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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le vendredi 21 mai 2010 - Vol. 41 N° 72

Interpellation du député de Mercier au ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Réforme des institutions démocratiques sur le sujet suivant : Le pluralisme politique dans notre système électoral


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures une minute)

Le Président (M. Trottier): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir fermer la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Et je rappelle le mandat de la commission, qui est réunie afin de procéder à l'interpellation du député de Mercier au ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Réforme des institutions démocratiques sur le sujet suivant: Le pluralisme politique dans notre système électoral.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: M. le Président, M. Ouimet (Marquette) est remplacé par M. Gautrin (Verdun).

Le Président (M. Trottier): Merci. Je vous rappelle brièvement le déroulement de l'interpellation. Dans un premier temps, le député de Mercier disposera d'un temps de parole de 10 minutes, suivi du ministre, qui aura également un temps de parole de 10 minutes. Par la suite, des périodes de cinq minutes seront allouées selon la fréquence suivante: un député de l'opposition, le ministre, un député du groupe parlementaire formant le gouvernement. À ce sujet, je vous indique qu'on m'a informé que le seul député de Mercier interviendra du côté des députés de l'opposition. Si un intervenant n'utilise pas totalement son temps de parole, cela ne réduit pas pour autant la durée de l'interpellation. Je vous rappelle que le débat ne peut, à moins d'un consentement, se prolonger après midi.

Compte tenu du fait qu'on a commencé quelques minutes après 10 heures, est-ce qu'on termine à 12 h 3? Est-ce que vous seriez d'accord pour qu'on termine à 12 h 3? C'est bien.

Et je vais donner la parole à l'interpelleur et au ministre pour leur intervention de 10 minutes. M. le député de Mercier, vous avez la parole pour 10 minutes.

Exposé du sujet

M. Amir Khadir

M. Khadir: Assis, ça peut aller? Bonjour, tout le monde. Merci à toutes les personnes qui sont ici présentes pour nous accorder ce temps et cette attention pour la durée des deux prochaines heures où on va demander au ministre responsable des institutions démocratiques, et qui est interpellé aujourd'hui pour répondre à une demande que nous avions déjà faite au mois de novembre 2009 lorsque Québec solidaire avait présenté à l'Assemblée nationale une motion pour améliorer le pluralisme politique dans notre système électoral... Nous vivons, depuis, en fait, un an et demi, une situation politique toute particulière au Québec, marquée à la fois par, malheureusement, un désengagement de plus en plus marqué des citoyens envers la démocratie, en partie illustré par une abstention de plus en plus grande à la participation électorale à tous les paliers de nos gouvernements, mais également par un cynisme qui s'accroît depuis quelque temps en raison de nombreuses allégations, disons, de mal gouvernance, on pourrait le dire, dans la gestion des affaires publiques, dans l'octroi des contrats publics à la fois au niveau municipal qu'au niveau du gouvernement du Québec.

Donc, il nous apparaît d'autant plus important de questionner la qualité de nos institutions démocratiques en matière de pluralisme parce que toute situation de cette nature, qui engendre un manque de confiance de la part de notre population envers les institutions démocratiques, doit être excessivement préoccupante, d'autant plus que ces préoccupations se conjuguent au fait que, depuis une dizaine d'années, plusieurs secteurs de la population ne se retrouvent pas nécessairement dans l'offre politique des partis traditionnels que sont devenus le Parti libéral du Québec et le Parti québécois, qui assurent l'alternance au gouvernement depuis une quarantaine d'années. Beaucoup de Québécoises et Québécois optent, sur le plan politique et social, pour des options politiques lorsque l'occasion leur est donnée pour une plus grande place faite aux enjeux environnementaux.

On le voit donc dans l'accueil que reçoit le Parti vert. Malgré le fait que l'organisation du Parti vert, de son propre aveu, est assez faiblement implantée au Québec, on sait, depuis une bonne dizaine d'années, que le Parti vert du Québec, par exemple, recueille entre 5 % et 10 % de l'option des Québécois lorsque sondés. Ensuite, il y a l'émergence d'une nouvelle formation politique au Québec qui a commencé par l'Union des forces progressistes en... par la fondation en 2002, notre première participation électorale en 2003 et, finalement, l'élection d'un premier élu dans Mercier, que je représente actuellement à l'Assemblée nationale, qui marque donc l'émergence d'un nouveau courant politique qui avait précédemment vu l'émergence également de l'Action démocratique du Québec.

Or, notre système politique uninominal à un tour, notre système actuel, de l'aveu même de ceux qui le défendent, est un système électoral prévu pour assurer l'alternance du pouvoir entre deux partis essentiellement. C'est un système électoral qui repose sur des consensus, un équilibre social et politique qu'on a hérité d'il y a plus de trois siècles. C'est un système électoral qui reflète un équilibre politique et social qui date de l'Angleterre du XVIe, XVIIe, XVIIIe siècle, qui ne représente plus la capacité de reproduire adéquatement le pluralisme des opinions qui ont cours dans nos sociétés évoluées démocratiquement, très, très plurielles sur le plan des idées à cause de la démocratisation de l'éducation, à cause de l'émergence d'acteurs sociaux nouveaux. On n'a qu'à penser aux femmes, on n'a qu'à penser au brassage démographique dû à l'immigration qui fait que nos sociétés sont beaucoup moins homogènes qu'il y a une certaine époque. Or, notre système politique ne le permet pas.

C'est pour cette raison qu'en novembre dernier, tenant compte de ces éléments puis tenant compte de la promesse de tous les partis représentés à l'Assemblée nationale, qui ont promis depuis plus ou moins longtemps -- dans le cas du Parti québécois, depuis au moins quarante ans -- de réformer le système électoral pour permettre une part de proportionnelle, nous avons donc déposé une motion qui demandait à l'Assemblée nationale d'exiger du gouvernement d'inclure dans son projet de réforme de la Loi électorale un mode de scrutin proportionnel qui soit conforme à l'engagement électoral de tous les partis en faveur de la juste représentation du pluralisme politique.

Finalement, après avoir discuté et négocié avec tous les partis présents à l'Assemblée nationale, notamment le ministre de l'époque responsable des institutions démocratiques et le leader adjoint du gouvernement, qui est aujourd'hui avec nous... L'esprit de ces négociations avait été marqué par l'acceptation de la part de la partie gouvernementale que, oui, le gouvernement était conscient de l'engagement qu'il avait pris dans ces instances puis également à l'élection de 2003 d'effectuer dans son premier mandat -- dans la première moitié du premier mandat -- d'effectuer une réforme de la Loi électorale pour qu'il y ait une part de proportionnelle. Donc, lorsqu'on en discutait en 2009, c'était déjà six ans et trois gouvernements du Parti libéral qui était au pouvoir.

**(10 h 10)**

Conscients, donc, de cette promesse non tenue, l'entente entre nous pour accepter un nouveau libellé était que le gouvernement allait sérieusement se pencher sur la nécessité d'introduire un mode de scrutin qui inclut une part de proportionnelle. Donc, nous nous sommes entendus pour un nouveau libellé qui était que l'Assemblée nationale demande au gouvernement du Québec de tenir compte de son projet de réforme de la Loi électorale, des engagements de tous les partis politiques représentés. Puis, en cette matière, c'est assez clair que le premier engagement de tous les partis en matière de juste représentation du pluralisme politique, bien c'est une réforme en faveur de la proportionnelle de manière à assurer une juste représentation du pluralisme politique. Ça, c'est le libellé qui a été voté à l'unanimité. Or, rien dans les projets de loi n° 92 et n° 93 -- 93, sur le financement des partis politiques; et 92, le projet de loi qui propose une refonte de la carte électorale -- à notre avis, ne vient refléter cet engagement unanime de l'Assemblée nationale.

Je rappelle que, pourtant, il y a là un consensus très large dans la société. Il n'y a, en fait, que l'élite politique représentée à l'Assemblée nationale, donc parmi la députation ici principalement, qui sont, rappelons-le, en conflit d'intérêts lorsqu'il s'agit de ce sujet parce que, si on décide de changer le système électoral, plusieurs d'entre nous n'auront plus accès aux sièges que nous avons accès actuellement, forcément, parce qu'il va falloir réduire le nombre de sièges par circonscription puis introduire un certain nombre de sièges de représentation de listes proportionnelles... Donc, des députés, une assemblée qui, par définition, est en conflit d'intérêts avec cette nécessité de réforme électorale, nous répètent à satiété que le fruit n'est pas mûr, qu'il n'y a pas de consensus dans la société.

Or, je vous rappelle que ce consensus existe. J'en prends pour preuve une lettre qui vous a été écrite par le Mouvement démocratie nouvelle, dont j'ai reçu moi-même une copie, s'adressant à notre parti, le 19 mai dernier, où on rappelle le fait qu'une centaine d'organisations nationales, régionales et locales de toutes les régions appuient une campagne en appui à une réforme du mode de scrutin. Ces organisations représentent et rassemblent près de 1 million de personnes à travers le Québec, ce qui démontre que la réforme du mode de scrutin est revendiquée de plus en plus largement dans toute la population.

Alors, M. le ministre, je vous invite à discuter avec moi tout au cours de cet avant-midi d'une proposition d'un mode de scrutin que nous allons vous présenter qui permet à tous les partis politiques représentés ici de respecter leur engagement devant la population.

Le Président (M. Trottier): Je vous remercie, M. le député. Je cède maintenant la parole au ministre pour une période de 10 minutes.

Réponse du ministre

M. Robert Dutil

M. Dutil: Alors, merci, M. le Président. Moi également, ça me fait plaisir d'être ici ce matin pour discuter de ce problème important sur lequel, toutefois, j'estime qu'il n'y a pas de consensus. Mais on y reviendra dans les diverses interpellations que nous aurons de cinq minutes.

Mais, avant d'aller plus loin, je voudrais refaire un tour sur ce qui s'est passé dans notre système politique depuis que la Confédération canadienne existe, depuis 1867, je ne pense pas qu'on ait à remonter plus loin. Il y a eu beaucoup d'évolution dans le système parlementaire britannique, d'évolution vers une démocratisation, avec des gestes posés au fil du temps qui ont été très, très bénéfiques pour la représentation de la population dans les Parlements. Il faut bien se rappeler qu'avant le gouvernement responsable de la population n'était que consulté par les Parlements. Alors, je ne veux pas revenir à des dates aussi éloignées que ça, je ne fais que mentionner que le gouvernement responsable est arrivé ici, au Canada, en 1848, après de longues, de longues décennies de combat et qu'on était, à ce moment-là, effectivement très satisfait d'obtenir qu'enfin la population puisse légiférer elle-même au niveau du Parlement. Avec les difficultés d'un système qui n'est pas parfait, nous le reconnaissons, mais où... On doit reconnaître également qu'il n'y a pas de système parfait. Les systèmes que nous propose... On va avoir l'occasion d'échanger là-dessus, mais le système que nous propose le député de Mercier a lui-même ses faiblesses, et on n'est pas parvenu à trouver le système parfait.

Et je ne dis pas qu'il n'y a pas de la recherche à faire, une des grandes difficultés, d'ailleurs, dans l'implantation de systèmes politiques, c'est que, malheureusement, on ne peut pas les expérimenter. On n'a pas trouvé de façon de faire de projets pilotes de systèmes politiques, ce qui fait qu'on est bien obligé de se baser sur ce qui existe dans d'autres pays qui, eux, ont fait un modèle, qu'ils l'ont implanté et d'où on peut regarder aujourd'hui les résultats de ces divers modèles là à travers le monde. Alors ça, heureusement, ça nous permet d'avoir certaines indications des forces et faiblesses de chacun des systèmes.

Mais, pour revenir à ce qui s'est passé plus particulièrement au Québec... Encore là, je ne ferai pas l'histoire au niveau canadien, mais, plus particulièrement au Québec, quand on dit qu'il n'y a pas de pluralisme au niveau des systèmes politiques, ce n'est pas exact. Il y a eu des changements, et des changements importants, qui se sont faits au fil du temps dans les partis politiques. Alors, l'alternance dont parle le député de Mercier n'est pas exacte dans le sens suivant, il y a eu beaucoup d'évolution à l'intérieur même des partis politiques. La pensée de chacun des partis politiques, depuis 150 ans, a grandement changé et s'est adaptée à l'évolution, s'est adaptée aux divers courants. Nous ne parlons que de la question de l'environnement particulièrement. Alors, le député de Mercier soulignait tout à l'heure que le Parti vert obtenait un certain nombre d'appuis dans la population, mais c'est le dire en oubliant que, dans tous les partis politiques, aujourd'hui, il y a des politiques concernant la protection de l'environnement extrêmement fortes. Qui peuvent avoir des nuances par rapport à celles du Parti vert, mais qui sont là bien présentes et qui ne l'étaient pas il y a quelques décennies parce que la perception de cette problématique-là, malheureusement, n'existait pas. Donc, chacun des partis a intégré à même sa formation politique des politiques éventuelles, des choix à faire, entre autres sur cet aspect important, mais non unique de la politique que l'on doit mettre en oeuvre dans les gouvernements.

Pour parler des divers mouvements qui se sont produits au Québec, rappelons qu'Honoré Mercier, en 1897, a fait une coalition de libéraux avec les nationalistes qui a renversé, à ce moment-là, les conservateurs, qui étaient au pouvoir depuis un certain temps. Par la suite, il y a eu un nouveau renversement qui s'est appelé l'Union nationale. L'Union nationale était une coalition des conservateurs, qui se sont unis à une branche dissidente du Parti libéral qui s'appelait l'Action libérale nationale en 1936 et qui ont renversé le gouvernement, donc qui ont amené une nouvelle façon de voir. Qu'on soit d'accord avec cette nouvelle façon de voir ou non, ce que je veux mentionner ici, c'est que ça a été possible de le faire en 1936. Et puis, après une défaite en 1940, l'Union nationale est revenue en 1944. Et, après une défaite en 1960, l'Union nationale est revenue à nouveau en 1966 pour une période de quatre ans.

