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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 26 mai 2004 - Vol. 38 N° 52

Consultations particulières sur le document intitulé La sécurité privée: partenaire de la sécurité intérieure


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures deux minutes)

Le Président (M. Simard): À l'ordre! Nous allons entreprendre nos travaux, et je constate que nous sommes réunis cet après-midi afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques à l'égard du livre blanc intitulé La sécurité privée: partenaire de la sécurité intérieure. Ce n'est pas la première fois, ce sont des auditions qui s'étalent depuis un certain temps. Nous connaîtrons ce soir notre...

Une voix: ...

Le Président (M. Simard): Demain soir? Non, ce soir, notre première soirée... notre première soirée, et ça ira jusqu'à demain soir.

J'invite tout de suite le secrétaire à nous indiquer s'il y a des remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Létourneau, député d'Ungava, sera remplacé par Mme Papineau, la députée de Prévost.

Auditions (suite)

Le Président (M. Simard): Très bien. Alors, sans plus tarder ? je vois qu'ils sont installés ? j'invite le premier groupe à être avec nous cet après-midi, c'est-à-dire l'Association canadienne de l'alarme et de la sécurité, Québec, CANASA, représentée par son président, M. Fiset ? M. Fiset est au centre ? par M. Branchaud, M. Ladouceur, et comme la quatrième, c'est une dame et que je ne la vois pas, donc elle n'est... Elle est derrière vous? Très bien. Alors, c'est Mme Laflamme, que j'aperçois.

Alors, M. le président, voulez-vous présenter les gens qui vous entourent? Je vous résume rapidement nos règles de fonctionnement, elles sont simples: en une vingtaine de minutes, pas plus de 20, vous résumez l'essentiel de vos propos, et ensuite les parlementaires de part et d'autre de cette table vont vous interroger chacun 20 minutes. D'accord?

M. Fiset (Normand): M. le Président, merci.

Le Président (M. Simard): Le député de Marguerite-D'Youville vient d'arriver, je signale son arrivée. Nous le saluons.

M. Moreau: La porte est barrée derrière, M. le Président.

Le Président (M. Simard): On va envoyer la Sécurité publique, la Gendarmerie, la Sûreté du Québec s'occuper de tout ça.

Une voix: ...

Le Président (M. Simard): Les Peacekeepers.

Association canadienne de la sécurité,
section Québec (CANASA-Québec)

M. Fiset (Normand): D'abord, M. le Président, Mmes et MM. les parlementaires, M. le ministre, merci de nous recevoir. Je me présente, Normand Fiset, président de l'Association canadienne de la sécurité, la CANASA, section Québec, et vice-président directeur général de Panavidéo inc.

Permettez-moi de présenter mes collègues: à ma droite, Robert Branchaud, vice-président de la CANASA, section Québec et président-directeur général de Microtec Sécuri-T Commercial inc.; à ma gauche, Daniel Ladouceur, vice-président de la CANASA, section Québec et vice-président de Sécurité Concept.

Nous sommes très heureux de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de présenter nos commentaires sur le livre blanc sur la sécurité privée paru en décembre dernier. Notre présence aujourd'hui s'inscrit dans notre démarche de participation active. La CANASA, section Québec l'a démontré depuis son implication dans les travaux du comité consultatif sur la sécurité privée au Québec et de ses sous-comités, dès 1996. Il s'agit pour nous de la première occasion qui nous est donnée de nous prononcer depuis la fin de ces travaux, en février 2000.

La CANASA a été fondée en 1977. Elle représente une industrie très diversifiée qui comprend des entreprises d'installation, de télésurveillance, des fabricants, des distributeurs, des consultants, le service privé de gardiennage et des entreprises de sécurité publique. Au Québec, notre industrie se chiffre à environ 700 millions de dollars annuellement. Nos 250 membres Québécois installent et font de la télésurveillance d'environ 80 % des systèmes de sécurité.

L'industrie des systèmes de sécurité est le secteur de la sécurité privée qui a connu la plus forte croissance avec une hausse moyenne annuelle de 10 % à 15 % au cours des cinq dernières années. Notre industrie est d'ailleurs toujours en progression.

Le livre blanc tel que présenté pourrait causer bien des maux à notre industrie si des modifications n'étaient pas apportées. Non seulement le livre blanc nous apparaît déconnecté de la réalité, mais il a été basé sur le rapport du comité consultatif qui date de 2000. Notre industrie évolue à un rythme impressionnant, et, pour nous, quatre ans, c'est long.

Il est donc important que le ministère de la Sécurité publique comprenne bien l'industrie aujourd'hui pour faire une loi qui reflétera bien celle de demain. Nous avons bien évidemment plusieurs commentaires sur le livre blanc. Robert Branchaud a fait partie du comité consultatif de 1996 et suit le dossier pour la CANASA depuis ce jour. Il commencera d'abord par vous présenter des points qui reçoivent notre accord. Il nous fera ensuite état de principes avec lesquels nous sommes en désaccord. Il terminera avec certains éléments que nous croyons nécessaires d'inclure pour que la loi soit utile et efficace. M. Branchaud.

M. Branchaud (Robert): Merci. Nous sommes tout à fait d'accord d'être encadrés par la nouvelle loi sur la sécurité privée ainsi qu'avec le principe que nos entreprises détiennent des permis d'agence et nos employés des permis d'agents. Nous accueillons positivement la vérification des antécédents judiciaires des demandeurs de permis, ce que plusieurs entreprises font déjà de façon volontaire. Nous sommes également d'accord avec une obligation de formation pour les détenteurs de permis.

La loi ou ses réglementations devrait tenir compte de la grande diversification du domaine de la sécurité privée. Nous suggérons de considérer l'adoption d'un tronc commun applicable à toute l'industrie de la sécurité privée et de sections particulières qui refléteront les réalités de chaque secteur. Par exemple, l'industrie des systèmes de sécurité est soumise à la Régie du bâtiment et à la Commission de la construction du Québec. Il faudra donc en tenir compte et s'assurer d'harmoniser le tout.

Nous tenons à exprimer notre surprise aux membres de cette commission devant la méconnaissance et l'interprétation négative de notre industrie qui ressort du livre blanc. Premièrement, le livre blanc oppose constamment le privé et le public. Il semble voir le rôle de chacun de manière exclusive. La réalité est cependant tout autre. Il se présente plusieurs occasions où les deux pourraient unir leurs efforts pour une meilleure sécurité des citoyens.

Deuxièmement, nous ne comprenons pas pourquoi le livre blanc cantonne la sécurité publique à la sphère de la répression et la sécurité privée à la prévention. Ces deux seules activités sont interreliées, ne peuvent être délimitées d'une manière aussi nette. Même que la sécurité privée peut apporter une contribution significative dans des activités de répression.

Par exemple, nous offrons à nos clients des systèmes GPS pour retracer leurs véhicules en cas de vol. Grâce à ce système, nous pouvons suivre la voiture volée en temps réel sur une carte géographique. Ainsi, nous pouvons assister et guider les policiers dans la filature de ces voitures volées et contribuer à l'arrestation des voleurs, comme nous l'avons encore fait récemment.

Il est donc important de ne pas se priver de ce que la sécurité privée peut apporter sous prétexte qu'il s'agit d'un acte de répression. Au contraire, il serait beaucoup plus judicieux de voir le privé comme un partenaire qui peut contribuer au succès des actions des corps policiers.

n (15 h 10) n

La même logique s'applique à cette autre limitation basée sur le lieu public et le lieu privé. Encore une fois, on ignore la réalité pour édicter une règle qui ne tiendra pas la route. Prenons les banques. Elles sont maintenant toutes munies d'un système de sécurité. Il est devenu très rare qu'on entende parler d'un vol à main armée dans une banque. Nos systèmes contribuent donc à limiter les interventions policières; ils sont même devenus nécessaires. Pourtant, nous agissons dans des lieux qui sont, selon le livre blanc, publics. Il faut revoir cette limitation en regard d'un examen plus approfondi des impacts que ça créerait. Ça pourrait être beaucoup plus néfaste et problématique qu'on peut le penser.

Enfin, ce qui nous a le plus surpris, c'est l'idée préconçue qui est véhiculée à travers tout le livre blanc, qui sous-entend que notre industrie n'est pas professionnelle. Encore une fois, il faut vraiment mal connaître notre industrie pour faire une affirmation de ce genre.

Plusieurs associations comme la nôtre existent dans les divers secteurs de la sécurité privée. Comme d'autres, nous avons un code de déontologie, des programmes de formation; plusieurs de nos membres effectuent des enquêtes sur leurs employés, etc. Il est certainement important d'assurer un niveau de professionnalisme uniforme à notre industrie, mais il faut reconnaître qu'il existe déjà plusieurs entreprises qui se comportent de façon très professionnelle et qui s'imposent des normes très élevées, ce que le livre blanc ignore complètement, et nous le déplorons.

Compte tenu de ce manque de connaissance de notre industrie, il nous apparaît tout à fait opportun de créer une direction de la sécurité privée ainsi qu'un poste de sous-ministre adjoint, tel que nos collègues du CASIQ, de l'ASIEQ et de l'AQIS ont déjà demandé. De cette façon, le ministère de la Sécurité publique pourrait rester branché sur notre industrie et mieux la comprendre.

Nous en venons maintenant aux éléments qui doivent être considérés dans la nouvelle loi pour assurer sa pertinence et son efficacité. Au sujet des permis d'agent, nous sommes d'accord avec l'obligation pour nos employés de détenir un permis d'agent et qu'ils doivent avoir une formation particulière. Cependant, nous ne sommes pas d'accord avec la création d'une seule catégorie. Nos représentants qui vendent des systèmes de sécurité n'ont pas besoin d'un cours en installation et en entretien de systèmes de sécurité. Ce serait les surqualifier et créerait des problèmes de recrutement et de disponibilité de la main-d'oeuvre. Un cours sur la vente des systèmes serait plus approprié, mais il n'existe pas à l'heure actuelle.

Pour les opérateurs de centraux d'alarme, il existe une formation donnée à titre de projet pilote qui fournit les connaissances nécessaires et appropriées pour ce poste; celle proposée au livre blanc ne convient pas. S'il n'est pas possible d'offrir des formations spécialisées pour les représentants et les opérateurs, ils doivent être exclus de l'obligation de formation proposée dans le livre blanc. Ainsi, pour nos employés actuels, il faut prévoir une clause de droits acquis reconnaissant leur expérience.

Nous sommes tout à fait d'accord avec l'obligation de tenir un permis. Nous avons par contre certaines réserves sur ce que prévoit le livre blanc sur la délivrance des permis aux agences de sécurité. D'abord, nous croyons que les motifs mentionnés pour refuser l'émission d'un permis ouvrent la porte à un jugement arbitraire et subjectif. Il faut que nous sachions à quoi nous en tenir, d'autant plus que certaines entreprises de notre association sont cotées en Bourse, une incertitude de ce genre leur serait très nuisible. Il y a donc lieu que le ministère précise les motifs en les basant sur des éléments clairs qui ne laissent pas place à interprétation et éliminent toute ambiguïté.

L'exercice de la fonction de réponse alarme est encadré dans le livre blanc par des protocoles de service. Nous sommes en désaccord d'être soumis à cette contrainte qui s'insère très mal dans notre pratique et nous semble injustifiée. Certains de nos membres effectuent de la surveillance par le biais de centraux d'alarme pour des organismes publics. Nous ne nous expliquons pas l'obligation d'un protocole de service dans ce genre de situation. Nous leur offrons les mêmes services qu'à nos clients privés. On viendrait compliquer le lien avec nos clients, sans raison.

Lors de la réponse aux alarmes, les intervenants sont appelés selon les besoins du client. C'est sa décision de faire intervenir d'abord les policiers ou les services de sécurité privée. Les policiers doivent donc demeurer des acteurs importants des réponses aux alarmes; par contre, ils ne peuvent se voir confier l'exclusivité, pour plusieurs raisons.

D'abord, plusieurs corps policiers ont des politiques d'interrompre le service de réponse après un certain nombre de fausses alarmes. S'il n'y avait pas la sécurité privée pour pallier l'absence de services publics, les citoyens ou leurs entreprises se trouveraient non protégés avec un système d'alarme devenu totalement inutile. Il faut éviter à tout prix que le client soit contraint d'aller vérifier lui-même l'état des lieux en cas d'alarme compte tenu des nombreux risques que ça comporte.

Il faut se rendre à l'évidence que le privé fait maintenant partie de l'offre de sécurité conjointement avec les corps publics. Des partenariats d'égal à égal lors de réponses aux alarmes représentent à notre avis la meilleure solution, puisque ça permet de combiner le meilleur du privé et du public et de hausser la sécurité de la population.

Nous croyons que la serrurerie doit absolument être assujettie à la loi. Un serrurier qui détient les codes d'accès de cartes magnétiques d'un immeuble représente à notre avis la même menace pour la sécurité du public que l'installateur de systèmes de sécurité qui détient des codes permettant de désactiver un système d'alarme. Ça commande la même rigueur et le même cadre professionnel.

Au sujet de l'identification des agences et des agents. Il faut comprendre que nous sommes des entreprises privées. À ce titre, nous devons avoir la possibilité de nous distinguer commercialement. Ça peut être en déterminant des couleurs spécifiques pour la sécurité publique et en laissant tout le reste des couleurs au privé.

Nous accueillons favorablement l'idée des associations représentatives. Comme notre industrie est très diversifiée et que chaque secteur a des enjeux et des problématiques qui lui sont propres, il faudrait qu'il y ait une association représentative par secteur, et l'adhésion à ces associations devrait être obligatoire pour leur permettre d'exercer un pouvoir accru d'autoréglementation. Chaque association de secteur devrait être responsable d'adopter et d'appliquer son propre code de déontologie. Un seul code pour toute l'industrie de la sécurité privée apparaît très difficile.

Enfin, la CANASA, section Québec est déjà une association structurée et représentative qui pourrait fort bien devenir l'association du secteur des systèmes de sécurité.

Nous sommes en faveur de la mise sur pied d'un processus d'inspection des agences. Nous sommes en désaccord avec l'imposition d'obligations et de motifs de suspension de permis, qui n'existaient même pas pour l'obtenir au départ. Les inspections doivent vérifier si les conditions nécessaires à l'obtention du permis sont toujours respectées, pas plus. De plus, il est hors de question que l'inspecteur puisse avoir accès à nos listes de clients, nos listes de prix, etc.; il s'agit d'informations de nature compétitive et confidentielle.

Nous sommes en désaccord avec l'obligation de divulgation qui nous en impose davantage que le simple citoyen et, même, le policier; c'est injustifiable. Il nous apparaît important de réfléchir sur la portée de cette mesure pour nos membres. L'obligation de divulgation viendrait sérieusement contribuer à briser le lien de confiance avec leurs clients. Ces clients ont parfois leurs raisons de ne pas rapporter un délit, il leur revient de le dénoncer ou non, puisqu'ils sont propriétaires de l'information.

En plus, les ajustements qui seront nécessaires... ce livre blanc propose, nous croyons que d'autres éléments méritent considération. Certaines de ces problématiques avaient d'ailleurs été clairement exprimées dans le cadre des travaux du comité consultatif; elles n'ont pas trouvé écho dans le livre blanc, à notre grand regret.

D'abord, une réglementation uniformisée par rapport à certains points pourrait permettre une plus grande collaboration public-privé. Le premier élément de réglementation concerne la maintenance des numéros d'accès direct aux services d'urgence. Il est impératif que soit mis en place un répertoire de tous les numéros de téléphone pertinents pour contacter les services d'urgence à la grandeur du territoire. Les difficultés surviennent lorsque des opérateurs de centrales d'alarme doivent contacter les services d'urgence d'une région autre que celle où elles sont situées. Il est important de se rappeler que les services d'urgence arrivent à temps lorsqu'ils sont prévenus à temps, et ils sont prévenus à temps quand les numéros de téléphone pertinents permettant de les rejoindre directement sont disponibles. Notre objectif, tout comme celui de la Sécurité publique, est d'assurer la sécurité des citoyens; un effort collectif au sujet des numéros d'accès direct permettrait de renforcer cet objectif.

Le deuxième élément concerne la mise sur pied d'une politique de réduction des fausses alarmes. Il est important de mentionner qu'il est possible de réduire leur incidence. Il existe des procédures à cet effet, et elles ont fait leurs preuves. Par exemple, la vérification des signaux: ça consiste à vérifier par téléphone ou par un autre moyen électronique tous les signaux antivol provenant de l'établissement du client avant de communiquer avec le service policier. Simplement avec cette mesure, on peut éliminer jusqu'à 50 % des fausses alarmes et donc des déplacements inutiles. Plusieurs de nos membres ont déjà intégré ces procédures à leur pratique de façon volontaire.

Le dernier élément de réglementation uniformisée concerne les systèmes d'appel à l'aide. Il y a lieu de prévoir une réglementation qui permettra une pratique uniforme à la grandeur de la province. Il en va de même pour l'installation d'avertisseurs sonores en zone résidentielle. Tel que ça fonctionne présentement, les citoyens ne bénéficient pas d'une protection accrue mais d'une source de nuisance publique. Il serait plus approprié d'interdire ce type d'installation.

Enfin, un point qui nous tient particulièrement à coeur, celui du désassujettissement de notre industrie au secteur de la construction. Notre assujettissement au Décret de la construction résulte de ce que nous qualifions un accident de parcours. Notre industrie s'insère très mal dans la réalité de ce domaine. Les situations frustrantes et même aberrantes que nous vivons en témoignent. De plus, l'arrivée de la nouvelle loi sur la sécurité privée entraînerait plusieurs conflits supplémentaires, et la poursuite de nos activités pourrait devenir infernale si rien n'est fait pour harmoniser le tout.

Il faut comprendre que dans le décret la fonction d'installateur de système de sécurité n'est qu'une sous-classe du métier d'électricien. Ça veut dire qu'un électricien peut exécuter les fonctions de l'installateur de système de sécurité même s'il n'a pas la formation requise. Dans les faits, cette situation nous cause plusieurs problèmes. Premier problème: les entreprises de système de sécurité ne peuvent pas répondre directement aux appels d'offres. Plus souvent qu'autrement les électriciens font appel à nous en sous-traitance. Cet état de subordination est inacceptable.

n (15 h 20) n

Autre problème: l'essor de la technologie des dernières années demande d'avoir accès à une main-d'oeuvre compétente et spécialisée. La présence de l'informatique s'impose chaque jour davantage. La fonction d'installateur de système de sécurité est de moins en moins un métier au sens du Décret de la construction; c'est de plus en plus un secteur composé de diplômés collégiaux et même universitaires. Dans ces circonstances, comment pouvons-nous recruter des gens aussi qualifiés quand ils vont devoir travailler comme apprentis sur un chantier de construction, avec bien sûr un salaire d'apprenti?

Au chapitre de la formation, le décret crée une aberration. Les électriciens sont soumis à un cours différent des installateurs, leur cours est moins long, sans compter qu'il n'est pas du tout spécialisé dans les systèmes de sécurité. Les systèmes de sécurité sont devenus trop sophistiqués pour en installer selon les pratiques reconnues sans avoir la formation nécessaire. Comment peut-on renforcer la protection du public au sens de la loi sur la sécurité privée avec une telle aberration?

Autre problème: les entreprises de systèmes de sécurité oeuvrent 24 heures sur 24, sept jours par semaine, contrairement au domaine de la construction. Selon le décret, on est obligés d'imposer des frais de service excessifs à nos clients à cause des tarifs majorés élevés en temps supplémentaire imposés par le décret. La sécurité est donc bien souvent hors de prix au Québec, sans compter que les électriciens qui sous-contractent nos services se prennent une commission en sus de nos tarifs.

Notre province est la seule au pays, même en Amérique du Nord, à être assujettie au domaine de la construction. Les prix élevés à cause du décret privent plusieurs clients potentiels de systèmes de sécurité, des systèmes qui contribuent à réduire le travail des services de sécurité publique.

En plus de nos problèmes actuels, il faut considérer les incompatibilités qu'il y aura avec la nouvelle loi sur la sécurité privée. En voici un exemple: en cas de pénurie d'installateurs de systèmes de sécurité dans une région donnée, le décret nous oblige à engager des électriciens. Ces électriciens, que nous devrions embaucher selon le décret, ne détiendraient pas le permis d'agent, nous ne pourrions recourir à des installateurs d'autres régions qui ne détiennent pas les permis d'agent, le décret nous l'interdirait. Nous serions donc dans un cul-de-sac avec d'un côté des électriciens sans permis et de l'autre des installateurs que le décret nous empêche d'embaucher. Donc, pas de personnel pour honorer nos contrats.

Ces problèmes ne sont pas limitatifs. L'assujettissement de notre industrie au Décret de la construction amène beaucoup d'autres irritants. Il faut toutefois retenir un élément très important: les électriciens, en vertu du décret, sont habilités à installer les systèmes de sécurité. La nouvelle loi sur la sécurité privée exigera pour exercer cette fonction de détenir un permis d'agent et d'avoir reçu la formation nécessaire prescrite. Il est clair qu'il y aura des incompatibilités, il faudrait absolument les examiner et les solutionner. C'est une source potentielle de sérieux problèmes pour la poursuite de nos activités.

Finalement, cette démarche de modernisation de la Loi sur la sécurité privée recueille notre appui, mais il est clair qu'une consultation avec les divers intervenants de la sécurité s'impose. Il faut modifier cette perspective d'opposition du privé et du public démontrée dans le livre blanc, il faut reprendre le travail entrepris par le comité consultatif sur la sécurité privée.

La CANASA, section Québec souhaite participer activement à toute consultation pour que l'industrie de la sécurité privée devienne un vrai partenaire de la sécurité publique. Notre objectif à tous est d'assurer un service de sécurité optimal à la population. C'est en joignant nos efforts publics et privés que nous y parviendrons. Merci beaucoup.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Vous avez réalisé un quasi exploit, à 20 secondes près.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Alors, merci beaucoup de vous être ainsi pliés aux règles et surtout d'avoir participé par la préparation de ce mémoire. J'invite tout de suite le ministre de la Sécurité publique à vous poser la première question.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Mmes, MM. les membres de la commission, messieurs les membres de CANASA qui venez représenter votre organisme ici, d'abord je voudrais vous féliciter pour la qualité de votre mémoire. Et effectivement on retrouve dans ce mémoire très étoffé plusieurs sujets, plusieurs dossiers qui sont relevés.

Je voudrais revenir sur un des derniers points que vous avez soulevés, concernant le domaine de la construction. Ça date depuis combien de temps, ça, ce problème-là?

M. Branchaud (Robert): Depuis 1995, M. le ministre.

M. Chagnon: 1995?

M. Branchaud (Robert): Oui. Tout ça découle d'un... vous savez, le Décret de la construction, c'est deux paragraphes. Tout d'abord, si c'est une machinerie de production ou une mécanique de bâtiment, et, suite à l'évaluation d'un travail, d'une installation d'alarme d'incendie, on avait évalué que c'était de la mécanique du bâtiment, et, à cause de cette interprétation d'un paragraphe, notre industrie est devenue assujettie du jour au lendemain. Mais, étant donné qu'on n'existe pas au sens d'un métier, on est devenus une sous-classe de l'électricien depuis 1995.

M. Chagnon: À l'époque, aviez-vous réagi?

M. Branchaud (Robert): Oui, mais il n'y avait rien à faire, parce que les métiers, il y en a un nombre restreint, et, à travers le nombre, on a dû s'intercaler dans le dossier des électriciens.

M. Chagnon: Et puis, depuis ce temps-là, avez-vous fait des recommandations? Avez-vous fait des...

M. Branchaud (Robert): Non, il n'y avait rien à faire.

M. Chagnon: Non, mais depuis 1995?

M. Branchaud (Robert): Non.

M. Chagnon: C'est la première fois que vous revenez avec le sujet.

M. Branchaud (Robert): Non, parce que, à cause du projet de loi, ça va juste empirer la chose, et là on voit l'opportunité, là, de dénoncer le tout une fois pour toutes, là.

M. Chagnon: Mais vous verriez ça comment, vous?

M. Branchaud (Robert): Réellement, là, d'être exclus du décret pour pouvoir réellement mieux s'harmoniser à la loi et afin d'avoir la main-d'oeuvre qu'on a besoin comme telle, et enfin de pouvoir répondre aux appels d'offres publics. En ce moment, un appel d'offres public, automatiquement l'ensemble du devis va à l'électricien, qui se revire de bord et nous le donne, et ces gens-là seraient exclus de la loi du même coup.

M. Chagnon: Merci. Concernant... Vous faites mention, vous aimeriez qu'il y ait une direction du ministère qui s'occupe de la sécurité privée, un sous-ministre, etc. C'est des choses qui peuvent être regardées, évidemment. Mais au même moment vous questionnez la façon dont la procédure devrait être faite pour, par exemple, déterminer la délivrance des permis. Comment vous voyez ça, vous, la délivrance des permis?

M. Branchaud (Robert): Bien, la délivrance des permis, ce qu'on a à questionner, c'est que ce n'est pas clair en ce moment. Les conditions, de la façon que c'est interprété, il y a quelqu'un qui va réellement réagir, à savoir est-ce qu'on a des... est-ce qu'on est habilités à faire le métier d'agent ou d'avoir une agence? Étant donné que c'est flou comme tel...

M. Chagnon: Mais c'est dans la loi actuelle.

M. Branchaud (Robert): Exactement, oui.

M. Chagnon: Mais l'idée, c'est...

M. Branchaud (Robert): Dans le projet, dans le livre blanc, c'est flou.

M. Chagnon: O.K. O.K.

M. Branchaud (Robert): Ce qu'on demande, c'est d'avoir ça beaucoup plus clair: quelles sont les conditions qui permettraient un permis ou qui empêcheraient un permis.

M. Chagnon: Une fois qu'on a établi les conditions, qui devrait émettre le permis?

M. Branchaud (Robert): Le ministère de la Sécurité publique.

M. Chagnon: Après analyse et après vérification faite avec la Sûreté du Québec.

M. Branchaud (Robert): Exactement.

M. Chagnon: Est-ce que vous avez aussi... Enfin, vous avez parlé un peu du dossier, vous étiez opposés à l'idée des protocoles pour les systèmes d'alarme, de réponse alarme. Et, votre position, vous avez parlé d'une procédure nouvelle ou spéciale. Est-ce qu'elle pourrait s'appliquer ailleurs que dans les grands centres?

M. Branchaud (Robert): Elle pourrait s'appliquer. Bien, un système de sécurité, pour qu'il soit efficace... vous savez comme moi que le système de sécurité, c'est différentes choses: c'est de l'alarme incendie, c'est de l'alarme anti-intrusion, et, à travers un système de sécurité, d'autres protocoles qu'on se doit de surveiller, soit la température ou l'eau, etc. Dans le cas qu'on parle en ce moment, vous parlez sûrement de l'alarme anti-intrusion, où est-ce que ça demande une réponse de la part des corps policiers.

En ce moment, il faut comprendre une chose, c'est que toutes les procédures d'installation, les procédures de suivi et les procédures de diminution des fausses alarmes sont faites sur une base volontaire par certaines entreprises. Ce que l'on recommande dans notre réponse, dans notre mémoire, c'est de pouvoir... dans le prochain comité, j'espère qu'il y en aura un, là, où est-ce qu'on pourrait mettre ensemble toutes des choses qui existent en ce moment, qui permettent de diminuer jusqu'à 80 % des fausses alarmes.

M. Chagnon: Quel genre de procédure, par exemple, prévoyez-vous?

M. Branchaud (Robert): Bien, la principale, la première, c'est une chose simple: c'est que, juste de prévérifier les fausses alarmes lorsqu'on reçoit un signal à la centrale, de rappeler sur les lieux. Juste cette procédure-là ? on l'a appliquée dans notre entreprise ? a coupé de 50 % les fausses alarmes.

M. Chagnon: Les gens qui sont chez eux quand l'alarme part.

M. Branchaud (Robert): Oui, parce que la nouvelle tendance pour les systèmes de sécurité, M. le ministre, ce n'est pas uniquement pour protéger quand vous n'êtes pas là, c'est pour vous protéger quand vous êtes dans la maison. Et, lorsque votre périmètre de la maison est protégé, il suffit qu'un de vos enfants se lève plus tôt et décide d'ouvrir la porte arrière, automatiquement le système est déclenché alors que les gens sont là. Donc, ça permet, un, en prévérifiant par un code, de vérifier avec les gens pour canceller l'alarme; la deuxième, pour la même raison, là, on peut mettre ce qu'on appelle un délai de communication de 30 secondes, donc vous avez 30 secondes pour aller désactiver votre système, pour ne pas qu'il communique à la centrale. Encore là, c'est fait volontairement par certaines entreprises.

M. Chagnon: Vous avez soulevé des questions concernant la représentativité des associations et éventuellement leur capacité de se regrouper ou non. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu plus là-dessus?

M. Branchaud (Robert): Puis ce qui est sûr, c'est que notre association existe depuis 1977 pour répondre aux besoins de l'industrie d'alarme en premier. Depuis le début de l'année, c'est sûr qu'on a changé notre mandat canadien pour devenir l'Association de la sécurité privée, où on retrouve plusieurs intervenants autres que l'alarme. On a des serruriers, on a différentes entreprises qui sont dans notre association.

Le but premier de l'Association canadienne de l'alarme, c'est sa formation pour ses membres, de mettre en place des mécanismes de formation, d'avoir un code de déontologie, un code de suivi, d'avoir des expositions pour que nos membres aient accès à tout ce qui existe comme matériel comme tel. Donc, c'est pour ça que, nous, ce qu'on voudrait, si vous devez avoir des associations représentatives, on voudrait que notre association soit reconnue pour le secteur de l'alarme spécifiquement.

M. Chagnon: Or donc, vous nous suggérez peut-être compter sur votre appui pour travailler davantage ce secteur-là en comité plus tard pour préparer la prochaine loi.

M. Branchaud (Robert): Exactement. Oui.

M. Fiset (Normand): Absolument.

M. Chagnon: Ce ne serait pas quelque chose qui vous serait désagréable, j'imagine.

M. Branchaud (Robert): Non. Parce qu'il y a une chose, c'est que notre secteur, M. le Président... M. Fiset vous l'a mentionné tantôt, on est une industrie qui a une croissance composée annuellement de 10 % à 15 % depuis cinq ans, et nos expectatives sont les mêmes dans les prochaines années. On va être le domaine qui va être le plus en émergence et... Donc, de là la raison qu'on devrait avoir un secteur spécifique à nous.

M. Chagnon: Comment estimez-vous qu'éventuellement... pour des raisons déontologiques et pour assurer la qualité des produits et du service, qui devrait faire, par exemple, l'inspection des agences et l'inspection de la capacité des agents à pouvoir travailler?

n (15 h 30) n

M. Branchaud (Robert): Il y a deux choses. On pense toujours: au départ, ça pourrait être le ministère de la Sécurité publique, mais, dépendant des mandats qui pourraient être confiés à notre association, on pourrait s'autoréglementer et nous-mêmes assurer ce rôle-là, mais c'est un rôle en ce moment qu'on n'a pas, étant donné qu'on est une association volontaire et que ça ne va pas jusque-là. Mais, demain matin, c'est une chose que l'on pourrait faire volontiers.

M. Chagnon: Je pense bien que, pouvoir le faire, ce serait assez évident; d'avoir la crédibilité pour le faire ensuite, ça pourrait poser peut-être quelques questions. Non? Parce que le problème, c'est... l'autoréglementation, là, c'est bien gentil, mais ça pose quelques problèmes pour la compréhension du public à l'égard de ce qui se passe puis à l'égard de ce qui pourrait arriver.

M. Branchaud (Robert): Notre association n'est pas une entreprise privée. L'association regroupe l'ensemble des intervenants, et, bien entendu, les intervenants se doivent de rencontrer les normes, et, s'ils ne les rencontrent pas, l'association pourrait à ce moment-là soit suspendre le permis, dépendant de ce qui pourrait être convenu avec le ministère.

M. Chagnon: Merci beaucoup.

M. Branchaud (Robert): Merci.

Le Président (M. Simard): De ce côté-ci, pas d'autres questions? Je me tourne donc vers la députée de Prévost qui va vous poser les prochaines questions.

Mme Papineau: Bonjour, messieurs. Effectivement, j'ai lu avec beaucoup d'attention votre mémoire, que je trouve très étoffé et aussi avec une certaine ouverture, parce que vous êtes d'accord avec l'encadrement, vous êtes d'accord avec les permis d'agent, et vous amenez des pistes de solution.

Ça fait quand même plusieurs semaines qu'on entend des mémoires sur la sécurité privée, et le terme «partenariat sécurité privée-sécurité publique» est arrivé à plusieurs occasions. Il y en a qui sont d'accord, il y en a d'autres qui ne sont pas d'accord. Il y en a même... j'ai retenu une phrase que quelqu'un a dite: Chacun ses bebelles dans sa cour. Alors, c'est... Mais moi..

Vous parlez de coopération entre le privé et les services policiers. Si le livre blanc, là, était appliqué tel quel, est-ce que ces bonnes collaborations là devraient tomber?

M. Branchaud (Robert): Le livre blanc, comme il est écrit en ce moment, il y a seulement trois choses qui s'appliquent à nous, notre industrie comme telle. C'est que, demain matin, on va payer un permis d'agence qu'on ne payait pas hier; on va payer un permis d'agent qu'on ne payait pas hier; et on va perdre le privilège de pouvoir répondre à nos réponses d'alarme. C'est les trois choses qui nous touchent dans le livre blanc. On passe à côté de toutes les belles choses que l'on pourrait faire en partenariat et réellement pour aider la police à mieux faire son travail.

Mme Papineau: Comme?

M. Branchaud (Robert): Au départ, demain matin, on n'existe pas: il va falloir que vous doubliez les services de police. Pensez que, demain matin, aucun système de sécurité dans les banques, dans les parcs industriels, dans les résidences, ça va devenir infernal. En ce moment, on n'entend plus parler de hold-up dans les banques, on n'entend plus parler de cambriolage dans les banques, à cause des systèmes de sécurité. Donc, nos systèmes ont un rôle essentiel dans notre société d'aujourd'hui.

Nos systèmes, c'est la même chose, la bâtisse ici est en sécurité au départ parce qu'il y a un système de détection qui existe pour l'incendie, il y a un système d'extinction automatique. C'est nous qui faisons ça, ces choses-là. Quand vous entrez ici, au parlement, tous les bidules que vous avez à l'entrée, c'est notre industrie qui les fabrique et qui les installe. Donc, on est réellement complémentaires aux corps de protection publics.

On va encore plus loin. Toutes nos technologies qu'on a aujourd'hui, on peut transmettre de l'information à la police soit, mettons, en écoutant sur les lieux, soit en communiquant sur les lieux ou en leur transmettant de l'information pour dire, dans le building, à quelle place se situe l'intrus. C'est des choses qu'on peut faire.

Puis, la journée qu'on va pouvoir réellement s'assire et parler avec ces gens-là, non pas seulement leur transmettre une alarme, dire: Allez à cet endroit-là, il y a une alarme; on pourrait avoir des dossiers d'ouverts auprès de la police; on pourrait seulement leur communiquer un numéro, ils auraient déjà le dossier; on pourrait leur dire à quel endroit se situe l'intrus, mettons, dans l'école ou dans le commerce. C'est tous ces bouts-là qu'on veut faire réellement en partenariat. Si on n'est pas là, ils ont un problème, et, s'ils ne sont pas là, on a un problème.

Mme Papineau: On nous a aussi amenés le facteur danger. On nous a dit que souvent les gens qui n'étaient pas des policiers et qui répondaient aux alarmes rencontraient une certaine forme de danger, dans le sens que... et ils n'étaient pas toujours prêts à répondre ou en tout cas à affronter. S'il y avait, par exemple, un intrus dans un commerce ou dans une résidence, semble-t-il que les gens n'étaient pas formés ou en tout cas n'avaient pas... ce n'était pas... pour eux, ce n'était pas... il y avait un danger. Comment vous voyez ça?

M. Branchaud (Robert): Le danger est encore plus grand. Le problème qu'on a au niveau de la police, c'est qu'ils ont commencé, exemple, dans la région de Montréal, à suspendre le service. Donc, du jour au lendemain, ils sont arrivés avec un projet de loi, ça s'appelle le SAGA Montréal ? le Service d'administration et de gestion des alarmes. Après quatre fausses alarmes, le service est suspendu. Si on n'a pas un secteur privé pour répondre, c'est le client lui-même qui va se déplacer à son commerce; on augmente le danger. Là, on parle d'un client qui, le soir, peut être en train de souper, une bonne bouteille de vin, peut-être pas en état de conduire, on va lui demander de prendre la route, on va l'envoyer à son commerce dans un état de stress qu'il n'a peut-être pas besoin, et, lui, il va peut-être faire ce que vous venez de dire, madame, de se présenter en situation de danger. Donc, à cause d'une suspension de service qui existe en ce moment, on oublie... c'est parce que, n'oubliez pas, le système, il va avoir besoin d'une intervention.

Deuxième des choses, la réponse de l'alarme privée n'est pas uniquement des réponses d'urgence, comme vous venez de le dire. Dans certains cas, on est appelés uniquement à aller vérifier des problèmes, des troubles. Une colonne de gicleurs, on va aller les vérifier parce qu'on vient de recevoir un signal qu'il peut y avoir un trouble dessus. La police ne fait pas ça.

On a au niveau... exemple, Hydro-Québec, on a des salles de transformateurs. On va s'assurer qu'il n'y a pas des animaux qui sont là ou encore des bêtes sauvages qui peuvent altérer le courant. La police ne fera pas ça demain matin. On fait ça. On va aussi aller vérifier dans des situations qui peuvent avoir des bris ? des bris mécaniques, des gels, etc. Donc, le privé fait un travail complémentaire en partenariat, comme vous avez dit tantôt. Mais d'aucune façon on ne joue à la police. Si on arrive pour aller vérifier, exemple, une alarme dans une école, juste par notre technologie, on peut savoir s'il y a quelqu'un à l'intérieur.

Exemple: je reçois une alarme d'un détecteur de gymnase, et, en me rendant sur les lieux, dans notre langage, l'appareil s'est «resetté», c'est-à-dire qu'il s'est réarmé au bout de trois minutes. Il n'y a personne, c'est une fausse alarme. Mais, si on reçoit un détecteur du passage ? le détecteur dans le gymnase ? il y a quelqu'un. Donc, on va demander l'assistance de la police à ce moment-là. Et si on arrive sur les lieux et, en plus de ça, on voit une marque d'effraction, on n'entrera pas à l'intérieur. Mais il n'y a aucune façon que les corps de protection privée vont faire une chose qu'ils vont se mettre en danger. Ils vont bénéficier de la technologie et ils vont demander l'assistance à ce moment-là s'ils pensent qu'il y a réellement quelqu'un.

Mme Papineau: Quel genre de formation ont vos agents à l'heure actuelle?

M. Branchaud (Robert): Nos agents, madame, en ce moment, on n'en a pas, nous. Lorsqu'on prend de quoi, on va utiliser les firmes de gardiennage qui font ça. Moi, mon industrie, c'est: j'installe les systèmes et je transmets des alarmes. Dès qu'on a besoin de réponses d'alarmes, on utilise les firmes qui sont membres de CASIQ, là, des firmes comme Garda, Securitas, et compagnie.

Mme Papineau: Vous dites aussi que la nouvelle loi doit être flexible, hein, pour qu'elle puisse s'adapter à l'évolution de l'industrie. Quelle forme doit avoir cette législation pour qu'elle puisse s'adapter, là, à cette industrie qui est...

M. Branchaud (Robert): Au départ, on l'a dit tantôt, on est de plus en plus une entreprise qui interfère avec l'informatique. De plus en plus, on arrive sur des endroits où on doit travailler sur ce qu'on appelle le réseau informatique du client, ce qui n'était pas le cas il y a même cinq ans.

Déjà, à l'heure actuelle, pour montrer à quel point ça évolue, je peux vous garantir que dans mon entreprise 50 % de mon chiffre d'affaires, ce sont sur des équipements qui n'existaient pas il y a à peine trois ans. Ça va être quoi dans trois ans? On évalue des ventes qu'on va faire dans trois ans sur des équipements qu'on sait qui n'existent même pas en ce moment, à quel point ça va vite. Donc, de là, on doit avoir une flexibilité dans la loi.

