exercice pédagogique, d'une certaine façon, pour mieux comprendre l'entente, mais également d'un exercice démocratique pour permettre au monde de venir ici s'exprimer. Je joins ma voix à celle du ministre en disant qu'on veut entendre tout le monde. Il semblerait qu'il y a une certaine confusion sur la planification de nos travaux, mais c'est dans l'intérêt de laisser le temps à l'ensemble des personnes qui ont présenté un mémoire de venir témoigner ici.

Pour l'opposition officielle, peut-être, un des grands mystères de la vie politique en 2002 était effectivement la gestion de ce dossier. Il y avait un ministre, M. Guy Chevrette, qui a été congédié, presque il y a un an, le 29 janvier. Il a été remplacé par pas un mais deux ministres pour faire le travail dans les affaires autochtones. Nous avons eu un texte publié le 12 juin. Et, depuis le 12 juin, il n'y avait aucune stratégie politique pour expliquer l'entente et établir un dialogue sur l'entente. Et les sessions d'information qui étaient mises en place avec l'adjoint du négociateur, ce n'est pas la même chose qu'un dialogue et un débat politique, et c'est quelque chose que nous avons contesté à ce moment, qu'il y avait tout intérêt de faire un débat politique sur ce débat.

Enfin, le 28 août, le ministre a annoncé son intention de tenir une commission parlementaire, qu'on voit ici aujourd'hui. Mais, pendant l'automne, les tensions montaient, donc, encore une fois, c'est le vide politique. Et le 1er octobre, le ministre qui a été congédié au mois de janvier est devenu le sauveur de la situation. Alors, c'est un comportement, une gestion du dossier qui nous avait laissés perplexes, de notre côté de la table, mais nous avons réitéré, au mois d'octobre, notre intérêt de promouvoir les négociations, parce que c'est le seul choix pour les gouvernements.

On peut faire un genre de déresponsabilisation de nos élus, on peut dire qu'on va laisser aux juges le soin de nous dicter les conditions, l'arrimage du droit autochtone avec l'ensemble de la société. Ou les leaders politiques et les membre de la société civile peuvent s'asseoir, faire le travail exigeant, faire le travail difficile d'arriver aux ententes. C'est le choix que nous avons fait, il y a 27 ans, avec la négociation de la Convention de la Baie James, qui était le pionnier de John Ciaccia, l'ancien député de Mont-Royal. C'est le premier traité moderne au Canada, qui commence à faire ses petits. On pense au traité Nisga'a, en Colombie-Britannique; les négociations qui ont été faites avec les Tutchone, au Yukon. Il y a maintenant la «Paix des Braves», qui est un successeur honorable au travail que M. Ciaccia a fait. Mais je pense... Et mon collègue à ma gauche, le député de Laurier-Dorion, qui était ministre responsable au début des années quatre-vingt-dix a travaillé beaucoup à la table. C'est un travail qui n'est pas facile, c'est un travail qui est très exigeant, mais il faut le faire, parce que c'est le seul choix.

Alors, dès l'entrée du jeu, je veux insister que, je pense, c'est dans l'intérêt de la société québécoise d'en arriver aux ententes. Et, comme nous avons dit dans d'autres discussions sur la même question, ça n'arrive pas souvent qu'on fait des débats politiques sur des décisions à très longue portée. Et qu'est-ce qui est devant nous, ce n'est pas pour six mois, ce n'est pas pour un an. Si on peut mettre en place des conditions gagnantes, des conditions où on peut avoir une entente qui fait l'affaire de tout le monde, ça va porter sur les 50 ans à venir pour le développement du Québec, pour l'amélioration des conditions à l'intérieur de ces communautés innues.

Alors, c'est vraiment un enjeu qui est très important, parce que, au-delà de toutes les autres considérations, nous sommes ici aujourd'hui pour parler des Innus, de la gestion de leur société, de leur communauté, et des énormes défis socioéconomiques des communautés innues. Et, je pense, c'est très important de rappeler... On a évoqué certaines de ces données, mais n'importe quel indice... M. le Président, on peut parler du taux de chômage, on peut parler du taux d'analphabétisation, on peut parler de la sous-scolarisation, de décrochage scolaire. On peut parler de l'espérance de vie, on peut parler du taux de suicide, on peut parler des indices de pauvreté, «you name it». Mais, pour l'ensemble de ces indicateurs, les communautés autochtones, et y compris les communautés innues, ces indicateurs sont plus bas que l'ensemble de la société québécoise.

Alors, il y a un défi de taille qui nous confronte: Comment est-ce qu'on peut, ensemble, développer des outils pour aider ces communautés à améliorer leur sort? Et, si on ajoute à ça l'énorme défi démographique... c'est-à-dire que ce sont des communautés très jeunes, et les dossiers de la formation, de l'éducation et de la création d'emplois sont urgents si on veut avoir un meilleur avenir, un avenir plus prospère pour ces communautés.

Alors, ce n'est pas complexe: on a évoqué la nation innue, et, même en faisant ça, il faut faire la nuance quand on parle de quatre des neuf communautés. Il reste cinq autres communautés qui ont des points de vue qui sont divergents et il faut composer avec l'ensemble de ces positions. Alors, ce n'est pas la nation, ce n'est pas juste... Ça, c'est une approche dans laquelle quatre des communautés ont embarqué pour le moment. On garde l'espoir que trois autres communautés ne sont pas loin d'embarquer dans une approche de l'Approche commune.

Il y a les deux situations qui sont particulières. Le député de Duplessis a évoqué la situation Uashat-Maliotenam qui est différente, et il y a des enjeux qui sont particuliers à cette communauté qu'il faut composer avec. Également, la situation de Matimekosh dans la région de Schefferville qui présente également des situations qui sont différentes. Mais on garde toujours l'espoir qu'un jour on peut arriver à une entente qui va satisfaire l'ensemble de la nation innue. Mais, pour le moment, on est devenus... Comme toute nation, il y a le droit des divergences politiques, c'est même souhaitable. Et je pense qu'il faut rappeler toujours qu'on n'est pas devant un front commun, mais plutôt une communauté qui a ses propres divergences d'opinions.

Mais, pour en arriver... Et ça, c'est des choses que je pense qui sont très importantes. L'importance du travail aujourd'hui, c'est: il faut commencer avec un inventaire des questions, des inquiétudes, des craintes qui ont été exprimées. Et je sais que le mandataire est allé sur le terrain. Il va déposer un rapport cet après-midi sur la question de qu'est-ce qu'il a constaté sur le terrain. Mais je pense que ça, c'est très important, parce que c'est le sentiment d'exclusion, notamment des populations des régions concernées, qu'il faut travailler avec.

Parce que je pense que, parmi ces personnes, beaucoup réalisent que, premièrement, le statu quo n'est pas une option. Moi, j'ai rencontré, par exemple, le président de la Fédération des pourvoyeurs, et il ne veut pas, dans nos forêts, un genre de «free-for-all» quant à la gestion des règles de chasse et pêche, par exemple. Qu'il faut avoir des balises, qu'il faut avoir des règlements qui sont acceptés par tout le monde, je pense que c'est l'intérêt pour les gestionnaires des pourvoiries, pour les associations de chasse et pêche. Ça, c'est juste un exemple. Mais, je pense, tout le monde comprend que le statu quo n'est pas une option. Comme j'ai évoqué, dans la santé de ces communautés innues, ils ont des grands défis.

Donc, de rester où nous sommes n'est pas une option pour les Innus non plus. Mais il faut faire l'inventaire de c'est quoi, les problèmes, c'est quoi, peut-être, les choses dans l'entente qui ne sont pas bien comprises, mais également, c'est quoi, les choses dans l'entente qu'il faut corriger, il faut amender. Alors, nous avons tout intérêt de regarder qu'est-ce qu'il faut faire pour répondre aux questions légitimes qui ont été soulevées et qui... Je pense qu'il y aura inventaire dans le rapport qui va être déposé par M. Chevrette cet après-midi.

n (10 h 20) n

Et l'autre chose, c'est comment, sans trop alourdir le processus, faire une nouvelle conception pour inclure les populations concernées. Parce que je comprends que dans toute négociation il y a un «give and take». Ça, c'est incontournable qu'on ne peut pas faire une négociation toujours en public, ça ne marche pas. Une négociation syndicale, une négociation de tout genre, il faut avoir une place pour: si je vous donne ça, êtes-vous prêt à m'accorder ça? Et ça, c'est la nature même de toute négociation. Par contre, il faut que les gens qui ont des intérêts, les populations concernées, les membres de la société civile qui ont un intérêt dans ces négociations aient un mot à dire.

Alors, comment créer un genre de mécanique de consultation? Je pense que ça, c'est une des questions que nous devrons poser à nos témoins. Comment est-ce qu'on peut imaginer ça? Pas trop créer de structures à tel point qu'on va être incapables de procéder. Parce que ça, c'est toujours... On peut créer des structures à tous azimuts, mais, à un certain moment, il faut que les choses marchent aussi, parce qu'il y a urgence d'agir. Et j'ai compris quand le ministre a dit qu'il faut prendre le temps qu'il faut. Oui, il faut prendre le temps qu'il faut, mais il y a une urgence. Il y a 23 ans d'attente. Ça, c'est les revendications territoriales que les deux gouvernements ont acceptées il y a 23 ans. Et, tôt ou tard, il y a une certaine obligation de résultat et une certaine obligation d'en venir aux fins du processus. Alors, de notre côté de la table, nous allons poser des questions pour voir c'est quoi, cette mécanique, comment est-ce qu'on peut briser l'exclusion qui, malheureusement, a marqué ce processus et ces négociations depuis le départ.

Et nous avons plaidé et nous allons plaider de nouveau pour l'inclusion et la transparence tout en respectant le fait que, pour que les négociateurs fassent leur travail, il faut réserver du temps pour le «give and take» qui est nécessaire. Mais je demeure convaincu que, premièrement, il y a un besoin d'un traité. Ça, c'est un devoir que nous avons à faire depuis presque même la signature de la Convention de la Baie James, la question des communautés innues a été laissée de côté il y a 27 ans. Alors, il y a le temps pour régler ça.

Je demeure convaincu, tout comme pour la Convention de la Baie James, que c'est possible de créer des ententes qui sont gagnantes pour les communautés innues, mais qui sont gagnantes également pour les régions concernées. Le ministre vient de la région de l'Abitibi, et je pense qu'il va convenir avec moi que l'entente de la Baie-James était une excellente affaire pour les Cris, mais, pour les communautés dans l'Abitibi aussi, ça a généré de l'activité économique, ça a créé des emplois, ça a créé des possibilités de partenariats entre les Cris et les gens de l'Abitibi. Moi, je suis convaincu qu'une bonne nouvelle ou une bonne affaire pour Betsiamites va être également une bonne affaire pour Baie-Comeau si c'est bien fait. Alors, c'est ça, l'objectif.

Et je répète, en conclusion, M. le Président, parce que je veux réserver du temps pour ma collègue de Jonquière, que notre chef a dit, M. Charest a dit, dans Le Soleil, au mois de novembre, que le développement du Nord est directement lié à notre capacité de nous entendre avec les peuples autochtones. Ça, c'est le mot d'ordre pour le Parti libéral et l'opposition officielle. Et on va écouter les gens, parce que ça, c'est notre premier devoir comme parlementaires, mais pour voir c'est quoi les solutions aux problèmes qui ont été soulevés pour s'assurer qu'on peut arriver avec une Approche commune qui est véritablement commune. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. J'indique qu'il reste six minutes du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Jonquière.

Mme Françoise Gauthier

Mme Gauthier: Merci, M. le Président. M. le Président, mon collègue a effectivement dit beaucoup de choses que j'aurais voulu dire, et je tiens à dire que les propos qu'il a... je fais miens les propos que mon collègue de Jacques-Cartier a dits.

D'entrée de jeu, je vous dirais, M. le Président, que, comme vous le savez, je suis une Saguenéenne, une Saguenéenne de naissance. J'ai grandi dans cette région et, une fois rendue à l'âge adulte, j'ai décidé de retourner vivre dans ma région. Je connais bien les citoyens du Saguenay?Lac-Saint-Jean et je peux vous dire, M. le Président, que chacun d'entre nous souhaite une entente avec la communauté innue.

Je connais la communauté innue aussi parce que j'ai passé plusieurs étés sur leur territoire à côtoyer les Kurtness, les Gill, et j'ai passé avec... C'est devenu pour moi des amis d'enfance, évidemment des amis de jeunesse. Et j'ai passé avec eux l'été 1990, et, ensemble, nous avons regardé ce qui se passait dans une autre partie du Québec avec beaucoup, avec beaucoup d'appréhension. Et nous étions bien sûr désolés de ce qui se passait, mais sans animosité de part et d'autre. L'entente de principe, M. le Président, a soulevé chez nous plusieurs questionnements. Je dirais que le questionnement et la suspicion qui est née viennent surtout du fait que la population saguenéenne et jeannoise a comme été tenue à l'écart de cette négociation. Nous avons appris, quelque part au printemps de l'an 2002, qu'il y avait une entente de principe intervenue sans que nous puissions voir les textes. Les représentants du gouvernement disaient que nous ne pouvions pas prendre connaissance des textes, et cela a soulevé un tollé de protestations incroyable parmi notre population.

Je me souviens, et j'étais présente à une assemblée qui avait été commandée par le gouvernement pour informer la population, et je peux vous dire, M. le Président, que ça avait brassé dur lors de cette assemblée, parce que les gens, à bon droit, je crois, réclamaient les représentants élus et réclamaient de pouvoir lire les textes pour qu'on puisse en prendre toute la mesure, M. le Président. Les textes ont finalement été rendus publics quelque part à l'été 2002.

Et, évidemment, une série de questions s'est soulevée. Nous avons demandé, nous, de l'opposition officielle, une commission parlementaire. Personnellement, j'aurais souhaité que la commission parlementaire soit itinérante, qu'on vienne dans les territoires, dans les régions concernées pour que la majeure partie puisse entendre et participer à nos travaux. Sauf que le gouvernement a choisi, a décidé de se faire une commission parlementaire à l'Assemblée nationale. C'est la volonté, mais, soit, enfin une commission parlementaire.

Enfin, une commission parlementaire, et je vous dirai que le degré d'attente de la commission parlementaire est très élevé, parce que nous devrons d'abord lever la suspicion qui est née, la suspicion qui est née dans les populations concernées. Et, pour ce faire, M. le Président, nous devrons véritablement nous mettre en voie d'écoute, en voie d'écoute et entendre ce que les gens vont venir nous dire, ce que les gens pourront témoigner, ce que les gens concernés, qui ont déposé des mémoires, pourront venir expliquer, revendiquer. Et nous devrons prendre en considération. Si tant est, M. le Président, que cette commission parlementaire ne fait des travaux que pour calmer le jeu dans les régions concernées, M. le Président, je pense que nous aurons manqué notre coup.

Je crois que, pour ma région, le Saguenay?Lac-Saint-Jean, entre autres, une région qui subit un taux de chômage encore très élevé, qui vit l'exode de sa population tant innue que blanche, M. le Président, nous devons effectivement arriver avec des conclusions, un rapport de commission qui pourra être gagnant-gagnant pour tous les gens du Saguenay?Lac-Saint-Jean, M. le Président. Je crois sincèrement qu'une entente avec la communauté innue pourra effectivement permettre le développement économique harmonieux dans mes régions. Mais, pour ce faire, M. le Président, il faut nécessairement mettre à contribution toutes les parties de la population composante du Saguenay?Lac-Saint-Jean.

Alors, j'ose espérer, M. le Président, que les travaux de cette commission permettront, dans ma région comme ailleurs au Québec, de faire en sorte que nous arrivions véritablement avec des conclusions qui permettront d'améliorer les textes qui sont... qui, présentement, font partie de l'objet de l'entente de principe afin que cette entente soit quelque chose qui soit considéré comme gagnant-gagnant par tous les Saguenéens, par tous les Jeannois, et par toute la population du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme la députée de Jonquière. Et c'est maintenant au tour des députés indépendants. M. le député de Saguenay.

M. François Corriveau

M. Corriveau: De Saguenay, oui. Alors, M. le Président, d'abord, je tiens à dire un bonjour aux deux chefs de conseil de bande, qui sont situés, par le découpage des cartes électorales, dans mon comté de Saguenay. Alors, M. Picard, ainsi que M. Ross, donc bienvenue, merci d'être ici aujourd'hui.

Effectivement, le découpage de la carte électorale fait en sorte qu'il y a quand même 50 % des conseils de bande qui sont présentement visés par l'entente de l'Approche commune, qui donc sont présents sur ce territoire-là. Bien, 50 %, ça ne fait peut-être pas suffisamment une majorité pour avoir une nation, mais ça fait quand même assez pesant dans la balance. Et donc, il est important de voir que, aujourd'hui, c'est en fait des députés de tout le Québec, par l'Assemblée nationale, qui se tournent vers cette problématique que nous vivons sur la Côte-Nord, de voir, en fait, la cohabitation de populations blanches et de populations autochtones chercher à vivre ensemble, en commun, sur ce territoire-là, dans la bonne entente.

n (10 h 30) n

Par la gestion de l'Approche commune au cours de la dernière année ou des deux dernières années, en fait, le climat s'est détérioré, et je trouve que c'est terriblement regrettable. On a vu des gens, des populations, des groupes d'intérêts se questionner face évidemment à l'incompréhension ou face à l'absence d'informations. Donc, ces gens-là se sont questionnés énormément sur quel sera leur droit dans une éventuelle entente qui découlerait de l'Approche commune. Certaines de ces craintes ont pu être justifiées, peuvent encore être justifiées, d'autres ne le sont pas. Certaines peuvent être corrigées, et j'espère que cette commission-là prendra le temps qu'il faut afin d'arriver à corriger ces craintes qui peuvent apparaître à la lecture de l'entente de l'Approche commune. Certains passages peuvent effectivement, parce qu'ils sont des passages de nature juridique, prêter à confusion, laisser croire à des droits x alors que c'est des droits y. Notre devoir, en tant qu'élus, c'est de réussir à aplanir toutes ces ambiguïtés-là, afin d'en arriver à un discours commun, afin qu'on puisse parler tous de la même voix, autant du côté de la communauté blanche que de la communauté autochtone. Il faut réussir à s'entendre dans le cadre de cette entente évidemment.

Une des choses que je constate, c'est aussi de voir à quel point, malgré la proximité des populations, on peut être différents mais aussi inconnus les uns face aux autres. Je regrette de voir que, au niveau des programmes d'éducation, par exemple, sur la Côte-Nord en particulier, il n'y a pas beaucoup de connaissances de la part de nos jeunes de cette réalité autochtone, de comment est-ce que les autochtones peuvent vivre sur le Côte-Nord, quels sont leurs espoirs, leurs aspirations. Il y a beaucoup de pauvreté. Il y a beaucoup de problèmes de toxicomanie, de violence. Certaines populations blanches dans les petits villages peuvent aussi vivre ces mêmes choses là. C'est quelque chose sur quoi il faut se pencher.

La pauvreté des municipalités avoisinantes telles que Colombier crée une détresse au sein de ces populations-là et, lorsqu'on voit un gouvernement qui, au fil des années, a pu laisser croire à ces gens-là qu'ils étaient un petit peu abandonnés à leur sort, donc, ces gens-là ont raison de s'inquiéter puis de dire: Bien là il va se passer quelque chose, on va en donner aux autochtones mais, nous, on nous oublie. Il va falloir faire la part des choses là-dedans. Ce n'est pas une question de chantage de population blanche. Il ne faut surtout pas embarquer là-dedans. Il ne faut pas dire: Si tu ne m'en donnes pas, moi, c'est bien de valeur, mais les autochtones n'en auront pas. C'est un dossier qui est distinct, mais il faut quand même être, disons, conscients de cette existence, de cette réalité pour réussir à en arriver à une entente globale.

Il ne faut surtout pas fermer les yeux sur la question de la présence autochtone sur le territoire québécois. Ça a été mis de côté depuis trop longtemps. On a trop longtemps négocié sans aboutir à des conclusions finales. Il faut maintenant qu'on réussisse à aboutir dans des délais qui vont permettre à la génération montante de la population autochtone d'avoir des aspirations, de pouvoir réussir à avoir un plan de carrière, qu'un jeune autochtone puisse se dire aujourd'hui: Il y a de la place sur la Côte-Nord pour me faire travailler dans un domaine x, bien, de pouvoir faire son plan au niveau de ses études pour y arriver à cet emploi-là. C'est une force motrice régionale importante.

Dans le cadre de l'exode qu'on vit, plusieurs personnes, communauté blanche, quittent, s'en vont vers les grands centres, mais les autochtones sont très attachés à leurs territoires, à leurs racines, à leurs familles et ils restent sur place. Maintenant, c'est le défi de partager cet essor économique que le Québec a connu au cours des dernières années et de le partager aux régions, de trouver des emplois, de ne pas nécessairement permettre aux autochtones de trouver des emplois seulement sur le territoire des réserves mais également de trouver des emplois partout, dans toutes les communautés, afin de partager leur expérience, leur savoir, d'aplanir les règles, encore une fois, là, ces règles-là qui vont permettre une cohabitation, afin d'apprendre à se connaître.

Je trouve regrettable qu'on apprenne à se connaître seulement lorsque, au niveau de l'école... Bon, polyvalente, on n'en entend pas vraiment parler, de qu'est-ce que c'est que la présence autochtone sur le territoire, au cégep, c'est un peu pareil. En fait, c'est quand on arrive à l'université où là on réussit, dans des cours d'anthropologie, à avoir des cours, par exemple, sur l'ethnologie des Amérindiens, sur la langue montagnaise. C'est des choses qui devraient ramenées un petit plus à la base. On devrait apprendre à connaître nos voisins davantage afin de partager des choses, comme, par exemple, ce que le chef Picard a fait, il n'y a pas si longtemps, lorsqu'il a organisé un souper avec les gens de la Chambre de commerce de Baie-Comeau parce qu'il y a des liens d'affaires à tisser. Il n'est pas normal que la communauté de Betsiamites, par exemple, aille tout acheter sur les territoires comme celui de la municipalité de Baie-Comeau. Il y a des commerces qui pourraient exister également sur les territoires des réserves, sur les territoires de Betsiamites, entre autres, et il faut permettre que ça puisse se faire. Donc, il faut permettre d'avoir une façon que les commerçants puissent tirer avantage, là, d'une présence aussi sur les territoires autochtones.

Donc, j'espère que cette commission-là va fonctionner, dans son bilan, afin d'arriver à ce que tout le monde puisse y trouver sa part et qu'on puisse vivre dans un climat de cordialité. Parce que la dernière chose que je voudrais voir, c'est les scénarios de dynamite et les scénarios apocalyptiques qu'on a pu vivre au cours... dans les passages qu'ils ont eus dans les médias au cours des derniers mois. Je préférerais beaucoup voir un feu de joie à la fin de cette démarche-là que d'autres choses.

Alors, je souhaite à tout le monde qu'on ne tombe pas dans la partisanerie, c'est au-delà des enjeux électoraux, parce que c'est dommage que ça se passe dans le cadre d'une campagne électorale qui arrive, mais, au-delà de ça, qu'on réussisse vraiment à mettre quelque chose sur pied qui va permettre d'en arriver à une entente. Je vais laisser maintenant la parole à mon autre collègue député indépendant.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Saguenay. Alors, pour conclure cette partie des remarques préliminaires, j'invite le député de Louis-Hébert.

M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Oui, je suis très, très, très heureux de participer à cette commission. Même si je n'en fais pas partie, j'ai tenu à y être parce que je crois que nous avons un travail extraordinaire à faire.

Historiquement, nous avons commis des erreurs importantes. À la fin du XIXe siècle, on a créé les réserves indiennes et on a fait en sorte que des gens soient dépossédés de ce qu'ils étaient, de ce qu'ils avaient, et ça a été une erreur que tout le monde maintenant reconnaît comme étant une erreur historique mais qui a encore des conséquences directes sur la vie de beaucoup de nos concitoyens. Par ailleurs, nous avons, depuis le début du siècle, laissé les tribunaux décider quels étaient les droits, les relations que nous pouvons ou que nous pouvions ou que nous devions avoir avec des frères, avec d'autres concitoyens, des gens d'autres nations mais partageant le même territoire. Je pense que nous devons nous entendre et faire en sorte que nous puissions vivre ensemble mais, je dirais, nous réconcilier avec une partie importante de nous-mêmes.

Il faut que cette commission permette de retrouver ce que nous ne savons plus au Québec. Au Canada, c'est pareil, mais, au Québec, nous ne savons plus ce que nous sommes. Les autochtones, les Innus en particulier, nous ont appris l'hiver; ils nous ont appris le froid; ils nous ont appris la neige; ils nous ont appris la chasse; ils nous ont appris la pêche; ils nous ont appris le trappage ? ils nous l'ont appris à l'époque. On partage avec eux les même épinettes, les mêmes cyprès, les mêmes sapins, les mêmes bouleaux, les mêmes trembles, les mêmes aulnes, les mêmes fardoches.

L'été, nous compétitionnons pour pêcher la plus grosse truite, le plus gros doré, le plus gros brochet, le plus gros saumon, dans une partie à l'est, et la plus grosse ouananiche, à l'ouest. Et, l'automne, on cherche le plus gros orignal, le plus gros loup, le plus gros lynx, la perdrix, le lièvre, le canard, et tout ça. On partage tous exactement la même chose.

On canote sur quelles rivières? On canote sur les lacs: le Piékuakami, le lac Saint-Jean. On va sur la Ouiatchouan, la Métabetchouan, la Moisie, la Natashquan, et j'en nomme quelques-unes comme ça, Péribonka, Mistassini, Mistassibi. Bref, tous ces lacs-là, ce sont des noms autochtones et nous partageons tout ça ensemble.

Nous avons tout ça en commun, c'est le même territoire, c'est les mêmes choses, mais nous ne faisons pas vie commune. Nous faisons vie à part. Et ce n'est pas à l'avantage de toutes les parties, mais une seule des parties en tire à peu près tous les avantages. Il faut que nous mettions un terme à cela. Pour mettre un terme à ça, il faut qu'on sache ce qu'est la situation actuelle. Et c'est pour ça qu'il faut que la commission nous apprenne ce qu'est la situation partout ailleurs mais en ayant comme fond de scène ce que je viens de dire, qui peut paraître banal mais qui fait nos attaches communes à ce même territoire, à cette même vie que nous voulons.

Parce que ça, c'est le passé, d'une certaine manière, mais il faut que l'avenir soit assuré par une bonne solution et une bonne entente pour que les choses soient claires. La nation innue est une nation; la nation québécoise est une nation. Nous voulons vivre ensemble, et c'est possible de le faire. Nous devons nous parler, nous devons signer une entente. Ce que les gens doivent comprendre, c'est qu'au moment où on se parle il n'y a pas une entente formelle de signée. Il y a... Et ça, il faut que les gens, les Québécois, le comprennent.

C'est un peu comme lorsque deux avocats négocient mais que personne ne veut se compromettre de manière irrésistible. Et là vous avez la situation suivante où un avocat appelle son collègue puis dit: Si je t'offrais telle chose, est-ce que tu penses qu'on pourrait régler le dossier? L'autre dit: Écoute, je vais en parler à mon client et, s'il est d'accord, je te rappelle. Là, l'autre avocat rappelle, il dit: J'en ai parlé à mon client, il est d'accord. Et, à ce moment-là seulement, il y a une entente, et là on peut signer l'entente. Mais, avant, ce n'est que des préliminaires.

Nous avons fait, les deux nations, cette démarche préliminaire, on l'a exprimée dans un écrit. Il faut que nous en fassions une entente dorénavant. Et, avant de la signer, il faut que les parties la connaissent bien, il faut que les clients connaissent bien. Il faut que les Blancs, les Québécois sachent ce qui est la partie qui les concerne, puis la nation innue sache exactement également ce qu'il en est. Et là nous aurons de part et d'autre non seulement une entente, mais nous aurons des gens qui, sur le terrain, pourront se côtoyer et s'entendre.

n (10 h 40) n

Je l'ai dit, il faut que nous nous réconcilions avec nous-mêmes, parce que les nations, la nation innue comme les Inuits, comme la nation crie, comme les autres nations que nous avons reconnues en 1983 à l'Assemblée nationale, c'est une partie fondamentale du peuple québécois, dans le sens du partage des valeurs et des choses essentielles. Et il faut qu'on se réconcilie avec nous-mêmes.

Et l'année 2002 sera probablement, sur le plan historique, une fois décalées bien des choses, une année exceptionnelle. Il y aura eu la «Paix des Braves», il y aura eu ce projet d'entente qui sera là et il y aura eu auparavant la Convention de la Baie James, qui effectivement est le premier grand traité moderne qui a fait la paix avec les Inuits et qui a fait la paix également avec une bonne partie des Cris; le reste qui avait à être fait l'a été avec la «Paix des Braves».

M. le Président, c'est avec beaucoup d'émotion que je participe à cette commission. Alors que j'étais ministre de la Justice et en prévision de ce qui s'en venait, je m'étais fait donner ? quelque chose que je n'ai jamais fait dans aucun dossier ? je me suis fait donner 21 heures de briefing, 21 heures de briefing sur cette question-là en prévision de recommander au gouvernement ce que je croyais possible. M. le Président, je ne vois pas, pourriez-vous me le dire? Parce que ma vue ne permet pas de voir, qu'est-ce que vous avez dit?

Le Président (M. Lachance): Moins de deux minutes.

M. Bégin: O.K. D'accord. Alors, 21 heures pour comprendre. Et, là-dedans, il y a eu 15 heures de droit, mais il y a eu six ou sept heures d'histoire. Et c'est là que j'ai renoué avec mes racines. C'est là que j'ai renoué avec ce que nous étions et ce que nous devions faire et que nous n'avions pas le droit de laisser passer cette occasion extraordinaire pour tout le monde.

Autour de la table, ici, il y a des gens qui viennent du Lac-Saint-Jean, du Saguenay et de la Côte-Nord ? il y en a qui viennent de Montréal, ce n'est pas mauvais, mais ils viennent de Montréal ? de l'Abitibi. Je viens du Lac-Saint-Jean, je suis un bleuet pur. Je viens de Dolbeau, et mon chalet est juste à côté de Mashteuiatsh, là, on est à deux, trois kilomètres l'un de l'autre. Donc, je reste collé à ma racine. Mais je trouve que cette occasion devrait être pour tout le monde la même chance que j'ai eue, quand j'étais ministre, de retrouver mes racines, de retrouver mon âme, de retrouver celles des autres, et de faire en sorte que nous regardions l'avenir ensemble, parce que c'est l'avenir qui va être important.

Tout ce que le député Kelley a dit tout à l'heure concernant les points qu'on pourrait soulever, ils sont tous présents. Mais il faut qu'on ait les mêmes interrogations puis qu'on trouve des réponses ensemble, parce qu'on est ensemble partout sur le territoire: développement hydroélectrique, développement forestier, développement minier, développement touristique. Mettez-les, tous les développements. Pardon?

Une voix: ...

M. Bégin: Et ? vous m'avez enlevé mon punch, cher ami ? le développement humain est à faire. Alors, je dis bonne commission à tout le monde, mais surtout ayons beaucoup d'ouverture, de compréhension, et ce sera pour l'avantage de tout le monde.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Louis-Hébert. Et, là-dessus, ça termine la partie introductive de nos travaux parlementaires. Alors, maintenant, j'invite les représentants, c'est-à-dire les négociateurs de l'entente de principe d'ordre général entre les premières nations Mamuitun et Nutashkuan, le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada, alors MM. Louis Bernard, Rémy Kurtness et André Maltais.

M. Bernard (Louis): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs. Je vous indique que le temps qui nous appartient est quand même assez restreint. Alors, si vous voulez vous faire poser des questions par les parlementaires, le message, c'est: Parlez le moins longtemps possible. Merci.

Auditions

Les négociateurs de l'entente de principe d'ordre
général entre les premières nations de Mamuitun
et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec
et le gouvernement du Canada

M. Bernard (Louis): M. le Président, merci. On a constaté à quel point vous étiez rigoureux sur le calendrier, sur l'horaire, alors nous allons faire de notre mieux pour être le plus bref possible dans notre exposé et ensuite pouvoir répondre à vos questions. Je vais tenter de faire un résumé, un exposé très succinct de l'entente. Je sais que les membres de la commission l'ont lue. Mais je pense qu'il y a plusieurs membres ici ou ailleurs qui ont une idée incomplète de ce que c'est. Alors, je vais faire un bref résumé.

Je voudrais d'abord remercier la commission, au nom de mes collègues, d'avoir voulu nous recevoir dès le début de ses travaux. Nous en sommes très contents et nous nous réjouissons évidemment de cette commission.

Le premier élément, M. le Président, il est évident, du fait que nous sommes trois à nous présenter devant vous: ce que vous étudiez, c'est un document négocié. C'est le fruit d'une série d'échanges entre des parties qui ont voulu se mettre d'accord sur un terrain d'entente. Alors, c'est un document qui n'appartient pas à une des personnes qui est ici, ça appartient à chacune des parties, et, si on veut le bonifier, le modifier et faire en sorte que, finalement, il aboutisse à son but, il va falloir que ça se fasse les trois parties ensemble.

Je n'insisterai pas sur pourquoi nous négocions, je pense que vous l'avez bien mentionné dans vos remarques préliminaires. La négociation est la solution de cette question-là. Les autochtones ont des droits. Ce sont des droits qui sont reconnus par les tribunaux, par la Constitution, par l'Assemblée nationale, mais ce sont des droits qui sont mal définis, qui ne sont pas précisément énoncés, et ça cause une multitude de problèmes qui ne peuvent être résolus que par la négociation. Vous nous avez évidemment donné une lourde tâche, nous, comme négociateurs, parce que tout le monde a dit: Ce n'est que par la négociation qu'on va pouvoir résoudre cette question-là. Évidemment, la négociation suppose qu'on est capable d'en venir à une entente.

Juste un petit mot historique, M. le Président, très rapidement, sur d'où vient cette négociation-là et où elle est maintenant. Il y a trois ans, lorsque les trois négociateurs ici ont entrepris la dernière ronde de négociations, le CAM, qui avait été créé il y a une vingtaine d'années, s'était fractionné, et on se retrouvait avec une table pour les Attikameks et deux tables pour les Innus. Une de ces tables-là, c'est avec le Conseil tribal Mamuitun, qui regroupait à ce moment-là les trois nations de l'ouest, les trois premières nations de l'ouest, c'est-à-dire Mashteuiatsh, Essipit et Betsiamites. Et puis il y avait une deuxième table qui regroupait trois nations de l'est: Mingan, La Romaine et Pakuashipi. Et il y avait trois nations qui étaient en dehors, qui s'étaient retirées de la négociation.

Alors, quand on a pu négocier avec le Conseil tribal Mamuitun, c'est-à-dire les trois de l'ouest, l'Approche commune dont vous avez parlé, qui a été rendue publique en juin de l'an 2000, nous avons entrepris la deuxième phase de la négociation, c'est-à-dire l'entente de principe, et, à ce moment-là, une des communautés qui étaient à l'extérieur, Natashquan, s'est jointe au Conseil tribal Mamuitun. C'est pour ça que l'entente que vous avez devant vous, c'est pour quatre nations, donc les trois de l'ouest plus Natashquan, qui ont négocié ensemble cette étape, là, de l'entente de principe. Il n'y a évidemment que ces nations qui sont intimement reliées à cette entente-là. La table avec Mamit a continué ses travaux, et nous avons espoir, comme on l'a mentionné tout à l'heure, qu'une entente semblable pourra être conclue avec Mamit. Cette unité de la nation, c'est une question qui regarde les Innus, mais nous espérons, nous, comme négociateurs, que notre projet pourra être un facteur d'unité de la nation innue.

L'entente que vous avez comporte 19 chapitres, et ces chapitres-là peuvent être regroupés sous six rubriques principales. Premièrement, il y a la reconnaissance des droits, et ça, c'est le chapitre 3, sur les dispositions générales. Il y a ensuite les chapitres qui portent sur le territoire et les droits qui s'y rapportent. Ce sont les chapitres 4, 5, 6 et 7. Ensuite, il y a le droit à l'autonomie, ce sont les chapitres 8 et 9. Il y a les questions financières et fiscales, ce sont les chapitres 10, 11 et 12. Il y a le développement, c'est le chapitre 13. Et enfin il y a la mise en oeuvre, ce sont les chapitres 14 à 19. Donc, si vous voulez, ce sont les grands chapeaux sur lesquels j'aimerais vous donner quelques explications.

Commençons par la reconnaissance des droits. Quand nous nous sommes réunis pour la première fois, à chacune des deux tables, tant à Mamuitun qu'à Mamit, les autochtones nous ont dit: Écoutez, là, si vous voulez avoir un traité, ça ne peut pas se faire sur la base d'un abandon de nos droits ou d'un échange de nos droits comme ça avait été fait il y a 25 ans à la Baie-James. S'il est pour y avoir un traité, ce doit être la reconnaissance de nos droits. Il faut que nos droits, leur source se trouve dans l'existence de nos communautés et non pas dans un traité conclu avec des gouvernements. Alors, c'était une exigence certainement qui était légitime mais qui soulevait beaucoup de questions pratiques, juridiques quant à la certitude qui était recherchée surtout par les gouvernements mais également par les Innus.

n (10 h 50) n

Alors, quand nous avons conclu l'Approche commune au début de l'année 2000, cette question-là de la formule de reconnaissance était encore en suspens. Et, pour aider les parties à trouver une solution, nous avons mis sur pied un comité de juristes externes composés de Me Roger Tassé, un ancien sous-ministre fédéral de la justice; de Me Jules Brière, un ancien secrétaire général associé à la législation ici, au Québec; Me François Tremblay, un avocat de la pratique privée; et Me Ghislain Otis, professeur à la Faculté de droit de l'Université Laval. Ce comité-là a siégé pendant plus d'un an, il a fait de multiples consultations et il nous a fait rapport, à la table. Et son rapport, c'est fondamentalement la base des dispositions que vous retrouvez au chapitre 3 sur la reconnaissance des droits.