Il faut également mentionner le Parti québécois. Le Parti québécois est une coalition de petites formations indépendantistes, on sait, vers la fin des années soixante sous la direction d'un ancien ministre libéral qui est devenu le chef du parti, M. René Lévesque, et qui a pris le pouvoir en 1976, qui l'a repris en 1981 -- et le Parti québécois a repris le pouvoir également en 1994 et 1998 -- avec des idées totalement différentes de celles que la soi-disant alternance proposait, c'est-à-dire entre l'Union nationale ou les ex-conservateurs avec l'Action libérale nationale et le Parti libéral, et maintenant cette alternance-là s'est faite depuis 40 ans, comme le mentionne le député de Mercier, entre le Parti québécois et le Parti libéral. Mais c'est dire que c'est une alternance inévitable depuis 40 ans et faire oublier la montée, la poussée de l'Action démocratique du Québec qui, en 2007, est venue tout près d'exercer le pouvoir avec un programme qui est tout à fait différent de celui du Parti québécois et tout à fait différent également de celui du Parti libéral. Et, comme le mentionnait le député de Mercier, bien Québec solidaire, à sa deuxième présence dans une élection, fait élire un candidat, donc ont fait une percée à l'Assemblée nationale pour nous amener ici le député de Mercier, qui a une vision différente de la nôtre.

**(10 h 20)**

Moi, j'ai eu l'occasion de discuter avec le député de Mercier et je respecte beaucoup, bien qu'on ait des différences d'opinions importantes, je respecte beaucoup plus particulièrement ses valeurs. Dans l'application, est-ce qu'on est d'accord sur la façon de les faire? Non. D'ailleurs, juste à titre d'exemple, l'autre jour, le député de Mercier mentionnait le problème de la corruption. Je pense que, s'il y a unanimité à l'Assemblée nationale, c'est bien sur ce sujet-là. Je pense que la corruption fait horreur à tous les parlementaires qui sont ici. Il n'y a pas un parlementaire qui est venu ici, avec les sacrifices que ça exige puis d'efforts que ça exige, en se disant que, lui, il était très heureux avec la question de la corruption. Personne n'est heureux avec la question de la corruption, et tout le monde veut l'éliminer. On ne voit pas de quelle façon on l'éliminerait... On ne partage les mêmes points de vue sur la façon de l'éliminer, il y a des débats qui se font là-dessus, mais il y a une chose qui est certaine, c'est que la corruption, là, si vous prenez chacun des membres, ici, de l'Assemblée nationale, est une chose qu'on voudrait absolument éliminer. Et, malheureusement, la population pense que ce n'est pas le cas, pense que les gens qui siègent ici sont des gens corrompus, ce n'est pas le cas, ce sont des gens, en général, qui sont tout à fait honnêtes, qui veulent le mieux-être de la société.

Pour terminer ma petite histoire, il y a également eu d'autres partis qui ont pris des petites parts dans l'évolution du Québec. Le Bloc populaire se battait contre la conscription. Ils ont fait élire quelques députés, ils sont disparus en 1944. D'ailleurs, juste à titre d'exemple, mon grand-père était un des quatre élus du Bloc populaire. Oui, mon grand-père était un capitaliste socialiste -- alors, peut-être que ça peut exister -- et était très mécontent de la conscription, comme il avait été très mécontent qu'il n'y ait pas les crédits agricoles en 1936, et, de libéral qu'il était, il a lutté contre le gouvernement Taschereau avec l'Action libérale nationale à l'époque pour cette raison-là. Le Crédit social également, qui a eu une présence au Parlement de 1970, 1973 et 1976.

Donc, il y a eu des changements, il y a eu du pluralisme à l'Assemblée nationale, il y a eu de l'évolution dans chacun des partis. Mais, dans notre système politique, ce qui se passe, c'est que la coalition... Il existe des coalitions qui doivent se faire dans les pays où il y a une proportionnelle après l'élection, mais, dans notre système, il existe des coalitions qui sont avant les élections. Et de penser que, dans chacun des partis, la pensée de tous les députés est la même et qu'il n'y a pas un éventail de pensées sur le plan social, sur le plan économique, sur le plan culturel est faux, mais cette coalition-là se réunit, fait des débats et essaie d'en arriver à établir des politiques et à les faire avancer de la façon la plus cohérente possible.

Et, quand je parle de cohérence, bien il y a également l'opposition à l'Assemblée nationale. Il faut bien savoir que le parti au pouvoir ne peut pas ne pas tenir compte de l'opposition, c'est normal, et ça existe. Et je me rappelle que le leader de l'opposition soulignait que 80 % de nos lois sont adoptées à l'unanimité, mais, moi, je répète ça souvent à mes électeurs qui trouvent que le modèle que nous donnons de la période de questions à l'Assemblée nationale n'est pas très, comment dire, n'est pas très... Le décorum n'est pas très bien respecté à la période de questions, et ils ont tout à fait raison, mais je pense qu'il faut rappeler qu'il y a beaucoup de travail qui se fait en dehors de la période de questions et que ce travail-là se fait d'une façon très correcte, la période de questions étant malheureusement la façon pour les partis d'opposition de tâcher de discréditer le gouvernement. Parce que, dans notre système, la seule façon de prendre le pouvoir -- puis là je le dis pour quelque parti que ce soit, là, qui est dans l'opposition -- la façon de prendre le pouvoir, c'est de discréditer, autant que faire se peut, le gouvernement, malheureusement.

Alors, je termine ma présentation initiale là-dessus, on aura l'occasion d'entrer dans le vif du sujet, là. J'ai fait un portrait global de ce qui se passe, mais on va effectivement parler exactement de ce que propose le député de Mercier dans les prochaines minutes.

Le Président (M. Trottier): Je vous remercie beaucoup, M. le ministre. Avant de céder la parole au député de Mercier, je voudrais rappeler qu'en fin de semaine on va célébrer la fête des Patriotes et que les Patriotes ont dû donner leur vie pour faire évoluer notre système démocratique, ce n'est pas pour rien qu'il y a une fête à leur nom. M. le député de Mercier.

Argumentation

M. Amir Khadir

M. Khadir: Merci, M. le Président. Nous n'en sommes pas rendus là, à devoir donner nos vies, mais nous avons une proposition à vous suggérer, M. le ministre. Parce que le vote, le fait de voter, le geste représente ce qu'il y a de plus significatif en démocratie représentative, il est l'expression concrète de la souveraineté de notre peuple. Donc, pour cette raison, le vote de chaque citoyen et chaque citoyenne doit compter. Le problème, c'est que, de l'avis de tous, notamment le Directeur général des élections, qui met en garde, avertit le gouvernement de manière répétée, l'égalité du vote s'est considérablement érodée, c'est-à-dire qu'aujourd'hui il y a des régions, des circonscriptions où le vote d'une personne compte deux fois plus que le vote d'une personne dans une autre région densément peuplée, dans une autre circonscription densément peuplée.

À l'inverse, par exemple, pour un petit parti qui a des nouvelles idées, qui est pourtant le parti du changement... Et, en fait, la réalité est qu'on est dans des sociétés excessivement évoluées où la société évolue, les techniques évoluent, la pensée évolue, mais notre système électoral est prévu, tout au contraire, à freiner l'évolution au maximum, de sorte que, par exemple, les nouveaux partis qui captent le mieux l'esprit du temps, la volonté des changements émanant notamment de nos forces les plus dynamiques, les plus vives, la jeunesse, les femmes qui sont en lutte ou les secteurs de la société qui représentent les nouvelles idées, doivent parfois lutter dans des situations à cause de ce mode de scrutin uninominal à un tour pour aller chercher deux à trois fois plus de votes pour pouvoir... en termes de nombre de sièges.

C'est-à-dire que, par exemple, si on fait le calcul du nombre de votes captés par le Parti libéral divisé par le nombre de sièges qu'il occupe à l'Assemblée nationale et qu'on le compare du nombre de votes que Québec solidaire a obtenu et en retour duquel nous n'avons obtenu qu'un siège à l'Assemblée nationale, on voit à quel point, pour les nouvelles idées, ce système est discriminatoire et freine l'émergence de nouvelles idées à l'Assemblée nationale, tant et si bien que votre propre gouvernement, tenant compte de ces éléments, a mandaté le Directeur général des élections en 2006 puis, ensuite, réitéré le mandat en 2007 pour étudier un mode de scrutin qui inclut une part de proportionnelle. Ça devait s'appeler un mode d'élection mixte compensatoire. Je désirerais, une fois de plus, pour le rappeler à nos concitoyens, déposer tout à l'heure ce mode de scrutin.

Nous avons tenu compte de ce travail phénoménal effectué par le Directeur général des élections. Nous avons introduit simplement des modifications mineures pour tenir compte du fait qu'il faut faciliter l'émergence des nouveaux partis, et de l'alternance, et de la vitalité politique qui existe au Québec quand on regarde l'évolution des mentalités, l'évolution de la pensée mais qui ne se répercute pas à l'Assemblée nationale pour proposer, afin que chaque vote compte dorénavant au Québec, pour qu'on puisse mieux assurer notre représentation démocratique, un projet de réforme pour un mode de scrutin mixte et compensatoire avec une distribution régionale sur huit régions du Québec qui permettrait donc à la fois d'assurer une force de représentation adéquate pour nos régions, qui ont besoin, à cause du caractère très vaste de notre territoire et de la difficulté d'accès, donc, aux grands centres de décision, qui sont souvent concentrés dans les zones urbaines, de garder une représentation effective, adéquate à l'Assemblée nationale, mais également pour qu'en même temps on puisse assurer une amélioration de la représentativité des femmes, des minorités ethnoculturelles, les minorités visibles notamment, et également une meilleure représentation de l'évolution de la pensée politique au Québec.

Dans ce modèle démocratique que nous allons vous présenter, dans ce projet de réforme électorale que nous allons vous présenter, la réalité va être que, en raison du caractère compensatoire régional, beaucoup des disparités, actuellement, qui se retrouvent, qui fait que chaque vote n'est pas égal devant la loi actuelle, devant la manière dont les choses se passent, seront réduites, et les écarts, qui vont actuellement de moins 2,8 % à 3,2 %...

Le Président (M. Trottier): Monsieur...

M. Khadir: ...vont être réduits à moins de 1 %. Merci.

**(10 h 30)**

Le Président (M. Trottier): Oui. Je vous remercie, M. le député. M. le ministre maintenant, pour cinq minutes.

M. Robert Dutil

M. Dutil: Oui. M. le Président, pour ce qui est de la difficulté que chaque vote compte, on est très conscients de cet aspect-là. D'ailleurs, l'un des partis qui a subi des défaites électorales même en ayant la pluralité des votes le plus fréquemment, c'est le Parti libéral. En 1944, l'Union nationale a été réélue avec moins de votes que le Parti libéral. En 1966, l'Union nationale a à nouveau été réélue avec passablement moins de votes que le Parti libéral, et, d'ailleurs, je pense que c'est ce qui a amené le changement de la façon dont la carte électorale était découpée par la suite.

À partir de 1970, il y a eu un débat sur les comtés protégés par la Constitution qui faisaient qu'il y avait à ce moment-là des comtés avec 8 000 de population et des comtés avec 100 000 de population. Alors donc, c'est un problème qui, lors du premier mandat de Robert Bourassa, a été réglé. La Constitution a été modifiée, les comtés protégés sont disparus, et on en est arrivé à un nouveau découpage électoral où est apparu le concept de plus 25 % et moins 25 % de la population.

Donc, quand le député réfère au fait qu'il y a deux fois plus de votes qui comptent, il faut comprendre que ce qu'évoque le député de Mercier n'est pas la question du nombre de voteurs dans un comté, là. Le nombre de voteurs dans un comté a une certaine disparité, qui va de moins 25 % à plus 25 % de la moyenne provinciale, et ça, c'est exact, mais ça ne va du simple au double. Mais je comprends que ce n'est pas ce qu'il évoque quand il nous parle de la valeur des votes, il évoque le vote pour un petit parti politique ou un parti qui a moins de gens et qui a 10 % dans un comté. Bien, avec 10 % dans un comté, il ne parvient jamais à faire élire un seul député, même si c'était réparti également dans l'ensemble de la province. Alors ça, c'est deux problèmes tout à fait différents. Mais, nous, le Parti libéral, comprenons très bien que... il nous apparaît inéquitable que, dans une situation où la pluralité des votes va à un parti, qu'il ait moins de députés que l'autre parti. Ça, c'est une question qui n'est pas encore réglée.

Quant à la question des régions, quand le député évoque qu'on a un projet de loi qui ne règle pas la question de la proportionnalité et que ce projet de loi là est inacceptable, ce qui est recherché dans le projet de loi n° 92, c'est d'assurer une représentation politique des régions. Et là j'ai déjà élaboré là-dessus, M. le Président, puis je vais revenir sur le sujet -- je l'ai fait en commission parlementaire, je l'ai fait à d'autres occasions, dans le discours à l'Assemblée nationale -- la perception des gens en région est bien différente de la perception des gens dans les grands centres urbains, en ce sens que, pour les gens en région, le député, c'est, d'abord et avant tout, leur représentant auprès du gouvernement, ce qu'on appelle parfois l'ombudsman de leur territoire, donc de leur région à eux autres et de leur appartenance face au gouvernement, beaucoup plus que le législateur. Et la perception dans les grands centres urbains, c'est qu'il est inéquitable que le législateur, c'est-à-dire celui qui est élu député, soit élu avec beaucoup plus de voteurs dans sa circonscription que d'autres parce que ça lui donne moins de poids pour faire les lois.

Donc, on voit qu'il y a une grande différence de perception sur le rôle que joue le député, qu'on vive en région ou qu'on vive en grand centre urbain. Pour les gens des régions, le député, c'est celui qui, à cause de l'importance du gouvernement aujourd'hui dans diverses activités de la vie -- la santé, l'éducation et le réseau routier, pour ne nommer que ces trois secteurs d'activité là -- occupe une place tellement importante qu'ils considèrent que de ne pas avoir leur député dans une circonscription aux limites qui devraient cesser de bouger... Parce que, dans l'esprit de la population, les limites ne devraient pas bouger pour ce qui est de la représentation politique et non pas de la législation, ça cause un débat important. Je réfère en plus...

Et dernièrement... Je change un peu de sujet pour revenir à la question de la proportionnelle mixte, que propose le député de Mercier et où le seuil est mis à 2 %. Je veux juste mentionner que, dans l'exemple qu'ils prennent, l'exemple de l'Allemagne, le seuil a été fixé à 5 %. Et la raison pour laquelle le seuil a été fixé à 5 %, c'est pour éviter la fragmentation du nombre de partis dans leurs assemblées législatives, qui a pour effet d'empêcher de réunir des majorités et, donc, de rendre l'Assemblée inefficace. Et je pense qu'on ne peut pas dissocier, quand on discute de la proportionnelle, le système du seuil, qui a été établi justement pour éviter ce problème-là.

