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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 21 avril 2004 - Vol. 38 N° 41

Étude détaillée du projet de loi n° 2 - Loi concernant l'obtention et l'exécution réciproques des décisions en matière d'aliments


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Table des matières

Étude détaillée

Intervenants

Mme Lise Thériault, vice-présidente

M. Bernard Brodeur, président suppléant

M. Marc Bellemare

M. Stéphane Bédard

M. Daniel Turp

M. Jacques Côté

M. Pierre Moreau

* Mme Denise Gervais, ministère de la Justice

* Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats

(Seize heures quatre minutes)

La Présidente (Mme Thériault): Puisque nous avons le quorum, nous allons donc débuter les travaux. Donc, je déclare la séance ouverte. J'aimerais rappeler le mandat de la commission qui est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 2, Loi concernant l'obtention et l'exécution réciproques des décisions en matière d'aliments.

Donc, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Bordeleau (Acadie) est remplacé par M. Tomassi (LaFontaine) et M. Létourneau (Ungava) est remplacé par M. Bédard (Chicoutimi).

Étude détaillée

Exécution d'une décision en matière d'aliments

Demandes provenant du Québec (suite)

La Présidente (Mme Thériault): Merci. Donc, nous avions déjà entrepris l'étude du projet de loi n° 2. Nous étions rendus à l'article n° 24, et je vous rappelle que l'article n° 6 est en suspens. Donc, M. le ministre, pour l'article n° 24.

M. Bellemare: Oui. Alors, est-ce que c'est moi qui le lis ou si c'est vous qui le lisez, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Thériault): Allez-y, oui.

M. Bellemare: O.K. Alors, le texte du projet de loi se lit comme suit:

«La demande doit être accompagnée d'une copie certifiée conforme de la décision et mentionner:

«1° le nom du créancier;

«2° le nom du débiteur et, s'ils sont connus, son adresse, le nom et l'adresse de son employeur, ainsi qu'une description de ses biens meubles et immeubles;

«3° le montant de la pension alimentaire, la description des versements à échoir et l'indice d'indexation qui est applicable, s'il y a lieu, ainsi que, le cas échéant, la date du défaut du débiteur et le montant des arrérages;

«4° les autres informations et documents exigés par l'État désigné;

«5° toute autre information et tout autre document requis par le ministre de la Justice.»

Alors, commentaire, remarque: Cet article précise les éléments d'information nécessaires à la demande d'exécution, laquelle devra toujours être accompagnée d'une copie certifiée conforme de la décision. Il s'agit d'informations nécessaires pour faciliter l'exécution de la décision à l'étranger. Alors...

La Présidente (Mme Thériault): Vous avez...

M. Bellemare: J'ai un amendement...

La Présidente (Mme Thériault): ...oui, un amendement.

M. Bellemare: ...Mme la Présidente, alors: À l'article 24 du projet de loi, ajouter l'alinéa suivant ? ouvrez les guillemets:

«Une traduction certifiée conforme de la demande et des documents qui l'accompagnent doit être jointe, si l'autorité compétente de l'État désigné l'exige.»

Alors, comme commentaire: La modification proposée vise à introduire au chapitre III de la loi portant sur l'exécution d'une décision en matière d'aliments une disposition concernant la traduction qui est au même effet que celle qui se trouve au chapitre II, à l'article 6, portant sur l'obtention d'une décision.

La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Chicoutimi, avez-vous des commentaires?

M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Vous allez me permettre quelques secondes, le temps de nous replonger dans l'étude. Je voulais voir... Bon. Évidemment, ça, c'était conforme aux demandes du Barreau.

Sur la traduction, est-ce que ça posait un problème de coûts aussi, M. le ministre? Est-ce qu'on le rattachait... La difficulté de la traduction des documents, est-ce que ça pouvait poser une problématique de coûts pour ceux et celles qui...

M. Bellemare: Oui. J'ai analysé cette question des coûts et je ne suis pas en mesure de vous confirmer que l'État s'engagerait à supporter les coûts de cette traduction, M. le député de Chicoutimi. J'ai examiné ça chez moi et je ne dis pas non, je ne dis pas oui, mais je ne suis pas en mesure de vous dire si ce sera possible et encore moins si on peut s'engager, dans la loi, à supporter ces coûts.

La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: O.K. Quant au reste de l'article, il est semblable à celui qu'on retrouve... Non, je n'ai pas d'autre commentaire, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Thériault): Non?

M. Bellemare: On ajoute un alinéa.

M. Bédard: Oui, c'est ça, mais on va voir avec l'article 6.

(Consultation)

La Présidente (Mme Thériault): Est-ce que vous avez d'autres commentaires, M. le député de Chicoutimi?

M. Bédard: Bien, O.K., sur l'article 24, comme il fait référence à l'article et l'amendement fait référence à l'article qui est en suspension, là, l'article qui est suspendu plutôt ? en suspension! ? qui est suspendu, qui est l'article 6, est-ce que je comprends que la réponse va être la même de la part du ministre pour l'article 6?

M. Bellemare: Ce qu'on a évalué, nous, qui pourrait être traduit aux frais du ministère, ce seraient les frais de traduction de jugements, pas les frais de traduction des pièces. Mais ça...

M. Bédard: Mais les documents qui l'accompagnent, ça peut être quand même assez important.

M. Bellemare: Je sais, oui.

M. Bédard: Même plus important que le jugement.

M. Bellemare: Mais, comme je vous dis, là, je pourrai vous informer ultérieurement de ce qu'on est capables de faire. Mais, pour l'instant, je ne suis pas en mesure de vous répondre sur la question, à savoir si on va supporter les frais de traduction des pièces. Parce que les frais de traduction du jugement, me dit-on, en vertu de la charte, on doit les supporter, alors ça, ça va, mais, quant au reste...

M. Bédard: Est-ce que je pourrais proposer une chose? Peut-être...

n(16 h 10)n

M. Bellemare: L'article 9 de la charte, M. le député, qui nous demande de traduire tout jugement rendu par un tribunal.

M. Bédard: Excusez, il y a un bruit de fond. O.K. Peut-être... Je demande au ministre, seulement pour mieux apprécier: Il faudrait peut-être qu'on suspende avec l'amendement, là, quant à l'amendement, et qu'on puisse terminer les autres, le temps de... bien, qu'on garde 6 et 24 ensemble, comme les deux articles sont liés, là, puis faire part des propositions. Puis, après ça, on prendra une position finale quant à notre appui ou non de l'article.

M. Bellemare: C'est beau. O.K. Ça me convient.

La Présidente (Mme Thériault): D'accord. Donc, l'article 24 est suspendu. Nous allons passer à l'article n° 25. M. le ministre.

M. Bellemare: Alors, 25 se lit comme suit, texte du projet: «Le ministre de la Justice transmet la demande, et les documents qui l'accompagnent, à l'autorité compétente de l'État désigné pour que la décision visée par la demande puisse y être exécutée, selon les lois qui y sont en vigueur.»

Alors, le commentaire est le suivant: Cet article prévoit que le ministre de la Justice est responsable de la transmission des demandes destinées à l'étranger et précise que les décisions y seront exécutées selon les lois en vigueur dans l'État à qui la demande a été transmise. Alors, il n'y a pas d'amendement suggéré à l'article 35.

M. Bédard: Parfait. Non, je n'ai pas de question.

La Présidente (Mme Thériault): Pas de questions?

M. Bédard: Je ne sais pas si mon collègue a des questions.

M. Turp: Non.

Des voix: Adopté.

Demandes provenant d'un État désigné

La Présidente (Mme Thériault): Donc, l'article 25 est adopté. Nous passons maintenant à l'article n° 26. M. le ministre.

M. Bellemare: Donc, section II, Demandes provenant d'un État désigné. L'article 26 se lit comme suit: «L'autorité compétente d'un État désigné peut transmettre au ministre de la Justice une demande d'exécution d'une décision en matière d'aliments.»

Alors, Mme la Présidente, il s'agit d'une disposition qui est à l'effet que les articles 26 à 32 prévoient la procédure visant à obtenir, au Québec, l'exécution d'une décision provenant d'un État désigné. L'article 26 précise que les demandes provenant de l'étranger devront être adressées au ministre de la Justice qui est responsable de la réception des demandes dans le cadre de la présente loi. Il n'y a pas d'amendement prévu à cet article non plus.

La Présidente (Mme Thériault): Donc, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: O.K. C'est ça. J'aimerais ça vous demander: Est-ce qu'il y a une question de délai relativement à cette transmission? Il n'y en a pas? Dans le temps, est-ce que ça peut avoir une importance?

M. Bellemare: On n'a pas prévu de délai.

M. Bédard: Parce que la décision... donc, autrement dit, peu importe à quel moment elle a été prise, il n'y a pas de délai précis, donc elle est exécutoire.

M. Bellemare: Parce que, si on prévoyait un délai, ce serait de lier l'autorité étrangère ? c'est ça?

Mme Gervais (Denise): On a prévu à l'article 2 que la décision qui était transmise pouvait précéder la date de la désignation qu'on a fait de l'État, mais, une fois l'État désigné, ils se transmettent les décisions qui ont été rendues chez lui, qui sont non prescrites, qui sont exécutoires.

M. Bédard: Donc, ça reste... O.K. Parfait.

La Présidente (Mme Thériault): Pas d'autres questions sur l'article 26? L'article 26 est-il adopté? M. le député de Chicoutimi, l'article 26 est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

La Présidente (Mme Thériault): Adopté. M. le ministre, l'article n° 27?

M. Bellemare:«La demande doit être accompagnée d'une copie certifiée conforme de la décision et mentionner:

«1° le nom du créancier;

«2° le nom du débiteur et, s'ils sont connus, son adresse, le nom et l'adresse de son employeur, ainsi qu'une description de ses biens meubles et immeubles;

«3° le montant de la pension alimentaire, la description des versements à échoir et l'indice d'indexation qui est applicable, s'il y a lieu, ainsi que, le cas échéant, la date du défaut du débiteur et le montant des arrérages;

«4° toute autre information et tout autre document requis par le ministre.»

Alors, commentaire: Cet article précise les éléments de contenu de la demande en provenance de l'étranger. Il n'y a pas d'amendement suggéré à cet article.

La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Est-ce qu'il y a des amendements? Non? Aucun?

La Présidente (Mme Thériault): Non, aucun.

M. Bédard: O.K. On l'avait réglé aussi. Et là j'ai devant moi les commentaires du Barreau, là, où eux précisaient, à l'article 27, d'ajouter, comme on l'a fait d'ailleurs, au paragraphe 3°, bon, le nom du débiteur et, s'ils sont connus... Le montant, plutôt, de la pension alimentaire et, après, là, le montant à échoir, d'ajouter en précisant la date d'exigibilité de la pension. Est-ce que ce commentaire a été apprécié, là? Est-ce que c'est applicable dans ce cas-ci? On l'avait réglé pour l'autre. C'est ça, hein?

Mme Gervais (Denise): Oui...

