L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 23 mars 2004 - Vol. 38 N° 37

Consultations particulières sur le projet de loi n° 21 - Loi modifiant le Code civil et le Code de procédure civile en matière de fixation de pensions alimentaires pour enfants


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Simard): ...les travaux de la Commission des institutions. Je constate que le quorum est réuni et je déclare la séance ouverte.

Je rappelle le mandat de cette commission, qui est de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 21, Loi modifiant le Code civil et le Code de procédure civile en matière de fixation de pensions alimentaires pour enfants.

M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements aujourd'hui?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gabias (Trois-Rivières) est remplacé par M. Bernier (Montmorency); M. Létourneau (Ungava) est remplacé par M. Bédard (Chicoutimi); et Mme Papineau (Prévost) est remplacée par Mme Caron (Terrebonne).

Le Président (M. Simard): Très bien. Merci. Alors, nous avons un ordre du jour pour la journée. Nous écouterons en premier lieu le Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale ? je vois que vous êtes déjà installés; je reviens à vous dans un instant ? ensuite l'Action des nouvelles conjointes du Québec à 10 h 30 et, finalement pour cette matinée, l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants.

Auditions (suite)

Alors, le premier groupe, donc le Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale, nous avons la présidente, Mme Pierrette Brisson, qui est avec nous, que je salue au nom de la commission, et j'imagine que M. Valin, le vice-président, est celui qui est à votre gauche, donc à notre droite.

M. Valin (Pierre): C'est ça.

Le Président (M. Simard): Écoutez, vous ne connaissez peut-être pas parfaitement nos règles de fonctionnement. On vous a dit que vous avez une vingtaine de minutes, pas plus de 20 minutes pour nous résumer l'essentiel de votre mémoire. Ensuite, de part et d'autre, les députés de cette commission et le ministre vous poseront des questions sur le contenu et essaieront de dialoguer avec vous. Alors, Mme Brisson, je vous écoute.

Comité des organismes accréditeurs
en médiation familiale (COAMF)

Mme Brisson (Pierrette): Alors, bonjour à tous. Nous tenons, dans un premier temps, au nom du... On va l'appeler le COAMF, C-O-A-M-F, pour nous faciliter à tous la tâche, qui est le Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale. Donc, c'est avec grand plaisir que nous répondons à l'invitation qui nous a été faite relativement au projet de loi n° 21.

Nous tenons d'abord à partager avec vous que nous n'avons reçu l'invitation que très récemment, pour dire il y a à peine quelques heures ou jours, puisque Me Valin et moi étions absents pour des raisons professionnelles. Donc, nous n'avons pu préparer de mémoire. Toutefois, il nous semblait essentiel, ce matin, de venir partager avec vous nos commentaires et nos réflexions, puisque le COAMF, Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale, est vraiment bien placé pour répondre à toutes les impasses qui se présentent fréquemment relativement aux pensions alimentaires, qu'il s'agisse de pensions alimentaires pour des enfants à charge mais majeurs, qu'il s'agisse de pensions alimentaires pour une famille qui contient déjà antérieurement des enfants nés d'une autre union. Alors, c'est à ce sujet-là que, ce matin, nous voulons partager nos réflexions, bien que nous n'ayons pas de mémoire à vous soumettre. Nous voulons également pouvoir répondre davantage et discuter avec vous pour compléter les informations qui vous permettront de terminer ce projet de loi.

Alors, d'abord permettez-moi, dans un premier temps, de resituer très rapidement le COAMF. Le COAMF est un organisme interdisciplinaire qui regroupe des représentants des membres du Barreau, des représentants de la Chambre des notaires, des représentants de l'Ordre professionnel des psychologues, de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux, de l'Ordre professionnel des conseillers en orientation ainsi que deux membres de l'Association des centres jeunesse du Québec. Le tout est complété par la participation, à titre d'observateurs, de deux membres de l'Association de médiation familiale du Québec. Alors, tous ces professionnels travaillent ensemble pour assurer la collaboration entre ces organismes qui travaillent auprès des familles qui vivent un divorce ou une séparation, qu'ils soient à l'étape du divorce proprement dit ou qu'ils soient à l'étape d'une révision, puisqu'il sera nécessaire, dans le futur, de réviser soit la garde soit encore la pension alimentaire.

Cette collaboration entre les organismes se veut, au niveau de la formation, au niveau de la promotion de la médiation, de la déontologie qui sera à la base même de l'acte de médiation, du développement général... donc de la médiation familiale au Québec et évidemment de faire des recommandations dans ces dites matières. On veut également, par nos objectifs, assurer une interprétation et une application cohérentes dans cette législation qui a donné naissance aux organismes accréditeurs et à la médiation familiale... comme étant une étape que les parties peuvent franchir avant d'aller chercher un jugement de divorce ou de séparation ou avant d'aller chercher une révision d'un des accessoires.

Ce matin, nous voulons que nos réflexions portent sur la pratique dans la médiation et n'empiètent nullement sur les thèmes que nos ordres professionnels viendront à tour de rôle présenter devant vous, qu'il s'agisse du Barreau, qu'il s'agisse de la Chambre des notaires ou encore des ordres professionnels qui sont plus de l'ordre des sciences humaines.

n (9 h 40) n

Nous voulons traiter les deux points que vous nous avez soumis, soit la pension alimentaire eu égard à un enfant à charge, oui, mais qui est majeur et, le deuxième point, la pension alimentaire dans des situations plus particulièrement de familles recomposées où il y aurait des enfants nés d'une autre union, et comment peut-on alors en tenir compte. Alors, Me Valin va profiter des petites minutes qu'il nous reste pour vous présenter notre réflexion, mais nous voulons surtout en faire un partage avec vous ce matin.

M. Valin (Pierre): Bonjour. Merci, Pierrette. Donc, le projet de loi n° 21 ne touche que deux sujets. Le premier sujet, par l'insertion, après le premier alinéa, de celui qui permet de reconnaître que le parent pourrait exercer un recours alimentaire pour son enfant majeur si celui-ci n'était pas en mesure d'assumer sa propre subsistance.

Donc, sur le volet de la médiation, la question de la pension alimentaire pour un enfant, en médiation, est toujours abordée par une évaluation par les parents des besoins de leurs enfants ? c'est un principe qui est reconnu ? des besoins cependant que les parents qui sont en médiation considèrent justes, raisonnables et appropriés selon leur situation financière et selon aussi le niveau de vie que les parents veulent fournir à leurs enfants. Donc, le médiateur s'assure que les parents identifient ce qu'ils recherchent pour leurs enfants ? leurs enfants mineurs, leurs enfants majeurs, même enfants majeurs à charge comme enfants parfois majeurs non à charge. On sait que juridiquement l'enfant peut avoir 18 ans, ne plus être étudiant. Il n'est plus considéré comme enfant à charge, mais les parents, selon leurs valeurs, selon leurs principes de vie, peuvent établir des modalités qui, même si juridiquement ne seraient pas accordées, peuvent faire l'objet d'ententes. Donc, on est dans ce contexte-là, évidemment. Donc, le médiateur va identifier avec les parents les besoins, il va identifier ce à quoi ils aspirent pour leurs enfants, et le médiateur va s'assurer, lui aussi, que les parents aient toute l'information appropriée pour connaître les dispositions de la loi soit en consultant un conseiller juridique indépendant soit par un volet d'information générale que le médiateur peut fournir, entre autres la présentation des règles relatives à la fixation des pensions alimentaires, le barème de fixation des pensions alimentaires du Québec.

Donc, le médiateur s'assure, dans un contexte de communication, d'échange, de respect, que chaque parent identifie ses aspirations, mais aussi qu'il comprenne les besoins de l'autre. Et, lorsqu'il s'agit de l'enfant majeur, le médiateur va s'assurer... ou inciter les parents à faire participer l'enfant à la discussion, l'enfant majeur qui a des besoins à faire valoir, qui a des besoins à faire connaître, et on peut avoir une médiation à trois personnes, comme on a des cas où ce sont les deux parents dont l'enfant majeur leur demande une aide alimentaire, et on a une médiation à faire entre les parents et l'enfant, ou une situation où les parents sont séparés et où ils doivent déterminer la part de leurs contributions aux besoins de leur enfant majeur. Bon.

Évidemment, le sujet qui nous occupe aujourd'hui, c'est: Est-ce que le parent majeur peut exercer maintenant le recours? Bien, nous, ce qu'on peut identifier du côté du côté médiation, c'est qu'évidemment, s'il y a connaissance que le parent pourra exercer un recours pour son enfant majeur, ça peut faciliter la tâche du médiateur, puisque ça peut rétablir un certain équilibre, surtout lorsque l'enfant majeur peut être vulnérable, ou lorsqu'il lui est difficile d'exercer lui-même le recours parce qu'il entre dans un conflit de loyauté à l'égard de ses parents, ou lorsque l'enfant majeur... ou lorsque les parents, qui ont une conception des valeurs... en ce sens que l'enfant est majeur, donc il devrait subvenir à ses besoins. Donc, on est pris dans des situations où les parents ne perçoivent pas leurs responsabilités de la même façon. Donc, de savoir quel recours existera... On sait qu'il existait en vertu de la Loi sur le divorce, mais en tout cas je ne veux pas entrer dans les considérations juridiques, je parle comme médiateur. De savoir, lorsque chacun des parents aura l'information, qu'il peut exercer un recours pour son enfant si on ne s'entend pas, ça crée une atmosphère, un climat qui facilitera peut-être une acceptation ou un consensus, puisqu'il y aura une contrainte peut-être législative qui fera ensemble que le recours est possible. Donc, je dirais que ça peut nous permettre parfois de sortir de certaines impasses face à ce niveau-là.

Il faut dire que, lorsque nous avons acceptation des parents à partager les besoins de leur enfant, il y a des modalités d'application qui sont établies, des répartitions des besoins des enfants qui sont autres parfois qu'une fixation de pension alimentaire: j'assume les coûts reliés aux vêtements de mon enfant, les frais d'école privée, l'autre parent assume tel besoin. Donc, c'est une répartition différente, mais le médiateur s'assure quand même que l'entente est juste, et raisonnable, et adaptée, et exécutoire, et applicable.

Donc, lorsqu'il y a consentement des parents à subvenir aux besoins et que des modalités de paiement sont établies, la question d'exercice du recours alimentaire ne se pose plus. Évidemment, comme je le disais, dans l'exercice de la négociation, bien là de savoir qu'un parent pourra exercer... ça facilitera. Donc, à ce niveau-là, nous, c'est un outil de plus, c'est la reconnaissance d'une situation, mais qui ne nous était pas nécessairement problématique en médiation.

Sur le deuxième volet, bien on sait que la question des implications, la prise en considération des enfants d'une autre union dans la situation de pension alimentaire, bien c'est évident que c'est un constat qu'il y a une augmentation de plus en plus des familles recomposées avec enfants et de la nécessité de considérer ou d'adapter la législation ou les normes sociales à ces réalités-là. Concrètement, ça crée des impacts évidemment sur les obligations alimentaires et ça amène une réflexion et un choix social du traitement à être accordé à tous ces enfants.

Il y a des principes que nous reconnaissons, c'est-à-dire que l'enfant, de quelque union qu'il provienne, a le droit à l'égalité dans l'exercice de ses droits, dont un droit à des aliments et, un autre principe, que le parent demeurera toujours responsable à l'égard de ses enfants, ceux-ci n'ayant pas à subir les conséquences du choix de vie que les parents ont fait, de se séparer. Et, un autre constat, la capacité financière des parents est limitée. Elle crée un obstacle ou une contrainte dans leur participation pour couvrir tous les besoins. C'est la réalité quotidienne, comme le couple qui n'est pas séparé, qui doit faire face à une nouvelle obligation, puis il est obligé de s'ajuster. C'est une question de cents et piastres et de responsabilité.

Comme médiateurs, ayant toujours le souci de s'assurer que les parents vont identifier les besoins de leurs enfants, vont s'assurer de prendre leurs responsabilités à l'égard de leurs enfants, bien évidemment l'incidence d'enfants d'autres unions dans l'évaluation du budget des parents est importante. Sauf que la perception que peut avoir chacun des parents n'est peut-être pas la même, de tenir compte de cet élément-là, d'enfants d'une autre union. Donc, si on n'a pas atteint un consensus de faire accepter ce principe-là, d'en tenir compte, bien on peut avoir des difficultés, évidemment. Mais, dès le moment où, par le raisonnement, par la réflexion, par le souci d'assurer un droit aux enfants... ? en tout cas, aussi tout dépendant de la maturité puis de la réflexion du parent ? si chaque parent accepte qu'on tienne compte des besoins que tu as eu, toi, de ton union ou que j'ai, moi, de mon union, bien après ça il n'en découle qu'un calcul mathématique, puisque ça a une incidence dans le coût.

Et je suis certain que le tribunal a eu ce problème-là dans le passé, puisque, même si on ne disait pas expressément que ça pouvait constituer une difficulté, on a des décisions où des tribunaux ont accueilli, d'autres ont refusé... Donc, c'est bien que le législateur puisse peut-être spécifier plus concrètement que le tribunal aura le pouvoir d'en tenir compte, mais c'est normal que ça laisse place à l'évaluation de chaque cas selon la capacité financière, selon les actifs et tout. Donc, là, il y a peut-être...

Encore là, comme on l'a dit tantôt face au recours du parent pour son enfant majeur, on a concrétisé le recours. Encore là, on vient concrétiser que le tribunal aura le pouvoir de. Donc, les gens qui sont en médiation, les parents qui sont en médiation vont savoir que, s'ils ne s'entendent pas, le tribunal pourra en tenir compte, le législateur le dit. Le tribunal pourra tenir compte des enfants d'une autre union, et ça peut amener, pour toutes sortes de considérations, un certain rapprochement puis un consensus pour peut-être accepter ce principe-là. Et ça amène aussi une réflexion sociale que les enfants ont besoin d'être traités sur un pied d'égalité.

n (9 h 50) n

Donc, pour établir un consensus en médiation, bien le législateur fournit l'occasion, par cette disposition-là, d'en tenir compte, et ça permettra aux parents de réviser... ou de s'orienter différemment, si c'est leur désir évidemment d'avoir une entente. Donc, ça donne aussi l'occasion pour nous de dénouer peut-être certaines impasses et de faciliter les ententes.

Donc, c'étaient, à ce niveau-ci, les quelques considérations qu'on voulait vous faire. Lorsqu'on a eu l'invitation, on nous a indiqué que vous auriez des questions qui peuvent toucher la médiation, donc j'aimerais donner plutôt ouverture à ça. Puis on est tous ouverts, tout en limitant notre rôle, à ce niveau-ci, de praticiens médiateurs, un juriste et une non-juriste.

Mme Brisson (Pierrette): Et en conclusion, avec tout ce que Me Valin vient de partager avec vous, on croit que les modifications apportées aux articles 586 et 587 nous permettent... permettent aux parents, aux enfants, aux médiateurs ainsi qu'à tous ceux qui oeuvrent dans ce domaine de législation en matière familiale de régler des conflits de valeurs, puis on sait que les conflits de valeurs, c'est ce qui est le plus important finalement dans la société et qui entraîne des guerres des Roses de temps en temps puis des guerres plus importantes ou tout aussi importantes à d'autres moments.

Ces conflits de valeurs, ils nous arrivent lorsque, par exemple, les enfants atteignent la majorité. Certains parents pensent qu'à 18 ans on devient libre, indépendant de fortune, puis qu'on peut tout fonctionner seul. L'autre parent croit qu'on doit continuer à être responsable de nos enfants, puisqu'ils sont à notre charge soit parce qu'ils ont des incapacités d'ordre psychologique, intellectuel ou parce qu'ils ont des grandes capacités puis qu'ils poursuivent, par exemple, des études. Donc, à ce niveau-là, le législateur vient nous permettre à tous d'aider les parents à prendre encore leurs responsabilités et à être capables de la partager, puisqu'ils sont séparés.

Un deuxième conflit de valeurs qui arrive, c'est lorsqu'on parle de famille recomposée. Il est de toute évidence que la deuxième union se soucie peu ou pas des enfants de la première union. Pourtant, dans notre société, si on se permet d'avoir une, deux, trois ou quatre unions, il ne faut pas négliger pour autant les enfants des unions antérieures ou des unions futures. C'est, encore là... un conflit de valeurs que le législateur vient nous permettre de faire mettre en évidence le besoin de tous ces enfants. Me Valin parlait de l'égalité qu'ils ont devant nous tous et de leur droit à cette égalité. Donc, vous nous permettez encore une fois d'avancer et d'aider les gens à sortir de ces impasses et de ces conflits de valeurs.

On est là, à vous écouter.

Le Président (M. Simard): Merci, Mme Brisson. Bien, c'est nous qui allons surtout vous écouter, mais nous allons sans doute vous poser quelques questions complémentaires. Alors, j'invite, dans un premier temps, le ministre de la Justice à vous poser les premières questions.

M. Bellemare: Merci pour cette présentation, Mme Brisson, Me Valin, ce matin. Vous me permettrez tout d'abord de vous demander combien de médiateurs sont regroupés au sein du COAMF.

Mme Brisson (Pierrette): Nous avons actuellement quelque 800 médiateurs qui se répartissent en membres du Barreau en très grande majorité, un très faible pourcentage de membres de la Chambre des notaires, je dirais un pourcentage moyen ? parce que je n'ose pas entrer dans les pourcentages, parce que vous avez ici des spécialistes qui pourraient vous donner davantage sur le plan administratif ? donc de travailleurs sociaux et de psychologues et quelques conseillers en orientation qui se répartissent à travers tout le Québec. Tous les districts judiciaires ont à leur disposition des médiateurs en matière familiale.

M. Valin (Pierre): Peut-être une précision, si vous permettez. En fait, les médiateurs ne sont pas nécessairement membres du COAMF. Le COAMF, c'est un comité interprofessionnel qui est une création des cinq ordres professionnels qui vous ont été mentionnés tantôt. Donc, chaque ordre délègue au comité deux représentants qui font rapport à leurs ordres professionnels sur les politiques, les objectifs du protocole d'entente intervenu entre les ordres professionnels. Donc, les membres, ils sont membres de leurs ordres professionnels mais pas nécessairement de l'organisme, qui est, nous, juste consultatif auprès de nos ordres. Mais il y a 800, je crois, à peu près 800 médiateurs accrédités aujourd'hui. Et, une répartition, bien là c'est les données du ministère qu'il va vous fournir.

M. Bellemare: Bien. Le projet de loi vise à permettre au juge d'exercer une plus vaste discrétion pour tenir compte des enfants issus d'une autre union quand vient le temps d'établir les responsabilités et les obligations financières du débiteur alimentaire. Dans le cadre de vos interventions comme médiateurs, est-ce que vous tenez compte du fait que l'un ou l'autre du conjoint ou les deux ont eu des enfants provenant d'autres unions? Et à peu près dans quelle proportion?

Mme Brisson (Pierrette): Alors, ce sont surtout les... D'abord, situons-nous qu'en médiation les personnes vont venir faire une demande en médiation parce que soit ils sont à une phase de début de séparation ou ils pensent à se séparer. À ce moment-là, on a majoritairement des gens qui sont à une première union. Nous avons également un plus faible pourcentage... Je ne saurais vous dire dans la pratique des médiateurs en général, mais, quant à moi, j'ai 50 % des personnes qui viennent devant moi qui viennent parce qu'ils sont à une deuxième union, et là ils viennent pour établir la pension alimentaire ainsi que le partage des droits des enfants, mais ils viennent souvent à titre de révision.

Alors, la loi sur la médiation nous permet de les recevoir à trois rencontres de révision. Ils viennent faire la révision de la garde des enfants, la révision de la pension alimentaire. À ce moment-là, nous devons tenir compte avec eux ? et c'est là que je parlais de conflit de valeurs ? on doit tenir compte avec eux de la présence des premiers enfants, lesquels ils ont obligation de répondre financièrement à leurs besoins. Donc, on en tient compte et on dit: La disponibilité financière ou la capacité financière du parent-payeur vient donc d'être diminuée d'autant. Il n'a plus à sa disposition 50 000 $ puisqu'il paie déjà une première pension alimentaire qui sera peut-être, supposons, de 5 000 $ net. Nous le remettrons au brut et nous regarderons quelle est donc sa disponibilité finale, qui sera peut-être plutôt de 40 000 $, ce avec quoi on travaillera pour la deuxième pension alimentaire. On est rendu exceptionnellement mais dans un bon nombre de situations à deux pensions alimentaires antérieures et nous sommes là pour ensemble déterminer la troisième. Ça fait beaucoup de calcul.

M. Valin (Pierre): Si je peux me permettre de compléter, M. le ministre...

M. Bellemare: Oui, oui, allez-y.

M. Valin (Pierre): ...l'intervention du médiateur... Bien, comme médiateurs, on n'a pas un pouvoir de décideur, on a un pouvoir de sensibilisation puis de responsabilisation, donc faire réfléchir les gens dans un contexte autre que celui auquel ils sont arrivés devant nous, donc les amener, comme on dit, à raisonner, à voir les choses de façon la plus objective possible et à un constat lorsqu'il y a des enfants d'une autre union ou la possibilité qu'un jour ils aient un enfant d'une autre union. Donc, il y a aussi à voir vers l'avenir. Et on a de plus en plus des familles recomposées, donc on les met dans une situation: là, aujourd'hui, c'est monsieur qui a un enfant d'une autre union; si, demain matin, vous, madame, vous aviez un enfant d'une autre union, comment vous raisonneriez, de façon à les amener à des réalités économiques, à des perceptions, à des principes.

Et, quand on a le cas où un des parents a déjà un enfant d'une autre union, bien le constat, c'est qu'il y a un coût. Donc, est-ce que les deux sont sensibles à en tenir compte? Bien, vu que la décision leur appartient, à ce niveau-là, on ne peut pas leur imposer un choix de décision, mais on les sensibilise, on responsabilise à la réalité qu'ils ont maintenant, mais on n'a pas le contrôle de leur décision.

n (10 heures) n

M. Bellemare: Bien. Si vous avez devant vous le cas d'un couple qui est séparé et qui en est au stade de la révision de la pension, madame a eu un enfant avec monsieur il y a quelques années, on révise la pension, madame a décidé de refaire sa vie, elle est créancière alimentaire, elle a eu deux autres enfants dans le cadre d'une autre union, donc elle a trois enfants, normalement elle demande que la pension soit augmentée, compte tenu du fait qu'elle a eu deux autres enfants d'une union subséquente. À l'heure actuelle, le tribunal ne peut tenir compte de l'arrivée de ces deux nouveaux enfants que si madame est en mesure d'établir que l'arrivée de ces deux enfants-là lui cause une difficulté excessive qui l'empêche ou qui la restreint considérablement dans sa capacité de subvenir aux besoins du premier enfant dont il est question dans le cadre du litige.

Comme médiateurs, là, vous êtes conscients du fait que l'article 587.2 impose le critère de la difficulté excessive. Comment vous réussissez à concilier cette exigence-là qui est dans le Code civil avec l'obligation morale pour monsieur de tenir compte du fait que madame a eu deux autres enfants? Comment vous réussissez à convaincre monsieur qu'il va devoir payer plus parce que madame a deux autres enfants à considérer, alors que la loi ne l'impose pas, comme tel, compte tenu que ça prend une difficulté excessive?

M. Valin (Pierre): On n'a pas un rôle d'imposer, on a un rôle de sensibiliser à des constats pour qu'ils prennent leur décision éclairée. C'est là la nuance, là, d'agir comme médiateur ou d'agir comme un tribunal. Le tribunal aura le fardeau, lui, de décider si le cas en l'espèce nécessite, pour des principes qui lui appartiendront, avec l'ouverture que lui offre le législateur, de décider. Mais, nous, on a à leur faire prendre conscience de la réalité concrète qu'il y a deux autres enfants à la maison actuellement. Est-ce qu'on les... Ça dépend des valeurs. Certains vont avoir cette ouverture-là parce que soit ils anticipent d'être placés dans la même situation puis ils voudront en tenir compte... C'est un peu une réflexion sociale. Mais il faut les amener sur un niveau où, comment dire, il n'y a pas d'accusation ou il n'y a...

C'est sûr que, première réaction, vous êtes le père d'un enfant pour lequel votre... Ou votre ex-conjointe vient vous voir, demande une augmentation parce qu'elle a deux enfants d'une autre union. Réaction naturelle: Ce n'est quand même pas mes enfants; je n'aurai pas à subir cela. Si j'ai une réflexion sociale plus difficile, hein, je vous assure, est-ce que je vais en tenir compte? C'est bien difficile. On n'a pas à trancher, on n'a pas à décider puis on n'a pas à imposer nos valeurs, comme médiateurs, aux choix que les parties vont faire. On a un rôle de guides, de facilitateurs pour les amener à une entente, mais pas une entente à tout prix, pas une entente imposée.

Donc, quand, comme on dit, tous les faits, toutes les réflexions puis les discussions, les philosophies, les valeurs ont été exposés par les gens, bien là il y a un constat, il y a un consensus ou il n'y en a pas. S'il n'y en a pas, bien là, à ce moment-là, ils auront l'autre alternative de... celle de faire décider par quelqu'un, ce qui n'est pas notre rôle, et, le problème, c'est le tribunal qui va l'avoir. Et là vous lui donnez la porte ouverte pour évaluer si c'est une difficulté qui nécessite une révision. Est-ce que monsieur gagne 200 000 $ par année puis qu'à ce moment-là ça n'influencera pas beaucoup... Est-ce que monsieur vraiment... Est-ce que madame a pris conscience des responsabilités de deux autres enfants? Quelles circonstances... Quelle est la contribution du nouveau conjoint de madame? Donc, c'est là que, par tous ces faits-là, quelqu'un va trancher. Et le juge aura... C'est un être humain comme vous et moi. Il aura à décider selon sa perception. Il va se créer, comme il s'est créé, une certaine jurisprudence, même s'il n'y avait pas cette disposition-là. Mais là la preuve sera peut-être plus facilitée, moins d'obligation de prouver que c'est excessif. Là, ce sera... On verra la jurisprudence qu'il donnera là-dessus. Mais, nous, comme médiateurs, on n'a pas à donner d'opinion que les tribunaux décident de telle façon ou autre.

M. Bellemare: Mais, si l'article 587 est modifié dans le sens de ce qui est souhaité par le projet de loi n° 21, c'est-à-dire que l'obligation d'établir les difficultés excessives pour que le tribunal tienne compte du nombre d'enfants et de la nécessité d'assurer leur égalité au plan financier soit relevée, est-ce que vous ne pensez pas qu'en enlevant le critère de difficultés excessives et en permettant au juge d'établir l'égalité des enfants sans égard au fait qu'il y ait une difficulté excessive du fait qu'un nouvel enfant arrive ça va faciliter votre travail comme conciliateurs? Parce que là j'imagine que vous dites: On essaie de faire appel aux valeurs sociales des conjoints en disant: Bien, voici, monsieur, madame a eu deux autres enfants, il faut en tenir compte, mais monsieur peut bien vous dire: Oui, bien elle ne sera jamais capable d'établir la difficulté excessive devant un tribunal, donc, moi, je ne bouge pas, je laisse la pension là où elle est, je refuse qu'elle soit augmentée, et vous êtes un peu pris là-dedans parce que vous savez bien que les tribunaux ont interprété le critère de difficultés excessives de façon extrêmement sévère, de sorte qu'il y a très peu de cas dans la jurisprudence où la difficulté excessive a été reconnue, de sorte qu'il y a une inégalité entre les enfants. Mais, si on va de l'avant avec le projet de loi, est-ce que ça ne va pas faciliter votre travail?