Documents déposés

Le Président (M. Trottier): Merci, M. le ministre. J'officialise le dépôt des documents du député de Mercier: un projet de réforme pour un mode de scrutin mixte et compensatoire présenté par Québec solidaire; et également Les modalités d'un mode de scrutin mixte compensatoire, rapport fait par le Directeur général des élections.

Je vous cède la parole, M. le député de Mercier.

M. Khadir: Les éléments qu'emmène...

Le Président (M. Trottier): Oh! excusez-moi, je pense qu'on est rendus au député de Verdun.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Ah! merci, M. le Président. Je voudrais vous signaler qu'on a une espèce de débat qui a déjà eu lieu. Notre collègue le député de Mercier est en train de souligner les distorsions qu'il y a dans notre système électoral, la nécessité, éventuellement, d'introduire une certaine forme de proportionnelle dans notre manière de sélectionner les représentants ici, à l'Assemblée nationale. On a déjà eu ce débat-là, on est à peu près... dans toutes les législatures au Canada, et, au Québec, ici aussi, les différents partis politiques, que ce soit le Parti québécois, que ce soit le Parti libéral ou même, je pense, votre parti, nous avons été en faveur de la proportionnelle. Historiquement, là, Jean-Pierre Charbonneau, lorsque le Parti québécois était au pouvoir, avait déjà, hein, initié une réflexion là-dessus. Nous l'avons fait aussi. Il y a eu une commission qui a été une commission de citoyens qui a fait le tour du Québec, il y a eu un rapport qui a été présenté devant le DGE.

Mais le vrai problème qu'on a, à l'heure actuelle -- et c'est celui auquel ont fait face de nombreuses provinces -- c'est une fois qu'on peut s'entendre sur un mode de proportionnelle... Et là on aura un débat théorique sur comment on le fait, comment on partage, suivant quelle méthode. Vous êtes professeur de sciences politiques, M. le Président, vous connaissez les différentes méthodes, la moyenne ou le quota, etc. Il reste à savoir comment le faire accepter par la population. Et là, réellement, je pense qu'on ne peut pas changer aujourd'hui -- c'est ce qui était de notre côté -- on ne peut pas changer le mode de scrutin, nous, les parlementaires, sans nécessairement avoir un consensus de la population et une expression de la population, et ça a été ce qui a été établi dans les autres provinces qui avaient un peu d'avance sur nous.

Vous connaissez certainement ce qui s'est passé en Colombie-Britannique et en Ontario, au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard qui sont les quatre provinces qui avaient, avec des types... Et je ne voudrais pas rentrer technique ici, mais ils avaient des modes de choisis et présentés à la population, des modes de représentation. Mais ils avaient dit à l'époque: Pour pouvoir légitimer, en quelque sorte, ce changement de mode de scrutin, il importe réellement que la population se prononce en faveur. Et ils avaient mis -- et je pense que c'était sage à l'époque -- une barrière qui était très haute. Si vous vous rappelez, aussi bien ceux qui ont été en référendum, à savoir la Colombie-Britannique d'un côté et l'Ontario de l'autre côté, avaient mis la barre suivante: Il faut qu'il y ait 60 % de la population qui se prononce en faveur d'un changement du mode de scrutin, premièrement, et, deuxièmement, qu'il y a à peu près 60 %... dans 60 % des circonscriptions, qu'il y ait au moins 50 % des gens qui se soient prononcés en faveur du changement du mode de scrutin. Donc, on s'était donné, à ce moment-là, des balises démocratiques, au moment où on faisait le changement du mode de scrutin, des balises démocratiques extrêmement, extrêmement lourdes.

Et, le Québec, lorsqu'on aura éventuellement à changer notre mode de scrutin, on ne pourra pas nécessairement descendre en dessous de cette norme démocratique, qu'il faut y aller par référendum, premièrement, avec non pas 50 %, mais 60 %, et 60 % des comtés, et 60 % de la population. Alors, si on regarde historiquement, ça a été rejeté à la fois deux fois en Colombie-Britannique. En mai -- j'ai la date ici -- exactement le 17 mai 2005, la Colombie-Britannique a rejeté le changement vers la proportionnelle en ayant seulement 57 % des gens qui ont voté en faveur et 77 des circonscriptions. Et ça a été rejeté aussi par référendum en Ontario. Et même, je vais vous dire, une deuxième fois... la Colombie-Britannique a testé une deuxième fois en 2009, et là aussi le pourcentage d'acceptation pour un changement du mode de scrutin a diminué considérablement.

Donc, le problème que l'on a, nous, les parlementaires -- là, je vois que mon temps s'écoule, je... -- c'est de se dire... non pas débattre actuellement... Et on pourra facilement, je pense, s'entendre sur un mode à trouver, il n'y a pas de difficulté, et je comprends parfaitement les problèmes que vous soulevez, mais c'est après de convaincre nos concitoyens et la population qu'il y a nécessité de faire ce changement-là, et, d'après moi, on ne peut pas ne pas le faire sans aller en référendum.

**(10 h 40)**

Le Président (M. Trottier): Merci, M. le député. M. le député de Mercier.

M. Amir Khadir

M. Khadir: Merci, M. le Président. Tout à fait d'accord avec le député de Verdun que ce débat... Les arguments qu'emmène M. le ministre, par exemple, sur les deux fonctions d'un député, à la fois législateur, mais aussi ombudsman, donc le nécessaire équilibre qu'il faut trouver pour que les députés soient accessibles, soient, disons, à proximité des citoyens, rattachés à un territoire, à une région de manière à pouvoir recevoir, transmettre ces représentations des citoyens, tous ces éléments-là ont été maintes fois évoqués, discutés, mis en perspective avec les autres exigences d'une représentation effective, démocratique pour que chaque vote compte, et tout le monde s'est entendu parmi ceux qui se sont penchés.

Je ne parle pas de M., Mme Tout-le-monde, à leur quotidien, qui s'intéressent peut-être un peu moins à ces technicalités. Mais tous ceux qui se sont penchés au Québec, y compris les partis politiques, en ont conclu après avoir mis ça dans la balance qu'il faut une part de proportionnelle, il faut réformer le mode de scrutin. Donc, il y a un consensus au niveau de la réflexion politique. D'accord?

Là, le député de Verdun invoque que la population devrait être d'accord. Je m'excuse, d'abord, ça, ça ne ressemble pas du tout aux partis qui ont formé le gouvernement au cours des 40 dernières années, notamment le Parti libéral actuel, le gouvernement actuel. Ce gouvernement, en 2003... ce parti, avant d'arriver au pouvoir, avait promis la réforme du mode de scrutin, et les gens avaient voté majoritairement pour ce parti. Il n'a pas réalisé cette promesse. Ce parti n'a jamais, dans les 40 dernières années, dans sa plateforme électorale, mentionné l'introduction d'un ticket modérateur, qu'ils allaient tarifer l'utilisation des services et des soins de santé. Pourtant, il l'introduit aujourd'hui dans son budget, et ça, au défi d'une vaste majorité de l'opinion publique et des acteurs socioéconomiques, du milieu de la santé. Alors là, je regrette, mais ce n'est pas crédible, il y a une mauvaise foi là-dedans qui n'est pas à la hauteur de la discussion qu'on a aujourd'hui.

Moi, je mets au défi le gouvernement si c'est ça, la question, c'est l'opinion publique, parce que je suis confiant... Pourquoi? Parce que, depuis 2002, les états généraux sur les institutions démocratiques, vaste consultation, des milliers de gens qui ont participé à travers le Québec, 88 %, si je ne m'abuse -- je peux me tromper dans les chiffres -- des représentations, des interventions, des mémoires étaient en faveur d'une proportionnelle. Ensuite, tout le travail qui a été fait par la suite par le DGEQ, les consultations répétées, toujours la même chose. Je vous ai mentionné du Mouvement Démocratie nouvelle, qui regroupe un large éventail de tous les partis politiques, des citoyens de toutes les régions qui sont d'accord. Il y a juste les élites politiques dans certaines régions du Québec et ici, au Parlement, qui se refusent à reconnaître cette nécessité puis qui invoquent n'importe quoi.

Alors, je vous mets au défi. Si c'est la population et son appui qui comptent, organisez immédiatement, pas dans le but d'éluder et de... comme un processus dilatoire pour le remettre encore aux calendes grecques, mais avec un calendrier bien défini, une campagne référendaire, si vous le voulez, sur la question de la réforme du mode de scrutin, une proportionnelle. Et je vous mets au défi, nous allons gagner cette campagne-là parce que ça va de soi, ce travail-là a été fait sur le terrain.

C'est sûr que, si on pose des impératifs, des seuils tels qu'imposés justement par le parti au pouvoir en Colombie-Britannique, qui n'en voulait pas tellement, de la réforme du mode de scrutin, parce qu'elle remettait en cause justement les sièges de ses propres députés, c'est sûr qu'on peut, par des artifices de calcul comme ça, en imposant des doubles majorités aux deux tiers, bloquer n'importe quoi en société. Surtout avec une campagne qui favorisait largement le camp du Non, tout le monde est prêt à le dire maintenant en Colombie-Britannique. Mais, à moyens égaux, avec des seuils raisonnables, avec le niveau de mobilisation qui, depuis 10 ans... et de consensus social qui existe, si les partis représentés ici en campagne électorale, conformément à leur propre parti, militent en faveur de la réforme du mode de scrutin, je vous mets au défi de l'organiser, je suis certain que la population va se rallier parce que c'est très normal, il va mieux être représenté, les régions seront renforcées, les femmes seront plus équitablement, égalitairement représentées à l'Assemblée nationale, ainsi que les minorités visibles, les minorités ethnoculturelles. Tout le monde va y trouver son compte, sauf quelques élus, quelques notables, quelques lieux de pouvoir actuellement acquis. L'immobilisme, en matière de représentation démocratique, profite parce que c'est des centres de pouvoir, ils sont assis dessus, ils n'ont aucun intérêt à ce que ça change.

Le Président (M. Trottier): Merci, M. le député de Mercier. Je vais retourner la parole au ministre pour cinq minutes.

M. Robert Dutil

M. Dutil: Merci, M. le Président. Je fais une remarque qui est en dehors du sujet parce que le député de Mercier a fait une remarque qui est en dehors du sujet. Mais je tiens à le rectifier, il n'y a pas de ticket modérateur qui a été établi dans le budget du Québec, le gouvernement du Québec n'a pas mis de ticket modérateur. Alors, je pense qu'il va falloir... Puis je n'élaborerai pas davantage, on aura l'occasion de revenir là-dessus, mais je voulais le repréciser puis je veux revenir au sujet. Moi, je veux qu'aujourd'hui, là -- on a encore une heure et quart à discuter -- je veux qu'on parle de cette question-là, et, si le député de Mercier ne revient pas sur ce point-là, je n'y reviendrai pas.

Le deuxième point dans le projet qui est un point important pour Québec solidaire mais qui ne fait pas l'unanimité et qui ne fait pas l'unanimité auprès des principaux concernés, c'est la question de l'obligation de la représentation des femmes et des ethnies. Et, encore là, je ne ferai pas un long débat, je vous le dis tel que je l'entends, j'entends beaucoup de femmes qui nous disent: On ne veut pas avoir de faveurs pour passer pour des députés de seconde classe, on ne veut pas ça. Et je vous avoue que c'est un argument, au début, qui m'a surpris, mais, par la suite, bien, à force de l'entendre à de multiples reprises, je me suis rendu compte que c'était peut-être une opinion assez répandue du côté des femmes pour des raisons, là, encore là, où on n'a pas le temps d'élaborer davantage, mais je ne pense pas que ce soit le coeur du projet de Québec solidaire. Je ne dis pas que ce n'est pas un problème important, la présence des femmes et la présence des ethnies au Parlement. Ce que je dis, c'est que le coeur du projet -- et il faudrait s'en tenir à ça dans notre débat d'aujourd'hui -- c'est comment on veut que chaque vote compte pour avoir une représentation ici, à l'Assemblée nationale, qui soit vraiment proportionnelle.

Je réitère ce que j'ai dit tout à l'heure, le Parti libéral est le seul, à mon avis, parti qui a subi trois défaites avec la pluralité des voix au Québec et qui, donc, comprend très bien ce que peut vouloir dire que chaque vote compte. Pour le Parti libéral, dans ces trois élections-là, chaque vote n'a pas compté, puis la conséquence a été qu'il n'y a pas eu de Parti libéral au pouvoir, il y a eu un parti qui avait la minorité des votes qui a exercé le pouvoir.

Et je reviens sur la question des régions, là, dans le temps qui me reste, je pense qu'il va falloir faire preuve de davantage d'imagination pour trouver une solution et régler cette question de proportionnelle. On a une province qui est bien différente des autres provinces, et je suis sûr que le débat, en Nouvelle-Écosse, ou au Nouveau-Brunswick, ou à l'Île-du-Prince-Édouard, ou dans d'autres provinces où il n'y a pas cette grandeur de territoire là avec cette dispersion de la population sur un vaste territoire, pourrait être, à tout le moins, bien différent sur la proportionnelle.

Et, dans une circonstance où la situation démographique de nos régions est, disons-le, catastrophique, on comprend la force et l'importance que les régions attribuent à ce que le représentant ne soit pas quelqu'un sur une liste. Un des problèmes que l'on vit, là, c'est qu'ils sont en désaccord avec l'argumentation que présente le député de Mercier en disant: On le divise en huit régions, celui qui va venir d'une liste va représenter également le territoire. Moi, ce n'est pas la perception que j'ai des gens. Les gens, ils veulent que ce soit leur député dans leur région, à tort ou à raison, là. Puis je ne dis pas que le débat public ne pourrait pas faire amener des changements sur cette façon de voir les choses de la part de la population, mais, pour l'instant, c'est comme ça qu'ils le voient, et surtout dans la crise démographique que nous vivons actuellement.

Puis, la crise démographique, bien on le savait, là, quand la natalité a diminué au Québec, on savait que ça aurait des conséquences pour les régions. On a essayé de compenser par davantage d'immigration, ce qui était, en soi, logique. Ce qu'on a oublié de penser, c'est que cette immigration-là n'irait pas nécessairement dans les régions, et on se retrouve avec une situation où Montréal déborde d'immigrants, et les régions n'en ont pas du tout, et que la natalité ne s'est pas encore redressée, avec des régions qui se vident et à qui on dirait, là, demain matin, là: Écoutez, vous perdez de la population, votre affaire va mal, puis, pour compléter votre malheur, là, bien on va en plus vous enlever un député de plus. Alors, on a à faire preuve de davantage d'imagination pour trouver une solution où chaque vote doit compter, mais où on ne donne pas un coup aussi difficile et aussi dur aux régions pour leur représentation politique dans des circonstances aussi catastrophiques pour elles.