C'est un chapitre qui dit ceci: Les droits ancestraux des Innus, y compris le titre aborigène, on ne les définit pas a priori mais on précise que, pour l'avenir, les effets et modalités d'exercice de ces droits seront ceux qui sont prévus au traité. Pour l'avenir, les effets et modalités des droits innus sont ceux qui sont prévus au traité. Donc, ces droits-là gardent leur source dans l'existence des nations, mais leur exercice concret est défini par le traité. Tous les effets et modalités d'exercice d'un droit qui ne serait pas prévu au traité sont suspendus. Par conséquent, cette formule-là permet de reconnaître les droits mais d'avoir la certitude juridique qui est recherchée. Par ailleurs, les droits innus ne sont pas fixés à jamais. Ils peuvent évoluer, et le traité prévoit trois circonstances précises où il devra y avoir évolution. S'il y a une convention internationale ou s'il y a un amendement constitutionnel ou s'il y a un jugement final d'une cour d'appel faisant apparaître un droit nouveau, des mécanismes sont prévus pour l'intégrer au traité et en permettre l'exercice par les Innus.

Alors, une fois qu'on s'est entendu sur cette formule de reconnaissance des droits, il fallait discuter comment ces droits-là s'appliquaient au territoire. Et là les Innus nous ont dit: Nous, on veut que nos droits s'appliquent partout sur le territoire, mais ce n'est pas nécessaire qu'ils s'appliquent partout de la même façon, il peut y avoir un genre de géométrie variable. Alors, c'est ça qui nous a conduits à distinguer deux sortes de territoires en ce qui concerne l'exercice des droits: un territoire traditionnel qu'on a appelé Nitassinan, qui couvre le Saguenay?Lac-Saint-Jean puis une partie de la Côte-Nord, et puis un territoire de terres en propre, qui est un territoire de dimension plus réduite.

Sur le Nitassinan, le territoire traditionnel, les Innus peuvent exercer les droits suivants:

1° le droit de pratiquer leur mode de vie traditionnel appelé Innu Aitun, qui est axé sur la chasse, la pêche, le piégeage et la cueillette ? et ça, c'est suivant les modalités qui sont prévues au chapitre 5 de la proposition d'entente;

2° le droit de participer de façon réelle à la gestion du territoire, des ressources naturelles et de l'environnement ? et les modalités de ça sont prévues au chapitre 6;

3° le droit de partager avec le Québec les redevances perçues sur les ressources naturelles ? et les modalités sont décrites au chapitre 7.

J'ajoute que, sur le Nitassinan, les Innus pourront également participer au développement, justement en raison de ces droits-là, et ce sont les mesures qui sont prévues au chapitre 13.

Si on en vient maintenant à l'Innu Assi, qui est le territoire en propre, là, les Innus seront propriétaires des terres et ils pourront exercer leur droit de se gouverner eux-mêmes. Ils pourront exploiter les richesses naturelles qui s'y trouvent et aliéner les droits qui leur appartiennent. À Natashquan, le territoire est plus grand, à ce moment-là, le gouvernement du Québec conserve la propriété du sous-sol et des forces hydrauliques, mais il ne pourra pas y avoir d'exploration ou d'exploitation minière sans le consentement des Innus.

Il est important, M. le Président, de souligner que les parties se sont entendues pour que le territoire d'Innu Assi ne soit plus considéré comme un territoire réservé aux Indiens au sens du paragraphe 9124 de la Constitution ou au sens de la Loi sur les Indiens. Par conséquent, le Parlement du Canada n'y aura donc plus de compétences exclusives ni le gouvernement fédéral de propriété foncière. La propriété appartiendra aux Innus.

Le traité prévoira que, sur Innu Assi, il y aura accès pour fins d'utilité publique, prévoira également la libre circulation sur les routes et les cours d'eau. À Natashquan, ce droit d'accès sera élargi, en ce qui concerne les citoyens des communautés avoisinantes, de façon à leur permettre le même accès qu'actuellement en matière de chasse, de pêche, de piégeage, de villégiature ou de bois de chauffage. Quant à la présence des tiers sur Innu Assi, le traité prévoira que leurs droits seront respectés ou qu'ils seront compensés adéquatement.

Je termine ce chapitre en disant que les délimitations précises qui sont prévues à l'entente de principe ne sont pas définitives, qu'elles continueront à faire l'objet de discussions. Et c'est le cas, en particulier, je le mentionne, de la partie sud-ouest de l'Île d'Anticosti et de la partie qui est comprise dans le territoire de la Baie-James, de même que sur les chevauchements qui pourraient exister avec d'autres communautés innues ou autochtones.

Alors, j'en viens au chapitre 5, qui définit les modalités d'exercice du droit ancestral des Innus de pratiquer Innu Aitun, c'est-à-dire leur mode de vie traditionnel, sur leur territoire traditionnel. Ce que prévoit l'entente, c'est que ce sont les lois innues qui régiront la pratique d'Innu Aitun par les Innus. Donc, les Innus qui iront à la chasse ou à la pêche sur leur territoire traditionnel seront astreints, assujettis à des lois innues. Je fais tout de suite une parenthèse pour dire qu'il y en a certains qui ont compris que les lois innues s'appliqueraient également aux non-Innus, que les lois innues iraient réglementer en dehors des agissements des Innus. Je souligne que c'est une mauvaise interprétation.

Par ailleurs, le gouvernement innu aura l'obligation de mettre en place un cadre réglementaire, pour les Innus, qui permettra d'harmoniser, au moyen d'ententes complémentaires, la pratique des Innus et celle des autres utilisateurs. C'est ce qu'on a mentionné précédemment dans les remarques préliminaires. Pour les espèces sensibles, comme l'orignal, le saumon, la ouananiche, le crabe, le homard, de telles ententes seront obligatoires et devront avoir été conclues avant la signature du traité. Ces ententes devront reconnaître aux Innus une priorité pour fins alimentaires mais également assurer un partage de ces ressources avec les autres utilisateurs. Il devra également y avoir entente sur des règles particulières en ce qui concerne un certain nombre de territoires qui sont énumérés dans l'entente, comme les réserves écologiques, les terrains privés, les zecs, les pourvoiries à droits exclusifs ou les territoires maritimes.

J'en arrive maintenant au chapitre suivant, le chapitre 6, qui décrit les modalités d'exercice du droit des Innus de participer, d'une manière réelle et significative, dans les processus de décision relatifs à la gestion du territoire, de l'environnement et des ressources naturelles sur Nitassinan. Cette participation devra permettre une véritable prise en compte des droits des Innus suivant des modalités qui seront précisées dans une ou des ententes complémentaires.

En matière de planification, la décision finale reviendra au gouvernement ou au ministre responsable et, en cas de désaccord avec les Innus, il n'y aura pas de compensation. Lorsqu'il s'agit d'un projet de développement, la décision finale reviendra au promoteur, une fois évidemment qu'il aura reçu toutes les approbations requises, et, en cas de désaccord avec les Innus, il y aura compensation, fixée par arbitrage en fonction des dommages subis dans l'exercice des droits.

Le chapitre suivant, c'est le chapitre 7, qui définit les modalités du droit des Innus de recevoir ou de partager avec le Québec les redevances sur les richesses naturelles. Le pourcentage de ce partage sera fixé dans le traité. À l'heure actuelle, il n'a pas été négocié de façon définitive, mais l'entente de principe stipule qu'il ne saurait être inférieur à 3 %. Au total, on a calculé que les redevances à partager dans l'ensemble du territoire traditionnel des neuf communautés innues au Québec seraient de l'ordre de 200 millions. Et c'est le traité qui déterminera comment le produit de ce partage, si c'est 3 %, ça veut dire 6 millions, sera distribué entre les communautés innues.

n (11 heures) n

Pour exercer leur droit de se gouverner eux-mêmes, les Innus auront évidemment besoin d'institutions législatives, gouvernementales et judiciaires pour faire des lois, les mettre en oeuvre et en assurer l'exécution. C'est ce que l'entente prévoit aux chapitres 8 et 9 portant sur l'autonomie gouvernementale et l'administration de la justice.

La compétence législative des Innus s'exprimera par un pouvoir général ? pas un pouvoir énuméré, c'est un pouvoir général. Il y a cependant trois listes de pouvoirs qui viennent encadrer cette compétence générale.

La première liste énumère les domaines qui sont exclus de ce pouvoir général, donc là où les Innus ne pourront pas faire de lois. Alors, vous avez la liste, dans l'entente, de ces matières-là, mais en général, ce sont les matières fédérales, comme la défense, la monnaie, le droit criminel; mais il y a également des compétences québécoises, comme les permis de transport, les permis de conduire, la constitution de personnes morales, les boissons alcoolisées, les drogues, ce genre de choses-là.

Ensuite, il y a une deuxième liste qui, elle, précise les domaines où les lois innues seront prépondérantes sur les lois québécoises ou canadiennes; autrement dit, là où les Innus vont pouvoir se donner leurs propres normes à eux. Et là, dans cette liste-là, vous allez retrouver des matières comme les institutions internes des Innus, la protection de la langue et la culture innues, l'éducation primaire et secondaire, la famille, les matières locales, les matières qui ont un lien significatif avec l'identité des premières nations, et des questions de cette nature.

Et enfin, il y a une troisième liste qui énumère les standards minimaux que même, là où elles sont prépondérantes, les lois innues devront respecter. Il s'agit de domaines comme les produits, équipements pétroliers, la sécurité au travail, la sécurité dans les bâtiments, la qualité des produits alimentaires et les choses de même nature.

Il faut souligner, M. le Président, que la Constitution du Canada, la Charte canadienne, la Charte québécoise des droits continueront de s'appliquer sur Innu Assi. Il en va de même de l'ensemble des lois québécoises et canadiennes, sujettes évidemment à la prépondérance des lois innues dans les domaines où cette prépondérance est reconnue par le traité.

Quant à l'administration de la justice, l'entente prévoit que les Innus pourront instituer des tribunaux pour l'administration de leurs lois et, sinon, ce sont les tribunaux québécois qui appliqueront les lois innues, et à ce moment-là il y a des mesures qui sont prises pour que ces tribunaux-là puissent mieux répondre aux besoins des Innus.

Si les tribunaux innus sont institués, les principes et garanties juridiques concernant l'impartialité judiciaire s'appliqueront et il y aura un droit d'appel aux instances compétentes du système judiciaire ordinaire.

J'en viens maintenant aux questions financières et fiscales ? ce sont les chapitres 10, 11 et 12. Comme tous les autres traités conclus au Canada au cours des dernières années, l'entente de principe prévoit des transferts financiers. Les transferts en provenance du Canada sont de 275 millions; le transfert en provenance du Québec sera de 102 millions, soit l'équivalent en dollar constant de la compensation qu'ont reçue les Cris en vertu de la Convention de la Baie James, en fonction de la puissance installée. En contrepartie, les Innus donneront une quittance complète pour toute atteinte à leurs droits dans le passé et retireront toutes poursuites pendantes devant les tribunaux, dont celle de 500 millions qui est actuellement pendante relative aux travaux du complexe Manic-Outardes.

Le chapitre suivant, le chapitre 11, porte sur le financement des services publics offerts aux Innus. À cet égard, les responsabilités respectives des gouvernements restent les mêmes et la plus grande part de ce financement, comme maintenant, y compris les sommes nécessaires à la mise en oeuvre du traité, proviendra du gouvernement fédéral.

Le chapitre 12, portant sur la fiscalité, prévoit que le traité déterminera les règles de transition entre l'application du régime fiscal actuel de la Loi sur les indiens et l'adoption d'un régime fiscal innu. Ce chapitre, à l'heure actuelle, est rédigé en des termes généraux et devra être précisé davantage, d'ici le traité, notamment en ce qui concerne l'harmonisation des régimes fiscaux et les mesures à prendre pour assurer l'équité fiscale et éviter la concurrence déloyale.

Le chapitre suivant, c'est sur le développement socioéconomique, de façon à ce que les communautés puissent se prendre en main et développer chez elles de la richesse pour la communauté elle-même et pour chacun de ses membres. À cet égard, comme on l'a mentionné, il y a un important rattrapage qui s'impose, et les mesures que nous avons déterminées dans ce chapitre visent justement à faire en sorte qu'on puisse y procéder aussi rapidement que possible.

Ce sont des mesures qui sont axées surtout sur l'exploitation des richesses naturelles comme la pêche commerciale, la forêt et la faune, mais il y a également d'autres mesures qui s'adressent aux individus afin de leur donner la formation nécessaire et leur faciliter l'accès à l'emploi. Il y a également un fonds spécial qui sera mis sur pied pour aider l'entrepreneurship innu.

Les parties ont accepté que l'implication économique des Innus se fasse de façon planifiée et graduelle suivant des calendriers convenus à l'avance pour faciliter l'accès aux volumes de bois ou aux pourvoiries, etc. Elles ont également accepté que, en cette matière de développement économique, les Innus doivent en principe respecter les mêmes règles que les autres agents économiques.

Enfin, sur la mise en oeuvre, M. le Président, je ne vais mentionner qu'un seul des chapitres qui s'y rapportent. C'est le chapitre 17 portant sur le réexamen et la révision du traité. Évidemment, le traité, qui est permanent, ne pourra être modifié que du consentement de chacune des trois parties. Mais ? c'est là une nouveauté ? il y a de prévu un mécanisme de révision périodique qui permettra aux parties, sans remettre en cause les fondements mêmes du traité, de s'assurer que celui-ci s'adapte à l'évolution des choses.

Ce réexamen sera confié à des personnes qui ne sont pas normalement impliquées dans la mise en oeuvre quotidienne du traité, et elles auront alors un an pour faire leur travail. Le premier réexamen est prévu à la septième année; le deuxième, à la dix-septième, et par la suite ce réexamen se fera à tous les 20 ans.

Alors, comme vous le voyez, M. le Président, il nous reste encore beaucoup, beaucoup de travail à faire avant d'en arriver à un traité. D'abord, on doit continuer les négociations à la deuxième table comme je l'ai mentionné, celle de Mamit, où il faudra résoudre certaines questions difficiles avant de pouvoir en arriver à une entente de principe semblable à celle qui a été conclue avec Mamuitun et Natashquan.

Il y a également l'intégration souhaitable au processus de négociations des premières nations de Sept-Îles et de Schefferville. Puis certains chapitres de la présente entente de principe devront être précisés davantage et d'autres devront sans doute être rajustés à la lumière des travaux et des recommandations de votre commission et des discussions qui sont en cours au Québec, au Canada et, je dois le mentionner, dans les communautés autochtones. Enfin, il y a une bonne quinzaine d'ententes complémentaires dont certaines sont très importantes qui devront être négociées en même temps que le traité.

Alors, il y a beaucoup de travail à faire, mais par ailleurs, vous avez mentionné, dans les remarques préliminaires, l'urgence d'aboutir. Alors, nous nous sommes donné, comme un échéancier de départ, l'obligation de faire ce travail-là dans une période de deux ans. C'est évidemment un calendrier qui est très ambitieux, mais nous, comme négociateurs, nous sommes résolus à tout faire pour le respecter, évidemment si on nous en donne le mandat.

Alors, je demanderais maintenant à M. Maltais de dire quelques mots.

M. Maltais (André): Merci, M. Bernard. M. le Président, M. le ministre, Mme la députée, M. le député. Alors, si jamais d'aventure je prenais trop de temps, il faudrait me le dire rapidement parce que je ne voudrais pas prendre le temps de M. Kurtness qui est très important.

En premier lieu, je tiens à souligner que la négociation dont il est question ici s'inscrit dans une vision du Canada, une vision qui vise à réconcilier les droits des autochtones et ceux de la couronne et aussi à faire participer pleinement les autochtones à la vie canadienne québécoise régionale avec des droits et des obligations de citoyens à part entière, des droits et des obligations de citoyens à part entière.

Les traités sont des outils qui contribuent à la réalisation de nos objectifs d'améliorer la qualité de vie des autochtones et, bien sûr, de faire bénéficier les non-autochtones, tout comme les autochtones, à la nouvelle relation qui en résultera. Si cette négociation aboutit à un traité, les Innus auront des moyens qui les aideront à se prendre en charge pour améliorer leur bien-être et passer d'un mode de vie d'assistance à un mode de vie basé sur la responsabilité. Inutile de rappeler que les intérêts des tiers seront respectés et que ces derniers bénéficieront de la certitude que le traité leur procurera pour améliorer le développement économique et les ressources.

Compte tenu de la limite de temps qui m'est imparti, j'aimerais peut-être regarder avec vous l'origine de la politique fédérale des revendications territoriales globales du Canada. Ça a été une des discussions qui, au cours des derniers mois, fait rage concernant la légitimité des négociations. Les tribunaux l'ont répété à plusieurs reprises: les autochtones bénéficient de droits ancestraux qui existent à cause de leur utilisation et occupation historiques des terres et des ressources. Ces droits sont maintenant protégés par la Loi constitutionnelle de 1982. La méthode utilisée pour régler cette question des droits ancestraux est la conclusion des traités. Pendant le XVIIIe et le XIXe siècles, des traités ont été signés avec les autochtones pour permettre entre autres la coexistence pacifique et la colonisation d'une grande partie du Canada.

n (11 h 10) n

C'est en 1973 seulement, après le jugement de la Cour suprême du Canada qui a confirmé encore de nos jours ces droits ancestraux, que le Canada a décidé de recommencer cette pratique de négocier des traités avec les autochtones dans les cas où leurs droits ancestraux sont encore en vigueur. Le Canada a alors jugé que la négociation pour clarifier les droits des autochtones est beaucoup plus avantageuse que le recours à des poursuites longues et coûteuses devant les tribunaux. La négociation a l'avantage d'apporter des solutions gagnantes pour toutes les parties et d'éviter les confrontations menées par des avocats avec, comme résultat, un gagnant et un perdant. Il ne faut pas non plus minimiser les pertes souvent irrécupérables d'investissements dues à l'incertitude juridique entourant la propriété et l'accès aux terres et aux ressources.

Le premier traité moderne, on l'a dit tout à l'heure, au Québec, c'est lors de la signature de la Convention de la Baie James en 1975. Ce traité a ouvert la voie au développement hydroélectrique que l'on connaît. Depuis, le Canada a conclu 14 traités: dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon, au Nunavut et, plus récemment, en Colombie-Britannique avec les Nisga'a. Le Canada négocie présentement de telles ententes à quelque 70 tables en Colombie-Britannique, aux Territoires du Nord-Ouest, en Ontario et dans les Provinces de l'Atlantique et au Québec, dont la négociation avec les Innus qui, elle, avance beaucoup plus rapidement.

La politique des revendications territoriales globales a été revue et modifiée au fil des ans et continue d'évoluer avec chaque traité. Comme je le disais plus tôt, les négociations des revendications territoriales globales visent à réconcilier les droits des autochtones et ceux de la couronne, à éliminer l'incertitude politique et économique liée aux revendications des droits ancestraux et des titres aborigènes, à favoriser les partenariats entre les groupes autochtones et leurs voisins pour la gestion des territoires et des ressources, à stimuler de nouvelles relations entre les groupes autochtones, les gouvernements et les tiers, et à permettre un essor économique pour les groupes autochtones et les régions entières où vivent ces groupes autochtones. Depuis 1996, le Canada a négocié aussi l'autonomie gouvernementale dans le cadre des traités. Bref, les traités permettent aux groupes autochtones de sortir de la tutelle qui leur a été imposée à la fin du XIXe siècle par la Loi sur les Indiens et de prendre en charge leur propre destinée.

Comment on engage une négociation, les fondements pour initier un processus de négociation? Le gouvernement du Canada ne s'engage pas à la légère dans la négociation d'une revendication. Pour enclencher le processus, le groupe autochtone prépare un énoncé de sa revendication, accompagné de pièces à l'appui. La documentation doit comprendre des rapports de recherche historique et autres qui démontrent que le groupe autochtone en question, la nation autochtone détient fort probablement des droits ancestraux sur la base des critères énoncés par les tribunaux. Le ministre des Affaires indiennes et du Nord du Canada examine les documents et, après consultation auprès du ministre de la Justice du Canada sur la probabilité de l'existence des droits ancestraux non éteints, il décide si le Canada est prêt ou non à entamer des négociations. La participation des provinces est essentielle dans la négociation des traités; les provinces ont leur propre processus pour décider de participer aux négociations, C'est le processus que le Canada a suivi dans le cas de la revendication désignée du Québec présentée dans les années soixante-dix.

Juste pour terminer parce que, M. le Président, pour laisser du temps à M. Kurtness, peut-être que le document pourrait circuler auprès des membres et peut-être être inscrit au niveau du journal de la commission. Je terminerai simplement en disant que les tiers possèdent également des intérêts qui doivent être respectés et, dans ses efforts pour définir l'exercice des droits des peuples autochtones, le gouvernement du Canada n'a pas l'intention de porter de préjudice aux droits existants des autres personnes. Les intérêts du public et des tiers sont respectés dans la négociation des règlements et des revendications et, dans les cas où ils sont touchés, des mesures équitables sont prises.

Alors, je termine simplement en disant que c'est par la négociation que nous allons être capables d'arriver à des solutions qui vont être acceptables pour tout le monde et, bien que l'entente ait été paraphée par les trois négociateurs, elle n'a encore été ratifiée par aucune des parties, soit par les gouvernements. Il appartient à chacune des parties de déterminer comment elle entend procéder pour la ratification. Il ne me reste qu'à formuler le souhait que nous allons être capables ensemble de relever ce défi de construire ensemble un traité qui sera valable et extraordinairement positif pour chacune des parties.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Maltais. M. Kurtness.

M. Kurtness (Rémy «Kak'wa»): (S'exprime dans sa langue). Ce qui veut dire que c'est à mon tour de vous remercier, M. le Président, membres de la commission, de nous permettre de vous exposer le point de vue des Innus pour l'ensemble des Québécois et, bien sûr, des Innus.

D'abord, il est impératif que la reconnaissance des droits ancestraux, y compris le titre aborigène, que plusieurs qualifient déjà de traité historique et de nouvelle génération, soit basée sur la reconnaissance des droits ancestraux, y compris le titre. C'est fondamental que dans le futur traité ça soit basé sur ces éléments-là.

La reconnaissance du Nitassinan, qui signifie dans notre langue: notre territoire, notre culture, notre spiritualité, nos coutumes, nos traditions, devrait confirmer l'occupation et la gestion historique et continue par les Innus de ce territoire. Nutashkuan, Manicouagan, Ashuapmushuan, Pesamit, Essipit, Kashtin, Pekuakami, tous des toponymes innus auxquels M. Bégin a également fait référence, démontrent que c'est un territoire innu. Alors, dans le futur traité, il ne peut y avoir de négation de cette réalité historique, archéologique et toponymique.

Cependant, Nitassinan est aussi occupé par d'autres peuples et d'autres utilisateurs avec lesquels il faut convenir d'un nouveau pacte de gestion de ces territoires, de ces ressources naturelles et de nouvelles relations entre nos peuples respectifs.

Il est également fondamental de reconnaître le droit à l'autodétermination des Innus dans le cadre constitutionnel canadien. Cela s'exprimera pour les Innus par l'exercice de leurs droits inhérents à l'autonomie gouvernementale sur le territoire d'Innu Assi, tel que l'a expliqué mon collègue québécois, et sur Nitassinan, pour la protection et la promotion de Innu aimun mak Innu aitun, c'est-à-dire notre langue, notre culture, notre mode de vie, notre spiritualité, etc.

Le maintien du lien avec l'ensemble du Nitassinan et la capacité législative des Innu tshishe utshimaut, nos gouvernements innus, d'adopter entre autres des lois dans ces champs de compétence assurera la pérennité de notre nation et de notre peuple qui a un caractère distinct et sur lequel reposent nos droits ancestraux, y compris le titre aborigène. À cet égard, nous comprenons et partageons les aspirations du peuple québécois de protéger et promouvoir leur langue, leur culture, leur code civil distinct dans un environnement majoritairement anglophone. En retour, nous nous attendons au même respect et à la même empathie.

La présente entente et le futur traité permettront ainsi aux Innus de recouvrer leur fierté, leur dignité, leur autonomie politique, financière et économique plutôt que l'indignité, la souffrance psychosociale et la dépendance étatique et systémique avec lesquelles nous sommes confrontés. Le régime actuel, basé sur la Loi sur les Indiens, doit être progressivement modifié pour permettre aux Innus de redevenir de vrais partenaires et alliés comme le stipule le traité de 1603.

Depuis près de 25 ans que nous sommes en processus de négociation, c'est la première fois que nous atteignons un résultat, c'est-à-dire un règlement négocié acceptable, nous l'espérons, pour l'ensemble des parties. Notre négociation est définitivement une, sinon la plus productive au pays.

Alors, nous savons que ce projet soulève quelques inquiétudes et mécontentements, mais nous sommes persuadés que la présente commission doit recommander la ratification de cette entente, même si elle demeure perfectible d'ici le traité.

n (11 h 20) n

Enfin, nous avons la conviction profonde que cette entente, qui nous conduira à un traité, représente l'espoir pour notre jeunesse, notre capital le plus précieux. Les coûts sociaux, politiques, culturels et économiques qu'engendrait l'échec de nos négociations et de nos relations futures ne peuvent être envisagés. Au contraire, nos nouvelles relations doivent avoir les mêmes fondements que nos relations historiques, c'est-à-dire de peuple à peuple, d'égal à égal, de gouvernement à gouvernement, selon nos souverainetés respectives.

Ainsi, nous pourrons confirmer notre volonté manifeste et mutuelle de coexister de façon harmonieuse et durable. Nous faisons donc appel aux peuples innu et québécois pour le rétablissement de nos relations fondées sur le respect, le partage et l'entraide. Nous espérons sincèrement que cette commission puisse également en faire la promotion. (S'exprime dans sa langue).

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Kurtness. Merci, messieurs, pour votre présentation.

Alors, nous allons maintenant amorcer la période d'échange et j'indique qu'il devrait y avoir, du côté ministériel, 26 minutes, et la même chose du côté de l'opposition, donc, 18 minutes du côté de l'opposition officielle et huit minutes du côté des députés indépendants à partager entre les deux, s'ils le désirent. M. le ministre.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Remercier d'entrée de jeu les trois négociateurs des parties à la table de négociations de cette présentation et l'occasion, très certainement, de dire aussi, en général, après les remarques préliminaires des partis à l'Assemblée nationale et votre présentation, je pense qu'on peut se dire que nous trouvons, retrouvons ce matin un climat de sérénité qui est nécessaire, qui est nécessaire pour atteindre de nouveaux objectifs et atteindre les résultats recherchés, tel que ça a été mentionné par tous ceux et celles qui sont concernés dans les deux nations par ce projet de traité.

On vient de le rappeler justement, après, en particulier, 25 ans d'efforts, 25 ans d'efforts, jamais ? je le notais en note d'ouverture ? jamais on aura atteint effectivement les résultats que nous avons atteints. Et en étant conscient qu'il reste beaucoup de travail, beaucoup de travail à réaliser et que, si nous pouvions nous baser sur ce que nous avons entendu ce matin, je pense que nous sommes, aussi, actuellement, à faire en sorte de préparer le terreau fertile pour que nous puissions franchir les obstacles, oui, les obstacles, les derniers obstacles qui se présentent à nous et qui devront être surmontés. Parce que, comme le disait le député de Chicoutimi et d'autres parlementaires aussi, l'objectif terminal, l'objectif recherché dans la paix et le respect, c'est le développement, c'est l'espoir. C'est l'espoir pour les personnes qui composent les deux nations concernées par le projet d'entente qui est devant nous et par les nations qui sont présentes et reconnues sur le territoire québécois.

M. le Président, le porte-parole de l'opposition partage aussi un autre élément central quant à l'objectif de cette commission, la pédagogie, la pédagogie, faire connaître au Québécois et aux Québécoises, en particulier, les tenants et aboutissants non pas du traité, mais d'une entente de principe qui en quelque sorte est la deuxième étape que nous franchissons ensemble après avoir franchi celle de juillet 2000. Tout cela n'est pas un phénomène pop-corn qui éclate soudainement comme projet d'entente. Déjà, en 2000, après de longs échanges, les représentants des nations concernées, les Québécois et les Innus, ont convenu d'une Approche commune pour vivre harmonieusement sur le territoire. Et ce qui nous est présenté, depuis le 12 juin, par les ordres de gouvernements et les représentants des nations, c'est une entente de principe qui franchit une deuxième étape et qui devrait nous conduire vers cette troisième étape.

Et dans tout ce mouvement, on a eu l'occasion de le rappeler, il y a, en particulier chez les populations non autochtones mais c'est également vrai dans les communautés autochtones, il y a de tels avancées... On vient de nous en expliquer les principales dimensions par la voix du négociateur du Québec M. Bernard. Il y a une croyance commune, une croyance qui s'est répandue au cours des derniers mois et sur laquelle nous devons intervenir ? elle est grosse cette affirmation ? c'est: à l'occasion de cette négociation, on donne le Québec aux Innus. C'est une affirmation que l'on a entendue dans les médias d'information, c'est une affirmation que l'on a vue dans les assemblées publiques d'information, que l'on a entendue également dans différentes assemblées.

Comment, messieurs, dans le travail que vous avez réalisé, sur la base de l'Approche commune qui a été convenue entre les nations, peut-on assurer les Québécois et les Québécoises et la nation innue que nous allons en arriver à déterminer des règles qui vont permettre la cohabitation harmonieuse, en se rattachant à deux éléments de votre présentation qui ne sont pas la totalité du projet mais qui font référence à cette croyance qui s'est développée au cours des dernières semaines et des derniers mois, quant à la pratique des activités traditionnelles sur un grand territoire? On a bien mentionné tantôt que les lois et règlements qui s'appliqueraient pour les activités traditionnelles de la nation innue en territoire déterminé, eh bien, ce ne seraient pas des règles qui vont s'appliquer aux autres qui fréquentent le territoire? Ou encore, l'autre exemple, ce que M. Maltais vient d'indiquer, que les droits des tiers seront respectés? Comment devrait-on davantage expliquer, en particulier aux Québécois et aux Québécoises, qu'on ne donne pas le Québec mais qu'on fait un progrès réel vers une occupation harmonieuse du territoire?

M. Bernard (Louis): M. le Président, la première manière, c'est de faire comprendre aux Québécois que les autochtones, ils ont des droits. On ne leur donne rien, ils ont des droits. Puis la raison, c'est que, quand les Blancs sont arrivés ici, d'abord en petit nombre, bien, les autochtones étaient déjà présents, puis ils étaient déjà organisés en société, puis ils occupaient déjà le territoire, puis ils faisaient des règlements à leur manière, etc. Et ces droits-là ont continué parce que, avec les autochtones, nous avons fait des traités d'alliance. Nous ne sommes pas partis en guerre contre eux, au contraire. C'est par les alliances avec les autochtones que les Français ont réussi à s'établir ici.

Il ne faut pas oublier que, pendant tout le XVIIe siècle, la raison principale de l'établissement français sur le bord du Saint-Laurent, c'est le commerce des fourrures. Puis le commerce des fourrures, c'était une alliance avec les autochtones, d'abord avec les Montagnais qui ont été les premiers dans cette alliance-là, puis ensuite, 35 au moins nations autochtones allant jusqu'au sud des Grands Lacs qui alimentaient le commerce des fourrures des Français qui étaient très peu nombreux à ce moment-là. Alors, c'est par l'alliance avec les autochtones que les Français se sont établis ici. Alors, ça a donné des droits historiques aux autochtones. Puis les tribunaux, dans leurs décisions récentes, ils ont simplement rétabli les autochtones dans leurs droits, ils ont reconnu cette réalité historique là.

Alors, le traité ici, là, qu'on négocie, ça ne donne rien aux autochtones, ça reconnaît qu'ils ont des choses puis qu'ils sont capables de les faire valoir devant les tribunaux. Qu'on aime ça ou qu'on n'aime pas ça, ils sont capables de faire valoir ces droits-là devant les tribunaux. Alors, le but de l'entente, c'est d'harmoniser les droits des uns avec le droit des autres parce qu'on occupe le même territoire. Puis, si on est pour vivre en paix, puis s'aider les uns les autres, comme on l'a fait historiquement ? les autochtones nous ont aidés historiquement et nous aussi on a aidé les autochtones dans le temps ? alors, il faut revenir à cette relation-là de partenariat entre les deux où on reconnaît leurs droits et ils reconnaissent ce qu'on a, et puis on s'entend sur comment on va vivre ensemble.

n (11 h 30) n

Alors, évidemment, il y a la question de la chasse, de la pêche, de l'occupation de la faune, etc. Et puis là on a donné un encadrement: les Innus vont se réglementer plus strictement, nous, on va ajuster nos réglementations puis ensemble on va harmoniser les deux choses; on va reconnaître leurs droits, ils vont reconnaître qu'on a le droit également de partager ce territoire-là puis on va établir les règles du jeu.

Mais, pour répondre fondamentalement à votre question, c'est de bien faire comprendre aux autochtones que ce traité-là n'est pas un traité qui donne des choses aux autochtones. C'est un traité qui vient harmoniser les droits que les autochtones ont avec les droits que nous avons.

M. Maltais (André): Peut-être, M. le Président, en concluant.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. Maltais.

M. Maltais (André): Ce qui est important de faire remarquer, c'est que ce n'est pas une question de propriété de tout le Québec. C'est l'idée de dire qu'on va partager un espace et partager des droits, partager une manière de faire. Les droits ancestraux, en réalité, c'est quoi? C'est la chasse, la pêche, la trappe. C'est ça, les droits ancestraux, en partie basé sur les us et coutumes. Alors, il s'agit de savoir comment est-ce qu'on va partager ça ensemble sur le territoire. Mais ce n'est pas une question d'enlever des territoires aux Québécois et, dans ce sens-là, ce n'est pas la nature de la demande, de la proposition faite par les Innus. Alors, je pense que c'est très, très important d'abord de situer ça.

Après, c'est le comment des choses. Et le comment, ce n'est pas d'avoir deux sortes de droit, c'est de s'assurer comment est-ce qu'on est capables de tenir compte des spécificités sur un même territoire, mais pas d'enlever un territoire. C'est de partager un espace, partager des choses. Aussi, peut-être, M. Kurtness...

M. Kurtness (Rémy «Kak'wa»): D'abord, merci, M. le Président. Moi, très rapidement, je ne ferai pas un retour sur l'histoire ou sur l'historique, là, la plupart des gens le connaissent. Mais la volonté des Innus, à partir de leurs droits ancestraux et de leur titre aborigène, c'est de donner une portée moderne à l'exercice de ces droits-là, même si c'est des droits historiques ou ancestraux. On est en 2003 puis on est en train de faire un traité pour les générations futures, évidemment la présente génération, mais les générations futures aussi.

Compte tenu du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale des Innu tshishe utshimaut, les gouvernements innus, ils vont légiférer, nous allons légiférer en matière de Innu Aitun, c'est-à-dire en matière de chasse, pêche, trappe, cueillette ? Innu Aitun, c'est beaucoup plus large que ça, mais particulièrement dans ces matières-là. Le Québec et le Canada ont déjà des législations dans ces matières-là, dans ces domaines-là. Et, par la suite, on va harmoniser tout ça. Ce qui veut dire que, sur le plan pratique, sur le terrain, sur Nitassinan, les lois innues vont s'appliquer pour les citoyens innus; les lois canadiennes et québécoises vont s'appliquer pour les citoyens canadiens et québécois. Ça devrait être harmonisé, et les règles vont être claires pour tout le monde, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. C'est ça l'avantage du traité: le traité vient encadrer la pratique des activités traditionnelles pour les Innus autant que pour les autres utilisateurs du territoire.

Si j'ai bien compris, M. le ministre, vous avez demandé aussi comment on pouvait expliquer ça à l'ensemble des utilisateurs. On a proposé, il y a deux ou trois tables passées, au Canada et au Québec, d'associer au processus de négociation la société civile et les groupes d'intérêts, disons, sectoriels. On fait référence aux gestionnaires de zecs, à l'Association des pourvoyeurs, aux trappeurs, en fait à tous les groupes qui ont un intérêt, là, autour de la chasse, la pêche, la trappe et la cueillette particulièrement. Ce qu'il est important de préciser, c'est qu'ils ne peuvent pas être à la table centrale de négociation, M. Kelley, je pense, en a fait de façon assez éloquente, là, la démonstration. On ne peut pas négocier sur la place publique des éléments qui sont de nation à nation, de gouvernement à gouvernement, de peuple à peuple. Mais les Innus sont très ouverts à ce que ces groupes-là soient associés au processus de négociation.