M. Valin (Pierre): Bien, c'est comme je le mentionnais dans ma présentation, le «peut toutefois», donc les gens vont être informés que le tribunal pourra toutefois en tenir compte. Donc, dans votre cas, vous avez à vous demander si le tribunal en tiendrait compte. C'est la question qui va être soumise. Donc, c'est la réflexion à laquelle la personne va être confrontée. Le législateur a décidé d'accorder au tribunal la possibilité, sans trop axer sur «excessive», de le considérer. Est-ce que ça va amener une ouverture du payeur ? prenons le cas du payeur ? à le considérer? C'est un peu ce que les tribunaux vont dire, ce qu'aussi le conseiller juridique du parent va lui présenter pour affaiblir ou renforcer sa position qui était celle de refuser de contribuer.

M. Bellemare: Bien, votre opinion là-dessus, c'est quoi?

M. Valin (Pierre): Mon opinion? Bien, je pense que, moi, comme juriste, je m'appuie sur les décisions des tribunaux, mais je vais être conscient que ça va être chaque cas qui va être évalué. Donc, c'est ce que je vais pouvoir dire même aussi comme médiateur: Le tribunal a le problème de décider, lui, à votre place, tenant compte des mêmes faits que vous allez lui présenter. Pensez-vous que, vous deux, vous pouvez prendre une décision qui est meilleure que ce que le tribunal va rendre? Vous lui demandez la tâche de prendre la décision à votre place. On le paie pour ça, je comprends, mais vous lui demandez de prendre votre place. Êtes-vous capables de la prendre, avec les informations juridiques que vous avez eues, avec votre perception, frais, tout, etc., toutes les contraintes qu'on peut rencontrer si on ne s'entend pas? Je ne peux pas aller plus loin que ça. Tu sais, on ne me donne pas le mandat, dans mon guide de normes en pratique de médiation familiale, de prendre une décision puis de la leur imposer, de les diriger. De les diriger, de les faciliter, diriger, oui, mais pas imposer.

M. Bellemare: O.K. Puis, dans votre guide, est-ce qu'il est question des familles recomposées, des nouveaux enfants?

M. Valin (Pierre): Bien, le guide ne va pas jusqu'à particulariser, mais, lorsqu'on tient compte des principes, qui sont généralement reconnus, de tenir compte de l'évaluation des besoins des parents, des besoins des enfants, des aspirations de chacun... Est-ce que, moi, je veux faire faire des études postuniversitaires à mon fils? C'est un choix que les parents doivent prendre ensemble parce qu'ils vont contribuer. Donc, les aspirations de chacun... Et c'est là-dessus qu'on travaille. Et ça n'impose pas, le guide de normes... Ce n'est pas un code civil, le guide de normes, c'est des façons de pratiquer pour aider les gens à établir des ententes. Mais il y aura toujours place à des notions juridiques aussi pour que la personne décide, oui, d'en tenir compte ou pas, de l'enfant de l'autre union.

M. Bellemare: Est-ce que vous êtes d'accord avec le projet de loi n° 21, les deux mesures? Est-ce que vous avez des hésitations, des réticences?

M. Valin (Pierre): Nous... ou en tout cas quant à moi, et je pense que c'est perçu de la même façon, c'est le constat d'établir l'égalité de tous les enfants. Donc, à ce moment-là, il y a ouverture à l'appliquer, ce constat-là. Le législateur concrétise ce principe-là et donne plus de facilité au tribunal d'en tenir compte, et ça, on ne peut pas être contre la vertu, que les enfants, comme je le mentionnais dans le préambule, ont droit à des aliments, ont le droit au support de ses parents, quoique les parents aient fait un choix de se séparer ou de ravoir une nouvelle union. Donc, les enfants ont besoin d'être traités de la même façon, sur un pied d'égalité. Bien, en tout cas c'est dans son application, comment ça va se faire. Bien là il y a place à. Puis le barème n'établit pas un critère direct de tenir compte des enfants d'une autre union. Il y a le Comité de suivi sur la fixation des pensions alimentaires qui a élaboré différentes options. Bon. Maintenant, ce sera au tribunal ou aux parties, avec l'aide du médiateur, d'identifier des options dès le moment où il y a un consensus à accepter de tenir compte de cette dépense-là du nouvel enfant.

n (10 h 10) n

Mme Brisson (Pierrette): Est-ce que vous permettriez, M. le ministre, que j'essaie de compléter avec Me Valin qui vient de dire que les enfants ont tous droit au support de ses parents? Alors, bien sûr que je travaille en médiation depuis quelques années, soit depuis la création des services de médiation à Québec en 1984, et, dans ma pratique, je n'ai jamais eu de demande de révision, au niveau de la pension alimentaire, sous le motif que madame ? je vais reprendre votre exemple, si je l'ai bien compris ? que madame a eu d'une autre union deux autres enfants et qu'elle demande alors une augmentation de pension alimentaire parce qu'elle n'arrive plus.

La demande de révision est toujours en fonction du payeur. C'est-à-dire ? je vais donner l'exemple, on peut tout à fait l'inverser ? si monsieur est le payeur, il paie une pension alimentaire pour un enfant né d'une union antérieure, et, cinq ans plus tard, il a deux nouveaux enfants, lui, et il est le payeur, il est responsable de ses deux nouveaux enfants ainsi que de l'enfant qui est maintenant âgé de 13 ans, et il va venir demander, en tant que payeur: Je dois répondre à mes trois enfants, comment puis-je le faire équitablement en continuant à verser une somme peut-être, dit-il, trop grande pour mes capacités?, il vient alors demander la révision, et bien sûr que l'ex-conjointe dit: Oui, mais ce n'est pas mes enfants, les deux nouveaux, mais le père... Ce sont ses parents, et il en est responsable.

Quant à madame, qui, elle, aurait de sa deuxième union d'autres enfants, ses autres enfants, dont monsieur son ex n'est pas responsable, elle aura des sources de revenus, pour aider à ses deux nouveaux enfants, qui sont éventuellement peut-être son nouveau conjoint actuellement présent. Si son nouveau conjoint n'est plus présent, ça pourra être des ressources personnelles, des ressources que la société... vont l'aider pour mieux faire vivre les deux enfants nés d'une union future ou encore, je le dis, la bonne volonté de son ex-conjoint qui dirait: Oui, oui, j'ai la capacité puis je vais t'aider à faire vivre les trois. Mais on est vraiment rendu dans la bonne volonté, et, dans ma pratique, j'ai peu vu de demandes à cet effet. Ce n'est pas que je n'aie pas vu de bonne volonté, j'en verrais. Mais je n'ai pas eu de demande à cet effet.

M. Valin (Pierre): S'il n'y a pas eu de demandes considérables, c'est parce qu'il y avait un constat que ce n'était peut-être pas nécessairement facile de l'obtenir, parce que le tribunal ne l'accordait pas. Mais là ça va peut-être amener l'ouverture de cela, au moins pour les procédures subséquentes à... parce qu'il n'y a pas d'effet rétroactif à l'application des articles 2 et 4. Donc, on n'est pas à l'abri que ça puisse, avec d'autres changements, se soulever, ce motif-là d'avoir des enfants d'une autre union, bon, dans une requête à venir. Et il y aura certainement, en plus de d'autres changements, ces motifs-là qui pourront être invoqués, et là il y aura une ouverture ou une position générale peut-être que les tribunaux prendront à l'aide de l'évolution de la société, parce que nos juges rendent quand même les décisions en tenant compte de la réalité sociale aussi.

Le Président (M. Simard): Voilà pour les questions du côté ministériel. Maintenant, je vais demander au député de Chicoutimi, qui est le critique en matière de justice à la commission et pour l'opposition officielle, de poser sa première question.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, merci à Mme Brisson. Merci, Me Valin. Mme Brisson, vous avez répondu à ma première question, mais je voulais quand même voir s'il existe... Parce que le cas qui a été soumis par le ministre peut être intéressant, c'est un cas de figure, mais, dans la réalité, il me semblait effectivement qu'il arrivait très peu souvent, là. C'était plus l'exception que la règle générale. Est-ce que vous avez des statistiques actuellement, là, avec le critère qui existe, qui est quand même, on le sait, assez sévère, est-ce que vous avez des statistiques sur qui demande, qui se trouve devant vous et qui sont les demandeurs par rapport à ces demandes de révision de pension alimentaire?

Mme Brisson (Pierrette): Nous n'avons pas de... En tout cas, personnellement je ne connais pas de statistiques. Bien sûr qu'au ministère de la Justice a été mis en place un comité de suivi qui, lui, pourra, dans les années qui suivent, vous donner des statistiques. Parce qu'il faut penser que c'est très récent, la loi sur la médiation, puis qu'il nous faut quelques années. Quand j'ai parlé de 1984, c'étaient les balbutiements. Nous avions deux services de médiation dans tout le Québec, un à Montréal et un à Québec proprement dit. Et ce n'est que depuis 1997 que la loi nous a permis d'étendre ce service à travers l'ensemble du Québec. Puis il faut d'abord colliger quelques données avant de vous donner des vraies statistiques, donc je ne pourrais vous donner un pourcentage ce matin.

M. Bédard: Vous avez participé, Mme Brisson, au comité... Bien, votre association, pas vous personnellement. J'ai vu que c'est Me François Crête qui agissait pour vous, votre organisation. Est-ce que vous avez eu accès à ces statistiques du ministère de la Justice?

M. Valin (Pierre): Vous parlez du rapport de table du Comité de suivi sur la fixation des pensions?

Une voix: Oui.

M. Valin (Pierre): Oui? Bien, accès... Il est publicisé, ce rapport-là, puis on a les informations.

M. Bédard: Non. Ce que je vous demande, c'est: Avez-vous accès à la qualité des demandeurs? Qui demandait, finalement, en majorité? Parce qu'il faut savoir... Vous savez, je ne suis pas un spécialiste dans le domaine, alors je veux vraiment savoir. Bon, il y a le cas théorique, mais il y a la pratique de tous les jours. Qu'est-ce que ça va donner, finalement? Moi, ma perception, est-ce qu'elle est fondée, là? Vous me répondez, mais j'aime me baser sur des statistiques. Mais, dans ma compréhension des choses, la plupart des cas, ce sont des hommes qui, bon, ont une deuxième ou une troisième union qui demandent effectivement des révisions de pension alimentaire, et c'est ma compréhension, je vous dirais, la très large majorité, selon moi. Et c'est plus l'exception où c'est la femme qui va demander une révision. Est-ce que ma compréhension est bonne? Si elle n'est pas bonne, dites-moi-le tout de suite, là, ce n'est pas plus grave que ça.

M. Valin (Pierre): Oui. En fait, c'est évident. C'est parce que... Disons qu'actuellement, dans notre société, encore là, l'homme est souvent le payeur. Donc, c'est pour ça que vous voyez des hommes qui vont faire une demande en révision en diminution de pension. Bon. C'est sûr qu'à date il n'y a pas beaucoup de procédures où c'est une requête en révision sur le seul motif qu'il y a un enfant d'une autre union. Mais, que ce soit au niveau d'une procédure devant le tribunal ou que ce soit en médiation, cet argument-là est soulevé quand même. Lorsqu'on a à évaluer la situation financière, que ce soit devant le tribunal avec un budget, que ce soit en médiation avec un budget, dans l'item dépenses, j'ai trois enfants au lieu de un de ma première union, donc ça entre en conséquence. Sauf qu'il n'y a peut-être pas de débat aussi considérable parce qu'il y a une reconnaissance que ce n'était pas tellement accepté, et là il va y avoir peut-être plus de révisions là-dessus.

Dans la pratique quotidienne, là, c'est ça. C'est que soit, comme procureur, monsieur vient nous voir: Mon épouse est enceinte, est-ce que je pourrais faire réviser ma pension alimentaire, ma nouvelle conjointe est enceinte, ou il est l'objet d'une requête en augmentation de pension ou en paiement d'arrérages de pension, et puis là il veut faire réviser ça, puis il invoque comme motif: Bien, j'ai de nouvelles dépenses, dont celle d'un autre enfant.

M. Bédard: Vous savez, on a eu un témoignage assez percutant de l'Association des juristes, des avocats dans le domaine du droit matrimonial qui sont venus nous voir la première journée, qui sont dans la pratique comme vous à tous les jours, qui ne font évidemment pas de la médiation, qui font des litiges. Eux ont des craintes de différentes natures, entre autres au niveau que le critère, tel qu'il peut être appliqué actuellement, en utilisant le critère du «peut», peut entraîner finalement d'abord une jurisprudence qui serait, elle, comme le «peut»... Comme on intègre un critère très large, qui est le «peut», toute décision devrait considérer, donc devrait... Le fait d'intégrer un critère aussi large pourrait entraîner une révision à la baisse et automatique de toutes les pensions alimentaires à partir du moment où il y a d'autres enfants qui sont nés, donc vraiment créer l'égalité à partir de cela, un. C'était leur crainte. Deux, leur deuxième crainte était celle de dire: Ça va créer beaucoup de demandes, beaucoup de révisions. Et déjà ils avaient des téléphones, ils disaient... Et tout le monde, bon, voyait l'opportunité de se prévaloir, avant même que la loi soit adoptée, d'une telle procédure.

Et là ma troisième crainte s'ajouterait un peu à ce que vous venez de mentionner au niveau de la médiation. Vous, votre rôle, c'est de bien faire comprendre aux parties qu'il y a une justice qui s'applique: Il y a, bon, différentes réalités, donc prenez vos décisions, le tribunal va ultimement le juger. Mais vous les amenez finalement à se responsabiliser, à considérer tous les aspects au-delà du litige qu'ils ont entre eux et à trouver une solution qui est juste et équitable pour les parties. Or, vous ne pensez pas qu'en gardant un critère aussi large que le «peut» ça rendra votre travail, dans les premiers temps, presque impossible parce que vous ne saurez même pas... et ça va être très difficile pour vous d'avoir une prévisibilité sur quelle va être la jurisprudence qui va se développer à partir... Et, vous le dites vous-mêmes, vous n'êtes pas décideurs, là. Alors, vous ne pensez pas que ça va compliquer finalement votre travail?

M. Valin (Pierre): Dès qu'on part du principe qu'on accepte que les enfants doivent être traités sur un pied d'égalité, ça ne complique pas, puisque, au contraire, il se peut que le tribunal l'accorde dans votre cas. Mais ce n'est pas mon rôle de l'aider à le faire.

Le «peut», pour moi, je n'ai pas généralisé, et je pense... En tout cas, personnellement le «peut toutefois», c'est comme un des éléments, un des critères... On sait qu'il s'en vient une modification au projet de loi sur le divorce, le projet de loi C-22, qui donne des critères au tribunal pour quantifier l'intérêt de l'enfant et établir l'intérêt de l'enfant. Ces critères-là sont des éléments pour aider, hein? Là, il peut toutefois en tenir compte, mais il faut qu'il ait une certaine marge discrétionnaire pour évaluer chaque cas. Ce serait peut-être risqué de le généraliser, et ce n'est pas ce que je pense, en tout cas à l'interprétation que j'en fais, qu'on a voulu généraliser.

n (10 h 20) n

M. Bédard: Et, moi, je ne suis pas, vous savez... je ne suis que juriste, mais je n'ai pas cette compétence et je n'ai pas plaidé en cette matière. Mais c'était leur crainte. Et ils nous ont proposé peut-être... Il ne faudrait pas se laisser un flou artistique qui pourrait... naître de là plusieurs tangentes jurisprudentielles. Et peut-être, bon, au bout, on disait, de quelques années...

Le Barreau est venu nous dire: Oui, mais, vous allez voir, dans cinq ans, ça va être réglé, la Cour d'appel va finir par se prononcer. Mais là cinq ans, vous savez, ça commence à être long pour des familles, en termes de procédures aussi, c'est très coûteux, et ces procédures-là... Ultimement, ça va être difficile pour les gens de s'entendre. Donc, nous, notre rôle, c'est peut-être de dire: Ce n'est pas un «open bar», là, et ce n'est le but de personne, je pense, ni du vôtre, ni du ministre, ni de nous. Alors, comment on pourrait restreindre...

Et eux disaient peut-être d'ajouter le critère de difficulté, en plus du «peut», de difficulté. Donc, ce n'est pas excessif, mais ce n'est pas non plus généralisé. Il y a un critère qui demeure, qui va être plus difficile à passer, qui ne sera pas excessif mais qui va être quand même dur. Donc, préserver celui de l'égalité, égalité évidemment par rapport au débiteur... Parce qu'on ne parle pas d'égalité des chances tout court, là, on parle d'égalité par rapport à un débiteur, puis ça, en discutant avec le Barreau, on a compris que ce n'était pas la même chose, dans la vie, hein, une égalité vis-à-vis un débiteur puis une égalité entre les enfants tout court. Ce n'est pas ce que vise le projet de loi. Il vise l'égalité vis-à-vis le débiteur. Et donc est-ce que vous pensez que ce serait utile peut-être de restreindre... Et, vous, ça pourrait vous aider en même temps, en termes de médiation, de dire: Écoutez, là, ce que vous demandez, ça n'a pas de bon sens. Ce n'est pas excessif, mais en vrai vous avez les moyens, monsieur, de payer à votre première famille ce qu'elle doit avoir pour subvenir aux besoins de l'enfant. Qu'est-ce que vous en pensez, vous, de cette proposition-là?

M. Valin (Pierre): En fait, pour moi, c'est peut-être bien de le préciser, mais, pour moi, il est compris que, si le tribunal, en sa discrétion, le peut toutefois, c'est dans la mesure où il voit une difficulté. C'est la cohérence de l'indiquer peut-être pour éviter tout doute. Bien, je pense que c'est bonifier le texte, parce que c'est dans le sens qu'il peut toutefois... Il ne prendra pas une décision basée sur... sans considération, parce que c'est difficile pour le père ou parce que c'est difficile pour la mère. Donc, la notion de difficulté serait interprétée comment? Mais il faut quelque chose à la base pour qu'il motive sa décision.

Donc, dans cinq ans, avec la Cour d'appel, c'est dans le sens peut-être de dire qu'il peut se créer, à un moment donné, une tendance et qu'un jour la Cour d'appel donne plus d'ouverture, là. Ce n'est pas le cas qui prendra cinq ans. On ne le sait pas, là, nos tribunaux, comment ils vont l'interpréter, mais il faut qu'il y ait une connotation de difficulté puis financière. Je pense qu'on ne parle pas de responsabilité parentale, on parle de responsabilité financière. Donc, ça va être des difficultés financières qu'il va y avoir pour permettre au juge de justifier une décision. Ou il l'annulera ou la réduira... Il la modifiera ou l'augmentera.

Mme Brisson (Pierrette): Seulement pour compléter...

M. Bédard: Oui, allez-y, Mme Brisson.

Mme Brisson (Pierrette): ...peut-être que ce mot «peut», dans le fond, pour moi, en médiation ? et qui n'est pas juriste ? va simplement être utilisé de la façon suivante: premièrement, inviter chacune des parties à la réflexion. Parce que, quand ils ont un «peut», ça vient dire: Il serait possible que. Donc, il est possible qu'on doive s'arrêter et réfléchir. C'est seulement ça qu'on fait en médiation. Deuxièmement, ça va inviter également ou inciter le débiteur à démontrer ses difficultés ? parce qu'on ne vient pas juste dire: Je diminue parce que j'ai un autre enfant ? à démontrer la difficulté d'être équitable envers tous ses enfants.

M. Bédard: O.K. L'autre question, vous avez dit aussi, sur la première modification, vous avez dit que ça allait vous aider au niveau de la médiation. Actuellement, là, est-ce que des cas comme le fait mention le premier paragraphe vont en médiation? Est-ce qu'il y a une obligation d'assister aux premières séances, tel qu'il est prévu?

M. Valin (Pierre): À tout recours, que ce soit à l'intérieur d'un couple d'union de fait ou de... d'union de fait ou de séparation de corps, dès qu'il y a un recours relié à un enfant, il y a invitation à participer aux séances d'information, puis, s'ils choisissent le mode de médiation, bien il va être traité comme un autre.

M. Bédard: ...actuellement et ça va demeurer.

M. Valin (Pierre): C'est ça. En fait, c'est peut-être de rendre uniforme... Cette disposition-là, c'est peut-être de rendre uniforme la législation à la nébulosité qu'il y avait à l'exercice de recours de l'enfant majeur en cas d'union de fait ou de séparation de corps, alors que, la Loi sur le divorce, le recours existait, là.

Mme Brisson (Pierrette): Pour répondre à votre question, quant à moi, j'ai peut-être une pratique bien particulière, mais j'ai un grand nombre de demandes de parents lorsque l'enfant devient majeur, pour deux raisons. La première, parce que... des conflits de valeurs, comme j'ai dit tantôt, certains croyant ? c'est une croyance populaire ? qu'à 18 ans on arrête de payer. Ce n'est pas la réalité. Alors donc, c'est la meilleure place, en médiation, pour en discuter.

Le deuxième élément, c'est parce que, quand l'enfant devient majeur, oui, il est encore à la charge des parents, mais fréquemment il commence à contribuer personnellement à certaines de ses dépenses, donc ça incite et ça invite les parents à venir faire un ajustement. Et j'ai grand nombre de demandes dans ce sens. À ce moment-là, le médiateur reçoit les parents, mais ainsi que l'enfant majeur, qui est une partie, et on peut ensemble partager les responsabilités, la sienne s'il a des capacités, celle du père et celle de la mère, et ça donne d'excellents résultats. Et ceci vient nous aider, là.

M. Valin (Pierre): C'est triste de voir des enfants qui doivent demander à leurs parents une pension alimentaire. Comme procureur, j'ai déjà eu des cas où je représentais les deux parents non séparés, mais où leur enfant avait un conflit de comportement avec les parents puis il avait le droit à son aide alimentaire. Donc, c'est délicat. Donc, il y a un exercice, pour faire tomber la poussière, un exercice à faire.

Lorsque j'avais des cas, en médiation, où les deux parents, qui sont séparés, établissaient une... il y avait une contribution alimentaire à leur enfant, ils devaient la réviser, la rétablir sur de nouvelles... Est-ce qu'il va rester chez un, chez l'autre? Est-ce qu'il va prendre un appartement? Donc, c'est un exercice à faire, puis c'est fait en impliquant l'enfant. C'est le gros bon sens parfois, mais il demeure toujours qu'il y a les contraintes de cennes et de piastres qui font que ça donne la réponse des fois à un processus de fixation de pension.

M. Bédard: Combien me reste-t-il de temps, M. le Président?

Le Président (M. Simard): Pardon?

M. Bédard: Combien me reste-t-il de temps?

Le Président (M. Simard): Oh, il reste une douzaine de minutes.

M. Bédard: Ah! O.K.

Une voix: Six.

M. Bédard: Six minutes?

Le Président (M. Simard): Six, pardon.

M. Bédard: Bon. Une des recommandations du comité, et je veux bien la comprendre ? elle a été rejetée, mais j'aimerais ça que vous me l'expliquiez, comme vous avez participé aux travaux ? était que le montant de la déduction, afin d'avoir une meilleure équité entre les enfants, là, que le montant de cette déduction soit majoré par un multiplicateur de 1,5 lorsqu'il est défiscalisé. Est-ce que vous avez pris... J'imagine que vous avez pris... C'est une mauvaise question, ça. Vous aviez sûrement pris connaissance du rapport, vous y avez participé. Bien expliquer cette mesure et pourquoi... Et je comprends que cette mesure-là d'ailleurs ne faisait pas l'unanimité, il me semble, là. Est-ce que vous étiez en faveur? Et pourquoi on ne la retrouve pas? Est-ce que c'est bien, qu'on ne la retrouve pas, comme mesure finalement qui vise à assurer l'équité?

M. Valin (Pierre): En fait, c'était... Moi, je ne siège pas sur ce comité-là, c'est sur le Comité de suivi sur la médiation. Mais on est au courant des délibérations. C'était de trouver une formule, pour placer dans le barème de fixation, qui faciliterait ces cas-là, bon, donner un outil, comme le barème est un outil, pour faciliter la fixation de pensions. Donc, il y aurait à approfondir le rapport, mais c'était une technique, c'était un outil. Et ce n'est pas exclu que, dès le moment où les parents en médiation choisiraient d'en tenir compte, ça puisse faire l'objet d'une option possible, parce qu'on sait qu'en médiation on va développer différentes hypothèses et ce sont les parents qui vont choisir laquelle est plus adaptée à leur cas. Ça peut en être une, ça peut en être une, celle qu'expliquait Pierrette tantôt, de réduire le revenu brut qui sert de revenu pour la fixation de pension d'un montant fixe, et on repart le calcul avec une autre norme, comme il peut y en avoir bien d'autres aussi. Donc, c'est dans cet esprit-là que ça a été fait.

M. Bédard: Ça a l'avantage d'être plus mathématique. Par contre...

M. Valin (Pierre): Bien, c'est de donner un outil tout cuit, tout fait. Bon. Mais sauf qu'en médiation ce volet-là est considéré, mais les gens vont y aller sur une base plus réaliste des fois ou ils vont vouloir au moins faire l'exercice d'évaluer le coût réel et non le coût que le législateur a établi par ses études statistiques ? voici, c'est ça, on travaille avec ça ? quoique concrètement on fait l'exercice des deux, et parfois bien il peut arriver que ça reflète la même chose, tout dépendant de chaque cas. Ou bien les gens veulent faciliter la chose en prenant le barème, puis il y a une formule stéréotypée qui donne le résultat adapté pour des frais spéciaux, ou bien...

M. Bédard: Au risque de me mettre le pied dans la bouche, est-ce que ça aurait été mieux d'adopter une telle mesure? Est-ce que finalement, plutôt que d'opter pour la discrétion, est-ce que ça aurait été quelque chose de moins hasardeux que le choix qui a été fait?

M. Valin (Pierre): Est-ce que ça reflète la réalité? Ça, c'est une autre chose. Puis, deuxièmement, est-ce que les gens n'ont pas besoin parfois de faire un exercice intellectuel pour évaluer puis... au lieu de celle appliquée, une formule déjà standardisée? Elle débloque un système litigieux par un formulaire. Parfait, ça, ça limite les interventions. Mais, dans un exercice de médiation, des fois les gens veulent comprendre. Donc, même sur le formulaire du barème, lorsqu'on est en médiation, bon...

J'ai l'avantage de faire du litige et de la médiation, donc ça nous permet de leur expliquer la philosophie à la base du barème, qui, elle, est basée sur des principes reconnus: partage des responsabilités, capacité, répartition. Donc, il faut leur faire une présentation de la philosophie du barème, des principes sous-jacents à ça, pour après ça dire: Bien, le législateur en établit un, basé sur quelque chose, pour orchestrer un règlement quelconque, là, que, si vous ne vous entendez pas, le législateur va tenir compte de ça... le tribunal va tenir compte de ça.

Ils ont cette option-là, comme ils ont l'option de faire l'exercice pour le comprendre, d'en faire leur propre évaluation de budget. On sait que, dans le formulaire, les vêtements ne sont pas indiqués, que ça représente 5 % de l'enveloppe budgétaire, mais peut-être que les parents voudraient savoir: Ça coûte-tu si cher que ça ou ça coûte-tu plus cher que ça? Donc, on peut, en médiation, le faire, ce que le tribunal n'a plus à faire nécessairement, puisqu'il y a un barème, un outil qu'il applique.

n (10 h 30) n

Mme Brisson (Pierrette): Je crois personnellement que le sur-mesure est toujours préférable à un chiffre qui est bien calculé, qui en établit une moyenne, mais qui est quand même imposé, parce que, effectivement, si j'ai un enfant né d'une deuxième union, j'ai sûrement aussi une nouvelle conjointe. Cette nouvelle conjointe contribue également aux besoins financiers de ce deuxième enfant. Et il pourrait très bien arriver que la deuxième conjointe soit fort bien nantie, puis elle peut gagner 100 000 $, 200 000 $ par année. Donc, ça vient vraiment, là... 1,5 ne serait peut-être plus raisonnable. Le sur-mesure nous donnera toujours un meilleur résultat.

