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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le vendredi 7 mars 2003 - Vol. 37 N° 116

Consultation générale sur le document intitulé Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des institutions ouverte et je rappelle le mandat de la commission qui est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaumier (Champlain) est remplacé par M. Tremblay (Lac-Saint-Jean); M. Boulianne (Frontenac) est remplacé par M. Laprise (Roberval); Mme Leduc (Mille-Îles) est remplacée par M. Duguay (Duplessis); Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) est remplacée par M. Kelley (Jacques-Cartier); Mme Mancuso (Viger) est remplacée par Mme Gauthier (Jonquière); et M. Pelletier (Chapleau) est remplacé par M. Sirros (Laurier-Dorion); M. Dumont (Rivière-du-Loup) est remplacé par Corriveau (Saguenay).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, j'invite les personnes qui auraient un appareil de téléphonie cellulaire ouvert de bien vouloir le fermer pendant la séance, s'il vous plaît. Et je souhaite la bienvenue à toutes les personnes qui sont présentes ici pour cette dernière séance des travaux de notre commission, en cette douzième journée, après avoir entendu plusieurs dizaines de groupes ou de personnes intéressés par cette question très importante.

Alors, ce matin, nous allons entendre un dernier groupe et non le moindre, l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador et, par la suite, nous terminerons ces travaux par les remarques finales des parlementaires qui sont présents à cette commission. Alors, sans plus tarder, j'invite le porte-parole de l'Assemblée des premières nations à bien vouloir s'identifier et nous présenter les personnes qui l'accompagnent, en vous indiquant que vous avez une période de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires.

Auditions (suite)

Assemblée des premières nations
du Québec et du Labrador (APNQL)

M. Picard (Ghislain): Merci beaucoup, M. le Président. Donc, j'ai décidé de venir bien épaulé ce matin. À mon extrême gauche, on a Mme Wanda Vachon, qui est originaire de la communauté de Matimekush, qui siège également au niveau du Forum des jeunes des premières nations du Québec-Labrador; à sa droite, le chef Lance Haymond, qui est de la région du Témiscamingue, de la communauté de Eagle Village, donc un chef algonquin; à sa droite, Mme Anne Archambault que vous avez déjà rencontrée, qui est le chef de la nation malécite; à ma gauche immédiatement à mes côtés, c'est le chef John Martin de la communauté micmaque, de Gesgapegiag en Gaspésie; à mon extrême droite, c'est Jean-Claude Pinette, qui est également sur le Conseil des jeunes des premières nations, qui est également Innu; et, immédiatement à ma droite, évidemment il y a le chef Raphaël Picard, de la communauté de Betsiamites qui est aussi ma communauté.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, mesdames, messieurs.

M. Picard (Ghislain): Merci beaucoup. (S'exprime dans sa langue).

M. le Président, membres de la commission parlementaire, je vous remercie de nous avoir invités à prendre part à vos travaux qui visent à faire l'examen de l'Entente de principe entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.

L'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador est un collectif de chefs basé sur l'autonomie de chacune de nos nations et sur le respect de l'autorité locale; l'APNQL n'est donc pas ici, aujourd'hui, pour commenter le contenu du projet d'entente. Cependant, nous constatons que le précédent est maintenant créé et que le potentiel pour une reprise d'un exercice semblable dans le cadre d'autres négociations se pose sérieusement. Compte tenu de tout ce qui demeure à négocier et à régler entre les gouvernements des premières nations et les autres gouvernements, la référence à une commission parlementaire préoccupe l'APNQL et motive notre présence, ici, ce matin.

Le ministre responsable aux Affaires autochtones, M. Rémy Trudel, a écrit dans son message contenu dans le document de réflexion sur la négociation avec les Innus que la commission parlementaire est, je cite: «une occasion unique pour le Québec de faire un pas de plus sur le chemin menant à des relations harmonieuses entre les nations autochtones et les populations locales et régionales». Fin de la citation. J'espère être en mesure aujourd'hui de lui offrir quelques ouvertures sur l'atteinte de ses objectifs.

Notre intérêt est donc de faire en sorte que le cadre politique qui sous-tend une démarche comme celle-ci soit suffisamment large pour intéresser d'autres communautés ou d'autres nations à venir à la table.

L'APNQL est en effet persuadée que l'harmonisation réelle et durable des relations entre les premières nations et le Québec passe obligatoirement par une démarche politique d'égal à égal, de gouvernement à gouvernement, par une nouvelle relation entre nous.

n (9 h 40) n

Que votre gouvernement nous donne un signal concret de son engagement en ce sens, un signal que nous attendons depuis longtemps, et nous nous mettrons immédiatement à la tâche avec lui. Nous aurons alors à nous donner un forum politique paritaire, à établir notre agenda et à nous mettre au travail.

Cet agenda, nous en connaissons déjà, de part et d'autre, des éléments incontournables: l'intégrité du territoire, l'accès aux ressources, la fiscalité, la reconnaissance respective de nos juridictions.

Sinon, si nous n'osons pas relever ce défi, que ferons-nous lorsqu'il y aura un soulèvement de l'opinion publique au moment où, par exemple, la nation anishnabe se retrouvera devant un scénario semblable à celui-ci? Allons-nous commander une autre commission parlementaire?

Dans le mémoire que nous avons déjà déposé, nous faisons un retour sur nos liens avec votre gouvernement en révisant les quelques chapitres de la relation entre les nations autochtones et les gouvernements du Québec qui se sont succédé. Le jugement que nous portons pourra vous apparaître trop sévère, alors que les communautés qui sont représentées à la table de l'APNQL vous diraient qu'il ne l'est pas assez.

Je sais qu'en parlant d'une nouvelle relation politique entre les premières nations et le Québec je n'invente rien et je n'apprends rien de nouveau à qui que ce soit dans cette Chambre, dans ce même salon rouge, où il y a bientôt 20 ans le premier ministre en évoquait l'idée. Cette idée a pris la forme d'un forum politique dans la plus récente tentative de votre gouvernement de se doter d'une politique devant guider sa relation avec les premières nations. D'autres parties de ce chapitre nous apprennent aussi que la majorité des nations ont rejeté cette politique et son unilatéralité qui n'est pas sans rappeler l'adoption de la résolution de l'Assemblée nationale de 1985 qui reconnaît les nations autochtones au Québec.

Vous nous rappellerez sûrement que cette situation n'a pas pour autant empêcher un projet de règlement de la revendication des Innus de Mamuitun et Nutashkuan. C'est un fait. Cependant, avec ce constat, il faut aussi savoir qu'on n'est pas nécessairement près de la gare par rapport à un traité pour l'ensemble de la nation et encore moins près pour les autres nations qui n'ont pas à ce jour entamé de processus.

En pareil cas, dans les conditions présentes, quels sont les risques que nous courons? Le statu quo qui ne profite à personne, l'incertitude sur plusieurs fronts, notamment dans le domaine de l'exploitation des ressources naturelles et peut-être même ultimement le recours par la voie des tribunaux, alors que l'opinion de la majorité des mémoires qui vous ont été soumis privilégie la voie de la négociation.

En tant qu'Innu, j'ai beaucoup de difficulté à souscrire à l'idée que nous, comme nations autochtones, avons à nous compromettre dans le processus de négociation. Parce que, dans la négociation, laissez-moi vous dire qu'il y a beaucoup plus que le territoire et ses ressources, qu'il y a beaucoup plus que le titre autochtone et les droits ancestraux. Le député de Lac-Saint-Jean, il y a une dizaine de jours, nous racontait son expérience avec la nation attikamek de Wemotaci en vantant les mérites de la séance de sudation. C'est évidemment une initiative très louable pour n'importe quel individu au Québec, mais il faut aussi savoir que Wemotaci fait partie de la nation attikamek, une nation attikamek qui a eu ses périodes sombres au cours des deux dernières années alors que l'incidence du suicide a pris des proportions effarantes. Mesurons-nous bien le poids qui repose sur les épaules des leaders de cette communauté et de toutes celles qui vivent des situations semblables? Comprenons-nous bien, nous tous ici présents, les liens qui existent entre la dévastation sociale et l'état de dévastation du territoire? S'il a pris la route pour aller à Wemotaci, le député de Lac-Saint-Jean a pu voir un rideau d'arbres tout au long de son trajet. Je dis bien un rideau, parce qu'en arrière du rideau il n'y a rien, croyez-moi. Et, s'il a fait le voyage en avion, à ce moment-là l'évidence est foudroyante. Croyez-moi, l'heure n'est pas au pétage de bretelles en matière de relations avec les premières nations.

Vous allez sans doute me trouver dur. Si c'est le cas, c'est que notre passé aussi a été dur et cruel à certains égards, et nous voudrions tant que les choses changent afin que les jeunes qui sont avec nous aujourd'hui et qui nous suivent regardent l'horizon avec un peu plus d'assurance.

En dépit de l'incertitude quant à l'utilité de la présente démarche parlementaire, j'ai tout de même accepté de saisir l'occasion pour voir jusqu'où le présent gouvernement du Québec est prêt à aller pour faire la preuve de son avant-gardisme en matière de relations avec les autochtones.

Nous ne voulons pas aujourd'hui commenter les nombreuses opinions qui vous ont été exprimées depuis le début de vos travaux, sauf pour dire que la minorité de ces opinions qui mettent un doute sur la légitimité de nos revendications n'auront pas contribué à diluer nos convictions en ce qui concerne la place qui nous revient.

Un aspect que je trouve particulièrement déplorable, à la limite injurieux, c'est le caractère secondaire qu'on a voulu donner à des principes fondamentaux, tels le titre autochtone et les droits qui s'y rattachent. Être un caillou dans les chaussures des MRC est loin de rendre justice aux décennies de lutte sur la place publique contre vos gouvernements, sur la route 132 ou la 138, devant les tribunaux et même devant la communauté internationale. Nous n'avons pas investi, pour certains d'entre nous, la moitié de nos vies pour faire l'objet de dérapages verbaux de certains de vos concitoyens, élus ou pas, qui prétendent à la vérité de l'histoire en ce qui concerne nos nations.

Ce que j'ai entendu depuis une dizaine de jours au cours de cette commission parlementaire m'amène à m'interroger sur la portée réelle, la signification profonde pour l'ensemble des Québécois, de la reconnaissance que leur gouvernement a accordée à nos nations en 1985.

Le mémoire déposé par l'APNQL à la commission parlementaire propose au gouvernement du Québec une série de recommandations. Permettez-moi ici d'en préciser les principaux éléments.

Sur la nécessité d'informer la société québécoise, au terme de cette commission parlementaire, le gouvernement du Québec ne peut que constater l'urgence de se mettre sérieusement à la tâche.

Il s'agit de faire cesser l'ignorance qui affecte un bon segment de la population sur l'existence du droit à l'autonomie gouvernementale, sur l'histoire, sur la culture, sur les droits ancestraux des autochtones mais surtout sur les engagements historiques de leur gouvernement envers les premières nations.

Le Secrétariat aux affaires autochtones s'est vu spécifiquement confier par le gouvernement, en 1992, le mandat d'éduquer le public sur les questions autochtones. Tous les efforts nécessaires ont-ils été déployés? Le message à passer est-il clair? Ne vaudrait-il pas mieux donner aux organismes culturels autochtones les moyens de jouer pleinement le rôle de sensibilisation et de communication tant auprès des autochtones que de l'ensemble de la population?

Les commentaires négatifs et parfois intolérants recensés depuis le début du mouvement de mécontentement d'une partie de la population non-autochtone suggèrent qu'on aurait intérêt à favoriser l'éducation populaire de la société québécoise dans un langage qu'elle pourra comprendre. Nous sentons l'importance du fossé qui s'est creusé entre certaines couches des populations non-autochtones et les autochtones, pourtant voisins, et qui partagent souvent des intérêts communs.

De plus, la présente commission démontre, à mon avis, l'urgence de faire connaître la nature et les causes relatives au processus de négociation territoriale et globale en cours au Canada depuis 1975 et celles des Innus et des Attikameks depuis 1980.

Je me réjouis que certains sondages récents suggèrent qu'une majorité de la population de la région du Saguenay semble favoriser l'Approche commune, mais il demeure que la réaction de ceux et celles qui s'opposaient à la négociation innue a réussi à faire arrêter momentanément le processus de négociation. Je demeure convaincu que la meilleure réponse devant ce phénomène d'opposition n'était pas nécessairement de convoquer une commission parlementaire. Je crois que le gouvernement aurait dû faire des efforts pour mieux comprendre cette opposition. En d'autres mots, si une majorité de la population semble appuyer l'Approche commune, il est fort possible que cet appui existait au moment de l'institution de cette commission, et on aurait pu prendre avantage de ce fait.

Le gouvernement du Québec doit accepter la réalité historique et maintes fois confirmée que les autochtones occupent l'Amérique depuis des millénaires. Puisque le gouvernement du Québec a le devoir de négocier de bonne foi, il doit reconnaître que nos aïeux étaient aussi des nomades qui parcouraient de grands territoires, que les anciennes communautés se formaient et se séparaient pour en former d'autres, qu'ils aient pu être nommés de diverses manières, que certains groupes aient pu s'intégrer à d'autres nations. En quoi les déplacements constants de nos ancêtres diminueraient-ils les liens entre eux et les générations actuelles et futures? Nos légendes, nos chants, notre histoire, notre façon de nommer les lacs et les rivières sont des preuves suffisantes de notre occupation ancienne de cette terre que vous nommez le Québec.

Au lieu de financer les recherches pour mettre un doute sur nos prétentions en matière de territoire et de droits, vous devriez sérieusement envisager de donner le mandat à des économistes réputés et indépendants ou à une université reconnue le soin d'étudier les retombées de l'application de la Convention de la Baie James sur le développement économique et social du Moyen Nord et du Nord-du-Québec. Les résultats de cette étude pourraient servir à démontrer que la conclusion d'une entente avec une première nation sert aussi les intérêts économiques des non-autochtones, à améliorer les relations entre autochtones et non-autochtones et à renforcer une région éloignée des grands centres urbains.

n (9 h 50) n

Le gouvernement du Québec doit respecter son engagement à négocier de bonne foi avec la nation innue et toute autre nation qui fait l'expression de ses revendications territoriales. Le gouvernement du Québec n'a pas à faire intervenir des tiers hostiles dans ce processus sans le consentement des nations parties à la négociation et devra résister à la tentation d'entreprendre des référendums qui ne respecteraient pas les règles de la démocratie et dont les résultats seraient connus d'avance.

Dans le but de concrétiser les engagements politiques du Québec envers les premières nations, l'administration publique québécoise doit être rappelée à l'ordre. Les distorsions entre le discours politique et le produit livré par l'administration sont flagrantes et quotidiennement irritantes. Les autochtones ont droit au respect des employés de l'État et au traitement équitable de leurs demandes.

En 1978, lors de la rencontre des Amérindiens du Québec et du gouvernement québécois, M. Louis Bernard, alors secrétaire général du gouvernement, nous assurait de toute la collaboration des fonctionnaires québécois. Je ne doute pas de la sincérité de ses propos, mais je demeure convaincu qu'il reste encore beaucoup d'efforts à faire de ce côté.