M. Bédard: Parce que, dans ce cas-ci... Allez-y, excusez.

M. Bellemare: Mme Gervais.

Mme Gervais (Denise): Dans ce cas-ci, ce n'est pas nécessaire de le préciser parce que cette information-là est déjà incluse dans les éléments d'information qui sont demandés...

M. Bédard: Que, nous, on demande.

Mme Gervais (Denise): ...et notamment dans le montant des arrérages. Pour déterminer le montant des arrérages, il a fallu déjà déterminer la date d'exigibilité de la pension...

M. Bédard: Pour calculer les arrérages.

Mme Gervais (Denise): ...et donc c'est une information qui est déjà incluse.

M. Bédard: Qui est incluse. C'est beau. Parfait.

La Présidente (Mme Thériault): Juste pour les fins d'enregistrement, peut-être nous décliner votre identité, Me Gervais, avec votre responsabilité.

Mme Gervais (Denise): Denise Gervais, du ministère de la Justice.

La Présidente (Mme Thériault): Denise Gervais, et vous êtes avocate au ministère de la Justice. Merci.

M. Bellemare: Excellente avocate, d'ailleurs ? comme tous les avocats du ministère ? particulièrement versée dans ces questions d'exécution de pension, n'est-ce pas?

Mme Gervais (Denise): Merci.

M. Bellemare: Et je vais payer le café en plus, imaginez!

M. Bédard: Faites attention, normalement, hein, quand on fait un compliment, il y a d'autres choses en arrière.

M. Turp: Il y a le pot après.

La Présidente (Mme Thériault): Est-ce que ça vous va pour l'article 27 ou s'il y a d'autres questions?

M. Bédard: Oui, pour l'article, oui.

La Présidente (Mme Thériault): Oui, ça va pour l'article 27? Donc, c'est adopté?

M. Bédard: Adopté.

La Présidente (Mme Thériault): Adopté. L'article 28, M. le ministre.

M. Bellemare: Oui, alors: «Une traduction certifiée conforme en langue française de la demande et des documents qui l'accompagnent doit être jointe, si leur langue originale n'est ni le français ni l'anglais.»

Alors, commentaire: Cet article exige que la demande et les documents l'accompagnant soient traduits en langue française s'ils sont rédigés dans une langue autre que le français ou l'anglais. Cette exigence est également posée à l'article 12 de la présente loi pour les demandes d'obtention d'une décision en matière d'aliments provenant de l'étranger. Comme nous l'avons déjà mentionné, cette exigence est conforme à celle posée par le Québec dans le cadre d'autres relations de coopération internationale en matière familiale, dans l'application de la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, conclue à La Haye en 1980, où la réserve émise par le Québec, conformément à l'article 42 de cette convention, exige la traduction en langue française de toute demande, communication ou autre document dont la langue originale n'est ni le français ni l'anglais. Il n'y a pas d'amendement proposé à l'article 28.

M. Bédard: Autrement dit... O.K. oui.

La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: O.K. Donc, cette demande provient d'un État étranger, si je comprends, «conforme de la demande et des documents [...] si leur langue originale n'est ni le français ni l'anglais». Bon. Elle est... Oui. Et nous poursuivons. Si, par exemple, c'est l'anglais, et ce qui arrive quand même assez fréquemment et ce qui va arriver le plus fréquemment, donc il n'y a pas de traduction. C'est cela? Est-ce que... Et la traduction, elle se fait comment? Par la personne qui... Parce que vous appliquez le jugement à ce moment-là, vous? C'est la demande d'exécution, donc la personne contre qui le jugement est pris à ce moment-là, elle, pour avoir une traduction du jugement... Dans vos procédures, est-ce que vous joignez une traduction du jugement? Dans l'exécution?

Mme Gervais (Denise): Vous voulez dire pour l'administration, par exemple? Pour le ministère du Revenu qui aurait exécuté? Non.

M. Bédard: Non. Donc, vous prenez pour acquis que la personne a eu jugement, connaît le jugement, elle sait les conséquences, et vous exécutez purement et simplement. C'est ça?

Mme Gervais (Denise): Mais de la même façon que les jugements peuvent être rendus au Québec en français ou en anglais et qu'on les traite dans leur langue.

M. Bédard: Nous, on n'a aucune obligation, autrement dit, non plus pour les jugements de l'extérieur, on les envoie évidemment en français, puis eux exécutent purement et simplement. C'est ça?

Mme Gervais (Denise): Ça, c'est les demandes qui proviennent de l'étranger.

M. Bédard: Oui, oui et là... Mais je vous dis à l'inverse.

Mme Gervais (Denise): Donc, elles sont transmises en anglais. Le jugement va être en anglais, il va être traité en anglais par l'administration.

M. Bédard: C'est ça. Puis, à l'inverse, c'est la même chose, si, nous, nous avons un jugement en français...

Mme Gervais (Denise): Mais ça, c'était l'article qu'on a adopté, l'article 4... 24.

Une voix: ...

Mme Gervais (Denise): C'est ça. Si l'État étranger exige que ce soit en anglais, à ce moment-là le jugement doit être traduit et la charte prévoit, à l'article 9, qu'à la demande d'une des parties le jugement peut être traduit en anglais. Donc, le jugement serait...

M. Bédard: En général, eux demandent qu'il soit traduit? Actuellement?

Mme Gervais (Denise): Bien, on envoie toujours... Dans les juridictions qui exigent que les documents soient traduits en anglais, on les envoie en anglais, et les jugements sont traduits par le ministère de la Justice ou par le ministère du Revenu, selon le cas.

M. Bédard: Et j'imagine que pratiquement dans la majorité des autres États, c'est ce qu'eux demandent, qu'ils proviennent en anglais?

Mme Gervais (Denise): Oui, il y a quatre provinces canadiennes qui...

M. Bédard: Ah oui! Sauf les provinces. C'est toute la question... oui, O.K.

Mme Gervais (Denise): C'est ça, il y a quatre provinces canadiennes, là, qui n'exigent pas et qui doivent les recevoir en français, et on les envoie à ce moment-là.

M. Bédard: O.K.

n(16 h 20)n

La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Dubuc.

M. Côté: Oui. Qui certifie conforme la traduction? Est-ce que c'est un traducteur professionnel accrédité ou... avec un sceau, j'imagine.

Mme Gervais (Denise): ...

La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Mercier.

M. Turp: Est-ce que...

(Consultation)

La Présidente (Mme Thériault): La parole est au député de Mercier. M. le député?

M. Turp: Non, il faut que je réfléchisse plus longtemps à ma question.

La Présidente (Mme Thériault): Non? Ah! D'accord, pas de problème.

M. Bédard: On avait fait le débat, hein? C'est ça, là je ne veux pas...

M. Turp: Je vais suspendre ma question.

M. Bédard: Vous suspendez votre question. Elle est suspendue, elle est en suspension.

M. Turp: Je suspends ma question.

M. Bédard: C'est ce que j'ai dit tantôt.

M. Turp: C'est une question suspensive et due.

M. Bédard: Toute la question de la traduction, on l'avait examinée dans le cadre d'un autre article, là, vous comprendrez que, depuis l'étude, ça fait un petit bout de temps, là, mais... Et, concernant, entre autres, les autres provinces, est-ce qu'on peut demander, par exemple, que... Est-ce qu'on leur demande que les jugements soient traduits, eux, en français? Pour l'exécution?

Mme Gervais (Denise): Non, puisque, nous, on peut traiter en anglais et en français les...

M. Bédard: Par rapport aux... O.K., donc... Et là vous n'envoyez jamais copie du jugement de toute façon, c'est ça, hein, avec l'exécution, qui est un autre domaine que le jugement en tant que tel. Je veux dire, le jugement a déjà été rendu, il y a eu possibilité de se défendre, et tout ça. O.K. Non, non, ça me pose moins de problèmes.

M. Bellemare: Ce qui vient de l'extérieur du Québec, du reste du Canada, vient en français ou en anglais. Puis, nous, quand on envoie les jugements en français puis qu'ils ne veulent pas les exécuter, j'imagine qu'on n'a pas bien, bien le choix non plus ? c'est ça? Un peu le même problème.

La Présidente (Mme Thériault): Merci. Il y a le député de Mercier qui a retrouvé sa question.

M. Turp: J'ai retrouvé ma question: Est-ce qu'il y a une obligation constitutionnelle qui nous empêche, dans ce cas particulier, quand la demande vient d'un État désigné, de ne pas exiger une traduction quand c'est l'anglais? Parce que, là, c'est l'État désigné lui-même, là, puis l'État désigné peut être un État américain, alors là j'imagine qu'il n'y a pas d'obligation constitutionnelle qui nous empêcherait d'exiger une traduction française d'un document qui viendrait des États-Unis. Et le critère que nous avions évoqué avant, c'est parce qu'il y avait une obligation constitutionnelle qu'on n'exigeait pas la traduction en français des documents.

M. Bellemare: La réponse, c'est en vertu de l'article 7 de la Charte de la langue française, on ne pourrait pas exiger que ce soit traduit en français.

M. Turp: Même si ça vient des États-Unis? Est-ce que les Américains profitent de l'application de la Charte de la langue française lorsqu'il s'agit...

M. Bellemare: C'est ce qu'on avait indiqué, il me semble, la dernière fois qu'on en avait parlé.

M. Turp: J'en douterais, hein? Ce serait une application très généreuse et extraterritoriale de notre charte.

Une voix: Non.

M. Bellemare:«Toute personne ? 7, alinéa 4° ? peut employer le français ou l'anglais dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux du Québec et dans tous les actes de procédure qui en découlent.»

M. Turp: Et est-ce que ça, ça comprend une personne à l'étranger?

M. Bellemare: Bien, c'est un tribunal québécois qui est saisi de la demande de l'étranger, donc ça se passe ici, hein?

M. Turp: On est généreux.

M. Bellemare: Oui, ça, on est généreux, tout à fait. Bien, c'est toute la...

M. Turp: Pour les États étrangers, donc le Québec est très bilingue.

M. Bellemare: Bien, c'est finalement l'État étranger qui achemine une demande d'exécution qui provient d'une personne qui réside à l'étranger puis qui en quelque part s'adresse au tribunal québécois par le biais de l'entente de réciprocité.

M. Turp: Vous savez, j'ai l'impression que la Charte de la langue française va plus loin que même l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 en cette matière, si c'est comme ça qu'elle est interprétée.

M. Bellemare: Bien, concernant la langue des tribunaux au Québec, la charte a été refaite, hein, ou rédigée, corrigée en fonction des jugements de la Cour suprême en matière de langue des tribunaux.

M. Turp: Oui, sauf que c'est pour les personnes qui détiennent la citoyenneté canadienne. Ou est-ce que c'est la loi... c'est le fait que c'est une mise en oeuvre de l'obligation qu'on a accepté d'assumer en vertu de la Convention de La Haye? Est-ce que c'est ça plutôt?

