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Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le jeudi 24 mai 2012 - Vol. 42 N° 93

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 75, Loi portant sur certains pouvoirs d’inspection et de saisie


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures douze minutes)

La Présidente (Mme Vallée): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes qui sont présentes dans la salle de bien vouloir vous assurer d'éteindre la sonnerie de votre téléphone cellulaire.

Donc, la Commission des institutions est réunie cet avant-midi afin de procéder aux consultations particulières sur le projet de loi n° 75, Loi portant sur certains pouvoirs d'inspection et de saisie.

Alors, d'abord, avant de débuter, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. St-Arnaud (Chambly) remplace M. Cloutier (Lac-Saint-Jean).

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Donc, ce matin, nous allons débuter par les remarques préliminaires, et puis nous allons recevoir les représentants de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction. Alors, bonjour, messieurs. Et, cet après-midi, nous accueillerons le Barreau du Québec ainsi que le Directeur des poursuites criminelles et pénales et nous allons conclure avec les remarques finales.

Remarques préliminaires

Donc, sans plus tarder, M. le ministre, je vous invite à faire vos remarques préliminaires.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. Je vais y aller assez sommairement, parce que je voudrais qu'on puisse entendre la commission. Ça me semble bien important.

Maintenant, mettons quand même le contexte de la réunion à laquelle nous assistons présentement. Je cite la lettre de l'honorable France Charbonneau, du 11 avril 2012, au premier ministre, je cite les deux premiers paragraphes: «Les travaux de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, dont le gouvernement m'a confié la présidence, sont commencés depuis quelques mois déjà.

«À ce jour, la conduite de nos travaux nous oblige à conclure qu'il est impératif que la commission soit dotée de pouvoirs d'inspection et de perquisition afin de lui permettre de remplir adéquatement son mandat. Ces pouvoirs nous seront nécessaires et utiles tout au long de nos travaux pour mener à bien notre mandat.»

Mme la Présidente, le projet de loi que nous étudions aujourd'hui est la réponse à cette demande. C'est le projet de loi n° 75, qui a été déposé la semaine dernière, je crois. Le projet de loi accorde à la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction des pouvoirs additionnels, des pouvoirs d'inspection et de saisie qui visent à donner à la commission des outils supplémentaires, donc, pour mener son enquête. La commission aurait également plus d'autonomie pour l'obtention des éléments de preuve.

Je voudrais signaler que ce projet de loi accorde aux commissaires de la commission le pouvoir d'autoriser une personne à exiger la production de tout objet, document ou renseignement, à faire des inspections et à demander à un juge de paix une autorisation pour pénétrer dans un lieu, lorsque l'accès au lieu visé par une inspection est refusé ou pour tout autre motif raisonnable, afin d'y rechercher et d'y saisir tout objet ou tout document pertinent à l'exécution du mandat. Voilà en gros ce dont il est question dans le projet de loi.

Après les remarques préliminaires et la présentation de la commission, je voudrais déposer un amendement que nous ferons au projet de loi, qui concerne le ministère du Revenu et qui a été présenté aussi à la commission. Je le déposerai tantôt, à l'occasion des discussions. Je vais donc mettre ça, d'une part.

D'autre part, je voulais signaler de la façon dont j'allais me comporter et l'encouragement que je donne à tous ceux qui participent à nos travaux. Comme le dit la présidente, la commission a déjà entamé ses travaux, et je crois que, pour le bon exercice de la commission, nous pouvons concentrer nos questions sur le projet de loi mais pas nécessairement sur les travaux que la commission mènera dans ces lieux de sa propre commission. Alors, il y a toujours quelque prudence qui doit nous guider, autant sur les travaux qui sont menés que ceux sur... aussi les travaux et les enquêtes policières et en même temps sur toute question d'ordre juridictionnel, constitutionnel, alors, si je peux le suggérer, soyons prudents dans les propos que nous aurons.

Voilà pour mes remarques préliminaires, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. Alors, j'invite maintenant la députée de Joliette et porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice à faire vos remarques préliminaires.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de saluer tous les membres de la commission, l'équipe qui accompagne le ministre, bien sûr, les différents témoins et non les moindres qui viendront nous faire des représentations aujourd'hui.

Je dois vous dire que je suis très heureuse de participer à ces travaux, parce qu'on vit des moments pour le moins mouvementés, au Québec, des moments pas faciles pour la démocratie, et de voir cette commission Charbonneau en marche, cette commission Charbonneau bien présente devant nous aujourd'hui, c'est pour nous et, je pense, pour les citoyens un grand signe d'espoir, un signe d'espoir qu'on va redonner toutes leurs lettres de noblesse à nos institutions, un signe d'espoir qu'on va aller au fond des choses avec toutes ces allégations, ces scandales qui se sont accumulés depuis plusieurs années. Donc, je dois vous dire qu'aujourd'hui vous êtes un peu de lumière pour nous dans la noirceur que nous vivons en ce moment.

Je veux vous dire aussi qu'il était pour le moins surprenant, pour l'opposition, de voir qu'après s'être battus... et la députée de Lotbinière va probablement le rappeler, mais, après s'être battus longuement pour avoir une commission d'enquête, par la suite pour avoir une vraie commission d'enquête avec tous les pouvoirs prévus à la Loi sur les commissions d'enquête, le ministre de la Justice, maintenant, vient déposer un projet de loi pour qu'il y ait même plus de pouvoirs que ceux prévus à la commission d'enquête. Donc, pour nous, c'est un paradoxe, mais c'est un très beau paradoxe. Et, comme pourrait dire le ministre, l'évolution évolue, et on espère qu'elle évolue dans le bon sens, parce que c'est certain qu'on était même allés jusqu'à présenter des motions, à l'automne, pour que la commission puisse avoir tous les pouvoirs sans avoir à les quémander, et le gouvernement avait voté contre, mais aujourd'hui je vois que l'évolution a évolué et qu'on est même prêts à entendre les demandes de pouvoirs supplémentaires. Donc, c'est, ça aussi, je crois, un signe d'espoir, et un signe d'espoir que peut-être que dans d'autres dossiers aussi l'évolution pourrait évoluer. Alors, souhaitons-le-nous.

Plus précisément, bien sûr, on va avoir un certain nombre de questions. On a pris connaissance du projet de loi avec beaucoup d'intérêt, pris connaissance aussi avec une attention renouvelée de la Loi sur les commissions d'enquête, qui, on le sait, n'a pas été revue depuis des temps immémoriaux, mais on voudra bien comprendre pourquoi la nécessité de ces pouvoirs alors que d'autres commissions d'enquête, on peut penser à la CECO, on peut penser à la commission qui faisait suite, donc, à l'affaire Matticks... donc pourquoi aujourd'hui ces pouvoirs sont-ils nécessaires; s'assurer qu'ils seront exercés exactement comme on le comprend tous à la lumière des dispositions de la loi; s'assurer aussi qu'il va y avoir une totale cohérence et compatibilité avec les dispositions générales de la Loi sur les commissions d'enquête et, je vous dirais, une totale cohérence et compatibilité aussi avec les pouvoirs exercés en parallèle par la police, par l'UPAC -- qui nous a d'ailleurs envoyé ses commentaires par écrit -- et que tout ça va donc s'articuler d'une manière très concrète et qui va permettre le meilleur travail possible et l'exercice du mandat de la commission avec toute la profondeur requise pour qu'on puisse vraiment avoir toutes les réponses aux questions que les Québécois se posent et tout ce qui va être nécessaire pour redresser -- j'y reviens -- la confiance des citoyens envers leurs institutions et leur démocratie.

Vous avez énormément de poids sur les épaules, je ne veux pas vous en ajouter aujourd'hui. Je veux simplement vous dire qu'on va collaborer pleinement au cours de la journée d'aujourd'hui à ces travaux et au cours de l'étude détaillée pour s'assurer que le mandat de la commission va pouvoir vraiment se déployer avec toute la force qui doit lui revenir. Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente.

**(11 h 20)**

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée de Joliette. Alors, avant de poursuivre, j'aurais besoin du consentement des membres de la commission pour deux choses. Dans un premier temps, nous aurons besoin de... nous allons sans doute être appelés à déborder de l'heure prévue de 13 heures, donc j'ai besoin du consentement des membres afin de permettre la poursuite de nos travaux au-delà de 13 heures. Est-ce qu'il y a consentement?

Et, dans un deuxième temps, on m'informe que Mme la députée de Lotbinière souhaiterait faire des remarques préliminaires et, à titre de députée indépendante, Mme la députée ne dispose pas... Alors, est-ce qu'il y a consentement afin que notre collègue puisse faire...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): Alors, vous avez maintenant un deux minutes de remarques préliminaires, Mme la députée de Lotbinière.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci, Mme la Présidente. Merci aux membres de la commission Charbonneau de venir nous rencontrer ici et merci à M. le ministre de s'être plié à l'exercice des consultations particulières et aussi rendu à la demande de la commission Charbonneau. Je pense que le fait de vous voir ici, ça déboulonne des mythes en politique. Celui que six mois, c'est une éternité puis que le peuple oublie, bien je pense qu'on a passé 926 jours à demander une commission d'enquête, et les gens n'ont jamais oublié. Donc, c'est peut-être précurseur d'une nouvelle façon de faire de la politique. J'espère que c'est que le cas puis que ça va amener le gouvernement à avoir une oreille attentive aux demandes du peuple.

L'autre mythe, c'est que nous, l'opposition, on est là juste pour critiquer, mais, non, là on a fait avancer un dossier. À force de nos attaques démocratiques ici, à l'Assemblée nationale, inlassables, on a fini par avoir ce qu'on voulait. Moi, je me souviens de... Combien de fois les commentateurs de radio m'ont dit: Si vous ne l'avez pas, votre commission d'enquête, qu'est-ce que vous allez faire? Bien, j'ai dit, je vais la redemander. Et puis finalement le gouvernement s'est rendu à nos arguments mais surtout à ceux de la population, qui s'est rangée derrière l'opposition.

Donc, je suis vraiment contente d'avoir entendu Mme la juge Charbonneau faire son entrée devant les médias. Concernant son allocution, que j'ai écoutée avec beaucoup d'attention, j'ai vu qu'elle n'avait pas l'intention de restreindre la tenue de son mandat, qu'elle avait l'intention de prendre toute la charge que cela lui imposait, et j'en suis ravie.

Maintenant, si elle a besoin d'autres outils qui sont ceux présentés dans cette loi-là, soyez assurés de notre collaboration pour que vous puissiez avoir tous les outils nécessaires pour mener à bien votre mission, qui est, je le sais, très complexe. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci, Mme la députée de Lotbinière. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui souhaiteraient faire des remarques préliminaires?

Auditions

Donc, sans plus tarder, nous allons débuter les auditions, et j'invite maintenant les représentants de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction à présenter leur exposé. Donc, M. Lauzier, Me Lussier et Me Chartrand, bienvenue devant la Commission des institutions. Vous avez 30 minutes pour votre exposé.

Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des
contrats publics dans l'industrie de la construction

M. Lussier (Sylvain): Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. le ministre, MM. et Mmes les députés, merci énormément de nous donner cette occasion de nous adresser à vous. Merci à l'Assemblée nationale, merci au ministre de déposer ce projet de loi qui d'entrée de jeu, je dois dire, satisfait entièrement dans tous ses articles les demandes exprimées par Mme la présidente Charbonneau en son nom et au nom des commissaires le 11 avril 2012, tel que nous l'a lu M. le ministre Fournier.

On a mentionné le caractère vieillot de la loi qui nous gouverne, la Loi sur les commissions d'enquête. Le texte qui nous gouverne aujourd'hui peut se retrouver à peu près verbatim dans les statuts du Québec, 59 Victoria, chapitre XI, et, pour traduire en français, c'est une loi de 1895, laquelle amendait la première mouture de la loi concernant les enquêtes sur les affaires publiques, laquelle avait été adoptée en 1869.

Donc, la dernière réorganisation majeure de la Loi sur les commissions d'enquête date de 1895, et vous allez pouvoir retrouver tous les articles de notre loi presque mot pour mot dans le texte de 1895, à l'exception, je dois le dire, des émoluments des commissaires, qui, à l'époque, étaient fixés à 10 $ pour six heures. Par contre, la loi ne contenait qu'un seul pouvoir, celui d'assigner devant eux des gens, y compris pour apporter avec eux des documents.

La justice a évolué. Malheureusement, cette loi-là n'a pas véritablement évolué, à tel point... Et vous mentionniez, Mme la députée, entre autres, la commission d'enquête sur le crime organisé. Laissez-moi vous dire ceci à propos de la commission d'enquête sur le crime organisé: Elle avait été instituée en vertu de la Loi de police. La Loi de police avait été adoptée en 1968 et créait la Commission de police. La Commission de police avait le pouvoir, en vertu de cette Loi de police, de faire des enquêtes sur les sujets que le gouvernement lui confiait, et, comme on le sait, en 1972, le gouvernement a confié à la Commission de police le pouvoir de faire enquête sur le crime organisé. Or, la Commission de police ne bénéficiait que de pouvoirs généraux à son article 21, qui référait à la Loi sur les commissions d'enquête, donc la Commission de police avait les pouvoirs d'une commission d'enquête instituée en vertu de notre fameuse Loi sur les commissions d'enquête. Les commissaires se sont empressés de demander à l'Assemblée nationale, en 1972, des amendements, mais uniquement des amendements à la Loi de police. Or, en 1972, l'Assemblée nationale, à l'unanimité, a accordé à la Commission de police et à la seule Commission de police des pouvoirs d'enquête, de perquisition et de saisie, qui sont devenus les articles 21a, 21b, 21c, 21d, 21e de la Loi de police mais qui n'ont pas été incorporés dans la Loi sur les commissions d'enquête. Nous avons donc, la commission d'enquête, des pouvoirs qui, comme je viens de vous l'exposer, datent de 1895.

Juste pour vous donner un exemple, le projet de loi qui est devant vous va accorder aux commissaires le pouvoir de demander péremptoirement des documents, ce qui veut dire que, sur simple demande, la personne, l'institution, l'organisme, la corporation, l'association va devoir produire des documents. Aujourd'hui, si on s'en tenait à la lettre de la loi, il faudrait envoyer un subpoena, convoquer une assemblée des trois commissaires, qui siégeraient pour recevoir les documents que la personne assignée viendrait déposer devant eux et qui repartiraient.

Donc, les pouvoirs qui sont proposés à l'Assemblée nationale pour la commission d'enquête sur l'industrie de la construction sont des pouvoirs réalistes et modernes qui permettent à la commission, sur simple demande, d'obtenir des documents. Les autres pouvoirs qui sont proposés pour la commission sont des pouvoirs, tout d'abord, d'inspection qui permettent aux enquêteurs de la commission de pénétrer dans des lieux avec le consentement de la personne concernée, qui aura obligation néanmoins de collaborer et de remettre des documents sur demande, et, à défaut de collaboration ou dans certains cas qui peuvent facilement venir à l'esprit, à ce moment-là, la commission demanderait par l'intermédiaire d'une personne autorisée qui, sur déclaration assermentée, s'adresserait à un juge de paix pour obtenir des pouvoirs plus coercitifs d'inspection et de saisie, qui sont les pouvoirs que nous estimons nécessaires à la conduite de notre enquête.

Vous faisiez justement référence à la commission d'enquête sur le crime organisé. Vous n'êtes pas sans savoir, entre autres, que le deuxième volet de notre mandat concerne justement d'enquêter sur une possible infiltration du crime organisé dans l'industrie de la construction. Donc, on voit tout de suite le parallèle qui peut être tracé entre les travaux de cette commission de 1972 et les nôtres, et c'est pour ça que nous accueillons avec énormément d'enthousiasme la proposition des pouvoirs qui nous seraient déférés. Et, comme le disait la présidente, ces pouvoirs nous sont nécessaires et utiles.

Il n'est pas inutile non plus, je pense, d'indiquer à cette commission que le législateur, dans d'autres provinces, a effectivement octroyé aux commissions d'enquête, les commissions d'enquête publique, des pouvoirs similaires à ceux qui sont demandés par la commission et proposés à l'Assemblée nationale. C'est le cas notamment en Ontario, qui a revu sa loi en 2009. C'est le cas également à Terre-Neuve, qui propose des pouvoirs d'inspection et des pouvoirs de saisie exactement comme ceux qui sont proposés à l'Assemblée nationale, et dans d'autres provinces également il existe des pouvoirs similaires.

Donc, nous considérons qu'effectivement, à défaut de moderniser la Loi sur les commissions d'enquête, qui est un exercice quand même beaucoup plus fastidieux que celui-ci, nous obtenons par le projet de loi qui est déposé devant l'Assemblée nationale les pouvoirs qui nous sont nécessaires et utiles. Et, peut-être pour compléter l'exposé que la commission souhaite vous faire, je passerais la parole à Me Claude Chartrand, qui est le procureur en chef adjoint.

**(11 h 30)**

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Me Chartrand.

M. Chartrand (Claude): Bonjour. Merci à mon tour de nous accueillir et nous donner le privilège de pouvoir faire les représentations qui, à notre avis, justifient l'adoption du projet de loi qui est déposé par le ministre de la Justice.

Je me permets d'emblée de citer l'un de ceux qui ont occupé votre fauteuil, M. le ministre, M. Jérôme Choquette, qui témoignait en commission parlementaire... enfin, qui intervenait en commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale, plutôt, le mercredi 5 juillet 1972 relativement à la modification de la Loi de police qui était proposée, à la demande des commissaires de la commission d'enquête sur le crime organisé de cette époque, et M. Jérôme Choquette s'exprimait ainsi ce 5 juillet: «Mais il faut se rappeler que là où la Commission de police aura à enquêter est un domaine particulièrement difficile où les preuves sont difficiles à obtenir, où les témoins sont souvent récalcitrants, où la collaboration d'un certain nombre de personnes qui peuvent faire l'objet de cette enquête est loin d'être acquise, et j'ai bien conscience, M. le Président, au moment où je m'exprime -- je m'excuse, hein, je n'ai pas mes lunettes aujourd'hui -- de faire un euphémisme. Il va de soi que les résistances à cette enquête, elles sont évidentes, elles sont patentes de la part de ceux qui seraient appelés à venir y témoigner parce qu'ils auraient été associés à l'une ou l'autre des phases d'activité criminelle qui feraient l'objet de l'enquête par la commission.

«Il faut donc faire un constat à l'effet que le travail confié à cette commission est particulièrement difficile et délicat et que les pouvoirs ordinaires qui se trouvent à la Loi des commissions d'enquête ne sont pas suffisants pour permettre à la commission de poursuivre efficacement son enquête. Les pouvoirs ordinaires que nous reconnaissons aux commissaires-enquêteurs, en vertu de [la] Loi des commissions d'enquête, ne sont pas assez considérables pour permettre à la Commission de police d'agir avec toute l'efficacité nécessaire.»

C'étaient les propos de votre prédécesseur en 1972, et vous constaterez comme moi qu'ils sont on ne peut plus actuels encore aujourd'hui, et nous sommes devant vous comme d'autres avant nous ont dû venir devant l'Assemblée pour réclamer les mêmes pouvoirs qu'on vous réclame. À cette époque, on les avait inclus dans la Loi de police, laquelle a été depuis abrogée, et cette fois-ci on les met dans une loi spéciale. Souhaitons-le, qu'un jour ils se retrouvent dans la Loi sur les commissions d'enquête.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Me Chartrand. Est-ce que vous avez d'autres représentations?

M. Lussier (Sylvain): Je pense que ça complète, quant à nous, notre présentation. Une fois de plus, nous exprimons notre entière satisfaction avec le projet qui est devant l'Assemblée nationale.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci, messieurs. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la Justice pour un bloc de 15 minutes.

M. Fournier: Merci beaucoup. Merci à vous d'être avec nous.

Je vais... Peut-être me permettrez-vous une technicalité, je l'annonce à l'avance pour le bénéfice de nos collègues qui vont participer à l'étude article par article, présumément la semaine prochaine: Il y a un amendement, et, pour l'instant, c'est le seul. Je dis «pour l'instant» parce que, lorsqu'on fait des article par article, il arrive qu'il y ait d'autres amendements, mais il y a un amendement qu'on va distribuer à la commission et distribuer à tous mes collègues et à vous-mêmes pour pouvoir travailler tous sur un même niveau. L'amendement concerne le ministère du Revenu, qu'il soit en mesure, dans ses lois à lui, de pouvoir répondre aux demandes de la commission. Alors, de donner des pouvoirs à la commission, c'est une chose. Que ces pouvoirs puissent être efficaces, il faut aussi qu'il y ait une modification au Revenu.

Alors, je prends la peine de le préciser, que le projet de loi comme la disposition d'amendement ont déjà été soumis à la commission pour nous assurer que tout était convenable. Et la raison pour laquelle je le fais à ce moment-ci, c'est pour insister à ma première question sur le contexte particulier de la commission.

Je vais faire une parenthèse peut-être sur l'évolution qui évolue. D'ailleurs, je ne suis pas sûr d'être le seul parrain de la formule. Je vois quelqu'un dans la salle qui m'a un peu aidé à cette formule, qui ne veut rien dire, finalement, et je le sais très bien. Mais, lorsqu'on regarde dans l'ensemble de ce dossier-là, il y a d'abord une approche policière qui a été prise. Alors, d'abord, il y avait des policiers. Ensuite, ça a évolué vers Marteau. Ensuite, ça a évolué vers UPAC. Il y a des modifications qui ont été apportées au fil du temps pour tenter de se donner les meilleurs moyens pour régler ou au moins tenter de terrasser la problématique qui était devant nous.

Il est de même nature que l'évolution évolue aussi à l'égard de la commission, mais, une fois qu'on a les deux moyens qui sont lancés et, on le sait, surtout lorsqu'interviennent des nouveaux pouvoirs comme ceux-là, ça nous amène, je dirais, à une question de doigté sur la façon dont ces pouvoirs pourront être utilisés, compte tenu notamment de la responsabilité de protéger les preuves en matière criminelle, et donc autant pour les aspects, je dirais, de constitutionnalité que pour les aspects de non-contamination de preuve.

Ma première question est la suivante, et je la pose... Je le dis à l'avance, je connais la réponse, mais je veux que mes collègues l'entendent. Les articles qui ont été rédigés, je le sais, l'ont été, rédigés, avec beaucoup de précautions. Est-ce qu'à votre... Et donc votre réponse va nous aider un peu à l'article par article. Je comprends de ce que vous avez dit et j'insiste: La façon dont ils sont écrits, vous permettent-ils, premièrement, de faire le travail que vous avez à faire, de remplir le mandat que vous avez, étant entendu que ce mandat inclut aussi de protéger la preuve policière pour les poursuites en matière criminelle et considérant toute question qui pourrait être soumise -- on a déjà vu ça dans d'autres commissions -- toute question qui pourrait être soulevée concernant la constitutionnalité de l'ensemble de l'oeuvre?

Alors, ma question, si votre réponse était affirmative, elle nous amènerait, nous, à une prudence supplémentaire lorsque nous arriverions à l'étude article par article. Alors, vous voyez un peu le sens de ma question. Je veux savoir que les libellés font le travail et, deuxièmement, je veux être sûr qu'ils le font correctement, sans mettre en péril ni la preuve policière ni les aspects de constitution.