À notre avis, la présente commission parlementaire, au-delà de l'incompréhension et de la mesquinerie qui a pu s'y révéler des fois, pourra constituer un pas dans la bonne direction à condition qu'elle débouche sur un engagement gouvernemental formel envers un nouveau cadre politique entre les premières nations et le Québec: un cadre politique basé sur une relation de gouvernement à gouvernement; un cadre politique qui n'a pas peur d'aborder les questions cruciales du territoire, des ressources, des juridictions respectives, de la fiscalité; un cadre politique qui viendra remplacer la politique actuelle du gouvernement du Québec et son approche à la pièce dont il a bien fallu, à date, s'accommoder mais qui, un jour ou l'autre, se heurte aux questions fondamentales et nous ramène tous à la case départ.

Cette fenêtre, entrouverte en 1983 par le premier ministre Lévesque qui souhaitait que s'établissent entre nous la connaissance et la confiance, osons maintenant ensemble l'ouvrir à pleine grandeur. Pour ma part, sur la base des 26 principes de coexistence pacifique adoptés par l'assemblée des chefs en 1998, je suis prêt à relever ce défi.

Merci beaucoup, et je passe maintenant la parole au représentant des jeunes qui ont également un message à vous livrer ce matin.

M. Pinette-Therrien (Jean-Claude): Bonjour, mesdames et messieurs, membres de la commission, M. le Président. Le Conseil des jeunes des premières nations du Québec et du Labrador est composé d'un siège par nation mais aussi d'un siège pour femmes autochtones du Québec et d'un autre pour le Conseil régional des jeunes autochtones en milieu urbain. Je suis ici, aujourd'hui, pour m'adresser à cette table au nom des représentants du Conseil.

Nous, les représentants du Conseil des jeunes des premières nations, sommes en accord avec les propos du mémoire présenté par l'Assemblée des premières nations à cette commission. Nous avons accepté l'invitation d'accompagner notre chef régional pour démontrer notre appui et notre solidarité avec les démarches entreprises par ce dernier.

Depuis près de cinq siècles, nous cohabitons sur ces immenses territoires. Nos peuples respectifs ont grandi ensemble depuis tout ce temps. Il appert donc essentiel de bien établir nos différences et nos relations dans le passé, le présent mais surtout dans le futur. Tous les efforts pour améliorer les relations entre les communautés des premières nations et les gouvernements québécois et canadien sont les bienvenus pour le Conseil des jeunes qui représente la majeure partie du leadership des générations présentes et futures.

Nous sommes ici aussi pour déplorer la proportion qu'ont pris les événements sur la perception de nos populations l'une envers l'autre. Face à cette situation, nous encourageons les leaders actuels et futurs de chacun de nos gouvernements distinctifs à prendre des engagements pour sensibiliser les populations sur nos réalités respectives qui, par le fait même, nous définissent par nos histoires et nos identités distinctes. Cet exercice est primordial pour assurer des relations qui seront basées sur le respect mutuel et qui permettront également d'endiguer progressivement le racisme généré par l'ignorance ou toute méconnaissance des uns et des autres.

Le manque d'information de part et d'autre amène malheureusement une présence quasi nulle de la position et de la participation de la population jeune des premières nations. Ils ne sont pas au courant des impacts qu'ont eu, qu'ont et qu'auront les futures ententes. Il faut donc les tenir informés et s'assurer de leur participation active aux différentes étapes du processus. Ce sont justement ces jeunes qui auront à vivre avec ces ententes dans l'avenir.

Il ne faut pas non plus oublier que les jeunes autochtones sont en proie à de nombreux problèmes sociaux. Il est essentiel de ne pas oublier cette réalité quotidienne qu'ils vivent, et ce, tant en milieu urbain qu'en communauté. Dans l'éventualité de la signature des ententes en cours et à venir, il faut préparer notre population à de tels changements. Il faut également préparer la relève qui devra remplacer les leaders actuels. Ainsi, nous pourrons prendre connaissance et nous préparer à une bonne utilisation des leviers économiques qui seront à notre disposition.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous sommes ici, aujourd'hui. Il est primordial que chacun de nos peuples se reconnaisse dans le respect et l'harmonie afin de travailler au développement concerté des générations à venir.

Le Conseil des jeunes des premières nations du Québec et du Labrador encourage fortement, dans un effort pour créer un avenir plus prometteur pour nos deux peuples et pour les gouvernements du Québec et du Canada, à redéfinir la relation avec les communautés innues et les autres communautés des premières nations en un partenariat mutuellement avantageux.

Je remercie le chef régional de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer aujourd'hui et je vous remercie, mesdames et messieurs, membres de la commission, M. le Président, de nous avoir donné toute votre attention.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, pour cette présentation. Et nous allons maintenant aborder la période d'échange avec les parlementaires, en commençant par M. le ministre responsable des autochtones. M. le ministre.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je vais souhaiter la bienvenue aux représentants du 71e groupe... des personnes qui se sont fait entendre devant cette commission parlementaire sur les 88 groupes et personnes qui nous ont soumis leurs réflexions et qui nous ont fait des propositions pour faire en sorte de renouveler notre approche nationale dans nos relations avec les nations autochtones, avec les premières nations. Bienvenue, M. Picard, le chef régional de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador. Et souhaiter la bienvenue également à Mme Archambault, de la première nation malécite de Viger; Mme Haymond, de Témiscaming, un coin bien connu de part et d'autre, puisqu'il s'agit d'un des plus beaux coins du Québec, bien sûr; chef Martin de Gesgapegiag; et M. Pinette-Therrien, des jeunes des premières nations; et chef Raphaël Picard; et ainsi que les gens qui se joignent à votre délégation.

Le mémoire que vous nous soumettez aujourd'hui, il est, oui, effectivement, chef Picard, pour certaines dimensions, un peu trop sévère quant à la lecture que nous faisons de certains événements, mais il est aussi ajusté à la réalité que nous avons vécue en commission parlementaire et qui ? et je le partage avec vous ? au niveau des relations du Québec avec ses premières nations, est porteur d'espoir et surtout de nouveaux pas à franchir dans l'harmonisation des rapports, pour employer un langage qui a été utilisé hier par le Dr Louis-Edmond Hamelin, ici, en commission parlementaire, quant aux multivisages de grandes parties du territoire national.

Penchons-nous, quant à moi, davantage sur l'expression que vous avez utilisée de regarder l'horizon, regarder l'horizon, regarder en avant pour fixer des éléments, de nouveaux éléments dans nos rapports avec les premières nations. Vous évoquez dans votre mémoire, chef Picard, à plusieurs occasions un nouveau cadre politique entre les premières nations et le Québec. J'ai déjà eu l'occasion, je dirais, à titre non pas privé mais particulier, de m'entretenir avec le chef, avec vous comme chef des premières nations Québec-Labrador, mais indiquez-nous quels seraient des éléments, des paramètres, des points, des repères qu'il faudrait utiliser et qu'il faudrait inclure et quel serait pour vous ce nouveau cadre politique entre les premières nations et le Québec.

n (10 heures) n

M. Picard (Ghislain): La réponse que je pourrais donner à votre question, je pense que, à toute fin, il est utile de revenir un peu sur notre histoire commune, l'histoire des 20, 30 dernières années où, à certaines étapes de cette histoire-là, il y a eu des tentatives de rapprochement entre, à l'époque, un gouvernement du Parti québécois, par la suite, avec un gouvernement du Parti libéral, à essayer de trouver cette harmonie-là dans la relation politique entre les premières nations et le gouvernement du Québec, et chaque fois on s'est buté, on s'est buté, on s'est buté à une espèce de lutte de principes de part et d'autre. Et la conclusion qu'on peut en tirer, nous, les premières nations, après ces 20, 30 dernières années, c'est qu'il n'y a jamais eu une équité au niveau des principes. Ce qu'on a développé, nous, comme premières nations... Je terminais le mémoire tout à l'heure avec la question des 26 principes de coexistence pacifique. Si vous voulez, c'est ce qui nous rassemble, nous, notre diversité, 11 nations, près d'une quarantaine de communautés, c'est ce qui nous rassemble. Et on reconnaît que de votre côté, du côté du gouvernement du Québec, il y a eu quand même des mouvements de l'avant qui ont été faits, des mouvements assez significatifs, la résolution de 1985, mais je pense qu'en même temps ce n'est pas tout, ça. Et il faut savoir aussi que la résolution de 1985 tient de discussions qui ont eu lieu à l'époque, en 1983, et d'une quinzaine de principes qui étaient sur la table. Et, malgré tout ça, bien, il y a eu une adoption qui a été unilatérale, qui s'est posée dans un contexte particulier à ce moment-là, un contexte qui était postconstitutionnel et qui a fait en sorte qu'on se retrouve maintenant avec une résolution de l'Assemblée nationale de 1985.

Pour essayer d'actualiser tout ça ? on en a parlé à quelques occasions, M. Trudel, vous êtes exact ? je pense qu'il y a moyen peut-être d'essayer de se donner avant tout un forum de discussion qui soit paritaire, avec des élus de part et d'autre, de chaque côté de la table, et qu'on essaie de peut-être un peu ? comment je dirais? ? essayer de déterminer ensemble quel pourrait être ce forum politique là et quel cadre on pourrait lui donner. Mais, au lieu de ça, qu'est-ce qu'on a aujourd'hui? On a des irritants qui nous confrontent à tous les jours du côté des premières nations, au niveau fiscal, au niveau de l'exploitation des ressources naturelles, au niveau des consultations qui sont menées par votre gouvernement et auxquelles on est forcés de réagir tout le temps en aval. La preuve la plus, je pense, évidente, c'est les nombreuses représentations qu'on a faites dans le cadre de la réforme sur la Loi des forêts, le projet de loi n° 136. Je pense qu'il y a des personnes autour de la table qui évoquaient cet épisode-là il y a quelques semaines et je pense qu'on a été pas moins de cinq nations au moins qui ont fait des représentations, incluant l'Assemblée des premières nations, et qu'est-ce qu'on a comme produit? C'est un produit qui ne semble pas refléter des préoccupations qu'on soulevait. Donc, je me dis qu'on ne peut pas s'attaquer à ces irritants-là qui s'expriment de façon quotidienne tant qu'on n'aura pas déterminé le cadre politique dans lequel ça doit évoluer, et le cadre politique je pense qu'il faut qu'on le détermine ensemble. Mais il ne faut pas qu'un gouvernement ait préséance sur l'autre, il ne faut pas que les principes d'un gouvernement l'emportent sur l'autre, et je pense que c'est ça qui est sans doute le point central et qui a fait que, plusieurs fois dans le passé, ces tentatives-là ont achoppé.

M. Trudel: Je saisis et je relève cette invitation, dans la poursuite du développement de relations harmonieuses, que nous puissions travailler ensemble à déterminer ce nouveau cadre politique entre les premières nations et le Québec. Je demeure fermement convaincu qu'avec les pas que nous avons franchis au cours des dernières années, de la «Paix des Braves» en passant par la paix Sanarrutik, avec ce projet d'entente de principe avec la nation innue, avec le Conseil tribal Mamuitun que nous avons devant nous, avec cette commission parlementaire et aussi ? je pense qu'il faut le noter tout de suite ? avec la quiétude et l'ouverture des parties à l'Assemblée nationale qui s'est manifestée ici, en commission parlementaire, je pense qu'historiquement nous n'avons jamais été aussi bien placés pour exercer cette détermination, puisque je vous ai, en particulier, entendu utiliser le mot «ensemble» à trois ou quatre occasions, et c'est la voie de l'avenir.

Je voudrais aussi, chef Picard, vous interroger sur une autre dimension, une autre dimension qui n'est pas un obstacle mais qui est ombrageuse et laisse parfois des doutes à nos compatriotes au niveau du territoire. Vous le soulevez dans votre mémoire, à l'aide d'une continuité historique chez les premières nations mais qui est également interrogée par les Québécois et les Québécoises: titre aborigène et la reconnaissance des droits ancestraux, ce sont des éléments acquis pour le gouvernement du Québec, pour l'État québécois.

Est-ce que, pour vous, la reconnaissance de l'exercice de l'autonomie gouvernementale du titre aborigène et des droits ancestraux, ça peut clairement se réaliser dans un respect de l'intégrité de l'ensemble du territoire québécois, de l'ensemble du territoire national du Québec? Est-ce que, pour vous, ce sont deux réalités qui sont parfaitement conciliables et, deuxièmement, que nous pouvons nous rassurer collectivement que de reconnaître les droits ancestraux et le titre aborigène, pour vous, ça ne met pas en cause l'intégrité du territoire national du Québec?

M. Picard (Ghislain): La conciliation, à mon avis, est possible dans la mesure où il y a du respect l'un envers l'autre. Et les raisons qui nous ont fait réagir dans le passé, c'était qu'il y avait une menace à l'intégrité même de nos nations, de nos communautés. Et, sans relever le contexte historique récent du Québec, on peut peut-être aller cibler certains événements qui, dans certains cas, ont été malheureux pour l'ensemble de la société québécoise et pour nous aussi comme premières nations. J'ai en mémoire les protestations de la nation micmaque, au début des années quatre-vingt, en ce qui concerne l'accès aux ressources, dans ce cas-ci le saumon, et les épisodes malheureux, ce qu'on a connu je veux dire comme société.

Et donc, à chaque fois qu'il y a eu une menace, à chaque fois qu'on s'est sentis attaqués, si vous voulez, là, dans ce que nous sommes comme premières nations, on a été forcés de réagir. Et, à chaque fois qu'on s'est sentis impliqués dans une démarche sans qu'on le veuille ou sans qu'on nous ait demandé notre opinion, on s'est vus forcés de réagir. J'ai en mémoire le projet de loi n° 99 sur les prérogatives du peuple québécois, qui a été institué dans un contexte politique bien particulier qui opposait le Québec avec le reste du Canada. Et c'était une démarche qui semblait faire abstraction de ce que, nous, on représentait comme peuple. À ce moment-là, on a réagi en conséquence.

Donc, je pense que l'intégrité du territoire, les principes de part et d'autre ? parce qu'il faut savoir que, nous aussi, on a notre version sur cet aspect-là ? dans la mesure où il n'y a pas de subordination d'un gouvernement envers l'autre, à ce moment-là, je pense que tout est possible. Et, s'il faut parler d'un cadre politique qui nous réunit tous en dessous d'un même parapluie, bien, à ce moment-là, je pense que c'est qu'on se sera sentis, nous comme premières nations, confortables et à l'aise dans le contexte qui se sera présenté à ce moment-là.

