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Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le vendredi 20 janvier 2012 - Vol. 42 N° 60

Consultation générale et auditions publiques sur l'avant-projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-sept minutes)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir s'assurer d'éteindre la sonnerie de votre téléphone cellulaire.

Donc, le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile du Québec.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Drolet (Jean-Lesage) sera remplacé par Mme L'Écuyer (Pontiac).

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Mme la députée de Pontiac, bienvenue à nos travaux. Alors, ce matin, nous entendrons les représentations du Jeune Barreau de Québec, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale et le Comité des orphelins victimes d'abus.

Auditions (suite)

Alors, je tiens à souhaiter la bienvenue aux membres du Jeune Barreau de Montréal, Me Paré, Me Proteau... du Jeune Barreau de Québec, je suis désolée, je ne voudrais m'immiscer dans un conflit Québec-Montréal. Alors, Me Paré, Me Proteau, Me Tanguay et Me Barsoum, bienvenue parmi nous. Vous disposez d'une période de 15 minutes pour nous faire part de vos réflexions sur l'avant-projet de loi, et par la suite deux périodes d'échange de 10 minutes par groupe parlementaire suivront.

Jeune Barreau de Québec

Mme Paré (Marie-Ève): Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission. C'est un honneur pour nous, au nom du Jeune Barreau de Québec, de participer en tant qu'acteurs du milieu juridique à la présente commission parlementaire, qui se veut un processus démocratique où nous comptons vous exposer les commentaires et préoccupations des membres de notre organisation quant à l'avant-projet de loi sur la réforme du Code de procédure civile.

Je me présente, Marie-Ève Paré. Je suis présidente du Jeune Barreau de Québec. À ma gauche, Me Joanie Proteau, première vice-présidente du Jeune Barreau de Québec, membre du Comité sur les affaires publiques et également rédactrice du mémoire. À ma droite, Me Jad-Patrick Barsoum, secrétaire adjoint du Jeune Barreau de Québec, président du Comité sur les affaires publiques et rédacteur du mémoire également. De plus, j'aimerais souligner la participation des autres rédacteurs: Me Marie-Ève Jean, Me Alexandre Brousseau, Me Christian Tanguay qui est ici à ma gauche ainsi que les membres du Comité sur les affaires publiques.

Tout d'abord, je ferai une présentation de notre association et des principaux points contenus au mémoire du Jeune Barreau de Québec. Par la suite, pour la période des questions, le temps de réponse sera partagé entre mes collègues en fonction de leur expertise.

Le Jeune Barreau de Québec est une société à but non lucratif qui oeuvre dans l'intérêt de ses membres depuis près de 100 ans. Le Jeune Barreau compte sur l'implication essentiellement bénévole de ses membres, qui oeuvrent notamment au sein du conseil d'administration et de ses divers comités. Le Jeune Barreau a à coeur notamment l'efficience, la rapidité, l'efficacité du système judiciaire ainsi que la question d'accessibilité à la justice pour tous. Le Jeune Barreau regroupe tous les avocats et les avocates de 10 ans et moins de pratique des districts judiciaires de Québec, de Beauce et de Montmagny. Le Jeune Barreau compte aujourd'hui plus de 1 200 membres, soit le tiers des avocats de la section de Québec.

**(9 h 40)**

Notre mission est de contribuer au dynamisme de la communauté juridique de la grande région de Québec en participant activement et de façon significative notamment aux discussions et au traitement des affaires de la section du Barreau de Québec, aux décisions importantes de notre ordre professionnel, des sociétés québécoise et canadienne. À cet égard, plusieurs comités oeuvrent au sein de notre organisation, dont le Comité sur les affaires publiques, qui a pour mandat de conseiller le Jeune Barreau lors de prises de position sur divers sujets d'actualité tant auprès du gouvernement du Canada, du Québec que des autres instances. Le Jeune Barreau est alors attentif aux travaux parlementaires ainsi qu'à la réglementation et aux directives ayant une incidence sur la pratique des avocats du Barreau de Québec, des jeunes avocats.

Le Jeune Barreau de Québec accueille avec intérêt le dépôt de l'avant-projet de loi sur la réforme du Code de procédure. Cette réforme propose d'importantes avancées dans la pratique, la compréhension et la gestion du droit. Pour ce faire, nous saluons les initiatives en ce qui a trait aux objectifs recherchés par les législateurs quant au présent avant-projet de loi, notamment l'efficience, le modernisme ainsi que la simplification et l'allégement de la procédure. De plus, les suggestions du Jeune Barreau vont dans la lignée et le désir du ministère de la Justice afin que la justice soit plus rapide, efficace et moins coûteuse.

Nous sommes ici aujourd'hui dans l'optique d'exprimer certaines réalités de nos membres dans leur pratique en regard de l'avant-projet de loi. Nous saluons les moyens recherchés par les législateurs pour atteindre ces objectifs, entre autres les technologies, qui sont bien présentes dans notre quotidien et dont la place est de plus en plus marquée au sein du milieu juridique et au sein de la population en général. Le Jeune Barreau se porte fervent défenseur et porte-étendard de celles-ci. À l'occasion de notre présentation, vous pourrez constater que nous utilisons tous des tablettes, donc dans un environnement sans papier. C'est ainsi que nous souhaitons notamment voir évoluer la pratique du droit.

Nous saluons également l'importance accordée à la négociation, la médiation et l'arbitrage ainsi qu'aux changements proposés relativement à la majoration progressive du seuil d'accessibilité quant aux demandes formulées devant la Cour du Québec, division des Petites Créances.

Par ailleurs, le Jeune Barreau porte à votre attention certaines préoccupations observées par ses membres, contenues à son mémoire. Certaines dispositions contenues à l'avant-projet de loi risquent de contrecarrer, selon nous, dans une certaine mesure, l'atteinte des objectifs recherchés par les législateurs quant, notamment, à l'abandon de la règle de succombance, en regard de la majoration du seuil d'accessibilité de 7 000 $ à 15 000 $ quant aux demandes formulées devant la Cour du Québec, division des Petites Créances, l'absence d'assistance par avocat à moins d'une situation exceptionnelle pour le justiciable ainsi que la gestion de l'instance en ce qui a trait aux interrogatoires et au protocole de l'instance.

Quant aux moyens technologiques, le Jeune Barreau appuie favorablement l'initiative proposée relativement à l'utilisation des moyens technologiques. Le Jeune Barreau souligne l'importance de ces moyens et la place que ceux-ci devraient avoir au sein du milieu juridique. Ainsi, nous appuyons la signification des procédures par voie électronique, tout en rappelant que des investissements sont requis afin d'être concrètement en mesure de voir le changement s'effectuer au sein des institutions.

Les moyens technologiques seront des outils essentiels et déterminants pour l'atteinte des objectifs recherchés d'efficacité, de rapidité souhaitée dans la gestion des dossiers et d'une meilleure accessibilité à la justice. Le Jeune Barreau encourage non seulement les avocats à recourir à ces nouvelles méthodes, mais également les tribunaux et les greffes. Ainsi, afin d'atteindre les objectifs souhaités, le Jeune Barreau fonde espoir que les greffes et les palais de justice seront dotés d'outils technologiques et que leur mise en place soit efficace et uniformisée à la grandeur de la province. Nous pensons, par exemple, à Internet sans fil dans les palais de justice, le dépôt électronique des actes de procédure à toute étape de l'instance ainsi que le rajeunissement des services de plumitif. D'ailleurs, l'efficacité d'un tel mode de fonctionnement est démontrée notamment au Québec. Pensons aux pratiques de la Régie de l'énergie, qui offre un système de greffe entièrement informatisé et accessible en ligne.

Par conséquent, quant aux objectifs recherchés, dans une perspective de développement durable et d'une meilleure accessibilité à la justice, le Jeune Barreau encourage le financement gouvernemental à cet égard. Il sera important également d'accompagner les utilisateurs potentiels de ces nouveaux moyens dans l'acquisition des connaissances nécessaires à l'utilisation de ceux-ci.

Maintenant, quant aux frais de justice, le Jeune Barreau a une certaine appréhension que l'objectif recherché par les législateurs ne soit malheureusement pas atteint. En effet, nous avons certaines craintes que les dispositions contenues à cet égard à l'avant-projet de loi ne soient pas appliquées par les tribunaux ou jugées avec tiédeur.

Par ailleurs, les frais de justice s'avèrent parfois un élément amenant les parties à envisager une solution alternative de règlement des litiges ou pouvant favoriser les discussions entre celles-ci, surtout dans les causes à bas quantum. Ces frais peuvent notamment favoriser actuellement la proportionnalité. En effet, le Jeune Barreau estime que la règle de la succombance peut demeurer la norme, encourageant toutefois les tribunaux à appliquer celle-ci en utilisant à titre d'étalon de mesure la règle de la proportionnalité afin de rétablir l'équilibre entre les parties en cas d'iniquité.

Concernant le recouvrement des petites créances, le Jeune Barreau adhère à la plupart des changements proposés mais suggère d'apporter la modification suivante quant aux représentations par procureur: le Jeune Barreau est en accord avec la majoration progressive du seuil d'accessibilité à 7 000 $ à 15 000 $, cependant nous sommes d'avis que, pour la tranche supérieure à 10 000 $, les montants en jeu étant dès lors plus importants, tandis que les décisions sont toujours finales et sans appel, il serait profitable pour tous de permettre aux justiciables qui le désirent d'être accompagnés par un avocat de moins de 10 ans de pratique dans les dossiers dont la valeur se situe entre 10 000 $ et 15 000 $.

Le Jeune Barreau de Québec porte à l'attention de la commission que le montant en litige ne permet pas à lui seul de déterminer la complexité d'une cause. En appui au principe d'accessibilité de la justice, le Jeune Barreau propose que la rémunération applicable soit à taux fixe et que celle-ci soit déterminée par les législateurs, ces mesures relatives aux frais payables aux avocats pouvant alors être déterminées par règlement. Un tel amendement permettrait à la fois, selon nous, une meilleure administration de la justice et une meilleure gestion des dossiers. Les justiciables bénéficieraient alors des services de conseillers juridiques à des frais raisonnables, sans disproportion importante d'expérience entre ces derniers. Pour ce faire, puisque ce type de cause représente une partie importante de la pratique des avocats et des avocates de moins de 10 ans de pratique, leur permettant ainsi d'acquérir une expérience de travail significative, le Jeune Barreau propose d'instaurer un service de référence en collaboration avec le ministère de la Justice.

Concernant la gestion de l'instance, plus particulièrement l'interrogatoire préalable à l'instruction, le Jeune Barreau souligne les efforts déployés par les législateurs pour tenter de contrôler la tenue et la durée des interrogatoires préalables à l'instruction.

Par ailleurs, le Jeune Barreau a certaines préoccupations en regard de l'interrogatoire, autant oral qu'écrit, qui pourrait être versé au dossier de la cour par l'une ou l'autre des parties, selon notre compréhension des nouveaux articles de l'avant-projet de loi. Actuellement, les procureurs utilisent ces interrogatoires préalables pour connaître l'ensemble des circonstances et des faits du dossier afin de déterminer notamment, de manière éclairée, la meilleure stratégie pour trouver une solution aux problèmes de leurs clients. Si l'interrogatoire peut être produit ou versé au dossier de la cour par toutes les parties, le Jeune Barreau craint que les parties puissent refuser de se prévaloir d'un tel exercice et préfèrent plutôt se rendre à l'audition. Le Jeune Barreau craint alors un effet pervers d'une telle mesure, par exemple la demande de remise du procès lors de l'audition, et donc faisant en sorte d'annihiler les efforts déployés par les législateurs quant aux objectifs recherchés relativement à la rapidité, l'efficacité et une justice moins coûteuse.

Quant à la question de l'expertise commune, le Jeune Barreau est en accord pour un meilleur encadrement de la preuve par expertise mais propose des pistes de réflexion. En effet, il y aurait lieu de prévoir certaines exceptions et de mieux définir cette mesure.

Finalement, concernant le protocole de l'instance, le Jeune Barreau salue les efforts déployés par les législateurs pour amener les parties à l'instance à circonscrire dès le début de celle-ci les démarches procédurales et la durée requise de même que la tenue d'une conférence de gestion, au choix du juge, très tôt dans le processus judiciaire. Toutefois, l'obligation d'établir un protocole de l'instance dans les 45 jours de la signification de l'avis d'assignation est, selon nous, difficilement réalisable, compte tenu des aléas de la pratique et puisque le domaine du droit est vaste, diversifié et parfois complexe. Certains éléments contenus au protocole ne pourront alors être définitifs, selon nous, et se traduiront plutôt par des estimés.

En définitive, le Jeune Barreau aimerait réitérer qu'il accueille positivement la présente réforme du Code de procédure civile. En effet, plusieurs objectifs et moyens recherchés sont louables et prometteurs. Le Jeune Barreau de Québec est disposé à travailler de concert avec le ministère de la Justice afin d'apporter des améliorations à l'avant-projet de loi pouvant tenir compte des réalités de nos membres. Les quatre sujets abordés dans le mémoire reflètent essentiellement les préoccupations des membres du Jeune Barreau de Québec.

Nous vous remercions de nous avoir permis d'exposer les préoccupations de nos membres et pour l'attention et la prise en considération de ceux-ci. Nous sommes confiants sur le fait que nos propositions sauront permettre d'atteindre plus rapidement les objectifs visés par l'avant-projet de loi sur la réforme du Code de procédure civile. Merci.

**(9 h 50)**

La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci beaucoup, Me Paré. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre.

M. Fournier: Merci beaucoup, Me Paré et tous ceux qui vous accompagnent. Merci d'être avec nous, d'avoir pris le temps de regarder l'avant-projet de loi et de nous faire vos commentaires.

Je vais revenir tantôt sur les particularités que vous avez soulevées, vous aviez un intérêt particulier sur certaines questions. Sur les dépens, entre autres, et aussi les Petites Créances, ça m'intéresse de discuter avec vous.

J'aurais une question préalable. Vous n'êtes pas sans savoir, évidemment, que -- vous l'avez dit vous-mêmes d'ailleurs -- l'objectif, c'est l'accès à la justice. Alors, je vais prendre des mots qui ont été utilisés par d'autres intervenants autour de cette table dans les derniers jours. L'accès à la justice dans ce qu'on appelle la justice traditionnelle, c'est, entre autres, la question des délais, la question des coûts, et vous les avez abordées. D'ailleurs, le mémoire porte là-dessus, je crois. C'est ce que j'ai compris, c'est ma perception. Par contre, l'accès à la justice, via cet avant-projet de loi, c'est aussi l'accès à la justice d'une autre formule, la justice dite participative, enfin, plein de noms lui ont été donnés -- on a même considéré de faire la différence ou faire l'analogie avec la salade traditionnelle et la crémeuse, alors ça vous donne une idée -- mais quand même pour dire qu'il s'agissait bien d'un autre type qui demande une contribution différente des parties, et qui apporte une solution différente, et qui s'inspire de normes différentes.

Cette question qui est très importante dans l'avant-projet de loi, c'est pour ça que je m'y intéresse un petit peu -- je sais, votre mémoire s'y intéresse un peu moins, mais c'est l'essence de ma question -- on a eu des présentations à l'effet qu'il fallait développer une nouvelle culture ou qu'il y en avait déjà une, nouvelle culture qui envisageait cette forme de justice participative. On a chacun relaté un peu... -- on n'a pas tous le même âge -- chacun relaté l'époque où nous avons été formés, où il n'y avait franchement pas beaucoup de place à la... -- enfin, je peux parler pour moi -- non seulement pas beaucoup de place, pas du tout de place à la justice participative. C'est un concept qui n'était pas présenté, je n'oserais pas dire qu'il n'existait pas mais en tout cas qui n'était pas présenté, et on a cru comprendre que maintenant il l'était chez ceux qui étaient formés. D'ailleurs, le Barreau compte dessiner le portrait de l'avocat de 2021, je crois, dans lequel il y a une bonne teneur en justice participative.

Est-ce que je me méprends, lorsque je lis votre mémoire, pour comprendre -- je vais vous offenser un petit peu pour que vous puissiez réagir -- que cette culture nouvelle de justice participative ne vous a pas encore envahis parce que vous vous êtes surtout intéressés à la procédure de la justice traditionnelle?

Mme Proteau (Joanie): Non, au contraire. La justice participative, en fait -- je vais parler pour nous quatre ici -- dès notre formation au baccalauréat et ensuite notre formation professionnelle au Barreau, on est initiés à... et la réalité de notre pratique aujourd'hui, l'exigence de nos clients fait en sorte qu'on n'a pas le choix de s'y intéresser. Maintenant, dans l'avant-projet de loi, si, dans le mémoire, on n'en a pas parlé, c'est qu'on est d'accord et on reçoit positivement les propositions qui ont été faites, là, dans l'avant-projet de loi.

M. Fournier: Merci. Vous voyez, une chance qu'on communique, parce que j'aurais perçu ça négativement.

Quand vous me parlez que vous y êtes formés, que les citoyens vous en demandent, êtes-vous capables de me dire jusqu'où il y a une telle pénétration chez vos clients et dans votre pratique quotidienne? Est-ce qu'effectivement la justice participative est plus qu'un concept pour lequel on reçoit une formation et plus qu'un désir du client mais que, dans la réalité de tous les jours, vous en faites pour vrai dans une bonne proportion?

Mme Proteau (Joanie): Je travaille dans un milieu assez traditionnel du droit, je travaille en responsabilité civile, et ça vient également des clients et des plus jeunes avocats, si je parle pour mon cabinet, pour mon expérience personnelle. Les clients sont de plus en plus critiques, souhaitent des solutions rapides, à moindre coûts de leurs dossiers, et la négociation raisonnée, donc une forme de justice participative, en fait partie. Et c'est souvent amené par les jeunes avocats, qui en entendent parler, reçoivent des formations. Le Jeune Barreau de Québec a d'ailleurs donné une formation la semaine dernière avec des avocates rompues à la justice participative, puis il y a eu un bon taux de participation.

Donc, tranquillement pas vite, ça fait vraiment partie de notre pratique à tous les jours, et on amène tranquillement les associés des divers cabinets avec qui on travaille, des avocats qui sont peut-être moins connaissants en cette matière-là ou qui ont moins tendance à recourir à la justice participative d'emblée, parce que justement on est sensibilisés à ça et que les clients nous demandent: Est-ce qu'il y a un autre moyen que le procès pour parvenir à une entente dans notre dossier?

M. Fournier: Quand les gens vous le demandent, est-ce que c'est parce qu'ils sont déjà... Je comprends qu'ils ne sont pas déjà au courant, ils arrivent avec une... Je fais l'hypothèse, là, je veux que vous me le décriviez un peu, parce que la question qui s'est posée, c'est -- je prends l'exemple de mon voisin: Est-ce que le citoyen, de manière générale, est au courant qu'il peut accéder à un type de justice un peu différente de la traditionnelle? Est-ce qu'il arrive dans votre bureau en disant: Écoute, moi, j'aimerais ça qu'on essaie la médiation, qu'on essaie... ou il arrive en disant: Écoute, j'ai un problème, peux-tu me le régler, puis il ne faut pas que ce soit trop long? Et c'est-u à partir de là que vous lui dites: Bien, maintenant il y a d'autres outils? Comment ça se présente?

Mme Proteau (Joanie): Ça se présente surtout de la deuxième manière, on nous demande d'être imaginatifs, et le citoyen est de plus en plus informé et connaît qu'il existe maintenant ce genre de possibilité de régler les dossiers. Donc, certaines fois, c'est une demande expresse des clients, nos membres nous le rapportent par ailleurs: Trouve-moi une solution facile, simple et efficace à mon litige. Je ne veux pas m'embarquer dans un long processus d'un débat avec avocat, donc est-ce qu'il y a possibilité de régler rapidement mon litige? Et parfois c'est les jeunes avocats eux-mêmes qui le proposent à des clients qui ont une culture peut-être un peu plus traditionnelle de la justice.

M. Fournier: Le concept du jusqu'au-boutisme est moins présent chez le client, qui, dans certaines approches traditionnelles, pourrait dire: C'est moi qui ai raison, ou: L'autre, c'est un écoeurant, puis on va l'avoir jusqu'au bout? Excusez-moi le type de langage, mais il me semble avoir déjà entendu ça, je le répète mot à mot.

Mme Proteau (Joanie): Ça dépend du type de dossier. Des fois, dans certains dossiers, c'est une question de principe. Je travaille notamment en droit des assurances, donc parfois, s'il y a une question qu'on souhaite trancher, donc, le tribunal s'avère être la meilleure solution pour avoir une idée définitive puis une solution complète du litige. D'autres fois, ce sont des litiges entre particuliers, et là la justice participative est tout indiquée.

