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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 13 novembre 2003 - Vol. 38 N° 19

Étude détaillée du projet de loi n° 4 - Loi modifiant la Loi sur la justice administrative


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante et une minutes)

Le Président (M. Simard): Nous allons commencer nos travaux... S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le député de Gaspé. La séance est ouverte. Je constate le quorum.

Et j'invite immédiatement le secrétaire à nous faire part des remplacements.

Le Secrétaire: Alors, M. le Président, M. Létourneau (Ungava) est remplacé par M. Côté (Dubuc) et M. Turp (Mercier) est remplacé par M. Lelièvre (Gaspé).

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Alors, je rappelle que nous sommes réunis pour poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 4, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative. Nous en étions, lors de notre dernière rencontre... nous avions voté juste avant de partir. Alors, je me tourne, et c'est l'alternance qui le veut, c'est mécanique, je me tourne spontanément vers le député de Shefford qui, je le sens, a une proposition à nous faire, une motion à nous proposer.

Motion proposant de procéder immédiatement
à l'étude détaillée du projet de loi

M. Brodeur: Vous le sentez, évidemment, M. le Président. Donc, sans préambule, je voudrais déposer la motion suivante, qui se lit ainsi:

«Que la commission des institutions procède immédiatement ? et je répète, immédiatement ? à l'étude de l'article 1 et des articles suivants du projet de loi n° 4, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative.»

Et je crois, déjà, que tout le monde a une copie de cette motion.

Le Président (M. Simard): Est-ce que le secrétaire a une copie de la motion?

Une voix: Enfin une motion progressiste.

Le Président (M. Simard): On nous avait annoncé qu'on passait directement à l'article 9. Je suis un peu étonné de la modestie du député de Shefford.

Une voix: ...d'avoir une copie, M. le Président?

Le Président (M. Simard): Oui, bien, c'est ça, je vais demander qu'il y ait des copies de distribuées.

M. Moreau: Mais elle est quand même courte, alors, si on la répète lentement, je pense que le député de Chicoutimi pourra plaider. Il a une bonne mémoire, c'est un juriste.

Le Président (M. Simard): Jusqu'à maintenant, M. le député de Marguerite-D'Youville, nous avons convenu qu'il y aurait des copies écrites de chacune des motions. Alors, le page n'est pas là, nous n'en avons qu'une, alors...

Une voix: Je vais faire le page.

Le Président (M. Simard): Vous allez faire le page, vous êtes trop gentille.

M. Moreau: Nous avons un aréopage.

Le Président (M. Simard): C'est un joli page, hein? Si tous les pages étaient comme vous.

Une voix: On n'est jamais aussi bien servi que par soi-même.

Le Président (M. Simard): Alors, nous allons suspendre quelques secondes en attendant ces copies de la motion.

Une voix: On vous remercie, M. le Président.

(Suspension de la séance à 9 h 43)

 

(Reprise à 9 h 46)

Le Président (M. Simard): Nous allons reprendre nos travaux. J'ai devant moi la copie de la motion et sans... Vous en prenez connaissance. Est-ce qu'il y a... Vous avez dit: sans préambule, M. le député de Shefford, donc, sur la recevabilité, vous ne voulez pas plaider?

M. Brodeur: Oui, sans préambule. D'ailleurs, c'est une motion préplaidée, n'est-ce pas?

Le Président (M. Simard): Oui, c'est vrai.

M. Brodeur: Avec... Il y a presque une prédécision qui a été rendue, donc je n'en dirai pas plus long sur cette motion, M. le Président, qui est très recevable, et vous le savez très bien.

Le Président (M. Simard): Au niveau de la recevabilité, j'ai en effet indiqué dans une décision précédente que je recevrais, après la troisième séance...

M. Brodeur: Et nous sommes à la cinquième.

Débat sur la recevabilité

Le Président (M. Simard): ...une motion en ce sens. Elle est rédigée de façon classique et elle n'est... M. le député de Chicoutimi, sur la recevabilité, j'écouterai, quelques minutes, vos propos.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Sur la recevabilité, je vais faire quelques représentations, et voilà, puis en ne faisant pas en sorte que les travaux de cette commission soient inutilement allongés. Je reprendrais évidemment mes commentaires que j'ai faits lors de la présentation de la première motion.

D'ailleurs, je me demandais même si la présentation de cette motion n'aurait pas effet de contester votre première décision, puisque nous n'avons eu qu'à présenter, malheureusement, qu'une seule motion entre celle-ci et la dernière, ce qui fait en sorte que les arguments qu'ils nous ont présentés au moment du dépôt de la première motion, qui portait sur le temps, comme vous l'avez précisé, mais aussi sur la nature du projet de loi, sur aussi les conditions d'étude du projet de loi et d'entente que... et les difficultés que nous avons eues à entendre des groupes faisaient en sorte que je pense que nous pouvions... Et je comprends la jurisprudence, qui ne va pas, rarement, au-delà de cinq, me dit-on. Et je pense que nous avons devant nous un cas exceptionnel dû au fait que autant l'opposition que les groupes ont été bâillonnés. Donc, nous demandons à ce que les périodes qui nous permettent de faire entendre les différents arguments qui auraient pu être entendus par cette commission soient à nouveau présentées. Donc, M. le Président, je vous demande, si c'est possible effectivement, et je pense que vous avez toute l'envergure comme président de créer un précédent dans notre Parlement, et je pense que nous avons aussi les circonstances qui justifient un tel précédent.

Et, à cela, dernier argument, je vous ajouterais que nous avons eu hier, dans les nouveaux préavis, un nouveau projet de loi sur la justice administrative et qui, sans avoir le contenu évidemment ? il est au préavis, donc j'ai compris qu'il allait être déposé aujourd'hui ? mais qui fait en sorte que plusieurs des arguments que nous avons fait part par rapport aux auditions des groupes, par rapport aux rapports, prennent encore une plus grande importance et font en sorte, je pense, que la commission, pour agir avec toute la, je vous dirais, connaissance qu'elle doit avoir dans l'étude des projets de loi, doit effectivement continuer à entendre les différents groupes et, en même temps... Et c'est pour ça que, vous savez, les motions, nous les présentons pour entendre les groupes. Ce n'est pas pour plaider, mais c'est pour entendre ces groupes, et nous croyons que les groupes que nous souhaitions être... qui auraient été sûrement pertinents à entendre à cette commission, ne l'ont pas été. Alors, nous serions déçus, M. le Président, si, par votre décision, vous contribueriez au bâillon que nous avons dû subir dans les travaux qui ont animé cette commission.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Chicoutimi. Est-ce que vous désirez prendre votre droit de réplique? Non?

n(9 h 50)n

M. Brodeur: M. le Président, comme je vous le disais, c'est une motion qui a été prédéposée et préplaidée, et il y a eu une prédécision, je vous demande tout simplement de continuer votre bon travail, concernant votre prédécision que vous avez prise il y a quelques jours.

Décision de la présidence

Le Président (M. Simard): Alors, quant à la recevabilité de la motion, elle est évidemment recevable, et nous allons passer immédiatement à son étude. M. le député de Chicoutimi, simplement pour vous faire remarquer que vous pouvez vous référer aux galées de ma décision précédente. J'ai bien indiqué à ce moment-là qu'il était prématuré, avant la fin de la troisième séance, de demander un arrêt des motions préliminaires, mais, évidemment, j'avais indiqué par là que, dès la séance suivante, il serait loisible à quiconque, membre de cette commission, de demander de passer à l'étude de l'article 1. Nous en sommes, ce matin, au début d'une cinquième séance, il est évident que ce serait une jurisprudence qui ne serait pas appropriée que d'aller à l'encontre à la fois de ma propre décision et de la pratique juridi... ? je vais arriver à le dire ? la pratique habituelle de notre commission et de l'Assemblée.

Alors, la motion est donc déclarée recevable, et, maintenant, sur cette motion, par contre, je vais entendre maintenant son proposeur, qui a droit à une demi-heure d'intervention.

Débat sur la motion

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Alors, tout simplement pour demander, M. le Président, peut-être de passer immédiatement au vote sur cette motion pour en arriver au vif du sujet et entendre enfin, entendre enfin la personne la plus importante, le ministre lui-même.

M. Bédard: Alors, non, évidemment, nous aurons des représentations à faire, M. le Président. Mais simplement, vous savez, je suis peut-être un parlementaire ayant moins d'expérience... peut-être nous clarifier, M. le Président, les différents temps de parole que j'aurai et qu'auront chacun de mes collègues, à travers les commentaires que nous aurons à vous faire.

Le Président (M. Simard): Non, on ne peut pas, en début d'étude d'une motion, demander de passer au vote. Il y a des temps de parole qui sont prévus par le règlement et qu'il nous faut épuiser. Alors, je suis gardien de la démocratie et des droits de la minorité...

M. Bédard: Je pense que le député de Shefford n'a jamais entretenu cet espoir de passer immédiatement, là, à l'étude du projet de loi, là.

Le Président (M. Simard): Il a trop de mémoire, sur certaines de ses actions et propos passés en cette commission et ailleurs, pour prétendre dire une chose pareille.

M. Brodeur: Je vous ferai remarquer, M. le Président, que nous allons peut-être vivre un moment historique. Depuis le 12 septembre 1994, il n'y a pas une motion sur laquelle j'ai eu gain de cause, et peut-être ce matin, peut-être ce matin...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard):«Peut-être», avez-vous dit. Ne présumez pas de la décision de la commission. Mais je pense qu'on ferait face, si jamais ça se produit, hein?

M. Bédard: ...

Le Président (M. Simard): Alors, je ne sais pas, c'est fait peut-être pour vous démoraliser, M. le député de Chicoutimi, mais je vous prie quand même de passer, et vous avez toutes les chances de convaincre la majorité de l'Assemblée de votre point de vue. Nous vous écoutons.

M. Bédard: Parfait. Et, simplement une question de directive, M. le Président, les temps de parole, à ce que j'ai compris, c'est 20 minutes, maximum évidemment, et, si on peut convaincre nos collègues avant ça... C'est 20 minutes pour chacun des collègues, c'est ce que j'ai compris?

Le Président (M. Simard): Alors, vous représentez le chef de l'opposition, donc vous avez 30 minutes, les autres interventions vont être de 10 minutes.

M. Bédard: Ah! 10 minutes, O.K. Ah! c'est ça, au total, ça fait 50, O.K.

Le Président (M. Simard): 30 minutes pour vous, 10 minutes pour les autres.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: O.K. Alors, 50 minutes. Alors, M. le Président, il me fait plaisir à nouveau de parler sur cette motion, d'autant plus que la salle dans laquelle nous sommes est quand même inspirante, vous le savez. À ce qu'on m'a dit, ç'a été effectivement la salle dans laquelle siégeait le Conseil des ministres auparavant...

Le Président (M. Simard): Milieu des années soixante, hein?

M. Bédard: Oui, au début des années soixante. Bien là, c'est pour ça qu'on...

Le Président (M. Simard): Jean Lesage, Maurice Duplessis...

M. Bédard: Oui, on y retrouve d'ailleurs... et, évidemment, on n'est pas... Les caméras ne sont pas présentes. Alors, vous savez que toutes les photographies des premiers ministres du Québec nous entourent, donc nous nous sentons surveillés, d'où peut-être, je pense, le souci... Et c'est peut-être un argument que j'aurais dû ajouter tantôt au niveau de la recevabilité, nous sommes surveillés par des gens qui avaient... qui se sont illustrés de différentes façons, je vous dirais, quand même, dans l'histoire démocratique du Québec. Nous croyons que le fait de passer à cet article 1 effectivement fait en sorte que nous sommes brimés à travers nos droits démocratiques, et la population aussi.

Mais, vous le savez, j'ai un profond respect de nos institutions, et incluant la présidence et votre présidence, donc je ne peux à ce moment-ci que plaider sur le fond de cette motion qui a toute son importance, et c'est celle de passer à l'article 1 et suivants du projet de loi. Et pourquoi... Vous comprendrez que je vais voter contre cette motion, M. le Président, pour des motifs qui sont très clairs et, je pense, connus, que mes collègues ont eu l'occasion d'entendre dans les différentes représentations que j'ai faites depuis plus de trois semaines, un mois même, d'étude... d'audition, plutôt, et d'écoute des différents groupes et propositions des différents groupes. Donc, nous avons manifesté à travers les différentes étapes où nous sommes rendus actuellement.

Donc, à travers ces différentes étapes, nous avons manifesté notre réticence à aller de l'avant, et cette réticence n'est pas le fait seul de l'opposition officielle, vous le savez, M. le Président, au contraire. Nous avons plusieurs groupes intéressés et bien documentés qui sont venus nous faire des représentations, que ce soit directement à cette commission, ou par le biais de mémoires qui n'ont pas été présentés, ou, je vous dirais aussi, par d'autres moyens. Parce que nous sommes, comme membres de cette Assemblée, en contact continuel avec l'ensemble de la société, c'est sûrement un des éléments qui fait en sorte... qui est essentiel à notre bon travail. Si nous, lorsque nous rentrons dans cette Assemblée, nous perdons contact avec l'ensemble de la société et que nous refuserions de consulter les gens qui nous entourent, les groupes, aussi, d'intérêts, eh bien, à ce moment-là, ce serait un gouvernement qui serait isolé. Et, malheureusement, vous le savez, c'est ce que nous assistons depuis le début de cette présente session et, je vous dirais même, depuis le 14 avril, malheureusement, alors... Et la façon de faire de ce projet de loi, je vous dis, et du processus qu'on a suivi dénote bien ce manque de consultation et d'écoute de la population.

Donc, nous, par contre, comme membres de l'opposition, nous sommes en contact fréquent et continuel avec ceux et celles qui agissent à tous les jours dans d'autres postes, dans d'autre sphères et à tout niveau, que ce soit au niveau des ordres professionnels, au niveau des associations de défense de droits, au niveau de tous les ordres, qu'ils soient d'ordre juridique, mais aussi... À tout niveau. Et ce que nous avons vu, entendu, lu, écouté, c'est que ces groupes effectivement souhaitent être entendus, souhaitent surtout être écoutés. Certains sont venus à cette commission, mais ils ont eu l'impression, malheureusement, M. le Président, de ne pas avoir été écoutés, que les propos qu'ils tenaient, les propositions qu'ils faisaient, constructives d'ailleurs dans la plupart des cas, faisaient en sorte que le projet de loi aurait pu être bonifié, amélioré, peut-être même retiré, parce qu'il vient un moment, vous le savez, où améliorer un projet de loi, des fois, ou améliorer une intention gouvernementale est parfois de constater que le chemin que nous avons pris n'est pas nécessairement le bon. Et je pense que ça aurait pu être le cas dans le cadre de ce projet de loi.

Et c'est tellement vrai, M. le Président, et souvenez-vous, je pense que le ministre en est conscient aussi, nous avons eu plusieurs groupes qui sont venus demander de retirer le projet de loi et que l'on passe plutôt à la pièce de résistance, soit la réforme qui est appelée au niveau de l'ensemble de la justice administrative. Et je croyais, je vous dirais, M. le Président, lors du dépôt du projet de loi n° 4, que le plat de résistance, cette réforme qui était sollicitée par le ministre, qui nous était demandée... qui était, plutôt, appelée par le ministre à grands cris, allait être décalé dans le temps. Alors, est-ce qu'il y avait urgence d'agir? Je me disais: Bon, s'il n'y a pas urgence, c'est parce que l'autre document ou l'autre projet de modification de la Loi sur la justice administrative allait être retardé, et nous allions donc, normalement, étudier ce projet de loi plutôt au printemps. Or, tel n'a pas été le cas.

n(10 heures)n

Vous avez vu encore hier, aux préavis de dépôt de projets de loi, ici, à notre Assemblée, qu'il y avait effectivement un autre projet de loi qui concerne une réforme sur la justice administrative. Et, sans présumer des intentions, puisque je n'ai pas eu l'occasion de lire le document, vous comprendrez que la collaboration qui existe entre le gouvernement et l'opposition ne peut pas faire en sorte que nous ayons l'ensemble du projet de loi devant nos yeux, mais il apparaît très clairement que ce projet de loi opère une opération... opère, plutôt ? une opération, c'est un peu... opère plutôt une transformation de la justice administrative de façon beaucoup plus large que ce que traite actuellement le projet de loi. Donc, les différents commentaires qui nous ont été émis par les groupes qui sont venus témoigner ici à l'effet que nous devions plutôt retirer le projet de loi n° 4 et discuter de cette réforme globale avaient toute leur pertinence, mais encore plus en sachant aujourd'hui que nous aurons sous les yeux... Et, je vous dirais, sans, encore là, présumer de rien, parce qu'ils peuvent le déposer, le projet de loi, aujourd'hui ou un peu plus tard, mais on peut déduire que dans un avenir très rapproché... Et je pourrais même vous dire, cet après-midi, nous aurons un nouveau projet de loi sur une modification beaucoup plus large de la justice administrative. Alors, pourquoi aller de l'avant avec ce projet de loi alors que...