M. Bellemare: Bien, moi, j'ai l'impression que, du fait qu'on adopte une loi qui facilite la réciprocité en matière de perception et qui amène des gens à s'adresser aux tribunaux québécois par le biais de la loi, c'est comme s'ils étaient ici, là. Des gens de l'extérieur qui saisissent un tribunal québécois d'une question peuvent s'adresser au tribunal québécois en français ou en anglais, en tout cas c'est ce que je comprends de 7.4°. Puis, par cette loi, bien là on...

M. Turp: Bien, moi, ce que je comprends... Je le comprends aussi, parce que c'est très libéral comme interprétation.

M. Bellemare: Bien, c'est parce que le tribunal du Québec, lui, que la demande vienne du Vermont ou qu'elle vienne du Nouveau-Brunswick, c'est quand même un tribunal québécois qui doit être saisi de la demande en vertu de notre loi.

M. Turp: Oui, mais les mêmes règles ne s'appliquent pas nécessairement à une demande provenant de l'étranger qu'à une demande venant du reste du Canada, parce qu'il s'agit des droits linguistiques, là.

M. Bellemare: Bien, on ne fait pas la distinction ici, là. On dit: «Le français est la langue...» 7, à l'article 7:

«Le français est la langue de la législation et de la justice au Québec ? là, c'est ça ? sous réserve de ce qui suit ? puis là il y a l'alinéa 4°:

«4° toute personne peut employer le français ou l'anglais dans toutes les affaires dont sont saisis ? sans égard, là c'est moi qui parle, là, à la provenance de la demande ? les tribunaux du Québec et dans tous les actes de procédure qui en découlent.»

C'est difficile de dire qu'on ne peut pas utiliser l'anglais.

M. Turp: Non, je suis d'accord. Mais, regardez, le problème, c'est que la réciprocité n'est pas vraie dans six provinces sur 10 du Canada même. Puis elle ne doit pas l'être aux États-Unis. Nous, on autorise tout le monde finalement à utiliser l'anglais, on n'exige pas de traduction, alors que, nous, quand on va dans les autres juridictions, on est obligés d'avoir une traduction quand ce n'est pas l'anglais.

M. Bellemare: Mais oui, puis ce n'est pas équitable. C'est certain que ce n'est pas équitable. Mais c'est les règles du jeu au Québec, en tout cas on les a établies à l'article 7, en fonction de ce que 133 de la Constitution nous imposait, comme la Cour suprême l'a interprété.

M. Turp: Mais là on l'appliquerait aux États-Unis.

M. Bédard: Voilà. Elle s'applique à nos concitoyens. Ça, c'est le principe même constitutionnel.

M. Bellemare: Mais elle s'applique à toute demande, toute demande.

M. Bédard: Non, c'est un règlement...

M. Bellemare: Toute personne peut employer le français...

M. Bédard: Peu importe la fin, là, mais le but de tant 133 qu'au niveau de la Charte des droits, c'est: il y a une forme de... même la jurisprudence par rapport à la réalité linguistique des gens qui habitent le territoire, pas par rapport à la situation internationale... Et ça, je n'ai aucune espèce de doute par rapport à ça, là. Et là qu'on décide, je vous dirais, en toute gentillesse, de ne pas imposer d'obligation que les autres nous imposent, en considérant que le français est notre langue d'usage et notre langue officielle, on le fait simplement, purement, par gratuité, là, ni en vertu de la Charte de la langue française, encore moins en vertu de la Constitution, ça... Mais on peut décider de le faire, et là ce que je comprends, c'est qu'on décide de ne pas appliquer cette réciprocité, de ne pas exiger tout simplement, je vous dirais, par...

M. Turp: Il y a votre conseillère en arrière qui aurait peut-être quelque chose à dire.

M. Bellemare: Bien, j'en ai une à côté, ici, Me Gervais. Allez-y, Me Gervais, sur les pratiques, vous me parliez des pratiques.

M. Turp: Moi, j'ai plus l'impression que c'est... Ce n'est pas la convention, là, qui... On a accepté, dans la Convention de La Haye, de...

Mme Gervais (Denise): C'est la pratique actuelle, c'est prévu. C'est la pratique actuelle et c'est la pratique qu'on a développée dans le cadre... C'est la politique qu'on a adoptée, la politique gouvernementale qu'on a adoptée dans le cadre de l'application de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement d'enfants. C'est tout à fait l'approche qu'on avait développée dans le cadre de ces relations de coopération internationale en matière familiale.

M. Turp: Où on a...

Mme Gervais (Denise): Mais c'est aussi la pratique actuelle d'application de la Loi sur l'exécution réciproque des ordonnances alimentaires depuis...

n(16 h 30)n

M. Turp: Mais on se rend compte que la pratique fait que la réciprocité ne vaut que pour quatre provinces canadiennes. Et, quand on y pense, là, quand une personne qui est visée par la demande est une francophone ici, au Québec, elle reçoit un document, il n'est qu'en anglais. Il n'y a pas de traduction. Alors, cette personne et son avocat éventuellement doivent avoir et travailler avec un document qui n'est qu'en anglais. Ça, on devrait comprendre ça comme ça, hein? Je ne suis pas sûr si c'est correct, là, mais... Surtout... Puis là on n'a rien à faire à cause de la Constitution de 1867. Mais, pour les Américains, ce n'est pas la même affaire, là. C'est parce que, nous, on interprète libéralement l'article 7 de la Charte canadienne.

M. Bellemare: Je crois que c'est assez évident, là, qu'en vertu de l'article 7 de la charte on ne peut pas exiger une traduction en langue française pour toutes les demandes. On peut le faire pour les demandes qui ne sont pas en français ou en anglais, mais je pense que, si la demande est produite ici, au Québec, en langue française ou anglaise, on doit l'accepter.

Je comprends que ce n'est pas nécessairement équitable, là, si on regarde l'attitude de nos collègues du reste du Canada. C'est une problématique qui est probablement réelle et que je ne conteste pas. Là, j'en suis simplement à voir si on pourrait ? et c'est la question que je posais à Me Gervais ? arrêter l'article, là, à «doit être jointe» et enlever «si leur langue originale n'est ni le français ni l'anglais». Mais je pense qu'on violerait la charte, clairement, là, et je crois que ce ne serait pas conforme au fait que la demande peut être adressée en français ou en anglais à un tribunal québécois.

M. Turp: Ça pourrait être: À moins que la demande ne provienne de l'État désigné Canada? Parce que, en principe, on ne devrait pas, il me semble que l'on ne devrait pas offrir aux demandes venant des États-Unis qu'elles puissent être présentées en anglais seulement, parce que ça concerne des Québécois de langue française aussi.

M. Bellemare: Mais c'est que la loi sur la réciprocité constitue un peu notre bras international. C'est ce qui permet à des demandes de l'extérieur du Québec de venir ici. Et c'est le but de la loi, c'est de permettre à des non-Québécois qui sont des créanciers alimentaires de débiteurs alimentaires québécois de s'adresser aux tribunaux québécois par le biais de cette loi-là. Parce que, actuellement, ils ne peuvent pas le faire. Donc, là, on fait une entente de réciprocité et on permet à des non-Québécois d'adresser des demandes au Québec. Alors, je pense que...

M. Turp: Mais on ne devrait pas exiger...

M. Bellemare: Si on avait une exception à 7.4° de la charte et qu'on avait une exception à l'exception, mais ce n'est pas le cas, là.

M. Bédard: Mais ce n'est pas une exception à la charte.

M. Turp: Non, mais, la charte, vous l'interprétez très largement. Mais regardez ce que vous faites finalement, vous l'interprétez largement seulement pour l'anglais, et ça, cette interprétation large me paraît acceptable dans les rapports avec le reste du Canada, mais pas avec les États-Unis ou le Royaume-Uni, parce que, là, vous traitez d'autres pays... On traite, par notre loi, des pays différemment des autres pays qui ont une autre langue que l'anglais comme langue officielle, parce que ces pays-là, eux, doivent nous fournir une traduction.

M. Bellemare: Une demande en justice qui provient d'un Australien qui vient au Québec et qui vous poursuit parce que vous l'avez blessé, lui, il ne demeure pas au Québec et il introduit une demande en justice pour dommages causés au Québec, donc il s'adresse au tribunal québécois en anglais et il va pouvoir s'adresser en anglais au tribunal québécois même s'il n'est pas résident canadien, même s'il n'est pas citoyen canadien ou le...

M. Turp: Je ne suis pas sûr que c'est la même chose, là, ça.

M. Bellemare: Le tribunal, la langue du tribunal...

M. Turp: Ça, c'est... Il a été blessé au Québec, là? Il relève de la compétence territoriale du Québec à ce moment-là.

M. Bellemare: Le tribunal québécois, le juge québécois, lui, travaille... «Toute personne peut employer le français ou l'anglais dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux du Québec...» On ne dit pas que... Parce que, moi, je regarde 7.4°, ça m'apparaît évident, là, qu'on ne peut pas...

M. Turp: Est-ce que ce serait possible pour vous, M. le ministre, de faire une note pour qu'on soit très bien éclairé si c'est vraiment la portée de l'article 7, ou que l'office fasse une note comme celle-là?

M. Bellemare: L'office de?

M. Turp: De la langue française ou celle qui connaît bien cette charte et son interprétation. Peut-être que ça va être utile pour la suite des choses, pour d'autres lois qui pourraient être adoptées et qui vont poser les mêmes problèmes. Pour qu'on ait l'heure juste, là, sur la portée de la charte et sur ce qu'on devrait exiger et accepter, dans des conventions internationales, sur cette question.

M. Bellemare: Vous comprenez qu'on va... L'office, là, ce n'est pas moi, là, il va falloir qu'on attende que l'office nous dise...

M. Turp: Ou qu'un juriste dans votre ministère...

(Consultation)

M. Bellemare: M. le député de Mercier, on m'indique, là, que... Précisément, dans les commentaires dont j'ai fait état au moment de la présentation du texte de l'article 28, on m'indique qu'effectivement, en 1984, un décret a été adopté ? c'est ce qui apparaît dans le bas, dans les commentaires ? un décret a été adopté pour... exigeant la traduction en langue anglaise pour toute demande, communication ou autre document dont la langue originale n'est ni le français ni l'anglais. Donc, ça, c'était en 1984, ça. Alors, on le fait déjà finalement. Mais écoutez...

M. Turp: Regardez, on s'est engagé par une convention internationale, même dans la réserve, là. Quand est-ce que ça été fait, ce décret-là? C'est nous autres ou vous autres?

Une voix: C'est nous autres.

M. Bellemare: Non, non, c'est vous autres.

M. Turp: C'est vous autres, 1984.

Une voix: C'est nous.