M. Fournier: Merci beaucoup, c'est intéressant. Allons donc dans les différents aspects. Je vais commencer par les dépens, parce que je ne pense pas qu'on en ait parlé jusqu'ici depuis... quatrième journée maintenant, là.

Essentiellement, il y a une dynamique un peu différente qui n'est pas juste liée à l'avant-projet de loi, là. Déjà, ça se vit, une participation accrue du juge. La question de la proportionnalité n'est pas de l'avant-projet de loi, elle date, dans le fond, de la dernière réforme, elle est en application. Il y a un certain suivi des parties. On espère qu'il soit encore plus grand, que le juge s'y implique davantage et que ce ne soit pas par les dépens qu'il y ait un suivi de la proportionnalité mais bien par l'implication du juge, notamment.

À partir de là, il y avait, dans les dépens, une certaine question de non-prévisibilité. Déjà que sur la conclusion, dans la justice traditionnelle, ce n'est pas prévisible, il y a un affrontement, il y a une décision finale, il faut peser la preuve, d'ajouter à cela une autre mesure qui n'était pas prévisible pour les gens, de savoir: Jusqu'où dois-je aller dans les moyens que je prends moi-même, que je mets de l'avant?, puisqu'avant la succombance le juge peut changer, maintenant on met la règle initiale étant: Chaque partie paie ses frais, mais le juge peut encore intervenir, donc on se trouve toujours avec un moment où le juge peut changer la règle de base.

En quoi la modification... Évidemment, c'est inversé complètement, là, mais le pivot central reste le même, donc on peut se retrouver avec le même nombre de conclusions. En quoi c'est, selon vous, une mesure inefficace et inutile, puisque j'y trouve au moins un cachet de prévisibilité, minimalement?

**(10 heures)**

M. Barsoum (Jad-Patrick): En fait, vous l'avez vous-même dit, on a un renversement du fardeau. Jusqu'à aujourd'hui, la règle veut que le justiciable qui gagne sa cause se voie octroyer les dépens. À partir de demain, on voit l'inverse s'instaurer. Et le meilleur parallèle que je peux faire, c'est les articles 54.1 et suivants, les articles sur la loi... Ces articles-là ont été instaurés il y a peut-être deux ans et, depuis ce temps-là, ils sont appliqués avec tiédeur. Et c'était ce même genre d'article qu'on voyait à la discrétion du juge, et il y a plusieurs courants jurisprudentiels aujourd'hui sur ces articles-là, et le parallèle qu'on a fait, c'est: Est-ce que, demain matin, la règle des dépens deviendra la même que la règle du 54.1, avec plusieurs courants jurisprudentiels, avec un débat qui deviendra inéquitable pour le justiciable?

Le justiciable, quand il rentrait dans l'arène du jeu, il voyait déjà avec au moins, si jamais il pensait qu'il avait raison, cette règle des dépens qui était en sa faveur. Maintenant, c'est seulement s'il y a comme une preuve de mauvaise foi qu'il faudrait instaurer pour qu'on se voie octroyer les dépens. Je pense que c'est beaucoup trop lourd pour le justiciable, et c'est vraiment dans cette optique-là qu'on a peur que l'application se fasse avec tiédeur et que ça devienne un peu contre-productif.

M. Fournier: Sur l'ensemble de l'oeuvre, pour le client, si on devait en parler pendant quatre heures, là, est-ce qu'on accorderait trop d'importance à la question des dépens, considérant... Lui, lorsqu'il regarde son portefeuille, là, frais judiciaires et extrajudiciaires, franchement, ça sort du même compte de banque, alors il s'y perd un peu dans tout ça.

Considérant la facture totale qu'il a à payer, vous diriez que... Je sais bien que chaque cas est différent, puis ça dépend, mais est-ce que c'est un impact si grand, le dépens, sur sa facture totale?

M. Barsoum (Jad-Patrick): Pour le client qui est plutôt en défense ou le client qui amende ses requêtes, je vous donnerais l'exemple du 1 % sur le 100 000 $ excédentaire. Quelqu'un qui a une poursuite qui pèse contre lui de 500 000 $, et que, du jour au lendemain, l'autre partie décide d'augmenter celle-ci à 900 000 $ ou à 1 million de dollars, il y a l'épée de Damoclès du 1 million, que je me fais poursuivre pour 1 million. L'avocat se doit, dans ses négociations avec son client, de lui expliquer les tenants et aboutissants de chaque amendement qu'il pourrait faire à sa requête. Ce 1 % là, on parle de 10 000 $, 15 000 $, 20 000 $, et ces frais-là peuvent peser dans la balance de la bonne ou la mauvaise foi, et celle-ci pourrait ne jamais être mise en preuve ou très difficilement lors du procès: Bien oui, il a augmenté sa requête à 900 000 $ pour simplement stresser le dossier, parce que, s'il arrive à faire le moindrement une preuve que c'était pour les dommages punitifs ou... une preuve quelconque, ce 1 % ne serait pas appliqué. Et voilà ce qu'on verra demain matin, c'est qu'on aura de la difficulté à jauger les poursuites et les amendements parce que ça ne deviendra plus la règle. Aujourd'hui, c'est la règle, le client se doit de le savoir. S'il augmente sa requête, il voit ce 1 % là qui pourrait être octroyé contre lui si jamais il perd. Ça, c'est l'exemple le plus concret, là, que je pourrais peut-être vous donner.

M. Fournier: Je ne suis pas très familier avec les dépens. S'il gagne, alors est-ce que quelqu'un a avantage à augmenter ses réclamations, celui, par exemple, qui serait doté d'un portefeuille ou d'une poche un peu plus profonde, ne serait-ce que pour... un peu comme au poker, on essaie d'écarter les gens de la table? Est-ce que, puisque celui qui gagne remporte les dépens, il amène l'autre à avoir une augmentation de ses dépens à payer, s'il envisage de perdre, là, tu sais?

M. Barsoum (Jad-Patrick): Bien, en date d'aujourd'hui, si jamais il y a une augmentation, il sait qu'il est pris avec le piège du 1 %, donc c'est déjà son esprit de négociation, mais demain matin il peut l'augmenter, il n'est pas pris au piège de ce 1 %. Il sait que maintenant il a la main, le justiciable qui a la poche plus profonde a le grand bout du bâton. Il sait qu'il n'a pas le 1 % qui pèse contre lui et il sait qu'il pourra utiliser ça comme négociation avec l'autre partie, et je pense que c'est un peu à l'inverse de la vision, là, de l'avant-projet de loi. On veut que ce soit moins coûteux, puis le plus facile, et dans une justice participative. Donc, si je garde mon 1 %, je vais y penser avant de changer ma requête, avant de l'augmenter, parce que je vais bien me la fonder en droit. Je ne dis pas que ça sera non fondé en droit demain matin, mais je dis juste qu'on est en train de renverser ce fardeau-là, qui pourrait amener... On ouvre la porte à ce genre de débat, et je pense que ça va annuler tout le concept du projet de loi qu'on a devant nous.

M. Fournier: On a peut-être le temps d'aller à...

La Présidente (Mme Vallée): Bien, si vous voulez faire... Ça dépend de ce que vous voulez. On est rendus à 14 minutes, là.

M. Fournier: Ah! Excusez. Bien oui, mais dites-le-moi.

La Présidente (Mme Vallée): Bien, c'est parce que vous étiez engagés puis...

M. Fournier: D'accord, d'accord, d'accord.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Alors, je suis heureuse de vous accueillir à mon tour. Merci d'être là, d'avoir pris le temps. C'est important d'entendre la relève, parce qu'on nous parle beaucoup, beaucoup de changement de culture, l'avant-projet de loi vise un changement de culture, mais on nous parle aussi des acteurs, au-delà des justiciables puis de ce que le législateur peut faire, des acteurs de premier plan dont vous êtes, puis vous représentez la jeune génération. Donc, je suis heureuse d'entendre ce que vous dites, qu'il y a plus de sensibilisation, donc, aux modes privés pendant les études, parce qu'il y a encore 10 ans, 12 ans ce n'était pas le cas. Alors, tant mieux si ça progresse.

Juste pour peut-être poursuivre sur la question des frais de justice, vous avez dit tantôt quelque chose, Mme la Présidente, qui... Je voudrais juste que vous expliquiez. Vous avez dit que le fait que les parties assument chacune leurs frais pourrait nuire au recours aux modes privés, donc aux modes alternatifs de règlement -- ou peut-être que j'ai mal compris, là -- comme s'il n'y aurait pas un incitatif qui peut exister à l'heure actuelle, en ayant l'épée, de dire: Je vais peut-être devoir tout payer, donc peut-être que je vais les considérer plus sérieusement. Je voulais juste comprendre le...

M. Tanguay (Christian): Oui, absolument. La prétention qu'on a amenée, c'est qu'en ayant la non-prévisibilité qui existe actuellement dans les dépens, du sens que, si tu perds ta cause devant le tribunal, tu auras à assumer les dépens, ça devient un levier incitatif à tenter de régler le litige à l'extérieur des tribunaux et du mode traditionnel des contestations. Donc, nous, on le voit... Déjà, la règle étant que la partie qui succombe aura à payer, en réglant tu élimines déjà ce risque de devoir payer les frais additionnels. Donc, nous, on voit la règle actuelle comme étant un levier pour favoriser les modes alternatifs de règlement de conflits plutôt que la suggestion qui est amenée par l'avant-projet de loi.

Mme Hivon: Merci, je comprends bien. Pour la question des Petites Créances, donc, je sais que, le Jeune Barreau, c'est une question qui vous préoccupe beaucoup. Il y a différents services qui ont été développés, d'accompagnement, au fil du temps. C'est certain que, quand on hausse aussi significativement le seuil, la question de l'accompagnement se pose, je pense, avec une certaine intensité.

Ceci étant dit, je pense qu'il y a cette tradition-là d'absence des avocats formelle lors des auditions aux Petites Créances. Je pense que c'est un principe qui est relativement bien accepté. Vous proposez un changement. C'est certain que je veux vous entendre là-dessus, je vous dirais, à différents égards, un, comprendre pourquoi il faudrait aller jusqu'au formalisme de permettre l'avocat, donc de changer la pratique qui date d'un bon moment, versus un accompagnement qui pourrait être plus souple, du pro bono, des gestes qui sont déjà posés. Donc, je voudrais comprendre pourquoi, pour vous, ça vous apparaît si important.

Mme Proteau (Joanie): Pour le pro bono, le Jeune Barreau a d'ailleurs un service pro bono dans les... Avant l'audition, environ 30 jours avant l'audition, on rencontre les justiciables qui se sont inscrits à notre service pour les préparer à l'audience, et, malgré ce 30 minutes là qu'on offre aux justiciables -- moi, j'en fais encore, des consultations -- je sens la crainte, je sens le stress, je sens parfois leur inquiétude face à leur manque de connaissances juridiques, là, sur la procédure et sur le fond également. Et on est là vraiment pour essayer de leur expliquer ce qu'est le déroulement d'une instance et leur fardeau de preuve sans trop s'immiscer dans la preuve qu'ils devront faire, mais je sens chez eux leur inquiétude.

Deuxièmement, fréquemment, leur créance, ils l'ont réduite de beaucoup. Parfois, j'ai des gens qui ont une réclamation de 40 000 $, notamment en vices cachés on le voit fréquemment, et, par souci de rapidité ou plutôt de coût, ils préfèrent se représenter seuls et diminuer leur réclamation à 7 000 $. Maintenant, si on augmente le seuil jusqu'à 15 000 $, jusqu'où iront les justiciables dans la diminution de leurs propres créances et à quels risques s'exposeront-ils, sachant que les Petites Créances, c'est final et sans appel?

Donc, c'est la préoccupation qu'on a, et on croit qu'il y a des mesures qui peuvent permettre aux justiciables d'avoir recours à l'avocat, non pas de l'imposer. Il y a effectivement une culture, les gens savent par ailleurs que les Petites Créances, c'est sans avocat, mais, en le leur permettant, je ne pense pas que 100 % d'entre eux choisiront de requérir les services d'un avocat, sauf que ceux qui ont une cause peut-être plus importante... Parce que parfois c'est surprenant comment les questions en litige sont complexes, voire fondamentales et au coeur de la préoccupation de certaines personnes. Donc, lors de ces questions-là, les justiciables pourront choisir d'avoir un avocat. Et on peut entrevoir avec le ministère de la Justice, comme on l'a fait dans notre mémoire, une foule de possibilités pour baliser le recours à l'avocat, notamment le tarif qu'il pourrait se voir octroyer ou d'autres mesures... ou encore mettre sur pied un service de référence, une banque d'avocats disponibles pour répondre aux besoins particuliers de ces justiciables-là.

**(10 h 10)**

Mme Hivon: Je comprends la logique ou le souci qui vous anime, mais vous êtes conscients qu'à partir du moment où il y a un avocat, même si c'est limité, même si c'est encadré, c'est quand même des coûts additionnels. Et, à partir du moment où, oui, il n'y a pas d'obligation, bien sûr... On le voit d'ailleurs devant les tribunaux pour des causes beaucoup plus importantes, le phénomène des justiciables qui se représentent par eux-mêmes, et ce n'est pas toujours souhaitable, mais le fait est qu'aux Petites Créances, si une partie est représentée, l'autre ne l'est pas, ça crée aussi un certain nombre de problèmes, le rôle du juge dans tout ça.

Donc, de ce point de vue là, est-ce que vous ne pensez pas qu'il pourrait y avoir des coûts supplémentaires, donc un frein important? Aussi, est-ce que le rôle du juge ne serait pas modifié? Parce que, de ce que je comprends de la pratique au quotidien, le juge est beaucoup plus interventionniste en matière de Petites Créances, il prend ce rôle-là du fait de l'absence de représentation des parties. Différemment, s'il se retrouvait face à des parties désormais plus représentées, est-ce que ça ne changerait pas un peu la culture puis la pratique dans l'ensemble, plus la question des frais, bien sûr?

Mme Proteau (Joanie): Je pense qu'il faudrait faire confiance à la bonne foi des avocats qui choisiraient d'agir comme représentants des parties aux Petites Créances. Nous aussi, les avocats, on sait qu'aux Petites Créances, généralement, il n'y a pas d'avocat. Alors, je ne pense pas qu'un avocat qui agirait pour une partie le ferait de la même manière qu'il le ferait dans un litige de 1 million, 2 millions de dollars sur des secrets commerciaux d'entreprise, par exemple. Il va plus jouer un rôle d'accompagnateur, il modérera ses interventions eu égard aux coûts de la procédure aux Petites Créances.

Mme Hivon: Et vous parlez, dans votre mémoire, peut-être de miser sur les avocats, par exemple, de 10 ans et moins de pratique ou... Puis tantôt vous avez dit: Il pourrait y avoir plein de modalités possibles.

Pouvez-vous nous donner un peu les idées qui vous trottent dans la tête, là? Je ne vous en tiendrai pas rigueur si ça peut évoluer au fil du temps, mais juste pour voir un peu comment on pourrait réfléchir à un service comme ça.

Mme Proteau (Joanie): Lorsqu'on y a réfléchi en plénière, on s'est un peu demandé si on pourrait faire un parallèle avec l'aide juridique, où il y a des tarifs précis, où on prévoit certaines tâches notamment en matière pénale et en matière civile. Donc, c'est un peu ce pendant-là qu'on pourrait voir instauré aux Petites Créances par règlement, en disant: Pour de telle tranche de dollars à telle tranche de dollars, on aura certaines heures accordées, le rôle de l'avocat se limitera à un accompagnement lors du procès.

Donc, c'est vraiment préliminaire comme suggestion, mais néanmoins on pense qu'il y a un éventail de possibilités qui peut être possible, donc, de revoir le rôle de l'avocat aux Petites Créances. Le juge, qui est d'office très interventionniste généralement et qui a le souci d'accompagner les parties, pourra aussi faire un peu de la gestion comme il le fait dans la chambre civile régulière, c'est-à-dire ne pas permettre nécessairement aux avocats de faire une preuve non nécessaire, s'il fait face à une partie représentée, et, à une partie non représentée, voir aux intérêts de la partie non représentée comme il le fait déjà par ailleurs actuellement aux Petites Créances, là. Il accompagne chacune des parties. Parfois, il se trouve devant une partie qui représente une compagnie qui, elle, a l'habitude d'agir aux Petites Créances, vis-à-vis un justiciable que, lui, c'est sa propre cause et c'est la première fois qu'il se présente devant le juge.

Mme Hivon: Et tantôt vous parliez, comme élément qui vous motivait à faire cette proposition-là, le stress ou l'inquiétude que vous sentez, par exemple, quand vous faites des consultations via le service d'accompagnement. Est-ce que vous pensez que, si on met de l'avant une volonté plus grande de démystifier tout ce qui est présence au palais de justice, comme par exemple avec des initiatives comme Éducaloi, maintenant les centres de justice de proximité qui devraient avoir ce volet-là aussi de rencontrer les citoyens pour donner de l'information, peut-être un service d'accompagnement aussi carrément pour leur montrer comment ça fonctionne, tout ça, on n'est pas capables par d'autres moyens d'essayer de réduire les inquiétudes et de peut-être jumeler ça avec un service d'accompagnement pro bono, je dirais, plus, là, ou amélioré?

M. Barsoum (Jad-Patrick): En fait, notre vision par rapport aux Petites Créances et à l'accompagnement, c'est très large. On voulait mettre dans l'idée du législateur qu'entre 7 000 $ et 15 000 $ c'est quand même une très grande majoration, on double, un peu plus qu'on double. Il faut comprendre qu'aujourd'hui, à 15 000 $, il y a des dossiers où est-ce que c'est deux avocats qui sont dans les dossiers devant la Cour du Québec. Donc, on permettrait au contribuable, au justiciable de se faire représenter par avocat -- ça aussi -- à moindres coûts et on laisse l'entière discrétion au législateur de choisir quel genre de coût. On pourrait concentrer le travail de l'avocat, donc on parle notamment un prix forfaitaire, on parle notamment un montant qui ne pourra pas être dépassé.

Il ne faut pas oublier non plus qu'il n'y a pas de procédure... la procédure est beaucoup plus légère en Cour du Québec, division des Petites Créances. Donc, il ne faut pas avoir peur de la complication du dossier devant les Petites Créances, je veux dire, la procédure va rester qu'est-ce qu'elle est, mais le droit, lui, ne changera pas, qu'on soit aux Petites Créances ou qu'on soit à la Cour du Québec, et c'est dans cette vision-là qu'on voulait percer votre intérêt sur la représentation par avocat.

Pourquoi moins de 10 ans? Parce qu'on pense que c'est l'école des avocats, et, dans leurs 10 premières années de pratique... On apprend à l'école, mais on apprend à la pratique. Pas juste dans les grands centres mais dans les petits centres régionaux, il y a beaucoup de dossiers qui peuvent être utilisés par des avocats de 10 ans et moins de pratique, et ça peut aussi être une école. Donc, c'est un parallèle entre une éducation postscolaire et aussi l'aide au citoyen, qui, lui, se verra un peu moins stressé dans sa cause de 15 000 $ et mieux accompagné, peut-être.

La Présidente (Mme Vallée): Est-ce que... Bien, en fait, on est rendus à 11 min 15 s. M. le ministre.

M. Fournier: Merci. Puis merci de toucher à ce point-là, là, parce que vous avez tout à fait raison. D'abord, tout le monde le sait, 7 000 $ à 15 000 $, ce n'est pas une petite modification, elle est substantielle. Et elle est là parce que justement on considère que, dans la panoplie de mesures favorisant l'accès, bien, c'en est une qui est assez importante.

Ça ne veut pas dire qu'elle n'a pas d'effet. C'était ma première lecture, et on les relit puis on va plancher sur tout ce qui sera dit. Ma première réaction -- ça ne va pas vous surprendre -- n'était pas d'ouvrir la porte à la représentation par avocat à la Cour des petites créances, je le voyais plutôt comme dénaturer la cour ou de dire une chose et son contraire en même temps: J'augmente la juridiction à 15 000 $, mais finalement je transforme à partir de 10 000 $ la même cause. En lisant, j'étais un petit peu... enfin, un peu rébarbatif à l'idée, ce qui ne veut pas dire que je n'étais pas à l'écoute de ce qui était sous-jacent à l'idée, à savoir qu'il est vrai... On est suffisamment avisés que les gens réduisent leurs créances pour pouvoir avoir accès à ça. Alors, évidemment, si tu augmentes la juridiction, on peut imaginer, en tout cas on peut au moins prétendre qu'on va même aller encore plus loin dans le type de créance qui... bon, d'où l'idée de l'accompagnement.

