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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le mardi 16 mars 2010 - Vol. 41 N° 51

Consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 78 - Loi modifiant la Loi électorale concernant la représentation électorale et les règles de financement des partis politiques et modifiant d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Drainville): Bonjour à tous et à toutes. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte.

Je rappelle le mandat de cette commission, qui est de procéder à des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 78, Loi modifiant la Loi électorale concernant la représentation électorale et les règles de financement des partis politiques et modifiant d'autres dispositions législatives.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Kelley (Jacques-Cartier) est remplacé par M. Billette (Huntingdon); Mme Beaudoin (Rosemont) est remplacée par M. Bédard (Chicoutimi); Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Marceau (Rousseau); et Mme Roy (Lotbinière) est remplacée par M. Grondin (Beauce-Nord).

Le Président (M. Drainville): Merci, M. le secrétaire. Alors, notre ordre du jour pour aujourd'hui est le suivant. Nous entendrons d'abord le Conseil central du Montréal métropolitain-CSN et la Conférence régionale des élus de Montréal. Nous poursuivrons, après les affaires courantes, vers 15 heures, avec l'audition de Projet Montréal, qui sera suivi du Conseil du statut de la femme ainsi que de M. Yvan Dutil. Les travaux reprendront à 19 h 30 avec l'audition de M. Guillaume Boivin et de Mme Mélanie Proulx, et la journée se terminera avec Mme Élaine Hémond.

Je rappelle le temps alloué, là, pour la période de présentation et période d'échange: 10 minutes pour l'exposé des invités et, par la suite, un échange de 50 minutes.

Auditions (suite)

Je vous souhaite la bienvenue, M. Châteauneuf, qui est président du Conseil central -- bienvenue parmi nous -- et Mme Véronique de Sève, qui est la première vice-présidente du Conseil central du Montréal métropolitain-CSN. Aux fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien vous identifier lorsque vous prendrez la parole. Et cette parole, elle est maintenant à vous.

Conseil central du Montréal
métropolitain-CSN (CCMM-CSN)

M. Châteauneuf (Gaétan): Bien, bonjour. Mon nom est Gaétan Châteauneuf, donc, président du Conseil central du Montréal métropolitain de la CSN. Peut-être, Véronique, te présenter.

Mme de Sève (Véronique): Alors, Véronique de Sève. Je suis la première vice-présidente du Conseil central du Montréal métropolitain-CSN.

M. Châteauneuf (Gaétan): Donc, je tiens à remercier la commission de nous entendre aujourd'hui, la position du Conseil central du Montréal métropolitain. Le Conseil central du Montréal métropolitain de la CSN représente les syndicats qui sont affiliés à la CSN qui sont sur l'île de Montréal et également à Laval. On représente également les syndicats du Grand Nord, donc du Nunavik plus particulièrement. Bon, on n'a pas beaucoup de temps, on pourrait vous expliquer pourquoi on représente le Grand Nord, c'est surtout à cause des liens de communication. Donc, on représente également ces syndicats-là.

Donc, notre avis qui vous a été envoyé porte particulièrement sur la question de la réforme de la carte électorale. Sur la question du financement des partis politiques, la CSN a déposé un mémoire sur cette question-là. Donc, on partage tout à fait l'avis de la CSN qui vous a été présenté déjà, là, dans une autre journée de consultation. Nous, à notre avis, ce projet de loi là devrait être scindé en deux. La question du financement des partis politiques devrait être traitée dans un projet de loi, mais, nous, on pense que la question de la carte électorale, de la composition de la carte électorale, doit être traitée dans un autre débat. Et, tel qu'il est proposé actuellement, nous, on pense qu'on ne devrait pas aller dans le sens qui est proposé.

Donc, notre intervention porte particulièrement sur les articles 1 à 7. En fait, on est tout à fait en désaccord avec ce qui est proposé, la façon de bâtir la carte éventuellement. On pense qu'au Québec on s'est donné des règles autour de la représentation effective des électeurs, donc de la composition des circonscriptions, qui étaient basées sur le plus ou moins 25 % par rapport à une moyenne nationale. Le fait d'aller vers les régions administratives, donc de composer maintenant les circonscriptions avec cette règle-là, à partir de la base d'une région administrative, va venir créer des disparités importantes entre les différentes régions du Québec. Et, bon, on sait aussi que les régions administratives, c'est plus administratif de la façon dont ça a été composé, et on peut les changer, des fois, de façon assez... plus facilement, à tout le moins, et il n'y a pas nécessairement de consultation publique.

On sait que, dans l'histoire, on a décidé que c'était le Directeur général des élections qui avait la responsabilité de bâtir la carte électorale, et il y a eu une consultation, il y a déjà des travaux qui ont été entamés en 2008. Alors qu'on n'a même pas reçu le rapport de ce Directeur général des élections, on arrive avec une tout autre... on vient changer complètement la dynamique par rapport à ce que devraient être les circonscriptions électorales. Et, comme je le disais, la question de la disparité, là-dessus, nous sommes, au Conseil central, extrêmement préoccupés par cette question, où on souhaite que chaque vote compte. Je dirais qu'on est impliqués... Et Véronique, dans quelques minutes, abordera toute la question de la réforme du mode de scrutin, mais on souhaite que, tu sais, chaque vote compte et que chaque citoyen puisse poser son... et que chaque vote ait la même valeur. Donc, avec le projet de loi qui nous est présenté, bien, selon la région où nous serons, bien, cette valeur-là peut changer.

Et on trouve aussi, pour la région de Montréal, région dans laquelle nous agissons, bien, d'aller vers... d'autant plus qu'on risque d'ajouter un certain nombre de députés, la part... On trouve qu'actuellement la représentation de Montréal, par rapport à l'ensemble de la province, représente bien ou, en tout cas, s'approche de plus en plus de ce qu'elle représente en termes de population. Et, si on va vers la proposition qui est amenée par le projet de loi, bien on risque de s'en écarter, donc de... Si, entre autres, on était vers 132 -- parce qu'on ne sait pas tout à fait combien on aura de circonscriptions -- si on avait 132 circonscriptions, bien le poids de Montréal pourrait se retrouver diminué, d'autant plus qu'on ne pense pas que Montréal pourrait profiter d'un ajout de députés.

Et je vous dirais également que, nous, ce qu'on pense, c'est qu'avant de réformer la carte électorale on devrait regarder l'ensemble de notre structure électorale. Et, nous, ce qu'on souhaite, c'est de réformer notre mode de scrutin. D'ailleurs, les partis l'ont dans leur programme. Et, là-dessus, bien je vais laisser Véronique vous entretenir sur cette question-là.

**(10 h 10)**

Mme de Sève (Véronique): Alors, comme M. Châteauneuf vous le disait, on travaille depuis de nombreuses années sur, en fait, une réforme de mode de scrutin, et, pour nous, ça doit passer par un mode de scrutin proportionnel. On a déjà participé à des consultations. D'ailleurs, je crois que, lors d'une commission en 2006, on avait déposé un mémoire sur cette question-là. Et, pour nous, ce qui est important, c'est... Comme M. Châteauneuf le disait, chaque vote compte puis a la même valeur. Et, en fait, ça permet aussi l'expression de la pluralité politique. Et on pense qu'un changement de mode de scrutin pour une proportionnelle, ça va permettre aussi de sortir un peu de la morosité de l'électorat québécois, où on a l'impression que, bon, est-ce qu'on va voter? Est-ce que ça donne vraiment quelque chose?

Alors, c'est pour ça qu'on trouve qu'au-delà de ce que vous proposez dans le projet de loi... on pense qu'on doit commencer par cette question-là, d'autant plus que tous les partis en ont parlé. Même le premier ministre Charest, lors de son premier mandat, en 2003, en avait parlé dans son discours inaugural, et on pense que ça doit passer par là, d'autant plus qu'une réforme pourrait permettre aussi une meilleure représentation d'égalité entre les hommes et les femmes et une meilleure représentation de la diversité ethnoculturelle du Québec. Et, particulièrement à Montréal, c'est important. On a une diversité aussi et on pense qu'il faut refléter cette diversité-là. Alors, c'est pour ça qu'on est... Dans un premier temps, on peut parler d'une réforme de mode de scrutin avec une proportionnelle. Puis, par la suite, si on voit qu'il y a encore des disparités au niveau de la carte électorale, on pourra la regarder. Mais on pense que, si on fait la réforme de la carte électorale avant ça, bien on va peut-être créer d'autres problèmes.

Vous me permettrez, ce n'est pas dans le mémoire qu'on vous a déposé... Parce qu'on vous parlait qu'on n'a pas parlé du financement des partis politiques, mais, compte tenu qu'on est très impliqués, et au Mouvement Démocratie nouvelle, oui, et au Collectif Féminisme et Démocratie, au niveau du financement, on pense qu'il y a quand même des choses qui peuvent se faire pour justement bonifier le financement des partis et même des candidates, entre autres lorsque les partis présentent des candidatures de femmes aux élections ou même des candidatures de personnes de la diversité ethnoculturelle. Je pense qu'il y a des choses qui peuvent se faire pour améliorer la participation, et ça, ça pourrait faire partie quand même de cette partie-là. On ne l'avait pas mentionné, mais, compte tenu qu'on est ici pour vous présenter notre mémoire, on pensait que de réitérer ce qu'on avait déjà avancé dans d'autres consultations... on pense que c'était important. Alors, c'est un peu ça.

Peut-être en terminant, on vous a parlé qu'on était en désaccord avec ce que vous proposez par rapport à la carte électorale. Je mettrais un petit bémol sur une particularité -- M. Châteauneuf vous en a parlé -- au niveau... On représente Montréal et Laval, mais aussi les syndicats du Grand Nord, et, particulièrement sur une circonscription particulière pour le Nunavik, ça, par exemple, on est d'accord parce qu'il y a vraiment quand même une particularité. On le sait, avec le travail qu'on fait avec nos syndicats, où il y a des choses différentes qui se passent, puis je pense que c'est important de leur donner une voix dans cette carte électorale là. Voilà.

M. Châteauneuf (Gaétan): Oui. Peut-être juste ajouter une chose. Par rapport, au niveau du nombre de députés, on n'est pas nécessairement contre d'ajouter un nombre de députés. Mais, dans le cadre de ce projet de loi là, bon, en ajoutant probablement le Nunavik, ça ferait 126. Nous, on pense que, si on doit le faire, on doit le faire dans le cadre d'une réforme du mode de scrutin où, là, il y a une proportionnelle et assurer une meilleure proportionnalité. Si c'était ça, l'objectif, qu'on ait un peu plus de députés pour s'assurer que, ça, on le retrouve et cette proportionnalité-là serait retrouvée, on serait d'accord d'ajouter un certain nombre de députés. Tout comme le fait de... si on réformait notre mode de scrutin, essentiellement il va falloir refaire la carte électorale parce que, selon le mode qu'on choisirait... Par exemple, nous, on propose une compensatoire mixte, donc une partie uninominale à un tour et une partie proportionnelle. Essentiellement, on va devoir refaire la carte électorale parce que les comtés n'auront plus la même dimension. Ça fait que voilà.

Le Président (M. Drainville): Merci. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Dutil (Beauce-Sud): Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. Je ne reviendrai pas sur le financement, puisque vous nous avez dit que la position qui avait été défendue par la CSN et par Démocratie nouvelle était la vôtre. Donc, on a déjà discuté... En tout cas, moi, j'ai été satisfait des réponses que j'ai obtenues de ce côté-là, donc je ne vais pas revenir là-dessus.

Je reviens sur la carte électorale. Un des problèmes vécus puis qui amène, je pense, une mésentente profonde, c'est que, dans les régions, le rôle du député est surtout perçu comme un rôle de représentant de la population auprès du gouvernement parce que le gouvernement prend une place importante dans beaucoup de domaines, dans beaucoup de programmes, et donc il vient aider au bon fonctionnement de la machine gouvernementale pour toutes sortes de choses, en passant par celui qui a un problème à l'aide sociale en allant jusqu'à la municipalité qui a des programmes divers d'infrastructures et d'aqueduc. Tout ce monde-là passe par les bureaux de comté, et donc ça amène effectivement une charge importante, plus particulièrement dans les comtés qui sont plus grands et dans les comtés qui ont plus de municipalités.

Versus la proportionnelle, si on va dans la proportionnelle, dont vous nous avez parlé tout à l'heure, ça réduit le nombre de députés représentants pour augmenter le nombre de députés de liste. Je pense que c'est ça qui semble faire difficulté non seulement auprès de... -- de ce que j'ai entendu dire, là, parce que je n'étais pas là à ce moment-là -- non seulement auprès des élus, mais également auprès de la population. Ma perception, c'est que, dans la population, le mode proportionnel ne semble pas avoir la faveur, puis je pense... Je n'ai pas fait d'étude approfondie, mais je pense que c'est dû au fait qu'on diminue le nombre de députés représentant la population et que ça, ça heurte profondément ce que les gens perçoivent comme le besoin primordial qu'ils ont, eux, non pas un député qui vote une loi, mais un député qui les représente auprès du gouvernement. Alors, j'aimerais vous entendre. Comment concilier ces deux facteurs-là?

M. Châteauneuf (Gaétan): Il est certain que, le jour où on adoptera un mode proportionnel, notre façon de voir nos députés va être différente, et ce, c'est... Parce qu'à mon avis il n'y aura pas moins de députés pour la région, ça dépend comment tu regroupes ou comment tu fais ta répartition proportionnelle. Parce qu'effectivement tu vas avoir, bon, des plus grandes circonscriptions, mais, en même temps, il y a quand même... Mettons qu'on a 50... une hypothèse, 50-50, là, pour faciliter, il y a quand même une cinquantaine de députés, si on avait 100 députés, une cinquantaine de députés de liste qui sont aussi répartis à l'intérieur des régions et qui ont le mandat de représenter la population.

Puis, quand on regarde les pays qui... Parce qu'il y a de moins en moins de pays, hein, qui sont sur le mode qu'on a, uninominal à un tour. De plus en plus, en fait très majoritairement, il y a des modes de scrutin bien différents des nôtres, et les pays... Je pense, entre autres, à l'Allemagne, les gens ne voient pas de différence entre les deux types de députés. En fait, c'est vraiment un changement de... c'est un changement de culture qu'on... Et là, effectivement, il y a un travail à faire de sensibilisation.

Mais, quand on regarde les débats... Parce que ça fait quand même depuis une dizaine d'années, là, que ce débat-là a cours au Québec, même s'il y avait eu, même, des débats il y a 25 ans. Mais mettons que, dans les 10 dernières années, ce débat-là a été très présent, il y a eu quand même plusieurs commissions, il y a eu... Avec Bernard Landry, il y a eu une grande consultation qui a fait une tournée régionale, ça s'est fini par des états... Ce n'étaient pas des états généraux, mais un grand rassemblement, il y avait plus de 1 000 personnes qui étaient venues à Québec. Et, très majoritairement, le monde qui se penchent sur cette question-là sont plutôt favorables, ils sont favorables à 90 % à l'époque. Et il y a eu d'autres consultations, même, par le Parti libéral par la suite. Parce que, comme Véronique soulevait, le gouvernement Charest s'était engagé à déposer un projet de loi. Et il y a eu des consultations, une tournée régionale, et je vous dirais que, très fortement, les gens étaient favorables. Il y a eu un groupe de citoyens, même, qui a fait des recommandations. Le Directeur général des élections s'est aussi penché sur la question.

Mais c'est vraiment un changement de culture, et je pense qu'il y a là tout un travail de sensibilisation. Mais je ne crois pas que les gens seraient moins représentés dans les régions parce qu'il y aurait quand même en termes régionaux... Et là c'est dans la façon même qu'on peut faire notre proportionnelle. Donc, on peut s'assurer d'une représentation des régions de la même façon, donc. Et je pense qu'il est clair que le rôle du député est le même, que tu sois un député de liste ou un député de circonscription.

**(10 h 20)**

Mme de Sève (Véronique): Et, si je peux me permettre, pour Le Mouvement des femmes, une réforme de mode de scrutin amenait beaucoup d'avantages pour la représentation égalitaire des hommes et des femmes, et je pense qu'il y a des choses qui peuvent se faire. Entre autres, lorsqu'on parle de bonification des mesures financières des partis quand on présente des candidates, et non pas nécessairement lorsqu'elles sont élues, ça peut aider. Mais, lorsqu'on parle d'une réforme de mode de scrutin avec des listes, tout ça, on peut avoir des mécanismes pour avoir une meilleure représentation égalitaire des femmes, alors. Et ça, elles ont été extrêmement présentes, particulièrement dans la commission qu'il y a eu en 2006.

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui, puis elles ont été présentes ici, à la commission, la dernière fois, là, elles nous ont fait valoir ces arguments-là. Ça répond à mes questions, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Drainville): Merci, M. le ministre. Je céderai maintenant la parole au député de Huntingdon.

M. Billette: Merci beaucoup, Mme de Sève et M. Châteauneuf, de votre présence. Très intéressant comme propos. Bonjour, M. le Président, chers collègues. Bonne semaine.

Excluant le mode de scrutin proportionnel, auquel vous faites état et que vous prônez, à ce moment-là, l'implantation, j'aimerais vous entendre un petit peu sur la représentativité des députés en région. Mon collègue le ministre en a fait mention tantôt, le député, c'est une personne, je pense, aussi bien qui va traiter des égouts, qui va traiter des problèmes personnels, que ce soit la CSST, la Régie des rentes. Donc, c'est un représentant important, c'est le pied-à-terre du gouvernement dans chacune des régions.

Ce qu'on s'aperçoit beaucoup au niveau du développement démographique du Québec, l'augmentation de la population se produit beaucoup au niveau des communautés urbaines, dont vous représentez Montréal, Laval, et je suis content d'entendre que vous travaillez également avec le Nunavik à ce moment-ci. J'aimerais savoir votre point de vue. Parce qu'on parle de croissance de population dans les centres urbains, une dépopulation au niveau des centres en périphérie, à ce moment-là, ou dans les régions, l'accès au député... Puis je vais vous donner l'exemple du comté de Huntingdon, que je représente, traverser le comté, ça prend 2 h 30 min en voiture maintenant, on représente 29 municipalités, j'ai une réserve également, tandis qu'à Montréal quelqu'un peut se rendre à pied voir son député dans sa circonscription. Donc, c'est deux mondes très différents. On parle beaucoup de l'accessibilité à notre député, avoir la chance également, au député, d'aller rencontrer les gens sur le terrain. Donc, les distances font en sorte que l'accessibilité, ou l'accessibilité aussi bien du député envers sa population ou la population envers le député, diminue de façon importante. J'aimerais vous entendre sur ce point-là.

M. Châteauneuf (Gaétan): Sur cette question, il faut d'abord voir qu'est-ce que c'est que notre mode électoral. En fait, on veut s'assurer une représentation, et une représentation juste, équitable, effective pour que chaque citoyen ait sa juste représentation. Ça, c'est le premier élément.

Sur la question du rôle du député où, des fois, des distances... effectivement les gens qui sont en région ont des distances pas mal plus grandes à parcourir. Mais il y a des réalités montréalaises ou urbaines qui sont aussi différentes, qui amènent une surcharge au député, et je vous dirais que, par exemple, à Montréal, bien qu'il y ait peut-être moins de distance, mais, souvent, en termes de représentation... Je vous dirais, par exemple, qu'à Montréal on est la terre d'accueil de l'immigration, et, dans bien des circonscriptions, il y a beaucoup de personnes immigrantes, issues de l'immigration qui ne sont pas encore citoyens canadiens, qui, donc, n'ont pas droit de vote mais qui interpellent le député et qui se rajoutent déjà à leur grand nombre... Parce qu'ils ont quand même une moyenne de citoyens assez énorme, mais ça, ça se rajoute par-dessus ceux qu'ils ont déjà. Donc, ils ont aussi... il existe également une surcharge chez les députés, en tout cas pour ceux de la région de Montréal, particulièrement à cause de cette réalité-là qui existe à Montréal, qui n'existe pas en région.

M. Billette: Mais, je dirais, M. Châteauneuf, pour revenir sur vos propos, il y a d'autres réalités également qu'on doit vivre dans nos régions, que ce soit la relève agricole -- on en a beaucoup -- la préservation de nos forêts. Donc, j'aimerais beaucoup vous entendre, à ce moment-là, parce que, je vais dire, c'est comme un dilemme, hein, savoir est-ce que le poids des régions doit être plus important ou la population doit avoir un accès à un député, un député à ses citoyens. J'aimerais vous entendre sur ce point-là, ou Mme de Sève, M. le Président.

Mme de Sève (Véronique): Bien, en fait, je ne répéterai pas ce que mon collègue a dit, mais, en même temps, Montréal, on pourrait vous dire: Oui, il y a des endroits où c'est extrêmement facile de... c'est accessible à pied, mais, si on prend les pointes de l'île, pour être en transport en commun, je vais vous dire, c'est un défi, des fois, de se rendre là. Et aussi, lorsqu'on reste là, ce n'est pas nécessairement aussi près, on.. En fait, l'île de Montréal, il y a le grand centre, mais il y a aussi d'autres endroits où c'est un petit peu moins accessible. Évidemment, ce n'est pas vos réalités de deux heures, là, de votre comté, à voiture, tout ça, mais ce n'est pas aussi accessible qu'on peut avoir à l'imaginaire.

L'autre chose aussi, c'est au niveau de la langue. Lorsqu'on parle de terre d'accueil de l'immigration, bien se faire comprendre, c'est aussi un travail important pour un député et, pour le citoyen, de pouvoir comprendre comment ça fonctionne, puis je pense que ça fait partie aussi des défis que Montréal doit relever. Mais, évidemment, notre concentration de population est bien différente à Montréal qu'en région, entre autres sur la Montérégie.

M. Châteauneuf (Gaétan): Juste rajouter qu'on est dans un débat démocratique, et je pense que ça ne peut pas être le seul élément, dire: Bon, est-ce qu'il faut donner absolument un accès au député? Je comprends qu'il a un rôle important en région. On le sait, nous-mêmes, au niveau de la CSN, on est répartis en 13 régions, on a 13 conseils centraux. Pour les conseils centraux qui sont en région, ils ont des grands territoires à couvrir, mais aussi beaucoup moins de membres à couvrir. Et la population est bien disparate, hein, tu sais. Et aussi, Montréal, au-delà de... il y a aussi tous les problèmes de pauvreté, qui sont peut-être moins présents... C'est deux réalités différentes.

Mais je pense qu'on est ici dans un débat démocratique, et il faut assurer qu'il y a une représentation effective des... que, quand on bâtit notre circonscription, qu'il n'y ait pas de distorsions telles qui font en sorte que la représentation est disproportionnée par rapport à ce qu'on représente en termes de population. C'est sûr qu'on ne pourra pas arriver avec des chiffres exactement égaux, mais... Et c'est pour ça que le... au niveau fédéral... Et même la Cour suprême s'est prononcée sur la représentation effective, où on considère qu'à partir d'une moyenne de plus ou moins 25 % c'est équitable. Puis on le voit que c'est bâti en général par rapport où se fait le scrutin. Donc, si c'est au niveau national, le quotient est établi au niveau national, et non pas au niveau régional, qui vient créer... tu sais, qu'on se retrouverait, avec le projet de loi, avec des circonscriptions... On avait certains chiffres où, dans un cas, on a 16 000 puis, dans un autre cas, on a 65 000, on se retrouve avec des écarts considérables.

M. Billette: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): Est-ce qu'il y a d'autres interventions de la part de la partie gouvernementale? Ça va? Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Lac-Saint-Jean pour l'opposition officielle.

M. Cloutier: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Vous avez, comme beaucoup d'autres intervenants avant vous, commencé votre exposé aujourd'hui en faisant part de la nécessité de traiter la question du financement des partis politiques de manière distincte de celle de la réforme de la carte électorale. Vous vous êtes positionnés sur la manière dont on pourrait revoir la carte électorale avec la création de certaines nouvelles circonscriptions, mais peut-être une question plus générale pour commencer: Qu'est-ce que vous pensez du fait qu'un parti politique puisse déposer seul une réforme de la carte électorale plutôt que ce soit fait par le DGE?

M. Châteauneuf (Gaétan): Oui. Sur cette question-là, on pense qu'on doit confier ce mandat-là à quelqu'un qui a une certaine neutralité, qui n'est pas en lien, tu sais, avec des pressions politiques. Et, à mon avis, ça aussi, c'est une des lacunes, ça doit appartenir à un organisme neutre, et je pense que le Directeur général des élections a son rôle à jouer là-dedans. De toute façon, en bout de ligne, son rapport revient à l'Assemblée nationale, puis il y a toujours possibilité de consultation. Mais ça aussi, c'est un des éléments qu'on a soulevés dans le rapport, c'est assez invraisemblable que ce ne soit pas le Directeur général des élections qui pilote ce dossier-là.

M. Cloutier: On a fait référence, tout à l'heure, à la distinction du rôle de député en région versus peut-être un député, là, qui est dans le centre-ville de Montréal. On explique que les différences dans les tâches, là, sont considérables puis on a plaidé pour la nécessité de maintenir une représentation appropriée des régions. Évidemment, moi, je suis député de Lac-Saint-Jean, alors vous comprendrez que c'est un argumentaire qui me parle, c'est un argumentaire que je comprends très bien.

Ceci dit, ce qui m'inquiète, c'est qu'avec le projet de loi actuel le nombre de députés augmenterait de manière planifiée, de manière mathématique, et indirectement il y aurait une perte du poids politique des régions. Je vous donne des chiffres, là, dans le mémoire qui a été déposé, là, la semaine dernière, je crois, ou la semaine d'avant par la Commission de la représentation électorale, puis ce qu'on nous dit, c'est que, par exemple, à compter de 2020, on serait rendus à 137 députés. Alors, inévitablement, le poids relatif des régions s'en trouverait restreint, évidemment. Et on garde ses députés, mais, puisque le nombre de députés augmente, inévitablement, bien, il y a une dilution de son influence. Alors, je ne sais pas si vous avez vu le mémoire qui nous a été déposé, mais on fait une analyse assez détaillée, là, de la planification qui en résulterait ici, à l'Assemblée nationale. Est-ce que vous avez réfléchi là-dessus?

**(10 h 30)**

M. Châteauneuf (Gaétan): Bien, je n'ai pas vu ce document, mais, dans les analyses préliminaires, on pense que, si on avait à refaire la carte et qu'on ajoutait un certain nombre de députés, ce serait plutôt en région. J'ai l'impression que -- en tout cas, dans un premier temps -- on aurait plus de députés en région, donc une meilleure représentativité des régions par rapport aux grands centres urbains. Parce qu'avant d'ajouter des députés dans les centres urbains il faudrait que le nombre de citoyens augmente considérablement, donc on pense que... En tout cas, je ne sais pas, je n'ai pas vu l'étude, là, mais peut-être que, sur 20 ans, ça se basculerait différemment, là, mais...

Mme de Sève (Véronique): Mais, si je peux me permettre...

M. Cloutier: Bien sûr.

Mme de Sève (Véronique): Mais, en même temps, on pense aussi que peut-être, en région, il va y avoir plus de députés, mais on... En tout cas, dans les études qu'on a vues puis les chiffres, Montréal va rester avec ses 28 députés, et, pour nous, ça va faire une distorsion par rapport à Montréal... Quand on parlait de sa représentation effective, ça va avoir une distorsion, entre autres, d'un grand centre urbain où il y a une grande population, en tout cas une... et versus les régions. Alors, en tout cas, pour nous, c'est sûr que, si c'est ça, ça veut dire que Montréal reste avec ses 28 députés, mais que les régions en ont davantage. Bien, le poids relatif va baisser, et, nous, ça nous inquiète.

Le Président (M. Drainville): Vous avez amplement le temps, M. le député.

M. Cloutier: Merci, M. le Président. Je comprends votre préoccupation de garder le poids politique de Montréal, puis, évidemment, ça doit être une préoccupation, là, réelle. Ceci dit, là, les principaux perdants, avec les analyses qui ont été faites par le DGE, là, dans le mémoire qui a été déposé ici, auprès de la commission... Peut-être ne l'avez-vous pas, mais, à la page 25, on nous a déposé un rapport vraiment bien détaillé, avec la perte des poids politiques qui en résulterait dans une projection, là, qui va jusqu'en 2016 si ma mémoire est bonne...

Une voix: ...

M. Cloutier: 2020. Merci, cher collègue, 2020. Alors, la représentation pour Montréal, effectivement, là, il y aurait une perte du poids politique. Mais cette perte-là est particulièrement vraie pour les régions ressources pour une raison évidente, pour la simple et bonne raison que les perspectives de croissance démographique sont nettement inférieures dans les régions ressources que dans les banlieues de Montréal. Alors, les principaux gagnants, la principale région gagnante serait celle où, évidemment, il y a une croissance démographique importante.

Alors, on prend une région comme le Saguenay-- Lac-Saint-Jean, qui a perdu 30 000 personnes au cours des 10 dernières années, je vous dirais que la tendance n'est pas à la croissance, malheureusement. La tendance est plutôt à la décroissance. Ça, c'est un autre problème qu'on a comme société, là, la croissance démographique dans nos régions. Et il y a différentes manières, là, d'aborder cette question-là, mais je ne pense pas que c'est l'objet de la commission aujourd'hui.

Mais, ceci dit, je comprends votre préoccupation pour Montréal, mais on a cette même préoccupation pour les régions ressources. Et, selon l'analyse des chiffres du Directeur général des élections, bien ce sont principalement les régions ressources qui seraient perdantes en raison du fait que le nombre de députés serait augmenté en général, et, comme dans les régions ressources il n'y a pas vraiment de croissance démographique, bien il n'y aurait pas cette même équation, donc il n'y aurait pas plus de députés pour les régions. Ça fait que, bref, il y aurait une décroissance de l'influence politique.

Je voudrais vous poser quand même quelques questions, même si vous êtes affiliés à la CSN. Vous suivez l'actualité sans doute, comme nous tous. Vous savez que la question des financements des partis politiques est un sujet chaud au moment où on se parle, et il y a une proposition qui, à notre avis, est au coeur du débat actuel, qui est celle de réduire le plafond des contributions individuelles de 3 000 $ à 500 $. On a fait cette proposition-là, il y a Québec solidaire qui partage cette vision, cette façon de faire. Je serais curieux de vous entendre là-dessus, est-ce que vous pensez qu'on est dans la bonne direction en réduisant le plafond, là, de 3 000 $ à 500 $?

M. Châteauneuf (Gaétan): On n'a pas réfléchi, je vous dirais, à cette question, mais je vous dirais, d'entrée de jeu, sans avoir fait un grand débat, que je suis plutôt favorable à ce type de mesure là parce que... Des gens, qu'ils puissent donner 3 000 $, ça prend des gens quand même assez fortunés, et je pense que, si on veut assainir la culture politique... Parce que je vous dirais que, malheureusement, les derniers débats, les dernières frasques, particulièrement au municipal, on a vu, ça déteint sur la classe politique, puis je ne pense pas qu'on ait intérêt à... Et je trouve que ça serait probablement une bonne solution de réduire les contributions, de permettre toujours le financement... Et je pense qu'il y a des éléments dans le projet de loi que je suis tout à fait d'accord, là, où, tu sais, on veut la transparence, l'élimination des dons anonymes. Moi, je pense que c'est... on va dans le bon sens, puis il faut vraiment assainir... Et, pour vous qui faites une job... c'est votre réputation qui est entachée, même si vous n'avez pas participé ou... Moi, je pense qu'on a intérêt à éclaircir nos moeurs électorales, effectivement, en termes de financement, et ça, ça peut être une solution intéressante.

M. Cloutier: Vous avez fait tout à l'heure mention qu'il pourrait être intéressant de créer des nouveaux comtés. Vous savez qu'il y a eu un premier rapport qui a été déposé par le DGE, il y avait différentes propositions qui ont été faites, il y a une tournée de consultation qui a été faite à travers le Québec, puis, suite à ça, la Commission de la représentation électorale, là, a travaillé sur un deuxième rapport. On n'a pas eu encore accès au rapport final parce qu'il n'a pas été déposé à l'Assemblée nationale, mais, grâce au bon jugement du vice-président de la Commission des institutions, on a eu un rapport préliminaire qui a été déposé ici, à la commission, un rapport préliminaire qui était accompagné, là, du mémoire, les chiffres, les fameux chiffres que je vous ai cités tout à l'heure, alors qui est le document de travail, finalement, de la commission, et est-ce que vous avez vu ce document de travail?

M. Châteauneuf (Gaétan): Non.

M. Cloutier: Vous ne l'avez pas vu. Peut-être, en avez-vous entendu parler dans les médias, il y a eu quelques journalistes, là, qui ont fait référence à ce document de travail.

M. Châteauneuf (Gaétan): Non.

M. Cloutier: Non, vous n'avez pas... Monsieur, oui...

M. Bachand (Arthabaska): ...ce n'est pas habituel, là, mais...

Le Président (M. Drainville): M. le député d'Arthabaska veut apporter un point d'information?

M. Bachand (Arthabaska): Oui, juste un point d'information. C'est que le document n'a pas été déposé, simplement a été...

Une voix: ...

M. Bachand (Arthabaska): Il a été distribué, mais... C'est peut-être pour ça qu'ils n'ont pas eu accès à l'information. Il a été distribué à tout le monde, mais pas officiellement déposé.

M. Cloutier: En fait, la remarque de mon collègue est tout à fait exacte, là, c'est un document de travail qui a été déposé ici, à l'intérieur de la commission, mais qui n'a pas... On ne parle pas du rapport final qui, lui, aurait dû ou devrait être déposé à l'Assemblée nationale. Alors, c'est une nuance.

Mais, ceci dit, de toute évidence, il y a des personnes qui ont eu accès puis d'autres qui n'ont pas eu accès. Pour le bénéfice de la suite des travaux, je pense, ce serait intéressant, là, qu'on dépose officiellement ce projet de rapport. Alors, M. le Président, je pense qu'on pourrait déposer officiellement le rapport pour le bénéfice de ceux qui viennent témoigner aujourd'hui... en fait, le document de travail, là. Je ne parle pas du rapport officiel parce que, comme vous le savez, il doit être déposé à l'Assemblée nationale, mais ce document de travail. Alors, M. le Président, là, puisqu'il s'agit ici d'un document de travail qui reste... justement, là, qui doit être bonifié encore par les différentes instances et que le document sera sans doute finalisé et déposé en bonne et due forme au moment que l'Assemblée nationale l'acceptera, parce que ça prend l'autorisation de l'Assemblée nationale... Mais, à ce stade-ci, j'aimerais déposer, M. le Président, ce rapport préliminaire ou ce document de travail qui a été préparé par la Commission de la représentation dans l'unique but de donner accès à ce même document de travail qui a fait l'objet, comme vous le savez, là, d'articles dans les médias et qui a été consulté partiellement par certains groupes ou par d'autres.

Puis, évidemment, tout ça ne contrevient pas à la Loi de l'Assemblée nationale, n'est pas un outrage à l'Assemblée nationale. On a fait nos recherches, on s'est assurés, effectivement, que ça ne contrevenait pas aux règles de l'Assemblée nationale. Alors, on va demander le dépôt, M. le Président.

M. Dutil (Beauce-Sud): Ça prend un consentement, M. le Président. M. le Président.

**(10 h 40)**

Le Président (M. Drainville): Un instant, M. le ministre. Donc...

M. le ministre.

M. Dutil (Beauce-Sud): Non-consentement. Pas de consentement.

Des voix: ...

Le Président (M. Drainville): Alors, ce qu'on m'indique, moi, M. le ministre, c'est qu'en vertu de l'article 162 c'est au président d'accepter le dépôt d'un document, et je ne vois pas pourquoi je refuserais qu'on permette le dépôt du document, là, en vertu de l'article 162, qui se lit comme suit: «Un document ne peut être déposé en commission qu'avec la permission de son président.» Alors, je donne la permission.

M. Bachand (Arthabaska): ...

Le Président (M. Drainville): M. le député d'Arthabaska.

M. Bachand (Arthabaska): Oui, M. le Président. Vous avez prononcé votre décision rapidement, là. On ne peut pas revenir sur la décision du Président, moi, je suis conscient de ça, là, mais je veux quand même vous sensibiliser au fait que votre décision a été très rapide, une décision qui est lourde de conséquences. Je pourrais vous donner une panoplie d'arguments qui fait que cette décision-là pourrait être contestée, là, je voulais simplement vous aviser de ça, là. Mais pas de façon politique, mais simplement de façon, là, de façon arbitraire, là. Donc, vous avez été alimenté par un article de notre réglementation, mais il y a d'autres articles qui peuvent aussi militer dans un sens contraire. Donc, moi, je ne peux même pas vous inviter à la prudence, vous avez déjà décidé, là, mais je...

Le Président (M. Drainville): Non, mais, M. le député d'Arthabaska, moi, je me fie sur le règlement que j'ai ici, là, qui est l'article 162. Mais vous dites qu'il y a d'autres articles qui peuvent être plaidés, donnez... dites...

M. Bachand (Arthabaska): Bien, moi, je vous dirais que j'aurais...

Le Président (M. Drainville): Moi, je suis prêt à vous entendre, là, je ne suis pas...

M. Bachand (Arthabaska): Je ne prévoyais pas être obligé d'intervenir en termes réglementaires ici. Moi, ce que je vous dis, c'est que, l'intention du Directeur général des élections lorsqu'il est venu en commission parlementaire et qu'il a été tenu de présenter ce document-là, il l'a fait pour éclairer le jugement des parlementaires puis pour additionner de l'information à ces parlementaires-là. Mais, comme ça a été dit au moment de la présentation du document, c'était une distribution... Donc, sa volonté n'était pas de déposer le document, sa volonté était de le présenter aux parlementaires, et aux parlementaires d'en disposer comme ils veulent. Mais il y a une très grande distinction entre un dépôt de document puis la présentation d'un document à chacun des parlementaires, ne serait-ce que le fait que la responsabilité du Directeur général des élections est à l'effet de présenter... Même là, je suis un petit peu mal à l'aise parce que nous avons des invités ici, et puis ce sont nos invités, puis c'est comme si on commençait à débattre de savoir si les discours vont aller en quelque part ou ailleurs parce que...

Le Président (M. Drainville): Bien, écoutez, M. le député d'Arthabaska, moi, j'ai beaucoup de respect pour votre point de vue, là, puis vous me dites: Écoutez, il y a peut-être d'autres règlements qui pourraient entrer en ligne de compte que le seul règlement 162. Alors, je ne sais pas si le député de Lac-Saint-Jean souhaite ajouter quelque chose là-dessus, moi, je suis prêt à vous entendre. Rapidement, parce qu'effectivement on a des invités, là.

M. Cloutier: Deux façons de procéder, M. le Président: on peut poursuivre avec les invités puis revenir après ou on finit le débat immédiatement, puis vous statuez, M. le Président. Mais je veux juste rappeler au vice-président de la commission, au député d'Arthabaska, qu'il s'agit, évidemment, d'un rapport préliminaire, mais la situation dans laquelle on est, c'est qu'il y a du monde qui ont accès au document puis d'autres qui n'ont pas... De toute évidence, il y a des journalistes qui ont eu accès au document parce que c'est ce qu'on a lu dans les médias. Il y a des groupes qui font référence à la création de comtés, et on est vraiment dans une situation où on est en consultation, puis il y a du monde qui l'a, puis du monde qui ne l'ont pas. À ce stade-ci, honnêtement, je ne pense pas que ça changerait grand-chose qu'on dépose le rapport préliminaire parce qu'il n'y a rien de confidentiel là-dedans, c'est déjà sur la place publique, on ne va rien apprendre de nouveau, là, il n'y aura pas de... Sauf qu'on va donner au... bénéfice à tout le monde, à ceux qui viennent nous rencontrer de pouvoir s'exprimer librement. Puis on croit que ça ne contrevient pas parce que ce n'est pas le rapport du dépôt final, parce que, comme vous le savez, ça prend le consentement de l'Assemblée nationale.

M. Bachand (Arthabaska): ...M. le Président, si vous me permettez...

Le Président (M. Drainville): M. le député d'Arthabaska, oui, bien sûr.

M. Bachand (Arthabaska): ...j'aurais plusieurs autres arguments à soumettre à votre réflexion. Donc, je reçois très bien la proposition du député de Lac-Saint-Jean, dans le sens qu'on pourrait terminer la présentation de nos invités, puis la question, puis les échanges avec nos invités, puis, après, peut-être suspendre les travaux quelques instants, puis jaser pour permettre à l'ensemble de tous ceux qui ont une décision à prendre d'être alimentés convenablement, à mon sens, là, plus abondamment, devrais-je dire.

Le Président (M. Drainville): Alors, très bien, M. le député d'Arthabaska, votre suggestion est bien reçue. Nous allons donc... je vais suspendre ma décision quant à l'acceptation du dépôt du document. M. le député d'Arthabaska.

M. Bachand (Arthabaska): Pardon, excusez.

Le Président (M. Drainville): Je vous dis que je consens à votre suggestion...

M. Bachand (Arthabaska): ...merci beaucoup.

Le Président (M. Drainville): ...de suspendre ma décision quant à l'acceptation du dépôt. Nous allons terminer le témoignage, la séance de questions et, par la suite, nous pourrons débattre davantage de cette demande de dépôt de documents. Ça va, ça?

M. Bachand (Arthabaska): Oui, absolument. Merci beaucoup.

Le Président (M. Drainville): Excellent. Je ne voulais surtout pas précipiter quoi que ce soit, M. le député d'Arthabaska.

Alors, je retourne donc à cet échange. Est-ce que M. le député de Lac-Saint-Jean a quelque chose à rajouter ou est-ce que je cède la parole à son collègue député de Rousseau pour terminer le temps de l'opposition officielle? Il leur reste à peu près 6 min 30 s. Il vous reste, messieurs, à peu près 6 min 30 s. M. le député de Rousseau.

M. Marceau: Oui. J'ai peut-être une ou deux questions.

Le Président (M. Drainville): Bien sûr. Bien sûr.

M. Marceau: On a du temps, oui?

Le Président (M. Drainville): Vous avez à peu près six minutes, oui.

M. Marceau: O.K. Bonjour. Simplement pour que vous sachiez, là, dans le document qui a été déposé par la Commission de la représentation électorale, qui relève du Directeur général des élections, il y avait une comparaison du poids politique sous trois régimes. Sous le régime de la carte actuelle, là-dedans ce qu'on a, c'est que, sous la carte actuelle, là, Montréal a un poids de 22,4 %. Deuxièmement, la Commission de la représentation électorale a déposé une proposition de carte initiale qui a été travaillée, sur laquelle des gens se sont prononcés, et puis est arrivée avec un deuxième document, celui que mon collègue voulait déposer il y a quelques minutes, et, étant donné la version améliorée, là, la nouvelle carte, version améliorée, le poids de Montréal demeurerait intact. C'est-à-dire qu'il était à 22,4 % dans la carte actuelle et il demeure à 22,4 % dans la nouvelle carte, et, en fait, ce qui se passe, c'est que le nombre de comtés ne change pas, puis Montréal conserve son nombre de comtés, donc le poids de Montréal demeure le même.

Par ailleurs, si le projet de loi n° 78 était adopté, le poids de Montréal baisserait à 21,1 % maintenant, parce que le nombre de circonscriptions de Montréal demeurerait inchangé, si je me souviens bien, et puis que le nombre de circonscriptions augmenterait à 133, et, en 2020, le poids de Montréal passerait à 20,4 %. O.K.? Alors, tout ça pour vous dire -- et puis je voudrais que vous commentiez -- que le système actuel, et surtout la version révisée, là, qu'a proposée le Directeur général des élections, garantirait à Montréal de conserver son poids, alors que la nouvelle loi, la loi n° 78, ferait baisser le poids de Montréal. Je pense que ça va dans le sens de ce que vous avez dit dans votre mémoire, n'est-ce pas?

M. Châteauneuf (Gaétan): Oui, tout à fait. On pense que ce qui est proposé va créer des distorsions importantes, même on pourrait se retrouver en Cour suprême pour voir à déterminer la représentation effective et on va peut-être même à l'encontre des décisions qui ont déjà été rendues.

Je veux juste vous rappeler que, nous, si on doit revoir la carte électorale, on pense qu'on doit le faire dans le cadre d'une réforme du mode de scrutin, et ce qui pourrait permettre justement, dans ce modèle-là de réforme de mode du scrutin avec un mode mixte, au moment où on rétablirait ou on établirait la représentation régionale, d'assurer une certaine représentation et pallier à la baisse démographique de certaines régions ressources. Moi, je pense qu'il y a là des outils sur lesquels on pourrait se pencher.

M. Marceau: Dernier petit point, certains intervenants sont venus suggérer, pour la partie financement du projet de loi, que le financement public des partis politiques municipaux soit élargi à d'autres villes que Montréal et Québec, là. Pour l'instant, c'est simplement Montréal et Québec pour qui il y a du financement public, c'est-à-dire c'est 0,35 $ par électeur. Certains ont suggéré que ce soit étendu à d'autres municipalités de manière à favoriser la démocratie, favoriser la participation, assainir aussi les moeurs électorales, et il était aussi question... Vous savez, dans le projet de loi, il est question d'augmenter le financement public des partis politiques provinciaux, et eux, ces gens-là, un des intervenants suggérait d'accroître le financement public des partis politiques municipaux. Est-ce que vous avez des réflexions là-dessus?

**(10 h 50)**

M. Châteauneuf (Gaétan): Il est clair qu'il faut, par rapport au financement des partis politiques, s'assurer de la transparence et d'aller... C'est sûr que l'aspect d'aller chercher un financement public est drôlement intéressant parce que... Mais il y a également le gouvernement, que l'État assume une certaine... Notre préoccupation, par contre, sur cette question-là, c'est que les partis aient tous accès... Et je pense entre autres... Et c'est pour ça qu'on est favorables à une réforme du mode de scrutin proportionnel, pour permettre la pluralité politique et d'avoir la possibilité, même à des tiers partis... Et ce que je suis toujours inquiet, c'est que les tiers partis n'aient pas la juste valeur de ce qu'ils peuvent représenter en termes de vote, particulièrement si on n'a pas un mode proportionnel. Parce qu'avec un mode uninominal à un tour ce type de financement là, qui est fait selon le nombre de personnes qui a voté pour votre parti, fait en sorte que les gens, souvent, ne peuvent pas voter pour le parti pour lequel ils voudraient voter à cause de la façon dont sont gagnées les élections, et là il y a une certaine distorsion dans le financement, et on prive les tiers partis d'un financement qu'ils pourraient avoir, qu'ils auraient dans un mode proportionnel et qu'ils n'ont pas dans un mode uninominal.

M. Marceau: O.K. Mais vous savez quand même que le financement public, en tout cas au niveau provincial, est réparti sur la base des votes obtenus, du pourcentage de votes obtenus, donc pas du nombre de sièges.

M. Châteauneuf (Gaétan): Non, c'est ça.

M. Marceau: Alors, les distorsions que vous évoquez, là, du système uninominal ne sont pas... Enfin, il y a quand même un seuil à franchir, là, mais elles sont moins présentes. Mais c'est-à-dire... Mais je comprends votre message. Parfait.

M. Châteauneuf (Gaétan): Mais, si vous me permettez, c'est parce que dans le mode uninominal, dans certains cas, c'est que vous pouvez difficilement voter pour le parti que vous... Ou bien il n'est pas représenté dans votre comté, ce qui fait que... alors que, dans une proportionnelle, vous donneriez peut-être votre vote à un tiers parti.