M. Bellemare: C'est un dénommé Pierre Marc Johnson probablement, qui était ministre de la Justice à l'époque.

M. Turp: Oui, exactement. Juste avant...

M. Bellemare: Juste après l'honorable Marc-André Bédard, qui a été ministre pendant exactement sept ans et quatre mois.

M. Turp: Parce qu'on était dans une époque d'affirmation nationale à cette époque-là.

M. Bédard: Il n'avait pas... encore, c'est après...

M. Turp: Non, c'est vrai que c'est après.

M. Bédard: Peu importe. O.K.

M. Turp: Alors, si je comprends bien, là, c'est bien davantage ça que notre charte qui fait qu'on s'est comme imposé une obligation additionnelle. Et c'est peut-être ces pratiques-là qui devraient être remises en question dans l'avenir. Parce que, là, il y a une autre convention dans la... Me Gervais nous a expliqué qu'il y en a une en renégociation. Ce ne serait peut-être pas une bonne idée de faire une réserve de ce type, et qui nous oblige à faire bien davantage que nos partenaires, et de ne pas exiger d'eux ce que nous acceptons de faire pour eux.

M. Bellemare: Oui.

M. Turp: Alors, l'avenir.

M. Bellemare: Vous comprendrez notre hésitation à toucher à une mesure qui avait été adoptée par un gouvernement aussi près du respect du français.

M. Bédard: Et que vous avez appuyée à l'époque d'ailleurs, M. le ministre.

n(16 h 40)n

M. Turp: Et qui est davantage... Moi, ma préoccupation, ce serait de respecter nos engagements internationaux, là, parce que le gouvernement doit respecter ses engagements internationaux.

M. Bellemare: Est-ce que vous seriez satisfaits de ces explications pour être favorables à l'article 28?

M. Bédard: On a des réserves.

M. Turp: Avec les, je pense, réserves qu'on a mises.

M. Bédard: Mais est-ce que vous ne pensez pas possible quand même qu'on puisse avoir peut-être un avis un peu éclairant sur la pratique puis voir s'il y a moyen de le corriger, ou tout se fait... Quel est le premier précédent? Est-ce qu'il faut le changer? Est-ce que... Et de quoi on s'inspire finalement pour... Parce que ce n'est pas le dernier traité qu'on va signer. Souhaitons que même, dans l'avenir, nous puissions en signer comme État plein et entier, là. Et ce n'est pas le but, sans vouloir partir un autre débat, mais peut-être avoir, ça nous éclairerait sûrement, de la part du ministère de la Justice... Pensez-vous que c'est possible, M. le ministre?

M. Bellemare: Je dois consulter mon adjoint parlementaire sur cette question.

M. Bédard: Sur quelle question?

M. Turp: D'autant que notre Assemblée nationale maintenant approuve les conventions internationales importantes.

M. Bellemare: Oui, comme il l'a fait, il y a peu de temps d'ailleurs, dans les questions d'enlèvement d'enfants, je crois.

M. Turp: Hier. Hier après-midi même.

M. Bédard: Seriez-vous d'accord pour qu'on ait un avis émanant du ministère tout simplement et pas une lettre expliquant de quelle façon, là...

Une voix: ...

M. Bédard: C'est ça, en termes juridiques, d'où prennent naissance ces... quant à l'utilisation de la langue.

M. Turp: Il y a un de vos juristes, là, qui va vouloir faire ça, là, nous éclairer, sans...

M. Bellemare: Est-ce que vous en faites une condition? Est-ce qu'on pourrait passer sur 28?

M. Bédard: Un engagement. Moi, si j'ai un engagement de votre part, M. le ministre...

M. Bellemare: Oui? Bien, on...

M. Bédard: Mais ça me prend un engagement.

M. Turp: Pas dans un lien avec l'article, O.K.?

M. Bellemare: O.K. Je suis d'accord.

M. Turp: Parce qu'on a un engagement international.

M. Bellemare: Je suis d'accord. On va demander au ministère chez nous pour trouver où se situe la pointe d'excellence en matière de conventions sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants et de langue.

M. Turp: À notre ami Éric Théroux. Éric pourrait faire ça.

M. Moreau: Compte tenu de l'engagement du ministre, auquel souscrit l'adjoint parlementaire.

M. Bédard: Entre-temps aussi, en même temps qu'on puisse disposer de l'avis quand même assez... Sans vouloir imposer un délai très strict, là, mais on aura différents processus d'adoption, là, si on est même capables de l'avoir avant la dernière étape, ce serait sûrement très, très apprécié. Je pense que ça peut se faire.

M. Bellemare: O.K. Je vais demander que ce soit fait. La dernière fois que je vous ai promis quelque chose, c'est venu assez vite, M. le député.

M. Bédard: Alors, c'est pour ça que nous nous fions à votre parole, M. le ministre.

M. Bellemare: Mais la dernière fois j'étais le seul signataire.

M. Turp: Mais, en passant, vous m'avez promis aussi de me dire si le Code civil est une loi fondamentale. Est-ce que vous avez une réponse pour moi là-dessus?

M. Bellemare: Oui, je vous l'aurai demain.

M. Turp: C'est-u vrai? J'ai hâte de voir ça. J'en ai parlé avec Nicole Duplé, notre collègue constitutionnaliste...

M. Bellemare: Vous l'aurez demain.

M. Turp: ...et j'ai hâte de comparer les réponses.

M. Bellemare: Vous l'aurez demain.

M. Turp: Merci.

M. Bellemare: Si vous me le rappelez demain, à 2 heures.

La Présidente (Mme Thériault): Donc, l'article 28 est-il adopté? Adopté. D'accord, adopté. M. le ministre, l'article n° 29. Et vous avez un amendement?

M. Bellemare: Oui. 29, donc le texte est le suivant:

«Sur réception de la demande, le ministre produit, pour dépôt, la copie certifiée conforme de la décision, ainsi que les documents qui l'accompagnent, au greffe de la Cour supérieure du district où le débiteur a sa résidence habituelle.

«Cette décision équivaut, à compter de la date de son dépôt au greffe, à un jugement rendu par un tribunal du Québec et en a tous les effets.

«Le greffier avise le débiteur, par courrier recommandé ou certifié, du dépôt de la décision au greffe et lui transmet une copie de la demande et des documents qui l'accompagnent.»

Alors, le commentaire est le suivant: Cette disposition prévoit la façon dont le ministre de la Justice disposera de la demande d'exécution de la décision étrangère et les effets qui en découleront. La procédure prévue aux fins d'assurer le caractère exécutoire de cette décision au Québec est prise en charge par le ministre de la Justice et se réalise par la voie du dépôt de la décision et les documents qui l'accompagnent au greffe de la Cour supérieure du district où réside le débiteur alimentaire.

Dès lors, la décision étrangère produit les mêmes effets qu'une décision rendue au Québec. Cette décision est particulière et diffère de la procédure habituelle de reconnaissance et d'exécution des décisions étrangères qu'on retrouve au Code de procédure civile, aux articles 785 et 786, laquelle procède par voie judiciaire à l'initiative des parties concernées.

La disposition prévoit aussi qu'un avis du dépôt au greffe de la décision étrangère sera donné, par courrier recommandé ou certifié, par le greffier, au débiteur alimentaire, qui recevra en même temps copie de la demande d'exécution et des documents qui l'accompagnent. L'obligation de procéder par courrier recommandé ou certifié est justifiée par la nécessité de conserver une preuve officielle de l'envoi au débiteur d'un avis de dépôt de la décision étrangère au greffe.

Alors, il y aura un amendement proposé à l'article 29, Mme la Présidente, qui serait à l'effet de retirer simplement le terme «habituelle» à la fin du premier alinéa de l'article 29.

Et cet amendement serait conforme à ce qui a déjà été fait à quelques reprises précédemment dans cette loi, à la suggestion du député de Marguerite-D'Youville, adjoint parlementaire émérite.

La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Mercier.

M. Turp: Ah! M. le ministre, je veux vous faire remarquer que, dans le projet de loi n° 11 qui est actuellement à l'étude, je l'examinais hier, là, pendant qu'on débattait d'un engagement international, la Conférence de droit privé, qu'on devait approuver, il y a une référence à la notion de «résidence habituelle», dans le projet de loi n° 11. Alors, je pense que le ministre de la Justice doit être vigilant, parce que, si on l'enlève ici, il y a une autre loi où la question doit se poser, parce que... Et d'ailleurs ça concerne le débat que nous avons parce que, dans ce projet de loi n° 11, on dit: La notion de «domicile» est comme équivalente à la notion de «résidence habituelle». Alors, est-ce que, dans ce projet de loi, on doit aussi remettre en cause le qualificatif d'«habituelle» ou est-ce que c'est différent?

M. Bellemare: Mme Gervais a une réponse très convaincante à vous fournir.

Mme Gervais (Denise): Pour le projet de loi n° 11, c'était pour la mise en oeuvre de la Convention adoption internationale, et le projet de loi donne force de loi à la convention, il l'introduit donc dans le droit québécois, et la Convention de La Haye utilise, là, «résidence habituelle» dans ce cadre-là. Donc, il fallait conserver, là, «résidence habituelle». C'était la terminologie de la convention.

M. Turp: Je ne suis pas certain parce que, vous savez, la mise en oeuvre, en droit interne, d'une convention internationale, cette loi-là le fait aussi, et ce n'est pas parce que ce n'est pas écrit «a force de loi» que cette loi-là n'est pas une mise en oeuvre indirecte de la convention internationale. Et, ici, on a décidé de ne pas utiliser le mot «résidence»...

Mme Gervais (Denise): Il n'y a pas de convention internationale ici.

M. Turp: Il n'y a pas de convention? On ne met pas en oeuvre même une convention qui est à venir? Ah non! Je me trompe de projet de loi, là.

Mme Gervais (Denise): Non, non, non.

M. Turp: C'est laquelle où il y avait une convention à venir, là?

M. Moreau: Tu es trop vite, Daniel.

M. Turp: Non, mais, vous savez, ce n'est pas seulement la mise en oeuvre de résultat seulement du fait qu'on mentionne «a force de loi».

Mme Gervais (Denise): Oui, mais il n'y a pas de convention multilatérale qui gouverne.

M. Turp: Mais est-ce que vous ne nous avez pas dit que nous prenions même les devants en la matière et qu'il y a une convention internationale qui s'en vient, dans laquelle peut-être il y aura la notion de «résidence habituelle»?

Mme Gervais (Denise): Notion de «résidence» possiblement, comme on l'avait mentionnée. Mais, dans le contexte des travaux d'élaboration de la future Convention de La Haye, il s'agit d'un instrument international multilatéral qui va porter sur essentiellement le même objet, disons, mais qui sera probablement différente à plusieurs égards, là, ou en tout cas qui comportera des éléments de particularité par rapport à notre projet de loi. Notre projet de loi à nous, il établit un système de coopération bilatéral et il ne résulte pas, là, de l'application d'une convention internationale existante, donc...

M. Turp: J'en conviens, mais est-ce que... Voilà, j'ai une question pour vous alors: Est-ce que, quand cette convention internationale va être adoptée, il y aura besoin d'une autre loi ou est-ce que cette loi suffira?

Mme Gervais (Denise): Ah non, non! Il y aura besoin d'une autre loi, à mon avis.