M. Lussier (Sylvain): Alors, avant de passer la parole à mon collègue, Me Chartrand, nous avons, dans les échanges que nous avons eus avec le ministère de la Justice, insisté pour que le projet de loi comprenne des articles qui, quant à nous, font en sorte que le texte respecte les dispositions des chartes qui s'appliquent, alors plus particulièrement l'article 24.1 de la charte québécoise des droits et libertés de la personne et l'article 8 de la charte canadienne. Quant à nous, l'ajout de certaines protections et de certaines exigences, le fait, entre autres, d'avoir à demander à un juge de paix le pouvoir d'émettre les brefs de saisie et d'inspection, le fait d'avoir à faire rapport, quant à nous, répond aux critères qui ont été élaborés, entre autres, par la Cour suprême dans l'affaire Hunter c. Southam en 1984, et un exemple de l'application de cela, c'est l'ajout dans la loi sur la recherche des causes de décès de l'article 49 et des protections qui y sont attachées, parce que le coroner a le même genre de pouvoirs que ceux qui sont proposés à l'Assemblée nationale.

Donc, nous avons étudié le projet de loi qui est soumis et nous avons la conviction que les balises qui y sont et les processus de rapport qui y sont prévus font en sorte que les dispositions constitutionnelles sont respectées. Me Chartrand veut peut-être élaborer sur cette question-là.

**(11 h 40)**

M. Chartrand (Claude): Bien, je n'irai pas davantage plus en profondeur sur tout le respect des droits constitutionnels, simplement pour rappeler le fait que, la commission, dans toutes ses actions, que ce soit dans le cadre d'un pouvoir de saisie, ou même dans le cadre d'assignations, ou même dans le cadre des différentes décisions que les commissaires auront à rendre, ils sont régis par toutes les lois applicables à la commission, donc toutes les lois au Québec, toutes les lois canadiennes, particulièrement les deux chartes. Alors, conséquemment, on insistait pour que, dans cette loi-là, les pouvoirs qui sont les garanties qu'on retrouve dans d'autres lois qui protègent les droits constitutionnels s'y retrouvent, on les retrouve dans le texte de loi, dans le projet de loi que vous nous présentez.

D'autre part, sur le volet de protection des enquêtes en cours, déjà dans le décret créant la commission d'enquête vous avez prévu un attendu à l'effet que la commission veille à ne pas compromettre les enquêtes actuellement menées en application de la Loi concernant la lutte contre la corruption et d'éventuelles poursuites judiciaires qui peuvent en découler. Je peux vous assurer que la commission, depuis sa création, et quand vous regardez les gens qui ont été sélectionnés et qui composent l'équipe juridique de la commission, tous ensemble on porte un soin jaloux à faire en sorte qu'aucune personne qui pourrait être traduite et condamnée par les tribunaux de droit commun ne puisse échapper à la justice qui découle de l'application des lois à cause de l'action de la commission. Donc, conséquemment, nous avons établi les relations avec nos partenaires, différents partenaires, pour s'assurer que les actions menées par la commission ne peuvent nuire ni aux enquêtes en cours ni aux procédures judiciaires en cours. Alors, on le répète dans le préambule de ce projet de loi là, c'était déjà prévu dans le décret, et c'est notre gouverne de tous les jours d'avoir toujours le souci de savoir que, lorsqu'on pose une action... de ne pas entraver ou compromettre une enquête en cours.

M. Fournier: Mais... Et je vais poser la question, mais limitez-vous, dans votre réponse, à ce que vous pouvez me dire, je ne veux pas vous en faire dire plus que vous ne voudriez m'en dire.

Pour commencer, le projet de loi actuel vous donne des pouvoirs supplémentaires d'enquête. La saisie, pour prendre celui-là, je comprends qu'il y a une gradation, puis c'est bien prévu comme ça pour supporter justement tous les aspects validant l'effet, le projet de loi, mais le pouvoir de saisie est parlant, il est un pouvoir d'enquête que la commission mènera elle-même. Par ailleurs, il y a des enquêtes policières qui, elles aussi, sont menées de façon indépendante.

Les moyens que vous avez permettent-ils d'user, comment je dirais, d'user en sachant à l'avance qu'ils ne vont pas compromettre l'autre processus d'enquête, disons, celui de la saisie? Peut-être que vous pourriez, en répondant à ma question, nous rappeler les éléments de prudence considérant la preuve que vous, vous pourriez identifier et qui ne pourrait pas être utilisée par les forces policières, ce qu'on appelle la contamination, donc nous donner un peu l'ordre général, comment ça fonctionne entre la commission d'enquête et les enquêtes policières et comment particulièrement avec ce pouvoir qui est un petit peu plus pénétrant, si je peux me permettre l'expression, votre mécanique de contact ou de liaison permet d'éviter la contamination?

M. Chartrand (Claude): Actuellement, nous avons des liens avec les principaux corps de police et les principales organisations d'enquête, agences d'enquête qui oeuvrent dans le secteur ou qui tombent dans le cadre du mandat de la commission. Alors, conséquemment, nos enquêteurs sont toujours en contact avec les policiers des différents organismes, que ce soit l'UPAC, Marteau ou d'autres organismes ou agences d'enquête, afin de s'assurer que leurs actions ne compromettront pas celles posées par les différents corps de police ou les différentes agences.

D'autre part, très souvent -- et c'est même dans la plupart des cas -- il y a une collaboration réciproque également, on est aussi informés de certains outils ou certaines enquêtes qui peuvent être intéressants pour la commission d'enquête mais qui ne peuvent pas nécessairement... qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments pour amener à des accusations, par exemple.

Donc, c'est un travail réciproque qui est mené par les enquêteurs de la commission et les enquêteurs des différentes agences. Alors, travaillant main dans la main, c'est sûr qu'on évite, de cette façon-là, de poser un geste alors que l'autre ignore ce que l'autre main fait, et conséquemment puisse avoir tout à fait involontairement des conséquences qui pourraient nuire à l'autre. Alors, en travaillant main dans la main, on sait ce que l'un et l'autre font et on évite, de cette façon-là, de se nuire, un peu comme il est arrivé au fil des années, où on a créé les équipes intégrées au niveau des agences policières dans le but, justement, qu'il n'y ait pas deux agences policières qui enquêtent les mêmes individus pour les mêmes crimes. Pour ne pas se nuire, on les fait en concertation.

Donc, ça, c'est la meilleure garantie qu'on a que l'un et l'autre ne pourra pas nuire, mais au contraire on va être en complémentarité l'un et l'autre, compte tenu que les objectifs sont nettement différents. Nous, on a à faire la lumière, et les agences policières ont à poursuivre en fonction de certaines lois, notamment le Code criminel.

M. Lussier (Sylvain): Si je peux me permettre, M. le ministre, je pense que le principal pouvoir qu'une commission d'enquête a et qui pourrait interférer ou contaminer avec les enquêtes policières existe déjà dans la Loi sur les commissions d'enquête, c'est le pouvoir de contrainte à témoigner. C'est là où vraiment les droits d'un accusé devant un tribunal de nature pénale interfèrent avec les pouvoirs qu'a une commission d'enquête.

Donc, les pouvoirs additionnels d'inspection et de saisie, quant à nous, ne viennent pas en conflit avec les droits qui existent. Le droit conflictuel, c'est le droit au silence qui existe pour un accusé dans une instance pénale ou criminelle, et ce droit au silence, il est déjà, si vous voulez, enlevé par le pouvoir de contrainte qu'a une commission d'enquête. Et là où la commission d'enquête doit agir avec doigté pour empêcher la contamination ou ne pas nuire aux droits d'un accusé, c'est dans le pouvoir de contrainte, et ce n'est pas, quant à nous, par ce projet de loi qu'il peut être ajouté à cette inquiétude.

La commission s'est dotée de mécanismes pour faire en sorte que le droit d'un accusé à une enquête pleine et entière ne soit pas mis en péril par soit des mesures de non-publication, soit tout simplement en décalant dans le temps le témoignage d'une personne avant ou après un procès, procès devant jury, parce que c'est dans ces conditions-là que le droit d'une personne à un procès juste et équitable peut être mis en péril, et également, les réponses que l'on obtient sous force de contrainte en interrogeant une personne, eh bien, la règle du jeu, elle est déjà là, la police ne peut pas s'en servir dans ses enquêtes. Donc, ce ne sont pas les pouvoirs additionnels qui nous seraient conférés par le projet de loi qui pourraient entrer en conflit, quant à nous, ou qui pourraient contaminer une enquête policière.

M. Chartrand (Claude): Si vous me permettez, justement pour en rajouter sur ce sujet relativement à la question du risque de contamination, le pouvoir que vous nous accordez, si le projet de loi est adopté, c'est un pouvoir de perquisition qui est le même pouvoir dont dispose n'importe quelle agence d'enquête, alors donc on n'a pas, contrairement au pouvoir de contrainte au niveau de l'assignation, un pouvoir additionnel. On peut contraindre des gens à venir témoigner devant les commissaires, alors qu'on ne peut pas contraindre un accusé à venir témoigner dans sa cause, mais on peut perquisitionner un accusé, par exemple, que ce soit en vertu du Code criminel, ou du Code de procédure pénale, ou d'autres lois. On pourrait maintenant perquisitionner n'importe quel individu qui pourrait éventuellement faire l'objet d'accusations...

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Me Chartrand. Je dois malheureusement mettre fin à ce bloc d'échange, et nous reviendrons dans un autre temps. Alors, je vais céder maintenant la parole à Mme la députée de Joliette pour un bloc d'échange de 15 minutes.

Mme Hivon: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous trois d'être présents parmi nous aujourd'hui pour discuter de ce projet de loi et comprendre aussi un petit peu mieux le fonctionnement, tout en respectant toutes les mesures de précaution requises.

Juste pour débuter, pour faire suite exactement à ce dont vous parliez en lien avec toute la collaboration nécessaire avec les enquêtes policières en cours, on a compris, lors de l'étude des crédits, qu'il y avait en quelque sorte un agent de liaison qui était en liaison constante entre l'UPAC et la commission et entre la commission et le Directeur des poursuites criminelles et pénales pour s'assurer que le tout fonctionne convenablement. Vous confirmez... Je vois que vous opinez.

M. Chartrand (Claude): ...pas la même personne, mais, oui, il y a des liaisons entre les différents organismes.

**(11 h 50)**

Mme Hivon: Parfait. Et, quand... Là, je comprends que vous dites que vous travaillez en concertation, donc vous avez accès à la preuve qui peut vous être pertinente qui va être recueillie par les corps policiers qui sont en train de mener des enquêtes policières. On pense notamment à l'UPAC, à Marteau. Est-ce que l'inverse est aussi vrai? Si ce projet de loi est adopté et que vous avez vos pouvoirs d'enquête complets, si vous trouvez des éléments de preuve qui, lors de vos perquisitions, lors de vos enquêtes, vous apparaissent urgents ou pertinents à transmettre aux corps policiers dans la conduite d'enquêtes policières en cours pouvant mener à des arrestations à court terme, est-ce que l'échange va aller dans ce sens-là aussi?

M. Chartrand (Claude): Ça va dans ce sens-là, c'est déjà arrivé. Ça arrive, dans le cadre des enquêtes, que c'est pertinent particulièrement pour une enquête policière qui est en cours ou qui pourrait amener le début d'une enquête policière. L'échange... L'information est transmise.

Mme Hivon: Donc, ça, ça signifie que la commission Charbonneau est au fait concrètement de toutes les enquêtes policières qui ont cours en ce moment, du détail un peu des enquêtes policières qui ont cours en ce moment et qui pourraient avoir un impact sur vos travaux, et éventuellement, vice versa, les corps policiers vont être mis au fait de ce que vous pourriez trouver dans le cadre de votre collecte de preuve -- pouvoir d'enquête, saisie, perquisition -- et qui pourrait avoir un impact sur les enquêtes.

M. Chartrand (Claude): Oui, exactement. Dans la mesure où ça impacte les enquêtes policières en cours ou ça impacte une enquête qui débute, les échanges d'information se font de part et d'autre. Et bien souvent on a de l'information qui nous est acheminée qui ne concerne pas le mandat de la commission. Ces informations-là sont transmises, sont réacheminées vers l'autorité compétente pour traiter l'information, et à eux de décider ce qu'ils vont en faire, de l'information qui est transmise à ce moment-là, et de décider si, oui ou non, ils vont entreprendre des enquêtes.

Mme Hivon: O.K., merci. Avec les pouvoirs qui vous seraient conférés avec le projet de loi qui est devant nous, qui sont, à toutes fins utiles, assimilables à ceux de la police, est-ce qu'il reste des différences en termes de pouvoir d'enquête et de perquisition entre ce que vous seriez autorisés à faire et ce que les corps policiers sont autorisés à faire?

M. Chartrand (Claude): Dans la mesure où le pouvoir de perquisition est limité à l'étendue de notre mandat. Alors donc, il faut que ce soit en lien avec l'industrie de la construction. C'est pour ça que je vous disais tout à l'heure: On reçoit souvent des appels téléphoniques, et la commission d'enquête devient pour certains l'espèce de soupape et l'endroit, là... l'ombudsman de toutes les enquêtes possibles qui pourraient être intentées ou débutées. Alors, c'est réacheminé, comme je vous disais, aux endroits appropriés, mais, vu que ça ne tombe pas dans le cadre de notre mandat, évidemment, nos pouvoirs ne s'appliquent pas, autant avec l'ancien... avec la Loi sur les commissions d'enquête on ne peut pas assigner des gens devant la commission pour venir témoigner d'un fait qui n'est pas en lien avec notre mandat. D'ailleurs, si vous consultez nos règles de procédure, vous allez constater qu'on a pris un soin aussi jaloux et intense -- je cherche le mot -- pour définir très bien chacun des termes qui concernent le mandat de la commission, pour qu'on puisse très bien circonscrire le mandat et éviter des contestations à l'effet qu'on déborde de notre mandat, déjà, qui est assez vaste.

Mme Hivon: Je comprends et je pense que c'est fort à propos que vous ayez ce souci-là. Est-ce que de la manière dont c'est libellé en ce moment à l'article, je crois... On dit «pertinent à l'exécution du mandat», je crois, pour vous conférer les pouvoirs. Ça vous apparaît assez restrictif pour s'assurer qu'il n'y a pas de risque, justement, qu'on puisse vous accuser de faire des parties de pêche ou de dépasser le cadre de votre mandat?

M. Chartrand (Claude): Dépasser le cadre de notre mandat, c'est assez explicite, à notre avis. Je n'aime pas le terme «partie de pêche», parce qu'une commission d'enquête, en soi, lorsque c'est créé, c'est justement pour faire la lumière sur une situation donnée, et conséquemment, bien, il y a des enquêtes qui doivent être faites. Alors, on ne va pas aveuglément cogner à n'importe quelle porte dans le but de savoir est-ce qu'on peut trouver des indices de collusion ou de corruption dans le cadre d'un contrat de construction, c'est toujours pertinent à notre mandat, mais c'est sûr qu'on ratisse large, et conséquemment... Je n'aime pas le terme «partie de pêche». On est en enquête, donc on recherche, on est à la recherche de...

M. Lussier (Sylvain): Et ce n'est pas... Évidemment, si on savait ce qu'on va trouver, bien on ne le chercherait pas, donc...

Mme Hivon: C'est d'une logique implacable. Est-ce que les... Vous avez parlé amplement de la CECO. Là, évidemment, on est retournés voir; ces articles-là ne sont plus là, ils ont été abrogés. Toute la Loi de police ayant été revue, donc, ils sont passés dans le tordeur, de ce que je comprends.

Vous venez les redemander spécifiquement. J'imagine qu'il y a quand même des différences du fait de l'avènement des chartes qui doivent être significatives. Donc, en quoi vous compareriez ce qui a été spécifiquement accordé à la CECO versus ce que vous venez demander aujourd'hui avec ce projet de loi là? Et, subsidiairement, pourquoi il n'y a pas eu d'autres commissions d'enquête, au fil du temps, qui ont eu besoin ou qui ont demandé ces pouvoirs additionnels là?

M. Chartrand (Claude): Bon, si vous me permettez, sur le premier volet, par rapport à ce qui existait au moment de la CECO et ce qui existe aujourd'hui, il y avait des pouvoirs de perquisition prévus dans les autres lois, dans le Code criminel et dans d'autres lois avant l'avènement des chartes. Ces pouvoirs de perquisition là sont restés les mêmes après l'avènement des chartes, sauf qu'ils doivent être exécutés conformément aux chartes. Alors donc, les perquisitions qui se sont faites en 1972 -- c'était avant l'avènement des chartes -- bien elles vont être faites aujourd'hui, s'il y en a, conformément aux exigences prévues par les chartes, mais ça va demeurer des perquisitions. Alors, il y a des règles élémentaires, bon, les motifs raisonnables, l'annonce, alors tous les éléments qui sont contenus pour rendre une perquisition légale.

M. Lussier (Sylvain): Si je peux me permettre, la différence fondamentale, elle réside dans le fait que, si vous regardez les amendements de 1972, elle conférait aux commissaires ou à un de ses membres qui est juge le pouvoir d'autoriser un membre de la commission à perquisitionner dans les établissements. Or, ce que Hunter contre Southam est venu nous dire, c'est que, pour être valable, pour être autorisée, pour ne pas être abusive au sens de 8 et de 24.1, une fouille ou une perquisition doit être autorisée par quelqu'un d'indépendant. Alors, on retrouve justement cet élément d'indépendance dans le projet de loi, à savoir que c'est un juge de paix qui doit autoriser l'inspection et la saisie qui est demandée.

La même chose si vous regardez la façon dont la loi sur la recherche des causes de décès a été amendée en 1986. Au moment de son adoption, à la fin des années 70 ou 80, un coroner pouvait lui-même autoriser une perquisition. Or, quand Hunter contre Southam est arrivé, en 1984, on a dit: Pour être conforme à la charte, cette perquisition doit être autorisée par un juge de paix. On a amendé la loi sur la recherche des causes de décès pour faire en sorte que ce ne soit pas le coroner qui émette lui-même le mandat mais qu'il doive s'adresser à un juge de paix.

Alors, vous allez remarquer que la différence fondamentale entre la loi de 1972 et la loi qui est devant vous, c'est le fait que la personne autorisée doit exposer des motifs raisonnables à un juge de paix, qui va, à ce moment-là, émettre le mandat qui lui est demandé. Et, par la suite, comme l'a dit Me Chartrand, il y a des obligations de faire rapport et de rendre compte qui n'existaient pas en 1972 et qui existent, par exemple, dans le Code de procédure pénale, et je crois qu'il y a certains des articles du projet de loi qui est devant vous qui sont des adaptations des exigences du Code de procédure pénale en matière de rapport.

**(12 heures)**

M. Chartrand (Claude): Exactement. Sur le volet: Pourquoi d'autres commissions d'enquête n'ont pas requis, demandé ce pouvoir-là?, bien, dépendant de la nature du mandat... Ici, dans le type de mandat, le mandat qui est confié à la commission, on a, comme mon collègue vous le mentionnait, un volet qui ressemble à celui de la CECO et on a un autre volet qui traite de la corruption, de la collusion, qui sont des infractions soit au Code criminel soit à la Loi sur la concurrence. Alors donc, ça a trait... Évidemment, ça demande des pouvoirs additionnels pour pouvoir aller chercher, faire la recherche de ces informations-là, qui ne s'obtiennent pas aussi facilement que si c'est une commission d'enquête qui enquête un sujet donné sur un incident particulier qui n'a pas cette connotation, où on peut avoir plus souvent accès à des informations qui nous viennent d'un milieu moins collaborateur.

D'autre part, si vous regardez les lois qui ont été adoptées par les autres provinces, notamment l'Ontario, Terre-Neuve, vous allez voir que, dans ces lois-là, dans certaines de ces lois-là, on prévoit que, lorsque le lieutenant-gouverneur décrète ou accorde un décret pour créer une commission d'enquête, il a le pouvoir de décréter que ces dispositions-là vont s'appliquer ou pas. Alors, dans certaines lois, la Loi sur les commissions d'enquête va s'appliquer, sauf ces dispositions-là, à moins que le lieutenant-gouverneur en conseil ne l'ait décrété. Donc, on a prévu ce mécanisme-là ailleurs justement parce qu'on réalise que des commissions d'enquête peuvent très bien se tenir sans qu'aient lieu des perquisitions ou des saisies, alors que, d'autres, on va nécessiter ces pouvoirs additionnels là pour aller rechercher les éléments pertinents pour faire en sorte qu'on puisse remplir le mandat et que la vérité soit étalée au grand public.

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Oui, merci, Mme la Présidente. Bien, d'abord, je salue les représentants de la commission, Me Lussier, M. Lauzier et Me Chartrand -- Mme la Présidente, ça ne nous rajeunit pas -- contre qui j'ai plaidé il y a un quart de siècle, quand je commençais à plaider dans le district de Longueuil.

Alors, évidemment, Mme la Présidente, on se réjouit que la commission soit sur les rails, j'ai déjà eu l'occasion de le dire publiquement, et on se réjouit aussi du dépôt du projet de loi. Et, comme le disait ma collègue, effectivement, c'est un petit peu amusant, parce qu'on a dû, de ce côté-ci, déposer à un certain moment, en octobre, une motion pour que les pouvoirs minimaux à la Loi sur les commissions d'enquête s'appliquent à la commission Charbonneau, et la partie ministérielle avait voté contre cette motion-là. Alors, c'est un peu amusant de voir qu'aujourd'hui non seulement on a les pouvoirs de la Loi sur les commissions d'enquête, mais on en veut plus. Mais nous nous réjouissons du dépôt de ce projet de loi.

Très brièvement, je constate que vous avez dit, Me Lussier, que vous êtes satisfaits entièrement. Je comprends que vous avez discuté de ça avec des légistes du ministère de la Justice, quant au libellé exact du projet de loi. Enfin, je...

M. Lussier (Sylvain): C'est exact. C'est exact, Me Saint-Arnaud.

M. St-Arnaud: J'ai noté vos commentaires, et on a noté, je pense, de part et d'autre, sur la Loi sur les commissions d'enquête... Moi, la première fois que j'ai regardé ça, en 2009, là, la Loi sur les commissions d'enquête, dans le cadre de l'histoire Villanueva, je suis tombé en bas de ma chaise en lisant ces quelques articles qui, vous l'avez dit, là, remontent au XIXe siècle.

Peut-être quelques questions plus pointues sur... Aux articles 2, 3 et 4, vous parlez que la personne autorisée par écrit doit être autorisée par un commissaire. Notre interrogation: Est-ce que ça ne serait pas préférable que ça... Et je vous pose la question: Pourquoi un commissaire? Est-ce que ça ne serait pas préférable que ça soit une personne autorisée par la présidente de la commission, pour limiter -- je vous pose la question -- pour limiter, parce que c'est quand même, là... que ça soit la présidente de la commission qui parle au nom de la commission et qui, donc, donne une autorisation par écrit pour exercer les pouvoirs prévus à 2, 3, 4? Ça, c'est ma première question.

Deuxième question: Une personne autorisée par écrit, vous pensez à qui? Je présume que c'est évidemment du personnel de la commission, mais qui exactement? Est-ce que vous avez en tête de limiter ça à un certain nombre de personnes?

Ce seraient mes deux premières questions.

La Présidente (Mme Vallée): En fait, ce seront les deux seules questions pour ce bloc, parce qu'il reste 30 secondes pour répondre, environ.