Au-delà de toute vision que nous pouvons avoir sur l'opportunité de modifier la composition du banc ou de faire, bon, les différentes modifications qui sont apportées par le biais du projet de loi n° 4, pourquoi ne pas l'intégrer à l'intérieur d'une discussion beaucoup plus large, qui sera celle du projet de loi qui nous sera déposé cet après-midi? Je pense que les membres de cette commission bénéficieront d'ailleurs d'avis beaucoup plus larges. Parce que, évidemment, le projet de loi, souvenez-vous, le projet de loi n° 4 avait été déposé à la dernière session, juste après les élections, et, à la période estivale, les gens ont comme... Même, au départ, on sentait que les gens n'avaient pas compris toute la portée de ce projet de loi là. Or, il est évident que, par le... Et, bon, certains groupes sont venus, d'autres n'ont pas pu venir mais nous ont fait des commentaires par la suite et ont vu les conséquences qu'avait ce projet de loi sur leur conception de la justice administrative. Mais nous aurions pu donc... Et ces groupes, voilà, vont, je pense, percevoir d'une façon beaucoup plus globale, à l'intérieur du projet de loi qui sera déposé, je pense, et sans présumer de rien encore parce que je ne l'ai pas lu... vont avoir là tous les éléments qui peuvent justifier ou non certaines modifications.

Et c'est malheureux que nous allions de l'avant actuellement et... que le ministre, plutôt, soit allé de l'avant avec ce projet de loi. Et sans, je vous dirais, prêter ni mauvaise foi ni dire que nous détenons la vérité, nous pensons plutôt qu'il serait beaucoup plus convenable et beaucoup plus logique de passer à l'étude de l'ensemble du projet de loi sur la justice administrative et d'entendre les groupes intéressés, pas sur des modifications précises, mais sur vraiment leur vision et les modifications qui seraient apportées à cette justice. Pourquoi? Parce que... Et c'est un autre argument que, vous savez, j'ai plaidé devant vous lors de la suspension de nos... Avant la suspensions de nos derniers travaux, nous avions proposé de ne pas aller de l'avant, parce que, suite au rapport, au dépôt du rapport sur la justice administrative, cette commission n'avait pas eu l'occasion d'écouter les différents groupes sur cette question. Et, vous le savez, lors des auditions que nous avons eues pendant deux jours, nous avons eu quelques groupes et, en vrai, il faut le dire, quelques mémoires, bien qu'assez, à certains égards, assez virulents et aussi très clairs quant au contenu du projet de loi. Ils ne représentaient pas non plus l'ensemble, je vous dirais, de la vision qu'ont les différents groupes qui participent à cette justice, à quelque titre que ce soit, ou qui l'utilisent.

Et donc, si nous n'avons pas, malheureusement, pu bénéficier de la lumière de ceux et celles qui ont rédigé ce rapport sur la justice administrative, sur la loi de mise en oeuvre de la justice administrative, et que, selon toute évidence, nous devrons nous passer de ces lanternes qui sont, je pense, fort pertinentes aux travaux de cette commission, par contre, à l'intérieur d'un projet de loi beaucoup plus global, nous aurons l'occasion, là, d'entendre tous les groupes intéressés. Et cette consultation sera beaucoup plus large que les quelques groupes que nous avons entendus sur le projet de loi n° 4, et qui permettrait à l'opposition, mais, je pense, aussi aux membres de la commission et aussi au ministre, d'avoir des informations nécessaires à une prise de décision qui est... et aussi à l'aboutissement d'un projet de loi qui serait beaucoup plus conforme aux attentes de ceux et celles qui ont un avis ou, comme je disais tantôt, utilisent, bénéficient de la justice administrative, l'utilisent ou y participent. Et nous pourrions peut-être de cette façon mettre fin à l'imbroglio logique et procédural dans lequel nous sommes actuellement, soit celui d'étudier un projet de loi qui modifie une loi alors que nous n'avons malheureusement pas entendu ceux et celles qui ont étudié l'application de cette loi.

Et, en termes, vous le savez, de rigueur, en termes de façon de faire, ce n'est pas là, je pense, une qui répond à une logique à toute épreuve, là. Au contraire, il aurait été beaucoup plus souhaitable que les membres de cette commission... Et ça aurait pu se faire même à l'automne, rapidement, au mois de septembre, lors d'auditions, là, et j'imagine que ça aurait duré peut-être une journée, d'entendre ceux et celles qui ont rédigé ce rapport sur la justice administrative. Or, une autre voie a été préférée, celle de tenter d'adopter ce projet de loi pour lequel... Encore une fois, je le dis et je l'ai réitéré à plusieurs reprises, mais ça démontre dans quel esprit nous avons entrepris l'étude du projet de loi n° 4, sur lequel, ce projet de loi, nous avons donné notre accord de principe parce qu'il semblait motivé par des intentions, sur lesquelles nous n'avons d'ailleurs aucun doute, là, mais qui rencontrent d'ailleurs les attentes de nos concitoyens et concitoyennes et les nôtres comme membres de l'opposition. Mais, vous le savez, et sans reprendre toute l'histoire, le projet de loi, suite à l'étude des différents groupes, nous n'avons pu que constater, malheureusement, que ce projet de loi ne rencontrait pas les conditions, ne rencontrait pas les attentes ni l'espérance que le ministre avait eues lors de son dépôt.

Et ne pas tenir compte des avis, vous savez, M. le Président, c'est de faire en sorte finalement que les gens de cette commission travaillent dans le beurre. On est tous animés, là, d'améliorer cette justice, mais, si on vote un projet de loi qui, selon toute apparence et selon tous les spécialistes, n'aura que peu ou pas d'effet quant au niveau de la célérité, dans la rapidité du traitement des dossiers, bien, on perd tout simplement notre temps. Et, quant à la qualité, vous le savez, j'ai fait beaucoup de représentations quant à cette qualité de la justice administrative, je dis, je maintiens que le projet de loi, dans sa lecture actuelle, qui peut, par contre, peut-être être bonifié, porte atteinte à cette qualité de la justice administrative, et cela, nous ne pouvons, vous le comprendrez, y concourir de quelque façon que ce soit.

Mais, dans le meilleur des scénarios, il serait sûrement souhaitable ? et je donne encore, j'offre toute ma collaboration aux membres de cette commission, mais aussi évidemment au ministre ? que nous puissions aller de l'avant avec le projet de loi qui sera déposé cet après-midi, avec... évidemment en étudiant chacune de ses dispositions, en entendant les groupes intéressés et, finalement, en faisant notre travail comme cela aurait dû être au départ. Donc... Et je trouve malheureux que nous ayons passé, M. le Président, autant de temps à tenter de convaincre le ministre et les membres de cette commission de procéder d'une façon beaucoup plus conforme à un mode législatif d'ailleurs qui serait beaucoup plus logique, en termes de logique administrative aussi, mais en termes de logique légale, en termes aussi... même de processus... de logique. Si ce n'est que sur le plan intellectuel, M. le Président, entendons ceux et celles qui ont étudié avant... étudions, plutôt, les recommandations de ceux et celles qui ont étudié la justice administrative et voyons, après, ce que nous, membres de cette commission, pourrons recommander, et le ministre, lui, fait ses propositions. Et c'est d'ailleurs ce que nous faisons.

Vous savez, j'ai passé à peu près... tout près de 40 mémoires avec... il y avait le député de Marguerite-D'Youville qui était présent, la Commission d'accès à l'information. Vous savez, il y a un rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information. Et je suis, vous le savez, aussi critique en matière d'accès à l'information. Donc, cet automne... je ne savais pas, d'ailleurs, avant que le premier ministre me donne cette tâche... le chef de l'opposition me donne cette tâche...

Une voix: ...

M. Bédard: Oui. Mais je ne suis pas le seul, je ne suis pas le seul. Alors...

Le Président (M. Simard): L'exemple vient de haut.

n(10 h 10)n

M. Bédard: Oui, bien, voilà! Et donc, j'ai eu, cet automne, vous le savez... Nous avons eu le rapport, tout d'abord, de la Commission d'accès à l'information, et tout près d'une cinquantaine de groupes sont venus devant nous nous faire part de leurs recommandations sur les recommandations de la Commission d'accès. Parce que la Commission d'accès recommandait... a fait tout près de, je pense, 52 recommandations, M. le Président, sur des modifications à apporter aux lois existantes, et principalement, évidemment, à sa loi constitutive. Et donc, nous avons entendu la Commission d'accès. Par la suite, nous avons entendu les 45, 46 groupes qui sont venus faire part, eux aussi, de leurs attentes, du Conseil de presse en passant par des journalistes seuls, d'ailleurs. Nous avons eu des groupes environnementaux, nous avons eu des services gouvernementaux. On a touché à toute la gamme de gens qui utilisent les services de la Commission d'accès à l'information.

Et, je vous réfère d'ailleurs aux galées de cette commission, M. le Président, même à la fin, la ministre, comme moi d'ailleurs, a souligné l'esprit dans lequel ces travaux ont été menés, sans aucune partisanerie, où les gens ont discuté du fond des questions. Et, à aucun moment d'ailleurs, je pense même, il n'y a eu quelque remarque, de quelque nature que ce soit, qui aurait pu indisposer ni la ministre... et la même chose de la part de la ministre, je vous dirais. Ça été fait dans un climat serein et qui faisait en sorte que les membres de cette commission, de notre commission, pas celle-ci, malheureusement, mais celle dont j'étais l'invité du fait que j'étais critique en commission... en accès à l'information, donc, nous avons pu bénéficier de toute l'information disponible.

Et qu'est-ce que nous faisons actuellement, M. le Président, dans cette commission? Nous faisons des recommandations à la ministre pour des modifications à la loi ou des appréciations des différents témoignages des 46 groupes, je vous dirais, plus de 50 mémoires qui nous ont été déposés. Et nous invitons... Et je l'ai fait d'ailleurs à plusieurs reprises pendant l'étude de ce rapport, nous avons offert à plusieurs reprises la collaboration sur différents aspects qui pourraient être amenés par la ministre quant aux modifications de la loi actuelle. Et je l'ai assurée, à la fin, que les voies, que nous partageons d'ailleurs, dans l'ensemble, en tout cas, les vues qui ont été exprimées lors de la conclusion étaient partagées par tous les membres de cette commission. Et, je vous dirais, ce n'est pas parce que la ministre est une meilleure personne que le ministre de la Justice, ce n'est pas parce que la ministre, je ne sais pas... ou parce que c'est une femme ? bien que j'aie un préjugé favorable à l'égard des femmes effectivement ? mais, non, ce n'est pas le cas...

M. Moreau: C'est une discrimination positive.

M. Bédard: Bien... positive, voilà. Et la discrimination positive n'est pas considérée comme une discrimination...

M. Moreau: C'est quand même le mot.

M. Bédard: Oui, mais, celle-là, je suis prêt à la défendre.

Le Président (M. Simard): Un préjugé favorable.

M. Bédard: Oui, mais... effectivement, un préjugé très favorable. Et pourquoi? Parce que... Et ce n'est pas pour ces raisons. Vous avez vu d'ailleurs à cette commission...

M. Moreau: On devrait plutôt utiliser «discrimination positive» que «préjugé favorable», parce que le mot «préjugé», n'est-ce pas, suppose qu'il y a eu un jugement fait de façon préalable, sans que la raison n'y ait participé. Alors, je n'aime pas vraiment le mot «préjugé» lorsqu'on parle particulièrement des femmes et en particulier à l'intérieur d'une commission parlementaire.

Le Président (M. Simard): Donc, on doit conclure que, vous, vous n'avez pas de préjugé favorable à l'égard des femmes, mais vous faites régulièrement de la discrimination positive.

M. Moreau: Constamment, M. le Président. C'est d'ailleurs une constante épuisante dans ma vie.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bédard: N'allons pas plus loin.

Le Président (M. Simard): Non, on ne demandera pas au député de Marguerite-D'Youville de nous raconter ses dernières heures, et nous allons retourner au député de Chicoutimi.

M. Bédard: Oui, effectivement. D'ailleurs, vous voyez cette commune pensée qui nous animait lors... Et d'ailleurs, le député de Marguerite-D'Youville...

Le Président (M. Simard): Elle nous anime.

M. Bédard: Oui, celle-là nous anime aussi effectivement. Mais il a été présent, je pense, si je me souviens bien, à plusieurs des étapes de l'étude du rapport, et ça s'est fait dans un esprit vraiment de bonne camaraderie. Et d'ailleurs, nous étions presque en minorité; nous étions en minorité, d'ailleurs, les hommes, à ce moment-là. D'ailleurs, la ministre l'a fait remarquer. Il y a même une journée où je pense que le député de Marguerite-D'Youville, et sans porter atteinte, n'était pas présent. J'étais, je pense, le seul homme qui était présent, et les membres qui témoignaient pendant toute la matinée étaient des femmes. Alors, je me suis retrouvé presque seul, mais, en vrai, je me sentais très bien accompagné par toutes ces personnes, effectivement, puis à aucun moment je n'ai demandé d'aide de qui que ce soit. Au contraire, je me sentais bien supporté. Et peut-être que ça a fait en sorte que ces travaux étaient... ont été animés... faits dans un très bon esprit...

M. Moreau: ...comprends, M. le Président, que le député de Chicoutimi a quand même regretté mon absence cette journée-là. Ça m'émeut.

Le Président (M. Simard): Manifestement, il avait besoin de renfort.

M. Bédard: Oui, mais ce n'est pas pour moi, c'était pour lui que je le regrettais. Mais...

Et, tout le long et, je le répète, au-delà, là, des petits commentaires que nous pouvons faire, mais nous avons procédé dans l'ordre. Et nous sommes d'ailleurs à l'étude du rapport, et d'ailleurs le député de Marguerite-D'Youville est avec nous au niveau de la rédaction du rapport, et la ministre, d'ailleurs, sollicite même de notre part des recommandations pour faire en sorte que nous puissions la guider dans sa réflexion d'améliorer cette loi, qui est aussi importante, vous le savez, qui a même un statut particulier. La loi d'accès à l'information est une loi très... qui a un statut particulier, qui est presque au-dessus des lois, vous le savez, dans le sens qu'elle a un statut... Sans être quasi constitutionnelle comme l'est la Charte des droits et libertés de la personne au Québec, elle a quand même un statut particulier. Et la ministre donc nous a invités à faire nos commentaires, c'est ce que nous sommes en train de faire, après avoir entendu tous les groupes. Et, par la suite, la ministre... et nous l'avons invitée d'ailleurs, parce que tout le monde réclamait des modifications, parfois même en profondeur, et la ministre nous a dit: Commençons par étudier le rapport, commençons par entendre les groupes.

Et, malheureusement, dans ce cas-ci, ce n'est pas ce que nous avons fait. Et, vous savez, lorsqu'on commence à cette Assemblée, il y a des éléments, soit dans nos us et coutumes, dans nos façons de faire, qui peuvent ne pas être connus et sus, et je n'en tiens rigueur à personne, mais, normalement, le processus dans lequel nous avons étudié ce rapport sur la Commission d'accès à l'information était beaucoup plus conforme à la procédure parlementaire, mais aussi, je pense, à un travail normal et logique en termes d'étude. Parce que sinon, M. le Président, ceux et celles qui rédigent ces rapports, qui ont le souci de bien faire les choses... et je peux en témoigner, je l'ai lu de fond en comble à deux ou trois reprises, c'est bien fait, le rapport, c'est intéressant, et, moi, il y a des questions que j'aurais aimé creuser. Bien, nous en sommes malheureusement privés. Mais ce rapport est tellement important que, dans la loi, il est prévu que nous devons l'étudier.

Alors, au delà de la question légale que je vous ai soumise au niveau de la question de règlement, il reste que la question logique, elle, n'a pas été tranchée, et ce n'est pas à vous de la trancher, c'est au ministre et à nous, membres de cette commission. Mais comment pouvons-nous aller de l'avant avec une multitude de projets de loi si au moins, au moins, on n'entend pas... Et ça ne prend pas une semaine, entendre ceux qui ont rédigé le rapport, là, d'étudier ce rapport sur la justice administrative. Entendre différents groupes, ça peut se faire très bien d'ailleurs à l'intérieur de l'étude du projet de loi qui sera peut-être déposé cet après-midi. Je pense que ce serait une occasion peut-être de corriger ce manquement à ce qui aurait dû être fait, et ce que nous avons bien fait dans la Commission d'accès.

Mais, encore-là, je vous le dis, j'en tiens rigueur à personne. On peut être pressés sur certaines choses mais, je vous dirais, ne pas connaître toute... normalement, ce qui... la logique qui anime nos travaux et les membres de cette commission. Et je pense que ce serait même un peu ne pas, je vous dirais, estimer les membres de cette commission que de ne pas étudier le rapport sur la justice administrative ou, du moins, de ne pas permettre, à l'intérieur d'un projet de loi, de nous permettre, à nous, d'en avoir toutes les informations et d'en extirper ce que vous appelez, M. le Président, la substantifique moelle. Et c'est ça qui aurait dû être fait, et c'est ce que nous avons fait d'ailleurs lors de l'étude du rapport sur la Commission d'accès à l'information.