Vous en faites déjà pro bono, ce qui est un tarif assez bas, pro bono. Il y a un bon écart entre le tarif pro bono et un tarif démesuré. Qu'est-ce qui empêche le Jeune Barreau ou quiconque d'offrir un accompagnement et jusqu'où nous devons intervenir? Indiquez-moi jusqu'où on doit intervenir pour offrir ce type d'accompagnement qui ne serait pas un accompagnement, là, on se comprend bien, en cour, mais une préparation, d'ailleurs rappelé par les juges eux-mêmes, hein, soit dit en passant, qui eux-mêmes nous disent: Oh, oh! Là, en ce moment, moi, je suis juge, mais je suis pas mal d'affaires en même temps, là, parce qu'il faut presque que je fasse la cause des deux qui sont devant moi. Ça commence à être pesant, on comprend bien. Mais jusqu'où on a besoin du ministère, par exemple, pour permettre à un concitoyen -- vous le faites déjà -- qui va chez vous puis qui fait une préparation... Allez-y.

**(10 h 20)**

M. Tanguay (Christian): Notre proposition parle, bien entendu, des services pro bono qui sont offerts actuellement mais va au-delà de ça. Le service pro bono est un service de consultation pour aider le justiciable à préparer son dossier. Ce que nous proposons à l'intérieur de notre mémoire, c'est plutôt de permettre au justiciable d'être représenté devant la cour pour les raisons qui étaient exposées par ma collègue, notamment le stress de se présenter devant un tribunal pour avoir à faire valoir son point, faire sa preuve et ultimement obtenir gain de cause ou encore avoir un jugement. La plus-value que nous y trouvons, c'est vraiment de diminuer le stress généré chez le justiciable dans la préparation et dans la présentation.

Au-delà de ça, il y a aussi un autre avantage que nous y voyons. Vous savez, dans les litiges, il y a souvent une grande part d'émotivité qui est présente dans la cause. Le justiciable peut avoir une perception d'injustice qui, une fois ramenée au rationnel, n'est pas tout à fait exacte. Le rôle de l'avocat, dans certains dossiers, pourrait ramener le tout au rationnel et permettre de désengorger le système judiciaire vis-à-vis certaines causes. Ce n'est pas un remède absolu, mais toutefois ça pourrait être une piste de solution et encore un moyen d'atteindre rapidement les objectifs visés par l'avant-projet de loi, c'est-à-dire la rapidité, l'efficacité et surtout des moyens non coûteux ou peu coûteux pour la représentation.

M. Fournier: Puis j'ai d'autres... Oui, je sais qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, mais je reviens sur l'accompagnement. Vous avez dit: Les inquiétudes sont à la préparation et la présentation, représentation, mais parlons de la préparation. En ce moment, juste en termes de préparation, je peux me tromper, mais n'y aurait-il pas un marché? Il y en a peut-être un aujourd'hui. Quand on parle du... Vous me parlez de la cause de 40 000 $ réduite à 7 000 $. À quelque part, il doit y avoir quelqu'un qui est allé consulter quelqu'un pour dire: Je fais quoi?, puis qui lui a dit: Bien là, si tu fais ta cause à 40 000 $, voici; si tu la réduis à 7 000 $, voilà. Il y a eu un accompagnement de préparation. On peut imaginer, en tout cas, que c'est arrivé.

On monte ça à 15 000 $. J'ai l'impression -- je vais parler en termes de marché -- qu'il y a un marché d'accompagnement, de préparation initial à la décision de réduire sa créance; deuxièmement, à la préparation du dossier lui-même. Sans l'intervention du ministère, sans l'intervention du contribuable, le justiciable peut choisir d'aller demander à un professionnel, 10 ans ou moins ou plus, de l'aider. N'y a-t-il pas un marché qui s'ouvre là sans la... à taux, évidemment, qui devra permettre que le marché se développe -- vous évoquez un taux plus bas -- donc à un taux plus bas fixé par le marché lui-même, qui peut s'ouvrir sans l'intervention à l'État? Et je ne parle pas de la représentation, je parle de la préparation.

Mme Proteau (Joanie): Souvent, le justiciable ignore... parce qu'il pense que l'interdiction est formelle et vise l'ensemble du dossier, donc, il pense qu'il ne peut même pas se faire accompagner pour la préparation, et fréquemment, au pro bono, lorsque j'en fais, et ce qu'on me rapporte parmi les avocats qui s'impliquent dans notre service, c'est que les gens nous demandent: S'il te plaît, pourrais-tu nous accompagner, pourrais-tu venir à la cour avec moi?, et malheureusement on doit leur répondre non, et ils sont inquiets. Ils disent: Mais tu ne pourrais pas juste venir pour me guider, me dire: Ah, tu as oublié de mentionner telle chose, puis: Malheureusement non, vous devez vous représenter seul. Ah oui? Mais ma cause est importante, vous savez. Oui, on comprend tout à fait, mais malheureusement vous ne pouvez pas.

Et, si on regarde à l'extérieur du Québec ce qui se fait, notamment en France, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et en Floride, parfois, pour des montants supérieurs à ce qu'on propose ici, 15 000 $, la représentation par avocat est permise dans ce qu'on appellera leur Cour des petites créances.

Donc, ici, c'est ce qu'on propose, c'est de permettre aux gens d'avoir recours aux services de l'avocat puis évidemment d'une façon allégée. Comme mon confrère l'a dit, la procédure aux Petites Créances l'est déjà beaucoup, la procédure écrite est peu présente, les contestations sont très courtes, et, même si c'est prévu, il n'y a pas vraiment de moyens préliminaires qui sont plaidés. Donc, ça reste essentiellement une procédure allégée.

M. Fournier: Bien, j'en tire quand même la conclusion qu'à vous écouter il y a des gens qui pensent qu'ils ne peuvent pas être aidés à la préparation. Je pense qu'il n'y a rien qui empêche d'être aidé à la préparation. Donc, déjà, si cela était plus connu, ce serait déjà un élément.

Je comprends que vous dites: Mais, s'il faut qu'on commence à en préparer, imaginez tous ceux qui vont dire: Prépare-moi un petit peu plus en venant avec moi, mais là j'ai l'impression qu'on est en train de changer de registre. Je comprends bien que, si on permet à un d'être représenté par avocat, il y aura déséquilibre, et l'autre le fera aussi, et là on a peut-être perdu un petit peu de l'idée.

La Présidente (Mme Vallée): Malheureusement, M. le ministre...

M. Fournier: ...la fin de mes idées.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Peut-être juste pour poursuivre puis en le prenant d'une approche inverse, plutôt que de développer le marché, je dirais, qui rémunère, ma question, c'est... Et loin de moi l'idée de penser que vous ne faites pas de pro bono, je sais à quel point les jeunes barreaux sont actifs pour l'accès à la justice et le pro bono. Mais est-ce qu'il y a, je dirais, une saturation? Est-ce que vous manquez de gens qui, par exemple, sont prêts à donner des heures pro bono pour la préparation, puis tout ça?

Puis je vous amène à une autre idée, parce que, oui, s'il y a des endroits où la représentation par avocat est permise, c'est vrai, il y a des endroits, par exemple, dans le monde, je pense à la Belgique, où les membres des jeunes barreaux doivent obligatoirement donner des heures pro bono dans une année. C'est vu comme une formation à leur pratique et en même temps ça aide, dans des instances où les causes sont assez simples, des personnes, bon, plus vulnérables, tout ça.

Donc, est-ce que c'est quelque chose... Là, je le prends de l'autre côté. Je comprends que ça ne rémunère pas beaucoup de faire du pro bono systématique, mais je veux comprendre. Est-ce qu'il y a beaucoup, quand même, de jeunes avocats qui en font? Est-ce que vous rencontrez la demande quand les gens appellent au service de référence? Et, sinon, je me dis: Est-ce que c'est une avenue... Je comprends qu'on est à l'inverse de ce que vous nous proposez mais qu'on pourrait examiner aussi de dire: Ça fait partie un peu d'une formation, et les jeunes avocats doivent donner un certain nombre d'heures pro bono... ou les avocats en général, et donc ça pourrait être en lien avec les Petites Créances.

Mme Proteau (Joanie): Il y a des gens conseillés notamment par l'Association du Barreau canadien de donner... je crois que c'est 50 heures par année en pro bono. Est-ce que tous les jeunes avocats qu'on représente le font? Je ne le crois pas. Est-ce que notre service est de plus en plus connu et est-ce qu'on y recourt de plus en plus? La réponse, c'est oui. Et, malgré le recrutement, malgré l'enthousiasme que j'ai pour ce service-là dont je m'occupe depuis plusieurs années, est-ce qu'on suffit à la demande? Tout juste. Et beaucoup d'avocats en prennent beaucoup sur leurs épaules, ce sont souvent les mêmes avocats qui sont enclins à donner de leur temps. Est-ce la triste réalité de la pratique? Peut-être. Est-ce une méconnaissance de la part de mes jeunes confrères du service? Peut-être aussi. Est-ce qu'on pourrait en parler davantage, du pro bono? Certainement. Sauf que la question est là, et le souci du justiciable demeure lors de l'ensemble de nos rencontres, c'est: J'aimerais en avoir plus et j'aimerais surtout qu'on m'assiste lors de ma cause, j'aimerais avoir un professionnel du droit avec moi. Oui, le pro bono, effectivement, c'est bon non seulement pour les jeunes avocats, mais pour tous les avocats, c'est très, très formateur, mais il y a quand même le désir chez le justiciable d'en avoir davantage, d'avoir accès à la possibilité d'être représenté lorsqu'il juge que le tout est approprié.

Mme Hivon: Et, dites-moi, il y a une autre réalité, aux Petites Créances, qui est la médiation aux Petites Créances et qui a l'air de ne pas connaître un essor très grand. Est-ce que c'est quelque chose que vous abordez avec les gens en leur disant: Bien là, oui, vous savez, il y a quand même cette possibilité-là, vous êtes en Petites Créances, il y a un service de médiation qui existe, c'est aussi une source potentielle d'intervention pour des jeunes médiateurs, avocats, tout ça? Est-ce que c'est quelque chose qui est discuté avec les gens que vous voyez?

Mme Proteau (Joanie): Lorsque les gens apprennent que notre service existe, c'est par l'envoi qui est fait de l'avis d'audition, donc on est tard dans le processus. Parfois, on les rencontre à la limite du 15 jours pour déposer une nouvelle preuve au tribunal. Je sais que maintenant, lorsqu'ils déposent aux Petites Créances leurs recours, ce sont les agents au greffe qui donnent cette information-là, qui avisent le justiciable qu'on peut cocher oui ou non à la médiation. Lorsqu'on intervient, le choix qu'on a fait, la manière qu'on a bâti notre service, qui est non pas de parler de l'ensemble du processus aux Petites Créances, mais de préparer les gens qui sont maintenant rendus à procès, on est trop tard dans le processus. Mais c'est certain que, moi -- je vais parler personnellement pour ce que je fais -- lorsque je rencontre les gens, la demi-heure que je fais avec eux, je leur mentionne qu'il est toujours possible de négocier, sauf qu'on est un peu tard dans le processus. Maintenant, la médiation, je crois qu'elle est abordée surtout lors de l'introduction de l'instance par le justiciable, via les greffes, et lors de la contestation par le défendeur.

Mme Hivon: Un autre point. Toute la question de l'informatisation, des moyens technologiques mais dans le réseau de la justice, donc dans les palais, tout ça, vous semblez trouver... bien, en tous cas, je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, ce n'est pas écrit comme ça, mais qu'il y a des efforts importants à faire et qu'on est peut-être un peu en retard.

Est-ce que vous estimez que c'est un frein important pour réduire les délais, les coûts? J'imagine que oui, mais quel serait le principal cheval de bataille? Est-ce que vous diriez qu'on est vraiment archaïques dans nos manières de faire, là, quand je vois qu'il n'y a pas le sans-fil dans les palais de justice?

M. Barsoum (Jad-Patrick): Effectivement, il n'y a pas de sans-fil dans les palais de justice. Et je n'ai pas essayé tous les palais de justice, là, mais, à ceux que j'ai essayés, il n'y a pas d'Internet sans fil. Le seul Internet sans fil qu'on retrouve, c'est dans les cafés, là, qui sont dans les palais de justice et/ou offerts par les barreaux qui sont installés dans les palais de justice, pour ses membres, là, pour qu'ils soient capables de taper une convention à la dernière minute.

Et le frein qu'il y a: par exemple, une partie qui doit changer sa convention en matière familiale à la dernière seconde, il doit la modifier pour être capable de l'envoyer au juge, pour être capable de l'entériner, il n'y a pas d'Internet sans fil, donc ils ne sont pas capables de le faire sur place, donc il y a une remise, et on augmente les délais. Le dossier monte vers la salle de cour, redescend à la salle de cour, revient à la salle de cour pour finalement avoir notre convention qui, si on avait Internet sans fil, aurait été faite en à peu près trois minutes, et sans coût supplémentaire, et dans une rapidité assez extravagante.

À votre question: Est-ce qu'on est archaïques?, la réponse, c'est oui. Les greffes et les palais de justice sont dotés d'un plumitif sur, je pense, DOS...

Mme Hivon: Ça, c'est... Oui.

**(10 h 30)**

M. Barsoum (Jad-Patrick): ...et je pense que... bien, pas juste le... Le plumitif, même, ce que le greffe utilise, c'est tout sur du DOS ou quelque chose qui ressemble à ça, un écran noir, et donc je pense qu'on est rendus, en 2012, au temps où est-ce que... Je sais que c'est fastidieux, je sais que ça va être difficile, mais je pense qu'on est rendus là et que... Ça peut coûter cher, mais je pense qu'on est rendus à l'étape où est-ce qu'il faut le faire. On est quand même en 2012, on est quand même dans une nouvelle ère de technologie. Et je prends l'exemple de la Régie de l'énergie, là. Comme ma collègue l'a mentionné, tout se fait par dépôt informatique, la cour fédérale aussi.

Donc, je pense qu'on est rendus là. Petit train va loin. On peut commencer par l'étape de l'Internet sans fil, des gens conscients, mais il faut que ça commence, il faut qu'on...

Mme Hivon: Qu'en est-il de la possibilité de déposer électroniquement? Parce que, là, vous dites à tout moment, là, que ce serait souhaitable, mais là qu'en est-il à l'état actuel de manière générale? Impossible?

M. Barsoum (Jad-Patrick): Le dépôt électronique?

Mme Hivon: Oui.

M. Barsoum (Jad-Patrick): Non, non, il n'y en a pas.

Mme Hivon: Mais...

M. Barsoum (Jad-Patrick): Il faut qu'on ait ce qu'on peut appeler en jargon un «court runner», là, qui vient chercher ta procédure, qui court au palais de justice, qui la met dans une minuterie puis la dépose dans un panier.

Mme Hivon: Mais j'étais sous l'impression qu'il y avait des projets pilotes. Pas là-dessus?

M. Barsoum (Jad-Patrick): Pas à Québec, en tout cas.

Mme Hivon: O.K. Bon. Puis peut-être dernier point. Hier, on a eu Me Ménard qui pratique en responsabilité médicale, là, de la santé. Il nous parlait de... Bon, le protocole d'instance, lui, il avait l'air à trouver ça très lourd, que l'étape où ça arrive dans le processus fait en sorte qu'il y a un paquet d'éléments prévus au protocole d'instance qui vont être difficiles à rencontrer par les parties. Ça fait que j'aimerais peut-être ça vous en parler un peu brièvement, là, mais il disait que c'est peut-être trop d'interventionnisme judiciaire du juge pas au bon moment, versus la conférence préparatoire où il dit que c'est là que vraiment... c'est sûr qu'on est plus loin mais que le juge, là, devrait vraiment intervenir, alors que, dans les faits, il dit que c'est une étape qui ne sert pas à grand-chose parce que l'intervention est vraiment limitée. J'aimerais vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Vallée): ...s'il vous plaît.

Mme Proteau (Joanie): Oui, absolument, Mme la Présidente. Le protocole de l'instance, la façon dont nous, on le voit, c'est qu'effectivement, dans le délai de 45 jours qui est imposé dans l'avant-projet de loi, ce sera un peu difficile pour les parties de prévoir l'ensemble de ce qu'on demande actuellement dans l'avant-projet de loi, notamment parce que peut-être que les parties ne seront pas toutes déjà appelées, il y aura peut-être des appels en garantie qui se feront par la suite, des interventions agressives ou volontaires. Donc, d'une part, ça, on fait un exercice un peu lourd qui devra éventuellement être changé si effectivement il y a d'autres parties qui s'ajoutent au litige.

Également, je suis d'accord avec mon confrère, Me Ménard, que c'est un peu difficile à réaliser au départ mais peut-être pas aller jusqu'à la conférence préparatoire pour revoir l'ensemble du dossier, qui est, en fait, la façon plus traditionnelle de voir la justice. On est conscients, au Jeune Barreau, que vous souhaitez qu'on fasse un pas, les avocats, et qu'on modifie nos façons de faire. À Québec se fait déjà la conférence de gestion hâtive où le juge fait un peu exactement le protocole de l'instance mais pas aussi formellement, il invite les parties à en discuter et fréquemment prévoira une deuxième gestion de l'instance plus tard que 45 jours, vers la mi-parcours du dossier, donc dans les 90, 100 jours, pour voir où le dossier en est. On est favorables à cette mesure-là, à cette façon de faire. Le juge se trouve au départ du dossier à inviter les parties à réfléchir aux interrogatoires, aux expertises, aux appels en garantie, aux interventions, aux moyens préliminaires, à la longueur de la défense, à la possibilité de l'oralité, laisse le soin aux parties de tracer les grandes lignes, en départ de dossier, de comment elles le voient. Fréquemment, un dossier, on pense qu'il prendra une tangente, et il en prend une autre, d'où la deuxième gestion qui se fait soit à la demande des parties, soit on peut entrevoir qu'elle se fera à la demande du juge qui a entendu la gestion hâtive, et là, à mi-parcours, déjà plus de parties sont présentes, le cas échéant, au litige, et on est plus en mesure de savoir où on s'en va avec notre dossier et qu'est-ce qu'on entend faire, est-ce qu'on souhaite le régler ou non. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Me Proteau. Alors, je remercie les membres du Jeune Barreau de Québec. Étonnée d'apprendre qu'on ne fait plus d'entente à la mitaine comme dans le bon vieux temps. Pourtant, il y a toujours des stylos et des petits bouts de papier. Alors, merci beaucoup.

Je vais inviter maintenant le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale à bien vouloir s'avancer. Nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 34)

 

(Reprise à 10 h 36)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, nous allons reprendre sans plus tarder avec les représentantes du Regroupement pour maisons pour femmes victimes de violence conjugale. Alors, Mme Villeneuve, Mme Riendeau, bienvenue à la Commission des institutions. Vous disposez d'une période de 15 minutes pour votre présentation.

Regroupement des maisons pour femmes
victimes de violence conjugale

Mme Villeneuve (Nathalie): Bonjour, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, messieurs mesdames. Merci de prendre le temps de nous recevoir et de nous entendre. Mon nom est Nathalie Villeneuve. Je suis la présidente du Regroupement des maisons pour les femmes victimes de violence conjugale, mais je suis aussi une travailleuse de maison d'hébergement depuis bientôt 20 ans. Mme Louise Riendeau est la responsable des dossiers politiques au regroupement et, elle aussi, depuis près de 20 ans.

Alors, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale existe depuis 1979. Il regroupe actuellement 49 maisons d'aide et d'hébergement répandues... réparties dans 16 régions du Québec. Pour l'année 2010-2011, les statistiques recueillies dans 46 des maisons membres indiquent qu'elles ont hébergé plus de 3 000 femmes et 2 400 enfants. 71 % de ces femmes avaient entre 18 et 14 ans, et 80 % des enfants hébergés avaient entre zéro et 12 ans.

À la fin de l'hébergement, plus de 50 % des femmes ne retournent pas avec leurs conjoints, elles se séparent, divorcent ou doivent régler la question des droits d'accès aux enfants. Elles sont directement visées par la section du projet de loi qui touche la médiation familiale. En plus des services rattachés à l'hébergement, les maisons offrent aux femmes de leur communauté et à leurs enfants des services de consultation, d'accompagnement et de défense de droits. En 2010-2011, les maisons ont répondu à plus de 53 000 demandes, soit environ 1 300 demandes par maison.

Le regroupement ne prend pas position sur l'ensemble du projet du nouveau Code de procédure civile, mais il tient à souligner les enjeux importants soulevés par le chapitre qui porte sur la médiation familiale. Afin de bien clarifier les risques que comportent les articles 414 à 421 pour une partie de la population, dont les femmes et les enfants victimes de violence conjugale, notre mémoire trace largement les contours de cette problématique.