M. Lussier (Sylvain): Sur la première question, écoutez, on ne veut pas élaborer là-dessus. On ne voulait pas avoir... Ce qui nous préoccupait plus particulièrement, c'est l'exigence de réunir tous les commissaires, dans un cas d'urgence, pour autoriser une demande de saisie, surtout qu'on l'a vu, il peut arriver de la maladie qui fasse en sorte qu'un des commissaires soit indisponible. Donc, il était très important pour nous que ça ne soit pas tous les commissaires qui doivent siéger en tout temps.

M. St-Arnaud: ...ma question, c'était peut-être que ce soit seulement la présidente.

M. Lussier (Sylvain): Écoutez, là, on...

M. Chartrand (Claude): On peut peut-être... Si vous vous référez à 9 de la loi actuelle, dans la loi actuelle un seul commissaire peut émettre une assignation. Donc, par souci d'harmonisation, on pense que, si un peut pour une assignation, un peut pour une demande péremptoire, par exemple, alors que, dans le cas de la saisie, bien là il faut passer par l'entremise d'un juge de paix.

Quant aux autres volets, pour aller très rapidement, sur la question des personnes qui sont... oui, ce seraient des membres de la commission. C'est sûr qu'on a des policiers qui travaillent à la commission, ça viserait principalement eux. Il y a des enquêteurs aussi, à la commission, qui ne sont pas policiers. Dépendant c'est quel organisme qui est visé, quel endroit qui est visé, quel type de personne qui est visé, quel lieu est visé, les commissaires vont choisir. C'est sûr que, si on est dans notre volet 2, infiltration de crime organisé... et là je ne veux pas donner d'exemple concret, mais probablement que les commissaires prioriseraient un agent de la paix à la commission plutôt qu'un enquêteur qui n'est pas agent de la paix, compte tenu de la nature de l'exécution à accomplir.

M. Lussier (Sylvain): Puis, par mesure de sécurité, c'est évident qu'on ne veut pas que n'importe quel employé de la commission ait ce pouvoir-là et on veut qu'il y ait un contrôle qui s'exerce sur ce qui est fait par les commissaires. Donc, on pense que ce sont des mesures de sécurité accrues, que ce n'est pas n'importe qui, n'importe comment qui va faire ce genre de demande là. Il faut que ce soit une personne en autorité, en qui les commissaires ont confiance, et que cette personne-là soit spécifiquement autorisée à ce faire par les commissaires.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, je suis désolée, on va revenir. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Lotbinière, parce que...

M. Fournier: ...de consentement, peut-être, si mon collègue veut compléter son interrogation.

M. St-Arnaud: ...je comprenne bien, là. De toute façon, à 4 il y a une autorisation judiciaire en plus, là, c'est...

M. Chartrand (Claude): Oui, dès qu'il s'agit d'une saisie, parce que, dans les deux autres cas... Dans un cas, l'inspection, il y a un consentement, donc le préjudice est moins grand, et, dans le cas de la demande péremptoire, il y a un avis de cinq jours qui doit lui être remis à l'effet qu'on veut avoir tel, ou tel, ou tel document, qui est en réalité, la demande péremptoire, un peu l'utilisation qu'on fait du subpoena actuellement, alors où on envoie des subpoenas. Et, comme vous l'expliquait Me Lussier au tout début, pour éviter aux gens de se déplacer pour nous apporter des documents, on va les chercher directement, mais les organismes préfèrent avoir un document officiel, parce qu'ils transmettent des informations, et des informations nominatives, bien sûr, dans les documents qui nous sont remis, et évidemment ils ne veulent pas être l'objet de poursuites pour d'autres... fondées sur d'autres lois ou pour d'autres motifs.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Me Chartrand. Alors, je vais céder la parole à Mme la députée de Lotbinière pour un bloc de 4 min 30 s.

Mme Roy: Merci, Mme la Présidente. On a une haute concentration de juristes, là, ici, autour de la table, et ça fait qu'on a des débats assez techniques. Puis je comprends ce que vous dites, sauf que nos débats sont aussi diffusés en direct sur les canaux de l'Assemblée nationale, puis je voudrais qu'on simplifie un petit peu pour expliquer au niveau de votre pouvoir, comparé à celui de la police.

Les policiers doivent constituer un dossier qui supporte le fardeau de la preuve beaucoup plus élevé que ce que vous avez de besoin. Il y a des policiers qui vont enquêter des mêmes personnes qui pourraient être les sujets de vos recherches aussi, ça, c'est clair, parce que c'est des sujets qui sont connexes.

Il y a des policiers qui n'arriveront pas à constituer un dossier assez étoffé pour traverser le fardeau de preuve que ça requiert au criminel. Ça veut dire que le public ne sera jamais au courant de ces dossiers-là, parce que ça ne viendra pas devant les tribunaux. Par contre, vous, ces personnes-là qui ne peuvent pas être accusées au criminel en raison d'un manque de force dans la preuve, est-ce qu'on va pouvoir les entendre chez vous?

M. Chartrand (Claude): Toute personne est susceptible d'être entendue devant la commission, tous ceux qui peuvent être l'objet d'assignations sont susceptibles d'être entendus. Il n'y a pas de personnes qui sont inculpées ni accusées devant la commission, donc toute personne est contraignable. Alors, la commission a l'intention d'assigner toutes les personnes qui peuvent apporter une information ou qui sont d'un intérêt pertinent pour les travaux de la commission. Ces gens-là seront convoqués à venir témoigner.

Mme Roy: Ça veut dire qu'il y a des malfaiteurs qui sont actuellement enquêtés peut-être ou qui le seront qui ne passeront jamais devant les tribunaux mais qui peuvent être assignés chez vous?

M. Lussier (Sylvain): Oui.

Mme Roy: C'est ça? Bon. Je voulais résumer pour que ce soit compréhensible, parce que c'est sûr que, lorsque vous parlez de l'article 8 ou de la charte, bien on ne sait pas à quoi vous faites référence quand on n'est pas juriste.

**(12 h 10)**

M. Lussier (Sylvain): Bien, l'article 8, évidemment, c'est, pour le grand public, l'article qui dit en sorte que nul ne peut être soumis à une fouille ou une perquisition abusive, et l'article 24.1 de la charte québécoise reprend les mêmes termes. Donc, c'est ce dont on parle, mais là, évidemment, là, vous débordez peut-être un peu le sujet de la saisie comme telle pour voir quels sont les gens qui peuvent faire l'objet de notre enquête.

Évidemment, nous n'avons pas un fardeau de preuve qui est celui de la couronne, qui est d'exiger hors de tout doute raisonnable, et évidemment nous enquêtons sur quelque chose de plus vaste que des infractions de nature criminelle ou pénale. Le mandat nous demande de dresser un portrait de certaines pratiques, et nous ne sommes pas limités par les dispositions criminelles ou pénales. Nous ne sommes pas limités non plus par des dispositions qui feraient en sorte qu'une infraction serait prescrite, puisque notre mandat nous demande de faire le portrait sur 15 ans.

Mme Roy: On a fait souvent référence à la CECO, la commission d'enquête sur le crime organisé. Ce qui m'avait frappée, je ne sais pas si ça avait frappé aussi le public, c'est les différents degrés d'amnésie sélective selon les personnes qui témoignaient. Il y en a qui se souvenaient de tout, d'autres ne se souvenaient de rien, d'autres ne se souvenaient plus de ce qui était embarrassant. Si on relit les transcripts de la commission, on voit que c'est...

M. Lussier (Sylvain): Pourquoi remonter aussi loin que la CECO pour avoir des exemples d'amnésie?

Mme Roy: Oui, c'est ça. Est-ce que vous avez...

M. Chartrand (Claude): On n'a pas trouvé le remède, si c'est ça que vous cherchez.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Roy: Oui, c'est ça. Non, vous n'avez pas... Mais comment vous allez faire pour contrer ça? Avez-vous déployé une tactique qui va nous permettre de remplacer un contre-interrogatoire, à part d'un contre-interrogatoire sérieux?

M. Lussier (Sylvain): Bien, je pense que c'est la technique de base que Me Chartrand, moi-même et les procureurs avec qui nous travaillons connaissons bien, c'est de confronter un témoin avec des documents, avec d'autres preuves. Et, vous savez, certains témoins ont la mémoire sélective ou ont peu de mémoire, mais ça n'empêche pas et les commissaires et le grand public de porter un jugement sur ces gens-là et de se faire une idée de leur honnêteté et de la véracité de leurs propos. C'est le rôle des commissaires, c'est le rôle des procureurs de faire ressortir ça, c'est le rôle aussi des procureurs des participants de contre-interroger ces gens-là pour faire la lumière, et il y a énormément d'éléments qui permettent à un commissaire comme à un juge de tirer des conclusions de l'attitude d'un témoin qui est devant eux.

Mme Roy: Je partage tout à fait votre opinion. Parfois, les silences sont plus éloquents que les témoignages, et surtout sur les sujets pointus. Donc, je suis...

La Présidente (Mme Vallée): Je dois mettre fin à ce bloc d'échange, malheureusement, Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: ...deux mots, là. C'est pour ça que j'avais tellement insisté que je voulais des criminalistes puis du monde habitué d'administrer une preuve, parce que, je pense, c'est le nerf de la guerre dans cette poursuite de la quête de la vérité.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, M. le ministre.

M. Fournier: C'est sur mon temps, c'est sur mon temps.

La Présidente (Mme Vallée): Il vous reste maintenant un bloc d'échange de 12 minutes.

M. Fournier: Oui, merci. Je voulais juste dire que le temps que j'avais octroyé était sur mon temps, Mme la Présidente. Je ne veux pas l'enlever à l'opposition, là.

Une voix: ...

M. Fournier: Le tien aussi, pas de problème.

Je vais revenir sur un sujet -- peut-être deux, là -- qui a été touché lorsqu'on parlait... en fait juste une nuance peut-être, parce que, d'une part, lorsqu'on avait un échange, vous nous parliez du pouvoir de contrainte, qui fait en sorte que ce qui serait découvert par le pouvoir de contrainte ne pourrait être utilisé à des fins d'enquête criminelle ou pour des poursuites au criminel. Par contre, tantôt, à la question de ma collègue, on avait l'impression qu'il y avait un flux continu d'information entre l'un et l'autre, policiers vers la commission, commission vers les policiers. Pouvez-vous me préciser un peu... Je crois qu'il y a quelques nuances à apporter dans le flux de communication entre l'un et l'autre.

M. Chartrand (Claude): Au niveau du pouvoir de contrainte, il faut le remettre dans le contexte où il s'applique. Dans le cas d'une commission d'enquête, le pouvoir de contrainte que dispose une commission d'enquête, c'est d'assigner n'importe quel individu à venir témoigner, lequel pourrait être l'objet de poursuites au criminel. Son pouvoir... Donc, il est protégé, c'est-à-dire qu'à cause du pouvoir de contrainte, donc, il est forcé à rendre témoignage, ce qu'un accusé n'est jamais tenu, il est protégé, il a son droit au silence. Alors, puisqu'il est forcé à rendre témoignage, son témoignage ne peut pas servir de preuve contre lui dans une poursuite au criminel. La police devra trouver la même preuve, si elle dispose de la même preuve, ou une autre preuve pour pouvoir l'accuser en fonction de cette preuve-là.

Ça ne veut pas dire que l'ensemble de la preuve qui est recueillie et qui ne résulte pas du pouvoir de contrainte ne peut pas être échangée, ne peut pas être transmise aux policiers parce qu'elle est obtenue... Que ce soit obtenu par un policier qui travaille au sein de la commission d'enquête, mais légalement obtenu, ou que ce soit par un citoyen ou par un policier dans le cadre d'une enquête, cette preuve-là, si elle est obtenue légalement, elle est admissible. Alors, conséquemment... Elle ne résulte pas du pouvoir de contrainte, donc elle est utilisable autant par l'un comme par l'autre, d'où les échanges qu'il y a entre la commission et les autres agences, où on peut s'échanger ces informations-là.

Les policiers vont avoir accès aux témoignages. Nos témoins, les témoins qui vont témoigner devant la commission, ça va être comme ici, ça va être diffusé et ça va être disponible sur un site Internet, leurs témoignages, tant transcrits qu'en vidéo, mais ils ne pourront pas l'utiliser devant un tribunal de droit commun.

M. Fournier: Alors, si je pouvais utiliser une image, il y a flux possible, il y a un canal de communication, mais il y a un tamis. Il y a ce qui est obtenu sous contrainte qui ne peut pas servir de preuve dans le procès criminel. Ce qui n'aurait pas été obtenu sous contrainte, le tamis le laisse passer, là, si je comprends bien.

M. Chartrand (Claude): Exactement.

M. Lussier (Sylvain): Exactement. Et évidemment, là, pour le moment, il n'y a pas eu d'enquête. Les témoignages n'ont pas commencé, donc personne n'a été, à ce jour, contraint de témoigner devant la commission, et le droit d'invoquer la protection contre l'auto-incrimination n'a pas à être invoqué.

Maintenant, si vous vous rappelez, devant la commission Gomery plusieurs personnes ont été obligées de témoigner, mais ces personnes-là ont quand même fait l'objet de poursuites criminelles. Dans certains cas, on s'est demandé comment ça se fait que ça avait pris tant de temps pour le dépôt de plaintes au criminel; c'est justement que la police devait remonter les dossiers sans égard à ce que tout le monde savait par ailleurs, que la personne avait dit certaines choses en public. Mais le but a quand même été atteint, il n'y a personne qui a été protégé, si vous voulez, contre des procédures criminelles du simple fait qu'ils avaient été obligés de témoigner à Gomery. Ces gens-là ont été accusés, ces gens-là ont été condamnés et ces gens-là ont fait de la prison.

M. Fournier: Mais néanmoins, donc, il y a ce tamis qui doit jouer son rôle pour...

M. Lussier (Sylvain): C'est ça.

M. Fournier: ...pour protéger, j'imagine, des poursuites éventuelles.

M. Chartrand (Claude): Oui. Puis il y a des tamis aussi qui se font au niveau... pour les gens qui sont devant les tribunaux, actuellement. Alors, c'est sûr que, s'il y a des gens qui sont devant les tribunaux actuellement, qui subissent un procès ou une enquête préliminaire, et que ces gens-là sont convoqués par la commission, les échanges... évidemment, ils ont leur droit au silence dont ils bénéficient, alors il n'y a pas d'échange. Il y a un tamis entre ce que j'ai, ce que la commission a accès comme information ou ce qu'elle peut transmettre à d'autres organismes et qui pourrait, à ce moment-là, être utilisé dans le procès qui est en cours, là, contre un individu inculpé. Ça, il y a un tamis qui est fait à cet égard-là. Comme on le dit depuis le début, on ne veut pas nuire aux procédures en cours, alors, conséquemment, ça, on prend les précautions nécessaires pour ne pas transmettre des informations qui ne doivent pas être transmises.

Particulièrement, là, je parle au niveau du DPCP. Alors, on ne transmet pas au DPCP les informations qu'on accumule dans les dossiers et pour lesquelles ils ont des personnes qui sont inculpées. On s'assure de ne pas nuire, justement, aux procédures en cours. Les échanges se font au niveau policier, dans le cadre d'enquêtes.

M. Lussier (Sylvain): La même chose existe au niveau des ordres professionnels. Un professionnel est obligé de témoigner devant un conseil de discipline alors que certaines infractions disciplinaires peuvent également donner lieu à des infractions pénales. Or, le DPCP n'aura pas accès aux témoignages contraints du professionnel devant le conseil de discipline. Il y a des mesures qui sont mises en place pour protéger, justement, cette information-là, pour faire en sorte qu'elle ne puisse pas être utilisée au pénal contre le professionnel qui est obligé de s'auto-incriminer au disciplinaire.

M. Fournier: J'aurais une question qui est un peu dans la foulée mais sous un angle différent de mon collègue de Chambly, tantôt, qui regardait les pouvoirs qui sont reconnus dans la loi et se disait: Un commissaire ou la présidente, donc l'origine du mandat donné. Je le regardais à partir de l'article 12, plutôt par celui qui reçoit le mandat, là. À 12, on dit qu'«un commissaire peut autoriser, généralement ou spécialement, une personne à exercer les pouvoirs prévus par la présente loi». Donc, l'article peut être vu dans un sens très strict ou dans un sens très large.

Pouvez-vous me dire, à l'égard des trois pouvoirs dont on parle... Il y en a un, franchement, qui est peut-être moins patent, mais on peut regarder celui de la saisie. Est-ce qu'on...

**(12 h 20)**

M. Lussier (Sylvain): Si on donne le... Bon, si je prends l'exemple de mon collègue, Me Chartrand, il pourrait être autorisé de façon générale à faire des demandes péremptoires de documents, il n'a pas à retourner voir la présidente à chaque fois pour se faire autoriser à demander des documents. Évidemment, on peut penser à notre directeur des enquêtes, qui, lui, serait autorisé alors soit généralement à faire des demandes d'inspection et de saisie ou alors qu'on dit: Bon, bien, dans le cas de la perquisition de l'entreprise XYZ inc., là, à ce moment-là, ça prend une autorisation spéciale. On peut envisager le... C'est ce que l'article 12 envisage, là, de...

M. Fournier: ...tantôt j'ai commencé en disant que les libellés étaient très pointus et avaient été vérifiés pour s'assurer que tout était conforme. Je ne pose pas la question pour le changer, je pose la question pour le comprendre dans son application.

M. Lussier (Sylvain): ...l'expliquer, alors...

M. Fournier: On pourrait imaginer qu'une ou plusieurs personnes de la commission aient un pouvoir général de faire des saisies, c'est-à-dire d'aller voir un juge de paix pour obtenir le mandat pour faire la saisie.

M. Lussier (Sylvain): ...voir le juge de paix.

M. Fournier: Non, je comprends. Il y a un juge de paix, là, je sais bien, mais on pourrait donc se dire: On donne le pouvoir, «that's it», et donc maintenant il y a quelqu'un qui a tout le pouvoir, qui n'a jamais à retourner -- tantôt on parlait de la présidente ou un commissaire -- n'a jamais à retourner pour dire: J'ai un cas particulier, est-ce que je peux donc... Bon, la loi le permet. Est-ce que c'est ce que vous envisagez de faire?

M. Chartrand (Claude): C'est sûr que, si on prend, par exemple, le pouvoir de saisie qui est prévu à 4, il y a le filtre de l'agent... du juge de paix. Alors donc, que ce soit donné à chaque fois qu'on va faire une demande de perquisition... de saisie, pour ne pas utiliser le terme «perquisition», de saisie, puisque c'est celui que la loi utilise, les commissaires décident de dire... bon, comme Me Lussier vous le mentionnait, donnent un pouvoir général au directeur des enquêtes de pouvoir faire ses demandes au moment jugé opportun, il y a le filtre qui est fait par le juge de paix. Il peut le faire, et, dans certains cas, j'imagine qu'on va... que les commissaires vont l'exercer de cette façon-là. Peut-être qu'ils vont choisir de l'exercer, de dire: Je vais le donner au cas par cas. Ce que la loi permet, elle permet aux commissaires de choisir, c'est-à-dire que, dans certains cas, ça va être plus approprié de donner un pouvoir général, de faire une demande à des personnes que les commissaires ont choisies, ils ne le feront pas... alors des personnes qui travaillent... des permanents qui travaillent à la commission, alors de donner un pouvoir général, de dire: Vous pouvez faire des demandes péremptoires, par exemple, alors que, dans certains cas, les commissaires pourraient choisir de l'attribuer à un membre de la commission pour un objectif déterminé une fois, lui donner ce... lui accorder ce pouvoir-là de faire une demande péremptoire.

Dépendant des circonstances, c'est difficile d'avance d'arriver pour dire: Dans ce cas-là, les commissaires vont choisir telle avenue puis, dans tel autre cas, ils vont choisir telle autre avenue. Vous pouvez bien comprendre que, si on vous dit actuellement que notre subpoena est un peu utilisé comme une demande péremptoire, et ces demandes-là sont faites... Bon, on utilise des subpoenas actuellement, on étire le subpoena. On utilise le subpoena. On lui met une date aujourd'hui, mais il n'a pas de fin, alors la demande commence aujourd'hui, jusqu'à temps que j'arrête d'en faire. C'est un peu... Je caricature, là, mais il y a une date et «à toute autre date qui pourrait être déterminée». Alors donc, l'outil, comme je vous le dis, on l'étire beaucoup.

La demande péremptoire permettrait, conformément à loi, de pouvoir accorder, par exemple, au procureur-chef de dire: Tu peux faire des demandes péremptoires dans tous les cas où tu le juges à propos en te conformant à la loi, l'avis de cinq jours, alors dans ces cas-là. Alors, ça, ça peut-être une option qu'ils peuvent choisir. Il pourrait arriver que les commissaires choisissent de dire: Ah, bien, quand on va arriver au pouvoir de saisie, ça, je veux, moi, commissaire, le décider chacune des fois qu'on fera des saisies. C'est ça que le législateur... enfin, c'est comme ça qu'on a compris le texte de loi, qui donne la latitude de dire: Lorsque les actions à poser sont moins conséquentes, on peut donner un pouvoir plus large, puis je veux me garder le pouvoir de restreindre lorsqu'ils seront plus conséquents.

M. Fournier: C'est clair que le projet de loi vise à octroyer au commissaire la capacité de faire le choix. Ma question était: Lorsque le choix s'exerce de façon générale, je ne vois plus tout à fait la pertinence du spécial, je veux dire, j'ai donné le pouvoir... à moins que vous me disiez -- ce qui est correct aussi -- que la commission pourrait dire: En matière d'inspection, ça, ça va être... c'est sur consentement, je donne un pouvoir général. J'aurais eu tendance à croire que celui de saisie aurait été spécifique, mais vous pourriez me dire: Mais, comme il y a un juge de paix qui intervient dans le débat à un moment donné, le rempart est déjà là. Mais j'essaie de voir les cas de figure où... hypothétiquement, là, on ne se met pas à la place du commissaire.

M. Chartrand (Claude): Je le verrais plus dans les demandes péremptoires, par exemple, alors pour un organisme, un individu en particulier. Si on pense, aujourd'hui on utilise beaucoup de bases de données dans toutes les grandes organisations. Malheureusement, ce n'est pas tous et chacun d'entre nous qui s'y retrouvent facilement, dans ces bases de données là, et c'est le cas également à l'intérieur de la commission. On a des gens qui sont assez bien dégourdis en informatique, et il y en a d'autres, le mot «informatique», c'est tout juste s'ils peuvent l'écrire sans faire une faute.

Alors donc, je caricature encore, là, mais tout ça pour dire que, dans un cas semblable, les commissaires pourraient choisir notre expert en informatique pour tel endroit, telle base de données: Je te délègue le pouvoir de faire une demande péremptoire. C'est ça que la loi prévoit. Et là il pourrait prévoir une seule fois, parce que, lui, il a une spécialité, une spécialisation, et, à ce moment-là, le commissaire choisirait de ne l'accorder qu'une seule fois. Ça, c'est un des cas où je verrais qu'on pourrait...

La Présidente (Mme Vallée): On a déjà débordé du temps qui est alloué.

M. Chartrand (Claude): Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Mme la députée de Joliette, vous disposez d'une période de 10 minutes.