M. Valin (Pierre): Et votre crainte peut-être qu'il y ait trop de révisions... Le législateur avait déjà établi certaines balises quand même pour tenir compte des difficultés excessives, tenir compte des actifs, des dettes, etc., ou des ressources de l'enfant. Il y aura toujours quand même un notamment ou des circonstances pour aider...

M. Bédard: Ça, on s'entend, effectivement.

M. Valin (Pierre): Et il y a des lignes de conduite qui vont s'établir, il y a des balises...

M. Bédard: Et, vous, vous préférez la solution actuelle... que l'autre, celle du 1,5, finalement ? c'est ça? ? pour être...

M. Valin (Pierre): Bien, en fait, ça particularise, oui.

M. Bédard: C'est ça.

M. Valin (Pierre): Puis la notion de difficulté, pour moi elle sera toujours là.

M. Bédard: Dernière question. Les procureurs nous ont aussi mentionné ? et je vais essayer d'être bref parce qu'il me reste peu de temps ? mais que l'application pourrait peut-être entraîner une baisse, bon, au niveau des barèmes, dans le sens... Avec les barèmes tels qu'ils sont, le fait de considérer un nombre d'enfants x qui traite des besoins alimentaires... On sait qu'ils varient. Bon, un enfant, c'est un plus gros montant dans une famille. Plus tu montes, moins... parce que la famille en tant que telle est amenée évidemment à compresser plus facilement. Et eux disaient que peut-être l'application de la loi pourrait avoir des incidences à la baisse. Autrement dit, le fait de considérer les enfants issus comme s'ils étaient d'une même famille ? et là on voit que les barèmes vont à la baisse quand on les considère enfant par enfant, et c'est normal ? pourrait entraîner finalement une baisse au niveau des pensions versées aux enfants, à partir de l'application de cette grille, lorsqu'on est pris avec plusieurs enfants. Bon, trois unions, des fois c'est quatre, cinq, même six enfants. Donc, à six enfants, on parle de 1 000 $ par enfant au lieu de 2 800 $ quand c'est un seul enfant.

Le Président (M. Simard): Alors, nous allons entendre la réponse rapidement, s'il vous plaît.

M. Bédard: Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Valin (Pierre): Je cerne difficilement la question. Mais quelles seront les... Est-ce que c'est les conséquences s'il y avait 1,5 majoré, là?

M. Bédard: ...1,5 majoré, là. Je vous dis: Actuellement, avec l'application du projet de loi tel quel, en considérant l'égalité, qu'est-ce que vous en pensez? Moi, écoutez, je ne pratique pas dans le domaine, je n'en ai aucune idée.

Mme Brisson (Pierrette): Si vous permettez, c'est une question de mathématiques. Finalement, il faudra alors penser qu'il ne s'agit pas du deuxième enfant puis de parler de deux enfants dans la famille, mais il s'agit de deux fois un premier enfant.

M. Bédard: Ah! O.K.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, Mme Brisson, Me Valin. Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 34)

 

(Reprise à 10 h 41)

Le Président (M. Simard): Alors, nous reprenons nos travaux, et le prochain groupe que nous allons maintenant entendre, c'est l'Action des nouvelles conjointes du Québec. Alors, nous avons le plaisir d'avoir deux représentants de cet organisme ici.

Vous allez d'abord, s'il vous plaît, vous présenter, nous présenter évidemment le contenu de votre mémoire et ensuite, vous le savez, répondre aux questions des membres de la commission. Alors, je vous cède immédiatement la parole.

Action des nouvelles conjointes
du Québec (ANCQ)

Mme Bilodeau (Lise): Alors, mon nom, c'est Lise Bilodeau, je suis la présidente fondatrice de cette association.

M. Grimbert (Pierre): Et moi, c'est Pierre Grimbert, vice-président et économètre de formation.

Mme Bilodeau (Lise): L'Action des nouvelles conjointes du Québec est une personne morale sans but lucratif ? partie III de la Loi sur les compagnies du Québec ? administrée par un conseil d'administration composé de cinq personnes et dont le siège social est situé dans le comté de Vanier. La nature de sa mission étant de portée provinciale, l'association reçoit l'aide de 12 représentants régionaux.

Sa clientèle est constituée ordinairement par des couples qui éprouvent des difficultés de toutes sortes reliées de façon générale à une union antérieure que l'homme a eue. Elle offre donc à ses membres un service d'écoute active et réfère les couples qui le désirent à un bureau d'avocats qui les aide à solutionner leurs problèmes.

Jusqu'à maintenant, au-delà de 400 couples se sont prévalus des services judiciaires et, dans près de 85 % des cas, des gains notoires en termes d'harmonie, d'autonomie et de paix ont été atteints. Sommairement, 60 % des membres ou des personnes sollicitant notre écoute ont des difficultés avec le modèle québécois de fixation de pensions alimentaires pour enfants et les autres 40 % voient une ex-conjointe profiter de la pension alimentaire pour éluder la recherche d'un emploi et de l'autonomie.

Introduction. Chers parlementaires, pour l'Action des nouvelles conjointes du Québec, le projet de loi n° 21 constitue une percée sociale et législative notoire. En effet, le fait de reconnaître légalement l'implication des enfants nés d'unions subséquentes et le fait de geler les montants de la table des montants de pension alimentaire sont des initiatives importantes. Maintenant, l'ANCQ souhaite toutefois soumettre quelques suggestions relativement à certains aspects du modèle de fixation de pensions alimentaires pour enfants.

Depuis sa création en 1999, notre association a recueilli de nombreux témoignages dans lesquels certains comportements de personnes, créancières d'ordonnances alimentaires, ne trouvent pas leur justification quant aux principes de justice, de droit et d'égalité.

Le principe de soutien économique. Au Québec, il est un principe social reconnu que les études sont une nécessité afin d'atteindre une certaine prospérité et de profiter de l'abondance que notre système offre à ceux et à celles qui y participent. Or, dans le cas d'enfants majeurs issus d'unions séparées, nos cinq années d'activités d'aide aux familles recomposées nous ont donné la confirmation que les enfants ne voyaient pas toujours la couleur de l'aide financière qui est apportée généralement par le père. Ce constat vaut aussi pour beaucoup d'enfants mineurs. Combien de fois avons-nous entendu les pères nous raconter que les enfants arrivaient mal habillés alors que les mères se payaient les cellulaires, les cigarettes, l'alcool, des paiements sur des prêts automobiles, des vêtements, des implants mammaires avec la pension alimentaire devant servir aux enfants?

Description de cas réels. Nous avons un membre qui paie une pension alimentaire depuis 10 ans pour une fille qui clamait demeurer chez sa mère et qui prenait un cours par session. Elle disait souffrir de dépression nerveuse, de burnout et de fatigue. Un jour, notre membre croisa sa fille. Il vit qu'elle était enceinte. Il apprit de plus qu'elle vivait en appartement avec un conjoint. À qui allait la pension pour enfants? Cette jeune fille est assez autonome pour vivre maritalement avec un homme et devenir mère, mais elle ne le serait pas pour se payer des études? Notre membre est donc grand-père et paie encore une pension alimentaire pour les études de sa fille.

Numéro 2. Un membre de la région de Sherbrooke a perdu contact avec ses enfants pour cause d'aliénation parentale. Il a tenté vainement d'obtenir les renseignements sur les fréquentations scolaires de ses enfants, mais, ceux-ci étant majeurs, leur dossier scolaire lui est resté interdit. Un jour, un ami lui apprit que ses enfants n'avaient pas terminé le cégep et qu'ils ne fréquentaient plus l'école. Où allait donc la pension alimentaire pour enfants majeurs?

Troisième cas. Un de nos membres de Québec est père d'une fille institutrice qui est allée enseigner à Londres pendant un an. Elle décida de revenir au Québec et fut engagée comme enseignante au cégep de Limoilou. Soudain, l'envie lui prit de commencer un autre baccalauréat. La Cour supérieure donna raison à notre membre en affirmant que la jeune fille était autonome. Par contre, la cause ayant été portée en appel, les juges obligèrent le père à payer pour la reprise des études, un nième baccalauréat. Notre membre étant lui-même professeur, payant une pension alimentaire pour son ex-conjointe et ses deux autres enfants majeurs, ce qu'il lui reste sur sa paie ne peut lui offrir qu'un appartement d'une pièce et demie, et il n'a pas non plus les moyens de se payer un véhicule automobile.

Et le dernier exemple que nous vous donnerons est celui d'un de nos membres qui endossa un prêt pour sa fille, en plus de payer une pension alimentaire à son ex-conjointe qui se trouve à vivre de l'aide sociale tout en travaillant au noir. Sa fille ayant été... ayant arrêté, dis-je, de faire les paiements sur le prêt, notre membre fut acculé à la faillite. L'âge de la retraite approche dans des conditions de vie très précaires pour celui-ci.

Résumé de la problématique. Ces exemples sont caractéristiques des difficultés rencontrées dans les situations de pensions alimentaires accordées dans le cas des enfants majeurs. Elles peuvent être résumées comme suit:

Stagnation de la scolarité. L'absence de réglementation appropriée permet aux enfants majeurs de stagner au niveau des études. Très souvent, cette situation est encouragée par le parent créancier afin de bénéficier de la pension alimentaire et des avantages fiscaux que procure le fait d'avoir des enfants à charge.

L'utilisation inappropriée de la pension alimentaire. L'absence de réglementation appropriée donne une opportunité au créancier de la pension alimentaire pour enfants de l'utiliser à des fins personnelles et non pour les enfants. Très souvent, le parent payeur doit débourser de nouveau pour les besoins non comblés des enfants.

Accès au dossier scolaire. L'absence de réglementation appropriée fait que le parent-payeur n'a pas accès au dossier scolaire de l'enfant majeur, qui, dans bien des cas, cumule les échecs en ne se rendant même pas à ses cours. Il arrive aussi que le parent-payeur reste sans nouvelles de ses enfants pour cause d'aliénation parentale et que ce dernier paie une pension alimentaire pour enfants à un parent qui n'a plus la garde des enfants.

L'accumulation d'études supérieures. L'absence de réglementation appropriée permet à un enfant majeur de revenir aux études même si celui-ci possède des diplômes d'études supérieures, désarçonnant ainsi la vie de la famille du parent-payeur de pension alimentaire.

L'accès à la justice. Le système actuel place le parent-payeur devant le fait qu'il doive dépenser des sommes d'argent dépassant, la plupart du temps, ses capacités monétaires afin de faire la démonstration des points précédents. Puisqu'il ne peut avoir la protection de la loi pour faire valoir ses droits relativement à tous les aspects de la relation avec ses enfants, ceci rend le système injuste et donc inconstitutionnel.

Avoir la possibilité d'aller en cour n'est pas suffisant, il faut aussi s'assurer que l'individu en a la capacité. Or, comme la ligne de démarcation pour l'assistance juridique se trouve autour de 12 000 $, il est absolument certain qu'une personne gagnant 15 000 $ ou 20 000 $ ne pourra pas se payer les factures des frais juridiques de 150 $ de l'heure. Une des conséquences immédiates de ce système est de faire perdre le contact entre les parents-payeurs et les enfants.

La possibilité d'être représenté par une autre personne pour exercer un recours alimentaire. Le mandataire dont il est question à l'article 1 peut-il être n'importe qui ou seulement un des parents? Et, quelle que soit la réponse au paragraphe précédent, n'ouvre-t-on pas encore une brèche plus grande à l'utilisation des pensions alimentaires pour d'autres fins que la subsistance du jeune adulte aux études, puisque c'est la mère qui reçoit le montant de pension?

n (10 h 50) n

La limite de 50 % du revenu brut. Pour l'ANCQ, cette limite est quelquefois irréaliste. Pour une personne gagnant 100 000 $, nous ne voyons pas de problème. Mais par contre que se passe-t-il lorsque l'homme gagne 20 000 $ par année et paie une pension alimentaire pour deux enfants qui sont gardés exclusivement par la mère qui se trouve à vivre de la sécurité du revenu? Il est seul à payer, et la Table québécoise fixe alors un montant de pension à 4 140 $ par année, ce qui donne 345 $ par mois. Puisqu'il reçoit 55 % de sa rémunération assurable, ceci équivaut à environ 900 $ par mois, sur lesquels il est en plus soustrait de l'impôt. Il lui reste pour vivre 500 $ par mois. S'il veut demander une diminution de pension, il doit payer des frais extrajudiciaires. Alors, comment peut-il se les payer? Que fait-il pour vivre s'il a un simple loyer de 350 $ par mois?

Les travailleurs saisonniers ont à chaque année un problème semblable. Durant la période de chômage, comment font-ils pour payer la pension? Nous avons des cas d'arrérages qui mettaient des pères dans la situation de ne plus pouvoir se payer de nourriture.

Nos pistes de solution. Voici donc quelques pistes de solution qui peuvent être explorées.

L'obligation de résultat. Selon nous, il est important d'ajouter à la réglementation existante des principes d'encadrement afin de s'assurer de l'évolution de la scolarité. Il n'est pas suffisant qu'un montant soit alloué par règlement. Les enfants majeurs ne doivent pas être d'éternels étudiants. En ce sens, le parent-payeur doit pouvoir suivre le dossier scolaire de ses enfants pour en vérifier l'assiduité et la performance, pour éviter le laxisme opportuniste. L'obligation de résultat comprend deux dimensions: la performance, soit de démontrer l'implication de l'enfant dans son dossier scolaire, et le minimum d'autosuffisance économique que nous sommes en droit d'attendre d'un jeune adulte. Ainsi, le jeune qui décide de plein gré de diminuer sous la normale le nombre de cours suivis par session devrait compenser par une part équivalente de revenus, par ses efforts sur le marché du travail.

L'autonomie des deux ex-conjoints doit être atteinte. La tendance actuelle fait que 95 % des ordonnances alimentaires sont payées par un homme parce que ses revenus sont en moyenne plus élevés que la femme. En effet, certaines instances le clament haut et fort, le revenu des femmes est d'environ 65 % de celui des hommes. Mais ce qu'elles oublient de mentionner, c'est que les heures de travail des femmes équivalent aussi à 65 % de celles des hommes. Il n'y a donc pas déséquilibre en termes d'équité salariale. Il est donc nécessaire de modifier les politiques familiales afin d'adapter les institutions aux nouvelles réalités. Femmes et hommes doivent participer également à l'évolution de la société ainsi qu'au soutien économique et domestique des enfants. Nous croyons que cette commission doit recommander au gouvernement de faire l'équilibre de l'offre de travail et de l'offre des travaux domestiques aux instances gouvernementales impliquées par une telle problématique. Il n'est pas équitable qu'une seule partie du couple puisse fournir l'effort de financement alors que les deux le pourraient.

La pension alimentaire doit être remise au jeune et gérée par lui. Ce ne doit pas non plus être possible de profiter de la présence d'un enfant pour s'enrichir ou pour avoir la capacité de diminuer ses heures de travail aux dépens des débiteurs de pensions alimentaires. En versant la pension alimentaire au jeune adulte, nous le rendons responsable. Celui-ci doit apprendre à organiser son rythme de vie afin de parvenir aux finalités qu'il s'est fixées. En ce sens, le créancier doit donc changer lorsque la majorité est atteinte.

Il faut viser les coûts minima. Une des joies des jeunes adultes est de pouvoir sentir qu'ils peuvent voler de leurs propres ailes. Avoir son propre logis constitue un grand pas dans cette direction. Or, ce que les parents ne pouvaient se permettre lorsqu'ils étaient unis, ils ne peuvent sûrement pas l'envisager après une séparation. La réglementation doit viser à informer tous les membres de la famille que le divorce n'est pas une occasion de faire un gain aux dépens d'une des parties. En ce sens, il nous semble nécessaire de placer un article de règlement qui spécifie que toutes les démarches ainsi que toutes les obligations doivent viser les coûts minima, à cause des circonstances qui font que les économies d'échelle ne sont plus. Dans le cas où une des parties refuserait de viser la règle des coûts minima, elle aurait la responsabilité d'en supporter les conséquences.

L'ANCQ trouve illogique la règle du maintien du niveau de vie après un divorce parce qu'elle enlève un certain niveau de responsabilisation de la part du partenaire moins fortuné et lui facilite ainsi une décision de rupture, ses arrières étant assurés par de multiples mesures légales adoptées depuis 35 ans. Cela ne fait qu'encourager la mode utiliser et jeter, genre de fast-food social.

L'amoindrissement des coûts extrajudiciaires. De même, il faut commencer à éliminer les étapes judiciaires coûteuses, surtout pour le parent non gardien. La baisse ou la perte momentanée de revenus ou la perte d'un emploi ne devrait pas être traitée par le système judiciaire, puisque ceci occasionne des coûts inutiles. En effet, un formulaire rempli par l'employeur permettrait un traitement rapide, éliminant de ce fait beaucoup d'arrérages.

Conclusion et recommandations. Il y a une réflexion qui vient à la bouche de plusieurs personnes, principalement lorsque notre association demande une période de deux ans pour gagner son autonomie, qui... Lorsque nous leur demandons si un changement dans les questions de divorce serait possible, on se fait répondre: Si on fait ça, on va créer des injustices. Nous considérons que cette phrase est non seulement un sophisme, mais elle constitue une position très superficielle. Par exemple, il est évident que de réglementer le cas des enfants majeurs afin d'y intégrer une obligation de résultat ferait des mécontents, et on alléguerait peut-être que l'on atteint à la liberté des personnes en les obligeant à suivre un règlement. Voilà où se trouve le sophisme. N'est-ce pas frapper dans la notion de liberté de milliers d'hommes que de les forcer à supporter, dans 95 % des cas, l'obligation alimentaire après le divorce ou la séparation alors qu'ils ne peuvent même pas vérifier les dossiers scolaires d'enfants majeurs et qu'ils ne peuvent même pas vérifier à quoi servent les sommes d'argent dépensées? Pourquoi certaines personnes considèrent-elles que c'est plus juste de les forcer, eux?

Le principe d'égalité contenu dans la Charte des droits et libertés fait que ce n'est pas plus juste d'imposer à un sexe une obligation irréaliste que de l'imposer à l'autre sexe. Ce qui deviendrait réaliste, c'est de placer un cadre légal dans lequel il pourrait y avoir continuation des responsabilités parentales avec droit de regard des deux parents et non d'un seul. Certains juges ont même innové en lançant le concept de garde parallèle dans lequel un parent aurait la responsabilité de l'éducation et l'autre, celle de la scolarisation.

Ainsi, l'Action des nouvelles conjointes du Québec recommande, relativement à la pension alimentaire pour enfants adultes:

Que soit incluse dans la loi l'obligation de résultat pour les enfants majeurs afin de stimuler l'autonomie et la responsabilisation;

Que la pension alimentaire soit versée à l'enfant adulte pour les mêmes raisons;

Que soit incluse dans le règlement la notion «règle des coûts minima» afin d'éviter les débordements sans rapport avec le contexte économique des parties;

Que les demandes de pension alimentaire en rapport avec une poursuite des études d'un enfant majeur soient administrées avec un formulaire assermenté comprenant les obligations suivantes pour le jeune adulte:

1. l'obligation de résultat;

2. l'obligation de faire parvenir le bulletin aux deux parents dans un délai de 30 jours après sa sortie;

3. l'obligation de fournir les déclarations annuelles de revenus aux deux parents; et

4. l'obligation de fournir l'adresse exacte de son lieu d'habitation au parent qui paie la pension alimentaire lorsque les contacts sont coupés avec celui-ci;

Que soit déclarée non obligatoire la pension alimentaire pour les jeunes adultes qui accumulent un nombre de cours inférieur au nombre normal demandé par session, et ce, sans que cela passe par une requête coûteuse en frais extrajudiciaires. Un formulaire à cet effet pourrait être fourni par le ministère de la Justice;

Que la baisse ou l'absence de revenus du payeur de pension alimentaire soit prise en charge non pas juridiquement mais par un système administratif de preuve de chômage ou de baisse de revenus. En effet, un nouveau calcul rapide est nécessaire pour éviter les arrérages. Le fait de protéger une femme et des enfants en conservant le même quantum de pension alimentaire tout en plaçant un père dans une situation de mendicité n'a plus rien à voir avec la notion de responsabilité, puisque cela contrevient à la Charte des droits et libertés. Tout être humain a droit à la vie ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne. Tout être humain dont la vie est en péril a droit au secours, et toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation;

n (11 heures) n

Que le revenu des nouvelles conjointes cesse d'être comptabilisé pour augmenter la capacité de payer de monsieur alors que l'on feint d'ignorer que madame a un nouveau conjoint, à qui l'on trouve toutes les excuses pour ne pas participer effectivement au revenu de cette ex-conjointe. Dans le jugement 450-04-006722-036, nous avons le paragraphe 47. Il se lit comme suit: «Le tribunal est d'opinion que les besoins du défendeur, en incluant les sommes versées à titre de pension alimentaire pour son autre enfant et en incluant également les contributions faites par sa conjointe actuelle aux charges du ménage, font en sorte qu'il est sûrement serré dans son budget, mais pas au point où il ne peut ou ne pourrait d'aucune façon contribuer à fournir des aliments pour une certaine période en vue de permettre à sa fille, la demanderesse, de compléter ses études secondaires et d'envisager des études collégiales.»;

Que cette commission recommande au gouvernement du Québec d'élaborer des politiques afin de faire l'équilibre entre l'offre de travail et l'offre des travaux domestiques, ce qui réglerait les soi-disant problèmes d'équité salariale et permettrait d'éliminer les pensions alimentaires étouffantes.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, madame. Le temps était justement écoulé. Vous avez réussi à présenter votre mémoire dans les limites temporelles. J'invite, à ce moment-ci, la partie ministérielle à poser les premières questions.

M. Bellemare: Merci beaucoup à l'Association des nouvelles conjointes du Québec, Mme Bilodeau, M. Grimbert, pour votre présentation qui touche le projet de loi n° 21 mais qui aussi touche un aspect qui n'est pas visé par le projet de loi n° 21, qui est l'obligation de divulgation.

Mais j'irai étape par étape aux deux principaux changements suggérés par le projet de loi n° 21. D'abord, la possibilité pour un parent d'agir en justice pour et au nom de son enfant majeur. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette proposition?

Mme Bilodeau (Lise): Lorsque vous parlez d'un mandant, je crois?

M. Bellemare: Oui.

Mme Bilodeau (Lise): Ça inquiétait les gens, Me Bellemare. Les gens me demandaient qu'est-ce que ça voulait dire. Est-ce que vous pourriez m'informer davantage? Qui sera le mandant? C'est ce qui... Les gens étaient inquiets parce que les gens croyaient que le mandant pourrait être éventuellement l'ami d'un enfant adulte, la tante d'un enfant adulte, et ça ne signifiait pas nécessairement le parent gardien ou la mère.

M. Bellemare: Mais, dans la mesure où on réglait cette difficulté, qui peut être une difficulté d'interprétation de l'article 1 du projet de loi, est-ce que vous êtes d'accord en principe avec le fait qu'un parent puisse agir au nom de son enfant majeur, si l'enfant majeur y consent, en justice, pour des fins alimentaires? Êtes-vous d'accord avec le principe?

Mme Bilodeau (Lise): Lorsque l'enfant est majeur, M. Bellemare, je serais plutôt, comment dirais-je, d'avis que, s'il est majeur, à ce moment-là il est capable aussi de se pourvoir d'un avocat, il est capable aussi de demander à un des parents ou aux deux parents ce dont il a besoin pour ses études. Alors ça, c'est mon opinion, mais mon rédacteur en a sans doute une autre.

M. Grimbert (Pierre): Oui. C'est-à-dire que ça pourrait en théorie être possible. La peur que nous avons, c'est toujours la question des débordements. Alors, où va la pension alimentaire? Comment pouvons-nous vérifier que les études se font? Parce que ça, c'est relié. On ne peut pas dire juste en théorie: On permet, il faut aussi dire: On permet, mais on encadre. Nous, dans le fond, ce matin, ce qu'on veut lancer comme signal d'alarme, c'est: l'encadrement est absolument nécessaire pour que toutes ces notions-là puissent apporter des fruits positifs. S'il n'y a pas d'encadrement, on laisse libre cours au débordement.

Mme Bilodeau (Lise): Le problème que vous soulevez aussi, M. Bellemare, c'est quand vous parlez de mandant. Je reviens avec ce qu'on a écrit dans le mémoire. C'est que, moi, j'insiste, il y a eu trop de cas chez nous où les jeunes sont venus nous voir. Ils ne la voyaient pas, la pension alimentaire, Me Bellemare, et ils travaillaient dans les dépanneurs, et ils travaillaient où ils pouvaient. Et le père en rajoutait pour les vêtements, en rajoutait pour quelques petites sorties parce que, bon, la mère gérait le tout. Et il fallait retourner à la cour pour demander que le jeune adulte ait cet argent-là. C'est là, quand vous me dites «mandant», que je suis un petit peu craintive, parce que j'ai encore peur qu'on revienne en me disant: Bien, Mme Bilodeau, je ne la touche pas, ma pension alimentaire, puis je travaille au dépanneur X, sur l'avenue Saint-Sacrement. On les voit trop, il y en a encore trop de jeunes qui me disent qu'ils ne la touchent pas, la pension.

M. Grimbert (Pierre): J'ai personnellement un collègue de travail qui a eu ce problème-là, c'est-à-dire qu'il a payé une pension alimentaire pendant des années, et, à cause d'un phénomène d'aliénation parentale, il n'a pas vu son fils pendant toutes ces années-là, et le fils lui a dit: Je n'ai jamais touché une cenne de cette pension-là.

M. Bellemare: O.K. Mais le problème actuellement est qu'en vertu de la Loi sur le divorce un des deux parents peut agir en justice au nom de son enfant majeur qui y consent. On comprend que, dans tous les cas, il faut que l'enfant majeur y consente. C'est déjà permis, en vertu de la Loi sur le divorce, pour les parents qui divorcent, ce n'est pas permis à l'heure actuelle pour les parents qui se séparent ou qui vivaient en union libre, et le but du projet de loi est de faire en sorte que tous les enfants majeurs puissent, s'ils sont d'accord bien sûr avec cette démarche, permettre à un des deux parents qui subvient à leurs besoins d'agir en justice pour des fins alimentaires. C'est ça. Mais je comprends que vous semblez me dire que vous êtes favorables à la mesure, pour peu qu'on ait un encadrement ou qu'on assure le suivi de l'ordonnance à venir et de faire en sorte que l'enfant majeur véritablement ait droit à ses aliments.

Mme Bilodeau (Lise): Absolument.

M. Bellemare: Bon. Sur le deuxième volet, qui touche les modifications à l'article 587, concernant les difficultés excessives, actuellement le juge peut tenir compte du fait que l'un des deux parents ou les deux parents ont refait leur vie et ont eu d'autres enfants pour augmenter ou diminuer la pension, sauf qu'il faut établir la présence de difficultés excessives. On laisserait aller le concept de «difficultés excessives», on l'éliminerait et on rejoindrait ainsi la recommandation 47 du rapport complémentaire du Comité de suivi du modèle québécois, que vous avez, j'imagine, bien lu et que vous connaissez sans doute très bien.

Donc, la recommandation 47, qui se lit comme suit: «Que les obligations alimentaires antérieures assumées à l'endroit d'enfants autres que ceux visés par la demande soient exclues du concept de difficultés excessives», nous, on irait plus loin, on prévoirait que ça s'appliquerait aussi pour les obligations alimentaires postérieures, donc obligations relatives à un autre enfant, qu'il soit issu d'une union antérieure ou postérieure. Donc, on éliminerait le concept de «difficultés excessives» et on élargirait la discrétion du juge pour tenir compte du fait qu'un nouvel enfant est arrivé, que ce soit dans le cadre d'une nouvelle union pour la mère ou pour le père, à la hausse comme à la baisse.

