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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 8 juin 2005 - Vol. 38 N° 80

Consultations particulières sur le projet de loi n° 109 - Loi sur le Directeur des poursuites publiques


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Table des matières

Journal des débats

(Douze heures une minute)

Le Président (M. Simard): Nous allons commencer nos travaux, et je rappelle immédiatement le mandat de cette commission, qui est de poursuivre les auditions publiques ? j'aperçois le député de Hull, donc notre quorum est assuré ? poursuivre les auditions publiques sur le projet de loi n° 109, Loi sur le Directeur des poursuites publiques.

Auditions (suite)

Alors, notre prochain invité, ce matin, est bien connu dans cette enceinte, où il a été un élu pendant plusieurs années, et un ministre important, un élu aussi qui s'est toujours préoccupé de questions juridiques. Il a été ministre de la Justice et Procureur général, ces questions l'intéressent beaucoup. Et je suis sûr que nous allons écouter avec beaucoup d'attention son témoignage. Je veux lui souhaiter la bienvenue parmi nous. Celui qui est à l'origine de la réforme du Code civil ne peut qu'être chez lui à la Commission des institutions et du droit.

Alors, vous connaissez plus que nous sans doute encore les règles de fonctionnement, mais je vous rappelle que vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous présenter l'essentiel de vos commentaires, à la suite de quoi la partie ministérielle aura un temps équivalent, et ensuite le critique de l'opposition officielle vous posera des questions. Alors, M. Rémillard, bienvenue parmi nous et à vous la parole.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard (Gil): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, c'est pour moi un très grand plaisir d'être avec vous, ce midi, et je dois vous dire à quel point j'ai été sensible à la délicate attention que j'ai reçue de l'Assemblée nationale tout à l'heure. Je remercie le ministre de la Justice d'avoir souligné ma présence. Ça fait beaucoup plaisir, comme vos bons mots, M. le Président, en me présentant, ça fait plaisir parce que j'ai passé, comme député, près de 10 ans et j'ai fait, comme vous faites, de mon mieux pour essayer de collaborer au bien-être de mes citoyens, citoyennes québécois.

Et je vous remercie de cette occasion que vous me donnez donc de vous présenter des commentaires que je veux vous livrer bien modestement. Si ces commentaires peuvent collaborer à une compréhension de ce projet de loi que je considère très important, eh bien, tant mieux, mais je le fais bien modestement, avec aussi toutes les réserves, je dois dire, de quelqu'un qui n'a plus, depuis un bon bout de temps maintenant, la connaissance de l'intérieur, du fonctionnement de cette institution si importante qu'est le Procureur général.

Alors, je voudrais évidemment souligner que c'est un projet de loi qui apporte des changements considérables, un projet de loi que je considère qui peut améliorer la qualité de la justice au Québec parce qu'il apporte un élément d'indépendance, de transparence qui me semble souhaitable. Il y a déjà un bout de temps qu'on en parle, de cette possibilité de compléter le rôle du Procureur général par un directeur des poursuites publiques pénales et criminelles, et je dois dire qu'après toutes ces réflexions depuis maintenant près de 15 ans, après un livre qui a été publié par la Commission de réforme du droit à l'époque, en 1988-1989, avec des modifications qu'ont apportées certaines provinces canadiennes comme la Nouvelle-Écosse, la Colombie-Britannique ? et je sais aussi que certains pays, dont l'Angleterre bien sûr, ont fait des modifications ? l'Assemblée nationale est maintenant saisie de cet important projet de loi, et c'est pour moi donc un privilège que vous m'accordez de pouvoir en discuter avec vous. Je ferai quelques commentaires donc dans mes 20 minutes, et ensuite, bien sûr, je serai à votre disposition pour répondre à vos questions si je le peux.

Mon premier commentaire est en fonction de l'article 1, ou je dirais même peut-être au sujet de l'appellation de la loi. Je me permettrais simplement de dire: Loi sur le Directeur des poursuites publiques, il me semble qu'on devrait dire «publiques criminelles et pénales» parce qu'en droit administratif il y a aussi des poursuites publiques, et c'est toujours ? j'ai appris ça au Comité de législation ? c'est toujours un grand défi de pouvoir nommer des lois d'une façon assez explicite qu'on puisse ensuite, en voyant leurs titres, connaître au moins le contenu... de quoi ils parlent; pas le contenu mais de quoi ils parlent. Donc, pour ma part, le mot «poursuites publiques» ne me semble pas tout à fait complet dans le sens de ce qu'on retrouve dans le projet de loi, évidemment.

Article 1. Je me permettrai simplement de dire que nous n'avons pas, dans nos techniques législatives, nous n'avons pas de préambule, et c'est tant mieux, parce qu'un article fait partie de la loi dans le sens complet du terme, et c'est mieux ainsi. Mais, l'article 1, je crois que j'aurais aimé y voir plus de substance, dans le sens d'une description de l'objectif, un objectif législatif à poursuivre. Pourquoi on fait cette loi? On fait cette loi pour améliorer le processus, le processus de poursuites criminelles, pénales. On veut de la transparence, de l'indépendance, de l'impartialité, de l'efficacité. En fait, il me semble que cet article 1 pourrait peut-être avoir un peu plus de chair pour donner plus le ton au projet de loi. Et on pourrait s'en servir ensuite, bien sûr, pour interpréter le reste de la loi. Mais c'est simplement un commentaire que les légistes... dont je salue ici la présence de Mme Marie José Longtin qui évidemment connaît bien toutes ces techniques de rédaction. Alors, mon commentaire vaut ce qu'il vaut.

Article 2. L'article 2, si on parle d'indépendance, de transparence, d'impartialité, l'article 2 joue un rôle important parce qu'il s'agit de la nomination de ce Directeur. Or, j'ai deux commentaires. Mon premier commentaire est concernant le processus, le processus de nomination. À mon sens, c'est tout à fait approprié que ce soit le ministre de la Justice... Et on marque bien, à l'article 2, on dit... La première phrase est: «Le gouvernement, sur la recommandation du ministre de la Justice...» On ne dit pas «Procureur général». On ne l'a pas dit, là. On va parler du Procureur général tout de suite dans le deuxième alinéa, mais, dans le premier, on n'en parle pas parce qu'on fait la différence ? et c'est tellement important; c'est pour ça que le projet de loi existe, d'ailleurs ? entre le ministre de la Justice et le Procureur général. Donc, c'est tout à fait le processus à retenir, que c'est le ministre de la Justice qui recommande au gouvernement une nomination, et le gouvernement nomme.

n (12 h 10) n

Où j'ai plus de difficultés, c'est en ce qui regarde ce processus qui amène le ministre de la Justice à proposer un nom au gouvernement, en ce sens que je lis ici la deuxième phrase de ce premier alinéa de l'article 2: «La personne recommandée doit avoir fait l'objet d'un avis favorable de la part d'un comité formé pour la circonstance, lequel étudie le dossier de toute personne que lui soumet le ministre.» Donc, c'est le ministre qui a l'initiative, c'est lui qui suggère des noms au comité. Il me semble que ce n'est pas un gage suffisant de transparence et d'indépendance.

J'aimerais mieux voir, pour une telle nomination, un processus qui pourrait s'apparenter, par exemple, au processus de nomination des juges: le comité reçoit toutes les candidatures qui respectent les conditions de candidature, et le comité fournit au ministre une liste, et le ministre, dans cette liste, choisit un nom qu'il soumet au gouvernement. Il me semble que ça m'apparaîtrait plus souhaitable, dans ce projet de loi, pour garantir la complète indépendance, impartialité du Directeur. Et en plus ça dégage le ministre. Même, je pourrais dire: Ça protège le ministre. Ce n'est pas lui qui a choisi, il a fait sa recommandation au gouvernement en fonction du choix qui a été fait par un comité. Et à mon sens ce processus garantirait l'indépendance, permettrait au ministre aussi d'avoir une certaine distance.

Et, tout à l'heure, si on a à discuter sur la fameuse règle de l'imputabilité en relation justement avec cette indépendance, on pourra voir que cette différence pourrait être significative quant à cette règle d'imputabilité qui devra s'appliquer dans ce nouveau cadre législatif. Parce que je crois que probablement... On comprend tous qu'une des grandes questions qui se posent avec ce projet de loi, c'est au sujet de l'imputabilité et la relation d'indépendance. Alors, pour moi, le processus de nomination m'apparaît un élément très important, et je préférerais donc qu'on se réfère au processus de nomination utilisé pour nommer les juges plutôt que celui-ci.

Mon autre commentaire, dans ce processus, est sur la composition du comité chargé d'établir... de sanctionner, si vous voulez, ce nom ? je crois que le mot «sanctionner» n'est pas juste ? mais qui est là pour étudier les dossiers de toute personne que lui soumet le ministre. On parle, ici: «Ce comité est composé ? et je cite; ce comité est composé ? de trois membres nommés par le ministre sur la recommandation respective du bâtonnier du Québec.» Je crois que c'est une bonne chose que le bâtonnier du Québec puisse être impliqué dans ce processus de nomination. C'est une bonne chose, puisqu'il est le premier dirigeant de la Corporation professionnelle des avocats, et ce Directeur des poursuites doit être d'une probité professionnelle en dehors de tout questionnement. Donc, c'est intéressant de l'avoir sur ce comité.

«Des doyens des facultés de droit du Québec», moi, je me demande pourquoi. Qu'est-ce que les doyens peuvent faire... Qu'est-ce qu'un doyen peut faire sur ce comité? Qu'est-ce qu'un doyen peut faire sur ce comité? Est-ce qu'il témoigne de la qualité intellectuelle? Est-ce qu'il témoigne du passage qu'aurait fait le Directeur à l'université? Pourquoi? Pourquoi avoir un doyen? Ensuite, le «secrétaire général du gouvernement». Le secrétaire général du gouvernement, c'est très bien parce que ce Directeur a le titre de directeur d'un organisme public. Donc, que le premier secrétaire du gouvernement puisse être membre de ce comité, je crois que ça peut être aussi une bonne chose.

Donc, je reviens, pour ma part, je reviens donc sur la présence d'un doyen. Je crois qu'on devrait plus retrouver la présence d'une personne représentative du public, avoir quelqu'un qui est nommé par le ministre et qui est nommé pour ses qualités humaines et son implication sociale ? et, là encore, je me réfère au processus qui existe pour la nomination des juges ? mais qu'on nomme quelqu'un qui est reconnu pour son implication sociale, qui apporte un élément qui se situe au niveau des citoyens, des citoyennes. Alors, voilà les deux commentaires que j'avais à faire sur cet article 2 et sur la nomination des juges... Des juges... Excusez-moi, c'est un lapsus révélateur. Sur la nomination du Directeur.

Autre commentaire. À l'article 4, deuxième alinéa: «Cette nomination est faite sur la recommandation du ministre de la Justice, lequel doit au préalable avoir obtenu un avis favorable du Directeur à son égard.» Je me questionne sur cette façon de nommer le numéro deux. Est-ce que le ministre doit absolument avoir un avis favorable, ou si simplement il pourrait nommer après consultation auprès du Directeur? Si on mentionne qu'il faut un avis favorable du Directeur, on peut penser à des situations où il pourrait se retrouver dans une situation de conflit. Il me semble qu'il vaudrait mieux mentionner que le ministre nomme après consultation du Directeur, et le Directeur peut le mentionner publiquement, qu'il n'est pas d'accord ou qu'il est d'accord, mais le ministre conserve sa pleine capacité de nommer.

À l'article 17, article 17, on dit: «À la demande du Procureur général, le Directeur fournit une expertise liée à l'application des lois dans le domaine de sa compétence, notamment par la production d'avis.» Donc, je comprends que ce premier alinéa mentionne donc que c'est à la demande du Procureur général. S'il n'y a pas de demande, on ne le fait pas. C'est à la demande du Procureur général que le Directeur fournit une expertise. Mais le deuxième alinéa dit ceci: «Il peut faire des recommandations au Procureur général concernant l'application de ces lois et l'exercice de leurs fonctions respectives.»

Ma question, c'est de savoir: Est-ce que ce deuxième alinéa se comprend évidemment en fonction du premier? Et est-ce que c'est aussi à la demande du Procureur général qu'il peut faire des recommandations? C'est un élément important. Parce que, quand vous êtes dans une situation sensible, comme ministre, et que vous avez un organisme qui dépend de vous et qui fait une recommandation que vous n'avez pas demandée, parfois ça peut avoir des significations de différentes façons. Je voulais simplement voir s'il y avait une relation entre ces deux alinéas.

n(12 h 20)n

J'ai plusieurs autres commentaires évidemment en arrivant à cette clause 21, qu'on appelle la clause dérapage, à ces articles où le Procureur général peut prendre en charge ou intervenir dans sa conduite dans des affaires exceptionnelles. Et je suppose qu'on pourra en discuter lors de la période de questions.

Le Président (M. Simard): ...minutes étant épuisées, est-ce que vous souhaitez quelques minutes supplémentaires qu'on pourrait vous consentir? En tout cas, j'apprécierais que vous arriviez à une conclusion rapide.

M. Rémillard (Gil): Écoutez, j'arrivais à la conclusion, j'ai dit exactement ce que je voulais vous dire. Il y a peut-être un petit détail. Je me permets de terminer sur ce petit détail dans les notes explicatives. Dans les notes explicatives, deuxième phrase, on dit: «Sous l'autorité générale du ministre de la Justice et Procureur général, le Directeur exerce les fonctions qui lui sont confiées par ce projet de loi, avec l'indépendance que celui-ci lui accorde.» Je pense que c'est «celle-ci lui accorde». Si vous regardez dans le projet de loi, article 1, deuxième alinéa, c'est bien «celle-ci». En fait, c'est la loi qui lui accorde, ce n'est pas le ministre, hormis que je me trompe, là.

Une voix: ...le projet.

M. Rémillard (Gil): Est-ce que c'est le projet?

Le Président (M. Simard): C'est le projet de loi, à ce moment-là.

M. Rémillard (Gil): Ah, c'est le projet de loi? Parce que, dans l'article 1, c'est marqué «celle-ci».

Le Président (M. Simard): Nous n'adoptons pas heureusement les notes explicatives, parce qu'il y aurait pas mal de corrections à faire, je peux vous le dire.

M. Rémillard (Gil): Parfait. Alors, je retire mon commentaire, M. le Président, et je suis à votre disposition.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. Rémillard. J'invite maintenant le ministre à vous poser la première question.

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais, comme vous l'avez fait, remercier Me Rémillard d'être ici, aujourd'hui. Il a exercé la fonction importante de ministre de la Justice, Procureur général et Notaire général aussi pendant plusieurs années. Il est celui qui a été l'artisan du Code civil et de son adoption. C'est un monument dans notre patrimoine juridique, au Québec. C'est un juriste reconnu, c'est également un professeur d'université. Il était professeur avant sa venue en politique et il y est retourné également, actuellement. En plus d'être praticien, il est également professeur. Donc, nous sommes très privilégiés de pouvoir l'avoir aujourd'hui avec nous ? je le remercie d'être présent ? et de pouvoir compter sur ses commentaires, son expertise et puis également son expérience à titre de ministre de la Justice et de Procureur général.

Vous avez fait des commentaires concernant le titre du projet de loi, également le préambule. J'en prends acte, je pense que c'est une suggestion que nous pourrons examiner avec les juristes du ministère. Et je comprends que de spécifier «matière criminelle et pénale» refléterait d'avantage, en tout cas pour la personne qui voit le projet de loi, le contenu même du projet de loi. Donc ça, je vous en remercie.

Il y a, je pense, un élément important, parce qu'en plus de l'attribution des fonctions toute la question de la nomination est un autre élément important du projet de loi pour assurer l'indépendance. Vous proposez un processus qui pourrait par analogie ressembler à celui qui est en place, au Québec, pour la nomination des juges de la Cour du Québec et des cours municipales. Je pense qu'il y a un élément important, là, c'est qu'il y ait ? et je ne sais pas si vous partagez la même chose, vous l'avez mentionné ? au moins une liste et non pas uniquement un nom, parce qu'il m'apparaît, moi, important que le ministre, dans sa recommandation, puisse quand même avoir une certaine latitude parmi un minimum de noms qui auraient fait l'objet de recommandations ou d'avis de la part du comité.

Est-ce que vous partagez cet avis-là?

M. Rémillard (Gil): Oui, oui, absolument, M. le ministre. Absolument. Il faut que vous puissiez avoir une liste. Maintenant, une liste, c'est combien de noms? Combien faut-il de moutons pour former le troupeau, hein? C'est ça. Ça dépend évidemment du nombre de candidatures et tout. Mais vous avez parfaitement raison qu'il faut une liste, il faut que vous puissiez avoir un choix à faire. Mais ce choix vient de l'initiative du comité, et pour moi c'est l'élément important, ça vient de l'initiative du comité et ça vous met, comme ministre, dans la situation où vous pouvez voir ces candidatures qui ont donc été entendues et suggérées, recommandées par le comité, et à mon sens ça donne à la fois le recul et ça protège aussi le pouvoir discrétionnaire qui doit revenir au ministre face au Conseil des ministres, au gouvernement.

Le Président (M. Simard): M. Rémillard, vous êtes entré ici, vous étiez seul dans la salle, et, si vous vous retournez, vous allez voir, vous êtes entouré maintenant de jeunes enfants qui sont accrochés à vos paroles. C'est absolument magnifique à observer. Vous attirez donc, tel saint François, les enfants autour de vous, et c'est bien. M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marcoux: M. le Président, bienvenue aux étudiantes qui sont avez nous, également aux personnes qui les accompagnent, que j'imagine leurs enseignantes. Donc, bienvenue à une séance de la commission parlementaire. Ça va compléter votre... Pardon?

M. Bédard: J'ai dit: Soyez bon, il y a un public, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marcoux: Donc, ça va compléter votre visite de l'Assemblée nationale.

En ce qui a trait à la composition du comité, vous vous interrogez à savoir pourquoi un doyen. Écoutez, nous avons eu, hier, la doyenne de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, accompagnée d'une collègue qui est secrétaire de la faculté, qui semblait très heureuse que nous fassions appel à l'expertise, aux connaissances, à l'implication souvent, dans le milieu juridique, qu'ont les doyennes ou les doyens. Et enfin une des raisons pour lesquelles nous l'avions suggéré ? et je prends votre commentaire en bonne note ? c'est que je pense qu'ils représentent des gens qui sont indépendants, qui on une connaissance du milieu, qui peuvent apporter une contribution.

Vous ajoutez davantage une question... bien, en fait, peut-être une personne représentant le public. Est-ce que nous pourrions concevoir que le comité puisse être composé de quatre personnes, c'est-à-dire que nous puissions bénéficier, je dirais, de l'expertise, des connaissances de doyennes et doyens et qu'en plus nous puissions avoir une personne, comme vous mentionnez, reconnue dans le milieu social, qui fasse partie du comité, ou si vous dites...

Le Président (M. Simard): ...M. le ministre, j'espère que M. Rémillard n'en a pas de mauvais souvenirs, de ces doyens.

M. Rémillard (Gil): Non, bien au contraire. Et les doyens qui sont en poste présentement font un travail remarquable. Je les connais tous et j'ai pour eux beaucoup de considération.

Ce serait peut-être une solution. Mais pour ma part j'aimerais bien pouvoir retrouver, sur ce comité, quelqu'un qui est représentatif de la population québécoise. C'est tellement un rôle qui fait partie, d'une façon intégrante, de notre vie communautaire qu'il me semble que ce serait bon d'avoir quelqu'un... En même temps, la loi pourrait mettre quelques balises pour... Parce que, si on met, dans une loi, «quelqu'un représentatif de la population, nommé par le ministre», c'est un peu large. Mais, si on mettait quelques balises, sans encadrer trop formellement, mais en fonction de l'implication sociale, en fonction de certains éléments qui font que, dans ce rôle si important de décider qu'on poursuit ou qu'on ne poursuit pas, il faudrait avoir quelqu'un qui puisse évaluer une candidature en fonction d'une sensibilité sociale...

n(12 h 30)n

M. Marcoux: Merci. Plusieurs personnes, hier, ont parlé du processus de nomination, et vous le faites également, donc ça indique que c'est important, cet élément-là. Vous parlez également du fait qu'il n'y avait pas de disposition, dans la loi, touchant une possible destitution du Directeur des poursuites publiques, autre qu'il peut être destitué pour cause. Dans certaines lois, il y a des dispositions précises. Dans le cas bon de la magistrature, comme vous le savez, il y a tout un processus de prévu dans la Loi des tribunaux judiciaires ou dans la loi sur les tribunaux administratifs.

Est-ce que pour vous il est suffisant de prévoir qu'il peut être destitué pour cause, ou s'il y aurait avantage à prévoir un processus? Ou encore est-ce que... Et on pourrait prévoir dans la loi qu'il y a certains actes qui automatiquement, par exemple, pourraient entraîner la destitution. Quelle serait votre réaction à cet égard-là?

M. Rémillard (Gil): Ma réaction en fonction du «pour cause»... On sait que ça soulève bien des questions, le «pour cause». La jurisprudence l'a interprété, et je suis convaincu, M. le ministre, que vous avez des avis de vos légistes à ce niveau-là. La Loi d'interprétation nous dit que c'est ceux qui nomment qui peuvent dénommer. Alors, on part de ce principe-là, donc ce serait le gouvernement qui a nommé et c'est le gouvernement qui peut dire: Bien, c'est terminé, mais pour cause. C'est donc une situation qui pourrait dans certains cas être quelque peu délicate, puisque le gouvernement pourrait être dans une situation où il doit démettre de ses fonctions le Directeur qui aurait agi d'une façon inacceptable selon ses fonctions.

Mais, dans cette qualification de ce qui est acceptable ou est inacceptable, la marge de manoeuvre, elle est très, très, très mince. Une conduite en état d'ébriété, un ci, un ça, jusqu'où on va? Qu'est-ce qu'on fait? Ça peut être une situation difficile, ça peut être une situation difficile. C'est cette personne qui décide de poursuivre ou de ne pas poursuivre quelqu'un au criminel et au pénal, donc une responsabilité tellement importante. Cette personne doit elle-même être sans tache. Qu'est-ce que ça veut dire, être sans tache? Jusqu'où on va? Puis est-ce que c'est au gouvernement à prendre cette décision sans qu'il y ait un palier quelconque d'évaluation?

On sait qu'au niveau de la magistrature, à laquelle vous vous référez, il y a le Conseil, qui est là, de la magistrature. Donc, le gouvernement agit à la suite d'un processus qui a évalué, analysé, entendu donc en fonction de ce qui s'est passé. Dans un cas comme celui-ci, mettre simplement «pour cause» m'apparaît être une source possible de difficultés, d'embarras, et probablement que ça mériterait d'y réfléchir de plus près.

M. Marcoux: Pour vous, est-ce qu'il vous vient à l'esprit certains éléments? Vous dites: Ça mériterait une réflexion un peu plus approfondie.

M. Rémillard (Gil): On peut penser à différentes formules. Est-ce que le comité de nomination ne pourrait pas être un comité saisi? Est-ce qu'il n'y a pas un comité d'éthique gouvernementale qui pourrait en être saisi? Est-ce qu'il n'y a pas un mécanisme qui peut être en première ligne pour, d'une façon la plus transparente possible, la plus indépendante possible, faire le point, analyser la situation et faire sa recommandation? Et, dans le cas tel que je le vois dans la loi, c'est en fait le ministre de la Justice, là encore, qui se retrouve... le Procureur général, dans ce cas-ci, qui se retrouve dans cette situation de l'évaluer et de recommander au gouvernement: On met fin. Alors, il m'apparaît que ça peut être une situation difficile, et vous avez raison de vous interroger sur ce point-là.

