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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le jeudi 19 octobre 2017 - Vol. 44 N° 223

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 107, Loi visant à accroître la compétence et l’indépendance du commissaire à la lutte contre la corruption et du Bureau des enquêtes indépendantes ainsi que le pouvoir du directeur des poursuites criminelles et pénales d’accorder certains avantages à des témoins collaborateurs


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Table des matières

Auditions (suite)

Association des directeurs de police du Québec (ADPQ)

Commissaire à la lutte contre la corruption

Sûreté du Québec (SQ)

Barreau du Québec

Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP)

Bureau des enquêtes indépendantes (BEI)

Intervenants

M. Guy Ouellette, président

M. Richard Merlini, président suppléant

M. Martin Coiteux 

M. Pascal Bérubé

M. André Spénard

M. Amir Khadir

M. Jean Rousselle

*          Mme Helen Dion, ADPQ

*          M. Didier Deramond, idem

*          M. Robert Lafrenière, Commissaire à la lutte contre la corruption

*          M. André Goulet, SQ

*          Mme Magali Fournier, Barreau du Québec

*          M. Nicolas Le Grand Alary, idem

*          M. Patrick Michel, DPCP

*          M. Benoit Lauzon, idem

*          Mme Madeleine Giauque, BEI

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente et une minutes)

Le Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demanderais à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 107, Loi visant à accroître la compétence et l'indépendance du commissaire à la lutte contre la corruption et du Bureau des enquêtes indépendantes ainsi que le pouvoir du directeur des poursuites criminelles et pénales d'accorder certains avantages à des témoins collaborateurs.

Mme la secrétaire, il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Marceau (Rousseau) est remplacé par M. Bérubé (Matane-Matapédia) et M. Jolin-Barrette (Borduas) est remplacé par M. Spénard (Beauce-Nord).

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Ce matin, nous entendrons les organismes suivants : l'Association des directeurs de police du Québec et le Commissaire à la lutte contre la corruption. Et nous aurons quelques groupes cet après-midi, dont la Sûreté du Québec, le Barreau du Québec, le Directeur des poursuites criminelles et pénales et le Bureau des enquêtes indépendantes.

Auditions (suite)

Dès maintenant, je souhaite la bienvenue à l'Association des directeurs de police du Québec, la présidente, Mme Helen Dion, et son nouveau directeur général, M. Didier Deramond. Je dois déclarer un conflit d'intérêts immédiatement, pour avoir déjà travaillé avec M. Deramond à la Sûreté du Québec alors que M. Deramond était au SPVM. Bienvenue à la commission. Et, Mme Dion, bien, vous connaissez les us et coutumes de la commission, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, et par la suite il y aura échange avec M. le ministre et les porte-parole des deux oppositions. À vous la parole.

Association des directeurs de police du Québec (ADPQ)

Mme Dion (Helen) : Alors, M. le Président, permettez-moi de remercier les membres de cette commission pour cette invitation réitérée. Comme vous le savez, nous avions initialement décliné cette opportunité. Cette seconde invitation nous a fait cheminer et reconsidérer notre position face à cette consultation.

Vous serez à même de constater que nous appuyons généralement l'ensemble du projet de loi n° 107, mais nous profiterons donc de l'opportunité qui nous est offerte afin de solliciter quelques explications et commenter certains points.

En préambule, nous réitérons notre conviction de la pertinence des deux jeunes institutions que sont le Bureau d'enquêtes indépendantes et l'Unité permanente anticorruption du Québec. Ceux-ci contribuent à la transparence et à l'indépendance des enquêtes qui y sont menées. Il est donc normal et inévitable que des modifications relatives à leurs modes de fonctionnement et leurs mandats puissent être adoptées au fil du temps. Une large partie de ce projet de loi est à cet effet. Sa lecture détaillée soulève cependant quelques questionnements que nous vous proposons, mais nous ne déposerons pas de mémoire comme tel.

Relativement aux articles 5.1 et 8.1 prévoyant un comité de sélection, nous sommes tout à fait d'accord avec la participation d'un directeur de police au sein du comité de sélection et de la recommandation que doit formuler le conseil d'administration de l'ADPQ à cet effet. Il en va de même pour les dispositions de l'article 8.1.

Nous profitons cependant du moment pour porter à votre attention les difficultés que nous éprouvons à remplir les mêmes obligations dans les processus de sélection liés au Bureau des enquêtes indépendantes, aux articles de la Loi de police 289.7 et 289.8. On y requiert des recommandations d'anciens directeurs de police qui ne sont plus agents de la paix, non rémunérés, de surcroît. L'expérience passée nous a démontré que l'exercice peut s'avérer fort difficile, voire impossible. Nous vous recommandons de revoir la composition de ces deux comités de sélection des BEI afin d'appliquer les mêmes règles que celles qui sont proposées dans le présent cas, soit la participation d'un directeur de police actif.

