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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 13 janvier 2004 - Vol. 38 N° 20

Consultations particulières sur le projet de loi n° 35 - Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante et une minutes)

Le Président (M. Simard): Nous allons commencer nos travaux. Alors, nous sommes... La séance est ouverte. Nous sommes réunis ce matin pour réaliser le mandat, qui a été confié à la commission par la Chambre, de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives.

Avant que nous commencions à poursuivre nos travaux, je voudrais en profiter pour souhaiter à tous une excellente année 2004, aux membres de la commission évidemment avec qui nous allons nous réunir très régulièrement cet hiver.

Quand je pense qu'il y a des gens qui me souhaitaient, il y a quelques jours, de bonnes vacances jusqu'au mois de mars, ils n'avaient pas vu, visiblement, l'horaire de la Commission des institutions pour les prochaines semaines et les prochains mois. Donc, nous allons travailler ensemble régulièrement.

Je vous souhaite évidemment, ce qui est la base de toute autre réalisation, une excellente santé et je vous souhaite de continuer à travailler ensemble pour le bien de nos concitoyens. C'est pour ça que nous sommes ici. Et je crois que la façon dont nous le faisons, dans cette équipe de la Commission des institutions, doit être en tout moment exemplaire, et nous allons essayer évidemment d'agir ainsi.

Je voudrais remercier et surtout souhaiter une excellente année à tout le personnel qui entoure nos travaux des deux côtés de la Chambre, le personnel politique, mais également le personnel administratif, ministériel, les gens de l'Assemblée nationale sans qui tous ces travaux... Je veux souligner, entre autres, le travail du secrétaire de la commission. Donc, je vais à tous souhaiter une excellente année, y compris aux journalistes que j'aperçois actuellement et qui, eux aussi, méritent les souhaits des parlementaires en ce début d'année. Voilà.

Je vais demander maintenant au secrétaire d'annoncer les remplacements.

Le Secrétaire: Merci, M. le Président. M. Gabias (Trois-Rivières) sera remplacé par M. Mercier (Charlesbourg); M. Létourneau (Ungava) sera remplacé par M. Côté (Dubuc); et Mme Papineau (Prévost) sera remplacée par M. Bédard (Chicoutimi).

Le Président (M. Simard): Alors, ça nous permet d'apprendre des nouvelles nominations à la commission, les nouveaux membres à la commission.

Une voix: ...c'est un retour.

Le Président (M. Simard): Pour vous, c'était un retour. On vous revoit souvent ici. Alors, l'ordre du jour, vous l'avez devant vous. Il y a eu, je pense, quelques modifications de dernière minute. M. le secrétaire, est-ce que vous pouvez nous donner l'aperçu de la journée, dernière version, en espérant que ça ne bouge plus?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Donc, à 9 h 30, nous débuterons par les remarques préliminaires, suivies à 10 h 30 par la Conférence des juges administratifs du Québec, à 11 h 30, par l'Association des avocats et avocates de province. Nous suspendrons nos travaux à midi trente et, de retour à 14 heures, nous entendrons l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec; à 15 heures, Mme Katherine Lippel; à 16 heures, la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec. Nous ajournerons nos travaux à 17 heures, monsieur.

Le Président (M. Simard): Bien. Merci beaucoup. Sur l'organisation de nos travaux, il n'y a pas de question à ce moment-ci? Alors, à cette étape, évidemment, c'est l'étape des remarques préliminaires. Les deux parties se sont entendues pour que cela se termine, nous l'espérons, vers 10 h 30. Donc, ça laisse amplement le temps, je pense, aux deux parties pour les remarques préliminaires.

M. le ministre, nous vous écoutons.

Remarques préliminaires

M. Marc Bellemare

M. Bellemare: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Et vous me permettrez, comme vous l'avez souligné tantôt et à juste titre précisé, de souhaiter la bienvenue à tous les membres de la commission et à vous-même bien sûr d'abord, à tous les membres de la commission, à tous les parlementaires, à tout le personnel de soutien également et bien sûr à M. Breault et toute son équipe, l'équipe de secrétariat qui a travaillé très fort, comme d'habitude, pour faire en sorte que cette consultation particulière devienne un succès, que tous les gens seront entendus de façon équitable et au moment qui leur convient le mieux.

Et, d'entrée de jeu, je profiterai de l'occasion pour souhaiter une très bonne année 2004 à tout le monde. Prospérité, santé. On oublie souvent, et, pour nous, les parlementaires, c'est important. On s'en est aperçu au moins de décembre: de longues journées, de longs débats, jour et nuit à l'occasion, qui exigent énormément, beaucoup de ressources physiques et psychiques, comme d'ailleurs pour tous les membres des équipes qui nous accompagnent dans le parcours politique et parlementaire qui, bien sûr, exige bien souvent énormément d'énergie et d'attention.

Alors, nous étudierons les mémoires et les prétentions de quelque 70 individus et groupes au cours des semaines qui viennent. C'est une consultation importante et capitale pour la justice au Québec.

La justice administrative, un terme qui paraît bien sûr aride aux oreilles de plusieurs. Souvent, on nous dit: Qu'est-ce que c'est que la justice administrative? Bien, évidemment, c'est la justice du simple citoyen bien souvent, la justice des citoyens du Québec qui se trouve malheureusement de temps à autre en conflit avec un organisme public, un organisme de l'État.

En tout cas, ce qui touche la réforme que nous allons étudier au cours des prochaines semaines, c'est la justice administrative du simple citoyen en conflit avec l'État, un des organismes de l'État, le ministère de la Solidarité sociale, la Société de l'assurance automobile, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la Régie des rentes, le service d'indemnisation des victimes d'actes criminels et bien sûr quelques autres, tout le volet de l'évaluation foncière, ceux qui contestent également des évaluations municipales, et des citoyens, au fond, qui, à tort ou à raison, estiment avoir été lésés.

Alors, quels sont les recours qui sont offerts à ces simples citoyens et dans quelles conditions ces recours sont-ils exercés? Nous avons présenté, à l'occasion de la dernière campagne électorale, un document sectoriel qui s'intitule Pour une justice accessible... davantage accessible... efficace et accessible. On parlait bien sûr de la justice administrative.

Nous allons probablement, au cours des discussions, parler de ce qu'il est convenu d'appeler la justice judiciaire, les tribunaux de droit commun, peut-être, pour faire un certain nombre de parallèles. Essentiellement, nous sommes tous conscients, je crois, que la justice administrative est une justice spécifique qui doit être adaptée aux besoins des citoyens qui, dans trop de cas, à mon avis, sont seuls, agissent seuls. Dans bien des cas, ils sont représentés mais, dans certaines divisions, dans certains secteurs, par exemple en matière d'assurance auto, c'est un peu dramatique de constater que seulement deux tiers des accidentés sont représentés devant le Tribunal administratif du Québec. Alors, il va falloir évidemment qu'on regarde cette question-là, parce que la représentation par un représentant compétent constitue une bonne garantie de justice dont il faut assurer, à mon avis, la promotion.

Pour aller directement au projet de loi n° 35, c'est un projet de loi qui prévoit d'abord la réunion, l'unification de deux tribunaux administratifs d'importance, les plus importants au Québec: la Commission des lésions professionnelles, dont la mission touche tout le volet des lésions professionnelles, les accidents de travail, les maladies professionnelles, les employeurs et les travailleurs accidentés qui peuvent contester, mais aussi le Tribunal administratif du Québec qui s'occupe de tous les autres, Régie des rentes, victimes d'actes criminels, assurance automobile, notamment.

Alors, le projet de loi vise à créer un seul tribunal, le Tribunal des recours administratifs du Québec, une appellation qu'on avait retrouvée dans certains documents en 1993, une appellation qui avait été avancée par mon prédécesseur, Gil Rémillard, alors qu'il était à la justice, que nous avons reprise ici pour établir qu'il y a lieu de réunir l'ensemble des recours administratifs qui ne sont pas des recours judiciaires à proprement parler au sein d'un seul tribunal.

Pourquoi les réunir? Bien, d'abord pour s'assurer que tous les citoyens, sans égard aux conditions à l'intérieur desquelles ils ont été blessés ou ils ont été rendus inaptes bien sûr, parce qu'on parle ici de simples citoyens qui sont en difficulté, hein, on parle des clientèles, on parle des gens les plus démunis de notre société, ceux à qui on veut donner de meilleures garanties de justice... Alors, ces citoyens ont le droit d'être traités équitablement. Et, à mon avis, il n'y a pas de raison, à moins que bien sûr les audiences qui vont venir nous en convainquent, de faire en sorte qu'il y ait deux tribunaux administratifs. On peut fort bien avoir un seul tribunal qui va composer un certain nombre de divisions à l'intérieur desquelles les juges pourront circuler, être déplacés d'une division à l'autre, augmenter l'intérêt par rapport à d'autres types de litiges plutôt que de rester confinés dans un seul litige ou une seule catégorie de litige comme c'est le cas actuellement, compte tenu que deux tribunaux administratifs agissent dans ce secteur.

n (9 h 50) n

Il y a également bien sûr la possibilité de régionaliser. C'est une dimension importante du projet de loi n° 35. À l'heure actuelle, la Commission des lésions professionnelles est déjà régionalisée. C'est une excellente idée du gouvernement précédent, en 1998, que d'assurer la décentralisation de ce tribunal, la CLP, ce qui fait en sorte que les travailleurs accidentés et les employeurs du Québec, depuis 1998, sont en mesure d'être entendus par un commissaire dans leur région, et non seulement d'être entendus, mais par un commissaire qui réside dans leur région. Donc, les Saguenéens peuvent être entendus à Chicoutimi, par exemple, et dans d'autres endroits au Saguenay?Lac-Saint-Jean, mais ils peuvent être entendus par des juges qui résident dans leur région. Et Dieu sait combien c'est important d'être entendus par des juges qui résident dans nos régions pour la simple et bonne raison que ça donne, à mon avis, de meilleures garanties. Ça fait en sorte que le citoyen a davantage confiance. Ce juge qui entend sa cause réside dans sa région. Il connaît bien le milieu, il connaît l'industrie, il connaît le réseau routier, il connaît le réseau hospitalier, l'ensemble des services, les ressources qui existent, et c'est une norme fondamentale en matière de justice au Québec que les juges qui entendent les causes soient des juges résidents. À la Cour supérieure, à la Cour du Québec, en matière jeunesse, par exemple, ce sont toujours des juges qui résident dans le district. C'est une condition dans la loi.

Alors, le projet de loi vise à faire en sorte, à l'instar des accidentés du travail et des employeurs, en matière de lésions professionnelles, depuis 1998, que les autres personnes qui sont en conflit avec l'État, les victimes de la route, les victimes d'actes criminels, puissent également être entendues dans leur région par des juges résidents. Alors, si vous voulez, le fait de créer un seul tribunal, de réunir la CLP et le TAQ, permet et facilite grandement cette régionalisation et fait en sorte que les concepts développés par le gouvernement précédent de régionalisation de la justice administrative peuvent s'appliquer à tous les citoyens du Québec et non seulement, comme c'est le cas actuellement, aux travailleurs accidentés.

Un autre volet important de la réforme que nous proposons par le projet de loi n° 35 vise bien sûr ? et c'est, je crois, l'élément le plus important ? l'indépendance des juges administratifs. Pourquoi l'indépendance? Parce que ces citoyens, vous l'aurez compris, qui attendent longtemps avant d'être entendus par un juge, en dernière instance, à l'heure actuelle, sont entendus par des juges administratifs qui sont renouvelés aux cinq ans. C'est la règle au Québec depuis les années soixante. On nomme les juges administratifs pour cinq ans et, au bout de cinq ans, bien, il y a une procédure de renouvellement qui fait en sorte qu'ils peuvent être renouvelés mais qu'ils peuvent aussi ne pas l'être. Et, bien que les tribunaux supérieurs aient déjà énoncé à quelques reprises ? la Cour suprême l'a fait, la Cour d'appel aussi encore récemment ? que les mandats de cinq ans respectaient la Charte des droits et libertés qui garantit à tout citoyen un procès impartial et indépendant, il demeure, je crois, comme gouvernement, que nous pouvons faire davantage.

Et nous sommes bien conscients du fait que l'indépendance des juges administratifs dans la perception populaire est une donnée fondamentale. Le citoyen qui s'adresse à un juge qui est renouvelable aux cinq ans peut ? je dis bien «peut» ... à mon avis, il n'y a pas nécessairement de raison rationnelle, mais il peut douter. Il peut dire: Oui, mais ce juge qui est renouvelable aux cinq ans, est-ce qu'il a véritablement les coudées franches. Est-ce qu'il est en mesure de décider en toute liberté de la question que je lui présente ce matin? Est-ce qu'il est à l'aise de décider de questions complexes de chartes, par exemple, qui pourraient avoir non seulement des impacts financiers sur l'Administration publique, mais aussi des impacts importants au plan de l'Administration? Parce que le Tribunal administratif peut... on le sait maintenant, il possède tous les attributs pour annuler des pans complets d'une loi, des règlements qui seraient contraires aux chartes, par exemple. Alors, le citoyen, bien sûr, il faut le rassurer, il faut lui donner toutes les garanties, il faut améliorer sa perception de la justice administrative. Et cette nomination selon bonne conduite, qui est un concept nouveau en matière de justice administrative, que nous introduisons par le projet de loi, est un concept, à notre avis, qui va dissiper tous les doutes, tous les doutes que les citoyens pourraient entretenir relativement à l'indépendance des décideurs, et Dieu sait combien c'est important.

Et nous avons pris un engagement politique, en 2002, notre parti a pris l'engagement de faire en sorte que les juges administratifs, dont on parle dans le projet de loi n° 35, soient nommés selon bonne conduite à l'instar des juges de la Cour du Québec. Nous livrons la marchandise par le projet de loi n° 35 et nous donnons cette garantie, une garantie que tous les partenaires de justice ont recherchée depuis 40 ans: Barreau, associations de juges, citoyens, groupes de citoyens, groupes communautaires. Et j'imagine que ce sera un élément extrêmement important sur lequel la plupart des intervenants devant cette commission pourront élaborer.

Un autre élément, bien sûr, que nous devrons analyser dans le contexte de l'indépendance des décideurs, c'est la règle du paritarisme, qui prévaut à l'heure actuelle en matière de lésions professionnelles, qui a été un concept qui existe depuis 1985, qui a existé de 1985 à 1998 en matière de révision à la CSST et qui existe maintenant à la Commission des lésions professionnelles. Le paritarisme, c'est simple, c'est une règle qui garantit que les commissaires à la Commission des lésions professionnelles auront comme adjoints, pour diriger l'enquête et pour prendre leur décision finale, un représentant des associations patronales et un représentant des associations syndicales. Ces deux membres ne sont pas décisionnels, mais ils jouent un rôle important, et la loi leur permet à l'heure actuelle de jouer d'influence auprès du commissaire, qui est le dernier décideur et le seul décideur, mais qui, de toute évidence, est susceptible d'être influencé par l'action de ces deux représentants.

Alors, nous savons que, pour certains, le paritarisme peut soulever des inquiétudes relativement à l'indépendance de ce décideur qui, en principe, et c'est un principe de justice fondamental, doit être un libre penseur et ne doit pas être préjugé d'aucune façon. Est-ce que la présence des membres paritaires ne vient pas apporter un peu d'ombre sur la question de l'indépendance? C'est une inquiétude qu'on a. Et nous avons, dans le projet de loi n° 35, maintenu le paritarisme, mais nous avons maintenu le paritarisme uniquement pour certaines matières, c'est-à-dire l'admissibilité première, l'admissibilité initiale en matière de lésions professionnelles, c'est-à-dire que, contrairement à la situation actuelle où tous les bancs, toutes les formations de la Commission des lésions professionnelles sont composées de trois personnes dans tous les cas, sauf le financement, le projet de loi ferait en sorte que l'incidence paritaire serait réduite à peu près à 20 % des cas, c'est-à-dire aux cas d'admissibilité première, la porte d'entrée au régime. Pour les autres cas, le commissaire déciderait seul.

Et, même dans les cas d'admissibilité pour la première lésion professionnelle, c'est-à-dire: y a-t-il eu un accident et y a-t-il un lien entre la lésion et l'accident? dans ces cas-là, il y aurait paritarisme à condition que les parties soient d'accord pour que la formule ne soit pas imposée aux parties et que la seule chose qui leur soit imposée, c'est bien sûr le rôle et le statut indépendant d'un commissaire qui rendrait une décision finale et sans appel.

Il y a également toute la question de la bureaucratie, de la lourdeur d'un banc à trois personnes. Alors, nous allons... nous savons déjà, pour l'avoir constaté dans un certain nombre de mémoires, qu'il y a beaucoup d'intervenants qui vont nous parler du paritarisme. Je dis tout de suite que, sur la question du paritarisme, le projet de loi avance une hypothèse. Nous allons regarder toutes les hypothèses. Nous sommes ouverts à tous les commentaires, à toutes les remarques. Et, s'il y a des gens qui sont favorables ou qui sont contre, bien sûr, nous allons les écouter et voir dans quelle mesure nous pourrions retenir la meilleure formule. S'il y a une meilleure formule que celle qui est avancée dans le projet de loi, nous la retiendrons. Nous sommes ouverts, et aucun scénario n'est définitivement arrêté à l'heure actuelle sur la question du paritarisme. Mais il va falloir l'analyser dans le contexte de l'indépendance des décideurs, qui est, à notre avis, la règle première dont il va falloir assurer le respect à l'intérieur de cette réforme.

D'autres éléments également devront être analysés. La procédure de révision, nous allons la remodeler, la revoir, et le projet de loi n° 35 introduit un délai maximal de révision, ce qui est une première. À l'heure actuelle, les mécanismes de révision, c'est-à-dire les premiers mécanismes de réexamen d'une contestation lorsque le citoyen décide de contester... il y a une révision et, après, il y a un appel au tribunal, dont j'ai parlé tantôt. Mais cette révision actuellement n'est assortie d'aucune condition précise. Il y a une révision, point. Il n'y a pas de délais imposés; il n'y a pas de conditions particulières d'imposées. Nous allons tenter d'encadrer le mécanisme de révision pour le rendre plus efficace et plus rapide.

n (10 heures) n

Et le projet de loi n° 35 impose un délai de 90 jours à l'intérieur duquel les organismes devront revoir leur position lorsqu'une contestation sera logée devant le tribunal. Alors, la contestation, une fois logée au tribunal, le tribunal demande à l'organisme de revoir sa position à l'intérieur d'un délai de 90 jours, délai qui peut être doublé si le citoyen est d'accord. Sinon, l'organisme, selon le projet de loi bien sûr, devrait réviser à l'intérieur d'un délai de 90 jours.

Dieu sait que la question des délais est une question qui nous préoccupe grandement. Nous voulons améliorer la célérité par tous les moyens possibles et nous serons à l'écoute de toutes les propositions. Le député de Chicoutimi, que je salue bien bas ce matin, a, au mois de septembre dernier, à l'occasion des consultations particulières que nous avons tenues ici, en cette commission... Des gens sont venus nous parler de différentes hypothèses. Nous avions avancé l'idée, et c'est toujours en place, que, dans les cas simples, un seul juge puisse entendre les causes plutôt que deux comme dans plusieurs divisions à l'heure actuelle. Et plusieurs personnes sont venues nous dire: Oui, mais, vous savez, ce n'est pas nécessairement là qu'est le problème, c'est dans la confection des rôles, hein, c'est dans la façon d'administrer le tribunal. Alors, on va être à l'écoute là-dessus, parce que les délais ont un effet boeuf sur la motivation du citoyen.

Trop souvent, l'État se fait reprocher de ne pas agir assez rapidement, de ne pas agir avec assez de compassion, de faire en sorte que les délais soient trop longs. Et, comme on parle des citoyens du Québec les plus démunis ici dans ce projet de loi, comme on veut les aider, on sait très bien qu'il faut agir rapidement. Il faut que le citoyen sache s'il a tort ou s'il a raison; qu'on lui dise oui, qu'on lui dise non, mais qu'on lui dise quelque chose dans des délais les plus rapides possible, tout en maintenant bien sûr les plus hauts standards de qualité, pour que ce citoyen puisse, s'il est débouté par le tribunal, orienter sa vie, faire d'autre chose et ne pas maintenir des espoirs pendant deux, trois ans comme c'est le cas actuellement devant certaines instances comme le Tribunal administratif du Québec qui malheureusement accuse un délai moyen d'attente de plus de 20 mois encore aujourd'hui. Alors, il faut s'attaquer à cette problématique tant en révision qu'en appel et par tous les moyens possibles. Et c'est à ce défi que je convie les membres de la commission: trouver des façons d'améliorer, en termes de célérité, la justice administrative.

Les tribunaux civils présentent des délais qui sont, dans bien des cas, beaucoup plus courts que la justice administrative, alors qu'en justice administrative, précisément, de tout temps, on a toujours voulu que ce soit une justice simple, efficace et qui est servie avec célérité. Donc, il va falloir qu'on s'y penche encore une fois. On l'a fait plusieurs fois au Québec depuis une vingtaine d'années, mais, cette fois-ci, espérons que ce sera la bonne et la dernière fois qu'on parlera de célérité, qu'on trouvera bien sûr les mécanismes appropriés.

Il y a bien sûr d'autres éléments que je qualifierais d'un petit peu plus périphériques dans la réforme mais qui sont néanmoins importants. Alors, nous allons aborder toute la question de la représentation des citoyens. Je l'ai indiqué tantôt en début de présentation, beaucoup de citoyens ne sont pas représentés. Bon. Comment se fait-il que, dans certains groupes, comme les victimes de la route par exemple... comment se fait-il que, même pour les victimes du travail... chez les employeurs, il y a un problème de représentation. Peu d'employeurs sont représentés. Les employeurs n'agissent pas souvent devant la Commission des lésions professionnelles. On va essayer de se pencher sur ce phénomène.

Comment peut-on accroître, augmenter le nombre, le pourcentage de représentations devant l'ensemble de ces instances, ayant bien sûr à l'esprit que le simple citoyen bien souvent gagne à être représenté et à obtenir toute l'information qui va lui permettre d'obtenir le meilleur résultat possible? Trop souvent encore aujourd'hui, des gens non représentés se présentent, par exemple, devant le Tribunal administratif du Québec, alors que, de l'autre côté, il y a l'État, bien sûr, avec toutes ses ressources, tout son arsenal juridique, médical, qui, bien sûr, a tous les outils pour faire valoir ses moyens. Le simple citoyen, lui, il faut l'encourager. Il faut trouver des mécanismes qui vont lui permettre d'avoir accès aux ressources qui vont lui permettre de bien comprendre le système et peut-être, dans certains cas, de ne pas aller plus loin dans sa démarche et faire place à ceux et celles qui auraient davantage de points valables à faire valoir devant le tribunal. Alors, ça aussi, il faut regarder ça.

Et il y a un élément intéressant dans le projet de loi n° 35 sur la représentation dans la section des lésions professionnelles, parce qu'on sait que, depuis 1979 ? et c'était à l'époque une idée qui avait été avancée par le premier gouvernement de René Lévesque ? en 1979, le 1er janvier, la Loi du Barreau était modifiée pour permettre à des non-avocats d'agir en matière de lésions professionnelles. Et c'était, à mon avis, une bonne décision, parce que, aujourd'hui, et il y a un consensus social autour de ça, en matière de lésions professionnelles, il n'y a pas nécessité d'être procureur. On peut agir, peu importe notre statut. On peut agir si on est... Des associations d'accidentés du travail et d'employeurs se sont développées considérablement au fil des années. Mais il demeure que l'absence de nécessité ou d'exigence qu'on soit avocat dans le secteur des lésions professionnelles a également ses mauvais côtés, parce que tout le monde peut agir, et il y a malheureusement des avocats radiés qui agissent encore aujourd'hui pour représenter des accidentés. Ça crée toutes sortes de problèmes de perception, qualité de justice. Il y a, dans certains cas, des consultants, des gens qui... Il n'y a pas d'encadrement, finalement. N'importe qui peut agir, ce qui met bien sûr la justice dans un drôle d'état dans certains cas. Et des citoyens, et c'est connu, ont vécu de mauvaises expériences, ont été floués dans certains cas. Donc, le projet de loi n° 35 fait en sorte qu'il y ait davantage d'encadrement et que le décideur en matière de lésions professionnelles puisse disqualifier, lorsqu'il assiste à une situation absolument extrême, disqualifier un représentant et faire en sorte que le citoyen soit avisé du fait que son représentant n'a pas les qualités minimales pour agir.

Alors, je conclus en disant que je suis ouvert à vos suggestions, même qui seront présentées par l'opposition officielle relativement à cette réforme. Je veux que cette réforme soit un succès. Je veux que nous avancions en matière de justice administrative, que nous connaissions l'opinion de l'ensemble de la population et que le Québec marque un pas important vers la qualité et l'accessibilité des deux tribunaux administratifs les plus importants du Québec. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. Je passe maintenant la parole au député de Chicoutimi et critique en matière de justice administrative.

M. Bédard: Merci. Justice tout court...

Le Président (M. Simard): De justice tout court, d'ailleurs...

M. Bédard: ...y incluant la justice administrative, M. le Président.

Le Président (M. Simard): ...y compris la justice administrative.

M. Bédard: Mais on peut décortiquer aussi, et je pourrais laisser une partie de mon mandat à quelqu'un d'autre qui aurait des...

Le Président (M. Simard): Non, non, non. Vous faites très bien ça, M. le député.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Alors, je vous remercie, M. le Président. Alors, à mon tour évidemment de faire les salutations d'usage en cette nouvelle année 2004. Évidemment, au ministre, mes meilleurs voeux de bonheur tant par rapport à sa vie personnelle que professionnelle. Je vous dirai, dans ce cas-ci, nous sommes du côté plus professionnel. Alors, nous souhaitons d'y contribuer de la meilleure façon, et qui sied à l'opposition évidemment, en étant attentifs, mais en toute collaboration, je dois le dire, et c'est ce qui va nous animer. Et souhaitons que les éléments de discorde qui ont pu animer 2003 ne se retrouvent pas en 2004. Je le souhaite sincèrement.

Je salue tous mes collègues ici, qu'ils soient du côté ministériel, évidemment ? et j'en connais plusieurs avec qui j'ai eu l'occasion depuis quelques mois maintenant, dans divers projets de loi, d'échanger, et leur collaboration a toujours été, et leur implication a toujours été fort intéressante ? et aussi mon collègue le député de Dubuc, qui est notaire de profession et qui vient avec moi et, je vous dirais, plus que membre de la commission dans ce cas-ci. Mais, vraiment, nous allons travailler ensemble et aussi avec les autres membres éminents collègues de la profession juridique, Daniel Turp aussi, député de Mercier ? pardon, M. le Président ? qui me seconderont et m'accompagneront dans ce travail fort intéressant et fort important en cette nouvelle année 2004.

Évidemment, je salue tous les collaborateurs du ministre, membres des cabinets, mais aussi du personnel politique. Et, à vous, M. le Président, mes meilleurs voeux de bonne année et de santé.

Alors, content d'être ici. Comme je le disais au départ, souhaitons que cette année 2004 soit empreinte de collaboration et souhaitons que nous pourrons, comme membres de l'opposition, avoir à notre disposition toute la... Et, pardon, M. le Président, j'aimerais aussi faire mes plus belles salutations et meilleurs voeux à M. Breault, secrétaire de la commission, qui, je dois le dire, anime et participe aux travaux d'une façon intéressée et intéressante pour les membres de cette commission. Et ça paraît dans les différents échanges, rédactions de rapports. Et je tiens à lui faire mes meilleurs voeux et le remercier de sa collaboration mais surtout de son professionnalisme. Alors, merci à M. Breault.

Donc, oui, nous souhaitons aussi cette même collaboration de la part du ministre dans les différentes étapes qui suivront l'étude de ce projet de loi. D'abord, nous sommes à la première étape évidemment, qui est celle des différents mémoires, mais, vous savez, d'autres étapes suivent normalement le dépôt d'un projet de loi. Alors, souhaitons que nous aurons toute cette collaboration requise au bon travail d'une loyale opposition, et cela fera en sorte que notre travail sera d'autant plus apprécié et surtout beaucoup plus efficace.

n (10 h 10) n

Le ministre l'a dit d'entrée de jeu, l'importance de la justice administrative, je pense qu'elle est réelle pour nos concitoyens et concitoyennes. Elle touche des centaines de milliers de personnes, puisque la première étape de la justice administrative est évidemment celle de la prise de décisions par l'appareil public, de décisions qui concernent nos concitoyens et concitoyennes, et ces décisions sont de plusieurs centaines de milliers, sinon plus d'un million, et, à cela, découle un processus, un processus qui est administratif évidemment, qui n'est pas judiciaire. Et pourquoi il n'est pas judiciaire? Nous avons eu le temps de le faire dans les... de le démontrer plutôt dans les travaux qui ont précédé, entre autres le projet de loi n° 4, sur l'importance de la justice administrative, de rendre accessible cette justice à nos concitoyens et concitoyennes à un coût qui est abordable, dans des délais qui sont raisonnables.

La justice aura toujours des délais nécessaires, utiles. Il en va, je vous dirais, M. le Président, de la sérénité même de la justice de prendre le temps nécessaire à sa prise de décision. Mais il reste que la justice administrative, par sa définition, doit être effectivement plus rapide et beaucoup moins coûteuse pour le citoyen que ne l'est malheureusement la justice... les tribunaux de droit commun, comme nous le savons, qui sont rendus presque inaccessibles en termes de réalité financière pour nos concitoyens et concitoyennes. En termes de délais, cela demeure raisonnable maintenant. Nous avons beaucoup amélioré les délais. Mais, en termes vraiment de réalité quant à l'accessibilité, parce que l'accessibilité se fait aussi au plan économique, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir à ce niveau. Donc, cette justice administrative est d'autant plus importante qu'elle empêche... ou plutôt qu'elle permet au citoyen de pouvoir exercer ses droits sans faire en sorte de le pénaliser au point de vue économique trop fortement.

Donc, les travaux aussi de cette commission seront importants parce qu'il est rare, et je dois le dire, et sans en faire le reproche, mais presque, au ministre, qu'il n'y ait pas eu, je vous dirais, d'étape préliminaire à des modifications en profondeur de la justice administrative. Normalement, nous avons, que ce soit par le biais de rapports de comités, que ce soit par le biais même... souvent, dans plusieurs cas, il y a même des dépôts d'avant-projets de loi, mais, presque à chacune des étapes où il y a eu des modifications en profondeur de la justice administrative, il y a eu des comités de professionnels indépendants qui sont venus faire état de la réalité de la justice administrative d'un point de vue beaucoup plus indépendant. Dans ce cas-ci, nous n'avons pas le bénéfice, nous, comme membres de cette commission, d'avoir cette expertise. Donc, nos travaux seront d'autant plus importants. Nous devrons avoir un oeil attentif, fouiller attentivement chacune des questions, je vous dirais, approfondir avec les groupes et gens concernés qui vont venir ici, qui vont nous faire profiter, nous, comme membres de cette commission, d'une expertise très pointue sur chacun des domaines qui seront abordés et chacun des pans de cette réforme voulue par le ministre.

Et, je pense, à tout point de vue, la justice administrative doit être améliorée de toute façon. Nous n'avons jamais prétendu être à un point, je vous dirais, où on pouvait la prétendre parfaite, au contraire. Donc, la volonté du ministre de l'améliorer est noble et souhaitable, et nous concourons plutôt à cette volonté d'améliorer la justice administrative. Nous aurions, par contre, souhaité, comme je le disais, disposer des mêmes outils qui ont parfois animé les réformes précédentes. Ce n'est pas le cas. Mais nous avons tout de même le rapport sur la mise en oeuvre de la justice administrative et nous aurons d'ailleurs le bénéfice d'entendre au moins une personne qui a participé à la rédaction de ce rapport.

Nous aurions souhaité évidemment même, comme membres de cette commission, approfondir ce rapport un peu plus loin. Et je ne crois pas que la réforme proposée par le ministre et le rapport soient diamétralement opposés, mais il y a des éléments qui ne se retrouvent pas de part et d'autre, et il aurait peut-être été utile aux membres de cette commission, je vous dirais, M. le Président, d'avoir cet éclairage particulier par un comité d'experts indépendant qui a analysé chacune des facettes de la justice administrative. Mais, contre mauvaise fortune, nous allons faire bon coeur, M. le Président. Nous redoublerons d'ardeur et d'intérêt quant à l'étude de ce projet de loi, et je peux assurer le ministre et les membres de cette commission que nous serons une opposition, je vous dirais, qui ira en profondeur dans chacun des aspects qui sera abordé.

Je tiens aussi à remercier le ministre d'avoir préféré ? avec sagesse, je dois le dire ? de proposer une réforme plus globale plutôt que la voie qui avait d'abord été annoncée peut-être par le biais du projet de loi n° 4, soit d'y aller à la pièce. Dans ce cas-ci, nous avons une pièce beaucoup plus consistante qui nous permet d'avoir des visées... les visées réelles du ministre par rapport à la justice administrative, et du ministère aussi évidemment. Donc, ça nous permet, nous, comme membres de l'opposition, d'avoir un portrait beaucoup plus global, mais, en même temps aussi, à ceux et celles qui vont venir témoigner, à ceux qui ont rédigé les différents mémoires, d'aborder chacune des questions qui leur semblent d'intérêt. Et d'ailleurs à la lecture des mémoires que nous avons jusqu'à maintenant... je ne sais pas si vous avez eu l'occasion, M. le Président, de commencer à lire les différentes représentations ? je sais que oui parce que vous êtes un membre très attentif de cette commission ? mais on y voit tout l'apport des groupes dans cette recherche d'une meilleure justice, alors je crois que... je tiens encore une fois à remercier le ministre... et à voir que ce choix qu'il fait est le bon, et ce n'est qu'à la lecture des différents mémoires qui ont été jusqu'à maintenant déposés à cette commission et que j'ai eu le bonheur et la chance de lire jusqu'à maintenant.

Alors, oui, le projet de loi, M. le Président, a des éléments importants de réforme dans le sens qu'il touche des éléments tant au niveau de la structure que du fond, je vous dirais, de la commission... plutôt de la justice administrative plus particulièrement par rapport évidemment au TAQ mais aussi à la CLP. D'emblée, certains nous semblent sympathiques. D'autres, je vous dirais que nous manifestons une réserve prudente ou parfois même une opposition réelle et sentie. Et le ministre le sait, que ce n'est que par rapport à la mise en péril de la multidisciplinarité, bien qu'elle semble adoucie dans ce cas-ci, beaucoup plus adoucie.

Donc, nous aurons à regarder les éléments apportés par le ministre et aussi avec l'éclairage des différents groupes, que ce soit aussi par rapport, et le ministre en faisait mention, à la régionalisation. Oui, les voeux du ministre sont nobles, et nous y concourons. Encore là, ces voeux doivent aussi être peut-être affirmés d'une façon beaucoup plus ferme, et le ministre a montré de l'ouverture, donc nous allons tenter de collaborer, de montrer peut-être... où les voeux sont, je vous dirais, sentis peut-être et faire place à un peu plus de fermeté et aussi de moyens, parce que cette régionalisation devra s'accompagner de moyens peut-être plus substantiels.

Le ministre aura sûrement l'occasion de nous éclairer aussi par rapport à ces moyens, parce que toute régionalisation, vous le savez, M. le Président, représente des coûts en termes monétaires, mais une qualité améliorée en termes de justice, et c'est ce que nous souhaitons. Et ce qui est vrai pour la justice, je vous dirais, est vrai pour l'ensemble des services à nos concitoyens et nos concitoyennes. Nous pourrions, comme État, décider de tout centraliser. Oui, cela reviendrait beaucoup moins coûteux en termes, je vous dirais, de coûts économiques. Mais, en termes de coûts sociaux, en termes de qualité, il est évident que le citoyen s'en retrouverait perdant. Donc, oui, une plus grande régionalisation amène des coûts, amène une plus grande implication financière, donc nous nous assurerons que les voeux exprimés par le ministre s'accompagnent de cette réalité qui est celle de la réalité monétaire, de la réalité financière. Mais nous concourons, et je tiens à le répéter, à cette volonté du ministre d'une plus grande régionalisation. Il y avait une première étape, celle de la régionalisation de la CLP. Maintenant, nous en sommes à une seconde étape. Alors, souhaitons encore une fois que ces voeux se répercutent dans... à la réalité de nos concitoyens vécue dans chacune des régions du Québec.

Un autre élément sur lequel nos discussions seront très animées, et je crois que le ministre dans ce cas-ci a peut-être le fardeau de preuve, c'est celui de la réunion, du mariage entre la CLP ? la Commission des lésions professionnelles ? et le Tribunal administratif du Québec. Vous le savez, M. le Président, la CLP a été citée à de nombreuses reprises, même, je me souviens, lors de l'étude du projet de loi n° 4, par le ministre comme étant une instance de référence tant par rapport aux délais que par rapport à la qualité. Dans ce cas-ci... Donc, nous avions là un outil qui était adapté, qui était, je vous dirais, aussi apprécié par ceux et celles qui l'utilisent, mais ceux et celles qui participent, et dont la valeur était reconnue. Et, dans ce cas-ci, nous l'intégrons, nous la fusionnons avec un autre organisme, mais, en plus, nous changeons la CLP. Donc, évidemment, lors des auditions, j'aurai... mais d'autres aussi, je suis convaincu, auront à demander au ministre pourquoi briser ce qui fonctionne.

n (10 h 20) n

Dans ce cas-ci, nous avions un exemple, et le ministre, il en a fait beaucoup référence d'ailleurs pendant les auditions du projet de loi n° 4, et, en plus de la fusionner, aussi, nous en modifions certaines des caractéristiques. Donc, le ministre aura dans ce cas-ci le fardeau de preuve. Mais il nous a dit... ce que j'ai compris un peu de ses commentaires d'entrée de jeu, c'est que son nid n'était pas tout à fait... n'était pas fait par rapport à cela, qu'il attendait... qu'il allait entendre, plutôt, les différents commentaires. Donc, souhaitons... Nous aussi, nous allons entendre les différentes représentations... et que le ministre, comme nous, cherchions finalement quelle est la meilleure justice, quelle est la meilleure structure adaptée pour améliorer les délais, mais avoir une... pour maintenir la qualité des décisions des tribunaux administratifs.

Donc, j'invite les groupes à faire preuve de beaucoup de clarté, de beaucoup de précision quant à leurs commentaires relativement, entre autres, à la fusion, à la réunion, à la juxtaposition de la Commission des lésions professionnelles et du Tribunal administratif.

Nous aurons aussi ? je le dis au ministre, mais amicalement ? même par rapport au nom... le TRAQ me semble peu approprié, je vous dirais, d'entrée de jeu. Alors, évidemment, nous sommes plus dans le contenant que dans le contenu, mais le TRAQ, voilà, me fait plus référence à un élément de crainte qu'à une justice solide, je vous dirais, M. le Président. Donc, ce n'est que... Par l'utilisation des mots, le TRAQ est peut-être peu approprié, je pense, à l'image qu'on veut projeter de cette justice qui est solide, qui est basée sur, vous savez, les collines du temple. Donc, le TRAQ est peut-être peu approprié, mais...

Des voix: Les colonnes.

M. Bédard: Les colonnes. J'ai dit «les collines». Les colonnes, oui, les colonnes du temple. Oui, les collines, c'est d'autre chose, effectivement.