**(10 h 50)**

Le Président (M. Trottier): Merci, M. le ministre. Nous allons céder la parole maintenant au député de Verdun.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Alors, merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur le débat que j'avais initié avec notre collègue de Mercier. Je ne peux pas être d'accord lorsqu'il dit: Seules les élites, à l'heure actuelle... Et il prend l'analyse qu'il fait de ce qui s'est passé en Colombie-Britannique en disant: Les élites étaient contre la modification. C'est inexact. Si vous vous rappelez de la situation, je vais vous le rappeler, M. le député de Mercier, ce qui s'est passé en Colombie-Britannique. Essentiellement, ça a été dans le discours du trône, le gouvernement qui a mis sur pied une assemblée de citoyens, formée à parts égales d'hommes et de femmes et qui ont fait le tour de la province, et qui ont pensé qu'il y avait un consensus, un large consensus pour aller vers un mode proportionnel qui était vote unique transférable. M. le Président, étant... il connaît les technicalités qu'il peut y avoir à ce moment-là. Et, une fois qu'ils ont fait ça, ils ont été en référendum, mais ils s'étaient donné comme balise, à ce moment-là, d'avoir un large consensus dans le référendum, et le large consensus était le 60 %. Ce n'était pas fait pour empêcher la solution, c'était pour s'assurer que, si on fait une modification aussi importante que la manière de changer le mode de choisir nos représentants à l'Assemblée nationale, il puisse se faire qu'il y ait un consensus dans la population. Alors, il s'est avéré dans le référendum que ce 60 % a presque été atteint mais n'a pas été atteint. Le résultat a été à 57 %, comme vous le savez, et 77 sur 79 des circonscriptions.

Le gouvernement, si vous regardez le discours du trône du gouvernement qui a suivi, a dit: Je vais refaire un référendum parce qu'on va retester une fois de plus cette question, puis il semblerait... Et, à ce moment-là, il y a eu un désintérêt de la population pour le maintien, etc. Je pourrais vous faire aussi l'historique, ici, de ce qui s'est passé en Ontario.

Donc, le problème qu'on a n'est pas seulement, ici, de faire s'entendre entre eux, entre guillemets, ce que j'appellerais les élites politiques ou... Probablement, on pourrait arriver à suggérer un modèle qui tienne compte du poids des régions, qui tienne compte -- et je suis parfaitement d'accord avec vous -- de la nécessité d'avoir à l'Assemblée nationale la représentation du pluralisme politique. Ça, je suis assez d'accord avec vous. Mais néanmoins, et à l'heure actuelle, il serait inutile, un, de vouloir l'imposer strictement par une loi de l'Assemblée nationale sans consulter la population, sans aller, à ce moment-là, en référendum. Et c'était la position parce que, rappelez-vous, quand même, le gouvernement a déjà déposé un projet de loi, un projet de loi qui était dans les autres législatives, qui incorporait complètement un mécanisme de proportionnelle. Je ne sais pas si vous vous... Il n'a pas été voté par cette Assemblée et il n'a pas été ramené. Pourquoi il n'a pas été ramené? C'est parce qu'après les consultations qui avaient eu lieu, après ce qui s'était passé, la perception qui était du côté du gouvernement, c'est que, le consensus que vous prétendez avoir à l'heure actuelle, nous ne pensons pas, à l'heure actuelle, que c'est la question principale que les gens débattent dans les chaumières actuellement de savoir le mode de scrutin.

Lorsqu'on est en crise économique, lorsqu'on perd des emplois, lorsqu'on est en difficultés économiques, et quels que soient les éléments de solution que, de part et d'autre... le changement du mode de scrutin n'est pas nécessairement la priorité, actuellement, de nos concitoyens. Donc, la perception que nous avons, nous, ici, au gouvernement, n'est pas de débattre actuellement des modes de scrutin, ou de la manière, ou des technicalités à savoir comment on pourrait faire... Participer, je suis bien d'accord avec vous, faire mieux participer les idées émergentes, mais c'est de faire en sorte de ne pas perdre notre temps dans un endroit tant que le consensus ou l'intérêt n'est pas présent dans nos concitoyens.

Or, nous n'avons pas l'impression aujourd'hui que c'est la question qui préoccupe nos concitoyens, et dépenser aujourd'hui plusieurs dizaines de millions de dollars que vous nous invitez à le faire pour faire un référendum sur la représentation proportionnelle, je pense que ce serait perçu par certains de nos concitoyens, d'après moi et d'après les gens qui sont au gouvernement, à l'heure actuelle, dans la situation économique que nous vivons actuellement, dans la nécessité où on est aujourd'hui de réduire les dépenses de l'État, comme un gaspillage de fonds publics. Ce qui ne veut pas dire qu'un jour ou l'autre le moment ne sera pas venu. Le problème actuellement, c'est que ce n'est pas perçu aujourd'hui, d'après moi, comme une nécessité du débat, et je maintiens encore, et je voudrais que vous adhériez à ce principe de la nécessité que l'on ne pourra pas changer le mode de scrutin sans une participation de la population par voie référendaire.

Le Président (M. Trottier): Merci, M. le député. On revient au député de Mercier pour cinq minutes.

M. Amir Khadir

M. Khadir: Merci, M. le Président. Investir quelques millions pour changer le mode de scrutin, c'est sans doute un des meilleurs investissements -- pas le seul -- que le peuple québécois peut faire aujourd'hui pour épargner ailleurs, pour faire l'économie de mauvaises décisions politiques et économiques. Je ne veux pas faire miens les propos démagogiques qu'on entend sur la rue de ce temps-ci à cause de ce qui nous arrive au Québec, mais il est certain qu'un des sujets de préoccupation les plus importants actuellement pour les Québécois, c'est la corruption, les allégations de malversation, de trafic d'influence. Avant même que tout ça soit prouvé, le dégât est fait. Or, beaucoup de gens pensent que tout le monde est pareil parce que, depuis trop longtemps, deux appareils politiques se maintiennent au pouvoir. Alors, la perception qui se dégage de ça, c'est que ces gens-là sont bien accrochés, et ceux qui veulent les corrompre, bien, ont un accès facile à deux appareils qu'on ne peut pas changer, on est pris avec. Alors, je rappelle, sans pour autant prétendre que tous ceux qui sont ici sont coupables de quelque chose... Mais un des moyens d'éviter ce cynisme de se répandre, c'est de donner le moyen aux citoyens d'avoir la capacité de changer la classe politique plus facilement. La réforme du mode de scrutin, c'est un de ces moyens.

Maintenant, la question des femmes. Tous les systèmes, tous les centres de pouvoir où on a vraiment aplani les obstacles objectifs devant les femmes, les femmes, en très peu de temps, se sont qualifiées, ont pris leur place et même ont surclassé les hommes. Je pense, par exemple, dans les universités, dans les meilleures écoles ou dans les facultés. Que ça soit dans des endroits où c'est très élitiste comme en Iran, que ce soit ici, par exemple, dans certains programmes très contingentés, quand les conditions sont égales pour nos jeunes, les femmes performent, sont égales aux hommes, occupent leur place et, souvent, surclassent, comme par exemple en médecine, les hommes.

Cependant, dans la politique, ce n'est pas pareil. La politique, c'est à coups de réseaux, c'est à coups d'influence. Or, la Table des groupes de femmes résumait bien cette distinction-là, la notion d'équité nie... Ce que dit le ministre: C'est une question d'équité, on ne veut pas discriminer positivement. Parce que, selon lui, c'est une discrimination. Les femmes disent: Non, cette notion de discrimination systémique des femmes, dans la société québécoise, existe: rôles sociaux différents, manque de réseaux et de financement, responsabilité principale des tâches domestiques et de l'éducation des enfants, la difficile conciliation travail-famille. L'égalité veut dire une représentation de 50-50. Donc, pour que ça puisse se faire, il faut aplanir ça, donc il faut favoriser... étant donné que les obstacles devant les femmes sont déjà objectivement beaucoup plus grands que devant les hommes.

Maintenant, ceci étant dit, permettez-moi, dans la moitié du temps qu'il me reste dans cette section, de dire: Regardez comment ce qu'on vous propose va venir à la fois répondre à vos inquiétudes pour les régions, représentation effective, la capacité pour les citoyens -- ce que disait le ministre -- d'avoir un accès à son député, à la fois d'améliorer l'accès des femmes au pouvoir et au Parlement, à la fois pour les minorités ethniques, et surtout à la pluralité des opinions pour qu'une diversité réelle existe ici, à l'Assemblée nationale, par rapport aux opinions qui circulent dans la société.

Alors, c'est quoi? C'est la proposition de Québec solidaire pour une représentation qui n'est pas dépourvue de sièges de circonscription. Donc, on part des 125 circonscriptions actuellement à 128 circonscriptions, on ajoute seulement trois circonscriptions, plutôt que la carte électorale actuellement présentée, qui en ajoute près d'une dizaine -- en fait, sans limite, ça peut même aller plus loin -- pour représenter des régions du Québec très particulières comme l'Ungava, le Nunavik et les Îles-de-la-Madeleine. Mais, à part ça, le reste, donc, des 125 circonscriptions... on réduit les circonscriptions, les possibilités d'occuper des sièges par circonscription de 125 à 75. Ensuite, on augmente... on introduit 50 sièges proportionnels. D'accord?

Maintenant, comment se calculent ces sièges proportionnels? C'est que les partis, une fois qu'on a fait le calcul au terme d'une élection... Les citoyens votent pour le député de leur circonscription -- donc, ils ont un accès, comme les députés fédéraux actuellement -- et, ensuite, votent aussi pour leur parti -- ils ont deux votes -- pour leurs opinions. On fait le calcul en fonction du pourcentage de chaque formation. Régionalement, on distribue les sièges. C'est-à-dire on regarde le parti libéral, quel est le pourcentage obtenu dans chaque région. Donc, en fonction du nombre total de sièges proportionnels qui lui est attribué par son score national, dans chaque région, en fonction de son poids, dans chaque région, on lui accorde des sièges. De cette manière-là, il y a un équilibre beaucoup plus adéquat à la fois, donc, de la nécessité que chaque vote compte et de la nécessité qu'il y ait une représentation effective et une force des régions.

**(11 heures)**

Le Président (M. Trottier): Merci, M. le député. Nous revenons au ministre pour cinq minutes.

M. Robert Dutil

M. Dutil: Alors, M. le Président, dans le cinq minutes du député, le premier point qu'il a abordé, c'est la question de la corruption. Et on en a parlé brièvement tout à l'heure, et je maintiens que ceux qui acceptent de se faire élire à l'Assemblée nationale acceptent de venir défendre un idéal et acceptent de se battre. Et ce n'est pas toujours facile dans la situation moderne des communications très rapides, où une parole échappée est interprétée d'une façon parfois tout à fait différente de celle que vous imaginiez, où les communications... où chaque mot doit être pesé, où c'est extrêmement difficile. Mais on se doit de constater que la corruption a existé dans, malheureusement, toutes les sociétés. Elle est moindre dans certaines sociétés, plus dans d'autres, mais, quel que soit le système politique, quel que soit le système économique, on se doit de constater ça. Et ça m'amène à tirer la conclusion que le combat contre la corruption est un combat permanent, c'est-à-dire qu'il y aura toujours dans une société, malheureusement, certains groupes qui essaient de tirer profit pour eux-mêmes de situations d'une façon qui est incorrecte, et le devoir puis le travail de ceux qui représentent la population, c'est de faire un combat permanent contre ceux qui voudraient s'infiltrer pour essayer d'obtenir des faveurs de l'État.

D'ailleurs, je cite ça pour le député de Mercier parce que je sais qu'il aime la lecture. Il me recommande parfois de la lecture, que je fais. D'ailleurs, j'ai lu L'euphorie financière dernièrement, qu'il m'avait recommandé et que j'ai trouvé excellent et vrai, d'ailleurs. Je pense que, dans ce petit livre là, on constate que l'euphorie financière est un des problèmes qui existent sur les marchés financiers depuis plusieurs siècles et dont on n'a pas la solution. Je vais lui citer, moi, de mon côté, un autre livre qui s'appelle Droit, législation et liberté, de Friedrich Hayek, qui a été un prix Nobel d'économie. Donc, c'est un personnage qui est considéré comme de droite et que, peut-être, le député de Mercier n'a jamais eu l'occasion de lire. Moi, j'essaie de lire de tout, de gauche, de droite...

Une voix: ...

M. Dutil: Oui, de droite, Droit, législation et liberté. Et la raison pour laquelle je vous mentionne ça, c'est que, dans son livre, il constate ce phénomène de corruption. Sur le plan des pressions politiques, il dit: Il y a tellement de pression politique du groupe au pouvoir qu'il y a une tentation de corruption, même pour les gens qui ne veulent pas être corrompus. C'est ce qu'il prétend. Et il en propose un, système politique, lui, il propose le système suivant. Je ne dis pas que je suis d'accord avec, je dis que c'est une alternative que, malheureusement, on ne voit nulle part dans le monde, donc qui n'a jamais été tentée et dont on ne peut pas vérifier le bien-fondé, est-ce que ça fonctionnerait ou ça ne fonctionnerait pas. Ça serait le fun d'avoir une petite île de 200 000 habitants qui l'essaieraient puis qui nous diraient si ça fonctionne.

Alors, lui, ce qu'il suggérait, c'était que les personnes de 45 ans élisent leur groupe de députés à 45 ans pour 15 ans, un seul mandat, et que, donc, il y aurait 1/15 de l'assemblée qui serait changé à chaque fois, donc les rendant à l'abri de toute pression politique pour le renouvellement de leur mandat, suggérant qu'à 60 ans, bien, qu'ils puissent avoir une fonction qui leur permette de se rendre à la retraite correctement sans avoir, donc, la tentation ni d'avoir des poussées, sur le plan de leur intérêt personnel, à se faire réélire, premièrement, ni non plus d'avoir un intérêt personnel à gagner leur vie par la suite, puisqu'ils seraient là pour... jusqu'à toutes fins pratiques à la retraite.