Mme Hivon: Oui, merci, Mme la Présidente. Juste revenir à toute la question de la non-incrimination du témoin. On n'est pas, là, directement là-dessus, mais je vais y revenir parce que vous en avez parlé pendant quelques minutes. Exemple très concret: M. Accurso, M. Catania ont été arrêtés récemment. Je ne veux pas qu'on entre dans le détail de leurs causes, mais, dans votre optique à vous, exemple, ils sont contraints par la commission de venir témoigner, est-ce à dire que le sujet, exemple, Faubourg Contrecoeur pour un, Mascouche pour l'autre... est-ce à dire que ces sujets-là en eux-mêmes ne pourraient pas être abordés par la commission et uniquement d'autres sujets?

M. Lussier (Sylvain): Je ne pense pas que nous interprétions nos pouvoirs de cette façon-là. Ce qui arriverait, c'est que, selon moi, si on forçait le témoignage sur les exemples que vous donnez et que ça pourrait avoir une influence sur un éventuel procès par jury, il pourrait y avoir une ordonnance de non-publication temporaire qui serait rendue à l'égard de cette partie-là du témoignage, parce que ce qui est important dans l'exemple que vous donnez, c'est de ne pas contaminer un jury éventuel.

La Cour suprême nous a expliqué ça dans l'affaire Westray, où elle dit: Si le procès est pour avoir lieu devant un juge seul, le problème ne se pose pas, les juges sont habitués à enlever les éléments de preuve non pertinents. Donc, le cas de figure que vous utilisez, ça serait dans le cas où il y a un procès par jury éventuel. Alors, soit on décale le témoignage après le procès, soit, s'il y a concomitance entre ce procès par jury et le témoignage forcé devant la commission, il y aurait, à l'égard de cette portion-là du témoignage, une ordonnance de non-publication qui pourrait être levée après que la personne ait subi son procès devant jury.

C'est un des exemples qui me vient à l'esprit. C'est un exemple qui avait été utilisé par le commissaire Gomery à l'égard, entre autres, du témoignage de M. Guité et de M. Brault, où on avait ordonné la non-publication de leurs témoignages. Le juge... le commissaire Gomery s'était assuré que le témoignage ne portait pas sur l'objet de l'accusation qui était pendante et avait ordonné quelques jours après la publication du reste du témoignage. Alors, c'est le genre de mesure qui, quant à nous, là, cadre bien avec les exemples que vous donnez.

Mme Hivon: Juste avant de poursuivre, des questions très techniques, Mme la Présidente: Est-ce que la lettre de l'UPAC pourrait être formellement déposée? Parce que j'y ai fait référence, les commentaires qu'ils nous ont envoyés.

Puis l'autre chose, c'est la demande de la présidente de la commission, donc la commissaire Charbonneau qui demande les modifications. Est-ce qu'on pourrait avoir la lettre du 11 avril déposée à la commission, qu'elle soit publique? Juste... O.K.

La Présidente (Mme Vallée): Alors donc, je comprends que le cabinet va nous fournir... va fournir à la commission les documents en question.

M. Fournier: On pourrait le faire même plus vite que ça, par exemple.

Mme Hivon: O.K. Puis l'UPAC aussi?

M. Fournier: L'UPAC, vous...

La Présidente (Mme Vallée): C'est ça, le dépôt de l'UPAC sera déposé cet après-midi.

Mme Hivon: Ah! O.K.

M. Fournier: Et voici le dépôt de la lettre... une copie, en fait.

La Présidente (Mme Vallée): Merci.

Mme Hivon: Merci. Combien de personnes vous envisagez désigner? Il y a le mot «personnes». Combien? Et tantôt vous avez dit... Parce que, oui, on voit que vous avez une équipe d'enquête qui comporte policiers et ex-policiers. Vous pourriez peut-être nous donner des précisions, mais vous avez semblé dire tantôt que ce ne seraient pas nécessairement des policiers. Donc, si ce ne sont pas des gens qui ont une formation comme policiers, qui d'autre pouvez-vous envisager comme personnes qui seraient désignées pour jouir des pouvoirs d'enquête et de saisie?

**(12 h 30)**

M. Lussier (Sylvain): ...les procureurs. Entre autres, pour le pouvoir de demande péremptoire, je pense que les procureurs sont les personnes qui viennent naturellement à l'esprit comme pouvant être désignées à cette fin-là.

Mon collègue utilisait l'exemple d'informaticiens. Si on s'en va faire une inspection dans certains lieux, il est évident que, une des personnes qu'on va vouloir autoriser à faire une inspection et à examiner, par exemple, des registres informatiques, on va désigner une personne qui a des connaissances dans ce domaine-là. Si vous me désignez -- j'utilise mon exemple, là, de dinosaure -- si vous m'autorisez, moi, à faire une inspection dans un ordinateur et d'aller chercher dans un disque dur, c'est parfaitement inutile. Donc, on va désigner des personnes qui ont les connaissances techniques pour faire ce genre de chose là.

Il se peut qu'il y ait des gens qui aient une formation en juricomptabilité, par exemple, des comptables, qui, eux, seraient beaucoup plus à même que des juristes de faire des demandes spécifiques quant à certains documents comptables, donc, et à regarder et à faire l'inspection dont il est question dans les registres comptables d'une entreprise.

Donc, on ne veut pas se limiter, et, comme disait Me Chartrand, l'autorisation, à ce moment-là, serait beaucoup plus spécifique. Ce n'est pas... L'informaticien n'aurait pas le pouvoir général d'assigner n'importe qui avec une demande de renseignements, il serait autorisé spécialement et spécifiquement.

Donc, vous avez l'éventail des spécialités. Donc, nous avons effectivement des policiers en exercice ou à la retraite, nous avons des procureurs, mais nous avons des comptables, des juricomptables, des informaticiens, des analystes qui nous proviennent de différents organismes comme l'AMF, la Sûreté du Québec, des gens qui ont déjà travaillé autrefois à la GRC comme analystes. Donc, on a énormément de gens qui sont avec nous qui ont des spécialités qui deviennent utiles dans un contexte comme celui-là.

La Présidente (Mme Vallée): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. En fait, là, on va se battre, parce qu'il reste peu de temps, puis on a plusieurs questions.

Une voix: ...

Mme Hivon: Entre nous tous.

Une voix: ...ne peut plus nous en donner.

Mme Hivon: Juste une petite question. À l'article 4, à la fin, on dit -- évidemment, il va y avoir là les pouvoirs de perquisition, c'est ce qu'on y prévoit -- dernière ligne: «...lorsque l'accès au lieu visé par une inspection est refusé ou pour tout autre motif raisonnable.»

Tout autre motif raisonnable, est-ce que c'est, exemple, la crainte que la déchiqueteuse se fasse aller, par exemple? Est-ce que c'est ce qu'on a en tête quand on parle de tout autre motif raisonnable pour exercer les pouvoirs?

M. Chartrand (Claude): Ça peut être un des motifs raisonnables. Bien sûr, c'est celui qui nous vient tous à l'esprit quand on lit l'article et on pense à la nature des documents que l'on recherche. Alors, c'est sûr que, si on n'a pas la preuve, c'est un peu moins compromettant pour ceux qui la détiennent. Alors donc, c'est le réflexe qu'il pourrait y avoir, mais il peut y avoir d'autres raisons également qui nous amènent... et c'est pour ça que le législateur prévoit aussi «tout autre motif raisonnable», là, sans spécifier.

Mme Hivon: Avant de passer la parole à mon collègue, juste... En lien avec les personnes qui pourraient être désignées, vous m'avez donné le type de formation, le type de personne, mais combien vous pouvez penser que de ces personnes pourraient être désignées pour exercer les pouvoirs?

M. Chartrand (Claude): Bien, il y en a qui vont être désignées une fois et il y en a qui peuvent être désignées... Je ne peux pas décider, on n'a pas abordé le sujet avec les commissaires pour savoir, si la loi est adoptée, le projet de loi est adopté tel quel, si les commissaires vont décider d'opter pour chacune des fois ou bien donc désigner de manière générale. Je ne peux pas répondre pour eux là-dessus, mais je peux facilement voir dans quels cas on pourrait favoriser la désignation générale. Je pense que Me Lussier vous l'a mentionné, les procureurs en matière de demande péremptoire, puis, des particulières, ça peut être aussi parce qu'on a recours aussi à des experts à contrat pour un mandat précis. Alors, dans ce cas-là, ça pourrait être une désignation unique, pour une seule occasion.

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Oui, rapidement. Je les envoie en rafale, Mme la Présidente.

D'abord, je comprends que la présidente de la commission, Mme Charbonneau, a demandé dans sa lettre, là, un amendement à la Loi sur les commissions d'enquête. Donc, est-ce que donc je comprends qu'elle considère que la Loi sur les commissions d'enquête en général devrait être amendée de la façon dont le projet de loi n° 75 est rédigé? Première question.

Deuxième question: L'article 12, moi, je vois une belle architecture, là, à 2, à 3, à 4, avec un système, là. Puis vous avez répondu à certaines de mes questions quant au fait que c'étaient tous les commissaires et pas seulement la présidente puis quant à la personne autorisée par écrit. Là, on a une belle architecture à 2, 3, 4. Ce que je comprends, c'est que 12, finalement, il vient un peu... et répondez-moi, là, si je me trompe, mais 12 vient un peu jeter ça à terre en disant: Bien, de toute façon, un commissaire peut autoriser une personne à exercer tous les pouvoirs prévus par la présente loi d'une manière générale. Est-ce que l'article 12 est nécessaire?

Dernière question mais peut-être adressée plus à Me Chartrand, qui a été procureur-chef: À partir... 4 et suivants, là, quelles sont les différences entre 4 et suivants par rapport au processus habituel qu'on suit en matière criminelle au niveau des procédures de perquisition? Est-ce que c'est essentiellement la même procédure? Là, ça me semble, à première vue, être essentiellement ce qu'on suit, mais j'aimerais que vous me précisiez peut-être s'il y a des distinctions, parce que je vois bien, là, la demande, les motifs raisonnables, ex parte, les conditions, par qui ça peut être exécuté, le rapport. Est-ce qu'il y a d'autres... Est-ce qu'il y a des distinctions sur lesquelles vous pourriez attirer notre attention ou si c'est presque du mot à mot, là, de la procédure habituelle?

La Présidente (Mme Vallée): En 30 secondes pour toutes les questions.

Une voix: 30 secondes?

M. St-Arnaud: Mais peut-être, avec le consentement, on pourrait continuer deux, trois minutes, leur donner la...

Une voix: ...

M. St-Arnaud: Sur le temps...

La Présidente (Mme Vallée): Sur le temps qui n'existe plus, mais bon...

M. St-Arnaud: Le temps qui n'existe plus, c'est... J'aimerais ça avoir une réponse à ces questions.

La Présidente (Mme Vallée): Brièvement.

M. Chartrand (Claude): Très rapidement. Essentiellement, ce que vous retrouvez, là, de 4 à 8, c'est essentiellement ce qu'on va retrouver dans le Code de procédure pénale, par exemple, dans les dispositions 108 et suivantes, là, alors du Code de procédure pénale.

La grande distinction, c'est au niveau de l'administration des biens saisis, c'est-à-dire le rapport au greffe et le traitement par la suite des biens saisis au greffe. Alors là, évidemment, on n'est plus dans un même cadre, on n'est pas dans un palais de justice, on n'est pas... donc on nous a prévu un mécanisme qui va nous permettre... On nous oblige de remettre, par exemple... parce qu'on n'est pas tenus à la règle de la meilleure preuve, devant la commission, donc on peut procéder avec des copies, alors que, devant les tribunaux de droit commun, on priorise les originaux, la copie si l'original n'existe pas. Alors, ici, on saisit, on ne copie même pas, on numérise et on retourne l'original entre les mains de la personne dans lesquelles il a été saisi, à moins... Comme on le prévoit ici, si le propriétaire est inconnu, là, il est remis au...

Une voix: ...

M. Chartrand (Claude): C'est ça, exactement. Et, sur l'autre question...

M. Lussier (Sylvain): Bien, la première question, la réponse, c'est oui, on considère que la Loi sur les commissions d'enquête devrait être amendée pour tenir compte... mais on est parfaitement satisfaits d'une loi spéciale qui s'applique à nous. Je pense que la Loi sur les commissions d'enquête mérite une refonte plus réfléchie et plus globale, et, à cet égard-là, on pourrait faire part de certaines suggestions, mais là on avait besoin de ces pouvoirs-là et on est pleinement satisfaits de l'amendement qui s'applique uniquement à nous.

12, ce qui arrivait, c'est que, si 12 n'était pas là, on se voyait forcés... On n'était pas sûrs. Dans la discussion qu'on a eue avec les légistes, justement, on s'est demandé, bon: La personne autorisée, est-ce que c'est une autorisation expresse ou une autorisation générale?, et on se voyait mal être obligés d'aller demander à chaque fois aux commissaires pour faire une demande péremptoire, par exemple. Donc, c'est pour ça que l'article 12 est arrivé à être rédigé comme il est rédigé présentement, c'est parce qu'on trouvait un peu lourd de retourner voir les commissaires, en fait, par exemple pour les procureurs qui exigent la production de documents, à chaque fois: Bon, là, j'autorise Me Chartrand à demander en particulier à Me Lauzier que... à M. Lauzier qu'il lui fournisse le rapport. Le processus était lourd. On a pensé que 12 accordait aux commissaires la latitude nécessaire pour exercer un contrôle sur ce qui se passait. Et plus, évidemment, l'intrusion est grande, plus on va s'attendre à ce que les commissaires soient exigeants dans l'autorisation.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Je suis désolée, on a largement dépassé le temps qui nous était imparti dans l'ensemble des échanges.

Alors, la commission va suspendre ses travaux jusqu'à 15 heures. Merci, MM. Lauzier, Lussier et Chartrand, pour votre participation aux travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 39)

 

(Reprise à 15 h 5)

Le Président (M. Drainville): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Alors, nous allons poursuivre les consultations particulières sur le projet de loi n° 75, Loi portant sur certains pouvoirs d'inspection et de saisie. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Barreau du Québec. La parole est donc à vous. Vous disposez de 20 minutes pour votre exposé.

Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Mon nom est Marc Sauvé, je suis directeur du Service de recherche et législation au Barreau du Québec. Et, pour la présentation du Barreau, je suis accompagné, à ma gauche, de Me Simon Ruel et, à ma droite, de M. le bâtonnier Gilles Ouimet.

Alors, Me Ruel pratique le droit depuis 1995. Il agit notamment comme procureur gouvernemental pour les travaux de la commission Gomery... il a agi à ce titre-là pour la commission Gomery. Il a été aussi procureur de la Commission d'enquête sur Cornwall et, plus récemment, procureur en chef adjoint de la Commission d'enquête sur le processus de nomination des juges. Il a publié en 2010 une monographie, un livre, The Law of Public Inquiries in Canada, et il exerce présentement la profession d'avocat au sein de la firme Heenan Blaikie.

Pour sa part, M. le bâtonnier Gilles Ouimet, membre du Barreau depuis 1987, a notamment agi comme chef d'équipe des procureurs en matière de fraude fiscale au sein du ministère fédéral de la Justice pour le Québec, il a été président du comité du Barreau en droit criminel de 2004 à 2007 et bâtonnier du Québec pour les années 2010 à 2011. Il est coauteur, avec l'honorable Guy Cournoyer, du Code criminel annoté et il exerce présentement sa profession d'avocat à Montréal, au sein de la firme Shadley Battista.

Le Barreau du Québec a pris connaissance du projet de loi n° 75 qui a été présenté le 15 mai dernier à l'Assemblée nationale. Avant-hier, le Barreau a reçu par ailleurs une invitation de la Commission des institutions pour comparaître à ce sujet. Alors, malgré ces très courts délais, nous espérons faire oeuvre utile et vous soumettre nos observations et nos commentaires au sujet du projet de loi n° 75.

Dans un premier temps, qu'il nous soit permis de souligner l'importance de la commission Charbonneau dans la consolidation du lien de confiance entre les citoyens et nos institutions. Comme nous l'avions mentionné en octobre dernier, les allégations qui éclaboussent nos institutions en matière de collusion dans le secteur de la construction affectent la confiance du public dans l'État de droit.

Nous comprenons que la présidente de la commission souhaite davantage d'autonomie pour l'obtention d'éléments de preuve. La présidente demande en effet de doter la commission de pouvoirs d'inspection et la possibilité, sur autorisation judiciaire, de pénétrer dans un lieu pour y rechercher et y saisir un objet ou des documents pertinents afin qu'elle puisse remplir adéquatement son mandat.

Ce mandat est en effet large et complexe. Il s'agit notamment d'examiner l'existence de stratagèmes et, le cas échéant, de dresser un portrait de ceux-ci qui impliqueraient de possibles activités de collusion et de corruption dans l'octroi et la gestion de contrats publics dans l'industrie de la construction incluant notamment les organismes et les entreprises du gouvernement et les municipalités, incluant les liens possibles avec le financement des partis politiques; de dresser un portrait de possibles activités d'infiltration de l'industrie de la construction par le crime organisé; d'examiner des pistes de solution et de faire des recommandations en vue d'établir des mesures permettant d'identifier, d'enrayer et de prévenir la collusion et la corruption dans l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction.

Alors, suite à cette demande de la présidente de la commission, le projet de loi n° 75 a été présenté à l'Assemblée nationale, et le Barreau du Québec considère qu'il y aurait lieu de baliser et d'encadrer les nouveaux pouvoirs prévus au projet de loi afin de réduire les risques de litige qui seraient de nature à nuire à l'efficacité de la commission. De façon plus générale, on peut penser qu'il serait peut-être temps de revoir la Loi sur les commissions d'enquête, une loi qui date du XIXe siècle.

Alors, sans plus tarder, nous allons aborder les dispositions spécifiques du projet de loi. Alors, pour commencer, Me Simon Ruel va aborder les articles 2, 3 et 12, et M. le bâtonnier, les articles 4, 7 et 9. Je cède la parole à Me Ruel.

**(15 h 10)**

M. Ruel (Simon): Merci. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. Quelques remarques préliminaires sur le mandat de la commission. On doit reconnaître que le mandat de cette commission-là est exceptionnel non seulement à cause du contexte, mais aussi de par ce que le mandat vise. Généralement, la plupart des commissions d'enquête vont essentiellement se pencher sur l'administration gouvernementale, que ce soit en matière de contrats publics... On n'a qu'à penser à la contamination de l'eau à Walkerton, qui se penchait sur les autorités, les actions des autorités municipales et provinciales; la commission d'enquête touchant ou concernant Maher Arar, qui se penchait sur les activités des organismes de renseignements et de la Gendarmerie royale du Canada. Cette commission-là a un volet très important qui se penche sur la conduite individuelle de citoyens. Ce n'est pas la norme, on se penche plus, généralement, sur la conduite d'entités gouvernementales.

Donc, le titre de la commission porte sur l'octroi et la gestion des contrats publics, ce qui vise nécessairement les systèmes et mécanismes d'octroi et, bon, d'appel d'offres en matière gouvernementale, mais il y a aussi un volet important... En fait, le coeur du mandat vise à déterminer ou à examiner l'existence de stratagèmes et de dresser un portrait d'activités de corruption et de collusion. Donc, je mentionne ces éléments-là parce que c'est un contexte exceptionnel et qui requiert, je pense, une assez grande prudence en ce qui concerne tant l'exercice des droits, des pouvoirs, par la commission, que l'octroi de nouveaux pouvoirs. Donc, la protection des citoyens, dans ce contexte-là, est importante.

Pour ce qui est du premier volet, c'est-à-dire l'article 2, c'est une disposition -- ma compréhension -- qui permet la production préalable, là, de certains documents ou renseignements liés en fait à... qui sont pertinents à l'exécution du mandat de la commission. Donc, actuellement, dans la loi sur les enquêtes, ce qui est standard dans les lois sur les enquêtes au Canada, sauf en Colombie-Britannique, en Ontario et à Terre-Neuve, où il y a eu une révision, dans les 10 dernières années, des lois sur les enquêtes, normalement on fonctionne par subpoena. Dans ce cas-là, le projet de loi prévoit un mécanisme préalable qui permettrait, d'après ma compréhension, de faciliter la preuve, le travail du personnel de la commission en permettant d'obtenir des renseignements au stade de l'enquête préalable, parce que la difficulté qui peut se poser, c'est qu'en émettant des subpoenas la loi prévoit que les personnes, d'abord, ne sont pas obligées de rencontrer le personnel de la commission, on l'a vu dans une commission récente, et, deuxièmement, ils ne sont pas obligés non plus de produire les documents ou informations devant le personnel. Leur seule obligation, c'est de produire les documents devant les commissaires en séance publique. Donc, cette disposition-là, je crois, je comprends, vise à faciliter le travail au niveau de l'enquête préalable.

Nous nous sommes questionnés cependant sur le... parce qu'il faut lire cette disposition-là avec l'article 12, qui prévoit qu'un des commissaires peut autoriser généralement ou spécifiquement une personne à exercer les pouvoirs prévus à la présente loi. Donc, ma compréhension, c'est qu'une autorisation générale pourrait être donnée à une personne membre du personnel de la commission, présumément des enquêteurs, pour exiger la production des documents ou renseignements. Évidemment, c'est les personnes qui sont nommées commissaires d'enquête, ce sont elles qui sont... Il y a trois commissaires nommés dans cette enquête-là. Ce sont ces personnes-là qui sont nommées par le gouvernement, ce sont ces personnes-là qui sont imputables de leur travail, ce sont ces personnes-là qui vont signer le rapport; ce sont ces personnes-là qui exercent les pouvoirs.

Donc, à notre avis, sans faire de recommandation, nous nous questionnions sur, ce que je peux dire, l'opportunité ou à tout le moins sur la question de savoir si les autorisations peuvent être simplement générales ou si ces pouvoirs-là devraient être exercés dans tous les cas par le commissaire, soit par une délégation spécifique ou soit par le commissaire directement, c'est-à-dire que le commissaire pourrait dire... ou un des commissaires: J'autorise tel enquêteur X à aller pour obtenir des renseignements dans tel cas précis, donc autorisation dans tous les cas.

Je ne pense pas que c'est un fardeau qui est excessif. C'est actuellement ce qui se fait pour l'émission de subpoenas. Toutes les commissions d'enquête au Canada fonctionnent sur le même modèle, et c'est les commissaires qui signent les subpoenas. Donc, je pense que ça renforcerait l'imputabilité de la commission et ça serait conforme au principe général que, lorsqu'une personne est nommée commissaire d'enquête, c'est cette personne-là qui exerce tous les pouvoirs. Je veux juste faire un parallèle avec les procureurs de la commission, qui ont des rôles qui sont confiés par le commissaire, mais le procureur de la commission n'a pas d'existence indépendante, c'est vraiment l'alter ego du commissaire.

Pour ce qui est du pouvoir d'inspection, qui est le paragraphe trois, le paragraphe suivant, donc, encore une fois, c'est le même commentaire qui est fait, c'est-à-dire que la disposition indique «une personne autorisée par écrit par un commissaire». Donc, on ne requiert pas, à ma compréhension, d'autorisation spécifique, ça peut être une autorisation générale. Donc, de la manière que c'est rédigé actuellement, en autant que la personne est autorisée généralement, cette personne-là peut -- l'enquêteur par exemple -- exercer des pouvoirs d'inspection qui sont prévus en vertu de l'article 3. Donc, nous vous suggérons de réfléchir à la question, de voir si ces autorisations-là devraient être données pour des cas spécifiques.