Est-ce que vous êtes d'accord avec cette modification qu'on veut apporter à l'article 587?

Mme Bilodeau (Lise): Le principe de difficultés excessives, vous savez, Me Bellemare, dans tous les cas que j'ai eus, c'est extrêmement difficile à prouver. Combien de fois... Enfin, les avocats qui travaillent avec les membres de notre association ont de la difficulté à prouver ce principe de difficultés excessives. Mais je serais un petit peu... Comment dirais-je? Si vous enlevez ce principe-là, peut-être qu'à ce moment-là... Pierre, au niveau mathématique, pourra plus rapidement calculer et dire si vraiment ça va aider les gens, mais qui la vivent véritablement, ou si à quelque part on ne leur enlève pas... Même si c'est difficile à prouver à la cour, est-ce qu'on ne leur enlève pas encore une possibilité de venir démontrer qu'ils sont naturellement, là, dans des situations spéciales?

M. Grimbert (Pierre): Bien, moi, disons que, moi, je suis d'accord avec le principe, O.K., d'exclure ça, «des difficultés excessives», pour le donner à la discrétion du juge. Mais je vous dirais à la blague un peu: Je n'aimerais pas être le juge qui va être obligé de jauger les différentes unions, je pense que ça va être assez difficile à jauger.

Mme Bilodeau (Lise): Il va se baser sur quoi? Puis, déjà là, c'est très lourd pour les juges quand les parties arrivent. On croit qui et qui est vraiment en difficulté? Je ne sais pas qu'est-ce que ça va pouvoir apporter en plus ou en moins dans un couple, là, qui est en train de se faire une guerre. C'est l'inquiétude que j'ai.

M. Bellemare: Puis on est face à une difficulté qui est, je crois, assez largement reconnue et qui est la difficulté rattachée au concept de «difficultés excessives» qui fait en sorte que les tribunaux jusqu'à maintenant ont accepté très peu de cas en fonction du concept de «difficultés excessives». Et la réalité est que les conjoints... les ex-conjoints ont de la difficulté à refaire leur vie, à avoir d'autres enfants, qui entraînent bien sûr des obligations alimentaires, du fait que le tribunal n'en tient compte que dans les cas où il y a une difficulté excessive qui est établie.

Et le rapport du Comité de suivi, toujours à la page 17, juste au-dessus de la recommandation n° 47, dit ceci, et je cite: «Le comité a considéré notamment les deux motifs suivants à l'appui de ses recommandations:

«1° il est trop onéreux d'exercer un recours basé sur une difficulté excessive.»

Il semble que ça fasse appel à une preuve très élaborée, très complexe, et qu'en bout de piste ça donne très peu de résultats. On essaie de trouver une solution. On ne veut pas dire que le projet de loi n° 21 constitue une solution magique et qu'il n'y a pas d'inconvénient potentiel, on essaie de faire évoluer le droit et de faire en sorte que les familles reconstituées qui ont des enfants puissent obtenir une meilleure justice et que les enfants qui sont issus de ces nouvelles unions puissent avoir également le droit à l'égalité, et c'est ce qu'on vise. Et ce n'est pas nécessairement les parents qui vont l'assurer, le droit à l'égalité, ni les tribunaux, si on leur enlève le droit de l'assurer, le droit à l'égalité. Donc, on pense que la personne la mieux placée, puis c'est le Barreau qui nous le disait aussi la semaine dernière, serait le juge, qui pourrait, lui, tenir compte de situations particulières, qui sont quand même des situations exceptionnelles, parce que les familles recomposées avec enfants qui ont des charges alimentaires ne sont pas légion, là, il y en a...

Mme Bilodeau (Lise): Oui, mais les familles recomposées, assez souvent, devant M. le juge, actuellement, avec la loi actuelle, elles sont complètement ignorées. J'ai vu et entendu certains témoignages, et le juge de dire: Il fallait y penser avant, de refaire des enfants.

n(11 h 10)n

Là où je vous admire, M. Bellemare, c'est d'avoir ouvert la possibilité de faire des enfants à un moment donné. Même si vous avez eu une rupture, une première relation qui n'a pas bien tourné, vous avez l'occasion d'avoir des enfants dans une deuxième relation. Et ce qui est merveilleux, là, c'est que les juges tiendront compte bien sûr de ces enfants-là. Dans ce sens-là, je vous donne raison.

M. Grimbert (Pierre): C'est pour ça qu'on est d'accord avec la recommandation.

M. Bellemare: La question de l'encadrement, ce que vous appelez, vous, l'encadrement, que j'appellerai, moi, l'obligation de divulguer, l'encadrement postpension pour ce qui est des enfants majeurs, le Comité de suivi recommandait effectivement, lorsqu'un enfant majeur bénéficie d'aliments, qu'il soit tenu de divulguer, bon, changement d'orientation au plan scolaire, nouveaux revenus, qu'il y ait des obligations de divulguer qui puissent être périodiques, statutaires, à période fixe ou à période variable, selon la survenance de tel ou tel nouvel événement qui pourrait avoir un effet sur les aliments dont il bénéficie. On ne l'a pas retenu dans le projet de loi n° 21 pour des raisons administratives, des raisons reliées à l'obligation de divulguer qui peuvent représenter beaucoup en termes de paperasse, et d'échéance, et d'administration pour l'enfant majeur.

J'aimerais que vous nous disiez. En imposant l'obligation de divulguer... Par exemple, vous avez une suggestion très précise dans votre mémoire, page 9, quatrième item, et vous suggérez que le jeune adulte doive divulguer d'abord l'obligation de faire parvenir le bulletin aux deux parents dans un délai de 30 jours de sa sortie, l'obligation de fournir les déclarations annuelles de revenus aux deux parents, l'obligation de fournir l'adresse exacte de son lieu d'habitation au parent qui paie la pension alimentaire lorsque les contacts sont coupés de ceux-ci. Il y a toujours bien trois choses auxquelles vous tenez.

M. Grimbert (Pierre): En fait, des recommandations de base.

M. Bellemare: Oui, oui, je comprends, je comprends très bien pourquoi vous le suggérez. En pratique, puisque la loi ne prévoit rien à l'heure actuelle, on se fie sur la bonne foi, sur l'honnêteté des parties, l'honnêteté également du jeune adulte, qui, estime-t-on, jusqu'à preuve du contraire, informe le débiteur alimentaire de son changement de situation. Avez-vous des chiffres à nous soumettre pour nous convaincre de l'opportunité d'introduire une obligation de divulgation, à savoir que, je ne sais pas, dans une proportion importante, les jeunes adultes n'informeraient pas le débiteur alimentaire d'un changement de situation, de la nature de ceux dont vous parlez dans votre proposition? On parle de combien de cas ou de quel pourcentage de cas qui seraient des jeunes adultes, appelons-les défaillants ou qui ne respecteraient pas l'obligation d'informer le débiteur?

M. Grimbert (Pierre): Bon. Disons qu'on va aussi peut-être un peu refaire le vocabulaire. C'est que la défaillance, là... Il y a beaucoup de forces qui sont en effet dans un divorce, hein, et dont nous. À peu près sur 1 200 cas qu'on a pu avoir, dans 60 % de notre clientèle, il y avait des enfants. Et, dans la plupart des cas, les problèmes d'aliénation parentale faisaient que l'enfant est obligé de choisir entre le père et la mère. Et, comme la garde de l'enfant est accordée à la mère dans 80 % des cas, je pourrais vous dire que, dans ce bon 600 ou 700 cas, on avait de la difficulté à avoir des résultats scolaires dans presque la totalité des cas, donc ce qui représente...

Mme Bilodeau (Lise): Me Bellemare...

M. Grimbert (Pierre): Vous savez que, lorsqu'on fait un sondage pour établir qui va voter pour qui, ça ne prend pas beaucoup... Nous, on est rendus à 1 200 cas, donc on estime qu'on a un excellent échantillon. Dans la plupart des cas, il y a des difficultés, il y a réellement une nécessité d'encadrement.

L'idée, elle est très bonne, Me Bellemare, sauf que je pense que, par quelques petites mesures supplémentaires d'encadrement, qui ne seraient pas nécessairement... On ne demande pas non plus à l'enfant d'aller voir ses parents à tous les deux jours pour l'informer de ses notes, là. C'est que, peut-être une ou deux fois par année, il a des devoirs à faire, O.K., concernant ses bulletins et concernant ses revenus. Donc, ce n'est pas énorme. Et, comme je vous dis, la majorité des 60 % de nos cas ont eu des difficultés d'aliénation parentale.

Mme Bilodeau (Lise): Même si vous cherchez un pourcentage, M. Bellemare, il y a tellement d'incongruités dans tout ce que j'entends. J'ai eu un cas de Sherbrooke, une femme qui paie une pension alimentaire à ses deux grands garçons, et cette dame-là travaille dans un hôpital, et elle n'est pas infirmière, elle est aide aux bénéficiaires, petit salaire de 26 000 $, messieurs. Les deux garçons ont pris la clé des champs. Elle n'a plus l'adresse, elle ne sait plus où ils sont et elle paie depuis trois ans. Et, quand je lui ai demandé de venir voir le bureau d'avocats à Québec pour faire tout simplement statuer à l'effet que, bon, terminé la pension alimentaire, elle m'a dit: Je n'ai pas droit à l'aide juridique et je n'ai pas les moyens de donner 120 $ de l'heure. Donc, on prélève carrément sur sa paie le montant pour ces deux jeunots. Et d'apprendre par la visite que les deux jeunots s'étaient payé largement de belles vacances l'année dernière... Mais elle n'a pas l'adresse.

M. Grimbert (Pierre): Qu'est-ce que cette femme-là peut faire pour faire valoir ses droits? S'il n'y a pas une notion d'encadrement, là, il y a des femmes qui vont... Parce que, n'oubliez pas, il y a deux femmes pour un homme à l'université actuellement. Dans quelques années, les problèmes vont être présentés par la Fédération des femmes du Québec.

Mme Bilodeau (Lise): Les femmes vont vivre la même chose.

M. Grimbert (Pierre): Elles vont vivre la même chose. La notion d'encadrement que, nous, nous désirons faire valoir, elle est autant valable pour les femmes qui paient des pensions alimentaires pour leurs enfants que pour les hommes.

M. Bellemare: S'il y a la suggestion d'obliger le jeune adulte à divulguer un certain nombre de changements ou à informer le parent-payeur d'un certain nombre de changements de sa condition et qu'on l'impose, il faut qu'on règle un véritable problème. Vous comprenez? Parce que, en prévoyant une obligation de cette nature-là, on l'impose à tous les jeunes adultes, même ceux qui de bonne foi font actuellement leur travail et informent le payeur du fait qu'il y a des changements de situation. Alors, la question, c'est de savoir: Qui est-ce qu'on touche par cette obligation-là? Et est-ce qu'on règle véritablement une situation problématique? Parce qu'on impose une obligation.

Et, vous savez, comme gouvernement, on se fait dire qu'on rentre dans la vie des gens, hein, qu'on impose des choses, qu'on impose des délais, des obligations. De plus en plus, le gouvernement est dans la vie des gens, dans leurs ménages, et il faut faire attention. Il faut régler une situation, il ne faut pas causer un autre problème, parce qu'on est bien conscients que, si on le faisait, on imposerait cette obligation-là à tout le monde. Alors, c'est simplement une observation que je veux...

Le Président (M. Simard): Alors, je prends ça comme une observation et qui ne demande pas de réplique. Puisque le temps est écoulé, j'invite le député de Chicoutimi à poser la question suivante.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Je vais être assez bref. Je vous remercie, tous les deux, d'être venus témoigner devant cette commission sur ce projet de loi et en même temps, j'imagine, de votre perception de la réalité par rapport à certaines problématiques que vivent certains de vos membres. C'est ce que j'ai compris.

Simplement, bon, vous dire: Il y a une chose qui est claire, je pense, que personne ne va contester, le recours aux tribunaux est quelque chose de très coûteux, effectivement. Et, même dans les cas où il y a injustice ou il pourrait y avoir injustice, le fait de recourir aux tribunaux amène, dans tous les cas, une dépense qui est, elle, excessive et qui fait en sorte que même ceux parfois et celles qui verraient leurs droits ou penseraient que leurs droits ne sont pas respectés vont parfois hésiter à y avoir recours pour cette raison-là et ça, je vous avouerais que là-dedans c'est très difficile d'agir, puisque les barèmes d'aide juridique sont très faibles, ce qui fait qu'il arrive souvent qu'un des deux conjoints a l'aide juridique, l'autre ne l'a pas, et celui qui ne l'a pas évidemment se retrouve en situation de désavantage assez claire, donc va favoriser un règlement plutôt rapide plutôt que payer des factures à tous les mois, là.

M. Grimbert (Pierre): 60 % des requêtes sont faites avec l'aide de la Commission des services juridiques.

M. Bédard: Actuellement? Ah oui?

M. Grimbert (Pierre): Oui.

M. Bédard: Mais il y a peu de solutions envisageables par rapport à ça. Je ne sais pas ce que vous en pensez. C'est une problématique qui est vraie, mais, je vous dirais, pas seulement en matière matrimoniale, elle est vraie pour les chicanes de clôture, elle est vraie pour les dossiers de vices cachés, elle est vraie pour... Les gens vont tout simplement dépenser en avocats ce qu'ils pourraient gagner en dommages. Alors, qu'est-ce qu'on fait? On ne peut pas rendre la justice gratuite.

M. Grimbert (Pierre): J'ai rencontré une avocate, il y a une semaine environ, à l'émission de Mme Deschâtelets, et elle me parlait d'une forme de droit qu'on appelle le droit collaboratif. Je ne sais pas jusqu'à quel point on peut l'imposer, mais cette forme de droit là fait que vous avez deux avocats, évidemment les deux ex-conjoints ou conjoints, et ils ne peuvent pas se présenter devant le juge tant qu'ils ne se sont pas entendus tous les quatre, et ça, c'est une forme de droit qui commence à être enseignée, semble-t-il, à l'Université de Montréal. Donc, il y a des solutions.

n(11 h 20)n

Une des choses qui est importante et qu'on ne pourra pas régler ce matin, c'est que, dans toute la littérature que j'ai lue, les arrêts, les jugements, le droit reste une abstraction s'il ne se colle pas avec la réalité économique. Comme par exemple, le fait qu'il y ait 95 % des payeurs qui soient des hommes, bien, moi, à mon avis, c'est quasiment... c'est immoral quant à moi et puis économiquement...

M. Bédard: Mais dans quel sens c'est immoral? Ça, j'ai de la misère un peu avec votre conception.

M. Grimbert (Pierre): Bien, dans le sens qu'il y a des conséquences à ça. Si la garde est accordée à 80 % à la mère, dans 50 % de ces gardes-là, l'enfant ne revoit plus son père. Ça, c'est une des conséquences. Puis le père n'a pas à supporter seul tout le poids économique du divorce. Pourquoi est-ce que ce serait le père qui supporterait économiquement tout le poids du divorce, à 95 %? Parce qu'il gagne plus cher?

M. Bédard: Bien, vous savez, ce n'est pas le supporter, le divorce. Et là je ne veux pas tomber... parce que ce n'est pas le but du projet de loi, là, mais, vous savez, c'est toujours par rapport à l'enfant, là. C'est quoi, la réalité? Quel était... Et le mariage implique des obligations, et c'est vrai de tout temps, je vous dirais, mais peut-être plus de notre temps. Et je pense peut-être que c'est... Mais ça, c'est plus philosophique, je vous dirais, puis... Et, de plus en plus d'ailleurs, on va évoluer, même au niveau des gardes. De plus en plus, on voit des gardes partagées, et ce qui fait en sorte que ces obligations-là sont... Ce qui était auparavant une règle... plutôt une exception évolue dans un sens qui est, je pense, correct dans notre... De plus en plus, tu as des ententes aussi effectivement qui existent. La médiation a servi d'ailleurs à éviter beaucoup de litiges à ce niveau-là, en ce que les gens se parlent plus, voient aussi à l'intérêt de l'enfant. Il faut voir une certaine évolution, dans le sens où je l'entends. Que 95 %, je vous avouerais... À mon sens à moi, à partir du moment où quelqu'un a plus de revenus, c'est sûr qu'il doit plus payer. Ça, c'est ma théorie, je vous dirais, là, en temps normal, en termes d'égalité des chances.

M. Grimbert (Pierre): Oui. Comme on parle de pension alimentaire pour enfant, si on avait la présomption de garde partagée, sauf dans trois cas, le cas de violence, le cas, O.K., de comportement... de troubles de comportement graves et aussi dans le cas où les parents ne veulent absolument pas, il y a une entente, si on avait une présomption de garde partagée, ça laisserait aux deux conjoints le même temps pour vaquer à leurs occupations et professionnelles et domestiques. Avec cette présomption de garde partagée là, vous avez une réponse. Il y aurait beaucoup moins de coûts juridiques pour les deux.

M. Bédard: Mais ça, c'est un autre thème, évidemment. Vous comprendrez qu'aujourd'hui le débat est plus restreint, ça touche la possibilité de révision pour les obligations alimentaires. Par contre, dans votre mémoire, il y a seulement un commentaire que j'avais de la misère à... Et là c'est peut-être lié à ce que vous venez de me dire, mais je veux bien le comprendre. «Nous croyons que cette commission doit recommander au gouvernement de faire l'équilibre de l'offre de travail et de l'offre des travaux domestiques aux instances gouvernementales impliquées par une telle problématique. Il n'est pas équitable qu'une seule partie du couple puisse fournir l'effort de financement alors que les deux le pourraient.» J'ai de la misère à... Je ne comprends pas, bien honnêtement, là. C'est à la page 7 de votre mémoire.

M. Grimbert (Pierre): Écoutez, en moyenne, les travaux domestiques sont faits par la femme, O.K., et l'homme, lui, représente à peu près 61 % des travaux domestiques faits par les femmes, et les femmes, elles, représentent 65 % de l'offre professionnelle des hommes. Donc, si on équilibre les temps de travaux domestiques des hommes et des femmes, on va régler le problème de l'équité salariale.

M. Bédard: Dans quel sens?

M. Grimbert (Pierre): Bien, dans le sens qu'il faut diminuer le temps de travail des hommes pour augmenter leur temps de travaux domestiques et avoir des politique familiales qui vont dans ce sens-là, et je pense que la commission a le pouvoir de recommander ces choses-là.

Mme Bilodeau (Lise): On donne souvent en exemple que, quand vous avez un jeune couple, bon, de plus en plus, les jeunes hommes vont demander les congés de paternité, ce qui ne se voyait pas antérieurement. De plus en plus, le jeune homme va se prêter bien sûr à aider sa nouvelle conjointe à ce petit poupon qui vient de naître, et on se rend compte qu'actuellement, socialement parlant, c'est merveilleux, il y a énormément de jeunes hommes qui s'impliquent. Alors, c'est pour ça qu'on voulait mousser davantage que notre gouvernement aide ces jeunes parents là à démontrer, comment dirais-je, une ouverture au niveau du temps de travail domestique partagé. Et naturellement, à ce moment-là, on vient équilibrer les choses.

M. Bédard: ...augmenter les revenus des femmes?

Mme Bilodeau (Lise): Bien, c'est simple, c'est qu'ils vont être à peu près égaux. La femme va travailler sensiblement le temps... d'heures de son homme. C'est toujours les gars qui sont pris en temps supplémentaire, c'est toujours les hommes qui vont aller chercher l'argent, tandis que, là, on arrive à réglementer ça. C'est qu'ils peuvent partager ensemble l'évolution de la famille, les deux. Si je ne demande pas autant du côté des hommes, alors, puis que je lui permets d'avoir ces, comment dirais-je, congés parentaux... À ce moment-là, on vient investir davantage dans la cellule familiale, le rapport parental, le rapport papa.

M. Grimbert (Pierre): Oui. Comment se fait-il...

M. Bédard: Mais, simplement pour bien comprendre la statistique ? et là je ne veux pas faire un débat de principe là-dessus, mais elle me surprend, là ? quand vous dites: Bon, le salaire, il est 65 %, des femmes, de celui des hommes... Mais vous dites que, ces groupes, au lieu de mentionner que leur temps de travail est de 65 % des hommes, là on parle des mêmes travaux? Où avez-vous pris de telles statistiques?

M. Grimbert (Pierre): À l'Institut de la statistique du Québec, vous avez... Bon, en moyenne, le temps de travail, O.K., professionnel des femmes, c'est 184 minutes par jour, et le temps de travail des hommes est 284 minutes par jour.

M. Bédard: Mais là on ne parle pas d'un même emploi. Là, vous me dites: Généralement, c'est ça.

M. Grimbert (Pierre): En moyenne.

M. Bédard: O.K. Mais l'équité, vous savez, ça s'adresse à des fonctions. Si, moi, je ne sais pas, je travaille dans la fonction publique, dans tel domaine, pour un emploi comparable, quelqu'un va travailler à peu près le même nombre d'heures, là. Entre vous et moi, ça n'a rien à voir avec le temps de travail globalisé. Une femme peut être amenée à avoir plus de...

M. Grimbert (Pierre): Je sais, mais actuellement on est rendu à peu près à une différence de 5 % à 10 %. Lorsqu'il y a inéquité au niveau d'un même emploi, il y a à peu près une différence de ? en moyenne, je dis bien ? entre 5 % et 10 %. Mais nous, ce n'est pas de cette équité-là dont on veut parler. C'est qu'il faut que le père soit à même de pouvoir s'occuper de ses enfants, puis ça, actuellement il ne le peut pas, il est obligé... Comme moi, je suis obligé de travailler cinq jours par semaine pour payer la pension alimentaire, alors que ma conjointe a le choix de travailler à temps partiel, de s'enlever une journée, de s'en rajouter comme elle veut. Alors, où voyez-vous l'équité là-dedans? Pourquoi, moi, est-ce que je n'aurais pas le droit... Quand on a choisi de se marier, on avait des obligations l'un comme l'autre. Pourquoi, quand on se divorce, j'ai des obligations et elle a des droits?

M. Bédard: Bien, vous savez, c'est une question qui est... Parce qu'on ne peut pas la résoudre aujourd'hui, je vous avouerais. Mais évidemment je ne peux pas être d'accord avec votre affirmation, personnellement, je vous dirais, dans cette conception que vous avez, là, de l'égalité et de l'équité. Je ne pense pas que ça ait été le but de nos lois. Mais je comprends qu'il faut ouvrir le débat, mais je vous inviterais peut-être à le faire dans un esprit où il ne faut pas partir de l'exception non plus.

Et, je comprends, votre regroupement touche beaucoup ceux et celles qui... Parfois, il arrive des cas ? je regardais pour les enfants ? où il y a vraiment, là, des situations qui sont frustrantes pour ceux et celles qui sont appelés à payer, qu'ils soient hommes ou femmes, dans ce cas-là. Mais, votre regroupement, à ce que je comprends, c'est qu'il regroupe en grande majorité évidemment des gens qui vivent de ces frustrations quotidiennement, ou à tous les jours, mais ce qui n'est pas quand même le portrait de la réalité vécue par l'ensemble des gens. Et là le but, c'est de voir comment on peut peut-être améliorer les choses dans certains cas. Sur l'équité, ça, je ne pense pas qu'on puisse s'entendre, là, tous les deux, aujourd'hui. Mais, peut-être au niveau des enfants majeurs, est-ce qu'il y a, en termes statistiques, une problématique qui est documentée? Vous parlez de quelques-uns... pas de quelques-uns mais de ce que vous vivez, dans vos membres. Est-ce qu'on peut le documenter plus? Est-ce qu'il existe des statistiques réelles de problèmes plus globaux qui se vivent, là, sans dire qu'on parle de l'exception? Mais en même temps il ne faut pas parler de 50 %, je comprends. Mais est-ce que vous avez vraiment des statistiques réelles qui touchent vos...

Mme Bilodeau (Lise): Je peux vous en procurer, mais, comme je vous dis...

M. Bédard: J'aimerais ça en avoir. Moi, j'aimerais ça ? parce que, ça, je comprends que quelqu'un paie ? quand même de voir: Est-ce qu'on peut améliorer, ou on touche vraiment la minorité, l'extrême minorité, vraiment, là?

Mme Bilodeau (Lise): Ce qui m'inquiète, moi, monsieur, c'est que, oui, on peut vous en sortir, des chiffres, mais faut-il que j'atteigne 50 % et 60 % de ces situations-là avant de vous attendrir, vous tous?

Je reviens au cas de la dame de Sherbrooke. Elle est restée en suspens dans le temps, cette dame-là. Moi, je n'ai pas les moyens de lui payer des honoraires d'avocats, puis, elle, elle continue à payer pour ses deux gars et elle ne sait pas où ils sont. Mais, pour moi, maître, c'est énorme, c'est un poids. C'est une situation de trop dans notre société. Puis n'ayons pas peur. On demande à nos jeunes... Puis ce n'est pas draconien, ce qu'on demande. On demande: Fais donc suivre ton bulletin scolaire, dis donc à maman ou à papa où tu es rendu. On ne demande rien d'autre.

Quand les gens sont coupés de ces enfants-là, qu'ils paient pendant... première nouvelle qu'ils savent, elles sont enceintes, ou qu'ils vivent en relation avec quelqu'un d'autre et que ça fait quatre ans qu'on paie, pour moi, il y a là une injustice, et c'est à ce gouvernement que je demande tout simplement d'essayer de rétablir, comme disait Pierre tantôt, les devoirs, les droits puis les obligations, hein? Les enfants ont le droit de nous poursuivre, nous, les parents. Mais pourquoi pas, en retour et sans aucune méchanceté, on ne pourrait pas demander une toute petite obligation: Fais-moi suivre ton bulletin, dis-moi si tu es inscrit? Et où es-tu rendu? C'est ça qu'on demande, ce matin, ici, rien d'autre.

n(11 h 30)n

M. Grimbert (Pierre): Je peux comprendre votre point de vue aussi, dans le sens où, bon, vous n'êtes pas nécessairement du même avis que moi. Mais, lorsqu'une loi ou une façon de procéder d'un système fait que, bon, les pères ne peuvent plus s'occuper des enfants, vous avez beau être d'accord ou ne pas être d'accord, mais c'est nous qui récoltons la souffrance là-dedans, là. Ça fait que ça, c'est incroyable, le nombre de personnes qui sont venues nous parler de l'incapacité qu'elles avaient de pouvoir s'occuper de leurs enfants, les pères, là. Bien, depuis cinq ans, là, ça ne dérougit pas. Alors, nous, on n'a pas nécessairement le temps de faire comme l'Institut de la statistique du Québec puis de vous ramasser des statistiques, mais c'est un cas.

M. Bédard: ...vous en avez. Vous savez, on est tous dans la même société, vous comme moi. C'est que, vous, vous êtes un regroupement. Moi, j'en ai aussi, on a tous des couples qui vivent ces réalités-là, et, avant de... Et là je ne vous parle pas de 50 %, là. Et je comprends que vous n'avez pas non plus toutes les ressources pour aller voir, mais ce serait quand même intéressant de voir quel est réellement, sur le terrain... qu'est-ce que ça représente, parce qu'à partir de nos impressions, vous savez, c'est toujours trompeur, on va se tromper. Et j'ai beau...

Moi, si je pars d'un cas sympathique... Et, dans notre vie de tous les jours, des cas sympathiques, il en rentre tous les jours dans nos bureaux, et on ne peut pas établir la loi à partir de l'impression que me laisse un cas, sinon, dans tous les cas, il y aura toujours des injustices. Pourquoi? Parce qu'il y a toujours une limite qui fait en sorte que quelqu'un est sur cette limite, et j'ai beau la tasser, il va y avoir encore à nouveau... Et c'est pour ça... De voir comment on peut atteindre le meilleur équilibre pour notre société, et surtout en matière familiale, c'est ça qu'il faut viser, tout en étant conscient que ce ne sera jamais parfait. La réalité, elle ne pourra pas donner la perfection.