M. Trudel: Chef Picard, avec votre réponse, vous venez de fixer un autre point supplémentaire à notre horizon commun que nous devons envisager sur le territoire national du Québec quant à la reconnaissance du titre aborigène, des droits ancestraux et la détermination des règles d'exercice, des règles d'exercice dans le respect mutuel. Et vous l'avez particulièrement bien illustré, et je pense que c'est la voie qui doit nous guider, dans laquelle nous devons nous engager et que nous allons poursuivre en termes de développement: nos relations harmonieuses avec les premières nations.

n (10 h 10) n

Le Québec est maintenant à l'avant-garde mondiale, internationale, dans ses relations avec les nations autochtones, mais cela ne doit pas faire en sorte que nous prenions tout cela pour acquis et que nous ne devions pas nous intéresser et solutionner certaines dimensions que vous venez de soulever, par exemple, mais tout ça sur la base du respect mutuel de la nation québécoise et du gouvernement du Québec.

Je veux revenir sur une chose, chef Picard. Je vous le dis, ça ne déterminera pas complètement les relations entre les premières nations et le gouvernement du Québec, mais je veux quand même signifier ma tristesse de ces affirmations quant à l'attitude des employés de l'État. Je suis un peu peiné, chef Picard. Je le dis parce que, à chaque fois que j'ai eu à travailler, soit à la Santé et aux Services sociaux, soit au niveau des affaires régionales, au Secrétariat aux affaires autochtones, je veux juste témoigner, chef Picard, de la profonde empathie des employés de l'État de quelque niveau que ce soit avec les aspirations et les difficultés aussi que vivent des individus au sein des communautés des premières nations. Et, s'il y avait ? et s'il n'y a pas de geste irréparable ? s'il y avait des responsabilités à porter à cet égard, faites-nous les plutôt porter au plan politique, et je préférerais, quant à moi, témoigner sincèrement du profond appui et de l'engagement profond de nos employés des...

Vous savez, il y a cette expression de la langue anglaise pour décrire les fonctionnaires, les «civil servants», et je n'ai jamais si bien retrouvé le sens de cette expression qu'à travers les employés, des professionnels de tout niveau, qui oeuvrent en matière de questions autochtones au gouvernement du Québec. Ceci étant dit, je sais que c'est là un élément qui peut être des irritants, et nous avons des choses à corriger.

Une dernière question, parce que mon collègue du Lac-Saint-Jean veut intervenir. Dr Stanley Vollant hier affirmait, de son point de vue, sans entrer dans les considérations juridiques, que le résultat de l'entente de principe qui nous est proposée, il y a là-dedans un compromis. Est-ce que, selon vous, chef Picard, sur certaines dimensions qui nous ont été amenées par le rapport Chevrette et qui vont appeler très certainement dans une négociation un certain nombre de compromis, il y a matière à poursuivre et à espérer que nous pouvons penser en arriver à conclure, sur ces dimensions nécessaires, des solutions qui vont faire appel à des compromis? Quelle est votre attitude à cet égard-là, en tant que chef de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador?

M. Picard (Ghislain): Comme je le disais dans la présentation que je vous faisais un peu plus tôt, c'est la raison première de notre venue ce matin, c'est de faire en sorte qu'on puisse trouver un cadre qui soit durable et qui permette, par exemple, aux communautés ou bien aux nations qui ne sont pas nécessairement impliquées dans un processus de négociation, que ces nations-là puissent entrevoir le jour où ils auront trouvé la zone de confort nécessaire pour s'asseoir à une table avec votre gouvernement et le gouvernement du Canada.

Et, pour moi, bien, c'est un jugement qui revient aux nations concernées, et c'est pour ça que je dis que le cadre doit être assez large. On comprend que la commission parlementaire passe à l'étude d'une entente de principe qui touche, dans ce cas-ci, quatre communautés, mais il faut savoir qu'il y en a 30 autres qui, à des niveaux différents, bien, ont très certainement des préoccupations précises par rapport à leur situation qui peut être dans certains cas spécifique au niveau historique, au niveau géographique, au niveau des contextes sociaux et économiques aussi. Donc, il y a tout ça aussi à prendre en considération.

Et, pour moi, il est très clair que, bon, la négociation étant ce qu'elle est, je pense que le fait qu'on passe à l'étude d'une entente de principe démontre que cette possibilité-là existe, mais il reviendra aux nations concernées... parce qu'on parle de 10 nations, on parle d'une grande diversité et on parle également d'une histoire qui, à certains égards, peut avoir été vécue différemment d'une nation à l'autre. On regarde la communauté de Pakuashipi, Saint-Augustin, à l'extrémité est du Québec et on parle de la communauté mohawk, à quelques kilomètres de Montréal. Je veux dire, c'est l'évidence même, donc il y aura des interprétations différentes et diverses, et je pense que les processus auront à s'ajuster en fonction de ces réalités-là.

M. Trudel: Très bien. Il reste très peu de temps...

Le Président (M. Lachance): Mais il n'en reste plus, M. le ministre, c'est terminé. Alors, quelques secondes pour conclure.

M. Trudel: Quelques secondes pour vous remercier de nous engager sur des pistes d'espoir et des points d'horizon qui très certainement seront nos objectifs pour les prochaines semaines, les prochains mois et les prochaines années, que ce soit un horizon plus lointain mais aussi des éléments très concrets, plus près de nous. La semaine dernière, par exemple, avec la nation huronne, je faisais 10 jours pour régler le secteur Tourilli; le 10 jours est écoulé, c'est réglé. Merci de votre présentation.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, c'est maintenant au tour du porte-parole de l'opposition officielle et député de Jacques-Cartier. M. le député.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue au chef régional Picard, le chef Picard, chief Martin, chief Haymond, le chef Archambault, Mme Vachon et M. Pinette-Therrien. Bienvenue pour votre présence aujourd'hui.

Et, moi, je comprends fort bien le ton de votre mémoire et je pense que vous avez bien résumé à la page 12 certaines des choses que vous avez entendues depuis cinq semaines; même questionné l'existence de la nation innue. Alors, il y a des choses qui étaient mises de l'avant, qui étaient difficiles. Et, j'imagine, en écoutant tout ça, qu'il y avait des moments beaucoup plus faciles que les autres.

Alors, je comprends un petit peu le ton. Mais avez-vous des suggestions concrètes pour nous aider à mettre en place un climat de réussite? Parce que nous devrons composer avec la situation, les opinions, la mésinformation qui existe sur le terrain, mais il y a une proposition dans le rapport de M. Chevrette de créer des genres de tables sectorielles qui peuvent être greffées au processus de négociation. Je sais que, dans le processus Nisga'a, il y avait des genres de comités aviseurs.

Moi, ma crainte personnelle, c'est de créer quelque chose qui est si complexe que ça va être voué à l'échec. Alors, je ne sais pas, dans votre expérience ou dans vos réflexions, qu'est-ce que vous pouvez nous suggérer d'avoir comme mécanique qui peut nous aider à créer un climat de réussite ? parce que je pense que c'est ça qui est l'objectif ultime ? mais sans trop nuire au processus.

M. Picard (Ghislain): Je ne veux pas nécessairement philosopher ce matin, mais je veux dire les compromis de notre côté de la table, je veux dire, ça fait plus de trois siècles, là, qu'ils s'exercent.

Mais, en même temps, comme on doit aussi s'actualiser en fonction d'un environnement sur lequel on n'a pas nécessairement le contrôle, il faut aussi savoir qu'il y a un contexte qui se présente aujourd'hui et qui, dans certains cas, nous favorise, nous avantage, parce qu'on a des décisions de la Cour suprême qui confirment des choses qu'on prétend depuis longtemps, il y a un cadre politique qui a peut-être un peu plus de difficultés à s'ajuster en fonction de ces décisions-là. Et ça ne se limite pas à ici, là, c'est que, au niveau international également, nous sommes en mesure d'aller chercher des acquis qui n'étaient pas là il y a 20, 30 ans. Et, pour moi, bien, les gouvernements ont la responsabilité et les gouvernements ont à relever le défi de se mettre à jour sur cette évolution-là, ces développements-là.

Pour moi, il est très clair que, dans le concret, dans le quotidien, il y a des choses aussi qui auront à être corrigées. Quand j'entends quelqu'un qui occupe une fonction publique et qui met en doute notre intégrité comme nation, notre existence propre comme nation, je pense que, comme Assemblée nationale, comme gouvernement, vous avez aussi une responsabilité de corriger ces choses-là, parce que c'est une tâche qui est quand même importante d'être représentant d'une institution publique au Québec puis de propager l'idée que les nations autochtones n'existent pas. Et, pour moi, je veux dire, être parent québécois puis, je veux dire, savoir que mes enfants fréquentent une institution où on enseigne que les autochtones... qu'on mette un doute sur le caractère historique de ce que nous sommes, je me poserais la question.

n (10 h 20) n

M. Kelley: Et, moi, j'accepte ça. Mais il faut distinguer entre les témoins hostiles, si vous voulez, qui sont venus, mais il y a beaucoup d'autres personnes qui sont venues de bonne foi. Moi, je pense aux personnes qui sont venues pour discuter de la protection des rivières à saumon. Il y avait le représentant du Canada sur un forum international, parce que la pêche au saumon, c'est quelque chose qui dépasse une rivière ou même une province, un pays que vous voulez... dans toutes ces juridictions, il faut travailler ensemble. Alors, il y avait des personnes de bonne foi; il y avait des personnes qui, je pense, avaient apporté les précisions ou une expertise intéressante pour le processus, car je veux les mettre à contribution, parce qu'on peut avoir la meilleure entente au monde mais, s'il n'y a pas de bonne volonté qui va avec, on va aller nulle part. Alors, comment, en excluant les personnes et les témoins hostiles qui remettent en question la voie de négociation... Moi, je pense que ça, c'est un cul-de-sac, ça va nous amener nulle part de parler de retourner devant les tribunaux, faire un Delgamuukw II ou quelque chose comme ça. Ça, c'est voué à l'échec. Alors, il faut retourner à la table, mais je veux les conditions de réussite, alors j'essaie de composer avec ces deux principes, qu'on est dans une négociation nation à nation et que, déjà, en acceptant la commission, c'était un beau risque pour la partie innue, mais, en contre-partie, moi, je veux créer les conditions de réussite pour mieux connaître la réalité autochtone, ce qui m'amène à votre deuxième suggestion.

Et juste les précisions parce que c'est une idée qui... Je sais que mon collègue de Laurier-Dorion est déjà allé de l'avant avec ça il y a 10 ans, mais un genre de forum permanent que ce n'est pas exceptionnel d'avoir, soit la commission des institutions, ou on peut former une commission spéciale de l'Assemblée nationale, ou sur une base annuelle, soit avec l'ensemble ou je ne sais pas parce que c'est difficile, comme vous avez bien dit, la réalité des Mohawks dans la région de Montréal est très différente de qu'est-ce qui se vit chez les Attikameks autour du réservoir Gouin. Alors, si c'est des journées, une nation après les autres, une commune nation, mais, je ne sais pas, avez-vous les précisions? Parce que je pense que c'est beaucoup plus évident... beaucoup plus important de mettre ces genres de dossiers ou les situations des problèmes en évidence avant que ça devienne une crise, avant qu'il y ait vraiment un problème, et les lignes ouvertes ont créé un climat d'hostilité. Alors, comment est-ce que ce forum peut fonctionner? Avez-vous des suggestions? Parce que je pense que c'est une bonne idée, mais depuis 10 ans, on n'a jamais réussi à mettre en place un modèle qui... Peut-être que, pour le prochain Parlement, on peut mettre ça en vigueur assez rapidement.

M. Picard (Ghislain): Bien, à mon avis, nous devons trouver une façon d'aller au devant des choses. Et on a fait plusieurs... comme forum politique des premières nations au Québec, plusieurs tentatives pour essayer de régler certaines questions de type ponctuel, mais on s'est vite rendu compte qu'on se buttait vite à des obstacles, à des murs. Et la conclusion qu'on en fait, c'est que, tant qu'il n'y aura pas une indication au niveau politique, bien, c'est très difficile de progresser en avant avec les personnes qui représentent le gouvernement du Québec à la table. Et, pour nous, on a toujours souhaité, par exemple, dans votre démarche législative comme Assemblée nationale, de pouvoir être en amont des projets de loi qui sont à l'étude régulièrement et qui, dans certains cas, peuvent affecter nos communautés. Un exemple que je pourrais vous donner, c'est le projet de loi que vous avez étudié il y a quelques années sur les sages-femmes. Évidemment, dans ce cas-ci, il y a une réalité qui se prêtait à nos communautés, qui était différente de la vôtre. Et dans ce cas-ci, ça n'a pas été un fier succès, mais à tout le moins il y a eu une sensibilisation de part et d'autre et il y a eu une reconnaissance que, effectivement, la profession de sage-femme peut s'exprimer de façon différente au niveau des communautés inuites et des communautés des premières nations. Et le résultat de tout ça, c'est qu'il y a eu, je pense, un amendement à la loi comme telle, qui faisait référence à cette réalité-là mais sans plus. Peut-être avoir eu un peu plus de temps, avoir pris les choses un peu plus au devant, bien, on aurait pu avoir un projet de loi dont les amendements étaient substantiels par rapport à notre réalité comme premières nations.

C'est un peu l'exemple que je pourrais vous donner, là, et qui pourrait peut-être s'exprimer dans une nouvelle façon de voir les choses, une nouvelle façon d'harmoniser un peu votre réalité comme gouvernement, comme Assemblée nationale, et notre réalité à nous comme forum politique des premières nations au Québec.

M. Kelley: Vous avez entièrement raison, parce que je me rappelle que, quand j'ai appelé les sages-femmes d'Inukjuak pour leur annoncer qu'elles n'existent plus, ce n'était pas un bon moment, mais encore une fois elles étaient laissées exclues. On a réussi heureusement à au moins convaincre la ministre de la Santé de préserver un pouvoir des projets-pilotes, mais le ministre responsable des professions à l'époque ne voulait rien savoir. Elle voulait créer... se créer des problèmes d'un groupe qui est là, qui fonctionne depuis des années, n'existe plus dans les yeux de nos lois.

Peut-être une autre question, et je ne sais pas si l'Assemblée a entamé une réflexion sur ce qui a été soulevé. C'est la question des chevauchements des revendications territoriales qui est soulevée, notamment dans le cas de Matimekosh, mais je pense qu'on a nos trois nations conventionnées. C'est évident qu'un jour, si on arrive avec les ententes globales, soit chez les Algonquins, ou les Attikameks, ou les autres nations innues, pour un grand traité innu qui, je pense, est le but ultime, est-ce qu'il y a une réflexion ou est-ce qu'il y a des principes qu'on peut faire pour nous guider dans ce dossier? Est-ce qu'il y a un rôle que l'Assemblée peut jouer un petit peu non pas comme arbitre mais pour s'assurer qu'il y aura un genre de position commune pour le partage des territoires qui sont réclamés par plus qu'une première nation?