Dans un deuxième temps, bien il y a toute la question du vote stratégique. À un moment donné, tu dis: Bien, je ne veux pas tel gouvernement puis je vais voter pour tel autre parce que... Puis, bon, il y a peu de chances que mon parti soit représenté, donc je donne mon vote là, et le financement va à ce parti-là, alors que, dans la vraie vie, probablement que j'aurais aimé mieux que ça aille vers un tiers parti. C'est dans ce sens-là que je dis qu'il y a une certaine disparité dans le financement.

M. Marceau: C'est parfait pour moi. Merci.

Le Président (M. Drainville): Merci, M. le député de Rousseau. M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Alors, écoutez, on va continuer dans le même sens. Moi, je pense que c'est tellement important, là, de trouver une solution pour ramener le monde voter, pour commencer, parce que, quand on est rendu à un taux de participation qui frôle les 50 %, ça veut dire qu'il y a 50 % des gens qui sont chez eux, qui ne croient plus en notre démocratie, ne croient plus en leurs élus. Il faut trouver... Moi, je crois que le projet de loi n° 78 qu'on est en train d'étudier, comme vous l'avez dit dès le début, je pense qu'il devrait être scindé parce que le financement, ça, tout le monde s'accorde avec ça, on dit: C'est beau, il faut trouver une solution, mais la carte électorale et le nombre de députés, ça, ce n'est pas tout le monde qui est d'accord avec ça.

On est dans une période, je pense, où les temps sont durs. On parle d'augmenter les tarifs un peu partout pour être capables d'arriver, puis, nous, ici, à l'Assemblée nationale, on va aller se voter une loi pour remonter de neuf ou 10 députés puis, dans le temps, peut-être plus que ça. Je pense que ce n'est pas une chose qui va attirer les voteurs à aller voter si on fait une chose de même. Moi, c'est là que, moi, j'accroche, je me dis: Peut-être qu'il faudrait plus de temps, peut-être aller vers un mode proportionnel, peut-être aller dans un autre... mais trouver une solution qui serait bonne pour les 25, 30 prochaines années, parce qu'on ne touche pas à ça toutes les années, là. Mais c'est de trouver une solution qui plairait à la population pour les amener voter.

J'endosse pas mal ce que vous avez parlé, mais, je ne sais pas, moi, est-ce que vous êtes d'accord, vous, à ce qu'on prenne plus de temps et qu'on trouve la façon la plus correcte de faire cette réforme de la carte électorale?

M. Châteauneuf (Gaétan): Dans les faits, nous, ce qu'on suggère, c'est de ne pas aller dans le sens qui est proposé dans le projet de loi. La question de la participation au vote, c'est vraiment un problème, hein, et je pense qu'il faut... Là, je ne suis pas sûr que, même si on refaisait... Peu importe comment on refait la carte électorale, ce n'est pas la carte qui fait en sorte que le monde ne vont pas voter. Il y a toute la confiance par rapport aux députés, et je pense qu'il faut revaloriser le rôle du député, mais ici... Et c'est pour ça qu'on est aussi favorables à une réforme du mode de scrutin, parce que, pour bien des gens, ils se disent: Pourquoi j'irais voter? De toute façon, dans certains comtés, on le sait, c'est des châteaux forts d'un parti ou d'un autre. Même si je vote, mon vote ne comptera même pas. Donc, on ne se déplace même pas. Pourtant, ce n'est pas si difficile, aller voter. J'y vais toujours et je n'attends jamais bien, bien longtemps, c'est toujours cinq, 10 minutes. Tu sais, ce n'est pas très compliqué, mais les gens ne se déplacent pas pour différentes raisons. Un, la confiance -- et ça, je pense que ce n'est pas la carte électorale qui va régler ça -- mais aussi l'aspect est-ce que mon vote va vraiment compter. Et, dans bien des cas, il y a des gens qui n'y vont pas parce que leur vote ne comptera pas.

M. Grondin: Selon vous, là, est-ce que c'est aux députés de travailler une carte électorale ou bien si c'est à quelqu'un d'indépendant? Comme le DGE, il a toute son indépendance. Là, présentement, c'est les députés, c'est la politique qui joue là-dedans. Est-ce que ça ne devrait pas être qu'on n'ait pas le droit de toucher à ça?

M. Châteauneuf (Gaétan): À mon avis, ça doit être un organisme indépendant pour justement sortir du politique ou des intérêts politiques. Si tu demandes aux gens qui... ceux qui bâtissent eux-mêmes leur carte électorale de bâtir leur carte, ils risquent d'avoir un... Mettons qu'ils peuvent avoir un certain conflit d'intérêts, à mon avis. Je pense qu'il faut donner ça... Je pense que l'organisme approprié, c'est le Directeur général des élections, qui, lui, n'a pas de liens politiques. Et de toute façon, en bout de ligne, ça finit par être l'Assemblée nationale qui le finalise, mais, tu sais, il y a quelqu'un de neutre qui a travaillé sur ces questions-là avec des paramètres qu'on s'est donnés, puis après ça... Parce que, sans ça, sinon, on est devant des situations où il y a des gens qui peuvent avoir des intérêts de refaire la carte différemment pour aller chercher une clientèle.

Mme de Sève (Véronique): Et, si je peux me permettre, le Directeur général des élections a quand même, avec le temps, a quand même... On a quand même vu que c'était assez neutre. Je pense que c'est ça, l'important. Vous parliez tantôt d'un peu -- puis j'en ai parlé -- de morosité de l'électorat, je pense qu'il faut aussi, oui, revaloriser le rôle du député, oui, revaloriser l'importance, en fait, de notre système démocratique, mais ça passe aussi par utiliser les systèmes qu'on s'est donnés comme le Directeur général des élections, qui a une neutralité, qui peut faire son travail sans avoir des problèmes de pouvoir ou en tout cas... Et je pense qu'on peut l'utiliser par la suite... Comme M. Châteauneuf disait, bien on a quand même aussi... vous avez une dernière voix au chapitre avec l'adoption en Assemblée nationale.

M. Grondin: Bien, moi, écoutez, je ne pense même pas dossier politique, là, je parle comme un élu, là. Je pense, tous les partis politiques, on parle sans arrêt de la démographie, les régions se vident, mais la seule chose qu'on se dit ici, là, on va remettre des députés de plus. Il me semble qu'on a un langage qui va à contresens. C'est une réflexion. Merci beaucoup.

Le Président (M. Drainville): Et, sur cette réflexion, nous allons conclure cet échange. On vous remercie beaucoup, M. Châteauneuf et Mme de Sève. Merci beaucoup.

Et je vais suspendre une ou deux minutes, et on va revenir sur la question du dépôt du document tout de suite après. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 58)

 

(Reprise à 11 h 1)

Le Président (M. Drainville): Avant de recevoir la Conférence régionale des élus de Montréal, sur la question du dépôt du document intitulé La population bouge, la carte électorale change, document de la Commission de la représentation électorale du Québec, moi, je vais entendre, quelques minutes, les points de vue de la partie gouvernementale et de l'opposition officielle, et, sur la base des arguments qui me seront soumis, je prendrai ma décision. Alors, qui a l'intention de plaider, là, pour la partie gouvernementale? Est-ce que c'est vous, M. le ministre?

M. Dutil (Beauce-Sud): Non.

Le Président (M. Drainville): M. le député d'Arthabaska? Non?

M. Bachand (Arthabaska): ...

Le Président (M. Drainville): Pardon?

M. Bachand (Arthabaska): C'est-u possible de suspendre les travaux quelques instants?

Le Président (M. Drainville): Alors, il y a une demande de suspension des travaux.

Une voix: ...

M. Bachand (Arthabaska): O.K. Donc, comme suggestion...

Le Président (M. Drainville): M. le député d'Arthabaska.

M. Bachand (Arthabaska): Oui, excusez-moi. Comme suggestion, moi, si c'est possible d'entendre... Parce que j'entendais le député de Chicoutimi en faire la proposition, là, je trouve ça intéressant, là, qu'on entende les groupes qui sont nos invités. Et puis, finalement, s'ils acceptent le processus, là, finalement, dans l'éventualité, on pourrait prendre une décision après, là.

M. Bédard: ...

M. Bachand (Arthabaska): Ah! bien, j'avais cru comprendre que vous...

M. Bédard: ...dans le sens faisons-le, puis décidons, là, c'est plus dans ce sens-là.

Le Président (M. Drainville): Oui. Moi, je serais plutôt favorable à ce que...

M. Bédard: Parce que...

Le Président (M. Drainville): C'est l'engagement que j'ai pris tout à l'heure, que, dès que le groupe CSN terminerait sa présentation et l'échange qui s'ensuit, que nous entendrions les arguments de part et d'autre. Alors, moi, je suis prêt à entendre les arguments de part et d'autre.

M. Bédard: Bien, moi, très rapidement, M. le Président. Alors, mon collègue l'a déposé ce matin, je pense que ça va dans l'ordre des choses. Au départ, quand le document est arrivé d'ailleurs, c'est que tout le monde était un peu surpris, effectivement. C'est un document de travail, donc, et la règle, c'est la transparence, vous le savez. Dans les dépôts de documents, vous avez l'entière discrétion pour déterminer, effectivement, qu'est-ce qui doit être déposé ou pas, on n'a pas besoin de consentement de part et d'autre. Et, en pareille chose, vous voyez, à l'Assemblée, la règle qui guide les présidents de... -- je vais attendre, là -- qui guide les présidents de l'Assemblée nationale, ce sont la transparence... C'est ce qui fait que les dépôts sont toujours acceptés de documents. Et même, je vous dirais, même les pétitions qui sont non conformes au règlement, en général nous acceptons le dépôt des documents.

Les seules règles qui frappent le dépôt de documents sont la règle où il y a des causes pendantes devant les tribunaux. Je vous dirais que c'est une règle assez absolue qui a une conséquence qui est extérieure à nos murs, qui peut avoir un effet sur des procédures judiciaires en cours, et là ça dépasse le cadre de l'Assemblée... excusez-moi, M. le Président, le cadre de nos règles de procédure, mais ça a un effet beaucoup plus important qui est celui de faire en sorte qu'une cause peut être jugée à ce moment-là, déclarée... donc de faire en sorte qu'une personne qui est accusée, plutôt, devant les tribunaux pourrait se voir absoute pour des raisons qui sont liées à l'Assemblée et non à sa culpabilité. Donc, cette règle, c'est l'exception qui permet d'empêcher quelqu'un de déposer des documents.

Deuxièmement, c'est qu'en cause vous avez certains précédents qui confirment votre discrétion, M. le Président, et là je me réfère à... et je n'ai pas l'ensemble des décisions, mais bien au recueil du lieutenant-gouverneur -- en plus, je vous réfère à une autre autorité -- qui a été aussi, à ses heures, secrétaire général de l'Assemblée nationale, donc, et qui a effectivement répertorié plusieurs des décisions de l'Assemblée qui confirment, évidemment, l'aspect discrétionnaire du dépôt qui fait en sorte... et qui dit même, vous regarderez au paragraphe 5: «Un président de commission pourrait toujours permettre la distribution plutôt que le dépôt...»

«Le président, lorsqu'il accueille une demande de dépôt de document, doit pouvoir considérer sa conservation éventuelle et la possibilité d'en émettre des copies ou de le diffuser autrement; en cela, la politique établie à l'Assemblée [nationale] devrait prévaloir en commission.»

«La discrétion du président est entière, quelles que soient la qualité, la provenance ou le support du document.»

Dans ce cas-ci -- et là on parle du cas plus précisément -- c'est un document de travail d'une instance qui est totalement indépendante, qui est le Directeur général des élections. Vous avez été témoins... du moins, vous constaterez que nous faisons référence de ce document même dans les médias actuellement. Il est un peu ridicule que nous soyons obligés, par exemple, d'en faire une copie pour ceux qui nous le demandent. Tous se réfèrent actuellement à cette commission et ils n'ont pas accès au document, alors que la Commission de la représentation électorale était tout à fait disposée à déposer officiellement ce document. C'est ce qu'elle a fait, on a décidé simplement de le distribuer aux membres.

À sa lecture -- et j'en ai pris connaissance, comme, j'imagine, l'ensemble des membres de la commission -- il ne contient rien qui va préjudicier ni à la commission ni au processus électoral. Le processus, d'ailleurs, électoral, lui, est conservé. C'est ce qui fait que, plus tard, lorsque la Commission de l'Assemblée nationale appellera la Commission de la représentation électorale sur les suites de la loi, la commission conservera l'entière discrétion pour modifier ce qu'elle appelle actuellement un document de travail. Donc, aucune loi n'est contrevenue -- et ça, il n'y a aucun doute -- ni dans l'esprit, ni dans le fond, ni dans la lettre.

Alors, nous sommes plutôt sur des indispositions. Mais ça, l'indisposition, ce n'est pas le premier document qui peut créer peut-être des indispositions. Mais ce n'est pas un motif suffisant pour empêcher son dépôt officiel à l'Assemblée et faire en sorte que ce document constitue, comme bien d'autres qui ont été déposés dans les mémoires, dans les réflexions, qui va s'ajouter à la réflexion des membres de l'Assemblée... Et je vous dirais que c'est un document qui fait partie d'une réflexion hautement transparti, M. le Président, qui doit être à l'abri, justement, de situations partisanes.

Et, si on a accepté l'ensemble des réflexions, je verrais difficilement comment on pourrait refuser celles du Directeur général des élections et de la Commission de la représentation électorale sans donner justement une portée qui serait là... M. le Président, par votre refus, si vous jugiez que ce document ne doit pas être reçu, vous donneriez une portée partisane à votre décision. Pourquoi? Parce que vous interviendriez dans des documents qui font l'objet de la réflexion de notre commission actuellement. Donc, votre refus serait assimilé, de notre côté, clairement à une orientation qui serait de nature partisane. Donc, pour toutes ces raisons...

Le Président (M. Drainville): Conclusion, oui, s'il vous plaît.

M. Bédard: Oui. Pour toutes ces raisons, M. le Président, je crois effectivement... Bien qu'il s'agit d'une discrétion, il y a, des fois, des «peut» qui sont des «doit». Nous considérons que votre discrétion, elle est très limitée, et vous devez accepter le dépôt de ce document hautement pertinent.

Le Président (M. Drainville): M. le ministre, en réponse. Je vous...

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui. Bien, en réponse, rapidement...

Le Président (M. Drainville): C'est une sorte de droit de réplique, hein?

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui. Bien, tout simplement pour dire que, vous, vous avez une décision à prendre, et la décision que vous prendrez, je la respecterai. Alors, est-ce que vous avez besoin ou non du consentement? Vous semblez dire que non et vous semblez dire que vous approuvez le dépôt du document. Bien, à ce moment-là, si c'est votre décision, ce sera votre décision, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): Bien, moi, je vais vous dire, M. le ministre, c'est l'article 162 qui me guide, ce n'est pas des considérations personnelles. Qu'est-ce que vous voulez? L'article 162, dépôt de documents, dit: «Un document ne peut être déposé en commission qu'avec la permission de son président.» Donc, il n'est pas question du tout, là-dedans, de consensus, il n'est pas question de demander le consentement de qui que ce soit, la décision en revient au président d'accepter le dépôt, et, pour le moment en tout cas, moi, je n'ai aucune raison de refuser ce dépôt-là dans la mesure où le règlement me dit que c'est mon rôle de l'accepter.

Par ailleurs, le secrétaire me soumet ici une décision qui a été rendue en 1984 par le président d'une commission, M. Jean-Claude Rivest. Et il était justement, à ce moment-là, question, M. le ministre, d'une opposition de la part du gouvernement au dépôt d'un document, et la décision qui a été rendue à ce moment-là par la présidence de l'opposition... Donc, on se retrouve, si vous me permettez, un peu dans la situation dans laquelle je me trouve présentement, la présidence de la commission, à ce moment-là, provenait des rangs de l'opposition, et la décision qui a été rendue par M. Rivest à ce moment-là, c'est celle-ci: «En vertu de l'article 162 du règlement, seul le président de la commission peut autoriser le dépôt d'un document. La présidence n'a pas à chercher ou à obtenir le consentement de qui que ce soit.» Alors, c'est là-dessus que je me base pour accepter le dépôt du document.

**(11 h 10)**

Mais je comprends le malaise, là. Alors, moi, ce que je vais proposer, je vais proposer de prendre la décision en délibéré. Je vais me retirer avec le secrétaire, et nous allons vous revenir avec une décision étayée, qui se fonde sur un certain nombre de précédents, dont celui que je viens de vous citer, là, et qui va, je l'espère, rassurer tout le monde, et qui va bien fonder la décision à la fois sur le règlement, sur les précédents que je viens de citer et sur d'autres arguments qui pourraient être invoqués en appui à la décision d'accepter, donc, le dépôt du document. Donc, si vous le permettez, je vais donc me retirer. Je vais céder la présidence à M. le député d'Arthabaska et je vais me retirer auprès de... M. le député d'Arthabaska?

M. Bachand (Arthabaska): Non, je ne suis pas disponible, j'ai un engagement.

Le Président (M. Drainville): Bon. Alors, écoutez, je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 11)

 

(Reprise à 11 h 13)

Le Président (M. Drainville): Donc, nous allons reprendre les auditions de cette commission. Je demanderais aux représentants de la Conférence régionale des élus de Montréal de se présenter, s'il vous plaît, de prendre place. Il s'agit de Mme Manon Barbe, qui est la présidente de la Conférence régionale des élus de Montréal, Mme Laurence St-Denis, qui est membre du comité exécutif, et de Mme Danielle Ripeau, qui est conseillère stratégique à la planification et à la recherche. Bonjour, mesdames.

Une voix: Bonjour.

Le Président (M. Drainville): Alors, je vous cède la parole pour une présentation de 10 minutes, puis, par la suite, il y aura un échange d'une cinquantaine de minutes avec les députés de la commission. Je vous prierais de bien vous présenter avant de prendre la parole, s'il vous plaît.

Conférence régionale des élus
de Montréal (CRE de Montréal)

Mme Barbe (Manon): Manon Barbe, présidente de la Conférence régionale des élus de Montréal.

Alors, M. le ministre, M. le Président de cette commission, Mmes et MM. les députés -- et un bonjour tout particulier au député Gerry Sklavounos, qui est aussi membre du C.A. de la CRE de Montréal, bonjour -- ...

Des voix: ...

Mme Barbe (Manon): ...alors, merci de nous recevoir et d'entendre la point de vue de l'organisation que vous avez désignée comme interlocuteur privilégié du gouvernement en matière de développement régional pour la région de Montréal.

Permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui: donc, à ma droite, Mme Laurence St-Denis, présidente du Forum jeunesse de l'île de Montréal et membre du comité exécutif de la CRE de Montréal, et, à ma gauche, Mme Danielle Ripeau, qui est conseillère stratégique à la planification et à la recherche.

Vous le savez, la composition des CRE varie d'une région à l'autre pour bien refléter les caractéristiques de la région. À Montréal, notre conseil d'administration regroupe les maires et mairesses des 15 municipalités de l'île et les conseillers de ville de la ville de Montréal, soit 79 personnes. Il siège aussi 39 personnes qui représentent notre diversité socioéconomique. Elles proviennent du milieu des affaires, des milieux associatifs et institutionnels, éducation, culture, santé, développement local, sport, environnement, et représentent différentes populations. Et, bien sûr, nous avons avec nous les 28 députés représentant l'île de Montréal à l'Assemblée nationale. Cette représentation nous permet d'avoir une bonne vue d'ensemble de notre territoire et nous donne accès à des sources d'information et à des expertises précieuses pour la région. Ça fait beaucoup de monde, voilà pourquoi nous avons opérationnalisé cette représentation dans un comité exécutif moins volumineux.

Les présentations étant faites, j'attire donc votre attention sur l'objet de notre mémoire, qui porte uniquement sur les articles 1 à 7 du projet de loi n° 78, soit sur la représentation électorale incarnée dans le découpage des circonscriptions. Ce n'est pas que le financement des partis politiques ne soit pas important, c'est un aspect majeur de notre système démocratique, mais beaucoup de groupes sont venus vous en parler, et il nous semblait important de mettre l'accent sur la représentation électorale effective, une dimension qui a beaucoup moins d'attrait pour les médias et qui est pourtant à la base de notre démocratie.

Notre première recommandation, comme beaucoup d'autres groupes qui se sont présentés l'ont fait avant nous, est de scinder le projet de loi n° 78 afin de nous donner les moyens et de prendre le temps de bien réfléchir aux enjeux et aux répercussions des modifications du projet de loi. Je crois comprendre que la majorité des mémoires reçus recommandent de traiter séparément les articles 1 à 7 du projet de loi. Je dirais même que, dans notre région, cette position est quasi unanime: Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Culture Montréal, Union Montréal et sa commission jeunesse, Vision Montréal, Projet Montréal et le Forum jeunesse de l'île de Montréal. Scinder le projet de loi donnerait l'occasion d'entendre la Commission de la représentation électorale du Québec et lui permettrait de présenter ses nouvelles propositions quant à la délimitation des circonscriptions électorales. La Commission de la représentation électorale est venue vous voir cette semaine, mais nous n'avons pas pu examiner l'ensemble de ses travaux. Toutefois, elle-même recommande de scinder le projet de loi.

Je reviens au coeur de notre mémoire. Depuis au moins 1992 et jusqu'à tout récemment, lors de la consultation en 2008, différents intervenants montréalais ont signifié avec autant de cohérence que de conviction notre attachement profond à une représentation juste et équitable des citoyens du Québec, quel que soit le territoire qu'ils habitent. Nous n'entrerons pas dans les considérations juridiques émises par la Cour suprême, avec lesquelles nous sommes d'accord. Pour nous, le principe à la base de notre démocratie est très simple, tous les citoyens régis par un même ensemble de lois doivent profiter des mêmes droits de représentation. Le droit à un vote d'égale valeur, que l'on soit citoyen d'une région ou d'une autre, ne peut pas être transigé. Les Montréalaises et Montréalais doivent avoir la garantie fondamentale que leur vote compte autant que celui d'un citoyen d'une autre région. Ce principe est à la base de notre démocratie. Il a évolué dans le temps et s'est raffiné dans un mouvement pour accroître l'espace démographique, notamment la représentation électorale. Il en assure non seulement la légitimité, mais aussi la pérennité.

Si le principe est robuste dans sa simplicité, il n'est pas pour autant simpliste, comme on voudrait parfois le faire croire. Le principe de la représentation effective ne repose pas sur une vision étroite prônant l'égalité absolue des citoyens. Nous croyons fermement que la démocratie est une force vive, elle ne peut pas se laisser enfermer dans un carcan purement arithmétique. En accord avec la Cour suprême, nous croyons qu'il est nécessaire de prendre en compte les situations particulières et certains cas extrêmes afin de s'assurer que la démocratie est bien servie, étant entendu que l'exception doit demeurer exceptionnelle. La souplesse de notre système démocratique repose sur l'acceptation d'un certain nombre d'écarts, ce qui permet de refléter la diversité des situations. Comme société, l'idéal que nous recherchons est un poids santé démocratique égal, disons, à 100, mais nous admettons que des citoyens s'écarteront de ce poids, certains pesant 75 et d'autres pouvant peser jusqu'à 125. Nous admettons aussi certains cas d'exception.

**(11 h 20)**

Le projet de loi déposé s'écarte dangereusement, à notre avis, de la voie reconnue de la représentation effective. En prenant appui sur une base régionale, il éclate le principe de la représentation et en vient à proposer autant de poids santé qu'il y a ou qu'il y aura de régions administratives. Il accorde aussi à certains électeurs un poids démocratique qui correspondra à deux votes, trois votes et même quatre votes, et je ne parle même pas des situations d'exception. On ne peut accepter cela.

Voilà pourquoi nous recommandons de maintenir le principe de la variation entre le nombre d'électeurs par circonscription à plus ou moins 25 % de la moyenne nationale. Le principe de la représentation effective doit demeurer la base de notre système démocratique et conserver son caractère inattaquable.

Pour tenter de justifier les écarts dans la représentation des citoyens, certains argumentaires renvoient à la notion de modulation. Ainsi, il faudrait moduler la représentation effective de l'électeur par région. Nous disons: Attention! le concept de modulation réfère à l'idée de la souplesse qu'il faut déployer pour adapter un programme, une politique, voire un principe à une région. Encore faut-il qu'il y ait matière à moduler. Encore faut-il qu'il y ait un corpus commun à adapter. S'il n'y a pas de référence de départ, de critère convenu, alors la modulation s'applique à vide. Cela nous apparaît un contresens inquiétant de ne plus faire reposer la démocratie sur la démographie, c'est-à-dire sur la population.

Parmi les changements proposés, le projet de loi impose un nombre plancher de circonscriptions par région et élimine le nombre maximal de 125 circonscriptions. Nous ne pensons pas que cela apporte une solution satisfaisante. Pour la très grande majorité des citoyens, le problème de la représentation et du poids relatif des citoyens continuera de se poser. Par ailleurs, en tout respect pour cette Assemblée, il nous semble que 125 députés s'avère un nombre suffisant pour assurer la représentation des différents points de vue.

Nous allons vers une densification de la représentation tant au Québec qu'au Canada ou ailleurs dans le monde. Du point de vue du rôle du législateur et de représentant de ses concitoyens, ce nombre apparaît satisfaisant. Cependant, en ce qui concerne le rôle de soutien aux citoyens ou le rôle d'ombudsman, nous rejoignons les régions pour dire que les besoins sont grands, y compris à Montréal, mais nous soutenons qu'il y a d'autres voies pour compenser les disparités régionales que celle du déséquilibre de la représentation. Avec 28 circonscriptions sur 125, la population de Montréal trouve sa juste représentation. À 28 circonscriptions sur 135, elle doit assumer une perte démocratique que rien ne justifie.

Si, toutefois, le gouvernement devait aller de l'avant en adoptant le projet de loi n° 78 tel qu'il est présenté, les besoins de la population montréalaise devraient être pris en compte dans la détermination du minimum par région. Entre autres, Montréal a la responsabilité d'accueillir et d'intégrer les nouveaux arrivants. Plus de 120 000 d'entre eux ne sont pas comptés dans les listes électorales. C'est normal sous l'angle de la représentation, puisqu'ils n'ont pas encore acquis le droit de vote. Cependant, sous l'angle des services à rendre, ils devraient pouvoir bénéficier des mêmes droits. Ainsi, le nombre minimum de circonscriptions montréalaises devrait prendre en compte les besoins de ces citoyens absents des listes électorales. Plusieurs provinces canadiennes, par exemple Terre-Neuve, l'Alberta et le Manitoba, déterminent déjà les circonscriptions de leurs territoires en se basant sur la population totale plutôt que sur le nombre d'électrices et d'électeurs. Ainsi, bien que le droit de vote soit encadré, l'ensemble de la population est représentée par le député.

Enfin, quelles que soient les avenues retenues, nous recommandons que l'entièreté du rôle du DGE et de la Commission de la représentation électorale soit maintenue. Avec le temps, la mise à jour de la carte électorale est devenue un exercice mature qui échappe à l'arbitraire. Sous la responsabilité du Directeur général des élections du Québec, l'exercice de délimitation des circonscriptions est orienté vers une recherche d'équilibre entre le facteur de représentativité et les besoins des citoyens en termes d'accessibilité à leurs élus. Nous croyons qu'il est souhaitable qu'il continue d'en être ainsi à toutes les étapes du processus de délimitation de la carte électorale.

Alors, pour conclure, permettez-moi de conclure avec les mots de deux grands démocrates. Alors, ceux d'Al Smith, gouverneur démocrate de l'État de New York élu en 1918 pour quatre mandats et à qui l'on doit la construction de l'Empire State Building durant la grande dépression. Alors, M. Al Smith disait ceci: «Tous les grands méfaits de la démocratie sont remédiables par davantage de démocratie.» Et, maintenant, les mots de... la conviction de Churchill, qui, lui, affirmait, à la sortie de la Deuxième Grande Guerre mondiale: «La démocratie, c'est le plus mauvais système de gouvernement, à l'exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l'histoire.» Merci.

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, Mme Barbe. Alors, compte tenu du temps... puisqu'il y a caucus ici à midi, je vais faire une redistribution du temps. J'espère que ça conviendra à tout le monde. Alors, pour la partie gouvernementale, 15 min 30 s; pour l'opposition officielle, 12 minutes; et pour la deuxième opposition...

Une voix: ...

Le Président (M. Drainville): Pardon? M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: ...je dois quitter, de toute façon.

Le Président (M. Drainville): Vous devez quitter. Très bien. Alors, ça nous donnera un petit coussin, là. Donc, je dirais 15 min 30 s pour la partie gouvernementale et 12 minutes pour l'opposition officielle. J'espère que ça suffira. M. le ministre.

M. Dutil (Beauce-Sud): Merci, M. le Président. Alors, merci de votre présentation. J'aime bien les citations. Je connaissais celle de Churchill, mais pas celle de M. Al Smith. Je trouve qu'elle est très intéressante, donc davantage de démocratie.

Je veux soulever un point plus particulier. Vous mentionnez qu'effectivement il y a plus de population à Montréal que d'électeurs, c'est un cas particulier. Quand vous le soulevez, le problème, pour Terre-Neuve, je pense que c'est proportionnel. Il y a peu d'immigrants, donc qu'on tienne compte de l'ensemble de la population d'un comté par rapport à l'autre n'amène pas de distorsion du nombre d'électeurs d'un comté à l'autre. C'est les enfants, c'est ceux qui n'ont pas le droit de vote qui font la différence. À Montréal, il y a une grosse différence. À Montréal, vous avez effectivement des résidents qui ne sont pas électeurs, des résidents adultes qui ne sont pas électeurs qui demandent d'être servis.

La raison pour laquelle je soulève ça, c'est que vous illustrez bien que, dans le rôle du député, un des grands consommateurs d'énergie, je dirais, c'est la représentation des électeurs auprès du gouvernement plus que le vote. Le vote, c'est un aspect très important dans le rôle d'un député, c'est son rôle de législateur, mais c'est un rôle qui prend beaucoup moins de temps, qui consomme beaucoup moins d'énergie, évidemment, que le rôle de représentation. Alors, quand vous nous reflétez qu'il y a plus de population dans les comtés urbains et, donc, qu'il faut maintenir le nombre de représentants là, c'est un peu le même argument que celui qui est amené de la part des représentants des régions qui disent: Il y a peut-être moins d'électeurs, mais il y a plus de distances puis il y a plus de conséquences. Et ce qu'il faut finir par faire, c'est arrimer... que le vote de chaque citoyen compte versus ces problèmes de représentation là.

Alors, je ne sais pas si vous voyez un petit peu la difficulté qu'on a à réconcilier tout ça, là. Comment on le fait? Vous nous amenez peu de pistes, vous nous dites: 125, c'est assez, donnez-nous-en plus, enlevez-en aux autres. Dans le fond, c'est ce que ça veut dire. Et comment on fait ça, à votre avis?

Le Président (M. Drainville): Mme Barbe.

Mme Barbe (Manon): Je peux répondre?

M. Dutil (Beauce-Sud): Bien sûr.

Mme Barbe (Manon): Écoutez, on comprend que, dans les régions, il y a la distance, qu'à Montréal on a plus de gens à desservir, mais il existe certainement d'autres outils qui peuvent être mis à la disposition de la députation pour rendre les services. Est-ce que ça doit être absolument le député qui doit donner tous les services à sa population? Alors, on peut certainement penser qu'il peut y avoir un ombudsman, il peut y avoir des aides qui sont données à des bureaux de comté qui le nécessitent. Ce n'est pas la même... Je vous dirais que, même à Montréal, dans différents comtés, ce n'est pas la même réalité. Il y a peut-être des comtés où le nombre de voteurs représente plus le nombre réel de personnes sur le territoire à desservir que dans d'autres secteurs de la ville de Montréal. Alors, je pense qu'on peut arriver en soutien à l'élu sans nécessairement augmenter le nombre de députés.

M. Dutil (Beauce-Sud): O.K. L'autre point, l'autre remarque que je pense bien importante, effectivement Montréal a la responsabilité d'accueillir et d'intégrer les nouveaux arrivants, et c'est un rôle très important et probablement très difficile. Mais comment on pourrait vous soulager de ce fardeau-là? Moi, je viens d'une région, là. Nous, les régions, on serait contents d'accueillir et d'intégrer des nouveaux arrivants, mais ils ne viennent pas chez nous. Alors ça, c'est une autre question qu'on se pose. Les immigrants, malheureusement, ont décidé qu'ils se... alors que l'objectif de l'immigration et de la hausse de l'immigration était de combler le déficit démographique et de la perte de natalité. Quand les gouvernements passés, qu'ils soient d'un parti ou de l'autre, ont décidé d'une hausse considérable de l'immigration, ils l'avaient décidée en disant: On a une baisse de natalité, on va le compenser. Et, effectivement, ça compense, en moyenne, globalement, mais, en pratique, ça ne compense pas, les régions sont en déficit démographique parce que les immigrants ne vont pas en région.

**(11 h 30)**

Mme Barbe (Manon): M. le ministre, tout le respect que je vous dois, là, je pense que le débat n'est pas nécessairement... Je ne voulais pas qu'on interprète mon propos en disant que Montréal se plaint ou est inconfortable à recevoir les immigrants, ce n'est pas ça qui est le point du tout, mais je dis que, oui, il y a une situation par rapport... le rôle du député en région par rapport aux distances qu'il doit parcourir, ça, c'est une problématique. Par contre, à Montréal, le député a une population, des fois, 15 %, 20 % plus grande à desservir que le nombre de personnes qu'il représente... il représente plus de personnes que de gens qui sont aptes à aller voter. Alors donc, on ne peut pas, quand un citoyen appelle au bureau du député, du comté, dire: Écoutez, vous n'avez pas le droit de vote encore, vous me rappellerez dans trois ans. On doit quand même desservir ces citoyens-là, et ça, c'est des nombres très grands à Montréal.

Donc, nous, on veut bien tenir compte de la réalité des gens de région, mais il faut qu'aussi les gens de région tiennent en compte la réalité des gens sur l'île de Montréal qui a... C'est une réalité différente, mais c'est deux problématiques différentes. Alors, comment pouvoir venir en soutien à cette problématique-là, qui est différente dans les deux cas? Je pense que justement, par une aide, des outils extérieurs, sans augmenter la députation... mais un ombudsman régional ou des personnes qui peuvent aider au cabinet peuvent certainement donner l'apport pour répondre à ces besoins-là des citoyens. Ce n'est pas nécessaire que ce soit toujours le député lui-même qui donne le service de proximité à son citoyen.

M. Dutil (Beauce-Sud): ...M. le Président...

Le Président (M. Drainville): ...

M. Dutil (Beauce-Sud): ...je pense que j'ai été mal compris, là. Je ne vous en faisais pas reproche, je constate, comme vous, qu'il y a un travail à faire dans la région montréalaise. Il existe, ce travail-là, il faut que vous le fassiez, puis effectivement c'est un travail supplémentaire pour les députés. M. le député de...

Une voix: Laurier-Dorion.

M. Dutil (Beauce-Sud): ...Dorion nous l'a mentionné dans d'autres présentations avec raison, là. Alors, je ne nie pas ça, je fais tout simplement soulever le problème qui existe au Québec, où, malheureusement, les régions n'ont pas suffisamment d'immigration. Je n'ai pas de solution, je le dis. Que peut-on faire? Je ne le sais pas. C'est pour ça que je vous posais la question. Alors, ne voyez pas ça comme un reproche quelconque. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté de la partie gouvernementale? Monsieur... Ça va? Très bien. M. le leader... député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci. Merci, M. le Président. Alors, merci à vous trois, Mme Barde, Mme St-Denis, Mme Ripeau, c'est ça? Merci de votre présentation. C'est très clair, effectivement, limpide. Et là je ne veux pas reprendre, je vous dirais, l'immigration en région. Le débat, c'est un vaste débat, effectivement, et il y a des mesures... Des fois, on souhaiterait effectivement en avoir plus. Dans la région, il y a certaines initiatives qui valent la peine, des fois, qui donnent des résultats au niveau des réfugiés, de certains groupes particuliers, avec l'université, donc... Mais, effectivement, c'est un travail de tous les instants.

Mais, aujourd'hui, on parle de la carte électorale, qui est un sujet où j'entends souvent des intervenants... Parce que votre mémoire est très clair, je vous dirais. Je pourrais vous faire répéter ce que vous avez dit ou écrit dans le mémoire, mais c'est quand même assez clair... pas assez, c'est même très clair. Où il faut faire attention, quand on dit Montréal versus régions, je vous dis, ce n'est pas le cas, pour la raison très claire, tant dans le travail de député que dans l'effet du projet de loi... Parce que l'effet du projet de loi... a pour effet principalement d'amoindrir effectivement Montréal, mais aussi la plupart des régions du Québec, le poids de la plupart des régions. C'est assez étonnant, mais c'est comme ça. Le Saguenay--Lac-Saint-Jean, même l'Abitibi s'en trouvent amoindris, la Mauricie, l'Estrie, la Côte-Nord, Laval, Lanaudière, Montérégie. Ce n'est quand même pas rien, là.

Et, je vous dis, vous avez établi votre poids à un peu plus de 21 %. Dans les faits, si le projet de loi s'appliquerait aujourd'hui, il serait plutôt autour de 20 %, 20,4 %, pour tout dire. Donc, votre poids serait encore plus faible que ce que vous l'avez estimé parce que ce ne serait pas 128 comtés à la prochaine élection, mais 134. Et là j'ai l'air intelligent quand je dis ça, mais c'est le DGE qui l'a calculé, tout simplement. Alors donc, je voulais vous donner cette information-là. J'ai vu que vous n'avez pas eu de position au niveau du financement. Est-ce qu'il y a une position, par contre, de la CRE de Montréal par rapport à la commission d'enquête, par rapport à... Est-ce que vous avez réclamé la commission d'enquête, la CRE de Montréal?

Mme Barbe (Manon): La CRE a choisi de ne pas se pencher sur le financement.

M. Bédard: O.K. Mais est-ce que vous avez réclamé une commission d'enquête, la CRE de Montréal?

Des voix: Non.

M. Bédard: À votre connaissance, non?

Mme Barbe (Manon): Non.

M. Bédard: La ville de Montréal, par contre, à ma connaissance, oui.

Mme Barbe (Manon): En fait, le parti Union Montréal a fait, je pense, son mémoire, lui, particulièrement sur le financement et non pas sur le point 1 à 7.

M. Bédard: Au-delà de ça, plus globalement, ce que je comprends, c'est que la ville de Montréal a pris position en faveur d'une commission d'enquête dans le secteur de la construction officiellement?

Mme Barbe (Manon): Mon Dieu! écoutez... A pris position, vous parlez?

M. Bédard: Oui, la ville de Montréal. Par résolution, par exemple.

Mme Barbe (Manon): Par résolution de conseil, oui, effectivement.

M. Bédard: C'est ça. Tout simplement, je voulais... Vous souhaitez, effectivement, la scission du projet de loi.

Mme Barbe (Manon): On parle de la CRE de Montréal, là.

M. Bédard: La CRE de Montréal, mais vous n'êtes pas les seuls. La plupart, effectivement, souhaitent cette scission. Quand vous dites que la représentation... vous avez l'impression qu'en représentation les gens de Montréal vont être bafoués par le projet de loi... C'est ce que vous dites assez clairement, là, que le poids des électeurs de Montréal va être moins considéré à l'avenir si on laisse faire le projet de loi. C'est ce que je comprends bien?

Mme Barbe (Manon): Oui.

M. Bédard: À la CRE de Montréal, quand vous dites que c'est une position unanime, est-ce que les députés siègent à la CRE de Montréal?

Mme Barbe (Manon): Non, je dis que c'est une position quasi unanime. Quand on regarde dans la grande région de Montréal, ceux qui ont déposé des mémoires ici, on s'entend tous pour dire qu'on devrait scinder puis qu'on... on devrait scinder les deux dossiers, et puis c'est pas mal unanime aussi qu'on considère que Montréal va être perdant, effectivement, si le projet de loi est adopté tel quel.

M. Bédard: O.K. Et c'est une position aussi unanime de la CRE ou vous avez eu des discussions...

Mme Barbe (Manon): À la CRE? Oui.

M. Bédard: Unanime? Tous ceux qui étaient présents?

Mme Barbe (Manon): Bien, à la CRE, vous comprendrez qu'on a les représentants de tous les collèges qui siègent au comité exécutif de la CRE. Alors, ce n'est pas une question qui a été débattue en conseil d'administration, mais bien au comité exécutif de la CRE.

M. Bédard: O.K. Et ça a été à l'unanimité?

Mme Barbe (Manon): Oui.

M. Bédard: Vous aussi, vous constatez comme plusieurs que... vous ne croyez pas opportun d'augmenter le nombre de députés au Québec.

Mme Barbe (Manon): Ce n'est pas nécessaire.

M. Bédard: Pour des raisons, évidemment, liées à la représentation, mais plus globalement aussi... plus largement, plutôt. Pas globalement, plus largement.

Mme Ripeau (Danielle): Effectivement, on considérait que... Bon, pour nous, ce n'était pas l'essentiel du débat. Évidemment, la représentation effective est beaucoup plus importante, pour nous, que la nombre, mais pour des raisons de coûts, d'efficacité, peut-être, et aussi de comment gérer ça. Si on augmente, est-ce qu'on laisse le plafond ouvert, comme le projet de loi le propose, ou pas? Nous on dit: Demeurons à 125 -- c'est une mesure, là, qui s'inscrit dans la tendance actuelle de densifier la représentation quand on parle du rôle principal ou du rôle de législateur -- et trouvons d'autres solutions pour régler les problèmes. Parce qu'on ne nie pas qu'il y ait des problèmes et on reconnaît qu'il y a des problèmes pas juste chez nous. Quand on dit chez nous, parce qu'on a un mandat de représenter la région, mais on reconnaît qu'il y a des problèmes partout au Québec en termes de services à rendre et on se dit: Bien, trouvons une autre façon, ce qui ne sera pas nécessairement d'augmenter le nombre de députés, pour régler le problème.

Parce qu'on ne pense pas qu'à la limite augmenter le nombre de députés, c'est-à-dire faire changer le dénominateur dans un rapport de poids relatif des électeurs, d'où qu'ils viennent... Bien, faire varier le dénominateur, c'est faire bouger le poids relatif, et, à chaque fois qu'on va vouloir l'augmenter ou, à la limite, le réduire, on va se requestionner sur qu'est-ce qu'on est en train de faire, quels sont les impacts. Et on vous rejoint là-dessus, là, c'est loin d'être juste Montréal qui est touché par ça, c'est presque 14 régions, je dirais, si on les regarde... Il y en a un petit peu moins, là, mais 12 de façon importante et 14 de façon plus ou moins importante. Alors, c'est majeur comme changement dans notre système démocratique.

M. Bédard: Bien, tellement que, vous avez vu, l'effet du projet de loi, c'est qu'il n'y aura plus de limitation du nombre de députés ad vitam aeternam, là. Autrement dit, même le DGE nous dit: Arrêtez de dire que je vais fixer le nombre de circonscriptions, c'est faux. Ça va être purement mathématique, et le nombre va augmenter de façon automatique d'élection en élection, là.

Donc, ce qui fait que, si vous avez regardé un peu... Je regardais les projections, mais, dans les faits, c'est que le poids relatif de Montréal va continuer à diminuer parce qu'où ça s'ajoute, le monde actuellement... Donc, on gèle une situation comme elle est actuellement -- je vous dis l'effet du projet de loi -- et les régions, actuellement, qui croissent, elles, vont augmenter. Donc, c'est ce qui fait que le poids de Montréal va continuer à diminuer, même par rapport à son poids général, parce que quelques régions vont voir leur statut confirmé, donc leur poids proportionnel va augmenter. Celles qui augmentent énormément en termes de population vont voir le nombre de députés ajoutés, mais les autres vont voir leur poids proportionnel diminuer de façon encore plus importante, et c'est ce qui fait que, là, vous êtes à 24,4 % de la population, alors que vous auriez 20,4 % des nombres de députés. Bien, ça va continuer à diminuer. Est-ce que vous avez regardé les projections à long terme de l'application d'un tel projet de loi?

**(11 h 40)**

Mme Ripeau (Danielle): On n'a pas regardé à long terme les projections parce qu'on n'avait pas les données, évidemment. On a regardé les projections démographiques, cependant. Et, quand on plaide pour le poids relatif, en fait, ce qu'on plaide à Montréal, c'est une équité du poids relatif. On ne souhaite pas être plus importants que d'autres, on ne veut pas être moins importants non plus. Et, dans ce sens-là, on est très confortables -- et c'est ce qu'on était venus dire à la Commission de la représentation électorale en juin -- on est très confortables avec les propositions qui réaménagent, qui essaient de tenir compte des diversités partout où il y en a -- et il y en a dans tous les milieux, de la diversité -- mais pas avec un projet qui va nous amener vers quelque chose qui n'est plus contrôlé et où la perte, effectivement, de poids relatif s'installe autant à Montréal qu'ailleurs, comme vous l'avez souligné.

M. Bédard: Merci. C'est drôle parce que, des fois, il y a des réalités qui se recoupent, hein? Je vous disais: Il n'y a pas d'opposition régions versus Montréal. Je viens d'une région, le Saguenay--Lac-Saint-Jean -- pas plus région que ça -- du comté de Chicoutimi, par contre, qui, lui, est très urbain. Et la situation des immigrants, telle que vous la décrivez, qui ne sont pas citoyens, je la vis chez nous parce que j'ai l'université, alors ce qui fait que j'ai des gens d'Afrique qui viennent passer quelque temps chez nous ou qui sont en processus... qui cognent à mon bureau assez régulièrement, puis c'est des gens que je ne peux pas retourner. Parce que je ne leur demande pas leur carte de citoyenneté quand ils rentrent dans mon bureau. C'est des gens qui veulent avoir accès à des services, ou qui souhaitent effectivement, un jour, être citoyens, ou, du moins, qui ont des attentes par rapport au système actuel, et ils viennent voir leur député en général.

Et, d'ailleurs, c'est une bonne image qu'on leur donne de la démocratie, c'est en leur répondant. Si on les envoyait promener, je vous dirais que peut-être que ça aurait tendance à les conforter dans l'aspect négatif qu'ils ont de la démocratie à certains égards -- pas tous les pays, mais certains pays que je connais, là -- dans cet aspect-là malsain ou malheureux, là, des impacts de la démocratie. Donc, je comprends bien le point de vue que vous voulez illustrer.

Il reste quand même que la ruralité, ça a un impact, la distance. Quand je vois 10 personnes dans mon bureau jour après jour -- moi, c'est le cas chez nous -- je me trouve chanceux parce que, moi, je vis très peu dans la ruralité, du moins en termes de réalité de député. Dans ma réalité des fins de semaine, ça, c'est mon choix... C'est comme le vôtre, vous pouvez aller dans le nord de Montréal, aller faire ce que vous voulez. Mais, dans ma réalité concrète de député, les gens viennent à mon bureau, et c'est très centré. Je peux faire en vélo, à la limite, le tour de mon comté puis je suis un des rares qui peut dire ça.

Mais j'ai des collègues qui font de grandes distances, et ça a un impact, là. Faire une heure entre deux rendez-vous, là, tu sais, c'est quand même... Ça a un impact, être une heure dans son auto à attendre pour faire le tour de ses citoyens. Là, je vous dis une heure pour un endroit, mais faire le tour des municipalités, ça a un impact dans cette réalité-là, et il faut en tenir compte, et c'est pour ça qu'il y a la règle du plus ou moins 25 % aussi qui aide à amalgamer des comtés qui, en termes de population, sont plus étendus, qui forment une communauté naturelle, mais ils sont plus étendus.