Et, je vous dis, c'est un rapport, encore là, qui était volumineux, très fouillé, et les mémoires qui nous ont été présentés étaient très documentés et touchaient, j'avouerais, des gammes de sujets. D'ailleurs, nous avons vu que nous n'avons pas là toute la connaissance pour aller plus loin. Entre autres, en termes de génétique, on a vu tous les questionnements que ça pose au niveau de la connaissance et de la transmission des informations de nature génétique, nous avons vu... Et ça passe du droit global à l'information jusqu'à la protection personnelle des renseignements aussi privés que celui de son code génétique. Alors, nous avons appris, à travers les travaux qui ont animé cette Commission d'accès à l'information, que, oui, il y a des sujets sur lesquels nous devions agir, d'autres où n'avions pas assez d'information pour aller de l'avant. C'est d'ailleurs les commentaires que j'ai faits lors de la fin de nos travaux.

n(10 h 20)n

Et c'est d'ailleurs ce qui avait été fait lors du projet de loi. D'ailleurs, souvenez-vous du projet de loi actuel, le projet de loi sur la justice administrative que nous tentons d'amender actuellement, en 1996... Le projet de loi a été déposé en 1996, je pense; il a dû y avoir des études, il a été adopté en 1998, mais il y a eu des consultations et, si je me souviens bien, même le ministre actuel de la Justice a participé aux consultations de ce projet de loi et a fait des représentations sur son contenu, sur les modifications. Et c'était là un processus normal.

Et c'est pour ça que je suis très mal à l'aise, moi, de poursuivre dans cette voie sur le projet de loi n° 4, quand il touche un des aspects essentiels de cette justice qui est la composition du Tribunal. Et je ne suis pas le seul à le prétendre, là, tous les membres qui sont venus devant nous nous ont fait la même mise en garde. Il serait beaucoup plus prudent et beaucoup plus logique d'étudier ces dispositions, comme d'autres, mais à l'intérieur, je vous dirais, d'une vision beaucoup plus large de la justice administrative, et je pense que les travaux de cette commission en seraient de beaucoup améliorés. Et, personnellement, vous le savez, étant moi-même juriste, M. le Président, c'est un sujet qui m'intéresse. Je vous le dis: personnellement, là, je n'ai aucun intérêt personnel à discourir devant vous de l'opportunité d'un processus. Je le fais parce que je dois le faire, parce que je pense qu'il en va de notre protection, même comme parlementaires et comme membres de l'opposition. Et il faut être aux aguets. Mais vous comprendrez que je serais beaucoup plus satisfait intellectuellement et à tous niveaux...

Une voix: ...

M. Bédard: À tous niveaux, oui. Bien, il y a peut-être certains niveaux qui ne seraient pas comblés, mais, du moins, à des niveaux intellectuels, j'aurais beaucoup plus de satisfaction à discuter des dispositions d'un projet de loi qui traite sur la justice administrative et de discuter du fond du projet de loi, de proposer certaines modifications, mais aussi... Et je veux faire ce processus tout en étant conscient que je n'ai pas personnellement la science infuse, dans le sens qu'il me faut aussi un éclairage de ceux et celles qui ont des connaissances beaucoup plus approfondies que moi de la justice administrative. Et chacun d'entre nous, moi le premier, mais, je vous dirais ? ou moi le dernier ? tous les membres de cette commission auront l'occasion de se faire une idée. Et, s'il y a un projet de loi qui n'a pas, normalement, de connotation partisane, un type de projet de loi... ou plutôt un domaine dans lequel un projet de loi, normalement, ne contient aucune connotation partisane, c'est bien la justice administrative, comme peut l'être la Commission d'accès à l'information. Alors, encore une fois, M. le Président, je vous remercie. Le temps passe vite...

Une voix: ...

M. Bédard: Une demi-heure, ah oui? Alors, je vous remercie, mais, encore une fois, je souhaite que mes collègues rejettent cette motion, peut-être pas le député de Shefford, par contre ? comme il l'a déposée, ce serait difficile de voter contre lui ? mais mes autres collègues de le faire...

Une voix:...changer d'idée.

M. Bédard: Ou la retirer, tout simplement.

Le Président (M. Simard): Il ne ferait que maintenir une tradition.

M. Bédard: Ha, ha, ha! Une longue série. Alors, je souhaite que nos propos soient entendus. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Je vous remercie, M. le député de Chicoutimi. Je me tourne à ma droite, vers la majorité ministérielle, et je ne vois aucune main se lever. Donc, je passe maintenant la parole au député de Gaspé.

M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. J'ai eu l'occasion de participer à quelques séances de la commission des institutions; comme vous le savez, je suis membre aussi de la commission des finances publiques, et je suis très surpris de voir l'empressement des collègues formant le parti gouvernemental à vouloir procéder immédiatement à l'étude article par article de ce projet de loi. D'autant plus que nous savons que le ministre a l'intention de déposer aujourd'hui même à l'Assemblée nationale un projet de loi, à moins que à la dernière minute il se ravise et qu'il ne dépose pas un projet de loi qui va dans le même sens que nous anticipions, c'est-à-dire une réforme, là, plus globale, plus complète, et non pas présenter un projet de loi qui l'amènera à refaire ses devoirs pendant quelques temps. Donc, comme vous le savez, nous ignorons le contenu du projet de loi qui va être déposé cet après-midi à l'Assemblée nationale, si dépôt il y a.

Et je pense que, en matière de justice administrative, il est important, hein, de savoir que ce Tribunal est spécialisé, dans la mesure où le citoyen fait affaire avec l'État et ses différents ministères, ses organismes, qu'il y a des millions de décisions qui sont rendues régulièrement par l'État et ses organismes. Pour ne prendre que le dossier, par exemple... l'exemple du ministère pour ce qui est de l'emploi et sécurité sociale, toutes ces mesures-là, c'est au-delà d'un million de décisions qui sont rendues par ce ministère, régulièrement. Alors, c'était un des groupes qui est venu nous voir qui nous a... qui a fait une recherche, assez poussée quand même, sur ce sujet, et d'ailleurs, soit dit en passant, qui sont outrés, selon... par les intentions du gouvernement, là, concernant le plan d'action en matière de lutte à la pauvreté.

Alors, ce sont les mêmes organismes qui viennent devant cette commission dire aux parlementaires, dire aux législateurs: Prenez votre temps, regardez, faites attention, vous êtes en train de modifier les lois... vous voulez modifier des lois quand même très rapidement. Et je pense qu'ils ont raison, nous devons prendre le temps d'étudier attentivement le projet de loi, qui à ce jour contient quelques articles, cinq à sept articles, qui ont tous été modifiés, amendés et réamendés. M. le Président, je ne pense pas que nous devions poursuivre sur l'étude de ce premier projet de loi. Moi, je suis entièrement d'accord avec mon collègue député de Chicoutimi à l'effet que, et j'espère que les députés du gouvernement vont abonder dans le même sens, nous donnions la chance au ministre de pouvoir déposer un projet de loi global.

Je comprends que c'est un domaine assez complexe; peut-être qu'il voulait faire vite, qu'il n'a pas eu le temps de faire l'analyse de l'ensemble des amendements qu'il voulait déposer. Donc, il voulait introduire un premier projet de loi, compléter avec un deuxième projet de loi. Mais je pense, dans cette matière, qu'il doit prendre son temps, étant donné que le ministre de la Justice a une responsabilité énorme à l'égard des citoyens, lui qui, par les propositions qu'il fait à ses collègues et les projets de loi qu'il présente, assure à chaque citoyen, à chaque citoyenne la sauvegarde de leurs droits, la possibilité d'avoir un forum pour être entendu, avec une justice qui respecte des règles, là, que tout citoyen a droit, c'est-à-dire avoir la possibilité de faire des remarques, des observations, d'intenter un recours, et le droit d'être entendu, le droit de plaider, le droit d'assigner des témoins.

n(10 h 30)n

Et ses décisions ont beaucoup d'incidences sur la vie quotidienne. Lorsque, par exemple, au niveau de l'aide sociale, des personnes sont poursuivies en réclamation et qu'ils doivent se défendre contre l'État, il faut qu'ils aient des forums, il faut qu'ils aient accès à toute l'information, c'est-à-dire que l'État leur transmette toutes les données pertinentes pour leur permettre de se défendre adéquatement. Parfois, il y a des réclamations qui sont au-delà des... sont très importantes, et des réclamations que l'on retrouve de compétence, même, uniquement de la Cour supérieure. Des montants de 50 000 $, 75 000 $, ça arrive. Alors, est-ce que ces gens-là, avec les modifications que le ministre veut apporter à la loi pour accélérer, je dirais même peut-être pour précipiter les décisions... Je ne pense pas que ce soit sage de sa part de poursuivre dans cette veine.

Je pense que, en matière de justice, oui, il y a des délais qu'il faut raccourcir, oui, il y a des procédures que nous devons faire de façon succincte, mais pas des procédures qui sont déterminantes sur le sort de la cause. Des éléments préparatoires à l'audition d'une cause, oui, ça se fait. Même, on peut faire des conférences préparatoires; c'est prévu. On peut rencontrer les parties, s'entendre sur les éléments ou la façon d'administrer la preuve, le nombre de témoins qu'on va faire entendre, la durée de ces témoignages, les lieux, les experts.

Si on est en matière d'assurance automobile, bon, s'il faut déterminer c'est quoi, les pourcentages d'invalidité, oui, ça nous prend des experts qui sont en mesure de pouvoir faire une présentation et que l'autre partie peut contre-interroger. Si on est en matière d'aide sociale puis qu'on prétend qu'il y a eu fraude ou, tu sais, c'est presque... On est en matière presque... quasi pénale, parce que la preuve doit être administrée par l'État pour démontrer que effectivement il y a eu fraude. Est-ce que, par exemple, le fait que éventuellement il y aura une seule personne qui va entendre la cause au lieu de deux, on est assuré d'avoir, dans le fond, une audition qui permet de partager les points de vue, mais en même temps de les confronter?

Lorsque nous sommes en matière administrative, vous savez qu'il y a beaucoup de ouï-dire, il y a beaucoup de preuve qui est accumulée sur des observations, des déductions. On déduit parce qu'une voiture est devant une résidence, stationnée pendant trois semaines, alors que la personne, le propriétaire est à l'extérieur de la région même du Québec, et on prétend qu'il y a vie maritale parce qu'on voit une voiture installée en avant d'une maison, qui n'a pas bougé pendant deux semaines, trois semaines, un mois. Alors, M. le Président, je pense que tous nos collègues ont été confrontés, tous les députés ont été confrontés à des cas de comté de cette nature. Là, que tous ceux qui sont proches des citoyens, qui travaillent avec les citoyens qui sont à faible revenu...

Bon, M. le Président, je me dois de terminer, étant donné que vous me faites signe que mon 10 minutes est terminé déjà. C'est avec regret que je vais m'arrêter, mais je suis toujours disponible, M. le Président, si l'opposition consent à m'accorder plus de... le gouvernement consent à m'accorder plus de temps, je vais continuer.

Le Président (M. Simard): Vous pourrez demander...

M. Lelièvre: Non, je m'arrête ici, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci. Je vois que le député de Dubuc est intéressé à prendre la parole et je la lui cède volontiers immédiatement.

M. Jacques Côté

M. Côté: Alors, je vous remercie, M. le Président. D'abord, je voudrais dire aux membres de cette commission qu'il me fait plaisir d'être à nouveau parmi vous ce matin. J'ose espérer que, depuis ma dernière parution comme membre de cette commission, les esprits ont évolué. Alors, je pense, M. le Président, que cette motion est prématurée, effectivement. Je suis surpris, là, de cette «pressitude» de...

Des voix: ...

M. Côté: M. le Président, l'article 36 de notre règlement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Nous allons... Je m'en voudrais de rappeler le député de Marguerite-D'Youville à l'ordre.

M. Lelièvre: Surtout que c'est l'adjoint parlementaire du ministre.

M. Côté: Et, effectivement, je trouve que cette motion est prématurée. Je pense que je me sens un peu brimé, frustré même, parce qu'on veut précipiter cette étude de l'article 1 du projet de loi.

Il ne faut jamais oublier, M. le Président, que la justice administrative a à sa base le lien de confiance entre le citoyen, et l'État, et la justice. Et il faut que ce lien de confiance soit également prolongé dans le travail des parlementaires. Il faut que les parlementaires écoutent le monde, écoutent les gens, écoutent ce qu'ils ont à dire. Alors, il y a à sa face même, je pense... il y a eu à sa face même un manque de consultation, un manque d'écoute. Et, tout simplement, je confirme ce que je disais lors de ma première apparition devant cette commission, c'est que ce projet de loi doit être tout simplement retiré.

Nous avons... La commission a entendu 12 groupes, actuellement, 12 groupes se sont présentés en commission. J'aimerais peut-être vous rappeler, M. le Président, lors de la réforme de la justice administrative... Et je vais vous citer un article de Marie-Josée Longtin, qui était à l'époque directrice générale associée à la Direction générale des affaires juridiques et législatives au ministère de la Justice du Québec, qui disait ceci lors de la réforme de la justice administrative: «En 1995 ? c'est arrivé en 1995; par l'entremise d'un comité interne, il y avait eu des consultations, naturellement, sur les organismes qui étaient touchés par l'annexe I du rapport Garant, mais par la suite au cours des mois de mars à mai 1995 ? la commission des institutions a tenu une consultation publique de plus de 25 heures sur la réforme de la justice administrative. Elle a entendu quelque 28 organismes représentant le monde syndical, le monde patronal, universitaire, municipal, agricole ainsi que les groupes communautaires, les ordres professionnels, les présidents et les membres des organismes visés. À la suite de ces consultations et de quelques analyses additionnelles, le projet de loi sur la justice administrative fut présenté à l'Assemblée nationale le 15 décembre 1995. Ce projet, en février 1996, fut l'objet d'une consultation publique, et 36 organismes firent part de leurs commentaires. Puis, parallèlement à l'étude du projet de loi n° 130, un avant-projet de loi sur la justice administrative fut également présenté en juin 1996; il fut également l'objet d'une consultation, et 18 groupes furent entendus par la commission des institutions. Cette consultation a mis en lumière les liens nécessaires entre la loi...»

Alors, M. le Président, c'est 82 groupes qui ont été entendus. Et là nous n'en avons entendu que 12, groupes. Et, en plus de ça, c'est que, parmi les groupes entendus, certains ont fait des pieds et des mains pour pouvoir se faire entendre. Alors, je pense qu'il y a aussi toute cette question de transparence. Des promesses, aussi, de campagne électorale, M. le Président, où on nous promettait d'être à l'écoute des citoyens; on avait des solutions à tous les problèmes qui étaient soulevés. Alors, je pense qu'il s'agit, dans le présent projet de loi, d'une réforme partielle beaucoup plus que d'une réforme globale.

Et, en plus, ce que le député de Chicoutimi a dit tout à l'heure, c'est qu'un préavis d'un autre projet de loi, M. le Président, serait déposé bientôt, qui, lui, serait une réforme beaucoup...

M. Bédard: Il a été déposé.

M. Côté: A été déposé?

M. Bédard: Hier.

M. Côté: Hier? Donc, ça veut dire qu'on irait vers une réforme beaucoup plus globale. Alors, comment se fait-il qu'on a un projet de loi, enfin, qui est un peu un projet de loi particulier qui s'attaque à des choses particulières, alors qu'on va avoir aussi un projet de loi qui est beaucoup plus global? Et, en plus, on a un rapport aussi sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, rapport qui a été déposé devant notre Assemblée et dont les parlementaires devront faire l'étude. Alors, qu'est-ce qui arrive avec tout ça, M. le Président? On se ramasse devant trois textes, trois textes de loi... à part le rapport, deux textes de loi plus un rapport, qu'il va falloir étudier. Et de quelle façon on va commencer? C'est la roue à l'envers, M. le Président, c'est le sens inverse, c'est l'envers du bon sens.

n(10 h 40)n

Alors, même le ministre, M. le Président, dans le rapport sur la justice administrative, à la page 4, disait ceci, et c'est une lettre qu'il a signée le 19 juin 2003: «Nous nous souviendrons...» Je vais vous lire ce que le ministre dit, il dit: «Quant à la nature des objectifs et de leur étendue, ils illustrent la nécessité de revoir en profondeur les façons de faire en matière de justice administrative pour mieux servir les citoyens.» Mais, revoir en profondeur, M. le Président, oui, mais revoir en profondeur de façon sensée, de façon logique, dans une chronologie qui se suit, pas comme à nous présenter un projet de loi, comme ce dernier projet de loi, qui vient supposément régler le problème des délais alors qu'en fait il ne le réglera pas, qui vient enlever un caractère de spécialisation au Tribunal administratif en enlevant la multidisciplinarité. Alors, qu'est-ce qu'on va faire quand on va étudier le rapport? Alors, c'est ça qu'il est important de se poser comme question.