Nous irons aujourd'hui plus directement à nos recommandations. Notre prise de position est appuyée par la Fédération des femmes du Québec et par L'R des centres de femmes. Elle s'appuie sur les éléments suivants.

La violence conjugale est un phénomène qui touche un grand nombre de femmes au Québec. La violence conjugale se poursuit même après la séparation. Elle a des impacts importants sur la santé et la sécurité des femmes qui la subissent mais également sur leurs enfants: celles-ci peuvent développer des problèmes de santé ou d'adaptation; souvent ils sont, eux aussi, la cible de la violence de leur père.

**(10 h 40)**

En ce qui concerne l'avant-projet de loi, nous saluons les objectifs poursuivis par cette réforme qui sont d'assurer l'accessibilité, la qualité, la célérité de la justice civile, l'application juste, simple, proportionnée et économique de la procédure, l'exercice des droits des parties dans un esprit de coopération et d'équilibre et le respect des personnes qui apportent leur concours à la justice. Toutefois, les sections I et II du chapitre sur la médiation familiale soulèvent plusieurs inquiétudes pour nous.

D'abord, à la lecture de l'article 414, on constate le caractère obligatoire des séances sur la parentalité et la médiation. Pourtant, en 1997, au moment d'adopter la loi sur la médiation familiale, le législateur avait prévu la possibilité d'être exempté de la séance d'information qu'on cherche aujourd'hui à remplacer par une séance d'information sur la parentalité et la médiation. Le regroupement s'oppose à ce changement et recommande que les femmes victimes de violence conjugale puissent non seulement se soustraire à cette séance de parentalité, mais qu'elles et leurs ex-conjoints soient informés que ces séances ne sont pas adaptées à leur réalité ni à celle de leurs enfants, car cette modification, si elle est adoptée, constituerait un recul considérable ainsi qu'une menace importante pour l'intégrité et la sécurité des femmes victimes de violence conjugale.

Le fait de permettre aux parties d'assister à des séances distinctes ou via tout moyen technologique ne suffit pas à réduire nos inquiétudes. En fait, c'est l'obligation créée et le contenu même de ces séances qui sont problématiques en présence de violence conjugale. Déjà en 1997, au moment des consultations sur le projet de loi n° 65 en médiation familiale, le regroupement s'opposait à la volonté de rendre la médiation obligatoire, et ce, afin que les victimes de violence conjugale puissent en être exemptées. Il est reconnu que la médiation n'est pas un mécanisme approprié pour régler la séparation ou le divorce en présence de violence conjugale, car les éléments nécessaires au succès d'une telle démarche, soit l'équilibre des forces en présence et la capacité de négocier d'égal à égal, sont absents, une partie étant toujours sous la menace de l'autre. Il est donc très difficile de comprendre pourquoi le ministère de la Justice, qui est co-responsable de la Politique d'intervention en matière de violence conjugale intitulée Prévenir, dépister, contrer la violence conjugale, tente de pousser les victimes de violence à faire appel à la médiation familiale, alors que c'est contradictoire avec les principes directeurs de cette politique, notamment: «La société doit refuser toute forme de violence et la dénoncer;

«La violence conjugale est criminelle;

«La sécurité et la protection des femmes [...] et des enfants ont priorité en matière d'intervention;

«Toute intervention doit tenir compte des effets de la violence conjugale sur les enfants et viser à les atténuer.»

Le regroupement, tout comme d'autres intervenants spécialisés en matière de violence conjugale, demande depuis longtemps au ministère de la Justice d'informer la population que la médiation familiale n'est pas recommandée en présence de violence conjugale. Ces dernières années, nous avons collaboré avec le Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale pour améliorer la formation des médiateurs et médiatrices familiaux. Grâce à ce projet financé par le ministère, une journée de formation continue a été offerte à quelque 330 d'entre eux. L'évaluation nous apprenait que 64,3 % des répondants ont utilisé au moins deux outils de dépistage depuis la formation et entre 29 % et 54 % des répondants les ont utilisés de façon régulière. Par contre, seulement 19 % d'entre eux mettent fin à la médiation lorsque la violence conjugale est dépistée. De plus, on réclame plus de formation pour pouvoir justement continuer le processus de médiation, ce qui, pour nous, met les femmes en danger.

Le regroupement croit que le législateur devrait profiter de la révision du Code de procédure civile pour instituer l'obligation pour les médiateurs de vérifier attentivement la présence de violence conjugale et familiale auprès des parties, et ce, de façon séparée. Et, sans brimer la liberté des parties d'utiliser la médiation familiale, elles devraient être informées du fait qu'il ne s'agit pas d'un processus approprié dans de telles situations, comme en témoignent plusieurs études.

Le tribunal devrait aussi être informé de ces enjeux. En effet, dans nombre de cas, la violence conjugale, qui est pourtant le motif de la séparation ou du divorce, n'est pas prise en compte ni même évoquée. Plusieurs avocats ou avocates n'en voient pas la pertinence. Le ministère de la Justice devrait donc encourager les avocats à informer le tribunal lorsque la victime dévoile avoir subi de la violence conjugale.

En ce qui concerne le contenu de la séance de parentalité et enjeux en violence conjugale, personne ne peut désapprouver l'objectif d'amener les parents à se centrer sur le bien-être de leurs enfants, à réfléchir aux impacts psychologiques qu'a sur ces derniers la séparation et à se souvenir qu'ils devront trouver un moyen de collaborer dans la poursuite de leur rôle de parent et le partage de l'autorité parentale. Cependant, ce contenu conçu pour répondre à la réalité des couples qui vivent un conflit et décident de le résoudre en se séparant n'est pas adapté à la situation des familles où sévit la violence conjugale. Dans un contexte de violence conjugale, bien que les enfants victimes puissent être déchirés face à la séparation de leurs parents, se blâmer et se sentir coupables de la violence vécue, ils font face à des enjeux réels de sécurité, puisque la violence conjugale se poursuit et qu'en raison de la séparation elle peut même passer par eux et s'exercer envers eux. C'est ce qui devrait être la priorité.

De plus, imposer aux mères victimes de violence conjugale d'assister à une séance de parentalité pourrait alimenter leurs doutes et les amener à remettre en question leur décision de rompre avec l'agresseur. Ce faisant, l'exposition des enfants à la violence conjugale serait prolongée, et les conséquences de cette exposition risqueraient de s'aggraver.

Mme Riendeau (Louise): En ce qui concerne la question de l'ordonnance de participer à la médiation, l'article 418 de l'avant-projet de loi prévoit que le tribunal peut à tout moment ordonner la médiation. Il prévoit par ailleurs que le tribunal devrait tenir compte de l'équilibre des forces en présence, de l'existence d'une situation de violence familiale ou conjugale, de l'intérêt des parties et des enfants. Cela ne nous rassure pas complètement. À voir comment les tribunaux, à l'heure actuelle, prennent peu compte de la question de la violence conjugale, nous croyons qu'il faudrait plutôt modifier le deuxième paragraphe de l'article 218 pour qu'il dise de façon très explicite que le tribunal ne devrait pas ordonner la médiation familiale en présence de violence familiale ou conjugale.

Par ailleurs, pour aider le tribunal, justement, à établir ou non la pertinence d'ordonner la médiation et, plus largement, pour prendre des décisions éclairées en regard de la garde et de l'accès aux enfants, nous croyons que le Québec devrait procéder à des modifications du Code civil, comme l'ont fait d'autres juridictions, pour y définir clairement quel est l'intérêt de l'enfant. Il y a beaucoup d'interprétations, à l'heure actuelle, sur la question de l'intérêt de l'enfant. On a vu qu'en Ontario on a défini cela et on a inclus dans les critères pour évaluer l'intérêt de l'enfant la présence de violence familiale et conjugale, donc on pense que c'est une modification qui devrait être faite. De plus, comme d'autres pays ou provinces l'ont aussi fait, on pense que le Québec devrait se doter de moyens pour évaluer si l'enfant sera en danger au moment où il verra son père, que ce soit pour des moments de garde ou des moments d'accès.

Cela est pour le projet de réforme du Code civil. Puisqu'on parle d'accès à la justice, on pense que d'autres éléments doivent aujourd'hui être abordés.

La réforme actuelle veut réduire les délais. Pour nous, c'est absolument important, mais on pense qu'il faut aller plus loin. Les ex-conjoints qui sont impliqués dans des situations de violence conjugale doivent souvent attendre plusieurs mois avant d'être entendus par le tribunal. Or, les longs délais avant d'obtenir un jugement créent un flou qui risque d'aggraver la situation, qui est déjà très conflictuelle ou dangereuse. En effet, tant que la situation et que les responsabilités des parents ne sont pas tranchées, les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants vivent dans l'incertitude et sont régulièrement les victimes du harcèlement de l'ex-conjoint, sans aucune protection juridique.

Le système de justice aurait effectivement tout intérêt à accélérer les procédures pour protéger ces femmes et ces enfants. Par conséquent, nous recommandons que la reconnaissance des contextes de violence conjugale et familiale par les intervenants du système de justice soit encouragée par différents moyens. On pense que les instances responsables de l'administration de la justice devraient informer et former davantage leurs professionnels sur la réalité de la violence conjugale afin qu'ils puissent dépister ces situations-là et intervenir de manière appropriée, on croit aussi, comme ça peut être le cas... Il y a des actes d'accusation privilégiés, je crois, en criminel. On croit que des voies rapides pourraient être prévues dans le traitement de certains litiges familiaux quand il y a des cas de violence ou de conflits très graves.

On pense aussi que les tribunaux, qui malheureusement le font très peu aujourd'hui, devraient tenir compte d'autres décisions rendues dans d'autres instances. Je pense notamment aux ordonnances de garder la paix, de ne pas approcher ou condamnations au criminel pour violence conjugale ou familiale, qui sont souvent passées sous silence ou peu prises en considération par les tribunaux de la famille.

Et enfin on pense que l'accessibilité à l'aide juridique, bien qu'elle vienne de connaître une bonification, devrait être augmentée davantage, parce que beaucoup de gens n'y auront toujours pas accès.

Enfin, il nous manque un morceau important pour parler d'un réel accès à la justice, c'est la question de la supervision des droits d'accès. Comme on l'a mentionné précédemment, pour nombre de Québécoises, la violence conjugale se poursuit et parfois même s'aggrave après la séparation. Ça se traduit par des menaces au moment de venir chercher les enfants, par du dénigrement systématique des décisions de la mère, par la menace de lui faire perdre la garde, le défaut de lui verser sa pension alimentaire et le défaut de prendre d'autres responsabilités. Tous les moyens sont bons pour ces hommes dont l'objectif est de continuer à soumettre leurs ex-conjointes.

Or, dans la plupart des régions du Québec, des services de supervision de droits d'accès qui permettraient aux pères violents de continuer à voir les enfants sans menacer les enfants ou la mère sont difficilement accessibles, voire inaccessibles, et même les tribunaux, dans certaines juridictions, ne font plus de telles ordonnances, parce qu'ils savent que ça ne pourra pas être respecté, ou ordonnent de la supervision dans la famille, ce qui est dangereux et peu adapté à ces situations-là.

**(10 h 50)**

Donc, le regroupement recommande que le ministère de la Justice profite de la création du Fonds Accès Justice pour regarder avec le ministère de la Famille et le ministère de la Santé et des Services sociaux à financer un réseau provincial de services de supervision, de droits d'accès supervisés dont le personnel serait formé, où on actualiserait le code des normes qui existe déjà afin qu'on puisse avoir des services accessibles, adaptés, sécuritaires partout au Québec.

En conclusion, vous voyez, on croit que la partie sur la médiation va créer des problèmes pour les femmes victimes de violence conjugale. Si on parle de justice, on parle de respect des droits, on parle ici de populations à protéger davantage que d'autres, alors on pense qu'il y a des modifications qui doivent être faites pour régler ces questions-là. On demande donc au législateur d'entendre cela.

Par ailleurs, comme on l'a dit, on souhaite que le ministère de la Justice aille de l'avant avec d'autres mesures qui permettraient aux femmes victimes de violence conjugale et à leurs enfants d'exercer leurs droits en toute égalité et, dans ce cas-ci, particulièrement en droit de la famille.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Mme Riendeau, Mme Villeneuve, merci beaucoup. M. le ministre.

M. Fournier: Merci beaucoup de votre présence. Je tiens juste à dire d'entrée de jeu qu'on est loin d'être sourds à la représentation que vous faites, et on en parlait ce matin avant de venir en séance, dans une séance préparatoire, et on continuera d'en parler par la suite. Alors, je veux juste vous dire qu'on est loin d'être sourds, parce que c'est une caractéristique bien particulière.

Parlons de la médiation avant de parler de la parentalité. Déjà, certains éléments démontrent cette absence de surdité, pour continuer l'exemple. Vous avez noté 418. Vous dites: Je le vois. Dans le fond, vous avez vu qu'on était sur la même longueur d'onde. Peut-être que cela ne vous satisfait pas en termes d'écriture parce qu'il y a un petit flou, il y a une petite possibilité qui reste, puis je vous le dis à l'avance, là, je le dis à tout le monde, on s'interrogera sur le libellé. Il est bien entendu... Puis les autres dispositions sur la médiation -- on en retrouve ailleurs, là -- établissent bien clairement que, pour qu'il y ait une médiation valable, il faut qu'il y ait des gens éclairés dans des proportions... dans des positions où il y a un certain équilibre. On pourrait toujours débattre: Est-ce qu'on est en équilibre parfait?, puis là je pense qu'on n'y arrivera jamais, mais, quand le déséquilibre est apparent, disons qu'on n'a même pas besoin de faire le débat.

Alors, je pense que l'esprit qui se retrouve dans l'avant-projet de loi n'est absolument pas opposé à ce que vous dites. Maintenant, comment on l'écrit pour être sûr que tout le monde se sent bien, qu'on l'applique correctement, c'est non seulement un des objets d'un avant-projet de loi, mais même d'un projet de loi, qui, après ça, nous amène à faire les meilleurs libellés possible.

Alors, je veux juste vous dire, là-dessus, merci d'être venus. Vous avez bien fait de venir pour réinsister sur un point qui nous intéresse, sur lequel on s'est attardés. Peut-être qu'on doit s'y attarder à nouveau pour trouver les bons libellés.

Je veux revenir sur un autre élément. Je vais reprendre... Je vais vous les lire, je vais essayer de trouver si je les avais écrits de la bonne façon. En tout cas, la recommandation 1, que le ministère de la Justice informe la population que la médiation familiale n'est pas recommandée en présence de la violence conjugale, donc ça, c'est une chose. Les séances de parentalité, que les femmes victimes de violence conjugale puissent non seulement se soustraire à la séance de parentalité, mais qu'elles et leurs ex-conjoints soient informés que ces séances ne sont pas adaptées à leur réalité ni à celle de leurs enfants, première réaction quand j'ai vu ça, je me suis dit -- puis là peut-être que j'erre complètement, mais vous êtes là: Si elles ne sont pas adaptées, on ne fait rien ou on fait des adaptations dans des situations particulières? Est-ce qu'on ne devrait pas, dans ces cas-là, avoir une parentalité particulière, les parties ne sont pas en présence l'une de l'autre, on peut prévoir que la séance contient des éléments avisant les uns et les autres de cette violence et des conséquences dans leur dossier de cette violence, il y a de parentalité élargie qui tient compte du contexte, qui s'applique à ce contexte-là, plutôt que de dire -- enfin, je vous soumets ça comme ça: Le besoin est encore plus grand, alors surtout ne faisons rien de particulier? C'est un peu comme ça que je l'ai vu, et je me suis dit: Puisque le besoin est encore plus grand... Il y a toujours des enfants, dans le contexte, et il y a toujours des parents. Est-ce qu'il n'y a pas une adaptation à donner?

Puis là ne m'en veuillez pas, parce que, si jamais vous me dites oui, après ça vous allez revenir me dire: Ça prend de l'argent pour le faire. Évidemment que je ne suis pas fou, mais ça, c'est le deuxième élément. Commençons par parler de la faisabilité. Est-ce qu'il n'y a pas, dans ces matières-là...

Bon, je vais faire un pas de recul. On m'informe que la situation actuelle fait en sorte que les gens prennent congé de tout ça, qu'il y ait motif sérieux ou pas, hein, motif sérieux, O.K., on passe à côté. Alors, il faut qu'on fasse quelque chose parce que ça ne marche pas, le système, tout le monde, et violence pas violence, là, motif sérieux ou à peu près, hein, on pense à... Donc, il faut changer le système.

Maintenant, quand on le change, quels sont les effets pervers qui arrivent? Vous nous en nommez. Est-ce qu'on est obligés d'abdiquer devant l'importance d'accompagner en parentalité, tenant compte du contexte particulier, ou on ne devrait pas définir quelque chose de particulier justement pour répondre aux besoins?

Mme Riendeau (Louise): Bien, écoutez, je sais que les collègues de la Table de concertation en violence conjugale de Montréal qui vont vous voir dans une dizaine de jours recommandent, eux, des séances particulières sur la question de la violence conjugale. Nous, on ne l'a pas abordé de cette question. On a regardé c'est quoi, le contenu des séances de parentalité, bon, les conséquences sur les enfants. Les femmes qu'on voit, en tout cas, sont assez conscientes des conséquences sur les enfants. La nécessité de maintenir la communication avec l'autre parent, en violence conjugale, la communication avec l'autre parent, comme on vous l'a dit, est souvent l'occasion de continuer à poursuivre la violence pour les conjoints. Alors, nous, on dit: Ce n'est pas d'aller centrer les gens sur la nécessité de maintenir la communication, c'est de trouver des moyens. Par exemple, quand il y a des visites supervisées, ça va souvent être une façon de faire que, la communication au sujet des enfants, les éléments importants vont passer par les intervenants de la ressource de supervision de droits d'accès et donc vont pouvoir se faire de façon très neutre, qu'est-ce qu'on a besoin de savoir sur les enfants, est-ce qu'il y a un rendez-vous, est-ce qu'il y a une information importante, qui va éviter que justement il y ait un contact direct entre les deux parents et que ça puisse servir à continuer d'exercer le contrôle sur le conjoint.

Par ailleurs, moi, je pense que, quand on est face à de la violence conjugale, on est face à un individu dont il faut contrôler les dérives et on est face à un individu qu'il faut protéger. Notre société a déjà des ressources qui travaillent avec ces gens-là. On a des groupes qui interviennent auprès des conjoints violents, qui essaient de leur faire prendre conscience des impacts de l'utilisation de leur violence et de leur contrôle, qui, de plus en plus -- et il semble que ce soit une prise qui puisse marcher dans ce contexte-là -- essaient de leur faire prendre conscience des impacts que leurs comportements ont sur les enfants, et on a des ressources, que ce soit dans le réseau de la santé et des services sociaux ou dans les maisons d'hébergement, qui peuvent appuyer les femmes sur, justement, leur relation mère-enfant, sur comment se protéger. On a déjà ces mécanismes-là qui existent. Quand on arrive dans le système de justice, ce dont on a besoin, c'est quelqu'un qui, d'autorité, va trancher comment on doit vivre le reste de sa vie, puisqu'il y a des enfants et qu'il faut qu'on reste des parents, mais qui devrait essayer de le faire dans la protection des droits de tout le monde.

Ça fait que nous, on pense qu'on n'est déjà pas si mal équipés. Y a-t-il lieu de faire des séances spéciales sur la violence conjugale? Ça serait peut-être à vérifier, mais certainement pas des séances où on va centrer sur les impacts de la séparation sur les enfants et où on risque d'amener des mères qui souvent vont rester très, très longtemps justement pour les enfants dans la violence... Elle n'imaginent pas toujours les impacts que la violence a sur les enfants et restent. Alors, nous, on serait assez mal à l'aise que le système de justice et que le ministère responsable de la politique en violence conjugale les amènent à douter de leur décision de quitter.

Mme Villeneuve (Nathalie): Je voudrais juste ajouter que, dans plusieurs cas où parfois des femmes vont quand même décider d'aller en médiation parce que c'est gratuit, parce qu'elles n'ont pas les moyens, bon, de se défendre, vont décider d'aller en médiation, souvent ce que ces femmes-là vont se rendre compte, c'est qu'elles vont finir par cesser les séances de médiation, parce que souvent, lorsqu'il y a eu des rencontres, entre autres, sur les enfants, c'est que le conjoint qui est violent va finir par utiliser ce qui a été dit dans le bien-être des enfants pour faire en sorte que madame se sente coincée et que... On peut avoir les mères par les enfants, et ça, je vous le garantis. C'est vraiment le chaînon par lequel on peut toucher les femmes. Donc, si on les responsabilise, si on les fait sentir coupables sur le fait qu'elles ne veulent pas participer ou elles ne sont pas assez collaborantes, on vient de faire en sorte que ces femmes-là peuvent être en danger.

