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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 25 mars 2004 - Vol. 38 N° 39

Consultations particulières sur le projet de loi n° 21 - Loi modifiant le Code civil et le Code de procédure civile en matière de fixation de pensions alimentaires pour enfants


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Simard): Alors, nous allons commencer nos travaux. La Commission des institutions, vous le savez, est réunie afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 21 ? Loi modifiant le Code civil et le Code de procédure civile en matière de fixation des pensions alimentaires pour les enfants.

Nous avons quorum, et j'invite le secrétaire à nous faire la liste des remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président, j'informe cette commission que M. Descoteaux (Groulx) sera remplacé par M. Dubuc (La Prairie); que M. Létourneau (Ungava) sera remplacé par M. Bédard (Chicoutimi); et enfin que Mme Papineau (Prévost) sera remplacée par Mme Caron (Terrebonne).

Le Président (M. Simard): Merci. Petite information avant de débuter nos travaux. Vous savez, nous sommes habitués ici de travailler en commission parlementaire tous les jours avec les juristes de l'État, qui sont des collaborateurs extrêmement précieux. Il y a aujourd'hui une journée de grève des juristes de l'État. J'ai informé, à titre de président de la commission et comme la commission des services essentiels m'y autorisait, que je requérais pour les services de la commission les services de deux juristes qui seront avec nous aujourd'hui mais en retrait comme témoins. Je pense que, pour les fins des auditions, cela suffira. M. le ministre, je pense qu'on pourra très bien fonctionner de cette façon-là et je remercie tout le monde de sa collaboration dans ce dossier, de façon à ce que les intérêts des uns et des autres soient bien servis.

Auditions (suite)

Alors, le premier groupe que nous recevons, il s'agit ? je ne veux pas dire de bêtise ? de l'Association de médiation familiale du Québec.

Document déposé

Nous avons avec nous Mme Talbot, la présidente, qui nous a d'ailleurs fourni dans des... maintenant, on a des mémoires qui nous arrivent, enfin des informations qui nous arrivent sur des supports très modernes, et je l'en remercie. Nous assurons à la commission de prendre bien soin de ces dossiers. Mme Talbot est accompagnée de Mme Dumas et de M. Thibeault. Vous allez donc nous faire une présentation d'une quinzaine de minutes de façon à ensuite ouvrir le débat avec les membres de la commission.

Alors, je vous laisse la parole, Mme Talbot. Vous pouvez peut-être identifier précisément... J'imagine bien que celle qui est à ma droite, à moi, c'est Mme Dumas, et M. Thibeault, à votre gauche, c'est bien ça? Alors, nous vous écoutons.

Association de médiation familiale
du Québec (AMFQ)

Mme Talbot (Catherine Clément): Alors, bonjour, messieurs dames, M. le ministre, M. le Président, M. Simard. M. le député de Chicoutimi, M. Breault. Nous vous remercions de l'invitation que vous nous avez faite. Nous sommes honorés de clôturer finalement, je crois, cette audition en audition parlementaire.

Étant donné que le texte a été préparé et qu'il sort presque des presses, si je peux m'exprimer ainsi, vous allez m'excuser, j'aurai recours à mon texte pour la plupart du temps. Toutefois, on est là pour répondre à vos questions, et, sans plus tarder, je commence. Mais, avant de commencer, Mme Dumas est la présidente sortante de notre association, et M. Serge Thibeault est notre directeur général par intérim.

Nous vous avons monté un document. Nous avons également mis dans votre enveloppe ou pochette un répertoire de nos membres actifs et ainsi qu'un document, Accalmie, qui est un journal qui est publié trois fois par année au cours de nos activités.

Alors, l'AMFQ, afin de bien situer les membres de cette commission parlementaire, notre association... à l'essor de la médiation familiale au Québec jusqu'à ce jour et quant au contexte de sa présente contribution aux travaux de cette commission, nous dresserons en premier lieu un bref aperçu de son historique ou de son mandat, ses réalisations, ses activités. Nous rappellerons sommairement l'encadrement de base sur les plans administratif, professionnel de la médiation familiale et des médiateurs. Puis, nous présenterons l'analyse et les recommandations que nous désirons apporter sur le projet de loi n° 21 dans une optique de collaboration éveillée et constructive envers le législateur et au profit de la population concernée par les changements proposés. Et nous vous soumettrons des conclusions et des réflexions.

Alors, en bref, fondée en 1985 par des professionnels des sciences juridiques et sciences humaines, notre association est le regroupement le plus important au Québec dans le domaine de la médiation familiale. Elle compte parmi ses membres des avocats, des conseillers d'orientation, des notaires, des psychologues, des travailleurs sociaux qui ont reçu une formation spécialisée en médiation familiale. Ceux-ci oeuvrent dans 30 districts judiciaires et en plusieurs langues. Quand je spécifie 30 districts judiciaires, évidemment, il y a plus de districts judiciaires dans la province, mais il y a parfois des cas où des membres de notre association ne se trouvent pas dans des districts, mais c'est probablement exceptionnel.

Nous avons environ 300 membres, et il y a environ 900 médiateurs dans la province de Québec. Nous avons également des membres internationaux de France, de Belgique, du Luxembourg, du Chili. En raison du rôle historique et de l'expertise de l'AMFQ, deux de ses membres participent aux travaux du Comité des organismes accréditeurs, alors le COAMF. De plus, un représentant de l'AMFQ siège au conseil d'administration de l'organisme Médiation familiale Canada. Notre mandat: promouvoir la médiation familiale comme mode de résolution de conflits familiaux; informer le public et l'aider à trouver un médiateur; contribuer à la qualité de la pratique en médiation familiale par diverses activités professionnelles; assurer la formation continue des médiateurs; agir à titre de conseiller des instances publiques et parapubliques en matière de médiation familiale; agir comme porte-parole des médiateurs accrédités membres de l'association.

n (9 h 40) n

Les réalisations. L'AMFQ fut le premier regroupement professionnel au Québec en matière de médiation familiale. En structurant la profession, en assurant la formation des médiateurs et en se dotant d'un code de déontologie, elle a joué un premier rôle au Québec pour développer la médiation familiale et à la faire connaître comme alternative de choix au recours judiciaire. En 1988 et en 1994, l'AMFQ était l'hôte du Congrès annuel de Médiation familiale Canada et elle le sera de nouveau en 2005. Au fil des ans, l'association a participé activement, à titre de consultant, à l'élaboration de plusieurs politiques gouvernementales en matière familiale, notamment la loi établissant la structure d'accréditation des médiateurs familiaux, le modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants, la loi facilitant la perception des pensions alimentaires et la Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale. En 1997, l'AMFQ a également présenté un mémoire au ministère de la Justice du Québec dans le cadre de la révision de la réglementation sur la médiation familiale.

Par ailleurs, plusieurs membres de l'AMFQ assurent la présence de l'association sur le plan international en dispensant de la formation, notamment en Europe, où l'expertise québécoise est largement reconnue. Enfin, nous sommes particulièrement fiers et heureux de souligner la production, achevée en 2003 en collaboration avec le COAMF, d'une vidéo intitulée L'autre façon de gagner: la médiation familiale, production réalisée avec grand soin et professionnalisme grâce notamment aux précieux subsides alloués à cet effet par le gouvernement du Québec. Cette vidéo illustre, au moyen d'une dramatique, de témoignages de parents, d'enfants et de l'intervention d'une spécialiste de grande renommée, le processus de la médiation familiale de même que les réactions et les besoins des parents et des enfants lors d'une séparation. La promotion et la diffusion de cet outil de référence, pour les médiateurs et divers intervenants en situation de séparation ou de divorce, est sous la responsabilité de l'AMFQ.

Une distribution, diffusion élargie de cette vidéo et autres supports d'information à développer pour le grand public demeure à parfaire, notamment en mettant à profit le réseau moderne de communications qu'a cherché à encourager le gouvernement du Québec en insistant et encourageant un grand nombre de foyers à se brancher sur le réseau Internet. Un projet de site Web pour l'AMFQ est d'ailleurs à l'étude avancée, et son impact considérable anticipé sur la population, quant à l'information impartiale et les services de haute qualité qu'on y retrouvera en regard de la médiation familiale, nous incite à souhaiter un appui marqué du gouvernement du Québec pour nous encourager à aller de l'avant plus rapidement et sûrement avec ce projet. Pour nous, c'est là plus qu'un simple voeu, c'est un objectif à réaliser enfin en 2004.