M. Marcoux: Vous avez, en terminant, référé à l'article 21 en indiquant que ça pourrait peut-être faire l'objet de discussions au cours de la période de questions. Comment on prévoit que le Procureur général pourrait prendre en charge ou intervenir dans un cas qu'a à gérer le Directeur des poursuites publiques, qui pourrait lui donner des instructions? Ou même le Procureur général lui-même pourrait intervenir directement en première instance ou en appel. Est-ce que vous avez des commentaires sur la portée de cet article?

M. Rémillard (Gil): Je vous dirais, M. le ministre, que cet article est rédigé de belle façon. On voit là tout l'art des légistes du ministère de la Justice. Et c'est un article aussi qui est très significatif de l'esprit de cette loi. C'est un équilibre qui s'établit entre le Procureur général, qui conserve, à toutes fins pratiques, la responsabilité, tel que je le comprends ? vous me corrigerez ? mais qui conserve la responsabilité... Mais, par une délégation législative, on mandate un directeur de faire, en très grande partie, le travail du Procureur général. Mais, le Procureur général, on n'élimine pas son rôle. Son rôle est bien là, sa responsabilité de Procureur général, elle est là, et cet article est là pour faire un peu l'équilibre entre l'indépendance du Directeur et cette responsabilité du Procureur général.

Et, lorsqu'on parle de situation exceptionnelle, «de manière exceptionnelle», il me semble que ça doit être interprété, en fonction de l'ensemble de la loi, comme étant vraiment une situation où ça nécessite l'intervention du Procureur général. Je vous avoue que je n'ai pas d'exemple concret, mais on peut penser à différents éléments qui se sont passés de fait il n'y a pas si longtemps. Et, que le Procureur général décide de prendre la responsabilité de cette affaire, c'est exceptionnel. Et il a dû au préalable consulter le Directeur à ce sujet.

À l'article 21, premier donc alinéa, on parle de «consulté». À l'article 22, on parle d'«après en avoir avisé le Directeur». Donc, à certaines occasions, il avise le Directeur. Là, dans ce cas-ci, il consulte le Directeur. Je crois que c'est très significatif. Ce que le législateur veut bien dire, c'est que ce n'est pas un coup d'État, ce n'est pas une mise en main qu'on prend en mettant le Directeur complètement de côté comme tel, et on dit: Bien, tu te tasses, et, voilà, c'est le Procureur général qui prend les choses en main. Il y a une consultation qui est là, et je trouve que le mot est bien choisi et significatif de ce que l'on veut.

Quant au dernier alinéa de cet article 21, on dit: «Le Directeur est tenu de remettre le dossier au Procureur général ou de donner suite à ses instructions et de lui fournir, dans le délai que ce dernier indique, tout renseignement qu'il exige.» Tout ça se comprend en fonction donc du fait que le Procureur général demeure le grand patron, et le Directeur général, il est là par autorité législative pour exercer les fonctions du Procureur général. Mais le Procureur général a toujours cette surveillance ? est-ce que je pourrais employer le mot «contrôle»? d'une certaine façon, oui, je crois que l'article 21 est significatif à ce niveau-là ? le contrôle pour dire: Ah! attention, là, exceptionnellement, je prends...

n(12 h 40)n

Le Président (M. Simard): Je suis obligé d'interrompre cette partie de notre entretien et je me tourne immédiatement vers le député de Chicoutimi pour lui donner la parole.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, Me Rémillard, merci, merci d'être ici.

Je vais aller d'abord sur la transparence. Vous avez commencé en nous disant que le projet de loi actuel est un gage de transparence. En quoi selon vous il est un gage finalement de transparence?

M. Rémillard (Gil): Tout d'abord, en ce qui regarde l'image de la justice. Ce n'est pas facile pour les gens de regarder, à la télévision, le ministre de la Justice, qui est aussi Procureur général, et de dire: Attention! c'est deux choses différentes. Là, vous voyez le ministre de la Justice, vous ne voyez pas le Procureur général; là, vous voyez le Procureur général, vous ne voyez pas le ministre de la Justice. Le ministre de la Justice ne fait pas partie du gouvernement et le Procureur général, lui... Le ministre de la Justice, dis-je, fait partie du gouvernement, excusez-moi, alors que le Procureur général ne fait partie du gouvernement. Et il s'établit, en fonction de ça, un ensemble de conventions. Il y a beaucoup de conventions que nous respectons entre parlementaires, et je dois dire que pour ma part j'ai eu des vis-à-vis politiques, que ce soit Me Claude Filion, par exemple, à qui je veux rendre un hommage posthume, qui a fait un travail remarquable, comme député, en cette Chambre et qui a été vis-à-vis pour le ministre de la Justice, Mme Harel, qui occupe de grandes fonctions depuis récemment, et puis Pierre Bélanger, et nous avions ces conventions qu'ils ne m'interrogeaient pas directement, en Chambre, sur des questions qui regardent le Procureur général. On s'en parlait. Si on a besoin d'information, on peut s'en parler à l'extérieur. Et c'est des conventions qui ont toujours été respectées. Mais ce n'est peut-être pas facile à comprendre pour tout le monde.

Et j'ai l'impression que la règle d'imputabilité... Moi, je vous parle d'une période où la règle d'imputabilité n'était pas ce qu'elle est maintenant. Vous savez, l'Administration publique, ce que vous vivez maintenant avec la règle d'imputabilité, moi, comme ministre, je ne l'ai pas vécu, je ne l'ai pas vécu. Il y a une loi sur l'administration publique qui a été votée, en quelle année, en 1999 et qui implique une imputabilité, qui implique que vous avez une commission parlementaire qui peut demander à un sous-ministre de venir témoigner sans son ministre et qui le rend imputable. C'est des éléments que nous n'avions pas quand j'étais en fonction. C'était donc par convention qu'on respectait tout ça. Mais, quand on regarde ce projet de loi, il me semble évident que la règle d'imputabilité, qui fait partie, maintenant tellement partie, hein, de notre Administration publique, cette règle va faire en sorte que le Directeur, que ce Directeur pourra être amené à témoigner dans une commission parlementaire et répondre à des questions précises: Pourquoi vous n'avez pas poursuivi, qu'est-ce qui s'est passé dans ce cas-là, etc.? Ce projet de loi s'inscrit très bien dans le cadre de cette imputabilité.

M. Bédard: Excusez-moi, l'imputabilité du DPP, comme il est là, elle est envers le ministre. C'est le ministre qui nomme, le gouvernement qui nomme, hein? On ne peut pas faire un lien autre que celui-là. S'il était nommé par l'Assemblée nationale, je vous dirais, il serait imputable devant l'Assemblée nationale. Ce n'est pas le cas. Son imputabilité, et vous le disiez vous-même, sa nomination provient du gouvernement, donc son imputabilité est au gouvernement, est au ministre de la Justice. Et c'est pour ça que je vous dis: Moi, la transparence, ça, j'ai de la misère à acheter, dans le sens qu'au contraire on sacrifie de l'imputabilité. Même Me Viau, hier, nous le reconnaissait. Normalement, on disait: Oui, on sacrifie de l'imputabilité, on sacrifie en même temps de la transparence, parce que ce n'est plus un élu, c'est quelqu'un qui est nommé.

Vous savez, j'aurais de la misère à vous faire la liste des sous-ministres, et je suis en politique. La population n'a aucune idée des directeurs de cabinet, des sous-ministres qui occupent des fonctions des fois presque plus importantes que le ministre lui-même, je veux dire, qui ont une plus grande connaissance des dossiers. Donc, dire qu'il y a plus de transparence ? et là je parle de transparence par rapport à ceux qui nous jugent, la population ? ça, j'ai un doute, alors que la justice, par définition, doit être transparente. Le gage de la confiance, c'est la transparence.

Et là où il y a un argument favorable... Et là je vous prends des arguments défavorables, selon moi, en tout respect. Là, je m'en vais dans les arguments favorables, l'indépendance. Bon, peut-être pour assurer une plus grande indépendance du Procureur, on doit imaginer d'autre chose, on doit trouver une autre façon de faire qui va être un gage d'indépendance. Là, ce que je vois, c'est qu'au niveau de l'accession on a un problème. Au niveau de la nomination, pas d'appel de candidatures. Le ministre, c'est plutôt facile d'imposer un candidat. Les conditions de sortie sont quand même assez basses: congédiement pour cause ? à la limite, désaccord entre un ministre et un sous-ministre, c'est un congédiement pour cause suffisant ? non-respect de certaines conditions. Donc, là, on ne rencontre pas les conditions d'indépendance telles qu'on les connaît.

Troisièmement, même pendant son mandat, il ne jouit pas d'une indépendance, il a une relation directe. Entre vous et moi, là, ce que je vois actuellement: il ne sera pas tellement plus indépendant que le Sous-Procureur général actuel. Il rend compte au ministre, il va lui dire les décisions qu'il prend. Alors, en vrai, ce que je constate, c'est qu'on n'ajoute pas beaucoup d'indépendance, mais on sacrifie beaucoup d'imputabilité et de transparence, d'où ma réflexion.

Vous avez été ministre de la Justice, vous avez siégé au cabinet, et, vous l'avez mentionné tantôt, où il y a un problème parfois, c'est le rôle du ministre de la Justice et Procureur général. Est-ce qu'il y aurait d'abord avantage à séparer les rôles? Est-ce qu'il y aurait avantage à faire en sorte que le Procureur général, lui, ne siège pas au Conseil des ministres? À chaque fois, le ministre de la Justice a toujours refusé, comme Procureur général, de discuter de ses dossiers de Procureur général à quiconque, y incluant au Conseil des ministres, en tout cas sauf exception. À ma connaissance, ce n'est pas arrivé, et c'est par jugement. Les gens connaissent le rôle qu'ils ont, et normalement ils ne le font pas, et je pense que cette règle a été suivie dans le temps, dans les 40 dernières années. Mais, pour être sûr, pour s'assurer cette étanchéité, cette transparence et une meilleure indépendance, si on nommait un procureur général et en plus on lui assurait qu'après sa nomination, lors de son départ, il aurait une nomination qui serait prévue ? là, j'avais pensé à la magistrature, mais ça peut être ailleurs ? est-ce que vous penseriez qu'on atteindrait cet idéal d'étanchéité et d'indépendance?

M. Rémillard (Gil): Vos commentaires, M. le député de Chicoutimi, sont très pertinents parce que, là, vous mentionnez des éléments pour et des éléments contre et vous suggérez une autre façon de voir le rôle du Procureur général, qui est différente à mon sens de ce qu'on retrouve ici. Ici, on a décidé, on offrait l'option... Parce qu'à un moment donné, je me souviens, il y a 15 ans, ce qu'on devait décider, c'est: Est-ce que le Procureur général demeure Procureur général, ou si, à toutes fins pratiques, on crée un procureur général complètement hors politique, un peu comme vous le suggérez? C'était la première réflexion. Ensuite, on s'est mis à regarder ça de plus près, j'ai eu des éléments de réflexion qui m'ont été soumis par le ministère et on est arrivés avec cette règle d'imputabilité, on est arrivés avec cette règle aussi de démocratie de politique qui se concrétise dans la Loi sur l'administration publique, qui est la nôtre maintenant et qui est une des plus perfectionnées au monde, dont personnellement, comme professeur à l'École nationale d'administration publique, je suis très fier, et cette loi met en contexte donc une imputabilité qui à mon sens complète, à bien des égards, ce que cette loi propose. Donc, la loi propose: on conserve l'institution Procureur général, on crée un directeur des poursuites, mais son indépendance n'est pas sans contrôle et surveillance de la part du ministre.

M. Bédard: C'est ça, le problème, c'est qu'on n'a pas de véritable indépendance. On ajoute très peu... Les gens pensent qu'une nomination... Et vous avez été élu, vous avez exercé ces fonctions comme ministre de la Justice, comme Procureur général. Quand vous preniez vos décisions, personnellement vous étiez, je suis sûr, impartial et objectif quand vous aviez à prendre des décisions. Et d'ailleurs je regardais la liste des ministres de la Justice. À chaque fois, ces gens-là ? et on le voit par leur C.V., par leur expérience ? ont toujours eu ce souci d'atteindre de hauts standards d'indépendance et d'objectivité dans les décisions qu'ils ont à prendre hors de toute partisanerie.

n(12 h 50)n

Ce que j'ai peur, c'est que le projet de loi ait comme pour effet de dire: Parce que c'est quelqu'un de nommé, il devient indépendant. Ce n'est pas le cas. Les conditions d'indépendance viennent du contexte de nomination, comme je vous dis, de la façon qu'on peut exercer lorsqu'on est en poste et nos conditions de départ. Et après ça l'indépendance individuelle, elle vient de notre liberté d'esprit, de notre... C'est des conditions individuelles d'impartialité qui sont différentes. Et là on est dans un autre thème. Un directeur est aussi dépendant des conditions qui le touchent personnellement, je vous dirais ? bon, liées à sa famille, à des connaissances qu'il peut avoir ? qu'un ministre de la Justice. Il n'a pas plus d'impartialité, par rapport à cela, qu'un ministre de la Justice élu.

Et là, en termes d'indépendance institutionnelle, on n'ajoute presque rien. Tout ce qu'on fait, c'est qu'on fait une nomination qui a les apparences d'une nomination judiciaire. Mais ce n'est pas le cas du tout, parce qu'après ça ce n'est pas nommé en plus selon bonne conduite. Les conditions financières, les conditions de départ... La distance qu'il doit y avoir entre le ministre de la Justice et lui ne sont pas rencontrées, au contraire. Il a le devoir de reddition de comptes, il doit rendre compte, mais, à ce moment-là, au Procureur général. Alors, il y a comme... Et c'est pour ça que je vous suggère l'idée que vous avez... Parce que, moi aussi, je veux atteindre... Je me dis: Il faut toujours se méfier bon de la qualité des individus. Il peut arriver que quelqu'un de normalement constitué puisse faiblir ou qu'on ne puisse pas percevoir certaines problématiques ou même se garder d'un manque de jugement qui pourrait se produire à l'occasion. Alors, où on va être gagnant en indépendance, c'est en s'assurant de l'étanchéité vis-à-vis le gouvernement. Parce que c'est bien ça qu'on vise, là, tu sais. On se dit: Il faut que le gouvernement se garde une distance par rapport au Procureur général.

Pendant 40 ans, est-ce qu'on est d'accord de dire que, de façon complète, il n'y a jamais eu de problème entre le poste de Procureur général et le gouvernement? Cette étanchéité a toujours été conservée.

M. Rémillard (Gil): M. le député, moi, je ferai les commentaires suivants: le grand avantage que je vois dans ce projet de loi, c'est de pouvoir donner une indépendance, une impartialité au Directeur, mais dans la continuité du système actuel tel que nous le connaissons. C'est vraiment, je crois, la grande qualité de ce projet de loi, c'est: il établit une continuité aussi, il n'y a pas une fissure. On ne dit pas: Voilà, le Procureur général, dorénavant c'est une institution comme le Protecteur du citoyen, comme le Directeur des élections, peu importe. On ne dit pas ça. On dit: On continue une façon de faire, mais on l'améliore parce qu'on donne des garanties. On donne des garanties. Parce qu'il y a définitivement des garanties importantes.

M. Bédard: Où sont les garanties? Regardez, c'est là où j'ai un problème, Me Rémillard. Je regarde les garanties. Il y a un processus de nomination, bon, tout le monde s'entend, qui n'est pas convenable actuellement. Ça prend au moins un appel de candidatures. Le ministre ne peut pas transmettre des noms, puis le comité renvoie des noms. C'est bien, moi, je peux vous nommer, vous, demain matin, puis il n'y a aucun comité qui va me dire que Me Gil Rémillard est incapable d'occuper cette fonction. Alors, il n'y a pas un doyen qui va venir me dire que Gil Rémillard est incapable, mais... Donc, c'est trop facile. Là, à ce moment-là, on ne rencontre pas les conditions d'indépendance, au contraire. On ajoute à la perception de contrôle de la part du ministre, mais sans l'imputabilité. Parce que le ministre, lui, comme il ne prend plus les décisions, il n'en est plus imputable, il n'a plus à répondre de ses décisions vis-à-vis la population.

Et c'est pour ça que, moi, quand je vous avance l'idée... Je pense qu'en général les gens sont d'accord pour dire que, depuis 40 ans, les gens qui ont occupé ces fonctions l'ont toujours fait avec impartialité et objectivité et ont toujours différencié le rôle de ministre de la Justice et de Procureur général. Bon. Alors, pourquoi ne pas, si on souhaite ajouter de l'indépendance, aller au plus simple et conserver l'imputabilité en faisant en sorte que c'est un élu qui demeure Procureur général? Mais pas un procureur qui donne des directives, un procureur qui ultimement prend des décisions. Parce que, dans les faits, le Directeur des poursuites publiques ne prendra pas plus de décisions que le ministre actuel sur la poursuite d'un individu qui commet un vol au coin de ma rue. Alors, le ministre de la Justice n'est pas là pour ça, le Procureur général n'est pas là pour ça, le DPP ne sera pas plus là pour ça.

Donc, pourquoi ne pas avoir le meilleur des deux mondes en ayant un élu non membre du Conseil des ministres en Chambre qui exceptionnellement va répondre à des questions, mais de façon très exceptionnelle? Et on le sait, c'est arrivé rarement que, comme Procureur, il ait à répondre de ces questions. Mais parfois c'est arrivé qu'il le fasse, et, quand c'est arrivé, je pense que les commentaires qu'il a émis ont fait en sorte que bien des situations ont pu être évitées et bien plutôt des réputations auraient pu être ternies sans sa présence en Chambre qui affirmait des... avec les éléments qu'il avait. Et je pense que, dans l'histoire, l'institution a été bien servie par cette imputabilité.

Alors, êtes-vous tenté d'adopter cette façon qui assurerait, à ce moment-là, beaucoup plus d'indépendance? Parce que, si on lui dit, après: Vous allez être nommé ailleurs, l'indépendance par rapport au gouvernement va se créer inévitablement, comme on le fait actuellement avec le président de l'Assemblée. Il y a une distance qui se crée, et en même temps on conserve, je pense, cet avantage marqué qui est l'imputabilité.

Je sais que j'ai l'air à plaider pour vous convaincre, mais en même temps c'est que je pense que le projet de loi établit une possibilité. On est en consultation, donc il peut y avoir d'autres possibilités pour atteindre ce que vous vouliez indiquer d'ailleurs à l'article 1: le but. Le but, c'est quoi? Un peu plus d'indépendance. Parce qu'on n'aura pas l'indépendance, ça, on le sait, parce que les conditions ne sont pas rencontrées. Comment on peut ajouter un peu plus d'indépendance sans sacrifier l'imputabilité?

M. Rémillard (Gil): Pour ma part, quand je vois ce projet de loi, il m'apparaît être un projet de loi dans la continuité. Pour moi, c'est ma première réflexion.

Ma deuxième réflexion: il donne une indépendance, il donne des fonctions à un directeur qui appartiennent présentement au Procureur général. Donc, il y a une modification importante. La décision de poursuivre, qui appartient au Procureur général, avec ce projet de loi, elle appartient au Directeur des poursuites criminelles et pénales, donc un changement très important.

Troisième élément: Est-ce que ce rôle si important peut bénéficier de l'indépendance, peut bénéficier aussi de l'expertise, de la compétence et de la transparence? J'ai fait quelques commentaires tout à l'heure, on pourrait en faire d'autres aussi, parce qu'il y a peut-être certaines clauses sur lesquelles on peut s'interroger, comme la clause résiduelle qu'on a insérée, qui m'apparaît très, très large aussi, à l'article 11. Mais, quand je vois ce projet de loi et que je le mets dans le contexte de la Loi sur l'administration publique, je crois qu'on va avoir une indépendance relative, je suis d'accord avec vous, là, relative, en ce sens que c'est toujours le Procureur général qui surveille et contrôle, donc c'est une indépendance relative, mais par contre avec une imputabilité que je ne suis pas certain qu'un Procureur général qui serait nommé directement par l'Assemblée nationale pourrait avoir, une imputabilité qui pourrait l'amener à venir témoigner de son administration, et pas simplement de son administration budgétaire, mais de son administration, à venir témoigner sur la façon qu'il a exercé ses fonctions, et en comité parlementaire. Donc, on initie, avec ce projet de loi, la possibilité de voir une imputabilité, en ce qui regarde les poursuites pénales et criminelles, au niveau de l'Assemblée nationale, par ces comités. C'est comme ça que je le vois.

Mais c'est clair, M. le député, que l'interrogation que vous me posez, c'est une interrogation qui est fondamentale. Ou bien on fait cette cassure et on dit: Le Procureur général n'existe plus, tel qu'on le connaît, on le met au niveau de l'Assemblée nationale, il dépend de l'Assemblée nationale... Et, à ce moment-là, vous changez bien des choses. Vous pourriez dire que le ministère de la Sécurité publique pourrait revenir et serait Justice et Sécurité publique, pour former juste un ministère. Vous avez tout un nouveau scénario, là. Ce n'est plus la même chose. C'est deux façons de procéder différentes.

Le Président (M. Simard): Nous allons terminer nos travaux maintenant. Je vais suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures en remerciant évidemment Me Rémillard de son témoignage.

(Suspension de la séance à 13 heures)

 

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Simard): Nous allons reprendre nos activités. Je rappelle que nous sommes ici réunis pour poursuivre les auditions publiques sur le projet de loi n° 109, Loi sur le Directeur des poursuites publiques. La prochaine personne à être entendue nous est aussi connue, puisqu'il s'agit de Me Mario Bilodeau, président du Comité de déontologie policière, qui était, il n'y a pas si longtemps, sous-ministre de la Justice et qui a donc eu certainement, à plusieurs moments, l'occasion de réfléchir à ces questions-là. Nul doute que son témoignage nous sera utile.

Vous connaissez nos règles, puisque vous êtes venu du côté ministériel, mais vous connaissez très bien nos commissions parlementaires. Donc, vous avez une vingtaine de minutes pour nous présenter votre point de vue, et ensuite nous échangerons avec vous.

M. Mario Bilodeau, président du
Comité de déontologie policière

M. Bilodeau (Mario): Alors, merci. Bonjour à tout le monde. Je vais faire une courte présentation et après je serai disposé à répondre aux questions qui me seront adressées.

L'histoire récente démontre que, dans plusieurs des juridictions de common law dotées d'institutions parlementaires issues de la même tradition juridique que la nôtre, les autorités chargées des poursuites criminelles et pénales ont senti le besoin de mieux départager les fonctions de Procureur général et de responsable des poursuites publiques, généralement en confiant à une entité indépendante et distincte du gouvernement, et plus particulièrement du ministre de la Justice et Procureur général, le rôle d'assumer la direction des poursuites à caractère criminel et pénal. Ainsi, depuis le début des années quatre-vingt, l'Angleterre, l'Irlande, les neuf juridictions australiennes et, plus près de nous, les provinces canadiennes de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique ont adopté des lois ayant justement pour objet de créer un service des poursuites plus ou moins autonome, selon le modèle retenu.