Et, avec ce projet de loi n° 4, ce n'est pas un projet de réforme, M. le Président, c'est un ajustement. Et c'est ça qui est malheureux, c'est que le ministre devrait y aller d'une réforme globale, incluant des modifications qui sont prévues dans ce présent projet de loi, les incluant dans un autre projet de loi. Et, à ce moment-là, on pourra en discuter et on pourra aussi entendre d'autres groupes, des gens qui auraient voulu venir en commission parlementaire, qui n'ont pas pu le faire, des gens qui sont intéressés, dans le monde syndical, dans le monde patronal, dans le monde universitaire, dans le monde agricole, alors des gens qui sont confrontés... dans le monde de la santé également, parce que ces gens-là sont confrontés régulièrement avec le Tribunal administratif.

Je voudrais simplement vous rappeler, M. le Président, le message que nous ont livré certains intervenants lors des audiences qu'il y a eu sur ce projet de loi. Je vous rappelle, entre autres, les remarques de la Chambre des notaires du Québec, M. le Président, lorsqu'on a interrogé le président, M. Marsolais, le président, Denis Marsolais, lorsqu'on lui avait demandé... lorsque Me Bédard... excusez-moi, M. le Président, le député de Chicoutimi avait demandé au président de la Chambre des notaires du Québec s'il préférait une amélioration de la réforme de la justice administrative plutôt qu'une réforme globale. Et Me Marsolais a dit, a répondu, tout simplement: «Mais, écoutez, on ne peut pas être contre la volonté du gouvernement d'améliorer le système actuel, on l'a précisé tantôt, et on salue cette initiative. À savoir si c'est plus pertinent d'attendre, dans le cadre d'une réforme globale ou d'une amélioration globale, qu'on dépose un seul projet de loi... Écoutez, c'est toujours souhaitable d'avoir une vision globale des choses avant de trouver des correctifs.»

Alors, vous avez la réponse là. Elle est là, la réponse, là. C'est que, là, présentement, avec ce projet de loi, nous nous trouvons face à un correctif, alors que nous devrions avoir étudié une réforme beaucoup plus globale. Et c'est là que le bât blesse, c'est que nous n'avons pas de vision globale, de vision d'ensemble, avec ce projet de loi. On fonctionne à la pièce et...

Une voix: ...

M. Côté: M. le Président, est-ce que ce serait possible d'empêcher le député de Shefford de continuellement marmonner? Il ne fait que parler pendant que je parle, et ça me dérange énormément dans ma concentration. Je ne sais pas si c'est ça qu'il veut faire. Probablement.

Le Président (M. Simard): Oui, je pense que c'est un rappel à l'ordre que je fais maintenant.

M. Bédard: Je vous dirais qu'il nous empêche de bien écouter ce que mon collègue a à dire.

M. Côté: C'est ça.

M. Bédard: Et, moi, je trouve très pertinents les commentaires de mon collègue député de Dubuc.

Le Président (M. Simard): En tout cas, je fais un rappel à l'ordre. Et ça ne s'adresse pas uniquement au député de Shefford. Pendant qu'un député parle, il est de bon aloi, je pense...

M. Côté: Je pense que c'est une question...

Le Président (M. Simard): ...d'écouter attentivement ce qu'il dit. Et, si vous ne voulez pas écouter, vous avez, je le vois, de la lecture sur vos bureaux, il y a certainement moyen que vous pensiez à autre chose plutôt que de marmonner des commentaires.

M. Côté: C'est une question de respect.

Le Président (M. Simard): Alors, nous écoutons le député de Dubuc.

M. Côté: Merci, M. le Président.

M. Brodeur: M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Donc, vous nous indiquez qu'on est mieux, plutôt que d'écouter le député de Dubuc, de lire? Non, je vais suivre vos instructions, je vais lire. Continuez, M. le député de Dubuc.

Le Président (M. Simard): Je veux être très clair, et vous aviez très bien compris. Plutôt que de faire des commentaires, de discuter ou de parler à voix haute pendant que le député de Dubuc parle, par respect pour celui-ci et pour la commission, je vous demande d'être silencieux le plus possible, sans croire aux miracles. M. le député de Dubuc.

M. Côté: Oui. Merci, M. le Président. Et je suis convaincu que mes collègues me respecteront autant que je les respecterai lorsqu'ils prendront la parole. Alors, M. le Président, je sais qu'il ne me reste que quelques minutes. Je voudrais simplement rappeler que ce projet de loi soulève des questionnements qui sont fondamentaux, je pense, que, entre autres, qu'on pense au critère de l'utilité qui est remplacé par la nécessité, qu'on pense aussi à la disparition de la notion de multidisciplinarité. Il soulève naturellement des questions de fond aussi, également, quant à la mission du Tribunal, compte tenu qu'on veut multiplier les bancs pour sauver des délais. Mais je ne suis pas certain, M. le Président, que cette façon d'agir va donner les résultats escomptés.

Le Président (M. Simard): Je dois vous demander de conclure; il ne vous reste que quelques secondes, M. le député.

M. Côté: Oui. Alors, M. le Président, je pense que ce qu'il nous faut regarder, c'est les notions d'équité, les notions de justice pour les gens qui sont les plus démunis. Et, en ce sens, nous offrirons notre collaboration au ministre de la Justice, à condition qu'il nous présente une réforme globale et non pas un projet de loi comme celui que nous avons devant nous. Merci.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Dubuc. Est-ce que d'autres membres de la commission désirent s'exprimer sur cette motion? Alors, nous en sommes maintenant au vote sur la motion.

M. Bédard: Vote nominal.

Mise aux voix

Le Président (M. Simard): Vote nominal est demandé. M. le secrétaire, veuillez procéder au vote.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bellemare (Vanier)?

M. Bellemare: Pour.

Le Secrétaire: Mme Thériault (Anjou)?

Mme Thériault: Pour.

Le Secrétaire: M. Brodeur (Shefford)?

M. Brodeur: Pour.

Le Secrétaire: M. Descoteaux... Non, M. Moreau (Marguerite-D'Youville)?

M. Moreau: Pour.

Le Secrétaire: M. Gabias (Trois-Rivières)?

M. Gabias: En faveur.

Le Secrétaire: M. Bédard (Chicoutimi)?

M. Bédard: Contre.

Le Secrétaire: M. Lelièvre (Gaspé)?

M. Lelièvre: Contre.

Le Secrétaire: M. Côté (Dubuc)?

M. Côté: Contre.

Le Secrétaire: M. le Président?

Le Président (M. Simard): Pour.

Le Secrétaire: 6 pour, 3 contre, aucune abstention.

Le Président (M. Simard): Il faut que ce soit logique... avec une décision rendue antérieurement.

Alors, nous sommes rendus maintenant à l'étape voulue par la dernière motion. M. le député de Chicoutimi, pour une intervention sur?

M. Bédard: Oui. Simplement, M. le Président, conformément à notre règlement, nous souhaiterions adopter... étudier, plutôt, le projet de loi, évidemment, comme prévoit le règlement, alinéa par alinéa, paragraphe par paragraphe.

Le Président (M. Simard): C'est totalement le droit de cette commission...

M. Bédard: Et incluant les amendements.

Le Président (M. Simard): ...et il suffit de le demander pour que ce soit fait, donc.

Une voix: ...

M. Bédard: Non, les amendements apportés par le ministre.

Le Président (M. Simard): C'est le droit du député de Chicoutimi et c'est le droit de l'opposition de le demander et de l'obtenir. Donc, il en sera fait ainsi. Nous allons donc procéder dès maintenant à l'étude du projet de loi article par article, avec une étude, tel que désiré, demandé par le député de Chicoutimi, paragraphe par paragraphe, alinéa par alinéa. Alors, nous en sommes à l'étude de l'article 1.

Une voix: ...

Le Président (M. Simard): Oui. Je l'avais... Question, ici, de directive, là. Il faut être clair ? j'avais oublié de le mentionner, je m'étais préparé la semaine dernière à vous le dire ? il est évident, comme c'est un projet de loi qui modifie une autre loi, on ne pourra pas, parce que c'est globalement que les articles sont inclus dans les articles du projet de loi, on ne pourra pas débattre paragraphe par paragraphe des articles de la loi déjà existante et qui est modifiée par la loi, hein. Vous l'avez bien compris, c'est l'esprit du règlement.

M. Bédard: C'est une bonne idée. On pourrait peut-être amender les règlements dans ce sens-là, mais ce n'était pas mon intention, M. le Président.

Étude détaillée

Le Président (M. Simard): Bon, très bien. Alors, maintenant que tout est clair, c'est plus facile. Alors, j'invite le ministre à nous présenter le premier article. Nous ne l'avions pas entendu depuis longtemps, alors nous allons l'entendre.

Le Tribunal administratif du Québec

Composition des formations

M. Bellemare: Merci, M. le Président. Alors, je vais vous remettre copie de l'amendement que j'entends proposer à l'article 1.

Le Président (M. Simard): M. le ministre, est-ce que vous avez... Ça, ce sont des amendements à l'article 1. Est-ce que vous avez objection à déposer devant la commission les amendements aux autres articles que vous avez en votre possession?

M. Bellemare: Je l'avais déjà fait la première fois, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Vous l'avez déjà fait? Donc, tout le monde a entre les mains les amendements proposés pour l'ensemble du projet de loi?

M. Bédard: On commence par le premier amendement, c'est ce que je comprends?

Le Président (M. Simard): C'est bien ça.

M. Bellemare: Je crois bien avoir déposé les amendements...

Le Président (M. Simard): Je vais vérifier si la commission...

M. Bellemare: ...lors de la première journée de discussions.

M. Bédard: Les amendements des amendements?

Le Président (M. Simard): Alors, je veux juste informer les membres de la commission que nous disposons de l'ensemble des amendements. Mais j'aimerais savoir si les membres de la commission ont eu copie de ces amendements.

M. Bédard: Je les ai devant moi actuellement, oui.

Le Président (M. Simard): Bon. Alors, tout le monde les a.

M. Bédard: Et j'avais eu trois des amendements.

M. Bellemare: Je les avais remis au secrétaire de la commission...

Le Président (M. Simard): Et ça a été distribué, et ça va. Très bien.

M. Bellemare: ...qui les avait remis.

Le Président (M. Simard): Oui. C'est très bien. Alors, vérification faite, nous avons tous les amendements. Je vous remercie, M. le ministre, et je vous redonne la parole.

M. Bédard: ...présentation, M. le Président?

n(10 h 50)n

Le Président (M. Simard): Oui. Je pense qu'il est normal à ce moment-ci... et à moins qu'il y a ait débat là-dessus, nous allons procéder ainsi. M. le ministre, je vous inviterais à présenter l'article, ensuite nous aurons un débat qui pourrait être sur vos amendements, sur des sous-amendements possibles. Mais il serait correct à ce moment-ci, et ça toujours été reconnu, que, en début, hein, il puisse y avoir présentation globale du sens du premier article. Alors, je vous... Et qu'il y ait droit de réplique là-dessus, voilà. Sur l'article comme présentation générale.

Une voix: ...

Le Président (M. Simard): Les droits de parole sont déterminés par notre règle. Et vous pourrez l'avoir tant que vous le voulez, M. le député de Marguerite-D'Youville. M. le ministre.

M. Bellemare: Merci, M. le Président. Alors, la façon dont il est rédigé, l'article 17.1 du projet de loi prévoit qu'un recours peut être instruit devant une personne seule, donc un décideur seul, sans qu'il ne soit précisé les qualifications ou la formation que doit avoir reçue ce membre seul. Alors, il est proposé, dans un premier temps, d'ajouter à l'article 17.1, après le mot «seul», les termes «qui est avocat ou notaire», qui feraient en sorte que le premier alinéa se lirait comme suit: «Les recours portés devant le Tribunal sont instruits et décidés par un membre seul qui est avocat ou notaire, à moins d'une disposition particulière.»

Alors, plusieurs groupes, bien sûr, entendus en consultations particulières les 10 et 11 septembre, je crois bien, les deux jours où nous avons entendu des groupes, ont exprimé le souhait que la personne ou le juge administratif qui entendrait une cause, dans la division des affaires sociales notamment, puisse posséder une formation juridique, ce qui nous apparaît tout à fait fondé dans la mesure où les décisions rendues par le Tribunal administratif sont des décisions finales et sans appel et donc qu'elles ont un impact déterminant sur le devenir de l'individu qui entend faire reconnaître ses droits par le Tribunal.

Alors, une formation juridique s'avère essentielle, à notre avis, et il est correct que nous précisions que la personne qui entendrait cette cause serait ou bien avocat ou bien notaire. C'est une demande qui a été faite non seulement par le Barreau du Québec, mais par plusieurs intervenants et notamment par la Commission des services juridiques, dont le député de Chicoutimi a longuement parlé en cours de discussion, précédemment, qui a clairement souhaité que, si une personne devait entendre les causes, que ce soit un décideur qui ait une formation juridique, ou bien avocat ou bien notaire, ce qui nous apparaît aujourd'hui tout à fait correct. Et plusieurs autres groupes l'ont souhaité, et nous allons dans le sens des souhaits exprimés.

Le deuxième alinéa de l'article 17 serait également modifié dans le sens de prévoir le terme «utile» plutôt que le terme «nécessaire». Encore-là, nous répondons aux souhaits exprimés par l'immense majorité des gens qui ont comparu en consultations particulières, dans le cadre des consultations particulières, et qui ont souhaité que le terme «nécessaire» soit remplacé par le terme «utile» pour faciliter le recours à la double expertise et pour faire en sorte que le président du Tribunal, qui aurait à décider de l'opportunité d'ajouter un expert ou un assesseur au juge, avocat ou notaire, puisse le faire de façon plus ouverte et plus facile. Alors, en permettant de modifier le terme «nécessaire» par le terme «utile», bien, on pense qu'on va faciliter le recours à la double expertise, accentuer le caractère multidisciplinaire du Tribunal et faire en sorte que le président ne se sente d'aucune façon limité dans la possibilité d'ajouter un assesseur ou un expert aux membres décideurs qui seraient déjà avocats ou notaires.

J'insiste sur le fait qu'il n'a jamais été question pour nous de remettre en cause le caractère multidisciplinaire du Tribunal. Il faut comprendre que les juges administratifs qui entendent ces causes sont déjà des juges spécialisés, puisqu'ils sont confinés à décider dans des secteurs très précis de l'activité judiciaire. L'indemnisation des... L'octroi de prestations ou d'allocations en soi constitue un secteur ultra spécialisé de notre droit, et les décideurs, de toute façon, sont appelés à décider à l'intérieur de paramètres très précis et dans l'application de lois déjà très précises et très spécialisées. Alors, il n'a jamais été dans notre intention et le projet de loi n'aura de toute façon jamais pour effet de diminuer le caractère multidisciplinaire du Tribunal. Et nous estimons qu'en prévoyant le terme «utile» ce caractère sera davantage protégé.

Non pas que la notion de nécessité soit en soi contraignante, mais c'était le souhait exprimé en consultations particulières par la quasi-totalité des groupes. Et j'ai cru comprendre, à travers les représentations faites par le député de Chicoutimi notamment, qu'il souhaitait, lui aussi, qu'on fasse en sorte que le caractère multidisciplinaire soit préservé au sein de ce Tribunal en facilitant le recours à la double expertise. Ça permettra, vous vous en doutez bien, M. le Président, au président du Tribunal administratif du Québec d'avoir recours à une double expertise autant qu'il le voudra ? autant qu'il le voudra.

Et, vous savez, nous n'avons pas prévu de façon spécifique... on aurait pu le faire, mais nous n'avons pas prévu dans le projet de loi un ensemble de matières ou un ensemble de cas qui de toute évidence ne nécessitent pas la présence de deux juges administratifs. Nous avons entendu, par exemple, le Collège des médecins qui nous suppliait quasiment de ne pas les contraindre à agir en tant que médecins au sein de formations décisionnelles où il n'y aurait pas de questions de nature médicale. Et c'est tout à fait normal qu'il ne soit pas nécessaire ou même utile de permettre qu'un médecin entende des causes où il n'y a aucune incidence médicale. Or, c'est le cas actuellement, et c'est le cas depuis 1975 à la Commission des affaires sociales, c'est le cas également depuis 1998 devant le Tribunal administratif du Québec, il y a un médecin dans toutes les causes, qui siège sur toutes les formations, qui entend toutes les causes, en matière d'assurance automobile, d'accident de travail et d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Or, les médecins nous ont dit eux-mêmes, le Collège des médecins: Écoutez, quand il n'y a pas de médecine, nous, on n'a pas d'affaire là. Et c'est tout à fait logique.