Alors, je vous dis ça, il y en a bien, des modèles. On pourrait en imaginer d'une façon infinie, de ce genre de modèle là, et probablement que celui-ci donnerait le résultat souhaité par le député de Mercier. Ça ferait une proportionnelle, hein? Ceux qui seraient élus seraient probablement le reflet de leur modernité, et, graduellement, s'il y a des changements dans la société, bien, graduellement, cette Assemblée-là, qui changerait de 1/15 par année, le ferait, et probablement que la période de questions, pour ces gens-là, serait probablement beaucoup plus calme et beaucoup plus sereine qu'elle ne l'est parce que, justement, il n'y en aurait pas.

Il y a beaucoup de désavantages -- on pourrait discuter de ça -- il y a beaucoup de désavantages à un système comme ça. Bon, là, les députés se distancent de la population. Ils sont élus pour 15 ans, on n'en parle plus. Donc, est-ce qu'ils vont être tellement détachés de la population qu'ils ne respecteront plus leurs voeux? C'est une question qu'il faut se poser. On n'aura pas de réponse à ça parce que, malheureusement, on ne pourra pas l'essayer.

Alors, l'avantage de la proposition du député de Mercier, c'est qu'on voit une certaine expérimentation dans certains pays et que ça nous permet d'évaluer les avantages et les défauts de ça. C'est l'avantage. Mais il y a des défauts dans le proposition du député de Mercier, dont j'aurai l'occasion de reparler dans mon cinq prochain minutes, qui sont importants.

Le Président (M. Trottier): Je vous remercie, M. le ministre, c'est très intéressant. Ça me fait penser un peu aux Grecs, qui avaient leur propre formule également, qui évitait d'avoir à verser des salaires. M. le député de Verdun.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Bon, on a réglé la difficulté, je pense, dans les précédentes interventions quant à la manière d'accepter une bonification du mode de représentation ici, à l'Assemblée nationale, et tout en étant conscients de part et d'autre qu'il faudra probablement aller vers une représentation référendaire.

Le député de Mercier est revenu sur une proposition qui ne diffère pas tellement des propositions qui avaient été débattues il y a cinq, six ans, c'est-à-dire essentiellement une proportionnelle mixte, c'est-à-dire où on a deux types de parlementaires, des parlementaires qui sont élus à un vote uninominal à un tour, et après, l'électeur ayant deux votes, il y a un deuxième vote pour sélectionner, à ce moment-là, une personne qu'on choisirait à partir d'un scrutin de liste si je comprends bien.

Les difficultés sont venues dans le débat qu'on a fait à ce moment-là sur ce projet... Je ne sais pas si le député de Mercier était présent dans ce débat-là. C'est-à-dire une fois élus, on va avoir donc deux types de parlementaires ici, des parlementaires qui auront donc une responsabilité de comté, c'est-à-dire avec tout ce qui importe d'être un député de comté et où un député de comté... Et vous êtes tous ici des députés de comté, aussi bien vous, M. le député de Mercier, que vous, M. le Président, vous représentez non pas seulement les gens qui ont voté pour vous, mais l'ensemble de votre population. Autrement dit, quand quelqu'un vient vous voir pour un problème, vous ne lui demandez pas: Est-ce que vous avez voté libéral ou non?, vous essayez du mieux que vous pouvez, comme député de Roberval, de répondre à ses problèmes. Et, connaissant le sens de mon collègue le député de Mercier, je suis sûr aussi qu'il fonctionne de la même manière dans sa circonscription.

Alors, vous voyez, on va avoir donc ici si... C'est les objections qui nous ont été formulées à l'époque par les gens. Je ne dis pas qu'elles ne peuvent pas être contournées, mais je dis que c'étaient les objections principales qui nous avaient été formulées à l'époque. C'est dire: Dans cette Chambre, on aurait donc des parlementaires avec des responsabilités, en quelque sorte, de comté, ce que mon collègue de Beauce-Sud, le ministre, rappelait comme étant des députés qui jouent réellement le rôle d'ombudsman, c'est-à-dire d'interface entre les citoyens et le gouvernement, et d'autres députés qui auraient été élus sur des listes proportionnelles et qui n'auraient que d'une manière lointaine, c'est-à-dire seulement par rapport à la région, mais non pas par rapport au comté -- il y a une différence, quand même, entre région, comté par rapport au nombre des personnes -- qui n'auraient pas ce type de responsabilités.

Alors ça, ça avait été un élément qui avait été soulevé comme difficulté, de voir comment on fonctionnerait et est-ce qu'on n'aurait pas créé, en quelque sorte, deux classes de députés: les superdéputés élus sur les listes, choisis par les partis, amenés à faire la législation, à être les critiques, d'une part, et les ministres éventuels de l'autre côté, et le vulgus député, qui, lui, aurait à trimer dans sa région. Donc, cette distinction entre les deux avait créé un certain nombre de problèmes, d'où l'importance éventuellement d'avoir peut-être un mode unique de représentation à ce moment-là, un mode unique de sélection et d'imposer quand même aux personnes qui ont été choisies sur un mode proportionnel d'avoir participé à une campagne électorale de comté.

Mais là se reposait, à ce moment-là, un autre problème, c'est qu'à l'intérieur de la même région ça aurait été l'adversaire qui, lui, aurait été siéger ici parce qu'il a...

Une voix: ...

M. Gautrin: Non, non, mais je vous signale actuellement les problèmes qui ont été soulevés à partir du moment où on a essayé de contourner en disant: Bien, dans la région, les personnes qui seraient sur la liste auraient dû déjà être candidats de leur propre parti à l'intérieur de l'élection. Et on pourrait se trouver, à ce moment-là, dans la région à avoir des personnes qui n'ont pas été élues dans leur circonscription venir siéger ici. Je vous signale, à l'heure actuelle, les questions, les problèmes qui sont soulevés. Je comprends parfaitement les questions que vous soulevez quant à l'importance de faire valoir les différents points de vue, mais vous voyez qu'à ce moment-là il y a des choses qu'on a encore à clarifier.

**(11 h 10)**

Le Président (M. Trottier): Merci, M. le député de Verdun. On revient au député de Mercier.

M. Amir Khadir

M. Khadir: M. le ministre, M. le député de Verdun, il n'y a pas de système parfait. Comme en toute chose, il n'y a pas de solution parfaite. M. le ministre a raison, les objections que vous soulevez sont légitimes, sont réelles. Mais toutes ces objections ont déjà été soulevées par le passé par bien des gens, et, à la fin, lorsqu'on s'est penché de manière neutre, comme la DGEQ qui a consulté les citoyens, comme les états généraux sur la réforme des institutions démocratiques, on en est arrivé à la conclusion qu'il faut changer ce système, c'est-à-dire que le nôtre est le pire. Il n'y a pas de solution parfaite, il n'y a pas de système parfait, mais le système qu'on a n'est utilisé que par quatre pays actuellement sur 200. Tout le reste ont changé pour une part de proportionnelle, il n'y en a pas d'autres. Au Canada, on est pris avec. En Australie, ils sont pris avec. En Angleterre, ils sont pris avec, avec la nécessité, maintenant, de le changer. Ça s'impose partout. Là, il faut arrêter de se complaire dans toutes sortes d'objections. Nous ne prétendons pas que la proposition de Québec solidaire n'a pas de défauts ou n'est pas perfectible, mais ce qui est certain -- et tout le monde s'entend -- le système actuel a trop de défauts, et il faut absolument le parfaire, il faut absolument le changer. Et tout le monde s'entend là-dessus au Québec, tous les partis. Je vous le rappelle, quatre sur 200 pays, à peu près, n'ont pas de proportionnelle, on est parmi quatre de ces pays-là.

Contre la corruption, il n'y a pas de solution parfaite. Votre solution, on peut l'envisager de différentes manières. Mais ce qu'on a dit tout à l'heure, c'est qu'en tout cas les corrupteurs savent très bien que, s'il y a juste un ou deux seuls appareils, que leur investissement va leur rapporter à long terme, que, pendant 40 ans, ils n'ont que deux appareils à contrôler, c'est beaucoup plus facile. Ça ne veut pas dire que, dans les pays où il y a un système de représentation proportionnelle, il n'y a pas de corruption, sauf qu'il faut prendre toutes les mesures, comme un bon médecin qui doit se pencher sur le cas d'un malade ou d'une malade. Actuellement, notre système démocratique est malade, on ne peut pas négliger, dire... Parce que la solution de Ringer que je vais donner ou le pansement que je vais appliquer, en soi, ne régleront pas le problème accidenté, mais il me faut une solution Ringer, il me faut un défibrillateur, il me faut une injection d'adrénaline puis il me faut un pansement, il me faut tout ça. Et la réforme du mode de scrutin fait partie, d'accord, de l'ensemble des choses.

Parce qu'on a des problèmes multiples. Regardez, le député de Verdun disait: Il y a un problème de représentation démocratique parce qu'on n'a pas accès à notre député lorsque... S'il y a un député, par exemple... Non, en fait, pour préciser sa pensée, les députés de liste, donc les députés de proportionnelle, les 40 % de députés, par exemple, de l'Assemblée nationale, selon la proposition qu'on fait, ne seraient pas des députés de circonscription. Alors, comment ils pourraient répondre aux attentes des citoyens? Je vous donne un exemple. Actuellement, les habitants des Îles-de-la-Madeleine sont très préoccupés par la possibilité d'exploration du gisement pétrolier et gazier d'Old Harry, sauf que le Parti libéral y est favorable. Or, leur député, c'est un député libéral. Qu'est-ce qu'ils vont faire? À terme, ils vont venir me voir, moi, me surcharger, comme c'est déjà le cas. Moi, j'ai des gens de Trois-Rivières, de la région de Sherbrooke, de plein d'endroits au Québec qui viennent me voir parce qu'ils ne trouvent pas d'oreille attentive chez les autres, alors que, s'il y a un mode de scrutin proportionnel, près de chez eux, dans leur région, ils ont accès à un député qui pourrait éventuellement faire des représentations si le député du parti au pouvoir est fermé à leurs représentations.

Voyez à quel point ce système qu'on propose surmonte plusieurs des problèmes que vivent les citoyens actuellement justement dans une représentation effective qui empêcherait que l'étudiant de l'Université du Québec à Trois-Rivières qui croit que son député ne veut pas l'écouter n'aura plus besoin de venir me voir, que la personne qui se sent lésée depuis 20 ans dans la région de Lennoxville n'ait pas besoin de se déplacer, venir rencontrer le député de Mercier pour faire des représentations pour lui, et j'en passe.

Donc, pour cette raison et pour de multiples autres, notamment les immigrants, notamment la diversité... les minorités visibles... Nous sommes 20 % au Québec. En 2005, 7 % des sièges étaient occupés par des députés venant de minorités visibles. Actuellement, c'est en bas de 10 %. Puis, à chaque fois, on est cantonnés, puisqu'on est si peu nombreux, on est cantonnés dans des rôles, souvent, de représentation de nos communautés plutôt que de participer pleinement dans l'ensemble des débats de manière démocratique, ce qui fait que partout, comme la Nouvelle-Zélande, où on a introduit une proportionnelle, on dit: Jamais on n'a été aussi représentatif de la diversité dans ces pays.

Le Président (M. Trottier): Merci, M. le député de Mercier. Nous retournons au ministre.

M. Robert Dutil

M. Dutil: Oui. Merci, M. le Président. Le député mentionne qu'il y a quatre pays où ça n'existe pas. J'imagine que c'est la Grande-Bretagne, les États-Unis, l'Australie et le Canada auxquels il fait mention. Il y a aussi la France, je ne vois pas de proportionnelle en France. Mais, en tout cas, on pourra en reparler. Mais ce que je veux illustrer, c'est que les pays qui n'ont pas de proportionnelle actuellement, c'est les pays dont la démocratie est la plus ancienne. Et, quand un système est réputé fonctionner relativement bien, il est plus difficile à changer.

Je vous donne juste l'exemple du système métrique. L'un des seuls pays au monde qui n'a pas adopté le système métrique, ce sont les États-Unis. Alors, c'est assez étonnant de le constater. Pourquoi le monde entier a adopté le système métrique, et les États-Unis ne l'ont-ils pas fait? Et la raison, c'est qu'ils ont déjà un système qui, tout en n'étant pas aussi facile à comprendre, à mon sens, est fonctionnel, il fonctionne, il n'est pas si compliqué, il est étendu à travers tous les États-Unis. Alors, l'analogie que je veux faire, c'est qu'on a des difficultés...

M. Gautrin: ...

M. Dutil: Oui, bien, c'est ça, je laisserai le député de Verdun, tout à l'heure, me contredire sur le système de mesures. Moi, j'estime que le système métrique est plus facile, et on...

M. Gautrin: Bien, oui, moi aussi, je suis d'accord avec toi.

M. Dutil: ...se doit d'utiliser le système américain parce qu'on fait affaire avec eux, et ils sont toujours sur le système impérial.

M. Gautrin: Alors, on est d'accord.

M. Dutil: Alors, on est d'accord, donc. Et ce que je voulais illustrer, c'est que, dans le cas de la Grande-Bretagne, actuellement il y a une coalition, on le sait, qui a été formée, de deux partis dont l'un sont les libéraux démocrates, qui, eux, se retrouvent dans une zone intermédiaire où leur représentation est moindre que leurs votes, hein, parce qu'ils sont dans le milieu, et la discussion a l'air de porter beaucoup plus sur un scrutin préférentiel que sur un scrutin proportionnel, bon, peut-être parce qu'effectivement la coalition qu'ils ont formée ne leur permettra pas d'obtenir davantage que ça, il est possible que ce soit ça, la raison. Mais c'est une situation pas nécessairement facile, et je pense que l'un de problèmes vécus face à la population pour un changement de scrutin, c'est la relative satisfaction des gens face à notre système de votation, qui donne des résultats qu'on doit considérer comme pas si mal. Un des pays les plus libres au monde, un des pays les plus riches au monde, ça compte, ça, je pense, dans l'esprit de la population. Et c'est le résultat de notre système économique et de notre système politique, donc je pense qu'ils l'apprécient, et ça ajoute à la difficulté de rénovation.