Les activités. Tout au long de l'année, l'association mène diverses activités et offre des services tant à ses membres qu'au public: un colloque annuel; un bulletin d'information, l'Accalmie, que vous avez dans votre enveloppe; le répertoire, qui est distribué dans les CLSC; un service de référence et d'information; une participation soutenue à des événements publics dans le domaine de la médiation familiale comme les journées portes ouvertes dans les palais de justice, la Semaine du Barreau de Montréal, qui se déroulera cette année du 20 au 23, 2004 évidemment, et diverses activités et journées thématiques dans le domaine du droit familial et autres sujets connexes.

L'encadrement de base de la médiation familiale et des médiateurs: les exigences professionnelles et administratives pour les médiateurs. Tel que stipulé au règlement sur la médiation familiale, les médiateurs doivent satisfaire aux conditions qui suivent pour recevoir leur accréditation temporaire, c'est-à-dire: engagements à remplir pour l'obtention de leur accréditation définitive: être membre en règle de leur ordre professionnel ou y être admissible s'il s'agit d'un médiateur employé d'un établissement qui exploite un centre de protection de l'enfance et de la jeunesse; avoir suivi, dans les cinq ans précédant la demande d'accréditation, un cours de formation de base de 60 heures; avoir trois ans d'expérience dans l'exercice du domaine de compétence professionnelle; s'engager à compléter, dans les deux ans d'accréditation, 10 mandats de médiation familiale sous la supervision d'un médiateur accrédité qui a complété 40 mandats de médiation familiale.

Le médiateur qui a obtenu une accréditation temporaire et respecté tous les engagements précités dans ces délais impartis peut demander à obtenir de son ordre une accréditation définitive. Je vous dirais que, quand on fait l'équivalence de ces cours, on pourrait parler d'un à deux ans de formation et qui s'échelonnent, et c'est un travail important pour les médiateurs.

Depuis septembre 1997, le ministère de la Justice offre à la population un service de médiation gratuit. Ainsi, un couple marié, un couple de conjoints de fait peuvent bénéficier de six séances. La séance d'information est obligatoire et permet aux parents de bien comprendre le processus dans lequel ils vont s'engager. Ce processus leur permettra de régler à l'amiable plusieurs des litiges qui les occupent. Les conjoints de fait pourront aussi régler lors de ces rencontres les aspects silencieux relatifs à leur rupture d'union. Si les couples ont déjà présenté devant le tribunal une requête concernant leur désunion, ils ont droit à trois séances, incluant une séance d'information s'ils ne l'ont pas déjà suivie. C'est ce qu'on appelle une médiation pour révision de jugement. Certains couples y auront recours plus d'une fois, surtout lorsqu'il est question du partage du temps parental et de la pension.

Rappelons que, depuis le 1er mai 1997, seuls les médiateurs dûment accrédités peuvent offrir les services de médiation familiale. Et, depuis le 1er septembre 1997, d'autre part, la Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code est entrée en vigueur. Cette loi de 1997 prévoit qu'il existe un différend entre les parties, et, s'il existe un différend entre les parties et leur intérêt et celui de leurs enfants est en jeu, celles-ci doivent assister à une séance d'information sur la médiation familiale avant que le tribunal ne puisse procéder à l'audition.

En outre, dans les districts judiciaires de la province, des séances d'information de groupes peuvent être données au palais de justice à des couples qui s'y inscrivent, chaque conjoint pouvant participer dans un groupe différent de l'autre s'il le préfère ainsi. Dans la grande majorité de ces cas, leur demande de séparation ou de divorce ou leur requête en conjoints de fait a déjà été enregistrée au greffe de la cour. Ces séances d'information sont données par équipe de deux médiateurs, dont l'un est de formation de base juridique et l'autre, de base psychosociale.

Alors, voilà. Maintenant, on entre dans notre sujet qui nous préoccupe. Vous avez, au document, l'analyse et les recommandations. Nous vous avons indiqué l'article 586 ancien, l'article 586 nouveau; l'article évidemment porte le même numéro. Vous pouvez en prendre connaissance. J'ai également, dans les annexes, mis le texte du code français et anglais, et vous comprendrez plus tard pourquoi je l'ai fait ainsi.

Alors, l'association, réjouissons-nous, est tout à fait d'accord avec le nouvel ajout à l'article 586 puisque cet ajout est la reconnaissance d'une situation de plus en plus courante dans notre société en évolution et il donne aux enfants majeurs comme aux enfants mineurs issus d'un mariage ou d'une union de fait une parité et les mêmes droits, tout en laissant au parent qui a la charge de l'enfant le droit également d'exercer l'option ou non de cet enfant. De plus, cet élargissement permettra dorénavant au médiateur de recevoir en médiation les parents conjoints de fait d'un enfant majeur en présence ou non de celui-ci. Ceux-ci ont alors les mêmes droits que les parents conjoints de fait d'un enfant mineur, ce qui n'était pas reconnu auparavant. Quant aux parents divorcés d'enfants majeurs ou mineurs, ce droit leur était déjà reconnu.

La nouvelle réalité qui caractérise souvent aussi les familles reconstituées nous démontre l'obligation d'élargir en conséquence les droits des enfants majeurs. Dans ces familles comme dans les autres, les enfants ont pris l'habitude de quitter la résidence familiale de plus en plus tard. D'autre part, leurs études avancées exigent parfois une résidence à l'extérieur du foyer gardien familial. On comprend très bien le bien-fondé et la pertinence de cet ajout de la loi qui respecte davantage ainsi l'équilibre des besoins alimentaires de tous les enfants qui ne sont pas et ne peuvent pas être autonomes financièrement.

Il est important de souligner qu'avec cet ajout on a respecté le concept de l'enfant à charge, et on peut donc utiliser les barèmes fixés par la table de fixation de la contribution alimentaire parentale de base en mettant en outre en application la section des frais particuliers concernant les études postsecondaires. Même façon de procéder pour l'article 587.2. J'ai reproduit le texte 587.2 et le nouvel article proposé, et voici les commentaires... Et également vous retrouverez le texte français et le texte anglais.

n (9 h 50) n

Voici nos commentaires. L'Association de médiation familiale du Québec tient d'abord à souligner que, dans le premier paragraphe de 587.2, si on compare le texte anglais avec le texte français, il manque au texte français le mot «particuliers» entre le mot «frais» et «particuliers». Il est écrit en anglais: «specified expenses relating to the child», alors qu'en français il est écrit: «des frais relatifs à l'enfant». Alors, il y a une omission qui me semble à souligner.

Quant au terme «droit de visite», on devrait y ajouter sinon y substituer le terme «droit d'accès», qui est le terme présentement plutôt utilisé dans le vocabulaire juridique et dans la doctrine au Québec, le concept «d'accès» englobant et débordant à la fois la simple visite.

D'autre part, en vertu de la loi telle qu'établie et formulée jusqu'à maintenant, les médiateurs pouvaient établir avec des couples une pension alimentaire dans la plupart des cas. Lorsqu'un parent payait une pension alimentaire pour les enfants issus d'une union précédente et qu'il avait maintenant à payer une pension alimentaire pour les enfants d'une seconde ou autre union, les parents pouvaient moduler leurs contributions financières si le paiement d'une pension alimentaire conforme aux règles de fixation constituait une difficulté excessive selon la loi. Rappelons-le, le rôle du médiateur est de donner aux parties des informations d'ordre général et non de fournir des opinions juridiques ni personnelles, encore moins de trancher la question pour les parties, ceci dans le but reconnu et indiscutable de conserver sa neutralité et son impartialité face aux parties.

Le nouvel article vient maintenant préciser une disposition sans équivoque à ce sujet pour les médiateurs et pour les parents qui permet aux enfants de deux ou plusieurs... d'au plus de deux unions différentes d'être traités plus équitablement selon la situation vécue. Ainsi, un accord entre les parents axé sur le bien-être des enfants, autant d'une première union que d'une seconde ou autre union, tel que le reconnaît plus explicitement encore le nouvel article, pourra toujours faire en sorte que des ententes équitables pour le meilleur intérêt des enfants, conclues en médiation et pour lesquelles une opinion juridique indépendante aura été donnée aux parties, pourront être acceptées par le tribunal si elles sont bien fondées et adéquatement consignées dans un consentement à jugement qui aura été présenté à ce tribunal.

Au deuxième paragraphe de l'article 587.2, l'expression utilisée, «à l'égard d'enfants qui ne sont pas visés par la demande», nous semble évidemment inclure les enfants d'un couple toujours en union. En somme, cela confirme que tous les enfants en pareille situation de calcul de pension alimentaire à payer ou de besoins à combler par un soutien financier quelconque sont égaux devant la loi, qu'ils soient issus de parents qui font encore vie commune ou qu'ils soient issus de parents séparés ou divorcés. Nous soulevons la préoccupation cependant qu'il n'y a pas d'endroit spécifique au formulaire pour tenir compte, au niveau de ses impacts économiques en négatif pour le payeur, d'une pension alimentaire payée à un tiers par les conjoints, alors qu'il y en a un ? ligne 204 ? pour tenir compte des impacts économiques en positif d'une pension alimentaire versée par un tiers et reçue à titre personnel par les conjoints.