M. Picard (Ghislain): Le meilleur rôle que l'on puisse jouer dans ce cadre-là, c'est de procurer à une nation concernée le forum approprié pour que ces discussions-là aient lieu. Je me rappelle d'avoir pris part à certaines assemblées au niveau de nations spécifiques et j'ai en mémoire, entre autres, un moment précis dans le temps où la rencontre s'est faite entre la nation algonquine et la nation crie où cette question-là a été également soulevée. Et, si on remonte, là, à 1975 et avant et après 1975 évidemment, et je veux dire, il faut se l'avouer, il y a eu quand même des ententes à ce moment-là qui ont été adoptées et exécutées, là, sans la reconnaissance précise du droit des tiers, en tout cas, ça s'est fait dans le cadre du 2.14, on le sait. Je pense que Matimekosh en a amplement parlé. Mais en même temps je pense que c'est très possible et je reviens au mémoire qui a été déposé par la nation huronne qui envisageait sans doute la même chose auprès de la nation innue et plus particulièrement la communauté de Mashteuiatsh. Et, pour moi, le mieux qu'on puisse faire comme Assemblée des premières nations, c'est de procurer ce forum-là, et j'ai été moi-même personnellement invité à prendre part à certains exercices où ces questions-là étaient à l'agenda.

M. Kelley: Peut-être une question pour les jeunes. Il y a le dernier paragraphe de la page 1 de la déclaration que M. Pinette-Therrien nous a lue. Il ne faut pas non plus oublier que les jeunes autochtones sont en proie à de nombreux problèmes sociaux. Il est essentiel de ne pas oublier cette réalité quotidienne qu'ils vivent, et ce, tant en milieu urbain qu'en communauté. Pratico-pratique, avez-vous, à court terme... Moi, je suis très préoccupé par le phénomène des autochtones qui viennent en ville. Je n'ai pas d'évidence scientifique, mais, à l'oeil, sur la rue Sainte-Catherine, à Montréal, on voit des personnes qui, on le voit, ne sont pas préparées pour la grande ville, qui sont éloignées de leur famille, ils sont éloignés de leur communauté et ils sont en difficulté. Ça, c'est juste une observation, c'est loin du tout d'être scientifique, mais je ne sais pas s'il y avait des propositions précises à court terme, parce que je trouve que c'est une situation préoccupante. Avez-vous des suggestions plus formelles à nous formuler?

n (10 h 30) n

M. Pinette-Therrien (Jean-Claude): Lorsqu'on s'est rencontrés, lorsqu'il y a eu le premier rassemblement des jeunes des premières nations à Waswanipi, les jeunes, à ce moment-là, on a abordé différents thèmes dont la situation par rapport à l'éducation, par exemple, les jeunes qui doivent quitter leur communauté pour aller faire leurs études à l'extérieur. Puis à ce moment-là, il a été soulevé aussi, le problème pour certains étudiants à s'adapter au rythme de vie urbain si on veut. Souvent, il y a des jeunes qui partent de leur communauté aussi pour fuir un peu les problèmes de la communauté puis ils reviennent ici.

Jusqu'à maintenant, bien, pour quelqu'un qui vient en milieu urbain, il y a les centres d'amitié autochtone qui offrent certains services. Au niveau du logement aussi, il y a certains supports pour avoir un peu d'aide. Concrètement, lorsque le Conseil des jeunes a été créé, on avait l'intention justement d'aller consulter des jeunes dans les communautés, d'aller les rencontrer puis d'aller leur poser ces questions-là. Alors, on est une organisation pour les jeunes; on est une organisation aussi qui est jeune. On a été formés en 2001, en août 2001, donc il serait peut-être un peu prématuré de se prononcer par rapport à ça. Mais c'est sûr et certain qu'il y a possiblement des outils intéressants à développer pour assurer un certain encadrement, une aide, soit aux étudiants ou à d'autres personnes qui viennent ici, en ville, par exemple, soit à Montréal, ou à Québec, ou tout autre milieu urbain si on veut.

M. Kelley: Merci pour ces précisions qui sont fort utiles, parce qu'on est très conscients du profil démographique des communautés autochtones. C'est vraiment... On a une occasion en or pour préparer la relève mais, si on manque le bateau, s'il y a des problèmes... donc de renforcer les centres d'amitié. J'ai eu l'occasion de les visiter, je pense qu'ils jouent un rôle essentiel et je sais qu'il y a des centres d'encadrement. J'ai visité celui à John Abbott College où souvent les jeunes Cris, les jeunes Inuits, les jeunes Mohawks vont faire leurs études. C'est un outil, je pense, très important pour les aider à préparer l'avenir. Alors, j'ai pris bonne note de vos suggestions. Je sais que c'est un conseil qui est toujours jeune, mais je veux en terminant vous encourager pour vos efforts et merci beaucoup pour ce témoignage, ce matin.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Oui. Bonjour. Je vais reprendre un des passages concernant ce que vous mentionniez à la première page de votre mémoire quand vous dites que l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador est un collectif de chefs basé sur l'autonomie de chacune de vos nations et sur le respect de l'autorité locale. Vous n'êtes donc pas ici, là, pour commenter le contenu du projet d'entente. Ça fait que ma question peut-être va être un petit peu difficile, mais je me dis, même si on ne commente pas le contenu, peut-être qu'on peut commenter au moins le principe, le principe lui-même de l'entente. Parce qu'un des passages à la toute fin, quand vous parlez du «cadre politique qui viendra remplacer la politique actuelle du gouvernement et son approche à la pièce dont il a fallu à date s'accommoder mais qui, un jour ou l'autre, se heurte aux questions fondamentales et qui nous ramènent tous à case départ», dans ces deux contextes de parties de mémoire que vous nous donnez, l'accord actuellement étant donné, bien, l'approche étant donné que c'est quelque chose qui est à la pièce, puisque c'est quand même quatre communautés parmi la nation innue et non pas les neuf, est-ce que le fait que ce ne soit pas les neuf communautés qui participent à ça, ça peut être une question finalement, là, une question fondamentale qui se heurte au principe et qui va faire en sorte un jour de nous ramener à la case départ lorsqu'on va essayer de tout mettre la communauté... en fait, toutes les communautés au sein de la nation innue?

Pour synthétiser un peu ma question, toujours dans le respect... Je comprends que vous ne voulez pas embarquer trop dans le détail, là, mais présentement croyez-vous qu'on est sur un chemin qui va nous ramener à la case départ ou, sinon, qu'on est sur un chemin qui quand même mérite d'être exploré puis de continuer dans le sens où c'est déjà entamé?

M. Picard (Ghislain): Non. Je pense que notre souci à nous et notre préoccupation, ce matin, c'est de faire en sorte que le chemin soit assez large pour qu'il convienne à tout le monde. Dans ce cas-ci, on parle d'un regroupement de quatre communautés qui ont sur la table quelque chose de très concret qui semble satisfaire ces quatre communautés là. Et, pour nous, ce qui importe, c'est qu'on puisse, je ne sais pas, moi, dans un avenir qu'on a de la difficulté à préciser, qu'on puisse s'assurer que, je ne sais pas, moi, la petite communauté algonquine à l'autre bout, lorsqu'elle voudra s'asseoir à une table pour négocier les choses très précises, très spécifiques la concernant, qu'elle trouve le véhicule approprié pour le faire. Parce que je sais que... Ma crainte finalement, c'est d'avoir, je veux dire, un régime fiscal, par exemple, qui va s'appliquer à une minorité de communautés et où le précédent aura été créé sans que ça plaise nécessairement à d'autres communautés. Je prends ça comme exemple, j'aurais pu prendre un autre exemple. C'est de faire en sorte que le cadre soit vraiment plus large pour convenir à toutes les tendances qui existent au niveau de la diversité que nous représentons. Et je pense que c'est très important qu'on puisse... si notre intention, comme l'exprimait M. Trudel dans le document de réflexion, c'est de profiter de l'occasion pour essayer de se donner une paix qui soit durable en matière de relations avec les autochtones, qu'on se donne des outils et les ingrédients nécessaires à ce que ça dure justement.

M. Corriveau: Pour l'Assemblée des premières nations Québec- Labrador, le chemin présentement est assez large. Il n'est peut-être pas asphalté comme on voudrait ou peut-être que les accotements ne sont pas avec les parapets qu'on voudrait, mais, je veux dire, ce que vous nous dites, c'est qu'aujourd'hui le tracé du chemin semble acceptable.

M. Picard (Ghislain): Bien, si j'avais les deux prochaines heures à ma disposition, je pourrais reculer deux, trois ans en arrière puis vous dire les nombreuses frustrations qu'on a vécues au niveau des discussions qu'on a menées avec certains ministères par rapport à des dossiers très ponctuels, et je vous dirais que, de temps en temps, là, c'est plus comme de la gravelle.

M. Corriveau: O.K. Dans le fond, on connaît bien les chemins de la Côte-Nord tous les deux. On est un peu habitués aux chemins de gravelle, surtout pour ce qui est de la pénétration en forêt. Je vous remercie, je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci. Merci, mesdames, merci, messieurs pour votre participation aux travaux de cette commission. Comme je l'indiquais tout à l'heure, vous êtes le dernier groupe qui est entendu par les parlementaires aujourd'hui. Merci beaucoup.

À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux avec les remarques finales, et j'invite immédiatement le député de Saguenay, en vous indiquant, M. le député, que vous avez un maximum de 15 minutes.

Remarques finales

M. François Corriveau

M. Corriveau: Merci, M. le Président. Donc, on arrive, je vous dirais enfin à la fin, à la préparation de ces remarques finales pour une commission qui a été, je pense, des plus intéressantes, des plus formatrices aussi pour l'ensemble des parlementaires qui ont pu y participer autant que pour les gens qui sont venus y déposer des mémoires. L'ensemble des questions, ça a été pertinent, enrichissant.

n (10 h 40) n

Il faut se remettre dans le contexte un petit peu de ce qui a justifié évidemment cette tenue... cette commission où plus de 70 personnes, 71 personnes ou groupes sont venus nous manifester leur opinion. Au tout départ, évidemment, il y a eu cette négociation faite par le gouvernement, cette négociation qui s'est faite derrière des portes closes pendant longtemps, des portes closes, selon l'opinion de nombreuses personnes qui provenaient des milieux concernés. Et la table régionale qui avait été créée afin de tenir les gens en région au courant de qu'est-ce qui se passait a été clairement inadéquate au niveau de sa structure, au niveau de son fonctionnement, ce qui a fait en sorte évidemment de mettre un peu de côté toutes les personnes qui étaient concernées par ça, ceux qui vivent sur le terrain et ceux qui ont des propriétés immobilières ou qui ont des baux de villégiature et qui s'inquiétaient, ceux qui ont des droits de pêche, des droits de chasse. Qu'est-ce qui va arriver de mon droit? Alors, une multitude d'inquiétudes sont nées de cette absence ou manque d'information là, ce qui a évidemment donc fait fonctionner la machine à rumeurs.

Les tables d'information régionales n'ont pas livré la marchandise. D'ailleurs, plusieurs personnes, plusieurs maires ou représentants de la société civile qui s'y trouvaient ont été extrêmement déçus de se faire dire à plusieurs reprises: Bien, voici le constat d'où on en est rendu: on reprend les documents et n'allez pas dire ça à personne. Ou encore, des maires qui disaient: Moi, chez nous, il y a une particularité, il y a quelque chose qui m'intéresse vraiment; j'espère que vous allez pouvoir considérer telle plage, tel parc, tel site archéologique pour pouvoir vraiment faire en sorte, là, que les droits de tout le monde seront respectés, et il n'y avait pas de retour d'ascenseur. Les représentants et les élus régionaux donnaient l'information ou donnaient en tout cas le sens de leurs préoccupations aux négociateurs qui s'y présentaient, et une fois que cet élément-là était avancé, on ne savait pas.

Donc, il y a lieu, au cours, je pense, des mois ou des années qui suivront, là ? on parle de peut-être deux ans afin d'en arriver à un traité final avec quelques traités ou ententes, disons, secondaires sur des sujets particuliers ? il y aura lieu de corriger le tir de façon majeure afin de permettre que les gens de la Côte-Nord, du Saguenay?Lac-Saint-Jean se sentent davantage mis dans le coup, participent davantage, puis on parle vraiment de participation réelle.

Une des recommandations de M. Chevrette était, disons, intéressante dans le sens où ça ouvrait la voie en tout cas à une amélioration de ça lorsqu'il mentionnait à sa recommandation 26 qu'il y aurait trois élus qui seront nommés par des gens de la région, je l'espère, et qui siégeront sur cette table de négociations régionale. À plusieurs reprises, j'ai posé la question aux élus qui sont venus ici, soit par le biais des mémoires déposés par les MRC ou par le biais des mémoires municipaux qui nous ont été présentés, et il a été clair, pour la majeure partie d'entre eux, que trois élus ne sera pas suffisant pour la Côte-Nord comme trois élus ne sera pas suffisant pour ce qui est du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Il y a des... On parle de territoires immenses; on parle de réalités régionales qui sont très distinctes les unes des autres. Seulement qu'à penser à La Haute-Côte-Nord où la question des relations entre Escoumins et Essipit ne touche pas que les Escoumins mais touche également les municipalités voisines, va toucher Tadoussac, va toucher Longue-Rive, Sainte-Anne-de-Portneuf aussi, donc ces municipalités-là veulent être mises au courant, veulent participer de façon réelle.

Alors, je souhaite... J'ai cru comprendre qu'il y aurait ouverture à ce que la recommandation de M. Chevrette, le numéro 26, soit modifiée afin de permettre une meilleure représentativité des élus régionaux et, si ça s'avère le cas, je m'en réjouis d'avance.

Également, ces inquiétudes qui ont été manifestées, je crois, n'ont pas été manifestées de façon vaine. Il était important que ça se fasse; il était important que ceux qui avaient des craintes puissent le dire, trouvent écoute, trouvent une oreille attentive. Et, là-dessus, certaines personnes ont mentionné que le rapport de M. Chevrette pouvait être un outil qui était, en fait, une commande du Parti québécois afin de faire taire certaines personnes. Je dois m'inscrire en faux, en ce qui me concerne, là-dessus. J'ai eu à rencontrer M. Chevrette à plusieurs reprises dans le cadre de sa démarche et tout ce que j'ai demandé à M. Chevrette, toutes les informations que je lui ai données afin d'avoir le portrait le plus réaliste possible de ce que, moi, j'entendais sur le terrain au niveau du comté de Saguenay, à ces questions-là et, dans la mesure où M. Chevrette pouvait le faire aussi, les réponses donc ont été apportées à l'intérieur de son document. On pense, entre autres, à toute la question des redevances qui, pour moi, était un élément, est toujours un élément puis sera un élément dans la poursuite du dossier très essentiel, la question des redevances au niveau d'une répartition juste et équitable des richesses provenant des ressources naturelles en région, particulièrement pour les communautés qui sont des communautés très démunies qui sont voisines des territoires, disons, appelons-les comme ça, puisque la loi les a nommées territoires de réserves. Donc, je pense à la Colombie, par exemple, où la situation économique est assez désastreuse et c'est des fois... On a eu un bel exposé du Dr Stanley Vollant au niveau de la situation des autochtones, particulièrement en matière de santé. C'est des communautés qui sont touchées par le diabète, par des amputations massives reliées à cette maladie-là, et c'est sans vouloir nier le fait que ça ne va pas comme ça devrait aller dans les communautés autochtones. Il faut aussi se rendre compte d'une chose, c'est qu'on fait face sur le territoire à deux communautés; il y a une communauté blanche puis il y a une communauté autochtone. Et le gouvernement dans sa matière, disons, dans son approche de négociation, ne doit jamais oublier le fait qu'il y a également des Blancs sur le territoire puis que le Québec a choisi à un certain moment donné dans son développement de faire la colonisation de la Côte-Nord, de permettre à des gens de venir s'y établir, de venir y vivre de la chasse, de la pêche, tout comme les autochtones pouvaient le faire, ou des fois de façon plus technologique. Mais il n'en demeure pas moins qu'il faut accepter cette réalité-là, il ne faut surtout pas oublier les gens qui vivent en région. Ce sentiment d'oubli, là, qui est partagé par plusieurs personnes et qui se disent ne plus être capables d'avoir confiance dans le gouvernement qui les dirige, donc ces gens-là ont besoin de se faire dire puis surtout de comprendre, d'accepter le fait que l'Approche commune n'est pas un outil épouvantable qui va les priver de droits et qui va les priver d'un épanouissement sur une terre qui les a vu naître eux aussi.

