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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 13 septembre 2016 - Vol. 44 N° 138

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 98, Loi modifiant diverses lois concernant principalement l’admission aux professions et la gouvernance du système professionnel


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Ordre des géologues du Québec (OGQ)

Chambre des huissiers de justice du Québec (CHJQ)

Ordre des hygiénistes dentaires du Québec (OHDQ)

Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ)

Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec (OIIAQ)

Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ)

Ordre des ingénieurs forestiers du Québec (OIFQ)

Collège des médecins du Québec (CMQ)

Ordre des ergothérapeutes du Québec (OEQ)

Intervenants

M. Guy Ouellette, président

M. Richard Merlini, président suppléant

Mme Stéphanie Vallée

Mme Mireille Jean

Mme Diane Lamarre

M. Simon Jolin-Barrette

*          M. Robert Wares, OGQ

*          M. François Prud'homme, idem

*          M. Sylvain Gravel, CHJQ

*          Mme Véronique Saulnier, idem

*          M. Ronald Dubé, idem

*          Mme Diane Duval, OHDQ

*          Mme Janique Ste-Marie, idem

*          Mme Lucie Tremblay, OIIQ

*          M. Régis Paradis, OIIAQ

*          M. Georges Ledoux, idem

*          Mme Kathy Baig, OIQ

*          M. François-Xavier Robert, idem

*          M. François Laliberté, OIFQ

*          Mme Ariane Imreh, idem

*          Mme Marielle Coulombe, idem

*          M. Charles Bernard, CMQ

*          M. Yves Robert, idem

*          M. Alain Bibeau, OEQ

*          Mme Louise Tremblay, idem

*          Mme Caroline Fortier, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Ouellette) : S'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 98, Loi modifiant diverses lois concernant principalement l'admission aux professions et la gouvernance du système professionnel.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Leclair (Beauharnois) est remplacé par Mme Lamarre (Taillon) et Mme Maltais (Taschereau) est remplacée par Mme Jean (Chicoutimi).

Auditions (suite)

Le Président (M. Ouellette) : Nous recevons cet avant-midi les organismes suivants : l'Ordre des géologues du Québec, la Chambre des huissiers de justice du Québec, l'Ordre des hygiénistes dentaires du Québec et l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

Je souhaite la bienvenue à notre premier groupe, qui est l'Ordre des géologues du Québec, et à son président, M. Robert Wares. M. Wares, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, et après il va y avoir un échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Vous allez nous présenter la personne qui vous accompagne aussi. À vous la parole.

Ordre des géologues du Québec (OGQ)

M. Wares (Robert) : Parfait. Merci beaucoup. Alors, salutations à la ministre de la Justice, aux députés représentant les deux oppositions et à tous les élus membres de la commission.

Un petit rappel que des communications faites par l'Ordre des géologues auprès de la ministre et de l'OPQ ont été transmises à la commission. Plusieurs de ces communications, malheureusement, ont demeuré sans réponse, et, à défaut de réponse à ces questions, nous ne pouvons évaluer tous les impacts réels des nombreuses dispositions prévues dans le projet de loi. J'aimerais souligner que le CIQ a fait divers commentaires et présenté un mémoire avec lequel l'Ordre des géologues est largement solidaire.

Alors, quelques généralités. L'Ordre des géologues du Québec a pour mission la protection du public par l'encadrement de l'exercice des géologues et la surveillance de l'exercice de la géologie. Cet exercice vise à concourir à découvrir et quantifier les ressources minérales, hydrauliques et d'hydrocarbures du sous-sol québécois et à améliorer l'environnement humain et la sécurité du public dans le cadre de l'implantation d'ouvrages et d'aménagements, de la prévention de risques naturels, tels que les glissements de terrain, et la protection et la réhabilitation des terrains contaminés et de l'eau souterraine.

D'ordre général, il nous semble regrettable que plusieurs des modifications proposées par le projet de loi n° 98 sont de nature superficielle et toucheraient tous les ordres, alors que plusieurs des problèmes à corriger ne concernent qu'un petit nombre d'ordres. Nous craignons un alourdissement du processus, qui apportera peu d'amélioration substantielle au fonctionnement du système professionnel et qui taxera de façon significative la gestion des ordres, et plus particulièrement les petits ordres, aux ressources limitées. Nous constatons aussi que les modifications proposées ne s'attaquent pas aux principaux problèmes que nous percevons dans le système professionnel.

Alors, quelques remarques spécifiques au contenu du projet de loi.

Premièrement, le projet de loi donne une place importante à l'amélioration de la gouvernance des ordres. Un tel objectif est louable. Par contre, l'Ordre des géologues a consacré des efforts considérables et réels pour assurer une saine gouvernance et se croit en bonne position à ce sujet. Si la résultante de ces modifications proposées est de nous imposer tout un travail pour rester au même point, ce sera un abus de ressources limitées pour un bénéfice négligeable.

Deuxièmement, certaines propositions de modification du Code des professions ne méritent pas d'être adoptées, en particulier l'ajout d'un administrateur soi-disant jeune aux conseils d'administration. Aucune règle de bonne gouvernance ne justifie l'ajout d'un administrateur sur la simple base de son âge. Au contraire, l'expérience et la compétence doivent être recherchées, et le rôle d'administrateur élu requiert un bagage de connaissances et une maturité professionnelle qui ne sont pas attendus d'un professionnel en début de carrière.

Il est pertinent d'ajouter que les géologues en début de carrière font face à de nombreux défis, dont la précarité d'emploi et absences prolongées de leur domicile. Ils doivent donc consacrer leurs efforts à leur carrière et leur famille.

De plus, les employeurs sont peu enclins à accorder des libérations aux jeunes employés, alors que les administrateurs de l'Ordre des géologues sont tous des bénévoles.

Le conseil d'administration d'un ordre n'est tout simplement pas une école. Et j'ajoute que la présence de jeunes administrateurs au sein du conseil d'administration de certains ordres n'a pas permis d'éviter les problèmes vécus.

• (9 h 40) •

Troisièmement, une autre modification du Code des professions qui ne mérite pas d'être adoptée est l'extension du rôle et des pouvoirs du commissaire aux plaintes à l'admission. Cette extension proposée des pouvoirs du commissaire n'est justifiée par aucune analyse, le projet de loi n'est accompagné d'aucune description claire des objectifs de cette extension, et, avec le faible nombre de plaintes qu'il y a eu à traiter depuis quelques années, on ne sait vraiment pas quel problème on cherche à corriger. L'absence de justification claire est d'autant plus troublante que le projet ne prévoit aucune balise au champ d'action et que le commissaire n'a effectivement aucun compte à rendre.

Enfin, la question de l'intégration des personnes immigrantes est mal abordée dans le projet de loi. Pour nous limiter à notre expérience, l'Ordre des géologues a délivré des permis ou accordé des équivalences à de nombreuses personnes issues d'autres pays qui par la suite ont eu beaucoup de difficultés à intégrer le marché du travail. Les employeurs, évidemment, préfèrent souvent des personnes qui sont familières avec les façons de faire et la culture locales ou, comme nous l'avons même vu chez certains ministères, reprennent l'évaluation des candidats en faisant fi de la reconnaissance des qualifications liées à la délivrance d'un permis professionnel.

Quoi qu'il en soit, depuis trois ans, les emplois en géologie des ressources ont substantiellement diminué, de sorte que même les détenteurs de diplômes reconnus ont de la difficulté à se placer. Nous comprenons que cette situation n'est pas unique aux géologues et que le marché de l'emploi peine à absorber tous les diplômés des universités québécoises.

En outre, dans le dernier rapport du commissaire, on observe que la plupart des problèmes qu'il constate dans l'accès aux professions relèvent des difficultés d'accès aux formations complémentaires sous la responsabilité des institutions d'enseignement. Alors, on se pose la question : Que pourra faire le commissaire face au ministère de l'Éducation et aux universités et cégeps?

L'Ordre des géologues est donc de l'opinion que le projet de loi n° 98 n'aborde pas les problèmes majeurs qui affectent le système professionnel, et nous n'avons connaissance d'aucun projet en ce sens. J'aborderais le sujet brièvement en soulignant quelques-uns de ces problèmes, dont quatre problèmes majeurs, soit la lenteur du processus législatif, la désuétude des divers éléments du Code des professions, l'incohérence et faiblesse des sanctions ou décisions disciplinaires d'un ordre à l'autre et la lenteur du traitement judiciaire des dossiers disciplinaires.

L'Ordre des géologues a été créé en 2001 et est donc relativement jeune. C'est un ordre de petite taille, et ses ressources sont limitées. Néanmoins, nous croyons pouvoir être fiers de notre organisation et du chemin parcouru dans la mise sur pied d'un ordre professionnel. Nous sommes cependant inquiets de pouvoir maintenir la pertinence de notre encadrement professionnel si la modernisation de notre loi ainsi que le Code des professions ne procède pas avec diligence et efficience. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Wares. Ça a passé très vite. Il vous restait encore deux minutes, qu'on va prendre dans la période d'échange avec les parlementaires. Mme la ministre.

Mme Vallée : Alors, merci, M. Wares et M. Prud'homme. Merci de votre présentation.

Vous semblez... bon, vous vous objectez aux modifications prévues au projet de loi n° 98, notamment en raison du fait que votre ordre est un petit ordre. Vous mentionnez que... Ça semble vous préoccuper beaucoup. Pourtant, au cours des consultations précédentes, on a quand même plusieurs petits ordres, notamment les chimistes, qui se sont présentés devant nous et qui nous ont dit avoir déjà, d'ores et déjà mis en place le processus, les grands principes d'encadrement prévus, et puis tout ça s'était fait de façon quand même assez correcte, et saluaient cette volonté d'encadrement.

Donc, j'aimerais... Puis je comprends, là, que, depuis sa création, vous avez eu, au sein de votre ordre, un secrétaire général qui a aussi agi comme directeur général, donc il y a eu des fonctions qui ont été cumulées par l'un et par l'autre. J'aimerais ça vous entendre parler de votre expérience des 15 dernières années quant à la gouvernance, la façon dont l'encadrement de l'Ordre des géologues s'est fait, là, à l'interne, au sein du conseil d'administration, les rôles que chacun a pu jouer et la façon dont vous avez vécu, vous, vos 15 premières années d'existence avec la gouvernance qui est en place.

Le Président (M. Ouellette) : M. Wares.

M. Wares (Robert) : Eh bien, évidemment, quand je souligne le fait que les petits ordres ont des ressources limitées, c'est une réalité. On a seulement... on a moins de 1 000 membres, alors les ressources financières sont toujours très serrées, alors ce qui mène, évidemment, à certaines, je dirais, compressions dans la structure administrative, et c'est pourquoi qu'on a un secrétaire qui agit aussi comme directeur général. On a seulement deux employés à temps plein, et tous les membres du conseil sont des bénévoles.

Alors, honnêtement, si on se base strictement sur les principes de gouvernance, je ne perçois aucun problème au sein de notre ordre. C'est un ordre qui est très efficace, qui travaille avec, encore une fois, des ressources limitées, et je crois que qu'est-ce qu'on accomplit depuis 15 ans est, je dirais, presque miraculeux, compte tenu qu'on est seulement vraiment trois qui fait presque tout le travail. Et on est rendus au point, maintenant, où est-ce que presque tous nos règlements ont été adoptés. Alors, la prochaine phase, pour l'ordre, c'est un processus d'amélioration qui va viser, entre autres... Un de nos grands projets, c'est Projet compétences, qui va évaluer les candidats plus sur une base de compétences que sur une base d'éducation et d'expérience. Et, deuxièmement, l'encadrement des stagiaires, de notre point de vue, on a fait des grands pas dans cette direction, depuis deux ans, et, bien, selon notre D.G., on est des pionniers dans la structure, la façon qu'on encadre nos stagiaires. On a un système, en fait, qui est beaucoup plus, je crois, exigeant et serré que les autres ordres professionnels.

Mme Vallée : Qu'est-ce qui vous distingue, justement, des autres ordres professionnels, lorsque vous dites : Notre système est plus serré, est plus rigoureux?

M. Wares (Robert) : Le processus, le nombre d'années est plus long. Et, deuxièmement, notre processus d'encadrement, avec un mentor, est plus rigoureux, le suivi est fait de très, très près. Maintenant, on est dans un processus, maintenant, si vous voulez, d'entraînement, où est-ce que le stagiaire doit se trouver un mentor, et qui doit le suivre de près, avec un système de rapport qui est soumis à l'ordre de façon régulière.

Mme Vallée : Vous vous objectez à la notion qui introduit qu'un membre du conseil d'administration ait moins de 10 ans de pratique; pas une question d'âge, là, mais moins de 10 ans de pratique. Donc, au cours des 15 dernières années, est-ce que vous avez eu des gens qui ont siégé au conseil d'administration qui avaient moins de 10 ans de pratique?

M. Wares (Robert) : Non.

Mme Vallée : Vous ne croyez pas qu'un jeune professionnel, une jeune professionnelle avec moins de 10 ans de pratique peut apporter, autour de la table du conseil d'administration, de nouvelles idées, de nouvelles façons de voir et d'encadrer les enjeux de protection du public? Vous ne croyez pas que ça ajoute à la qualité du conseil d'administration, d'avoir des gens avec une vision nouvelle, qui ont peut-être vécu une expérience, certes, différente au niveau professionnel mais qui n'est pas pour autant à mettre de côté? Parce que je regarde : entre un jeune de moins de 10 ans et un membre du public, le membre du public n'a pas non plus l'expérience de la pratique professionnelle. Donc, je comprends difficilement, je dois vous avouer, là, cette objection à ce que des jeunes intègrent... De jeunes ou de moins jeunes, parce qu'on a parfois des gens qui font un retour aux études, qui intègrent une profession, donc ce n'est pas une question d'âge, c'est vraiment une question d'expérience, de pratique. Je suis vraiment étonnée de votre objection à ce critère qui est introduit dans le projet de loi.

M. Wares (Robert) : Bien, c'est parce que c'est une question, je crois... Qu'est-ce que vous visez peut-être, c'est un équilibre entre des jeunes, qui apportent des nouvelles idées mais qui manquent d'expérience, et, à un autre extrême, les dinosaures, qui sont implantés dans leurs façons de penser et de fonctionner et qui sont là depuis 50 ans. Alors, il y a deux extrêmes.

Mme Vallée : Oui, puis on a des gens... Ce n'est pas le temps de pratique qui fait que quelqu'un est plus compétent, hein?

M. Wares (Robert) : Absolument pas. J'en connais beaucoup, d'imbéciles...

• (9 h 50) •

Mme Vallée : Il y a des gens qui ont 30 ans de pratique et qui n'ont pas la compétence requise, alors qu'on a des gens qui ont cinq ans de pratique et qui sont extrêmement compétents. Je vois mon collègue de Borduas sourire, mais c'est vrai, là, le nombre d'années de pratique, rien à voir...

Le Président (M. Ouellette) : Prêtez-lui pas d'intentions, ne prêtez... Vous n'avez pas le droit de lui prêter d'intentions, Mme la ministre.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Vallée : Mais je le vois sourire. Je commence à connaître son non-verbal.

M. Prud'homme (François) : Je pense que... Pour venir peut-être ajouter quelque chose, moi, je suis un nouveau membre du conseil d'administration, donc je suis nouveau, puis je représente un peu le côté environnement de l'Ordre des géologues, si on veut, là, je travaille en environnement, puis, je pense aussi, cette réticence-là vient du fait qu'on a de la misère à trouver des administrateurs, et tout ça. Puis notre travail à nous est un travail de terrain, au début de notre carrière, on a un encadrement des stagiaires qui est très grand, donc tu restes stagiaire longtemps. Il faut que tu travailles sur le terrain, alors tu vas loin de chez vous. Tu construis ta famille. Quand on est jeune, on construit notre famille. Donc, d'avoir l'obligation de mettre un jeune, on va avoir de la misère à trouver quelqu'un qui n'est pas... un non-employé ou quelque chose comme ça à venir sur le conseil d'administration de l'Ordre des géologues, puisqu'on a un type de travail qui est beaucoup éloigné de notre résidence lorsqu'on débute. C'est un peu ça. Donc, c'est plus contre l'obligation, pas contre le principe, je pense, en général, dans l'ordre.

M. Wares (Robert) : Bien, ça, j'allais aborder le sujet. Il y a le côté... justement le principe, mais, comme François le souligne, la réalité de notre pratique, c'est justement ça, c'est que les jeunes ne sont tout simplement pas disponibles. Déjà, puisque c'est du travail bénévole, j'avoue qu'on a beaucoup de misère à attirer des membres pour se joindre au conseil, et ceux qui se présentent sont inévitablement du monde qui sont plus en fin de carrière, qui amènent de l'expérience, alors, si ça devenait une nécessité, d'amener un jeune, ça nous poserait des gros problèmes de recrutement.

Mme Vallée : Vous mentionnez que le temps de formation, le temps de stage est plus long que dans d'autres ordres professionnels. On parle de combien de temps, la formation pour les jeunes?

Une voix : ...

Mme Vallée : Cinq ans? Mais cinq ans avant de pouvoir accéder...

M. Wares (Robert) : ...stagiaire.

Mme Vallée : ...avant de pouvoir avoir le titre, avant de pouvoir acquérir le titre de géologue.

M. Wares (Robert) : C'est ça.

Mme Vallée : Donc, évidemment, le texte du projet de loi ne prévoit pas... ne vient pas viser, justement, ce stagiaire-là, vise 10 ans, donc à l'intérieur de 10 ans, une fois...

M. Prud'homme (François) : Après la période de stage.

Mme Vallée : C'est ça, une fois avoir adhéré à l'ordre.

Dans votre correspondance du 19 janvier, vous avez également soulevé des questions concernant l'article 122.0.1, que l'on retrouve en fait à l'article 61 du projet de loi, sur la question de la sanction minimale. Vous avez parlé également, aussi, de toute la question de la présomption d'innocence, qui vous apparaissait problématique. On ne l'a pas abordé dans votre présentation, j'aimerais vous entendre davantage sur ces éléments-là que vous avez abordés dans votre correspondance du mois de janvier.

M. Wares (Robert) : Pourriez-vous répéter, s'il vous plaît?

Mme Vallée : Dans votre correspondance, vous abordez les enjeux qui sont soulevés lorsqu'il y a une poursuite intentée contre un professionnel, la possibilité pour le syndic d'accorder ou de mettre en place une suspension ou une limitation provisoire du droit d'exercer les activités. Vous avez abordé cette question-là, vous aviez certaines réserves quant à ce droit qui... à cette disposition qui permet au syndic de limiter provisoirement le droit de pratique dans le cas d'un membre qui est accusé pour une infraction criminelle punissable de cinq ans ou plus d'emprisonnement, vous aviez des réserves. J'aimerais vous entendre sur ces réserves, parce que certains ordres avaient différents commentaires sur la question.

M. Wares (Robert) : Bien, c'est parce que qu'est-ce qui nous inquiète peut-être, c'est... ça donne trop de pouvoirs au syndic. En ce qui concerne les sanctions, normalement, c'est discuté au sein du C.A., et la mesure ou la gravité de la sanction doit être discutée, alors, si on donne carte blanche à un syndic, on considère qu'effectivement ça créerait un schisme entre le C.A. d'un ordre et le syndic lui-même.

Mme Vallée : Le Barreau du Québec notamment militait pour cette modification. Il y a eu un certain nombre de dossiers qui ont été largement médiatisés et qui ont milité en faveur d'un resserrement des règles.

Vous, au sein de l'Ordre des géologues, est-ce que vous avez déjà vécu des situations similaires?

M. Wares (Robert) : Non.

Mme Vallée : Non. Donc... Et vous abordez le pouvoir donné au syndic, mais le syndic a quand même ce pouvoir de s'assurer de la protection du public, s'assurer qu'il n'y a pas de danger pour le public. C'est un petit peu... C'est un peu l'esprit derrière cette disposition législative, c'est de s'assurer que le syndic pourra intervenir si d'aventure l'accusation peut miner la confiance du public dans les affaires de l'ordre.

M. Wares (Robert) : Oui, mais...

Mme Vallée : Peut-être qu'au sein de l'Ordre des géologues ce n'est peut-être pas une situation qui risque de survenir plus fréquemment, mais on pense notamment, dans certains cas, à des accusations d'agression sexuelle chez des professionnels de la santé, par exemple, je pense que c'est probablement l'image qui nous vient spontanément en tête. Et vous croyez que ce serait donner trop de pouvoirs au syndic que de pouvoir permettre de limiter les fonctions, limiter l'exercice pour quelqu'un qui fait l'objet de telles accusations?

M. Wares (Robert) : Je crois que le rôle principal du syndic est d'établir s'il y a eu faute, premièrement, c'est vraiment leur rôle. Alors, quand un membre est fautif, de dire que le syndic a tout le pouvoir d'appliquer la sanction, c'est à ce niveau-là qu'on a des objections. La nature de la sanction devrait être, je crois, discutée entre le syndic et le conseil d'un ordre.

Mme Vallée : En fait, c'est le conseil de discipline qui est chargé d'établir... et non le conseil d'administration.

M. Wares (Robert) : Excusez-moi, là, oui, le conseil de discipline.

Mme Vallée : Parce que, quand même, ça demeure le conseil de discipline qui est chargé de mettre en place les sanctions. Mais donc, pour vous, c'était la préoccupation.

Vous aviez également abordé l'enjeu de la présomption d'innocence dans votre correspondance du 19 janvier. J'aimerais vous entendre. On a eu des avis, on a eu notamment un avis du Barreau sur cette question-là, sur le fait que ça ne portait pas atteinte à la présomption d'innocence, mais peut-être que vous avez un avis à l'effet contraire, et donc j'aimerais vous entendre. Parce que vous mentionniez que la disposition souffrait «d'un problème dans son application face à la présomption d'innocence dont bénéficie le professionnel visé».

M. Wares (Robert) : L'opinion du Barreau serait quoi à ce sujet?

Mme Vallée : Bien, l'opinion qui nous a été formulée par le Barreau était à l'effet que ça n'entachait pas la présomption d'innocence, avec une recherche jurisprudentielle assez étoffée. Mais, pour vous, j'étais curieuse, parce que parfois la beauté du droit, c'est qu'il peut y avoir des opinions diversifiées, puis je me demandais si votre commentaire était appuyé sur un avis différent.

M. Wares (Robert) : Pas vraiment. En fait, ça, c'était un commentaire issu de notre D.G. Personnellement, je ne suis pas d'accord. Je crois que j'appuierais plus l'opinion du Barreau à ce sujet-là.

Mme Vallée : D'accord.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci beaucoup.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci. Alors, bienvenue, M. Wares et M. Prud'homme. Merci d'être ici, à l'Assemblée nationale, et de partager avec nous vos opinions sur le projet de loi n° 98, c'est très aidant.

D'entrée de jeu, vous avez été assez sévères par rapport au projet de loi en disant que ça ne solutionnait pas les problèmes qui existeraient au sein des ordres. Est-ce que je pourrais avoir une idée de, selon vous, quels sont les problèmes principaux auxquels on devrait s'adresser?

• (10 heures) •

M. Wares (Robert) : Oui. J'étais prêt à en décrire quatre, si vous voulez les entendre. Parfait.

Un des gros problèmes qui nous affligent, c'est la lenteur du processus législatif. Les délais dans l'adoption des lois et règlements sur le système actuel sont tels que le sujet est devenu extrêmement problématique dans le milieu et que plusieurs dispositions de nos règlements — là, je parle d'une expérience personnelle — sont désuètes ou mal adaptées longtemps après que nous l'ayons constaté.

Alors, voici, je vais vous donner trois exemples qu'a vécus l'ordre depuis son «inception».

Nous avons soumis un projet de code de déontologie en 2004, et le code n'a été adopté qu'en 2012, alors huit ans après sa soumission. Un projet de règlement d'admission a été soumis en 2004 et aussi adopté en 2012, et modifié en 2014. On nous a invités particulièrement en 2008 à participer à la modernisation des lois professionnelles — c'était un projet de loi omnibus — dans le secteur des sciences appliquées, qui touchait les ingénieurs, les géologues, les chimistes, les agronomes, les technologues, etc. Depuis ce temps, d'énormes efforts ont été consacrés à cet objectif, qui ont abouti à un premier projet de loi en 2012, qui est mort au feuilleton, et encore une fois en 2013, mort au feuilleton. Nous arrivons maintenant à la fin de 2016, alors encore une fois huit ans après «l'inception», et nous n'avons présentement vraiment aucun espoir de voir aboutir ce projet dans un avenir rapproché.

Deuxième élément qui nous concerne énormément, c'est la désuétude des divers éléments du Code des professions. Le code a été conçu pour encadrer des professionnels exerçant de façon autonome ou en petit groupe. La réalité moderne est que de plus en plus de services professionnels sont offerts par des entreprises à vocation commerciale. Depuis, les entreprises de services tendent à offrir un panier de services pour attirer et retenir une plus large clientèle. Les divers professionnels oeuvrant au sein de ces entreprises sont soumis à plusieurs pressions et ont généralement un contrôle limité sur ces entreprises.

La commission Charbonneau a souligné ce problème en invitant à un encadrement beaucoup plus serré des entreprises. Nous croyons que le Code des professions et les lois professionnelles devraient permettre l'encadrement des entreprises offrant des services professionnels, comme il se fait d'ailleurs dans les autres provinces, mais qui n'existe pas au Québec. Le code et les règlements adoptés en son application, par exemple la tenue de dossier, ignorent l'impact des technologies de l'information et le commerce sans frontières, qui se sont largement développés depuis 1974.

Troisièmement, l'incohérence et faiblesse des sanctions aux décisions disciplinaires. Aucune balise réelle n'existe pour les sanctions, de sorte que les écarts sont énormes pour des fautes similaires dans diverses professions. Je vais vous donner un exemple. L'Ordre des géologues a imposé une radiation de sept ans à un membre actif qui avait manipulé de façon frauduleuse des informations dans un projet l'an dernier. Plus récemment, suite à la commission Charbonneau, l'Ordre des ingénieurs a imposé une radiation de quelques mois à un ingénieur retraité qui avait accepté des pots-de-vin pendant plus de 20 ans. Donc, ça, c'est un exemple qui démontre l'écart dans le système de sanction.

De plus, le Tribunal des professions a banalisé l'accès aux professions en allégeant diverses sanctions et en ordonnant l'émission de permis à des personnes sanctionnées pour des fautes graves. Par exemple, c'est un cas, je crois, que vous allez tous reconnaître, le tribunal a ordonné l'émission d'un permis de podiatrie à une personne dont le permis avait été retiré par l'Ordre des dentistes suite à des fautes d'une extrême gravité.

Finalement, la lenteur du traitement judiciaire des dossiers disciplinaires. Dans deux dossiers disciplinaires menés par le syndic de l'Ordre des géologues, le processus disciplinaire s'est étiré sur deux ans, pour très peu de séances du conseil de discipline et sans appel de décision. Je souligne que notre expérience n'est certainement pas la plus mauvaise dans le monde professionnel. Il serait souhaitable que les règles de procédure soient resserrées afin d'optimiser ce processus et éliminer les manoeuvres bureaucratiques visant à retarder le processus.

Alors, ça, c'est quatre exemples, là, de problèmes majeurs que nous percevons dans le système professionnel.

Mme Jean : Merci beaucoup, c'est clair. Vous dites que... vous parlez du commissaire à l'admissibilité et vous parlez... Je n'ai pas entendu, concernant le pôle de coordination qui est proposé... Vous référez au mémoire déposé par le CIQ, auquel vous adhérez, à ce qui est présenté là-dedans. Dans ce mémoire-là, il est proposé de faire un comité intersectoriel pour pouvoir faciliter l'admissibilité des nouveaux arrivants aux professions. Est-ce que vous êtes... Quels sont vos commentaires là-dessus? Quelle est votre opinion là-dessus?

M. Wares (Robert) : Est-ce que vous parlez nécessairement des personnes immigrantes ou juste...

Mme Jean : Oui. L'admissibilité, oui. Il y a des problématiques qui se retrouvent justement pour trouver des places de stage et que c'est complexe, donc ça requiert justement la participation de différents ministères et de différents organismes pour faciliter, solutionner les problèmes qui sont rencontrés.

M. Wares (Robert) : Non, je ne suis pas votre question. Alors, est-ce que...

Mme Jean : Est-ce que vous êtes d'accord avec la proposition du CIQ de former un comité intersectoriel?

M. Wares (Robert) : Intersectoriel? Oui, oui. Oui, on est d'accord avec ça, oui.

Mme Jean : Et vous êtes en désaccord avec l'étendue... d'étendre le pouvoir du commissaire à l'admissibilité?

M. Wares (Robert) : Est-ce que vous parlez maintenant...

Mme Jean : Le commissaire aux plaintes qui devient un commissaire à l'admissibilité ou aux admissions.

M. Wares (Robert) : Ah! O.K., vous ne parlez pas du commissaire aux plaintes, à l'admission.

Mme Jean : Pardon?

M. Wares (Robert) : Est-ce que vous parlez du commissaire aux plaintes, à l'admission?

Mme Jean : Oui.

M. Wares (Robert) : D'étendre ses pouvoirs, non, on n'était pas d'accord.

Mme Jean : Vous n'êtes pas d'accord. Il reste une minute, veux-tu poser ta question?

Mme Lamarre : Bien, en fait, moi, je voyais que vous avez évoqué... puis d'autres ordres l'ont évoqué aussi, la difficulté d'accès aux formations complémentaires ou aux stages. Ça semble être problématique.

Actuellement, qui coordonne ces stages-là lorsque vous avez des candidats étrangers qui arrivent au Québec, par exemple?

M. Wares (Robert) : Au sein de notre ordre, on n'a personne qui coordonne ça. On n'a pas les ressources.

Mme Lamarre : Mais qui a le mandat, dans le fond, de coordonner les stages? Est-ce que ce sont les milieux de formation? Est-ce que ce sont les universités qui donnent les programmes d'appoint? Qui coordonne? Par exemple, pour vos diplômés du Québec, qui coordonne les stages? Ce sont les...

M. Wares (Robert) : Un mentor. Le stagiaire doit se trouver un géologue qui est membre de l'ordre, des fois on va lui en suggérer un, qui devient son mentor.

Mme Lamarre : Et, quand vous avez un...

M. Wares (Robert) : Et ceci se fait au sein du... Pardon. Ceci se fait au sein du milieu de travail.

Mme Lamarre : D'accord. Et, quand vous avez un candidat étranger, est-ce que vous avez un mécanisme particulier? Parce que c'est sûr que ce nouveau candidat qui vient d'arriver au Québec n'a pas le même réseau de personnes. Est-ce que vous avez une façon de faciliter l'accès à un mentor pour ce candidat étranger?

M. Wares (Robert) : Non. Non, on n'a pas de mécanisme, malheureusement, mais on cherche à en trouver un.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Taillon. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. M. Wares, M. Prud'homme, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Le commissaire aux plaintes, présentement, dans ses fonctions actuelles, couvre les candidats qui viennent de l'étranger. On souhaite élargir sa compétence pour notamment couvrir les candidats qui ont étudié au Québec ou qui ont fait une partie de leur scolarité au Québec.

Est-ce que vous, à l'Ordre des géologues, au cours des dernières années, vous avez eu des candidats québécois qui ont été refusés à l'admission à la profession, chez les géologues, pour lesquels le commissaire aurait maintenant juridiction? Est-ce que vous en avez eu, des cas d'exemple, là, des gens, supposons, avec des parcours atypiques ou... avec le fait qu'ils se sont retrouvés entre deux chaises, supposons, à l'ordre?

• (10 h 10) •

M. Wares (Robert) : Dans notre cas, c'est très rare. On a quand même... Bien, pour donner des exemples concrets, l'ordre est relativement jeune, beaucoup de membres qui étaient anciennement membres de l'association des géologues ont été «grand-périsés» lors de la création de l'ordre, mais, par après, beaucoup de personnes d'expérience, pas nécessairement en géologie, je pense, par exemple, en géographie, mais qui travaillaient pendant des années dans le domaine des ressources ont fait application pour devenir membres. Alors, même, évidemment, si on a quand même beaucoup de critères, incluant, évidemment, des stages, pour admettre des membres à l'ordre, bien, on maintient, je vous dirais, une grande flexibilité quand on parle de personnes qui n'ont pas nécessairement... qui ne répondent pas strictement à tous les critères mais... S'ils arrivent avec 30 ans d'expérience dans le domaine, on va les accepter. C'est pour ça qu'on vise de plus en plus un processus... un mécanisme de compétence, plutôt que juste regarder l'expérience de travail plus l'éducation, on est en train d'établir un système qui évalue la compétence de l'individu pour son admission à l'ordre.

Alors, à ce niveau-là, on ne voit vraiment pas qu'est-ce que le commissaire aux plaintes pourrait venir ajouter dans un tel système.

M. Jolin-Barrette : Dans vos commentaires, relativement aux énoncés d'intention qui avaient été formulés par l'office, vous abordez la question des fonctions de l'office puis vous vous questionnez sur le besoin de renforcement du rôle de surveillance de l'office, qui n'avait pas été démontré. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par là? Parce que, dans le fond, c'est jumelé un peu avec le fait que dans le projet de loi, présentement, on enlève l'autorisation ministérielle pour mener une enquête, donc on renforce un peu les pouvoirs de l'office de faire enquête par lui-même. Vous, est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

M. Wares (Robert) : On n'a pas d'objection à renforcer les pouvoirs d'enquête de l'office, non.

M. Jolin-Barrette : Vous trouvez que c'est justifié, les pouvoirs supplémentaires qui seraient accordés à l'office, en fonction des pouvoirs actuels, là, que l'office détient déjà?

M. Wares (Robert) : Bien, je vous dirais que oui.

M. Jolin-Barrette : Pourquoi?

M. Wares (Robert) : Bien, le rôle de l'office, évidemment, c'est d'assurer le bon fonctionnement des ordres. Et, sans aller dans des cas extrêmes, d'augmenter, il faut faire attention, évidemment, quels pouvoirs auxquels vous songez, on ne veut pas un office, non plus, qui est omniprésent dans le fonctionnement des ordres, mais évidemment l'office a un gros rôle à jouer pour assurer ce bon fonctionnement.

Maintenant, j'avoue que... Vous posez la question. Là, j'ai oublié exactement... Peut-être que M. Dutrisac pourrait... Les pouvoirs additionnels qu'on songe à confier à l'office spécifiquement, ça m'échappe, là.

M. Jolin-Barrette : Bien, peut-être... J'aurais une autre question sur l'éligibilité des administrateurs, au niveau du conseil d'administration. Vous semblez avoir certaines réserves sur le fait que, dans le fond, ce n'est pas parce qu'on n'est pas, supposons, administrateur d'une association professionnelle qu'on ne défendra pas nécessairement ces valeurs-là au conseil d'administration. Dans votre énoncé d'intention, vous dites : Ce n'est pas, supposons, que j'ai une approche syndicale qu'elle ne se répercutera pas si jamais si je suis élu administrateur au niveau du conseil d'administration de l'ordre.

Qu'est-ce que vous proposeriez pour éviter que les gens, dans le fond, soient représentants de... agissent à titre de représentants...

M. Wares (Robert) : Bien, c'est un simple principe de bonne gouvernance. Je ne crois pas qu'un membre d'un conseil d'administration devrait en même temps représenter d'autres groupes d'intérêts, parce que ça mène inévitablement à des conflits d'intérêts. C'est très important pour un membre du conseil d'être aussi neutre que possible.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Ça, bien, oui, mais, le projet de loi, c'est ce qu'il prévoit, dans le fond, de ne pas être membre d'une... de ne pas être dirigeant d'une association, d'être sur le C.A., ou d'être sur un organisme affilié. Mais, ceci étant dit, votre lettre allait plus loin que ça pour dire : Bien, si je défends ce type de valeurs, je ne devrais pas être admissible au C.A. de l'ordre aussi.

M. Wares (Robert) : Voilà.

M. Jolin-Barrette : Mais comment est-ce qu'on fait pour évaluer ça? Parce que vous pouvez être...

M. Wares (Robert) : Il faut évaluer l'implication des autres organismes. Juste parce que c'est une association, ça ne veut pas dire que, premièrement, c'est relié au système professionnel. Mais, si, par exemple, ça représente un syndicat, un groupe d'intérêts spécifique au sein du domaine, on considère que c'est un conflit d'intérêts.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Borduas. Merci, M. Robert Wares, M. François Prud'homme, représentant l'Ordre des géologues du Québec, de votre participation à notre commission.

Je vais suspendre quelques minutes. Je vais demander à la Chambre des huissiers de justice du Québec de s'approcher, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 10 h 14)

(Reprise à 10 h 17)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant la Chambre des huissiers de justice du Québec et son président, M. Sylvain Gravel. Vous allez nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, et par la suite il y aura un échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. M. Gravel, à vous la parole.

Chambre des huissiers de justice du Québec (CHJQ)

M. Gravel (Sylvain) : M. le Président, Mme la ministre, mesdames messieurs, bonjour. Je me nomme Sylvain Gravel, huissier de justice depuis 1978 et président de la Chambre des huissiers depuis le mois de mai 2016. Je vous présente, à ma gauche, M. Ronald Dubé, huissier de justice depuis 1970. Il a occupé plusieurs postes à la chambre. C'est à titre de grand sage de la Chambre des huissiers que M. Dubé m'accompagne aujourd'hui. À ma droite, Me Véronique Saulnier, avocate, directrice générale et secrétaire de la Chambre des huissiers, à l'emploi de la chambre depuis 2014, qui prendra la parole sur le projet de loi.

La Chambre des huissiers de justice a été créée en 1995. Elle compte 432 membres, dont 90 femmes et 342 hommes. Nous sommes heureux d'être devant vous aujourd'hui pour vous présenter notre position sur le projet de loi n° 98.

Comme vous le savez peut-être, la chambre a récemment fait l'objet d'une enquête autorisée par le gouvernement. Un des mandats principaux de cette enquête portait sur la gouvernance de notre ordre professionnel. Depuis le mois de juillet, le rapport d'enquête est public, et nous sommes en processus d'accompagnement par l'office.

Comme président, à cause de cette expérience particulière, il me semblait primordial que notre ordre vienne partager ses réflexions sur le projet de loi n° 98, en particulier sur ses aspects portant sur la gouvernance des ordres professionnels, les devoirs de leurs dirigeants et les pouvoirs de l'office. Je suis convaincu que si les mesures préconisées au projet de loi sur ces sujets avaient existé dans la période sur laquelle a porté l'enquête, cette enquête n'aurait fort probablement jamais eu lieu, puisque les problèmes que les enquêteurs ont constatés, remontant à plusieurs années, n'auraient pas existé.

Pour détailler le message élaboré dans notre mémoire, je laisserais la parole à Me Saulnier.

Le Président (M. Ouellette) : Me Saulnier.

• (10 h 20) •

Mme Saulnier (Véronique) : Bonjour. Alors, merci, M. le Président. Merci, M. le président.

Donc, vous aurez compris que la chambre accueille très favorablement le projet de loi n° 98 sur tous ses aspects concernant la gouvernance des ordres et le renforcement des pouvoirs de l'office. Quant à la question du Commissaire à l'admission, nous en traitons plus en détail dans notre mémoire, mais je me contenterai ici d'énoncer que nous croyons que le projet de loi accorde des pouvoirs beaucoup trop larges au commissaire et lui accorde également une trop grande autonomie.

Revenons toutefois sur la question de la gouvernance des ordres, qui nous intéresse au premier chef. Effectivement, cette question nous a interpelés tout particulièrement, en raison, comme le disait le président Gravel, du contexte vécu à la chambre depuis 2014. Il est important de mentionner que l'enquête déclenchée en novembre 2015 par l'Office des professions devant... cette enquête faisait suite à une demande formelle d'intervention adressée à l'office par des dirigeants de l'ordre en poste depuis 2014 dont je faisais partie, ainsi que le président de l'époque. Dès notre arrivée à la chambre, nous avions constaté des dysfonctionnements à différents niveaux de l'organisation, dont celui de la gouvernance. À partir de l'automne 2014, la chambre a été proactive par toutes ses structures décisionnelles pour redresser la situation. Des mesures concrètes furent mises en place rapidement, bien avant le début de l'enquête.

Après ce rappel rapide des événements récents, que je jugeais utile de faire, je reviens au projet de loi, à notre position et à nos recommandations. Nous accordons donc, nous l'avons dit, notre appui de principe aux mesures qui visent à améliorer la gouvernance des ordres et à accroître les devoirs de leurs dirigeants. Parmi celles-ci, l'obligation pour tous les administrateurs des ordres de suivre une formation sur le rôle d'un conseil d'administration d'un ordre professionnel, notamment en matière de gouvernance et d'éthique, nous semble une nouvelle mesure de nature à garantir que, dans tous les ordres professionnels du Québec, tous les administrateurs auront désormais la connaissance et les compétences nécessaires pour exercer leur rôle adéquatement.

En second lieu, sur le sujet de l'accession à la présidence, qui est un sujet qui nous a préoccupés également, nous sommes d'accord avec le fait que les ordres puissent continuer de choisir le mode d'élection à la présidence qui leur convient le mieux entre le suffrage universel et l'élection par les administrateurs. Toutefois, nous croyons que le suffrage universel ne devrait être possible qu'à une condition, celle que tout candidat à la présidence ait auparavant siégé au C.A. durant une période minimale de deux ans dans les quatre années précédant l'élection, car il nous semble que, sans avoir jamais été administrateur auparavant... Nous croyons qu'un nouveau président fait face à une courbe d'apprentissage très longue et très abrupte. Il doit apprendre non seulement les dossiers de son ordre, mais également le fonctionnement du système professionnel dans lequel il arrive du jour au lendemain. Donc, dans ces situations-là, il nous semble que le président lui-même nouvellement en poste ainsi que le conseil d'administration et l'ordre dans son ensemble peuvent certainement souffrir d'une telle situation.

Nous appuyons aussi sans réserve les articles visant à rendre obligatoire pour tous les ordres l'adoption d'un code d'éthique dont les grandes lignes seraient déterminées par l'office. Cette mesure, assurant des règles éthiques de base, augmenterait également, nous le croyons, la confiance du public envers le système professionnel.

Sur un autre sujet, nous saluons aussi le fait que le projet de loi clarifie et augmente les responsabilités des conseils d'administration au sein des ordres. Une de ces responsabilités principales des conseils d'administration énoncées au projet de loi et que nous appuyons également est de fournir les orientations stratégiques de l'ordre. Sur ce sujet, nous proposons même que le futur code prévoie une obligation pour les ordres d'inclure dans leurs rapports annuels un résumé de leur plan stratégique et l'état de sa mise en oeuvre. Un tel ajout forcerait les ordres à adopter de véritables plans stratégiques, et cela permettrait également aux membres ainsi qu'au public en général de connaître et de suivre les orientations importantes des ordres professionnels.

Maintenant, M. le Président, sur le renforcement des pouvoirs de l'office, comme vous l'a dit le président Gravel dans son introduction, nous sommes également en accord avec les principes énoncés dans le projet de loi. Nous voyons d'un bon oeil les mesures octroyant à l'office un pouvoir de surveillance, de vérification et de contrôle, qui lui permettront d'agir rapidement et efficacement auprès des ordres en cas de situation problématique. Par exemple, nous saluons le fait que l'office pourra désormais exiger et non simplement suggérer des correctifs, si nécessaire, dans des situations problématiques, comme je viens de le dire.

Nous sommes aussi en accord avec le fait que l'office pourra déclencher une enquête de son propre chef, sans besoin de demander l'autorisation ministérielle. Sur ce point, toutefois, un petit bémol : nous croyons que l'office devrait conserver une obligation de faire rapport au ministre sur la situation ayant mené au déclenchement de l'enquête. Cette simple obligation de faire rapport nous apparaît garantir un processus transparent et assurer le maintien d'une forme d'imputabilité de l'office auprès du gouvernement.

Sur les mesures, maintenant, de surveillance et d'accompagnement qui sont prévues au projet de loi, que l'office pourra imposer à un ordre, nous en approuvons aussi le principe, mais nous croyons qu'elles devraient être mieux définies et balisées. Les conditions dans lesquelles l'office pourra imposer de telles mesures ainsi que celles de leur terminaison devraient, selon nous, être également définies minimalement... ou le code devrait prévoir que l'office doit les définir minimalement.

Il nous semble également, sur ce sujet des mesures de contrôle, qu'une gradation dans ces mesures de contrôle de l'office devrait être prévue au code dans les cas où l'office a des raisons de croire qu'un ordre vit des problèmes majeurs liés à l'accomplissement de sa mission première de protection du public. Parmi toutes ces mesures, évidemment, nous croyons que l'étape ultime demeurerait la mise sous tutelle selon les mêmes règles qu'auparavant.