Alors, on aurait pu prévoir de façon très précise dans les amendements tous les cas où il y a nécessité d'une double expertise. On a parlé des questions de base de salaire, les questions d'admissibilité, les questions de fautes lourdes en matière de l'IVAC, les questions de vie maritale, également en matière d'aide sociale, les questions de révision pour cause, les extensions de délais, toutes les questions préliminaires; évidemment, on aurait pu énumérer l'ensemble de ces cas et dire: Dans ces cas-là, il n'y aura pas nécessité de double expertise. Mais nous avons cru préférable de nous en remettre à la sagesse du président du Tribunal, qui connaît mieux que quiconque les nécessités, et qui connaît mieux que quiconque les secteurs dans lesquels les juges administratifs ont eu à oeuvrer, et qui est en mesure, beaucoup mieux que nous, au stade de l'élaboration de lois et des projets de loi, de prévoir la nécessité d'une double expertise dans tel ou tel cas particulier.

Et, vous savez, je serais très à l'aise avec le fait que le Tribunal décide, dans certains secteurs, qu'il y aura une double expertise dans 50 %, 60 %, 70 % des cas. Il n'y a aucun problème là. Nous n'avons d'aucune façon limité le recours à la double expertise. Mais nous croyons que la situation actuelle est inacceptable, en obligeant de plein droit la formation de deux juges administratifs, alors qu'on sait très bien que, pendant qu'un juge administratif pourrait entendre seul une cause simple en matière de sécurité sociale, aujourd'hui, avec les amendements qu'on propose, un autre juge administratif, tout aussi qualifié, pourrait entendre une deuxième cause en même temps et ainsi libérer les rôles et soulager de la misère et de la détresse les quelque 12 000 citoyens du Québec qui végètent sur les listes d'attente du Tribunal administratif du Québec et qui sont, dans bien des cas, nos citoyens, les gens qui nous ont élus pour remédier à ce problème de délais, qui est un véritable déshonneur pour la justice, à mon avis, des délais de 23 mois en moyenne au Tribunal administratif du Québec, auquel il faut remédier de toute urgence. Alors, la proposition serait à l'effet que le président appliquerait un critère d'utilité plutôt qu'un critère de nécessité.

n(11 heures)n

Le troisième amendement serait à l'effet que cette double expertise pourrait être retenue... ou l'idée, à tout le moins, pourrait être retenue par le président, d'office bien sûr mais aussi à la demande d'une des deux parties. Nous avions prévu dans le projet de loi que la demande pouvait être formulée par le requérant. Alors, on sait bien que le requérant, c'est le citoyen. Alors, il est bien évident qu'on va permettre que le citoyen puisse en faire la demande, mais on a eu un certain nombre de demandes, et nous croyons que, dans le but de faciliter, encore une fois, le recours à la double expertise, il faut le permettre pour toutes les parties. Donc, on prévoirait que ça pourrait être fait à la demande d'une partie.

Une partie, c'est qui? Ça peut être bien sûr l'employeur, dans les cas d'indemnisation en vertu de la Loi sur les accidents du travail, parce qu'il y a encore certains cas rarissimes, il y a encore certains cas d'application de la Loi sur les accidents du travail, la vieille loi, le chapitre A-3 des Lois refondues du Québec, qui se retrouvent de temps à autre devant le Tribunal administratif du Québec, les autres cas se retrouvent devant la Commission des lésions professionnelles, la CLP ? on a perdu le A en 1998, là, ils ont changé de la CALP à la CLP le 1er avril 1998. Alors, il y a deux parties en matière d'indemnisation pour ce qui est des travailleurs accidentés: l'employeur et le travailleur. Il y a deux parties aussi dans les autres litiges: il y a l'administration et il y a le citoyen. Donc, nous prévoirions la possibilité que non seulement le requérant puisse adresser une demande au Tribunal pour obtenir une deuxième expertise, mais que toutes les parties puissent le faire.

Quatrième amendement. C'est, finalement, l'équivalent du deuxième. On le prévoit au troisième alinéa, comme on l'a déjà fait au deuxième alinéa, c'est de modifier le terme «utile»... «nécessaire», plutôt, en le remplaçant par le terme «utile». Et le dernier amendement, au quatrième alinéa de l'article 17.1, est au même effet que le premier qu'on a présenté, à savoir que le terme «seul», suite à «membre», pour faire «membre seul», serait modifié par les termes «qui est avocat ou notaire».

Alors, voici l'essentiel des amendements à l'article 1 du projet de loi, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Évidemment, en présentant la série d'amendements que vous allez ensuite présenter devant la commission, vous avez couvert à peu près l'article 1.

M. Bellemare: Oui.

Le Président (M. Simard): Maintenant, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Oui. Je comprends, M. le Président, que je pourrais faire mes commentaires de façon plus générale sur les amendements et par la suite procéder amendement par amendement.

Le Président (M. Simard): C'est que j'ai indiqué à la commission.

M. Bédard: O.K., parce qu'on aura certains amendements.

Le Président (M. Simard): Le ministre vient de le faire pour l'ensemble, je vous inviterais à le faire, et ensuite nous procéderons à l'étude par amendement.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, je prends note effectivement des amendements du ministre. Nous avons eu l'occasion, dans le document qui a été déposé lors de la première journée de l'étude du projet de loi, souvenez-vous, avant le dépôt des motions, nous avions eu, le matin, certains amendements qui étaient inclus. Les trois consistent principalement dans ce qui est maintenant le premier, le troisième et le cinquième, et il restait évidemment l'aspect de la nécessité versus l'utilité.

Vous le savez, quand le ministre dit «à la demande» ou que «le député de Chicoutimi avait fait la demande», vous comprendrez que, lorsque nous faisons cette demande, nous le faisons à la suite de représentations de gens qui ont des compétences particulières dans ce domaine, et c'est pour cela que nous avions demandé de modifier la nécessité par l'utilité.

Par contre, M. le ministre, vous savez aussi que, dans les commentaires du Barreau, il y avait aussi l'inquiétude qui était liée à celle de la nécessité et de l'utilité, parce que eux prétendaient que l'ajout de ces dispositions aurait pour effet de peut-être entraver le principe ou de contrevenir au principe de l'indépendance judiciaire. Et eux disaient que l'utilité... la nécessité, plutôt, combinée avec le fait, comme on le retrouve encore actuellement au dernier paragraphe de l'article modifié, 17.1, où il est fait état, dans le rapport annuel, des décisions du président modifiant les formations prévues, que la combinaison de ces paragraphes... ou ces mots ? parce que, dans le cas de «nécessité», évidemment, c'est plus un mot ? avait pour effet de contrevenir à une règle que vous savez et que j'ai répétée à plusieurs moments...

Et ce n'était pas pour m'amuser que je le disais, M. le Président, c'est parce que je l'ai lu dans le rapport qui nous a été fait par le Barreau du Québec, même dans la première lettre qu'il nous a transmise suite au dépôt du projet de loi, où il disait que la combinaison du critère de nécessité, où le juge du Tribunal se trouvait obligé de justifier par la nécessité, faisait en sorte que le législateur se trouvait donc à intervenir dans l'administration de la justice. Et à cela s'ajoutait le fait que le président du Tribunal devra, autrement dit, faire rapport annuel de ses décisions par rapport à cette nécessité, ou maintenant cette utilité, et que cela pouvait effectivement contrevenir aux règles. Pourquoi? Pour la raison que les gens n'ont pas... Nous sommes dans la justice administrative, les gens n'ont pas à justifier si un dossier ou l'autre demande une composition de une ou de deux personnes, comme la Cour d'appel du Québec n'a pas à justifier le fait qu'elle doit, elle, donner... ou la Cour suprême du Canada n'a pas à justifier le fait qu'elle entend un renvoi ou un appel d'une décision avec un banc de un, deux, trois, cinq ou neuf juges. Et pourquoi? C'est simplement que le pouvoir exécutif ainsi que le pouvoir législatif ne doivent pas intervenir dans les règles qui gouvernent l'administration de nos tribunaux et surtout, et surtout, la composition des membres du Tribunal, en termes particuliers.

Et c'est ce qui fait en sorte que, malheureusement, un des aspects peut sembler, je vous dirais... On voit qu'il y a quand même un pas. Je vous dirais que ce n'est pas à ma satisfaction, mais on voit que certains commentaires ? et je n'en prends aucunement le crédit, parce que c'est plus les commentaires des groupes ? ont effectivement réussi du moins à percer en partie la carapace du ministre. Mais cet aspect évidemment reste fondamental. Et, je le dis, M. le Président, advenant le pire des scénarios, et, vous le savez, le pire des scénarios en cette Assemblée est que nous soyons privés de moyens pour faire valoir nos représentations... Alors... Et ça arrive, malheureusement, parfois lors de la fin de nos sessions parlementaires.

Donc, je ne pense pas que ce projet de loi puisse justifier une telle mesure. Je pense que vous partagez la même conviction que moi, mais, du moins, je souhaite que le ministre prenne attention à ce dernier paragraphe qui est, selon moi... peut contrevenir à cette règle de l'indépendance judiciaire. Et ce n'est pas simplement mes commentaires, je le répète, c'étaient les commentaires aussi de la Conférence des juges, si je me souviens bien, mais aussi et surtout du Barreau du Québec.

Donc, j'invite encore une fois le ministre à étudier avec beaucoup de profondeur cette question pour éviter qu'il place le Tribunal administratif dans une situation où, vous le savez, certains justiciables vont d'ailleurs profiter de ces manquements à ce principe pour faire invalider la loi. Et ça, ça a des impacts assez fondamentaux sur la poursuite, et ce qui oblige le législateur souvent à adopter à la vapeur un certain projet de loi pour modifier la composition du Tribunal, et je pense que, surtout à l'intérieur d'un si petit projet de loi, il serait malheureux de procéder comme cela.

Deuxièmement, dans les commentaires du ministre, M. le Président, le ministre nous dit, et je ne lui prête pas encore de mauvaise foi, mais il nous dit: Écoutez, je ne voulais en aucune façon attaquer la multidisciplinarité. Mais tout le monde a compris ça. Je veux dire, moi, quand j'ai parlé que le projet de loi actuel fait... Bah! non, c'est un petit problème. Si le projet de loi actuel, dans sa composition, nous cause autant de problèmes au niveau de notre perception par rapport à la multidisciplinarité, bien, c'est parce que les groupes sont venus nous dire, en masse, tous, que, oui, le projet de loi attaquait cette multidisciplinarité.

n(11 h 10)n

Et ce que je reproche au ministre, très clairement, malheureusement, et je l'ai dit parce que c'est réel, ça n'a rien à voir avec... peu importe qu'on ait entendu ou non la Commission des services juridiques, c'est le fait qu'on n'ait pas procédé dans l'ordre, qu'on n'ait pas fait comme on aurait dû le faire, et que ça aurait peut-être évité que des gens viennent nous dire... Quand les groupes sont venus, ils sont venus nous dire, M. le Président, souvenez-vous: Il y a un problème au niveau de la multidisciplinarité. Bien, écoutez, le ministre, il nous parlait d'autres choses, il parlait d'autres choses par rapport aux groupes. Alors, vous comprendrez que, nous, on était comme limités quant à nos discussions. Il vient un moment, et vous le savez, lorsque des gens vous ont fait... À une certaine époque, vous aviez des responsabilités fort lourdes ? bien que celles-ci le soient aussi, M. le Président, mais d'une autre façon...

Le Président (M. Simard): Ne tournez pas le fer dans la plaie, M. le député.

M. Bédard: Ha, ha, ha! Voulez-vous une suspension? Alors, bien que ces responsabilités soient différentes actuellement, lorsque les représentations vous ont été faites, vous battiez le fer et vous... sans affronter, mais vous confrontiez, plutôt, les groupes qui vous faisaient des représentations sur tel et tel point. J'ai vu à plusieurs occasions, sur des projets contestés, vraiment où les gens, en tout respect, là, confrontaient leurs idées: Je ne pense pas comme vous, et voilà pourquoi je ne pense pas comme vous. Mais on n'a pas eu ça à cette commission, on n'a pas eu ces discussions qui auraient dû nous animer, qui auraient été... moi, où j'aurais aimé y participer.

Et le ton a changé, souvenez-vous, après la première journée. Parce que, moi, je ne participerai pas à un exercice de complaisance, M. le Président, là. Ce n'est pas vrai que je vais parler d'un autre projet de loi quand on a un projet de loi qui est sur la table, que je ne connais pas. C'est ça. Après une journée, je me suis rendu compte: Mais, coudon, les groupes ont des représentations, mais là on parle d'autres choses. Et c'est à partir de là, souvenez-vous, que effectivement le ton a beaucoup changé et qui, moi, m'a laissé beaucoup sur ma faim et qui me laisse encore sur ma faim. Pourquoi? Parce que je n'ai pas l'information nécessaire à une prise de décision qui correspond, je pense, à l'importance de cette loi. Si on l'a eue pour l'accès à l'information, pourquoi on ne l'a pas sur la justice administrative? Moi, je...

Et, vous savez, c'est un peu par respect. Puis, encore là, je l'ai dit dans mes commentaires tantôt, je ne prête pas de mauvaises intentions, je ne dis pas que quiconque a été animé de mauvaises... ou voulait transgresser des règles, ou quoi que ce soit, mais, normalement, par respect pour les membres de cette Assemblée, on prend pour acquis que ceux et celles qui composent les commissions sont capables d'apporter un éclairage sur un projet de loi ou sur le fonctionnement d'un tribunal administratif, comme sur la Commission d'accès à l'information, ou comme sur bien des organismes d'État. On juge que nous, membres de cette commission ? nous ici, mais dans toutes les commissions ? avons les capacités de faire des recommandations utiles à l'étude et aux améliorations de nos instances.

Et, malheureusement, ce n'est pas le cas. Et ce n'est pas par méchanceté, j'imagine, mais il y a là une méconnaissance de nos règles, et, moi, personnellement, ça me frustre. Ça me frustre, comme je disais tantôt, comme juriste, mais aussi comme membre de cette Assemblée, et je pense qu'on mérite mieux, mais mieux dû au fait que cette question est fort importante, qu'elle n'a rien... Encore là, comme je vous disais tantôt, elle n'a rien de partisane, c'est une question qui est de nature beaucoup plus juridique et parfois très technique et qui demande plutôt un regard en toute sérénité par rapport aux modifications, et ce n'est malheureusement pas ce que nous avons eu au cours de l'étude du projet de loi actuel.

Alors, j'aurais souhaité que ce soit le cas, ça n'a pas été. Par contre, bon, je prends note des modifications. Vous comprendrez que nous aurons aujourd'hui des modifications, et nous aurons plusieurs amendements, sans vous annoncer évidemment ce que nous entendons faire pour la suite des événements, mais, pour aujourd'hui, il est évident que nous aurons plusieurs modifications pour bonifier les amendements; nous le souhaitons. Nous allons aussi, comme toute opposition doit le faire, consulter les gens intéressés et voir quelle est la position des différents groupes, des différentes personnes qui ont pu ou n'ont pas pu venir à cette commission, par rapport aux amendements du ministre, encore une dernière fois.

Moi, je souhaiterais et, comme le disait si bien le député de Shefford, je tends la main encore au ministre pour que nous passions à l'étude du projet de loi global, celui qui nous est annoncé aujourd'hui. Je vais le lire après, et c'est pour ça que vous comprendrez que, aujourd'hui, nous devrions ne pas tellement dépasser l'étape des amendement, parce que nous en avons beaucoup, évidemment, et aussi parce que, pour avoir une vue plus globale, je vais devoir prendre connaissance du projet de loi qui sera déposé, je le souhaite ? maintenant, je dois le souhaiter, parce qu'il était en préavis hier ? donc du projet de loi global sur la justice, consulter à nouveau les groupes. Et souhaitons que, lorsque je demanderai au ministre, cet après-midi, s'il dépose, encore là...

Évidemment, je présume, mais, s'il dépose le projet de loi, je souhaite ardemment que le ministre donne l'occasion d'entendre des groupes lors de l'étude de ce projet de loi. Et j'imagine que c'est sûrement l'intention du ministre de procéder à des consultations générales sur le projet de loi, dû au fait que... Et, moi, ce n'est pas pour embourber, au contraire, là, mais c'est pour éviter ou plutôt corriger le fait que nous n'ayons pu procéder à l'étude du projet de loi sur la justice administrative. Et, moi, je veux bien faire mon travail et je veux surtout que les membres de cette commission le fassent bien, parce que j'ai beaucoup d'estime pour mes collègues, et je le dis sans aucune... avec tout le sérieux que ça requiert, M. le Président ? il me reste quelques secondes ? alors, avec tout le sérieux que ça requiert, parce que nous avons des gens qui ont des compétences, j'ai eu l'occasion... le député de Marguerite-D'Youville, le député de Shefford, les autres aussi, le député de Trois-Rivières, je pense, aussi a des connaissances juridiques approfondies ? oui, effectivement, je le pense ? et le ministre.

Une voix: ...

M. Bédard: Mais, écoutez, je présume de vos compétences, alors j'imagine que vous en ferez la démonstration un peu plus tard. Malheureusement, on n'a pas eu l'occasion d'en... Je ne peux pas témoigner sur les faits, je ne peux qu'en présumer pour l'instant, parce que je ne vous ai pas encore entendu, mais nous aurons là l'occasion de... et vraiment discuter entre nous, de ce qu'on peut apporter. Alors, je souhaite que nous procédions avec toute la logique qui doit animer les travaux de cette commission. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Chicoutimi. Vous aurez bien compris...