M. Turp: Parfait.

M. Bellemare: Êtes-vous convaincu, M. le député de Mercier?

M. Bédard: Il fera son oeuvre dans l'autre commission.

M. Turp: Avec le projet de loi n° 11. Il a été examiné déjà, non?

M. Bédard: Pas ici.

M. Turp: Le 11, c'était une autre commission, là.

Mme Gervais (Denise): Les affaires sociales.

M. Bellemare: La CAS.

Une voix: Adopté.

n(16 h 50)n

M. Turp: Allez-y, on adopte.

M. Bellemare: Adopté. Donc...

La Présidente (Mme Thériault): On va commencer par adopter l'amendement.

M. Turp: Ah oui! Allez-y.

La Présidente (Mme Thériault): Oui, l'amendement à l'article 29. L'amendement est adopté?

Des voix: Adopté.

La Présidente (Mme Thériault): Et l'article 29, tel qu'amendé, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

La Présidente (Mme Thériault): Merci.

M. Bellemare: Tous en coeur.

M. Turp: Comme à l'église, adopté.

La Présidente (Mme Thériault): Donc, nous passons à l'article 30, M. le ministre.

M. Bellemare: Merci, Mme la Présidente. Alors:

«Dans les 30 jours suivant la réception de l'avis du greffier, le débiteur peut s'opposer, par requête, à l'exécution de cette décision pour l'un des motifs prévus au livre dixième du Code civil.

«La requête en opposition est signifiée à toute personne dont la présence est nécessaire à la solution complète de l'affaire, ainsi qu'à l'autorité compétente de l'État désigné en lui demandant d'aviser le créancier alimentaire. Elle est instruite et jugée d'urgence.

«Le dépôt au greffe de la requête ne suspend pas l'exécution de la décision, à moins qu'un juge n'en ordonne autrement.»

Le commentaire est le suivant: L'article prévoit que le débiteur peut soulever, à l'encontre de la décision étrangère, les motifs d'opposition prévus au Code civil concernant la reconnaissance et l'exécution des décisions étrangères, motifs fondés notamment sur la compétence des autorités qui ont rendu la décision, le respect des principes essentiels de la procédure et l'ordre public, l'article 3155 et 3156 en particulier. Le débiteur dispose d'un délai de 30 jours suivant la réception de l'avis du greffier pour s'opposer. L'article précise que la requête en opposition sera instruite et jugée d'urgence et qu'à moins que le juge n'en décide autrement le dépôt de cette requête ne suspend pas l'exécution de la décision. Alors, il n'y a pas d'amendement proposé à cet article.

La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Parfait. Une question importante. Tantôt, on disait: Il n'y a pas de délai. Alors, ce qui veut dire que la transmission du jugement peut se faire dans un délai même parfois très, très long. Et ce qui fait que quelqu'un peut avoir obtenu un jugement il y a plusieurs années et maintenant a trouvé son débiteur et décide d'exécuter. Or, ce que nous mentionnait le Barreau, c'était celui de demander... de «pouvoir, à l'occasion d'une opposition, demander aussi la révision de la pension alimentaire afin d'éviter un préjudice important, les circonstances et la situation des parties, la sienne notamment, pouvant avoir changé de façon significative».

Je comprends que cette procédure vise l'exécution du jugement, donc il est assez particulier d'introduire une notion qui fait plus appel à une révision du jugement. Mais, selon l'économie de notre droit familial... familial, oui, dont je ne suis pas le plus compétent, il reste que modifier une pension alimentaire, le montant, pour d'autres motifs est accessoire au jugement de fond, qui, lui, consent finalement à cette pension. Et là, comme le délai peut être très grand, ce peut être un an, ce peut être deux ans, ce peut être cinq ans, donc la situation du créancier peut avoir évolué et même du débiteur peut avoir évolué d'une façon pendant toutes ces années, pendant même... Est-ce que vous avez réfléchi à la possibilité d'introduire une telle possibilité pour le débiteur?

Une voix: ...

M. Bédard: Non, pour le débiteur, d'opposer un moyen de révision de sa pension pour des motifs que sa situation, comme on... Vous avez vu le projet de loi, là, c'est modifié comme un des motifs qu'on invoque au niveau du Code civil aussi, là, soit que cette situation ait changé dramatiquement, genre a perdu son emploi et lui demande la révision de ses... et pas simplement les arrérages, ce qui est une autre chose, mais carrément une révision du montant, là. Est-ce qu'on peut introduire? Est-ce que vous avez réfléchi à cette possibilité-là? Oui?

M. Bellemare: Mais est-ce qu'il n'y aurait pas, à ce moment-là, un conflit du fait que, le tribunal, on aurait déjà reçu un jugement ou une entente qui serait exécutoire, qu'on voudrait rendre exécutoire, et on permettrait au tribunal, à l'occasion de sa reconnaissance de ce jugement, de revoir le fond de ce même jugement?

M. Bédard: D'autoriser la partie qui condamne...

M. Bellemare: Est-ce que c'est logique en droit international privé, ça?

M. Bédard: C'est ça que je demande. Bien, parce que ça vient du Barreau, là, je me dis: ce n'est pas des fous.

Une voix: Ce n'est pas des deux de pique.

Mme Gervais (Denise): Mais en fait on...

M. Bellemare: C'est en principe recevable.

M. Bédard: Mais je suis prêt à me rendre aux arguments de...

Mme Gervais (Denise): En fait, on a voulu, dans le projet de loi n° 2, harmoniser le projet avec les règles générales du droit international privé. Puis, dans le chapitre portant sur la reconnaissance, l'exécution des décisions étrangères, donc les article 3155 et suivants du Code civil, on a prévu précisément qu'au moment de la demande de reconnaissance et d'exécution on ne peut pas réviser au fond la décision. On le dit précisément, l'article 3158, là: «L'autorité québécoise se limite à vérifier si la décision dont la reconnaissance [et] l'exécution est demandée remplit les conditions prévues au présent titre, sans procéder à l'examen au fond de cette décision.»

Donc, en principe, c'est comme ça qu'on fait. Mais ça n'empêche pas que la modification de la décision pourra ensuite être demandée au Québec, parce que les autorités québécoises, là, suivant l'article 3143, seront compétentes pour modifier la décision, qui est une décision qui a effet au Québec, mais qui peut être modifiée au fond. Mais ça se fera...

Une voix: ...

Mme Gervais (Denise): Oui, c'est ça. Ça se fera par une procédure, là... comme toute autre décision québécoise qui aurait besoin d'être révisée ou qui...

M. Bédard: O.K. Simplement pour bien comprendre, là, on parle d'un jugement étranger, évidemment...

Mme Gervais (Denise): Oui.

M. Bédard: ...qu'on fait exécuter ici, au Québec. Et ce que vous me dites, c'est qu'on peut, par requête, au Québec, faire modifier...

Mme Gervais (Denise): Une fois que le jugement sera devenu exécutoire, qu'il aura effet, comme tout autre jugement au Québec, on pourra demander de le réviser.

M. Bédard: On peut? Alors, pourquoi on ne pourrait pas dans ce cas-là, d'abord? Là, je comprends la logique de... Ils disent, autrement dit: Comme on peut le faire... et là je ne l'ai pas poussé plus loin, là, mais, comme on peut le faire de toute façon lorsque le jugement devient exécutoire, autrement dit lorsqu'il est déposé et que son dépôt entraîne finalement son application au Québec, comme il pourrait le faire après l'exécution, pourquoi ne pas le faire simultanément à l'exécution? C'est ce qu'eux disent, et là je ne trouve pas ça fou, d'abord.

Ce que vous me dites, maître, c'est qu'il pourrait le faire, le jugement s'appliquerait immédiatement, donc procédure de saisie, de perception automatique, et là, bon, on s'en prend aux biens ? et c'est normal, là ? du débiteur. Mais, tout d'un coup, il y a un délai... il y aura un délai. Par la suite, il se rend compte que sa situation a changé et, en vertu du droit privé... en vertu du Code civil, il pourrait, par requête, faire modifier le jugement au fond.

Mme Gervais (Denise): C'est ça, par requête ou par opposition, au moment de... En s'opposant à l'exécution, par exemple, il pourra soulever...

M. Bédard: Mais pourquoi pas l'introduire à cette étape-là? Ça... En termes de délai, c'est que... Ce qu'il vise, autrement dit, c'est éviter que la personne finalement revienne, et ce serait comme ajouter ce que dit le Code civil, de dire: Vous avez le même recours, vous pouvez effectivement, comme le Code civil, demander une révision de cette pension au même moment. Parce qu'il serait un peu anachronique d'exiger finalement que la partie attende son exécution, alors que c'est la finalité de cet article, pour revenir, dans une autre procédure, réviser ce montant. Ce ne serait pas plutôt utile de l'introduire comme le fait le Code civil, là, autrement dit introduire... Moi, je pourrais même ajouter une phrase qui dirait: Et donne la possibilité d'exercer dans les mêmes délais les requêtes, en vertu de l'article que vous m'avez cité, du Code civil. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Bellemare: Si vous me permettez, je vous lirais l'article 3158 du Code civil, là, au chapitre premier, titre quatrième, De la reconnaissance et de l'exécution des décision étrangères, qui dit: «L'autorité québécoise se limite à vérifier si la décision dont la reconnaissance ou l'exécution est demandée remplit les conditions prévues au présent titre, sans procéder à l'examen au fond de cette décision.» Hein, «l'autorité québécoise se limite à vérifier», donc ça voudrait dire que le tribunal devrait se limiter, à moins qu'on amende...

M. Bédard: Mais l'autre article...

M. Bellemare: ...3158, qui définit le rôle du tribunal qui doit regarder...

M. Bédard: Oui, mais là on parle d'exécution. On parle d'exécution. Ça, c'est ce qui permet l'exécution dans ce cas-ci. Avez-vous...

M. Bellemare: Oui. C'est ça. Non, non, mais c'est ça...

M. Bédard: Là, je ne l'ai pas, le Code civil.

M. Bellemare: ...je vous réfère à 3158, qui justement parle de l'exécution de décisions étrangères.

M. Bédard: Permettez-moi peut-être deux minutes de suspension, le temps que je vérifie dans le Code civil, voir.

M. Turp: On va vérifier si le député de Marguerite-D'Youville ignore la loi. Demande-lui le nom d'un... le numéro d'un article, puis dis-lui de le réciter.

Des voix: ...le libellé de 1053.

M. Moreau:«Toute personne est responsable des dommages causés à autrui par sa faute, en négligeant son incurie ou son inhabileté.»

Des voix: C'est ça?

M. Turp: C'est quel numéro maintenant dans le nouveau code?

M. Moreau: 1047? C'est quoi à cette heure?

M. Turp: Non, non, non. 1383, je pense.

M. Moreau: Non, non, non.

M. Turp: Oui, oui, oui.

M. Moreau: C'est 14 quelque chose. 1053, c'est devenu...

M. Turp: C'est quoi?

Une voix: Oui, c'est ça.

M. Turp: Il me semble que c'est 13 quelque chose.

Une voix: Attends, je vais te le trouver.

M. Turp: Vous n'avez pas suivi vos cours de révision du code, là, en même temps que tous les autres avocats, là?

La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre, je pense que...