Donc, souhaitons aussi, M. le Président, que nos travaux aussi seront animés. Et, en 2003, nous avions fait quelques reproches au ministre par rapport à certaines statistiques ou à certaines affirmations, et je souhaite que ce soit le cas en 2004, que nous puissions, comme membres de cette commission, nous baser sur des chiffres réels, vraiment ce qui était vécu. On peut améliorer, mais, en même temps, il faut partir du même constat tant par rapport aux délais, je vous dirais, qu'aux autres éléments de la justice administrative. J'en prends pour preuve, je vous dirais, des délais très précis, et là je n'en fais pas le reproche au ministre, parce qu'il y a certains documents qui nous ont été remis au niveau de la réforme et... sans taquiner le ministre, ça fait que vous me permettrez quand même de lui faire certaines affirmations, certaines observations.

Nous avons les délais des organismes des tribunaux. On parle de 12 à 26 mois. Et c'est pour ça qu'il faut bien se comprendre. Dans les délais, qu'est-ce qu'on veut améliorer et à partir de quoi, à partir d'où, à quel moment nous sommes... ou plutôt quelle est la réalité vécue par les différentes instances? On parle de 12 à 26 mois, alors que ce que je vois actuellement, et le ministre pourra sûrement me détromper, mais dans, entre autres, le rapport annuel de la Commission des lésions professionnelles, on parle plutôt des délais de prise de décision, évidemment sans compter les remises parce que les remises, je pense, ne doivent pas être computées pour des raisons vraiment... et qui s'expliquent, si ce n'est une question d'accessibilité à la justice ou de respect de ceux et celles, plutôt, qui l'utilisent. On parle plutôt de délais variant de cinq à sept ou huit mois maximum, de délai moyen d'environ sept mois. Alors, c'est ce que j'ai actuellement sous les yeux. Et peut-être que nous aurons l'occasion d'échanger avec les différents groupes, mais les constats sont importants, M. le Président. Oui, on veut améliorer, mais avoir, je vous dirais, une lecture qui est basée sur vraiment les éléments de base, les éléments, plutôt, réels tant du Tribunal administratif que de la Commission des lésions professionnelles.

Donc, je vois que... je m'étais engagé effectivement, M. le Président, à ne pas déposer 10 h 30. Alors, je vais aussi me permettre de conclure en vous disant que... J'avais chacun des éléments à aborder, mais nous aurons l'occasion, avec plus de 50 mémoires, près de 60 mémoires que nous aurons à étudier, donc à faire état de nos positions sur chacun des éléments par rapport à la formation des bancs, l'indépendance des membres du tribunal, où il y a eu des solutions de proposées par le ministre auxquelles nous aurons sûrement l'occasion de contribuer. Aujourd'hui même, nous avons des groupes qui sont plus spécifiques à cette question.

Mais, de façon plus globale, nous aurions peut-être souhaité aussi aller peut-être un peu plus loin dans cette réforme. L'occasion nous est donnée à chaque étape... Et, à chacune des étapes vraiment de la justice administrative où il y a eu des réformes globales, il y a eu des avancées en termes d'accessibilité, parce que les délais sont une chose, et qu'on soit... qu'on propose une réforme ou plutôt, je vous dirais, qu'on vise à améliorer des délais, tout le monde y est, mais, en dessous des... je vous dirais, au plus profondément, il y a une question d'équilibre des forces, il y a une question aussi de plus grande accessibilité réelle et, je le disais, d'un point de vue économique, entre... pour permettre à nos concitoyens et concitoyennes d'avoir véritablement accès à cette justice.

Le ministre en faisait mention tantôt, et je le disais dans les... lorsque nous avons étudié le projet de loi n° 4. Et, en étudiant le rapport sur la mise en oeuvre de la justice administrative, j'ai constaté que, dans plusieurs des cas, 40 % des gens n'étaient pas représentés devant nos instances administratives. Et c'est pour cela d'ailleurs, M. le Président, que nous avions une opposition aussi farouche au fait d'enlever de façon systématique le membre non juridique des bancs. Pourquoi? Parce qu'il permettait, je pense, à ceux et celles qui ne sont pas représentés d'avoir accès à une qualité, à une justice de plus grande qualité qui compensait ce déséquilibre entre, je vous dirais, l'État qui jouit de toutes les ressources nécessaires tant en termes juridiques qu'en termes professionnels, les ressources nécessaires pour démontrer, je vous dirais... ou défendre son point de vue, alors que le citoyen n'a pas les mêmes moyens.

Et le ministre en faisait mention, entre autres, en matière d'assurance automobile où souvent les expertises... Il y a un apport en termes de spécialistes qui est important, mais qui est aussi, vous le savez, fort coûteux. Et nous savons que d'autres modèles existent. Le ministre en faisait mention et il était déçu de voir que... Et je pense qu'en assurance automobile c'est... près du tiers de nos concitoyens et concitoyennes ne sont pas représentés, sinon encore... le pourcentage est encore plus important. Donc, comment aller un peu plus loin? Le ministre semble avoir une ouverture par rapport à cela. Donc, si nous pouvons y contribuer aussi ou d'autres peuvent y contribuer pour vraiment, en termes d'accessibilité à cette justice, que nous puissions faire un pas de plus dans la justice administrative et ce qui l'anime depuis plus de maintenant... depuis plus de 30 ans. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Donc, je tiens encore une fois à assurer le ministre et les membres de cette commission de notre collaboration étroite par rapport aux éléments de la réforme, qu'il n'est aucunement de notre intention, comme membres de l'opposition, de ne pas collaborer et de ne pas être objectifs quant à cette réforme. Et tout ce qui touche la justice administrative demande, je vous dirais, M. le Président, une vue et une participation qui vont au-delà des partis politiques et au-delà de la partisanerie. Donc, je tiens encore une fois à assurer le ministre que ce sera le cas actuellement dans les travaux qui nous animeront. Et je souhaite à tous et à toutes bonnes délibérations et bons travaux. Merci, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Chicoutimi. Écoutez, je retiens en tout cas un thème commun aux deux exposés lors de ces remarques préliminaires. C'est que nous allons écouter, entendre avec beaucoup d'attention plusieurs groupes. D'ailleurs, le secrétaire me faisait remarquer que plusieurs auditions générales recevaient moins de groupes que ces auditions particulières. Alors, ce sera un travail extrêmement minutieux que nous allons faire.

Et il est assez symbolique que le premier groupe que nous allons inviter et entendre soit justement celui qui est au coeur de cette réforme et de l'existence de nos tribunaux administratifs, les juges administratifs. Donc, j'invite la Conférence des juges administratifs du Québec, son président, M. Jacques Vignola, et son trésorier, Me Jacques Frémont... Prémont, pardon, à venir nous rencontrer.

Nous vous avons vus il y a quelques mois à peine et nous sommes évidemment honorés et très heureux de recevoir... Il est rare que le législatif et le juridique se rencontrent aussi fréquemment, mais vous comprendrez tous l'importance de votre participation à un débat public comme celui-là. Alors, vous connaissez nos règles. Nous vous écouterons pendant une vingtaine de minutes nous présenter une synthèse de votre point de vue, et puis, de part et d'autre, vous serez interrogés pendant une vingtaine de minutes par donc la partie ministérielle et l'opposition officielle. Alors, Me Vignola, je vous écoute.

Conférence des juges administratifs
du Québec (CJAQ)

 

M. Vignola (Jacques): Alors, merci beaucoup, M. le Président. Permettez-moi d'abord de remercier la Commission des institutions qui nous invite à présenter nos observations sur le projet de loi n° 35.

n (10 h 30) n

Vous excuserez la production tardive de nos commentaires écrits. Vous aurez compris que ce délai n'est pas tant dû à la rédaction, mais plutôt aux nécessaires consultations pour que nos propos reflètent l'opinion de l'ensemble des juges administratifs que représente la Conférence.

Les propos d'aujourd'hui s'ajoutent à ceux faits à cette même commission lors de l'étude du projet de loi n° 4 il y a quelques semaines et que nous ne reprendrons pas pour l'essentiel. Par ailleurs, les juges administratifs du Tribunal administratif et de la Commission des lésions professionnelles présenteront leurs observations plus spécifiques plus tard dans le cours du processus.

Un rappel: notre intervention sur la réforme nous amène à frôler les limites du devoir de réserve qui nous incombe. Nos commentaires se limitent donc aux questions concernant le fonctionnement des tribunaux et aux questions susceptibles d'avoir un impact sur l'indépendance et l'impartialité des juges administratifs dans l'exercice de leurs fonctions.

Cette réforme revêt une telle importance dans l'évolution de la justice administrative qu'il nous est apparu de notre devoir de la commenter, d'autant plus que nous accueillons avec enthousiasme ce projet qui répond favorablement à plusieurs suggestions que nous avions faites à l'occasion du projet de loi n° 4. Il nous permet, en effet, d'apprécier la totalité de la réforme qui, dans l'ensemble, devrait permettre d'atteindre les objectifs poursuivis. Nous saluons aussi l'ouverture à y apporter des amendements, ce qui, dans certains cas, apparaît incontournable.

Nous nous attarderons donc, dans un premier temps, aux principes généraux du projet de loi auxquels nous souscrivons, mais qui appellent quelques remarques. Nous ferons ensuite quelques commentaires sur le nouveau tribunal et ses juges avant d'insister sur la partie du projet de loi qui concerne la déontologie et qui doit être réexaminée en profondeur, au risque d'atténuer substantiellement les autres mesures contenues dans le projet et qui visent à favoriser l'indépendance des juges administratifs.

Les objectifs du projet sont clairs et difficilement contestables: améliorer l'accessibilité, l'efficacité et la célérité de la justice administrative dorénavant rendue par des juges pourvus de meilleures garanties d'impartialité et d'indépendance.

Nous ne pouvons que saluer toute mesure qui aurait pour effet de réduire les délais et rapprocher le tribunal des justiciables. Cependant, le tribunal doit disposer des moyens juridiques et des ressources nécessaires pour remplir efficacement son mandat. Au plan juridique, notamment en ce qui concerne les délais, le législateur doit donner un signal sans équivoque, à l'instar de celui contenu, par exemple, dans la dernière réforme du Code de procédure civile. À moins de manquer de ressources, le tribunal est rarement responsable des délais.

Quant à la régionalisation, la fusion des deux tribunaux devrait permettre une certaine synergie rendant plus accessibles les séances du tribunal. Encore là, la capacité du tribunal d'atteindre cet objectif est tributaire des ressources mises à sa disposition.

En ce qui concerne le tribunal et ses juges, d'emblée, une remarque sur le nom qui donne un acronyme qu'on qualifie de barbare, le TRAQ. À ce sujet, nous nous interrogeons simplement sur la nécessité d'absolument abandonner le nom de Tribunal administratif du Québec, un nom de plus en plus connu et qui a le mérite de dire ce qu'il veut dire.

Deuxièmement, nous remarquons encore une situation assez incongrue qui fait qu'un des plus importants tribunaux du Québec est totalement dépourvu de juges. Le titre de juge administratif est pourtant disponible, connu et utilisé presque universellement, et pas seulement par la Conférence des juges administratifs, mais aussi par la Cour suprême, la Cour d'appel, dans les tribunaux, au gouvernement, par les parlementaires, par le ministre lui-même. Vous savez, quand un justiciable entre dans une salle d'audience, il ne cherche pas un membre, il cherche un juge.

Cela étant, nous voyons évidemment comme une contribution essentielle à l'indépendance des juges et à la crédibilité de la justice administrative l'abandon de la mécanique inappropriée des mandats à durée déterminée dont le seul effet pouvait être de soulever régulièrement des doutes sur l'indépendance du décideur et d'obscurs motifs ayant pu influencer quelque décision. Cette mesure est d'autant plus justifiée que le processus de sélection des juges administratifs mis de l'avant au cours des dernières années est très élaboré et conjugue, à l'aide de divers examens spécialisés, l'évaluation en profondeur des connaissances nécessaires et la capacité du candidat à remplir les devoirs de sa charge.

Nous nous interrogeons cependant sur l'utilité de conserver, même partiellement, les membres paritaires à la division des lésions professionnelles. Il s'agit d'un mécanisme qui semble coûteux et maintenant peu usité ailleurs, qui n'ajoute rien à la qualité de l'audience non plus qu'à celle de la décision. Ces abondantes ressources pourraient sans doute être plus utiles ? et ça répondra à quelques remarques préliminaires ? plus utiles donc aux parties non représentées que pour assister un juge de qui on exige, pour exercer son mandat, un minimum de 10 ans d'expérience et qui dispose de tout ce qu'il lui faut.

Par contre, le projet préserve ? et c'est heureux ? le caractère multidisciplinaire du tribunal, une caractéristique fondamentale de la justice administrative, et ce, jusque sur les formations, tout en préservant la culture organisationnelle propre à chacune des divisions. À notre avis, cependant, l'appartenance au Barreau ne devrait pas constituer le critère de base pour apprécier la capacité d'un juge à diriger une audience. Nous l'avons déjà indiqué, les méthodes modernes de sélection utilisées lors du recrutement devraient permettre de dépasser ce critère par trop restrictif.

En terminant sur ce chapitre, il nous faut nous réjouir des mesures transitoires touchant les juges actuels des deux tribunaux fusionnés. Cela permettra d'abord de sauvegarder l'indépendance de tous pendant la période transitoire. Cela permettra aussi de consacrer toutes les énergies à la mise en place de la réforme dans un climat de confiance, à l'abri de tout ce qui aurait autrement pu apparaître comme une chasse aux sorcières ou des règlements de comptes. Je vais laisser mon collègue continuer.

M. Prémont (Jacques): En entendant la voix de mon président, vous aurez compris pourquoi je suis là en relève: il a un bon rhume. Alors, sur la déontologie et la destitution. Les dispositions du projet de loi en matière de déontologie et de destitution constituent, à notre avis, un recul important par rapport à la situation actuelle et sont, à cet égard, inacceptables. Deux aspects retiennent particulièrement notre attention: d'abord, on confie au gouvernement le pouvoir d'adopter le Code; puis, on remplace le Conseil de la justice administrative par une multitude de comités ad hoc.

Alors, sur l'adoption du Code de déontologie, le projet de loi prévoit que le Code de déontologie sera désormais adopté par le gouvernement plutôt qu'approuvé par ce dernier. Nous traiterons de cette mesure avec celle qui impose au président du tribunal, à l'article 75, l'obligation de procéder à l'évaluation des juges. En effet, ces deux mesures procèdent de prémisses fausses dont il faut chasser les derniers relents. Le gouvernement n'est pas et ne doit à aucun prix pouvoir se considérer comme étant le patron des juges ordinaires ou administratifs. C'est un non-sens dont le principe est établi depuis des décennies. Le gouvernement ne doit donc pas dicter la conduite ou le comportement des juges. En s'arrogeant le pouvoir de déterminer les règles déontologiques, c'est ce qu'il fait.

Dans la même lignée, le projet de loi comporte un mécanisme d'évaluation que le gouvernement applique généralement aux hauts fonctionnaires et aux cadres supérieurs de la fonction publique, en fait tous ses employés sur lesquels il a droit de direction. Ce n'est pas le cas des juges administratifs dont les tribunaux ont déjà décidé qu'ils ne sont pas des salariés. Si les juges doivent être évalués ? et nous n'en disconvenons pas ? ce doit être dans un cadre spécifique et adapté, et uniquement à des fins de formation ou de perfectionnement, conformément à l'arrêt de la Cour d'appel dans l'affaire de Barreau de Montréal contre Procureur général.

n (10 h 40) n

En résumé, si l'on veut que l'adoption du Code de déontologie échappe aux mécanismes actuels, il ne devrait l'être que par l'Assemblée nationale. Quant à l'évaluation, la loi devrait au moins en préciser la finalité qui ne peut être, répétons-le, que formative.

Sur l'application, présentement, le Conseil de la justice administrative constitue l'organisme qui reçoit et dispose des plaintes en matière déontologique concernant les juges du Tribunal administratif du Québec, de la Commission des lésions professionnelles, de la Commission des relations du travail et de la Régie du logement. D'ailleurs, le Conseil a été réformé il y a un peu plus d'un an, notamment pour améliorer sa composition. Depuis cette réforme, le Conseil s'est mérité respect et crédibilité de la part des juges administratifs qui y sont soumis. Rien ne permet de croire qu'il ne dispose pas de la confiance du public.

Pourquoi donc remplacer cette institution par une multitude de comités ad hoc dans chacun des tribunaux, au surplus sous le contrôle global du président du tribunal? En effet, le président décide d'abord s'il s'agit d'une matière qui doit être traitée selon les règles de déontologie. Dans certains cas, il sera lui-même l'accusateur. Il forme un comité avec des personnes de l'extérieur qu'il devra renseigner en matière de déontologie. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la déontologie judiciaire n'est pas un secteur du droit dans lequel on peut improviser. Enfin, si un comité d'examen doit être formé, selon les mêmes principes, le président devra aussi s'assurer que le tribunal assume la défense du juge. Ajoutons qu'à la CRT et à la Régie du logement, où le nombre de juges est plus restreint, on pourrait faire le tour de ceux-ci assez rapidement pour siéger sur ces comités, ce qui entache quelque peu la crédibilité du mécanisme.

Il est évident que ces comités n'ont pas l'indépendance, l'expertise et l'impartialité requises pour disposer des plaintes déontologiques. À l'inverse, le Conseil de la justice administrative, une institution permanente capable de développer l'expertise nécessaire, est en mesure d'assurer la cohérence et l'égalité de traitement non seulement au niveau d'un tribunal, mais pour l'ensemble d'entre eux. Cette cohérence, premier indice d'efficacité, sera irrémédiablement perdue si le Conseil est aboli.

Par ailleurs, il est indispensable, si le Conseil devait disparaître, qu'il soit remplacé par une institution dont l'indépendance et l'impartialité seront équivalentes. Poser le problème amène la solution.

Évidemment, cet appel à conserver le Conseil ne concerne que son mandat relatif à la déontologie, ce qui, en fait, est un calque presque parfait du Conseil de la magistrature. L'occasion est belle d'aplanir les différences entre les deux organismes en faisant du Conseil de la justice administrative un organisme composé majoritairement de pairs, à l'instar de ce que l'on retrouve à peu près partout en matière de déontologie autant judiciaire que professionnelle.

Enfin, la loi devrait prévoir une procédure d'appel à la Cour d'appel du Québec en cas de recommandation de destitution. La destitution d'un juge est une chose suffisamment grave pour prévoir au moins ce droit.

Concluons que le projet de loi n° 35 constitue une étape significative dans l'amélioration de la justice administrative. Mais, faut-il le rappeler, le tribunal fusionné ne représente pas l'ensemble de la justice administrative. D'autres tribunaux exercent des fonctions juridictionnelles qui commandent les mêmes garanties d'indépendance. Il reste aussi à régler toute la question de la rémunération et des autres conditions de travail qui doivent être adaptées à la fonction en recherchant un mécanisme adéquat. Merci.

Le Président (M. Simard): Cela met fin à votre présentation, Me Vignola et Me Prémont. Je vais maintenant donner la parole au ministre pour la première partie de cet échange.

M. Bellemare: Alors, je dois d'abord féliciter et remercier les représentants du conseil de la justice... des juges administratifs du Québec, de la Conférence, que je connais bien pour m'être adressé à elle dans une vie antérieure à quelques reprises sur des thèmes qui sont exactement les mêmes que ceux qui font l'objet de votre présentation. Et je dois dire que c'est pour moi extrêmement important d'avoir le point de vue, de connaître le point de vue de la Conférence qui effectivement ne s'est pas toujours adressée aux parlementaires dans le cadre de différentes lois qui, autrefois, pouvaient la toucher, mais, cette fois-ci, je pense que... malgré... et en dépit... en respectant le devoir de réserve des juges administratifs, je crois qu'il est bien important pour nous de connaître votre point de vue, que vous le disiez publiquement, comme vous l'avez fait ce matin, et c'est tout à votre honneur.

J'aimerais que vous élaboriez un petit peu plus sur les questions de perception. Comme vous le savez, les juges des tribunaux supérieurs, la Cour d'appel notamment, dans Barreau de Montréal, le dernier jugement important relié à... touchant l'indépendance des tribunaux administratifs, du TAQ notamment, ont élaboré sur la question de l'indépendance et ont conclu que les mandats de cinq ans respectaient les prescriptions des articles 23 et 56 de la Charte québécoise. On va plus loin dans le projet de loi, et je pense que ça rejoint les préoccupations de la Conférence, préoccupations de longue date.

J'aimerais que vous nous parliez un petit peu plus des questions de perception, parce que, au fond, ce qu'on veut régler, c'est un problème de perception. Vous l'avez abordé brièvement tantôt, M. Vignola notamment, en disant que le citoyen devait être rassuré, qu'il pouvait peut-être penser qu'il y avait des motifs obscurs qui pouvaient présider à certaines décisions qui lui étaient défavorables. Quand il gagne sa cause, le citoyen, les perceptions sont toutes réglées. Quand il la perd, bien là c'est là qu'il peut commencer à douter. Mais je ne sais pas lequel de vous deux pourrait peut-être nous dire, bien, quels sont les problèmes de perception qu'on veut régler par les nominations selon bonne conduite.

M. Vignola (Jacques): Ce que vous indiquez, effectivement, c'est, dans le fond, le critère d'analyse, c'est la perception de ceux qui sont devant le juge qui doit être... Le justiciable doit être certain que le juge est totalement indépendant. J'espère qu'effectivement c'est juste un problème de perception, mais il est courant que des juges administratifs de divers tribunaux qui sont à mandat et qui sont dans des processus de renouvellement s'interrogent sur l'incidence que peut avoir la décision qu'ils s'apprêtent à rendre sur leur renouvellement. C'est plus que de la perception, c'est dangereux. Évidemment, placez-vous à la place du citoyen qui est devant ce même juge administratif et qui, lui, s'interroge à savoir si effectivement, dans le cadre d'un renouvellement prochain, il a toute l'indépendance qu'il faut pour rendre la décision qu'il est en train de rendre. Vous soulevez le doute. Puis, quand vous soulevez le doute, vous soulevez le doute sur l'institution. Et, effectivement, c'est une question qu'il faut absolument régler.

La Cour d'appel du Québec, le jugement auquel vous faites allusion, a dit qu'il n'était pas contraire, dans le cadre de la cause qui a été entendue... Et je vous ferai remarquer que c'est une requête en jugement déclaratoire du Barreau de Montréal, donc un recours, je dirais, théorique sans aucun fait, sans aucun témoignage. Et on s'est interrogé à ce qu'effectivement une personne informée pouvait accepter qu'un mandat de cinq ans constituait une garantie suffisante, et la Cour a répondu qu'effectivement c'était le cas, ce n'était pas inconstitutionnel. J'aurais presque envie de vous... Je pense que je l'ai avec moi. Le juge en chef du Québec, M. le juge...

Une voix: ...Robert.

M. Vignola (Jacques): ...Robert, s'est adressé à... Justement, Michel Robert s'est adressé à la Conférence un petit peu après le jugement de la Cour d'appel, et je m'en voudrais de ne pas le citer, il rend exactement ce que je voudrais vous dire là-dessus.

Alors:«Cependant, deux choses peuvent être dites. Ce que la Cour d'appel propose dans son arrêt représente le minimum requis pour satisfaire à l'exigence d'indépendance requise par l'article 23 de la Charte. Il ne s'agit pas d'un maximum.

n (10 h 50) n

«En second lieu, et cela est lié à mon premier commentaire, l'indépendance du décideur, qu'il soit judiciaire ou administratif, n'est pas une réalité statique. Au contraire, elle est en constante évolution.» Et là il continue en référant à l'évolution en Angleterre, depuis 1700, là, de l'indépendance judiciaire. Alors, effectivement, peut-être qu'actuellement ou au moment où la cour a rendu son arrêt, cinq ans, c'était constitutionnel; au moment où on se parle, ce ne l'est peut-être même plus.

M. Prémont (Jacques): On pourrait ajouter aussi que le juge Dussault, qui a écrit finalement le jugement, là, de Barreau de Montréal, dans des conférences ultérieures, prend bien soin d'indiquer qu'il y a également une modulation dans l'indépendance des divers tribunaux administratifs ? à la Conférence, on est bien placé pour le savoir, on a l'éventail pratiquement complet, là, des organismes administratifs ? et que, évidemment, plus les décisions sont spécialisées, juridictionnelles, etc., que le critère de l'indépendance doit être plus élevé. Alors, je pense qu'on a compris que, aujourd'hui, peut-être que la Cour d'appel irait peut-être plus loin.

M. Vignola (Jacques): J'ai envie de vous ajouter...

M. Bellemare: Allez-y, M. Vignola.

M. Vignola (Jacques): ...c'est difficile, vous savez, de fournir des cas concrets, mais peut-être une anecdote qui permet d'illustrer que c'est très concret, cette chose-là, puis qu'on ne parle pas, là, finalement, du sexe des anges. J'ai rendu une décision il y a quelques mois dans laquelle était impliqué le Procureur général, et la position du Procureur général n'a pas été retenue, et j'ai reçu beaucoup d'appels à cette occasion-là qui saluaient le courage de ma décision. Je vais vous rassurer, là, j'ai rendu la décision que je pensais devoir rendre. J'ai peut-être été inconscient, mais pas courageux. Si on vire ça à l'envers, si je rends l'autre décision, et le Procureur général gagne, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce que... Puis là on ne m'appellera pas pour me le dire. Est-ce qu'on va noter le manque de courage de la décision à l'aube, peut-être, d'un processus de renouvellement, ou dans le cadre d'un processus de renouvellement, ou sans l'indépendance nécessaire pour rendre... Et ça, ça circule, mais il n'y a rien pour le contrer, sauf les mesures que vous apportez dans le projet de loi, c'est-à-dire l'abolition de la question des mandats.

M. Bellemare: Par ailleurs, vous soulignez que vous n'êtes pas contre l'évaluation.

M. Vignola (Jacques): Non.

M. Bellemare: Vous ne disconvenez pas, dites-vous dans votre mémoire...

M. Vignola (Jacques): On ne disconvient pas de...

M. Bellemare: ...de la nécessité d'évaluer les juges administratifs périodiquement. Avez-vous une idée du genre d'évaluation dont on parle? Celle que vous suggérez est laquelle finalement?

M. Vignola (Jacques): Bien, c'est une évaluation à des fins formatives, c'est une évaluation pour s'assurer que les juges administratifs maintiennent le niveau des connaissances requises, les conservent, conservent tout ce qui est nécessaire à l'exercice de leur tâche par opposition à une évaluation, je dirais, patron-salarié qui, là, touche au centre même de la fonction de juge administratif. Alors, finalement, on n'a aucune objection de principe à l'évaluation, mais elle doit se faire dans le contexte de la fonction et à des fins de formation.

M. Bellemare: Merci. Je reviendrai plus tard.

Le Président (M. Simard): Très bien. Alors, j'invite maintenant le député de Chicoutimi à vous poser certaines questions, en tout cas entreprendre un dialogue avec vous.

M. Bédard: Merci. Merci, M. le Président. Alors, M. Vignola, M. Prémont, merci encore une fois de vous être déplacés à notre commission et de nous éclairer sur le projet de loi n° 35, comme vous l'aviez fait pour le projet de loi n° 4, bien qu'au projet de loi n° 4 vous étiez annonciateurs effectivement d'autres éléments qui se retrouvent dans l'actuel projet de loi et plusieurs éléments de modification aussi sur lesquels vous aviez manifesté des réticences.

Ma première question, de façon plus pratique: vous dites dans votre mémoire simplement que, au niveau de la régionalisation... Et, ça rejoint un peu les commentaires que je faisais au départ, ça rejoignait plutôt... Je veux simplement voir à quel point les craintes que j'avais peuvent se matérialiser, là, en termes plus concrets, parce que c'est vous qui constatez à tous les jours, là, les ressources qui sont mises et qui utilisez évidemment les ressources qui sont mises à la disposition du tribunal. Alors, vous dites que la capacité du tribunal d'atteindre cet objectif qui est celui de la régionalisation est tributaire des ressources mises à sa disposition. Est-ce que vous... Pourriez-vous nous dire à quel... Est-ce que vous avez des craintes effectivement, actuellement, que vous ne disposiez pas, par rapport aux indications qui vous ont été données, ou est-ce que, après vérification... est-ce que vous avez pu, je vous dirais, sans chiffrer, là, mais, je vous dirais, identifier des attentes particulières par rapport à ces ressources?

M. Vignola (Jacques): Je n'ai aucune indication de budget ou d'organisation future du tribunal. La seule chose, c'est que, effectivement, on peut inscrire dans un projet de loi des principes comme ceux-là, et, si les ressources nécessaires ne viennent pas, le tribunal ne peut rencontrer l'objectif, et on a tendance à mettre à faute sur le tribunal après. On peut... Si on faisait l'historique, là, à partir de la Commission des affaires sociales, de la CALP, de la CLP, ce n'est pas toujours le tribunal qui a causé les problèmes qui ont, en fait, amené sa disparition. Il y avait une grande contribution d'un manque de ressources, et le manque de ressources amène un tribunal à être inefficace et de plus en plus inefficace. Le nombre de causes qui s'accumulent, vous savez, c'est comme une boule de neige qui descend une belle pente, ça grossit de façon considérable et presque exponentielle et, à un moment donné, ça devient impossible à rattraper. Alors, effectivement, la remarque qu'on voulait faire, c'est: il faut que les ressources suivent pour que le tribunal puisse rendre la marchandise. Mais je ne suis pas capable de l'évaluer, là, et je n'ai pas fait d'étude à cet égard-là.

M. Prémont (Jacques): J'ajouterais, sur ce sujet-là, que la régionalisation, si c'est le voeu du législateur, ça devient incontournable pour les juges administratifs. Ce qui apparaît important, c'est de baliser la mise en oeuvre de cette mesure-là. Minimalement, dans le projet de loi, on parle de consulter les membres et etc., mais ça pourrait peut-être être plus élaboré.

M. Bédard: En termes de...

M. Prémont (Jacques): Simplement ça. Ça ne suscite pas de craintes, rien de ça. Au contraire, et je pense même que c'est une mesure qui va favoriser, là, la réduction des délais ou...

M. Bédard: C'est clair?

M. Prémont (Jacques): ...ne serait-ce qu'un juge coordonnateur en région, etc.

M. Bédard: L'accessibilité aussi, évidemment.

M. Prémont (Jacques): L'accessibilité.

M. Bédard: L'ensemble des délais, moi, je pense que ça aura un impact, mais, encore là, effectivement, il faut maintenir... il faut avoir le greffe, maintenir un nombre intéressant aussi, et on parle dans le projet de loi... Parce qu'il y a des régions plus peuplées, il y a des régions moins peuplées, donc bien définir aussi à quel endroit on va avoir effectivement des greffes selon... Il y a une appellation dans le projet de loi, là, selon... «où le nombre le justifie» ou à peu près, là, donc qui peut être, disons, assez variable, là, comme réalité relativement à chacune des régions du Québec, qui n'est pas la même, je veux dire, en termes de nombre de dossiers. Donc, il reste à éclairer.

Mais c'est clair que ça va être plus coûteux, et où j'ai une certaine inquiétude, je vous dirais, bien que la CLP a des greffes partout... dans plusieurs régions du Québec, plutôt, il reste que ça va amener des coûts additionnels, moi, je pense, qui sont nécessaires, et il faut les prévoir. On ne peut pas dire qu'on va donner... on va régionaliser à des coûts identiques. En tout cas, si ça se fait ou si on pense sauver des coûts, tant mieux. Mais, quand on régionalise, ce n'est pas pour sauver des coûts, c'est pour donner une meilleure qualité, donner... que la justice soit plus rapide, mais pas pour sauver des coûts, et c'est... d'où un peu mes craintes quand on ne voit pas apparaître de mesures réelles en termes budgétaires. Autrement dit, ce que vous utilisiez auparavant pour d'autres choses va peut-être servir... Ou vous disiez que vous avez même... vous étiez en déficit de moyens à certaines occasions, je vous dirais, personnellement, ce que je constate, c'est que vous n'en aurez pas plus, et même peut-être même un petit peu moins à l'avenir si je vois, je vous dirais, le corpus ou plutôt les budgets qui sont attribués ou qui sont prévus au niveau du fonctionnement de l'ensemble de la justice administrative. C'était simplement mon commentaire ou plutôt ma constatation. Je voulais voir si vous partagiez peut-être ces craintes.

n (11 heures) n

M. Vignola (Jacques): Tout à fait. Mais vous êtes beaucoup plus proches que, nous, on peut l'être du processus budgétaire et son aboutissement.

M. Bédard: Parfait. Alors, nous veillerons au grain.

J'aimerais peut-être aller un peu plus loin au niveau des délais. Et vous dites: Oui. Bon, les éléments qui sont proposés actuellement vont améliorer sensiblement... Qu'est-ce qui, selon vous, est la cause principale des délais devant la TAQ? Parce que, vous savez, le Tribunal administratif anciennement avait des délais plus élevés, un peu plus élevés que la Commission des lésions professionnelles. Donc, qu'est-ce qui, selon vous, justifiait ou plutôt expliquait ce nombre plus élevé en termes de mois de la prise de décision du TAQ?

M. Prémont (Jacques): Je dois dire que je ne suis pas concerné directement à l'administration du TAQ. Mais, quand même, ce que je peux constater, moi, dans ma pratique, c'est définitivement les expertises, les rapports d'expertise, la mise en oeuvre, la mise en état du dossier. C'est ce qui est véritablement long.

Et je vous parle encore là d'une particularité. J'ai la particularité d'être membre de la section des affaires immobilières et, malgré que M. le président m'ait salué comme Me Jacques Prémont, je suis en fait évaluateur agréé. Je suis un des juges administratifs spécialistes qui n'est pas juriste.

Et, en ce qui nous concerne, je pense que la mise en état du dossier par expertise, échange, etc. constitue le principal délai. Il y a des choses très particulières comme en expropriation, souvent, même si les parties pourraient procéder sur expertise et que le tribunal est disponible, l'exproprié va choisir d'attendre que les travaux soient complétés, il veut voir qu'est-ce que ça a l'air, ça. Quand même l'ingénieur expliquerait, en preuve, que la route va s'élever de 3 pi à une trentaine de pieds de chez lui, bien, ça peut avoir un effet pas mal plus significatif un coup que c'est construit dépendamment de... Bon. Alors, c'est ce qui... Mais, je peux vous dire, ça explique aussi qu'il n'y a pas beaucoup de délais en affaires immobilières, là, entre autres.

M. Bédard: Immobilières, non.

M. Prémont (Jacques): Pardon?

M. Bédard: Affaires immobilières, non. Depuis des années, je vous dirais, depuis trois, quatre ans...

M. Prémont (Jacques): Non, pas beaucoup de délai. On fonctionne pratiquement sur demande.

M. Vignola (Jacques): Est-ce que vous parlez des délais quand la cause arrive devant le tribunal ou des délais à partir du moment où il y a un litige entre l'Administration et le citoyen?

M. Bédard: Bien, ça dépend.

M. Vignola (Jacques): Parce que, là, c'est autre chose.

M. Bédard: Bien, c'est ça. Les deux, c'est...

M. Prémont (Jacques): ...les délais qui nous sont imputables.

M. Vignola (Jacques): Parce que, là, si...

M. Bédard: Parce qu'on compute les délais de façon différente, et c'est pour ça que, vous savez... Où je veux en venir, je vais vous le dire. C'est que je ne peux pas modifier la composition d'une organisation par rapport à des délais qui ne lui reviennent pas. Et c'est pour ça que... Et ce n'est pas pour, je vous dirais, là, planter qui que ce soit ou plutôt, je vous dirais, mettre ou accuser quelqu'un de se servir des délais, mais pour bien que les gens de la commission comprennent qu'il y a des délais avant et il y a les délais à partir du moment où le dossier est transféré. Et il y a le dossier, bon, à partir du moment nécessairement où le délai jusqu'à... où le dossier est déposé au tribunal jusqu'à la prise de décision. Et c'est deux choses complètement différentes par rapport aux instances, là.

Et quand on parle d'un délai, je veux le préciser avec vous, là. Quand je parle d'un délai de 26 mois dans les documents, ça peut aller jusqu'à 26 mois. Vous, les délais que vous avez par rapport au TAQ, c'est quoi, la véritable moyenne?

M. Prémont (Jacques): Bien, comme je vous dis, je vous répète que je ne suis pas à l'administration de ces choses-là. D'ailleurs, je crois que le président du tribunal va venir vous expliquer ces mécanismes-là, et tout.

Mais il y a des choses qui sont disponibles sur le site, le site intranet du tribunal. C'est vrai. Moi, je constate des délais qui varient autour de cinq à six mois pour les différentes matières, et ça varie. Mais ce sont des choses qui sont sur le site intranet du tribunal, c'est la compilation qui se fait. C'est tout ce que je peux vous dire sur ce sujet-là. Je ne peux pas...

M. Bédard: Bien, j'ai ici...

M. Prémont (Jacques): Je n'ai pas en main toutes les statistiques, le tableau complet, ni la cause des délais spécifiques.

M. Bédard: J'ai ici, par exemple, les documents du TAQ en chiffres, 2003, là, bon, les dossiers sans remise. Parce que je calcule moins les dossiers avec remise dû au fait évidemment qu'il est rare que le tribunal va refuser une remise à moins que quelqu'un semble, je vous dirais, utiliser ce moyen à des fins autres que celui de, bon, soit préparer son expertise ou... À moins d'avoir les ressources d'un avocat, il est difficile pour un juge de dire non à une remise, ou une première remise, ou même... sinon le citoyen va se plaindre tout simplement qu'il n'obtient pas justice, et là je le sais, c'est quoi, là, pour en avoir vu beaucoup du temps où je pratiquais.

Mais on voit quand même une différence. Regardez, là j'ai Soutien du revenu, 14,8 mois, Services de santé, 9,2 mois, dans la section des affaires sociales, et là j'ai Assurance automobile, 19 mois, soit depuis le 1er avril 1998, dans les dossiers fermés en 2002-2003. Bon, les délais sont beaucoup plus courts qu'ils étaient auparavant. Si on prend...

M. Vignola (Jacques): Vous parlez du délai au tribunal?

M. Bédard: Le délai au tribunal.

M. Vignola (Jacques): O.K. C'est ça, mais...

M. Bédard: Voilà. Le délai au tribunal. Parce que les délais avant, on ne peut pas vous les imputer, là, mais on parle de délais, bon, qui ont varié, je vous dirais, presque... qui ont diminué de 50 % environ. On passe de 47 mois à 14, de 37 à 14, donc il y a eu une amélioration. Mais il reste quand même... il y a une différence entre la CLP. Comment... Et, vous savez, la CLP, vous parlez d'expertise, mais il y a aussi des expertises, à la CLP, médicales. Et là je me disais: En termes de processus, est-ce que vous avez regardé qu'est-ce qui pourrait causer des délais peut-être plus importants devant le TAQ, est-ce que c'est le nombre de dossiers, est-ce que c'est la charge de travail, est-ce que c'est la composition du tribunal, est-ce que c'est... Quelle est votre appréciation?

M. Vignola (Jacques): Vous voulez dire sur les différences de délais entre le TAQ et la CLP?

M. Bédard: Oui.

M. Prémont (Jacques): Bien, il y a eu définitivement une prise en charge par le TAQ d'un inventaire important de dossiers. Maintenant, je pense que ça s'est résorbé. Encore là, les moyens financiers, les moyens ne sont pas venus nécessairement avec l'inventaire de dossiers. Ça se résorbe. Et je vous répète, moi, que dans nos réunions, ce que j'en sais... J'écoute l'Administration, là, nous expliquer où on en est. Ce que j'en sais, c'est qu'on a un inventaire d'à peu près un an, ce qui est raisonnable dans un tribunal administratif, et que les délais sont beaucoup plus courts, plus particulièrement dans ma pratique à moi. Je ne suis pas préparé, là, à vous l'expliquer, d'autres vont vous l'expliquer en détail, mais je ne suis pas préparé à vous expliquer les différences qui peuvent exister entre, par exemple, les affaires sociales et les affaires immobilières, mais je peux vous dire que chez nous on fonctionne pratiquement sur demande.