**(11 heures)**

M. Fournier: Je vous suis. Vous revenez sur la médiation, là. J'essayais de focusser ailleurs parce que, sur la médiation, il y avait déjà des dispositions écrites... ou mal écrites, bon, mais en tout cas l'intention, c'est de viser la même chose, on se comprend. Il ne peut pas y en avoir, un déséquilibre. Puis, en plus, s'il y a un effet pervers additionnel, bien là on n'est même plus dans les mêmes dimensions.

J'insistais sur la séance de parentalité. Ce n'est pas un dogme, ce n'est pas parce que c'est de la tarte aux pommes, puis on veut en donner à tout le monde, mais c'est parce que vous le regardez sous l'angle des femmes violentées. Mais qu'en est-il du violent? Pourquoi est-ce que... Et je ne parle pas du cours de parentalité traditionnel, là, on se comprend, là. Mais, celui qui est violent, n'y a-t-il pas une occasion de profiter du fait que ça existe pour tout le monde?

Mais on a un contexte particulier: il y a quelqu'un de violent. Est-ce qu'on ne peut pas adapter le cours puis, plutôt que de lui donner congé -- c'est ce que vous proposez, là, en ce moment, de lui donner congé -- est-ce qu'on ne peut pas en profiter pour l'amener, dans un contexte adapté, à... Ça ne va pas changer le monde en 2 h 30 min, on se comprend-u? Je suis d'accord avec ça, là, mais il y a une occasion là de prise de conscience. Est-ce que vous me dites: M. Fournier, c'est de la théorie, c'est du blabla, dans la vie de tous les jours le violent est violent à vie, puis: Baissez les bras, il n'y a rien à faire?

Mme Riendeau (Louise): ...je ne dirais pas que, dans la vie de tous les jours, le violent est violent à vie, mais les études nous montrent que, pour qu'il y ait un impact et pour qu'il y ait un changement, il faut que la personne ait commencé une prise de conscience, et on voit -- attendez -- on voit que c'est au moment de la séparation ou du divorce que les femmes et les enfants sont le plus en danger, les homicides conjugaux arrivent à ce moment-là. Alors, ce n'est certainement pas, effectivement, en 2 h 30 min, au moment où le conjoint se rend compte qu'il est en train de perdre le contrôle qu'il avait sur sa conjointe, qu'il est le plus en colère, qu'il est le plus dangereux... Il n'est pas dans un état pour que ces 2 h 30 min là -- et ça serait penser que c'est magique -- fassent un effet.

Mme Villeneuve (Nathalie): Et il faudrait espérer que monsieur admette le fait qu'il est violent et que ses comportements ont un impact sur ses enfants, parce que... Vous comprenez?

M. Fournier: Oui, oui.

Mme Villeneuve (Nathalie): C'est que nous ici, là, on est des gens de bonne foi, et, si moi, je me sépare demain matin et que je vais à une séance de parentalité où on m'explique que je dois m'entendre avec mon ex-conjoint parce que c'est pour le bien-être de mes enfants... Je pense que d'égal à égal on a le bien-être de nos enfants à coeur, sauf que, dans les cas de violence conjugale, malheureusement... Puis je sais que parfois ça peut être difficile à comprendre parce qu'on est des gens de bonne foi, puis on aime nos enfants, puis on se dit: Bien non, tu sais, je ne leur veux pas de mal, sauf que... Je ne veux pas dire que les pères qui sont violents veulent du mal à leurs enfants, sauf que souvent ils vont être utilisés dans ces cas-là, malheureusement.

La Présidente (Mme Vallée): Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Alors, merci beaucoup à vous deux. Je pense que c'est très important de vous entendre. C'est une question qui n'est pas abordée par les intervenants plus traditionnels, mais je pense qu'on est vraiment aux confins de la justice et des services sociaux, et il faut se rendre compte que toute l'approche en matière de justice familiale, quand on parle notamment d'approches alternatives ou participatives qui là ne s'appliquent pas mais autres, c'est peut-être ça aussi, c'est d'avoir une approche intégrée avec les dimensions plus psychosociales et... Donc, merci beaucoup de votre éclairage.

Moi, je veux comprendre parce que je ne connais pas tous les détails de comment vont être ces séances-là, parce que ça a été annoncé... Bien, moi non plus, je ne connais pas le détail. Donc, de ce que je comprends avec ce qui est présenté maintenant, médiation et parentalité seraient ensemble. Bon. Si on vous dit que, dans les cas qui concernent donc les situations spécifiques dont vous parlez, ce serait séparé, donc la médiation, c'est une chose -- je comprends tout à fait ce que vous nous dites, c'est antinomique, en quelque sorte, avec ce qu'on vit -- la parentalité, c'est autre chose, et là on aurait séance, exemple, parentalité... Parce que je vous suis aussi, puis c'est pour ça que je trouve votre éclairage particulièrement pertinent, parce que c'est vrai que les objectifs qu'on peut se donner de manière générale, avec cette séance-là sur la parentalité, sont peut-être difficiles à rencontrer dans un contexte de violence conjugale. Admettons qu'on sépare les deux et qu'on songe à une séance de parentalité, comme tel, adaptée. Si, par exemple, c'était une voie qui était explorée, est-ce qu'on devrait penser à sortir ça plus du cadre de la justice, un peu dans la lignée que vous nous amenez, puis dire: Il y a déjà des organismes spécialisés qui existent, qui travaillent au quotidien avec des gens qui sont aux prises, soit comme agressés ou comme agresseurs, avec des problèmes de violence conjugale, puis donc c'est eux qui devraient avoir ce mandat-là d'exposer les enjeux sur la parentalité, par exemple, en contexte de violence conjugale? Est-ce que ça, c'est une avenue qui vous semble intéressante à considérer?

Mme Riendeau (Louise): Quand on dit: On pense que le ministère devrait aviser les gens que ce n'est pas une bonne solution, la médiation, écoutez, sur les paquets de cigarettes, c'est écrit que ça nuit à la santé. Moi, je pense que, dans toutes les communications sur la médiation, on pourrait dire: Ce n'est pas adapté dans les situations de violence conjugale, et recommander aux gens de faire appel aux ressources qui existent déjà.

Effectivement, quand on travaille avec les femmes, on travaille toujours leur relation mère-enfant, les groupes pour conjoints violents travaillent aussi ça. Alors, moi, je pense qu'il y a déjà des choses qui existent sans se mettre à inventer quelque chose qui ne donnera pas beaucoup de résultats. Qu'est-ce qu'on va dire aux femmes victimes? On va leur dire: O.K., vous, allez-y pas, mais, monsieur, ça serait bon que vous fassiez une prise de conscience? Ça ne marche pas, là, tu sais. Alors, on se dit: Pourquoi chercher à inventer quelque chose qui risque de ne pas avoir de résultat?

Pour l'ensemble des parents, allons-y, je pense que c'est intéressant, mais nous, on n'a pas vu comment on pourrait adapter et avoir des résultats. On pense que ce n'est pas le bon moment, que c'est trop court, que c'est trop collé sur la séparation et qu'il vaut mieux, dans ce temps-là, envoyer les gens vers, d'une part, des ressources d'aide; d'autre part, des avocats qui vont être capables de gérer un peu le trafic devant le tribunal.

Mme Hivon: Je vais vouloir revenir à la formation, là, des intervenants que vous avez abordée, mais, juste pour terminer sur ce point-là, c'est sûr que certaines personnes de part et d'autre, les femmes comme... -- enfin, je stigmatise, là, mais, en général, on s'entend que ce sont plus des femmes -- certaines vont avoir recours aux ressources, même chose, il y a un petit nombre d'hommes violents qui vont avoir recours aux ressources, mais il y en a qui n'ont jamais recours aux ressources. Et qu'est-ce qu'on fait? Parce que les enjeux sont là, et là je pense que la volonté, c'est de se dire: Compte tenu des impacts globaux d'un divorce, d'une séparation, on pense que c'est le rôle d'essayer d'informer les parties sur ce qui demeure comme défis, comme enjeux. Donc, comment on fait s'il y a cette volonté-là? On peut la remettre en question, là, je suis ouverte à tout ça, mais admettons que cette volonté-là demeure de dire: On pense que c'est valable, en matière familiale, qu'il y ait cette rencontre-là avec les parents pour leur expliquer les effets, qui peut être adaptée si on est en contexte de violence conjugale. Qu'est-ce qu'on fait pour tous ceux qui ne vont pas dans les ressources, qui n'ont pas accès à cette information-là? Mettons qu'on vous suit puis que c'est bien adapté aussi au contexte, là, de la séparation, est-ce qu'il y aurait une pertinence quand même de voir à développer quelque chose ou vous dites...

Mme Riendeau (Louise): Si on forme mieux l'ensemble des intervenants du système de justice et qu'ils sont donc capables d'entendre les indices de violence que leurs clients et leurs clientes vont leur rapporter, moi, je pense que... À l'heure actuelle, souvent, on va dire: Bon, on n'en parlera pas trop. Écoutez, il y a la règle du maximum de communication dans la Loi sur le divorce. Si on invoque la violence conjugale, vous allez avoir l'air de ne pas vouloir collaborer. Puis le juge, des fois, il dit: C'est de l'histoire passée, on n'en parle pas. Ça fait que ce n'est pas quelque chose qui se discute tant que ça. Mais, si les avocats sont mieux formés et sont plus sensibilisés à la nécessité qu'il faut mettre au jour cette situation-là, ils peuvent eux-mêmes, à partir du moment où quelqu'un dévoile des indices de violence, leur dire: Peut-être que tu devrais aller consulter une ressource psychosociale qui est là pour ça.

Et ce n'est pas parce qu'on cherche de l'ouvrage, là, hein? Vous avez vu, les maisons ont eu 53 000 demandes l'année passée. Vous parliez de marché; on n'a pas de marché, on n'a rien à développer de plus. On ne cherche pas d'ouvrage, mais on pense que ça risque d'être davantage adapté et de permettre de travailler à plus long terme, justement, sur les conséquences de la violence, parce que 2 h 30 min, ça ne permet pas de travailler sur les conséquences et de faire que quelqu'un fasse une prise de conscience, s'il est la personne qui utilise la violence, et que la personne sache comment se protéger et comment protéger ses enfants, si elle est la victime.

Mme Hivon: Puis à l'heure actuelle... Parce que je comprends que la question de la connaissance de la présence ou non de violence dans le contexte est fondamentale, parce que, si on vient prévoir des exceptions, si on vient prévoir, par exemple, que la médiation ne peut pas être ordonnée en cour, bon, tout ça, il faut que ça soit à la connaissance du tribunal ou des intervenants. J'imagine aussi que les parties et certaines femmes elles-mêmes ne doivent pas toujours le dire haut et fort.

Comment on fait, au-delà de la formation, je comprends, d'aller détecter des indices et tout, mais... C'est un défi qui est quand même assez grand, puis, quand je dis qu'on se situe à la limite de la justice et des services sociaux, je pense qu'on est dedans, là. À l'heure actuelle, est-ce que vous diriez que c'est quelque chose qui est difficile à... qu'il y a quand même beaucoup de réticence à ce que ce soit connu par les parties elles-mêmes?

**(11 h 10)**

Mme Riendeau (Louise): Ça peut... Vas-y.

Mme Villeneuve (Nathalie): Bien, en fait, si on parle... Nous, les femmes qu'on voit en maison d'hébergement, bien évidemment que les femmes ont fait un pas dans: J'accepte et je nomme que je suis une femme victime de violence conjugale. Et ces femmes-là, lorsqu'elles ont à aller rencontrer un avocat, lorsqu'elles ont à passer en cour pour la garde des enfants, peu importe, c'est que, depuis quelques années, ces femmes-là se font dire: On ne le nommera pas, que tu es victime de violence conjugale, on ne le nommera pas, que tu es en maison d'hébergement, parce que tu vas passer pour celle qui veut salir monsieur, tu vas passer pour celle qui veut utiliser ça pour que monsieur n'ait pas de droit de visite, que monsieur... Donc, souvent, c'est tenu sous silence. Alors, quand le juge, lui, donne son jugement, décide de la garde des enfants, décide du droit d'accès, décide de l'endroit où va se faire l'échange d'enfants, il ne peut à nulle part protéger madame, à nulle part, ni les enfants, bien entendu, malheureusement. Ça fait qu'imaginez les femmes.

Bien évidemment, plus les gens sont conscients, moins on nie le fait que les femmes sont victimes de violence conjugale, et qu'elles peuvent être en danger, et que ce n'est pas de la manipulation, plus les gens, bon, qui vont rencontrer ces femmes-là et qui ne sont pas passés soit par nos services, ou par les CLSC, ou peu importe, bien, s'il y a une petite cloche qui est sonnée, qui dit: Ah, bien moi, je n'aime pas ça, ce qui est en train de se passer... Il faut le nommer puis inviter la femme à aller chercher de l'aide. On fait de l'accompagnement avec les femmes au civil, dans les maisons d'hébergement, donc... Mais c'est ça, il faut qu'il y ait un bout de chemin.

Mme Riendeau (Louise): Et, pour les personnes qui ne seraient pas autodépistées et qui n'auraient pas déjà fait une prise de conscience, dans notre mémoire, en 1997, on disait: Pourquoi il n'y a pas une espèce de questionnaire? Écoutez, quand on va chez le médecin pour la première fois, il nous demande de remplir des questionnaires sur notre passé médical. Pourquoi est-ce qu'il n'y aurait pas un questionnaire autodépistage que les personnes pourraient remplir, et que quelqu'un est responsable de regarder ça, et, si on voit qu'on a coché des indices qui peuvent nous laisser croire de la violence, qu'on voie les personnes, qu'on dise: On peut-u évaluer la situation? Tu sais, nous, on pense que le dépistage doit se faire avant la médiation, mais peut-être qu'il faut penser à un mécanisme de dépistage avant les séances, où on peut identifier les personnes pour qui ça ne serait pas approprié et, à ce moment-là, les diriger vers une autre voie.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, M. le ministre.

M. Fournier: Je vais faire un petit bout là-dessus. Après ça, je vais revenir sur une autre question, puis ça sera tout. Mais, juste pour revenir là-dessus, vous disiez tantôt «ceux qui sont prêts à le nommer». Alors, je prends votre exemple. Même s'il y avait un formulaire, même si on disait: Y a-t-il des éléments de violence?, il faut que la personne ait le goût de cocher oui, non? Est-ce qu'il n'y a pas... Dans la difficulté de nommer, que ce soit dans un formulaire, que ce soit auprès d'un policier, que ce soit auprès de quiconque, dans l'environnement, peut servir de première instance d'aide qui, après ça, réfère vers d'autres endroits, encore faut-il que la personne soit volontaire pour le dire. Or -- et vous êtes bien plus spécialistes que moi -- j'ai l'impression que la femme aux prises... -- prenons le raccourci, là, de nommer, parce que c'est la majorité des cas -- la femme aux prises avec cela, parfois, jusqu'à un certain point, l'accepte pour éviter de perdre ce qui est, dans sa perception à elle, l'accès au bonheur.

Je me souviens... Bon, je fais une anecdote comme ça pour se... On est plus dans le social que dans le droit, alors pourquoi ne pas mêler un peu nos vies, d'autant que le Jeune Barreau est venu tantôt? Lorsque j'étais moi-même jeune, et c'était à la toute fin de mon cours, donc, je deviens stagiaire -- on passe tous par là -- je suis à l'aide juridique de Saint-Henri, et la première, première, première personne qui vient me voir, à l'époque, c'était une femme, elle avait des verres fumés et elle venait, à ce moment-là, pour se séparer, et j'ai été tellement confus de voir qu'elle n'est jamais revenue et j'ai... Évidemment, elle, elle a posé un geste. Elle a ouvert la porte, elle est allée voir un avocat pour se plaindre. Évidemment, derrière ses verres fumés, il y avait d'autre chose que des yeux normaux. Elle a ouvert la porte, elle avait donc nommé chez elle un geste à poser parce qu'elle voulait en finir, et pourtant elle a quitté parce que je crois que, dans sa tête à elle, elle avait défini que ça, c'était la mesure de son bonheur, c'était ce à quoi elle pouvait accéder, et elle devait faire un compromis pour ça.

Je ne me suis pas mis dans ses souliers. Je vous raconte ça et j'imagine qu'il y a des millions d'histoires, mais je reviens à votre guide, là, parce que, quand vous me dites ça, je pense à elle et je me dis: Qu'est-ce qu'elle aurait coché?, et je ne suis pas sûr qu'elle l'aurait coché. Alors, le conflit est encore plus grand que de... Là, on n'est plus dans le cours de parentalité, on se comprend, là, mais ce n'est pas une évidence, là.

Mme Villeneuve (Nathalie): ...les femmes peuvent venir jusqu'à quatre, cinq, six, sept fois en maison d'hébergement avant de quitter officiellement le conjoint. Alors, la femme que vous avez vue dans votre bureau à ce moment-là, peut-être qu'à quelque part, à un moment donné dans sa vie, elle a fait un autre bout de chemin, parce qu'à chaque fois qu'une femme fait un petit bout elle ne le perd jamais, c'est que ce processus-là va se poursuivre. Mais ça se peut effectivement que je recule, à un moment donné, parce que c'est gros, parce que c'est épeurant, parce que...

Mme Riendeau (Louise): Puis ce dont on parle ici, ce n'est pas d'une obligation de résultat, c'est d'une obligation de moyens. La femme fera ses choix, mais je pense qu'il faut que, comme système, on mette en place ce qu'il faut pour la protéger. Il y en a qui passent à travers les mailles du filet et il y en a qu'à ce moment-là c'est ça, la meilleure chose à faire, parce que ça va les protéger plus que de bouger à ce moment-là, mais il faut leur donner une chance de prendre une décision.

M. Fournier: Je vais vous ramener sur un autre sujet parce que, là, j'ai besoin de vos lumières. Vous faites référence à l'Ontario. Vous dites qu'il faut aider les juges lorsqu'on définit l'intérêt de l'enfant, pour sa sécurité. Vous nous invitez à modifier le Code civil.

Pouvez-vous m'en donner un peu plus, un, sur la situation actuelle, sur ce que nous devrions faire, sur que cela donnerait de plus si nous faisions ce que vous nous suggérez de faire?

Mme Riendeau (Louise): À l'heure actuelle, ce qu'on constate beaucoup, c'est que, quand les femmes qu'on accompagne à la cour se présentent, comme l'a dit Nathalie, dans certains cas les avocats vont leur dire: Parle-z-en pas, de la violence, hein, parle-z-en pas, ça va te nuire, tu n'auras pas l'air de vouloir collaborer puis peut-être que tu vas perdre plus de droits d'accès ou de garde aux enfants. On a ça.

On a aussi des juges qui ne veulent pas entendre quand elle est nommée, qui disent: Écoutez, ça, c'est le passé, là, moi, je ne suis pas ici pour gérer le passé, je suis ici pour gérer l'avenir de l'accès aux enfants, ces enfants-là, ils n'ont pas été violentés directement, donc il n'y a pas de problème. Et on donne de plus en plus des gardes partagées. Moi, il y avait une avocate qui me disait: Écoute, c'est en train de devenir un automatisme, qu'il y ait de la violence ou pas. Tu sais, on a beaucoup demandé, effectivement, la participation des pères, et c'est un plus, les changements sociaux qu'on voit, mais, en violence conjugale, la garde partagée, ça ne marche pas. On a besoin d'être capable de collaborer pour faire de la garde partagée.

Et donc on voit qu'il n'y a soit pas la connaissance, soit toutes les recherches qui ont été faites sur les impacts de la violence sur les enfants ou sur le danger qui persiste ne semblent pas avoir pénétré le monde de la magistrature... ou en tout cas pour un certain nombre. Donc, on se dit: Il faut peut-être les aider. Et je sais qu'en général les avocats sont assez réticents à ce qu'on codifie -- en tout cas, les fois où on a eu des discussions -- la question de la définition de l'intérêt de l'enfant, mais en Ontario, effectivement, il y a une loi qui s'appelle la loi portant réforme du droit, je crois... ou en tout cas on a mis en annexe de notre mémoire l'extrait de cette loi-là qui définit plusieurs critères, dont la question de la présence de la violence, et qui donc sert de guide aux juges au moment de regarder quel est l'intérêt de l'enfant, et ça leur permet, j'imagine, de prendre des décisions beaucoup plus éclairées. Alors, face à la situation qu'on vit à l'heure actuelle, on dit: Il y a deux choses: il faut mieux former les intervenants du système de justice, vraiment qu'ils puissent être conscients des enjeux, des résultats des recherches qu'on a vus, et il faut aussi peut-être encadrer, encadrer les choses.