Est-ce que vous avez regardé l'aspect plus juridique? Vous savez qu'il y a l'arrêt Carter, qui est souvent cité comme étant la décision de référence en matière de représentation. Est-ce que vous avez regardé cet aspect-là, juridique, quant aux impacts du projet de loi, quant à sa conformité à la jurisprudence de la Cour suprême?

Mme Ripeau (Danielle): Bien, effectivement, on a regardé l'arrêt Carter puis on l'a examiné de près. Au-delà de ça, on n'est pas allés sur une opinion juridique de ce que ferait ce projet de loi là. On émet une opinion dans le mémoire qui n'est pas juridique et qui dit: On pense, en gros, là, que ce projet-là ne respecte pas l'idée qu'on se fait d'une représentation paritaire, mais non égalitaire. Parce qu'il y a ça aussi à considérer dans le débat. Et pas nécessairement ici, là, mais, dans les journaux, on confond souvent, on prend l'expression «une personne, un vote». Alors, c'est faux. Ce n'est pas ça que la représentation effective dit, elle dit: Notre idéal, c'est un poids santé de 100 pour tout le monde, mais il va y avoir des exceptions. Mais il faut contrôler le régime du monde. Les exceptions vont se promener de 75 à 125, et ça, ça couvre largement les disparités qu'on peut observer. Qu'elles soient de milieu régional, rural, urbain ou autre, on estime, au Canada, hein -- c'est la position de toutes les provinces et du gouvernement fédéral aussi -- que plus ou moins 25 %, c'est correct et c'est équitable, dans l'arbitrage qui est celui de tous les jours et de tout le monde, de dire: Bon, il faut que je respecte la représentation paritaire, mais pas égalitaire, puis il faut que je tienne compte de la réalité que sont les distances et la disparité des citoyens.

Je dirais qu'on est dans un exercice où les deux sont l'envers d'une même pièce, et, nous, notre opinion qu'on vous émet ce matin, c'est que piper un côté de la pièce, ça rend la pièce au complet faussée. Donc, il faut sortir de cette dynamique-là et aller vers quelles sont les options pour répondre à ces besoins réels.

Et, si vous me permettez une parenthèse, qu'on observe souvent à Montréal, je vous l'indique, on nous oppose... on oppose souvent à Montréal -- et ce n'est pas nous qui le faisons, et on ne souhaite pas le faire -- le problème des distances des régions. Je veux juste rappeler qu'à Montréal les distances ne sont pas grandes, mais le temps de déplacement peut être aussi long.

M. Bédard: Ça dépend à quelle heure tu te promènes.

Mme Ripeau (Danielle): Ça dépend où et ça dépend quand. Et je vous signale ça parce qu'on a cette problématique-là dans un autre dossier que vous allez rencontrer bientôt, qui est le dossier du PEFSAD, le programme d'exonération financière pour les entreprises en aide domestique, où l'évaluation des temps de distance est extrêmement importante pour la personne qui se rend à domicile faire du ménage. Et on a fait l'évaluation à Montréal -- c'est pour ça que je vous signale la chose -- les temps sont aussi importants. Quand vous parliez tantôt que ça lui prend 1 h 15 min pour se rendre à votre bureau, bien, malheureusement, sur l'île de Montréal c'est vrai aussi. C'est vrai quand on n'est pas sur l'axe du métro, quand on est aux extrémités de l'île, à l'est ou à l'ouest, qu'on doit prendre l'autobus. Si, en plus, on n'est pas aux heures de pointe, bien le temps de déplacement, il est autour d'entre 45 et 55 minutes. Des fois, ça va plus vite en voiture quand on est à l'extérieur que sur l'île. Alors, il faut faire attention quand on parle des distances. Je pense qu'il faut aussi considérer l'aspect temps, qui n'est pas négligeable.

M. Bédard: Ça fait que...

Le Président (M. Drainville): M. le député de Chicoutimi, vous avez épuisé votre temps. Si vous avez d'autres interventions, je vais demander le consentement de la partie gouvernementale pour pouvoir poursuivre. Est-ce qu'il y a consentement pour que le député de Chicoutimi puisse continuer? Bien sûr. Allez-y, M. le député.

M. Bédard: Non, bien, c'est une belle discussion, effectivement. Puis le temps, oui, à Montréal, pour y aller assez régulièrement, effectivement, tout dépendant l'heure que tu te promènes, là, ça peut avoir un gros impact sur ton... On est toujours à une demi-heure de quelque chose à Montréal, d'ailleurs, là. Chez nous, des fois, on est à 10 minutes de quelqu'un, mais, à Montréal, tu es toujours à une demi-heure, là. Dès que tu mets le pied dehors pour te rendre ailleurs, ça prend à peu près une demi-heure, peu importe... À moins que ce soit à pied littéralement, là. Et c'est le cas. Mais, bon, c'est...

Pour faire sortir les aspects de la réalité qui ont tellement, je vous dirais, différents apanages comme... J'aurais tendance à vous dire... Puis là c'est peut-être gratuit, vous me direz peut-être, mais, en général, il a une connaissance beaucoup plus profonde du député, de la personnalité du député en région parce qu'il n'est pas lié strictement à sa présence médiatique, mais il est interpellé dans tout. Que ce soit son hôpital, son université, son cégep, son école, dans tous les aspects de la vie, il va être interpellé personnellement, et les gens vont le reconnaître sur la rue, au dépanneur. C'est quelqu'un, même s'il ne passe pas à la TV ici... ça va être quelqu'un de connu dans son milieu, très sollicité parce que justement connu, et qui en fait une personne de référence pour à peu près n'importe quoi, là, des soins de santé jusqu'à... bien, évidemment, de l'aide sociale, c'est plus normal, mais jusqu'à même... Tous les clubs m'ont refusé. Pouvez-vous m'aider, monsieur, là? Les soins de dernier recours, c'est vraiment nous.

Alors qu'à Montréal ça peut arriver, je vous dirais, mais c'est plus l'exception, là. Louise Harel essayait toujours de me convaincre du contraire, puis je vous dirais que, dans son cas, j'avais tendance à la croire, mais ce n'est pas l'apanage de tous les députés d'être face à cette réalité-là. Donc, il faut justement s'assurer, du moins, que les députés aient les moyens de réaliser ces mandats-là parce que les attentes sont très, très grandes.

Je regardais la possibilité, par exemple... Ou plutôt ça nous a été proposé par une région, la CRE de l'Abitibi, de tenir compte un peu plus de l'aspect territorial dans les critères sans ajouter, évidemment, le plus ou moins 25 %, sans ajouter d'autres critères additionnels. Mais ce que je vois, vous seriez plus fermés à cause du temps, vous, il y a l'aspect du temps qui est tout aussi important. Est-ce que la réalité territoriale pourrait être incluse sans vous indisposer, vous pensez?

Mme Ripeau (Danielle): Moi, je dirais que ça dépend de l'indicateur. Et, si l'indicateur est exclusivement la distance, oui, ça nous pose un problème parce que ça ne réfère pas à la diversité des réalités, ça réfère à une seule réalité, et on espère, de toutes les façons et à toutes les fois, que la loi prenne en compte l'ensemble des réalités. Dans ce sens-là, je reviens un peu sur un commentaire de tantôt, quand toutes les régions sont différentes -- elles ne sont pas pareilles, elles sont toutes différentes -- ce n'est pas possible, à ce moment-là, à notre avis, de bâtir une exception, d'extraire une exception d'un principe général à partir de la diversité si on reconnaît que toutes les régions sont différentes. Et c'est notre point de vue là-dessus.

M. Bédard: Merci beaucoup.

Le Président (M. Drainville): Merci, M. le député de Chicoutimi. Je vais maintenant vous remercier, mesdames, puisqu'il n'y a pas d'autre intervention. Mmes Barbe, St-Denis et Ripeau, merci de vous être présentées devant cette commission.

Nous allons reprendre nos travaux dans deux minutes, où je vais procéder à la lecture de la décision sur le dépôt du document.

(Suspension de la séance à 11 h 50)

 

(Reprise à 11 h 51)

Le Président (M. Drainville): Nous allons maintenant reprendre nos travaux.

Décision de la présidence concernant
le dépôt du document de la Commission
de la représentation électorale
intitulé La population bouge,
la carte électorale change

Je vais procéder, donc, à la lecture de ma décision concernant le dépôt du document intitulé La population bouge, la carte électorale change, document de la Commission de la représentation électorale du Québec. Alors, je fais la lecture de cette décision.

Le 9 mars 2010, la Commission des institutions a entendu le Directeur général des élections dans le cadre de la consultation générale portant sur le projet de loi n° 78, Loi modifiant la Loi électorale concernant la représentation électorale et les règles de financement des partis politiques et modifiant d'autres dispositions législatives. Au cours de cette audition, un député de l'opposition a demandé le dépôt d'un document émanant de la Commission de la représentation électorale. Selon les dires du DGE, il s'agirait d'un document de travail. Le président a alors demandé le consentement des membres de cette commission afin de permettre le dépôt dudit document. Le consentement a été refusé, de sorte qu'il n'est pas devenu public au sens des dispositions de notre règlement. Le consentement a été refusé, de sorte que le document n'est pas devenu public au sens des dispositions de notre règlement.

Aujourd'hui, le député de Lac-Saint-Jean demande à la présidence d'autoriser le dépôt de ce même document.

L'article 162 de notre règlement prévoit qu'un document ne peut être déposé en commission parlementaire qu'avec la permission de son président. C'est donc la prérogative du président d'accepter ou de refuser un dépôt.

En ce qui concerne la demande actuelle du député de Lac-Saint-Jean, même si elle concerne le même document que celui pour lequel une demande de dépôt a été formulée le 9 mars dernier, je considère qu'il s'agit d'une nouvelle demande et non pas d'un appel de la décision rendue par le vice-président de la commission. En effet, une semaine s'est écoulée depuis le 9 mars dernier. Le document dont il est question a été mis en circulation, et plusieurs parlementaires ont pu en prendre connaissance. Et, selon le député de Chicoutimi, certains médias en auraient même également fait état. Je considère donc que la situation a suffisamment évolué depuis une semaine pour que nous considérions cette demande comme une nouvelle demande de dépôt.

Je tiens à préciser que le document de travail dont il est question ici n'est pas un document qui doit être déposé en vertu des dispositions de la Loi électorale. En conséquence, il ne fait pas partie des documents dont la loi prescrit le dépôt à l'Assemblée. Par ailleurs, rien dans la nature de ce document ne peut empêcher son dépôt.

Pour toutes ces raisons, j'autorise le dépôt du document de travail de la Commission de la représentation électorale.

Nous allons maintenant suspendre nos travaux. Compte tenu de l'heure, je vais les suspendre jusqu'après les affaires courantes, vers 15 heures. Merci à tous et à toutes.

(Suspension de la séance à 11 h 53)

(Reprise à 15 h 21)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 78, Loi modifiant la Loi électorale concernant la représentation électorale et les règles de financement des partis politiques et modifiant d'autres dispositions législatives.

Donc, nous entendrons cet après-midi Projet Montréal, le Conseil du statut de la femme et M. Yvan Dutil. M. le ministre, c'est-u parent avec vous, ça, monsieur?

M. Dutil (Beauce-Sud): Aucune parenté, M. le Président...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Aucune parenté, donc...

M. Dutil (Beauce-Sud): ...aucun conflit d'intérêts, aucun... Je ne le connais pas, je vais avoir le plaisir de le rencontrer.

Auditions (suite)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bon, ça va tous nous mettre à l'aise, là. Et je veux donc saluer d'emblée les personnes qui sont présentes aujourd'hui. C'est le Conseil central du Montréal métropolitain. Donc, il y a M. Boucher, M. Bergeron et M. Norris. C'est bien ça?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, bonjour, messieurs, de... d'être présents à notre commission cet après-midi. Je vais donc vous répéter quelles sont les règles très rapidement. C'est 10 minutes de présentation, pour votre présentation -- je vais vous demander de vous présenter, bien sûr, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent -- et il y aura un échange de la part des parlementaires pour permettre à tout le monde de mieux comprendre vos propos.

Donc, dans cet esprit, permettez-moi de vous souhaiter encore la bienvenue au nom de l'ensemble de mes collègues et de vous demander de vous présenter avant de faire votre présentation. Bonjour, messieurs.

Projet Montréal

M. Bergeron (Richard): Bonjour. Merci de nous recevoir. Nous représentons le parti politique Projet Montréal, vous avez dit: Conférence régionale des élus. Vous aviez les bons noms, M. Bergeron, M. Boucher, M. Norris, mais c'est Projet Montréal. Alors, moi, je suis Richard Bergeron. Je suis le chef de Projet Montréal, le chef de la deuxième opposition au conseil municipal de Montréal. Je suis conseiller municipal du district Jeanne-Mance dans l'arrondissement Plateau-Mont-Royal. Je vais laisser mes collègues se présenter.

M. Boucher (Jacques): Mon nom est Jacques Boucher. J'ai été agent officiel de Projet Montréal. Voilà.

M. Norris (Alex): Et mon nom est Alex Norris. Je suis un ancien journaliste d'enquête rendu conseiller municipal pour le district du Mile End, dans l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal, avec Projet Montréal.

M. Bergeron (Richard): Alors, notre intervention portera sur la portion financement du projet de loi. Sans minimiser la très grande importance des autres aspects, nous avons tenu à nous concentrer sur ce sujet. Les scandales minent la confiance des citoyens et créent un climat de cynisme malsain.

Je vous parlerai de notre position sur la question du financement des partis politiques. Mon collègue Jacques Boucher vous expliquera brièvement les règles que Projet Montréal s'est données pendant la récente campagne 2009 et les résultats que nous avons obtenus. M. Norris va compléter notre présentation en décrivant les mesures que nous recommandons d'intégrer au projet de loi n° 78.

Je suis personnellement élu sur la scène municipale montréalaise depuis cinq ans, depuis l'élection de 2005. J'ai été un observateur assidu de la scène politique, particulièrement à Montréal. J'ai été en mesure d'observer toutes les méthodes qu'une administration publique peut utiliser pour favoriser certains entrepreneurs au détriment des autres et surtout des contribuables, par exemple la vente de terrains à des prix de faveur, les changements de zonage de complaisance, complaisance encore devant des cas évidents de collusion, et autres.

Le lien entre ces pratiques et les méthodes de financement des partis politiques est de notoriété publique, comme l'a décrit l'honorable John Gomery, qui est aussi signataire de notre rapport. Vous avez notre rapport en main depuis un mois. Pendant les campagnes électorales et les campagnes à la direction, les partis et leurs chefs contractent des dettes occultes qu'ils doivent ensuite rembourser aux frais des contribuables quand ils se retrouvent au pouvoir. Le projet de loi n° 78 semble avoir pour but d'éliminer ce genre de pratiques.

Je ne veux pas spéculer sur les intentions du gouvernement, mais je peux affirmer qu'il s'agit d'un leurre. Ce projet de loi contient une foule de mesures rassurantes, mais ces mesures n'ont aucune chance de mener à un assainissement durable des moeurs politiques. Pourquoi? Le projet de loi n° 78 maintient les plafonds des contributions individuelles à 1 000 $ pour les partis politiques municipaux et à 3 000 $ au palier provincial. Il ne prévoit pas d'abaisser le plafond des dépenses électorales permises, qui dépasse 2,3 millions de dollars par formation politique au palier municipal montréalais.

Ces plafonds sont trop élevés pour qu'on puisse parler de financement populaire. Ils incitent aux pratiques occultes, comme l'a démontré M. Gomery lors de ses travaux sur le scandale des commandites. Les plafonds élevés de dépenses et de contributions sont une invitation à accepter des dons intéressés, une invitation d'autant plus séduisante que les contribuables assument 50 % des dépenses électorales. Par exemple, un parti municipal montréalais qui accumule 750 000 $ en dons peut dépenser 1,5 million pour sa campagne électorale, puisque les citoyens paieront le deuxième 750 000 $. Le problème, c'est le fait qu'un parti soit autorisé à dépenser autant et que la tentation d'avoir recours aux prête-noms pour amasser les premiers 750 000 $ semble irrésistible, surtout qu'à 1 000 $ pièce il est relativement aisé de réunir des sommes substantielles.

Le projet de loi n° 78 ne prévoit aucune mesure pour abaisser ces plafonds. Force est donc de conclure qu'il n'élimine pas cette invitation à la corruption. Au lieu de régler le problème à la source en diminuant les plafonds de dépenses et de contributions, le projet de loi insiste sur le resserrement des normes et des pénalités. Les meilleures règles du monde et les sanctions les plus sévères ne servent à rien quand il n'est pas possible de les mettre en application. Or, l'expérience a démontré que les règles visant à empêcher les entreprises d'acheter les faveurs des partis politiques sont impossibles à mettre en application. Le DGEQ lui-même a indiqué qu'il ne ferait pas la police pour empêcher les entreprises de faire des dons intéressés.

Pour éliminer la pratique des prête-noms, dont les promoteurs immobiliers, les cabinets d'avocats et les firmes d'ingénieurs se servent pour soudoyer les partis politiques, il faut éliminer la tentation d'accepter ces dons. Il n'y a pas trente-six façons de le faire, il y en a deux, et aucune des deux ne se retrouve dans le projet de loi. Premièrement, il faut plafonner à des niveaux raisonnables les dépenses autorisées des partis politiques. Deuxièmement, il faut encourager le financement populaire de manière plus convaincante en abaissant les contributions individuelles permises, tout en les rendant entièrement admissibles au crédit d'impôt de 75 %. Si on obligeait les partis à combattre sur le terrain des idées plutôt que sur celui de l'argent, ils n'auraient plus de raison de se vendre au plus offrant. Faire de la politique autrement, c'est possible. M. Boucher vous expliquera maintenant comment.

**(15 h 30)**

M. Boucher (Jacques): J'ai été au centre de la vie politique de Montréal pendant trois mois, c'est-à-dire pendant la dernière campagne électorale, à titre d'agent officiel, et comme adjoint du juge Gomery, et comme également participant à l'équipe de Richard Bergeron, et je peux assurer que c'est possible de faire de la politique autrement.

Les campagnes électorales fastueuses, j'allais presque dire à l'américaine, sont néfastes pour l'intégrité des partis politiques, elles sont inappropriées -- les campagnes électorales devraient se gagner sur les idées et pas sur le nombre de dollars qu'on a pour obtenir les faveurs de l'électorat -- et elles sont inutiles, Projet Montréal en a fait la preuve.

Je vous donne tout de suite la ligne du bas. J'ai autorisé, j'ai signé des chèques de dépenses électorales pour 245 000 $. Et vous connaissez les résultats de l'élection, les autres partis, les deux autres partis, ont dépensé 1,4 et 1,5 million, infiniment plus. Et j'ai géré... et le parti a géré cinq règles qu'il s'était données dès le départ. D'une part, le principe que tous les dons de plus de 100 $ ont été publiés sur le site Internet le lendemain ou dans les 48 heures du moment où on a encaissé leurs chèques.

Deuxièmement, pour tous les dons de 250 $ à 1 000 $, personnellement j'ai pris le téléphone et j'ai communiqué avec chacun de ces donateurs, bien sûr pour les remercier, mais surtout pour leur rappeler qu'il n'y avait pas, à Projet Montréal, de retour d'ascenseur, il n'y a pas de retour d'ascenseur à Projet Montréal, quelles que soient les modalités. Et, à ce moment-là, on était aux mois de septembre et octobre.

Projet Montréal -- la troisième règle -- s'est donné comme balise de renoncer à toute activité dont le coût de participation dépasserait 100 $.

Et, même si la Loi électorale permet à un parti politique municipal de recueillir jusqu'à 20 % de ses revenus autonomes sous la forme de dons anonymes, Projet Montréal a refusé tout don anonyme, sauf ceux inférieurs à 25 $. Le party de hot-dogs et de bière, les gens mettaient quelque chose dans le chapeau.

Et surtout, même si la loi autorise à chaque parti à faire des dépenses totalisant plusieurs millions de dollars, dont les autres partis ne se sont pas gênés, Projet Montréal s'était donné comme objectif, comme plafond maximum 500 000 $, et nous croyons qu'il est possible de faire de la politique, à Montréal comme ailleurs en province, avec un plafond pareil. Nous n'avons pas de dette politique à la suite de cette campagne électorale. Un chiffre quand même relativement assez éloquent, les autres partis ont dépensé plus de 10 $, 10 $, 12 $ par vote obtenu. Projet Montréal a dépensé 2,30 $ pour chaque vote obtenu. Donc, il est possible de faire une campagne modeste et efficace et il est possible d'en sortir sans dette politique, avec une lutte sur le terrain des idées et pas de «je n'ai plus d'argent» et «je n'ai plus d'heures de télé», etc. Merci.

M. Bergeron (Richard): Je passe maintenant la parole à notre collègue Alexander Norris.

M. Norris (Alex): Alors, merci, Richard. Donc, on s'appuie sur cette expérience qui a été décrite par Me Boucher et sur l'analyse que notre chef, Richard Bergeron, vient de vous présenter pour proposer neuf mesures que nous croyons... qui devraient être incluses dans le projet de loi. Sans ces mesures, à notre avis, la nouvelle loi sur le financement des partis politiques n'aura aucun effet réel sur l'assainissement des moeurs financières des partis politiques du Québec et du monde municipal.

Les chiffres que nous proposons s'appliquent aux élections surtout municipales montréalaises, parce que c'est notre expérience en tant que parti, mais les principes sont valables partout, à tous les paliers gouvernementaux. Il faudrait simplement modifier les chiffres pour que les mêmes règles s'appliquent aux municipalités plus petites ainsi qu'au palier provincial. Nous insistons tout particulièrement sur les quatre premières mesures, qui sont vraiment incontournables si le législateur veut s'attaquer sérieusement au problème de corruption des partis politiques.

Tout d'abord, nous croyons qu'il faut plafonner à des niveaux beaucoup plus bas les dépenses électorales autorisées aux partis politiques, que ce soit au niveau provincial ou municipal. Nous ne croyons pas qu'il n'y a aucune raison pour laquelle un parti municipal montréalais devrait pouvoir dépenser plus que 500 000 $ pour une campagne électorale. Nous en avons dépensé moins de la moitié, nous avons eu plus que 25 % du vote. C'est entièrement faisable, nous en avons fait la preuve et nous mettons au défi les deux grands partis provinciaux ainsi que nos adversaires politiques aux deux autres partis à l'Hôtel de Ville de Montréal.

Nous croyons aussi qu'il faut plafonner au plus bas niveau possible les dépenses des partis entre les campagnes électorales, aussi qu'il faut plafonner à un niveau très bas les dépenses permises pour les campagnes à la chefferie des partis politiques. Pour le palier municipal montréalais, 25 000 $ pour une campagne à la chefferie d'un parti devrait être largement suffisant et devrait être la limite permissible sous la loi, d'après nous.

Tout ça, c'est dans l'esprit de réduire le rôle de l'argent dans les partis politiques. Les deux autres partis au niveau montréalais préconisent une hausse du financement public des partis politiques. Nous croyons qu'il faut faire le contraire, qu'il faut réduire le rôle de l'argent dans les partis politiques.

Il y a une proposition très importante qui est vraiment incontournable, d'après nous, c'est qu'il faut abaisser les contributions maximales permises par électeur et rendre ces contributions entièrement admissibles au crédit d'impôt de 75 %. Là, nous croyons qu'au niveau municipal que le don maximal permis aux électeurs devrait être de 300 $ et que tous ces 300 $ devraient être... bénéficier d'un retour d'impôt de 75 %. Actuellement...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Excusez-moi, M. Norris, c'est que le temps est écoulé. Mais, si j'ai le consentement des parlementaires... Allez-y, M. Norris.

M. Norris (Alex): D'accord. Alors, j'ai presque terminé. Alors, un détail dans le projet de loi, les ratios proposés dans le projet de loi sont beaucoup trop complexes. On parle de 85 % des premiers 35 $ de contribution qui seraient remboursables aux impôts et seulement... et 75 % des 140 $ suivants. C'est complexe. Comment est-ce qu'on explique aux électeurs qu'une contribution de 175 $ ou plus va leur procurer un crédit de 85 %, c'est-à-dire 29,75 $, pour les premiers 35 $, et de 105 $ sur les 140 $ suivants, soit 130,75 $? C'est beaucoup trop complexe, on a besoin de règles simples, qui peuvent être expliquées facilement aux électeurs.

Les cinq autres recommandations ont aussi une grande importance. Nous croyons qu'il faut limiter le coût de participation à toute activité de financement d'un parti politique à un plafond très bas, c'est-à-dire 100 $. Ça devrait être largement suffisant. Malheureusement, nos adversaires à l'Hôtel de Ville continuent à tenir des événements de levée de fonds à 1 000 $ la tête. Malheureusement, je crois que les deux partis provinciaux, les deux grands partis provinciaux, eux aussi, tiennent des activités allant jusqu'à 3 000 $ la tête pour les levées de fonds. Qui est-ce qui a un intérêt à donner autant à un parti politique? Sachant qu'une très petite partie, portion sera retournée aux impôts, ce sont des intérêts qui tentent d'acheter des faveurs des partis politiques.

On a vu ça au municipal en 2005. Un reportage d'enquête qui a paru dans la Gazette a démontré que 94 % des compagnies dont les directeurs ou les propriétaires avaient donné de l'argent au parti du maire Tremblay avaient, par la suite, raflé des contrats à l'Hôtel de Ville. C'est cette logique qu'on veut rompre, qu'on veut briser. Et on veut faire en sorte que les dons aux partis politiques soient des dons qui ont été donnés pour des raisons... à cause des principes et des valeurs, et non pas à cause des intérêts acquis qui sont défendus.

Alors, on devrait aussi exiger que les noms des donateurs soient rendus publics immédiatement sur le Web. Il n'y a aucune raison, ces jours-ci, de ne pas le faire, de ne pas l'exiger. Alors, le nom de tout donateur ayant fait une contribution de plus de 100 $, ça devrait être la loi, ça devrait être publié sur le site Web du parti au cours des 48 heures suivant la réception du don. On croit, d'ailleurs, qu'il faudrait que le Directeur général des élections du Québec établisse une base de données unifiée qui donne les noms et les montants des contributions de tous les donateurs à tous les paliers... à tous les partis fédéraux, provinciaux et municipaux au Québec sur, disons... dans un esprit de transparence, pour que les membres du public puissent aller voir qui est-ce qui a donné à qui, quels intérêts se rangent derrière quel parti.

Aussi, il faut intégrer, pour le palier municipal, la disposition concernant la responsabilité pénale des partis politiques qui est prévue, au niveau provincial, à l'article 566.1 du projet de loi qu'on examine maintenant mais qui n'est pas, pour une raison que j'ignore, proposée pour le palier municipal, là où, justement, on a vu de très graves scandales et des conflits d'intérêts, là où il y a un appétit de la part du public pour qu'on assainisse les moeurs politiques.

On veut aussi interdire les dons anonymes, mais permettre des dons en espèce de 25 $ ou moins.

Alors ça, c'est l'essentiel de nos propositions, et on accueillerait volontiers vos questions. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C'est moi qui vous remercie. Donc, M. le ministre, pour la période d'échange.

M. Dutil (Beauce-Sud): Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. Vous nous arrivez avec des chiffres très précis, là, je l'apprécie énormément. Est-ce que je peux vous demander la même chose au niveau provincial? Vous avez mentionné que 3 000 $, c'est trop, mais vous n'avez pas, comme dans la proposition au niveau municipal, mis 300 $. Qu'est-ce que vous pensez qui serait raisonnable et acceptable au niveau provincial?

**(15 h 40)**

M. Bergeron (Richard): Si on prend simplement des ratios, quand on parle d'abaisser la limite de dépenses autorisées pour une campagne électorale à 500 000 $ pour Montréal, présentement c'est 2,3 millions, donc c'est à peu près... on propose de le diviser par quatre ou par cinq. Quand on parle d'abaisser de 1 000 $ à 300 $ la contribution maximale autorisée d'un électeur à une formation politique, dans ce cas-là le ratio est de un à trois. Alors, on ne connaît pas les chiffres provinciaux, on ne connaît pas non plus les chiffres à Rivière-du-Loup ou à Saint-Coeur-de-Marie au Lac-Saint-Jean, mais c'est les ordres de grandeur.

L'esprit de ce qu'on propose, c'est de diminuer d'un facteur trois à cinq l'importance de l'argent en général dans le jeu politique au Québec, à quelque palier que ce soit. Ça, c'est l'esprit de notre proposition. Quant à l'adapter à chaque situation particulière, et tout particulièrement à la politique provinciale, ça, on n'a pas fait les calculs, là. Mais l'esprit, c'est un ratio d'un tiers à 1/5 environ, dépendamment de quoi on parle.

M. Dutil (Beauce-Sud): D'accord. Tout à l'heure, vous avez mentionné qu'il faudrait que ce soit admissible... le crédit d'impôt soit admissible à tous, là. Dans la loi, il n'est pas prévu que le crédit d'impôt soit remboursable, et l'effet de ça, c'est que tous ceux qui ne paient pas cette partie qui s'appelle impôt sur le revenu ne peuvent pas déduire de leurs revenus... donc n'ont pas accès au crédit d'impôt. Bien qu'ils paient des taxes, bien que, parfois, ce sont des gens qui étaient sur le marché du travail qui ont quitté le marché du travail, leurs revenus ayant baissé, ils n'ont plus accès à ça. Alors, il y a eu des discussions à savoir est-ce qu'on doit rendre ce crédit d'impôt là remboursable pour permettre à ce 43 % de la population qui n'a pas accès au crédit d'impôt de l'avoir. Qu'en pensez-vous?

M. Bergeron (Richard): A priori, on serait favorables, là. D'ailleurs, c'est toujours très difficile à expliquer. Parce que, nous, on n'a pas recueilli des gros montants. Vous aurez compris qu'avec les règles que vous a expliquées M. Boucher il y a certains réseaux qui ne se sont pas précipités pour nous donner de l'argent à Projet Montréal, là. Alors, on avait de simples citoyens, assez fréquemment avec de petits montants, et de devoir continuellement faire la distinction, non seulement expliquer la règle du 75 % sur les premiers 140 $ -- c'est la loi actuelle -- mais en plus de préciser que... Mais si vous payez de l'impôt. Si vous n'en payez pas, ça vous sort totalement de votre poche. Il y en a qui trouvaient ça injuste. Ceux qui ne paient pas d'impôt, ils disaient: Regarde, moi, je suis plus pauvre que l'autre qui en paie, je n'ai le droit à rien, lui a droit à quelque chose. Ça complique inutilement.

Dans l'esprit de ce que M. Norris disait, que les choses soient simples, que le... Si le plafond est abaissé et que le pourcentage est... un seul pourcentage qui joue pour l'ensemble du montant, on simplifie encore puis on rend le système beaucoup plus équitable en disant: Ce ne sera plus... Techniquement, ça s'appelle comment, là, présentement? Il faudrait qu'il soit en crédit...

M. Dutil (Beauce-Sud): Crédit d'impôt, il serait... S'il devient crédit d'impôt remboursable, le mot «remboursable» veut dire que, même si tu ne paies pas d'impôt sur...

M. Bergeron (Richard): Qu'il devienne remboursable, ça simplifierait beaucoup notre relation avec les petits donateurs, ceux que nous souhaitons voir s'impliquer plus dans la vie politique québécoise.

M. Dutil (Beauce-Sud): O.K. D'accord. Vous parlez de simplification comme un des arguments, mais l'autre argument, c'est une question d'équité. Vous n'éliminez pas la question de l'équité.

M. Bergeron (Richard): Oui, voilà, puis c'est plus équitable. Bien, je l'ai souligné en disant que celui qui n'est pas assez riche pour ne pas payer d'impôt débourse 100 % de la somme, puis celui qui est assez riche pour payer de l'impôt se voit rembourser 75 %. C'est profondément inéquitable. Ils nous le soulignent, d'ailleurs, les donateurs, là, ils sont vexés.

M. Dutil (Beauce-Sud): Absolument.

M. Bergeron (Richard): Ils sont vexés, là, quand ils constatent...

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui. Je dois avouer que j'ai fait du financement de parti politique il y a longtemps, quand j'étais en politique provinciale -- j'y ai été un bout de temps -- et je n'avais jamais remarqué que le crédit d'impôt n'était pas remboursable, et c'est quelqu'un qui me l'a fait remarquer, qui était vexé, oui, parce qu'elle se disait, cette personne-là, à juste titre: Pourquoi, moi, je ne l'ai pas? J'ai fait une vie correcte, là, j'ai juste moins de revenus parce que je suis plus âgée un petit peu, puis je devrais avoir droit à ce crédit d'impôt là. Alors, ça corrobore ce que j'ai senti dans ces petits événements là.

Le 3 000 $, donc, vous dites: Diviser par trois ou par cinq, entre les deux, 1 000...

M. Bergeron (Richard): C'est-à-dire on ne peut pas se prononcer là-dessus, là.

M. Norris (Alex): Moi, j'irais plus loin, je dirais que ça devrait être de 300 $ pour tous les paliers gouvernementaux. Si 300 $ est un montant significatif pour celui qui donne au municipal, pourquoi ce ne serait pas significatif pour celui qui donne ou celle qui donne au provincial ou au fédéral? Je pense que le principe reste pareil.

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui. Là, je vous le donne à titre d'information, là, 85 %, pourquoi il y a un 85 % qui apparaît, là, au provincial, c'est... pour 100 $, c'est beaucoup plus facile à compter que 85 % de 35 $. Ça, j'en conviens, il y aurait lieu probablement de mettre des chiffres ronds. Mais la raison est la suivante, c'est que c'est autant d'énergie collecter un petit don que de collecter un gros don. Et, si on veut éviter que la tendance des gens, ce soit d'aller vers les plus gros dons parce que, finalement, c'est plus facile, bien il faut donner un avantage à collecter de plus petits dons. Et l'avantage est le suivant. Aujourd'hui, c'est 75 %. Donc, 60 $, 75 %, ça coûte 15 $. Mais, à 85 %, c'est 100 $ qui coûte 15 $, au final, à la personne. Collecter 100 $, ce n'est pas plus difficile que de collecter le 60 $. Alors, la différence de 10 %, là, est très importante pour aller chercher des plus petits dons en plus grand nombre et motiver nos bénévoles, qui sont une ressource rare, à le faire, et donc être plus efficaces. C'est pour ça que je vous le sers comme argumentation.

M. Bergeron (Richard): À ce moment-là, je vous proposerais 85 % sur les 300 $. C'est...

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui, peut-être. Oui. O.K.

M. Bergeron (Richard): Ça demeure très simple et...

M. Norris (Alex): Et, si vous voulez vraiment réduire le nombre de dons majeurs, pourquoi ne pas abaisser le don maximal? Je pense que c'est un moyen beaucoup plus simple et compréhensible pour tout le monde que d'avoir deux seuils de référence au sein d'un montant permissible qui est beaucoup, beaucoup trop grand.

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui. Je comprends votre proposition, là. Là, si je ne vous pose pas de question, c'est parce que des choses sont bien claires, donc je ne veux pas revenir là-dessus. Je pense que ça répond à nos questions. Et, quant à moi, M. le Président, ça va, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va?

M. Dutil (Beauce-Sud): Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. le député de Huntingdon.

M. Billette: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue, messieurs, à cette commission parlementaire très importante aussi bien au niveau provincial qu'au niveau municipal, vous nous le rappelez toujours.

J'ai une petite question parce qu'il y a peu de gens qu'on a rencontrés suite aux différentes consultations qu'on tient depuis maintenant deux semaines qui ont parlé beaucoup sur les sanctions concernant les contrats publics, vous êtes un des premiers, je pense, à en parler. Vous nous proposez de prolonger la sanction à 10 ans dans des cas graves. J'aimerais vous entendre là-dessus parce qu'au niveau légal dire c'est quoi, un cas grave, c'est quoi, un cas moins grave, je vais dire, il y a une barrière qui est quand même difficile, là, à apposer à ce moment-ci. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, selon vous, votre expérience, savoir ce que vous entendez par un cas grave.

M. Bergeron (Richard): O.K. Puisque vous référez à notre expérience, je vais me permettre de vous rappeler la mienne sur le sujet. Tantôt, dans mon propos, j'ai dit qu'il y a plusieurs pratiques qui peuvent s'apparenter à de la corruption ou relativement auxquelles on peut avoir des présomptions de corruption. J'ai parlé de la vente des terrains municipaux, des choses comme ça, des transactions immobilières, les changements de zonage, où il y a plein de manières d'avantager quelqu'un. Alors, sur ce sujet-là, moi, j'ai dénoncé, ça a été mon... La première fois que j'ai pris la parole à Montréal, la vente d'un terrain, celui de la gare Viger, j'ai même écrit au premier ministre, M. Charest, pour lui demander une enquête, et c'est cette dénonciation, la publication et la publicisation de ce geste-là, qui, de fil en aiguille, a entraîné les révélations qu'on a sues ensuite sur la SHDM et ensuite sur les compteurs d'eau.

Par ailleurs, le 1er avril 2008, c'est moi qui me suis présenté à la Sûreté du Québec pour porter plainte pour complot contre deux entreprises. La théorie qui a été acceptée après 40 minutes de présentation au directeur des crimes économiques de la Sûreté du Québec, qui a été acceptée, donc pour laquelle il y a eu effectivement lancement d'une enquête, c'est qu'il y aurait eu complot visant à se partager des contrats, le contrat des compteurs d'eau et le contrat SHDM Contrecoeur, qu'on a vu... La perquisition, la semaine dernière, qui a été très publicisée, d'une entreprise de Frank Catania portait sur la vente de Contrecoeur.

Alors, j'ai été au coeur, là, de ce jeu de révélations graduelles qui, de fil en aiguille, a créé ce sentiment de corruption généralisée à Montréal l'an dernier, et là on doit se demander quelles doivent être les sanctions, outre que, s'il y a réellement eu des crimes de commis, il faut que les enquêtes policières aillent jusqu'au bout.

J'ai aussi été l'un des premiers à demander une enquête générale sur les liens entre les milieux d'argent et la vie politique, en l'occurrence municipale dans notre cas, mais on a vu que, depuis lors, ça s'est élargi. Alors, ce n'est pas juste une enquête sur les pratiques dans un secteur donné, celui de la construction par exemple, mais c'est l'ensemble des... certains milieux d'argent qui semblent un peu trop intimement imbriqués dans la vie politique. Alors, avant que l'on soit en mesure de dire que telle disposition légale, tel garde-fou légal, pour l'avenir, est plus approprié que tel autre, on en est encore à l'étape de comprendre ce qui s'est passé, ce qui se passe.

M. Billette: Mais, M. Bergeron, j'aimerais peut-être, M. le Président, peut-être juste intervenir pour dire, à ce moment-là: On parle d'intention aussi. Vous parlez beaucoup de montants dans la gravité des gestes, à ce moment-là. Vous avez parlé des terrains, je pense, qui représentent des sommes de plusieurs millions de dollars ou on peut parler d'un petit bout d'asphalte de 10 pieds devant un commerce, l'intention est la même, quand même, mais c'est à savoir, à ce moment-là, qu'est-ce qui va définir un cas grave ou un cas pas grave. L'intention est là. D'une manière ou de l'autre, il y a une intention, et c'est de la définir.

M. Bergeron (Richard): On a un ancien doyen de la Faculté de droit de l'Université de Montréal avec nous, là...

M. Billette: Ah! parfait.

M. Bergeron (Richard): ...il devrait être en mesure de répondre.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y, M. Boucher.

**(15 h 50)**

M. Boucher (Jacques): Ce n'est pas en tant que doyen que je vais répondre. J'ai servi comme expert dans une des questions qui avaient été posées par le conseil municipal à la suite de la création du code d'éthique, et une des questions était précisément ce que vous dites: Jusqu'où devons-nous aller dans les sanctions contre les entreprises qui ont fauté pas au plan criminel -- au plan criminel, c'est une autre question -- mais juste contrairement à une règle d'éthique, conflit d'intérêts, etc.? Et mon opinion, avec mon collègue Pierre Bernier, a été la suivante. Et rappelez-vous qu'au mois de septembre, octobre ou novembre nous étions submergés. On l'oublie maintenant, la vague est en train... le tsunami est en train de se calmer, mais nous étions au coeur d'une véritable tempête, pas juste éthique et criminelle, et nous avions deux recommandations, une qu'effectivement que le message soit le plus clair possible, qu'il n'y a pas de demi-mesure quant à ça, vous faites affaire avec la ville ou avec la... -- nous, dans notre cas, c'était la ville de Montréal -- et vous avez compromis l'honnêteté, le processus... on vous a fait confiance, et vous... Et c'est là qu'on a proposé de porter de cinq ans à 10 ans le... sans entrer dans la question de la gravité.

On a ajouté également un autre élément. L'autre élément était qu'on se rend compte, en lisant les journaux, en écoutant, en suivant les débats judiciaires, etc., que, derrière les voiles corporatifs, il y a très souvent les mêmes personnes. La compagnie ABC, le lendemain d'une faillite, se retrouve, etc., comme par hasard...

Une voix: ...

M. Boucher (Jacques): Comme par hasard, c'est les mêmes personnes qu'on va retrouver dans la compagne CDE, etc. Et ce qu'on proposait, nous, c'était d'aller au-delà du voile corporatif et de se rendre jusque-là pour... et qu'il y ait un message très clair: Il faut que ça arrête, ça n'a pas de bon sens. Et une des choses, bien sûr, c'est d'être moins dépendant par rapport à la recherche d'argent. Mais l'autre, également qu'à l'autre bout, quand ceux qui, malgré tout ça, ont commis des impairs ou des fautes éthiques ou criminelles... qu'il n'y ait pas de pitié. Je pense qu'il n'y a pas d'autre mot, ça doit arrêter.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va, M. le député?

M. Billette: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Autre intervention? M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, merci à vous trois pour cette présentation aussi très claire. Puis félicitations, effectivement, à M. Bergeron pour votre campagne électorale. On a l'impression que ça fait très longtemps, mais c'est très, très récent.

Alors, je vois dans votre mémoire que vous abordez, effectivement, principalement la question du financement, et nous allons l'aborder ensemble, effectivement. Mais ce que je comprends aussi, c'est que vous auriez souhaité, effectivement, qu'on discute des sujets séparément, comme la plupart des groupes qui sont venus nous voir ici.

M. Bergeron (Richard): Effectivement.

M. Bédard: Merci. Je vois aussi que vous avez... Évidemment, vous êtes allé à la police clairement dénoncer un système, là, qui a fait ressortir bien des choses depuis ce temps-là, soit le contrat des compteurs d'eau, là. Quand on est rendu à donner des contrats de cette nature-là, de cette importance-là à peu près sans balises, c'est qu'il y avait une problématique réelle qui s'est d'ailleurs complexifiée depuis ce temps-là en termes de dénonciation, de... je vous dirais, de dénonciation dans les médias, dans les... Enquête en fait encore régulièrement à Radio-Canada, mais d'autres médias soulèvent ces cas-là. Tout ça pour vous dire que... Est-ce que vous pensez qu'il est encore pertinent de mener une commission d'enquête plus large sur la construction, mais plus large aussi sur les appels d'offres en général?

M. Bergeron (Richard): Oui. Je réitère notre demande, et tout en rappelant même que c'est nous qui avons été les premiers à le demander, là, en référence à ce dossier bien précis qui est celui de la gare Viger, d'abord. Ensuite, on a été les premiers à demander au premier ministre -- j'ai la lettre, c'est dûment gardé en archives -- demander une enquête publique sur les transactions foncières et immobilières générales de la ville de Montréal et, ensuite, à lancer et embarquer par le fait même, là, dans le mouvement demandant une enquête plus large sur les réseaux d'argent et la vie politique municipale. Ensuite, on a appris que ce serait pertinent que ça s'étende aussi à l'échelle de la vie politique provinciale.

Tout le monde le demande, là, tout le monde, depuis des mois, encore ces jours-ci. Tantôt, mon collègue Jacques Boucher disait que ça se calme de ce temps-ci. Ça s'est calmé à Montréal, mais ça semble s'être activé ailleurs. Une journée, c'est sur la Côte-Nord. Le lendemain, ce sera... On ne sait pas où ce sera demain. Je pense que c'est vraiment pertinent qu'on comprenne bien. Puis c'est pour ça aussi que, plutôt que de répondre directement à la question que vous posiez tantôt, j'ai fait ce long préambule, on en est encore à l'étape où on aimerait bien comprendre comment tout ce système a fonctionné et comment il a perverti la vie politique.

Ceci dit, je dois quand même vous amener une information, là, c'est qu'il y a des mécanismes de contrôle qui ont été institués à la ville de Montréal. Et je suis membre du comité exécutif, comme peut-être vous le savez, là, c'est à l'invitation du maire Tremblay, là. Il a invité un représentant de chacun des deux partis d'opposition, et on constate... J'ai demandé, la semaine dernière, au dernier comité exécutif, que nous produisions une analyse statistique des contrats qui sera présentée dans un mois au conseil municipal, tout indique que les mécanismes internes de contrôle produisent leurs effets. C'est-à-dire il y a plusieurs manières... il y a des indicateurs clés, là. Quand vous avez toujours les mêmes trois soumissionnaires, deux très chers et un pas cher, le contrat suivant, c'est encore les trois mêmes, mais celui qui est en bas est rendu en haut, puis un autre qui a descendu, ça ressemble à un partage de contrats. Là, ce qu'on constate, c'est qu'on n'a jamais moins de huit soumissionnaires, parfois on en a jusqu'à 15. L'écart entre le premier et le dernier, c'est 10 %, max. Donc, l'écart par rapport à la moyenne est insignifiant. Il y a plein d'indicateurs comme ça, et surtout le prix des contrats est, en moyenne, 35 % inférieur à ce qu'il était l'an passé, les prix ont baissé de 35 %.

M. Bédard: 35 %.

M. Bergeron (Richard): Oui. Mais ça peut être un effet de crise, attention, il faut distinguer. Parce que les contracteurs ont faim par les temps qui courent. Alors, peut-être que ça, ça pèse 15 %, 20 %. Alors, il faut... Mais, en moyenne, tu sais, tous les contrats qu'on accorde à la ville de Montréal sont 35 % moins chers. On parle du même type de contrats, là, des contrats de travaux publics, des réfections de toitures, des travaux de rues, c'est, en moyenne, 35 % moins cher.

M. Bédard: Et je ne vous ferai pas dire ce que vous n'avez pas dit, mais 35 %, c'est à peu près ce qui a été estimé, effectivement, dans les coûts que coûte la collusion au Québec. Je vous dis ça, et ce n'est pas moi qui le dis, là, c'est des études statistiques à ce niveau-là. Et ce n'est pas l'hiver, là, qu'on parle, là, c'est bien les coûts de la collusion.

M. Bergeron (Richard): En tout cas, si la voie que j'évoque finit par être prouvée, démontrée, ce serait une excellente nouvelle. Et pas seulement pour Montréal, là, parce que, si on est capables de faire ça à Montréal en resserrant nos processus d'analyse et d'attribution des contrats, c'est que c'est possible partout, là.

M. Bédard: Merci.

M. Norris (Alex): Mais cela ne... Si je peux ajouter, cela ne veut pas dire qu'on n'a pas besoin d'une enquête publique sur les liens entre le milieu politique et le milieu des affaires. C'est urgent, et on comprend mal la résistance du gouvernement actuel par rapport à... Je pense qu'on peut expliquer leur déclin dans les sondages par ce refus. Et c'est sûr que notre formation va continuer à insister que c'est urgent qu'on tienne immédiatement une enquête publique sur les liens entre le monde des affaires et le monde de la politique municipale et provinciale, c'est très urgent. Et ceux qui tentent de jouer les fédéralistes contre les souverainistes sur cette question se trompent, c'est une question qui unit la très grande majorité de la société québécoise, et la résistance du gouvernement Charest à cette revendication va lui coûter très cher sur le plan politique si ça continue.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. M. Boucher avait... Juste un instant.