L'examen de ces divers instruments législatifs et le survol des débats préparatoires à leur adoption révèlent que, s'il n'existe pas un modèle unique en la matière, il existe un point de convergence indéniable, soit le sentiment qu'il est préférable de distraire les poursuites criminelles et pénales des fonctions proprement gouvernementales et de les confier à une entité relativement autonome, et ce, afin de contrer l'impression, très généralement mal fondée, il faut en convenir, que certaines poursuites ou que des actes liés à ces dernières puissent résulter de considérations partisanes ou non exclusivement motivées par l'intérêt supérieur de la justice.

Vous n'ignorez pas qu'ici, au Québec, nous avons réfléchi à cette possibilité depuis plusieurs décennies et plus particulièrement depuis les années quatre-vingt. Si cette réflexion ne s'est jamais matérialisée en un projet de loi jusqu'ici, ce n'est sûrement pas parce que ceux qui l'ont menée jusqu'ici seraient parvenus à la conclusion qu'il faut à tout prix maintenir, sur notre territoire, le modèle actuel, du moins pour autant que je le sache. Il s'agit là d'un sujet difficile et délicat qui exige une longue réflexion, laquelle a été menée sérieusement, il me semble, pour aboutir dans les propositions que contient le projet de loi n° 109. Ce qu'on y trouve a pour l'essentiel été à plusieurs reprises, dans le passé, examiné, discuté, pondéré, revu, analysé, reconsidéré, toujours dans la recherche d'un idéal, soit de trouver le meilleur moyen d'accroître la confiance du citoyen dans l'administration de la justice criminelle et pénale, point névralgique de tout gouvernement, particulièrement dans les démocraties occidentales.

Je parle par expérience, ayant eu le privilège d'exercer, pendant près de neuf ans, à titre de sous-ministre associé à la Direction générale des poursuites publiques, au ministère de la Justice, la direction du réseau des substituts du Procureur général au Québec. Ces derniers, comme vous le savez, sont chargés par la loi de la majeure partie des poursuites criminelles et pénales. Les fonctions de direction que j'exerçais m'ont permis de constater que l'important travail de poursuivant constitue toujours une tâche extrêmement délicate et exigeante. Le bon fonctionnement du système des poursuites criminelles et pénales dépend, de façon primordiale, de l'intégrité, de la compétence et de l'engagement envers la justice de chacun des substituts à qui incombe cette difficile fonction. Mais cela serait insuffisant si on ne faisait pas état aussi de la nécessité non moins essentielle de maintenir, dans la population ainsi qu'auprès de la magistrature, la crédibilité et le respect qui doivent absolument s'attacher aux actions du poursuivant public. Les citoyens doivent en effet percevoir que les décisions prises en leur nom l'ont été en toute indépendance, uniquement dans l'intérêt supérieur de la justice.

Il en est ainsi des tribunaux, c'est là un trait distinctif d'une véritable démocratie. Le projet de loi sous examen contribuerait à mes yeux à maintenir cet idéal. Une lecture attentive nous révèle que ses auteurs ont été soucieux de conserver les acquis de la tradition juridique qui est la nôtre tout en tentant de satisfaire aux exigences des démocraties modernes en termes de transparence et d'imputabilité.

n(15 h 10)n

Ce qui frappe d'un point de vue empirique, c'est cette recherche de la continuité. Pour la majorité des citoyens, l'adoption de ce projet de loi n'entraînerait aucun changement notable dans leur perception immédiate de l'administration de la justice criminelle et pénale. Le projet de loi n'opère en ce sens aucune rupture juridique et ne renferme aucune disposition à caractère révolutionnaire. On peut dire que, dans cette mesure, il respecte incontestablement la tradition qui est la nôtre.

Les changements qu'il apporterait n'en sont pas moins essentiels, car ils viendraient répondre à des besoins qui se font sentir certes à des degrés variables selon les époques, mais néanmoins de façon constante et parfois pressante. Comment? D'abord et avant tout, en rendant plus claires, plus explicites, voire plus transparentes les nécessaires relations entre, d'une part, le Procureur général, un élu qui est aussi membre du gouvernement, à qui la loi québécoise confie le rôle de principal poursuivant en matière pénale provinciale et à qui le Code criminel et la common law confient le même rôle pour l'application des lois fédérales, et, d'autre part, ceux qui au quotidien ont mandat de prendre les poursuites qui découlent de ces nombreuses lois et de leurs innombrables règlements d'application. On ne peut guère concevoir que celui qui est responsable, devant l'Assemblée nationale du Québec, de ces questions puisse être privé de tout pouvoir d'intervention ou d'orientation. Les usages et conventions nous enseignent qu'elles doivent demeurer exceptionnelles. L'expérience acquise dans d'autres juridictions nous apprend par ailleurs que, tout en demeurant exceptionnelles, elles gagnent à être balisées par la loi.

Une des qualités du projet de loi sous examen est qu'il affirme sans ambiguïté le principe du caractère exceptionnel de telles interventions tout en précisant, de façon plus claire que jamais, les normes et critères auxquels doivent satisfaire ces interventions et orientations... Je m'excuse, mais je pense avoir passé une phrase, et ça ne doit pas être compréhensible pour vous. Je vais reprendre ce que j'ai omis de dire.

Le Président (M. Simard): ...parfaitement raison.

M. Bilodeau (Mario): Une des qualités du projet de loi sous examen est qu'il affirme sans ambiguïté le principe du caractère exceptionnel de telles interventions tout en précisant, de façon plus claire que jamais, les normes et critères auxquels doivent satisfaire ces interventions et orientations du Procureur général ou poursuivant public ? là, c'est mieux, je pense. Les articles 21 et 22 du projet de loi ne laissent guère d'équivoque à ce sujet. Le principe fondamental y est clairement énoncé à son article 21: «Lorsqu'une affaire relève de la responsabilité du Directeur, le Procureur général ne peut [en] prendre [...] charge ou intervenir dans sa conduite que de manière exceptionnelle et que s'il a, au préalable, consulté le Directeur à ce sujet.»

Plusieurs dispositions contenues dans le projet de loi viennent préciser ? et je crois qu'il y a lieu de s'en réjouir ? l'aménagement des rapports entre le Procureur général et le Directeur des poursuites publiques, sujet extrêmement délicat en pratique et qu'il est évidemment préférable de régler à l'avance, de façon impersonnelle, dans le cadre d'une loi plutôt que de façon ponctuelle ou en situation de crise. S'il est vrai que l'histoire québécoise renferme peu d'épisodes ayant illustré la nécessité de revoir la structure dans ce domaine, cela ne signifie pas qu'il serait inutile de renforcer nos institutions, ne serait-ce que pour consolider les principes qui nous ont guidés dans le passé et pour les enchâsser dans un texte ayant reçu l'aval des membres de l'Assemblée nationale.

Ici, il est clair que les auteurs du projet de loi ont voulu à bon droit conserver, en faveur du Procureur général, un rôle de surveillance et de contrôle sur les poursuites criminelles et pénales d'une manière compatible avec les exigences constitutionnelles et avec notre tradition parlementaire. En un mot, le Procureur général conserve son pouvoir d'orientation et de directive sur les poursuites publiques tout en le distinguant des opérations quotidiennes.

L'examen de ces diverses dispositions nous permet de voir que les auteurs du projet de loi ont su trouver un modèle propre au contexte québécois. Il sait concilier plusieurs principes essentiels, quoique parfois conflictuels en apparence: d'une part, l'accroissement des garanties d'indépendance de l'action des personnes chargées de mener les poursuites criminelles et pénales au Québec et, d'autre part, le rehaussement de la transparence à l'égard du contrôle que le Procureur général exerce en cette matière en maintenant le principe de son imputabilité devant l'Assemblée nationale.

Au nombre des garanties que le projet de loi prévoit en faveur de l'indépendance du Directeur et qui sont de nature à rassurer ceux qui pourraient entretenir des doutes à ce sujet figure, au tout premier plan, le fait qu'il serait nommé selon un modèle qui s'apparente à celui qui a cours en matière de nomination des juges. Par surcroît, on ne peut manquer de souligner le caractère original de ce comité qui serait formé de trois membres, suggérés l'un par le Barreau du Québec, un autre par les doyens des facultés de droit du Québec et l'autre par le secrétaire général au gouvernement.

De façon plus déterminante encore, le fait que le mandat du Directeur, d'une durée de sept ans, ne soit pas renouvelable renforce l'image d'indépendance qui doit s'attarder à toutes les décisions du Directeur en faisant en sorte de dissiper les doutes qui pourraient naître à la fin du septennat, d'aucuns pouvant penser ou suggérer que telle ou telle décision puisse être motivée par le désir de plaire ou d'assurer le renouvellement de son mandat. La pérennité ainsi que le caractère non renouvelable du mandat sont considérés, on le sait, comme des attributs de l'indépendance judiciaire à laquelle s'apparente celle dont le Directeur devrait jouir.

Certes, l'indépendance du Directeur ne serait pas absolue, le Procureur général pouvant exceptionnellement intervenir dans une affaire dont le premier assume la conduite, à la condition de respecter, comme nous l'avons dit, certaines normes, dont celle très importante de la publication, dans la Gazette officielle du Québec, de son avis d'intention de prendre en charge une affaire ou des instructions sur la conduite d'une affaire en particulier ou encore d'orientations et de mesures prises pour la conduite générale des affaires ? article 20, alinéa deux.

Les auteurs du projet de loi me semblent avoir réussi à concilier, dans un rapport d'équilibre salutaire, ce principe d'indépendance du Directeur avec les responsabilités d'orientation et de supervision du Procureur général. Ce dernier demeurerait ainsi imputable devant l'Assemblée nationale du Québec dans la mesure où la loi lui conférerait de nombreux pouvoirs de contrôle et d'orientation, dont les suivants: pouvoir général de supervision, le Directeur agissant, aux termes de l'article premier, sous l'autorité générale du ministre de la Justice et Procureur général; pouvoir du ministre de la Justice d'énoncer des directives, orientations et mesures en matière de poursuite criminelle et pénale ? article 16; pouvoir de confier au Directeur toute fonction que ce dernier est tenu... suivant le second alinéa du paragraphe 11.2; pouvoir d'énoncer des directives en matière d'aliénation des produits de la criminalité; pouvoir d'être informé des affaires comportant des questions d'intérêt général et des appels, ce qui lui permet d'exercer, de façon éclairée, le droit d'intervention que lui reconnaîtraient les articles 21 et 22; le pouvoir du ministre de la Justice d'élaborer et de prendre des orientations et mesures concernant la conduite générale des affaires criminelles et pénales, notamment la prise en compte des intérêts légitimes des victimes d'actes criminels, la protection des témoins, la promotion de certaines catégories d'affaires, par exemple la lutte contre le crime organisé ou le traitement non judiciaire d'affaires ou de mesures de rechange à la poursuite; pouvoir du ministre de la Justice de prescrire la forme, la teneur des prévisions budgétaires que le Directeur doit lui soumettre; pouvoir du ministre de la Justice d'exiger des renseignements sur les états financiers que le Directeur doit lui remettre chaque année. Ce sont là des exemples de l'application du principe de continuité dont j'ai parlé au début.

Le Procureur général a traditionnellement exercé ces grandes fonctions d'orientation et de contrôle des poursuites criminelles et pénales et, si le projet de loi était adopté, il pourrait continuer à le faire et il devrait en répondre devant la population, et plus particulièrement devant l'Assemblée nationale. Le fait cependant de prévoir le caractère exceptionnel de ces interventions dans une affaire donnée souligne du même coup que ce n'est que de façon tout aussi exceptionnelle qu'il pourrait avoir à discuter publiquement de ses motifs, pour éviter que de tels commentaires ne soient invoqués pour tenter de mettre fin prématurément aux procédures engagées devant les tribunaux. Dans la tradition parlementaire, on s'abstient en principe de commenter les causes pendantes, le principe de retenue et de respect pour les causes devant les tribunaux y étant reconnu et bien ancré, ce que l'on appelle traditionnellement le sub judice.

Il me semble par ailleurs que l'adoption de ce projet de loi permettrait d'améliorer plusieurs aspects de l'administration de la justice criminelle et pénale au Québec. Un premier que j'aimerais souligner touche la Direction des poursuites criminelles et pénales devant les cours municipales. L'expérience a montré que, si cette forme de décentralisation présente des avantages indéniables, elle soulève néanmoins des difficultés, en particulier au plan des disparités d'une région à l'autre, ce qui n'est pas toujours souhaitable, en matière d'administration de la justice, le principe de l'égalité de traitement y étant évidemment essentiel. Ainsi, la possibilité de prévoir des directives qui s'appliqueraient à tous les poursuivants publics, qu'ils agissent en première instance devant la Cour du Québec, la Cour supérieure ou une cour municipale et en appel devant la Cour supérieure, la Cour d'appel ou encore la Cour suprême du Canada, permettrait de mieux garantir le principe d'égalité de traitement devant les tribunaux. Par exemple, deux citoyens devant la Cour d'appel du Québec ne devraient pas être traités différemment par le poursuivant, selon que, pour une même infraction, l'un a été poursuivi en Cour du Québec et l'autre devant une cour municipale.

n(15 h 20)n

Second exemple, les disparités observées, en matière de programmes de non-judiciarisation, d'un endroit à l'autre pourraient éventuellement être atténuées par l'adoption de directives visant une plus grande uniformité dans ce domaine.

Autre aspect de l'administration de la justice que l'adoption de ce projet de loi permettrait à mes yeux d'améliorer: la nécessité pour le plaideur d'informer le Procureur général par écrit lorsqu'il requiert, à l'encontre de l'État, une réparation fondée sur l'une des chartes, québécoise ou canadienne, autre qu'une demande relative à l'exclusion de la preuve. Étant donné l'ampleur des conséquences, particulièrement pécuniaires, qui peuvent s'attacher à de telles demandes, il me semble raisonnable d'exiger qu'elles fassent l'objet d'une demande écrite, en conformité du reste avec les règles de procédure de la Cour du Québec et de la Cour supérieure, qui exigent que ces requêtes soient présentées par écrit afin d'en assurer une préparation adéquate. Le principe de l'équité entre les parties exige que l'État, qui doit répondre à des demandes de cet ordre, dispose du temps nécessaire afin de pouvoir y répondre adéquatement. Évidemment, une exigence de cette nature ne doit pas avoir pour effet d'entraver inutilement le déroulement des procédures criminelles ou pénales, ce qui pourrait être évité si le Procureur général délègue au Directeur des poursuites publiques et aux procureurs des poursuites publiques le pouvoir de renoncer au délai de 30 jours imposé par la loi.

En conclusion, je me réjouis de voir que les nombreuses discussions auxquelles j'ai eu la chance de participer alors que j'occupais le poste de sous-ministre associé aux poursuites publiques ont finalement pris la forme d'un projet de loi. Le contenu de ce projet me semble largement inspiré par la réflexion que le ministère de la Justice a menée pendant des années. Le fait que le Québec veuille aller de l'avant dans ce domaine, rejoignant par là l'action avant-gardiste de certains pays, devrait à mes yeux être encouragé.

Bien des efforts ont été consentis jusqu'ici pour faire avancer le projet de création d'un directeur des poursuites publiques. Le modèle que renferme le projet de loi n° 109 me semble réaliser la conciliation de plusieurs principes importants, voire essentiels, quoiqu'en apparence conflictuels: au premier chef, le principe d'indépendance des actions du poursuivant public à l'égard du Procureur général, lequel principe doit être concilié avec celui du rôle historique et traditionnel de ce dernier, de même que celui de son imputabilité, et enfin celui de la transparence de leurs rapports.

Sans doute, ce projet de loi peut être amélioré ça et là. Quel texte de cette ampleur ne l'est pas? Mais dans l'ensemble il me paraît très acceptable. Il ne m'appartient plus, en raison des fonctions que j'occupe aujourd'hui, de proposer des améliorations à telle ou telle disposition, n'étant plus partie aux discussions et arbitrages dont la plupart d'entre elles résultent. J'ai voulu simplement, dans le cadre de cette consultation, faire part du fait que mon expérience comme sous-ministre associé de 1995 à 2003 m'a permis d'approfondir la problématique de la modification des institutions en matière d'administration de la justice criminelle et pénale et qu'à la lumière de cette expérience la création d'une nouvelle institution, soit celle de Directeur des poursuites publiques, telle que présentée dans le projet de loi n° 109, me semble une amélioration marquée sur la situation qui prévaut actuellement. Cette réforme, souhaitable et nécessaire à mes yeux, arrive à un moment propice et paisible des poursuites publiques, ce qui est toujours préférable aux remèdes de temps de crise. Merci.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, Me Bilodeau. J'invite maintenant le ministre à vous adresser la première question.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Merci, Me Bilodeau, d'avoir accepté de venir devant cette commission pour apporter votre éclairage. Vous avez été, pendant neuf ans, vous l'avez dit vous-même, comme sous-ministre, je pense, associé, responsable des poursuites criminelles et pénales. Ce que je comprends de ce que vous avez indiqué également, notamment vers la fin de votre allocution, c'est que c'est un sujet que vous auriez considéré aussi dans le passé ou enfin sur lequel vous avez déjà réfléchi, donc ce que je trouve très intéressant. Et bien sûr que, de par votre expérience professionnelle et de par votre réflexion sur le sujet, vous nous apportez évidemment un témoignage, là, fort important et très crédible.

Je me permettrai de noter d'abord, avant de vous poser une question, quelques points. D'une part, quand vous mentionnez l'indépendance, la transparence et l'imputabilité, ce sont là des objectifs, en tous les cas, que le projet de loi tente de rejoindre. Et, que vous disiez: C'est ce que j'ai perçu, en tout cas j'en suis heureux parce que c'est vraiment les objectifs qui sont recherchés, également d'accroître la confiance de la population, ce qui parfois peut être aussi en partie une question de perception mais ce qui est important, et également que ça s'inscrive dans une continuité, ce qui a été mentionné, ce matin, par un ex-ministre, Me Gil Rémillard, qui, lui également, a parlé de continuité dans l'amélioration d'institutions. Et d'autres, hier aussi, indiquaient qu'il était souhaitable, lorsqu'on voulait discuter d'un sujet comme celui-là, de pouvoir le faire dans un contexte de sérénité et non pas à l'occasion d'une crise, ce que vous avez également mentionné. Parce que, de ce que je comprends, dans quelques autres juridictions, ça s'est dans certains cas produit suite à une crise, ou à un événement majeur, ou à une commission d'enquête qui avait été mise sur pied.

Vous avez dit: Il y a peut-être évidemment des éléments ou des points sur lesquels il peut y avoir une amélioration du projet de loi, et, si nous tenons ces consultations, c'est bien sûr pour pouvoir le bonifier, compte tenu des commentaires et des témoignages que nous recevons devant cette commission. Il y a peut-être, dans ce contexte-là, et ce n'est pas du tout... Et, dans la perspective, là, de toujours renforcer peut-être certains principes, nous avons eu beaucoup de discussions sur le processus de nomination. Je pense que je ne voudrais pas trahir l'esprit des autres personnes qui sont venues devant la commission, qui disent: L'idée d'un comité comme celui qui est là, on trouve que c'est bon, la composition également.

Certains ont suggéré que nous devrions peut-être nommer quelqu'un qui représente le public de façon générale également ? vous pouvez me donner votre point de vue là-dessus, si vous le voulez ? et d'autres se sont questionnés sur l'opportunité que ce soit le ministre qui soumette les noms au comité ou qui fasse valider des candidats par le comité. Et ils se disent: Est-ce que nous ne devrions pas davantage avoir un processus qui est par analogie comparable à celui qui existe ? et que vous connaissez bien ? dans notre système de nomination à la magistrature, pour les cours qui sont de juridiction provinciale, donc que le comité puisse donner un avis public, faire connaître par avis public qu'il y a un poste d'ouvert, donc une sorte de concours? Le comité évidemment évalue les candidatures, fait des rencontres, etc., et soumet au ministre une liste de noms de personnes que le comité juge aptes et qualifiées pour remplir cette fonction-là. Alors, est-ce que vous êtes confortable pour faire des commentaires sur ces sujets-là?

M. Bilodeau (Mario): En premier lieu, si on parle de l'existence d'un comité, je pense que c'est essentiel. Quant à sa composition, il m'apparaît que, étant donné que la personne qui va exercer les fonctions devra être un membre du Barreau, qu'il y ait un représentant du Barreau sur le comité est aussi, à mon point de vue, une nécessité. Les facultés de droit, bien c'est un côté, je pense, un peu original, et il est important, je pense, d'associer nos facultés à ce genre d'exercice, et le doyen, qui est reconnu par ses pairs, est sûrement quelqu'un qui pourra être une lumière utile à l'intérieur d'un comité. Le secrétaire général, bien c'est le premier fonctionnaire du gouvernement. Je pense que ce qui pourrait émaner comme suggestion de sa part serait sûrement hautement crédible. Mais je pense qu'au départ et au préalable il devrait y avoir une invitation à tous. Je pense que c'est une fonction que tout le monde ne mérite pas d'occuper, mais, si quelqu'un pense qu'il a la capacité de le faire, bien il devrait avoir l'opportunité d'appliquer, et le comité sera là comme filtre des meilleurs candidats à présenter au ministre et, après le ministre, au gouvernement.

n(15 h 30)n

Alors, c'est un peu ce que je pense. Ça prend un comité, c'est sûr. Les gens qui en font partie, ça m'apparaît plus que crédible. Par contre, il devrait y avoir une certaine ouverture à... Parce que souvent on... Je suis convaincu, moi, que ceux qui sont membres des comités de sélection des juges sont surpris des candidats. Ils se disent: Ah! on n'avait pas pensé à lui, hein? Bon. Vous savez, il faut donner la chance aux gens de se manifester, et c'est une occasion.

M. Marcoux: Est-ce que selon vous... On précise dans la loi qu'évidemment un candidat ou une candidate devrait avoir au moins 10 ans d'exercice. Est-ce que, compte tenu de votre expérience et de ce que vous avez exercé comme responsabilités dans ce domaine-là, il devrait y avoir certaines... enfin certains autres critères? Bon, exemple, est-ce qu'on devrait exiger une longue expérience en droit criminel? Est-ce qu'on devrait exiger une expérience dans la pratique, ou les deux, dans la fonction publique ou dans un poste administratif? Qu'est-ce que vous seriez...

M. Bilodeau (Mario): Bien, écoutez, je pense que le Procureur général, dans sa mission civile, est particulièrement bien entouré par les juristes de l'État, et, lorsqu'il s'agit de pratique criminelle, bien je pense qu'on devrait aussi rechercher la spécialité. Que la personne provienne de l'univers public ou de l'univers privé, je pense que les deux devraient avoir une chance égale, mais une expérience certaine en droit criminel, ça m'apparaît un prérequis.

Si vous me posez la question sur le 10 ans, bien, me référant à mon jeune âge, je ne suis pas sûr qu'à 35 ans j'aurais été en mesure d'exercer les fonctions de sous-ministre associé aux affaires criminelles et pénales comme je l'ai fait en 1995. Maintenant, peut-être que ça me prend plus de temps que les autres à grandir, mais 10 ans, ce n'est pas beaucoup d'années pour le genre de décisions aussi importantes à prendre pour les citoyens. Parce que c'est le gardien, là, des poursuites, le Directeur des poursuites publiques, et l'action la plus terrible que l'on puisse prendre contre un citoyen dans notre société, c'est bien de l'accuser. Alors, je pense que celui qui exerce la première fonction doit avoir une expérience certaine, une sagesse relative ? ça ne veut pas dire de ne pas avoir encore un peu de passion, mais une sagesse relative ? et 10 ans, c'est vraiment un minimum, à mon point de vue.