Pour ce qui est du consentement, évidemment, la disposition d'inspection, à ma connaissance, existe, là, sous une forme ou une autre à Terre-Neuve et en Colombie-Britannique. Donc, moi, j'ai compris ces dispositions-là précédemment comme l'enquête ou l'enquête publique, ça porte généralement sur les processus gouvernementaux. Évidemment, c'est normal que la commission d'enquête ou ses préposés puissent avoir accès, par exemple, aux ministères qui sont visés, donc le pouvoir d'inspection fait pleinement du sens dans ce contexte-là.

Là, si c'est un pouvoir d'inspection qui vise une inspection d'entreprise ou de partie privée, la question est beaucoup plus particulière. C'est probablement la raison pour laquelle les rédacteurs ont inscrit ou ont mentionné que le consentement de l'occupant était requis. On pourrait dire: Une fois que le consentement est donné, il n'y a pas de problème, le consentement est... donc les inspecteurs peuvent aller faire toutes les inspections nécessaires.

La question que nous nous posions, c'est: Est-ce que le consentement doit être général ou spécifique? Si une personne consent de façon générale à une inspection, est-ce qu'elle consent nécessairement aux pouvoirs qui sont exprimés aux paragraphes 1° et 2°, là, examiner copie des livres, demander des renseignements pertinents? Ça ne me semble pas absolument évident.

Il y a la question du retrait du consentement. Est-ce qu'une personne pourrait consentir et retirer son consentement par la suite? Ça me semble évident, mais, tant qu'à donner les pouvoirs, peut-être aussi bien de les clarifier.

Et je vous invite aussi à lire cette disposition-là avec la disposition qui prévoit l'immunité, en vertu de l'article 13, des commissaires et des personnes autorisées. Donc, les personnes qui procèdent à des inspections bénéficient d'une immunité. Donc, sans présumer que quelque inspection pourrait être abusive, il reste que les personnes qui conduisent ou qui font ces inspections sont immunisées en vertu de la loi.

Donc, certaines préoccupations dont vous pourriez tenir compte. Donc, essentiellement, ce sont mes commentaires sur les deux premiers paragraphes.

M. Sauvé (Marc): Je céderais la parole, s'il me reste... s'il nous reste suffisamment de temps.

Le Président (M. Drainville): Oui. Il vous reste 7 min 30 s.

M. Sauvé (Marc): Alors, M. le bâtonnier, je vous cède la parole sur les articles 4, 7 et 9.

**(15 h 20)**

M. Ouimet (Gilles): Merci. Merci, M. le Président. Quant à l'article 4, le pouvoir de perquisition, ce qu'on lit, c'est que ce pouvoir peut être exercé «lorsque l'accès au lieu visé par une inspection est refusé ou pour tout autre motif raisonnable». Le Barreau s'inquiète du caractère vague de «ou pour tout autre motif raisonnable», et, toujours dans l'optique de permettre ou d'offrir à la commission les pouvoirs nécessaires à remplir son mandat mais de baliser et de tenir compte de l'impact sur l'intrusion de la vie privée, ce que le Barreau suggère, c'est qu'on remplace le «ou pour tout autre motif raisonnable» par des motifs qu'on peut identifier, des situations qu'on peut identifier et qui justifieraient le recours à ce moyen exceptionnel qui... parce qu'on est dans un contexte de commission d'enquête, c'est une mesure qui doit demeurer exceptionnelle.

Alors, on pourrait, par exemple -- et ça, c'est donné à titre d'exemple -- prévoir que... lorsque l'accès au lieu visé est refusé, ce qui est déjà le cas, mais on pourrait également prévoir... Et là je ne sais pas ce que Me Chartrand en pense, mais il y a des situations où on peut raisonnablement craindre que l'accès va être refusé. Est-ce que c'est utile de s'être cogné le nez sur la porte? Et, dans une situation comme celle-là, on pourrait, lorsque c'est raisonnable de craindre que ça va être refusé, obtenir tout de suite un mandat de perquisition. Alors, ça, je prêche de l'autre côté, en élargissant le pouvoir, en disant ça.

Le deuxième point qu'on pourrait identifier, c'est lorsqu'on a des motifs raisonnables de craindre qu'un document ou une preuve serait détruit, par exemple. C'est un cas où je pense qu'on pourrait, si vous faites ce choix-là, évidemment, d'autoriser le mandat de perquisition pour un motif précis.

Il y a aussi, et je le mentionne, là, en cas de refus de fournir... on s'est fait opposer un refus à l'article 2, la demande de production. Ça pourrait être aussi... On pourrait le spécifier comme étant une des situations pour permettre le recours au mandat de perquisition.

Dans tous les cas, la recommandation qui est faite, c'est de ne pas laisser un libellé aussi imprécis que «pour tout autre motif raisonnable», puisque le juge de paix qui serait appelé à déterminer l'opportunité d'émettre le mandat de perquisition n'a aucune balise dans la loi sauf l'autre motif, qui est le refus de permettre l'accès.

Quant au paragraphe deux de l'article 4, et pour être conforme avec le libellé des dispositions en semblable matière, il y aurait lieu de reprendre toutes les conditions, celles énumérées au paragraphe un. Lorsque le juge de paix procède à l'émission du mandat, il doit être convaincu de l'existence de motifs raisonnables de toutes les conditions. Alors, ça, c'est la façon standard de prévoir les mandats de perquisition dans les lois, lois du Québec et lois fédérales, ce qui n'est pas le cas ici.

Autre point qui n'apparaît pas dans le projet de loi et qui pourrait peut-être mériter d'être précisé: habituellement, lorsque les agents de la paix exercent des mandats de... exécutent des mandats de perquisition, ils possèdent le pouvoir de saisie à vue, c'est-à-dire le «plain view». Les objets qui se trouvent... qui ne sont pas visés par le mandat mais qu'il constate qu'ils sont pertinents, il y aurait peut-être lieu de prévoir spécifiquement que l'agent de la paix, dans une telle circonstance, peut exercer le pouvoir de saisie à vue. Je le soumets pour que vous considériez cette option.

Un problème quant au procès-verbal de saisie. L'alinéa 4° de l'article 7, on prévoit que le procès-verbal de saisie indique notamment le nom de la personne qui a fait l'objet de la saisie. Le problème que cela pose, c'est que ça ouvre la porte à toute la question de... On a beaucoup parlé, et ce matin et au moment de la création de la commission, de préserver les enquêtes criminelles, et il y a ce domaine de l'auto-incrimination avec lequel il faut être très prudents. Le libellé de l'article 7, alinéa 4°, laisse entendre que la personne saisie aurait l'obligation de s'identifier au moment de la perquisition, ce qui, à ma connaissance, n'est pas prévu dans aucune obligation ni dans le mandat de perquisition et qui pourrait soulever des préoccupations de l'ordre de l'auto-incrimination. Il me semble que l'alinéa 5° couvre tous les renseignements dont on a besoin, on prévoit à l'alinéa 5° «tout renseignement permettant d'identifier le propriétaire ou la personne concernée»... ou on pourrait ajouter «la personne saisie», ce qui obligerait l'agent de la paix à consigner les renseignements qui se rapportent à l'identité de la personne saisie, sans ouvrir la porte à l'obligation de la personne de s'identifier.

Je me dépêche, je saute à l'article 9. L'article 9 prévoit, comme c'est habituellement le cas, la restitution de tout document saisi dès qu'une copie en a été tirée. Je soumets également à votre... porte à votre attention le fait qu'en matière de documents, particulièrement en matière de fraude ou de contrefaçon... Et ce n'est pas une question d'admissibilité, parce que, devant une commission d'enquête, tout le monde sait que ce n'est pas la règle de la meilleure preuve et qu'une copie est admissible, sauf qu'en matière de contrefaçon un original révèle quelquefois des informations qu'une copie ne permet pas de révéler, par exemple des encres de couleurs différentes. C'est un élément, c'est un exemple, là, mais... Donc, je pense qu'il serait intéressant pour la commission d'avoir l'opportunité, lorsque c'est nécessaire, de conserver un original et de ne pas être obligée, tel que l'article 9 le prévoit, de remettre tous les documents une fois copiés.

C'est un élément qu'on porte à votre attention pour améliorer les pouvoirs qu'on veut voir accordés selon la demande de la commission et tout en... et c'est l'exercice difficile auquel vous devez vous livrer, de baliser ces pouvoirs de sorte qu'il n'y aura pas une atteinte indue ou de diminuer les risques de contestation, ce qui ne serait pas de nature à contribuer à l'efficacité des travaux de la commission.

M. Sauvé (Marc): C'est terminé. Nous sommes disposés à répondre...

Le Président (M. Drainville): Il reste une minute, vous pouvez la prendre.

M. Ouimet (Gilles): On est...

M. Sauvé (Marc): On laisse les députés...

Le Président (M. Drainville): Vous allez laisser les élus parler maintenant? Très bien. Alors, M. le ministre.

M. Fournier: Merci beaucoup, merci à vous d'être là. C'est très intéressant, l'analyse pointue que vous faites de certaines dispositions. On va commencer par les premières, avec l'article 2 puis l'article 3. On en a parlé un peu ce matin, là, dans le fond, de ces questions-là.

Sur l'article 2, la question que je vous poserais: Disons que l'autorisation est générale, quel est le problème que vous y voyez? Honnêtement, sur l'article 2... Je pense que 3 est un peu différent quand même, parce qu'inspection sur consentement, sachant que de toute façon il est possible d'aller voir un juge de paix par la suite pour qu'il y ait visite et saisie, disons qu'on sent que l'inspection est une invitation à dire oui tout de suite parce que plus tard il va y avoir une autre visite. J'imagine que c'est un peu comme ça que ça se présente. C'est plus intrusif, je dirais, le 3. Le 2, d'avoir des documents, quel est le danger qu'il y ait une autorisation générale donnée par le commissaire à certains officiers de la commission pour faire ces demandes-là? Dans le fond, on peut bien se dire: Bien, on aimerait mieux... mais y a-t-il un danger?

M. Ruel (Simon): Bien, je répondrais que les personnes qui n'obtempèrent pas sont sujettes à des sanctions pénales, dans le cas d'un individu, allant jusqu'à 10 000 $, selon ma compréhension, et 30 000 $ dans le cas d'une corporation. Donc, ce sont des conséquences qui sont quand même assez sérieuses, et je pense que... il me semble que ce sont des pouvoirs qui devraient préserver l'imputabilité du commissaire ou des commissaires, c'est un pouvoir qui devrait être exercé par les commissaires eux-mêmes.

Et, à mon avis, je ne pense pas que ça ralentirait de quelque manière le fonctionnement de la commission. Dans ce cas-là, il y a trois commissaires qui sont nommés. Donc, comme je l'ai indiqué, dans toutes les commissions les commissaires autorisent déjà, émettent déjà eux-mêmes des subpoenas, c'est un pouvoir qui leur est dévolu en vertu de la loi. Donc, de préciser que les autorisations devraient être émises par les commissaires eux-mêmes, je ne pense pas, ralentirait ou entraverait de quelque manière le déroulement de l'enquête, tout en rehaussant l'imputabilité de la commission, en faisant en sorte que les personnes qui sont sujettes à des infractions pénales et des amendes, bien, sauront exactement que les demandes ont été faites par les plus hautes autorités de la commission.

M. Fournier: Je comprends, j'entends ce que vous dites. Vous faites la comparaison avec d'autres exercices de commission puis que ça a toujours été comme ça. Puis pourquoi changer?

Est-ce qu'on pourrait prétendre que la nature de la commission, qui a quand même un mandat excessivement large et dans le temps et dans le sujet, est ce qui justifie que ce pouvoir soit dévolu? Bon, le commissaire l'octroie généralement à quelqu'un qui donc va l'exercer. À la fin du jour, le commissaire l'a toujours autorisé, il y a toujours un lien, là. Est-ce que cela pourrait justifier le libellé tel qu'il est présentement, c'est-à-dire le fait qu'à l'encontre d'autres commissions, dans ce cas-ci, ce serait harassant pour les commissaires de devoir signer, autoriser, étudier chacune des demandes?

M. Ruel (Simon): Bien, en tout cas, personnellement, moi, je... Cette commission-là est complexe; il y en a eu d'autres très complexes par le passé.

Évidemment, les commissaires et leur employés, leurs procureurs, leurs enquêteurs, se rencontrent de façon... généralement, je ne peux pas parler pour celle-là, je ne suis pas dans le personnel de la commission, mais se rencontrent de façon périodique, si ce n'est pas quotidienne. Donc, pour les enquêteurs ou les procureurs, de faire la liste des autorisations qu'ils ont besoin d'obtenir à la fin de la journée ne me semble pas quelque chose de complètement déraisonnable, surtout que ça ferait en sorte de boucler la boucle dans tous les cas et que les enquêteurs... le commissaire serait nécessairement au courant de toutes les demandes qui sont faites. Je ne dis pas qu'il n'y aurait pas de mécanisme d'information, mais là il y aurait une garantie que, lorsqu'une telle ordonnance est émise, les commissaires ou un d'entre eux sont au courant.

M. Ouimet (Gilles): En fait, d'un point de vue juridique, il n'y pas d'obligation de le faire. On peut penser à des régimes... En matière fiscale, par exemple, il y a un parallèle évident avec ces dispositions-là en matière fiscale. Le pouvoir, l'autorité d'envoyer une demande péremptoire est déléguée dans le bas de la chaîne, là, ce n'est pas le ministre qui les signe toutes.

Par contre, dans le contexte d'une commission d'enquête... Et là c'est un choix de la part du législateur d'exiger cette imputabilité, ce qui rehausse jusqu'à un certain point l'aspect psychologique de la demande, qui est signée par le commissaire plutôt que par une personne légalement autorisée mais qui n'est pas le commissaire. Donc, je pense qu'on ne peut pas vraiment aller plus loin que de vous dire ça.

**(15 h 30)**

M. Fournier: Je comprends. Je vais aller à 7.4°. Je croyais, mon interprétation, mais vous êtes bien plus spécialistes que moi, 7.4° comme 7.5° étaient à peu près du même ordre, c'est-à-dire que ce n'était pas auto-incriminant, c'est juste que quelqu'un qui est propriétaire du bien à 5° n'est pas nécessairement celui qui est où le bien est saisi, et donc 4° et 5° disaient à peu près la même chose. Je ne demande pas à quelqu'un de me dire qui il est. Je fais la saisie, je trouve le bien qui présumément appartient à tel mais qui est sur le lieu de tel autre. Et je ne voyais pas l'auto-incrimination là-dedans, mais, bien sûr, ça se peut que je me trompe.

M. Ouimet (Gilles): En fait, on ne postule pas qu'il y a une obligation et donc un risque d'auto-incrimination, mais, puisque le libellé est différent, on peut se poser la question: Est-ce que la personne saisie n'a pas une obligation de s'identifier à cause du libellé de 4°?, alors que, si on incluait à 5° «tout renseignement pertinent permettant d'identifier le propriétaire, la personne concernée ou la personne saisie»...

M. Fournier: D'accord, O.K., on s'est compris. J'ai compris.

M. Ouimet (Gilles): Je m'étais mal exprimé.

M. Fournier: Non, non, non. Je n'avais pas saisi que l'alternative que vous faisiez, c'était d'intégrer 4° à 5° pour éviter que des libellés différents fassent croire à des...

M. Ouimet (Gilles): ...l'idée d'obligation de s'identifier, c'était l'obligation de s'identifier qui peut causer problème.

M. Fournier: À l'article 4, les deuxième et troisième paragraphes à l'égard de la manière dont le juge de paix se comporte ne sont-ils pas des garanties suffisantes pour servir d'encadrement du pouvoir qui est donné à 4? Parce que vous disiez: Il faut aller plus précis dans les motifs, il faudrait les nommer. J'ai l'impression que la commission pourrait me dire qu'ils veulent s'assurer d'avoir... que tous les cas de figure soient couverts, et, si on les nomme, bien, évidemment, on n'a pas de clause qui permet de tous les couvrir. Et je me disais: Est-ce que 4, deux et trois, ne sont pas un moyen qui permet de nous prémunir contre l'abus qu'on verrait à 4?

M. Ouimet (Gilles): Si je peux me permettre, en fait, la problématique, c'est qu'à l'heure actuelle le recours aux mandats de perquisition est permis pour tout autre motif raisonnable autre que celui que l'accès au lieu a été refusé. Qu'est-ce que ça veut dire?

Le Barreau, ce que le Barreau du Québec souligne, c'est que nous sommes dans les moyens les plus intrusifs dont l'État dispose, intrusifs au sens de l'atteinte à la vie privée. Alors, en matière de mandat de perquisition, là, on est dans le... En bas de l'atteinte à l'intégrité physique des personnes, là, il n'y a pas plus élevé. Il y a lieu -- et c'est la suggestion que le Barreau fait -- de baliser, que le législateur détermine quels sont ces cas de figure, quelles sont ces situations où on peut imaginer qu'une commission d'enquête, ayant le mandat qu'elle a, pourrait raisonnablement avoir besoin d'avoir recours à un mandat de perquisition.

Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que, jusqu'à aujourd'hui, les commissions d'enquête, au Québec, ont toujours fonctionné sans les mandats de perquisition. Là, on est en train de dire: Ce serait utile, on en a besoin. Ce que le Barreau du Québec mentionne, c'est: Comme législateurs, peut-être devriez-vous exiger un encadrement un peu plus... de mettre un encadrement un petit peu plus serré dans la loi de sorte que, tout en permettant à la commission de bien remplir son mandat, on soit capables d'identifier des situations générales, sans donner des noms, évidemment, ce n'est pas ça, l'objectif, mais les exemples qu'on a cités de motifs pourraient mieux baliser sans laisser ça de façon ouverte. C'est la recommandation qui était faite.

Quant au paragraphe deux, le commentaire que j'ai fait, peut-être que je l'ai fait trop rapidement, c'est vraiment: Lorsque le juge de paix pondère et exerce son pouvoir discrétionnaire d'émettre un mandat de perquisition, il est important, comme on le fait, par exemple, dans la Loi sur l'administration fiscale, de prévoir qu'il constate l'existence de motifs raisonnables de chacune des conditions pour l'émission. Alors, voilà.

M. Fournier: Merci beaucoup.

M. Ruel (Simon): ...peut-être un seul point. Je pense qu'il faut... Le pouvoir de perquisition existe, là, à ma connaissance, dans trois lois au Canada, comme je l'indiquais, à Terre-Neuve, en Ontario et en Colombie-Britannique, selon des modifications relativement récentes. Donc, ce n'est pas quelque chose d'absolument révolutionnaire.

Par contre, je pense qu'il faut lire ce pouvoir-là avec le mandat particulier de cette commission-là, qui est, vous le conviendrez, je pense, très, très large. Donc, évidemment, lorsqu'on combine les deux, ça fait en sorte que les mandats de perquisition peuvent être obtenus, là, pour un grand, grand nombre de situations et viser des personnes privées, d'où la nécessité, à notre avis, de bien baliser ce pouvoir-là, à tout le moins dans ce cas précis.

M. Fournier: Merci beaucoup.

Le Président (M. Drainville): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Bonjour à vous trois. Je pense qu'on est entre bonnes mains. On est très heureux de vous avoir parmi nous aujourd'hui. Je pense qu'il y a une certaine expertise quand même autour de la table, donc vous devriez pouvoir éclairer certains petits éléments.

2 et 12, donc, vous rejoignez certaines des questions qu'on avait. Je comprends que vous plaidez une autorisation spécifique pour chaque cas. Si on allait de la sorte, est-ce que vous estimez qu'en retirant simplement l'article 12 ce serait de cette manière-là qu'on devrait interpréter 2, à savoir, donc, qu'il faut que l'autorisation soit faite dans tous les cas, ou est-ce qu'on devrait ajouter «une personne autorisée spécifiquement et par écrit», par exemple, ou est-ce que vous pensez qu'en enlevant 12 ça s'infère que l'autorisation ne peut être que spécifique? Je ne sais pas si vous avez une opinion là-dessus et...

M. Ouimet (Gilles): Ça se défend.

Une voix: ...

Mme Hivon: O.K. Bien, je peux vous poser une autre question pendant, peut-être, que...

M. Ruel (Simon): Si c'est un problème, je ne suis pas sûr que ça le réglerait, là. J'aurais tendance à croire qu'il devrait être...

Mme Hivon: Qu'on l'écrive spécifiquement?

M. Ruel (Simon): ...oui, que ça devrait être...

Mme Hivon: Qu'on écrive spécifiquement «spécifiquement»?

M. Ruel (Simon): Oui, c'est ça, spécifiquement «spécifiquement» dans chacun des articles.

Mme Hivon: Oui. C'est ça que vous feriez?

M. Ruel (Simon): C'est ce que...

Mme Hivon: Parfait.

M. Ruel (Simon): Mais je n'ai pas fait l'analyse, là, de façon détaillée, mais c'est ce que je suggérerais, parce que ça dit, 2: «Une personne autorisée par écrit par un commissaire...» Ça pourrait quand même laisser place à une interprétation que l'autorisation peut être générale aussi. Donc, peut-être.

Mme Hivon: Ou on pourrait mettre «dans chaque cas» ou quelque chose comme ça. En tout cas, vous en mettriez plus que moins pour être sûrs qu'on a la... Parfait. Je ne pense pas que vous êtes ici comme experts légistes, là, mais je vous posais la question pour savoir si, dans les autres types de législation, tout ça, c'est quelque chose qui vous avait frappés. Donc, première chose.

L'autre, c'est: Vous avez fait référence tantôt au fait que, bon, la manière dont ça fonctionne généralement, c'est le commissaire qui, bon, va y aller par subpoena. Nous, une question qu'on se demandait, c'est: Est-ce que ce ne serait pas souhaitable que ce soit le présidente de la commission seule qui ait ce pouvoir, compte tenu que c'est un pouvoir quand même qui est très important et qu'elle, elle est juge? Les autres commissaires ne sont pas nécessairement tous des juristes. Est-ce que, du fait qu'ils sont commissaires, selon vous, ils devraient tous les trois avoir ce pouvoir-là ou est-ce que ça pourrait être pertinent que seule la présidente de la commission, compte tenu qu'elle est juge, puisse l'exercer?

M. Ouimet (Gilles): On s'est posé... On avait entendu la question ce matin, on a essayé d'y réfléchir. En fait, une des questions, c'est: Par principe, est-ce qu'il y a une distinction entre les trois commissaires d'un point de vue légal? Et là je n'ai pas vérifié la loi sur les commissions ou le décret de nomination, là. Est-ce qu'il y aurait lieu, dans ce contexte-là, de faire une distinction entre la présidente et les deux autres commissaires ou pas? C'est la question qui se pose avec cette question-là.

Pour le Barreau, on ne voyait pas la nécessité. L'imputabilité au niveau des commissaires, un des trois commissaires, au plan des garanties, de l'apparence, de l'exercice des pouvoirs, c'était suffisant que ce soit un des trois commissaires.

Mme Hivon: Parfait.

M. Ruel (Simon): Au Canada, il n'y a pas d'exigence -- au Québec particulièrement mais au Canada non plus -- que les commissaires soient nécessairement ni des avocats ni des juges. Dans les dispositions dans d'autres provinces, là, pour ce qui est des mandats de perquisition, les demandes sont faites... Je vois ici, en Colombie-Britannique: «A hearing commission may apply...» Donc, c'est la commission ou en fait c'est le commissaire qui donc...