M. Fournier: Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté gouvernemental? Alors, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Merci. Sur la question précisément de la formation des intervenants, quand vous parlez des intervenants, vous pensez principalement aux avocats ou vous pensez aux gens du réseau, aussi, de la justice? Vous pensez aux juges, vous pensez... Pouvez-vous nous en dire un peu plus? Et les lacunes que vous décelez sont de quel ordre?

**(11 h 20)**

Mme Riendeau (Louise): Bien, tu sais, j'expliquais, il y a quelques minutes, quelles étaient les conséquences de ce manque de formation là, qu'on ne nomme pas, qu'on n'est pas capable de faire valoir au juge peut-être effectivement les enjeux qu'il y a. Ça touche plusieurs intervenants. Ça touche à la fois les avocats en droit de la famille... Je pense que, si on regarde au niveau du traitement de la violence conjugale au plan judiciaire, il y a eu des progrès de faits. Il y a encore des progrès à faire, mais il y a eu des progrès de faits. Mais là on est face à un bassin d'avocats employés de l'État à qui l'État peut offrir de la formation. Quand on regarde la question du droit de la famille, c'est des avocats de pratique privée, donc ils n'ont pas toujours accès à ces formations-là. Au niveau des juges, comme je vous le dis, les juges, peut-être, en tout cas, certains sont plus conscients, mais un certain nombre n'ont pas l'air d'être conscients des impacts, donc il faut les former, et moi, je pense qu'il faut former l'ensemble des intervenants qui peuvent être en contact avec des femmes victimes de violence conjugale, des conjoints qui utilisent la violence ou les enfants.

Mme Hivon: Question des maisons de supervision de droits d'accès, dossier fort important, ça fait un bout de temps que je ne me suis pas penchée là-dessus, mais je sais qu'il y a plusieurs années c'était déjà un enjeu majeur à différents égards, là, le sous-financement assurément, la présence sur l'ensemble du territoire, le lien entre l'ordonnance du juge et l'aspect pratico-pratique de: Est-ce qu'on est capables de répondre à ce que le juge... Est-ce que c'est assez bien arrimé avec la réalité pratique de ce que peut offrir aussi la ressource? Là, quand vous me dites, tout à l'heure, que c'est rendu qu'il y a parfois absence carrément d'ordonnance de droits supervisés parce qu'il n'y a pas de ressource, j'aimerais ça que vous me disiez comment... si c'est documenté. Est-ce que c'est dans certaines régions plus spécifiquement? Est-ce qu'on voit une dégradation du nombre de ressources, du nombre d'ordonnances qui font référence à ces ressources-là?

Mme Riendeau (Louise): Je ne peux pas vous parler de toutes les régions, mais je peux vous donner l'exemple de Montréal où, à une époque, on avait au moins trois organisations de supervision de droits d'accès, dont Le Mitoyen qui existait depuis plusieurs années, qui a finalement fermé ses portes, faute de ressources, pour se ramasser avec une seule ressource mais une ressource qui était aussi orientée sur le soutien aux hommes, donc pas une ressource neutre, et donc les juges ne savaient plus quoi faire, ils ne savaient plus où envoyer... Il y a eu des discussions là-dessus, mais il n'y a toujours pas plus de ressources à travers le Québec. Et on a vu que, dans les dernières années, il y a eu un montant qui a été alloué par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour que les agences dans les régions puissent susciter l'émergence de groupes comme ceux-là, mais il semble que l'argent ne se soit pas vraiment rendu et qu'en même temps le modèle d'organisation n'avait pas beaucoup de sens. On a demandé, par exemple, à des CPE d'organiser ça, mais, dans des CPE, on n'est pas dans de la sécurité, là, on est dans: La vie est belle, et on essaie d'amener nos enfants à grandir. On a demandé à des groupes de conjoints violents d'organiser ça; là aussi, pas de neutralité. Alors, on a essaimé des petits montants, qui n'a pas permis de faire émerger vraiment un réseau.

Il y a un regroupement des ressources de supervision de droits d'accès qui existe. Eux, ce qu'ils proposent, c'est d'avoir des ressources régionales qui seraient capables d'avoir des antennes sous-régionales, donc de répondre aux besoins des parents. On sait que c'est plus les vendredis, les dimanches, ou etc., qu'il y a ça, ça fait que... et ça permettrait d'avoir des équipes plus grosses qui auraient des règles d'éthique en commun, qui seraient capables de fonctionner et de se déplacer pour répondre. Et nous, on pense que c'est un bon modèle et qu'il faut vraiment aller dans ce sens-là, parce que c'est une possibilité, d'ordonner de la supervision de droits d'accès, mais la réponse n'y est pas, au bout du compte. Donc, on ne peut pas parler de, comment on dit ça, l'exécution des jugements, dans ce cas-là, là, il nous manque un morceau.

Mme Hivon: Puis, quand vous dites que ça arrive que, faute de ressources, là, il n'y a carrément pas d'ordonnance d'accès supervisé, c'est quelque chose qui est réel? Ça m'inquiète un peu d'entendre ça.

Mme Villeneuve (Nathalie): Bien, c'est réel, et souvent, mettons, le juge, ce qu'il va faire, c'est qu'il va demander aux parties de voir... bien, tu sais: Trouvez quelqu'un, organisez-vous.

L'autre jour, je donnais comme exemple l'échange d'enfants. Lorsque c'est à risque, où est-ce que la sécurité des femmes et des enfants est vraiment compromise, c'est que l'échange des enfants va se faire dans le stationnement du poste de police. Ça fait que, là, nous, on appelle pour dire: Bon, bien, Mme Unetelle s'en vient faire l'échange des enfants dans le stationnement, ça fait que, tu sais, c'est sûr que les policiers ne seront pas là, à côté, mais qu'ils vont jeter un oeil. Mais, pour l'enfant, d'avoir l'échange de papa puis maman dans le stationnement d'un poste de police, on lui dit quoi? On lui dit qu'il va être en sécurité, il ne faut pas qu'il ait peur? C'est ça qu'on va lui dire? Mais c'est le seul moyen pour ne pas que madame soit agressée, pour ne pas que monsieur se serve de ce moment-là d'échange...

Vous savez, quand on parle de pouvoir être un parent responsable, dans ces cas-là c'est que, si j'évite les contacts, bien ça fait des parents plus responsables, parce qu'on n'essaie pas d'attaquer l'autre. C'est comme: Je viens mener les enfants, tu vas venir les chercher dans 10 minutes. Il va y avoir un échange d'information, et on ne se sera pas parlé. Moi, je pense que ça fait des parents beaucoup plus responsables puis des parents qui vont être capables d'assumer mieux leur rôle de parent que si je le fais dans un stationnement d'un poste de police.

Mme Riendeau (Louise): Puis on parle du manque. Je vous rappelle la situation d'une femme qui a été tuée devant ses deux tout petits enfants à Drummondville l'hiver dernier, au moment de l'échange de la garde.

Mme Villeneuve (Nathalie): Et, dans ce cas-là, entre autres, il y avait la présence d'une amie de madame, parce que c'est un moyen qu'on va souvent donner aux femmes quand il n'y en a pas. C'est comme: Bien, tu sais, si tu avais une personne avec toi, si tu as une amie, un ami, bien ça fait en sorte que souvent le conjoint va essayer de réduire un peu ses transports. Mais, dans ce cas-là, ça n'a même pas empêché monsieur de passer à l'acte.

Mme Hivon: On va sûrement avoir la chance d'y revenir assez prochainement, sur le Fonds d'Accès Justice, parce qu'on va avoir des consultations. Quand vous dites donc qu'on pourrait faire le lien, c'est que vous dites: Ce fonds d'accès là serait un moyen de venir financer ces ressources-là? Est-ce que c'est ça que... O.K.

Mme Riendeau (Louise): Il nous semble que ça pourrait être effectivement un bon véhicule puis que ça permettrait, tu sais, de soutenir à la fois des victimes, ça permettrait à la justice de s'exercer jusqu'au bout et ça permettrait d'assurer la sécurité.

Mme Hivon: O.K., mais -- je réfléchis tout haut, là -- il y a peut-être aussi d'autres fonds ou d'autres moyens. Non, mais, enfin, on pourra en rediscuter sûrement avec le ministre. Merci. Merci beaucoup de votre présence.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Je comprends que, Mme la députée de Pontiac, vous aviez une question. Il reste quatre minutes au bloc.

Mme L'Écuyer: Très rapidement. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Pour avoir, dans ma vie antérieure, pendant 30 années à peu près, travaillé auprès des femmes battues et des femmes ayant subi de la violence, ayant aussi connu de très près les maisons d'hébergement, je suis d'accord avec vous que, lors de la séparation, l'augmentation de la violence est très présente et très, aussi, dangereuse.

Quand je regardais votre première recommandation: «...informe la population que la médiation familiale n'est pas recommandée en présence de violence conjugale», j'aimerais ça que vous me disiez comment, premièrement, le ministère de la Justice peut faire ça.

Deuxièmement, très brièvement, on sait qu'il y a de plus en plus de groupes de soutien auprès des hommes violents. Une fois que la violence est dépistée, est-ce qu'on ne pourrait pas aussi penser qu'avant qu'on commence à parler de visites, et partage de garde, et ces choses-là... s'assurer que l'homme, où il y a eu de la violence et que ça a été déclaré, doive subir une thérapie avant de penser qu'on va procéder, dans un poste de police, à un échange d'enfants ou... quand on connaît toutes les situations qui se sont présentées ça ne fait pas nécessairement plein d'années?

Mais comment on informe la population, d'abord?

**(11 h 30)**

Mme Riendeau (Louise): Écoutez, moi, je pense que, dans tout document, toute publicité, sur le site Internet, sur les documents qui annoncent les séances de parentalité et de médiation, qui parlent de la médiation, il pourrait y avoir un avertissement en disant: L'utilisation de la médiation n'est pas recommandée dans les situations où il y a de la violence conjugale. Moi, je pense que c'est aussi simple que ça. On ne peut pas approcher chaque personne pour lui dire, mais il faut vraiment prendre les moyens qui sont à la disposition du ministère pour le faire et envoyer ce message-là également aux professionnels impliqués.

Pour ce qui est de la question de l'intervention auprès des conjoints violents, je pense qu'on souhaiterait tous que chaque conjoint qui utilise la violence sur sa partenaire ou sur ses enfants fasse des prises de conscience, et, dans certains cas... On le voit souvent quand les dossiers, par exemple... quand la violence constitue une infraction en tant que telle, parce qu'on a de la violence psychologique et verbale qui peut être tout à fait, vous savez, tout aussi nuisible mais qui n'est pas une infraction au sens du Code criminel et donc qui n'est pas judiciarisée. On n'a pas beaucoup de prise dans ces cas-là. Quand on va devant le tribunal, il arrive très souvent, effectivement, que le tribunal va imposer comme condition de remise en liberté à monsieur d'aller suivre l'intervention.

Cet automne, je participais à une journée d'étude, et il y avait une juge qui disait: Oui, mais les hommes nous reviennent avec un papier en disant: Je ne corresponds pas aux critères. C'est que, dans les groupes pour conjoints violents, on leur dit: Si vous n'êtes pas volontaires, on ne travaillera pas avec vous, on travaille avec les gens qui veulent changer. Ça fait que, là, elle disait: Bien, peut-être qu'il faudrait avoir un message un peu plus clair que ça, qu'on ait sur le papier plutôt que monsieur n'est pas volontaire pour participer, puis, elle disait, là on prendra des mesures plus encadrantes. Mais il est assez... La violence conjugale, ce n'est pas une maladie mentale, on ne peut pas imposer un traitement. Et même en maladie mentale on ne peut pas imposer, on peut faire des refus de traitement.

Alors, on est un peu face à ça. Malheureusement, beaucoup de conjoints qui utilisent la violence nient le faire, n'ont pas de problème, c'est leur conjointe qui a des problèmes et qui porte la responsabilité, alors effectivement il faut réfléchir à comment on peut apporter un encadrement dans ce temps-là.

Mme Villeneuve (Nathalie): ...si on attendait... Rapidement, si on attendait que monsieur ait suivi une thérapie, je pense que ça compliquerait aussi les choses, parce que dans notre mémoire, entre autres, on le nomme, qu'il faut que rapidement il y ait des choses d'établies en ce qui concerne la garde des enfants. Donc, ça, je pense que c'est...

La Présidente (Mme Vallée): Merci beaucoup. Alors, ceci complète nos échanges. Merci beaucoup, Mme Villeneuve, Mme Riendeau, d'avoir participé aux travaux de la Commission des institutions.

J'invite maintenant les représentants du Comité des orphelins victimes d'abus à bien vouloir s'avancer. Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 31)

 

(Reprise à 11 h 33)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, nous allons reprendre. Nous accueillons maintenant le Comité des orphelins victimes d'abus. M. Lucien Landry, président, alors bienvenue, M. Landry. Je vous demanderais, avant de débuter votre exposé, de bien vouloir nous présenter les gens qui vous accompagnent. Par la suite, vous disposez d'une période de 15 minutes.

Comité des orphelin-e-s victimes d'abus (COVA)

M. Landry (Lucien): Merci, Mme la Présidente. Je voudrais aussi, en premier lieu, souhaiter notre fierté d'avoir la présence du ministre de la Justice lui-même, M. Fournier, de sa présence, l'intérêt qu'il porte à notre dossier, et je crois que ça répond de voir ce qui arrive avec le suivi et le dossier des orphelins.

J'ai avec moi aussi... Mme la Présidente, je suis accompagné de Mme Nicole Joannette, qui représente le Comité des orphelins et orphelines institutionnalisés de Duplessis comme porte-parole et comme secrétaire-trésorière du comité, et aussi vous avez à ma droite M. Tony Doussot, qui est permanent au Comité des orphelins victimes d'abus, M. Pierre Permingeat -- c'est ça? -- qui est avec nous, M. Urbain Landry, qui est membre, et, à ma gauche, vous avez M. Lionel Lambert, qui est membre du conseil d'administration du Comité des orphelins victimes d'abus. On avait mentionné la présence de Mme Frédérique Lissoir, je pense, puis malheureusement elle n'a pas pu participer, on s'en excuse. Il faut vous dire aussi que nous avons aussi à reconnaître le soutien et la recherche apportés par un étudiant en droit, M. Pierre Permingeat, qui est bénévole du Réseau national des étudiants pro bono en droit à l'Université McGill, et on a fait une démarche pour avoir l'assistance des étudiants en droit dans certains dossiers. Alors, c'est ça, Mme la Présidente, ce que vous avez devant vous.

La Présidente (Mme Vallée): Nous vous écoutons.

M. Landry (Lucien): Je tiens à vous souligner aussi que vous avez devant vous l'ensemble des orphelins à travers le Québec, par son Comité des orphelins victimes d'abus et par l'autre groupe qu'on appelle le Comité des orphelins et orphelines institutionnalisés de Duplessis, parce qu'il faut vous faire voir que, dans les années 90 à 2005-2006, c'était le Comité des orphelins et orphelines institutionnalisés de Duplessis, dont M. Bruno Roy était président, porte-parole, et aujourd'hui le Comité des orphelins et orphelines institutionnalisés de Duplessis a sa structure, et le Comité des orphelins victimes d'abus, c'est ce qu'on appelle, pour nous, le suivi dans le cadre du programme de réconciliation avec les orphelins deuxième phase, depuis 2005 qu'il a été créé. Il faut vous dire aussi qu'à l'intérieur de la structure du comité des orphelins il y a des membres orphelins qui sont membres chez nous, autant aussi du Comité des orphelins et orphelines institutionnalisés de Duplessis, la même chose. Les membres, ils sont membres des deux organismes.

L'intérêt et l'apport à cette commission qui touche spécifiquement... qu'on appelle, pour nous, la réforme du Code de procédure civile, on a fait valoir, nous, que, malgré la participation, la contribution du programme de réconciliation national avec les orphelins et orphelines institutionnalisés de Duplessis, l'ensemble des orphelins, dont le gouvernement libéral, dans les années 2006, a continué ce qu'on appelle, pour nous, la deuxième phase du programme, suite à la première phase à l'époque du Parti québécois, le gouvernement du Parti libéral a enclenché le suivi, corrigé et contribué au suivi du programme pour rejoindre l'ensemble des orphelins. Il faut vous dire qu'actuellement, Mme la Présidente, les deux comités des orphelins participent étroitement avec le ministère de l'Emploi et Solidarité sociale à la contribution, l'accompagnement, l'aide et le support apportés aux orphelins pour participer au programme de réconciliation national. Je ne veux pas vous étaler devant vous tout le dossier des orphelins, parce qu'il est déjà connu par la plupart des membres de l'Assemblée nationale. Depuis les années 90, c'est connu, tout le dossier, la problématique, ainsi de suite. Mais ce qu'il est important de vous souligner: Malgré ce qu'on appelle la contribution du gouvernement dans ce dossier-là, ce qu'il est clair de vous indiquer, il y a des besoins continus quotidiens qui, en somme, répondent aux demandes des orphelins pour mieux s'épanouir dans la communauté d'aujourd'hui, et nous, on a décidé de se regrouper pour revendiquer de suivre le dossier mais, par la suite, d'agir comme rôle d'accueil, d'écoute, et de support, et de «follow-up» auprès des orphelins, auprès des services qui sont offerts dans l'ensemble de la communauté, à savoir des différents services... l'accompagnement auprès de la Régie de l'assurance maladie, auprès du ministère de la Justice, auprès des différentes instances de la vie quotidienne. Alors, on est devenus comme un organisme communautaire d'accueil, d'écoute, d'aide et d'accompagnement pour répondre aux besoins quotidiens.

**(11 h 40)**

Quant au programme de réconciliation national des orphelins, c'est un programme qui est axé, ce qu'on appelle, cas par cas auprès des orphelins qui participent à ce programme-là, qui signent une quittance et qui, par la suite, reçoivent une indemnisation, mais c'est ce qu'on appelle, pour nous, des dossiers individuels. Mais, comme organisme, Mme la Présidente, notre dossier... Notre organisme n'est pas financé, au moment où on se parle. Il y a des demandes qui sont adressées auprès du ministère de l'Emploi, Solidarité sociale, auprès des autres instances, d'autres ministères, parce qu'on touche beaucoup plus aussi auprès du ministère de la Santé, des Aînés, parce que la plupart de l'ensemble des orphelins sont âgés, sont malades et expriment des besoins en fonction de leur quotidien. Parce qu'aujourd'hui l'ensemble des orphelins, ils sont, en somme... Pour votre information, Mme la Présidente, dans la communauté, ils ont atteint l'âge de 60 ans et plus. On a même des membres, chez nous, qui ont l'âge de 92 ans. C'est pour vous dire que ces gens-là tiennent et continuent à être en lien avec notre organisme pour recevoir des services, d'avoir accès à différents services, et on en a dans les différentes situations de la vie quotidienne.

Je vous donne un exemple concret. La semaine passée, on reçoit un appel d'un orphelin qui a reçu un subpoena de comparaître à la cour municipale. Il n'a jamais été là de sa vie. Il ne sait pas lire, il ne sait pas écrire. Alors, il se demandait comment agir puis répondre à cette démarche-là, et nous, on l'a accompagné devant la cour municipale et on a fait cette démarche-là de représentation auprès des instances de tribunal pour leur faire comprendre que l'orphelin ne sait pas comment s'orienter -- un exemple -- pour avoir accès à l'aide juridique, faire ces démarches-là. Alors, notre rôle, c'est de lui montrer qu'il existe des structures, qu'il y a une démarche à suivre par rapport à ça face à sa plaidoirie devant la cour municipale et, par la suite, de fonctionner pour obtenir un délai pour se présenter devant la cour, ce qui lui a été accordé. Mais il avait un certain âge puis certaines difficultés.

Alors, notre rôle comme accompagnateurs, on vous donne cet exemple-là concret d'une situation où on a vécu hier matin. Et, par ricochet, ça a très bien été accepté par le tribunal qu'on joue ce rôle-là, mais on fait attention parce qu'il y a des règles à suivre dans le cadre du rôle des procureurs, comme membres du Barreau, ou des règles de procédure face au tribunal ou devant les instances judiciaires. Mais c'est pour vous démontrer que nous, on continue à participer, à contribuer à l'épanouissement sur toutes les facettes pour permettre aux orphelins, à l'ensemble des orphelins à mieux s'épanouir. Et on a fait appel au ministère de l'Emploi, au ministère de la Santé ou autres pour essayer d'obtenir, d'avoir une démarche d'aide financière comme organisme communautaire pour agir comme partenaire avec la société, les structures de l'état civil, un exemple, les structures de la Régie de l'assurance maladie, l'aide juridique et ainsi de suite, très multiple. À cet égard-là, notre rôle, c'est qu'on devient un organisme qui était autrefois de revendication, de dénonciation à un organisme de partenaire avec les structures de l'État pour permettre aux orphelins de participer. Alors, c'est un peu ça, notre rôle, en gros plan.