M. Marcoux: O.K. Nous proposons, dans le projet de loi, un mandat d'une durée de sept ans. Si nous considérons d'autres dirigeants d'organismes nommés soit par l'Assemblée nationale ou suite à un certain processus, il y a des mandats de cinq ans renouvelables, il y en a de 10 ans. Le Vérificateur général, je pense que c'est 10 ans. Le Protecteur du citoyen, c'est cinq ans, renouvelable. Même chose pour le président de la Commission d'accès à l'information. Évidemment, vous, vous avez exercé, pendant neuf ans, la fonction de sous-ministre associé. Avez-vous des commentaires sur la durée du mandat? Est-ce que ça vous apparaît approprié? Est-ce qu'il serait préférable d'avoir cinq ans, renouvelable, pour un mandat? Comment vous verriez ça?

M. Bilodeau (Mario): Si d'abord j'aborde la question du renouvellement, moi, je pense, M. le ministre, que ça devrait être un mandat non renouvelable. L'humain étant l'humain, il faut que la personne qui est là sache qu'il y a un terme et qu'elle doit se consacrer à 100 % à l'exercice de sa fonction pendant ce terme, et non pas une partie de ce terme à se faire aimer pour un renouvellement, parce que c'est tout à fait humain que de... Ça ne veut pas dire que la personne ne serait pas honnête, ça ne veut pas dire que la personne ne serait pas juste, mais c'est évident qu'une partie de ses pensées porterait vers le renouvellement.

Ayant une position semblable, il m'apparaît que cinq ans, c'est un peu court, parce qu'être Directeur des poursuites publiques, ce n'est pas seulement gérer une partie de l'Administration publique, mais c'est aussi apporter des changements, et ça prend un certain temps, d'abord mettre en place, obtenir que ce qui est proposé donne du rendement, le corriger, parce que ce n'est jamais parfait. Alors, cinq ans, c'est un peu court.

Maintenant, est-ce que sept ans ou 10 ans, c'est des bons chiffres? Sept ans est probablement un minimum, 10 ans, un maximum, parce que sinon je me contredirais. Je serais aussi bien d'être en faveur de deux fois cinq ans. Non, je pense que c'est sept ans ou 10 ans, mais... Et la personne qui exercerait, pendant sept ans, une telle fonction à mon avis a les qualités pour faire d'autre chose. Je veux dire, tu sais, ce n'est pas la fin de la vie après avoir donné sept ans à une institution semblable, et tu es fort d'une expérience que personne ne peut t'enlever. Moi, je pense que le non-renouvellement, là, c'est une chose que vous devriez maintenir.

M. Marcoux: Merci. Un certain nombre de personnes également ont soulevé la question relativement à la destitution possible du Directeur des poursuites publiques. Ce qui est prévu présentement, dans le projet de loi, c'est qu'il peut être destitué pour cause seulement. Alors, certains ont dit: Bien, écoutez, comment peut-il être... Je comprends «pour cause», l'autorité qui l'a nommé peut normalement le destituer, ça, ça vient ensemble, mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu peut-être d'être un peu plus précis? Est-ce qu'il devrait y avoir un comité qui évalue, si jamais il y avait des problèmes et que le gouvernement pense qu'il y aurait cause à destitution, bien, que ce soit évalué par un comité? Vous connaissez la procédure dans le cas de la magistrature évidemment qui... Il y a le Conseil de la magistrature ou le Conseil de la justice administrative pour les membres du TAQ. Est-ce que vous auriez des commentaires sur ça?

M. Bilodeau (Mario): C'est évident que «pour cause», c'est une expression qui englobe large, et il faut trouver, si vous pensez à un autre terme, un terme qui aussi envisagerait aussi large, parce que, de nos jours, porter plainte contre des figures publiques est chose courante, et, contrairement à la magistrature, où ils sont, si on pense à la Cour du Québec, 270 pour procéder au quotidien, bien il y a toujours juste un DPP, là. Alors, moi, je pense qu'il faut vraiment que les raisons pour lesquelles on pourrait se plaindre soient très éminemment sérieuses d'une part et confiées à une instance qui, elle aussi, est sérieuse, et qu'on ne dérange pas pour n'importe quoi.

Maintenant, est-ce que c'est une instance tout à fait indépendante, formée un peu comme ceux qui sont chargés de le nommer? Peut-être. Mais, vous savez, tu ne peux pas restreindre le droit du public à se plaindre, mais il faut quand même le baliser, le baliser très étroitement. S'ils n'ont pas raison de croire que la personne qui va avoir été choisie, avec les mécanismes que l'on connaît et toutes les possibilités d'empêcher qu'elle le soit, nommée, puisse, du jour au lendemain, se retrouver... Mais c'est possible, c'est possible, pour garder cette possibilité-là de le destituer, mais que ce soit l'exception.

n(15 h 40)n

M. Marcoux: Vous avez fait état des directives, là, pour d'autres poursuivants. Je pense que vous avez parlé notamment des cours municipales, des poursuivants devant les cours municipales.

Est-ce que ce qui vous apparaît dans le projet de loi est suffisant? Parce qu'on parle de directives du DPP qui pourraient être appliquées par d'autres poursuivants. Vous dites: Je pense que c'est souhaitable. Je pense que c'est ça que vous avez mentionné.

M. Bilodeau (Mario): C'est sûrement...

Une voix: ...

M. Bilodeau (Mario): Oui. Pardon.

M. Marcoux: Donc, est-ce que ce qu'il y a dans le projet de loi, en termes de pouvoirs au DPP, vous apparaît suffisant pour justement assurer au moins une certaine uniformité des processus qui, je comprends, est importante, là, pour les justiciables?

M. Bilodeau (Mario): C'est très souhaitable et c'est suffisant, M. le ministre, parce que, vous savez, les plaideurs sont des gens d'une imagination sans borne, et trouver une façon de régler un dossier, c'est... On n'imagine pas, aujourd'hui, la façon dont, la semaine prochaine, un avocat va imaginer défendre son client. Alors, on se retrouve parfois, lorsqu'on n'a pas le contrôle, avec des règlements qui sont différents, parfois même injustes, d'un endroit à l'autre. Alors, oui, des directives qui s'appliquent à l'ensemble des poursuivants, y compris les poursuivants municipaux, c'est très important.

M. Marcoux: Dites-moi donc, est-ce que...

Le Président (M. Simard): Il vous reste une minute. Alors, en allant très vite, en espérant une réponse très rapide.

M. Marcoux: Bien, j'avais une autre question, mais, écoutez... Vous avez fait référence à l'article 95 du Code de procédure civile. Ce que j'ai compris, c'est que selon vous le principe de l'élargir à la réparation, là, contre le gouvernement, vous dites, c'est souhaitable. Mais est-ce que j'ai compris que vous souhaiteriez que le Directeur des poursuites publiques puisse avoir le pouvoir de renoncer à l'avis de 30 jours, de façon à éviter des délais indus? Est-ce que c'est ça que vous avez...

M. Bilodeau (Mario): Oui. Moi, je pense qu'il faut maintenir, dans le projet de loi, l'existence de cette obligation mais donner l'opportunité au Directeur, compte tenu des circonstances, de pouvoir, s'il n'y a pas de dommage et si l'administration de la justice serait mieux servie, d'y renoncer. Mais, de le maintenir comme principe, je pense que c'est important, parce qu'un 95 à mon avis ne devrait être présenté que dans les circonstances les plus sérieuses et les plus exceptionnelles, et, à ce moment-là, ce n'est pas à la dernière minute, et le plaideur devrait en signifier l'avis au Procureur général pour qu'il puisse ? pardon, je m'excuse, là, je parle de la loi actuelle ? au Directeur des poursuites publiques pour qu'il puisse se préparer de façon convenable.

M. Marcoux: Merci, Me Bilodeau.

Le Président (M. Simard): Alors, j'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et le critique en matière de justice, le député de Chicoutimi, à prendre la parole.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Merci, Me Bilodeau, de vous déplacer et de nous faire bénéficier de votre grande expertise dans le domaine.

Je vois que vous avez évidemment une idée bien arrêtée. Vous avez espéré ce type d'intervention, et, à la lumière de vos réflexions, j'ai compris un des éléments... du moins j'ai perçu un des éléments qui est avancé par certains par rapport à la transparence. Parce que ce que je prétends, c'est qu'en termes de transparence vis-à-vis le public il y a peu de gains de transparence dans le projet de loi actuel, peut-être même un petit peu d'opacité, dû au fait qu'on nomme un nouveau directeur des poursuites publiques qui n'aura pas à répondre, lui, à la population. Donc, la perception populaire va être plutôt de dire: Effectivement, bon, qui est ce Directeur des poursuites publiques? Et ça va créer... Bon, sans créer de la suspicion, du moins ils n'auront pas de contact direct avec lui.

Quand vous parlez de transparence, ce que je comprends, c'est que vous souhaitez que, les relations qui existent entre le Procureur général et le Directeur des poursuites publiques, les règles qui gouvernent cette relation, qui existent d'ailleurs actuellement entre le Procureur général et le sous-ministre, lui soient mieux balisées et clairement balisées en termes de pouvoirs de chacun. Est-ce que c'est cet aspect de la transparence que vous souhaitez voir amélioré?

M. Bilodeau (Mario): Mais, avant de répondre à votre question, puis-je y aller d'un commentaire sur l'introduction de votre question? Moi, je pense que le Procureur général est totalement indépendant, à l'heure actuelle, dans la poursuite des infractions et n'a pas à répondre, ni à l'Assemblée nationale ni à l'Exécutif, de son travail. Le ministre de la Justice, lui, peut avoir des comptes à rendre. Mais le Procureur général doit agir en toute liberté et aussi en toute indépendance dans la conduite des poursuites. Par contre...

M. Bédard: Mais il doit répondre de ses décisions. Mais il doit répondre de ses décisions.

M. Bilodeau (Mario): C'est-à-dire que le ministre de la Justice doit répondre de ses décisions. Le Procureur général, lui, ayant décidé de porter des accusations, parce qu'il ne peut pas les porter lui-même, là... Mais, si on se plaçait devant la situation où le Procureur général porterait lui-même... il n'aurait à répondre que devant la magistrature et, après, de sa responsabilité devant les tribunaux.

M. Bédard: Non. Permettez-moi peut-être un commentaire, Me Bilodeau. Comme un substitut du Procureur qui doit dire pourquoi... Parce que les substituts justifient leur décision parfois, et même souvent, d'aller en appel, de ne pas aller en appel, de demander telle condamnation par rapport à tant d'années, dû à la jurisprudence. Ils vont dire pourquoi. Donc, ils répondent, comme le Procureur général doit le faire aussi. Lorsqu'ultimement il a une décision, lui, à prendre, il peut aussi justifier une telle décision ou la confirmer, parce qu'ultimement il la prend. Alors, les substituts le font. Le Procureur général, à ma connaissance, le fait rarement parce qu'en fait il prend rarement une décision.

M. Bilodeau (Mario): Bien, si vous parlez de répondre dans le sens d'être sanctionné, d'être sanctionné, je vais vous répondre que ce n'est pas répondre, c'est plutôt expliquer le bien-fondé de. Bon. Oui.

M. Bédard: Bien, expliquer, c'est ça. C'est ça, l'imputabilité. C'est expliquer, c'est être obligé de s'expliquer. Le roi n'est pas obligé de s'expliquer, mais un Procureur général doit s'expliquer à la population ? c'est dans ce sens-là ? alors qu'un sous-ministre n'a pas à s'expliquer. Il s'explique à son ministre. C'est la seule personne à qui il doit justifier une décision, pas à la population. Et c'est ce type d'imputabilité...

Mais je reviens sur l'élément de transparence, parce que vous disiez: Actuellement... Est-ce que j'ai bien compris? Puis en même temps on peut avoir des opinions contraires là-dessus. Mais vous dites: Actuellement, il y a des directives, et bon le pouvoir du Procureur général s'assimile beaucoup à ce qu'on trouve dans le projet de loi, autrement dit entre les pouvoirs des sous-ministres et celui de l'élu. Est-ce que j'ai compris? Vous avez même dit: On enchâsse finalement la pratique qui a cours actuellement. Est-ce que j'ai bien compris que c'était cela, les pouvoirs de chacun, c'est ce qui se retrouve actuellement dans le projet de loi?

M. Bilodeau (Mario): On fait un pas de plus, on enchâsse, mais on rend transparentes les relations d'autorité que le Procureur général aura sur le Directeur.

M. Bédard: Exactement. Donc, on les... Quand vous parlez de transparence, c'est vraiment par rapport... Là, maintenant, les gens savent finalement les liens qui existent entre le Procureur général et maintenant, ou plutôt éventuellement, ou peut-être, le Directeur des poursuites publiques. C'est cet apport de transparence qui est important, selon vous?

M. Bilodeau (Mario): Qui existait mais qui, là, est plus apparente.

M. Bédard: Qui est plus apparente. O.K. Parce que, sur l'indépendance, on emploie souvent les termes «indépendance», «impartialité», indépendamment de ce qu'ils veulent dire ? je ne fais pas référence à vous ? mais on a eu plusieurs gens qui parlaient beaucoup d'indépendance et d'impartialité, mais où les gains d'indépendance... Ce que je vois, là, le processus... C'est que j'ai fait l'exercice, un peu plus tôt, avec Me Rémillard. En termes d'indépendance institutionnelle, on ne gagne pas grand-chose parce que le processus ne garantit pas une véritable indépendance au sens de l'indépendance institutionnelle. Là, ce qu'on parle, c'est la décision des substituts et actuellement du Procureur général de prendre des décisions dans des cas ultimes. Ce que vous me dites dans la pratique, c'est que les gens qui ont eu à prendre cette décision l'ont toujours fait dans un souci d'indépendance et d'objectivité totales.

n(15 h 50)n

M. Bilodeau (Mario): Moi, je vous dirais que ce qu'on recherche, c'est que la perception du public que tout se fait avec indépendance et impartialité soit à son maximum, parce que, dans les faits, et dans la vie, et dans le quotidien, ça se fait en indépendance et en impartialité. Mais il y aura toujours de la place pour la suspicion, et ce que le projet de loi vise, c'est d'aller au-delà des apparences. Alors, c'est sûr que la situation actuelle ou passée est la même que la situation future à mon avis par rapport à l'indépendance. Mais la perception que les gens en auront... À partir du moment où on sait comment le Procureur général va intervenir auprès du Directeur, bien, à ce moment-là, ça donne une plus grande confiance au public que ça se fait selon les normes. Mais dans les faits ça se fait selon les normes. On recherche tout simplement une manière, une manière d'être encore plus crédible, et ça, c'est à mon avis essentiel d'avancer toujours vers cette confiance, que l'on doit donner au public, que les choses se passent correctement.

M. Bédard: Est-ce que vous sentez actuellement que, l'institution du Procureur général, cette confiance est affaiblie? Là, je ne parle pas en général, parce que surprenamment ce que je constate, c'est que la confiance envers les politiciens en général n'est pas ce qu'il y a de plus impressionnant. Mais le Procureur général, lui, en termes d'institution, a rarement été attaqué, a rarement fait l'objet... Il peut y avoir des commentaires qui sont émis. D'ailleurs, si on a un DPP, ça va être la même chose, parce qu'il y a un individu ultimement qui prend une décision, qui a une vie, qui a des valeurs, qui a des... Alors, il y aura toujours cette impression-là que, quand la décision ne satisfait pas chacun des citoyens, eh bien, il va dire: Écoute, il y a d'autre chose.

Et c'est là que je me dis: Là, le risque qu'on prend, la différence, c'est qu'on a quelqu'un qui a cette capacité de bien sentir, en même temps sans fléchir face à l'opinion publique, mais qui le comprend, qui le sent, qui vit avec tous les jours et qui est capable de faire avec et en même temps de faire preuve d'une objectivité, d'une indépendance totale. On sacrifie cette malléabilité et cette, pas assurance, mais cette capacité de faire face aux événements médiatiques ou à une pression forte, parce qu'il peut arriver des fois où les pressions montent, là, et maintenant on dit: Non, bien, c'est quelqu'un dans un bureau, que vous ne connaissez pas, qui a pris une bonne décision, la meilleure pour vous.

Est-ce que vous pensez... Là, je vous pose la question sans avoir de réponse, mais est-ce que vous pensez que cela aura pour effet d'améliorer la confiance du public envers les décisions du Procureur général ou du Directeur des poursuites publiques?

M. Bilodeau (Mario): Si ça se passait comme ça, je vous dirais oui, mais ça ne se passe comme ça. La personne qui prend une décision la prend d'abord en vertu de la loi, en vertu des règlements...

M. Bédard: ...de perception. C'est ça.

M. Bilodeau (Mario): ...non, mais en vertu des directives, et tout ça, c'est public. Et donc, quand la décision est prise... Et vous avez probablement remarqué que, de plus en plus, le Procureur général est volubile, alors qu'avant c'était: Pas de commentaire, pas de commentaire, pas de commentaire, et finalement les gens ne s'y retrouvaient pas. Maintenant, le Procureur général, par l'entremise de ses substituts, explique les situations, puis je pense que ça aide au public à comprendre.

En 1995, il y a un professeur de Toronto qui a fait une étude sur des causes en matière criminelle, et elle était en deux temps. Il a pris des citoyens qui n'ont lu que les journaux pour se faire une idée sur une décision des tribunaux criminels, et 30 % des gens étaient insatisfaits de ce qui s'était passé. Ils ont pris les mêmes causes, ils leur ont donné les notes sténographiques, ils les leur ont fait lire, et là 80 % des gens étaient satisfaits. Donc, ce qui est important, c'est que les gens sachent pourquoi on agit, comment on agit, en vertu de quoi on agit, et, à ce moment-là, je pense que la confiance règne.

M. Bédard: Mais c'est ça, et ça vient... Parce que, là, je ne vous parle pas... Tantôt, quand je vous donnais l'exemple, c'est vraiment parce que vous me parliez de perception du public. Il faut que les gens, ils aient confiance. Et c'est pour ça que je vous dis... Je comprends que ça ne se passe pas comme ça, qu'il y ait quelqu'un qui s'enferme... C'est par rapport à cette perception lorsqu'il n'y a pas d'explication ou lorsqu'on sacrifie, comme je vous l'ai dit tantôt, quelqu'un qui est capable d'être malléable face... pas malléable, plutôt, mais qui est habitué à cette pression publique et qui est capable de s'en défaire, de s'en soustraire finalement et qui donc ? et c'est une partie de ma crainte actuellement ? pourrait faire en sorte ? et je ne vous dis pas que ça va être le cas ? mais qui pourrait conduire à plus de méfiance. Est-ce que ça va être le cas?

Moi, je sais qu'actuellement, par contre, ça... Ou une chose où je suis sûr, puis je pense ne pas me tromper, malgré tous les événements qu'on a eus dans les 40 dernières années, le Procureur général, lui, sa compétence et son objectivité, je pense que la confiance du public en général, elle est excellente. Ça, j'en suis convaincu. Et, entre autres, elle est due justement, en même temps, au devoir de secret. Mais ils voient quelqu'un, il y a quelqu'un qui répond, qui a pris une décision. Ils le savent, c'est qui, même si parfois ce n'est pas lui qui l'a prise, évidemment, parce qu'on lui a dit: Bon, bien, on vous explique maintenant pourquoi on a pris cette décision-là. Mais, pour la confiance du public, il y a quelque chose de plus... en tout cas qui a fait en sorte, je pense, que jusqu'à maintenant cette institution n'a jamais été attaquée réellement en termes de confiance.

Mais en même temps on peut... Parce que je cherche aussi à améliorer. On doit toujours améliorer, et ça, vous avez raison, et j'ai peur qu'on sacrifie des aspects importants, je vous en ai parlé, d'imputabilité qui se trouve brisée par le projet de loi en grande partie ? pas totalement mais en grande partie ? et aussi de sacrifier un peu de confiance, un peu de transparence pour une codification qui dans les faits n'améliorera pas tant que ça le système actuel.

J'aimerais revenir... Le ministre fait souvent référence... Et vous avez une bonne connaissance de ce qui s'est passé en Nouvelle-Écosse, et, moi aussi, je pense que réagir à des événements qui sont particuliers... Souvent, ces événements n'amènent pas des décisions qui sont dans la plus grande justesse. Alors, il faut prévenir les événements et s'assurer du meilleur système. Mais à votre connaissance ? j'ai posé la question, on n'a pas pu me répondre; peut-être que vous le savez ? est-ce qu'à l'époque où sont arrivés les événements ? et je pense que c'est au début des années quatre-vingt-dix, au Nouveau-Brunswick...

Une voix: En Nouvelle-Écosse.

M. Bédard: ...en Nouvelle-Écosse...

Une voix: ...

M. Bédard: ...c'est ça, en 1989 ? est-ce que le Procureur général ou est-ce que le ministère de la Justice était lié avec le ministère de la Sécurité publique, comme on l'a eu, au Québec, pendant quelques années?

M. Bilodeau (Mario): Je regrette, je ne peux pas vous répondre.

M. Bédard: Vous ne pouvez pas répondre, hein?

M. Bilodeau (Mario): Je ne peux pas vous répondre.

M. Bédard: Un jour, j'aurai... Bien, je la reposerai peut-être un peu plus tard. Parce qu'avant on...

M. Bilodeau (Mario): Avoir su, par exemple, que vous me la poseriez, je serais allé aux renseignements. Mais, je regrette, je ne peux pas...

M. Bédard: Ils l'auraient vérifié, c'est ça. Bien oui, vous auriez dû prendre des notes avant. Non, mais je l'ai posée, j'aurai l'occasion...

M. Bilodeau (Mario): Je regrette, là. Sûrement, quelqu'un peut nous aider du côté de...

M. Bédard: ...d'en discuter ? exactement ? avec les gens ici, parce que le mélange de ces deux genres-là... Parce que ça a été le cas, au Québec, pendant des années, mais c'est un mélange de genres, que, la personne qui fait enquête, la titulaire qui est responsable de l'enquête, et la titulaire qui est responsable de porter des accusations, la personne titulaire soit la même. Je ne vous dis pas que c'est le cas, mais, si c'était le cas, effectivement ça, c'est un problème, là, important, parce que tu t'enlèves une balise, là, tu t'enlèves un frein qui pourrait t'empêcher de déraper.

Vous me dites aussi, sur le mode de nomination... Et là on parle d'indépendance. Bon, sur le processus de nomination, les gens ont dit, comme vous: Ça prend un appel de candidatures. Est-ce que vous pensez qu'on doit même aller plus loin? Si on cherche vraiment une indépendance et qu'on ne souhaite pas que ce soit le candidat du ministre qui gagne, que ce soit un vrai appel de candidatures, comme ça arrive peu souvent dans nos systèmes, on a deux façons de le faire ici. On a une façon qu'on connaît bien, plus tôt, c'est la candidature aux deux tiers de l'Assemblée nationale. Ça, ça empêche que... Moi, j'ai un bon candidat. J'ai un candidat puis je veux que ce soit lui, donc... Et, quand tu as un vote aux deux tiers, les gens ont leurs différentes considérations et ça fait en sorte qu'on trouve des gens toujours formidables. Mais ça empêche une politisation ou un aspect partisan à la nomination.