M. Bédard: ...peut faire des commentaires aussi?

Le Président (M. Simard): Pardon?

M. Bédard: Est-ce que mes collègues, de façon générale...

Le Président (M. Simard): Non, non. De façon à... et ce n'est pas prévu par le règlement, mais de façon à ce que le ministre puisse présenter l'ensemble des articles... des amendements au premier article, de façon qu'on puisse comprendre... Vous savez que ce que nous disons en commission peut être utilisé et est utilisé dans l'interprétation des lois que nous votons. Alors, il est donc très important qu'on laisse au législateur le soin d'expliquer le sens qu'il entend donner. Alors, je tenais à ce qu'en début on puisse, le ministre puisse présenter l'esprit de l'ensemble des amendements qu'il nous proposait et que vous puissiez réagir.

Maintenant, nous allons passer, dans l'ordre, à l'étude non seulement article par article, mais amendement par amendement, et je vais entendre maintenant le ministre qui nous présente son premier amendement pour étude.

M. Bellemare: Le premier, qui porte sur le changement du mot «seul» pour les mots «qui est avocat ou notaire».

Le Président (M. Simard): Alors, vous l'aviez... nous l'avons tous devant nous: Ajouter, dans la deuxième ligne du premier alinéa de l'article 17.1 proposé et après le mot «seul», les mots «qui est avocat ou notaire».

M. Bellemare: Voilà.

Le Président (M. Simard): Alors, sur cet amendement... Vous parlez de sous-amendement.

M. Bédard: Oui. Ah! je pensais que le ministre allait avoir des commentaires, mais il les a faits tantôt. Vous en avez?

M. Bellemare: ...

Le Président (M. Simard): Donc, le ministre a des commentaires.

M. Bédard: Ah! O.K., c'est ce que je pensais.

M. Bellemare: J'en ai d'autres.

Le Président (M. Simard): Alors, c'est son droit de parole à partir de maintenant.

M. Bédard: Parfait.

M. Bellemare: Alors, j'ai précisé tantôt que cette proposition d'amendement répondait au souhait exprimé par le Barreau, mais aussi par la plupart des organismes qui se sont présentés devant nous. Et, au fond, ce que je souhaite par cet amendement, c'est de faire en sorte que le juge administratif qui entend seul une cause qui implique forcément l'application d'une loi, parce que les juges administratifs ne font qu'appliquer les lois, des lois spécialisées, mais des textes de loi et des textes réglementaires souvent complexes, parce qu'il est, je pense, connu que les lois d'indemnisation ou les lois... ou les règlements d'indemnisation ou d'allocation de prestations, au gouvernement, sont d'une grande complexité... En matière de solidarité sociale, la réglementation est abondante et très complexe; en matière d'indemnisation des travailleurs accidentés, il y a quelques lois applicables, mais surtout une abondante réglementation, complexe également et qui exige une bonne connaissance du droit et des règles d'interprétation; il y a également des faits, dans tous les litiges, des faits qui ne sont pas nécessairement d'une grande complexité la plupart du temps, mais qui doivent être appréciés; et il est bien évident que la formation juridique permet de faire en sorte que les diplômés en droit, que ce soient les notaires ou les avocats, possèdent cette formation de pointe, cette excellence qui leur permet de bien soupeser tous les éléments d'une preuve contradictoire.

n(11 h 20)n

Alors, l'amendement vise également à faire en sorte que nous puissions faire en sorte que le Tribunal administratif du Québec et ses décideurs fonctionnent sur la base de la norme en matière judiciaire au Québec, et la norme en matière judiciaire au Québec est à l'effet que le décideur a une formation juridique. Que ce soit à la Régie du logement, que ce soit à la Cour du Québec, que ce soit à la Cour supérieure ou que ce soit au sein d'autres organismes importants qui rendent des décisions de nature judiciaire ou quasi judiciaire, comme la Commission des lésions professionnelles ou le Tribunal administratif du Québec, ce qui est important, c'est que la personne qui décide seule soit une personne qui détient une formation juridique. Il y a bien sûr certains décideurs actuellement au sein de ces tribunaux-là qui ne sont pas des décideurs de formation juridique, mais nous prévoyons que cette garantie fondamentale pour le citoyen doit être introduite dans la loi et faire en sorte que seul un avocat ou un notaire puisse décider seul d'un appel qui est logé devant lui et qui donnera ouverture à une décision finale ou sans appel. Merci.

Le Président (M. Simard): Alors, simplement pour rappeler nos règles, puisque depuis le début de l'étude de cette loi, de ce projet de loi, nous en étions restés à des motions de forme, nous passons maintenant à l'étude article par article. Pour les nouveaux membres, évidemment, vous comprendrez qu'il s'agit ici d'une étude sur le fond. Chaque membre de la commission a droit à 20 minutes. Le ministre, pour présenter son projet de loi, avait le droit à 20 minutes, mais il peut intervenir cinq minutes après chacune des interventions faites par les membres de la commission. Les interventions n'ont pas à être continues, le temps est cumulé, un membre peut intervenir cinq minutes, il peut y avoir une réplique, un retour, ce qu'on ne pouvait pas faire sur les motions de forme.

Alors, voilà, je passe maintenant la parole... M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Avant que vous ne passiez la parole au député de Chicoutimi, pour qui j'ai aussi beaucoup d'estime ? il l'a répété plusieurs fois à mon égard, alors je m'en voudrais de ne pas le souligner pour sa part ? vous n'avez pas indiqué que les membres de cette commission ne sont pas tenus d'utiliser le maximum de leur temps de parole, et je me demandais si ça ne devait pas être rappelé ou si c'était la règle qui devait nous guider.

Le Président (M. Simard): Je pense que votre seul commentaire éclaire suffisamment la commission sur cette question, quoique je puisse...

M. Bédard: ...quand même encore une fois de noter vraiment... parce que ça ne fait que quelques mois qu'il est membre de cette Assemblée, et je constate qu'il maîtrise le règlement avec beaucoup d'efficacité. Alors, ses qualités de juriste sont maintenant profitables aux membres de cette commission et de l'Assemblée, et je tiens à le remercier. Et je prends note effectivement, parce que c'est une question de règlement et aussi un commentaire, et je vais tenter d'ailleurs de me limiter en bas du 20 minutes, M. le Président, je vais faire un effort particulier.

Le Président (M. Simard): M. le député de Chicoutimi, à vous la parole.

M. Bédard: J'aurais un amendement, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Donc, qui deviendrait un sous-amendement à l'amendement.

M. Bédard: Un sous-amendement, voilà.

Le Président (M. Simard): Donc, maintenant, les règles repartent, les compteurs sont remis à zéro quant aux temps de parole. Vous avez donc un sous-amendement à nous présenter. Il faudrait nous le distribuer, peut-être, avant de le lire.

M. Bédard: Ah oui! O.K., avant de le lire? O.K. Alors, je vais vous le lire pendant ce temps-là. M. le Président, vous jugerez de la recevabilité. Donc, de remplacer, dans la deuxième ligne du deuxième alinéa de l'article 17.1 proposé, donc dans le sous-amendement du projet de loi, «qui est avocat ou notaire» plutôt par «qui est juriste».

Le Président (M. Simard): Vous allez m'accorder... Sur la recevabilité, est-ce que des gens veulent intervenir? Alors, vous allez m'accorder quelques minutes de suspension pour que j'évalue un aspect de la recevabilité du sous-amendement, s'il vous plaît.

M. Bédard: Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 25)

 

(Reprise à 11 h 28)

Le Président (M. Simard): Excusez, nous allons reprendre nos travaux. Il était important que je sois bien conscient, bien informé de la mécanique d'amendement que suppose ce sous-amendement. Après réflexion et discussion, je déclare l'amendement recevable, puisqu'il affecte directement... Le sous-amendement est recevable, puisqu'il affecte directement l'amendement et qu'il est bien libellé en ce sens. Nous allons donc, dans un premier temps, procéder à l'étude du sous-amendement.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, je vais tenter de respecter mon engagement que j'ai pris envers le député de Marguerite-D'Youville. Donc, de remplacer, évidemment pour fins... Vous le savez, nos lois contiennent beaucoup de mots, on dit souvent que le législateur ne parle pas pour rien dire, et là on retrouve souvent la définition «avocat et notaire». Et vous savez que ces deux professions fort nobles peuvent peut-être être regroupées sous un même vocable, et peut-être que, par l'addition que nous proposons actuellement au projet de loi, peut-être que nous, encore une fois, ferions un précédent dans nos lois donc qui ferait en sorte que, au lieu de retrouver les deux termes, nous soyons plutôt... nous puissions utiliser un seul terme qui regroupe les deux et qui ferait en sorte que nous évitions une forme de... sans la redondance, mais, si on peut éviter effectivement d'utiliser trois mots... Parce que, vous voyez, il y a le «ou» aussi, il n'y a pas seulement le «avocat», «notaire», il y a «avocat ou notaire». Alors, il y a là économie de mots. Donc, au lieu de «avocat ou notaire», nous enlevons deux mots, et ça fait «juriste».

Alors, vous comprendrez que...

M. Brodeur: Encore des coupures!

M. Bédard: Oui, encore des coupures, comme le disait... Ça peut peut-être même faire partie de la réingénierie même des termes. Mais, par contre, à la différence de la réingénierie, M. le Président, vous le savez, le terme «juriste», lui, est dans le dictionnaire.

M. Brodeur: C'est dans la nature des péquistes de couper.

M. Bédard: Mais j'ai hâte d'entendre les remarques de mon collègue, de mon bon ami le député de Shefford, et je le dis aujourd'hui parce que, vous savez, à ce que j'ai compris, on risque d'avoir notre bon ami aussi le député de Brome-Missisquoi qui sera présent...

M. Brodeur: Malheureusement...

Le Président (M. Simard): Malheureusement, un malheur familial lui est arrivé cette nuit qui fera qu'il ne sera pas ici.

M. Bédard: Ah oui? Aujourd'hui?

M. Brodeur: Sa mère est décédée cette nuit.

M. Bédard: Arrêtez donc! Ah! bien, je m'excuse infiniment.

Une voix: Elle était gravement malade.

M. Bédard: Ah oui? Eh bien.

n(11 h 30)n

Le Président (M. Simard): Alors, passons à la suite, s'il vous plaît. Nous sommes tous des bons amis, peu importe...

M. Bédard: Oui, du député de Brome-Missisquoi, et effectivement j'aurai sûrement l'occasion de lui transmettre mes sincères condoléances. Effectivement, la perte d'un être cher, on le sait, peu importe l'âge, hein, c'est un moment d'épreuve particulier. Alors, j'espère avoir l'occasion de le revoir bientôt... qui est, vous le savez, lui aussi juriste, d'ailleurs.

Alors, je reprends ma définition de «juriste», qui, elle, est dans le dictionnaire. Alors, «juriste»: une «personne qui a de grandes connaissances juridiques; auteur d'ouvrages, d'études juridiques», et on nous donne, bon, l'exemple du jurisconsulte et de l'arrêtiste, de légiste en loi.

Alors, effectivement, M. le Président...

Le Président (M. Simard): Oui?

M. Bédard: Excusez-moi, parce que, quand vous n'êtes pas là, là, j'ai vraiment l'impression de ne pas m'adresser à cette commission, que vous représentez à vous seul, vous le savez. Et c'est le seul à qui je puisse m'adresser, alors vous comprendrez que, quand vous vous levez, je ne m'adresse à personne, alors... Et ce serait bien malheureux que je contrevienne au règlement.

Le Président (M. Simard): ...vous entendre.

M. Bédard: Parfait, M. le Président.

M. Brodeur: Est-ce que le président a une place attitrée?

Le Président (M. Simard): Oui.

M. Bédard: Ah oui? Elle est prévue par règlement.

M. Brodeur: À quel endroit du règlement?

Le Président (M. Simard): Tant qu'il exerce la présidence, il est...

M. Brodeur: À quel endroit du règlement qu'on indique l'endroit réservé à la présidence?

Le Président (M. Simard): Il n'est pas écrit dans le règlement, en effet...

M. Brodeur: Ah! la coutume.

Le Président (M. Simard): ...mais la tradition parlementaire veut qu'il se situe à égale distance des deux parties.

M. Moreau: Mais vous avez tellement de talent, M. le Président, que je suis convaincu que vous pouvez présider cette commission peu importe où vous vous trouvez dans la salle. Et, à cet égard, je trouve que le député de Chicoutimi... la remarque du député de Chicoutimi était déplacée, puisqu'elle laissait présumer que vous ne puissiez pas présider d'une autre place que votre fauteuil. Et ça, je pense que, nous, du côté ministériel, nous savons à quel point votre talent est grand et qu'il vous permettrait d'être un président qui peut être géographiquement situé n'importe où dans cette salle.

Le Président (M. Simard): Mais je ne voudrais pas être qualifié de président déplacé, cependant.

M. Moreau: Non, voilà.

Le Président (M. Simard): M. le député de Chicoutimi, voulez-vous poursuivre?

M. Bédard: M. le Président, j'ai manqué la dernière. Excusez-moi, M. le Président, vous avez dit?

Le Président (M. Simard): Je ne voudrais pas être qualifié de président déplacé.

M. Bédard: Non, mais peut-être itinérant?

Le Président (M. Simard): Sans domicile fixe.

M. Bédard: Et, moi, je suis prêt peut-être... La seule problématique que ça nous amène, c'est le micro. Il serait malheureux que, lorsque vous seriez à l'autre bout de cette salle, on ne puisse vous entendre.

M. Moreau: Il y en a tout le tour.

M. Bédard: Ah! c'est vrai, on est dans l'ancienne salle.

M. Moreau: La technologie nous permettrait de suivre le président où qu'il aille dans la salle.

M. Bédard: Alors, je retire mes propos.

Le Président (M. Simard): Bon, revenons...

M. Bédard: Tout ce que ça m'amène... Tout ce que je vous demande, M. le Président, c'est de ne pas être en arrière de moi, parce que là...

M. Moreau: Et je pense, M. le Président, tantôt, vous souhaitiez ne pas être un président déplacé, vous ne voulez sûrement pas être un président qui tourne en rond, non plus. Alors...

Le Président (M. Simard): Vous avez raison. Vous avez raison.

M. Bédard: Et cette commission est vraiment un bel exemple, au niveau de la langue française...

Le Président (M. Simard): Ces importants propos ayant été émis, nous allons continuer nos travaux.

M. Bédard: Oui, et ça nous invite à beaucoup de prudence. Et d'ailleurs, le mot, vous le savez... La première fois où les questions de langue ont été soulevées, c'est par mon collègue le député de Mercier, souvenez-vous, qui est quelqu'un qui maîtrise beaucoup la langue...

Le Président (M. Simard): ...linguistique.

M. Bédard: ...ah! oui, l'utilisation de la langue française, et qui a utilisé, la première fois d'ailleurs dans cette commission, le dictionnaire et qui maintenant est rendu un outil fort utile à cette commission. Mais ce que je constate, malheureusement, c'est que nous n'en avons encore qu'un seul, vous le savez, Le Petit Robert, et mon collègue, lui, préférait le Larousse.

Le Président (M. Simard): Ah! libre à vous d'en utiliser d'autres.

M. Bédard: Le Larousse.

Une voix: ...Larousse?

M. Bédard: Le Larousse.

Le Président (M. Simard): Alors, la députée d'Anjou, je pense, est plongée dans le Larousse... Dans Le Petit Robert aussi?

M. Bédard:Le Petit Robert, bien, voilà, c'est ça. Alors, nous n'avons que Le Petit Robert, mais, du moins, je vais me fier à cette définition que j'ai devant moi qui est celle de «juriste». Mais, évidemment, mon souci en proposant cet amendement est bien évidemment de faire en sorte que nos lois et cette loi contiennent finalement moins de mots, mais soient plus claires aussi. Parce que la concision amène souvent la précision, vous le savez, M. le Président, et amène souvent par le fait même une meilleure interprétation. Or, je...

Le Président (M. Simard): ...tout à fait pertinent en parlant de concision, M. le député.

M. Bédard: Oui, je vais tenter aussi, dans mes propos, de l'être, vous le savez, justement pour améliorer ce côté pertinent de mes propos. Donc, le juriste, par contre, à la définition du dictionnaire, me pose un questionnement, à moi aussi, et je dois quand même l'évaluer, parce qu'à partir du moment où je propose un amendement... Et je vais évidemment, vous comprendrez, voter en faveur, bien que mes collègues peuvent décider de voter autrement, même les collègues du côté de l'opposition. Vous savez, notre ligne de parti n'est pas sévère, nous avons toujours laissé toute latitude à nos collègues, et j'espère que c'est la même chose de l'autre côté, de voter dans le sens qu'ils le souhaitent et...

M. Brodeur: Est-ce que le député de Borduas fait partie de la commission?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Il n'est pas membre permanent.