M. Boucher (Jacques): Si vous permettez, un tout petit supplément d'information. Je faisais allusion à ce rapport d'experts, Bernier-Boucher. Nous avions à cet égard, par rapport à votre question, deux recommandations. Une, qu'il fallait, de toute urgence, une enquête, qu'on nettoie cette question-là, qu'on aille au fond des choses. Ça corrompt, ça démobilise, ça cynicise, je m'excuse, toute la population, et il faut clarifier ça. La deuxième chose, c'est qu'on demandait, on recommandait... Et là je m'adresse ici à Québec, apparemment il n'y avait que Québec qui pouvait nommer un commissaire à l'éthique avec pouvoir de faire enquête et d'imposer des sanctions. Montréal s'est donné tout récemment un conseiller à l'éthique. Un conseiller conseille, mais le commissaire a des fonctions beaucoup plus importantes, et ça va dans le même sens de ce qu'on disait tout à l'heure.

M. Bédard: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...Rousseau... M. le député de Chicoutimi, allez-y.

**(16 heures)**

M. Bédard: Sur le commissaire à l'éthique, effectivement, le dossier traîne actuellement. Là, je ne suis pas au courant de ce qui a été offert au niveau municipal, mais j'ai vu qu'il y avait une réaction assez, je vous dirais, assez sensible et normale de dire: On ne peut pas créer deux paliers d'éthique, il y en a un seul, là. C'est ce que j'ai compris en tenant compte de la réalité, je vous dirais, des petites municipalités, là, en termes de lourdeur, mais pas en termes de règles. Donc, je ne peux pas vous informer, je n'en sais pas plus que vous. Et c'est moi le porte-parole des deux projets de loi, donc je suis l'actualité comme vous.

Sur les autres sujets, vous savez qu'on a des propositions. Par exemple, je vois que vous êtes en faveur d'une grande transparence, et je pense que c'est tout à votre honneur, effectivement. Vous avez d'ailleurs pratiqué l'exemplarité à ce niveau-là pendant votre campagne. On propose d'ailleurs d'avoir des... Et ce n'est pas une proposition qu'on fait, mais le DGE la fait aussi... le souhaite, celui d'avoir accès à plus d'information au niveau du ministère du Revenu pour faire les recoupages que vous me parliez, ceux, par exemple, qui auraient la tentation d'utiliser des prête-noms, par le biais des prête-noms ou des gens qu'ils connaissent des compagnies, donc de faire les liens entre les noms et ceux qui donnent ultimement, donc que le DGE ne fasse pas ce qu'il fait actuellement, agir lorsque quelque chose est révélé, mais qu'il puisse faire des vérifications lorsqu'il constate... Ou il peut vérifier de temps à autre, effectivement, ces recoupements-là, et ça, c'est par le biais d'avoir accès à plus d'information du ministère du Revenu. Est-ce que vous êtes en faveur d'une telle demande?

M. Bergeron (Richard): En fait, la recommandation n° 7 ou 8 que nous faisons, à savoir qu'il y ait une base de données qui soit constituée par le DGEQ de tous les dons... Le DGEQ reçoit... Tous les donateurs de 100 $ et plus sont identifiés nommément, c'est obligatoire, dans les rapports annuels des partis politiques. Alors, il lui serait très facile de publier, de rendre accessible une base de données complète de tous les donateurs à toutes les formations politiques au Québec sur... et ça courrait toujours sur 10 ans.

Cette visibilité de l'information, de la même manière que, nous, quand on a annoncé qu'on allait mettre sur Internet les dons de 100 $ et plus puis on allait téléphoner à ceux qui avaient donné 250 $ et plus, cela suffit à faire cesser certaines pratiques. La journée où cette base de données serait sur le site du DGEQ, qu'elle sera accessible par tout le monde, que les journalistes pourraient commencer à faire les recoupements qui voudraient que... Un simple citoyen, pour s'amuser, voulant savoir comment ça se passe chez lui, se mettrait à aller voir: Ah oui! je connais... Ah! c'est la soeur de... Juste ça, là, juste que la base de données soit là, qu'elle existe, ça dissuaderait énormément, et on ferait l'économie, à ce moment-là, d'enquêtes à caractère quasi policier, là, ou...

M. Bédard: Parce que ça revient à mon autre question, c'était l'autre, effectivement... Vous avez pratiqué le 100 $ et plus. Donc, la publicité... On en fait la promotion aussi, on pense que la transparence est importante, bien qu'elle ne remplace pas les règles d'éthique. C'est deux choses bien différentes. Tu as beau être transparent, si ce n'est pas éthique, ça ne donne rien. On l'a vu d'ailleurs dans des cas -- et sans vouloir les nommer, là -- assez récents.

Donc, vous, ça ne vous a pas empêchés de récolter de l'argent. Parce que certains partis nous ont dit: Écoutez, nous, il ne faut pas abaisser ce montant-là de divulgation publique parce qu'il y a des gens qui ne donneront pas. Je vous dirais que c'est une logique qui me crée un certain inconfort, là, mais, le 100 $ et plus, vous seriez d'accord avec ça, même au niveau national, au niveau du Québec, vous n'auriez pas de problème avec ça?

M. Bergeron (Richard): Vous savez, objectivement, la plus belle surprise... Il faut dire qu'on était cautionnés par John Gomery, qui présidait notre campagne de financement. C'est quand même un homme d'une très grande envergure, très grande notoriété et en lequel la population a confiance. Mais ça a très bien marché, notre campagne de financement, là. On en recevait, des enveloppes, 35, 40 par jour, plus les paiements par Internet, et souvent on avait des montants de 249 $. Parce qu'on avait dit qu'à 250 $ on appelait les gens, alors on a reçu beaucoup de chèques à 249 $. On a reçu beaucoup de chèques à 99 $ parce qu'ils savaient qu'à 100 $ leurs noms apparaîtraient sur le... Alors, il y a eu de ces petits jeux là. Mais de faire confiance à la population et de dire: C'est par vous qu'on va être élus, et, ce faisant, quand nous arriverons au pouvoir, nous ne devrons rien à personne, ça a été compris, ce message-là, et ça a marché. Alors, on est allés chercher en financement populaire, sur les 245 000 $ qu'on a dépensés, peut-être 170 000 $, 180 000 $, mais en très peu de temps, là. On n'avait pas un sou, nous, au début de la campagne puis on a fait une campagne, à nos yeux à nous, confortable avec 245 000 $, on était satisfaits. On aurait eu 100 000 $, on l'aurait dépensé, là. D'ailleurs, c'est ça, le problème, tu aurais 500 000 $ de plus, tu le dépenserais, tu aurais 1 million, tu le dépenserais. Alors, aussi bien, d'entrée de jeu, dire: J'accepte d'en avoir moins puis de fonctionner avec.

M. Bédard: Bien, le problème, c'est ça. Et on fait la proposition, effectivement, nous, de baisser le plafond à 500 $, vous le savez. Québec solidaire le fait aussi, donc souhaite de baisser le montant à peu près pour la raison que vous expliquez. Il y a une raison philosophique qui est celle que la promotion des idées ne dépend pas de la richesse de ceux qui les appuient. Et là je vous résume ça en une phrase, là, on pourrait la pousser plus loin, là, mais... Et je pourrais l'illustrer par des chiffres. Mais la deuxième, c'est aussi que, si on veut briser le système de récompense ou d'impression de récompense, il faut arriver avec des mesures qui ramènent vers le bas, donc qui diminuent les plafonds, de façon à éviter aussi que les partis politiques se retrouvent avec des sommes qui dépassent l'idée de la promotion des idées, là. Puis là je n'en fais pas.. je n'en veux pas au Parti libéral, mais, quand tu as 10 millions par année, il vient un moment, là, tu n'es plus dans la promotion d'idées, là. Il faut que tu le dépenses, tu achètes des immeubles, il y a d'autres fonctions, et c'est normal, là, la bête se nourrit. On a avantage, je pense, à diminuer ces... Et là je vous fais plus une affirmation qu'une question, mais est-ce que vous seriez en faveur de ramener à 500 $, carrément?

M. Bergeron (Richard): Oui. Oui, tout à fait. Bien, c'était dans l'esprit du divisable. Tantôt, mon collègue Norris a dit plutôt 300 $ pour tout le monde, là, mais, dans l'esprit du propos que j'avais tenu, si c'est 300 $ au niveau municipal, 500 $ au niveau provincial, c'est les bons ordres de grandeur. Mais, à 200 $ près, on ne se chicanera pas, mon collègue Norris et moi, là.

C'est important, ce que vous avez dit, par ailleurs, sur l'argent de manière plus... Il n'y a pas juste l'argent durant les élections, il y a l'argent dont bénéficient les partis politiques entre les élections. Nous, bien entendu, on surveille nos concurrents. Donc, à chaque année, on va chercher le rapport annuel d'Union Montréal puis de Vision Montréal à Montréal, puis on regarde, puis les cheveux nous lèvent sur la tête quand on voit les chiffres, puis on voit une formation politique avoir 900 000 $ d'excédent, avoir 3,5 millions comme budget annuel, 900 000 $ d'excédent à la fin de l'année, l'année suivante, 600 000 $ d'excédent. Ils sont arrivés en élection, ils ont commencé, le 1er janvier 2009, avec 1,5 million en caisse puis, en plus, ils avaient dépensé des millions. Puis tu as l'autre formation politique qui a un déficit de 400 000 $, un déficit de 300 000 $, ils commencent la campagne avec 700 000 $ de déficit accumulé, puis on sait que ça a mal été, leur financement, probablement 300 000 $, 400 000 $ encore, donc ils sont 1 million dans le trou. Tu en as un qui nage dans les millions, l'autre qui est 1 million, probablement, là... Mais ça n'a pas de bon sens, c'est... Et, nous, on regarde ça puis on ne comprend pas, on dit: Qu'est-ce qu'ils font de tout cet argent? Qu'est-ce qu'ils font de tout cet argent? On a...

M. Bédard: Bien, on a des exemples.

M. Bergeron (Richard): On a une vie, on a une vie politique comme... D'ailleurs, je crois qu'on est la seule formation politique qui a une vraie vie de parti politique à Montréal.

M. Bédard: Bien, moi, je pense que c'est inquiétant. D'ailleurs, c'est une pratique qui relève plus... Les partis ont trop d'argent. On a vu beaucoup ça au fédéral, tu sais, des partis qui avaient, au pouvoir, tellement d'argent qu'ils faisaient à peu près n'importe quoi, là, en termes de... Moi, il y a des pratiques, au fédéral, qui se sont instaurées de... qui est légal, là, on paie des dépenses, on paie des ci, on paie des ça, on ajoute aux revenus. C'est une pratique qui vient de ces partis-là puis qui n'est pas, je vous dirais... Et là ce n'est pas une lutte fédéraliste-souverainiste, ce n'est pas ça, c'est qu'il y a un historique qui est bien différent, alors qu'ici l'historique, en général, ce n'est pas ça, tu sais. Les partis, c'est la promotion d'idées, et on doit... Parce que ces partis-là ont été des vecteurs de grandes réformes, là, le Parti libéral comme le Parti québécois, à certaines époques, mais là j'aurais tendance à penser qu'il y a comme une dérive de pratiques qui viennent du fédéral.

M. Bergeron (Richard): Mais, avant de passer la parole à mon collègue Boucher, je pense que, nous, à Projet Montréal, notre expérience depuis cinq ans, et plus particulièrement dans la dernière élection, on a démontré qu'il y a moyen de faire de la politique comme la population rêve que ce soit, là, avec une sorte de naïveté dans l'air, une sorte de désintéressement, un engagement personnel, on a démontré que ça pouvait marcher. On a quand même 14 élus maintenant, Projet Montréal, sur un conseil municipal de 105 au total. On n'a pas dépensé beaucoup d'argent, on a bien dépensé, et c'est possible de faire de la politique comme la population voudrait qu'on en fasse. Jacques Boucher.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Merci, M. Bergeron, de m'assister dans ma présidence. M. Boucher, s'il vous plaît, allez-y.

M. Boucher (Jacques): Une toute petite remarque. Une chose, moi, qui m'a beaucoup étonné lors de la dernière campagne, c'est que... Ma première réaction, c'est de dire: C'est bien joli d'essayer de couper au maximum les sources de revenus puis de se blinder contre les risques de corruption, mais, un de ces jours, il va bien falloir avoir besoin d'argent, il va falloir aller à la télé, les journaux, la publicité, etc. Il existe actuellement -- et c'est en train de se développer sous nos yeux, puis ça commence -- des moyens via Internet, etc., qui multiplient et qui donnent autrement... Si vous aviez une idée... ou si vous avez une idée, il y a cinq ans, il n'y a pas d'autre façon que de convaincre un journaliste ou de payer. Ça n'est plus le cas, ce n'est plus le cas.

**(16 h 10)**

M. Bédard: Où je veux en venir aussi... Parce que vous avez une belle proposition d'abaisser les plafonds, les plafonds de dépenses, ce qui est bien, moi, je pense, des partis politiques. Par contre, ça amène le questionnement suivant. Et là, par contre, vous êtes logiques aussi parce que vous dites: On va baisser les plafonds, mais aussi on va baisser les plafonds de l'argent qu'on reçoit pour ne pas créer... finalement, que le monde ait de l'argent à Dieu savoir pourquoi. En bout de ligne, on va payer du monde à... En tout cas, là, il y a bien de l'imagination, on peut la laisser aller, là.

Mais l'impact, je vous dis, au niveau municipal, est peut-être encore plus important. Si vous baissez autant que ça les plafonds de dépenses en campagne électorale... Je comprends que vous avez eu une belle campagne, et je le reconnais, celle-ci, il y avait des enjeux clairs, mais à terme... Déjà, un maire, en général... et là je ne parle pas seulement le cas de Montréal, mais est avantagé dans une campagne électorale parce qu'il a cette faculté d'annoncer bien des choses avant. Il a donc...

Une voix: ...

M. Bédard: Effectivement, il y a des dates fixes, donc il y a comme un agenda clair où il peut déjà se lancer en campagne, profiter d'une surexposition par rapport aux autres. Ce qui n'a peut-être pas nécessairement été le cas ou, du moins, qui a été plus négative à Montréal, mais, en général, ce n'est pas le cas, on s'entend, là. Donc, comment briser... comment permettre, finalement, à un outsider, à quelqu'un qui arrive puis qui a des bonnes intentions, mais qui ne bénéficie pas de votre notoriété, dû aux circonstances, là, d'être capable d'être visible, finalement, si on abaisse autant les plafonds de dépenses?

M. Bergeron (Richard): Vous savez, ça a peu de lien avec les plafonds de dépenses. Le chemin de Damas, là, pour arriver à se faire connaître, je l'ai personnellement parcouru, là. Je suis parti de zéro, là, en 2004-2005, comme tous les autres candidats de Projet Montréal, et j'ai été le premier étonné d'avoir été élu, là, malgré... Mais c'était sur Le Plateau, c'est un peu spécial, là. Ceux qui connaissaient mon...

M. Bédard: Bon, pas tant que ça, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Norris, vous vouliez ajouter...

M. Norris (Alex): Oui, mais je laisse M. Bergeron terminer sa pensée avant de...

M. Bergeron (Richard): Non, ça va. J'ai perdu le fil, là. Franchement, j'ai perdu le fil.

M. Norris (Alex): Moi, je dirais que ce n'est surtout pas... Si on ne veut pas bloquer la voie aux voix marginales, aux voix minoritaires, ce n'est pas, surtout pas en institutionnalisant les partis dominants, en augmentant le montant des subventions par vote reçu qu'on va faire ça. C'est une des raisons pour lesquelles on est contre toute augmentation des subventions par votes aux partis politiques. On croit que, si on veut démocratiser la vie politique et rendre plus saines les moeurs politiques au Québec, il faut réduire les plafonds des dons permissibles, et aussi pour empêcher aux compagnies de blanchir les dons par des intermédiaires, comme ce qui se fait maintenant... les deux partis, je pense, qui reçoivent... Il y a même trois ministres qui se sont trompés tellement la pratique semble commune, semble répandue. Alors, nous pensons que c'est vraiment essentiel de réduire le don maximal permissible aux partis politiques.

M. Bergeron (Richard): Si vous me permettez, j'ai retrouvé mon fil. C'est possible d'émerger comme petit... de total inconnu en cinq ans puis d'aller chercher 14 élus, 25 % du vote à la mairie. C'est possible, on en a fait la preuve. Mais il faut comprendre que la loi, telle qu'elle existe aujourd'hui, sur le financement populaire et sur l'autorisation de s'afficher dans l'espace public en campagne électorale, la loi a toutes sortes de dispositions qui aident l'émergence d'une petite formation jusqu'à ce qu'elle devienne mature et qu'éventuellement qu'elle prenne le pouvoir malgré que l'autre paraît si omnipotente par comparaison, et je vais donner un exemple.

Durant la dernière campagne, les deux formations politiques concurrentes, pour jouer la carte verte, parce que notre parti est... la couleur verte est plutôt associée à notre formation politique, ont, toutes les deux, annoncé qu'elles n'afficheraient pas dans l'espace public. Or, l'affichage dans l'espace public, c'est une des dispositions prévues par le législateur pour permettre aux petites formations de faire de la politique sans que ça leur coûte les yeux de la tête. Alors, nous, on a payé 35 000 $ pour toutes nos pancartes, puis a affiché nos pancartes... des bénévoles les ont affichées, ça nous a coûté 35 000 $. L'une des deux autres formations politiques, qui a choisi de ne pas faire ça, a payé 260 000 $ pour un contrat avec la STM pour afficher sa photo sur les autobus puis dans les abribus. Bien ça, c'est du pur gaspillage d'argent qui résulte de ce trop d'argent en politique. La visibilité, la pollution visuelle, c'est de ça qu'on parle. Mettons qu'elle était équivalente, la visibilité était équivalente, sauf que, nous, ça nous a coûté 30 000 $, l'autre, ça a coûté 260 000 $ plus 30 000 $, 290 000 $. Ça, c'est du gaspillage d'argent qui provient du fait qu'il y a trop d'argent en politique.

M. Bédard: D'ailleurs, on a entendu les regrets d'une des candidates à ce niveau-là.

M. Bergeron (Richard): Ah! je n'ai pas spécifié le sexe, moi, je ne sais pas si ça s'est...

M. Bédard: Ici, la semaine dernière. D'ailleurs -- et là c'est pour ça, je ne veux pas vous piéger, je vous le dis -- Mme Harel est venue ici la semaine passée, elle a proposé d'étendre la période préélectorale à 90 jours au niveau municipal, autrement dit d'étendre la période qui est couverte par le plafond, quitte à le diminuer. Mais est-ce que...

Une voix: Avant et après.

M. Bédard: Avant et après. Est-ce que c'est pertinent? Autrement dit, est-ce que vous êtes d'accord avec une telle proposition?

M. Bergeron (Richard): C'est inutile dans le cadre que nous proposons. Nous, il y a tellement moins d'argent. Si on parle de la période électorale elle-même, de 45 jours, elle est déjà bien assez longue, là. Mais, si c'est 90, c'est la période...

M. Bédard: Parce que, comme c'est à date fixe, de toute façon, il n'y a pas de surprise, tu sais, on est en période électorale, alors que, nous autres, on ne le sait jamais qu'on est en préélectoral, c'est le premier ministre qui le sait. Donc, il n'y a pas d'élection à date fixe au Québec. Mais, municipalités, on le sait, donc, l'élection est telle date. Je vous dirais, la différence, c'est peut-être pour empêcher une municipalité -- puis là je ne parle pas seulement du cas de Montréal -- de profiter de son exposition par des annonces en cascade jusqu'au 45 jours.

M. Bergeron (Richard): Mais, attendez, là...

M. Bédard: Allez-y.

M. Bergeron (Richard): ...ça, c'est le jeu politique. Il faut quand même en accepter certains éléments, du jeu politique tel qu'il existe, là. Nous, on l'a accepté, là, qu'il y a une prime à celui qui est déjà en place, il y a la multiplication des annonces, ça fait partie du jeu politique.

M. Bédard: C'est beau. O.K.

M. Bergeron (Richard): Et, dans 12, 15 ans, ça sera peut-être nous qui nous servirons de ça...

M. Bédard: J'espère que non.

M. Bergeron (Richard): ...de ces tactiques pour être réélus, là.

M. Bédard: Rassurez-moi, M. Bergeron. Rassurez-moi, là, que... Dites-moi pas, là, quand la... À quoi servent les révolutionnaires quand la révolution est faite, là?

M. Bergeron (Richard): Non, mais je pense qu'il ne faut pas questionner l'ensemble du fonctionnement des institutions démocratiques et des pratiques électorales.

M. Bédard: O.K. Donc, ça vous convient, le 45 jours vous convient comme période électorale.

M. Bergeron (Richard): Ah! tout à fait. Il n'y a aucun problème avec ça.

M. Bédard: O.K. J'ai fait un petit calcul, la base non électorale, parce que vous aviez une prétention à l'effet que les grands partis politiques...

Une voix: Une minute.

M. Bédard: ... -- une minute, mon Dieu! -- que les grands partis politiques étaient pareils. Je vous donne seulement des statistiques parce qu'il y a certaines choses qui parlent, là. Je vous donne... On pourrait prendre chacune des années, mais j'ai pris une année non électorale. Les campagnes... Par exemple, le Parti québécois, en 2006, a récolté 4,2 millions, le Parti libéral, 8,4 millions. Les dons de 500 $ à 1 000 $, c'est 9,6 %, et c'est 15,16 % au Parti libéral. Grosso modo, le PQ récolte 80 % de son financement entre zéro et 400 $, et le Parti libéral récolte 71 % de son financement... plus de 500 $. Je veux seulement vous dire: Il y a des différences. Le but, finalement, c'est: Est-ce qu'on veut se ramener vers un financement plus populaire? Et, vous, vous me dites: Chez nous, ça a marché. Et vous incitez tout le monde à faire pareil.

M. Bergeron (Richard): Oui, c'est exactement ça, notre message.

M. Bédard: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Donc, merci, M. le député de Chicoutimi. M. Bergeron, M. Boucher et M. Norris, merci infiniment de vous être présentés en commission. Et bon retour chez vous.

Une voix: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je vais donc suspendre les travaux quelques instants et demander au Conseil du statut de la femme de bien prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 16 h 17)

 

(Reprise à 16 h 19)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Nous avons avec nous... le grand privilège d'avoir le Conseil du statut de la femme. Bonjour, Mme Pelchat. Comment ça va? Je veux vous témoigner toute ma sympathie, Mme Pelchat, et soyez assurée que je le fais au nom de mes collègues aussi. Je veux vous témoigner, au nom de l'ensemble des membres de cette commission et de ceux qui vous ont connue, notre plus grande estime.

Je veux vous saluer, Mme Farand -- c'est bien ça? -- ...

Mme Farand (Béatrice): Oui.

**(16 h 20)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...et vous souhaiter la bienvenue à notre commission.

Les règles sont simples: 10 minutes pour votre présentation -- des règles que vous connaissez bien, Mme la présidente -- et il y aura aussi 25 minutes d'échange de part et d'autre pour donner la chance à nos parlementaires de mieux comprendre l'essence même de vos propos. Et, sur ce, je vous donne la parole.

Conseil du statut de la femme (CSF)

Mme Pelchat (Christiane): Merci. Mmes, MM. les députés, M. le ministre, le Conseil du statut de la femme est un organisme qui existe depuis 1973 -- j'en suis la présidente depuis trois ans maintenant, un peu plus de trois ans -- est un organisme qui existe pour la promotion du droit à l'égalité des femmes, qui a été créé en 1973 suite à une pétition des mouvements féministes du Québec pour la création de cet organisme-là.

Femmes et pouvoir. Pour le Conseil du statut de la femme, ce n'est pas la première fois que l'on s'adresse à cette Assemblée pour plaider une meilleure représentation des femmes dans nos instances décisionnelles. Nous l'avons fait à toutes les occasions, et particulièrement, ces dernières années, lors des commissions parlementaires, des consultations sur la réforme du mode du scrutin, mais aussi avant. Et le Conseil du statut de la femme revient toujours avec une constante, c'est qu'il doit y avoir des mesures incitatives afin de favoriser l'élection et d'appuyer l'élection de femmes dans nos instances décisionnelles.

Dans notre mémoire, nous ne parlons pas beaucoup de ce qu'il y a dans le projet de loi, mais plus de ce qu'il n'y a pas, c'est-à-dire l'absence de l'affirmation de l'égalité entre les femmes et les hommes comme fondement démocratique, comme principe guidant notre Loi électorale, que ce soit du découpage électoral, du financement électoral ou du processus électoral comme tel. Nous notons que le gouvernement introduit des quotas, des quotas de circonscriptions pour assurer la représentativité régionale. Le gouvernement veut éviter, donc, semble-t-il, de défavoriser les régions qui ont le moins de monde, au risque de toucher au principe de l'égalité des électeurs. S'il s'agit là d'une mesure de discrimination positive en faveur des régions -- et, en fait, c'est, selon les dires du gouvernement, des représentants du gouvernement et pour la majorité des membres du gouvernement qui ont déposé ce projet de loi, une mesure d'équité et de justice pour les régions -- pour le CSF, ces mesures de discrimination positive sont aussi essentielles pour l'atteinte de l'égalité entre les femmes et les hommes dans nos institutions démocratiques, particulièrement au Parlement.

Je répète que nous n'en sommes pas encore à demander des quotas de sièges réservés pour les femmes députées, comme le fait le gouvernement pour les circonscriptions électorales des régions, mais nous souhaitons que le législateur, à l'unanimité de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire de tous les partis politiques qui sont représentés ici, nous souhaitons donc que le projet de loi soit modifié pour refléter la volonté exprimée de tous les élus d'atteindre cette égalité entre les femmes et les hommes. Il faut donc introduire l'objectif qui était dans l'avant-projet de loi, la loi modifiant... électorale de 2005, soit que la Loi électorale favorise l'atteinte d'une représentation équitable entre les femmes et les hommes à l'Assemblée nationale.

Il faut également introduire, M. le ministre... Je suis certaine... Vous connaissant assez bien pour avoir siégé avec vous, je sais que vous faites très bien vos devoirs, vous êtes une personne studieuse. J'aimerais rappeler aux membres de cette commission que le ministre Benoît Pelletier, lorsqu'il était ministre de la réforme électorale, le 21 décembre 2006, a envoyé à M. Blanchet une lettre qui faisait un peu le rapport de l'exercice très démocratique qui avait eu lieu sur... la consultation sur la modification de la Loi électorale. Il fait état dans cette lettre de ce qui ne faisait pas consensus, mais de ce qui fait consensus, et il dit dans sa lettre -- nous en avons déposé une copie -- donc dans sa lettre datée du...

Document déposé

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...vous interrompre, Mme Pelchat, là. Donc, considérez le document comme déposé, tous les parlementaires l'ont en main.

Mme Pelchat (Christiane): Merci. Merci, M. le Président. «Dans l'ensemble, l'objectif d'une représentation équitable pour les femmes et les minorités est accepté. [...]De même, le principe visant à introduire des mesures incitatives afin d'atteindre cet objectif de représentation équitable obtient de larges appuis dans le cas de la majoration des allocations accordées aux partis, à condition que ces mesures s'appliquent aux élus et non aux candidats.»

Le ministre continuait plus loin: «Afin de favoriser l'atteinte d'une représentation égale entre les femmes et les hommes, j'envisage plutôt que soit versée à un parti politique une allocation annuelle additionnelle, dont le montant serait à déterminer, en fonction du pourcentage des femmes qu'il ferait élire à l'Assemblée nationale. L'allocation pourrait aussi être versée de manière graduelle, en fonction de l'évolution du pourcentage de femmes élues, jusqu'à ce que le pourcentage de femmes élues à l'Assemblée nationale atteigne 50 %.»

M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je peux vous dire que M. Pelletier a fait preuve d'un grand courage politique, et il nous a démontré, tout au long de son mandat, de son attachement aux valeurs démocratiques, qui est l'égalité entre les femmes et les hommes, et je vous invite à modifier le projet de loi -- et je sais que tous les partis sont sensibles à l'égalité entre les femmes et les hommes -- pour inclure cette modification, cette suggestion du ministre, donc favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes, et le faire par des mesures incitatives pour les partis politiques qui auront fait élire le plus grand nombre de candidates à l'Assemblée nationale, éventuellement aux municipalités. J'aimerais dire qu'aujourd'hui nous n'en sommes plus aux discours, mais à l'action. Je rappelle aussi que le directeur des élections avait entériné cette suggestion du ministre dans son rapport, disant que c'était tout à fait faisable et qu'il n'y avait pas lieu d'attendre la modification du mode de scrutin pour introduire ce genre de mesure incitative. Ce faisant, l'Assemblée nationale concrétiserait les engagements des gouvernements des 40 dernières années et joindrait la parole aux actes de manière convaincante.

Le CSF sait mieux que quiconque que de se fier à la bonne volonté des dirigeants des partis pour l'atteinte de l'égalité à l'Assemblée nationale n'est pas viable. Le premier ministre du Québec, M. Jean Charest, partage aussi cette vision et stratégie pour l'atteinte de l'égalité. C'est pourquoi il a nommé un conseil des ministres paritaire malgré le fait qu'il n'y ait pas 50 % de députés libéraux élus. Ce geste a nécessité du courage politique. Vous savez tous que le premier ministre a essuyé des critiques à l'intérieur même de son caucus. Il a même dû souligner que les femmes qui ont été nommées aux postes de ministres l'ont été à cause de leur compétence. À la blague, je soulignais qu'il n'avait pas eu à dire la même chose pour les hommes.

Le gouvernement a donné aussi un coup de pouce à la bonne volonté des dirigeants d'organismes en imposant l'égalité sur les conseils d'administration des sociétés d'État. Malheureusement, sans ces mesures incitatives, sans des choix politiques courageux ou des obligations législatives, il n'y a pas d'égalité dans les postes de décision au Québec, comme ailleurs dans le monde. Nous sommes bien loin du «moitié de la terre, moitié du pouvoir» clamé par l'avocate et ancienne députée française Gisèle Halimi. Le CSF partage fortement les propos de cette féministe quand elle dit, en 1994: «Une démocratie où la moitié de l'humanité est gouvernée par l'autre n'est qu'une caricature de [la] démocratie, un État de droit où l'alternative est d'acquiescer ou de se désintéresser. Dans tous les cas, se soumettre.»

Il y a toujours, malheureusement, des retards importants au Québec dans les postes de décision. Je vous donne un exemple. L'Assemblée nationale du Québec, il y a seulement 29 % de femmes députées. En 2005, il y en avait 32 %. Nous sommes dans un recul, donc c'est assez inquiétant. Les mairies, qu'on dit plus proches des citoyennes et des citoyens, hein, on penserait qu'il y aurait plus de femmes, il n'y en a pas suffisamment. On n'atteint même pas le tiers, il y a seulement que 16 % de femmes dans les mairies. Il y a seulement, en 2009, 29 % de femmes conseillères municipales. Les préfets des MRC, il y a seulement que 12,5 % des femmes préfètes de MRC. Et l'écart de la fonction publique, ça s'en vient, 40 %.

**(16 h 30)**

Mais ce qu'il est intéressant de noter, et c'est, encore là, la volonté politique... Et je le dis, vous savez, je pense, que, moi, quand je... Vous me connaissez, pour la plupart d'entre vous, assez bien, quand on a des compliments à faire au gouvernement, on le fait, mais, quand on a des reproches, on le fait aussi. On distribue les compliments et les reproches avec autant d'intensité, normalement. Mais, là où on constate que vraiment la volonté politique fait son oeuvre, c'est que, quand on regarde les cadres de la fonction publique, on se rend compte qu'en 2003 il y avait seulement 24 % de femmes sous-ministres, en 2004, 16,7 %, en 2005, 25 %, en 2009, on est rendu à presque 50 %. Moi, il n'y a pas de loi qui exige... Comme la Loi sur la gouvernance s'applique seulement aux 24 sociétés d'État, ne s'applique pas à la haute fonction publique. Mais je me dis bien que le Conseil des ministres, étant logique avec lui-même, se dit: Si on exige des sociétés d'État d'avoir 50 % de femmes dans les conseils d'administration, on est un peu mal... on devrait au moins, nous-mêmes, au Conseil des ministres, nommer autant de femmes que d'hommes dans la haute fonction publique, et je salue les décisions qui nous mènent à 50 % de femmes, presque. Nous avons neuf femmes sous-ministres pour 19... pour un total de 28, donc neuf femmes, 19 hommes. Ces chiffres sont très révélateurs du courage et de la volonté politique qui est nécessaire pour arriver à une parité.

Encore une fois, sur les sociétés d'État, intéressant de noter que, pour la Caisse de dépôt et placement, 2006, il y avait 20 % de femmes; 2009, on est rendu à 41 %. Hydro-Québec, 31 % en 2006, il va falloir les aider, M. le ministre. Vous le direz à votre collègue responsable, ils sont encore seulement 35,3 %, ce n'est pas très, très fort pour Hydro-Québec. Société d'habitation du Québec, en 2006, il y avait 14 % de femmes sur les conseils d'administration. Aujourd'hui, on y compte 44 %. La Régie des rentes du Québec, en 2006, il y avait 16 % de femmes, on y compte 33 % de femmes. La Société générale de financement du Québec, en 2006, 0 % de femmes -- les affaires de finances, là, les gens qu'on... il y a beaucoup d'hommes, particulièrement, qui pensent que les femmes ne sont pas trop fortes en chiffres, ça doit être pour ça que c'était comme ça -- 2007, 0 % de femmes toujours sur les conseils d'administration et, 2009, ah! obligation législative, 40 % de femmes.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...vous avez déjà dépassé le temps, mais, si vous avez d'autres éléments...

Mme Pelchat (Christiane): Oui, j'arrive...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...à partager avec nous, je vais demander le consentement à nos collègues. Monsieur? Oui, consentement.

Mme Pelchat (Christiane): Je termine, M. le Président. Afin de favoriser l'atteinte d'une représentation égale entre les femmes et les hommes, je crois qu'il est essentiel -- merci, Béatrice, elle est donc bonne! -- qu'il est important de souligner que le gouvernement est très généreux ou s'apprête à être très généreux avec les partis politiques, accordant une augmentation de 64 % de son financement de l'État... de financement public aux partis politiques. Ça, c'est de l'argent des taxes des citoyennes et des citoyens. Alors, nous, au CSF, on dit que nous sommes d'accord parce que ça fait partie de la démocratie de financer les partis politiques pour éviter qu'ils soient à la merci de toutes sortes d'intérêts. Mais on dit aussi au gouvernement: Vous devez, au même titre que vous demandez aux sociétés d'État, aux organismes de la fonction publique régis par la Loi d'accès à l'égalité, vous devez demander aux partis politiques de rendre des comptes pour ces augmentations et vous devez faire ce que Benoît Pelletier a suggéré, c'est-à-dire d'exiger un plan d'accès à l'égalité pour les femmes élues à l'Assemblée nationale pour chacun des partis, et que le financement... cette augmentation d'argent que vous allez donner soit modulée en fonction du nombre de femmes à l'Assemblée nationale.

Si on est capable de faire des quotas, d'imposer des quotas réservés pour bien représenter les régions, même si nous sommes dans un système parlementaire britannique, nous ne sommes pas dans un système de représentation impérative, rappelons-le. En tout cas, je me souviens de mes cours de sciences politiques, je ne veux pas aller plus loin sur ce dossier, mais je trouve quand même particulier qu'on fasse des quotas pour les régions. Alors, si on est capable d'aller aussi loin pour préserver la représentation des régions, je pense qu'il y a la moitié de la population au Québec qui n'est pas représentée dignement à l'Assemblée nationale, et je mets au défi les partis de l'Assemblée nationale de ne même pas attendre que le projet de loi soit adopté et modifié et de déposer un plan d'action pour l'atteinte de l'égalité dans leurs propres partis politiques. Et, je le dis aux trois partis représentés à l'Assemblée nationale et même pour les indépendants qui, un jour, seraient intéressés, le conseil va vous assister dans l'élaboration de ce plan d'action et dans l'application de ce plan d'action. Mais il est temps que l'Assemblée nationale passe de la parole aux actes. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme Pelchat. M. le ministre.

M. Dutil (Beauce-Sud): Merci, M. le Président. Mme Pelchat, je vois que vous n'avez pas perdu votre franc-parler depuis 1985. Parce qu'effectivement nous avons siégé ensemble de 1985 à 1994, alors ce sont de bons... de bons et, malheureusement, vieux souvenirs, mais c'est ça, la vie passe. Alors, c'est une période que j'ai bien appréciée, et j'apprécie bien celle-ci...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Je n'ai pas entendu.

M. Dutil (Beauce-Sud): Je n'ai pas compris, j'aimerais comprendre.

M. Bédard: J'ai dit qu'elle supportait mieux les années que vous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dutil (Beauce-Sud): Comme j'ai dit à quelqu'un, j'aimerais mieux avoir le visage d'il y a 25 ans, mais je préfère le cerveau d'aujourd'hui. Alors, c'est l'expérience qui rentre. Et vous nous apportez des points très importants, surtout sur l'aspect de l'égalité hommes-femmes. Vous n'êtes pas intervenue dans la question du financement parce que vous ne voulez pas intervenir ou parce que vous n'avez pas eu le temps?

Mme Pelchat (Christiane): En fait, je vais vous dire qu'on n'a pas eu beaucoup de temps pour se préparer. C'est moi qui, durant les fêtes, ai préparé le mémoire, suivie de Béatrice pour les... à cause des circonstances que vous connaissez. La seule chose qu'on aborde sur le financement, c'est que, comme ça vient de l'État, l'État est à même d'imposer des normes à atteindre aux partis politiques. C'est de l'argent du public et ça fait partie... Et c'est respectueux de nos engagements internationaux, que ce soit la convention... la CEDEF... de la charte québécoise des droits et libertés, et particulièrement de la politique d'égalité entre les femmes et les hommes. Alors, sur le financement, M. le ministre, je n'ai pas autre chose à ajouter que ce que je viens de dire.

M. Dutil (Beauce-Sud): Bon, d'accord. Alors, je n'insisterai pas davantage.

Mme Pelchat (Christiane): Je pourrais vous parler de mon ancienne expérience de députée, mais je ne pourrais pas le faire à titre de présidente du CSF, alors...

M. Dutil (Beauce-Sud): Non, d'accord. Alors, je vais m'en tenir, donc, à parler du découpage électoral et de la représentation des femmes. Il y a quand même eu un progrès, il faut le constater. Ce que vous mentionnez, c'est de rendre ça impératif, là. La différence entre ce qui se passe, qui est une lente évolution vers davantage de femmes, et ce que vous proposez, c'est de rendre ça impératif, c'est-à-dire qu'on soit obligé d'avoir 50 % de femmes.

Mme Pelchat (Christiane): En fait, dans notre mémoire, pour l'instant, on parle de mesures incitatives. Ce que l'on dit, c'est que votre 64 % d'augmentation devrait être modulé en fonction de plus de femmes. Ce que M. Pelletier suggérait, c'était que, si, par exemple, les partis politiques avaient 35 % de femmes élues à l'Assemblée nationale, on pouvait majorer d'autant le financement du parti politique jusqu'à ce que le parti politique atteigne 50 %. En anglais, je vous dirais: Ne donnez pas aux partis politiques une «free ride» -- je ne sais pas comment traduire cette expression-là en français -- c'est-à-dire on leur donne 64 % d'augmentation sans leur demander vraiment plus d'imputabilité et de reddition de comptes. Ne faites pas ça.

Le conseil ne s'est pas prononcé encore sur des quotas ou sur une parité obligatoire, mais je vous dirais que, si jamais le gouvernement imposait une parité obligatoire à l'Assemblée nationale, c'est sûr que, le conseil, on ne pourrait pas être contre ça. Au contraire, on serait à vos côtés, M. le ministre, et, je suis certaine, aux côtés du porte-parole de l'opposition, mon ami Stéphane... mon ami le député de...

M. Dutil (Beauce-Sud): Chicoutimi.

Mme Pelchat (Christiane): ...Chicoutimi -- excusez les vieilles habitudes -- pour fêter ça. Mais, pour l'instant, on demande vraiment des mesures incitatives en pensant que peut-être que ça va aider. Mais peut-être que le gouvernement sera obligé de faire comme il a fait avec les sociétés d'État et les obliger à avoir un beau score. On peut les féliciter, pour certaines d'entre elles. Il y a encore du travail à faire, et la loi sera appliquée, mais ce sont des mesures incitatives... En fait, c'est texto ce que M. Pelletier avait suggéré.

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui, d'accord. Mais vous êtes bien consciente de la différence entre la nomination de quelqu'un à un poste, par exemple, de sous-ministre et d'inciter des gens à venir comme candidates. Moi, faire du recrutement de femmes en politique, j'ai essayé ça comme maire, j'ai essayé ça... ce n'est pas facile de les inciter à accepter de se présenter, vous le savez, Mme Pelchat.

**(16 h 40)**

Mme Pelchat (Christiane): Mais, M. le ministre, ça, c'est malheureusement... Mon mari était directeur général du Parti libéral du Québec et il me disait: C'est donc difficile d'avoir des femmes comme candidates. Et je lui ai dit un jour: Arrête de regarder dans ton équipe de hockey, puis tu vas en trouver, des femmes. Malheureusement, on est toujours dans les mêmes stéréotypes, on cherche des femmes dans des chambres de commerce, dans des lieux où les femmes ne sont pas nécessairement, premièrement. Deuxièmement, le monde de la politique est fait par des hommes, pour des hommes qui ont des épouses à la maison, et il faut changer cette mentalité-là. Déjà, le Parlement qui ne siège plus la nuit, comme ça se faisait à notre époque, vous vous souvenez, c'était d'un ridicule, mais déjà c'est une meilleure qualité de vie. Les femmes, on n'est pas habituées, puis ce n'est pas dans notre mentalité de siéger des nuits de temps.

Les femmes ont des enfants aussi. Parce que, malheureusement, ce qu'on demande aux femmes qui font de la politique -- et ça ne devrait pas être le cas -- c'est de choisir entre la maternité et la politique. Ça ne devrait pas être le cas parce que ce sont des minorités, et il faut que le gouvernement, le législateur amène des conditions, justement ce que l'on appelle de la discrimination positive, pour qu'il y en ait plus, de femmes.

Vous savez, M. le ministre, c'est comme dans la construction, hein? Quand on a dit l'an passé que ce serait intéressant... C'est beau d'investir 45 milliards de dollars dans les routes au Québec, c'est... Bravo! nous sommes d'accord avec ça, les infrastructures, c'est important pour les hommes et les femmes. Toutefois, ce sont des emplois qui sont occupés à 99 % pour les femmes. Alors, on se dit: Oui, mais les femmes, elles ne viennent pas dans la construction. Saviez-vous qu'une des raisons pour lesquelles les femmes ne sont pas dans les métiers de la construction, c'est qu'il n'y a aucun respect de la conciliation travail-famille? Ça veut dire que les femmes ne peuvent pas quitter si elles ont un enfant. Je regrette, mon enfant, je dois aller le chercher au CPE. Non, ça ne marche pas, ça, il faut que tu restes jusqu'à temps... Parce que c'est du soleil à l'autre, semble-t-il. Alors, on ne considère pas cette spécificité, hein, et on n'accorde aucun accommodement ou aucune mesure de discrimination positive pour attirer les femmes.

C'est la même chose en politique. Si le Parti libéral du Québec ou si le Parti québécois mettaient sur pied un fonds du style Hillary Clinton... que Hillary Clinton a mis pour le Parti démocrate, le EMILY's List, il y en aurait beaucoup plus, de femmes candidates. Vous savez ce qu'il fait, le Parti démocrate, aux États-Unis? Il y a un comité de recrutement, et le fonds sert à recruter des femmes candidates. Et, quand ils arrivent à l'exécutif du parti, ils disent: Voici, dans tel État ou dans telle circonscription, les représentants, nous avons 50 % de femmes, leur financement est assuré, l'organisation est mise sur pied, etc. Mais le Parti démocrate met des fonds spécifiques pour ça. C'est ça, une mesure d'accompagnement, une mesure... Si on fait juste dire: On cherche le même modèle de femmes que d'hommes en politique, c'est-à-dire des femmes qui n'ont pas d'enfants ou qui ont une épouse à la maison, ce qui est plutôt rare dans le cas des femmes, ça ne marchera pas.

C'est la même chose quand on arrive dans la construction. Si on n'est pas capable d'accepter que ça prend des toilettes pour femmes dans la construction, imaginez-vous, sur les chantiers de construction, s'il y a juste des toilettes pour gars, les filles sont mal à l'aise. S'il n'y en n'a pas, de toilettes, aussi. Quand les gants, hein... Il y a des études faites par la FTQ qui montraient que les filles arrivaient sur les chantiers, les bottes, hein, la moyenne des bottes qui étaient fournies, c'étaient des 10. La moyenne des gants, c'étaient tous des larges. Les ceintures, les filles tombaient à terre avec les ceintures. C'est bien sûr, ça, on peut s'arranger pour qu'il n'y en ait pas, de filles, hein? C'est la même chose en politique, M. le ministre. Je vous invite à réfléchir à ça. Peut-être que même vous...

M. Dutil (Beauce-Sud): Non, non, vous nous apportez des arguments intéressants. Moi, je ne connaissais pas le fonds de Hillary Clinton. Bon, je pense que ça mérite d'être regardé, là. Là, c'est une mesure incitative. D'ailleurs, la conciliation dont vous parlez, je l'apprécie beaucoup comme homme parce que veiller toute la nuit pendant des nuits avant Noël, ce n'était pas très, très productif.

Mme Pelchat (Christiane): Je pense que les hommes n'aimaient pas... C'est ça, les...

M. Dutil (Beauce-Sud): Bien, c'était en plus tout à fait inutile et pas très productif. Quand on devient extrêmement fatigué, déjà qu'on s'oppose sur des idées avec lesquelles on est en désaccord, si, en plus de ça, on a...

Mme Pelchat (Christiane): Des fois, ça peut nous aider à apprendre à jouer aux échecs. C'est à peu près la seule chose qui peut nous aider.

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui, mais il y a tellement peu de gens qui aiment les échecs, et surtout très peu de femmes qui aiment les échecs, madame.

Mme Pelchat (Christiane): Ah! M. le ministre.

M. Dutil (Beauce-Sud): Non, les femmes préfèrent le succès aux échecs. C'est ce que je voulais dire, évidemment.

Mme Pelchat (Christiane): Ah, mon Dieu! Je reconnais votre subtilité.

M. Dutil (Beauce-Sud): Tout le monde avait compris, là. Alors, non, je pense que c'est des idées intéressantes. Et puis je vais laisser à mes collègues l'occasion de vous poser d'autres questions, et je vais écouter parce que je pense que vous nous alimentez sur bien... des aspects très intéressants.

Le Président (M. Billette): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Pelchat. C'est un plaisir de vous revoir. Vous avez abordé, dans vos échanges avec le ministre, une question qui m'est venue à l'esprit. Parce que vous abordez la question de l'incitatif aux partis politiques de présenter des femmes et de faire élire des femmes. Parce que, on ne se le cache pas, on présente beaucoup de femmes, mais parfois on présente des femmes pas nécessairement dans des circonscriptions électorales qui sont acquises au parti politique. Et c'est un enjeu, puis on va dire les choses clairement.