Mme Papineau: Ah! le président veut parler? Allez-y.

M. Fiset (Normand): Peut-être pour compléter aussi sur cette question. C'est que présentement...

Mme Papineau: Excusez-moi, M. le Président.

M. Fiset (Normand): ...présentement, ce qui est perçu comme étant problématique avec les systèmes de sécurité, il faut être conscient que l'industrie est à la recherche de s'améliorer de façon continue avec la technologie. Donc, je pense, c'est au niveau de ça aussi qu'on parle d'une certaine flexibilité.

Ce qu'on connaît comme problématique aujourd'hui avec un système de sécurité peut facilement être réglé avec la technologie de demain, chose qu'on voit de façon continue, de façon annuelle. Il y a des améliorations au niveau des formes de détection, au niveau des formes de vérification, et c'est de là, je crois, que notre recommandation, là, d'avoir une certaine flexibilité, d'être capables d'ajuster en fin de compte la réglementation autour des réponses d'alarmes.

M. Branchaud (Robert): Et, juste au niveau de la technologie, on a... on parlait de fausses alarmes. Je me rappelle une intervention de M. le ministre qui parlait, exemple, d'animaux. Il y a environ quelques années, les gens, on installait un système de sécurité, et en cours de route s'achetaient un chat, un chien. Là, c'est sûr qu'on parle d'une masse qui se promène, on avait des fausses alarmes. Maintenant, la technologie nous permet d'avoir une immunité contre ces animaux domestiques là. Ils vont détecter l'intrus, non pas les animaux. Mais ça n'existait pas il y a à peine quatre ans. Et maintenant la majorité de la détection volumétrique qu'on installe a cette immunité-là. À quel point ça va vite.

Mme Papineau: M. le Président.

Le Président (M. Simard): Vous avez terminé? M. le député de Mercier.

n (15 h 40) n

M. Turp: M. le Président, d'abord je voudrais vous féliciter pour ce mémoire parce que vous avez beaucoup investi dans la préparation d'un mémoire de qualité. Je crois qu'une commission comme la nôtre et ses membres apprécient recevoir des mémoires de cette qualité.

Pour les fins de notre compréhension, vous semblez avoir un problème avec une distinction qui est faite dans le document de consultation du ministre entre lieu public et lieu privé, puis j'aimerais ça que vous reveniez là-dessus, là. C'est dans votre recommandation n° 4, là, que vous manifestez une certaine, comment dire, une certaine préoccupation. Et, sur la répression, là ça ne m'apparaît pas très clair, ce que vous souhaitez pouvoir faire. Vous donnez un exemple assez intéressant, là, à la page 8 de votre mémoire, là, sur cette poursuite de ce luxueux camion où le privé et le public ont collaboré.

M. Branchaud (Robert): Un coup magistral.

M. Turp: Mais est-ce que vous pensez que ce que vous avez fait là, c'est quelque chose que le document vous empêcherait de faire? Parce que, contribuer à la répression en collaborant avec les agents de sécurité publique et faire la répression, c'est deux choses très différentes.

Alors, moi, j'aimerais savoir où se situe la frontière entre le lieu public et le lieu privé pour vous et entre la responsabilité en matière de répression et la collaboration qui peut être celle du privé avec le public en matière de répression.

M. Fiset (Normand): D'abord, pour tenter de répondre à votre question sur le point où on a amené, là, le public et le privé, c'est malheureusement quelque... On travaille présentement au niveau d'un dossier, là, qui est la Commission d'accès à l'information, et puis on a le même problème où à un moment donné il y a une zone grise entre qu'est-ce qui est considéré privé, public; est-ce qu'un centre d'achats, qui est un lieu public, c'est public ou si c'est privé? Parce que ce n'est pas gouvernemental. On peut revirer ça, là, de 56 façons. Et puis on a fait face au même problème avec la Commission d'accès à l'information, où on disait: Est-ce qu'il y a des caméras qui devraient être installées dans un lieu public ou dans un lieu privé par une institution publique?

Le problème qui arrive, c'est qu'à un moment donné il va falloir trouver des termes qui sont clairs sur qu'est-ce qu'on veut dire par «public», qu'est-ce qu'on veut dire par «privé». Et est-ce que... comme l'exemple que je vous ai donné... un exemple qui est facile, les salles de bain: c'est un endroit privé, mais c'est public. Vous comprenez un petit peu la... Ça fait qu'on demande qu'il y ait une certaine clarification au niveau de la terminologie qui est utilisée quand on parle de public et privé.

M. Turp: Qu'est-ce que vous proposez là-dessus?

M. Fiset (Normand): Il va falloir qu'on utilise des mots... des mots différents, là. Quand on parle de «public», c'est parce que... on parle de «public», on parle d'institutions gouvernementales, paragouvernementales ou on parle de lieux publics, donc accessibles par le grand public. On parle de «privé», est-ce que c'est quelque chose qui vient des institutions privées ou si c'est un endroit privé pour les gens du public? Vous comprenez un petit peu, c'est là qui est le... On n'a pas de recommandation en tant que telle là-dessus, sauf qu'il va falloir... Notre recommandation en fin de compte, c'est d'utiliser peut-être une terminologie qui est peut-être plus claire. Quand on parle de «public» par rapport à «privé», qu'est-ce que... quoi veut dire quoi, là.

M. Turp: Et est-ce que vous seriez disposés à faire une recommandation? Parce que votre expérience sur le terrain...

M. Fiset (Normand): Absolument.

M. Turp: ...peut éclairer la commission et ceux qui vont rédiger la loi, là.

M. Fiset (Normand): Absolument. En fin de compte, le problème, le problème, je pense qu'il est plus au niveau vocabulaire que... C'est la compréhension en fin de compte des termes utilisés: «public» et «privé». Enfin, on pourrait aider à amener une certaine définition, là, au niveau de ce vocabulaire-là, oui, absolument.

M. Turp: Et sur la répression?

M. Branchaud (Robert): Bien, la répression, c'est un... c'est large, dans le livre blanc, pour l'ensemble de la sécurité privée. Nous, on a essayé de lire là-dedans ce qui nous touche, nous, et, la façon qu'on avait de dire, pour notre industrie qui s'appelle l'anti-intrusion, il est sûr que notre vrai, vrai but, là, ce n'est pas de la prévention, ce n'est pas de la répression, c'est au départ de la dissuasion. Nous, d'installer un système de sécurité à un endroit et de l'afficher à l'extérieur, on ne s'en cache pas, on dissuade l'intrus d'y aller. Donc, le but premier de mon industrie à moi, au niveau du vol, c'est de dissuader les intrus d'aller à cet endroit-là.

Deuxièmement, ce qui était les buts des questions tantôt, s'il y a quelqu'un qui veut réellement aller à ces lieux-là, je me dois de faire un travail de détection. Donc, à partir de là, je me dois de commander par mon équipement là de faire de la détection et qui va amener... dans une quantité à la fin minime, on va appeler une intervention.

Est-ce que l'intervention, si elle est faite par l'entreprise privée, devient de... ce que vous avez mentionné tantôt. C'est ce bout-là qui semble gris comme tel, mais tout ça, pour nous, est attaché ensemble. On part de la dissuasion et on peut aller jusqu'à l'intervention, sans faire l'arrestation bien entendu, ce n'est pas notre domaine.

Au niveau du véhicule que vous avez mentionné, c'est nouveau, cette technologie-là. Mais on a réellement participé à une arrestation sans jamais toucher au voleur, on l'a fait uniquement d'une façon électronique. Mais, comme tel, si on le regarde, on a participé à une arrestation. C'est pour ça qu'on voudrait juste... Comme vous l'avez dit tantôt, le vocabulaire, est-ce qu'on doit le changer? On peut réellement donner de l'information. Transport Québec a participé à cette arrestation-là par le système de caméra sur Métropolitain. Encore là, ils ont participé à une arrestation en étant assis dans leur bureau ou dans leur local où est-ce que les moniteurs sont installés.

M. Turp: Un premier exemple d'arrestation électronique.

M. Branchaud (Robert): Oui. Et ça a fonctionné, là, d'un bout à l'autre. Le voleur n'a jamais su ce qui arrivait; quand ils ont fait le barrage, il se demandait pourquoi. Et, de cet incident-là, ils ont pu réellement, un réseau de receleurs, les arrêter au complet.

Le Président (M. Simard): Voilà. Je ne ferai pas d'interruption électronique. J'ai le député de Marguerite-D'Youville qui m'a demandé de poser une très courte question.

M. Moreau: Oui, bien, en fait, c'est...

Le Président (M. Simard): On parle de deux minutes, normalement.

M. Moreau: Ah! même, je dirais...

M. Turp: Pas trois.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Moreau: Je dirais même que ce n'est pas une question, c'est peut-être plus une intervention qu'a citée... celle de mon collègue de Mercier.

Sur la question public-privé, j'ai écouté attentivement les remarques que vous avez faites et je me demandais si, dans le cadre des recommandations que vous invite à faire mon collègue le député de Mercier, vous... ou encore, lors de la rédaction du mémoire, vous vous étiez inspirés des avis qui ont été donnés sur cette question de lieu public-privé par la Commission d'accès à l'information. Parce que, vous savez, vous êtes dans le domaine, toute la question de la surveillance électronique a posé à la Commission d'accès à l'information des questions très importantes, notamment sur la surveillance électronique qui pouvait être faite dans des garderies, des garderies privées ou des garderies, entre guillemets, publiques, là, qu'on appelle les CPE, et à savoir est-ce qu'une garderie, qu'elle soit un CPE ou une garderie privée, était un lieu public ou privé. Là-dessus, la Commission d'accès à l'information a émis un avis, si je ne m'abuse... même, je suis assez convaincu de la chose. Et la même question s'est posée à l'égard de la surveillance qui était faite dans les toilettes publiques, à savoir est-ce que ça portait atteinte donc à la vie privée.

Et je vous invite plus que je vous pose une question à peut-être consulter ça dans le cadre des recommandations sur cette question que vous suggérait de faire mon collègue de Mercier, parce que effectivement, un, ça va nous intéresser, deux, ça va faire un lien avec les travaux de la Commission de la culture qui a entendu la Commission d'accès à l'information sur cette question-là, et, ici, les travaux de la Commission des institutions pourraient s'inspirer de ce qui a été fait et dit par la Commission d'accès à l'information à ce sujet-là.

M. Fiset (Normand): Effectivement, c'est sûr que dans nos recommandations ça va de soi que c'est... la définition, en fin de compte, de «public», «privé», devra être déterminée par l'effort qui est fait présentement par la Commission d'accès à l'information. Par contre, en ayant été impliqué personnellement avec le commissaire, je vous dirais que même au niveau de la commission il y a des bouts où présentement le... C'est parce qu'on utilise le même mot qui désigne deux choses différentes, et puis même la commission présentement a un petit problème au niveau de ça. Je vous dirais que le problème, la zone grise présentement, autre que de définir un endroit particulier comme les toilettes publiques ? ça, c'est quelque chose qui relève vraiment de la commission puis c'est eux autres qu'il va falloir qu'ils se prononcent au niveau de ça... Par contre, je vous dirais que le problème, encore une fois, est beaucoup plus au niveau vocabulaire, parce qu'on dit... Vous dites «toilettes publiques»: est-ce que ça affecte en fin de compte le privé des gens? Et vous comprenez un petit peu, encore une fois, là, le mot «public» et «privé» est utilisé... tous les deux ont deux sens différents, et puis c'est là qu'il vient d'y avoir un feu croisé un petit peu, au niveau de ce vocabulaire-là. C'est peut-être au niveau de ça qu'il va falloir travailler, question que ce soit clair.

M. Moreau: Oui. Parce que la Commission d'accès à l'information évidemment analyse la question sous l'angle de l'atteinte à la protection de la vie privée...

M. Fiset (Normand): Exact.

M. Moreau: ...donc, garantie par la charte. Vous le faites dans une perspective qui est un peu différente, c'est-à-dire celle qui tracerait la ligne de juridiction entre, par exemple, la police et les entreprises privées. Mais je pense que les travaux de l'un pourraient inspirer la réflexion de l'autre.

M. Fiset (Normand): Absolument, absolument.

M. Moreau: Merci.

Le Président (M. Simard): M. le député de Marguerite-D'Youville, je vous remercie. Je vous remercie à mon tour de votre participation, de la qualité de votre mémoire.

Et je suspends pendant quelques minutes nos travaux.

(Suspension de la séance à 15 h 50)

 

(Reprise à 15 h 54)

Le Président (M. Simard): Nous allons reprendre nos travaux. Le prochain groupe que nous recevons, ce sont nos amis de la Confédération des syndicats nationaux. Mme Poulin est la secrétaire générale, quelqu'un qu'il me fait toujours plaisir de revoir, de ma circonscription de Sorel-Tracy, inoubliable d'ailleurs dans notre coin; François Lamoureux, qui est coordinateur du Service juridique; et Me Anne Pineau, aussi du Service juridique.

Alors, il est important, je le soulignais l'autre jour lorsque nous avons eu un groupe qui est venu nous voir, dans le domaine des relations interculturelles, il est très important que des groupes autres que les forces de police ou les sociétés privées se fassent entendre. J'aurais souhaité d'ailleurs que davantage de groupes intéressés à la défense des droits, au respect des droits et libertés s'intéressent. J'imagine qu'à l'étape du projet de loi, dans l'étude que nous ferons à ce moment-là, ces groupes-là se feront... se manifesteront. Donc, c'est très important qu'à ce moment-ci nous entendions votre point de vue. Vous connaissez nos règles, vous êtes des habitués de cette commission. Alors, nous vous écoutons.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Poulin (Lise): Alors, merci, M. le Président, M. le ministre. Alors, je vais vous faire la lecture d'un court résumé, là, qu'on a fait à partir du mémoire qu'on vous a remis il y a quelques minutes, je pense. Oui.

Alors, la Confédération des syndicats nationaux compte plus de 280 000 membres répartis dans neuf fédérations professionnelles qui couvrent des secteurs d'activité les plus divers, donc dans tous les secteurs. Et la CSN est heureuse de l'occasion qui lui est donnée de soumettre ses commentaires dans le cadre des consultations particulières à l'égard du livre blanc.

Alors, la CSN est depuis longtemps intéressée à toutes les questions entourant le respect de la vie privée dans la société, tant celle de l'ensemble des citoyens que celle de ses membres. Il est plus que temps selon nous de clarifier les rôles respectifs des services publics et des services privés de sécurité et de légiférer pour mieux encadrer la façon dont s'effectuent les recherches et les investigations sur les citoyens. En ce sens, nous saluons la volonté du ministre de la Sécurité publique de mettre à jour la loi qui encadre la sécurité privée, soit la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité, sanctionnée en 1962.

Or, nous sommes d'avis qu'il est temps de mettre en place un nouveau cadre législatif reflétant la préoccupation gouvernementale de ne pas laisser une police parallèle se développer. Il faut empêcher des glissements démocratiques importants pour la sécurité et le bien-être des citoyens et citoyennes du Québec. En ce sens, la CSN soumet que les agences d'investigation ou de sécurité doivent respecter les lois d'ordre public qui protègent la population contre les intrusions à la vie privée.

Or, dans ce nouveau cadre législatif, il est primordial que les agents de sécurité soient régis par un code d'éthique et déontologique concernant notamment le respect des règles de confidentialité, les renseignements nominatifs et l'utilisation des nouvelles technologies. La nouvelle législation devrait imposer des mesures de contrôle serré et de formation appropriée.

Nous aborderons aux fins de cette consultation les éléments du livre blanc qui ont selon nous une importance déterminante pour tous les citoyens et les citoyennes du Québec.

Les données du ministère de la Sécurité publique indiquent que le nombre total d'agences de sécurité auxquelles un permis a été délivré a plus que doublé entre 1973 et 2002, passant de 96 à 233. Alors, il y aurait actuellement 24 000 personnes qui détiennent un permis d'agent de sécurité et d'investigation, alors qu'on évalue le nombre de policiers à 15 000, soit un ratio d'agents de sécurité, par rapport aux policiers, d'environ un sur six.

Or, le chiffre d'affaires de ce secteur d'activité a en outre de quoi impressionner. Le livre blanc indique en effet le chiffre faramineux de 1,5 milliard de dollars pour 2003 au Québec, et ce, bien que s'en trouve exclu tout le secteur de la sécurité interne.

De tels chiffres apparaissent toutefois moins étonnants si on considère ce que rapporte le journaliste Daniel Germain dans le magazine Affaires Plus de février 2002, et je cite: «"Dans le palmarès des 500 plus grandes sociétés québécoises publié par le journal Les Affaires, huit entreprises sur 10 figurent sur la liste des clients de Garda, affirme Stéphan Crétier. Garda figure au septième rang des entreprises en croissance au Canada".»

Il faut ajouter que cette industrie s'est passablement diversifiée. Elle a investi des champs nouveaux comme le transport des valeurs, le transport et la garde de jeunes contrevenants, prévenus, détenus, l'installation de dispositifs de systèmes de protection. Plus encore, ces agences utilisent de plus en plus des produits et moyens technologiques qui décuplent les risques d'atteinte à la vie privée. Dans les milieux de travail, la surveillance des salariés par des agences de sécurité s'est particulièrement développée. De telles pratiques minent le droit à la vie privée des salariés. C'est une réalité qui tend à s'accentuer démesurément et insidieusement avec le développement des nouvelles technologies de l'information. Ainsi, le salarié est-il de plus en plus confronté à des outils informatiques ou technologiques permettant à l'employeur d'en savoir toujours plus sur son compte et permettant même le contrôle à distance. On connaît bien sûr le fléau que constitue la vidéofilature des employés en accident du travail ou en assurance salaire.

La CSN a mené et mène toujours un combat acharné contre de telles pratiques. À cet égard, les paramètres établis par la Commission des droits de la personne et repris par la Cour d'appel dans l'arrêt Bridgestone-Firestone fixent un cadre plus acceptable à ce type de contrôle. Force est de constater qu'en pratique ces paramètres ne sont pas respectés.

n(16 heures)n

Mais rappelons les balises... ces balises que pose la Cour d'appel. Il ne saurait s'agir d'une décision purement arbitraire et appliquée au hasard. L'employeur doit déjà posséder des motifs raisonnables avant de décider de soumettre son salarié à une surveillance. Il ne saurait les créer a posteriori après avoir effectué la surveillance en litige. Avant d'employer cette méthode, il faut cependant qu'il y ait des motifs sérieux qui lui permettent de mettre en doute l'honnêteté du comportement de cet employé. Or, cette question est cruciale, car l'atteinte à la vie privée est majeure, puisque ces filatures permettent à l'employeur de recueillir une foule d'informations sur le mode de vie des employés, sur leurs fréquentations et sur leur milieu de vie.

La surveillance vidéo s'exerce aussi et apparemment de plus en plus à l'intérieur des entreprises. Encore là, le phénomène n'est pas nouveau mais prend certainement de l'ampleur avec le développement technologique qui permet l'utilisation de caméras de plus en plus miniatures et donc de plus en plus dissimulées. Bien sûr, comme il s'agit de pratiques clandestines, nous n'avons aucune base de données sur le sujet.

Par ailleurs, la jurisprudence arbitrale s'est toujours refusée à sanctionner l'utilisation de caméras cachées. Or, il s'agit là de l'aspect peut-être le plus répugnant de la surveillance par caméra. En France, par exemple, il est interdit à l'employeur d'utiliser une telle technique à moins d'en avoir avisé les salariés. Le Code du travail français stipule en effet qu'aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été préalablement porté à sa connaissance.

Un autre type de contrôle s'apparentant à la caméra de surveillance commence à voir le jour avec les logiciels de contrôle Internet. Il semble que d'autres outils sont utilisés aux États-Unis, soit des badges électroniques émettant un signal et qui permettent de savoir à tout moment où se trouve le salarié et combien de temps il y passe. On peut ajouter à ce type de contrôle, le contrôle des déplacements extérieurs par système GPS et qui permet déjà à certains employeurs de localiser et suivre en temps réel le salarié sur la route. Ce type de contrôle vient d'ailleurs d'être dénoncé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, en France, en 2004, celle-ci estimant que la mise sous surveillance permanente des déplacements des salariés est disproportionnée lorsque la tâche à accomplir ne réside pas dans le déplacement lui-même mais dans la réalisation d'une prestation pouvant faire elle-même l'objet d'une vérification.

Alors, on peut en outre craindre que des employeurs tentent d'implanter des contrôles d'accès à l'entreprise impliquant les données biométriques. Notons à cet égard que la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, en novembre 2002, pourra constituer un frein au développement de telles pratiques. Cette loi serait aussi d'un précieux secours pour empêcher le développement de l'utilisation des badges électroniques.

Que dire maintenant de l'espionnage des conversations téléphoniques des salariés? On peut penser à l'employeur qui enregistre les conversations privées mais aussi au cas de l'employeur qui, sous prétexte d'améliorer le service à la clientèle, enregistre les conversations avec les clients ou bénéficiaires. Dans le premier cas, c'est l'atteinte à la vie privée qui est certes en cause. Quant au contrôle de qualité des appels, il peut s'agir d'une forme de surveillance harcelante, susceptible de créer une tension constante pour le salarié épié. La problématique est semblable à l'égard des courriers électroniques. Bien que le Code civil du Québec garantisse la confidentialité de la correspondance, les employeurs sont nombreux à soutenir que le courrier électronique reçu ou envoyé avec l'ordinateur de l'employeur appartient à celui-ci et pourrait donc être ouvert. Les lois du travail en vigueur au Québec n'abordent nullement ces questions. La Charte des droits et libertés de la personne est, avec le Code civil du Québec, le seul rempart actuel contre les intrusions patronales. Ainsi, sans contrôle a priori par un tiers de la nécessité de la surveillance, on constate que celle-ci s'exerce allégrement et sans contrainte, violant impunément la vie privée des salariés. C'est pourquoi nous réclamons une intervention législative en matière de surveillance en emploi.

La CSN s'inquiète par ailleurs de tous les aspects relevant de la cueillette des renseignements personnels. La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé prévoit que toute agence de renseignements personnels doit permettre à toute personne concernée d'avoir accès à son dossier et doit à tous les deux ans, au moyen d'un avis publié dans un journal, informer le public des renseignements qu'elle détient sur autrui. En raison du caractère clandestin d'une enquête ou d'une filature, la personne en ayant fait l'objet n'a aucune chance de se douter qu'une agence d'investigation possède des renseignements sur son compte. C'est pourquoi un mécanisme d'avis devrait être instauré une fois l'enquête complétée, avis révélant à la personne concernée qu'une enquête a été menée et que des renseignements personnels ont été recueillis.

La CSN s'interroge grandement sur le fait qu'aucune information particulière ne soit présentement exigée pour l'obtention d'un permis d'agent de sécurité, et ce, depuis 1962. Or, il y a eu depuis adoption des chartes québécoise et canadienne des droits et libertés de même qu'une foule de législations sur la protection des renseignements personnels, autant dans le privé que le public, et visant à protéger la vie privée des citoyennes et des citoyens. Le personnel des agences se doit d'être au courant de ces législations et se doit de les respecter. En ce sens, nous soutenons les orientations du livre blanc reprenant les principes d'une formation obligatoire. En revanche, nous nous questionnons fortement sur l'énoncé suivant du livre blanc lorsque les auteurs indiquent: «Certes, un encadrement législatif réglementaire est indispensable pour faire respecter certains principes fondamentaux en matière de sécurité publique et de droits individuels. Cependant, cet engagement ne doit pas viser l'exercice d'un contrôle étatique du secteur de la sécurité privée.»

Au même titre, au plan de l'éthique et de la déontologie, la CSN s'interroge sur le sens et sur les orientations définis à la page 39 lorsqu'il est indiqué qu'en matière d'éthique l'industrie de la sécurité privée doit se responsabiliser, s'autorégulariser ? s'autorégulariser, oui, excusez ? si elle veut gagner la confiance et le respect des autres intervenants en sécurité publique des institutions et de la population. Les dispositions de la nouvelle loi doivent selon nous intégrer les questions de déontologie, de formation ou de contrôle, sans quoi des abus de toutes sortes risquent de se perpétuer. Laisser aux agences de sécurité la possibilité de s'autoréguler en instaurant elles-mêmes des mesures de formation ou d'éthique, c'est signer un chèque en blanc pour permettre à ces agences de ne pas respecter les lois et d'instaurer une police parallèle. Le risque paraît aussi exister que la police elle-même se serve de telles agences pour faire du boulot que des contraintes légales prohiberaient ou rendraient plus difficile. Les agences de sécurité privée doivent faire l'objet d'un débat social large. Quelle place ces agences doivent-elles avoir? À quoi et qui servent-elles? Est-il socialement acceptable de les laisser à l'abri du contrôle étatique quant aux services de sécurité interne? Comment s'assurer que ceux-ci respectent les règles?

Le problème, pour la CSN, est beaucoup plus profond comme débat de société sur la sécurité privée au Québec. Pour la CSN, c'est la légitimité des activités qui sont exercées par ces agences en regard du respect des lois et des chartes qui est en cause.

Ainsi, l'article précité de Daniel Germain révèle que les agences d'investigation infiltrent les milieux de travail. Les principaux motifs pour infiltrer un groupe d'employés: vol, trafic, fraude, fuite d'information et syndicalisation. Les patrons détestent les syndicats. Lorsqu'il y en a un qui s'organise, ils veulent savoir comment ça se passe. Et je citais, là, l'article du journaliste. Il est totalement inadmissible que de telles pratiques aient cours. L'entrave à l'exercice légitime d'un droit fondamental comme le droit d'association ne saurait constituer un champ de pratique pour les agences.

On ne saurait non plus admettre les pratiques par lesquelles des salariés, sous menaces disciplinaires, sont contraints de répondre aux interrogatoires souvent intimidants d'agents de sécurité à la solde de leurs employeurs et qui se font vaguement passer pour des forces de l'ordre. On est bien loin, dans de tels cas, du volet prévention du crime. Les agences mènent alors de véritables enquêtes criminelles, ce qui ne doit pas relever de leurs prérogatives. Le respect des lois, impliquant des principes fondamentaux, implique de légiférer pour instaurer des mesures de contrôle sévères en matière déontologique et en matière de formation.

Il faut en outre que des mesures législatives soient adoptées pour encadrer les pratiques de filature. Il faut en effet qu'un tiers impartial puisse s'assurer avant coup de l'existence de motifs sérieux pouvant justifier la filature, de même que l'utilisation préalable d'autres moyens de contrôle. Toute filature ne respectant pas ces spécifications serait illégale et la preuve recueillie automatiquement irrecevable. Une fois l'enquête complétée, la personne ayant fait l'objet d'une telle filature devrait être avisée, et l'accès au rapport d'enquête et aux enregistrements vidéo, s'il en est, devrait lui être garanti.

Nous croyons également que le ministre de la Sécurité publique doit intervenir au plan législatif et réglementaire pour encadrer le secteur de l'investigation et de la sécurité privée afin que la population du Québec sente une volonté ferme du gouvernement de faire respecter les lois d'ordre public et ainsi éviter tout dérapage démocratique qui ne pourrait qu'entraîner un sentiment d'instauration d'une police parallèle. Alors, ça termine la présentation, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, Mme Poulin. Vous connaissez nos règles, donc je passe immédiatement au ministre qui aura sûrement des questions intéressantes à vous poser.

n(16 h 10)n

M. Chagnon: M. le Président, Mme Poulin, madame, monsieur de la CSN, de la Confédération des syndicats nationaux, d'abord je voudrais vous souligner que ? le président l'a fait un peu tout à l'heure ? votre mémoire est tout à fait particulier. Il est rafraîchissant dans un sens parce qu'il vient nous parler de cette problématique-là avec un angle qui est tout à fait particulier. Vous êtes les seuls à l'avoir couvert, c'est celui des renseignements personnels, tout ce qui touche la protection de la Charte, les droits individuels, dans le fond, et effectivement c'est un angle qui est incontournable quand on touche et qu'on regarde ces questions-là.

Et c'est peut-être symptomatique que ce soit vous qui l'ayez apporté. En tout cas, c'est très bien que c'eût été fait, et dans ce cadre-là évidemment... Mais avez-vous une opinion différente, à part la question des droits, sur le projet de loi ou sur le... pas le projet de loi, mais sur le livre blanc? Est-ce que vous avez, dans son ensemble, une opinion sur le fait qu'il faille, par exemple, peut-être mettre à jour une législation de 1962, qui avait été elle-même légiférée en 1931, ou vous vous êtes spécifiquement et particulièrement penchés sur la question des droits?

Mme Poulin (Lise): Bien, peut-être que mes collègues pourront en ajouter, là, mais, sur le livre blanc, on reconnaît que depuis 1962 qu'on n'avait pas revu cette législation-là, c'est une bonne nouvelle. C'est une bonne nouvelle aussi de comprendre, là, si c'est bien ce qu'on lit, qu'on souhaite encadrer minimalement ce secteur-là qui ne l'est pas du tout. Il s'est développé beaucoup, on le voit par le nombre de personnes qui y travaillent. J'imagine que ce n'était pas, en 1962, 24 000 personnes qui y travaillaient. On le voit de plus en plus, dans tout événement maintenant au Québec où il y a un peu de monde, là, ce n'est maintenant que des agences de sécurité qui contrôlent les foules. On pense que ça devrait être les policiers qui s'occupent de ça. Ce n'est pas leur job, hein, c'est plus un travail de prévention, quand on est une agence de sécurité.

La formation obligatoire, ça, on trouve ça très intéressant, et même il faudrait voir ce que ça veut dire. Mais ce qui... Et, on le dit, ce qu'on ne souhaiterait pas, c'est que ce soit aux agences elles-mêmes de se donner leurs propres règles et leur formation. Il faut que ce soit encadré avec, je dirais, un maximum d'assurance que ce sera de la formation qui concerne ce qu'est leur rôle, sinon, bien, qu'ils deviennent des policiers, ce n'est pas l'emploi qui manque.

M. Chagnon: Ce n'était pas une colle, hein? Ce n'était pas une colle, Mme Poulin.

Mme Poulin (Lise): C'est en gros, là. Peut-être... si vous avez quelque chose, tous les deux, à ajouter?

M. Chagnon: Pour revenir à ma question... J'aurai l'intention de revenir sur la question des droits, mais je voulais avoir peut-être un éclairage plus général sur...

M. Lamoureux (François): Peut-être ajouter, M. le ministre, que dans le cadre du mémoire qu'on a présenté évidemment on fait état des lacunes législatives depuis l'adoption de 1962, entre autres par rapport aux exceptions concernant entre autres, assez curieusement, les agences d'investigation à l'époque.

Ce qui nous inquiète grandement, et on l'a indiqué, entre autres évidemment le fait que, oui, il y a un plus grand nombre d'agents, mais toutes les méthodes d'investigation qui se sont développées. Et les grandes préoccupations que nous avons quant aux pouvoirs de ces agences de sécurité... Et, M. le ministre, dans les orientations du livre blanc, on comprend bien que ces gens-là sont des citoyens comme les autres, qui n'ont pas de pouvoirs comme ceux des agents de la paix...

M. Chagnon: Exact.

M. Lamoureux (François): ...et qui sont là pour agir au niveau de la prévention. Quant à nous, avec les années, on s'aperçoit que ce rôle-là a débordé grandement, oui, en milieu de travail, mais sous diverses formes.

Dans les milieux de travail, nous, on a de la jurisprudence des tribunaux du travail, M. le ministre. Par exemple, dans Provigo, où Provigo comme employeur, dans le cadre d'une campagne de syndicalisation où la CSN est impliquée, Provigo embauche une agence de sécurité, qui s'appelle l'agence de sécurité BEST, et embauche des personnes qui sont agents de sécurité comme employés pour leur faire signer des cartes d'adhésion et que ces gens-là puissent venir noyer la majorité des salariés qui veulent adhérer à un syndicat CSN. Il est démontré par une commissaire du travail qu'on utilise ces agences de sécurité là non pas à des fins de gardiennage dans l'entreprise, mais à venir se mêler de l'infiltration dans les syndicats et de campagne de maraudage.

On a d'autres décisions, M. le ministre, qu'on pourrait aussi également vous acheminer où, par exemple, un agent de sécurité qui témoigne, par exemple, et qui a arrêté une personne soit dans un marché d'alimentation pour un bon, genre, d'alimentation de 4 $ et là qui procède un peu comme à un interrogatoire, et il témoigne comment il fonctionne: en disant qu'il se présente comme détective privé, qu'il pourrait procéder à son arrestation, qu'il pourrait y passer les menottes, et sous le couvert évidemment d'agir de façon très intimidante pour obtenir des démissions de salariés aussi dans l'entreprise.

Alors, ce volet-là s'est développé de façon parallèle, oui, au niveau du travail, de façon large, mais aussi également au niveau de la cueillette des renseignements personnels. Ce qu'on voulait aussi vous indiquer et vous faire part dans le mémoire, c'est qu'il y a des responsabilités qui sont, par exemple, pour les agents qui peuvent obtenir des renseignements personnels, qui doivent à tous les deux ans, par exemple, publier des informations à l'égard des personnes qu'ils ont obtenu des renseignements personnels. Et, nous, on voudrait qu'à tout le moins ces agences de sécurité qui agissent et qui recueillent des renseignements personnels, qui font de la filature, qu'elles ne puissent pas s'esquiver des lois d'ordre public, comme l'ensemble, par exemple, des corps policiers ou de ceux qui sont régis par les lois d'ordre public. C'est notre grande préoccupation. La préoccupation, c'est de voir le ministre du Travail, le ministre de la Sécurité publique intervenir au niveau de la sécurité publique pour le respect des lois d'ordre public.

Le Président (M. Simard): ...

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je vais revenir sur la question des droits individuels que vous avez particulièrement abordée dans votre mémoire. Vous avez mentionné qu'il y a 24 000 emplois, puis c'est probablement dépassé maintenant comme chiffre. Il faut ajouter aussi probablement entre 10 000 et 15 000 emplois dans le secteur privé, ce que vous avez appelé tout à l'heure de la sécurité interne d'entreprise. Et vous avez soulevé dans votre mémoire, compte tenu de la préoccupation que vous aviez, la nécessité de s'assurer que la réforme touche évidemment tous les gens qui engagent une firme, une agence de sécurité privée. Maintenant, sur le plan des droits individuels, comment pensez-vous qu'on puisse réguler les entreprises qui ont une sécurité interne?

Une voix: En milieu de travail.

Mme Pineau (Anne): Oui, en milieu de travail. Alors, pour nous, il est important que... une des choses importantes, je pense, qui ressort... et vous dites que vous abordez ça sous l'angle des relations de travail. Évidemment, c'est la lorgnette par laquelle c'est le plus apparent pour nous, hein, parce que, nous, au fond, on est confrontés à ces agences-là dans le cadre de nos milieux de travail, et on ne sait pas toujours qu'est-ce qu'elles font, ces agences-là. Alors, ce qu'on sait par contre nous dérange, tout le secteur de la vidéofilature nous dérange beaucoup. Et, bien que des balises aient été mises en place par les tribunaux supérieurs, ces balises-là ne sont pas respectées, ne peuvent pas l'être parce qu'il n'existe pas de mécanismes qui assurent qu'elles seront respectées.

Et, pour la sécurité interne, on estime que les mêmes règles devraient s'appliquer. Quand on vous dit que des règles concernant les autorisations préalables en matière de vidéofilature devraient exister ? et ça vaut autant que l'employeur utilise une agence de sécurité externe ou qu'il le fasse à partir de ses propres agences de sécurité ? quand on vous dit qu'il ne doit pas y avoir de confusion entre la prévention, et la détection, et l'enquête criminelle, ça vaut autant pour un enquêteur interne, une maison, que pour une agence privée. Dans ce sens-là, je pense que, si des règles déontologiques sont établies, elles doivent viser autant les services privés que les agences externes.

M. Chagnon: Internes.

Mme Pineau (Anne): Internes qu'externes.

M. Chagnon: C'est parce qu'en principe la loi peut s'appliquer, par exemple, à toutes les agences dites de sécurité privée et facilement exclure, comme c'est le cas à peu près partout, tous les regroupements de sécurité interne. Et ma préoccupation, c'est: Comment on fait pour arriver à atteindre l'objectif que vous souhaitez dans les entreprises à sécurité interne?

Mme Pineau (Anne): Bien, je pense que... Je comprends de votre livre blanc qu'il y aurait des registres d'agents de sécurité et donc des gens qui font profession d'être agents de sécurité. Il va y en avoir à l'interne, on les engage directement par l'entreprise, ou ils vont s'engager comme personnes dans une agence privée, ces gens-là devront s'inscrire. Et qu'ils fonctionnent comme employés salariés... Moi, je suis avocate, je suis engagée par mon employeur, je pourrais être à mon compte puis avoir mon bureau et pignon sur rue. Je pense qu'il est possible de trouver une mécanique par laquelle ces gens-là ont des règles à respecter pour pouvoir opérer, pour pouvoir avoir un permis, et que ces règles-là s'appliquent peu importe, là, finalement le type de contrat qui les lie à un mandat ou à un employeur.

M. Chagnon: O.K. Vous avez... peut-être...

Mme Poulin (Lise): Vous n'êtes pas convaincu, M. le ministre?

M. Chagnon: Bien, c'est-à-dire que la problématique, c'est que quand il y a un registre d'agences... Au moment où on se parle, il y en a un, registre, les agents de sécurité interne ne sont pas dedans. Alors...

Mme Poulin (Lise): On veut qu'ils le soient, nous. On veut qu'ils le soient, c'est ça.

M. Chagnon: Ah, O.K., vous voulez qu'ils le soient. O.K.

Mme Poulin (Lise): Oui. François, peut-être.

M. Lamoureux (François): Peut-être ajouter. M. le ministre, on a évidemment eu la chance de lire un peu les débats au fur et à mesure de la commission.

M. Chagnon: Les autres mémoires.

Mme Poulin (Lise): On surveille de près.

n(16 h 20)n

M. Lamoureux (François): Il y a quelques exemples qui ont été donnés, dont, par exemple, des ententes qui peuvent se faire avec les municipalités au niveau de la sécurité, etc., par exemple dans le cadre du Festival de jazz, où on va désigner des zones où il y a des agents de sécurité qui vont intervenir.

Nous, quand on parle... autant interne qu'externe, quant à nous, ce qui est important, c'est que ces gens-là qui interviennent dans un cadre où c'est semi-public et privé, mais que c'est l'ordre public qui est en cause, on doit savoir et la population est en droit de savoir à qui elle s'adresse. Qu'il y ait un agent de sécurité au Festival de jazz, qu'il ne soit pas identifié, qu'il n'ait pas de badge, qu'il n'ait pas de nom, qu'on ne puisse pas l'identifier et qu'il puisse commettre des abus dans le cadre, par exemple, de l'arrestation d'une personne à un moment x pendant une activité publique, quant à nous, ne serait-ce que ça, pour éviter les abus et que les gens qui interviennent, que ce soit dans l'entreprise privée, que ce soit à l'interne, doivent minimalement avoir les mêmes exigences et le même respect des lois d'ordre public, de la charte... Ces gens-là, à partir du moment où on dit qu'ils ont un rôle de prévention, comment vont-ils... comment peuvent-ils agir, dans le cadre d'une entreprise, si on doit procéder à une arrestation? Est-ce qu'on va lire les droits de ces gens-là? Est-ce qu'on va procéder, par exemple, comme un policier le ferait? Probablement que non. Et ça ne se passe pas de cette façon-là, et, quant à nous, il ne peut pas y avoir deux zones qui se dégagent entre le respect des lois d'ordre public, à quelqu'un qui est agent de sécurité à l'interne et quelqu'un qui est agent de sécurité à l'externe. Alors, quant à nous, c'est là que le bât blesse.

M. Chagnon: C'est effectivement un débat qu'on a eu ici assez souvent, faire la différence entre les agents de sécurité et les agents de la paix, et c'est une définition qui est complètement distincte l'une de l'autre et qui doit le demeurer, d'ailleurs. Et, dans ce cadre-là, vous avez tout à fait raison, on ne peut pas demander à un agent de sécurité privée de faire une arrestation autrement que comme un citoyen a le droit de le faire, sinon on en arrive avec des problèmes comme ceux que vous avez soulevés tout à l'heure, qui relèvent de l'exagération fautive.