Et ce qui nous a semblé intéressant... Suite à la parution dans les médias de l'annonce d'une commission parlementaire sur la réforme du Code de procédure civile, on s'est dit: Tiens, tiens, tiens! On a quelque chose à dire. On vit quotidiennement dans différentes situations, nous sommes partenaires avec la structure, les différentes structures de la communauté d'aujourd'hui, et on s'est dit: On a des choses à vous dire, et c'est dans ce sens-là qu'on est venus vous...

La Présidente (Mme Vallée): ...minutes pour nous les dire, monsieur.

M. Landry (Lucien): Alors, je vais laisser M. Doussot présenter le mémoire qu'on vous a préparé puis je vais revenir sur un point en particulier qui touche un point dont on vous a souligné tout à l'heure.

La Présidente (Mme Vallée): Parfait. Alors, M. Doussot.

M. Doussot (Tony): Oui. Je vais simplement vous parler de deux articles, pas plus que ça.

Le 87, on nous dit que c'est les avocats qui sont seuls maîtres à bord au tribunal, on est bien d'accord avec ça. Ce qu'on aimerait, nous, c'est qu'à un moment donné, quand même, on reconnaisse le travail des accompagnateurs. Ce n'est pas plus compliqué que ça. On ne veut pas... aucunement s'attaquer au monopole des avocats, on comprend pourquoi il faut que les avocats soient devant un juge. En même temps, il y a possibilité de reconnaître le travail réel de ce que nous faisons à tous les jours, c'est-à-dire accompagner quelqu'un devant une cour de justice.

Puis je voudrais revenir sur l'esprit du projet de loi. On nous demande de venir en médiation le plus souvent possible, et les ministères ne le font pas, les ministères ne montrent pas l'exemple. Nous, on a des cas d'orphelins qui doivent aller en révision, pour faire la révision de leurs dossiers administratifs, on fait des dossiers administratifs sur papier. On ne permet pas à l'orphelin, en l'occurrence, d'être écouté. Le projet de loi le dit, on veut que la personne puisse être écoutée, être entendue. Pourquoi l'État, le gouvernement et le ministère de l'Emploi en particulier ne donnent pas l'exemple?

On est vraiment surpris que ça reste... C'est un beau projet, on est entièrement d'accord ou presque. On voudrait que ce soit vérifié, que ce soit l'État, tous les ministères qui donnent l'exemple qu'on écoute les gens, qu'on ne fasse pas seulement des demandes sur papier, qu'on écoute les gens, et ça nous est trop souvent refusé. On trouve que... On espère, en tout cas, qu'avec ce projet de loi on va enfin être entendus dans les ministères.

Donc, c'est les deux points que je voulais aborder aujourd'hui, ça résume un peu notre mémoire. On a évidemment vu aussi qu'on demande des avis. On demande l'avis du procureur du Québec, on demande l'avis du procureur du Canada, on demande l'avis parfois même du directeur général... du Directeur des poursuites criminelles et pénales. On se dit que ce sont des verrous supplémentaires, que la porte de la justice est une porte très difficile à ouvrir, à notre sens et au sens de beaucoup de justiciables, et qu'on n'a pas besoin d'ajouter des verrous à cette porte-là. Donc, c'était ça, l'essentiel de notre message aujourd'hui, puis on a très hâte d'entendre vos questions.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Fournier: Ah! Merci beaucoup. Je m'excuse, je tournais les pages. Peut-être... Merci d'être là, excusez-moi, merci d'être là. C'est parce que je suis arrêté à votre dernier point, où vous parliez du rôle de l'État puis comment l'État doit...

M. Doussot (Tony): ...du ministère, ça, ça nous semble essentiel.

M. Fournier: ...comment l'État doit se comporter face à ça.

À l'article 75 -- je vais commencer par ça, après ça on ira sur un autre sujet, là: «Dans le règlement des différends qui l'opposent à des personnes physiques ou morales, l'État et ses organismes peuvent, conformément au règlement du gouvernement pris sur le sujet et dans la mesure où l'intérêt public ou l'espace normatif prévu par les lois le permet, utiliser, avant de s'adresser aux tribunaux, l'un ou l'autre des procédés privés de prévention et de règlement qui s'offrent à eux.» Je veux juste mentionner, dans le fond, qu'il avait été entendu que l'avant-projet de loi s'appliquait à l'ensemble des personnes juridiques, dont l'État, qui peuvent tirer profit de ça.

Cela ne veut pas dire, comme dans tous les autres cas, qu'il n'y a pas d'obligation. On a abondamment dit comment, pour que les moyens, la nouvelle justice dont on parle, là, qui n'est plus la traditionnelle mais une justice plus participative... que les parties doivent volontairement y participer, et la volonté dépend d'un ensemble de facteurs, qui n'est pas non plus un blocage systématique. Il peut y avoir d'autres cas qui se présentent, et ce n'est pas simplement une liberté donnée à toute partie sauf au gouvernement, à qui on dit: Toi, tu es obligé. Là, on se comprendra, les règles s'appliquent à tout le monde, selon des normes qui s'adaptent peut-être à eux.

Mais, ceci étant, c'est le petit point que je voulais faire par rapport au point que vous avez dit. Il n'y a pas un avant-projet de loi déposé pour tout le monde sauf moi, hein, ce n'est pas comme ça que c'est dit. Et d'ailleurs ce qui est écrit est le contraire, c'est: Voici des outils utiles, utiles a tous. Ce n'est pas exclusif, c'est un ensemble. Quelqu'un disait, dans le fond, à l'égard des PRD, de la prévention et le règlement des différends... quelqu'un disait: Ce n'est pas une justice parallèle, ce n'est pas un ou l'autre. Il y a des options, et parfois on en tente une pour aller à l'autre. Évidemment, ça peut être cumulatif, ça peut être... Ce sont des offres de justice différentes qui arrivent à une solution différente, qui dépend évidemment de la volonté des parties là-dessus.

M. Doussot (Tony): ...en tout cas, si l'État ou un ministère quelconque refuse d'aller en médiation, d'aller dans le droit privé, de l'expliciter, au moins, de le justifier.

**(11 h 50)**

M. Fournier: Bien, écoutez... Puis là je ne veux pas nécessairement entrer dans tous les détails, parce que tantôt, à vous entendre, je pense que je n'étais même pas rendu à un conflit. Vous savez qu'on discute entre conflit et litige, là, alors je fais exprès pour prendre le mot «conflit». Vous ne le présentiez même pas sous l'angle du conflit, c'était presque le premier contact avec le ministère. Alors là, on est plus dans l'ordre, je dirais, administratif et même de la gestion quotidienne, et peut-être que vous avez des exemples particuliers pour le dire, mais il y a des procédés. Vous savez, des fois, si on veut que l'État puisse traiter le plus de demandes possible, ça se peut parfois qu'il dise: Je ne vais pas avoir une rencontre personnalisée avec chacun, et ce n'est pas contre l'intérêt public de faire ça. On se comprend sur ce point-là?

Revenez donc sur le premier sujet que vous avez mentionné, qui était d'importance. Je vous ai écoutés tantôt, c'était très bien de nous faire la mise en contexte, mais vous avez de nombreux éléments que vous avez soulevés, et là, le temps manquant, vous vous êtes arrêtés seulement sur deux. Alors, je vais au moins prendre le premier, puis après ça je vous encourage de m'identifier les autres en importance que vous voyez, mais le premier point que vous avez soulevé est exactement l'exemple que vous avez soulevé -- je pense que c'était hier ou je ne sais pas trop, en tout cas c'est ce que j'ai compris -- où vous dites: Nous, on s'est donné un rôle quasiment de référence, là, tu sais. Vous appelez ça «partenaires», mais, dans l'ordre qu'on envisage quand on parle de justice, c'est presque une référence. Vous avez des membres pris avec des problématiques, vous avez peut-être un certain nombre de moyens de communication avec eux, et, eux soulevant un problème, ça vous permet de les référer vers différentes institutions, organisations qui vont pouvoir faire du travail. Dans le cadre de nos règles sociétales, les professions ont des codes qui les guident sur comment ils font les choses, puisqu'ils ont une certaine formation exigée, en vertu desquels cela va leur donner, oui, une certaine exclusivité à poser des gestes. La représentation devant la cour est évidemment sous la responsabilité des avocats, parce qu'ils ont rempli un certain nombre de critères pour pouvoir faire cela.

Comment vous voyez votre rôle que vous nous suggérez d'accompagnateur dans un contexte où la représentation doit être par avocat? Qu'est-ce que vous entendez par un rôle d'accompagnateur? Parce que je sais que vous êtes au courant qu'il y a un rôle de représentation qui est donné à l'avocat. Alors, qu'est-ce que ça veut dire? C'est exclusif? C'est un avec l'autre? C'est de référence vers l'avocat? Comment vous le voyez?

M. Landry (Lucien): Bien, je vais vous caricaturer une situation concrète, M. le ministre, à l'effet que, quand nous avons accompagné l'orphelin, qu'il se présente à la cour municipale, il y a un policier qui intervient puis qui lui dit: Bien, vous devez comparaître parce que vous avez un subpoena de comparaître, tout ça, et là, à l'entrée de la salle d'audience, il y a un groupe d'avocats privé puis il y a des bureaux de l'aide juridique, et, l'orphelin, qui ne sait pas lire, qui ne sait pas écrire, qui ne sait pas comment s'organiser avec ça, nous, on lui explique: Bien, il faut, premièrement, que tu ailles chercher un procureur, ainsi de suite. Lui, il ne le savait pas, il n'est pas conscient de tout ça. Nous, comme accompagnateurs, on n'agit pas comme intervenants juridiques à lui donner des conseils, ce n'est pas notre rôle, mais ce qui est clair, c'est qu'on lui montre comment s'organiser pour y avoir accès, à tel service, tel service, tel service.

Mais ce qui est malheureux, dans les faits, ce qui s'est passé comme fait cocasse, il y a des procureurs qui sont à la cour, qui sont en avant des bureaux de l'aide juridique, et qui courent après la clientèle, et qui accrochent les gens qui sont en situation de panique, détresse, et que, là, ils leur demandent... soutirent de l'argent, comme ça s'est passé hier, et nous, on a dit: Un instant, non, monsieur, il est malade, il est âgé, il a peut-être un programme d'aide juridique, il a des formalités à remplir, mais c'était la journée même, il devait comparaître. C'était une situation assez cocasse. Mais, comme rôle d'accompagnateur, c'est de l'informer, c'est ça, et de le guider, de l'accompagner, et de s'exprimer pour lui, et de lui faire comprendre ce que son interlocuteur, soit l'avocat, ou la commission, ou des trucs comme ça...

Deuxièmement aussi, c'est que, quand il a de la difficulté quand il y a des questions qui sont posées par la juge comme hier, elle lui a posé certaines... il y a un langage juridique, mais c'est clair que les orphelins, avec le peu de scolarité, ils ne comprennent pas, bon: Exposez votre plaidoirie. Est-ce que vous plaidez... Là, moi, je lui ai fait part, à l'orphelin: Mais tu dois plaider coupable ou non coupable, mais, de la façon qu'elle s'adressait à cette personne-là... Elle ne comprend pas les termes juridiques, alors, comme accompagnateurs, on lui explique: Tu dois faire un choix. Tu sais, c'est ça, en somme. On apporte une contribution d'aide, d'information.

M. Fournier: Écoutez, je n'ai pas de difficulté, puis bravo pour ce travail-là que vous faites, là, je n'ai pas de doute que c'est très utile pour la personne qui a bénéficié de cette aide-là. C'est parce que je voyais que ce que vous... enfin, j'avais peut-être mal compris ou c'est le mémoire qui proposait ça, que, dans le cadre des dispositions du Code de procédure parlant de la représentation devant les tribunaux, vous auriez souhaité que nous créions une nouvelle catégorie d'intervenant, l'accompagnateur juridique presque, là. Alors, je voulais savoir de quoi il était question, mais je vois bien que, dans le fond, il s'agit plus de l'accompagnateur, de la référence, de l'aidant et que ça ne remet pas en question les rôles déjà prévus aux uns et aux autres dans notre procédure.

Une voix: ...

M. Fournier: Pardon?

M. Doussot (Tony): Ça se fait avec l'avocat. À la Régie du logement, l'orphelin avait son avocat, et nous étions à côté pour qu'il comprenne bien même ce que son propre avocat lui dit, pour que ce qui se passe actuellement, ce qui se passe devant... qu'il comprenne ce que l'autre avocat dit, qu'il comprenne réellement ce qui se passe pour qu'il ne soit pas laissé à lui-même. L'avocat est très bon, il comprend tout ce qui se dit et il le défend parfaitement dans le langage juridique. À un moment donné, ça a besoin d'être traduit à l'orphelin.

M. Fournier: Si jamais il nous est donné l'occasion, dans deux semaines, de rencontrer le Barreau du Québec, est-ce que je dois lui dire que nous avons reçu un groupe qui nous a dit: Il est arrivé une fois que l'avocat avait de la misère à correspondre avec son client, ou si je lui dis: Il y a un groupe qui est venu et qui nous a dit: Ça arrive assez fréquemment que nous, on constate que, nos représentants juridiques, l'avocat n'est pas en mesure de le faire? Parce qu'écoutez des anecdotes il peut y en avoir, je ne voudrais pas en tirer une conclusion générale parce qu'on...

M. Doussot (Tony): M. Landry fait ça depuis 20 ans. Ce n'est pas la première fois, ce n'est pas hier que ça a démarré. Il fait ça depuis 20 ans.

M. Fournier: Bon, je vais vous donner mon instinct, puis dites-moi: Votre instinct vous trompe. J'aurais tendance à croire que les avocats sont en mesure non seulement de participer à la discussion juridique, de faire la représentation des droits, de transformer en langage juridique une réalité vécue quotidienne -- c'est sa formation -- et qu'en même temps il est en mesure de comprendre et de se faire comprendre de son client, ça fait partie de la relation professionnelle. Ça, c'est mon instinct. Je ne disconviens pas qu'il peut arriver à l'occasion, comme dans la vie en général de toute la société... qu'il peut y avoir parfois un bris de communication, ça peut être une chose anecdotique, mais êtes-vous en train de me dire, à l'égard des membres que vous représentez, que cela est fréquent?

M. Landry (Lucien): Aussi bizarre que ça peut être, M. le ministre, effectivement, parce que, dans plusieurs des cas, les gens ne savent pas comment communiquer avec leur procureur et ne comprennent pas, aussi, le langage. Et c'est fréquent tellement que je peux vous dire, aussi bizarre que ça peut être, depuis 20 ans que j'oeuvre d'accompagnement dans ce cadre-là, et nous avons l'intérêt des juges à ce qu'on agisse comme des... Parce qu'hier elle nous a cités comme exemple: Vous avez un organisme qui vous appuie, faites-vous appuyer, allez les voir, ils vont vous guider, et ça, ça ne... on devient, pour nous, à quelque part, ce qu'on appelle un mécanisme d'éviter des frais additionnels en matière de justice. Puis ça, il serait intéressant d'analyser jusqu'à quel point de vue, M. le ministre, que, quand on agit comme support, comme mécanisme d'entraide, d'accompagnement, on économise des multiples frais.

M. Fournier: Je veux bien, mais, juste pour... Je vais terminer là-dessus puis je vais passer, après ça, à la télédiffusion, là, mais, juste pour vous dire, des fois on se dit: Bien, si la personne est admissible à l'aide juridique puis qu'on a déjà donné le service par l'aide juridique, je veux bien qu'on économise des frais à quelqu'un, mais ça va coûter encore plus cher aux contribuables. Enfin, à un moment donné, il faut...

M. Landry (Lucien): Ça, j'en conviens, mais ce qui est clair: on fait comprendre aussi auprès des différents niveaux d'instance la caractéristique de la personne, l'histoire de la personne, et là il apporte une sympathie, une approche plus humaine. C'est dans ce sens-là.

La Présidente (Mme Vallée): ...dans un autre bloc ou dans ce bloc-ci?

M. Fournier: Bien, je le ferais dans l'autre.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. Alors, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui, merci beaucoup. Merci d'être ici aujourd'hui. C'est toujours intéressant... et puis en fait c'est intéressant d'entendre différents points de vue et surtout différents groupes de justiciables, parce que c'est vrai que -- on le dit, là, depuis le début -- il y a des aspects très techniques dans l'avant-projet de loi, c'est quand même le Code de procédure civile, mais, moi, je tenais -- et, le ministre, j'étais contente de voir qu'il partageait cette perception-là -- à ce qu'on ait des consultations générales pour pouvoir entendre des gens qui ont toutes sortes de points de vue et qui représentent peut-être des gens qui sont moins concernés par la poutine, je dirais, si vous me permettez l'expression, au quotidien mais des grandes considérations, puis je pense qu'avec votre propos on est vraiment dans des grandes questions d'accès à la justice, de compréhension des processus. Ça, c'est la base, parce que comment on peut avoir une justice correcte si les gens ne comprennent même pas ce qu'ils viennent faire dans le système puis comment ils peuvent interagir là-dedans?

Mais je veux comprendre un peu quelque chose dans la foulée du premier échange. J'imagine que vous, en général, vos membres...Bien, enfin, je ne peux pas généraliser, mais, dans la plupart des cas, est-ce que je comprends qu'ils sont représentés par avocat de l'aide juridique souvent ou est-ce qu'il y a des cas assez fréquents où ils ne sont même pas représentés?

**(12 heures)**

M. Landry (Lucien): Quand on regarde à peu près la composante de notre membership, la plupart de nos orphelins, ils sont ensemble, pour votre information, ce qu'on appelle, pour nous, non scolarisés, ils sont sur les programmes divers d'aide sociale ou autres, sur leur régime de pension, des rentes, tout ça. Alors, une grande partie sont, ce qu'on appelle, accessibles au programme d'aide juridique.

Mais ce qui n'est pas facile, c'est entre l'aide juridique et la personne pour savoir comment s'exprimer. Dans une situation comme on expliquait tout à l'heure, devant un tribunal administratif de la Régie du logement, l'aide juridique, ça n'a pas été facile de l'obtenir, parce qu'il a fallu que nous, on intervienne d'une façon assez... malgré que même ils étaient éligibles, mais c'était fort complexe. Puis souvent on assigne un procureur, mais il y a tellement de cas où on assigne ce qu'on appelle des stagiaires à ce niveau-là puis du revers de la main! Pour votre information, la stagiaire n'est même pas préparée au dossier, ça passe devant la régie telle date, telle heure, puis là nous, on intervient. Alors, on accompagne la stagiaire puis on fait des représentations devant le régisseur.

Mme Hivon: Ce que vous dites, en fait, c'est que souvent il y a un déficit dans la préparation qui est accordée aux dossiers comme tels, parce que c'est des dossiers où il y a beaucoup de volume, par exemple, administratif ou tout ça. Donc, votre personne qui a une connaissance très limitée, qui a de la difficulté des fois à s'exprimer, ou à lire, ou tout ça, elle est dépourvue, compte tenu de ce manque, un peu, de préparation là ou de contacts avec l'avocat. Mais effectivement c'est préoccupant aussi quand vous dites que l'échange entre le procureur et son client semble même des fois être problématique, parce que, surtout en matière d'aide juridique, j'aurais pensé que, la clientèle étant quand même très diversifiée, il y a beaucoup de personnes plus vulnérables, moins scolarisées, les procureurs étaient quand même habitués à échanger avec des gens moins scolarisés, par exemple.

M. Landry (Lucien): Oui. Mais, moi, ce qui est clair -- puis je retiens ce que le ministre a soulevé tout à l'heure puis je trouve ça pertinent -- il va falloir qu'on rencontre le Barreau, il va falloir qu'on rencontre les gens pour les informer, pour les... Et je trouve ça... on est prêts de collaborer à cet égard-là pour expliquer davantage toute la problématique, tout l'historique, toutes ces choses-là afin d'être mieux préparés, mieux supportés.

M. Doussot (Tony): Je voudrais ajouter qu'on a eu plusieurs cas où ce sont les orphelins qui viennent nous voir avant d'aller voir leurs propres avocats, parce qu'ils ont souvent des avocats de l'aide juridique, mais il y a une certaine honte à dire qu'on ne comprend pas, à son propre avocat, ce qu'on a reçu, il y a une certaine honte. Et nos orphelins viennent nous voir, mais qu'est-ce qui se passe pour les autres? On peut se poser la question. Il y a une certaine honte à ne pas comprendre ce qu'on reçoit du tribunal à son propre avocat, et il faut le reconnaître, je pense. Ce n'est pas que les orphelins qui ne comprennent pas le droit.