Donc, il est important au cours de la prochaine année de faire comprendre par l'information adéquate à ces gens-là que les craintes qu'ils ont manifestées au niveau des zecs, au niveau des droits de pêche, des droits de chasse, au niveau des redevances que les autochtones pourraient avoir dans le cadre de la négociation... Ces redevances-là pourraient également être octroyées aux populations blanches. Dans le cas des zecs, il y aura des droits à respecter afin de préserver la ressources, des règles qui sont tout à fait naturelles et qui sont acceptées aussi dans le but de la préservation de la ressource par les communautés autochtones qui sont venues nous en parler ici. Il est tout à fait naturel que, si on a un camping, qu'une personne paie des droits pour pouvoir être à l'intérieur de ce camping-là, et il me semble tout à fait normal aussi pour les communautés autochtones de dire: Bien, c'est sûr que je n'irai pas prendre ma tente puis planter ma tente dans le milieu de ton camping si c'est un camping qui est privé. C'est de base, là, c'est quelque chose de tout à fait naturel que de respecter la propriété privée puis c'est quelque chose à quoi les autochtones qui sont venus ici nous faire des représentations acquiescent entièrement. C'est dans la forme du libellé du texte de l'Approche commune que, souvent, on peut trouver des bizarreries ou, quand on parle de textes de nature juridique, il est certain qu'il y a plein d'interprétations possibles, hein, il suffit de prendre une phrase, de tourner la virgule, de dire: Bien là tu m'obliges à telle affaire, alors que ce n'est pas le but visé. Il faut voir ça dans un ensemble, s'asseoir ensemble, en discuter pour dire: Non. Regarde, c'est clair que ce n'est pas ça que je veux dire; c'est clair que je ne veux pas t'enlever ton droit de pêche ou ton droit de chasse; c'est clair que, si tu es dans un lac qui est protégé, où la pêche est fermée parce qu'on veut préserver la ressource, bien, c'est sûr qu'il n'y a personne qui ira pêcher là, peu importe sa race.

n (10 h 50) n

Donc, les baux de villégiature, la même affaire. Au niveau du paiement du bail, peu importe que mon chèque aille au ministère des Ressources naturelles ou que mon chèque aille à la communauté de Betsiamites, je me dis: Si on a le droit de continuer à rester sur place, là, puis que mon chalet que j'ai investi des dizaines de milliers de dollars dedans depuis plusieurs années, puis j'entretiens la route avec un groupe, ce chalet-là, bien, mes droits vont être préservés par les autochtones, ça m'apparaît tout à fait naturel. Il faut arrêter d'avoir cette crainte, cette angoisse-là tout le temps de dire: On va te donner quelque chose en fonction de la jurisprudence, en fonction des lois déjà existantes. On reconnaît le titre aborigène; on reconnaît les droits ancestraux. C'est de réussir à les mettre dans un environnement légal où on va pouvoir les mettre sur papier puis comprendre chacun ce à quoi on a droit. Donc, je vois comme étant positive la démarche qui est faite présentement, et ce qu'il faut s'assurer, c'est simplement que les gens qui ont des craintes trouveront leur réponse à l'intérieur du traité final afin de pouvoir rendre cette entente-là acceptable de façon sociale puis qu'on puisse vivre tout le monde ensemble main dans la main en paix sur le territoire puis pouvoir faire grandir ce territoire-là. On souffre de choses qui sont souvent communes. Au niveau, par exemple, de l'exode, on est une région, sur la Côte-Nord, qui se vide de son monde. La présence autochtone est le seul point positif au niveau de la démographie nord-côtière, il y a des taux de natalité, là, comme pas ailleurs. Il n'y a pas une municipalité qui arrive à la cheville de Betsiamites au niveau de la natalité. C'est une ressource humaine qu'il faut réussir à capter puis à éduquer pour qu'ils puissent rencontrer les divers défis, au niveau du marché du travail, qui vont pouvoir se développer sur la Côte-Nord puis faire des partenariats d'affaires afin de développer le territoire en matière de mines, en matière de foresterie.

Donc, le grand défi au cours de la prochaine année, ce sera de restaurer ce climat de confiance là entre les gens qui sont sur le terrain et le gouvernement. Le cadre imminent de l'élection fait évidemment en sorte, ce qui est un petit peu dommage, qu'on arrive où les travaux de la commission se terminent et qu'il est fort probable qu'on ait une élection déclenchée dès la semaine prochaine. Alors, il ne faudra surtout pas que les 71 personnes qui sont venues... les quelque 80 mémoires qui ont été déposés en commission aient été vains, là. Il faut utiliser ça de façon positive, prendre chacune des remarques, l'analyser soigneusement afin d'en arriver à ce que l'Assemblée nationale, suite à l'élection, puisse continuer cette négociation de façon active, là. S'il était possible d'arriver à une entente pour reconnaître la nature des travaux qui ont été faits avant que l'élection soit déclenchée, j'en serais ravi. Par contre, c'est au niveau du ministère que ça va se décider, la décision n'est pas entre nos mains. Mais je trouverais extrêmement regrettable le fait qu'on ait tant travaillé et que, suite à cette multitude de paroles qui ont été prononcées ici, finalement, ça n'ait été que du vent. Je pense qu'il y a un bon vent qui a soufflé dans le cadre de cette commission-là, puis c'est un vent qu'on doit utiliser, le document, puis s'en servir comme d'une voile pour réussir à avancer tout le monde ensemble. Donc, c'est peut-être là mon seul regret de voir que l'aboutissement de la commission arrive en même temps un peu, là, que le contexte électoral.

Ça complète pas mal l'ensemble de mes représentations. J'espère qu'on va pouvoir, tout le monde, trouver une solution le plus rapidement possible afin de faire cesser cette situation de négociation là qui perdure depuis déjà trop longtemps. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Saguenay, pour ces remarques finales. M. le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Ah! merci beaucoup, M. le Président. On arrive à la fin, et je pense qu'il y a une certaine belle symétrie, parce que je me rappelle qu'à la fin du 35e Parlement la commission de l'aménagement du territoire avait fait une commission parlementaire extraordinaire sur le Grand Nord québécois et qu'on a eu des témoins: les Inuits, les Cris, les Naskapis, les maires, les MRC, les personnes impliquées dans le développement économique dans le Grand Nord québécois qui sont venus témoigner, informer les parlementaires des enjeux du Grand Nord québécois. Je pense que cette commission parlementaire est à l'origine de beaucoup des initiatives, des projets de loi, des politiques que le gouvernement a adoptées après. Alors, je garde le même optimisme sur la suite des choses pour la commission parlementaire qu'on vient de compléter sur une négociation avec les Innus.

Et peut-être le premier constat, c'est que l'opposition officielle avait raison. Nous avons réclamé depuis deux ans une plus grande transparence dans ce dossier, que, si on veut véritablement créer un climat de réussite, si on veut vraiment créer les conditions où tout le monde peut participer et tout le monde peut être consulté, se sentir bien informé par leur gouvernement, c'est via la transparence. Alors, je pense que les témoignages qu'on a eus depuis cinq semaines maintenant nous donnent raison que, quand l'opposition officielle a plaidé pour la transparence, nous étions dans la bonne voie. Et la preuve: je pense que 71 témoins sont venus, 88 mémoires ont été déposés et la vaste majorité sont des témoins de très bonne foi. Ce sont des personnes qui ont vu dans cette Approche commune une voie intéressante, une voie avec beaucoup de potentiel mais une voie qu'on peut améliorer, et c'est en travaillant ensemble autour d'une table que nous pouvons réussir à faire ça.

Et je regarde tous les milieux, toutes les personnes qui sont venues, mais je commence avant tout avec les premières nations du Québec qui ont participé, pas uniquement les Innus mais les représentants des autres premières nations qui sont venus ici. C'est un beau risque pour eux autres, parce qu'il y a des obligations qui découlent de la cour, alors ils peuvent dire: Je n'ai pas d'affaire là, moi, je peux rester assis avec un processus guidé par l'arrêt Delgamuukw, et tout le reste. Mais ils ont dit: Non, on va faire un beau geste, un beau risque, on va participer; on va aller s'asseoir, on va écouter. J'imagine parfois que c'était des témoignages qui étaient durs à écouter, mais je pense que le processus était nécessaire, peut-être inévitable, et je pense qu'on sort enrichis, malgré tout, avec la performance... avec l'expérience. Mais je salue le courage des premières nations et notamment les quatre communautés innues qui ont pris le beau risque de participer à cette commission, et je pense que ça portera fruit. On verra dans la suite des choses, mais c'était une belle initiative.

Mais, si on regarde le monde municipal, le monde syndical, les représentants des zecs, des réserves fauniques, les personnes qui sont venues nous parler de la rivière Ashuapmushuan avec de la fierté, avec leur engagement, leur passion pour la nature, pour la cogestion, pour le partage de la richesse et la beauté de leur territoire québécois, les représentants de la chasse et pêche, de la trappe, les industries forestières, les représentants des formations politiques, malheureusement pas toutes les formations politiques mais certaines formations politiques qui sont venues enrichir notre discussion, les spécialistes ? c'est toujours dangereux de commencer à les nommer ? mais en parlant de René Dupuis, qui a une vaste expérience dans le domaine des relations entre les autochtones et les gouvernements, le témoignage de Josée Mailhot, qui est venue témoigner sur la langue innue d'une façon formidable, Camil Girard, Paul Charest, le Pr Hamelin qui est venu nous voir hier et peut-être avant tout l'expérience personnelle et professionnelle du Dr Stanley Vollant, qui est le chirurgien de Betsiamites, qui a dressé un portrait assez sombre de la réalité de la santé et la santé publique autochtone au Québec et au Canada ? mais c'était un témoignage qui était fort enrichissant ? également les citoyens... Et j'ai été impressionné par les personnes, même si on ne partageait pas toujours leur opinion, qui ont pris la peine de se lever à 3 heures le matin, loin sur la 138, pour descendre à Québec parce qu'ils avaient quelque chose à dire. Et dans une société démocratique, la transparence, l'ouverture, le débat et le droit de dissidence sont très importants et toujours à conserver. Alors, je pense dans le sens que nous avons créé un forum où les personnes ont été capables d'exprimer leur dissidence, leurs inquiétudes, ça, c'est important aussi. On n'est pas obligés de partager leur opinion, mais il faut respecter ce droit de dissidence.

Les choses que nous avons entendues, si on passe au deuxième bloc, je pense qu'il faut mettre fin à l'exclusion et c'est bon de dire que nous avons commencé un processus ce matin, mais il ne faut pas sortir d'ici: Wow! c'est réglé. On a laissé les gens venir ici témoigner, on peut retourner à nos mauvaises habitudes. Alors, je pense que les choses ne sont pas faciles et je ne le cache pas, mais le défi pour la prochaine étape, c'est comment on peut, d'une façon efficace, d'une façon souple, d'une façon légère, mettre au travail la bonne foi, l'expérience, l'observation que nous avons entendues depuis cinq semaines mais sans créer une structure à 350 participants qui, malheureusement, va être vouée à l'échec. Alors, ce n'est pas...

n (11 heures) n

Je regarde et j'invite le gouvernement, quand on arrive à la prochaine étape, à regarder les négociations, à voir comment on peut faire de la participation réelle. Je sais qu'il y a des expériences dans le traité Nisga'a. Est-ce que c'est trop laborieux ou non? Je pense que ça mérite la peine de regarder qu'est-ce qu'ils ont fait. Ils avaient un genre de conseil aviseur, un comité aviseur qui était greffé, et je pense que c'est très important, à la table même. Alors, ce n'est pas quelque chose qu'on va greffer sur la partie du gouvernement du Québec, mais ça va être vraiment un comité aviseur au service des Innus, au gouvernement fédéral, au besoin, et au gouvernement du Québec, et je pense que c'est une nuance qui est très importante. Ce n'est pas un ajout aux négociateurs du Québec, mais c'est vraiment un comité qui va être au service... et efficace pour assurer une participation réelle de la population. L'autre... Il y a les propositions de M. Chevrette sur les tables sectorielles. Je pense que ça peut être très utile pour les choses très pratico-pratiques, mais d'éviter la trappe de tomber dans le piège de travailler en silo...

Difficile de parler des piégeurs sans parler des instituts forestiers parce qu'il y a un lien direct sur le CAAF et les aires qui seront partagées dans une entente, un arrimage entre les pratiques de trappe et la gestion forestière. Alors, si on a trop de silos et que les deux ne se parlent pas, l'objectif de ces tables ? une chose que nous avons vue pendant la commission ? c'est l'importance de mettre le monde ensemble.

Il y a le monde qui ne se connaît pas. Quand il y avait l'Association des scieries indépendantes du Saguenay?Lac-Saint-Jean, on a posé la question: Est-ce que vous connaissez vos voisins innus? Ils ont dit non. Ou peut-être que, via une approche commune, un traité éventuel, il y a l'opportunité plutôt que la menace. Et, peut-être que, via qu'est-ce qu'on est en train de mettre en place, il y a la possibilité de partenariat. Il y a déjà des scieries existantes chez les Cris, chez les Innus, chez les Attikameks qui ont porté fruit. Alors, peut-être qu'on peut voir dans l'Approche commune cette autre possibilité, mais c'est en parlant ensemble.

Alors, oui, il faut consulter, il faut avoir les tables qui sont prêtes à donner... à rendre service à la table centrale. Mais j'invite le ministre dans sa réflexion à être le plus souple, le plus léger possible, parce que ma crainte c'est, un petit peu comme M. Boudreault de Abitibi-Consolidated qui a témoigné hier, d'avoir la sous-table, la sous-table, la sous-table de problèmes.