Également, sur les pouvoirs de l'office, nous proposons qu'il détienne le pouvoir de fixer la cotisation annuelle d'un ordre dans le cas où il constaterait que cet ordre ne dispose pas des ressources financières lui permettant d'accomplir sa mission de protection du public. Ce pouvoir devrait toutefois demeurer d'utilisation exceptionnelle.

Finalement, je tiens à exprimer notre confiance dans le fait que les nouvelles mesures prévues au projet de loi sur la gouvernance des ordres limiteront sans aucun doute dans l'avenir la nécessité de recourir aux processus d'enquête, d'accompagnement et de mise sous tutelle.

Merci, M. le Président. Je laisse le mot de la fin au président Gravel s'il en a encore le temps. Je m'excuse.

Le Président (M. Ouellette) : 30 secondes, M. Gravel.

M. Gravel (Sylvain) : En terminant, je tiens à vous rappeler que la Chambre des huissiers est en majeure partie d'accord avec le projet de loi n° 98, car, d'après nous, il permettra une meilleure gouvernance des ordres professionnels.

La Chambre des huissiers de justice du Québec est fière d'avoir pu vous faire part de ses commentaires. Merci de nous avoir écoutés.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Me Saulnier et M. Gravel. Mme la ministre.

• (10 h 30) •

Mme Vallée : Merci beaucoup, M. Gravel, M. Dubé, le sage, Mme Saulnier. Merci de votre présentation.

On a peu abordé la question du pôle, puis je pense que ce serait peut-être, dans un premier temps... j'ai plusieurs questions pour vous, mais, dans un premier temps, je pense qu'il serait intéressant d'échanger sur la question, sur les pouvoirs du Commissaire à l'admission, sur le rôle qui est confié au pôle, parce que vous posez beaucoup de questions dans votre mémoire, et je pense que, comme il y a eu un certain moment entre les dernières consultations et maintenant, c'est toujours bon de ramener et de peut-être faire un petit résumé.

C'est certain que le projet de loi vise deux choses. D'abord, c'est d'ajuster le rôle du commissaire, ajuster le rôle, là, dans le cadre des plaintes, de la vérification, des avis du commissaire, à la réalité de l'admission aux professions. On souhaite que le commissaire ait vraiment une possibilité d'avoir un regard global sur l'admission, un regard plus macro plutôt que micro sur l'admission, un regard qui va porter non seulement sur les candidats provenant de l'étranger, en provenance de l'étranger, mais sur l'ensemble des candidats. Est-ce que l'admission aux professions pose une problématique particulière pour, par exemple, un candidat étranger qui a fait toute sa formation au Québec, donc qui n'est pas considéré nécessairement comme un candidat venant de l'étranger parce que la formation a été reçue ici, au Québec? Comme pour le candidat québécois qui a fait sa formation et qui a une formation atypique, si on peut le catégoriser ainsi. Et donc on veut permettre au commissaire d'avoir un regard qui va porter sur l'ensemble des acteurs.

Et c'est un pouvoir de recommandation, hein, et ça, pour moi, c'est important de le rappeler, pas un pouvoir d'intervention, pas un pouvoir de sanction, c'est un pouvoir de recommandation. Et, par la suite, la mise en place du pôle de coordination, bien, ce pôle-là va rassembler autour d'une même table tous les acteurs, parce que l'admission, elle interpelle plusieurs intervenants. C'est faux de prétendre que ce n'est que l'affaire des ordres. Les ordres, vous avez... les ordres ont un rôle à jouer, mais il y a aussi les maisons d'enseignement qui ont un rôle à jouer, il y a également les employeurs. Encore ce matin, on parlait des manques de stages dans certains domaines, mais ça aussi, c'est un enjeu qui peut être considéré dans l'ensemble de l'oeuvre et qui commande peut-être une discussion et des mesures qui pourraient être prises par quelqu'un dont on n'a pas nécessairement... ou par un organisme auquel on n'a pas pensé au premier abord lorsqu'il est question des admissions aux ordres. Alors, c'est... Et ce pôle de coordination, bien, c'est vraiment... on veut le formaliser parce qu'à quelque part c'est important que les intervenants se parlent et échangent sur les différentes problématiques, et c'était ça qui était... c'est ça qui est la volonté derrière la mise en place du pôle de coordination, qui existe déjà, par ailleurs, et auquel on va greffer d'autres organisations, d'autres organismes, et cette volonté d'élargir les pouvoirs du commissaire à l'ensemble des gens qui souhaitent... de ceux et celles qui souhaitent accéder aux ordres professionnels.

Donc, c'est ce qui est derrière, c'est l'intention derrière le processus, parce qu'on a constaté qu'il y avait quand même un certain nombre d'enjeux. Cette semaine... Aujourd'hui, on a un article qui parle des places de stage. La semaine dernière, c'étaient d'autres problématiques vécues par un professionnel qui souhaitait pouvoir accéder à un ordre professionnel. Bref... Et ça nous amène à chaque fois à identifier un intervenant différent, qui n'est pas nécessairement l'ordre.

Donc, le but, ce n'est pas de porter atteinte à l'indépendance des ordres, pas du tout, c'est d'amener les gens autour d'une même table, malgré l'indépendance. C'est une indépendance qui est déléguée. Et, malgré cette indépendance-là, d'amener les gens à se parler, d'amener les gens à interagir et à trouver ensemble des solutions à une problématique ou à mettre en oeuvre une recommandation qui est formulée par un tiers qui est impartial et qui a une vision plus macro de la situation, je pense que ça ne peut être que positif. Et je ne vois pas... Et je vois difficilement en quoi ça vient affecter l'indépendance des ordres lorsque l'objectif ultime, c'est d'amener des pistes de solution qui ne visent peut-être même pas les ordres.

Alors, c'est un peu le contexte dans lequel s'inscrit le projet de loi. Vous avez mentionné dans votre mémoire... vous avez posé plusieurs questions, donc je ne sais pas si vous aviez des commentaires à formuler suite à cette remise en contexte.

Le Président (M. Ouellette) : Me Saulnier ou M. Gravel? Me Saulnier.

Mme Saulnier (Véronique) : Bien, écoutez, comme vous avez constaté, effectivement, dans notre mémoire, nous posons davantage de questions que nous apportons de réponses.

Par contre, je ne pense pas qu'on ait posé celle de l'indépendance des ordres en tant que telle. En tout cas, peut-être que ça a été compris comme ça.

Ce qu'il nous a semblé, c'est que le processus actuel, et en plus dans le contexte où on augmente les pouvoirs de l'office sur à peu près tout ce qui concerne les ordres professionnels, l'admission fait partie, évidemment, de la mission des ordres professionnels, donc ces pouvoirs-là sont déjà élargis... On se demande l'utilité d'élargir le pouvoir du commissaire aux plaintes à l'admission en général, qui nous semble, en fait, bien prise en charge par les ordres eux-mêmes.

D'ailleurs, ils ont une obligation d'avoir des relations au moins deux fois par année avec les établissements d'enseignement. Donc, il y a déjà une discussion au sein même des ordres avec le... On parle des candidats, là, du Québec en particulier, là. Donc, il y a déjà une structure qui assure que les processus d'admission aux ordres sont adéquats. L'office a déjà un pouvoir de surveillance à ce niveau-là, comme à tous les autres niveaux.

Le problème nous semble... Ce qu'on en a compris, c'est que c'est davantage celui des candidats étrangers. Chez nous, on n'a pas de problème au niveau de la reconnaissance de formation ou de diplôme — c'est des reconnaissances de formation, chez nous — on n'a jamais vécu de problème à ce niveau-là. À quelques occasions depuis que moi, je suis en poste, en fait, là, je ne peux pas vous parler du passé, mais à quelques occasions les candidats étrangers ont eu quelques cours d'appoint à suivre, et ensuite ils doivent suivre la structure de formation professionnelle qui est offerte par la chambre.

Une fois que tout ça est fait, il arrive que le problème est, encore une fois, comme dans d'autres ordres, au niveau de la recherche de stage. Bon, il nous semble qu'un commissaire qui aurait un pouvoir élargi sur l'ensemble du processus d'admission pour tous les candidats à tous les ordres professionnels... on a l'impression que c'est une mesure... En fait, on n'a pas réussi à comprendre ce que cette mesure-là cherche à corriger, en fait. On trouve que... bien, c'est ça, on n'a pas compris ce que la mesure cherche à corriger, parce que le problème particulier des candidats étrangers, selon ce que je comprends du système depuis le relativement peu de temps dans lequel j'y oeuvre, depuis que j'y oeuvre, c'est le problème des candidats étrangers, et il nous apparaît que les structures qui existent déjà, dont le pôle de coordination, devraient suffire, ainsi que les pouvoirs de l'office au sein des ordres.

• (10 h 40) •

Mme Vallée : On a quand même un certain... Certaines problématiques ont été identifiées au niveau des étudiants étrangers ayant suivi une formation complète au Québec. Certains d'entre eux, d'entre elles ont eu des enjeux d'accéder aux ordres professionnels.

La volonté, c'est d'assurer que l'admission aux ordres, qui se veut comme étant encadrée par ce souci premier de protection du public... Parce que la protection du public, c'est la raison d'être de l'ordre, on s'entend. Et donc cet objectif d'assurer les compétences requises pour la protection du public, pour assurer la protection du public à l'intérieur d'une pratique professionnelle, elle ne devrait pas être différente, le traitement ne devrait pas être différent s'il s'agit d'un nouvel arrivant, d'un étudiant étranger ayant suivi sa formation au Québec ou d'un citoyen québécois qui est né ici, qui a fait toute sa formation ici et qui tente également d'intégrer un ordre, parce que... l'objectif étant la protection du public. Or, on constate... peut-être pas au sein de votre ordre, puis, l'objectif, on fait des règles qui s'appliquent à l'ensemble, mais on constate qu'il y a quand même certaines problématiques qui sont rencontrées de façon ponctuelle.

Donc, évidemment, s'il n'y a pas de problème, il n'y a pas d'enjeu, le commissaire ne sera pas saisi, donc ça n'apporte pas une surcharge de travail pour le commissaire, il n'est pas saisi d'un non-problème. Mais ce pouvoir élargi permet au commissaire de pouvoir avoir une vision beaucoup plus large, qui permet d'identifier, le cas échéant, la problématique ou l'endroit où la... Est-ce que ça pourrait être, par exemple, une disposition législative qui pose problème? Est-ce que ça peut être l'application, la mise en application d'une disposition législative, d'une disposition réglementaire? Donc, le rôle du commissaire va être d'analyser la problématique, d'émettre des recommandations et d'amener ces recommandations au pôle, qui verra à mettre en oeuvre des moyens pour y remédier.

Et, pour ça, ça commande l'apport de tous, parce que malheureusement on a tendance à travailler en silo. Actuellement, seuls les nouveaux arrivants sont assujettis... ont cette porte pour cogner qui est le commissaire aux plaintes. L'étudiant étranger qui a fait sa formation au Québec n'a pas d'endroit pour apporter sa problématique. Et même, à la limite, le candidat qui a un parcours atypique qui est un candidat d'origine québécoise, qui a fait toute sa formation ici, mais qui, pour toutes sortes de raisons, n'a pas une formation linéaire habituelle, n'a pas non plus cet endroit où cogner si d'aventure il devait survenir un problème. Donc, c'est vraiment d'avoir un point de chute pour l'ensemble de ces demandes-là et d'assurer aussi que le traitement sera le même, donc que cet enjeu, que ce souci qu'est la protection du public soit adapté de la même façon, c'est-à-dire que, la protection, les compétences, les connaissances, elles sont requises de tous ceux et celles qui souhaitent intégrer un ordre professionnel. Il y a des exigences. Les exigences sont les mêmes et elles ne devraient pas être différentes d'une personne à l'autre en raison des caractéristiques personnelles de l'individu.

Le Président (M. Ouellette) : Me Saulnier, je ne sais pas si vous avez d'autres commentaires sur les commentaires de la ministre.

Une voix : En fait...

Le Président (M. Ouellette) : M. Gravel.

M. Gravel (Sylvain) : C'est quelque chose que je n'ai jamais eu connaissance, de ce problème-là, dans notre ordre professionnel. C'est peut-être la raison pour laquelle on s'est posé la question et nous ne voyons pas nécessairement la nécessité d'augmenter les pouvoirs du commissaire.

Moi, personnellement, ça ne fait pas très longtemps que je suis président de la chambre. Je n'ai jamais eu connaissance de ça, et, même dans ma pratique privée, je n'ai jamais eu connaissance de ça non plus. Je pourrais peut-être m'adresser à M. Dubé, qui est à la chambre depuis de nombreuses années, voir s'il a eu connaissance de ça dans notre ordre.

Le Président (M. Ouellette) : M. Dubé.

M. Dubé (Ronald) : Oui, M. le Président. Donc, dans le passé, je confirme ce que le président Gravel a dit, dans le passé la chambre n'a jamais eu à vivre cette problématique-là. Les étudiants étrangers qui arrivent ici sont traités selon leur niveau de formation à l'étranger. Maintenant, s'il y a des compléments de formation à obtenir, on les dirige vers les endroits appropriés. Alors, la problématique ne se pose vraiment pas à la Chambre des huissiers de justice du Québec au cours des années.

Le Président (M. Ouellette) : ...minutes, Mme la ministre.

Mme Vallée : Brièvement, vous avez suggéré que les membres... que le président élu au suffrage universel soit assujetti à certaines conditions. Pourquoi seulement le président élu au suffrage universel? Est-ce qu'il ne pourrait pas survenir, par exemple... au sein d'un conseil d'administration, on se retrouve avec des membres d'un conseil d'administration qui n'ont pas, par exemple, les exigences, qui n'ont pas le vécu que vous avez identifié, requis pour être nommé au suffrage universel? Alors, pourquoi ne pas assujettir les présidents à ces exigences, peu importe le mode de scrutin?

Le Président (M. Ouellette) : Me Saulnier.

Mme Saulnier (Véronique) : Merci, M. le Président. Je crois que le projet de loi répond en partie... en grande partie, en fait, à ce problème-là, c'est que tous les administrateurs vont devoir suivre une formation, on présume que ça va être au début de leur mandat. Donc, je crois que ça répond à la problématique, qui effectivement peut exister également pour des administrateurs et non seulement pour le président, au suffrage universel, d'avoir des administrateurs qui ne connaissent pas le système professionnel ni les dossiers de l'ordre. Par contre, je pense que la formation qu'ils devront suivre obligatoirement est une garantie au moins que, sur le système professionnel, ils auront des connaissances de base. Il leur restera à apprendre les dossiers de l'ordre, mais en groupe, un ordre professionnel, un conseil d'administration d'un ordre professionnel, les dossiers de l'ordre, ça s'acquiert relativement rapidement.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Me Saulnier. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci. Bonjour, M. Gravel, M. Dubé, Mme Saulnier. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour le dépôt de mémoire que vous avez fait, que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt. J'ai trouvé intéressant d'avoir un partage d'expérience comme vous l'avez fait par rapport, justement, au dossier qui nous préoccupe aujourd'hui et qui touche le projet de loi n° 98, ça positionne bien des choses par des gens qui l'ont vécu sur le terrain.

Ma première question, vous parlez... l'office est intervenu à l'ordre des huissiers pour des éléments qui avaient été soulevés, et vous allez, après votre expérience, plus loin encore, c'est-à-dire d'augmenter certains pouvoirs de l'office pour justement poursuivre ce genre de travail là et, quelque part, aller porter des actes, ou poser des questions, ou même faire des enquêtes sur ce qui se passerait dans certains ordres. Il y a des ordres professionnels qui ont témoigné ici et qui étaient complètement à l'opposé de cette opinion-là, qui voyaient même la base, actuellement, de l'intervention de l'office et l'augmentation des pouvoirs d'intervention ou même de questionnement comme un désaveu du travail des ordres professionnels. Avez-vous des commentaires là-dessus?

Le Président (M. Ouellette) : M. Gravel.

M. Gravel (Sylvain) : Je vais vous répondre là-dessus, même si je n'étais pas en poste au moment... L'avantage qu'il y a avec le nouveau projet de loi et augmenter le pouvoir de l'office, il y aurait les cours à l'éthique aux administrateurs, et tout ça, ça permettrait de garder une certaine harmonie au sein des C.A., avec l'éthique, et tout ça, ce qui empêcherait souvent certaines chicanes internes, à l'intérieur des C.A. Si l'office a un plus grand pouvoir, il va pouvoir corriger ça rapidement, ce qui empêcherait un ordre professionnel comme le nôtre d'avoir eu droit à une enquête.

Mme Jean : Merci. Vous proposez quelque chose de nouveau, dans votre mémoire, en proposant, au rapport annuel des ordres professionnels, dans le dépôt du rapport annuel, que soit indiquée la planification stratégique, et même aller plus loin, c'est-à-dire de préciser le niveau de mise en oeuvre du rapport stratégique. Est-ce que vous pouvez me commenter sur les intentions ou les objectifs d'une telle proposition?

M. Gravel (Sylvain) : Je vais laisser Me Saulnier répondre.

Le Président (M. Ouellette) : Me Saulnier.

Mme Saulnier (Véronique) : Merci. Sur ce sujet en particulier, écoutez, c'est sûr que l'expérience, là, qu'on vient partager avec vous ici est certainement vraiment particulière, là, dans le système professionnel en général. C'est ça qui nous pousse à faire des recommandations qui ne sont peut-être pas partagées par tous les ordres professionnels, qui n'ont pas vécu ce qu'on a vécu.

Un des problèmes qu'on a vécus, à la chambre, c'est qu'il n'y en avait pas, de... Quand on parlait de problème de gouvernance, ce qu'on avait constaté auparavant, un de ces problèmes-là, c'est qu'il n'y avait pas de planification stratégique. Enfin, peut-être qu'il y en a déjà eu, mais depuis plusieurs années il n'y en avait pas. Il n'y avait pas non plus de règle de gouvernance écrite, et donc pas de règle de gouvernance suivie. Et donc on croit que, pour éviter que ce genre de problème survienne... Parce que, malgré que dans le projet de loi, maintenant, on prévoit que les conseils d'administration devront établir des orientations stratégiques, bien, pour les forcer à le faire sous forme d'un véritable plan stratégique, bien élaboré, dans les normes, sur une période de trois ans, ou de cinq ans, ou de deux ans, mais disons trois ans, de devoir l'inscrire au rapport annuel, bien, ça devra orienter pendant toute la durée de l'année les actions des conseils d'administration en fonction de ces planifications stratégiques qui auront été établies et, au fil des ans, bien, d'en suivre le développement et le niveau d'avancement.

Puis on pense aussi, comme je le disais tout à l'heure, que d'inscrire ça dans les rapports annuels, le rapport annuel, d'ailleurs, devant être déposé à toute l'Assemblée nationale, bien, ça permettra de faire en sorte que les gens de l'ordre, les gens du gouvernement ainsi que les membres du public en général sauront ce qu'est en train de faire soit leur ordre professionnel ou en tout cas les ordres professionnels, sur quoi ils travaillent et comment ils avancent dans leurs dossiers.

Ça répond à votre question?

Mme Jean : Oui. Juste un éclaircissement de plus là-dessus. Un des objectifs principaux du projet de loi n° 98 est de redonner confiance au public aux ordres professionnels, et la transparence, la communication, l'information peuvent être dans ces outils-là. Est-ce que vous êtes d'accord, vous pensez que de mettre ce genre d'information là dans des rapports annuels serait justement un outil pour arriver à cet objectif?

Mme Saulnier (Véronique) : C'est une des motivations pour lesquelles on a fait cette proposition-là, parce qu'effectivement ça devient accessible, c'est public, les rapports annuels, et effectivement c'est très transparent.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taillon. Non? Ah non?

Mme Jean : J'aurais encore une question.

Le Président (M. Ouellette) : Ah! Bien, Mme la députée de Chicoutimi. Excusez.

Mme Jean : Ma question était justement au niveau du Commissaire à l'admission, dont vous avez des réserves, et le pôle de coordination qui est proposé. Vous mentionnez que la problématique que vous voyez la plupart du temps, ce n'est pas une problématique d'admission, mais on se retrouve avec les mêmes problématiques de stages non disponibles. Est-ce que vous ne croyez pas qu'avoir une table de coordination où les différents intervenants pourraient discuter de ces problèmes-là pourrait apporter une solution à la problématique que vous rencontrez ou que les nouveaux membres rencontrent, c'est-à-dire accéder à des stages?

• (10 h 50) •

M. Gravel (Sylvain) : Je vais vous répondre là-dessus. Le problème du stage, c'est le travail. Les huissiers sont des travailleurs autonomes, il y a des bureaux d'huissiers, tout ça. On ne peut pas engager de stagiaire si on n'a pas de travail à lui donner, ça ne donne rien. Engager un stagiaire, lui faire lire le journal, ce n'est pas lui rendre service, et n'avoir rien à lui donner comme travail lorsqu'il sera un professionnel, ce n'est pas lui rendre service non plus.

C'est le problème qui se pose dans notre profession. Ce n'est pas un problème d'immigré, de personne qui a suivi ses cours ici, tout ça, là, c'est le problème de travail. On est une petite profession, on relève du Code de procédure. C'est tout ça qui fait en sorte qu'on a des stages à offrir ou non.

Dans ma pratique privée, on prend habituellement un stagiaire qui est au cégep, on lui fait faire son stage d'étudiant chez nous, après ça on lui fait faire son stage d'huissier chez nous et on le garde comme huissier. On ne prend pas un stagiaire pour, après son premier stage, lui dire : Je n'ai plus besoin de toi, puis tu as travaillé gratuitement pour moi ou à très peu de salaire pour moi pendant six mois. Lorsque les bureaux d'huissiers prennent un stagiaire ou quelqu'un d'autre, ils s'assurent habituellement de pouvoir le garder après.

Mme Jean : Pensez-vous que d'avoir un pôle de concertation ou de coordination tel qu'il est proposé, où justement les différents ministères seraient là, dont le ministère de l'Immigration, pourrait être une plateforme qui permettrait d'indiquer aux gens qui font de la sollicitation, ou qui informent, ou qui promeuvent le Québec pour les immigrants d'informer qu'en tant qu'huissier, bien, peut-être qu'il n'y a pas de place ou... peut-être que ça pourrait être une table qui dit : Bien, regarde, on va réorienter? Pensez-vous que ça pourrait être utile, justement, pour ne pas qu'un nouvel arrivant arrive ici en pensant : Oui, j'ai fait mon cours, j'ai mon équivalence, et tout d'un coup, oups! je ne peux pas parce qu'il n'y a pas de stage? Pensez-vous qu'un pôle comme ça pourrait être une table qui permettrait ces échanges d'information là et de bien informer le nouvel arrivant avant que lui puisse prendre sa décision de venir au Québec?

Le Président (M. Ouellette) : En 30 secondes, Me Saulnier.

Mme Saulnier (Véronique) : Très rapidement. En fait, moi, ce que j'ai compris, c'est que le pôle existe déjà, cette structure semble exister déjà. Les résultats, semble-t-il, ne sont pas encore visibles, mais je crois que cet organisme ou ce comité existe déjà. Donc, de l'inclure à la loi, en plus de tout l'imbroglio qu'on a soulevé dans notre mémoire sur les pouvoirs de chacun... Ça, vraiment, c'est quelque chose qui nous a beaucoup interpelés. Les pouvoirs de l'office, les pouvoirs du commissaire, les pouvoirs du pôle de coordination, qui a le dernier mot là-dedans, les ministères concernés qui doivent se rencontrer puis qui sont chapeautés par le Code des professions, alors que... En tout cas, là, ça nous a semblé très, très, très nébuleux. On pense qu'une structure, oui, ça devrait exister, mais pas nécessairement encadré comme ça l'est dans le Code des professions actuellement.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Chicoutimi. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Me Saulnier, M. Gravel, M. Dubé, bonjour. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

D'entrée de jeu, à la page 14, là, de votre mémoire, vous dites, bon : Les ordres professionnels ne devraient pas participer à une entreprise ayant un but lucratif. À quoi vous faites référence?

Le Président (M. Ouellette) : Me Saulnier.

Mme Saulnier (Véronique) : Je réponds parce que j'étais là en 2014, j'étais là au moment du déclenchement de l'enquête par l'Office des professions, qui a fait suite à une demande d'intervention que j'ai personnellement adressée à l'Office des professions avec d'autres personnes. Effectivement, le problème principal qui est survenu à la Chambre des huissiers de justice et qui était l'objet principal de notre demande d'intervention à l'Office des professions, c'est que la Chambre des huissiers de justice a été, de 2010‑2011, dans ce coin-là, jusqu'à avril 2016, propriétaire ou actionnaire à 51 % d'une entreprise à but lucratif puis qui s'appelait Huissiers Québec. Pouvez-vous me rappeler votre question, Me Jolin-Barrette?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, concrètement, c'est parce que je comprends la situation particulière qu'il y a eu à la chambre, mais il y a d'autres ordres professionnels qui ont des activités connexes, supposons, et il y a certains ordres professionnels qui sont venus nous dire... puis, je pense, la Fédération, aussi, des chambres de commerce est venue nous dire : Bien, peut-être qu'on devrait modifier la définition dans le Code des professions sur quelle est la mission d'un ordre professionnel. Il y en a qui disaient : Bien, écoutez, présentement c'est principalement la protection du public. Il y en a qui disaient : Bien, peut-être qu'on devrait simplement biffer puis dire «uniquement». Donc, je veux savoir : Est-ce que ça s'inscrit, votre commentaire dans votre mémoire, en lien avec cette assertion-là?

Mme Saulnier (Véronique) : Tout à fait, tout à fait. On est d'opinion qu'effectivement la mission d'un ordre professionnel, c'est la protection du public, ça devrait demeurer la protection du public. Et le fait d'être détenteur en partie ou en totalité d'une entreprise à but lucratif, ça nous semble totalement en contradiction de la mission première d'un ordre professionnel.

Et, je vous dirais, dans le cadre de l'enquête et avant l'enquête, sur tous les autres sujets, concernant la gouvernance, concernant certains problèmes de structure organisationnelle, l'ensemble des dirigeants de l'ordre, c'est-à-dire la directrice générale, le président de l'époque, le président Gravel également, en ce moment, est très... travaille très fort pour redresser la situation. Le conseil d'administration, à l'époque, tout le monde travaillait dans le même sens, du redressement. Le seul point d'achoppement qui a perduré un petit peu plus longtemps, jusqu'en avril 2016, c'est la détention des parts d'Huissiers Québec. Et, à ce sujet-là, ça nous mène aussi aux pouvoirs de l'office, qui avait suggéré, selon les pouvoirs qu'il détenait dans le Code des professions à l'époque... qui avait suggéré à quelques reprises à l'ordre de se départir des parts d'Huissiers Québec, mais malheureusement il y avait une résistance de certaines personnes. Et c'est au déclenchement de l'enquête, en tout cas, qu'en avril 2016 le C.A., par une résolution unanime, a décidé de se retirer d'Huissiers Québec, finalement.

Mais, si c'était écrit, s'il y avait des activités incompatibles d'un ordre professionnel, si on parlait de la mission de protection du public, première mission, c'est ça, et en dessous, bien, voici les activités incompatibles, si c'était écrit textuellement, bien, il n'y en aurait pas eu, de débat, dans notre ordre professionnel. Parce que ça créait des débats : On a le droit, on n'a pas le droit. On avait des avis juridiques d'un côté, on avait des avis juridiques de l'autre côté. On avait l'office qui disait non, on avait des gens... Donc, c'est pour ça que la proposition est là, activités incompatibles, puis celle-là, bien, détenir des... je ne sais pas comment...

M. Jolin-Barrette : ...vous pensez qu'on devrait plutôt le lister, dans le fond, faire une liste des activités incompatibles?

Mme Saulnier (Véronique) : C'est une proposition qu'on fait.

M. Jolin-Barrette : Parce qu'il y a certains ordres professionnels, dans le fond, qui ont certaines activités commerciales mais qui ne sont pas nécessairement conflictuelles avec leur mission, supposons.

Mme Saulnier (Véronique) : Tout à fait. Parce que les structures sont conformes à la mission de protection du public, les structures sont à côté de l'ordre professionnel. On connaît d'autres ordres, on connaît le Barreau du Québec, avec la Corporation de services, bon, tout ça. Mais, nous, ce n'était pas structuré comme ça.

M. Jolin-Barrette : Sur la question des tiers, vous ne l'abordez pas dans le mémoire, par contre, supposons, les optométristes sont venus nous en parler, sur le fait que... Et, la pratique de l'activité d'huissier, dans le fond, il y a certains huissiers qui sont regroupés dans des plus grands groupes. Est-ce que vous pensez qu'on devrait également viser, par le Code des professions, de mettre des dispositions qui permettraient au syndic d'un ordre d'aller toucher les tiers, d'aller toucher, supposons, les entreprises ou les regroupements qui chapeautent, dans le fond, les huissiers qui font un exercice commun de leur pratique?

M. Gravel (Sylvain) : Personnellement, moi, je crois que oui. Et là-dessus je vais vous laisser aux dires de M. Dubé, qui a été syndic pendant plusieurs années.

Le Président (M. Ouellette) : 30 secondes, M. Dubé

M. Dubé (Ronald) : L'économie du code prévoit que le syndic enquête sur un professionnel, donc, tout ce qui concerne les entreprises, les personnes morales, ces choses-là qui peuvent être en corrélation avec l'exercice de la profession, je ne pense pas que le code permette au syndic d'intervenir. Et, dans l'hypothèse où le code serait modifié dans ce sens-là, le syndic va appliquer la loi.

M. Jolin-Barrette : Est-ce que vous l'accueilleriez favorablement?

M. Dubé (Ronald) : Bien, si c'est la volonté du législateur, le syndic va appliquer la loi qu'il a à appliquer. Mais, pour l'instant, nous, on n'a pas réfléchi à est-ce que ça devrait l'être, oui ou non, ou soulevé la question. Elle est intéressante, elle mérite d'être étudiée.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Borduas. M. Sylvain Gravel, Me Véronique Saulnier, M. Ronald Dubé, représentants de la Chambre des huissiers de justice du Québec, merci d'être venus déposer à la commission parlementaire.

Je suspends quelques minutes. Je demande à l'Ordre des hygiénistes dentaires du Québec de s'avancer en avant, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 heures)

(Reprise à 11 h 4)

Le Président (M. Ouellette) : Nous recevons maintenant l'Ordre des hygiénistes dentaires du Québec et sa présidente, Mme Diane Duval, qui va nous présenter la personne qui l'accompagne. Vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation, et après il y aura des échanges avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Mme Duval, à vous la parole.

Ordre des hygiénistes dentaires du Québec (OHDQ)

Mme Duval (Diane) : Alors, merci, M. le Président. Alors, je suis accompagnée de Me Janique Ste-Marie, directrice générale et secrétaire de l'ordre.

Alors, Mme la ministre, MM. et Mmes les membres de la commission, M. le président de l'office, alors, merci de cette invitation à vous présenter, en fait, qui nous donne l'opportunité de vous présenter un bref mémoire, qui va droit au but, au fond, des commentaires que nous avons à formuler sur la loi, le projet de loi n° 98.

D'entrée de jeu, je vous dirais que nous saluons les travaux du Code des professions qui ont pour but... en fait, qui ont pour objectif de donner aux ordres professionnels des outils pour accomplir mieux leur gouvernance et leur mission de protection du public. Alors, pour nous, nous saluons les travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 98.

D'entrée de jeu aussi et d'emblée, je vous dirais qu'on s'associe aux commentaires du CIQ. Nous avons participé, ces deux, trois dernières années, à l'ensemble des travaux qui ont eu lieu et on est à même de témoigner du vaste consensus concernant l'ensemble des commentaires aux diverses dispositions que présente la loi, sur le projet de loi n° 98. Donc, d'entrée de jeu, on s'est dit, à l'ordre, qu'on irait davantage témoigner... d'être un peu plus pratiques que juridiques, et donc de témoigner en espérant qu'on puisse présenter ou ouvrir de nouvelles pistes de réflexion aux membres de la commission.

Alors, ça fait maintenant plus de 40 ans, on est nés en même temps que le code, 40 ans que l'Ordre des hygiénistes dentaires assure... s'acquitte de son mandat de protection du public auprès de 6 200 hygiénistes dentaires. Et donc, le système professionnel, on vient en témoigner pour apporter des commentaires, en tout cas, des éclaircissements concernant notre cheminement à ce titre-là.

D'entrée de jeu, je vous dirais qu'on va vous amener — vous allez voir la pédagogue, je suis enseignante — à la page 7 de notre mémoire, où on parle de l'article... je vais aller droit au but, l'article 16.10.1, qui précise que le commissaire peut «donner à tout ordre professionnel, ministère, organisme, établissement d'enseignement ou autre personne des avis ou lui faire des recommandations sur toute question relative à l'admission à une profession». Bien sûr, on a plusieurs questions qui se posent. Pour nous, je vous dirais qu'en introduction c'est très important de préserver l'autonomie et l'autorité des ordres en matière d'admission professionnelle. Bien sûr, la venue ou l'élargissement du rôle du commissaire aux plaintes à commissaire à l'admission nous interpelle, nous inquiète. Les questions qu'on se pose, on vous les a exposées ici, c'est : Est-ce que le commissaire pourra, par exemple, avoir la possibilité d'enquêter, de surveiller, de prescrire? Est-ce qu'il va pouvoir recevoir ou examiner une plainte non seulement d'un individu, mais aussi d'une institution? Est-ce que le commissaire sera en autorité d'imposer, de proscrire un examen qui est mis en place à l'admission par un ordre professionnel? Est-ce qu'il aura l'autorité d'imposer ou de proscrire cet examen-là? Est-ce qu'il se retrouvera à gérer des problématiques en lien avec le processus des agréments canadiens? Parce que c'est un concept qu'on veut venir... qu'on veut discuter avec vous, celui de la mobilité de la main-d'oeuvre. Est-ce qu'il intervient dans le processus déjà balisé par des ententes pancanadiennes sur la mobilité de la main-d'oeuvre? Ce sont des questions qui nous interpellent beaucoup en raison principalement, je dirais, de deux volets de notre organisation, de notre ordre professionnel.

• (11 h 10) •

Le premier, parlons d'intégration des personnes immigrées. À l'Ordre des hygiénistes dentaires, c'est un dossier qu'on connaît bien depuis 20 ans, depuis même 30 ans, depuis les tout débuts de sa création. L'ordre accueille les dentistes étrangers, formés à l'étranger. C'est nous, ils viennent cogner à notre porte. Depuis environ, je dirais, à peu près sept, huit ans, depuis les années 2007, on a un processus qui a très bien fonctionné en réunissant les acteurs du système. Donc, on s'est assis à une table, maisons d'enseignement, ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles ainsi que notre ordre professionnel, pour trouver une solution à l'arrivée quand même assez massive de dentistes formés à l'étranger, tant et si bien que le cégep de Maisonneuve — parce qu'il y a neuf cégeps qui offrent le programme en hygiène dentaire — a parti un cours, une attestation collégiale d'appoint. Ces dentistes-là, ces professionnels-là sont évalués au niveau de leurs compétences sur la radiographie, sur la radiologie et sur la dentisterie opératoire, mais, lorsque le profil est similaire, une cohorte est partie au sein du cégep de... au programme d'hygiène dentaire du cégep, où on va chercher les compétences qu'ils n'ont pas.

Parce qu'il faut démystifier un peu la profession d'hygiéniste dentaire. Quand vous arrivez avec des dentistes de l'étranger, qui proviennent de l'Algérie, qui proviennent de la Syrie, de l'Irak, de l'Iran, de la Roumanie, vous n'avez pas de système professionnel comme ici, au Québec, donc il y a tout un rouage d'accueil qui doit se faire puis une compréhension. Quand ils arrivent ici, au Québec, pour eux, ils viennent chercher un permis de travail. C'est différent, ça, un permis de travail, qu'un permis d'exercer une profession. Donc, ils viennent chercher un permis de travail. Or, ils s'aperçoivent que la profession d'hygiéniste dentaire, qui d'ailleurs n'existe pas dans ces pays-là, c'est bien différent que la profession de dentiste. Alors, ce qu'on fait, c'est qu'on les accueille, on les rencontre en grands groupes, on leur explique le cheminement, présente leur dossier des équivalences, qui est étudié au sein du comité et des responsables enseignants dans ce dossier-là. Et là, par la suite, certains vont décider soit de faire le cours de formation en entier, les trois années, ou de s'insérer à travers la cohorte, et qui s'est donnée par ailleurs aussi à Saint-Hyacinthe, aussi à Trois-Rivières, il y a eu même des tentatives du côté de Chicoutimi.

Ça va relativement bien, je vous dirais. Je vous dirais que l'obstacle le plus important qui est rencontré, c'est les budgets. Former un hygiéniste dentaire, ça coûte des sous, alors il faut qu'il y ait... Parce qu'il y a des contraintes budgétaires que les cégeps doivent rencontrer, alors on leur impose cela aussi. Alors, il faut penser que les obstacles aux stages sont aussi des obstacles d'ordre budgétaire. Ça peut se présenter aussi dans le réseau de la santé. Pour nous, ça se présente au niveau des institutions d'enseignement, pour le moment.

Alors, ce travail-là, on a réussi à le faire grâce à une table de concertation qui a eu des pouvoirs d'action, pas juste de recommandation. Donc, on est la preuve que ça fonctionne. C'est pour ça, je dirais, que nous abondons tout à fait dans le sens du CIQ, où on a dépassé, là, le fait de discuter des problèmes, on les règle, dans ces tables de concertation là. Et on recommande qu'il y ait vraiment un comité qui soit formé, intersectoriel, qui soit balisé dans le Code des professions et qu'il soit permanent, pour agir à ce niveau-là. Donc, pour nous, ça a très bien fonctionné de cette manière-là.

Donc, on ne recommande pas l'élargissement du commissaire. On trouve qu'il fait un excellent rôle au niveau des plaintes. D'ailleurs, ça nous a permis plus de transparence au niveau de notre site Internet, dans le but de faire connaître toutes les démarches que peuvent entreprendre les gens quand ils viennent au Québec et comment on procède pour l'étude de leurs dossiers. Donc, ça, ça a été davantage décrit au sein de notre site, et ça a été important. Ça, c'est un premier constat.

L'autre constat que je vous dirais, c'est la mobilité de la main-d'oeuvre. Le Québec forme pas loin de 25 % des hygiénistes dentaires canadiens. Près de la moitié, pas loin, sont formés en Ontario; le reste, c'est le Canada en entier. Donc, c'est ici où on retrouve neuf écoles, près de 18 écoles en Ontario et ailleurs dans le reste du Canada.

On a une entente sur la mobilité de la main-d'oeuvre permis sur permis. Or, ici, au Québec, contrairement à ailleurs dans le reste du Canada... À l'admission, pour obtenir un permis d'exercice, dans les autres provinces, il y a un double standard qu'il faut atteindre, que l'ordre demande. Le premier, c'est qu'il faut être à l'intérieur d'un programme agréé par la Commission d'agrément dentaire canadien, ça, c'est d'une part, et, d'autre part, il y a un examen d'admission. Ici, au Québec, il n'y a pas d'examen d'admission, sauf que je vous dirais qu'on a bien tiré notre épingle du jeu, et ils ont accepté, dans l'accord de... l'entente de la mobilité de la main-d'oeuvre, autour des années 2005, que nos programmes, au fond, d'hygiène dentaire soient agréés. «Agréés» veut dire aussi que cette commission-là... Parce que, vous savez, quand on parle de compétences professionnelles, c'est plus d'une centaine... un référentiel d'une centaine de compétences qui existent au Canada, puis ce sont les mêmes, permis sur permis, et la commission d'agrément nous permet de rendre uniforme le contenu.

On n'est pas là pour qui enseigne. Dans ce sens-là, il y a la commission sur l'évaluation des apprentissages, le qui, le comment, tous les processus de reddition, d'évaluation, etc. Mais, le regard que jette l'ordre sur le quoi, les compétences, il faut se rappeler une chose bien importante, c'est que les cliniques d'hygiène dentaire sont à l'intérieur des cégeps, c'est une particularité de milieu de stage. Quand nos hygiénistes dentaires s'en vont en stage en santé publique, que ce soit dans le cadre des CLSC, bon, via les écoles, les CHSLD, ce sont des milieux qui sont déjà agréés, ça; nous, ce n'est pas le cas. Mais pourtant les patients, les clients se présentent à la clinique d'hygiène dentaire. Alors, les participants à la formation des hygiénistes dentaires, on est soumis aux mêmes règles éthiques, déontologiques, écriture au dossier, trousse d'urgence, accès aux personnes handicapées, stationnement, voyez-vous, normes et standards d'asepsie, normes et standards de radiologie. Tout ça, on est tenus avec ça. Et, pour nous, c'est quand même un moyen d'assurer cette uniformité-là, sans pour autant, pour le moment, imposer...

Le Président (M. Ouellette) : Mme Duval...

Mme Duval (Diane) : On est-u déjà à 10 minutes?

Le Président (M. Ouellette) : Ah! vous êtes dépassé 10 minutes, puis Mme la ministre a été très magnanime de prendre sur son temps. Je pense que c'était très intéressant, c'est pour ça que je ne vous ai pas coupée, mais je vais demander à Mme la ministre d'entreprendre un échange avec vous, Mme Duval.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, Mme Duval, bienvenue. Un plaisir de vous revoir. Mme Ste-Marie, alors, bienvenue.

Écoutez, c'est certain qu'il y a plusieurs éléments de votre mémoire qui ont suscité notre intérêt. Vous étiez sur le rôle du processus de reconnaissance, alors on va poursuivre. Vous étiez... Bien, je pense que vous n'étiez pas très loin.

À la page 9 de votre mémoire, vous mentionnez que «les processus de reconnaissance des équivalences de diplôme et de formation sont enchâssés dans les règlements [et] les normes d'équivalence. Les ordres professionnels doivent appliquer la réglementation de façon objective [...] uniforme. L'ordre tient à témoigner de l'importance de l'expertise des ordres dans l'analyse des compétences [qui mène] à la reconnaissance des équivalences de diplômes et de la formation des candidats. Pour notre ordre, l'évaluation et l'analyse des compétences d'un candidat sont assurées par des membres du corps enseignant en hygiène dentaire.»

Le processus de reconnaissance des équivalences, il est actuellement sous le regard du commissaire, le commissaire aux plaintes. Ça ne semble pas poser de problème, au contraire, parce que je pense que vous avez souligné le bon travail du commissaire et la bonne mise en oeuvre des dispositions qui ont été adoptées il y a six ans, et justement le fait que ce processus-là de reconnaissance soit sous le regard du commissaire permet de mettre en place une assurance qualité, je dirais, et un regard qui est plus global.

Donc, moi, j'essaie de comprendre... Puis vous êtes plusieurs ordres à avoir formulé vos préoccupations de différentes façons, là. Et je pense que tout le monde ici était passionné, parce qu'on sent la passion qui vous anime, lorsque vous parlez de votre ordre, ce n'est pas la première fois qu'on se rencontre, et puis je pense que c'est contagieux. Mais en quoi ce serait différent si le processus d'admission des personnes qui sont formées au Québec était assujetti au commissaire ou... Parce que les deux processus, dans le fond, sont, à quelque part, intimement liés. C'est un processus d'admission, et l'objectif derrière l'élargissement des rôles du commissaire, c'est d'assurer, entre autres, une équité. Et on a un processus qui a été mis en place, qui va bien. Maintenant, à partir du moment où on élargit, en quoi le processus... en quoi ça deviendrait compromettant pour l'indépendance des ordres? Parce qu'on s'entend que vous avez soulevé certaines questions. Là, il n'est pas question, pour le commissaire, d'imposer quoi que ce soit. Ce que le commissaire détient, c'est un pouvoir de recommandation; vision globale, mais un pouvoir de recommandation, pas question de venir imposer à un ordre de modifier un examen, par exemple, là, c'est un pouvoir de recommandation. Donc, j'essaie de comprendre, cet élargissement-là, en quoi ça affecte et en quoi ça ne pourrait pas être un plus pour notre système professionnel.

• (11 h 20) •

Mme Duval (Diane) : Concernant... Quand vous avez parlé de, bon, assujetti, moi, je pense que l'ordre professionnel doit garder le plein contrôle des admissions, il doit être complètement autonome et déterminer, s'il le veut, aussi, pour des raisons qu'il doit justifier par mémoire puis par démarches, si d'intérêt de protection du public il est requis d'avoir un examen à l'admission, de s'assurer que les cégeps soient agréés.