Nous passons maintenant au Code de procédure civile. Nous avons... La lecture se fait comme suit. Anciennement, les pièces étaient... peuvent être détruites au bout d'un an, à moins que le juge en chef n'en décide autrement. Nous suggérons... Et l'amendement fait: Font cependant exception à ces règles les formulaires produits par les parties en matière de fixation de pensions alimentaires pour enfants.

Le commentaire: L'Association considère, pour des fins de clarté dans la lettre autant que dans l'esprit, que le texte précédent devrait être complété de la façon suivante: Font cependant exception à ces règles les formulaires produits par les parties en matière de fixation de pensions alimentaires pour enfants qui doivent être conservés au dossier de la cour.

Le Président (M. Simard): Mme Talbot, vous allez m'excuser de jouer à mon tour les médiateurs. Vous n'avez plus beaucoup de temps pour votre conclusion, alors que je pense que nous l'avons lue et qu'elle était implicite tout au long de votre présentation.

Et je vais inviter dès maintenant le ministre de la Justice à vous poser la première question.

M. Bellemare: Alors, tout d'abord, merci beaucoup, Mme Talbot, pour cette excellente présentation. Bienvenue, Mme Dumas. Bienvenue, M. Thibeault, également, et au plaisir de vous remercier sincèrement pour cet apport important aux travaux et à la réflexion de la Commission des institutions sur un projet de loi qui, comme vous l'avez si bien dit tantôt, vise à assurer l'égalité des enfants, l'égalité des recours, peu importe que les enfants soient nés dans une union issue... qui a été bénie par le mariage, ou une union civile, ou une séparation de fait, parce que l'article 586 vise à faire en sorte que les enfants majeurs puissent bénéficier du soutien d'un des parents pour exercer le recours alimentaire. Ça apparaît assez évident que c'est une avancée importante pour les enfants majeurs, et ce, sans égard au type d'union dont ils sont issus.

587, bien, c'est l'égalité des enfants sans égard au fait qu'ils soient nés de l'union dont il est question dans le cadre du litige ou d'une union antérieure ou postérieure; c'est ça qui est important. Ce qu'on veut éviter, c'est de faire en sorte que des enfants, parce qu'ils sont issus d'une union postérieure à celle qui est débattue devant le tribunal, bénéficient d'aliments de moindre importance que ceux qui sont issus dans l'union dont il est question devant le tribunal.

Et j'aimerais vous entendre sur les difficultés que la situation actuelle cause ou crée, parce que certains exemples ont été portés à l'attention de la commission, où on réalisait que le juge, à cause du caractère lui-même excessif de la notion de «difficultés excessives»... les tribunaux n'intervenaient pas pour établir un équilibre entre les enfants à partir de la capacité de payer d'un seul débiteur alimentaire et que la jurisprudence à cet effet était relativement conservatrice. Les juges hésitaient beaucoup à intervenir, à exercer leur discrétion, compte tenu de la nature de l'expression «difficultés excessives».

Est-ce que vous êtes en mesure de porter à notre attention des cas d'injustice qui ont été soumis au médiateur?

Mme Talbot (Catherine Clément): Étant donné, M. le ministre de la Justice... En tant que médiateurs, nous avions, par exemple, des gens qui venaient nous voir et qui étaient en union de fait et... ? bon, par exemple pour parler de l'article 586 ? et qui étaient en union de fait, et parfois on faisait en sorte qu'un enfant qui... un couple qui se présentait devant nous, qui avait deux enfants de trois ans et cinq ans, on leur disait parfois: Bien, cette pension-là, vous allez la réviser et réviser ? ils étaient en union de fait ? et vous allez faire en sorte que, vos enfants, vous savez qu'ils sont à charge et ils sont peut-être plus à charge qu'à l'âge de 18 ans...

Maintenant, dans des cas où vous nous parlez, je sais qu'en 1998 ? et c'est une jurisprudence qu'on a vérifiée hier soir ? Mme le juge LeBel n'avait pas considéré ? en 1998, je vous dirai, et c'est dans le rapport de suivi ? Mme le juge Lebel, de son prénom Hélène, je crois, n'avait pas voulu considérer le fait que le payeur avait des enfants d'une union précédente. Je peux vous parler d'un cas où le... Est-ce que le jugement a été final? Est-ce qu'il a été... Avons-nous été en appel? Et, lorsque, pour nous, il était très difficile, en tant que médiateurs, d'établir le prix à fixer, parfois, nous faisions des scénarios qui pouvaient nous aider à voir, et à détecter finalement, et à arriver à mettre le doigt sur la difficulté excessive.

Les formulaires, partie 6, qui parlent des écarts et des raisons pour lesquelles les couples n'arriveront pas à donner un tel ou tel montant, je vous dirais qu'ils n'étaient peut-être pas utilisés au point où maintenant les gens vont prendre l'habitude de les compléter adéquatement, c'est-à-dire compléter adéquatement le formulaire et également le spécifier dans leur entente pour que, lorsque ? pour parler médiation ? lorsqu'une entente de médiation arrive et qu'un avocat révise cette entente...

Le fait que la partie 6 sera bien complétée et que cela sera reflété dans l'entente de médiation, à ce moment-là, je crois que les avocats qui nous viennent en aide, parce qu'on travaille en collaboration, évidemment, les avocats nous aident à établir et à voir si, dans une entente de médiation, on a couvert tous les points, entre autres, et comment on a considéré, nous, en tant que médiateurs, les difficultés excessives... cette... devrait atténuer la difficulté.

Il est bien évident que cette difficulté ne devrait pas en être une, puisque tous sont égaux devant la loi et que cet ajout est fort important s'il ne l'était pas et que, si les juges ont pris en considération les difficultés excessives... Évidemment, lorsqu'on parle de difficultés excessives et quand on parle de l'existence d'un enfant, on peut trouver que le terme est parfois lourd à porter pour un enfant, c'est-à-dire qu'il est une difficulté excessive, finalement. Mais cet ajout à l'article de loi permet certes maintenant au juge d'évaluer en bonne connaissance de cause et de prendre en considération les enfants de l'union précédente, les enfants d'une autre union et les enfants de l'union actuelle s'il en est.

Je ne sais pas si mes collègues veulent ajouter quelque chose.

n (10 heures) n

M. Thibeault (Serge): Je pourrais simplement peut-être me permettre d'ajouter, si vous me permettez, en tant que psychologue médiateur, qu'il y a une dimension qui est autre que strictement juridique à ce moment-là ? et je pense que Me Talbot vient de le souligner ? à l'effet que, quand on doit recourir, pour obtenir à quelque part un soutien pour un enfant... quand on doit recourir à une particularité qui s'appelle les mesures excessives, imaginez-vous que, pour l'enfant, en quelque part, il pourrait établir le rapport assez aisément: Pour qu'on prenne soin de toi, il faut que tu sois une difficulté excessive.

Alors, est-ce qu'un enfant majeur qui n'est pas né d'un mariage constitue une difficulté excessive dans notre société? Je pense que l'article de loi vient à point pour dire que... Je pense que ce n'est peut-être pas juste par le biais d'une difficulté excessive qu'on peut considérer effectivement faire les calculs requis pour le soutenir également...

M. Bellemare: Bien, c'est un peu ce que le Barreau nous disait la semaine dernière, Barreau du Québec, disant qu'il y avait... c'est un peu étonnant que, dans l'article 587, tel qu'il est libellé actuellement, qu'on mette les enfants issus d'autres unions et qui pourtant relèvent de la même responsabilité au plan alimentaire, du même débiteur... se retrouvent sur le même pied... qu'on applique le même critère aux enfants issus d'une autre union qu'aux dettes raisonnablement contractées pour des besoins familiaux. Et le Barreau souhaitait que, les enfants issus d'autres unions, compte tenu que le débiteur alimentaire a exactement les mêmes responsabilités alimentaires par rapport aux autres enfants que par rapport à ceux dont il est question dans le cadre du débat qui s'est engagé devant le tribunal, qu'on les considère en fonction d'un critère moins exigeant que la difficulté excessive.