Actuellement, le processus est assez problématique parce que c'est le ministre qui propose des noms. Que le comité dise qu'ils sont bons ou pas bons... Vous savez, c'est dur d'identifier quelqu'un qui n'a pas les compétences requises, là. De dire qu'on conclut qu'il n'a pas les compétences, c'est compliqué. Est-ce que vous penseriez qu'on aurait avantage à vraiment prévoir spécifiquement des conditions dans lesquelles... Bon, appel de candidatures, voici le nombre de dossiers qui doivent être transmis au ministre, par exemple deux noms maximum ou trois noms maximum, et le ministre aura à choisir parmi les trois noms sans possibilité de refuser les noms qui ont été transmis. Est-ce que vous pensez qu'on a avantage, pour assurer la plus grande indépendance, à avoir un procédé de nomination plus serré?

M. Bilodeau (Mario): Bien, moi, je crois que l'existence... D'abord, l'appel des candidatures, l'existence d'un comité fort, comme celui qui est proposé, amène... Je pense qu'au bout de l'entonnoir les noms qui seront soumis au ministre correspondront à un haut niveau de qualité.

n(16 heures)n

M. Bédard: On doit prévoir un nombre de noms parce que, je vous dis, le nombre de noms...

M. Bilodeau (Mario): Non, non.

M. Bédard: Non, mais qui doit être transmis au ministre. Mais je vais vous dire pourquoi. Parce que, moi, je peux vous soumettre 40 noms, puis les 40 vont être bons. Ça m'amène à faire le choix que je veux. Bien non, mais c'est que, là, tu crées une gradation.

M. Bilodeau (Mario): 40 noms, là, comme ça, au Québec, aptes à être le Directeur des poursuites publiques, je ne serais pas capable de le dire tout de suite, là.

M. Bédard: Non, non, je le sais, mais je serais capable de vous en trouver. Mais, je vous dis, est-ce qu'on a avantage à dire... donc à obliger le comité finalement pas simplement à dire: Il est bon, ou: Il n'est pas bon? Autrement dit, il y aurait le meilleur. Le deuxième, sans identifier un, deux, trois, mais les trois meilleurs seraient... Les 15 sont bons, par exemple, mais ces trois-là sont d'une qualité à part.

M. Bilodeau (Mario): Parce que le quatrième peut être tout aussi bon. C'est ça, le danger, là. Moi, je pense que...

M. Bédard: Mais, quand on est sur la limite, c'est toujours injuste, hein?

M. Bilodeau (Mario): C'est ça. C'est ça.

M. Bédard: Oui, mais ce qu'il y a de plus grave, c'est que... Et là en même temps on parle d'individus, mais, que le 15e se retrouve nommé au lieu des trois premiers, moi, c'est ça que je veux éviter, donc... de s'assurer vraiment qu'on a le meilleur candidat ou la meilleure candidate.

M. Bilodeau (Mario): Bien, je ne sais pas si c'est le nombre qui va vous assurer ça, comme le filtre avec les recommandations qui vont suivre. Vous savez, oui mais, non mais, là, je pense que ça a beaucoup de poids, ça, lorsque le ministre va lire le compte rendu des... ou le jugement porté par le comité sur les différents candidats. Je pense que, peu importe le nombre, il va ressortir de la qualité.

M. Bédard: J'ai deux petites questions rapides: D'abord, est-ce que vous pensez que le directeur adjoint devrait faire l'objet d'une nomination avec un processus assimilable, dû au rôle qu'il joue, dû au fait que son mandat est renouvelable donc jusqu'à 14 ans? Et vous avez peut-être entendu nos commentaires là-dessus un peu. Donc, il va représenter presque la continuité du Directeur des poursuites publiques. Est-ce que lui devrait faire l'objet d'une nomination particulière, au lieu de strictement sur consultation avec avis du Directeur?

Et la deuxième, c'est très technique. Vous parliez de 10 ans, les critères. Tu sais, on devrait ajouter des critères pour la nomination. 10 ans, c'est peu, vous avez raison. Je pense qu'il y aurait peut-être lieu de voir un peu plus loin. Mais on dit «en droit criminel». Est-ce que vous pensez que... Et je n'ai peut-être pas entendu votre réponse tantôt. Est-ce que quelqu'un qui n'a pas une connaissance profonde du droit criminel peut quand même être un bon directeur des poursuites publiques?

M. Bilodeau (Mario): Là, vous me touchez droit au coeur.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bilodeau (Mario): L'époque où, à l'université, je disais que je voulais faire un criminaliste, puis qu'on nommait des juges, et qu'on disait: Bah! le droit criminel, ça s'apprend sur le banc... Moi, je regrette, mais je pense que la personne qui devra être le DPP doit avoir une connaissance intime du droit criminel et de ses acteurs. Parce que ce n'est pas tout de connaître le code, il faut aussi en connaître les usages, il faut connaître les habitudes, il faut connaître les acteurs, puis les acteurs, ça comprend les poursuivants, ça comprend les défenseurs, ça comprend les policiers, ça comprend les bandits. Ça prend une connaissance... Et ça ne s'apprend pas dans les livres, ça s'apprend à l'usage. Et à ça d'autres pourraient ne pas partager mon opinion, mais...

M. Bédard: Le directeur adjoint...

Le Président (M. Simard): La connaissance intime des bandits, on s'entend que c'est en termes juridiques, ici.

M. Bédard: De leur fonctionnement. Le directeur adjoint...

M. Bilodeau (Mario): Est-ce que je peux reprendre en disant «connaissance intime du banditisme»?

M. Bédard: Voilà.

Le Président (M. Simard): Je préférerais.

M. Bédard: Me Bilodeau, le directeur...

M. Bilodeau (Mario): Mais on finit par les connaître de façon intime en lisant les journaux, hein? Ils vont partout.

M. Bédard: Oui. Le directeur adjoint, est-ce que vous pensez qu'on...

M. Bilodeau (Mario): Bon, ça, ce n'est peut-être pas légal, ce que je vais vous répondre, mais je pense que c'est un mariage, hein? Et, dans un mariage, je pense que le DPP devrait avoir son mot à dire sur son conjoint ou sa conjointe.

Le Président (M. Simard): Sur ces propos matrimoniaux, nous allons terminer cette audition. Je vous remercie beaucoup, Me Bilodeau.

M. Bilodeau (Mario): Merci.

Le Président (M. Simard): Quelques minutes de suspension.

(Suspension de la séance à 16 h 4)

 

(Reprise à 16 h 13)

Le Président (M. Simard): Alors, Me Bernard Grenier, bienvenue parmi nous. Vous connaissez nos règles de fonctionnement, vous avez 15 à 20 minutes pour présenter vos propos, vos réflexions, et nous vous poserons, de part et d'autre de cette commission, des questions par la suite.

M. Bernard Grenier

M. Grenier (Bernard): Alors, M. le Président, mesdames messieurs, quand j'ai reçu la documentation, qu'on m'a demandé de venir ici, on me demandait qui je représentais. Je ne représente personne d'autre que moi-même, et, même ça, j'ai de la difficulté à le faire. Donc, je ne représente personne d'autre.

Le Président (M. Simard): Il vous faudrait vous charger des honoraires trop élevés, vous n'osez pas vous représenter directement.

M. Grenier (Bernard): Ha, ha, ha! C'est ça. Je n'ai pas les moyens de me payer mes propres honoraires. C'est ça.

Je dois vous dire, et vous le savez sans doute, que je me présente ici comme quelqu'un qui ne connaît pas intimement, comme mon prédécesseur, Mario Bilodeau, et d'autres personnes que je vois ici, les rouages gouvernementaux, de sorte que mes propos vont peut-être paraître hérétiques. C'est à cause de cette ignorance, que j'avoue au départ. J'ai évalué, j'ai jugé ce projet de loi fort intéressant comme juriste de l'extérieur de l'appareil gouvernemental.

La première fois que j'ai entendu parler d'un directeur des poursuites publiques, je ne savais pas. Je lisais, comme tous les étudiants en droit, une décision qui s'appelle Woolmington contre DPP. C'est une décision qui a énoncé le principe de la présomption d'innocence. Et je vois «DPP», je n'avais pas la moindre idée de ce que c'était. On m'a dit: C'est le Director of Public prosecutions, en Angleterre. Parfait. Les années ont passé, et là est arrivée l'affaire Marshall, et à nouveau on a parlé du Directeur des poursuites publiques, et là j'ai un petit peu mieux compris ce que c'était. Mais, quand je pensais à l'institution du Directeur des poursuites publiques, dans ma tête, à tort ou à raison, j'avais l'impression, quand j'ai su qu'on voulait créer ce Directeur-là, que le but, l'objectif de la création de ce poste-là, c'était de retirer le secteur des poursuites pénales du giron du Procureur général pour en faire un secteur indépendant et autonome, à l'abri de toute, et là je pèse mes mots, de toute ingérence politique. Et, quand je dis ça ? je sais que je m'adresse à des gens pour qui la politique, c'est un métier, c'est une vocation ? je marche sur des oeufs, j'en suis conscient.

Quand je parle d'ingérence, c'est surtout une ingérence par la bande, si vous voulez, de gens qui ne veulent pas qu'on sache qu'ils veulent intervenir. Alors, je croyais qu'on voulait en faire un organisme donc indépendant du Procureur général, de sorte qu'il n'aurait pas de comptes à lui rendre et qu'il n'existerait pas de lien de subordination administrative entre le DPP et le Procureur général.

Alors, j'ai lu le projet de loi et, au niveau des principes, je suis tout à fait d'accord avec la création du DPP. Ça, ce n'est pas un problème. Mais c'est au niveau de ? peut-être que le mot est un peu fort, là ? l'inféodation ou, ce qui me semble persister, une certaine forme de subordination administrative entre le Procureur général et le DPP, et on le voit dès l'article 1 quand on dit: «Sous l'autorité générale du ministre de la Justice et Procureur général, le Directeur exerce les fonctions...» Il est substitut, d'office sous-procureur général, et il est nommé par le gouvernement sur recommandation du ministre de la Justice.

Moi, mesdames messieurs, mon propos essentiellement, c'est de vous dire qu'à mes yeux, si on veut accorder au DPP l'apparence, pas seulement l'indépendance, mais l'apparence d'indépendance ? parce que, vous le savez, en matière d'indépendance, d'impartialité, les apparences sont aussi importantes que la réalité ? alors si on veut donner à ce poste-là l'apparence d'indépendance puis d'autonomie qu'il doit avoir, pour éviter toute crainte d'ingérence, à mon avis il faudrait qu'il soit, comme le Directeur général des élections ou l'ombudsman, nommé par l'Assemblée nationale. C'est là où peut-être se situe mon hérésie. Mais ça en ferait un personnage... pas un intouchable, mais pas loin, et il demeurerait quand même évidemment sous la... Il serait nommé par l'Assemblée nationale, quelque chose pourrait lui arriver s'il déraillait considérablement, mais il n'aurait plus donc ce lien qui existe avec le Procureur général, et ça me semblerait préférable.

On a parlé de la Nouvelle-Écosse. J'ai su, il y a seulement quelques jours, que je venais ici, donc, évidemment, je n'ai pas préparé de document. J'ai appelé un de mes amis qui est dans le monde judiciaire de la Nouvelle-Écosse, une personne que je respecte profondément, puis je lui ai demandé: Qu'est-ce que ça a changé, en Nouvelle-Écosse, suite à la création du Directeur des poursuites publiques? Ce qu'il m'a dit, c'est que... Bon, d'abord, semble-t-il ? c'est ce qu'il me dit ? c'est la même personne qui était là avant puis après. Donc, évidemment, la personne étant la même, ça ne change pas beaucoup. Mais il m'a dit: En réalité, c'est un peu comme changer quatre trente-sous pour une piastre. C'est l'impression qu'il m'a donnée, c'est la chose qu'il m'a dite. Est-ce que c'est vrai ou pas vrai? Comme on le dit en ouï-dire, ça ne fait pas preuve nécessairement de son contenu, mais ça fait preuve que ça a été dit. Alors, toutes mes remarques donc vont être brèves parce qu'elles se situent essentiellement là-dessus.

Au niveau, par exemple, du septennat, sept ans, moi, je n'ai rien contre ça, ça évite à la personne... Ça lui donne le temps d'établir ses politiques, puis, s'il n'est pas très bon ou si vers la fin il commence à être moins bon, on n'est pas pris avec un personnage ad vitam aeternam.

On a parlé du processus d'identification des candidats, vous avez posé des questions. Écoutez, moi, j'ai été juge, j'ai été nommé en mars 1980 et j'ai été nommé par le processus de comité de sélection où on pose notre candidature et on est rencontré par le juge en chef ou son représentant, représentant du Barreau, représentant du public. Les candidats sont rencontrés, on sait à qui on a affaire, et là le comité soumet sa liste prioritaire et moins prioritaire. Ce n'est peut-être pas le système parfait, mais je peux vous dire que ça permet en tout cas d'identifier, suite à la rencontre, sur curriculum vitae, là, les personnes qui sont véritablement aptes à faire le travail. Alors, ce comité dont on parle ici, évidemment dans le cas d'une nomination par le ministre de la Justice, par le gouvernement via une recommandation du ministre, ça s'insère dans cette logique-là, mais, dans la mesure où on peut... Si mon idée de nommer par l'Assemblée nationale peut se marier avec le processus du comité, moi, j'y croirais.

n(16 h 20)n

Le directeur adjoint, est-ce qu'il devrait être nommé... S'il est nommé par l'Assemblée nationale, si le Directeur est nommé par l'Assemblée nationale, est-ce que ça devrait être la même chose pour le directeur adjoint? Me Bilodeau a dit avec beaucoup d'humour qu'un conjoint doit pouvoir choisir son conjoint, sauf que, si le Directeur s'absente ou est malade, c'est le directeur adjoint qui remplit ses fonctions. À mes yeux, le processus de nomination devrait être le même parce que c'est celui qui est susceptible de le devenir.

Pour le reste, écoutez, dans les détails, je constate tout simplement qu'il y a plusieurs donc dispositions qui font en sorte que cette subordination me semble être préservée, la subordination entre le directeur et le Procureur général semble préservée, et j'ai des petites difficultés.

L'article 21 va poser un petit problème. C'est la prise en charge par le Procureur général. «Lorsqu'une affaire relève de la responsabilité du Directeur, le Procureur général ne peut la prendre en charge ou intervenir [...] que de manière exceptionnelle», bon, en publiant le tout dans la Gazette officielle du Québec. Ça, c'est peut-être ce qu'il y a de plus... C'est peut-être des choses qui peuvent arriver, mais ça, c'est ce qu'il y a de plus, entre parenthèses, inquiétant, si on part de la prémisse que le DPP devrait être complètement indépendant du Procureur général.

Pour le reste, mesdames messieurs, je suis prêt à répondre à vos questions. Moi, j'avais un message, c'est celui que je vous ai transmis. J'ai peut-être tort, mais...

Le Président (M. Simard): ...si hérétique que ça, parce qu'on l'avait déjà entendu aussi. Donc, rassurez-vous, ici, les hérésies sont permises.

M. Grenier (Bernard): O.K. Donc, je n'ai même pas d'imagination.

Le Président (M. Simard): Non, non, non, la question...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Alors, j'invite le ministre à entreprendre le dialogue avec vous.

M. Marcoux: Alors, merci. Me Grenier, je pense que vous avez eu l'occasion, dans votre pratique... Vous avez été beaucoup en droit criminel, vous avez été nommé juge et vous êtes revenu, si je comprends, à la pratique maintenant.

Concernant le processus de nomination ? et je reviendrai après sur d'autres aspects ? en ce qui a trait aux juges, parce que vous avez parlé du comité avec aussi l'Assemblée nationale, je pense que, le processus de nomination des juges, bien il y a un comité, il y a des recommandations qui sont faites, la nomination est faite par le gouvernement et non pas par l'Assemblée nationale, et je pense que ça assure quand même un «due process» et une capacité, un processus qui permet de reconnaître les gens qui sont les plus compétents. Et puis en fait, d'ailleurs, il y en a qui présentent leur candidature puis qui ne passent pas, donc ça veut dire que quand même le comité fait son travail, et je pense qu'à venir jusqu'à maintenant ça nous a bien servis.

Quand vous parlez d'indépendance totale ? j'essaie de me situer un peu dans les objectifs du projet de loi; je pense que votre point de vue est intéressant ? c'est d'assurer davantage d'indépendance dans la prise des poursuites à l'intérieur de politiques générales qui demeureraient dans le fond la responsabilité du Procureur général, donc qui conserve une imputabilité sur le plan politique, donc, d'une part, et cette indépendance, dans le fond elle n'est pas complète, mais on la retrouve par la délégation spécifique de pouvoirs dans le projet de loi. Donc, par rapport à actuellement, on peut peut-être dire: Ça ne change pas grand-chose en apparence, mais, dans le projet de loi, on indique certaines responsabilités statutaires dans le fond qui sont déléguées, que le Directeur des poursuites publiques devra exercer, donc il doit agir comme poursuivant pour le code de procédure criminelle, le Code de procédure civile, bon, dans le cadre de politiques générales qui demeureront l'apanage du Procureur général, et assurer une imputabilité politique.

Mais il m'apparaît donc que l'indépendance institutionnelle, qui n'est pas complète... Ce n'est pas comme le Protecteur du citoyen, qui évidemment exerce un rôle différent de celui-ci, mais la loi lui prescrit un certain nombre de responsabilités qu'il doit exercer, et, dans ce sens-là, il me semble qu'il y a quand même une amélioration par rapport à ce qui actuellement est en vigueur. Au moins, par la loi, il a un certain nombre de responsabilités, premièrement.

Deuxièmement, la question de transparence, le fait que... si le Procureur général décide d'intervenir parce qu'il juge que c'est une circonstance exceptionnelle ou encore que c'est nécessaire pour l'intérêt public, il devra le faire par écrit, il devra le publier dans la Gazette officielle. Alors, est-ce que ce n'est pas là une mesure de transparence, vis-à-vis la population, qui n'existe même pas actuellement? Et je pense que le Procureur général va devoir être prudent, encore beaucoup plus prudent, et être très, très justifié d'intervenir, et devra motiver une décision d'intervenir directement publiquement et par écrit.

M. Grenier (Bernard): Moi, je suis d'avis, puisque vous parlez de directives rédigées par le Procureur général, je suis d'avis que le Directeur des poursuites publiques devrait avoir ses propres directives. Dans mon schème, dans mon schème, là, j'ai peut-être tort, mais c'est lui ou elle qui a cette responsabilité-là. Et, si on admet que c'est lui qui est en charge, pourquoi est-ce que ce n'est pas lui qui énoncerait les directives? Pourquoi est-ce que ce ne serait pas lui qui prendrait les... Si jamais il prenait une mauvaise décision, l'opinion publique pourrait le critiquer, mais on n'aurait pas cette crainte qu'un personnage politique ? puis ce n'est pas vous que je vise, là, monsieur, vous comprenez, c'est au niveau des institutions, c'est au niveau des apparences ? mais qu'un personnage politique qui peut avoir ses propres désirs ou ses propres objectifs prenne une décision de poursuivre qui est attribuable, explicable uniquement par des raisons de politique, puis pas nécessairement de grande politique.

Vous parlez de cas où le Procureur général voudrait intervenir dans un dossier majeur pour des raisons de politique fondamentale. Au fond, vous avez raison. Peut-être que je me suis énervé au sujet de l'article 21, là. Ça, je serais prêt à vous le dire. Mais, quant à se livrer à l'exercice de préparer un projet de loi, qui est très bien, qui est une excellente idée, pourquoi pas aller au bout de la logique et sortir la poursuite du giron du Procureur général pour les raisons que j'ai données?

Mais, pour en revenir à la situation où le Procureur général voudrait intervenir lui-même pour des raisons importantes, ça, comme je vous dis, je me suis peut-être énervé, puis l'article 21 est peut-être moins démoniaque, diabolique qu'il semble l'être. Mais encore une fois, honnêtement, M. le ministre, quand on a un tout petit peu d'expérience dans le domaine du droit pénal et qu'on lit ça, en bout de ligne, on se demande: Dans la réalité des choses, qu'est-ce qui a changé? Qu'est-ce que ça changerait? Puis, pour quelqu'un de l'extérieur de l'appareil gouvernemental mais qui connaît le domaine, on n'a pas l'impression que ça changerait grand-chose, puisque finalement le Directeur des poursuites publiques bon ferait à peu près ce que fait le procureur en chef de Montréal, de Québec, etc. C'est l'image peut-être fausse, et peut-être que j'ai mal compris, mais c'est l'image qu'on retire, c'est l'impression qu'on retire en lisant cette loi-là. Mais j'admets que j'ai mon préjugé, mon biais, mon approche qui est un petit peu différente du projet de loi lui-même. Alors, c'est à peu près ça que je dirais pour répondre à vos questions.

n(16 h 30)n

M. Marcoux: Parce que, si je reviens à l'article 20, par exemple, si on parle d'orientations et de mesures qui touchent la conduite générale des affaires criminelles et pénales, comme tout ce qui touche les victimes, les victimes d'actes criminels, le respect et la protection des témoins, le traitement de certaines catégories d'affaires, le traitement non judiciaire d'affaires, est-ce que ce ne sont pas là des matières dans le fond de politiques générales où il est souhaitable que ce soit quelqu'un qui, au niveau politique, en réponde? Et là je ne parle pas des prises de décision quotidiennes ? ça, c'est une autre chose, là ? par le DPP. Mais est-ce qu'à cet égard-là... Je parle, par exemple, des victimes d'actes criminels, des victimes de violence conjugale. Il y a certaines politiques. Quand on parle de récidive, dans le Code criminel, où il peut y avoir des directives d'ailleurs qui ont été données par le Procureur général, demandant aux procureurs évidemment de l'appliquer dans ces grands principes là, est-ce que ce n'est pas normal que ça revienne, à ce moment-là, à quelqu'un qui a l'imputabilité politique de dire aux gens: Bien, voici pourquoi je donne ces grandes orientations là, et évidemment elles seront appliquées, la loi le dit bien, il appartiendra cependant à quelqu'un à qui je ne peux pas donner d'ordre dans l'application de ça, où il est clair qu'il n'y aura pas de politique partisane... Parce que souvent les gens dans certains cas peuvent dire: Ouais, est-ce qu'il n'y a pas là d'influence partisane? Je pense que c'est ce que Me Bilodeau a mentionné tantôt. Bien non. Les grandes politiques, elles sont là, vous les connaissez, voici pourquoi nous les avons établies. Cependant, l'application quotidienne, bien c'est à quelqu'un qui n'a rien à voir avec la politique qui aura, lui, à juger concrètement de l'appliquer, de façon égale, à tous les citoyens.

M. Grenier (Bernard): Bien, si on fait confiance à ce personnage, qui est le Directeur, et à son entourage, qui vont, eux, travailler, à tous les jours, dans le domaine des poursuites, comme le font les procureurs de la couronne, pourquoi, si on lui fait confiance, pourquoi est-ce qu'on ne lui ferait pas confiance pour faire lui-même ce que le Procureur général peut sûrement bien faire aussi? Mais, si on pense que c'est valable, on pense également que ce Directeur-là va être capable de vivre dans la société, et de voir, et de décider quels sont les critères qui devraient être retenus pour déposer une poursuite, quelles sont les choses fondamentales. Pourquoi seulement le Procureur général pourrait faire ça? Pourquoi pas le Directeur des poursuites publiques, puisqu'on estime que c'est son bébé et... Je ne pense pas vous convaincre, M. le ministre, mais c'est ma réaction à moi. Je voudrais beaucoup d'étanchéité dans un monde idéal.