M. Bédard: Je pense que c'est un exemple, et il y en a d'autres, vous le savez.

M. Moreau: Éloquent, un exemple éloquent.

M. Bédard: Et il y en a d'autres effectivement. Mais j'invite tout le monde de cette commission à réfléchir...

Le Président (M. Simard): Le député de Brome-Missisquoi, je le souligne en passant, n'est pas non plus membre de la commission.

M. Bédard: Malheureusement, effectivement, mais, aujourd'hui, je n'osais pas dû à ce qui s'était passé, mais effectivement c'est un autre bel exemple.

Donc, juriste... Et tout en laissant mes collègues qui sont aussi juristes que moi... Parce que j'ai la chance d'être accompagné, vous le savez, par le député de Dubuc, qui est notaire de profession et qui, je pense, est encore membre de l'Ordre ? oui, M. le député?

Une voix: De la Chambre des notaires.

M. Bédard: De la Chambre des notaires.

M. Moreau: Je pense qu'il est notaire de son état. Il n'est pas notaire de profession, il est notaire de son état, ce qui transcende la profession.

M. Bédard: Mais qui inclut la profession. Alors, mon terme n'était pas mal choisi, M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Oui, mais c'est plus restrictif, et je pense que le député de Dubuc mérite plus que ça.

Le Président (M. Simard): Je dois intervenir en appui à la déclaration du député de Marguerite-D'Youville. Ayant connu le député de Dubuc dans son adolescence, je peux dire qu'il était déjà...

Une voix: Notaire de son état.

Le Président (M. Simard): ...en puissance, un notaire de son état.

M. Bédard: Avant même d'être notaire de profession? Ah oui? Eh bien! Alors... Et tout en souhaitant, M. le Président, que vos commentaires ne comptent pas sur mon temps, évidemment, parce que, vous comprendrez, ce texte est... l'amendement mérite d'être vraiment étudié dans toute sa profondeur, alors... Mais, effectivement, donc, le député de Dubuc est, de son état mais aussi de profession, notaire. Et je pourrais faire le même commentaire de mon collègue de Gaspé, qui a aussi épousé une profession juridique, donc qui fait en sorte que, du côté de l'opposition du moins, nous avons...

M. Brodeur: Y a-tu eu une cérémonie?

M. Bédard: ...de l'opposition. Parce que, au pouvoir effectivement, mais nous les entendons peu, donc, comme je le disais tantôt, on ne peut pas juger encore de leur mérite ou de leur... malheureusement parfois, leur démérite, mais, du moins... sauf exception, je dois dire, le député de Shefford que, pas à cette commission, mais auparavant, pendant les quatre dernières années, j'ai eu l'occasion d'entendre à plusieurs reprises. Et je peux témoigner personnellement des qualités juridiques de mon collègue le député de Shefford. Quant aux autres, j'ai entendu à nombre de reprises le député de Marguerite-D'Youville et, au-delà de ses qualités juridiques, j'ai vu vraiment dans ses propos un souci d'une bonne et saine utilisation de la langue française. Alors, ça s'ajoute aux qualités des juristes, des fois d'ailleurs qu'on dit un peu déconnectés, vous le savez, des réalités.

Et c'est peut-être un des problèmes de cette profession d'ailleurs, malheureusement, c'est d'être mal perçus. On sait que la fonction politique n'est pas celle qui reçoit le plus d'appui populaire. Oui, en termes de votes, mais pas en termes d'appréciation. Mais la classe journalistique est un peu prise dans la même situation, vous le savez, et la profession juridique, malheureusement, les professions juridiques ont vraiment mauvaise... sont prises, plutôt, dans une situation où la population en général a de très mauvaises perceptions par rapport à la pratique, peut-être dues d'ailleurs à certains feuilletons qu'on écoute et qui font en sorte qu'ils ne représentent pas cette réalité, ce qui anime vraiment ceux et celles qui participent à cette profession, sauf exceptions évidemment. Il peut toujours y avoir des exceptions, dans notre belle et grande profession.

Donc, M. le Président, pourquoi employer le terme «juriste»? Par économie de mots, par précision, mais aussi, comme je le disais, et sans retirer mon amendement, au contraire, je persiste, mais je constate, à la lecture de la définition, qu'il peut amener quand même plusieurs membres de cette commission à émettre des réserves quant à procéder à son appui et à sa modification du projet de loi actuel. Pourquoi? Parce qu'on y parle... «qui se rapporte à la jurisprudence»... non, là, c'est «jurisprudentiel» ? le terme que vous vouliez employer tantôt, d'ailleurs, M. le Président ? alors, «juriste», plutôt, donc «qui vient de jurista ? évidemment, en latin ? personne qui a de grandes connaissances juridiques». Alors, «grandes connaissances» n'inclut pas le fait effectivement d'avoir, soit par son état ou par sa profession, le statut de membre d'une des communautés qui sont reconnues. Et, vous le savez, ici, il y a les avocats, mais ce qui est plutôt particulier en Amérique du Nord, nous avons aussi les notaires, et c'est fort bien comme ça d'ailleurs, donc qui fait en sorte qu'il y a deux professions qui sont reconnues et qui ont un statut particulier au niveau juridique.

Donc, lorsque je lis cet amendement, il, quand même, me questionne, en termes, je vous dirais: est-ce qu'il est le terme le mieux choisi? Oui, il était recevable, vous aviez tout à fait raison. D'ailleurs, simplement le fait de se poser la question justifie le fait qu'il l'était, recevable, et je n'ai aucun doute qu'il l'était effectivement. Mais, quand même, le fait de l'adopter a des conséquences. Alors, est-ce qu'il étend, est-ce qu'il circoncit les termes employés, «avocat ou notaire»? Parce que vous comprendrez que par ma proposition d'amendement j'ai voulu faire en sorte...

n(11 h 40)n

Le Président (M. Simard): ...

M. Bédard: Non, effectivement, et... Allez-vous voter, M. le Président? Non, non, O.K.

Le Président (M. Simard): C'est un aparté, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Ah! O.K. Non, je pensais que vous aviez déjà donné votre avis sur l'amendement proposé, mais, encore là, M. le Président, peut-être que, si vous aviez des... je vous dirais que votre appréciation dans mon amendement ne correspondait pas à mon appréciation. Peut-être serait-il lieu de m'en faire part, peut-être, dans vos commentaires lorsque vous aurez à le faire, un peu plus tôt. Et vous savez que, normalement, lorsque je conclus que j'ai erré, je peux effectivement m'amender, mais, à l'étape où j'en suis actuellement, je suis encore convaincu que le terme «juriste» est le terme le plus approprié, qui convient à ce projet de loi. Et, encore là, vous le savez, quand j'ai plaidé devant vous les précédents... je n'ai pas peur des précédents, et nous aurions là un précédent dans nos lois, qui pourrait peut-être être appliqué de façon très large et qui ferait en sorte que l'ensemble des projets de loi, l'ensemble des lois qui nous régissent... nous ferions l'économie de plusieurs mots. Et on retrouve souvent, et là je le prends là, mais, vous allez voir, il revient très souvent, «avocat ou notaire».

Et souvent on défile les professions, comme on dit, vous le savez, M. le Président: les professionnels de la santé. Alors, est-ce que... Quel est le terme le mieux choisi pour décrire les professionnels qui appartiennent au domaine juridique, du droit?

Mais, encore là, l'emploi des termes peut faire en sorte qu'on pourrait même... Par exemple, je vous dirais, un professeur dans une faculté de droit, qui a suivi son cours, qui a, je vous dirais, toute... et qui même enseigne le droit, peut-être pourrait ne pas être membre du Barreau ? ça pourrait être possible ? et qui ferait en sorte que cette personne, bien que possédant toutes les connaissances juridiques, et même beaucoup plus grandes qu'un simple praticien comme moi, donc pourrait, elle, se voir refuser. On pourrait l'inclure dans les praticiens du droit, mais pas dans le domaine des avocats ou notaires.

Alors, les deux termes ont quand même une certaine précision, mais je suis convaincu que nous sommes capables, avec beaucoup d'imagination et avec le nombre de collègues que j'ai ici, devant moi, qui sont membres de ces professions, d'arriver à ce bon texte qui décrira vraiment et strictement les professions juridiques que sont avocat ou notaire. Et je pense que c'est un beau défi que nous aurons à relever cet avant-midi, avant le dépôt du projet de loi global sur la réforme de la justice administrative, et j'invite tous mes collègues du domaine juridique mais aussi du domaine non juridique... Hein, je pense qu'il y a des collègues qui ne sont pas du domaine juridique... Et, souvent, je fais d'ailleurs référence à cette profession, à ces professions, que ce soit notaire ou avocat, mais, aucunement, moi, d'aucune façon je voudrais discriminer ou laisser sous-entendre par mes propos que des gens qui n'appartiennent pas à ces deux professions puissent amener des commentaires à propos... même sur la définition des termes que nous devons apporter pour décrire ces professions. Alors, j'invite mes collègues d'autres professions peut-être même d'apporter leur grain de sel par rapport...

Une voix: ...

M. Bédard: ...alors... Et j'invite tous mes collègues à y participer et je suis convaincu que les travaux de cette commission seront utiles, du moins pour le projet de loi, mais aussi de façon plus globale. Nous laisserons une trace indélébile dans nos lois, maintenant, et, lorsque vous verrez, vous adopterez des lois qui concernent les professions juridiques, vous direz: J'y étais, j'étais présent le jour où cette commission a réfléchi...

Une voix: ...

M. Bédard: Ha, ha, ha! Et voilà! Peut-être que, là-dessus, vous pourriez prétendre effectivement: Nous, membres de cette commission, étions prêts et avons, oui, apporté notre contribution à un effort linguistique, oui, mais surtout à faire en sorte que nos lois soient de plus en plus précises et que nous fassions... Et c'est peut-être un défi de la langue française. Elle est belle, mais, parfois, vous le savez, on le voit souvent d'ailleurs dans les traductions, nous employons beaucoup de mots, et ce n'est pas un défaut, je vous dirais, mais, dans les projets de loi, ça amène parfois une certaine lourdeur. Alors, peut-être aussi effectivement, peut-être... Et on peut le définir de différentes façons, mais, au-delà de la culture... Et je ne voudrais pas appliquer surtout ma modification à ce qui concerne la littérature ou même le domaine de la culture. Parce que l'emploi des mots parfois a même un côté poétique ou un côté qui fait en sorte que, même dans une pièce de théâtre, il peut être plus à propos d'employer les deux termes.

Alors, il faut limiter, M. le Président, nos amendements au texte de loi actuel et à l'ensemble des textes de loi, et je suis convaincu qu'avec un peu de bonne volonté et beaucoup d'imagination nous serons capables de trouver le terme qui définit ces deux professions, encore là, sans l'étendre, mais évidemment sans le restreindre. Et c'est la crainte que j'ai actuellement, avec le terme «juriste».

Bien que je le défende encore, cet amendement, je pense que peut-être qu'un esprit qui amènerait ou qui plaiderait cet article pourrait peut-être conclure à une autre argumentation dont je vous fais part actuellement. Parce que le terme «juriste», dans son emploi usuel... Et, encore là, je dois dire que la définition que j'ai fait mention, M. le Président, vient encore, bon, d'un seul dictionnaire, soit une seule église, et, vous savez, c'est toujours dangereux de se référer à une seule église. Il faut regarder une seule maison. Il faut avoir un regard beaucoup plus vaste. Alors, il faudrait...

Une voix: ...

M. Bédard: ...plusieurs chapelles, plutôt, pas une seule église, vous avez raison, monsieur...

Une voix: ...

M. Bédard: Une seule église, voilà, mais ça n'empêche pas, dans notre... étant moi-même, vous le savez, membre...

Une voix: ...catholique.

M. Bédard: Et voilà. Donc, je ne voudrais pas contrevenir à un principe sacro-saint, aussi, de notre sainte Église, M. le Président. Alors... Mais, en matière linguistique, il faut être plus audacieux dans ce domaine, et je pense que l'emploi du Petit Robert est un des exemples, mais nous devrions plutôt, à l'intérieur de cette commission, en avoir plusieurs et peut-être même demander un avis à l'Office de la langue française, de voir quel est le meilleur terme que nous devrions employer.

Et, aux remarques que je vous fais, M. le Président, aussi, je pense que l'édition du Petit Robert que nous avons, malheureusement, n'est pas de cette année ou de l'an passé; je crois qu'elle date un peu, et celle de ma collègue semble encore plus lointaine. Alors, peut-être que si nous avions des éditions plus récentes nous pourrions avoir un éclairage beaucoup plus précis sur le terme. Parce que, vous le savez, les définitions se modifient, il peut arriver que l'emploi d'un terme peut, dans les us et coutumes, lorsqu'il s'étend sur une période très longue, faire en sorte qu'un terme qui est employé dans une telle fin se trouve... mettons, on ajoute un petit chose, un petit point parfois, parce qu'un terme, vous le savez, a plusieurs définitions. Donc, on ajoute une définition qui ferait en sorte que l'emploi de «juriste», qui, moi, me semble, dans nos us et coutumes, beaucoup plus conforme à l'esprit dans lequel j'ai déposé l'amendement, soit celui d'inclure les professions d'avocat et notaire... Peut-être qu'une édition plus récente pourrait effectivement conclure que, dans les us et coutumes et dans l'emploi et l'usage moderne du terme «juriste», les deux termes sont inclus et prévoient strictement ces deux professions.

Encore là, je présume, à cet outil fort utile que sont nos dictionnaires... il y a aussi des dictionnaires juridiques. Et je me souviens d'ailleurs à l'occasion d'avoir beaucoup employé, lors d'interprétation de lois, ces dictionnaires juridiques, qui permettent souvent au tribunal de mieux évaluer la portée d'un terme. Et on combine souvent d'ailleurs les définitions plus générales à des définitions plus juridiques, qui permettent aux juristes et surtout à ceux qui sont appelés à prendre des décisions sur la définition des termes et leur portée de mieux évaluer, justement, leur définition propre et leur application dans la phrase dans laquelle ils sont. Et là... Et c'est pour ça que «juriste», je me dis, M. le Président ? et, en parlant, des fois on se convainc, vous le savez ? il est quand même employé souvent quand on plaide, vous savez, des questions de règlement soit devant vous ou devant cette Assemblée. On finit vraiment par acquérir des convictions que...

Le Président (M. Simard): ...

M. Bédard: Non, mais, M. le Président, convaincre, ça veut dire une chose. C'est qu'il faut toujours agir quand même avec une certaine humilité. Je peux être convaincu d'un point de vue, mais en me disant: Est-ce que j'ai vraiment... Est-ce que je pose le bon geste? Est-ce que j'ai effectivement, dans ce cas-ci, la bonne définition? Ou est-ce que je prends la bonne décision? Mais, bien qu'en disant: Oui, je prends cette décision, il reste que conserver quand même l'idée... Ah! malheureusement, une seule minute, M. le Président, et je commence...

Le Président (M. Simard): ...pour vous convaincre.

n(11 h 50)n

M. Bédard: Pour, oui, pour me convaincre et surtout pour convaincre mes collègues que je l'ai déposé, mais tout en semant le doute, pour qu'eux, dans les commentaires qu'ils ont à faire, puissent apporter de l'eau au moulin et peut-être même, eux, se convaincre et par la suite me convaincre de voter en faveur de ce projet de loi... pas du projet de loi, évidemment, en faveur du sous-amendement de l'amendement. Et je pense que, nos travaux, cela démontrerait que nous ne sommes pas animés d'ailleurs... de façon partisane, que nous avons à coeur vraiment l'emploi des bons mots. Et j'ai hâte d'entendre vraiment mes collègues. Je comprends qu'au début l'alternance ne sera peut-être pas respectée, mais je suis convaincu que mes collègues auront sûrement des commentaires fort à propos sur cette question.

Et ma recherchiste, vous le savez, qui est fort occupée ces temps-ci... qui n'est pas juriste, d'ailleurs, c'est une recherchiste concernant la justice, qui a travaillé d'ailleurs même comme attachée politique dans ce ministère mais qui ne possède pas la qualité d'être un membre de...

Une voix: ...

M. Bédard: Bien, non, non... une forme de qualité, oui, la qualité d'être membre des professions juridiques. Mais, regardez, est-ce que je pourrais dire que cette personne est une juriste parce qu'elle a participé aux travaux de cette commission?

M. Moreau: Elle a une grande connaissance... Elle a une grande connaissance, ça veut dire qu'elle est donc juriste, selon le...

M. Bédard: Alors, je vois que mon collègue... Comme mon temps achève, et je vois que mon collègue est parti sur une lancée... Et elle me disait d'ailleurs... cette personne, elle me disait que c'était... Par exemple, en me donnant l'exemple de l'Association des juristes de l'État... Et ceux-là, par contre, je pense, et peut-être que les gens du cabinet pourront me détromper, mais je pense qu'ils incluent strictement les gens membres des professions juridiques. Alors... Et d'ailleurs, mon collègue, mais qui aura l'occasion sûrement de...

Le Président (M. Simard): Je suis obligé, M. le député de Chicoutimi...