M. Bédard: Parfait. Non, non, puis, effectivement, j'ai regardé les statistiques. Avant le 1er avril, l'expropriation, c'était 146 mois et maintenant c'est 23 mois. Alors, il y avait quand même une progression. Mais simplement voir si c'est...

M. Prémont (Jacques): 146 mois. Quand vous lisez des statistiques semblables, c'est un peu surprenant. Et 146 mois, dans ça il y a des dossiers qui étaient dans le tiroir du bas depuis je ne sais pas combien d'années, là, qui ont été récupérés et dont il a été disposé. Alors, ça fausse certainement le résultat.

M. Vignola (Jacques): En tout cas, là-dessus, effectivement, les statistiques sont à lire d'abord avec beaucoup de prudence parce que... Dans le fond, le citoyen qui a une réclamation, le délai qui compte pour lui, c'est le délai à partir du moment où il a une réclamation puis elle se règle. Plus la partie de délai pour arriver au tribunal est longue, même si le tribunal est très efficace, le délai total sera excessivement long. Alors, j'ai compris qu'avec le projet de loi on réduit cette étape préalable, et on lui permet d'aller au tribunal plus rapidement. Et si effectivement le tribunal est en mesure de sortir ses décisions dans les délais puis, encore, avec des meilleurs délais, le citoyen aura effectivement sa décision dans des délais plus courts, et c'est ça qu'il faut viser, mais le délai total, à partir du moment où il fait sa réclamation.

M. Bédard: Non, c'est ce que je pense aussi, bien honnêtement, à partir du moment où la personne a une demande et...

M. Vignola (Jacques): ...on a vu ou j'ai entendu, là, par exemple, des délais de 30 jours accordés à des organismes pour transmettre le dossier, alors que le délai moyen pour transmettre le dossier était de plusieurs mois.

M. Bédard: C'étaient 90 jours.

n (11 h 10) n

M. Vignola (Jacques): Quand je dis: On peut donner au tribunal les moyens juridiques pour s'assurer que les délais vont être considérés avec importance... Si, effectivement, le tribunal fait droit à l'appel quand le délai est déraisonnable, en matière criminelle, par exemple, ça a donné des effets assez spectaculaires.

M. Bédard: Il me reste peu de temps. Peut-être, en dernier lieu, aborder un petit point que vous aviez... bien, un petit point, un point quand même assez important que vous avez regardé, celui au niveau du renouvellement. Et, je vous dirais, sans remettre en cause le projet de loi quant à la bonne conduite, la nomination sous bonne conduite, qu'on avait eu le temps de discuter d'ailleurs quand vous étiez venus lors de l'étude du projet de loi n° 4, quand même il y a un commentaire qui me fait un peu, je vous dirais, sursauter quand vous dites que réellement il peut y avoir des cas effectivement au bout de... quand la personne arrive à échéance. C'est plus une question d'apparence, c'est une question de... Dans sa réflexion, cela peut jouer. Simplement pour... Dans le processus actuel ? et là je veux un peu me faire l'avocat du diable ? dans le processus actuel, est-ce qu'il y a eu beaucoup de juges, de membres du Tribunal administratif qui n'ont pas vu leur mandat renouvelé? Est-ce que c'est une pratique qui est régulière, pas régulière, est-ce que ça arrive finalement souvent que, dans le cadre de l'évaluation... ou ce que j'ai compris, c'est des membres indépendants, est-ce qu'il est arrivé souvent que des gens ne soient pas renouvelés?

M. Vignola (Jacques): Souvent, non. Arrivé, oui.

M. Bédard: Oui.

M. Vignola (Jacques): Et, quand ça arrive...

M. Bédard: Mais, en nombre, seulement me donner une indication environ.

M. Vignola (Jacques): Écoutez, je ne les connais pas tous. Je sais qu'il y a des membres dont le renouvellement n'a pas été fait ou a été laissé ? on peut placer ça autrement ? a été laissé en suspens pendant trois, quatre ans, parce que des pressions ont été faites, et c'étaient des renouvellements qui n'avaient pas été faits pour satisfaire aux besoins de renouvellement du tribunal. Si je me rappelle bien, c'était à la Commission des lésions professionnelles ou son prédécesseur. Il y en a au TAQ qui n'ont pas été renouvelés. À ma connaissance, écoutez, ça fait trois ans que je suis à la Conférence, il y en a quatre ou cinq.

M. Prémont (Jacques): Peut-être six.

M. Vignola (Jacques): Peut-être six.

M. Bédard: Combien de juges à peu près?

M. Vignola (Jacques): Combien de juges?

M. Bédard: Oui, vous êtes combien?

M. Prémont (Jacques): 80 et quelques. Et en invoquant les besoins du tribunal, tout simplement, mais ça a été assez laborieux quand même.

Écoutez, pour illustrer la situation, on peut l'illustrer beaucoup plus directement. Dans une vie antérieure, j'ai été au Tribunal de l'expropriation, j'ai été membre du Tribunal de l'expropriation, et lorsque je suis arrivé à un renouvellement de mandat, puisque j'en ai vécu plusieurs, mais lorsque est arrivé un renouvellement de mandat, je me souviens que mon président d'alors, le juge Dorion, m'a demandé si j'avais objection à être assigné sur tel dossier pour tenir compte... Alors, voyez-vous, il y a quelque chose dans la transparence des choses, là, il y a quelque chose qui accroche. Si lui a senti le besoin de m'offrir de ne pas siéger dans tel ou tel dossier plus «touché», pour parler en latin, alors je n'ai pas réagi de cette façon-là, je veux dire, j'y suis allé quand même.

M. Bédard: Parfait. Vous êtes allé, vous avez...

M. Prémont (Jacques): Mais il reste que...

M. Bédard: Lui-même, ça lui posait un questionnement au niveau...

M. Prémont (Jacques): Voilà. Voilà.

Le Président (M. Simard): Alors, ça met fin à cette partie d'échange. Le ministre s'était réservé une dizaine de minutes pour une deuxième partie d'intervention, alors je lui cède la parole.

M. Bellemare: Oui. Alors, vous avez, dans votre mémoire, parlé de la nouvelle entité. On ne fera pas beaucoup de chemin sur le nom, le Tribunal administratif du Québec me convient tout à fait aussi, et je suis tout à fait ouvert à ce que le tribunal conserve le nom actuel du Tribunal administratif du Québec, mais je ferai simplement une parenthèse là-dessus. Moi, j'ai participé à toutes les commissions parlementaires comme citoyen, comme avocat, depuis 1982, en matière de justice administrative, et, à chaque fois qu'on a changé le nom, qu'on a sorti un nom, ça soulevait toutes sortes de sourires, ça provoquait toutes sortes de sourires. Je me souviens de la CALP en 1985, ce n'était pas évident comme nom, là. Alors, ça a pris quelques années avant qu'on s'y habitue. Aujourd'hui, on en rit moins. Mais le TAQ pourrait ? vous avez tout à fait raison ? constituer le nom et, compte tenu qu'il est déjà accepté, il pourrait fort bien remplacer le TRAQ tel qu'on l'a proposé dans le projet de loi. Ce n'est pas un problème pour moi.

Ce qui est un petit peu plus fondamental, c'est cette synergie, dont vous avez parlé tantôt, qui pourrait exister si nous étions en présence d'un tribunal unifié, c'est-à-dire d'intégrer la Commission des lésions professionnelles au TAQ et en faire ce que mon collègue Bégin, à l'époque, à la Justice, avait proposé, par le projet de loi n° 130, un tribunal unifié.

Il y a des rapports d'étude qui ont été faits. Mon collègue le député de Chicoutimi en parlait tantôt dans ses remarques préliminaires, il voulait avoir des études, il référait à des études, des documents d'analyse, bien, il y a le rapport Gobeil, en 1985, il y a le rapport Ouellette, en 1987, et le rapport Garant, en 1994, qui a servi de prélude au projet de loi n° 130 que le ministre Bégin avait présenté, qui ont tous unanimement recommandé la création d'un tribunal unifié, un peu à l'instar de ce qui existait à la Commission des affaires sociales, entre 1975 et 1985, où on avait des divisions, accidents de travail, assurance auto, et ça permettait aux commissaires de se promener finalement d'une division à l'autre, j'imagine que c'est ce que vous appelez, ce matin, la synergie.

J'aimerais que vous expliquiez aux membres de la commission quels seraient les bienfaits d'un tribunal unifié par rapport à la situation actuelle qui, comme on le sait, prévoit un tribunal spécifique en matière d'accidents de travail et un autre pour les autres secteurs.

M. Vignola (Jacques): Bien, on l'a déjà évoqué. Il y a déjà une des deux... En fait, il y a des points excessivement positifs dans chacun des deux tribunaux, on l'a déjà dit, la Commission des lésions professionnelles est régionalisée. En matière de régionalisation, la clé de voûte, c'est d'avoir un certain volume, un nombre minimal. S'il n'y a pas de volume, ça coûte trop cher, c'est irréalisable. Alors, la fusion des deux tribunaux permet effectivement d'avoir des greffes régionalisés, d'avoir des séances en région dans beaucoup plus d'endroits parce que le volume va le permettre dans deux tribunaux plutôt que dans un, on double la grosseur du tribunal.

Par contre, on a de la difficulté à voir les inconvénients parce que ce qui semble le plus important au niveau de la culture organisationnelle de chacune des divisions, c'est conservé. Il y en a même sur lesquels on s'interroge, on parlait tantôt des membres paritaires à la Division des lésions professionnelles, mais effectivement chacun des tribunaux conserve la culture qu'il a développée et dans le nouveau tribunal unifié.

M. Prémont (Jacques): Oui, mais, sur ce sujet-là, j'ajouterais qu'il faut justement s'assurer que les cultures organisationnelles soient préservées. Il ne faut pas se le cacher, écoutez, on importe un modèle totalement différent de celui qui est pratiqué au TAQ, là. De la même façon que, quand le juge Dussault dit qu'il y a un spectre de tribunaux administratifs à divers degrés de juridiction, il y a également tout un spectre d'intervention de spécialistes dans ces tribunaux-là.

Alors, de ce point de vue là, on a vu qu'à l'étude du projet de loi n° 4 il est arrivé des amendements pour justement préserver certaines particularités notamment ? je parle toujours des affaires immobilières, je m'en excuse, mais les particularités sont là, puis c'est là que je pratique ? ...alors notamment pour éviter d'abroger l'article 33 de la Loi sur la justice administrative actuelle, qui est un outil extrêmement utile à tel point que les utilisateurs, je pense, ont fait les représentations pour que ce soit gardé comme tel, et qui prévoit des formations de deux... avec évaluateurs agréés, et qui prévoit dans certaines situations réglementées, par règlement, qu'un membre puisse siéger seul, et un membre non juriste puisse siéger seul pour disposer, par exemple, de dossiers de fiscalité municipale qui sont d'une valeur limitée. Alors donc, c'est quelque chose de pratique et qui a été utilisé et qui explique sans doute que...

Alors, dans ce sens-là, il faut que tout ça soit modulé, incluant... il y a des particularités dans les autres sections, à l'environnement, territoire et environnement, etc. Il y a des spécialistes qui sont là, alors il y a des particularités. Ça, en autant que ces choses-là soient conservées, quand on parle, là, de préserver ces particularités-là, on pense surtout à l'article 33 de la Loi sur la justice administrative.

n (11 h 20) n

M. Bellemare: Quand vous parlez de synergie, parlez-vous de la possibilité pour les juges administratifs dans une division d'aller dans une autre division, comme ça se faisait à la Commission des affaires sociales de 1975 à 1985?

M. Vignola (Jacques): Vous parlez à un fervent de l'exercice maximum d'une juridiction par un juge administratif qui se sent capable de l'assumer. C'est sûr que le premier critère, c'est: Est-ce que le juge se sent capable de l'assumer? Si quelqu'un, comme le disait mon collègue, ne se sent pas capable d'aller entendre une cause en évaluation municipale, il ne faut pas le forcer. Mais que quelqu'un qui est aux lésions professionnelles aille entendre une cause d'accident d'automobile, s'il s'en sent capable puis qu'il est capable de la faire, je pense que c'est un plus pour le tribunal que les juges puissent entendre le maximum des causes que le tribunal peut recevoir.

M. Bellemare: Ça se fait déjà de même au Tribunal administratif actuellement.

M. Vignola (Jacques): Absolument. Oui, oui.

M. Bellemare: Il y a des juges administratifs en matière d'évaluation foncière qu'on a retrouvés aux affaires municipales. Même dans la division des affaires sociales, c'est sûr que c'est... Au plan professionnel aussi, de toujours entendre des causes d'accident de travail comme à la CLP, bien, ça peut devenir... C'est un secteur complexe et fascinant, mais un juge administratif qui pourrait changer de division, si les besoins le justifient, par exemple, ou s'il sent, au plan professionnel, que c'est positif pour lui, bien, il me semble que c'est un plus aussi.

M. Prémont (Jacques): Ça dépend.

M. Vignola (Jacques): Écoutez, la Conférence va plus loin et favorise la mobilité entre les tribunaux. Alors, vous comprendrez qu'à l'intérieur du même tribunal on voit mal qu'on imposerait des restrictions quelconques.

M. Bellemare: O.K. J'aborderai la question du paritarisme avec vous. Vous en avez parlé dans votre présentation et il y a le concept d'indépendance qui est très, très important pour moi. Et, dans le projet de loi n° 35, je pense qu'on a fait des... on présente une avancée importante en matière d'indépendance.

La question du paritarisme, là, l'idée, comme c'est le cas actuellement à la CLP, qu'un commissaire soit tenu... parce que, dans toutes les causes, sauf en matière de financement, il y a des membres paritaires, les gens qui sont proposés par les associations syndicales, les associations patronales et qui siègent sur le tribunal même, qui ne sont tenus à aucune exigence en termes de formation et de compétence particulière. On n'exige même pas un secondaire V actuellement, dans la loi, pour siéger comme membre syndical ou patronal. Il suffit d'être proposé par une association. Est-ce que, au point de vue de l'indépendance, pour vous, c'est acceptable? En dehors de la question de l'efficacité d'un banc à trois puis de... Bon, est-ce que, au point de vue de l'indépendance, c'est acceptable que le commissaire siège avec des représentants syndicaux et patronaux, qui sont là pour des raisons bien précises, qui ont des missions bien précises au plan social puis au plan financier, qui en ont également par rapport à la cause qui va être entendue, et que le commissaire soit également tenu de délibérer avec ces deux membres-là à l'insu des parties qui ont été entendues avant et qu'il doive tenir compte de leurs positions dans le cadre de sa décision? Trouvez-vous que c'est acceptable au plan de l'indépendance?

M. Vignola (Jacques): Je vous dirais que...

Le Président (M. Simard): Réponse très rapide, puisque notre temps est en train de se terminer.

M. Vignola (Jacques): Écoutez, je vous dirais que, dans ce contexte-là, la mesure de l'abolition des mandats est d'autant plus nécessaire. C'est sûr qu'avec des juges nommés selon bonne conduite, l'atteinte à l'indépendance est plus ténue. Et, à ce moment-là, on parle plus de l'utilité de ces membres-là dans le délibéré d'un juge normalement qui a entendu toute la preuve et qui normalement a tout ce qu'il faut pour délibérer. Alors, il y a un prédélibéré avec les membres et il y a le délibéré réel où le juge est seul et il rend sa décision en indiquant quelles ont été les recommandations des deux autres. Si on devait conserver le régime des mandats, c'est le loup dans la bergerie. C'est chacune des deux parties qui détient sur le juge qui rend la décision une espèce de pouvoir sur... une espèce de pouvoir de surveillance de chacune des parties sur les décisions qu'il va rendre. Ils sont avec, là. C'est un chaperon, en fait, qui est accroché après le juge. Effectivement, c'est un problème majeur. Deux chaperons.

M. Bellemare: Me permettez-vous, M. le Président, une dernière question?

Le Président (M. Simard): Très rapide, M. le ministre.

M. Bellemare: Très rapide. Il y a une suggestion, une. On a reçu quelques mémoires, la plupart des intervenants n'en ont pas produit. On a reçu quelques mémoires, puis il y a une suggestion qui est venue d'une personne qui propose que les mandats soient de 10 ans. Trouvez-vous que c'est acceptable, plutôt que cinq, que ce soit 10?

M. Vignola (Jacques): Écoutez, six, c'est mieux que cinq, sept, c'est mieux que cinq. Mais c'est quoi, la différence entre 10, cinq et les nominations selon bonne conduite, la conséquence? Si un juge n'est plus en mesure d'assumer sa charge, les mécanismes déontologiques permettent de faire ce qu'il faut. Sinon, il devrait assumer sa charge selon bonne conduite. Pourquoi limiter les mandats? C'est quoi, l'avantage? Je ne comprends pas la différence entre les deux. 10 ans, on va renouveler à tous les 10 ans. Vous savez, faire passer... Il y a 100 et quelques juges administratifs ? il y en a 200 peut-être dans les deux tribunaux fusionnés ? à tous les cinq ans, devant un comité de trois personnes qui sont assises puis qui les écoutent pendant quelques minutes pour décider si effectivement ces gens-là, qui assument leur emploi depuis cinq, 10 ou 15 ans, font encore l'affaire puis sont susceptibles d'être renouvelés. Je ne suis même pas sûr que c'est sérieux, comme processus.

Le Président (M. Simard): Sur ce propos assez clair, nous allons vous remercier de votre présentation. Je sais que ça a été fait dans des délais très courts et que vous avez dû faire une consultation parmi vos membres, mais sachez que la commission a beaucoup apprécié votre présentation et vos commentaires. Merci beaucoup.

Et je suspends pendant quelques instants, le temps de demander au groupe suivant, l'Association des avocats et avocates de province, de se joindre à nous.

(Suspension de la séance à 11 h 27)

 

(Reprise à 11 h 32)

Le Président (M. Simard): Alors, nous allons reprendre nos travaux. Nous avons maintenant devant nous des représentantes de l'Association... j'allais dire des avocats mais des avocates de province. Alors, auriez-vous la gentillesse, s'il vous plaît, de vous identifier? Et puis vous connaissez nos règles de fonctionnement, nous vous écouterons pendant une vingtaine de minutes par la suite.

Association des avocats et avocates
de province (AAP)

Mme Lemoine (Renée): Merci. Alors, d'abord, je voudrais vous présenter ma collègue Me Madeleine Lemieux, qui est vice-présidente de l'Association des avocats de province. Elle pratique à Bedford et elle a une vaste expérience en droit administratif. Également, Me Jocelyne Désilets. Elle est présidente du comité de droit administratif du Barreau de Longueuil et elle a également beaucoup d'expérience en droit administratif. Moi-même, je suis présidente de l'Association des avocats de province. Renée Lemoine. Je pratique à Val-d'Or. J'ai une pratique générale et, à l'occasion, je représente des citoyens devant les tribunaux administratifs.

Alors, tout d'abord, j'aimerais vous remercier, remercier la Commission des institutions pour permettre à notre association de soumettre ses représentations sur le projet de loi n° 35. Vous entendrez évidemment le point de vue pratique d'avocats et d'avocates qui pratiquent en région et qui vivent en région. Nous allons aborder la réforme sous les aspects qui touchent davantage les praticiens de région.

Permettez-moi également de vous présenter brièvement notre association. Elle est née, sur le plan historique, d'une levée de boucliers d'avocats de province qui voulaient contrer la centralisation des tribunaux de juridiction civile à Montréal et à Québec. Et je vous dirais qu'au cours des années et encore aujourd'hui l'accessibilité à la justice dans les régions demeure une priorité pour notre association. Nous intervenons régulièrement pour rappeler que les citoyens des régions doivent recevoir des services de justice comparables sur l'ensemble du territoire de la province. Alors, l'association compte près de 6 000 membres. Tous les membres du Barreau du Québec qui pratiquent en dehors de Montréal et de Québec sont membres de notre association.

Alors, j'aborderai immédiatement la réforme sous un angle qui intéresse particulièrement les avocats et les avocates de province, soit l'accessibilité à la justice et, plus particulièrement, la régionalisation des services. Évidemment, le projet de loi n° 35 prévoit l'implantation de bureaux régionaux et nous nous réjouissons particulièrement de cet aspect du projet de loi.

Évidemment, la justice administrative se caractérise par la spécialisation des décideurs mais surtout par le fait qu'elle se veut une justice accessible, moins coûteuse et rendue avec célérité. Nous avons remarqué et nous croyons que la présence des bureaux régionaux rapproche la justice administrative des citoyens. Et tous les efforts du législateur et éventuellement des décideurs... des administrations ? pardon ? des tribunaux pour rapprocher la justice administrative des citoyens et simplifier les recours, réduire les délais seront salués par notre association.

Nous savons qu'à l'heure actuelle la Commission des lésions professionnelles siège en région. Elle a 15 bureaux régionaux, cinq bureaux locaux. Le Tribunal administratif du Québec a un bureau administratif à Montréal et un à Québec. Et aucun autre tribunal administratif, à l'exception de la Régie du logement, n'a de bureau administratif en région. Évidemment, la quasi-totalité des tribunaux administratifs viennent siéger en région, mais nous avons remarqué qu'il y a une incidence sur la régularité des audiences lorsqu'il y a des bureaux administratifs et qu'il y a des bureaux des tribunaux administratifs en région, donc il y a également une incidence sur les délais pour rendre la justice en région.

La création de l'implantation de bureaux régionaux constitue, à notre avis, le point de départ de la régionalisation des services. Elle permettra notamment une meilleure connaissance du milieu, une meilleure connaissance des intervenants et de leurs besoins. Évidemment que nous sommes tout à fait contents et favorables à l'initiative du législateur d'étendre à l'ensemble du territoire québécois l'administration des services. Nous croyons que les bureaux régionaux favoriseront une meilleure gestion des rôles et une meilleure efficacité des ressources disponibles. Comme je vous le mentionnais précédemment, nous croyons que l'efficacité du tribunal sera accrue, compte tenu qu'il y aura une régularité dans les audiences.

Permettez-moi de vous citer des exemples pratiques qui nous ont été rapportés par les praticiens de région. On nous indique notamment que la saison estivale est plus propice au déplacement du Tribunal administratif du Québec, dans les régions éloignées particulièrement, et qu'il serait assez rare que le Tribunal administratif se déplace... plutôt, les tribunaux administratifs ? je ne veux pas cibler un tribunal en particulier ? dans les régions éloignées pendant les mois d'hiver. Et on nous indique que l'hiver serait assez long: décembre, janvier, février, mars et même avril. Alors, vous allez comprendre que c'est près de la moitié du calendrier, là, où le tribunal ne viendrait pas siéger en région éloignée. Il faut comprendre que c'est plus agréable dans la saison du homard, mais, pour les praticiens de région, ils vivent en région et ils sont constamment confrontés à cette situation-là.

Également, ce qu'ils ont remarqué, les praticiens de région ? et je dois vous dire que j'ai moi-même vécu à quelques occasions cette situation-là ? des décideurs qui viennent siéger en région et qui veulent repartir pratiquement avant même d'être arrivés. C'est malheureux, comme situation, mais ça arrive. Et, lorsqu'il y a un dossier qui se règle au cours de la semaine, bien qu'on ait préparé notre dossier en fonction d'une date, assigné nos témoins, on nous demande de déplacer notre cause. Évidemment, on tente d'accommoder les décideurs dans ces circonstances-là, mais c'est toujours un exercice complexe et c'est difficilement acceptable pour les gens qui vivent en région, parce que le sentiment que ça provoque, c'est que ce n'est pas très agréable pour les juges administratifs, dans ces circonstances-là, de venir siéger en région.

Nous sommes d'avis que l'implantation de bureaux régionaux, c'est une chose, et, comme je l'ai dit précédemment, nous sommes très favorables à l'implantation des bureaux régionaux. Mais nous croyons également que la présence des juges résidents va peut-être régler cette problématique-là que nous ont soulevée les praticiens de région, qui se plaignent de situations comme le fait de ne pas avoir de régularité et des juges qui veulent repartir plus rapidement des régions pour écourter leur séjour.

n (11 h 40) n

L'implantation des bureaux régionaux devrait également, à notre avis, éviter des situations comme celle avec laquelle on est confrontés, une situation qui ne concerne pas les tribunaux administratifs dont on parle, mais plutôt la Commission des relations du travail, mais c'est une situation que l'on dénonce. La Commission a adopté une directive administrative pour rationaliser, et, dans ce contexte-là, il y a des régions qui ne sont carrément plus desservies. La Commission des relations du travail siège en matière de droit du travail, et un justiciable qui a un dossier à Mont-Laurier, par exemple, devra dorénavant se déplacer à Montréal avec ses témoins. Et, évidemment, il assume la totalité des coûts inhérents à ces déplacements-là et au déplacement de ses témoins. Ces situations-là sont inacceptables, puisqu'elles peuvent causer de véritables dénis de justice. Il y a des gens qui peuvent abandonner leurs droits. Alors, on pense que l'implantation de bureaux régionaux, de structures sur place, d'une part, vont permettre de mieux connaître les besoins du milieu, et, d'autre part, vont faire en sorte que de telles décisions ne seront pas prises par les autorités administratives.

Nous avons une certaine inquiétude, et j'aimerais vous la livrer. L'article 16 qui est modifié par l'article 5 qui prévoit l'implantation des bureaux régionaux mentionne qu'il y aura présence de bureaux régionaux si le nombre de recours le justifie. Évidemment, en région, on est souvent confrontés avec des situations... Dépendamment de la population, on n'a pas toujours un très grand nombre de dossiers, malgré le fait qu'il y a des citoyens et qu'ils ont des recours à exercer. Et, dans ce contexte-là, nous avons une certaine inquiétude et nous nous sommes interrogés sur le nombre de recours qui justifie l'implantation d'un bureau régional et également le maintien d'un bureau régional. Combien faudra-t-il avoir de dossiers pour maintenir un bureau régional? Nous souhaitons qu'il y ait... que la disposition soit de nature à assurer qu'il puisse y avoir des services en région et des bureaux régionaux. Alors, cette disposition-là a suscité quelques inquiétudes, bien qu'elle soit comparable à ce qui existe à la Commission des lésions professionnelles qui actuellement a des bureaux régionaux dans différentes régions du Québec.

Nous souhaitons également vous préciser que, oui, l'implantation des bureaux régionaux, oui, les juges résidents, ce sont des éléments très importants pour la régionalisation des services. Mais, au-delà de ça, nous souhaitons que la réforme ait comme objectif principal d'atteindre, je vous dirais, une équité dans les services à l'égard des citoyens par rapport à l'ensemble de la province. Parfois, on a l'impression que les services en région ne sont pas les mêmes que ceux des régions urbaines. Et, à titre d'exemple, il y a des praticiens qui nous ont ramené des situations où ils se sont vus offrir... Un dossier, par exemple, qui était ouvert à Sept-Îles pourrait être entendu dans un délai d'un mois si les parties et leurs témoins se déplacent à Québec, mais qu'il faudra attendre huit ou neuf mois pour être entendus à Sept-Îles. Alors, vous comprendrez que ce n'est pas équitable et que nous sommes complètement en désaccord avec ça. Alors, dans cette perspective-là, ce que nous souhaitons comme réforme, c'est une réforme qui permet que tous les citoyens du Québec soient desservis selon les mêmes standards de qualité et de célérité. Pour ça, bien entendu, il faudra peut-être prévoir des ressources financières et humaines pour arriver à cet objectif-là.

Pour ça, également, il faudra ? et c'est aussi une inquiétude de l'Association des avocats de province ? l'implantation de bureaux régionaux. Pour nous, si on veut atteindre l'objectif de régionalisation des services, ce n'est pas seulement siéger dans les bureaux régionaux, ça veut dire, pour les décideurs, de se déplacer dans les différentes villes, puisqu'il y a des grandes distances en région. Par exemple, entre Amqui et Gaspé, vous comprendrez qu'il y a une grande distance; entre Sept-Îles et Fermont, il y a également une grande distance. Alors, on souhaite que l'implantation des bureaux régionaux ne veut pas dire qu'on siège exclusivement dans les bureaux régionaux. Alors, sur cette question-là de la régionalisation des services, nous sommes très heureux de voir que le législateur a fait des efforts considérables pour atteindre un objectif de régionalisation des services, et on souhaite que les efforts se concrétisent et que tous les citoyens du Québec puissent recevoir des services comparables.

Nous avons également abordé la réforme sous un autre angle qui est la présence de juristes comme décideurs. Évidemment, c'est le principe voulant, dans le projet de réforme, que les recours soient instruits et décidés par un seul membre ayant, lui, une formation de juriste. Nous croyons que la formation de juriste est une garantie du respect de la règle de droit pour le citoyen. Évidemment, le Tribunal des recours administratifs demeure un tribunal ayant des fonctions judiciaires, bien que les règles de preuve et de procédure soient assouplies pour en faciliter l'accès aux citoyens. Le décideur doit quand même rendre des décisions basées sur la preuve et en fonction du droit applicable, Et, pour nous, nous croyons que seul un juriste a la formation nécessaire pour occuper une telle fonction.

Est-ce que ce changement-là aura un effet et affectera le caractère spécialisé du tribunal? Nous croyons que la spécialisation du tribunal ne découle pas uniquement de sa composition par des membres qui possèdent une formation autre qu'une formation de juriste, une formation spécialisée. Elle s'acquiert également par l'exercice d'une fonction d'adjudication à l'intérieur du champ de compétence exclusive. Et nous donnions l'exemple de la Cour du Québec, chambre de la jeunesse, qui a développé et qui est reconnue comme un tribunal spécialisé. Elle a développé cette spécialisation-là en fonction de la juridiction exercée en matière de jeunesse.

Il y a également l'article 82.2 qui prévoit et qui donne la possibilité au président du tribunal d'adjoindre un membre spécialisé si la nature du dossier le justifie selon un critère d'utilité. L'utilisation du critère d'utilité, plutôt que celui de nécessité, nous apparaît être de nature à préserver la spécialisation du tribunal.

Nous avons une seule réserve qui n'est pas mentionnée dans notre mémoire, mais qui nous a été soulevée: c'est la disposition transitoire prévue à l'article 203, qui prévoit que les membres qui siégeaient déjà dans les tribunaux comme la Commission des lésions professionnelles et le Tribunal administratif du Québec... C'est la clause grand-père finalement qui permettra à ces juges administratifs de siéger seuls. Évidemment, nous ne sommes pas contre le fait que ces commissaires demeurent au Tribunal des recours administratifs, mais nous croyons que c'est une importante brèche au fait que ça doit être des décideurs juristes qui siègent. Et bien que nous ignorons exactement le nombre de non-juristes, ça va avoir un impact considérable sur ce principe-là, alors nous sommes en désaccord avec la disposition transitoire dans la mesure où elle permet aux commissaires de siéger seuls. L'utilisation de 82.2 pourrait ici permettre qu'il y ait deux membres à ce moment-là dans ces situations-là.

Un dernier élément que nous traitons dans notre mémoire: l'indépendance des décideurs. L'indépendance judiciaire fait partie des composantes d'une justice de qualité et est intimement liée à la confiance que les citoyens portent envers le système judiciaire. La justice administrative évidemment n'échappe pas à cette exigence. Et il s'agit d'un droit appartenant aux citoyens d'être jugés par un juge qui n'est pas redevable au gouvernement ni à aucun groupe de pression. Alors, la fonction judiciaire, pour nous, doit être animée par une préoccupation scrupuleuse de rendre une décision basée exclusivement sur la preuve et en fonction du droit applicable.

On a, dans la décision Barreau de Montréal, qui a été citée précédemment par nos prédécesseurs, mentionné que le Tribunal administratif du Québec devait... en raison de sa nature, ses pouvoirs et ses compétences requiert un haut niveau d'indépendance judiciaire. Et cette affirmation-là est basée particulièrement sur le fait qu'ils ont constamment à trancher des litiges impliquant l'État. Alors, il est fondamental, selon nous, d'assurer l'indépendance judiciaire des juges administratifs du pouvoir exécutif pour conserver la confiance du public à l'égard de cet organisme.

n (11 h 50) n

Sur la question des évaluations périodiques des décideurs par le président du tribunal, cette question a fait l'objet également de commentaires dans la décision de Barreau de Montréal. Il nous apparaît évident que toute forme d'évaluation qui serait susceptible d'être perçue comme une ingérence dans la décision ou dans la fonction du décideur doit être éliminée. Il est important toutefois que les citoyens aient un mécanisme neutre et indépendant pour porter plainte et dénoncer tous les accrocs à la justice.

Alors, en conclusion, j'aimerais vous réitérer que nous tenons à souligner les efforts louables du législateur pour assurer la régionalisation des services. L'Association des avocats et avocates de province souhaitent que la réforme concrétise l'implantation des bureaux régionaux et assure la proximité des services à l'égard des citoyens.

Nous croyons également que l'indépendance judiciaire nous apparaît comme étant la pierre angulaire de la réforme et nous croyons qu'il est impératif de donner au juge administratif le statut qui lui permettra de garantir l'indépendance judiciaire du Tribunal des recours administratifs du Québec.

Alors, je termine en vous remerciant encore une fois de nous avoir permis de livrer nos commentaires.

Le Président (M. Simard): Merci, Me Lemoine. Je vais demander maintenant au ministre de la Justice, qui participe aux travaux de cette commission, de bien vouloir commencer le dialogue nécessaire à la suite de votre présentation.

M. Bellemare: Alors, je me permettrai de vous remercier d'abord pour cet excellent mémoire bien fouillé, bien préparé, remercier Me Lemoine, présidente, et Me Lemieux, Me Désilets, représentantes de l'Association des avocats de province que j'ai eu l'honneur de rencontrer il y a quelque temps au lac Taureau, lors de votre dernier congrès qui, je crois bien, était la veille de votre élection, Me Lemoine, pour laquelle je vous félicite. Et j'ai par le passé été appelé à prononcer des conférences justement sur la justice administrative, à Saint-Hyacinthe, il y a quelques années. Donc, je connais bien l'association et je connais bien son calibre et sa grande représentativité, particulièrement pour l'accessibilité des tribunaux en région, pas juste des tribunaux administratifs mais l'ensemble des services, mais aussi les tribunaux administratifs.

Et je suis très réjoui de constater qu'au fond vous nous renseignez sur le fait que la régionalisation améliorerait l'accessibilité et la célérité de la justice administrative, et on parle de coûts bien sûr, mais pas nécessairement en fonction des coûts. Il y a une forme d'accessibilité qu'on peut améliorer en investissant davantage dans les régions, mais la régionalisation en soi favorise l'accessibilité, l'amélioration, la confection des rôles, la disponibilité des juges en région et la célérité bien sûr de la justice administrative.

Puis le phénomène que vous souleviez tantôt, c'est un phénomène que j'ai vécu et auquel j'ai été confronté. Dans certaines régions effectivement, il y a des juges qui se déplacent, mais qui sont des fois malheureusement un peu pressés de retourner et qui sont même portés des fois à chambarder les rôles pour insister pour que la cause soit entendue absolument le mercredi à 8 heures dans une chambre d'hôtel pour faire en sorte qu'ils puissent regagner Montréal ou Québec le jeudi. Des exemples comme ça, il y en a beaucoup. Ils sont connus. Et je dois vous féliciter pour les avoir abordés tantôt dans votre présentation.

Vous souleviez la question de l'article 16 qui introduit la notion de «là où le nombre le justifie». Je ne crois pas qu'il y a matière à inquiétude de ce côté-là, parce que nous avons simplement repris la notion prévue à LATMP en matière d'accident de travail, à l'article 368 qui existe depuis le 1er avril 1998, comme vous le savez, qui a permis quand même à la CLP d'être présente dans 15 régions avec des juges résidents plus cinq points de services.

Et, quant au volume, bien évidemment dans la mesure où les bureaux de la CLP fonctionnent déjà à plein régime, le fait d'adjoindre à la section des lésions professionnelles, l'éventuelle section des lésions professionnelles, d'autres sections et d'autres juges ne changerait rien. Simplement qu'il y aurait un volume accru du fait que les autres divisions, assurance auto, section immobilière, viendraient se greffer à ce qui existe déjà dans les régions au niveau de la Commission des lésions professionnelles.

Vous me parliez d'indépendance, et je vais vous parler, moi, d'un volet qui n'est pas abordé dans votre mémoire, je ne sais pas si vous avez eu l'opportunité de vous y attarder, mais c'est la question du paritarisme. Il en a été question tantôt avec la Conférence des juges administratifs du Québec. Il y a une section qui serait la section des lésions professionnelles, qui est actuellement la Commission des lésions professionnelles, où il y a une division paritaire, une composition paritaire dedans, donc un juge administratif qui décide, commissaire ou membre, peu importe son titre, ça varie selon les lois, avec, chaque côté, un représentant des syndicats puis un représentant des patrons. Par rapport au concept d'indépendance, est-ce que vous y voyez une difficulté ou si vous considérez que la présence de membres paritaires respecte les concepts d'indépendance auxquels vous aspirez?

Mme Lemoine (Renée): Évidemment, on n'a pas abordé cette question-là dans notre mémoire. Par ailleurs, on a abordé la question de l'indépendance judiciaire et on a une position arrêtée concernant l'indépendance judiciaire.

Ce qu'on croit, c'est que le paritarisme n'est pas compatible avec le concept d'indépendance judiciaire. Il permet, dans les faits, la présence de représentants des parties qui siègent au tribunal, de groupes d'intérêts qui influencent la décision du décideur, bien qu'il n'y a pas de pouvoir décisionnel pour les assesseurs. Ça nous apparaît être incompatible avec le concept d'indépendance judiciaire. Et je vous dirais que ça relève davantage de la culture des relations de travail plutôt que de la culture judiciaire, ce concept-là de paritarisme. Et, à partir du moment où on adopte le concept d'indépendance judiciaire, bien je pense qu'il faut mettre tout en place pour que ce soit respecté. Et nous ne croyons pas que le paritarisme respecte le concept d'indépendance judiciaire.

M. Bellemare: Vous avez abordé également la question des juristes décideurs. À l'occasion de l'étude article par article du projet de loi n° 4, j'ai eu l'occasion d'annoncer un certain nombre d'amendements qui rejoignent votre préoccupation quant à la nécessité que les décideurs uniques soient des juristes, sauf une petite exception dans la section immobilière où, là, il y a des non-juristes qui peuvent agir jusqu'à concurrence de 500 000 $, qui semblent faire l'affaire, avec des délais d'audience qui sont très courts. Alors, on avait répondu, à cet égard, à la proposition de l'Association des évaluateurs agréés, mais ça ne touche pas la section des affaires sociales pour laquelle vous avez manifestement une préoccupation particulière.

En ce qui concerne les décideurs seuls, parce qu'il y a des cas actuellement dans la section des affaires sociales du TAQ et en matière d'aide sociale notamment et d'assurance auto, il y a toujours deux décideurs. Votre expérience, et peut-être celle de Me Lemieux et de Me Désilets là-dessus, est-ce que ça prend toujours deux décideurs? Par exemple, des causes d'aide sociale, les causes d'assurance auto où il y a beaucoup de volume, qui sont les deux plus grosses divisions du TAQ à l'heure actuelle... ou sous-divisions de la division des affaires sociales plutôt, est-ce que c'est nécessaire qu'il y ait toujours deux décideurs?