Et le Barreau suggérait ? pour aller plus loin dans le raisonnement ? peut-être comme solution, pour éviter que les juges n'écartent systématiquement l'application des barèmes parce qu'un nouvel enfant est né, ce qui n'est pas souhaitable: On ne souhaite pas que le barème soit systématiquement écarté parce qu'un enfant est né, parce qu'il y a des situations où un, ou deux, ou même trois enfants peuvent naître, mais la capacité de payer du débiteur est suffisante pour que le barème s'applique aux premiers enfants qu'il a eus dans le cadre de l'union qui est débattue devant le tribunal... Mais le Barreau souhaitait qu'on introduise quand même une notion de «difficultés» en enlevant le terme «excessif», mais qu'on parle de difficultés excessives pour les dettes contractées pour les besoins familiaux, de difficultés simples, simplement d'utiliser le terme «difficultés» pour ce qui est des enfants issus d'autres unions. Et, ce faisant, tenant compte du terme «difficultés» et de la présomption prévue à 587.1, ça suffirait pour nous rassurer quant au fait qu'il n'y aurait pas une avalanche de demandes et que les juges ne pourraient pas écarter l'application du barème parce qu'un enfant est né, simplement parce qu'un enfant est né sans que ça cause de difficultés particulières.

Est-ce que vous êtes de cette opinion-là aussi?

Mme Talbot (Catherine Clément): Oui, M. le ministre. Oui, et ce sera très... et c'est très souhaitable. Et c'est très souhaitable parce que le mot «difficultés excessives» qui ne sera pas associé aux enfants d'une autre union est très souhaitable, j'en conviens.

M. Bellemare: Ça va. Merci.

Le Président (M. Simard): M. le ministre. Alors, j'invite maintenant le député de Chicoutimi à vous poser les prochaines questions.

M. Bédard: Merci. Merci, M. le Président. Alors, merci à vous trois d'être... ? vous êtes notre dernier groupe, alors ? de nous faire part de expertise et aussi de l'importance évidemment de votre association.

On sait que la médiation a pris une part très importante dans le domaine familial. Et je pense que c'est une belle avancée de notre droit à ce niveau-là et de la réalité vécue par les familles dans des événements qui sont malheureux et qui, avant, là, étaient judiciarisés à l'extrême limite, alors que, maintenant, la voie de la médiation... Et tous ceux qui sont passés ici sont venus nous confirmer effectivement que c'était la meilleure voie, il fallait même élargir le plus possible et accentuer, dans le domaine matrimonial et familial, la conciliation, alors... et la médiation. Donc, je vous remercie encore une fois de nous le rappeler.

Peut-être, au départ, des questions un peu plus... Avant de revenir sur la proposition du ministre, il y avait certains aspects plus techniques où vous abordez, au niveau des modifications, au niveau du terme anglais... Et là je veux... Actuellement, le mot... les deux versions de 587.2 ne sont pas... bon, il semble y avoir une texture différente entre le texte anglais et français, mais... Et vous souhaitez une modification du texte français ou l'inverse, là.

Mais est-ce qu'actuellement il y a une difficulté jurisprudentielle vécue par rapport à l'interprétation de ce texte? Est-ce qu'il y a une difficulté de concordance? Est-ce que certains, je vous dirais, se servent du texte français... ou anglais plutôt, pour, je vous dirais, amoindrir l'impact? Avez-vous eu une difficulté particulière?

Mme Talbot (Catherine Clément): Je vais faire un petit tour d'horizon pour se situer dans le temps. Il faut se souvenir qu'en 1997 Mme Thibaudeau, qui a été l'instigatrice, et je pense que c'est elle qui a marqué un point de départ avec la défiscalisation des pensions alimentaires pour enfants...

Est-ce qu'il serait possible... ? c'est même une question que je vous pose, M. le député, M. Simard ? est-ce que c'est une possibilité que le texte anglais ait été à la base une rédaction qui ne serait pas à l'habitude... que ce ne serait pas fait à l'habitude? Mais, à la lecture du texte 587.2, moi, lorsque j'ai rédigé et que j'ai l'ai fait avec mes collègues, le mémoire, j'ai eu une difficulté à la compréhension lorsque je le lisais. Et, comme ma connaissance de l'anglais est... Je fais la médiation également en français et en anglais. J'ai lu le texte anglais, ce que... C'est le texte français qui prévaut. Mais, quand vous lisez le texte ? et vous l'avez dans nos annexes ? vous pourrez constater qu'on dirait qu'il manque le mot «particuliers», parce que, en anglais, on marque «specified expenses relating to the child» pour tenir compte des frais relatifs à l'enfant. Les frais relatifs à l'enfant étant les frais, finalement les neuf frais de base ? je ne les énumérerai pas ? mais comprenant le logis, les moyens de communication, les vêtements, et les frais particuliers étant des frais qui comprennent, par exemple, l'orthodontie et autres.

Alors, le terme... oui, «particuliers» a été échappé d'après moi. Question jurisprudentielle que vous me posez: je ne sais pas; je n'ai pas eu l'occasion de consulter des professeurs d'université, mais, si vous pensez que ça pourrait être utile, je pense qu'on pourrait peut-être avoir une communication avec des professeurs en droit matrimonial ou à l'enseignement du Barreau. Mais tous... nous qui sommes des praticiens et qui parfois lisons un peu vite et voyons un mot alors qu'il ne l'est pas, probablement qu'étant donné la modification... Je l'apporte simplement pour éclairer la compréhension du texte.

M. Bédard: Peut-être, oui. Bien, effectivement, s'il peut y avoir d'autres commentaires, parce qu'on modifie un texte qui a quand même une jurisprudence qui a eu de l'application, et comme le législateur ne parle pas pour rien dire... Bien, le fait de faire une modification entraîne des conséquences, alors c'est pour ça que je la regardais, et peut-être que vous avez d'autres éléments. Même chose pour droit de visite et droit d'accès, où là vous dites finalement que ce qui est d'application actuelle... actuellement plutôt dans le Code civil n'est pas conforme et devrait plutôt... on devrait plutôt parler, comme on parle régulièrement, de droit d'accès.

Mais, avant de le modifier peut-être: Est-ce que ça cause une problématique quelconque en termes de... Ou, parce que ce texte s'est toujours retrouvé là, je veux dire, ce terme-là s'est toujours retrouvé là, est-ce que ça a causé un problème d'application quelconque?

Mme Talbot (Catherine Clément): À l'origine, dans les années soixante, soixante-dix et suivantes, alors que les plaidoiries se faisaient... on appelait ces requêtes pour droit de visite. Le terme est devenu avec le temps droit d'accès. Étant donné que cet article sera modifié ? le paragraphe 2 de l'article 587.2 ? j'apportais la suggestion, puisqu'il semble être un terme qui a depuis maintenant, je dirais, une bonne dizaine d'années, été utilisé davantage que le terme «droit de visite», qui est un terme plus limitatif. Maintenant, si mes collègues veulent ajouter quelque chose sur ce point.

M. Bédard: Là, je ne veux pas aller trop loin là-dedans, mais, si on changeait là «le droit de visite», est-ce qu'il faudrait le changer ailleurs? Parce que j'imagine qu'il n'est sûrement pas seulement employé là. Je vous dis ça, là, pour ne pas que... J'imagine... quand il est utilisé là, on doit le retrouver ailleurs.

n (10 h 10) n

Est-ce que vous l'avez regardé, cet aspect-là? Ce n'est pas une colle que je vous pose, c'est simplement...

Mme Talbot (Catherine Clément): Moi, je me suis attardée aux articles 587.2. Là, à vol d'oiseau, dans les articles environnants... Pardon...

Une voix: ...

M. Thibeault (Serge): Oui, peut-être. Peut-être... ça pourrait insérer tout simplement... Au rapport fédéral-provincial-territorial final sur les droits de garde et de visite... les pensions alimentaires pour enfants, qui a été fait en novembre 2002, il était fait référence à la terminologie qui est utilisée actuellement à l'échelle du Canada, à savoir: Est-ce qu'on continue à parler de droit de visite et d'accès ou est-ce qu'on devrait penser à parler, dans un concept un peu élargi et plus à date, de responsabilité parentale? Le débat n'a pas été tranché. La recherche posait... je crois que c'est cinq options différentes entre conserver tel que c'est et à la limite changer complètement, parler maintenant de responsabilité parentale en enlevant les termes «accès» et «garde», et... Bon. Alors, il n'y a pas eu de consensus à ce niveau-là. C'est ce que dit le rapport. Alors, peut-être tout simplement pour marquer que le débat n'est pas simplement un caprice à ce moment-ci, là, pour les fins du présent rapport, mais c'est une discussion qui existe depuis déjà un certain temps, cette discussion-là n'est pas tranchée. Un jour ou l'autre, il faudra probablement tendre vers un ajustement réel au texte en plus des attitudes. Enfin, c'est peut-être le commentaire que j'apporterais.