Par contre, vous parliez du recrutement dans les équipes de hockey. Pour avoir tenté de recruter et de sensibiliser des femmes à la dernière campagne électorale municipale, je me suis promenée dans le comté, chez moi, j'ai rencontré des gens en Outaouais pas nécessairement, justement, dans les mêmes équipes qu'on identifiait, mais il y avait encore beaucoup de préoccupations et beaucoup de questionnement chez ces femmes-là qui étaient intéressées, qui étaient curieuses, par le travail des élus mais qui avaient encore beaucoup d'appréhension à sauter dans le bain.

Et souvent je leur disais: Mais, écoutez, l'élection municipale t'amène à travailler à proximité de la maison. Moi, je me tape six heures de route. J'ai deux enfants, je m'en vais à Québec à toutes les semaines. Alors, ce que tu pourrais faire, toi, t'amène à siéger dans ta municipalité, d'avoir un contact... Mais, malgré ça, il y avait encore toute une espèce de crainte à se lancer dans cette démarche-là qui est encore malheureusement, malgré toutes les avancées, encore un peu... Regardez, on est encore des... les femmes en politique, on est encore considérées par certaines concitoyennes ou certaines amies comme des bibites.

Mme Pelchat (Christiane): Vous avez raison, mais...

Mme Vallée: On est des bibites, et il faut tenter d'éviter de trop... Comment est-ce qu'on peut faire pour tendre vers elles, pour les inciter à ne pas avoir cette perception-là? Parce que, même si on donnait tous les crédits d'impôt, ou tous les accommodements aussi, ou les allocations aux partis politiques, tant et aussi longtemps qu'on ne convaincra pas les bonnes personnes de se présenter, on n'arrivera pas...

Mme Pelchat (Christiane): Mais j'aimerais ajouter...

Le Président (M. Billette): Mme Pelchat.

Mme Pelchat (Christiane): Mme la députée, vous êtes un exemple vivant que c'est possible de le faire. Vous devez faire certainement beaucoup de sacrifices et vous ne devez pas trouver ça facile. Le seul fait qu'il n'y ait pas de service de garde ou de facilité de garde ici, à l'Assemblée nationale, c'est quand même assez révélateur de l'absence d'ouverture à la conciliation travail-famille. Mais vous êtes un exemple et vous avez fait le saut.

Moi, j'ai été élue, la première fois, j'avais 26 ans et je peux vous dire que je me suis posé la question dans le premier mandat: Si j'avais un enfant, qu'est-ce que je ferais? Et ma réponse a été automatiquement: Je ne me représenterais pas. Parce que je ne me voyais pas à 300 km de chez moi, l'enfant... ou bien l'enfant qui est malade, et tu es en train de siéger. Dans ce temps-là, on siégeait la nuit, etc. Donc, je me disais: C'est incompatible.

Aujourd'hui, les femmes, ce qu'elles veulent, elles veulent à la fois avoir des enfants, à la fois avoir une carrière, et c'est au gouvernement de prendre ses responsabilités. Et il le prend déjà, nous sommes un des endroits en Amérique du Nord où l'égalité entre les femmes et les hommes est le... en meilleure voie qu'ailleurs justement à cause des mesures du gouvernement actuel, du gouvernement précédent pour aider les femmes. Ce n'est pas un hasard, au Québec il y a 80 % des mamans d'enfants de moins de six ans qui sont sur le marché du travail, on dépasse toutes les provinces canadiennes. C'est parce qu'il y a des garderies subventionnées, il n'y a pas d'autre raison que ça. Le congé parental est un autre incitatif.

Mais souvenez-vous -- parce que vous étiez ici, Mme la députée -- avant que la Loi sur la gouvernance ne soit adoptée et qu'on oblige les sociétés d'État à avoir des conseils d'administration paritaires, ce qu'on entendait, c'est: On en cherche, des femmes, mais il n'y en a pas. Et, moi, j'ai entendu le premier ministre dire aujourd'hui: Il y en a tellement, il y en a trop. On a tellement... ils ont tellement le choix... Avant, on avait de la difficulté. Maintenant que c'est obligatoire, les C.V., hein, arrivent, et il y en a plein, de femmes qui sont prêtes à siéger sur les conseils d'administration. Parce que c'est devenu obligatoire, là il y a des C.V. Je pense qu'il ne faut pas attendre que ça devienne obligatoire parce que la prochaine étape, quand la présidente du CSF va se présenter, ça va être de dire: Bien là c'est la parité, un point, c'est tout. Puis le gouvernement, c'est notre argent, c'est mon argent comme citoyenne, et j'exige que cet argent-là soit dépensé avec un objectif démocratique qui est la parité.

Les femmes ont besoin aussi de comprendre et de voir dans la politique autre chose qu'un combat partisan entre des partis politiques qui ne sont... Malheureusement, l'impression que ça donne, ils sont toujours en chamaillage, mais il n'y a pas vraiment de travail d'équipe pour faire avancer la société. Et le travail en commission, par exemple, en commission parlementaire, ce n'est pas un travail qui est connu du public. Ce qu'on connaît, c'est surtout la période de questions. C'est des choses qu'il faut aussi... Arrêtons de demander aux femmes de s'adapter à la chose politique, essayons d'adapter la chose politique aux femmes pour... Est-ce qu'on en veut, des femmes? Bien, on va faire des mesures d'action positive.

**(16 h 50)**

Comme là, on dit qu'on veut protéger les régions, on fait des quotas pour les régions, hein? Alors, si on ne fait pas ça, si on applique seulement que la règle du 25 %, il y a beaucoup de comtés dans les régions qui vont disparaître. Le gouvernement dit: Non, je ne veux pas que les régions ne soient plus représentées, et on impose des quotas. C'est la même chose pour les femmes, il faut des mesures d'action positive. Si le Parti libéral du Québec, dès demain, le Parti québécois, l'ADQ, dès demain, commencent à avoir un plan d'action, un plan d'accès à l'égalité qui pourrait être même modulé en fonction de la Loi d'accès à l'égalité -- une très bonne loi qui a été adoptée en 2000 -- et des programmes d'accès à l'égalité, si vous faites ça demain, vous demandez au Parti libéral de le faire, le Parti québécois le fait, je suis certaine que, dans quatre ans, il va y avoir potentiellement suffisamment de femmes pour avoir 50 % de femmes élues à l'Assemblée nationale.

Quand on parle des comtés forts, qu'est-ce que ce serait, par exemple, que dans le comté de Laporte... Ça été fait, heureusement. Après M. Bourbeau, après M. Audet, c'est une femme qu'on a présentée. Pourquoi on n'instituerait pas dans le parti politique une règle d'alternance, c'est-à-dire que, dans un comté où il y a eu une femme pendant tant de temps, quand cette femme-là quitte, on pourrait mettre un homme si on a atteint le 50 %? Mais, s'il n'y a pas de 50 %, dans les comtés sûrs, puisqu'on ne sera pas demain la veille en proportionnelle, dans les comtés sûrs, dans un mode de scrutin uninominal à un tour... universel, je veux dire, de remplacer par alternance les comtés où il y a des hommes dans des comtés sûrs. Et, comme ça, on arriverait à la parité. Mais ça prend une volonté politique.

Et, moi, je le sais que le premier ministre du Québec a cette volonté, mais je sais aussi que, le caucus du Parti libéral, parce que j'ai encore des gens qui me parlent dans ce caucus, plusieurs personnes étaient froides à l'idée d'avoir ces mesures incitatives. Certaines personnes au Parti québécois aussi étaient très froides. J'en connais qui ne sont plus députés aujourd'hui qui disaient: Moi, je n'ai pas eu besoin de ça pour me faire élire. Oui, on a été de celles, les chanceuses, qui n'ont pas eu besoin de ça.

Mais qu'est-ce qu'on veut? Est-ce qu'on veut toujours rester à 29 %? Nous sommes une vraie risée, M. le ministre. 29 %, au Québec, de femmes à l'Assemblée nationale, ce n'est pas de la tarte. Et on compare... on dit le Rwanda... Et ce n'est rien, le Rwanda est le pays, en ce moment, qui a le plus de femmes à l'Assemblée nationale. Pourquoi? Parce qu'ils ont un quota. Et pas un gros quota, ils ont un quota de 30 %. Qu'est-ce que ça a fait, M. le ministre? Imaginez-vous qu'en imposant le quota, tout d'un coup, les partis politiques se sont rués, pour ne pas dire se sont «pitchés» sur à peu près toutes les leaders femmes de tous les domaines au Rwanda pour les avoir comme candidates. Alors, ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu, donc, le 30 % de femmes obligatoirement à être mises sur les listes, et en tête de liste, pour qu'elles soient élues sur la proportionnelle. Mais en plus c'est qu'ils ont eu tellement de C.V. de femmes qu'ils les ont présentées hors quota, donc nous sommes, au Rwanda, à 51 % de femmes à l'Assemblée nationale. C'est quand même révélateur que c'est, encore une fois, une mesure obligatoire qui a fait qu'un des parlements qui... Cette constitution est nouvelle, elle est née après le génocide. Et la présidente de la réforme constitutionnelle était une femme. Ce n'est quand même pas un hasard non plus, mais il reste que...

Et le gouvernement du Québec a adopté une politique d'égalité entre les femmes et les hommes, une des politiques les plus audacieuses, qui dit que tout le financement public, toutes les politiques publiques, toutes les lois doivent être analysées avec la grille d'analyse différenciée entre les sexes. Quel est l'impact sur les femmes, quel est l'impact sur les hommes de cette loi? Et, après coup, quel est l'impact sur la diminution des inégalités entre les femmes et les hommes? Si on pose la question sur la loi qui est devant nous, je serai obligée de dire à la ministre de la Condition féminine que, si les mesures incitatives ne sont pas adoptées dans cette loi, il y a l'ADS... Non seulement l'analyse différenciée entre les sexes n'a pas été faite, manifestement, lors de la rédaction de cette loi... Vous n'êtes pas tout seul, M. le ministre, puis je sais que ce n'est pas vous qui l'avez rédigée, mais le gouvernement... l'analyse différenciée entre les sexes, ce n'est pas devenu une pratique encore régulière dans les ministères, malheureusement.

Mais non seulement il n'y a pas eu d'analyse différenciée entre les sexes, mais, quand on pose la question: Est-ce que les deniers publics sont utilisés pour réduire les inégalités entre les femmes et les hommes?, on est obligé de dire que non. Alors, on serait obligé de mettre un E à côté de... Quand la ministre va faire son bilan sur la politique d'égalité entre les femmes et les hommes: Est-ce que cette loi a diminué les inégalités?, on va dire non, échec, malheureusement. Et, nous, on le fait pour chacune des lois, on essaie de le faire pour chacune des lois. Mais, moi, j'aime bien mieux féliciter le gouvernement, c'est bien plus facile pour moi, M. le ministre. J'ai assez hâte de vous féliciter et féliciter l'opposition officielle, mon ami le député, pour avoir proposé même ces modifications.

Le Président (M. Billette): Merci, Mme Pelchat. Mme la députée de Gatineau. C'est complet?

Mme Vallée: Je pense que c'était complet, oui.

Le Président (M. Billette): Petite question pour vous, Mme la présidente. Bienvenue, premièrement, en commission parlementaire.

Mme Pelchat (Christiane): Merci.

Le Président (M. Billette): Mme Farand également. Vous me faites peur un petit peu parce que, je vais vous dire, le comté de Huntingdon n'a jamais eu de femme. Donc, votre système d'alternance...

Mme Pelchat (Christiane): Pas encore. Pas encore.

Le Président (M. Billette): O.K. Parfait.

Mme Pelchat (Christiane): Vous savez que j'habite ce comté, M. le député.

Le Président (M. Billette): Oui, je le sais très bien, Mme Pelchat. Et bienvenue à Québec. C'est un plaisir pour moi de vous recevoir. C'est une occasion unique de recevoir une citoyenne de ma circonscription. Je vais dire, il y a un point -- vous avez touché beaucoup de points -- il y a un point, entre autres, que je voudrais peut-être avoir plus d'information. Vous avez proposé que les partis politiques soient tenus de présenter un plan d'action favorisant l'élection de femmes et de faire rapport annuellement au Directeur général des élections. Je vais dire, j'ai trouvé la proposition très intéressante. J'aimerais que vous développiez un petit peu ce qu'on devrait inclure dans ce plan d'action là. Si vous avez une idée, développez autour de ça. Parce que je pense que c'est une idée qui est quand même large, mais j'aimerais bien avoir une définition plus précise.

Mme Pelchat (Christiane): Oui. Bien, d'abord, ce qu'on dit, c'est que, si le gouvernement veut augmenter le financement des partis politiques, il doit demander aux partis politiques de rendre des comptes sur l'utilisation de ces fonds pour atteindre une meilleure et une plus grande représentation des femmes et des hommes, donc, pour rencontrer le principe constitutionnel de la démocratie. Première chose. Comment on fait ça? On adopte un plan. Nous avons une loi d'accès à l'égalité qui est appliquée par la Commission des droits de la personne, qui accompagne les organismes publics, les universités et les organismes publics, afin d'avoir 50 % de femmes dans leurs effectifs et dans les conseils d'administration, et ça se fait par un plan d'action.

Pour un parti politique, je vais donner un exemple. Il devrait y avoir d'abord un... Bien, si j'étais dans un parti politique, voici ce que je suggérerais plutôt, avoir un comité permanent de recrutement de femmes. Pas seulement six, sept mois avant l'élection, il devrait y avoir un comité permanent de recrutement de femmes. Il devrait y avoir un fonds spécial pour amener des femmes à se présenter en politique, et particulièrement... Et on le dit dans notre mémoire, je pense, je ne sais pas si c'est cette version-là, mais aussi de limiter les dépenses d'investiture parce que malheureusement, M. le ministre, les femmes gagnent encore seulement que 75 % du salaire des hommes. Et, quand on regarde le revenu total des femmes par rapport aux revenus totaux des hommes, on est rendu seulement à 68 %. Donc, les femmes ont une moins grande disponibilité financière que les hommes. Ça, c'est un des problèmes.

Donc, des fonds spéciaux pour que les femmes se présentent aux investitures et des limites aux dépenses des investitures, au même titre que vous introduisez dans la loi... Dans le projet de loi, vous introduisez des limites pour le leadership. Nous demandons aussi d'introduire des limites pour les dépenses d'investiture. Je sais, moi, M. le ministre, d'expérience... À 25 ans, je n'avais pas beaucoup d'argent à mettre pour la convention dans le comté de Vachon. Je peux vous dire que j'étais contente d'avoir mon papa parce que je n'aurais pas eu beaucoup... Je compétitionnais très difficilement avec mon adversaire libéral, qui avait plus de personnes et de... Il était plus vieux puis il connaissait pas mal plus de chums que moi-même ici présente. Donc, si on avait eu une limite pour la convention, déjà je pense que ça m'aurait facilité la tâche.

Avoir une exigence d'alternance dans des comtés où il y a des... des comtés sûrs pour les partis politiques dans certaines régions du Québec, s'assurer que la personne, quand l'homme quitte, ce sera une femme qui soit là.

S'assurer aussi... Je vais vous dire une chose, ça, c'est un tabou. Les députés, quand vous êtes élus à l'Assemblée nationale, je le sais, je l'ai déjà été, on arrive, on s'assoit sur le banc de l'Assemblée nationale, on a la science infuse, c'est réglé. Les députés, hein, une fois qu'on est élus, on connaît tout, on sait tout, on connaît toutes les lois, on connaît la Constitution par coeur, la charte québécoise sur le bout des doigts. Moi, j'étais de ce... Mais ce n'est pas vrai, hein, on le sait, hein, à la longue. Mais on n'ose pas parler de formation des élus, on n'ose pas faire ça. Mais on... Parce qu'on peut parler de formation des militantes.

Moi, je fais de la formation en Afrique, M. le ministre. J'en ai fait pendant trois ans auprès de 2 000 femmes avec les partis politiques africains au Sénégal pour essayer d'avoir plus de femmes comme candidates. Et, quand on les aide à se former et qu'on dit: On va vous aider à vous créer un directoire de campagne et on va vous aider à vous trouver des fonds, on avait beaucoup plus de candidates. C'est ce qui fait qu'à la dernière élection municipale avant celle-ci au Sénégal, il y a eu 20 % de femmes élues, dont la majorité étaient analphabètes. Ce n'est quand même pas rien. Mais vous savez tous et toutes que, les femmes, ce n'est pas parce qu'elles ne savent pas lire et écrire qu'elles ne sont pas des bonnes gestionnaires. Donc, ce sont des éléments à inclure, des formations pour les femmes, nos militantes dans les partis politiques. Les grandes trappes ou les... Excusez, j'allais dire un mot pas très parlementaire...

**(17 heures)**

Une voix: Les grandes boîtes...

Mme Pelchat (Christiane): Les grandes boîtes, les grandes boîtes, les personnes qui parlent souvent ou plus fort, ce sont des hommes, hein? La politique, c'est aussi... Alors, les femmes ne sont pas nécessairement aguerries à la joute oratoire. Il faut des formations, c'est quoi, un parti politique, et c'est comme ça qu'on va attirer les femmes et avoir... Moi, je vous le dis, M. le député, si vous voulez, avec votre collègue de Gatineau, prendre la présidence de ce comité au Parti libéral, on va vous aider. Et on va aider le Parti québécois. Et je suis certaine que, bon, Françoise David a moins besoin d'aide peut-être, mais Amir Khadir aura sûrement de l'aide pour faire adopter ce plan-là. Mais le Conseil du statut de la femme, on est là pour vous aider parce que c'est ça qu'on veut, on veut qu'il y ait l'atteinte de l'égalité entre les femmes et les hommes. Et, je le répète, nous sommes là pour vous aider.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme Pelchat. Merci, M. le député de Huntingdon. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, Mme Pelchat, Mme Farand, bien, merci de votre présentation. Je vais vous faire honneur, je ne serai pas complaisant dans mon interrogatoire...

Mme Pelchat (Christiane): Je n'en attends pas moins de vous.

M. Bédard: Ce n'est pas un interrogatoire, dans mes questions. Donc, je vais y aller directement. Il y a des éléments très intéressants que vous soulevez, ce que... Et, sans vous tendre un piège, mais à l'évidence vous souhaitez une priorisation, une forme de priorisation des droits où l'égalité hommes-femmes doit l'emporter sur d'autres droits, y incluant, je vous dirais, le principe qui fait en sorte que, pour un électeur... Donc, lui, le sexe n'est pas, je vous dirais, la priorité de choix. Ce qu'il souhaite, c'est être représenté à l'Assemblée nationale. Donc, ce qu'on fera à ce moment-là, c'est une forme de priorisation, effectivement, qui fait en sorte que l'égalité... Non?

Mme Pelchat (Christiane): Non. Effectivement, tout ce qu'on fait, et là je vais vous rappeler des... Vous êtes un vieil avocat... Je m'excuse, vous êtes jeune, mais ça fait longtemps que vous avez votre Barreau...

M. Bédard: Ce n'est pas gentil, là, je n'ai pas encore dit de mots, là...

Mme Pelchat (Christiane): Non, non. Non, non, mais ce que je veux dire, c'est que, souvenez-vous, il y a maintenant une distinction intéressante entre l'égalité formelle et l'égalité réelle, et nous sommes maintenant, avec le jugement Law de la Cour suprême, dans le règne de l'égalité réelle. Ça veut dire qu'il faut qu'il y ait des mesures pour qu'on arrive... Et, avec la définition de l'égalité tel que l'on a adapté dans notre politique... C'est dans le mémoire, à la page... Alors donc, ça prend des mesures justement pour que l'égalité soit réalisée. Et ces mesures-là, donc d'avoir des quotas ou des mesures incitatives pour avoir plus de femmes, sont justement le corollaire du droit à l'égalité réelle, et non pas du droit à l'égalité formelle, qui...

M. Bédard: Donc, ça passe les tests de l'égalité.

Mme Pelchat (Christiane): Absolument.

M. Bédard: Parfait.

Mme Pelchat (Christiane): Absolument, parce que c'est inclus dans le droit à l'égalité réelle, qui est né avec l'arrêt Law.

M. Bédard: Comme on est effectivement sur l'égalité hommes-femmes -- puis je pense, effectivement, que c'est un des sujets les plus importants puis... -- vous savez qu'actuellement il y a un débat qui court, actuellement, sur cette possibilité, à la limite, de hiérarchiser, mais d'affirmer encore plus fortement cette égalité hommes-femmes, entre autres dans le débat sur les accommodements raisonnables. Est-ce que vous pensez que c'est un signal intéressant à envoyer à ceux qui arrivent, à ceux qui sont déjà là, puis à ceux qui s'en viennent que cette égalité hommes-femmes ne doit pas subir d'exception en ce qui concerne, par exemple, les services publics?

Mme Pelchat (Christiane): Oui. Ça, c'est la position officielle du Conseil du statut de la femme, un accommodement qui empiète sur l'égalité entre les femmes et les hommes est un accommodement déraisonnable.

M. Bédard: Est-ce que vous pensez que ce fondement, donc, de l'égalité hommes-femmes doit se faire de façon... par décision au cas-par-cas ou on doit procéder à l'adoption de règles claires?

Mme Pelchat (Christiane): Je vois que M. le député a très bien lu notre avis sur l'égalité entre les femmes et les hommes, il est en train de me citer notre recommandation 6 et 7. Alors, oui, M. le ministre, nous n'avons pas changé d'avis et nous sommes toujours... nous demandons au gouvernement d'adopter des balises claires.

M. Bédard: Parfait. Bien, vous n'êtes pas seuls. C'est ça qui est important, je voulais vous le dire.

Mme Pelchat (Christiane): Mais, si vous me permettez, M. le député, j'aimerais vous citer... Dans notre mémoire, au chapitre premier, nous avons, pour la première fois, avec Louise Langevin, professeure de droit à l'Université Laval, et Caroline Beauchamp, notre juriste, entériné aussi par Henri Brun, jurisconseil au conseil pour notre avis... Je vais vous lire la définition de l'égalité entre les femmes et les hommes... Parce qu'il y a, en droit, une définition de l'égalité, de l'article 15 et de l'article... l'équivalent de la charte québécoise, l'article 3, mais il n'y a pas vraiment de définition de l'égalité des sexes, et je vais vous lire la façon dont le conseil a défini cette égalité entre les femmes et les hommes. Alors: «Le conseil considère que le droit à l'égalité entre les sexes, c'est le droit égal de chacune et de chacun de faire ce qui est en sa puissance. L'égalité est accomplie lorsque toute personne a la possibilité de réaliser tous ses droits à la mesure de son propre potentiel et de contribuer à l'évolution culturelle, économique, politique et sociale de son pays, tout en bénéficiant personnellement de cette évolution. Pour cela, il est essentiel d'admettre que la société établit une "différence entre le groupe [de] femmes et celui des hommes", que cette distinction est systémique et qu'elle est aggravée par d'autres facteurs, telles l'origine ethnique et l'orientation sexuelle. L'égalité entre les sexes demande la mise en place d'une politique coordonnée de l'égalité à tous les échelons étatiques, de même qu'une approche intégrée.»

Et j'ajouterais que, de là, viennent les mesures d'accommodement ou de discrimination positive qui sont définies... Et là vous allez voir le concept d'égalité réelle de la Cour suprême: «La discrimination positive est un principe: il s'agit d'instituer des inégalités pour promouvoir l'égalité, en accordant à certains un traitement préférentiel. On espère de la sorte rétablir une égalité des chances compromise par deux phénomènes: la généralisation ou la persistance de pratiques racistes ou sexistes, d'une part, une accentuation des inégalités socioéconomiques, d'autre part.»

Alors, comme on le fait pour les régions, nous accordons... Donc, le gouvernement est prêt à accorder un statut préférentiel pour des circonscriptions dans les régions, même si ça fait entrave peut-être au principe d'égalité des voix. Même s'il y a une entrave certaine... il y aurait peut-être potentiellement une entrave... pas une entrave, mais...

M. Bédard: Une violation?

Mme Pelchat (Christiane): ...une violation -- merci -- du droit à l'égalité des... c'est-à-dire du droit à... du rapport... Excusez, j'ai oublié, c'est l'égalité des voix. C'est l'égalité des voix, une femme, un vote, etc., alors... Mais on dit que, malgré le fait que ça puisse avoir cet impact, donc on le fait pour justement un traitement préférentiel parce qu'il y a un choix politique qui est de protéger certaines circonscriptions en région. Alors, nous, on demande de faire la même chose, un choix préférentiel avec des mesures incitatives pour l'instant, pour justement avoir cette égalité entre les femmes et les hommes.

M. Bédard: Parfait. Je continue parce que cet argument-là n'est pas le meilleur, je vous dirais, en tout respect, parce qu'on souhaite, effectivement, que ce quota-là n'existe pas, je vous dirais, de notre côté. Et, malheureusement, le processus... pas malheureusement... ou heureusement, mais peu importe, comme il n'y a pas unanimité actuellement, cet aspect-là du projet de loi va disparaître, effectivement, littéralement, parce qu'il ne rencontre pas ni les conditions juridiques, mais ni les conditions consensuelles que doit avoir une loi qui modifie une loi électorale, qui... Vous le savez, il y a des conditions, bien que ce ne soit pas écrit nulle part, que ce soit la règle de base du consensus qui est celle qui prévaut, donc.

Mais, en même temps, il y a d'autres arguments. Vous disiez la chambre des joueurs, effectivement ce qu'il faut... Donc, pour les candidatures éventuelles, avant d'arriver à un quota... Parce qu'il va venir un moment... Tout ça est une gradation. Donc, tout le monde souhaite l'égalité, qu'elle se manifeste aussi dans ce qui est le plus hautement démocratique, c'est le Parlement. Donc, même si on était partout égal dans notre société, si on ne l'est pas dans le Parlement, bien on aura un sacré problème en bout de ligne quand même. Donc, tout ça est une gradation.

Avant d'arriver à cette idée de quotas, vous avez proposé le fonds... Je regardais, moi, les bassins dans lesquels, effectivement, les candidats et candidates surgissent, les CRE par exemple, mais les CRE ne sont pas couvertes par cette réalité-là. Je regarde chez nous, 80 %, ça doit être des hommes. Je vous dirais que... Donc, comment on peut améliorer? Et c'est peut-être plus une réflexion, et là je vous le fais à brûle-pourpoint, là, parce que je faisais la discussion avec ma recherchiste, qui est aussi mon adjointe de... chef de cabinet, donc...

**(17 h 10)**

Mme Pelchat (Christiane): ...vous êtes bien entouré, M. le député, et vous avez des bonnes questions.

M. Bédard: Effectivement. D'ailleurs...

Mme Pelchat (Christiane): Mais vous êtes bien entouré.

M. Bédard: ...vous regarderez dans mon entourage, la grande partie, ce... Il y a deux réalités, c'est des femmes et elles viennent de la région. Alors, je vous dirais, je ne sais pas pourquoi, là, mais...

Mme Pelchat (Christiane): Alors, vous avez des biais bien intéressants.

M. Bédard: Oui, mais où je veux en venir, c'est comment on peut, finalement, améliorer ce bassin-là, cette chambre des joueurs, donc favoriser... Parce que, souvent, on cherche la notoriété en politique, au-delà même, malheureusement, je dirais même, de la compétence, ce qui est épouvantable, mais j'ai tendance à le croire, malheureusement. Comment on peut améliorer cette notoriété, justement, des femmes?

Mme Pelchat (Christiane): En fait, c'est que, malheureusement, les partis politiques sont, la majorité du temps, à la dernière minute pour recruter des femmes. J'ai été déjà membre d'un comité de recrutement de femmes, puis c'est toujours à la dernière minute. On demande toujours aussi aux personnes les plus occupées, les députés, de faire partie des comités de recrutement, alors que les députés sont aussi occupés à se faire réélire. Donc, il y a... Quand on est sérieux et quand on veut vraiment, qu'il y a vraiment une volonté politique, on s'arrange pour mettre des institutions... des plans d'action pour avoir des femmes et, déjà, on commence à les recruter de longue date. Et c'est là qu'on peut voir, par exemple, dans... Si je reprends votre exemple des CRE, effectivement il y a des CRE, même s'il y a un principe de représentation équitable dans la loi sur... Je ne me souviens plus, la loi qui a créé les CRE, c'est quoi, le nom exactement, il y a un principe de représentation équitable, mais ça ne se fait pas. Par exemple, la ville de Montréal, elle, le fait, elle a décidé...

M. Bédard: D'ailleurs, avant vous, je dois vous dire que la CRE de Montréal était là, et il y avait trois femmes. Je vous le dis en passant, en tout cas, de ne pas vous décourager. Mais, dans l'ensemble des CRE, ça n'existe pas, là, effectivement.

Mme Pelchat (Christiane): Mais la CRE de Montréal est une des CRE les plus égalitaires, il y a... Parce qu'il y a les candidates... Les représentants des élus, souvent on a du mal à avoir 50 %, puisqu'il n'y a pas 50 % de femmes élues. Mais ce que la CRE de Montréal a demandé à toutes les autres organisations de faire, c'est de donner deux lettres... deux noms de candidatures, une femme et un homme, pour s'assurer effectivement qu'il y ait, dans l'ensemble de la CRE, 50 %. C'est une façon de faire de la compensation. Mais il y en a, des femmes, pour utiliser une expression africaine, il y en a, des femmes en pagaille partout au Québec, qui sont prêtes à venir en politique. Mais il faut aussi, comme je dis, adapter la politique à leurs préoccupations.

M. Bédard: Ça, ça a avancé, je vous dirais, depuis, là... Sans vous accuser d'être très âgée, là, mais, effectivement, ça s'est beaucoup amélioré. La cohorte de 1994 a mis fin à la game des gars, là, qui est celle de... il faut... Une lutte législative est aussi physique. Donc, plus tu toffes physiquement, plus ça a une valeur, là.

Mme Pelchat (Christiane): ...ce n'est pas terminé, M. le député?

M. Bédard: Ah! en grande partie, effectivement, c'est terminé. Je vous dirais que les heures de... Maintenant, d'ailleurs, on ne siège même plus jusqu'à minuit, même en session intensive. Elle n'est intensive que par son nom, je vous dirais, à peu près. Donc, on a ramené ça selon un des critères normaux de notre société qui est celui que tu n'es pas obligé de toffer jusqu'à minuit pour montrer ta valeur, tu sais. Donc, avant, c'était toute la nuit, puis je me souviens comment tout le monde s'enorgueillait d'avoir fait jusqu'à 24 heures au complet, puis d'arriver à la maison, puis de dire à ses enfants: Regardez, j'ai toffé 24 heures, puis ça n'émouvait à peu près personne, là. Mais c'était ça, la réalité concrète des gens qui ont gagné une bataille que personne ne connaît, et c'est... Je ne vous dis pas qu'il y a encore des choses à faire. Je vous dirais, par exemple, les deux semaines de relâche sont prises maintenant réellement. Donc, on prend cette semaine de relâche là. Et je vous dirais même, sans faire un sondage auprès de mes collègues, mais la nouvelle génération... la nouvelle... Et là vous me dites que je suis vieux, donc l'ancienne aussi, la plupart des députés, leurs conjointes...

Mme Pelchat (Christiane): J'ai dit: Vous êtes un vieil avocat. Ce n'est pas la même chose.

M. Bédard: ... -- c'est ça -- leurs conjointes travaillent aussi et ont une vie professionnelle qui est... Comme, moi, ma femme est présidente en plus de Centraide, en plus de travailler, être responsable du développement des affaires de caisses Desjardins, alors une institution financière. Je vous dis un exemple, mais on pourrait en parler de bien d'autres. Je vous donne mon exemple, mais cette réalité-là devient, je pense, de plus en plus notre réalité. Par contre, il reste effectivement, moi, ce que je constate, la notoriété, et le choix des candidates, donc, se fait à partir de critères qui ne sont pas bons. Donc, je vous écoutais et je me disais: Il faut augmenter la notoriété des femmes qui s'illustrent dans nos... partout.

Mme Pelchat (Christiane): Mais, si on commence, M. le député, si, au Parti québécois, là... Je suis certaine que Mme Marois sera... la députée, j'allais dire, de Taillon, excusez-moi, de Charlevoix...

M. Bédard: Charlevoix maintenant.

Mme Pelchat (Christiane): Mon défaut de... On a siégé ensemble côte à côté, elle et moi. Donc, elle est tout à fait d'accord avec ce que je dis sur la possibilité que vous... aujourd'hui, le Parti québécois fasse un plan d'accès. Et vous identifiez, par exemple, dans la région, chez vous, quelques femmes qui n'ont peut-être pas encore la notoriété nécessaire pour être élues, mais, dans trois ans, peut-être qu'avec l'accompagnement du parti elles auraient atteint cette notoriété suffisante.

Mais la notoriété, ce n'est pas tout pour se faire élire. Moi, je pense que je connais plusieurs députés qui se sont fait élire pas seulement par la notoriété, mais aussi par la détermination et le porte-à-porte. Et c'est encore comme ça. Je vous dirais, dans Saint-Hubert, qui est mon ancien comté, la mairesse de Longueuil, Caroline St-Hilaire, a réussi à percer dans des endroits où jamais personne n'aurait cru qu'elle perce, que ses candidats percent, mais il y a des gens de ma famille qui m'ont dit... il y a des gens qui ont dit: Mais ses candidats, Mme St-Hilaire, sont venus deux fois faire du porte-à-porte chez nous. Deux fois. Ça marche encore, le porte-à-porte.

Mais ça... Oui, la notoriété, mais aujourd'hui, M. le député, la notoriété locale, c'est très difficile à mesurer parce qu'avec les... Aujourd'hui, nos hebdos ne traitent pas tellement, en tout cas, de la politique locale ou, en tout cas, pas suffisamment. Puis, bon, on n'est pas toujours sur les ondes de RDI, de LCN, donc on n'a pas cette possibilité-là. Mais on est quand même capable localement de la monter, cette notoriété, si on s'y prend d'avance.

M. Bédard: Effectivement. Et il y a deux choses, c'est pour ça que... Il y a cet aspect où les partis peuvent se réglementer eux-mêmes. D'ailleurs, moi, je pense que c'est une des phases avant l'arrivée des quotas.

Mme Pelchat (Christiane): Mais, écoutez, M. le député, les quotas, je n'en parle même pas, nous sommes à des mesures incitatives.

M. Bédard: Non, non, non, je le sais, mais, je vous dis, tout est une gradation. Ultimement, tu vas arriver à quelque chose qui va bouger, je vous le dis, dans le temps, là. Alors, l'idée... Mais tu ne souhaites jamais... Parce qu'il y a un petit côté où tu as une partie de la population qui aurait une résistance qui peut se justifier pour différents motifs, et donc... Mais, avant d'arriver là, tu dis: Comment je peux créer des incitatifs qui vont amener justement que cette égalité sera présente même ici sans être obligé de fixer un quota? Donc, il y a celle de la discipline des partis qui peuvent décider eux autres mêmes d'instaurer un processus...

Mme Pelchat (Christiane): Je vous mets au défi, justement, de la faire...

M. Bédard: Bien, c'est ce que je vois.

Mme Pelchat (Christiane): ...dès la semaine prochaine.

M. Bédard: C'est ce que je vois, effectivement. Donc, on n'est pas encore à l'élection. Je sais que les gens souhaitent qu'il y en ait bientôt, mais il n'y en aura pas avant trois ans. Alors, que voulez-vous, à moins de surprise... On n'est pas à l'abri de bonnes surprises, mais normalement...

Mme Pelchat (Christiane): Mais c'est en ce moment que c'est le temps, M. le député.

M. Bédard: Et voilà. La deuxième, c'est celle de... Comme la réaction des partis aussi, c'est de choisir ses candidats, candidates à partir de différents critères. Mais, je vous disais, celle de... Parce que faire connaître quelqu'un pendant une campagne, c'est long, c'est compliqué. Oui, il y a le porte-à-porte -- j'en ai fait, j'en fais encore -- mais, quand tu prends quelqu'un que tout le monde connaît, c'est plus facile, tu pars avec une longueur d'avance. Là, je me dis: Il faut vraiment favoriser cette plus grande notoriété. Donc, il faut, même dans les instances, entre guillemets... Ce n'est pas plus bas, mais les différentes structures au niveau régional et local... Parce qu'un sous-ministre, c'est rare que ça se présente en politique. Et c'est bon d'avoir cette politique, mais maintenant de même étendre cette réalité-là au niveau local et régional. Et c'est ça, je réfléchis, je vous invite à...

Mme Pelchat (Christiane): Mais, comme je vous dis, le Conseil du statut de la femme est prêt à accompagner les trois partis politiques pour élaborer un plan d'accès à l'égalité. Et je le fais vraiment avec un intérêt et un biais, nous, le conseil, on veut plus de femmes en politique, particulièrement à l'Assemblée nationale, mais aussi au municipal.

M. Bédard: Effectivement. D'ailleurs, on me soulignait que, dans le comté de Vachon, nous aurons une candidate. Je ne sais pas si c'est de nature à vous...

Mme Pelchat (Christiane): Oui.

M. Bédard: Mais, en politique, vous savez, surtout au Parti québécois -- et c'est Martine Ouellet, effectivement, que vous connaissez bien -- ...

Mme Pelchat (Christiane): Oui, oui, je la connais.

M. Bédard: ...les comtés sûrs, ce n'est jamais clair. Il y a eu... J'en parlais d'ailleurs avec le député de Rousseau -- moi aussi, des fois, on part pour se parler par notre prénom, donc le député de Rousseau -- que les comtés sûrs au Parti québécois... Il y a peu de comtés, d'ailleurs, qui n'ont jamais été perdus, qui ont... En tout cas, c'est rare qu'on a un long historique parce que, justement, les comtés peuvent varier. Bon, il y a eu la vague adéquiste et même libérale, le comté Jonquière est allé au Parti libéral. Le comté à côté de chez nous, Dubuc, est actuellement libéral. Donc, les comtés... la... de comté sûr, chez nous, il faut faire attention parce que ça peut être un incitatif aux gens à ne pas voter. Les gens n'aiment pas se faire prendre pour acquis.

Alors, en tout cas, je vous donne un peu la difficulté pas de faire ce que vous demandez, mais on ne peut pas... Il ne faut pas non plus... Il y a des comtés perdus à l'avance, ou presque. Ça, je ne vous le cacherai pas. Mais les comtés sûrs, c'est un petit peu moins clair. Mais il faut... ça prend un incitatif. Et là je suis en train de réfléchir, est-ce que c'est ce que vous proposez, un incitatif financier, comme le proposait Benoît Pelletier? Est-ce que ça peut être autre chose?

**(17 h 20)**

Mme Pelchat (Christiane): Mais c'est certainement une avenue. L'incitatif financier dans ce que M. Pelletier proposait, c'est jumelé à un plan d'action pour avoir plus de femmes comme candidates et comme élues à l'Assemblée nationale. Donc, ce n'est pas seulement l'incitatif, mais c'est lié à des résultats. Et ce que j'aime dans la proposition de M. Pelletier, on va donner du financement additionnel aux partis politiques quand il y aura au moins 35 % de femmes élues pour leurs formations politiques jusqu'à temps qu'il y ait 50 %. C'est de l'argent public. Alors, le 64 % que vous allez donner de plus aux partis politiques, il faut qu'ils le méritent.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. le député de Rousseau.

M. Marceau: O.K. Merci. Bonjour. Bonjour. Écoutez, en fait, sur ce dernier point que vous abordiez et juste simplement pour m'assurer que ce que vous proposez est de... Je vais le lire, en fait, là: «Qu'un parti politique...» Ça, c'est à la page 22 de votre mémoire: «Qu'un parti politique qui, à la suite d'une élection générale, compte au moins 30 % de femmes parmi ses députés reçoive un remboursement de ses dépenses électorales majoré du pourcentage de femmes élues dans sa formation politique, jusqu'à concurrence de 50 %.» Ça, c'est à la page 22.

Bien, écoutez, la question, c'est: Est-ce que la forme précise que ça prend est importante pour vous? Il y aurait moyen... Parce que vous savez que le projet de loi prévoit en ce moment -- c'est à l'article 9, là -- que le montant de financement étatique... Parce que c'est deux choses, hein? Il y a le financement étatique qui est supposé augmenter de 0,50 $ à 0,82 $. Alors, vous disiez qu'il y aurait moyen de faire en sorte que les sommes qui sont versées aux partis politiques par le biais du financement étatique soient plus fortement attribuées à ceux qui ont plus de femmes. Ça, c'est une avenue. Puis il y a l'autre, qui est celle que vous abordez, qui est d'augmenter le remboursement des dépenses lorsqu'il y a plus de femmes. Est-ce que vous avez une préférence?

Juste à des fins d'information, je me souviens que, pour avoir lu ça, là, en préparation à ce projet de loi... Je crois que c'est en Suède ou en Finlande -- en tout cas, c'est toujours un pays scandinave, là -- dans un de ces deux pays-là, on donne, donc, un financement étatique d'autant plus grand que le parti a réussi à faire élire. Alors, ce n'est pas une question de remboursement des dépenses, là, c'est...

Mme Pelchat (Christiane): C'est qu'il y a deux choses là-dedans. Il y a le remboursement des dépenses électorales, effectivement, que ces députés reçoivent, un remboursement de ces dépenses majoré au pourcentage, mais il y a aussi une prime annuelle -- si je ne me trompe pas, c'était dans la proposition de M. Pelletier -- alors une allocation annuelle additionnelle, dont le montant serait à déterminer, en fonction du pourcentage de femmes qui se feraient élire. Alors, il y aurait deux façons de le faire.

Mais, encore là, je ne suis pas... le conseil, on n'est pas fermé. On a pris cette proposition-là parce que c'est celle qu'on avait faite lors de l'avant-projet de loi. Mais c'est certain que, le parti qui fait élire plus de femmes à l'Assemblée nationale, le remboursement des dépenses électorales... C'est intéressant aussi pour le parti d'avoir, donc, un plus grand remboursement par rapport au nombre de femmes élues et, deuxièmement, un montant additionnel pour faire fonctionner le parti en fonction du nombre de femmes élues jusqu'à ce qu'il y ait 50 % de femmes élues.

Les pays scandinaves ont des obligations législatives pour avoir 50 % de femmes élues à l'Assemblée, au Parlement, mais pas encore dans les municipalités, donc. Mais, malheureusement... Moi, j'aimerais ça que ça se fasse, qu'on arrive à 50 % de femmes. Mais c'est possible, et, avec ces mesures incitatives, avant d'instituer des quotas, je pense que ça peut se faire. Et des mesures incitatives comme celles-là peuvent aussi inciter les partis politiques à présenter des femmes, les gros partis, que ce soient les partis... mais aussi les plus petits partis, justement parce que ça pourrait les aider à avoir un plus grand remboursement et une allocation annuelle pour aider à faire fonctionner le parti.

M. Marceau: O.K. Bon, c'est parfait. C'est clair, ça clarifie. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, M. le député de Rousseau. Merci infiniment pour votre présentation, Mme Pelchat.

Mme Pelchat (Christiane): Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bon retour chez vous, à Mme Farand aussi.

Mme Farand (Béatrice): Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Et je vais suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 25)

 

(Reprise à 17 h 29)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): On reprend nos travaux. Donc, comme vous l'avez constaté, il y aura un PowerPoint qui va permettre d'appuyer les propos de M. Dutil, qui a un homonyme mais qui n'a aucun lien de parenté, n'est-ce pas, M. Dutil?

M. Dutil (Beauce-Sud): Bien, on en a peut-être un, mais je ne sais pas lequel.

M. Dutil (Yvan): Tous les Dutil sont parents d'au moins... Mais j'ai déjà fait la recherche, et il y a au moins cinq générations de différence.

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui. Bien, en tout cas, on réglera ça tout à l'heure.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Dont une mer nous sépare. Je vais donc répéter les règles: 10 minutes pour votre présentation -- ça va? -- puis il y aura les échanges de part et d'autre, là, ce qui devrait couvrir la période complète, là, de votre présence.

Donc, bienvenue chez nous. En fait, bienvenue chez vous, à l'Assemblée nationale. Et bienvenue à la commission aussi. Donc, M. Dutil, allez-y pour votre présentation, nous sommes à votre écoute.

M. Yvan Dutil

M. Dutil (Yvan): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je vous remercie de m'accueillir ici, à l'Assemblée nationale, pour faire une brève présentation sur quelques idées que j'ai à présenter sur le présent problème.

**(17 h 30)**

Juste avant de commencer -- c'est des éléments que je n'ai pas mis dans mon mémoire, mais je pense que je n'avais pas à insister là-dessus -- sur le problème du financement des partis politiques, quelque chose que, moi, je trouverais une solution assez élégante, ça serait de tout déplacer les activités de financement dans les mains du DGEQ de façon... Il y a un filtre, vous ne savez pas qui vous a donné de l'argent puis vous... On ne sait pas qui vous a donné de l'argent, ça fait qu'il n'y a aucun moyen de devoir rien à personne.

Puis autre chose, c'est que ça vous sauve du temps. Toutes les activités de financement du parti politique qui, du point de vue du citoyen, ne sont pas rentables, bien vous n'aurez pas à... ce serait quelqu'un d'autre. Puis le DGEQ peut rejoindre les 5 millions d'électeurs du Québec à tous les ans avec des moyens beaucoup plus efficaces que vous pouvez le faire vous-mêmes.

L'autre chose, j'ai regardé la Loi électorale, et la méthode qui est utilisée pour distribuer les comtés est basée sur ce qu'on appelle la règle de Sainte-Laguë, Webster. Ça doit être américain. C'est un excellent choix, c'est la meilleure méthode du point de vue mathématique. Il y a juste un petit problème, de la façon dont elle est écrite dans Loi électorale, on dit: Vous devez diviser le nombre de résidents dans chaque comté par la population du Québec, divisée par 123 comtés. Bien ça, ça ne marche pas toujours. De temps en temps, il faut baisser de 1/10 de 1 %, monter 1/10 de 1 %. Si vous faites exactement ça, bien, un coup, vous allez arriver à 122 puis, un coup, vous allez arriver à 124. Donc, si, rigoureusement, le DGEQ devait suivre cette règle-là, il y aurait des problèmes de temps à autre.

L'autre aspect de cette règle mathématique là, c'est que, de temps en temps, c'est impossible d'arriver sur le chiffre exact. Ça n'arrive pas souvent, là, mais c'est un phénomène connu, qui s'appelle la sortie de quota, puis c'est impossible à éviter. Donc, ça prendrait peut-être une petite ligne dans la loi qui dit: Advenant le cas où on sort du quota, ce qui est... on pourrait ajouter un député de plus. Donc, c'est une affaire qui ne va arriver quasiment jamais, mais, juste pour ne pas être mal pris, ce serait une bonne idée.

L'autre problème qui m'a embêté un petit peu, c'est la gestion des exceptions, là. Bon, O.K., on a des comtés, ils sont... il y a un minimum de députés. La façon, normalement, dont c'est fait, c'est que, tous les comtés qui sont en exception, on les retire du processus d'aproportionnement, on les met à part, on enlève leur population, puis ensuite on redistribue les députés restants dans le reste de la population. Et ça ne paraissait pas dans la Loi électorale.

L'autre aspect qui m'embêtait un peu, c'était l'augmentation du nombre de députés au cours du temps. La règle n'est pas d'une grande clarté, on dirait qu'on déplace le problème au niveau du DGEQ.