Mme Lemoine (Renée): Effectivement, j'inviterais peut-être mes collègues à répondre. Me Lemieux, qui a une expérience particulière avec certains tribunaux administratifs, pourrait répondre sur ce volet-là et peut-être Me Désilets, là, sur l'aspect des affaires sociales.

Mme Lemieux (Madeleine): Mon expérience ne porte pas vraiment sur la division de l'aide sociale du Tribunal administratif. Alors, je vais faire un détour pour y arriver.

La multidisciplinarité qu'on va retrouver dans certains tribunaux de régulation économique en matière de transport, d'énergie, d'agriculture enrichit énormément le tribunal, mais on parle de politiques d'établissement de régulations dans son sens le plus large pour la gestion de marché aussi, fort différent du décideur dont les fonctions s'apparentent à celles d'un juge, certes, qui a un mandat à accomplir, en vertu de la loi, une mission d'indemnisation des personnes, mais c'est en vertu des critères de la loi.

Or, la présence de deux personnes pour faire cet exercice-là ne m'apparaît pas, à moi, nécessaire si la personne qui préside le banc possède toutes les compétences et les connaissances nécessaires pour rendre sa décision. La deuxième personne vient ajouter un niveau de connaissances ou la possibilité de confronter des idées dans le délibéré. C'est ça, délibérer à plusieurs. J'ai de la difficulté à en voir la nécessité dans la totalité des dossiers. Peut-être que Me Désilets est capable de compléter plus loin en matière d'aide sociale, mais, moi, je ne vois pas l'utilité.

Mme Désilets (Jocelyne): Je crois que, devant la division des affaires sociales du TAQ, c'est la même chose. Ce n'est pas absolument nécessaire. Je crois que le raisonnement est bon de... La Cour du Québec, le Tribunal de la jeunesse ont des juges qui sont là à plein temps, qui se spécialisent dans ce domaine-là. Et, tout le monde, on est bien d'accord de reconnaître la compétence du Tribunal de la jeunesse qui n'ont pas nécessairement un travailleur social à côté d'eux.

n (12 heures) n

Je ne vois pas la différence au Tribunal administratif, effectivement. Non, je ne la vois pas, pour moi, de mon point de vue, l'absolue nécessité qu'il y ait un membre qui soit non-juriste, là, de décideur. Certain que, pour les médecins, je présume que, dans des causes plus difficiles effectivement, le médecin est utile pour éclairer le tribunal, mais, étant donné que le projet de loi prévoit que, là où il sera utile, le président pourra désigner des membres qui ne seront pas des juristes, je pense que ça satisfait, là, nos inquiétudes à ce sujet-là.

Le Président (M. Simard): Très bien. Merci. Alors, j'invite le député de Chicoutimi maintenant à faire part de ses remarques ou de ses questions.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Plus des questions évidemment. Je vais tenter de plus questionner que de débattre, parce qu'il y a des sujets effectivement qui mériteraient d'être débattus. D'une façon plus particulière, votre mémoire touche beaucoup évidemment la régionalisation, et c'est important effectivement ? ayant moi-même pratiqué en région et devant les tribunaux administratifs, bien que je n'étais pas au courant de cette règle relativement à la température, ce qui m'inquiète, venant moi-même d'une région où il fait quand même assez froid en hiver.

Est-ce que vous pensez... Et je comprends en même temps vos inquiétudes. Vous dites: Écoutez, avec un critère ? et, moi-même, ça m'inquiète, je vous dirais, là ? où on dit «où le nombre de recours le justifie», bon, c'est quoi, le nombre de recours qui peut justifier la présence d'un tribunal en région? et dans quelle région? et pourquoi? et comment? Ne penseriez-vous pas que, comme le ministre semble faire un pas pour améliorer cette régionalisation, car elle existait en matière de lésions professionnelles, il l'étend maintenant au Tribunal administratif du Québec... Qu'est-ce que vous pensez de l'idée peut-être de les identifier, les régions? Pourquoi, en annexe, on ne dirait pas: Selon ce qui est prévu en annexe, ce qui éviterait, autrement dit, ce qui arrive actuellement avec la Commission des relations de travail, que, lorsque c'est une simple directive administrative, le tribunal peut, de sa propre initiative, décider de la modifier? Et vous avez beau... on a beau être outrés, il n'y a pas beaucoup de moyens pour imposer quelque chose à un tribunal, alors que si, dans la loi, on marque spécifiquement que les régions visées par un greffe seront celles prévues en annexe, à ce moment-là, nous allons faire en sorte que le tribunal ne pourra pas modifier selon... ou établir un critère qui ne ferait pas l'affaire ni des citoyens ni des praticiens dans les différentes régions. Qu'en pensez-vous?

Mme Lemoine (Renée): Nous n'y avions pas pensé, mais, à première vue, ça m'apparaît une bonne suggestion. Moi, je pense... et je compare beaucoup avec les tribunaux de droit commun. Ils siègent dans l'ensemble des régions du Québec. On ne peut pas se plaindre de la régionalisation des services des tribunaux de juridiction civile ou criminelle. Et, évidemment, on prévoit les districts judiciaires et on prévoit qu'il y a des greffes, là, où il y a des greffes. Alors, ça pourrait être de nature à rassurer que d'énumérer les régions. Parce que c'est toujours inquiétant quand on vit en région. Les distances sont importantes. La population, dans certains coins du Québec, est peu nombreuse. Alors, est-ce que ça justifiera toujours le maintien des bureaux régionaux? C'est ça qui nous inquiète. Alors, si... Ce serait une façon effectivement de concrétiser et de garantir, je vous dirais, qu'il y aura toujours des régions qui seront desservies par des bureaux régionaux. Alors, je pense que ça pourrait être une suggestion, pour nous, là, qui serait de nature à être rassurante.

M. Bédard: ...rassuré, moi aussi, je vous avouerais, d'autant plus que ça aurait l'avantage, je vous dirais, d'ajouter une conséquence politique à quelqu'un qui déciderait finalement d'enlever un greffe. Il ne pourrait pas simplement le justifier sur une base de nombre de cas, mais il devrait le justifier sur une base politique, comme, par exemple, la fermeture d'une école qui est plus visible que la fermeture d'un greffe, vous savez. Lorsqu'on ferme une école à un endroit, quand... C'est pour ça, souvent... Et je fais le parallèle parce que c'est le cas, une dernière école de village a un plus gros impact que, je vous dirais, une école dans un endroit en particulier. Donc, il faut assortir, moi, je pense, d'une obligation beaucoup plus sévère et politique le fait de ne pas ou prévoir un service à ce niveau en région. Donc, peut-être que c'est possible même pour la commission ou pour moi ? et, j'imagine, le ministre aussi ? de nous faire parvenir les endroits, les greffes... plutôt les lieux géographiques, peut-être en suivant comme vous le proposiez tantôt ? il y a des exemples, il y a la CLP, la Cour du Québec qui existent... mais ce qui pourrait être identifié comme les greffes existants dans les différentes régions du Québec. Je pense qu'à ce moment-là votre inquiétude et la mienne aussi ? j'imagine celle du ministre aussi ? s'en trouveraient peut-être plus... disons, nous serions peut-être rassurés à ce niveau-là.

Mme Désilets (Jocelyne): J'aimerais ajouter qu'on a identifié une solution peut-être possible pour éviter que des juges administratifs en région deviennent pluridisciplinaires. On n'aimerait pas non plus... on voudrait préserver le caractère de spécialisation du tribunal et on suggérerait peut-être de nommer dans les régions des membres à temps partiel.

M. Bédard: À temps partiel ou peut-être même, peut-être dans des domaines précis, mettre deux régions ensemble, Côte-Nord, Saguenay?Lac-Saint-Jean, dans un domaine précis où on dit... Même les juges pourraient peut-être aller siéger, d'un côté comme de l'autre, dans des domaines plus précis, là, ce qui ferait en sorte qu'on maintient une multidisciplinarité. Il n'y aurait pas non plus un seul décideur pour une seule région, par exemple, où, là, l'intervenant... où il y a peut-être des plaideurs qui seraient inconfortables à force de plaider devant la même personne, là. Donc, il y a peut-être des mécanismes à prévoir, mais je pense que le fait de prévoir des greffes en particulier aiderait.

Mais je prends aussi votre suggestion. Si vous en avez d'autres, faites-les parvenir à la commission. Vous savez, on est à la première étape, soit celle où on entend les propositions. Donc, vous savez, avant qu'il y ait le dépôt d'un projet de loi amendé, donc il y aura sûrement des amendements. Le ministre s'est dit lui-même ouvert aux amendements, donc vous pouvez nous en faire part, et, je vous dirai, avec grand plaisir, je les accueillerai ? et je suis convaincu que le ministre va le faire aussi ? vos propositions là-dessus.

Sur d'autres sujets que vous n'avez pas abordés, vous me permettrez peut-être d'en aborder un ou deux. Entre autres, que pensez-vous... Et, si vous n'avez pas d'opinion plus particulière quant à l'association, il n'y a pas de problème. Je ne veux pas vous indisposer par rapport à vos membres. Mais quel... entre le choix du ministre de fusionner la CLP et le TAQ, avez-vous, comme association, un positionnement là-dessus? Est-ce que vous pensez que c'est une bonne chose? Est-ce que c'est nécessaire? Est-ce que c'est utile? Est-ce qu'on aurait pu passer outre ou est-ce qu'on aurait pu faire autre chose que... Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?

Mme Lemieux (Madeleine): De façon générale, nous sommes favorables à cette fusion parce qu'elle va permettre d'entendre des recours qui se ressemblent à bien des égards. L'indemnisation ou le remplacement de revenus par l'État, c'est un même système de pensée et même système de lois. La différence est l'origine du remplacement de revenus, soit un accident de travail ou soit un accident de la route. C'est la même chose et c'est un mode de pensée, c'est un mode de travail qui se ressemble beaucoup.

Traditionnellement, par contre, au Québec, on avait toujours parlé de lésions professionnelles dans un contexte de relations du travail, et ça, c'est un débat dans lequel, moi, je ne voudrais surtout pas m'embarquer ce matin parce que ça va bien au-delà du mandat de notre association. Parce que c'est vrai, mais c'est de l'indemnisation dans un contexte de relations de travail. Alors, ça peut très bien se faire.

Nos collègues qui nous ont précédés ont souligné le fait que la fusion des tribunaux risque de garantir ces volumes dont nous avons besoin en région justement pour assurer la continuité des services dans un bureau régional ou un bureau local. C'est un fait qu'il faut être raisonnable et ne pas s'imaginer qu'on va garder un bureau régional pour un recours annuellement, là, Ça n'a pas de bon sens. Alors, on est bien conscient de ce genre de chose. Alors, la fusion va le permettre.

Les deux tribunaux ont développé aussi des expertises différentes, des façons de travailler différentes qui, mises ensemble, risquent d'enrichir le résultat de ce tribunal-là. Les deux ont des plus, les deux ont des petites faiblesses, alors la fusion risque d'enrichir le tout.

M. Bédard: Merci. Quant aux délais, je me faisais une réflexion tantôt, je demandais, au Tribunal administratif, qu'est-ce qui explique les délais? Et bien que je ne croie pas que ce soit le seul aspect... Mais, en lisant votre mémoire, le fait d'avoir des greffes effectivement en région va faire en sorte que les dossiers vont être traités, je pense, plus rapidement. Ce serait peut-être une des réponses qui auraient pu être apportées lorsque j'ai posé la question aux gens du... aux juges administratifs du TAQ, là, dû au fait que justement, lorsque tu n'as pas de juge sur place, résident, eh bien les délais pour préparer un dossier... plutôt pour fixer la cause... plutôt les remises vont être beaucoup plus importantes, Ça va être beaucoup plus difficile d'établir des dates en particulier. Je pense que ça va être sûrement à l'avantage des gens des régions.

Avez-vous une opinion aussi au niveau de la conciliation obligatoire comme praticienne? Vous savez que maintenant on va faire en sorte que la conciliation va devenir obligatoire. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne chose? Est-ce que vous pensez que le mode actuel qui est proposé... Êtes-vous satisfaites, vous, comme praticiennes dans le domaine?

n (12 h 10) n

Mme Lemoine (Renée): Moi, je pourrais vous parler de mon expérience en conciliation au Tribunal administratif du Québec. J'ai adopté... Parce que l'expérience est assez favorable. Et, pratiquement dans tous les dossiers, évidemment, avec le consentement des clients, là, à qui j'explique le processus, j'accepte le processus de conciliation parce qu'il a des résultats surprenants. Je vous dirais que, moi, je suis très favorable à la conciliation. La Commission des lésions professionnelles également a un processus de conciliation. Je vous dirais que mes expériences sont un peu moins bonnes, mais ce n'est peut-être pas à cause du processus de conciliation, mais plutôt à cause des positions que prend la CSST dans ce processus-là, qui n'est pas très favorable à un règlement. Mais, moi, je suis très favorable au processus de conciliation.

Je voudrais peut-être revenir sur un aspect que vous avez parlé, les délais versus la conciliation aussi. Actuellement, l'expérience... En tout cas, moi, je vous parle de mon expérience personnelle. Bon, les délais, je ne suis pas convaincue... Puis on a examiné les rapports annuels. Je ne sais pas si c'est une moyenne de délais... Si on parle du Tribunal administratif du Québec, je ne suis pas convaincue que les délais sont les mêmes ? si on parle de l'Abitibi ? qu'à Montréal. Et je vous dirais que, moi, j'ai regardé mes propres dossiers en regard des délais, et, actuellement, ce qui sauve beaucoup la question des délais, c'est le processus de conciliation. On nous offre la conciliation rapidement et, comme ça a quand même du succès dans... je ne vous dirais pas tous les dossiers, mais un bon nombre de dossiers, ça a une influence positive sur les délais dans les dossiers de droit administratif. Alors, ça, c'est mon expérience personnelle à moi, là, au niveau du Tribunal administratif du Québec en Abitibi.

M. Bédard: Merci. Je vais laisser à mon collègue le député de Dubuc... S'il reste du temps, je reviendrai.

Le Président (M. Simard): Le député de... Me Lemoine, le député de Dubuc n'est pas un avocat de province, mais un brave notaire de province.

M. Côté: Merci, M. le Président. Alors, mesdames, bienvenue à cette commission. Merci pour votre mémoire et surtout pour votre participation aux travaux.

J'aimerais peut-être vous poser une question sur l'évaluation périodique des décideurs. Vous dites dans votre mémoire que vous ne voulez pas qu'il y ait ingérence, naturellement, comme c'est le cas, là, présentement proposé, mais... Parce que, lorsqu'on parle d'évaluation, on parle immanquablement de formation aussi et on peut aussi... ça peut aller même jusqu'à la déontologie. Alors, quel est... Comment vous voyez... Vous dites que vous... «Ils peuvent porter plainte et dénoncer les accrocs à la justice. Le comité prévu au projet de loi peut remplir cette fonction.» Mais comment vous voyez le rôle du Conseil de la justice administrative à ce sujet-là? Et ne pensez-vous pas, par exemple, qu'on pourrait vraiment faire une césure, une coupure entre la formation et la déontologie et que la formation pourrait être assumée, par exemple, par la Conférence des juges administratifs, et que tout ce qui concerne la déontologie pourrait relever du rôle du Conseil de la justice administrative?

Mme Lemoine (Renée): Bien, je vais inviter Me Lemieux, là, qui a traité de cette question-là et qui, je sais, en matière de déontologie, a une expérience particulière.

Mme Lemieux (Madeleine): Je suis d'accord avec vous que, pour moi, la déontologie, c'est différent des besoins de formation qu'on peut constater chez un membre de tribunal. Notre préoccupation, c'est que le processus d'évaluation ne soit pas de l'ingérence dans la partie décision. Alors, si on dit à un décideur: Bien, vous prenez beaucoup trop de temps pour vos délibérés, c'est une évaluation de son rendement, mais qui ne touche pas le processus de décision comme tel, sauf si on veut l'amener à bousculer son travail et à escamoter son travail. Alors, les lignes sont fines entre ce qui est de l'ingérence et ce qui n'en est pas.

J'ai de la difficulté à faire le deuil du Conseil de la justice administrative alors qu'on n'a pas encore vu qu'il avait fait ses preuves, parce que je pense qu'il est un très jeune organisme. Si le comité qui est créé pour recevoir les plaintes et procéder à l'examen des plaintes ne fait pas d'ingérence dans le processus de décision et est indépendant, il peut la remplir, cette fonction-là, la fonction qu'exerçait autrefois le Conseil de la justice administrative. Je ne sais pas au juste si la même distance va exister ou si ça va poser problème. J'ai de la difficulté à l'évaluer à ce stade-ci.

Pour ce qui est de la formation, les tribunaux sont à même de l'assurer, la formation de leurs membres, et il y a des ressources extérieures qui peuvent venir s'ajouter aux ressources du tribunal pour faire la formation. Et les besoins de formation vont généralement être perçus par les administrateurs du tribunal, par le président, par les vice-présidents qui contrôlent la qualité, qui contrôlent la célérité, qui contrôlent les délais. Ça, c'est autre chose. Mais un manquement déontologique, c'est par exemple... c'est quelqu'un qui ne respecte pas la distance qu'il doit y avoir avec les parties, manquement au devoir de réserve. Ça, ce n'est pas des questions de formation seulement, là, c'est des questions qui peuvent amener de la discipline.

M. Côté: Mais, lorsque vous dites... M. le Président, oui, je peux? Mais, lorsque vous dites: J'ai de la misère à accepter la disparition du Conseil de la justice administrative, est-ce que vous verriez tout ce rôle de plainte ou de la déontologie assumé par ce Conseil-là? Est-ce que, pour vous, ce serait quelque chose qui serait possible ou plutôt que par un comité spécial qui s'occuperait seulement que des plaintes?

Mme Lemieux (Madeleine): Vous savez, je ne peux pas m'empêcher de faire le parallèle avec la Cour du Québec, avec le système qui existe dans la magistrature où c'est le juge en chef qui forme un comité qui va examiner la conduite, le juge en chef qui, même, peut être le plaignant à l'égard d'un des membres du tribunal. Ce qui est important, c'est que le processus soit un processus très intègre, et transparent, et qui ne vise que des objectifs de qualité et de sanctionner des manquements. Alors, c'est la raison pour laquelle le comité que je retrouve dans le projet de loi peut peut-être faire ce travail-là s'il est bâti de la même manière. Et je ne suis pas assez certaine du fonctionnement qui est prévu pour dire qu'il le fait, mais c'est le modèle qui, quant à moi, est le modèle parfait. Et, à l'issue du processus, évidemment, il faut qu'il y ait une sortie. Dans le processus actuel, il n'y en a pas vraiment, de sortie, là. Il ne resterait que les recours judiciaires pour le membre qui serait... qui se sentirait lésé par les décisions de ce comité d'enquête là, alors qu'il faudrait possiblement prévoir la fin... fermer ce processus-là par un appel à un organisme extérieur ou autre chose qui...

Le Président (M. Simard): Vous avez terminé? Merci. Alors, le ministre voudrait maintenant reprendre la parole, il lui reste une dizaine de minutes.

M. Bellemare: Oui. Avec le consentement de mon collègue de Chicoutimi, je déposerais un document qui constitue un bilan des dossiers ouverts en 2002-2003 par région auprès de la Commission des lésions professionnelles.

Le Président (M. Simard): Alors, on va s'assurer de la distribution du document. Nous le recevrons. Voilà.

Document déposé

M. Bellemare: Est-ce que mesdames en ont, là?

Une voix: Les dames à l'autre bout?

M. Bellemare: Oui.

Une voix: Non.

Le Président (M. Simard): Il est ici.

M. Bellemare: O.K. On va vous remettre une copie du document qui vous donne une idée de ce à quoi ça ressemble par région. Et je crois que, dans les secteurs qui intéressent le Tribunal administratif du Québec actuellement, il y a un volume appréciable dans toutes les régions où il y a déjà un greffe de la Commission des lésions professionnelles qui permet de dissiper les doutes par rapport à 2002-2003. Et j'imagine que ce sont des chiffres qui sont applicables encore actuellement, mais je vois d'un bon oeil la suggestion de mon collègue de Chicoutimi, et que vous avez endossée tantôt, à l'effet que l'on pourrait trouver une façon d'arrêter les régions... l'identité des régions ou des centres administratifs, à la limite, ou des villes où il pourrait y avoir un greffe. Il y en a déjà, et on m'informe que ça se fait actuellement sur une base administrative. Alors là, évidemment, quand ça se fait sur une base administrative, c'est plus précaire, mais, en même temps, ça permet une plus grande facilité, mobilité, ça permet de regrouper des greffes, bon, etc. Alors, il faut essayer de trouver un équilibre entre l'absence de précarité, la pérennité, finalement, des services en région, mais, en même temps, une certaine souplesse qui nous ne obligera pas à changer la loi à chaque fois dans la mesure du possible. Mais l'idée est excellente, et nous allons l'analyser.

Concernant le Conseil de la justice administrative, il y a bien sûr nécessité d'avoir une méthode au plan déontologique pour analyser non seulement la déontologie, mais aussi la compétence. Et la Conférence, tantôt, des juges administratifs semblait favorable à ce qu'on évalue la compétence dans la mesure où on devait s'assurer que la formation reçue permettait aux juges administratifs d'agir en pleine connaissance de cause à partir des textes de loi et d'une bonne maîtrise de la jurisprudence et des lois existantes.

n (12 h 20) n

Certains ont proposé ? j'ai vu ça dans un mémoire ? que les plaintes relatives aux juges administratifs soient dirigées au Conseil de la magistrature. Il y a cette hypothèse-là. Il y en a d'autres également qui pourraient se rapprocher de ce qu'on connaît déjà en matière disciplinaire dans les ordres professionnels. Comme vous le savez, le Code des professions prévoit une méthode, un président nommé par l'État avec deux pairs qui jugent la conduite, les aspects déontologiques de tel ou tel comportement à la demande d'un citoyen qui se plaint d'un professionnel. Ça existe pour le Barreau, les médecins, il y a 45 ? peut-être même plus ? ordres professionnels aujourd'hui qui semblent s'en satisfaire pleinement. Qu'est-ce que vous pensez de ces deux hypothèses-là: le Conseil de la magistrature, peut-être avec un banc qui serait modifié, qui tiendrait compte ? avec un juge administratif ou un représentant des tribunaux administratifs ? qui tiendrait compte des particularités ou bien un comité qui serait plus permanent présidé par quelqu'un qui serait nommé par l'État, avec deux pairs chaque côté, comme dans le cas des ordres professionnels? Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'y réfléchir.

Mme Lemieux (Madeleine): Nous n'y avons pas réfléchi, alors je vais réfléchir un petit peu à voix haute ici. J'ai, d'instinct, une préférence à un modèle qui ressemblerait au Conseil de la magistrature par opposition au Code des professions parce que la relation que le justiciable entretient avec un décideur est bien différente de la relation qu'il entretient avec le professionnel dont il a retenu les services soit pour le représenter soit pour le soigner. Le mode est très différent. Alors qu'il y a une grande distance entre le citoyen et le décideur qui va disposer de sa cause... l'avocat qui va retourner plaider régulièrement devant le tribunal en question. Je pense que le modèle Conseil de la magistrature est plus approprié au modèle justice administrative, si ma présidente est d'accord avec moi.

Mme Lemoine (Renée): Évidemment, comme on n'a pas réfléchi à la question, on n'a pas une position arrêtée sur le sujet. Je suis assez d'accord avec le propos de Me Lemieux. Est-ce que ça pourrait être le Conseil de la magistrature? Peut-être. Ça pourrait peut-être être un organisme créé sur ce modèle-là aussi, là, mais je suis d'accord avec ma collègue lorsqu'elle dit: C'est le modèle probablement le plus approprié pour la fonction judiciaire.

M. Bellemare: Bien. Me Lemieux, peut-être plus particulièrement quant à la possibilité, comme l'a évoquée tantôt M. Vignola, de la Conférence des juges administratifs, qu'il y ait une certaine fluidité, qu'on puisse, à l'intérieur des divisions du tribunal... qu'un commissaire puisse ou qu'un juge administratif puisse entendre des causes dans différentes divisions, comme ça se faisait à l'époque à la Commission des affaires sociales où un commissaire entendait une semaine les causes en matière d'accidents de travail, la semaine suivante en matière d'assurance auto et l'autre semaine en matière de régime de rentes. Ça existe actuellement au TAQ. Il y a une certaine mobilité des membres, ce qui semble convenir aux membres et au Conseil de la justice administrative. Avez-vous une opinion là-dessus, quant à la possibilité que, dans le nouveau tribunal, il puisse y avoir une mobilité, par exemple, de la section des lésions professionnelles à la section des affaires sociales?

Mme Lemieux (Madeleine): À première vue, nous sommes assez favorables à cette possibilité d'exploiter la capacité des décideurs d'apprendre et de gérer d'autres dossiers. Et ça risque d'être problématique en région. Vous savez, quand les gens ne sont pas nombreux, qu'ils vont devoir la développer, mais il ne faut pas que ça se fasse au détriment de la qualité. Alors, ça nécessite de la formation, ça nécessite de l'apprentissage des tâches dans une autre division. Un tribunal spécialisé, vous savez, on n'y arrive pas le premier matin et, ça y est, on connaît la compétence puis on est capable de l'exercer, et on connaît toutes les subtilités d'une loi aussi considérable que la Loi sur les lésions professionnelles, par exemple. Alors, en principe, oui, mais si on le fait de la bonne manière.

M. Bellemare: Merci. Je demanderais, avec la permission de mon collègue, la permission de déposer un document qui contient les délais en matière d'accidents de travail devant la Commission des lésions professionnelles par région, comme vous l'avez souhaité tantôt. Pour ce qui est du Tribunal administratif du Québec, on l'aura peut-être. C'est un peu plus difficile, vous l'imaginez, parce qu'il n'y a pas de bureaux régionaux, mais j'aimerais avoir la possibilité de le produire.

Document déposé

Le Président (M. Simard): Alors, c'est accepté, nous allons en faire la diffusion. Votre temps étant épuisé, il reste quelques minutes au député de Chicoutimi qui voulait faire une dernière intervention.

M. Bédard: Bien, peut-être, oui. Bien, il me reste quoi, quelques minutes, trois minutes?

Le Président (M. Simard): Trois minutes.

M. Bédard: Bon, bien, alors, tout simplement pour compléter, je veux tout simplement partager avec vous. J'ai la même réserve quant à la spécialisation. J'entendais tantôt Me Vignola nous... quant aux gens... que quelqu'un pourrait permuter et devenir un spécialiste. Vous dire ma réflexion un peu. Quelqu'un devient spécialiste par son domaine d'expertise. Un médecin va être spécialiste en médecine, un avocat en droit, mais commencer à penser qu'on pourrait... ou, après ça, on peut acquérir une expérience ? pas une compétence, mais une expérience ? en traitant divers dossiers. Un avocat qui traite beaucoup de dossiers de médecine, on disait, peut devenir, peut développer... dans un secteur en particulier, acquérir une certaine spécialisation. Il ne pourra jamais pratiquer la médecine, par contre, mais il pourra quand même dégager une certaine expertise.

Et, moi, je peux vous dire, j'ai beaucoup de réticence à voir un membre du tribunal qui se sent apte... On est... Vous savez, l'attitude varie beaucoup selon la confiance qu'on a en nous-mêmes, et c'est, des fois, un gage de compétence, la confiance. Et j'ai beaucoup de difficultés à voir des membres du tribunal commencer à... je vous dirais, à permuter et à aller d'une compétence à une autre. Et ça pourrait même conduire ? et ça, c'est ma crainte ? à ce que même les tribunaux supérieurs ne considèrent plus le TAQ comme un tribunal spécialisé, parce que, comme on lui enlève, on lui extirpe en grande partie ses membres spécialisés, si on lui permet en plus, au membre, de siéger à peu près n'importe où, là, à ce moment-là, il y a un risque très évident que la clause privative qui s'applique va être appliquée avec beaucoup moins, je vous dirais, d'importance qu'elle ne l'est actuellement, la clause du sans appel, là, la décision finale et sans appel. Est-ce que vous pensez que mon opinion est dépourvue...

Le Président (M. Simard): Rapidement.

Mme Lemieux (Madeleine): Comme je vous ai dit, en principe, c'est possible. Mais il faut faire bien attention. Ça prend de la formation, ça prend de la préparation. Je ne pense pas qu'on puisse s'improviser décideur en CLP tout simplement parce qu'on a été décideur dans autre chose. Il faut faire attention. Maintenant, la Cour d'appel avait donné des volumes, regardé ça en termes de volumes quand elle regardait le TAQ dans son ensemble, de sorte qu'elle ouvrait la porte à une certaine mobilité mais ne semblait pas dire que c'était une mobilité à l'infini, là.

Le Président (M. Simard): Alors, Me Lemoine, Me Lemieux, Me Désilets, merci pour votre présentation. Nous ajournons à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

 

(Reprise à 14 h 11)

Le Président (M. Simard): Alors, nous allons reprendre nos travaux là où nous les avons laissés, c'est-à-dire que nous en sommes maintenant à l'audition d'un nouveau groupe qui est déjà installé ? bienvenue parmi nous ? c'est l'Association provinciale de construction d'habitations du Québec. Et je vais demander peut-être à M. Beaudoin-Rousseau de nous présenter... Je ne sais pas qui est le porte-parole.

Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec inc. (APCHQ)

M. Beaudoin-Rousseau (Omer): Alors, nous trois, mais particulièrement, dans le fond, les spécialistes qui m'accompagnent.

Le Président (M. Simard): Très bien.

M. Beaudoin-Rousseau (Omer): Alors, évidemment, merci, M. le Président, M. le ministre, membres de cette commission. Alors, mon nom est Omer Rousseau. À mon extrême droite, Mme Fournier, avocate et spécialiste évidemment en questions de santé et sécurité; et, à ma droite, ici, il s'agit de Mme Letarte, Gisèle Letarte, qui est la directrice du Service santé et sécurité au travail à l'organisation.

Si vous permettez, je vais être très bref compte tenu du temps qui nous est imparti. Je crois que vous nous accordez, quoi, 20 minutes?

Le Président (M. Simard): 20 minutes, c'est ça.

M. Beaudoin-Rousseau (Omer): Bon. Alors, l'organisation chez nous, l'APCHQ, a été fondée il y a quelques années. Donc, on existe depuis au-delà d'une quarantaine d'années. Sa mission consiste pour l'essentiel de promouvoir évidemment l'industrie et aussi le professionnalisme de ses membres. À cet égard, l'organisation représente au-delà de 11 000 entreprises réparties dans 18 associations régionales. C'est un réseau pour le moins important. Et, particulièrement, aussi nous représentons à peu près 80 % de tout le marché de l'habitation à la fois dans le domaine du neuf et de la rénovation.

Quelques faits saillants simplement pour vous marquer peut-être un peu la mémoire, pour ceux et celles qui ne nous connaîtraient pas encore. L'organisation chez nous a initié un programme de garantie en 1976. Donc, nous avons été les pionniers à cet égard. Et le gouvernement, il y a quelques années, notamment en 1999, a instauré, dans le fond, cette obligation-là, donc s'est inspiré de notre programme de garantie. Nous sommes évidemment, dans le fond, heureux parce que nous avons été un peu l'initiateur de cette mesure. D'autre part... C'est-à-dire que, dans le fond, depuis 1995, l'organisation, elle est représentative au niveau de la Loi des relations de travail aux fins de négocier une convention collective particulière pour le secteur de l'habitation. Alors, nous sommes la seule organisation qui a ce droit de regard.

Et, enfin, je dois vous dire qu'il y a un autre aspect qui est important à vous mentionner et qui concerne le sujet d'aujourd'hui, c'est qu'effectivement nous sommes impliqués au niveau de la santé et sécurité au travail depuis au moins une dizaine d'années. Et, notamment, depuis qu'il y a eu une réglementation, il a été possible, dans le fond, de créer des mutuelles. Je dois vous dire qu'actuellement nous sommes le plus important gestionnaire en mutuelles en santé et sécurité au travail au Québec dans le secteur de la construction. D'ailleurs, nous sommes la seule organisation qui faisons la propre gestion des mutuelles. Nous en possédons 18 pour 4 000 entreprises et pour au-delà de 800 millions de masse salariale.

Alors, ceci dit, je vais passer la parole à la directrice, dans le fond, Mme Letarte.

Mme Letarte (Gisèle): Alors, merci encore de nous entendre aujourd'hui. Alors, évidemment, on gère les accidents de travail de 4 000 entreprises de la construction. Ça représente, comme M. Rousseau disait, 800 000 $ de masse salariale. Ça génère environ 2 000 accidents du travail qui sont gérés par les spécialistes chez nous. De ces 2 000 accidents, 500 dossiers vont être portés en appel au premier palier qui est maintenant la révision administrative et pour toutes sortes de raisons, toutes sortes de motifs, et de ces 500 réclamations là, 250 iront à la CLP, la Commission des lésions professionnelles.

Alors, on vit cette nouvelle révision administrative des CLP depuis avril 1998 et on est en mesure, je pense, de vous parler des impacts qu'ont les délais sur les décisions qui arrivent, sur les travailleurs, qui causent des situations d'endettement et de détérioration de santé des travailleurs. Parce que, exemple, si un travailleur est refusé, c'est long avant qu'il... Il peut être sans soins pendant un certain temps si sa réclamation est refusée.

Et ça a un impact aussi sur les employeurs. C'est des impacts qui sont évidemment de nature plus économique, hausse de coûts du régime d'assurance de la CSST. C'est les employeurs qui cotisent à 100 % dans ce régime-là. On l'a écrit au mémoire. À chaque jour dit RA, pour tous les travailleurs du Québec, on parle de 15 millions de dollars pour chaque journée additionnelle en indemnité de remplacement de revenu. Alors, plus on réduit les délais... évidemment, pour l'employeur, c'est des millions de dollars qui sont au bout de ça.

Nous, ce qu'on a fait dans le mémoire, c'est qu'on s'est attardés principalement sur trois questions: il y avait le volet sur la justice administrative, la loi, la section des lésions professionnelles, qui, pour nous, apporte des questionnements; il y a la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, le volet d'appel et de révision des décisions; et la Loi sur la santé et la sécurité du travail, le pouvoir de révision de l'inspecteur, là, on avait aussi des commentaires à ce sujet-là. On a d'autres commentaires concernant la nomination des juges ou l'immuabilité des juges dont Claire va vous parler ensuite de ça. Donc, c'est ce que vous allez retrouver à l'intérieur du mémoire.

Avant de revenir sur les délais d'appel... puis vous allez voir, à la fin du mémoire, on a fait un tableau et, à partir de ce tableau-là, qui est la dernière page, annexe I, on a essayé de résumer les délais qu'on a vécus, qu'on vit et qui ont été proposés dans le projet de loi. Il faut mentionner qu'on est d'accord avec... On appuie la démarche du ministre dans son intention d'accélérer les processus d'appel et de décision, d'avoir encore plus de conciliation ? nous, on le vit avec la CLP, et c'est positif ? et de la décentralisation aussi des tribunaux d'appel, qu'on vit aussi, qui sont intéressants. Plein d'impacts positifs pour nous autres.

Alors, si on regarde le tableau, ce qu'on a voulu faire, c'est vous présenter... Avant avril 1998, O.K., il y a une décision de la CSST qui était rendue, on avait 30 jours pour la contester. On s'en allait au bureau de révision paritaire. Il n'y avait pas de délai d'encadrement qui obligeait, mettons, le bureau de révision paritaire à rendre sa décision. Donc, à cette époque-là, on parle d'une année ou moins de délai. Il n'y avait pas de délai d'expertise. On avait 60 jours pour appeler de la décision. On s'en allait à la CALP de l'époque et...

On met des délais de 90 jours, parce que ce qu'on a voulu faire, c'est de comparer comme les délais... C'est les délais sans la transmission des dossiers à la CLP. Parce qu'à un moment donné le dossier chemine et, quand ils vont à la dernière instance, il y a une période de 30 jours pour déposer le dossier. On n'a pas tenu compte de ça. Ce qu'on a tenu compte, c'est qu'on a pris chacune des lois de l'époque et, maintenant, ce qu'on a compris du projet de loi puis on a essayé de... On n'a pas présumé de ce que les gens pouvaient faire: contester avant 90 jours... On s'est dit: On va prendre la loi, ce qu'elle permet, on va aller jusqu'au bout de chacun des délais, on va les additionner pour, nous, se rendre compte que le projet de loi n° 35, au niveau des délais de révision, probablement allait allonger les délais actuels qu'on connaît. Donc, on est d'avis que ça prendrait quelques modifications.

Comme je vous disais, les délais de révision, avant 1998, étaient environ d'un an. Ce n'est pas scientifique, c'est pour ça qu'on ne vous l'a pas écrit dans le tableau. Après avril 1998, les délais qu'on vit maintenant, là ? on a pris le téléphone hier, on a appelé à la CSST ? c'est 112 jours. Bon, si on ajoute 112 jours à 175, c'est encore mieux que le 130 jours qu'on semble voir, là, avec le projet de loi n° 35.

Une nouveauté aussi qui a été encadrée au niveau de l'expertise médicale de 90 jours, c'est pour vous dire qu'on a le droit, là, quand même, en révision administrative, en premier palier d'appel, de faire une demande d'expertise médicale pour essayer de convaincre le réviseur de la Commission de la santé et de la sécurité, mais on ne le fait pas. C'est des gestes qui sont coûteux, qui sont coûteux pour l'employeur, qui vont être encore plus coûteux pour le travailleur d'aller en expertise médicale, et ce n'est pas le dernier niveau d'appel. Donc, on garde ces efforts-là, ces énergies-là pour la CLP. On va en expertise. Donc, pour nous, ça allongeait probablement, sans être vraiment utile, la période de temps que prendrait, pour rendre sa décision, le réviseur dans la nouvelle fonction du projet de loi. Donc, est-ce que je suis... Claire, je ne sais pas si je suis...

n (14 h 20) n

Mme Fournier (Claire): Essentiellement, c'est comme vous voyez à la ligne du projet de loi n° 35, là, si vous totalisez vos délais légaux qu'on a accordés ? 90 jours pour aller au TRAQ ? beaucoup de gens vont attendre à la fin du délai. Additionnez le 90 jours possible de la révision administrative qui prendrait le temps nécessaire pour réviser son dossier, additionnez un délai potentiel négociable et autorisé de 90 jours pour aller en expertise médicale au stade de la révision, additionnez votre délai de 30 jours qui est accordé à la personne qui contestait pour maintenir ou contester sa décision, vous êtes rendu mathématiquement à 300 jours de délai. Si on va toujours au bout des délais, bien sûr.

Et, comparativement aux délais mentionnés antérieurement et actuellement dans nos délais dits légaux, textuellement, de la loi, c'est inacceptable. Le processus de révision actuellement a l'air d'être sans fin, alors que ce qui est proposé, c'est que ce processus de révision là soit peut-être, d'une part...

Nos propositions, on en a deux. Il devrait être facultatif, au choix des parties, et devrait permettre un règlement final. Votre texte ne dit pas ça. Le texte du projet de loi ne dit pas que le réviseur ou la révision va avoir les pouvoirs de faire un règlement final, comme on a à la conciliation. Les services de conciliation, à la CLP, on peut en venir à régler le dossier. Ce n'est pas clair dans le texte juste avec un article puis quatre paragraphes. Ça ne dit pas ça et, juridiquement parlant, l'article 359.1 ne dit pas non plus... En tout cas, il vient codifier que les parties peuvent maintenir leur appel au TRAQ, mais il ne dit pas qu'est-ce qui arrive de la décision de la révision qui infirmerait la décision contestée. Là, c'est le vide total. Alors, ça, ça ne fait pas de sens.