M. Grimbert (Pierre): Écoutez, comme on a dit au début du mémoire, on a quand même référé 400 cas à notre bureau d'avocats, et eux, je veux dire, ce ne sont pas des impressions, c'est vraiment quelque chose de très concret. Et puis ils nous font un portrait de ce qui se passe, et puis je peux vous garantir que ce qu'on vous dit ce matin, ce serait corroboré par notre bureau d'avocats.

Le Président (M. Simard): Alors, merci beaucoup, madame, monsieur. Voilà tout le temps qui était à notre disposition. Nous suspendons quelques secondes, pour entendre ensuite le groupe suivant.

(Suspension de la séance à 11 h 33)

 

(Reprise à 11 h 38)

Le Président (M. Simard): Alors, nous allons reprendre nos travaux, et j'invite les représentants de l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants à venir prendre place. Tous les membres de la commission d'ailleurs devraient reprendre place.

Nous avons donc le président, M. Di Done, qui est avec nous, ainsi que M. Pascal Fischer. Vous avez 15 minutes pour nous présenter l'essentiel de votre mémoire, et, comme nous sommes déjà en retard, je vous incite à les utiliser parcimonieusement. Nous vous écoutons.

Organisation pour la sauvegarde
des droits des enfants (OSDE)

M. Di Done (Riccardo): Sans plus tarder, M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, à titre d'organisme de bienfaisance dont la mission consiste à défendre et protéger les droits des enfants et des jeunes en difficulté, et plus particulièrement les personnes aux prises avec des problèmes découlant des conflits familiaux et/ou de l'éclatement de la famille, l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants, fondée en 1983, est reconnaissante d'avoir l'opportunité de présenter sa position ainsi que ses recommandations à la Commission des institutions du Québec relativement au projet n° 21.

Dans sa volonté d'apporter des solutions concrètes aux nombreux problèmes qui confrontent les enfants et leurs familles de nos jours, l'OSDE a organisé à ce jour cinq congrès internationaux sur l'enfant et de nombreuses conférences traitant des droits de l'enfant, la pauvreté infantile, la violence, la protection légale et sociale des enfants, la place de la famille et des enfants dans la société moderne et autres problématiques ayant une incidence sur le bien-être des enfants. Ces conférences, menées sous l'égide du Comité scientifique de l'organisation, un comité composé de spécialistes du domaine de l'enfance, de chercheurs universitaires, de juristes spécialisés dans le droit de l'enfant et d'intervenants sociaux de première ligne, ont permis de recueillir un grand nombre de données, de résultats de recherche et de pistes de solution intéressantes dont s'inspirent et se basent la majorité des recommandations présentées dans notre mémoire.

n(11 h 40)n

Ce mémoire exprime nos préoccupations relativement au régime québécois de fixation des pensions alimentaires pour enfants, qui, dans sa forme actuelle et malgré les modifications proposées dans le projet de loi n° 21, ne reconnaît pas suffisamment le simple fait que les enfants ont deux parents, contribue à dessaisir l'enfant de son droit à maintenir une relation personnelle ainsi qu'un contact direct avec ses deux parents sur une base régulière, tel que défini dans la Convention relative aux droits de l'enfant, et que cela en retour limite sévèrement la capacité du régime à fonctionner dans le meilleur intérêt des enfants de parents divorcés ou séparés.

Le mémoire examine les résultats de nombreuses études effectuées à ce jour sur les effets du divorce et de la séparation dans la perspective d'identifier les mesures politiques qui permettraient d'assurer concrètement le meilleur intérêt de l'enfant. Cet examen démontre clairement que, premièrement, il existe une différence significative, entre enfants de parents divorcés ou séparés et ceux de familles intactes, sur divers indices de bien-être. Deuxièmement, parmi tous les facteurs préjudiciables aux enfants, le conflit parental prolongé avant, durant et après la séparation et le divorce, surtout lorsque l'enfant est ou devient l'enjeu du conflit, est le plus dommageable. Troisièmement, le régime de fixation des pensions alimentaires pour enfants, sous sa forme actuelle, exacerbe cette forme de conflit parental. Le régime de fixation des pensions alimentaires pour enfants, sous sa forme actuelle, a pour effet de perpétuer les problèmes reliés à la pension alimentaire et à maintenir les tensions déjà existantes entre les parties en cause lorsque l'éclatement de la famille survient.

En premier lieu, le régime décourage les bons payeurs et encourage le travail au noir. En principe, un bon payeur respecte ses engagements, tant au niveau familial que financier, et ce, de manière continue. Par contre, celui-ci peut se sentir lésé dans sa capacité de parent responsable envers son enfant, du fait qu'on lui impose une méthode de perception qui devrait, en tout état de cause, ne s'appliquer qu'aux mauvais payeurs. Quant au mauvais payeur, il trouvera à nouveau des moyens de se soustraire de ses obligations monétaires et familiales.

Deuxièmement, il ne fournit pas aux parents les indicatifs et/ou les outils nécessaires pour leur permettre de faire les meilleurs choix pour le bien-être tant de leurs enfants que d'eux-mêmes et de tous les autres membres de la famille et a plutôt comme résultat de constituer un irritant de plus dans une situation déjà très chargée émotionnellement. La fidélité de l'engagement du parent auprès de l'enfant repose sur des liens qui dépassent largement le simple cadre financier. La loi facilitant le paiement de la pension alimentaire pour enfants reflète une approche réductrice qui limite la responsabilité parentale du parent n'ayant pas la garde à celle de pourvoyeur financier. Confronté à ce statut, il n'est pas surprenant de voir celui-ci choisir la voie du désengagement parental au détriment du bien-être de l'enfant.

Troisièmement, le mode de calcul de même que la méthode de perception des pensions alimentaires contribuent à exacerber le conflit entre les parents au détriment du bien-être de l'enfant. Le mode de calcul de la pension alimentaire pour enfants se fait en fonction notamment du temps de garde. Le régime stipule que la garde d'un enfant est considérée comme exclusive si un parent assume plus de 60 % du temps de garde de cet enfant et comme partagée si chacun des parents assume au moins 40 % du temps de garde de l'enfant. L'un des effets non désirés de ces règles de calcul est qu'elles exacerbent le conflit sur le droit de garde et de visite, chacun des parents cherchant à atteindre ce seuil de 40 % afin de réduire ou accroître, selon le cas, le montant de la pension alimentaire à payer ou à recevoir respectivement. Les règles découragent clairement, au niveau financier, la garde partagée en pénalisant indûment les parents-payeurs qui assument un temps de garde substantiel. Le régime incite le parent gardien à refuser au parent non gardien d'avoir des visites occasionnelles supplémentaires avec l'enfant, même à la demande de ce dernier et au détriment de son bien-être, afin d'assurer que le temps de garde du parent non gardien ne dépasse pas ce seuil magnifique et arbitraire de 40 %.

Quatrièmement, le régime n'offre également aucune solution pour prévenir ou même limiter les coûts sociaux reliés à l'éclatement du noyau familial, qui se répercutent sur toute la famille et la société. Les répercussions de plus en plus fréquentes d'un conflit parental portant sur les droits de visite et de garde et le montant de la pension alimentaire pour enfants sont nombreuses pour toutes les personnes concernées: non-respect des droits de visite ou de garde, aliénation parentale, enlèvement de l'enfant, dépression, suicide et allant même jusqu'au meurtre.

La perception automatique des montants de pension alimentaire établis suite à un jugement plutôt qu'à une entente contribue à renforcer le sentiment d'impuissance et d'injustice qui conduit certains parents qui se considèrent comme perdants à commettre des actes graves qu'ils n'auraient même pas considérés en d'autres circonstances. Les interventions policières et judiciaires requises pour redresser la situation et surtout le prolongement et l'intensification du conflit parental engendrent des coûts financiers et sociaux énormes pour notre société, coûts que l'on pourrait réduire considérablement en adoptant des mesures visant à prévenir le conflit et à offrir aux parents des outils leur permettant de résoudre leurs différends plutôt que de s'enliser dans un processus accusatoire qui est très dommageable pour l'enfant.

Et finalement il génère des problèmes d'application si le débiteur réside hors Québec. Une réaction prévisible du débiteur est qu'il quitte le Québec pour échapper à l'application de la loi et à la perception automatique de la pension alimentaire. Ce phénomène est déjà très fréquent et illustre à nouveau la dynamique malsaine que génère un régime centré sur l'aspect financier et l'intervention punitive plutôt que sur la prévention, l'éducation, la résolution pacifique des conflits, le meilleur intérêt et même le bien-être global de l'enfant qui aime et désire maintenir une relation durable avec ses deux parents, dans un climat propice à son développement harmonieux.

Trop mettre d'accent sur la loi, surtout si elle est punitive, n'est pas la meilleure voie à suivre. Il serait beaucoup plus profitable de fournir aux familles un cadre légal et les incitatifs nécessaires pour faciliter l'implantation et le développement des services psychosociaux ciblés, tels que ? nous recommandons:

1° la mise en place de services de médiation familiale obligatoires, gratuits et non judiciaires pour tous les couples en difficulté ou en instance de divorce. Ces services devraient également être accessibles aux grands-parents et autres membres de la famille élargie qui subissent les contrecoups de la situation;

2° la création d'un système de réconciliation et de prévention qui serait accessible en tout temps aux couples et familles éprouvant des difficultés afin qu'ils puissent bénéficier des ressources qui leur sont nécessaires en situation de crise;

3° l'élimination des termes qui créent de la friction entre les parties impliquées. À titre d'exemple, nous proposons de changer l'expression «garde légale» par «responsabilité parentale», le mot «pension alimentaire» par «soutien familial» et «ordonnance parentale» par «responsabilité parentale»;

4° la création d'une cour spécialisée dans les causes en droit de la famille qui serait composée de juges ayant acquis ou reçu une formation étendue sur les questions familiales, tant au niveau légal que psychosocial;

5° la création d'un bureau de plaintes formelles; et

6° la création d'un programme de formation sur les responsabilités parentales intégré au système d'éducation, s'adressant aux étudiants de niveaux primaire et secondaire. Ainsi, la prochaine génération serait en meilleure position pour comprendre et assumer le rôle de parent.

Permettez-moi de vous démontrer la pertinence de traiter du sujet de la médiation familiale dans le cadre du projet de loi n° 21. En réalité, le gouvernement devrait s'attarder à comprendre pourquoi on ne respecte pas le paiement de la pension alimentaire avant d'imposer un système de perception. Dans le cas où les mesures sont prises aux bons endroits, on n'aurait pas à investir autant de temps et d'argent sur la question de la perception.

La médiation familiale est une procédure de résolution de conflits bénéfique pour toutes les personnes concernées et représente le moyen le plus efficace de régler les conflits et les disputes entre les individus qui doivent maintenir un contact continu et prolongé afin d'assurer le bien-être de leurs enfants, à l'exception des cas démontrés d'abus ou de violence conjugale ou familiale. Plus important encore, la médiation familiale s'attaque et fournit un moyen efficace de prévenir et réduire le facteur de risque le plus sérieux associé aux difficultés d'adaptation de l'enfant, le conflit parental prolongé avant, pendant et après le divorce ou la séparation, alors que le système légal exacerbe la forme de conflit parental la plus dommageable pour l'enfant, soit les conflits dont l'enfant constitue l'enjeu principal.

Une étude nationale menée par le ministère de la Justice Canada sur les raisons pour lesquelles les gens paient ou ne paient pas leurs pensions alimentaires a relevé certaines caractéristiques qui semblent propres au profil des débiteurs ayant un taux d'observation élevé. Le versement des pensions alimentaires pour enfants commence immédiatement après la séparation. Ces débiteurs n'attendent pas de conclure une entente officielle au sujet des droits de garde et de visite; en général, après la séparation, ces parents débiteurs consacrent beaucoup de temps à leurs enfants. Ils participent activement aux loisirs des enfants et aux décisions concernant les soins à leur fournir et touchant, par exemple, l'éducation, les soins médicaux et dentaires et la discipline. Ils offrent aux enfants ce que le débiteur et le créancier considèrent un véritable deuxième foyer, même en l'absence d'entente officielle sur la garde partagée. Il s'ensuit que toute mesure encourageant ou renforçant le développement de ces caractéristiques, telle que la médiation, permettrait d'accroître le taux d'observation du paiement des pensions alimentaires.

n(11 h 50)n

D'ailleurs, selon une autre étude effectuée par le ministère de la Justice Canada en 1998, soit la Richardson 1998, les montants de pension alimentaire conclus sont de 12 % à 20 % plus élevés en cas de médiation, et de plus le respect du paiement de la pension alimentaire est plus élevé chez les gens ayant eu recours à la médiation que chez les autres couples.

Les données de l'Enquête longitudinale nationale sur l'enfant et les jeunes montre qu'en général les enfants couverts ? selon leurs parents ? par une entente privée reçoivent des paiements de pension alimentaire plus réguliers que les enfants faisant l'objet d'une ordonnance du tribunal. Les deux tiers des enfants de la première catégorie recevraient des paiements réguliers, par rapport à 43 % des enfants de la seconde catégorie. De plus, l'absence de paiement pendant six mois ou plus est beaucoup moins fréquente chez les premiers que chez les seconds: 14 % comparé à 30 %.

À titre d'exemple, la régularité des paiements semble également présenter une forte corrélation avec la probabilité que les parents non gardiens aient des contacts fréquents avec leurs enfants, et les effets de cette variable demeurent importants, même après rajustement des données pour tenir compte du genre de garde et d'entente relative à la pension alimentaire, du type d'union, du niveau de tension entre les parents et du temps écoulé depuis la séparation.

Depuis l'implantation de la loi, en 1997, jusqu'au 31 décembre 2000, le taux de succès de la médiation s'élève à 73,6 %. Le taux de succès en médiation a connu une hausse constante de 69 % en 1997 à 73 %.

M. le Président, si vous me permettez, j'aimerais juste prendre quelques minutes...

Le Président (M. Simard): ...simplement de conclure, à ce moment-ci, à cause du temps.

M. Di Done (Riccardo): Oui. Parce qu'on m'avait donné 20 minutes originellement. Alors, je vais...

Le Président (M. Simard): 15 minutes. Je veux vous corriger tout de suite.

M. Di Done (Riccardo): D'accord. Conclusion.

Attendu que le maintien d'une relation personnelle ainsi que d'un contact direct avec ses deux parents sur une base régulière est à la fois un droit et dans le meilleur intérêt des enfants;

Attendu qu'un nombre croissant d'enfants font l'expérience de la rupture de leurs parents de plus en plus jeunes;

Attendu que de nombreuses études démontrent l'existence d'une différence significative entre enfants de parents divorcés ou séparés et ceux de familles intactes sur divers indices du bien-être tels que les résultats scolaires, les relations parents-enfants et l'adaptation émotionnelle et comportementale;

Attendu que, parmi tous les facteurs préjudiciables au bien-être, à court, moyen et long terme, des enfants, le conflit parental prolongé avant, durant et après la séparation et le divorce, surtout lorsque l'enfant est ou devient l'enjeu du conflit, est le plus dommageable;

Attendu que le régime de fixation des pensions alimentaires pour enfants, sous sa forme actuelle, exacerbe cette forme de conflit parental;

Attendu que les politiques et les programmes permettant de réduire l'exposition des enfants à de tels conflits généreraient le plus de bénéfices; et

Attendu que tous les programmes et les politiques les plus susceptibles de favoriser le meilleur intérêt ainsi que le bien-être des enfants sont de nature non judiciaire, renforçant le bien-fondé de disposer de mécanismes de résolution des conflits non accusatoires, de programmes éducatifs sur les responsabilités parentales et autres mesures préventives avant que des procédures judiciaires ne soient initiées ou même considérées; et

Sachant que la médiation a démontré son efficacité en tant que mesure permettant d'aider les parents à résoudre leurs différends concernant leurs enfants, de les encourager à formaliser les modalités de droit de visite et de garde, de faciliter le maintien d'une relation équilibrée entre les enfants et leurs parents et d'accroître le respect des ententes et obligations parentales pour le plus grand bénéfice des enfants;

Nous exhortons le gouvernement à recentrer la jurisprudence sur les droits de l'enfant et les responsabilités et devoirs des parents en ce qui a trait au bien-être de leurs enfants plutôt que sur les droits du père ou de la mère, à soutenir nos recommandations et fournir aux familles un cadre légal ainsi que les incitatifs nécessaires pour faciliter l'implantation et le développement des services psychosociaux permettant aux parents de mieux comprendre et assumer leurs responsabilités parentales envers leurs enfants avant, pendant et après une rupture.

C'est uniquement au travers une refonte complète des présupposés désuets sur lesquels se base le système de justice familiale actuel que le meilleur intérêt ainsi que les droits des enfants seront véritablement reconnus et intégrés aux structures sociales et légales de notre société, pour le plus grand bien de nos enfants, nos familles et l'ensemble de notre société. Donnons-leur tout ce qu'ils ont de besoin. Donnons-leur de l'amour, de la tendresse mais surtout une société outillée de ce qui leur est tant nécessaire, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Très bien. Merci beaucoup. Je n'ai pas osé vous arrêter, là. J'invite le ministre à poser quelques questions. Nous allons limiter les débats à 10 minutes chaque côté.

M. Bellemare: Alors, permettez-moi tout d'abord de vous souhaiter la bienvenue, MM. Di Done et Fischer, et de vous remercier pour avoir confectionné un mémoire très exhaustif, très fouillé sur des aspects qui sont certes intéressants mais qui vont bien au-delà de la dimension très spécifique du projet de loi n° 21, dont vous parlez brièvement aux pages 9 et 10 de votre mémoire. Et vous me permettrez d'y revenir pour les fins du débat que nous menons aujourd'hui.

Le projet de loi n° 21 vise à promouvoir l'égalité des enfants, l'égalité de traitement des enfants au plan alimentaire, et j'imagine, juste à lire le nom de l'organisation à laquelle vous appartenez, qui est l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants, que vous êtes favorables à ce que l'égalité des enfants constitue un principe et une règle fondamentaux dans notre façon d'aborder tous les aspects de la détermination des aliments et de l'exécution également des ordonnances relatives aux aliments.

Mais, de façon plus spécifique, sur le projet de loi n° 21, il y a deux mesures qui sont avancées par le projet de loi. La première vise à permettre que les enfants majeurs issus d'une union qui n'aurait pas été consacrée par le mariage puissent bénéficier des mêmes droits et recours que les autres. Les enfants actuellement qui sont issus d'une union qui s'est soldée par un divorce peuvent accepter qu'un des deux conjoints puisse agir en leur nom pour des fins alimentaires. Alors, le projet de loi n° 21 vise à faire en sorte que les enfants issus d'unions qui n'ont pas été approuvées par le mariage, donc union civile, union libre, puissent permettre à un des deux parents d'agir en leur nom à des fins judiciaires relatives à des enfants, première mesure.

Deuxième mesure: faire en sorte que le concept de «difficultés excessives», qui est actuellement une condition à ce que le juge intervienne pour assurer une meilleure distribution des aliments au sein de la même... d'enfants issus de même père ou de même mère, puisse être respecté. Et, en faisant abstraction du concept de «difficultés excessives», le juge pourrait tenir compte ? et je dis bien «pourrait», parce que c'est un pouvoir qu'il aurait, une discrétion élargie ? tenir compte du fait que l'un ou l'autre des parents a décidé d'avoir des enfants avec une autre personne, bien sûr, qui constituent maintenant des demi-frères ou des demi-soeurs. Et, en faisant abstraction ou en éliminant le concept de «difficultés excessives», le juge aurait la possibilité de tenir compte du fait que le père ou la mère a décidé d'avoir des enfants dans le cadre d'une autre union.

De façon très spécifique et très précise, est-ce que vous êtes d'accord avec le projet de loi, avec les deux mesures dont je viens de faire mention?

M. Di Done (Riccardo): On est entièrement d'accord qu'on doit prendre en considération tous les enfants impliqués, c'est évident, M. le ministre. Le projet de loi, c'est un pas dans la bonne direction. Par contre, on pourrait aller beaucoup plus loin, on pourrait regarder qu'est-ce qui fait qu'il y a tellement de gens qui sont mauvais payeurs. Pourquoi qu'on est souvent pris à la cour? Qu'est-ce qui fait que 50 % des parents ont décroché en dedans de cinq ans? Et comment faire en sorte qu'on va créer une société des plus saines, tout particulièrement pour le bien-être de nos enfants? Et c'est un système qui épargnerait des argents que nous n'avons pas, au Québec, d'une manière incroyable. Mais le plus beau de tout ça, c'est qu'on aurait des enfants beaucoup plus enrichis. Alors, qu'est-ce qu'on fait? C'est qu'on tente toujours de corriger certaines problématiques dans un projet de loi. Par contre, si on désirait prendre la problématique globale, on pourrait faire un pas de géant dans la bonne direction.

Puis les recommandations que nous vous faisons ici aujourd'hui, ça a été endossé par les plus grosses institutions du Québec, commençant par l'Église catholique, par la FTQ, par l'international, par les B'nai Brith, par les femmes de la communauté juive du Canada et plusieurs autres. Et c'est un dossier que nous travaillons depuis 20 ans, M. le ministre. Et qu'est-ce qui est malheureux, c'est qu'on a déjà passé proche d'y arriver. Par contre, il y a des élections et des remaniements ministériels puis on revient toujours un peu vers l'arrière.

Alors, pour répondre à votre question, oui, on est d'accord avec le projet de loi que vous passez en ce moment, si on regarde juste à corriger une problématique. Par contre, on devrait regarder la problématique globale, au lieu. C'est ce à quoi nous voulons vous sensibiliser ici aujourd'hui.

M. Bellemare: On a entendu tantôt une association de médiateurs qui semblait également être favorable au projet de loi et qui disait que ça allait peut-être favoriser les règlements, du fait que, sachant au départ que le juge avait le pouvoir de tenir compte de façon plus spécifique du nombre d'enfants...

M. Di Done (Riccardo): J'en fais partie, de cette association, M. le ministre...

M. Bellemare: Vous êtes médiateur vous-même?

n(12 heures)n

M. Di Done (Riccardo): ...et plusieurs d'eux font partie de notre comité. Mais le fait... Et encore une fois tout le monde est d'accord que, si on s'en tient à votre projet de loi, oui, c'est... Tous les enfants, que ce soit d'un premier mariage, que ce soit d'un deuxième mariage, que ce soit d'une vie commune, on a des responsabilités envers eux, et c'est définitif que le juge doit le prendre considération, pour autant qu'on sache, même pas qu'il pourrait. Je pense que c'est très important.

Mais la réalité ? et je reviens toujours avec la même problématique, mais je ne vous embêterai pas pour le reste de la journée sur ce sujet ? c'est: Pourquoi ne pas regarder le projet de loi du divorce comme tel globalement, et de garde, et assurer à tous les enfants le bien-être qui serait d'avoir les deux parents sensibilisés à leur bien-être, qui s'impliqueraient envers nos enfants sur l'aspect pécunier, sur l'amour, sur l'encadrement et sur la discipline? Aujourd'hui, ce qu'on a, c'est qu'on a un pourcentage énorme de parents qui deviennent des pourvoyeurs, il y en a qui décrochent, et puis on crée une société qui n'est pas aussi enrichie qu'elle pourrait l'être, et les enfants sont pris là-dedans.

D'ailleurs, je vais lancer un livre sous peu qui est intitulé ? en ce moment, il est en anglais ? Please don't let me go Papa!, qui a été endossé par le président de l'Association des chefs de police du Canada, le président de l'Association des travailleurs sociaux du Canada et plusieurs autres, pour en nommer juste quelques-uns.

M. Bellemare: Merci beaucoup. Merci.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. J'invite le député de Chicoutimi à poser les prochaines questions.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie, vous deux, effectivement de nous avoir fait part, dans les premières pages de votre mémoire, là, de statistiques intéressantes pour la commission.

Je vais aller tout de suite à vos recommandations. Une, entre autres, là, je veux bien la comprendre. Comme vous n'avez pas eu tout le temps pour ? parce que votre mémoire était assez fouillé, là ? aborder... Entre autres, à la page 15: «C'est pour toutes ces raisons que nous recommandons que la médiation familiale soit obligatoire, gratuite et non judiciaire.» Actuellement, ce que je comprends, ce que je sais, c'est qu'il y a des séances gratuites qui sont prévues au niveau de la médiation. On parle de six séances, en cas de rupture, pour un couple qui a des enfants et trois en révision d'un jugement, et, bon, pour les séances supplémentaires, il y a un montant qui ne peut pas excéder 95 $ par séance. Est-ce que vous trouvez que ces mesures sont suffisantes?

M. Di Done (Riccardo): Absolument pas. Absolument pas.

M. Bédard: Mais qu'est-ce que vous souhaitez, finalement? Parce que, là, au bout de six séances, on s'entend qu'on a fait le tour pas mal du dossier. Tu sais, on s'en va normalement vers quelque chose qui ressemble à un litige.

M. Di Done (Riccardo): Il y a plusieurs malaises dans ce genre de projet en ce moment. Premièrement, c'est très, très facile, pour un parent qui ne veut pas aller vers la médiation, de pouvoir passer complètement par-dessus. Il y a un pourcentage énorme de gens qui le font.

M. Bédard: Oui, mais il est obligé de participer au début, à la première.

M. Di Done (Riccardo): Non, ils ne sont pas obligés de participer. Ils peuvent trouver mille et une raisons ou ils vont tout simplement aller chercher leur papier vert puis ressortir.

M. Bédard: Mais vous comprenez...

M. Di Done (Riccardo): C'est une pratique très courante en ce moment.

M. Bédard: O.K. Mais vous pensez qu'il faudrait obliger les gens à participer à une séance dont ils ne souhaiteraient d'aucune façon être mêlés... Vous comprendrez que c'est assez compliqué de faire entendre... C'est comme essayer de se convaincre tous les deux d'un point où on est... Il vient un moment où c'est... J'ai de la misère à imaginer comment on peut faire de la médiation avec quelqu'un qui ne veut pas, en aucune façon, en faire.

M. Fischer (Pascal): Bien, il serait essentiel, M. le député, qu'au minimum les parents soient au courant des implications et des conséquences de leur décision de se séparer sur leurs enfants et de les prévenir de ces problèmes-là. S'ils ne sont pas informés... La majorité des gens, selon le rapport Richardson 1998, les parents ne sont pas au courant des conséquences d'un divorce, d'une séparation sur le bien-être de leurs enfants à moyen et long terme. Ils ne sont pas au courant.

M. Bédard: Actuellement, la première séance est obligatoire.

M. Fischer (Pascal): Séance d'information sur la médiation, oui.

M. Bédard: Séance d'information donc sur la médiation, sur les conséquences aussi. J'imagine que, lors de ces séances, les gens sont informés aussi des... Eux, ils savent finalement les conséquences. Je ne sais pas combien de temps ça dure normalement, là, mais il y a quand même de l'information minimale qui est transmise aux parties pour qu'elles comprennent les conséquences de leur choix.

M. Fischer (Pascal): Mais dans une perspective qui ne donne pas une chance à une médiation, dans le sens suivant, c'est que la majorité des gens sont avisés au départ par un avocat, qui leur dit: Bien, écoutez, vous avez beaucoup de chances de gagner, mais il faut aller à une séance d'information sur la médiation. La médiation, selon le rapport sur la médiation à Montréal, est présentée comme une avenue qui ne fonctionne pas, ou ça ne vaut pas la peine, et alors on fait la séance d'information pour avoir la dispense pour motif sérieux, et c'est très facile à avoir. Et d'ailleurs, dans ce rapport-là, c'est utilisé à outrance, à tel point que ça devient un abus du système. On va à la séance d'information pour avoir la dispense et on intente les recours judiciaires d'emblée. Mais, dans tout ça, les parents ne sont pas avisés de l'impact que ça va avoir sur leurs enfants.