M. Marcoux: Peut-être simplement un dernier commentaire, puis je respecte votre point de vue, mais, à cet égard-là, pour les grandes politiques générales qui touchent les gens évidemment qui s'inscrivent dans les règles du Code criminel puis dans les lois pénales, souvent il y a des discussions avec ces gens-là, il va y avoir des groupes qui vont demander: Est-ce qu'il n'est pas normal qu'il y ait une imputabilité politique dans la réponse à donner dans ces grandes politiques là, au lieu d'avoir quelqu'un qui, lui, n'a aucune imputabilité politique, qui peut décider à peu près n'importe quoi, au niveau des grandes orientations ? que je distingue bien de ce que j'appelle l'application au jour le jour et qui est également très importante, j'en conviens? Mais c'est dans cette perspective-là où il semblait qu'il est important de conserver une imputabilité politique, mais de donner cependant, dans l'application quotidienne, un rôle où on définit clairement, dans certains articles de la loi, les attributions du Directeur des poursuites publiques.

M. Grenier (Bernard): L'imputabilité politique dont vous parlez, c'est finalement les critiques qu'on peut recevoir, parce qu'on ferait ou ne ferait pas quelque chose, de la part de groupes de pression, de la part du Barreau, de la part de, etc. Bon. Au fond, l'imputabilité, que ce soit politique ou pas, c'est répondre de ses actes. Vous ne pensez pas, M. le ministre, que le DPP... Il ne vivrait pas dans une bulle, il rencontrerait le vrai monde, comme, vous, vous le faites, comme vos adjoints le font, et il serait à l'écoute de ce qu'on lui dirait, et il devrait répondre de ses actes, parce que, s'il faisait mal son travail ou s'il négligeait, par exemple, les groupes de victimes, croyez-moi, il y aurait des protestations, et personne n'aime se faire dire qu'on n'est pas bon puis qu'on oublie des choses. Alors, je pense que, même si le DPP ne pourrait pas être défait aux prochaines élections parce qu'il ne serait pas un député, il demeure quand même qu'il serait un personnage public et qu'il pourrait être critiqué, et on présume encore une fois que ce serait un individu qui serait à l'écoute de ce que les gens ont à dire, comme, vous, vous l'êtes, et il le serait tout autant que vous.

Mais, moi, je ne vois pas pourquoi il faut absolument qu'on attache le grelot politique au terme «imputabilité». Il suffit que la personne ait comme responsabilité d'établir des critères de poursuite en fonction de tous les besoins de la société, ce que vous faites et ce qu'il pourrait aussi bien faire, peut-être pas mieux que vous, mais qu'il pourrait faire tout autant que vous. C'est mon point de vue.

M. Marcoux: Merci.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. Alors, je me tourne vers le député de Chicoutimi, qui est critique, vous le savez, en matière de justice.

M. Bédard: Me Grenier, merci d'être venu, d'avoir pris de votre temps, et, dans votre cas, c'est vraiment de votre temps. Quand on est en pratique privée, on sait ce que ça veut dire. Donc, je vous remercie de nous faire bénéficier aussi de votre expertise...

M. Grenier (Bernard): ...coûté 2 000 $ d'honoraires que je n'aurai pas reçus aujourd'hui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Grenier (Bernard): Ce n'est pas vrai. C'est une blague.

M. Bédard: Et, avec une vision pratique et en même temps avec un passé comme juriste et aussi comme juge, donc... Et vous avez parlé d'hérésie au départ. Je vous dirais que vous êtes au coeur du sujet, au contraire, et vous avez vu depuis le début, vous avez écouté un peu mes commentaires avec Me Bilodeau où je confronte beaucoup cette idée d'indépendance. Parce que je ne suis pas fermé à l'idée d'indépendance, mais, moi, je suis contre l'idée de faire un véhicule hybride, à voile et à vapeur, mais qui en fait ne rencontre aucune des conditions qui enlèvent les bénéfices du système actuel. Et, moi, je regarde toujours les bons côtés et les inconvénients. Les bons côtés du système actuel, c'est que, oui, au niveau de l'apparence, il peut y avoir des problématiques, mais, comme l'imputabilité est forte et comme le devoir de réponse est évident devant la population, c'est ce qui fait en sorte que les gens ont confiance, conservent confiance.

Et je suis content d'entendre le ministre d'ailleurs parler d'imputabilité. Si on parle d'imputabilité des directives, il faut parler d'imputabilité des décisions. S'il est important de conserver l'imputabilité sur un des aspects avec les directives, bien je ne vois pas comment on peut prétendre ne pas avoir cette même imputabilité sur les décisions. Je pense que c'est une logique qui se tient. Et, moi, je ne suis pas fermé. Je pense qu'au contraire on doit choisir entre deux: Est-ce qu'on garde le système tel qu'il est ou avec amélioration? Et, moi, j'en ai proposé... Peut-être qu'on doit sortir le Procureur général du gouvernement, vraiment lui donner un rôle à part, conserver le rôle d'élu, mais vraiment à part du gouvernement, qui siège seul presque, et, lorsqu'il a terminé son mandat, bien il est nommé à quelque part et là on s'assure de son indépendance. Donc, on garde l'imputabilité forte encore, en même temps on règle le problème d'étanchéité, mais avec les inconvénients que vous avez mentionnés, ou on traverse, où, là, vraiment, on parle d'une véritable indépendance et de transparence, parce qu'en plus de sacrifier l'imputabilité on sacrifie la transparence.

Et c'est ce que je mentionnais aux gens avant vous. La transparence, elle vient du fait que c'est le Procureur général qui répond parfois même des gestes de ses substituts du Procureur, à la limite. C'est ce qui fait que les gens ont confiance. Quand c'est quelqu'un qui est nommé, que personne ne connaît, et que, lui, tout ce qu'il fait, c'est qu'il en répond au ministre, parce que son imputabilité, lui, du Directeur des poursuites publiques, elle n'est pas envers le public, elle est envers le ministre, alors là il y a un problème. Alors, pour une plus grande indépendance, ce que vous nous dites finalement, c'est: Allons-y comme on le fait, par exemple, pour le Vérificateur général, nommons quelqu'un aux deux tiers, lui-même établira ses lignes, il y aura un cadre juridique, qui est le Code criminel, le Code de procédure, les éléments de base, et, lui, à partir de ce moment-là, il est nommé et il peut être destitué aux deux tiers de l'Assemblée nationale, par exemple.

M. Grenier (Bernard): C'est ça.

M. Bédard: C'est ce que vous nous dites, purement et simplement.

M. Grenier (Bernard): Oui. Absolument.

M. Bédard: Donc, tout ce qui concerne l'idée de... bon, les directeurs adjoints, vous avez le même souci que ces gens-là, et même l'ensemble de l'organisation, à ce moment-là. C'est le Directeur qui nomme ses gens, et lui s'assure de leur... À l'intérieur d'un mécanisme, il répond, lui, de leur imputabilité... pas de leur imputabilité, de leur objectivité et de leur indépendance.

M. Grenier (Bernard): C'est ça.

M. Bédard: Je vous rejoins entièrement et totalement. Et pas que je sois fermé à l'une ou l'autre, mais je pense qu'on ne peut pas aller dans le milieu. C'est l'un ou l'autre. Sinon, c'est la confiance qui risque d'en souffrir, d'autant plus que vous avez parlé de la Nouvelle-Écosse. Je me suis informé un peu en Nouvelle-Écosse. Savez-vous ce qui arrive en vrai? Et là je le fais avec toute la réserve, mais le Directeur des poursuites publiques parle beaucoup plus souvent au Procureur général que, nous, le sous-ministre associé au ministre de la Justice, le sous-ministre à la Direction des poursuites, parce qu'il est un peu en dehors, donc il doit rendre compte à lui. Et, comme il lui donne ses directives... Finalement, c'est qu'on arrive à pire, là. Il y a même une relation incestueuse qui va s'installer. Et, comme il doit agir par règles, les individus se rencontrent en vrai.

Les directives, vous savez, je peux les faire par règles, mais, quand je le rencontre dans d'autres circonstances, il y a des commentaires qui vont s'échanger. Alors, on va donner l'apparence en vrai d'une pseudoétanchéité, alors que l'étanchéité, au contraire, elle n'existe plus, et c'est ça qui m'inquiète.

n(16 h 40)n

Quand vous disiez «quatre trente-sous pour une piastre», moi, j'ai peur que finalement le petit change qu'on va avoir entre les mains... Ça risque d'être moins, parce que la part qu'on va apporter sur l'indépendance est quasi nulle, la transparence est moindre et l'imputabilité est moindre aussi. Alors, qu'est-ce qu'on gagne selon vous à aller plus loin dans le projet de loi?

M. Grenier (Bernard): Aller au bout d'une logique, aller au bout d'une logique tout simplement, c'est qu'on a voulu... Et permettez-moi une parenthèse. Pierre Lapointe est ici, je veux rendre hommage au travail qu'il a fait dans ce domaine-là, hein, parce que je sais qu'il a travaillé beaucoup pour ce projet de loi là, et mes remarques n'ont rien à voir avec la qualité du travail qu'a fait Me Lapointe. Alors, vous me permettrez, M. le Président, parce que je connais Me Lapointe.

M. Bédard: Et nous sommes d'accord.

M. Grenier (Bernard): Et l'autre chose, avant de revenir à votre question, l'autre chose qui me rassure là-dedans, M. le Président, mesdames messieurs, c'est que, si on lit la loi, le premier Directeur des poursuites publiques, ça va être Paul Monty, et ça, ça me rassure parce que je connais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: ...

M. Grenier (Bernard): Alors, je ferme la parenthèse. C'est ça, c'est aller au bout d'une logique, une logique qui veut qu'on... La poursuite, c'est quelque chose qui est «self-sufficient», si vous me passez l'anglicisme, et qui devrait être géré par des gens qui sont comme l'ombudsman, le Vérificateur ou le Directeur général des élections, quelqu'un qui est une espèce de personnage, pas un intouchable, là, mais qui a peut-être l'image d'un intouchable. Je ne fais pas d'allusion à la situation en Inde, mais quelqu'un, là, à qui on fait pleinement confiance. Et donc ma réponse, c'est: aller au bout de la logique.

M. Bédard: Oui. Alors, bien, je vous rejoins là-dedans. D'ailleurs, moi aussi, là, je ne remets pas en cause la rédaction ou le chemin, parce qu'on a voulu... Comme on dit, on fait un pas dans la continuité. En fait, j'ai peur qu'on recule, parce qu'on ne peut pas jouer entre les deux. Et ce qui m'inquiète, c'est qu'on ne peut pas parler d'indépendance et de transparence, dans ce cas-ci, ce n'est pas le cas, ce n'est pas de l'indépendance et transparence. Ce qu'on vise à assurer, c'est peut-être un peu plus d'étanchéité, et je pense qu'on le rejoint encore moins, le but de l'étanchéité. Il y a d'autres façons de rejoindre l'étanchéité.

Moi, je proposais: Si on veut vraiment être étanches, faisons en sorte que le Procureur général soit même séparé du ministre de la Justice, carrément, purement et simplement. Tu as un Procureur général qui va être en Chambre, qui répond, qui répond très rarement, mais il est en Chambre. Il a la responsabilité, les soucis du Procureur, et il ne siège pas au Conseil des ministres, et là, à ce moment-là, là on est étanches. Mais on a le problème que vous identifiiez tantôt, et ça, c'est un des problèmes de notre système, c'est qu'il y a comme une apparence pour les gens parfois, même si l'institution du Procureur général n'a jamais été remise en doute, mais quand même de proximité entre l'appareil gouvernemental et le Procureur général. Mais du moins on s'assure de l'étanchéité, mais on garde l'imputabilité.

Alors, je ne veux pas aller plus loin là-dessus, mais simplement... Parce que vous avez dit: Écoutez, peut-être que je suis dans l'hérésie. Au contraire, vous étiez vraiment dans le coeur des motivations qui doivent amener une modification du rôle actuel du Procureur général. Et ne faisons pas l'erreur de modifier pour quelque chose qui serait plus cosmétique mais qui pourrait avoir des effets qui ne sont pas prévisibles. Peut-être que ça n'aura aucun effet, mais...

Actuellement, le système fonctionne bien. Quels vont être les effets, dans les faits, là, quels vont être les effets de l'application du type de projet de loi actuel? Je ne peux pas le dire et je ne pense pas que l'institution du Procureur général a... On a à gagner, là, à la... Et ce n'est pas par hasard non plus d'ailleurs que... Parce qu'on nomme souvent ceux qui l'ont prise comme modèle, une forme qui pourrait s'assimiler. Il y a différents modèles, d'ailleurs, il n'y en a pas un seul. Colombie-Britannique... Mais plusieurs l'ont rejeté purement et simplement. C'est pour ça que, moi, je questionne sur le fond des choses.

Et je vous remercie, Me Grenier, d'avoir abordé le fond des choses parce que c'est à partir de là que le gouvernement et nous, comme membres de l'Assemblée, on doit prendre la décision, au-delà du projet de loi, du contenu et des choses qui peuvent, dans cette logique, être améliorées. Le fond, c'est ce que vous avez mentionné: De quel côté allons-nous? Qu'est-ce que nous choisissons comme système au niveau de la Direction des poursuites publiques? Merci, Me Grenier.

Le Président (M. Simard): Le ministre voudrait vous poser une dernière question ou faire un commentaire en terminant. Nous avons tout à fait le temps de le faire.

M. Marcoux: Si vous me permettez, M. le Président, d'abord, avant de remercier Me Grenier, parce que nous avons parlé un certain nombre de fois de la Nouvelle-Écosse, et, avec raison d'ailleurs, le député de Chicoutimi y a fait référence, ce qu'on m'indique: en Nouvelle-Écosse ? c'est Me Lapointe évidemment qui a travaillé beaucoup sur le dossier et qui est allé en Nouvelle-Écosse également ? il semble que le Director of Public prosecutions et le ministre, le Procureur général, ne se rencontraient jamais, de sorte qu'en 1999 ils ont modifié la loi pour prévoir qu'ils devraient se rencontrer au moins une fois par mois. Alors, ça veut dire que c'était perçu vraiment avec une étanchéité à cet égard-là, semble-t-il, d'après ce que m'indique Me Lapointe. Merci. Je voulais simplement...

Le Président (M. Simard): Me Grenier.

M. Grenier (Bernard): Je n'ai pas été très complet dans ma réponse à la question que vous avez posée, M. le ministre, relativement au processus de nomination au comité de sélection. Je suis parfaitement conscient que le comité de sélection fonctionne dans l'optique de la logique de ce projet de loi là, nommé par le gouvernement comme les juges. J'ignore, j'avoue mon ignorance, je ne sais pas comment on en arrive à choisir des candidats au poste d'ombudsman, etc. Peut-être que ça pourrait se faire de la même façon.

Là, j'avoue mon ignorance, je ne connais pas le mécanisme et je suis conscient du fait que le comité de sélection n'est peut-être pas bien arrimé avec une nomination par l'Assemblée nationale. Donc, je n'étais pas en mesure de répondre intelligemment à votre question, sans doute à d'autres également, mais à celle-là en particulier. Mais je suis conscient du fait que ce serait peut-être mal adapté à une nomination par... Puis encore, qu'un comité de sélection... Si des gens manifestaient leur intérêt... Même si la nomination se faisait ici, il n'y a rien qui empêche qu'un comité de tamisage rencontre les candidats. Et après ça advienne que pourra. Mais je ne peux pas dire que j'ai une idée précise là-dessus.

M. Marcoux: Je vous remercie beaucoup de votre présentation et des réponses.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, Me Grenier. Et nous suspendons pendant quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 47)

 

(Reprise à 16 h 53)

Le Président (M. Simard): Nous allons reprendre nos travaux, si vous voulez bien tous reprendre vos places, s'il vous plaît.

J'invite maintenant à participer le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale ? j'ai regardé le sigle de votre organisme, c'est assez impressionnant, et vous me permettrez de ne pas le retenir, c'est un peu difficile ? le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel et l'Association québécoise plaidoyer-victimes.

Donc, Mme Riendeau, qui est au centre, Mme Riendeau, pourriez-vous présenter celles qui vous accompagnent, cet après-midi, et nous préciser à quel groupe elles appartiennent?

Mme Riendeau (Louise): Bien, je vais les laisser se présenter. Je vais ajouter qu'il y a ma collègue de la Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté qui est là aussi. Elle peut peut-être y aller...

Le Président (M. Simard): Très bien. Alors, après vos présentations, je vous signale que vous aurez une vingtaine de minutes pour présenter l'ensemble de vos propositions, de vos commentaires, et qu'ensuite, de part et d'autre, ici, nous vous poserons des questions. Alors, veuillez intervenir.

Mme Riendeau (Louise): Veux-tu commencer, Arlène?

Regroupement provincial des maisons
d'hébergement et de transition pour femmes
victimes de violence conjugale (RPMHTFVVC),
Regroupement québécois des centres d'aide et
de lutte contre les agressions à caractère sexuel
(Regroupement québécois des CALACS) et
Association québécoise plaidoyer-victimes (AQPV)

Mme Gaudreault (Arlène): Oui, je peux commencer. Bonjour, je m'appelle Arlène Gaudreault, je suis présidente de l'Association québécoise plaidoyer-victimes, qui est un organisme qui existe depuis 20 ans. C'est un organisme à vocation provinciale dont le mandat est la défense des droits des victimes d'actes criminels. Et je dirais que, depuis 20 ans, notre association agit comme porte-parole pour faire avancer la cause des victimes et faire entendre la parole des victimes. On est un groupe qui réunit près de 400 intervenants qui viennent des agences sociales, du milieu de la justice, du milieu universitaire. Il y a des victimes elles-mêmes qui sont membres de l'association. Je dirais en synthèse que, depuis 20 ans, notre organisme a fait avancer considérablement à la fois les changements politiques, les programmes et les pratiques et changer les attitudes des intervenants qui travaillent auprès des victimes d'actes criminels. Voilà.

Mme Thélusmond (Marie Guylda): Alors, moi, je suis Marie Guylda Thélusmond, de la Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec. C'est un nom très long, comme celui du regroupement. Notre fédération existe aussi depuis 18 ans. C'est un organisme provincial qui travaille principalement à la défense des droits et au développement de l'autonomie des femmes aux prises avec des difficultés diverses, principalement la violence conjugale, mais des femmes avec des problèmes de toxicomanie, d'itinérance aussi peuvent bénéficier des services de nos maisons d'hébergement. La fédération assure un soutien à l'important travail qui est réalisé par les maisons d'hébergement en répondant notamment aux nombreuses demandes de concertation, de consultation, d'information de ses membres. La fédération effectivement, depuis des années, travaille beaucoup à sensibiliser l'ensemble des partenaires, la communauté, la population en général sur la problématique des femmes victimes de violence et aussi celle des femmes en difficulté.

Mme Riendeau (Louise): Moi, comme on l'a dit, je représente le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale. Notre association, qui a 26 ans cette année, regroupe 48 maisons qui aident spécifiquement des femmes et des enfants victimes de violence conjugale. Si on regarde, à travers les deux réseaux, on va héberger à peu près 8 000 femmes et quelque 6 000 enfants par année et on aide des dizaines de milliers d'autres, là, qui ne viennent pas en hébergement. Je pense que, quand on regarde le sujet qui nous intéresse aujourd'hui, ça peut être pertinent de dire que les études de certains universitaires québécois estiment qu'il y a entre 100 000 et 190 000 femmes qui sont victimes de gestes criminalisables dans le cadre d'une relation de violence conjugale et que là-dessus on a à peu près 16 000 plaintes, 16 000 événements rapportés à la police, dont 85 % par des femmes qui sont victimes. Alors, entre le nombre de victimes et le taux de dénonciation devant les tribunaux, il y a une très grande marge.

Mme Tremblay (Carole): Bonjour. Mon nom est Carole Tremblay. Je représente le Regroupement des CALACS. C'est l'acronyme qui désigne les centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Il y en a une trentaine de répartis sur le territoire du Québec, dont 26 qui sont membres du regroupement que je représente. On vient en aide principalement aux adolescentes et aux femmes adultes qui ont vécu une agression sexuelle dans leur vie d'adolescente ou d'adulte ou dans l'enfance. Au Québec, c'est près d'une femme sur quatre qui a vécu ou qui est susceptible de vivre un type de violence sexuelle, que ce soit d'une gravité très grave ou d'une gravité moindre. Et ce qu'il est, je pense, très pertinent de rappeler aujourd'hui, c'est que, parmi l'ensemble de ces femmes-là, il y en a à peine entre 6 % et 10 % qui portent plainte dans le système judiciaire.

Alors, j'introduis tout de suite quelques grandes idées sur lesquelles on s'est concertées avant d'arriver, aujourd'hui. Vous avez constaté qu'on n'a pas eu les délais pour déposer un mémoire.

Alors, nos organismes, les maisons d'hébergement et les CALACS, informent les femmes sur le processus judiciaire, tentent de leur donner confiance dans ce système-là et les encouragent à porter plainte, les accompagnent dans le cadre des différentes étapes du processus pénal. Ce mandat nous donne un rôle d'observatrices privilégiées depuis de nombreuses années. Tout à l'heure, Louise évoquait 30 ans de vie du Regroupement des maisons. On a à peu près le même nombre d'années d'existence. Ce mandat donc nous donne un rôle d'observatrices privilégiées et nous conduit à sensibiliser les instances publiques aux besoins et à la réalité des victimes ainsi qu'aux adaptations nécessaires au fonctionnement du système judiciaire.

n(17 heures)n

Les groupes qui représentent les victimes n'ont pas revendiqué la séparation des fonctions de ministre de la Justice et de Procureur général et n'ont pas noté, pour les personnes qu'elles représentent, des problèmes majeurs à ce que le ministre exerce les deux fonctions. On ne s'oppose pas et on ne s'offusque pas de l'intention qui est exprimée dans le projet de loi n° 109 eu égard à l'indépendance d'une prochaine direction des poursuites publiques, mais on a tout de même de la difficulté à voir en quoi c'est mieux pour les victimes. Au contraire, donc, par le passé, les ministres de la Justice qui se sont succédé ont décidé de prendre en compte certaines problématiques jusque-là ignorées, même si elles constituaient des crimes. On pense bien sûr à la violence conjugale et aux agressions à caractère sexuel.

Donc, les ministres de la Justice ont tenté de prendre en compte la réalité et les besoins des victimes depuis de nombreuses années et ont émis les directives qui s'imposent aux poursuivants. On va n'en nommer que quelques-unes: les deux politiques en violence conjugale, celles de 1986 et de 1995, et le nouveau plan d'action qui vient d'être déposé pour 2004-2009, les Orientations gouvernementales en matière d'agression sexuelle. Le ministre de la Justice a aussi assumé la présidence, en 1990, et la coprésidence, à partir de 2003, du Comité interministériel de coordination en matière de violence conjugale et familiale. Il nous a permis aussi de siéger, pendant deux ans, à ce qu'il est tenu d'appeler le Comité tripartite Femmes et Justice. On a eu le Sommet de la Justice, en 1992, et l'adoption de la loi 8, qui n'est pas la moindre, sur l'aide aux victimes, en 1988.