Et l'autre aspect qui m'embêtait, c'est: On pourra mettre combien de députés dans le salon bleu? Je sais que, bon, ça a l'air d'à long terme, mais j'ai un de mes amis, il m'a dit: Regarde... Moi, il y a quatre ans, je suis venu puis j'ai dit: Il faudrait monter peut-être à 145 pour avoir un semblant de proportionnelle ou de représentation régionale. Puis il dit: Regarde, je ne sais pas comment on peut mettre une personne de plus au parlement. Donc, c'est quelque chose qui, bêtement, là... Si la limite est à 140 ou... il faudrait peut-être partir tout de suite de cette limite-là puis s'accoter dessus. Donc ça, c'est le genre de problème, là, de quelqu'un qui est un peu paranoïaque par habitude.

Donc, un autre aspect que je veux vous mettre en garde immédiatement, c'est une analyse que j'ai faite, et, au cours des 30 dernières années, la complexité du système politique québécois, la diversité des opinions politiques des Québécois ne fait qu'augmenter. Ça suit une belle droite, à toutes fins pratiques, à part un point, là, qui correspond à la dernière élection, en 2007, où l'ADQ a explosé. Ça, ça a deux effets. D'une part, la pluralité de notre mode de scrutin. Plus il y a de candidats puis qu'ils sont effectifs, moins il devient précis. Et, en 2007, j'avais fait des expériences qui m'indiquaient qu'il y avait quelque part entre 7 % et 27 % de députés qui avaient été élus par erreur. Ce n'était pas le député qui avait le plus...

Une voix: ...

M. Dutil (Yvan): Ce n'était pas le député qui avait le plus grand support dans la population qui avait été élu. C'est un problème connu, là. Je vous dirais que la littérature commence à Pline le Jeune au Ier siècle de notre ère, et ça été redécouvert au XIVe, au XVIe, au XVIIe siècle. C'est une branche des sciences économiques qu'on appelle la théorie du choix social, votre collègue M. Marceau pourra vous en parler. Et ce serait un problème parce qu'éventuellement il va y avoir un problème de légitimité évident.

Et l'autre chose qu'on voit, c'est que... Le point rouge, c'est le sondage d'hier matin. Si la tendance se maintient, ça va être assez pénible à la prochaine élection au point de vue de la représentativité puis la légitimité des candidats élus. Donc ça, c'est quelque chose... des problèmes que j'anticipe.

Il y a quatre ans, j'ai présenté un mémoire ici, en commission parlementaire, sur exactement, à peu près, le même problème et j'avais transmis ce mémoire-là à un spécialiste français qui s'appelle Michel Balinski, qui est professeur à l'École polytechnique de Paris. Et, à ce moment-là, il m'a dit: Écoute... C'est parce que, le gros problème au Québec -- puis je pense que vous l'avez vécu au cours des dernières semaines -- on a un territoire immense avec une densité de population qui varie d'extrêmement concentrée à quelques endroits sur le territoire à éparpillée à des niveaux ridicules. Le Nunavik, c'est grand comme l'Espagne, et il y a 11 000 personnes qui vivent là-dessus. Et tout le monde s'attend à avoir un minimum de contacts avec son député ou, en tout cas, une possibilité d'en avoir au cours de sa vie.

Donc, il m'est arrivé, il m'a dit: O.K. On a une solution. Ça venait d'être inventé, ça a été inventé dans le... En fait, ça a été inventé dans une période assez longue, mais, en 2006, ils sont arrivés à la solution. Il y a deux variantes, là. Un, c'est le scrutin majoritaire équitable, puis l'autre, c'est la biproportionnalité. Et la façon dont ça fonctionne, ça a été conçu pour les systèmes proportionnels, donc on prend le nombre de sièges et on les transforme en votes équivalents. Dans un système proportionnel, vous avez toujours un seuil électoral. Donc, c'est pour ça qu'il y a une coche dans la ligne verte, là, c'est que, souvent, en bas de 5 % ou en bas de 2 %, les votes, ils ne comptent pas, et on les jette. Dans notre mode de scrutin à nous, c'est une courbe qui ressemble à ça qui se produit, ça ressemble à un s, comme ça. Incidemment, le s, il était très à pic, aller jusqu'à 2003. La présence de l'ADQ a fait basculer le s comme ça. La proportionnalité a doublé, en fait, depuis cette époque-là.

L'avantage de cette méthode-là, c'est qu'elle va corriger plusieurs problèmes de notre mode de scrutin. Entre autres, elle absorbe tous les biais. Le fait que les comtés soient différents, le fait que les comtés libéraux sont plus gros, en moyenne, que les comtés péquistes, le fait que le vote libéral est concentré dans quelques comtés montréalais, tout ça est absorbé. Le fait que les comtés sont de différente taille, tout ça est absorbé dans la méthode parce que la méthode fait que tous les votes sont exactement égaux. La façon qu'on obtient ce résultat-là, c'est qu'il y a des... on multiplie chaque vote par un coefficient multiplicatif. Donc, si, je ne sais pas, le Parti libéral, il perd trois, quatre députés à cause de la distribution géographique de ses votes, bien on multiplie un petit peu son vote, de 1 % ou 2 %, puis ça lui fait gagner les trois, quatre comtés qu'il a perdus pour ces considérations-là.

Ça a été proposé aux États-Unis parce que, aux États-Unis, il y a un gros problème de «gerrymandering». Les cartes électorales ne sont pas faites par un organisme indépendant comme ici, au Québec. Les cartes électorales, aux États-Unis, sont faites par des commissions organisées par le gouvernement. Donc, vous pouvez vous imaginer qu'on va ajuster judicieusement les frontières. Incidemment, les lois américaines, par contre, sont extrêmement strictes sur les différences de population d'une circonscription électorale à l'autre. Dans certains cas, là, on allait jusqu'au dixième de 1 %. Parce que la loi américaine est très claire, les votes doivent être égaux.

Ici, au Canada, on est très, très laxistes là-dessus. Comme par exemple, sur l'île de Montréal, moi, on m'a dit, des experts en formation de carte électorale m'ont dit: Montréal, 5 %, maximum, ça devrait être la norme. 25 % sur l'île, il n'y a aucune excuse pour faire ça, surtout que c'est un milieu urbain continu, là. On s'entend que ce n'est pas comme en Beauce ou en Gaspésie, où, là, tu débarques un village de comté, là, puis ça change tout pour les gens, là. En milieu urbain, là, ça devrait être extrêmement... la marge pourrait être beaucoup plus réduite. Donc ça, c'est une solution au «gerrymandering», à la concentration du vote.

La biproportionnalité, c'était le problème de la représentativité régionale. En Europe, ils ont... Pour vous raconter l'histoire, c'est en Suisse que ce mode de scrutin là est apparu en premier. Il y a un citoyen de Zurich qui vivait dans un... Son district électoral, il n'y en avait que trois, candidats, puis il votait pour un parti mineur, puis il dit: Oui, mais à trois candidats ça fait comme un seuil électoral de 15 %. Il dit: Moi, mon vote, qui est supposé compter d'après la Constitution Suisse, suivant la loi, il ne compte pas. Il va voir un juge, le juge lui dit: Vous avez parfaitement raison, monsieur. Il condamne la ville de Zurich à régler le problème. Et, bon, ce n'est pas au Canada, ça fait qu'ils ne sont pas montés en Cour suprême, puis la Cour suprême n'a pas dit: C'est un problème politique, moi, je ne m'occupe pas de ça.

Le fonctionnaire qui était responsable du dossier voit ce numéro-là de la version allemande de Pour la Science, qui est la version française de Scientific American, Spécial élections. En passant, ça a été publié en 2002, pendant qu'on était en plein débat sur la réforme du mode de scrutin au Québec, puis je n'ai jamais vu personne parler de ces éléments-là. Le fonctionnaire, il trouve un article là-dedans: Hein, c'est super intéressant! Il va voir un mathématicien de l'Université d'Augsbourg, ils programment le... ils font l'algorithme, et, depuis ce temps-là, il s'est appliqué dans la ville de Zurich et ainsi que les cantons de Schaffhausen et d'Aargau, qui sont aussi en Suisse. Et là les Îles Féroé sont en train de l'utiliser, puis, en Europe, là, ça se propage, là, assez rapidement parce que ça règle un paquet de problèmes dus au fait de la représentation régionale. Les toutes petites régions n'ont pas assez de représentants pour avoir un seuil électoral acceptable.

Donc ça, c'est quelque chose qui est en train de se mettre en place un peu partout. Ça fait l'équivalent d'une compensation, mais sans passer par un système mixte allemand, là. Donc, tout le monde est élu de la même façon, tout le monde vote une fois, puis il n'y a pas d'autre subtilité dans le système. On peut l'utiliser... La version vote majoritaire équitable peut être utilisée avec des comtés à un candidat, comme on a ici, sans problème. Ça, c'est la version qui a été proposée pour les États-Unis, pour absorber, eux, les problèmes de «gerrymandering». Donc, ce sont les deux...

J'ai fait une petite planche, parce que je savais que j'allais passer après les dames du Conseil du statut de la femme, sur la représentation féminine. J'avais développé une petite expertise, il y a quatre ans, là-dessus. À l'époque, on était, je pense, si je me souviens, 12e ou 13e au monde, avec nos 32 % qu'il y avait eu à l'élection de 2004. En termes de vitesse, parce que c'est ça qui est vraiment le paramètre important, en 2004, on était deuxième au monde. Il y avait juste les Espagnols qui allaient plus vite que nous autres en termes de progression du nombre de femmes au cours du temps. Là, on a rebaissé un petit peu parce que, les deux dernières élections, ça n'a pas été riche, là. Et, la Suède, la Finlande et le Danemark, on est à peu près à la même vitesse qu'eux autres.

**(17 h 40)**

Pourquoi il y a plus de femmes dans les pays scandinaves? Tout simplement parce qu'ils ont commencé après la Deuxième Guerre mondiale, pas dans les années soixante-dix comme nous autres, et il y a des arguments très clairs que c'est purement d'ordre économique. Ça prend de l'argent pour se faire élire, puis ça prend des postes de chef d'entreprise. Et ce qui est arrivé en Suède, c'est qu'après la Deuxième Guerre mondiale, eux, ils ont connu un boom économique, et, contrairement à ici, plutôt que les femmes retournent aux maisons, bien elles ont embarqué dans les usines tout de suite, puis elles ont monté les échelons du pouvoir, et, assez rapidement, elles ont atteint le 45 %. Et il y a très peu de différence avec ou sans quota dans les pays, en fait, puis la proportionnelle a très peu d'impact aussi. Ça, c'est quelque chose qui est apparu assez étonnant.

Le paramètre important, l'aspect économique. L'autre, c'est: Il faut qu'il y ait des portes d'entrée, de temps en temps, qui s'ouvrent dans le système. Si vos députés, comme aux États-Unis, ont une durée de vie quasiment éternelle, bien là il faut qu'il y en ait un qui meure pour qu'il y ait une élection, pour qu'une femme ait une chance de rentrer. C'est comme ça que vous vous ramassez avec 12 % de femmes. C'est le même problème qu'ils ont en France parce que, là, tout le monde cumule les rôles. Ça fait que, là, essaie de te faire élire quand la personne est préfet, maire de la ville, elle cumule tous les postes. Ça fait que, là, c'est impossible.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Dutil, c'est très intéressant, votre présentation. Malheureusement, le temps est écoulé. Mais, si j'ai le consentement, on...

M. Dutil (Yvan): Non, mais ça terminait. J'avais prévu de finir à ce moment-là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ah oui?

M. Dutil (Yvan): Oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Excellent. C'est ce qu'on appelle de l'organisation. M. le ministre.

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui. Bien, en fait, il est bien «timé». C'est un Dutil, là, il est à l'ordre. Merci, M. Dutil -- ça me fait curieux d'appeler quelqu'un M. Dutil, là -- c'est très intéressant. Dans ce que vous nous présentez, il y a des bouts de... il y a des choses qu'il va falloir que vous nous expliquiez davantage, là. De quelle façon vous la faites, votre proportionnelle... pas votre proportionnelle, mais votre vote équitable? Voyons, où est-ce qu'il est, lui? Je pense, c'était dans la deuxième acétate.

M. Dutil (Yvan): Oui, en fait, c'est... Ici?

M. Dutil (Beauce-Sud): L'autre.

M. Dutil (Yvan): C'est-u celui-là que vous vouliez ou...

M. Dutil (Beauce-Sud): Celle d'avant.

M. Dutil (Yvan): Celle d'avant.

M. Dutil (Beauce-Sud): Bon, continuez.

M. Dutil (Yvan): Bien là, je suis rendu au début, là.

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui.

M. Dutil (Yvan): Donc, ça doit être ça ici?

M. Dutil (Beauce-Sud): Celle-là. Celle-là, vote équivalent, voilà.

M. Dutil (Yvan): Oui, c'est ça. En fait, dans un système proportionnel, la façon dont ça fonctionne, les votes en bas de 5 %, typiquement, valent zéro.

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui, d'accord.

M. Dutil (Yvan): C'est beau, la proportionnelle, mais, dans les faits, on jette, à peu près, pratiquement 15 %, 20 % des votes. On ne le dit pas au monde, là.

M. Dutil (Beauce-Sud): Parce qu'on a mis la barrière à 5 %.

M. Dutil (Yvan): C'est ça, c'est à peu près trois...

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui, mais, si on la met à 3 %, la barrière, on jette moins de votes.

M. Dutil (Yvan): Ça va être à peu près 10 %. C'est un facteur trois, à peu près, le facteur multiplicatif. C'est une conséquence, là... c'est ce qu'on appelle la loi de Lefebvre, là, qui est un phénomène, en psychologie, qui est connu. Vous avez une décroissance exponentielle des préférences. D'ailleurs, c'est une des raisons, qu'on m'a expliqué, pourquoi il n'y avait pas eu de réforme de scrutin la dernière fois, c'est que les gens ont lu mon mémoire, puis ils se sont aperçus que ce ne seraient pas les mêmes résultats électoraux que dans le passé, et ça a fait chut, chut. On m'a clairement dit: Merci, chez nous, c'est mort... ça va aller... on va trouver que... ça être vraiment grave avant qu'on change quelque chose.

M. Dutil (Beauce-Sud): Vous parlez du Québec, là, vous parlez de ce que...

M. Dutil (Yvan): Oui. Oui. Comme de quoi ça ne sert pas à rien de présenter des mémoires en commission parlementaire. Donc ça, c'est ce qui se passe dans un système proportionnel. Nous, ce qu'on a dans... si on prend notre distribution, la façon dont on convertit les pourcentages de voix en pourcentages de sièges, c'est une forme de s, comme ça. Donc, le point milieu, à l'heure actuelle, il est à peu près à 40 %. Historiquement, c'est 45 %. Si tu n'avais pas 45 % des voix, tu ne pouvais pas vraiment espérer former le gouvernement. On avait une petite pénalité pour le Parti libéral d'à peu près 3 %, donc ça faisait... Et la pente, historiquement, était de 4 % de sièges par pour cent de voix. Donc, les 3 % du Parti libéral, bien ça faisait comme ils perdaient 12 députés, là. Puis ça s'est... d'après les quelques chiffres que j'ai, ça s'est resserré. Donc, la différence serait plus de l'ordre de 1 %, si on se fie aux trois dernières élections, mais ce n'est pas un gros ensemble de données pour valider. Et la pente, au lieu d'être 4 %, elle est à peu près de 2,3 %. Donc, l'effet est beaucoup plus faible qu'il était historiquement.

Et la proportionnalité a augmenté. Pourquoi? C'est parce que l'ADQ est arrivée dans le décor. Ça rajoute du bruit dans le système parce que, là, l'ADQ pousse sur le PQ, pousse sur le Parti libéral. Tu te ramasses avec trois partis, ça brasse plus, ça fait qu'il y a... les compétitions sont plus égales. Parce que c'est la variabilité régionale qui fait que notre système a un petit peu de proportionnalité. Si on faisait un référendum à savoir qui est le parti qui a le pouvoir, bien ce serait un puis zéro, là. Mais, en faisant plusieurs comtés, bien la population change, l'économie, là, ces choses-là... À mesure qu'il va s'ajouter des partis politiques, éventuellement ça va peut-être encore être un peu plus proportionnel, mais j'ai fait des calculs, puis on n'arrive jamais à un beau un pour un comme dans un système proportionnel. Je pense qu'on peut descendre à 1,5, quelque chose comme ça.

Le problème qui se passe, c'est que ça donne des... quand ça se produit, ce phénomène-là, bien ça donne des gouvernements minoritaires parce qu'évidemment, là, tout le monde glisse un peu en pourcentage, puis la pente diminue. Ça fait que, là, vous n'avez plus votre prime que vous aviez autrefois quand... Ça fait que, là, on se ramasse avec des gouvernements minoritaires. La mécanique ici n'est pas vraiment adaptée à ça au... Dans le système britannique, ça n'a pas été prévu pour ça. Au fédéral, bon, ils s'ajustent, mais ici ce n'est pas encore prêt pour ça.

Le problème que je vois, c'est que cette augmentation-là des petits partis, ce n'est pas quelque chose de récent, ça fait au moins 30 ans que ça dure, et je ne vois que ça va s'arrêter à court terme. Donc, moi, je prévois que, d'ici une dizaine d'années, si la tendance se maintient -- comme toujours, ça peut toujours changer à la dernière minute, là -- on va avoir un problème de gouvernements minoritaires à répétition, puis les institutions ne sont pas vraiment adaptées à ça. Et aussi c'est un problème de représentativité, là, parce que, les dernières élections, si ma mémoire est bonne, il n'y avait pas la moitié des députés qui étaient élus avec 50 % des voix, d'où le problème de: Est-ce que c'est le bon qu'on a élu? Parce que c'est déjà arrivé, il y avait une élection où que le PQ s'était plaint qu'il y avait un candidat mineur qui avait ramassé 3 % des voix puis qui avait fait perdre l'élection au candidat péquiste, qui aurait gagné devant les libéraux parce qu'il avait un petit peu... normalement, s'il avait eu les... On voit le genre de situation qui peut se produire.

M. Dutil (Beauce-Sud): Bien oui, je le comprends très bien. J'étais en France quand Le Pen est passé pour le deuxième tour et j'ai vu le traumatisme qui était dans...

M. Dutil (Yvan): ...il est décrit là-dedans, ce...

M. Dutil (Beauce-Sud): ...le visage des Français à l'époque, qui avaient une solution pourtant relativement simple, c'était de voter pour M. Chirac au deuxième tour. Mais, en tout cas, vous dites qu'il y a entre 7 % et 27 % des députés qui sont élus par erreur. S'il y avait un deuxième choix sur le bulletin, là, si c'était binominal au lieu d'uninominal, est-ce qu'il y aurait la même erreur?

M. Dutil (Yvan): Ça améliore un peu le... Faire un système à deux tours, vous dites, j'imagine?

M. Dutil (Beauce-Sud): Non, binominal, c'est-à-dire que vous écrivez les deux noms sur le bulletin. En France, ils font deux tours, là. Moi, je pense qu'ici, deux tours, on...

M. Dutil (Yvan): Ah! bien, c'est ce qu'on appelle un vote cumulatif.

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui, c'est ça.

M. Dutil (Yvan): C'est un petit peu plus performant. Moi, si on me demandait de faire une élection beau, bon, pas cher, là, j'irais pour le vote par assentiment. Donc, l'idée, c'est que tu as la feuille et puis tu n'es pas obligé de voter pour un seul candidat. Ça fait que, si tu es un gauchiste anarchique, tu votes pour Québec solidaire puis, l'autre parti, peut-être le Parti vert parce que tu trouves qu'ils sont assez à gauche. Tu sais, là, si tu es nationaliste, tu peux peut-être voter pour le PQ et Québec solidaire. Si tu es fédéraliste, tu peux voter plus pour le Parti libéral puis un autre parti. Donc, ça permet, là... J'ai fait des tests à l'Université Laval en 2007 parce que, là, c'était vraiment une élection super pour ça, parce que c'était le bordel total, là, et...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dutil (Yvan): Bien, ça ne sert à rien de faire ça quand il y a deux grands partis, ça prend au moins un petit peu de compétition.

M. Dutil (Beauce-Sud): Non, mais c'est parce que, tout à l'heure, vous avez dit que l'ADQ faisait du bruit. Nous autres, on n'aurait jamais osé dire une chose comme ça, là, mais je comprends ce que vous voulez dire, remarquez bien.

M. Dutil (Yvan): Oui. Oui, oui, mais, je veux dire, le bruit, ça rajoute de la variabilité, puis c'est pour ça aussi... Il faut que ça brasse, hein, ça... Donc, ce qui se passe, le vote par assentiment permettrait de détecter plus facilement le bon député dans chaque comté.

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui, d'accord, mais je ne comprends pas c'est quoi, le vote par assentiment. C'est un deuxième choix?

M. Dutil (Yvan): Non, non, vous n'avez pas juste deux choix, vous prenez votre bulletin de vote normal, puis la Loi électorale dit... Puis je ne me souviens plus de l'article exactement, mais il y a juste un article dans la Loi électorale qui dit: On ne coche qu'à une seule place. Bien, vous rayez cet article de loi là puis vous pouvez mettre votre coche à autant de places que vous voulez, ce qui fait qu'au final on compte les bulletins de vote, on compte les votes, puis c'est celui qui a le plus de votes qui gagne, pareil comme c'est là. Mais il ne va pas...

C'est parce que, là, il n'y a plus de division de votes entre les partis. C'est le gros avantage, je peux avoir 45 partis, puis la personne qui est élue, bien c'est lui que tout le monde... c'est lui qui a le plus de monde qui l'a appuyé. Donc, c'est certainement... ce n'est pas garanti que c'est la personne qui est la plus légitime pour toutes sortes d'arguments mathématiques assez sophistiqués qu'on pourra discuter avec... Vous pourrez discuter avec votre collègue économiste si vous voulez, là, mais, comme je dis, beau, bon, pas cher puis facile à expliquer au monde, ça marche bien. Le seul défaut, si on utilisait ça à grande échelle, c'est que c'est encore moins proportionnel que notre système électoral normal parce que, comme ça réduit le bruit, ça redresse la courbe comme ça. Donc...

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui, mais là, si j'ai bien compris, là, là, aujourd'hui, si quelqu'un s'en va dans une boîte de scrutin puis raie tous les votes, là, tous les candidats, là, son bulletin est rejeté. Dans votre cas, ce serait un bulletin accepté.

M. Dutil (Yvan): Oui.

M. Dutil (Beauce-Sud): Et on compterait huit... il a fait huit votes, là, ce serait...

M. Dutil (Yvan): C'est ça, un pour chaque parti. La seule difficulté avec ça, c'est que tous les bulletins de vote devraient être traités comme un bulletin blanc. Il faut être un petit peu plus prudent avec l'utilisation du bulletin de vote parce qu'évidemment je pourrais prendre le bulletin de vote, rajouter une coche dessus, puis le... Mais, bon, c'est le seul risque.

Ça a été utilisé pendant un certain temps par quelques sociétés savantes. L'endroit où ça a été utilisé le plus longtemps, c'est en République de Venise, ça a été utilisé pendant 536 ans. C'est la république avec le... l'endroit dans le monde, là, le gouvernement démocratique qui a vécu le plus longtemps dans l'histoire. Ça a été mis à terre par Napoléon, et c'est... Et, eux autres, ils avaient un système incroyable à 27 tours de scrutin pour être sûrs qu'on ne sache jamais qui va être élu avant que l'élection a lieu, là, on n'est pas obligés de passer à ça. Mais petite...

M. Dutil (Beauce-Sud): Puis ils n'avaient pas d'ordinateur, là, eux autres, pour faire ça, là.

M. Dutil (Yvan): Non, c'est ça. Mais petite suggestion, si jamais... En tout cas, juste pour montrer que vous êtes conscients, c'est quelque chose qui pourrait être utilisé à l'interne pour les élections, à l'Assemblée nationale, de certains postes qui sont électifs -- je pense au président de la Chambre, quelque chose comme ça, là -- juste pour montrer qu'on est au courant du problème, là, de ce phénomène-là, là. Donc, ça pourrait... ce n'est pas quelque chose qui est très, très difficile à mettre en place, là.

M. Dutil (Beauce-Sud): C'est beau. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? M. le député de Huntingdon.

**(17 h 50)**

M. Billette: Merci beaucoup, M. Dutil. Je suis très impressionné par vos connaissances approfondies des différents modes de scrutin et de l'histoire également, jusqu'à remonter jusqu'à Napoléon. J'aurais une petite question pour vous. Vous faites état dans votre mémoire qu'en 1998 le Parti libéral du Québec avait obtenu plus de votes et moins de sièges que le Parti québécois, qui était devenu le gouvernement à cette époque-là. Puis, dans votre mémoire, vous évoquez ce problème en disant que la concentration du vote du Parti libéral du Québec fait en sorte qu'il doit composer avec un désavantage structurel. Vous écrivez également que la nouvelle carte électorale pourrait aggraver ce désavantage. J'aimerais que vous élaboriez un petit peu là-dessus. Et est-ce que le nouveau mode de scrutin que vous nous proposez éliminerait...

M. Dutil (Yvan): Oui. Honnêtement, je n'ai pas examiné en détail la carte électorale actuelle parce que ça prend les résultats de l'élection précédente, puis il faut refaire... il faut faire comme si tous les comtés étaient égaux. Donc, c'est un processus qui prend plusieurs heures, là. Surtout que, quand elle est remodelée, bien il faut...

M. Billette: Pas la carte, le projet de loi en tant que tel.

M. Dutil (Yvan): Le projet de loi. Mais je n'ai pas eu la carte en main, donc...

M. Billette: Oui, parfait.

M. Dutil (Yvan): Mais, intuitivement, si on augmente les distorsions, le problème... Puis, le Parti libéral, si vous regardez strictement les comtés libéraux, plus un comté est libéral, plus il est gros, plus il y a de monde, ce qui... La seule chose qui sauve le système, c'est que plus le comté est gros, moins il y a de monde qui vote. Les deux s'annulent presque exactement, donc la... Parce que la participation électorale, en ville, est moins grande qu'à la campagne. Donc, vous avez plus de gens dans votre circonscription électorale, mais il y a moins de monde qui va voter. Ça fait qu'au final le nombre de votes est à peu près constant ou se compense partiellement, donc ce qui fait que la pénalité due à la carte électorale n'est pas aussi grande qu'elle serait de base parce que les deux phénomènes se compensent. Mais en théorie, du point de vue éthique ou des notions d'équité, ce n'est pas parce que le monde ne vote pas en ville qu'un parti... ça devrait aider un parti politique. Ça ne devrait pas jouer dans le calcul. Alors que, si la carte est biaisée, bien ça, c'est quelque chose sur lequel on a du pouvoir. Donc ça, c'est pour ça.

Le mode de scrutin qu'on parle, là, soit le vote majoritaire équitable ou les systèmes biproportionnels, absorbe totalement toutes ces distorsions-là. La façon dont ça fonctionne, c'est qu'on compile tous les votes puis on dit à la fin: Bien, ça prend... au total, il y a tant de députés péquistes, tant de libéraux, tant d'adéquistes, tant de verts, tant de Québec solidaire. Ensuite, on multiplie les votes jusqu'à ce que ça donne ce résultat-là qui... C'est comme un système proportionnel, là, ou bien... Il n'est pas obligé d'être proportionnel, en passant. Comme je dis, on pourrait prendre une courbe qui correspond à la transformation classique, là, en votes-sièges, là. Puis c'est assez constant, là, pendant 20 ans ça a été toujours la même chose jusqu'en 2003 puis, depuis 2003, c'est la même chose.

Donc, juste on pourrait se mettre une recette de cuisine classique. On rentre les votes, on a le nombre de députés puis, ensuite, on fait le facteur de correction. Je ne pourrais pas vous décrire l'algorithme verbalement, là, parce que c'est, bon, facile pour deux partis, mais, quand il y en a trois ou quatre, là, c'est plus compliqué. Mais ce serait facile pour moi de contacter les gens qui les ont développés à la... Si vous m'en faites la demande officiellement, là, on pourrait facilement... ces gens-là seraient intéressés, là. Mais je ne veux pas y aller à titre personnel à ce niveau-là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va?

M. Billette: Une autre question. À la lecture de votre mémoire, au niveau du nombre des sièges, ou représentants, ou d'élus à l'Assemblée nationale, on se souvient qu'en 1976 il y avait 103 députés, je crois. Par la suite, c'est monté, là, à 122, jusqu'à 125 en 1989. Ça fait maintenant, là, si on parle des années quatre-vingt-dix, ça fait maintenant 20 ans que le nombre de sièges malgré le fait de la croissance de la population... Puis j'ai resté surpris parce que plusieurs intervenants qu'on a reçus ici, à la commission... il y en a quelques-uns qui nous ont dit: Maintenez le nombre de sièges. Et certains nous ont dit même de le baisser, à l'instar de l'Ontario, qui, on ne s'étalera pas sur le sujet, qui vit des difficultés différentes suite à cette décision-là. Et, vous, vous avez évoqué l'hypothèse de monter à 196 députés, j'aimerais savoir sur quoi vous vous basez pour arriver... Je sais que vous avez regardé les autres législatures, mais, je veux dire, j'ai été impressionné un petit peu par le nombre...

M. Dutil (Yvan): Ce n'est pas moi qui ai fait l'analyse, c'est un travail classique qui a été fait par un politicologue qui s'appelle Rein Taagepera, qui est un ancien physicien défroqué en politicologue et qui, en 1972, a fait une analyse de tous les parlements... Il avait 2 000 parlements dans sa banque de données et il a établi une relation selon laquelle le nombre de représentants au Parlement, à l'Assemblée, va avec la racine cubique de la population. Il avait un argument théorique selon lequel que ça correspond à une espèce d'optimum entre le problème d'aller voir les citoyens et puis de ramasser l'information, et le problème, ensuite, que les parlementaires se parlent entre eux autres. Parce que, si l'Assemblée est trop grande, bien là la communication, elle ne se fait pas, et, si elle est trop petite, bien on ne voit jamais les citoyens.

Non, mais c'est très, très large, la bande, là, de... Parce qu'on ne le voit pas, à moins de faire une étude sur l'ensemble des pays du monde. C'est un facteur deux entre le 200... Donc, on pourrait être à quelque part... au Québec, là, on pourrait être n'importe où entre 100 puis 400, puis on serait dans la bande normale, là, de la planète. Donc, la plupart des endroits dans le monde, c'est d'autres éléments, mais c'est sûr que, quand ça devient trop gros ou trop petit, les gens le sentent puis ils font dire: Bien là, ça n'a pas d'allure.

Il y a très peu d'impact d'augmenter le nombre de députés. Parce que je regardais comment ça coûte, là, payer les députés, là, je pense que le budget des salaires de députés, c'est 65 millions de dollars. Je regardais le budget de... salaires, en fait, c'est vos fonctions, là, tout ce qui est lié autour, les assistants, tout ça. Le budget du gouvernement du Québec, c'est 75 milliards, là. Il y a une espèce de... Bien, il y a une mauvaise perception dans le public que c'est épouvantable, là, mais, honnêtement, vous ne coûtez pas cher, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dutil (Yvan): Non, mais, dans le privé, je veux dire, avec un... puis, tu sais, les dépenses, puis toutes les choses, là, avec vos responsabilités, puis le nombre d'heures que vous travaillez, c'est quelque chose qui n'est pas... Le seul effet...

Une voix: ...

M. Dutil (Yvan): Oui. Le seul effet d'augmenter le nombre de députés qui est connu pour avoir un effet négatif en termes d'efficacité, c'est pour la distribution d'argent dans les comtés, surtout les comtés qui sont gagnables. Parce que ça, c'est documenté, ça porte... la loi de 1 sur n, c'est un truc de 1982. C'est assez limité, là, mais disons, par exemple, les ponts, les subventions aux entreprises, bizarrement, ça tombe dans les comtés qu'on pense pouvoir gagner l'élection d'après ou qu'on risque de perdre, et plus il y a de députés, bien plus ce genre de situation là se produit. Ça, c'est la seule chose qui est documentée, là. Sinon, normalement, plus il y a de monde pour surveiller, plus ça a d'impact...

D'ailleurs, si vous cherchez un beau projet de développement durable, là, travaillez sur le Parlement, la démocratie à l'interne, c'est très, très efficace. Entre un bon système parlementaire qui marche puis un qui marche moins bien, il y a un gain de 10 % en efficacité économique de dépenses, là. Donc, l'effet levier est considérable. Donc, c'est quelque chose, là, qui... c'est vraiment la peine de s'asseoir un petit peu puis de vraiment prendre une décision. C'est un beau projet, là. Ça a l'air naïf, là, comme ça, mais vraiment c'est démontré par plein d'études que l'argent du gouvernement est mieux dirigé si l'information de la population est plus directement orientée sur le gouvernement de la bonne façon.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Dutil, quand vous dites naïf, vous avez l'air de tout, sauf d'une personne naïve. Je vais donc céder la parole à M. le député de Chicoutimi, qui a été impressionné par votre curriculum, M. Dutil.

M. Bédard: Effectivement. Merci, M. Dutil. Et votre présentation, c'est très intéressant. Je lis beaucoup sur l'astrophysique, mais comme amateur. Je vous dirais que j'ai fait des études en droit, donc je suis très loin. J'ai abandonné les sciences en secondaire V et, parfois, je le regrette. Mais je voulais savoir de quoi ça avait l'air, un astrophysicien. Donc, j'en ai un devant moi, donc déjà c'est formidable. Et un astrophysicien qui s'intéresse au système du mode de scrutin, ça donne un peu ce que vous nous mentionnez. Donc, c'est fort intéressant, c'est une approche qui est intéressante. Et je sais que ça n'a rien à voir, je vais revenir sur le sujet, mais est-ce que vous faites partie de ceux qui ont participé à la découverte des exoplanètes? Je sais qu'il y a un chercheur, entre autres, qui est originaire du Québec et qui est un de ceux qu'on cite le plus pour la découverte de plusieurs exoplanètes, est-ce que vous faites partie de cette équipe-là?

M. Dutil (Yvan): Je vous autorise cette discrétion-là, oui, c'est des... Bien, en fait, je ne fais pas partie de l'équipe, mais c'est des amis à moi. C'est des gens qui ont étudié à peu près en même temps que moi, on a discuté beaucoup. Parce que j'ai fait beaucoup d'instrumentation astronomique, ça fait qu'on a discuté beaucoup technique à une certaine époque sur, justement, ces choses-là.

M. Bédard: Bien, c'est formidable. Puis beaucoup de fierté. Quand on voit leurs noms apparaître, c'est avec beaucoup de fierté. En tout cas, vous leur transmettrez nos plus belles félicitations et salutations.

Je tiens à vous rassurer sur le lieu physique, ça a effectivement peu d'impact. Parce que, oui, le lieu physique ici, à l'Assemblée, quant au nombre de députés, est limité, mais, vous savez, il y a beaucoup de bureaux. Déjà, en partant, on pourrait enlever des bureaux, mettre des vraies banquettes. Et je vous dirais même que, pour être allé voir le Parlement britannique, qui est notre lieu de référence, il n'y a pas de place pour tous les députés, vous savez, ils attendent dans le corridor, en arrière, et ils votent au fur et à mesure, donc...

M. Dutil (Yvan): J'avais fait le commentaire à mon ami que, si on se copiait sur Westminster, on pourrait facilement loger 500 personnes.

M. Bédard: Bien, voilà. Bien, c'est ça, ça comprend un nombre très limité... Pourtant, ils ont seulement des banquettes, mais eux, donc...

Une voix: Ils se mettent de côté.

M. Bédard: Bien, ils se mettent plus que de côté, ils sont carrément en arrière. Donc, ça ne peut pas rentrer, tout le monde, ils... Donc, ça règle le côté lieu physique. Mais on m'a posé souvent la question, mais déjà, moi, les bureaux, là, ça fait un peu écolier, les bureaux. J'aurais tendance à les enlever et vous dire: On ne pourrait pas se cacher en dessous du bureau, là. Ça, on pourrait au moins sauver ça.

Sur le nombre de députés, je vois que votre étude est très poussée, effectivement, par rapport à plus généralement le... ce qu'on voit dans les démocraties. Vous dites: Entre 100 et 400, on n'est pas hors normes par rapport à la représentation. C'est ce que je comprends, là, donc. Et vos études portent principalement... Quand vous dites 100 ou 400, est-ce que c'est l'ensemble des démocraties ou vous ciblez, par exemple, l'Europe, les États-Unis, bon, l'Amérique du Nord, par exemple, où c'est largement...

M. Dutil (Yvan): C'est l'ensemble de la planète, le Parlement chinois est inclus là-dedans.

**(18 heures)**

M. Bédard: O.K. c'est ça que je voulais savoir.

M. Dutil (Yvan): Parce qu'il faut vraiment aller du plus petit au plus gros et...

M. Bédard: Oui. Et la médiane, c'est quoi?

M. Dutil (Yvan): Bien, nous, c'est ça, le milieu serait à peu près 200, là, pour la population typique. Parce que ça change avec la population, on s'entend, ça augmente avec la population, bon, ça serait aux alentours de 200. On n'est pas hors normes.

M. Bédard: Là, on ne parle pas de la moyenne, vraiment de la médiane, là.

M. Dutil (Yvan): Oui, mais, je veux dire, c'est la même chose, là, c'est une distribution à peu près log normale. Donc, sur une échelle logarithmique, ça tombe à 200.

M. Bédard: On arrive... les deux tombent à peu près...

M. Dutil (Yvan): Moi, je suis un astrophysicien, je suis habitué de travailler en log-log. Ça fait que c'est pour ça que, pour moi, c'est dans la moyenne, là.

M. Bédard: Je regardais le nombre... Vous dites, par exemple, vous faites l'affirmation que les comtés, en général, libéraux ont plus de monde que les comtés péquistes, et, je vous dirais, effectivement, ça a été vrai jusqu'à une certaine époque. Et là l'époque est quand même assez récente, c'est la dernière élection qui fait qu'au contraire... Et là je vous invite peut-être à le fouiller un peu plus -- je ne vous fais pas le reproche, mais je l'ai regardé un peu -- la plupart des comtés d'exception, et là je vous... en termes de nombre de comtés où il y a trop de monde, sont des comtés de banlieue. Auparavant... Parce que l'Île de Montréal stagne, alors la surpopulation -- entre guillemets, ce n'est pas une surpopulation réelle, mais par comté -- est en banlieue, et la plupart des banlieues sont francophones. Les comtés de Masson... Je vous citerais les cinq premiers, et, en général, c'est des comtés qui sont maintenant au Parti québécois. Donc, la donne a un peu varié, et qui fait qu'au contraire, actuellement, six des 10 comtés qui sont actuellement en exception négative sont des comtés libéraux. Et c'est une des... c'est peut-être, je vous dirais... Comme vous dites, en matière de statistiques, c'est peut-être une anomalie, mais actuellement c'est le cas.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. le député, j'ai besoin de votre consentement pour dépasser l'heure prévue.

Des voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, ça va? Consentement. Excusez-moi, allez-y.

M. Dutil (Yvan): Je n'ai pas pris le temps de refaire l'analyse statistique parce que j'ai... C'est assez long parce qu'il faut que j'aille sur le site du DGE puis je tape à la main les chiffres. J'ai demandé d'avoir le format Excel, puis on m'a dit: Non, non, il faut que vous veniez à nos bureaux. Ça fait que, comme je n'avais pas vraiment le temps de faire ça, j'ai dit: Bon, pour cette fois-ci, je vais passer mon tour. Mais c'est les chiffres de 2004, ce que je vous dis là. Donc, je n'ai pas refait tous les calculs que j'avais faits dans mon mémoire de 2006.

M. Bédard: Vous regarderez le rapport, maintenant, qui est déposé, d'ailleurs, officiellement... le document de travail -- ce n'est pas le rapport -- le document de travail du Directeur général des élections, et il y a une bonne étude par rapport aux comtés d'exception. Alors, pour vous sauver un peu de job, vous...

M. Dutil (Yvan): O.K. Mais c'est ça, j'ai vraiment... il faut vraiment toutes les prendre parce que, si vous avez cinq comtés qui sont hors normes sur 125, ça ne change pas le poids. Mais c'est vraiment... on le voyait, là, c'était... Ce n'était pas un effet, là, évident à l'oeil, là, mais, quand on faisait une analyse statistique, bien on avait un signal qui était non négligeable.

M. Bédard: Si j'ai bien compris, au niveau, ici, de la représentation des femmes à l'Assemblée, ce que vous dites, ce que j'ai compris, c'est que, si on exclut les deux dernières campagnes, que notre augmentation n'est pas seulement cohérente, elle est dans les plus grandes augmentations actuellement dans... je vous dirais, de démocraties comparables, donc qui ne sont... Mais, en termes d'augmentation, on n'est pas les derniers, là, on est plutôt dans le peloton de tête?

M. Dutil (Yvan): En 2004... Ce qui est vraiment la métrique importante qu'il faudra surveiller d'une élection à l'autre, ce n'est pas tant le nombre de femmes à l'Assemblée nationale, mais le nombre de nouvelles femmes qui rentrent, la proportion de nouvelles femmes qui rentrent dans les nouveaux députés. Parce que ceux qui sont là depuis longtemps, bien c'est ceux qui n'ont pas perdu leurs élections. Ça fait que c'est sûr que ce n'est pas... Tu sais, il y a un pool de vieux... bien, excusez-moi, M. Dutil, un pool de gens expérimentés qui sont là, et, veux veux pas, pour faire entrer une femme, bien il faut qu'il y ait quelqu'un qui débarque, une autre femme ou un homme. Mais statistiquement, comme il y a plus d'hommes au début, bien il y a plus...

M. Bédard: Il faut que ça sorte, il faut que ça se renouvelle.

M. Dutil (Yvan): ...les femmes vont débarquer des hommes. D'ailleurs, je pense que les dames qui sont ici ont probablement battu un homme ou remplacé un homme, pour la majorité d'entre elles.

Ce que j'ai remarqué et ce qui m'a inquiété... Parce qu'en 2004, de mémoire, j'avais vu 40 % de femmes, donc j'ai dit: Bien, regarde, là, je veux dire, qu'elles se renouvellent, c'est juste une question de temps, puis on n'a pas à s'inquiéter. Dernière élection, 2007... pas 2007, 2008. 2007, ce n'était pas grave, j'ai dit: Bon, l'ADQ, c'est un parti de droite, qu'il y ait moins de femmes, on s'attendait à ça. 2008, il y a 20 % de femmes dans les nouveaux députés. Ça, bon, ça se peut que, statistiquement, ça soit une fluctuation, mais c'est un petit peu inquiétant. Je sais qu'il y a des théories, là, anthropologiques, que, pendant les crises, les gens ont tendance plus à voter pour les hommes, puis des hommes les plus grands, puis avec les plus grosses mâchoires. En tout cas. Mais...

Des voix: ...

M. Dutil (Yvan): Oui, oui. C'est quelque chose qui, moi, me chicote parce que ce n'est pas... Le but, ce n'est pas d'avoir des femmes pour avoir des femmes, là. Le but, c'est d'avoir des femmes parce que plus il y a de gens différents qui viennent de milieux différents, de cultures différentes... La démocratie, ça marche pour une bonne et simple raison -- puis ça, c'est démontré économiquement -- entre autres, c'est la combinaison des gens. Deux têtes valent mieux qu'une. Ça fait que 125 têtes, c'est supposé valoir mieux qu'une. Et, pour que ça marche bien, il faut que vous vous parliez entre vous autres, il faut que vous ayez l'habitude de passer les lignes de parti. J'ai remarqué... J'ai fait une étude sociologique, qui est tenue secrète en passant, il y avait des petites barrières un peu sévères entre les partis politiques. Ça, c'est quelque chose que ça vaudrait la peine de regarder. Je sais que les commissions parlementaires, c'est superbien pour ça. Ce n'est pas assez connu, là, mais...

M. Bédard: Effectivement, au niveau national, il y a une réelle ligne de parti qui fait que la démocratie, par exemple, par contre, elle s'exprime quand même dans les partis. Elle n'est pas tenue compte dans les études parce qu'il y a le couvert de l'anonymat... pas l'anonymat, mais plutôt le secret des délibérations des caucus et du Conseil des ministres, mais ça amène une forme... bien, pas une forme, c'est une démocratie réelle et directe qui fait en sorte que les gens peuvent avoir un rapport de force. Parce qu'autant la ligne de parti peut être encombrante pour un député libre, qui se sent libre, mais, en même temps, elle lui donne une force parce que, s'il dit le contraire de son parti, il est sûr d'avoir une couverture qui va être décuplée par rapport à l'ensemble. Donc, ça lui donne un rapport de force pour même influencer des décisions qui vont être prises par son gouvernement si c'est bien utilisé. Si c'est mal utilisé, tu deviens simplement un électron libre, et là, à ce moment-là, il n'y a plus de prix à payer à ça.

M. Dutil (Yvan): Ce n'est pas tellement cet aspect-là, je vais vous raconter un petit peu l'histoire.

M. Bédard: Allez-y.

M. Dutil (Yvan): C'est que, je pense, c'était en 2006, lors de notre dernière consultation, j'avais entendu des trucs genre... justement au sujet des femmes qui avaient de la misère à parler, étaient un peu isolées, et j'avais fait une tentative d'étude sociologique sur l'Assemblée nationale. Et j'avais envoyé une lettre à tous les députés, puis en posant trois, quatre questions simples: À qui vous parlez? Quels sont vos collègues à qui vous parlez à toutes les semaines, une fois par mois? Bon, deux, trois questions pour voir comment l'information circulait -- c'est un truc classique en analyse des réseaux sociaux -- et j'avais très peu de députés qui ont répondu. En passant, j'avais promis l'anonymat à tout le monde. Et ce que j'avais remarqué, c'est qu'il n'y avait pas d'évidence que les femmes étaient isolées socialement, ce qui était une très bonne nouvelle. Par contre, je voyais des beaux murs entre l'ADQ, le PQ, le Parti libéral. Surtout le Parti libéral, PQ, c'était un beau mur, là, les gens n'avaient pas l'habitude de s'appeler, alors que l'ADQ, c'était moins pire. Mais, je veux dire, je n'avais tellement pas de députés que c'était difficile à...

M. Bédard: L'échantillon n'était pas assez grand.

M. Dutil (Yvan): C'était limite. O.K.? Parce que c'est sûr que, comme c'est des interactions, bien chaque personne voit 10 autres personnes, ça fait que ça te donne plus de marge. Ça, moi, ça m'a un peu déçu à ce niveau-là parce que j'aurais cru qu'au moins les députés dans les comtés ruraux appellent au téléphone les voisins sur une base régulière. Tu sais, ça, ça m'a un petit peu déçu. Et ça, s'il y avait quelque chose... En tout cas, je vous dirais, en psychologie industrielle, ce qu'on ferait... Parce que je sais qu'à l'heure actuelle c'est la méthode du pâté chinois à l'Assemblée nationale, là, le parti ministériel est au premier étage, le PQ est au deuxième, puis l'ADQ est au troisième. Probablement qu'Amir Khadir est dans le grenier, là.

Des voix: ...

M. Dutil (Yvan): Ce n'est pas un environnement qui favorise les interactions. Et je ne sais pas, mais, en tant que citoyen, je m'attendrais peut-être à un peu plus de collaboration. Je sais que, des fois, c'est difficile, puis, pour des raisons d'ordre stratégique, et tout ça, on se parle moins, là, mais je m'attendrais à un petit peu plus, là... indépendamment des débats à l'Assemblée nationale, qu'il y ait un petit peu de choses par-dessus les lignes de parti.

L'autre aspect qui était aussi pour... La question des femmes, la représentation des femmes, on a... Moi, je suis un physicien de formation, puis on a exactement le même problème en physique, les femmes qui sont là-dedans, qui ont passé à travers, elles sont contentes. Ce n'est pas facile, là, mais elles sont contentes. Une fois que tu as passé à travers l'enfer, là, tu es contente. Et ce qu'on voit quand on regarde tous les pays dans le monde, moins la marche est haute puis moins il y a de portes à ouvrir, bien plus il y a de femmes.