M. Di Done (Riccardo): Deuxièmement, M. le député, si je peux rajouter, parce qu'un système semblable existe au Manitoba depuis un certain nombre d'années ? l'ex-juge en chef associé de la Cour suprême du Manitoba, division de la famille, le juge Hamilton, faisait partie de notre comité jusqu'à temps qu'il prenne sa retraite ? c'est que les juges ont une formation adéquate pour travailler avec les médiateurs comme tels. Les médiateurs ont un rôle très précis qui est de sensibiliser les parents à l'importance de maintenir leur implication et le pourquoi. On ne va pas à cet extrême ici, au Québec. Et, pour les gens qui ne veulent pas s'entendre vers la médiation, lorsqu'on vient devant le juge, bien le juge lui-même va agir à titre de modérateur, et, si, pour une raison ou une autre, un parent ne veut rien savoir, ne prend pas en considération le bien-être de ses enfants, et la seule chose qui l'intéresse, c'est une garde légale sans prendre en considération tout ce qui pourrait survenir aux enfants, le juge le prend en considération, ce qui fait que l'enfant pourrait terminer avec l'autre parent, et allant même aussi loin qu'avec les grands-parents. Leur taux d'efficacité, dans ces années-là, était d'au-delà de 95 %, des parents avaient une entente à l'amiable hors cour, entre eux-mêmes.

M. Bédard: Actuellement, il y a une possibilité aussi pour le tribunal d'ordonner la médiation. Il peut le faire s'il se rend compte que les parties n'ont pas...

M. Di Done (Riccardo): Ici, c'est parce qu'on peut... Puis par contre c'est très facile pour manipuler le système. Et ce qu'on dit aujourd'hui... Puis je pourrais vous nommer plusieurs personnes qui travaillent au palais de justice, au Centre psychosocial et d'expertise de la médiation du Québec. Il y a un problème flagrant qui... Disons que c'est une étape dans la bonne direction pour ceux qui veulent bien se servir de la médiation. C'est un outil incroyable. Par contre, pour tous ceux et celles qui ne veulent pas s'en servir, il n'y a pratiquement aucune possibilité de les empêcher.

Puis, pour revenir à votre question, obliger une personne, ce n'est pas une question d'obliger une personne, ici. Ici, c'est une question de vraiment sensibiliser les deux parties à leurs responsabilités puis au bien-être des enfants et que la cour à la limite le prenne en considération de manière très sérieuse.

M. Bédard: Merci. C'est ça. Mais il peut y avoir des cas d'exception aussi. Mais, O.K., je comprends que vous voulez encore aller plus loin tout en... Il y a des cas, j'imagine, effectivement où c'est impossible. On me disait, entre autres, bon, les cas d'abus sexuels, les cas de violence psychologique, les cas de...

M. Di Done (Riccardo): On parle de minorité, là.

M. Bédard: Oui, mais quand même, tu sais, ça commence à faire des cas, mais il faut pousser plus loin. Je comprends votre préoccupation.

Au niveau de la cour spécialisée, là, vous n'avez pas eu le temps d'aller un peu plus loin. Évidemment, bon, ce sont des divisions de la Cour supérieure qui entendent les recours en séparation, en divorce, en fixation de pensions alimentaires. Normalement, ce sont les juges souvent, là, qui sont appelés à juger... les mêmes juges plutôt qui sont appelés à juger ces cas-là. Vous, vous voulez aller encore plus loin, parce qu'il y a des divisions, en matière familiale entre autres.

M. Di Done (Riccardo): Non, mais l'aspect, M. le Président, c'est que c'est un peu comme quand on ne se sent pas bien. On va voir un médecin puis là on a un malaise du coeur, on va voir un cardiologue. Ici, c'est un problème. Dans les... en tout cas la dernière recherche qui avait sorti au Québec il y a plusieurs années, 86 % du temps de la Cour supérieure du Québec, c'était le 10 % des causes familiales. On parle d'un temps d'antenne énorme.

M. Bédard: Monsieur, c'est sûr que... Oui, mais ce que je veux vous dire... Actuellement je comprends que c'est 10 %, mais, moi, dans ce que je connais de cela, là, on pourra me détromper, mais il y a une division, en Cour supérieure, des affaires matrimoniales, pas des affaires... en tout cas pour ce type de causes là, et ce sont normalement souvent les mêmes juges qui sont appelés à entendre des causes de nature matrimoniale. Ce sont des gens qui disposent d'une expertise qu'ils ont développée dans le domaine.

Et là je veux comprendre votre création d'une cour spécialisée. Souhaitez-vous la création d'un tribunal administratif là-dessus, ou c'est vraiment plutôt de vraiment limiter à tout point de vue, là, le... Parce que j'ai de la misère à le comprendre dans le cadre de nos fonctionnements de nos tribunaux.

M. Di Done (Riccardo): Ce serait... Soit dit en passant, il y a quelques juges de la Cour supérieure qui font partie du comité aussi, qui travaillent avec nous. L'objectif, ce serait d'aller à une étape plus loin, puis ce seraient des gens qui se spécialiseraient strictement dans la problématique de la séparation et du divorce et qui seraient outillés pour travailler en étroite collaboration avec un système de référence obligatoire à la médiation qui est non judiciarisé, ce qui fait que toute personne qui ne veut pas aller en médiation, pour quelle que soit la raison... Lorsque vous revenez devant le juge, les juges auraient les outils adéquats pour pouvoir détecter est-ce qu'il a raison vraiment de ne pas aller en médiation, le pourquoi, et... que le juge soit aussi outillé pour bien faire face à ces genres de malaises.

En ce moment, on se ramasse devant une procédure: le juge siège, on est basé encore sur le système qu'il va y avoir un vainqueur et un perdant puis on retourne dans le cercle vicieux qui fait en sorte qu'on a un malaise dans notre société qui est très, très coûteux mais tout particulièrement très douloureux non seulement pour nos enfants... Si vous regardez, les parents de familles éclatées, suivant Statistique Canada, ont six fois plus de problèmes de santé mentale et physique. Il y a un problème vraiment sérieux dans notre société. Puis, si on regarde le taux de suicide chez les jeunes adolescents de familles éclatées, bien il est cinq fois plus fois élevé. Si on regarde les taux de décrochage scolaire et autres... Alors, il y a un gros malaise. Alors, c'est comment faire face à ce malaise, puis c'est important d'avoir des juges qui vont travailler en étroite collaboration, une structure très, très, très ferme, en étroite collaboration avec un système de médiation.

n(12 h 10)n

M. Bédard: Dernière question, simplement. Vous êtes l'Organisation de la sauvegarde des droits des enfants. Le projet de loi évidemment vise l'égalité entre les enfants versus le débiteur. Vous avez compris un peu de nos débats... Et on ne peut pas s'opposer, je vous dirais, à cette réalité-là, mais elle a quand même, je vous dirais, une contrepartie qui est l'égalité tout court des enfants entre eux, qui n'est pas la même nature. Le projet de loi vise à assurer ? et on a voté pour le principe, mais quand même on a eu plusieurs questionnements suite aux auditions ? vise à égaliser les enfants versus un débiteur, le débiteur, celui qui paie. Par contre, ça ne veut pas dire que, dans chacune des familles où se retrouvent les enfants, ils ont une égalité; au contraire, dans souvent des cas, ils sont en déséquilibre.

Et, le projet de loi, ma peur, je vous dirais... Et, comme vous êtes une organisation qui vise le droit des enfants, ma crainte, comme vous avez entendu un peu plus tôt, ce serait de faire en sorte de diminuer certaines possibilités en donnant une large discrétion judiciaire au tribunal pour qu'il considère en chacune des occasions la naissance des enfants à venir, même dans le cas où le père ou la mère, peu importe, le débiteur alimentaire a les moyens finalement de verser le même montant aux enfants de son premier mariage. Or, certains sont venus nous dire que l'introduction d'un tel critère, celui de la discrétion, le «peut», pourrait avoir pour effet, dans tous les cas, que le tribunal ordonne des diminutions par le simple fait... l'automatisme de la naissance de nouveaux enfants. Vous, quelle est votre réaction par rapport à une telle...

Le Président (M. Simard): Réaction en quelques secondes, nous avons déjà dépassé notre temps.

M. Di Done (Ricardo): Bien, la réaction, c'est que, pour nous, on est entièrement d'accord, puis je vais vous dire pourquoi en 30 secondes. C'est que le principe... Lorsqu'on est séparé ou divorcé puis qu'on doit maintenir une responsabilité financière, c'est très difficile de réintégrer une deuxième relation, puis, s'il arrive de nouveaux enfants, bien les gens sont souvent au dépourvu. L'objectif, c'est de prendre en considération c'est quoi, les moyens financiers, et de faire en sorte que tous les enfants aient de quoi pour bien grandir. Mais il reste qu'encore une fois on devrait retourner à l'étape en arrière et faire en sorte... comment qu'on pourrait prévenir tous ces genres de malaises là d'une manière beaucoup plus enrichissante.

Le Président (M. Simard): Alors, c'est là-dessus que nous allons terminer, en vous remerciant de votre mémoire et de votre intervention. Nous suspendons nos travaux jusqu'après la période des affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 h 12)

 

(Reprise à 15 h 47)

La Présidente (Mme Thériault): Nous allons reprendre la suite des travaux de la Commission des institutions, et j'inviterais immédiatement la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec à nous présenter son point de vue. Donc, Mme Lévesque, la parole est à vous. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire.

Fédération des associations de familles
monoparentales et recomposées
du Québec (FAFMRQ)

Mme Lévesque (Sylvie): Oui. Bonjour. J'en suis à ma deuxième commission aujourd'hui, alors je commence à être un peu fatiguée ou en même temps...

Une voix: ...

Mme Lévesque (Sylvie): ... ? oui? vous aussi, oui? ? ou bien rodée, un des deux. Oui. Bonjour, tout le monde. J'ai aussi avec moi Claudette Mainguy, qui est à la fédération depuis longtemps, qui est assez experte dans ce dossier-là qui est un peu complexe. Alors, je vais faire une présentation, puis Claudette pourra plus présenter en profondeur... On avait envoyé, en novembre 2003, avant le dépôt du projet de loi, notre document. J'imagine que vous l'aviez reçu, à la commission.

Alors, rapidement la fédération est un organisme provincial qui existe depuis bientôt 30 ans cette année et qui lutte, depuis plusieurs années, sur plusieurs dossiers pour les familles monoparentales, améliorer leurs conditions de vie, dont évidemment ? ce qui est non négligeable ? tout le dossier des pensions alimentaires, la perception automatique, la médiation familiale, tout ce qui peut toucher de près ou de loin à la condition de vie et aux situations des familles monoparentales. Évidemment, le dossier de la fixation aussi des pensions alimentaires a été une préoccupation, et ça fait déjà depuis l'adoption de la loi qu'on est présentes au Comité de suivi et qu'on a évidemment apporté beaucoup de commentaires et de corrections. Et aussi on a suivi de près le dossier de la fixation. Alors, c'est pour ça qu'on tenait aussi, aujourd'hui, à apporter notre point de vue sur les modifications proposées par le gouvernement sur le projet de loi n° 21. Et donc évidemment la pension alimentaire est directement liée aux ruptures d'unions et vise également à perpétuer, après la dissolution du couple, la responsabilité des deux parents envers ses enfants. Donc, après la rupture, la pension alimentaire permet à deux adultes de continuer, malgré leurs différends, à voir au bien-être de l'enfant ou des enfants qu'ils ont eus ensemble.

Nous croyons sincèrement que la Table de fixations des pensions alimentaires pour enfants aide grandement à réduire les frustrations et les négociations qui entourent la séparation ou le divorce. Cependant, elle doit continuer à s'appliquer intégralement, c'est fondamental. En ce sens, nous croyons que la modification que vous proposez à l'article 587.2 ouvre une large brèche, pour ne pas dire la boîte de Pandore, en permettant, sur discrétion simple, de faire modifier le montant de pension versé pour les enfants sous prétexte qu'un autre enfant arrive ou est arrivé. Par contre, nous accueillons avec joie la modification à l'article 586 relativement à l'enfant majeur qui poursuit des études à temps plein.

Je vais laisser Claudette poursuivre plus en détail notre argumentation par rapport à ce pourquoi on est un peu en désaccord par rapport à l'article 587.

n(15 h 50)n

Mme Mainguy (Claudette): Alors, on ne peut pas être contre la vertu. C'est sûr que viser l'égalité entre tous les enfants, c'est un principe qui est très noble et très correct en soi, sauf qu'on considère que la modification qui est faite n'est pas nécessairement la meilleure avenue pour créer justement une égalité. Il y a un problème au niveau des familles recomposées. Il y a plusieurs problèmes. Disons qu'il y en a qui sont d'ordre fiscal plus que d'ordre légal. Enfin, il y a plusieurs mesures à prendre, qui pourraient être prises, pour donner une plus grande, disons, égalité entre tous les enfants que cette simple mesure qui finalement, à ce qu'on m'a dit, ne changera pas finalement grand-chose. Mais, si ça ne change pas grand-chose, pourquoi on le fait?

Alors, de notre point de vue, sur discrétion simple, comme ça devient par la modification, ça risque d'entraîner plusieurs changements, et puis je ne suis pas sûre que de déshabiller Pierre pour habiller Paul, c'est mieux. Je m'explique. Dans ce sens-là, c'est que, quand on fait le projet d'avoir... quand un couple fait le projet d'avoir un enfant, c'est un projet commun. Les gens sont tous d'accord pour évidemment se serrer la ceinture. On n'y pense même pas, qu'on va se serrer la ceinture, on fait un enfant parce qu'on veut un enfant. Un enfant, ce n'est pas une auto, ce n'est pas un voyage, c'est un enfant. Donc, c'est une volonté, c'est un projet, c'est un projet de couple. C'est un projet où il n'y a pas un paquet de monde nécessairement qui a à être d'accord avec ce projet-là, mais il n'a pas non plus à être pénalisé par ce projet là. Je ne sais pas si vous comprenez la différence en fait dans ce portrait-là.

Au Comité de suivi, on avait étudié diverses possibilités. On est arrivés avec une solution qui ne règle pas tout, loin de là, mais qui avait quand même une certaine valeur. On avait revu toutes ces propositions, toutes les propositions, dont celle qui est là aujourd'hui, puis finalement on avait opté pour autre chose. De penser qu'en modifiant ça on peut augmenter le taux de natalité... Je ne pense pas qu'on va faire des ? comment il s'appelait, le taureau, là? ? Starbuck avec les hommes du Québec par un projet pareil. C'est quand même mineur.

Une voix: ...

Mme Mainguy (Claudette): Pardon?

Une voix: ...

Mme Mainguy (Claudette): Oui. Ha, ha, ha! C'est quand même mineur, comme changement proposé, par rapport aux problèmes que ça peut apporter. En tout cas, c'est comme ça qu'on le voit. Pas qu'on soit contre le principe d'égalité entre tous les enfants, loin de là. Alors, je pense que...

On peut, si vous voulez, en parler. Vous avez des questions? Ou, si vous voulez...

La Présidente (Mme Thériault): Vous avez terminé votre exposé?

Mme Mainguy (Claudette): Oui.

La Présidente (Mme Thériault): Oui? D'accord. On va passer immédiatement à la période d'échange. Donc, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Bellemare: Oui. Alors, je désire tout d'abord vous souhaiter la bienvenue en commission parlementaire. Et j'irai tout de suite à l'article 587 relativement au fait que nous prévoyons retirer la notion de «difficultés excessives» de cet article. Vous nous donnez des exemples en disant: Oui, mais, quand on décide d'avoir des enfants, c'est un projet commun. C'est sûr, mais vous êtes très certainement au fait que, dans certains cas ? je ne dirai pas dans tous les cas, mais dans certains cas ? à cause du fait que le juge ne peut pas automatiquement tenir compte du fait que d'autres enfants soient nés dans le cadre d'autres unions de la part du même père ou de la même mère, à moins qu'on établisse des difficultés excessives, le juge n'en tient pas compte et que, dans certains cas où une personne refait sa vie avec d'autres enfants, il a eu d'autres enfants dans le cadre d'une autre union, on se retrouve avec un déséquilibre: le premier enfant ou les deux premiers enfants, qui, eux, sont considérés dans le cadre du jugement, ont droit à une pension établie par le barème, et les autres enfants ont droit à moins, ou en tout cas il y a moins de disponibilités budgétaires pour subvenir aux besoins des autres enfants qu'aux premiers enfants qui étaient déjà issus de la première union.

On fait face à cette difficulté et on a été saisis de cas où des jugements ont été rendus, établissant que les difficultés excessives n'avaient pas été prouvées. Le juge ne considérait pas les enfants qui étaient nés dans le cadre d'autres unions, et il y avait un déséquilibre qui avait été établi de façon très nette entre la capacité de payer pour les premiers enfants et celle retenue pour les autres enfants. Le juge n'en tenait pas compte parce qu'il n'y avait pas de difficulté excessive à ses yeux, des cas assez patents. Et ce qu'on essaie de régler par le biais du projet de loi n° 21, c'est ce déséquilibre, permettre au juge d'avoir discrétion pour en tenir compte tout en reconnaissant, à 587.1, que les barèmes seraient présumés applicables et que, dans le cas où le juge jugerait, là, qu'il y aurait matière à modifier la pension pour tenir compte de l'égalité des enfants ? parce que ce serait son guide, son principe ? il pourrait moduler la pension.

Pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec ça?

Mme Mainguy (Claudette): Le modèle prévoit une égalité économique. O.K.? C'est ce qu'on prévoit à l'intérieur du modèle. Le modèle ne tient compte que de l'égalité économique. Un couple avec un enfant a selon la table une capacité xyz qui est la part de monsieur et la part de madame, en tout cas une dépense estimée pour l'enfant. O.K.? À l'intérieur du couple recomposé, la même logique s'applique, c'est-à-dire que le revenu de monsieur qui est réduit de la pension alimentaire à payer et le revenu de madame donnent un montant qui est disponible pour l'enfant. Donc, c'est la même logique économique qui s'applique: on calcule selon la disponibilité. C'est ce qu'on faisait, c'est le raisonnement qu'on faisait au niveau du Comité de suivi.

On peut dire que, oui, monsieur, peut-être, parce qu'il paie une pension alimentaire, a moins d'argent pour le deuxième enfant, mais ça dépend toujours du noyau familial. S'il est recomposé avec une personne qui gagne un revenu supérieur ou en tout cas différent de la première épouse, on peut-u parler d'équité? Elle est où, l'égalité, là-dedans? Comment on va calculer ça? Est-ce qu'on va lui réduire... Parce que, là, on... Les tables font en sorte qu'on responsabilise les deux parents, qu'on ne fait pas intervenir des tierces personnes, alors que, là, on peut arriver à faire intervenir des tierces personnes parce que le niveau de vie de l'enfant, mettons, qui est venu le deuxième ? appelons-le comme ça... Si, mettons, monsieur vit avec une femme qui gagne beaucoup d'argent, c'est la même logique qui s'applique: l'autre enfant, là, qui est de lui aussi, il pourrait peut-être avoir plus, lui aussi. Est-ce qu'on va faire intervenir les revenus de ces personnes-là là-dedans? Comment ça va fonctionner? C'est ça qu'on ouvre, dans le fond. On ouvre toutes sortes de choses qui n'existaient pas puis on s'est bien gardé, dans les tables de fixation, de faire intervenir ces choses-là. C'est tout ça, là, qu'il faut voir comme il faut.

Oui, il y a des choses à corriger. Il y a des choses à corriger au niveau des politiques familiales, au niveau de la fiscalité parce qu'on reconnaît ces personnes-là assez rapidement comme un couple, on les traite comme un couple. On veut faire une équité par rapport aux couples qui sont ensemble puis qui n'ont jamais été séparés, mais pour eux autres ça crée des problèmes. Entre autres, par exemple, une mère qui se recompose avec un monsieur, qui, elle, a déjà des enfants, va perdre ses allocations familiales au moment de la recomposition parce qu'on va tenir compte du revenu familial. Un petit peu, c'est l'espèce de concept économique qu'on fait au niveau des tables aussi. Donc, il y a des pénalités là-dedans pour les gens qui se recomposent. Certains vont dire: Il y a une économie d'échelle. C'est vrai dans certains cas, mais ce n'est pas vrai partout. Donc, pour régler ce problème-là, pour permettre à ces gens-là d'avoir un meilleur avenir, parce qu'ils ont besoin d'avoir un meilleur avenir que ce qu'ils ont actuellement, ce n'est pas nécessairement le projet de loi n° 21 qui va faire le gros du chemin. Ça, ça ne fera pas gros de chemin. Ça risque juste d'ouvrir un paquet de portes puis un paquet d'ouvertures à toutes sortes d'affaires qu'on n'avait pas, des notions qu'on n'avait pas et qu'on avait tenues à l'extérieur des tables en ciblant les deux parents, point à la ligne.

M. Bellemare: Évidemment, on n'a pas la prétention que la situation actuelle ne permet pas de régler avec satisfaction l'immense majorité des cas. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a des cas, du fait des familles recomposées et re-recomposées ? parce qu'il y a des pères et des mères qui ont eu des enfants dans le cadre de plusieurs unions, deux puis des fois trois, des fois plus ? et, pour ces cas particuliers, il n'y a pas un barème véritablement qui peut répondre aux principes de l'égalité des enfants. Et ce qu'on estime, nous, c'est que la meilleure personne, celle qui est la mieux placée pour régler ces cas précis, particuliers, complexes, c'est le juge. Et, si on prend un exemple d'un... Parce que je pense que les difficultés surviennent davantage chez les débiteurs alimentaires peu fortunés. Ceux qui gagnent 150 000 $, 200 000 $ par année en général ont les moyens de faire vivre une très grosse famille, et ce n'est pas le fait de refaire sa vie puis d'avoir des enfants dans le cadre d'une autre union qui va changer beaucoup de choses, on s'entend là-dessus. Mais c'est surtout chez les débiteurs alimentaires qui gagnent 30 000 $, 35 000 $, 40 000 $ par année, avec trois, quatre enfants, que la situation devient plus difficile.

Mais est-ce que vous convenez du fait que le critère de «difficultés excessives» actuellement est tellement sévère et appliqué de façon tellement restrictive par les tribunaux que ça mène à des injustices dans certains cas? Vous êtes d'accord avec ça?

Mme Mainguy (Claudette): Oui, oui. Tout à fait. Tout à fait.

n(16 heures)n

M. Bellemare: Bon. Là, vous me dites: La fiscalité, le gouvernement... Mais est-ce que vous ne pensez pas qu'on pourrait apporter certaines solutions d'ordre législatif, comme on le fait actuellement avec le projet de loi n° 21, sans avoir recours nécessairement aux politiques gouvernementales plus générales, mais qu'on ne peut pas ici apporter une modification en permettant au juge de s'ouvrir à des réalités qui tiennent compte de besoins des tiers? Parce que vous parliez tantôt de besoins des tiers. J'en suis, mais là on ne parle pas du voisin, ou du propriétaire, ou de l'employeur, on parle des enfants de ce même débiteur alimentaire là, et les obligations alimentaires par rapport à ces enfants-là sont d'une grande importance.

Mme Mainguy (Claudette): Oui. Par rapport à ce débiteur, oui, ça, la notion n'est pas inintéressante. Mais on supporte quand même que les gens... Je veux dire, on ne se préoccupe pas qu'une personne assistée sociale a des enfants puis qu'elle est bien mal prise. Tu sais, on parle de revenus bas. Parlons de revenus bas. Ces gens-là, je veux dire, ça va changer quoi dans leur vie? Rien pantoute. L'égalité, on ne l'a pas là. On ne l'a pas.

M. Bellemare: Merci.

La Présidente (Mme Thériault): Ça va, M. le ministre? D'accord. Donc, je vais passer la parole au porte-parole de l'opposition officielle, le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, à vous deux, merci de venir faire vos recommandations sur cet important projet de loi qui, vous l'avez vu, a peu d'articles mais qui risque d'avoir des conséquences assez importantes sur la réalité familiale de beaucoup de familles au Québec.

Et, je vous dirais, à l'écoute de certains commentaires, nous avons vu quand même les risques dont vous avez fait mention aujourd'hui. Entre autres, l'Association des praticiens dans le domaine du droit matrimonial nous a fait part un peu des mêmes inquiétudes que vous manifestez, et là, au départ, ce qui semblait être l'égalité entre les enfants ? et c'est ce que je dis et je répète depuis une journée, là ? on parle plutôt de l'égalité versus un débiteur et qui n'est pas l'égalité réelle entre les enfants par rapport à la situation qu'ils vivent. D'ailleurs, l'exemple que vous donnez est assez parlant, et j'aimerais que tout le monde de la commission puisse bien comprendre, puis c'est souvent par des exemples, dans un domaine complexe, où on peut bien assimiler les notions plus complexes au niveau juridique.

J'aimerais que vous nous décliniez un peu l'exemple que j'ai lu dans votre mémoire, où vous prenez la même famille, un exemple d'ailleurs qui a été pris un peu plus tôt, dans une journée précédente d'audition. Nous avons un monsieur qui gagne 50 000 $ et une madame qui gagne 25 000 $, alors avec un revenu familial quand même intéressant de 75 000 $. Alors, j'aimerais ça que vous nous décliniez un peu l'exemple que vous prenez en nous donnant les conséquences que pourrait avoir le projet de loi, que vous pensez, et celles que vous êtes incapables d'évaluer.

Mme Mainguy (Claudette): Les exemples, c'est surtout pour faire comprendre: déjà, quand il y a une rupture, on ne peut plus parler d'égalité comme telle avec une autre famille. Une famille qui gagnerait 75 000 $, qui est ensemble, puis la famille qui gagnait 75 000 $ puis qui est séparée, on oublie ça, l'égalité entre les deux, elle n'existe plus.

M. Bédard: Pourquoi?

Mme Mainguy (Claudette): Parce qu'on ne pourra jamais compenser quand on vit à deux puis qu'on vit tout seul, chacun de notre bord. Il y a deux loyers, à tout le moins.

M. Bédard: Voilà. Il y a aussi le fait que, même en versant la pension, le monsieur quitte avec son salaire, évidemment qui est dans ce cas-ci le plus élevé, 50 000 $. La madame, qui a 25 000 $... Et, je vous dirais, c'est presque un cas type, là. On peut varier un peu, mais souvent, bon, le monsieur gagne plus. À ce moment-là, elle, la personne, la madame, se retrouve avec ses deux enfants, dans ce cas-ci avec la pension alimentaire que vous dites, 7 500 $, ce qui fait 25 000 $ plus 7 500 $, 32 000 $. Mais lui, le père, se retrouve encore, pour vivre seul, à ce moment-là, avec 42 000 $, encore avec plus. Il ajoute un enfant avec une autre personne. Peu importe ce que la madame gagne, si elle gagne encore 25 000 $, bien là ils ont un revenu familial de 42 000 $ plus 25 000 $, alors que la première madame, elle, elle vit encore avec le même montant, elle vit encore avec 25 000 $ plus 7 500 $, ça fait 32 000 $. Alors, c'est quoi, l'égalité, là-dedans?

Mme Mainguy (Claudette): Ça, c'est difficile. C'est un concept qui est louable, mais ce n'est pas facile à trouver. Puis ce n'est pas facile dans ces cas-là parce que, juste le fait d'une séparation, il n'y en a plus d'égalité entre les gens d'un même niveau économique, si on veut. On a créé une inégalité en partant.