Nous avons eu des pourparlers, puis la Fédération des cégeps viendra témoigner aussi, parce qu'elle est censée venir à la commission... donc, nous avons eu aussi des pourparlers avec les cégeps, qui rencontrent, eux autres aussi, des contraintes budgétaires, et certains, présentement, ont laissé tomber cette espèce de requête de l'ordre de s'assurer que les cégeps soient agréés. Et ça, cette démarche-là s'est faite, puis on verra comment la fédération l'articulera, mais on pose beaucoup de questions d'ordre budgétaire, de droit; si on émet le permis, ça devrait être suffisant pour un ordre professionnel à partir du moment où il y a des compétences qui sont de prescription ministérielle, que ça, ça devrait s'arrêter là et que nous, on devrait accueillir les gens sans autre demande particulière lorsqu'elles sont justifiées dans la mesure de la protection du public. Et c'est là où on se dit : On ne voudrait pas qu'un tiers arrive... justement, un tiers arrive dans un problème plus complexe, qui est capable d'être réglé à une table de concertation entre les personnes... que ce soit réglé par un tiers qui se fait le représentant d'une institution, parce que la Fédération des cégeps se positionne dans ces dossiers-là aussi. Alors, pour nous, c'est toute l'entente de la mobilité de la main-d'oeuvre qui est mise en péril ici. Et, pour ça, pour nous, on se dit : Bien, jusqu'où on ouvre une porte ou, je dirais, qu'on commence à mettre en place des mécanismes où l'ordre, en amont, n'est plus, je dirais, en autorité de faire respecter les règles d'admission requises par leur profession?

Alors, on ne voit pas, effectivement, en quoi le commissaire va ajouter à quelque chose qui peut se régler par un comité sectoriel qui serait balisé dans le Code des professions et qui amènerait des solutions certaines. Parce qu'il faut voir que, dans l'air aussi, il y a bien des collèges qui remettent en question aussi les examens. Alors, il y a beaucoup de processus, là, qui sont présentement, je vous dirais, pour des contraintes budgétaires, surtout pour des contraintes budgétaires, remis en question, alors que nous, on dit : Il n'y a pas de processus qui doit être différent, basé sur la mobilité de la main-d'oeuvre, pas plus qu'il n'y en a dans les contraintes qu'on peut avoir vis-à-vis... Tous nos admis... Quand on dit «contraintes», toutes les conditions qu'on peut poser comme ordre professionnel vis-à-vis les admissions, les admissions, même, de nos Québécois, doivent être les mêmes, parce que tout ça, avec la vue d'ensemble que nous avons, en vue de la protection du public, moi, je pense qu'il faut... pas «je pense», l'ordre est ferme qu'il faut garder absolument le contrôle sur les admissions, et il doit se faire en concert, avec une démarche concertée avec les partenaires. Alors, on ne voit pas ce que le commissaire, avec une vue, comme vous dites, macro qu'on a, qu'on a cette expertise-là à l'ordre... quelle vue macro autre qu'une table sectorielle ne pourrait pas régler.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : D'où le pôle.

Mme Duval (Diane) : Bien, d'où le pôle fonctionnel, d'où le pôle... d'où une table de décision comme on l'a vécu, nous, et non pas chargée de faire des commentaires, des recommandations. Il faut s'assurer que les gens travaillent ensemble. On peut comprendre la dynamique plus complexe dans le réseau de la santé, pour les stages, avec les contraintes qu'on vit aujourd'hui, avec les professionnels, tout ce qui se passe dans le réseau, ça, on le comprend très bien, les difficultés, mais ces difficultés-là ne sont pas insurmontables et peuvent être menées par un comité sectoriel de...

Mme Vallée : Mais j'ai tellement l'impression... Je vous écoute et j'ai l'impression que vous prenez des termes différents, mais vous dites la même chose, vous dites la même chose que nous, dans le sens que l'objectif du commissaire, c'est d'identifier les difficultés rencontrées par celui ou celle qui aura requis son intervention, qui aura requis son expertise.

Évidemment, vous avez mentionné... Vous questionnez, dans votre mémoire : Est-ce qu'une institution pourrait s'adresser au commissaire? Là n'est pas le rôle du commissaire. Le rôle du commissaire, c'est d'être là pour des individus et non pour des institutions. Ça fait que, là-dessus, je tiens à vous rassurer, là, il ne doit pas servir de commissaire pour une institution. Je pense que vous le mentionnez au début de votre mémoire... ou à la page 7, je crois. Mais, après ça, une fois que le commissaire est saisi d'un enjeu, qu'il a émis ses recommandations, le pôle de coordination, qui pourra s'adjoindre des organismes de façon ponctuelle, selon l'enjeu soulevé, est justement cette table, ce lieu, ce comité, peu importe, ce lieu de rencontre où les acteurs sont appelés à trouver et à mettre en oeuvre une solution.

Il y a une recommandation x qui est formulée. La recommandation x peut trouver une mise en oeuvre assez simple comme elle pourrait amener certaines personnes à trouver un autre véhicule pour la mise en oeuvre. Mais les organismes autour de la table ont à échanger.

Donc, d'aucune façon l'autonomie des ordres, l'autonomie universitaire n'est mise à mal dans ça, parce que les organismes, les ordres font partie de ce forum de discussion. Et d'aucune façon le commissaire n'a un pouvoir d'imposer une solution à l'ordre ou à l'un des partenaires.

J'ai l'impression que l'on dit la même chose, peut-être que le choix des mots ou la façon de l'exprimer est différent, mais, lorsque je vous entends mentionner cette préoccupation que vous avez et qui est celle de tous les ordres, d'assurer la protection du public, elle est là, parce qu'évidemment c'est en trame de fond. Le commissaire ne peut d'aucune façon venir occulter cet enjeu de protection du public.

Mais, à partir du moment où la protection du public est garantie, mais que subsistent un certain nombre de difficultés, comment pouvons-nous répondre à ces enjeux-là? Comment pouvons-nous nous assurer que nous pourrons, au Québec, avoir... pouvoir compter sur toute la main-d'oeuvre qualifiée dont nous avons besoin? Parce que c'est un peu ça, les enjeux. Et les différents cas, qui ont été fort médiatisés, au cours des dernières semaines, des derniers mois, nous laissent toujours planer qu'il y a des gens qualifiés qui, malgré les processus en cours, ont de la difficulté à intégrer le réseau professionnel, et peut-être que, dans nos façons de faire ou dans nos façons de... notre interrelation, il y aurait des choses à améliorer.

Je pense que de maintenir un statu quo, ça ne nous amène pas bien loin, mais, de revoir nos façons de faire, je pense que c'est tout à fait légitime et justifié, et d'autant que cette autonomie des ordres, bien, c'est quand même un pouvoir qui est délégué par le gouvernement aux ordres professionnels, c'est quand même... Et je ne crois pas que ce soit déraisonnable que d'assujettir... pas d'assujettir mais de permettre au commissaire d'avoir un regard sur l'ensemble des admissions.

Le Président (M. Ouellette) : 30 secondes, Mme Duval.

Mme Duval (Diane) : 30 secondes? Bien, écoutez, je pense que... Au fond, je vous retourne la question, dans la mesure où je me dis : Nous avons posé des gestes qui ont fonctionné et qui ont réuni des acteurs qui ont des pouvoirs de décision. Alors, pour nous, c'est important de répéter ça.

Vous dites qu'on a médiatisé, effectivement, certains cas. Je ne crois pas que les ordres professionnels... Qu'ils fassent des bons coups ou des mauvais coups, ils n'auront jamais bonne presse, parce que ce sont... Ils n'ont pas nécessairement bonne presse, on publie plus souvent les mauvais coups que les moins bons coups.

Alors, cela dit, oui, je pense qu'on lève la main, à l'Ordre des hygiénistes dentaires, puis on l'a prouvé, on va participer à la vie sociale du Québec, la vie économique du Québec avec les nouveaux arrivants. C'est intéressant pour le Québec. Ça prend de la relève, on a une population qui vieillit. Mais tout ce que font les ordres professionnels, le nôtre, en tout cas, c'est d'assurer de mettre tous les mécanismes en place pour s'assurer que, finalement, il n'y ait pas quelqu'un qui paie au bout de la ligne. Puis pourquoi le système professionnel existe, c'est justement pour le patient, le client.

Alors, on dit les mêmes choses, mais nous, on parle vraiment d'une table où ça réunit les gens qui ont les solutions dans les mains tout de suite, et non pas partir en recommandation et revenir. Ça a marché. Alors, on est la preuve que ça fonctionne et on croit que ça peut fonctionner pour d'autres ordres professionnels aussi.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Duval. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci. Alors, bonjour, Mme Duval. Bonjour, Mme Ste-Marie. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci de commenter, de partager avec nous votre expérience et votre opinion sur ce projet de loi là, qui est très important.

Quelque chose que j'ai tenté de comprendre, vous m'expliquerez ça : Le profil ou le parcours d'un nouvel arrivant qui est dentiste ou qui se qualifie comme dentiste, est-ce que le parcours privilégié de ce nouvel arrivant là est de le réorienter comme hygiéniste dentaire?

• (11 h 30) •

Mme Duval (Diane) : Je vais laisser la parole à Me Ste-Marie, si vous permettez, pour répondre sur ce parcours-là.

Le Président (M. Ouellette) : Me Ste-Marie.

Mme Ste-Marie (Janique) : Oui, bonjour. En fait, on l'ignore. Tout ce qu'on sait c'est qu'on a eu, depuis 2007‑2008... Bien, depuis toujours, depuis une vingtaine d'années, là. Moi, ça fait sept ans que je suis à l'ordre, mais il y a des gens qui sont là depuis 25 ans, à l'ordre, et qui me disent qu'il y avait déjà des demandes, il y a 25 ans, de dentistes formés à l'étranger. Alors, on a toujours eu des demandes d'équivalence de formation.

Ceci étant dit, en 2007‑2008, là, il y a eu, si on veut, plus de demandes, une centaine de demandes par année, plus qu'une centaine de demandes par année. Alors, c'est là qu'on a mis en oeuvre une formation peut-être plus d'appoint pour ces dentistes formés à l'étranger là, où ils avaient accès plus rapidement au permis d'exercice.

Alors, en amont, c'est des choix qu'ils font, soit de venir chez nous ou soit d'aller à l'Ordre des dentistes. Alors, nous, ce n'est pas un questionnement, comme tel. Nous, on reçoit la demande de procéder aux équivalences.

Alors, on a tout un système, très bien organisé, de processus, d'analyse et on fonctionne comme ça. Alors, si ce n'est pas la formation d'appoint, qui, comme l'a dit Mme Duval, c'est une formation qui coûte cher, alors c'est dans le permis éventuellement.

Mme Jean : À la table de concertation dont vous faites référence, est-ce que vous savez si le sujet a été abordé, justement, vis-à-vis les nouveaux arrivants qui sont dentistes, et que potentiellement ils sont réorientés pour devenir hygiénistes dentaires? Est-ce qu'ils ont été avisés? Est-ce qu'il y a un lien entre ces gens-là qui veulent venir au Québec... qui pensent peut-être être dentistes, puis finalement ils se retrouvent hygiénistes dentistes? Est-ce que vous savez si, à la table de concertation, ça se parle?

Mme Duval (Diane) : Bien, de toute évidence... On s'imagine bien que ça doit se parler. Ils sont peut-être loin des compétences ou des argents requis, là, de l'argent requis pour faire leur demande auprès des facultés et ils comptent travailler, ils ont des familles, ils comptent travailler en attendant, donc il s'attendent rapidement à avoir... je vous reviens à la case départ, mais un permis de travail, puis ce n'est pas de ça dont il est question. Il s'agit d'avoir un candidat qui demande un permis d'exercer une profession, avec tous les tenants et les aboutissants qu'on connaît, de protection du public.

Alors, oui, c'est certain qu'on discute avec eux, mais, à un moment donné, les obstacles sont peut-être tels qu'ils décident de cheminer avec nous, et nous les accommodons. C'est des bons accommodements, raisonnables, que nous faisons, dans la mesure où on trouve les mécanismes qu'il faut pour servir cette clientèle-là de nouveaux arrivants.

Mme Jean : Merci. Concernant le commissaire à l'admissibilité, dont vous n'êtes pas d'accord, vous êtes d'accord avec la table de concertation ou encore, comme le CIQ le propose, un pôle intersectoriel, parce que ça a fonctionné chez vous, une personne comme le Commissaire à l'admission qui ferait des analyses, des recherches, des enquêtes pour identifier des problématiques systémiques à l'admission, vous ne trouvez pas que ça pourrait être intéressant, peut-être plus sous la forme d'un vérificateur général, pour être capable de faire des rapports, justement, à la table de coordination, et qui pourrait, à ce moment-là, solutionner comme problèmes... donc, quelqu'un qui regarde comment ça fonctionne au niveau de l'équité, est-ce qu'il y a des problèmes systémiques ou est-ce qu'il n'y en a pas, et, s'il y en a, bien, c'est de faire des rapports, justement, à la fameuse table?

Mme Duval (Diane) : On ne voit pas, à l'Ordre des hygiénistes dentaires, comment un ordre professionnel qui s'acquitte de sa mission, qui reçoit des demandes d'équivalence, qui sont confrontés aux milieux de stage ne connaissent pas tous les problèmes que vous venez de dire. Ils les connaissent parfaitement. Ils vont venir. Nous, on a expliqué nos obstacles, ils vont le faire, mais ils les connaissent. Il n'y a pas... Ils sont liés aux stages, ils sont liés aux contraintes budgétaires, ils sont liés aux contraintes des ressources professionnelles disponibles, ils sont liés à des circonstances... Ils les connaissent. Il n'y a pas d'identifications, à mon sens, là, bien, qui ne sont pas connues des ordres professionnels.

Alors, votre question, c'est : Qu'est-ce qu'il va venir identifier de plus que les ordres ne savent déjà?

Mme Jean : Est-ce que vous pensez que d'avoir un commissaire comme ça pourrait permettre de soulever ce qui est connu déjà, de le mettre en rapport avec l'encadrement qui est donné avec la loi, et qui permettrait de mettre en lumière une problématique qui est peut-être connue, mais qui n'a pas son moyen d'être mis en lumière?

Mme Duval (Diane) : Bien, moi, je vous dirais, c'est de créer, dans le système, un intermédiaire qui va ralentir un processus. Pourquoi ne pas aller tout de suite vis-à-vis les acteurs, où le problème se pose, et revenir à l'idée de se dire que... Un comité sectoriel qui réunit les acteurs, qui forcément sont impliqués dans l'accueil et dans l'intégration des stages, ça demeure, à notre point de vue, la recommandation, qui a été faite du CIQ et qui est la nôtre, de mettre sur pied un comité permanent sectoriel avec les acteurs. Pourquoi cet intermédiaire-là, qui forcément a des budgets, hein, qui va... Ça ne peut pas être assorti autrement qu'avec des budgets aussi. Alors, je préfère absolument qu'on les place au service de cette table-là.

Mme Jean : Je pense que tu avais une question.

Mme Lamarre : Oui. M. le Président...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Alors, Mme Duval, Mme Ste-Marie. Bien, en fait, moi, je vous écoute et puis je me dis, effectivement : Où ça bloque? Et ça semble beaucoup bloquer, puis là vous êtes plusieurs ordres à venir le dire, ça bloque au niveau des stages, ça bloque au niveau du budget, ça bloque au niveau des ressources humaines pour encadrer les stagiaires, et ce ne sont pas nécessairement des dossiers sur lesquels les ordres ont des leviers, ça me semble être beaucoup plus... ça semble relever d'autres enjeux. Et là le pouvoir du commissaire semble beaucoup s'intéresser aux ordres, on l'élargit également aux maisons d'enseignement, mais le constat... Et vous semblez dire que les ordres ont déjà des diagnostics par rapport aux motifs qui font qu'il y a, en tout cas, cette résistance ou, en tout cas, cette difficulté d'accès à des statuts professionnels. Donc, vous, vous proposez vraiment qu'on aille en action, mais dans une action avec les budgets qui vont permettre de régler les problèmes. Est-ce que je vous comprends bien?

Mme Duval (Diane) : Tout à fait, tout à fait. Et je vous dirais qu'on a même un cégep qui s'est offert à accepter une cohorte, et ce sont les personnes qui ont refusé parce que ça se passait à Chicoutimi. Je peux comprendre qu'il y a des contraintes de stage, de lieu de stage auxquelles sont soumis plusieurs de nos admis. Ils ne choisissent pas toujours le cégep où ils vont étudier non plus, hein, nos Québécois et nos Québécoises. Alors, moi, je me dis : Il faut concentrer nos énergies sur des tables qui ont le pouvoir de décider et d'avoir les budgets pour aller de l'avant et trouver des... Chacun doit trouver sa voie à travers ça, oui.

Mme Lamarre : Peut-être que vous ne le savez pas, mais est-ce que vous connaissez le budget qui a été octroyé au collège Maisonneuve-Rosemont pour accueillir, en fait, cette cohorte avec la formation d'appoint particulière, spécifique? Remarquez, je trouve ça... j'ai beaucoup, beaucoup de respect pour la profession d'hygiéniste dentaire, je comprends juste mal que ce soit la principale option qu'on offre aux dentistes. Je ne sais pas combien de candidats dentistes ont l'option de préserver leur titre de dentiste. Et je trouve que c'est un beau choix, de choisir hygiéniste dentaire, mais je ne voudrais pas que les gens le fassent parce qu'ils n'ont pas d'autre option. Mais mettons que c'est à ça qu'on arrive comme conclusion, là, vous, vous avez eu, en tout cas, je pense, l'ouverture d'offrir, là, une vingtaine de postes constamment. C'est quoi, le budget qui est disponible au collège Maisonneuve, savez-vous, à peu près?

Mme Duval (Diane) : On n'a pas les chiffres exacts, mais on avait déjà fait un calcul. Former un hygiéniste dentaire, au Québec, quand on prend l'ensemble des ressources, le climat qui... la mise en place, le matériel, la technologie et tout, on n'est pas loin, avec les enseignements, là... c'est au moins 19 000 $ par personne, puis, je pense, ça ne comprend pas le corps enseignant comme tel, c'est strictement le milieu clinique, là, le cubicule, la chaise, le matériel, le matériel roulant et tout. C'est quand même beaucoup de sous.

Mme Lamarre : Merci.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Mme Duval, Me Ste-Marie, bonjour. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Sur la question des lanceurs d'alerte, vous dites — et puis vous n'êtes pas le premier ordre professionnel à nous le dire : Bon, oui, l'immunité, mais il y a une problématique aussi au niveau du milieu de travail. Est-ce que, si quelqu'un dénonce, il va être protégé dans son emploi? Puis je pense que la profession d'hygiéniste aussi, dans le fond, ça se fait beaucoup en cabinet ou presque exclusivement en cabinet de dentisterie. Donc, comment vous voyez la protection qu'on pourrait accorder, la protection supplémentaire en matière de droit du travail?

• (11 h 40) •

Mme Duval (Diane) : On vous la pose, c'est certain, aussi. Je vais vous dire, les hygiénistes dentaires à 92 % sont dans le cadre d'un cabinet dentaire, et forcément, s'ils dénoncent une activité, un surtraitement ou une activité illégale, bien, je vous dirais que la plupart ne gardent pas leur emploi ou voire même sont stigmatisés, dans leur région, parce qu'ils se parlent entre eux pour ne pas réengager cet hygiéniste dentaire là. On en a, des cas d'espèce comme ça.

Alors, je pense qu'il faut garder son indépendance professionnelle. Puis, le cadre de la modernisation de la profession, on l'a mentionné, la situation dans laquelle est plongée l'hygiéniste dentaire à l'emploi du dentiste, c'est quand même une situation exceptionnelle d'un professionnel envers un autre, ce qui nuit à cette protection du public, nuit... ou met l'emphase sur le droit de gérance. Il positionne l'hygiéniste dentaire dans un contexte extrêmement difficile à cet égard-là.

Donc, le lanceur d'alerte, à moins d'être indépendant sur le plan professionnel, dans le contexte actuel, je vais prendre vos solutions, parce qu'elles sont très difficiles. Vous comprendrez que, même s'ils n'ont pas des noms, les soupçons que ça pourrait être un de nos membres qui ait pu lancer une alerte à l'intérieur du cabinet, la relation professionnelle de confiance est presque terminée en soi. Alors, il y a l'hygiéniste dentaire qui quitte, c'est rarement le contraire.

M. Jolin-Barrette : Et, dans le fond, ça fait partie un peu du cloisonnement de la profession. Supposons, en Ontario, les hygiénistes ont le droit d'ouvrir une clinique, de faire de l'hygiène dentaire aussi. Et là on pourrait lier ça aussi avec l'augmentation des amendes. Vous nous dites : Bon, pour l'augmentation des amendes, il faut prendre en compte peut-être le revenu gagné par l'hygiéniste. Puis là, puisqu'elles sont en cabinet de dentisterie, elles se retrouvent dans une situation où elles sont salariées, dans le fond, elles ne sont pas travailleurs autonomes, elles n'ont pas une entreprise. Donc, comment vous réconciliez tout ça?

Mme Duval (Diane) : Bien, écoutez... Parce que, je dirais, vous avez mis un petit peu la table sur l'histoire de la modernisation, parce que, là, c'est rendu complexe. Les amendes, 16 000 $ pour une pratique illégale, ça se voit, là. Puis ce n'est pas des gens, là, qui ont des revenus, là... ils ont des revenus moyens, de 40 000 $, là, puis c'est leurs seules conditions de travail. Alors, nous, on dit : Attention, là! Ça doit s'ajuster au niveau du revenu de la personne.

Mais, puisque vous parlez de modernisation de la profession, je veux dire aux gens de la commission qu'on a mis beaucoup d'emphase sur certains problèmes qui ont été relevés dans le cadre de la commission Charbonneau, qui nous laissent entendre que ça prend des mécanismes plus importants de surveillance sur les ordres professionnels. Moi, je vous dirais que, quand on transporte un dossier comme celui du domaine buccodentaire sur la place publique, dossier de modernisation qui, il y a 20 ans, a causé un imbroglio au cégep où je travaillais, puis on a été pris entre l'employeur et les dentistes à contrat dans cette histoire-là, pour lequel l'Office des professions s'est déplacé au cégep pour nous rencontrer en disant que ça allait se régler incessamment, eh bien, on est 20 ans plus tard. Ça, là, le public n'est pas dupe. Quand on parle de réputation et qu'on transporte sur la place publique des débats dans l'intérêt du public, qui ne se font pas, et qui indirectement, pour le public, c'est vu comme étant un monopole professionnel et du corporatisme, ça, ça entache le système professionnel québécois. Et ça, on n'en parle pas assez, de ça.

Alors, moi, je vous dirais que, s'il y a un dossier qui doit se régler... Je sais qu'il y a une volonté que ça se règle, mais ce n'est pas... Les gens ne sont pas fous. Les publicités, ils les voient. La crédibilité des membres, à l'effet de l'intérêt des ordres de protéger l'intérêt de ses membres, ils en font, des déductions, ils n'ont pas besoin d'une commission Charbonneau pour en faire, croyez-moi.

M. Jolin-Barrette : Donc, en ce sens-là, vous pensez qu'on devrait avoir un débat public sur la question?

Mme Duval (Diane) : Vous voulez parler pour...

M. Jolin-Barrette : Bien, ce que vous soulevez. Vous soulevez avec l'Ordre des dentistes, vous soulevez l'Ordre des hygiénistes.

Mme Duval (Diane) : Bien, en fait, ce qu'on dit, écoutez, on est... On parle d'adéquation de compétences, on parle des compétences. Ça fait une vingtaine d'années que les compétences n'ont pas été révisées. On a toujours eu comme réflexe de dire : Bien, attendons la modernisation, qui ne vient pas, et qui ne vient pas, et qui ne vient pas. Nos membres sont rendus beaucoup plus loin, finalement, dans leur profession, qui... Gardez-le à l'esprit, là, les hygiénistes dentaires initient leurs soins d'hygiène dentaire sans la nécessité d'un examen diagnostique préalable, et c'est dans la loi. Alors, tout le monde le sait. Alors, on tarde énormément à donner au Québec ce qu'il y a ailleurs au Canada, et c'est la population qui en souffre. Mais la population le voit aussi, voit ces monopoles-là s'exercer à leur détriment et contre leurs intérêts.

M. Jolin-Barrette : Sur la question de la cotisation, vous dites : Ça devrait rester la prérogative des membres. C'est un peu à l'inverse de la majorité des ordres professionnels. Pourquoi?

Mme Duval (Diane) : Moi, je trouve que, quand on arrive en assemblée générale des membres et qu'on parle de cotisation, forcément on parle de mandat de protection du public, et c'est une belle occasion de discuter avec nos membres de la volonté d'accomplir notre mandat. Ils comprennent le sens de l'argumentation. Ce n'est pas un critère, pour nous, on ne l'a jamais vécu, on n'a jamais vécu de difficulté, mais on travaille à faire comprendre notre mandat de protection du public, et c'est une belle occasion, en assemblée générale, d'en discuter avec eux. Et je pense qu'ils doivent rester effectivement les personnes qui décident de l'augmentation de la cotisation. Je pense qu'un ordre doit faire de la reddition de comptes puis doit expliquer à ses membres à quoi ça sert, une cotisation. On n'a jamais eu de difficulté à l'ordre pour ça. Et on considère que même c'est un beau moment d'éducation envers nos membres, de compréhension de mandat avec eux.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Borduas. Mme Diane Duval, Me Janique Ste-Marie, représentant l'Ordre des hygiénistes dentaires du Québec, merci d'être venues rencontrer les membres de la commission.

Je suspends quelques minutes. Je demande à l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec de bien vouloir s'avancer.

(Suspension de la séance à 11 h 46)

(Reprise à 11 h 49)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec et sa présidente, Mme Lucie Tremblay. Vous allez nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, après il y aura des échanges avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Mme Tremblay, à vous la parole.

Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ)

Mme Tremblay (Lucie) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les parlementaires, M. le président de l'Office des professions, merci de nous accueillir aujourd'hui pour pouvoir nous laisser nous exprimer sur le projet de loi n° 98. Je suis accompagnée aujourd'hui de ma collègue Louise Villeneuve, qui est membre du conseil d'administration et qui est directrice des soins infirmiers adjointe au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l'Île-de-Montréal — ça, c'est toute une prononciation à faire — Carole Mercier, qui est secrétaire générale de l'ordre, et Marie-Claude Simard, qui est chef du service juridique de l'ordre.

• (11 h 50) •

Alors, investi de notre mission de protection du public, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec représente, avec ses 74 000 membres, le plus gros ordre professionnel. Réunies en assemblée générale en 2015, plus de 1 000 infirmières ont, au nom de la santé des Québécois, réitéré leur engagement à offrir des soins sécuritaires et de première qualité grâce à des compétences infirmières en phase avec le développement exponentiel des connaissances scientifiques, des technologies de la santé et des besoins de la population. Ils ont affirmé que la protection du public passe également par un accès aux soins au moment opportun.

Ainsi, l'ordre est résolument engagé à fournir aux Québécois les professionnels compétents qui répondent à leurs besoins. C'est le propre des activités d'admission, que nous exerçons avec rigueur et équité tant pour les diplômés du Québec que pour les diplômés hors Québec. À ce chapitre, mentionnons que chaque année l'ordre délivre plus de 3 500 permis d'exercice à la profession infirmière.

De notre côté, le conseil d'administration est conscient qu'un ordre professionnel doit inspirer la confiance du public. Nous avons adopté des valeurs de gouvernance qu'est la confiance, l'équité, le respect, la bienveillance. Ces valeurs nous guident dans l'ensemble de nos décisions, et le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui est basé sur ces valeurs.

D'entrée de jeu, l'ordre tient à confirmer qu'il adhère à l'objectif de la réforme quant à la modernisation des conseils d'administration des ordres professionnels, sous réserve de quelques éléments qu'on a mentionnés dans notre mémoire, notamment au chapitre de la gouvernance des ordres professionnels. Et vous allez pouvoir trouver les modifications qu'on propose, mais ces propositions-là de changement au niveau de la loi et de notre loi, des infirmières et infirmiers, est impératif si on veut pouvoir mener à bien la réforme de notre gouvernance. Alors, nous demandons à l'office d'examiner avec la plus grande attention nos recommandations. Et évidemment on demeure disponibles pour vous accompagner, vous transmettre nos commentaires là-dessus, pour ce que ça se fasse dans les meilleurs délais.

Par ailleurs, l'ordre identifie que le véritable enjeu soulevé par la réforme qui est proposée, c'est celui de l'intégration des professionnels au marché du travail, incluant les personnes immigrantes. Nous sommes convaincus qu'à une problématique gouvernementale on a besoin d'une réponse gouvernementale.

Alors, je m'explique. À notre avis, là, la solution ne se trouve pas dans le Code des professions. Le défi, là, c'est un défi de coordination entre plusieurs acteurs sectoriels, des acteurs qui doivent être décisionnels. Il faut que les silos soient brisés, il faut cesser de se renvoyer constamment la balle. Les problèmes sont bien documentés, systémiques et ils concernent plusieurs acteurs, qui doivent travailler en synergie avec le ministère de l'Immigration, Diversité et Inclusion. Ce ministère a toute l'expertise. Il a les compétences, il a l'autorité gouvernementale de planification de l'immigration et de l'intégration à la société québécoise.

Pour illustrer clairement mon propos, l'ordre accepte autour de 800 diplômés hors Québec par équivalence chaque année. L'ensemble des dossiers qui nous sont soumis, là, c'est à peu près ça, là, 800, donc on accepte 100 % des dossiers. Et, si vous voulez avoir plus de détails, là, sur les chiffres, ils se trouvent d'ailleurs dans notre rapport.

En 2016, 700 stages de formation dans les cégeps et 100 stages cliniques ont été prescrits. Parmi les stages dans les cégeps, seulement 400 des 700 personnes ont eu accès aux places requises pour réaliser leur programme d'intégration professionnelle, et aucune, aucune n'a eu accès aux programmes dans les hôpitaux. 50 % des candidats sont bloqués dans leur parcours, et, comme on peut le constater, aucun de ces goulots d'étranglement n'est du ressort de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Alors qu'on met tout en oeuvre, à l'ordre, pour admettre des diplômés hors Québec, très concrètement, l'admission, ça dépend de la capacité d'accueil des cégeps. La réalisation des stages cliniques, ça dépend du réseau de la santé et des services sociaux. Et la maîtrise de la langue française, bien, c'est évalué par l'Office québécois de la langue française.

Donc, les enjeux, ils sont clairs, ils sont documentés, les problèmes sont connus et ils se situent en amont des plaintes. L'heure est vraiment venue de passer à l'action. Le gouvernement doit s'assurer de donner aux instances concernées les ressources et les conditions nécessaires pour agir.

D'ailleurs, le commissaire aux plaintes a documenté ces problématiques, il est l'auteur de rapports faisant largement état des embûches, et qui ne sont pas du ressort des ordres professionnels. Les professionnels désireux d'avoir accès à des stages ou des formations d'appoint n'y ont pas accès, ils n'y arrivent pas.

À ce jour, toutes les recommandations demeurent lettre morte. La balle est maintenant dans le camp du gouvernement, qui doit agir.

La question de reconnaissance d'équivalence des DHQ et le traitement en toute équité des dossiers de candidature font l'objet de normes rigoureuses qui ont été développées par des experts de la profession mais aussi des experts en évaluation, comme pour les diplômés du Québec. En cela, l'ordre travaille en collaboration avec l'Office des professions, et qui, bien sûr, après consultation des ministères concernés, en propose l'adoption au gouvernement.

Il ne faut pas s'y tromper, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec remplit sa mission de protection du public en protégeant le public, en assurant la compétence de ses membres, et ça, c'est vrai qu'ils soient diplômés du Québec ou diplômés hors Québec. La démonstration qu'ils sont aptes à exercer une profession est fondamentale en matière de protection du public, et cette démonstration de compétence ne souffre d'aucun compromis, c'est la santé de la population qui en dépend, c'est notre santé à chacun d'entre nous qui en dépend. Alors, comment est-il sérieusement possible de soutenir que l'élargissement des pouvoirs du commissaire atteint cet objectif, alors qu'une de ses principales fonctions est de défendre ou de prendre en considération des intérêts individuels du candidat à la profession? L'ordre estime que le seul principe qui devrait gouverner l'ensemble des acteurs du système professionnel, c'est celui du contrôle des compétences dans un souci de protection du public.

Évidemment, on est une organisation apprenante. L'ordre a mis en place des processus d'admission, et on voit à les revoir, à les améliorer d'une façon continue. Mais en plus les individus qui se sentent lésés ont déjà des recours.

Dans un autre ordre d'idées, les pouvoirs de concertation et de collaboration entre les parties prenantes sont déjà attribués par le Code des professions. Il semble que c'est à ce niveau-là que leur utilisation présente un certain nombre de difficultés. Par exemple, l'article 12 du code prévoit déjà que l'office doit, en concertation avec le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, prendre les mesures visant à favoriser la collaboration entre les établissements d'enseignement.

Et, M. le Président, si vous me le permettez, je vais prendre une petite minute de plus, parce que j'ai un exemple qui, à mon avis, est assez fondamental pour illustrer mon propos.

L'article 184 autorise déjà le gouvernement à prendre des modalités de collaboration, à fixer des modalités de collaboration entre un ordre et les établissements d'enseignement. Nous soumettons à la ministre que ces pouvoirs auraient intérêt à être pleinement utilisés.

De plus, comme nous cherchons tous une pleine collaboration des acteurs concernés par l'intégration au marché du travail, nous recommandons à la ministre d'inclure les ministères sectoriels impliqués — et dans notre cas, évidemment, le ministère de la Santé et des Services sociaux — à ces articles du code. Le gouvernement disposerait alors de tous les leviers efficaces à la coordination des parties prenantes.

Les obstacles sont identifiés depuis belle lurette. Ils sont circonscrits, ils font l'unanimité, ils sont l'objet de recommandations de nombreuses instances crédibles. Il faut lever ces obstacles, et c'est en dehors du contrôle des ordres professionnels. Il est grand temps qu'on passe à l'action. Alors, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec demande au gouvernement de s'engager sans plus attendre dans l'action en mettant en place les mesures nécessaires pour qu'on puisse assurer un accès aux formations et un accès aux stages cliniques.

Comme nous venons d'en faire la démonstration, nous croyons qu'un commissaire à l'admission, une personne seule, indépendante, limitée par des simples pouvoirs de recommandation, ne soit pas la solution. L'ordre soutient avec conviction qu'aux problématiques gouvernementales s'impose une réponse gouvernementale, et aucun commissaire ne peut imposer ses décisions au gouvernement.

Alors, merci de votre attention. Et nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

• (12 heures) •

Mme Vallée : Merci beaucoup. Alors, merci de votre présentation. Et on ressent toute l'émotion et toute la passion, vous aussi, qui vous animent.

D'abord, il y a, aux pages 6 à 10 du mémoire, un certain nombre de demandes de modification à la Loi sur les infirmières et les infirmiers. Là-dessus, je veux simplement, là, vous indiquer que j'ai déjà demandé à l'office de vérifier le tout et d'examiner vos demandes pour voir s'il est possible d'y accéder quand même à l'intérieur des paramètres. Donc, je voulais prendre quelques minutes pour vous rassurer là-dessus.

Il y a énormément d'enjeux qui ont été abordés dans votre présentation. Vous avez parlé beaucoup des acteurs, des différents acteurs autres que les ordres professionnels et leur impact sur la démarche d'admission. C'est sûr qu'on doit travailler ensemble. Je pense que c'est notre objectif, c'est le but, c'est l'objectif des modifications qui sont apportées au projet de loi, c'est d'amener les différents acteurs... parfois, oui, d'amener ponctuellement des acteurs qui ne sont pas nécessairement identifiés autour du pôle pour rechercher une solution. Le but, ce n'est pas simplement de se parler pour parler, c'est vraiment d'arriver avec des solutions concrètes à des problèmes définis, identifiés et qui ont fait l'objet, là, aussi d'une analyse. Et c'est le rôle... L'objectif de la mise en place du Commissaire à l'admission, c'est aussi d'avoir ce regard-là qui est plus macro, qui va permettre d'alerter les acteurs, les principaux intervenants des difficultés ou des problématiques qui ont été identifiées. Et évidemment, dans ce contexte-là, le commissaire est appelé à émettre des recommandations, donc, évidemment, ce n'est pas liant pour les ordres, ce n'est pas liant pour les organismes, mais, chose certaine, autour du pôle, une fois ces problématiques et ces difficultés identifiées, bien là on est réunis autour d'une instance et on a, à quelque part, ce contrat social là, cette obligation d'aborder les enjeux, d'en parler directement.

Puis on est bien conscients qu'il n'y a pas que les ordres. Un peu plus tôt, je pense, c'était Mme Duval qui disait : Les ordres professionnels ont mauvaise presse, les ordres professionnels ont mauvaise mine, puis, je l'ai mentionné au congrès du CIQ au printemps dernier, moi, je veux qu'on travaille ensemble pour changer ça, parce que c'est faux de prétendre que les ordres professionnels ne jouent pas leur rôle de protection du public, c'est faux de le prétendre, on a des ordres professionnels dévoués à cette mission-là, et vous n'êtes pas les seuls non plus qui sont des acteurs dans l'admission des membres ou des futurs membres. Et donc l'objectif, c'était justement d'amener autour de la table les joueurs qui sont impliqués, pour ne pas viser que les ordres, parce que, dans bien des cas, il y a des enjeux qui sont hors du contrôle des ordres professionnels. Et malheureusement c'est l'ordre professionnel, bien souvent, qui est interpelé pour commenter une situation pour laquelle l'ordre n'a pas de contrôle.

Donc, évidemment, lorsque vous me dites : Il faut qu'on passe à l'action, vous avez raison, parce que ça fait des années qu'il y a des tables, qu'il y a des comités, et tout ça, puis qu'il faut renforcer les leviers de coordination. Bien, nous, c'est ce qu'on vous propose, ce qu'on retrouve dans le projet de loi.

Puis est-ce que ce n'est pas ça que vous souhaitez, justement, que d'amener les gens... bien, dans un premier temps, d'étendre un regard pour être capable d'identifier les problématiques, et puis d'amener les organismes autour d'une même table pour identifier la solution à la problématique? Je vous écoute et puis j'écoutais, tout à l'heure, d'autres ordres professionnels. J'ai l'impression qu'on est tous animés par cette même volonté, c'est simplement dans les moyens de l'atteindre, peut-être... On parle d'un comité, on parle d'un pôle. Au-delà des termes, regardons concrètement ce que ça veut dire. Puis est-ce que ce n'est pas la même chose, en bout de piste?

Mme Tremblay (Lucie) : Mme la ministre, même si je suis d'accord avec l'objectif, je ne pense pas que c'est le bon moyen qui est proposé. Quand vous dites : Est-ce que le commissaire ne peut pas documenter?, c'est abondamment documenté. On les connaît, les problèmes.

Et c'est pour ça que, quand je vous dis : Il faut qu'on passe à l'action, ça prend des gens qui sont décisionnels. Et, jusqu'à présent, ce pôle de coordination là, je ne l'ai pas senti décisionnel, je ne pense pas qu'il ait les moyens de prendre les décisions qui s'imposent. C'est pour ça qu'un comité interministériel, intersectoriel pourrait avoir des acteurs décisionnels qui vont lever les obstacles, parce que, les obstacles, on les connaît, ils sont documentés. Puis le commissaire aux plaintes a d'ailleurs fait un très bon travail dans ce sens-là, mais il n'est pas le seul, il y a plusieurs instances qui le disent, où est-ce qu'ils sont, les problèmes.

Et, comme société québécoise, vous parliez d'un contrat social qu'on a. On a un contrat social de les lever, ces obstacles-là, de prendre des décisions qui vont permettre d'agir, et c'est là-dedans qu'on vous invite à intervenir, à trouver des moyens où est-ce que... La situation est documentée, là, beaucoup, beaucoup, beaucoup, mais maintenant il faut prendre action.

Et vous avez parlé, peut-être pas dans ces termes exacts, de redorer le blason des ordres professionnels... Parce que nous, on est très attachés au système professionnel, on croit que ça fait une différence dans la vie des Québécois. Mais, quand j'entends parler du Commissaire à l'admission qui va défendre davantage des intérêts individuels plutôt que des intérêts de protection du public, j'ai l'impression qu'on donne le message contraire, où est-ce que régulièrement on entend dans la presse, on entend même parmi nos membres qu'on s'attend d'un ordre professionnel... ou on prétend qu'un ordre professionnel défend davantage ses membres. Nous, on croit que le devoir d'un ordre professionnel, c'est de protéger le public, et il faut qu'on ait les coudées franches pour le faire. Si à n'importe quel moment le commissaire peut intervenir dans nos processus alors qu'il y en a déjà, des recours, premièrement, une chatte va en perdre ses chatons, parce que, si à n'importe quel moment il peut y avoir deux interventions qui se fassent en parallèle... Et les interventions du commissaire, vous l'avez dit, ne sont pas prescriptives, là, on crée toutes sortes d'attentes sans amener une solution concrète.

Nous, on pense, là, qu'on n'est plus au temps de documenter, on est au temps où est-ce que, les goulots d'étranglement, on les connaît. Il faut se donner les leviers pour les enlever, ces obstacles-là, parce que c'est toute la société québécoise qui va en profiter.

• (12 h 10) •

Mme Vallée : Lorsque vous mentionnez que le commissaire ne va que contribuer à augmenter la quantité de rapports qui sont émis, le commissaire va pouvoir aussi... va avoir cette possibilité d'étudier le cas d'un individu en particulier et confronté à un problème d'admission. Son objectif, c'est d'assurer, d'une certaine façon, l'équité pour tout candidat aux admissions.

Bien sûr, la protection du public demeure l'objectif ultime. Le commissaire ne va pas l'occulter, le commissaire relève de l'office. Il n'y a aucunement... Puis je ne vois pas en vertu de quoi vous pouvez penser, même penser que le commissaire n'aurait pas l'intérêt de la protection du public comme priorité.

En ayant cette priorité-là en tête, il est quand même tout à fait opportun de s'assurer qu'une fois que cet enjeu de protection du public là, il est identifié les candidats à l'admission aux professions auront les mêmes standards. C'est que, pour l'objectif visé de la protection du public, on ne mettra pas des standards plus élevés pour un candidat ou pour un autre.

Cette notion d'équité, elle est importante parce que, dans certains... ça demeure un enjeu, et d'où cette volonté d'assurer cette vision macro là afin de voir, bon, notre candidat étranger, une fois l'assurance des compétences, l'assurance de la qualification, sur laquelle on ne doit pas lésiner... Puis là-dessus je suis tout à fait d'accord, là, il n'y a personne ici qui veut venir donner une admission à rabais, ce n'est pas l'objectif. L'objectif, c'est d'assurer une équité dans le traitement d'une demande d'admission, s'assurer que le ou la candidate n'aura pas un défi additionnel à relever qui n'est pas exigé, par exemple, d'un candidat québécois qui a fait sa formation ici, parce que l'objectif, c'est vraiment... Si notre objectif, c'est d'assurer la protection du public, d'assurer que les gens, les candidats potentiels aient en poche toutes les qualifications requises, toutes les compétences requises, bien, il ne devrait pas y avoir d'enjeu qui soit lié au fait que le candidat provienne de l'étranger.

Alors, cette volonté-là d'élargir la mission, elle est vraiment fondée sur un souci d'équité, et qui nous amènera peut-être à identifier des problématiques, qu'elles se rencontrent dans la législation, dans la réglementation, et là le pouvoir de recommandation du commissaire va nous permettre rapidement d'identifier la problématique et de la modifier. Et je vois difficilement en quoi le pôle autour duquel siégeront les ministères serait différent d'un comité interministériel, qui ne comprend bien souvent pas tous les intervenants qu'on souhaite mettre autour du pôle.

Mme Tremblay (Lucie) : Mme la ministre, quand vous dites : Les gens doivent avoir des recours, ils doivent être traités en équité, ils ont déjà les recours, ils peuvent appeler d'une décision du Comité d'admission par équivalence.

Je suis relativement récente à l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, mais mon premier constat quand je suis arrivée, il y a quatre ans, c'est de voir la rigueur avec laquelle on a déterminé un référentiel de compétences et que ce référentiel de compétences là doit s'appliquer à la même hauteur, là, de façon équitable tant pour les diplômés du Québec que pour les diplômés hors Québec. Il y a des experts qui ont travaillé à développer ce référentiel de compétences, on a des experts qui se dédient à en faire l'évaluation. J'ai de la misère à comprendre comment une seule personne pourrait intervenir différemment.