Puis les hypothèses ou les scénarios ? parce que l'entente ne lie pas juridiquement les parties ? qui sont sur la table, on est prêts à les tester avec ces groupes-là. Et, à notre avis, c'est une façon de rendre davantage acceptable socialement notre projet d'entente de principe. Mais on est très ouverts à ce qu'effectivement les groupes d'intérêts et la société civile soient associés au processus.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Trudel: Au moins deux phrases pour réaffirmer que donc le projet d'entente de principe que nous avons devant nous et le projet de traité, en particulier, il va atteindre la détermination, la fixation de règles pour la nation innue dans la pratique des activités traditionnelles, ce qui n'existe pas actuellement. C'est bien important, pour les utilisateurs du territoire, de donc se rappeler qu'un premier engagement de l'entente de principe, des parties, c'est d'établir des règles pour que nous puissions gérer ces règles sur le territoire donné découlant des droits ancestraux, de ces activités traditionnelles en termes de droits ancestraux. C'est bien important de le mentionner et de rappeler aussi que les règles qui seront fixées pour l'exercice de ces activités traditionnelles sur le territoire historique convenu, eh bien, ces règles, elles vont s'appliquer pour la nation innue et ne seront pas imposées à toute personne de l'autre nation qui utilise ce territoire. Et, ce qui aussi doit être mentionné, troisièmement, tel qu'on nous l'a présenté comme résultat de la négociation à cette étape-ci, il doit y avoir une nécessaire harmonisation quant à ces règles qui seront fixées pour les uns, quant aux règles, règlements et normes qui existent pour les autres, et la façon de les faire respecter.

Le temps filant très rapidement, il y a une autre notion qui doit absolument, au plan pédagogique, être abordée, c'est le titre aborigène, en quelque sorte, c'est-à-dire le droit, la capacité de se gouverner sur son territoire. Il faut être très clair. Est-ce que le projet d'entente nous conduirait éventuellement à l'abolition des réserves indiennes pour les communautés innues concernées et pour la nation innue? Est-ce que cela changerait le régime de tutelle des membres de cette nation à l'égard du régime actuel, par l'abolition des réserves indiennes pour le remplacer par un régime de gouvernance en pleine responsabilité? Et comment cela devrait-il se passer?

M. Maltais (André): Alors, M. le ministre, vous me donnez une occasion de... une petite phrase que je n'ai pas pu vous lire tout à l'heure, faute de temps, mais qui sera insérée au journal des commissions. Alors, on disait: «En vertu du traité, les réserves indiennes actuelles feraient partie de l'Innu Assi, donc des terres en pleine propriété, et deviendraient ainsi des terres innues. Par le fait même, celles-ci ne seraient plus des terres fédérales.» Alors, elles ne seraient plus protégées par 91.24. Ça devient à ce moment-là des terres qui appartiendraient en propre aux Innus. Et, en tout désespoir de cause, si jamais tous les Innus disparaissaient, cette terre-là est québécoise. Alors, il n'y a plus de réserves à ce moment-là, et l'article 91.24 sur le statut des terres, ça disparaît. Alors, vous l'avez dans le texte actuel.

M. Trudel: S'agit-il d'une première?

M. Maltais (André): Dans un traité? Celui-ci, c'est particulier, c'est-à-dire que 91.24 s'annule, parce que ça devient un gouvernement territorial, ça devient un gouvernement et, c'est important de le signaler, c'est avec l'autonomie gouvernementale. Et compte tenu que c'est négocié, l'espace de terrain est négocié ? dans le moment, on part des réserves actuelles, si vous voulez, en partie, en termes de superficie ? et, à ce moment-là, ça devient la propriété de ce gouvernement-là innu et il en dispose suivant les mesures qui ont été convenues au traité. Et à ce moment-là le fédéral n'a plus à s'impliquer dans la gestion de ces terres-là, comme c'est le cas actuellement.

M. Bernard (Louis): Juste un petit mot pour compléter. Dans le cas de la Convention de la Baie James, la Convention de la Baie James est un peu entre les deux, c'est-à-dire que les terres de catégorie 1 ne sont plus des réserves au sens de la Loi sur les Indiens, mais la propriété est quand même au gouvernement fédéral. Alors, si on prend la situation des réserves, c'est des réserves en vertu de la Loi sur les Indiens et la propriété appartient au gouvernement fédéral; la Baie James, ce ne sont pas des réserves, mais la propriété appartient au gouvernement fédéral; et ce que nous prévoyons dans le traité, c'est que ce ne soient ni des réserves, ni de propriété fédérale, c'est de propriété innue. Dans ce sens-là, ça va plus loin.

M. Kurtness (Rémy «Kak'wa»): M. le Président, deux petites affaires. Bien, en fait, une petite affaire, mais une deuxième fondamentale pour les Innus. D'abord, en réponse à une question du ministre Trudel, je nuancerais le fait qu'il n'y ait pas de règles qui existent actuellement chez les Innus pour la pratique des activités traditionnelles. Il y a des règles. Cependant, elles n'ont pas force de loi, ce que le traité va déterminer, puis, après ça, harmonisation, effectivement, vous avez raison là-dessus.

n (11 h 40) n

Sur la question que ce ne soit plus des terres fédérales, je ferai juste un rappel de notre négociation, parce que beaucoup de gens, particulièrement chez les Québécois, on a entendu qu'il devait y avoir non-atteinte à l'intégrité territoriale québécoise. C'est quelque chose de fondamentalement politique, mais cette négociation-là a aussi des fondements politiques. Alors, nous, on a dit d'entrée de jeu qu'on ne devrait pas tenir le discours de non-atteinte à l'intégrité territoriale québécoise, parce qu'on va mettre sur la table qu'il y a non-atteinte à l'intégrité territoriale innue. Alors, c'est un territoire innu pour les Innus, comme c'est un territoire québécois pour les Québécois. Sans rentrer dans l'histoire, dans la toponymie, on a de part et d'autre accepté de ne plus tenir ce discours-là, mais que ce territoire-là était un territoire maintenant commun, sur lequel des règles pour les Innus et des règles pour les Québécois devront être convenues.

Alors, on a accepté, malgré que c'est quelque chose d'extrêmement délicat, que ce ne soit pas plus des terres fédérales, parce que c'est une enclave fédérale. C'est une atteinte à l'intégrité territoriale québécoise, mais, étant donné que c'est à la fois un territoire innu, les terres de Innu Assi seront dorénavant des terres innues. Alors, dans ce contexte-là, il y a des règles qui s'appliquent sur Innu Assi, il y a des règles qui s'appliquent sur Nitassinan, qui demeure, symboliquement ou historiquement, un territoire innu, mais, dans le cas du Nitassinan, de propriété foncière québécoise, sur lequel ? M. Bernard en a parlé tantôt ? il y a des droits des Innus qui vont s'exercer, notamment le droit à la participation à la gestion du territoire, des ressources naturelles, le partage des redevances, etc. Je n'insiste pas plus là-dessus, mais il est très clair maintenant que, sur le territoire d'Innu Assi, c'est l'exercice du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale par les gouvernements innus, alors ça va s'appliquer bien sûr sur Innu Assi et sur Nitassinan, mais il est vrai de dire que les terres réservées aux Innus ne seront plus des terres fédérales.

M. Trudel: Très rapidement, parce que je sais que mes collègues de ce côté-ci ont des questions complémentaires, cette référence à l'intégrité territoriale est essentielle aussi à la connaissance du projet d'entente de principe que nous avons devant nous et qui devrait nous conduire ultérieurement à un traité entre les nations. C'est absolument essentiel. J'aurais aimé aborder les questions de la fiscalité, mais il reste cinq minutes et je sais que j'ai des collègues qui veulent avoir des questions sur d'autres aspects.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Je vais être très rapide parce qu'il y a un autre de mes collègues aussi, et nous n'aurons sûrement pas la chance de vous voir très longtemps, donc... Mais il y a un des éléments, il y a une de mes questions qui va être rapide, parce que vous y avez répondu en grande partie, mais je veux être certain, et j'ai entendu tant M. Kurtness que M. Bernard le réaffirmer. Oui, effectivement, à la lecture des différents articles, on pouvait interpréter ou laisser sous-entendre que des citoyens québécois auraient pu être assujettis à des lois autres que québécoises, et dû au fait entre autres que les dispositions légales se retrouvent dans beaucoup d'articles, que ce soit au chapitre 4 ou chapitre 5, qui fait en sorte qu'il peut naître une certaine ambiguïté. Ce que j'ai compris des propos tant de M. Kurtness que de M. Bernard: en aucun temps, cette intention n'a été manifestée ou on peut l'interpréter des textes qui se retrouvent dans cette entente. Et j'en suis heureux.

Je vous dirais, par rapport à l'article 8.4.4.3, qui, lui, manifestait, par contre, peut-être une projection dans l'avenir qui, moi, peut-être, m'a porté à croire effectivement qu'on y portait atteinte, on y dit: «Les parties conviennent de continuer leur discussion pour évaluer la possibilité que les lois innues s'appliquent à tous les piégeurs sur Nitassinan conformément à une entente complémentaire conclue à cet effet.» Autrement dit, cette disposition-là n'évoque que des voeux qui ont été manifestés par les négociateurs relativement, plus particulièrement, à la question du piégeage. C'est ce qu'on peut comprendre?

M. Bernard (Louis): Oui, vas-y.

M. Kurtness (Rémy «Kak'wa»): Bien, effectivement, M. Bédard, vous avez une très bonne lecture de l'entente. On explore, il n'y a rien de convenu, on explore la possibilité que les lois innues en matière de piégeage sur l'ensemble du Nitassinan s'appliquent aussi aux Québécois, c'est-à-dire aux trappeurs québécois. Bon. Mais tout ça vient interpeller toute la question des réserves à castors, sur lesquelles il y a une exclusivité de trappage pour les Innus. Alors, c'est ça, là, l'enjeu de la négociation.

Mais, au moment où on se parle, dans l'entente de principe, vous avez raison de dire qu'on explore le scénario que ce soit les Innus qui gèrent le piégeage commercial sur l'ensemble du Nitassinan, autant pour les Innus que pour les Québécois. Mais il n'y a encore rien de convenu. C'en est un scénario qu'on va devoir, à mon avis en tout cas, aborder avec la Fédération des trappeurs du Québec. Vous avez raison.

M. Bédard: O.K. L'autre... Très rapidement. Est-ce que j'ai encore du temps, M. le Président?

Le Président (M. Lachance): Il vous reste moins de deux minutes.

M. Bédard: Moins de deux minutes. Eh, mon Dieu! J'aurais toute la question justement...

Le Président (M. Lachance): Alors, brève question et brève réponse, et on passe à l'opposition.

M. Bédard: ...oui, qui fait, je vous dirais, qui amène beaucoup d'insécurité, c'est par rapport justement au droit de piégeage, aux droits ancestraux relatifs, là, à la pratique de ces... Souvent, bon, par le biais d'une entente, on vise à clarifier. Et c'est ce que nous avons vendu d'ailleurs, en 1990: clarifions, sécurisons les rapports entre blancs et autochtones.

Or, à la lecture de l'entente, du projet d'entente, on peut plutôt conclure à l'effet qu'il y a une reconnaissance effectivement des droits ancestraux, mais en termes de sécurité juridique des blancs, quant à leurs rapports, il est difficile que les blancs y trouvent leur compte, par le fait que cette entente-là est basée sur la reconnaissance des droits ancestraux, soit le droit même prioritaire au piégeage, qu'on retrouve à l'article 5, donc qui fait en sorte qu'il peut faire naître une inquiétude. Et le droit des blancs par rapport justement à ces pratiques-là est peu encadré.

Quelle est votre réflexion par rapport... et je vous dirais même, j'ajouterais, là, j'ai peu de temps malheureusement, mais même à la possibilité qu'un arbitre éventuellement puisse ajouter des droits dans l'entente. Et donc on fait presque une camisole de force de l'entente, si on peut... Si des droits ancestraux sont reconnus par les tribunaux, ils peuvent être ajoutés par un arbitre. Alors, je sais que c'est plus global, mais pour faire simple par rapport au droit de piégeage, quelle est votre réflexion par rapport à votre utilisation commune de ces droits-là, piégeage, chasse, mais de l'utilisation du territoire du Nitassinan plus particulièrement, l'utilisation commune et respectueuse de chacune des nations?

Le Président (M. Lachance): Alors, je vous demande, s'il vous plaît, d'être très, très bref parce que le temps est écoulé.

M. Kurtness (Rémy «Kak'wa»): Oui. C'est une question qui... En tout cas, disons que je vais me référer à la réponse que j'ai donnée tout à l'heure, M. Bédard, pour la question du piégeage. C'est encore exploratoire. Je vous ai donné quel était le scénario qui était sur la table, puis il reste à être testé.

Maintenant, sur votre première partie, je n'en ai pas parlé encore avec le leadership politique innu, mais on serait ouvert, nous, à ce qu'effectivement on précise les droits des Québécois dans le traité, comme on donne les effets et les modalités des droits ancestraux des Innus. Alors, s'il y a une insécurité juridique pour les Québécois, je pense sincèrement que le leadership politique puis l'ensemble du peuple innu sera ouvert à ce qu'on négocie effectivement les droits des Québécois dans un traité qui concerne à la fois le peuple québécois et le peuple innu.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue à M. Kurtness, M. Bernard et M. Maltais. On a plusieurs questions de mes collègues, alors je vais être assez bref. Je vais commencer avec un commentaire. Juste pour l'organisation de nos travaux, M. le Président, j'ai compris que nous aurons en main le rapport du mandataire avant que les négociateurs viennent en commission parlementaire, qui n'est pas le cas. Je sais que M. Chevrette va publier, va déposer son rapport cet après-midi. On peut présumer qu'il y aura des suggestions, des recommandations que M. Chevrette va formuler. Et je trouve dommage pour les membres de la commission, on n'aura pas l'occasion d'avoir la réaction des négociateurs aux propositions du mandataire.

Alors, peut-être à voir avec l'ensemble des membres de la commission, mais je vais formuler un souhait ou une suggestion qu'au moment des remarques finales de la commission parlementaire, d'inviter de nouveau les négociateurs à réagir entre autres aux propositions que sûrement M. Chevrette va faire tantôt, parce que je trouve... la suite des choses demeure une question intéressante pour la fin de nos délibérations. Alors, je prends acte du fait qu'on n'aura pas le rapport de M. Chevrette entre nos mains avant de procéder aux questions des négociateurs. Et ce serait intéressant, parce que c'est M. Chevrette qui est allé sur le terrain, c'est M. Chevrette qui va déposer, si on peut présumer, il va formuler quelques recommandations, et ce serait intéressant de les tester auprès des négociateurs. Alors, je fais ça comme suggestion pour le moment, M. le Président, mais on aimerait avoir les réactions des négociateurs aux formulations qui étaient faites par M. Chevrette.

n (11 h 50) n

Mais, deux questions. La première, c'est une question un petit peu techniques aux négociateurs. Mais dans l'entente, à presque chaque moment, on arrive avec une question litigieuse, on propose une entente complémentaire. Et c'est quoi la mécanique d'avoir les ententes complémentaires, plutôt que de les inclure dans un traité éventuel? Parce que ça donne l'impression des négociations qui ne finiront jamais. Il y a une entente, un traité, après ça il y a des ententes complémentaires, il y a des ententes, des ententes complémentaires, et à un certain moment on veut finir tout ça, on veut arriver avec des règles de jeu. Il y aura toujours les modifications à faire, on ne peut jamais arrêter le temps. Mais, je pense, vous avez même évoqué la notion de certitude, alors pourquoi, avec l'objet de chercher une certitude, chercher un moyen de faire l'arrimage, de bien baliser un droit autochtone avec les droits des voisins, on arrive avec cette mécanique qui m'apparaît, de l'extérieur, très complexe? C'est quoi l'avantage de... je pense c'est 19 ententes complémentaires, plutôt que prévoir dans un traité une entente finale, on va tout mettre dans un panier et on va avoir quelque chose qui est, dans l'optique du député de Louis-Hébert, peut-être plus clair? Parce que c'est ça qui est souhaité: que les règles du jeu sont bien comprises à la fois par les Innus mais également par l'ensemble de la population québécoise.

Le Président (M. Lachance): M. Bernard.

M. Bernard (Louis): M. le Président, je pense que, à la fin, il devra y avoir des choses dans le traité, puis il y aura certainement des choses dans des ententes complémentaires. Je pense que c'est impossible puis ce ne serait pas souhaitable de tout mettre dans le traité, parce que ces ententes-là souvent n'auront pas le même caractère permanent que le traité.

Maintenant, qu'est-ce qui va être dans les ententes complémentaires puis qu'est-ce qui devrait être dans le traité? Je pense qu'on va mieux le voir à la fin. L'important, c'est qu'on puisse s'entendre, c'est de s'entendre sur quelque chose. Qu'on s'entende dans le cadre du traité ou qu'on s'entende dans le cadre d'une entente complémentaire, la difficulté, c'est de s'entendre sur quelque chose. Une fois que les négociateurs se sont entendus sur ce qu'on veut faire, ce qu'on souhaite faire, etc., là on jugera est-ce qu'il vaut mieux le mettre dans le traité ou s'il vaut mieux le mettre dans des ententes complémentaires.

Alors, cette catégorisation que nous avons faite à l'heure actuelle n'est pas définitive. Il y a probablement des choses qu'on envisage actuellement de mettre dans des ententes complémentaires qui trouveraient mieux leur place dans le traité, et peut-être certaines choses dans le traité qu'on dira, bien: Ça irait mieux dans des ententes complémentaires. Mais vous savez qu'à l'heure actuelle il y a toute une série d'ententes complémentaires qu'on doit négocier en même temps que le traité, parce qu'on s'est dit: Le traité n'aurait pas de sens si on ne s'entend pas sur ces choses-là. Alors, quand on se sera entendus, je pense qu'on pourra discuter à quel endroit ça va, est-ce que c'est dans le traité ou c'est une entente complémentaire.

M. Maltais (André): M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. Maltais.

M. Maltais (André): Une réponse complémentaire. C'est que, d'abord, il faut toujours se rappeler, puis c'est important de le signaler à tout le monde: c'est une entente de principe d'ordre général, c'est un ensemble de principes, il faut d'abord qu'on s'entende sur des principes.

Pour quelle raison on ne peut pas tout mettre, maintenant, dans le traité? Il y a des ententes complémentaires qui peuvent être modifiées. Prenons pour les pêches; on ne peut pas mettre dans le traité les espèces, les quantités et toutes ces choses-là, alors que ça peut changer d'année en année pour toutes sortes de raisons. Alors, il y a une mobilité, il y a une flexibilité qui doit être là, et c'est la raison pour laquelle il y a beaucoup d'ententes complémentaires ou auxiliaires.

On pourrait regarder les termes, aussi, hein? Et c'est à ce moment-là seulement que ça doit être revu à chaque année, suivant des spécialistes et tout ça, et convenu. Mais ce sont les règles qui sont mobiles, et c'est pour ça que ce n'est pas enfermé, ce n'est pas gelé dans un traité, ces parties-là.

Le Président (M. Lachance): M. Kurtness.

M. Kurtness (Rémy «Kak'wa»): M. le Président, très rapidement. D'abord, moi, je reçois la proposition de M. Kelley, là, très favorablement, de tenter de diminuer le plus possible les ententes complémentaires. Mais j'ajouterais aussi que les ententes complémentaires ont comme objectif qu'elles soient davantage évolutives. Prenons par exemple les ententes complémentaires liées à la chasse, la pêche, la trappe et la cueillette. Il y a tellement de ? comment est-ce qu'on appelle ça, là...

Une voix: ...fluctuations.

M. Kurtness (Rémy «Kak'wa»): ... ? fluctuations sur les ressources fauniques qu'on ne peut pas couler dans un traité le prélèvement faunique pour les Innus pour les x prochaines années, comme ça a été le cas par exemple chez les Nisga'a, x orignaux, x grizzlis à vie, alors que ça fluctue chez la faune. Puis, l'avantage d'avoir des ententes complémentaires, c'était de tenir compte de la fluctuation de la ressource faunique considérant qu'il y a plusieurs percepteurs ou plusieurs utilisateurs du territoire. Première des choses.

Deuxième des choses, les ententes complémentaires, à moins que le traité le prévoie, n'ont pas de protection constitutionnelle. Alors, on ne peut pas couler dans le béton une protection constitutionnelle sur quelque chose qui fluctue autant dans le temps. Le traité cependant, lui, il va avoir la protection constitutionnelle. Alors, c'est les raisons pour lesquelles il y a traité et ententes complémentaires, même si on reçoit favorablement la proposition de M. Kelly pour qu'effectivement il y en ait le moins possible. Mais, si on fait juste un rappel des traités au Canada, tous les traités au Canada ont beaucoup d'ententes complémentaires.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui. La deuxième question traite... On a parlé d'un mécanisme de consultation. J'ai vu, M. Kurtness a fait dans une de ses réponses précédentes une invitation à la prudence, M. Maltais, vous avez fait référence aux tierces parties, et, je pense, ça, c'est quand même les citoyens non autochtones. On a un vocabulaire qui est difficile, comment identifier les groupes différents, j'en conviens. Mais les tierces parties, elles sont quand même également les bâtisseurs, elles sont également les personnes qui sont responsables de l'ouverture de ces régions concernées. Alors, j'invite à la prudence. Mais, je ne sais pas, ce n'était pas votre intention, mais je pense qu'il faut quand même... Et ce sont des personnes qui sont exclues; maintenant on veut les inclure dans le processus.

Et ma question: Comment est-ce qu'on peut arriver avec un mécanisme de consultation qui n'est pas trop lourd, trop complexe parce qu'il faut que les choses avancent? Mais, quand même, prendre l'exemple des pourvoyeurs, par exemple. S'il y a une entente qui va toucher une industrie qui est importante pour les régions concernées, comment est-ce que je peux mettre les gestionnaires des pourvoiries dans le coup sans trop empêcher vous trois à continuer votre travail?

M. Bernard (Louis): M. le Président, plus on avance, plus on s'en va dans le détail, plus c'est facile d'impliquer les populations. Avant l'entente de l'Approche commune, il n'était pas possible, même, de consulter les gens parce qu'on n'aurait pas su sur quoi les consulter. On n'avait même pas l'idée de qu'est-ce que ça pourrait être, une entente, sur quoi on pourrait s'entendre. Il fallait d'abord voir quelles sont les hypothèse qui seraient acceptables aux parties, avant d'aller voir la population en disant: Bien, voici la perspective qui se dégage; qu'est-ce que vous en pensez?

Donc, avant l'Approche commune, il n'y a eu aucune participation. Je m'en rappelle, quand on a rendu l'Approche commune, il y en a plusieurs qui nous ont dit: Oui, mais comment ça se fait? On n'a pas été mis dans le coup, etc. Puis la réponse de M. Chevrette à ce moment-là, et puis celle que j'ai donnée également, c'est: Écoutez, il n'était pas possible de vous impliquer, jusqu'à maintenant. Sur quoi on vous aurait impliqués? On n'était même pas certain qu'on pourrait s'entendre. Alors, à cette étape-là il ne pouvait pas y avoir de participation.

Ensuite, dans l'étape intermédiaire entre l'Approche commune et l'entente de principe, bien, il y a eu une amorce de participation; je ne veux pas dire qu'elle était parfaite, etc., mais il y a quand même eu une amorce. Il y a eu deux tables, une au Saguenay?Lac-Saint-Jean et une sur la Côte-Nord, et moi, comme négociateur, j'ai tenu huit réunions avec chacune des tables pour discuter ce que je comptais proposer à la commission, à la table de négociations, puis etc. Bon. Alors, ce n'est pas parfait bien sûr, mais c'était déjà un effort qu'on faisait pour impliquer le plus possible dans la négociation. Et ce que je disais à ces gens-là, et je le croyais très sincèrement, c'est que ce mécanisme-là m'aidait dans ma tâche de négociation. Je ne considérais pas ça comme un pensum à faire, au contraire, j'étais très heureux d'avoir des tables où je pouvais mettre des idées, puis voir la réaction, puis voir est-ce que j'étais dans le bon chemin ou non. Donc, ça m'aidait dans la négociation.

Là, maintenant qu'on a une entente de principe qui est plus détaillée, etc., ça va être plus facile encore d'aller voir les gens puis de leur proposer à ce moment-là des solutions concrètes. M. Kurtness l'a dit, par exemple, avec les pourvoyeurs maintenant on a une bonne idée de ce qui pourrait être acceptable aux parties, puis là on peut à ce moment-là les voir puis dire: Écoutez, qu'est-ce que vous penseriez de ci, qu'est-ce que vous pensez de ça et quelles sont les objections, etc.? Puis on peut les faire participer beaucoup plus parce que là le cadre est plus défini puis on sait mieux où est-ce qu'on s'en va.

Par ailleurs, il faut que les gens comprennent que c'est un processus de négociations, alors il faut que la solution soit acceptable aux trois parties, non seulement aux gens intéressés, etc., mais il faut trouver, il faut intégrer les désirs des gens, les souhaits des gens, etc., dans un contexte qui devient acceptable aux trois parties. Alors, c'est un processus assez compliqué, mais, plus on va, M. Kelley, plus on va, plus je crois que ça va être facile, en tout cas moins difficile, je dirais, moins difficile d'associer de près les milieux vraiment intéressés. Et je pense que, à la table, en tout cas, nous, on est très ouverts à ça, ces mécanismes-là. Il va falloir trouver comment le faire, mais, comme principe, on est très ouverts, je pense.

n (12 heures) n

Le Président (M. Lachance): M. Maltais, en vous signalant que le temps passe rapidement, pour permettre aux députés de l'opposition de poser plus de questions.

M. Maltais (André): Je veux juste dire que j'ai compris la question des tiers, et c'est très important que les parlementaires puissent peut-être avoir un vocabulaire que tout le monde puisse comprendre, parce qu'il y a un danger effectivement à être réducteur avec ces termes-là, qui sont souvent des termes juridiques. Même chose pour la question de la propriété du territoire par rapport à l'utilisation.

Le Président (M. Lachance): M. Kurtness.

M. Kurtness (Rémy «Kak'wa»): Juste un petit mot, M. le Président. En tout cas, les Innus sont ouverts à rencontrer ces groupes-là pour leur expliquer la mécanique, là, sur comment on peut les associer au processus. Mais j'aimerais juste permettre aux gens de la commission de voir comment ça a procédé dans nos communautés.

D'abord, nous, on a déposé une entente de principe, en février 1997, qui avait fait l'objet d'une large consultation auprès de nos communautés. Puis souvent les gens dans nos communautés nous disaient: Écoutez, là, ça fait presque 20 ans ? à l'époque ? que vous négociez, arrêtez de nous tanner avec vos négociations, amenez-nous un résultat puis, après ça, on va se prononcer sur le résultat. C'est ça qu'on a livré. On livre un projet de règlement qui n'a pas de valeur juridique au moment où on se parle, sur lequel on invite les gens à bien sûr le bonifier, parce qu'il n'a pas de valeur juridique. Alors, nous, on a fait les tournées d'information dans nos communautés, les consultations ont été faites. Il appartient aux gouvernements du Canada et du Québec de faire le même exercice, à notre avis.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue. Ça fait plaisir de retrouver tant de visages familiers et avec lesquels on a déjà eu l'occasion de travailler beaucoup ces dossiers-là. Le temps est très limité. Un commentaire d'abord sur le vocabulaire. Je pense aussi qu'on peut faire attention dans le contexte du XXIe siècle, dans le contexte multiracial du Québec, du Canada, de parler des Blancs, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Alors, ça, c'est une chose. Cela étant dit, M. Bernard, j'ai bien aimé le fait que vous avez insisté sur le fait que l'entente ne donne pas de droits aux autochtones, les droits existent. Il s'agit en fin de compte d'essayer de définir comment on va exercer ces droits, d'identifier les modalités, comme vous avez bien dit.

Et ma question vise à comprendre l'effet que ça peut avoir sur cette certitude juridique, si vous voulez, quant à l'exercice et les modalités de ces droits, du fait que l'entente de principe concerne une partie seulement de la nation montagnaise ou innue. Si le titre aborigène existe, si les droits autochtones existent, c'est un droit qui se réfère à la nation. Et, si c'est une partie de la nation qui signe l'entente, qu'est-ce qu'il advient des autres? Et j'ai cru aussi comprendre, dans votre explication tantôt, que, quand vous avez parlé du cheminement qui va suivre entre l'entente de principe et le traité, ultimement, le traité viserait, et ça, je veux comprendre si j'ai bien compris, à s'appliquer à l'ensemble des communautés. Alors, j'aimerais aussi avoir le comment est-ce que, chacun d'entre vous, vous avez fait face à cette question quant à la signature de l'entente de principe seulement d'une partie de la nation innue.

M. Bernard (Louis): Je pense, M. le député, que nous avons dû partir de la réalité. Alors, comme je vous l'ai mentionné, quand nous avons commencé, presque en même temps... mais il y avait deux tables puis il y en avait trois qui étaient à l'extérieur. Alors, évidemment, vous ne pouvez pas dire: On ne négociera pas tant qu'on ne sera pas tous les neuf ensemble, parce que vous ne négocierez jamais. Donc, on a dit: On n'a pas le choix, si on veut négocier, il faut négocier à partir de la réalité. Mais on a dit très clairement dès le départ qu'on ferait tout ce qu'on peut pour que, à la fin, les neuf soient là.

Et on a posé un bon nombre de gestes dans ce sens-là. Comme, par exemple, c'est vrai qu'on a négocié à deux tables, mais on a négocié en parallèle à deux tables. On n'a pas négocié des choses différentes aux deux tables. Donc, on a quand même fait bien attention à ce qu'on s'en aille tous dans le même sens. Deuxièmement, bien, il y a des efforts de rapprocher les tables: des rencontres qui sont conjointes, par exemple; il y a des chapitres qui sont les mêmes, etc. Bon. Alors, il y a un gros effort de rapprocher au moins les deux tables.

Ensuite, il y en a un des trois qui étaient à l'extérieur qui est déjà entré. Alors, on est rendus sept. Bon. Il ne faut pas oublier que les quatre qui sont concernés par l'entente qui est à l'étude ici représentent quand même 62 % de la population. C'est vrai que c'est seulement quatre sur neuf, mais, en termes de nombre, c'est 62 % de la population. Si vous mettez les trois autres, ça fait 75 % de la population. Je ne veux pas jouer le jeu des nombres, ce n'est pas dans ce sens-là, c'est juste de montrer que ce qu'on fait, c'est valable. Bon.

Maintenant, si on arrive au bout puis ils ne sont pas tout le monde ensemble, bien, je ne voudrais pas trop me mettre dans le ciment là-dessus, parce que c'est ce qu'on souhaite éviter, on va faire tout ce qu'on peut. Puis on l'a dit, puis on l'a répété, puis on a communiqué avec ces gens, les autres qui n'y sont pas, puis on veut trouver des moyens pour les joindre à la négociation: on va faire un gros effort pour que tout le monde soit là.

Alors, je ne veux pas trop m'enfarger dans qu'est-ce qui pourrait arriver si. Mais on peut dire quand même... Je peux vous dire qu'il y a des solutions différentes, qui sont respectueuses, et il y a plusieurs possibilités à ce moment-là. Mais on veut éviter le plus possible cette question-là. On voudrait faire tout ce qu'on peut, puis on a des raisons de croire qu'on va être capables de faire que, à la fin, les neuf communautés soient là.

Le Président (M. Lachance): M. Maltais.

M. Maltais (André): Très rapidement. Vous vous rappellerez qu'on a commencé quand même avec les Attikameks et les Montagnais. Quand on a ... Puis le CAM, c'est Attikameks et Montagnais. Et, quand on a eu de la difficulté à cause de toutes sortes de disparitions, bien, on a décidé à ce moment-là d'y aller avec trois tables: les Attikameks et les Montagnais avec deux tables. Alors, il y a une flexibilité des gouvernements pour tenter de trouver un accord, mais, ultimement, on aimerait avoir la nation innue avec un même traité.

Le Président (M. Lachance): Merci. Mme la députée de Jonquière, en vous signalant qu'il reste deux minutes.

Mme Gauthier: Merci, M. le Président. Alors, ma question va être très technique et très pratique. Vous le savez ? et ma question s'adresse à M. Kurtness ? vous le savez que dans les régions la population réclame de plus en plus du gouvernement du Québec des redevances sur nos ressources naturelles. Dans l'entente de principe, on parle d'un pourcentage de 3 % que le gouvernement du Québec devrait vous verser sur les redevances sur les ressources naturelles. Vous avez assisté aussi au Sommet des régions, le ministre des Ressources naturelles nous a dit qu'effectivement nos calculs étaient inexacts, que le gouvernement du Québec versait plus dans les régions que ce qu'il percevait sur les ressources naturelles.

Je veux savoir: Le 3 % que vous réclamez sur les redevances sur les ressources naturelles, de quelle façon on va l'additionner et le soustraire avec ce que nous, régions, recevons déjà?

Le Président (M. Lachance): M. Kurtness.

M. Kurtness (Rémy «Kak'wa»): Bien, en fait, d'abord, il faut préciser qu'au moment où on se parle 100 % des redevances vont au gouvernement du Québec. Alors, étant donné qu'il y a les droits ancestraux, y compris un titre aborigène, sur l'ensemble du Nitassinan, c'est-à-dire l'ensemble du territoire qui fait l'objet de négociations, là où il y a prélèvement de ressources naturelles, on a convenu à la table que le partage ne serait pas inférieur à 3 %. Donc, dans l'hypothèse où il est à 3, ça veut dire qu'il en reste 97 pour le Québec. Sur, je pense, 200 millions, ça représente 6 millions pour les Innus.

J'espère avoir bien compris votre question aussi par rapport aux régions. Les Innus ne sont pas défavorables à ce que le partage des redevances se fasse aussi avec les régions-ressources, tel qu'il a été préconisé au Sommet des régions. Ce que les Innus prétendent cependant, c'est que ça ne peut pas être sur la même base, le partage des redevances. Si, pour les régions, le rationnel, c'est que c'est des régions-ressources puis il devrait y avoir droit au partage des redevances, pour les Innus, c'est très clair que c'est basé sur les droits ancestraux, y compris le titre aborigène.

Sur le pourcentage maintenant, il reste encore à négocier. Mais, malheureusement, on n'a pas beaucoup de temps, j'aurais aimé vous donner le rationnel sur lequel, nous, on veut davantage de pourcentage du partage des redevances ? il en va de l'autonomie financière des Innus ? plutôt que de la dépendance aux transferts gouvernementaux. Mais c'est une longue formule.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Oui. Je pense aux propos, tantôt, de M. Bernard. C'est qu'il y a quelque chose dans la perception populaire, plus particulièrement sur la Côte-Nord, qui a été vraiment palpable, c'est que la population s'est sentie mise de côté puis qu'il n'y avait pas vraiment d'intérêt de la part du gouvernement de venir poser, par les négociateurs, des questions pour avoir le vrai pouls. C'était plutôt, comme vous l'avez mentionné tantôt: vous veniez, vous disiez: Voici où j'en suis rendu, vous regardiez la réaction. Puis, une fois que la réaction est faite, bien, vous repartiez, puis les gens ne savaient pas vraiment si les commentaires avaient été tenus en compte. Il n'y a pas de rapport de suivi pour dire: Oui, effectivement, le maire de Bergeronnes a dit telle chose et, M. le maire, voici, nous avons tenu compte de votre commentaire puis nous l'avons inclus de telle manière dans l'entente.

Deux questions. La première, c'est: Est-ce qu'il va être possible, dans le cours de la démarche qui s'en vient, là, la démarche future, d'inclure davantage les élus régionaux afin qu'ils sentent vraiment qu'ils participent? Parce que ces élus régionaux, puis là, je pense au niveau autant de la députation qu'au niveau des mairies et préfectures, c'est des élus qui ont un mot à dire aussi, parce que, face au gouvernement du Québec, ils existent, ils sont créés par ce gouvernement-là pour représenter la population. Donc, il ne faut pas oublier que vous représentez la population blanche qui est sur ce territoire-là dans le cadre de la négociation avec l'Approche commune. Et donc, y aurait-il une place? De quelle manière entendez-vous accorder une place significative à ces gens-là?

n (12 h 10) n

Et, d'un autre côté aussi, c'est: Au niveau des propositions de modification à l'entente, qui vont certainement venir pendant les auditions, ici, en commission, est-ce qu'il y a place à ce que vous teniez compte des recommandations qui seront émises ici afin de modifier certains passages de l'entente, avant d'en arriver à un traité? Ou si c'est plutôt figé pas mal puis, s'il y a des commentaires ici, il va falloir que ça apparaisse dans le traité, mais ce ne sera pas dans l'entente? C'est mes deux questions.

M. Bernard (Louis): Bon, M. le Président, je pense que je voudrais répondre d'abord à la deuxième. Cette entente-là, actuellement, ce n'est que la base pour la négociation de l'entente de la troisième étape du traité. Même signée, elle n'a aucun effet juridique. Donc, il n'y a pas d'obligation ou même d'intérêt à modifier l'entente comme telle, parce que, même si on la modifie, ça ne change rien. Elle n'a pas d'effet juridique, elle n'en aura pas plus modifié, etc.