M. Bédard: Simplement, et je le dépose à cette commission, M. le Président, en terminant, qui est la Conférence des juristes de l'État, Actes de la XIIIe Conférence des juristes de l'État, Éditions Yvon Blais, l'année ? c'est quand même assez récent ? 1998. Alors, peut-être que le terme, effectivement, de «juriste» convient mieux, mais, à mes termes, et je n'ai eu que 20 minutes, vous comprendrez, je crois...

Le Président (M. Simard): Vous n'avez pas épuisé le sujet, dites-vous.

M. Bédard: ... que cette commission a besoin d'un peu plus d'éclairage. Merci, M. le Président et les membres de cette commission.

Le Président (M. Simard): Alors, M. le député de Chicoutimi, nous comprenons bien que vous estimez ne pas avoir épuisé le sujet. Est-ce que, du côté de la majorité... Monsieur...

M. Bellemare: Juste un commentaire.

Le Président (M. Simard): M. le ministre, qui, lui, a droit à cinq minutes à chaque intervention.

M. Bellemare: Oui. Alors, vous me permettrez d'exprimer ma grande surprise face au sous-amendement présenté par le député de Chicoutimi, lui qui depuis plusieurs jours s'indigne devant le fait que nous aurions ? je le dis bien au conditionnel ? refusé d'entendre et de considérer les points de vue de groupes et d'individus relativement au projet de loi n° 4. J'ai hâte d'entendre le député de Chicoutimi nous dire qui lui a présenté cette proposition de sous-amendement et d'où il tire ce lapin du chapeau, puisque en réalité personne n'est venu proposer, ni directement ni indirectement, cette notion de «juriste».

Alors, en principe, entendre les groupes, c'est bien sûr aller chercher des propositions et des suggestions dans la population, et on voit bien qu'au fond il n'y a pas beaucoup de propositions qui viennent de la population, puisqu'il va chercher des propositions on ne sait trop où, à même une panoplie, probablement, d'hypothèses plus ou moins fondées. Mais il est bien évident, à mon avis, que cette proposition de sous-amendement n'est pas fondée et qu'elle n'est pas raisonnable, pour la simple et bonne raison que, pour plaider devant le Tribunal administratif du Québec, il faut être avocat et membre du Barreau, pas membre de la Chambre des notaires. Un notaire ne peut pas plaider devant le Tribunal administratif du Québec, bien qu'il puisse entendre des causes puisqu'il a la qualité, en fonction des amendements qu'on veut présenter.

Sauf que je trouve quand même très curieux que le député de Chicoutimi nous arrive avec un amendement de cette nature-là, dans la mesure où le terme «juriste» n'est pas défini à la loi, et qui pourrait permettre l'introduction de gens qui seraient, par exemple, des avocats radiés. Il faut y penser, à ça. Alors, en prévoyant que l'avocat et le notaire sont qualifiés pour siéger, je crois qu'on va chercher les plus hauts standards de formation non seulement en matière juridique, parce qu'un bac constitue une formation juridique bien sûr de haut niveau, un bac en droit, mais le fait d'être membre du Barreau, membre de la Chambre des notaires ajoute à la formation, parce qu'il y a des considérations pratiques importantes, une familiarité avec le système judiciaire, avec notre système juridique, qui est plus importante, qui est plus poussée. Et, à mon avis, on ne peut pas introduire la notion de «juriste», qui de toute façon ne constitue pas une qualification reconnue dans nos lois. Nulle part ailleurs dans le cadre de formations permettant d'en arriver à une qualification comme juge administratif ou comme juge judiciaire ne prévoit-on le terme «juriste». On a mieux que ça en termes de formation et d'expérience: avocat, notaire.

Et d'ailleurs, j'aurais été curieux de voir la réaction du Barreau du Québec ? pour qui mon collègue a sans doute énormément d'estime ? et de la Chambre des notaires. Ils se sont, tous les deux, ces organismes-là, présentés ici en consultation, et le député de Chicoutimi n'a pas soulevé ne serait-ce que l'hypothèse de modifier le terme «avocat ou notaire» et de le remplacer par le terme «juriste». J'aurais été très curieux. Et je peux facilement comprendre que la réaction du bâtonnier du Québec aurait été violente face à cette proposition d'en arriver à ce qu'on substitue les termes «avocat ou notaire» par le terme «juriste». Mais je dois comprendre... Je ne veux pas anticiper d'autres sous-amendements qui pourraient être présentés par mon collègue, je crois comprendre, à travers le sous-amendement, qu'il a à coeur, lui aussi, que les gens qui entendront ces causes seuls possèdent les plus hauts standards de formation en termes de formation juridique, et ça, ça me satisfait, mais certainement pas jusqu'à étendre la notion jusqu'à la notion de «juriste». Merci.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. En respect de l'alternance, j'invite le député de Dubuc à nous faire part de ses commentaires.

M. Côté: Oui, merci, M. le Président. J'ai bien écouté les commentaires du ministre. Maintenant, j'aimerais peut-être lui dire que peut-être que, si nous avions entendu plus de groupes, ou plus de représentants, ou d'associations, nous aurions eu des opinions peut-être un peu plus variées, un peu plus diverses et, justement, nous aurions peut-être eu ces propositions de «juriste». Alors, vous comprendrez, M. le Président, que je vais être d'accord avec le sous-amendement qui est proposé par le député de Chicoutimi pour inclure le terme «juriste», et je vais essayer de vous faire la démonstration, d'arriver à vous convaincre que ce mot a une importance quand même capitale pour le texte du projet de loi.

On sait tous que les grands défis de la justice administrative, c'est d'abord d'offrir des qualités pour les services qu'on doit rendre aux citoyens, d'améliorer la qualité de ces services-là, et on... tout en respectant, naturellement, le droit des administrés. Je pense que ça, c'est également important. Mais il y a des conséquences à cela. Quelles sont donc ces conséquences qui sont très importantes?

D'abord, c'est que les décideurs, les décideurs qui prennent justement les décisions doivent être compétents. Ils doivent être des personnes compétentes. Elles doivent aussi, ces personnes, faciliter justement l'exercice des droits des administrés, et, comme conséquence subsidiaire, naturellement, c'est que le traitement des causes doit se faire de façon beaucoup plus rapide. Deux de ces premières qualités, c'est-à-dire la compétence des décideurs et la facilitation de l'exercice des droits des administrés, nécessitent naturellement des personnes qui sont expertes, des personnes qui sont spécialisées dans le domaine juridique et surtout, M. le Président, qui sont capables de prendre des décisions qui sont éclairées, des meilleures décisions pour les administrés.

À cet effet, M. le Président, j'aimerais vous citer le mémoire de la Chambre des notaires du Québec, qui s'est présentée en commission, à la commission des institutions, et qui réfère... je réfère à la page 18 de ce mémoire, où on dit que, bon, naturellement, «l'intérêt de la justice et des justiciables commande que les membres des tribunaux administratifs appelés à trancher des questions de droit possèdent obligatoirement une formation juridique». Et j'aimerais également citer M. Pierre Lemieux, M. Pierre Lemieux qui, dans des commentaires justement sur la Loi sur la justice administrative, dans Service de la formation permanente, Barreau du Québec, disait ceci: «En effet, un juge administratif bien formé et compétent dans son domaine, jouissant d'un statut approprié à son niveau professionnel, est une garantie que ce décideur s'astreindra à une réelle rigueur et s'interdira un certain nombre de calculs préjudiciables à la qualité de son rendement.»

n(12 heures)n

Alors, la compétence, M. le Président, de ces personnes qui décident est primordiale, elle est même capitale. C'est pourquoi, M. le Président, il est essentiel justement que le décideur soit un juriste. L'intérêt de la justice et des justiciables commandent que les membres des tribunaux administratifs qui sont appelés à trancher les différentes questions de droit aient une formation, je pense, de juriste, et ce, obligatoirement. J'irais même, M. le Président, jusqu'à être d'accord avec le mémoire de la Chambre des notaires, qui propose que ce juriste soit membre d'une corporation professionnelle. Donc, ça éviterait ce que le ministre a dit tout à l'heure, lorsqu'il a parlé des membres du Barreau radiés ou des anciens membres du Barreau et de la Chambre des notaires radiés.

Le membre décideur du Tribunal administratif doit aussi être d'une culture juridique presque universelle, M. le Président. Ça, c'est important aussi, parce qu'il doit prendre des décisions aussi variées que des décisions relatives aux affaires suivantes ? et là, M. le Président, je vais vous citer des exemples: lorsqu'on parle des recours qui ont trait à la sécurité ou au soutien du revenu; on pense à l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile; à la fiscalité municipale; à l'évaluation foncière; on parle d'expropriation également; de protection du territoire agricole; vous savez tous les remous que certaines décisions du Tribunal administratif du Québec font dans la presse, dernièrement; et toutes les questions portant sur les litiges relatifs aux permis. Alors, ça prend une connaissance très large des dossiers. En plus, M. le Président, les membres décideurs doivent connaître aussi des règles de procédure puis des règles de la preuve. Ça aussi, c'est important.

Et je vous rappellerais, M. le Président, quelques articles de la Loi sur la justice administrative qui sont aussi d'une importance qui m'apparaît capitale. Je prends l'article 9, où on dit que «les procédures menant à une décision prise par le Tribunal administratif du Québec ou par un autre organisme de l'ordre administratif chargé de trancher des litiges opposant un administré à une autorité administrative ou à une autorité décentralisée sont conduites de manière à permettre un débat loyal, dans le respect du devoir d'agir de façon impartiale». L'article 10, qui continue en disant qu'on doit «donner aux parties l'occasion d'être entendues. Les audiences sont publiques». L'article 11, qui parle que «l'organisme est maître [...] de la conduite de l'audience. Il doit mener les débats avec souplesse [...] de façon à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction.» Alors, monsieur... Enfin, l'article 12, qui dit que l'organisme est tenu de prendre des mesures pour délimiter le débat, favoriser le rapprochement des parties, donner aux parties l'occasion de prouver les faits, d'apporter à chacune des parties, lors de l'audience, un secours équitable et impartial et de permettre à chacune des parties d'être assistée. Et vous avez également, M. le Président, les articles 99 et suivants, que je ne lirai pas, là, et qui parlent de toutes les règles, là, de preuve et de procédure auxquelles le décideur est astreint et qui justement font qu'il doit être un homme compétent, même des fois super compétent. Alors, c'est une raison de plus pour que le seul membre décideur soit un juriste de formation.

La loi impose de lui d'autres obligations, M. le Président, à ce membre décideur. Il doit connaître non seulement la loi, mais il doit connaître aussi les règlements, il doit connaître la jurisprudence, il doit connaître des décisions dans d'autres domaines. Il doit aussi se tenir à la page. Alors, comment quelqu'un qui n'est pas juriste pourrait-il exercer ces fonctions? Et par une expérience de plusieurs dossiers, par une expérience de plusieurs années? J'en doute, M. le Président. C'est pourquoi l'amendement qui est proposé par le député de Chicoutimi... et l'amendement qui est surtout proposé par le ministre, «avocat ou notaire», m'apparaît incomplet, et que le mot «juriste» serait beaucoup plus convenable.

À ce stade-ci de mon intervention, M. le Président, je voudrais rappeler aussi que la bataille qu'a menée la Chambre des notaires du Québec pour faire justement reconnaître ces compétences et notre statut justement de juristes... combien cela a été difficile, M. le Président. J'aimerais vous citer deux extraits du mémoire qui a été présenté antérieurement, le premier étant plutôt des commentaires qui avaient été adressés au ministre de la Justice sur le projet de loi n° 105 et qui créait la Loi, justement, sur la justice administrative, en 1996, et qui disait ceci... Parce qu'à ce moment-là les notaires étaient exclus comme membres décideurs: «...le fait qu'on privilégie de façon discriminatoire les membres du Barreau au détriment de la Chambre des notaires du Québec pour siéger sur les tribunaux administratifs lorsque la fonction requiert une formation juridique. Pourtant, le notaire, en raison de sont orientation particulière qui en fait un juriste impartial et souvent spécialisé, possède toutes les aptitudes nécessaires pour siéger comme membre d'un tribunal administratif. On persiste pourtant à l'écarter cavalièrement à titre de professionnel du droit».

Et je poursuis, M. le Président, l'autre extrait, qui origine d'un mémoire présenté à la commission des institutions en janvier 1996, justement sur le projet de loi n° 130, et qui mentionne, et je cite: «En outre, nous déplorons le fait qu'on privilégie, et ce, de tout temps, de façon discriminatoire les membres du Barreau au détriment de la Chambre des notaires du Québec pour siéger sur des tribunaux administratifs lorsque la fonction requiert une formation juridique et soumettons qu'il serait plus que temps ? et la réforme qui s'annonce serait une bonne occasion ? de permettre aux notaires d'avoir accès à titre de membres de ces tribunaux.»

Alors, c'est ce qui a été fait, M. le Président, et je pense que c'est une belle victoire. Ça a été une belle victoire pour les notaires, qui sont des juristes de profession et qui maintenant peuvent siéger au Tribunal administratif. Et cette reconnaissance, je pense qu'on l'a acquise par nos compétences, non seulement parce que nous avons travaillé fort pour l'avoir, mais on l'a acquise par nos compétences. Parce que les notaires, aujourd'hui, M. le Président, sont des juristes d'une grande compétence. Vous savez que les articles de droit qui s'écrivent aujourd'hui, souvent, ce sont des notaires qui les font, et ce sont des articles d'une grande profondeur, qui amènent justement l'évolution du droit dans notre société.

Je n'insisterai pas, M. le Président, sur l'effet déséquilibre qui pourrait survenir sans cette obligation que le membre décideur soit un juriste. Le citoyen va sortir gagnant de cela, parce que c'est évident qu'il aura devant lui un juriste qui peut apprécier des arguments, qui peut apprécier les prétentions des citoyens; il peut aussi apprécier les prétentions de l'État qui, lui, la plupart du temps, est représenté par un procureur. Alors, le citoyen, qui souvent se présente seul devant un tribunal administratif, fait confiance au membre décideur, et c'est pour ça que le membre décideur doit être juriste, parce qu'il est capable justement de rechercher cet équilibre avec le représentant de l'État.

Oui, M. le Président, un juriste comme membre décideur, mais sans jamais perdre de vue non plus que les grands objectifs de la justice administrative sont l'équité, sont la célérité, la qualité et surtout l'accessibilité des citoyens envers ces tribunaux. Pour cela, M. le Président, il faut que le membre décideur, malgré toutes ses compétences qui lui sont reconnues, puisse devenir encore meilleur.

Et je vais terminer mon intervention, je pense. Je pourrai peut-être revenir tout à l'heure justement sur le juriste, le rôle du juriste. Alors, je vais terminer mon intervention, M. le Président, simplement qu'il faut que notre justice administrative s'améliore. Je pense que nous avons tous cet objectif en tête. On n'a pas besoin de diminuer les décideurs pour cela. Au contraire. Je pense que le fait que nous proposions un juriste est une amélioration à notre système, à nos projets de loi, parce qu'un juriste... Il y a, M. le Président, des professeurs de droit qui ont des doctorats en droit et qui pourraient très bien être membres d'un tribunal administratif, être membres décideurs. Il y a des personnes qui ne sont pas nécessairement membres d'une corporation professionnelle, un avocat ou des personnes qui pratiquent le droit... qui ne pratiquent pas le droit, plutôt, mais qui soit l'enseignent, le droit, qui sont des conseillers juridiques pour différents organismes, alors, ces personnes-là, ce sont des juristes et pourraient être membres des tribunaux administratifs.

Et je suis certain qu'en acceptant ce sous-amendement le projet de loi s'en trouverait amélioré. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Dubuc. M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Oui, M. le Président. Vous savez qu'aujourd'hui c'est la dernière journée, selon le règlement, pour déposer des projets de loi, et vous savez également que le ministre de la Justice en déposera cet après-midi. Compte tenu de l'heure et compte tenu des circonstances, je pense qu'il serait approprié peut-être d'ajourner nos travaux, conformément à l'article 165, jusqu'à la prochaine séance qui sera prévue par la Chambre.

n(12 h 10)n

Le Président (M. Simard): Écoutez, il me semble que c'est une demande raisonnable. Est-ce qu'il y a une opposition? Nous avons un ordre de la Chambre de poursuivre jusqu'à 12 h 30, mais, si la commission le souhaite, nous allons ajourner à ce moment-ci nos travaux.

M. Lelièvre: Ah! M. le président, j'avais... Je suis très peiné de ne pas pouvoir m'exprimer, mais je vais... Je pense qu'on aura l'occasion de revenir, j'imagine, sur ce projet de loi qui est très important pour la protection des droits des justiciables, parce que ce qu'on y retrouve, au projet de loi, M. le Président, c'est une diminution des protections.

Le Président (M. Simard): M. le député de Gaspé, si vous êtes d'accord avec la proposition du député de Shefford, nous allons ajourner nos travaux.

(Fin de la séance à 12 h 11)


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