Relativement aux articles 5.2 et 8.2 sur la durée des mandats, nous appuyons la durée des mandats respectifs de sept et cinq ans. Relativement à l'article 8.4 sur le statut de corps de police, nous sommes en accord avec le statut de corps de police. Relativement à l'article 8.5, est-ce que cela change quelque chose sur le statut des groupes ou unités d'intégrité existantes, à savoir celles qui existent à Laval présentement, à Saint-Jérôme et l'EPIM, de Montréal? Deviennent-ils ou deviendront-ils désignés systématiquement? Qu'en sera-t-il de la possibilité de se voir multiplier ces unités municipales? Ce devrait être un peu plus explicite, selon nous. Relativement à l'article 8.8 sur l'obligation du directeur de police, nous appuyons cette obligation. Relativement à l'article 14, l'éligibilité des enquêteurs de corps de police municipaux, nous sommes confortables avec le principe du recrutement d'enquêteurs au sein de corps de police municipaux et en appuyons le principe. Leur expertise sera certainement un atout. Nous souhaitons cependant avoir des précisions sur la signification du terme «prêtés». À notre avis, ce doit être clair et sans équivoque que l'UPAC assume la charge d'une ressource qui lui est assignée. Cette responsabilité financière et légale devrait apparaître audit texte.

Loi sur la police. Relativement à l'article 24 et le statut de corps de police spécialisé, nous appuyons aussi le principe de corps de police spécialisé pour ces deux instances. Relativement à l'article 28 et les infractions sexuelles, cette option ou cette obligation est déjà en vigueur depuis 2016, suite à des circonstances exceptionnelles. Son application définitive dans ce projet de loi nous semble prématurée, alors que des enquêtes et des commissions sont encore en cours et que nous n'en connaissons pas les conclusions. Qu'y a-t-il de si urgent? Comment justifier qu'une enquête de même type à l'endroit d'un policier puisse ou doive relever d'instances différentes selon que ce même policier soit en devoir ou non? Les mêmes préoccupations de transparence demeurent. Est-ce que cette solution se doit d'être immédiate et définitive? Relativement à l'article 30 et les plaintes jugées frivoles, la responsabilité appartenait, jusqu'à maintenant, au directeur de police. Conformément à l'esprit de la modification énoncée plus tôt, forcément, cela doit devenir de la responsabilité du BEI. Dans un tel cas, nous suggérons que le BEI devrait en informer le directeur de police.

Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Relativement à l'article 38 sur les pouvoirs du DPCP de mettre fin à une instance : Est-ce que ce pouvoir peut aussi s'appliquer à l'endroit des sanctions possibles ou mesures disciplinaires ou déontologiques pouvant être prises à l'endroit d'un policier? Si tel est le cas, une décision unilatérale du DPCP, sans consultation préalable auprès du directeur de police concerné ou du Commissaire à la déontologie, pourrait être néfaste à certaines procédures administratives ou disciplinaires d'importance. En maintenant un employé indésirable au sein d'une organisation policière, cela peut créer un grave problème. Le cas échéant, l'obligation de consultation du directeur et du Commissaire à la déontologie devrait être incluse à l'article de la loi. Relativement à l'article 38 sur la possibilité de réintroduire une instance, cette possibilité, prévue aux articles 24.4 et 24.5, est impérative.

Au niveau du code de déontologie des policiers et policières du Québec, si effectivement le DPCP peut intervenir dans un processus déontologique, une modification ou insertion à cet effet devrait aussi, selon nous, être formulée.

• (11 h 40) •

En conclusion, mesdames et messieurs, membres de cette commission, permettez-moi encore une fois de vous remercier de cette opportunité de pouvoir discuter, dans un forum démocratique, de certains points de vigilance à l'égard du projet de loi n° 107.

Somme toute, l'ADPQ accueille favorablement le projet de loi, avec certes des précisions envisageables, tel que je viens d'en témoigner. Nous pourrions être surpris de la réponse aux pressions sociales et la remise en question continuelle de nos institutions. Mais le sommes-nous vraiment? Je ne crois pas. Nous servons et protégeons la société avec tout le professionnalisme requis et nécessaire afin d'améliorer la sécurité de nos communautés. Tantôt, nous sommes excellents pour effectuer le travail et, le lendemain, nous ne le sommes plus, selon certaines personnes qui soutiennent la théorie de la complaisance entre les services de police surtout en matière d'enquête interne. À notre avis, si ce n'est pas la capacité de mener des enquêtes qui est remise en cause, alors doit-on conclure que ce serait notre intégrité? Ce qui est encore pire. La société demande à ce que l'on améliore la transparence et la reddition de comptes. La fluidité et la rapidité demandées doivent s'apparenter à un exercice pédagogique existant, afin d'expliquer nos décisions et surtout mettre en lumière la notion partenariale du système de justice, où tous les intervenants pénaux ont un rôle complémentaire à jouer.