Ce qui est important, c'est de dire: Bien, écoutez, oui, ça sert de base. L'entente sert de base à l'étape finale, mais il y en a, d'autres bases. Autrement dit, il y a d'autres choses à côté dont vous devez tenir compte. Vous devez tenir compte des recommandations de la commission. Vous devez tenir compte, etc. Bon. S'il y a des choses... En disant, par exemple: Dans tel chapitre, il y a des choses qui sont mal formulées qui devraient être formulées autrement, il y a des choses qui ne sont pas précises qui devraient être précisées, il y a des choses, à notre point de vue, qui ne sont pas acceptables qui devraient être modifiées, etc., on a toute la chance, toute l'occasion de tenir compte de ça pour l'entente finale. C'est ça qui est important. Il ne s'agit pas de revenir en arrière pour rien. En négociant, on va négocier ce qui s'en vient.

Donc, ce n'est pas pertinent, je dirais, d'essayer de modifier l'entente comme telle. Ce qui est important, c'est de savoir qu'est-ce que dans l'entente finale on devra... On va partir de l'entente telle quelle ou on va partir de l'entente en y ajoutant un certain nombre de considérations qui vont aider à ce que cette entente-là, à la fin, soit plus acceptable. Et c'est le but de l'exercice. Imaginez-vous si on était arrivés avec l'entente finale tout de suite, les gens auraient dit: Bien, ça n'a pas de bon sens, c'est des choses qu'on... Là, il faudrait revenir en arrière si c'est une entente finale. Là, on n'a pas besoin de faire ça. On peut voir l'avenir puis dire: Bon, bien, écoutez, oui, on va tenir compte de ça dans le texte final puis, quand le texte final va arriver, vous allez voir qu'il est différent de l'entente de principe.

Votre première question, c'est: Comment on est capables d'impliquer? Comme je vous l'ai dit: On croit que ça va être beaucoup plus facile maintenant parce que ça va être des questions beaucoup plus précises. Je dirais qu'on a encore plus besoin des gens à ce moment-là, parce que c'est les gens du terrain qui connaissent les détails, les modalités, etc. Alors, on a encore plus besoin d'impliquer ces gens-là. Donc, on va les impliquer.

La méthode de le faire, je pense que M. Chevrette y a réfléchi. Ça a été une des grandes questions qui lui a été posée. Je n'ai pas vu son rapport, mais ce qu'on m'en a dit, c'est qu'il s'attaquerait à cette question-là puis probablement qu'il fera des suggestions précises de ce côté-là. Certainement qu'on va les regarder, là, avec attention, parce que ce n'est pas nécessairement facile de savoir comment on peut le faire. Comme je vous dis, les tables qu'on a mises sur pied, on avait de l'espoir que ce serait suffisant puis ça s'est révélé finalement, comme vous le dites, comme n'étant pas... ça aurait pu probablement être mieux. Si on l'avait su, on aurait peut-être procédé autrement. Donc, on va certainement se pencher sur les mécanismes pour qu'ils soient les plus efficaces possible.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Louis-Hébert.

M. Bégin: Merci, M. le Président. MM. les négociateurs, merci de votre présentation. On parle beaucoup de droit, on parle de territoires. Une des préoccupations terre-à-terre, quotidiennes, des gens, c'est de dire: Bon, est-ce que j'ai le droit ou je n'ai pas le droit? Est-ce que je peux ou je ne peux pas faire telle chose? Ça, c'est la première préoccupation, et je crois que vous y répondez assez clairement.

Il y a une deuxième préoccupation, et d'où, si on ne fait pas attention, naît un sentiment d'injustice, et ce sentiment, c'est-à-dire, est aussi dévastateur, quand on regarde les relations humaines, que l'absence de droit, c'est de savoir si la loi ou le règlement qui s'appliquera sera sanctionné de la même manière, que ce soit par la communauté innue ou que ce soit par la communauté québécoise. Est-ce que les Québécois... Et je pense qu'ils ont cette préoccupation-là: S'il y a une infraction qui est commise à l'égard d'une loi, est-ce qu'elle va être sanctionnée de la même manière? Parce que vous disiez tantôt, M. Kurtness, que, des fois, il n'y avait pas de lois officielles, il y avaient des règlements qui s'appliquaient, mais ce n'était pas sanctionnable. C'est là qu'on voit l'importance. Si vous voyez quelqu'un commettre une infraction et que vous voyez qu'elle n'est pas sanctionnée, là, vous avez un sentiment d'injustice.

Donc, est-ce qu'on peut... est-ce que ce ne serait pas nécessaire que l'on dise justement aux Québécois, partout, qu'on fait des règles, et ces règles-là vont être suivies et sanctionnées si on les manque, que ce soit commis par un Blanc... pardon, un Québécois, ou que ce soit commis par un Innu?

M. Kurtness (Rémy «Kak'wa»): Je ne suis pas avocat, mais je vais tenter au moins de donner la vision des Innus là-dessus. D'abord, pour ce qui est du droit criminel, on n'a pas de compétence là-dedans. Alors, on ne peut pas, chez les premières nations, devenir des abris de criminels. Le droit criminel, j'imagine, les sanctions qui suivent vont être les mêmes.

Pour ce qu'on appelle les voies sommaires, la sanction devrait être harmonisée, compte tenu que la législation ou les lois vont l'être, et les règlements harmonisés. Cependant, nous, on souhaite, via les tribunaux innus, que la sanction tienne compte des réalités culturelles. Alors, prenons, par exemple, un jeune ou un adulte, nous, on préfère qu'il... par exemple, que sa sanction soit en territoire, avec une famille d'accueil, plutôt que de l'envoyer dans une institution où il va être quasi dénaturé, où que ça ne correspond pas pantoute à nos valeurs de réhabilitation. Alors, là-dessus, je pense qu'il doit y avoir une certaine flexibilité. Mais, pour le criminel, effectivement, la sanction devrait être la même.

M. Bégin: ...commet une infraction, il prend, je ne sais pas, moi, 200 truites, alors que la limite est de 15.

M. Bernard (Louis): Pour la chasse et la pêche, ce qui est prévu, M. le député, c'est qu'on pourrait se déléguer respectivement le pouvoir de surveiller l'observance des lois. Alors, par exemple, un agent de conservation non innu pourrait appliquer la loi innue aux Innus, puis un agent de conservation innu pourrait appliquer la loi québécoise à un Québécois. Évidemment, les poursuites vont être faites dans les tribunaux de chacun, mais l'infraction comme telle, un agent de conservation, qu'il travaille pour le gouvernement canadien, le gouvernement québécois, le gouvernement innu, pourrait voir à l'observation des lois canadiennes, québécoises ou innues. Alors, on pense que, par cette interdélégation-là, toutes les lois vont pouvoir être mieux mises en oeuvre à ce moment-là.

M. Bégin: ...droit criminel, je partage ce que M. Kurtness disait, par exemple...

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le député.

M. Bégin: ...pour la jeunesse, la Loi sur les jeunes contrevenants pose les mêmes types de problèmes, que ce soit pour les Québécois que pour les Innus. Donc, c'était au niveau réglementaire, là, la loi directe applicable en chasse et pêche, et peut-être piégeage, je ne connais pas assez ça.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, là-dessus, ça termine nos travaux pour cet avant-midi. Et je vous remercie, M. Bernard, M. Kurtness, M. Maltais, pour votre participation aux travaux de la commission, et je suspends les travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi alors que nous entendrons M. Guy Chevrette.

(Suspension de la séance à 12 h 18)

 

(Reprise à 14 h 1)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des institutions ouverte. Je demande, s'il vous plaît, à toutes les personnes de bien vouloir prendre place; les travaux vont se poursuivre.

Alors, je rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur l'Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.

Alors, cet après-midi, nous allons entendre d'abord le mandataire spécial du gouvernement du Québec, M. Guy Chevrette, à qui je cède immédiatement la parole. M. Chevrette, vous connaissez bien ces lieux, alors... J'ai eu l'habitude de vous voir plus souvent à ma droite qu'en face de moi. Allez-y, M. Chevrette.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette (Guy): Et, M. le Président, je n'étais pas habitué d'être seul non plus. Tout d'abord, M. le Président, mesdames, messieurs, je voudrais vous rappeler très brièvement mon mandat qui était d'informer, d'écouter et de faire rapport. J'ai informé tous ceux qui me l'ont demandé, j'ai consulté beaucoup, j'ai écouté beaucoup et j'en suis maintenant à vous présenter mon rapport.

Mais permettez-moi au départ de vous dire que je suis très heureux de la participation des citoyens. Au-delà de 144 groupes, associations, élus locaux, syndicats, entreprises, parlementaires, étudiants et quelques individus ont témoigné lors des audiences que j'ai organisées sur le terrain. Plus de 40 entrevues ont été données avec les différents médias et, mis à part quelques individus, les gens ont démontré beaucoup de respect et beaucoup de civisme.

Vous me permettrez de remercier le Secrétariat aux Affaires autochtones, M. Yannick Routhier, Christiane Bernard et Christian Dubois qui m'ont apporté un support indéfectible. Également, le Secrétariat à la communication gouvernementale, M. David Lebel, que je veux remercier. Quant au soutien clérical, je voudrais remercier Mmes Sylvie Bilodeau, Jocelyne Robert, Diane Lamothe et, du ministère des Régions, je tiens à remercier le ministre de nous avoir permis de travailler avec MM. Yvon Forest, Daniel Tremblay, de la Côte-Nord, ainsi que M. Pierre Gauthier et Véronique Tremblay, du Saguenay?Lac-Saint-Jean.

Un merci également au premier ministre du Québec pour la confiance qu'il m'a témoignée, au ministre Trudel pour le soutien tout au cours de ces audiences. Je voudrais remercier également les deux chefs parlementaires: M. Charest qui, dès le départ, s'est montré extrêmement sensible à ce dossier et m'a assuré de son support tout au cours des audiences ainsi que M. Dumont qui a reconnu l'importance capitale de ce dossier. Et, enfin, mon dernier merci va à mon attaché de presse, M. Bernard Plante, qui a su m'endurer.

Lorsque j'ai quitté la vie politique ? cela fera un an le 29 janvier prochain ? j'ai indiqué que deux dossiers me tenaient particulièrement à coeur: le développement régional et les autochtones. Et je n'ai pas changé d'idée; je suis convaincu qu'une société juste se révèle dans l'appui qu'elle apporte à ses composantes les plus vulnérables. D'autre part, je suis persuadé qu'un Québec fort ne peut exister qu'à la condition de s'appuyer sur des régions fortes. Ce sont les communautés, donc, qui y vivent, à savoir autochtones et Québécois, qui font la richesse de ces régions.

Pourquoi y a-t-il eu une telle levée de boucliers contre la proposition d'entente de principe? Tout d'abord, le fait que le négociateur fédéral ait tardé à parapher la proposition, ce qui est apparu, pour plusieurs de nos concitoyens, comme un travail de catimini, un travail fait en cachette. Également, l'absence d'information a fait en sorte que les citoyens se sentaient complètement à la merci de ceux qui voulaient bien donner l'information, et il y a quelques groupes qui s'en sont donné à coeur joie au niveau de la désinformation. Qui n'a pas entendu certains animateurs ou encore groupes dire ceci: Ils ont donné tout le Saguenay?Lac-Saint-Jean, ils ont donné tout le territoire de la Côte-Nord? Qui n'a pas entendu que c'est nous, les Québécois, qui serons dorénavant sur des réserves? Qui n'a pas entendu dire qu'on perdrait nos zecs, qu'on perdrait nos pourvoiries? Et qui n'a pas entendu dire qu'on perdrait nos emplois en forêt?

De plus, je crois que cette levée de boucliers est aussi significative dans ce sens que le texte de l'entente ? il faut bien le dire ? est difficile à comprendre pour le commun des mortels. Le jargon juridique n'aide pas tellement le citoyen à comprendre exactement les liens d'une recommandation à une autre ou d'un chapitre à un autre. De plus, l'apparition d'un vocable innu associé au territoire en a déboussolé plusieurs. Quand quelqu'un apprend que sa maison est sur un Innu Assi, il dit: C'est quoi? On n'a pas pu leur expliquer, je pense, au moment opportun qu'un Innu Assi était une terre en propre pour les autochtones et que les Nitassinan étaient un lieu où les Québécois vivent, c'est un territoire québécois mais sur lequel s'exerceront également des droits en matière autochtone.

Aussi, je crois qu'un autre des facteurs, c'est l'arrivée tardive d'une information vulgarisée. Tous ces faits auront contribué à insécuriser nos concitoyens et nos concitoyennes. J'ai aussi constaté que plusieurs ? je dis plusieurs, parce que c'est le cas ? ignorent que nous vivons dans une société de droit. Plusieurs ignorent que des dizaines de jugements de la Cour suprême ont reconnu des droits distincts aux autochtones, ils ignorent même l'état du droit actuel et ils ignorent que les Innus négocient depuis plus de 20 ans. Ils ignorent même que leurs gouvernements du Québec ont opté pour la négociation rejetant ainsi la confrontation sous toutes ses formes, y compris la confrontation juridique. Ils ignorent aussi que ce n'est pas le choix des Innus d'avoir été parqués dans des réserves.

Cette négociation est-elle légitime? Ça a commencé en 1979 ? on vous l'a dit ce matin, mais je tiens à le répéter ? de 1979 à 1983 où les Innus ont présenté une preuve raisonnable d'occupation du territoire et de façon organisée, et ils ont obtenu la possibilité de négocier. En 1983, cette Assemblée nationale adoptait 15 principes de négociation: gouvernement Lévesque. En 1985, l'Assemblée nationale reconnaissait 10 nations et, en 1989, M. Bourassa en ajoutait une onzième reconnaissance d'une nation additionnelle, les Malécites de Viger. En 1994, le gouvernement du Québec a déposé une proposition au CAM, au Conseil Attikamek-Montagnais, qui a été rejetée. Ça a sonné le glas du CAM aussi, d'une certaine façon: vous vous rappellerez que maintenant les Attikameks négocient de leur côté et les Innus de l'autre. En 1998, le gouvernement du Québec adoptait une politique, une politique qui mettait carrément de côté la confrontation et qui voulait du partenariat avec les autochtones. En 2000, ce fut l'Approche commune et, en 2002, la proposition d'entente que nous avons à étudier présentement.

Mais pourquoi tant de crainte? Je vous dirai d'entrée de jeu que c'est humain de craindre ce qu'on ne connaît pas. C'est aussi humain et très normal de craindre la perte des droits acquis. C'est tout à fait humain, cela.

n (14 h 10) n

Un autre constat, et celui qui m'a probablement le plus ébranlé, c'est celui d'un sentiment d'iniquité largement répandu chez les Québécois et qui, sans doute, est dû aux faits suivants: l'absence de régime fiscal chez les Innus, la possibilité de concurrence déloyale, des moyens accrus de développement pour les Innus sans contrepartie pour les Québécois, la possibilité de pêcher et de chasser n'importe où, n'importe quand. C'est un facteur qui crée la perception d'iniquité. Même si les jugements définissent les droits ou dictent les droits ou tranchent les droits, jamais les jugements n'en définissent les modalités d'exercice ni les encadrements. Il y a aussi la question des réserves à castors ? j'y reviendrai plus tard ? et le non-paiement des droits de passage dans les zecs. Voilà autant de cas, de faits, qui font en sorte que les gens ont l'impression de vivre une iniquité.

Plusieurs ont aussi des craintes, des craintes à savoir que le territoire du Nitassinan ne serait plus québécois. Ils sont inquiets aussi du sort réservé aux propriétaires québécois qui vivront sur des Innu Assi. L'alourdissement du processus gouvernemental de décision crée une inquiétude également pour les Québécois, et le fait de ne pas être partie aux discussions pour les étapes à venir insécurise énormément des groupes sectoriels, les leaders de chacune de nos régions. Ils craignent aussi de voir se perpétuer des pratiques anarchiques de droits ancestraux et, par exemple, la pourvoirie. Quelqu'un qui investit 200 000 $ ou 300 000 $ dans une pourvoirie et qui voit, par exemple, en pleine période de chasse quelqu'un venir occuper un territoire de chasse qui est sous-loué ou qui est loué, qui est vendu à des chasseurs d'autres régions ou de la région. Également, des zecs, je vous donne l'exemple de la zec Mattimek qui voit un campement s'ériger en plein devant un terrain de camping qui est censé être une source de revenus pour sa zec. Et je pourrais continuer. Les zecs toujours: quand on voit des plans de gestion, des plans de gestion qui en arrivent à déterminer la fermeture de lacs et, le lendemain de la fermeture, quelqu'un est sur le lac et il pêche. Voilà des faits qui créent l'insécurité, qui créent cette perception d'iniquité pour ne pas dire d'anarchie.

Également, il y a les propriétaires de lots privés qui craignent énormément de ne pas avoir l'exclusivité de leurs territoires. Il y a les villégiateurs qui craignent de ne pouvoir continuer à bénéficier, à bénéficier de leurs privilèges qu'ils ont par sous-bail d'État, de bénéficier d'un camp de villégiature. Et, également, les abris qui pillulent ici et là sur le territoire privé, municipal... qui pullulent ? je m'excuse, monsieur, «pullulent», ça fait la deuxième fois que je fais ça, en plein ici, à part de ça ? et les abris donc qui pullulent un peu partout sur le territoire et qui commencent à créer le désespoir chez plusieurs dirigeants de groupes.

Il y a aussi bien sûr les incertitudes grandes et grandissantes pour les industries forestières et les syndicats. Pourquoi? Parce qu'ils ne veulent pas voir bien sûr des volumes de bois expropriés et le fait aussi qu'ils pourraient peut-être être les seuls à payer le 3 %; on pourrait leur refiler la facture. Voilà des craintes tout à fait humaines, tout à fait compréhensibles de la part de l'industrie forestière, tout comme les syndicats forestiers nous disent: Nos emplois en forêt sont en péril. Et ils ne se basent pas sur le fait exclusivement de cette négociation avec les Innus. Ils pensent entre autres aux aires protégées qu'on est à mettre sur pied; ils parlent de parcs patrimoniaux, de la ligne nordique qui sera modifiée. Tout cela contribue ? plus on en ajoute ? à créer bien sûr l'insécurité chez les forestières et chez les syndicats d'emplois en forêt. Les municipalités pour leur part craignent la perte de territoire et des pertes fiscales.

D'autre part, je dois vous dire qu'il y a une contradiction flagrante et frappante. Les perceptions d'iniquité sapent littéralement l'acceptabilité sociale sur laquelle doit s'appuyer cette négociation. Or, de façon assez contradictoire, les éléments perçus comme inéquitables sont justement ceux auxquels s'attaque l'entente de principe mais de façon trop évasive et pour contrer bien sûr le sentiment d'iniquité. C'est notamment le cas en matière de chasse et de pêche, en particulier sur les terres privées et dans les territoires structurés tels que zecs et pourvoiries.

Le régime de réserves à castors, l'absence du régime fiscal sur les réserves indiennes et la possibilité de concurrence déloyale, l'occupation parfois indue du territoire par des abris, voilà autant de points, donc, qui restent à clarifier. De fait, il ne reste pas moins de 19 ententes. Vous avez entendu 15 ententes ce matin. Il n'y a pas une contradiction: souvent, c'est parce qu'on jumelle deux sujets. Mais qu'on parle de 15 ou de 19, il reste beaucoup de travail à faire. Il est donc normal, il est donc très normal que les gens qui ne trouvent pas réponse à leurs questions craignent que cette entente leur fasse perdre certains de leurs privilèges. Mais, après les audiences, vous pourrez constater que les propos de plusieurs mémoires sont très nuancés par rapport à ce qu'on entendait aux mois de septembre et octobre.

Malgré le fait qu'il existe une perception généralisée d'iniquité, il y a quand même deux consensus qui se dégagent. Le premier, c'est que la négociation doit se faire et une entente doit intervenir. C'est la majorité des leaders du milieu, dans tous les secteurs, qui le disent. Le deuxième: on doit revoir le processus de négociation pour accroître la participation des populations régionales. Ça, c'est unanime comme consensus.

Pour en arriver, donc, à une entente juste et équitable, je vous présente donc 33 recommandations. Les recommandations sont de trois ordres: tout d'abord, le processus de négociation, des modifications à l'entente actuelle et des points à tenir compte lors des conventions ou ententes complémentaires. Je vais donc vous parler de la première recommandation et vous la lire ainsi que la vingt-sixième.

La première recommandation, c'est que le processus de négociation soit repensé de manière à y favoriser une participation accrue des populations régionales concernées. Il s'agit d'une condition incontournable au succès des négociations en cours.

À la recommandation 26, je me permets de faire une recommandation de fonctionnement: que soit créé un comité directeur régional de négociation dans chacune des régions du Saguenay?Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord, qui aura pour mandat d'obtenir directement l'information relative aux hypothèses de travail des équipes de négociateurs et de formuler des avis ou propositions avant leurs discussions à la table de négociation. Le conseil de négociation ferait aussi périodiquement, et de manière publique, rapport de ses activités.

Que la composition des comités directeurs régionaux de la négociation s'apparente à une composition suivante: trois représentants de la faune et de la villégiature; trois représentants municipaux; un représentant du secteur forestier; un représentant du secteur minier; un représentant du développement économique régional; un adjoint aux négociateurs du Québec; et le président de la conférence administrative régionale.

Que soient créées trois tables sectorielles dans chacune des régions, à savoir une table sectorielle faune-villégiature, une table sectorielle mines et forêts, une table sectorielle d'harmonisation territoriale.

Également, qu'une zone tampon... Non, je la laisse tomber, je reviendrai tantôt.

Participation régionale après le traité. Il m'apparaît qu'on doit déjà prévoir une participation de la région post-traité. En matière plus particulièrement de la participation réelle qui sera négociée, je pense qu'on doit tout mettre en oeuvre pour que les gens puissent régler la majorité des problèmes dans la région, puisque c'est la porte d'entrée, si vous voulez, pour régler les différends issus de l'application du traité. Également, une participation régionale post-traité parce qu'on doit continuellement, avant comme après, faire des efforts énormes d'information et d'éducation.

n (14 h 20) n

Le Nitassinan, un territoire québécois où on a des municipalités, des municipalités régionales de comté, des villes et aussi des Innu Assi, doit être, bien sûr, explicité davantage. Je pense que la cartographie future devrait avoir le pendant innu pour que les citoyens se reconnaissent; c'est un minimum. Et je me permets des recommandations sur le Nitassinan, c'est celle de reconsidérer l'inclusion de l'île Anticosti et celle possible de la partie dite sud-ouest de Charlevoix et région de Québec et une partie de Portneuf. Je pense qu'on peut corriger cette situation pour rendre encore plus acceptable aux yeux de la population québécoise le Nitassinan de Natashquan et de Mashteuiatsh. Je recommande également de ne pas heurter les droits reconnus aux autochtones dans les territoires conventionnés. On sait que, dans la région de Betsiamites en particulier, il y a une ouverture à une négociation sur des territoires déjà conventionnés et que ça peut être source de conflits. On peut heurter les droits d'une autre nation autochtone qui a signé dûment, en bonne et due forme, un traité. Je recommande de clarifier la portée des droits dans le fleuve, particulièrement en ce qui regarde le partage des redevances, la participation aux processus gouvernementaux de gestion des ressources ou la pratique d'activités traditionnelles. Dans l'entente de principe, ce n'est pas clair.

Au niveau de la chasse, de la pêche, du piégeage et de la cueillette traditionnelle, ici, je dois vous dire que ce chapitre devrait être négocié en priorité. S'il en est un qui soulève des passions, qui soulève des craintes, qui soulève des appréhensions, c'est bien celui de la chasse et de la pêche et même du piégeage dans les deux régions: Côte-Nord et Saguenay?Lac-Saint-Jean. Pourquoi? Parce qu'il est plus facile de compter ceux qui ne chassent pas, qui ne pêchent pas que de compter les chasseurs puis les pêcheurs. Je pense qu'il s'en est tellement dit sur le sujet qu'il est temps de mettre l'accent prioritaire sur la négociation de ce chapitre.

Je recommande de définir aussi Innu Aitun qui traite bien sûr des activités traditionnelles, le définir de façon claire et opérationnelle pour les Innus, mais pour les Québécois. Il est temps aussi qu'on fixe des règles de la récolte et du contrôle des activités, qu'on fixe des quanta réalistes pour tous, qu'on introduise dans la façon d'évaluer les espèces ou la possibilité de prélèvement faunique des données scientifiques et environnementales. Il est temps, je pense, également que soient rendus publics les codes de pratique des populations innues. Il nous faut, à ce sujet, décider aussi de la réciprocité des actes et des gestes à poser dans le domaine de la faune, de la chasse, de la pêche en général. Qu'est-ce que j'entends par «réciprocité» ici? Que ce soit un autochtone qui commet une infraction à son code de pratique en territoire du Nitassinan ou l'inverse, qu'un Québécois pose un geste illégal sur Innu Assi selon ses règles, eh bien, je pense que nos agents, de part et d'autre, devraient avoir la possibilité, pour les fins de conservation, de pouvoir véritablement poser des infractions très claires aux intervenants qui sont fautifs. Et, enfin, je favorise, au niveau de la faune, bien sûr le plus grand nombre de partenariats possible, comme c'est le cas par exemple sur la rivière Moisie, où Innus et Québécois travaillent ensemble pour la conservation et la pérennité de l'espèce saumon.

Je recommande également une protection des territoires à statut particulier, ce qui veut dire que j'interdirais carrément la pratique de toute activité de chasse et de pêche dans, par exemple, les réserves écologiques, les habitats fauniques ou les sanctuaires, dans les zones urbanisées des municipalités. Je recommande également que les emplacements de villégiature privée ou commerciale dûment autorisés par le ministère des Ressources naturelles soient respectés. Les terres privées et lots privés qui appartiennent à des individus qui ont déboursé des argents doivent avoir le droit du respect de leur territoire. Les pourvoiries à droits exclusifs pour les espèces dites sensibles et ensemencées: l'enregistrement au poste d'accueil pourrait peut-être être permis en ce qui regarde la cueillette, mais, pour ce qui est du respect des droits de chasse sur un territoire de pourvoirie à droits exclusifs, que j'aille personnellement à la pourvoirie Jimmy ou encore au lac en Coeur, je dois respecter les règles du jeu, et l'inverse est aussi vrai, si je vais dans une pourvoirie d'un Québécois. Ces gens-là investissent et sont en droit d'avoir le plein rendement de leur investissement. Ça veut dire respecter les règles du jeu sur le territoire de pourvoiries à droits exclusifs. Je pense également que les bleuetières commerciales, en ce qui a trait à la cueillette, devraient faire l'objet d'une exclusion pour la pratique à Eaton.

Je recommande aussi de moderniser le régime des réserves à castors pour une exploitation équitable par les Innus et Québécois. C'est en 1928 que le décret gouvernemental est arrivé et il a été modifié à quelques reprises jusqu'en 1967. Il y a beaucoup de lignes de trappe, me dit-on, qui ne sont pas exploitées. À mon point de vue, il serait temps de moderniser cela, et s'il y a un secteur où les gens s'entendent traditionnellement assez bien, c'est bien le secteur de la trappe. J'espère qu'on favorisera une gestion partagée et qu'on pourra véritablement utiliser au maximum le prélèvement permis sur les lignes de trappe. Ça constitue un apport économique important pour certaines régions, en plus de la chasse et de la pêche qui, dans ces milieux, constituent des leviers économiques assurés.

Au niveau des outils de développement innu, je recommande, pour permettre le développement des Innus bien sûr, de mettre l'accent d'abord sur la formation. Je dois vous avouer qu'on sent beaucoup, de la part des jeunes Innus, ce désir de formation pour être capables de remplir des tâches disponibles sur leur territoire; également, dans le domaine de l'attribution des volumes forestiers, eh bien, qu'on établisse un calendrier réaliste de transferts, et non pas l'expropriation de transferts, et j'espère qu'on travaillera ensemble avec les industries existantes plutôt que de mettre en péril quelques industries régionales génératrices d'emplois dans les milieux; et, bien sûr, encore là, je me permets toujours de dire que, pour maximiser les retombées régionales, rien ne vaut une forme de partenariat. J'en suis convaincu.

Quant à la délégation de gestion à Pointe-Taillon et à la réserve Ashuapmushuan, je recommande que ce soient les mêmes mécanismes que l'on utilise lorsqu'on délègue cette gestion à la SEPAQ; que l'on recherche également un scénario tout de suite, qu'on recherche un scénario alternatif au projet de parc, si le potentiel diamantifère aux monts Otish s'avérait vrai. Il ne faudrait tout de même pas pénaliser les Innus parce qu'on a une possibilité d'exploitation minière importante. Il faudrait tout de suite qu'on se mette à l'oeuvre pour trouver des scénarios alternatifs pour permettre aux Innus d'avoir à peu près les mêmes résultats au niveau de la création d'emplois.

Je recommande que les mécanismes de participation réelle qu'on aura à définir soient moins lourds que ceux qu'on a connus dans le passé, moins coûteux et qu'ils favorisent véritablement des ententes. On a vu des négociations, dans le passé, on en a lues un bon nombre, tous, qui que nous soyons, et, le trois quarts du temps, ces mécanismes sont d'une lourdeur épouvantable, prennent un temps incommensurable et font en sorte qu'on atténue la portée du développement économique potentiel à court terme. Donc, des mécanismes souples, peu coûteux et qui favorisent des ententes.

Je recommande d'envisager un fonds de soutien aux projets économiques des communautés québécoises voisines. Qu'est-ce que je veux dire par là? C'est clair que, quand on a vécu pendant un bon bout de temps aux Escoumins ou aux Bergeronnes, il y a des comparaisons qui se font, et les gens nous disent: Bien, les Innus, ils ont un fonds de développement autochtone, ils ont des fonds de ci, ils ont de l'argent qui vient du fédéral, il y en a d'autre qui vient du provincial et, nous, on n'a aucune possibilité de développement comparable. Je recommande donc, pour fins d'équité, pour fins d'équité véritablement, au niveau du développement économique, qu'on songe à un fonds de soutien aux projets économiques des communautés québécoises voisines, ce qui permettra des mises en commun autant des Innus que des Québécois dans la réalisation de plusieurs projets conjoints.

n (14 h 30) n

Quant à l'autonomie gouvernementale, je ne fais que répéter ce qui avait déjà été écrit dans les mémoires au Conseil des ministres de jadis, que cette négociation en regard de l'autonomie gouvernementale des Innus, elle se fasse dans le respect de l'intégrité territoriale du Québec et en évitant la création d'un troisième ordre de gouvernement.

Autonomie financière des Innus. Les Innus, à mon point de vue, devront se donner un régime de taxes et d'impôts harmonisé au régime québécois. Il nous faut éviter à tout prix l'évasion fiscale ou la concurrence déloyale. Dans la poursuite de leur autonomie financière, je suis convaincu... parce qu'il y a eu d'autres négociations avec d'autres communautés, et déjà on a une voie de tracée pour trouver des remèdes à cette situation qui empoisonne justement les relations entre Québécois et autochtones, et qui fera en sorte que les gens n'auront plus cette perception d'inéquité.

Quant à l'Innu Assi, le territoire en propre des Innus, je recommande de ne pas scinder des lots en parties. Je pense à Mashteuiatsh où, des fermes, la maison est sur le Nitassinan puis la terre cultivable est dans l'Innu Assi. C'est le cas pour deux ou trois fermes tout près de Roberval. Je pense que ces correctifs-là peuvent être apportés rapidement et faire en sorte de ne pas placer ces gens en situation d'avoir une moitié dans Innu Assi, l'autre moitié dans Nitassinan.

Il nous faut également clarifier, et celle-ci a de l'importance, clarifier la situation des Québécois qui seront situés sur des Innu Assi. Est-ce que ce sera un marché libre, la question de la vente des maisons? Quel sera le niveau de taxation? Quel type de services pourront-ils recevoir? Quelle est la représentation politique qu'ils auront? Voilà une série de questions auxquelles je ne réponds pas, mais j'invite les négociateurs à répondre à ces questions pour les citoyens qui sont ainsi impliqués. Ils ont droit de savoir.

Je recommande que les propriétaires de résidences ou de commerces puissent pouvoir y demeurer, sur les Innu Assi, mais puissent aussi léguer à leurs descendants leurs biens, leurs propriétés. Je recommande qu'il y ait un droit de préemption, s'il n'y a pas de transfert aux descendants, de donné aux Innus ainsi que la création d'un fonds d'acquisition pour toutes les négociations de gré à gré. Et enfin je propose aussi qu'il y ait des possibilités, par exemple, d'échange de lots, de relocalisation d'un chalet ou d'une maison. Tout ça, c'est possible en ajoutant des possibilités souples, peu coûteuses et qui permettent précisément à des gens d'avoir satisfaction.

Je lance un appel bien sûr à une proposition qui est à faire mais qui devrait se réaliser en ce qui regarde les gens de Pointe-Parent à Natashquan. Je sais que le maire de Natashquan et son conseil, puisque je les ai rencontrés ensemble avec le conseil de bande, je sais que les pourparlers vont bon train. Parce qu'on sait très, très bien que les Québécois de Natashquan veulent avoir accès à leur lac mais veulent aussi ne pas être complètement enclavés à Pointe-Parent. Et je pense que c'est possible de réaliser cela au niveau des deux communautés sans que le gouvernement n'ait à intervenir.

Alors que Essipit et les municipalités d'Escoumins et de Bergeronnes ont des problèmes beaucoup plus substantiels ? ils en sont rendus à leur troisième proposition d'Innu Assi et il y a encore des divergences majeures de vue ? ce que je propose avant que le gouvernement se prononce définitivement, c'est qu'il y ait un mécanisme, là, de rencontres entre Bergeronnes, Escoumins et le Conseil de bande d'Essipit, avec un facilitateur qui pourrait être nommé par le gouvernement, afin d'en arriver à un compromis sur l'Innu Assi. Si, à la fin de l'échéance, il n'y a pas d'entente, eh bien, là, le gouvernement prendra ses responsabilités et tranchera.

Maintenant, vous avez entendu depuis ce matin également, vous avez entendu parler de la bouche des négociateurs, que ce n'est pas toutes les communautés autochtones qui négocient au même rythme. C'est vrai qu'il y en a qui ont signé l'entente de principe ou ont paraphé l'entente de principe, quatre communautés. Il y en a d'autres qui négocient puis il y en a deux qui ne négocient pas. Moi, je pense qu'il nous faut immédiatement prévoir un mécanisme permettant aux communautés innues qui ne participeraient pas à la négociation de pouvoir y adhérer, à ce traité. On pourrait donner plusieurs noms à ce mécanisme. On voit ça dans les conventions collectives, on voit ça dans certaines ententes, mais il faut un mécanisme qui leur permette d'adhérer au traité. Ce qui permet de respecter le rythme de plusieurs communautés qui ne sont pas au même diapason au niveau de la négociation, ce qui permet aussi à ces communautés de négocier certaines spécificités, mais qui permet, au niveau de la nation, d'avoir un traité au niveau de la nation, avec des spécificités différentes pour quelques communautés.

Après donc avoir répondu à une multitude de questions et entendu un grand nombre de remarques et de suggestions, je conclus ce mandat en espérant que mes recommandations pourront contribuer à améliorer notre relation avec la nation innue et à mieux comprendre leur situation. Je souhaite que ce rapport puisse aussi contribuer à mettre un point final à cette longue et ardue négociation, si importante, d'autre part, pour les Innus mais aussi pour les Québécois.

Il est surprenant qu'en 2003 un fort pourcentage de nos concitoyens et concitoyennes ignorent encore que nous vivons dans une société de droit et que ce type de société est encore le meilleur que l'on connaisse. Il est tout aussi étonnant que bon nombre de citoyens puissent avoir des perceptions aussi tronquées du type de vie qui a été imposé aux autochtones. Qui n'a jamais entendu: Ils reçoivent de l'argent sans travailler, ils ne veulent pas travailler? Il nous faut corriger ces perceptions et ces préjugés, germes propices au désordre social.

Je me permets donc de lancer un appel aux leaders des deux communautés pour qu'ils rejettent haut et fort, et publiquement, la voie de la confrontation. Il leur est d'autant plus facile de le faire que l'idée d'en arriver à une entente négociée a fait son chemin dans l'opinion publique, et plus particulièrement au sein des communautés les plus touchées. Il nous faut poursuivre cet objectif et faire en sorte que les deux communautés puissent, par ce traité, vivre en harmonie. Le Saguenay? Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord sont des territoires assez grands pour qu'on puisse tous y vivre et y vivre en paix. Lorsque j'ai rencontré des groupes d'étudiants et d'étudiantes des collèges de Baie-Comeau et de Jonquière, j'ai été frappé par leur ouverture d'esprit et l'aplomb de leurs convictions. Ils et elles sont l'avenir, et, franchement, c'est rassurant.

Les rapports harmonieux entre les nations québécoise et autochtones doivent, à mon avis, reposer sur des efforts constants de formation et d'information, et cela doit commencer dans les écoles. Des ouvrages tels que Mythes et réalités sur les peuples autochtones, publié en 2002 par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse québécoise, constituent des outils précieux et malheureusement trop rares qui permettent de traduire les enjeux de manière pédagogique. Les jeunes du Québec doivent avoir accès à ces genres d'outils.

Les quelque 19 ententes complémentaires devant être négociées au cours des prochains mois fourniront aux deux parties l'occasion de prouver leur bonne foi et leur volonté d'harmoniser les règles du jeu dans le respect des droits de chacun. Il n'est pas nécessaire, à mon point de vue, de rappeler que «négocier» ne signifie pas «compromis de part et d'autre». Il faut se rappeler ce qui a été demandé dans le passé aux Innus et envisager ce que leur demandera l'éventuel traité. De nomades et autonomes qu'ils étaient, ils ont été rangés dans des réserves, pour ne pas dire parqués dans des réserves, de la dimension d'un timbre-poste, sous la bienveillante tutelle de l'État. La proposition d'entente de principe propose que les Innus s'affranchissent de la tutelle et deviennent autonomes à la fois politiquement et économiquement au sein du Québec.