Et, quand je regarde ça, aussi, j'ai une préoccupation, une préoccupation que ma collègue de l'Ordre des hygiénistes dentaires a soulevée aussi : le financement d'un tel projet. Et est-ce qu'on n'est pas en train d'augmenter la complexité des choses?

Il y a un processus, il y a des recours disponibles, on connaît les problématiques. Il faut enlever les goulots d'étranglement. Ce serait terrible de passer à côté de l'opportunité qu'on a en ce moment de se donner les moyens de lever ces obstacles-là.

Et il faut que le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion donne l'heure juste aussi à ces candidats-là, parce que, moralement, quand 50 % des gens sont bloqués, je vous ai parlé de nos valeurs tantôt, notre valeur de bienveillance est heurtée dans une situation comme celle-là. Comment est-ce que des gens peuvent partir d'un pays, tout laisser derrière, arriver ici avec la conviction qu'ils vont pouvoir exercer à la hauteur de leurs compétences, et qu'ils arrivent devant des murs? Des murs qu'il est temps de pouvoir ébranler, qu'il est temps de pouvoir enlever pour permettre une entrée équitable.

Et ça, Mme la ministre, je vous rejoins là-dedans. Il faut qu'on travaille sur l'équité, il faut que tous les candidats qui ont les compétences d'entrer dans la profession puissent le faire. Mais là il y a des obstacles, et, ces obstacles-là, ça prend des décisions gouvernementales. Je ne le dirai jamais assez, à une problématique gouvernementale on a besoin d'une réponse gouvernementale. Et on a besoin de gens qui ont les capacités de prendre les décisions, que ce soit au ministère de l'Enseignement, que ce soit au ministère de la Santé, mais il faut qu'il y ait des décisions qui se prennent... ou tout au moins il faut donner l'heure juste aux futurs immigrants en leur disant qu'il y aura des obstacles et que ce n'est pas sûr qu'ils vont pouvoir venir travailler à la hauteur de leurs compétences.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci. Alors, bienvenue, Mme Tremblay, Mme Mercier, Mme Villeneuve, Mme Simard. On n'a pas de problème de présence de femmes dans votre conseil d'administration. Bravo!

Une question rapide. Donc, je comprends qu'on a déjà l'information, c'est déjà documenté. Vous êtes d'accord à ce qu'il y ait de l'équité, peut-être pas d'accord à ce que ça passe par la présence ou le renforcement d'un commissaire à l'admission. Et vous avez identifié qu'on connaît déjà les goulots d'étranglement qui fait que, bon, les stages ne sont pas disponibles, les places ne sont pas disponibles, et c'est là que le bât semble blesser. Ma question très simple : Est-ce qu'une table de... un pôle de concertation, de coordination, tel qu'il est proposé, étendu, avec la présence des ministères, avec la présence du ministère de l'Enseignement supérieur, le ministère de la Santé, pourrait être, là... Est-ce que d'avoir une table comme ça où, justement, les instances gouvernementales seraient présentes, et avec des pouvoirs d'action, permettrait, justement, d'accélérer ou de faire les gestes que vous espérez qui soient faits pour solutionner des problèmes connus?

Mme Tremblay (Lucie) : Le pôle existe depuis cinq ou six ans et il n'a pas réussi à lever ces obstacles-là. C'est pour ça qu'on se dit que c'est une décision gouvernementale qu'on a de besoin. On a de besoin de gens qui sont capables, qui ont le pouvoir de lever les obstacles. On n'est pas à discuter, là, les problématiques, vous l'avez dit, sont identifiées. Il faut, à un moment donné, que le gouvernement prenne les moyens d'enlever ces obstacles-là, parce que je pense qu'on partage l'objectif qu'il faut admettre de façon équitable, il faut reconnaître les compétences des gens qui viennent de l'étranger, mais, si on veut arriver à faire tout ça, il y a des obstacles devant nous, et il faut avoir les moyens de les enlever, ces obstacles-là.

Mme Jean : Je passe la parole à ma...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Alors, Mme Tremblay, Mme Mercier, Mme Villeneuve et Me Simard, écoutez, vous avez également émis, aujourd'hui, un communiqué, je pense, qui résume très bien ce que vous avez décrit. Comment on peut justifier que, sur 100 stages cliniques dans les hôpitaux, il n'y ait pas eu une place disponible? C'est quoi, la raison pour ça?

Mme Tremblay (Lucie) : Mme Lamarre, je vais en faire une présomption, et peut-être que ma collègue, Mme Villeneuve, qui travaille présentement dans le réseau de santé, pourra bonifier ma réponse, mais le réseau de santé est sous forte pression financière en ce moment. Accueillir des personnes en stage, ça demande un investissement. Ça demande du temps, mais, il faut l'entendre, c'est un investissement. Ça prend des gens qui vont accueillir ces stagiaires, qui vont les encadrer, qui vont les évaluer. Et, si, il y a quelques années, il y avait un engouement qui était plus grand parce que ça amenait au marché du travail, il semble qu'il y ait beaucoup moins d'embauche qui se fasse présentement dans le réseau de santé et que l'intérêt, pour les établissements de santé, n'est plus là.

Alors, depuis le mois de décembre, zéro admission. C'est assez dramatique pour ces gens-là qui sont en attente, et qui souhaitent contribuer à la société québécoise, et qui se voient privés de le faire.

Mme Lamarre : Effectivement, on pense que... on considère que les gens dans le réseau de santé, actuellement, sont complètement dépassés, essoufflés à répondre à des besoins essentiels urgents, hein, on est comme dans une phase d'urgence, on n'est pas dans une phase de posturgence ou de développement. Et l'accueil de ces candidats-là fait partie d'un vaste processus où on pourrait développer, où on pourrait offrir beaucoup plus de postes.

Moi, j'ai l'impression que j'entends aussi dans votre message qu'actuellement on s'apprête, avec le pôle de coordination, à investir... Puis avec le commissaire, parce qu'il faut bien comprendre que, si le commissaire s'acquitte bien de toutes les responsabilités qu'il a, ça va lui prendre un budget. Et vous dites : Cet argent-là, mettons-le, bien, sur des infirmières qui vont superviser dans les hôpitaux, dans les écoles de formation, dans les milieux, les CLSC, mettons-les là, c'est là qu'on va vraiment ouvrir ce goulot d'étranglement qui est complètement limité par vraiment cette non-disponibilité réelle, là, des professionnels pour accueillir et encadrer les candidates.

Mme Tremblay (Lucie) : Non seulement ça, évidement il faut mettre l'argent où est-ce que ça va compter, où est-ce que ça va faire une différence. Et, comme je l'ai dit abondamment, on n'est plus au point de documenter, là, il faut agir, alors il faut mettre l'argent là où ça compte.

Et le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion a tous les pouvoirs de le faire. Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu qu'il prenne un leadership là-dedans? Parce que c'est eux qui sont responsables de l'accueil, de l'intégration des immigrés. Alors, il y a peut-être quelque chose là à utiliser davantage.

• (12 h 20) •

Mme Lamarre : Mais moi, je comprends aussi de votre communiqué que vous souhaitez qu'il y ait de meilleurs échanges entre le ministère de l'Intégration, de la Diversité et de l'Inclusion, et le ministère de l'Éducation, et le ministère de la Santé, parce que tout ça, c'est coordonné, et c'est ce manque de coordination là qui crée les bouchons d'étranglement, là.

Mme Tremblay (Lucie) : Tout à fait. Qui crée des tensions et qui bloque certains candidats à l'admission.

Mme Lamarre : Donc, de votre côté, est-ce que vous avez eu des contestations nombreuses sur les équivalences? Parce que les gens vont dire : Oui, on dit ça, là, mais... Sur les évaluations que vous faites au niveau des équivalences nécessaires, est-ce que vous avez eu beaucoup de contestations? Juste pour qu'on nettoie ce...

Mme Tremblay (Lucie) : Mme Lamarre, on a reçu 800 dossiers complets et on a traité ces 800 dossiers complets là. Alors, il est très, très rare qu'il y ait des contestations, on peut les compter sur les doigts d'une main. Alors, c'est très rare.

Mme Lamarre : Quand vous dites : 50 % des gens qui ne sont pas admis, c'est un sur deux, là, c'est un sur deux.

Mme Tremblay (Lucie) : Une personne sur deux. Et le goulot d'étranglement ne se situe pas dans la cour des ordres.

Alors, nous, on est pris avec une situation intenable, immorale où est-ce que, pour assurer la protection du public, pour s'assurer que l'infirmière a les compétences de soigner la population d'ici, elle a besoin de faire ces stages-là, nous les prescrivons, et ils vont se ramasser devant un obstacle. C'est inadmissible, c'est inadmissible.

Mme Lamarre : C'est sûr que ça crée des situations humaines très difficiles mais aussi des lacunes professionnelles, on a besoin d'avoir un plus grand nombre d'infirmières pour contribuer à notre réseau. Et ces gens-là ont donc des difficultés à s'intégrer.

Peut-être juste un élément, si on peut parler d'autre chose, parce que je pense que vous avez bien marqué le point. Et j'espère que la ministre a bien entendu votre recommandation, parce que vous n'êtes pas la première à le faire. Là, ça fait vraiment beaucoup de gens qui souhaitent vraiment qu'il y ait une intégration des gens, mais qui disent : Attention! Le problème, il est au niveau des places de stage, il est au niveau des ressources humaines pour superviser ces stages et le financement de ces programmes. Alors, on va espérer que ce soit entendu.

Il y a une dimension, là, au niveau de la gouvernance, la recommandation 21 de votre mémoire, à la page 29, où vous dites qu'au niveau du conseil d'administration vous ne voyez pas vraiment d'objection à ce qu'il y ait des gens qui aient une appartenance à des organisations. Et je sais que vous avez un grand nombre de membres, et donc c'est sûr que vous avez des enjeux différents d'ordres qui sont plus petits, mais il me semble qu'à l'intérieur d'un ordre il y a plusieurs conflits d'intérêts. On parle toujours d'un conflit d'intérêts réel, d'un conflit d'intérêts potentiel, mais il y a tout le conflit d'intérêts apparent. Et une grande partie de ce projet de loi là, c'est de rehausser la confiance du public envers les ordres. Alors, pourquoi ne pas enlever ce conflit d'intérêts apparent en excluant les gens qui ont déjà des appartenances à des organisations, quitte à les inviter comme experts de façon ad hoc?

Mme Tremblay (Lucie) : Évidemment, là, on est pour la transparence, on est pour la déclaration du conflit d'intérêts, mais on a besoin d'avoir davantage de flexibilité, parce qu'alentour d'une table d'un conseil d'administration où est-ce que l'expertise est aussi vaste, du début de la vie à la fin de la vie, c'est intéressant d'avoir des infirmières qui, par exemple, sont impliquées dans l'association des infirmières en néphrologie, où est-ce qu'ils vont nous amener une expertise, une connaissance qui va nous permettre de mieux accomplir notre devoir de protection du public.

Alors, dans certaines circonstances, vous avez raison, il peut y avoir des conflits d'intérêts, et on voudrait que ce soit balisé davantage par des règles de notre conseil d'administration qui empêcheraient ces gens-là qui, par exemple, pourraient avoir davantage de l'intérêt par rapport aux défenses du membre plutôt que de la profession, mais un professionnel qui est impliqué dans son association professionnelle, ça amène une richesse alentour de la table du conseil d'administration, et le conseil était très ferme qu'il ne veut pas se priver d'une telle expertise.

Alors, bien sûr, s'il y a conflit d'intérêts et que l'association est davantage dans la défense du membre, bien, il va y avoir un écart, mais je trouve que le mot «association» est trop large, et ça nous enlève de la marge de manoeuvre d'avoir de l'expertise souhaitée.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci. Mme Tremblay, Mme Mercier, Mme Villeneuve, Me Simard, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale.

Vous dites : Le terme est trop large, «association». Comment est-ce que vous le baliseriez, si on veut le faire, là?

Mme Tremblay (Lucie) : On vient de dire peut-être une association qui est responsable de la défense des intérêts des membres. Il y a quelque chose qui doit être plus raffiné là-dedans pour éviter ce conflit d'intérêts là mais pas se priver d'expertise de la part de gens qui sont impliqués dans des associations professionnelles. C'est souvent ces gens-là qui peuvent amener la richesse alentour de la table.

M. Jolin-Barrette : O.K. Est-ce que l'Ordre des infirmières a des organismes affiliés?

Mme Tremblay (Lucie) : Est-ce que la fondation de l'ordre, pour vous, c'est un organisme affilié?

M. Jolin-Barrette : Et donc est-ce que vous avez des membres du conseil d'administration qui siègent sur...

Mme Tremblay (Lucie) : Oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Votre recommandation 15, vous dites, dans le fond, que les ordres devraient occuper une place plus importante au niveau du programme... du cursus universitaire avec les universités, donc que vous ayez un aspect décisionnel sur la formation initiale. Pouvez-vous nous en dire plus? Puis comment vous voyez ça avec le milieu universitaire? Parce que le bureau des recteurs sont venus nous voir, et puis ils souhaitent une très grande... maintenir leur indépendance institutionnelle, ils ont fait leurs commentaires par rapport au commissaire, mais là vous, vous nous dites : On veut avoir un levier, là, sur la formation initiale des infirmières.

Mme Tremblay (Lucie) : On l'a dit à plusieurs reprises aujourd'hui, l'admission à la profession, c'est crucial dans la protection du public. Et depuis plusieurs années on demande un rehaussement de la norme de formation pour l'entrée à la profession, pour que les infirmières... Celles qui s'en viennent. Celles qui sont en exercice en ce moment, là, ne m'inquiètent pas du tout, ce sont des gens qui ont été bien formés, qui se sont développés au fil du temps. Mais est-ce qu'on peut donner les outils nécessaires aux infirmières de l'avenir pour qu'elles puissent rentrer dans la profession et venir épauler leurs collègues avec toutes les compétences, équivalentes à leurs collègues qui sont en exercice?

Alors, on aimerait ça pouvoir s'assurer qu'effectivement la formation qui est donnée et le niveau de formation qui est donné correspond au champ d'exercice moderne des soins infirmiers.

M. Jolin-Barrette : Mais ce que je comprends de votre réponse, c'est qu'actuellement le programme de formation, supposons, qu'il soit au collégial ou qu'il soit à l'université, ne correspond pas à ce qui se passe... bien, à ce qu'une infirmière doit faire face dans sa réalité quotidienne, puis il y a certaines lacunes au niveau de la formation.

Mme Tremblay (Lucie) : La réponse pourrait être très longue, mais, il y a plusieurs années, on a divisé ce qui était enseigné au niveau collégial du niveau universitaire. Notre méthode pour pouvoir donner de la rétroaction au niveau des collèges et des universités, c'est à travers notre examen, mais on souhaiterait nettement être davantage impliqués et qu'il y ait des décisions qui se prennent par rapport à la formation initiale des infirmières. C'était notre message.

M. Jolin-Barrette : Votre recommandation 16, vous proposez de retirer complètement le fait que le conseil de discipline puisse imposer une suspension temporaire pour quelqu'un qui est accusé d'une infraction criminelle de cinq ans. Il y a certains ordres professionnels qui nous ont dit : Bon, peut-être vous pourriez le laisser, mais, en fait, que l'accusé le soit en fonction d'une infraction qui a un lien avec l'exercice de la profession. Est-ce que ça pourrait être une façon de réconcilier votre position ou...

Mme Tremblay (Lucie) : Deux choses. Premièrement, le syndic peut déjà intervenir et il peut prendre des décisions rapidement si la protection du public est mise en cause. Nous, on a un malaise sur la présomption d'innocence. À ma connaissance, et je ne suis pas une juriste et je ne m'improviserai pas comme tel, mais nous avons une présomption d'innocence, ce n'est pas parce que quelqu'un est accusé qu'il est nécessairement coupable. Et de l'empêcher d'exercer sa profession, de gagner sa vie, pour nous, crée un malaise.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question des lanceurs d'alerte, vous proposez la mise en place d'une loi-cadre. Il y a des ordres professionnels qui nous ont dit : Écoutez, ça peut être problématique, lorsqu'on est lanceur d'alerte, l'immunité, oui, qui est conférée par le syndic, mais, pour le milieu de travail également, bien, écoutez, souvent les individus qui dénoncent vont être congédiés.

La majorité des infirmières travaillent dans un milieu syndiqué. Est-ce que ça pose une problématique pour vous?

Mme Tremblay (Lucie) : Ce n'est pas une discussion qu'on a eue en profondeur en ce moment, mais définitivement la loi-cadre, pour nous, serait meilleur, parce que ça évite de traiter les choses à la pièce.

Alors, s'il faut que le domaine du travail ait sa propre loi, que nous, on ait une propre loi, à un moment donné, là, ça n'aura plus de sens, il va manquer de cohérence. Tous les pays qui ont eu du succès avec leurs processus par rapport aux lanceurs d'alerte ont une loi-cadre, et on pense que c'est vraiment la façon d'y arriver.

M. Jolin-Barrette : O.K. Puis comment vous voyez ça, que le Directeur des poursuites criminelles et pénales pourrait conférer l'immunité en matière disciplinaire sans nécessairement consulter le syndic?

• (12 h 30) •

Mme Tremblay (Lucie) : On a un problème, on a un problème. On parle de protection du public. Quelqu'un qui a fait un geste grave par rapport... Puis on avait eu une discussion. Imaginez que... peut-être que l'exemple va être tiré par les cheveux un peu, mais qu'un pédophile qui travaille à Sainte-Justine devienne un témoin collaborateur, puis que son dossier soit retiré, puis qu'il continue à travailler avec des enfants. Nous, ça crée un malaise important.

Alors, il y a des mises en garde à faire là. Il y a un terrain glissant là, il faut le voir vraiment avec la lorgnette de protection du public. Je comprends qu'on peut avoir besoin d'information, mais cette information-là ne devrait pas se faire au détriment de la population.

M. Jolin-Barrette : Puis, dans le présent projet de loi, dans le 98, on donne le pouvoir au syndic de conférer l'immunité. Là-dessus, est-ce que vous êtes à l'aise, avec ce qui est proposé dans le 98? Je comprends que vous voulez une loi-cadre, mais vraiment sur ce qui est conféré comme pouvoirs au syndic présentement, là, de conférer l'immunité.

Mme Tremblay (Lucie) : Je vais vous donner une partie de réponse et, si vous voulez avoir un complément d'information, je vais inviter Me Simard à compléter, mais, pour le moment, ce qu'on constate, c'est que ce n'est pas suffisamment bien balisé, alors on aurait besoin de le baliser davantage. Et ma collègue pourrait...

Le Président (M. Ouellette) : Ce ne sera pas aujourd'hui.

Mme Tremblay (Lucie) : Ce ne sera pas aujourd'hui. Sauvée par la cloche!

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Ouellette) : J'ai l'impression que M. le député de Borduas, probablement, sait la réponse.

Mme Lucie Tremblay, Mme Carole Mercier, Mme Louise Villeneuve et Me Marie-Claude Simard, qu'on a passé proche d'entendre, représentant l'Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec, merci d'être venues déposer en commission.

Nous suspendons les travaux jusqu'à 14 heures, dans la même salle.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons, dans un tintamarre de construction, les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 98, Loi modifiant diverses lois concernant principalement l'admission aux professions et la gouvernance du système professionnel.

Nous entendrons cet après-midi les organismes suivants : l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec, l'Ordre des ingénieurs du Québec, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, le Collège des médecins du Québec et l'Ordre des ergothérapeutes du Québec.

D'ailleurs, on travaille avec du bruit jusqu'à 3 heures. Ça fait que c'est comme ça, là, pour les deux, trois premiers groupes, mais, à partir de 3 heures, ça va être plus calme à l'extérieur.

Nous recevons maintenant l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec, M. Régis Paradis qui est son président-directeur général, qui allez nous présenter les gens qui vous accompagnent. Vous avez 10 minutes pour votre présentation, et je vous ferai signe quand vous êtes presque rendu à terme, et après vous allez avoir une discussion avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. M. Paradis, à vous la parole.

Ordre des infirmières et infirmiers
auxiliaires du Québec (OIIAQ)

M. Paradis (Régis) : Merci, M. le Président. Tout d'abord, je veux vous présenter, à ma droite, Me Eva Sikora et Me Amélie Bellerose, qui sont avocates à l'ordre, et le directeur du service juridique du même ordre, Me Georges Ledoux, et moi-même, Régis Paradis. Alors, Mme la ministre, Mmes, MM. les parlementaires, merci infiniment de nous donner l'occasion d'être entendus sur cette commission parlementaire là concernant le projet de loi n° 98.

D'entrée de jeu, nous sommes favorables aux modifications visant à donner... à certaines recommandations de la commission Charbonneau portant sur l'éthique ou la déontologie applicable aux membres d'un ordre professionnel, aux membres de son conseil d'administration ou à l'obligation de créer des infractions dans les codes de déontologie en regard de la collusion, de l'abus de confiance ou encore de la corruption.

Nous nous attarderons peu sur les dispositions du projet de loi visant à modifier certains mécanismes relatifs à l'admission aux professions. En effet, le Conseil interprofessionnel du Québec et d'autres ordres professionnels ont déjà formulé de nombreuses observations à ce sujet. À l'instar de ce qui a déjà été mentionné, nous pensons qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter d'autres responsabilités à celles qu'il assume déjà, pas plus qu'il n'est opportun d'intégrer à la loi le Pôle de coordination pour l'accès à la formation. Cette position s'appuie sur les progrès importants déjà réalisés dans l'intégration des personnes immigrantes et sur le fait que le succès, dis-je bien, de cette intégration repose davantage sur l'implication et la collaboration de tous les partenaires impliqués.

Nos autres remarques porteront principalement sur les dispositions modifiant la gouvernance des ordres professionnels.

Notre ordre est évidemment d'accord avec l'article 25 du projet de loi créant l'obligation pour tout professionnel de se doter d'une adresse électronique professionnelle. Cette disposition permettra de généraliser ce mode de communication peu coûteux et efficace entre un ordre et ses membres pour les diverses fins poursuivies par un ordre, notamment pour l'inscription annuelle au tableau et aux activités de formation continue, les élections, la consultation prévue dans le cadre des règlements et, enfin, la transmission de toute autre information pertinente.

L'ordre compte déjà plus de 80 % de ses membres qui ont communiqué une adresse électronique que l'on peut qualifier de personnelle. Maintenant, est-ce que l'utilisation, dans le projet de loi, des mots «adresse électronique professionnelle» implique que tout membre d'un ordre devra se créer une seconde adresse spécifiquement dédiée à cette fin? Au besoin, nous souhaitons que cette disposition soit clarifiée, si telle est l'intention du législateur, afin de permettre aux membres de s'y conformer sans aucune contrainte.

Pour ce qui est de la réduction du nombre d'administrateurs, dès la consultation préliminaire menée en juin 2015 par la ministre responsable de l'application des lois professionnelles, l'ordre ne s'est pas montré favorable à la réduction proposée. Il est vrai qu'il existe une tendance à réduire la taille des conseils d'administration. Cependant, doit-on favoriser une telle approche généralisée pour l'ensemble des ordres, sans tenir compte de leurs réalités? Nous ne le croyons pas, à tout le moins.

Nous sommes d'avis que la diminution envisagée n'est pas automatiquement synonyme de meilleur fonctionnement de l'appareil politique d'un ordre. Concrètement, pour notre ordre, cela implique une réduction de 25 à 16 membres. Dans notre cas, l'impact se ferait surtout ressentir auprès des élus, car leur nombre passerait de 20 à 11, nombre auquel il faudrait ajouter les quatre administrateurs représentants du public nommés par l'Office des professions du Québec et la personne élue à la présidence au suffrage universel des membres. Nous croyons qu'une gouvernance plus efficiente d'un ordre professionnel tient davantage à la culture organisationnelle qu'au nombre de personnes siégeant à son conseil d'administration. Au moment même où le gouvernement propose de réduire la taille du conseil d'administration des ordres, il prévoit augmenter de 40 % la taille du conseil d'administration de l'Office des professions du Québec.

Le projet de loi prévoit la reconnaissance aux administrateurs nommés des mêmes droits et responsabilités que les administrateurs élus. Nous approuvons entièrement cette modification. Ainsi, les administrateurs nommés pourront notamment voter pour combler une vacance au conseil d'administration ou encore désigner les membres du comité exécutif. Ils pourront aussi participer, le cas échéant, au même titre que les administrateurs élus à l'élection lorsque le président est élu au suffrage des membres du conseil d'administration.

Relativement aux pouvoirs et aux responsabilités de la présidence du conseil... pardon, du conseil d'administration d'un ordre, dis-je bien, nous partageons la position déjà exprimée par le Conseil interprofessionnel du Québec à l'effet que le président élu d'un ordre ne peut être assimilé à un président de conseil d'administration. Nous estimons qu'il faut tenir compte de la situation particulière du président exerçant ses fonctions au sein d'un ordre professionnel. Ainsi, le président d'un ordre devrait conserver la prérogative liée à la surveillance générale des affaires de l'ordre et demeurer politiquement responsable de l'accomplissement du mandat d'un ordre, soit la protection du public.

• (14 h 10) •

Pour ce qui est du comité exécutif, le Code des professions prévoit toujours la possibilité pour un ordre de constituer un comité exécutif. Dans cette éventualité, nous sommes d'accord avec la possibilité qu'un ordre puisse désigner ses membres pour une période d'un ou encore de deux ans. Cependant, nous jugeons que le comité exécutif doit conserver la responsabilité de s'occuper de l'administration courante des affaires de l'ordre pour qu'il conserve ainsi toute sa pertinence pour les ordres souhaitant le maintenir.

Pour ce qui est de la limite des mandats, après réflexion, l'ordre appuie le principe limitant à trois le nombre de mandats pouvant être remplis par une personne élue à la présidence d'un ordre. Selon la durée des mandats déterminée pour chaque ordre, soit entre deux et quatre ans, nous notons toutefois que cette période maximale pourrait quand même varier de six à 12 ans. Cette latitude est-elle souhaitable? Le législateur aurait-il pu prévoir une période maximale fixe? Nous le demandons.

D'autre part, nous sommes aussi d'accord avec l'article 33 du projet de loi interdisant la candidature à un poste d'administrateur d'une personne qui est membre du conseil d'administration ou dirigeant d'un regroupement des membres de l'ordre, d'une association professionnelle du domaine de la profession ou d'un organisme affilié à l'ordre. Nous comprenons que, pour un ordre dans le domaine de la santé comme nous, cela vise principalement mais non exclusivement une personne qui occupe une fonction au sein du conseil d'administration d'un syndicat ou qui en est un dirigeant. Cette disposition protégera l'indépendance des administrateurs d'un ordre professionnel, principe qui est incontournable en matière de saine gouvernance, et cela fera en sorte que les administrateurs d'un ordre n'auront pas à choisir entre les intérêts de l'ordre et ceux d'un autre organisme au sein duquel ils agissent.

Dans un autre ordre d'idées, nous souscrivons à l'idée d'interdire le cumul des fonctions de président et de directeur général. Toutefois, il n'est pas du tout opportun, à notre avis, d'insérer au Code des professions les pouvoirs devant être exercés par un directeur général. Il appartiendra au conseil d'administration de déterminer les pouvoirs et responsabilités d'un directeur général, incluant les dispositions applicables pour mettre fin à ses fonctions.

Suite à la commission Charbonneau, nous appuyons l'idée que le conseil d'administration d'un ordre devra se doter, par règlement, d'un code d'éthique et de déontologie et que ses membres devront se soumettre à ces règles.

En regard des droits conférés à l'assemblée générale des membres, nous sommes en désaccord avec le projet de loi, qui retire l'exigence de faire approuver par les membres réunis en assemblée générale la cotisation professionnelle fixée par le conseil d'administration. Les pouvoirs confiés aux membres réunis en assemblée générale sont déjà très limités — ces pouvoirs sont au nombre de trois — et nous croyons que les membres doivent continuer à avoir un droit de regard sur l'approbation de la cotisation professionnelle fixée par le conseil d'administration. Cette approbation permet l'exercice d'une gestion financière transparente et responsable.

Nous avons également la même réserve en ce qui a trait au mode d'élection à la présidence, qui, selon nous, ne doit pas être dévolu au conseil d'administration mais demeurer la responsabilité de l'assemblée générale.

Tout en étant d'accord avec le principe prévu à l'article 65 du projet de loi devant faire supporter à la partie intimée les frais de l'ordre engagés pour faire enquête, nous pensons qu'il faudrait les préciser dans cette disposition comme cela est décrit actuellement à l'article 151 du code pour les déboursés devant être inclus dans l'état des déboursés.

Enfin, l'ordre est d'accord avec les modifications proposées visant à hausser les amendes minimales et maximales en matière disciplinaire, en fait de les doubler. Sans constituer un outil final pouvant avoir un effet dissuasif, nous sommes d'avis que cette approche permet de mieux sanctionner les contrevenants, et en particulier ceux qui sont des récidivistes.

Enfin, compte tenu de l'importance des mesures prévues au projet de loi et dans l'éventualité de l'adoption des dispositions relatives à la réduction du nombre d'administrateurs et à l'interdiction du cumul des fonctions de présidence et direction générale, le gouvernement doit prévoir des mesures transitoires pour la mise en application de ces importants changements. Sauf pour le délai d'implantation lié à la réduction de la taille du conseil d'administration, qui est de quatre ans, un délai d'au moins deux ans nous semblerait nécessaire pour permettre aux ordres professionnels de se conformer, dis-je bien, aux autres changements.

En conclusion, M. le Président, nous avons noté que de manière générale le gouvernement propose des modifications qui sont pertinentes et utiles, sauf pour celles à l'égard desquelles nous avons exprimé une réserve. Il faut admettre et souligner que la plupart des modifications prévues modernisent notre système professionnel et qu'elles protégeront mieux le public, tout en offrant aux ordres de meilleurs moyens pour s'acquitter de ce mandat.

Alors, merci de votre attention. Nous sommes disposés, mes collègues et moi, à répondre à vos commentaires ou questions.

Le Président (M. Ouellette) : Probablement que vous l'aviez pratiqué, parce que vous aviez prédit que vous dépasseriez de 25 secondes; vous avez dépassé de 25 secondes. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci beaucoup. Alors, merci, M. Paradis, pour votre présentation.

Dans un premier temps, évidemment, votre ordre fait partie des rares ordres, actuellement, où il y a un cumul de fonctions, président, directeur général, je pense que... Et vous êtes quatre ou cinq, quatre sur 46.

Une voix : ...

Mme Vallée : Cinq. Donc, vous êtes en accord avec l'interdiction du cumul des fonctions.

Par contre, vous mentionnez qu'il n'est pas opportun d'insérer au sein du code la fonction de directeur général.

Si on s'entend sur la prémisse qu'on ne peut cumuler les deux fonctions, pourquoi on ne définirait pas ces fonctions-là à l'intérieur du code? Pourquoi on ne vient pas... on ne peut prévoir spécifiquement les fonctions et l'indiquer spécifiquement? J'essaie de comprendre un petit peu la portée de la représentation.

M. Paradis (Régis) : Essentiellement, Mme la ministre, c'est parce que la personne qui est élue, au sein d'un ordre professionnel, c'est la présidente ou le président, donc c'est la personne qui est imputable et c'est à elle à que revient le mandat de choisir et de déterminer les fonctions, tâches et responsabilités d'un directeur général. Et c'est la raison pour laquelle nous ne croyons pas que ça devrait être inclus dans le code. Je pense qu'il n'y a pas de contradiction non plus entre le fait qu'on est d'accord à scinder les deux fonctions, mais que le directeur général doit toujours, finalement, être embauché et relever du conseil d'administration d'un ordre.

Mme Vallée : Mais ce que je comprends... Bien, vous dites : Il n'est pas nécessaire d'insérer la fonction de façon spécifique au sein du code, puisque cette fonction-là, elle existe en raison de la volonté du conseil d'administration. Mais, à ne pas le spécifier, est-ce qu'on ne pourrait pas se retrouver dans une situation où d'office le conseil d'administration... ferait indirectement ce qu'il ne peut pas faire directement, c'est-à-dire qu'il s'attribue, au sein du conseil, à travers ses façons de faire, des fonctions de direction générale sans pour autant le préciser? Est-ce qu'en ne le nommant pas on ne donne pas une voie de passage pour ceux qui ne souhaiteraient pas respecter les dispositions du Code des professions?

M. Paradis (Régis) : Je dirais, là-dessus, qu'il n'y a aucune donnée probante qui démontre qu'une telle chose pourrait se faire. Moi, je peux vous dire que ça fait quand même pas mal d'années que je suis...

Mme Vallée : La nature humaine étant ce qu'elle est.

M. Paradis (Régis) : Pardon?

Mme Vallée : La nature humaine étant ce qu'elle est.

M. Paradis (Régis) : Oui. Mais ça fait quand même pas mal d'années que je suis à la direction de l'ordre, et quand même déjà un peu plus de 16 ans à la fonction de directeur général, et je ne crois pas qu'une telle possibilité pourrait se produire au sein de l'ordre.

Peut-être que d'autres pourraient ajouter quelque chose là-dessus.

M. Ledoux (Georges) : Peut-être compléter, Mme la ministre. Je pense que vous avez entendu plusieurs ordres faire des représentations dans le même sens, à savoir qu'il faut faire confiance, je pense, au sens des responsabilités des conseils d'administration, qui déjà, plusieurs, comme vous le disiez tout à l'heure... c'est même quasiment la totalité des ordres qui ont désigné des directeurs généraux ou des personnes... des directrices générales au sein de leur ordre. Alors, je pense qu'il faut leur faire confiance, leur reconnaître cette latitude, cette capacité, eux-mêmes, en fonction des règles de saine gouvernance qui existent actuellement, de déterminer les pouvoirs de leurs directeurs généraux et de la personne qui va s'occuper de la direction générale.

Alors, c'est une question de confiance et aussi de respecter la latitude qu'ont les ordres, à ce moment-là, incluant, et des ordres vous l'ont dit dans leurs mémoires... incluant sur la façon, par exemple, de mettre fin à une entente ou encore un contrat d'emploi avec un directeur général. Dans le scénario que vous envisagez actuellement, dans le code, vous lui accorderiez la même protection que plusieurs personnes qui occupent des fonctions statutaires, au sein du code, au niveau de la destitution, le vote aux deux tiers. Alors, beaucoup d'ordres ont dit dans leurs mémoires qu'une telle façon de procéder, un peu mur à mur, ça allait à l'encontre de la latitude normale dont ils devraient pouvoir disposer comme organismes autonomes et responsables.

Puis, dans le fond, ce qu'on vous demande, essentiellement, c'est de faire confiance aux ordres. Ils ne vont certainement pas tenter de contourner l'effet de la loi. S'il y a un directeur général, ils vont lui donner, en vertu des principes de saine gestion, tous les pouvoirs inhérents pour accomplir correctement les fonctions qu'ils voudraient bien leur confier.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

• (14 h 20) •

Mme Vallée : Maintenant, concernant la taille du conseil d'administration, je comprends que ce qui est prévu au code viendrait modifier de façon importante votre structure. Actuellement, vous avez 25 membres et 21 d'entre eux qui sont élus. Pouvez-vous nous expliquer votre structure actuelle puis faire peut-être le miroir avec ce qui est présenté et les enjeux que ça suscite chez vous?

M. Paradis (Régis) : Certainement. Présentement, Mme la ministre, notre conseil d'administration est composé de 25 personnes. Nous avons 20 membres élus au suffrage universel par les membres de la région, nous avons quatre représentants du public nommés par l'Office des professions et également aussi le président, qui est moi, élu au suffrage universel des membres, ce qui fait en tout et pour tout 25.

Ce que le projet de loi propose, c'est de réduire la taille, donc, à 16 personnes. Donc, concrètement, on conserve les quatre représentantes, représentants du public, et naturellement les 20 personnes élues présentement diminueraient à 11, ce qui ferait, vous savez, les 11, plus les quatre, plus le président élu au suffrage universel, qui ferait 16. Alors, concrètement, dans la réalité, ce qui se produirait, chez nous, c'est que le nombre de membres élus au suffrage universel dans chacune des régions diminuerait quasiment de 50 % ou presque, de 20 à 11. Alors, évidemment, c'est beaucoup.

Moi, je vous dirais également, aussi, que la taille du conseil actuellement, à 25, n'a jamais causé de problème ni en termes d'efficacité, en termes d'efficience également, et il n'y a rien qui démontre, finalement, qu'il faudrait réduire la taille du conseil.

On pense qu'il devrait relever à chacun des ordres professionnels de déterminer, effectivement, sa taille, parce qu'actuellement on en a de 25, on en a de 16, on en a de 18, et, d'autres ordres, encore plus que cela. Alors, nous pensons qu'il devrait demeurer la prérogative de l'ordre de déterminer la taille de son organisation.

Mme Vallée : Les experts en gouvernance qui nous ont rencontrés il y a quelques semaines nous disaient qu'il était important de réduire, qu'une bonne, une saine gouvernance s'exprimait par un conseil d'administration qui est moins nombreux, qui permet un meilleur échange, une meilleure fluidité de l'information. Est-ce que vous, vous auriez une alternative à proposer à ce qui est prévu au projet de loi?

M. Paradis (Régis) : Alors, l'alternative à proposer, pour nous, c'est le statu quo, en ce qui nous concerne, Mme Vallée. C'est-à-dire qu'on devrait maintenir la taille actuelle, qui fait, selon nous, une bonne représentation.

Puis là je comprends que les administrateurs élus ne sont pas des représentants régionaux, mais, enfin, je pense que vous comprenez dans le sens que je veux le dire, c'est que ça permet actuellement aux infirmières et infirmiers auxiliaires dans chacune des régions de s'identifier, finalement, à leurs administrateurs. Et, dans ce sens-là, nous pensons qu'on pourrait assez facilement maintenir le statu quo, compte tenu, et je le répète, que ça ne nous a jamais causé de problème.

Pour vous dire, moi, ça fait longtemps que je suis le président à l'ordre, là, ça remonte en 1987, là, pour vous dire que c'était Mme Thérèse Lavoie-Roux qui était ministre à la Santé à l'époque, alors ça date quand même, et sincèrement ça ne m'a...

Mme Vallée : J'étais encore au secondaire.

M. Paradis (Régis) : Ah oui? C'est bien pour dire, hein?

Alors, j'arrivais à l'ordre, Mme la ministre. Et de tout temps le conseil d'administration de l'ordre était composé de la taille qu'il est actuellement, et sincèrement ça ne m'a jamais causé de problèmes en termes d'efficacité, d'efficience, puis je ne pense pas que les décisions, finalement, seraient meilleures ou moins bonnes, finalement, si on le modifierait. Et je compléterais en disant : Finalement, pourquoi ne pas conserver ce qui fonctionne bien?

Mme Vallée : Bien, en fait, il y a eu des modifications qui ont été apportées, notamment au Barreau, à la Loi sur le Barreau, qui... Le Barreau s'est présenté devant nous, la bâtonnière nous disait que l'exercice avait été fort concluant. Puis je me souviens très bien des échanges que nous avions eus à l'époque, lors de la modification de la Loi sur le Barreau, notamment avec des collègues de l'opposition, parce qu'il y avait... certains membres avaient un peu cet argumentaire que vous mentionnez, c'est-à-dire : Bien, il est important que les membres se sentent représentés au sein de leur ordre professionnel, et là... Et en fait vous mettez le doigt sur un enjeu, parce que l'ordre professionnel n'est pas censé représenter les membres à l'intérieur du conseil d'administration. Les membres du conseil d'administration sont là dans l'objectif d'assurer la protection du public, ce qui est la mission de l'ordre, la mission première de l'ordre.

Et ne croyez-vous pas que, justement, de maintenir ce type de représentation là contribue à véhiculer une perception quant au rôle de l'ordre au sein des membres?

M. Paradis (Régis) : Moi, je serais porté à croire que non. Je vais vous dire, les 20 personnes élues au sein de notre ordre travaillent toutes dans des établissements de santé. Il y en avait de nombreux. Maintenant, ça a été réduit à 34, il y a deux ans, avec la loi actuelle.

Mais je vais vous donner un exemple précis, si vous permettez, Mme la ministre. À chaque année, évidemment, à l'instar de tous les ordres, on se doit de tenir notre assemblée générale, donc nous présentons à l'ensemble de... plusieurs centaines d'infirmières auxiliaires la composition du conseil d'administration, et, les gens, on le voit dans leurs applaudissements, qu'ils témoignent vraiment beaucoup de respect et puis de plaisir à savoir que, finalement, on a dans leur région, finalement, des personnes qui sont élues au conseil d'administration, qui prennent des décisions pour la protection du public, et également auxquelles ils puissent s'identifier, tout en comprenant très bien ce que vous venez de dire, finalement, qu'ils ne sont pas là pour représenter leur région, mais ils sont là pour la protection du public à l'intérieur du conseil.

Mais, malgré tout ça, pour les motifs que je viens d'invoquer, Mme la ministre, je crois qu'on devrait quand même maintenir cette décision-là au niveau de l'ordre professionnel.

Mme Vallée : Et j'aimerais vous entendre, parce que le projet de loi prévoit un encadrement du nombre de mandats que peut occuper... que peut avoir à son actif un président de l'ordre, puis en fait c'est votre intervention qui m'amène à cette question-là : Qu'est-ce que vous pensez de cet encadrement, de limiter le mandat de celui ou de celle qui exercera le rôle de président de l'ordre, compte tenu, vous, de votre expérience — j'imagine que vous avez quand même cogité sur la question, là — compte tenu du bagage que vous avez?

M. Paradis (Régis) : Bien, Mme la ministre, moi, ce sont des mandats de quatre ans, chez nous, puis j'ai eu le plaisir, j'ai été choyé... j'en ai eu sept d'affilée, ininterrompu. Et puis je vous dirais ceci : Quand on a la passion de ce qu'on fait puis qu'on a à coeur le système professionnel, l'intérêt de la protection du public, et qu'on est toujours heureux et fier de ce qu'on fait, ce n'est pas du travail, c'est du plaisir. Et, dans ce sens-là, je peux vous dire une chose, en tout cas, à tout le moins en ce qui me concerne, puis je crois que c'est la même chose pour la plupart des autres présidents des ordres : On ne s'assoit jamais sur nos lauriers, même si ça fait 10, 12, 15 ans ou encore plus de 25 ans comme moi, là, je pense qu'on a toujours ce désir, cette passion-là.

D'un autre côté, moi, je crois résolument, finalement, au système professionnel tel qu'il existe actuellement. D'ailleurs, je suis toujours étonné qu'il ne soit pas repris par d'autres provinces ou encore d'autres pays ailleurs également. On a un bon système professionnel, et les ordres s'en acquittent bien. Et, dans certains cas comme on parle ici, la taille des ordres, il faut leur faire confiance également à ce niveau-là.

Malgré tout, je ne suis pas... et on en a discuté longuement, au conseil d'administration, nous ne sommes pas opposés à la limitation, quand même, des mandats.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Chicoutimi.

• (14 h 30) •

Mme Jean : Merci. Alors, bonjour, Mmes Sikora et Bellerose. Bonjour, M. Paradis, M. Ledoux. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci de partager avec nous votre expérience et votre opinion sur le projet de loi.

Moi, j'attirerais votre attention sur votre réserve ou opposition au fait que l'office ou même l'ordre pourrait déterminer la cotisation, que ça devrait aller aux membres de l'ordre de pouvoir fixer quelles seraient leurs propres cotisations. On s'entend que l'ordre a une mission, une mission qui est de protéger le public, et que ça implique quand même des besoins, des besoins financiers. Comment, à ce moment-là, un ordre qui se retrouverait sous-financé, et que les membres ne veulent pas augmenter leurs cotisations, pour des raisons qui leur appartiennent... Dans quelle situation peut se retrouver un tel ordre? Puis quelle serait sa porte de sortie à ce moment-là?

M. Paradis (Régis) : Dans un premier temps, si vous me permettez, Mme la députée, ils ont peu de pouvoirs, comme vous le savez, hein, les membres, en assemblée générale. Ils ont le pouvoir d'adopter la cotisation qui est fixée par le conseil d'administration, ils ont le pouvoir de déterminer le mode d'élection, également, à la présidence et également, aussi, de déterminer quels seront les auditeurs ou vérificateurs externes au niveau des états financiers. Alors, ils en ont vraiment très peu.