M. Bédard: Merci. Bon. De façon plus spécifique, le ministre a ouvert de toute façon... On a eu, pendant nos auditions, divers groupes qui sont venus... ? je vous dirais: un en particulier et d'autres aussi ? ont repris un peu leur inquiétude. Sans dire que les conséquences de 587.2 pouvaient être désastreuses, il reste que plusieurs groupes, sur la base de cette équité, de cette recherche de l'équité entre les enfants face au débiteur... quand vous dites ? et là j'ai une petite ? sont égaux devant la loi, vous savez, ils sont égaux devant la loi par rapport à la... parce qu'il faudrait ajouter «égaux devant la loi quant à la perception de versement de pensions alimentaires». Et c'est le seul but, c'est... dans le sens qu'ils ne sont pas égaux tout court devant la loi, ils ne sont pas égaux non plus dans la vie, ils ne sont pas égaux, alors...

Et là on a vu finalement qu'il y aurait peut-être la possibilité, un, d'une avalanche de recours parce qu'on ouvre une discrétion judiciaire, on passe d'un caractère excessif à un critère qui laisse toute marge d'appréciation au tribunal, et donc qui pourrait faire en sorte finalement que cela pourrait avoir des conséquences navrantes sur, entre autres, les familles monoparentales, qui restent, elles, les premières familles où la femme, avec des revenus moindres, pourrait se retrouver désavantagée, et créer un automatisme de diminution des pensions alimentaires ou, même plus, de se servir des barèmes comme...

Je vous dirais: le raisonnement qui pourrait se développer... C'est l'Association des avocats et avocates en droit matrimonial de Montréal qui sont venus nous dire: Le tribunal pourrait même considérer, par exemple, quatre enfants à partir du barème de quatre enfants pour une famille et de dire: Au lieu de... Vous savez, un enfant, c'est 2 800 $, deux enfants, bon, c'est moins... Alors, de dire: On considère que c'est quatre d'une même famille, donc, c'est égal: 4 800 $ quelques divisés par quatre: 1 200 $, donc... et vous voyez ce que ça pourrait entraîner.

Donc, ils nous ont mis en garde et ils nous ont dit, comme le ministre le suggérait tantôt, maintenant... peut-être de resserrer ce critère, d'encadrer cette discrétion judiciaire. Est-ce que vous seriez aussi... Auriez-vous la même prudence?

Mme Talbot (Catherine Clément): Il est bien évident qu'avoir un seul enfant, c'est sûrement des coûts qui sont différents quand on parle de quatre enfants. Anciennement, lorsqu'on évaluait, par exemple, le coût d'un enfant ? pour répondre à votre question ? c'est évident qu'un enfant avait, en chiffres, une pension supérieure. L'exemple que vous donniez tout à l'heure: je ne sais pas, moi, 1 600 $ pour un enfant alors qu'on parlerait de 4 800 $ pour quatre enfants, c'est évident que...

Et je vais me permettre d'ajouter quelque chose sur la proposition que vous faites. Lorsqu'on parle d'un époux, d'un autre époux aussi, d'une pension alimentaire qui est payée à un autre époux et qu'elle doit être considérée, je crois qu'à ce moment-là l'intérêt de l'enfant doit toujours prévaloir. Et ça, je pense que c'est un consensus, et c'est pour ça qu'on travaille lorsqu'on fait du droit familial: c'est pour l'intérêt des enfants. Alors, toute étape qui favorisera l'intérêt de l'enfant et qui fera en sorte que des enfants ne se sentiront pas, lorsqu'ils sont issus d'une autre union, des enfants de seconde zone, c'est le but recherché; et je pense que c'est l'essence même de la loi et la philosophie des amendements.

Maintenant, pour répondre un petit peu à votre question, au préalable ? je reviens un peu en arrière, je m'en excuse. L'article 16 de leur Loi du divorce, je vous le lis; l'article 16.1, puisque vous n'avez pas... J'avais apporté mon Code civil, et on a la Loi du divorce dans notre code. Ordonnance de garde: «Le tribunal compétent peut, sur demande ? je lis l'article 16 sur le divorce; le tribunal compétent peut, sur demande ? des époux ou de l'un d'eux ou de toute autre personne, rendre une ordonnance relative soit à la garde des enfants à [la] charge de l'un d'eux, soit à l'accès auprès de ces enfants, soit aux deux.» Alors, le terme «accès» est déjà utilisé dans la Loi du divorce. L'amendement semble... ou le texte préalable serait de 1997. En anglais, «custody orders», on retrouve le terme «accès». Alors, déjà on le retrouve dans la Loi du divorce, et il est mentionné... et le terme «accès» est retrouvé: Accès: «Sauf ordonnance contraire du tribunal, l'époux qui obtient un droit d'accès peut demander et se faire donner des renseignements relatifs à la santé, l'éducation et le bien-être de l'enfant.» On parle toujours de l'accès. Et je pense que c'est important, à ce stade-ci, de voir à moderniser... si le terme est correct pour vous, plutôt que «droit de visite», à mon avis, à mon humble avis.

M. Bédard: Les légistes ne sont pas ici, mais j'imagine qu'ils écoutent vos commentaires. Mais...

Une voix: Ils sont ici en arrière.

M. Bédard: Oui, je sais, ils ne sont... Je ne sais pas leur statut exact; ils ne sont pas près du ministre, je vous dirais. Alors, j'imagine qu'ils écoutent aussi vos commentaires, mais je vous dirais qu'évidemment le Code civil est un régime par lui-même, donc on doit définir les termes à partir du Code civil et de faire attention de faire des importations qui des fois, là, ont des conséquences. L'économie du Code civil, il faut la respecter, donc on ne peut pas dire: Tel terme, on l'introduit avec les conséquences que ça pourra apporter. Mais, vous savez, on l'a dit encore hier, il y a autant d'opinions que d'avocats, alors des gens plus compétents que moi vont regarder l'adéquation possible de ces choses et les possibles modifications.

Je reviens par contre à un commentaire. Vous dites: Il ne faut pas créer des enfants de seconde zone. Et là je veux bien me faire comprendre. Nous sommes en faveur du principe du projet de loi, l'équité des enfants entre eux, et là... Mais, vous savez, là, ici, on parle de l'équité des enfants versus un débiteur. C'est bien différent, c'est bien différent dans le sens que, dans leur réalité de tous les jours, les enfants peuvent vivre des situations familiales qui sont différentes et qui sont inéquitables. Le débiteur peut verser un même montant à chacun de ses enfants, et chacun d'eux peut vivre une réalité économique qui est bien différente: moi, je suis avec une conjointe qui fait, elle aussi, 50 000 $ par année; mon ex-femme fait 20 000 $, est avec trois de mes enfants, et j'en ai deux autres. J'ai beau verser le même montant ? et je fais 30 000 $ par année, par exemple ? j'ai beau verser le même montant à mes enfants, pour mes enfants plutôt, vous comprendrez que mes trois premiers enfants vont vivre dans une réalité économique qui va être bien différente que mes deux autres que j'ai avec ma nouvelle femme, avec qui j'ai des revenus familiaux d'au-delà de 100 000 $ ou de 80 000 $ par année.

Alors, je vous dis: cette équité que vous parlez, elle peut par contre provoquer des effets néfastes, et c'est ça que je tente d'éviter, dans le sens que, cette équité qu'on recherche par rapport au débiteur, il ne faudrait pas s'en servir pour accentuer la détresse vécue, entre autres, dans les familles monoparentales. Et c'est ma crainte actuellement. Pourquoi? Parce que la discrétion pourrait entraîner, comme je vous dis, une révision de base et sur... Le principe est bon, là, celui de... ce n'est pas des enfants de seconde zone, mais ce n'est pas ça... ou tous les enfants doivent être traités équitablement ou de la même façon. Sauf que, dans la réalité de tous les jours, ça va entraîner des iniquités réelles pour les enfants du premier mariage. Et je vous dirais que le cas de figure que je vous donne est pas mal un cas qui risque de se retrouver assez régulièrement dans les cas de révision de pension alimentaire. Alors...

Le Président (M. Simard): ...entendre votre réaction maintenant, puisque le temps est déjà passé.

M. Bédard: Oui, effectivement. Malheureusement, on a moins de temps aujourd'hui. Alors, notre objectif, finalement, c'est d'éviter ces cas de figure, qui pourraient être malheureusement trop nombreux, et mieux encadrer cette discrétion judiciaire.