Vous avez suggéré, en page 8 de votre document, je pense, qu'une agence de sécurité pourrait faire, par exemple, une filature ou pourrait faire une enquête sur une personne, et elle devrait, selon votre document, révéler à cette dernière personne qu'elle fait une enquête dessus. Comment ça fonctionnerait? Vous faites ça comment?

Mme Pineau (Anne): Écoutez. L'idée qu'on met de l'avant depuis quelques années, c'est d'abord un système de préautorisation pour tout ce qui s'appelle filature. Et ce système-là n'est pas fondé sur rien, en fait, il découle des principes mêmes que la Cour d'appel a établis dans Bridgestone-Firestone, où on a... c'est un dossier CSN qu'on a monté jusqu'en Cour d'appel, alors c'est toute la question des salariés qui font l'objet de filature de la part de leur employeur alors qu'ils sont en accident de travail et en assurance salaire.

M. Chagnon: Ce que vous suggérez, c'est qu'on avertisse, par exemple, M. Crépeau qu'il serait en filature à partir de la semaine prochaine.

Mme Pineau (Anne): Non. Pas du tout, pas du tout. Non, non, pas du tout. Alors, ce qu'on vous dit et ce que la Cour d'appel a établi, c'est qu'une filature, là, pour que ça puisse se tenir, il faut que l'employeur ait des motifs sérieux de croire que la personne fraude. Il faut en outre que l'employeur ait tenté par d'autres moyens d'obtenir l'information qu'il voulait obtenir, hein? Alors... Et, s'il peut se qualifier dans ces deux critères-là, il pourrait entreprendre une filature, à condition qu'elle se fasse sur une période qui n'est pas exagérément longue et qui respecte un minimum de décence, par exemple, que ça se fasse simplement sur les lieux publics sans entrer dans les maisons ou...

Donc, ces principes-là que la cour a établis, force est de constater qu'ils ne sont pas appliqués. Pourquoi? Parce qu'il n'y a personne qui vient surveiller si l'employeur avait des motifs sérieux ou réels de croire à une fraude et il n'y a personne qui vient vérifier s'il y a d'autres moyens qui ont été utilisés avant, de sorte que les salariés souvent vont faire l'objet de filature et ne le sauront jamais. Pourquoi? Parce qu'on n'a rien trouvé sur leur compte, hein, ils sont corrects, ils n'ont pas fraudé personne, mais on les a filés pendant des jours, des fois des mois. On n'a rien trouvé sur leur compte, mais ils ne le sauront pas. On a porté atteinte à leur vie privée souvent sans raison, mais vous ne le saurez jamais. Alors, ce qu'on dit, nous, c'est qu'à tout le moins ces gens-là, une fois l'enquête terminée, devraient être avisés qu'ils ont fait l'objet d'une magnifique vidéo, hein, qu'ils peuvent se procurer, hein, et ils pourront, les gens, évaluer quelle atteinte à leur vie privée a été faite dans ce cadre-là.

Par ailleurs, ce qu'on voudrait aussi, pour assurer que les principes établis par la Cour d'appel soient respectés, c'est qu'un organisme, avant la violation de la vie privée, s'assure qu'avant il y ait quelqu'un qui regarde est-ce qu'il y a des motifs sérieux et raisonnables pour l'employeur de croire qu'il y a une fraude ou si c'est simplement un appel anonyme, un feeling, une... finalement on va aller à la pêche, on va aller voir comment se comporte mon salarié. Est-ce qu'il y a des motifs et est-ce qu'on a tenté par d'autres moyens d'avoir l'information? Alors, c'est ça, en gros, là, le cadre que, nous, on met de l'avant depuis quelques années.

M. Chagnon: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. Alors, je passe la parole immédiatement à la députée de Prévost.

Mme Papineau: Alors, mesdames, monsieur, bonjour. D'entrée de jeu, je vous dirai, vous l'avez probablement vu dans les transcriptions, que j'ai été propriétaire d'une agence de détectives privés pendant 17 ans, et je suis tout à fait d'accord avec vous en ce qui a trait au respect de la vie privée. Je pense qu'une agence qui se respecte peut faire du très bon travail. Je comprends qu'il peut y avoir eu des abus, mais je vous reviendrai tantôt sur ce que vous appelez la surveillance en emploi et la vidéofilature. Mais j'aurais auparavant deux questions à vous poser.

Je pense que vous êtes d'accord, de ce que j'ai compris, que, si une personne, par exemple, est embauchée par une entreprise où on doit vérifier son crédit, par exemple, elle peut signer une formule à l'effet qu'elle autorise l'employeur à justement enquêter sur son dossier de crédit, par exemple. Est-ce que vous êtes d'accord avec une telle pratique?

Mme Pineau (Anne): Bien, ça va dépendre du type d'emploi que la personne occupe. Je veux dire...

Mme Papineau: Mettons, elle travaille dans une banque.

Mme Pineau (Anne): Bon, éventuellement, oui, si on peut démontrer la nécessité, là, d'avoir une...

Une voix: Un lien rationnel.

Mme Pineau (Anne): ...d'être sans problèmes financiers, ce type de truc là. Il faut que ce soit en lien avec l'emploi.

Mme Papineau: C'est ça. Et mon autre question, avant d'arriver aux vidéofilatures. Vous avez dit tantôt que la sécurité dans les... par exemple, Festival de jazz, ou quel que soit le festival, ça devrait être des policiers et non pas des agents de sécurité. Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Poulin (Lise): Oui, vous avez bien compris.

Mme Papineau: Pas d'agent de sécurité pour, par exemple, le Festival de jazz... je vous parle, en uniforme, là. Monsieur, je sais que vous avez apporté le point où il y a des agents de sécurité qui sont habillés avec un chandail puis un jeans, peut-être, là, la façon que vous vous êtes adressé, mais est-ce qu'un agent de sécurité en uniforme...

Mme Poulin (Lise): C'est la protection du public qui est en cause. Alors, si la protection du public est en cause, les agents de la paix, c'est leur job de faire ça.

Quand on regarde... Au Festival de jazz, moi, je connais beaucoup d'étudiants qui y travaillent comme agents de sécurité, qui guident les personnes qui sont là, qui surveillent. Mais quand, par exemple, j'ai été dans un autre événement, à Valleyfield, où là tu as une agence de sécurité, et il manque les armes, point... Ce n'est pas des agents de la paix, là. Ils sont habillés comme les commandos, là, qui interviennent ? on voit ça dans les films, là, d'espionnage ? il leur manque l'arme, puis qui bousculent le monde, puis ils se comportent comme étant du monde qui vont les arrêter si jamais ils osent se promener avec un verre de bière sur le site public, bien ce n'est pas leur job de faire ça, ils ne sont pas là pour ça. Alors, c'est la sécurité publique, alors que les agents de la paix jouent leur rôle, puis que les agences de sécurité qui sont là pour faire un travail de prévention, elles puissent faire ça, là.

Alors, je trouve que... en tout cas, on le voit, là, je pense qu'il y a une volonté de vouloir réglementer, bien il faut regarder ça comme il faut. C'est un débat pas mal plus large qu'uniquement un débat: Est-ce que... c'est où, la limite? Il me semble que actuellement avec les nouvelles technologies d'autant plus... Pourquoi un policier, ça lui prend un mandat pour l'écoute électronique? Pourquoi ça lui prend un mandat de la cour pour venir fouiller chez nous? Pourquoi ça... Puis, les agences de sécurité, elles peuvent faire tout ce qu'elles veulent sans que personne ne le sache? Elles peuvent filmer quelqu'un pendant des jours, puis, comme on le disait tantôt, ça n'a rien trouvé, alors que la...

n(16 h 30)n

On a vu des décisions d'autres cours, là, autres que Bridgestone-Firestone, dire que... Puis ça a été même dans les médias, où la dame a été filmée jusque dans sa chambre à coucher. Alors, il faut faire attention. Je pense qu'il y a matière à regarder ça de façon sécuritaire.

Mme Papineau: Moi, je suis d'accord avec vous quand vous dites «filmer dans la chambre à coucher ou filmer dans des endroits»... Ça, je suis d'accord avec vous. Je pense que... Et je vais vous dire, aujourd'hui, là, pour qu'une agence de sécurité ou une agence d'investigation... pour aller filmer dans une chambre à coucher, là, il va falloir qu'elle se lève de bonne heure. Avec tout ce qu'on a aujourd'hui comme systèmes de prévention dans nos maisons, c'est assez difficile.

Mais je voudrais vous amener sur la vidéofilature. Et là je ne veux surtout pas que vous pensiez que je remets en doute ce que vous nous avez dit, au contraire, je pense que vous avez de très bons arguments. Mais laissez-moi... Étant donné que j'ai un peu d'expérience dans le domaine, je voudrais juste vous amener deux cas où j'ai été interpellée à titre de témoin à la suite d'une filature.

La première, c'est un individu qui arrive, par exemple, chez son employeur en chaise roulante... et qu'il m'avait donné au préalable avec un contrat, parce que je pense qu'une bonne entreprise se doit d'avoir un contrat signé en bonne et due forme avec la personne qu'elle embauche pour faire la filature, quelle que soit l'enquête, pour que ce soit correct, pour que ce soit légal. On m'embauche pour, par exemple, suivre cette personne-là qui arrive chez son employeur, ce que je pense tout à fait ridicule de faire parce qu'il arrive en chaise roulante. Moi, je pense que l'employeur, il est complètement à côté de la track. Je me dis: Ça n'a pas de bon sens, faire ça. Mais j'ai un contrat, je suis la personne, qui m'amène très loin et qui, rendue à son domicile, c'est lui qui sort sa chaise roulante de son camion. Premier cas.

Deuxième cas, c'est une personne qui a très mal au dos et qui est en absence de travail depuis six mois. On me demande de faire la filature. Je trouve que la personne a de la difficulté à marcher et je trouve ça encore une fois très dommage de faire suivre une personne qui a de la difficulté, mais j'ai un contrat et je le suis. Et je le suis, et il est en train de construire son chalet, et il soulève, vous savez, les bonbonnes d'eau qu'on vide à l'envers, là, pour nourrir ses canards.

Moi, je me dis: C'est peut-être un mal nécessaire. Et je suis d'accord avec vous pour le respect de la vie privée. Vous me comprenez, hein? Vous savez, j'ai été 17 ans dans le métier, j'ai toujours fait attention à respecter la vie privée des gens. Mais à un moment donné l'employeur n'a pas... Et auparavant, là, elles avaient fait toutes les démarches, les personnes étaient allées chez le médecin, puis, bon, c'était toujours... Moi, je me dis: Est-ce que ces gens-là... peut-être qu'ils ont mal au dos, mais est-ce qu'ils n'empiraient pas leur condition à faire ce qu'ils faisaient là? Alors, moi, je me dis: Est-ce qu'on n'essaie pas dans le fond... La vidéofilature, est-ce que ce n'est pas un mal nécessaire? Et je mettrais des guillemets en disant «dans certains cas». Dans des cas, là, où il y a vraiment abus, est-ce que ce n'est pas un mal nécessaire?

Mme Pineau (Anne): On ne demande pas l'interdiction de la vidéofilature. On demande l'encadrement de la vidéofilature. Moi, je pourrais... On ne nie pas qu'il y a des cas d'abus. Dans les deux exemples que vous donnez, vous auriez, dans notre système, obtenu probablement sans problème l'autorisation, O.K., de procéder à une filature. Je peux vous en donner d'autres, moi, d'autres cas où, par exemple, dans des sentences, on rapporte qu'ici il n'y a eu aucune entrevue menée par l'employeur, l'employeur se contentant d'accepter, sans jamais les contester et les vérifier, les billets médicaux. Mais qu'est-ce qu'il fait tout de suite? Filature. O.K.? On a d'autres cas où l'employeur... relatant les témoignages de monsieur à l'effet que la filature et l'enregistrement ont été commandés suite à un feeling. D'autres cas où c'est des appels anonymes. On a vu passer monsieur avec derrière un traileur avec du bois, mais c'est tout ce qu'on sait. Il conduisait, puis ça, ce n'est pas incompatible avec les prescriptions médicales qu'il a.

Or, on ne demande pas l'interdiction. On dit: Le cadre établi par la Cour d'appel, par contre, et celui de la Commission des droits qui précise qu'il doit y avoir des motifs sérieux, que ça doit être en dernier ressort et qu'on doit avoir tenté autre chose avant, parce que c'est la méthode probablement la plus intrusive pour obtenir de l'information. On vous dit que ça, il faut que ce soit encadré et qu'il y ait un contrôle préalable. On ne demande pas l'interdiction.

Mme Papineau: Aussi, j'aimerais juste relever, à la page 9, bien, au bas de la page 8, quand vous dites, là, que la personne ayant fait l'objet... «n'a aucune chance de se douter qu'une agence de vérification possède des renseignements. C'est pourquoi un mécanisme d'avis devrait être instauré une fois l'enquête complétée». Souvent, quand il y a matière en tout cas à poursuivre, souvent la personne qu'on a suivie est confrontée au rapport, est confrontée au vidéo, est confrontée à... Moi, en tout cas, pour les fois que je suis allée déposer devant des commissaires ou devant des tribunaux, j'amenais toujours la cassette, j'amenais toujours le rapport. Donc, l'individu savait qu'on ne le... ? comment je dirais ça? ? on ne l'accusait pas sous de faux prétextes, on les avait, les prétextes. C'était vraiment ce qu'il avait fait, il prenait connaissance de ce qui était arrivé, et on lui disait à ce moment-là qu'il avait été filé.

Mme Pineau (Anne): Évidemment, tous les autres cas où on n'a rien trouvé à redire, il n'y a pas eu de mesures disciplinaires imposées, donc la personne n'a jamais su qu'elle a été l'objet d'une filature. Et c'est sans doute là les cas où on pourrait le plus, du côté de la personne, estimer que: ma vie privée a été violée. Parce qu'on n'avait pas de motif du procédé, qu'on n'a rien trouvé et qu'on m'a filmée dans toutes sortes de situations de ma vie privée.

Le Président (M. Simard): Me Lamoureux, pour compléter.

M. Lamoureux (François): Oui, je veux juste ajouter. Vous avez soulevé deux cas de figure, Mme la députée, et c'est le plus beau signal de dérapage de la vidéofilature qu'il y a eu dans les dernières années. Rien de plus facile, dans notre société, par exemple, de glisser très facilement vers le fait qu'il y a un accidenté qu'on a trouvé, qui est en train de travailler chez lui, ou encore une autre personne sur l'aide sociale qui... Oui, ces cas-là existent, mais le problème, c'est la généralité que nous en faisons et le dérapage au niveau de la vidéofilature.

Dans des situations x comme il s'est produit dans vos cas de figure, nous, on dit: C'est sûr, probablement que l'employeur n'aurait aucun problème à aller devant un tribunal x, qui serait le Tribunal des droits, où une personne en disant: Moi, je veux avoir une autorisation parce que, vous voyez, je pense que cette personne-là fait ça. Bon. Et nous, on pense que ça, c'est un frein nécessaire à la protection du droit à la vie privée, parce qu'on vous a indiqué qu'il y a plusieurs autres situations où les employeurs, sur des préjugés, ou des on-dit, ou du ouï-dire, ou des personnes... maintenant c'est comme des automatismes, on fait filer les gens.

Mais, si on ne trouve rien... Il y a des personnes qui sont filmées pendant 20 heures, 40 heures, 60 heures, et on ne trouve rien. Mais l'employeur peut avoir l'ensemble de ces informations-là d'une employée, d'une salariée. Madame, elle va faire son marché là, madame rencontre monsieur là, monsieur fait ça. C'est incroyable! Et ça, on n'a rien pour contrôler. Donc, nous, on pense que, pour éviter ces dérapages-là démocratiques, une autorisation au niveau d'un tribunal, il nous semble que ça serait, comme vous le disiez tantôt, mais a contrario, un mal nécessaire.

Mme Papineau: Et qui pourrait donner l'autorisation d'une filature, par exemple? Ça pourrait-u être un ministère, un juge?

M. Lamoureux (François): Nous, on pensait d'abord...

Mme Poulin (Lise): Le Tribunal des droits.

M. Lamoureux (François): Oui, le Tribunal des droits de la personne, la Commission d'accès à l'information. La Commission d'accès à l'information qui pourrait aussi intervenir dans ce cadre-là.

Le Président (M. Simard): M. le député de Mercier, il nous reste quelques minutes, donc vous avez la possibilité de poser une question.

M. Turp: Justement, je voulais vous amener sur ce terrain-là, parce que finalement ce que vous dites dans le cadre des travaux sur cette sécurité privée, c'est qu'il y a peut-être des abus et qu'il faut une intervention législative, hein, pour contrôler mieux que par le biais de l'article 9.1 de la Charte des droits de la personne, ou par l'application de l'article 5 du Code civil ou de l'article 35 du Code civil, les abus.

n(16 h 40)n

Alors, comment, quelle sorte d'intervention législative, quelles lois, selon vous, devraient être amendées? Ou est-ce qu'une loi sur la sécurité privée devrait contenir des dispositions là-dessus?

Et, sur votre dernière proposition, je pense qu'il est difficile de concevoir qu'un Tribunal des droits de la personne autorise une filature, là. Je crois que ça ne relève pas des compétences d'un tribunal comme celui-là. D'un juge peut-être, mais en même temps est-ce qu'on... Il faudrait trouver une analogie avec l'écoute électronique. Est-ce que vous croyez que l'analogie avec l'écoute électronique est à ce point pertinente qu'il faudrait trouver une formule analogue?

Mme Pineau (Anne): Les principes émis dans Bridgestone-Firestone posent que la violation... ou le fait de filer, de procéder à une filature d'un individu dans ses activités quotidiennes est une violation de la vie privée, qui, elle, est prévue à la charte. Je vous concède que pour le moment le Tribunal des droits, là, est saisi de plaintes éventuellement menées par la Commission des droits en matière de discrimination et d'exploitation. Donc, éventuellement le pouvoir supposerait un amendement éventuellement, là, au niveau de la charte.

Nous, la procédure de préautorisation, on l'a beaucoup élaborée autour du milieu de travail, parce que c'est là évidemment qu'on la vit, qu'on la subit, et on a, entre autres, à une réforme de la loi des normes il y a quelques années, proposé que des dispositions au niveau de la loi des normes soient incluses pour limiter les possibilités patronales d'utiliser ce type de pratique là.

Évidemment, c'est des pratiques qui ne sont pas... qu'on ne trouve pas qu'en milieu de travail, hein? On sait que les assureurs apparemment utilisent beaucoup ce type de pratique là aux fins de dépister les assurés qui seraient fautifs. Or, il faudrait voir si vous entendez l'élargir de façon générale. Mais pour nous la procédure qu'on propose, elle est, là, en fin, là, de notre document. Nous, elle suppose probablement une disposition peut-être dans la Charte des droits et libertés, parce que c'est la vie privée qui est en cause. Le centre de cet encadrement-là, c'est de s'assurer que le droit à la vie privée soit respecté dans toutes ses dimensions, et ça, pour nous, ça pourrait être soit dans la charte, soit, si on veut limiter au milieu du travail, dans la loi des normes. Mais par contre l'idée d'avertir que quelqu'un a fait l'objet d'une enquête, ça, pour nous, c'est plus de l'ordre des lois de protection des renseignements personnels privés ou publics.

M. Turp: Mais, si la filature est quelque chose qui est fait exclusivement ou presque exclusivement par des agences de sécurité privées ? je ne sais pas si c'est le cas, peut-être que Lucie pourrait nous le dire ? est-ce que ça relève donc de... ça devrait relever de l'autorité d'une loi relative à la sécurité privée?

Mme Pineau (Anne): Bon, éventuellement si on pouvait démontrer qu'effectivement d'abord elle s'applique autant à l'interne qu'à l'externe et à l'ensemble des agences et à toute personne qui procède à une filature, il n'est pas exclu, là, que ça puisse être le meilleur endroit pour l'inclure, là, cette procédure-là.

M. Turp: Merci.

Mme Pineau (Anne): Nous évidemment on aborde, dans le cadre des agences de sécurité, ce problème-là, parce qu'on sait qu'essentiellement ce sont elles dans nos milieux qui procèdent à ce type d'enquête.

M. Turp: Merci.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Alors, il restait quelques minutes à la partie ministérielle, et j'invite le député de Marguerite-D'Youville à poser sa classique question de deux minutes.

M. Moreau: De deux minutes. Merci, M. le Président. Écoutez, je vous dis ça avec beaucoup de candeur, Me Pineau, mais n'êtes-vous pas en train de faire dans votre mémoire la démonstration que l'encadrement juridique que vous souhaitez, vous l'avez déjà, dans le sens où vous citez à grands traits l'arrêt de la Cour d'appel dans Bridgestone-Firestone qui établit précisément, sur la base des dispositions que l'on retrouve déjà dans la charte, qu'il y a un encadrement? Il n'est pas... il est balisé par une décision jurisprudentielle, mais il est très clair. Et vous citez également le passage de la Commission des droits de la personne qui indique dans quels critères ce type de filature là est autorisé. Parce que je vous écoutais... Et particulièrement à la suggestion que faisait Me Lamoureux à notre collègue la députée de Prévost en disant: Vous citez deux cas et vous semblez généraliser. Est-ce que du même souffle on ne généralise pas en disant qu'il y a des filatures qui durent 40 et 60 heures, qui ne sont pas autorisées, puis on ne trouve rien au bout de la ligne? Ce qui est bon pour un est aussi bon pour l'autre. Effectivement, je pense que la députée de Prévost indiquait que, comme dans toute situation, il y a des gens qui font convenablement leur travail, d'autres qui le font moins bien, mais, s'ils le font moins bien et qu'ils transgressent les dispositions ou en fait les prescriptions de la Cour d'appel en matière de filature, bien ils vont s'exposer à des sanctions que prévoient et la Charte et le Code civil.

Et est-ce qu'il n'est pas souhaitable que dans des cas semblables justement, plutôt que d'avoir une loi qui dise: Voici où précisément doit être la ligne dans chaque situation, ce qu'il serait à peu près impossible de trouver, on ne s'en remette pas à la sagesse et à la discrétion des tribunaux dans le cadre de l'application de la charte, et donc ça ne nécessiterait pas d'autorisation ou de disposition législative particulière?

Mme Pineau (Anne): Quand on a monté le dossier Bridgestone-Firestone, notre position de départ aurait été éventuellement l'interdiction totale de toute filature. On nous a dit: Non, la filature, ça peut être nécessaire. Ça peut être nécessaire, mais il faut que ce soit contrôlé et il faut qu'il y ait des critères à respecter.

M. Moreau: Et ils le sont actuellement.

Mme Pineau (Anne): Non, ils ne le sont pas. Ils ne le sont pas à l'heure actuelle, pour la bonne raison que personne ne s'assure pas qu'ils le sont, de sorte que la... Qu'est-ce qui se passe quand il y a une filature? Si on ne trouve rien sur votre compte, vous ne le saurez pas. Vous ne le saurez pas. Votre vie privée a été violée, l'employeur n'avait pas de motif, il n'a pas pris d'autres moyens, vous ne le saurez pas. Il ne vous enverra pas une cassette pour vous dire: Voici, j'ai fait une enquête puis je n'ai rien trouvé sur votre compte. Non. Alors, il y a tous ces gens-là, hein, qui ont été filmés et qui ne le savent pas.

Par ailleurs, il y a tous ceux sur lesquels on a trouvé quelque chose à dire, à qui on va imposer éventuellement des mesures disciplinaires, qui vont se ramasser en arbitrage. L'arbitre va avoir une objection à la preuve fondée sur 2858 du Code civil, qui n'est pas le droit à la vie privée mais une objection de preuve et qui n'intervient que dans la mesure où non seulement il y a une violation à la vie privée, mais où ça déconsidérait l'administration de la justice. Alors, deux volets.

Souvent, on va réussir à établir qu'il y a une violation de la vie privée, mais là au moins on l'apprend, mais on l'apprend à l'arbitrage. Alors, on va avoir des preuves vidéo qui vont démontrer que les gens ont été filmés, que les activités qu'ils font, qu'on leur voit faire ne sont pas incompatibles vraiment avec les prescriptions médicales qui leur imposaient... que donc la bande vidéo n'est pas probante, O.K., mais que malgré tout on va l'accepter même si c'était sur le simple feeling, même si c'était sur des appels anonymes, on va l'accepter en preuve parce que ça ne déconsidère pas l'administration de la justice.

Alors, vous avez ce deuxième volet-là. Évidemment, dans ce cas-là on peut... au moins on sait qu'on a été filmé puis on pourrait éventuellement réclamer des dommages, mais, pour tous les autres, c'est le vide, on ne sait pas qu'on a été filmé.

M. Turp: Et la loi doit contenir quoi, là? Quel serait le contenu de cette loi?

Mme Pineau (Anne): C'est des dispositions qui visent à ne plus banaliser ce moyen d'enquête là qui est un moyen très intrusif, qui suppose de filer la personne dans toutes ses activités, de recueillir une foule d'informations qu'autrement l'employeur n'aurait pas le droit d'avoir, sur ses habitudes, sur ses fréquentations, sur ses habitudes de vie, sur ses loisirs, sur les tiers aussi qui... sa famille, hein, parce que, je veux dire... alors, tout ça. Qu'on ne banalise plus ce type d'enquête.

Le Président (M. Simard): Quels sont les moyens que vous privilégiez? Juste pour terminer parce que le temps est écoulé.

Mme Pineau (Anne): Une autorisation. Je vais à la Commission d'accès à l'information, O.K., j'explique à la commission: Écoutez, moi, j'ai quelqu'un, je suis convaincue que cette personne-là abuse du système, permettez-moi de procéder à une filature.

Le Président (M. Simard): Très bien.

Mme Poulin (Lise): Pour ne pas que ce soit de la téléréalité comme on voit, là.

Le Président (M. Simard): Très bien. Écoutez, notre temps est écoulé. Vous voyez, vous avez ouvert beaucoup de sujets qui méritent sans doute des débats plus profonds et plus longs, mais nous avons ouvert déjà le débat, ce qui n'est pas mal. Merci énormément de la qualité de votre mémoire et de votre collaboration. Je suspends nos travaux pendant quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 49)

(Reprise à 16 h 54)

Le Président (M. Simard): Alors, le prochain groupe qui vient témoigner aujourd'hui ne nous fera aucun coup, puisqu'il s'agit de la Brink's. Alors, nous allons accueillir M. Pierre Dufresne, qui est gérant régional pour Québec, M. John Hannah, qui est à droite, et M. Mark Peacock, qui est conseiller juridique. Dans le cas de M. Hannah, il ne s'exprime pas en français, mais, si vous avez des questions à lui poser en anglais à la suite de l'exposé, sentez-vous bien à l'aise.

Alors, j'invite immédiatement celui qui sera le porte-parole, M. Dufresne, à tout de suite présenter son mémoire. Votre mémoire, vous avez une vingtaine de minutes pour nous en donner les grandes lignes, et ensuite nous vous poserons un certain nombre de questions.

Brink's Canada ltée

M. Dufresne (Pierre-A.): D'accord. M. le Président, Mme la vice-présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la Commission des institutions. Brink's aimerait d'abord remercier la Commission des institutions de lui permettre de présenter ses observations sur le livre blanc.

Brink's Canada est une entreprise qui oeuvre dans l'industrie du transport et de la gestion logistique des devises et d'autres valeurs. Ses principales activités sont le transport blindé de valeurs, le transport local et international de valeurs, l'approvisionnement et l'entretien des guichets automatiques pour les institutions financières, ainsi que le traitement et le dépôt des devises.

Brink's a une relation de longue date avec le Québec. Elle a débuté ses opérations canadiennes à Montréal en juillet 1927. Et maintenant, à partir de ses installations au Québec, dans l'arrondissement de LaSalle, ville de Montréal, elle gère ses activités de transport provincial, interprovincial, international de valeurs.

Au Québec, le transport en véhicules blindés est assuré par des équipes de trois personnes. Il s'agit de professionnels spécifiquement formés qui agissent dans le cadre des directives que Brink's a élaborées au cours de nombreuses années d'expérience.

La société mère Brink's inc. est une des plus importantes compagnies de transport et de gestion logistique de valeurs au monde. Brink's inc. est en opération depuis près de 150 ans. Elle est présente dans plus de 110 pays et emploie à peu près 40 000 personnes à travers le monde.

À l'annexe 1 du livre blanc, sous la section Le secteur du transport de valeurs, on peut lire: «Peu de données sont disponibles sur ce secteur.» Les raisons expliquant ce manque d'information sont propres à l'industrie du transport de valeurs. D'abord, les compagnies de cette industrie doivent être discrètes parce que la confidentialité constitue un élément essentiel à leurs opérations. Aussi, les trois grandes compagnies, qui contrôlent environ 90 % du marché, doivent protéger leurs droits de propriété sur leurs procédures d'opération.

Le mémoire aborde deux questions d'intérêt pour la commission en ce qui concerne le transport des valeurs. Premièrement, l'industrie du transport de valeurs n'exerce pas d'activités de sécurité privée telles que celles-ci sont définies par le livre blanc. Deuxièmement, les employés de l'industrie du transport de valeurs sont détenteurs de permis requis en matière d'armes à feu. L'industrie est donc réglementée en ce qui concerne l'intégrité, la sécurité et la formation en matière d'armes à feu.

Les activités exercées par l'industrie du transport de valeurs ne correspondent pas à cette définition. La fonction principale de l'industrie demeure le transport, auquel il faut ajouter un élément de gestion des risques. La définition de la sécurité privée retenue par le livre blanc ne vise pas les banques, les bijouteries ou les mines de métaux précieux. Pourtant, la gestion des risques fait aussi partie de ces entreprises étant donné la grande valeur des biens qu'elles gèrent. Elles ne sont pas pour autant visées par la définition de «sécurité privée» dans le livre blanc.

Nos employés sont protégés par la disposition du Code canadien du travail. De plus, ces employés sont détenteurs de permis de port d'arme afin d'assurer la protection de la vie. Ainsi, la réglementation en matière de santé et sécurité du travail et sur les armes à feu rend l'industrie du transport de valeurs responsable envers les employés et le public.

n(17 heures)n

Le caractère interprovincial et international de l'industrie a été résumé par le Tribunal canadien des relations industrielles en 1992. En conséquence, les trois compagnies majeures de l'industrie, Brink's, Sécur ? Garda ? et Securicor, anciennement Loomis, sont réglementées en matière de relations de travail par le Code canadien du travail. Les permis de transport pour les véhicules sont, quant à eux, réglementés par le ministère du Transport.

En fait, il n'existe que trois professions pour lesquelles la Loi sur les armes à feu reconnaît prima facie le droit de porter des armes: les personnes oeuvrant dans le transport de valeurs, les personnes vivant en région éloignée où une arme à feu est nécessaire pour se protéger et les trappeurs professionnels. Comme nous le verrons dans les prochaines sections, en tant que contrôleur des armes à feu, la Sûreté du Québec contrôle l'émission des permis et la réglementation des compagnies et des employés du transport des valeurs.

La réglementation sur les armes à feu applicable à l'industrie cherche à assurer la protection du public. Cette réglementation met en place un mécanisme de contrôle de l'intégrité des employés, rend la formation initiale obligatoire à la détention de permis d'armes à feu et exige un reclassification annuelle pour conserver ces permis. Cette prise en compte de la sécurité publique distingue l'industrie du transport de valeurs de la sécurité privée. Les seules provinces qui ont réglementé le transport des valeurs l'ont fait avant les dernières importantes modifications de la Loi sur les armes à feu.

Trois grandes compagnies contrôlent le transport des valeurs au Québec. Elles se partagent plus de 90 % du marché. Cette concentration du marché est due aux importantes mises de fonds nécessaires pour détenir des installations sécuritaires, des véhicules blindés et une main-d'oeuvre spécifique et spécialisée. En conséquence, chaque compagnie tire d'importants avantages compétitifs de l'existence de ses propres procédures et pratiques. Également, cette concentration requiert des trois compagnies qu'elles soient sensibles à tout contact entre elles. Les autorités pourraient y voir une opportunité afin de promouvoir des pratiques déloyales.

L'expérience et la loyauté des employés sont des éléments essentiels du succès de l'industrie. Par exemple, le nombre d'années de service moyen est de 10 ans au service de Brink's. Sur les quelque 1 900 employés de Brink's, seulement que 2 % à 3 % ne détiennent pas de permis de port d'arme. Au Québec, toutes les armes à feu utilisées par les employés de Brink's sont détenues et enregistrées au nom de celle-ci. Elles sont entreposées de façon sécuritaire dans les locaux de Brink's conformément à la loi lorsqu'elles ne sont pas utilisées par les employés dans le cadre de leur emploi.

Si vous permettez, nous vous suggérons de lire les conditions détaillées du permis de port d'arme pour les entreprises ainsi que le permis de port d'arme pour les employés, à la page 14 à 19 de notre mémoire.

Regardons maintenant les étapes nécessaires pour qu'une personne devienne un employé de Brink's et la réglementation applicable à chaque étape.

La première étape. Pour obtenir une autorisation de port d'arme, la personne doit déjà être détentrice d'un permis de possession et acquisition d'arme à feu. Cela implique de cette personne: elle a été l'objet d'une enquête de la Sûreté du Québec; elle a réussi un cours de formation sur le maniement des armes à feu.

La deuxième étape. Pour être engagé par Brink's, la personne doit réussir une vérification d'intégrité auprès de Brink's: une vérification de son passé et de sa situation financière, une enquête au niveau de la sécurité et des antécédents et un test psychologique relié à l'emploi.

La troisième étape. Une fois à l'emploi de Brink's, la personne doit obtenir l'autorisation d'une arme à feu, être de nouveau enquêtée par la Sûreté du Québec, réussir un cours de maniement d'armes à feu et de l'usage de la force d'une durée de 40 heures approuvé par la Sûreté du Québec, réussir la formation intensive d'une semaine concernant les procédures de la compagnie Brink's.

Quatrième étape. Pour demeurer à l'emploi de Brink's, la personne doit réussir un cours de maniement d'armes annuellement afin de renouveler son permis de port d'arme. Brink's exige en plus que ses employés atteignent ces standards à tous les six mois.

Pour les fins de comparaison, il est aussi utile de référer à la législation provinciale de la Colombie-Britannique en regard du transport de valeurs. Cette législation provinciale a été identifiée par le document Rapport et recommandations comme étant la plus élaborée au Canada. Comme l'annexe ? pages 22 et 24 ? le démontre, les dispositions importantes contenues dans cette loi concernant le transport de valeurs sont couvertes et même surpassées par la loi des armes à feu, qui est entrée en vigueur 18 ans après la loi initiale de la Colombie-Britannique.

Finalement, Brink's souhaite répondre à la suggestion du livre blanc à l'égard de la possibilité d'adopter une nouvelle législation qui permettrait l'examen des procédures de l'industrie du transport de valeurs. En regard de l'industrie du transport de valeurs, Brink's soumet les observations suivantes. La santé et la sécurité des employés sont réglementées par le Code canadien du travail, et, après près de 150 ans en affaires, Brink's croit qu'elle est la mieux placée pour gérer le risque de ses opérations.

En conclusion, les membres de cette commission sont à même de constater que les faits et observations amenés par Brink's parlent d'eux-mêmes. L'industrie du transport de valeurs occupe une place unique en matière de transport et de gestion des valeurs étant donné l'importante responsabilité associée à la gestion des risques. Le professionnalisme et l'intégrité de l'industrie du transport de valeurs, conjugués à la réglementation existante, assurent une protection adéquate du public et des employés.

Brink's est encouragée par l'ouverture d'esprit dont a fait preuve le ministre lors de son discours du 5 février 2004. Brink's espère avoir d'autres opportunités d'entretien avec le gouvernement du Québec pour s'assurer que les intérêts légitimes du public et de l'industrie concordent. Brink's est d'avis que des questions qui pourraient survenir devraient être gérées en partenariat avec le ministère, la Sûreté du Québec et individuellement avec les entreprises de l'industrie du transport des valeurs. Soyez assurés de notre entière collaboration concernant ces sujets. Merci beaucoup.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. J'invite tout de suite le ministre à vous poser la première question.

M. Chagnon: M. le Président, I want to wish a warm welcome to Mr. Hannah who is coming from Toronto. Et je voudrais souhaiter la bienvenue aussi à M. Dufresne et à M. Peacock.

Eh bien, ma première question, M. le Président, c'est à peu près la suivante. Vous venez de nous dire à peu près en 20 minutes que vous aimeriez mieux pas être partie au livre blanc, pas être partie au dossier de la sécurité privée dont on parle depuis quelques mois. Est-ce que je pourrais savoir quelle est votre opinion sur l'ensemble du livre blanc, sur les questions qui touchent à la déontologie, qui touchent à la formation, qui touchent à toutes ces questions-là?

M. Dufresne (Pierre-A.): Eh bien, tel que mentionné dans notre mémoire, les dispositions, l'entraînement... puis nous croyons que Brink's, on... Brink's ou les autres compagnies en général dans le domaine du transport des valeurs, qu'on n'aura pas besoin de réglementation. Comme vous pouvez le constater, aux trois étapes d'embauche, qui sont très bien réglementées... Et puis nous sommes réglementés avec la Sûreté du Québec, avec le Code canadien du travail, on l'a stipulé avec le ministre du Transport... et puis avec la vérification de nos trois étapes d'embauche, encore une fois, qu'on est très, très bien réglementé.

n(17 h 10)n

M. Peacock (Mark G.): M. le ministre, si je peux juste rajouter. Il y a les quatre principes, que vous avez soulevés dans le livre blanc qui exige une réforme dans le secteur de la sécurité privée. Selon nous, si on regarde ces principes-là: la prévention, le professionnalisme, le respect des lois, l'intégrité des entreprises et leurs employés, et la sécurité privée comme un partenaire responsable, selon nous, ces principes-là existent déjà avec la réglementation puis l'encadrement que nous avons. Pour dire que selon nous ces principes se trouvent dans l'industrie, qu'ils ne sont pas... être obligés d'être redoublés.

M. Chagnon: Est-ce qu'il est exact que dans votre industrie, outre les trois «majors», là, les trois compagnies les plus importantes qui contrôlent 90 % du marché, vous l'avez dit, est-ce qu'il est exact qu'il y a de plus en plus de petites compagnies qui vont chercher des parts de marché, probablement 10 %, et qui n'ont pas l'équipement puis la qualité des services que vous avez?

M. Dufresne (Pierre-A.): C'est assez difficile de répondre à votre question. Il y a toujours possibilité que ces choses-là... Afin de déterminer à qui appartient le 10 %, comme vous comprendrez, dans le domaine du transport blindé, les compagnies ne sont pas trop, trop bavardes, et puis c'est assez difficile d'obtenir des informations. Moi-même, en premier lieu, j'aimerais bien savoir à qui appartient le 10 % et j'aimerais bien en même temps répondre à votre question, mais malheureusement je ne serai pas capable de répondre à votre question d'une manière adéquate.

M. Chagnon: Tout en vous souhaitant de trouver à qui appartient le 10 %...

M. Dufresne (Pierre-A.): Je le souhaiterais bien.

M. Chagnon: ...on nous indique qu'il y a des gens qui font un commerce de transport de valeurs sans être équipés, c'est-à-dire dans leur voiture ou autrement, dans des circonstances qui sont évidemment moins onéreuses que vos services à vous, mais beaucoup plus risquées en regard de la sécurité publique.

M. Dufresne (Pierre-A.): Définitivement, c'est des choses qui sont beaucoup, beaucoup plus dangereuses, comme vous avez mentionné.

M. Chagnon: Ce n'est pas la première fois que vous entendez parler de ça, là?

M. Dufresne (Pierre-A.): Non. Ce n'est pas la première fois que j'en entends parler, mais je n'ai jamais eu, moi personnellement ? et puis depuis 37 ans que je suis dans le domaine ? et puis je n'ai pas eu personnellement à les voir. Ça fait que donc de vous le confirmer directement m'est difficile. Mais soyez assuré, un jour je vais venir vous le dire, je vais aller les voir, définitivement. Mais, oui, on en entend parler beaucoup, de ces choses-là.