M. Bédard: L'article que vous me citiez, c'était quoi?

M. Bellemare: 3158.

n(17 heures)n

M. Bédard: Non, l'autre, celui que vous me disiez, qu'on pouvait demander la révision.

Mme Gervais (Denise): 3143, je crois, pour préciser que l'autorité québécoise aurait compétence pour réviser la décision étrangère par la suite.

M. Bédard: Ah, voilà! Donc, 3143 qui dit: «Les autorités québécoises sont compétentes pour statuer sur une action en matière d'aliments ou sur la demande de révision d'un jugement étranger rendu en matière d'aliments qui peut être reconnu au Québec ? c'est exactement le cas ? lorsque l'une des parties a son domicile ou sa résidence au Québec.»

Alors, moi, je dis: Pourquoi ne pas ajouter, comme le prévoyait... Au lieu de le faire en deux temps, pourquoi ne pas le prévoir dans l'un des motifs au livre dixième et à l'article 3143 du Code civil? Parce que vous ne contrevenez pas... Le jugement demeure enregistré. Vous ne contrevenez pas à l'article 3158, le jugement demeure celui qui est applicable. Ce que permet... Tout ce que vous faites, c'est que vous donnez la possibilité simultanément à l'individu de voir sa pension révisée conformément à l'article 3143, au lieu de le faire en deux temps. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Bellemare: Comme le Barreau parle de donner ce pouvoir au juge «afin d'éviter un préjudice important, les circonstances et la situation des parties pouvant avoir changé de façon significative», alors vous nous parlez d'un cas où le tribunal québécois ne pourrait pas revoir au mérite le jugement, mais amener un fait nouveau qui permettrait de modifier le quantum de la pension, par exemple, dans le temps.

M. Bédard: Actuellement, il peut le faire, mais la seule différence, c'est qu'il peut le faire en deux temps. Il va le faire... Ce que veut éviter le Barreau, c'est qu'il dit... Là, actuellement, l'effet du jugement, c'est de dire: Il s'applique, donc les procédures d'exécution s'appliquent immédiatement. Lui, dans un autre temps, va réintroduire sa requête en révision de sa pension parce que, tout d'un coup... Et là le jugement peut dater de cinq ans, là. Comme il n'y a pas de délai, il peut dater de cinq ans. Dans les quatre dernières années, il a perdu son emploi, au lieu de faire 70 000 $ par année, il fait 22 000 $, il est rendu avec trois enfants. Mais là, si on ne lui donne pas le délai, la procédure d'exécution, elle s'applique immédiatement. Lui, il faut qu'il introduise sa requête. Pourquoi ne pas l'autoriser en même temps?

M. Bellemare: Me Gervais.

M. Bédard: Pour éviter des situations... Et là je me mets dans la situation, comme on l'a fait dans le projet de loi n° 21, M. le ministre, où quelqu'un, depuis ce temps-là, a refait sa vie, trois enfants ? et je comprends que ça n'enlève pas les obligations ailleurs, mais «trois enfants» ? baisse dramatique de salaire, subvient aux obligations, là, tout d'un coup, woups! son salaire est saisi. Là, il n'a plus rien, là. C'est quoi... J'imagine que c'est ça, le but que le Barreau souhaitait peut-être éviter là, que lui puisse en même temps... au lieu d'être obligé de réintroduire une autre requête, de payer des frais juridiques additionnels, à ce moment-là, de le faire au moment de la contestation, dont il ne conteste pas le jugement au fond. Et ça ne va pas à l'encontre du droit international. Mais au contraire, en vertu de l'application à l'interne qui... même le Code civil permet cela, mais on le fait simultanément. Donc, le jugement s'applique, mais en même temps je demande la révision, ce qui empêche l'exécution immédiate, donc de créer des situations inéquitables.

Mme Gervais (Denise): C'est sûr que, dans le cadre de 3143, il est possible de demander au tribunal québécois de se prononcer sur la révision d'une pension alimentaire et d'un jugement étranger. Mais, à ce moment-là, la partie étrangère va donc devoir être signifiée et, on peut imaginer, participer à la prise de... en tout cas au débat. Et une autre possibilité, c'est que, si on demande la modification d'une pension alimentaire d'un jugement rendu à l'étranger et qu'on utilise la procédure qui est prévue dans cette loi particulière là, la façon de procéder, c'est que la partie qui est ici, dans l'hypothèse d'un débiteur, enverrait une demande qui transiterait par le ministère de la Justice pour que soit modifiée, dans la juridiction où habite le débiteur alimentaire, la décision qui est exécutoire. Bien, c'est la procédure qu'on prévoit, là. On prévoit dans ça qu'on peut utiliser le mécanisme de coopération pour obtenir une pension alimentaire ou pour faire réviser une pension alimentaire qui est exécutoire sur notre territoire.

M. Bédard: ...la décision.

Mme Gervais (Denise): Oui.

M. Bédard: Il va suivre le même processus. Et ce processus-là serait le même s'il utilise 3143. Ce serait la même chose.

Mme Gervais (Denise): Oui. Mais, si on...

Une voix: Ça, c'est au Québec.

Mme Gervais (Denise): Oui. Mais, en tout cas, comme on l'a dit, la logique de notre système de reconnaissance des décisions, c'est que ça se passe en deux temps: c'est qu'on reconnaît, on donne effet, et par la suite, s'il y a lieu de modifier, on l'examine, et c'est examiné par le tribunal lorsque la requête lui est adressée. Mais, dans ce cadre-là, ça pourrait avoir un effet dilatoire, là, un effet où on s'opposerait à... on demanderait la modification de la décision pour peut-être...

M. Bédard: Oui, mais c'est par requête.

Mme Gervais (Denise): ...et on judiciariserait, là, dans tous les cas, en tout cas...

M. Bédard: Mais pourquoi «dans tous les cas»? Ça peut être le cas, aussi...

Mme Gervais (Denise): Bien, en fait, pas dans tous les cas, mais dans...

M. Bédard: 3143 me le permet de toute façon. Ce que je vous dis, c'est que, moi, si je veux être dilatoire vraiment, là, et j'ai assez d'argent pour payer des avocats, je n'aurai aucun problème. Je vais le faire pareil à l'article 3143. Vous allez m'arriver avec votre jugement...

Mme Gervais (Denise): Ça, c'est dans la...

M. Bédard: ...puis, moi, je vais vous déposer une requête dans la journée d'après, en demandant une suspension, puis là je vais être dilatoire. Là, ce que je vous dis, c'est: Dans le cas à l'évidence où quelqu'un est pris dans une situation parce qu'il ne peut pas invoquer la non-exécution devant le juge, parce que ce ne sera pas un des motifs du livre dixième, donc là, à ce moment-là, le jugement, il s'applique automatiquement.

Mme Gervais (Denise): Non. Mais il va pouvoir...

M. Bédard: Par la suite.

Mme Gervais (Denise): ...s'opposer à l'exécution par la suite. Dès que le jugement va devenir exécutoire et qu'il va être mis à exécution par le ministère du Revenu, il va pouvoir, en vertu du Code de procédure civile, s'opposer à l'exécution. 596 le prévoit, ça, qu'il peut s'opposer à l'exécution.

M. Bédard: À 31, mais c'est en deux temps.

Mme Gervais (Denise): Oui, parce que...

M. Bédard: Pourquoi vous ne le permettez pas en un seul temps, alors qu'il y a d'autres requêtes qui sont prévues? En vertu du livre dixième, là, c'est ce qui est prévu. Pourquoi ne pas le permettre en même temps? D'autant plus que c'est par requête, c'est une procédure qui est quand même assez légère, donc rapide d'exécution.

M. Bellemare: Au fond, ce que vous dites, M. le député de Chicoutimi, c'est que, si on pourrait modifier finalement l'article 30 pour permettre que la révision se fasse dans le cadre de la même procédure, en vertu des mêmes règles que celles prévues à la loi, au fond...

M. Bédard: Exactement, ça l'introduit.

M. Bellemare: ...qu'il y aurait opposition... il y aurait opposition, demande de révision, demande qui serait adressée à l'étranger. Maintenant, cette demande-là ne serait pas jugée par le même juge que le juge québécois parce que c'est le juge destinataire qui tranche. Alors là...

M. Bédard: Non, mais, moi, je le prends en vertu de la loi, en vertu de 3143, demander une révision de la pension alimentaire.

M. Bellemare: On aurait deux juges qui seraient... un qui serait saisi de...

M. Bédard: Il y en a un, celui du Québec.

M. Bellemare: ...un qui verrait à l'application du jugement prononcé à l'extérieur et le juge étranger qui verrait à rendre la décision sur la demande provenant du Québec.

M. Bédard: Non, la décision du... lui, le juge...

M. Bellemare: Parce que c'est le juge destinataire, c'est le juge du débiteur qui tranche.

M. Bédard: Le juge de l'étranger, il a déjà rendu sa décision.

M. Bellemare: Oui, mais la demande de modification...

M. Bédard: Je peux la faire au Québec directement, à la lumière de 3143: «Les autorités québécoises sont compétentes pour statuer sur une action en matière d'aliments ? là, ce qui n'est pas le cas, l'action en matière d'aliments est faite, est réglée, on est condamné... pas... le débiteur ici, au Québec, a été jugé, bon, de tel montant ? ou sur la demande de révision d'un jugement étranger rendu en matière d'aliments qui peut être reconnu au Québec...»

C'est exactement le cas: là, on a un jugement étranger rendu au Québec et qui est maintenant reconnu au Québec. Moi, au lieu de prévaloir le 3143 en deux temps, ce que je pourrais faire... Puis le juge étranger n'a rien à voir là-dedans, c'est le juge du Québec à qui je demande maintenant, vu que ma situation a changé dramatiquement, de pouvoir modifier ma pension alimentaire.

M. Bellemare: Est-ce qu'on peut ajourner quelques minutes?

Le Président (M. Brodeur): Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 10)

 

(Reprise à 17 h 24)

Le Président (M. Brodeur): Nous allons continuer nos travaux.

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Oui, et donc... Oui, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Est-ce que c'est... Est-ce que vous voyez...

M. Bellemare: On rencontrerait deux problèmes, M. le député de Chicoutimi, si on voulait permettre qu'en application de l'article 30 un débiteur alimentaire puisse non seulement s'opposer en vertu des motifs prévus au livre dixième du Code civil, mais introduire une nouvelle demande de modification, même si elle était limitée aux cas dont le Barreau nous parle à la page 7 de son mémoire.

Premièrement, on briserait toute la mécanique déjà prévue dans cette loi, notamment l'article 4 qui prévoit qu'une personne ? qui a déjà été adopté finalement ? qui veut demander une décision accordant des aliments ou révisant une telle décision s'adresse à l'autre partie qui réside dans un autre État, parce que, en vertu de l'article 4, on a prévu que cette personne adresse au ministre de la Justice une demande visant à ce que soit rendue dans un État désigné une décision en conséquence, ce qui veut dire qu'en vertu de l'article 4 c'est le tribunal de l'intimé, donc le tribunal étranger, qui va devoir trancher. Donc, on briserait cette mécanique-là.