Ceci dit, dans les consultations que nous avons eues à la commission parlementaire avant de scinder le projet de loi n° 78, qui regroupait et le financement des partis politiques et le changement de la carte électorale, j'ai posé quelques questions à certains de nos invités concernant le scrutin proportionnel, je voulais savoir ce qu'ils en pensaient. Et le leader de l'opposition, quand il a repris la parole, m'a, en posant des questions aux gens, m'a un peu, je dirais, rabroué sur cette question-là en disant qu'elle n'était pas du temps d'aujourd'hui, là, que ce n'était pas approprié d'en discuter pour l'instant pour quelque raison que ce soit. Ça m'a étonné. Ça m'a étonné, j'avais pensé que c'était dans le programme du Parti québécois et que, donc, ils en faisaient aussi la promotion. Et l'impression que j'ai eue, c'est que c'est non... oui, c'est dans leur programme, mais que, de leur côté, ils ne veulent pas en faire la promotion. Et, moi, j'aimerais que cette question-là soit clarifiée avec le Parti québécois, puisque c'est dans leur programme. Bon, que doit-il se passer et quand cela doit-il se passer au niveau de cette question-là, bien les choses ne sont pas claires.

Bon, vous allez me dire: Le Parti québécois n'occupe pas le pouvoir actuellement. Je pense que ce n'est pas le fait que le Parti québécois n'occupe pas le pouvoir qui les empêche d'intervenir sur la multitude des dossiers qui concernent le gouvernement. Et c'est normal, je pense que tous les dossiers sont des dossiers des membres de l'Assemblée nationale, quelle que soit leur formation politique, et celui-là en particulier mériterait sans doute d'être clarifié suite à notre consultation, qui n'a pas donné, de ce côté-là, les résultats auxquels, moi, je m'attendais parce que je pensais qu'il y aurait une discussion beaucoup plus facile et beaucoup plus ouverte sur cette question-là.

Le député de Mercier intervient sur la représentation par les députés de liste dans les régions, il divise la carte du Québec en huit régions et il dit que le député de la région, même s'il est de liste, va servir aux citoyens comme le représentant. C'est un argument que je n'avais pas vu, c'est un argument nouveau pour moi. En tout cas, je suis prêt à l'écouter, à l'entendre et essayer de me faire une tête là-dessus. Ça m'étonne. Ça m'étonne, moi, j'ai l'impression que quelqu'un qui n'est pas élu directement par la population est un peu plus détaché... pas mal plus détaché de la population qu'un député de liste...

**(11 h 20)**

Le Président (M. Trottier): Merci, M. le ministre. On passe maintenant au député de Verdun.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie. Simplement, brièvement, je vais répondre sur un point, puis je ne reviendrai plus là-dessus, sur la perception que la population a de l'urgence de changer le mode de scrutin. Vous êtes intervenu, M. le député de Mercier, en disant: Bon, si on le soumet à la population, certainement la population va choisir de changer. Je veux revenir sur quelque chose qui s'est passé. Ça s'est passé en 2007 en Ontario. En Ontario, on a proposé, donc, aux gens de changer pour aller vers un type de proportionnelle après une consultation et/ou de maintenir le système actuel, et, le fait de changer le mode de scrutin, on n'a obtenu -- vous connaissez les résultats aussi bien que moi -- que 36,9 % de soutien. Donc, l'impression que j'ai -- et je terminerai là-dessus parce que je voudrais... -- on a deux niveaux de débat, à la fois de débattre sur la pertinence de... et on pourra discuter sur des technicalités du mode de scrutin proportionnel et à savoir est-ce que c'est opportun ou c'est recevable actuellement en fonction des préoccupations de nos concitoyens.

Je voudrais soulever à mon collègue le député de Mercier une réflexion sur un autre sujet, bien, qui touche la participation des citoyens à la vie démocratique et je pense, moi, personnellement que la généralisation des nouvelles technologies, et particulièrement, à l'heure actuelle, de ce qu'on appelle les réseaux sociaux, va changer considérablement les rapports entre États et... enfin, gouvernants et population et citoyens, et que ce débat qu'on a actuellement de savoir comment les choses vont se faire, comment les choses doivent évoluer, peut évoluer considérablement d'ici 15 ou 20 ans, lorsque toutes personnes pourront contacter directement le député de Mercier, même s'il n'est pas de sa circonscription. Autrement dit, les solidarités qui sont des solidarités géographiques pour des raisons historiques, de l'endroit où vous habitez vont devenir plus des solidarités d'idées, de partage, d'avoir un même réseau, en quelque sorte, d'amis ou de gens qui partagent le même point de vue, et ça risque de se transposer ici, dans cette société.

Je ne sais pas comment ça va évoluer, mais c'est une réflexion que je pense qu'un jour ou l'autre on doit avoir parce que, dans ce domaine-là, les questions vont très vite, très vite. Et rappelez-vous qu'est-ce qu'était au début l'Internet, il y a une dizaine d'années, ce que c'est aujourd'hui, et à quel point les choses changent, alors est-ce qu'il y a lieu de réfléchir aussi, d'intégrer cette variable-là dans la réflexion qu'on fait dans... Dans le fond, c'est quoi, la réflexion qu'on a? C'est comment faire en sorte que le pluralisme des idées soit présent dans le débat législatif et dans les choix de l'exécutif. C'est ça, la question que vous posez, de fait. Est-ce qu'à l'heure actuelle strictement de reprendre le mode que vous avez qualifié d'archaïque... Et c'est vrai, il date depuis... Comme on dit, on est quand même une très vieille démocratie. Est-ce que ce mode où on représente essentiellement un morceau de territoire en présumant que les gens qui habitent sur le même territoire ont des solidarités à l'intérieur de ces territoires, qui existe peut-être plus en région, d'ailleurs, qu'en situation urbaine, ne risque pas d'éclater complètement lorsque les modes de communication privilégiés ne vont plus être la télévision ou ne seront plus, évidemment, le journal, ne seront plus la télévision, mais devenir ces réseaux sociaux qui vont se constituer?

Et là on a une réflexion aussi à faire, à mon sens. Bon, je comprends que ça vient au même moment où on est train de changer le mode de représentation, mais est-ce que ceci... Comment les utiliser pour faire en sorte que cette pluralité d'idées... Et, moi, je suis de ceux qui respectent le discours et le débat parce que c'est du débat qu'on peut créer quelque chose, hein? Et la pluralité d'idées, c'est, au contraire, quelque chose qu'on doit valoriser. La solution où tout le monde pense de la même manière, c'est à peu près la pire chose qui ne peut pas arriver dans le sens d'une démocratie. Et je pense qu'il y a une piste qu'on devrait chercher dans ce sens-là.

Le Président (M. Trottier): Merci, M. le député de Verdun. On revient au député de Mercier.

M. Amir Khadir

M. Khadir: Oui. D'abord, sur la question du métrique et du modèle anglais, du système anglais utilisé aux États-Unis, mon ancien prof d'algèbre et actuel député de Verdun pourra me confirmer, d'abord, dans le domaine des sciences, aux États-Unis, dans le domaine de la médecine, dans le domaine de la physique, c'est tout au métrique, d'accord, la transformation a été faite. Il n'y a encore que certaines élites qui ne le sont pas. Même la NASA... La NASA a eu un gros problème en mars 1999. Grâce au service de recherche impeccable de mon groupe parlementaire, je viens d'apprendre qu'en 1999 il y a une sonde qui a raté sa cible à cause que ça avait été calculé en métrique. Depuis ce temps-là, la NASA... Je veux dire, ça avait été calculé en miles, la NASA s'est convertie en métrique.

Bon, j'ai pris ces quelques secondes pour vous dire que, des contre-exemples, on peut en trouver tout le temps. Des contre-exemples, des objections, on peut en soulever. C'est la somme des objections, des désavantages et des avantages qui fait qu'on fait un choix. Il n'y a pas de perfection. Or, l'exemple de la Colombie-Britannique, le fait qu'on ait raté notre coup, M. le député de Verdun, c'est un contre-exemple. D'accord? Il faut faire autre chose qu'ils ont fait pour réussir. M. le ministre a dit: C'est une vieille démocratie, ça fonctionne bien. Non, c'est une vieille démocratie... Pour reprendre encore une analogie avec la physique, le puits de potentiel est beaucoup plus grand. Pour sortir de ce trou, de ce puits, il faut un peu plus d'impulsion, un peu plus de volonté et il faut que les élites politiques exercent plus de leadership pour capter la nécessité et l'air du temps. Or, regardez, la Nouvelle-Zélande l'a fait, un petit pays de notre dimension. Je vous l'ai dit tantôt, le spécialiste le plus important qui était impliqué dans ce débat-là à ce moment-là, et sans ambages, il dit -- politologue à l'Université d'Auckland, en Nouvelle-Zélande, M. Jack Vowles: «Le Parlement néo-zélandais n'a jamais été aussi représentatif de la diversité de ce pays de l'Océanie.» D'accord? Tous ceux qui l'ont fait en sont satisfaits, et c'est ça qu'il faut faire au Québec également.

Je voudrais revenir sur l'exemple pour dire que toutes vos objections sont, en quelque sorte, répondues. Pas répondues à la perfection, mais tenues compte dans la proposition de Québec solidaire. L'objection la plus grande que nous entendons et qui constitue la... Parce que tout le monde est d'accord qu'il faut qu'il y ait plus de femmes représentées à l'Assemblée nationale, tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut qu'il y ait plus de représentation de la diversité ethnoculturelle. Est-ce qu'on s'entend là-dessus? Tout le monde est d'accord que ce serait mieux que l'Assemblée nationale... D'ailleurs, tout le monde semble satisfait de ma présence. Imaginez si, en plus, il y avait les verts, hein? Tout le monde est satisfait du fait que ça ajoute au débat. J'espère que tout le monde est satisfait de ça. Enfin, je l'entends. À moins que les gens me disent autre chose qu'ils pensent. D'accord? Donc, tout le monde s'entend là-dessus.

La seule objection majeure qui demeure, à part comment exercer le leadership pour que la population saisisse son importance, c'est la question des régions. Alors, à la fin, si vous permettez, je vais prendre mon 10 minutes pour vous décrire en détail comment la préoccupation de la représentation régionale, la force et le poids des régions ici est tenue compte dans notre proposition, et les régions s'en trouvent renforcées avec de meilleurs outils pour penser et agir régionalement, en fait, en construisant des équipes régionales avec des députés de proportionnelle et les députés de circonscriptions.

Mais uniquement pour vous dire que, quand vous dites que la population n'est pas d'accord, là, ce n'est pas vrai, la population n'est pas satisfaite du mode de scrutin actuel. D'abord, si elle était très satisfaite et emballée, on n'assisterait pas à une érosion de sa participation. Quand on questionne la population -- et ça, ce n'est pas nos chiffres -- sur les cinq premières raisons évoquées, il y en a juste un qui nous échappe, sur lequel on ne peut pas travailler, il y a beaucoup trop d'élections. D'accord? Ça, c'est la première raison, 58 %. Vous étiez trop occupé par votre travail. Ça, on peut prévoir quelque chose, date fixe, par exemple, une journée de fin de semaine -- ça a amélioré beaucoup cet aspect-là -- au lieu d'un lundi.

Mais les trois autres raisons qui suivent sont liées d'une manière ou d'une autre au fait que les gens ont l'impression que leur vote ne compte pas. Vous n'aimiez aucun des candidats, aucun des partis politiques. C'est sûr, le système actuel ne permet pas l'émergence de partis suffisamment variés pour représenter l'ensemble de variétés des opinions. Vous pensiez que votre vote n'avait pas d'importance. On vous l'a dit, ça, c'est le vote... Parce que beaucoup de votes se perdent. Souvent, les gens sont forcés à voter contre plutôt que pour. Vous ne vous sentiez pas concerné par les enjeux de la campagne électorale, 23 %. Pourquoi? Parce que, quand il y a juste deux partis qui prédominent -- deux ou trois partis -- les enjeux électoraux évoqués restent confinés aux élites, aux grands partis, à leur agenda politique. Ça ne permet pas à beaucoup de gens de se retrouver dans les enjeux électoraux évoqués. C'est pour ça qu'en fait... Ça, c'est vraiment les principales raisons...

**(11 h 30)**

Le Président (M. Trottier): M. le député de Mercier, votre temps est écoulé, on va reprendre tout à l'heure. M. le ministre.

M. Robert Dutil

M. Dutil: Merci, M. le Président. J'aimerais que le député de Mercier ajoute ou dans son dernier 10 minutes ou plus tard de vérifier auprès de l'opposition officielle quel est leur point de vue et quel est leur idée sur ça, puisque c'est aussi dans leur programme. Et je pense que, quand on parle d'avoir un consensus à l'Assemblée nationale, on ne peut pas exclure qu'il y a 51 députés de l'opposition officielle où, pour l'instant, la position m'apparaît, je vous le dis, pour le moins ambiguë. Moi, ce que j'ai constaté, là, ce que je vois, je peux me tromper, là, mais ça m'apparaît ambigu, donc ça mériterait d'être clarifié.

Un autre point que je tiens à souligner, c'est, dans l'esprit de nos citoyens, il faut faire attention à ne pas rendre le système complexe. Oui, il y a le nombre de votes. D'ailleurs, le nombre de votes, ça m'apparaît curieux parce que j'ai été en France en 2001, je travaillais en France à ce moment-là, et j'ai vu quatre votes d'affilée, deux présidentielles, deux législatives, là, aux deux semaines. Donc, c'est l'équivalent de quatre générales pour nous autres parce que les gens sortaient à chaque fois pour voter. Et, nous, quand il y a un vote à tous les deux ans, bien, on trouve qu'on vote trop. Donc, dans l'esprit populaire, c'est assez curieux, cette chose-là.

Le point suivant, c'est la complexité du vote également. Il ne faut pas que les gens se retrouvent avec une liste complexe de plusieurs votations, de plusieurs systèmes. L'un des risques que l'on court de désaffectation, c'est ça. Il faut trouver un système qui irait dans ce sens-là mais qui fonctionne d'une façon beaucoup plus simple que celle que l'on voit dans d'autres endroits. Et un autre point concernant l'érosion du vote, moi, je suis certain que, quand il fait moins 17° dehors, il y a moins de vote -- moins 17° C, là -- il y a moins de vote que...

Une voix: ...

M. Dutil: Oui. Non, mais on verra, on verra à la prochaine élection, qui, j'espère, ne se tiendra pas une journée où il fait moins 17° C, si l'érosion qu'on a constatée était due tout simplement à la situation climatique ou à d'autres...

D'ailleurs, il y a peut-être d'autres systèmes de mode électoral... On sait qu'en Estonie la possibilité de voter par Internet existe, ça existe. Tout le monde ne le fait pas, il y a 5 % des gens qui le font, c'est relativement peu. Mais c'est en progression, et ça, bien, évidemment, ça facilite drôlement la façon de rendre son vote, là. Il n'y a plus de raison de ne pas voter pour des raisons de déplacement ou techniques quand tu en arrives à ce genre de solution là. On n'en est pas là, mais ça pourrait éventuellement venir.