M. Chagnon: Quelle est la part du transport des valeurs qui fait partie de la sécurité interne, par exemple, des entreprises? Exemple, disons Wal-Mart. Wal-Mart pourrait avoir sa propre organisation pour transporter ses valeurs. Ça doit exister, ça?

M. Dufresne (Pierre-A.): ...première des choses, enfin que les entreprises placent leurs propres camions blindés... On a eu des banques dans le passé qui avaient des camions blindés, on a eu certains commerces qui avaient des camions blindés, mais c'est trop dispendieux. Et puis on vient, au bout... les assurances, qu'il faut prendre en considération, les employés, il faut que ce soient des employés spécialisés, comme on a mentionné. Et puis c'est très, très, par les temps qui courent, très dangereux, et puis les emplacements, ils aiment mieux donner ça à contrat aux entreprises privées. Même, certaines banques à Montréal, voilà plusieurs années, qui avaient leurs camions blindés, ils se sont tous départis de leurs propres camions blindés.

M. Chagnon: Alors, à votre connaissance, il n'y a plus personne qui fait de la sécurité... ou du transport de valeurs de façon un peu plus amateur que vous?

M. Dufresne (Pierre-A.): Je ne crois pas, non. Je crois réellement, après 150 ans de transport de valeurs... Et puis je crois qu'ils ont acquis...

M. Chagnon: Vous n'avez pas 150 ans, là.

M. Dufresne (Pierre-A.): Pardon?

M. Chagnon: Vous n'avez pas 150 ans.

M. Dufresne (Pierre-A.): Non, pas moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufresne (Pierre-A.): Oui. Non, ce que je veux dire, l'expérience de la compagnie, après 150 ans, je pense qu'ils font très bien puis en professionnels.

M. Chagnon: Vous avez parlé de la qualité du personnel que vous avez, je n'en conteste rien, évidemment. Quelles sont les mesures que vous prenez pour vous assurer de leur continuelle probité, je dirais?

M. Dufresne (Pierre-A.): Eh bien, lors des renouvellements d'embauche, il y a une sélection qui se fait parmi plusieurs candidats, et puis il y a toutes les étapes à franchir avec les candidats. Ils ont trois interviews, et puis c'est là qu'on peut avoir un choix de candidats.

M. Chagnon: Et quel type de formation reçoivent-t-ils?

M. Dufresne (Pierre-A.): Ils reçoivent une formation d'une semaine, la formation théorique et puis la formation pratique à bord des camions blindés, et ainsi que la question théorique et pratique.

M. Chagnon: Une semaine, et vous jugez que c'est suffisant?

M. Dufresne (Pierre-A.): Une semaine, mais ils ont une autre semaine concernant seulement que les armes à feu.

M. Chagnon: Et à quel endroit ? ils ont un permis évidemment, vous l'avez souligné ? à quel endroit pratiquent-ils?

M. Dufresne (Pierre-A.): Ils pratiquent... Ils sont tous membres d'une salle de tir à la ville Saint-Pierre. Lorsqu'ils sont embauchés par la compagnie Brink's, la compagnie Brink's paie leur carte de membre annuellement, et puis ils sont libres d'aller à la salle de tir quand ils veulent.

M. Chagnon: Alors, vous ne faites pas de vérification de l'utilisation de leurs armes?

M. Dufresne (Pierre-A.): On ne fait pas une vérification, mais ils ont des pratiques biannuelles sur obligation.

M. Chagnon: Deux fois par année, ils sont obligés d'y aller?

M. Dufresne (Pierre-A.): Deux fois par année, oui. On est... La Sûreté du Québec nous exige une fois par année, mais pour Brink's c'est deux fois par année. On exige une autre fois additionnelle de la part de nos employés.

M. Chagnon: Merci.

Le Président (M. Simard): Oui. J'invite maintenant la députée de Prévost à poursuivre.

Mme Papineau: Bonjour, messieurs. Ça me fait plaisir de vous voir. Au sujet des armes, les personnes qui ont des armes, vous dites que, bon, ils vont tirer deux fois par année, là, pour être bien sûrs de... Mais, les armes, qu'est-ce qu'ils font, est-ce qu'ils les gardent avec eux quand ils s'en vont chez eux?

M. Dufresne (Pierre-A.): Non, toutes les armes sont déposées... On l'a mentionné ici, dans notre mémoire tout à l'heure, toutes les armes sont toutes déposées chez Brink's. Lorsqu'ils ne sont pas en devoir, elles sont gardées en entreposage chez Brink's.

Mme Papineau: Alors, il faut qu'ils passent par chez vous le soir quand ils s'en vont chez eux, puis ils déposent...

M. Dufresne (Pierre-A.): À tous, tous les soirs. Ils n'ont pas le droit d'emmener leurs armes à feu chez eux.

Mme Papineau: O.K. Parfait. Moi, j'ai vu le mot «usage de la force» dans votre mémoire. Vous dites: «Réussir un cours de maniement des armes à feu et de l'usage de la force d'une...» J'aimerais ça que vous nous disiez c'est quoi, ça, l'usage de la force que vous donnez dans la formation.

M. Dufresne (Pierre-A.): Ah! l'usage de la force, c'est assez élaboré. C'est une chose réellement qui est pratiquement nouvelle, que ce cours-là ne se donnait pas dans le passé, et puis c'est surtout pour la protection. Je vais donner un petit exemple. Si moindrement qu'on voit des malfaiteurs s'en aller, et puis notre vie n'est pas en danger, donc les employés ne peuvent pas utiliser leurs armes à feu, car leur vie n'est pas en danger.

Le Président (M. Simard): M. Peacock.

M. Peacock (Mark G.): Tout simplement pour ajouter, Mme Papineau, est-ce que... Si vous regardez les permis, le «wording» précis des permis, les permis sont... on peut utiliser l'arme à feu uniquement dans la protection de la vie de soi-même ou de quelqu'un d'autre. Cette exigence, entre guillemets, de l'utilisation de la force se fait, si vous voulez, par rapport à cette exigence du permis. Et, dans ce contexte-là, comme M. Dufresne utilisait comme exemple, c'est très important, parce que les gens pensent que les employés ont les armes à feu afin de protéger les biens qui sont utilisés. Et l'exemple que M. Dufresne vous a donné, si quelqu'un vole, exemple, un sac d'argent de quelqu'un et s'enfuit, le messager ou le garde de Brink's n'a pas le droit d'utiliser l'arme à feu pour arrêter l'individu, sauf dans l'unique circonstance où sa vie ou la vie de quelqu'un d'autre est mise en danger. Exactement.

Ainsi, l'utilisation de la force est un élément clé de l'entraînement de chaque employé. Et nous allons vous donner justement le certificat qui a été approuvé... le cours qui est approuvé par la Sûreté du Québec, et une partie de ce cours-là, c'est exactement ce qu'on vient de parler: dans quelles circonstances vous pouvez utiliser votre arme.

Mme Papineau: Donc, ce mot, «usage de la force», c'était vraiment par rapport à l'arme à feu?

M. Peacock (Mark G.): C'est à l'arme à feu, tout à fait, exactement.

Mme Papineau: Vous, de ce qu'on comprend, vous aimeriez ne pas être réglementés?

M. Peacock (Mark G.): Non, nous sommes déjà réglementés, madame.

Mme Papineau: Bien, en tout cas, dans le cadre de la sécurité privée?

M. Peacock (Mark G.): Tout à fait. Pas dans la loi dont vous faites part ici.

Mme Papineau: Pas dans ça, voilà. Mais mettons que vous risquez de l'être, c'est quoi...

Le Président (M. Simard): ...comme principe de départ.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Papineau: Disons que vous risquez de l'être, qu'est-ce que ce serait, la réglementation la plus acceptable pour vous?

n(17 h 20)n

M. Peacock (Mark G.): Mais je pense que, si vous me permettez, vous avez déjà une connaissance de nous, de tous nos employés qui ont les armes à feu, parce que la Sûreté détient un registre de tous les gens qui ont les permis. Ainsi, si vous voulez avoir un registre de ce que nous sommes et au niveau de nos employés et au niveau des armes à feu, vous avez ça déjà. Si vous voulez avoir un autre registre qui va contenir exactement les mêmes renseignements, bon bien vous êtes les législateurs. Mais, au niveau pratico-pratique, on vous dit tout simplement que, pour protéger la sécurité publique, pour protéger la sécurité des employés, selon nous la réglementation qui existe déjà le fait déjà.

Ainsi, en réponse directe à votre question, si vous voulez avoir un enregistrement, un régisseur qui connaît... puis qui nous connaît, puis il a un dossier avec tous les noms des employés, et tout ça, bon certainement c'est quelque chose peut-être qui peut être envisagé. Mais selon nous, au niveau pratico-pratique, il y a très peu de choses. Puis on a dit: En Colombie-Britannique, si on regarde une autre province qui a décidé de légiférer, ça ne leur apporte pas grand-chose.

Mme Papineau: Même au niveau de la formation, vous dites que votre formation est suffisante, une semaine?

M. Peacock (Mark G.): Mais, avec égard, si vous allez vérifier en Colombie-Britannique, ils ne donnent pas plus. Ils ont une école provinciale, et justement, là, Brink's, M. Hannah... John, with regard to British Columbia, the British Columbia authorities have a school...

M. Hannah (John): Yes.

M. Peacock (Mark G.): ...and they've now permitted Brink's to develop a parallel school which gives exactly the same course. Ainsi, la province de la Colombie-Britannique reconnaît que Brink's est aussi capable qu'eux autres de donner la formation.

Mme Papineau: Oui, mais au Québec, là, à l'heure actuelle, l'agent de la Brink's a une semaine de formation. Et, ici, en commission parlementaire, pour les agents de sécurité qui sont dans les bâtisses, même la sécurité intérieure, on nous propose de faire un D.E.C. en sécurité, alors... Puis eux... l'agent de sécurité qui est dans la bâtisse, qui, par exemple, est celui qui s'assure des entrées et des sorties de la bâtisse, on nous propose un D.E.C. ou un D.E.P. en sécurité; il est loin d'avoir une arme à feu et il est loin d'avoir du danger et des valeurs que vos agents ont. Et quand je vois les demandes qu'on nous fait d'un D.E.P. ou d'un D.E.C. pour des agents de sécurité et que je regarde la formation que vous avez, qui n'est que d'une semaine, avec tout ce que ça comporte comme dangers et aussi outils de travail, vous ne trouvez pas qu'il y a une... il y a quelque chose qui ne marche pas, là?

M. Peacock (Mark G.): Bien, premièrement, ce n'est pas pour nous, dans cette industrie-là, de dire ce que les autres font, primo. Secondo, au niveau de l'entraînement que nos gens reçoivent, avec égard, le livre blanc ne donne aucun exemple à vous, les parlementaires, des problèmes qui existent maintenant face à notre industrie. Et vous nous dites: Évidemment, il y a, à cause des valeurs qu'on transporte... il y a des éléments de danger, mais évidemment je pense que ce qui existe maintenant démontre le fait que l'industrie se contrôle très bien, que la formation qu'ils donnent justement gère les risques comme il faut, parce que, au Québec, on n'a pas de problème. Puis le livre blanc ne parle aucunement parce que selon nous, avec égard, il n'y en a pas.

Mme Papineau: Vous devez certainement, dans l'exercice de vos fonctions, travailler avec la police, j'imagine, à un moment donné. Souhaiteriez-vous... est-ce que la collaboration est bonne, ou si vous souhaiteriez qu'elle soit meilleure, ou... Et, si le livre blanc était appliqué intégralement, est-ce qu'il y a des choses que vous faites actuellement et que vous ne feriez pas?

M. Dufresne (Pierre-A.): Ce serait surtout... ce qui pourrait changer, ce serait surtout la réglementation qui pourrait changer. Si vous émettez d'autres réglementations additionnelles à ce qu'on a présentement, ça, ça pourrait changer quelque chose. Votre deuxième...

Mme Papineau: Non, mais ma première question, c'est: Est-ce que... Où dans l'exercice de vos activités on collabore avec la police, alors est-ce que ça va bien?

M. Dufresne (Pierre-A.): On a une collaboration à 100 % avec la police.

Mme Papineau: À 100 %, ça va bien.

M. Dufresne (Pierre-A.): 100 %, aucun, aucun problème avec la police.

Mme Papineau: Parfait. Maintenant, demain...

M. Dufresne (Pierre-A.): Avec tous les corps policiers.

Mme Papineau: O.K. Demain matin, par contre on dit... on applique le livre blanc. O.K.? Est-ce qu'il y a des choses que vous faites actuellement puis que vous pourriez ne plus faire?

M. Peacock (Mark G.): Il faudrait que vous nous donniez un exemple, Mme Papineau.

M. Dufresne (Pierre-A.): ...exemple de voir... voir si...

M. Peacock (Mark G.): Oui. Comme quoi?

Mme Papineau: Quand on dit: Pas de répression, par exemple.

M. Peacock (Mark G.): Répression, excusez-nous, vu qu'on n'a pas suivi justement, malheureusement, vos débats antérieurs...

Mme Papineau: Mais selon vous, là, vous continueriez, si on appliquait le livre blanc tel qu'il est actuellement... vous pourriez continuer à faire ce que vous faites, sans restriction?

M. Peacock (Mark G.): D'après notre connaissance de ce qui se trouve dans le livre blanc, je pense que oui, sauf si...

Mme Papineau: Parce que le livre blanc dit que la sécurité privée, dont vous êtes, je pense...

M. Peacock (Mark G.): Pas selon la définition du livre blanc.

Mme Papineau: O.K. Bien, selon le livre blanc, en tout cas, vous êtes la sécurité privée. Mais donc, en tout cas, selon vous, vous continueriez à faire... vous pensez que vous continueriez à faire ce que vous faites actuellement même si le livre blanc s'appliquait.

M. Dufresne (Pierre-A.): Si ça concerne la sécurité publique, comme vous avez mentionné tout à l'heure, il faut faire la grosse distinction entre la sécurité publique puis le transport des valeurs, là, malgré qu'il y a des compagnies qui doivent faire les deux. Ça, ça ne nous regarde pas parce que, nous, on ne fait pas les deux. Et puis il y avait une réglementation aussi pour la sécurité publique, ces choses-là. C'est d'autres permis, ça, on parle de d'autres permis. Les permis d'agences de sécurité, ces choses-là, on parle complètement, complètement... vous savez, je pense qu'on parle des pommes avec des oranges. Parce que là on parle de la sécurité publique, c'est un autre genre de permis que la Sûreté du Québec va donner. Les agences de sécurité, elles vont avoir besoin des permis de la Sûreté du Québec, tandis que dans le transport des valeurs vous avez un permis... c'est entendu que vous avez un permis d'opération, et puis les gens suivent la réglementation qu'on a mentionnée, aux quatre étapes, l'entraînement, la Sûreté du Québec, l'acquisition... possession et acquisition d'armes à feu, ces choses-là. Tandis que je ne crois pas que la sécurité privée, les employés de la sécurité privée possèdent ces genres de choses. Définitivement qu'ils vont avoir leur permis d'agent de sécurité, je crois, de la Sûreté du Québec, et puis l'agence de sécurité... Je crois que, si j'ai bien compris, vous avez déjà été propriétaire d'une agence de sécurité.

Mme Papineau: Privée.

M. Dufresne (Pierre-A.): Privée, excusez. Vous aviez besoin d'un permis de la Sûreté du Québec.

Mme Papineau: Absolument. Donc, vous voyez trois sécurités: sécurité privée, sécurité publique et sécurité des valeurs.

M. Dufresne (Pierre-A.): C'est exact, madame. Vous avez très bien compris.

Mme Papineau: Merci.

Le Président (M. Simard): Oui, M. Peacock. Si vous voulez terminer votre intervention.

M. Peacock (Mark G.): Tout simplement pour compléter pour Mme Papineau, que, comme nous avons dit, il y a trois volets dans notre entreprise: le transport, justement, l'entretien puis l'approvisionnement des machines ATM, puis aussi le dépôt et le comptage d'argent. Ce sont des choses qu'on fait, et dans ce contexte-là on voit difficilement comment ce qu'on fait se trouve à l'intérieur de ce que le livre blanc appelle «sécurité privée».

Le Président (M. Simard): J'invite maintenant le député de Mercier à vous poser d'autres questions.

M. Turp: Écoutez, ce que vous transportez, il me semble, à l'occasion c'est aussi des billets de banque, n'est-ce pas?

M. Dufresne (Pierre-A.): Définitivement. Tous genres de valeurs.

M. Turp: Des fois, vous n'en transportez pas, là, puis on se rappelle d'un moment où vous n'en aviez pas transporté, là... Mais en général vous transportez des billets de banque. À ma connaissance, un billet de banque, là, ça appartient à la Banque du Canada, ça a cours légal, et ce n'est pas tout à fait privé, ça, c'est même plutôt public. Et quand il y a un vol de cet argent-là, c'est de l'argent de la Banque du Canada qui est volé. C'est quelque chose qui appartient à la Banque du Canada, et ça, ce n'est pas privé, à moins que vous prouviez le contraire, là. Le billet a cours légal. Celui qui l'utilise peut l'utiliser ailleurs, puis c'est parfois difficile d'assurer la sécurité totale des billets qui ont cours légal puis d'empêcher leur circulation.

n(17 h 30)n

Alors, quand vous me dites, et vous nous dites, là, que vous voulez être exclus d'une loi ? c'est ça que vous nous dites, là ? vous avez du culot quand même, je trouve, là. Vous venez nous dire, là, que vous voulez être exclus de l'application d'une loi qui va être une loi publique concernant la sécurité privée, et vous, vous faites un métier qui est éminemment lié à des billets de banque qui ont un cours légal, qui appartiennent à la Banque du Canada. Alors là je dois avouer avoir beaucoup de réserves sur votre demande d'exemption de cette loi publique que veut adopter le gouvernement du Québec, ou la faire adopter par l'Assemblée nationale.

M. Dufresne (Pierre-A.): Si vous me permettez, lorsqu'on parle de la Banque du Canada, les billets de la Banque du Canada, oui, définitivement on a le contrat pour tout le Canada pour la distribution des billets de la Banque du Canada. Aussitôt qu'on a accusé réception, ce qu'on appelle, nous autres, un chargement de la Banque du Canada, Brink's Canada est responsable du chargement, il n'appartient plus à la Banque du Canada. On assure la totalité du chargement. Que ce soit de Montréal, Vancouver, que ça soit partout dans le Canada, Brink's détient l'entière responsabilité, et puis on a des contrats à ce sujet-là. Et puis même que ça soit pour... pas seulement que le numéraire, qu'on parle, on peut parler d'obligations d'épargne, toutes ces choses-là, on assume la responsabilité totale. C'est pour ça, comme vous avez mentionné tout à l'heure, que les valeurs n'appartiennent plus à la Banque du Canada. Lorsqu'on accuse réception pour n'importe quelle valeur, à n'importe quel endroit, n'importe quelle banque, les valeurs, Brink's est responsable des valeurs qu'ils ont accusé réception. Afin de se dégager de notre valeur, il faut obtenir un accusé réception. Ça fait que donc c'est ça qui est en général le domaine du transport blindé et...

M. Turp: Et vous êtes responsables, mais les valeurs appartiennent toujours à leur détenteur ou à la Banque du Canada, et c'est pour ça qu'il me semble que votre industrie, en tout cas, est éminemment publique, là, et qu'elle ne devrait pas vouloir s'exempter d'une loi publique comme celle que veut adopter le Parlement du Québec.

M. Dufresne (Pierre-A.): Lorsque vous nous dites que les valeurs appartiennent... oui, les valeurs appartiennent toujours, toujours au propriétaire des valeurs. Mais un incident arrive, puis on perd les valeurs, qui est responsable de ces valeurs? C'est Brink's. Mais définitivement, vous le dites bien, que toujours les valeurs appartiennent au détenteur. Si, moi, je fais transporter un certain montant par Brink's, donc les valeurs, je demeure toujours propriétaire des valeurs. Mais, si Brink's perd mes valeurs, définitivement qu'ils vont me rembourser la valeur totale que j'ai assurée avec Brink's.

M. Peacock (Mark G.): Et le contrat de transport, M. Turp, se trouve entre Brink's et la compagnie privée, ou la banque, ou n'importe qui. Mais en effet, évidemment, il y a cette relation contractuelle là, puis, comme M. Dufresne a très bien dit, face à nos clients, c'est le client qui est le détenteur de l'argent, qu'on rembourse à 100 % pour ses valeurs qui n'arrivent pas à la destination telles qu'il nous donne. C'est ça, là, c'est une relation éminemment ? pour utiliser votre expression ? privée entre nous puis le client.

M. Turp: En tout cas, pour les questions, moi, je ne comprends pas non plus que vous ne voudriez pas être assujettis à une loi qui a des prescriptions sur la formation de gens qui assurent la sécurité de ces valeurs qui sont transportées par votre compagnie, comme plusieurs agences de sécurité qui viennent devant nous sont tout à fait ouvertes et disposées à accepter des règles dans une loi publique du Québec pour assurer que leur personnel soit bien formé.

M. Peacock (Mark G.): Selon nous, nous prétendons avec égard que nos personnels sont bien formés. Nous avons indiqué au gouvernement que ça nous fait plaisir, d'une façon individuelle, de leur expliquer ce que nous faisons, si vous avez besoin de plus d'explications. Et ce n'est pas une question... ce n'est pas une marque de non-respect pour le gouvernement du Québec, loin de là; c'est la Sûreté du Québec d'ailleurs qui a le contrôle direct de l'aspect parmi les plus importants de notre entreprise, le port d'arme à feu.

M. Turp: Merci.

Le Président (M. Simard): C'est au tour maintenant du député de Marguerite-D'Youville à poser la prochaine question.

M. Moreau: Pouvez-vous me dire simplement... Je sais que le ministre veut intervenir, M. le Président...

Le Président (M. Simard): Il reste assez de temps pour les deux.

M. Moreau: Il reste assez de temps? Bien, je vous remercie. Mr. Hannah, welcome to Québec. J'ai deux sujets sur lesquels j'aimerais poser des questions probablement qui vont s'adresser plus directement à M. Dufresne ou à Me Peacock.

D'abord, quant à l'usage de la force, notre collègue de Prévost a posé des questions là-dessus, et, bon, je ne suis pas... j'apprends lors de nos travaux que effectivement, bon, les armes à feu servent à protéger ? d'ailleurs, ça ressort de l'annexe, là, que vous avez mis à votre mémoire ? à protéger donc la vie des personnes qui pourraient être présentes sur le site lorsque intervient un événement qui met la vie des gens en danger.

Maintenant, est-ce que la question de l'usage de la force... Vous avez indiqué qu'elle était uniquement reliée aux armes à feu, mais est-ce que vos agents ont une formation, par exemple, parce que ce n'est quand même pas... Votre réponse n'était pas un encouragement à aller prendre un sac d'argent entre le camion puis le guichet automatique, mais, si quelqu'un tentait l'expérience, est-ce qu'il pourrait vivre une situation fort inconfortable où, sans utiliser l'arme à feu, l'agent est autorisé à utiliser la force pour protéger les valeurs ? la force physique, j'entends?

M. Dufresne (Pierre-A.): Oui, définitivement. Si moindrement... Il n'utilisera pas peut-être son arme à feu, mais il faut qu'il protège ses valeurs aussi, même à se protéger lui-même et se protéger des valeurs. Définitivement, dans un centre d'achats, s'il y en a un qui passe en courant puis il lui arrache son sac en courant, il faut nécessairement... il va garder son arme à feu dans l'étui, mais il va essayer de se défendre.

M. Moreau: J'ai toujours trouvé ça, moi, inconfortable.

M. Dufresne (Pierre-A.): Oui, définitivement.

M. Moreau: Entre le camion et le mur, j'ai toujours trouvé que c'était inconfortable de passer, moi.

M. Dufresne (Pierre-A.): Oui. Définitivement, on ne se laissera pas... non, on ne se laissera pas voler. Sinon, ça arriverait à tous les jours, hein?

M. Moreau: O.K. Bon. Alors donc, l'usage de la force est à la fois...

M. Dufresne (Pierre-A.): Incorporé, oui.

M. Moreau: Corporel, donc sans l'usage de l'arme, pour la protection des valeurs également.

M. Dufresne (Pierre-A.): Définitivement.

M. Moreau: O.K. Maintenant ? et là c'est peut-être la question la plus large, puis je sais que le ministre veut intervenir, donc je vous demanderais d'avoir une réponse relativement brève ? est-ce que ma compréhension est la bonne en disant que votre crainte à l'égard d'une réglementation qui concernerait, qui toucherait votre industrie, c'est de voir une augmentation... ou de vous compliquer l'existence au niveau de la paperasse, ou si vous craignez qu'on vous exige une formation plus importante, ou est-ce que vous craignez qu'on vous donne des éléments qui sont plus contraignants et qui pourraient nuire à l'entreprise? Parce que votre démonstration, c'est de dire: On fait notre travail depuis 150 ans et, le fait est, on est capable de faire la démonstration qu'on le fait bien. Quelle est la crainte réelle que vous avez à l'égard d'une réglementation qui vous concernerait directement?

M. Dufresne (Pierre-A.): En réalité, ce n'est pas exactement une crainte réelle, ou quoi que ce soit, mais, si moindrement qu'on augmente... Je ne sais pas, moi, dans une semaine on augmente de quelques jours, trois semaines l'entraînement, non, je n'aurais rien contre ça, définitivement pas. Et puis ce n'est pas... nous autres, si on a des choses nouvelles à apprendre à nos employés, les instruire d'une autre façon puis améliorer leurs conditions, leur entraînement, définitivement qu'on va le faire.

M. Moreau: Vous êtes ouverts à ça?

M. Dufresne (Pierre-A.): Ce n'est pas une crainte, non. Ce n'est pas une crainte pour donner de la formation additionnelle à nos employés, définitivement pas. Ce n'est pas ça qui est notre crainte. Notre crainte, je vais dire comme Me Peacock a dit tout à l'heure, ce n'est pas une crainte en réalité, mais on juge présentement qu'on est très bien réglementé, et avec la Sûreté du Québec, toutes ces choses-là, on l'a nommée tout à l'heure...

M. Moreau: Par l'ensemble des mesures qui vous entourent.

M. Dufresne (Pierre-A.): C'est pour ça, par l'ensemble de toutes les mesures, on est très bien réglementé. Si moindrement qu'on a des faits nouveaux, ces choses-là, puis dire: Bien, on va augmenter l'entraînement pour trois jours pour telle, et telle, et telle chose, oui, on serait prêt à le regarder et puis de l'étudier bien attentivement.

M. Peacock (Mark G.): Et je pense... Si je peux juste ajouter, ce qu'on a dit justement, c'est que le livre blanc a regardé, a mis le focus surtout sur ? selon ce qu'on a compris du livre blanc ? la sécurité privée au niveau des gardes de sécurité et l'enquête privée. Notre industrie est tout à fait différente, tout à fait à part, et, s'il y a des choses à discuter, selon nous ce n'est pas dans une réglementation omnibus qu'il doit le faire, c'est quelque chose beaucoup plus précis, beaucoup plus ciblé.

M. Moreau: Plus ciblé.

M. Peacock (Mark G.): Absolument.

M. Moreau: Merci beaucoup.

Le Président (M. Simard): Merci. Alors, je vous remercie... Ah! pardon, M. le ministre, vous aviez une dernière question à poser, je vais vous laisser tout le temps.

M. Chagnon: Une petite question puis une plus longue.

Le Président (M. Simard): D'accord.

M. Chagnon: La première: Quelle est la formation de base des gens chez vous, secondaire V, cégep?

M. Dufresne (Pierre-A.): Secondaire V.

M. Chagnon: C'est le minimum?

M. Dufresne (Pierre-A.): Secondaire V, mais présentement on a des universitaires, faites-vous-en pas. On a des universitaires, on a du collégial, mais normalement, en moyenne, c'est un secondaire V.

M. Chagnon: Fait?

M. Dufresne (Pierre-A.): Fait, oui, oui.

M. Chagnon: Est-ce que... Il y a de plus en plus de sociétés qui réclament des gens armés pour protéger des valeurs, par exemple au cours d'une manifestation comme un encan. Est-ce que votre société fait dans ce genre de protection là?

M. Dufresne (Pierre-A.): Non, on n'a pas les permis pour faire ça. Ça, j'en reviens encore... ça, c'est le travail de... Madame peut-être pourrait me le dire, ça, c'est du travail des agents de sécurité.

M. Chagnon: C'est des valeurs, c'est des choses...

M. Dufresne (Pierre-A.): Oui, c'est des valeurs, mais ce n'est pas du transport de valeurs.

M. Chagnon: O.K. Si c'est un agent de sécurité, bien il faut que quelqu'un l'amène; je ne peux pas, moi, un Picasso ou un Rembrandt...

M. Dufresne (Pierre-A.): Oui, mais ça, ils vont nous appeler pour aller le chercher. Mais, pour le garder sur les lieux, M. le ministre, pour le garder sur les lieux, définitivement c'est...

M. Chagnon: Oui, pour le garder sur les lieux ou le transporter...

M. Dufresne (Pierre-A.): Non. Mais, le transporter, ils vont nous appeler. Eux autres, ils ne sont pas supposés d'avoir le droit de le transporter. Eux autres, ils ont le droit de le garder sur les lieux. Nous autres, on n'a pas le droit de le faire. Ça, c'est la même chose, les escortes, ils ont le droit de donner des escortes. Ils ont le droit de donner des escortes; nous autres, on n'a pas le droit.

M. Moreau: Les escortes, dans le bon sens du terme.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufresne (Pierre-A.): Oui, dans le bon sens du terme, très bien. Je m'ai peut-être mal exprimé.

Le Président (M. Simard): On réglera le problème des services d'escorte à un autre moment.

M. Dufresne (Pierre-A.): Je m'ai peut-être mal exprimé, quoi!

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, messieurs, de votre témoignage, je pense qu'il sera très utile à la commission. Et je suspends nos travaux pendant quelques minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 40)

 

(Reprise à 20 h 13)

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Vous savez que notre ordre du jour implique que nous serons ici normalement jusqu'à minuit. Alors, j'invite tout le monde à être plutôt efficace à partir de maintenant parce que je n'aimerais pas que ce soit minuit et dix.

Alors, j'invite tout de suite nos prochains invités qui sont les représentants de l'Association ? je ne veux pas dire de bêtises ? des directeurs de police du Québec; son président, M. Jean-Pierre Gariépy, qui est avec nous et qui va nous présenter ceux qui l'accompagnent.

Vous avez assisté plusieurs fois à nos commissions. Vous savez comment ça se passe, mais je vous le rappelle: Vous devez, en une vingtaine de minutes, nous résumer, nous donner l'essentiel de votre mémoire. Nous vous écoutons.

Association des directeurs de police
du Québec (ADPQ)

M. Gariépy (Jean-Pierre): Merci, M. le Président. Nous tenterons d'être assez brefs. À ma gauche, qui m'accompagne, Me Benoît Ducharme, conseiller juridique du Service de police de Gatineau et conseiller juridique...

Le Président (M. Simard): Je savais que je le connaissais.

M. Gariépy (Jean-Pierre): ...de notre association; M. Yvon Michaud, qui est directeur général ? à ma droite ? de l'association; et M. Bernard Arsenault, qui est aussi conseiller à l'association.

M. le Président, M. le ministre de la Sécurité publique, Mme, MM. de la commission, bonsoir. Il me fait plaisir, au nom de l'association, de venir vous rapporter en fait ce que nous avons obtenu comme consultation à l'association sur le domaine de la sécurité privée, à partir naturellement du livre blanc que nous avons consulté.

D'abord, d'introduction vous dire un peu, rappeler à tout le monde ce qu'est l'Association des directeurs de police. C'est une organisation sans but lucratif ? naturellement ? incorporée en vertu de la partie III de la Loi des compagnies et qui a plus de 75 ans d'existence. Sa mission est de rassembler les dirigeants policiers et leurs partenaires afin de contribuer à l'amélioration de la sécurité des citoyens du Québec. Elle est principalement constituée de deux catégories de membres: les membres policiers et les membres associés. Les membres policiers regroupent tous les directeurs de police du Québec, incluant le commissaire adjoint de la Gendarmerie royale du Canada au Québec, le directeur général de la Sûreté du Québec, le directeur du Service de police de la ville de Montréal, la directrice générale de l'École nationale de police du Québec et le directeur des corps de police municipaux, ainsi que plusieurs cadres de ces organisations.

Nous avons approximativement 150 membres policiers et environ une centaine de membres associés qui regroupent des dirigeants d'organismes publics, parapublics et privés travaillant dans le domaine de la sécurité publique et privée ou utilisant le service. On y retrouve notamment des organismes gouvernementaux ou parapublics, comme les cégeps, Hydro-Québec, Loto-Québec, SAAQ, SAQ, universités, etc., ainsi que des organismes de sécurité interne d'entreprises privées, comme Honeywell ltée, les Alimentations Couche-Tard, Sécurivol-Jean Coutu, etc., pour ne nommer que celles-là, ou de sécurité contractuelle, comme les Investigations Gibraltar, Microtec Sécuri-T Inc., et d'autres, naturellement. Alors, ça vous brosse un peu un portrait de qui se retrouve à l'intérieur de l'Association des directeurs de police du Québec. On voit que ce ne sont pas seulement des membres d'organisations policières, mais il y a aussi des gens du privé.

D'entrée de jeu, je voudrais aussi commencer en rappelant un peu la mission de la police, parce qu'on va voir... Je vais parler de plusieurs choses; il y a certains points que j'ai envie d'éclaircir. Bien que vous ayez eu le mémoire et que vous ayez lu ce mémoire-là, je pense que notre présence ici nécessite qu'on vous explique certains points plus particuliers auxquels on a beaucoup à coeur. Mais d'entrée de jeu je commencerais un peu par la définition de la mission des corps policiers.

On dit: Les corps de police... Dans la Loi de police, l'article 48 sur la Loi de police définit la mission de la police comme suit: Les corps de police, ainsi que chacun de leurs membres, ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime et, selon leur compétence respective énoncée aux articles 50 ? pour ce qui est de la Sûreté du Québec ? et 69 ? pour les corps policiers municipaux ? les infractions aux lois et aux règlements pris par les autorités municipales, et d'en rechercher les auteurs.

Alors, d'entrée de jeu on comprend bien que c'est très bien campé, la mission de la police. Ce qui ne l'est pas, c'est la mission du privé. On va y revenir un petit peu plus tard.

Dans la présentation que je vous fais, je vais toucher cinq points. Le premier, c'est l'applicabilité de la loi. Le livre blanc, ce qu'il... en fait, ce qui en est écrit, on parle de l'applicabilité de la loi. Je vais parler de l'exclusion de certains organismes d'État, de la représentation, au niveau de l'association, pour certains d'entre eux et de la serrurerie.

Je vais vous parler de la juridiction et des pouvoirs conférés au secteur privé. Je vais vous parler des antécédents, la vérification des antécédents soit des agents ou des agences, du maintien de l'ordre, mais particulièrement quand on est en territoire dit public mais qui pour des raisons particulières devient privé ? et j'expliquerai plus tard ? et la confusion qui existe au niveau des identifications dans le privé et la police. Ce sont les points essentiels que je veux discuter avec vous.

Quand on revient au premier ? l'applicabilité de la loi ? on parle, nous, d'exclure certaines sociétés d'État. Qu'est-ce qu'on veut dire par ça? Il existe des organismes comme Loto-Québec, la SAAQ et la SAQ, à titre d'exemples, qui sont des organismes qui sont créés par une loi habilitant à fonctionner de cette façon-là. C'est le gouvernement qui a établi par loi la création de ces organismes-là. Ils sont aussi ciblés par une formation spécifique pour faire ce travail-là.

n(20 h 20)n

Prenons les patrouilleurs de la Société de l'assurance automobile du Québec comme exemple. Ils sont soumis aussi à un audit interne; ils sont aussi soumis... bien, soumis, pas tout à fait soumis, mais il existe aussi un moyen de se plaindre de leur comportement auprès du Protecteur du citoyen ? l'ombudsman; ils sont assujettis au Vérificateur général; ils sont aussi tenus à des redditions de comptes en commission parlementaire et à l'Assemblée nationale, ce qu'on ne retrouve pas dans des gens qui sont des organisations de sécurité privée.

Alors, on pense que ça doit se définir de deux façons. Il existe... à l'intérieur, vous avez le livre blanc et la loi, on pense qu'il doit y avoir deux pôles: un pôle qui doit camper ces organismes à caractère public qui en fait ont comme notion de sécurité des biens du public et qui sont complémentaires au travail policier, à la police publique. Donc, on y retrouve ces organismes-là qui sont assujettis à des lois habilitantes, etc., ils devraient être campés dans un secteur. Ces gens-là devraient être exclus, selon nous, du terme ou de la Loi sur la sécurité privée, parce qu'ils n'ont pas comme mission la sécurité privée. Ces gens-là ne vendent pas une sécurité, ils protègent tout simplement... c'est une notion de service public qu'ils ont, contrairement au privé.

Par opposition, on retrouve la sécurité privée, qui, elle, encore une fois, devrait être divisée en deux. On y retrouve, dans ce deuxième pôle, deux grands secteurs: celui qui est une notion corporative, celle qui touche surtout au secteur, comme vous avez ? je cherche un document, si vous me permettez, celui des deux pôles, le voici, c'est beau ? le secteur privé, qui est à but lucratif, dont la raison d'être est la sécurité privée, alors qu'il traite au niveau de clients. C'est une notion de profit, contrairement à la première... le premier pôle, je disais, c'est une notion de service; le deuxième, c'est une notion de profit, mais dans lequel on retrouve deux secteurs. Celui du corporatif, on retrouve dans ce secteur corporatif là des organismes comme Jean Coutu, des organismes comme tous les... à l'intérieur des institutions financières qui ont pour eux un service de sécurité interne. En fait, ce service-là n'est pas vendu à l'externe pour faire des profits, il gère tout simplement une sécurité au profit d'un employeur seulement.

Vous avez Couche-Tard, aussi, qui est un autre exemple de sécurité privée contractuelle, mais corporatif; ça, c'est carrément corporatif, c'est pour une entreprise seulement, ils sont créés strictement pour cette corporation-là. Alors que vous avez de l'autre côté ceux qui sont à forfait, ceux qui sont à profit, ceux qui vont chercher des clients pour vendre de la sécurité.

On peut retrouver à l'intérieur de ça naturellement aussi tout le secteur, comme on a entendu juste avant nous, les gens de la Brink's. Les gens qui font le transport de biens cherchent quand même... ce sont des gens qui cherchent des clients. Ils ont un secteur d'activité, mais ils sont à la recherche de clients, ils font des profits. Alors, contrairement aux gens du corporatif, la sécurité Jean Coutu ne cherche pas à faire des profits, elle travaille uniquement pour Jean Coutu.

Alors, on voit que dans l'applicabilité de la loi on revoit deux grands pôles: celui qui encore une fois relève de... c'est un service ? alors les gens comme Loto-Québec, Hydro-Québec, SAQ ? et dans un autre pôle, qui se divise en deux, le corporatif devrait être une chose, et on devrait retrouver le privé, celui qui fait des profits.

C'est dans un but d'éclaircir la commission que nous avons défini ces deux pôles et ces divisions-là, pour pouvoir bien camper les rôles de chacun. Alors, d'entrée de jeu je voulais bien m'assurer que ce soit bien compris, notre position vis-à-vis pourquoi on les divise de cette façon-là.

Ce premier groupe, qu'on pense qu'il devrait être exclu, ceux qui sont de service, une sécurité de service, il est écrit en quelque part dans le livre blanc que vous souhaitiez qu'il y ait une association représentative du secteur privé. L'ADPQ, l'Association des directeurs de police ne prétend pas être celle-là. Ce n'est pas notre rôle et ce n'est pas souhaitable qu'on ait ce rôle. Toutefois, comme on retrouve à l'intérieur de l'association des gens de ces secteurs, nous avons eu des discussions avec eux, et je pense que ce qui est après se former ? c'est déjà même fait au niveau d'un président ? c'est ce qu'on appelle l'AQIS, qui va être en fait l'association pour les représenter. Toutefois, ceux qu'on appelle «de service», qu'on pense qui devraient être exclus, je parle de ceux de Loto-Québec, d'Hydro, de la SAAQ, de la SAQ, ces gens-là qui devraient être exclus parce qu'ils sont créés par une loi habilitante, souhaitent que ce soit l'ADPQ qui les représente. Ils sont déjà membres de l'association. Nous n'avons rien contre de les représenter, parce que ce n'est pas une mission à but lucratif et ils n'ont pas comme mission, eux, d'être une sécurité privée à but lucratif. Donc, s'ils étaient exclus, ce serait tout à fait correct pour nous. On n'a pas aucun inconvénient à les représenter, comme association, si tel était le voeu de la loi, M. le ministre. Alors, c'était pour vous rappeler ce fait, qu'au niveau association nous avons consulté ces gens-là, et ils souhaitent actuellement que ce soit l'Association des directeurs de police qui les représente.