L'exemple, il continue. Je veux dire, quand il se recompose, ainsi de suite, donc ça suit dans le temps un petit peu. C'est un projet... Demander aux premiers, ça peut être une nécessité dans certains cas. Mais est-ce que ça l'est dans la majorité des cas? C'est ça qu'il faut se demander. Peut-être que les juges auraient pu avoir une implication plus... ou plus d'ouverture vis-à-vis certains cas où il y avait vraiment un besoin. Mais est-ce qu'on va modifier ça pour certains cas où il y avait un besoin? Je ne sais pas.

M. Bédard: C'est la crainte effectivement que vous avez, parce que vous avez participé au comité, Mme Mainguy.

Mme Mainguy (Claudette): Oui, depuis ses débuts.

M. Bédard: Vous avez participé au comité qui a fait les recommandations, et vous participez toujours ? c'est ça, oui ? et vous avez vu, bon, les différentes possibilités. Il y a différentes suggestions qui sont faites pour éviter finalement d'améliorer le critère de nature excessive, là, celui qui fait en sorte que parfois les mauvais cas... ou l'application de ce critère-là va empêcher la correction de cas qui le devraient.

Mme Mainguy (Claudette): L'être.

M. Bédard: C'est ça. Quelle est selon vous d'abord... Et, si le projet de loi ne rencontre pas selon vous les réflexions du comité, quelle est selon vous, dans les recommandations qu'il y a dans le rapport, qui, elles, ces recommandations... qui, elle, oui, rencontrerait mieux la recherche d'une meilleure justice, là, pour les enfants, pour les familles?

Mme Mainguy (Claudette): Il y avait une mesure qui prévoyait... dans le cas d'une rupture, mais on était bien conscients ? tous les gens du comité pourraient vous le dire, il y en a quelques-uns ici ? que ce n'était pas parfait non plus. Donc, à quelque part il y a encore lieu de réfléchir là-dessus et de penser à comment on peut régler ça. Il faut avoir une vue d'ensemble, il faut avoir une vue qui est plus large que la simple vue juridique de corriger quelque chose que... Oui, ça se peut qu'il y ait des cas que... Bon. Il y en a des cas aussi au niveau de la justice administrative, des gens, des pères qui justement ont perdu leur emploi ou en tout cas qui ont des besoins puis qu'on n'est pas capable de combler non plus parce que ça coûte trop cher puis ils n'ont pas de moyens d'exercer ça. Il y en a plein, de cas, là, où il y a des choses à regarder. Ce qui serait l'idéal, ce serait de regarder ça, mais dans une perspective plus large, en ayant tous les paramètres, tous les paramètres qui influencent puis qui font en sorte que les gens ont des moins bonnes qualités par rapport à d'autres parce qu'ils sont recomposés, et ainsi de suite. Donc, c'est ça qu'il faut voir.

M. Bédard: Oui, puis c'est le but. Là, on a un projet de loi par contre puis on dit: Bon, bien comment on peut améliorer la chose sans faire pire, finalement? Et là c'est la peur que j'ai, je vous dirais, actuellement, depuis que j'ai entendu...

Des voix: ...

M. Bédard: On ne s'entend plus. Depuis qu'on est dans l'audition de certains mémoires, j'ai peur que nous réalisions pire avec ce projet de loi là, si ce n'est que l'affluence qu'il va y avoir devant les tribunaux suite à l'adoption d'une mesure aussi large que la discrétion judiciaire en matière de fixation, multipliée, je vous dirais, à l'ouverture d'un critère aussi restrictif, à une situation maintenant aussi large qui peut... Même les avocats sont venus nous dire, certains avocats sont venus nous dire: Écoutez, l'introduction d'un tel critère va amener le tribunal à, dans tous les cas, diminuer, s'il y a la naissance d'un autre enfant... Parce que l'article peut être interprété de cette façon-là. Du moins, il va y avoir une demande, c'est presque sûr, et on saura, en bout de piste, quels sont les critères, alors d'où ma réflexion de dire en même temps: Par contre, il y a des situations, on le sait, qui ne vont pas dans le sens commun, et on souhaiterait faire en sorte que l'article, tel qu'il est, s'applique autrement.

Est-ce que, avec la modification telle qu'elle est prévue à l'article 580, à l'article 2 du projet de loi, finalement, si on ajoutait un critère plus élevé que celui de la simple discrétion, au lieu du «peut» qui invite le tribunal à adjuger, là, en mêlant plein de choses et, nous, en n'ayant aucune prévisibilité comme législateurs... Et, moi, vous savez, je veux bien avoir confiance aux juges, mais il y a la séparation des pouvoirs, puis, à partir du moment où c'est réglé, bien eux administrent, et je n'ai pas le goût d'attendre cinq ans pour voir un paquet d'autres injustices qui vont avoir beaucoup de conséquences auprès des familles. Alors, moi, je vous dirais que ma prudence m'amènerait plutôt à fermer ce critère, donc à le faire passer à excessif dans les cas plus particulièrement, je vous dirais, d'obligation qui vient de l'arrivée de d'autres enfants, à un critère plus élevé qui n'est pas par contre excessif, qui impose des obligations excessives.

Et on me disait: Est-ce que, par exemple, le Barreau... ou plutôt l'Association... Mais maintenant le Barreau, ils nous ont transmis une lettre d'ajouter le critère des difficultés. Est-ce que vous pensez que cela aurait pour effet justement d'empêcher une utilisation à outrance de la discrétion judiciaire?

n(16 h 10)n

Mme Mainguy (Claudette): C'est parce qu'on ne sait jamais comment... Quand le concept de «difficultés excessives» a été pensé, disons que je pense que ce n'était pas absolument fermé de dire que, là, difficultés excessives, c'est fini, on ne règle rien avec ça. Je veux dire, c'est tout refusé. Ce n'était pas ça, l'idée, non plus. Ça a été traité comme ça par les juges. Donc, on ne sait pas comment les juges vont ramener ça. La discrétion qu'ils ont là, on ne sait pas comment ça va se ramener dans les faits, donc...

Je ne suis pas prophète, là, mais je trouve qu'on prend un grand risque quand même. On prend un grand risque de déshabiller Paul pour habiller Pierre, puis ça, ça me déplaît. On ne peut pas trouver ça correct si ça se fait dans tous les cas, alors que c'est comme des cas extrêmes qu'on voudrait qui ne se passent pas. Comprenez-vous? Il ne faut pas légiférer pour l'ensemble quand ça va bien dans l'ensemble puis que c'est peut-être quelques cas où il faut vraiment faire quelque chose. Mais on a encore beaucoup à penser, beaucoup à réfléchir pour arriver à une certaine égalité entre les enfants, en tout cas, ça, définitivement. Mais votre idée est bonne.

M. Bédard: Ah! bien en tout cas c'était une des façons, je me disais, de tenter du moins d'amoindrir effectivement l'impact que pourrait avoir une telle disposition, là, et de faire comprendre, par le biais de la législation, que maintenant, là, ce n'est pas parce qu'on a changé de critères que tout le monde peut faire leur demande et que c'est accepté maintenant comme une règle que la naissance d'un enfant amène obligatoirement une révision, et ce que pourrait laisser croire... Et je vous dirais même de garder selon moi le caractère exceptionnel. Que le père puisse refaire sa vie, vous savez, ce n'est pas le problème des enfants du premier mariage, ça, là. Et là on semble faire reporter sur eux et...

Par contre, en même temps il y a l'autre chose aussi, c'est qu'on ne peut pas faire reporter sur les enfants des décisions qu'ont prises leurs pères ? et là je parle des deuxièmes. Alors, il y a toute cette problématique-là, comment on peut faire bien. Et le père a beau, je vous dirais, être un peu irresponsable, en sachant les conséquences que ça pourrait avoir, il continue quand même, je vous dirais, à faire ça sans assumer ces obligations qu'il a par rapport au premier enfant. Mais, moi, je ne veux pas non plus arriver puis imposer cette irresponsabilité aux nouveaux enfants. Alors, il faut trouver une façon finalement d'éviter que ce critère-là de l'excessivité, tel qu'il a été appliqué et tel que vous le disiez... Il n'a pas été pensé dans l'idée de restreindre tout le temps. Et par contre il a été appliqué. Parce qu'il faut dire quand même qu'«excessif», c'est un qualificatif qui est quand même assez fort, là. Alors, comment le ramener entre la discrétion et l'excessivité? Alors, on avait pensé à «difficultés». Si vous pensiez à d'autres qualificatifs qui rejoindraient...

De ce que je comprends en même temps aussi, la réflexion et l'apport que vous avez eus à l'intérieur du comité, là, ce n'était pas votre volonté d'ouvrir ce critère-là à tous vents, là. Ça n'a jamais été votre réflexion là-dessus.

Mme Mainguy (Claudette): Si je me rappelle ? en tout cas, les gens pourraient me corriger, il y en a qui étaient sur le comité, ici ? dans un premier réflexe, les nouvelles personnes qui arrivaient sur le comité avaient ce réflexe-là de dire: Bien là l'égalité pour tous les enfants, là, non, non, non, ça ne marche pas, votre affaire. Vous hiérarchisez les enfants, ça ne marche pas. Puis, à force d'en parler ? il y a beaucoup de réflexion à faire là-dessus ? à force d'en parler, ils le voyaient différemment. Parce que le modèle prévoit, comme je disais tantôt, une égalité économique. À l'intérieur d'un même noyau, c'est le même traitement. Puis ça, c'est vrai encore aujourd'hui, sans les changements, c'est toujours vrai. À l'intérieur d'un même noyau, c'est toujours la même réalité. C'est une réalité économique. Il n'y a pas que la réalité économique dans la vie, là. Le modèle, c'est ça. C'est l'aspect économique de la chose.

La Présidente (Mme Thériault): Merci. Donc, je vais céder la parole à la députée de Terrebonne. Mme la députée.

Mme Caron: ...Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup, Mme Lévesque. Merci beaucoup, Mme Mainguy. Vous avez participé aux travaux donc au comité. Donc, dans ce que vous avez participé au niveau des décisions, les consultations, ce n'était pas dans ce sens-là, là, que vous souhaitiez du tout aller. En fait, si je résume, vous êtes d'accord du côté des enfants majeurs, mais vous dites: Le système actuellement a mis, avec l'arrivée des tables, la fixation des tables des pensions alimentaires, une équité, une stabilité, et donc c'est du connu, c'est du connu autant pour le débiteur que pour la personne qui reçoit la pension alimentaire. Les gens travaillent sur du connu, ils savent à quoi s'attendre. S'ils prennent des décisions avec une nouvelle famille ou une troisième famille, les règles du jeu sont connues. Ce que la proposition vient apporter au nom d'un principe intéressant, l'égalité des enfants, ça nous amène sur de l'inconnu, de l'inconnu parce que ça dépend de la discrétion du juge, ce qu'on voulait éviter carrément avec l'arrivée de la table de fixation des pensions alimentaires. C'est à ça qu'on voulait mettre fin. Donc, on a mis fin à ça, mais là on va réouvrir la porte par cette discrétion-là qu'on donne, donc on tombe dans l'inconnu.

Au niveau du principe d'égalité économique, c'est évident, là, que, même avec la même famille traditionnelle, si j'ajoute un enfant, un troisième enfant ou un quatrième enfant à la famille, c'est évident que je vais venir restreindre, là, l'égalité des enfants. Ils n'auront pas droit aux mêmes choses. Si je décide que j'ai trois enfants, ou quatre enfants, ou cinq enfants dans la même famille, là, sans séparation, c'est évident que je sais qu'en décidant d'avoir d'autres enfants je viens de changer, là, la situation économique des enfants.

C'est aussi vrai, ce que vous avez dit, que lorsqu'un nouveau couple se crée. Autant c'était vrai, pour le premier couple vivant ensemble en union stable, de dire: Est-ce qu'on a un troisième enfant ou un quatrième enfant?, c'est aussi vrai pour le nouveau couple qui se crée après une rupture. À partir de notre situation économique puis de nos décisions de couple... se poser la question: Est-ce qu'on a un enfant? Donc, les règles sont quand même connues. Donc, on risque de complètement déstabiliser...

Dans les suggestions que vous avez étudiées, vous nous dites: Par rapport à cet élément-là, dans le fond on n'est pas prêts à prendre une décision. C'est ça que vous nous dites. Vous dites: On ne l'a pas, la solution réelle pour assurer une égalité non seulement économique des enfants, mais une égalité, donc on est mieux d'attendre de trouver une véritable solution que d'imposer une solution qui vient ramener une instabilité qu'on avait réussi à régler mais qui vient en recréer une nouvelle et qui va avoir des conséquences.

Moi, je voudrais vous entendre sur... Parce que, effectivement, s'il y a une révision, par rapport à la pension alimentaire, en tenant compte des besoins des nouveaux enfants, c'est évident que cela ne vient aucunement changer les besoins réels qui avaient été identifiés lors de la fixation de la première pension alimentaire.

Mme Mainguy (Claudette): Les habitudes prises depuis que cette pension-là est donnée, là, aussi.

Mme Caron: Ça ne viendra pas changer le coût du loyer pour les premiers enfants, hein? Ils vivent dans une maison, puis le loyer ne changera pas parce que, là, il faut changer la pension alimentaire. Les besoins qui avaient bel et bien été identifiés, c'étaient des besoins réels, et là ces besoins-là vont demeurer, mais la pension alimentaire, elle, risque d'être diminuée pour répondre à ces besoins-là. Alors, ça aussi, c'est de recréer une autre forme d'inégalité pour les enfants en ne répondant plus aux besoins des premiers à qui on répondait.

Mme Lévesque (Sylvie): C'est un peu ce que Claudette disait tantôt. Quand le ministre dit: Comme on ne peut pas toucher à tout, on ne peut pas faire réviser la fiscalité, la politique familiale, et tout ça, on va y aller par des mesures législatives, mais là en même temps effectivement, si d'un côté, avec ce qui va être fait, ça déstabilise tout au complet, bien, à notre point de vue, il faut avoir une vision beaucoup plus macro, plus large au niveau de l'ensemble des familles. Quand on parlait des familles recomposées, il y a des impacts fiscaux importants, puis on en est bien conscients, de ça. Donc, pourquoi pas continuer la réflexion puis essayer de voir justement qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer cette situation-là ? on sait déjà qu'il y en a plusieurs qui n'ont même pas de pension alimentaire aussi, hein, qui n'est même pas là; il y en a qui le font, là, mais il y en a qui n'en ont même pas ? et plutôt travailler sur l'éducation ou la responsabilisation des pères que, à notre point de vue, de refaire effectivement quelque chose qui va déjà déstabiliser des situations qui sont actuellement déjà aberrantes? Donc, continuons la réflexion ? un peu comme le comité, on n'a pas de solution ? mais faisons-la collectivement pour vraiment améliorer la situation.

Les familles recomposées, comme on disait, comme le revenu familial est considéré quant au niveau de la fiscalité, bien c'est peut-être un problème. Il faut peut-être revoir ça. Il faut peut-être justement revoir comment ça se fait, parce que, effectivement, quand les femmes décident de se recomposer, elles le savent, sauf qu'il y a des impacts financiers importants. Elles y perdent, en deuxième puis en troisième union, ce qui fait que dans ce sens-là c'est pour ça qu'on dit, nous: Continuons à réfléchir.

n(16 h 20)n

Mme Caron: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire... Parce que, en fait, on nous a annoncé qu'on devait déposer une politique familiale, une politique familiale globale. On nous a annoncé qu'on devait déposer aussi un plan de lutte à la pauvreté. Donc, est-ce que vous iriez jusqu'à dire: Bon, cet élément-là, mettez-le de côté, attendons d'avoir vu la politique familiale, le plan de lutte à la pauvreté pour essayer d'ajuster des mesures qui viendraient assurer cette égalité-là des enfants?

Mme Lévesque (Sylvie): Mais ça va servir à qui, cette nouvelle mesure-là, en fait? C'est ça qu'il faut se poser comme question, là. Ça va améliorer quelle situation? Ça va aider qui, cette nouvelle chose là? Donc, c'est pour ça qu'on dit: Oui, effectivement il faut avoir une vue nette, plus globale, puis tentons de l'améliorer, là, de trouver d'autres solutions que celle-ci.

La Présidente (Mme Thériault): Est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté ministériel? Non? D'accord. Donc, Mme Lévesque, Mme Mainguy, merci beaucoup. Nous allons suspendre quelques instants les travaux pour permettre à la Protectrice du citoyen de s'approcher.

(Suspension de la séance à 16 h 21)

 

(Reprise à 16 h 24)

La Présidente (Mme Thériault): Nous allons reprendre nos travaux, et, avant de passer la parole au prochain groupe, le ministre m'a signifié son intention de déposer un document. M. le ministre.

M. Bellemare: Alors, merci, Mme la Présidente. J'aimerais déposer ici une correspondance que j'ai reçue de Mme Diane Lavallée, qui est présidente du Conseil du statut de la femme, correspondance datée du 11 décembre 2003 et qui porte spécifiquement sur le projet de loi n° 21 qui est actuellement à l'étude. Alors, j'aimerais produire des copies pour les membres de la commission.

Document déposé

La Présidente (Mme Thériault): Merci. Merci, M. le ministre. Donc, sans plus tarder, je vais passer la parole à la... le Protecteur du citoyen. Mme Pauline Champoux-Lesage, la parole est à vous. Vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire.

Protecteur du citoyen

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Je suis accompagnée de mon conseiller juridique, Me Jean-Claude Paquet, et de Mme Rita Baillargeon, qui est plus particulièrement responsable de tout le dossier des pensions alimentaires chez nous. Alors, merci de nous avoir invités.

Le modèle québécois de fixation des pensions alimentaires a maintenant sept ans, me dit-on, et il me semble bien que la reconnaissance de l'égalité de traitement de tous les enfants demeure une préoccupation, préoccupation bien légitime, il va de soi. Le gouvernement s'apprête donc à apporter des ajustements au Code civil pour tenir compte des nouvelles réalités familiales. Comme témoin privilégié des problèmes vécus par les citoyens et les citoyens parents, le Protecteur du citoyen est au fait des difficultés particulières qu'éprouvent les parents, qu'ils soient débiteurs, créanciers ou encore conjoints d'un débiteur alimentaire. Aussi, je me permettrai de formuler quelques commentaires dont certains, même s'ils vont parfois au-delà des modifications proposées dans le projet de loi, n'y sont pas moins reliés.

D'abord, en ce qui concerne l'enfant majeur à charge, les modifications proposées à l'article 1 du projet de loi mettent un terme à la différence de traitement à l'endroit de l'enfant majeur à charge selon que l'on applique les règles prévues à la Loi sur le divorce ou celles du Code civil du Québec. Ainsi, dans les situations de droit civil ? séparation, nullité de mariage, conjoints de fait ? le parent gardien pourra dorénavant exercer un recours alimentaire au nom de cet enfant.

En plus d'uniformiser le traitement de tous les enfants majeurs à charge, cet amendement a l'avantage d'enlever au jeune le fardeau d'une poursuite judiciaire à l'encontre de son père ou de sa mère. Il y a donc moins de risques qu'un enfant soit privé de ses droits en raison de l'affection qu'il porte à ses parents et, par voie de conséquence, des réticences qu'il pourrait avoir à les poursuivre.

Les modifications maintenant au Code de procédure civile, plus particulièrement les articles 3 et 4. On le sait, les enfants au sein d'un couple grandissent, d'autres enfants naissent, les capacités de payer des parents augmentent ou diminuent. Bref, l'expérience a montré qu'une ordonnance pour aliments est souvent révisée en raison des changements qui surviennent dans la vie des familles. Or, il est certes plus facile de pouvoir s'appuyer sur des écrits pour mesurer l'évolution d'une situation, et en ce sens la proposition de conserver les formulaires me semble opportune. Par ailleurs, il est aussi prudent d'indiquer dans ce même formulaire les motifs invoqués pour justifier une dérogation aux règles de fixation.

L'article 2 du projet de loi prévoit des modifications à l'article 587.2 du Code civil du Québec, qui traite des dérogations aux barèmes de fixation des pensions alimentaires. Pour bien comprendre les effets et l'impact des modifications proposées, il importe en premier lieu d'examiner les principes qui sous-tendent notre droit en matière d'aliments. Le grand principe en matière d'obligation alimentaire se retrouve à l'article 585 du Code civil. Je cite: «Les époux de même que les parents en ligne directe au premier degré se doivent des aliments.»

En ce qui concerne l'obligation alimentaire des parents à l'égard de leurs enfants, c'est l'article 587 qui pose le principe. Je cite: «...la contribution alimentaire parentale de base, établie conformément aux règles de fixation des pensions alimentaires pour enfants [...] est présumée correspondre aux besoins de l'enfant et aux facultés des parents.» Cette disposition crée une présomption qui peut cependant être renversée, comme le prévoit l'article 587.2. Tout le litige découlant de l'application des barèmes a pour origine l'application et l'interprétation de cet article qui permet une demande de dérogation aux barèmes et laisse une grande place à la discrétion des tribunaux.

Dans l'état actuel du droit, le tribunal peut augmenter ou réduire la contribution alimentaire déterminée selon les barèmes s'il estime que son maintien entraîne pour l'un ou l'autre des parents des difficultés excessives. Ces difficultés doivent être reliées au contexte familial et peuvent résulter, entre autres, d'obligations alimentaires assumées à l'endroit d'autres personnes que l'enfant visé par la demande. Cette notion de «difficultés excessives» fait exception aux règles de fixation. Il faut donc une preuve spécifique à cet effet. Jusqu'à maintenant, cette preuve a été interprétée de façon plutôt restrictive par les tribunaux.

L'amendement proposé à l'article 2 du projet de loi prévoit que le tribunal pourra dorénavant diminuer ou augmenter la valeur des aliments du seul fait de l'existence d'obligations alimentaires à l'égard d'autres enfants, autres que ceux visés par la demande. En d'autres termes, le juge pourra tenir compte des besoins des enfants issus d'une autre union dissoute ou encore des enfants issus de l'union actuelle. Cette discrétion s'exercera sans qu'il soit nécessaire d'établir que l'ensemble des obligations alimentaires pour enfants entraînent des difficultés excessives.

Voici le libellé de l'alinéa ? vous le connaissez bien: «La valeur de ces aliments peut toutefois être augmentée ou réduite par le tribunal [...] en considération, le cas échéant, des obligations alimentaires qu'a l'un ou l'autre des parents à l'égard d'enfants qui ne sont pas visés par la demande.» Il semble évident que l'intention du législateur, en proposant cet amendement, est de favoriser l'égalité de traitement de tous les enfants issus d'un même parent, et, moi, je ne peux qu'abonder dans ce sens. Il s'agit après tout de demi-frères, de demi-soeurs, et la solidarité familiale doit être encouragée.

n(16 h 30)n

Dans ma compréhension du nouveau texte, je tiens pour acquis que l'utilisation des mots «en considération» constitue une garantie quant au degré de preuve requis pour bénéficier de la dérogation. En effet, il ne faudrait pas que la nouvelle disposition se révèle une voie expresse pour déroger aux règles de fixation des pensions alimentaires édictées en application du Code de procédure civile. C'est bien la compréhension que j'ai du libellé du projet de loi.

J'aimerais maintenant aborder une problématique récurrente qui est portée à l'attention du Protecteur du citoyen depuis de nombreuses années et qui touche les débiteurs et les créanciers d'une pension alimentaire et, de façon subsidiaire, les nouveaux conjoints. Je veux parler ici des problèmes relatifs à la révision des pensions alimentaires qui doit nécessairement se faire par voie judiciaire, entraînant dans plusieurs cas des délais et des coûts importants. Les problèmes reliés à la judiciarisation des procédures ont pris une ampleur inégalée depuis quelques années. Les parents changent d'emploi, perdent leur emploi, deviennent travailleurs autonomes, optent pour une garde partagée pendant un certain temps, retournent aux études, mettent au monde un nouvel enfant, bref les motifs justifiant une révision de la pension sont nombreux.

Selon ses projections 2003-2004, la Direction principale de la perception des pensions alimentaires prévoit recevoir plus de 31 000 modifications de jugement. Et, dans son rapport complémentaire de juin 2003, le Comité de suivi du modèle québécois de fixation des pensions alimentaires pour enfants consacre tout un chapitre à ce problème d'accès à la justice dans le cadre d'une révision de la pension alimentaire.

Je me permets de vous en lire un extrait: «La complexité du recours actuel, son coût élevé et les délais requis font en sorte que la modification des pensions alimentaires constitue une problématique pour plusieurs justiciables. La Fédération des associations coopératives d'économie familiale a soulevé le cas des parents ayant de faibles revenus qui subissent un changement majeur dans leurs revenus ? par exemple, une perte d'emploi ou une grève ? et qui sont assujettis au régime universel de perception des pensions alimentaires. Ils ne sont pas admissibles à l'aide juridique et n'ont pas les moyens d'entamer des procédures de révision. Le percepteur du ministère du Revenu ne peut réduire le montant, l'annuler ou le suspendre puisqu'il doit percevoir les aliments accordés sous forme de pension en vertu d'un jugement.

«Il faut aussi penser aux cas où il y a entente entre les parties pour modifier les conditions de la garde des enfants, les droits de visite [...] de sortie [...] pension alimentaire. Pourquoi le système judiciaire actuel ne serait-il pas ajusté pour répondre aux besoins des parents qui ont déjà suffisamment de problèmes à [résoudre] à la suite de leur rupture? Par exemple, ceux qui ont une entente de médiation et qui doivent soit entreprendre des procédures par eux-mêmes, chose difficile à faire dans le contexte actuel, soit recourir aux services de professionnels en assumant les coûts correspondants.»

Pour ma part, je reçois des plaintes de citoyens à cet égard. Je vous donne quelques exemples, j'en donne deux. Au regard de la révision de la pension, par exemple, le citoyen conteste ne pouvoir faire modifier sa pension de façon administrative lorsque survient une baisse de ses revenus. Il a perdu son emploi, il est présentement en attente de prestations d'assurance salaire. Il a une nouvelle conjointe avec qui il a deux enfants. Il ne s'entend pas avec son ex-conjointe et n'a pas d'argent pour retourner devant le juge. Que faire?

Au regard d'une suspension, le citoyen conteste le fait que sa pension ne puisse être suspendue automatiquement pour la période où il doit payer pour le placement de sa fille en protection de la jeunesse. Il a une retenue à la source de 320 $ par mois pour la pension au bénéfice de ses deux enfants. Il doit également verser 230 $ par mois pour une contribution parentale aux fins du placement. Il trouve exagéré de devoir payer deux fois pour le même enfant en plus de payer pour faire suspendre la pension.

Ces problèmes ne sont pas nouveaux. Le Protecteur du citoyen est intervenu à maintes reprises pour faciliter la vie des ex-conjoints et tenter d'assouplir les mécanismes pour les demandes de révision et de suspension des ordonnances alimentaires. Il y a eu une intervention en 1993, il y en a une autre en 1997, mais, en 2004, il faut bien l'admettre, la situation n'est toujours pas réglée. Je profite donc de cette commission pour revenir sur cette problématique. Je suis d'avis qu'il est urgent de réagir si l'on ne veut pas que des créanciers soient pénalisés ou que des débiteurs se découragent et cessent complètement de payer. Dans un cas comme dans l'autre, ce sont alors les enfants qui en feront les frais.

S'il est louable de mettre en oeuvre des programmes sociaux innovateurs, comme le régime universel de perception des pensions alimentaires, il ne faudrait pas que leurs effets bénéfiques soient atténués par une mécanique trop lourde. Il semble donc opportun que les décideurs se penchent sur ces problèmes d'accès à la justice afin d'examiner des pistes de solution soit par le biais de l'aide juridique, des services de médiation ou encore d'une révision administrative.