Je trouve l'idée qu'il faut retenir aussi un ou deux agents de liaison, qui était proposée, entre autres, par le Conseil de développement régional, très intéressante. Une des choses qui a nui à date, c'était le manque d'information. Et ne pas avoir 14 agents de liaison parce qu'on risque d'avoir 14 messages différents, peut-être un sur la Côte-Nord et un autre pour Saguenay?Lac-Saint-Jean. Alors, si j'appelle, j'aurai l'heure juste et, si la municipalité à côté appelle, il aura le même message. Je pense que ça, c'est quelque chose qui est très important. Et ça doit être quelqu'un qui a un accès direct aux négociateurs, qui est vraiment au fait. Ça, c'est quelque chose qui peut également... Parce que, dans le vide, qu'est-ce que nous avons vu sur les lignes ouvertes, dans les autres choses, quand il y a un vide d'information? Tout est possible et les rumeurs commencent à circuler.

Je pense que le défi pour nos négociateurs au niveau d'un ordre du jour n'est pas facile. Il y a le rapport de M. Chevrette, il y a le riche inventaire des suggestions qui ont été apportées ici. Alors, ce ne sera pas facile, mais je pense que la ligne est tracée, le moyen pour le faire, c'est-à-dire à la table de négociations.

J'ai dit à maintes reprises pendant la commission: C'est notre responsabilité d'élus de s'asseoir ou de gouvernement de s'asseoir en notre nom et de faire les négociations. De retourner devant les tribunaux, on peut dire que c'est un geste facile pour les élus et ça va être le prochain député de Jacques-Cartier un jour qui sera pris avec le problème, ou le prochain député de Bellechasse, ou de Duplessis.

Mais, moi, je dis: Non, non, on est des élus responsables. Les cours ont dit à maintes reprises: C'est à la table de négociations et c'est là où il faut trouver le moyen de moderniser et d'encadrer les droits autochtones avec notre société. Alors, je pense que la voie est tracée.

Un problème précis ? et je sais que c'est quelque chose que le ministre a répondu en partie ? je demeure préoccupé par la question du chevauchement des revendications territoriales. Le ministre, si j'ai bien compris, a donné un mandat très précis à Michel Crête, de regarder uniquement la question de Matimekosh, mais je pense que c'est quelque chose que... Le ministre me fait signe que c'est déjà plus large, mais je pense que c'est quelque chose qu'il faut regarder, pas en vase clos, avec le gouvernement fédéral, avec peut-être l'Assemblée des premières nations qui peut être mis en application aussi parce que ce n'est pas unique à la question innue, c'est quelque chose qui, quand on va regarder les questions de la nation algonquienne, quand nous allons regarder les questions de la nation attikamek, va revenir entre autres. Et je pense qu'on a tout intérêt à voir c'est quoi. Le chef Picard vient d'évoquer la notion des forums, des lieux où peut-être on peut regarder ce problème.

Et peut-être, en guise de conclusion, certaines choses: premièrement, on est tous interpellés par ce problème. Il y avait l'échange hier entre le député de Saguenay et le Pr Hamelin qui, je pense, n'était pas parti sur le bon pied. Oui, c'est une question qui préoccupe au plus haut point les gens de la Côte-Nord et les gens du Saguenay?Lac-Saint-Jean et personne autour de la table n'a remis ça en question.

Mais le fait que le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada sont à la table, c'est parce que ça dépasse uniquement un dossier régional, c'est vraiment qu'on est tous, comme société, interpellés à l'intérieur du Canada et sur la scène internationale aussi.

Et, si on regarde à l'ONU, il y a tout le travail qui est en train de se faire autour d'une charte des peuples aborigènes. On fait partie de la famille des nations, on a tout intérêt, comme Canadiens et comme Québécois, à s'assurer que nous avons aussi un moyen de régler ce différend qui date de trop longtemps. Au niveau pratico-pratique, 23 ans depuis la reconnaissance qu'il y a revendication territoriale légitime chez les Innus, mais ça date de 300 ans, 400 ans, et je pense qu'on a tout intérêt... On a eu le témoignage des jeunes. On a vu les chiffres que le Dr Vollant a indiqués sur l'importance de l'avenir, la relève jeune chez les autochtones. Il faut s'attaquer à ces problèmes maintenant, et je pense que c'est quelque chose qu'on n'a pas le choix. Le défi est là, le défi démographique autochtone est là et ça va prendre la collaboration de tous les partenaires, de tous les acteurs pour assurer une meilleure... un avenir plein d'espoir pour la jeunesse autochtone.

Et je suis très heureux aussi du climat de la commission. Souvent, les députés sont critiqués d'avoir une vision à court terme, ces jours-ci, à très court terme, mais je pense qu'au-delà de ces genres de considération on fait un débat aujourd'hui sur une entente éventuelle qui va affecter la société québécoise pour des décennies. Alors, ce n'est pas négligeable. Si c'est bien fait, le travail d'un traité éventuel avec la nation innue, on va établir des bases solides pour les générations à venir. Comme parlementaires, ce n'est pas à tous les jours qu'on a l'occasion de participer dans un débat d'une si grande importance.

Et il y avait une couple de choses que j'aimerais peut-être... C'est dommage qu'elles n'étaient pas plus claires quand le député de Saguenay, par exemple, a mis le président du Parti libéral du Québec, Marc-André Blanchard, en garde de ne pas respecter la ligne de parti, le mémoire que notre parti a pris la peine de préparer et déposer devant la commission parlementaire. J'ai été un petit peu déçu, je dois le dire, de lire dans un verbatim de Myriam Ségal, qui est une animatrice d'une ligne ouverte, à Chicoutimi, qui a interviewé un des candidats de l'ADQ... Si la règle est bonne pour le Parti libéral, que nos candidats doivent être cohérents dans notre position, je pense que la même règle doit s'appliquer aussi à l'ADQ, et M. Savard est membre du conseil de ville de Chicoutimi ou de Saguenay, pardon, et qui a endossé le mémoire que la ville de Saguenay a présenté ici, et en disant à Mme Ségal: Je dois vous dire, à l'Action démocratique que les députés ne sont pas obligés de suivre la ligne de parti. En tout cas, je laisse ça comme ça, mais je pense que c'est très important que, si le député de Saguenay met en garde le président du Parti libéral du Québec que c'est très important pour nos candidats de parler d'une même voix dans ce dossier que nous allons faire, je pense, pour une certaine cohérence dans tout ça, que ce serait important que la même règle du jeu s'applique à sa formation politique aussi.

n (11 h 10) n

Peut-être en conclusion. Je sais qu'à M. Kurtness, M. Moar, M. Picard, les deux messieurs Ross, M. Malec, j'ai dit en blague récemment, parce qu'ils sont toujours ici, dans le foyer de l'Assemblée nationale, depuis six semaines parce qu'ils suivent ça de près, que l'Assemblée nationale en ce moment risque de faire un parti de l'Innu Assi parce qu'il y a une occupation permanente, ce qui n'est pas vraiment le cas, mais je veux encore une fois solliciter leur attention, leur assiduité à suivre nos débats, de nous offrir la collaboration, et je sais fort bien qu'ils sont préoccupés par l'échéancier électoral. Il y a une élection qui s'en vient et ils ont peur que tout le bon travail de cette commission va être perdu dans la brume parce que, quand un Parlement est désuet, M. le Président, ça va être au nouveau Parlement et à ses membres de reconfigurer les commissions et repartir à zéro.

Alors, moi, au nom du Parti libéral, l'opposition officielle, je suis prêt à collaborer pour mardi s'il y a une motion de l'Assemblée nationale, s'il y a un geste qu'on peut poser à la veille d'une élection juste pour prendre acte de qu'est-ce que la commission a accompli, de l'importance d'aller à la prochaine étape. Le Parti libéral a dit qu'on veut qu'on ratifie l'entente de principe. On va à la prochaine étape. On veut greffer à ça, comme j'ai dit, un meilleur processus d'implication, de consultation des agents de liaison, mais je pense qu'il faut aller à la prochaine étape qui va être la table de négociations et si, via une motion ou un autre geste que l'Assemblée nationale peut poser dès mardi pour dire qu'est-ce que nous avons entendu, l'expérience que nous avons faite ensemble nous a convaincus de l'importance d'aller à une prochaine étape parce que leur crainte ? et c'est fort légitime ? on tombe dans une campagne électorale. Ça va durer même six semaines. Après ça, il y aura du temps pour recomposer peu importe le résultat, ça va prendre du temps et c'est du temps perdu pour eux autres. Il y a un momentum qui existe. Il y avait un trois ans d'attente pour arriver avec une entente éventuelle, alors je pense qu'on a tout intérêt à poser un geste pour que ça ne se perde pas.

Parce qu'en conclusion, M. le Président, je reviens toujours à peut-être la question que nous avons essayé de répondre pendant les dernières six semaines: Pourquoi on fait les négociations avec la nation innue? Et je vais citer le juge en chef Antonio Lamer dans la décision Delgamuuk: «En fin de compte, c'est au moyen des règlements négociés, toutes les parties négociant de bonne foi et faisant les compromis qui s'imposent, processus renforcé par les arrêts de notre Cour, que nous pourrons réaliser ce que, dans Van der Peet précité, au paragraphe 31, j'ai déclaré être l'objectif fondamental du paragraphe 35.1 de la Charte des droits canadienne, c'est-à-dire concilier la préexistence des sociétés autochtones et la souveraineté de Sa Majesté. Il faut se rendre à l'évidence, nous sommes tous ici pour y rester.»

Alors, je pense qu'on a répondu le pourquoi et je pense qu'on a tout intérêt, comme société québécoise, d'aller de l'avant dans le but d'un traité éventuel avec la nation innue. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Oui, M. le Président. À mon tour, j'ai deux raisons qui m'amènent, M. le Président, à vouloir intervenir. Une première, c'est d'exprimer mon appréciation par rapport à l'opportunité qui nous a été offerte à tous durant cette commission d'entendre l'éventail des points de vue autour d'une proposition d'entente de principe qui a été mise sur la table et qu'on a pu examiner ici. On a pu donc revoir ensemble les enjeux réels qui sont devant nous quant à la négociation avec les différentes nations autochtones, et ça a été une opportunité de me replonger dans un certain nombre de dossiers qui m'ont toujours tenu à coeur.

La deuxième raison ? et ce serait court, mon intervention, M. le Président ? c'est que je veux renforcer ce que mon collègue a dit à la fin de son intervention. Je veux juste resituer le contexte dans lequel nous sommes. Nous sommes dans une commission parlementaire qui a été convoquée suite à une entente de principe qui a été conclue et dont les négociateurs recommandent à chacune de leur partie la ratification.

La commission parlementaire a eu comme mandat de recevoir le rapport du mandataire du gouvernement qu'il a été nécessaire de mandater après un certain nombre de problèmes qui sont survenus au niveau de la compréhension des populations locales non-autochtones pour l'essentiel, et cette commission parlementaire a donc servi pendant les cinq ou six semaines que nous sommes ici. Et je suis très heureux que ça ait été espacé dans le temps, ce qui nous a donné l'opportunité aussi de digérer les différents points de vue qui ont été amenés ici. Mais ça nous a donné, donc, l'opportunité, durant ces cinq, six semaines, de bien entendre les différents points de vue sur l'entente de principe de façon précise.

Normalement, une commission parlementaire fait rapport à l'Assemblée nationale. La ratification précise de l'entente doit se faire par l'adoption d'un décret du gouvernement qui va donc autoriser la poursuite des choses par la suite. Un décret gouvernemental, ça s'adopte au Conseil des ministres. On est dans un contexte très particulier. Mercredi prochain, vraisemblablement, il n'y aura pas d'Assemblée nationale qui va siéger et le Conseil des ministres va probablement adopter deux autres décrets déclenchant le processus électoral.

Ce processus que nous avons entamé ici, en commission parlementaire, est aussi la démonstration très concrète que ce dossier n'est pas strictement un dossier gouvernemental. C'est un dossier de société, et la société, elle, est représentée par l'Assemblée nationale dans son ensemble. Le gouvernement exécute au nom de la société un certain nombre de mandats. Mais nous avons tous, comme élus à l'Assemblée nationale, une responsabilité claire d'assumer des responsabilités face à des dossiers comme celui-ci.

Alors, je m'adresse au ministre directement, en l'encourageant à entrer en contact immédiatement avec l'opposition officielle tout au moins et avec l'autre parti en présence en Chambre pour qu'on puisse mardi, à l'Assemblée nationale, procéder à l'adoption d'une résolution recommandant la ratification de cette entente au gouvernement. Le gouvernement par la suite, celui-ci ou l'autre qui s'ensuivra ? et j'en suis de ceux qui espèrent que ce sera un autre qui s'en viendra ? pourront procéder à la ratification officielle, si vous voulez, par l'adoption du décret et l'entamer, le processus qui doit suivre. Mais, tout au moins et surtout en prévision d'une période électorale, ce serait important, je crois, que les élus de l'Assemblée nationale, tous se prononcent clairement sur l'enjeu que cette commission parlementaire a étudié pendant les cinq ou six dernières semaines et qu'on puisse d'une voix unanime, je l'espère... et je constate qu'il y en a eu qui ont cheminé.

Il reste à espérer que l'ensemble des candidats de toutes les formations politiques suivront la même ligne sur ce dossier-là pour qu'on puisse, d'une voix unanime à l'Assemblée nationale, faire cette recommandation au gouvernement, ce qui laissera la latitude de faire les ajustements nécessaires dans le processus qui va suivre au niveau des ajustements qui doivent être faits dans la poursuite des négociations pour qu'on ne se retrouve pas, comme l'a très bien dit mon collège tantôt, dans une situation où les gens se sentent exclus ou non informés.

Alors, au ministre, le plus rapidement possible, entrez donc en contact avec l'opposition officielle et les autres partis pour qu'on puisse proposer une motion conjointe qui sera le reflet de la volonté du peuple québécois d'arriver à une entente avec la nation innue dans ce cas-ci. Et une dernière chose à la nation innue, je pense qu'il importe aussi de pouvoir s'assurer de notre côté que cette entente puisse aussi rassembler l'ensemble des communautés pour que ce soit véritablement le peuple québécois et la nation innue qui signent au bout de la ligne un traité qui va mettre un terme à un processus qui a duré très, très longtemps.

C'est tout ce que j'avais à dire, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. Alors, maintenant, c'est au tour du ministre responsable des Affaires autochtones pour les remarques finales. M. le ministre.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Nous avons amorcé les travaux de cette commission sur une longue suite historique qui dure depuis 23 ans, mais qui, essentiellement pour sa dernière phase, ont été marqués d'abord par l'adoption d'une position avec la nation innue, l'Approche commune, pour en arriver à conclure un traité avec la nation innue.

n(11 h 20)n

Cette consultation en commission parlementaire, elle s'est ensuite fondée sur le projet d'entente de principe qui a été présenté au ministre des Affaires autochtones et au gouvernement sur la base de l'Approche commune, le 12 juin 2002. Et, sur la base de cette proposition de principe d'ordre général s'est ajoutée donc une convocation, une convocation de société par l'Assemblée nationale sur nos relations avec les nations autochtones au Québec et particulièrement à travers la lunette de cette négociation avec la nation innue, en indiquant d'ores et déjà au départ que cette démarche, cette démarche de consultation en cours, allait constituer une occasion unique pour le Québec de faire un pas de plus sur le chemin menant à des relations harmonieuses avec les nations autochtones et les populations locales, régionales et au niveau national.