Et moi, je vous dirais également que... Enfin, ce que j'ai entendu, depuis plusieurs années, ce n'est pas arrivé fréquemment, si c'est déjà arrivé, qu'un ordre manquait de liquidités, de fonds pour s'acquitter de sa fonction de protection du public.

Je vous dirais également, aussi, que, de notre côté, il n'est pas arrivé fréquemment qu'on ait à aller en hausse de cotisation. D'ailleurs, nous sommes la plus basse de tous les ordres professionnels et de très loin. À 195 $ par année, là, c'est la plus basse et de loin.

Et je compléterais avec ceci : Quand c'est bien expliqué, bien présenté, règle générale, finalement, nos membres, à tout le moins, ont toujours compris la situation et nous ont donné, finalement, les besoins que nous avions pour s'acquitter de notre mandat de protection du public, Mme la députée. Alors, dans ce sens-là...

Et puis c'est important pour les membres, la cotisation, d'être... Ils aiment ça en parler puis échanger là-dessus. Alors, je verrais très mal, enfin, de mon côté, de leur enlever ce droit-là, qui, je pense, n'a pas causé tant de problèmes que ça depuis l'avènement du système professionnel qu'on connaît actuellement, c'est-à-dire 1973, hein, depuis...

Mme Jean : Mais on a quand même entendu parler de quelques-uns.

Vous savez qu'un des enjeux auxquels le projet de loi veut faire face, c'est la confiance du public vis-à-vis les ordres professionnels, donc demande une transparence et demande aussi d'avoir confiance sur le fait que l'ordre est bien là pour protéger le public et non pas là pour défendre les droits de ses membres. Et là-dessus il y a une perception assez grande, assez importante, je pense, à laquelle il faut faire face, de la part du public.

Vous parlez, oui, que les membres n'ont pas beaucoup d'occasions... ou n'ont pas beaucoup de pouvoirs, et il y en a un deuxième qui est de nommer le nombre de membres du conseil d'administration de l'ordre élus par rapport au nombre nommés. Et là vous mentionnez que malheureusement il y en aurait moins qui seraient élus, plus nommés.

Est-ce que ce vous ne trouvez pas que le fait de pouvoir rebalancer, dans un conseil d'administration, les membres qui sont nommés versus ceux qui sont élus pourrait permettre à la population de dire : O.K., oui, j'ai plus de chances... je crois plus que le conseil d'administration serait là pour défendre les droits du public et non pas les droits des membres, le fait que ce soit mieux équilibré, ou plus équilibré, ou plus réparti?

M. Paradis (Régis) : Mais déjà, dans le projet de loi, on consent de nouvelles responsabilités et pouvoirs additionnels aux représentants du public. Alors, on peut toujours leur accorder ces responsabilités additionnelles là tout en maintenant le cadre actuel au niveau de la taille du conseil d'administration.

Moi, comme je le disais tout à l'heure, je vois très bien les représentants du public pouvoir nommer... voter, c'est-à-dire, la présidence, élue pas au suffrage universel mais élue au suffrage du conseil d'administration, du comité exécutif, etc. Alors, on n'est pas du tout, du tout opposés, finalement, aux nouveaux pouvoirs qui pourraient être accordés aux représentantes, représentants du public. Mais cependant on pense que... Quatre sur les 25 personnes actuellement en place, je pense que la proportion, dis-je bien, en termes de pourcentage, est suffisamment bien équilibrée, à mon avis.

Mme Jean : Malgré que c'est un gros pourcentage, qui est pas mal plus important, par rapport au nombre d'administrateurs qui sont élus, par rapport à ceux qui sont nommés, parce qu'il y a quand même une bonne différence entre quatre et 21, là.

M. Paradis (Régis) : Oui, on est conscients que le pourcentage, effectivement, là... je vous l'accorde.

Mme Jean : Donc, au niveau de la perception du public, vous pensez vraiment que ça ne fait pas de problème à ce niveau-là? Pour vous, vous ne le voyez pas, là, comme quoi ça pourrait être mieux perçu si l'équilibre ou le pourcentage était plus pondéré à ce niveau-là.

M. Paradis (Régis) : Évidemment, moi, je vous dirais ceci : On pourrait réduire la taille du conseil d'administration, puis peut-être que finalement, dans x nombre années d'ici, on pourrait avoir la même difficulté et également, aussi, la même perception. Alors, c'est la raison pour laquelle moi, je pense que, finalement, le statu quo ou encore laisser à la prérogative de l'ordre le choix de déterminer serait la meilleure chose à faire.

Mme Jean : Le laisser aux membres. D'accord.

Vous êtes d'accord avec le fait, dans le cas d'une enquête et que quelqu'un serait reconnu coupable, qu'il puisse absorber les frais liés à cette enquête. Vous mentionnez, par exemple, quand même... tout de même une réserve sur le fait qu'il faudrait préciser quel type de frais devraient être inclus là-dedans. Est-ce que vous avez une idée déjà de comment ça pourrait être réparti ou comment ça pourrait être précisé, ces frais d'enquête là?

M. Paradis (Régis) : Mon collègue assiste le syndic depuis de très, très, très nombreuses années, je pense qu'il pourrait vous l'exprimer avec grande clarté.

Le Président (M. Ouellette) : Me Ledoux.

M. Ledoux (Georges) : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme la députée, essentiellement, notre proposition ou notre suggestion, c'est plutôt de clarifier quelle serait la nature de ces frais, justement, engagés pour faire enquête comme c'est inscrit dans la loi. Déjà, dans l'article 151, lorsqu'on parle des déboursés qui peuvent être supportés, justement, par une partie plaignante... une partie intimée, pardon, qui est reconnue coupable devant le conseil de discipline, on énumère, on fait une nomenclature des différents déboursés, alors que ce n'est pas fait actuellement dans l'amendement proposé au projet de loi. On suggère bien modestement qu'il faudrait peut-être réfléchir à indiquer ce qui serait inclus, justement, dans les frais de l'ordre engagés pour faire enquête. Je pense que ce serait une bonification intéressante à retrouver.

Les frais engagés par l'ordre pour faire enquête, est-ce que ce sont tous les frais de déplacement, les frais de séjour d'un syndic? Est-ce que c'est les frais, par exemple, d'un expert dont il a dû retenir les services pour faire une enquête?

Bref, il faudrait être plus précis, comme c'est déjà le cas à l'article 151 lorsqu'une partie intimée est reconnue coupable, il y a une description des différents frais qui seraient inclus. Alors, je pense qu'on pourrait s'inspirer peut-être de l'article 151 pour comprendre plus précisément ce qui serait inclus dans la notion de frais engagés dans le cadre d'une enquête.

Mme Jean : Merci. Dernière petite question. Vous n'êtes pas d'accord avec la proposition de faire une table, un pôle de coordination, mais vous êtes d'accord avec la proposition du CIQ, donc, qui, eux, proposent de faire un comité multisectoriel qui remplacerait le pôle. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette idée-là du CIQ de faire un comité multisectoriel pour l'admissibilité, pour l'admission?

M. Paradis (Régis) : On n'est pas vraiment... On n'est pas opposés, effectivement, à cette possibilité-là. Cependant, à l'instar du conseil et de son mémoire et de plusieurs autres ordres professionnels, on est opposés très fermement, cependant, à élargir les pouvoirs du commissaire. On pense que le commissaire, actuellement, a le droit d'agir et d'enquêter concernant les équivalences et admissions des personnes immigrantes, et nous pensons effectivement que ce pouvoir-là est tout à fait suffisant pour protéger le public.

Mme Jean : Merci.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Chicoutimi. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. M. Paradis, Me Ledoux, Me Bellerose, Me Sikora, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci de contribuer aux travaux de la commission.

D'entrée de jeu, le code d'éthique, vous êtes favorables à ce qu'on permette à l'ordre professionnel d'adopter un code d'éthique, vous dites, par règlement. Il y a certains ordres qui sont venus nous dire : Bien, écoutez, oui, on veut un code d'éthique, mais on voudrait laisser la liberté de le faire par résolution du conseil d'administration. Pour vous, est-ce que c'est important que ce soit par règlement puis que ça suive le processus, là, avec l'office, puis tout ça?

M. Paradis (Régis) : Moi, je vous dirais, là-dessus, que, s'il y a une décision qui est prise de l'adopter par résolution plutôt que par règlement, on pourrait se rallier, finalement, à cette proposition-là... ou à cette réalité-là, devrais-je dire.

• (14 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Il y a une partie des infirmiers et infirmières auxiliaires qui travaillent dans le réseau public, puis il y en a d'autres également qui travaillent en résidence privée, supposons, résidence pour personnes âgées ou soins de longue durée, tout ça. On a discuté, dans le cadre des travaux de la commission, de la possibilité de viser éventuellement les tiers, de donner un pouvoir au syndic de s'adresser aux tiers, notamment pour les entreprises, les sociétés. Comment vous verriez ça, qu'on donne ce pouvoir-là au syndic, dans le cadre d'une enquête disciplinaire, qu'il puisse, en fait, contraindre les tiers, les interroger? Parce que ça se posait pour, bon, les optométristes notamment, ça pourrait se poser pour les pharmaciens, pour les grandes bannières. Vous, avec les résidences, supposons, ou avec les centres de soins, comment vous voyez ça?

M. Paradis (Régis) : C'est juste qu'en ce qui nous concerne, sur les 29 000 membres inscrits au tableau de l'ordre, nous en avons quelque... un peu moins de 19 000 dans le réseau public et le reste qui travaille beaucoup, effectivement, dans le réseau privé, notamment les résidences privées ou autres.

Et puis à ce niveau-là je vais laisser, qui assiste le syndic depuis de nombreuses années, Me Ledoux peut-être commenter votre question, si vous me permettez, M. le député.

Le Président (M. Ouellette) : Me Ledoux.

M. Ledoux (Georges) : Alors, écoutez, je vais essayer sommairement... même si on n'a pas travaillé, là, de manière plus étendue sur la question que vous soulevez.

Une chose est claire, c'est que normalement, évidemment, le syndic d'un ordre procède à des enquêtes sur la conduite des membres, hein? Comme tel, là, normalement, le but de l'enquête, c'est de porter sur la conduite d'un membre. Les pouvoirs d'enquête, théoriquement, du syndic, donc, se concentrent à savoir si, oui ou non, le membre a manqué à ses obligations déontologiques ou à toute autre obligation légale.

Le droit d'accès, par contre, à des documents, ou à des informations, ou à des renseignements, dans le cadre de son enquête, on sait qu'à la lumière d'une affaire, rendu dans l'affaire Pharmascience, on a étendu le droit d'accès du syndic, dans le cadre d'une enquête, à demander des renseignements à un tiers, mais jusqu'à maintenant, à moins que la loi soit modifiée précisément sur cet aspect, le syndic d'un ordre n'enquête pas sur un tiers, il enquête, normalement, sur la conduite d'un professionnel qui est sous la responsabilité de l'ordre, donc qui est membre de l'ordre. Alors, il faudrait peut-être, à ce moment-là, travailler sur des amendements, si on voulait modifier la portée ou l'étendue des pouvoirs d'un syndic pour que ça porte sur la conduite d'un tiers. Vous parliez, par exemple, d'établissement ou... d'exploitant de résidence privée ou de toute autre ressource privée. Il faudrait que la loi soit modifiée pour préciser ou ajouter ces pouvoirs-là au syndic.

Mais, pour l'instant, dans l'économie de la loi, à moins que je me trompe, le syndic enquête essentiellement sur des membres, même s'il peut avoir des droits d'accès, dans le cadre de son enquête, là, à des documents ou des renseignements auprès de tiers, mais l'enquête est toujours dirigée, évidemment, à l'endroit de la conduite d'un membre, à moins que la loi soit modifiée.

M. Jolin-Barrette : Mais, sur le principe, êtes-vous favorables à ce qu'on donne davantage de pouvoirs au syndic pour couvrir ces situations-là?

M. Ledoux (Georges) : Écoutez, je vous dirais qu'il faudrait peut-être procéder à un examen plus approfondi de tout ça. Une chose est sûre, c'est qu'il y a plein d'autres intervenants, actuellement, qui ont des pouvoirs d'enquête et d'inspection. Vous me parliez tout à l'heure du secteur privé, par exemple des exploitants de résidences privées. Il y a des instances qui procèdent à la certification qui ont des pouvoirs d'inspection et de vérification auprès de ces exploitants.

Donc, il y a déjà d'autres intervenants qui exercent des pouvoirs d'enquête, d'inspection ou de vérification. Il faudrait s'assurer de ne pas faire double emploi en conférant à un syndic des pouvoirs d'enquête identiques ou similaires quand il y a déjà plein d'intervenants qui ont des pouvoirs d'enquête ou d'inspection auprès des tiers dont vous parlez, là, dans votre intervention.

M. Jolin-Barrette : Sur la question du montant des amendes... Dans le fond, dans le projet de loi n° 98, on vient augmenter substantiellement les pénalités. Est-ce que vous avez des commentaires? Parce que tout à l'heure l'Ordre des hygiénistes nous disait : Bien, écoutez, le salaire moyen d'une hygiéniste est autour de 40 000 $, je crois. Chez les infirmiers et les infirmières auxiliaires, est-ce que c'est un enjeu également?

M. Paradis (Régis) : Ce n'est pas quelque chose que, jusqu'à date, on a vraiment réfléchi sérieusement, ça mériterait d'être examiné plus à fond. Donc, tant qu'on n'a pas fait de réflexion approfondie, donc, avec nos instances, ce serait un peu plus difficile pour moi d'exprimer une position.

Et cependant, sinon, tout comme les hygiénistes dentaires, nous sommes aussi, naturellement, un des ordres professionnels parmi les plus bas salariés, là, à travers les 46 ordres professionnels, donc il est certain que ça pourrait avoir un impact également. Mais je vous dirais qu'il faudrait vraiment faire une réflexion plus approfondie avant de prendre position à ce niveau-là.

Le Président (M. Ouellette) : Un petit commentaire? 20 secondes, M. le député de Borduas, pour finir.

M. Jolin-Barrette : Bien, je vais en profiter pour vous remercier pour votre contribution aux travaux de la commission.

Le Président (M. Ouellette) : C'est sa meilleure question, M. Paradis.

M. Régis Paradis, Me Georges Ledoux, Me Eva Sikora et Me Amélie Bellerose, merci d'être venus en commission parlementaire, représentant l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec.

Je vais suspendre quelques minutes. Je demanderais à l'Ordre des ingénieurs du Québec de bien vouloir s'avancer.

(Suspension de la séance à 14 h 45)

(Reprise à 14 h 50)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant l'Ordre des ingénieurs du Québec et sa présidente, Mme Kathy Baig. Et vous savez un peu comment ça fonctionne. Vous allez nous présenter la personne qui vous accompagne, vous allez avoir 10 minutes pour faire votre présentation, et après vous allez avoir un échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Mme Baig, à vous la parole.

Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ)

Mme Baig (Kathy) : Donc, effectivement, je vais vous présenter la personne qui m'accompagne : Me François-Xavier Robert, de la Direction des affaires juridiques de l'ordre. Merci, M. le Président. Mme la ministre, les membres de la commission.

D'entrée de jeu, de manière générale, l'Ordre des ingénieurs accueille très favorablement une grande partie des modifications proposées au Code des professions par le projet de loi n° 98. Pour plusieurs points, ce projet de loi contribue à la modernisation tant attendue du système professionnel québécois.

Toutefois, l'Ordre des ingénieurs du Québec n'a pas attendu le dépôt de ce projet de loi pour amorcer sa propre modernisation, et des changements importants ont été apportés à la gouvernance de l'ordre au cours des dernières années. Je vais vous donner quelques exemples.

À titre d'exemple, tous les nouveaux administrateurs de l'ordre reçoivent une formation avancée en matière de gouvernance depuis 2008. C'est maintenant, même, une journée de formation de deux jours, qui permet aux administrateurs d'apprivoiser leur rôle et de bien comprendre leurs responsabilités en fonction du Code des professions.

Pour ce qui est de l'éthique, l'Ordre des ingénieurs du Québec s'est doté d'un code d'éthique sévère auquel doivent se soumettre tous ses administrateurs et maintenant même les candidats qui souhaitent déposer leur candidature comme administrateurs. Ce code d'éthique prévoit surtout un processus clair pour accueillir et traiter avec efficacité les plaintes portant sur les questions d'éthique.

Pour ce qui est des candidats au permis d'ingénieur, ils doivent obligatoirement réussir un examen portant sur l'éthique et la déontologie professionnelles, comme le prévoit le projet de loi n° 98. Toutefois, je suis fière de préciser que l'Ordre des ingénieurs du Québec applique cette mesure depuis 1994.

Ces exemples montrent bien que, sur plusieurs points, le projet de loi n° 98 vient implanter des pratiques déjà en vigueur au sein de l'Ordre des ingénieurs du Québec. Il nous faut maintenant obtenir des moyens d'accélérer la mise en place de mesures qui facilitent la gouvernance, le respect des bonnes pratiques en matière d'éthique et toujours mieux assurer la protection du public.

L'une des mesures réclamées par l'Ordre des ingénieurs du Québec depuis plusieurs années est la réduction de la taille de notre conseil d'administration, qui est actuellement à 25. Je suis heureuse de constater que cette mesure très attendue se retrouve enfin dans le projet de loi n° 98.

L'ordre est aussi satisfait de constater que les dénonciateurs seront désormais mieux protégés en recevant l'immunité contre une plainte qui pourrait être déposée devant le conseil de discipline. L'ordre appuie totalement cette mesure, mais on considère qu'elle ne va pas assez loin. L'Ordre des ingénieurs recommande depuis plusieurs années que les dénonciateurs soient mieux protégés par la loi et que leur protection s'étende à d'autres types de représailles, comme la rétrogradation ou le congédiement. J'invite donc les parlementaires à apporter toute la considération nécessaire à la protection des dénonciateurs, puisque, comme vous le savez, leur protection est l'une des principales voies qui mènent à une meilleure protection du public.

Le projet de loi n° 98 pourrait aussi aller plus loin pour faciliter le déroulement des enquêtes. Dans sa forme actuelle, le projet de loi envisage de permettre aux syndics d'échanger de l'information avec des tiers au sein du système professionnel. L'Ordre des ingénieurs du Québec recommande plutôt que les syndics professionnels soient autorisés à échanger des informations avec les autorités compétentes lorsqu'il existe des motifs raisonnables de croire à l'existence d'un danger imminent pour la sécurité du public. Le syndic pourrait alors en informer l'organisme concerné, par exemple la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, si nécessaire.

Cela m'amène à aborder la question des amendes qui peuvent être imposées aux professionnels. Nous sommes, bien sûr, en faveur de l'augmentation du montant de ces amendes prévue dans le projet de loi n° 98. J'invite toutefois les parlementaires à examiner sans tarder la concordance entre les nouvelles amendes prévues au Code des professions et les amendes prévues par les différentes lois professionnelles. Si le projet de loi est adopté sans ce travail de concordance, nous serons obligés d'appliquer un système où l'usurpation du titre d'ingénieur serait passible d'une amende de 62 500 $, alors que l'utilisation de plans non signés par un ingénieur serait passible d'une amende de seulement 10 000 $. On peut certainement tous convenir que ces amendes ne représentent pas la gravité relative de chaque infraction en matière de protection du public.

Je tiens à souligner aussi notre grande satisfaction à l'effet que le coût des frais d'enquête pourra s'ajouter au montant exigible de la part d'un professionnel trouvé coupable d'une infraction disciplinaire. L'ordre peut témoigner que certaines enquêtes sont effectivement très coûteuses à réaliser, notamment les enquêtes relatives à la malversation.

J'en arrive maintenant à des aspects du projet de loi sur lesquels nous avons certaines réserves. La première concerne le processus électoral pour le choix des administrateurs.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi interdit à un candidat de communiquer avec les autres membres de son ordre. Cette interdiction ne va pas dans le sens de l'intérêt de la protection du public, puisqu'il y a l'interdiction de candidats recevant l'appui de groupes d'intérêts comme des grands employeurs ou des syndicats. Cela ne va pas non plus dans le sens d'une saine gouvernance des ordres professionnels, puisque les membres ne seront probablement pas en mesure de voter de façon éclairée. Il serait plus efficace que chaque ordre professionnel puisse lui-même fixer les règles du processus électoral, incluant l'encadrement des dépenses électorales ainsi que les forums dans lesquels les candidats peuvent s'exprimer.

Il en va de même avec le projet d'imposer un code d'éthique uniforme à tous les professionnels. Tous les experts en matière d'éthique confirment que le code d'éthique est toujours plus respecté s'il est issu d'une réflexion sérieuse de la part de l'organisation concernée. Le projet de loi devrait donc s'en tenir à l'adoption par l'Office des professions du Québec d'un cadre général qui laisse à chaque ordre professionnel la responsabilité d'adopter son propre code d'éthique.

Ceci étant dit, la protection du public ne repose pas uniquement sur la gouvernance des ordres et sur le contenu du Code des professions. Je vais donc profiter de cette opportunité pour conclure ma présentation par une réflexion sur les lois particulières à chaque profession.

Comme vous le savez, l'encadrement d'une profession par un ordre professionnel repose sur la description du champ d'exercice de la profession et de ses actes réservés. Or, la Loi des ingénieurs décrit le champ d'exercice de la profession en des termes qui n'ont pratiquement pas changé depuis son adoption en 1964. Je n'ai certainement pas besoin de vous convaincre que la science et les besoins de la société ont passablement évolué et que le champ d'exercice de notre profession tel que décrit dans la loi actuelle est maintenant désuet. Notre loi s'intéresse de près aux activités du génie civil et des génies plus traditionnels. Elle ignore largement le rôle des ingénieurs en génie informatique, logiciel, biotechnologies et plusieurs autres. Pour bien protéger le public, l'Ordre des ingénieurs du Québec doit faire reposer ses activités sur une loi qui reflète mieux la réalité d'aujourd'hui.

 Je vous remercie de votre attention. Et nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la ministre.

• (15 heures) •

Mme Vallée : Bonjour, Mme Baig. C'est un plaisir de vous revoir.

Il y a plusieurs choses à aborder dans ce bref moment que nous avons ensemble.

Dans un premier temps, pour ce qui est de la Loi sur les ingénieurs puis la modernisation de la loi, vous savez qu'il y a actuellement un travail qui est en cours, comme l'ensemble des lois, des défis et des chantiers sur la modernisation des lois professionnelles. Et le défi qui est le plus grand, c'est de concilier les préoccupations des ordres professionnels, parce qu'à partir du moment où on modifie une loi d'autres ordres veulent... ont aussi des préoccupations sur le champ d'exercice, par exemple, et sur les compétences. Et donc l'objectif, c'est d'en arriver à quelque chose qui va concilier les positions des différents ordres, parce qu'on ne peut pas travailler en silo, on doit travailler en collaboration. Puis je sais que, pour ce qui est de l'Ordre des ingénieurs, l'Ordre des ingénieurs a formulé certaines préoccupations, certaines demandes, et il s'agit là de concilier tout ça avec les autres acteurs. Mais là-dessus je sais qu'on peut compter sur votre collaboration.

Maintenant, c'est un peu l'éléphant dans la salle, c'est qu'on ne peut pas passer sous silence le fait qu'il y a des dispositions dans le projet de loi qui sont insérées au Code des professions et qui viennent répondre aux problématiques qui ont été vécues par votre ordre au cours des dernières années, on ne peut pas mettre sous silence la tempête qui a ébranlé l'Ordre des ingénieurs au cours des dernières années.

Nous avons, au cours de l'été, mis l'ordre... en fait, le gouvernement a mis l'ordre sous administration en raison de certains enjeux, en raison des défis auxquels faisait face, par exemple, le syndic pour répondre à toutes les demandes qui étaient présentées, assurer que la protection du public était bel et bien l'objectif premier de l'ordre et que l'ordre n'avait pas de préoccupation plutôt associative. C'est un enjeu, c'est là.

Et j'aimerais vous entendre sur les problèmes que l'ordre a vécus au cours des dernières années. Je sais que vous avez été très présents dans le cadre de l'accompagnement. Vous-même, Mme Baig, avez été là, avez mis en oeuvre plusieurs des recommandations qui avaient été formulées par les accompagnateurs. Vous avez dit : Je souhaite amener mon ordre vers une nouvelle étape, vous avez fait beaucoup d'efforts. Donc, j'aimerais vous entendre sur ce que le projet de loi offre aux ordres pour répondre aux problématiques similaires à celles que vous avez vécues puis là où on pourrait aller plus loin, là où on a besoin peut-être, le cas échéant, d'adapter ce qui est prévu au projet de loi.

Mme Baig (Kathy) : Excellent. Effectivement, j'ai été très impliquée dans le projet de transformation avec les accompagnateurs. Il y avait plusieurs recommandations. Celles qui touchent le projet de loi ici, évidemment, le fait d'avoir un président à temps plein, nous, avant, on avait des présidents qui étaient là à temps partiel, puis peut-être, au niveau des responsabilités entre le D.G. et le président... faisait que ça pouvait nuire. Donc, je sais que dans le projet de loi vous voulez départager ça clairement, et, je pense, dans notre mémoire on le dit, que globalement on est d'accord avec ça. Donc, c'est l'une des premières actions.

L'autre chose, on parle beaucoup, nous, au niveau de notre conseil d'administration, on est quand même 25. L'année passée, le conseil d'administration a pris la résolution de diminuer le conseil à 16, mais, comme vous le savez, c'est dans notre loi, donc on ne peut pas aller de l'avant. Votre projet de loi va nous permettre d'accélérer cette décision-là qu'on a prise.

Ensuite, évidemment, il y a tout ce qui touche à la cotisation, je ne peux pas passer ça sous silence. Effectivement, ça a été un sujet qu'on en a parlé beaucoup, longuement, au conseil d'administration, puis je peux peut-être me permettre de vous donner le reflet de cette réflexion-là qu'on a faite au conseil d'administration, parce qu'on était peut-être un peu partagés, mais en bout de ligne on est favorables à l'idée que la cotisation soit décidée par le conseil d'administration.

Mais on a des inquiétudes parce que, pour nous, le fait que les membres se présentent à l'assemblée générale et votent sur la cotisation, c'est, pour certains, une forme de vote de confiance. Donc, certains avaient une petite réserve que ce soit le conseil d'administration.

Ensuite de ça, déjà, nos assemblées générales, il y a peu de participants, et donc, le fait que la cotisation ne serait plus votée, on a des inquiétudes qu'il va y avoir encore moins de participants à l'assemblée générale.

Mais à la fin on se dit que c'est quand même le C.A. qui est le mieux placé pour prendre cette décision-là, que sa mission, c'était la protection du public. Puis en plus, dans nos AGA, on a moins de 1 % des gens qui se présentent. Ça fait que d'avoir moins de 1 % qui décident sur l'avenir financier de l'ordre faisait, pour nous, que c'était peut-être mieux que ce soit le conseil d'administration.

Et aussi c'est le conflit d'intérêts, pour le membre, entre ses besoins financiers et le fait de la protection du public. Pour lui, il doit porter deux chapeaux quand il fait le vote à l'AGA.

Donc, pour toutes ces décisions-là, nous sommes favorables à ce que la cotisation soit votée par le conseil d'administration. En échange, on pense quand même que les ordres ont un devoir de communiquer, de quand même trouver une façon de faire la reddition de comptes, d'informer leurs membres pour qu'ils puissent être au courant, quitte à ce que ça puisse quand même être un sujet à l'AGA mais pour donner l'information et les entendre tout de même.

Donc, ce sont principalement les éléments du projet de loi qui, je pense, vont pouvoir aider d'autres ordres qui seraient peut-être dans des situations similaires à la nôtre.

Mme Vallée : Je...

Une voix : ...

Mme Vallée : Oui, continuez.

Mme Baig (Kathy) : Oui, je m'excuse, vous avez raison, il y a toute l'éligibilité des candidats aussi au conseil d'administration qui pourrait...

Mme Vallée : Oui, justement, je voulais vous entendre, parce que vous proposez quelque chose dans votre mémoire à cet effet, parce que vous... Bien, en fait, est-ce que vous considérez que c'est opportun qu'un candidat à la présidence ait une expérience...

Mme Baig (Kathy) : Oui, bien, moi, je... Oui.

Mme Vallée : ...de gestion au sein du conseil d'administration? Puis je pense que c'est d'avoir siégé au moins un an. Certains ordres nous ont recommandé deux ans, vous nous recommandez un an.

Est-ce qu'on pourrait se retrouver dans une situation où cette exigence-là n'est pas présente autour de la table? Est-ce qu'il serait possible de se retrouver dans une situation... Puis, le cas échéant, qu'est-ce qu'on fait?

Le Président (M. Merlini) : Me Robert ou Mme Baig.

Mme Baig (Kathy) : Oui, effectivement, je vais vous parler de ça, parce que, bien, bref, moi, je viens d'arriver en poste, j'étais quand même là depuis trois ans, et je peux vous témoigner que je pense que la marche est grande à monter si on ne connaît pas du tout comment ça fonctionne. Donc, oui, le conseil d'administration a mis l'éligibilité que le président ait au moins une année d'expérience au sein du conseil.

Puis est-ce qu'il pourrait y avoir une possibilité qu'il n'y ait pas de candidat qui ait ça? Peut-être. Mais, dans la réflexion, au niveau du conseil, on s'est dit : Peut-être pas les trois dernières années ou les quatre dernières années, mais juste d'avoir été là pendant une année, ça fait qu'on peut retourner... tu sais, il y a quand même 24 personnes au conseil d'administration, à chaque année il y a des nouveaux, donc la possibilité qu'il n'y ait personne qui... Peut-être qu'elle existe, mais elle est peut-être moins probable en disant que toutes les années précédentes ce serait possible.

Je sais qu'il y a d'autres ordres professionnels qui ont dit trois, quatre ans à avoir siégé au conseil. Donc, maintenant, si la possibilité, elle arrive, il faudrait peut-être qu'il y ait des mécanismes pour avoir des solutions de rechange, si je peux dire.

Je ne sais pas si, Me François-Xavier, vous aviez des choses à ajouter.

M. Robert (François-Xavier) : Peut-être compléter là-dessus, Mme la ministre. François-Xavier Robert.

Écoutez, je crois que, dans la Loi sur le Barreau, il y a une disposition un peu analogue parce qu'on exige du bâtonnier qu'il ait au moins un an d'expérience et on dit : S'il n'y a pas de candidat qui a un an, à ce moment-là, cette exigence-là, on peut dispenser les prochains candidats de ce texte. Je pense qu'on pourrait prévoir probablement la même chose. De toute façon, ce serait pratique si vous créez un nouvel ordre professionnel, parce que vous risquez d'avoir un problème à ce moment-là.

Mme Vallée : En effet, en effet.

Vous avez aussi abordé la question... bien, vous avez abordé la question des cotisations professionnelles. J'ai trouvé intéressant votre commentaire, vous dites : On n'a qu'environ 1 % des membres qui se présentent lors des assemblées, et donc on a 1 % de notre grande famille de plus de 61 000 membres qui avait, finalement, le droit d'encadrer, de décider des ressources dont disposerait l'ordre pour mener à bien ses obligations de protection du public. C'est intéressant parce que, juste avant vous, un ordre professionnel nous disait... se vantait, bon : Nous, notre cotisation est la plus faible, et c'est important de maintenir ce droit-là pour les membres.

Quels ont été les enjeux auxquels vous avez été confrontés, au cours des dernières années, qui ont résulté d'un manque de ressources?

Mme Baig (Kathy) : Juste apporter une petite... C'est moins de 1 %, c'est comme nettement moins que 1 % qu'on a à notre assemblée.

Les enjeux qui ont résulté d'un manque de ressources? Je suis partagée à dire qu'il y a manque de ressources dans le sens où est-ce qu'on a un cadre financier, on l'a mis sur cinq ans, puis avec ce cadre-là on avait les moyens de faire ce qui était prévu dans notre cadre financier.

Maintenant, si on veut accélérer ce cadre-là puis faire avancer ça, c'est sûr qu'il pourrait y avoir des besoins financiers supplémentaires. Après ça, il y a toujours un enjeu de donner la bonne information à l'AGA pour qu'ils puissent prendre cette décision-là, alors que, si c'est le conseil d'administration qui prend la décision, bien, sa mission première, c'est la protection du public, donc il est peut-être plus libre de prendre la bonne décision.

Est-ce que ça répond à votre question?

Mme Vallée : Oui, ça va. Pour ce qu'il en est du code d'éthique, en fait, du code d'éthique et de déontologie, vous dites : Vous devriez nous permettre, à chaque ordre, d'adopter notre propre code d'éthique. Dans votre mémoire, vous faites une allusion aux conseils d'administration des sociétés d'État. Les conseils d'administration des sociétés d'État sont quand même guidés par un règlement-cadre qui est le Règlement sur l'éthique et la déontologie des administrateurs publics du Conseil exécutif. Donc, il y a un règlement-cadre à partir duquel chaque société d'État va s'inspirer pour adopter ses propres règles. Qu'est-ce qui pose problème à prévoir à l'intérieur du Code des professions un certain énoncé de valeurs, de valeurs puis de principes directeurs, de grands principes qui pourraient guider les ordres? En quoi ça porte atteinte à cette autonomie des ordres?

• (15 h 10) •

Mme Baig (Kathy) : Je vais commencer à dire que nous, on en a eu un, code d'éthique, puis ça a été long pour nous de le développer, faire en sorte que les membres, les administrateurs y adhèrent. Donc, nous, ce qu'on propose, dans le mémoire, c'est qu'il y ait un cadre général, puis ce cadre-là va faire en sorte que chaque ordre professionnel puisse adopter un code d'éthique qui est propre à son organisation, pour être sûrs d'y avoir une adhérence. Ça fait qu'on n'est pas contre le fait qu'il y ait un cadre général, mais, si c'était un code d'éthique imposé à tous les ordres professionnels, là on aurait plus d'inquiétudes à savoir si les gens vont y adhérer.

Mais, si vous me permettez, je pourrais peut-être demander à Me Robert de... Est-ce que vous avez des compléments d'information?

M. Robert (François-Xavier) : Bien, en fait, Mme la ministre, la question est : Qu'est-ce qu'on entend par normes d'éthique?, ce qui était un peu, je crois, le texte du projet de loi. Ça peut couvrir l'ensemble du code, puis tout ce qu'il nous reste, c'est à rajouter le mot «ingénieurs» à la fin puis à changer la date d'adoption, ou ça peut couvrir ce que vous parlez, qui... en fait, ce qu'on parle aussi, je pense, on parle de la même chose, c'est-à-dire des grandes valeurs générales sur le rôle, peut-être pour initier la réflexion éthique, on parlerait de ça comme ça. Bien, à ce moment-là, c'est d'autre chose. Ça, ça permet aux gens de faire l'effort que notre conseil a fait et d'autres conseils ont fait, si on suit les auditions, de faire la réflexion éthique et d'arriver à des normes. Mais c'est sûr que, un code d'éthique tout cuit dans le bec, attendez-vous pas à ce qu'il soit vraiment... à ce que les gens se l'approprient puis qu'ils le suivent parce qu'ils considèrent que ça répond à leurs valeurs, mais ils risquent de le suivre parce qu'ils ont peur d'être pris un peu, là.

Mme Vallée : C'est parce que...

Le Président (M. Merlini) : Une minute, Mme la ministre, une minute.

Mme Vallée : La voix était différente.

Certains ordres nous ont dit... nous ont partagé le besoin d'avoir un code d'éthique en raison des enjeux, des délais qui résultent du fait d'adopter cas par cas des codes distincts. D'autres souhaitent avoir un code propre à leurs réalités et à leurs enjeux de protection du public. Donc, évidemment, on a, selon les groupes qui se sont présentés, des visions différentes qui nous ont été portées.

Pour vous, quels sont les grands enjeux de protection du public auxquels devraient s'attarder les membres de votre ordre?

Le Président (M. Merlini) : En 30 secondes.

Mme Baig (Kathy) : Les grands enjeux que... Je m'excuse.

Mme Vallée : La protection du public. Les enjeux-cadres sur lesquels il n'est pas possible de faire de compromis.

M. Robert (François-Xavier) : Vous voulez parler... Parce que vous dites les membres de l'ordre... ou c'est les membres du conseil d'administration?

Mme Vallée : ...les membres du conseil d'administration seront assujettis à ce code, je m'en excuse, petit lapsus.

Mme Baig (Kathy) : Je veux juste bien comprendre votre question. Dans le code d'éthique, vous demandez quels sont les grands enjeux, si on faisait un seul code d'éthique pour tous les ordres professionnels, pour lesquels on ne pourrait pas...

Le Président (M. Merlini) : Malheureusement, la réponse devra se faire attendre à la fin de nos travaux. Nous nous tournons maintenant vers l'opposition officielle. Mme la députée de Chicoutimi, la parole est à vous pour votre temps d'échange.

Mme Jean : Merci. Bonjour, Mme Baig, Me Robert. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci d'être ici pour partager avec nous vos opinions et ce que vous pensez du projet de loi.

Je reviendrais sur une question qui me trotte dans la tête depuis longtemps, en fait, à l'Ordre des ingénieurs, concernant la cotisation. À l'Ordre des ingénieurs, vous êtes dans une situation assez particulière parce qu'il y a plusieurs spécialités, vous avez le génie civil, vous avez le génie, je ne sais pas, en technologies, vous avez toutes sortes de génies, en fait, qui implique quelque part des besoins différents de la part des membres par rapport à leur inscription à l'Ordre des ingénieurs. Il y a des spécialités qui risquent aussi de demander plus de ressources à l'ordre, en tant que tel, que d'autres, ce qui fait que...

Est-ce que, dans le cas de l'Ordre des ingénieurs, ce n'est pas un problème d'avoir un montant fixe pour rentrer membre de l'ordre et que ça ne puisse pas être modulé, justement, selon les spécialités qui se retrouvent à l'Ordre des ingénieurs?

Mme Baig (Kathy) : C'est une excellente question. Moi, ça fait trois ans que je suis impliquée au conseil d'administration, et ça fait trois ans qu'on a ce genre de discussion là un peu informelle, à savoir : Est-ce qu'il devrait y avoir une catégorisation des membres? Est-ce que la cotisation devrait être différente pour... il y a plein de modèles, là, soit par spécialité, par pratique privée, pas pratique privée? On est dans cette réflexion-là. Je n'ai pas de réponse à vous donner, à vous dire pourquoi ce n'est pas en place. On en a parlé l'année passée, justement, on est arrivés à la réflexion que, pour l'instant, on était quand même capables de bien encadrer les membres en fonction de leurs spécialités. Mais je ne vous cacherai pas, quand on fait le plan stratégique, actuellement, que ça va être encore une question qu'on va soulever puis on va aller plus en profondeur, à savoir est-ce qu'il devrait y avoir une catégorisation des membres, pas juste pour la cotisation mais beaucoup plus pour les besoins des membres en fonction de leur pratique, et puis appliquer vraiment au niveau de la protection du public en fonction de chacun leurs besoins.

Donc, c'est une réflexion qu'on a, on y réfléchit, mais, à part ça... Pas encore.

Mme Jean : C'est intéressant. Ce matin était proposé par un des ordres, justement, que la planification stratégique pourrait être faite au sein de l'ordre, mais que ça devrait être déposé lors du rapport annuel, cette planification stratégique là. Et ils allaient même au-delà, c'est-à-dire ils proposaient même que, dans le rapport annuel, on indique aussi comment va la mise en oeuvre, où est-ce que l'ordre est rendu dans la mise en oeuvre du plan stratégique.

Cette proposition-là était faite dans une optique de transparence et de confiance du public face aux ordres professionnels. J'aimerais vous entendre, justement, sur cette proposition-là. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Baig (Kathy) : Nous, notre ordre professionnel, on se pose beaucoup de questions au niveau de la transparence, communication avec les membres, reddition de comptes. Cette question-là que vous posez au niveau du plan stratégique, on n'en a pas débattu au conseil d'administration, mais, avec les discussions qu'on a dans les dernières années, où est-ce qu'on veut beaucoup plus de transparence et beaucoup plus informer les membres, le public, je pense que ce serait peut-être une option envisageable. Donc, il faudrait en débattre plus longtemps au conseil d'administration, là, avoir la discussion, mais d'entrée de jeu, avec ce que je vois, ce qu'on a fait dans les dernières années, où on essaie de donner beaucoup plus d'information, beaucoup plus de transparence, ça pourrait être une bonne option.

Mme Jean : Merci. Dans votre mémoire, je pense que c'est à la page 8, vous mentionnez... vous avez un commentaire sur la composition du conseil de l'Office des professions et... «Depuis la création de cet ordre, tous ses présidents, à l'exception d'un seul, ont été des juristes.» Je trouvais ça intéressant, en tout cas, comme sujet soulevé.

Est-ce que vous avez une idée de comment pourrait être répartie ou encadrée la composition de l'Office des professions? Parce que, là aussi, il y a encore toutes sortes de professions, toutes sortes d'ordres. Avez-vous une idée de comment ça pourrait être réparti?

Mme Baig (Kathy) : Est-ce que vous voulez répondre, Me Robert?

M. Robert (François-Xavier) : Merci. En fait, je ne pense pas que c'est à nous à le faire, parce que l'Office des professions, c'est le mandataire du gouvernement. C'est à vous à le faire, à savoir d'établir... Mais un des critères qui doit, selon nous, primer, puis c'est bien clair que ce n'est pas un jugement sur les membres actuels de l'Office des professions ni de ceux du passé, mais il y a la question de la représentativité des professions. On sait qu'un conseil d'administration — et, l'Office des professions, les membres sont un conseil d'administration — est souvent plus est efficient et plus efficace, est capable de voir les problèmes de façon plus globale quand il y a une certaine forme de représentativité. Dans ce qu'on a vu de l'historique des membres de l'Office des professions, le secteur des sciences appliquées a été le parent pauvre, hein? Vous, je crois que vous êtes architecte de formation, mais il n'y a jamais eu d'architecte à l'Office des professions. Donc, c'est peut-être... Je pense que ça permettrait des fois, à ce moment-là, sûrement d'avoir une vision un peu plus globale des problèmes, surtout que le secteur des sciences appliquées est un peu particulier, c'est-à-dire que c'est un des rares secteurs où une bonne partie des membres travaillent pour une entreprise privée qui n'est pas dirigée par des membres, ce qui n'est pas le cas de la santé puis ce qui n'est pas le cas non plus du droit et des affaires.

Mme Jean : Merci. Parlant de représentativité, est-ce qu'à l'Ordre des ingénieurs, pour la représentativité des différences hommes-femmes, là on parlait un peu des jeunes, dans le projet de loi... Est-ce que vous avez, vous, des politiques pour favoriser la représentativité, justement? Est-ce qu'à l'Ordre des ingénieurs il y a des actions ou des règlements qui existent pour pouvoir assurer ça? Et quels sont-ils, s'il y en a?

• (15 h 20) •

Mme Baig (Kathy) : Je pense qu'on a un tableau au niveau de notre représentativité. O.K., je le cherchais. On a pas loin de huit ou neuf femmes sur notre conseil d'administration, on a des jeunes, on a des retraités. On a même une jeune ingénieure, je pense qu'elle a moins de cinq ans d'expérience, elle vient de commencer. Donc, on a quand même une bonne représentativité sur notre conseil d'administration actuellement. On a aussi des gens qui ont plus de 10 ans d'expérience.

Mais on n'a pas nécessairement de politique, à ma connaissance, pour s'assurer d'avoir une représentativité sur le conseil d'administration, on n'a pas... Nous, on serait probablement très en faveur d'avoir des profils de compétence, sur lesquels les candidats devraient voir s'ils répondent au profil, puis qui qu'ils pourraient déposer leur candidature en fonction de ces profils de compétence là.

Mme Jean : Parfait. Merci. C'est ce qu'on voit d'ailleurs à la page 6, je pense, pour les profils de compétence.

Lorsque vous parlez de compétence minimale d'un administrateur potentiel ou administratrice potentielle, est-ce que vous avez déjà, vous, pensé quel serait ce type de compétence là ou ce serait...

Mme Baig (Kathy) : Bien, il faudrait y réfléchir. Ça va dépendre surtout des gens qu'on a sur le conseil d'administration, pour avoir une complémentarité au niveau des compétences, donc dépendamment de chaque conseil, le tiers qui tombe en élection, puis regarder c'est quoi, les besoins, à ce moment-là. Aussi en fonction des grands chantiers qu'on a. Si dans les deux prochaines années on a un grand chantier en technologies de l'information, bien, peut-être qu'il serait préférable d'avoir une ou deux personnes vraiment avec une expertise en TI, pour faire un profil, à ce stade-là.