Alors, même si le dialogue avec les fonctionnaires du ministère de la Justice n'a pas toujours été facile, par exemple au Comité tripartite Femmes et Justice, même si la ministre de la Justice avait mandaté le comité pour trouver des façons d'améliorer la judiciarisation des actes de violence faite aux femmes, les fonctionnaires présentes à ce moment-là et à ce comité semblaient souvent davantage animées par la volonté de conserver le statu quo, au plan des façons de faire des substituts du Procureur général, que par la recherche des solutions aux problèmes. Beaucoup d'énergies ont dû être déployées pour réussir à formuler les recommandations qui apparaissent au rapport. Je vous rappelle qu'il y en a... je pense que c'est 59. Finalement, le ministre a décidé d'inclure un certain nombre d'entre elles dans le Plan d'action 2004-2009 en violence conjugale, et on espère qu'il va le faire dans le nouveau Plan d'action en agression sexuelle qui, nous l'espérons, sortira au début de 2006.

Nous craignons donc que la création du DPP, un organisme indépendant, nous oblige à faire face à encore plus de résistance que ce que nous avons rencontré jusqu'à maintenant. Certains voient, dans la création du DPP, un gage d'objectivité. Pour les femmes, l'objectivité a souvent été gage de statu quo, de valeurs et de fonctionnement qui ne reconnaissent pas les problèmes particuliers qu'elles vivent. La criminalité spécifique que vivent les femmes n'a été reconnue que depuis peu, et encore beaucoup de changement de mentalité est encore nécessaire chez plusieurs acteurs du système judiciaire. Le système judiciaire ? et sans doute que ce ne sera pas une surprise pour vous non plus ? est souvent considéré comme un des plus conservateurs que notre société comporte et il est donc lent à évoluer.

Alors, notre réaction plus spécifique au projet de loi. On ne va pas le prendre article par article, on va insister sur les éléments qui nous préoccupent le plus. Premièrement, c'est une nécessité, on croit, qu'il y ait une personne qui soit nommée, qui relève du ministère de la Justice et qui possède une vue d'ensemble et des responsabilités d'ensemble pour les différentes composantes du système judiciaire, qui, cette personne-là, soit responsable de l'exercice des droits des justiciables québécois, très nombreux, touchés par la justice pénale et qui soit imputable plus précisément dans une Assemblée nationale à qui il doit de toute façon faire rapport annuellement.

J'aborde tout de suite les articles en abordant l'article 20 qui concerne la possibilité pour le ministre d'élaborer et de prendre des orientations et des mesures concernant la conduite générale des affaires pénales, notamment pour assurer la prise en compte des intérêts des victimes d'actes criminels et le respect et la protection des témoins et pour promouvoir le traitement de certaines catégories d'affaires, le traitement non judiciaire d'affaires ou des mesures de rechange à la poursuite.

C'est sûr qu'on aimerait, au lieu d'être une possibilité générale ou d'être un privilège que le ministre peut exercer, que celui d'élaborer et de prendre des orientations et des mesures pour couvrir l'aspect des besoins des victimes, on préférerait voir apparaître là une obligation plus substantive, que ce soit par l'emploi du terme «doit» au lieu du terme «peut» ou qu'on utilise simplement «le ministère de la Justice élabore et prend des orientations», de façon à formaliser son obligation à cet égard-là, ce qui me permet tout de suite de dire et par ailleurs ce qui nous permettrait aussi d'être assurées que le futur Directeur des poursuites publiques, qui, lui, va adopter les directives de son côté, soit tenu de prendre en compte ces orientations-là et ces mesures-là, à l'égard des victimes, que le ministre va avoir mises de l'avant.

Alors, il est important que le ministère de la Justice conserve cette responsabilité. On est inquiètes par l'emploi du verbe «peut» dans l'article 20. On aurait préféré un libellé qui dit que le ministre, pour exercer ses responsabilités dans l'établissement... doit élaborer et prendre des orientations et des mesures concernant la conduite générale des affaires, etc.

Bien que le traitement des victimes se soit amélioré dans le système pénal, satisfaites que le ministère de la Justice ait la responsabilité de voir à la prise en compte des intérêts des victimes et de la protection des témoins, puisque ceux-ci ne sont pas représentés dans le cadre des poursuites pénales et peuvent à l'occasion devenir de simples témoins pour la couronne, beaucoup de travail reste encore à faire à ce chapitre. Et mieux les victimes seront traitées, comprises, respectées et informées, mieux elles pourront collaborer avec la justice, et une meilleure compréhension du rôle du système judiciaire induit des attentes plus réalistes et plus raisonnables à l'égard du système lui-même.

Il est important aussi ? et on est satisfaites de le constater ? que le ministère de la Justice ait l'obligation de promouvoir ? et on insiste aussi pour dire que, s'il a la responsabilité de promouvoir, c'est qu'il peut aussi ne pas le faire, promouvoir ou non ? le traitement non judiciaire et les mesures de rechange.

La question du traitement judiciaire et des mesures de rechange. Plusieurs types de victimes, y compris les victimes de violence conjugale et les victimes de violence contre leur personne, ont des préoccupations importantes au niveau de l'introduction des mesures de rechange et du traitement non judiciaire des dossiers. Et c'est pour ça que pour nous, quand on lit cet article-là, où le ministre a la responsabilité de promouvoir ou non ce type de mesures là, on trouve ça important que ça reste effectivement dans les responsabilités du ministre.

Le Président (M. Descoteaux): Mme Riendeau.

Mme Riendeau (Louise): Je peux prendre la relève. On a aussi été assez intéressées par l'article 16 qui prévoit que le Directeur des poursuites publiques a l'autorité d'élaborer des directives à l'intention des poursuivants, et cet article-là dit: Ces directives intègrent les orientations et les mesures prises par le ministre. C'est bien sûr une responsabilité qui par le passé a été exercée par le ministre et une responsabilité qui a été très importante notamment pour le traitement de la violence faite aux femmes, mais pour d'autres types de crimes. Par exemple, il y a eu des directives qui donnaient en tout cas des lignes de conduite très, très claires sur comment devions-nous mener les poursuites dans les affaires de violence conjugale, d'agression sexuelle, quel type de chefs d'accusation, quand peut-on utiliser une voie accélérée, quoi prendre en considération au niveau des recommandations pour les sentences, etc. Donc, il y a eu des choses très importantes.

Alors, pour nous, dans la vie de tous les jours, qui va se vivre dans les tribunaux, la question des directives est importante, et, dans ce sens-là, on le dit, quand on lit: «Ces directives intègrent les orientations et mesures prises par le ministre», on aimerait plutôt voir encore une fois ? vous allez trouver qu'on a une marotte, mais enfin ? que ça doit intégrer et prendre en compte et aussi que le Directeur des poursuites publiques doit rendre compte de comment les orientations prises par le ministre, au sujet des victimes et des témoins, se traduisent chaque jour. Pour nous, c'est un élément très important, et on pense que, si on n'a pas une assurance que ces directives-là tiennent vraiment compte des orientations, ça pourrait être très problématique pour les victimes.

n(17 h 10)n

Pour ce qui est de l'article 17 qui dit qu'à la demande du Procureur général le Directeur peut fournir une expertise sur l'application des lois ou produire des avis, on n'est pas contre, mais ça nous a soulevé un certain nombre de questionnements. Est-ce que l'expertise du Directeur des poursuites publiques et la production d'avis vont être mises à contribution, par exemple, pour augmenter la cohérence entre les décisions de différents tribunaux? On sait, par exemple, qu'en violence conjugale, si on n'est pas cohérent, au niveau du criminel, du familial puis du droit de la famille, on arrive à des drôles de choses. On peut donner une interdiction de contact, au pénal, et donner des droits d'accès, au familial. On a un petit problème. Alors, est-ce que l'expertise du Directeur des poursuites publiques va être mise pour mettre plus de cohérence à ce niveau-là? Est-ce que ça va être mis pour mettre plus de cohérence entre le système pénal et les Services correctionnels, au niveau des conditions de remise en liberté et des choses comme ça? Alors, ça nous questionne. Le projet de loi ne nous donne pas beaucoup de réponses, ça reste très vague.

Au niveau de l'article 19, là aussi, qui prévoit que le Directeur des poursuites publiques peut conclure des ententes ou des ententes de services, là aussi, on a eu un certain nombre de questions: À quoi est-ce que ça réfère? Est-ce que ce sont des ententes avec les organismes qui soutiennent les victimes? Est-ce que ce sont des ententes avec des organismes chargés des mesures de rechange? Est-ce que ce sont des ententes avec des procureurs privés? En tout cas, on s'est beaucoup demandé à quoi ça référait et on s'est aussi demandé: Est-ce que le Directeur des poursuites publiques aura un budget suffisant pour conclure des ententes comme ça avec différents partenaires? On s'est demandé: Est-ce que ça dédouble le rôle du Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, qui a comme une de ses fonctions ? ce n'est pas la seule, on y reviendra ? d'avoir des ententes avec les centres d'aide aux victimes d'actes criminels et de promouvoir différents programmes? Alors, ça nous a soulevé des questions.

Et, au-delà du projet de loi, je vous dirais qu'on a un certain nombre d'inquiétudes. Ma collègue en a parlé, le ministère de la Justice est responsable du Comité interministériel en matière de violence conjugale, familiale et sexuelle, et ce comité-là est coprésidé par un procureur-chef employé du ministère de la Justice. Et la beauté de la chose, c'est que, par sa fonction stratégique, il est à la fois en lien avec les procureurs-chefs de l'ensemble du Québec mais aussi en lien avec les autres ministères, et on sait que, dans ces problématiques-là, les actions conjointes, la globalité des actions, leur cohérence sont des éléments très importants. Alors, est-ce qu'en créant une direction des poursuites publiques différente, à l'extérieur du ministère de la Justice... On se dit: Bien, probablement que le président actuel ne pourra plus présider. Pourra-t-il même participer à ces travaux-là, puisque la Direction des poursuites publiques sera un organisme indépendant?

Le Président (M. Descoteaux): Mme Riendeau, si vous permettez, pour conclure dans une minute approximativement.

Mme Riendeau (Louise): O.K. On a beaucoup de questionnement à ces différents niveaux là. On a aussi un autre questionnement qui est au niveau de tout le soutien au niveau des victimes d'actes criminels. On a parlé tantôt de la Loi d'aide aux victimes d'actes criminels. On sait que cette loi-là prévoit différentes choses, notamment favoriser les droits des victimes, favoriser le développement de programmes, tout ça, et le responsable, au ministère de la Justice, de ça, c'est le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, et ce bureau-là relève actuellement de la Direction des poursuites publiques. Qu'arrivera-t-il avec le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels? Ce bureau-là, ces dernières années, s'est contenté de financer et de consolider un réseau de CAVAC. C'est très bien, mais ce n'est qu'une partie de son mandat. Est-ce que son mandat va se rétrécir encore plus? Est-ce que ce ne sera qu'un programme de subventions pour les centres d'aide aux victimes d'actes criminels? Nous sommes inquiètes et nous craignons qu'au fond, la Direction des poursuites publiques, sa création nous amène à reculer.

On a réussi, par différents comités, par différents moyens, à mettre ensemble le système de justice avec le système psychosocial, avec le système correctionnel, à travailler en collaboration pour essayer d'éliminer la criminalité en général mais aussi des criminalités spécifiques dont sont victimes les femmes. Est-ce que l'expertise qui a été développée va être perdue parce qu'on va avoir une direction des poursuites publiques qui est indépendante, qui ne participe plus aux mêmes travaux que par le passé? Alors, pour nous, vraiment on est inquiètes et on se dit que... On était contentes effectivement que le ministre ait la... en tout cas le pouvoir ? nous, on souhaiterait que ça aille plus loin, comme on l'a dit ? ait le pouvoir d'élaborer des orientations et des politiques, et qu'il reste responsable, et que la Direction des poursuites publiques ne réponde pas directement à l'Assemblée nationale parce qu'on pense qu'on a besoin de quelqu'un qui a une vue d'ensemble, comme ma collègue l'a dit. Mais, comme on vous dit, pour nous, à venir jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de problème à ce que les deux fonctions soient exercées... que la fonction de Procureur général et que celle de ministre soient exercées par la même personne, au contraire. Et nous sommes inquiètes que la voix des victimes ne soit pas entendue ou soit plus difficilement entendue.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien, mesdames. Vous pourrez continuer à nous faire part de vos lumières de toute façon au niveau des échanges avec le côté ministériel puis avec l'opposition. Donc, M. le ministre.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Alors, merci, Mme Riendeau, Mme Tremblay, Mme Gaudreault et Mme Thélusmond, pour être là d'abord, pour être venues nous rencontrer, et puis également pour les commentaires que vous avez formulés.

Comme vous avez posé un certain nombre de questions, peut-être que je vais, si vous permettez, là, apporter quelques réponses, parce qu'il y a des inquiétudes qui sont tout à fait légitimes, et je pense que c'est important que vous soyez là. D'ailleurs, ce que je mentionnais tantôt: on aura l'occasion de nous rencontrer, et, je pense, le sous-ministre associé, Paul Monty, aussi va le faire. Mais il y a immédiatement peut-être certaines préoccupations auxquelles je voudrais m'adresser de façon plus particulière.

D'abord, ce que je voudrais vous dire, c'est que la création du Directeur des poursuites publiques maintient le rôle du ministre de la Justice. Je pense que ça, c'est bien, bien important. Et le rôle du Directeur des poursuites publiques va s'inscrire à l'intérieur de politiques générales ou de directives générales que va formuler le ministre de la Justice ou le Procureur général. Et donc, si on regarde le projet de loi, son rôle est d'agir dans le quotidien. Si vous regardez l'article 11 notamment, où on prévoit des fonctions, c'est d'agir comme poursuivant dans les affaires qui découlent du Code criminel et dans les affaires du découlent du Code de procédure pénale au Québec, et qu'il le fasse sans, dans le fond, intervention du Procureur général. Et, si le Procureur général décide qu'il y a un sujet exceptionnel ou il y a un enjeu majeur, on prévoit, à l'article 20 ou 21, 21, qu'il pourrait intervenir mais qu'à ce moment-là il devra le faire publiquement, le justifier, et la population saura exactement pourquoi il intervient. Mais actuellement ce n'est pas clair. Alors ça, je pense, ça permet de le clarifier et de le rendre plus transparent.

En ce qui a trait à certains éléments que vous avez soulignés, comme... Et je vous comprends très bien. L'article 20, c'est là justement pour bien préciser que le ministre de la Justice ? et là on ne parle pas du Procureur général, on parle du ministre de la Justice ? va exercer ses responsabilités ? et on dit «peut»; je reviendrai là-dessus, là ? en matière d'affaires criminelles et pénales... des orientations bon concernant la conduite générale... la prise en compte des intérêts légitimes des victimes, le respect et la protection des témoins, ce qui est bien, bien important. Vous avez évoqué le traitement non judiciaire des mesures de rechange. Actuellement, il n'y a pas d'obligation, là, si on exclut le projet de loi n° 109, il n'y a pas d'obligation précise du ministre de la Justice de le faire, mais il y a déjà un certain nombre de directives qui ont été modifiées récemment, en janvier 2005, là, certaines modifications. Il y en a eu avant, vous y avez fait référence.

Dans le cadre du plan en matière de violence conjugale dont vous avez parlé, le ministre de la Justice a un certain nombre d'engagements, puis je vous donne un exemple. Il y a des choses qui n'ont pas encore été faites là-dedans, là, par exemple élaborer un programme désigné relativement à la déclaration de la victime sur les conséquences du crime, revoir le contenu du formulaire de déclaration, déterminer les critères. Ça n'a pas été fait, ça, encore. C'est un exemple de choses à faire et qui sont dans le fond comprises dans l'article 20. Alors ça, pour ce qui est des responsabilités du ministre de la Justice touchant les victimes, soit des victimes d'agression sexuelle, les femmes violentées et en matière de violence conjugale, les responsabilités demeurent, et je pense que ça, c'est majeur, c'est important. Puis les directives de toute façon qui vont exister, elles sont publiques déjà. Dorénavant, elles seront publiées dans la Gazette officielle. Ce qu'on veut faire, c'est les mettre sur Internet pour que ce soit le plus accessible possible.

n(17 h 20)n

Alors là il reste: Est-ce qu'on doit utiliser «doit exercer»? Normalement, dans la terminologie juridique, c'est «peut exercer». C'est ce qui existe actuellement. Donc, les responsabilités du ministre de la Justice, à cet égard-là, demeurent, et je pense que l'article 20 le résume assez bien.

Je pense que vous faisiez également une relation avec l'article 16 où on dit: «Le Directeur établit et publie à l'intention[...]. Ces directives intègrent...» Si ce n'est pas clair que ça veut dire «doit», là, ça devra être... Souvent, on dit: Dans la terminologie juridique, ce n'est peut-être pas nécessaire de dire «doit». Mais, si c'est nécessaire de le dire, que c'est plus clair, là, moi, je n'ai aucun problème avec ça. Je pense que l'intention réelle, c'est que les directives du Directeur devront s'intégrer à l'intérieur des politiques plus générales que le ministre de la Justice pourra émettre dans ces matières-là. S'il y a des choses... je voudrais vous rassurer là-dessus. Puis, si ce n'est pas assez clair, on pourra, en tout cas en vertu de l'article 16, à moins que... le faire pour qu'il n'y ait pas de question à cet égard-là.

Puis je comprends très, très bien vos préoccupations puis je pense que c'est heureux que vous puissiez le faire parce que je pense que chacun d'entre nous, là, nous avons, même dans nos comtés, bien des expériences. Et tantôt nous parlions de ressources d'hébergement pour femmes violentées. Je pense qu'on en a. Moi, j'en ai une, une ressource, que vous connaissez d'ailleurs, qui est tout près du bureau de comté. Mais, au-delà de ça, il y a encore beaucoup de choses à faire. Et, en matière de directives, même s'il y a eu déjà certains changements qui ont été opérés... Puis il y a eu une mise à jour ? je pense que c'est en janvier 2005 ? d'une directive, là, je ne me souviens pas exactement, je n'étais pas là, mais en matière de violence conjugale.

Pour ce qui est du Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels va relever du ministre de la Justice. Je pense que ça, c'est clair, là. Ce n'est pas dans le giron du Directeur des poursuites publiques. Alors ça, ça va demeurer au sein du ministère de la Justice, puis tout ce qui est relié au Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, les centres d'aide aux victimes d'actes criminels, où il y a une coordination, et tout le financement. Alors, je ne sais pas si cela, ça répond. Bien, en tout cas, si ce n'est pas clair, on pourra poser d'autres questions.

Quand vous parliez tantôt du traitement non judiciaire et des mesures de rechange, moi, je n'ai pas eu l'occasion d'en discuter encore. Je pense qu'on aura l'occasion de le faire. Mais, comme je vous dis, ça, ça reste dans le giron des responsabilités du ministre de la Justice. Et je ne pense pas donc, à cet égard-là, que la création du poste de Directeur des poursuites publiques fasse plus de résistance, là, au changement. Il y a toujours une certaine résistance au changement, quel que soit l'endroit où nous soyons, mais ce n'est pas l'objectif, au contraire.

Quand vous parliez du Comité interministériel... Évidemment, le travail va se continuer, puis on verra comment on le coordonne, mais c'est clair qu'il y a un certain nombre d'initiatives qui sont intégrées dans les politiques plus générales qui devront être appliquées par le Directeur des poursuites publiques et les substituts du Procureur général.

On parlait tantôt... Vous dites: On ne sait pas pourquoi... L'objectif en tout cas de la création du DPP, c'est d'assurer ? et on peut diverger d'opinion à cet égard-là ? mais une meilleure objectivité, en tout cas une meilleure transparence et aussi une meilleure confiance du public dans les décisions quotidiennes qui sont prises, qui comportent beaucoup de responsabilités dans le fait d'accuser ou de ne pas accuser quelqu'un ou de demander des sentences ou telle sentence. Un exemple que je vous donne, il y a eu une modification de la directive pour préciser, par exemple, dans le cas de récidives, pour tenir compte... Et ça ne touche pas les cas de violence conjugale, ça touche les facultés affaiblies. Donc, s'il y a eu un cas qui s'est produit dans les cinq ans précédant un nouveau cas de facultés affaiblies, bien ça va être considéré comme une récidive. Donc, le Code criminel permettait au ministre de la Justice de pouvoir renforcer cet aspect-là, et les substituts du Procureur doivent en tenir compte, donc ils doivent donner un avis, il y a des formalités qui sont prévues.

Alors, je ne sais pas si vous aviez d'autres questions, d'autres interrogations, parce que je pense que c'est important, puis nous sommes là pour en discuter.

Le Président (M. Descoteaux): Mme Riendeau.

Mme Riendeau (Louise): Bien, par exemple, si on revient... Je vais utiliser le Plan d'action en violence conjugale 2004-2009. Là-dedans, il y a un certain nombre d'engagements du ministre de la Justice. Par exemple: informer les victimes des conditions de l'ordonnance de probation ou de l'ordonnance d'emprisonnement; élaborer, offrir un programme de formation à tous les nouveaux substituts qui interviennent en violence conjugale; s'assurer que ce programme-là réponde à des normes qui soient liées aux chartes, qui soient liées à un contenu qui avait été travaillé au comité tripartite. Qui va faire ça? Est-ce que le Directeur des poursuites publiques va être lié par ces engagements-là du ministre? Est-ce qu'il va devoir les mettre en oeuvre? Comment ça va s'articuler? Ça, ça reste des questions qui... c'est ça, pour lesquelles on n'a pas de réponse, là.

M. Marcoux: Quant à moi, ce que je peux vous dire: ça rentre dans les directives générales, qui sont de la responsabilité du ministre de la Justice, ça va être publié, et, à ce moment-là, le DPP, le Directeur des poursuites publiques, devra en tenir compte dans ses directives, devra intégrer ces orientations-là dans ses directives. Quant à moi, là, c'est clair, à moins que j'aie une opinion contraire, mais c'est ce qui est prévu.

Le Président (M. Descoteaux): Oui, Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Carole): Oui. On avait aussi une autre préoccupation concrètement sur le terrain, parce que c'est sûr qu'on représente des groupes qui sont partout dans les régions, et vous n'avez sûrement pas été sans entendre parler des tables régionales de concertation en violence où actuellement, comme vous le disaient mes collègues tout à l'heure, on essaie de joindre le judiciaire avec le social et où tout le monde parle pour trouver des solutions, entre autres, pour les enfants victimes d'agression sexuelle. Avec une consécration au niveau de l'indépendance du DPP, est-ce qu'il n'y a pas une directive automatique qui est dévolue au substitut du Procureur pour ne plus siéger sur ces tables-là?

C'est une de nos inquiétudes aussi qui est importante parce que, comme on vous le disait tout à l'heure, bon, oui, ça s'est fait au national, là, cette concertation-là, pour que tout le monde agisse dans le même sens, ça s'est fait au Comité inter, mais ça se fait aussi sur le terrain, et ça a été gagné de haute lutte. Et ce n'est pas toujours facile de se parler, mais en tout cas on y arrive, puis on arrive à trouver des solutions concrètes qui des fois sont des initiatives émergeant des régions. Tiens, on se rend compte que c'est appliqué partout, tellement ça va bien. Si les procureurs ne sont plus là parce que désormais leur procureur-chef ou le Directeur des poursuites publiques sera indépendant, c'est comme s'il manquait une voix, une voix importante pour trouver des solutions.