Le Président (M. Simard): Me Talbot, Mme Dumas, M. Thibeault, ça a été évidemment très intéressant de vous avoir. Nous avons évidemment entre les mains votre mémoire et tous les documents très précieux sur votre association et ses membres. Nous vous remercions de votre collaboration aux travaux de la commission parlementaire. Nous suspendons nos travaux pendant quelques minutes pour revenir pour les remarques finales.

(Suspension de la séance à 10 h 20)

 

(Reprise à 10 h 23)

Le Président (M. Simard): Oui, oui, oui, absolument.

Alors, nous reprenons nos travaux, et je prie les membres de la commission de reprendre leur place. À l'ordre, s'il vous plaît! Nous en sommes rendus à la fin de ces auditions publiques et ces consultations particulières sur le projet de loi n° 21, et je vais maintenant demander au porte-parole de l'opposition de nous faire part de ses remarques finales.

Mémoires déposés

Auparavant, j'aimerais déposer le rapport... les mémoires de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, ainsi que le mémoire du Curateur public, que nous avons reçu par courriel au cours des derniers jours.

Remarques finales

Donc, je passe la parole au député de Chicoutimi, qui va nous faire part de ses remarques finales à la suite de ces auditions.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, encore une fois... d'abord, je vous remercie de vos bons offices. Vous avez bien mené nos travaux. Vous dire aussi que, bon, nous renouvelons évidemment, comme nous l'avons fait au départ, lors de l'adoption de principe sur le... nous renouvelons notre accord sur le principe de ce projet de loi qui vise, bon, différentes choses, entre autres d'assurer une meilleure équité entre les enfants. Par contre, l'objectif est souhaitable et souhaité mais d'application risquée, M. le Président. Et je fais cette constatation tout simplement après avoir écouté les différents groupes qui sont venus devant nous, après avoir testé ce qui était une proposition... plutôt une interprétation de l'Association des avocats et avocates en droit familial du Québec qui, souvenez-vous, lors... ? je pense que ça a été le premier groupe ou le deuxième ? très rapidement nous a mis en garde tout en, non plus, là, je vous dirais... en ne mettant pas non plus leur... mettre en doute leur accord sur le fond du projet de loi... nous mettait plutôt en garde face à une interprétation qui pourrait amener plus d'inégalités qu'elle vise à en corriger. Et cette association s'interrogeait même sur la sagesse de modifier de façon importante les critères qui peuvent être présentés aux tribunaux de déroger des montants de pension alimentaire pour enfants établis conformément aux barèmes québécois. Alors, «de façon importante»: encore là, les mots ont leur importance.

Donc, oui, nous en sommes tous... Le critère, entre autres, de la nécessité apporte une... je veux dire, le critère plutôt excessif de l'excessivité, plutôt, apporte des problématiques en termes d'interprétation et fait en sorte que certaines personnes... certaines situations plutôt se voient exclues de l'application de ce critère, alors que, selon ce qu'il semble à ces gens et à ceux et celles qui ont étudié la jurisprudence sur ce dossier, entre autres dans le rapport sur...

Le rapport du Comité de suivi du modèle québécois de fixation des pensions alimentaires pour enfants nous a mis en garde et nous a plutôt ciblé des possibles modifications à ces articles pour faire en sorte que l'intention du législateur, qui était finalement de permettre finalement cette... d'empêcher plutôt une certaine discrimination entre les enfants sur des bases... et de s'assurer de l'intérêt de l'enfant, soit maintenue dans l'application du Code civil, donc, d'où cette modification, mais d'où, en même temps, vous l'avez vu, nos réticences quant au projet de loi tel que rédigé.

Alors, encore une fois, les consultations nous ont vraiment permis d'éclairer nos lanternes sur ce petit projet de loi en termes d'articles, mais, on l'a vu, qui peut avoir des conséquences importantes au niveau des familles du Québec. On parle de 22 000 possibles. Je comprends qu'il n'y aura pas 22 000, demain matin, requêtes devant le tribunal, mais il peut y avoir effectivement un nombre beaucoup... très important de requêtes. Et une des autres démonstrations que nous avons eues, c'est que ces requêtes entraînent des coûts énormes pour ceux et celles qui font la demande, alors donc deux impacts importants, parce que le simple fait de payer des avocats entraîne aussi un impact sur les possibilités budgétaires des familles des deux côtés, alors... d'où l'intérêt d'agir avec beaucoup de prudence et de s'assurer que, je vous dirais, l'objectif noble du ministre, qui est celui qu'il avait mentionné lors du dépôt du projet de loi, soit rencontré tout en évitant des effets non souhaitables que nous mentionne l'Association des avocats et avocates en droit familial.

Et, je vous dirais aussi, ils ne sont pas les seuls, dans le sens que vous avez vu, dans le courant des consultations, que j'ai eu l'occasion quand même de tester à de nombreuses reprises leurs arguments auprès des groupes qui, tout comme moi au départ, d'ailleurs, avaient une vision, une vue très favorable du projet de loi et qui ont aussi constaté avec nous que nous aurions avantage à clarifier, à spécifier, à encadrer le critère et de ne pas le laisser à la simple discrétion des tribunaux. Bien qu'évidemment, comme le ministre le disait, cette nouvelle possibilité s'inscrirait alentour ou autour plutôt d'un cadre plus large qui comprend d'autres facteurs, il reste que de passer d'un critère excessif à celui d'une discrétion laisse présager et pourrait même entraîner une jurisprudence non souhaitable de notre part. Et je ne souhaiterais pas être obligé de revenir à la commission parlementaire dans deux, trois ans pour corriger des situations qui auraient eu, elles, des conséquences au niveau juridique pour les personnes.

n (10 h 30) n

Donc, nous avons une imperfection au niveau du texte juridique. Nous sommes d'accord, comme opposition, à modifier ces articles, mais je crois que nous pouvons faire mieux. Nous avons eu des recommandations, d'ailleurs, suite à un... pas un interrogatoire mais plutôt à des discussions un peu plus serrées avec le Barreau du Québec. Nous avons eu une lettre d'ailleurs du Barreau nous proposant certaines modifications. Et j'avais peut-être été un peu sévère, M. le Président, à l'égard du Barreau à l'époque. Ils nous ont expliqué pourquoi, d'ailleurs. Et nous gardons nos bonnes relations, M. le Président, qui nous animent depuis plus d'un an maintenant, comme responsables de l'opposition.

Mais, je suis très heureux de voir que le Barreau, suite à notre demande, nous a transmis quand même des possibilités de modifications qui viendraient clarifier le texte du projet de loi, qui empêcheraient ces effets nocifs pour les familles du Québec et surtout pour les enfants. Parce que, pourquoi on fait ça? Évidemment, c'est pour s'assurer que des familles, dans leur réalité de tous les jours, ne soient pas défavorisées et que cela n'entraîne pas une diminution de leurs conditions de vie, d'où d'ailleurs...

Et ça a été un beau mémoire, un beau moment de cette commission: hier, le Conseil de la famille est venu nous faire part aussi qu'il serait important, dans ce domaine, de ne pas agir à la pièce. Donc, ces répercussions que peut avoir le projet de loi, lorsqu'elles seraient regardées avec une lorgnette beaucoup plus grande, qui est celle de l'ensemble des mesures que pourraient avoir les familles, pourraient avoir un impact qui serait plutôt limité. Mais, comme ce n'est pas le cas actuellement, il nous met en garde d'agir, alors que, dans les conditions actuelles qui régissent les familles, cela pourrait entraîner une détérioration de leurs conditions économiques. Donc, d'où l'intérêt, je pense, d'apporter des amendements tels que d'ailleurs a discuté... a proposé encore une fois, aujourd'hui, le ministre sur les deux articles, entre autres, parce qu'une modification aussi a été proposée.

Je pense que le travail article par article sera d'autant plus intéressant, M. le Président, et je souhaite et je fais la demande au ministre de... je lui assure ma collaboration. Mais, en même temps, vu les conséquences importantes que pourrait entraîner une modification du texte de loi actuel et vu aussi la complexité quand même, parce que c'est un domaine, vous le savez, le droit familial et le droit matrimonial, qui est très particulier... Personnellement, je n'ai ? vous l'avez constaté ? je n'ai jamais pratiqué dans ce domaine. D'ailleurs, je ne le souhaitais pas et... pour des raisons qui sont, en termes de difficulté, tant au niveau des individus...

Ça prend presque une vocation pour travailler là-dedans, je vous dirais, M. le Président, et... Mais, en même temps, ça fait en sorte que ce droit-là s'est développé vraiment en marge du reste du droit et a sa propre jurisprudence. Il a développé sa propre définition des concepts. Alors, ça nous amène, nous, comme opposition, avec les moyens que vous connaissez, M. le Président... Vous avec connu les moyens du gouvernement et du pouvoir, qui sont énormes. Les moyens de l'opposition sont plutôt limités.