Ça fait qu'on n'a pas nécessairement réfléchi à tous les profils, mais je pense qu'il y a deux choses, c'est regarder la composition actuelle, avant d'aller en élection, et de regarder les projets en cours actuellement puis aller voir si on a les compétences sur le conseil d'administration.

Le Président (M. Merlini) : Une minute, Mme la députée.

Mme Jean : Absolument. À la page 8 de votre mémoire, vous mentionnez que le commissaire aux plaintes, qui serait le commissaire aux admissions maintenant, pourrait se traduire, à moyen ou à long terme, à la diminution des... à l'affaiblissement des exigences relatives à l'admission. Rapidement, une trentaine de secondes pour... Je n'ai pas trop compris. Pouvez-vous me préciser un peu votre pensée là-dessus?

Mme Baig (Kathy) : Nous, au niveau du Commissaire à l'admission, au Québec puis au Canada, il y a un bureau qui fait l'accréditation des permis en ingénierie, donc on n'a pas vraiment de problème au niveau de l'admission des étudiants du Québec ou du Canada.

Maintenant, au niveau de l'affaiblissement, je ne sais pas si, Me Robert, vous voulez détailler.

M. Robert (François-Xavier) : Bien, en fait, dans la mesure où le commissaire décidait, dans le cadre d'une enquête, de faire des recommandations par rapport à des normes, et ça peut arriver qu'il le fasse, là, la notion de mécanisme d'admission étant définie de façon très large déjà dans la loi actuelle, à partir du moment où il peut recommander, par exemple, de...

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Me Robert. La réponse pourra être complétée à la fin. Maintenant, allons au deuxième groupe d'opposition et le député de Borduas. À vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Bonjour, Mme Baig. Me Robert, bonjour. Merci pour votre contribution aux travaux.

Peut-être, Me Robert, si vous voulez compléter votre réponse... Je vais peut-être rajouter une petite question : Dans le fond, pour être ingénieur, il y a un volet canadien, donc d'un océan à l'autre, si on peut dire?

M. Robert (François-Xavier) : En fait, sommairement, comme Mme Baig disait, dans le fond, tous les diplômes de génie au Canada font l'objet d'un agrément, en tout cas, puis qui est décidé par le BCAPG, Bureau canadien d'agrément des programmes en génie, qui dépend d'Ingénieurs Canada, qui est la fédération qui regroupe tous les ordres professionnels en génie. Donc, partout au Canada, les ordres ont les mêmes conditions d'admission en génie, c'est-à-dire d'avoir un diplôme de premier cycle en génie agréé — il y a des particularités pour les équivalences, là, mais, prenons les candidats canadiens, c'est ça — et ensuite trois ans d'expérience en génie, dont un an d'expérience canadienne. Il n'y a pas d'exception, c'est ça partout.

Nous, si, par exemple, le commissaire arrivait avec ses nouveaux pouvoirs d'admission et commençait à faire des recommandations à cet effet-là, bien, on se pose la question à savoir la mobilité, par exemple, des gens ici. Ce n'est pas évident que les autres provinces accepteraient autant un affaiblissement des normes d'ici parce que... ou un changement des normes ici. On a certaines craintes à cet effet-là dans la mesure où, nous, l'admission est très imbriquée, dans le fond, à travers le Canada.

M. Jolin-Barrette : Donc, ce que vous nous dites : Avec les nouveaux pouvoirs que le gouvernement souhaite confier au commissaire, pour un candidat qui a fait ses études au Québec ou en Ontario, dans le fond, c'est la même chose, et donc il n'y a pas vraiment de cas sur lequel il pourrait se pencher pour un candidat québécois ou un candidat ayant fait ses études au Québec.

M. Robert (François-Xavier) : Tout à fait.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, il n'y a pas vraiment de cas d'individus qui ont un parcours atypique chez vous, chez les ingénieurs?

Mme Baig (Kathy) : On parle des gens qui ont un diplôme dans une université canadienne.

M. Jolin-Barrette : Exactement. Non, il n'y en a pas. O.K., parfait.

Dans vos recommandations, à la page 15, au niveau du délai de prescription, vous souhaitez, là, dans le fond, qu'on standardise le délai de prescription pour entreprendre des poursuites pénales pour exercice illégal, entre autres.

M. Robert (François-Xavier) : Bien, en fait, dans ce cas-là, le problème qu'on a, nous, c'est qu'on a un article, puis il y a la même chose à la Loi sur les architectes, il y a une disposition qui est un peu particulière, dans la Loi sur les ingénieurs, qui interdit à quelqu'un de réaliser un ouvrage avec des plans qui ne sont pas signés et scellés par un ingénieur. Ça a donné des résultats très tristes des fois, on pense à l'usine Neptune qui a explosé. Il y a eu le cas aussi, on vous parle... un affaissement de roc, il y a eu des problèmes aussi dans l'industrie du condo.

Le problème, c'est qu'on a juste un an à partir de la réalisation des travaux, pas à partir du moment que ça s'est effondré, là, à partir de la réalisation des travaux, pour poursuivre, c'est excessivement rapide. Puis ce qui arrive, à ce moment-là, c'est que, bien, dans bien des cas, on ne peut pas poursuivre. Il y a un cas qu'on vous donne comme exemple, où on croyait qu'on pouvait poursuivre; finalement, on n'a pas pu, ça a résulté en acquittement. Parce qu'en un an à partir des travaux c'est très vite, faire l'enquête, parce qu'on n'a pas le signalement nécessairement encore, le signalement peut venir plus tard, puis, s'il vient après un an, bien, c'est fini, on n'a pas de dossier. Puis, comme vous parlait Mme Baig sur ce dossier-là, c'est aussi avec une amende maximale de 10 000 $, là, par rapport aux nouvelles amendes. Ça devient un petit peu folklorique, là.

M. Jolin-Barrette : Donc, ce que vous souhaiteriez, c'est une modification de la Loi sur les ingénieurs à ce niveau-là, donc trois ans à partir de la connaissance par le syndic de la commission de l'infraction.

M. Robert (François-Xavier) : Trois ans de la connaissance par l'ordre, parce qu'en matière pénale c'est par l'ordre, ce n'est pas par le syndic nécessairement, là.

M. Jolin-Barrette : Puis est-ce que vous mettez un délai à partir du moment où il y a la commission de l'infraction?

M. Robert (François-Xavier) : C'est cinq ans. C'est comme ce qu'il y a dans le Code des professions actuellement, on demande la même chose. On ne demande pas un traitement plus favorable que ce qu'il y a dans le code pour cette infraction-là, on demande le même traitement.

M. Jolin-Barrette : Au niveau de l'immunité, à la page 13 de votre mémoire, vous dites : Ça prend une immunité, oui, pour la personne qui s'assoit à la table avec le syndic mais également contre toute forme de représailles. Donc, comment vous voyez ça, dans le fond, toute forme de représailles? Nécessairement, on vise, bon, l'emploi, mais est-ce que vous avez une idée comment on devrait peut-être le libeller, si on retient votre proposition?

Mme Baig (Kathy) : Au niveau du libellé, je ne sais pas si on a...

M. Jolin-Barrette : Bien, peut-être pas dans les termes précis mais dans le sens...

M. Robert (François-Xavier) : Prenez la loi sur l'inspecteur général. Vous en avez déjà voté plein, de lois où vous en parlez, de cette protection contre les mesures de représailles, c'est juste que c'est souvent des lois sectorielles. Mais je pense à celle-là. Il y a la loi dont j'ai oublié le nom, mais qui porte sur le commissaire... dans le fond, la loi-cadre de l'UPAC aussi, vous allez avoir ce même genre de notion là qui apparaît, qui est quand même bien formulé. Dans le projet de loi n° 87, il y avait quelque chose aussi similaire, là, qui... bon, le projet faisait abstraction du système professionnel, mais, l'idée, vous allez la trouver là. Puis des exemples, bien, de cette disposition-là, pensez à Mme Duhamel, ce qu'elle a expliqué qu'elle a vécu à la commission Charbonneau. Je n'ai pas besoin de vous le répéter.

Le Président (M. Merlini) : Une quarantaine de secondes, M. le député.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, vraiment, oui, de couvrir plus large.

Question rapide. Page 8 de votre mémoire, au niveau de la formation des administrateurs, vous dites : Il n'y a pas d'obligation de suivre la formation, donc on devrait inscrire dans le code l'obligation de suivre la formation pour les administrateurs.

Mme Baig (Kathy) : Effectivement. Bien, je pense que le point, c'est qu'il n'y a pas de sanction si jamais ils ne le suivent pas. Donc, pour être certains qu'ils soient obligés de le suivre.

M. Jolin-Barrette : Puis la sanction que vous proposeriez, ce serait quoi? D'être inhabile à siéger au conseil d'administration ou...

Mme Baig (Kathy) : ...dépendamment des cas, là, ça pourrait être une option, là, oui.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme Kathy Baig, présidente de l'Ordre des ingénieurs du Québec, et Me François-Xavier Robert, pour votre présence cet après-midi et ces échanges avec les membres de la commission.

Je suspends quelques instants et j'invite l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec à venir prendre place à la table. Alors, nous suspendons.

(Suspension de la séance à 15 h 28)

(Reprise à 15 h 31)

Le Président (M. Merlini) : Alors, nous reprenons nos travaux. Nous avons maintenant l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. Et je vous invite, M. Laliberté, à vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent. Vous connaissez le modus operandi. Vous avez 10 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, et ensuite procédera l'échange avec les parlementaires membres de la commission. À vous la parole, M. Laliberté.

Ordre des ingénieurs forestiers du Québec (OIFQ)

M. Laliberté (François) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, chers membres de la commission, bonjour. Merci de nous recevoir aujourd'hui. Je suis accompagné de Mme Marielle Coulombe, à ma droite, qui est directrice générale et secrétaire de l'ordre, et Me Ariane Imreh, qui est notre conseillère juridique.

Alors, permettez-moi tout d'abord de rappeler que l'Ordre des ingénieurs forestiers, ça existe depuis 1921, et on compte aujourd'hui environ 2 100 membres qui oeuvrent dans toutes les sphères du secteur forestier et répartis dans toutes les régions du Québec.

Évidemment qu'en 10 minutes ça nous serait impossible de passer en revue toutes les positions qu'on a développées dans notre mémoire, donc on va se limiter à seulement cinq d'entre elles. Mais d'entrée de jeu nous reconnaissons la nécessité d'une réforme du Code des professions.

Donc, premier enjeu, premier élément : le renforcement en matière d'éthique et de déontologie. C'est vraiment un point fort de ce projet de loi. L'ordre appuie donc sans réserve la ministre dans son orientation de renforcement en matière d'éthique et de déontologie. Nous réclamions d'ailleurs depuis longtemps de rendre obligatoire une formation pour nos membres. Et, en ce qui concerne le code d'éthique pour les administrateurs, bien, nous avons adopté un tel code récemment.

Deuxième élément, nous aimerions parler de l'efficience du système professionnel. Nous comprenons que le projet de loi n° 98 vise à améliorer l'efficience du système, particulièrement en matière de gouvernance. Selon nous, cette recherche d'efficience doit d'abord passer par une utilisation optimale des outils existants. Nous croyons que le système devrait être plus flexible et plus réactif. Actuellement, les ordres ne peuvent adapter leurs règlements suffisamment rapidement pour répondre aux nouvelles réalités auxquelles ils font face, le processus est extrêmement lent. Il faut au moins deux ans, souvent plus, pour apporter de simples modifications à nos règlements ou en adopter de nouveaux.

Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que des situations problématiques soient récurrentes et se retrouvent dans les médias, ce qui alimente la perception du public quant à l'inaction des ordres. Pourtant, c'est seulement en vertu de nos règlements ou de nos lois que nous pouvons intervenir pour assurer la protection du public. Par exemple, notre règlement sur les autres modalités d'admission est en traitement depuis bientôt trois ans, la modification proposée doit nous permettre de reconnaître une équivalence de stage pour un immigrant qui arrive ici avec un très fort bagage professionnel. Entre-temps, nous n'avons pu accorder d'équivalence de stage à ces candidats, ce qui fait que ça ajoute 32 semaines d'attente à la délivrance d'un permis pour ces candidats.

Donc, pour nous, s'il y a un processus qui devrait être examiné, c'est bien celui du cheminement des modifications réglementaires. Or, force est de constater que le projet de loi n° 98 n'aborde pas cette problématique.

Troisième élément : les pouvoirs d'enquête. Selon nous, le projet de loi amorce une transition vers une culture plus «policière» — je le mets entre guillemets — en élargissant les structures de contrôle et les pouvoirs d'enquête. À ce sujet, nous sommes d'avis qu'il faut maintenir l'obligation d'obtenir l'autorisation du ministre préalablement au déclenchement de toute enquête effectuée par l'Office des professions sur un ordre professionnel. Il s'agit de situations exceptionnelles qui commandent des actions exceptionnelles. Nous considérons que le réseau que constituent les ordres professionnels, le Conseil interprofessionnel et l'Office des professions devrait plutôt avoir comme principale préoccupation de travailler en collaboration afin d'assurer la protection du public, et ce n'est pas ce que nous percevons de cette réforme.

Le quatrième élément, nous l'appelons, nous l'intitulons D'un commissaire aux plaintes à un commissaire aux équivalences. Je m'explique.

Vous ne serez donc pas surpris que nous sommes en désaccord quant à la proposition d'élargir le mandat du commissaire à l'ensemble de la mission. À nos yeux, il existe bel et bien un enjeu, mais celui-ci se situe au niveau de l'admission par équivalence. Nous parlons ici des candidats étrangers et ceux ayant un parcours atypique. Pourquoi ne pas simplement instituer un commissaire aux équivalences? Ceci refléterait mieux l'enjeu réel, en plus d'avoir une connotation positive, comme le souhaite la ministre.

Nous comprenons que, par ce projet de loi, et comme l'a mentionné Mme la ministre, vous cherchiez à vous assurer que tous les candidats bénéficient d'un traitement équitable, qu'ils soient issus de l'immigration, qu'ils proviennent d'une autre province ou qu'ils soient résidents québécois avec un parcours atypique. Nous adhérons entièrement à ce principe.

En ce qui concerne les candidats québécois et canadiens ayant été formés dans un des programmes reconnus, nous croyons que le système actuel fonctionne très bien. Comme le dit le dicton : Si ce n'est pas brisé, pourquoi le réparer? Actuellement, nos règlements sur l'admission sont cohérents les uns avec les autres et surtout ils sont équitables pour les candidats d'un règlement à l'autre.

Rappelons qu'il existe trois voies pour accéder à la profession réglementée, par règlement, et en fonction des programmes reconnus au Québec : il y a des ententes sur la mobilité, dont les ARM avec la France dont nous faisons partie, éventuellement d'autres pays, les ententes entre provinces permis sur permis des autres corporations provinciales et les programmes accrédités dans les autres provinces par le bureau canadien d'agrément des programmes en foresterie — puis ça, ça fonctionne depuis 1989 — et finalement par équivalence, et, dans ce cas, nous avons élaboré un référentiel par compétences, depuis quelques années, qui comprend une grille d'analyse très précise. Donc, un commissaire aux équivalences doté de pouvoirs accrus nous apparaît mieux convenir qu'un commissaire à l'ensemble de l'admission.

Le cinquième et dernier élément : les responsabilités du conseil d'administration et du président. Pour ce point, nous espérions que M. Tony Côté, notre vice-président, soit présent pour vous entretenir de ce thème, mais il est retenu dans sa région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, alors je vous en ferai part.

Alors, nous comprenons que, par le projet de loi n° 98, on souhaite marquer de façon plus accentuée l'imputabilité des administrateurs par rapport aux affaires de l'ordre. Bien entendu, le conseil d'administration demeure responsable des décisions et des orientations politiques et stratégiques de l'ordre, mais nous voyons mal comment un conseil d'administration constitué de plus d'une dizaine de personnes puisse effectuer sur une base régulière une surveillance générale des affaires de l'ordre sans que l'efficience de celui-ci n'en soit affectée. Il faut éviter, selon nous, que plusieurs administrateurs interviennent ou se sentent investis de pouvoirs leur permettant d'intervenir auprès de la permanence, une telle situation pourrait engendrer des conflits et de la confusion. À notre avis, la responsabilité d'effectuer le lien entre le conseil d'administration et la permanence, donc de voir au bon déroulement général des affaires de l'ordre, doit demeurer au poste de la présidence. Ceci est d'autant plus évident que le rôle de la présidence en est un de porte-parole, il doit donc être en contact étroit avec la permanence de l'ordre. Nous croyons que cette section du projet de loi n° 98 doit être revue pour refléter la réalité du fonctionnement des ordres et la bonne gouvernance également.

Ça complète notre présentation. Et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions, vos commentaires. Merci.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. Laliberté. Alors, je me tourne maintenant pour un premier bloc d'échange avec la ministre. Mme la députée de Gatineau, la parole est à vous.

• (15 h 40) •

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, M. Laliberté, merci de votre présentation.

Vous avez... bien, vous avez abordé toute la question du commissaire, le commissaire aux plaintes qui devient le Commissaire à l'admission, et vous souhaitez, vous, plutôt un commissaire aux équivalences, un peu fondé sur votre approche de reconnaissance des compétences qui a été développée au sein de votre ordre, mais vous mentionnez que ce commissaire-là devrait avoir des pouvoirs accrus. Alors, quels seraient les pouvoirs accrus du commissaire que vous pourriez voir? Parce que, dans le fond, on modifie le rôle de commissaire aux plaintes, qui existe déjà, qui est déjà encadré de façon législative. Nous, on propose d'ouvrir à l'ensemble des admissions, mais vous proposez une voie différente, puis je vous avoue que vous êtes les premiers à nous présenter cette avenue-là. Alors, j'aimerais vous entendre davantage.

M. Laliberté (François) : Bien, dans un premier temps, on ne présente pas une voie si différente. D'abord, on modifie le nom et on l'amène pour adresser spécifiquement l'enjeu de l'équivalence, qui, à notre avis... c'est l'enjeu, c'est l'enjeu important. Donc, à ce moment-là, tout le reste de l'admission, qui est réglementé par des programmes, fonctionne bien, et ce qu'on s'assure, c'est que les autres candidats, atypiques ou étrangers, aient accès d'une façon qui est équitable. Donc, c'est ce qu'on veut dire par là.

Donc, les pouvoirs que le commissaire aux plaintes a en ce moment sont déjà bien. Maintenant, quand on parle de pouvoirs accrus, je laisserais Me Imreh vous en parler, mais il y a déjà quelque chose là dans votre projet de loi.

Mme Imreh (Ariane) : Bien, en fait, ce qu'on a pu constater, en comparant les actuels... le champ de compétence du commissaire aux plaintes, c'est que celui-ci va se pencher sur le fonctionnement des mécanismes de reconnaissance des compétences, et, dans le nouveau libellé du projet de loi, on va parler d'une manière un petit peu plus large, on embrasse plus large dans la mesure où on va traiter d'une compétence qui va s'attarder au «fonctionnement de tout processus ou activité». Pour nous, c'est plus large, c'est plus vaste. Ça permet au commissaire d'aller observer, d'aller analyser, étudier et faire des recommandations jusque dans des détails plus fins que ce qu'il a actuellement. C'est la lecture qu'on fait de cette modification dans les termes.

Mme Vallée : Oui, mais vous proposez, dans vos recommandations : «...instituer un commissaire aux équivalences avec des pouvoirs accrus.» Donc, est-ce que je dois comprendre que les pouvoirs accrus auxquels vous faites référence sont les pouvoirs que l'on retrouve au projet de loi n° 98?

M. Laliberté (François) : Exactement.

Mme Vallée : D'accord, c'est parce que je croyais que vous aviez d'autre chose à proposer que...

M. Laliberté (François) : On comprend qu'il aurait des pouvoirs accrus dans le projet de loi. Mais restreindre, si on peut dire, au champ de l'équivalence, qui, à notre sens, est l'enjeu.

Mme Vallée : Cette approche-là d'équivalence, qui est un peu... qui est, dans le fond, l'approche par compétence que vous avez adoptée, plutôt que l'approche scolaire, donc, ça prend appui sur un référentiel de compétences, mais on a aussi différents acteurs qui entrent dans l'équation. Dans l'admission, on a toute la formation initiale, la reconnaissance.

Est-ce que vous voyez le rôle du pôle de façon différente avec le rôle du commissaire tel que vous le proposez?

M. Laliberté (François) : La question du pôle... Vous amenez ça sur la question du pôle de coordination. Ce n'est pas une question sur laquelle on s'est véritablement penchés, tout simplement... pour la bonne raison que, dans notre cas, la formation initiale qui est accréditée passe par une université, trois programmes dans la même université, et tout ça fonctionne admirablement bien, nous sommes en contact constant avec ces gens-là. Alors, pour nous, la coordination, elle n'est pas difficile à faire.

Alors, c'est vraiment, et je reviens là-dessus, au niveau de l'équivalence, lorsqu'on a des candidats étrangers qui arrivent ou encore des candidats québécois, formés au Québec, mais avec des parcours atypiques, donc qui ne sont pas passés par les programmes reconnus. À ce moment-là, ça nous prend la question du référentiel par compétences qu'on a mis... Puis ce n'est pas la seule manière nécessairement, mais c'est celle qu'on a adoptée. Et je pense que Mme Coulombe pourrait vous en parler un peu plus, là, elle a piloté le dossier. Ça fonctionne très bien.

Le Président (M. Merlini) : Mme Coulombe.

Mme Coulombe (Marielle) : Oui, si vous me permettez d'en rajouter. En fait, c'est un système qui fonctionne très bien pour nous. C'est un système aussi qui... En fait, on a pu mettre ça en place grâce à l'aide financière du MIDI. Et ça, et ce n'est pas une publicité ici, mais c'est une mesure qui doit être maintenue, parce que ça a été vraiment déterminant dans notre cas à nous.

Et effectivement, comme M. Laliberté le disait, pour nous, l'enjeu, si enjeu il y a... Parce qu'à notre point de vue on n'a pas détecté de problème, de candidat qui était insatisfait de la démarche. Elle est claire, elle est bien documentée. D'ailleurs, je vous invite à aller consulter notre site Internet, où vous allez pouvoir voir, là, qu'est-ce qu'il en est exactement. Et, à notre connaissance... En fait, on a un processus d'appel dans chacune des trois voies d'entrée qui sont possibles pour nos candidats, et aucun candidat, à date, n'a fait appel à ce processus-là d'appel. Alors, on voit mal ou on ne voit pas, en fait, là, la problématique.

Par contre, on peut en déduire que, si jamais il y avait un problème, ça pouvait être au niveau de l'équivalence, alors d'où notre recommandation.

Le Président (M. Merlini) : Merci. Mme la ministre.

Mme Vallée : Vous voyez... Vous avez présenté dans votre mémoire, en page 6, une préoccupation à l'égard du rôle qui serait confié au commissaire aux admissions. Alors, vous arrivez avec votre... vous avez formulé votre recommandation pour un commissaire aux équivalences, mais, dans votre analyse, vous considérez que ce qui est présenté dans le projet de loi n° 98 est une «importante immixtion de la part du commissaire dans l'ensemble du processus».

En quoi le processus d'admission des personnes qui sont formées au Québec n'aurait pas avantage à être également pris en considération par le commissaire, puisque... Bon, l'admission, la formation, ça forme un tout. Donc, pourquoi on ne pourrait pas aller sur cet angle-là et simplement... ou résumer le rôle du commissaire à l'évaluation des équivalences?

M. Laliberté (François) : Si vous permettez, je vais me répéter. Le système fonctionne très bien, à ce moment-ci.

Mme Vallée : Oui, bien, je comprends. Pour vous.

M. Laliberté (François) : Oui. Et, oui, je ne peux parler que pour notre ordre. Mais le système fonctionne très bien, d'une part.

D'autre part, il faut comprendre que, lorsque les programmes sont accrédités, s'il y a problème — dans notre cas, il n'y en a pas — s'il y a problème, c'est au niveau de la maison d'enseignement, par exemple, ce n'est pas le système professionnel.

Alors, à ce moment-ci, on va amener une structure... Et là plusieurs ordres l'on dit, et là-dessus, à l'instar des autres ordres, on a le même discours, la structure, qui prend de l'ampleur, inévitablement va coûter plus cher, va demander plus de ressources, et ici c'est les membres qui paient, et les membres sont... Je veux bien croire que c'est pour la protection du public, c'est pour avoir une bonne formation, mais c'est les maisons d'enseignement qui sont touchées et non pas nous, notre système, dans notre mission propre. Alors, de grossir quelque chose...

Puis en plus, je reviens là-dessus, on ne voit pas l'enjeu. Et j'écoutais tantôt l'Ordre des ingénieurs vous dire à peu près la même chose, et plusieurs autres vous ont dit la même chose de toute façon. Ces mécanismes-là sont déjà, en plus, très bien encadrés par l'Office des professions, et en plus on a le bureau d'accréditation ou d'agrément des programmes au Canada de plusieurs professions, ce n'est pas juste la nôtre. Tout ça forme un tout déjà assez... très bien encadré, très cohérent, à notre avis. Alors, s'il y a un problème pour les candidats formés dans ces voies-là, on serait au courant, là, et on n'a pas entendu de problème, on n'a vraiment pas entendu de problème.

Par contre, on le redit, les enjeux, au niveau de l'équivalence, il y en a. Nous, on n'a pas connu de gros problèmes, on n'a pas de cas, en tout cas, qu'on a entendu qu'ils sont venus par le commissaire aux plaintes, mais c'est des enjeux, effectivement, et ce n'est pas pour rien qu'on a fait un référentiel de compétences.

Tu allais ajouter autre chose? Non? Ça va?

• (15 h 50) •

Mme Vallée : Est-ce que... Parce que vous parlez de l'immixtion. Et on ne peut pas mettre de côté l'argumentaire que certains ont développé, c'est-à-dire que c'était une ingérence dans l'indépendance des ordres professionnels, dans l'autonomie des ordres professionnels. Puis je me demandais en quoi un pouvoir de recommandation d'un commissaire constituait en soi une ingérence, puisque le pouvoir de recommandation n'est pas liant pour l'ordre. Il permet simplement de revoir peut-être certaines pratiques, mais il n'a pas de force... il n'est pas contraignant pour l'ordre.

M. Laliberté (François) : Je comprends. Cependant, on est d'avis qu'un éventuel commissaire à l'admission qui pourrait aller enquêter ou étudier à peu près tout va demander des ressources importantes puis de la... Excusez. Bien, je vais continuer : De l'expertise aussi importante va venir dans nos processus, ça ne peut pas... C'est impossible que ça ne s'arrête seulement qu'aux processus, il va devoir y avoir de l'expertise pour comprendre le processus de chacun des 46 ordres et 50 quelques professions, il va devoir y avoir de l'expertise pointue de développée pour comprendre ce processus-là, et ce n'est pas vrai, là, que... On ne voit pas comment il n'y aura pas, à ce moment-là, immixtion, là. On va aller vers le détail, c'est inévitable. Pour comprendre, pour bien comprendre le processus, on va devoir aller dans le détail. Ça peut n'être qu'un pouvoir de recommandation, mais, quand on obtient une recommandation de quelqu'un qui n'est peut-être pas nécessairement expert, à moins d'avoir développé toute l'expertise, là, à ce moment-là, ça peut devenir de l'immixtion. Même si on n'est pas obligés, c'est juste la recommandation, bien, on veut collaborer, on veut travailler avec l'office ou avec le commissaire, et à ce moment-là on va devoir, là, échanger, ça va prendre du temps, puis c'est une forme d'immixtion, ça, quand même.

Mme Vallée : Mais le problème, c'est qu'il existe déjà, le commissaire. C'est ça, c'est là où ça soulève un tas de questionnements, c'est que le commissaire existe déjà. Je comprends peut-être que, pour vous, le commissaire n'a pas eu à se pencher sur des cas, ça, je comprends, mais il existe déjà pour l'ensemble des ordres.

Donc, il est déjà là pour une clientèle spécifique, mais il existe, il a déjà ce pouvoir d'émettre des recommandations pour l'ensemble des ordres, encore une fois, comme je vous le mentionnais, pour la clientèle très précise. Maintenant, ce que l'on fait, c'est d'étendre la portée, c'est de permettre qu'un étudiant étranger ayant reçu sa formation au Québec puisse le saisir d'un enjeu, mais ce n'est pas différent que... le pouvoir du commissaire demeure le même qu'il est actuellement.

Donc, il n'y a pas... L'expertise dont vous parlez, la possession des connaissances dont vous parlez, il doit déjà l'avoir. Puis on a fait un parallèle, il y a quelques semaines, avec la Protectrice du citoyen, qui, elle, est chargée d'avoir un... dont le spectre d'action est quand même très vaste, et puis ça n'a pas posé... ça ne pose pas de problème, ça ne commande pas des ressources extraordinaires.

Et, pour ce qui est du commissaire et des fonctions souhaitées, que nous souhaitons accorder au commissaire, les évaluations ne commandent pas la mise en place d'une structure extravagante parce que, s'il n'y a pas de problème, comme vous le mentionnez, le commissaire ne sera pas saisi de dossiers. Le commissaire ne peut pas... ne va pas mettre son chapeau d'inspecteur Gadget puis commencer à intervenir au sein de chaque ordre, ce n'est pas le rôle du commissaire, là.

M. Laliberté (François) : Mme Coulombe veut ajouter quelque chose, mais, juste pour vous dire, avant que... l'exemple que vous donnez...

Le Président (M. Merlini) : ...une trentaine de secondes. Très brièvement.

M. Laliberté (François) : D'accord. L'exemple que vous donnez, l'immigrant qui étudie ici, s'il a passé à travers les diplômes ici, il n'y aura pas de problème, donc, il va être admis automatiquement. Il ne peut pas se plaindre, il va être admis automatiquement. Mme Coulombe.

Mme Coulombe (Marielle) : Il ne me reste pas beaucoup de temps. En fait, on comprend bien votre point, Mme la ministre, mais en fait on se dit : Si le commissaire ne va pas plus loin... Parce que, l'admission, ça demande une expertise pour être en mesure d'évaluer la compétence du candidat, et on a 46 ordres au Québec; on s'attend à ce qu'il y ait une expertise dans les 46 ordres spécifiques au domaine. Si le commissaire ne va pas plus loin, on ne comprend pas la mesure de le renforcer, mais, s'il reste à un niveau plus général, l'office le fait déjà actuellement. Quand...

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme Coulombe. Je dois écourter votre réponse et passer la parole à Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci beaucoup. Alors, bonjour à vous deux, M. Laliberté, Mme Coulombe, Mme Imreh. Bienvenue.

Une voix : ...

Mme Jean : Les trois. Je n'ai pas... Bon, quoi qu'il en soit, bienvenue ici, à l'Assemblée nationale.

Pour faire du chemin sur ce qui est soulevé par rapport au Commissaire à l'admission, au commissaire des plaintes actuellement, ce qu'on lit dans le projet de loi, ce que moi, je lis au projet de loi, le commissaire peut «effectuer ou faire effectuer les études et [...] recherches qu'il juge utiles [et] nécessaires à l'exercice de ses fonctions». Donc, on s'entend qu'il peut faire des travaux, il peut poser des questions, il peut prendre des gestes pour la réalisation de son mandat. Il peut aussi «désigner toute personne pour effectuer l'enquête en son nom». Donc, on s'entend aujourd'hui que, selon le projet de loi qui est présenté aujourd'hui, le commissaire peut faire des enquêtes et peut même en faire faire, des enquêtes.

Donc, je pense que le questionnement mérite d'être fait, c'est-à-dire : Est-ce que la possibilité de faire des enquêtes par le commissaire est quelque chose qui serait utile pour la mission qu'on lui donne?

Et j'arrive à ce que je voulais dire. La mission du Commissaire à l'admission, ce que moi, j'en lis, dans la lecture du projet de loi, c'est d'avoir quelqu'un qui peut porter un oeil... une vue d'ensemble sur l'admissibilité des personnes aux ordres professionnels. Cette vision d'ensemble là, effectivement, pour l'avoir, ça prend des outils pour pouvoir se faire une opinion puis avoir la vue sur ce sujet-là, donc il doit être capable de le faire. Cette vision d'ensemble là peut être utile pour pouvoir corriger des problématiques systémiques chez certains ordres ou chez certains processus.

Est-ce que vous seriez, vous, ouverts... ou est-ce que c'est quelque chose qui vous dérange ou qui ne vous dérange pas, d'avoir, justement, un groupe ou une personne qui peut apporter... faire des rapports sur, justement, des problématiques systémiques qui pourraient arriver en ce qui concerne le dossier ou l'enjeu de l'admission ou de l'admissibilité?

M. Laliberté (François) : Probablement que Mme Coulombe va vouloir ajouter quelque chose, mais je vous dirais d'entrée de jeu que l'Office des professions regarde déjà tous nos règlements et les règlements de tous les ordres. J'imagine, à ce moment-là, qu'il y a une vue d'ensemble. Pourquoi avoir quelqu'un d'autre qui aurait une autre vue ensemble? Il aurait une autre vue d'ensemble? C'est ce qu'on ne comprend pas, c'est le bout qu'on ne comprend pas.

Mme Jean : Bien, ce que moi, je comprends, c'est qu'il y a des problématiques réelles au niveau de l'admissibilité, et c'est pour ça qu'ils ont créé le commissaire aux plaintes. Il peut y avoir des problématiques systémiques à ce niveau-là.

Vous parliez tout à l'heure, vous... je ne sais pas si c'est au même ordre, mais la problématique que vous, vous rencontrez, c'est l'efficience au niveau du système professoral... professionnel, pas professoral mais professionnel. Par exemple, vous avez des équivalences de stage qui, parce que ça ne concerne pas l'ordre, ça concerne les institutions d'enseignement, a rajouté le fameux 32 semaines pour...

M. Laliberté (François) : ...pas tout à fait ça, là. Mme Coulombe va peut-être vous expliquer, là, exactement, là.

Mme Jean : O.K. Bien, j'ai peut-être mal compris.

• (16 heures) •

Mme Coulombe (Marielle) : En fait, nous, dans notre règlement sur les autres conditions et modalités pour être admissible à l'ordre, une des conditions qui est là pour tout le monde, peu importe la porte d'entrée, est un stage de 32 semaines qui a comme objectif de mettre le candidat en contact avec la pratique professionnelle d'un ingénieur forestier, et ces 32 semaines là doivent être faites sous le mentorat d'un maître de stage qui est un ingénieur forestier actuellement actif sur le marché du travail. Ça, ça convient très bien pour un jeune diplômé, quelqu'un qui est en train de faire sa formation universitaire à l'Université Laval, où, là, il est en contact avec le réseau des ingénieurs forestiers du Québec. Mais où ça s'applique beaucoup moins bien, c'est quand on met ça dans le cadre d'un candidat qui arrive de l'immigration, avec 15, 20 ans d'expérience comme ingénieur forestier dans son pays d'origine, qui peut être reconnu comme un expert dans son pays. Ce n'est pas toujours le cas, mais ça arrive, ces cas-là. Ce candidat-là arrive ici, chez nous, et là on doit lui demander de faire un 32 semaines de stage sous le mentorat d'un ingénieur forestier ici, au Québec, mais il a quand même tout son bagage.

Nous, quand on fait l'analyse du candidat pour évaluer ses compétences, on regarde aussi son bagage professionnel, pas seulement sa formation, et on est en mesure d'évaluer si ce candidat-là a besoin de faire ce 32 semaines là supplémentaire ou non. Et dans beaucoup de cas, je vous dirais, ce n'est pas le cas. Mais actuellement notre règlement dit : Il faut, il faut qu'il fasse ça, sinon on ne peut pas lui émettre son permis.

On est en train de faire modifier notre règlement pour pouvoir donner une équivalence. Alors, en même temps qu'on étudie son dossier, on va lui donner une équivalence de compétence, mais on veut lui donner aussi une équivalence pour qu'il soit dispensé, en fait, si on veut, là, de ce stage de 32 semaines là. Actuellement, notre règlement est en révision auprès de l'Office des professions, pour bientôt trois ans, mais... On a détecté ce problème-là il y a trois ans, mais, alors, pendant ce temps-là, on a des candidats qui continuent d'appliquer chez nous. Il y a des candidats que, oui, ils doivent avoir ce stage, ils doivent faire ce stage-là de 32 semaines, mais on en a aussi qui pourraient être exemptés.

M. Laliberté (François) : Me Imreh voudrait rajouter.

Mme Imreh (Ariane) : Simplement pour faire un peu de pouce là-dessus, évidemment, c'est le processus qu'on trouve lourd, parce qu'on a une très belle collaboration de la part des gens qui travaillent à l'office, on a notamment une avocate qui est très dédiée à nos dossiers réglementaires. Sauf que malheureusement on se rend compte que c'est le processus en soi qui est lourd, qui est long.

N'y aurait-il pas lieu de s'interroger sur des façons d'améliorer la gestion du cheminement des règlements et des modifications réglementaires pour les ordres? Je pense que, déjà là, ce serait un bon point de départ.

Mme Jean : Donc, je comprends que vous auriez voulu voir dans le projet de loi une amélioration pour alléger le processus de manière à ce que, lorsqu'un ordre comme vous désirerait changer un règlement, ça ne prenne pas trop de temps, et à ce moment-là vos demandeurs seraient traités de façon adéquate.

M. Laliberté (François) : Oui, parce que, comme je vous disais, nos outils, ce sont ces règlements-là, et on est à même de constater les problèmes, et de les détecter, et de voir qu'est-ce qu'on a besoin comme modifications pour bien remplir notre mission, mais, si ça prend, comme je l'ai dit tantôt, deux, trois ans et plus, même, pour avoir des modifications, pendant ce temps-là, il y a des cas problèmes qui, dans certains cas, se retrouvent dans les médias, puis là ça nous fait mauvaise presse.

Mme Jean : Ce qui n'aide pas à la confiance du public.

M. Laliberté (François) : Ce qui n'aide pas, absolument pas.

Mme Jean : D'entrée de jeu, vous avez dit, tout à l'heure : On ne voit pas dans ce projet de loi là quelque chose qui favoriserait la collaboration. Et en même temps, bien, au début de votre présentation... Dans le projet de loi, il y a quand même une proposition de créer le pôle de coordination.

Est-ce que, selon vous, un pôle de coordination où seraient impliqués l'office, les maisons d'enseignement, les ministères pourrait être utile pour solutionner, ou faciliter, ou faire le travail lié à la mission?

M. Laliberté (François) : Donc, comme je vous l'ai dit, dans notre situation, on n'a pas de véritable problème de coordination. Est-ce que ça se présente pour d'autres ordres? Je veux bien le croire. Notre point quant à plus de collaboration est surtout, comme le mentionnait Me Imreh, pour accélérer nos processus de changement et donc collaborer plus activement à cet effet-là. Que ce soit un pôle de coordination ou que ce soit un comité multisectoriel comme le propose le CIQ, qui semble être une bonne idée... Probablement que ça pourrait aider grandement d'autres ordres qui ont des situations complètement différentes de la nôtre. En ce qui nous concerne, on n'a pas... très peu étudié ce problème-là parce que... bien, en fait, ce problème ou cette question, parce que ce n'est pas un problème.

Mme Jean : Merci. C'est terminé.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour. Merci de votre présence puis de contribuer aux travaux de la commission parlementaire.

D'entrée de jeu, vous dites qu'on devrait maintenir l'obligation de l'autorisation ministérielle pour mener une enquête. Pourquoi est-ce que vous souhaitez qu'on maintienne l'autorisation ministérielle avant que l'office puisse entamer une enquête?

M. Laliberté (François) : On trouve important que la... D'abord, on considère que mener une enquête, c'est quelque chose d'exceptionnel, et à ce moment-là on croit important que la ministre en soit saisie. Dans notre perception des choses, c'est important de le faire.

Ceci étant dit, la collaboration avec l'office est absolument importante. Moi, je vois... Nous, nous voyons mal que l'office soit mal reçu dans un ordre lorsqu'il y a des problèmes. Ça peut être nous qui demandons à l'office de l'aide, ça peut être l'office qui entend des choses et vient nous voir. On doit collaborer, on se doit de collaborer, on doit être dans un système comme ça.

Est-ce que ça a besoin d'être balisé par des pouvoirs d'enquête? Pas certain. Mais, s'il arrive des... On croit même que ça va un peu loin et que ça, ça instaure une culture... C'est une question de principe, hein, de perception ou d'image, ça instaure une culture, ça s'en va vers une culture plus contrôlante ou policière, puis ça, quand on entre dans ces perceptions-là, la collaboration, elle peut être plus difficile. Donc, pourquoi aller vers ce genre de mesure là quand c'est surtout pour des cas exceptionnels? Puis, à ce moment-là, quand c'est exceptionnel, la ministre responsable doit en être saisie, à notre avis.

M. Jolin-Barrette : Puis vous dites : On a peur de la question de la culture, de rentrer dans une culture policière, dans la relation de l'ordre par rapport à... dans sa relation avec l'office, dans le fond, ça va changer les paramètres, la relation. Mais concrètement vous pensez que, quoi, ce serait comme une épée de Damoclès sur l'ordre lors des négociations avec l'office? Je comprends que vous me dites, bon : C'est un changement de perception, c'est un changement de culture, mais, au jour le jour, si l'office veut faire une enquête, présentement, bien, elle va déjà s'adresser à vous, mais, si jamais elle décide de faire une enquête, elle va aller requérir l'autorisation de la ministre... Je comprends que sur les perceptions c'est important, mais sur le pratico-pratique, là.

M. Laliberté (François) : Sur le pratico-pratique, comme je vous ai dit, si l'office considère qu'il y a quelque chose qui cloche, elle peut venir nous voir, puis on va collaborer. Si nous, comme ordre, ne collaborions pas, bien, je pense que l'office, à ce moment-là, elle aurait tous les arguments pour aller voir le ministre responsable et dire : On a un problème ou on semble détecter un problème, et ils ne collaborent pas. Déjà c'est un signal, un très mauvais signal qu'on envoie. Et à ce moment-là le ministre responsable serait... il me semble que ce serait automatique d'autoriser la chose.

Mais au moins il y a un mécanisme pour mettre le ministre responsable, à ce moment-là, au fait qu'il semble y avoir un problème. Et, pour nous, on croit que c'est important que ça se fasse.

M. Jolin-Barrette : Sur la question des délais de prescription, donc, vous souhaitez une harmonisation des délais de prescription. Pouvez-vous définir votre propos?

M. Laliberté (François) : Me Imreh.

Mme Imreh (Ariane) : Oui, tout à fait. Alors, on voit qu'il y a un amendement qui est proposé, là, à l'article 189.1 afin de... voyons, de permettre un délai de prescription supérieur à ce qui est prévu actuellement, et on constate qu'à 189.0.1, bien, on a laissé les délais de prescription tels qu'ils sont actuellement, en matière d'exercice illégal, d'usurpation de titre, soit un an de la connaissance, et on peut retourner jusqu'à cinq ans de la commission de l'infraction. On voit mal pourquoi le législateur n'a pas profité de l'amendement à 189.1 pour également entrer ce même amendement à 189.0.1.

Nous sommes un petit ordre professionnel. Souvent, les faits sont dénoncés à retardement. Mme Coulombe se plaît souvent à dire : Tu sais, Ariane, la forêt, elle est lente, elle prend son temps. Et souvent nous arrivons avec des dénonciations, et, même s'il nous reste un an pour agir, il faut faire une enquête complète.

Les ressources sont relativement limitées dans un petit ordre qui n'a que huit personnes au siège social, incluant tous les employés. Il me semble qu'une mesure qui favoriserait un délai supérieur au un an qui est prévu actuellement pourrait vraiment aider l'ordre à accomplir et à remplir adéquatement sa mission de protection du public en matière d'exercice illégal et d'usurpation de titre, qui sont quand même fondamentaux en termes de protection du public.

Le Président (M. Ouellette) : Une minute, M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, pour l'ordre, la proposition, trois ans à partir de la connaissance, sept ans à partir de la commission de l'infraction, ça satisfait l'ordre?

Mme Imreh (Ariane) : Oui, tout à fait, parce qu'on viendrait d'harmoniser tous les délais, et je pense que ces délais-là seraient raisonnables aussi.

• (16 h 10) •

M. Jolin-Barrette : O.K. Rapidement, sur la question de l'immunité que le syndic peut conférer, est-ce que vous êtes à l'aise avec ça ou vous souhaitez que ça soit élargi, exemple, contre toute mesure de représailles?