Puis l'autre interrogation que j'ai aussi, c'est en regard... Et ce n'est pas du tout abordé dans le projet de loi. Mais est-ce que les victimes vont avoir un droit de recours pour porter plainte, par exemple, contre un procureur qui ne ferait pas bien son travail, mettons, dans une région et qu'une victime serait insatisfaite? Est-ce qu'elle va avoir un lieu pour s'adresser à quelqu'un qui va pouvoir l'écouter et qui ne sera pas une personne qu'on dit indépendante, un peu comme un juge, là? Ça fait toujours référence un peu à ça quand on pense à l'indépendance du Directeur. Alors, est-ce que les personnes vont... À qui elles vont pouvoir s'adresser pour porter plainte contre un procureur? Et qui va défendre les procureurs aussi qui sont accusés au civil, admettons?

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre.

M. Marcoux: Oui... Ou aviez-vous une autre question?

Une voix: C'est beau.

n(17 h 30)n

M. Marcoux: Non? Bien, écoutez, ce sont deux questions tout à fait pertinentes. Écoutez, là, l'indépendance du Directeur des poursuites publiques... Il va l'être d'abord pour porter des accusations. Donc, selon les politiques générales et dans le «day-to-day», c'est lui qui va le faire, décider de porter telle accusation ou de ne pas le faire. Donc, il n'y aura pas d'influence à cet égard-là, sauf si, à un moment donné, le Procureur général juge qu'il y a une cause ou une situation exceptionnelle qui commande d'agir autrement que ce que veut faire le Directeur des poursuites publiques.

Cependant, les substituts du Procureur quant à moi, là, ils vont continuer de travailler en région puis ils vont continuer de travailler avec le monde, puis je pense que ça, ça fait partie de leurs fonctions, de continuer de travailler avec le milieu. Et je ne vois aucunement, là, pourquoi ils cesseraient de faire partie, par exemple, de tables régionales de concertation. Ça, je vous le dis bien honnêtement là, je ne vois pas pourquoi.

Deuxièmement, si, les victimes, vous dites, il y a des plaintes sur le comportement d'un substitut du Procureur ? ce qui peut arriver ? bien, actuellement, vous faites quoi? Vous dites: On va s'adresser à son supérieur. Puis, si ça ne fonctionne pas, vous allez écrire au sous-ministre associé responsable. Bien, là, ce sera le même... Ou encore, éventuellement, s'il n'y a rien qui marche, il y a le Protecteur du citoyen. À ce moment-là, ça pourra aller au supérieur, mais ça se rendra au Directeur des poursuites publiques, et, lui, il va être responsable aussi, là, que ses procureurs et puis les gens qui travaillent avec lui exercent correctement leurs responsabilités professionnelles. Là-dessus, là, il reste qu'il y a un processus de gestion où les gens doivent exercer leurs responsabilités. S'il y a un problème, bien, écoutez, il y a un processus, puis ça va se rendre au Directeur des poursuites publiques, qui est leur supérieur. Oui, madame.

Mme Gaudreault (Arlène): Oui. Bien, vous admettrez quand même que ce que vous nous proposez là comme processus de plainte ou de lieu d'écoute pour les victimes qui veulent faire valoir leurs droits ou dont quelque chose n'a pas marché dans le système, c'est un peu flou comme processus et que... Quand on sait comment le système de justice, c'est difficile, c'est complexe, je pense qu'il faut faciliter les choses avec des mécanismes qui sont clairs, des portes d'entrée, des gens qui sont identifiés pour recevoir les demandes. Et, de plus en plus, on voit les organismes, particulièrement les gros organismes, qui disent: Bien, quand vous n'êtes pas content de quelqu'un, vous n'êtes pas content du système, bien voici comment vous pouvez entrer dans le système, voici comment vous pouvez parler, et je pense que, si on laisse ça flou, bien ce n'est pas un droit, ce n'est pas un accès véritable, et je pense qu'il faut, je pense, réfléchir à cette question-là et préciser vraiment un mécanisme, parce que, quand on n'a pas d'accès, on n'a pas de droits, selon moi.

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre. M. le ministre, en une minute.

M. Marcoux: En une minute. Écoutez, là, actuellement, si, par exemple, quelqu'un, une personne a une plainte à porter sur le travail d'un substitut du Procureur, bien, écoutez, là, je ne suis pas au courant du fonctionnement, mais il y a certainement une plainte qui peut être portée à quelque part, où ça remonte en haut, et il n'est pas question de changer ça pour le moment. S'il y a un mécanisme qui est plus facile à établir, on verra, mais, je veux dire, il n'est pas question de changer le processus par rapport à ce qui existe actuellement, à cet égard-là.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Je cherchais ma petite feuille... Ah oui. Alors, Mmes Gaudreault, Tremblay, Riendeau et Thélusmond, je vous remercie, toutes les quatre, de vous être déplacées ici. Vous symbolisez la plus belle... vous êtes la plus belle illustration plutôt de l'importance de tenir des consultations que j'aurais voulues non particulières, mais bien générales, puisque, sur une liste, j'aurais été incapable de mettre votre organisme, et j'ai déjà de la misère à lire les lettres une après l'autre. Mais on ne sait pas le travail... ou on le connaît, mais on ne peut pas présumer du lien important qui existe entre le côté... Nous, on voit le côté plus juridique, alors que, vous, vous avez le côté plus humain de cette réalité-là et... combien vous interagissez et combien des projets de loi de cette nature peuvent avoir des impacts sur les gestes que vous posez, sur les victimes, sur la sensibilisation que vous apportez.

Donc, je vous remercie d'avoir proposé votre nom. Et, moi-même, j'avais proposé des noms au ministre et je n'avais pas pensé à vous. Je tiens à m'en excuser. Mais ça démontre aussi à quel point peut-être les consultations de l'automne... ajouter quelques noms d'organismes de cette nature qui ont des liens avec les procureurs, avec le système juridique et qui peuvent nous montrer certains aspects qui devraient être corrigés ou même dans certains cas jusqu'à démontrer que le projet de loi peut avoir des effets non désirables dans la réalité des choses.

Et, sans vouloir vous apeurer, au contraire, bon il y a des éléments effectivement qui trouvent réponse, mais un où clairement il peut y avoir une problématique ? parce qu'on ne peut pas dire une chose et son contraire ? c'est que le fait de créer un DPP, ça, c'est sûr, ça a un impact sur votre impact à vous, dans le sens qu'il est beaucoup plus facile de rencontrer un député, un ministre, un procureur général que de rencontrer un DPP, et, lui, par devoir et par sa responsabilité ? et c'est votre droit de réclamer sa présence ? un DPP, il n'a pas cette obligation. Lui, son imputabilité, c'est au ministre, c'est tout, et de répondre. Et je ne fais pas ça pour vous inquiéter, mais c'est réel, c'est un de ces effets-là. Et le ministre, lui, après ça il donne des directives. Mais il donne des directives... Le DPP a une latitude dans l'application de ces directives, exerce aussi son jugement, va analyser. Et, dans les relations de travail, c'est carrément le DPP qui va s'occuper de gérer les substituts.

Donc, quand je disais qu'on perd de l'imputabilité, vous en êtes ma plus belle illustration, de cette perte qu'on va avoir, et, je pense, malheureuse, quant au fonctionnement actuel, qui n'est pas parfait ? encore là, je le reconnais ? mais qui risque d'être plus difficile à l'avenir et plus... Vous avez vu la... Il y a une procédure qui va être mise en place. Bon, on parle, là, au niveau... «doit émettre»... Bien, vous dites «peut». Évidemment, le «peut» des fois peut être un «doit». Mais il suffit de mettre l'article à la forme active, là... Même, au lieu de «pour exercer», on peut même en faire autant au temps présent et on aurait le même objectif. Mais qu'il ait l'obligation claire d'établir de telles directives dans ses... Donc, d'établir cette nécessité d'action du Procureur général, je pense que c'est important.

Je vous demanderais une première chose très simple, si c'est possible, vu le peu de temps ? et je ne vous en veux pas, je pense, que vous avez été avisées lundi que vous passiez ? mais j'aimerais avoir vos commentaires par écrit, si c'est possible, que vous transmettiez à la commission le recueil... Je veux avoir les notes ou des éléments que vous avez oubliés ou que vous souhaiteriez être amenés à l'intérieur du projet de loi. Ça, je le souhaiterais.

En même temps, bon, c'est important de... Tantôt, le ministre vous a dit de rencontrer bon les gens du ministère pour voir qu'est-ce qu'on perd finalement, qu'est-ce qu'on risque de perdre, qu'est-ce qui va changer. Ça, c'est important. En même temps, je vous invite à rester sur vos gardes parce que... Et là, en écoutant le ministre qui vous répondait au niveau bon des directives, des ordonnances bon et éventuellement même des...

Une voix: Des articles.

M. Bédard: ...lui-même aura des orientations. Voilà. Ou, quand il voudra changer la décision ultimement d'un procureur, maintenant il ne pourra plus, là, ou ça va être très restreint, et c'est exceptionnel, là. Et des fois il y a un signal, tout en respectant le devoir qu'on a de chercher la meilleure justice, d'être équitables dans nos décisions. On ne peut pas faire d'exemple quand on rend la justice, mais on peut... Le ministre, lui, incarne, je vous dirais, cette idée que la justice est aussi liée au public. Elle n'est pas l'apanage ou elle ne représente pas la vindicte publique, mais elle fait partie de notre société et elle doit s'imprégner, pas des vindictes populaires, mais de ses valeurs, de son évolution. Et peut-être que les combats que vous avez gagnés, dans un système autre, ça aurait été beaucoup plus difficile.

Alors, simplement vous remercier. Ma collègue aura des questions précises. Si vous avez des questionnements plus particuliers, je pense que c'est le temps de les faire valoir parce que c'est vraiment des... Je ne veux pas vous questionner sur la complexité des éléments qui sont... parce qu'on est dans un autre registre, mais peut-être nous faire part plus amplement de vos craintes.

Le Président (M. Descoteaux): Mme Gaudreault.

n(17 h 40)n

Mme Gaudreault (Arlène): Moi, je voudrais revenir sur quelque chose que je souhaiterais qu'on ne laisse pas glisser sous le tapis, qui est les inquiétudes des groupes par rapport au rôle du BAVAC. Et, comme on est en train, avec cette réforme-là, de voir quel sera le détachement du Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels... Bon, M. le ministre de la Justice nous a dit qu'il relèverait du ministère de la Justice. Enfin, je pense qu'il faut profiter de cet exercice-là pour revoir le rôle du BAVAC et son mandat parce qu'un organisme...

Le rôle du BAVAC, entre autres la promotion des droits des victimes, c'est... On peut se demander si un organisme qui est aussi collé au ministère de la Justice peut exercer un rôle de promotion des droits des victimes. Je pense qu'on devrait profiter de ce momentum pour voir comment le BAVAC pourrait mieux exercer son rôle à l'endroit de l'ensemble des organismes qui travaillent auprès des victimes, faire une réflexion aussi, un état de situation actuellement sur la réponse qu'on apporte aux besoins des victimes d'actes criminels.

Et j'en ai discuté avec mes collègues, on parle beaucoup de la violence envers les femmes et les enfants, et, au Québec, on a fait beaucoup d'efforts dans ces problématiques-là. Mais je pense que... On regarde, par exemple avec l'association de M. Boisvenu, toutes les pressions qui sont exercées par les proches des familles des victimes. On pense aux hommes qui sont victimes, aux enfants abusés par des tiers. Il y a encore des victimes qui sont oubliées par le système, et je pense qu'il faut revoir à la fois le rôle du BAVAC, à la fois le financement aussi des organismes d'aide via le fonds d'aide et comment on peut travailler en complémentarité pour améliorer les services existants mais aussi répondre aux personnes qui sont encore laissées à l'écart. Je pense qu'on devrait vraiment profiter de ce moment-là pour réexaminer cette question-là. Et je suis assurée que le ministre de la Justice et le sous-ministre associé sont intéressés à ce qu'on réexamine le rôle, la mission du Bureau d'aide aux victimes dans l'optique où est-ce que sa mission soit le plus collée possible à l'ensemble des besoins des victimes d'actes criminels.

M. Bédard: Vos craintes aussi, à ce que je comprends, de façon plus générale, c'est de perdre cette proximité que vous avez acquise avec, bon, que ce soient les substituts, ou même avec le ministère de la Justice, ou avec le Procureur général. Donc, en créant cette indépendance, vous avez peur d'en être une victime?

Mme Riendeau (Louise): Bien, tout à fait. Quand vous parliez tantôt de l'imputabilité puis de la possibilité de sensibiliser un ministre, effectivement. Écoutez, si le soutien aux victimes a avancé, ce n'est pas... Et je travaille en très bonne collaboration avec plusieurs procureurs et je vois le travail important qu'ils font, mais les changements sont venus de ministres. Pensons au premier, Herbert Marx, qui a pris des responsabilités face à la violence faite aux femmes. Les changements sont venus de ministres. Donc, effectivement, on se dit: Si on est face à un ministre qui peut moins intervenir face à une machine qui est très indépendante, on a des craintes sur la prise en compte de l'ensemble des besoins et des droits des victimes, d'une part.

D'autre part, effectivement, on parlait du président du Comité interministériel. Ce procureur-là ? je sais que personne n'est irremplaçable dans la vie, mais les gens ont des expertises, hein, et ils les développent ? il siège présentement avec moi sur un projet pilote, en Mauricie, où on travaille, les Services correctionnels, la couronne régionale, le Comité interministériel, les maisons d'hébergement, le groupe d'intervention auprès des conjoints violents, les Libérations conditionnelles, pour regarder comment ensemble nous pourrions avoir une formation de base commune et comment ensemble nous pouvons nous associer pour mieux évaluer les risques que comportent les contrevenants, qui sont des conjoints violents, face à leurs victimes. C'est une expérience extraordinaire et qui, si elle s'avérait positive, pourrait faire des petits dans d'autres régions et pourrait nous amener à réfléchir à des pratiques dans le système de justice. Mais ça prend quelqu'un qui est assez proche du ministère de la Justice pour être capable d'amener ça dans la machine, mais ça prend quelqu'un qui est proche aussi du système et qui a une expertise.

Alors, allons-nous perdre toutes ces expertises-là avec la création d'un directeur des poursuites publiques? Ça fait partie des craintes, là, qu'on a. Et, je le rappelle, les victimes ne sont pas représentées dans le système judiciaire, hein, elles n'ont pas leur propre avocat qui va faire valoir leurs droits et leurs intérêts. Alors, il est important que des gens qui, comme nous, voyons les victimes tous les jours puissions relayer leurs paroles pour faire que leurs droits et leurs besoins soient pris en compte.

Le Président (M. Descoteaux): Merci, madame. Mme Tremblay, oui.

Mme Tremblay (Carole): Un autre exemple aussi qui va dans le même sens, c'est: tout à l'heure, je nous introduisais en disant qu'en matière d'agressions à caractère sexuel ? et on a vu beaucoup de chiffres, dans ces dernières semaines, avec l'affaire Nathalie Simard ? le taux de plaintes est très, très bas, et c'est un des objectifs primordiaux des orientations gouvernementales en matière d'agressions à caractère sexuel, que de faire augmenter ce taux de plaintes là. Si on perd la proximité, sur le terrain, avec les procureurs de la couronne, on vient de se tirer dans le pied, et ça, c'était, oui, une de nos principales inquiétudes.

C'est drôle, parce qu'en lisant le projet de loi n° 109 on a de la misère un petit peu à voir à quel problème ça veut répondre. On dirait qu'on essaie de tuer une mouche un petit peu avec un canon. Est-ce qu'il y a déjà eu des problèmes d'ingérence ou des problèmes de non-indépendance qu'on a de la misère à cerner? Peut-être. On ne connaît pas peut-être toutes les histoires de coulisses aussi. Mais c'est comme si ce qui se dégageait de la lecture du projet de loi n° 109, c'est qu'ils veulent se protéger de quelque chose, mais on dirait qu'ils veulent se protéger des groupes de victimes ou des groupes qui représentent les victimes, et tout ça. En fait, c'est l'impression qui se dégage un petit peu.

Le Président (M. Descoteaux): Merci, madame. Mme la députée de Terrebonne, je crois que vous voulez intervenir?

Mme Caron: Oui. Merci, M. le Président. Je pense que, Mme Thélusmond, vous aviez quelque chose à ajouter.

Mme Thélusmond (Marie Guylda): ...ajouter la question de confiance. Dans notre travail, il est important que les victimes puissent avoir confiance dans le système. Alors, nous, justement nous nous posons la question: Cette séparation-là, cette indépendance-là qu'on veut créer, est-ce que ça va amener la confiance justement des victimes avec qui on travaille dans le système judiciaire? C'est encore parmi nos préoccupations et interrogations.

Mme Caron: Mesdames, je pense que vous avez bien présenté la situation. Dans vos domaines respectifs, c'est tout à fait réel que, si on a réussi, au fil des ans, de haute lutte, à obtenir certains résultats puis surtout à essayer d'obtenir une cohérence, à essayer d'obtenir de la concertation, tant au niveau des ministères qu'au niveau régional, avec les intervenants sur le terrain, c'est parce qu'il y a eu une volonté politique du ministre ou de la ministre de la Justice à chaque époque, et cette volonté-là était partagée par d'autres ministères. C'est comme ça qu'on a pu arriver à faire des choses.

On est dans une période où il est extrêmement important de ne pas ralentir ce processus-là parce que les résultats ne sont pas encore des résultats qu'on peut qualifier d'intéressants. Quand on parle de une femme sur quatre qui peut être victime d'agression sexuelle, quand on regarde en violence conjugale ? souvent, on se parle de une sur cinq ? bien ce n'est pas des chiffres qui nous permettent de dire: On peut essayer autre chose, puis on verra après. On vient de déposer, nous... le ministre vient de déposer un plan d'action. Il faut qu'on puisse le mettre en application rapidement parce qu'il découle de tout le travail qui a été fait par le Comité tripartite Femmes-Justice, le Comité interministériel. Et ma première question tantôt était concernant le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels parce que j'ai été sensibilisée par d'autres personnes aussi sur la réduction de plus en plus grande des pouvoirs de ce bureau-là, où effectivement, au contraire, il faudrait qu'on puisse lui permettre de pouvoir faire un travail encore plus grand et cohérent.

Je voudrais vous entendre sur un élément que je ne veux pas qu'on échappe aussi... Ah! puis, peut-être vite, vite, le «peut» et le «doit», là, je me souviens très bien, Me Longtin s'en rappelle très certainement, lorsque nous avons fait la réforme du Code civil avec Me Rémillard, en 1994, nous avons dû, à un moment donné, siéger à huis clos sur le «peut» et le «doit», et il y avait un débat juridique entre le Barreau et les légistes du ministère, et la façon de trouver la réponse, c'est qu'on avait regardé: Oui, mais, pour les victimes, quelle est la procédure qui est la plus sécuritaire? Et nous étions arrivés au «doit». Donc, je veux vous entendre aussi sur le danger... Puis là il y a vraiment un enjeu. On a fait de grandes batailles pour qu'on reconnaisse les crimes de violence conjugale comme des crimes, et il y a un enjeu concernant les mesures de rechange, le traitement non judiciaire du dossier, et effectivement c'est un enjeu qui peut venir carrément en contradiction avec tout le travail qui a été fait pour effectivement considérer cela comme un acte criminel. Alors, je veux vous entendre sur cette partie-là.

Le Président (M. Descoteaux): Mme Riendeau.

n(17 h 50)n

Mme Riendeau (Louise): Oui. Il y a quelques années, effectivement il y a eu un projet, au ministère de la Justice, de mettre en place des mesures de rechange toutes catégories, je dirais, et on a dû expliquer à la ministre de l'époque pourquoi ce n'était pas une bonne idée. Quand on met ensemble un agresseur et une victime, on est face à un rapport de pouvoir, et la personne qui est dominée n'est certainement pas en très bonne situation pour dire ce qui lui ferait du bien, pour négocier tout ça. Puis il y a d'autres types de victimes aussi pour qui l'encadrement qui peut être offert par certains organismes peut n'être pas suffisant ou pas satisfaisant. Donc, c'est pour ça que pour nous il était très important que la question des mesures de rechange reste dans un endroit où il peut y avoir du débat public. Donc, on disait: C'est un minimum que ça reste dans le bastion du ministre parce qu'il va falloir débattre. Nos organisations pourraient, à certains moments, ne pas toujours avoir le même point de vue là-dessus, et c'est correct, et, pour certaines victimes, ça peut être une mesure qui peut être pertinente, pour d'autres, pas, et, dépendant de quelles mesures d'encadrement ou quelles mesures de soutien sont offertes, on peut juger ça différemment.

Alors, c'est clair que, quand on parle de crimes comme la violence conjugale, où ça s'est développé sur longtemps, où la domination a commencé bien avant qu'on se rende devant le tribunal, on a des victimes qui ne font pas du tout le poids devant leurs agresseurs. Et, sans vouloir les victimiser, là, hein, je pense qu'on s'entend. Et je pense qu'au niveau de la médiation familiale c'est le même discours qu'on a toujours tenu et c'est la même chose qu'on observe, là. On a juste à voir les femmes dans les maisons d'hébergement qui sont prêtes à renier tous leurs droits juste pour avoir la paix, en espérant que ça va finir. Alors, je pense que c'est clair. En tout cas, on a une position très claire sur la question des mesures de rechange en violence faite aux femmes. Mais c'est un débat large pour l'ensemble des victimes, la question des mesures de rechange.

Le Président (M. Descoteaux): Oui, Mme Gaudreault.

Mme Gaudreault (Arlène): Je voudrais rajouter quelque chose sur la question des mesures de rechange. Je pense qu'il faut y aller prudemment avec l'introduction des mesures de rechange et je pense qu'on devrait avoir plus de transparence de la part de tous les organismes qui travaillent dans le cadre des mesures de rechange parce que ça n'implique pas seulement le ministère de la Justice, mais, par exemple, l'Association des centres jeunesse. Et ça se développe actuellement beaucoup, là, les mesures médiatrices avec les jeunes contrevenants. Moi, je vais participer au colloque du Regroupement des organismes de justice alternative la semaine prochaine et je vais animer un panel aussi avec des victimes sur ces questions-là. Et je pense qu'on a besoin d'évaluer les programmes qui sont en place, qu'on met tranquillement en place. Il faut agir avec une certaine prudence, comme je le disais tout à l'heure, et je pense qu'on a besoin d'une certaine transparence et imputabilité aussi au niveau des ordonnances, dans le cadre des mesures de rechange, de savoir, en d'autres termes, qu'est-ce qui se passe sur le terrain. Et évidemment toute la question de la surveillance et de l'encadrement, c'est un problème qui reste très important parce que les intervenants n'ont pas beaucoup de... Le bureau de probation, par exemple, n'a pas beaucoup de ressources pour...

Une voix: ...

Le Président (M. Descoteaux): Pardon? Le temps est écoulé, oui. M. le ministre, vous aviez peut-être une question? Non? Ça va? Merci, mesdames. Mme Thélusmond, Mme Riendeau, Mme Tremblay et Mme Gaudreault, merci de votre présence devant la commission et pour vos commentaires. Le mandat de la commission concernant les auditions publiques sur le projet de loi n° 109 étant terminé, les mémoires des organismes non entendus sont déposés et...

Une voix: ...

Le Président (M. Descoteaux): Non?

Une voix: ...

Le Président (M. Descoteaux): Ah! Bon. Donc, nous allons tout simplement ajourner sine die.

(Fin de la séance à 17 h 54)


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