Une décision en révision pourrait être infirmée et là c'est l'autre partie qui veut la contester. Vous n'avez prévu rien à cet effet-là. Il faut que ce soit prévu qu'il y ait donc un délai. Et c'est pour ça, dans notre tableau, la première proposition. Si on maintient le délai de 30 jours pour signaler au TRAQ qu'on veut poursuivre, on doit donner un délai de 30 jours, qui est le même advenant une décision en révision qui infirme, pour dire qu'on veut aller au TRAQ de cette décision qui vient infirmer ? je pense que c'est la suite logique ? ce qui fait que nos délais sont... dans une des propositions, on tombe à 150 ou à 90 jours.

C'est, je crois, la volonté qui était émise au départ, de faciliter un accès à la justice plus rapide. C'est ce qui ressortait essentiellement de ce qui manque dans le... au niveau des coûts associés peut-être à cet effet-là.

Mme Letarte (Gisèle): Bien, comme on en avait parlé, évidemment, plus les délais sont longs, plus on augmente les indemnités d'erreur qui sont... les indemnités qui sont versées aux travailleurs et qui augmentent la facture de l'employeur ou du régime.

Donc, les propositions qu'on a faites, proposition a et proposition b, doivent se voir dans une seule proposition, en fait, hein, Claire? On s'est dit: Il faudrait, un, que, oui, en révision administrative, il y ait... que le réviseur de la CSST ait une possibilité d'entériner une entente entre les parties qui éliminerait beaucoup de dossiers qui iraient à la Commission des lésions, à la nouvelle Commission des lésions professionnelles.

Et il faudrait aussi que, pour tout le volet médical, parce que ce n'est pas la dernière instance, ce n'est pas une place où on veut traiter les dossiers médicaux... On voudrait qu'il y ait ce que, nous autres, on a appelé un «fast track». C'est de demander que le dossier soit porté immédiatement au TRAQ. Donc, on pourrait, dans notre version à nous... on pourrait être à 90 jours en attente d'avoir presque une audition pour être entendu devant un juge.

Alors, c'est notre proposition. On a essayé de réduire ça le plus qu'on a pu, là. Alors, je ne sais pas si Claire...

Mme Fournier (Claire): À ce niveau-là, effectivement, quand on dit la juridiction de la révision administrative, en éliminant certaines dispositions qu'on avait dans LATMP, qui précisaient, entre autres, que le réviseur ne se prononçait pas sur les questions d'ordre médical en vertu des avis du BEM ou des comités pulmonaires, on a éliminé ça du texte, du nouveau texte, et on semble donner une juridiction donc élargie au réviseur pour traiter également les questions médicales. Je pense que ça devrait être maintenu comme c'était. Quant à nous, les questions d'ordre médical devraient rapidement aller au TRAQ, tout comme les questions sur les plaintes, à 32, pour des sanctions. C'était un volet qui exigeait d'être entendu plus rapidement que de passer, en plus, encore en révision administrative. Alors, on a mis ou abrogé, là, par le projet de loi, différentes dispositions qui prévoyaient ça et ça ne devrait pas rester tel quel.

Sur le reste, en fait, du projet de loi, quant aussi à la juridiction, en vertu de la LSST, de l'inspecteur de se réviser lui-même de ses décisions, écoutez, c'est donner un pouvoir à l'inspecteur d'être juge et partie. Son rôle est d'émettre des ordonnances qui vont jusqu'à la fermeture et au scellé de machines, fermeture de chantiers et scellé de machines. Il serait peut-être en conflit même d'intérêts et de conscience de se réviser en plus. Et ils sont des gens... Les inspecteurs sont sur les terrains à rencontrer des gens, à rendre des ordonnances qui doivent être rapides. Ajouter à leurs charges de réviser eux-mêmes de leurs propres décisions, ça ne devrait pas rester comme ça. Je pense qu'on devrait, encore là, regarder le pouvoir de révision tel qu'il est proposé, avoir donc nos personnes qui révisent l'inspecteur. Parce que, tel quel, vous lui demandez d'être juge et partie alors qu'il doit rendre des décisions que j'appelle urgentes à la vue des faits. Se réviser, ça peut créer autant des problèmes de conscience que des problèmes au niveau de leur statut même, d'être juge et partie dans un même dossier.

Quant au maintien également des membres patronaux et syndicaux pour être présents ou assister un juge, là-dessus, bon, le projet de loi fait un pas pour limiter à certaines décisions, à certains cas l'admissibilité des lésions processionnelles. Quant à nous, la nécessité du maintien de ces membres patronaux ou syndicaux là n'a peu cette utilité. Ils n'ont aucun pouvoir décisionnel. On maintient encore leur opportunité d'être présents. Si on veut maintenir ça tel qu'il est là, il faudrait au moins prévoir un délai pour la partie qui veut faire la demande d'avoir la présence d'un membre patronal ou syndical. Il doit le souligner, je pense, au tribunal dans un certain délai et délimiter ça, parce que le tribunal va se retrouver peut-être avec des gens, le matin d'une audition, qui vont dire: Bien, j'ai consulté, j'ai le droit d'avoir l'assistance. Et on va se retrouver avec des reports d'audiences à la dernière minute. Alors, il faudrait prévoir quelque chose si l'intention du législateur est de maintenir leur présence et si vous l'estimez utile, là, alors d'éviter effectivement les reports de dernière minute.

Pour le reste, je crois qu'au niveau... le projet de loi respecte les intentions d'avoir une justice qui va quand même plus rapidement et qui pense à la conciliation, au maintien du pouvoir de conciliation du tribunal. La décentralisation ou dérégionalisation, on le vit déjà avec la CLP, c'est efficace, les gens sont présents. Il faudrait éviter qu'au niveau budgétaire... et qu'on prévoit quelque chose au niveau budgétaire pour que ça augmente les coûts. Quand même, au niveau, déjà, nous, à la CLP, on sait que c'est des fonds, un fonds financé par les associations, par les employeurs du Québec qui paient pour ce tribunal-là. Si on décentralise, un partage, j'espère, des ressources matérielles serait important pour éviter quand même aussi un coût exponentiel face au coût qu'aurait la Division des lésions professionnelles. Ça fait le tour.

La nomination des juges. Et je reviens toujours sur «juge» parce que vous utilisez «membre» dans le texte. C'est confondant, là, avec les personnes qu'on peut nommer, d'associations, et, en tout cas, le membre. Si on veut parler de justice, on devrait parler de juge. Leur nomination devrait, à mon avis, prévoir que ce soit les mêmes types de concours que les juges de droit commun. À l'heure actuelle, on a une procédure qui s'apparente davantage à la sélection de cadres de la fonction publique, avec des tests et différents types de test qui visent davantage la sélection de cadres que la sélection de juges, des gens spécialisés dans le domaine. Alors, pour le reste, on a peut-être écoulé nos minutes. Merci.

Le Président (M. Simard): Oui. Je pense que vous avez très bien réussi à entrer tout ça dans les temps, dans les délais. Alors, j'invite maintenant le ministre à vous faire part de ses premières questions.

M. Bellemare: Alors, félicitations, Mme Letarte, Me Fournier, M. Beaudoin-Rousseau, pour cette présentation qui est de toute évidence axée sur une excellente connaissance du régime. On voit que vous avez de l'expérience dans la gestion des dossiers de santé et sécurité et dans les cas de contestation aussi.

n (14 h 30) n

J'essaie peut-être de résumer votre pensée concernant la présence des membres paritaires. Vous me corrigerez si c'est inexact, je crois comprendre que, vous, un, vous ne voyez pas la nécessité qu'il y ait sur les bancs, en matière de lésions professionnelles, de membres paritaires. Vous ne voyez pas la nécessité?

Mme Fournier (Claire): ...parce qu'ils n'ont aucun pouvoir décisionnel, donc peut-être que ça peut être vu comme... Ça peut aider des gens qui ne sont pas représentés, le fait qu'ils soient là, qu'ils les rassurent ou qu'ils siègent, mais, au niveau de notre milieu, ça ne nous aide pas ou ça ne nous nuit pas. Mais ça n'ajoute rien. Ce sont des frais additionnels, compte tenu qu'on a un secteur représenté.

M. Bellemare: O.K. Advenant le cas où le projet de loi, qui propose que le paritarisme soit... l'importance du paritarisme soit diminuée et que le paritarisme puisse subsister dans les cas... uniquement dans les cas de lésions professionnelles initiales, ce qui exclut les cas de rechute, récidive ou aggravation, advenant le cas où il y aurait des diminutions de coûts... Parce qu'on estime les coûts du paritarisme en termes salariaux uniquement. On ne parle pas des frais incidents, là, mais ça coûte à peu près 5,5 millions par année de salaires et de frais de déplacement à la CLP. Si nous vous donnons la garantie qu'en cas d'union ou de réunion des deux tribunaux les économies comme celles reliées à la diminution de l'incidence paritaire profitent uniquement à la section des lésions professionnelles, est-ce que ce serait un scénario qui vous agréerait?

Mme Fournier (Claire): ...il faut que ça reste un financement, là, moi, je dis, qui soit équitable. Mais il faut ajouter à cela qu'on devra prévoir, comme je vous dis, certains délais pour que les parties identifient leurs besoins de faire... et leurs choix, là. C'est-à-dire que c'est au choix d'une personne, là, de demander ça, là, parce que vous allez avoir des délais qui ne respecteront pas, là, ce que vous recherchez comme...

M. Bellemare: Ça va. Mais, juste sur la question du paritarisme, mettons, là, qu'on diminue ça, on laisse ça uniquement aux cas de lésions initiales, ce qui représente à peu près 30 % de l'ensemble des cas à l'heure actuelle, de sorte que de 5,5 % on passe à peu près à 1,7... 5,5 millions, pardon, on passe à peu près à 1,7 million, 1,8 million que ça coûterait pour le paritarisme, là, sans compter toutes les autres économies qui seraient reliées au fait que les bancs seraient simplifiés, que les audiences seraient plus rapides, etc., on pourrait assurer l'étanchéité finalement du financement de la section des lésions professionnelles pour assurer les employeurs du fait que la réduction des coûts reliée à la diminution du paritarisme profiterait aux employeurs et ne servirait pas à financer d'autres sections du tribunal d'appel, ça va?

Mme Fournier (Claire): Tout à fait.

M. Bellemare: Autre volet important, sur la question de l'intégration des deux tribunaux et de la représentation en région, c'est-à-dire de l'ouverture de greffes régionaux qui viendraient compléter ceux qu'on possède déjà à la CLP, est-ce que vous verriez d'un bon oeil qu'on assure là aussi le fait que les coûts rattachés au développement des greffes régionaux, qui ne seraient pas en relation avec les lésions professionnelles parce qu'ils ont déjà leurs greffes régionaux, mais que tous les coûts additionnels, réaménagement de bureaux, développement au plan matériel, agrandissement de locaux, etc., que... si on vous garantissait que tous ces frais-là, les frais d'implantation allaient être supportés par les sections autres que la section des lésions professionnelles, c'est-à-dire que les employeurs n'auraient pas à supporter les coûts de l'implantation du régime et du développement des greffes en région, est-ce que ce serait quelque chose qui vous agréerait également?

Mme Fournier (Claire): Oui, effectivement. Mais, comme vous dites, garantir, sur le plan de la loi, législatif ou de la réglementation, il faut que ce soit perceptible, là, dans le texte de loi.

M. Bellemare: Il faudrait que ce soit intégré dans une formule qui pourrait être rassurante. Parce qu'il y a déjà une formule de financement du Tribunal administratif du Québec à l'heure actuelle. La Régie des rentes paie un certain montant, la Solidarité sociale paie un autre montant, la Régie des rentes... Il y a une formule qui est établie. On pourrait étendre la formule et faire en sorte que la section des lésions professionnelles, qui relève des employeurs et qui est financée exclusivement par les employeurs québécois, obtienne la garantie qu'elle ne supporterait pas les coûts d'implantation et que les économies entraînées par le projet de loi au niveau du paritarisme, notamment, et autres économies d'échelle profiteraient aux employeurs québécois et seraient exclusives à la section des lésions professionnelles. C'est un scénario que j'avance, et je vous demande ce que vous en pensez.

Mme Fournier (Claire): Ce serait acceptable.

M. Bellemare: Bon. Au niveau des délais, je regarde votre tableau et, évidemment, je regarde tout ce qui est à la ligne centrale du projet de loi n° 35, je comprends que, dans la loi, les délais sont... Les délais maximums, là. Quand on parle d'une contestation dans les 90 jours, vous soutenez que les gens ou que certaines personnes attendraient au 89e jour ou au 88e jour pour pouvoir contester, mais il y en a beaucoup aussi qui contestent très rapidement. C'était mon cas. C'est, j'imagine, aussi le vôtre. Alors, ce sont des maxima. Et, évidemment, on sait bien que, dans certains cas, le délai de contestation, même s'il est de 90 jours, il y a des gens qui vont contester très vite, et la révision administrative ne prendra pas toujours 90 jours pour décider. Il y a des cas où ça va se faire beaucoup plus rapidement.

Mais, hypothèse, le délai de contestation qu'on a prévu dans le projet de loi n° 35 est de 90 jours partout. Actuellement, il est de 30 jours en matière d'accidents de travail, en révision administrative, dans la LATMP, là, la Loi sur les accidents du travail. Si on maintenait le délai à 30 jours, si on garde le délai tel qu'il est actuellement, qui, à certains égards, présenterait certains avantages parce que les travailleurs... Le même délai s'appliquerait aux employeurs comme aux travailleurs, donc les travailleurs pourraient en tirer un certain avantage du fait que les employeurs ne pourraient pas contester au-delà du 30e jour ? c'est une forme de garantie pour les travailleurs également ? et les employeurs également seraient liés par le délai de 30 jours, de sorte qu'on modifierait, par exemple, le 90 jours dans la section des lésions professionnelles seulement pour le ramener à 30 jours, comme c'est le cas actuellement.

Je continue mon hypothèse. Il y a, dans le projet de loi n° 35, un délai de 90 jours pour la révision administrative, et on a prévu un autre délai, optionnel cette fois-ci, de 90 jours pour permettre, s'il y a une matière médicale, par exemple, de prendre plus de temps pour réviser administrativement. Alors, je vous écoutais parler, vous avez raison là-dessus, en matière d'accidents de travail, en dehors des matières traitées médicalement par le Bureau d'évaluation médicale, il n'y a rien de médical dans des contestations qui sont dirigées ou à peu près rien, là, en révision administrative. De là peut-être l'inutilité, en matière de lésions professionnelles, d'avoir la possibilité d'avoir ce deuxième délai. Si on l'abolissait, le deuxième délai dans la section des lésions professionnelles, donc 30 jours de contestation, 90 jours pour réviser, et les matières médicales, celles qui seraient abordées par le Bureau d'évaluation médicale, comme c'est le cas actuellement, pourraient être portées en appel directement au tribunal d'appel.

Hypothèse en trois volets. J'ai l'impression que je résume un peu votre pensée, mais je vous dis: Si on modifiait le projet de loi pour faire en sorte que ce soit possible, on atteindrait, à mon avis, des délais qui sont plus courts que ceux qu'on a déjà actuellement. On couperait 60 jours dans le délai de contestation puis on couperait 90 jours dans le délai de révision administrative. Ça fait 150 jours de moins. Est-ce que ça...

Mme Letarte (Gisèle): Oui, c'est...

Une voix: 120.

M. Bellemare: 60 plus 90.

Mme Letarte (Gisèle): C'est intéressant.

M. Bellemare: On couperait le deuxième délai de 90 jours...

Une voix: Vous dites 30 plus...

M. Bellemare: ...ce serait 150 jours de moins. Est-ce que vous seriez à l'aise avec cette formule-là, hypothèse?

Mme Letarte (Gisèle): O.K. Là, si je comprends bien, c'est qu'on... de la décision de la CSST, les deux parties ont 30 jours pour contester la décision?

M. Bellemare: On maintiendrait la situation actuelle, 30 jours pour contester, sauf les questions médicales qui, elles, iraient directement au tribunal, parce que le BEM, ça va devant le tribunal.

Mme Letarte (Gisèle): C'est ça. Alors, ce que vous faites, vous venez encadrer la période de révision de la CSST qui, même si... C'est en moyenne 112 jours, là on vient fermer ça à 90 jours.

M. Bellemare: Un petit effort.

Mme Letarte (Gisèle): Si la CSST veut parler, elle a 90 jours.

M. Bellemare: Un petit effort à 90 jours.

Mme Letarte (Gisèle): Un petit effort à 90 jours.

M. Bellemare: Ils sont rendus à 100 quelques jours, un petit effort à 90 jours, un seul délai.

Mme Letarte (Gisèle): Plus 30 jours pour aller faire... maintenir notre appel en décision au TRAQ?

M. Bellemare: Je n'ai pas d'hypothèse là-dessus. Je regardais simplement les trois volets: délai de contestation, délai de révision administrative et possibilité d'en appeler directement, sans passer par la révision administrative pour les questions médicales.

Mme Letarte (Gisèle): Ce serait excellent.

M. Bellemare: Ce serait correct, ça?

Mme Letarte (Gisèle): C'est excellent.

M. Bellemare: O.K.

Mme Letarte (Gisèle): Une petite... une possibilité aussi, pour les réviseurs à la CSST, d'entériner des ententes, ce serait majeur aussi.

M. Bellemare: Qu'est-ce que vous voulez dire par là?

Mme Letarte (Gisèle): Bien, c'est parce que, des fois... Puis, on le fait à la CLP, hein, 52 %, à peu près, des dossiers qu'on amène à la Commission des lésions professionnelles, on s'entend avec l'autre partie à l'aide d'un conciliateur de la commission, de la CLP, et puis on fait une entente, et on ne va pas devant le commissaire. Et il y a des dossiers qui sont de nature moins importante qu'on rend là où on pourrait s'entendre.

n (14 h 40) n

M. Bellemare: Mais qu'est-ce qui empêche actuellement, dans le projet de loi actuel, qu'un réviseur révise sa décision et que... Au fond, c'est comme une entente. C'est sûr que le travailleur ou l'employeur ne l'endosse pas, mais, s'il ne conteste pas, s'il ne va pas plus loin devant le tribunal, c'est comme s'il acceptait.

Mme Letarte (Gisèle): Dans le cas où on parle, le travailleur endosserait l'entente avec la partie patronale et la CSST parce que la CSST doit être souvent partie prenante à ces décisions-là.

M. Bellemare: Mais c'est quoi, la différence, entre un travailleur qui ne conteste pas une décision révisée qui fait son affaire puis un travailleur qui met sa signature dans le bas? Parce que la signature, ce n'est pas un problème, ça? On m'a toujours dit, moi, quand il faut avoir une signature, c'est compliqué: on ne trouve pas le travailleur, il ne veut pas signer, il change d'idée, alors qu'une décision... C'est un peu le principe dans notre droit administratif, une décision avec un délai qui est dépassé, la décision devient finale.

Mme Letarte (Gisèle): Je vais te laisser...

Mme Fournier (Claire): O.K. C'est que, si la révision vient infirmer la première décision et qu'elle satisfait le travailleur, où est le recours pour l'employeur dans votre loi? C'est là qu'on se dit: S'il peut y avoir entente... Entre autres, les dossiers de très courte durée où on regarde l'indemnisation, la valeur de l'indemnisation, on règle des choses définitivement, là, des fois, avec le conciliateur qui favorise le travailleur et favorise l'employeur aussi. Mais c'est toujours dans l'optique où le réviseur peut modifier la décision et la rendre, comme on dit, favorable à la partie qui conteste. Qu'est-ce qui arrive pour l'autre? On se retrouve encore... Il y a un vide juridique, là, ici, dans cette loi-là. Est-ce qu'on peut contester? C'est une nouvelle décision en commission... de la commission, ça? Il y a un vide juridique ici, là.

Et donc c'est pour ça, comme on a précisé qu'il y a de la conciliation au tribunal et que la révision administrative telle qu'on la connaît n'a jamais pris cette juridiction-là de dire: On va faire ça de façon finale avec les parties, on va essayer vraiment de vous parler pour rendre notre décision en révision finale, elle ne le fait pas, je ne vois pas dans le texte qui est là qu'est-ce qui va lui permettre de le faire plus. Il y a un vide, là.

Une voix: Ou peut-être...

M. Bellemare: Pour l'instant, ça va, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Thériault): Ça va pour l'instant? Merci, M. le ministre. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. On va continuer sur le même thème. Là, vous comprendrez, je ne suis pas un spécialiste. J'ai fait des relations de travail, mais pas de la CSST, de la CLP, et c'est un monde à part, là. Mais vous avez bien expliqué seulement... si ce n'est qu'en termes de délais, là, je vous dirais, les effets du projet de loi. Évidemment, si on pousse à la limite ? on n'a pas à le faire ? avec les propositions du ministre ? je vois que le ministre est aussi attentif ? mais, sur l'aspect de la révision, là, que vous abordiez... Autrement dit, ce que vous nous dites, c'est que, si j'ai bien compris, là, si le pouvoir administratif décide de réviser sa décision et à la satisfaction d'une des parties, ce que vous me dites, c'est qu'actuellement le projet de loi ne prévoit pas de possibilité de contestation?

Mme Fournier (Claire): Exactement. Toute la juridiction, si on peut dire, de la révision est dans votre article 359.1, l'article 92, là, du projet de loi, l'article 92 du projet de loi, et là on vient encadrer la révision à l'article 359.1. Et, par la suite, on dit bien qu'on abolit 361 de notre actuelle LATMP et on vient modifier 362 aussi. Il n'y a pas de pouvoir de contester la décision rendue en vertu de 359.1. Et regardez 359.2 qui vous dit qu'on a 30 jours pour maintenir l'appel pendant au TRAQ. C'est tout. Il ne vous dit pas que vous avez 30 jours pour contester la décision de la révision administrative si elle... la révision si elle vient infirmer...

M. Bédard: O.K. Autrement dit, la décision qui irait en appel, c'est la première décision même si elle a été révisée selon la loi actuelle. C'est ce que vous me dites.

Mme Fournier (Claire): Mais oui. Et donc, est-ce que l'autre partie peut dire: Bien, moi, je veux qu'il maintienne son appel même si la décision n'a plus d'effet?

M. Bédard: La révision me satisfait, mais là je ne peux plus rien faire, la décision est en appel. Et la première décision, évidemment, c'est la décision originale donc, et l'autre ne pouvait pas être portée en appel, autrement dit.

Mme Fournier (Claire): Où est-ce qu'elle tombe, l'autre? Elle est... un vide, là.

M. Bédard: Ce n'est pas simple.

Mme Fournier (Claire): C'est pour ça que, si l'autre partie...

M. Bédard: Mais ça serait... le résultat serait aberrant si on finirait comme ça, c'est clair, là.

Mme Fournier (Claire): C'est ça. C'est pour ça que, si l'autre partie a le même 30 jours pour manifester qu'elle conteste la révision qui vient infirmer, on ne prolonge pas les délais, c'est le même 30 jours que pour l'autre partie, l'employeur, le travailleur qui veut maintenir parce qu'il n'y a pas eu révision. Alors, c'est dans ce sens-là, là, qu'on n'ajoute pas un délai, là, il faut préciser ça, les effets juridiques de la révision qui infirmerait.

Mme Letarte (Gisèle): Le deuxième volet de la révision, aussi, c'était de se dire: Bien, peut-être que le réviseur peut agir à titre de catalyseur et parler aux deux parties pour qu'eux en viennent à une entente. Alors là ce n'est pas le réviseur qui rend une décision, c'est les parties qui vont s'entendre sur la fin du processus à cette étape-là sans se rendre à la CLP. Le travailleur, l'employeur, à l'aide de quelqu'un ? parce que, souvent, ces gens-là ne peuvent pas se parler ? à l'aide d'une troisième partie qui serait la révision administrative de la CSST, pourrait aider les deux parties à s'entendre pour qu'il n'y ait plus... la contestation se termine là à la satisfaction des deux parties. Alors là ce serait terminé. On le fait maintenant à la CLP et on pense que ça rendrait la justice administrative, la révision encore plus humaine, plus facile pour tout le monde.

M. Bédard: C'est une révision participative, autrement dit, dans le sens que...

Mme Letarte (Gisèle): C'est ça. Alors là elle serait finale, cette entente-là. Personne ne pourrait revenir dessus.

M. Bédard: C'est clair. Et vous me dites qu'actuellement ce n'est pas le cas?

Mme Letarte (Gisèle): Non. Non.

M. Bédard: Ce n'est pas clair dans le projet de loi? Mais, si les parties s'entendent...

Mme Letarte (Gisèle): Non. Bien, on ne le voit pas dans... Ça n'existe pas maintenant à la révision administrative, et on ne le voit pas dans le projet de loi.

M. Bédard: Je le sais. Mais, si les parties s'entendent, à ce moment-là, ils signent... à ce moment-là, ils conviennent que le règlement est final et que ça met fin au litige.

Mme Letarte (Gisèle): À la CLP, c'est comme ça. Ça met fin au litige. Mais, si c'était fait à...

M. Bédard: À l'autre étape.

Mme Letarte (Gisèle): ...l'étape de la révision, qui est avant, ça mettrait fin au litige, on n'irait pas à la CLP pour...

M. Bédard: Mais, actuellement, ce n'est pas le cas, vous me dites?

Mme Letarte (Gisèle): Non. Quand on ne s'entend pas, le réviseur rend sa décision, et on retourne à la Commission des lésions professionnelles, et on recommence le débat. Et, des fois, là, on règle en conciliation. La moitié des dossiers sont réglés à cette étape-là.

M. Bédard: O.K. Pour bien comprendre, si, moi, je m'entends avec l'autre partie, tout le monde s'entend, on signe un document à l'effet qu'on s'entend, ça met fin au litige?

Mme Letarte (Gisèle): Oui.

M. Bédard: Je n'ai pas à aller ni devant aucune autre instance...

Mme Letarte (Gisèle): Aucune autre instance.

M. Bédard: ...puis le projet de loi n'a pas besoin de me dire ça non plus?

Mme Letarte (Gisèle): Si c'est un règlement, c'est un règlement aussi dans la tête de tout le monde.

M. Bédard: Comment vous me dites ça?

Mme Letarte (Gisèle): C'est un règlement, c'est une entente, ce n'est pas imposé, là.

M. Bédard: Oui. Ce n'est pas imposé. Voilà.

Mme Letarte (Gisèle): C'est ça.

M. Bédard: Mais là, à ce moment-là, je n'ai pas besoin de dispositions particulières me permettant de...

Mme Letarte (Gisèle): Mais il faut quand même en prévoir, des dispositions particulières, parce que ça arrive qu'on n'en vient pas à une entente. Il y a des dossiers où les parties sont trop loin d'un règlement, où les enjeux financiers ou économiques ne peuvent pas être conciliés.

Mme Fournier (Claire): Mais c'est parce que, des fois, ça pourrait... l'entente pourrait infirmer la première décision...

M. Bédard: Oui. Puis souvent c'est le cas?

Mme Fournier (Claire): ...et là il faut que la CSST puisse dire... Elle va avoir ses effets juridiques, d'où le réviseur rend une décision, mais elle est finale parce que les parties se sont entendues. Si elle vient infirmer, il faut qu'elle ait des effets, là, à la CSST, cette décision-là.

M. Bédard: Oui, oui, parce qu'elle va payer évidemment... bien, elle... plutôt, il y a les conséquences qu'elle va avoir. O.K. O.K. O.K. Là, je comprends.

Mme Letarte (Gisèle): Il va y avoir des changements à faire dans son système, là, oui.

M. Bédard: Ah! O.K. O.K. O.K. O.K. Et il n'y a absolument rien de prévu?

Mme Fournier (Claire): Non.

M. Bédard: Et puis il faudrait le prévoir effectivement pour donner...

Mme Letarte (Gisèle): On pense que ce serait intéressant pour les travailleurs et les employeurs du Québec de ne pas aller nécessairement à la Commission des lésions professionnelles pour plusieurs cas, là, qui est un palier... La CLP, là, doit traiter les dossiers les plus litigieux et importants.

M. Bédard: Si les deux parties s'entendent, est-ce que la CSST doit être partie à cette entente?

Mme Letarte (Gisèle): Oui.

M. Bédard: Obligatoirement?

Mme Letarte (Gisèle): Dans presque tous les cas, oui.

M. Bédard: Non, non, ça me semble avoir du sens, effectivement. Alors, je vous remercie du petit cours. On va devenir tranquillement, nous aussi, des experts dans le domaine plus précis de la santé et sécurité. Mais je pense que je vais refaire mes lectures un peu. Vous m'avez allumé sur plusieurs points qui vont demander sûrement une lecture encore plus attentive. Mais je vous remercie d'avoir soulevé vraiment des points d'intérêt.

De façon plus globale, je voudrais voir avec vous... Bon, il y a l'aspect paritaire que vous avez mentionné. L'aspect plus... Le fait de fusionner tout court, disons. Vous, vous plaidez plus devant la CLP, vous me dites. Vous êtes... Et on a vu beaucoup d'employeurs et même les syndicats demander à ne pas impliquer la CLP, puisque ça va bien à la CLP en général. Les gens disent que l'organisme fonctionne bien. Les gens en général sont satisfaits. Qu'est-ce que vous pensez effectivement du fait de fusionner les deux instances ensemble?

n (14 h 50) n

Mme Fournier (Claire): Écoutez, pour le point le plus important, je crois, et nécessaire qui était la fusion, ce débat-là sur la déjudiciarisation, quand on a créé le TAQ, existait déjà. Comment se fait-il qu'on n'a pas fusionné? Si on veut appeler un juge un juge et rendre nos tribunaux d'apparence plus impartiale, je crois que l'intégration au TRAQ va donner ce message-là et vraiment identifier ça comme étant un tribunal plus impartial et, dans... la façon de les nommer, nomination sur bonne conduite, va créer plus d'impartialité, mais d'indépendance de nos commissaires actuellement. Je ne peux pas parler pour eux, mais, moi, c'est l'impression que j'en ai. Toujours les garder à part sans les intégrer à la justice administrative... À un moment donné, ça ne crée pas ce climat-là d'impartialité et d'indépendance si on ne les intègre pas avec la réforme qui est proposée dans la nomination, entre autres, pour bonne conduite, là.

M. Bédard: O.K. Et si, par exemple... Mais je le comprends et je ne veux pas contester votre point de vue, mais je veux bien comprendre le point de vue des autres, parce que vous comprendrez qu'après, quand vous allez partir, on en a beaucoup qui viennent, et d'autres vont venir nous dire: Écoutez, vous ne devez pas intégrer les deux organismes parce que, bon, la CLP fonctionne bien. Mais si, par exemple, je prenais le mode de nomination des membres du tribunal de la CLP, du TAQ, ou du nouveau TRAQ, ou peut-être du TAQ, peu importe...

Une voix: Du TAQ au TRAQ.

M. Bédard: ... ? du TAQ au TRAQ, oui ? et que, finalement, je prends le même processus de nomination et de reconduction et je l'impose... ou plutôt j'en fais une partie intégrante des membres du tribunal de la CLP, de la nouvelle... je garde la CLP telle quelle, est-ce que vous auriez la même opinion? Est-ce que... ou c'est le fait plutôt d'intégrer la CLP avec l'ensemble du TAQ, qui a d'autres juridictions, qui a pour effet, en plus, selon vous, si on enlève le côté paritaire, là, finalement de ce que j'ai compris de vos propos, d'élever un peu ce tribunal à un statut vraiment plus fort, au niveau quasi judiciaire, disons?

Mme Fournier (Claire): Je retiens votre dernier membre de phrase. C'est ça qui est déterminant si... Ça demeurerait viable parce que la CLP, elle fonctionne, c'est vrai, très bien dans sa régionalisation. C'est un système, dans le fond, que le nouveau TRAQ viendrait adopter parce qu'il a démontré ses preuves. Dans la façon de concilier aussi, c'est un service qui est très fort, qui est très bien structuré. Ils ont mis beaucoup d'énergie et de formation de leur personnel. À cet égard-là, il est un modèle, mais je pense qu'on pourrait l'élever justement à un statut de tribunal, là.

M. Bédard: Plus fort. O.K.

Mme Letarte (Gisèle): Un des soucis importants qu'on a, nous, comme association, c'est le coût rattaché à la fusion de la CLP avec le reste des tribunaux. Je ne pense pas que... Ça va bien à part, on reste à part, là. On n'attrapera rien, là, si on s'en vient avec le TAQ, à moins qu'on attrape les budgets. Ça, c'est une inquiétude qui est claire pour nous autres: ça ne doit pas coûter plus cher. En toute logique, ça doit coûter moins cher de partager les locaux, les ressources personnelles et matérielles.

M. Bédard: Effectivement, puis je pense que le ministre d'ailleurs a ouvert là-dessus en disant...

Mme Letarte (Gisèle): C'est ça.

M. Bédard: D'ailleurs, la régionalisation, en bref, c'est que vous avez des économies d'échelle. Alors, s'il y a un partage, si le TAQ finalement devient, lui, régionalisé, j'imagine que, pour vous, en termes de coûts ou de responsabilité de coûts, ça va être moindre parce qu'il y a quelqu'un qui va prendre une partie de cette régionalisation. En tout cas, moi, c'est la même déduction que j'ai. Je ne veux pas sauver des coûts à personne, là, mais c'est évident que si, vous, vous avez déjà la structure, quelqu'un paie pour utiliser une structure qui existe en partie déjà, du moins, en tout cas, ça ne peut pas coûter plus cher. Au mieux... au pire, disons que ça va coûter le même prix, mais ça ne peut pas coûter plus cher. C'est le raisonnement que vous faites?

Mme Letarte (Gisèle): Oui.

M. Bédard: Vous dites: On ne veut pas supporter les coûts, d'autant plus que vous êtes une source de financement extérieure. Ça pourrait être séduisant d'aller chercher une partie du financement. Alors, vous faites bien d'être sur vos gardes, mais le ministre a démontré une belle ouverture là-dessus à l'effet même de vous épargner certains coûts relativement à cette réforme. Et c'est tant mieux parce que la régionalisation va coûter quelque chose. Même en termes d'adaptation de locaux, il y aura des obligations quand même qui vont découler de cela.

Et, vous, vous n'avez aucune crainte non plus... Et je ne vous demande pas que vous me disiez oui, là, au contraire, là, mais, quant aux délais, le fait, là, de modifier la CLP... Que ce soit quant aux délais, le fait d'enlever l'aspect paritaire... Vous n'avez aucune crainte tant par rapport aux délais que par rapport à la conciliation? Vous, vous êtes, au contraire, je vous dirais, partisans de cette réforme?

Mme Letarte (Gisèle): On n'a pas de problème. Ça ne nous apporte rien, là, le paritarisme, à nous, à nos employeurs. On ne pense pas que ça ajoute aux droits, puis il y a des frais rattachés à ça, des millions. Comme le disait le ministre Bellemarre, il y a beaucoup d'argent rattaché à ça. Donc, nous, c'est sûr, si cette étape-là pouvait être éliminée, on le prendrait. Si on parle de l'avoir juste pour la question de l'accident en lui-même, de la survenance de l'accident, des lésions, donc on veut... on voudrait qu'il y ait une disposition qui forcerait les parties à en faire la demande, de ne pas se ramasser la veille de l'audition puis que quelqu'un viendrait dire: Bien, j'ai besoin...

M. Bédard: Bien, ça, vous avez tout à fait raison.

Mme Letarte (Gisèle): ...juste prévoir ça.

M. Bédard: Mais ça, le ministre en a certainement pris note parce que c'est des choses justement qui font en sorte que les gens... Et ce n'est pas de la mauvaise foi, là. Ou ça peut être dilatoire parfois, là, mais, en général, les gens vont arriver le matin même puis: Écoutez, moi, je veux quelque chose de paritaire, puis bop! ça y est, là, on...

Mme Letarte (Gisèle): ...que la soupe est chaude, ou que c'est difficile, ou...

M. Bédard: Oui, oui. Non, non, vous avez raison, effectivement. Il y a un processus plus complexe finalement qui... C'est l'avantage d'avoir des gens comme vous qui êtes bien au fait de cette procédure. Alors, je vais laisser la parole au ministre. Je vous remercie vraiment de vos commentaires. Ça va amener même encore plus de recherches quant aux différents... même quant aux délais, là. J'ai vu votre tableau qui est fort intéressant. Des fois, on veut bien faire, il y a quand même... Il ne faut pas que la loi, tout en ayant de bonnes intentions, serve d'outil finalement à ceux qui, eux, ont des visées plus dilatoires. Alors, il y a une façon de mieux encadrer l'exercice des droits par les gens pour arriver à l'objectif que vous souhaitez et que nous souhaitons tous. Alors, je vous remercie infiniment.

La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le député de Chicoutimi. M. le ministre.

M. Bellemare: Oui. Alors, sur la question de prévoir qu'une partie qui souhaiterait un banc paritaire dans les cas de lésion professionnelle initiale puisse le faire dans un délai précis, avez-vous une idée du délai, en même temps que la contestation...

Mme Letarte (Gisèle): Moi et Claire, on a...

M. Bellemare: ...parce que, une fois que le travailleur...

Mme Letarte (Gisèle): Excusez-moi.

M. Bellemare: Oui, excusez-moi. Allez-y.

Mme Letarte (Gisèle): On avait parlé, moi et Claire, qu'en même temps que la contestation ça serait bien.

M. Bellemare: Parce que, si c'est un système optionnel, évidemment, il y a des travailleurs, des employeurs qui vont contester qui ne savent pas trop que ça existe, cette option-là. Peut-être qu'il faut leur donner le temps de... hein, leur dire: Voici, avez-vous... Dans un délai x, dites-nous si vous voulez un banc paritaire, pour qu'au moins ils puissent savoir ce que c'est, parce que spontanément, si on le fait juste au stade de la contestation, il y en a plusieurs qui risquent de ne pas le savoir. Je ne sais pas, je vous le...

Mme Fournier (Claire): S'ils ont passé à la révision administrative, la révision devrait peut-être le repréciser, qu'on... Votre délai de révision, peut-être l'inscrire au moment de la demande. Mais le délai maximal serait une fois le processus de révision terminé, s'il y en a eu un, et il faudrait prévoir que ce soit identifié, là, dans ces délais-là.

M. Bellemare: Merci. Alors, mon collègue a...

La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, Mme la Présidente. Ma question s'adresse peut-être plus directement à Me Fournier, quoique, si vous estimez que ce soit l'un ou l'autre des intervenants qui y réponde plus adéquatement, là, allez-y gaiement.

Ce matin, nous avons entendu... Et, je reviens sur un point qui est l'intégration ou le regroupement de la CLP et du Tribunal administratif du Québec en un seul organisme. Vous avez abordé cette question-là en réponse à des questions que vous a posées le ministre. Ce matin, nous avons entendu la Conférence des juges administratifs du Québec de même que les représentants de l'Association des avocats et des avocates de province qui, eux aussi, voient d'un bon oeil l'unification de ces deux organismes-là. Et ils nous ont avancé sept ou huit critères qui, selon eux, sont des critères positifs qui militent en faveur du regroupement. J'aimerais vous entendre sur trois de ces critères-là. Le premier, on nous dit que l'intégration des deux organismes aura pour effet d'enrichir, au plan de la qualification des membres, les décisions et donc la justice qui émanera de l'organisme regroupé, que cette intégration favorisera, dans un deuxième temps, la régionalisation et surtout, lorsqu'on parle de la question des délais, tant au niveau de la régionalisation, que le regroupement permettrait une meilleure gestion des rôles. J'aimerais entendre votre point de vue sur ces questions.