Au niveau de la serrurerie. Actuellement, ça semble être exclu, ou il y a une volonté d'exclure le secteur de la serrurerie de la loi. Par contre, on aimerait vous rappeler que la première ligne de sécurité résidentielle pour les citoyens, c'est bien souvent son système d'alarme et la serrurerie. Alors, la serrure de porte qui est installée, bon, on ne veut pas régir... bon, dire que ça prend un D.E.C. en je ne sais pas quoi pour qu'on devienne un serrurier, loin de là notre prétention. C'est dans la vérification et le filtrage de ces gens. À tout le moins, vous devriez conserver... notre suggestion est que vous devriez conserver la notion de filtrage pour vérifier les antécédents du commerce et des individus qui sont appelés à travailler dans le secteur de la serrurerie. C'était le commentaire qu'on voulait faire à ce niveau-là.

Dans le deuxième élément que nous voulions discuter, celui de la juridiction et des pouvoirs, je pense que celui-là en est un très chaud, et ça dit, bon, bien, qui va faire quoi à l'intérieur d'une juridiction du privé et de la police, particulièrement au niveau des pouvoirs en matière d'enquête criminelle.

Nous, ce qu'on a trouvé comme terme, c'est celui ? vous l'avez lu dans le mémoire ? c'est celui de l'enquête de validation. On pense ? et c'est tout à fait clair ? que les gens du privé n'ont pas juridiction, à notre sens, pour appliquer les lois, et à ce titre ils n'ont pas à faire d'enquêtes criminelles. Pour nous, ça devrait être exclu totalement. Toutefois, une enquête de validation, ça peut se faire, et c'est ce qui se fait dans bien des cas aujourd'hui. Je cite des exemples: chercher l'origine d'une perte financière dans les banques, ces gens-là sont... constatent à un moment donné dans leurs livres, là, bien, il y a quelque chose qui ne marche pas. Est-ce une erreur administrative ou une fraude? Les banques utilisent la sécurité interne pour vérifier si le client ou la banque a fait l'objet d'une erreur ou d'une fraude avant de référer le dossier à la police, le cas échéant. Alors, ce qui est tout à fait correct. Ils font une enquête, mais de validation. Ils ne procèdent pas à aucune arrestation, ils ne vont dans aucune mécanique judiciaire et ne sont pas tenus, lorsqu'ils rencontrent quelqu'un, à faire la mise en garde, ils ne sont pas tenus d'appliquer, si vous voulez, tout le respect des chartes... aller dans le respect des chartes canadienne et québécoise, du droit à l'avocat, etc. Ils n'ont pas à embarquer, et nous sommes fermes sur ça: nous ne voulons pas que le corporatif ou le secteur d'enquête privée, les compagnies en investigation privée, puissent appliquer quelque loi que ce soit.

On est d'accord avec la validation. La validation peut aussi aller sur le comportement. Exemple: des magasins à grande surface. Ils ont à surveiller le vol à l'étalage. La surveillance qu'ils font, la validation à savoir si quelqu'un procède à un vol à l'étalage.... Arrêter, ce n'est pas tout à fait leur donner un pouvoir plus que la loi en donne à n'importe quel citoyen. Mais, arrêter quelqu'un qui fait un vol à l'étalage, si le propriétaire du bien veut porter une plainte criminelle, ils ont l'obligation de transmettre le dossier et l'individu à la police, qui va procéder. Il ne doit pas y avoir absolument aucune ambiguïté dans le rôle que le privé doit faire. Il ne doit pas toucher à l'application du Code criminel.

n(20 h 30)n

Je pense, et c'est inciter la commission à une grande prudence ? que, si les pouvoirs ne sont pas clairs... et ils sont déjà bien définis dans les lois, au niveau de l'article 494 du Code criminel, dans l'article 30 du Code criminel et dans l'article 41 du Code criminel, au niveau de la protection des biens, celui de la paix... Comment il s'appelle, Benoît, le terme de l'article 30, le terme...

M. Ducharme (Benoît): Violation de la paix.

M. Gariépy (Jean-Pierre): La violation de la paix, et l'article 94 qui traite des arrestations sans mandat, du flagrant délit.

Alors, je pense que, quand on est... C'est déjà très bien campé, et ils ne doivent pas dépasser ces pouvoirs-là. Plus les pouvoirs se rapprocheront de celui de la police, plus il va y avoir risque de confusion, et le risque va devenir énorme à ce moment-là. C'est se placer, je pense, dans une situation fort litigieuse et embarrassante, s'il fallait que les pouvoirs soient à ce point près l'un de l'autre qu'on ne sait plus qui a vraiment la juridiction. L'objectif est que le citoyen s'y retrouve aussi entre le privé et le public. Alors, pour ça, il faut que ce soit clair.

L'enquête de validation ne doit pas dépasser la frontière pour pouvoir entamer des procédures judiciaires; ça ne doit pas dépasser cette frontière-là. On peut faire la validation sur un paquet de choses, on peut faire une validation sur un paquet de fraudes, sur le comportement d'employés à l'intérieur d'une compagnie, sur le comportement de clients sur l'intérieur d'un grand plancher, mais, dès qu'on va en procédure judiciaire, ça doit être transféré aux autorités policières.

Si ces juridictions sont claires et bien respectées, je pense, M. le ministre, que la loi irait dans le sens qui serait intéressant, autant pour le privé. Vous savez, en rencontrant ces gens depuis plusieurs années, ils ont déjà fait des rencontres, ils ont déjà fait des colloques, ils ont déjà fait des congrès pour essayer d'obtenir une espèce de loi-cadre qui viendrait définir un paquet de choses à l'intérieur du privé. Il y en a qui vont parler de formation, il y en a qui vont parler d'uniformes, il y en a qui vont parler justement de juridiction. Il y a probablement certains d'entre eux ou d'entre elles, des compagnies, qui pourraient se présenter devant vous et dire: Bien, on voudrait... on a la capacité; d'ailleurs, notre organisation est composée à 90 % d'ex-policiers. On sait que dans la sécurité privée beaucoup de policiers, quand ils quittent leur emploi, prennent leur retraite et s'en vont dans le milieu du privé. Autant ils détestaient le privé au moment où ils étaient publics, autant, maintenant qu'ils deviennent privés, ils souhaiteraient avoir les pouvoirs du public.

Alors, c'est pour ça qu'il faut être prudent. Ces gens-là viennent parler avec un intérêt. Leur intérêt...

Une voix: ...

M. Gariépy (Jean-Pierre): Bien, oui, absolument. Quand ils étaient sur un côté de la clôture...

M. Chagnon: Yves Prud'Homme attend justement, là. Ce ne sera pas long, ça va arriver.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gariépy (Jean-Pierre): T'en vas-tu dans le privé?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Ce ne sera pas un syndicat du privé, par exemple.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Bon. Un des autres termes, c'est qu'il ne devrait y avoir aucune répression de permise au secteur privé. Ça vient enlever encore une fois l'ambiguïté.

Au niveau... comme le temps me presse, au niveau de la vérification des antécédents...

Le Président (M. Simard): M. Gariépy...

M. Gariépy (Jean-Pierre): Oui?

Le Président (M. Simard): Le temps est écoulé. Alors, si vous voulez arriver à une brève conclusion...

M. Gariépy (Jean-Pierre): Bon, au niveau de la conclusion...

Le Président (M. Simard): Vous aurez l'occasion de vous exprimer au cours des 40 prochaines minutes.

M. Gariépy (Jean-Pierre): C'est bien. Alors, c'était la reprise des termes.

L'applicabilité de la loi: pouvoir exclure naturellement les gens qui sont selon nous en mode service et non en mode profit.

La juridiction et les pouvoirs bien campés dans la loi qui vont faire que les gens du privé n'iront pas transgresser le secteur public, dans lequel d'entrée de jeu j'ai expliqué la mission de la police, qui est bien cadrée dans une loi, dans la Loi de police à son article 48. Alors, on dit: Le privé ne devrait pas faire ces choses-là.

La vérification des antécédents. Je pense que la vérification doit se faire, autant des agents que des agences, et je pense que ça doit être fait par une organisation policière, de préférence la Sûreté du Québec dans ce cas-ci, parce qu'ils ont des banques de données policières qui appartiennent strictement à la police.

Et on pourrait parler des motards et de terrorisme, qui sont des secteurs... dans les banques de données générales dans lesquelles on ne retrouvera pas certaines données. Donc, la Sûreté du Québec devrait avoir ce mandat.

Et, au niveau de la confusion d'identification, encore une fois on pense que... nous, dans notre jargon, on dit bien plus la confusion que l'identification. Mais il serait bien intéressant ? même si souvent c'est plate à entendre ? que ce soit clair. Si on a de la difficulté à légiférer au niveau de l'identification de l'entreprise privée, à tout le moins qu'on le fasse pour la police, que la police ait une couleur une fois pour toutes puis qu'on passe à autre chose, mais qu'en quelque part le citoyen sache que, quand c'est cette couleur-là, c'est la police, et quand c'est l'autre couleur ou toutes les autres couleurs, ça pourrait être du privé. C'est peut-être difficile pour vous de légiférer au niveau justement du secteur privé, dans le bleu, blanc, vert, jaune, mais, au niveau de la police, je pense que ça serait facile, M. le ministre, si une fois pour toutes quelqu'un disait: Bon, bien, vous autres, la police, c'est comme ça que vous allez vous habiller, puis ça vient de s'éteindre, ça éviterait un paquet de conflits à l'intérieur des juridictions justement du privé et du... juridiction à l'intérieur des polices même.

Le Président (M. Simard): Ça dépend quelle couleur... Alors, je vous remercie, M. Gariépy. J'ai remarqué votre prudence de ne pas dire quelle couleur devrait être la couleur du...

Une voix: Ça dépend...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Alors, j'invite tout de suite le ministre à vous adresser les premières questions.

M. Chagnon: M. le Président, je vous remercie beaucoup. Je m'excuse du retard... C'est ma semaine des excuses, hein? Je m'excuse du retard...

Le Président (M. Simard): Il faut les faire au bon moment, M. le ministre.

M. Chagnon: Voilà. Alors...

Une voix: Mais pas trop souvent, M. le ministre.

M. Chagnon: Non, mais quand même, quand même, c'est correct. C'est comme ça quand on a été bien élevé, hein?

Des voix: Ah! Oui, bien...

M. Chagnon: Enfin, ma mère disait parfois que j'étais un malappris. Mais ça, c'est une autre question.

Alors, je remercie les membres de l'ADPQ d'être avec nous ce soir, et évidemment j'ai lu votre mémoire avec... j'ai appris quelque chose. Je ne savais pas que vous aviez autant de groupes qui n'étaient pas des policiers à l'intérieur de l'ADPQ, et ma première question évidemment que je veux vous poser, j'aimerais que vous précisiez pourquoi les gens qui viennent du secteur public ou parapublic ne devraient pas être assujettis à cette loi.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Ces gens-là ne se retrouvent pas... selon eux, quand ils nous parlent, ces gens-là ne se retrouvent pas dans le secteur privé. Ils ne s'y retrouvent pas parce qu'ils n'ont pas la même mission. Ils font de la sécurité. Souvent, on pourrait définir ça comme une sécurité privée, parce que vous avez, bon, à Loto-Québec, il y a une agence... bien ils ont leur sécurité privée dans les casinos, mais ces gens ne s'y retrouvent pas parce qu'ils ne vont pas sur le marché vendre des services. Ce n'est pas pareil, c'est une formation bien spécifique à un secteur bien donné, et ils ne vont pas faire autre chose que ce qu'ils ont à faire, et, en plus, ces gens sont déjà régis, comme je l'ai dit tantôt, par un paquet...

M. Chagnon: Est-ce qu'ils ont une formation spéciale?

M. Gariépy (Jean-Pierre): Ils ont une formation spéciale, oui.

M. Chagnon: Quel genre de formation ont-ils?

Mme Gariépy (Jean-Pierre): Je ne pourrais pas... M. le ministre, je ne voudrais pas vous induire en erreur, ni la commission, mais, de nos dires, ces gens-là ont une formation, semble-t-il, assez pointue, assez avancée, et c'est fait aussi en collaboration avec l'École nationale. Ils ne vont pas à l'École pour se former, c'est fait en collaboration avec... comme conseiller, au niveau de l'École nationale, sur la sécurité dans les casinos, ou la formation des... non pas la sécurité dans les casinos, mais la formation des gens qui travaillent en sécurité dans les casinos.

M. Chagnon: Est-ce que ça...

M. Gariépy (Jean-Pierre): Ils ne se retrouvent pas dans ce secteur-là.

M. Chagnon: Est-ce qu'il ne serait pas nécessaire, dans le cas où on aurait besoin... dans le cas où il y aurait un cyclisme... ou un cataclysme plutôt... «Cyclisme»!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: ...un cataclysme, un cataclysme qui ferait en sorte, qui ferait en sorte qu'on ait besoin de tout le monde ici, au Québec, de pouvoir avoir... pouvoir compter sur ces gens-là lorsque, par exemple, on aurait, disons, un tremblement de terre ou quelque chose comme ça?

M. Gariépy (Jean-Pierre): Il y a des dispositions dans la loi qui permettent le constable spécial, et ces dispositions-là pourraient servir et être utilisées au moment d'un cataclysme quelconque qui pourrait arriver. Vous savez, en période d'inondation, on a beaucoup de difficultés à avoir de l'assistance de l'extérieur.

M. Chagnon: J'allais vous en parler, justement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Il me semble qu'on a vécu quelque chose ensemble il n'y a pas bien longtemps, puis on cherchait du monde. Alors...

M. Gariépy (Jean-Pierre): Oui, on cherchait du monde, et vous avez vu comment c'est compliqué d'avoir de l'aide de l'extérieur. Même si les gens sont de bonne foi, juste d'avoir le O.K. pour utiliser les bras ? parce qu'on avait besoin de bras ? c'était difficile avec un autre gouvernement pour obtenir de l'aide.

M. Chagnon: C'est pour ça que de pouvoir... en tout cas, pour le ministre de la Sécurité publique, de pouvoir compter, du moins s'assurer que ces gens-là existent, savoir qu'il y a une banque, qu'on puisse compter dessus, ça a une certaine importance, et on pourrait toujours les rappeler en cas d'urgence. À partir du moment où ils sont exclus de la loi, ils disparaissent un peu dans le décor.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Mais ces gens-là exclus dans la loi sur la sécurité privée, dans le cadre d'une loi qui va venir régir, réglementer les gens du secteur privé qui... actuellement, ça pousse comme des champignons; n'importe qui demain matin qui décide à peu près ? à peu près ? de vouloir s'en aller dans la sécurité privée... je m'en vais, moi, aux institutions financières, je me lève un permis, j'ai quelques petites réglementations à faire au niveau du service des permis de la Sûreté du Québec, bien c'est très minime comme vérifications ou comme besoins, et me voilà parti sur le marché. Et il n'y a absolument rien qui vient encadrer soit la formation soit l'habileté des gens à faire xyz de travail, que ce soit en filature, en surveillance ou en... il n'y a rien qui vient encadrer, absolument rien qui vient encadrer le secteur privé, et ces gens-là souhaitent ces choses-là.

n(20 h 40)n

Aujourd'hui comme demain, pour répondre à votre première question ou à votre première interrogation, si on avait à utiliser des gens du secteur privé si jamais il arrivait des cataclysmes quelconques... on les utilise déjà dans bien des activités à caractère social. On va utiliser des agences de sécurité privée, mais avec une fonction qui n'est pas sur le terrain public. Exemple, je m'explique: à certains moments, lorsqu'il y a des activités à caractère social, la Saint-Jean-Baptiste, on ferme la rue principale par résolution de conseil, la rue est fermée de telle place à telle place. On met une estrade, il y a des musiciens qui viennent jouer. À l'intérieur de la clôture du secteur fermé, on va utiliser les gens du privé qui vont faire, bon, l'accès avec le billet, ils vont surveiller les bancs, ils vont surveiller les installations pour ne pas que les gens montent sur l'estrade pendant que les artistes sont après performer. Bon, bien, ça, c'est un service d'ordre qui est tout à fait correct. Donc, c'est complémentaire, c'est une complémentarité à notre travail.

On les utilise déjà, ces gens-là. Si on était en mode cataclysme, on pourrait les utiliser aussi, mais dans des fonctions qui sont complémentaires à la police. Ils n'auraient pas à voir, encore une fois, à l'application de lois. On pourrait tout simplement les assigner à des fonctions bien différentes: de surveillance, de contrôle, de mécanismes semblables.

M. Chagnon: Une autre des choses qui apparaissent un peu particulières dans votre mémoire, c'est le fait que vous considériez que les agents de sécurité ne devraient pas, lorsqu'ils trouvent, par exemple, un acte criminel ou lorsqu'ils découvrent un acte criminel, en faire part à la police comme telle. Je trouve ça un peu particulier.

M. Gariépy (Jean-Pierre): C'est comme n'importe quel citoyen. Si vous vous faites voler votre bicyclette dans votre cour, le troisième petit voisin est allé voler votre bicyclette, vous décidez de ne pas appeler la police parce que vous avez recouvert votre bicyclette, c'est la même chose. Le propriétaire d'un magasin à grande surface, Réno-Dépôt, se fait voler des boulons. Son agence de sécurité arrête l'individu qui a volé les boulons. Les gens de Réno-Dépôt décident de ne pas porter plainte, ils n'ont pas à nous en faire part. Il récupère son bien puis il décide de laisser aller. C'est pareil comme vous et moi, si on se fait voler notre bicyclette par le troisième petit voisin, ce n'est pas plus grave que ça.

Toutefois, si ça touche un tiers, ça devient différent, et je m'explique: Si la caissière est après frauder quand vous passez avec votre carte de crédit, ça n'a plus affaire avec Réno-Dépôt et avec sa mission, là, c'est son employée qui est après frauder un client. Or, ce n'est plus pareil; ça, c'est une obligation de nous le rapporter. Si la cliente, elle, qui s'est fait frauder décide qu'elle ne veut pas porter plainte, bien là on revient à la case départ, la même chose que les boulons ou votre bicyclette et ma bicyclette. Elle ne veut pas porter plainte, dossier clos, on n'en parle plus. Ils n'ont pas l'obligation de nous le rapporter. Et c'est comme ça que ça se passe aujourd'hui. Toutefois, si dans la plupart d'entre elles actuellement ces compagnies-là décident de procéder au niveau judiciaire, ils ont l'obligation d'appeler la police et de nous donner les éléments de preuve qu'ils sont ramassés, et c'est à nous de procéder par la suite.

M. Chagnon: Que feriez-vous avec un cas, par exemple, de vente de drogue dans une entreprise? C'est un peu différent d'une bicyclette, là.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Oui, ça devient un petit peu plus complexe. Dans les discussions que nous avons eues encore une fois ensemble, on a touché à cet aspect-là. La vraie bonne réponse, je ne suis pas sûr que je vais vous la donner. Je vais vous donner une réponse qu'on a obtenue ensemble et qu'on dit: Bien, regarde, dans ce cas-là, ça devrait procéder de cette façon. Le risque que nous avons, c'est qu'il y a des compagnies actuellement qui vont faire appel au secteur privé plutôt qu'à la police parce qu'ils pensent qu'à l'intérieur de leur compagnie il y a des employés qui font de la vente de drogue ou qui utilisent la drogue.

Lorsque l'agence de sécurité privée valide cette information-là, la compagnie prend une décision, disent à l'employé: Regarde, on t'a vu, là, avec tes joints ou ta coke, ou etc. Alors, c'est dehors, mon ami. Ils prennent ça puis ils jettent ça dans les toilettes puis ils flushent ça. C'est ce qui peut se passer. Et on pense qu'à ce moment-là ça ne devrait pas se faire, parce qu'on est face à... Nous sommes régis, nous, comme policiers. Si on est en présence de drogue, il y a un mécanisme extrêmement rigide qu'on doit suivre pour la destruction de la drogue, qui doit être relié à des dossiers, etc., et on doit passer au procureur de la couronne pour savoir s'il y a des accusations ou non qui seront portées.

Alors, ce serait difficile pour nous de dire que, ici, à cette Assemblée... puis dire: Bien non, ils devraient tout jeter ça, puis c'est correct qu'ils flushent ça. On pense que, quand ça n'a pas affaire avec la mission de la compagnie, si c'est de produire du pain, si ça a affaire avec son pain, elle décidera ce qu'elle fait avec son pain, mais, si c'est autre chose, elle devra avoir l'obligation de le rapporter à la police.

M. Chagnon: Alors, votre formule, ce serait quelque chose comme: ce n'est pas trop grave pour le vol à l'étalage chez Wal-Mart parce qu'on vend de n'importe quoi? Sauf de la drogue, en principe, mais, de la drogue, ça, ça ne marche pas?

M. Gariépy (Jean-Pierre): En fait, la drogue, c'est parce que c'est un mot qui nous sonne un petit peu au cerveau d'une façon différente, mais tout ce qui n'est pas sa raison d'être, la compagnie. Si elle prend un de ses employés à voler dans le casier d'un autre employé, ce n'est pas la raison d'être de la compagnie. Donc, c'est un tiers encore une fois qui est touché. Ça ne devrait pas se régler à l'intérieur des murs, parce qu'il y a un tiers, ça n'a rien à voir avec la raison d'être.

J'espère que je me fais bien comprendre quand j'explique cette situation-là. Ce n'est pas sa vocation à elle de fouiller dans les casiers de ses employés. Alors, s'il y a un de ses employés qui est pris en flagrant délit après voler, bien, à voler, après fouiller dans les casiers d'un autre collègue, donc on peut présumer qu'il est après commettre un vol, ça devrait être rapporté à la police, c'est à la police à agir.

L'enquête de validation par le privé peut se faire en termes d'une surveillance qui les amène à constater qu'un autre employé se fait voler dans ses casiers. Mais, dès que c'est constaté, ça devrait être rapporté à la police. Il ne devrait pas y avoir d'exclusion quelconque ou d'immunité quelconque.

M. Chagnon: M. le Président, j'ai des collègues qui veulent poser d'autres questions, mais ma dernière serait la suivante. Vous désirez faire partie du partenariat: Est-ce que vous pourriez m'expliquer comment vous voyez le partenariat, avec le dossier que nous avons devant nous?

M. Gariépy (Jean-Pierre): J'ai abordé un petit peu tantôt le... j'ai parlé de complémentarité; or, c'est une façon de voir. Et là je pourrais amener une série d'exemples pour bien me faire comprendre.

Je parlais tantôt des institutions financières. Les banques, les caisses populaires ont actuellement dans des agences corporatives, là... c'est corporatif, là, leur chose, ils ont des enquêteurs qui font de la validation au niveau des fraudes, ils ont de la validation au niveau... ils font faire de la validation au niveau... souvent ils vont nous aider même dans des cas de vols à main armée, souvent par des moyens que nous n'avons pas, la police; ils vont nous aider, ce que j'appelle la complémentarité, à travailler dans des choses...

On a vu, au niveau de Brink's ou de Sécur, des vols à main armée fort importants, et ça provenait de l'interne, et les agences de sécurité de ces compagnies-là ont travaillé avec nous par de l'infiltration pour réussir à nous aider. Donc, c'est de la complémentarité: ils devenaient des témoins qui étaient assignés à la cour par la police, mais...

M. Chagnon: Dites-nous pas des choses de même! On a entendu les gens de Brink's il n'y a pas longtemps, ils nous ont confié que la qualité de leurs employés faisait en sorte que tout ça était impossible, hein, n'est-ce pas?

M. Gariépy (Jean-Pierre): Bien là je dirais que celui qui oublie le passé est condamné à le revivre, là. Ils ont oublié le passé; ça ne fait pas si longtemps que ça.

Une voix: ...une semaine de formation, dans le mémoire.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Oui, j'ai entendu la «semaine de formation». Je pense que ça devrait être plus sérieux que ça. Mais c'est une complémentarité à la police.

n(20 h 50)n

J'ai abordé aussi tantôt sur... quand on fait du service d'ordre, le désordre appartient à la police, le maintien de l'ordre appartient à la police, mais le service d'ordre peut se faire par le secteur privé. Et qu'est-ce qu'est le service d'ordre? On prend comme exemple, il y a... dans mes jeunes années de policier, on avait l'obligation de faire toutes les escortes des véhicules larges sur les routes. On prenait la Transcanadienne et de poste en poste il fallait qu'on s'appelle, là, bon, pour faire de l'escorte, jusqu'à ce que quelqu'un un jour décide: ça n'a pas de bon sens qu'on fasse ça. Il y a une auto de police dans 50 milles de rayon, puis la voilà qui est prise puis elle va faire une escorte, ça n'avait pas de bon sens. Puis là on se disait: Bien, je ne suis pas sûr que... c'est du service d'ordre, ça. Ce n'est pas le maintien de l'ordre, ce n'est pas d'aller travailler sur du désordre. Alors, bon, un service d'ordre, ça pourrait être fait par le secteur privé, et là aujourd'hui, bien, on voit des agences qui se spécialisent dans l'escorte de véhicules larges et lourds et qui font ça, c'est tout à fait correct. Alors, c'est complémentaire.

Le Président (M. Simard): Alors, j'invite...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gariépy (Jean-Pierre): J'ai bien spécifié «de véhicules lourds», j'ai bien spécifié «de véhicules lourds».

M. Chagnon: Vous avez bien fait, vous avez bien fait.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Je rappelle aux membres de la commission que nous devons rester sérieux jusqu'à minuit. Et j'invite le député de Trois-Rivières à poser la prochaine question.

M. Gabias: Je vais essayer de faire en sorte de ne pas exiger du député de Marguerite-D'Youville de s'excuser.

Alors, M. Gariépy, je trouve intéressant, là, ce que vous avancez en ce qui concerne la commission d'un acte criminel constatée dans une entreprise privée, disons, par un service privé et l'espèce de distinction que vous souhaiteriez, à savoir que, dans la mesure où l'acte criminel concerne un bien d'entreprise privée, lui laisser un certain choix de dévoiler ou non, alors que, s'il s'agit d'un acte criminel, disons, à l'égard d'un tiers, que l'obligation demeure. Vous conviendrez que c'est bien difficile, cette obligation-là, de dévoiler: dans la mesure où on ne dévoile pas, c'est impossible ou à peu près de constater l'infraction, on s'entend là-dessus.

Est-ce qu'on ne doit pas prévoir également... évidemment, je n'ai pas d'opinion sur la faisabilité de ce que vous proposez ou du moins avancez, mais est-ce qu'on ne peut pas penser surtout à une obligation pour l'entreprise privée ou l'entreprise de sécurité privée, une espèce d'obligation de ne pas pouvoir opter pour une solution autre que de dévoiler aux corps policiers?

Autrement dit, si c'est une infraction sur ses propres biens, donc l'obligation de dévoiler n'existant pas, il peut à partir de ce moment-là décider lui-même de trouver un correctif et de proposer une peine, une amende, une indemnisation. Est-ce que ce n'est pas là laisser une ouverture qui peut être extrêmement dangereuse? À moins de vraiment baliser ça en disant: Bien, si l'entreprise privée ou l'entreprise de sécurité privée choisit de ne pas dévoiler, il ne peut pas y avoir d'alternative autre. Il ne dévoile pas, puis ça finit là.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Elle ne dévoile pas quand ça la touche, elle. En fait, c'est pour ça que j'amenais l'exemple de la bicyclette chez moi. C'est la même chose chez moi. Je veux dire, si mon petit voisin prend sa canisse de peinture, fait des graffitis sur mon garage...

M. Gabias: Si vous l'obligez à venir réparer le graffiti sur votre garage sans que vous le dévoiliez, il n'y a pas le risque que ça se produise dans l'entreprise privée?

M. Gariépy (Jean-Pierre): En tout cas, c'est la nuance qu'on a trouvée, de dire que, lorsque tu es propriétaire du bien, si tu décides de poursuivre et d'aller de l'avant dans le cheminement critique, c'est que... Bon, il arrive un incident, tu te fais voler. Tu as un choix, O.K.? Alors, tu demandes une validation par une agence de sécurité privée. Tu dis: Ah! il y a quelque chose qui se passe dans mon entreprise, je n'aime pas ça. Tu appelles une agence de sécurité, elle s'en vient. Ces gens-là sont là par infiltration ou par toutes sortes de moyens mécaniques des fois, de caméras, etc., de surveillance, décident de regarder un peu ce qui se passe. Oup! On vient de se rendre compte qu'un de nos employés nous vole des biens qui nous appartiennent. Alors, on dit: Si le bien t'appartient, tu as une décision à prendre: Est-ce que tu veux aller en procédures judiciaires? Si tu vas en procédures judiciaires, l'objectif, nous, ce n'est pas la compagnie, c'est le secteur privé.

On dit au secteur privé: Tu ne vas pas en procédures judiciaires, tu es obligé d'aller vers la police. C'est ce qu'on dit. Parce que, dans le fond, ce n'est pas la compagnie dont on veut légiférer, c'est le secteur privé. Alors, si le secteur privé est appelé, le secteur privé, sa juridiction ou son mandat doit être strictement une validation des faits. À partir d'un fait qui est validé: Oui, monsieur, vous vous faites voler vos pains, vous vous faites voler vos pains. Vous avez une décision à prendre: Est-ce que vous voulez procéder ou si vous voulez régler ça à l'interne?

Dans la plupart des cas, ils font venir l'employé puis ils disent: Regarde, mon bon ami, tu signes ici, voilà ton 4 %. Bonjour, c'est fini, on t'a eu. C'est comme ça que ça se fait dans la plupart des cas. À de rares exceptions, ils vont décider de procéder devant les tribunaux.

On dit «nous» parce qu'on est en mode secteur privé ici. Si le privé dit: Bien, écoutez, c'est une affaire banale, on aurait intérêt, nous autres... Ça va décharger la police, ils ont trop d'ouvrage, c'est nous autres qui devraient faire ça. Nous, on dit non, on ne veut pas ouvrir une brèche grande comme ça.

Ça, l'application de la loi, l'application du Code criminel, c'est clair, ça appartient à la police. Alors, si le privé, qui dans le fond est une extension du propriétaire du bien, il vient juste lui confirmer que, oui, c'est vrai, tu te fais voler, oui, c'est un tel de tes employés qui te vole, ah! O.K., on va procéder au criminel, appelle la police. C'est ce que je vous dis.

Quant à l'obligation morale, maintenant, qu'a la compagnie, bien ça, c'est un autre débat. Si la compagnie dit: Bien, est-ce que tu as l'obligation? D'où on le voit aujourd'hui comme n'importe lequel des citoyens... C'est moi qui décide si je veux bien rapporter un vol chez moi que mon petit voisin a fait ou si je ne veux pas le rapporter. Je n'ai pas d'obligation de rapporter mon vol.

Le Président (M. Simard): Là-dessus, nous allons passer aux questions de l'opposition. J'invite la députée de Prévost à poser la première question.

Mme Papineau: Je vous remercie, M. le Président. Messieurs, bonsoir. Je vous ramène quand vous avez dit que... vous avez parlé qu'il y avait eu une enquête, par exemple, à l'interne... Il y avait un vol à l'interne, et vous avez dit: C'est même l'agence de sécurité privée qui nous a aidés à l'interne pour faire l'enquête en complémentarité.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Oui.

Mme Papineau: Je vais vous dire que c'est la première fois que j'entends ça ici, à cette commission parlementaire, parce que la plupart du temps, je vous dirais presque tout le temps, c'était: Pas question qu'une enquête se fasse par les agents de sécurité à l'interne, qu'il fallait que ce soient des policiers. Je dois vous dire, c'est... Je ne sais pas si vous le savez, mais, comme je suis une ex-détective privée, c'était très doux à mes oreilles de vous entendre tantôt.

M. Gariépy (Jean-Pierre): ...y avoir des puristes ici, là, je ne sais pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Papineau: Ah! Attention! Je dois vous avouer que depuis le début de cette commission il n'y a personne qui est venu nous dire qu'il y avait une complémentarité entre les enquêteurs privés... Je parle de vol à l'interne, comme vous m'avez mentionné tantôt, là, que l'agence de détectives privés, d'agents privés vous aurait aidés ou en tout cas aurait été complémentaire à votre enquête au criminel. Est-ce que c'est bien ça que j'ai compris?

M. Gariépy (Jean-Pierre): C'est bien ça que vous aviez compris, oui, tout à fait. C'est bien ça.

Mme Papineau: Est-ce qu'il y a d'autres exemples comme ça que vous pourriez me donner qui feraient...

M. Gariépy (Jean-Pierre): Oui, oui, bien sûr, bien sûr.

Mme Papineau: ....contraste, parce que, je vous le dis, depuis le début...

Une voix: Vous avez bien compris qu'on va aller voter.

Une voix: On va aller voter...

M. Gariépy (Jean-Pierre): Bien sûr, bien sûr!   

Mme Papineau: Ah! chocolat!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Alors, nous allons suspendre pendant quelques minutes...

Mme Papineau: Il faut aller voter.

Le Président (M. Simard): ...salon bleu. D'ailleurs, c'est notre devoir de député. Vous nous excusez, nous revenons le plus tôt possible.

(Suspension de la séance à 20 h 59)

 

(Reprise à 21 h 20)

Le Président (M. Simard): Alors, nous allons poursuivre nos travaux. Nous nous excusons, MM. les directeurs, mais les exigences de notre travail de député font en sorte que parfois nous devons aller voter là-haut.

Nous en étions à 18 min 30 s, donc, des questions de l'opposition officielle. Alors, il vous reste deux minutes, madame.

Mme Papineau: Juste deux minutes?

Le Président (M. Simard): Pardon, excusez. C'est l'inverse.

Mme Papineau: Ah!

Le Président (M. Simard): Il vous reste 18 min 30 s, madame. Je trouvais que vous aviez été brillante et rapide.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Le temps m'avait paru tellement court.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Papineau: Mais j'avais posé ma question. Je pense que vous vouliez me répondre, là, sur l'aspect où il y a...

Le Président (M. Simard): Voulez-vous qu'elle répète la question?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Papineau: Non...

M. Chagnon: Sur votre temps.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gariépy (Jean-Pierre): Oui, il peut y avoir complémentarité dans bien des cas. Des exemples, il y en a beaucoup. Prenez... Je pense que la plus facile demeurera toujours celle des institutions financières. Les banques, qui à un moment donné sont après vérifier un aspect dans une succursale et se rendent compte qu'un employé ou le directeur de la succursale commet des fraudes importantes, alors eux sont après regarder ces éléments-là. Quelqu'un pourrait dire: mais ça s'apparente à une enquête criminelle. Oui, dans un sens, si, rendu au bout de la validation du dossier, on se rend compte que, oui, le fameux directeur de la succursale effectivement fait des virements de fonds illégaux. Mais c'est qu'à partir du moment où ils ont assez de motifs et ils sont convaincus que le directeur en question est frauduleux ils viennent vers la police, et c'est complémentaire au travail de la police.

La police reprend ces éléments d'enquête et, un à un, va avec un mandat de perquisition chercher les fameux comptes en question, alors que les gens de la sécurité interne, corporative des caisses populaires, à titre d'exemple, n'ont pas besoin de mandat; eux, ils sont dans leurs propres livres. Mais, à partir du moment où nous sommes mis au dossier et que nous accumulons la preuve criminelle, nous allons avec un mandat chercher les fameux documents en question et nous bâtissons notre preuve naturellement à partir des informations et des éléments obtenus par la sécurité privée ou corporative, si vous voulez, de l'endroit. C'est un exemple.

Un autre exemple a été dans des compagnies qui ? un exemple que j'ai tout frais en tête ? qui voyaient... parce que, M. le ministre, aussi vous m'avez parlé de drogue tantôt. Chez moi, dans mon patelin, effectivement il y a une compagnie assez fort importante, là, de 2 000 employés et plus, là, qui avait un problème semblable, pensait avoir un problème semblable au niveau de ses employés à l'intérieur de ses murs, n'était pas vraiment sûre, ont fait affaire avec une agence de sécurité privée qui a fait une infiltration en mettant un de leurs employés employé de la compagnie qui, bon, découvre effectivement, appelons ça le pot aux roses, là, qu'effectivement, oui, ça se passe à l'intérieur des murs.

Ils sont partis, ils sont allés à un poste de police local, ils ont dit: Nous avons des éléments de preuve fort importants, ce n'est plus une allégation comme ça, ce n'est plus une rumeur, voyez ce que nous avons. Et la police a repris cette enquête-là avec les mêmes éléments de preuve et de la même manière que l'institution financière qui avait amené une allégation concernant un de ses directeurs de succursale. La police reprenait maintenant son enquête criminelle pour traduire devant les tribunaux. Le même phénomène se produisait, et c'est tout à fait correct que ce soit fait comme ça.

Mme Papineau: Je vous remercie. Quand, par exemple, il y a une infraction ou en tout cas un acte criminel qui est commis à l'intérieur d'une entreprise comme ça où il y a une agence de gardiens de sécurité, oui, il y a un devoir de divulgation. Qui doit divulguer, l'agent de sécurité ou l'entreprise?

M. Gariépy (Jean-Pierre): L'agent de sécurité...

Mme Papineau: Dans le cas d'un tiers.

M. Turp: Une bonne question.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Si vous me permettez, une seconde, s'il vous plaît? Il aurait selon nous l'obligation d'aller vers son employeur, et son employeur devrait avoir l'obligation de nous le rapporter. Si ce n'était pas comme ça, il mettrait... ce serait dangereux pour l'employé. En fait, il y a des compagnies qui pourraient prétendre que: Ah! tu es allé dire à la police des choses, tu aurais dû me le dire à moi.

Dans une structure hiérarchique, là, ça devrait être la compagnie responsable qui devrait avoir l'obligation de le faire et non l'employé. L'employé amène l'information à ses patrons, qui, eux, devraient avoir l'obligation de le faire.

Mme Papineau: De divulguer. Parfait.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Oui, absolument.

Mme Papineau: On a porté à mon attention une façon de faire, par exemple, dans des grandes entreprises, pour le vol à l'étalage. Puis j'aimerais vous entendre là-dessus, comment vous voyez ça.

C'est que, par exemple, quelqu'un, monsieur ou madame X fait un vol à l'étalage, on le surprend ? surtout dans le cas des enfants, semble-t-il que ça se passe ? et on appelle les parents puis on dit aux parents: Écoutez, moi, je vais... votre enfant a volé, bon, des boulons, ou peu importe l'objet volé, et, si vous me défrayez, par exemple, un 200 $, 300 $ pour mon agent de sécurité, je vais laisser tomber les accusations.

M. Gariépy (Jean-Pierre): J'ai vu ça à la télévision, probablement comme vous.

Mme Papineau: Mais c'est vrai, là, hein? Ce n'est pas de la science-fiction, là.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Oui, oui. J'ai vu ça à la télévision, comme vous. Les gens de cette compagnie-là étaient tout à fait ouverts à expliquer leur politique interne. En fait, ça demeure une poursuite civile et dans laquelle ils sont juge et partie, là, dans laquelle eux ont décidé que, bon, vous me donnez 250 $ d'amende pour tout ce que ça me comporte de problèmes, et on vous laisse aller, on ne porte pas d'accusation devant la police... on ne fait pas de plainte devant la police pour qu'il y ait des accusations qui soient portées contre vous.

J'émettrais une opinion personnelle, madame, si je répondais à ça, et non celle de l'association, qui n'a pas été consultée sur cet élément-là. Alors...

Mme Papineau: O.K. Mais, en tout cas... Je sais... Moi, je calcule que c'est une forme de chantage, de dire vous nous donnez de l'argent...