On le sait, dans tous les tribunaux, tant administratifs que judiciaires, se développe, depuis quelques années, l'utilisation de modes alternatifs de résolution de conflits. Qu'il suffise de mentionner, à titre d'exemples, la conciliation au Tribunal administratif du Québec et à la Commission des lésions professionnelles, la médiation aux Petites créances et même à la Cour d'appel. L'expérience montre que bien des audiences sont ainsi évitées, à la satisfaction de toutes les parties. En matière familiale, la médiation est déjà instaurée et connaît du succès, et il y aurait peut-être lieu d'élargir son rôle au moment de réviser l'une ou l'autre des conditions accessoires au divorce ou à la séparation. De plus, dans les cas où la suspension temporaire de la pension s'impose en raison du placement d'un enfant en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, n'y aurait-il pas lieu de permettre une révision administrative?

À l'heure où s'amorce une réforme de l'aide juridique et dans l'esprit qui a animé la réforme du Code de procédure civile en 2002, alors qu'on a posé comme principe directeur qu'il entre dans la mission des tribunaux de favoriser la conciliation, particulièrement en matière familiale, esprit qui inspire également la révision de la Loi sur la justice administrative, le moment ne peut être plus propice pour initier ce questionnement, particulièrement en matière alimentaire.

Alors, en conclusion je considère que le projet de loi n° 21 apporte des améliorations intéressantes et susceptibles de rendre plus équitable pour les enfants la fixation des pensions alimentaires, mais je crois qu'une réflexion s'impose pour tenter de solutionner les difficultés vécues à la fois par les créanciers et les débiteurs, qui se retrouvent souvent dans une situation financière précaire. Je vous remercie et je suis disponible pour répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Thériault): Merci beaucoup, Mme Champoux-Lesage. Et, sans plus tarder, je vais passer la parole au ministre.

M. Bellemare: Alors, permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour votre présence et féliciter Me Paquet et Mme Baillargeon pour avoir contribué aux travaux de la Protectrice relativement aux pensions alimentaires. Et je dirigerai tout de suite la commission vers la page 5 de votre mémoire où vous tenez des propos qui sont un peu ambigus dans mon esprit. J'aimerais que vous me rassuriez là-dessus. Vous dites, et je cite: «Dans ma compréhension du nouveau texte ? en parlant de 587.2 ? je tiens pour acquis que l'utilisation des mots "en considération" constitue une garantie quant au degré de preuve requis pour bénéficier de la dérogation. En effet, il ne faudrait pas que la nouvelle disposition se révèle une voie expresse pour déroger aux règles de fixation des pensions alimentaires édictées en application du Code de procédure civile.» Bien, c'est également notre souhait, que ce ne soit pas une voie expresse pour déroger aux règles, et en ce sens, nous, on considère que la présomption prévue à 587.1 est un élément à considérer, et également l'expression «en considération».

Mais j'aimerais avoir votre opinion également là-dessus, parce que c'est un peu interrogatif comme affirmation, là. Vous dites que vous prenez pour acquis que l'utilisation... Mais votre opinion là-dessus, est-ce que c'est qu'«en considération» ainsi que la présomption constituent des remparts suffisants pour garantir le fait qu'il n'y aura pas une modification des pensions automatiquement, du fait de la naissance d'un autre enfant?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, moi, c'est l'interprétation que je lui donnais. C'est que, dans ma compréhension, la compréhension que je fais, c'est que c'est sous-entendu que ce n'est pas automatique et que... J'écoutais tout à l'heure et je me disais: Pour moi, la lecture que j'en fais, c'est que ce sont d'abord les règles de fixation de pensions alimentaires qui prévalent, sauf qu'on a voulu tenir compte d'une manière particulière des nouveaux enfants. Je trouve que ça, c'est une mesure qui est équitable mais que ce ne sera pas automatique. Autrement dit, on va prendre en considération l'ensemble de la situation familiale des deux conjoints, des gens.

M. Bellemare: O.K.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Ma compréhension est bonne?

M. Bellemare: Oui.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Je ne sais pas si M. Paquet veut ajouter quelque chose.

M. Bellemare: Me Paquet? Je ne sais pas, moi. C'est parce que ça semblait un peu ambigu, et je me disais: Est-ce que vous vous en remettez à nous, quant à l'interprétation, ou si vous partagez la même interprétation que nous, à savoir que les termes utilisés dans le projet de loi sont suffisants pour garantir qu'il n'y aura pas d'ouverture systématique des ententes?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Je voulais voir confirmer ma compréhension. Autrement dit, je rendrais explicite la compréhension que j'avais de la lecture de l'article. Ça semble être la même que la vôtre. Ça semble susciter des interrogations ou des inquiétudes chez d'autres partenaires, là, chez d'autres groupes.

M. Bellemare: Est-ce que le Protecteur... la Protectrice, pardon, du citoyen intervient sur plainte relativement à des pensions? Quelle est votre juridiction quant à la perception des pensions alimentaires? Est-ce que vous êtes... Est-ce que certaines plaintes sont portées à votre attention? Est-ce que vous avez le pouvoir d'intervenir dans ce domaine-là?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Dans le domaine de la perception des pensions alimentaires? Oui, nous gérons les plaintes qui nous parviennent des citoyens et des citoyennes, alors les plaintes tout autant de débiteurs ou de créanciers. C'est souvent sur l'application, la façon dont c'est géré, dont la perception est faite au ministère du Revenu.

M. Bellemare: Parfait. Quant au droit pour un parent d'agir au nom de son enfant majeur, est-ce que certaines injustices ont été portées à votre attention, du fait qu'actuellement des enfants qui ne sont pas issus d'un couple marié ne peuvent pas permettre à l'un de leurs parents d'agir en leur nom pour des fins alimentaires? Parce que, actuellement, le Loi du divorce permet que des conjoints séparés, après avoir été unis par le mariage, puissent agir au nom de leurs enfants majeurs, mais ce n'est pas possible pour les enfants issus de parents non mariés ou de parents unis par l'union civile, par exemple.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Non, on n'a pas eu de plainte à cet effet-là, mais je trouve que la proposition qui est faite est tout à fait juste et équitable, de traiter l'ensemble des enfants majeurs de la même manière.

M. Bellemare: Merci.

n(16 h 40)n

La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Je vais passer la parole maintenant au porte-parole de l'opposition officielle. Je reviendrai, s'il y a d'autres questions, du côté ministériel. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Alors, merci de votre présence. Je reviendrai sur l'idée de la compréhension. Effectivement, là, plusieurs mémoires nous ont soulevé des questionnements assez profonds sur l'interrogation que pourrait avoir cet article et qui, sans autre balise, pourrait amener finalement, là, beaucoup... Du moins, là, en termes de prévisibilité, il est très difficile, à l'étape où on se parle... Je pourrais vous donner mon opinion aussi comme juriste, mais qu'est-ce qui va arriver, ce n'est pas clair pour personne. Et même le Barreau nous a dit: Dans tous les cas, il peut se dégager une interprétation, mais la Cour d'appel va finir par trancher. Sauf que, là, on parle de délais importants, d'argent.

Et, vous l'avez vu, vous le mentionnez dans votre mémoire, la révision, de toute façon, et toute utilisation du processus judiciaire amènent des coûts énormes. Entre autres, un des aspects est celui où, la personne, à l'inverse, qui perd son emploi, est en situation de grève ou peu importe, lock-out ou... arrive un fait où sa situation change dramatiquement dans un temps imprévisible, là. À ce moment-là, cette personne, actuellement est-ce qu'elle a la possibilité, autrement que se pourvoir en révision... Est-ce qu'elle a le moyen, un moyen plus léger de voir sa pension diminuer en considération de la réalité qu'elle vit?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Non, non. Le moyen, il faut qu'elle fasse revoir sa pension, et c'est un peu... J'ai voulu intervenir parce que c'est un élément qui est majeur, parce que des gens se retrouvent dans des situations financières précaires et n'ont pas les moyens de faire modifier leur situation.

M. Bédard: Avez-vous examiné peut-être la possibilité, lorsque arrivent des cas aussi matériels que celui de la perte d'emploi, je ne sais pas, moi, une chute d'actif à la Bourse, là, mais où, on le sait, bon, l'usine ferme, la personne a un avis de licenciement ou peu importe, d'avoir une proposition pour avoir un outil plus léger, soit passer devant le greffier qui entérine une situation matérielle qui peut être constatée? Avez-vous réfléchi à de telles possibilités qui feraient en sorte d'éviter l'injustice suprême: quelqu'un n'a même pas les moyens d'aller exercer sa révision parce qu'il n'en a pas les moyens? En plus de ne pas payer la pension, elle n'a même pas les moyens de voir cette pension révisée.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, en fait c'est la préoccupation que j'ai voulu soulever cet après-midi en évoquant toutes les possibilités qu'il faudrait qu'elles soient analysées... qui devraient être analysées. Je ne pense pas qu'il me revienne de les analyser. On peut contribuer à la réflexion, mais... C'est ce qu'on suggère: Est-ce qu'il n'y aurait pas, dans certains cas, le moyen de trouver des procédures administratives qui évitent de retourner devant les tribunaux? Je donnais l'exemple quand il y a un jugement pour un placement d'un enfant, puis que le même père est obligé de payer à deux endroits, puis que... Alors, il y a quelque chose qui pourrait à mon avis être réglé, dans certains cas, par voie administrative.

Pour le reste, il faut toujours retourner aux tribunaux, mais, je me dis, il faudrait qu'on examine des voies alternatives, que ce soit par la médiation, que ce soit par des façons de soutenir les parents, le créancier ou le... le débiteur pour qu'il puisse faire revoir sa situation.

Par rapport au greffier, je ne sais pas si Me Paquet pourrait compléter sur le rôle qui pourrait être joué par le greffier puis dans quelles circonstances, si vous permettez.

M. Paquet (Jean-Claude): En fait, la difficulté, c'est que souvent, même quand les parties s'entendent, quand on est embarqué dans le mécanisme de perception des pensions alimentaires, il faut retourner devant le juge. Et on a signalé à notre attention: quand les gens vont devant le greffier spécial, son rôle n'est pas de conseiller ou de rédiger les procédures pour les parties. Et on sait que les seuils d'aide juridique sont très bas et que par ailleurs, des personnes qui gagnent 35 000 $, 40 000 $, le recours à un avocat, c'est souvent illusoire, compte tenu des coûts.

Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'avoir des mécanismes comme... Si on remarque en matière de justice administrative, je regardais le Tribunal administratif du Québec, on lit dans la loi que «les membres du personnel du Tribunal prêtent assistance à toute personne qui la requiert pour la formulation d'une requête, d'une intervention ou de tout autre acte de procédure adressés au Tribunal». Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'avoir disponibles, dans les palais de justice, des gens qui peuvent prêter assistance aux personnes pour la rédaction et la préparation d'ententes simples?

La médiation a son rôle aussi à jouer. Quand ce n'est pas contesté, ça impose un fardeau qui est très lourd. Bien sûr, il faudrait peut-être que ce soit entériné par un greffier spécial et toujours conserver le rôle au juge ultimement de réviser en cas de besoin, mais éviter d'avoir la lourde machine pour des cas qui sont simples.

M. Bédard: Actuellement, et ma recherchiste me posait la question, là... Si je dis ça, c'est peut-être parce que je vais dire quelque chose qui n'est pas véridique. Je ne prends pas de chances. Au pis aller, ce sera de sa faute. Ha, ha, ha!

Une voix: Ah! Ah! Ah!

M. Bédard: Mais actuellement, les médiateurs, lorsqu'on va en révision, on a accès aux services gratuitement, les trois premières séances, je pense, en matière de... Est-ce qu'ils ont le pouvoir, eux, en cas d'entente, de proposer l'entente, de rédiger eux-mêmes l'entente au tribunal? Est-ce que ça fait partie de leurs fonctions?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Ils n'ont pas le pouvoir de rédiger, je ne penserais pas.

M. Bédard: C'est ce que je me demandais. Moi, je pensais que non parce que certains sont avocats, d'autres ne le sont pas, et ça me surprendrait que le Barreau permette à des non-avocats de présenter des documents juridiques. Mais c'est une discussion qu'on avait tous les deux. Alors, avez-vous une réponse?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Non, je ne pense pas. En fait, je ne pense pas qu'ils aient le pouvoir de rédiger.

Mme Baillargeon (Rita): Ils n'ont pas le pouvoir de rédiger, ils ont le pouvoir d'aider les parties à en arriver à une entente. O.K. Puis, quand les parties en arrivent à une entente, actuellement elles sont souvent obligées d'aller voir un avocat pour faire rédiger l'entente pour se présenter devant un greffier spécial.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Mais on pense qu'il devrait y avoir des assouplissements puis qu'on doit trouver des formules, selon les circonstances, pour donner accès...

On avait le cas d'une plainte d'un couple qui s'entendait, puis, au ministère du Revenu, bien ils ne pouvaient pas parce qu'ils n'avaient la décision du tribunal. Ils n'avaient pas la décision, donc ils ne voulaient pas appliquer l'entente convenue entre les deux parties.

Mme Baillargeon (Rita): Ils ne pouvaient pas.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Ils ne pouvaient pas.

M. Bédard: Ce que vous nous dites, c'est qu'il y a une réflexion vraiment...

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Tout à fait, importante à faire, oui.

M. Bédard: ...importante à faire à ce niveau-là pour que finalement un bon régime ne serve pas finalement dans des cas, même s'ils sont exceptionnels... mais n'arrive pas à une situation où il contribue à l'injustice. Ce que vous dites c'est qu'il y a moyen de pallier ça de façon administrative pour éviter ces exceptions qui sont trop nombreuses et qui font en sorte que des gens bien intentionnés sont pris à ne pas pouvoir s'entendre, là, ce qui est assez particulier, ne pas faire entériner des ententes par des gens tout à fait aptes à être capables de donner un consentement valable à une situation juridique donnée. C'est ce que vous nous dites, finalement.

Pour revenir à votre compréhension à la page 5, si je vous disais que certains interprètent effectivement l'article, tel qu'il est rédigé, comme ouvrant la porte à une révision possible... pas possible mais presque automatique, en cas de naissance d'un nouvel enfant, et peu importe la situation? Écoutez, j'ai même une praticienne du domaine, qui fait ça à tous les jours, qui nous a dit, en commission, a donné l'exemple de quelqu'un, un père qui fait 150 000 $, une mère qui en fait 25 000 $, que, elle, selon l'interprétation qu'elle pourrait faire, au moment où on se parle, de cet article... que le père, bon, au départ qui ne faisait pas 150 000 $, qui fait 150 000 $, il a une autre famille, deux nouveaux enfants, pourrait prétendre avoir sa pension diminuée parce que le critère, tel qu'il est mentionné actuellement, invite le tribunal très clairement à considérer les deux nouveaux enfants, donc de considérer ces deux nouveaux enfants là et de ne pas avoir de discrétion pour justement apprécier la capacité de payer du père, dans le sens que l'ajout de ce critère entraîne automatiquement une révision à la baisse, donc de considérer égaux les différents parents, de se servir des tables... pas des différents parents, des différents enfants, de se servir des tables et là, à ce moment-là, de faire une règle de base: Bon, selon la table c'est tant par enfant, donc on divise par quatre, donc vous voyez automatiquement votre pension diminuée.

Là, je peux vous dire que ça a allumé... Moi, ça m'a beaucoup perturbé, je vous dirais, une telle interprétation. Ce que je comprends, c'est que, s'il y avait une possibilité d'en arriver à une telle interprétation, vous seriez totalement opposés au projet de loi.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Ce n'est pas l'interprétation que je donne au libellé actuel, là. Le libellé actuel...

M. Bédard: C'est ça. Moi non plus, je ne le donnais pas au départ. D'ailleurs, j'ai donné mon consentement au principe. Alors, vous comprendrez que ce n'était pas l'interprétation que je lui donnais non plus. Mais, s'il y a une possibilité que ce soit interprété de cette façon-là, vous auriez beaucoup de réticences à faire entériner un projet de loi qui permettrait ça?

n(16 h 50)n

Mme Champoux-Lesage (Pauline): J'aurais des réserves dans la mesure où ce n'est pas du tout en fait la lecture que j'en fais actuellement, là. Je ne suis pas une spécialiste de la rédaction des lois, mais ce que je considère, c'est qu'on veut faire comme un contrepoids à l'interprétation qui était faite de façon très restrictive des mesures excessives puis tenir compte de nouvelles réalités, la réalité des nouvelles familles, reconnaître le principe d'égalité de tous les enfants. Je trouve que c'est important sur le plan de...

M. Bédard: Moi aussi, mais vous comprendrez que l'égalité... Bien, vous le comprenez très bien, et c'est ce qu'on a à déterminer, l'égalité. Vous avez assisté aux commentaires de l'autre groupe qui est venu avant, l'égalité, on a posé la question, et en vrai l'égalité qu'on vise par le projet de loi... Puis ça n'a rien de pas correct, au contraire, là. On ne parle pas de l'égalité des enfants, on parle de l'égalité des enfants versus le débiteur, ce qui n'est pas pareil de l'égalité des enfants dans leur vécu de famille où un enfant, dans la situation actuelle, peut se retrouver complètement défavorisé, dans le premier cas de la famille qui ne s'est pas recomposée, versus le deuxième où il y a mari et femme qui ont d'autres enfants, qui ont une vie familiale, où les deux contribuent, alors que, dans le premier cas, les deux enfants vont avoir beaucoup moins de moyens, je vous dirais, en termes réels. Ça, c'est la réalité, là. Alors, moi, je vous dirais que ma préoccupation, c'est d'éviter ces cas-là.

Avez-vous écouté le groupe avant? Vous étiez présente, je pense, madame. Est-ce que vous pensez que leurs craintes à elles aussi peuvent se matérialiser? Et, si elles se matérialisaient, est-ce que vous auriez tendance à retirer votre accord au projet de loi?

M. Paquet (Jean-Claude): Écoutez, comme vous l'avez dit, on ne peut pas dire à l'avance ce que les tribunaux vont décider et ce que la Cour d'appel décidera ultimement. D'ailleurs, le paragraphe qui a attiré votre attention et celle du ministre, on s'est posé la question. Mais on a examiné le texte et le régime dans son ensemble.

Quand on regarde le Code civil, on nous dit, à l'article 587, que «les aliments sont accordés en tenant compte des besoins et des facultés des parties, des circonstances dans lesquelles elles se trouvent». Ça, c'est le principe de base. À 587.1, on a introduit, il y a sept ou huit ans, les règles de fixation des pensions alimentaires, et là ça touche l'obligation alimentaire des parents à l'égard de leurs enfants, et on nous dit: «La contribution alimentaire parentale de base, établie conformément aux règles de fixation des pensions alimentaires [...] est présumée correspondre aux besoins de l'enfant et aux facultés des parents.» Donc, parce qu'il y avait trop de disparité, trop de discrétion, on a introduit...

Je dirais, comme dans une première étape, qu'on a réglé ces problèmes-là, et on nous disait que la contribution pouvait être augmentée pour tenir compte de certains frais. Et aussi on aurait ajouté, et ça, je pense que c'est en 1996 ou 1997, 587.2: Les aliments exigibles d'un parent sont équivalents à la part des contributions alimentaires parentales de base, augmentées pour tenir compte des frais. Et on avait donné cette notion d'autres enfants ou de maintien pour des difficultés excessives. Le balancier était allé peut-être un petit peu loin.

On considère que notre interprétation de cette nouvelle disposition, elle doit se faire un peu dans son ensemble. Et la règle de base, c'est que le tribunal doit tenir compte de toutes les circonstances. Et les personnes qui nous ont précédés, bien elles le voyaient peut-être comme une source de complications, mais c'est peut-être la justice aussi, tenir compte de la véritable situation des personnes. On est peut-être rendus à passer à une autre étape dans la correction, mais, comme vous le dites, il n'y a pas de garantie que ce sera interprété dans ce sens-là. Mais, à la lecture qu'on en faisait comme institution et comme juristes, et comme, vous, vous vous êtes faite, il n'y a pas de garantie.

M. Bédard: Non, non, il n'y en a jamais. Et je ne vous fais pas le reproche, d'ailleurs, hein? Votre interprétation était la mienne au départ aussi, là. Quand j'ai lu le projet de loi, j'avais la même compréhension que vous me dites, je pense que le ministre aussi. Et je vous dirais que ce n'est pas là le problème, dans le sens que, oui, c'est une interprétation qui, moi, je pense, est éthique et morale et correspond à l'équilibre qu'on a voulu créer et même à l'évolution du droit matrimonial dans les 30 dernières années. Mais par contre vous comprendrez qu'à partir du moment où j'ai une situation stable, celle qu'on a actuellement... Et là je propose de l'instabilité.

Normalement, ce qu'on fait ici normalement en cette... pas seulement en cette Chambre, mais en général, c'est de préciser les textes de loi quand il y a une interprétation qui ne fait pas trop notre affaire. Et là j'ai l'impression qu'on ouvre trop. Là, on dit: Bon, bien maintenant je m'en remets aux tribunaux, et ça, je me dis: Au contraire... Bon, je comprends que, «excessif», l'interprétation n'a peut-être pas été dans ce que voulait vraiment le législateur au moment où il a adopté une telle disposition, mais là je tombe d'«excessif» à «discrétion». Il y a sûrement un milieu, hein, entre les deux pour éviter qu'on revienne ensemble, tous, ici pour dire: Oui, après, là, 10 000 révisions, 12 000 révisions... Parce que vous parliez du nombre de révisions actuelles, là, qui font en sorte que beaucoup utilisent les tribunaux, puis ça coûte cher, on le sait, de toute façon. Alors, je me dis: Est-ce que je peux éviter ça, là, aujourd'hui et faire en sorte que je ne crée pas plus d'injustice que j'essaie d'en corriger?

Vous n'avez pas peur d'avoir plus de demandes finalement que vous en aviez auparavant?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Non. Bien, en fait, moi, je considère que c'est discrétion mais que ce n'est pas arbitraire, là, comme dans la mesure où les règles de fixation... Puis des règles de fixation de pensions alimentaires, c'est là pour régler les problèmes généraux. Si on avait pensé à des difficultés excessives, c'est qu'il y a des cas qui vont toujours demeurer à la marge, et, moi, je me dis: Bon, bien la prise en compte des responsabilités pour l'ensemble de tes enfants, c'est quelque chose qui, pour moi, va dans le sens du monde. Je comprends qu'il puisse y avoir des inquiétudes. J'entendais tout à l'heure, vous proposiez de parler de difficultés. Est-ce que ça va demander une appréciation, qu'on apprécie... Qu'on prenne en considération le contexte ou qu'on apprécie les difficultés, il va falloir de toute manière exercer une discrétion.

M. Bédard: Oui, mais là j'augmente. J'augmente de... Et même je pourrais même parler de difficultés, au lieu d'excessives, importantes peut-être. Là, je me dis: Bon, ce n'est pas excessif, mais il reste que la règle générale, c'est que les enfants du premier mariage, bien, écoutez, ils ont vécu une réalité, alors il ne faut pas commencer à les pénaliser par rapport à leur réalité, là. Mais même là ça ouvre un chapitre plus grand, là, et c'est pour ça qu'on a besoin de vos lanternes un peu, voir comment on peut améliorer. Parce que l'intention est bonne, du ministre, là. Je ne remets pas en cause l'intention du ministre, au contraire. Mais, je me dis, est-ce qu'on peut améliorer et ne pas arriver à pire?

La Présidente (Mme Thériault): Nous allons conclure cette période d'échange sur votre réponse, Mme la Protectrice du citoyen, puisque le temps du parti de l'opposition est déjà dépassé de quelques minutes, et nous... Donc, je vais vous laisser le temps de compléter, par contre.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, écoutez, moi, dans la mesure où on rend... S'il y a possibilité pour le législateur d'expliciter davantage son intention puis qu'il y ait moins d'ambiguïté, que les légistes se mettent à la tâche, là. Mais, moi, l'interprétation que j'en faisais est celle que je vous ai dite et celle que vous me disiez avoir faite, vous aussi, lors de votre première lecture. Il y a toujours des risques dans la vie, là, mais, je me dis, des fois défendre des principes, c'est peut-être intéressant, puis tenir compte d'une situation qui évolue puis qui a changé par rapport aux familles. Alors, c'est le sens de notre intervention.

La Présidente (Mme Thériault): Merci. Donc, je vais céder la parole maintenant au député de Montmorency.

M. Bernier: Alors, merci. Merci, Mme la Présidente. Mme Champoux-Lesage, M. Paquet, Mme Baillargeon, ça fait plaisir de vous recevoir cet après-midi, et merci de votre mémoire. Et, dans le but de, si on veut, sécuriser le député de Chicoutimi, je pense qu'il y a d'autres personnes et d'autres organisations qui partagent votre opinion, et, sur ce, j'aimerais vous citer un texte dans le document qui a été déposé tout à l'heure par le ministre, en provenance du Conseil du statut de la femme, hein, sous la signature de Mme Diane Lavallée, sa présidente. Je vais vous lire le texte, là, puis j'aimerais que votre... qui justement passe un commentaire en regard du futur, et vous nous dites de prendre... À un moment donné, il faut savoir assumer des risques, et c'est exactement la position qu'elle prend. Mais je vais quand même citer le texte.

Elle nous dit: «Nous avons aussi analysé la proposition visant à assouplir le concept de "difficultés excessives" pour prendre en compte le cas d'un parent qui a une obligation alimentaire envers des enfants nés d'une autre union. Ainsi, il sera vraisemblablement plus facile d'ajuster les ordonnances alimentaires aux situations réelles, sans toutefois imposer un modèle unique pour tenter d'atteindre l'équité entre les enfants d'un même parent. Nous y voyons une démarche qui rapproche le modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants de l'application du principe selon lequel les enfants issus de différentes unions doivent recevoir, autant que possible, un traitement égal.»

J'aimerais vous entendre sur ça. Je pense qu'elle vient quand même positionner un peu sa vision versus ce projet de loi, et le fait que le Conseil du statut de la femme prenne position... Comme vous dites, il faut savoir prendre des risques. J'aimerais vous entendre sur cette déclaration.

n(17 heures)n

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, en fait j'ai du respect pour ma collègue Diane Lavallée. Ça rejoint un peu l'énoncé que j'émettais au début. Moi, je suis d'accord avec tout ça. C'est un principe que je défends, l'égalité de tous les enfants, quels que soient les modes d'union. Peut-être parce que je viens d'une grande famille aussi, là, puis que je me dis: Il n'y a pas de priorité, tous les enfants, qu'on soit premier, deuxième, troisième, dixième, et que... C'est sûr que, quand on naît dans une famille...

J'écoutais tout à l'heure la députée exprimer que, quand il s'ajoute des enfants dans la famille, on a à partager. Bien, je pense que ce principe-là est valable dans la mesure où c'est une réalité. Si un parent a plusieurs enfants, bien il a des obligations à l'endroit de l'enfant ou de ses enfants. Et on tient compte, moi, je considère, avec le barème de fixation des pensions alimentaires, on tient compte normalement de la situation puis des moyens des personnes avant de changer les choses. Je considère que c'est correct.

M. Bernier: La réalité fait qu'une cellule familiale avec un enfant qui, à un moment donné, voit l'arrivée de deux ou trois autres enfants... Les données... ou l'aspect financier est différent pour cet enfant-là qui a été seul pendant x années, par rapport au concret de la vie. Donc, c'est un peu ce qui se passe versus le projet de loi, c'est d'ajuster aux réalités de tous les jours... Et je pense que c'est important, ce que le Conseil du statut de la femme vient nous mentionner là, c'est que ça en vaut la peine, d'y aller dans ce sens-là, pour assurer l'égalité.

La Présidente (Mme Thériault): Donc, ceci met fin à nos échanges. Mme Champoux-Lesage, M. Paquet et Mme Baillargeon, merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux. Et j'ajourne donc les travaux de la Commission des institutions jusqu'au mercredi 24 mars, après la période des affaires courantes.

(Fin de la séance à 17 h 1)


Document(s) associé(s) à la séance