Deuxièmement, on ferait en sorte que le tribunal québécois pourrait... que le même juge finalement qui serait saisi d'une opposition et d'une demande d'exécution d'un jugement déjà prononcé à l'étranger puisse entendre cette affaire au Québec en l'absence de la partie intimée qui n'est pas au Québec. Alors, l'article 4, tel que rédigé, fait en sorte que la demande est acheminée par le ministre de la Justice du Québec à l'étranger et que c'est le tribunal étranger qui tranche en la présence de la personne qui y réside, donc de l'intimé.

C'est une mécanique qui est sans doute un peu plus lourde et plus complexe et qui exigerait qu'une nouvelle demande soit faite, mais, si on veut respecter la logique de cette loi d'exécution et surtout le droit de la partie intimée de faire valoir tous ses moyens à l'étranger, on n'a pas le choix que de procéder en vertu de deux demandes distinctes. C'est un peu la conséquence inévitable, là, de cette mécanique de réciprocité.

M. Bédard: Mais, en tout respect, là, cet article n'a pas pour effet d'abroger 3143... je veux dire, le projet de loi n'a pas pour effet d'abroger 3143. Donc, le fait de permettre 3143 n'ajoute rien. Moi, je ne demande pas... Et là je comprends vos motifs, j'espère qu'on aura la même précaution ailleurs, parce que j'imagine qu'un article de cette même nature, toute personne peut demander une révision de sa pension alimentaire. J'imagine que ce que l'on a en droit interne à ce niveau-là, concernant les jugements étrangers en droit international privé, d'autres États doivent l'avoir aussi, de même nature. Autrement dit, ma situation peut changer, je peux invoquer 3143 ici, au Québec, comme ailleurs, j'imagine, pour demander une révision de ma situation. On ne demande pas...

Je ne contreviens pas à l'article 4, le jugement a encore toute sa valeur, il est reconnu, le tribunal reconnaît parce qu'on n'a aucun motif du livre dixième qui peut être invoqué. Ça, c'est la première étape. La seule différence que je demandais, que le Barreau demandait en même temps, c'est de ne pas le faire en deux étapes. Si on le fait en deux étapes, ça contrevient tout autant à votre article, si on prend le même raisonnement, que le fait de le faire en un temps ou deux temps, là. Il n'y a pas de différence, parce que, lorsque je demande une révision, je ne demande pas que le jugement soit changé, je ne conteste pas la décision sur le fond, je dis que de nouveaux faits sont maintenant arrivés, comme me le permet la loi, comme me permet 3143, et là ce que je dis plutôt: au lieu de me le faire en deux temps, de le faire en un temps. Donc, je demande une révision qui ne contrevient pas à l'article 4 accordant une telle décision «lorsque l'autre partie réside». Ça, ça ne conviendrait pas à ça parce que le jugement en vertu de l'article 30 va être déposé ici, reconnu, pas exécuté. Moi, je peux m'opposer à partir de là à l'exécution pour des motifs qui sont celui... comme me permet 3143. Tout ce que je demande, c'est de l'ajouter dans les motifs, pas d'en créer une...

M. Bellemare: Qu'est-ce que vous faites du droit de l'autre partie, de l'autre conjoint de faire valoir ses moyens au Québec...

M. Bédard: Elle le sera.

M. Bellemare: ...parce que, en vertu de l'article 4, elle peut faire valoir ses moyens parce que la demande va être tranchée par le tribunal étranger.

M. Bédard: Voilà.

M. Bellemare: Mais, si vous présentez votre demande en révision au tribunal québécois, l'intimé n'est pas là, l'intimé est à l'extérieur.

n(17 h 30)n

M. Bédard: Mais ce que vous me dites là... Une semaine après, la minute après, elle peut le faire, là. Moi, je ne demande pas la minute après. Disons, on suit cette procédure-là, moi, je dis tout de suite: C'est correct, je donne mon accord, je n'attendrai même pas le délai de 30 jours, je n'ai aucun motif en vertu de l'article dixième, poc! je dépose une requête en vertu de l'article 3143. Et ça, je le fais. Et ça, j'imagine que 3143 fait en sorte d'envoyer... Je ne sais pas de quelle façon ça se fait, ce n'est pas ex parte, 3143, là.

M. Bellemare: 3143, ce serait au Québec.

M. Bédard: Ça, c'est au Québec. 3143 me le permet.

M. Bellemare: ...alors que l'article 4, ce serait à l'étranger.

M. Bédard: Pardon?

M. Bellemare: 3143, ce serait au Québec, le tribunal québécois.

M. Bédard: Bien oui. C'est ça, mais il me le permet, là.

Mme Gervais (Denise): Oui, mais il le ferait à ses frais et suivant une procédure qui est complètement indépendante de l'intervention du ministère de la Justice. Il ne bénéficie pas du système de coopération.

M. Bédard: Mais là je ne vous demande pas de la coopération. Là, on parle... Cet article prévoit l'exécution d'une décision. Donc, à partir du moment où je prévois que cette décision a valeur au Québec, maintenant elle devient exécutoire. Alors, ce qu'elle fait, c'est qu'on l'assortit, avant qu'elle soit exécutoire, comme une décision au Québec, on l'assortit à une possibilité de pouvoir invoquer des motifs autres. Pourquoi? Parce que, en droit interne, comme il n'y a pas de délai d'exécution, il peut arriver, comme souvent d'ailleurs, qu'on ne trouve pas le débiteur, on le trouve au bout de quatre ans, cinq ans, six ans. Depuis ce temps-là, j'ai eu deux ou trois enfants ou, comme je vous dis, je vais avoir perdu des revenus, et là ma situation, au moment de l'exécution, elle a changé.

Quand je suis en droit interne, je ne peux pas invoquer ça. Pourquoi? Parce que ma situation est la même. Je veux dire, au moment du jugement, il y a seulement le délai entre le délibéré et mes prétentions qui peut avoir changé. Mais, dans ce cas-ci, il peut se dérouler des années, au minimum des mois, au maximum des années, ce qui fait qu'effectivement ma situation, elle peut avoir changé. Et même je vous dirais que dans tous les cas elle risque plus souvent qu'autrement d'avoir changé de façon significative, dans les cas où, bon, j'ai élevé une autre famille.

Et là c'est pour ça que je vous dis que tout ce qu'il permet, c'est qu'il fait en sorte que la personne va invoquer de la même façon... elle va se servir de la même convention, mais elle va le faire en vertu de l'article 3143. Je ne sais pas quel sera l'effet après ça. Et là on recommence pour les demandes provenant d'un État désigné. Est-ce que la révision en est un? Oui. Donc, par contre ça fait quatre ans, donc ma situation est changée, et... La seule différence qu'il y a, c'est dans le temps.

Mme Gervais (Denise): Si on suivait la logique qui est prévue au projet de loi n° 2, il faudrait, lorsqu'on demande la modification de la décision, utiliser la procédure qui est prévue au projet de loi n° 2 et qui est prévue à l'article 4, où on demande la modification en adressant la requête du débiteur québécois à la juridiction où se trouve la créancière pour que la décision sur la modification soit rendue là-bas.

M. Bédard: Mais pourquoi?

Mme Gervais (Denise): C'est la logique de notre système du projet de loi n° 2. C'est comme ça qu'une modification d'une pension alimentaire dans le cadre du projet de loi n° 2, ça se fait.

M. Moreau: Ça se fait par...

Mme Gervais (Denise): Ça se fait par... Oui, parce qu'on est dans un contexte où les deux parties... On n'impose pas aux parties de se déplacer, et les deux ne sont pas là. Tandis que, quand on utilise 3143 pour prendre compétence...

M. Bédard: Mais est-ce que je peux encore l'utiliser?

Mme Gervais (Denise): ...à ce moment-là le tribunal québécois peut décider de prendre juridiction, de rendre une décision par défaut, par hypothèse, mais...

M. Bédard: Mais il peut encore le faire.

Mme Gervais (Denise): Oui?

M. Bédard: Il peut encore le faire.

Mme Gervais (Denise): Bien, il pourrait le faire si le débiteur s'adresse à lui, par une requête, privément. Je veux dire, s'il s'adresse à lui non pas par le mécanisme prévu à la loi, là, parce que la loi ne prévoit pas ça.

M. Bédard: Mais la loi, elle ne prévoit pas...

Mme Gervais (Denise): Au chapitre II, elle prévoit qu'on peut demander une modification d'une pension alimentaire, mais la façon de le faire au chapitre II, c'est de préparer une demande, de l'envoyer au ministère de la Justice, qui va la transmettre dans la juridiction où se trouve l'autre partie, par hypothèse le créancier dans ce cas-là. Et c'est dans l'autre juridiction, sans que les parties n'aient à se déplacer d'un État à l'autre, que la décision sera rendue. Donc, si on disait ça et... Si on prévoyait la possibilité d'une modification ici, il faudrait prévoir, en utilisant... suivant la procédure prévue à la loi. Mais là on serait simplement... On l'exécuterait, tel que le prévoit l'article, mais le débiteur transmettrait une demande dans l'autre État pour que la décision soit rendue. Alors, c'est...

M. Bédard: Est-ce qu'autrement dit ce projet de loi a pour effet d'abroger 3143?

Mme Gervais (Denise): Non.

M. Moreau: Non. C'est deux régimes différents.

Mme Gervais (Denise): C'est parce que le 3143...

M. Bédard: Parce que pratiquement, là... 3143, c'est la base du recours en révision. O.K.? Quelqu'un peut demander une révision d'une pension alimentaire, 3143, même si le jugement est de l'extérieur, reconnu au Québec. Par l'effet de ça, il est reconnu. O.K.? Donc, moi, je peux invoquer 3143. On s'entend?

Mme Gervais (Denise): Bien, il faudrait... Oui, il faudrait prévoir qu'effectivement, là, il n'y a pas d'opposition, puis il y a une décision sur l'opposition pour que ça devienne... que ça ait plein effet dans... Enfin, il y avait effet. Notre décision avait effet effectivement, là.

M. Bédard: C'est ça. Non, non. Et c'est ça. Quand je vous dis de le voir en deux temps, c'est que... En deux temps à l'intérieur. Autrement dit, on reconnaît le jugement parce qu'on peut s'opposer sur le fond, sur la reconnaissance. Et ça, c'est la première étape, puis on dit non. Par contre, si j'ai une situation exceptionnelle, là, à ce moment-là je peux invoquer les autres motifs devant le même juge. Et je ne contreviens pas, là, à l'économie du projet de loi actuel, là, en faisant ça.

M. Bellemare: Donc, ce serait une requête qui contiendrait les conclusions en opposition et en révision, requête qui serait fondée sur l'article 30 de la loi et l'article 3143 du Code civil. Le même juge aurait le pouvoir de statuer sur les deux, à moins qu'on prévoit une clause nonobstant à l'article 30, qui écarterait 3143. Puis, je dirais, la seule façon d'obtenir une révision, c'est de procéder en vertu de l'article 4.