L'autre point que je veux illustrer, c'est que la représentation des partis politiques, c'est une chose à l'Assemblée nationale, mais ce n'est pas la seule façon de s'exprimer pour que son opinion soit débattue et même que vous puisiez obtenir gain de cause au niveau parlementaire. On a bien des associations du monde communautaire, des syndicats, des regroupements, des corporations professionnelles, des associations régionales -- et j'en passe, là -- il y a beaucoup de groupes qui sont extrêmement bien structurés, qui sont en mesure de venir nous présenter leurs mémoires et qui influencent les votes. Et, quand je parlais que 80 % des lois sont adoptées à l'unanimité par tous les partis politiques, c'est en collaboration avec les gens qui ont une expertise particulière et qui, lors de consultations, soit générales soit spécifiques, viennent nous apporter leur point de vue et qui nous aident à bonifier nos projets de loi. Donc, oui, il y a la question de la représentation à l'Assemblée nationale, où le député de Mercier nous fait valoir que, si elle était proportionnelle, selon le système qu'il propose ici, ce serait préférable, mais il ne faut pas quand même exclure de notre discussion que notre système fonctionne aussi relativement bien parce qu'il y a beaucoup de consultation dans chacun des projets de loi et chacun des dossiers qui nous vient de gens, là, qui se sont penchés beaucoup plus profondément sur ces questions-là que nous l'avons fait.

J'ai parlé des groupes de pression, mais on pourrait parler aussi des experts universitaires, que l'on consulte fréquemment. Il y a beaucoup d'étude et de travail qui se fait maintenant dans les universités sur toutes sortes de sujets et qui nous aide à bien faire cheminer nos législations pour les adapter à une société qui est une société évoluée, une société moderne, une société où la technologie est extrêmement développée. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trottier): Merci, M. le ministre. Nous allons passer la parole au député de Verdun pour une dernière intervention de cinq minutes.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vais rentrer sur une dernière intervention, sur soulever encore une objection. Je ne dis pas qu'elle n'est pas contournable, mais il y a une objection qui est parfois faite lorsqu'on arrive dans un système de vote proportionnel, totalement proportionnel, où réellement chaque vote compterait, c'est l'instabilité du gouvernement. Parce que, dans un vote, on fait évidemment... on choisit, d'un côté, un député, mais on choisit aussi d'une manière implicite dans notre système, actuellement, le gouvernement. Alors, je sais parfaitement qu'on peut avoir des mécanismes proportionnels qui permettent, qui donnent une prime suffisante à celui qui obtient une majorité de manière qu'il y ait une majorité, réellement qu'il puisse avoir, en général, aussi facilement une majorité en Chambre, et on pourrait avoir, à ce moment-là, une situation où on a la diversité des opinions, mais aussi un soutien suffisant au gouvernement pour pouvoir gouverner. Vous comprenez qu'à ce moment-là ça rentre dans les mécanismes d'avoir quand même une prime au vainqueur implicite dans les mécanismes... dans la manière dont on calcule. Et je ne voudrais pas revenir avec vous... professeur de sciences politiques, mais il y a des mécanismes qui redonnent, à ce moment-là, dans la répartition des résidus une prime au vainqueur, à ce moment-là, de manière à assurer une stabilité au gouvernement.

Parce qu'il y a... dans le vote, par le seul geste du citoyen, on choisit son représentant, son législateur, on choisit aussi, comme l'a rappelé tout à l'heure le ministre, une personne qui est notre ombudsman auprès de l'administration publique, mais implicitement aussi on choisit le gouvernement, on vote pour le gouvernement. Et, d'ailleurs, avec beaucoup d'humilité, on doit reconnaître que, de plus en plus, nos électeurs, quand on pense qu'ils vont voter pour nous, votent en général beaucoup plus pour notre parti que nous représentons plutôt que... Et on est en train d'essayer... C'est difficilement mesurable quelle est la proportion de votes que le candidat attire, quelle est la proportion que le parti attire, quelle est la proportion que le chef attire, bon, c'est au niveau des analyses à faire, etc.

Mais je tiens à savoir que... même si on va, à l'heure actuelle, dans une proportionnelle, il faut s'assurer un mécanisme qui assure une certaine stabilité au gouvernement, de ne pas tomber dans des situations de mécanismes proportionnels où on a vu des gouvernements qui sont renversés régulièrement ou qui sont obligés de gouverner en coalition, ce qui est encore aussi une autre difficulté. Si vous regardez, à l'heure actuelle, le mécanisme le plus... où toutes les voix peuvent s'exprimer, c'est Israël. Israël, à l'heure actuelle, a une situation de totale proportionnelle, et aucun gouvernement ne peut fonctionner s'il n'est pas en coalition, ce qui donne, à ce moment-là, énormément de poids -- et ça vous ferait peut-être plaisir -- mais aux petits partis parce que les petits partis qui sont dans les... pour participer à une coalition, obtiennent, à ce moment-là, en Israël un poids disproportionné par rapport au poids où ils ont dans la population pour influencer le gouvernement. C'est comme ça, par exemple, que les partis dits religieux, en Israël, ont un poids énorme sur les choix du gouvernement par rapport aux deux grands partis qui sont le Likoud et le Mapai parce qu'ils contribuent, en quelque sorte, toujours au gouvernement.

Donc, quand on regarde ce mécanisme -- et je comprends les problèmes que vous avez soulevés, actuellement, de la diversité des opinions -- il y a aussi la contrepartie, dans le mécanisme que nous devons choisir, de faire en sorte que le gouvernement ait une forme de stabilité sans nécessairement être obligé d'aller dans des gouvernements de coalition, avec la faiblesse qui est entraînée par les gouvernements de coalition. Mais ça, ça devient un problème quasiment théorique de spécialistes de sciences politiques, etc., mais vous voyez qu'il y a quand même plus d'une difficulté: représentation des régions, représentation des différentes tendances, mais aussi stabilité du gouvernement à devoir considérer, M. le Président.

**(11 h 40)**

Le Président (M. Trottier): Merci, M. le député de Verdun. M. le député de Mercier, selon la répartition du temps, il vous resterait un deux minutes avant qu'on puisse entamer les deux conclusions de 10 minutes.

M. Amir Khadir

M. Khadir: Très bien. Alors, je l'ai répété à plusieurs reprises, sauf le ciel bleu de Québec aujourd'hui, sauf le ciel bleu de Québec aujourd'hui et sauf les yeux remplis de beauté et d'intelligence de certaines femmes, il n'y a pas de perfection en ce bas monde. D'accord? Il n'y a pas de perfection, il n'y a aucun système qui est parfait. Mais ce qui est certain -- et ça, je pense, tout le monde s'entend pour le dire -- c'est pour ça que tous ceux qui sont pris avec un système comme le nôtre essaient par toutes sortes de moyens d'y échapper, c'est que notre système est le moins parfait et le plus imparfait des systèmes, d'autant plus qu'on se rend compte à quel point il viole allègrement le principe d'une personne, d'un homme, une femme, un vote. Il y a des distorsions importantes dans notre système qui font qu'on n'est pas capable de matérialiser ce principe fondamental de la démocratie.

C'est pour ça que nous voulons vous présenter, M. le ministre, un modèle qui tient compte de toutes ces objections à la fois. Sans avoir une réponse parfaite, mais au moins une réponse partielle, un début de réponse: représentation des régions, capacité d'agir comme ombudsman, meilleure représentation des femmes. N'oublions pas, c'est 50 % de l'humanité, ce n'est pas banal, et notre système, notre proposition permet de surmonter ça. Une représentation plus adéquate de la pluralité des opinions dans la société, d'accord, on l'a dit à de multiples reprises, il faut absolument attaquer ce problème-là.

Finalement, vous m'avez demandé: Est-ce que le PQ, le Parti québécois, est d'accord ou pas? D'abord, j'accueille comme un signe positif le fait qu'on nous accorde l'ensemble de notre temps pour pouvoir discuter de notre proposition. Ça peut peut-être commencer à bouger. Mais, moi, je vous demande la question: Par votre engagement... Quel est votre engagement là-dessus comme parti?

Conclusions

Le Président (M. Trottier): Oui. M. le ministre, vous allez pouvoir justement conclure pour une période de 10 minutes.

M. Robert Dutil

M. Dutil: D'accord, M. le Président. Je vais commencer justement par l'interprétation que fait le député de Mercier du fait qu'on lui a laissé tout le temps pour présenter sa proposition, alors que l'opposition officielle n'est pas intervenue aujourd'hui, ni la deuxième opposition. Alors, c'est le choix de l'opposition officielle, je le comprends, mais je ne suis pas certain que le signal, c'est qu'on appuie la proposition de Québec solidaire. Moi, je pense que ça mériterait d'être vu. Je pense que, si la position du député de Mercier était appuyée par l'opposition officielle, je pense qu'ils seraient ici, puis qu'ils viendraient en force l'exprimer.

D'ailleurs, rappelons-nous l'historique du Parti québécois -- je pense que c'est un point important -- au début du Parti québécois, dans les années soixante-dix, la première élection a eu pour effet qu'avec à peu près 23 % des voix le Parti québécois n'a obtenu que six sièges, et, en 1973, là, je pense que le vote est monté jusqu'à 30 %, et ils n'ont encore obtenu que six sièges.

Une voix: ...

M. Dutil: Sept et six? Moins de sièges la deuxième fois avec plus de votes. Et la proportionnelle était inscrite à ce moment-là dans le programme du Parti québécois à juste titre pour la raison que vous mentionnez, 30 % des votes avec... C'était six sièges sur 110 à l'époque si je me rappelle bien. C'était moins de 6 % des votes, donc ça faisait une disproportion.

Une voix: ...

M. Dutil: 102? Peut-être. Donc, disons autour de 6 %. Donc, cinq fois moins. Quand vous parliez du poids... quand le député de Mercier, M. le Président, parlait du poids d'un voteur, on voit qu'à cette époque-là un voteur du Parti québécois était cinq fois moins important, à tout le moins -- probablement plus si on faisait la proportion dans l'autre sens -- qu'un vote du Parti libéral, et, donc, ça a été inscrit dès le début, à ma connaissance -- 108 -- ça été inscrit... Il y avait 108 députés. Alors, six sur 108, donc un peu moins de 5 %, autour de 5 %. Donc, ça a été inscrit dans le programme du Parti québécois à juste titre et pour la raison que vous évoquez. Le Parti québécois a pris le pouvoir en 1976. Pourquoi la proportionnelle n'existe pas au Québec? C'est ça, la véritable question. Ce n'était pas dans le programme du Parti libéral à cette époque-là, à ma connaissance, mais c'était dans le programme de ceux qui ont pris le pouvoir et qui l'ont exercé pendant deux mandats d'affilée, qui ont perdu le pouvoir et qui sont revenus avec toujours le même programme avec deux autres mandats d'affilée, et on n'a pas encore la proportionnelle. Et là vous nous faites porter le fardeau que la proportionnelle n'existe pas encore alors qu'elle n'est apparue, à ma connaissance, dans le programme du Parti libéral que relativement récemment. Si j'ai bonne mémoire, c'est 2003?

Une voix: ...

M. Dutil: Dans la plateforme de 2003. Bon. Ça, je pense que c'est un point important à clarifier, on n'a pas la même interprétation du fait qu'on vous laisse la parole sur votre proposition au complet.

Il y aurait aussi à demander l'opinion de la deuxième opposition, l'Action démocratique, qui, à première vue, me semble plus favorable, là. Moi, je détecte que ça semble plus favorable actuellement à cette proposition-là que l'autre opposition. Premièrement.

Deuxièmement, représentation des régions, vous nous faites valoir que votre système représenterait davantage les élections. Moi, je suis prêt à réfléchir là-dessus. Je ne suis pas convaincu, mais vous nous apportez des arguments. Moi, je suis une personne qui essaie de regarder les arguments, de regarder le fond des choses et de trouver ce qui est bon et ce qui n'est pas valable plutôt que de fonctionner sous forme de pression politique. Je dis à tous les groupes de pression qui me font des pressions qu'une pression, c'est légitime, c'est permis, c'est recevable, c'est la liberté d'expression, mais ce n'est pas un argument, hein? Il y a une différence entre des pressions et des arguments, et, nous, on doit gouverner le plus possible en fonction des arguments et non pas en fonction des pressions. Si les pressions et les arguments vont ensemble, tant mieux. À ce moment-là, ça nous permet de régler les problèmes. Donc, vous soulevez la question de la représentation des régions, vous nous dites que votre système serait meilleur, je n'en suis pas convaincu. Je reçois toutefois vos arguments, il faudrait le voir.

Mais j'aurais aimé qu'on adopte le principe du projet de loi n° 92, qu'on puisse aller en discuter en commission parlementaire. S'il n'y avait pas de consensus, nous, on en a une, proposition. Elle ne convient pas aux trois oppositions, ça semble bien évident. Le Parti québécois, Québec solidaire et l'ADQ ne sont pas d'accord avec notre projet de loi, on le sait, mais on aurait aimé pouvoir adopter le principe, de sorte qu'on ait pu aller discuter en commission parlementaire. Ça, c'est un des aspects que la population ne connaît pas, c'est que la commission parlementaire vient après l'adoption de principe à l'Assemblée nationale.

Et l'adoption de principe, ce n'est pas l'adoption du projet de loi, et souvent, en commission parlementaire, il y a des projets de loi qui sont modifiés de façon substantielle ou qui ne passent pas la commission parlementaire, qui ne reviennent pas, même si le parti gouvernemental, actuellement, est majoritaire, ne reviennent pas pour adoption parce que les oppositions ont manifesté ou ont présenté des arguments valables qui ont fait que le gouvernement a décidé de ne pas adopter ces projets de loi là. Ça arrive. Ça arrive, M. le Président, puis c'est logique, légitime que ça se passe comme ça lorsque les divers points de vue sont amenés dans la salle d'étude, que j'appelle. La commission parlementaire, là, c'est la salle d'étude de l'article par article des projets de loi. On ne va pas que dans le général, on va vraiment dans le détail de chacun des mots, de chacune des phrases, de chacun des paragraphes pour s'assurer que notre projet de loi est le meilleur possible. Bon.