M. Turp: Je ne porte pas d'accusations.

Mme Papineau: Je ne porte pas d'accusation.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Je vous dirai que personnellement je trouve ça immoral. Mais ce n'est pas l'opinion de l'association. Je ne la connais pas, on ne s'est pas consultés sur cette position-là.

Mme Papineau: Est-ce que les services de sécurité interne, selon vous, devraient avoir des permis d'agent, des permis d'agence? Puis, mettons, je vous dirais que les... vous avez parlé tantôt des entreprises parapubliques, la SAAQ, Loto-Québec, Hydro-Québec, est-ce que vous pensez que ces gens-là devraient avoir un permis d'agence?

M. Gariépy (Jean-Pierre): Pour répondre... Je vais citer quelqu'un, une expression que j'ai entendue d'un politicien bien connu, ancien maire de Montréal, décédé maintenant: «Je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire.»

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gariépy (Jean-Pierre): Je ne pense pas que c'est à nous finalement de décider...

Mme Papineau: En parlant de politiciens, hein!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gariépy (Jean-Pierre): Ce n'est pas à nous, à l'association, de décider si Hydro-Québec devrait avoir un permis d'agence, la sécurité interne, si elle devrait avoir un permis d'agence ou non. Nous croyons au départ qu'ils devraient être exclus de cette partie-là... pas nécessairement de cette partie-là, mais devraient être exclus du projet de loi. Donc, ça ne crée pas l'obligation qu'ils aient un permis, mais, si vous décidez qu'ils aient un permis, bien nous, on n'a pas d'objection, on n'est ni pour ni contre.

Le Président (M. Simard): Bien au contraire.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Bien au contraire!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Papineau: Parfait. Moi, ça irait. Je ne sais pas si tu as des... Oui? Merci, monsieur.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Bienvenue, madame.

Le Président (M. Simard): M. le député de Mercier.

M. Turp: Mais, là-dessus, là, je veux comprendre votre raisonnement. On doit admettre que les gardes de l'Université de Montréal, de la Société de l'assurance automobile du Québec et de Loto-Québec et d'autres ne font pas de travail de sécurité publique, en quelque sorte, et ils font de la sécurité privée.

La seule raison que vous voulez les exclure de l'application de la loi, c'est qu'ils ont un lien d'emploi avec une institution publique. Et je ne vois pas la logique, là, parce que, si c'est de la sécurité privée qui n'est pas faite par un corps public, il me semble qu'ils doivent relever d'une nouvelle loi relative à la sécurité privée. Alors donc, j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus.

La deuxième chose, c'est que j'ai trouvé intéressant, puis vous pourriez nous éclairer, je crois, sur ce qui se passe, par exemple, dans des festivals comme le Festival de jazz de Montréal. Parce que ça a été rapporté à plusieurs reprises ici, on en a discuté à plusieurs reprises, avec des positions assez divergentes. Il y a des gens qui disent: Ah! la sécurité privée, ça va, c'est nous qui devrions nous occuper de cela. Les gens de la CSN, qui étaient avant vous ici, ont semblé dire: Non, non, non. Ça, ça devrait relever des autorités publiques, des corps policiers.

Alors, vous avez tout à l'heure fait une distinction qui me semble assez intéressante pour nous, distingué le service d'ordre, le maintien de l'ordre et...

n(21 h 30)n

M. Gariépy (Jean-Pierre): Le désordre.

M. Turp: ...et le désordre. Et est-ce que c'est sur cette base-là qu'on devrait décider ce qui relève de la sécurité publique et de la sécurité privée dans des espaces comme ceux qui sont occupés par des festivals de jazz et d'autres festivals de cette nature?

M. Gariépy (Jean-Pierre): Ce qu'on appelle un espace clos ou un secteur isolé ou fermé. Comme j'ai expliqué, dans certains cas de festivités, par résolution de conseil, un conseil de ville décide que sur la rue principale, de tel coin de rue à tel coin de rue, c'est fermé. Il y a des barrières qui sont mises, et c'est devenu maintenant un secteur où il va y avoir un spectacle, etc. On voit ça souvent à Montréal naturellement...

M. Turp: Devant l'esplanade de la Place des Arts, là, pendant les festivals.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Exact, exact, exact. Alors, quand c'est isolé comme ça, ça devient un secteur privé, ce n'est plus public. Le public y a accès, et c'est là qu'on dit: À l'intérieur de ces barrières, le service d'ordre peut être assuré par la sécurité privée: le contrôle pour entrer à l'intérieur, si ça prend un billet, la sécurité pour l'estrade, pour pas que les gens puissent monter sur l'estrade quand les artistes sont après se donner en spectacle. Exactement comme si vous êtes à l'intérieur d'un aréna, d'une enceinte, d'un théâtre, sauf que là il y a des murs, ça va bien, on le comprend bien. Mais, quand on est sur la rue, c'est décrété par résolution du conseil qui dit que la rue est fermée de telle date à telle date, de telle heure à telle heure. Alors, ça devient privé. La sécurité privée peut y travailler, mais sur un service d'ordre. S'il y a à l'intérieur de cette zone fermée des éléments de désordre public, c'est à la police à agir et non au secteur privé. C'est ce qu'on dit. S'il doit y avoir un maintien de l'ordre parce qu'il y a risque de débordement, oui, c'est à la police à agir. On ne devrait pas utiliser les agences de sécurité, si je vais à l'extrême, avec casques et bâtons anti-émeute pour agir parce qu'il y a un désordre à l'intérieur de ce périmètre-là. Ça ne devrait pas exister.

M. Turp: Mais est-ce que c'est la pratique actuelle? Parce qu'on nous a rapporté tout à l'heure que dans une situation à Valleyfield, là ? c'est l'exemple qui nous a été donné ? les gens qui faisaient l'ordre à l'intérieur d'un périmètre, là, bien ils étaient équipés comme des soldats puis... Et la pratique...

M. Gariépy (Jean-Pierre): Oui, on a vu ça... j'ai vu ça à plusieurs endroits, oui.

M. Turp: Et est-ce que dans ces conditions-là vous aviez de la difficulté à intervenir ou est-ce qu'il y a eu des problèmes d'assurer ce qui devait demeurer de l'ordre public, à savoir le maintien de l'ordre et le contrôle du désordre?

M. Gariépy (Jean-Pierre): Je vous dirai qu'il y a eu deux facettes. On a eu un problème syndical majeur, parce que naturellement les syndicats revendiquent. Et je pense, avec raison dans ce cas-là, que c'est au rôle de la police, et je suis d'accord avec ça, moi, personnellement aussi, que c'est à la police de régler ce désordre, ce n'est pas au privé.

Le privé fait un service d'ordre, et j'ai bien voulu camper ça dans un mode de service d'ordre, expliquer ça que, eux, ils ont un rôle de service d'ordre. Quand il y a un désordre et qu'ils avaient à repousser des foules, ce n'était pas à eux à le faire mais à la police à le faire parce qu'on s'en allait sur un désordre public. Alors, ces gens-là qui arrivaient avec les gants de cuir, les matraques 36 pouces qu'on utilise au niveau des groupes anti-émeute, ce n'est pas à la sécurité privée d'agir de cette façon-là.

M. Turp: Et ça, ça doit être régi par la loi, la loi que le ministre veut...

M. Gariépy (Jean-Pierre): Exact. Quand on est en mode de grève... Vous avez le même phénomène quand on est en mode de grève. Il y a une grève en quelque part, ils ont des agents de sécurité qui travaillent à l'intérieur des murs; ils protègent les biens à l'intérieur des murs, avec une limite. Si le désordre qui se passe à l'extérieur, qui est contrôlé dans la plupart des cas par la police anti-émeute, appelons-là comme ça, un groupe anti-émeute qui vient faire face à la situation, si ça entre à l'intérieur des murs, c'est la police qui va agir. Ce qui est arrivé dans certains cas, c'est peut-être que, dans certaines villes où il n'y avait pas assez de policiers, ou l'assistance policière a été tardive et a fait en sorte que des agents de sécurité ont aidé des policiers, bien ils ont joué le même rôle que n'importe quel citoyen serait appelé à jouer. Il faut faire juste peut-être des fois la nuance dans des exemples qui peuvent avoir été amenés. Ça se peut que ce soit ça; il faudrait voir, cas par cas, comment ça s'est passé.

Mais, oui, ça se pourrait qu'un policier est après se faire battre à terre, puis le gars, l'agent de sécurité qui est là s'en va l'aider, bien là on ne dira pas qu'il est allé... Bien non, il a fait un devoir de citoyen avant toute chose, là. C'est dans ce sens-là que je l'explique, mais sinon ce n'est pas son rôle. Si on le regarde froidement dans le contexte de la loi sur la sécurité privée, non, ce n'est pas son rôle d'aller à l'extérieur des murs avec des matraques et de protéger l'entrée de la compagnie. Non, il est à l'intérieur des murs, lui, à protéger des biens. À l'extérieur, c'est public, c'est à la police d'agir.

M. Turp: Merci.

Mme Papineau: Ça va, M. le Président?

Le Président (M. Simard): Oui, une dernière question. Il vous reste trois minutes.

Mme Papineau: Oui. Monsieur, la Fraternité des policiers est venue dénoncer le fait que le métro ? hein, le métro, qui est un endroit public ? c'était une agence de sécurité de la STM qui est là et que ça devrait être des policiers qui soient de garde ou en tout cas qui fassent le service dans le métro. J'aimerais ça, vous entendre là-dessus.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Je pense que dans... C'est très spécifique comme question et ça touche spécifiquement la police de Montréal. Alors, je sais que la police de Montréal sont ceux qui nous suivent, je pense. Je pense que c'est le directeur Sarrazin...

Mme Papineau: Oui, oui.

M. Gariépy (Jean-Pierre): ...qui va venir expliquer et qui est beaucoup plus... c'est lui qui est aux prises avec ce genre de dossier là, et je pense que c'est lui qui est... il est mieux habilité que moi à répondre à cette question-là qui est bien spécifique à son territoire.

Mme Papineau: Alors, je vais lui poser la question tantôt.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Oui, je pense que c'est plus à lui.

Mme Papineau: Alors, il va préparer sa réponse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gariépy (Jean-Pierre): L'Association des directeurs de police, on n'a pas une opinion vraiment...

M. Turp: Ah! vous n'avez pas de position là-dessus?

M. Gariépy (Jean-Pierre): On s'en parle entre collègues, mais je pense que c'est plus à M. Sarrazin de venir expliquer la position du SPVM parce que ça touche son secteur à lui. C'est lui qui est pris avec ce problème-là...

M. Turp: Bon, bien, disons...

M. Gariépy (Jean-Pierre): ...et il est ici, en plus. Alors...

M. Turp: Donc, s'il y avait un métro à Québec, par exemple...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Turp: ...ce serait quoi, votre position hypothétique, là?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gariépy (Jean-Pierre): Mais je suis aussi directeur de...

Mme Papineau: À Laval!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gariépy (Jean-Pierre): Non, j'ai besoin de Michel parce qu'on doit travailler en concertation, tous les deux, parce que, nous, le métro n'est pas encore ouvert, voyez-vous?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gariépy (Jean-Pierre): Alors, je dois m'entendre avec Michel pour dire: Comment est-ce que tu fais ça chez toi?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gariépy (Jean-Pierre): Comment est-ce que tu fais ça chez toi? Pour qu'on puisse arrimer les mêmes politiques à Laval qu'il y a à Montréal, pas créer une politique différente; on devra s'arrimer. Naturellement, s'il y a une position qui était prise par rapport à la sécurité du métro qui se fait, Laval va tout simplement s'arrimer à ce qui va se faire à Montréal, c'est bien évident, là. C'est une question...

Le Président (M. Simard): Alors, on posera la question à M. Sarrazin tout à l'heure.

Écoutez, nous sommes rendus à la fin de cette rencontre.

M. Gariépy (Jean-Pierre): Ça m'a fait plaisir.

Le Président (M. Simard): Nous nous excusons à nouveau de l'interruption. Merci beaucoup à tous d'abord de la qualité du mémoire présenté et de cet échange qui fut extrêmement intéressant.

Nous suspendons nos travaux pendant quelques minutes, et j'invite tout de suite le groupe suivant à venir nous retrouver.

(Suspension de la séance à 21 h 38)

 

(Reprise à 21 h 41)

Le Président (M. Simard): Nous avons évidemment le plaisir d'accueillir maintenant le Service de police de la ville de Montréal. Et monsieur...

Des voix: ...

Le Président (M. Simard): Le premier geste que je vais faire pour reprendre le contrôle de la salle sera peut-être d'expulser la députée de Bourget...

Une voix: Oui...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): ...mais j'hésite encore.

M. Turp: On va présenter une motion...

Une voix: Une motion de scission de la députée de Bourget.

Le Président (M. Simard): On lui demande de parler 47 minutes. Alors...

Une voix: Une motion de scission de la députée de Bourget.

Le Président (M. Simard): Alors, revenons à nos affaires sérieuses. M. Sarrazin, ça nous fait évidemment plaisir de vous avoir avec nous ce soir. Est-ce que vous pourriez nous présenter ceux qui vous accompagnent? Vous connaissez nos règles évidemment: vous avez une vingtaine de minutes pour nous résumer l'essentiel de vos propos, et vous avez pu voir qu'ensuite ça se fait de façon très collégiale et pas trop sérieuse parfois.

Service de police de la ville
de Montréal (SPVM)

M. Sarrazin (Michel): Je connais déjà quelques questions, ça va bien aller.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Alors, vous êtes prévenu.

M. Sarrazin (Michel): Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, je présente Me Suzanne Bousquet qui est la responsable des affaires juridiques au Service de police de la ville de Montréal.

Le Président (M. Simard): Bonjour, madame.

M. Sarrazin (Michel): M. Pierre-Paul Pichette, assistant-directeur et qui est le porteur du dossier de la sécurité privée au Service de police depuis déjà plusieurs années; et M. Georges-André Parent, agent de recherche chez nous et qui a fait quelques études en regard avec particulièrement les services supplétifs de police sur l'île de Montréal. Alors, c'est les gens qui m'accompagnent et évidemment qui pourront à l'occasion aussi répondre aux questions dans la période de questions parce que ce sont des gens qui possèdent vraiment la matière dont on parle aujourd'hui. Alors, ils auront le loisir de répondre tantôt. Ça va?

Alors, merci de donner au Service de police de la ville de Montréal l'occasion de s'exprimer sur le livre blanc concernant la sécurité privée. Comme c'est à Montréal que se retrouve la plus grande concentration de services de sécurité privée, nous ne pouvons que nous réjouir de cette démarche en vue d'encadrer cet ensemble de services et surtout tenter de départager les responsabilités des intervenants des secteurs public et privé.

Nous sommes plus particulièrement heureux de constater que le projet de loi tient enfin compte d'une réalité qui a été pendant des années l'exclusivité de Montréal et que nous vivons depuis plus de 30 ans sur notre territoire: celle des services supplétifs de sécurité publique. Ces services, formés autant d'agents de sécurité privée que de fonctionnaires municipaux, remplissent souvent des fonctions relevant de la responsabilité du service de police, ce qui donne lieu à des chevauchements et à une certaine confusion dans l'esprit des citoyens, qui ne sont pas toujours à même de faire la différence entre les policiers et les autres intervenants. Nous ne pouvons donc qu'appuyer la démarche proposée dans le livre blanc qui prévoit un cadre réglementaire et administratif pour toutes les fonctions et activités exercées par la sécurité privée dans les espaces publics.

Mais les études que nous avons menées sur le territoire de la ville de Montréal citées dans le livre blanc nous ont révélé que plus de la moitié de ces services de sécurité étaient assumés par des fonctionnaires municipaux et non par des agences de sécurité privée. Nous comprenons que le livre blanc sur la sécurité privée ne vise que le cadre législatif de cette industrie, mais nous souhaitons que la démarche et la réflexion du ministère de la Sécurité publique sur le sujet s'étendent aux fonctionnaires municipaux qui accomplissent des tâches qui relèvent du mandat des agents de la paix. Si le législateur ignore cette réalité, les fonctions exclusives aux services policiers que l'on interdira aux agents de sécurité privée seront remplies par d'autres intervenants dont la compétence est tout aussi limitée.

Nous sommes donc heureux de retrouver dans le livre blanc la réponse à un ensemble de préoccupations que nous avons souvent exprimées dans le passé et que nous avons soulignées il y a exactement un an lors d'un colloque international sur la sécurité publique et privée. Nous soulignions alors qu'il fallait notamment maintenir des limites tracées par la loi entre les lieux publics et les lieux privés; maintenir la division formelle du travail entre la police, qui a le mandat exclusif d'appliquer certaines lois, et les autres fonctionnaires non policiers, avec qui la police peut partager l'application d'autres lois et règlements; d'assurer que les limites imposées par la loi sont effectivement respectées par tous les acteurs en établissant des mécanismes de contrôle efficaces; établir des mécanismes de contrôle normatifs pour l'industrie de la sécurité privée; confirmer la police comme seule responsable du maintien de l'ordre, notamment en regard des uniformes et des équipements pour éviter toute forme de confusion; faire en sorte que la police soit responsable de l'encadrement et la coordination des activités; maintenir les cadres juridictionnels actuels fédéraux et provinciaux selon les champs de compétence de chacun.

C'est à juste titre que le livre blanc sur la sécurité privée rappelle que les agents de sécurité privée n'ont pas d'autres pouvoirs que ceux du citoyen ordinaire et que la répression de la criminalité ne peut relever que du champ d'intervention des corps de police. En utilisant la dénomination d'«agent civil de prévention» pour désigner les agents de sécurité privée, le ministère veut éviter toute confusion avec les services policiers, mais des zones grises semblent persister dans la définition des rôles des uns par rapport aux autres.

Le législateur est pourtant très clair quant à la mission spécifique et exclusive des agents de la paix, puisque l'article 48 de la Loi sur la police le prévoit expressément. Et, par ailleurs, l'article 69 de la Loi sur la police, auquel réfère l'article 48, traite de la compétence des corps de police municipaux en matière d'application de règlements municipaux sur les territoires qu'ils desservent.

Dans l'état actuel du droit, c'est donc le policier qui est chargé d'appliquer la loi et de veiller à la protection des citoyens. C'est d'ailleurs pour cette raison que la loi lui impose des normes sévères en matière de formation et le rend surtout imputable des gestes qu'il pose. À l'opposé, un agent de sécurité privée ne pourrait donc pas prétendre appliquer une loi, parce que ce n'est pas à lui que le législateur a confié cette mission conformément aux articles 48 et 69 de la Loi sur la police. S'il le faisait, l'agent de sécurité poserait des actes que la loi ne lui permet pas d'accomplir et engagerait par le fait même sa responsabilité civile et criminelle.

Donc, considérant la portée des articles 48 et 69 de la Loi sur la police et dans le cadre de la réforme de la Loi sur les agences d'investigation et de sécurité, il devient impératif que le ministre de la Sécurité publique précise jusqu'où il est prêt à autoriser les agents de sécurité privée à exercer des tâches jusqu'à maintenant désignées d'application policière, et ce, sans contredire la volonté que le législateur québécois a déjà exprimée dans la Loi sur la police. Quels pouvoirs le ministre peut-il confier à des agences de sécurité privée sans que celles-ci soient perçues comme des agents de la paix mais bien comme des partenaires des corps policiers?

Le Service de police de la ville de Montréal souscrit en partie aux principes énoncés dans le livre blanc et aux enjeux sous-jacents à la réforme proposée, mais certaines orientations structurelles, notamment dans les fonctions de surveillance et de maintien de l'ordre dans les lieux publics, soulèvent certaines questions de notre part. Nous prenons donc pour acquis que le livre blanc vise uniquement les agences de sécurité privée et ne s'applique pas aux services de sécurité constitués des fonctionnaires publics.

Malgré l'ambiguïté contenue à la page 47 du livre blanc qui pourrait laisser croire le contraire, nous sommes d'avis qu'une personne ne peut être à la fois un fonctionnaire public à l'emploi d'une municipalité et un agent de sécurité privée. Un passage du livre blanc porte à confusion à ce sujet, et je le cite: «Seront donc assujettis le personnel à l'emploi d'une agence de sécurité privée titulaire d'un permis, d'un service interne de sécurité d'une entreprise privée, de même que le personnel de sécurité à l'emploi d'un ministère ou d'un organisme gouvernemental ou public.»

Par conséquent, le service de police recommande que dans le cadre d'une autre réforme législative le législateur aurait certainement intérêt à examiner les tâches et pouvoirs dévolus aux fonctionnaires publics. Nous ne sommes pas en désaccord avec le fait que la sécurité privée puisse agir comme partenaire des services de police, mais il faut éviter qu'elle intervienne en parallèle, comme voie de contournement, et échappe ainsi à l'imputabilité policière, assujettie à l'intérêt public et au respect des droits et libertés fondamentales. Certaines tâches et activités relevant de ces fonctions requièrent la compétence des corps de police, et nous aurions souhaité que le législateur les identifie clairement pour ne pas en traiter dans nos commentaires.

Le livre blanc propose plutôt une solution de compromis par la voie de protocoles de services qui définiront, eux, les rôles et fonctions pouvant être exercés par les agences privées, ainsi que les modalités et la supervision des activités prévues dans ces contrats de services. En soumettant obligatoirement ces protocoles de services à l'approbation administrative du ministère de la Sécurité publique, le livre blanc agit en aval afin de s'assurer que les tâches et activités des agents de sécurité privée soient conformes aux exigences du législateur et aux mandats des corps de police.

n(21 h 50)n

Le service de police souhaiterait qu'un tel contrôle soit également exercé en amont par les corps de police responsables de l'application de la loi sur le territoire visé par le protocole. Le législateur devrait donc exiger que les corps de police concernés participent à la détermination des tâches qui pourraient être identifiées comme devant faire l'objet d'un protocole de services, à l'élaboration des rôles et responsabilités des agents de sécurité privée appelés à être partie à un tel protocole ainsi qu'à l'encadrement et à la supervision de ces activités. C'est, croyons-nous, la seule façon de s'assurer que ces protocoles respectent le mandat et la mission des services de police et que les activités générées par ces services soient compatibles avec les ressources policières disponibles.

Des raisons d'ordre légal nous incitent également à recommander que le ministère de la Sécurité publique exige que les services de police soient un intervenant direct à titre de partenaire à l'élaboration des protocoles. Malgré ces protocoles, plusieurs zones grises exigent d'être clarifiées quant aux critères déterminant quand une fonction auparavant dévolue à des agents de la paix peut être attribuée à des agents de sécurité publique.

Au sujet du transport des détenus et des jeunes contrevenants, par exemple, aucun texte de loi ne confie à des particuliers la tâche de transporter des détenus. Faut-il modifier la Loi sur les agences d'investigation et de sécurité pour leur accorder ce pouvoir? Dans la mesure où les services policiers jugeraient que les risques associés au transport de leurs détenus seraient inexistants ou n'exigeraient qu'une surveillance préventive, nous serions favorables à ce que la législation soit modifiée de manière à prévoir qu'un agent de sécurité privée puisse agir en tant qu'escorte, le tout sous réserve des protocoles à être conclus avec les corps policiers concernés. Ce service de transport préventif n'entrerait pas en conflit avec les objectifs de l'article 48 de la Loi sur la police. Cependant, pour les motifs exposés précédemment, nous souhaiterions toutefois que cette tâche continue d'être assumée uniquement par des agents de la paix dans les cas où des criminels dangereux doivent faire l'objet d'un tel transport.

Au sujet des enquêtes criminelles, le service de police est d'avis que l'enquête criminelle est une fonction qui doit demeurer exclusivement policière. Il est possible qu'un agent de sécurité privée qui n'a pas la formation, l'encadrement déontologique et disciplinaire d'un policier ignore que certains de ses gestes, même les plus banals, puissent entraîner l'exclusion d'une preuve essentielle s'il a contrevenu aux garanties juridiques prévues aux chartes. Le domaine de l'enquête criminelle étant très étroitement lié à la répression du crime et à la mission des corps policiers et considérant les critères de fonctions policières énoncés précédemment, nous sommes d'opinion que les enquêtes criminelles doivent demeurer du ressort exclusif des corps policiers et ne doivent pas faire l'objet d'une modification législative au profit des agents de sécurité privée.

Les tâches de gardiennage et de surveillance des lieux publics peuvent fort bien être exécutées par un agent de sécurité privée. Toutefois, ces tâches sont intimement liées au maintien de l'ordre et à la répression. En effet, lorsqu'il effectue sa surveillance, l'agent de sécurité privée peut être témoin d'infractions criminelles ou pénales, et c'est cette étape de son intervention qui peut susciter des problèmes quant à la nature des gestes qu'il serait appelé à poser, puisque l'agent de sécurité privée ne dispose que du pouvoir d'arrestation du simple citoyen prévu à l'article 494 du Code criminel. Pour lui attribuer d'autres pouvoirs, il faudrait modifier le Code criminel, ce qui est peu probable.

Par contre, l'application de la réglementation municipale n'exige pas toujours la compétence ou la formation d'un agent de la paix; qu'on pense, par exemple, aux règlements sur le stationnement, sur les ventes de garage, sur la distribution de circulaires, sur la propreté. Par ailleurs, plusieurs règlements exigent une expertise particulière, que les policiers n'ont pas, en matière de zonage, d'urbanisme ou d'incendie, par exemple, et leur application est habituellement confiée à des fonctionnaires municipaux spécialistes. Cela dit, le législateur peut-il et devrait-il modifier la Loi sur les agences d'investigation et de sécurité pour confier aux agences de sécurité privée le soin de veiller à l'application d'une réglementation municipale? Cette question soulève quelques préoccupations de notre part.

Premièrement, le législateur peut-il donner à des particuliers des pouvoirs qu'il a déjà confiés aux agents de la paix aux termes des articles 48 et 69 de la Loi sur la police? Tous conviennent que les policiers peuvent partager le pouvoir d'appliquer la réglementation municipale avec certains fonctionnaires publics, inspecteurs, cette cohabitation étant implicitement prévue dans la Loi sur les cités et villes.

Deuxièmement, l'application de la réglementation municipale nécessite une expertise et une expérience qui varieront en fonction des objectifs de prévention ou de répression recherchés par le règlement municipal. Certains règlements, à leur face même, apparaissent être d'application exclusivement policière. Nous n'avons qu'à songer aux divers règlements sur la circulation, aux règlements concernant la paix et l'ordre sur le domaine public, aux règlements sur la prévention des agressions au moyen de couteaux ou d'objets similaires pour comprendre que seuls les agents de la paix peuvent être autorisés à les appliquer. Même en tenant pour acquis, pour le bénéfice de la discussion, que les municipalités puissent confier l'application de leur réglementation à des agents de sécurité privée, certains domaines devraient d'office être exclus, et, pour les identifier, la notion de «fonctions policières» proposée par le juge Jacques dans l'arrêt Fraternité des policiers de la CUM inc. pourrait fort bien servir de balise, et je cite: «La fonction policière est celle qui est directement concernée par le maintien de l'ordre et de la paix publics, c'est-à-dire la mise en oeuvre des dispositions législatives ayant pour objet le maintien de cet ordre et de cette paix.» Ces restrictions démontrent que la répression sous toutes ses formes, qu'il s'agisse de réprimer les infractions... au crime ou aux règlements municipaux, relève de la compétence des agents de la paix.

Et, en conclusion, le livre blanc sur la sécurité privée vient combler un vide et propose des pistes de solution très intéressantes aux problèmes posés par la présence et les interventions de la sécurité privée dans les espaces publics, plus particulièrement sur le territoire de Montréal.

La ville et le Service de police de la ville de Montréal appuient la démarche inscrite au livre blanc visant à éviter tout débordement, tout chevauchement et toute confusion quant aux rôles et fonctions de la sécurité privée dans les espaces publics. Le service est heureux de constater que le livre blanc rappelle que les agents de sécurité privée n'ont pas d'autres pouvoirs que ceux du citoyen ordinaire et que les agents de la paix, eux, ont le mandat du législateur qui en fait les seuls pourvoyeurs de l'ensemble des activités et services de sécurité publique.

Nous souhaitons également que la réglementation qui accompagnera la loi fasse en sorte qu'il n'y ait plus aucune confusion possible entre les policiers et les autres intervenants en sécurité, tel que bien exprimé dans le rapport du Comité consultatif sur la sécurité privée au Québec, en février 2000.

Le service ne peut et ne veut pas s'objecter à ce que d'autres intervenants, dans un cadre bien défini, restreint et encadré d'activités de sécurité publique, puissent agir comme partenaires et coproducteurs de sécurité. Nous vivons cette situation sur le territoire de la ville de Montréal depuis 1972, et le protocole de services défini dans le livre blanc ne viendra dans certains cas que clarifier et réguler une situation de fait.

Pour produire les effets attendus par les orientations définies dans le livre blanc, il est essentiel que le service de police soit directement impliqué dans le processus de définition des fonctions pouvant être accomplies par les agences de sécurité privée sur son territoire, de même que leur encadrement et leur supervision; nous en faisons d'ailleurs une recommandation formelle.

Nous recommandons également que le législateur clarifie la situation des employés des municipalités ou arrondissements qui remplissent des fonctions normalement attribuées aux agents de la paix, notamment en matière d'application de règlements. Il nous apparaît essentiel que les activités de ces employés municipaux soient définies et encadrées au même titre et de la même façon, avec l'implication du corps de police, que les fonctions autorisées pour les agents de sécurité privée.

Dans l'état actuel du droit, toutefois, certaines fonctions définies comme pouvant faire partie des protocoles de services avec la sécurité privée nous paraissent difficilement conciliables avec le pouvoir des agents civils de prévention sans que la législation ne soit amendée.

Le Service de police de la ville de Montréal a toujours démontré par le passé qu'il veut et qu'il peut travailler en partenariat afin d'améliorer le sentiment de sécurité des Montréalais et Montréalaises et trouver des solutions durables aux problèmes engendrés par les incivilités et la petite criminalité. Nous appuyons donc le projet de loi proposé dans le livre blanc dans la mesure où les questions de droit soulevées seront clarifiées et que le service de police soit obligatoirement et systématiquement impliqué dans l'élaboration des protocoles de services. Merci beaucoup.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. Sarrazin. Alors, j'invite immédiatement le ministre à poser la première question.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. M. Sarrazin et les gens qui vous accompagnent, je vous salue au nom des membres de la commission.

Vous avez parlé des protocoles de services beaucoup dans votre mémoire, et vous êtes à peu près les seuls à trouver que c'est fin puis que c'est bon. Alors, c'est pour ça que... je ne m'en étonne pas, mais j'aimerais qu'on en discute un peu davantage.

Plusieurs personnes qui sont passées avant vous ont dit: Bien, le protocole de services, c'est trop compliqué, c'est trop complexe, dans le fond, on n'a pas besoin de ça. Il n'est pas nécessaire que le gouvernement vienne superposer un protocole de services, par rapport à ce qu'on a chez nous, dans notre municipalité ou dans notre coin.

Et vous, vous dites, bon: Le protocole de services peut être utile. Il vient définir, entre autres... il vient définir ce que la sécurité privée peut faire avec la sécurité publique. Pourriez-vous nous étayer un peu davantage ce que vous pensez de ça?

M. Sarrazin (Michel): Je disais tantôt que depuis longtemps... on connaît la situation à Montréal, parce que chacune ou... 25 des 28 villes de l'ancienne Communauté urbaine de Montréal s'étaient pourvues de services de sécurité publique en plus du service de police, et...

M. Chagnon: Privée.

M. Sarrazin (Michel): Publique. Ils appelaient ça «la sécurité publique»; ils émettaient des contraventions, ils faisaient respecter de la réglementation municipale.

M. Chagnon: O.K. Ah! O.K.

M. Sarrazin (Michel): Donc, c'étaient des municipalités indépendantes, et chacune des municipalités ? 25 des 28 ? sauf Montréal, Montréal-Nord, je pense, et...

M. Parent (Georges-André): Île-Dorval.

M. Sarrazin (Michel): ...Île-Dorval, bon...

M. Chagnon: Île-Dorval...

n(22 heures)n

M. Sarrazin (Michel): ...Île-Dorval ? s'était munie d'un service de sécurité publique. Pour la moitié de ces services-là, on signait un contrat avec une agence de sécurité privée. Pour l'autre moitié, c'étaient des fonctionnaires municipaux, qui étaient engagés par la municipalité, qui jouaient ce rôle-là. Et, quand on a fait le bilan de... parce qu'on a fait une étude à un moment donné, M. Parent a fait une étude, on a réalisé que ces gens-là accomplissaient un certain nombre de tâches qu'on a pu diviser à peu près en trois types de tâches. Des tâches qui par la loi étaient dévolues au service de police, mais ces gens-là le faisaient quand même. Il y a des municipalités, qu'on n'est pas obligé de nommer, mais dont les gens répondaient à des appels de bruit, répondaient à des appels qui normalement doivent être répondus par la police. Il y avait un autre type de tâches qui étaient des tâches qui peuvent être partagées. L'émission de contraventions de stationnement, par exemple, on ne veut pas être les seuls à être capables d'émettre ça, les agents de sécurité publique des municipalités peuvent très bien émettre ces contraventions-là. Ils peuvent très bien dévier la circulation. Donc, c'est des tâches qui peuvent être accomplies autant par la police que par la sécurité privée. Et il y a des tâches sur lesquelles on ne revendique aucun droit et qu'on ne veut absolument pas accomplir, du gardiennage et des choses comme ça, qui étaient aussi accomplies par ces gens-là.

Le problème, c'est que la municipalité se dotait d'un service comme ça, engageait une agence de sécurité privée ou engageait des fonctionnaires municipaux qui jouaient ce rôle-là, ne consultait absolument pas le service de police ni personne. Ils leur donnaient des responsabilités, et ces gens-là accomplissaient ça. Et, pour le citoyen, bien il y avait la police puis il y avait le service de sécurité publique. Donc, on dit: Oui, il y a des tâches... celles qui appartiennent à la police, qu'on les laisse à la police, et c'est ce qu'on dit dans notre mémoire. Celles qui peuvent être partagées, qu'on les partage, il n'y a pas de problème avec ça. Mais qu'on s'entende, et c'est pour ça qu'on parle d'un encadrement et d'une supervision du service de police. Et celles qui appartiennent à la sécurité privée ? appelons ça comme ça même s'ils appelaient ça un service de sécurité publique dans la municipalité ? bien, qu'on les laisse à ces gens-là, il n'y a pas de problème. Ce qu'on veut, c'est être partie à la négociation du protocole pour s'assurer que les tâches qui seront confiées à ces gens-là soient vraiment conformes avec les responsabilités qui leur appartiennent et qu'on ne vienne pas faire une police parallèle dans les municipalités ou les arrondissements dans lesquels ça sera fait.

M. Chagnon: Est-ce que vous pensez qu'il existe une police parallèle au moment où on se parle dans les 25 ou 26 municipalités ou arrondissements de Montréal? Oui?

M. Sarrazin (Michel): Oui.

M. Chagnon: Oui. Par contre, vous êtes ouvert à d'autres... Vous êtes d'accord pour un oui?

M. Turp: ...pas trop fort.

M. Sarrazin (Michel): Non, non, c'est oui parce qu'il y a des municipalités où les citoyens, quand ils veulent rapporter du bruit ou ont des problèmes avec leurs voisins, appellent la sécurité publique, n'appellent pas la police. Ces gens-là vont sur les lieux, et règlent des problèmes, et pénètrent dans des endroits, ils n'ont pas les pouvoirs de faire ça. Alors, oui, il y a de la police parallèle, mais qui n'est pas encadrée, qui n'est pas régie par les lois et qui ne donne pas un bon service aux citoyens, ça, j'en suis convaincu.

M. Chagnon: Et en même temps vous êtes d'accord pour faire en sorte qu'il y ait une dévolution de certaines opérations policières vers le secteur privé. Je pense, entre autres, au transport des détenus.

M. Sarrazin (Michel): Dans le cadre dans lequel on l'a expliqué. Quand on parle de transport préventif, quand on est convaincu qu'il n'y a aucun danger, que c'est quelqu'un qui ne représente pas une menace pour la société ou pour les citoyens, on ne voit pas... même la garde de détenus à l'hôpital. Mais, à partir du moment où on considère qu'il y a un potentiel de risque pour les... je pense que la sécurité des citoyens oblige que ce soient les policiers qui le fassent.

M. Chagnon: Une grande ville comme Montréal doit aussi avoir quelques problèmes au niveau des alarmes. On a parlé de ça à quelques reprises, ça doit être une question qui doit sonner un certain éveil chez vous...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: ...sonner la cloche, sonner un certain éveil chez le directeur du service de police. Quelle est la proportion... combien vous avez d'alarmes, ou de fausses alarmes... D'alarmes, d'abord, puis ensuite la proportion de fausses, on verra?

M. Sarrazin (Michel): Bien, il y a des réglementations qui ont été mises de l'avant il y a quelques années maintenant où il y a des facturations qui sont données pour des fausses alarmes. Il y a eu une diminution importante. Je n'ai pas le nombre exact et je ne peux pas vous le dire. Il y a une diminution importante, mais c'est encore une proportion très importante, là, en haut de 90 %, des alarmes qui sont fausses, là, à l'intérieur de ça.

M. Chagnon: Alors, c'est vos policiers qui y vont?

M. Sarrazin (Michel): Dépendamment avec qui le citoyen ou la compagnie est branchée, là; il y a des services de sécurité privée qui se rendent sur les lieux avant parce qu'ils sont branchés directement avec eux.

M. Chagnon: Est-ce que c'est un débat chez vous?

M. Sarrazin (Michel): Pas vraiment. Ce n'est pas un dossier dont on a parlé beaucoup au cours des dernières années.

M. Chagnon: J'ai remarqué que les services policiers de la ville de Los Angeles, non seulement les services policiers, mais aussi...

Une voix: Les services privés.

M. Chagnon: Non, les services policiers de la ville de Los Angeles passaient 15 % de leur temps ? ils sont 45 000 policiers ? à courir après des fausses alarmes, ce qui faisait en sorte que le conseil municipal de Los Angeles remettait en question largement l'idée de faire en sorte que ce soit encore le corps policier qui continue à courir après les alarmes. Et, sur 45 000, vous imaginez tout de suite, 15 % de 45 000, c'est quasiment 8 000 policiers, 7 000, 8 000 policiers, puis c'est beaucoup de monde...

M. Sarrazin (Michel): Bien, il y a des mesures, comme je vous le disais, réglementaires qui ont été prises par la ville, il y a aussi des mesures opérationnelles. Lorsque c'est une alarme de cambrioleurs, ce n'est pas une priorité 1 ou 2 chez nous, c'est relégué à une autre priorité, parce que... Mais, lorsque tu as un appel de vol qualifié ou de hold-up, là, le bouton panique, ça devient une priorité 1 à ce moment-là, et les gens se rendent immédiatement sur les lieux.

M. Chagnon: Après combien d'alarmes vous ne faites plus la vérification?

M. Sarrazin (Michel): Trois.

M. Chagnon: Trois.

M. Turp: On nous avait dit quatre...

M. Sarrazin (Michel): À partir de la quatrième, on ne répond...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Turp: C'est rendu à combien?

M. Chagnon: M. Turp est docteur en droit, pas en mathématiques.

M. Sarrazin (Michel): Il y a des avis qui sont envoyés pour... On répond pour trois, et, après ça, après quatre, la personne doit faire la preuve, si elle veut revenir dans le système, comme quoi elle a bien corrigé son système d'alarme pour éviter qu'il y ait d'autres fausses alarmes. Il y a des amendes aussi qui sont assujetties à ces réponses-là.

M. Chagnon: Vous avez aussi déterminé que les policiers devraient avoir une responsabilité afin de déterminer des fonctions autorisées dans le secteur privé, donc qui sont autorisées...

M. Sarrazin (Michel): On parlait dans le cadre des protocoles, là, ce n'était pas...

M. Chagnon: Simplement?

M. Sarrazin (Michel): Oui.

M. Chagnon: Pas plus que ça?

M. Sarrazin (Michel): Non.

M. Chagnon: Et vous confirmez que selon vos études vous arrivez à la moitié des tâches effectuées par le secteur privé, dans les municipalités de Montréal... dans les arrondissements de Montréal, qui sont effectuées par des officiers municipaux, par des fonctionnaires municipaux?