M. Bédard: Pratiquement, ce qui peut arriver, là, c'est que vraiment, là... Ce que je disais, là, le cas de deux, tu sais, de deux enfants, puis là ça fait quatre ans, tu as une nouvelle famille, là, il s'applique le jugement. Puis là ce qui arrive, c'est que, demain matin, on saisit ton salaire. C'est ça qui arrive, là.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Chicoutimi, je pense que le...

M. Bellemare: Mais, à l'opposé, c'est ce que Me Gervais nous disait tantôt, à l'opposé l'individu, de mauvaise foi, sachant que madame est dans le Vermont, et qu'elle est démunie, et qu'elle n'a pas accès à un avocat, etc., et qu'elle est, disons, unilingue anglophone de surcroît, là ? mettons-en ? monsieur pourrait profiter de la situation pour dire: Je vais saisir le juge d'une demande de révision en disant n'importe quoi, en disant: J'ai perdu ma job, alors que c'est faux, en disant ci, en disant ça, obtient un jugement par défaut parce que madame n'est pas capable de se présenter pour contester. Et est-ce qu'on ne peut pas penser que ça pourrait être un moyen dilatoire pour bloquer toute forme d'exécution d'une pension?

M. Bédard: Est-ce qu'on ne pourrait pas limiter au cas, comme le proposait de prévoir le Barreau, de limiter strictement à un préjudice important? Eux, ils disaient, bon: Si la situation des parties, la sienne notamment, peut avoir changé de façon significative. Tu te délimites vraiment. Quelqu'un qui s'est enrichi ne peut pas prétendre...

M. Bellemare: Oui, mais le débiteur alimentaire de mauvaise foi qui dit sur son serment: J'ai perdu ma job, je suis dans l'indigence...

M. Bédard: Oui, mais le jugement, lui, le juge va le voir.

M. Bellemare: Il faut comprendre que les parties sont à couteaux tirés, là. On parle de pension alimentaire, là. Ils ne sont pas toujours en de très bons termes, là.

M. Bédard: Oui, mais là, si on présume la mauvaise foi de tous les débiteurs, là...

M. Bellemare: Non, mais il faut imaginer les situations où le débiteur pourrait être tenté de bloquer l'ordonnance. Sachant que l'autre est à 2 000 km au sud, là.

M. Bédard: Comment on peut concilier ça à l'aspect du débiteur de bonne foi qui a trois enfants puis que tout d'un coup son salaire est saisi? Puis, lui, il a des obligations alimentaires, son hypothèque à payer puis il faut qu'il paie l'épicerie. Il fait quoi, lui?

M. Bellemare: Il faut qu'il fasse une demande de révision en vertu de l'article 4.

M. Bédard: En vertu de l'article 4?

M. Bellemare: L'article 4 de la Loi sur la réciprocité et la loi dont on parle, parce que ce qu'on a adopté à l'article 4 de la loi dont on parle ici, là...

M. Bédard: Il peut, mais il n'est pas obligé.

M. Bellemare: C'est une procédure qui vise à permettre la révision d'une ordonnance alimentaire en transmettant la demande au tribunal de l'intimé, qui lui va en disposer.

M. Bédard: 3143, est-ce qu'on peut s'en servir encore, autrement dit? Là, vous me dites non, hein? Là, vous me dites non. Ce que vous me dites, c'est que je suis obligé de me servir de 4. Comme la décision a été rendue dans un autre État, moi, il faut que je me serve de 4. Et là j'envoie ma demande, là j'ai les délais, traduction; moi, mon salaire est saisi, tu sais, là; puis tout le monde se demande si je suis capable de subvenir aux besoins. Là, je me dis: Il y a une problématique dans la...

M. Bellemare: Où sont les motifs d'opposition?

Mme Gervais (Denise): 3155, 3156 essentiellement, là, du Code civil.

M. Bédard: C'est strictement sur... C'est très limité, là.

Mme Gervais (Denise): Non, ce n'est pas une révision de fond qu'on fait. C'est vraiment...

M. Bédard: Non, non, non. C'est ça. Là, c'est vraiment la légalité vraiment...

Mme Gervais (Denise): Exactement, de la décision.

M. Bédard: Voilà.

Mme Gervais (Denise): Là, on veut vraiment la réviser.

n(17 h 40)n

M. Bédard: Et, moi, je ne lis pas 4 comme ça. 4, là, moi je me défends d'une décision qui est rendue contre moi, ce qui est bien différent là.

Une voix: ...

M. Bédard: C'est ça, là, ce n'est pas... 4 ne s'applique pas. Là, le micro est ouvert.

Le Président (M. Brodeur): Oui, le micro est ouvert. Est-ce que vous demandez... Est-ce qu'il serait préférable d'avoir une suspension quelques instants?

M. Bédard: ...qu'on fasse bien. C'est pour ça, là.

Le Président (M. Brodeur): Je vais suspendre quelques instants.

M. Bédard: Ou on peut passer certains autres articles.

Le Président (M. Brodeur): Donc, nous avons suspendu.

(Suspension de la séance à 17 h 41)

 

(Reprise à 17 h 46)

Le Président (M. Brodeur): Nous allons reprendre nos travaux. Nous allons reprendre nos travaux. Donc, M. le ministre.

M. Bellemare: Oui. Parce que, M. le député de Chicoutimi, si on permet au même juge d'être saisi d'une demande d'exécution en vertu de l'article 30, qui est une demande de révision du fondement même de l'ordonnance, mais pour l'avenir, en vertu de 31 et 43, on vient de bousiller tout le système qu'on est en train de mettre en place.

M. Bédard: Bien, moi, je ne pense pas parce que ça reste l'exception. C'est surtout qu'on empêche les...

M. Bellemare: Ça reste l'exception, mais ça risque de se produire assez souvent, qu'il y ait un changement de situation, depuis que le jugement étranger est prononcé.

M. Bédard: Bien, avant de le faire, là, moi, j'aimerais savoir qu'est-ce qui se fait ailleurs, c'est quoi, les possibilités ailleurs. Parce que, écoute, tu as un jugement contre toi, et puis on suit la procédure, ce n'est pas long, hein? Je ne l'ai pas vécu personnellement, je vous avouerais. J'ai un enfant, j'ai encore ma conjointe, tout va bien de ce côté-là. Je n'ai pas d'enfants ailleurs.

M. Bellemare: Vous êtes chanceux!

Une voix: On ne vous le souhaitera pas, mais ça pourrait arriver.

M. Bédard: Mais, tu sais, ils arrivent vite, là. Ce que j'ai vu, là, d'amis, c'est qu'ils arrivent vite dans... Écoute, ils saisissent ton salaire, puis ça arrive quand même... Surtout si ta situation s'est changée. Autrement dit, tu paies, tu ne paies pas, bien là regarde, on débarque, puis ça a des conséquences. Tu sais, tu n'as pas l'air très brillant par rapport à tout le monde. Tu sais, ce n'est pas agréable. Alors que la personne n'a rien, des fois ça peut faire trois ans, quatre ans que le jugement est rendu.

En même temps, je comprends la situation. Je ne veux pas créer pire que ce qu'on a... Mais je voudrais être sûr au moins qu'on a la réciprocité ailleurs, là, que nos débiteurs qui peuvent avoir accumulé d'autres responsabilités envers d'autres enfants ne soient pas pris dans une situation désavantageuse.

(Consultation)

M. Bellemare: ...les mains libres et entendre sa version.

M. Bédard: Elle disait qu'elle était chez ma belle-mère, là, ça va quand même bien.

M. Bellemare: Audi alteram partem. Audi alteram partem, j'ai entendu ça dans un film.

Le Président (M. Brodeur): Oui? Je l'ai entendu plusieurs fois.

M. Bellemare: À répétition.

(Consultation)

Le Président (M. Brodeur): Je vous rappelle que nos travaux ne sont pas suspendus.

M. Bédard: Quelles conséquences ça aurait au niveau international...

n(17 h 50)n

Mme Gervais (Denise): ...modèle canadien, il y a une solution qui est proposée, qui prévoit la modification possible mais...

Des voix: ...

Le Président (M. Brodeur): S'il vous plaît, je demanderais peut-être un peu de décorum, là. Il y a une personne à la fois qui parle. Donc, madame.

Je vais suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 51)

 

(Reprise à 17 h 56)

Le Président (M. Brodeur): Nous allons continuer nos travaux. Donc, oui, M. le ministre.

M. Bellemare: M. le Président, je vais vous demander d'ajourner les travaux, du fait qu'on essaie de trouver une mécanique qui permettrait de satisfaire le député de Chicoutimi et de faire en sorte que le juge qui serait appelé à statuer sur une demande d'exécution en vertu de l'article 30 pourrait suspendre l'exécution de ce jugement ? il aurait discrétion ? du fait que le débiteur alimentaire aurait présenté une demande en vertu de l'article 4.

M. Bédard: Ah! Bien oui. O.K.

M. Bellemare: Alors, le juge pourrait, si à sa face même la demande en vertu de l'article 4 est frivole, dire: Je ne suspends pas l'exécution si cette...

M. Bédard: Ah oui! O.K. Bien, le même pouvoir qu'il a actuellement d'ailleurs. Ah oui!

M. Bellemare: Il aurait discrétion pour empêcher de donner cours à un jugement qui serait éminemment révisable.

M. Bédard: C'est bon. Moi, ça me semble bon.

M. Bellemare: Alors, on va vous proposer un projet de texte demain matin.

M. Bédard: O.K.

Le Président (M. Brodeur): Donc, merci, M. le ministre.

M. Bédard: Eh! Demain matin, j'ai un problème, moi, je suis en Commission de la culture.

Le Président (M. Brodeur): Est-ce qu'on peut peut-être négocier ça après l'ajournement?

M. Bédard: Ah oui! Ici? Oui, oui, oui!

Le Président (M. Brodeur): Ou tout de suite, là. Allez-y.

M. Bédard: Ah oui! Bien oui! Ou tout de suite, oui?

Le Président (M. Brodeur): Allez-y tout de suite.

M. Bédard: Demain matin, je suis pris à la Commission de la culture.

Une voix: ...

M. Bédard: Et voilà, et même l'adjoint parlementaire du ministre est là demain.

Le Président (M. Brodeur): Ça, ce n'est pas être pris, c'est être mal pris. Donc, on disait...

M. Bédard: Demain après-midi, est-ce que vous pouvez, M. le ministre?

Une voix: C'est ça qu'on est en train de vérifier, monsieur.

M. Bellemare: Oui. Demain après-midi?

M. Bédard: Moi, demain après-midi, je suis libre.

M. Bellemare: C'est jeudi, demain?

Le Président (M. Brodeur): Donc, on vérifiera dans quelques minutes.

Pour l'instant, à la demande du ministre et conformément aussi à l'ordre de la Chambre, j'ajourne les travaux à demain matin, demain, 22 avril à 9 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 58)


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