Le plus bel exemple, moi, c'est le Parlement européen. Vous prenez tous les pays du Parlement européen avec leur représentation féminine, vous... au Parlement européen, vous regardez dans le pays, il y a toujours 10 %, 15 % de plus de femmes au Parlement européen que dans le pays. Pourquoi? Bien, le Parlement européen, il y a une porte à ouvrir, tu n'as pas à passer à travers autant d'étapes que dans les autres Parlements, où, là, il faut que tu montes des échelons dans la hiérarchie politique. Ensuite, ils ont 60 quelques pour cent de femmes au Parlement européen. Ils ont beau avoir 45... Puis des pays... la France, je pense, c'est 12 % à l'Assemblée nationale, puis c'est genre 30 %, 40 % au Parlement européen. Donc ça, c'est quelque chose qu'on... On voit le même phénomène entre les conseillères municipales puis les maires.

M. Bédard: ...

M. Dutil (Yvan): Vous voulez parler? Non?

M. Bédard: Non, non, non, j'écoutais. Non, parce que je me faisais une remarque, en France, c'est qu'à l'interne, effectivement, il y a les indécrottables, là, il y en a qui se trouvent toujours une liste quelque part, ils ont toujours... indélogeables, là, tu les retrouves tout le temps. Ils sont battus quelque part, ils resurgissent. Et puis là, sans en nommer un, il y en a même qui ont été président de la république, qui reviennent, puis tu ne sais plus, là, ils sont toujours quelque part sur une liste ou dans une élection.

**(18 h 10)**

M. Dutil (Yvan): C'est exactement le phénomène qui se produit avec les maires au Québec.

M. Bédard: Bien là, c'est une belle question que vous soulevez.

M. Dutil (Yvan): Parce que les maires ont...

M. Bédard: Avez-vous analysé le taux de longévité des maires au Québec?

M. Dutil (Yvan): Parce que tu ne peux pas... Une femme ne peut pas rentrer s'il n'y a pas quelqu'un qui débarque. Mais le maire qui est là pendant 26 ans...

M. Bédard: Il n'est plus battable.

M. Dutil (Yvan): ...bien il y a au moins 26 ans où est-ce qu'une femme n'a pas pu avoir sa chance. Une des raisons pourquoi les femmes progressent vite au Parlement du Québec, c'est qu'on vous met dehors assez régulièrement, joyeusement. Calculez ça, là, après deux élections, la moitié du Parlement a été flushée. C'est quand même...

M. Bédard: Puis je vous dirais que ça a sûrement augmenté dans les cinq dernières années, il y a eu un effet... Bon, il y a eu beaucoup d'élections, effectivement.

M. Dutil (Yvan): Oui, mais les deux dernières élections, c'est 50 % du Parlement. Et même j'avais regardé en 2006...

M. Bédard: Bien, nous autres, écoute, je suis rendu le plus vieux des collègues... je suis un des plus vieux.

M. Dutil (Yvan): Donc, il y a un gros roulement, puis ça, bien, je veux dire, les portes s'ouvrent, bien, tu as une chance. Je veux dire, si les portes restent fermées, puis il n'y a aucune porte qui s'ouvre... Ça, c'est le Parlement américain. Le Congrès américain, là, taux de réélection, 90 %, à peu près. Ça fait que, veux veux pas, je veux dire, s'il y a cinq portes qui s'ouvrent dans l'année, tu as beau rentrer quelques femmes, ça va prendre 200 ans avant que le Parlement soit à l'équité.

M. Bédard: Oui, mais comme... Et là je vais très rapidement parce qu'on... Vous avez vu avant, avec le groupe, on regardait les bassins dans lesquels on choisit les candidats. Un des bassins les plus importants, c'est les élus municipaux, où il y a vraiment un nombre -- en région plus particulièrement -- un nombre encore plus important -- dans les maires, là -- encore plus important d'hommes. Et, pour briser ça... Par contre, ce qu'on constate, c'est que, dans les municipalités comme... En général, dans les petites et moyennes municipalités, il n'y a pas d'opposition. Le maire est la personne de référence, ce qui fait que quelqu'un qui se présente part à zéro, puis lui part avec un écart très important souvent quand... Puis plus il est là depuis longtemps, plus il part avec un écart important, ce qui fait que, ces gens-là, il y a peu de renouvellement, effectivement. Est-ce que vous avez regardé cet aspect-là du renouvellement des maires et comment on peut briser cette séquence-là?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Dutil, vous avez un défi, 30 secondes.

M. Dutil (Yvan): O.K. C'est ce que j'avais remarqué en 2006, qu'effectivement le taux de croissance chez les maires était extrêmement lent. Et je n'ai pas de solution, à part essayer d'améliorer la démocratie municipale parce que c'est un problème aussi si personne... Si le maire ne change pas, indépendamment femme pas femme, là, si ça ne change pas, c'est un problème.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci infiniment pour votre présentation et votre collaboration, M. Dutil. Bon retour chez vous.

Et, compte tenu de l'heure, je vais suspendre les travaux jusqu'à 19 h 30. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 12)

(Reprise à 19 h 37)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Donc, je rappelle que nous sommes réunis afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 78, Loi modifiant la Loi électorale concernant la représentation électorale et les règles de financement des partis politiques et modifiant d'autres dispositions législatives.

Nous entendrons ce soir Guillaume Boivin, Mme Mélanie Proulx ainsi que Mme Élaine Hémond. Et, savez-vous, en lisant ces mots-là, je me disais: Bon, mais ça fait plusieurs fois qu'on les lit, mais, vous, c'est la première fois que vous les entendez, et il faut faire attention parce qu'on prend comme une espèce de momentum qui ne permet pas toujours d'apprécier votre présence au moment où vous y êtes. Donc, je veux vous dire à quel point on est heureux de vous voir ici ce soir et vous dire que votre contribution sera sûrement une contribution importante. Je vous le dis en toute sincérité parce que, des fois, on oublie de le faire.

Donc, vous aurez 10 minutes pour présenter votre exposé, et puis il y aura aussi 50 minutes d'échange avec l'ensemble des parlementaires. Sur ce, je vais vous laisser la parole et vous donner l'opportunité de vous présenter, s'il vous plaît.

Signataires du rapport majoritaire
du Comité citoyen de la Commission
spéciale sur la Loi électorale

M. Boivin (Guillaume): Alors, mon nom est Guillaume Boivin. Je vais accompagner Mme Mélanie Proulx.

Bonjour, M. le Président, députés et membres de la commission, M. le ministre. Alors, nous, on vient ici apporter nos commentaires par rapport au projet de loi n° 78 suite à une expérience très particulière qu'on a vécue voilà quelques années. Alors, pour nous présenter, on avait pensé dire quelques mots sur l'introduction de notre rapport.

Alors, créée en juin 2005, la Commission spéciale sur la loi électorale, la CSLE, avait pour mandat de consulter la population québécoise sur un grand nombre de questions, dont le mode de scrutin, la représentation des femmes et des minorités ethnoculturelles à l'Assemblée nationale et les modalités d'exercice du droit de vote. Pour la première fois dans le cadre de travaux parlementaires, un comité citoyen assiste, de façon non partisane et sur une base consultative, une commission dans la réalisation de son mandat. Le comité fait valoir le point de vue des électeurs en complément de celui des élus. Formé de quatre femmes et de quatre hommes de réalités, de régions et d'âges différents, ce comité est le reflet de la société québécoise d'aujourd'hui.

Alors, toujours en contact avec nous -- Mustapha Acharid, qui ne peut être présent aujourd'hui, Guillaume Boivin, c'est-à-dire moi-même, Charles Gaboury, Carole Hadd, Yohanna Loucheur et Mme Mélanie Proulx, qui est ici présente -- et toujours intéressés par les enjeux démocratiques liés à la Loi électorale, nous tenions à donner suite à notre engagement en partageant avec vous notre opinion sur les questions aujourd'hui posées par le projet de loi n° 78.

Alors, vous comprendrez, ici, on a eu, suite à cette expérience particulière là... On était de l'autre côté de la table à écouter les gens qui venaient faire leurs représentations, une expérience tout à fait mémorable qui est gravée dans nos mémoires, qui était extraordinaire de par l'expérience qu'elle nous a donnée, un peu moins extraordinaire, je vous dirais, de par les suites qui ont été données à la chose. Alors, c'est dans l'esprit de donner suite à cet engagement-là qu'on est aujourd'hui présents.

**(19 h 40)**

Alors, si on vient au vif du sujet, tout d'abord on aurait des commentaires sur les questions relatives à la carte électorale en tant que telle. Le projet de loi n° 78 propose de modifier l'article 14 de la Loi électorale en évacuant la notion de l'égalité du vote des électeurs et en ne laissant subsister que celui de la représentation effective. Nous croyons que, si l'application de ce premier principe peut être nuancée par le second, il doit demeurer comme une balise incontournable. Autrement dit, même si nous croyons acceptable de tenir compte d'autres facteurs et de s'éloigner, dans une certaine mesure, d'une acception absolue de la notion d'égalité du vote des électeurs, il ne faudrait pas oublier que la démocratie représentative a pour but la représentation de citoyens et des projets politiques qu'ils portent et supportent, et non celle d'arbres ou de kilomètres carrés.

Par ailleurs, que ce soit le fruit du hasard, d'une analyse commune ou d'une inspiration plus directe de nos travaux, nous constatons certaines similitudes entre le projet de loi et certaines propositions de notre rapport, notamment l'idée de la délimitation par régions administratives et celle des équilibrages effectués au sein de celles-ci pour la délimitation des circonscriptions. Il y a, par contre, plusieurs différences entre nos propositions et le projet de loi, tant au plan de certains éléments techniques qu'à celui de la perspective générale touchant au mode de scrutin.

Mme Proulx (Mélanie): Concernant la carte et le poids des régions, si nous sommes d'accord avec l'idée du découpage par régions, il nous semble que le nombre quelquefois élevé de circonscriptions protégées pourrait, dans l'éventualité d'une décroissance démographique, présenter quelques déséquilibres importants entre le poids du vote des électeurs d'une région à une autre. Une fois évacuée la notion de l'égalité du vote, nous craignons qu'il soit bien difficile de remédier à des situations possiblement aberrantes qui seraient néanmoins vues comme des droits acquis. Pour éviter cela, nous établissions à trois le nombre minimal par région et, surtout, insérions cette proposition dans le cadre d'une réforme d'un mode de scrutin où 40 % des sièges étaient attribués de façon proportionnelle, ne faisant donc jouer la disparité que sur 60 % des sièges.

Concernant le découpage des circonscriptions, le projet de loi à l'étude pose une limite de plus ou moins 25 % entre le nombre d'électeurs que pourrait comprendre chacune des circonscriptions au sein d'une même région. Pour notre part, nous n'avions pas mis de balise ferme à cet effet, laissant pleine discrétion à la CRE. S'il peut être tout de même raisonnable de lui donner une balise de plus ou moins 25 %, nous croyons qu'il pourrait être sage de maintenir la possibilité de l'ancien article 17 de la Loi électorale permettant à la CRE de déroger exceptionnellement à ce principe par une décision motivée. Cela pourrait s'avérer nécessaire à l'occasion, car, dans nos consultations aux quatre coins du Québec, une très grande importance a été accordée au respect des entités administratives locales et des communautés culturelles, ce qui nous avait fait dire que les circonscriptions électorales devraient réunir des MRC et des arrondissements, et non les diviser.

Concernant le nombre total de sièges, nous avions jugé qu'il serait préférable de ne pas hausser inutilement ou de façon démesurée le nombre de députés afin de ne pas faire dévier le débat sur un sujet comme les questions financières. Mais le projet de loi semble respecter cela.

Concernant les circonscriptions d'exception, nous nous étions prononcés en faveur d'un statut spécial pour les Îles-de-la-Madeleine et le Nunavik. Nous avions été particulièrement touchés par la volonté des représentants inuits de s'insérer ainsi pleinement dans la collectivité politique québécoise. Ce n'était pas aussi évident de la part des premières nations. C'est pourquoi, sans être opposés par principe à la chose, nous nous entendons si cela est réellement désiré par ces derniers. Une plus grande consultation pourrait peut-être s'avérer nécessaire.

M. Boivin (Guillaume): Concernant, maintenant, les questions relatives au financement politique, on a mis dans notre... on a, disons, fait paraître dans notre mémoire les segments du rapport, à l'époque, touchant à ces questions-là. Alors, pour synthétiser, le premier élément important, ce serait que, selon nous, il serait important de limiter le financement privé des partis politiques et ainsi de réduire l'influence que peuvent avoir les ressources financières des membres ou des donateurs d'un parti sur le déroulement et le résultat des élections. Alors, nous aurions fixé ce plafond à 500 $.

Pour compenser... Donc, le principe, ce serait une diminution du financement par les particuliers. En contrepartie, on était favorables à une augmentation, dans une certaine mesure, du financement public, tout d'abord par l'allocation d'un montant forfaitaire pour, disons, assumer certaines dépenses de base et d'ajuster l'allocation annuelle, qui, si on ne se trompe pas, est demeurée inchangée depuis 1989, à 0,50 $ par électeur.

Également, dernier principe devant animer ça, c'est que, nous, on pense que le financement par des organisations, qu'elles soient corporatives, ou syndicales, ou autres, ne nous est jamais apparu le moindrement envisageable. Ce serait un recul démocratique, à notre sens.

Le projet de loi n° 78 touche à d'autres éléments. Nous n'avions pas pris position dans notre rapport sur plusieurs des autres modalités du projet de loi n° 78, alors on va se limiter à quelques mots sur ces clauses-là.

Alors, nous sommes d'accord avec l'encadrement du financement des courses à la chefferie. Nous n'en avons pas étudié les détails, mais en appuyons le principe. À noter que la limitation des plafonds de financement évoqués ci-haut, c'est-à-dire le 500 $, devrait également s'appliquer dans ce cadre-là. De la même façon, nous sommes d'accord avec l'idée générale de développer les mécanismes de transparence dans la gestion financière des partis et celle du durcissement des conséquences pénales en cas de non-respect de la loi.

Mme Proulx (Mélanie): En conclusion, comme bien souvent, en dehors des réticences évoquées plus haut, ce n'est pas tant ce qui se retrouve dans le projet de loi qui pose problème, mais bien ce qui ne s'y retrouve pas. En effet, selon nous, si quelques changements à la pièce peuvent éventuellement s'avérer utiles entre-temps, nous tenons à réitérer la nécessité d'une réforme du mode de scrutin par l'intégration du principe de la représentation proportionnelle afin que chaque vote compte et que chacune des idées et valeurs présentes dans la société québécoise puisse trouver écho à l'Assemblée nationale.

Nous avons, pendant des mois, fait le tour du Québec et écouté des gens. Des experts sont venus alimenter notre réflexion. Bien entendu, tous ne s'entendaient pas sur tout, mais nous avons réussi à nous entendre à six sur huit sur des paramètres fruits d'un arbitrage raisonné, informé et aussi impartial que possible entre les diverses sensibilités présentes dans la société québécoise, dont nous devions être le reflet. Ce consensus représente, selon nous, la base du compromis politique qui pourra permettre au Québec de continuer d'évoluer dans la paix sociale et l'harmonie et plus de démocratie.

Nous vous invitons donc à relire notre rapport et à saisir l'occasion extraordinaire qu'a représentée l'expérience du comité citoyen de l'ex-Commission spéciale sur la Loi électorale pour vous engager, après déjà trop de tergiversations, dans cette nécessaire réforme avant qu'une majorité de nos citoyens n'en viennent à se dire qu'il ne sert finalement à rien d'aller voter. Cela signifierait notre échec et, de plus encore, chers élus, le vôtre. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme Proulx. M. le ministre.

M. Dutil (Beauce-Sud): Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. Je vais aller immédiatement à la question du financement. Je comprends bien que vous souhaitiez baisser le maximum de 3 000 $ à 500 $. Je voudrais juste être bien sûr de comprendre. Vous suggérez, par la suite, de descendre le crédit d'impôt, qui est à 75 % actuellement, de le descendre à 50 %. Je comprends bien?

M. Boivin (Guillaume): Bien, ici, on a parlé, si je me rappelle bien, si je lis bien le bon segment, 50 % pour les premiers 100 $, 25 % pour les 400 $ suivants, ce qui, effectivement, représente une diminution, là, du retour sur une donation privée d'un particulier.

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui. Bien, j'aimerais comprendre pourquoi parce que, nous autres, notre impression, c'est que, ce crédit d'impôt là, au contraire, dans le projet de loi, on l'augmenterait à 85 % pour le premier 100 $, et justement pour favoriser les petits dons.

M. Boivin (Guillaume): Il faut comprendre qu'à ce moment-là, nous, ce n'était pas à l'ordre du jour, les dispositions qui figurent au projet de loi, et qu'on a reproduit le segment de notre rapport intégralement. Donc, sur ces éléments-là, bien sûr, s'il y aurait une bonification, ce serait une chose, mais je pense que l'esprit dans lequel il y avait une diminution là, c'était dans l'esprit où est-ce qu'il y aurait une augmentation...

M. Dutil (Beauce-Sud): De l'allocation, oui.

M. Boivin (Guillaume): ...du financement public. Alors, pour faire passer de façon, disons, plus facile l'augmentation du financement public, étant donné l'état du cynisme et l'état également des finances publiques, qui étaient déjà à l'époque serrées, là, avouons-le, à ce moment-là c'est dans ce cadre-là qu'on avait dit ça. Mais, de manière générale, ce n'est pas...

M. Dutil (Beauce-Sud): Oui, mais là ce n'est pas une question, c'est un commentaire de l'expérience que j'ai, ramasser un petit don, c'est autant de travail que de ramasser un plus gros don. Et malheureusement, la nature humaine étant ce qu'elle est, les gens s'en vont vers les plus gros dons plutôt que vers les plus petits dons parce que, pour un même effort... Puis la ressource naturelle des bénévoles dans un parti politique, ce n'est pas une ressource inépuisable, elle est épuisable. Alors, pour éviter justement ça, on se disait ceci: Si c'est 85 % pour le premier 100 $, ce n'est pas plus d'effort d'aller chercher 100 $ que 60 $ parce que 60 $ à 75 %, ça coûte 15 $, puis 15 % du 100 $, c'est 15 $ aussi. Donc, on se disait qu'il y aurait plus de petits dons, et c'est dans ce sens-là qu'on faisait notre proposition. Alors ça, c'est une remarque.

L'autre chose, le crédit d'impôt n'est pas remboursable. Ce que ça veut dire, ça, c'est que quelqu'un qui ne paie pas d'impôt n'a pas le droit au remboursement. Et on a eu quelques personnes qui sont venues évoquer le fait qu'ils trouvaient ça injuste, alors qu'on a 43 % des gens qui ne paient pas d'impôt -- ils paient des taxes puis ils paient toutes sortes de choses, là, évidemment, parce qu'ils ont des revenus, mais à revenus modestes -- qui sont un peu exclus de ce système-là. Alors, dans nos discussions, on se demandait est-ce que ce serait intéressant de mettre ce crédit d'impôt là remboursable pour que tout le monde y ait accès.

**(19 h 50)**

M. Boivin (Guillaume): On n'avait pas statué là-dessus, comme vous pouvez le lire, mais, très clairement, que ce remboursement d'impôt là soit remboursable afin que chacun des citoyens puisse avoir le même avantage à faire une donation à un parti politique, évidemment ce serait une très bonne idée, ça participe... Si on lit bien l'esprit dans lequel notre rapport a été rédigé, c'est une chose à laquelle on serait favorables, je n'en ai aucun doute, si on avait pu avoir des consultations, là, plus approfondies avec nos collègues.

M. Dutil (Beauce-Sud): D'accord. Donc, ça clarifie ce point-là. Pour ce qui est du point de la carte électorale, là, je comprends bien votre point de vue. Je ne dis pas que je suis d'accord ou pas d'accord. Vous autres, vous êtes pour la proportionnelle et vous êtes pour le partage des sièges. C'est comme... On retrouve ça dans bien des parlements, d'ailleurs, dans le monde actuellement. C'est ça? C'est beau.

M. Boivin (Guillaume): C'est exact.

M. Dutil (Beauce-Sud): Ça va, M. le Président, pour moi.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. D'autres questions du côté ministériel? Oui, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Alors, bonjour. Merci beaucoup pour votre présentation. Merci aussi de prendre votre mandat aussi à coeur. C'est-à-dire que vous avez accepté, il y a quelques années, d'assumer un certain rôle, et je comprends que c'est de votre propre initiative, aujourd'hui, que vous venez nous porter ou nous transmettre, à nous, certains élus qui n'étaient pas là en 2005, le fruit de vos réflexions, et c'est fort apprécié.

Je dois vous dire que j'ai été interpellée par un passage de votre mémoire. Parce que, vous savez, lorsque vous arrivez et que vous mentionnez, je vous dirais, à la page 2 de votre mémoire, votre premier paragraphe, qu'il ne faut pas oublier «que la démocratie représentative a pour but la représentation de citoyens et des projets politiques qu'ils portent et supportent, et non celle d'arbres ou de kilomètres carrés», je vous avoue bien honnêtement qu'en tant que députée d'une circonscription électorale qui est très vaste, je me sens interpellée parce que les citoyens des communautés rurales... Et je sais que vous avez suggéré qu'il y ait une limite, qu'il y ait une certaine limite apportée au nombre de députés par région, mais je vous dirais également que les citoyens d'un comté recherchent aussi une accessibilité à leur député et que les députés des communautés rurales jouent un rôle, oui, de législateur ici, dans cette Assemblée, mais on joue également un rôle de conseiller, on joue un rôle d'écoute et de support, et que l'accessibilité aux députés est également très importante pour les citoyens des communautés rurales. Et, lorsque je lis ça, je me dis: Bien, mon Dieu! est-ce qu'un citoyen d'une communauté rurale a moins d'importance? Est-ce que les valeurs des citoyens des communautés rurales, ou des grandes circonscriptions, ou des communautés plus éloignées entre elles ont moins d'importance, à vos yeux ou aux yeux de votre comité, que le citoyen d'une communauté où il y a une plus grande densité de population?

Parce que, vous savez, parfois, dans les régions éloignées... Et souvent les gens sont parfois moins scolarisés, ils ont besoin d'un accompagnement encore plus large. Et je vous dis ça parce que la distinction, je la vis dans le comté que je représente, parce que j'ai une portion de mon comté qui est urbaine et j'ai une grande portion de mon comté qui est très, très, très rurale et qui inclut des municipalités dévitalisées, une MRC dévitalisée.

Alors, est-ce que c'est un petit peu la... J'essaie de comprendre quelle était votre vision lorsque vous avez choisi... Parce que votre mémoire est très succinct, et j'imagine que chaque mot a été choisi. Alors, qu'est-ce que vous cherchiez à exprimer lorsque vous disiez que c'était plus qu'une notion d'arbres ou de kilomètres carrés?

M. Boivin (Guillaume): Alors, l'idée qu'on avait, c'est que... Première des choses, par rapport à la réalité rurale, on a été confrontés à ce que vous venez de nous expliquer là et on a dû faire un arbitrage entre le principe où est-ce que, selon le mode de scrutin qu'on a tel qu'il est à l'heure actuelle, quelqu'un qui se retrouve à vivre sa vie entière dans un comté, disons, qu'on appelle... voyons, un comté où un parti est très dominant, là, voyons, comment on appelle ça? Un parti...

Une voix: ...

M. Boivin (Guillaume): Un bastion d'un certain parti. À ce moment-là, selon le mode de scrutin qu'on a actuellement, son vote ne compte jamais. À ce moment-là, nous, on a dû faire des équilibrages, des arbitrages. L'un de ces arbitrages-là a été, par exemple, de situer un plancher. Oui, on a un plancher de trois par région. Nous, on pense qu'à ce moment-ci un plancher de trois par région, par exemple, pour la région de la Côte-Nord, ça donnerait, par exemple, un député de plus. Ce serait un député de liste. Mais je vous répondrais tout simplement qu'on a dû faire des arbitrages entre cette sensibilité-là très importante, cette réalité-là, le lien entre l'élu et l'électeur... Mais il y a un autre élément, là, sur le continuum qui, à l'heure actuelle, est complètement, complètement bafoué, c'est-à-dire le principe de l'égalité du vote des électeurs. Si je comprends bien, maintenant, à Terrebonne, c'est rendu à 60 quelques mille, puis, dans l'autre comté, bien c'est 21 000. On est d'accord avec une certaine extension de ce principe-là, une modulation du principe de l'égalité parfaite en fonction de ce principe-là, mais, nous, on a dû faire des arbitrages, et l'arbitrage nous a donné ça. C'était notre opinion.

Mme Vallée: D'accord. Donc, pour vous, la question de l'identité... de la réalité géographique des différents... des différentes... des intérêts locaux, et tout ça, ça, vous avez choisi... c'est un choix que votre comité a fait de mettre ces principes-là, qui existent, je vous dirais, depuis des siècles presque... Parce que, si on retourne aux Pères et à M. Macdonald, en 1872, avaient établi comme barèmes ces principes-là. Vous choisissez maintenant, vous, en 2010, de dire: Bien, nous, on considère que ça n'a plus vraiment sa place comme critère.

M. Boivin (Guillaume): Je le dirais d'une manière différente, c'est-à-dire que l'équilibrage qu'il y a à faire entre les deux pôles, je pense, avec l'évolution de la société, appelle aujourd'hui à faire un équilibrage... Peut-être que c'était l'équilibrage souhaitable et souhaité à l'époque des Pères de la Confédération, de la fédération canadienne, et on est d'avis qu'étant donné la complexification de la société québécoise il devient de plus en plus important d'insérer de l'autre pôle, l'autre pôle qui est à dire... Et, effectivement, ce ne sont pas là des arbitrages faciles, mais, à un moment donné, il faut y venir.

Mme Vallée: J'imagine que, dans votre réflexion, vous avez dû... Parce que vous avez dû trancher, vous avez posé votre réflexion un peu plus loin. Comment, à ce moment-là, arrivez-vous à concilier l'accès au député sur ces grands territoires? Je pense au territoire de la Côte-Nord, je pense... Je regarde, trois députés en Outaouais, là, avec le territoire qu'il y a à couvrir, là, j'ai hâte de vous entendre sur comment on concilie l'accès au député et la réalité territoriale du Québec.

M. Boivin (Guillaume): Je vous dirais que les moyens technologiques, ce n'est pas la réponse à tout, ça peut donner un élément de réponse.

Deuxième des choses, c'est que, nous, si on lit bien le rapport, là, l'augmentation du nombre de députés, on était contre pour ne pas faire bifurquer le débat sur les enjeux financiers. Ça veut dire que, par principe, nous, si la population ne se montrait pas réfractaire, ça ne serait pas vraiment un problème d'augmenter le nombre de députés et ainsi faire en sorte qu'on pourrait à la fois introduire des modalités proportionnelles et garder un nombre important de députés, disons, avec une base territoriale de circonscriptions puis... Mais on pourrait peut-être, dans un premier temps, faire en sorte que les gens se reconnaissent dans leur député, aient accès à un député en lequel ils se reconnaissent, hein, que chacun des électeurs... chacune des tendances dans la société québécoise puisse être représentée à l'Assemblée nationale, ce qui n'est pas le cas, à notre avis, à l'heure actuelle.

Mais peut-être que, dans un deuxième temps, voyant à quel point le rôle d'un député, c'est important, avec le cynisme qui diminuerait, bien je pense qu'à ce moment-là on pourrait, dans un deuxième temps, peut-être envisager l'augmentation du nombre de députés puis faire en sorte que, si c'est ce que les gens veulent... Bien, avec les services que rend un député, ce serait peut-être envisageable d'en augmenter le nombre et de... qu'il y aurait plus de proximité, ainsi de suite. Puis, pour terminer là-dessus, peut-être augmenter le nombre d'adjoints, des choses comme ça. Mais je pense que la deuxième solution que j'ai évoquée pourrait être peut-être la plus porteuse.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va?

Mme Vallée: Je vais céder la parole à un autre collègue, compte tenu du temps.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté ministériel? Non, ça va. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie d'être venus en commission après beaucoup d'heures de travail que vous avez consacrées à... Vous avez fait partie de la commission itinérante, donc ça a été un long, long, long processus. Donc, merci à M. Boivin, Mme Proulx puis à ceux qui ont participé à la rédaction de ce mémoire.

Dans le jury citoyen... pas le jury, ce n'est pas le jury citoyen, excusez-moi. Dans le comité citoyen, vous étiez... -- là, je mélange deux structures, mais il est plus tard un peu, c'est normal, ça fait plusieurs mémoires -- donc, vous étiez combien de citoyens qui faisaient partie de ce...

Mme Proulx (Mélanie): On était huit citoyens.

**(20 heures)**

M. Bédard: C'est ça. O.K. Et là il y en a six qui ont signé ce rapport. Les deux autres, vous avez perdu la trace, tout simplement?

Mme Proulx (Mélanie): Il y a eu un rapport minoritaire.

M. Bédard: Ah! bien oui, à l'époque, c'est vrai.

Mme Proulx (Mélanie): Oui. Il y a eu un rapport qui a été remis en même temps que le nôtre, à tout le moins. Et puis il y a eu une personne qui n'a simplement pas signé de... qui a choisi de ne pas signer le mémoire, effectivement, oui.

M. Bédard: De ne pas avoir de... O.K. Parfait, merci. Je constate que vous abordez plusieurs des aspects. Pour revenir à l'aspect du nombre de députés, vous aviez, à l'époque, délibérément, effectivement, choisi, pour différentes raisons que vous avez bien expliquées, de ne pas recommander l'augmentation du nombre de députés. Et vous avez fait le tour de l'ensemble du Québec, on se souvient, ça a été une commission itinérante, donc l'ensemble... Il y a des coins où vous n'êtes pas allés, là, mais la plupart des régions ont été visitées, puis ça a duré des mois et des mois, vous avez entendu beaucoup de citoyens. Les gens venaient d'ailleurs... Même à brûle-pourpoint, les gens pouvaient venir témoigner à la fin sans mémoire, sans... Alors, c'était très populaire et très utile à ce niveau-là.

Est-ce que je dois en conclure, effectivement, que votre constat, c'est que l'augmentation du nombre de députés, à l'époque, n'était pas quelque chose de souhaitable et même qu'il y avait une réticence très forte de la population quant à l'augmentation du nombre de députés?

M. Boivin (Guillaume): Je dirais qu'à cet égard-là c'était mitigé. Les tenants de l'introduction de modalités proportionnelles, voyant que ça pourrait être une voie de solution, l'augmentation du nombre de députés -- on pourrait garder les 125, puis on en rajoute 50, puis ça aide les choses -- donc, disons que les tenants de cette hypothèse-là étaient très souvent très ouverts à la chose et que, je dirais, un peu a contrario, ceux pour lesquels ce n'était pas la priorité n'en voyaient pas vraiment, disons, l'importance. Ce serait un peu caricatural, bien sûr, il y aurait des nuances plus importantes...

M. Bédard: Non, non, non, mais je comprends la nuance entre les deux.

M. Boivin (Guillaume): ...mais c'était essentiellement ça. Je ne caractériserais pas ça d'une réticence forte, c'était très... il y avait de tout.

M. Bédard: Il y avait de tout.

Mme Proulx (Mélanie): Si vous permettez, j'ajouterais que, dans le fond, ce qui ressortait beaucoup, c'est: Est-ce que le rapport qualité-prix allait y être? Est-ce que la somme qui allait être investie pour rajouter des députés allait la valoir certainement? C'est surtout le questionnement qui ressortait, plus que des points directs, là.

M. Bédard: Mais est-ce que... Je vais faire une affirmation plus forte. Il y a ceux, effectivement, qui étaient en faveur de la proportionnelle qui disaient: Augmentons le nombre des députés, ceux qui étaient contre qui disaient: N'augmentons pas le nombre de députés. Mais il y a ceux que, la proportionnelle, ils s'en tapaient, là. Eux autres, en général, proportionnelle ou pas, ils regardent la politique d'une façon... Si on nous fait des représentations, je vous dirais, spontanément, là, ces gens-là, eux, est-ce que vous sentez qu'ils résistent à... je veux dire, ceux qui n'entrent pas dans le débat de proportionnelle ou pas, là...

M. Boivin (Guillaume): Je dirais que non. Je dirais que ceux qui provenaient... Puis c'est un peu contraire, disons, à la première affirmation de la manière suivante, c'est-à-dire que, de manière très générale, c'est beaucoup plus nuancé que ça. Les gens des secteurs, disons, plus urbains avaient plus d'ouverture envers la proportionnelle. Les gens des régions plus périphériques en avaient moins. Mais, par contre, lorsque venait le temps pour le nombre de députés dans le cadre que vous l'avez situé, c'est sûr que celui-là qui vient de la Côte-Nord, il n'est peut-être pas intéressé à la proportionnelle. Ou il l'est, mais, en tout cas, nonobstant ça, il comprend lorsque son député lui dit: J'ai de très longues distances à parcourir, et tout ça. Donc, oui, ceux de Montréal, ceux de Québec, ce n'était peut-être pas leur priorité au niveau d'augmenter la proximité envers l'élu en augmentant le nombre de députés, mais, par contre, ceux qui vivaient dans des régions où les comtés ont beaucoup plus d'ampleur pouvaient être plus sensibles, oui.

M. Bédard: Ce que vous me dites dans votre affirmation, les gens des régions, en général, étaient moins favorables à la proportionnelle, et ceux, en général, des... je vous dirais, Montréal, peut-être Québec aussi, étaient plus favorables à la proportionnelle. C'est ce que j'ai compris de votre affirmation.

M. Boivin (Guillaume): Effectivement, je caractériserais la chose comme ça. Tout d'abord, je pense que ça tient au fait de la pluralité, disons, dans les milieux urbains, Mais, deuxième chose, c'est aussi que, dans les hypothèses de réforme dans le sens proportionnel, il y aurait... ça s'accompagne souvent d'une diminution du nombre d'élus parce qu'à ce moment-là, si on base le nombre de députés sur une stricte mathématique, ça vient faire en sorte que certaines régions verraient leur nombre d'élus décroître. Alors, les deux pouvaient être reliés, là.

M. Bédard: Est-ce que ça peut être lié aussi au fait que... Ça n'enlève rien à un député de Montréal et Québec, mais les gens des régions, en général, connaissent bien leur député, je vous dirais, ils se reconnaissent assez bien parce c'est quelqu'un qui va au dépanneur, qui fait leur marché avec eux, c'est quelqu'un qui a une vie sociale qui est réelle, qui n'est pas, je vous dirais, qui n'est pas dépendant de la notoriété nationale, qui n'est pas dépendant de sa présence médiatique, qui est plutôt dépendant de sa présence dans des activités aussi simples qu'aller à différentes activités assez concrètes dans le milieu. Donc, les gens, au-delà de savoir que c'est un député, c'est leur député. Parce que leur communauté naturelle, elle est très naturelle, dans le sens -- je pourrais parler chez nous, mais je pourrais parler dans d'autres... -- ça correspond à une municipalité, à une façon de vivre, une MRC, par exemple. Donc, il y a une réalité encore plus concrète que simplement des limites, je vous dirais, de coins de rue. Est-ce que vous pensez que ça permet justement... et c'est pour ça peut-être qu'il y a moins d'attentes des gens des régions, en général, par rapport à l'instauration d'une proportionnelle?

M. Boivin (Guillaume): Il faut se rappeler que j'ai parlé en des termes très généraux. Mais, si les élus de ces comtés se retrouvaient à ce point-là, bien on verrait des scores de 80 %, 88 %, 77 % pour un même élu, pour un même candidat, alors que, la norme, on voit bien que ce n'est pas le cas.

M. Bédard: Mais, si je vous disais, en général, que le taux... si je vous disais que le taux, en général, le taux de participation dans les comtés en région... la plupart, pas tous, mais ils sont plus élevés qu'à Montréal et à Québec, est-ce que vous penseriez que mon affirmation aurait plus de valeur?

M. Boivin (Guillaume): Bien, on s'est posé la question à l'époque, est-ce qu'on pouvait tirer une tendance régions, urbains, puis ça ne semblait pas être concluant. Ça fait que j'aurais de la difficulté à faire du chemin, là, sur cette affirmation-là.

M. Bédard: Si je vous disais, effectivement, parce qu'il peut y avoir bien des raisons, mais qu'en général, effectivement, le taux de participation est plus élevé?

M. Boivin (Guillaume): Je ne pourrais pas donner de raison, là, sociologique à cet état de fait là, si tant est que c'en est un.

M. Bédard: O.K. Donc, votre groupe s'était prononcé aussi en faveur de la diminution de 3 000 $ à 500 $, c'est ce que je vois de votre mémoire, évidemment de votre rapport aussi. Quels étaient les... Vous avez explicité certains motifs, mais qu'est-ce qui motivait le plus cette diminution?

M. Boivin (Guillaume): Ce qui est très clair, c'est que ce n'est pas tout le monde qui a 3 000 $ à donner à un parti politique de façon désintéressée. Alors, cette simple affirmation là, là, recouvre plusieurs éléments. Et, moi, je n'accepte pas voter... Le vote, c'est une chose. Mon vote vaut autant que celui d'un autre, mais ça nous apparaît inacceptable que la personne qui a plus de moyens financiers soit plus à même d'influencer le jeu politique que moi. Quelles valeurs citoyennes a-t-il de plus que moi, cette personne-là, parce qu'il a davantage de ressources financières? Alors, ça nous apparaît aujourd'hui, en fonction des valeurs démocratiques, pas tellement... inconcevable, tout simplement.

M. Bédard: En général, d'ailleurs, ceux qui sont capables de donner 3 000 $ ont un accès... sans dire privilégié, mais souvent plus direct avec le pouvoir en général, je vous dirais, soit avec leur député, avec le ministre, avec le premier ministre. Je ne vous dis pas que c'est automatique, mais quelqu'un capable, à répétition -- lui ou des membres de sa famille -- de donner, année après année, 3 000 $ multiplié par x, c'est quelqu'un, normalement, qu'on retrouve souvent dans les cocktails de financement des grands partis. Donc, ce que vous dites, c'est: C'est assez, là, il ne faudrait pas en plus augmenter, finalement, son impact, là, je pense qu'il en déjà assez, là.

M. Boivin (Guillaume): Ça résume bien l'idée. Et que ça joue à un point ou à l'autre, la perception est importante aussi. Puis je pense que c'est très clair au niveau de la population que ce serait un peu moins vrai que la perception... La perception demeure, et on pense qu'on doit disposer de ça aussi. Le problème du cynisme envers les institutions, envers les élus nous est apparu frappant, quand même, lors de notre tournée aux quatre coins du Québec, et on pense que c'est un aspect parmi d'autres sur lequel il pourrait être utile d'intervenir.

**(20 h 10)**

M. Bédard: Vous avez aussi des conclusions vis-à-vis la transparence des partis politiques. Il y a une recommandation qui ne se trouvait pas dans vos recommandations, là... C'est un peu redondant et fatigué aussi. Donc, il manquait une recommandation, ça va être... Vous n'avez pas fait état d'une recommandation -- je vais recommencer ma phrase -- donc, c'était la recommandation à l'effet de donner plus de moyens au DGE pour faire des vérifications, enquêter... pas enquêter, mais à l'étape des vérifications.

Parce qu'actuellement le DGE enquête quand il y a des déclarations, comme on a le cas actuellement, quand il y a des faits qui ressortent de l'actualité. Or, le DGE manque de moyens pour vérifier finalement, année après année, est-ce qu'on se conforme vraiment à loi, est-ce que l'utilisation de prête-noms, par exemple, est généralisée, est-ce que... Donc, pour ça, ça lui prend, un, des moyens, avoir des gens qui ne font que ça, pas seulement deux enquêteurs qui agissent sur plainte, mais des gens qui procèdent à des vérifications. Mais, deuxièmement, ça lui prend les informations relatives aux dons, et ces informations, en grande partie, sont détenues par le ministère du Revenu. Pourquoi? Parce qu'on est capable de recouper, à partir de noms, de noms de famille ou de noms d'entreprises et d'employeurs, par exemple, est capable de faire des recoupages. Est-ce que vous pensez que, comme vous semblez aussi souhaiter une plus grande transparence, qu'il serait souhaitable de donner ce pouvoir au Directeur général des élections d'avoir accès à ces informations, tout en, évidemment, protégeant... dans le respect de nos lois d'accès à l'information et protection des renseignements personnels, mais d'avoir accès à ces informations?

M. Boivin (Guillaume): Alors, ici, étant donné qu'on parle au nom d'un comité et qu'on n'a pas disposé...

M. Bédard: Est-ce que vous l'aviez regardé? Oui?

M. Boivin (Guillaume): ...de cette question-là de manière claire, je ne peux pas donner une réponse, disons, de manière aussi collective que ça. Je peux faire un bout sur un plan plus personnel, je dirais que, oui, ce serait une bonne chose. Je n'ai pas analysé la portée absolue des implications que ça aurait, là, d'ouvrir la porte à ces informations-là, mais je vous dirais qu'à vue de nez, comme ça, ça pourrait être une bonne disposition à prendre, en effet.

M. Bédard: Il y a quelqu'un, avant vous, qui est venu, puis c'est un astrophysicien, qui était -- vous irez le voir, là -- formidable. On l'a dit, souvent on parle de... on les lit, on en voit, mais là on en a vu un vrai, un vrai Ph. D. en astrophysique, puis je peux vous dire, avec une faculté de faire des liens qui est impressionnante, là. Je vous dirais qu'en termes de quotient intellectuel ça devait être effectivement très élevé parce qu'il a une capacité très rapide de sortir des éléments très précis. Ça a été une présentation fort intéressante où il a amené même d'autres modes de votation fort intéressants. Puis il fait ça à temps perdu, en même temps il va être président bientôt d'une chaire, d'une chaire sur l'efficacité énergétique puis...

M. Boivin (Guillaume): Ça semblait, disons, inabordable à l'époque, mais je me demande s'il a fait référence, à ce moment-là, à la démocratie modulaire, dans laquelle j'ai déjà lu un livre très intéressant. J'ai trouvé ça dans un livre de M. Dutil datant de plusieurs années.

M. Bédard: Bien, c'est un M. Dutil d'ailleurs, en passant.

M. Boivin (Guillaume): Ah, bien, à ce moment-là...

M. Bédard: Mais ce n'est pas le même, mais ils ont le même lien de famille, mais très loin. Un peu comme les Bédard, il y a une seule souche, on est tous un peu parents, mais...

M. Boivin (Guillaume): Mais lui-même en a bel et bien traité à un moment donné. M. le ministre, vous avez traité de cette question-là...

M. Dutil (Beauce-Sud): Absolument, dans mes jeunes années, oui.

M. Boivin (Guillaume): Oui, oui, oui, j'ai lu ça lorsque j'avais une douzaine d'années, oui.

M. Dutil (Beauce-Sud): ...un lecteur.

Des voix: ...

M. Bédard: ...on va vous demander de signer tantôt une dédicace. Mais c'est surtout qu'il nous a fait une représentation qui est intéressante. Vous dites: Dans une proportionnelle, tout vote compte, chaque vote compte, c'est le but, et, lui, il arrive plutôt à la conclusion inverse. Avec la barre à 5 %, seulement à 5 %, là, il dit: 20 %... Il arrive à un résultat impressionnant, 15 %, donc un multiplicateur de trois, 15 % des votes ne comptent pas. Mais vous voyez un peu le... Autrement dit, ce qu'il nous a fait la démonstration, c'est que le système parfait de représentation n'existe pas et... Oui, allez-y.

M. Boivin (Guillaume): Bien, tout simplement, je dirais que, s'il s'avérait que ce facteur multiplicatif là était bien réel, là, je vous dirais qu'effectivement, le seuil de 5 %, dans l'esprit des discussions, là, qui ont amené à mettre ce seuil-là à 5 %, là, on n'avait pas idée que ça pourrait amener cet impact-là. Ça fait que, si tel était l'impact effectivement, bien on serait... Je pense pouvoir affirmer qu'un seuil plus bas, pour atteindre l'objectif, pourrait être envisageable. Je me fie à votre mot, là, sur l'ampleur de ce monsieur, mais je n'ai pas fait... je n'ai pas cette aptitude à faire la mathématique tel qu'il a pu vous le faire, là.

M. Bédard: Je ne me considère pas... Il y a certains éléments qui me manquent par rapport à ça, mais le mode qu'il proposait ou... bien, pas qu'il proposait, dont il a fait l'étude. Parce que, dans les faits, il a fait l'étude de plusieurs modes. Je pense que ça mérite d'être regardé et analysé parce qu'il... Même, il donnait l'exemple à... C'est à Zurich qu'ils utilisaient le mode... et là j'oublie le terme, là...

Une voix: ...

M. Bédard: Ce n'est pas modulaire, c'est un autre terme. Et là excusez-moi, là...

Une voix: ...

M. Bédard: Uni... Non, pas uninominal, évidemment, c'est le contraire. Tout ça pour dire qu'on arrivait dans une... Écoutez, c'était assez original, mais, en même temps, ça représentait vraiment la tendance des gens. C'était: Tu votes pour le nombre de personnes que tu veux. Tu as un bulletin, tu as 14 candidats, tu peux voter pour les 14 si tu veux.

M. Boivin (Guillaume): C'est ce qu'on appelle le bulletin panaché, je crois.

M. Bédard: Oui. Bien, en tout cas... Mais tu votes pour... Si tu veux voter pour les 14, tu votes pour les 14. Si tu veux voter pour huit, sept, six... Et, en bout de ligne, ce que tu fais, c'est que ton quotient à la base... C'est ton nombre de députés qui va déterminer qui va représenter qui, finalement, là... pas qui va représenter qui, mais combien de députés tu as, là, à travers tout ça. Et ça n'empêche personne de voter pour le nombre de partis, mais ça favorise la multi... pas disciplinarité, mais la multi...

Une voix: ...

M. Bédard: Oui, mais la...

M. Boivin (Guillaume): La multiplicité.

M. Bédard: ...multiplicité, effectivement. Disons-le comme ça, là, allons-y plus simplement, donc la multiplicité des partis, mais, en même temps, la faculté de transposer les réelles intentions des partis dans la composition de l'Assemblée nationale... de l'Assemblée, oui, nationale, ou peu importe, là. Est-ce que vous avez regardé ce mode-là dans la tournée, dans vos réflexions?

M. Boivin (Guillaume): Oui. Lorsqu'on a fait l'étude théorique. Moi aussi, le nom précis m'échappe. Mais, si je ne me trompe pas, il y a un mode semblable en Irlande, si je ne me trompe pas, où est-ce qu'il y a un pool de députés et sur lequel on peut voter plusieurs fois, et que le deuxième vote compte également après. Alors, les modalités, là, tout comme vous, là, m'échappent dans leurs détails à ce moment-ci, mais ça évoque quelque chose, là. Certainement que c'est quelque chose qu'on avait vu à l'époque, mais qui n'avait pas été retenu, je crois, pour le caractère de complexité.

M. Bédard: Vous faites un lien beaucoup entre la proportionnalité et la participation, et ce lien-là, je vous dirais, il est, en général, assez dur à faire, qu'on soit pour ou contre la proportionnelle. J'ai vu encore dernièrement -- c'est la semaine passée -- les élections en France, le premier tour... la semaine dernière ou cette semaine, là, excusez, on est mardi, c'était en fin de semaine, voilà, où tu as eu un taux d'abstention très, très, très élevé. Vous me direz...