Est-ce que le fait d'adopter le principe du projet de loi n° 92 ferait que, nous, du parti gouvernemental, nous passerions de l'avis de l'opposition pour adopter un projet de loi aussi crucial et aussi important? Moi, je suis très, très... je comprends très bien l'argument que, quand on touche aux institutions démocratiques, il faut un large consensus de l'Assemblée nationale pour adopter les choses. Alors, moi, je réitère ça, je pense qu'on aurait une plateforme intéressante si le projet de loi n° 92 était adopté en principe et qu'on pouvait aller en discussion en commission parlementaire, où ce serait probablement pas mal plus que le simple deux heures que nous passons ici, qui est déjà, d'ailleurs, je pense, bien appréciable, là. Je pense qu'on a fait un deux heures qui est loin d'être inutile, qui apporte une sensibilisation. Il y a probablement des gens qui nous écoutent aussi chez eux et qui constatent qu'il y a une complexité importante dans ces propos-là, dans ces discussions-là concernant le système politique dans lequel nous vivons.

J'ai également... je réitère juste un point que j'ai soulevé durant nos discussions, c'est la dichotomie entre le rôle de représentation et de législation. Je ne pense pas qu'on ait réglé, dans l'esprit de la population, l'ensemble de cette question-là malgré les arguments qu'a apportés le député de Mercier. Et je comprends aussi qu'il y a toujours l'argument des gens qui disent: Bien, le député est, d'abord et avant tout, un législateur et non pas un représentant, et c'est en ce sens-là qu'on doit avoir un voteur que chaque vote doit compter et que le nombre de voteurs pour chaque élu doit être le même.

Bon, je comprends cette argumentation-là, mais, dans la population, aujourd'hui, avec l'évolution du rôle que joue un député et l'importance qu'occupe le gouvernement pour le développement des régions, il est devenu beaucoup plus un représentant, et je considère que sa part de travail en temps, là... Si on faisait la part de travail, de temps consacré à son rôle de représentant de la population auprès du gouvernement et de son rôle en tant que législateur, je pense que les gens seraient bien étonnés de découvrir que la proportion de représentation est plus importante que la proportion de législateur, sauf pour le député de Mercier, évidemment, qui, lui, étant seul de sa formation politique, a à faire le tour de toutes les commissions et à faire un travail qui, je le comprends, dans son cas, est extrêmement difficile du fait qu'il voudrait être partout. Il est animé de... il est prêt à discuter de tous les sujets, il les connaît assez bien, je pense, en général, mais il ne peut pas être partout en même temps. On n'a pas réussi à résoudre ce problème-là pour lui, donc c'est difficile.

Un dernier point, la complexité. Il faut trouver un système, si on met en place un jour un système de ce genre-là, un système dont la complexité n'est pas aussi grande que celle que l'on retrouve dans d'autres pays. Moi, je pense que ça, c'est un des critères qu'on néglige parfois et où, dans les avancées des autres pays, ils ne sont pas encore parvenus à trouver quelque chose d'assez simple pour que la population puisse s'exprimer d'une façon très claire.

Et, finalement, le dernier point, on l'a souligné, c'est la question de l'appui de la population. La population semble être de plus en plus avertie de ces difficultés-là et de ces problèmes-là, je le conçois, mais on vient de traverser une grave crise économique, et je dois vous dire que, dans les débats et les rencontres que j'ai avec mes commettants, on parle de la situation économique. Et, actuellement, on est en relance, la relance semble bien amorcée, mais elle est encore faible, et, dans les préoccupations de nos citoyens, pour l'instant, à cause de la situation que l'on vit actuellement, c'est: Occupez-vous de la reprise économique, là, occupez-vous que les jobs soient là, puis qu'on puisse avoir une situation économique qui est plus agréable que celle qu'on vient de traverser, et, donc, reportez un peu les autres sujets, qui sont importants, on le maintient, mais qui reviendront plus tard.

**(11 h 50)**

Le Président (M. Trottier): Merci, M. le ministre. En conclusion, M. le député de Mercier, pour 10 minutes.

M. Amir Khadir

M. Khadir: Merci, M. le ministre, d'avoir pris le temps de répondre à mon interpellation. Je suis content de savoir que la proposition que nous vous faisons aujourd'hui pour un projet de réforme du mode de scrutin qui soit mixte, c'est-à-dire à la fois des députés de circonscription et des députés d'une liste de représentation proportionnelle, semble avoir votre écoute, que vous êtes prêt à écouter parce qu'il y a des distorsions absolument intolérables, une inégalité des votes absolument intolérable qui viole le principe démocratique dans notre société. Vous avez... dans le système... dans le mode électoral actuel.

Vous avez mentionné le cas de 1973. Le Parti québécois, sept sièges alors qu'ils... En fait, six sièges en 1973 alors qu'ils ont eu 30 % du vote populaire. À l'époque, 30 % de 4 millions d'électeurs, qui était le nombre d'électeurs de l'époque, ça donne 1,2 million, donc, d'électeurs pour six sièges, 200 000 votes par siège occupé à l'Assemblée nationale. En 2008, le Parti libéral, en contrepartie, a eu 42 % de la faveur, de 5 millions d'électeurs. Ça donne 2 millions de personnes pour 66 sièges. J'ai fait le calcul, c'est à peu près 35 000 votes par siège. Savez-vous qu'en 2008, pour Québec solidaire, c'était le même ratio que le PQ en 1973? On eu 4 % de 5 millions d'électeurs, 200 000 votes pour un seul siège.

C'est une situation qui est inacceptable parce que, dans la société, il y a aussi, par exemple, à peu près 150 000, 200 000 personnes qui auraient voté pour le Parti vert, il n'y a personne ici pour le représenter. Il y a des gens qui disent: Dans les trois des cinq principales raisons invoquées pour ne pas aller voter, c'est lié de près ou de loin au fait que leur vote leur paraît inutile ou leurs idées ne semblent pas représentées par les partis qui se présentent devant eux. Pourquoi? Parce que le mode actuel de scrutin décourage l'émergence et l'expression du pluralisme politique dans notre société. Donc, il faut se rendre compte de ça.

Les femmes sont 50 % de notre société, et, malgré toutes nos... notre volonté, nos affirmations sur l'égalité entre les hommes et les femmes, il se trouve que, durant les 12 dernières années, il y a eu quatre élections, et on n'a pas réussi à scorer mieux que 30 % de sièges ici. C'est entre 23 % et 30 %.

Ensuite, les minorités croissantes, les minorités visibles, on est, minorités issues de l'immigration, minorités visibles, au total, 20 % de la société québécoise, on ne réussit pas à scorer au-dessus de 10 %. Je n'ai pas calculé tous les chiffres sur toutes les législatures, mais depuis 30 ans que c'est à peu près comme ça, on n'arrive pas à décoller parce qu'il y a des distorsions dans ce mode de scrutin ou il n'y a rien dans ce mode de scrutin qui peut permettre de manière effective...

Donc, nous, on a voulu répondre à ces préoccupations parce qu'on pense que c'est d'autant plus nécessaire et urgent maintenant qu'il y a une érosion accélérée de la confiance du public dans le système électoral actuel. Pourquoi ce que nous vous proposons a l'avantage de répondre à tous ces problèmes-là? Parce qu'on s'est assuré de respecter la volonté populaire le plus possible et favoriser l'émergence du pluralisme politique, ce que permet une série de modalités dans notre réforme. Mais le plus grand élément qui permet, en fait, à toutes ces modalités de s'exercer, c'est qu'il y a des listes de compensation régionales qui tiennent compte du pourcentage national obtenu par un parti. Ensuite, on veut assurer une représentation effective des électeurs et des électrices des régions. Donc, on ne néglige pas cet important enjeu que vous avez soulevé, que le Parti québécois soulève souvent, on veut que les régions soient fortement et bien représentées ici. D'ailleurs, un des meilleurs exemples de représentation proportionnelle mixte, c'est-à-dire un système électoral mixte, c'est l'Allemagne, comme ce que nous vous présentons, 60-40 %, à peu près, de sièges. Puis l'Allemagne, c'est un des pays où les régions sont les plus dynamiques et les mieux représentées au Parlement, les plus fortes. Atteindre la parité de représentation des femmes, on vous l'a dit, c'était un de nos objectifs, et élargir la représentation de la diversité ethnoculturelle.

Donc, comment ça marche? 75 sièges... en fait, 78 sièges avec trois exceptions, lesquelles on ne touche pas, le Nunavik, l'Ungava et les Îles-de-la-Madeleine, où il y a une très faible démographie, mais on veut leur garder un siège. Donc, il y a ces trois régions-là où on ne tient pas compte, disons, de la population pour faire le découpage. Le reste du territoire, on le découpe à peu près en 75 circonscriptions. On sait que, par exemple, pour les élections fédérales, c'est ça qu'on fait. Ça va être quelque chose à peu près dans le même, je dirais, dans le même esprit.

Il reste donc 50 sièges, 50 sièges à être occupés suivant la proportion, ce qui dit... ce que représente la proportionnelle, la proportion de voix obtenues à l'échelle nationale. Donc, par exemple, au bout d'un exercice électoral, si le Parti libéral a obtenu 40 % de l'appui de l'électorat québécois, sur les 50 sièges, ça veut dire qu'il y a 20 sièges qui lui sont attribués, sauf que ces 20 sièges ne sont pas attribués à l'échelle de l'ensemble du Québec sans guide. Le guide pour attribuer ces 20 sièges, c'est de regarder dans chaque région, dans les huit régions -- on a découpé ensuite le territoire en huit régions -- comment, dans chaque région, les appuis se sont exprimés à la faveur de chaque parti.

Ce qui fait que je vous emmène à la page 36 de la proposition de projet de réforme que je vous ai présentée. Il y aurait huit régions: première région, Outaouais, Abitibi-Témiscamingue, Nord-du-Québec; deuxième région, Saguenay--Lac-Saint-Jean, Côte-Nord; troisième région, Gaspésie--Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent, Chaudière-Appalaches; quatrième région, Capitale-Nationale, Mauricie; cinquième, Lanaudière, Laurentides, Laval; sixième, Montérégie; septième, Estrie, Centre-du-Québec; huitième, Montréal. C'est des régions où on a essayé de garder à peu près des proportions de population à peu près égales.

Et, ensuite, on a essayé de voir comment on pourrait garder la plus grande proximité entre le poids démographique de ces régions et la distribution des sièges à l'Assemblée nationale. Et, dans les calculs qu'on a faits, on vous présente un tableau qui permet de voir qu'avec notre modèle pratiquement toutes les régions conservent, sinon améliorent le nombre de sièges occupés à l'Assemblée nationale soit par les députés de circonscription, soit par les députés de proportionnelle, de compensation régionale, ce qui permet de corriger certaines distorsions, de ramener les écarts entre poids démographique et le nombre de représentants aux écarts les moins importants possible. Parce qu'actuellement il y a des écarts qui vont jusqu'à 3,2 %. D'accord?

Donc, dans cet esprit-là, vous allez voir, par exemple, que les deux seules régions qui voient leur nombre de députés diminuer, c'est la région 3, Gaspésie--Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent, Chaudière-Appalaches, où on passe de 16 à 13, ce qui permet de ramener l'écart, qui était excessif, à un écart plus raisonnable, qui est toujours positif -- ils ont toujours plus de poids à l'Assemblée nationale que leur poids démographique, mais ça permet de diminuer cet écart-là -- et l'autre qui se voit un peu amputée, c'est la région de la Capitale-Nationale, de la Mauricie, qui passerait de 16, qui est le cas actuel, à 15 députés, qui permettrait de ramener son écart un peu moins grand que ce qu'il y a actuellement.

n(12 heures)**

Donc, c'est dans ce contexte qu'on vous propose donc d'adopter cette proposition de compensation proportionnelle calculée régionalement qui permet donc aux gens de se reconnaître dans leur député parce que les listes régionales vont être déterminées par des gens qui sont issus de ces régions. Ce n'est pas quelqu'un de Montréal qui va représenter quelqu'un de la Mauricie, c'est quelqu'un de la Mauricie, c'est quelqu'un de la Capitale-Nationale, et les partis ont intérêt, donc, à aller chercher là.

Comment ce système-là permet ensuite d'améliorer la situation des femmes? C'est que, comme il y a des listes régionales, d'accord, on inscrit dans la loi que les listes doivent être d'abord en alternance, un homme, une femme, une femme, un homme, et que, comme il n'y a que huit listes, que quatre de ces listes-là commencent par une femme obligatoirement de manière à permettre que, très facilement, de plus en plus de femmes puissent avoir accès sans devoir bâtir et surmonter tous les obstacles objectifs qui sont devant elles qui font que le système actuel n'est pas égal, qu'il est tout à fait inéquitable, pour vraiment permettre à ces compétences, puisqu'on est dans une société maintenant avec l'accès à l'éducation, avec le développement économique et social qui fait qu'on a énormément de femmes avec beaucoup de compétences dans notre société sur le plan professionnel, sur le plan social mais qui n'ont pas accès parce qu'elles n'ont pas les réseaux de pouvoir que les hommes possèdent historiquement...

Ensuite, il en est de même, avec le même mécanisme, avec les minorités ethnoculturelles -- je n'entrerai pas dans les détails -- les mêmes mécanismes d'inclusion dans ces listes-là pour pouvoir, là où ce n'est pas possible à travers les circonscriptions, qui sont souvent des bastions que se partagent les gens qui ont des influences régionales, qui ont des réseaux d'appui, des réseaux économiques souvent, malheureusement, uniquement le lot des hommes et souvent de ceux qui sont établis depuis longtemps... ce qui permettrait donc aux minorités culturelles à travers -- qui ont, eux aussi, des compétences et quelque chose à dire au Parlement -- à travers ce mécanisme-là, d'être mieux représentées.

M. le ministre, vous m'avez demandé qu'est-ce que le PQ pensait de mon projet de réforme. J'espère qu'il y a une écoute et je vais travailler en ce sens. Moi, je vous demande: Est-ce que vous avez demandé l'accord du Parti québécois pour nous proposer le projet de loi n° 92, le découpage de la carte électorale? Pas réellement. Alors, je ne pense pas que ce soit un motif.

Le Président (M. Trottier): Merci beaucoup, M. le député. Je voudrais remercier chacun des intervenants pour le climat très serein de cette discussion. Ce fut une interpellation très intéressante. Il s'agit d'un sujet complexe, mais fort important pour l'avenir de notre démocratie. Je vous remercie beaucoup.

Et je lève donc la séance, et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 3)

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