Mme Fournier (Claire): Une meilleure gestion des rôles?

Une voix: En région.

Mme Fournier (Claire): Ça, c'est le personnel à l'intérieur et la volonté des parties qui vont faciliter...

n (15 heures) n

M. Moreau: Mais, dans le cadre des régions. Parce que, en région, on nous disait: Écoutez, si la cause est entendue à Sept-Îles, ça va prendre huit mois, mais, si les parties s'entendent pour déménager tout le monde à Québec, bien ça pourra être entendu à l'intérieur d'un mois. En ce sens-là, on nous disait: Écoutez, ça permet d'accélérer les délais en région. Si vous n'avez pas de point de vue là-dessus, ça va, mais sur les deux autres critères...

Mme Fournier (Claire): Effectivement, enrichir sur le plan de la qualification, bien, effectivement, je trouve qu'au niveau de... Vous allez rechercher peut-être des candidats de plus haut calibre, à mon avis, si vous allez... maintenez votre système de nomination avec une expérience d'au moins... Il faut avoir une expérience d'au moins 10 ans, être avocat ou notaire. Et le fait de permettre cet élément d'indépendance du tribunal en étant... faisant partie du TRAQ... La mobilité peut-être de ces gens-là d'un secteur à l'autre pourrait être prévue. Vous allez rechercher des gens de qualification qui vont finir aussi par se spécialiser, mais qui peuvent aspirer à se développer dans un plus grand tribunal, là. Je pense que vous créez quelque chose de plus fort, là, au niveau de la qualité de vos membres à ce niveau-là.

Favoriser la régionalisation ? on la vit déjà avec la CLP, là ? ce que ça peut amener, c'est effectivement qu'on peut aller interchanger les gens peut-être d'un tribunal à l'autre, aller chercher un certain support qui va créer une efficacité du tribunal, là, une rapidité du tribunal de traiter toutes les demandes, je pense. C'est comme ça que je pourrais y répondre, là. Je n'ai pas été là ce matin. Je n'ai pas entendu ou lu les mémoires des autres participants ce matin, là, mais je n'y répondrai pas plus avant que de cette façon-là.

M. Moreau: Et, un peu dans le même sens, en d'autres termes, lorsqu'on soulève ces critères-là, vous estimez que ce sont des critères qui sont valables en soi et qui militent en faveur du regroupement des organismes.

Mme Fournier (Claire): Oui. Tout à fait.

M. Moreau: Je ne sais pas le temps qu'il nous reste, M. le Président. Combien de temps nous reste-t-il?

Le Président (M. Simard): Je m'excuse.

M. Moreau: Non, ça va.

Le Président (M. Simard): Il ne reste qu'une minute, même pas, hein! Deux minutes. Alors, le temps peut-être d'un commentaire, cher ami.

M. Moreau: Écoutez, la question déborderait largement ce temps-là. Je voulais revenir sur la question du paritarisme, mais on aura sûrement l'occasion de pouvoir en reparler, au cours de nos travaux, avec d'autres personnes et on lira les commentaires que vous avez faits à cet égard-là. Je vous remercie.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Marguerite-D'Youville. Il vous restait quelques secondes. Vous vouliez poser une question?

M. Bédard: Je vous trouve sévère, M. le Président. J'ai compris qu'il me restait un peu plus, mais je vais ne pas l'utiliser au complet.

Le Président (M. Simard): ...M. le député.

M. Bédard: Ah! Je vous remercie, M. le Président. Mais étant donné que vous venez nous rejoindre... Simplement pour apprécier une chose avec vous, vous disiez... Sur la CLP, actuellement, est-ce que je me trompe ou le processus de nomination est effectivement le même, celui de 10 ans de...

Mme Fournier (Claire): Vous savez, les fameux concours que j'appelle de cadres, là, de sélection de cadres, qui ont été développés, entre autres, par l'ENAP, je ne vois pas cet examen-là comme étant ce qui devrait qualifier le juge. Il faudrait se rapprocher des concours des juges des tribunaux de droit commun, ce qu'on n'a pas à l'heure actuelle. On fait faire des jeux de rôle, on fait faire des examens, en tout cas, qui ont été développés par l'ENAP, et on ne va pas chercher la qualification professionnelle et l'expertise qu'ils ont du domaine. Ça, là, c'est un petit peu à ce niveau-là que j'ai des réserves sur le mode de sélection.

M. Bédard: Processus.

Mme Fournier (Claire): Oui, c'est écrit 10 ans, avocats, notaires, mais il y a une finalité au bout de ça, de test, là, qui...

M. Bédard: ...vous dites que ce n'est pas effectivement...

Mme Fournier (Claire): Non.

M. Bédard: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Très bien. Merci beaucoup. Alors, je remercie beaucoup nos amis de l'APCHQ qui sont très concernés évidemment par ces questions, qui ont une expérience très concrète, très pratique, d'être venus nous présenter leur mémoire. Et nous allons suspendre quelques minutes. Et nous invitons tout de suite le groupe suivant à nous rejoindre. Il s'agit de Mme Lippel de l'Université du Québec à Montréal.

(Suspension de la séance à 15 h 4)

 

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Simard): Si M. le ministre peut venir nous joindre, nous allons commencer, reprendre nos travaux.

Alors, nous avons comme prochaine invitée à cette commission Mme Katherine Lippel, qui est de l'Université du Québec à Montréal. Alors, vous connaissez nos règles. Vous nous présentez... (panne de son) ...mémoire dans une vingtaine de minutes et, ensuite, nous vous posons des questions et nous discutons avec vous. Alors, nous vous écoutons, madame.

Mme Katherine Lippel

Mme Lippel (Katherine): Merci beaucoup. Alors, je vous remercie de l'invitation, premièrement. Je vous remercie, M. le Président, et aussi M. le ministre.

Je me présente brièvement. Je suis professeure de droit spécialisée dans le droit de l'indemnisation à la fois au niveau des lésions professionnelles, mais également au niveau de l'assurance automobile et au niveau des victimes d'actes criminels. Je suis beaucoup plus spécialisée en santé au travail que dans les autres domaines, mais j'ai quand même écrit des livres dans les trois domaines. Et je suis chercheure, et c'est à ce titre que je suis ici.

Les projets de recherche sur lesquels je me base pour faire mes présentations et dans le cadre de mon mémoire... Actuellement, je mène des recherches financées par le Conseil de recherches en sciences humaines sur les effets sur la santé des justiciables des procédures en droit administratif au Québec, notamment les accidentés d'automobile et les accidentés du travail. Parce qu'on s'est demandé à un moment donné, après 20 ans d'expérience dans le domaine, pourquoi le système rend malades certaines personnes et qu'est-ce qu'on peut faire pour l'éviter.

Et c'est un projet sur trois ans. On est en plein milieu du projet, mais, l'occasion étant importante, je me suis dit: Ce serait important de partager avec vous, d'autant plus que ce sont des résultats qui découlent de recherches financées par les fonds publics, là où on est rendus dans nos recherches là-dessus.

Alors, je ne vous lirai pas... Et j'ajouterai aussi qu'il y a deux ans j'ai fait une étude en droit comparé sur les 13 provinces ou 13 juridictions au Canada en matière de révision et d'appel en matière de lésions professionnelles et pour le compte de la Commission des lésions professionnelles. Et certains extraits, dont les annexes, certaines annexes que vous avez avec le mémoire, sont tirés de cette étude. Ils sont figés en 2001. Je n'ai pas eu le temps ni le budget... parce que je suis professeure à l'Université, mais je suis là à titre purement personnel. Mais il y a des données là-dedans que je crois importantes à partager avec vous également.

Alors, dans mon mémoire, la première partie, je fais l'historique pour les gens qui sont moins spécialisés dans le domaine. L'essentiel à retenir au niveau de l'historique, c'est qu'il y a la Loi sur les accidents de travail. L'équivalent de cette loi existe depuis 1909. C'est géré par la Commission des accidents de travail depuis 1928, aujourd'hui la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Et un tribunal d'appel indépendant n'a été créé qu'en 1977. Alors, l'appel externe à la CSST est récent.

Et on est rendu, avec votre projet de loi, à votre quatrième remplacement de tribunal. Alors, compte tenu du fait que... Et je veux souligner mon soutien au projet de loi et au ministre qui le pilote sur l'importance d'aller chercher une indépendance pour ces tribunaux-là que je sais clé. On le sait depuis le début que c'est très, très, très important de maintenir l'indépendance des commissaires. Mais il faut aussi se poser la question, lorsqu'on a une vision historique, si, à chaque fois... Et je ne dis pas que c'est ce que vous faites ici, mais, dans le passé, j'ai déjà vu un tribunal disparaître parce qu'il déplaisait.

Alors, même si les membres sont permanents, si le tribunal peut disparaître à tous les cinq ans, il y a une autre hypothèque sur l'indépendance à laquelle je vous invite à réfléchir. Personnellement, je crois que la CLP, avec tous ses défauts et toutes ses qualités... Quand même, je pense que les objectifs louables qu'on cherche à rencontrer pourraient être rencontrés sans démanteler le système actuel, parce que je vois un certain nombre d'inconvénients à fusionner le CLP avec le TRAQ, et je m'explique. Je pense que je m'explique plus longuement dans le mémoire, mais je veux le souligner.

Autre élément de l'historique que je veux souligner, et ça ne paraît nulle part au niveau des écrits, dans le fond, c'est que, jusqu'en 1998, il y a eu deux paliers. Il y avait une révision et un appel et il y avait une audition au niveau de la révision, de 1977 à 1998. Et, depuis 1998, le travailleur qui conteste ou l'employeur qui conteste, il y a une révision de son dossier puis, ensuite, ça va à la Commission des lésions professionnelles.

Dans le cadre des résultats de nos recherches, on constate qu'il y a un bon nombre de travailleurs, parce qu'on sait que 60 % des travailleurs au Québec ne sont pas syndiqués, qui se réveillent à la CLP. Et c'est là où ils réalisent qu'il aurait fallu chercher un représentant ou une expertise ou qu'il aurait fallu peut-être hypothéquer la maison pour aller chercher un soutien au niveau d'un avocat. Mais c'est une décision finale et sans appel. Alors, lorsqu'il le réalise, c'est seulement lorsqu'il reçoit sa décision, et là il dit: Mais là je vais aller en appel. Mais il n'y a pas d'appel. Alors, avant, on avait cette espèce d'expérience traumatisante pour l'accidenté parce que, on s'entend, les accidentés sont moins... plus démunis que les employeurs dans ce contexte-là. Il vivait le choc au BRP qui n'était pas nécessairement très souhaitable comme organisme. Mais il y avait quand même un recours. Alors, il y avait quelque chose à faire. Et ce qu'on voit depuis 1998, et c'est tout récent, ça fait juste quatre ans, cinq ans à peine, les gens, ils vont direct à la CLP et ils vont direct... Souvent, à 50 % d'entre eux, ils se ramassent à régler en conciliation des fois et ils ne savent pas nécessairement ce qui leur arrive et, lorsqu'ils le savent, c'est trop tard. Et comme juristes praticiens, on ne voit pas... on ne fait pas de service après vente, d'habitude. On ne voit pas les gens, surtout s'ils n'avaient pas d'avocat, on ne les voit pas lorsqu'ils sortent du tribunal, et c'est ça, notre étude qu'on fait actuellement.

Ce qu'on constate, c'est que les gens sont surprenamment satisfaits de la qualité de l'écoute s'ils passent à l'audience, mais qu'il y a des sérieux problèmes au niveau de la conciliation qui est très traumatisante pour les gens. Et ça, je ne le cherchais pas, c'est les gens qui nous le disent. Alors, je voulais au moins m'assurer que vous soyez au courant de ça.

Au niveau de la santé... Je vais vous parler de l'indemnisation en général, les trois régimes. Dans les trois cas, les justiciables, par définition, sont malades, hein! Ils sont là pour ça. Et, lorsqu'ils sont malades, ça soulève deux... Y a-t-il quelqu'un qui veut concevoir une politique? Il y a deux choses à savoir. On a quelqu'un qui est fragile, on a un justiciable qui est peut-être médicamenté, mais il n'est pas nécessairement très débrouillard et, d'autre part, on a des gens où la question en litige est de nature médicolégale. Et qui dit «médicolégale» dit «coûts d'expertise», c'est extrêmement important de le réaliser. Et il y a d'autres gens qui vont venir vous parler des techniques, des articles, et tout ça, mais c'est des souvenirs que je veux vous laisser pour que, lorsque vous écoutez les autres, vous vous rappeliez de ces éléments-là.

Autre élément clé, le déséquilibre structurel. Et le déséquilibre structurel se situe à deux niveaux. Je vais commencer juste... On parle du TAQ, pour le moment, du Tribunal administratif du Québec. Vous êtes accidenté d'automobile ou victime d'actes criminels, vous avez un avocat qui vous défend et la partie adverse a un avocat qui la défend. La SAAQ a son avocat. Évidemment, la Société d'assurance automobile du Québec est toujours justiciable dans ces dossiers-là. Elle est toujours partie à la cause. Elle a donc 100 % des jugements du tribunal devant qui elle passe, souvent en format informatisé. Elle peut accéder à l'ensemble des données pour préparer sa cause, et la cause est toujours la même, dans le sens que c'est sa loi, elle la connaît bien.

De l'autre côté, vous avez l'accidenté d'automobile qui vit un accident d'automobile de sa vie, lui. Et, dans beaucoup de cas ? pas s'ils sont défendus par Me Bellemare, mais, malheureusement, on l'a perdu ? mais, dans beaucoup de cas, l'avocat, il vit un dossier d'accident d'automobile de sa vie aussi et il découvre le TAQ en plaidant son premier dossier d'assurance auto. C'est un déséquilibre qui est évident et l'intérêt de se rappeler de cet élément-là, c'est que, si vous cessez de garder publiques les décisions, vous allez exacerber le problème qui existe déjà qui est qu'il y a un monopole d'information d'un côté. Et c'est vrai en IVAC, en indemnisation des victimes d'actes criminels, c'est vrai en assurance automobile. Il y a quelques avocats très spécialisés en assurance automobile, mais il n'y en a pas beaucoup. Et ceux qui n'ont pas d'avocats qui sont spécialisés, ou ceux qui sont en région, ou ceux qui n'ont pas d'argent pour se payer un avocat, ou ceux dont le litige n'est pas très, très, très important au niveau du coût ne peuvent pas investir 5 000 $, 10 000 $, 15 000 $ pour un avocat pour faire valoir ces droits.

n (15 h 20) n

Je fais attention à mon temps. Je pense que c'est important de le réaliser au niveau de ce déséquilibre parce que ça fait partie de la spécialisation du tribunal d'en être conscient. Et le déséquilibre, c'est important aussi parce que, lorsque vous arrivez maintenant à la CLP, à la Commission des lésions professionnelles, votre déséquilibre est exacerbé d'une manière très significative, parce que non seulement vous avez la CSST, qui a le même monopole d'information que peut avoir la Société de l'assurance automobile, d'un côté, mais, du point de vue d'un travailleur, vous avez en plus l'employeur qui, en général, a beaucoup plus d'argent que le travailleur, même les syndiqués, et souvent, des témoignages qu'on entend des travailleurs qui passent là, les chanceux sont là avec leur représentant syndical compétent, et, de l'autre côté, on peut avoir l'employeur avec son avocat, ses médecins experts, et on peut avoir la CSST avec son avocat et ses médecins experts, et là, ensuite, il y a trois personnes devant eux avec, en plus, un assesseur médical. Alors, pour un travailleur, souvent on se rappelle cette clientèle, il y a beaucoup de gens encore qui n'ont pas un secondaire, même pas complété, même pas entamé dans certains cas, ils arrivent là, c'est très intimidant, et le déséquilibre est énorme.

Dans la rédaction de votre projet de loi, il y a plusieurs exemples ? et je le signale dans mon mémoire qui est très court, hein, parce que, comme je vous dis, j'ai fait ça parce que je pensais que c'était important de vous parler, mais il y en a d'autres qui vont regarder du point de vue technique ? il y a plusieurs exemples où on présume, on essaie de plaquer un modèle bipartite, qui est le modèle du TRAQ... du TAQ, du Tribunal administratif du Québec, à un contexte tripartite où il y a l'employeur, le travailleur et la CSST, comme justiciables. Alors, un exemple, c'est au niveau de la conciliation où une partie, si elle accepte la conciliation, ça a pour effet d'imposer la conciliation à l'autre partie. Mais est-ce que ça veut dire que l'employeur, s'il accepte la conciliation, ça impose à un travailleur non représenté l'obligation de participer à cette conciliation? Ça va vraiment exacerber le déséquilibre qu'on a constaté et ça va créer beaucoup de problèmes qui ne sont pas nécessairement des problèmes juste statistiques, parce que le nombre de dossiers qu'on règle, ce n'est pas nécessairement une mesure fidèle et complète de l'efficacité d'un système, et souvent c'est comme ça qu'on aborde un système lorsqu'on essaie d'évaluer un système de justice administrative.

D'ailleurs, j'étais bien intéressée de constater que, sur les 2 000 dossiers des personnes qui ont témoigné juste avant moi, 25 % sont contestés, c'est assez important de réaliser jusqu'à quel point ça peut être judiciarisé, et ça ne veut pas dire que la CSST n'est pas là comme partie. Alors, on peut avoir trois avocats autour de la table ou deux avocats autour de la table avec un représentant syndical compétent, ou deux avocats autour de la table avec une madame ou un monsieur, tout seul, qui ne comprend pas ce qui se passe et qui ne comprend pas qu'il n'a pas d'expert, qu'il n'a pas d'argent pour les experts.

Alors, le caractère tripartite, c'est très important, et c'est pour ça que j'aimerais ça garder la CLP parce que c'est vraiment... c'est rodé, on sait comment ça fonctionne, on est sensibilisé. Une partie de leur expertise, c'est évidemment le médicolégal, ça, ça va de soi. Une autre partie de leur expertise, c'est la sensibilité à l'égard du déséquilibre, et il y en a qui sont plus efficaces que d'autres à appliquer cette sensibilité, mais c'est quand même un tribunal qui est habitué à travailler avec des justiciables qui sont pauvres et peu instruits.

Si on réunit tout ce beau monde là dans quelque chose de plus professionnel et encore plus avec des tests... ce n'est pas des tests d'embauche, mais des concours pour s'assurer de la qualité des juges, et que ce qu'on écarte, c'est toutes les personnes qui auraient cette sensibilité, mais qui n'auraient peut-être pas autant de vitesse au niveau de la réponse à certaines questions, on est en train de saboter la mission qui a été, depuis 1977, avec la création de la CAS, orientée spécifiquement là-dessus. Et une des préoccupations que j'ai, c'est le fait qu'on peut transférer d'une branche à une autre au TRAQ. Je ne commenterai pas le nom, mais je sais qu'il va y avoir des farces là-dessus sans doute, parce que, du point de vue des justiciables, ils sont terrorisés, hein, lorsqu'ils arrivent devant le tribunal parce que c'est leur seule expérience. Alors, ça, c'est un élément que je trouve important.

Déséquilibre au niveau économique. L'employeur et la CSST sont tous les deux en mesure de payer les expertises beaucoup plus facilement et, en plus, beaucoup plus souvent que le travailleur, ce qui fait en sorte qu'il y a un problème chronique d'accès à des expertises à la fois parce que les travailleurs n'ont pas l'argent pour les payer et aussi parce qu'il y a beaucoup moins d'experts qui sont prêts à faire une expertise du côté du travailleur, parce qu'il y en a tellement, d'argent à faire de l'autre côté, et ils ne veulent pas être des deux côtés parce qu'ils ne veulent pas ternir leur image avec une des parties. Cette question n'est pas adressée dans votre projet de loi.

On voit dans le projet de loi que, au moins en matière d'accidents d'automobile, comme c'est le cas actuellement, on rembourse le justiciable pour ses frais en matière d'expertise, au moins une partie. Il n'y a aucune mention, dans le projet de loi, d'un remboursement quelconque des frais du justiciable pour ce qui concerne les expertises médicales du côté des accidentés du travail, et c'est un énorme problème qui est documenté depuis belle lurette, qu'on sait très bien.

Je reviendrai dans la période de questions, si vous êtes intéressés, mais notre système d'accidents de travail, pas notre système de justice administrative, mais la LATMP, a été, depuis les 15 dernières années, vraiment organisée pour promouvoir la contestation en matière d'accidents de travail, et c'est le système de financement qui crée cette incitation à la contestation. On a des statistiques. Lorsqu'on se compare à n'importe quelle autre juridiction au Canada, on a comme trois ou quatre fois plus d'appels à la CLP, alors que l'Ontario a deux fois plus d'accidents. Alors, il y a un problème, et je pense qu'une partie, c'est le fait qu'on incite particulièrement les employeurs à gérer leurs dossiers par la création des mutuelles. Ce n'est pas de la juridiction du ministère de la Justice, alors je ne veux pas m'étendre là-dessus. Mais le plus gros problème avec les délais que, moi, je vois, c'est la judiciarisation. La judiciarisation, quant à moi, provient du fait qu'on incite les gens à contester, et les gens qu'on incite à contester, c'est beaucoup les employeurs.

Alors, les travailleurs syndiqués sont bien représentés, en général, par des gens qui ne sont pas nécessairement avocats, et c'est clé de ne pas être tenté de dire: On va exiger que les gens soient des avocats pour les représenter. Mais, actuellement, la CLP, je vous ai parlé au niveau du déséquilibre, il y a un problème culturel qui existe encore et qui va être exacerbé si votre projet de loi est adopté tel quel, et c'est, quant à moi, le mythe de l'égalité des forces. Et ça, je conclus au niveau du déséquilibre, mais je pense que c'est important de le retenir: tout le monde n'est pas égal devant un tribunal. Et, si on dit: Bien, on va consulter les parties, parce que le mouvement syndical et le mouvement patronal sont d'accord, il y a aussi des individus qui ne sont pas dans ce monde-là, et il ne faut pas les oublier.

Alors, au niveau de l'accès à la représentation, je pense que c'est très important de mettre sur la table le fait que le Québec est la seule juridiction canadienne qui n'investit pas un montant très important dans la défense des travailleurs accidentés devant ses tribunaux. Et, lorsque je parle de montants importants, l'Ontario, c'était près de 9 millions lorsque j'ai fait mon étude en 2001. C'est depuis 20 ans que ça se fait. Ça se fait au Nunavut, hein! Et c'est juste au Québec qu'on ne met pas un sou dans la défense des travailleurs accidentés, encore une fois, parce qu'on a l'illusion que, à quelque part, bon, les parties vont s'en occuper.

Mais, pour les 60 % des personnes qui ne sont pas syndiquées, premièrement, il y a un problème. Et, même pour les 40 % des personnes syndiquées, la qualité du travail est très bonne au niveau des plaideurs qui peuvent y aller, mais on parle de gérer des milliers de dossiers avec des ressources limitées. Alors, on ne peut pas...

Souvent, et j'ai déjà fait beaucoup de formation au niveau des gens qui défendent les travailleurs accidentés, ce que tu dois faire lorsque tu as plein de gens qui disent: Je viens de recevoir une décision, qu'est-ce que je fais? tu n'appelles pas le directeur du contentieux de la CSN, par hypothèse, tu demandes à ton représentant syndical, qui, lui, va prendre une décision rapide. Alors, en cas de doute, pour les gens qui commencent, on conteste parce que ça protège les droits. Et la judiciarisation de notre système provient de ça, provient du fait qu'on incite les gens à protéger leurs droits. On les protège parce qu'il n'y a pas... Le mouvement syndical doit tout assumer, au niveau de la défense, avec des ressources limitées. Et, lorsqu'on compare en Ontario et en Colombie-Britannique, même avec le gouvernement actuellement au pouvoir en Colombie-Britannique, ils ne coupent pas dans le Office of the Worker Advisor ? et j'arrive de là, il n'y a pas une cenne qui est coupée ? parce que, là, ils disent: Tous ces travailleurs se ramassent chez les députés si on coupe ce service-là, et on a un problème. C'est un service qui est important, qu'on n'a jamais eu culturellement ici, mais je pense que c'est le temps qu'on en parle si on veut déjudiciariser, parce que je pense que c'est relié au fait qu'on a juste partout ailleurs le tiers ou le quart des appels de ce qu'on peut avoir ici.

Alors, bon, évidemment, je vous recommande dans le mémoire d'investir dans la défense du travailleur accidenté. Je dis dans le mémoire qu'il y a certaines juridictions qui ont aussi le Office of the Employer Advisor, mais c'est beaucoup moins important, et, quant à moi, le déséquilibre par rapport aux petits employeurs est beaucoup moins criant au niveau du nombre de justiciables dont on parle.

Le Président (M. Simard): Je vais vous demander de conclure rapidement.

Mme Lippel (Katherine): Oui. Alors, il y a deux points clés que je pense que... oui, il y a trois points clés sur lesquels je voudrais souligner... attirer votre attention.

n (15 h 30) n

Au niveau des délais ? et j'en parle dans le mémoire, je pense ? je vous félicite de mettre un délai à 90 jours. Je pense qu'au Québec on est judiciarisés à outrance parce que le délai est déjà trop court à 30 jours. À 90 jours, on est encore, sauf exception, les juridictions qui exigent qu'on réagisse le plus rapidement possible. Il y a des juridictions au Canada avec six mois, un an de délai, et l'importance de ça, c'est que les gens ont le temps de savoir s'ils sont vraiment mieux... et ils ne sont pas obligés de contester tout le temps tous azimuts.

Autre élément clé, c'est la question de la présomption que les gens renoncent à leurs recours si, suite à une révision, il y a une confirmation de la décision initiale. Ça va encore une fois créer énormément de difficultés. Je vous recommande de présumer que, si le travailleur ou l'employeur ne réagit pas à un refus de reconsidération de révision, on présume que l'appel à la CLP ou au TRAQ est maintenu, parce que la présomption à l'effet que c'est un désistement, compte tenu de l'attitude des tribunaux qu'on a actuellement qui est très, très, très restrictive sur l'extension des délais, je pense que ça va mener à des difficultés importantes.

Et finalement, la question... Je vous parle de la conciliation dans le mémoire, mais j'en ai parlé au tout début. La conciliation... Retenez que, les travailleurs, ce qui les traumatise souvent le plus, c'est la conciliation. Et ça, il ne faut pas oublier, ce n'est pas la solution miracle.

Mais, quant à moi, à titre individuel, le plus important pour moi, c'est le caractère public des décisions, parce que la manière que votre projet de loi aborde cette question actuellement, il deviendra dorénavant impossible de faire les recherches qu'on fait. Et, au niveau de la transparence, c'est la clé de l'indépendance du tribunal. Et, si on ne peut pas savoir ce que fait le tribunal, on ne peut pas savoir comment défendre les justiciables devant le tribunal. D'autant plus ? et je vais clore là-dessus ? et juste pour illustrer, je suis en train de corriger un mémoire de maîtrise d'une étudiante sur l'indemnisation de la fibromyalgie, qui est une maladie préoccupante. Elle compare le TAQ et la CLP. Le TAQ a des décisions résumées sur SOQUIJ. La CLP, on a les décisions intégrales. Et elle ne peut pas nous dire ce qui se passe au TAQ, et c'est une partie de sa conclusion.

Ce qui est proposé dans votre projet de loi, c'est qu'on prenne le modèle du TAQ pour le caractère public des décisions, et ça voudrait dire que toutes les questions médicolégales et toutes les questions aussi juridiques, on ne sera pas en mesure, en droit administratif, de vous dire avec ? il n'y a pas d'appel de ces décisions-là... qu'est-ce qui se passe dans votre tribunal. Alors, je...

Le Président (M. Simard): Je suis obligé de... Merci beaucoup, madame. Je sais que nos règles sont un peu impératives, mais je pense que vous avez pu synthétiser l'essentiel de votre mémoire. Maintenant, les membres de cette commission vont pouvoir, avec vous, aller plus en profondeur. M. le ministre, vous avez sans doute des questions à poser.

M. Bellemare: Oui. Alors, merci, Mme Lippel. Encore une fois, vous êtes très convaincante. J'ai eu l'occasion de vous entendre dans plusieurs forums en matière de santé et sécurité. Je connaissais moins votre préoccupation pour les questions d'assurance auto et de l'IVAC, mais je dois vous féliciter, parce que ce sont des secteurs qui gagnent à être connus de la part des chercheurs et des procureurs, bien sûr. Et je trouve également très convaincant votre exposé sur le déséquilibre. Maintenant, ça, c'est un diagnostic; la solution est un peu plus difficile à trouver. Et, évidemment, du fait que le citoyen se retrouve face à des machines très puissantes, très cossues, expérimentées, qui ont tous les moyens juridiques, médicaux, ça crée des problèmes, et, je pense, de tout temps, on l'a dénoncé puis on essaie d'apporter certaines solutions.

Et je suis un peu sur mon... je reste un peu sur mon appétit, là, je vous écoute parler du diagnostic, c'est très bon. Les solutions, vous parlez d'un fonds d'aide à la représentation. C'est clair qu'on a un problème de représentation. Les citoyens, les travailleurs ne le sont pas assez. Les victimes de la route, c'est encore le problème, les victimes d'actes criminels aussi.

Avez-vous des idées? Avez-vous réfléchi sur cette question, sur le problème de la représentation? Je comprends qu'on a des citoyens qui souvent pensent que c'est facile, hein! Ils disent: Bon, bien, c'est un tribunal administratif, on m'a dit trop souvent au téléphone que ce n'était pas nécessaire que je sois représenté. Les gens se présentent seuls, puis là, une fois arrivés devant le tribunal, souvent ils réalisent que c'est David contre Goliath, là.

Mais pour... au-delà de l'information, là, de la promotion que le Barreau peut-être peut faire davantage pour assurer la représentation, avez-vous des idées, avez-vous des solutions à ce problème-là pour le diminuer, le problème de déséquilibre, là, qu'on constate partout, finalement?

Mme Lippel (Katherine): Il y a deux questions: il y a le déséquilibre au niveau des armes du côté des justiciables et il y a aussi la solution, qui pourrait être la reconnaissance du déséquilibre de la part des décideurs, et je pense qu'il faut avoir une approche qui touche aux deux questions. Là, je n'ai pas vraiment parlé d'un fonds d'aide pour les travailleurs accidentés...

M. Bellemare: ...les travailleurs.

Mme Lippel (Katherine): ...mais ça aurait pu être un fonds d'aide, mais le modèle dont je parle, ce sont des salariés qui travaillent pour le ministre du Travail et qui sont financés par les fonds, en général, d'accidents, et qui travaillent pour défendre les travailleurs accidentés. Ils ne sont pas nécessairement toujours des avocats non plus, et c'est à part de l'aide juridique. Et je pense que, avec tous les bémols qu'on peut mettre, l'idée que le gouvernement assure la défense des justiciables d'une manière indépendante, hein ? parce que c'est important que ce soit indépendant de l'organisme, il ne faudrait pas que la CSST soit en charge de cet organisme, mais d'avoir un organisme indépendant qui répond à un ministre séparé ou au même ministre, mais d'une manière très étanche ? ce serait déjà un début et ce serait aussi une manière d'éviter le dédoublement d'arguments. Parce que, au Québec, on plaide 10 000 fois le même argument parce que tout le monde y va tous azimuts. Mais, à un moment donné, on peut peut-être clarifier des choses lorsqu'on a des gens qui ne sont pas payés à la cause individuelle à chaque fois.

Lorsqu'on regarde au niveau historique, particulièrement le «no fault» en général, mais particulièrement en accidents de travail, et on lit les commissions parlementaires d'il y a 50 ans, l'idée de créer un «no fault», c'est d'éviter que les gens soient obligés de prendre des avocats. Et, historiquement, ça a toujours été ça, et la sensibilité initiale de la CAS permettait aux gens de ne pas y aller toujours avec un représentant. Aujourd'hui, c'est encore pire au niveau de la médicalisation que la judiciarisation, et je pense qu'il faut s'attaquer aux sources et arrêter d'inciter les employeurs en particulier à tout contester en guise de prévention. Alors, ça, c'est une partie de l'affaire, d'assurer la représentation et donc financer la représentation et pas juste au niveau du cas à cas, mais de permettre la création d'un représentant spécialisé qui peut aussi exister en matière d'assurance automobile, d'avoir un... au lieu d'avoir juste le Protecteur du citoyen, qui vient en dernière instance, de financer la défense des accidentés d'automobile.

Il y a toujours la crainte qu'il y ait un certain problème d'indépendance, mais, lorsque je fais une entrevue avec un travailleur qui dit: Moi, j'ai dépensé 25 000 $ pour mon avocat et je suis très content parce que j'ai gagné ma cause et que je ne savais pas que j'avais besoin d'un avocat jusqu'à temps qu'il y avait de la filature et que le détective privé m'a filmé. Ça m'a choqué. Je suis allé voir un avocat puis j'ai eu des droits. Ce n'est pas ça, le «no fault».

Et, lorsqu'on évalue scientifiquement la valeur d'un régime de «no fault», on regarde, pour chaque dollar dépensé, combien va dans une poche de la personne victime de la lésion, d'accident de travail, d'accident d'automobile, en analyse économique du droit. Et l'idée, c'est que, avec le «no fault», il n'y a pas besoin de dépenser beaucoup pour les tribunaux et pour les avocats. On dépense un petit peu, et, les gens, ils ont une justice ouverte qui proroge des délais, qui n'est pas sévère, qui n'est pas judiciarisée. Alors, c'est le comportement du tribunal, et, plus on va formaliser ce tribunal, plus on prend un pas dans une mauvaise direction, quant à moi.

M. Bellemare: Bien. Une question, Mme Lippel, sur le délai de révision. Vous parlez d'un délai de 90 jours qui semble vous convenir. Êtes-vous favorable à l'idée que, dans les cas médicaux, les cas qui relèvent du BEM, du Bureau d'évaluation médicale, une fois que la décision de la commission est connue, que l'appel ou la contestation puisse être logée directement au tribunal d'appel plutôt que de passer par la révision, comme c'est le cas actuellement, pour des raisons qui sont bien souvent inutiles?

Mme Lippel (Katherine): Je souligne que je ne suis pas praticienne. Alors, c'est avec des bémols que je vais répondre là-dessus.

M. Bellemare: O.K. Bien, je peux préciser la question.

Mme Lippel (Katherine): Je comprends bien la question, c'est juste que...

M. Bellemare: O.K.

Mme Lippel (Katherine): ...pour répondre, je n'ai pas énormément d'expérience au niveau du quotidien.

M. Bellemare: O.K.

Mme Lippel (Katherine): Mais, si l'idée, c'est que, à partir de la décision de la CSST, il y a un appel direct au TAQ ou au TRAQ ou à la CLP ? pas au TAQ mais au TRAQ ou à la CLP ? sans passer par la révision, en principe, je pourrais être d'accord dans la mesure qu'on garantit du temps pour les justiciables d'accéder à des expertises. Parce que le problème qu'on rencontre, c'est que, vu que les travailleurs ont beaucoup de misère à trouver des experts qui veulent faire des expertises pour eux, si on fait ça trop vite et on exige absolument qu'on tourne de bord très rapidement sans financer ces expertises-là, on crée de nouveau un déséquilibre.

n (15 h 40) n

Et, juste sur le 90 jours, lorsque je dis que ça me convient, c'est un moindre mal par rapport à ce qui existe actuellement qui est le 30 jours. Mais, même à 90 jours, on est toujours, par rapport aux autres provinces, beaucoup trop vite. Et, surtout, l'extension du délai... il ne faudrait pas changer le libellé pour référer les extensions de délai, le pouvoir d'extensionner un délai, ça va judiciariser votre système parce que le mot d'ordre, du côté de ceux qui forment les travailleurs, c'est dire: Contestez tout.

M. Bellemare: Une question, Mme Lippel, sur tout le débat qui entoure les deux jugements de la Cour d'appel dans Viger pour les victimes de la route et Chiasson pour les victimes du travail, où la Cour d'appel a cassé une décision du TAQ dans un premier temps et de la CLP dans un autre, alléguant que le tribunal avait exigé un niveau de preuve excessif et n'avait pas respecté la règle de la prépondérance de preuve. Alors, il y a eu des réactions suite à ça. Et, lors des consultations des 10 et 11 septembre, ici, il y a plusieurs praticiens qui sont venus nous dire que la présence systématique d'un médecin sur le banc expliquait les difficultés d'application de la règle de la prépondérance parce que les médecins, de par leur formation, étant davantage axés sur la certitude scientifique, avaient tendance à exiger un niveau de preuve excessif, et, dans la lignée des deux jugements de la Cour d'appel, il y avait lieu de revoir la présence systématique des médecins sur les bancs. Avez-vous une position par rapport à ça?

Mme Lippel (Katherine): J'ai des informations complémentaires et je suis ambivalente. On a aussi des études...

Une voix: Ambivalente.

M. Bellemare: O.K.

Mme Lippel (Katherine): Ça va? J'ai aussi des études qui démontrent qu'en matière musculosquelettique, lorsqu'un médecin assesseur est présent, le taux d'acceptation chute. Et, pour les mêmes raisons, on pense qu'on est en train d'imposer d'une manière indirecte un fardeau de preuve scientifique au lieu d'un fardeau de preuve médical.

Ceci étant dit, est-ce que le... Bon, il y a un problème de formation, certes, et c'est possible de former les médecins qui participent comme assesseurs, qu'ils soient décisionnels ou non, sur la question du fardeau de preuve. Le médecin, la présence du médecin aide aussi les gens qui ne peuvent pas nécessairement se payer des expertises. Alors, il faut faire attention aussi à cette question-là parce que la spécialisation du tribunal, c'est aussi en matière médicolégale et, s'il faut toujours, toujours refaire les mêmes preuves, il y a un problème aussi.

Finalement, parce que je suis préoccupée tout à fait ? et je partage la Cour d'appel et les préoccupations qui découlent de Viger et de Chiasson et d'autres décisions ? c'est l'importance de la transparence aussi, je pense, qui est une leçon à tirer de ces causes-là, qu'il ne faudrait vraiment pas qu'un assesseur médical puisse, dans un corridor, glisser un mot à un commissaire en dehors de la présence des parties ou en dehors des parties. Un des côtés positifs de la présence des assesseurs patronaux et syndicaux, c'est qu'ils sont quand même témoins de ce type d'influence qui peut jouer.

Alors, je suis ambivalente, et il y a un problème là, je suis d'accord avec vous. Ça nuit toujours aux mêmes personnes dans le sens que c'est celui qui a le fardeau de preuve qui va perdre finalement.

M. Bellemare: Je reviendrai.

Le Président (M. Simard): M. le député de l'Acadie avait une question à poser.

M. Bordeleau: Oui, s'il vous plaît. Merci, M. le Président. Je voudrais aborder peut-être un point que vous n'avez pas eu le temps d'aborder dans votre présentation et qui me semble important. À la page 10 de votre mémoire, vous nous dites ? on parle de la durée des mandats ? vous nous dites: «Je me demande pourquoi des mandats plus longs, disons de 10 ans et non de cinq ? ans ? ne permettraient pas d'assurer l'indépendance recherchée.»