M. Boivin (Guillaume): C'est très régional.

M. Bédard: Mais, ce lien-là, vous ne pensez pas que c'est... Alors que, chez nous, il a été très bas jusqu'à encore récemment. Jusqu'à la dernière élection, on avait une démocratie, entre guillemets, qui était une des plus participatives, là, et on peut faire plus encore, mais comment peut-on, sans discréditer, je vous dirais, l'idée de faire la promotion de la proportionnelle... Au contraire, ce n'est pas mon but parce que c'est, je pense, une finalité démocratique qui est excellente. Mais comment faites-vous pour associer la participation et la proportionnelle?

M. Boivin (Guillaume): Par rapport aux liens scientifiques, on est conscients, là, qu'il n'y aurait pas une démonstration a sur b. Mais ce qu'il faut comprendre, là, c'est que, tout en respectant l'intelligence des citoyens, là, des électeurs, des notions techniques comme ça, je ne suis pas convaincu que quelque sondage que ce soit, là, pourrait être concluant parfaitement, à part si on commençait à faire une expérience de citoyens comme nous, qu'on prend au hasard, qu'on assoit, qu'on leur donne les éléments pour en juger, et je pense qu'à la fin d'un tel exercice, là les avantages de la chose ressortent. Je ne pense pas que ce serait instinctif de verbaliser: Voilà pourquoi je n'ai pas été aux urnes, et tout ça.

Et deuxième chose, c'est que, si on dit... Admettons, il y a 45 %... il y a comment... il y a 40 % des gens, maintenant, qui n'ont pas été voter, on prend en compte qu'il y a eu 95 % en 1995, hein, au référendum, quelque chose comme ça, donc ça nous fait...

M. Bédard: 94 %.

M. Boivin (Guillaume): ...ça nous fait 45 %. Bon, bien, s'il y avait ne serait-ce que 10 %, 12 % là-dessus qui ont comme justification pour ne pas aller voter le mode de scrutin, ce serait déjà un 25 % du problème de réglé, là.

**(20 h 20)**

M. Bédard: Si je vous disais que l'immense majorité de ceux qui ne vont pas voter sont liés à des problèmes strictement d'ordre matériel, genre: j'ai oublié qu'il y avait une élection aujourd'hui; le bureau de vote était trop loin; je n'ai pas réussi à faire garder mes enfants... Et là je vous dis ça, là, j'ai l'air à vous sortir ça de n'importe où, là, mais le DGE a fait une analyse -- je pense que vous êtes au courant aussi -- des raisons qui ont amené les gens à ne pas voter à la dernière campagne. Et on s'attendait à des choses de cette nature-là ou même -- puis là je le dis, je fais attention -- l'écoeurement par rapport à un nombre x d'élections, ou le peu d'enjeux, ou en plein mois de décembre, bon Dieu! en pleine tempête de neige, bien, les gens sont vraiment allés... la vaste majorité de ceux qui ne sont pas allés voter, c'était pour des motifs d'ordre purement matériel.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...Mme Proulx.

Mme Proulx (Mélanie): Il est évident que, quand ces analyses-là sont faites, on parle d'un questionnaire, d'un sondage. C'est un peu comme les questions sur le couple, je ne suis pas sûre que les réponses qui sont données sont nécessairement les bonnes. On croit, du moins, que, si les gens avaient l'impression que leur vote comptait plus... Comme on faisait référence aux gens qui sont dans des coins où leur vote ne compte pas, des gens qui votent pour les communément dits petits partis, si... pardonnez-moi le terme, aurait plus de chances de compter, évidemment que ces gens-là trouveraient une gardienne, trouveraient l'essence, trouveraient le temps. Il faut que l'élection ne soit plus tellement importante à leurs yeux pour oublier la date d'une élection, on s'entend. Si on est intéressé, on n'oubliera pas, on va trouver une gardienne, on va se déplacer. À ce niveau-là, je pense que le lien peut se faire aussi, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, vous vouliez ajouter?

M. Boivin (Guillaume): Simplement, l'élément, c'est que, si, par exemple, quelqu'un, dans sa jeune vie d'adulte, commence à devenir un électeur puis, durant ses premières élections, prend un beat, comme on dit, où est-ce qu'il n'en voit pas l'utilité, bien, à ce moment-là, ça fait quelqu'un qui ne se sent pas tellement appelé par le jeu politique. Et, à ce moment-là, c'est peut-être celui qui vous répondra, rendu à 44 ans: Je n'y ai pas été à cause d'une question logistique. Mais, par contre, qu'est-ce qu'il faut comprendre, c'est que la personne qui a été politisée, qui voit l'utilité de son vote en étant plus jeune, bien, à ce moment-là, il va peut-être avoir le niveau de conscientisation nécessaire pour dire: Les obstacles, je vais les abattre, puis, mon vote, je vais aller l'exercer, à ce moment-là.

M. Bédard: Bien, de consentement, c'est que vous touchez exactement le bon point, c'est celui de mettre l'accent sur le premier vote. Et c'était la recommandation du DGE, c'est qu'il faut absolument créer un momentum à la participation au vote. Parce que, quand tu perds l'électeur au début, effectivement, à 40 ans, il va être trop tard.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. le député de Chicoutimi. M. le député de Mercier.

M. Khadir: Est-ce que, de consentement, je peux avoir plus que quatre minutes?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Vous allez avoir tout le temps que vous méritez, M. le député.

M. Khadir: Ah! vous êtes bien aimable. Je vois que, de consentement, on obtient tout.

Une voix: ...il vous reste 30 secondes.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ce n'est pas moi qui l'ai dit, M. le député.

M. Khadir: Merci de ce généreux consentement. Je rappelle, pour nous-mêmes, et aussi pour ceux qui sont dans la salle, et pour les deux membres du comité citoyen qui ont fait une excellente présentation, qu'en novembre on a eu une motion unanime de l'Assemblée nationale demandant que le projet de loi qu'on étudie actuellement améliore la représentation politique. Et tout le monde s'entendait qu'on voulait dire par là, bien, qu'on commence à introduire ce que tout le monde demande depuis à peu près 40 ans, c'est-à-dire la proportionnelle.

Je mentionne également pour ma collègue de Gatineau que, par exemple, dans le modèle proposé de 40 % de députés de proportionnelle, ça fait 50 députés sur les 125. Ces 50 députés appartiennent à des régions. On peut les distribuer de manière régionale pour tenir compte justement de cette réalité régionale, mais ça permet d'introduire un autre élément, de faire en sorte que les gens se sentent plus représentés, et de manière plus équitable, et que les votes comptent davantage.

Maintenant, je ne comprends pas, moi, depuis que je suis venu, vraiment pourquoi, malgré ces évidences, malgré les avantages réels qu'on y retrouve, qu'il y a une résistance chez... Mais vous qui avez côtoyé les politiciens d'une autre législature pendant à peu près un an, un an et demi, selon vous, c'est quoi, la raison de la réticence des acteurs politiques? Je parle des membres de l'Assemblée nationale des différents partis, vous avez vu un peu toutes les questions qu'ils ont posées pour essayer de se convaincre soi-même que, non, il ne faut pas de proportionnelle ou trouver toutes sortes de raisons pour s'accrocher pour ne pas introduire... C'est quoi, la raison?

M. Boivin (Guillaume): Là, vous comprendrez qu'on n'a pas statué là-dessus, le groupe ensemble...

M. Khadir: Mais votre expérience personnelle pour avoir discuté avec...

M. Boivin (Guillaume): O.K. À ce moment-là, si vous demandez mon interrogation personnelle, c'est qu'il y a des questions de perception, il y a des questions de perception qui viennent faire en sorte qu'au niveau d'intérêts... Je crois que certaines personnes dans certains partis considèrent qu'une telle réforme ne serait pas à leur avantage. Donc, je pense que c'est ce qui motive.

Il y a d'autres, également, considérations que les arbitrages dont on a parlé tantôt. Certains, en toute conscience, les tracent ailleurs où est-ce qu'on le fait. Il y a le pôle proximité de son député. Il y a le pôle, à ce moment-là... ou l'introduction de modalités proportionnelles où est-ce qu'on amènerait plus... où est-ce qu'on ferait en sorte que les comtés seraient plus grands. À ce moment-là, il y en a qui font l'arbitrage où est-ce qu'on doit primer ce premier pôle là, alors qu'il y en a d'autres qui font un autre arbitrage où est-ce que la représentation de tous les courants, de celui-là qui n'est pas libéral à Westmount, que son vote doit compter, et que, si on doit modérer le premier pôle par un second, que l'arbitrage doit être tracé ailleurs. Donc, on ne vous mentira pas qu'on a senti qu'il y avait à la fois des motifs objectifs, où il y avait, disons, un arbitrage, un arbitrage de bonne foi qui était fait autrement que nous, que l'endroit où, nous, nous le ferions, et qu'il y avait également des intérêts qui étaient en jeu. Je ne suis pas là pour décortiquer, ou lancer la pierre, ou quoi que ce soit, je pense que les observateurs de la scène politique sont tout à fait conscients que cela existe.

Et, comme on le fait, un appel à la fin de notre mémoire, bien on appelle à s'élever au-delà de ça et de prendre en coeur, au niveau de la base de la démocratie, ça sert à quoi. On était des citoyens, dans la démocratie grecque, où est-ce qu'on avait une démocratie directe. N'oublions pas que l'on délègue notre pouvoir de citoyen à des représentants et que, si on se retrouve devant une assemblée où on sent que personne ne parle pour nous, on a perdu le sens de la démocratie dans sa pleine acception, à mon sens.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...M. le député de Mercier. Merci, M. Boivin, Mme Proulx, pour votre présentation. Bon retour chez vous.

Je vais suspendre les travaux quelques instants et demander à Mme Élaine Hémond de prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 20 h 27)

(Reprise à 20 h 30)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Nous allons reprendre nos travaux. Donc, Mme Hémond, ça me fait plaisir de vous voir ce soir en commission. Vous savez que vous êtes le 41e ou 42e groupe que l'on rencontre. Et on ne le dit pas assez souvent, mais je vous le répète, ça prend beaucoup de courage pour présenter des mémoires en commission parlementaire. Parce que Dieu sait qu'il y en a qui se présentent avec beaucoup de nervosité, beaucoup d'enthousiasme aussi. Donc, les parlementaires apprécient ça, j'en suis convaincu. Ne serait-ce que par leurs figures, qui en témoignent à chaque minute, votre présence est importante pour eux. Je voulais vous le rappeler parce que, à toutes fins pratiques, il ne reste que quelques groupes à rencontrer. Donc, merci d'être ici ce soir.

Et, sans plus tarder, je vous rappelle les règles, qui sont de 10 minutes pour votre présentation, et le reste permettra à nos parlementaires de vous poser des questions. À vous, Mme Hémond.

Mme Élaine Hémond

Mme Hémond (Élaine): Merci. Bonsoir, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Merci de m'accueillir pour présenter ce mémoire. Comme vous avez lu le mémoire, je m'attacherai surtout à préciser les motivations et le contexte qui m'ont amenée à présenter ces propositions orientées vers une démocratie plus juste. Comme moi, vous savez que, face à cette démocratie plus équitable que nous souhaitons tous, la Loi électorale est incontournable.

Je sais que les préoccupations et les recommandations contenues dans ce mémoire débordent les deux grands thèmes de l'avant-projet, c'est-à-dire la représentation électorale en termes de découpage des circonscriptions et le financement, mais j'ai la certitude d'être pertinente face à la mission de votre commission. Ma motivation est donc la vôtre, c'est-à-dire l'établissement d'un modus vivendi électoral plus équitable.

Aussi, en ce sens, il m'a semblé que la question des femmes en politique devait être remise à l'ordre du jour maintenant. Depuis quelques années, on n'en parle plus, et les propositions élaborées et mises de l'avant entre 2002 et 2006 sont restées lettre morte. Pourtant, la question de la place des femmes dans les assemblées parlementaires est maintenant à l'ordre du jour sur le plan planétaire. Ce n'est pas parce que nous, au Québec, voguons sur un approximatif 30 % depuis 10 ans que nous pouvons faire l'économie d'une réflexion de fond et de gestes concrets.

Peut-être vous demandez-vous pourquoi j'ai décidé de présenter ce mémoire en mon nom personnel -- vous parliez de représentants de groupes, là, je suis là en mon nom personnel -- alors que j'ai agi au sein d'organismes importants depuis 15 ans. C'est parce qu'ayant récemment quitté mes fonctions au sein de ces organismes j'ai pu prendre un certain recul de l'action intense qu'exige la gestion d'un organisme d'éducation à la citoyenneté. Je souhaitais également exprimer ma vision personnelle de la question de l'«empowerment» politique des femmes, celle que m'a inspiré le côtoiement quotidien, depuis bientôt 10 ans, d'aspirantes candidates, de candidates, d'élues et de partis. Au fil des ans, mon équipe et moi-même avons, en effet, accueilli plus de 400 femmes dans nos écoles Femmes et Démocratie. Près de la moitié se sont présentées à une élection ou à une investiture, et, à l'heure actuelle, près d'une centaine d'entre elles siègent à différentes instances élues, politiques, citoyennes ou socioéconomiques.

C'est auprès de ces femmes et, très souvent, des partis dont elle sont membres que j'ai pris la mesure des pas qu'il reste à franchir pour qu'elles s'engagent encore plus volontiers en politique. J'ai pu faire le constat que, malgré l'intérêt et les compétences des femmes, nous risquons de stagner encore un certain temps autour de 30 %, voire de reculer si l'État ne démontre pas concrètement sa détermination à atteindre une présence accrue des femmes aux postes élus et, idéalement, une mixité paritaire.

Ces réflexions, et le recul récent -- parce qu'on a reculé il y a quelque temps -- et le constat des énergies qui se déploient ailleurs autour du thème femmes et politique motivent donc les recommandations qui suivent.

Le momentum est aussi amplifié par l'importance donnée dans le monde au troisième objectif du Millénaire pour le développement décrété par l'ONU en 2005. Cet objectif spécifique, orienté comme les autres objectifs du millénaire, vers le progrès social, politique et économique de l'humanité, donne une grande importance au rôle des femmes dans toutes les sociétés. Tout comme l'éducation des filles, d'ailleurs, le pouvoir politique des femmes est vu comme une clé de l'autonomie des nations et de la lutte contre la pauvreté.

Bien que le Québec semble en bonne position avec ses 30 % de femmes élues, il a, depuis 10 ans, pris un recul par rapport à de nombreux pays. S'il figurait au palmarès de l'Union interparlementaire, il serait maintenant au 25e rang, alors qu'il était dans les 12 premiers il y a 10 ans.

À côté de cela, le Québec est et est perçu comme avant-gardiste en matière d'égalité des sexes. Cette réputation explique que nous sommes souvent sollicités pour aller ailleurs parler de nos expériences et de notre modèle. Mon propos vise donc à remettre la question à l'ordre du jour et à soutenir des actions claires et concrètes en faveur d'une mixité égalitaire aux postes de pouvoir.

En conclusion, je vais vous répéter brièvement les recommandations qui se trouvent dans ce mémoire.

Un, que le Québec inscrive dans sa Loi électorale le principe de zone de mixité égalitaire imposant que toutes les instances démocratiques soient composées de représentants des deux sexes, dont aucun n'est présent à plus de 60 %. Vous comprendrez que je ne parle pas de parité, mais de mixité paritaire. Avec notre mode de scrutin, c'est pratiquement impossible de décréter qu'on va avoir 50 % au bout de la ligne.

Alors, deuxièmement, que, pour garantir l'atteinte de cette zone de mixité égalitaire, les partis soient, dès les prochaines élections, tenus de présenter autant de femmes que d'hommes. Cette parité au niveau des candidatures donne une assurance raisonnable que la zone de mixité égalitaire, 40-60, soit atteinte aux élections.

Et qu'en période de rattrapage -- ce qui sera sans doute le cas au cours de la prochaine décennie -- compte tenu de la difficulté de recruter des candidates, les partis bénéficient de financement accru pour accueillir, accompagner, soutenir et faire élire des femmes.

Et que tous les partis se dotent d'un plan d'action visant l'égalité, qu'ils aient à en rendre compte annuellement au DGEQ... qu'ils aient à rendre compte des moyens mis en oeuvre à cet égard ainsi que des résultats obtenus.

Et, enfin, que le gouvernement du Québec continue à soutenir la préparation de candidates dans le cadre non partisan des écoles Femmes et Démocratie qui, depuis 2004, ont accueilli plus de 300 femmes attirées par la politique.

J'ai aussi quelques recommandations qui parlent de l'appropriation, par les citoyens, du financement des partis et, à cet égard, je proposais un fonds, un fonds que j'appelle Fonds citoyen d'engagement démocratique, qui serait géré par l'intermédiaire des déclarations de revenus et qui permettrait aux citoyens de faire sur leur déclaration de revenus le don qu'ils aspirent à faire au parti de leur choix ou à tous les partis. Cette recommandation vient un peu dans la foulée des recommandations qui ont été faites par M. Pierre-F. Côté. Lui proposait une fondation plus générale dont les argents seraient distribués, suivant un barème, par le DGEQ.

Et il y avait aussi le politologue Guy Lachapelle, qui, lui, proposait des fondations plus partisanes de chaque parti mais qui induisaient, là encore, des disparités, suivant que les partis soient plus riches ou moins riches, suivant qu'ils vont chercher leur financement dans les milieux plus aisés ou non.

Alors donc, ces deux dernières recommandations là sont importantes, mais je vous avoue que c'est plutôt le premier volet de mon mémoire qui m'a attirée auprès de vous. Voilà. Merci de m'avoir écoutée.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci infiniment, Mme Hémond. M. le ministre.

M. Dutil (Beauce-Sud): Merci, M. le Président. Merci, Mme Hémond, de votre présentation. Vous n'avez pas assisté, cet après-midi, à la présentation du Conseil du statut de la femme, je ne crois pas.

Mme Hémond (Élaine): Je n'ai pas assisté, mais je les connais très bien. Je suis membre du Conseil du statut de la femme et j'ai vu les recommandations qui en ressortent.

M. Dutil (Beauce-Sud): Bon, d'accord. Donc, ce n'est pas un hasard s'il y a une bonne proximité de recommandation entre ce que le Conseil du statut de la femme nous a fait cet après-midi et ce que vous nous faites, là.

Mme Hémond (Élaine): Bien, je vous dirais que ce n'est pas un hasard que plusieurs organismes féminins, que plusieurs individus féminins viennent auprès de vous aujourd'hui, c'est parce que c'est un réel besoin.

M. Dutil (Beauce-Sud): Non, d'accord.

Mme Hémond (Élaine): Vous savez, Mme Pelchat et moi-même ne sommes pas les seules à nous préoccuper de la place des femmes en politique.

M. Dutil (Beauce-Sud): Non. Non, d'accord, mais ce que je constate, c'est que quand même vous êtes relativement proches dans vos recommandations très précises, là. Le principe de mixité, l'obligation de présenter autant d'hommes que de femmes, ça ressemble beaucoup à ce qu'on a vu cet après-midi présenté par Mme Pelchat. Alors donc...

**(20 h 40)**

Mme Hémond (Élaine): Oui, c'est vrai, M. Dutil. Et aussi il faut voir que ça s'accroche aussi à tout ce qui a été discuté depuis 2002. Si on se fie à l'historique de ce qui est ressorti au cours des états généraux sur la réforme du mode de scrutin, et, par la suite, le rapport Béland, et, après, la proposition faite par M. le ministre Pelletier et, après, entérinée et améliorée par le DGEQ, on est toujours dans la même lignée. Sauf qu'au départ on parlait d'un 30 %, 40 %, mais je crois que nous sommes rendus à l'étape, maintenant, où il faut carrément regarder vers le 50 %.

M. Dutil (Beauce-Sud): Et, si j'ai bien compris, vous avez fondé... ou vous avez évolué dans une école où il y avait des femmes pour les former, à école et démocratie, là, vous avez fait ça, là.

Mme Hémond (Élaine): C'est ça, nous avons démarré un groupe puis un organisme qui a travaillé en partenariat avec l'ENAP, qui a offert des écoles Femmes et Démocratie à des femmes qui s'intéressaient à la politique. Il y en a plusieurs, d'ailleurs, qui sont élues. Il y en a, en tout cas, une au moins à l'Assemblée nationale, mais il y en a près de 80 au municipal qui sont soit mairesses, soit conseillères. Donc, les femmes intéressées par la politique, ça existe.

Une voix: ...

Mme Hémond (Élaine): Pour les messieurs, bien je pense que peut-être que ce serait aussi intéressant d'avoir ce genre d'école. Mais, puisqu'à l'heure actuelle on travaille pour le rattrapage, on s'intéresse surtout à l'avènement des femmes en politique.

M. Dutil (Beauce-Sud): O.K. Bref, vous confirmez ce qu'on a entendu cet après-midi, il y a des femmes qui sont intéressées, il s'agit de les aider, de les former, de les inciter à... et vous pensez que, donc, on pourrait atteindre cette parité-là.

Mme Hémond (Élaine): Oui.

M. Dutil (Beauce-Sud): Si on formait les femmes comme vous l'avez fait, si on les incitait davantage à venir, vous pensez qu'il y aurait plus de femmes qui accepteraient de se présenter? Parce qu'un des problèmes, c'est ça aussi, là, il faut que les femmes acceptent de se présenter également.

Mme Hémond (Élaine): Oui, j'en suis tout à fait persuadée, ça, M. Dutil. Mais, par contre, il y a un mot avec lequel j'ai de la difficulté, c'est «former», si on formait les femmes. Les femmes, vous savez, pour aller en politique, elles n'ont pas plus besoin d'être formées que les hommes ont besoin d'être formés, mais elles ont besoin d'être accompagnées, elles ont besoin d'acquérir de la confiance, de se confronter, d'être sûres qu'elles connaissent leurs dossiers. Parce qu'elles nous disent: Moi, je veux aller en politique, mais je voudrais tout connaître. Bien oui, ce n'est pas possible de tout connaître.

Mais ce qu'on fait dans le cadre des écoles Femmes et Démocratie, bien on fait un peu de la science politique, on parle des institutions, des compétences des différents paliers, on les aide à développer des habiletés pour parler en public. Et, je vous assure, elles sont très bonnes. Elles ne se trouvent jamais bonnes, mais elles sont très bonnes. On les aide à trouver des arguments pour débattre. On les met en réseau aussi. Chaque année, même plusieurs fois par année, on vient à l'Assemblée nationale rencontrer les députés. Alors, c'est une école de vie, de vie démocratique.

Je me sentirais mal à l'aise de dire que les femmes ont davantage besoin de formation que les hommes, mais elles ont davantage besoin d'être accompagnées, d'être soutenues et d'être encouragées, d'être valorisées dans ce rôle-là. Vous savez, on n'est pas tombées dans la politique quand on était petites, nous, hein, mais on a quand même des...

M. Dutil (Beauce-Sud): Non, non, mais les hommes non plus. Si j'ai employé le mot «former» pour les femmes, c'est que je le pensais pour les hommes aussi. Je pense que les hommes ont besoin de formation pour faire de la politique. Moi, mon expérience, quand j'étais jeune -- bien, on a eu chacun nos façons d'entrer en politique -- c'était la jeune chambre de commerce, junior, qui nous formait aux assemblées délibérantes, et ça m'a servi toute ma vie, moi. Après ça, quand je suis arrivé en politique, je savais au moins comment me comporter dans une séance. Alors, c'est une formation, dans le fond, qui est utile et nécessaire puis qui aurait été... Il aurait été préférable que ce soit systématisé dans notre cas. Moi, c'est par hasard que j'étais là puis que, finalement, je me suis retrouvé dans un conseil municipal. Alors, je maintiens le mot «formation», et pour les hommes et pour les femmes.

Mme Hémond (Élaine): Vous avez raison. D'ailleurs, on les incite, ces femmes qui viennent vers nous... Et puis on ne prend pas toutes celles qui posent leur candidature, vous savez. On en a accueilli près de 400, mais il y en avait beaucoup plus qui voulaient venir.

M. Dutil (Beauce-Sud): Ah oui?

Mme Hémond (Élaine): Certainement. Mais on les incite à aller dans les chambres de commerce, à siéger au syndicat, dans les instances des écoles, des... Ça, c'est aussi une école, hein, apprendre à délibérer, apprendre aussi à faire des consensus, à négocier.

M. Dutil (Beauce-Sud): Alors, malheureusement, dans les partis politiques, on n'est pas encore rendu à refuser des femmes comme candidates, il faut encore continuer à recruter.

Mme Hémond (Élaine): Non, je le sais bien, mais, vous savez, si on allait vers ce que j'appelle la parité, 50 %, au niveau des candidatures, ce n'est quand même pas un saut énorme, là. J'ai fait le calcul qu'aux dernières élections il y avait à peu près 650 candidats et il y avait autour de 200 femmes candidates. Vous savez, monter à 325, c'est tout à fait faisable dans le Québec avec le degré d'éducation, de formation, de motivation des femmes. Bon, c'est sûr, il ne faut pas s'y prendre la veille, il faut commencer maintenant à les intégrer dans les partis. Mais c'est un saut qui est tout à fait faisable.

M. Dutil (Beauce-Sud): Moi qui ai déjà siégé ici, à l'Assemblée nationale, il y a assez longtemps, j'ai siégé avec Mme Bacon qui, elle, avait siégé toute seule comme femme dans le... Bon, il y a eu du progrès, là, il faut quand même le dire. Il ne faut pas s'arrêter là, mais de regarder derrière, ça nous permet de voir que le chemin à parcourir n'est pas si long, peut-être, puis qu'on pourrait y arriver.

Mme Hémond (Élaine): Bien, c'est ça, vous avez raison, il y a eu un progrès qui a été tellement rapide ici, au Québec, là. Mais ce qui est dommage, c'est quand on regarde les 10 dernières années, bien on n'a pratiquement pas avancé, et c'est pour ça qu'il faut vraiment maintenant... Maintenant que la société est tout à fait ouverte à ça, à l'égalité, à la parité, ça ne pose plus problème, je pense que c'est maintenant qu'il faudrait statuer une loi, une balise qui fasse en sorte que ce soit incontournable d'avoir parmi vous moitié hommes, moitié femmes.

M. Dutil (Beauce-Sud): O.K. Merci, madame. Merci, M. le Président.

Mme Hémond (Élaine): Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...M. le ministre. Mme la députée de Hull... oui, Hull.

Mme Gaudreault: Oui, de Hull. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, pour moi, c'est tout un plaisir de vous recevoir ce soir parce qu'il y a une petite anecdote. Ma collègue de Gatineau, il y a un peu plus d'un an, m'avait fortement suggéré de fréquenter votre école, Femmes et Démocratie. J'avais été acceptée, j'avais soumis ma candidature. Mais il y a eu une élection partielle dans mon comté, et j'ai été la première candidate femme pour le Parti libéral dans le comté de Hull, et je dois vous dire que, pour moi, c'était une victoire en soi.

Mme Hémond (Élaine): Je me rappelle très bien de votre dossier.

Mme Gaudreault: Bon, bien... Très bien.

Mme Hémond (Élaine): Et je ne me serais pas permise d'en parler si vous n'en aviez pas parlé.

Mme Gaudreault: Mais c'est avec une grande fierté que je peux vous dire que, vous savez, ma collègue et moi, vraiment, on met en valeur des institutions comme la vôtre et puis on essaie de motiver, de conscientiser les femmes autour de nous. Parce que, oui, il y a eu une stagnation au cours des 10 dernières années, puis il faut poursuivre, il faut atteindre nos objectifs, et c'est pour ça que je suis très curieuse de vous entendre par rapport...

Je voudrais ajouter aussi que je suis très fière de faire partie d'un gouvernement qui a instauré la parité au Conseil des ministres, et ça, je le mentionne à toutes les occasions qui me sont données parce que c'est vraiment un grand pas. Puis on est enviés par plusieurs Parlements dans le monde, et, en tout cas, j'en suis très fière.

Je voudrais vous entendre par rapport à votre zone de mixité égalitaire. Je voudrais savoir comment vous verriez ça s'établir, là, concrètement puis s'il y a des États dans le monde qui ont déjà pensé à un type de mixité de la sorte.

Mme Hémond (Élaine): Je ne pense pas que ce soit institutionnalisé ailleurs. Mais il faut bien voir que dans le monde, à l'heure actuelle, il y a quand même une grande majorité de pays qui fonctionnent avec un mode de scrutin proportionnel ou mixte, et, dans ces pays-là, c'est beaucoup plus facile d'instaurer des quotas qui, au bout du compte, donnent ce qui est prévu, 30 %, 40 % ou 50 %, comme au Rwanda, alors que nous, avec notre mode de scrutin majoritaire à un tour, on ne peut pas forcer la main de l'électeur, à moins d'avoir des sièges réservés, puis je pense qu'on n'est pas rendus là.

Alors, je me disais que, si nous nous donnions une zone de mixité égalitaire, 40-60, au niveau du résultat, je pense qu'on y arriverait dans la mesure où nos candidatures seraient paritaires. Parce que, moi, je fais confiance aux gens, que, si on leur présente 40 % de femmes ou 60 % de femmes et... enfin, toujours dans cette proportion-là, on arrivera à la fin avec une mixité égalitaire. Si on leur présente moitié-moitié, moitié hommes, moitié femmes -- excusez-moi, je me suis mal exprimée -- on arrivera à la fin avec une zone de mixité paritaire ou égalitaire. Je ne me suis pas encore arrêtée sur le mot, là, mais je vois ça comme ça. Parce que ce serait peut-être une innovation. Parce que je regarde les autres pays, le Rwanda, eux autres, sont rendus à 50 % de femmes. Ils ont des sièges réservés, ils ont toutes sortes de mécanismes, des endroits où les femmes votent pour des femmes seulement, des sièges réservés, des quotas, des quotas de 40 %. Ils arrivent avec 56 virgule quelque chose au Parlement.

Je regarde aussi en France, la loi sur la parité, bon, disons qu'au niveau législatif de l'Assemblée nationale ça ne donne pas grand-chose, justement en raison du mode de scrutin, alors qu'au niveau municipal, dans les communes de plus de 3 500 habitants, avec le mode proportionnel et des listes panachées, ils sont arrivés en 2002, 47,5 % de femmes conseillères, 52,5 % d'hommes. Sur le mode de scrutin proportionnel, avec des listes panachées de façon intelligente, mathématiquement, on est sûr du résultat auquel on va arriver, alors qu'avec le mode de scrutin que nous avons il y a toute une partie des résultats qui nous échappe.

Alors, c'est pour ça que je m'arrêtais dans... j'avais réfléchi à cette méthode-là de zone de mixité paritaire en me disant que ça pourrait être un peu une innovation. Je veux dire, ici, au Québec, on a déjà innové pour plusieurs choses, pourquoi on n'innoverait pas là-dessus? Surtout qu'on va dans le monde entier. Moi, je suis maintenant invitée dans plusieurs pays parce qu'on idéalise notre système québécois d'égalité. Avec raison, parce que c'est agréable de vivre ici. Mais, des fois, je suis un peu gênée quand ces gens-là, en Bolivie, ailleurs, me disent que leur constitution possède des quotas, possède des... même la parité, dans certains cas, inscrits dans leurs lois et que je raconte qu'ici, bien, on est à 30 % depuis quasiment 10 ans. Je pense que j'aimerais y aller en étant fière de montrer une autre avancée que nous aurions faite sur le plan législatif. Et les femmes sont prêtes ici, je pense qu'il n'y a plus besoin, vraiment, de les prendre par la main, comme il fallait le faire il y a 30 ans ou 40 ans.

**(20 h 50)**

Mme Gaudreault: C'est très inspirant. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée de Hull. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci beaucoup. Alors, je vous remercie de votre mémoire puis de votre participation. Effectivement, c'est fort intéressant, cette discussion. Je vous dirais, et sans amoindrir votre propos, loin de moi l'idée, là... mais vous parlez dans votre mémoire de la... «...je suis souvent invitée à l'étranger -- et vous venez d'y faire référence -- pour présenter notre vision de l'égalité politique des femmes...», et là vous dites: Maintenant, on a reculé, je suis presque gênée. Je tiens à vous rassurer parce que l'égalité politique... Il y a la politique à l'Assemblée nationale, mais la politique, c'est beaucoup plus large que ça. Et ça n'excuse pas de ce qui se passe ici, mais la politique est beaucoup plus large que cela. Dans les organisations syndicales, elle se manifeste, dans les organisations... dans nos milieux de vie et les chambres de commerce, et les femmes ont une part beaucoup plus importante, effectivement, pour des raisons qui sont le congé parental...

Puis, en Bolivie, ils ne vous diront pas ça, qu'il y a un congé parental, du moins qu'il y a la protection des femmes enceintes aussi. Vous le savez, je viens des relations de travail. Alors, tout employeur est confronté à cette réalité-là, et... l'équité salariale est une avancée extraordinaire de notre société. Peu de sociétés peuvent se valoriser d'avoir autant de mesures regroupées. Et là je ne vous parle pas du système des garderies, qui est évidemment pour toutes les familles, mais qui a pour but justement de s'assurer que les femmes aient ce droit au marché du travail de la même façon. Bien que, notre génération, je ne le sais pas, peut-être plus que la vôtre... sans porter de jugement, mais la répartition des tâches se fait, entre guillemets, beaucoup plus équitablement. Bien que ce ne soit pas parfait, on avance aussi là-dessus. Donc, vous pouvez continuer à vous promener la tête haute un peu partout.

Mme Hémond (Élaine): Mais soyez rassuré, M. le député, tout ça, j'en suis très fière et je propage la bonne nouvelle partout où je vais. Mais ce dont je parle, c'est une égalité politique quantitative. Et je comprends qu'au point de vue qualitatif c'est vrai que nous sommes assez...

M. Bédard: Ah! vous êtes même supérieures, ma femme dirait, mes deux filles, d'ailleurs... Et je vous parle même... Non, c'est de la politique de façon plus large. Parce que la politique, ce n'est pas vrai... Moi, quand je fais des présentations dans les écoles, en général, je leur dis: La politique, ce n'est pas simplement être député, là, c'est une implication, c'est croire en quelque chose et s'impliquer, militer. C'est ça, la politique. Et, au Québec, être président, être présidente de la Fédération des chambres de commerce a un impact plus important, à la limite, même qu'un député. Il y a comme cette réalité-là. Je ne vous dis pas que ça amoindrit, mais c'est plus large, la politique, et...

Mme Hémond (Élaine): Je suis bien d'accord avec vous, le privé est politique. Mais je pense quand même qu'il y a des institutions aussi importantes que la vôtre où il devrait y avoir autant de têtes de femmes que de têtes d'hommes.

M. Bédard: Et là on y vient, on y vient. Et c'est pour ça que votre mémoire est encore... est très important, et c'est pour ça que je me suis permis une petite remarque seulement là-dessus parce que... Et mes deux plus grandes... Vous savez, j'ai trois enfants, mais dont deux filles, et elles ont baigné dans la politique, elles baignent et elles n'ont pas aucun complexe à ce niveau-là. Même, je vous dirais, encore moins que moi, donc c'est encourageant pour la suite des choses. Mais on ne veut pas attendre jusque-là, on est conscient que... On veut que ça arrive tout de suite, et c'est normal. Où je vois qu'il y a un problème réel parce que la courbe... On a eu un statisticien avant vous -- bien, vous l'avez entendu -- un astrophysicien, mais qui s'intéresse... C'était vraiment intéressant, la courbe de progression des femmes à l'Assemblée nationale est une des plus importantes jusqu'à l'élection de 2007, là, dans les pays industrialisés en général. On avait une courbe formidable, et là il y a une stagnation. Ce que je constate, par contre, sur 10 ans il y a une amélioration, mais pas assez importante parce qu'il y a eu un recul. Si on avait continué la courbe de 2003, on serait beaucoup plus avancés que ça. Donc, il y a une stagnation. Un.

Deuxièmement, mais plus grave encore, et là ça répond un peu... J'ai eu une discussion avec Mme Pelchat tantôt -- vous avez vu, ou vous l'avez lu, ou entendu -- sur, tu sais, c'est quoi, notre chambre de joueurs, nous autres, là. Elle, elle faisait référence à la chambre des joueurs, où est-ce que vous trouvez vos candidats ou vos candidates. Et vous dites souvent: Il n'y a pas assez de femmes qui veulent être candidates, mais vous ne cherchez pas au bon endroit, et un des endroits... Moi, j'ai dit: Oui, mais il faut s'assurer qu'il y ait plus de femmes dans tel poste.

Mais un des problèmes... un des endroits où il y a le plus de députés -- en tout cas, un nombre important de députés proviennent de cette souche-là -- c'est les élus municipaux, et particulièrement les maires et mairesses. Et ce que je constate dans vos statistiques, c'est que la présence des femmes est quasi anecdotique, là. Quand on représente 53 % ou 54 % de la population en 2009 puis qu'on a seulement 16 % de mairesses, on a un sapré problème, là. Là, ça, c'est dramatique parce que... Là, je ne peux même pas vous dire le mot, là, mais... parce qu'on aurait... Ce n'est pas le club-école, loin de là, mais souvent il y a de ces gens-là qui deviennent députés. Mais là ce que je constate, c'est qu'il y a une disproportion incroyable entre les hommes et les femmes. Et c'est l'impression que j'avais, mais là je le vois en chiffres, et là je me dis: Qu'est-ce qu'on fait? Vous avez la limitation de mandat, vous avez... Là, je vous laisse aller là-dessus. Moi, je pense... Ça n'enlève pas vos autres solutions, mais, là-dessus, comment on peut agir?

Mme Hémond (Élaine): Oui, vous avez raison, le municipal, c'est un creuset d'élus pour tous les paliers, provincial, fédéral, mais on se retrouve devant une situation assez spéciale au Québec. C'est comme si le municipal, dans de nombreux cas -- enfin, surtout dans les plus petites municipalités -- c'était souvent une chasse gardée masculine. Dans les grandes villes, on trouve beaucoup plus de femmes, que ce soit à Québec, où il y a un conseil municipal paritaire, à Montréal, même à Trois-Rivières. Et, dans les plus petites municipalités, qui forment 90 % des conseils des maires et des mairesses, c'est difficile pour les femmes.

Pourtant, on en a accueilli énormément dans nos écoles. Plusieurs se sont présentées, plusieurs ont été élues. Mais, pour les femmes dans les petites municipalités, d'abord il faut voir les problèmes de financement. Vous savez que les petites municipalités de 5 000 habitants n'ont, jusqu'à présent, aucun soutien au point de vue de leurs dépenses électorales et, d'ailleurs, ne sont assujetties à aucune loi. Vous savez aussi que c'est souvent là qu'ont lieu des collusions, des pressions assez difficiles. Moi, plusieurs femmes qui sont venues à mon école m'ont dit: Élaine, j'ai été approchée par une firme de génie qui m'a dit: Georgette, je m'occupe de ta campagne, tu ne t'occupes de rien, je m'occupe de tes papiers.

M. Bédard: Ça part mal.

Mme Hémond (Élaine): Bien, Georgette, là, elle a dit: Bien, non, moi, je ne veux pas ça. Alors, elle ne s'est pas présentée. Et des Georgette, il y en a eu plusieurs. Parce que, les femmes, je ne dis pas qu'on est plus honnêtes que les hommes, mais certainement notre tradition fait en sorte qu'on est plus mal à l'aise ou... Je suis sûre qu'il y a plein d'hommes qui pensent la même chose que Georgette et moi, mais ça, c'est un frein pour beaucoup de femmes d'être dans ce genre de situation là. Et, aussi, bien des maires qui restent 10 ans, 15 ans, 20 ans...

M. Bédard: 30 ans.

Mme Hémond (Élaine): ...ça ne stimule pas l'engagement démocratique ni des femmes, ni des hommes, ni des jeunes. Je veux dire, je pense qu'il y aurait un... il faudrait qu'on se penche là-dessus pour faire en sorte que, vraiment, le municipal soit un creuset pour la formation d'élus qui vont aller au plus haut niveau. Et puis, quand je parle de limitation de mandat, je ne veux pas dire qu'on coupe les ailes aux gens qui sont de très bons gestionnaires, il faut plutôt les inciter à aller oeuvrer à d'autres paliers pour faire profiter la société de leurs talents, de leur expertise. Alors, moi, je pense que c'est sûr...

M. Bédard: D'ailleurs, moi, j'irais même plus loin.

Mme Hémond (Élaine): Je vous en prie.

**(21 heures)**

M. Bédard: Mais je trouve ça intéressant, vous êtes la première à le soulever, cet aspect-là. Et, moi, je pense... je pense -- moi aussi, je parle, des fois, à titre personnel -- qu'il y a peut-être une partie de la solution là-dedans. Un travail de maire... Peut-être qu'on devrait, effectivement, permettre qu'il y ait plus de formation continue pour leur dire qu'après... il y a une vie après la politique, ce n'est pas: Tu es maire, puis, après ça, il ne te reste plus rien qu'à mourir, là, tout est terminé. Donc, de dire aux gens...

Et là c'est vrai pour les députés puis c'est vrai pour les premiers ministres à la limite, est-ce qu'on ne peut pas pousser cette question un peu plus loin pour dire: Ça prend un renouvellement? Il peut se faire de différentes façons. La population peut le mettre dehors, mais, en même temps, il peut y avoir une évolution naturelle qui va accélérer, entre guillemets, le vieillissement politique, qui va donner, d'ailleurs, plus de liberté. Une personne, lorsqu'elle n'a plus de renouvellement, a une liberté quasi totale, là, à partir de ce moment-là. Elle agit selon ce qu'elle veut laisser comme trace, selon une indépendance pas de réélection, mais une indépendance de personne qui va être inspirée par ce qu'il y a de meilleur dans l'humain, là, ce qui n'est pas le résultat dans quatre ans, mais dans le...

Mme Hémond (Élaine): Oui, c'est bien mon avis que la démocratie, ce n'est pas seulement la politique élue, c'est bien au-delà. Au-delà et aussi en deçà.

M. Bédard: Donc, vous, vous reprenez... Sur la limitation de mandat, vous, ça vous semblerait quelque chose d'intéressant qui forcerait le renouvellement, qui permettrait l'arrivée de nouvelles forces.

Mme Hémond (Élaine): Oui, je pense qu'on donnerait un peu d'air frais au niveau municipal qui se répercuterait sûrement à tous les niveaux après.

M. Bédard: Parfait. Merci.

Mme Hémond (Élaine): Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. le député de Chicoutimi. M. le député de Mercier.

M. Khadir: Merci. Ah! merci. Vous allez faire preuve de la même indulgence?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Absolument, j'ai de la constance là-dessus.

M. Khadir: Merci, Mme Hémond, d'être venue présenter votre mémoire. Je prends les quelques moments qui me sont donnés pour vous dire que nous avons déjà mis en pratique, dans ma formation politique, plusieurs de vos recommandations. On espère que ça puisse éventuellement aussi laisser des traces, que d'autres puissent s'en inspirer. Ce ne sont pas là des solutions miracles, c'est un ensemble, un ensemble de mesures qui vont faire en sorte que, finalement, on va atteindre une plus grande égalité. J'ai fait les calculs. Par exemple, actuellement, bien les hommes ont, en société, 2,3 fois plus de pouvoir, si on pense au pouvoir politique à l'Assemblée nationale, que les femmes. Et, si on tient compte des chiffres avancés par les villes, c'est encore plus grand.

Nous avons aussi, même, la mesure de financement accru pour les partis qui favorisent les candidatures féminines. Nous poussons la logique de la parité au niveau des candidatures aussi à l'intérieur de nos propres rangs, au niveau des instances mêmes du parti, jusqu'à la fonction des porte-parole, qui nous a attiré, évidemment, beaucoup de critiques, de railleries mais qui... d'ailleurs, qu'on n'a pas inventé, c'est les Verts britanniques. Ça fait école maintenant même en Belgique, où le Parti du Travail de Belgique veut l'adopter, et quelques partis progressistes en Amérique latine sont en train d'y réfléchir.

Ceci étant dit, la réforme du mode de scrutin, vous ne le proposez pas. Vous dites qu'en l'absence de réforme du mode de scrutin faisons ceci ou cela. Pourquoi ne pas simplement demander la réforme du mode de scrutin, peser sur ce bouton? Non?

Mme Hémond (Élaine): Absolument. On l'a déjà demandée, d'ailleurs. On faisait partie des groupes qui avaient déposé un mémoire à cet effet-là en 2005, là, mais, compte tenu que ça ne me semblait pas à l'ordre du jour, j'ai insisté sur la mixité égalitaire. Mais c'est sûr qu'avec un mode de scrutin mixte proportionnel ça facilite d'arriver à des résultats paritaires ou, en tout cas... ou proches de la parité, c'est certain.

M. Khadir: J'ai encore du... J'allais dire: Là où beaucoup de politiciens... Et on le voit également dans les grandes institutions financières, les grandes corporations, souvent des hommes vont évoquer le fait que, dans le fond, il ne faut pas faire de discrimination, que c'est les compétences et les capacités qui doivent compter dans la sélection des meilleures candidatures à n'importe quel poste et, par le fait même, en politique. Or, moi, je constate... Je ne sais pas si vous avez des chiffres là-dessus dans les pays occidentaux, mais, dans les pays, par exemple, où il y a une forte compétition d'entrée dans les universités et où il y a des mesures objectives aveugles au sexe des postulants pour, par exemple, sélectionner dans les grands concours de sélection d'entrée dans les universités réputées ou dans les programmes contingentés, très rapidement, lorsqu'il y a un système d'éducation de base adéquate, qui assure une éducation de base à tout le monde, garçons et filles, les femmes, les filles supplantent les garçons. Est-ce qu'au niveau des institutions publiques, ailleurs en Europe ou dans le monde, on tient compte de cet élément-là?

Mme Hémond (Élaine): Bien, je ne vous parlerai pas des institutions ailleurs, mais on voit quand même en médecine... On ne peut pas accuser les facultés de médecine de faire de la discrimination positive en faveur des filles, et pourtant, à l'heure actuelle, le dernier chiffre, je pense, c'est 80 % des femmes dans les facultés de médecine au Québec. Et là ce n'est pas... et ce n'est pas pour des raisons de discrimination positive, c'est basé...

Une voix: Je pense que c'est dans le bout de 60.

Mme Hémond (Élaine): ... -- 60 -- c'est basé sur les dossiers universitaires. Je ne vous dis pas que c'est l'idéal, là, loin de moi cette idée. Mais, par contre, je suis étonnée que personne ne m'ait parlé des investitures.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bien, rapidement, Mme Hémond.

Mme Hémond (Élaine): Oui. Bien, les investitures, j'ai fait une rapide recherche. En 2007, sur les 679 candidats qui se sont présentés aux élections provinciales, il y a 31 personnes qui ont passé à travers des investitures réelles. Tous les autres, il n'y avait pas d'investiture, il n'y avait pas plus qu'un candidat dans les circonscriptions. Alors, je ne crois pas que l'investiture puisse être un frein à l'entrée des femmes parce que, la plupart du temps, les gens se présentent sans investiture formelle, c'est qu'il n'y a qu'un candidat qui est là ou c'est un candidat qui est amené par les structures du parti. Pas partout, mais, je vous dis, les chiffres que j'ai, de 2007, c'est ça que ça donne. Alors, j'avais préparé ma réponse parce que je me doutais que ça allait venir, mais je me permets de le dire.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. le député de Mercier. Merci, Mme Hémond. Et bon retour chez vous.

Mme Hémond (Élaine): Merci à vous.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C'est nous qui vous remercions.

Donc, je lève la séance. La commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, mercredi 17 mars, après les affaires courantes.

(Fin de la séance à 21 h 7)

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