Les travaux de notre commission, M. le Président, ils se sont aussi fondés au départ sur le rapport, le rapport du mandataire du gouvernement, Guy Chevrette, qui nous a présenté donc les résultats d'une vaste consultation d'échange intensif avec les populations locales, régionales et les communautés et la nation concernée qui constituent en quelque sorte aussi un plaidoyer pour la négociation d'un traité juste et équitable.

À cet égard, M. le Président, je voudrais d'abord exprimer ma très grande satisfaction et mes remerciements les plus sincères à tous ces hommes et ces femmes de tous les âges, de tous les milieux qui sont venus s'exprimer devant cette commission. J'ai été très impressionné par le nombre de personnes à travers le Québec qui se sont senties concernées par une question aussi fondamentale que nos relations avec les premières nations et qui ont pris la peine de nous faire parvenir un mémoire.

Certains nous ont exposé leurs préoccupations d'un point de vue tout à fait personnel; d'autres nous ont présenté des intérêts collectifs au nom de différents groupes ou organismes. Des entreprises également ainsi que des experts issus de différents domaines ont pu s'exprimer devant cette commission parlementaire. Tous se sentent concernés par les nombreuses questions liées à la proposition d'entente de principe que nous avons mise sur la table pour consultation.

Le premier message ou le premier constat qu'il faut exprimer à la fin des travaux de cette commission parlementaire, c'est que les opinions exprimées dans les mémoires, la grande diversité des contenus, les préoccupations, les idées et les suggestions, nous les avons entendues et elles auront des suites. J'en suis convaincu, nous avons enrichi le débat et ce sera retenu par l'histoire.

En étudiant cette proposition d'entente de principe, nous discutions donc de droit, d'histoire, de multiusages d'une partie du territoire national, de répartition de la richesse collective, d'exploitation des ressources naturelles et de développement régional également, de développement économique et de développement social. Tous ont convergé vers la capitale nationale pour venir présenter aux élus que nous sommes leurs opinions sur tous ces sujets, ces sujets parfois fort complexes. Il faut admirer ce geste. Il faut reconnaître que notre système démocratique, il fonctionne bien à cet égard.

Sur un plan plus personnel, je dois dire que je ressors de ces auditions et à la lecture de tous ces mémoires comme si je revenais d'un long voyage. Enrichi par toutes ces rencontres, ces échanges et ces témoignages, je crois que nous avons changé, que nous avons progressé. Nous avons fait de grands pas vers une plus grande compréhension mutuelle. Malgré la controverse et les incompréhensions, je crois fermement que nous avançons quand même vers l'établissement de meilleurs rapports entre autochtones et non-autochtones au Québec.

Bien sûr, il y a encore plusieurs obstacles à franchir, mais nous avons collectivement le courage de les identifier et cherché des solutions pour les vaincre, ces obstacles. Je dois dire aussi que cet exercice démocratique que représente cette commission parlementaire et le mandat confié à M. Chevrette l'automne dernier nous ont permis de nous parler, de dialoguer davantage. Nous avons pu mettre des pendules à l'heure, nous avons pu mettre nos pendules à l'heure, rectifier certaines informations et laisser parler ceux et celles qui sont intéressés par cette négociation et qui se sentent directement concernés.

Je reconnais cependant qu'il n'est pas facile de discuter collectivement d'un tel enjeu de société, c'est de l'avenir des peuples qui partagent le territoire dont il était question. Sans vouloir revenir sur des erreurs du passé, je retire des propos tenus en cours de cette commission parlementaire que les Québécois et les Innus partagent depuis très longtemps un immense territoire sans toutefois bien se connaître pour autant.

Mais je fais aussi un autre constat tout aussi important: les Innus et les Québécois, ceux de la Côte-Nord et du Saguenay?Lac-Saint-Jean en particulier, ont en commun la passion de leur territoire, de leur histoire. Ils ont intégré dans leurs valeurs spirituelles, sociales et familiales un attachement profond au territoire et à toutes ses richesses. Je crois que c'est sur cette base et que sur cette base réelle un rapprochement est possible. J'estime qu'il y a un fossé à combler, un retard à rattraper, et c'est possible maintenant de faire ce rattrapage, puisque nous parlons maintenant plus ouvertement de nos différences et que nous pouvons identifier plusieurs éléments positifs de rapprochement.

Mais il nous faudra, pour tout cela, négocier autrement. Évidemment, il nous faudra le rapport de la présente commission parlementaire pour statuer sur la ratification de l'entente de principe qui nous a été présentée. Ce rapport sera déterminant dans les suites à donner et l'orientation de nos actions futures. La position gouvernementale cependant à cet égard est sans nuance. J'entends recommander à la commission de soumettre la proposition d'entente de principe à l'Assemblée nationale et y inclure la négociation des recommandations du rapport Chevrette avant la signature d'un traité avec la nation, la nation innue.

Un autre élément essentiel à la poursuite des négociations est l'importance de la présence d'un représentant des intérêts des populations régionales de la Côte-Nord et du Saguenay?Lac-Saint-Jean directement à la table centrale de négociations. Cette personne tiendra son mandat du ministre des Affaires autochtones tout comme le négociateur actuel.

Il me semble évident que tous s'entendent maintenant pour suivre la voie de la négociation et pour poursuivre dans la voie de la négociation. Alors, soyons clairs, poursuivons immédiatement. Continuons de négocier, mais faisons-le autrement en apportant des correctifs au processus. Et pour ce faire, nous pouvons immédiatement agir sur trois axes: poursuivre les négociations amorcées depuis plus de 20 ans sur la base des principes du projet d'entente convenu entre les trois négociateurs et que nous avons étudié tout au cours de cette commission parlementaire; corriger dès maintenant notre façon de faire, c'est-à-dire en revoir les modalités afin d'y inclure davantage de participation régionale comme nous l'a recommandé le mandataire spécial du gouvernement, M. Chevrette, et comme nous l'ont fait savoir de nombreux participants à cette commission; enfin, il nous faut placer en priorité dans les actions gouvernementales la sensibilisation, l'information et la formation à l'égard des questions autochtones et informer davantage la population québécoise sur la question et toutes les questions relatives aux droits des autochtones.

Pour assurer la suite des négociations, il faut poser des gestes. Trop d'efforts, trop de temps et trop de ressources auront été investis dans ces négociations pour reprendre à zéro et tout arrêter au moment où nous avons enfin en main une proposition d'entente, imparfaite, soit, mais tout de même une proposition d'entente paraphée par les négociateurs. Il faut admettre que nous avançons vers la conclusion d'un traité, que nous sommes plus près du but et que ce n'est surtout pas le moment de tout laisser tomber. J'ajouterai à cela qu'il est de ma responsabilité de poursuivre notre engagement à négocier.

Et ce que j'ai reçu aussi comme message de la part de mes collègues parlementaires et de la part d'une forte majorité de personnes qui sont venues s'exprimer devant cette commission: la voie de la négociation demeure toujours la meilleure voie à suivre, la voie à privilégier. Et, même en poursuivant notre travail de négociation, le monde ne s'arrêtera pas de tourner et les régions de la Côte-Nord et du Saguenay?Lac-Saint-Jean vont continuer de se développer et d'affronter quotidiennement des défis qui se présentent au plan social, économique, culturel ou encore politique.

Je crois également que tous ont pu être rassurés grâce aux travaux de consultation de cette commission parlementaire. La proposition d'entente de principe paraphée par les négociateurs n'aura pas de portée juridique ou n'aura une portée juridique que lorsque le traité sera signé et ne crée à cette étape-ci aucune obligation légale pour l'État québécois ni aucune reconnaissance officielle de droits nouveaux. Elle ne constitue qu'une étape fort importante cependant, cruciale, qui devra nous mener à la rédaction d'un traité et de plusieurs ententes complémentaires, ce qui devrait se faire au cours des deux prochaines années.

n(11 h 30)n

Nous poursuivrons donc les négociations sur la base de l'Entente de principe général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan, mais nous le ferons aux conditions suivantes: nous poursuivrons avec diligence la négociation avec les trois autres communautés innues, celles de l'Est, soit les premières nations de Mamit Innuat; nous favoriserons la présence à une table unifiée des deux communautés qui ne sont pas en négociation actuellement, Matimekosh et Uashat-Maliotenam; des tables préparatoires aux discussions pourraient même être mises sur pied pour ces communautés; nous favoriserons la rédaction du traité à une seule table de négociations représentant les neuf communautés innues du Québec.

Il nous faudra aussi ajuster les mécanismes à l'égard de la participation régionale et nous pouvons le faire dès maintenant. Et je vous dirai qu'en tant que ministre d'État à la Population, aux Régions et aux Affaires autochtones j'ai à coeur personnellement cette participation régionale au processus de négociation. Je profite également de l'occasion pour réitérer mes remerciements à Guy Chevrette pour tout le travail accompli en si peu de temps et ses nombreuses recommandations dans lesquelles chacun et chacune ont pu se retrouver.

Tout comme nous l'ont indiqué à la fois le mandataire spécial et de nombreux participants aux audiences de la commission parlementaire, les citoyens et citoyennes des deux régions concernées doivent se sentir impliqués dans la négociation, puisque ce sont eux qui auront à vivre avec les conséquences en particulier d'une éventuelle entente. Ça se passe chez eux, dans leur cour, alors nous allons leur faire une place, mais cette fois ce n'est pas le gouvernement qui dictera les règles de la participation régionale à la négociation.

À cette fin, j'ai l'intention de conclure avec les conseils régionaux de développement des régions de la Côte-Nord et du Saguenay?Lac-Saint-Jean des ententes spécifiques qui définiront les modalités à mettre en place pour accroître la participation des populations régionales. Je tiens à ce que ces modalités permettent une meilleure implication au processus de négociation mais aussi à l'égard du processus de communication et d'information qui permettra aux populations de mieux suivre ce qui se passe dans la poursuite des négociations.

La liaison et la transmission d'information auprès des populations de la Côte-Nord et du Saguenay?Lac-Saint-Jean sont assumées par l'embauche d'un coordonnateur dans chacun des deux CRD dans chacune des régions concernées. Ces coordonnateurs régionaux devront assurer la formation et le fonctionnement des comités directeurs régionaux de négociations. Ils devront également voir à ce que les tables sectorielles soient mises en place. Ils devront aussi assumer une liaison permanente avec les élus municipaux sur le déroulement des négociations.

De plus, je mandaterai un représentant spécial à la table centrale de négociations. Cette personne aura comme fonction de faire connaître à la table centrale les intérêts des populations des deux régions concernées et assurera le lien et la transmission de l'information avec les conseils régionaux de développement, la population et les groupes intéressés de la Côte-Nord et du Saguenay? Lac-Saint-Jean, une priorité aussi à l'information et à la formation.

Voyons donc maintenant un autre aspect de la situation des négociations non seulement avec la nation innue mais avec les autres nations autochtones du Québec. Depuis le dévoilement de l'Approche commune, en juillet 2000, des efforts considérables ont été investis afin d'intensifier les négociations et d'en arriver à une proposition d'entente. Malgré tout ce travail de négociations, nous avons constaté que la population, notamment dans les deux régions concernées, ne suivait pas massivement la démarche, avec le sentiment d'être exclue du processus, et elle a, cette population, exprimé son mécontentement.

Nous constatons par ailleurs qu'il existe à l'échelle du Québec beaucoup d'incompréhension et de méconnaissance parmi le grand public à l'égard des premières nations. De plus, plusieurs Québécois et Québécoises, bien que majoritairement favorables à la négociation pour conclure des ententes, semblent ne pas comprendre ou du moins ne pas bien saisir les enjeux et l'approche du Québec dans ce dossier. Comme nous avons pu le constater, certaines associations de chasse et pêche, des pourvoyeurs ou encore des entreprises craignent de ne plus pouvoir profiter équitablement du potentiel qu'offre le territoire québécois. D'autres maintiennent des préjugés tenaces et ont l'impression d'être laissés pour compte par rapport à de soi-disant privilèges. Il faut se l'avouer, bien des personnes ne connaissent pas bien les réalités autochtones. Pour la majorité d'entre eux, autochtone est synonyme de problèmes. On retient facilement les exemptions de taxes, mais on oublie les difficultés socioéconomiques vécues dans la plupart des réserves du Québec.

J'ai d'ailleurs été marqué par la présence des femmes autochtones ici, en commission parlementaire, qui, je le souhaite, prendront de plus en plus de place dans les futurs gouvernements innus. La condition des femmes sur les réserves et hors réserves soulève des inquiétudes qui nécessiteront diverses interventions. À cet égard, des discussions ont déjà été engagées avec ma collègue la secrétaire d'État à la Condition féminine et députée de Terrebonne, Mme Jocelyne Caron. Le gouvernement du Québec demeurera sensible aussi à une autre dimension importante pour laquelle nous avons eu des témoignages ce matin, la formation des administrateurs qui prendront les rênes des gouvernements au sein des communautés de la nation innue.

J'espère également, M. le Président, que nous pourrons avoir l'occasion de revoir un de ces jours, le plus tôt possible, ici, le Dr Stanley Vollant et constater avec lui que la formation des gouvernements innus aura enrayé la plus grande partie des graves problèmes socioéconomiques et surtout de santé en Innu Assi. Voilà pourquoi notre troisième axe d'intervention dans ce dossier visera prioritairement donc l'information, la sensibilisation et la formation. Dans plusieurs régions, Québécois et autochtones se côtoient quotidiennement depuis très longtemps sans vraiment se connaître.

En 1985, l'Assemblée nationale du Québec a reconnu officiellement les nations autochtones, mais aujourd'hui il nous faut passer de la reconnaissance officielle à la connaissance mutuelle. Plusieurs citoyens et citoyennes ainsi que des groupes et organismes ont déjà établi des ponts et sont venus nous dire ce fait à notre tribune parlementaire, Mais la grande majorité des Québécois ne connaissent que très peu l'histoire, la culture et les conditions de vie actuelles des autochtones. Au cours de ces audiences, j'ai cru remarquer, par exemple, que plusieurs participants, plusieurs participants aux travaux de notre commission parlaient des Innus en les nommant «ces gens-là».

Ces gens-là avec qui nous vivons depuis plus de 400 ans partagent les mêmes espoirs et le même désir de voir leurs enfants s'épanouir dans une société qui les accepte et qui leur fait une place. Je comprends très bien leurs craintes et les inquiétudes des hommes et des femmes de la Côte-Nord et du Saguenay?Lac-Saint-Jean devant un projet d'entente de cette envergure qui les concerne, qui touche la région qu'ils ont contribué à développer depuis des générations mais qui est aussi très complexe. Nous assumerons nos responsabilités en matière d'information. D'autres moyens seront élaborés afin de permettre aux populations concernées, en Côte-Nord et Saguenay?Lac-Saint-Jean, de mieux saisir le contexte et les enjeux de la négociation avec les Innus. Nous comptons, là, poursuivre intensément le travail amorcé, poursuivi en quelque sorte donc par Guy Chevrette. Il faut être clair sur cette question, la sensibilisation et l'éducation du public quant à la question autochtone, elle n'appartient pas qu'exclusivement aux gouvernements, c'est un mouvement de société, elle appartient à toute la société. Il est de notre devoir à tous et, je pense, particulièrement à ceux qui ont la chance de connaître la culture autochtone de sensibiliser, enseigner, discuter, faire découvrir aux Québécois des réalités qui bien souvent échappent à nos compatriotes.