Le projet de la reprise en charge des Innus par les Innus, souhaité par eux, il nous faut l'appuyer de toutes nos forces. Cela demandera du courage à tout le monde, le courage pour les Québécois de reconnaître et d'accepter les droits ancestraux et l'idée d'une société distincte innue au sein du Québec; le courage des Innus d'accepter de se donner des règles dans des matières où ils ont des droits, le courage surtout de se prendre en main et de sortir de la lourde dépendance dans laquelle ils ont été placés.

n (14 h 40) n

Ceux et celles qui voient un régime de privilèges pour les autochtones dans leur condition actuelle interprètent mal ce qu'ils voient. Ce que l'on doit plutôt voir, c'est la quintessence de la dépendance dans laquelle ils ont été entretenus. Le chemin pour la prise en charge sera sans doute long, très long et même ardu, comme disait le député Tremblay ce matin, mais on doit tout tenter pour y arriver. Il en va de l'avenir des jeunes Innus, il en va des relations entre nos communautés respectives et de l'harmonie dans laquelle doivent se développer les régions en cause. Je souhaite sincèrement que l'éventuel traité accompagne avec sagesse les Innus dans leur passage de la tradition à la modernité, sans compromettre la grande richesse que constituent, pour eux comme pour nous, leur langue, leur culture et leurs coutumes.

Je ne peux terminer sans vous livrer ma principale motivation qui me pousse à travailler dans ce dossier auquel je souhaite une heureuse conclusion. Ayant eu la chance de voir de près la réalité des autochtones, je crois avoir compris l'importance et surtout l'urgence d'agir. Comment demeurer insensible devant des groupes dont 66 % de la population active est en chômage? Comment ne pas vouloir réagir face à l'explosion démographique qui fait doubler cette population en 15 ans? Les Innus comptent aujourd'hui 60 % de personnes de 35 ans et moins et 35 % de jeunes de moins de 15 ans. Je n'ai pas de dessin à vous faire là-dessus. Vivant sur des territoires exigus appartenant au gouvernement fédéral, ils ont beau fréquenter de plus en plus l'école, cela ne leur ouvre aucune perspective, aucun accès au développement ni à l'emploi. Comment peut-on demeurer stoïque face au taux de suicide et aux problèmes sociaux des réserves? Quelqu'un de responsable, quel que soit son statut, quel que soit le palier où il oeuvre et quelle que soit son allégeance politique, ne peut se dérober à ses responsabilités.

Quel avenir nous attend si nous ne profitons pas de l'occasion pour agir maintenant? Gérer n'est-il pas l'art de prévoir? Même si l'on doit faire tous les efforts possibles pour en arriver à la conclusion d'un traité, il va de soi qu'on ne peut le faire à n'importe quel prix ni n'importe comment. C'est pourquoi je me suis permis de faire, au fil de mon rapport, des recommandations qui, je l'espère, contribueront à l'acceptabilité sociale et à une meilleure équité entre communautés.

Au terme de ma réflexion, je recommande l'acceptation de la proposition d'entente de principe d'ordre général et la négociation d'un traité juste et équitable sur la base des correctifs que j'ai énoncés. Et, en terminant, je voudrais remercier sincèrement les personnes et les groupes qui ont accepté de me rencontrer dans la réalisation de mon mandat. J'ai essayé, par ce rapport, de refléter le point de vue tout en respectant le travail accompli par les négociateurs.

Je tiens à remercier le Secrétariat aux Affaires autochtones et le Secrétariat à la Communication gouvernementale, ainsi que le ministère des Régions dont le soutien m'a permis de réaliser ce mandat. Et je veux également remercier le ministère des Ressources naturelles et la FAPAQ, qui m'ont fourni des données pertinentes dans leur secteur respectif. Par contre, aucun ministère ni organisme que je viens d'énumérer ne doit être associé au contenu du présent rapport. J'en assume pleinement l'entière responsabilité.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Chevrette, pour votre exposé. Alors, j'indique aux parlementaires, d'abord à ceux du groupe parlementaire formant le gouvernement, que vous avez 38 minutes; du côté de l'opposition officielle, 28 minutes; et, pour les députés indépendants, un total de 10 minutes. M. le ministre.

M. Trudel: Bien, merci, M. le Président. Merci, Guy Chevrette, pour ce que vous avez accompli pour le Québec, pour le Québec des régions concernées, pour la nation québécoise et pour la nation innue. Vous nous faites aujourd'hui un rapport après un tour du monde en 80 jours, et, lorsqu'on nous a soumis, au gouvernement, la proposition de cette entente de principe avec la nation innue, nous avons bien senti, comme vous nous le rappelez en introduction, qu'il y avait lieu de retourner, d'une façon assidue, continue, avec tout le temps nécessaire, rencontrer les populations concernées sur leur territoire, autour des objets qui les préoccupaient et qui risquaient de faire chavirer en quelque sorte vos... Vous qui pratiquez la pêche d'une façon assidue depuis un très grand nombre d'années, ça risquait effectivement de provoquer des phénomènes qui allaient faire chavirer ce projet d'entente.

Vous nous arrivez aujourd'hui avec des recommandations très précises, qui sont très fidèles d'ailleurs à la façon dont vous avez exercé vos responsabilités, les nombreuses responsabilités ministérielles au sein du gouvernement, c'est-à-dire avec franchise, d'une façon directe, et qui touchent les problèmes concrets, réels, vécus par les populations. Et vous nous arrivez avec une conclusion, qui est sans nuance, d'une certaine façon, d'approuver ce projet d'entente de principe en tenant compte des 32 recommandations que vous nous faites à cet égard.

Abordons la première, si vous voulez. Après avoir pris en considération l'ensemble de votre rapport... Vous avez pris 80 jours pour rencontrer les populations, les différents groupes sur le terrain; j'ai passé toutes les heures de fin de semaine à vous relire religieusement dans ce rapport si bien préparé. Et le premier élément évidemment que vous soulevez, c'est la révision du processus de négociation qui nous a amené à cette entente de principe. Non seulement je suis sensible aux recommandations que vous nous faites, mais effectivement le processus de négociation, dans sa phase actuelle et dans les phases à venir, devra être révisé. Et nous allons faire en sorte, dans les recommandations qui seront faites au gouvernement, faire en sorte que ce processus implique davantage les populations régionales, puisque nous en sommes arrivés maintenant à l'étape où concrètement les principes se transportent sur le terrain de la pratique quotidienne, que ce soient les activités traditionnelles Innu Aitun, en ce qui concerne la nation innue, ou les autres pratiques, et on y reviendra en cours d'échange, les autres pratiques sur ce grand territoire, le Nitassinan, ce grand territoire québécois où nous avons à partager des pratiques en particulier en matière de faune, de chasse et de pêche. Le gouvernement reçoit très positivement vos recommandations à l'égard de repenser le processus de négociation et d'impliquer bien davantage les populations régionales à la phase où nous sommes rendus.

M. Chevrette, vous nous dites, à la recommandation 26, des éléments particuliers de ce qui devrait être maintenant contenu dans le processus de négociation révisé, amélioré. En même temps, nous sentons que nous devons aller vers des résultats le plus rapidement possible. Est-ce que les recommandations que vous nous faites ne seraient pas de nature à alourdir le processus, à aller jusqu'à, certains le craignent, la paralysie, c'est-à-dire que, puisqu'il y en aurait tellement que, dans ? vous qui avez pratiqué ça sur le plan personnel aussi et au niveau professionnel ? l'art de la négociation, que cela paralyse la négociation? Argumentez-nous en quelque sorte pour en arriver à tirer la conclusion et prendre les actions en matière de révision du processus de négociation.

n (14 h 50) n

M. Chevrette (Guy): Merci, M. le ministre. Tout d'abord, vous dire que ça n'alourdira pas le processus, je mentirais. Mais c'est le prix à payer sur le plan de la démocratie, à mon point de vue. On doit absolument, si on veut l'acceptabilité sociale, permettre à ces populations de participer au processus. Et, même si c'est plus long, c'est un gage de succès, c'est un gage de l'absence par la suite des perceptions, parce que les gens pourront être informés par chacun de leurs groupes. Les élus municipaux vont pouvoir renseigner les élus municipaux qui seront absents à ces tables sectorielles là; les représentants des chasseurs et des pêcheurs pourront régulièrement informer leurs gens sur les offres qu'ils ont eues et sur les demandes qu'ils ont reçues, les offres à faire, etc.

C'est un peu... Vous avez raison, M. le ministre, de dire que c'est peut-être un peu mon expérience passée là-dedans qui m'a guidé dans le processus. Parce que, quand j'étais négociateur des enseignants du Québec, on avait toutes les régions du Québec qui participaient au processus de négo et il y avait ce genre de comité. Tout le monde n'est pas à table, on sait bien qu'on ne négocie pas, en public, 80 personnes. On sait très bien que la négo, ça se fait en petit groupe, mais il faut s'assurer que le contenu est véhiculé sur le terrain, les échanges, l'information, en aval puis en amont. C'est ça qu'il faut s'assurer.

Personnellement, et je suis sûr que vous serez probablement d'accord avec moi, on a surestimé le rôle des tables que nous avions créées. On pensait que ce serait... que ça aurait du rayonnement puis que ça sécuriserait, mais, du même coup, on a sous-estimé, à mon point de vue, la volonté des populations de participer. Puis, quand on se rend compte de quelque chose puis qu'on réajuste notre tir... J'ai déjà vu un premier ministre du Québec dire: On n'a pas fait la trouvaille du siècle, puis, le lendemain matin, on repartait avec une autre approche. Moi, je pense que reconnaître qu'on a surestimé ou sous-estimé et changer de modalités de fonctionnement, je pense que c'est un gage de succès. Même si ça devait alourdir le mécanisme de négociations, il en vaut la peine pour l'acceptabilité sociale puis de ce traité.

M. Trudel: Très bien. Donc, en recevant, je vous le répète, favorablement, oui, parce qu'il y a des choses qui doivent être modifiées, il y a de l'ampleur qui doit être donnée à certaines phases de la négociation, comme la période avant de se retrouver à la table de négociations. Et les mécanismes de contrôle, si on veut, ou les mécanismes d'information et de s'assurer que le relais est fait dans les populations régionales, ça m'apparaît comme une condition qu'il faudra maintenant cultiver bien davantage, vous en êtes rendu compte, sur le territoire.

Un élément qui fait partie des prémisses dans votre analyse, dans la lecture de la situation, sur le sentiment d'inéquité ou d'insécurité qui se glisse chez les leaders régionaux et qui sont liées à des phénomènes de... Le fait qu'il n'y ait pas d'obligations fiscales pour un membre d'une nation autochtone, la compétition ou la concurrence déloyale, comme vous l'avez mentionné, la chasse et la pêche qui se feraient n'importe comment, de n'importe quelle façon selon les règles, quels seraient, à votre avis, les mécanismes, à cet égard-là, qu'il faudrait adopter ou qu'il faudrait mettre en place pour réduire, pour réduire la zone de non-connaissance ou d'ignorance et qui provoque ces réactions ou le développement de ces préjugés?

M. Chevrette (Guy): Bien, tout d'abord, prenons au niveau de la chasse et de la pêche, il est bien évident que la méconnaissance des codes de pratique... On dit que chaque nation, chaque communauté a son code de pratique. C'est méconnu de tout le monde. Quand je m'en vais à Fermont ou que je m'en vais ailleurs dans le Nord, on me dit: Il vient de passer deux pickups pleins de caribous. C'est de même qu'on se fait braquer ça par des citoyens. Puis ils sont 30 puis ils disent: Qu'est-ce que vous allez faire contre ça, là? Tu dis: C'est peut-être des chasseurs communautaires. Mais ils ne te croient pas. Mais ça pourrait être ça. Mais ce n'est pas connu, Innu Aitun, la pratique des activités ancestrales, des activités traditionnelles.

Il va falloir, à mon point de vue, que ces codes de pratiques soient connus de nos agents, tout comme les nôtres soient connus des agents autochtones. Et c'est pour ça que je parle de réciprocité. Sinon, je ne crois pas, personnellement, M. le ministre, que quelqu'un puisse contrôler des gens sur des territoires aussi immenses si les deux corps chargés du respect de la pérennité des espèces, en faveur de la conservation de la faune... Je crois que c'est de l'utopie sur le plan pratique. Ça peut être très beau sur le plan des principes, par écrit. Il faut un phénomène, un processus de réciprocité. Un fautif innu ou un fautif québécois qui dérogent à leurs règles, c'est deux fautifs qui méritent d'être sanctionnés. Ça, c'est ma conviction la plus profonde. On aurait beau dire: C'est sur papier, oui, oui, sur papier, puis la réalité dans des territoires aussi vastes nécessite une combinaison et une réciprocité des pouvoirs de chacun des groupes.

Quant à la perception d'iniquité, bien sûr la chasse et la pêche en est un bel exemple, on en a vu beaucoup, mais il y a également, vous savez, l'absence de régime fiscal. Quand c'est rendu que des jeunes nous demandent: Veux-tu que j'aille acheter ton paquet de cigarettes, il va te coûter moins cher si c'est moi? Pourquoi que cet argent-là ne serait pas versé à la communauté, comme on a fait dans le cas des Mohawks? Mais qu'on enlève des éléments qui créent cette perception d'iniquité.

J'en ai vu des vertes puis des pas mûres, d'autre part. Quand un Innu ne travaille pas, c'est un parasite puis, s'il travaille puis il réussit, c'est un profiteur. Il va falloir se brancher aussi. L'esprit entrepreneurial, par exemple, d'Essipit est exemplaire. C'est peut-être à nous de donner aux Escoumins, à ce moment-là, les moyens de compétitionner sur le plan du développement, d'avoir une concurrence correcte entre eux autres, une motivation, un challenge face au développement. Ils vont peut-être même créer des partenariats entre eux. Je pense qu'on a beaucoup à faire par rapport au régime fiscal, c'est évident. Il faut qu'ils se donnent un régime fiscal puis que ça fasse sauter ces perceptions d'iniquité totale, et l'iniquité, par exemple, dans le fonctionnement de l'occupation territoriale.

Jusqu'à vendredi, je ne vous aurais pas dit ce que je vais vous dire maintenant dans votre question. Jusqu'à vendredi, je lançais un appel aux autorités, aux leaders de la MRC des Sept-Rivières et au Conseil de bande de Uashat, parce que j'étais à même sur le territoire de voir énormément de campements sur du terrain privé, sur du terrain municipalisé, à différents endroits, mais je ne savais pas, je n'avais aucune preuve que c'était voulu, désiré, souhaité. Mais, depuis vendredi, au reportage de Sophie Langlois à Radio-Canada, c'est le chef lui-même, M. Pinette, qui a dit que c'était un mot d'ordre, d'occuper le territoire. Ça, c'est source de confrontation comme ce n'est pas possible. Un Québécois le ferait, je le dirais avec la même vigueur que je le dis aujourd'hui. C'est de la bonne foi dans les relations de nation à nation, et chacun doit y mettre du sien.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Trudel: Encore une fois aussi, franchise, ouverture. Et cet élément-là faisait partie des questions que j'avais à soulever, mais je pense que votre appel à la tolérance, à la prise en considération de l'autre, de part et d'autre, doit être entendu pour qu'on en arrive à une démonstration de bonne foi et qu'on donne une chance à la négociation et qu'on donne une chance à l'entente et au traité de naître et que les règles d'exercice des activités traditionnelles puissent se faire sur les territoires convenus en tenant compte des activités et des pratiques des autres. Je souhaite vivement, M. Chevrette, que le message que vous venez de lancer soit entendu, parce que, vous avez raison, on en a entendu, vous en avez vu et j'en ai vu pas mal du côté de la communauté Uashat, Sept-Îles, MRC Grande-Rivière, et tout ça ne contribue pas à un climat favorable à la conclusion d'une entente.

Un autre élément particulier de votre rapport ? ça file très rapidement et j'ai des collègues qui, évidemment des régions concernées, ont des questions. Vous recommandez très clairement que soit révisé le territoire considéré, parce que ce n'est pas un territoire, ce n'est pas le territoire signé, convenu dans le traité, le territoire où se pratiqueraient les activités traditionnelles Innu Aitun par la nation, suivant des règles et des règlements à établir. Vous recommandez que soient retirées la très grande partie, en fait, de l'île d'Anticosti et la partie sud-ouest, qui est actuellement à l'étude.

n (15 heures) n

Est-ce que vous pouvez nous indiquer les bases sur lesquelles vous nous amenez à cette réflexion, et cette conclusion surtout? Puisque, vous l'imaginez bien, l'ensemble de vos recommandations vont faire l'objet de prise en considération par le gouvernement et, éventuellement, d'indication aux négociateurs.

M. Chevrette (Guy): D'abord, je vous dirai, M. le ministre, que, quand on évalue l'acceptabilité sociale, on soupèse les compromis potentiels à faire pour y arriver, et c'est ce que j'ai fait dans le cas de l'île Anticosti.

D'abord, dans la perception populaire, Anticosti, ça a été, vous savez, aménagé, sur le plan faunique, par M. Meunier. Puis c'est lui qui a apporté le chevreuil, l'orignal, etc. Il n'y a pas de prédateurs. En tout cas, dans la perception et dans la croyance des Québécois, c'est M. Meunier. Les autochtones n'ont pas, à mon point de vue, ne peuvent pas avoir un droit ancestral sur la chasse au chevreuil à Anticosti. Donc, devant la perception qu'ont les gens de l'île, les Nord-côtiers, et devant le fait que la crédibilité populaire là-dessus, la croyance populaire, c'est que c'est M. Meunier qui l'a fait...

D'autant plus que, si vous remarquez la carte du Nitassinan, de Natashquan, et les pointillés, et ce n'était que pour fins de redevances, et les frais... Qu'est-ce que ça représente en milliers de dollars, les redevances, en comprenant l'île d'Anticosti? C'est 23 000 $. Je me disais à ce moment-là que... Pour l'acceptabilité sociale et faire en sorte qu'il y ait un effort de rapprochement, je me suis permis cette recommandation-là. Par contre, il y a des papiers qui existent puis qui peuvent être contradictoires. Il y en a qui disent: Oui, il y avait des prédateurs. Il s'est fait de la chasse à l'ours avant que M. Meunier arrive, et tout. Mais, comme ce n'était pas basé sur le droit, sur le titre comme tel, moi, je me suis dit que c'était un compromis heureux pour permettre aux populations... et je me suis dit que les Innus sont bien aussi intelligents que nous autres et qu'ils ne troqueraient pas l'accessoire pour l'essentiel.

M. Trudel: C'est extrêmement important ce que vous nous donnez comme élément pour la poursuite du travail vers un traité, c'est-à-dire cette approche de la reconnaissance et des éléments qui sont de nature à faciliter l'obtention du résultat. Parce que c'est aussi impressionnant ce que vous nous avez dit en termes de processus général, c'est que tout le monde, tous ceux que vous avez rencontrés très, très, très largement sont d'accord avec le fait qu'on doit négocier pour en arriver à un traité de paix et que l'on s'entende sur la façon d'exercer nos activités sur le territoire. Mais, en même temps, les maîtres mots recherchés par la population et les groupes concernés plus particulièrement, c'est la réciprocité, l'équité et la justice dans l'application des règles envers les uns et envers les autres.

Comment, M. Chevrette, on va en arriver à réconcilier... Dans l'une de vos recommandations, vous nous dites: À l'égard des territoires à statut particulier, les réserves écologiques, les zones d'exploitation contrôlée, tous les territoires dédiés avec des règles particulières, ce devrait être exclu, en termes de territoires, pour la pratique des activités ancestrales. Comment on va faire pour réconcilier ça avec les jugements des tribunaux qui nous disent que, précisément, les activités ancestrales auraient ? je le mets au conditionnel ? non pas préséance, mais s'appliquent aussi sur ces territoires pour lesquels nous nous sommes donné des règlements particuliers, une façon particulière de gérer? Comment vous envisagez cette réconciliation-là?

M. Chevrette (Guy): Il m'apparaît que ç'aurait pu être proposé par les Innus eux-mêmes, qui, partout où ils peuvent l'écrire... Ils ont le plus grand des soucis de la conservation des espèces, ça a été leur vie. Et, dans une réserve écologique, voyez-vous de la chasse permise? Pas moi. Dans les sanctuaires, ce n'est pas pour rien qu'on a pris des décisions de transformer un territoire en sanctuaire ou en réserve écologique. Ce n'est pas pour rien qu'on a, par exemple ? comment dirais-je, là? ? la question de la zone urbanisée des municipalités, c'est partout, ça. On empêche de plus en plus... Les municipalités ont même le pouvoir d'empêcher toute activité de chasse alentour des tissus urbanisés. Je ne crois pas que ça, ça crée un problème.

Je concilie ça de la façon suivante. Je suis pourvoyeur, je suis un pourvoyeur innu, ce sont mes intérêts. Que l'intérêt soit collectif ou individuel, à une pourvoirie innue ou à une pourvoirie québécoise, à droits exclusifs, c'est une propriété, un site sur lequel tu as obtenu des droits exclusifs puis que tu ne veux pas... Par exemple, la première semaine de chasse, tu as trois terrains de chasse sur ta pourvoirie, tu as vendu tes trois forfaits. Puis, au bout du premier territoire, tu en as cinq qui sont installés avec des fusils puis qui attendent l'orignal ou le chevreuil passer. Les gens retournent au shack, comme on dit: Rembourse-moi mon argent. Comment c'est arrivé de fois, ça, dans les réserves fauniques puis que c'est arrivé de fois dans certaines pourvoiries? Ça, c'est une source de confrontation.

Moi, je pense que l'ouverture que l'on fait pour avoir des pourvoiries à droits exclusifs aux Innus qui recevront la même garantie de protection qu'une pourvoirie québécoise à droits exclusifs, c'est ce qu'on appelle, ça, du gros bon sens. Moi, j'ai visité la pourvoirie de Roméo Saganash. J'ai été à la pêche à Jimmy, au lac en Coeur. On n'est pas surpris de voir respecter des quotas là non plus, de respecter des normes. Quand on me dit, au lac à Jimmy: Tu prends deux grosses truites, pas plus, dans ce lac-là, tu en prends deux puis tu t'en vas, tu vas pêcher la petite ailleurs. Pourquoi pas avoir des règles vis-à-vis les pourvoiries à droits exclusifs qui soient les mêmes pour les deux groupes, puisqu'on donne l'ouverture à des pourvoiries à droits exclusifs?

Quant aux zones d'exploitation contrôlée, ces pauvres bénévoles qui gèrent les zecs, à qui on demande de faire des plans de gestion et puis de se débrouiller avec de maigres pitances, qu'est-ce qu'on dit? On dit que, Innu ou Québécois, on doit respecter les plans de gestion, parce qu'on le fait pour la pérennité des espèces, et la pérennité des espèces est de responsabilité conjointe. Mais il y a même prépondérance des lois du Québec sur la pérennité des espèces quand vous lisez l'entente de principe. Je ne demande rien d'inacceptable aux Innus dans ça.

Et je pourrais continuer en prenant chaque thème. Mais, à mon point de vue, ce n'est pas là-dessus que les négociations doivent foirer si elles ont à foirer. J'espère au contraire qu'on va rapidement passer à beaucoup plus essentiel que cela: toute l'autonomie gouvernementale, toute la question de la participation réelle au développement. Parce que cette jeunesse qui pousse, de 15 ans et moins, là, 35 % d'une communauté, 15 ans et moins, qui sera sur le marché du travail dans cinq ans, si on n'a pas créé d'emplois, si on n'a pas créé des opportunités d'emplois, si on n'a pas favorisé du développement économique...

Vous êtes du monde de l'éducation, M. le ministre, puis il y en a d'autres ici, autour de la table aussi, et vous savez qu'est-ce que ça veut dire ça, une jeunesse de 15 ans et moins qui aboutira très prochainement hors de l'école avec aucune perspective d'emploi, aucune perspective de réaliser le rêve de leur vie dans lequel ils ont étudié, etc. Moi, en tout cas, je ne pense pas que ce soit l'exclusion d'un territoire pour la pérennité des espèces qui doit accaparer les forces vives des négociateurs d'ici quelques mois. Il y a bien d'autres choses de bien importants puis de très urgents.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, je vous signale que vos collègues veulent intervenir.

M. Trudel: Merci. 21, Les redevances, je suis aussi très d'accord avec cela au niveau régional.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Frontenac.

n (15 h 10) n

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Chevrette, à la commission. Félicitations encore une fois pour votre travail. Alors, le député indépendant de Louis-Hébert, ce matin, parlait de ses origines. Alors, moi aussi, je peux bien parler des miennes. Je suis originaire de Tadoussac, évidemment au coeur des premiers postes de traite en Amérique. Alors, j'ai eu l'occasion de côtoyer les autochtones.

Vous avez raison quand on parle d'entente, d'encadrement d'activités, de protection de droits. Mais, vous savez, en lisant ce matin certains mémoires... puis certains individus, on est très sévères envers certaines nations autochtones. Et j'ai ici en main... Ce matin, j'ai lu le mémoire du Comité des citoyens des Escoumins, je prends l'exemple parce que vous en avez parlé tout à l'heure, concernant les premières nations d'Essipit. Alors, on parle effectivement d'une situation spéciale à cet endroit. On parle de concurrence déloyale, vous l'avez mentionnée tout à l'heure. On parle de chômage, vous avez dit qu'à certains endroits on était à 45 puis 66 % de chômage. Semble-t-il que, dans le mémoire du Comité des citoyens, alors ce n'est pas le cas pour ce milieu-là. On parle de perte de terrains, toujours... et, quand je dis «on», c'est le Comité ? évidemment, ça ne veut pas dire que je suis nécessairement d'accord. Et on dit que, si cette entente-là est signée, alors la communauté va s'enrichir encore plus qu'elle l'est actuellement.

C'est une question très simple, elle n'est pas technique ni juridique: Est-ce que vous croyez que, même après une signature de l'entente, on pourra réussir à vivre en harmonie, les peuples des Escoumins et aussi des premières nations, Essipit? Ça, c'est ma première question.

M. Chevrette (Guy): Je ne peux pas garantir que ça fera plus d'harmonie, mais je peux vous dire que, si on n'essaie rien, on est sûrs que ça va être pareil comme c'est là. Donc, il faut essayer quelque chose, ça je suis convaincu de cela. Puis je pense que ce que je vous recommande, bien humblement, c'est de permettre, avec un fonds, à la communauté québécoise d'être capable de suivre le rythme du développement de la communauté autochtone. Puis, s'ils peuvent établir des partenariats en plus de ça, les deux ensemble, je suis convaincu qu'ils ne se verront pas comme des rivaux mais comme des gens qui se côtoient, qui ont à coeur de développer leur coin de région. Et moi, je suis convaincu que c'est au moins un essai raisonnable à faire.

On ne peut jamais garantir, on ne peut jamais, jamais garantir que ce sera l'harmonie parfaite. Comme il n'y a aucun Innu qui peut me dire demain matin que ça va arrêter, les pratiques anarchiques. Comme, moi, je ne suis pas capable de garantir aux Innus qu'il n'y aura pas de braconnage chez les Blancs. Il va y en avoir des deux bords. Mais, si nos règles sont connues de nos agents de conservation, s'il y a des pouvoirs coercitifs au bout, on a des chances bien sûr d'établir la crédibilité des deux nations puis de faire en sorte de tirer dans le même sens. Et je crois qu'on a plus de chances de succès que si on ne fait rien du tout et que si, au contraire, on laisse aller à la dérive, ce qu'on fait présentement. Je pense qu'on manquerait une maudite bonne occasion de faire quelque chose.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Frontenac, rapidement.

M. Boulianne: Oui. Alors, vous avez parlé d'un fonds. Vous avez parlé aussi de partenariats. Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus un peu?

M. Chevrette (Guy): Le partenariat, il y a une foule de projets conjoints. Le maire de Roberval va venir vous en parler, de un, là. Les Escoumins, il y a eu déjà des propositions de partenariats: il y a des parcs industriels à être développés conjointement; Il y a peut-être des activités maritimes à développer conjointement; Il y a peut-être des sites historiques à développer conjointement. Si on met, de part et d'autre, nos deniers ensemble, on a plus de chances de partir un projet, on a plus de chances de créer de l'emploi à court terme, on a plus de chances de répondre aux besoins de main-d'oeuvre. J'ai parlé beaucoup des jeunes Innus, mais je peux vous dire que, dans les régions comme le Saguenay?Lac-Saint-Jean puis la Côte-Nord, il faut aussi créer des emplois pour la jeunesse qui quitte les régions, notre jeunesse québécoise qui quitte les régions. Donc, on a avantage à unir et à combiner nos forces pour faire en sorte que les deux communautés soient gagnantes-gagnantes dans ça.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Duplessis.

M. Duguay: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Chevrette, merci également de l'information que vous nous avez transmise. Moi, j'ai eu l'occasion de faire la tournée, de vous accompagner dans toutes les rencontres, et, peut-être pour le bénéfice de la commission, le milieu politique était présent. Parce que j'ai participé à toutes les rencontres, je suis à même de constater les efforts que vous avez déployés pour essayer de cerner ce qu'on vivait sur cet immense territoire. Vous avez fait référence bien sûr à ce qu'on vivait autant dans le secteur de Caniapiscau qu'en Basse-Côte-Nord, et c'est sûr que le milieu a eu l'occasion de vous sensibiliser. Même si vous connaissiez très bien ce milieu-là, on a réalisé ensemble qu'il y avait des particularités sur lesquelles on aurait avantage à clarifier plus l'entente.

Et je suis également très heureux de... Quand j'ai pris connaissance des 33 recommandations qu'il y avait sur la table, il y en a une dont le ministre a fait référence tout à l'heure... Toute la question de l'île Anticosti, alors, pour moi, c'est fondamental, et également d'autres situations vécues sur le territoire, notamment celui de Natashquan. Alors, j'en profite également pour remercier la contribution de Richard Malec qui joue un rôle important ? alors, Richard bien sûr, aujourd'hui, il est ici présent. Et, du côté de Natashquan, vous avez pris connaissance aussi qu'il y avait des ententes qui se signaient entre la communauté québécoise et la communauté innue, et ça s'est expérimenté également au niveau de Moisie où la communauté innue et la communauté québécoise ont signé une entente de protection sur la rivière Moisie.

Cependant, il y a peut-être un élément qui, en tout cas, pour moi, est important, c'est que dans votre rapport vous avez fait référence à un mécanisme qui pourrait être mis en place pour les communautés qui ne sont pas aux tables et, sur cette partie-là, c'est bien évident que... Je ne sais pas si vous avez un mécanisme en mémoire, mais j'apprécierais beaucoup qu'on puisse le regarder. Parce que, au sein des discussions qu'on aura au sein de notre commission, il est bien entendu que, à partir des recommandations que vous nous avez soumises, on aura l'opportunité de les creuser un petit peu plus. Cependant, sur ce volet-là, je serais anxieux de vous entendre, compte tenu de votre expérience antérieure et également de la tournée que vous avez faite, notamment en Côte-Nord et au Saguenay?Lac-Saint-Jean.

M. Chevrette (Guy): Écoutez, ce n'est pas la première fois que cette question m'est posée, mais je vais répondre non pas à partir de ce que j'ai entendu, mais à partir de ma conviction très personnelle.

Je ne peux concevoir qu'on négocie de nation à nation puis qu'on se ramasse avec une avalanche de traités. Quand on négocie de nation à nation, c'est un traité pour la nation, c'est-à-dire un traité qui lie les deux nations. C'est ma perception personnelle. Sauf qu'on doit respecter le rythme de ceux qui négocient. Ils ne sont pas tous au même point, il y en a qui n'ont pas commencé. Et je pense que le traité qui se signerait avec une majorité des... qui représente une majorité de population, en tout cas, je pense, devrait laisser une porte ouverte pour que ceux qui ont un rythme différent puissent adhérer, avec l'opportunité aussi ? et je l'ai dit tantôt en réponse au ministre ? de négocier des spécificités. Et ça, je pense que, en négociation, on appelait ça des clauses-remorques, mais moi, je trouve que c'est... remorque... On n'est pas dans une clause-remorque d'avantages de convention collective, on est plutôt dans une ouverture d'adhésion à un traité, avec la possibilité de négocier les spécificités. Ça m'apparaît être sage de le prévoir immédiatement, pour bien démontrer que la porte est ouverte à toute communauté qui veut y entrer puis qu'il y aura même des opportunités de négocier des choses qui leur sont propres, des spécificités qu'ils ont.

Le Président (M. Lachance): M. Chevrette, avant de passer au porte-parole de l'opposition officielle, je vais suspendre les travaux pendant deux minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 18)

 

(Reprise à 15 h 22)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite les personnes à bien vouloir s'asseoir, nous allons poursuivre nos travaux. Alors, la commission poursuit ses travaux.

Avant de laisser la parole au porte-parole de l'opposition officielle, le député de Jacques-Cartier, je veux faire une mise au point, c'est que les groupes qui ont demandé à être entendus et qui ne peuvent pas l'être, qui n'ont pas été cédulés pour être entendus cette semaine, le seront ultérieurement. Ils seront avisés du moment où ils pourront venir en commission parlementaire à une date ultérieure, qui leur sera communiquée dans les meilleurs délais. Alors, c'est l'information que je devais vous transmettre maintenant. Alors, M. le député de Jacques-Cartier, vous avez la parole.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue à M. Chevrette, et pour le travail qu'il a mis ici en essayant de mettre au clair le processus. Mais je pense qu'on a un processus qui, même dans le rapport de M. Chevrette, laissait à désirer, j'ai des questions pour mieux comprendre où on s'en va à partir de ce rapport. Parce que, et c'est le message que j'ai essayé, comme porte-parole de l'opposition, de livrer au ministre du gouvernement de temps en temps, l'opposition officielle a raison. Nous avons plaidé à maintes reprises pour la transparence, qu'il faut redoubler les efforts pour garder les populations concernées dans le coup.

Et la raison que nous sommes ici aujourd'hui: c'est un échec ? on a le ministre et l'ancien ministre, je laisse entre vous deux de porter l'odieux et le blâme pour l'affaire. Mais il y a un problème ici. Et qu'est-ce qu'on cherche jusqu'à la fin de la commission parlementaire? On a toujours 80 groupes qu'il faut entendre avant de tirer nos propres conclusions. Mais je réitère mes commentaires de ce matin, que c'est malheureux qu'on a le rapport après avoir vu les trois négociateurs, parce qu'il y a beaucoup d'hypothèses de travail ici. Mais j'aimerais savoir... Parce que, selon M. Bernard ce matin, il a dit: Il faut passer à la prochaine étape, on va signer l'entente de principe. Toutes les choses qui sont mentionnées dans les critiques qui sont de la population sont des choses qu'on va regarder soit via les ententes complémentaires soit via d'autres méthodes à l'intérieur du processus.

Maintenant, si j'ai bien compris, on a 33 recommandations qui sont déposées aujourd'hui. À la page 26 du document, on dit: «Au terme de ma réflexion, je recommande l'acceptation de la proposition d'entente de principe d'ordre général et ? de ? la négociation d'un traité juste et équitable sur la base des correctifs énoncés dans le présent rapport.»

Alors, c'est le dernier bout de phrase que j'essaie de comprendre ici, parce que, parmi vos 33 recommandations, il y a des choses qui sont de nature incontournable. Moi, je pense que tout le monde a dit que la mécanique de consultation des autres groupes, des populations concernées... Soit les zecs, les pourvoiries, l'Association des chasseurs, pêcheurs, etc., je pense que, presque dans l'ensemble des mémoires que nous allons écouter, il y a la question de la mécanique. On va poser des questions, plus loin, sur comment vous avez proposé de le faire, mais moi, je vois ça, c'est parmi vos recommandations, incontournable. Moi, je ne me vois pas continuer dans une veine qui a déjà fait un échec. Alors, il faut trouver un moyen pas trop complexe, pas trop lourd, mais quand même qu'on peut aller de l'avant.

Par contre, il y a d'autres choses que j'aimerais savoir le son de cloche, soit: les Innus, sur la question d'Anticosti. Ce n'est pas important, ça, c'est votre opinion à vous, M. Chevrette. Mais c'est quelque chose que j'aimerais savoir, qu'est-ce que M. Kurtness, au nom des personnes qui ont négocié ça... Comment ils vont réagir à ces genres de propositions?

Alors, parmi les 33, est-ce qu'il y en a certaines qu'on peut dire qu'elles sont incontournables maintenant, que, avant de procéder à la prochaine étape, ça, c'est les choses qu'il faut régler? Et est-ce qu'il y a d'autres choses... Les propositions notamment sur comment les agents de la faune vont fonctionner, qui va appliquer quelles lois, ça, c'est d'ordre beaucoup plus technique et peut-être que ce n'est pas incontournable de solutionner ça préalablement. Mais, parmi les prochaines rondes, il y a des pistes de solution peut-être qu'il faut tester pour voir si ça peut fonctionner ou non.

Alors, peut-être, ma première question... Au lieu de simplifier le processus, on a maintenant le négociateur en chef du gouvernement du Québec, on a le ministre et on a le mandataire, et j'essaie de voir comment, de tout ça, on va clarifier et simplifier le processus à venir.