Le Président (M. Simard): Vous avez Me Boucher à vos côtés, quand même.

Une voix: ...

M. Bédard: Aujourd'hui, moins.

Le Président (M. Simard): Tous les moyens du pouvoir sont derrière vous, M. le ministre.

M. Bédard: Il manque une roue à la charrette, mais... Donc, je souhaiterais... et je suis convaincu... ? jusqu'à maintenant, le ministre a toujours collaboré avec nous ? que nous puissions avoir rapidement les possibilités de modifications pour que nous puissions les évaluer avec... à la lumière, je vous dirais, de la jurisprudence et des recherches que nous aurions à faire sur l'impact de telles modifications.

Alors, en terminant, je remercie aussi ma collègue qui est venue m'assister dans cette commission, qui est, vous le savez, responsable aussi... porte-parole de la condition féminine, et qui a trouvé tout de suite un intérêt au projet de loi lorsque nous avons eu à le présenter, souvenez-vous, lors du caucus, et qui m'a bien aimablement, je vous dirais... généreusement fait profiter de ses judicieux conseils sur les questions du domaine familial. Alors, je tiens aussi à la remercier; ce fut un travail d'équipe. Et je tiens à assurer le ministre que ce sera aussi un travail d'équipe quant aux... quand nous viendrons à l'étape article par article.

Alors, je remercie encore aussi le ministre de sa collaboration à chacune des étapes des consultations. Il nous a fait part de façon très ouverte, là, des possibilités d'amendement, alors je tiens à le remercier. Et je souhaite que nous passions, dans les délais requis, à cette étude article par article. Merci, M. le Président, de votre attention.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. le député de Chicoutimi, pour vos remarques. Avant de passer la parole au ministre pour ses remarques finales, je tiens à dire que j'aurai quelques petites remarques sur le déroulement présent et futur de nos travaux à la fin. Alors, nous vous écoutons, M. le ministre.

M. Marc Bellemare

M. Bellemare: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Et je dois vous dire que j'accueille très favorablement et très positivement les remarques du porte-parole de l'opposition en matière de justice, député de Chicoutimi, concernant les suites à donner à ce projet de loi n° 21, qui est un projet de loi relativement court en termes de texte, mais qui est un projet de loi qui à mon avis va apporter un remède adéquat à des situations d'injustice qui sont vécues au Québec en matière de fixation de pensions et qui touche, il faut bien le dire, des enfants, parce que les deux mesures visent à améliorer le sort des enfants du Québec qui sont issus d'unions... qui n'ont pas choisi de naître à l'intérieur de tel ou tel type d'union.

Alors, la première modification qui a reçu, je crois, l'appui quasi unanime des groupes qui se sont présentés ici, et la disposition qui permettrait ? et je ne crois pas qu'il y ait de véritables difficultés en ce qui concerne l'opposition également par rapport à cette mesure, 586 ? qui permettra enfin à des jeunes d'âge... des jeunes majeurs, mais qui ont plus de 18 ans et qui sont nés dans le cadre d'unions qui n'ont pas été assorties du mariage, union civile, séparation de fait...

Donc, ces jeunes actuellement qui ont plus de 18 ans et qui doivent agir eux-mêmes en justice et supporter l'odieux d'une démarche judiciaire contre un de leurs parents ? parent débiteur ? ce qui est à mon avis un non-sens qu'il faut corriger à tout prix parce que les enfants éprouvent bien sûr des sentiments pour leurs parents, peu importent les difficultés qui sont vécues dans le couple... et on les oblige, là, à agir en justice en leur nom personnel pour des fins alimentaires, ce qui est à mon avis inacceptable dans la société moderne. Et, si on veut préserver la qualité des relations entre les parents et les enfants, quelle que soit l'orientation que le couple a choisi de donner à l'union, que ces relations-là soient préservées parce que c'est ce qu'il y a de plus précieux, c'est de préserver au fond les liens entre les parents et les enfants dans la société d'aujourd'hui.

Donc, 586 va permettre à un parent d'agir en justice au nom de son enfant majeur pour des fins alimentaires, ce qui est à mon avis quelque chose de souhaitable, hautement souhaitable et qui existe déjà dans le cadre de la Loi sur le divorce. Donc, on va simplement harmoniser les autres unions, les autres types d'union avec celles qui sont... qui ont été approuvées dans le cadre d'un mariage civil ou religieux.

L'autre mesure qui est tout aussi importante et peut-être même plus importante que la première, c'est celle qui permettrait au juge d'exercer une discrétion équilibrée, sage, comme les exercices discrétionnaires auxquels les tribunaux civils nous ont habitués depuis des siècles lorsque des enfants sont nés dans le cadre d'autres unions. Et ici il faut bien comprendre que ce qu'on souhaite apporter comme correctif, c'est un meilleur équilibre par rapport aux enfants issus d'autres unions.

Alors, le projet de loi n° 21, qui prévoit une modification à l'article 587.2, vient parler au nom des enfants issus d'autres unions, parce qu'il faut comprendre que, dans le cadre des litiges qui prennent place devant nos tribunaux en matière alimentaire, bien, les parents ont l'occasion de s'exprimer; le père a l'occasion de s'exprimer; la mère a l'occasion de s'exprimer, de produire tous les témoins qu'ils entendent présenter au tribunal, de présenter tous leurs moyens.

Donc, le débat prend place entre les parents, et qui sont souvent représentés par avocats, et qui ont l'occasion de faire valoir tous leurs besoins, tous leurs moyens. Et à mon avis, à l'heure actuelle, les grands absents en termes de considération véritable sont les enfants issus d'autres unions, parce que les enfants issus d'unions dont il est question devant le tribunal, eux, sont considérés de façon tout à fait adéquate, du fait qu'il est question de leurs besoins alimentaires propres.

Les enfants issus d'autres unions postérieures, parce que les parents, un des deux parents ou les deux parents ont choisi de refaire leur vie, d'avoir d'autres enfants ne sont pas à mon avis suffisamment considérés dans le cadre des mesures actuelles. Et c'est la raison pour laquelle on veut modifier le Code civil pour permettre que le juge puisse tenir compte, sans qu'on établisse devant lui des difficultés excessives, tenir compte du fait qu'il y a d'autres enfants, parce qu'il y a un débiteur alimentaire qui a des ressources particulières. Et il ne faut pas, comme c'est le cas actuellement à mon avis, et le rapport du Comité de suivi le soulignait, que les règles actuelles fassent en sorte que la capacité de payer soit surestimée, du fait que l'application des barèmes, dans certains cas, fait en sorte que les besoins alimentaires de l'enfant dont il est question dans le cadre de l'union qui est débattue devant le tribunal... reçoive des aliments qui sont disproportionnés par rapport à ceux qui sont dévolus aux autres enfants. Parce que, en réalité, le Code civil, tel qu'il est libellé actuellement, permet de tenir compte des besoins des autres enfants uniquement si les difficultés excessives sont établies.

n (10 h 40) n

Or, qu'on le veuille ou non, la jurisprudence, telle qu'elle s'est développée, fait en sorte que ce critère de «difficultés excessives» est lui-même jugé excessif. Et il est très peu appliqué par les tribunaux de sorte qu'il subsiste, dans certains cas malheureusement, des situations d'injustice qui font en sorte que la capacité de payer du débiteur alimentaire pour subvenir aux besoins alimentaires de ses autres enfants va être à mon avis injustement altérée, du fait d'une application inadéquate de la grille prévue, grille qui a été conçue sans tenir compte au départ, là, de la possibilité que d'autres enfants naissent dans le cadre d'autres unions.

On parle ici de cas exceptionnels, il faut bien le comprendre. Il n'est pas question pour nous de remettre en question l'application de la grille dans l'immense majorité des cas, et c'est la raison pour laquelle le Code prévoit, à 587.1, une présomption d'application de ce barème qui va, nous l'espérons, s'appliquer dans l'immense majorité des cas. Et on n'a pas de raison de penser le contraire. Les associations d'avocats... Le Barreau du Québec, qui nous a fait une présentation tout à fait éloquente, s'est montré très rassurant quant au fait que le code, tel qu'on prévoyait le modifier, maintiendrait des garanties suffisantes pour faire en sorte que le barème s'applique dans l'immense majorité des cas.

Et il faut comprendre également que, si on regarde dans une perspective historique le débat des pensions alimentaires, en 1997, on avait... le législateur avait la même crainte quant à la possibilité qu'une avalanche de demandes de révision soit présentée. Et il y avait un débat là-dessus qu'on se disait: Bon, bien là est-ce que ça va enclencher une série de requêtes devant les tribunaux, compte tenu des nouvelles règles? Et, cette crainte-là, on l'a toujours comme législateurs. C'est tout à fait simple. Et le député de Chicoutimi a tout à fait raison de soulever cette crainte-là.