Mme Imreh (Ariane) : Bien, évidemment, c'est une question sur laquelle on ne s'est pas attardés, quand on a analysé le projet de loi, mais nous croyons qu'évidemment ce serait bien de l'élargir et de pouvoir ainsi protéger les lanceurs d'alertes à tous égards. Ça, c'est bien clair.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Merci, M. François... non... oui, M. François Laliberté, Mme Marielle Coulombe et Mme Ariane Imreh, représentant l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec.

Je suspends quelques minutes. Je demanderais au Collège des médecins du Québec de s'avancer, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 16 h 11)

(Reprise à 16 h 13)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant le Collège des médecins du Québec, représenté par son président-directeur général, le Dr Charles Bernard, ainsi que son secrétaire, le Dr Yves Robert — c'est que vous venez de sauver du temps! Vous avez 10 minutes pour nous présenter votre exposé, et après il y aura une période de questions avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Dr Bernard, c'est à vous la parole.

Collège des médecins du Québec (CMQ)

M. Bernard (Charles) : Alors, merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les parlementaires, le Collège des médecins vous remercie de lui permettre de vous présenter ses réflexions et ses préoccupations relatives au projet de loi n° 98, dont l'objectif annoncé est d'améliorer la gouvernance des ordres professionnels, le fonctionnement du système professionnel et les mécanismes d'accès aux professions.

Vous avez reçu notre mémoire détaillé. Nous vous présenterons maintenant ce qui nous apparaît essentiel.

Pour apprécier la valeur de tout projet de loi portant sur le système professionnel, nous devrions tous ne nous poser qu'une seule question reflétant sa mission : Le public sera-t-il mieux protégé par les changements proposés? C'est donc par cette question que nous commenterons brièvement les principales orientations proposées par le projet de loi.

Nous affirmons d'emblée que notre système professionnel québécois, qui existe depuis plus de 40 ans, est l'un de nos fleurons institutionnels, envié non seulement ailleurs au Canada, mais également à travers le monde, le Collège des médecins peut en témoigner. Qu'il ait besoin d'ajustements est normal et souhaitable. Tous les acteurs du système attendaient depuis quelques années une mise à niveau, et cette volonté exprimée par le projet de loi est encourageante, et nous la saluons.

Une première action très significative a été faite il y a quelques années, suite à des représentations de plusieurs ordres professionnels, particulièrement du collège, avec l'adoption du projet de loi n° 17 réformant le système disciplinaire. Ce changement a considérablement amélioré l'efficacité de la justice disciplinaire et protège clairement mieux le public, et nous en remercions le gouvernement.

Mais de quels maux souffre actuellement notre système professionnel pour lui offrir des traitements visant à améliorer sa condition? Pour le collège, les problèmes auxquels nous avons à faire face principalement sont les suivants, les trois principaux.

Premièrement, l'accès des données reflétant la pratique professionnelle de nos membres. Depuis que je suis en place comme président du collège, il n'y a pas une rencontre avec votre collègue le ministre de la Santé et des Services sociaux et le président de l'Office des professions, que je vois assis à la table, où nous ne demandons pas d'avoir accès aux données de surveillance des pratiques de nos membres. Nos lois sur la protection des renseignements personnels, malgré leur noble objectif, nous bloquent cet accès.

Le meilleur exemple des conséquences de cet état de fait est l'usage abusif des opioïdes. Si vous lisez les journaux, écoutez la télé, vous avez vu ça. À l'heure où cette situation est décrite aux États-Unis et au Canada comme une urgence de santé, où la Fédération des ordres des médecins du Canada, en juin 2016, a pris position pour que des programmes de surveillance des ordonnances d'opioïdes comme ceux qui existent dans d'autres provinces depuis plusieurs années et gérés par des collèges des médecins soient établis dans chaque province, le Québec fait office de parent pauvre.

Le principal obstacle, c'est l'absence d'accès aux données. Cet outil pourrait prévenir des décès. Voilà un bon exemple de mesure simple qui permettrait à l'Ordre, par exemple, des pharmaciens et au collège de mieux protéger le public. Et nous ne mentionnons pas l'accès aux données d'hospitalisation, qui pourraient également... qui nous sont également défendues. Sans l'accès aux données, nous pouvons difficilement agir préventivement, et notre frustration est d'autant plus grande que le public croit à tort, comme vous peut-être, que nous y avons accès.

La deuxième préoccupation, c'est l'absence de juridiction sur les entreprises établissant des contrats avec nos membres. Nous avions eu l'occasion, lors d'une récente commission parlementaire sur les pouvoirs accrus de la RAMQ, projet de loi n° 92, si mon souvenir est bon, de dire que, dans le domaine de la santé, le Québec était devenu une terre de prospection pour les entrepreneurs, voyant dans les faiblesses de notre système autant d'occasions d'affaires. Il est pertinent aujourd'hui de prendre acte de cette réalité et de doter les ordres professionnels d'un droit de regard sur les contrats liant les entreprises et leurs membres. La commission Charbonneau, on y réfère souvent, mais la commission Charbonneau a largement démontré que le professionnel peut être soumis à des pressions d'entreprise pour contourner ses obligations déontologiques. Nos syndics doivent aller en cour pour avoir accès à de tels contrats.

Il est bien d'enseigner des règles d'éthique. Ne devrait-il pas y avoir des pouvoirs conséquents permettant de s'assurer qu'elles s'appliquent? Et clairement les pouvoirs des ordres professionnels, actuellement, ne sont plus adaptés.

Voilà une autre mesure concrète et urgente qui protégerait mieux le public. Encore faudrait-il aussi prévoir les pouvoirs de facturer les frais encourus par ces nouveaux mandats aux entreprises elles-mêmes.

Troisième sujet qui nous préoccupe : la prolifération des charlatans. Il n'y a pas une semaine où nous ne devons pas agir sur des situations d'exercice illégal. Nous avons eu l'occasion de vous entretenir à ce sujet après votre entrée en fonction, Mme la ministre. Nous vous réitérons le fait que, si la loi doit prévoir des amendes, c'est bien; ce qui nuit le plus aux charlatans, c'est leur réputation. À quoi sert-il d'augmenter des amendes contre des charlatans insolvables qui récidivent le lendemain de leur condamnation? La mise en place d'un registre permanent avec photos, facilement accessible au public, pourrait non seulement informer ces derniers, mais alimenter la vigilance médiatique et aussi prévenir ou à tout le moins atténuer les effets des récidivistes. Voilà une autre mesure concrète protégeant le public. Encore faudra-t-il statuer sur la priorité entre protection du public et droit à la vie privée des charlatans.

Que nous propose le projet de loi à l'étude? Une réforme de la gouvernance des ordres en établissant un nombre réduit, fixe et identique d'administrateurs pour tous les ordres, comme si la réalité de chaque profession était identique.

La séparation des fonctions de président et directeur général, sur ce point, il n'est pas inutile de rappeler que cette mesure ne touchera que sept des 46 ordres, dont le nôtre. Nous avions cette séparation jusqu'en 2005 et nous y reviendrons s'il le faut, si vous avez des questions. Toutefois, pour des raisons pratiques, nous souhaiterions que la loi prévoie un délai d'un an pour s'ajuster. (Interruption). Merci.

Le Président (M. Ouellette) : ...non? Ah! Vous avez dit...

• (16 h 20) •

M. Bernard (Charles) : Non. Il pense à ma sécheresse de bouche parce que c'est sec, à l'Assemblée nationale.

La formation des administrateurs et des futurs membres en éthique et déontologie, c'est un autre sujet qui est couvert. Alors, depuis 2007, nous donnons systématiquement à tous nos candidats au permis d'exercice des sessions de formation sur les aspects légaux et déontologiques. Nous continuerons à le faire en élargissant sa portée.

Une augmentation de la représentativité des administrateurs nommés à l'office au sein des conseils d'administration. Nous constatons toutefois que le projet de loi est remarquablement muet sur les qualités requises de ces administrateurs ainsi que sur les mécanismes de sélection et de nomination. Auront-ils de la formation, des mécanismes d'évaluation? Aucune information à ce sujet. Nous avons l'impression qu'actuellement les nominations relèvent davantage du hasard et des décisions discrétionnaires de l'office que d'un processus rigoureux.

Le Code des professions prévoit des mécanismes de destitution des secrétaires des syndics, et nous saluons le fait qu'il en sera de même pour les directeurs généraux. Mais qu'en est-il d'un mécanisme préétabli de destitution des administrateurs? Eux aussi pourraient être fautifs, et le projet de loi est muet à ce sujet. Est-ce que ce sera un des nouveaux pouvoirs confiés à l'office? Le projet de loi n'en parle pas. Si le passé est garant de l'avenir, nous sommes d'avis qu'il faudrait mettre en place à l'avance un tel mécanisme et formuler des règles du jeu claires pour tous, y compris le public.

Est-ce que ces mesures protégeront mieux le public? Nous vous laissons juges de la réponse. Nous sommes d'avis que l'effet de ces mesures sur les enjeux actuels de protection du public seront mineurs, d'où notre marque médiatisée récemment de «réforme cosmétique».

Enfin, le projet de loi aborde la question de l'accessibilité aux professions et prévoit deux mécanismes pour la faciliter, c'est-à-dire l'élargissement des pouvoirs du commissaire aux plaintes, qui deviendrait Commissaire à l'admission, et la création du pôle de coordination pour l'accès à la formation.

La profession médicale, elle est contingentée, je ne vous apprends rien. Le nombre de postes dans les facultés de médecine et le nombre de postes sur le marché du travail, par spécialité, par région, sont déterminés par un décret gouvernemental, je ne vous apprends rien là non plus. Nous sommes... Non seulement tous les postes sur le marché du travail sont-ils pourvus, mais le nombre de candidats qualifiés par nos propres facultés de médecine est déjà, dans plusieurs spécialités, supérieur au nombre de postes qui seront disponibles.

De notre point de vue, le problème dans la profession médicale n'est pas une reconnaissance des compétences mais de cohérence des politiques gouvernementales. Visiblement, le ministère de l'Éducation, le ministère des Relations internationales, le ministère de l'Immigration, le ministère de la Justice et surtout le ministère de la Santé et des Services sociaux lancent des messages au mieux contradictoires dont le collège fait les frais. Un médecin étranger qui doit payer lui-même son stage d'évaluation parce que le ministère juge que sa spécialité n'est pas prioritaire sera-t-il motivé à le faire s'il n'a pas l'assurance d'un poste quand il obtiendra son permis? C'est notre réalité quotidienne. Nous serions prêts à lui donner son permis, mais l'exercice de la médecine est conditionnel à la disponibilité d'un poste relevant d'un ministère de la Santé et des Services sociaux. Pour notre profession, le problème d'accessibilité et d'intégration relève bien davantage des contradictions interministérielles que du collège.

Souhaitons que le commissaire et le pôle ou d'autres mécanismes de concertation aient suffisamment de pouvoirs sur la machine gouvernementale pour atteindre l'objectif visé. Ici encore, le public sera-t-il mieux protégé par ces mesures? Nous jugerons l'arbre à ses fruits.

En conclusion, nos commentaires détaillés se trouvent dans notre mémoire, que vous avez reçu il y a une semaine. Retenez que nous sommes plus que favorables à toute mesure qui aura pour effet de mieux protéger le public. S'il est bien de donner des pouvoirs aux agents de contrôle des ordres que sont l'office et le commissaire, il faudrait peut-être aussi donner plus de pouvoir réel aux ordres, qui constituent, il ne faut pas l'oublier, la première ligne de protection du public. Renforcer les contrôles sans donner des nouveaux pouvoirs réels aux ordres, selon nous, c'est étouffer les ordres sous la lourdeur bureaucratique sans améliorer véritablement la protection du public.

Pour nous, le projet de loi n° 98 constitue une bonne introduction d'amélioration au système professionnel. Nous attendons impatiemment la suite, qui visera directement à mieux protéger le public.

Nous vous remercions. Et nous sommes ouverts à toutes vos questions, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Dr Bernard. Je vais vous laisser prendre une gorgée d'eau avant la période de questions. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci. Merci, Dr Bernard. Merci de votre présentation.

Je ne suis pas certaine que je partage complètement votre lecture du projet de loi. Je pense qu'il y a une volonté claire d'augmenter la protection du public, de répondre à un certain nombre de recommandations.

M. Bernard (Charles) : ...on dit que c'est une introduction.

Mme Vallée : Oui, c'est ça. Mais, bref, sur votre introduction, j'aimerais vous entendre. Parce que d'abord il y a la question de la gouvernance, on va aborder cet aspect-là. Sur la gouvernance, vous avez un enjeu, vous avez soulevé un enjeu : vous n'êtes pas d'accord à imposer un modèle unique quant au nombre des administrateurs qui siègent au conseil d'administration d'un ordre. Je crois que vous semblez souhaiter le statu quo quant à votre... quant au nombre de membres qui siègent au conseil d'administration. J'aimerais vous entendre un peu sur la réalité du Collège des médecins et sur la composition actuelle de votre conseil d'administration.

M. Bernard (Charles) : Si on nous donne le choix, c'est sûr qu'on préférerait garder le modèle qui existe, mais je sais qu'il y a des modes, il y a des gourous, actuellement, il y a toutes sortes de vocabulaires, dans la gouvernance, et ça change. Je vous rappelais dans notre présentation verbale ici qu'en 2005 on avait une gouvernance un peu différente, ça a changé. Alors, je ne suis pas contre le fait qu'on puisse changer la gouvernance, au contraire, si on a une garantie que ça va améliorer quelque chose.

Mais je questionne autour de moi et je leur demande : Est-ce que vous trouvez que, si on a 20 ou 11 administrateurs autour de la table du Collège des médecins, ça va changer quelque chose dans la protection du public? Je n'ai pas encore rencontré personne qui m'a dit : Oui, ça va tout changer. Alors, ça me questionne sur la pertinence de ça.

Et nous, en plus, on a une longue, longue histoire de notre conseil d'administration où on avait des représentants des facultés de médecine. Il faut dire que le modèle du système québécois a été un peu calqué sur le Collège des médecins, il y a 40 quelques années, il ne faut pas l'oublier, et on a un petit peu importé des choses que le Collège des médecins faisait. La seule chose qui n'avait pas été introduite, c'est d'introduire, justement, les écoles... pour nous, c'est les écoles de médecine, mais les écoles dans les autres professions, ce qui fait que, par exemple, pour le Barreau, dont vous êtes, on a fait une école de Barreau à part et qui est gérée par l'ordre professionnel. Nous, le Collège des médecins, c'est les universités qui gèrent la formation professionnelle, si vous voulez, les résidences, et nous, on fait les agréments, et tout ça, mais on est très proches de ces gens-là pour qu'ils connaissent les besoins de la population et les besoins des gens qui viennent sur le terrain pour travailler. Parce qu'il ne faut pas oublier que, quand on forme des gens à l'université, il faut qu'ils soient capables de rendre des services après dans la population, c'est ça, l'objectif premier, parce que, si on forme des gens juste pour les former, puis ils ne sont pas capables de rendre de service, ça ne donne absolument rien. Alors, la présence des facultés de médecine nous permettait d'avoir ce contact.

On va sûrement trouver une façon, tu sais, on est créatifs, là. Même s'ils ne sont pas assis autour de la table, on va les impliquer autrement. Et jamais on... Si le projet de loi impose ça, écoutez, le Collège des médecins va obtempérer puis va... Mais ce n'est pas notre premier choix.

Le Président (M. Ouellette) : Oui, M. Robert.

M. Robert (Yves) : J'ajouterais en complément, si vous permettez, qu'on a un problème de représentativité. Il faut représenter toutes les régions, et notre profession, ce n'est pas que la médecine, on a 60 spécialités qu'on reconnaît, donc, si on n'a pas autour de la table minimalement des médecins de famille et des médecins d'autres spécialités, il y a un problème de représentation de la profession elle-même.

Donc, on ne se battra pas pour un nombre d'administrateurs. Est-ce que 11, 15, 20, 25, 22, c'est meilleur? Ce n'est pas ça, la question. La question, c'est d'avoir un souci de représentativité. Puis, pour nous, les membres du conseil d'administration, ce n'est pas nécessairement le nombre qui devrait faire l'objet d'un débat mais un souci de bonne représentativité non seulement des spécialités, mais des régions également.

Mme Vallée : Mais vous soulevez quelque chose d'intéressant parce que les différents intervenants qui nous ont rencontrés au cours des dernières semaines nous ont sensibilisé à cet enjeu-là de la représentativité qui ne devrait pas être présent au sein des ordres professionnels, dont la mission devrait être vraiment centrée sur la protection du public. Donc, à partir du moment où la mission de l'ordre est la protection du public, la représentativité au sein du conseil d'administration n'a pas sa raison d'être, puisque le conseil d'administration de l'ordre n'est pas là pour... n'est pas une association professionnelle mais doit bien veiller à assurer la protection du public, et ça, la représentativité, la provenance des administrateurs ne devrait pas être un enjeu ou un facteur à considérer.

• (16 h 30) •

M. Robert (Yves) : Oui, c'est un bon point, mais en fait on s'aperçoit, dans l'exercice de notre mandat, qu'il y a des différences d'une région à l'autre et que la participation des médecins d'autres régions fait en sorte que ça enrichit souvent les points de vue qu'on développe comme collège pour l'ensemble de la population. Gérer les problèmes de qualité d'exercice à Montréal et dans le reste du Québec, c'est deux choses différentes, et, nonobstant ce qu'on en dit, sur le plan organisationnel, les impacts sur la charge et... la façon d'appliquer le code de déontologie, par exemple, à Montréal ou ailleurs, est un peu différente d'une région à l'autre. Et cet input-là de la part des médecins qui travaillent en région est un plus pour nous autres. Et je dois vous dire que, quand on fait des consultations en préparant des documents, des guides d'exercice, et tout ça, on s'aperçoit que la façon d'appliquer les règles varie d'une région à l'autre à cause des ressources qui sont disponibles et de la nature des problèmes auxquels ils font face.

Mme Vallée : Bien, ça aussi, c'est intéressant, parce qu'un code d'éthique, en principe, code d'éthique et de déontologie, comment peut-il être appliqué ou interprété différemment d'une région à l'autre? Est-ce qu'on ne devrait pas... Les valeurs d'éthique et la déontologie ne devraient-elles pas être les mêmes, peu importe que l'on pratique à...

M. Bernard (Charles) : ...uniformité dans l'application du code de déontologie puis dans l'éthique, là. Ce que mon collègue, Dr Robert, veut vous expliquer, c'est que la réalité du terrain est très différente entre un hôpital universitaire du CUSM ou du CHUM, en plein centre-ville de Montréal, et, je ne sais pas, moi, à Shawville, dans votre région. Alors, les médecins n'ont pas les mêmes préoccupations, n'ont pas les mêmes...

Mme Vallée : Mais vous m'excuserez, je vous pose la question parce que je n'ai pas votre expertise. C'est pour ça que vous êtes là.

M. Bernard (Charles) : Non, non, mais c'est dans tous les domaines, ce n'est pas juste dans le domaine de la médecine. Alors donc, c'est que cet éclairage-là, autour d'une table... Un conseil d'administration, hein, pas juste au Collège des médecins, dans toute organisation, que ce soit dans des organismes gouvernementaux, et tout ça... Je regarde autour. À l'Assemblée nationale, ce n'est pas tout le même modèle, hein, les députés ne sont pas tous sur le même cadre, il y a des gens qui sont originaires de différents métiers, de différentes régions, et tout ça, et ça enrichit le débat.

Mme Vallée : Oui, mais notre code d'éthique s'applique, peu importe...

M. Bernard (Charles) : Au Collège des médecins, si on a tous le même modèle de bonhommes ou de bonnes femmes, bien, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, ça va être plate puis il n'y aura pas de richesse dans les discussions qui vont s'amener autour de la table. Moi, je pense qu'un conseil d'administration, peu importe l'organisme — et puis je ne parle pas juste du Collège des médecins, je suis sur d'autres conseils d'administration, et j'en ai fait beaucoup dans ma carrière — ce qui fait la richesse, c'est les origines différentes des gens qui sont autour de la table.

Je vais vous donner un exemple. On se ramasse à Montréal puis avec tous des gens qui sont des médecins du centre-ville de Montréal. Il ne faut pas se le cacher, c'est la région où plus de la moitié ou presque les deux tiers des médecins sont, dans la région autour. C'est sûr que, si vous faites un conseil d'administration puis, par exemple, vous faites un vote puis vous élisez des gens, ça va être tous être des gens de Montréal. Est-ce que vous allez avoir une bonne écoute, une bonne vision, une bonne sensibilité de ce qui se passe à travers tout le Québec? Moi, j'en doute.

Mme Vallée : On nous a... Bien, je vous dirais que, pour ce qui est de la protection du public, j'ai l'impression qu'il y a effectivement des pratiques qui sont distinctes, mais il y a quand même des grandes lignes de conduite qui doivent s'appliquer, qui doivent être les mêmes, et ça, peu importe la pratique, qu'on pratique la médecine, qu'on pratique le droit, le notariat, le génie civil, peu importe. La protection du public, elle n'est pas si différente, et les enjeux de protection ne sont pas si différents.

Je comprends qu'il puisse y avoir, sur le terrain, différents enjeux ponctuels auxquels le conseil d'administration doit s'attarder. Mais ça m'amène à une question. Il y a quelques semaines, la Fédération des chambres de commerce de Montréal nous suggérait de modifier le texte du Code des professions pour mentionner... et mon collègue de Borduas a posé la question à un ordre qui vous a précédés ce matin, s'il ne serait pas opportun de mentionner que la seule et unique mission d'un ordre est celle de la protection du public; plutôt que d'indiquer «la principale mission», tel qu'on le retrouve actuellement, mais que la seule et unique mission de l'ordre soit la protection du public. Compte tenu des représentations que vous avez faites dans votre mémoire, j'aimerais vous entendre sur cette question.

M. Bernard (Charles) : La réponse, c'est oui. Très simple. Nous, on est, au Collège des médecins, uniquement sur le mandat de la protection du public, on a zéro budget pour faire la promotion de notre travail, O.K.? Vous pouvez... Me Dutrisac est là, là, il scrute nos rapports annuels depuis des années sur les budgets, vous pouvez lui demander s'il a trouvé une cent qui est allée dans la promotion de la médecine par l'ordre. Jamais. On n'est pas là pour ça, il y a d'autres organisations qui font ça.

C'est sûr que, si on regarde tous les ordres professionnels, à travers les 46, il y en a qui jouent le rôle de syndicats, il y en a qui jouent le rôle de promoteurs de leur profession, il y en a qui vantent... qui font des campagnes de publicité. Le Collège des médecins est là pour la protection du public.

Et, nous, ce qu'on veut avoir, c'est des instruments pour faire notre job. Les instruments pour faire notre job, vous l'avez bien dit... J'en suis, pour la gouvernance et tout ça, là, mais, pour moi, c'est secondaire. Moi, l'important, c'est de faire de l'inspection correctement, avec les instruments puis les outils qu'il faut, c'est de faire des enquêtes correctement, avec les outils qu'il faut, puis donner des permis à des gens qui sont compétents, pas donner des demi-permis, pas avoir deux standards, pas me faire des petites magouilles pour que Jos Bleau passe parce qu'il vient de tel pays, puis toutes sortes d'affaires, là. On a des standards, puis les médecins au Québec sont tous égaux. Et, tant que je serai président du Collège des médecins, on va tous avoir la même compétence.

C'est sûr qu'on a des moutons noirs dans notre profession. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on fait de l'inspection, c'est pour ça qu'on fait des enquêtes. Et notre rôle principal et unique, c'est ça.

Alors, le reste, le fligne-flagne, on n'en veut pas. On veut, par exemple, que vous nous donniez les outils pour le faire correctement. On avait certains outils avant, mais, depuis un certain nombre d'années, on ne les a pas, donc on intervient de façon individuelle.

Puis, quand on nous questionne puis qu'on nous reproche d'être ci, corporatistes, d'être ça, de protéger quoi que ce soit, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? J'ai des règlements, et des balises, et des frontières qui sont infranchissables. Bien, moi, je respecte les lois, malheureusement, mes parents m'ont élevé comme ça.

Alors, si on veut faire des flignes-flagnes, bien là, c'est d'autre chose, on n'embarquera dans des flignes-flagnes. Mais on veut, si les règles soient changées, qu'elles soient claires, puis qu'elles soient claires pour tout le monde, qu'on fasse notre travail, mais, pour...

Mme Vallée : Vous semblez prétendre qu'il y a une volonté de fligne-flagne. Au contraire, au contraire, cette volonté...

M. Bernard (Charles) : Bien, j'ai lu récemment des gens qui m'ont fait des recommandations, concernant les permis des étrangers, où on disait qu'on devrait adapter les stages, qu'on devrait aider pour des stages... ne pas les envoyer trop loin. On envoie les gens où il y a des disponibilités de stage. C'est une pénurie de stages. Je pense qu'il y a d'autres ordres professionnels qui sont passés avant nous qui vous ont dit : Il n'y en a plus, de stages.

Écoutez, on a des cohortes d'étudiants en médecine énormes. On a du monde qu'on doit faire de la remédiation, hein, il y a des gens qu'on veut ramener à l'ordre. Il y en a qu'on radie qui sont des pas bons, mais il y en a qui sont récupérables, ça prend des stages. Et on a des gens qui viennent de l'étranger, on a des ARM. Mais, qu'est-ce que vous voulez, on est une province de huit millions, Mme la ministre, on n'a pas des hôpitaux comme en Californie ou dans la région de Boston, à l'infini, là. Alors donc, le nombre de stages est limité, puis là tout le monde se bat pour les mêmes stages.

Là, on va nous demander bientôt, je ne sais pas si vous êtes au courant, de participer à un effort d'IPS. Mais, ce monde-là, il faut qu'ils fassent des stages, eux autres aussi. Mais où on va les envoyer, tout ce monde-là, là? On va les empiler un par-dessus l'autre?

Si on veut avoir des gens compétents, il faut qu'on ait des stages cohérents. Alors, c'est pour ça que je vous dis qu'il faut qu'on nous donne les outils qu'il faut puis il faut faire attention pour ne pas essayer de nous demander de faire des flignes-flagnes ou des choses pour adapter nos stages ou adapter nos comportements pour aider les gens, qui sont traités égaux, tout le monde.

Mme Vallée : Bien, c'est justement l'objectif du traitement équitable... du projet de loi, lorsqu'il est question d'élargir les pouvoirs du commissaire pour en faire un commissaire à l'admission, c'est de s'assurer que les processus sont équitables pour tous, peu importe qui est la personne, peu importe d'où vient celui ou celle...

M. Bernard (Charles) : ...le commissaire aux plaintes existe déjà depuis 2007. Est-ce qu'il y a eu beaucoup de cas où le Collège des médecins a été pris en faute? Je vous pose la question.

Mme Vallée : Ah! En fait, je n'ai pas de...

M. Bernard (Charles) : Zéro.

Mme Vallée : Ce n'est pas une question de prise en faute. Puis ça aussi, je pense qu'il faut...

M. Bernard (Charles) : Non, mais c'est un commissaire aux plaintes.

Mme Vallée : C'est un commissaire aux plaintes.

M. Bernard (Charles) : Les plaintes, c'est les gens qui ne sont pas contents.

Le Président (M. Ouellette) : Là, je suis obligé d'intervenir parce qu'il ne suit plus, mon...

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Non, c'est juste parce qu'il faut que ce soit enregistré.

M. Bernard (Charles) : Mais c'est parce que c'est mon enthousiasme. Je suis convaincu de la protection du public puis du rôle du Collège des médecins.

Le Président (M. Ouellette) : J'ai compris ça, j'ai compris ça.

M. Bernard (Charles) : Je m'excuse, M. le Président, si je... Ça sort plus vite... Mais ça roule plus vite en haut, par exemple.

Le Président (M. Ouellette) : Bien, je n'ai pas de misère avec ça, mais pour qu'on soit capables de suivre puis les gens qui nous suivent aussi soient aussi capables de suivre.

M. Bernard (Charles) : O.K. Je vais laisser mon collègue répondre lentement.

Le Président (M. Ouellette) : Une dernière remarque, Mme la ministre.

Mme Vallée : Bien, en fait, l'objectif, lorsque vous parlez du traitement équitable, je trouve ça intéressant parce que c'est l'objectif, d'avoir un traitement équitable, et d'avoir un commissaire à l'admission, pas tant aux plaintes, puisque ça donne peut-être une couleur qui n'est pas celle qui est souhaitée, mais qui est plutôt d'identifier les enjeux qui peuvent poser problème, qui ne sont pas nécessairement tous propres au fait des ordres professionnels, parce que l'enjeu et le défi de l'admission aux professions n'est pas que le fait des ordres professionnels non plus, puis il est important d'avoir ce regard plus global et d'amener les gens autour d'une table.

M. Bernard (Charles) : Avant de laisser la parole à mon collègue, Dr Robert, je peux vous dire que, dans notre présentation, on vous a dit que, nous, notre lecture de ce problème-là, c'est plus un problème de cohérence, O.K., ce n'est pas un problème d'ordre professionnel.

Mme Vallée : Bien, c'est justement le rôle du pôle.

Le Président (M. Ouellette) : On a terminé.

M. Bernard (Charles) : Je m'excuse, mais vous aurez beau mettre même tous les commissaires du monde, ça ne réglera pas s'il n'y a pas de cohérence entre les différents ministères puis les... Si le ministère de l'Immigration veut que ça rentre à pleine porte, puis si un autre ministère dit : On ferme la porte, qu'est-ce qu'on fait?

Mme Vallée : Mais c'est le rôle du pôle d'avoir cette coordination-là, d'amener les gens...

• (16 h 40) •

M. Bernard (Charles) : ...on ne s'oppose pas à ça. On vous dit : Donnez-lui des dents, du pouvoir, pas des recommandations...

Le Président (M. Ouellette) : O.K. Merci. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci. Alors, bonjour, M. Bernard et M. Robert. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour vos commentaires.

Je vais inviter ma collègue la députée de Taillon à vous poser des questions.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Merci, M. le Président. Alors, Dr Bernard, Dr Robert. C'est sûr qu'on a effectivement des priorités multiples pour mieux assurer la protection du public, mais aujourd'hui le gouvernement nous propose un projet de loi, alors on va essayer de rester sur celui-là. On pourra reparler dans d'autres contextes, là, de... entre autres le projet de loi sur la RAMQ, qui était très pertinent.

Mais il reste que, même dans ce projet de loi ici, on cherche à comprendre les objectifs, les pouvoirs réels, les moyens que le gouvernement veut attribuer au Commissaire à l'admission, donc le nouveau commissaire. Quels sont les objectifs qui sont visés?

Vous, vous proposez d'en faire un ombudsman. Moi, ce que j'ai été surprise, et je voudrais que vous me donniez le fond de votre pensée, la page 18, votre recommandation 15, où vous dites : «Le collège recommande que l'étendue des pouvoirs du commissaire soit précisée, notamment quant à sa compétence à l'égard des personnes formées au Québec et quant à la limite entre l'admission à la profession et l'admission aux études.»

Est-ce que votre compréhension du mandat qui serait actuellement dévolu au Commissaire à l'admission pourrait aller aussi loin que de fixer le nombre d'admissions, par exemple, en médecine, le nombre de candidats qui pourraient aller en médecine de famille, en médecine spécialisée? Est-ce que c'est votre compréhension actuelle?

M. Robert (Yves) : C'est ce qui n'est pas clair dans le projet de loi, à notre avis. C'est-à-dire, est-ce que ça va aller jusque-là? Et jusqu'à quel point le commissaire va pouvoir émettre des recommandations sur les entrées en médecine, par exemple?

Jusqu'à maintenant, il y a une table de concertation qui est mise en place à la Direction générale des services de santé et de la médecine universitaire du ministère, et c'est eux qui préparent le décret et qui suivent la planification de la main-d'oeuvre médicale au Québec avec Recrutement Santé Québec. Et donc c'est par décret que le nombre de postes d'entrée en médecine en première année, de résidence dans chacune des places de spécialité... et dans les postes disponibles sur le marché du travail par la suite, par spécialité et par région, c'est déterminé par décret.

Donc, la question qu'on se pose, justement, et c'est ça qu'on demande de préciser : Ça va être quoi, le rôle du commissaire, en rapport avec cela? Parce qu'un des problèmes qu'on est en train... Puis ça va être important, parce que le nombre de postes, il est fixe et il n'est pas nécessairement lié à l'origine du médecin, O.K.? Donc, normalement, il devrait y avoir une cohérence entre les entrées et les sorties sur le marché du travail de nos facultés de médecine. Et, si on veut prévoir des places pour des médecins venant de l'étranger, bien, il faudrait les ajouter à ceux qu'on fait rentrer. Sinon, il y a une collision frontale qui va arriver au niveau du marché du travail, c'est ça qui est le problème.

Mme Lamarre : Un goulot d'étranglement. Parce que médiatiquement, on le sait, là, vous avez été interpelés, puis ça arrive assez souvent, sur le manque de milieux de stage. Et pourtant, à l'ordre, vous avez, comme vous l'avez dit, des représentants des universités.

Donc, qui, actuellement, aurait le pouvoir d'augmenter le nombre de milieux de stage? Est-ce que c'est un problème de ressources humaines, d'organisation, de financement des établissements pour accueillir plus de stagiaires? Où est la solution?

M. Bernard (Charles) : Les stages de formation, ça relève du ministère de l'Éducation, parce que les stages sont principalement faits en milieu de formation, c'est-à-dire les milieux universitaires. Donc, on a déjà fait des représentations auprès du ministère de l'Éducation. Il faudrait qu'il y ait, encore là, une cohérence entre les attentes du ministère de la Santé et Services sociaux et le ministère de l'Éducation. Mais c'est sûr et certain que, si vous augmentez le nombre de possibilités de stage, ça va prendre du financement pour avoir plus de stages, parce que les maîtres de stage, ils le font bénévolement en partie, mais ils ne feront pas des stages tout le temps, tout le temps bénévoles.

Mme Lamarre : Et, le pôle de coordination, est-ce que vous voyez qu'il possède les leviers pour ça? Il n'y a pas de mission de financement, là, actuellement, là, qui a été prévue à ça?

M. Robert (Yves) : Bien, c'est là qu'est toute la question. Un pôle, on peut se réunir autour d'une table, mais, au bout de la ligne, c'est qui qui va prendre la décision? Puis qui va faire que ça va être efficace ou non?

Et là un des problèmes auxquels on a à faire face, c'est qu'en fait on demande à tous les médecins étrangers de passer par Recrutement Santé Québec, c'est eux qui coordonnent, entre guillemets, le parrainage entre les places disponibles, la formation du médecin, et c'est nous, une fois qu'on a un jumelage qui est fait, qui procédons à l'évaluation. Ce stage-là, pour les 60 spécialités, le ministère a déterminé qu'il n'y avait que 10 spécialités prioritaires, les autres étant pleines. Donc, ça ne veut pas dire que le médecin ne pourrait pas faire un stage, mais il faudrait qu'il débourse lui-même, parce que le ministère ne finance que les 10 spécialités reconnues comme prioritaires. Et un stage, l'évaluation, de trois mois, c'est 20 000 $. Donc, la question, c'est : Qui paie le 20 000 $ pour les spécialités qui sont saturées, et pour lesquelles elles sont d'autant plus saturées que le médecin étranger qui aurait une de ces spécialités non prioritaires devrait défrayer lui-même le coût du stage, sans garantie d'avoir une place?

Mme Lamarre : Mais, mettons l'hypothèse, là, parce qu'on va aller un peu plus en détail, c'est ça qui revient souvent, si le médecin étranger a le 20 000 $ et qu'il dit : Moi, je suis prêt à débourser pour ce stage-là, est-ce qu'actuellement il y a un mécanisme qui dit : On va accueillir, on va s'arranger pour qu'il y ait une opportunité, pour qu'il soit accueilli dans cette spécialité-là pour faire son stage?

M. Bernard (Charles) : Actuellement, il est sur une liste d'attente. Il va avoir son tour quand il va y avoir une disponibilité.

M. Robert (Yves) : Il va avoir son stage, oui, il va avoir son stage...

Mme Lamarre : Le fait qu'il veuille payer, il n'y a pas nécessairement de place...

Des voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Woups! On recommence. Il faut suivre, à l'audio.

M. Bernard (Charles) : Je suis indiscipliné, hein?

Le Président (M. Ouellette) : Oui, un petit peu. Mais c'est correct, je comprends.

M. Bernard (Charles) : Mais vous êtes là pour me discipliner, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Bien, je vais essayer, mais c'est difficile, c'est difficile, il doit y avoir de quoi dans l'eau. Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Donc, même si le médecin étranger est prêt à débourser le 20 000 $ pour faire son stage, vous dites : Il y a une liste d'attente, et donc il n'y a pas de possibilité.

Qu'est-ce qu'il faut pour qu'il y ait une plus grande ouverture? C'est le ministère de l'Éducation qui doit ouvrir plus de postes? C'est le ministère de la Santé qui doit créer des incitatifs dans les établissements hospitaliers ou de formation pour augmenter les cohortes?

Le Président (M. Ouellette) : Dr Robert.

Mme Lamarre : On cherche des solutions, là.

M. Robert (Yves) : Il faut qu'il y ait une place physique, premièrement, parce qu'en fait les maîtres de stage ne sont pas illimités, O.K., parce qu'il faut que ce soit dans un milieu agréé. Donc, il y a déjà des résidents qui sont là, il y a déjà des résidents en attente, il y a déjà des IPS qui sont en formation, il y a des professionnels autres que des médecins qui utilisent les mêmes stages, et il y a nos propres médecins qui sont déjà au tableau de l'ordre à qui on impose des stages occasionnellement. Et, les lieux de stage étant limités et fixes, bien, à un moment donné, le médecin étranger va pouvoir entrer quand il y aura une place.

M. Bernard (Charles) : Si je peux compléter...

Mme Lamarre : Je vais me permettre un petit commentaire, par exemple, sur les IPS, si vous me permettez, parce qu'au départ on n'en avait pas beaucoup, mais là, maintenant, il y en a, et, dans toutes les autres professions, ce sont les mêmes professionnels qui font la formation des autres professionnels. Donc, maintenant qu'on a une cohorte de plus de 300 infirmières praticiennes spécialisées, ce ne serait pas une bonne façon de libérer des places de médecin, de la disponibilité de médecins, en permettant aux IPS diplômées d'être celles qui supervisent les IPS en formation?

Le Président (M. Ouellette) : Je vais demander au Dr Bernard de compléter sa réponse de tantôt.

M. Bernard (Charles) : Oui, vous avez entièrement raison, puis on est en faveur de ça. Mais, avant que les gens soient autonomes complètement puis qu'il y ait des formateurs qui soient prêts à le faire... On attend ça, on veut que ça existe, mais les cohortes, actuellement, sont très faibles, puis la demande est très grande. Même si on imposait aux infirmières de former leurs propres IPS, elles ne seraient pas capables, il n'y aurait pas d'accueil. Je pense, d'ailleurs, l'Ordre des infirmières est venu vous le dire. Alors donc, on n'a pas juste le Collège des médecins, les autres...

Pour revenir sur la question du financement, les stages qui étaient pour les médecins étrangers, surtout les ARM, étaient financés par le ministère de la Santé, où on a retiré la plus grande partie de ce financement-là à cause des postes qui étaient non disponibles ici, au Québec. Alors, c'est très restreint.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taillon. Une minute.

Mme Lamarre : Une minute, c'est bien ça?

Le Président (M. Ouellette) : Une.

Mme Lamarre : Écoutez, moi, je veux d'abord vous... Je trouve que vous avez innové quand même au niveau de la vérification externe des livres des ordres professionnels. Ça, je pense que c'est un signe de transparence.

Et, dans la perspective où vous demandez que l'ordre fixe les cotisations, je pense qu'il faut... En fait, il y a deux écoles de pensée, là. Donc, moi, je vois que vous, vous avez choisi que l'ordre fixe les cotisations. S'il fixe les cotisations, eh bien, je pense qu'il faut avoir énormément de transparence, et ça, c'est nécessaire parce que, sinon, les membres vont résister en se disant : Les gens n'utilisent pas adéquatement les montants d'argent.

Par contre, vous avez une petite réserve sur la rémunération du président ou des postes, moi, je dirais les hauts dirigeants, là...

M. Bernard (Charles) : On n'a pas de réserve...

Le Président (M. Ouellette) : Oui.

• (16 h 50) •

M. Bernard (Charles) : On n'a pas de réserve, on est de ceux qui sont les plus ouverts pour que le rapport annuel soit le plus transparent et le plus complet possible. La seule chose, c'est que, la rémunération, on est d'accord qu'elle soit connue puis on veut qu'elle soit connue sous une forme de rémunération globale par exemple, et que ce soient des montants, par exemple, avec la politique de rémunération, pour ne pas identifier, puis stigmatiser des gens, puis dire : Le directeur des affaires juridiques du Collège des médecins gagne tel salaire, puis ça va rendre les autres avocats tous jaloux, au Québec.

Mme Lamarre : ...quelques postes de haut dirigeant.

M. Bernard (Charles) : Mais pourquoi ne pas dire que, dans les directeurs, la fourchette de salaires est comme ça puis la politique est établie de telle façon? Ça revient au même, là, mais c'est une façon de ne pas identifier avec des noms. Moi, je trouve que c'est un petit peu... On voit ce que ça donne aussi, là, la chasse aux sorcières puis l'identification de gens, Untel gagne 0,05 $ de plus que l'autre.

Le Président (M. Ouellette) : Dr Bernard, c'est sûrement un lapsus, que vous mêliez les docteurs avec les avocats. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Dr Bernard, Dr Robert, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale.

D'entrée de jeu, j'aimerais qu'on revienne sur la discussion que vous aviez avec la ministre relativement à la mission d'un ordre professionnel. La question, c'était «principalement», dans le Code des professions, principalement la protection du public. Il y en a certains qui sont venus nous dire : Uniquement la protection du public. Vous disiez : Nous, au Collège des médecins, on ne fait que ça, on ne fait pas de publicité, on ne va pas chercher du membership. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a une réalité aussi différente de la part du Collège des médecins, où est-ce que vous avez des actes réservés, versus certains ordres professionnels où c'est une profession à titre réservé, où, là, ces gens-là, malgré le fait qu'ils font de la protection du public, pour pouvoir faire de la protection du public aussi, il faut qu'ils assujettissent les futurs professionnels à devenir membres de l'ordre pour que le syndic puisse les inspecter, parce qu'ils n'ont aucune obligation de le faire?

M. Bernard (Charles) : Vous avez raison, mais nous, on fait le travail qu'on a à faire avec, comme j'ai dit, les règles du jeu qui sont établies. Et c'est sûr qu'on a des actes réservés. Je suis obligé de jouer dans cette pièce-là parce que c'est comme ça que ça fonctionne.

Alors, si vous me demandez, moi, le Collège des médecins, je vous réponds : Pour nous, c'est la protection du public, et on essaie de faire notre rôle à 100 %. Les autres, si vous voulez modifier la façon de fonctionner, libre à vous, c'est vous qui avez le pouvoir de modifier les règles, ici, et les lois, alors c'est à vous de jouer. Moi, je ne vous dirai pas, tel autre ordre qui n'a pas d'acte réservé, qu'est-ce que vous devez leur mettre comme balises pour la protection du public, à vous de juger, là. Si vous trouvez qu'ils peuvent faire d'autres activités, c'est à vous... Moi, je ne peux pas faire de morale ou de leçons à d'autres. Moi, par contre, à moi-même et à mon groupe, oui, on peut se mettre des balises, oui, on peut travailler.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Votre recommandation 21 relativement au fait d'augmenter le plancher des amendes, vous souhaitez, dans le fond, que le collège ait un représentant au niveau de la négociation de l'amende. Comment vous voyez ça? Parce que, dans le fond, vous dites : On veut s'assurer qu'il ait les liquidités pour payer ou qu'il soit solvable.

M. Bernard (Charles) : Oui, exactement. Nous, là, c'est sûr et certain que, dans les amendes... Vous parlez des amendes pour nos membres ou les amendes pour les charlatans?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, votre recommandation 21, reconnus coupables en matière d'exercice illégal, donc les charlatans.

M. Bernard (Charles) : Oui, mais c'est ce que je vous ai dit tantôt, nous, on trouve que ce n'est pas juste ça qui doit être fait. On l'avait déjà dit antérieurement à Mme la ministre. Oui, c'est beau, que vous alliez augmenter, tripler, quadrupler les amendes. La majorité de ces gens-là, nous, on le sait, là, ça fait des années, même avant le Code des professions puis l'Office des professions, depuis 1847 qu'ils chassent les charlatans, alors, les gens sont insolvables, mais ils recommencent tout de suite le lendemain matin.