M. Parent (Georges-André): Oui, un peu plus de la moitié. Ça peut être les pompiers... ça pouvait être, parce que là il va y avoir des changements...

M. Chagnon: Mais ils font quoi, les pompiers chez vous, comme...

M. Parent (Georges-André): Par exemple, on pouvait faire de la surveillance. Ça pouvait aller jusqu'à de la surveillance dans les parcs, autrement dit qui n'avait aucun lien avec la fonction de pompier. On retrouve beaucoup de gens des travaux publics qui vont faire du gardiennage mais qui vont faire aussi de la patrouille préventive. Bref, en gros, on a constaté que très précisément 56 % de l'ensemble des activités... que ce soient des agents privés, là, des compagnies privées ou des fonctionnaires de ces villes-là... remplissaient des fonctions que remplissaient aussi les policiers. Mais je ne dis pas que c'est exclusivement policier, mais que les deux remplissaient.

M. Chagnon: C'est des gens qui n'ont pas une formation d'agent de sécurité, à tout le moins, ni d'agent de... ni surtout d'agent de la paix?

M. Parent (Georges-André): Vous connaissez la formation du privé, alors c'est tout ce qu'ils avaient.

M. Sarrazin (Michel): Les fonctionnaires municipaux, ils n'avaient pas nécessairement cette formation-là...

M. Parent (Georges-André): Même pas.

M. Chagnon: Merci.

Le Président (M. Simard): D'autres questions du côté ministériel? Pas pour l'instant. Alors, j'invite la députée de Provost à... Prévost, pardon, à poser la prochaine question.

Mme Papineau: Oui. Je vous remercie beaucoup, M. le Président. Je vais y aller avec la question que j'avais tantôt. La Fraternité des policiers dénonçait le fait que le métro, justement qui est un endroit public, il y a une agence de sécurité, la STM, et ils étaient d'avis que ça devait être des policiers qui devaient être dans le métro. Si c'était le cas, combien de nouvelles ressources humaines ça vous prendrait puis quels seraient... à quelle hauteur les coûts de ces nouvelles ressources humaines? Premièrement, est-ce que ça devrait être des policiers? Combien de policiers? Combien d'argent?

M. Sarrazin (Michel): Je vais débuter la réponse et je laisserai compléter M. Pichette, qui connaît bien ce dossier-là parce qu'il l'a travaillé depuis de nombreuses années.

Il y a dans le métro l'application d'un règlement, le règlement du transport en commun et du métro, qui est appliqué par les agents de surveillance du métro, qui ne sont pas des policiers, qui ne sont pas des agents de la paix. Et ça, c'est très bien qu'ils le fassent. Nous, on ne revendique pas ces choses-là.

n(22 h 10)n

Le problème, c'est que les agents de surveillance du métro revendiquent le statut d'agent de la paix. Ils veulent avoir accès aux banques de données policières, ils veulent être armés, ils veulent avoir du poivre de Cayenne, ils veulent avoir des pouvoirs qui appartiennent aux agents de la paix. Et notre position, où nous rejoignons celle de... On ne rejoint pas toujours celle de la fraternité, mais sur celle-là on s'entend très bien: s'il y a des gens qui patrouillent dans le métro qui sont armés et qui détiennent des pouvoirs d'agents de la paix, ils doivent travailler pour le service de police. Ce n'est pas une agence privée qui gère des gens qui ont des pouvoirs d'agents de la paix. Et, si on donnait ces pouvoirs-là à ces gens-là, ce serait une entreprise de sécurité privée, qui a été d'abord formée pour appliquer une réglementation très précise en matière de métro, qui détiendrait des agents de la paix et qui gérerait des policiers et des gens qui ont des pouvoirs de policiers.

Et notre position est très claire: si on a besoin de plus de policiers dans le métro, si on a besoin que ces gens-là détiennent des pouvoirs d'agent de la paix et soient équipés comme des policiers, bien, nous, on n'a pas de problème avec ça, mais ils doivent relever d'un corps de police, parce que c'est partout comme ça au Québec, quand des gens détiennent des pouvoirs d'agent de la paix, ils travaillent pour un service de police et ils ne travaillent pas pour une agence de surveillance. Et c'est ça qui est notre position dans ce dossier-là, et je laisserai M. Pichette compléter.

M. Pichette (Pierre-Paul): Et, au niveau de la deuxième partie de votre question, madame, au niveau des effectifs comme tels, nous sommes à définir ? un peu comme M. Parent l'a fait dans son étude au niveau des sécurités publiques dans les anciennes municipalités ? ce qui relève exclusivement du rôle du service de police, ce qui pourrait être partagé avec un service de sécurité à l'interne de la société de transport au niveau du gardiennage. Notre prétention, c'est que tout l'aspect police dans le réseau souterrain, le métro comme tel, devrait relever du service de police. Mais on n'a pas encore de chiffres précis à cet égard, nous sommes en train de travailler sur cet aspect très précis.

M. Sarrazin (Michel): Bien, c'est un dossier qui court depuis 20 ans à Montréal.

Mme Papineau: Si, par exemple, l'agence disait ? l'agence qui est dans le métro, là ? disait: Bon, bien, O.K., ça va, on va vraiment faire juste le travail qu'on devrait faire, en oubliant le travail des policiers, là, le travail policier que vous dites que des fois ils font, là, c'est ce que je comprends, est-ce que vous seriez à l'aise avec le statu quo?

M. Sarrazin (Michel): Là, on parle toujours du métro?

Mme Papineau: Toujours du métro.

M. Sarrazin (Michel): Bien, nous, en fait ce qu'ils font présentement, on est à l'aise. C'est eux qui demandent plus de pouvoirs. Nous, on n'a aucun problème avec ce qu'ils font présentement. Nos policiers vont régulièrement patrouiller dans le métro. Chacun des postes de quartier qui a des stations de métro, les policiers doivent à l'occasion descendre dans les stations de métro et aller patrouiller, où ils vont exercer la fonction d'agent de la paix. Mais, avec les responsabilités qu'ils ont... Et Me Bousquet me faisait remarquer que ce sont des fonctionnaires publics et non pas une agence de sécurité, qui sont leur titre et leur fonction réelle, mais, nous, on est très à l'aise avec ce qu'ils ont présentement. C'est qu'eux revendiquent plus de pouvoirs, et nous, on dit: S'ils doivent avoir plus de pouvoirs, ils doivent travailler pour le service de police.

M. Turp: ...employés de la STM?

Mme Papineau: Ce sont des fonctionnaires?

M. Turp: C'est des employés de la STM?

M. Sarrazin (Michel): Oui.

Mme Papineau: Surprenant, ça.

Mme Bousquet (Suzanne): Ils avaient été nommés en vertu de l'ancienne Loi sur la Communauté urbaine de Montréal, et cette loi-là prévoyait dans sa deuxième partie des dispositions concernant la Société de transport de la CUM, et cette loi-là les désignait comme fonctionnaires publics chargés de veiller à l'application du règlement sur le métro. Alors, ce sont des fonctionnaires publics, absolument, et non pas une agence de sécurité.

Mme Papineau: Est-ce que vous avez une idée de la formation qu'ils reçoivent?

Mme Bousquet (Suzanne): Non.

Mme Papineau: Non?

M. Sarrazin (Michel): Il y en a quelques-uns qui ? et je pense qu'il n'y a pas de formation obligatoire ? il y en a quelques-uns qui sont passés par l'École nationale de police, qui n'ont pas été engagés dans un corps de police et qui sont rattrapés au niveau de l'agence de sécurité, mais... Je ne peux pas vous dire, mais je ne pense pas qu'il y ait de formation obligatoire autre que celle qui est donnée par le service, la société de transport comme telle.

Mme Papineau: Dans votre mémoire, vous êtes d'avis que les enquêtes criminelles soient confiées exclusivement aux policiers. Ça, c'est dans votre mémoire.

M. Sarrazin (Michel): Exact.

Mme Papineau: Qu'est-ce que vous pensez de la notion d'enquêtes de validation que pourrait faire le privé, tel que... par l'association des policiers du Québec...

Une voix: Des directeurs de police.

Mme Papineau: ...l'Association des directeurs de police du Québec, tel qu'ils mentionnaient, là, auparavant?

M. Sarrazin (Michel): Je n'ai pas... En tout cas, je n'ai pas entendu quand ils parlaient de... Je n'étais pas là quand ils ont parlé d'enquêtes de validation. On va parler de validation avant de savoir si c'est un acte criminel ou non?

Mme Papineau: Oui, c'est ça.

M. Sarrazin (Michel): O.K.

Mme Papineau: Vous appelez ça... J'aime ça, votre nom, enquête de validation.

M. Sarrazin (Michel): Nous, on est d'avis que... Oui, bien c'est l'Association des directeurs de police qui a parlé d'enquêtes de validation. On arrivait à ce moment-là, alors je n'ai pas compris l'essentiel de ce qui a été présenté.

Mais, si on regarde, par exemple, une entreprise privée ou qui détient une agence ou un service de sécurité et qui a des doutes sur de l'argent qui disparaît, ou quelque chose comme ça, et qui... nous, on aimerait mieux parler d'enquête administrative, pour voir ce qui se passe, et on est d'avis qu'à partir du moment où ils détiennent suffisamment d'éléments pour penser qu'un crime a été commis ça devrait être transféré à un service de police.

Mme Papineau: Et si toutes les enquêtes, par exemple, administratives, mettons, étaient faites par des policiers? Est-ce que vous jugez ça pertinent que ces enquêtes-là soient faites par...

M. Sarrazin (Michel): Pas nécessairement. L'enquête administrative, c'est le droit à tout employeur de regarder chez lui ce qui se passe. S'il constate des pertes, s'il constate des choses illégales, il a le droit de regarder ce qui se passe chez lui. Mais, à partir du moment où les éléments qu'il va chercher, ça devient de nature... des preuves pour un acte criminel qui a été commis, bien là il a une responsabilité avant d'aller plus loin dans l'enquête, il a une.... S'il désire aller plus loin dans l'enquête, parce que c'est toujours le loisir de la victime d'aller plus loin et de déposer une plainte ou non.

Mme Papineau: Ces preuves que vous dites que la personne doit aller chercher, s'il le fait par l'entremise d'une agence privée, d'un détective privé, par exemple, ça aussi, vous seriez d'accord avec ça?

M. Sarrazin (Michel): Si c'est dans le cadre d'une enquête administrative, oui.

Mme Papineau: Mais, moi, j'aimerais...

M. Sarrazin (Michel): Si c'est dans le cadre d'une enquête criminelle, non.

Mme Papineau: Bien, je vais aller plus loin avec vous là-dessus...

M. Sarrazin (Michel): Allons-y.

Mme Papineau: ...parce que, moi, une enquête administrative, là, dans le sens que vous le voyez, c'est une enquête criminelle. Exemple, à l'intérieur d'une entreprise, par exemple, le propriétaire pense qu'il y a de la drogue qui se fait là, va engager une entreprise privée...

M. Sarrazin (Michel): Ça, c'est une enquête criminelle.

Mme Papineau: Allez-vous aller faire l'enquête à l'intérieur de l'entreprise?

M. Sarrazin (Michel): S'il dépose une plainte et si on a suffisamment d'éléments, on va... il y a des...

Mme Papineau: Ah oui? Mais, non, non, non, non, il ne les a pas, les éléments, encore, là. Il est à peu près sûr qu'il se passe de quoi à l'intérieur de son entreprise, il veut avoir des éléments pour aller à la police, il va engager une entreprise privée. Je vais utiliser les termes du métier, il va mettre un «undercover» sur la ligne de montage, puis là, là, l'«undercover» va arriver, va dire à l'employeur: Jos Tartampion, il passe de la coke sur la ligne à tous les jeudis matin. Moi, pour moi, c'est une enquête criminelle, ça. Mais par contre je comprends que l'enquêteur privé ne pourra pas aller voir Jos Tartampion sur la ligne puis dire: Je t'arrête. Il va aller voir l'employeur puis il va dire: Regarde, ton gars, là, il passe de la coke à tous les matins... tous les jeudis matin, à 9 heures, il a son client.

M. Sarrazin (Michel): Exact.

Mme Papineau: Puis là ça va être à l'employeur à partir puis à aller voir la police avec ça. Ça, moi, je suis d'accord avec ça. Mais, dans mon livre à moi, ça, c'est une enquête criminelle que... C'est ça que la sécurité privée va faire.

M. Sarrazin (Michel): Oui.

Mme Papineau: Merci.

M. Sarrazin (Michel): C'est une enquête criminelle, parce qu'il n'est pas victime, il n'est pas... Tout ce qui s'appelle Loi des stupéfiants, et tout ça, ça ne relève pas de la sécurité privée, ce n'est pas à eux à aller valider ces choses-là. À partir du moment où ils ont assez d'éléments pour penser qu'un crime est commis chez eux, ils doivent le rapporter au service de police.

Mme Papineau: Mais l'enquête aura été faite au départ, en tout cas la ? comment est-ce qu'on appelle ça? ? les... la collecte de preuves.

M. Sarrazin (Michel): Quand je vous dis que c'est une enquête criminelle, je ne vous dis pas par la même occasion qu'il a raison de la donner à une entreprise privée. Tout ce qui s'appelle enquête criminelle, ça devrait relever d'un service de police, et Me Bousquet me... C'est pratique d'avoir son avocat à côté!

Le Président (M. Simard): Ne sortez jamais sans votre avocat!

M. Sarrazin (Michel):«Dans le même ordre d'idées, le 17 août 1995, la Commission des droits de la personne, dans un document intitulé Surveillance par caméra vidéo des lieux de travail: compatibilité avec la Charte, profitait de ce forum pour préciser que, sur les lieux de travail, un employeur qui soupçonnait que ses employés s'adonnaient à des activités criminelles devait s'adresser aux services policiers.»

M. Moreau: Qu'est-ce que vous venez de citer?

M. Sarrazin (Michel): Commission des droits de la personne.

Mme Papineau: Donc, aussitôt qu'il a des soupçons, l'employeur se doit... quelle que soit la nature, il faut que la police... c'est la police qui doit rentrer?

M. Sarrazin (Michel): À partir du moment où il y a suffisamment d'éléments pour penser qu'un crime a été commis, il a la responsabilité de le transmettre au service de police.

Mme Papineau: Et si c'est un vol de caisses de papier de toilette?

M. Sarrazin (Michel): Bien, ça devient... Ça dépend qui est la victime. Qui est la victime?

Mme Papineau: C'est l'entreprise, toujours l'entreprise.

M. Sarrazin (Michel): Alors, il a le loisir de porter plainte ou de ne pas porter plainte.

Mme Papineau: Et là, s'il porte plainte, la police rentre dans l'usine puis vient faire enquête.

M. Sarrazin (Michel): Va venir faire enquête, c'est notre responsabilité.

Mme Papineau: Toutes les enquêtes au criminel, ça vous prendrait à ce moment-là combien d'enquêteurs de plus?

M. Sarrazin (Michel): Je ne sais pas, parce qu'on ne sait jamais combien d'enquêtes ne nous sont pas envoyées.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): M. le député de Mercier, pour la question suivante.

M. Turp: Alors, messieurs, moi, ce qui me préoccupe lorsque vous nous dites que dans des municipalités ou des arrondissements il y a des services de sécurité publique, c'est que la Loi sur la police, si j'ai bien compris, là, vous nous l'avez citée à l'article 48, dit que la sécurité publique, ça relève des corps de police. «Les corps de police ? je cite l'article 48 ? ainsi que chacun de leurs membres, ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique.» Alors, je pense que c'est la raison pour laquelle le ministre se préoccupait de ces polices parallèles.

n(22 h 20)n

Et alors comment faut-il penser la suite des choses, là? Est-ce qu'il devrait y avoir des espèces de services de sécurité policière qui maintiennent la paix, l'ordre et qui ont la responsabilité de s'occuper des infractions aux lois et aux règlements? Est-ce qu'on pourrait envisager des services de sécurité publique qui font autre chose, là, qui s'occupent des contraventions, qui s'occupent des infractions peut-être à certains règlements, le gardiennage d'édifices publics, et à côté de ces services de sécurité policière, services de sécurité publique, des services de sécurité privée qui ont d'autres responsabilités, ces trois formes de sécurité devant être réglementées, avec un partage des compétences de toute évidence plus clair que celui qui existe maintenant? Est-ce que ce serait une façon de régler ces conflits de compétence qui semblent déranger à peu près tout le monde, là, y compris votre service de police?

M. Sarrazin (Michel): À première vue, oui. Je répondrais oui à ce que vous venez de présenter comme partage de responsabilités. Les fameux services de sécurité privée, la mise en garde qu'on faisait au ministre, c'est que ce n'est pas nécessairement de la sécurité privée, c'est souvent les fonctionnaires municipaux. Et la loi telle qu'elle est décrite présentement permettrait peut-être à ces fonctionnaires municipaux là d'éviter l'application de la loi sur la sécurité privée parce qu'ils ne seraient pas visés comme agents de sécurité privée.

Mais c'est ce qu'on a présenté dans notre mémoire: il y a des fonctions qui peuvent être partagées avec des agences de sécurité privée ou des agences de sécurité publique dans les municipalités, et on peut parler de contraventions, détournement de circulation, application de certaines réglementations, gardiennage, des choses comme ça. Sur les lieux d'un incendie, par exemple, j'aime mieux voir mes policiers, moi, retourner patrouiller, répondre aux appels que dévier de la circulation ou empêcher la foule de s'approcher de l'incendie. Alors, ces agences de sécurité là pourraient très bien jouer ce rôle-là qui est un rôle de contrôle de foule. On parle de foule pacifique, on s'entend, et pas du maintien de l'ordre en matière de contrôle de foule.

Alors, oui, il y a de la possibilité de partager des responsabilités, comme il y a des responsabilités qui ne nous appartiennent pas, et on ne tient pas à les faire, non plus. Tout ce qu'on soulève au ministre, c'est que si ces protocoles-là sont signés par les arrondissements ou les municipalités, parce que là on ne sait pas au juste ce que ce sera...

Des voix: ...

M. Sarrazin (Michel): Parce qu'on pense que ça pourrait être un...

Une voix: ...

M. Sarrazin (Michel): Oui. Parce qu'on pense que ça pourrait...

M. Chagnon: Mais ce qu'on sait, c'est que le service de sécurité de la ville de Montréal va rester.

M. Sarrazin (Michel): Non, mais c'est parce qu'on pense qu'un arrondissement pourrait avoir... parce que le même pouvoir de charger des gens qui travaillent pour lui d'appliquer de la réglementation qui relève de l'arrondissement. Alors, ce n'est nécessairement une municipalité. La municipalité serait Montréal, mais chacun des arrondissements aurait le pouvoir de se doter d'un service comme ça. Mais tout ce qu'on dit, nous, c'est qu'on veut être partie à cette négociation-là pour s'assurer que les responsabilités sont très claires et respectent la législation, c'est tout.

M. Turp: Peut-être une des choses avec lesquelles, moi, j'ai encore un petit peu de difficultés, c'est de savoir quelles seraient les compétences lorsqu'il s'agit de la sécurité privée. Est-ce que la sécurité privée, c'est essentiellement de la sécurité à l'égard de la propriété privée ou est-ce que ça va au-delà de ça? Puis, si ça va au-delà de ça, c'est quoi? Et...

Le Président (M. Simard): ...lien direct, puisque, on l'a dit tout à l'heure, Loto-Québec, une université sont des territoires publics qui sont surveillés souvent par des organismes privés. Donc, la définition n'est pas liée au territoire ou à la nature même des lieux qui sont surveillés.

M. Turp: Mais, si tel n'est pas le cas, il faudrait quand même trouver le motif qui justifie que les édifices publics et des fonctions publiques sont protégés par le privé. Et ça, ça relève du partenariat public et privé dont parlent nos amis d'en face, ici, qu'ils aiment bien, là. Je pense que c'est ça, la motivation, c'est que le public doit faire dans certains cas appel au privé, pour toutes sortes de raisons financières.

M. Chagnon: Si on parle des cas qui ont été soulevés par M. le président, c'est des cas de sécurité interne.

Le Président (M. Simard): Alors, sur cette interrogation philosophique, j'accepterai peut-être une remarque de M. Sarrazin, et nous allons devoir conclure là-dessus.

M. Sarrazin (Michel): Ce n'est pas évident, mais c'est les deux à la fois, parce qu'il y a des municipalités qui avaient leurs propres services municipaux avec des fonctionnaires municipaux pour assurer du gardiennage, alors que d'autres signaient des contrats avec la sécurité privée pour assurer le même gardiennage des édifices publics. Alors, ce n'est pas évident.

Et je conclurais sur une seule chose. Parce que tantôt on a parlé du Festival de jazz, mais à notre avis et très légalement, lorsque le Festival de jazz obtient un permis pour tenir ses activités sur la rue Sainte-Catherine, ça demeure un lieu public, et c'est le service de police de la ville de Montréal qui assure la sécurité à cet endroit-là. Ça ne devient pas un terrain privé, et on est partie à toutes ces négociations-là, et on est présent pendant tout le Festival de jazz. Ce n'est pas parce qu'on donne un permis d'utiliser la voie publique que ça devient une propriété privée, et ça reste une reste une propriété publique.

M. Chagnon: Mais il y a quand même un service de sécurité privée qui y travaille.

M. Sarrazin (Michel): Oui, qui joue un rôle de contrôle des accès, ou des choses comme ça, mais qui ne joue pas le rôle d'un maintien de la sécurité.

M. Chagnon: Sous la direction du service de police.

M. Sarrazin (Michel): Non.

M. Chagnon: Non?

M. Sarrazin (Michel): Sous le maintien du Festival de jazz.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, messieurs, madame. Ce fut extrêmement intéressant. Et je suspends nos travaux quelques secondes.

(Suspension de la séance à 22 h 26)

 

(Reprise à 22 h 29)

Le Président (M. Simard): Dès que la police est partie, ils se sont mis à se dissiper. La discipline ici se fait avec la police.

n(22 h 30)n

Nous allons accueillir maintenant le prochain groupe. Ils sont des représentants du Conseil québécois du commerce de détail, et nous avons M. Gaston Lafleur, qui en est le président-directeur général, et Mme Françoise Pâquet, qui est directrice des relations gouvernementales. Bienvenue parmi nous. Vous avez pu observer, puisque vous êtes ici depuis un certain temps, la façon dont nos travaux se déroulent. Il y a moins de public à l'heure qu'il est, donc ce sera peut-être un peu moins bruyant. Mais essentiellement vous avez une vingtaine de minutes pour nous présenter l'essentiel de vos remarques.

Conseil québécois du commerce
de détail (CQCD)

M. Lafleur (Gaston): Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, MM., Mmes les députés membres de cette commission, c'est avec plaisir que nous nous présentons aujourd'hui devant vous pour vous faire nos commentaires à l'égard du livre blanc sur La sécurité privée: partenaire de la sécurité intérieure.

D'entrée de jeu, j'aimerais indiquer que le CQCD partage l'avis du ministère à l'effet qu'il est essentiel de parvenir à un consensus préalable, le plus large possible, quant aux grands principes et aux orientations sur lesquels doit s'appuyer une réforme avant de l'entreprendre. Avant d'exposer notre position et nos commentaires relativement au livre blanc ? est-ce que vous m'entendez bien?

Une voix: Très, très bien.

M. Lafleur (Gaston): Oui, bon, parfait ? le conseil souhaiterait d'abord apporter quelques commentaires et des constats d'ordre général. Rappelons que les principales orientations proposées concernent, entre autres, un encadrement plus rigoureux au niveau des activités de ce secteur de la sécurité privée, un cadre élargi au niveau des intervenants à considérer à l'intérieur d'une réforme législative, une meilleure circonscription des fonctions des intervenants, de nouvelles exigences en matière de formation des intervenants, de contrôle d'intégrité, d'inspection, de déontologie et d'éthique, et finalement l'atteinte d'un plus grand professionnalisme de l'industrie.

À cet égard, le CQCD partage le point de vue du ministère sur un meilleur encadrement des services offerts au public et reconnaît la désuétude de la législation actuelle. Il soutient également que l'amélioration de la qualité des services offerts au public devrait être le principal objectif recherché par la réforme. Cependant, le CQCD ne peut appuyer l'objectif ou le principe d'assujettissement à ce nouvel encadrement de tous les employés d'une entreprise qui ont des fonctions visant à protéger les biens de leur entreprise.

D'autre part, une remarque secondaire mais qu'il m'apparaît important de mentionner, le livre blanc fait référence à certains égards... a utilisé des propos qui sont pour le moins affectés de certains préjugés lorsqu'on fait référence aux services de sécurité privée qui nuisent à l'établissement d'un partenariat productif, ou à des commentaires comme un manque de professionnalisme de l'industrie, ou à des propos comme des pratiques d'une légalité discutable, ou des propos comme «développement d'une justice parallèle», ou des propos comme «l'émergence d'un système de justice privée». Or, c'est des commentaires que l'on trouve ici et là qui nous apparaissent pour le moins assez... un peu choquants pour les gens de notre industrie, entre autres.

En dernier lieu, j'aimerais mentionner, dans nos commentaires généraux, qu'il aurait été selon nous utile et souhaitable que le document de consultation dresse un portrait un peu plus exhaustif de la situation concernant la sécurité privée interne, notamment en ce qui concerne les aspects entourant les relations de travail et les ressources humaines. Alors qu'il affirme lui-même qu'il ne dispose de presque aucune donnée pour mesurer le volet de la sécurité interne dont se dotent certaines entreprises afin de répondre à leurs besoins, nous nous questionnons évidemment à savoir comment le ministère de la Sécurité publique puisse envisager d'assujettir ce secteur à la loi.

Notre commentaire principal porte justement sur la question importante de l'assujettissement des services internes ou des personnes qui à l'interne, à l'intérieur des entreprises, s'occupent de certaines fonctions liées à la prévention des pertes. Nous croyons qu'un tel assujettissement aurait des effets très importants sur nos entreprises, si on mettait à exécution cet assujettissement. On note dans le livre blanc que la sécurité privée interne se définit comme suit. Il s'agit en fait... elle correspond aux services dont se dote une entreprise ou un organisme pour répondre à ses besoins exclusifs de sécurité, et qui engage à cette fin le personnel requis, et se procure les produits et dispositifs de sécurité nécessaires. Le Conseil québécois du commerce de détail a des motifs importants de diverger d'opinion avec le ministère de la Sécurité publique à l'égard de l'assujettissement à la loi des entreprises dotées de leur propre service interne de sécurité et qui ont des employés qui accomplissent ces tâches.

Parmi les aspects que nous aimerions porter à l'attention de cette commission, notons, entre autres, les recommandations du Comité consultatif sur la sécurité privée au Québec, dont l'une de ces recommandations formulées par le comité était à l'effet que les services internes de sécurité ne soient pas visés par une éventuelle loi sur la sécurité privée. Ce choix se justifiait, entre autres, par la difficulté de distinguer parmi toutes les tâches que ce personnel exécute celles qui sont exclusives à la sécurité. Il s'agit essentiellement d'un commentaire apporté à la page 52 du rapport.

D'autre part, un souci d'harmonisation. En effet, on sait que la question de la sécurité privée interne dans les entreprises fait l'objet de discussions dans certaines provinces canadiennes. Nous croyons important de souligner ce fait, car actuellement aucune législation, à notre connaissance, ailleurs au Canada n'a actuellement contingenté ou appliqué des dispositions similaires au secteur... en fait à l'ensemble des entreprises de leur province.

D'autre part, peut-être le fait le plus important, c'est la distinction dans les missions, entre la mission d'une entreprise, qu'elle oeuvre dans le secteur du commerce de détail ou ailleurs, hein ? je tiens à dire qu'on parle souvent du commerce de détail, mais il n'y a pas seulement le commerce de détail qui a des services de sécurité interne ? versus les agences externes. Le principal objectif recherché par une entreprise pour se munir d'un service interne de sécurité ? ça peut être une ou plusieurs personnes d'ailleurs ? diffère substantiellement de celui recherché par une agence externe de sécurité. En ce qui concerne une entreprise, sa mission ne consiste pas à fournir des services de sécurité privée au public en général et encore moins de retirer des profits de telles activités mais plutôt, dans le cas qui nous concerne, le secteur que nous représentons, à vendre des produits ou des services.

Deuxièmement, nos entreprises recherchent avant tout à servir leurs propres intérêts et à se protéger, de même qu'à protéger leurs biens et leurs actifs comme tout autre individu a le droit fondamental de le faire. Elle applique ses propres procédures internes. Elle définit ses interventions en matière de sécurité selon ses besoins particuliers, en fonction de son appréciation des meilleures décisions d'affaires qui prennent en compte toute son organisation. Elle ne recueille pas des informations dans le but d'en faire de la vente. Elle est déjà régie et encadrée par une foule de législations dont certaines visent déjà la protection du public, la protection des travailleurs, entre autres, la protection des informations, d'accès... La loi d'accès sur l'information, le Code civil, le Code criminel, etc., sont toutes des législations auxquelles sont assujetties nos entreprises.

Par contre, en ce qui concerne une agence externe contractuelle, sa mission et sa raison d'être consistent à offrir des services au public, soit à des tiers ? que ce soient des individus, des entreprises, des organismes, des ministères ? des services en matière de sécurité privée. Son principal objectif est d'en retirer un profit. La sécurité privée représente sa principale et souvent son unique activité. Et finalement elle travaille dans l'intérêt du public en général, c'est-à-dire qu'elle reçoit ses mandats de clients, et non pas pour son intérêt personnel.

n(22 h 40)n

L'approche qui est proposée par le livre blanc ne tient aucunement compte des aspects entourant les relations de travail et les ressources humaines au sein des entreprises ? et, quand je parle d'entreprises, je parle de services internes. Il s'agit pourtant d'éléments importants, car plusieurs des fonctions exercées en matière de sécurité dans les entreprises sont attitrées ou interpellent le personnel des ressources humaines et des relations de travail de même que le personnel qui pourrait être affecté au service des assurances ou à la comptabilité.

Au niveau des tâches, la description des tâches, qui dans une très large mesure, pour une entreprise, est difficilement distinguable, parmi toutes les tâches que son personnel exécute, de celles qui sont exclusives à la sécurité... D'autre part, la diversité aussi des tâches représente un problème. Presque l'ensemble des employés dans une entreprise sont susceptibles d'accomplir des gestes qui pourraient faire partie des différentes fonctions énumérées comme étant des activités de sécurité. À titre d'exemple, les employés d'entretien ménager, les caissières, les agents affectés aux fouilles, le personnel de ressources humaines, les services comptables, les opérations, etc.

La mobilité des employés. Dans le secteur du commerce de détail, la mobilité de la main-d'oeuvre est un élément qui est incontournable. Un sondage réalisé récemment par la firme Mercer indiquait que le secteur du commerce de détail connaissait un taux de roulement de l'ordre de 42 % des employés non cadres et de 17 % des cadres.

D'autre part, la rareté du personnel qui pourrait découler d'une imposition de la nature d'un permis... du fait de l'exigence d'un permis et les conséquences que cette rareté de personnel pourraient avoir sur les besoins de l'entreprise qui pourrait, si on voulait utiliser l'argument jusqu'à la fin, aller chercher des ressources dans le secteur privé externe...

D'autre part, l'encadrement légal existant. Je l'ai mentionné tout à l'heure, les entreprises opèrent déjà dans un encadrement législatif très important. Que ce soit, par exemple, la Charte canadienne des droits et libertés, la Charte des droits et libertés de la personne, le Code criminel, le Code civil du Québec, loi sur l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels, Loi sur la santé et sécurité au travail, Loi sur les normes du travail, le Code du travail. Et souvent, dans plusieurs de ces circonstances, les éléments d'enquête sont nécessaires. Bref, les entreprises sont déjà très bien régies par un ensemble de législations, en plus de procédures internes que l'on retrouve chez plusieurs d'entre elles. Le fait de leur exiger l'obtention d'un permis d'agence de sécurité privée équivaudrait à dire qu'elles ont besoin d'un permis pour pouvoir se protéger, ce qui n'a selon nous aucun sens.

C'est pourquoi une de nos recommandations est à l'effet de ne pas retenir la proposition ou l'orientation visant à assujettir l'ensemble des entreprises qui accomplissent des fonctions de sécurité à l'interne sous le couvert de cette future législation.

En regard de la formation des personnes affectées à la sécurité des entreprises, bien que le Conseil québécois soit contre l'assujettissement de la sécurité interne en entreprise, ceci n'empêche que nous soyons favorables, comme tout autre type d'emploi ou de tâche, à ce que nous puissions améliorer ou mettre en place des processus de formation du personnel qui puisse être affecté à ce genre de tâche dans les entreprises, notamment chez nos détaillants. À cet égard, je tiens à vous informer qu'actuellement nous sommes en voie de développer un programme de formation qui sera accessible pour nos membres, pour nos détaillants et qui va viser à donner des acquis de connaissance sur l'ensemble des cadres législatifs qui peuvent entrer en fonction dans le cadre d'activités soit de surveillance ou de prévention des pertes dans nos entreprises. C'est un programme actuellement qui est en développement avec un organisme collecteur donc qui prévoira la contribution des entreprises dans ce processus-là, et nous espérons que ce programme soit mis à la disposition de nos membres le plus rapidement possible.

Le Président (M. Simard): ...demander de conclure très rapidement, votre temps est écoulé.

M. Lafleur (Gaston): Parfait. En ce qui concerne la sécurité privée contractuelle, évidemment, en tant que clients ? et plusieurs détaillants, plusieurs entreprises utilisent ces services-là ? nous abondons dans le sens de l'orientation proposée, c'est-à-dire que toute la question du professionnalisme, et tout ça, est essentielle, parce qu'il y a un lien de confiance aussi qui est important en tant qu'utilisateurs de services.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. Lafleur. Alors, j'invite tout de suite le ministre à vous poser une question.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. M. Lafleur, je vous souhaite bien le bonsoir et je vous remercie de votre participation avec... ainsi que Mme Pâquet...

Une voix: Maître.

M. Chagnon: Madame, Me Pâquet. Vous demeurez une madame. Et c'est un peu particulier, votre mémoire, je vous le dis comme je le pense, là. C'est un angle, parmi tous les mémoires que nous avons reçus, qui est un peu différent. Vous avez un angle plus conservateur que la moyenne de ce que nous avons vu. Vous nous dites, un: Nous ne trouvons pas que c'est une bonne idée que d'assujettir la sécurité interne. Deux, vous semblez en tout cas poser des questions. Puis moi, je n'ai pas de problème sur le fond, je suis prêt à discuter de n'importe quoi. Si vous avez des problèmes avec le modèle de déontologie... Vous avez un modèle d'assujettir en tout cas la sécurité privée à une forme de déontologie. Vous posez des questions intéressantes quant aux niveaux de formation que nous suggérons. Vous les trouvez trop, je dirais... trop enquiquinants ou trop élevés probablement pour le modèle que vous suggérez.

Mais, si je reviens avec le premier dossier, j'aimerais que vous m'expliquiez rapidement, mais vraiment en quelques mots, pourquoi la sécurité interne ne devrait pas être partie d'un projet de loi qui devrait venir éventuellement.

M. Lafleur (Gaston): Bon, parce que essentiellement l'objectif d'un cadre législatif à l'obtention d'un permis vise la protection du public essentiellement. Or, la gestion interne de nos entreprises, que ce soit par le biais de la protection de nos biens, les moyens qu'on utilise pour les protéger relèvent essentiellement du propriétaire de ces biens-là. Et à ce moment-là qu'on nous impose la nécessité de détenir un permis en tant qu'entreprises, un permis d'agence, tel que stipulé, vient dire qu'on doit être contraint de suivre des balises pour protéger nos propres biens, nos propres actifs et nos propres employés, hein, en tant que propriétaires. Alors que la distinction est très fondamentale, parce que, si on parle d'un secteur privé qui rend du service au public, on dépasse du cadre de notre entreprise. Là, c'est autre chose, c'est une offre de services, et on dit: Bien voici, les corps policiers offrent des services au public, ils sont là pour ça, mais il y a aussi des entreprises privées qui offrent des services à des publics, alors que nos entreprises en fait ont le droit légitime de pouvoir protéger leurs biens sans être contraintes nécessairement à détenir des permis et à suivre des contraintes qui sont proposées dans ce livre blanc.

M. Chagnon: Sauf que, d'un point de vue d'État, si nous étions capables de savoir qui était exactement membre de la sécurité interne par le biais des permis, comme vous l'avez souligné, ça nous permettrait, encore une fois d'un point de vue d'État, de pouvoir éventuellement, éventuellement pouvoir requérir à cette force de personnes là, ces gens-là dans le cadre non pas de cyclisme, mais de cataclysmes. Et je dis «cataclysmes», ça peut être... on aurait pu avoir des problèmes énormes l'hiver passé à Laval et à Montréal en termes d'inondations et on aurait eu besoin probablement d'à peu près tout ce qui grouille, grenouille et scribouille, pour paraphraser le général, sur... dans ce coin-là, y compris des forces de sécurité interne, pour travailler à faire en sorte d'être capable d'évacuer les gens puis de les resituer. On aurait eu besoin de tout le monde. Mais, si le ministre de la Sécurité publique, qui qu'il soit, ce n'est pas important, n'est pas capable de savoir qui fait quoi, où, particulièrement en sécurité interne, comment on fait pour être capable de maximiser sa force de frappe pour aider la collectivité?

M. Lafleur (Gaston): Si je comprends bien vos propos, M. le ministre, vous suggérez dans le fond que nos employés qui travaillent dans nos entreprises pourraient être éventuellement appelés à intervenir, dans des cas de catastrophes, sans le consentement des employeurs concernés?

M. Chagnon: Je ne suis pas inquiet là-dessus. La journée où vous aurez une catastrophe, vos employeurs vont comprendre qu'on a une catastrophe, puis on a dit: On est mieux de tout mettre tout le monde ensemble.

M. Lafleur (Gaston): Oui. Je vous dirai, M. le ministre, que, dans le cas du verglas en 1998, notre personnel interne est intervenu avec beaucoup de... des interventions qui ont été très ponctuelles et qui ont permis dans certains cas d'aider la population du Québec dans le cas qu'ils vivaient.

M. Chagnon: C'est ce que je dis, en fait.

n(22 h 50)n

M. Lafleur (Gaston): Et c'étaient des initiatives qui venaient de l'employeur, parce que vous avez toujours un lien de préposition, vous vous devez à l'employeur. Or, il y a des employeurs... Vous savez, nos employés sont le bras de l'employeur, dans un certain sens, et ce sont les mandataires. Et à ce moment-là il y a plusieurs employeurs dans notre secteur d'activité qui ont fait des contributions significatives dans le cadre du verglas, et je suis convaincu que ces gens-là y ont participé.

M. Chagnon: Oui, mais on dit la même chose.

M. Lafleur (Gaston): Alors, mais on n'a pas... oui, mais je n'ai pas besoin de vous donner un permis, M. le ministre. Tant qu'à ça, vous pouvez demander la liste des personnes, de nos employés qui sont dédiés à la sécurité privée. On n'a pas besoin d'un permis pour ça. Vous avez juste à nous demander: Fournissez la liste des personnes à votre emploi qui accomplissent des activités de sécurité privée. Pourquoi détenir un permis, les obliger à des enquêtes, des inspections, etc.? C'est quoi, ça?

M. Chagnon: Bien, j'imagine qu'en sécurité interne le fait de pouvoir être détenteur d'un permis, avoir subi le test d'une enquête, comme vous le soulignez, permet d'avoir une qualité de personnel qui est encore supérieure.

M. Lafleur (Gaston): M. le ministre, ça fait 50, 60, 100 ans que nos entreprises embauchent des gens qui ne sont pas des détenteurs de permis, et jusqu'à présent je n'ai jamais entendu aucun de mes membres qui était très insatisfait de la qualité ou du professionnalisme de ses employés. S'il ne l'est pas, à ce moment-là ils ne sont plus à l'emploi de l'organisation.

M. Chagnon: Alors, parlez-moi de déontologie.

M. Lafleur (Gaston): Oui. Qu'est-ce que vous voulez? On est toujours d'accord. Sur la déontologie, on est d'accord, mais là on s'adresse à qui, là, la déontologie pour les gens qui sont dans la sécurité privée contractuelle?