M. Chevrette (Guy): Donc, d'abord, je me permets de corriger: je n'ai pas dit que ce n'était pas important, l'Île Anticosti. Je m'excuse, j'ai plutôt dit que c'était peut-être un heureux compromis dans les circonstances, compte tenu des croyances d'un groupe par rapport à l'autre. Donc, je veux rectifier, parce que j'ai gardé l'habitude de ne pas laisser interpréter faussement mes paroles. Deuxièmement. Je voudrais vous dire que c'est parce qu'on ne comprend pas la dynamique, à mon point de vue, quand vous parlez de propositions essentielles et non essentielles. Et voici la réponse que je vous donne.

La majorité des recommandations que vous avez là sont reliées à la négociation future à conduire au niveau des ententes complémentaires. Les deux seules recommandations qui touchent le contenu de la proposition de l'entente de principe, c'est le correctif à Innu Assi et le correctif du Nitassinan. Et à mon point de vue, et c'est pour ça que je n'hésite pas plus à recommander l'acceptation de l'entente de principe, sous réserve des correctifs, c'est parce qu'elle n'a pas de portée juridique actuelle, la proposition d'entente de principe, que je suis convaincu qu'on est capables, d'ici la signature du traité, de corriger ces quelques correctifs au niveau de l'Innu Assi et du Nitassinan et d'enclencher au plus vite la négociation des ententes complémentaires.

Et là vous retrouvez des balises à la négociation complémentaire. Si on veut... C'est mon humble point de vue, je peux être complètement dans l'erreur, mais, à mon point de vue, ce sont des sujets sur lesquels on devra tenir compte lorsqu'on va négocier les ententes complémentaires. Je donne les balises, d'une certaine façon, au gouvernement, qui, lui, a à mandater son négociateur. Mais je le dis parce que je veux refléter... Je ne peux pas avoir été écouter des gens puis ne pas relater ici ce que j'ai entendu. D'autant plus qu'à mon point de vue, à mon point de vue, ce que j'ai entendu entre dans le cadre du gros bon sens les trois quarts du temps, que je parle de pourvoiries, que je parle de zecs, que je parle de l'application, par exemple, du jugement Côté qui dit que tout le monde paie son droit de passage dans les zecs, bon, bien, ça va du gros bon sens, c'est un jugement qui n'a pas été contesté par la suite.

Donc, je pense que le député de Jacques-Cartier a raison de dire que la majorité des propositions, c'est plutôt pour la négociation à venir. Et le gouvernement a donc à faire son lit pour donner un mandat à son négociateur, qui est M. Louis Bernard en l'occurrence, pour dire: On retient les recommandations 7, 8, 9; ou bien on retient... on n'en retient pas une puis tu continues à négocier; ou encore on entérine tout de suite l'entente de principe en leur demandant de corriger le Nitassinan et l'Innu Assi, tel que suggéré dans le rapport du mandataire.

n(15 h 30)n

Ce n'est pas à moi à prendre la décision, mais je vous dis qu'il ne faut pas dire à ce stade-ci que la majorité... Au contraire, la majorité de mes recommandations le sont beaucoup plus en fonction des ententes complémentaires à être négociées parce que j'ai observé... Et il y en a, des témoins, ici... et même le député de Roberval qui a assisté à quelques-unes de mes rencontres également avec les citoyens peut témoigner que les inquiétudes sont beaucoup plus, les appréhensions, les craintes sont beaucoup plus au niveau de la chasse, de la pêche et de toutes les négociations à venir que celle qui est négociée présentement.

M. Kelley: Et j'accepte et je veux juste... C'était la citation dans la conclusion du rapport. Et vous avez dit: Sur la base des correctifs énoncés dans le présent rapport... J'ai lu ça très rapidement et peut-être que c'est moi qui n'ai pas bien compris, mais je pense qu'il faut être clair que la plupart des choses qui sont suggérées ici ne sont pas les énoncés qu'il faut faire dès maintenant avant de procéder à la prochaine étape.

Et c'est juste pour bien situer le... parce qu'il y a des recommandations qui sont très détaillées et il y a d'autres qui sont de l'ordre très général. Alors, j'essaie de les mettre dans la bonne place parce que... et de s'assurer lesquelles sont les choses qui sont les préconditions ou les préalables pour la prochaine ronde de négociations et sur quoi, les choses qu'il faut mettre. Et, en lisant le rapport, quand vous avez dit: Les correctifs énoncés dans le présent rapport, ça peut nous amener à croire que c'est plusieurs des 33 recommandations. Alors, merci pour la précision.

J'ai posé la question ce matin et je veux revenir. On n'a pas eu l'occasion encore de tester votre hypothèse de travail pour le mécanisme de consultations, mais vous êtes un négociateur de longue date dans vos vies antérieures, soit comme ministre ou même avant votre entrée dans la vie politique. Il y a une obligation de résultat aussi. Je pense que tout le monde a dit: Après 22 ans, 23 ans, les efforts qui ont été faits par le Conseil Attikamek-Montagnais, par les trois tables de négociations qui sont devenues quatre, qui sont devenues... C'est une longue histoire qui est bien... Dans la mémoire de Mamuitun, il y a toute une histoire de les négociations qui...

C'est long à lire, mais je pense ça nous amène à une certaine, comme je dis, obligation de résultat. Et je comprends votre point de vue qu'un mécanisme est incontournable. Pour le succès, pour une Approche commune, commune, il faut avoir un mécanisme de consultation. Mais je me demande, est-ce que c'est le plus simple possible? Est-ce que c'est le plus léger possible? Parce que ma seule crainte, que si on va créer plutôt qu'une table, avoir une table centrale de négociations à laquelle on va greffer un autre genre de table, et, en découlant de cette table, les petites tables sectorielles, ma crainte: c'est complexe. Mais vous avez réfléchi à ça; nous allons tester votre hypothèse auprès des autres groupes. Mais il n'y a pas de moyens de simplifier ça? C'est incontournable d'avoir un mécanisme tel que présenté dans le rapport.

M. Chevrette (Guy): Mais je pense qu'il n'est pas complexe, le mécanisme, et je vais essayer de le réexpliquer peut-être dans d'autres mots que ceux... lesquels j'ai utilisés pour écrire.

C'est tellement simple, à mon point de vue, que je suggère, je recommande un adjoint au négociateur. C'est parce que je ne veux pas ralentir la négo. L'adjoint au négociateur, c'est lui qui va faire la navette entre les groupes, par exemple, faune et villégiature. Et puis ça, ça ne retardera pas, il va pouvoir être en contact plus facile. Les gens de la table sectorielle faune, si on négocie sur la faune, ils vont donner leur point de vue puis ils vont dire: Bien la proposition est trop complexe, on voudrait quelque chose de plus simple, justement. Puis ils vont ramener ça à la table puis... J'ai même marqué «au besoin», si vous avez remarqué, au besoin, que les trois négociateurs aillent même aux tables. C'est bien écrit dans le rapport pour ceux qui ont eu la chance... Je dois comprendre que vous n'avez pas eu le temps de décortiquer tout le rapport, peut-être?

Mais je le marque même, que les trois négociateurs devraient peut-être aller même aux tables et, à certaines occasions, je suis loin d'être certain que la table forêts n'y sera pas ensemble avec la table faune quand il s'agit de discuter de lignes de trappe ou de pêche ou de chasse par rapport aux droits de coupe. Vous le savez, ça. Il y a des sujets qui sont connexes peut-être à deux tables puis peut-être à trois, même, à certains moments.

Donc, le plus de souplesse possible, en ajoutant un adjoint au négociateur en chef pour qu'il puisse faire justement le pont entre les organismes représentatifs qui seront choisis en région, probablement par les pairs. J'espère qu'on va dire aux préfets: nommez-vous-en trois, aux chasseurs, aux pêcheurs: nommez-vous-en trois, etc., que ça vienne du milieu et qu'ils n'aient pas cette perception ou cette vision que c'est quelque chose qui est désiré exclusivement par une personne ou deux dans une région. Mais, à mon point de vue, c'est un mécanisme qui permet, en tout cas, aux gens, directement, d'être représentés par la voie de représentants qui, eux, peuvent retourner devant leurs commettants.

Plus simple que ça, je ne sais pas comment il faudrait fonctionner. Il faudrait fonctionner en disant: Bien, le négociateur négocie puis, quand il juge que c'est le temps qu'il convoque une assemblée, puis aller leur dire. Il ne faut pas avoir vécu les assemblées d'information du printemps où certains animateurs ont accaparé le micro puis ils ont fait un show. Je ne pense pas qu'on soit à l'heure du spectacle dans ce domaine-là. C'est trop sérieux, une négociation d'un traité qui vient établir des relations harmonieuses entre deux nations vivant, en plus de ça, côte à côte sur un territoire, exerçant des droits distincts. Je pense que c'est assez sérieux pour que ça se fasse de la façon la plus appropriée possible pour une communauté.

Je comprends que les Innus peuvent avoir un mode de consultation très différent qui leur est propre, mais, moi, je respecte ça, comme eux doivent respecter, je pense, le mécanisme qu'on se donne pour permettre à plus de gens possible de suivre la négociation. Et quand on arrive à l'échéance, il n'y a plus de surprise, il n'y en a pas un qui se lève pour sanctionner ça puis qui demande tel ou tel mécanisme, vous savez ce que je veux dire. J'attends juste les questions pour y répondre d'ailleurs.

M. Kelley: Je comprends la priorité que M. Chevrette a donné à la question chasse et pêche. Dans plusieurs des mémoires, dans plusieurs des articles qui étaient écrits dans les journaux, c'est effectivement un point de litige qui est très important. Et vous avez, dans le rapport, si j'ai bien compris, proposé que les agents des uns peuvent appliquer les lois des autres. Ce serait beaucoup plus facile s'il n'y a pas grande divergence entre l'ensemble des lois et règlements, si j'ai bien compris, parce que, si les agents vont appliquer, les uns, les autres, d'avoir des règles de jeu qui sont assez similaires, comprises par tout le monde, serait souhaitable.

Alors, je sais que vous pouvez expliquer ce point parce que je comprends son importance dans l'opinion publique, et il y a beaucoup d'inquiétude quant à l'avenir des pourvoiries, des camps de pêche. Ça, c'est les choses qui sont entrées dans les moeurs dans les régions concernées. Mais comment vous voyez, si vous pouvez expliquer davantage, le rôle de ces agents de la faune quant à la conservation et l'application des lois et règlements concernés?

M. Chevrette (Guy): Bon, tout d'abord, je n'ai pas dit ? puis je sais que ce n'est pas ça que vous dites non plus ? que les règles du jeu sont exactement les mêmes parce que, dès que les tribunaux ont reconnu des droits, il s'agit d'en négocier la portée, les limites, l'encadrement, la façon d'exercer ce droit. Mais je disais tantôt que chaque communauté a un code de pratique. Et selon les informations que j'ai, ils se ressemblent quand même passablement, les codes de pratique. Mais qu'un agent de la faune québécois ait en main un code de pratique innu et nos règlements, et que l'inverse soit aussi vrai: qu'un Innu, agent innu, ait un code de pratique innu puis un règlement de chasse pour nous, il est capable de l'appliquer. Sinon, je vous ai dit tantôt ? j'ai utilisé peut-être un mot fort ? j'ai dit que c'est quasi utopique de penser qu'un agent innu peut, avec les maigres ressources actuelles... Puis tant qu'ils n'auront pas une autonomie financière, je ne vois pas comment ils vont pouvoir appliquer, sur la grandeur de ces territoires, une loi exclusivement aux Innus.

Je dis qu'un fautif, qu'il soit Innu ou Québécois, mérite une section, mérite qu'on lui décerne une contravention, et, pour ce faire de la façon la plus efficace, c'est d'avoir la réciprocité. Je suis convaincu de cela. Et ça augmente de façon substantielle la protection de la faune. On ne peut pas se gargariser de protection de la faune puis ne pas prendre les moyens pour la conserver. Un individu qui pêcherait au filet, qui n'est pas autorisé... Par exemple, prenons la Moisie, c'est six filets ? je vous donne un exemple ? mettons que c'est six filets, il y en a un huitième d'installé à l'encontre de sa communauté et puis il est arrêté. Puis s'il n'y a pas un agent de conservation innu, on va le laisser pêcher le septième filet parce que l'agent n'est pas innu alors que l'agent sait que c'est six filets qui sont permis, par exemple, sur la rivière?

n(15 h 40)n

Moi, je pense que la seule façon efficace, c'est une clause de réciprocité où, de part et d'autre, on arrête nos délinquants ou nos contrevenants. Et là, je pense qu'on fait oeuvre utile en faveur de la conservation de la faune puis de la protection de la pérennité des espèces. C'est ça que je veux dire tout simplement parce que, si chacun administre sa case sur un territoire de 200 ou de 300 000 km², il y a des agents qui vont avoir la langue longue à courir après leurs délinquants et puis le braconnage va continuer de plus belle. Moi, je pense qu'il faut combiner les efforts sur un territoire, et ça, ce n'est pas une question de parler ex cathedra, c'est une question de gros bon sens.

M. Kelley: Un autre dossier délicat. Vous avez soulevé, et je pense que c'est à la recommandation 127, un avis de prudence quant à la discrimination productive dans l'emploi, qui est toujours un point toujours très sensible. Et on en a fait le débat, même à l'intérieur de notre propre fonction publique québécoise, à quel point est-ce qu'on incite à avoir une fonction publique québécoise qui est au reflet de l'ensemble de la société québécoise et à quel point... comme les Américains qui sont très forts sur les cotas. Alors, on a une tendance ici, au Québec, à résister aux vraies discriminations productives. Mais vous avez même dit, dans votre présentation, que les deux tiers des personnes aptes aux emplois dans ces communautés sont au chômage.

Juste inciter, est-ce que les moyens autres seront suffisants pour répondre au défi de la création d'emplois? Parce que, pour moi, étant donné la jeunesse de la communauté innue, ça presse, ça urge. C'est peut-être le coeur même de l'urgence d'agir dans ce dossier. Et est-ce que d'inciter, ça va être suffisant? Moi, je ne suis pas un grand «proponent» des discriminations, des cotas et tout le reste; cela pose beaucoup de problèmes. Par contre, je regarde chez les Inuits, la Société d'habitation du Québec et les autres ont insisté, ont demandé qu'un certain pourcentage des emplois soient réservés. Je pense que c'est le même cas à la mine Raglan par exemple, qui a donné des résultats, aujourd'hui, qui sont intéressants. Ça a pris du temps, mais on a mis certains pourcentages. Alors, je veux aussi que vous m'expliquiez davantage cette recommandation parce que je vois les deux côtés de la médaille; je n'ai pas d'idée fixe à cette question sauf qu'il faut créer des emplois, surtout pour les jeunes Innus.

M. Chevrette (Guy): Non. Vous avez raison, j'y suis allé avec le bout des doigts et le bout des pieds pour les motifs suivants. C'est parce que j'ai... je ne sais pas si c'est devant les journalistes ou si c'est ici que j'ai dit cela, mais on n'a pas un portrait identique d'une communauté à l'autre au niveau du chômage. Vous avez Essipit qui ont 100 emplois pour la communauté québécoise puis il y en a d'autres qui ont 70 % de chômage. Donc, je dis oui à la discrimination positive parce que c'est ça que vous touchez. Moi, je suis favorable, puis je me le suis bien fait expliquer parce que ça a créé un tollé, je ne me souviens pas si c'était aux Escoumins: En plus de ça, vous parlez de discrimination positive. Bien oui, mais quand tu as 70 % de chômage, tu dois chercher à discriminer positivement ces communautés le plus durement touchées, d'autant plus que la discrimination positive est permise jusqu'au moment où on atteint le seuil comparable d'une autre communauté, donc, selon les chartes québécoises et canadiennes.

Donc, à partir de là, oui, mais n'oublions pas que, dans certains milieux, il y a aussi un exode de jeunes puis qu'on doit se soucier de l'emploi en général. C'est pour ça que j'accorde même un fonds, que vous avez marqué en termes de recommandations, aux communautés québécoises voisines. J'essaie toujours, au niveau de mes propos, d'atteindre un équilibre, la plus grande harmonie possible, parce que, qu'on le veuille ou pas, on est des humains puis on se compare. On se compare. Puis, quand tu y vas trop fort d'un côté, c'est là que le déséquilibre commence à créer des tensions entre les communautés. J'ai essayé, autant à cette recommandation-là qu'à d'autres, de chercher cet équilibre parce que plusieurs sont venus me dire: Notre jeunesse québécoise, dans nos milieux, qui s'instruit, elle aussi malheureusement recherche l'emploi à l'extérieur. Donc, toutes proportions gardées, oui à la discrimination positive, mais tenir compte aussi du facteur de l'exode des jeunes dans les régions dites... comme le Saguenay?Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. M. Chevrette, depuis qu'on se parle ici, j'essaie de situer le rapport dans la suite des choses quant à son impact, quant à son mérite, si vous voulez, pour arriver à ce qu'on disait tous est nécessaire, un règlement, une entente signée. Et moi, je pense que ça a le mérite, honnêtement, là, ça a le mérite de mettre, de façon officielle, sur la table, des préoccupations. Je vais vous dire que je trouve que ça a le défaut de présenter des solutions tranchées quant à ces situations, des fois.

Et je pense que si on est ici, c'est parce qu'on a manqué quelque part le bateau puis on essaie de le rattraper, on essaie de corriger les choses. On a manqué le bateau dans le sens qu'on n'a pas fait cheminer correctement toutes les personnes concernées pour que tous se sentent parties prenantes et gagnants au bout de la ligne. Et là, il y a eu des paniques, il y a eu des réactions assez virulentes, assez tranchées, etc. Et vous avez réussi à mettre sur la table, de façon très correcte, les préoccupations légitimes d'une bonne partie de la population.

Je ne suis pas certain que de les présenter comme des correctifs quant à la suite des choses... et c'est comme ça que, je pense, le mot que vous utilisez: il faut négocier avec en tenant compte de ces correctifs nécessaires qu'on va faciliter la négociation par la suite.

Moi, je pense qu'on aurait peut-être avantage de beaucoup plus insister, et vous avez fait un élément majeur dans votre rapport sur le processus de négociation qu'on doit corriger. Et je pense que je suis avec vous quand vous recommandez la création d'une table régionale, d'une table sectorielle, etc., pour que justement les préoccupations que les gens ont dans chacun de ces éléments puissent être prises en compte par les négociateurs et, surtout, par les négociateurs du Québec finalement. Ce n'est pas aux autochtones de se préoccuper de ce que les citoyens québécois réclament de leur gouvernement, c'est aux autochtones de négocier pour leur population à partir des droits qui existent.

Alors, et vous l'avez présenté également, je pense, en disant... un préalable... pas un préalable, mais un correctif à l'entente. Vous en avez deux, là, vous avez parlé de Nitassinan puis les territoires des réserves existantes. Mais si vous aviez à revenir sur votre... et m'en donner une chose que le gouvernement devrait faire pour qu'on puisse régler le dossier et arriver à une entente finale, est-ce que vous les mettez toutes ensemble ou est-ce que, effectivement, comme moi, vous voyez un peu que le processus de négociation prime et laissons les négociateurs par la suite arriver, chacun en tenant compte de leurs commettants, faire les compromis nécessaires?

Parce que je peux prendre chacune de vos recommandations puis essayer d'argumenter avec vous. Je regarde la recommandation 22, je diffère d'opinion avec vous, je suis sûr qu'il y en a d'autres qui diffèrent d'opinion, ça, c'est l'autonomie gouvernementale, le troisièmement du gouvernement. Bon.

Est-ce qu'il faut qu'on aille dans le détail de ces recommandations-là ou est-ce qu'il faudrait plutôt se concentrer sur un processus qui va correctement permettre l'émergence de toutes ces préoccupations et donner un processus qui va résulter à une solution avec des compromis acceptables?

M. Chevrette (Guy): Tout d'abord, je vais partir de la recommandation 22 très brièvement. Ce n'est pas d'aujourd'hui, là, c'était écrit dans le premier mémoire déposé au Conseil des ministres il y a je ne sais pas combien d'années. Ce n'est qu'une répétition des mémoires successifs.

Mais, ceci dit, allons au coeur de votre question qui était le rapport dans la suite des choses. Le rapport dans la suite des choses, vous ne pouvez pas nommer un mandataire qui s'en va écouter des gens puis qui se fait dire à coeur de jour par des dizaines de groupes, puis demander à ce mandataire-là de se taire sur ce qu'il a entendu puis ce qu'il croit. Personnellement, j'ai peut-être erré, mais j'ai erré au niveau de ma conscience, à ce moment-là. Parce que pour moi, en conscience, je me devais de rappeler, de rappeler aux parlementaires ce que j'avais entendu du monde. Quand tu demandes à un mandataire d'aller écouter puis de faire rapport, bien, j'ai écouté, puis c'est ce que j'ai entendu. Je n'ai pas tout fait les recommandations que j'ai entendues, il y en a qui voulaient qu'on retourne devant les tribunaux. Tu sais, comme si on voulait se faire rebatter additionnel.

n(15 h 50)n

Donc, il y en a d'autres qui voulaient qu'on ne négocie plus. Les politiciens ? tout le monde ? vous devez disparaître. Ce serait les gens de la rue qui négocient. Voyons. Tu sais, dans une démocratie, il y a toujours des gens qui sont soumis au ballottage aux quatre ans mais qui doivent gérer les affaires publiques. Mais, ça, on en a entendu des vertes puis des pas mûres. Mais, ceci dit, la constance de ce que j'ai entendu, vous le retrouvez dans le rapport.

Et quand je croyais personnellement que ça avait du sens, ça tombait sous le sens... Je connais assez bien la chasse, la pêche, pour avoir été à deux reprises ministre de la Chasse et de la Pêche, je connais assez bien le terrain: j'ai fréquenté à la fois des pourvoiries autochtones et des pourvoiries québécoises, puis, je connais assez bien aussi l'ensemble du fonctionnement de la SEPAQ, de la FAPAQ pour en avoir été responsable pendant des temps. Et je me croyais ? peut-être à tort, je ne le sais pas, c'est à vous de juger ? en droit de relater, comme mandataire, ce que je croyais être les pistes de réflexion d'avenir.

Ça ne dispose pas du contenu des ententes complémentaires mais ça indique que, si on recherche véritablement l'acceptabilité sociale de ces ententes et de ce traité global, on doit, au moins, tenir compte de ce que j'ai entendu. Et faire fi de ce que j'ai entendu, si jamais je ne vous l'avais pas dit ici, je me sentirais coupable, je dirais: Je n'ai pas rempli mon mandat.

Le Président (M. Lachance): ...M. Chevrette, je dois passer maintenant au député de Saguenay.

M. Corriveau: Oui. Bien, d'abord, M. Chevrette, je tiens vraiment à vous remercier pour le travail que vous avez accompli parce que, au départ, étant donné votre historique, on se demandait de quelle façon ce serait présenté et on espérait tous que le vrai pouls de la population pourrait ressortir par, justement, vos implications au niveau des divers ministères, puis ce ne serait pas teinté de partisanerie.

Je pense que ce n'est pas un rapport qui est là pour faire plaisir au gouvernement, ni pour faire plaisir à l'opposition. Après l'avoir lu, sur l'heure du dîner, je peux vous dire que, moi, ce que j'ai entendu au cours des dernières semaines, des derniers mois, dans mon comté, vous allez rejoindre effectivement la grande majorité des préoccupations des gens du comté de Saguenay.

Évidemment, vous apportez non seulement une énumération des problématiques qu'on vit, qu'on connaît puis qu'on se fait répéter régulièrement ? puis, là, je n'entre pas dans les excès, parce que vous avez entendu aussi les excès ? mais, à un moment donné, pour en arriver à des ententes, il faut les écarter. Vous arrivez, là, dans tout ce document-là, à satisfaire, pour moi, beaucoup, beaucoup de choses.

Au niveau, par exemple, des zones urbanisées, la proposition 7. Énormément de municipalités étaient inquiètes de voir de quelle manière que pourrait être exercé ce droit Innu Aitun sur des territoires urbanisés, de voir, par exemple, un autochtone venir

s'installer avec sa tente sur le bord d'un parc dans une municipalité pour faire la pêche. Je pense que, là, vous avez su saisir ça comme il faut.

Au niveau des baux, du respect des baux, du droit privé comme du droit civil québécois également, moi, je pense que vous apportez plusieurs éclaircissements, particulièrement, sur la propriété privée puis cette gestion des baux par le ministère des Ressources naturelles.

La formation de la main-d'oeuvre, la proposition 12, est excessivement importante. Et, là-dessus, je pense que, au niveau du Conseil régional de la Côte-Nord, du CRD de la Côte-Nord, il va y avoir des commentaires dans ce sens-là, pour dire que c'est une force vive au niveau de la Côte-Nord, ces jeunes autochtones, puis il faut effectivement les préparer au marché du travail. Alors, encore une fois, c'est très bien.

Redevances au niveau des municipalités voisines, 21. C'est... Je pense que, effectivement, des petites municipalités, qui avoisinent des territoires actuellement nommés réserves, vont avoir besoin de cette aide de la part du gouvernement dans le partage des redevances. J'ai, ici présent ? je pense qu'il était ici tantôt ? le préfet de la MRC de Manicouagan qui est sur la commission, M. le ministre, concernant les redevances. Il y a tout un débat actuellement au niveau des régions pour ce qui est du partage des redevances. Encore une fois, vous mettez le doigt sur le bobo.

C'est un ensemble de recommandations qui, je pense, vont dans le sens du terme que vous avez utilisé, qui est probablement le plus pertinent de tout ça, c'est l'acceptation sociale. Il faut maintenant que nos négociateurs prennent connaissance de votre rapport avec l'insistance du gouvernement pour attirer l'attention sur des cas particuliers mais afin d'en arriver à ça, à une acceptation sociale. Et, moi, j'ai l'impression que, avec tout ce que vous énumérez là-dedans, on a la recette pour créer cette acceptation sociale. Évidemment, ce n'est pas un rapport qui se veut juste pour le gouvernement, il va falloir aussi approcher le niveau fédéral comme le niveau des représentants autochtones pour voir si c'est acceptable. Là, ce son de cloche là va probablement venir au cours des prochains jours. J'espère qu'ils auront l'occasion de venir nous dire jusqu'à quel point qu'ils peuvent embarquer dans ça, qu'est-ce qui est acceptable, qu'est-ce qui ne l'est pas.

On a parlé tantôt d'Anticosti. Ce n'est pas dans mon comté. Honnêtement, je ne sais pas. Anticosti, c'est-u vraiment problématique pour les autochtones? Ça se pourrait. Vous avez probablement meilleure recette que moi pour ça. D'autant plus que, si vous avez été aussi efficace dans la transposition de l'esprit des gens du comté de Duplessis que vous l'avez été pour, à mon avis, les gens du comté de Saguenay, je pense que vous n'êtes pas dans le champ.

La distinction Essipit, extrêmement importante au niveau de la concurrence dans des créneaux commerciaux qui sont semblables ? je pense à la famille Pelchat dont vous avez rencontré un représentant ? et les gens d'Essipit, c'est au niveau de la pêche, au niveau de la chasse, des pourvoiries, l'exploitation, par exemple, des excursions à la baleine, la restauration. Ils sont tous dans ces mêmes créneaux-là. C'est de quelle façon qu'on va avoir à gérer ça? La problématique qui existe, vous l'apportez.

La seule chose, je vous dirais, où je peux, présentement, là, avec l'analyse que j'en ai faite, entrer un petit peu plus, pas en discorde, mais avec des bémols, c'est au niveau de la représentativité de votre recommandation 26. Je me demande si ça va être suffisant que seulement trois élus régionaux siègent sur le comité, alors que, présentement, dans les tables régionales, chaque préfet, chaque maire des municipalités est appelé à se présenter sur ces tables-là qui, comme vous le dites, n'ont pas été très efficaces, et ont été souvent plus, disons, présentes pour dire: Ils existent, ils sont là, mais ils n'étaient pas mis à contribution vraiment activement, les gens qui y siégeaient.

Là, on va limiter seulement à trois élus. Dans toute la Côte-Nord, il y a quand même plus que trois préfets. Alors, de quelle façon vous pouvez nous dire aujourd'hui ? puis c'est là où je rentre dans ma question ? de quelle façon, vous pensez que c'est vraiment le moyen le plus représentatif pour s'assurer que nos élus régionaux... Puis encore, je vois, il n'y a aucune présence de députation que ce soit au Lac-Saint-Jean ou sur la Côte-Nord dans ces comités-là. C'est laissé à trois élus qui, eux autres, auront les tables sectorielles. Mais encore, dans la table sectorielle, je ne vois pas d'élu présent. Alors, est-ce que nos élus régionaux vont vraiment être mis à contribution au-delà de la participation qui est vraiment concrète, que vous avez annoncée au niveau d'Essipit puis du Conseil de bande des Escoumins, où là, pour la division du territoire, il y aura lieu d'avoir une table qui va vraiment pouvoir dicter avec un facilitateur?

Et, en dehors de ça, donc, ma question: Nos élus là-dedans, c'est quoi, leur place?

M. Chevrette (Guy): Les élus, ils peuvent être à deux tables sectorielles, à mon point de vue. Puis je voudrais vous lire la première phrase du deuxième paragraphe de la recommandation 26: «Que la composition des comités directeurs régionaux de négociation s'apparente à la composition suivante.».

Entre vous et moi, si ça en prend quatre, si ça en prend cinq... je donne un ordre de grandeur parce que je n'ai pas analysé en fonction du territoire, j'ai parlé d'une composition de table régionale. Mais, effectivement, s'il y a quatre MRC, pourquoi pas quatre préfets? Puis, si les maires veulent bien les envoyer, les quatre préfets. Il y a peut-être un maire très disponible plus qu'un préfet qui a un intérêt grand à cela. Moi, je ne le sais pas, moi. Ça, là-dessus, je suggère tout simplement des lignes. C'est plutôt le patron que j'essaie de donner sans dire que c'est ex cathedra, ça. Si, par exemple, au niveau de la Côte-Nord, ça prend plus d'élus municipaux puis un représentant de faune de plus, je n'ai aucune... L'important, c'est de retenir un fonctionnement qui occasionne la participation, qui provoque la participation et qui permet la participation des citoyens, puis en aval et en amont. Et c'est ça qui est important, que ces gens-là puissent réunir par la suite, leurs semblables, puis pouvoir les informer, les consulter, etc. C'est vrai que c'est un petit peu plus lourd ? M. Trudel m'a posé la question au tout début ? mais je pense que, pour l'acceptabilité sociale, moi, je crois sincèrement qu'il faut au moins se doter d'un mécanisme qui ne soit pas exactement celui-là. Je ne suis pas là pour prêcher ex cathedra. Je vous donne une façon de fonctionner parce que j'avais fait l'expérience au niveau national avec la négociation des enseignants, et c'était justement par ces tentacules qu'on a sur le terrain qu'on puisse venir à bout de faire participer correctement les gens.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Chevrette. Ceci complète...

n(16 heures)n

M. Chevrette (Guy): C'est moi qui vous remercie, M. le Président. Puis c'est un retour qui m'a intimidé au départ, mais qui me rend satisfait à la fin. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci beaucoup.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite, étant donné que nous sommes pressés par le temps, j'invite les représentants du Conseil tribal Mamuitun, premières nations de Mamuitun et première nation de Nutashkuan. J'invite les représentants à bien vouloir se rendre à la table.

Alors, bienvenue, messieurs et j'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Et je vous indique que vous avez droit, selon les règles du jeu qui ont été déjà préétablies, à une présentation maximum de 20 minutes, et par la suite ce sera des questions-réponses avec les parlementaires.

Conseil tribal Mamuitun (premières nations
de Mamuitun et première nation de Nutashkuan)

M. Picard (Raphaël): (S'exprime dans sa langue). Avant de procéder, de la façon qu'on va fonctionner, chacun des quatre chefs, moi-même, Raphaël Picard, chef de Betsiamites, Clifford Moar, chef de Mashteuiatsh, à ma gauche, Denis Ross, chef d'Essipit, à ma gauche toujours, et chef Richard Malec de Nutashkuan, à ma droite, prendront tour à tour la parole.

M. le Président, Mmes et MM. parlementaires de l'Assemblée nationale, membres de la commission, nous vous saluons et vous remercions de nous accueillir dans ce haut lieu de la démocratie où se prennent les décisions importantes concernant la société québécoise et à ce moment historique de nos relations. Notre présence en tant que chefs des premières nations innues de Mamuitun mak Nutashkuan dans cette enceinte aujourd'hui revêt pour nous une importance qui a valeur de symbole. Nous sommes ici pour affirmer solennellement la volonté de notre peuple, dont l'identité se situe au coeur même du territoire de ce pays, d'être reconnus à juste titre par ses voisins et amis, et nous voulons que cette reconnaissance se fasse dans l'enthousiasme, l'honneur et la dignité par la signature d'un traité d'égal à égal. Nous n'avons surtout aucune intention qu'elle se fasse au détriment des gens que nous côtoyons et avec qui nous entretenons depuis longtemps des rapports les plus harmonieux possible.

L'Assemblée nationale a déjà posé un geste d'ouverture envers nous à l'époque de René Lévesque, en 1985, en adoptant une résolution portant sur la reconnaissance des droits des autochtones. Cette résolution reconnaît l'existence de nos nations, de nos droits ancestraux ainsi que l'importance pour la société québécoise d'établir avec nous des rapports harmonieux fondés sur le respect et la confiance. Cela a permis l'amorce d'un dialogue franc et honnête.

Il y a quelques mois, dans la foulée de ces discussions, les négociateurs du Canada, du Québec et des premières nations de Mamuitun mak Nutashkuan ont convenu d'une entente de principe d'ordre général qui servira de base à la négociation d'un traité moderne. Il reste maintenant aux autorités politiques respectives de chacune des parties de ratifier cette proposition d'entente telle que proposée, qui, pour l'instant et jusqu'à la signature d'un traité, est sans effet juridique. Nous sommes ici aujourd'hui pour vous signifier l'importance que représente la réussite de cet exercice pour nous. Nous croyons être à l'aube d'une ère nouvelle et remplie d'espoirs.

Une culture distinctive. Toutes les cultures de la terre ont leurs particularités. La nôtre repose principalement sur le fait que nous avons toujours entretenu et voulons continuer d'entretenir un lien sacré et inaliénable avec la terre, cette mère qui nous nourrit depuis des millénaires et dont les aînés nous ont enseigné à être les gardiens. Les lacs, les rivières, les montagnes, les forêts du Nitassinan portent les marques des traces laissées par les Innus. Nous avons parcouru ce territoire et l'avons préservé pour les générations futures. Nous avons donné les noms de notre langue à tous ces lieux. Nous y vivons depuis des millénaires en peuple digne et fier. C'est notre milieu de vie, le témoin de nos pensées et de nos actions et celui-ci a façonné à jamais notre mode de vie.

Cependant, nous avons dû vivre des transformations et des bouleversements importants de notre mode de vie en raison de l'adaptation nécessaire aux changements de notre société et de notre environnement. Aujourd'hui, notre culture distinctive est menacée. Elle est toujours intimement liée à notre fréquentation du territoire et à notre mode de vie ancestral, que l'on désigne par Innu Aitun, mais comme plusieurs autres à travers la planète qui sont minoritaires elle doit s'adapter pour survivre. Nous devons faire des efforts colossaux pour conserver cet héritage et nous le ferons.

Nos ancêtres reposent en paix partout sur le Nitassinan. C'est d'eux et de cette terre que nous vient cette fierté d'être innus. Les souvenirs de notre peuple sont bien vivants dans le Nitassinan et nous voulons qu'ils le restent. Nous voulons que ce territoire continue de nous raconter son histoire et ses légendes, qu'il continue de nous faire prendre conscience de nos grandeurs et nos misères et qu'il continue de supporter notre devenir collectif. Notre culture est une richesse pour tous et le Québec doit être fier de l'existence de cette culture distinctive.

Les difficultés que nous avons pu rencontrer au cours de notre histoire n'ont cependant jamais atténué de quelque façon que ce soit notre volonté profonde de préserver notre culture, nos traditions, notre langue et notre lien sacré avec le territoire. Nous savons que plusieurs Québécois et Québécoises partagent aussi ce sentiment d'appartenance au territoire. Nous respectons cet attachement.

n(16 h 10)n

M. Ross (Denis): Une relation qui remonte à loin. M. le Président, le respect entre nos peuples a déjà été plus formel qu'aujourd'hui. Au début de nos relations, nos ancêtres ont cru bon de sceller leurs liens d'amitié dans un traité de paix et d'amitié conclu à Sainte-Catherine, tout près de Tadoussac, en 1603. Nous vous rappelons ce fait aujourd'hui parce qu'il constitue, selon nous, le fondement de notre coexistence sur le territoire. Cette alliance, dont le 400e anniversaire sera célébré cette année, a fait en sorte d'établir un partenariat entre nos peuples, partenariat qui a permis à tous d'en tirer des bénéfices qui produisent encore leurs effets aujourd'hui. Ce partenariat était basé sur une relation d'égal à égal, de nation à nation. Rappelons-nous toujours de l'esprit qui a guidé cette relation.