Par contre, la première chose que les gens n'aiment pas, c'est de voir leur grosse face dans le journal ou bien donc sur un site, puis de dire : Ça, c'est un bandit. Alors, ça, par exemple, ça leur fait mal, puis les gens peuvent les identifier puis ne retournent pas consulter ces gens-là.

Alors, nous, on le fait dans notre humble mesure, on a un site où les membres... pas nos membres, mais, les charlatans qui sont reconnus coupables, là, on a une liste des gens qu'ils peuvent consulter, mais c'est juste très limité à notre site Web, et il n'y a pas... Moi, j'avais pensé à un registre national qui serait facile d'accès pour tout le monde, et là ça ferait beaucoup plus mal aux charlatans.

Mais, les amendes, on peut en mettre, il n'y a pas de problème. Mais je vous mets au défi d'aller les percevoir.

M. Jolin-Barrette : Mais, sur le fait qu'un membre de l'ordre soit là pour négocier, qu'est-ce que vous voulez dire par là, dans le fond? Qu'il évalue sa situation financière...

M. Robert (Yves) : C'est surtout pour déterminer les modalités de remboursement de l'amende en question. Quand on se fait poser la... demander par quelqu'un qui se fait condamner : Est-ce qu'on peut vous rembourser à raison de 0,50 $ par mois... C'est de ça dont on parle, quand on parle de négociation. Il faut que ce soit quelque chose de raisonnable.

M. Jolin-Barrette : Je comprends. Pour ce qui est de la question de la suspension ou de la limitation provisoire, vous dites : Attention, soyons prudents. C'est des infractions punissables de cinq ans et plus d'emprisonnement. Vous dites : Il faut qu'il y ait un lien avec l'exercice de la profession, certains gestes. Comment est-ce que vous baliseriez ça?

M. Bernard (Charles) : Bien, comme vous avez dit, on joue de prudence dans ce dossier-là, pour deux raisons. C'est que les juristes vont vous dire qu'il y a la présomption d'innocence, et il faut être très prudent quand on... On n'est pas des juristes, on a des conseillers juridiques, mais les conseillers juridiques nous disent : Jouez de prudence dans ce dossier-là. Et nos syndics, déjà, dans l'exercice de leurs fonctions, voudraient à l'occasion... C'est des mesures qu'on pourrait qualifier d'exceptionnelles, il ne faut pas oublier ici qu'on est dans l'exception de l'exception. Alors donc, on se demande : Est-ce que... C'est important, oui, mais il ne faut pas dire que ça va être quelque chose qui va être appliqué quotidiennement ou hebdomadairement.

M. Jolin-Barrette : Je comprends. Tout à l'heure, vous avez mentionné, en parlant du commissaire aux plaintes, Commissaire à l'admission, que, si c'était le désir du gouvernement qu'il y ait quelque chose qui change, il faudrait qu'il ait des dents et du pouvoir, donc, concrètement, il faudrait donner davantage de pouvoirs, pas uniquement un pouvoir de recommandation, au commissaire à l'éthique, si on allait dans l'optique gouvernementale.

M. Bernard (Charles) : Pourquoi ce n'est pas le président de l'office qui a ce pouvoir-là?

M. Robert (Yves) : Ou pourquoi pas le pôle?

M. Bernard (Charles) : Pourquoi pas le pôle, dont le président sera le président de l'office?

Alors, moi, je pense, sans vouloir donner tous les pouvoirs à notre ami président de l'Office des professions, on a déjà des mécanismes, on a déjà des droits de regard, on a déjà des demandes qui pouvaient être faites, jusqu'à maintenant, dans... Moi, je suis... On n'est pas contre des pouvoirs accrus à l'Office des professions, au contraire, vous l'avez vu dans nos représentations. On n'a absolument rien à dire contre ça, au contraire, au contraire. Moi, je trouve, et ça, c'est mon opinion personnelle, qu'il y a un peu de dédoublement là-dedans, là. On va avoir un président de l'office qui va être président d'un pôle puis on va avoir un commissaire. Qui va avoir prédominance sur l'autre sur les recommandations? Qui c'est qui va faire le plus de pression sur les ministères pour que ce soit cohérent? Je vous laisse juge de ça, là. Moi, je me pose les questions. Je ne suis pas un spécialiste de lobby sur les ministères du gouvernement, mais je me pose la question. Mais ça prend énormément de pouvoir pour faire changer une directive gouvernementale. Ça, je peux vous le dire.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Dr Bernard.

M. Bernard (Charles) : M. le Président, ça nous a fait plaisir.

Le Président (M. Ouellette) : Bien. Puis vous reviendrez n'importe quand.

M. Bernard (Charles) : Invitez-nous, on aime ça.

Le Président (M. Ouellette) : Dr Robert, Dr Bernard, représentant le Collège des médecins du Québec, merci.

Je suspends quelques minutes. Je demanderais à l'Ordre des ergothérapeutes du Québec de s'avancer.

(Suspension de la séance à 16 h 58)

(Reprise à 17 heures)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant l'Ordre des ergothérapeutes du Québec, son président-directeur général, M. Alain Bibeau, qui va nous présenter les gens qui l'accompagnent. Vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire, et après il y aura une période d'échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. M. Bibeau, à vous la parole.

Ordre des ergothérapeutes du Québec (OEQ)

M. Bibeau (Alain) : Merci, M. le Président de la commission. Mme la ministre, Mmes, MM. les députés et M. le président de l'Office des professions, à titre de président-directeur général de l'Ordre des ergothérapeutes du Québec, au nom des membres de son conseil d'administration et de sa direction, je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui à la commission. Sans plus tarder, je vous présente les personnes qui m'accompagnent : tout d'abord, Mme Louise Tremblay, ergothérapeute et secrétaire générale de l'ordre, et Mme Caroline Fortier, avocate et conseillère juridique de l'ordre.

Cette consultation est importante pour les ordres, pour notre ordre aussi. L'Ordre des ergothérapeutes du Québec souhaite que ce p.l. n° 98 puisse, à terme, jeter des bases positives et porteuses sur lesquelles les autres volets à venir de la réforme du Code des professions pourront s'appuyer.

Vous aurez compris, à la lecture de notre mémoire, que l'Ordre des ergothérapeutes accueille favorablement la majeure partie des modifications au code mises de l'avant par ce projet de loi, plus particulièrement celles qui de par notre analyse sont clairement susceptibles d'ajouter à la protection du public, entre autres celles en lien avec les dimensions éthiques, celles ayant pour effet d'accroître les pouvoirs du syndic ainsi que celles qui permettront aux conseils d'administration des ordres une gouvernance à réelle valeur ajoutée.

Cela dit, certains éléments du projet nous inquiètent. L'objectif de l'ordre aujourd'hui est donc de vous exprimer nos préoccupations, confiants qu'elles pourront être entendues et générer dans la continuité du processus les aménagements requis. J'ajouterai que cela nous apparaît parfaitement réaliste et en résonance totale avec la perspective ministérielle telle que Mme la ministre l'a d'ailleurs exprimée au début de cette audience, une perspective de maintien des équilibres nécessaires au respect de la mission des ordres, et de l'amélioration et de l'évolution du système professionnel, et qui réitère le principe d'autonomie des ordres, cela sachant qu'il a été garant et aura permis l'atteinte de la raison d'être du système : la protection du public.

L'Ordre des ergothérapeutes s'inquiète justement du fait que certaines des modifications proposées par ce projet de loi risquent de miner son autonomie. Par exemple, concernant la gouvernance des ordres, l'ordre considère que le projet de loi va plus loin que nécessaire. Notre impression est celle d'une réponse excessive en réaction au choc sociétal du rapport de la commission Charbonneau, qui pourtant ne visait dans ses recommandations que les ordres du domaine de la construction.

Pour l'Ordre des ergothérapeutes, un modèle de gouvernance adapté à chacun et flexible est fondamental. Il permet à l'organisation de fonctionner de la manière la plus optimale possible dans ses choix, ses processus, ses fonctionnements ainsi que dans le partage des valeurs, des rôles, des fonctions et des responsabilités des personnes qui la composent. La gouvernance en soi est complexe et ne peut pas se simplifier à une recette unique.

Un ordre professionnel, on en conviendra tous, est un type unique et particulier d'organisation. À ce titre, il est d'autant plus important que sa gouvernance ait un sens fort pour les personnes qui y travaillent. Ainsi, pour que le principe d'autonomie puisse ici s'exprimer, les choix en la matière doivent pouvoir émerger de la réflexion de ceux qui gouvernent l'ordre. D'ailleurs, dans cette position, l'Ordre des ergothérapeutes rejoint tout à fait celle de l'Office des professions du Québec, qui, dans son plan stratégique récent, souhaite continuer de miser sur les fondements du système professionnel, notamment sur l'autogestion, afin de faire face aux défis majeurs des prochaines années, tout en rappelant qu'une gouvernance souple et adaptée est l'un des ingrédients pour supporter l'évolution des ordres et leur pérennité compétente. «Pérennité compétente», c'est peut-être moi qui ai ajouté ça, mais le reste, c'est la planification stratégique de l'office.

Alors, de manière plus systémique, l'Ordre des ergothérapeutes croit que l'on doit obliger une reddition de comptes valide de cette gouvernance. Cette dernière devrait être basée sur les résultats des ordres quant à leur accomplissement des différents pans de leur mission et non pas sur la conformité à l'adoption d'un modèle unique et imposé.

De plus, certains aspects qui deviendraient obligatoires en vertu du p.l. n° 98 n'auront, à notre avis, aucun effet positif, au contraire. En effet, ils placeront notre ordre devant un exercice de réorganisation d'envergure qui nous distraira de nos réels enjeux et mobilisera nos précieuses ressources et énergies à se conformer à ce que l'ordre considère non requis dans son contexte.

Vous comprendrez aisément que l'Ordre des ergothérapeutes ne veut pas cela. Alors, Mmes, MM. les députés, Mme la ministre, M. le président de l'office, il faut permettre à l'Ordre des ergothérapeutes de continuer à agir et à s'autogérer en la matière.

En toute responsabilité, l'Ordre des ergothérapeutes désire continuer de décider en fonction de sa réalité propre la composition et le nombre maximum d'administrateurs pouvant siéger à son conseil d'administration ou de fixer, si c'est son besoin, la limite du nombre de mandats du président par voie réglementaire, comme cela est déjà actuellement possible de le faire.

Dans le même sens, l'Ordre des ergothérapeutes du Québec demande que soient retirées les dispositions interdisant le cumul des fonctions de président et de directeur général, tout comme celle introduisant au code la fonction de directeur général.

De plus, l'Ordre des ergothérapeutes vous invite à modifier les articles 28 et 40 du projet de loi de manière à ce que soit laissé au président le pouvoir d'assurer la surveillance générale des affaires de l'ordre. Pour un type spécifique d'organisation comme un ordre, la vigie du président est d'autant plus importante qu'elle ne peut pas, selon nous, être déléguée ni transférée.

Par ailleurs, à l'instar de nos propos sur la gouvernance, le projet de loi n° 98 aurait avantage à miser plus justement sur le renforcement des structures et mécanismes déjà prévus. Ainsi, cela éviterait l'alourdissement introduit, par exemple, par l'instauration d'une mesure voulant confier des pouvoirs supplémentaires au commissaire sans que rien ne nous permette de croire qu'il existe un enjeu en la matière.

De plus, par exemple, l'utilisation de résolutions par le conseil d'administration plutôt que l'emprunt d'une voie réglementaire serait totalement suffisant à l'adoption et aux révisions éventuelles du code d'éthique et de déontologie applicable aux administrateurs du conseil d'administration.

Un autre exemple probant se situe avec le comité de la formation de l'ordre. Ce comité obligatoire a le mandat précisément de s'assurer de l'adéquation de la formation aux compétences professionnelles requises pour l'exercice de la profession. Ainsi, aussi, s'il s'avérait constaté une déficience dans les compétences acquises par les diplômés d'un programme d'études qui donne ouverture à un permis de l'ordre, le comité de la formation devrait sans aucun doute chercher à corriger la situation, et cela, que les compétences manquantes ou insuffisantes soient dans le domaine de l'éthique ou dans n'importe quel autre domaine de compétence.

D'ailleurs, l'ordre est même d'avis que les comités de la formation des ordres obligatoires devraient voir leur mandat s'enrichir de la question de la formation d'appoint pour les candidats à l'exercice d'une profession en provenance de l'étranger. De fait, compte tenu de la composition de ce comité et de la nature de ses responsabilités, il appert que cette instance constituerait un lieu pertinent pour traiter de la question de la formation d'appoint. C'est d'ailleurs ainsi que l'Ordre des ergothérapeutes a conclu un partenariat avec le programme d'ergothérapie de l'Université de Montréal, au terme duquel un programme de formation d'appoint a été mis en place.

Je terminerai en vous remerciant de nouveau pour le temps qui nous est alloué. Et je réitère l'appui de l'Ordre des ergothérapeutes du Québec à cette démarche législative en ayant pleine confiance que Mmes, MM. les parlementaires, Mme la ministre, M. le président de l'office tiendrez compte de nos préoccupations à l'égard de certaines modifications proposées afin de nous mener à bon port et de préparer le chemin pour tout le reste qui devra arriver aussi. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci beaucoup. Merci de votre présentation. Je dois vous dire... Bien, je vous entendais, j'ai pris connaissance de votre mémoire, puis ce que je peux constater, c'est que l'ordre s'objecte à plusieurs... en fait, la majorité, là, des grandes modifications qui visent la gouvernance des ordres. Vous vous objectez à la limitation de la taille du conseil d'administration, à la limitation du pouvoir du nombre de mandats du président, au pouvoir de surveillance générale des affaires de l'ordre au conseil d'administration, à l'inscription des fonctions de directeur général au Code des professions, à l'interdiction du cumul de fonctions de président et de directeur général et à la présence d'un jeune administrateur de moins de 10 ans de pratique au conseil d'administration.

J'aimerais donc voir avec vous dans quelle mesure l'ordre considère nécessaire de procéder à une mise à jour des pratiques de gouvernance à l'intérieur du système professionnel, parce que la gouvernance, elle est quand même un enjeu annoncé de la réforme, on a eu des échanges. Alors, j'aimerais vous entendre sur cet aspect-là, qui est quand même non négligeable dans le projet de loi n° 98.

• (17 h 10) •

M. Bibeau (Alain) : Alors, Mme la ministre, je comprends bien votre question. Alors, comme vous le savez, on ne s'oppose pas, par ailleurs, à une mesure de gouvernance qui, à notre avis, a une valeur ajoutée dans la perspective de notre mission de protection du public. Et là je fais référence à l'article qui fait en sorte qu'il y a des candidats au conseil d'administration de l'ordre qui ne pourront plus être candidats justement sur la base où ils présenteraient une certaine incompatibilité dans le sens de se retrouver autour de la table du conseil et être en conflit de mandats, donc le mandat de la protection du public versus le mandat d'une personne, par exemple, qui représenterait les intérêts, les intérêts des membres. Donc, en termes de gouvernance d'un ordre professionnel dont la mission est la protection du public, cela est un élément de gouvernance que l'on n'avait pas, que l'on n'avait pas, les ordres ne disposaient de cette possibilité-là de pouvoir exclure des candidats sur cette base-là, mais on comprend bien l'importance de cette mesure-là. Et ça, c'est vraiment une mesure utile et pertinente à une gouvernance pour un ordre professionnel qui a une mission de protection du public. Donc, on ne s'oppose pas à des modifications de la gouvernance qui ont un sens dans le sens de la gouvernance d'un ordre professionnel.

Pour le reste, la gouvernance en lien avec le nombre d'administrateurs, bien, je pense que ça, vous l'avez bien compris, pour nous, le nombre d'administrateurs, que ce soit 16, que ce soit 18, que ce soit 22... je pense que ce n'est pas une question... c'est une question de principe. Laissons les administrateurs... On est dans un principe d'autogestion de l'ordre, donc on fait confiance à ces administrateurs-là pour justement établir quelle gouvernance nous sied le mieux selon notre réalité propre et selon où on est rendus aussi. Il y a beaucoup de différences entre les ordres professionnels. J'en ai entendu quelques-uns depuis que je suis là, cet après-midi, et il faut convenir que, oui, on a tous la même mission, mais on a des réalités et des perspectives professionnelles, évidemment, qui peuvent être très différentes. Donc, laissons la gouvernance s'adapter aux besoins de l'organisation, sans jamais perdre de vue qu'on a tous la même mission.

Mme Vallée : Mais justement les experts de la gouvernance nous disaient et nous expliquaient qu'il est important d'avoir... pour avoir une meilleure dynamique au sein d'un conseil d'administration, il est important de ne pas avoir trop de joueurs autour de la table, pour assurer, entre autres, une meilleure appropriation du rôle, des responsabilités du conseil d'administration. Et d'ailleurs il y a certains ordres qui ont apporté d'eux-mêmes les modifications en cours de route. Certains... L'Ordre des ingénieurs mentionnait souhaiter ces modifications-là, apporter ces modifications-là.

Donc, dans votre réalité, vous avez actuellement 18 administrateurs. Comment se vit votre réalité actuellement autour de la table du conseil d'administration? Et qui sont ces administrateurs autour de la table?

M. Bibeau (Alain) : Alors, actuellement, à l'Ordre des ergothérapeutes, il y a 13 administrateurs élus, donc, sur la base régionale, donc sur une représentativité régionale. Il y a un président qui est de la profession aussi et il y a quatre administrateurs nommés par l'Office des professions.

Et je vous dirais qu'on a revu notre gouvernance, il y a quelques années, notamment au niveau de la distribution régionale de nos membres autour de la table pour qu'elle reflète mieux la répartition régionale des ergothérapeutes en exercice dans l'ensemble des régions du Québec. Alors, ça, on a fait ça, ce qui nous a amenés, par exemple, à diminuer le nombre de représentants de la région de Montréal au profit des régions plus de la couronne nord et de la couronne sud de Montréal. Donc, cette réflexion-là de gouvernance par rapport à une représentativité régionale, on l'a faite.

Écoutez, ça n'a jamais été un enjeu, au niveau du conseil, que l'on soit 18 autour de la table, par rapport à une préoccupation d'efficience ou d'efficacité. Je pense qu'il y a autre chose que le nombre d'administrateurs qui fait qu'un conseil va être efficient et que chacun va pouvoir apporter sa valeur ajoutée au sein des discussions. Et, dans cette perspective-là, donc, le conseil est tout à fait à l'aise de la façon dont est répartis actuellement.

Et on le disait aussi, je le disais aussi d'entrée de jeu, il ne faut pas oublier qu'actuellement le code nous permet de mettre un maximum d'administrateurs au sein de l'ordre, et ça n'a jamais été requis par notre ordre.

Donc, la disposition législative ou réglementaire, elle existe déjà. Donc, les ordres qui auraient voulu, antérieurement au projet, diminuer le nombre d'administrateurs sur la base d'une efficience améliorée auraient pu le faire, auraient pu le faire, tout à fait.

Mme Vallée : Le temps file. Dans votre présentation, dans votre mémoire, vous mentionnez que, bon, vous vous objectez au partage des fonctions de président et de directeur général. Pour vous, il ne devrait pas y avoir d'obstacle au cumul de ces fonctions-là. Et, selon votre mémoire, cette décision-là de permettre le cumul des postes, elle a été prise suite à une longue réflexion de votre conseil d'administration.

Donc, pourriez-vous nous indiquer, dans le cadre de votre réflexion, quels ont été les avantages, les inconvénients que vous avez identifiés? Et qu'est-ce qui vous a amenés à nous présenter cette vision-là, cette proposition-là?

M. Bibeau (Alain) : D'abord, je reviens sur la notion... On ne dit pas que d'avoir un président et un directeur décider ce qui est requis pour l'ordre.

Et effectivement vous avez raison, Mme la ministre. Moi, quand je suis arrivé, il y a un peu plus de cinq ans, l'ordre venait d'adopter un nouveau plan d'organisation et avait révisé sa gouvernance, étant antérieurement, justement, dans un modèle avec un directeur général... ou avec une directrice générale, à l'époque, et une présidente, pendant plus de 20 ans, depuis toujours. Et cette décision-là a été prise en toute connaissance de cause. L'ordre s'est même fait accompagner, là, d'experts en gouvernance pour justement faire les bonnes réflexions et prendre les bons choix. Évidemment, ce n'est pas une recette. Évidemment, il n'y a pas de modèle parfait. Mais les risques, et les avantages, et les inconvénients de l'un et de l'autre ont été pesés, soupesés par le conseil. Et cette dimension-là de cumul de la fonction de président et de directeur général ne peut pas être regardée de manière isolée, en soi. Et le conseil, en toute compétence, a regardé les éléments de risque avec une structure comme celle-là et l'a mitigé par d'autres décisions, évidemment.

Notamment, à l'époque, le conseil s'était doté d'un plan d'organisation où on s'était assuré d'avoir des piliers très forts au niveau, par exemple, de la direction de l'exercice, au niveau du secrétariat général, où on a une ergothérapeute qui est secrétaire générale, à l'ordre, ce qui n'est pas le cas dans beaucoup d'ordres. On s'est donné des structures solides autour, sachant qu'il y avait un risque d'avoir, par exemple, un président-directeur général élu au suffrage universel qui, si jamais, par exemple, il n'était pas élu, bien, on se retrouvait avec deux sièges vides, pour le dire comme ça, au sein de l'ordre, donc l'expertise d'un président et l'expertise d'un directeur général qui, du coup, part sur la base de l'élection présidentielle. On avait mitigé... Le conseil a souhaité mitiger ce risque-là justement en ayant une structure d'organisation et des piliers très solides pour... advenant que le risque s'avère.

Mais je veux revenir sur le principe que c'est vraiment le conseil d'administration qui a assuré la gouvernance et qui a pris la décision dans ce sens-là.

Est-ce que la gouvernance de l'ordre décidera quelque chose d'autre demain matin, l'an prochain, dans cinq ans? Je vous dirais qu'actuellement on vient de terminer une planification stratégique qui ne nous a pas amené cet enjeu-là, l'enjeu de gouvernance par rapport au rôle de président ou directeur général. Ce n'est pas un enjeu, pour l'ordre, actuellement. Donc, dans notre contexte à nous, qu'on vienne obliger ça, c'est sûr que, comme je le disais bien, ça vient nous dévier de nos grands enjeux qu'on a identifiés dans notre planification stratégique en lien avec notre mission de protection du public.

Je pense que Mme Tremblay voulait... Non? D'accord. Je ne sais pas si je suis clair, Mme la ministre, ou...

• (17 h 20) •

Mme Vallée : Bien, en fait, c'est assez particulier, parce que l'ordre est quand même... Vous êtes quelques-uns encore à permettre ce cumul des fonctions là et à cumuler, dans les faits, ces fonctions-là. Les gens ont plutôt... Les ordres ont plutôt opté vers d'autres façons, d'autres formes de gouvernance. D'ailleurs, l'Ordre des chimistes, qui est un petit ordre, nous disait : Bien, nous, on a adapté, on a modifié tout ça et on considère que la dynamique au sein du conseil d'administration s'en est trouvée améliorée, grandement améliorée. Alors, c'est pour ça que c'est quand même un peu surprenant, puisque... Et aussi tous les experts en matière de gouvernance nous disent : Très important d'assurer cette distinction entre les fonctions de directeur général et de président, puisque la mission n'est pas la même. La direction générale administre vraiment l'administration des affaires courantes de l'ordre, et la présidence a des fonctions autres.

M. Bibeau (Alain) : Mme la ministre, si vous permettez, c'est certain qu'il y a un enjeu de séparation des rôles, des fonctions et des pouvoirs, hein? Ça, je pense que ça a été bien identifié par notre conseil aussi.

En même temps, comme je vous disais, on a mis des mesures en place, le conseil a mis des mesures en place pour mitiger l'ensemble des risques, et, au niveau de la gouvernance, on s'est dotés notamment... Nous, on a décidé de poursuivre avec notre comité exécutif. On a un comité des ressources humaines qui a été créé et un comité d'audit et de finances qui a été créé, des comités de gouvernance au sein de l'ordre, et notre comité exécutif a aussi eu la... a la responsabilité de jouer le rôle de comité de gouvernance de l'ordre.

Donc, évidemment qu'on s'est assurés, là, de ne pas prendre une décision isolée de tout l'ensemble de l'organisation, parce que la gouvernance, ce n'est pas un élément isolé, c'est l'ensemble de l'oeuvre, je pense, qu'il faut regarder. Et ça, les ergothérapeutes, on est très bons là-dedans. Ça, c'est peut-être une déformation professionnelle, on a besoin d'avoir beaucoup de pragmatisme et d'avoir une vision et une compréhension globale de l'ensemble des choses, alors c'est sûr que ça s'applique aussi dans un contexte où on a à réfléchir la gouvernance. Et on est dans une approche holistique. Et, pour nous, la gouvernance, un peu comme l'éthique, ça demande une réflexion, il n'y a pas de recette, et ça peut évoluer dans le temps. Et il y a des risques, et il faut trouver des manières de les mitiger, parce qu'il n'y a pas de choix parfait.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : J'aimerais vous entendre rapidement sur votre préoccupation à l'effet de modifier la constitution du conseil d'administration pour ajouter la présence d'un professionnel de moins de 10 ans d'expérience. On ne parle pas de jeune en âge mais de jeune en expérience.

M. Bibeau (Alain) : Je vais laisser Mme Tremblay...

Le Président (M. Ouellette) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Louise) : En fait, ce n'est pas un enjeu, à l'Ordre des ergothérapeutes, O.K., on s'entend, là, ce n'est pas un enjeu. Depuis au moins 15 ans, il y a toujours eu des jeunes, et voulant dire... comme vous dites, pas nécessairement en âge, là, on a tendance à assimiler moins de 10 ans d'inscription au tableau avec 35 ans d'âge, là, mais... L'un dans l'autre, là, c'est vrai que c'est la réalité, la plupart du temps, mais quand même. Et ce n'est pas un enjeu, donc, pour l'ordre.

La question tourne davantage autour de... Advenant que cette situation-là surviendrait, à l'ordre, où il n'y aurait pas de jeune administrateur élu. La logistique de ça, la dynamique du conseil d'administration, où on devra former un administrateur... un, le chercher, deux, le nommer, le former, et qui va changer au bout d'un an, en fait, cet administrateur-là n'atteindra jamais son plein potentiel, jouer un rôle probant au sein du conseil d'administration, parce que nos mandats, à l'Ordre des ergothérapeutes, sont d'une durée de trois ans, là, pour les administrateurs. Alors, on pourrait être amenés à changer à chaque année, donc à former constamment. Ce n'est pas le cas à l'ordre, je le dis, c'est plus... on l'a regardé d'une manière plus systémique, là.

Mme Vallée : Donc, c'est plutôt le fait d'avoir un mandat limité.

M. Bibeau (Alain) : C'est le principe, le principe de dire : Bon... Et Dieu sait que, l'Ordre des ergothérapeutes, 45 % des ergothérapeutes, au Québec, ont moins de 35 ans. Et des jeunes, dans l'organisation de l'ordre, on en a beaucoup sur l'ensemble de nos comités, que ce soit en inspection, que ce soit à la formation continue. La place des jeunes est là. D'ailleurs, au sein du conseil, je pense qu'on en a trois, actuellement, qui répondent au critère qui est suggéré dans le p.l. C'est la question de principe, de dire... Bon, on n'est pas contre les jeunes, loin de là. Est-ce qu'on va inclure des jeunes? Et pourquoi des jeunes et pas plutôt la parité hommes-femmes, et pas plutôt des clientèles d'autres minorités ou des... On devient... À un moment donné, on va avoir une représentation qui va se baser sur...

On est un conseil d'administration d'un ordre professionnel. Quand les gens arrivent autour de la table, c'est pour leur compétence d'être capable de s'élever au-dessus de la mêlée et, justement, pouvoir gérer l'ordre de manière... avec une gouvernance qui fait du sens, pour justement protéger le public. On est quand même une organisation particulière où, nos membres, on n'est pas là pour eux, ultimement, hein, on n'est pas là pour eux, ultimement.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci. Alors, bienvenue, M. Bibeau, Mme Tremblay, Mme Fortier. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour le mémoire et pour vos commentaires.

Un des enjeux auquel fait face ou auquel veut répondre le projet de loi n° 98 est certaines lacunes ou un certain manque de confiance du public vis-à-vis les ordres professionnels. Ce manque de confiance là peut exister par le manque de transparence où il y a, justement, le système de gestion ou l'encadrement de la gérance ou de la gestion des ordres professionnels. Plusieurs des articles ou des propositions visent justement à encadrer de manière à ce qu'on puisse regagner une confiance élevée de la part du public.

Vous dites que vous n'avez pas besoin de cet encadrement-là. La flexibilité vous permet de fonctionner, actuellement, et vous fonctionnez bien.

Ce matin, on a quand même eu le témoignage d'un ordre professionnel qui... Ils se sont retrouvés dans des situations non désirables, si je peux m'exprimer ainsi, qu'ils auraient voulu éviter. Et le témoignage était intéressant dans le sens que, eux, ce qu'ils nous disaient, c'est que, si l'encadrement, tel qu'il est proposé dans le projet de loi, avait existé, la situation dans laquelle ils ont été, qu'ils ont fait face, n'aurait pas existé, ne serait pas survenue.

Donc, l'idée d'avoir des encadrements comme ça, proposés par le projet de loi n° 98, selon vous, est-ce que vous pensez qu'effectivement ça peut aider les ordres à assurer une transparence ou à regagner la confiance du public vis-à-vis ces ordres-là?

M. Bibeau (Alain) : Écoutez, je ne connais pas la situation particulière à laquelle vous faites référence, donc c'est difficile pour moi de porter un regard là-dessus.

En même temps, vous avez raison, la confiance du public, c'est un enjeu du système professionnel, c'est un enjeu des ordres, c'est un enjeu de l'Ordre des ergothérapeutes du Québec.

Alors, clairement, à mon avis, le public, et on l'a vu, hein, dans certains sondages, le public comprend mal la mission des ordres, le public ne comprend pas que l'ordre est là pour le protéger exclusivement et nous apparente souvent à une association ou à une instance qui est là pour l'intérêt de ses membres, ce qui n'est pas le cas. On a clairement, clairement un déficit d'information ou de pédagogie envers le public, et je pense que ça, c'est important. Et ça, c'est un enjeu important.

Est-ce que des mesures comme celles dans le p.l. n° 98 peuvent répondre à ça? Certainement certaines. Quand je parlais tantôt d'avoir des gens, au sein du conseil d'administration, qui ne sont pas en conflit de missions, déjà, si on peut réaliser ça, on s'évite d'immenses problèmes.

En même temps, par rapport à la confiance du public, moi, je pense qu'il faut saluer l'exercice pédagogique notamment qui se fait avec le Conseil interprofessionnel et qui veut justement informer le public. Ordre de protéger, c'est notre mission. Et je pense qu'il faudra mettre des énergies, au cours des prochaines années, pour enrichir cela. D'ailleurs, l'office, dans sa planification stratégique — que j'ai lue avec attention, Me Dutrisac, comme vous pouvez le constater — a aussi identifié cet enjeu-là de confiance du public par rapport aux ordres et au système professionnel.

Et en même temps je pense qu'on peut être pessimiste par rapport à la confiance du public, parce que c'est vrai que, quand on les questionne par sondage, le taux de compréhension de ce que les ordres font et c'est quoi, la mission n'est pas très grand, mais en même temps rappelons-nous que, quand on questionne ces mêmes personnes là, elles ont confiance énormément dans les professionnels qui sont membres de nos ordres et qui exercent la profession. Alors, je pense qu'on peut tabler sur cela, parce que la protection du public, oui, c'est la mission de l'ordre, mais la protection du public, ne l'oublions pas, ne se fait que par l'exercice quotidien, dans un souci de compétence et d'intégrité, de l'ensemble de nos membres, c'est eux qui sont directement avec le public. Et, nonobstant que ce soit un enjeu pour l'ordre, je pense que la population a clairement confiance dans les professionnels qui exercent dans les professions réglementées.

• (17 h 30) •

Mme Jean : Donc, oui, ce sont les professionnels qui donnent confiance, mais en même temps l'ordre est là pour assurer que les professionnels continuent à bien faire leur travail.

M. Bibeau (Alain) : Oui, je suis d'accord avec vous, on peut être meilleurs, on peut être meilleurs dans cela. Et je souhaite qu'on le soit, d'ailleurs.

Mme Jean : Je comprends... Dans votre introduction, vous parliez que vous étiez d'accord à augmenter les pouvoirs du syndic. Quels sont les pouvoirs supplémentaires auxquels vous êtes d'accord?

M. Bibeau (Alain) : Bien, notamment, par exemple, ceux en lien avec la possibilité, pour les syndics de différents ordres, d'échanger de l'information. Il y avait peut-être... Me Fortier, est-ce qu'il y a des...

Mme Fortier (Caroline) : Il y avait également la question, évidemment, de la limitation de suspension en cas d'infraction potentielle à une... une infraction criminelle punissable par cinq ans d'emprisonnement. Donc, c'était dans ce sens-là qu'on le voyait, et non pas quelque chose qui ne fait pas déjà partie du projet de loi.

Mme Jean : D'accord. On parlait, tout à l'heure, de l'article qui propose la nomination d'un jeune au conseil d'administration, qui se décline peut-être en diversité ou en représentativité sur un conseil d'administration, et effectivement vous avez soulevé le sujet de la parité ou, je dirais, le déficit, souvent, hommes-femmes qui se retrouve au sein des conseils d'administration. Est-ce que vous, à l'Ordre des ergothérapeutes, vous avez des politiques pour assurer une certaine diversité, pour que justement un conseil d'administration puisse être le plus efficace possible?

M. Bibeau (Alain) : Hommes-femmes? Dans cette perspective-là?

Mme Jean : Hommes-femmes.

M. Bibeau (Alain) : Écoutez, la profession est en majorité féminine. 92 % des ergothérapeutes... Je ne me trompe pas, Mme la secrétaire générale?

Mme Tremblay (Louise) : Presque 93 %.

M. Bibeau (Alain) : Presque 93 % des ergothérapeutes sont des femmes. Alors, moi, je veux bien la parité hommes-femmes, tout à fait, je suis d'accord avec ça...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Bibeau (Alain) : ...mais je vous dirais que ce n'est pas un enjeu pour... et ce n'est pas un enjeu dans la culture de la profession. Moi, je suis un homme. Comme président-directeur général de l'Ordre des ergothérapeutes du Québec, ça n'a jamais été une préoccupation, dans ma tête, que je suis un homme, c'est quelque chose qui n'est pas possible. Dans la culture de la profession, ce n'est pas un enjeu, d'être un homme ou d'être une femme.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Tremblay, vous avez un commentaire additionnel?

Mme Tremblay (Louise) : Oui. Si je peux me permettre, actuellement le code ne permet pas de représentativité autre qu'une représentativité régionale. Ce sont des membres élus, donc, qui se présentent volontairement, qui sont appuyés par cinq autres de leurs collègues. Ça se limite à ça. On n'a aucun pouvoir pour décider de privilégier, réserver un siège supplémentaire à un homme, ou à un jeune, ou à qui que ce soit.

Alors, on se fie à l'intérêt de nos membres. Bien sûr, on a 93 % des membres qui sont des femmes, mais vous seriez étonnés de voir la composition de notre conseil d'administration, il y a quand même pas mal d'hommes malgré tout... qui sont en surreprésentation, je dirais.

Mme Jean : Est-ce que vous avez, vous... vous êtes ouverts à des profils de compétence pour siéger sur un conseil d'administration d'un ordre professionnel? Avez-vous déjà pensé à ça?

M. Bibeau (Alain) : Je vais laisser Mme la secrétaire générale...

Le Président (M. Ouellette) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Louise) : Oui. D'ailleurs, c'est quelque chose qu'on a cherché à faire lorsqu'on a modifié... Au début des années 2010, on a modifié notre règlement sur les élections et le fonctionnement. On a cherché à avoir une façon d'établir des critères d'éligibilité, je vais le dire comme ça, mais, le code ne le permettant pas, on a été obligés de se limiter à la représentation... représentativité régionale.

Mais certainement parce que, soyons honnêtes et réalistes, les membres des ordres professionnels qui deviennent administrateurs élus ne sont pas des administrateurs, parce qu'ils ne proviennent pas d'une profession de ce domaine. Les ergothérapeutes sont des ergothérapeutes, ce sont des... 85 % des ergothérapeutes sont des cliniciens. Leur expérience de gestion d'un organisme n'est pas là, à la base, là, on peut le présumer, en tout cas pour la majeure partie d'entre eux.

Toutefois, depuis qu'il y a la formation qui est donnée par le Conseil interprofessionnel du Québec, depuis plusieurs années, pour les nouveaux administrateurs, tous nos administrateurs doivent suivre... sont invités très, très, très fortement à suivre cette formation. L'ordre s'est également doté de politiques de gouvernance et d'un code d'éthique des administrateurs, d'un document sur les rôles et les responsabilités des administrateurs. Il y a un processus d'accompagnement, d'évaluation, etc. Alors, tout ça fait en sorte de soutenir le développement des administrateurs. Et, lorsqu'ils sont engagés au sein de comités, comme le comité exécutif, comité des ressources humaines, comité d'audit et des finances, ils sont également soutenus pour de la formation additionnelle pour être en mesure de jouer leur rôle de manière plus appropriée.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. M. Bibeau, Mme Tremblay, Me Fortier, bonjour. Vous êtes le dessert, aujourd'hui, comme on dit.

M. Bibeau (Alain) : J'espère que vous avez une dent sucrée.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Jolin-Barrette : À votre recommandation 9, vous nous dites, bon : Le directeur général, on souhaiterait que ce soit retiré. Par contre, si on le conserve, on souhaite que ce ne soit pas aux deux tiers.

Vous souhaiteriez, dans le fond, qu'il n'y ait pas de... bien, en fait, que ce ne soit pas une majorité qualifiée de deux tiers, que ce soit simplement une majorité simple pour le destituer?

M. Bibeau (Alain) : C'est ça. C'est ce qu'on a dit, absolument, oui. C'était ça, la question, là?

M. Jolin-Barrette : Oui, bien, c'était une question...

M. Bibeau (Alain) : O.K. Parfait. O.K.

M. Jolin-Barrette : Mais pourquoi est-ce que vous ne voulez pas avoir le directeur général qui soit identifié?

M. Bibeau (Alain) : Qu'il soit identifié au code?

M. Jolin-Barrette : Oui, au code.

M. Bibeau (Alain) : Bien, je pense qu'on l'a expliqué dans notre mémoire. Pour nous, ce n'est pas une fonction qui devrait être au code. Si on l'oblige dans l'organisation des ordres, bien, c'est un poste qui a un caractère, évidemment, administratif. Donc, pourquoi ajouter au code une personne qui a des fonctions exclusivement administratives, contrairement à un syndic ou un secrétaire général, pour lesquels on comprend bien leur désignation au code et leur nécessité d'indépendance dans leurs fonctions par rapport, justement, à la présidence et à la direction générale, et de l'obligation, pour démettre de ces gens-là, d'avoir un vote aux deux tiers des membres du conseil d'administration?

Donc, pour nous, le directeur général ne doit pas apparaître au code. Et, s'il y a lieu, il devrait y avoir des politiques, justement, de gestion des ressources humaines. Et il y a d'autres lois qui encadrent le travail qui permettraient, si jamais, au lieu d'une destitution au code, il y a un licenciement du directeur général qui doit se faire, bien, que ça se fasse selon ces balises-là, et qu'on ne vienne pas introduire au code nommément le directeur général.

M. Jolin-Barrette : Parfait.

M. Bibeau (Alain) : Je ne sais pas si je suis clair ou...

M. Jolin-Barrette : Oui, c'est très clair.

Pour ce qui est de la question de l'assemblée générale annuelle des membres, vous dites : Pour le choix des vérificateurs, ça devrait peut-être relever du conseil d'administration. Là, j'aurais tendance à vous dire : Déjà, on enlève deux des trois pouvoirs à l'assemblée générale annuelle. Des fois, c'est difficile d'avoir quorum dans une assemblée générale annuelle. Comment on va réconcilier tout ça, là?

M. Bibeau (Alain) : Oui, bien, je vous dirais que le projet aurait peut-être dû proposer celui-là en premier, dans le sens où, écoutez, quand on connaît la réalité des ordres, des assemblées générales annuelles... Et ce n'est même pas la nomination, dans le code, hein? Si on retourne au code, on parle de l'élection des vérificateurs de l'ordre. Alors, c'est complètement... Même, dans les faits, ça ne se fait pas. Je ne pense pas qu'il y ait un ordre qui, en assemblée générale, demande à son AGA d'élire, d'élire les vérificateurs.

Non, écoutez, je pense que, dans la perspective où... au niveau de la gouvernance, vraiment, les personnes qui sont capables de choisir, de nommer des vérificateurs, c'est vraiment une responsabilité du conseil. Et d'ailleurs nous, on vient justement de faire l'exercice, au niveau de notre comité de gouvernance, d'audit et de finances, de rechercher sur le marché une firme, justement, d'auditeurs, et c'est les membres du conseil qui font le choix final.

Et l'AGA ne peut pas porter un regard compétent sur l'élection des vérificateurs de l'ordre. Alors, dans cette perspective-là, on a dit : Tant qu'à enlever les deux autres éléments, bien, enlevons celui-là, qui d'emblée ne fait pas de sens et n'en fait pas actuellement, là.

• (17 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Mais la question qui se pose... Dans le fond, le conseil d'administration supervise, là, dans le fond, regarde les décisions qui sont prises par la direction générale, évalue la gestion générale des décisions qui sont prises à l'intérieur de l'ordre, regarde également la gestion financière de l'ordre. Et là, si c'est le C.A. qui fait tout ce travail-là, puis qu'en plus il désigne les vérificateurs généraux, les membres, là-dedans, vont se retrouver dans une situation où ils vont dire : Bien, comment je fais pour peut-être avoir un petit peu de contrôle sur le C.A.? Le seul bout que j'avais, c'était la cotisation puis peut-être l'élection des vérificateurs.

M. Bibeau (Alain) : C'est certain qu'il y a un enjeu à ce niveau-là, mais, dans l'état actuel des AGA... J'entendais tantôt quelqu'un qui m'a précédé parler de la représentativité, pour reprendre ce mot-là, des membres à l'AGA. Chez nous, je vous dirais que c'est 1/2 de 1 % de l'ensemble du membership qui peut se retrouver en AGA pour qu'on ait quorum. Alors, il est certain que la place des membres dans l'administration ou la gouvernance des ordres, elle s'exprime ailleurs qu'à l'AGA, à mon avis. Et elle s'exprime notamment par l'élection des administrateurs au niveau régional et l'élection à la présidence. Chez nous, le choix a été fait que l'élection à la présidence, direction générale pour notre cas, se fait au suffrage universel des membres. Alors, chaque membre, peu importe sa provenance et sa région, est habilité à voter, donc. Et c'est ça, un système de gouvernance : les membres font confiance aux administrateurs élus pour bien gérer l'organisation et prendre les meilleures décisions possible.

Vous parliez de la cotisation, tantôt, qui est la prérogative de l'AGA jusqu'à aujourd'hui. En même temps, c'est une prérogative limitée parce que, l'administration de l'ordre, le conseil d'administration, s'il devait, sur la base d'un besoin de ressources financières pour protéger le public, aller chercher une cotisation spéciale, le code le prévoit déjà, le code le prévoit déjà, nonobstant le vote ou pas de l'assemblée générale annuelle. Donc, c'est un demi-pouvoir, dans le sens où...

Mais en même temps je suis conscient... Puis ça, c'est un enjeu. Tantôt, on parlait de l'enjeu de la protection, de la confiance du public, mais celui-là aussi, au niveau des membres, il y a un enjeu de communication avec les membres pour qu'ils comprennent bien notre mission, notre prérogative, qu'on n'est pas là pour eux mais qu'en même temps on fait pour les soutenir dans un exercice compétent et intègre. Alors, ça, il y a un enjeu à ce niveau-là, et clairement, actuellement, les AGA ne répondent pas à cela.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Bibeau. M. Alain Bibeau, Mme Louise Tremblay, Me Caroline Fortier, représentant l'Ordre des ergothérapeutes du Québec, merci d'être venus déposer en commission aujourd'hui.

La commission ajourne ses travaux au mardi 20 septembre 2016, après les affaires courantes, soit vers 15 heures, où elle poursuivra son mandat. Merci, Jad, de votre présence en commission avec nous.

(Fin de la séance à 17 h 43)

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