Mme Hivon: Bien, c'est pour ça que je pense que, de manière générale, il faut miser beaucoup aussi sur les mesures d'accompagnement, des initiatives diverses qui se situent en amont aussi du processus, là, si on ne veut pas complexifier les choses indûment.

Et puis je veux juste savoir... Vous, donc, c'est ça, ils sont tous accessibles... bien, pas «ils sont tous», mais, en général, ils ont accès à l'aide juridique, donc c'est comme ça que vous fonctionnez. Quand vous parlez de l'accompagnement que vous faites, est-ce que vous avez développé, au fil du temps, une espèce de relation, je dirais, privilégiée avec l'aide juridique pour un peu qu'il y ait une reconnaissance mutuelle de... comme par exemple vous allez accompagner peut-être quelqu'un lors de l'étape de l'admissibilité, ou tout ça, parce que ça aussi, ça requiert des papiers, bon, tout ça?

M. Landry (Lucien): Effectivement, madame, nous avons des relations étroites avec ce qu'on appelle le service d'aide juridique dans notre quartier du centre-ville, qui est situé près d'Amherst et René-Lévesque, et je peux vous dire qu'on a une excellente collaboration avec la direction. Mais ça mérite qu'on fasse ça à plusieurs endroits, ce genre d'approche là particulier, mais on sait que l'ensemble des orphelins sont dans le centre-ville, dans un quartier où ils sont pris en charge par le réseau des OSBL en logement communautaire, dans des CHSLD, dans le réseau hospitalier à cause de leur âge, ainsi de suite. Mais ça serait intéressant d'élargir cette expérience qu'on a vécue avec le centre-ville, de le répandre à travers le Québec.

Il y a peut-être Nicole...

Mme Joannette (Nicole): Au comité des orphelins de Duplessis, moi, j'ai à accompagner souvent les gens en phase terminale, et il n'y a pas juste le côté cour, légal, il y a le côté médical, parce que, moi, souvent on m'appelle, je suis comme rendue un petit peu psychologue puis je n'ai pas le titre de psychologue du tout. On m'appelle même la journée de Noël en grande détresse. J'ai eu à me déplacer, à aller voir un orphelin, le rentrer à l'hôpital. J'ai le côté hospitalier aussi, moi, qui... beaucoup les gens sont hypothéqués. En étant orphelins, ils sont hypothéqués pour le restant de leur vie. Puis, le lendemain du jour de Noël, j'en avais un qui était en phase terminale à l'hôpital, et puis ça, j'ai déjà des problèmes avec ça, parce que le côté juridique ne nous autorise pas à... il faut tout un processus pour les... Nous, on a un terrain des orphelins de Duplessis où on les enterre. Quand on peut, on achemine, on fait affaire avec un salon funéraire et puis on les fait incinérer selon certaines volontés, s'il n'y a pas de testament, naturellement, et on les enterre dans notre terrain du comité des orphelins à Montréal, dans le quartier est de Montréal. Et souvent j'ai des téléphones. Moi, je suis une intervenante, je pense, jour et nuit. J'ai des téléphones à 2 heures du matin, à 5 heures du matin, à Noël, jour de l'An, fins de semaine. J'en ai un à tous les soirs à 7 heures, 7 heures à tous les soirs il m'appelle. C'est psychologique, l'affaire, là. Ce n'est pas juste côté juridique, il y a au côté médical aussi qu'il faut penser, côté... Il y en a un, je l'ai accompagné pour le logement, son déménagement. Moi puis mon mari, on a fait son déménagement.

Ça fait qu'il y a beaucoup, beaucoup de besoins, d'aide que ces gens-là ont besoin, et puis on est comme démunis face à eux parce qu'on est bénévoles. C'est bien beau, du bénévolat, mais, à un moment donné, on est à bout de souffle, nous autres aussi. On a aussi nos besoins à nous puis on aurait besoin d'aide. Moi, je me dis: Bien coudon, je suis rendue une agente, une agente de liaison. Je me suis donné un titre, agente de liaison psychologique, sociale mais sans salaire, bénévole au bout de la ligne, puis je trouve que ca, dans tout... Je pense que M. Landry, et son équipe, et moi, de mon côté, là, on est main dans la main là-dedans, parce que, quand un orphelin nous appelle, que ça soit le jour ou la nuit, on est là. Moi, mon téléphone, c'est ma maison privée, ils m'appellent chez moi à ma maison privée, là. Un souper, que j'aie 17 invités chez nous, là, si un orphelin m'appelle, je vais l'écouter, je vais me retirer, je vais dire: Excusez-moi. Je vais l'écouter parce qu'il y a de la détresse là-dedans, il y a de la détresse, il y a des besoins, puis c'est ça qu'on demande à la justice, qu'ils nous reconnaissent, nous, en étant intervenants, pas intervenants sociaux mais comme un agent de liaison, pour dire: Bien, O.K., je vais aller te chercher, je vais t'emmener à l'hôpital, tu as besoin de soins. Mais là ils nous disent: Woups! Vous n'avez pas d'affaire dans le dossier, madame. Oui, mais je suis du comité des orphelins. Non, madame. Bien oui, mais, si on est là, là, c'est parce qu'on est là pour quelque chose.

Comme, la semaine passée, j'en avais un qui aurait dû aller dans un centre de convalescence pour une couple de semaines. Ils l'ont refusé parce que... Pourquoi? Parce qu'il n'avait pas d'argent. Bien oui, mais c'est un orphelin. Il n'en a pas, d'argent. Il n'en aura jamais, d'argent.

La Présidente (Mme Vallée): Mme Joannette...

Mme Joannette (Nicole): Il a son petit chèque de bien-être social à tous les mois puis il n'en aura pas, mais il a besoin de ça. Il est tout seul dans un logement. Comment voulez-vous qu'il lave sa vaisselle, il a une prothèse, là? Il a besoin... Bien, c'est moi qui vais faire son ménage, là, le matin. C'est les besoins.

La Présidente (Mme Vallée): Mme Joannette, je suis désolée, je dois donner la parole à M. le ministre. Alors, M. le ministre.

**(12 h 10)**

M. Fournier: Bien, écoutez, des fois, quand on participe à ce genre de commission sur un projet de loi, on se lève le matin avec le focus sur le libellé presque de nos articles et on se demande, bon, qu'est-ce qui est correct ou pas correct là-dedans. Je veux juste vous remercier de votre témoignage qui nous amène ailleurs mais probablement là où c'est le plus près de la vie des gens qui ont le plus besoin de la justice. Et, dans le fond, vous vous appelez, là, agent de liaison, bénévole, vous êtes le ciment d'une société qui veut échapper le moins de monde possible mais qui n'a pas les moyens d'échapper tout le monde, et, si vous n'êtes pas ce mortier-là, on va en échapper. Alors, vous et les autres que vous représentez qui font ça, qui prennent des appels à 19 heures à chaque soir, je pense que vous avez toute notre admiration. Et on pourrait discourir de ça, mais, moi, mon rôle à moi est de vous ramener un peu sur votre mémoire, mais je profite de votre intervention pour vous dire que ce sont des moments qui sont toujours importants pour les représentants que nous sommes. Des fois, on est vus comme étant très ciblés sur nos dossiers puis qu'on a perdu de vue la vraie réalité de la vie de tous les jours, mais votre présence nous amène à prendre un petit peu d'enracinement dans le terrain. Alors, je veux juste vous remercier d'être venus, de nous partager votre vécu et de vivre ce que vous vivez, qui nous rend bien humbles par rapport à ce que vous accomplissez dans la vie de tous les jours pour du vrai monde qui respirent puis qui ont besoin d'aide.

Je vais revenir sur les questions que je voulais vous poser, à une question particulière, en fait, puis je vais m'arrêter sur celle-là. Vous représentez des gens qui sont parfois dans une situation où trop de publicité pourrait porter atteinte à leur dignité et en même temps vous avez des représentations, dans le mémoire, qui appellent à la télédiffusion, à une représentation publique de ces personnes. Alors, je me demandais jusqu'où et comment je devais l'interpréter, comment vous souhaitez, en termes de procédure judiciaire... Évidemment, là, je retombe dans mes affaires. Comment j'interprète ce désir de télédiffusion?

J'ai moi-même mes perceptions, hein, sur le traitement médiatique que représente la télédiffusion. On peut avoir une télédiffusion très brutale, c'est-à-dire sans aucun commentaire, voici ce qui se passe, qui peut, à ce moment-là, soulever un problème d'interprétation de ce qui se passe. C'est vous-mêmes qui l'avez dit, les personnes sont présentes et même, si je reprends vos propos, ne se font pas comprendre de leurs avocats et ne comprennent pas leurs avocats, alors c'est tout dire. Si vous voulez télédiffuser des procédures judiciaires sans filtre, sans commentaire et sans explication, il y en a quelques-uns qui vont s'y perdre minimalement, si je vous ai bien écoutés dans la première partie de votre présentation.

Ceci étant, s'il faut commencer à les commenter et à les interpréter, bien là moi, j'ai une petite idée sur la façon dont on médiatise les événements dans notre société, où ce qui est important, c'est la controverse, caricaturée jusqu'à un certain point pour faire comprendre le message, pas de mauvaise foi mais parfois qui peut porter atteinte à la réputation des gens qui y sont. Alors, vous voyez un peu, je pense, vous avez capté un peu mon questionnement sur... Puis on a eu des débats jusqu'ici, là -- il y a des médias qui sont venus nous voir, des représentants des médias qui sont venus nous voir -- sur jusqu'où on doit aller pour protéger la dignité des personnes alors qu'il y a un grand droit à ce que tout soit public, le droit à l'information.

M. Doussot (Tony): ...votre collègue, M. le ministre, on est allés devant votre collègue des médias justement, Mme St-Pierre, on lui a présenté un mémoire lorsqu'elle a parlé des journalistes. Sans les médias, les orphelins de Duplessis n'auraient jamais, jamais, jamais, au grand jamais reçu justice. On lui a dit, on lui a répété et on le dit à chaque fois qu'on a l'occasion: Sans les médias, les orphelins de Duplessis n'auraient jamais eu justice. Bon, ça, on est d'accord avec ça.

Et puis il y a des caméras ici, on les voit. On les voit également à la Cour suprême, la Cour suprême a réussi à faire des cours en gardant tout le décorum et en étant publique, en étant télédiffusée. On se comprend que c'est très haut, qu'il y a des affaires de grand intérêt qui se passent à la Cour suprême, on n'est pas obligé d'aller dans les petites affaires, on va dire, ou d'aller dans le glauque, que ça reste à la discrétion... Bien, ici, vous choisissez de télédiffuser ou pas les commissions. Il y a moyen, je pense, d'ouvrir la justice, de la rendre accessible au plus grand nombre, parce qu'il n'y a pas grand monde qui est venu nous voir aujourd'hui, ils vont nous voir éventuellement à la télévision. Il n'y a pas grand monde qui assiste aux audiences, même si elles sont publiques, même si elles sont ouvertes. Il n'y a pas grand monde qui vient ici, qui vient au tribunal.

Vous avez effectivement de la télédiffusion à certains moments quand c'est glauque, on s'entend, et c'est un chemin dans lequel il ne faut pas aller, on s'entend très bien là-dessus, mais vous avez des décisions importantes qui sont prises en haut niveau de justice, en appel, dans les très hauts niveaux de justice au Québec, et ça, ça concerne tout le monde. On s'entend que, l'affaire Éric et Lola, tout le monde avait envie de savoir, que ça pouvait être télédiffusé. Mais ça peut être fait loin dans le temps, ça peut être fait trois ou quatre ans plus tard, mais de voir ce qui se passe derrière un paravent, éventuellement, si on veut protéger les enfants -- et on est tout à fait pour protéger l'anonymat des enfants -- on peut le faire derrière un paravent. L'Italie, pour se débarrasser de la mafia, on a utilisé les médias dans les tribunaux, on a permis aux mafieux repentis d'être devant la télévision derrière un paravent. Il y a moyen de télédiffuser, de respecter le décorum, de respecter l'intérêt général.

M. Fournier: Si vous me permettez, mon questionnement n'était pas ni à la Cour suprême, ni même en ces lieux, ni même la représentation communicationnelle de groupes comme le vôtre et des intérêts que vous défendiez. Mon questionnement n'est pas là. Mon questionnement est pour la personne que vous avez... que vous avez accompagnée, excusez-moi, que vous avez accompagnée hier. Et, si d'aventure... Donc, je parle d'un de vos membres un peu moins chanceux dans la vie, parfois avec un dossier médical et qu'il faut mettre en lumière devant le tribunal. Quel est l'intérêt... Et en plus il y a un droit à ce que cela soit confidentiel. À moins que vous me disiez: Bien non, ça, on ne couvre pas ça, pourquoi faudrait-il que, parce que c'est une procédure judiciaire, ce qui est normalement confidentiel pour protéger l'intérêt de la personne devrait devenir public, sous le prétexte que, là, nous sommes dans une affaire judiciaire? Pourquoi il faudrait connaître les dessous de la vie de chacun de vos membres parce qu'il faudrait télédiffuser? Je n'ai pas de misère à vous suivre sur ce qui se passe ici et puis sur la Cour suprême, pas de problème, mais ma question est la suivante: Vous nous proposez d'inciter une télédiffusion. Est-ce que vous entendez par là que vous souhaitez que, dans le cas comme hier ou le cas d'un de vos membres...

M. Doussot (Tony): Dans un cas simple comme hier, non, ce n'est pas souhaitable. On souhaite que ce soient les plus hautes cours du Québec qui soient télédiffusées éventuellement, avec un certain décorum, avec... Il n'y a pas de journaliste. Enfin, il n'y a pas de journaliste... il y a des caméras automatisées, il y a la technique pour faire ça. Ça n'a aucun intérêt d'aller voir des petites gens dans des petites affaires pour voir le côté glauque de ce qui pourrait se passer ici ou là, ça n'a pas d'intérêt d'aller dénoncer le dossier médical de quelqu'un. On ne veut pas ça. Enfin, j'espère que vous voulez... que personne ne veut ça. Par contre, quand c'est des procédures qui ont un intérêt pour l'ensemble des Québécois, l'ensemble des Québécois ont le droit d'avoir l'information.

M. Fournier: Je vous entends. Je fais juste vous dire qu'il y a des causes qui ont une grande importance en termes de retombées juridiques parce que cela amène une nouvelle interprétation qui parfois partent de petites choses. Alors, ce n'est pas tellement de savoir d'où ça part. Je pense qu'on est capables de se comprendre en disant que votre proposition n'est pas de faire en sorte d'aller mettre en péril la dignité des personnes, surtout lorsqu'elles sont démunies, surtout lorsqu'il y a une difficulté, encore plus qu'il y a une difficulté de même comprendre réellement ce qui se passe dans l'ordre juridique. Je veux dire, si je...

La Présidente (Mme Vallée): Je vous remercie. On a vraiment épuisé et même dépassé le temps qui nous était imparti. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Bien, pour poursuivre sur ce sujet-là, en fait, c'est intéressant, parce qu'on aurait pu être portés à penser que vous auriez eu l'opinion contraire. Et, voyez-vous, on a eu les représentants des médias, comme le disait le ministre, et ils nous ont fait part de commentaires concernant le troisième alinéa de l'article 11, où il y aurait maintenant un nouveau motif possible pour demander le huis clos qui est la protection de la dignité des personnes. Donc, plutôt que d'ouvrir peut-être davantage, dans certains cas, au nom de la protection de la dignité des personnes, on pourrait demander donc le huis clos. Eux s'opposent, en quelque sorte, à cette idée-là -- vous n'en êtes pas surpris -- et pour toutes sortes de raisons, concept flou, bon, tout ça, mais moi, je suis curieuse d'entendre vous, où je pense que, de par les gens, les membres que vous représentez, que vous accompagnez, il y a certainement des enjeux de dignité. Est-ce que vous pensez que c'est un motif valable qui devrait être maintenu?

**(12 h 20)**

M. Landry (Lucien): Bon, écoutez, je vais peut-être répondre. La première partie, par rapport avec cette démarche-là, je vous donne une situation concrète. Souvent, en assistant préalablement à notre dossier avec la personne qu'on accompagne, les procureurs, souvent, quand ils s'adressent au tribunal, ils disent devant le juge... lorsqu'il y a la présentation de l'accusé, ils évitent de faire la nomenclature de l'acte d'accusation, et ça, ça m'avait frappé qu'à un certain niveau, au niveau plus privé, on en faisait cette demande-là devant le tribunal, d'éviter la lecture de l'acte d'accusation pour préserver à quelque part, comme vous dites, la dignité, mais, quand c'est des personnes démunies, systématiquement c'est ouvert puis c'est «at large». Il y a comme à quelque part un déséquilibre, puis ça, à notre avis... à un certain niveau donné, quand il y a consentement, il me semble, préalable, mais souvent, souvent la dignité de la personne est atteinte, puis ça, tu as beau avoir ce qu'on appelle l'approche juridique, l'appareil judiciaire le plus flexible, mais ce qui doit primer d'abord, c'est l'intérêt et la dignité de la... parce que, par après ce vécu-là, il y a des situations, M. le ministre, Mme la Présidente, que... il y a ce qu'on appelle, après le vécu au tribunal, des séquelles pour la personne à cause de sa situation, ça se continue. Et, quand on attaque sa première démarche de dignité, pour moi, c'est important de la préserver au nom de ces personnes-là qui sont démunies.

Puis je veux peut-être attirer l'attention aussi qu'au ministère de l'Emploi, quand ils ont créé le programme puis qu'ils nous ont demandé: Votre organisme, vous avez deux choix, Mme la Présidente, identifiez votre orientation, est-ce que vous êtes un organisme de défense des droits ou un organisme bénévole communautaire?, nous, on a dit: Nous sommes un organisme de défense des droits. Nous nous enlignons là dans une démarche quotidienne de toutes nos interventions, c'est en matière de défense des droits. Tellement que ça nous intéresse, la défense des droits, je peux vous dire avec fierté que nous avons fait une demande, Mme la Présidente, comme organisme, d'être entendus à la commission parlementaire à Ottawa devant le Sénat et, au moment où on se parle, on attend une réponse. Et je peux vous dire qu'on a regardé avec grand intérêt la loi C-10, et il y a des aspects...

La Présidente (Mme Vallée): Oui, mais...

M. Landry (Lucien): Je sais que je saute un peu...

La Présidente (Mme Vallée): Non, mais c'est parce que je sais que Mme la députée de Joliette a d'autres questions, et puis c'est... je ne voudrais pas...

M. Landry (Lucien): O.K. Mais je voudrais au moins leur faire part.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord.

Mme Hivon: On pourrait parler de C-10 assurément, peut-être dans un autre contexte. C'est un autre sujet sur lequel des fois, étonnamment, on s'entend, il y a des consensus.

M. Landry (Lucien): ...il y a un problème spécifique qui nous concerne au C-10.

Mme Hivon: Je veux juste peut-être, en terminant, vous remercier pour vos commentaires précis. On n'a pas le temps de tout aborder, mais ça va alimenter assurément notre réflexion.

L'article 21, je veux juste vous dire que je trouve ça très intéressant, ce que vous dites, puis je veux juste le noter publiquement, parce que, dans le deuxième alinéa, on dit: La personne, donc, est convoquée comme témoin, a le droit d'être informée par celui qui la convoque de la raison de sa convocation et de l'objet de son témoignage et, si elle le demande, sur le déroulement de l'instance, et là vous dites: Pourquoi résumer ça à «si elle le demande»? Et...

Une voix: ...

Mme Hivon: Oui. Bien, je pense que c'est une bonne question aussi dans une... Il y a peut-être, là, des cas où il y a une redondance ou tout ça, je peux concevoir, mais en même temps le déroulement de l'instance est, en général, différent d'une instance à une autre, et peut-être que, pour des fins pédagogiques aussi, ce serait bien que la personne le reçoive, en quelque sorte, d'office. Donc, je voulais juste vous remercier d'avoir peut-être amener ça comme point. Et merci en général de votre présentation.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci beaucoup. Alors, si vous n'avez pas d'autre question, Mme la députée de Joliette, nous, ça aura fait le tour de cette présentation. Alors, je tiens à vous remercier, aux membres du Comité des orphelins victimes d'abus et à l'ensemble des représentants, d'avoir participé aux travaux de la Commission des institutions aujourd'hui. Je vous remercie.

Donc, la commission ayant épuisé son ordre du jour, nous allons suspendre les travaux et... En fait, la commission ajourne ses travaux au mardi 31 janvier, à 9 h 30, où elle se réunira afin de poursuivre le mandat.

(Fin de la séance à 12 h 25)

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