Malheureusement, la volonté de développement de notre partenaire était porteuse de valeurs qui nous étaient étrangères. Aujourd'hui, c'est cet esprit de partenariat égalitaire que nous cherchons à retrouver. Nous n'avons pas l'intention de nous apitoyer sur notre sort. Nous sommes résolument orientés vers l'établissement d'une nouvelle forme de relation, moderne, bénéfique et avantageuse pour tous. Cependant, personne ne doit nier que notre réalité actuelle comporte une part de blessures qui doivent être guéries.

Un combat semblable. Le combat que nous menons pour notre autonomie et notre reconnaissance ne doit certainement pas vous paraître étranger, puisqu'il est similaire à celui qu'ont livré et que livrent encore aujourd'hui Québécois et Québécoises. S'il y a des gens qui peuvent comprendre nos aspirations et les supporter sur ce continent, nous croyons que ce sont bien vous, Québécois et Québécoises, qui devez aussi demeurer vigilants et fermes quant à votre désir de ne pas vous noyer dans la masse qui vous entoure. C'est la même chose pour nous.

Nous sommes fiers de nos origines et de notre histoire, même si elle porte en elle sa part de blessures. Nous sommes fiers d'être Innus. Vous convenez sûrement que cela est normal et légitime. Nous n'avons pas envie, nous non plus, de nous fondre dans la masse. Il ne saurait être question de renoncer à notre spécificité. Notre peuple est, depuis la nuit des temps, l'un des premiers peuples de ce pays. Ce caractère distinct transcende toute autre catégorisation que l'on pourrait être tenté de nous apposer. Nous voulons une reconnaissance pleine et entière de nos droits, dans un contexte moderne et selon des modalités convenues. Et nous avons besoin d'outils pour nous permettre de grandir. Nous ne voulons pas créer un État dans un État. Nous voulons agir dans le cadre d'institutions reconnues légitimement et dans le respect de la règle de droit. Si le Québec n'avait pas bénéficié d'outils institutionnels comme son Assemblée nationale, ses propres champs de compétence, son Code civil, aurait-il pu se développer tout en conservant son identité propre et spécifique? Les Québécois et les Québécoises tout comme les Innus ont pris conscience, à un moment donné au cours de leur histoire, de l'importance de défendre leurs droits, leur culture et leur langue et de reprendre en main leur destinée.

M. Malec (Richard): M. le Président, membres de la commission. (S'exprime dans sa langue). Les enjeux de la négociation pour les Innus. Dans cette négociation, les enjeux suivants sont incontournables pour les Innus de Mamuitun mak Nutashkuan: le premier, la reconnaissance des droits ancestraux, y compris le titre aborigène; le deuxième, le maintien du lien avec l'ensemble du territoire ancestral Nitassinan; trois, la cohabitation harmonieuse et pacifique; le quatrième, le partenariat.

La reconnaissance des droits. Pour nous, il est fondamental que le traité à intervenir soit basé sur la reconnaissance de nos droits ancestraux, y compris le titre aborigène, plutôt que sur leur extinction. Autant sur la scène nationale qu'internationale, la jurisprudence et la compréhension de ce concept des droits ancestraux ont beaucoup évolué au cours des dernières années. Qui pourrait aujourd'hui demander à une nation comme la nôtre d'éteindre ses droits en échange d'un traité?

Nous ne pouvons donc que nous réjouir du résultat obtenu suite au travail des équipes de négociation et du comité de juristes experts sur ce point. Les parties en sont arrivées à une solution qui rencontre les intérêts de tous, à savoir qu'en plus de la reconnaissance de nos droits la couronne atteint également le degré de certitude juridique qu'elle recherche par la modulation des effets et modalités d'exercice de ces droits.

Le maintien du lien avec l'ensemble du Nitassinan. Un autre des principaux enjeux pour nous est le maintien du lien avec l'ensemble du Nitassinan, notre territoire ancestral. Tel que nous vous l'avons exposé plus tôt, ce lien constitue un des éléments fondamentaux sur lesquels repose notre culture distinctive. Nous avons constamment fait valoir auprès des instances gouvernementales l'importance de conserver ce lien.

Nous avons toujours utilisé ce territoire et nous l'utilisons encore aujourd'hui, nous y sommes chez nous. Renoncer à ce qu'on nous reconnaisse la perpétuation de ce lien et la poursuite de nos activités sur celui-ci n'était pas une voie de négociation acceptable pour nous. Il faut concilier cette réalité avec la présence des Québécois sur ce même territoire. La solution prévue dans l'entente de principe qui consiste à moduler les effets et modalités d'exercice des droits selon les affectations territoriales et à harmoniser nos réglementations respectives est à notre avis structurante et porteuse d'avenir.

La cohabitation harmonieuse et pacifique. La cohabitation harmonieuse et pacifique constitue également un autre enjeu important de ces négociations. Depuis plusieurs générations, les relations qui se sont développées au sein de nos populations ont très souvent été marquées de liens d'amitié réels et sincères. Au-delà des grands enjeux politiques, il y a les gens et leur vie quotidienne.

Notre volonté d'en arriver à la signature d'un traité vise à ce que nos populations puissent encore davantage grandir et prospérer ensemble. Ce traité devra permettre que ces liens qui se sont développés puissent devenir encore plus solides, que nous bâtissions ensemble une nouvelle forme de relations fondées sur la confiance mutuelle, confiance qui a été mise à rude épreuve depuis que le projet d'entente de principe a été rendu public.

Contrairement à ce que plusieurs personnes peuvent croire, les Innus ne souhaitent pas et n'ont jamais souhaité vivre au crochet de la société et encore moins à s'enrichir à ses dépens. Nous croyons en une juste distribution des richesses collectives et au respect des peuples. Nous souhaitons cohabiter de façon harmonieuse et pacifique avec nos voisins.

Le partenariat. Quant au partenariat, il constitue sans doute l'enjeu le plus résolument orienté vers l'avenir. Les Québécois comme les Innus doivent prendre conscience de l'immense potentiel qui réside dans l'établissement d'un véritable partenariat entre nous. L'exploitation des ressources issues de nos territoires ancestraux s'est longtemps faite sans que nous ayons notre mot à dire. Il n'a jamais été facile pour nous d'accepter cette situation, comme il n'est pas facile de concilier le développement économique de notre nation avec la sauvegarde et la protection de notre culture. Il s'agit pourtant là d'un défi bien contemporain.

Nous ne souhaitons pas vivre en vase clos, nous avons besoin de nous développer. Pour ce faire, nous avons aussi besoin que nos voisins et amis nous comprennent et acceptent ce projet de règlement qui nous permettra d'avoir en main les outils nécessaires à notre propre développement. Une multitude de problèmes d'ordre socioéconomique affligent nos communautés. Nous avons la volonté de les surmonter et de reconstruire, de nous redonner un avenir prometteur, mais nous le ferons difficilement sans nous entendre avec vous et sans votre support. C'est pourquoi nous privilégions la voie de la négociation au lieu de celle des tribunaux ou de toute autre alternative. Nous y gagnons tous.

M. Moar (Clifford): M. le Président ainsi que les membres de la commission. Un projet de société. La période que vit actuellement la société innue est très significative et importante. Nous assistons à de grands changements, sinon à un bouleversement de notre société. Comme nous venons de l'évoquer, ces changements doivent s'opérer avec un esprit moderne et dans un contexte de plus en plus planétaire, mais nous devons demeurer conscients de l'importance de ne pas dénaturer notre système de valeurs et le caractère patrimonial de notre héritage.

Nous devons relever les défis majeurs relativement entre autres à la protection et à la promotion de notre culture et de notre langue, à l'amélioration de notre situation sociale ainsi qu'au développement de notre économie. Il nous faut aussi instaurer notre propre gouvernement, se doter à plusieurs niveaux d'institutions efficaces et reconnues par nos partenaires, mais aussi et surtout par nos pairs. Toutes les actions à entreprendre dans ces domaines nécessitent de la vigueur et une vision d'avenir globale. Nous avons la chance et le défi de bâtir des instruments qui nous permettront d'entrer pleinement dans une nouvelle ère.

n(16 h 20)n

Nos communautés ont cependant encore des grands pas à franchir afin d'améliorer leur situation actuelle, mais nous croyons qu'il faut avoir foi en l'avenir. Notre jeunesse constitue à cet égard un capital humain remarquable qui nous permettra de relever les plus grands défis. Notre histoire est parfois heureuse, parfois tragique, mais en misant sur notre force, notre détermination de même que la collaboration de nos amis, nous pourrons faire en sorte que notre futur soit celui d'une nation en pleine possession de ses moyens, capable d'assurer son épanouissement.

Le traité que nous voulons conclure, basé sur l'entente de principe actuelle, contiendra, nous le croyons sincèrement, les principaux éléments de prise en main de notre destinée. Il constituera un outil fondamental dans la construction de notre devenir collectif et un moyen de protection important de notre identité. Nous entendons nous servir de cet outil pour bâtir positivement notre avenir. Par le fait même, nous aurons aussi l'opportunité unique de contribuer avantageusement au développement des régions où nous vivons. Les retombées économiques de ce traité seront importantes pour le Saguenay?Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord, autant dans l'immédiat que dans le futur. Les éventuels investissements seront favorisés par le contexte de partenariat qui émergera d'un tel traité et par la solidité de notre pacte. Il nous faut tous clairement réaliser que nous avons un avenir commun, mais qu'aussi nous sommes riches de nos différences.

En conclusion, en tant que membres de l'Assemblée nationale du Québec et représentants de vos concitoyens québécois, MM. et Mmes les députés, nous croyons que vous avez la chance de poser le premier jalon d'un chemin qui va nous mener à un rendez-vous historique important qui rehaussera le prestige et la crédibilité nationale et internationale des signataires. Cette première étape consiste à poser des gestes d'ouverture envers le peuple innu en signifiant de façon concrète votre appui au gouvernement du Québec dans la ratification de cette entente de principe d'ordre général telle que rédigée actuellement.

Cette entente demeure perfectible, car tout n'est pas encore négocié et plusieurs précisions et ajustements des principes justes et nobles qui y sont avancés seront possibles avant la signature du traité, entre autres par les autres premières nations innues qui voudront se joindre volontairement au processus. Cette entente a été négociée dans l'honneur et la bonne foi. Elle contient les principaux éléments qui nous permettront de cheminer vers un traité qui sera juste, équitable, et qui fera l'affaire de toutes les parties.

Nous faisons appel à votre sens de l'État et du devoir afin que ce dossier ne serve pas à entretenir des querelles partisanes ou électoralistes entre les parties. Nous savons qu'elle suscite des préoccupations chez beaucoup de gens, mais ces préoccupations, même légitimes, ne sont pas une raison pour ne pas apprécier le résultat dans sa globalité. Comme représentants du peuple, vous avez le devoir d'être sensibles aux préoccupations des gens, mais vous devez aussi considérer les enjeux dans une juste perspective.

Nous croyons qu'un large consensus parlementaire sur les principes et les propositions contenus dans cette entente permettra de rendre justice aux efforts qui ont été consentis dans ce dossier et d'espérer que son aboutissement sera considéré comme une fierté pour tous. Ce n'est qu'à la condition de se faire confiance aujourd'hui que nous parviendrons à poser éventuellement cet acte solennel et sacré qui sera la signature d'un traité d'alliance basé sur l'équité entre nos peuples. Alors pourrons-nous dire avec fierté que nous avons posé un grand geste de respect et d'amitié entre nous.

Les Innus de Mamuitun mak Nutashkuan interpellent leurs voisins québécois et québécoises, même aussi leurs frères et soeurs de la nation innue, afin que cette entente puisse nous permettre de laisser de côté ce qui nous sépare et construire ensemble sur ce qui nous unit, et que l'esprit qui guide nos pas dans l'avenir soit animé d'une force et d'une détermination que rien ne pourra détruire. Aujourd'hui, le peuple innu tend la main au peuple québécois. À nous tous de saisir cette opportunité historique. (S'exprime dans sa langue). Merci à tous.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs, pour votre présentation. Nous allons maintenant amorcer la période d'échange avec M. le ministre d'État. M. le ministre.

M. Trudel: MM. les chefs du Conseil tribal Mamuitun, bienvenue. Merci de venir témoigner devant toute la nation québécois, les nations qui occupent le territoire québécois, de l'importance du projet que nous avons sur la table et de l'engagement historique que vous souhaitez que nous prenions ensemble, Québécois et Innus.

Je dois d'entrée de jeu vous indiquer que lorsque l'on lit au détail le mémoire que vous avez expédié à la commission parlementaire et les notes d'accompagnement pour la présentation aujourd'hui, puis je le dis comme je le pense, bien simplement, c'est émouvant et touchant. À la page 6 de la présentation, vous y avez fait référence: «Le combat que nous menons pour notre autonomie et notre reconnaissance ne doit certainement pas vous paraître étranger, puisqu'il est similaire à celui qu'ont livré et que livrent encore aujourd'hui les Québécois et les Québécoises. S'il y a des gens qui peuvent comprendre nos aspirations et les supporter sur ce continent, nous croyons que ce sont bien vous, Québécois et Québécoises, vous qui devez aussi demeurer vigilants et fermes quant à votre désir de ne pas vous noyer dans la masse qui vous entoure. C'est la même chose pour nous.»

Et vous reliez ça à la page 12 de votre mémoire, sur une description de situation qui, ma foi, nous appelle à un effort sans précédent de convergence pour convenir d'une entente, lorsque vous indiquez que votre situation économique est nettement inférieure à celle de vos voisins, ceux avec qui vous voulez développer des partenariats, les Québécois et les Canadiens, et ça ne peut plus davantage être toléré par votre peuple. Votre taux d'assistance sociale, le taux de chômage, le taux de suicide, le plus haut au monde ? le taux de suicide le plus haut au monde ? le taux d'analphabétisme, conjugués par ailleurs à votre croissance démographique fulgurante, vous interpellent pour donner un avenir à notre jeunesse, à votre jeunesse, votre capital le plus précieux. Et vous enclenchez sur l'urgence d'agir.

Il y aura bientôt 30 ans que nous sommes à table, les représentants des deux nations, et vous appelez cette urgence d'agir. J'aimerais vous entendre encore un peu davantage sur la nécessité d'agir dans les meilleurs délais pour nos peuples, pour nos nations respectives, dans le contexte que nous venons, que je viens d'indiquer. Ou encore on pourrait dire: Quelles seront les conséquences que l'on peut envisager si nous ne poursuivons pas de façon intensive nos efforts non seulement d'une compréhension mutuelle, mais d'un traité dans la paix et le respect de ce que nous sommes comme peuple, pour bâtir notre avenir?

M. Moar (Clifford): Si vous me permettez, M. le ministre, vous me faites regarder une vision que je n'aime pas beaucoup: advenant qu'on n'aboutit pas à un règlement. Mais je dois vous dire une chose, mon peuple est un peuple qui est très fier et il a subi dans le passé des décisions prises par des tiers. On a réussi à vivre les impacts des décisions qui nous concernaient, qui ont été prises par des tiers. Et la mise... pas en conserve, mais sur réserve de notre peuple fait en sorte qu'on a vécu puis aujourd'hui on subit un peu ces conséquences-là. Donc, pour nous, il est important que la contribution de chacun des membres de nos communautés participe dans l'avenir en tout cas que nous proposons. Et que ce soit par la guérison des souffrances et des blessures qu'ils ont eues dans le passé, ils doivent savoir qu'un coup, une fois guéris, ils contribueront activement, là, dans les mécanismes que nous proposons, dans la prise en main de notre destinée.

Il est faux que nos voisins, malgré leurs bonnes intentions, puissent trouver les solutions qui nous concernent. La méconnaissance de notre culture, la méconnaissance de notre lien spirituel avec le territoire, la méconnaissance de notre façon de faire fait en sorte que vous pouvez mettre en place les meilleurs programmes puis les meilleures intentions et on va vivre les problèmes. On le sait, ça fait au-delà de 20 ans qu'on a commencé la prise en charge des programmes administratifs dans nos communautés. Donc, pour nous, c'est sûr que, si on continue puis si on n'a pas les moyens d'être capables de faire nos lois qui vont protéger notre culture, notre identité, nos racines qui nous identifient en tant qu'Innus, qui gardent ce lien-là sacré avec notre territoire, avec tout ce qui vit et qu'on puisse mettre en place des processus de guérison qui nous ressemblent, à nous, et non peut-être à côté ? c'est incroyable comment ça nous fera plaisir d'être capables d'oeuvrer dans un environnement semblable ? mais, si ça ne se fait pas...

n(16 h 30)n

Vous avez, ce matin, fait part un peu des pourcentages de nos jeunes qui s'en viennent. C'est incroyable qu'on ait beaucoup de jeunes qui s'en viennent. Et mon devoir, en tant qu'élu ? puis, je pense, c'est ça que les gens doivent comprendre, c'est que les peuples autochtones sont quand même représentés par des élus, également ? c'est qu'on doit absolument donner une vision d'avenir qui est légitime à nos jeunes, qu'ils peuvent s'épanouir au niveau de leurs connaissances, de contribuer au niveau de la... et d'être fiers de leur culture, de leur histoire. Donc, pour ça, on doit absolument avoir des leviers économiques, puis ça nous prend également une reconnaissance de nos institutions, sinon ? je n'aime pas regarder de l'autre côté ? sinon qu'est-ce qui arrivera?

Vous savez comme moi, on vit déjà dans des situations qui sont peu enviables: 40 % de chômage dans une municipalité ou dans une ville, au Québec, ferait en sorte que ce serait une crise nationale, tandis que, nous, on vit dans cette situation-là présentement. Donc, pour nous, c'est vraiment important, là, qu'on puisse et que le gouvernement puisse voir, dans l'entente de principe qui est étudiée lors de cette commission... donne des outils nécessaires pour un peuple qui veut se prendre en main, de prendre ses décisions de son avenir et d'être imputable et transparent devant son peuple sur les décisions qu'il a à prendre. Je pense que ça nous aidera beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Trudel: Mon Dieu! Pour ces choses tellement importantes, que le temps est donc court! Et c'est sur cette piste d'espoir sur laquelle vous nous invitez à nouveau à donner un autre effort. Globalement, MM. les chefs du Conseil tribal Mamuitun, nous venons d'entendre Guy Chevrette qui vous a rencontrés, a rencontré un très grand nombre d'intervenants, et, sous différents aspects, pour différentes rubriques, différents éléments qu'il soulève, il demande en quelque sorte quelques signes d'ouverture ? je dirais peut-être davantage, là: c'est une question d'évaluation et de jugement ? quelques signes d'ouverture pour élever le degré d'acceptabilité sociale pour que nous puissions franchir la dernière étape d'un traité, d'un traité pour le développement de votre nation et le développement... contribuer au développement de la nation québécoise dans son ensemble.

Est-ce que ? et je ne requiers surtout pas, mais surtout pas, ici de réponse définitive quant à l'un ou l'autre des objets ? mais est-ce que ces signaux ? parce qu'il m'apparaît que, dans un très grand nombre de cas, sinon à peu près tous les cas soulevés par M. Chevrette, c'est en termes de signaux à nos compatriotes qui vivent également sur les territoires concernés ? est-ce que cette façon de le dire et l'invitation qui est faite par M. Chevrette peut nous laisser des espoirs en termes de signaux à montrer pour progresser davantage, en particulier à l'intérieur des ententes complémentaires, l'entente complémentaire sur les activités traditionnelles, la pratique d'activités traditionnelles, l'Innu Aitun?

M. Picard (Raphaël): M. le ministre, je veux revenir un peu à l'urgence d'agir. On vit tellement un paradoxe que nous... Puis je ne veux pas aussi avoir un cri de victimisation ni... C'est qu'on vit un grand paradoxe, c'est que... Je reviens à ce que M. Delaunay me disait à Baie-Comeau quand il disait: En 1948 ? quand il était venu à Forestville ? il y avait un tas de choses puis ils coupaient tranquillement le bois, les compagnies forestières roulaient à plein régime. Il dit: Maintenant, on n'a plus ces opportunités-là, et que beaucoup d'entreprises ont fermé depuis ce temps-là; en région, les gens sont partis; dès qu'on essaie d'enclencher quelque chose, comme initiative, ça ne marche pas comme sur des roulettes; les grosses compagnies sont parties; les barrages ont été faits; beaucoup de territoires ont été coupés. Et c'est drôle que l'urgence d'agir en région aussi est là.

Et c'est la même chose. Nous autres, l'urgence d'agir en 1960 était là, dans les années soixante, pour les autochtones. Les autorités gouvernementales ont commencé à percevoir ces signaux. Je m'en rappelle, le rapport Hawthorn-Tremblay en 1965-1966. Ce rapport-là ? c'était une commission d'enquête ? avait fait des perspectives en termes de développement socioéconomique des autochtones du Canada et que la société en général n'avait pas été sensibilisée à tout ça.

Dans les années 1970 à 1980, les premières nations du Québec ont commencé à prendre leurs affaires en main, à réfléchir pour elles, essayer d'avoir une vision de développement pour elles et aussi, finalement, d'essayer de se débarrasser de ce carcan. La société québécoise n'était pas complètement sensibilisée, ils n'avaient pas vu l'urgence d'agir. Et, dès qu'on a une initiative dans le processus correct de discussion, on nous envoie des signaux qu'il faut accommoder, il faut accommoder tout le monde, tandis qu'on a un projet d'entente de principe. Ce qu'il y a dans le projet d'entente, c'est d'essayer de resserrer les liens entre les objectifs de développement de chacun, de chacune des parties, et aussi la stabilisation sociale que cela implique.

Le projet d'entente de principe n'a pas pour but de casser la paix sociale. C'est que, entre le paradoxe de ce qu'il y avait de l'urgence d'agir à l'époque et toujours... Ces mêmes situations restent les mêmes, nos inquiétudes en termes de société sont les mêmes, et la situation des régions, des deux régions, surtout des deux régions touchées par nos quatre communautés ou dans lesquelles vivent nos quatre communautés, fait qu'il y a une compréhension à avoir aussi de ce que pourrait être l'impact d'une telle entente.

Nous misons, je pense, sur la collaboration. Nous misons aussi sur la capacité de comprendre des groupes des régions, les groupes d'intérêts, et nous misons aussi sur notre capacité de travailler les initiatives qui peuvent être développées à l'intérieur du futur traité. Ça, c'est... Moi, je pense, les signaux, quels qu'ils soient, nous, les signaux, ça fait longtemps qu'ils sont là, et maintenant il y a des signaux qui sont très ponctuels. Je ne sais pas comment on va interroger le rapport de M. Chevrette, mais il est sûr que, dans notre vision du traité, notre vision du traité restera la même.

Et vous savez que nous, les groupes en région, notre collaboration avec les milieux régionaux, les milieux, les élus régionaux, les intervenants socioéconomiques, les instances, les entités, les organismes, nous, on est ouverts. Et je pense il n'y a pas des passages dans le projet d'entente de principe où... qui déterminent un processus d'exclusion, d'expropriation inopinée, intempestive. Il y a un processus d'entente complémentaire qui, nous espérons, accommodera le plus possible dans le respect, dans le respect et aussi le partage des intérêts de tous et chacun dans le domaine des droits respectifs. Moi, je pense que les signaux doivent être traités puis analysés dans une juste perspective, parce que nous avons un pacte de négociation, on a des mandats de négociation, et que nous pourrions, à chaque grand événement qui survient, réinterroger la nature même du projet de négociation.

n(16 h 40)n

Le Président (M. Lachance): Écoutez, il reste très peu de temps. On est coincés véritablement par le temps. Vous auriez, M. le député de Duplessis, une très brève question, et la question et la réponse doivent être maximum deux minutes.

M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, moi, d'entrée de jeu, je tiens à vous remercier, M. Picard, M. Ross ainsi que M. Malec et M. Moar. J'ai eu l'occasion, moi, de travailler beaucoup avec M. Ross et M. Malec, alors, c'est bien sûr que je connais la portée de ces collègues-là.

Ma question est fort simple. Et, dans un contexte où on sait que pour Natashquan ? et ma question, c'est beaucoup plus pour Richard ? par rapport à ce qu'on connaît sur le territoire de Natashquan, on a travaillé dans le dossier de plan de relance de l'est de la Minganie et on a mis sur la table beaucoup de projets, autant pour la communauté blanche que la communauté ? excusez ? communauté québécoise et la communauté des Innus. Et, Richard, moi, ce que j'aimerais savoir: Dans un contexte où M. Chevrette ouvrait, dans sa recommandation 25, là, pour la communauté de Natashquan, est-ce que ça peut être possible qu'il y ait d'autres ententes reliées à la problématique, surtout par rapport aux secteurs... on savait qu'il y avait des secteurs privilégiés au niveau de la communauté québécoise, notamment les lacs Barbé et Liette, là, alors, est-ce que c'est possible de vous entendre tous les deux sur place, là, sans que ça soit obligé d'être tranché par le traité?

M. Malec (Richard): Bonjour. La question pour la communauté de Nutashkuan comme de... Les négociations, ça fait 20 ans que ça perdure. Aujourd'hui encore, j'ai écouté le rapport de M. Chevrette. Je ne sais pas, mais j'ai dit: je vais tout... Je l'ai juste lu comme ça, pas vraiment... je ne me suis pas concentré, j'ai juste tourné la page. Mais ça fait longtemps qu'il y a des ouvertures là-dedans. J'ai toujours dit, moi: La nation québécoise, la nation innue de Nutashkuan, le meilleur moyen de vivre en harmonie, c'est se respecter, développer, penser à la jeunesse, la jeunesse. Mais il ne faut pas trop aussi charrier ? excusez-moi le terme, là ? je veux dire: Les recommandations qui sont venues, ça va-tu retarder encore? Mais, à un moment donné, il y a l'espoir aussi, là ? il faut tenir compte de ça ? tu attends un autre 20 ans. Moi, je dis, là: à un moment donné, là...

Mais dans les négociations, comme je l'ai toujours dit, il faut faire des compromis, des compromis qui soient acceptables pour nous et de l'autre partie aussi. On a toujours démontré, nous, à Nutashkuan... Comme le plus bel exemple, c'est la rivière Wanish, c'est un droit exclusif qui appartient à la communauté de Nutashkuan, qui est géré par l'Association des pêcheurs de Wanish, des Blancs.

Moi, comme je dis, c'est pour ça aussi... Parce que, il y a de mes collègues aussi, il faut quand même que mes collègues de chefs puis le Conseil tribal, les négociations aussi... parce que, aussi, il y a toute la commission qui s'en vient. C'est pour ça que c'est très difficile. Par exemple, personnellement, moi, ma communauté, mais je vais le dire: Il faut quand même tout entendre les mémoires, les mémoires, qu'est-ce qu'ils disent. C'est pour ça aussi, avant de m'en venir ici, je suis intervenu dans ma communauté. C'est sûr, j'ai dit à ma communauté: ça va être très émotif, il va y avoir du bon et du pas bon. Mais on est très confiants. On est très confiants avec nos relations, avec le plus grand respect que j'ai pour le monde de la politique, puis les contacts aussi là-dedans. Je pense qu'il y a un... il faut qu'il y ait une ouverture. Il faut qu'il y ait une ouverture. Puis comme l'a dit mon collègue, M. Picard: Nous, c'est entre nations et nations, entre gouvernements qu'il faut que ça se règle. Puis il y a aussi des recommandations, je pense que c'est entre le gouvernement du Québec et la nation de Mamuitun et de Nutashkuan..

Le Président (M. Lachance): Je m'excuse de vous interrompre, mais on est encore pris avec le temps. Merci. Alors, M. le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais dire des mots de bienvenue aux chefs Ross, Moar, Picard et Malec. Merci beaucoup. Et, d'entrée de jeu, je veux vous remercier avant tout pour la qualité du mémoire qui était présenté en annexe de vos paroles. C'est vraiment très bien fait à plusieurs sujets, quant à l'historique des négociations. Je pense qu'il faut rappeler que c'est une saga qui date maintenant depuis une vingtaine d'années, qu'il a eu beaucoup d'espoirs, beaucoup d'échecs, des moments où on n'était pas loin, d'autres moments où, malheureusement, les choses sont tombées à l'eau. Alors, je pense qu'il faut garder ça à l'esprit aussi et que ça alimente l'urgence d'agir, que vraiment on a mis beaucoup d'efforts depuis deux pour enfin trouver une solution à cette question.

Il y a des éléments intéressants quant au partenariat que vous avez déjà établi dans vos régions, avec vos voisins, pour trouver un moyen qu'on puisse travailler ensemble pour les dossiers de développement économique, et je pense que ce sont des éléments qui sont importants.

Mais j'ai moi-même trouvé un passage que j'ai trouvé très intéressant, qui est à la page 13 du mémoire, et qui rejoint un petit peu mes pensées aussi, c'est que: «Le statu quo ne permet pas la protection et la promotion de notre culture, de notre langue, de notre mode de vie, de nos coutumes, de notre spiritualité et, enfin, de notre statut de peuple et de nation distincts. Selon les Innus, une entente négociée permettrait d'atteindre ces objectifs de protection et de promotion.

«Le traité fournira à notre jeunesse les outils nécessaires en vue de rencontrer ce double défi qu'elle doit relever, soit celui de la préservation de sa langue, sa culture, son mode de vie, etc., et celui de la formation, de la scolarisation, de l'emploi, enfin, tout ce qui est nécessaire pour un meilleur avenir en tant qu'Innu.»

Et je pense que, si on peut trouver un résumé de c'est quoi, l'enjeu ici, c'est quoi, ce dont on discute ici, on ne peut pas faire mieux que ces deux paragraphes qui sont dans le mémoire. Alors, merci beaucoup qu'on ait mis ça assez clair qu'est-ce que... On parle beaucoup de la diversité culturelle, on veut nous doter d'un Observatoire de la mondialisation et de tous ces grands projets, mais, pratico-pratique, on a un exemple ici d'une langue, d'une culture vivantes au Québec et je pense qu'on a tout intérêt à trouver les moyens de les renforcer, de donner un espoir pour l'avenir de cette réalité innue au Québec. Alors, merci beaucoup pour ces paragraphes.

Et, après avoir lu ça, juste une question presque à titre personnel: Depuis le dévoilement de cette entente de principe qui ne demeure qu'une entente de principe, on a vu beaucoup de manchettes, de lignes ouvertes, des gorges chaudes qui ont même contesté l'existence même d'une nation innue; il y a une prétention historique et que vous n'existez même pas. Comment est-ce que vous avez réagi à tout ça?

M. Moar (Clifford): Bien, premièrement, se regarder dans le miroir, c'était difficile parce qu'on se voyait.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Moar (Clifford): Non. Je dois vous dire que ça a été pris avec beaucoup d'émotivité. Mon peuple a subi ça vraiment comme un affront vis-à-vis... Et c'est sûr que je pense que le fait que, pour nous, la ratification de l'entente de principe est vraiment une étape importante dans la suite du dialogue parce que le dialogue doit demeurer.... Et c'est faux de voir que le dialogue ou la négociation avec les Innus est une fin en soi dans le sens que, un coup que le traité va être signé, on va arrêter de se parler et qu'on va faire chacun nos affaires. C'est faux. Il ne faut pas voir ça de cette façon-là. Il faut voir un dialogue continu qui naisse un peu de cette dimension-là. Et, moi, je crois vraiment que, par la ratification de l'entente, on peut arriver à cette dimension-là.

n(16 h 50)n

Mais recevoir en tout cas des informations au courant du mois de juin, moi, je peux vous dire, en tant que chef de ma communauté, et je dois sûrement parler pour les autres également: Quotidiennement, on a été interpellés à réagir à des faussetés au niveau de l'information qui nécessitent, en tout cas, un dialogue continue, qui nécessitent également une sensibilisation, une éducation sur la réalité autochtone. C'est malheureux à dire, mais, pour moi, la crise d'Oka a fait prendre conscience au peuple québécois que les autochtones existaient au Québec, et qu'on soit là 10 ans après, qu'on soit en train de négocier et que les gens posent les mêmes questions fondamentales qui étaient posées lors de ces... je pense qu'il y a une nécessité fondamentale d'éducation vis-à-vis de la réalité autochtone, la façon que... la définition des tiers sur notre comportement, sur notre façon de vivre, elle a des impacts, des incidences d'aujourd'hui. Quand je vois que les gens veulent nous voir comme une nation où on se ressemble généralement tous pareils, c'est... Les gens nous demandent ça de nous, tandis que, moi, je regarde le peuple québécois: il prône la diversité culturelle et, dans des questions fondamentales, de société, je ne vois pas l'unité également au niveau du peuple québécois, mais sauf... pour nous, ça devrait être comme ça. Donc, je pense que le dialogue doit continuer. On doit avancer, essayer de se comprendre, avoir une ouverture d'esprit qui va nous permettre justement de faire des pas en avant, vraiment, pour notre jeunesse.

M. Kelley: Et pourquoi je partage cet... Ma première visite à Mashteuiatsh était, je pense, six mois après la crise d'Oka, et j'ai été frappé à quel point un problème métropolitain, si vous voulez, mais dans la région métropolitaine, a eu des incidences entre les relations de Mashteuiatsh et Roberval et je fais mienne la suggestion de mon collègue de Saguenay qui a parlé ce matin de l'urgence d'avoir une meilleure formation, une meilleure compréhension des écoles primaires et secondaires, c'est quoi, la réalité autochtone au Québec. Parce que c'est vraiment quelque chose qui est peu connu et je pense qu'on a tout intérêt d'aller de l'avant.

La deuxième préoccupation, je pense, pour les membres de la commission pour la suite des choses, est effectivement cette mécanique de consultation. Vous venez de prendre connaissance de la proposition de M. Chevrette, alors, je ne vous demanderai pas de commenter précisément qu'est-ce que M. Chevrette propose, mais, d'une façon plus générale, parmi vous, avez-vous des idées: comment on peut s'assurer que les populations des régions concernées qui sont exclues, soit les chasseurs, les pêcheurs, soit les gestionnaires des zecs, des pourvoiries, etc., comment on peut, sans trop alourdir le processus, les impliquer davantage dans l'Approche commune?

M. Moar (Clifford): La première des choses, il faut dire que, pour moi, si je suis ici aujourd'hui, c'est sûr que c'est pour prôner

la ratification de l'entente de principe telle qu'elle est préconisée. Même si elle est faite comme elle est, elle donne la possibilité ? puis c'est là aussi que c'est intéressant ? parce que le dialogue... ça va formaliser le dialogue entre nos nations et je suis certain, avec les personnes qui nous représentent dans la table centrale de négociations, on pourra trouver une formule qui va répondre à la préoccupation, en tout cas, qui pourrait être amenée. Mais, comme je vous le dis, je n'ai pas lu attentivement ? puis, ça, on le répète ? le rapport de M. Chevrette, mais si je comprends bien, c'est que c'est un rapport d'un émissaire mais que la décision va revenir au gouvernement tantôt au niveau de la ratification. Donc, je m'adresse vraiment aux représentants des Québécois et Québécoises aujourd'hui de regarder la dimension de la ratification parce que la ratification de l'entente ne lie pas juridiquement les parties, mais va permettre de formaliser, en tout cas, les discussions à une autre étape, et je pense que c'est là où il faut regarder l'avenir.

M. Kelley: Vous avez parlé dans votre conclusion d'inviter les parlementaires à poser le premier jalon. C'est ça que vous cherchez: la prochaine étape, c'est de ne pas perdre le momentum qui existe. Il faut procéder à la prochaine étape. Il y a une ouverture, si j'ai bien compris, d'avoir un mécanisme de consultation qu'il faut peaufiner, il faut voir avec les négociateurs, avec le gouvernement c'est quoi, la meilleure façon de procéder. Mais je pense qu'il y a un consensus autour de l'idée d'avoir un meilleur sentiment d'inclusion ou une meilleure mécanique de consultation pour s'assurer que tout le monde est sur la même page. Mais qu'est-ce que vous demandez aujourd'hui pour garder le momentum? C'est qu'on peut enterrer l'entente de principe et passer à la prochaine étape, c'est-à-dire la négociation d'une entente finale qui va nous amener vers un traité ou les autres considérations du rapport de M. Chevrette, qui sont nombreuses et détaillées, alors, c'est très difficile sur le coup de réagir point par point parce que M. Chevrette est allé loin dans les détails, mais c'est ça, le processus que vous allez... de ratifier l'entente de principe et procéder à un prochain tour, si j'ai bien compris.

M. Picard (Raphaël): Oui. Il y a une proposition qui est sur la table. Il y a eu un mode de fonctionnement de négociations qui avait été privilégié jusqu'à la proposition. Il est fort probable que les mandats de négociations continuent à s'appliquer, mais sauf que le fonctionnement pourrait être modifié au niveau des intervenants. Mais par contre, dans l'entente de principe, dans le projet d'entente de principe, nous aurons, après la ratification de l'entente de principe, on aura quand même des ententes complémentaires à conclure et il n'est pas exclu... Il n'y a aucun passage de l'entente de principe qui est exclu. Dans ces ententes complémentaires, la participation de créneaux de la population ou de groupes, il n'est rien d'exclu dans ça. Mais sauf qu'il sera, une fois que la ratification de part et d'autre aura été faite, il est fort probable que des équipes de négociation voient à des mécanismes de rayonnement plus importants.