Nous solliciterons aussi des partenaires. Nous demanderons aux Innus, au gouvernement du Canada qui prennent part à nos négociations de s'investir davantage dans cette voie. Nous inviterons les élus, les leaders régionaux à faire leur part et nous encouragerons toutes sortes de collaboration pour faire en sorte de favoriser le rapprochement entre Québécois et nations autochtones. Vous l'avez compris, tous l'ont compris, il s'agit d'une responsabilité partagée. Sans doute, M. le Président, c'est que, chers collègues de cette Assemblée, nous avons compris à travers ces propos ce que je souhaite le plus sincèrement. À la suite d'une période de turbulence depuis la sortie publique de la proposition d'entente, je souhaite que nous restions en mode dialogue avec les communautés innues, avec la nation innue, avec les gens de la Côte-Nord, avec les gens et la population du Saguenay?Lac-Saint-Jean et que nous poursuivions immédiatement le travail. Par nos actions immédiates d'ajustement du processus de négociation, je vise l'adhésion au rapprochement entre les communautés, adhésion que je souhaite sentir dans les mois à venir et qui vient avec le respect mutuel comme mot d'ordre.

n(11 h 40)n

Convenir avec toute la nation innue d'un traité le plus juste et le plus équitable qui soit pour tous, c'est l'objectif de résultat qui doit nous guider. À la dépendance économique, nous voulons substituer le développement et l'emploi; aux difficultés sociales, nous voulons substituer par la prise en charge réelle l'exercice du potentiel et l'éclatement du potentiel des individus. Nous voulons ainsi mieux répondre aux besoins des jeunes Innus et des jeunes Québécois et par le fait même enrichir l'avenir des régions du Québec par des gestes concrets et porteurs d'avenir. Tout cela est possible grâce au rapprochement et à l'entente que nous avons su établir entre nous. Les travaux de cette commission parlementaire ont fixé les éléments sur lesquels et les balises sur lesquelles nous devons nous baser pour poursuivre immédiatement nos travaux de négociations vers un traité avec la nation innue.

Je tiens à remercier les parlementaires qui ont participé à cette commission de tous les partis, en particulier, il faut le noter, le représentant... le porte-parole de l'opposition officielle à l'Assemblée nationale qui a partagé son expérience, qui a partagé sa connaissance des nations autochtones et qui, j'en suis convaincu aussi, a marqué pour les fins de l'histoire des éléments de progrès dans nos relations avec les premières nations et particulièrement la nation innue. Remercier mes collègues des régions concernées et membres de cette commission parlementaire du Saguenay?Lac-Saint-Jean et également de la Côte-Nord et aussi les autres parlementaires des autres régions qui y ont participé. Remercier également les chefs des communautés innues, de la nation, qui ont constamment suivi nos travaux et qui se sont situés dans une perspective de dialogue, d'échange et d'ouverture pour conclure une autre fois, au Québec, pour conclure à avoir une autre occasion de conclure une entente historique avec une autre nation après la conclusion de cette entente avec la nation crie, cette «Paix des Braves», la nation inuit, la paix Sanarrutik et maintenant la conclusion d'un traité avec la nation innue. Merci, M. le Président, de vos bons offices ainsi que ceux qui ont présidé nos travaux. Je remercie également mes collaborateurs, en particulier Éric Cardinal, conseiller au ministre des Affaires autochtones, qui, lui aussi, aura un défi à relever dans les prochaines semaines et les prochains mois, tout le personnel du Secrétariat aux affaires autochtones, les sous-ministres, les professionnels, les représentants du ministère de la Justice.

Nous avons franchi ici des pas historiques. Les prochains jours, les prochaines semaines et les prochains mois doivent nous engager dans des pas décisifs pour atteindre les objectifs de résultats escomptés autour de cette table. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre responsable des Affaires autochtones. Et je cède maintenant la parole à M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Stéphan Tremblay

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Très brièvement, pour souligner la fébrilité que j'avais lorsque j'ai entamé cette commission parlementaire mais l'enthousiasme et l'espoir que j'ai maintenant à la conclusion de cette commission. Je ne vous cacherai pas d'ailleurs qu'au moment d'entamer cette commission je me sentais un peu dans un canot d'écorce et j'avais un peu peur de chavirer, mais je réalise aujourd'hui que le dialogue qu'a entamé cette commission parlementaire nous a fait prendre conscience qu'on avait tout intérêt dans les deux nations à pagayer dans le même sens. Je vous dirais même que je me posais la question si on n'était pas en train de remonter une rivière ou d'en descendre une, et là aujourd'hui je crois qu'on est en train d'en descendre une ? ceux qui ne font pas de canot, c'est parce que c'est plus facile, vous conviendrez. Mais aussi on a pu réaliser que, des deux côtés des nations, certains ne pagaient pas dans le même sens, et ça, ça demeure déplorable, et nous avons encore beaucoup de travail à faire pour les convaincre d'aller avec nous dans la même direction. Nous avons des défis aussi, je crois, sociaux majeurs. Je continue de croire que le niveau de détresse sociale des communautés autochtones demeure une honte pour le Québec et que nous devons travailler fort justement à régler ces situations. Nous avons appris beaucoup de choses, notamment l'existence de conseils jeunesse autochtone, de conseils de femmes autochtones, de gens d'affaires autochtones qui vivent des difficultés, mais nous en prenons conscience, que l'Approche commune est certainement une voie vers des pistes de solution.

Bien entendu, je crois que cette commission parlementaire a été quelque chose d'extrêmement pédagogique pour l'ensemble de la population. Qu'on le veuille ou non, nous sommes diffusés sur le canal parlementaire, et cela a permis à bien des gens, notamment des concitoyens chez nous, à regarder un peu cette commission, d'entendre et d'apprendre à connaître les communautés autochtones et les difficultés et les réalités qu'ils font face, et ça, je crois que, pour cette raison, cette commission aura été certainement quelque chose de positif.

Le chef Picard, ce matin, disait qu'il fallait éduquer le public, qu'il fallait faire cesser l'ignorance, j'abonde dans ce sens. Mais je crois justement que cette commission a permis l'avancement de... et de lutter contre l'ignorance par le fait que, puisque cette commission est devenue un événement public et voire même historique, bien, ça a fait en sorte que ça a provoqué des articles de journaux locaux, ça a provoqué des sondages qui nous ont démontré que la réalité n'était pas si sombre que ça dans le niveau d'acceptation sociale.

Ça a même permis des choses hasardeuses en ce qui me concerne personnellement. Bien que j'étais... je me sentais très proche du chef de la communauté autochtone de Mashteuiatsh, je vous dirais que dernièrement, au début de semaine, nous avons fait une réunion entre la Société de développement économique de Mashteuiatsh pour explorer des projets de développement économique touristique, donc pour dire que plus on travaille ensemble plus on peut paver la voie à des partenariats qui étaient peut-être insoupçonnés lorsqu'on ne se connaissait pas.

Bref, M. le Président, je crois que nous devons affronter la rivière tous ensemble dans la même direction et je vous dirai que, si aujourd'hui nous sommes maintenant équipés d'un canot de fibre de verre à haute technologie, très solide, nous avons toujours besoin de l'aide des autochtones pour qu'ils puissent nous faire connaître leur culture et leur histoire afin que nous puissions bien lire la rivière et que nous ne puissions... et que nous ne chavirions pas. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. M. le député de Duplessis.

M. Normand Duguay

M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Et, moi également, je tiens à vous remercier, M. le Président, ainsi que tous les membres de la commission. Et je vais profiter de cette occasion également pour remercier tous les gens de mon milieu qui ont participé aux consultations, qui se sont déplacés sur des distances énormes pour venir se faire entendre en commission parlementaire pour faire valoir ici, à cette commission, l'importance que l'on a à trouver une solution, donc l'importance de s'assire autour d'une table et de continuer les négociations. D'ailleurs, on a démontré très ouvertement que, localement, il y avait des ententes et ces ententes-là vont à la merveille, compte tenu que les deux communautés acceptent de dialoguer et de travailler ensemble.

Juste un petit événement que je ne veux pas passer sous silence, comme l'a fait le député de Jacques-Cartier, lorsque le député de Saguenay faisait référence que c'est un dossier de la Côte-Nord, alors qu'il semblait être le seul à vouloir le défendre. Sur cet aspect, moi, j'ai eu l'occasion bien sûr de participer à toutes les rencontres que M. Chevrette a faites dans le comté et je profite de l'occasion également pour le remercier. On a eu une participation excellente et M. Chevrette a eu l'occasion également de démystifier certaines choses qui étaient méconnues. Également, en commission parlementaire, j'ai eu l'occasion de participer à toutes les rencontres, une seule journée que j'ai manquée, compte tenu que le 18, j'étais occupé pour bien sûr des dossiers importants dans le comté.

Or, cette commission-là, avec ce que le ministre nous a démontré tout à l'heure, les recommandations de M. Chevrette ainsi que les mémoires nous ont démontré qu'il faut aller de l'avant, faut continuer à négocier. Et, avec les recommandations que nous avons sur la table, je suis à peu près certain qu'au sein de cette négociation-là on va être capables de trouver des solutions à court terme pour continuer à vivre en harmonie sur le territoire. Alors, merci beaucoup.

n(11 h 50)n

Et, bien sûr, moi, je ne serai pas là peut-être pour vivre la conclusion, compte tenu que j'ai déjà annoncé que je ne serai pas candidat lors des prochaines élections. Cependant, je vais m'assurer que le dossier continue à bien être piloté dans ma région. Merci.

Le Président (M. Lachance): Vous serez un observateur attentif, à n'en pas douter, M. le député de Duplessis. Pour le mot de la fin, M. le député de Roberval.

M. Benoît Laprise

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, distingués collègues, je pense que j'ai toujours apprécié, moi, le travail des commissions parlementaires et, considérant que c'est la dernière à laquelle j'ai assisté, j'ai eu l'impression d'avoir un cours sur les humanités. Du chasseur au docteur, des aînés aux grands professeurs d'université, je pense qu'on a eu une image, là, une perspective très grande de notre nation future que sera le Québec de demain avec des nations de différentes catégories, de différentes nationalités mais qui sauront rejoindre les débats, faire les débats en fonction de surmonter les désaccords. Les débats, c'est toujours en fonction de surmonter des désaccords et de parvenir à des consensus acceptables. Et notre démarche démocratique repose d'abord sur l'écoute mutuelle dans les recherches du bien commun peu importent la couleur de la peau et la langue parce que dans ces débats on recherche toujours la vérité. Et les dangers de la vérité: avec la vérité, c'est de croire qu'on est seul à l'avoir et qu'on veut l'imposer aux autres, alors qu'on devrait la partager. Si on ne veut pas la perdre, la vérité, il faut la partager, la partager avec les autres, la partager avec nos concitoyens. Et, cette semaine, j'ai bien aimé ces débats, j'ai bien aimé les mémoires de toutes catégories qui ont passé, mais j'ai aussi écouté ce qui se disait dans la population.

Et, la semaine dernière, je rencontrais un de mes concitoyens qui me disait: Moi, à quelle place que je vais me trouver? Vois-tu, dans le Nitassinan, j'ai un petit camp sur la Lionne, près du lac François et, si je n'ai plus de place pour aller chasser la perdrix l'automne ou le lièvre... Et, quand j'arrive en ville, j'ai mon voisin, c'est un Italien et lui aussi m'en demande de la place. Alors, quelle place, moi, le petit Québécois, je vais avoir, qui va me rester? J'ai dit: Au contraire, ta place, elle va se multiplier, parce que tu auras accès et le partage à l'ensemble de cet immense territoire-là mais en conformité avec des règles qui seront établies pour les uns et pour les autres.

Alors, je voudrais quand même, là, souligner le travail de tous ces gens-là qui sont venus à la commission parlementaire exprimer leurs préoccupations. Et je pense que j'ai bien aimé ce matin, dans le dernier rapport, le dernier mémoire, l'importance que l'on doit donner à l'information, et c'est vrai du côté des non-autochtones. C'est vrai, on l'a constaté, avec les différents mémoires, avec les différentes positions aussi du côté autochtone, qu'on doit informer le simple citoyen afin qu'il participe aussi au cheminement de l'ensemble de cette décision-là si on veut qu'elle soit bien acceptée, si on veut que la dernière entente soit bien acceptée, qui sera...

Le Président (M. Lachance): M. le député de Roberval, c'est très intéressant ce que vous dites, mais je vous demanderais de conclure parce que le temps est terminé.

M. Laprise: J'achève, M. le Président. Je suis persuadé, M. le Président et M. le ministre, que vous serez de retour à l'Assemblée nationale après ces élections-là, sans doute peut-être dans les mêmes fonctions, j'en suis persuadé, et que, déjà, vous mettez à votre agenda...

Une voix: On verra.

Une voix: Il y a un proverbe en politique qui dit...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laprise: ...hein, que, déjà, vous mettez à votre prochain agenda de la prochaine législation ce dossier-là de l'Approche commune, donc à laquelle on a attaché beaucoup d'importance depuis le début. Encore une fois, merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Roberval. Je suis persuadé que votre gros bon sens et votre sagesse vont nous manquer.

Mémoires déposés

Alors, avant de procéder à l'ajournement de nos travaux, je voudrais faire le dépôt d'un certain nombre de mémoires de la part de personnes et d'organismes qui n'ont pas pu être entendus lors de ces auditions publiques ou qui n'avaient pas demandé à l'être.

Alors, je les nomme: Bowater produits forestiers du Canada inc., M. Laurent Dumas, M. Pierre Frenette, M. Pierre Labranche, M. Bernard Lefrançois, le Groupe faune régional de la Capitale-Nationale, la MRC de Caniapiscau, la MRC de Manicouagan, CLD Manicouagan et Chambre de commerce de Baie-Comeau, MRC du Fjord-du-Saguenay, M. Gabriel Mongeau, la municipalité des Bergeronnes, M. Jean-François Robert, et, finalement, le Syndicat des producteurs de bois de la région de Québec. Alors, ces mémoires sont déposés.

Alors, là-dessus, il me reste à vous remercier de votre excellente collaboration. Comme le disaient précédemment d'autres députés, ça a été très formateur, je pense, pour beaucoup de monde, cette commission parlementaire, très instructif, très éducatif. Et je souhaite, comme vous tous, que nous puissions en venir à une solution acceptable pour tout le monde pour que nous puissions vivre en harmonie. Il y a de la place pour tout le monde avec de la bonne volonté. Là-dessus, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 11 h 55)


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