Mme Hivon: Vous allez dans le même sens que les gens de la commission, donc vous... Parfait.

**(15 h 40)**

Autre question que vous avez sans doute entendue ce matin, c'est le nombre de personnes qui pourraient être autorisées à, donc, exercer les pouvoirs. Au même titre où vous semblez... Ce n'est pas tout à fait assimilable, là, comme réalité, mais, au même titre où vous plaidez à l'article 4 pour vraiment bien prévoir le «tout autre motif raisonnable», est-ce que vous pensez que «personne» est suffisamment défini dans le coeur du projet de loi? Est-ce qu'on devrait prévoir davantage le type de personnes qui relèvent de la commission qui peuvent être autorisées?

Ce matin, on nous donnait différents exemples, pas nécessairement les enquêteurs uniquement, pas nécessairement les procureurs uniquement, peut-être, par exemple, un comptable, en certaines circonstances. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus? Est-ce que vous trouvez que le mot «personne» est le bon mot ou est-ce qu'on devrait le définir davantage?

M. Ruel (Simon): Évidemment, sujet à nos commentaires précédents, je regardais le décret, je ne pense pas que le décret... Dans certains décrets de commission, on va prévoir que la commission, sauf erreur, là, peut embaucher des procureurs et des enquêteurs. Là, je pense qu'ici on fait référence au personnel seulement, donc il n'y a pas de prise là. Peut-être dans les règles, mais effectivement il y aurait peut-être lieu de définir des... compte tenu que ce sont des pouvoirs...

Bon, M. le ministre suggère ou indique que ce n'est peut-être pas des pouvoirs aussi intrusifs, là, que, par exemple, en matière de perquisition. Ce n'est quand même pas des pouvoirs non négligeables, qui sont assortis d'amendes, là, dans le cas de l'article 2. Il y aurait peut-être lieu de définir certaines classes de personnes qui sont autorisées à faire ça. On peut penser, dans le cas d'une commission, que ça va être principalement soit les procureurs, les enquêteurs, souvent des enquêteurs policiers, ou sinon les commissions vont typiquement faire l'embauche de juricomptables qui vont faire une analyse. Donc, on pourrait penser à ce type de... Mais on ne s'est pas vraiment penchés sur cette question-là, là, avant de...

M. Ouimet (Gilles): ...la préoccupation principale, c'était vraiment l'imputabilité des commissaires. Partant de là, et dans la mesure où les pouvoirs qui seront exercés seront toujours rattachés à une décision des commissaires, on n'avait pas poussé la réflexion à la question qui a été soulevée ce matin, là.

M. St-Arnaud: Il nous reste-tu du temps, M. le Président?

Le Président (M. Drainville): Il reste encore trois minutes.

M. St-Arnaud: Trois minutes. Bien, peut-être sur l'article 4, dont Me Ouimet... D'abord, je salue les représentants du Barreau. Bienvenue au parlement.

Sur l'article 4, auquel faisait référence Me Ouimet, j'ai un peu de difficultés à suivre. En fait, là, il peut y avoir éventuellement une demande pour un mandat de perquisition, s'il y a eu refus de l'accès au lieu, là, si l'inspection a été refusée, et vous, vous dites, «ou pour tout autre motif raisonnable», ça vous apparaît trop large. Mais, si on va au paragraphe suivant, le juge, donc, «peut entendre la demande ex parte et [...] peut y faire droit s'il est convaincu, sur la foi d'une déclaration sous serment faite en ce sens par la personne autorisée par le commissaire, qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'un objet ou un document pertinent à l'exécution du mandat de la commission se trouve dans le lieu».

Est-ce que, finalement... Parce qu'il faut lire le premier paragraphe avec le deuxième. Est-ce que le deuxième ne répond pas à votre interrogation en disant... Non? Alors, je vous écoute là-dessus, allez-y.

M. Ouimet (Gilles): En fait, on retrouve également au premier paragraphe l'exigence qu'un document pertinent s'y trouve. Ça, c'est la raison d'être d'un mandat de perquisition, on va exécuter un mandat de perquisition quand on a des motifs raisonnables de croire que quelque part se trouve quelque chose dont on a besoin.

Ce qu'on a ici, c'est qu'en temps normal un mandat de perquisition sert à une enquête criminelle, et, les mandats de perquisition, dans ce contexte-là, on a comme exigence des motifs raisonnables de croire à la commission d'une infraction et que le document ou la preuve se rattache à l'infraction. Ce sont les balises, les exigences pour -- entre autres, là, il y en a d'autres -- exécuter un mandat de perquisition, obtenir un mandat de perquisition et l'exécuter.

Là, ici, la seule exigence qu'on retrouve, c'est l'existence d'un document à l'endroit et le fait que l'accès a été refusé. Quand on remplace «l'accès a été refusé», on a «pour tout autre motif raisonnable». Alors, quelles sont les conditions qui justifieraient, pour la commission, d'exécuter un mandat de perquisition, moyen d'enquête intrusif? C'est ça, le...

M. St-Arnaud: ...vous trouvez que... Donc, la première situation, c'est quand l'inspection est refusée, puis vous dites: Après ça, c'est ouvert complètement. C'est ce que vous dites?

M. Ouimet (Gilles): Bien, la loi ne donne aucune balise, et là c'est laissé à l'appréciation.

M. St-Arnaud: Ce n'est pas... Mais il faut quand même, après ça... Quand on arrive devant le juge, il faut avoir des motifs raisonnables, démontrer qu'il y a un objet ou qu'il y a un document...

M. Ouimet (Gilles): Que l'objet s'y trouve. Ça, c'est la seule condition.

M. St-Arnaud: Enfin, vous avez des motifs de croire qu'il est là puis vous... et que c'est relatif à l'exécution du mandat de la commission.

M. Ouimet (Gilles): Que le document est pertinent à la commission, ça, c'est l'exigence de base. Mais, si ce n'est pas parce que l'accès a été refusé et que le demandeur de mandat... Je ne sais pas, moi, pour quelle raison il pourrait le demander, là. C'est ça, la problématique. Ce que la loi dit, c'est «tout autre motif raisonnable». Alors, qu'est-ce qui est raisonnable?

**(15 h 50)**

M. St-Arnaud: Vous trouvez que c'est vraiment... Vous trouvez que c'est trop large? Même si par la suite ça passe par l'autorisation d'un juge, ça passe par l'exposé de motifs raisonnables et probables, enfin, raisonnables de croire qu'un objet ou un document pertinent à l'exécution du mandat se trouve dans le lieu, vous trouvez qu'on ne devrait pas le laisser aussi général que ça, il faudrait le préciser, et vous remplaceriez ça? «Tout autre motif raisonnable», là, dans le premier paragraphe de 4, vous mettriez quoi, vous, pour...

M. Ouimet (Gilles): ...j'avais suggéré plus tôt, là, j'avais proposé...

Le Président (M. Drainville): Et ce sera la dernière question, M. le député de Chambly. Oui, allez-y.

M. St-Arnaud: Oui. Peut-être avec le consentement du ministre, M. le Président, et avec votre permission.

Le Président (M. Drainville): Attendez un petit peu, là. M. le ministre, est-ce que vous...

M. St-Arnaud: On peut finir la réponse, M. le ministre?

M. Fournier: Oui. Bien, j'espère.

M. St-Arnaud: Parce que ça m'intéresse. Vous l'avez dit tantôt, motif de crainte qu'un document soit détruit.

M. Ouimet (Gilles): J'avais, par exemple, la destruction d'une preuve. Ça, c'est un élément qu'on retrouve, on pourrait le libeller.

La difficulté... Et là c'est dans l'optique de si vous accordez des pouvoirs trop larges à la commission, et que la commission les utilisent, et que quelqu'un les conteste. On ne s'est pas avancés. Alors, les représentations qu'on vous fait, c'est d'essayer de diminuer les risques de contestation, et ces termes-là sont larges et n'offrent aucune balise à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge de paix, et il y a un risque évident de contestation, de dérive.

M. St-Arnaud: ...par exemple, à 2, là, vous avez donné l'exemple aussi du refus de production d'un document, c'est un autre exemple que vous donniez.

M. Ouimet (Gilles): C'est un troisième exemple, là, la crainte de destruction étant le plus évident, là. Mais peut-être que Me Chartrand a des meilleurs exemples que moi pour...

M. St-Arnaud: ...avec le consentement du... Je conclus là-dessus, juste pour vous dire: On va relire attentivement, là, votre intervention de départ, là, d'ici à l'étude article par article. Mais puis-je me permettre de dire que, si jamais vous avez une proposition à nous faire, d'ici la semaine prochaine, sur le libellé exact de comment vous encadreriez davantage...

M. Fournier: De consentement.

M. St-Arnaud: ... -- merci, M. le ministre -- comment encadrer davantage pour tout autre motif raisonnable -- ce n'est pas simple, là -- parce que vous avez donné des exemples, mais comment vous l'encadreriez davantage, en tout cas, pour ma part... Je ne sais pas, M. le ministre, vous êtes preneur? En tout cas, moi, j'aimerais ça...

M. Fournier: Preneur, je ne sais pas, mais intéressé.

M. St-Arnaud: On jugera par la suite si on est preneurs, mais en tout cas sachez que nous sommes intéressés par... en tout cas, moi, je suis intéressé de voir comment vous régleriez votre problème d'encadrer davantage «tout autre motif raisonnable».

Le Président (M. Drainville): Très bien. Merci, M. le député de Chambly. M. le ministre.

M. Fournier: Je n'ai pas d'autre question, M. le Président, alors mon consentement est donné «at large».

Le Président (M. Drainville): Alors, l'opposition peut continuer, il y a encore sept minutes.

Mme Hivon: Oui. Bien, en fait, oui, bien, nous serions intéressés. Ce matin, moi, je l'ai appelée la clause déchiqueteuse, là, je pense que c'est le cas qui apparaît le plus clair, mais c'est certain que d'avoir... Qu'importe, là, ultimement ce qui va être jugé le plus opportun, mais je pense que vous amenez un point important de dire: C'est le risque de contestation aussi de l'exercice du pouvoir du juge de paix et ce que ça pourrait impliquer. Donc, je pense qu'on peut être sensibles à ça, mais c'est toujours très difficile de rédiger ce type d'énumération là. Il faut mettre un beau «notamment», minimalement, parce qu'on ne peut pas être tout à fait limitatifs. En même temps... En tout cas.

Donc, c'est sûr qu'on va être intéressés, ne serait-ce que... pas vous demander de faire le travail d'un légiste, mais nous donner les cas de figure qui vous apparaissent les plus évidents. Puis je pense que les membres de la commission, aussi, Charbonneau vont... ça va être un exercice auquel on risque de les convier aussi pour au moins qu'on ait ces éléments-là avant de décider comment on rédige, comme tel, le projet de loi, là. Ça va certainement nous aider.

En ce qui me concerne, oui, peut-être juste une dernière chose. En lisant l'article 12, une question m'est venue. C'est certain que, là, on le voit comme autorisant généralement ou spécialement pour les pouvoirs qu'on voit, comme d'autoriser une personne, mais est-ce que vous pourriez lire cette clause-là -- je veux juste être sûre que ce n'est pas possible, là -- comme si le commissaire pouvait déléguer son pouvoir de désignation lui-même? C'est-à-dire que, vu qu'on ne définit pas quel pouvoir il peut permettre à une personne d'exercer, vous comprenez, est-ce qu'en soi l'ensemble de ce qui est prévu comme pouvoirs qu'on confère au commissaire pourrait être vu comme pouvant être délégué via l'article 12, selon vous, ou si, quand vous avez lu ça, ce n'est pas du tout quelque chose qui vous est apparu?

M. Ruel (Simon): Non, ça ne m'est pas apparu comme un problème. En vertu du droit administratif, là, la sous-délégation est illégale, un décideur administratif ne peut pas déléguer ses pouvoirs à un autre, de la même façon que ça n'aurait pas été possible de créer une commission en disant: Je donne les pouvoirs à la commission de définir le mandat qu'elle souhaite. Ce n'est pas possible de sous-déléguer des pouvoirs qui ont à être exercés. Donc, c'est au gouvernement de définir le mandat d'une commission, c'est à lui de l'exercer. C'est au commissaire d'exercer ce pouvoir-là, donc c'est à lui de l'exercer, à mon avis.

Mme Hivon: Parfait, merci.

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup. Alors, nous allons... M. le député de Chambly? Bon.

M. St-Arnaud: Oui, brièvement, M. le Président. Le retrait du consentement, à l'article 3, ne vous apparaît pas implicite, le consentement de l'occupant? Avec le consentement de l'occupant, donc, est-ce que... Si, à un moment donné, il dit: Bien là, je ne consens plus...

M. Ouimet (Gilles): Le problème, tel que rédigé, c'est que l'alinéa 2° du... paragraphe 2°, on prévoit demander tout renseignement pertinent. Clairement, là, on laisse entendre que la personne peut être obligée de fournir quelque chose, là. La préoccupation, alors, de deux choses l'une: soit qu'on précise que la personne a une obligation, et auquel cas il faut prévoir une sanction, ou ce n'est pas le cas, et il est clair que ce que la personne fait dans le contexte de l'article 3, c'est toujours de consentement, et il y aurait lieu de l'indiquer clairement, que tous les pouvoirs de l'article 3, pas seulement l'accès mais les questions, le fait de prendre des copies... Parce qu'on peut bien dire à la personne: Oui, oui, entrez, inspectez, mais là, quand ça fait deux heures puis que la photocopieuse est en train de prendre en feu, peut-être que l'inspecté se sentirait moins enclin à consentir. Alors, ce qu'on vous recommande, c'est de prévoir clairement les règles du jeu, parce qu'un des objectifs de la loi, à part de donner des pouvoirs, c'est d'informer, que les gens sachent quelles sont les règles du jeu, et il serait utile, je pense, on pense, de clarifier les règles du jeu au moment de l'opération de l'article 3, parce que, là, c'est une zone d'interaction entre des agents de l'État et des citoyens, et c'est dans ces situations-là qu'on peut créer des difficultés, alors la clarté a une grande vertu.

M. Fournier: Puis-je me permettre de faire un petit peu de... dans le désordre?

Le Président (M. Drainville): Monsieur...

M. St-Arnaud: Avec mon consentement.

M. Fournier: Avec votre consentement.

M. St-Arnaud: En plus, vous pouvez le prendre sur mon temps.

M. Fournier: En plus!

M. St-Arnaud: On fait des échanges ici.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: Alors, dans le désordre, là, à l'article 2 on peut exiger, mais à l'article 3 on demande. Alors, est-ce que le fait de demander ne signifie pas que quelqu'un peut refuser son consentement à la demande, auquel cas c'est une façon de dire qu'il y a... le consentement peut être retiré, puisque ce n'est pas exiger le document? Donc, une façon de répondre à la question a déjà été prévue par les éminents juristes qui ont établi le mot «demander» plutôt qu'«exiger».

M. Ouimet (Gilles): Oui, absolument, c'est une excellente réponse de juriste. La loi s'adresse également à des citoyens qui ne sont pas des juristes, et la préoccupation du Barreau, c'est dans une perspective de clarté...

M. Fournier: Et d'accès à la justice, j'imagine.

M. Ouimet (Gilles): ...et d'accès à la justice. Je sais que c'est un thème cher au ministre... et au Barreau, d'ailleurs. Pourquoi ne pas le prévoir? On le soumet, on le porte à votre attention pour que vous puissiez...

J'aurais une question de privilège, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): Ça devient de plus en plus exigeant, de présider cette commission. Un invité qui me demande... qui soulève une question de privilège, je pense, c'est du jamais-vu dans ma courte carrière politique.

M. Fournier: Je pense que c'est possible juste s'il reste du temps, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): Malheureusement, il en reste, alors...

M. Ouimet (Gilles): J'écoute trop souvent les débats. Non, mais c'est parce que je ne voudrais pas commettre un outrage au Parlement si... Est-ce que je dois répondre à la demande du député de Chambly ou...

M. Fournier: C'est une demande, ce n'est pas une exigence.

M. Ouimet (Gilles): Très bien. Je vais faire mon possible.

Le Président (M. Drainville): Moi, j'ai compris ça, si vous me permettez: c'est une invitation. Je pense qu'il vous a invités, et, je pense, c'est par respect pour votre jugement, et c'est un vote de confiance en vos capacités, prenez-le comme ça.

M. St-Arnaud: ...il faut dire que je connais aussi ce témoin depuis aussi un quart de siècle.

Le Président (M. Drainville): Ah non, là, ne compliquez pas...

M. St-Arnaud: Il est un peu plus jeune, Me Chartrand, un peu moins qu'un quart de siècle. Mais c'est bon, c'est bon.

Le Président (M. Drainville): Est-ce que ça va? Il n'y a pas d'autre consentement? Pas d'autre consentement, très bien. Bien, merci beaucoup de vous être déplacés.

On va suspendre quelques instants. Puis on va entendre le Directeur des poursuites criminelles et pénales dans un instant.

(Suspension de la séance à 15 h 55)

 

(Reprise à 15 h 58)

Le Président (M. Drainville): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons reprendre nos travaux en compagnie du Directeur des poursuites criminelles et pénales, Me Pierre Lapointe, que nous saluons. Et veuillez, s'il vous plaît, nous présenter la personne qui vous accompagne.

Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP)

M. Lapointe (Pierre): Oui, bien sûr. Bien, d'abord, je ne suis pas vraiment le Directeur des poursuites criminelles et pénales, je suis un fac-similé raisonnable. Je suis le procureur en chef qui dirige le Bureau des affaires juridiques et professionnelles -- si on veut, le conseiller juridique du directeur. Et je suis accompagné de Me Erika Porter, qui est une procureure à mon bureau, spécialisée en matière de privilèges et en fait de toutes sortes de questions de droit connexes aux privilèges, et, compte tenu que nos commentaires vont aussi porter sur la question de préservation des privilèges, j'ai demandé à Me Porter de m'assister.

Alors, d'abord, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, M. le Président, bien sûr, nous voudrions vous remercier de nous donner l'occasion de vous faire part de nos réflexions concernant le projet de loi n° 75.

**(16 heures)**

Alors, tout d'abord, nous voudrions dire clairement que nous n'avons pas l'intention de commenter l'opportunité pour la commission d'obtenir les pouvoirs supplémentaires qu'elle réclame. Ce n'est pas notre rôle, et il est simplement logique de croire que l'obtention de ces pouvoirs aura pour effet de donner à la commission des outils très utiles pour accomplir son mandat. Nos commentaires porteront sur la présence, dans le projet de loi, de certaines mesures auxquelles les nouveaux pouvoirs de la commission seront assujettis et dont l'existence nous semble essentielle.

De façon générale, on peut dire que l'utilité de ces mesures s'avère nécessaire d'abord afin d'aider à résoudre la question épineuse de l'influence négative que peuvent avoir les travaux de la commission sur l'intégrité des enquêtes et des poursuites et aussi dans le but de donner à tous les citoyens les recours fondamentaux nécessaires à la protection de leurs droits. Selon nous, le Directeur des poursuites criminelles et pénales possède un intérêt réel dans ces deux aspects relatifs aux interventions de la commission. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales et la police, d'une part, et la commission, d'autre part, constituent des organismes indépendants exerçant de façon légitime les responsabilités distinctes qui leur sont dévolues par la loi, la common law et la Constitution. Cependant, leur attention sera souvent portée, pour des raisons différentes, sur les mêmes phénomènes criminels, les mêmes groupes criminalisés et sur les mêmes personnes d'intérêt. Cette coexistence nous amène à nous préoccuper de la question de l'influence négative que les travaux de la commission peut avoir sur les enquêtes criminelles et sur les poursuites judiciaires qui pourront en résulter.

Bien sûr, cette question est pertinente au-delà des pouvoirs spécifiques que l'on s'apprête à attribuer à la commission. Le mandat même de la commission est subordonné à l'obligation de ne pas compromettre certaines enquêtes et poursuites criminelles, mais le pouvoir d'ordonner la production de documents sans autorisation judiciaire préalable, d'inspecter des lieux et de perquisitionner suivant l'obtention d'une ordonnance judiciaire, bien qu'ils puissent indéniablement faciliter les travaux de la commission, sont des mesures qui peuvent affecter de façon importante les droits des citoyens et nuire aux enquêtes criminelles et aux poursuites. Voilà pourquoi ces pouvoirs doivent être balisés par des normes et des procédures conçues pour atténuer ces difficultés.

Permettez-nous d'abord de faire certains commentaires concernant la question de l'impact des travaux de la commission sur les enquêtes et les poursuites criminelles. Il existe plusieurs façons où la poursuite légitime des objectifs de la commission peut, sinon carrément compromettre des enquêtes et des poursuites criminelles, du moins soulever des questions importantes sur leur intégrité.

Voilà certaines illustrations de ceux-ci. Alors, un premier exemple: le fait, pour la commission, de travailler à partir de dossiers d'enquête criminelle constitués par la police peut avoir pour effet, par une simple inadvertance, lors d'un interrogatoire à huis clos qui peut sembler banal à première vue, de signaler à la personne interrogée l'existence d'une enquête criminelle à son égard ou à celui des organisations criminelles par la police. La commission est-elle dans une position pour connaître à tout moment les circonstances globales d'une enquête permettant de déterminer ce qui doit demeurer confidentiel de ce qui peut être révélé publiquement? La commission a-t-elle le même intérêt que la police ou la poursuite de préserver la confidentialité?

Un second exemple: la commission effectue une perquisition en vertu des pouvoirs qu'on s'apprête à lui attribuer et découvre des renseignements et des documents qui fournissent la preuve d'une machination criminelle jusqu'alors inconnue de la police. Elle utilise ces renseignements lors de l'audience publique. La police pourrait-elle utiliser elle-même ces documents ou la connaissance de leur existence pour instituer une enquête criminelle?

N'oublions pas qu'une enquête criminelle progresse par l'utilisation de renseignements obtenus à une première étape pour justifier l'obtention d'autorisations judiciaires qui permettent d'obtenir davantage de preuves. Les renseignements viciés à la première étape peuvent affecter la validité de ceux qu'on obtiendra plus tard sur la base de ces premiers renseignements. Normalement, si la commission a saisi la documentation, elle ne sera plus disponible pour être saisie par la police entre les mains d'un suspect. De plus, puisque les documents ont été obtenus par la commission à partir de motifs qui sont bien en deçà de ceux qui peuvent constituer des motifs raisonnables en matière criminelle, conformes aux exigences de la Charte canadienne des droits et libertés, il y a lieu de se demander si la police pourra utiliser ces renseignements dans le cadre d'une enquête criminelle.

Troisième exemple: la commission interroge une personne qui fait l'objet d'une poursuite criminelle, elle expose publiquement tous les faits qui vont constituer la preuve lors de son procès. On peut même imaginer qu'elle utilise des éléments de preuve qui ne seront pas admissibles lors de son procès criminel. Cette personne pourrait-elle alléguer avec succès, lors d'une requête en arrêt des procédures, l'impossibilité désormais d'obtenir un procès juste et équitable?

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales, dans son rôle de poursuivant public, exerce une fonction quasi judiciaire qui lui impose au-delà de tout la responsabilité de faire en sorte que justice soit rendue. Le directeur a donc un intérêt fondamental à faire en sorte que le droit d'un accusé d'obtenir un procès juste et équitable soit préservé.