Quelles seront les conséquences des amendements qu'on souhaite apporter au Code civil? Est-ce qu'on va se retrouver avec une augmentation sensible du nombre de cas? Est-ce que tout le monde va se précipiter pour obtenir une modification de pension? C'est bien sûr un souci qu'on doit avoir, une crainte qu'on doit avoir, mais on doit aussi la maîtriser et tenir compte de la réalité et de ce que les observateurs nous apportent. Et à mon avis les garanties et la sagesse de la présentation du Barreau et de l'Association des familialistes de Québec, hier, qui s'est présentée ici, ainsi que des associations de médiateurs aussi qui sont venues nous parler... Deux associations importantes et très représentatives sont venues nous dire qu'il n'y avait pas lieu de croire qu'il y aurait une avalanche de demandes de révision.

Et je crois à cet égard que nous avons prévu des mécanismes suffisants et que nous allons probablement être à la recherche de nouveaux mécanismes, hein? Peut-être, comme le Barreau le suggérait, modifier le terme «difficultés excessives» à la faveur de «difficultés», simplement pour que le signal soit encore plus clair avec une présomption mais en tenant compte aussi de la sagesse des tribunaux. Il faut tenir compte, je pense, dans nos démarches, aussi du fait que les tribunaux se sont toujours montrés conservateurs jusqu'à maintenant quant aux cas où le barème de fixation ne serait pas appliqué. Donc, les tribunaux ont toujours été tout à fait tendancieux vers l'application du barème. C'est une tendance à mon avis qui va continuer de se maintenir. Il faut faire confiance aux juges. Le barème de fixation n'est pas toujours applicable de façon réaliste. Il mène à certaines injustices, et il faut faire confiance à quelqu'un pour rétablir ces injustices-là; et ce quelqu'un, bien, ce sera M. le juge ou Mme le juge, comme nous le souhaitons dans les cas bien sûr jugés exceptionnels.

Le rapport du Comité de suivi, à la page 17, nous renseigne sur un certain nombre de difficultés et il dit notamment, et je cite: «Il est trop onéreux d'exercer un recours basé sur une difficulté excessive.» Il faut également tenir compte de ça, les frais d'avocat, qui sont... qui sont élevés. Mon collègue le député de Chicoutimi l'a souligné avec raison: ça coûte cher d'avoir accès aux tribunaux en matière alimentaire. Mais le critère de «difficultés excessives» fait en sorte que les coûts sont encore plus élevés.

Donc, le rapport du Comité de suivi le soulignait, et nous croyons apporter une solution acceptable à ce problème. Et aussi le rapport du Comité de suivi disait que le modèle actuel se trouvait, dans certains cas, à hausser indûment le revenu du payeur après une rupture en ne permettant pas de tenir compte toujours de la pension versée à une première union, alors que la deuxième union n'a jamais vécu avec le montant total du revenu du parent payeur. Il faut tenir compte qu'il y a un parent payeur dans bien des cas. C'est le parent qui sera débiteur alimentaire.

S'il y a d'autres obligations, à mon avis, il faut que les autres enfants issus d'autres unions soient considérés de façon particulière, pas sur le même niveau que les difficultés économiques résultant de l'exercice des droits de garde ou des dettes engagées par le débiteur alimentaire pour des fins familiales. À mon avis, il faut situer les enfants à un niveau plus élevé. Il faut que la priorité soit de nos enfants et que ce soit un signal clair de la part du législateur pour faire en sorte que ces enfants, qui sont, je le répète, les grands absents du débat bien souvent parce que leurs intérêts financiers, alimentaires, ne sont pas véritablement considérés à leur juste mesure à mon avis dans la loi actuelle, soient rehaussés et considérés sur le même pied que les enfants issus de l'union dont il est question devant le tribunal.

Nous avons également été saisis hier, de la part du Conseil de la famille, d'une proposition visant à mettre en place un guide qui permettrait de mieux renseigner les parents quant aux impacts de la fixation et qui permettrait ainsi, dans une certaine mesure, les parents étant mieux renseignés, de faire en sorte qu'en fonction des amendements qu'on souhaite apporter comme de ceux qui ont déjà été apportés en début d'année les parents soient davantage informés des impacts, des conséquences, des modalités de fixation ? comment ça fonctionne, la fixation? ? avant de s'embarquer dans des procédures coûteuses et, dans certains cas, assez longues, que les parents soient mieux renseignés.

Donc, nous travaillons actuellement, au ministère de la Justice, à la révision du guide qui a été mis en place il y a sept, huit ans pour faire en sorte qu'il tienne compte des nouvelles réalités et des nouvelles conditions rattachées à la fixation de pensions. Et nous allons faire en sorte que le Conseil de la famille soit impliqué dans la démarche de révision du guide pour faire en sorte que les amendements qui seront apportés par le projet de loi n° 21, parce qu'il y en aura très certainement, de même que ceux qui ont déjà été apportés depuis 1997 soient mieux expliqués aux parents et que le guide leur permette de mieux cheminer en fonction des nouvelles règles, et ainsi... éviter que des parents ne fassent des démarches en révision ou en fixation de pensions sans connaître au départ les tenants et aboutissants probables des démarches qu'ils entendent amorcer.

Je désire, en terminant, souligner et... féliciter le porte-parole de l'opposition, le député de Chicoutimi, ainsi que la députée de Terrebonne pour leur contribution remarquable aux travaux de la commission; Mme Boucher également, recherchiste, qui a, comme à l'habitude, fait un travail remarquable dans le cadre des échanges que nous avons eus et qui a eu accès aussi aux légistes et aux juristes ainsi qu'aux économistes du ministère de la Justice, que je remercie également; Me Tanguay, Me Frenette, pour leur présence assidue et leur travail, comme à l'habitude, remarquable au soutien des travaux de la Commission des institutions.

Je vous remercie également, M. le Président, pour votre vigilance traditionnelle et très appréciée, M. Breault, également, Mme Pélissier, mon attachée politique, à ma gauche, ainsi que les parlementaires qui ont participé aux travaux depuis le début: député de Trois-Rivières, député de La Prairie et le député de Shefford, toujours aussi cordial et aimable, bien sûr, qui a permis à la commission de cheminer de façon conviviale et très efficace, au cours des dernières semaines. L'étude article par article sera très certainement aussi productive, aussi efficace. Alors, merci à tout le monde, et passons à l'étape suivante dans les plus brefs délais.

Le président, M. Sylvain Simard

M. Simard: Merci, M. le ministre. Je pense que nous adhérons tous aux remarques du député de Chicoutimi comme à celles du ministre.

Je vais à mon tour remercier les groupes qui sont venus témoigner, les groupes divers qui sont venus témoigner devant cette commission, groupes qui représentaient certains justiciables. C'est pour eux que nous travaillons et ainsi qu'évidemment... tous les divers juristes qui oeuvrent dans ce secteur. C'est souvent, pour tous ceux qui sont ou juristes ou non-juristes spécialisés dans le droit familial, difficile et complexe, mais nous ressentons toujours l'extrême importance de ces débats sur des catégories importantes de notre société. Et je pense que la commission doit se féliciter d'avoir pris le temps d'écouter attentivement, de questionner... et de peser et soupeser ces brefs articles mais qui ont des répercussions importantes.

J'entendais le juge Beaudoin, juriste remarquable, ancien collègue, l'autre jour dire que le droit devait nécessairement être plus lent que l'évolution de la société, mais que ce droit doit aussi tenir compte de l'évolution de la société. C'est ce que nous... C'est ce que le législateur tente de faire, et il le fait, je crois, bien lorsqu'il travaille comme nous avons travaillé.

Je me permets à mon tour de souhaiter que les amendements prévus nous soient connus le plus tôt possible, que nous ayons tout le temps de faire un travail, jusqu'à la dernière minute de l'adoption article par article, de façon sérieuse. Je veux remercier à mon tour les parlementaires de cette commission et leurs collaborateurs, remercier... et de façon spéciale aujourd'hui, puisqu'ils sont essentiels à notre travail, nous ne pouvons travailler sans eux ? nous les avons requis d'ailleurs aujourd'hui, auprès de nous ? les juristes de l'État en cette journée. Il est important de reconnaître, surtout à la Commission des institutions, qui est celle qui réforme le droit, la nécessité de leurs conseils judicieux quotidiens.

Merci à tous, et à bientôt. Nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 10 h 50)

 


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