M. Chagnon: Oui, la sécurité privée, par exemple, il y a plusieurs domaines de la sécurité privée où des gens ont un rapport avec le public. Alors, est-ce que vous êtes d'accord ou pas à ce que les gens qui sont en sécurité privée puissent être soumis à un code de déontologie?

M. Lafleur (Gaston): Nous n'avons aucune objection à la création d'un code de déontologie qui va découler de principes fondamentaux qui sont reconnus par une industrie. Vous avez des codes de déontologie, tous les... la majeure...

M. Chagnon: Je ne parle pas de la déontologie Mickey Mouse, là, je parle de déontologie qui serait faite par, par exemple, le gouvernement, l'État, comme il y a une déontologie policière.

M. Lafleur (Gaston): Vous savez, nous... En tout cas, personnellement ma perception de la déontologie, c'est que ça découle, un, d'une reconnaissance professionnelle.

M. Chagnon: Je suis d'accord avec ça.

M. Lafleur (Gaston): Et dans ce livre-là je n'ai pas vu, en tout cas à ma connaissance, là, de notion de création d'ordre professionnel qui ferait en sorte qu'à ce moment-là, un, la protection du public serait assurée, deux, qu'on aurait une création d'un ordre... un, d'un ordre professionnel, reconnaissance des acquis, exigence de diplomation et finalement assujettissement des personnes non seulement à un code de déontologie, mais à un processus disciplinaire, etc.

M. Chagnon: Les policiers ne sont pas membres d'un ordre professionnel et ils sont astreints à un code de déontologie.

M. Lafleur (Gaston): Bien, je pense que de comparer les policiers à des... en tout cas, certainement pas à nos services internes. Si vous parlez, au niveau des services privés contractuels, de déontologie, certes ça peut avoir une valeur, mais, poser la question comme ça, je pense qu'il faut voir les circonstances, les tenants et aboutissants qu'on souhaite atteindre avec ça, ce qui n'est pas évident. Je prends, par exemple, les lobbyistes, qui ont un code de déontologie, c'est un exemple où on pourrait faire un parallèle avec ça. Il y a d'autres formes effectivement de codes de déontologie qui existent. Au départ, on n'est pas contre ça. On n'a jamais indiqué qu'on était contre ce principe-là, mais il faut le voir dans un cadre plus général, qu'est-ce qu'on cherche à protéger.

M. Chagnon: Et en quoi êtes-vous réfractaire à ce principe d'une formation qui soit demandée par l'État pour différents types de gens en sécurité privée, que la sécurité privée soit interne ou externe?

M. Lafleur (Gaston): Là, à quel égard vous parlez, là?

M. Chagnon: Qu'il y ait une demande de formation qui soit organisée, c'est-à-dire qu'il y ait une réglementation qui prévoie une formation précise pour chacun des types de sécurité.

M. Lafleur (Gaston): Bon, bien, là c'est parce que... D'accord, là, je comprends votre question. En ce qui concerne le secteur privé, là, les entreprises, là ? comprenons-nous bien, là, je ne parle pas des... du secteur privé contractuel ? nos entreprises font déjà beaucoup de formation. Je l'ai indiqué tantôt, comme n'importe quelle autre fonction en entreprise, une formation est souvent nécessaire et essentielle et, même, elle doit être adaptée au fur et à mesure des changements auxquels on est confronté. Que ce soit une fonction en matière de sécurité ou de prévention des pertes ou une fonction en matière de technologies d'information, pour nos entreprises la formation demeure une obligation... en fait, une obligation ou dans une certaine mesure, je dirais, dans tous les cas, est certainement l'élément qui apporte un bénéfice si on veut survivre dans l'environnement où on vit.

Maintenant, si vous dites: Est-ce qu'on doit obliger votre personnel en entreprise... devrions-nous obliger votre personnel en entreprise à suivre une formation dédiée? Bien, tant et aussi longtemps que l'entreprise ne voit pas la nécessité dans le cadre de ses besoins, des besoins pour lesquels les personnes sont embauchées, d'exiger cette formation-là, non. Si par contre on le voit dans le cadre d'une formation nécessaire pour l'obtention et la détention d'un permis parce qu'on doit offrir nos services au public, là je vais vous dire: Oui, effectivement il y a un besoin.

M. Chagnon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Simard): Alors, merci beaucoup. J'invite la députée de Prévost maintenant.

Mme Papineau: Oui. Moi, j'aurai juste une question, M. le Président. M. Lafleur, bonsoir, madame. Tantôt, je ne sais pas si vous m'avez entendue parler quand j'ai demandé aux gens... une entreprise, par exemple, qui avec sa sécurité interne prend un jeune à voler à l'étalage et dit aux parents: Si vous me donnez, par exemple, 250 $, ce que ça me coûte pour avoir mon agent de sécurité, je ne porterai pas plainte. Étant donné que vous représentez les commerçants, qu'est-ce que vous pensez de cette façon de faire?

M. Turp: Ils ont le droit de ne pas porter plainte. C'est écrit dans le mémoire.

M. Lafleur (Gaston): Bien, ils ont le droit de ne pas porter plainte, mais ce n'est pas ce que Mme la députée me pose comme question.

Mme Papineau: Non. Moi, ce que je vous dis, là, c'est que vous représentez les commerçants, hein? Bon. Et, par exemple, dans un de vos commerces, il y a un vol à l'étalage, puis on va prendre un montant quand même... par exemple, d'une cinquantaine de dollars et d'un jeune... Un jeune de 12 ans a volé un radio, par exemple, chez Radio Shack, ou quelque chose comme ça, et là on fait venir les parents puis on dit aux parents: Si vous me donnez, par exemple, 250 $ ou 300 $ parce que... pour compenser mon coût d'un agent de sécurité, je ne porte pas plainte. Qu'est-ce que vous pensez de ce genre d'énoncé ou de comportement des commerçants?

M. Lafleur (Gaston): Ce n'est évidemment pas acceptable.

Mme Papineau: O.K. Mais vous savez que ça se fait, M. Lafleur, hein?

M. Lafleur (Gaston): C'est possible. Je n'ai pas d'exemple concret, là, mais...

Mme Papineau: Ce n'est pas légal, hein? C'est-u légal?

M. Lafleur (Gaston): Je ne pense pas que ce soit légal. Mais là je ne me prononcerai pas, là, il y a des avocats dans cette salle qui pourront le faire pour vous. Moi, je ne peux pas me prononcer sur la légalité du geste.

Mme Papineau: Et pour vous l'obligation de divulguer par rapport... commerçant par rapport à la police, l'obligation de divulguer?

M. Lafleur (Gaston): Ça, là-dessus, ça va être... vous pouvez le qualifier de ouï-dire, mais plusieurs de nos membres nous indiquent que dans plusieurs circonstances ils font une arrestation pour vol à l'étalage, c'est un petit montant, et malheureusement les services de police ne viennent pas prendre possession du prévenu. Et à cet égard-là je dois vous dire que c'est un peu difficile, lorsqu'on parle, par exemple, de la notion criminelle, là... J'ai entendu les commentaires tantôt, je ne sais pas...

Mme Papineau: C'est pour ça que je vous amène là-dessus.

M. Lafleur (Gaston): Bon. Je vais vous dire honnêtement ma perception, puis je suis d'accord avec votre interprétation, c'est qu'à un moment donné ça constitue un acte criminel. Vous savez... Donc, à ce moment-là, quand est-ce qu'on arrête l'enquête? D'un côté, on nous dit: Bien voici, nous autres, on ne prendra pas le dossier si vous n'êtes pas en mesure d'établir qu'il y a eu crime. Or, pour établir le dossier, il faut faire l'enquête, il faut faire une enquête. Alors, à un moment donné, on arrive, oups! Ça veut-u dire qu'au moment où on découvre: oh, là, là! il y a, là... il y a peut-être crime, il faut arrêter puis il faut donner l'enquête aux policiers? Quand on voit ce qui se passe dans le milieu, malgré toute la bonne volonté des corps de police... Ce n'est pas une critique ici que je fais, il faut bien se comprendre, mais il y a quand même des situations où il faut avoir un seuil de tolérance qui soit raisonnable dans le processus. Je ne pense pas qu'on souhaite commettre des illégalités, ou contrevenir aux dispositions de la charte, ou quoi que ce soit. Il n'y a aucun de nos détaillants qui honnêtement s'enligne de façon perverse à faire quelque chose qui contrevient à la loi. Son objectif ultime, c'est quoi? C'est d'essayer de protéger ses biens, protéger souvent ses personnes aussi, ses propres personnes.

On prend la situation du harcèlement psychologique qui, vient en vigueur mardi prochain. Pensez-y deux minutes, dans une entreprise, lorsqu'on aura une plainte, quelqu'un va devoir faire enquête, il va falloir enquêter là-dessus, là ? je ne parle pas d'une enquête criminelle ? il va falloir enquêter. S'il s'avère que dans le processus d'enquête qui est fait à l'interne... il s'avère qu'il y a eu des voies de fait, des situations de voies de fait, là on est rendu à une situation criminelle. Qu'est-ce qu'on fait, on attend que...

Mme Papineau: La zone grise, M. Lafleur, la zone grise.

M. Lafleur (Gaston): C'est ça. C'est ça.

Le Président (M. Simard): Alors, sur ce...

M. Turp: J'ai juste une petite question, parce que dans le mémoire vous élevez au rang de droit fondamental celui de l'agence de ne pas déclarer et porter plainte aux services policiers lorsqu'elle constate une infraction ? page 18 de votre mémoire.

Une voix: ...

n(23 heures)n

M. Turp: Oui, mais, «un droit fondamental», vous n'y allez pas un peu fort, là? Demander la reconnaissance dans une loi d'un droit fondamental de ne pas porter plainte?

M. Lafleur (Gaston): On va qualifier, on va dire «le droit». Si le droit est là, le droit est là. Ça ne fait pas partie... Ce n'est pas un droit nécessairement dans une charte, mais c'est un droit quand même.

M. Turp: Puis vous voulez que ce soit dans une loi, là?

M. Lafleur (Gaston): Non, ce n'est pas ça qu'on dit. Non, non, on suggère que le ministère... on suggère au ministère la reconnaissance du droit d'une agence de ne pas déclarer et porter plainte aux services policiers lorsqu'elle constate une infraction. Ça vient un peu en contrepoids avec l'ensemble des propos qui ont été mis de l'avant...

M. Turp: Dans le livre blanc.

M. Lafleur (Gaston): ...à l'intérieur du livre blanc.

M. Turp: O.K. Merci.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. Lafleur, madame, merci pour votre mémoire. Et je vous invite, après une suspension de quelques minutes, j'invite les représentants de l'Association des serruriers à se joindre à nous.

(Suspension de la séance à 23 h 1)

 

(Reprise à 23 h 3)

Le Président (M. Simard): Ce sont les Maîtres serruriers du Québec. Nous sommes très, très heureux de vous recevoir. Ce n'est pas souvent qu'en commission nous recevons les serruriers, ce qui d'ailleurs, en certaines circonstances, lorsque les portes sont fermées ici, pourrait nous être extrêmement utile.

Alors, je pense que vous êtes M. Dussault, le président. Vous êtes seul pour présenter votre mémoire, même si je vois que vous avez des collègues avec vous. Alors, je vous invite donc à nous résumer en une vingtaine de minutes au plus votre propos, et ensuite les membres de cette commission, autant ministériels que de l'opposition, vous poseront des questions et essaieront d'avoir un dialogue avec vous. Alors, merci d'être là, d'abord.

M. Chagnon: ...

Le Président (M. Simard): Pardon?

M. Chagnon: Vous avez dit: Nous essaierons, mais nous réussirons.

Le Président (M. Simard): Nous tenterons, en tout cas. M. Dussault, à vous la parole.

Maîtres serruriers du Québec

M. Dussault (Pierre): Merci, M. le Président. M. le ministre, mesdames, messieurs de la commission, d'entrée de jeu nous voulons exprimer notre étonnement au fait que la serrurerie n'ait pas été incluse tout d'abord dans le rapport final du Comité consultatif sur la sécurité privée au Québec et, par la suite, dans le livre blanc intitulé La sécurité privée: partenaire de la sécurité intérieure. Ayant pris part à toutes les rencontres du Comité consultatif sur la sécurité privée au Québec, nous avons été à même de constater que, de l'avis de tous les participants, la serrurerie devait logiquement faire partie de la législation sur la sécurité privée.

À la parution du rapport du comité consultatif, dans lequel, malgré les recommandations de ses membres, nous étions exclus même après plusieurs interventions de notre part auprès des représentants du ministère de la Sécurité publique, nous n'avons eu aucune nouvelle, aucun contact formel ou informel avant la publication du livre blanc. Celui-ci apparaît soudainement après plus de trois ans de silence. Dans ce dernier, encore une fois, la serrurerie est retirée d'office sous prétexte que, et je cite: «Par contre, le secteur de la serrurerie sera exclu de l'application de la loi. A priori, les problématiques des métiers de la serrurerie ne relèvent pas de la compétence du ministère, puisque les préoccupations de ce milieu touchent principalement la formation spécialisée, l'image et les normes de qualité. De plus, comme peu d'inquiétudes par rapport à la sécurité de la population ont été mises en évidence, il ne semble pas nécessaire d'assujettir ce champ d'activité à la loi.» Fin de la citation.

Ceci est le seul paragraphe où il est question de la serrurerie dans tout le document. Faut-il y voir le manque d'intérêt pour ce qui constitue la base de la sécurité? Il est étonnant de voir notre prise de position nous exclure parce que nous exigeons de la formation et du professionnalisme, alors que c'est sur ces mêmes arguments que le ministère s'appuie pour assujettir les autres industries de la sécurité. Nous allons dans cet exposé démontrer la nécessité d'assujettir la serrurerie à l'application de la loi afin d'assurer l'efficacité de cette dernière.

Notre participation au comité fut de toutes les rencontres. Il nous semblait que devant l'évidence de l'inclusion de notre industrie il ne nous fallait apporter notre contribution que pour aiguiller les travaux vers les points importants et non perdre le temps de tous à rallier les gens déjà convaincus de la nécessité de l'assujettissement de la serrurerie dans la future loi.

Lorsque nous parlions de formation spécialisée, d'image et de normes de qualité, c'était de l'établissement de critères et de normes minimales à imposer aux intervenants en serrurerie en ce qui a trait à la formation, l'intégrité et les normes de qualité afin d'assurer la sécurité du public desservi dont il était question. Et ceci ne pouvait être fait que par une loi.

Nous concédons que les problématiques des autres métiers de la sécurité peuvent paraître plus criantes parce que génératrices de conflits causés par des chevauchements de tâches ou de juridictions. Malheureusement pour nous, nous croyons que nous n'avons pas suscité beaucoup de discussions parce que d'emblée nous étions acceptés sans conflit avec qui que ce soit. Notre participation découlait du gros bon sens pour nous et pour les autres intervenants de la sécurité.

D'ailleurs, la serrurerie, pour ces derniers, est un outil de travail important et, comme pour tout outil, elle doit accomplir la tâche que l'on attend d'elle, c'est-à-dire sécuriser les accès des biens et des personnes. Au-delà de cette fonction, elle ne doit surtout pas être facile à compromettre. Par exemple, même si une serrure fonctionne très bien avec une clé, personne mis à part celui qui l'a assemblée ne peut certifier qu'il n'y a pas d'autre codes de clé qui peuvent ouvrir cette serrure. Et ce n'est là qu'un exemple de l'importance du travail du serrurier et de la nécessité de s'assurer de la formation, de l'intégrité et du professionnalisme de celui-ci.

Qu'est-ce que la serrurerie moderne? La serrurerie moderne touche à d'innombrables aspects de la sécurité. Évidemment, elle couvre les poignées, les serrures, les clés, mais aussi les classeurs, les coffres-forts et les voûtes de banques, de commerces, de bureaux de professionnels ou d'organismes publics et parapublics qui doivent tous assurer la confidentialité des renseignements personnels et la sécurité de secrets commerciaux, de valeurs monnayables et autres.

Nous touchons à la serrurerie d'automobile, dont les déverrouillages se font souvent sans aucune vérification de la propriété du véhicule, malheureusement.

Que dire des déverrouillages de résidences? J'ouvre ici une parenthèse. Il y a quelques années, des reporters de l'émission J.E. avaient démontré comment il est facile de faire déverrouiller la porte d'une résidence d'un tiers sans avoir à fournir une preuve de propriété ou à tout le moins une preuve de résidence. Un serrurier leur avait ouvert la porte sans la moindre question. C'est d'ailleurs un des événements qui ont suscité les discussions à l'origine de la création du Comité consultatif sur la sécurité publique. Je ferme ici la parenthèse.

Nous intervenons aussi en consultation pour l'installation de différentes pièces de quincaillerie, ce qui doit absolument se faire dans le respect des codes. Nous fournissons des équipements pour assurer la sécurité des travailleurs, tels des systèmes de cadenassage de sécurité. Nous préparons des chartes de systèmes de clés qui seront installés dans des écoles, des prisons, des laboratoires, des hôpitaux, des pharmacies, des usines, des garderies, etc.

On nous demande d'ajuster des pentures, des pivots, des ferme-portes, des arrêts de porte, des seuils, etc., enfin toute la quincaillerie que l'on peut retrouver sur une porte afin que celle-ci s'ouvre facilement et se referme de façon sécuritaire. Si elle ne fonctionne pas bien, même le meilleur système de contrôle d'accès installé sur cette porte sera inopérant.

Nous installons des serrures sur les clôtures entourant les piscines privées et publiques, les marinas, et enfin partout où l'on doit assurer la sécurité. Si ce n'est pas ça, la sécurité de la population, nous vous demandons ce que c'est.

Qui peut devenir serrurier? Dans l'état actuel des choses, n'importe qui peut s'afficher comme serrurier demain matin, ouvrir son magasin ou simplement travailler à partir d'un mobile, glaner des informations sur Internet, et il est tout à fait légalement en affaires. Ceci lui permettra de visiter des centaines d'endroits sans être importuné, car il a toujours l'excuse de faire le tour des portes pour vérifier l'état de la quincaillerie, l'ajuster ou la réparer.

Vous seriez étonnés de connaître les endroits où nous pouvons entrer sans même se voir demander d'exhiber une pièce d'identité quelconque. La confiance que les gens nous accordent est incroyable. Nous devons même faire preuve de prudence et insister pour qu'un témoin demeure avec nous lorsque nous travaillons à proximité de grosses sommes d'argent ou d'autres valeurs ou de données sensibles.

Vous voyez qu'il n'y a aucune commune mesure entre les exigences pour devenir serrurier et la confiance que les gens nous accordent. Tous pensent que nous devons montrer patte blanche à un organisme quelconque, mais il n'en est rien. Pis encore, nous savons pertinemment qu'il y a des individus avec des dossiers judiciaires dans le domaine.

n(23 h 10)n

Qui de mieux placé que le serrurier qui a modifié ou réparé vos serrures pour avoir maintenant une copie de vos clés et revenir quand vous êtes absent pour entrer sans effraction. Expliquez maintenant à votre assureur que vous avez été volé sans effraction! Encore dernièrement, dans la région de Montréal, une femme a été tuée dans son logement par quelqu'un qui est entré chez elle sans effraction. Si la sécurité de la population n'est pas en danger, que faut-il de plus?

Qui sont nos clients? La réponse la plus facile à cette question est: toute personne qui a des clés dans ses poches, des propriétaires, des locataires, des automobilistes, des notaires, des comptables, des avocats, des directeurs d'école, des banquiers, des hommes et des femmes d'affaires, des commerçants, des industriels, des fermiers, des pharmaciens, des policiers, des gardiens de sécurité, des ménagères, etc. Comme vous le voyez, toutes les classes de la population font affaire avec un serrurier. On nous demande de reproduire des clés, de refaire les clés qui ont été perdues pour ouvrir une filière ou une porte, de réparer une serrure d'automobile, d'ouvrir ou de réparer un coffre-fort qui a été vandalisé ou dont on a perdu la combinaison, de verrouiller des étalages de magasins, de bijouteries, etc. Encore là, nous protégeons la population.

Principes de sécurité. Tous les experts en sécurité vous le diront, la première chose à faire en sécurité est de sécuriser le périmètre: il faut garder les intrus à l'extérieur, ne pas leur offrir de brèche ni d'abri. La serrurerie est la toute première ligne de défense, très souvent la seule car il n'y a pas toujours de système d'alarme. De toute façon, quand le système d'alarme est déclenché, l'effraction est faite, il est déjà tard, l'intrus est à l'intérieur. Comparez le système d'alarme à un système de sacs gonflables dans un véhicule, cela sauve des vies en cas d'accident, c'est vrai, mais cela ne vous dispense pas d'avoir des freins qui, eux, vont permettre d'éviter l'accident. La serrurerie, c'est le système de freinage.

La formation et les normes de qualité. La formation technique. C'est incroyable de voir comment la sécurité est compromise lorsque le travail n'est pas fait de façon professionnelle. Par exemple, une serrure montée avec une clé maîtresse, une clé individuelle, peut permettre jusqu'à 64 codes de clé différents, alors qu'on n'en veut que deux. Il y a des moyens très faciles d'éviter une telle situation, mais ça prend des connaissances et un peu plus de temps. Le simple fait de ne pas creuser assez profondément le trou d'une gâche dans le cadre d'une porte empêchera la serrure de verrouiller adéquatement la porte. Il faut donc s'assurer que tous les serruriers connaissent les normes et techniques nécessaires au fonctionnement optimal des serrures et autres quincailleries qu'ils installent, modifient et réparent.

Nous nous reportons au livre blanc, paragraphe 1.2, page 34, et je cite: «L'exercice des métiers et des fonctions qui leur sont propres requiert désormais un niveau de qualification de la main-d'oeuvre nettement plus élevé que par le passé.» Fin de la citation. L'auteur parle ici des différents métiers de la sécurité privée, qui ont connu une évolution très marquée au cours des dernières décennies, devenant plus complexes et techniques. Nous pouvons témoigner de l'évolution tout aussi rapide dans le domaine de la serrurerie.

La formation académique. Combien de fois avons-nous vu des serrures à pêne dormant installées sur des portes de sorties de secours, des équipements installés illégalement sur des portes coupe-feu. Évidemment, pour éviter ces erreurs, ceci demande une connaissance des codes du bâtiment, du Code de prévention des incendies, de plusieurs autres codes, selon les applications. Et ce n'est surtout pas le premier venu qui a acheté un camion usagé pour faire du service et glané des renseignements sur Internet qui se souciera d'installer ou de réparer des serrures conformément aux codes en vigueur. Simplement remplacer une pièce défectueuse dans une poignée ou une barre panique par une autre pièce semblable et non une pièce identique approuvée pourra empêcher une porte d'urgence d'ouvrir en cas d'accident... d'incident, pardon. Ce que nous voulons éviter, ce sont des événements déplorables où, par exemple, les sorties d'urgence sont bloquées par de l'équipement inapproprié ou mal installé. Personne ici ne voudrait être traqué par le feu devant une porte qui refuse de s'ouvrir. La vie de chacun peut être en danger. Cela requiert une formation spécialisée essentielle. Si ce n'est pas la sécurité de la population qui est en jeu, expliquez-nous ce que c'est!

L'intégrité. Au point 4.4, page 25 du livre blanc, premier paragraphe, il est écrit: «Confier à un tiers la sécurité d'une résidence privée, d'un commerce, d'un espace privé, d'un établissement public, de la population, de systèmes informatiques ou de renseignements confidentiels requiert une relation et une garantie de confiance.» Fin de la citation. Dans tous ces cas, on se fie, à un moment ou à l'autre, à une serrure et par conséquent à un serrurier. Que dire de plus?

Et un peu plus loin, à la page 26: «À titre d'exemples, mentionnons les situations suivantes: l'infiltration de services de sécurité par des réseaux criminels; les vols d'envergure perpétrés par du personnel de sécurité qui connaît exactement la façon de contourner les mesures de sécurité qu'il a lui-même mises en place ou avec lesquelles il travaille quotidiennement». Fin de la citation. Peut-on éviter le milieu de la serrurerie dans ces circonstances?

Dans le même paragraphe, page 26, et je cite: «Par ailleurs, les contrôles d'intégrité ne paraissent pas toujours s'effectuer avec toute la rigueur nécessaire. Le seul contrôle des antécédents criminels ne permet pas toujours d'évaluer de façon systématique la réputation et les compétences des demandeurs.» Fin de la citation. Nous sommes entièrement d'accord avec cet énoncé. Nous devrions être assurés de l'absence de dossier criminel, mais aussi des résultats d'une enquête de caractère et de crédit. Même si ces enquêtes ne sont que des photos instantanées prises à un moment donné, nous pourrions ainsi au moins mettre les chances du bon côté en s'assurant de la qualité de l'environnement du candidat et des probabilités de bonne conduite.

Nous rejoignons aussi le livre blanc quand il affirme qu'il doit y avoir un code de déontologie et d'éthique régissant l'industrie, pour toutes les raisons énoncées ici, dans le livre blanc et dans le rapport du Comité consultatif sur la sécurité privée au Québec. Voilà ce dont nous parlions en utilisant le terme «intégrité».

Champs d'intervention. La serrurerie dans des applications traditionnelles. Le gardien de sécurité qui veille sur un bâtiment ne peut être partout à la fois, aussi toutes les portes d'accès, même surveillées par un système de caméras, sont verrouillées, et c'est bien ainsi, sinon sa tâche serait impossible. Encore faut-il que nous soyons assurés de la qualité de la serrure et de son montage.

Au premier paragraphe de la page 34 du livre blanc, il est écrit, et je cite: «Malgré cette restriction, un très large champ d'intervention reste pleinement ouvert à la sécurité privée et à son développement. Il correspond aux activités, aux services, aux moyens et aux dispositifs visant à empêcher ou à détecter la perpétration de crimes ou, encore, à assurer la protection de biens, des renseignements et des personnes dans des milieux privés.» Fin de la citation. Nous croyons que les moyens ou, à tout le moins, les dispositifs sont fournis et installés par les serruriers.

La serrurerie couplée aux nouvelles technologies. Le livre blanc met en évidence le besoin d'assujettir l'industrie de l'alarme parce qu'elle installe des systèmes de contrôle d'accès. Page 44 du livre blanc, et je cite: «Il y a lieu de permettre et d'encadrer formellement dans la loi l'exercice des fonctions suivantes: [...] le contrôle des accès et l'obstacle à l'intrusion dans des lieux publics». Fin de la citation. Eh bien, sachez que sur tout système de contrôle d'accès installé il y a au moins une serrure qui permettra d'entrer en cas de panne de courant prolongée ou d'un mauvais fonctionnement du système. Qui plus est, si cette serrure est utilisée, il n'y aura aucune trace quant à l'identité de l'intrus, contrairement au cas où, lorsqu'on utilise la carte magnétique ou autre moyen électronique ou biométrique pour entrer, l'identité est enregistrée dans le système. Notez aussi que, pour un serrurier, crocheter une serrure, c'est-à-dire l'ouvrir sans posséder la clé, est la base du métier. C'est très facile avec certains outils qui, soulignons-le, sont en vente libre sur le marché.

De plus, c'est encore une serrure qui verrouille les boîtiers des contrôleurs du système de contrôle d'accès, tout comme dans le cas des systèmes d'alarme. En fait, qu'est-ce qu'un système de contrôle d'accès? Cela va de soi, c'est un moyen mécanique, électronique, manuel ou automatique de contrôler l'accès à un endroit que l'on veut protéger. C'est ce que fait toute serrure, et ce, depuis bien avant l'emploi du terme. Quant à l'obstacle à l'intrusion dans les lieux publics, les serrures viennent au premier rang.

Comme vous le voyez, le livre blanc propose d'assujettir plusieurs industries qui se fient sur la serrurerie pour fournir la base de la sécurité. De notre avis, il manque un maillon très important dans cette chaîne, et c'est la serrurerie.

L'exemple d'ailleurs. Nous concevons que nous devons créer selon nos besoins, mais rien ne nous empêche de profiter des travaux des autres pour s'assurer de ne rien oublier. Ainsi, dans leurs législations, la Colombie-Britannique et l'Ontario ont inclus la serrurerie. Le Manitoba et la Nouvelle-Écosse envisagent de faire de même. Nous savons qu'en Europe plusieurs pays ont légiféré en cette matière, toujours en incluant la serrurerie. Pourquoi exclure ces premiers intervenants de la sécurité? Car c'est bien nous qu'on appelle pour sécuriser les lieux après une effraction. Alors que la mondialisation amène de nouvelles menaces, nous croyons qu'il ne faut rien négliger et ne rien prendre pour acquis.

Quelques exemples. Imaginez la sécurité comme une pyramide. La base en est la serrurerie, tout comme les fondations d'un édifice, qui sont invisibles mais toujours essentielles. Nous croyons que toutes les mesures pour solidifier l'édifice seront vaines si les fondations ne sont pas solides, elles aussi. Pensez aux événements des dernières années et aux mesures qui ont été prises par les plus grands spécialistes en sécurité. Dans les aéroports, tout le personnel a été vérifié à nouveau, les niveaux d'accès de tous réduits au minimum. Et qui dit accès dit clé. Dans les garderies, on a obligé tous les établissements à verrouiller leurs portes en tout temps. Encore là, il fallait des serrures. Ici, au parlement, tout serrurier doit montrer patte blanche, et vous pouvez nous croire qu'aucun écart de conduite au dossier n'est toléré. Il y a de très bonnes raisons à ça. Ce ne sont que quelques exemples où les services d'un serrurier sont essentiels.

De plus en plus on voit des vols sans effraction dans les édifices à logements, condos et autres. Et on a souvent vu des voleurs surpris sur les lieux du crime devenir violents. Encore une fois, nous parlons ici de la sécurité du public. Et, même si on n'en entend pas beaucoup parler, nous savons, pour en avoir discuté avec des enquêteurs, qu'il y a de plus en plus d'entrées illégales faites sans effraction au moyen de techniques utilisées par les serruriers, c'est un fait.

Conclusion. Nous espérons donc vous avoir démontré que la serrurerie est un maillon essentiel de la sécurité et même qu'aucune sécurité n'est possible sans la serrurerie. Elle devrait donc faire partie des domaines assujettis à la future loi sur la sécurité privée. Le livre blanc affirme hors de tout doute que, si les intervenants en sécurité ne sont pas encadrés, il y a danger pour le public.

À la page 26, on y lit, et je cite: «À titre d'exemples, mentionnons les situations suivantes: l'infiltration de services de sécurité par des réseaux criminels; les vols d'envergure perpétrés par du personnel de sécurité qui connaît exactement la façon de contourner les mesures de sécurité qu'il a lui-même mises en place ou avec lesquelles il travaille.»

Nous demandons donc:

1° que la serrurerie soit assujettie à la future loi sur la sécurité privée;

2° qu'un code d'éthique et de déontologie soit mis en vigueur pour la profession;

3° que le champ d'application couvre toute la serrurerie et soit exclusif aux serruriers;

4° qu'une formation spécifique soit obligatoire;

5° que l'organisme gouvernant la profession soit composé de professionnels de la serrurerie; et

6° que des mesures soient mises en place pour vérifier l'intégrité des individus travaillant en serrurerie.

n(23 h 20)n

En conclusion, nous aimerions que vous pensiez personnellement à tout ce que vous protégez sous clé, que ce soit au bureau ou à la maison. Ce sont des personnes qui vous sont sûrement très chères et des biens d'une certaine valeur. Êtes-vous prêts à les mettre en danger? Qui a des copies de vos clés? Qui vous assure qu'il n'y a que vos clés qui déverrouillent vos serrures? S'il y a un feu, est-ce que les mécanismes des sorties de secours vont fonctionner adéquatement? Qu'en est-il de vos clés de coffrets de sûreté? Avez-vous un coffre-fort construit pour résister au vol ou simplement un contenant qui protège contre le feu? Est-il conçu pour protéger aussi les médias informatiques ou seulement les documents papier?

Le Président (M. Simard): Je suis obligé de vous demander de terminer.

M. Dussault (Pierre): Deux lignes.

Le Président (M. Simard): Oui, allez-y, lisez vos deux dernières phrases.

M. Dussault (Pierre): Seul un serrurier compétent peut répondre à ces questions. Et, sincèrement, avouez que vous ne voudrez faire affaire qu'avec un serrurier honnête.

Le Président (M. Simard): Certainement.

M. Dussault (Pierre): Je vous remercie.

Le Président (M. Simard): Alors, M. Dussault, nous vous avons écouté avec attention. J'ai certainement compris que vous demandiez d'être assujettis à la prochaine loi.

M. Chagnon: ...

Le Président (M. Simard): La moitié des gens qui viennent ici... les trois quarts demandent d'être exclus. Vous, vous demandez d'être assujettis.

Nous avons appris beaucoup de choses en vous écoutant, et j'ai trouvé ça très insécurisant. J'ai l'impression que fermer ma porte à clé n'a plus beaucoup de sens de nos jours.

Alors, j'invite le ministre à ouvrir certaines portes et à fermer certaines serrures.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Ça dépend toujours de qui vous fréquentez, dans le fond, M. le Président. Alors, M. Dussault, je tiens à vous remercier pour votre mémoire. Et, sauf erreur, puis peut-être que le président ou parmi nos membres ici, ils sont au courant, je pense que la plus vieille législation en matière de sécurité privée est française, remonte à la fin du XVIe siècle. Je pense qu'elle a été entérinée par Henri IV, avant l'édit de Nantes, et elle reposait sur la serrurerie. Si je me rappelle bien, là, c'était un édit qui avait particulièrement... qui était venu...

Le Président (M. Simard): On pourrait en reprendre les grandes lignes dans le projet de loi.

M. Chagnon: Mais c'est ce que nous demande M. Dussault.

Une voix: C'était l'édit Dussault...

M. Chagnon: Non, c'était l'édit du bien. Et finalement M. Dussault aujourd'hui vient nous demander d'assujettir la serrurerie à la loi, comme elle l'était en 1962, d'ailleurs. En 1962, dans la législation que nous nous apprêtons éventuellement à changer, la serrurerie s'y retrouve. Et vous n'êtes pas le seul qui êtes venu nous dire qu'il fallait assujettir la serrurerie au projet de loi, et je vais commencer par la conclusion en disant: Oui, vous allez être assujettis et...

Des voix: ...

Le Président (M. Simard): Que ne le disiez-vous plus tôt, M. le ministre?

M. Chagnon: Bien oui, mais c'est pour ça que j'ai commencé par la conclusion...

Le Président (M. Simard): Vous avez bien fait.

M. Chagnon: ...de façon à éviter quelques questions. Mais en matière de... vous faites allusion dans votre mémoire au fait que vous acceptez à l'avance que les gens qui travaillent en serrurerie n'aient pas de dossier criminel, mais vous mentionnez aussi «pas de dossier de crédit». C'est quoi, le rapport entre le crédit puis la serrurerie?

M. Dussault (Pierre): C'est que souvent dans les commerces il y a des gens qui font aussi des enquêtes de crédit et de caractère sur les individus qui ont accès à des données sensibles, ce qui donne tout simplement un aperçu de la fragilité du candidat ou non. Alors, si quelqu'un est endetté par-dessus les oreilles, comme on dit, il est beaucoup plus fragile, si on veut.

M. Chagnon: Alors, vous accepteriez d'être assujettis, c'est-à-dire de devenir membres, d'être... de faire en sorte que les gens qui sont vos employés soient détenteurs d'un permis, que vous-mêmes, comme association, comme compagnie, vous soyez détenteurs d'un permis comme une agence, en fait, et de participer au processus de déontologie, de formation, et tout?

M. Dussault (Pierre): Oui. Je vous dirais que beaucoup de clientèles qu'on dessert exigent qu'on ait... Exemple: les services gouvernementaux, les différents ministères et l'Assemblée nationale exigent qu'on ait des enquêtes sur les employés et font eux-mêmes les enquêtes sur nos employés. Donc, je crois que le public a le droit à la même sécurité.

M. Chagnon: Alors, je ne vous ferai pas veiller plus tard.

Le Président (M. Simard): C'est là-dessus d'ailleurs que certains groupes ont insisté ce soir, qu'il y ait enquête de sécurité et qu'on s'assure que les membres de votre profession soient au-dessus de tout soupçon, le plus possible, parce que, maîtrisant une technologie qui peut, c'est le cas de le dire, ouvrir toutes les portes, c'est... il va de soi qu'on puisse savoir qui le fait. Est-ce que, du côté de l'opposition, il y a des questions à poser? Non?

Mme Papineau: Non, moi, je veux juste vous dire, M. Dussault, que vous aviez un très bon mémoire qui m'a fait réfléchir et qui m'a fait vraiment réaliser à quel point un serrurier était indispensable, et surtout la qualité du serrurier. Il y a combien de serruriers au Québec à peu près?

M. Dussault (Pierre): C'est très difficile à évaluer. Il y a des gens qui se disent serruriers et qui ne font que...

Le Président (M. Simard): À deux heures du matin, je peux vous dire qu'il n'y en a pas beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dussault (Pierre): Non, il n'y en a pas beaucoup, c'est exact.

Le Président (M. Simard): J'ai un souvenir précis.

Mme Papineau: Mais, en tout cas, vous m'avez vraiment fait réfléchir sur la serrure, si on peut... Et je pense que vous auriez... puis c'est juste ce que je vous dis comme ça en passant, les gens auraient intérêt à savoir que fait un serrurier et c'est quoi, l'importance de cette profession-là dans la vie de tous les jours, hein? Et en tout cas, moi, je suis contente, le ministre vous a confirmé que vous seriez assujettis, alors bravo, votre job est faite.

M. Dussault (Pierre): Merci.

M. Turp: C'est quoi, la différence entre un maître serrurier et un serrurier?

M. Chagnon: Bien, c'est un maître. Vous êtes maître, vous devriez connaître la différence.

M. Dussault (Pierre): Voilà. C'est que, sincèrement, on n'a aucune qualification, aucun processus qui permet de faire la différence entre un maître serrurier et un serrurier. D'ailleurs, un serrurier, il n'y a même pas de... très peu de définitions.

M. Turp: Ce n'est pas comme un grade supérieur, là?

M. Dussault (Pierre): À l'origine, c'était... avec tout le système de compagnonnage qu'il y avait, on parvenait au niveau de maître.

Le Président (M. Simard): ...auprès d'un maître.

M. Dussault (Pierre): Exactement, c'est ça. Mais c'est demeuré comme ça.

M. Turp: Ce n'est pas un serrurier qui a une maîtrise?

M. Dussault (Pierre): Sûrement pas.

Le Président (M. Simard): Alors, sur cette dernière intervention, M. le ministre a une question, une dernière question.

M. Chagnon: ...est-ce que vous êtes assujettis, oui, au Code de la construction?

M. Dussault (Pierre): Au Décret de la construction?

M. Chagnon: Au Décret de la construction.

M. Dussault (Pierre): On n'est pas reconnus par le Décret de construction, on n'a aucun travail qu'on peut faire sur les chantiers de construction.

M. Chagnon: O.K.

M. Dussault (Pierre): Et ça, c'est peut-être une partie qui...

M. Chagnon: Parce que c'est un problème, c'est un problème pour les gens qui...

M. Dussault (Pierre): Oui. Vous savez, il existe dans le domaine de la construction un métier qui s'appelle serrurier de bâtiment. Les serruriers de bâtiment, dans le fond, ce sont des soudeurs. Ils vont installer des balcons, des escaliers en acier, des rampes, des garde-fous, et des choses comme ça.

Une voix: ...

M. Dussault (Pierre): Coffres-forts et voûtes, portes de voûte.

Mme Papineau: La serrure, qui l'installe?

M. Dussault (Pierre): Les menuisiers.

Mme Papineau: Les menuisiers?

M. Dussault (Pierre): Oui.

Mme Papineau: Bien là il y a un problème, là.

M. Dussault (Pierre): Le menuisier est le seul qui a le droit de percer une porte pour installer une poignée ou une serrure, et c'est là que c'est un peu aberrant, là, quand on repasse en arrière, nous, pour faire certaines vérifications, il y a des fois que c'est...

Le Président (M. Simard): Je sens que la Commission des institutions s'éloigne un peu de ses objectifs et je nous rappelle à l'ordre en ajournant nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 28)

 

 


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