Enfin, quatrième exemple: la commission obtient un dossier d'enquête d'entre les mains de la police ou du directeur par une ordonnance de production ou un mandat de saisie. Ce dossier comprend de nombreux renseignements protégés par un ou plusieurs privilèges reconnus par la common law en droit criminel qui, dans les limites de leurs moyens, doivent être protégés par la police et la poursuite. La police ou le directeur pourront-ils s'opposer à remettre ces renseignements à la commission? Est-ce que ce sera la commission elle-même qui jugera de l'existence du privilège et de sa protection?

Nous savons de certaines décisions de la Cour suprême qu'une commission d'enquête ne peut pas prendre connaissance de renseignements protégés par les privilèges absolus, tels le privilège de l'informateur et le secret professionnel. Il demeure une certaine incertitude relativement à l'application de ce principe au sujet de privilèges circonstanciés. On sait que la préservation de ces privilèges est subordonnée à un équilibre entre la nécessité de le préserver face au droit à un procès équitable. Évidemment, la commission étant un processus inquisitoire, elle n'est pas concernée par la préservation de l'équité du procès. Nous savons aussi que la Cour suprême a laissé comprendre que seuls les tribunaux de droit commun ont le pouvoir de statuer sur les privilèges. Ne doit-il pas exister un recours judiciaire permettant de contester une ordonnance de production ou de saisie?

Voilà quelques exemples qui illustrent l'équilibre fragile provoqué par l'exercice de responsabilités à la fois légitimes mais parfois contradictoires. Il nous faut poser de nombreuses interrogations, dont nous n'avons pas toujours les réponses, mais ces questions sont importantes et pourraient receler des situations difficiles pour les enquêtes criminelles et les poursuites. Certes, une bonne partie de ces difficultés pourraient être résolues par une collaboration étroite entre le directeur, la police et la commission, et, jusqu'à maintenant, nous pouvons vous dire que tous les efforts ont été déployés de part et d'autre pour maintenir une telle collaboration. La commission a démontré un souci constant de se préoccuper de l'effet de ses travaux sur les enquêtes en cours et les poursuites, mais le maintien de l'indépendance mutuelle nous empêche parfois d'établir une proximité suffisante permettant d'aplanir toute difficulté.

Voici un exemple de ceci. J'agis personnellement comme personne de liaison avec la commission. Récemment, elle nous a fourni une liste de personnes dans lesquelles elle manifeste un intérêt. Ces personnes sont toutes soit des témoins ou des accusés dans des poursuites criminelles existantes. Elle désirait savoir si son intérêt pouvait nuire aux poursuites criminelles en cours. Évidemment, il était pratiquement impossible pour nous de répondre à cette question sans connaître les motifs de l'intérêt de la commission dans ces personnes. Elle a refusé, à juste titre, selon nous, de révéler ces motifs, invoquant son indépendance, et, par voie de conséquence, nous n'avons pas pu déterminer si l'intervention de la commission pourrait nuire aux poursuites spécifiques dans lesquelles ces personnes sont impliquées. En d'autres termes, malgré un désir de collaborer, la préservation de l'indépendance entre le directeur, la police et la commission peut parfois constituer une limite institutionnelle difficile à franchir. Ceci nous amène aux mesures contenues dans le projet de loi auxquelles nous avons fait référence précédemment, qui sont essentielles, selon nous, pour atténuer les difficultés que nous avons soulevées. D'abord, sûrement l'article le plus important sous l'aspect de la protection des droits des tiers, signalons le troisième attendu, qui pose les principes fondamentaux qui régissent l'exercice des pouvoirs recherchés par la commission. Cet article établit que les pouvoirs attribués par la loi ne doivent pas être exercés de manière à nuire aux enquêtes policières ou aux poursuites judiciaires qui en découlent ou à compromettre les privilèges reconnus en droit. Ainsi, toute personne exerçant un pouvoir en vertu de la loi, que ce soit la personne désignée par les commissaires qui exige la production d'un document ou, dans une moindre mesure, qui sollicite le droit d'inspecter, ou encore le juge de paix à qui on demande l'émission d'un mandat de perquisition, devra prendre en compte les normes posées par le préambule. Ceci est d'une importance capitale. Conjuguée avec les autres normes et procédures prévues au projet de loi, cette disposition fait en sorte que la préservation de l'intégrité des enquêtes criminelles, des poursuites et des privilèges sera toujours une question de premier plan. Ces normes prévues au préambule constitueront donc le seuil juridictionnel de toutes les actions permises par la loi et donc le fondement possible de l'exercice du pouvoir de surveillance de la Cour supérieure.

Nous aimerions cependant exprimer une interrogation sur les motifs qui peuvent justifier que des normes aussi importantes à l'application de la loi se trouvent dans un préambule ou un attendu. Peut-être avons-nous tort, mais ceci nous semble inusité. Cette technique législative n'aurait-elle pas pour effet de rendre ambiguë l'importance réelle qu'il faut donner aux principes consacrés par le préambule?

**(16 h 10)**

De façon générale, relativement au mandat de perquisition, notons d'abord que l'article 4 établit la pertinence à l'exécution de la commission comme seul critère autorisant de faire une demande à un juge de paix ainsi qu'autorisant ce juge de paix de faire droit à la demande. Notre première observation est que ce critère fait en sorte que l'obtention du droit de perquisitionner ne reposera pas sur la seule croyance par la commission que la saisie pourrait être utile pour ses travaux mais bien sur la démonstration que le pouvoir recherché s'inscrit dans les balises de son mandat. Au surplus, puisque le fait de faire une demande ainsi que le fait d'y faire droit sont des pouvoirs attribués par la loi, ils sont soumis à l'énoncé du troisième attendu. Autant le représentant de la commission que le juge de paix doivent donc se préoccuper du fait que la perquisition pourrait nuire aux enquêtes ou compromettre les privilèges. Le défaut de prendre en compte ces facteurs, comme nous l'avons signalé précédemment, constituera donc un argument juridictionnel donnant ouverture, selon nous, au pouvoir de surveillance de la Cour supérieure.

De façon plus spécifique aux intérêts du Directeur des poursuites criminelles et pénales, le fait de subordonner la demande d'un mandat de perquisition à l'autorisation préalable discrétionnaire d'un juge et que l'émission de ce mandat est soumise aux normes prévues à l'article 4 et à l'attendu nous garantit la présence d'un arbitre indépendant dans les cas de désaccord entre la commission et nous au sujet de l'effet de la demande sur les enquêtes, les poursuites et les privilèges. Cette garantie est rehaussée par le fait que la loi n'impose pas que la demande de mandat de perquisition soit faite ex parte. Un juge de paix qui désire s'assurer que la perquisition ne sera pas nuisible aux enquêtes et ne compromettra pas les privilèges pourrait demander la présence du directeur ou d'un représentant de la police lors de l'audition de la demande.

Il y a lieu de se demander si des garanties semblables ne devraient pas s'appliquer aussi aux demandes de production en vertu de l'article 2. Après tout, sauf pour le pouvoir de fouille, la nature d'une ordonnance de production s'apparente à s'y méprendre au pouvoir de saisie.

Par contre, il n'est pas inusité en droit d'attribuer à un organisme public dont la mission n'est pas d'appliquer les lois criminelles de tels pouvoirs de production péremptoires. Généralement, cependant, ce droit doit être accompagné d'un recours efficace. Comme nous l'avons signalé précédemment, il nous semble que le seul recours utile à une telle demande réside dans le pouvoir de surveillance de la Cour supérieure, laquelle doit être fondée sur un argument juridictionnel.

Sur le plan des mesures procédurales, signalons d'abord que le délai de cinq jours imposé à la personne désignée par les commissaires pour obtenir la production de documents est un élément important qui permet à celui qui fait l'objet de l'ordonnance d'évaluer la documentation requise, d'obtenir les avis juridiques appropriés et d'entreprendre les procédures qu'il croit nécessaires à la préservation de ses droits. Nous ne voulions pas que la loi donne à la commission un pouvoir d'ordonnance de production qui n'est pas soumis à une autorisation préalable, contrairement à la pratique en droit criminel.

L'article 9 prévoit la restitution de tout objet saisi par une personne autorisée par un commissaire. Cette disposition trouve son utilité dans le fait que, si la saisie par la commission donne lieu à des renseignement inédits pour la police, il serait peut-être possible, suite à l'obtention de motifs raisonnables indépendants si nécessaire, de saisir à nouveau ces objets pour les fins d'une enquête criminelle d'entre les mains du suspect.

Enfin, l'article 10 prévoit une infraction pour avoir refusé d'obtempérer à une demande de production de la commission. Nous constatons qu'on a prévu l'expression «sans excuse légitime», qui vient qualifier les actes pouvant donner lieu à l'infraction. En droit pénal, cette expression dénote un fardeau de preuve pour la poursuite de démontrer l'absence d'excuse légitime. Nous croyons qu'il s'agit d'une protection importante qui s'impose dans le contexte d'une telle poursuite pénale, surtout à l'égard de celui qui refuse d'obtempérer en raison du fait qu'il désire contester l'ordonnance.

En conclusion, il est évident que l'octroi à la commission des pouvoirs qu'elle recherche peut lui être utile. Il est important pour nous, cependant, que ce projet de loi comporte les normes et procédures nécessaires pour protéger le public et permette à tous qui croient leurs droits frustrés d'avoir un recours et en facilitant la résolution des litiges concernant la préservation des enquêtes, des procédures et des privilèges. Merci beaucoup.

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, Me Lapointe, procureur en chef, voilà, oui. Le directeur, je faisais référence à l'institution, bien sûr. M. le ministre.

M. Fournier: Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup de votre présentation, où on voit les difficultés qui ont abondamment fait le sujet des discussions au cours des... pas des récents mois mais des mois plus lointains.

Ceci étant, on avait la commission ce matin, et, à la question: Les nouveaux pouvoirs sont-ils un risque accru de contamination?, la réponse -- que je mets dans mes mots, et donc elle était peut-être plus nuancée que celle que je vais donner: C'est dans le pouvoir de contrainte, donc, qui existe déjà que le risque existe et pour lequel il y a des mécanismes à mettre en place, comme la liaison; que les nouveaux pouvoirs comme tels n'offrent pas une difficulté supplémentaire; que les liaisons vont permettre d'éviter les cas ou les exemples que vous avez donnés.

Est-ce que j'ai bien compris ce matin ou est-ce que, selon vous, il y a lieu à ce qu'il y ait une liaison encore plus poussée, si ce genre de pouvoirs sont accordés?

M. Lapointe (Pierre): Je ne sais pas ce que vous avez compris ce matin, mais de toute évidence -- et j'y faisais référence dans ma présentation -- les difficultés qui sont soulevées là ne sont pas des difficultés qui découlent du projet de loi que vous présentez aujourd'hui, ce sont des difficultés fondamentales de la coexistence d'une commission d'enquête et... Alors, non, on ne croit pas que le projet de loi crée des difficultés additionnelles.

Je pense que le but de notre intervention, c'était de dire: Bien, écoutez, à tout le moins, par contre, pour les pouvoirs qui seront exercés par cette loi-là, conservez les sauvegardes importantes, puis peut-être que même par l'exercice de ces pouvoirs-là il va être plus facile de résoudre des problèmes avec la commission qu'antérieurement, parce que ces pouvoirs-là sont plus clairement balisés et comportent des normes qu'on ne voit pas nécessairement, là, qui font peut-être partie de la coutume ou de la common law relativement aux pouvoirs de la commission normalement, là. En d'autres termes, non, on ne croit pas que ça complique ou ça crée des problèmes additionnels. Au contraire, à tout le moins, ça crée des normes claires.

M. Fournier: Et d'où l'encouragement à les baliser au maximum.

M. Lapointe (Pierre): Bien, pas au maximum. À tout le moins ce qu'il est nécessaire de faire pour...

M. Fournier: Au mieux.

M. Lapointe (Pierre): L'idée fondamentale, c'est qu'il doit y avoir un recours. De donner un pouvoir, d'exercer un pouvoir sans que personne ne puisse avoir de recours, c'est impensable dans les circonstances, et les normes qui sont en place dans le projet de loi présentement créent à tout le moins un recours d'ordre juridictionnel devant la Cour supérieure, qui est plus restreint qu'un recours ouvert sur ces questions-là mais qui, malgré tout, est un véritable recours réel. Et le fait de ne pas respecter ces normes-là, bien, fera en sorte qu'on pourrait argumenter que la commission -- la commission ou le juge de paix, hein, parce que ça s'applique autant à la commission qu'au juge de paix -- a exercé sa discrétion illégalement, ou a excédé sa discrétion, ou a refusé de l'exercer. Alors, les normes et l'existence du recours sont fondamentaux et ils se trouvent dans le... Notre argument, c'est qu'ils se trouvent déjà dans le projet de loi.

M. Fournier: O.K. Est-ce qu'il y a eu un débat au moins que vous avez assisté? Parce qu'on en a reparlé tantôt, celui des mandats généraux et spécifiques. Est-ce que le fait que les mandats soient spécifiquement donnés par le commissaire lui-même selon les objets permettrait d'endiguer une partie des problématiques que vous voyez ou pas du tout?

M. Lapointe (Pierre): Non. Je pense que ça n'a pas de lien, non.

M. Fournier: Que le mandat soit général, qu'il soit...

M. Lapointe (Pierre): Non. Que le mandat soit général ou spécifique, il va être exercé selon les normes que la loi prévoit. Je comprends l'argument qu'on vous a fait, qui a une très grosse logique, selon moi, que les personnes imputables, les personnes responsables, les détenteurs du pouvoir, c'est les commissaires, donc c'est eux qui devraient, à tout le moins, déléguer spécifiquement et non de façon générale. Ce sont des pouvoirs importants, hein, qui vont avoir des conséquences, je comprends cet argument-là. Mais que la délégation soit... Bien, en ce qui nous concerne, pour ce qui nous concerne de ce projet de loi là, que la délégation soit spécifique ou générale, la personne devra toujours, malgré tout, respecter les normes. Et, s'il y a un recours, bien le recours va exister. Puis, si on n'a pas respecté la loi... je ne dis pas «intentionnellement pas respecté la loi», mais, si, à titre d'exemple, les motifs sont insuffisants, qu'on a mal évalué la possibilité que ça puisse nuire aux enquêtes, on a mal évalué la préservation des privilèges, bien quelqu'un pourra se présenter devant la Cour supérieure et faire les arguments nécessaires. Et, s'il a raison, il aura raison. S'il a tort, il aura tort, mais... Alors, non.

**(16 h 20)**

M. Fournier: Je vais revenir sur le troisième attendu. Qu'est-ce que vous proposez, c'est qu'il soit un article de la loi plutôt qu'un attendu? Qu'est-ce que... J'ai peut-être mal compris, là.

M. Lapointe (Pierre): Non, non, c'est clairement ce qu'on a dit. Bien, enfin, on n'est pas des légistes, là, puis je ne connais pas la logique de cette technique législative, mais ça nous semble très inusité qu'un attendu comporte les règles de base, les normes de fonctionnement de la loi en entier. Et, le fait que c'est un attendu, bien là la question va toujours se poser: Est-ce qu'un attendu a la même force qu'un article de loi? Est-ce que ce n'est pas plutôt une expression qui encadre?

Alors, pour nous, pour éviter toute ambiguïté, compte tenu de l'importance de ce qui se trouve dans le troisième attendu, nous croyons que ça devrait être un article de loi, point à la ligne, tout simplement.

M. Fournier: On me propose de vous référer à l'article 40 de la Loi sur l'interprétation, mais peut-être que le dire encore plus clairement, le fait comprendre plus clairement... Mais quand même je vous fais le point qu'on y lit que «le préambule d'une loi en fait partie et sert à en expliquer l'objet et la portée», et donc aurait l'effet d'en expliquer l'objet et la portée, des autres dispositions.

Quand je vous dis ça, vous me dites: Oui, mais c'est préférable quand c'est encore plus clair, c'est... Je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche, là, je...

M. Lapointe (Pierre): Oui, c'est que, écoutez, je ne suis pas un expert en interprétation des lois. Je comprends que la Loi d'interprétation dit ça. Il n'en demeure pas moins que, si ça peut causer une ambiguïté, pourquoi la causer? S'il s'agit des choses les plus fondamentales, pourquoi ce n'est pas un article de la loi, tout simplement?

Parce que ce sont des principes et des normes qui devront être respectés autant par la commission que par le juge de paix, que par la personne désignée par le commissaire pour poser quelque geste que ce soit, et ces normes-là sont étroitement, sont intimement liées avec le seul recours qui peut exister. Alors, ils sont d'une importance telle qu'il nous semble qu'ils seraient beaucoup plus clairs si c'était un article. Personne ne peut prétendre qu'un article de loi ne vaut pas ce qu'un article de loi vaut, mais quelqu'un pourrait prétendre qu'un attendu, oui, mais ça a une valeur différente, alors il nous semble que...

M. Fournier: ...on verra pour l'étude article par article, là. Je crois que la notion fait déjà partie du décret. Je ne me souviens pas, mais je ne suis pas sûr que ce soit dans le préambule, je ne sais pas. Dans le décret, je ne sais pas c'est où. Je ne sais pas si c'est un article ou... Ça, je ne le sais plus, là, ça fait un bout de temps quand même. Et là le préambule... Enfin, peu importe.

Est-ce que, si c'était un article de la loi, cela permettrait d'éviter la contestation à l'égard des trois pouvoirs accordés dans la loi, c'est ce que vous dites, ou est-ce que ce serait un outil encore plus imposant que ça?

M. Lapointe (Pierre): Disons que j'aurais peut-être le même argument que Me Ouimet tout à l'heure: Quand on a une norme, si elle est claire, il y a moins de contestations. Si elle n'est pas claire, il y a plus de contestations, et toute ambiguïté va inviter à la contestation.

M. Fournier: Dans le... L'article 4, imaginons la personne qui a été mandatée, qui a l'autorisation du commissaire, qui s'en va devant le juge de paix, alors chacun comment il interprète son rôle. Vous dites: Il faudrait l'écrire... Ce n'est pas parce que je veux faire... Et on pourra toujours finir par: Si c'est écrit dans un article, ça va avoir une force plus probante, pas de problème. Mais il me semble qu'à partir du moment où, parce que, le décret lui-même, c'est dans les dispositions, ce n'est pas dans les attendus, le corps de la commission, cette commission doit veiller à ne pas compromettre les poursuites, repris dans le préambule, c'est un peu comme une main l'un à l'autre, un lien entre l'un et l'autre. Ne pourrait-on pas plaider, à l'égard de l'article 2, 3 ou 4, que l'exercice qui en est fait doit toujours être fait en fonction de cette disposition-là et...

M. Lapointe (Pierre): Oui. Sûrement, oui, sauf que je vous signale que le préambule est plus large que les pouvoirs. On parle des privilèges aussi, qui ne sont pas... dont on ne parle pas dans le mandat. Je n'ai pas le mandat devant moi, là, mais, à ma connaissance, on ne parle pas des privilèges dans le mandat.

M. Fournier: Alors, quand vous parlez des privilèges reconnus en droit, ça fait référence à quoi par rapport à ne pas compromettre les poursuites judiciaires?

M. Lapointe (Pierre): Bien, c'est parce que l'attendu dit: «...ne doivent pas être exercés de manière à nuire aux enquêtes policières et aux poursuites judiciaires qui en découlent ou à compromettre les privilèges reconnus en droit», puis je ne crois pas que la question des privilèges soit traitée dans le mandat de la commission.

M. Fournier: À première vue, non. Et quelles en sont les conséquences?

M. Lapointe (Pierre): Bien, c'est parce que le problème du traitement des privilèges peut avoir une conséquence directe sur la question de nuire aux enquêtes criminelles et aux poursuites. Ça, c'est sûr.

M. Fournier: Oui, mais, si c'est le cas, donc, c'est couvert par ne pas nuire aux enquêtes. Si on compromet les privilèges, cela viendrait compromettre les enquêtes, les poursuites judiciaires, ce qui est déjà prévu dans le décret.

M. Lapointe (Pierre): ...plus loin que ça, parce que les privilèges ont aussi pour objet de protéger les personnes, et ça ne peut pas juste nuire aux enquêtes, ça peut nuire aux personnes aussi dont les informations pourraient être incluses dans le... ou en fait couvertes par le privilège.

Le Président (M. Drainville): Je m'excuse...

M. Lapointe (Pierre): Non, écoutez, on n'argumente pas que... c'est sûr que les principes sont là, vous avez parfaitement raison, c'est évident, puis ce n'est pas à moi de vous le dire, mais que ça a un lien direct avec le mandat de la commission. Notre seule préoccupation, c'est qu'on ne voit pas fréquemment... En tout cas, il ne nous semble pas qu'il s'agisse de matériel à attendu, de matériel à préambule. C'est plus qu'une mise en situation ou une mise en... c'est plus que de rappeler que la commission a un mandat puis que... Ce sont les normes fondamentales d'application de la loi, et notre crainte, c'est que la petite ambiguïté qui peut exister du fait que ça se trouve dans un préambule plutôt que dans la loi, bien c'est ça de plus ou ça de moins, dépendant du point de vue qu'on le regarde.

Le Président (M. Drainville): Là, je vous ai laissé aller parce que tout se passe bien puis il y a eu consentement tout à l'heure pour que M. le député de Chambly puisse dépasser un peu. Est-ce que vous souhaitez continuer votre échange, M. le ministre? Auquel cas je vais demander...

M. Fournier: Non, ça va.

Le Président (M. Drainville): Ça va? Alors, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Bonjour. Merci beaucoup pour votre exposé, Me Lapointe, Me Porter. Je pense qu'on a bien compris le contexte, les mises en garde, le fait que vous saluez la collaboration qui existe, dont vous êtes un pivot, si j'ai bien compris, et que ça se poursuive ainsi pour faciliter les choses. Je pense effectivement que c'est dans l'ordre des choses.

Toujours sur la question de l'attendu, je réfléchis, là, depuis que vous soulevez ça. Je pense qu'on peut le voir de deux manières. L'attendu, effectivement, en vertu de la Loi sur l'interprétation, fait partie intégrante de la loi et, si on le met dès le départ dans les attendus, il colore l'ensemble aussi de la loi, parce qu'il n'est pas un article spécifique qui ne se référerait... ou un alinéa, ou tout ça. Donc, je ne dis pas que ma tête est faite, mais je pense qu'il faut tenir ça aussi en compte.

Puis là je regardais la loi, j'imagine que vous connaissez toutes ces choses, mais la loi sur les enquêtes publiques de l'Ontario. Évidemment, ils ont une approche très différente, beaucoup plus de style common law, mais on arrive et on parle, un article, l'article 8, des renseignements admissibles, l'exclusion de renseignements, puis ensuite, dans le troisième alinéa, maintien du privilège. Est-ce que vous souhaiteriez qu'on adopte plus une approche comme ça? Parce que je vois qu'on dit, bon: «Malgré le paragraphe 1, la commission ne peut recevoir ni accepter des renseignements qui seraient inadmissibles en preuve devant un tribunal en raison d'un privilège reconnu en droit de la preuve.» Quand vous nous faites part d'un peu vos inquiétudes par rapport au positionnement dans l'attendu, est-ce que, dans le fond, vous nous dites qu'il devrait y avoir une section où on est très, très explicites sur un peu tous les éléments, pas juste le troisième attendu, mais d'expliciter ce que ça veut dire concrètement dans les éléments, de préserver les procès, et tout ça?