Dans toute la question de la justice administrative, bon, évidemment, quand on est, je pense, député, on est tous à même de constater qu'il y a deux grandes critiques qui nous sont faites ou deux grandes préoccupations que les citoyens ont: c'est d'abord d'être traités équitablement, ce qui veut dire, au fond, être traités équitablement par des gens qui sont indépendants et qui peuvent prendre la décision qui est appropriée; et, la deuxième, c'est la question des délais. Alors, c'est surtout ça qu'on... de ces points-là dont on entend parler quand les gens viennent dans nos bureaux.

La question des délais, on en a discuté un peu tout à l'heure, mais concernant la question de l'indépendance des juges, je ne sais pas si vous étiez ici ce matin, mais les présentations qui nous ont été faites se disent au fond en accord avec le fait qu'on n'ait plus maintenant des délais de cinq ans et que ce soit pour un terme de longue durée, indéterminé, selon la bonne conduite. Alors, vous, vous nous proposez quelque chose qui est différent, et j'aimerais peut-être que vous nous expliquiez un peu plus, là, votre point de vue à ce niveau-là.

Mme Lippel (Katherine): Sur cette question, je suis aussi très ambivalente dans le sens que ce qui est clair, c'est que le statu quo ne peut pas survivre cinq ans. C'est clair qu'il y a une pression énorme sur ces décideurs et, 10 ans, bon, moins, je ne suis pas du tout... Ce n'est pas une recommandation, c'est un questionnement que j'ai, que je voulais partager avec vous. Parce que la composition actuelle de la CLP, près de la moitié des commissaires sont des anciens salariés de la CSST. Et il y a des excellents commissaires là-dedans et je ne veux pas du tout ternir l'image de la CLP, mais, comme provenance, si vous voulez, de juges neutres, c'est troublant si ce sont ces personnes-là qui, un peu... parce que c'était déjà à cause d'une disposition transitoire qu'on a transféré ces personnes-là à la CLP. Alors, une nouvelle disposition transitoire qui transférerait de nouveau, par hypothèse, à des nominations à bon vouloir, ça me trouble, ça me trouble à cause du fait que... toute la question de déséquilibre dont je vous ai parlé. De l'autre côté, c'est réel, le problème de déséquilibre... excusez-moi, le problème d'indépendance et disons que je ne serai pas outrée de la proposition qui est sur la table dans le projet de loi n° 35. Ce paragraphe-là, il est rentré et sorti, il est rentré et sorti. Je ne savais pas si je devais même le soulever, mais ça me trouble.

M. Bordeleau: Est-ce que vous n'avez pas le...

Mme Lippel (Katherine): Ça me trouble à cause du fait que je ne pense pas que c'est le temps de renommer tout le monde non plus. Il ne faudrait surtout pas commencer à faire ça.

Le Président (M. Simard): Alors, la question est pertinente. Elle a été posée par le ministre ce matin aussi dans ces termes-là, alors donc ne soyez pas embêtée de l'avoir posée, hein!

M. Bordeleau: Oui. Mais est-ce que vous ne croyez pas que, au fond, on ne règle pas... le problème fondamental, c'est un problème de perception. Que les gens aient... Une perception, c'est un sentiment avec lequel on vit aussi pour la suite des années. Quand une personne n'a pas l'impression d'avoir été jugée de façon équitable, bien, c'est une difficulté avec laquelle elle va devoir vivre longtemps. Et, quand on dit un problème de perception, je ne veux pas que ce soit diminutif, au fond, c'est quelque chose de très important, ce n'est pas juste quelque chose de superficiel. Et, quand on parle de l'indépendance des juges, si on pense que le fait qu'un juge, après cinq ans, doit être renouvelé, et puis qu'on pense, bon, que peut-être que ça pourrait influencer ses décisions dans le sens que la personne qui va le nommer est au gouvernement et que, si les décisions qu'il prend sont contre le gouvernement, la personne pourrait être encline éventuellement à ne pas suggérer un renouvellement de son mandat. Alors, c'est un peu ça, là, qui est en arrière de cette réflexion-là. Et, si on parle de cinq ans ou on parle de 10 ans, il me semble qu'il n'y a pas de différence. Qu'une personne ? prenons cette hypothèse-là ? qu'une personne surveille ses décisions durant cinq ans pour ne pas déplaire à celui qui va le renouveler ou qu'une personne surveille ses décisions durant 10 ans pour ne pas que la personne le congédie après 10 ans, il me semble que le problème est le même. Cinq ans ou 10 ans, si cette perception-là existe, on est devant une même réalité. Alors, c'est pour ça que je voulais comme m'expliquer, parce que je ne vois pas la différence entre le cinq ans et le 10 ans, à toutes fins pratiques.

Mme Lippel (Katherine): Comme je vous dis, le 10 ans, je suis un peu d'accord avec vous, sauf que le cinq ans, c'est le mandat d'un gouvernement. Et, moi, j'ai déjà entendu des gens dirent: Mais on attend juste qu'il y ait un changement de gouvernement, puis là ça va aller, on va se débarrasser d'un tel. Et ce n'est pas une justice de qualité, hein, d'avoir une justice qui dépende de qui est au pouvoir à l'Assemblée nationale ou que ce soit au fédéral. Et je ne suis pas à l'aise avec mon 10 ans non plus. Je pourrai... Je ne sais pas. Le 10 ans suivi d'une nomination à vie ou une nomination au bon vouloir, peut-être, dans le sens que les gens véritablement incompétents puis au bout de 10 ans, on va les voir mais...

n(15 h 50)n

C'est qu'il y a une question de perception, mais ce n'est pas juste une question de perception dans le sens que les gens que j'interviewe et les gens lorsqu'ils parlent de comment ils vivent l'expérience, le commissaire lui-même, à l'audition, ils sont très, très, très satisfaits de son comportement, c'est les décisions qu'ils n'aiment pas, et c'est les décisions qui sont souvent, lorsque ? et là c'est encore en tant que juriste... teintées d'une culture institutionnelle qui provient de la CSST ou théoriquement de la SAAQ. Mais, au niveau de la CSST, lorsque la moitié des salariés étaient liés par les directives ou tout au moins au courant des directives avant, c'est là où c'est la préoccupation. Mais un moindre mal peut-être, c'est de nommer au niveau de... jusqu'à la bonne conduite. Pour moi, ce n'est pas le problème le plus important dans le projet de loi, mais ça me trouble, ça me trouble de cristalliser la présence de ces gens-là.

Et je vais vous dire aussi que celui qui a influencé ma réflexion là-dessus, c'est l'ancien président du tribunal d'appel en Ontario qui circule un texte A Message to Québec, que je n'ai pas mis là-dedans, et je ne sais même pas quoi penser de ce qu'il dit. Mais certainement... Lui en tant que juge administratif, président d'un tribunal, il était un peu scandalisé... Et je serais prête à le transmettre à qui de droit et vous dire que je renonce à... complètement et partager avec vous mon inquiétude par rapport à ses arguments.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président, et surtout merci, Mme Lippel, de votre présentation et surtout votre mémoire que j'ai lu avec beaucoup d'attention parce qu'il fait appel à des dimensions autres qui nous permettent d'aller un peu plus loin dans cette réflexion. Il y a un côté juridique et il y a un côté plutôt où il y a des conséquences autres qui méritent d'être regardées. Et d'ailleurs je vous inviterais, lorsque vous aurez terminé vos recherches, de nous en faire part. J'imagine que ça va être le cas évidemment, ça va être rendu public. Je ne sais pas c'est dans quelles fins, mais, comme membre de la commission, moi, personnellement, j'aurais sûrement un intérêt particulier à avoir les conclusions parce qu'il y a des éléments qui me questionnent et m'intéressent, je vous dirais, plus particulièrement.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, vous me permettrez quand même une certaine rectification, M. le Président, et par respect pour mon collègue qui a été ministre de la Justice auparavant, Me Bégin, qui a réfléchi à la réforme de 1998 et qui a aussi apporté les amendements. Écoutez, là, la nomination et le renouvellement des membres ne se fait pas selon le bon vouloir du gouvernement actuellement, et c'est bon de le rétablir pour nos concitoyens et concitoyens. Ce n'est pas le gouvernement qui décide dans toute sa sagesse de renouveler ou non les membres actuels. Et, dans le cadre de la loi actuelle, M. le Président, ce n'est pas le cas. Je tiens à rassurer les gens qui sont devant les tribunaux. Il y a un processus où il y a beaucoup de rigueur, où il y a des comités de gens indépendants, pas membres du gouvernement, qui vérifient simplement et qui, selon des critères très précis, vont renouveler ou non.

Et écoutez, là, l'article 48 prévoit que c'est dans des cas vraiment plus particuliers effectivement où il n'y a pas renouvellement. Alors, nous ne sommes pas dans un régime, ce que je qualifierais un régime, en 2002, là, qu'on pourrait qualifier, sans qualifier de «régime de bananes», là, où nos jeux administratifs varient au vent et au gré, là, des gouvernements ou des ministres en place. Ce n'est pas le cas. Et je tiens à vous rassurer, vous aussi, M. le Président, et aussi les membres de cette commission.

Mais, par contre, on va faire un pas de plus relativement à la bonne conduite, mais les questions que posait Mme Lippel, tout le monde se les pose, et je pense qu'elles méritent d'être réfléchies. De quelle façon on peut mieux servir cette justice administrative? Est-ce que c'est par le fait de nommer selon bonne conduite où ça peut sembler effectivement sympathique et plutôt, je vous dirais, une garantie supplémentaire quant à l'indépendance? Est-ce qu'on perd d'autre chose de l'autre côté en termes de qualité, en termes... Et c'est des questions, je pense, qu'on doit se poser en toute sérénité et sans attaquer les membres du tribunal actuel ou les futurs, je vous dirais. Mais je pense que ce n'est pas simplement un processus qui ferait en sorte que des gens soient nommés selon leur bonne conduite qui va donner la certitude ou la garantie à nos concitoyens d'avoir une justice de qualité ou qu'ils ont la conviction d'obtenir justice. Je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin que cela, parce que peu de gens le sentent de toute façon, M. le Président.

Mais, sans vouloir que toute mon intervention porte là-dessus, il y a des éléments que j'aimerais soulever avec vous, Mme Lippel. À chaque fois, il me vient en tête Lippé, je ne sais pas pourquoi. Je vous ai lue auparavant des fois et, s'il m'arrive de me tromper, vous m'en excuserez. À chaque fois, là... C'est même ma recherchiste qui me reprenait à chaque fois. Et je ne sais pas si j'ai lu un autre auteur qui s'appelait Lippé et qui traite du même sujet, mais je me trompe. Alors, vous m'en excuserez, ça peut arriver au cours de nos échanges.

Alors, un des éléments que vous abordez, le déséquilibre ? et je le trouve intéressant ? l'aspect... Et il y a effectivement un déséquilibre, et ce n'est pas parce qu'on crée une justice administrative qui a pour but d'ailleurs de rétablir économiquement ce rapport entre l'individu et l'État où c'est beaucoup plus souple, où la personne peut effectivement, par définition, se représenter elle-même parce que c'est plus souple, parce que les règles sont plus simples, parce que aussi... Et là je vais aller un peu plus loin avec vous, et le ministre m'a ouvert la porte un peu tantôt, mais je ne présume pas de votre réponse quant à la composition des membres du tribunal.

Il y avait... Bon. Le ministre nous a fait référence à deux décisions de la Cour d'appel. Je vous ferai aussi en même temps, moi, par rapport à des cas bien précis d'interprétation de la preuve... Moi, je vais vous dire, est-ce qu'il est faux de penser que ce déséquilibre auquel vous faites mention s'en trouverait plus agrandi, ou plus fort, ou plus important si on fait en sorte que, de façon plus régulière, on trouve un seul membre qui est souvent... et qui dorénavant d'ailleurs ou dans l'avenir ne sera que juriste avec une accumulation de connaissances dans un domaine en particulier en enlevant ? pas tout le temps mais dans plus de cas ? la possibilité pour un citoyen sans moyen, souvent sans avocat et encore plus souvent sans expertise, sans avoir les moyens, comme vous le dites, d'avoir une expertise de se retrouver devant un tribunal où il n'y aura plus, en matière médicale ? l'exemple le plus patent, mais il est vrai dans d'autres domaines ? où il n'y aura plus cette autre personne qui a une compétence, elle, dans ce domaine et qui peut elle-même juger de la pertinence d'un avis en intégrant ses connaissances profondes médicales, pas seulement ses connaissances, je vous dirais, ses compétences médicales?

Vous ne pensez pas que l'ajout d'un membre d'un tribunal, qu'il soit un travailleur social, qu'il soit un médecin, ou qu'il soit un psychologue, ou qu'il soit un évaluateur agréé, a pour effet de faire en sorte que ce déséquilibre, sans dire qu'il est ramené à zéro ? ce n'est pas vrai, il va demeurer ? il est un peu moins important?

Mme Lippel (Katherine): Si j'avais pensé absolument... si j'avais une réponse ferme, je l'aurais mise dans mon mémoire.

Je suis vraiment déchirée sur cette question. C'est clair que la présence d'un spécialiste sur le banc en tant que décideur, le danger, c'est qu'on cesse de faire du droit et on fait vraiment une évaluation médicale. J'ai déjà formé, donné une session de formation à la CALP il y a 15 ans et je parlais d'une décision de la Cour suprême sur 50 % plus un sur le fardeau de preuve, et tous les avocats faisaient ça et tous les médecins faisaient ça. Et un médecin, à la fin, est venu me voir pour dire: Est-ce qu'on est liés par la Cour suprême?

Et c'est dans ce sens-là que j'aime peut-être autant le statu quo au niveau de la CLP, dans le sens que les médecins ne sont pas décideurs. Mais je crois que c'est essentiel de garder cette expertise au sein d'un tribunal et d'encadrer cette expertise pour qu'on balise... Par exemple, on exige que tous les membres... l'expérience du membre assesseur soit mise en preuve... soit offerte aux parties pour commentaires, là, comme dans les règles de pratique actuelles de la CLP. Et il faudrait assurer qu'il n'y a pas de surprise dans le jugement parce qu'un membre spécialisé ou un assesseur spécialisé prend le contrôle de l'audience après que l'audience est terminée puis qu'il rentre d'autres faits en preuve.

M. Bédard: Merci. Seulement ce point aura nécessité notre 20 minutes, et je vais tout de suite aller sur d'autres... d'autres éléments.

Vous faites deux propositions intéressantes, et je regardais vos statistiques. C'est vraiment... elles parlent par elles-mêmes. Vous disiez: Le nombre de causes... ou le nombre plutôt de décisions rendues par la commission versus les décisions qui sont portées en appel... Et je regarde le Québec qui a un nombre à peu près équivalent de réclamations devant la CSST, là, devant l'instance, disons, première par rapport à la Colombie-Britannique. Et là on retrouve quatre fois plus de causes logées en appel. Alors, comme constat, à moins qu'on ait une culture du litige, et je ne pense pas que ce soit le cas, là... Et là je vous dis seulement ça. Mais, si on le compare par rapport à l'Ontario, c'est le même constat pour deux fois plus de dossiers. Ils ont deux, même plus, trois fois moins de dossiers portés en appel.

n(16 heures)n

Et là vous proposez deux éléments intéressants. Un est, je pense, percutant et mérite d'être fouillé et même, je pense, documenté encore plus, c'est celui des délais d'appel, celui de finalement forcer la personne à judiciariser presque... quasi judiciariser, si on veut, son dossier parce que les délais font en sorte qu'elle n'a pas le choix. Et, je vous dirais, comme avocat, c'était la première réaction si on regarde les délais évidemment en matière de tribunaux tout court. Mais, je vous dirais, en matière de droit administratif, c'est encore plus évident. En matière des villes, des fois, c'était 10 jours. Je me souviens, dans le temps, c'était... Alors, c'était: On s'en va tout de suite, et voilà... Alors, on ne prend pas de chance, dès qu'il y avait un dossier impliquant une ville, c'était woups! mise en demeure dans la minute qui s'en vient. On n'a même pas le temps de regarder le dossier parce qu'il ne faut surtout pas perdre notre droit. Mais, même comme député, je vous dirais que ma première réaction, lorsque quelqu'un rentre chez nous avec une décision, c'est de lui dire: Bon, bien, on va le regarder, mais conteste. Et, effectivement, je le fais encore. Alors, dans les autres instances... Et là je ne sais pas si vous l'avez dit, dans les autres juridictions, plutôt, au Canada, c'est quoi, les délais, à peu près, de contestation qui sont prévus?

Mme Lippel (Katherine): C'est le tableau VI de notre étude que vous n'avez pas. Le plus court. à part le Québec... Bien, il y a Nouvelle-Écosse qui a 30 jours aussi et, je crois, Terre-Neuve. Il y a 90 jours... L'Ontario, c'est six mois, par exemple. La Colombie-Britannique, c'est 90 jours prorogeables. L'Alberta, c'est un an. Et là ce qu'il faut réaliser aussi, c'est que chaque décision... chaque lettre qu'on reçoit comme justiciable, c'est une décision. Alors, dans un même dossier, on peut avoir 20 décisions, et chacune... si on a oublié dans la chaîne de contester une, tous nos droits pour les 19 autres qu'on a contestées tombent à l'eau. Alors, c'est pour ça qu'on a beaucoup de dossiers. Et, en assurance automobile, c'est la même chose, là. Alors, tu ne peux pas dire... Même l'exemple que je donne dans le mémoire, le chèque... Si un chèque est une décision et qu'on va devoir dire à tous les travailleurs: Contestez tous vos chèques au cas, vous allez avoir un problème de judiciarisation.

Alors, la solution quant à moi, il y en a deux. C'est d'étendre la discrétion du tribunal pour étendre les délais et même les inciter à être plus souples sur ça; et, d'autre part, étendre, donner des délais plus longs; et, troisièmement, donner une représentation qui permet aux travailleurs de s'informer.

M. Bédard: Donner... Et voilà. Et ça, c'est l'autre aspect qui est intéressant parce que... Et je veux bien comprendre de quelle façon ça fonctionne à l'extérieur, au Canada, là. C'est un fonds, vous me dites, qui est créé où ce sont des... bon, à partir des cotisations, je comprends, des employeurs, et qui est intégré dans le ministère du Travail, et qui sert de ressource, un peu comme... Est-ce que ça peut se comparer à ce qui se vit, par exemple, à la Commission des normes du travail relativement aux employeurs victimes de congédiement ou de victimes illégales... ou plutôt de pratique illégale de leur employeur? Est-ce qu'il y a un contentieux dans le ministère qui s'assure de la représentativité... de la représentation, plutôt, des gens qui font appel? Peut-être un peu aller plus loin...

Mme Lippel (Katherine): Il y a... Sur 13 juridictions au Canada, il y en a 12 qui ont quelque chose. Il y en a... À Terre-Neuve, c'est les syndicats qui reçoivent l'argent pour mener la défense des travailleurs. La plupart des autres modèles, ce sont des salariés étatiques. Peut-être un peu... Je n'ai pas étudié le fonctionnement en grand détail de ces organismes, mais ils ont des rapports annuels. Et j'ai aussi assisté à plusieurs de leurs séances annuelles pour savoir ce qui se passait dans le reste du Canada. Ils ne sont pas nécessairement des avocats. Ce sont souvent des anciens permanents de députés qui ont acquis l'expérience de défendre les travailleurs accidentés à une époque où personne ne faisait ça et qui sont maintenant salariés. Il y en a d'autres qui sont avocats, il y en a d'autres qui sont des anciens syndicalistes et d'autres qui sont d'autres personnes. Mais ils sont spécialisés et ils sont... Leur salaire est garanti, et ils ne sont pas payés à la pièce. Et je pense que, dans les 12 juridictions, je peux vous dire ça, là. Ce n'est pas une question... Je ne veux pas vous inciter en erreur, peut-être la Nouvelle-Écosse... on ne sait jamais, mais je pense qu'ils sont tous des salariés. Et c'est séparé à l'aide juridique. L'aide juridique existe aussi pour les travailleurs accidentés dans le besoin. C'est d'autre chose.

M. Bédard: ...il peut avoir recours à l'aide juridique, comme il peut avoir...

Mme Lippel (Katherine): Pour les pauvres, mais la plupart des travailleurs accidentés ont un conjoint ou une conjointe...

M. Bédard: Oui, oui. Ils n'ont pas, voilà...

Mme Lippel (Katherine): ...qui travaille et ils sont exclus.

M. Bédard: Exactement. D'ailleurs, les barèmes sont tellement bas, souvent... C'est très rare même. On parle d'accidentés du travail évidemment, là. Pas accidentés de la route, mais accidentés du travail. Souvent, les gens n'ont même pas accès à l'aide juridique, donc...

Mme Lippel (Katherine): La plupart du temps.

Le Président (M. Simard): Ça va. Je sais que le député de Dubuc m'a demandé une intervention. Il nous reste combien de temps, madame? Bon. Vous avez encore le temps pour une dernière question.

M. Bédard: Merci. Il y en aurait plusieurs, il est malheureux qu'on soit limité, mais, dans chacun des cas, je vous dirais... Mais votre aspect est tellement différent, je vous dirais, de regard qu'il mériterait à lui seul, là, qu'on pousse un peu plus loin.

D'une façon plus juridique, vous dites dans votre mémoire: «Par ailleurs ? à la page 4, à la fin, dans le bas de la page ? il y a un risque que le TRAQ perde son statut de tribunal spécialisé si les commissaires peuvent être transférés facilement d'une section à une autre.» Mme Lippel, je vous dirais que cette allusion... cette impression, elle est mienne. Elle est mienne depuis un bon bout de temps parce que plusieurs en font mention. J'ai des craintes par rapport à ça. Et pourquoi? Parce que...

Et, vous avez parlé du traumatisme devant les tribunaux quasi judiciaires, on peut aussi parler du traumatisme devant les tribunaux judiciaires et des coûts économiques qui est encore plus important. Donc, attaquer la spécialisation, c'est en même temps, moi, je pense, à un certain point, attaquer sa qualité, mais c'est surtout attaquer sa protection. Si on parle de moins grande spécialisation, cela pourrait même avoir un impact relativement à l'appréciation d'un tribunal supérieur de la protection qu'il doit avoir. Est-ce que mon interprétation est la bonne par rapport à votre point de vue?

Mme Lippel (Katherine): C'est la nature de ma préoccupation. Je poserais la question à M. Garant aussi. J'ai vu qu'il s'en vient.

M. Bédard: Parfait.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Chicoutimi. M. le député de Dubuc, s'il vous plaît.

M. Côté: Oui. Merci, M. le Président. Alors, Mme Lippel, bienvenue. Félicitations pour votre exposé. Je pense que c'est un exposé d'une grande qualité et je vous en félicite.

J'aimerais revenir sur certaines... par contre, sur certaines déclarations que vous dites relativement à la conciliation. Je trouve que vos propos sont... Je ne suis pas un spécialiste de la justice administrative, mais je trouve que vos propos sont sévères relativement à la conciliation. J'ai toujours pensé que la conciliation servirait à déjudiciariser le système et que c'était une façon justement pour permettre au citoyen d'être mieux... de se représenter lui-même, d'avoir moins de lourdeur administrative. Et, en ce sens-là aussi, vous savez que le rapport... il y a eu un rapport qui a été présenté sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative et que ce même rapport parle de la conciliation et, disons, en loue les mérites non pas seulement qu'en fermeture de dossier, comme vous l'avez souligné dans vos interventions tout à l'heure, mais aussi comme moyen justement de déjudiciariser le système et de permettre des meilleurs règlements.

Vous dites aussi que, pour pallier à ça... Parce que vous parlez de traumatisme, là, les effets thérapeutiques, antithérapeutiques du processus ? je trouve que c'est gros ? et que ça demeure préoccupant dans un contexte de déséquilibre entre les parties. Maintenant, qu'est-ce que vous proposez? Vous dites: Sans représentation de qualité. Autrement dit, vous voudriez que les parties soient représentées à la conciliation, mais le conciliateur, justement, n'est pas là pour ça, pour informer les parties, pour les conseiller, pour les aider à en arriver à un accord? Il me semble que c'est le rôle, ça, du conciliateur. Et, vous, vous nous dites: Ça va prendre en plus... ça prendrait un représentant en plus pour le justiciable. Il me semble que ça va à l'encontre justement de ce principe de la justice administrative qui est de diminuer justement cette lourdeur, de permettre au citoyen de se représenter lui-même, de ne pas être devant un tribunal de droit commun. J'aimerais peut-être vous entendre un petit peu plus sur ce sujet.

Mme Lippel (Katherine): Je n'avais pas de parti pris à l'encontre de la conciliation avant de faire l'étude sur les effets thérapeutiques et antithérapeutiques du processus, et ce sont les travailleurs eux-mêmes, dans plusieurs cas, qui nous ont parlé d'expériences déroutantes. Alors, je vais vous donner un groupe d'exemples: le travailleur qui a une lésion au genou et une lésion aux chevilles qui se dit totalement handicapé, et la conciliatrice lui dit: Mais, si vous vous désistez de votre réclamation sur la base salariale, on va vous donner votre genou. Puis il dit: Soit mon genou est causé par l'accident, soit il ne l'est pas, mais mon salaire, ça n'a rien à voir. Alors, comment ça se fait qu'on a essayé de me troquer ça?

Un autre exemple, d'une travailleuse non représentée qui reçoit un téléphone à la maison, le vendredi, pour dire: Vous passez chez nous lundi ? et ce n'est certainement pas typique de la conciliation, mais je partage avec vous le témoignage de la travailleuse ? et elle dit oui. Elle dit: Mais vous avez votre cause, madame, pourquoi vous ne vous désistez pas de votre cause? Et là elle n'a pas dormi de la fin de semaine puis elle a dit: J'étais tellement fâchée que j'ai décidé de faire ma cause pareil parce qu'elle ne voulait même pas que j'appelle une association d'aide, ou quoi que ce soit, elle voulait que je laisse tomber tout de suite. Elle disait: Qu'est-ce que tu veux? Qu'est-ce que tu veux? Ça ne se tient pas, ta cause. Alors, ça, ce n'est pas vraiment de la conciliation dans mon vocabulaire à moi, mais c'est... Et c'est anecdotique, mais c'est quand même une recherche dans un contexte de recherche subventionnée avec un nombre important de travailleurs.

n(16 h 10)n

Ou, un autre exemple, un travailleur qui, dans le cadre de la conciliation, est tellement blessé par ce qui se dit à cette occasion-là ? et il était avec son représentant ? qu'il n'était pas capable de procéder à l'audience, était trop traumatisé, et ça a été remis. Alors, ça crée des délais aussi.

Je ne dis pas que je veux abolir la conciliation, mais je veux vraiment mettre sur la table que ce n'est pas la panacée qu'on pense et qu'il y a un contrôle de qualité important parce qu'il y a aussi potentiellement un conflit d'intérêts entre les représentants et les justiciables, que ce soit parce que les représentants sont débordés puis qu'ils ne peuvent pas plaider 300 dossiers dans la semaine, alors il y en a qui vont se régler, ou que ce soit parce que, si on règle, on peut avoir un pourcentage, tandis que, si on y va puis on gagne sur une rente à vie, c'est moins facile d'avoir un pourcentage sur une rente à vie.

Alors, je pense que ce que je vous invite à faire là-dedans, c'est de dire: Bon, la conciliation, ça peut être bon, mais, lorsque les gens viendront vous parler de la conciliation ? les gens qui pratiquent d'une manière quotidienne ? réfléchissez aussi sur le fait que le point de vue d'un individu justiciable n'est pas toujours le même que le point de vue de celui qui le représente. Et, en pratique, d'après les témoignages que j'entends, parce que, moi, je ne pratique pas, la plupart du temps, ce n'est pas les parties qui participent à la conciliation, la travailleuse reste dans le corridor avec son témoin expert qu'elle paie, alors que c'est les avocats des deux parties ou c'est le représentant syndical avec le représentant patronal qui discutent. Alors, ça ne va pas chercher d'harmonie entre les individus qui sont justiciables dans le modèle actuel si j'ai bien compris ce que les travailleurs nous disent. Alors, c'est dans ce sens-là.

Le Président (M. Simard): Voilà, c'est tout le temps dont nous disposons. Je vous remercie beaucoup, Mme Lippel. Une brève suspension en attendant que viennent nous rejoindre les représentants de la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec.

(Suspension de la séance à 16 h 12)

 

(Reprise à 16 h 22)

Le Président (M. Simard): Nous allons reprendre nos travaux et nous avons le plaisir de recevoir parmi nous, pour présenter leur mémoire, les gens de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec. Je vais vous demander, dans un premier temps, de vous identifier et, ensuite, de faire une présentation ? je ne sais pas qui sera le porte-parole, ou peut-être plusieurs le feront ? et nous entreprendrons ensuite les discussions avec vous. Alors, je vous écoute.

Fédération des infirmières et infirmiers
du Québec (FIIQ)

M. Gilbert (Daniel): M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, bonjour. Au nom des infirmières de la Fédération que je représente, je tiens à vous remercier de nous accueillir aujourd'hui et de nous permettre de vous exposer notre avis concernant le projet de loi n° 35.

Les gens qui m'accompagnent: à ma gauche, immédiatement à côté de moi, Mme Sylvie Savard...

Le Président (M. Simard): ...votre nom.

M. Gilbert (Daniel): Pardon, oui, excusez, Daniel Gilbert, deuxième vice-président à la Fédération des infirmières, responsable politique du secteur relations de travail, et de l'équipe juridique à la FIIQ, et de l'équipe SST; Sylvie Savard, secrétaire-trésorière adjointe, responsable du dossier santé et sécurité à la Fédération; Lise Roy, coordonnatrice responsable du secteur relations de travail et de l'équipe SST; et, à ma droite, Mme Hélène Caron, avocate à l'équipe SST et plus particulièrement mandatée à la recherche, à l'équipe SST.

Donc, d'entrée de jeu, comme vous le savez, la Fédération représente 45 500 infirmières oeuvrant dans plus de 453 établissements. Au nombre de nos mandats, la FIIQ assure la représentation des infirmières dans le domaine de la santé et sécurité au travail, en droit professionnel et en matière de relations de travail.

Par le biais de nos conseillères à l'équipe SST, nos conseillères interviennent régulièrement devant la Commission de la santé et de la sécurité du travail et, plus particulièrement, au niveau de la révision administrative et devant le tribunal administratif qu'est la commission elle-même.

Soucieuse d'une justice administrative de qualité, la FIIQ entend bien démontrer, dans le domaine de la santé, sécurité du travail, plus précisément en matière de lésions professionnelles, que les modifications proposées au projet de loi n° 35 sont inutiles et hasardeuses et que ces modifications ne permettent pas d'atteindre les objectifs de réduire les délais et d'augmenter l'accessibilité.

Une réforme de cette ampleur mérite réflexion et questionnement quant à la nécessité de modifier la structure des tribunaux administratifs, les processus actuels de contestation. La fusion de la CLP et du TAQ est-elle nécessaire? Le regroupement va-t-il véritablement améliorer la justice administrative actuelle quand on constate que le projet de loi ne modifie en rien la compétence, les pouvoirs et les fonctions des différents tribunaux existants?

La composition du TRAQ, avec un seul décideur sur le tribunal, nous permet ainsi de soulever un fait: que, au moment où on se parle, la CLP, où les recours sont instruits et décidés, le sont par un seul commissaire. Dans les divisions de la prévention et de l'indemnisation, deux personnes peuvent s'ajouter au commissaire issues du milieu syndical et patronal, et ceux-ci n'ont qu'un rôle de conseil auprès du commissaire et aucun pouvoir décisionnel. Alors, où est l'intérêt de fusionner la CLP et le TAQ? D'ailleurs, je vous soulignerais que le projet de loi n° 4 actuellement à l'étude vise justement à réduire la composition des formations appelées à entendre les recours à ce tribunal qu'il est question.

Concernant la compétence du TRAQ, le projet de loi n° 35 prévoit la section des lésions professionnelles qui est chargée de statuer sur les recours qui portent notamment sur la prévention, l'indemnisation des lésions professionnelles et le financement du régime. Or, la Commission des lésions professionnelles détient les mêmes compétences et statue actuellement sur les mêmes recours. En quoi cela améliorera-t-il la justice administrative?

Le projet de loi n° 35 prévoit que le TRAQ doit offrir aux parties la tenue d'une séance de conciliation. La FIIQ accueille positivement ces dispositions favorisant la conciliation, puisque, comme le faisait remarquer le ministre, les mécanismes de conciliation développés à la CLP nous permettent de solutionner bon nombre de dossiers, plus de 50 %. Et j'attirerais votre attention que la conciliation est sur une base volontaire, au moment où on se parle, à la CLP.

Concernant l'objectif de régionaliser le TRAQ... Régionaliser, un principe déjà existant à la CLP et non au Tribunal administratif du Québec. Alors que la CLP est présente dans 20 bureaux répartis dans l'ensemble du Québec et que ses mécanismes de conciliation ont donné des résultats, où est l'intérêt de fusionner la CLP avec le TAQ?

Concernant la réduction des délais avec la venue du TRAQ, M. le ministre, vous avez affirmé, lors de votre conférence de presse et lors de l'adoption du principe de ce projet de loi, qu'il y avait un problème de délais important au Tribunal administratif. La réalité est tout à fait différente à la CLP; les délais sont tout à fait acceptables. De plus, pour sa part, M. Beaudoin, du TAQ, précisait que le problème de délais, si problème il y a, se situe davantage à la section des affaires sociales, plus précisément à l'assurance automobile, d'où est l'objectif de réduire les délais.

Pour nous, la fusion de la CLP et du TAQ est non seulement inutile, mais hasardeuse, puisque le risque de se retrouver avec une justice administrative de moindre qualité est bel et bien réel. Pourquoi prendre des risques? Pourquoi bousiller un système comme la CLP qui fonctionne de façon adéquate et qui se perfectionne d'année en année? La solution pour atteindre l'objectif recherché ne réside pas dans le regroupement de ces deux tribunaux ayant des particularités spécifiques et répondant à des besoins fort différents. La FIIQ est en accord avec la finalité d'améliorer l'accessibilité et de réduire de façon raisonnable les délais d'une décision finale, mais le problème ne se situe pas au niveau du tribunal qu'est notamment la CLP, mais à l'étape préalable de révision administrative.

La FIIQ accueille favorablement les mesures suivantes, qui sont: d'abolir l'étape obligatoire de révision; de loger la contestation d'une décision directement au Tribunal administratif ? préférablement, pour nous, la CLP qui doit être maintenue; et d'offrir systématiquement une séance de conciliation avant audition.

Par contre, la FIIQ déplore que, M. le ministre, vous mainteniez comme proposition d'abolir l'étape obligatoire de révision administrative tout en autorisant l'organisme qui a rendu la décision initiale à réviser sa propre décision, et ce, dans des délais plus inquiétants que rassurants pour les victimes. Un simple exercice d'application de tous les délais démontre qu'il peut s'écouler un délai approximatif de 300 jours entre la décision par la CSST et la transmission du dossier au tribunal. D'ailleurs, vous retrouvez dans notre avis un exemple où on a reproduit le cheminement d'un dossier d'infirmière avec les modifications proposées dans le cadre du projet de loi n° 35.

En ce qui concerne les lésions professionnelles, il ne faut pas omettre une chose: c'est de considérer que les parties à un litige sont non seulement la victime et la CSST, mais également l'employeur. Celui-ci est d'ailleurs fort présent dans tout le processus de contestation. D'ailleurs, le fait d'utiliser le mot «requérant» fait en sorte que l'employeur peut également demander la prolongation de délai. Ces modalités sont hasardeuses et ne tiennent pas compte de tous les acteurs. Pourquoi ne pas abolir purement et simplement le processus de révision administrative? Les arguments qui peuvent convaincre la CSST de modifier sa décision valent sûrement autant en conciliation qu'en révision administrative. En ce sens, nous vous recommandons, la Fédération, l'abolition de la révision administrative effectuée par la CSST et de privilégier le mécanisme de conciliation obligatoire.

n(16 h 30)n

Dans le cas du maintien de la révision administrative, la FIIQ tient à vous proposer également des modifications aux articles de la Loi des accidents du travail et des maladies professionnelles, surtout au niveau de l'article 358 et 359 où il est question de 90 jours de délai. Ce que nous vous proposons, c'est de ramener le 90 jours à 60 jours, alors qu'actuellement il est de 30 jours. De plus, nous vous demandons également de biffer le troisième alinéa qui devrait être aboli et remplacé par le texte que vous retrouvez au niveau de notre mémoire et où on prévoit un délai de 10 jours où la CSST doit transmettre à la secrétaire du tribunal le dossier de la requérante afin qu'il puisse être traité le plus rapidement possible.

En matière de représentation d'une partie, la FIIQ recommande également le retrait de la troisième règle relative au représentant qui n'est pas avocat, soit le retrait de l'article 103.1 proposé par l'article 39 du projet de loi. Cette règle, pour nous, n'a pas raison d'être, laisse place à l'arbitraire et peut être préjudiciable pour la victime.

En matière de conciliation, ne pas perdre de vue non plus qu'en matière de lésion professionnelle le requérant n'est pas nécessairement la victime et qu'il peut être parfois l'employeur. La FIIQ recommande de remplacer le mot «requérant» par les mots «l'une des parties». La FIIQ recommande que la séance de conciliation, de plus, soit tenue exclusivement par un conciliateur spécialement formé comme c'est le cas actuellement à la CLP.

En ce qui concerne le remboursement des expertises, pourquoi ne pas avoir exporté l'article 83.31 de la Loi sur l'assurance automobile qui prévoit le remboursement de l'expert si une décision est modifiée en faveur d'une personne qui a soumis une expertise médicale écrite? La FIIQ recommande l'harmonisation des règles et que le principe de l'article 83.31 soit inséré dans la Loi des accidents du travail et maladies professionnelles afin que, pour les Québécois, ce soit plus simple et qu'une seule justice s'applique, nonobstant le fait que l'accident soit survenu dans telle ou telle circonstance.

En conclusion, la FIIQ vous réitère son accord à l'atteinte d'une justice administrative qui répond à des normes optimales de qualité. Nous sommes d'avis que les moyens prévus dans le projet de loi n° 35 sont inutiles, hasardeux et fort discutables pour atteindre l'objectif visé par cette réforme. La FIIQ ne peut donner son aval, car certaines mesures telles que le regroupement CLP et TAQ ainsi que les nouvelles modalités de révision administrative sont inappropriées et inefficaces pour améliorer la qualité actuelle de la justice administrative du Québec. La fusion de la CLP et du TAQ est un net recul. La spécialisation développée au cours des années à la CLP est un acquis qu'il faut préserver. Les nouvelles modalités relatives à la révision sont décevantes et peuvent générer beaucoup plus d'incertitudes et d'inquiétudes chez les victimes.

Enfin, le projet de loi n° 35 donne l'impression d'avoir été rédigé pour combler certaines lacunes vécues au Tribunal administratif du Québec. Ne bousillons pas ce qui donne des résultats. Réglons les vrais problèmes où ils sont. En conséquence, la FIIQ se prononce contre les mesures découlant du projet de loi n° 35. Merci.

Le Président (M. Simard): Merci. Je donne donc la parole maintenant au ministre.

M. Bellemare: Alors, merci beaucoup, M. Gilbert, et bienvenue, Mmes Savard, Caron et Roy. Et je dois dire que vous avez obtenu ce mémoire suite à une étude très certainement... très poussée de la situation. Et il y a quelques éléments sur lesquels j'aimerais obtenir davantage d'éclaircissements, comme, par exemple, à la page 11 de votre mémoire, où vous recommandez qu'on fasse disparaître, si je comprends bien, le délai additionnel de 90 jours en révision, si la révision était maintenue évidemment. Donc, le deuxième alinéa de l'article 359.1 qui disparaîtrait pour faire en sorte qu'il n'y ait qu'un délai de 90 jours pour réviser. Est-ce que c'est exact? Est-ce que c'est votre position?