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Oui. M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Il y a une question qui n'a pas été beaucoup abordée, mais je pense que c'est quand même une réalité sur vos territoires respectifs qui mérite à tout le moins d'être soulevée devant l'Assemblée, ici, c'est que chez vous aussi l'entente ne fait pas nécessairement l'unanimité. Vous n'en avez pas parlé, mais... Je ne suis pas au courant, au niveau des 80 mémoires qui sont déposés, si certains mémoires sont de provenance disons de mouvements qui peuvent être contre l'entente et ce seraient des groupes autochtones qui viendraient ici. Question peut-être de prévoir, vous n'aurez pas la chance de revenir puis d'expliquer en quoi ces gens-là pourraient ou pas avoir raison, s'ils viennent déposer des mémoires, mais les mouvements de contestation qui étaient présents au sein des territoires que vous représentez donc, est-ce qu'ils sont toujours présents et puis est-ce qu'ils ont l'intention de venir se faire entendre ici? Si oui, bien, qu'est-ce que vous pourriez dire avant même qu'ils le prétendent?

M. Moar (Clifford): Bien, première des choses, je pense que le dialogue qui a été entamé entre les trois parties a fait une chose, c'est reconnaître des peuples, reconnaître les nations, reconnaître les gouvernements. Nous, nous avons présentement en place une action démocratique, une action démocratique qui fait en sorte que ? ce n'est pas un jeu de mots, là ? ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Moar (Clifford): ...mais qui fait en sorte que nos représentants sont élus et sont officiels. Donc, c'est sûr que, dans chaque société, tu auras toujours des gens qui vont être à l'encontre du pouvoir ou de l'élection qui est là. Maintenant, où est-ce que, moi, je trouve ça dommage un peu ? puis écoute, c'est mon avis personnel, en tout cas, je n'ai pas consulté les autres chefs ? c'est l'importance que les médias donnent à ces regroupements-là. Moi, je trouve ça incroyable. S'ils venaient voir les élus, je pense qu'ils seraient... Peut-être que ce n'est pas les objectifs des médias aujourd'hui, mais en tout cas. Pour nous, qu'est-ce qui est important? C'est: nous, on a mis en place des consultations, on a reçu des mandats. Ça fait 20 ans qu'on est en processus, ça, je dois vous le dire. Puis il y a des personnes qui étaient là dès le début puis qui ont donné le mandat. La recherche au niveau de l'occupation territoriale en est elle-même une preuve du mandat qu'on a reçu de notre population d'entamer des discussions de négociation. Présentement, les gens veulent avoir un résultat. C'est ça qu'on leur propose et il va y avoir également d'autres processus d'information, de consultation, au niveau de nos gens. Mais on ne peut pas empêcher les gens de venir donner leurs opinions, mais vous devez comprendre que, chez nous, on est un peu comme chez vous: on a une représentation démocratique qui se fait par des élections qui se font dans les communautés.

n(17 heures)n

M. Corriveau: Est-ce que vous permettez? C'est parce que je voulais savoir peut-être, au niveau du chef Ross, aux Escoumins, le climat social pendant un certain temps était un petit peu plus difficile. Il y avait eu beaucoup de médiatisation de faite et des propos qui étaient excessifs qui se sont tenus récemment, je crois que ça s'est amélioré beaucoup?

M. Ross (Denis): Ça s'est amélioré. Je pense que les gens comprennent que la négociation doit se faire. C'est légitime pour les Innus. Et je pense que, si le gouvernement démontre sa volonté d'aller de l'avant avec l'entente de principe, je pense qu'à ce moment-là les gens aussi vont prendre leur place puis vont accepter plus facilement cette entente-là.

Le Président (M. Lachance): Une dernière question que je vous pose, messieurs: Si vous aviez un seul message à faire aux parlementaires de l'Assemblée nationale, quel serait-il?

M. Moar (Clifford): De recommander à votre gouvernement de ratifier notre entente de principe.

Le Président (M. Lachance): Merci. Merci beaucoup. Nous allons poursuivre nos travaux. J'invite les représentants de la communauté des Innus de Uashat mak Mani-Utenam à bien vouloir prendre place à la table des invités, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, mesdames, messieurs, bienvenue à cette commission parlementaire. Et j'invite M. Pinette, le chef, à bien vouloir nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Et je vous indique que vous avez également, selon la procédure que nous avons déjà préétablie, une présentation de 20 minutes et par la suite, vous avez vu comment ça se déroule, les échanges avec les parlementaires. Alors, bienvenue.

Communauté Uashat (Innu Takuaikan
Uashat mak Mani-Utenam)

M. Pinette (Rosario): Merci. (S'exprime dans sa langue).

Salutations à tout le monde. Tout d'abord, je tiens à préciser mon rôle et ma présence ici même. Je suis ici en tant que secrétaire et non en tant que chef de la communauté de Uashat mak Mani-Utenam. Je suis le secrétaire de mes patrons, mes patrons qui sont assis avec moi, nos aînées de la communauté de Uashat mak Mani-Utenam, les gens par qui notre mémoire se reflète et transpire de leurs sources, de leurs idées, de leurs concepts tant vécus du point de vue historique, tant aujourd'hui et tant pour le futur de notre communauté de Uashat mak Mani-Utenam.

Je pense que, pour moi, en tant que chef de la communauté, il ne faut pas, jamais, jamais, que j'oublie que je suis d'abord le secrétaire de la communauté. Je suis d'abord la personne qui va rentrer le bois pour chauffer le camp, la tente; je suis d'abord la personne qui va aller au lac chercher l'eau pour la maison; je suis d'abord la personne qui doit répondre à des ordres, à des commandes, et la commande que j'ai en ce moment vient des aînées.

Et, pour vous présenter les personnes qui m'accompagnent, ici, à ma gauche, j'ai Mme Anne Kapesh, une aînée assez âgée. Elle a été très patiente durant tout l'après-midi. Elle aurait aimé venir déjà ce matin, elle savait qu'il allait y avoir beaucoup de temps. Ce n'est pas un environnement qu'elle connaît, mais la question de l'avenir de la communauté, elle la connaît très bien. Vous allez être en mesure de l'apprécier au moment de la présentation. Et aussi, à ma droite, j'ai Mme Sarah Jourdain, une aînée aussi qui n'est pas familière dans cet environnement-ci, mais une aînée qui a développé, à travers sa culture et son éducation, sa propre conception de la gouverne. Et j'ai aussi, à mon extrême droite, Mme Julienne St-Onge, une aînée aussi, qui a su développer, à travers toute la bonne éducation qu'elle a reçue de ses grands-parents et de ses parents et qu'aujourd'hui elle est en mesure de transmettre à la jeunesse et peut-être même à ceux qui sont un petit peu plus vieux...

Parce qu'il ne faut pas oublier que, dans l'histoire des Innus, il y a eu une rupture, à un moment donné, avec l'avènement des pensionnats. Donc, on a quand même des gens d'un certain âge qui ont vécu les pensionnats et qui ont besoin d'accompagnement, qui ont besoin de support. Et nos aînés se donnent volontairement à recoudre, à renouer cette partie-là qui manque à l'histoire.

Évidemment, avec un mémoire aussi important, aussi phénoménal ? parce que j'ai quand même la chance d'être assis... avec moi, 250 ans d'histoire ? à moi seul, je ne pourrais suffire à la tâche. Je suis accompagné aussi de M. Konrad Sioui et de notre secrétaire, Mme Alanis Vollant, ainsi que de mon épouse, Angèle Fontaine. Donc, c'est notre délégation Uashat mak Mani-Utenam.

Maintenant, je regrette un peu qu'on manque d'un système de traduction. La question est importante pour les Innus, nos aînées le savent très bien. On nous consacre une heure. Le système de traduction fait défaillance, pour ne pas dire qu'il est totalement absent. Je pense que ça aurait été important que la commission en tienne compte. Vous avez pu constater en début d'après-midi, lors de la présentation de M. Chevrette, je traduisais pour les aînés. Et je sais qu'à l'occasion on pouvait déranger les travaux de la commission à cause, justement, peut-être de cette chose-là, qu'on n'a pas nécessairement prévue. Et j'ai constaté aussi que d'autres communautés avaient avec eux des aînés.

Maintenant, je ne sais pas de quelle façon on va pouvoir disposer d'une vingtaine de minutes pour une question qui concerne notre communauté, pour une question très importante qui va avoir des répercussions non seulement dans les négociations qui ont cours, mais pour un éventuel traité, que ce soit avec ou sans la participation de Uashat mak Mani-Utenam. Donc, pour nous, je pense que c'est un manque de respect envers les gens qui connaissent le droit, tant d'un point de vue de la pratique que d'un point de vue un petit peu plus technique, pour ne pas dire juridique. On va essayer d'être efficace pour le peu de temps qu'on a pour la question très, très importante pour la nation ainsi que ses conséquences qu'elle aura dans l'avenir.

Tu sais, des fois, tu es coincé dans une petite pièce, tu ne sais pas quoi faire mais tu sais que tu dois faire quelque chose puis tu sais que ton avenir peut en dépendre. Et nos aînées justement ont voyagé justement à cause de ça. Elles savent qu'elles sont dans une petite pièce mais que, en même temps, elles savent aussi qu'elles ont à se faire entendre.

Sur ce, je vais donner la parole à mes boss, à mes patrons, que sont les aînées.

n(17 h 10)n

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Salutations à tous, devant moi et derrière moi.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Je vais vous raconter un peu l'histoire...

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): ...que j'ai vécue et comment j'étais.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Ma présence ici, c'est que je veux dire des choses qui m'ont fait mal, des choses qui m'ont attristée.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): J'étais dans le bois...

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): ...très loin dans le bois, environ 40 milles au nord... 400 milles au nord avec ma famille.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): J'étais en forêt, et ils sont venus chercher mes enfants.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Ils ont été entrés dans une autre culture.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): C'est quelque chose que j'ai toujours regretté et que je n'oublierai jamais...

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): ...le fait qu'on ait fait perdre à mes enfants leur culture, leur langue. Aujourd'hui, mes enfants ne se reconnaissent même plus.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Ils ne parlent plus la langue.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): C'est une des choses, la première chose qui me motive à être ici.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Je n'ai peur de personne ici. Je n'ai peur de personne ici. Il y a des gens qui ont un discours...

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Le discours de M. Chevrette avait l'air de vouloir faire peur aux gens.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Pourquoi je n'ai pas peur? C'est parce que ce que je mets sur moi, qui l'a amené...

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): ...là où on était?

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): La Bible que les missionnaires nous ont présentée...

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Un prêtre, c'est un blanc.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): C'est écrit...

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): ...ne tue pas.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Donc, pourquoi aurais-je peur?

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Dans le temps où nous étions à 400 milles au nord de notre terre, jamais on n'a dérangé personne et jamais on n'a été dérangé, et jamais on n'a insulté personne ou on n'a été insulté.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): C'était ce qui était bon dans nos terres.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Nous pouvions avoir de la misère...

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): ...mais il y avait quand même un certain bien-être.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Une autre chose que l'on voit aujourd'hui et que l'on ne voyait pas et qu'on n'entendait pas parler dans le passé: le suicide.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Une autre chose, c'est: Tout ce que je vous ai dit jusqu'à maintenant, c'étaient des choses que j'avais le goût de vous dire.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Mais je n'étais pas venue nécessairement pour parler du territoire. Mais il y a une chose, par contre, que je comprends du territoire, c'est que je veux le garder. Même si on me donnait beaucoup d'argent, beaucoup d'argent, je veux garder mon territoire. Une autre chose, l'argent ne fait que passer. L'argent, ça vient et ça passe. Le territoire reste.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Ma plus grosse crainte, c'est qu'il y a tellement de rivières aujourd'hui qui sont harnachées, qui sont... où on construit des barrages, j'en ai peur. J'en ai peur, parce que nous allons tous mourir un jour. C'est une de mes craintes.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Pour le moment, c'est ce que j'avais le goût de vous dire.

Mme Kapesh (Anne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Merci beaucoup.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Salut! Salutations, membres du gouvernement.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Une des choses que je regrette le plus de ma vie, de ma culture, de mon mode de vie...

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): ...une des choses qui m'a été enlevée, est quand on m'a annoncé que maintenant tu ne pourrais plus monter dans le bois, tu ne pourrais plus aller vers ton territoire, parce qu'on n'achète plus la fourrure.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): J'ai tout perdu la médication que je faisais quand j'étais à l'intérieur des terres, puisque je ne montais plus. Je bougeais, je travaillais et je concevais ma médication.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Aujourd'hui, je trouve ça très difficile d'être ici.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Mes petits-enfants, à les regarder...

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): ...le fait d'élever mes petits-enfants dans ce monde-ci...

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): ...je ne pensais pas que le mode de vie serait autant perturbé.

n(17 h 20)n

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Ma présence ici et le fait d'être la porte-parole, c'est dans mon vouloir d'aider n'importe qui, peu importe qui, mais l'important, c'est de vouloir aider quelqu'un.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Le chemin que je veux tracer, je pense déjà à mes arrière-arrière-petits-enfants.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Qu'ils retrouvent le bien-être que moi-même j'avais dans le temps où j'étais dans mon territoire.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Les choses que je pense aujourd'hui, et je pense beaucoup, ça me fatigue, c'est là où j'étais bien, là où je n'étais point fatiguée dans ma tête, où j'étais vraiment bien.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Pour les jeunes, ils ont sûrement une vision, eux aussi. Je souhaite pour eux que jamais on leur ferme les portes de l'éducation, que cette porte reste toujours ouverte.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Parce que, moi-même, j'ai beaucoup eu de peine, une peine profonde quand on m'a fermé les portes de mon territoire.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Aujourd'hui, quand je pense, tout est difficile.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Au niveau santé, j'ai des problèmes de santé moi-même: haute pression, diabète.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Tellement j'étais bien dans mon autonomie, tellement j'étais bien dans ma propre gouverne.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Maintenant, quand je regarde et quand je regarde...

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Maintenant, quand on me regarde, où j'étais bien...

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Maintenant, rendue au stade où je suis rendue, je suis rendue où je ne peux plus bouger. Donc, je prends des médicaments.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): J'en prends tous les jours.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Quand j'étais en forêt, je n'en prenais pas parce que je faisais ma médication avec les plantes.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): C'est mon regret quand j'y pense.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Une autre chose qui me fait beaucoup mal, c'est le fait qu'on n'ait pas reconnu l'Innu.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Je suis habillée...

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Je suis habillée de mon habit traditionnel pour qu'on puisse croire qui je suis.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Je me remercie à moi-même pour avoir réussi à passer au travers et de faire ce que je devais faire, de toujours avancer.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): J'ai fait mon possible. J'ai donné tout mon possible pour que mes enfants aillent à l'école, et j'ai réussi...

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): ...depuis que je suis dans la réserve, dans la communauté.

Mme Jourdain (Sarah): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): C'est tout pour le moment.

Le Président (M. Lachance): Merci.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Salutations à vous tous.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): C'est la première fois que je rentre dans cette enceinte, et je suis surprise.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Quand je suis dans des endroits où je discute politique, ce n'est jamais comme ça. L'environnement me fait peur.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Je veux vous dire à vous tous le moment où j'ai arrêté d'aller en forêt. Le moment où j'ai arrêté d'aller en forêt, ça a été où j'ai reçu mon premier chèque.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): L'allocation familiale.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Le gouvernement nous disait: Vous devrez aller à l'école, vous devrez aller en classe, sinon on va vous emprisonner, on va vous enfermer.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): À ce moment-là, nos parents décident de ne plus nous amener avec eux en forêt. Nos parents décident, pour notre bien, de nous laisser dans la communauté.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

n(17 h 30)n

M. Pinette (Rosario): Une autre action du gouvernement, ça a été de nous construire des logements, une autre façon de plus pour nous retenir dans nos communautés.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): On ne savait pas quelle était l'intention du gouvernement.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): De plus, il y a eu la construction du pensionnat, une autre chose qui s'est rajoutée pour maintenir davantage.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Certaines familles montent dans le bois, d'autres ne montent pas dans le bois parce qu'ils ont pitié de leurs enfants qui sont pris pour être envoyés au pensionnat, et ils ont pitié de leurs enfants.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Et, une fois tout ça fait, une fois qu'on nous maintient dans la réserve, on apprend que le territoire va être détruit, va être exploité, va être développé, et il va y avoir une voie ferrée.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Mon père agissait à titre d'interprète pour le chef à l'époque, il parlait un petit peu français, et, dans un voyage qu'ils ont fait, on les informe que, avec l'avènement du développement de la mine, jamais vous n'aurez à payer vos passages de train.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Ça a peut-être duré une année, le train, ne pas payer le passage. Après un an, on a commencé à payer, et aujourd'hui, le prix du billet est encore plus cher qu'il l'était.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): C'est une stratégie de plus pour nous retenir ici, dans la communauté. Aujourd'hui, j'ai voyagé partout sur le territoire. J'ai vu beaucoup le territoire et, aujourd'hui, je vois qu'il y a des chalets non autochtones un peu partout. C'est rempli de chalets de villégiature.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): C'est une des choses que je regrette le plus, d'avoir vu le gouvernement se jouer de moi depuis tout ce temps-là pour me retenir, me maintenir dans la communauté et s'approprier de tout. Et, quand je pense à mes parents qui ont vécu âgés et mes grands-parents qui ont vécu au-delà de 100 ans, je pense à tout ça.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Aujourd'hui, je regarde ma propre condition physique et, moi-même, je suis aux prises avec de la maladie, et je me dis que je ne pourrai atteindre autant un âge aussi vénérable que mes parents et mes grands-parents ont atteint, à cause de la maladie qui me retient dans ma communauté.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Pour le moment, ça va être tout.

Mme St-Onge (Julienne): (S'exprime dans sa langue).

M. Pinette (Rosario): Je suis fatiguée.

Le Président (M. Lachance): J'aurais besoin d'une indication à ce moment-ci sur la suite de nos travaux. Nous devons terminer à 18 heures, est-ce qu'on peut s'entendre pour que le partage du temps se fasse également des deux côtés jusqu'à l'ajournement de nos travaux, maintenant? Oui? Alors, M. le ministre.

M. Trudel: Donc, ce sera bref, M. le Président. Chef Pinette, merci beaucoup de cette présentation. La langue employée nous présente par ailleurs un reflet de votre histoire qui est assez impressionnant et qui nous ramène directement à ce qui nous rassemble aujourd'hui. Et, à partir de la présentation de cette sortie en quelque sorte ou de cette traversée de 400 kilomètres en forêt pour se retrouver dans un autre lieu, en passant par la seconde intervenante qui fait bien ressortir toute la fierté qu'elle a d'avoir soutenu l'éducation de ses enfants, de ses filles, pour leur permettre de traverser dans la modernité, à aller jusqu'à notre intervenante qui nous rappelle l'importance des ententes, l'importance des ententes écrites, tout ce fait, qui nous est rappelé par le prix du billet sur le train, doit certainement nous rappeler, nous ramener au terrain de la nécessité des ententes convenues, écrites, avec les mécanismes de respect de ces ententes pour le développement de nos nations.

Je vais y aller très lentement pendant que vous traduisez à vos aînés, chef Pinette, en saluant aussi, bien sûr, M. Sioui qui vous accompagne. En fait, une seule question, mais elle est, pour moi, capitale, importante. Vous notez dans votre mémoire, à la page 13, ce que vous nous avez fait parvenir, que «le rôle de la province de Québec dans la négociation de traités est une réalité, d'autant plus si un peuple autochtone veut bénéficier des approches avant-gardistes mises de l'avant par le Québec, notamment dans l'entente de nouvelles relations entre le gouvernement du Québec et les Cris». Et, plus tard, vous souhaitez par ailleurs que la négociation avec votre communauté se fasse directement avec la couronne fédérale et le Parlement.

Je suis allé dans la région vous rencontrer il y a six ou sept mois, et nous sommes convenus de travailler sur les conditions préparatoires à l'ouverture de négociations globales avec votre communauté, dans le cadre de l'approche avec les gouvernements et les représentants de la nation innue, telle que nous l'avons vécue depuis un bon nombre de mois. En somme, chef Pinette, vous nous dites que les approches du gouvernement du Québec sont avant-gardistes. Est-ce que, avec les travaux qui ont été réalisés, vous estimez... et nous avons par ailleurs l'obligation de négociation. Est-ce que vous comptez, dans les jours ou les semaines à venir, joindre le mouvement de la négociation pour une entente avec votre communauté?

M. Pinette (Rosario): Je pense que la position de Uashat sur cette question-là, elle a toujours été... les gens du gouvernement, votre ministère, les premiers ministres... À l'époque, nous avions envoyé des lettres à M. Jean Chrétien, premier ministre du Canada. Nous avions envoyé des lettres à M. Lucien Bouchard, premier ministre du Québec à l'époque. Nous avions envoyé des lettres à M. Guy Chevrette, ministre au Secrétariat aux affaires autochtones à l'époque. Vous avez reçu de notre part, aussi, des lettres. Nous avons envoyé aussi des lettres à M. Brian Tobin, premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador à l'époque. Et, plus récemment, nous avons fait connaître notre position au premier ministre Roger Grimes, le nouveau premier ministre de Terre-Neuve.

n(17 h 40)n

La situation géopolitique de Uashat mak Mani-Utenam, vous la connaissez très bien: 50 % du territoire innu de Uashat mak Mani-Utenam se trouve dans le territoire qu'on appelle québécois et 50 % de l'autre territoire, qu'on appelle Terre-Neuve, se trouve au Labrador. Donc, pour nous, c'est assez évident, tant pour les aînés, qui disent, eux, qu'un problème ne peut pas être réglé seulement de moitié: s'il y a des problèmes à régler, soit on règle toute la question, mais non en partie. Je pense que, là-dessus, trop souvent la mémoire collective de la communauté est empreinte de messages, de promesses non tenues. Trop souvent.

Là, tantôt, on a parlé de billet de train, mais on pourrait en dire encore beaucoup plus, et les gens le savent. Je pense que ce sont seulement des éléments que l'on amène, mais ce n'est pas le seul élément. Aujourd'hui, la prudence de la communauté de Uashat mak Mani-Utenam à vouloir s'embarquer sous l'égide de l'Approche commune... Nous respectons nos frères et soeurs de Mamuitun qui ont fait le choix de négocier et de bonne foi, j'en suis sûr, de part et d'autre. Mais il faut dire que la communauté de Uashat mak Mani-Utenam n'a pas nécessairement les mêmes aspirations, si vous voulez, en ce qui concerne notre position.

Nous pouvons même vous déposer les lettres, qu'on a sorties pour vous, pour le bénéfice de la commission, sur les différentes manifestations qu'on a envoyées, les différents signaux qu'on a envoyés, depuis 1998, aux trois gouvernements, que ce soit le Canada, que ce soit le Québec, que ce soit Terre-Neuve-et-Labrador. Pour le bénéfice de la commission, je ne sais pas qui agit à titre de secrétaire, mais ce sont des lettres qui peuvent être déposées et qui sont déjà sûrement dans vos filières: des demandes de terres pour Uashat et toute la spécificité qu'on avait énumérée déjà à ce moment-là. Je veux être sûr que ma facture n'est pas...

Documents déposés

Le Président (M. Lachance): Alors, ces documents sont déposés officiellement, M. Pinette. M. le ministre.

M. Trudel: Juste pour dire que ? en une minute ? nous souhaitons de la part du Québec d'ouvrir les négociations avec Uashat Mani-Utenam, et nous souhaitons parvenir à une entente, et nous sommes persuadés que nous pouvons tenir compte des particularités de la communauté de la nation de Uashat Mani-Utenam.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: M. le Président, j'ai compris de vos propos que le passé a été décevant et même triste, mais j'ai la conviction que la terre que nous partageons ensemble est riche et généreuse et que le futur pourrait être plus heureux. Quand on regarde sept générations en arrière, on constate que ce qui a été fait nous conduit aujourd'hui à une situation que nous déplorons. Et, si on veut regarder sept générations en avant, je me demande si l'entente est possible, si nous la voulons et si nous la souhaitons, et si vous considérez qu'une vie commune sur une terre partagée est possible, d'une part, et, deuxièmement, si la teneur du projet qui est actuellement sur la table, en termes de projet d'entente, ça vous apparaît respectueux de vos valeurs, si ça vous apparaît raisonnable et, indépendamment avec qui vous souhaitez négocier, s'il s'agit là d'une teneur qui vous paraît souhaitable pour regarder en avant.

M. Pinette (Rosario): Avec toutes les lettres que nous venons de déposer, je pense que c'est une démonstration plus que tangible de la volonté de Uashat mak Mani-Utenam de vouloir développer des relations respectueuses de part et d'autre. J'essayerais le plus possible de ne pas utiliser le mot «harmonieux» pour tout de suite. Je pense qu'au niveau du... peut-être développer davantage le concept de respectueux, qui est, je pense, à mon avis, un mot qui mérite qu'on y prête la loupe, et qu'on essaie de voir de quelle façon on peut développer, à travers ces concepts-là, de meilleures relations entre le voisinage.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'à Sept-Îles, même si on n'est pas dans une table de négociation, notre région, c'est un coin qui brasse un petit peu. Donc, le Conseil doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour protéger sa population. Et c'est ce que nous essayons de faire depuis que l'Approche commune a été rendue publique et qui a fait pas mal de tapage dans notre coin. Et je pense que, là-dessus, notre communauté, malgré la position qu'elle a fait connaître, ça n'a pas empêché d'avoir du tapage assez important, assez important.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Chicoutimi, est-ce que vous voulez intervenir? Très brièvement.

M. Bédard: Oui, très brièvement, c'est ça. Bien, simplement dire, je ne sais pas, vous avez dû entendre les gens parler beaucoup d'avenir, beaucoup d'avenir pour les jeunes, pour ceux qui vivent des difficultés, auxquelles faisaient référence les gens qui sont intervenus un peu avant, puis souhaiter à ces gens-là un avenir meilleur. Donc, comment bâtir cet avenir-là? c'est à travers ce projet d'entente. C'est ce qui est véhiculé, c'est ce qui est souhaité par les autres communautés et souhaité par le gouvernement du Québec.

Vous dites: On aimerait tout régler ou rien régler. J'aimerais savoir dans ce qui est proposé qu'est-ce qui est oublié. Qu'est-ce qu'on n'y retrouve pas qui pourrait vous inciter d'ailleurs à joindre des négociations?

M. Pinette (Rosario): C'est sûr, moi, j'ai beaucoup entendu aujourd'hui. Je suis ici depuis ce matin et j'ai écouté les différentes parties de votre gouvernement, de vos institutions faire leur présentation. J'ai écouté aussi les négociateurs des trois parties qui ont fait leur présentation. J'ai écouté aussi M. Chevrette cet après-midi. Et j'ai écouté aussi mes frères de Mamuitun qui ont fait leur présentation. Et, jusqu'à maintenant, tout ce que j'ai reçu comme signal, c'est que tout semble être, pour le moment, au diapason. C'est comme un orchestre où tous les musiciens jouent un peu la musique qu'on veut entendre. C'est sûr que, pour nous, Uashat mak Mani-Utenam, on ne joue pas, peut-être, nécessairement la note qu'il faut. Ce qui fait que, peut-être, ça peut paraître discordant. Mais je pense qu'au contraire ça n'a pas de discordance. Je pense qu'on est à développer une pièce, une pièce qui est encore plus large d'ouverture d'esprit dans les deux côtés.

Tantôt, vous avez entendu parler nos aînés sur leurs blessures, les déchirures qui ont été connues dans le passé. On a parlé des statistiques ce matin: près de tant de pourcentage, bien, c'est des jeunes de 16 à 25 ans. Mais le plus haut taux de pourcentage dans les communautés, c'est des gens qui ont vécu des blessures, c'est des gens qui ont vécu l'époque du pensionnat, c'est des gens qui ont entre, je dirais, 35 à 50 ans. Il y en a beaucoup. Donc, ce sont des pères, ce sont des mères de famille qui vivent ces blessures-là encore aujourd'hui. Et ces mêmes pères et ces mêmes mères de famille éduquent des enfants aujourd'hui, pas nécessairement dans le meilleur environnement qu'elles auraient voulu ou que les aînés auraient voulu que leurs petits-enfants soient éduqués.

n(17 h 50)n

Donc, il y a des choses, des situations qui font en sorte que la question de la relation qu'on doit avoir avec le fédéral, qui doit continuer, selon le mémoire qu'on a... Parce qu'il y a des choses avec le fédéral encore qui ne sont pas réglées puis qui devront être réglées, et ce n'est pas aujourd'hui, ce n'est pas à l'intérieur de ce cadre-là qu'on... d'où cette commission origine. C'est plus dans ce sens-là, tu sais. Mais, dans d'autres éléments aussi, dans d'autres aspects, il y a lieu de maintenir toujours cette relation-là avec le fédéral et de maintenir le 91, 24, au lieu de faire un échange pour un article 92. C'est important pour la communauté ? là, je vois que le président me fait signe.

Le Président (M. Lachance): Oui. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, je veux dire bienvenue à Mme St-Onge, Mme Jourdain, Mme Kapesh, M. le secrétaire Pinette et à M. Sioui aussi pour votre présentation fort éloquente. Cet après-midi, cette notion ou ce sentiment du passé que les trois aînées ont démontré, je pense, c'est très important. Il faut garder à l'esprit qu'il y a une longue histoire, un long passé avec toutes les déceptions, les échecs, les incidents tragiques qui se sont passés dans le passé. Alors, merci beaucoup de garder vivante la mémoire de ces événements qui sont difficiles.

Et, dans votre mémoire, il y a des dossiers précis que peut-être nous n'aurons pas l'occasion d'aborder cet après-midi, mais je pointe le point qui a été soulevé, que la frontière innue n'est pas coupée par... On a nos propres cartes avec la carte du Québec et Terre-Neuve, Labrador, mais ce n'est pas vos frontières, c'est nos frontières. Ce qui est également vrai pour les Micmacs dans le Gaspé, qui ont un sentiment d'appartenance avec leurs voisins au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. On a juste à visiter les Mohawks et la communauté d'Akwesasne qui est entre l'État de New York, Ontario et le Québec pour voir que nos frontières sont souvent malcommodes pour vos intérêts et vos besoins. Alors, je pense que c'est un point qui est important à soulever, merci beaucoup de le faire.

Vous avez également évoqué la question d'un centre correctionnel communautaire innu, et toutes les questions des démêlés pour les jeunes Innus avec le système de justice, et d'avoir un système qui est beaucoup mieux adapté à la réalité innue. Et vos pratiques et vos coutumes, je pense que ça, c'est un autre élément que peut-être on n'aura pas l'occasion d'aborder aujourd'hui, mais je pense que le point qui est soulevé dans votre mémoire est important.

Mais, peut-être, parce que le temps file, j'ai juste la question du portrait que M. Chevrette a tracé de votre communauté et où il vous demande de joindre les rangs des négociations au plus tard, mais, aussi: «Je demande également aux leaders politiques autochtones et à ceux de la MRC de Sept-Rivières de tout entreprendre pour calmer les esprits dans ce secteur. À cette fin, il serait sans doute constructif qu'un mécanisme de concertation et de rapprochement soit mis en place dans les meilleurs délais.»

Premièrement, est-ce que vous acceptez l'alarme qui est sonnée par M. Chevrette? Et, si oui, comment est-ce que vous avez réagi à cette idée de mettre en place dès maintenant un genre de mécanisme de concertation?

M. Pinette (Rosario): Je pense qu'en bons leaders responsables que nous sommes, nous n'avons pas attendu que votre parti en fasse la recommandation. C'est quelque chose que nous avons fait déjà très tôt à l'automne, quand nous avons constaté une augmentation d'incidents violents dans notre territoire. Nous avons eu des rencontres avec M. le député Normand Duguay. Nous avons eu des rencontres avec M. Ghislain Lévesque, maire de la ville de Sept-Îles et préfet de la MRC. Et nous avons même tenu des conférences de presse communes pour rappeler les gens au calme de part et d'autre. Donc, nous travaillons déjà ensemble de façon très étroite. Il y a une très bonne communication entre les leaders de la place, et on essaie le plus possible, là, de faire en sorte que la violence n'escalade pas et on essaie de gérer, avec nos commissions scolaires respectives, avec notre sécurité publique respective, toutes ces situations-là qui pourraient dégénérer si nous n'avions pas fait justement ces actions-là qui étaient à un niveau politique mais qui s'imposaient quand même à ce moment-là.

M. Kelley: Est-ce que vous acceptez l'hypothèse que le meilleur garant de l'avenir demeure quand même qu'on peut s'asseoir, négocier les règles du jeu, qui vont être acceptées par tout le monde, dont, au niveau du développement du territoire, au niveau de la chasse et pêche, on a besoin pour calmer le jeu d'une façon permanente, que c'est une entente, soit l'Approche commune ou une autre forme, je ne dis pas quel genre d'entente, mais que ça, c'est vraiment la meilleure voie de l'avenir pour assurer un avenir plus paisible?

M. Pinette (Rosario): Je pense que la position de la communauté à ce niveau-là... Encore, je me répète, vous avez les lettres dans lesquelles on accepte de se doter des cadres de discussion, mais pas des cadres préfabriqués, des cadres que nous construisons ensemble. Donc, dans cette perspective-là, Uashat mak Mani-Utenam est partie prenante à ces orientations-là, à ces discussions-là. Mais, quand on commence à parler dans du préfabriqué ou du réchauffé ? excusez l'expression ? Uashat mak Mani-Utenam est un petit peu plus réticente. Réticente parce qu'elle a un vécu, elle a une histoire. Je ne sais pas combien de temps on dispose, mais nous aurions peut-être deux, trois questions, même si ce n'est pas coutumier, là.

M. Kelley: Moi, en terminant, parce que je sais que le député de Saguenay veut ajouter une couple de mots, mais juste en terminant, pour ma part, merci beaucoup pour votre présence. Je suis très conscient qu'on est très loin de chez vous. C'est une atmosphère qu'on ne trouve pas ailleurs au Québec. Et peut-être un dernier message pour Mme Kapesh, que, même, souvent, quand M. Chevrette parle, moi aussi, j'ai peur. Alors. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): C'est parce qu'il parle fort, mais il n'est pas méchant. M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Oui. Bien d'abord, rapidement, une chose, c'est: merci d'assurer le service de traduction simultanée. Effectivement, ça me semble être un manque que vous ne devriez pas subir, un fardeau que vous ne devriez pas supporter que de devoir traduire comme ça vos propos devant l'Assemblée nationale qui, finalement, est aussi votre Assemblée, parce qu'il faut se rappeler que vous avez droit de vote également au niveau du gouvernement lorsque les élections provinciales se présentent.

Une question, peut-être bien pas simple puis peut-être qu'on n'aura pas assez de temps pour y répondre, mais, au niveau des négociations actuelles, on comprend que Betsiamites fait partie, disons... vous partagez un peu des territoires qui sont les mêmes sur le plan ancestral, est-ce que ça peut causer problème, le fait que... pas que la municipalité, mais que le Conseil de bande de Betsiamites négocie actuellement? Si on devait en arriver à une entente entre le gouvernement du Québec et Betsiamites puis que, vous, vous ne feriez pas partie de cette entente-là, est-ce que ça peut créer une problématique future lorsque vous viendrez à la table des négociations en prétendant que les terrains, en fait les territoires qui auront été accordés à Betsiamites, sont également des territoires que vous pourriez revendiquer?

M. Pinette (Rosario): Vous amenez un très bon point, parce qu'on se l'est posée et, cette question-là, on l'a reposée aux bonnes personnes: le fédéral, qui est, qui doit être le protecteur des droits via la responsabilité fiduciaire qu'il a à l'égard de la première nation. On souhaiterait que ce soit autrement, mais l'État de droit actuellement, il est ainsi fait. Donc, c'est pour ça que, dans notre mémoire, vous retrouvez la clause de non-dérogation à nos droits. Et, dans les lettres que nous vous avons déposées, à maintes reprises nous faisons valoir ce point-là, le chevauchement territorial avec les Innus de Mamit, avec la table de Mamit Innuat, et les Innus de Mamuitun pour les quatre communautés dont on parle actuellement.

n(18 heures)n

Nous avons fait valoir aussi l'«overlapping» au Labrador, tant chez les Innus du Labrador, M. Peter Penashue, qui est président d'Innu Nation, qui connaît notre position concernant le chevauchement territorial, et tant le gouvernement de Terre-Neuve, qui connaît aussi notre position là-dessus: nous tenons à garder absolument l'intégrité du territoire innu de Uashat mak Mani-Utenam.

C'est sûr que toutes ces discussions-là... toute cette question-là va faire partie des discussions qu'on peut avoir dans un cadre que nous définissons ensemble. Donc, c'est à ce moment-là que les vraies choses vont se parler. Mais je dois vous dire aussi d'un autre côté que je suis un peu inquiet. Le fait d'avoir écouté M. Chevrette et qu'il semble vouloir se dégager, dans son rapport, un traité, et laisser une porte ouverte pour des communautés qui voudraient intégrer le traité de la nation un petit peu plus tard, je ne sais pas c'est quoi ça veut dire en termes techniques et juridiques, mais ça me laisse un petit peu dans un gros vacuum pour Uashat mak Mani-Utenam, vacuum dans le sens où j'ai l'impression que je vais être affecté, et même très affecté, si cela devait se faire ainsi.

Le Président (M. Lachance): Étant donné l'heure, les travaux de la commission doivent maintenant se terminer. Je vous remercie beaucoup, mesdames, monsieur, pour votre présence à cette commission parlementaire ici aujourd'hui. Merci. Et, là-dessus, j'ajourne les travaux de la commission à demain matin, le 22 janvier 2003, à 9 h 30, ici même, à la salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 18 h 2)


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