M. Lapointe (Pierre): Moi, je vous dirais, personnellement, qu'il est préférable de garder ces principes-là comme des principes généraux, où il est très clair qu'ils ont une application pour tous les pouvoirs -- et c'est ce que ça dit -- pour tous les pouvoirs qui seront exercés en vertu de la loi, plutôt que de... Je veux dire, si on l'inclut dans le pouvoir de perquisition, il va falloir le faire spécifiquement dans le pouvoir de... Bon, moi, je n'ai pas de problème à comprendre que ça, c'est le principe, ce sont des principes de base qui vont s'appliquer à toute la loi.

Ce que je vous dirais comme deuxième chose, c'est que vous me dites: Bien, écoutez, on peut le voir de deux manières. C'est ca, le problème, c'est qu'on peut le voir de deux manières. Si c'était un article de loi, on le verrait d'une seule manière.

Mme Hivon: Bien, il faudrait trouver son bon positionnement, son bon libellé.

M. Lapointe (Pierre): Oui, oui. Non, je comprends.

Mme Hivon: Ça serait aux légistes, évidemment, d'avoir le défi, là, puis...

**(16 h 30)**

M. Lapointe (Pierre): Bien, c'est qu'en bout de piste ça va être les tribunaux puis ça ne sera peut-être pas les légistes, et on verra ce que les tribunaux vont décider. Je ne veux pas par là, là, vous... Tout ce que je veux dire, c'est: S'il y a une ambiguïté à ce sujet-là, compte tenu de l'importance de ces principes-là, pourquoi ne pas en faire un article de loi qui dit: Pour l'interprétation de la présente loi, tout pouvoir exercé... C'est juste ça que je veux dire.

Mme Hivon: Je pense qu'on partage -- ça, c'est clair -- la même préoccupation: le mieux baliser possible, le moins d'ambiguïté, le moins de place à l'interprétation possible. Le défi, c'est dans le comment.

M. Lapointe (Pierre): Non, non, c'est d'en faire... Je suis d'accord.

Mme Hivon: Donc, faites attention, parce que mon collègue de Chambly va peut-être vous demander de rédiger la chose. Donc, je vous absous à l'avance de l'obligation.

M. Lapointe (Pierre): ...il y a déjà un rédacteur de recruté, à ma connaissance, là, ça fait que...

Mme Hivon: Hein?

M. Lapointe (Pierre): Il y a déjà un rédacteur de recruté, là.

Mme Hivon: Bon, vous voyez. O.K.

Toujours concernant cette volonté d'être le plus balisé et le plus clair possible, vous avez entendu précédemment les gens du Barreau référer à la fin de l'article 4, disant que «pour tout autre motif raisonnable» devrait être mieux défini. Qu'en pensez-vous? Et pensez-vous, donc, dans la même optique, qu'une énumération serait souhaitable?

M. Lapointe (Pierre): Écoutez, de toute évidence, quand on dit ça dans le texte de loi, on veut dire des motifs raisonnables supplémentaires à ce qui est nécessaire pour obtenir un mandat, c'est-à-dire que c'est pertinent ou... et effectivement quelqu'un va devoir... il y a sûrement un juge de paix, là, un des ces jours, qui va devoir... Ça veut dire quoi, ça? C'est quoi, un motif raisonnable supplémentaire?

Je ne crois pas, cependant, qu'on puisse faire une énumération, je ne pense pas qu'on... en tout cas, il y a des gens beaucoup plus brillants que moi, là, puis il y en a plein, mais qu'on puisse cerner toutes les situations puis réussir à faire une énumération des circonstances. C'est clair que, dans l'esprit de cette loi-là, on veut que la commission ait tenté d'obtenir autrement, avant de passer, hein... C'est comme un élément de nécessité. La commission doit avoir tenté de l'obtenir par son pouvoir d'inspection comme seuil déclencheur, là, pour avoir le droit de faire une demande et d'obtenir un mandat de perquisition. Pourquoi pas, au lieu de «motif raisonnable», écrire qu'elle ne peut pas l'obtenir autrement?

Mme Hivon: Et qu'elle ne peut pas le...

M. Lapointe (Pierre): Ce que je veux dire: Pourquoi pas, plutôt que d'utiliser un critère... Je suis un peu d'accord avec Me Ouimet tout à l'heure et avec le Barreau qu'«autre motif raisonnable», c'est relativement vague, là, il va y avoir des gens qui vont devoir s'asseoir puis interpréter ça. Pourquoi pas, compte tenu qu'il semble que cette partie-là du premier alinéa de l'article 4 vise à créer un critère de nécessité, c'est-à-dire ne pas permettre à la commission d'aller chercher un mandat à la première occasion... On dit: Bien, écoutez, essayez au moins de l'avoir autrement, hein, essayez d'exercer votre pouvoir d'inspection. Alors, pourquoi ne pas dire, «ou pour tout autre motif raisonnable», plutôt que de dire «ou tout autre motif raisonnable», qui est un critère très vague, dire... bien, exiger que, pour obtenir le mandat de perquisition, elle ne puisse pas obtenir autrement, par d'autres moyens les renseignements qu'elle recherche, et elle n'aura qu'à démontrer au juge de paix qu'elle ne peut pas l'obtenir par d'autres moyens ou que, si elle l'a obtenu par d'autres moyens... ou qu'elle l'a tenté puis ça n'a pas fonctionné?

Ça ressemble... En droit criminel, ce qui s'apparente à ça, c'est les mandats d'écoute électronique, des autorisations d'écoute électronique, qui comportent une obligation de nécessité, de démontrer la nécessité d'obtenir l'écoute parce qu'on ne peut pas obtenir la preuve autrement. Moi, je vous suggère, si on trouve le critère «autre motif raisonnable» trop vague... Puis je ne sais pas, moi, j'essaie de m'imaginer, si j'étais juge de paix, là, qui doit décider ça, puis la commission dit: Bien non, on n'a pas tenté de l'obtenir par l'inspection, c'est quoi, un autre motif raisonnable. J'aurais de la difficulté à essayer de l'imaginer.

Mme Hivon: Puis la prévention de la destruction de la preuve -- je disais ce matin «la clause déchiqueteuse», là -- c'est compris...

M. Lapointe (Pierre): Ça peut être... Bien sûr, c'est toujours... c'est même, en droit criminel, un motif pour obtenir des perquisitions ou des fouilles, perquisitions, saisies sans mandat pour l'urgence, l'urgence étant la possibilité que la preuve soit détruite.

Mme Hivon: C'est compris dans la nécessité à laquelle vous faites référence, mais de la manière... en tout cas, la manière de le libeller...

M. Lapointe (Pierre): Je ne sais pas, là. Je ne le sais pas non plus, là.

Mme Hivon: Je ne le sais pas, c'est ça, ça ne m'apparaît peut-être pas... Mais oui, c'est ça, O.K.

M. Lapointe (Pierre): Mais tout ce que je vous dis, c'est qu'il me semblait que cette partie-là du texte visait à créer un critère de nécessité supplémentaire à la commission pour obtenir un mandat. Alors, d'autres motifs raisonnables, si, moi, j'avais à l'interpréter, je dirais: Bien, c'est pour d'autres motifs qui indiquent la nécessité...

Mme Hivon: Oui, ça va.

M. Lapointe (Pierre): ...dans la logique de ce bout de texte là.

Mme Hivon: O.K. Puis, avant de céder la parole à mon collègue, une question d'ordre plus général. Tantôt, vous avez dit qu'évidemment les pouvoirs que va pouvoir désormais, si le projet de loi est adopté, exercer la commission vont requérir des motifs qui sont en deçà de ceux requis en matière criminelle et que donc il peut y avoir une certaine complexité ensuite dans la fluidité de la transmission de ce qui pourrait être pertinent. Et ce matin je posais la question aux gens de la commission: Comment ça fonctionne, cette collaboration-là? Ce que vous, vous trouvez, est-ce que ça peut être communiqué pour les procès, exemple, à l'UPAC, de la même manière qu'eux peuvent vous communiquer des choses? Donc, on me disait en gros oui, mais je comprends qu'évidemment il y a un élément très important que vous soulevez là. Concrètement, là, quelles embûches ça peut poser?

M. Lapointe (Pierre): Bien, jusqu'à maintenant, à ma connaissance, on a fourni à la commission volontairement les renseignements qu'elle exigeait, sous réserve de certains renseignements qui nous laissaient perplexes, là: Est-ce que c'est privilégié, est-ce que ça ne l'est pas ou... Enfin, ce n'est pas simple.

Maintenant, le flot d'information dans cette direction-là n'est pas tellement problématique; c'est dans l'autre direction. Ce n'est pas parce que la commission ne veut pas fournir des renseignements, c'est parce que, ces renseignements-là n'ayant pas été obtenus... D'abord, ils ont été obtenus par une règle de contrainte, hein, ce n'est pas volontaire. Si quelqu'un avait donné volontairement des renseignements à la commission, je pense qu'il n'y aurait pas de problème que la police utilise ces renseignements-là, mais ils ont été obtenus par la contrainte, et la contrainte à partir de motifs raisonnables qui sont inférieurs, si vous voulez, à ceux qui sont exigés en droit criminel, ce qui est bien correct, là, il n'y a pas de problème que les motifs raisonnables soient inférieurs, on ne dit pas que la commission devrait être liée à des motifs plus sévères que ça.

Ce n'est pas si évident pour nous qu'il ne peut pas y avoir de nombreuses situations où la police va avoir de la difficulté à utiliser ces renseignements-là. De fait, la police devra, en toute prudence, là, probablement obtenir des motifs raisonnables d'obtenir ces renseignements-là indépendants de ceux de la commission et des motifs raisonnables plus élevés, là, ceux qui sont nécessaires en droit criminel. Alors, il existe tout un univers dans le droit de la preuve, là, où une preuve peut être... qui concerne le transfert de preuve du milieu d'enquête, du milieu d'inspection vers le milieu criminel, et il y a des embûches importantes, là, hein? D'abord, la cour... bien, enfin, c'est un des exemples, mais la Cour suprême a dit: Écoutez, dès l'instant où le renseignement est transféré pour des fins d'enquête criminelle, qu'il vient du pouvoir d'inspection, ça va, mais, à partir de ce moment-là, il ne peut plus y avoir de transfert de renseignements. Tous les renseignements qui sont transférés à partir du moment où on sait qu'il y a une enquête criminelle vont être comme empoisonnés, vont être comme... ils ne pourront plus servir, hein, parce que ça serait de se servir du pouvoir d'inspection pour faire du droit criminel. Le pouvoir d'inspection, généralement, c'est un pouvoir d'obtenir des renseignements par la contrainte, sans autre motif, sans autorisation judiciaire préalable, sans rien de ça. Alors, nous, il ne nous semble pas si évident que ça que... Il faudra que la police -- et nous éventuellement, par la suite, si jamais il y a des poursuites -- utilise beaucoup de précautions pour utiliser des renseignements qui viendraient de la commission.

Nous, on croit que, dans certaines circonstances, qui sont dures à définir pour l'instant, là, mais, dans certaines circonstances, il peut arriver des situations où, bien, la commission a découvert quelque chose, puis ça aura été notre choix de faire en sorte que la commission découvre quelque chose, mais qu'on ne pourra pas rien faire avec, on ne pourra pas aller de l'avant, faire une preuve criminelle contre des individus, parce que les renseignements qu'on détient, à l'origine, auront été obtenus sur des motifs moindres que... Évidemment, comme je vous dis, ils sont durs à définir, parce qu'il y a de nombreux facteurs juridiques qui entrent dans cette détermination-là, puis le problème, c'est que, ces facteurs juridiques là, on les découvre rendus au procès, là, tu sais. Il n'y a pas moyen d'avoir une certitude, quand on fait l'enquête, puis dire: Ça, c'est certain, ce n'est pas un problème, ça va être utilisé. Mais c'est un problème constant en matière d'enquête, ça. Ce n'est pas nouveau puis ce n'est pas la faute de la commission, là. Ce n'est pas ça, notre propos. Mais ça ne sera pas nécessairement si évident ou si facile.

**(16 h 40)**

Le Président (M. Drainville): Et on va s'arrêter là-dessus. On va retourner à M. le ministre.

M. Fournier: Moi, je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): Pas d'autre question? Alors, vous pouvez continuer, M. le député de Chambly ou Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Ça va.

Le Président (M. Drainville): Ça va? Très bien. Bien, merci beaucoup, Me Lapointe.

Alors, ça conclut nos travaux pour le moment, on va suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 41)

 

(Reprise à 16 h 46)

Le Président (M. Drainville): Alors, nous reprenons nos travaux.

Mémoire déposé

Juste avant de procéder aux remarques finales, je dépose le mémoire de l'Unité permanente anticorruption. C'est fait.

Remarques finales

Nous allons maintenant procéder aux remarques finales. Mme la députée de Joliette, porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, vous disposez de 7 min 30 s pour vos remarques de clôture.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon: Merci beaucoup, M. le Président. Je serai brève. Je veux évidemment remercier tous les intervenants qui sont venus aujourd'hui. Je pense qu'on a eu un éclairage de haut niveau sur des types de question qu'on n'aborde par tous les jours, et, oui, c'était vraiment percutant, je dirais, et très éclairant d'entendre les gens, toute la panoplie de nuances, de mieux comprendre aussi le fonctionnement autant de la commission que de ses relations avec les deux autres éléments clés de cette espèce de triumvirat qui va fonctionner au cours des prochains mois, des prochaines années ensemble, donc avec l'UPAC et le DPCP. Donc, je pense que ça a aussi fait oeuvre utile d'un point de vue pédagogique.

Plus spécifiquement, bien, évidemment, il y a un certain nombre de questions qui vont devoir être regardées dans le détail lors de l'étude détaillée. La question de l'attendu, bien, à première vue, c'est certain qu'un énoncé qui vient colorer l'ensemble de l'interprétation de la loi nous apparaît intéressant, et c'est ce que, je pense, on peut atteindre lorsqu'on énonce une telle disposition dans un attendu. Par ailleurs, on n'est pas fermés à voir s'il doit être déplacé ailleurs, si ça peut avoir une portée plus grande, mais, en vertu des principes d'interprétation généraux, l'attendu faisant partie de la loi, je pense qu'on peut défendre qu'il soit mis à l'endroit où il est présentement.

Évidemment, la question de l'autorisation, je dois vous dire qu'on a une certaine préoccupation pour être le plus clair et spécifique possible. On pense, en tout cas à ce stade-ci, que l'idée que l'autorisation ne soit que spécifique, en tout cas, minimalement doit être quelque chose à regarder, et, si ce n'est pas le cas, de l'avis, là, des spécialistes du ministère et de la commission, de bien expliquer pourquoi, parce qu'a priori... les pouvoirs conférés à la commission étant tellement exceptionnels, puisqu'il n'y a pas eu d'autre commission, sauf si on remonte à la CECO, là, en 1972, qui a bénéficié de tels pouvoirs. Je pense que c'est quand même important de se poser la question.

Même chose pour la définition de «personne». Je suis tout à fait consciente que ce ne serait pas une tâche simple, mais je pense que minimalement il faut faire la réflexion. Est-ce que l'utilisation est optimale ou est-ce qu'on devrait définir davantage pour s'assurer que les personnes qui vont recevoir les pouvoirs soient des personnes que l'on peut identifier facilement, autant dans l'organisation qu'autant pour prévoir un peu l'octroi de ces pouvoirs et l'exercice de ces pouvoirs au quotidien?

On a bien compris le point sur la non-différenciation entre les trois commissaires, mais on soulève quand même la question à savoir si seule la présidente devrait pouvoir bénéficier des pouvoirs.

**(16 h 50)**

L'article 4, bien, il y a certainement une réflexion sur le «pour tout autre motif raisonnable». Donc, je pense qu'on a bien entendu les réserves autant du Barreau et du DPCP. Il y a un défi, évidemment, de savoir comment cela pourrait être transformé pour être plus clair, mais je pense que le DPCP a peut-être émis certaines pistes qui pourraient être d'intérêt, et évidemment on attend toujours... À la demande du député de Chambly, on va attendre avec intérêt les propositions concrètes du Barreau. Mais le défi avec ça, moi, je le redis, c'est toujours qu'une énumération ne peut pas être trop limitative, si on s'en allait vers quelque chose du genre. Donc, peut-être qu'un énoncé plus comme ce à quoi faisait référence le DPCP pourrait être utile.

Et, bien, l'article 12, c'est ça, je pense que l'article 12 pourrait peut-être être retiré, si on prévoit le pouvoir, là, spécifique.

Puis, en terminant, bien on est heureux, bien sûr, de voir que la commission est en marche, que le ministre souhaite qu'elle ait tous les pouvoirs requis pour aller au fond des choses, ce qui, je crois, est fondamental si on veut que tout le mandat puisse être exécuté comme les Québécois le souhaitent.

Évidemment, bien, la question de la réforme de la Loi sur les commissions d'enquête dans son ensemble va demeurer. On a vu, on a pris connaissance de la lettre où, évidemment, la commissaire Charbonneau demandait davantage que ce soit la Loi sur les commissions d'enquête qui soit modifiée, mais on comprend qu'à brève échéance le projet de loi spécifique est peut-être une avenue plus facilement exécutable. Mais je pense qu'il va falloir se pencher certainement sur la suite des choses, bien qu'on espère qu'on n'aura pas besoin de commissions d'enquête de manière répétée à toutes les années. Mais il faudrait quand même, comme législateurs, je crois, se poser la question.

Alors, merci, M. le Président. Et, en terminant, peut-être juste dire au ministre que, bien sûr, il peut compter sur toute notre collaboration pour la suite des choses dans l'étude détaillée. Je pense qu'on a à coeur que le tout fonctionne le mieux possible, donc ça va être l'attitude qui va nous habiter, encore une fois, pour la prochaine étape. Et merci à tous les membres de la commission, à Guillaume Rousseau qui m'accompagnait, à M. le député de Chambly et à toute l'équipe, la très compétente équipe qui accompagne le ministre.

Le Président (M. Drainville): Très bien. M. le ministre.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, peut-être commencer par la fin de ce que ma collègue disait sur la Loi sur les commissions d'enquête et sur sa refonte ou sa révision générale. Et, je pense, c'est Me Lussier qui exprimait l'idée que, s'il avait fallu l'inclure dans une refonte générale, probablement que les délais auraient été bien différents dans la conclusion, d'abord, d'une proposition, d'une consultation, et là je ne parle pas de l'étude article par article qui aurait suivi. Quand on analyse les délais qui sont devant nous, c'est incontournable.

J'y trouverais une autre vertu, d'ailleurs. Voilà des pouvoirs qui, au Québec, n'avaient pas été octroyés à une commission d'enquête, et ils le seront. Je pense qu'on pourra peut-être en tirer une certaine expérience, un éclairage. La refonte ne viserait pas que cela, mais il y aurait déjà des éléments qui pourraient nous renseigner. Alors, le meilleur des deux mondes, c'est probablement de procéder comme on a procédé présentement.

La journée a été fort utile, M. le Président. On a vu d'abord les risques, les hauts risques qui accompagnent les deux expériences les unes avec les autres. De façon objective, je pense qu'on est tous en mesure de pouvoir faire ce constat. Je note... Pour ceux qui ont la caméra sur moi et qui ne peuvent pas voir les visages qui sont devant moi, je pense qu'objectivement il y a un consentement à dire que ce n'est pas si simple que ça, et je trouve qu'il serait utile qu'il y ait plusieurs personnes qui aient écouté les délibérations aujourd'hui pour s'apercevoir combien il importe d'avoir un doigté très particulier pour gérer ces genres d'enquêtes concomitantes, et je pense que les conseils qui nous ont été donnés aujourd'hui -- puis j'ai bien pris note des propos de ma collègue de Joliette -- les conseils qui nous sont donnés, c'est de vraiment s'assurer de poser les meilleurs libellés possible, justement pour essayer de minimiser ces risques-là qui peuvent se présenter.

La question des attendus, j'ajoute à l'aspect qui a été mentionné par ma collègue le fait que le décret est clair. Je comprends que, sur les privilèges, il y a peut-être un élément différent, peut-être regarder sous cet angle-là du privilège, là, pour voir, mais le fait que le décret soit très clair, c'est quand même... C'est la constitution de la commission, c'est de là dont elle tient ses pouvoirs, et le décret est clair là-dessus. Alors, peut-être que le décret, jumelé au préambule, jumelé à l'effet que le préambule a sur l'ensemble de la loi, comme a dit ma collègue de Joliette, est déjà une façon d'indiquer en tout cas vers où, moi, je penche.

Les autorisations spécifiques ont des vertus, je crois, mais, à partir de ce moment-là, ont des contraintes en termes de capacité pour la commission d'y procéder, et donc je dirais plutôt les trois commissaires que la présidente. À partir du moment où on restreint, peut-être qu'il faut quand même leur donner la capacité d'agir assez rapidement, alors peut-être que l'équilibre entre les deux se situerait là.

Pour les motifs valables, j'indique au collègue de Chambly... Je le remercie, d'ailleurs, du mandat qu'il a donné à Me Ouimet. Je peux lui dire, parce que je vais terminer tantôt en remerciant les juristes qui nous accompagnent, que les juristes vont aussi travailler sur des libellés. Et d'ailleurs on m'indique que peut-être que la formule que le DPCP nous offrait est peut-être... risque d'être un peu restrictive pour la commission et peut-être très limitative. On ne fermera pas le débat aujourd'hui, là, mais on aura l'occasion, lorsqu'on fera l'étude article par article, d'essayer de voir quelle est la meilleure formule.

M. le Président, non pas que c'est un sujet simple, loin de là, mais on était loin des demandes en bornage. Nous sommes dans des sujets particulièrement... des notions juridiques nuancées et qu'il faut traiter avec beaucoup de précautions, et j'ai trouvé que la journée avait été effectivement très intéressante, très enrichissante, et les autres journées qui vont suivre le seront sans doute tout autant.

J'annonce à l'avance que nous souhaitions et souhaiterions faire le principe mardi prochain et souhaiterions faire l'étude article par article mercredi prochain. Alors, je le dis sous réserve, évidemment, des disponibilités, là, mais c'est un peu le plan de match qu'on souhaiterait avoir. On verra, là, on discutera pour trouver les meilleures formules, mon objectif... -- et là c'est plus le leader peut-être qui parle que le ministre de la Justice -- l'objectif étant de pouvoir offrir à la commission le plus rapidement possible... Mais, s'il y a des difficultés, on pourra trouver des aménagements, M. le Président.

Et je termine en remerciant les membres de la commission, vous, M. le Président, nos collègues du cabinet et évidemment les membres de l'équipe du ministère de la Justice -- ma collègue de Joliette va sans doute être d'accord avec moi -- qui font un travail législatif assez impressionnant en ce moment. Le nombre de lois qui s'accumulent les unes après les autres demande un travail acharné, et parfois il faut agir assez rapidement, mais je tiens à les remercier d'une compétence de haut niveau. Et ils vont nous accompagner pour la suite des choses, alors je tiens à dire à la commission que les gens du ministère sont à la disposition de la commission pour compléter le travail très sérieux qui a été fait jusqu'ici et de haut niveau. Alors, merci et à tous, et on se revoit la semaine prochaine pour la suite de l'histoire.

Le Président (M. Drainville): La commission ayant accompli son mandat, nous ajournons nos travaux sine die. Merci beaucoup, tout le monde.

(Fin de la séance à 16 h 58)

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