M. Gilbert (Daniel): Non, c'est de remplacer les deux 90 jours, autant à l'article 358 et 359, par 60 jours au lieu de 90 jours. C'est aux deux endroits.

M. Bellemare: Donc, il y aurait un délai de 60 jours pour réviser à la CSST, point.

Mme Caron (Hélène): Si je peux me permettre d'intervenir à ce niveau-là, effectivement, nous, ce qu'on propose, c'est un délai de 60 jours pour contester la décision et également un délai de 60 jours pour réviser, c'est-à-dire à partir du moment qu'il y a dépôt d'une requête. Et ce qu'on suggère, c'est que le libellé du troisième alinéa de l'article 359.1, qui dit: «Toutefois, la commission et le requérant peuvent convenir de prolonger ce délai de 90 jours»... Nous, compte tenu du contexte tripartite et dont a fait état également Mme Katherine Lippel en matière de lésions professionnelles, bien, on sait très bien que le requérant, ce n'est pas seulement la victime, le requérant peut également être l'employeur. Alors, l'exemple qu'on vous donne dans le mémoire à l'effet que, bon, l'employeur peut également, par ce processus-là, demander qu'une expertise soit faite de la victime et nous embarquer dans une contestation sans fin, nous, ce qu'on propose, c'est d'abolir ce troisième alinéa et effectivement que la révision, si révision il y a... Nous, de toute façon, comme Fédération, nous ne sommes pas en accord avec la révision administrative. D'ailleurs, on vous le soumet de façon subsidiaire. Alors, c'est d'abolir ce délai additionnel de révision.

M. Bellemare: O.K.

Mme Caron (Hélène): Alors, c'est dans ce contexte-là.

M. Bellemare: Et j'imagine que vous seriez favorables au fait que les décisions émanant du Bureau d'évaluation médicale, donc tout le volet médical des dossiers, puissent être appelables directement au tribunal?

Mme Caron (Hélène): Dans un contexte où nous sommes d'accord avec l'abolition de la révision administrative, tout à fait.

M. Bellemare: Je dis ça parce qu'il y a un groupe d'employeurs qui est venu cet après-midi, à 14 heures, et qui semblait favorable au fait que, en matière médicale, les décisions résultant du BEM, du Bureau d'évaluation médicale, puissent être portées directement en appel au tribunal, parce que, actuellement, ça passe en révision, mais c'est un peu inutile parce que la révision administrative ne peut pas regarder le contenu des affaires médicales, on perd un peu notre temps, de sorte qu'il y avait, semble-t-il, utilité d'aller directement en appel. Vous seriez favorables à cette possibilité-là?

Mme Caron (Hélène): Tout à fait.

M. Bellemare: O.K. Concernant la conciliation, actuellement, évidemment, elle n'est pas obligatoire. Et, dans bien des domaines et bien des divisions également au Tribunal administratif du Québec, le taux de conciliation est très décevant, il atteint 8 %, 12 %, dépendant des sous-sections. Est-ce que vous voyez d'un bon oeil que la conciliation puisse être obligatoire sur demande du citoyen, c'est-à-dire que, si l'employeur ou le travailleur le demande, la CSST soit tenue de concilier?

M. Gilbert (Daniel): Bien évidemment, on va être en accord avec la conciliation, et elle devra être obligatoire. La Fédération des infirmières, dans l'ensemble de ses dossiers où elle assure la représentation de ses membres, c'est un objectif premier que nous visons de déjudiciariser le maximum de nos dossiers et de miser et de maximiser nos interventions plutôt vers la conciliation, la médiation, dans le but de régler le plus rapidement possible les litiges. Donc, pour nous, de retrouver la conciliation obligatoire, pour nous, c'est un objectif à poursuivre dans le projet de loi et c'est quelque chose que nous allons accueillir positivement. D'ailleurs, on le demande dans notre mémoire.

M. Bellemare: Merci. Mon collègue va poursuivre.

Le Président (M. Simard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Je voudrais surtout vous entendre sur la question de l'unification. Alors, vous vous êtes prononcés clairement contre l'unification du Tribunal administratif du Québec et de la CLP, et j'en suis plus particulièrement à la page 5 de votre mémoire. En fait, sans vouloir être réducteur, votre argument, c'est de dire: Ça va bien à la CLP, alors c'est ce qui nous intéresse, nous. Donc, pourquoi est-ce qu'on pourrait... Quel serait notre avantage de fusionner avec le Tribunal administratif du Québec?

La perception ou en fait l'intention derrière le projet de loi n° 35 est de, je dirais, considérer la justice administrative dans son ensemble et non pas de façon isolée, ce que vous semblez vouloir préconiser, c'est-à-dire qu'il y ait des cases particulières dans certains domaines de la justice administrative où ça va bien et qu'on n'aille pas vers l'unification pour cette raison-là de peur que ça importe des problèmes. Par contre, vous dites que vous êtes d'accord avec les principes qui visent l'amélioration de l'accessibilité à la justice administrative et l'amélioration des délais.

n(16 h 40)n

Ce matin ? je ne sais pas si vous étiez présents ? on a eu l'occasion d'entendre les représentants de 6 000 avocats de l'Association des avocats et avocates de province qui, dans leur mémoire, soulèvent des anecdotes qui, au plan de la régionalisation, dépassent largement le caractère anecdotique mais semblent clairement indiquer que la situation actuelle crée deux classes de justiciables au Québec, ceux des régions et ceux qui sont à proximité des grands centres. Et on nous donnait l'exemple, par exemple, de Sept-Îles où on disait aux gens: Écoutez, si vous voulez être entendus à Sept-Îles ? alors que les parties, les avocats, tout le monde... et la cause origine de ce district judiciaire là ? bien, vous allez attendre huit mois. Mais, si vous êtes d'accord pour déménager vos pénates à Québec, vous allez être entendus à l'intérieur d'un mois. Dans un contexte de globalisation, là, et d'amélioration de la justice administrative et non pas de compartimentation, est-ce que vous seriez prêts à considérer que l'unification des deux organismes est une bonne chose?

Mme Caron (Hélène): Alors, nous, ce qu'on tente de vous dire par le présent mémoire, c'est: est-ce que les amendements qui sont proposés dans le projet de loi n° 35, est-ce que ces amendements-là doivent nécessairement passer par la fusion des deux tribunaux? Si nous avions été, à la lecture du projet de loi, convaincus que ça passait par la fusion des deux tribunaux, évidemment, on vous tiendrait un discours différent, mais la conclusion, après analyse poussée du projet de loi, une analyse très minutieuse et une analyse qui va au-delà de l'allégeance, je vous dirais, politique, ou syndicale, ou patronale, on vient à la conclusion... on voit difficilement que ça doit nécessairement passer par la fusion des deux tribunaux, d'une part.

Et d'autre part, oui, effectivement, nous avons des préoccupations parce qu'au moment où on se parle ça fonctionne quand même relativement bien à la Commission des lésions professionnelles. Bon. Et on craint qu'on vive... parce que, évidemment, en 1998, lorsqu'il a été question d'abolir les bureaux de révision et de remplacer la CALP par la CLP, on a vécu une certaine période, disons, d'adaptation qui n'a pas nécessairement été facile, mais qui a porté fruit par la suite. Alors, la crainte qu'on a, c'est qu'on vive un net recul et que ça se fasse finalement au détriment des droits des travailleuses, des victimes de lésions professionnelles. Elle est là, notre crainte.

Si on voyait dans le projet de loi n° 35 des amendements ? excusez, là, j'ai la gorge sèche ? qui faisaient en sorte que, oui, on verrait une amélioration et on la verrait aussi au niveau de la Commission des lésions professionnelles... Mais, à notre humble avis, on ne le voit pas. Et l'impression que ça nous donne, et nous le disons en conclusion, l'impression que ça nous donne, eh bien, ça vient tout simplement régler les lacunes possibles qui sont présentes au Tribunal administratif du Québec. Voilà.

Le Président (M. Simard): Oui, mais rapidement, parce qu'un de vos collègues me fait signe.

M. Moreau: Je vous donne un exemple. On a déposé ce matin un document qui indique, en région, la répartition du Tribunal administratif du Québec, qui indique qu'il est largement concentré à Montréal et à Québec, et la CLP, elle, qui a des bureaux répartis un peu partout à travers le Québec.

Saguenay?Lac-Saint-Jean. Alors, la CLP siège au palais de justice de Chicoutimi. 837 dossiers ouverts entre avril 2002 et mars 2003 alors que, pour la même région, le TAQ en ouvre 314, mais qui sont concentrés, là, ici, soit à Montréal ou à Québec vraisemblablement pour la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Est-ce qu'il n'y a pas là la solution justement pour favoriser la justice, le rapprochement de la justice vers les justiciables que de faire en sorte d'unifier les deux organismes? Parce que je présume que vous ne suggérez pas au gouvernement de dire: Bon, bien, très bien, pour régionaliser le TAQ, pour 314 dossiers, on va leur demander de se construire ou de louer un bureau, d'ouvrir un greffe en région, alors qu'on a un organisme gouvernemental, la CLP, qui a des installations, qui bénéficie d'installations et alors que, là, les causes relevant du TAQ correspondent à peu près à 30 % des dossiers entendus par la CLP.

Est-ce que l'unification n'est pas véritablement une solution pour permettre une véritable régionalisation de la justice administrative et, encore une fois, pour faire en sorte que la justice administrative ne soit pas compartimentée, mais qu'on ait une qualité uniforme sur l'ensemble des dossiers qui relèvent de la justice administrative au Québec?

Mme Caron (Hélène): Bien, écoutez, ce que je répondrais à ce que vous venez de dire, j'espère que ce n'est pas strictement la régionalisation qui viendrait finalement améliorer la justice administrative. Parce qu'à vous entendre, c'est grâce au fait que la CLP a déjà des bureaux à travers la province qui fait en sorte que ça va améliorer la justice administrative également pour le TAQ.

Alors, nous ne vous disons pas actuellement qu'il n'y a pas place à l'amélioration. Oui, il y a place à l'amélioration, et c'est important d'avoir une justice de qualité. Mais, à nouveau, au détriment de nous répéter, est-ce que ça doit passer nécessairement par la fusion des deux tribunaux? Des infrastructures, ça peut... Comment dire? On peut utiliser des infrastructures, mais pas nécessairement fusionner les deux tribunaux administratifs.

Le Président (M. Simard): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci. Mais je veux enchaîner sur une intervention que vient de faire mon collègue. Vous nous avez mentionné que ce n'est pas nécessairement la régionalisation qui va améliorer la justice administrative, mais est-ce que vous ne croyez pas que la régionalisation va rendre accessible, de façon beaucoup plus... comme principe, va rendre accessible la justice administrative quand on a des gens qui vivent dans une région, qui ont à traiter des causes d'une région et qui portent un jugement dans cette région-là? Ça me semble être un volet important de la justice administrative.

Et je trouve un peu bizarre, là, que, dans vos interventions, vous nous dites: Pour la CLP, ça va bien, et on devrait garder ça comme ça, alors que, du côté du TAQ, les gens ont le droit d'avoir une justice aussi valable, aussi accessible, et, la solution, il faut que ce soit régionalisé. Et, dans la réalité des choses, bon, dans un palais de justice, où il y a des espaces qui sont disponibles, où la CLP est déjà installée, il est possible d'ajouter deux, trois personnes dans le même local pour la question, pour les causes qui relèvent du TAQ. Mais on va se retrouver dans une région à ce moment-là ? physiquement, je parle, c'est possible de le faire parce qu'il y a de l'espace pour le faire ? on va se retrouver devant une réalité où on a, dans la réalité, une fusion des deux services, physiquement, dans un organisme et on garderait deux structures distinctes, comme ça, en dehors de ce qui représente... de ce qu'on voit dans la réalité.

Et la population, à mon avis, ce qui est important pour elle, c'est qu'elle ait accès à la justice et elle a accès à la justice d'une façon beaucoup plus rapide et plus satisfaisante quand on est dans un contexte de régionalisation. Est-ce que vous n'avez pas l'impression que la régionalisation ne peut pas se faire sans qu'il y ait unification des deux services? Puisque, dans la réalité des choses, c'est comme ça que ça va se passer.

M. Gilbert (Daniel): Écoutez, je vais répondre à votre question. Pour moi et, je pense, pour mes consoeurs également, une justice de qualité, ça ne passe pas nécessairement juste par une régionalisation, ou augmenter l'accessibilité à une justice de qualité, ça ne passe pas juste non plus par une régionalisation des différents tribunaux présents au niveau des différentes régions de la province de Québec. Je pense qu'il y a d'autres éléments, entre autres l'efficience de ces tribunaux-là. Donc, il faut se questionner sur l'efficience des différents tribunaux pour voir aussi le genre d'expertise qu'on retrouve au niveau de ces décideurs-là. De fusionner la CALP avec le Tribunal administratif, on ne vient pas diluer l'expertise que les décideurs de ces tribunaux-là avaient développée au cours des dernières années puis qu'ils ont continué à vouloir renforcer pour rendre le plus rapidement possible les délais. Il faut aussi s'attaquer aux contestations abusives qui sont faites devant ces tribunaux-là, d'où la proposition qu'on vous fait d'abolir, pur et simple, la révision administrative et de miser plutôt sur une conciliation obligatoire entre les parties pour essayer au maximum de déjudiciariser. Donc, si on atteint l'objectif de déjudiciariser ce genre de dossier là, on vient par le fait même d'augmenter l'accessibilité à ce tribunal-là qui est un autre élément autre que de dire: On les retrouve dans les différentes régions.

Je pense que c'est un ensemble de facteurs qu'il faut regarder ensemble pour justement savoir à quelles difficultés il faut trouver des solutions pour rendre justement une justice de qualité aux citoyens du Québec et une justice également accessible partout sur le territoire québécois. Mais ce n'est pas juste par une régionalisation du TAQ ou du TRAQ futur qu'on va atteindre l'objectif d'accessibilité et de qualité.

Le Président (M. Simard): Une courte dernière intervention de ce côté-là de la part du député de Marguerite-D'Youville.

n(16 h 50)n

M. Moreau: Merci, M. le Président. Mais, M. Gilbert, l'idée de l'intégration n'est pas strictement liée à la régionalisation. Vous parliez de dilution de l'expertise. Or, ce matin, les juges administratifs, la Conférence des juges administratifs, ils nous parlent plutôt, eux, que cette intégration-là favoriserait l'enrichissement de la qualité en faisant en sorte que plusieurs décideurs qui ont des expertises particulières et différentes, issus de différentes formations, se regrouperaient au sein d'un même organisme. Vous avez un côté de la médaille qui semble éliminer l'autre, alors vous parlez de dilution, eux parlent d'enrichissement: c'est le verre à moitié vide, le verre à moitié plein. Comment dois-je réconcilier cela?

M. Gilbert (Daniel): Écoutez, nous, comme organisation, on a vécu deux modes de traitement à l'interne des dossiers en santé et sécurité. Antérieurement, l'ensemble des conseillères qui dispensent les services aux établissements traitaient elles-mêmes leurs dossiers en matière de santé et sécurité et de lésions professionnelles. Et, comme organisation, on a revu ce fonctionnement-là. Ce que chacune des conseillères nous disait: On a tellement peu de volume en la matière que ça nous prend un délai beaucoup plus grand pour préparer ce genre de dossier là, préparer nos témoins, etc., analyser le fond, que si on aurait une équipe de conseillères spécialisées. Donc, ça nous a conduits justement à un secteur plus spécialisé dans le but justement de développer une expertise de pointe, de traitement, ce qui a réduit les délais dans le traitement de ce genre de dossier là et les délais très longs en termes de temps de travail pour préparer ce genre de dossier là.

Donc, selon l'endroit où on se retrouve, on peut avoir une opinion qui est différente, sauf que, pour nous, l'expertise en matière de santé et de sécurité, en matière de lésions professionnelles... c'est important d'avoir une préoccupation, de la préserver, et, au fil des ans, la CLP, les décideurs de la CLP, les commissaires l'ont développée, donc il va falloir s'assurer, si on va vraiment vers la fusion et l'intégration pour former le TRAQ, que l'ensemble des décideurs qui vont se retrouver sur les différents tribunaux soient supportés adéquatement et qu'ils aient une formation pour justement développer cette expertise-là.

Le Président (M. Simard): Merci. Maintenant, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Merci, M. Gilbert, Mme Savard, Mme Roy, Me Caron, de votre présentation. Évidemment, merci aussi pour votre mémoire. Mes questions vont être relativement brèves parce que le mémoire en tant que tel est très clair quant à vos positions et aux éléments... et à vos arguments plus particulièrement, évidemment, face à votre position par rapport au regroupement de la CLP et du TAQ.

J'aimerais par contre vous entendre sur le côté... du côté du paritarisme de l'instance de la CLP. Est-ce que vous pensez qu'il s'agit là d'un élément qui a participé, je vous dirais, à son bon fonctionnement? Est-ce qu'on doit effectivement mettre fin ou, du moins, vraiment modifier les règles relativement au paritarisme de la CLP?

M. Gilbert (Daniel): Bon. Écoutez, avant la venue de la modification, en 1998, pour former la CLP, au niveau de la CALP, je vous ramène à cette étape-là, où on était devant un seul décideur au niveau de la CALP. Donc, à la CLP, est venue la mécanique où on pouvait avoir un assesseur patronal et un assesseur syndical présent. Comme on vous l'a présenté tout à l'heure, le rôle des deux parties n'est que de conseiller le commissaire qui, lui, a le pouvoir décisionnel. Au moment où on se parle, la révision administrative sur dossier à la Fédération, dans certaines régions, ça fonctionne passablement bien, dans d'autres, c'est zéro comme résultat. Quel que soit le résultat de la révision sur dossier à cette étape-là, c'est que, inévitablement, on se ramasse avec une contestation de la partie employeur. Donc, il y a peu de possibilités de faire cheminer le dossier à cette étape-là. Donc, pour nous, d'abolir la révision administrative au niveau du dossier et d'aller directement devant le Tribunal administratif pour l'audition avec, en présence, les deux parties, les trois parties, pour nous, c'est une voie qui n'est pas nécessairement dommageable à ce que nous connaissons actuellement.

Mme Caron (Hélène): En ce qui a trait... Effectivement, j'aimerais ajouter. En ce qui a trait au paritarisme... C'est sûr que notre mémoire ne se prononce pas pour ou contre en ce qui a trait au paritarisme. Il est certain qu'il y a une réalité, et ça, on a essayé de... Au-delà du paritarisme, il y a une réalité qui est différente lorsqu'on regarde par rapport à l'aide sociale, en assurance automobile, autrement dit les matières qui sont traitées par le TAQ versus ce qui est traité par la CLP. Il y a un contexte, je crois, si j'ai bien compris les propos aussi de Mme Lippel, il y a un contexte qui est tripartite. Il y a un caractère tripartite, ce qui fait que les assesseurs ou les représentants issus des associations patronales et d'employeurs peuvent aider, d'une certaine façon, à expliquer un contexte, et un contexte qui se passe... parce que c'est ça, là, ce n'est pas un contexte de relations de travail, c'est un contexte de conditions d'exécution du travail. Alors, dans ce sens-là, il peut être intéressant de maintenir le paritarisme.

Mais, comme fédération, ce que nous disons finalement, c'est que, lorsqu'on plaidait des dossiers à la Commission d'appel avant avril 1998, on était quand même tout à fait à l'aise dans un système où tu avais un commissaire et assisté au besoin d'un assesseur médical. Pour conclure, on n'y tient pas mordicus, mais c'est quand même bien qu'on ait conservé le paritarisme en ce qui a trait au recours sur l'existence d'une lésion professionnelle.

M. Bédard: Des éléments plus précis dont vous faites mention, des suggestions fort intéressantes au niveau des frais d'expertise, effectivement, qu'on retrouve à l'assurance automobile au niveau du remboursement, selon certaines conditions, et qu'on ne retrouve pas... Est-ce que vous avez vérifié si on retrouve de tels... Et j'aurais dû demander la question d'ailleurs. Je m'en veux un peu de ne pas l'avoir demandée tantôt à Me Lippel. Mais est-ce qu'on retrouve de tels remboursements dans d'autres juridictions? Est-ce que vous savez si les... bon, je ne sais pas, en Ontario, par exemple, ou en Colombie-Britannique, on...

Mme Caron (Hélène): Je ne serais pas en mesure de répondre.

M. Bédard: O.K. Parce que je trouvais la suggestion intéressante, si ce n'est que par rapport au déséquilibre, et je vous dirais que c'est encore plus vrai... vous le proposez, vous, en termes d'association, mais je vous dirais que ce serait encore plus vrai pour ceux qui n'ont pas d'association, autrement dit, les gens non syndiqués qui se retrouvent avec des frais énormes. Donc, au moins de le prévoir dans les cas précis, si le ministre... et je suis convaincu qu'il l'a, la préoccupation d'assurer un réel accès à la justice et justement par des mesures, des fois, parfois simples mais concrètes en termes monétaires pour les gens, parce que ça double le risque... En plus d'avoir raison... en plus parfois, malheureusement, d'avoir tort, ça va nous coûter cher d'avoir tort. Alors, les frais d'expertise, c'est important, si ce n'est le témoignage. Mais la rédaction du rapport, il y aurait sûrement une façon de...

Mme Caron (Hélène): Oui. Et, si je peux ajouter, les frais d'expertise sont très élevés. Le nombre d'expertises est incroyable.

M. Bédard: Bien oui.

Mme Caron (Hélène): Si on pense, entre autres, aux dossiers de fibromyalgie, où on peut avoir sept, huit, 10 expertises, ce n'est pas exagéré de parler en termes d'un tel nombre. Alors, c'est vraiment une réalité... Bon, sans parler au niveau de l'assurance automobile, mais, au niveau des lésions professionnelles, lorsque nous...

M. Bédard: ...

Mme Caron (Hélène): Pardon?

M. Bédard: Qui est de même nature, de toute façon. On dit que c'est la même nature, mais c'est indemnitaire.

Mme Caron (Hélène): Oui.

M. Bédard: Alors, si c'est vrai pour un, pourquoi ça ne serait pas vrai pour l'autre?

Mme Caron (Hélène): Exactement. Et, en plus, au niveau des lésions professionnelles, il y a une troisième partie qui est l'employeur et qui conteste systématiquement...

M. Bédard: Oui, parce que ça a un impact, lui, au niveau de ses cotisations.

Mme Caron (Hélène): Voilà! Exactement. Alors donc, les décisions qui sont révisées, le 20 % qui peut être révisé au niveau de la révision administrative, bien, on ne peut pas faire l'équation que ces 20 % là ne se retrouvent pas au niveau du tribunal, parce que, si ce n'est pas le travailleur qui conteste, ça va être l'employeur.

M. Bédard: Effectivement.

Mme Caron (Hélène): Voilà.

M. Bédard: Merci. Un autre élément où vous avez attiré mon attention, et je vais faire par la même occasion aux membres de cette commission... vous l'avez dit rapidement mais... Je lisais le projet de loi et j'ai comme passé rapidement dessus, mais c'est assez fondamental. L'article 39 qui donne un pouvoir ex cathedra au tribunal de décider qui est compétent ou non, le plaideur qui est devant lui. Je vous avouerais que j'avais passé dessus, là, sans y porter attention mais, en le relisant, là: «Le tribunal peut exclure de l'instance le représentant d'une partie qui n'est pas avocat...»

n(17 heures)n

D'abord, on décide que tous les avocats sont bons. Je vous dirais que souvent le cas... Mettez un praticien, je ne sais pas, moi, dans le domaine de l'évaluation municipale, si vous lui donnez l'occasion de plaider devant la CLP, je ne suis pas sûr que ça va être percutant, et j'ai déjà vu ça, je vous avouerais. Alors, d'abord, on crée une exclusion, alors je vous dirais plutôt une présomption irréfragable de compétence d'un avocat devant un tribunal dans toutes les matières, et on estime... Et, par contre: «...s'il estime qu'il n'a pas la compétence requise ou n'exécute pas de façon responsable les devoirs de cette tâche.» Entre vous puis moi, ça crée vraiment deux catégories de plaideurs. Au-delà de la compétence... plutôt de la reconnaissance professionnelle, c'est assez surprenant de donner un tel pouvoir ex cathedra... Et là je comprends... je ne sais pas de quelle façon d'ailleurs on a encadré ce pouvoir, mais j'en conclus presque que, quand le tribunal est tanné de voir le visage de quelqu'un, il dit: «Regarde, toi, fini, on ne te revoit pas.» C'est presque ça, là, d'ailleurs...

Et là je me disais même... J'ai vu des avocats, je vous dirais... Et ça m'est même déjà arrivé d'avoir plaidé et même que le tribunal agissait de façon partiale, et là ce n'est pas évident, et j'étais... Ce n'était pas moi, c'était un collègue, un confrère plutôt avec qui... Moi, je suis allé plutôt plaider, parce que, lui, étant donné qu'il était le plaideur qui plaidait la partialité, souvent on demande à un autre collègue... Mais là je me mets en circonstances où le tribunal aurait eu autre chose qu'un avocat devant lui et aurait eu cette disposition-là; je pense bien qu'il nous aurait exclus tous les deux du tribunal. Alors, je vous remercie de nous éveiller à une telle disposition qui me semble effectivement abusive, et c'est votre interprétation, je le comprends.

Quant à l'indépendance, je n'ai pas retrouvé de commentaires, et vous avez vu les dispositions actuelles du projet de loi. Dans l'ensemble, les gens montrent une certaine... En tout cas, des mémoires que nous avons eus actuellement, et je vous avouerais que ce n'est pas complété, certains... et nous avons eu d'ailleurs une autre pile aujourd'hui, donc... Mais de ceux que nous avons entendus aujourd'hui, les groupes, on constate, par contre, je vous dirais, une certaine sympathie par rapport aux dispositions du projet de loi qui est celle de nommer selon bonne conduite, mais peu, je vous dirais, abordent les questions de fond. Oui, à la question de la qualité, mais ça amène d'autres questionnements évidemment qui sont plus durs à aborder parce que, bon, ils font appel, je vous dirais, à l'évaluation des gens qui sont devant le tribunal, même à la rémunération des gens qui sont devant le tribunal, au test qui serait exigé quant à ceux qui s'y retrouvent. Et là je ne sais pas si vous êtes les premiers à aborder toutes ces questions, mais, du moins, sur la nomination selon bonne conduite, est-ce que ça vous semble être de nature à améliorer la qualité que vous percevez du tribunal... bien, de la CLP actuelle finalement, mais du TAQ de façon plus globale?

Mme Caron (Hélène): Nous ne nous sommes pas prononcés non plus dans notre mémoire, nous n'avons pas...

M. Bédard: Non, et c'est pour ça que je vous le demande aujourd'hui.

Mme Caron (Hélène): Effectivement. Mais oui, nous pensons effectivement que ça peut améliorer la qualité de la justice administrative au niveau de l'indépendance des décideurs et au niveau de l'impartialité. Nous serions d'avis que c'est quand même une bonne chose, mais nous avons des préoccupations peut-être d'un autre ordre. Mais oui, effectivement, c'est une bonne chose.

M. Bédard: Les autres d'ailleurs ressortent très clairement.

Une dernière question. Dans votre conclusion, vous y allez de mots quand même assez durs: «La FIIQ réitère son accord, au nom des infirmières qu'elle représente, pour l'atteinte d'une justice administrative qui répond à des normes optimales de qualité eu égard à son accessibilité [...] célérité [...] impartialité et [...] indépendance. La Fédération est cependant d'avis que le ministre de la Justice [...] loin de prendre tous les moyens mis à sa disposition pour y parvenir, en utilise certains qui sont pour le moins inutiles, hasardeux et fort discutables et qui risquent de produire l'effet contraire à l'objectif visé par sa réforme.»

Si je comprends bien, ce paragraphe se justifie par, entre autres, les délais. Est-ce qu'il y a d'autres exemples? Et vous n'êtes pas les seuls d'ailleurs, on a eu une présentation avant, que, finalement, quand on regarde le projet de loi tel que rédigé, qui peut subir des améliorations, mais, effectivement, on peut en conclure presque à une augmentation des délais. Est-ce qu'il y a d'autres exemples où vous sentez une démarche qu'on pourrait qualifier d'inutile ou hasardeuse? Est-ce que vous pouvez me donner d'autres exemples plus précis? Est-ce qu'il y en a d'autres? Ou peut-être, je vous dirais... ou des moyens qui vous auraient semblé plus appropriés en termes d'actions pour améliorer les délais? Vous faites une proposition assez concrète, par contre, là-dessus, mais est-ce qu'il y en aurait d'autres?

Mme Caron (Hélène): Bien, c'est-à-dire, d'autres? Je pense que vous avez l'essentiel dans notre mémoire. Nous, ce qu'on dit tout simplement, c'est que, plutôt que de fusionner... Nous, on dit que le problème ne se situe pas au niveau du Tribunal administratif. Oui, il y a de l'amélioration possible à ce niveau-là, c'est certain. Mais, simplement, c'est plus au niveau de la révision administrative que se situe la problématique. Et nous sommes contents de voir qu'effectivement, l'étape obligatoire de la révision administrative, elle est abolie. Mais simplement de remplacer ça par des modalités qui risquent...

Parce que nous l'avons fait, l'exercice. L'exemple que nous mettons dans le mémoire, on aurait pu continuer... On s'est arrêté, mais on aurait pu continuer, voilà, parce que, tout dépendant, là... Bon, il y a une première révision qui se fait. Si l'autre partie n'est pas d'accord avec la révision, elle a certainement un droit de contestation. On repart le délai de 90 jours de révision pour cette personne-là. L'organisme administratif va devoir à nouveau se pencher sur la question. Bon, nous, on a mis une fin à la deuxième, bon, dans notre exemple, mais on aurait pu continuer. Et on se dit: Mon Dieu! seigneur! ça nous mène dans quelle galère, ces modalités-là? Et c'est dans ce sens-là qu'on dit que c'est des... Bon, entre autres, c'est un exemple de modalités ou de dispositions inutiles et même hasardeuses. C'est un exemple, mais je vous dirais que c'est tout un exemple, là, et c'est pour ça qu'on dit... La révision administrative, même s'il y a des décisions qui sont effectivement révisées, ce qu'on dit, c'est que finalement, dans le système, dans le contexte des lésions professionnelles, bien, même si la décision est révisée, ça va se rendre pareil à la CLP. Alors, pourquoi ne pas abolir la révision administrative? Nous sommes d'accord avec une contestation directement au tribunal et finalement, là, que le dossier soit traité par le tribunal.

Si on prend la CSST, exemple, elle rend ses décisions à partir de politiques, à partir de directives. Alors, on parle de 20 % de décisions qui sont révisées, mais, nous, c'est bien plus 15 % que 20 % de décisions. Excusez, là, j'ai...

M. Bédard: Non, non, non. On a le même problème tous les deux.

Mme Caron (Hélène): Oui.

M. Bédard: C'est peut-être le temps des fêtes, des relents du temps des fêtes. Mais, en même temps... et je me disais, je posais la même... plutôt, je me faisais la même réflexion: 20 % et 15 %, c'est quand même assez important en termes de nombre. Est-ce qu'on doit viser à rétrécir, à encadrer ou on doit abolir tout simplement? Je pense que c'est un questionnement qu'on doit poursuivre.

Mme Caron (Hélène): Bien, à partir du moment où on dit que c'est 15 % ou 20 %, c'est quand même important. Ce serait important si on avait l'assurance que ces décisions révisées n'aboutiraient pas au tribunal, mais ce n'est pas le cas en matière de lésions professionnelles. Les décisions sont révisées, mais l'autre partie conteste. Alors, on ne peut pas faire cette équation mathématique entre 20 % de dossiers réglés en révision administrative révisée, c'est 20 % de dossiers de moins à la CLP. On ne peut pas faire ça.

M. Bédard: Oui, vous avez raison. Cet argument vaut pour le Tribunal administratif du Québec, mais ça ne vaut pas effectivement pour... parce que même une décision qui a été accueillie peut être révisée par l'autre partie, trois parties même à la limite. Alors...

Mme Caron (Hélène): Voilà! C'est une réalité qui est différente.

M. Bédard: Effectivement. Oui, oui, vous avez raison.

Mme Caron (Hélène): Voilà.

M. Bédard: Alors, je vous remercie. Je vous remercie aussi de nous allumer sur les éléments dilatoires parce que ? et le ministre même l'a déclaré une fois, là ? ce qui vraiment scandalise les gens, c'est souvent ceux qui utilisent les moyens pour contourner finalement l'application de la loi. Si tous les plaideurs, tous les gens étaient de bonne foi, on n'aurait pas de problème, mais, dans les faits, ce n'est pas le cas. Et encore, vous, vous représentez des gens. Donc, les gens ont un certain soutien. Moi, je vois souvent des gens qui n'en ont aucun et, effectivement, l'exercice dilatoire a des effets importants, là, sur le résultat de la cause. Alors, il faut le plus possible éviter ? et ce n'est pas le cas actuellement, mais on peut l'améliorer, le projet de loi, je suis convaincu ? faire en sorte d'empêcher tout simplement que l'exercice des moyens dilatoires conduise finalement à l'abandon ou au découragement, et malheureusement ce qu'on retrouve actuellement peut même augmenter, je pense, la possibilité pour les gens, ceux qui sont mal intentionnés malheureusement, de se servir des tribunaux pour épuiser, épuiser ceux qui ont des droits. Alors, je vous remercie de vos commentaires, et souhaitons qu'ils ont été bien entendus par le ministre.

Le Président (M. Simard): Alors, je vous remercie à mon tour, au nom de la commission, de votre présence...

M. Bellemare: Vous permettez? Avec le consentement de mon collègue, est-ce que je peux poser une question additionnelle?

Le Président (M. Simard): Ah! certainement, hein, M. le député de Chicoutimi? M. le député de Marguerite-D'Youville aimerait poser une dernière question... Ah! pardon, M. le ministre.

n(17 h 10)n

M. Bellemare: Oui. Il a été question du paritarisme tantôt et on n'en avait pas parlé dans le cadre de nos échanges antérieurs. J'ai entendu votre position et, évidemment, on semble dire oui à la... À la CALP, à l'époque, il y avait un commissaire avec, dans 15 %, 20 % des cas, un médecin, et ça allait très bien. Et effectivement, quand on parle des taux de succès en appel CALP, CLP, il n'y a pas eu de changement. Donc, on a l'impression qu'il n'y a pas vraiment d'utilité à ce qu'il y ait des membres syndical, patronal sur le banc. Et vous n'avez pas pris position dans votre mémoire, ça semble être une question qui vous intéresse plus ou moins, mais....

Lors des débats sur le projet de loi n° 79, en 1997, la FIIQ avait comparu et elle avait présenté le mémoire par le biais de Mme Skene, qui est votre présidente, et je peux vous citer le texte de l'intervention. Le ministre Rioux ? c'était le 18 février 1997 ? disait: «Mais votre opposition au paritarisme, est-ce qu'elle est occasionnelle[...] ? est-ce qu'elle est ? circonstancielle ou si elle est culturelle?» Alors, Mme Skene répond, et je cite: «Elle n'est pas...»

Une voix: ...

M. Bellemare: Oui, voilà. On le reconnaît. Et Mme Skene de répondre, et je cite: «Elle n'est pas culturelle. Dans plusieurs domaines, on est tout à fait d'accord, dépendant du type d'intervention qui est requis. Dans plusieurs milieux, il y a des fonctionnements qui sont paritaires, mais il nous apparaît que, quand vous êtes rendu à une étape où[...] ? une ? décision finale doit être prise, ce n'est pas vrai que les deux personnes qui vont être à côté, à droite ou à gauche, peu importe, le patron d'un bord, le syndicat de l'autre, à plus forte raison quand elles perdent leur identité... Je suis issu de la CSN, je suis issu de la FTQ, je suis issu de la FIIQ, mais je suis devenu incolore à partir du moment où j'occupe la chaise. Bien, nous autres, on ne croit pas à ça. Donc, finalement, la personne qui va décider, c'est celle qui va être au milieu puis qui va être le commissaire. Donc, pourquoi on paierait, puisqu'on parle d'efficacité?» Alors, on parlait du paritarisme ici, là. Honnêtement, je vous fais grâce du reste parce que ce n'est véritablement pas pertinent. C'est une première préoccupation. D'abord, est-ce que vous partagez toujours l'opinion de Mme Skene ou s'il y a eu un changement?

Un deuxième volet. Il y a, dans le projet de loi n° 35, une place diminuée pour le paritarisme, mais il en existe, vous l'avez souligné tantôt, pour la lésion professionnelle initiale. La formule de répartition des nominations actuellement au sein des bancs paritaires prévoit, sauf erreur ? je sais que c'était comme ça il n'y a pas très longtemps... à peu près 60 % des nominations proviennent de la FTQ, à peu près 30 % de la CSN et à peu près 10 % de la CSD. La FIIQ ne fait pas partie des groupes, des fédérations syndicales qui peuvent désigner des membres paritaires syndicaux. Donc, vous êtes une organisation syndicale au même titre que les autres, vous avez un membership important, mais vous êtes tous et toutes, par définition, infirmières, infirmiers, ce qui n'est pas un... ce qui est quelque chose d'avantageux et de positif, à mon avis, ce qui est un plus pour une formation paritaire dans la mesure où elle existe. Parce que, actuellement, il n'y a aucune condition de formation, on n'exige même pas un secondaire V pour les membres syndicaux et patronaux, et on sait qu'il y en a qui ne l'ont pas, et ce n'est pas de nature à améliorer l'image de la justice, mais... Alors, le deuxième...

D'abord, êtes-vous toujours d'opinion? parce que ça me semble rejoindre pas mal ce que Mme Skene disait à l'époque. Et, en ce qui concerne la place qu'on réserve au paritarisme, est-ce que vous souhaiteriez pouvoir désigner des membres, de vos membres sur les formations paritaires, comme les autres fédérations syndicales le font depuis 1985, BRP jusqu'à 1998 et, après, la CLP?

M. Gilbert (Daniel): Par rapport à la position, oui, effectivement, on a la même position que Mme Skene pour la simple et bonne raison, comme on vous l'a expliqué tout à l'heure, que les deux parties, qui s'ajoutent au commissaire actuellement prévu au niveau de la CLP, ont comme rôle strictement de conseiller; ils n'ont aucun rôle de décision. Donc, à ce niveau-là, la position n'a pas changé. On n'a pas de problème à avoir un seul décideur ou un seul commissaire qui va trancher rendu au niveau du tribunal.

Par rapport à la question: Est-ce qu'il faut prévoir ou pas la possibilité pour la FIIQ de pouvoir nommer? je vous ferai remarquer, M. le ministre, que, oui, actuellement, on est seulement des infirmières et des infirmiers. Dans quelques semaines ou quelques mois, suite à l'adoption du projet de loi n° 30, nous allons représenter d'autres catégories de salariés. Ce serait fort probablement pertinent de prévoir que la Fédération puisse nommer les personnes à ce moment-là à cette étape-là.

M. Bellemare: Merci.

Le Président (M. Simard): Eh bien, merci beaucoup pour votre intervention. Nous allons ajourner nos travaux à demain, 9 h 30, pour reprendre ces auditions. Je pense que nous avons suivi un assez bon rythme aujourd'hui. Le retard n'est pas considérable. Alors, bonne soirée à tous.

(Fin de la séance à 17 h 15)

 


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