Encore une fois, à notre avis, d'attaquer une institution particulière a comme résultat de toutes les attaquer. Notre responsabilité sociale de sécurité publique doit satisfaire les attentes de la population, et notre système ne doit en aucun cas cesser d'évoluer. Nous devons concentrer nos efforts sur l'analyse des éléments causaux et trouver des solutions novatrices conjointement. En guise d'exemple, permettez-moi de vous faire état des lieux en matière d'allégations criminelles visant des policiers présentement. Le transfert, au SPVM, de toutes les enquêtes des allégations autres que celles à caractère sexuel qui auraient été commises dans le cadre de ses fonctions, lorsque la personne, plaignant ou victime présumée, est autochtone. Celle-ci est aussi suivie par une observatrice indépendante. Lorsqu'il y a des allégations impliquant des services du SPVM en pareille circonstance, les enquêtes sont transférées au SPVQ, la police de Québec. Le transfert, à la Sûreté du Québec, de toute enquête interne du SPVM sur des allégations criminelles visant leurs membres; elles peuvent être enquêtées par l'équipe mixte d'enquête — cogéré par la SQ et le BEI — ou la Direction des normes professionnelles de la SQ, qui en prend charge.

Pour des personnes néophytes, et, en d'autres termes, l'exemple que je viens de nommer, les choses n'aident surtout pas à la compréhension du public et son niveau de confiance face à ces institutions. Nous devons trouver des solutions transitoires et permanentes faisant en sorte de clarifier le tout. Bien que nous vivions dans une société de droit, nous demeurons convaincus profondément que la solution à divers enjeux de transparence et d'intégrité ne passe pas uniquement par des changements de législation ou de structure, mais par une responsabilisation des acteurs et la prise en charge collective que génère la législation. Nous comprenons la grande complexité de changement de législation et nous tenons aussi à réitérer l'importance d'être consultés dans l'élaboration de celle-ci afin d'avoir une réponse adéquate et ne pas déresponsabiliser les dirigeants des forces de l'ordre face aux nouvelles réalités. L'adage et la sagesse nous enseignent que prendre un temps d'arrêt est salutaire, particulièrement par respect pour les recommandations qui émaneront des commissions d'enquête et pour éviter de faire, défaire et refaire en ce qui concerne la transparence et l'intégrité des institutions.

Nous saluons cette consultation et la réflexion de cette commission et nous pouvons vous assurer que l'Association des directeurs de police du Québec sera au rendez-vous de l'amélioration et de la clarification des rôles et responsabilités et se portera volontaire à être un vecteur de changement. Soumis respectueusement à votre commission, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Dion. Ma première requête, avant que M. le ministre entame sa première ronde de questions : Seriez-vous assez aimable de nous faire parvenir les notes sur lesquelles vous vous êtes appuyée pour faire votre présentation ce matin au secrétariat de la commission, pour aider justement les parlementaires dans leurs réflexions avant l'étude article par article du projet de loi?

Mme Dion (Helen) : Je n'ai pas d'objection, mais, normalement, on fournit un document qui est beaucoup plus exhaustif et plus... Vous comprendrez qu'avec le peu de temps qu'on a eu on n'a pas mis de décoration, si on peut dire.

Le Président (M. Ouellette) : Bien, c'est pour ça que — je n'ai pas besoin de la décoration — je vous fais cette requête, et je pense que ça pourra aider M. le ministre, les parlementaires et les porte-parole des deux oppositions. Donc, si vous voulez bien nous les faire parvenir au secrétariat de la commission quand vous pourrez le faire, ça sera très apprécié. M. le ministre.

M. Coiteux : Merci, M. le Président. Alors, merci, Mme Dion, pour cette présentation. M. Deramond aussi, merci d'être là, puis surtout félicitations pour votre récente nomination comme directeur général de l'ADPQ!

M. Deramond (Didier) : Merci, M. le ministre.

M. Coiteux : On va être très heureux, comme toujours, donc, de travailler avec l'association et puis avec vous en particulier, qui assumez ce poste maintenant.

Alors, écoutez, je n'aurai pas nécessairement plusieurs questions, mais je voudrais vous donner l'occasion d'élaborer un petit peu davantage sur au moins deux choses, là, puis je vais peut-être commencer par la question des responsabilités du BEI pour commencer. Je sens comme une réticence de votre part à ce qu'on enchâsse dans la loi ce qui est déjà la pratique, à l'heure actuelle, par décision du gouvernement, c'est-à-dire de confier au BEI les cas d'enquêtes visant des inconduites de nature sexuelle de policiers en fonction. Bon, ici, on précise que ça devrait être la norme, ça devrait faire partie des responsabilités du BEI, au-delà de son rôle, le rôle premier pour lequel le BEI a été créé, c'est-à-dire d'enquêter lorsque, suite à une intervention policière, il y a eu blessure grave, voire même une personne qui aurait perdu la vie.

Pourquoi il y a un enjeu, pour vous, là, face à cet élargissement législatif des responsabilités du BEI, qui n'est pas un élargissement des responsabilités dans les faits?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Dion.

Mme Dion (Helen) : En fait, en premier lieu, il faudrait qu'on ait démontré qu'il y ait eu, je vous dirais, somme toute, un problème beaucoup plus profond et touchant l'intégrité ou la transparence des enquêtes.

Par le passé, il y a eu des enquêtes et, tout dernièrement, il y a eu une situation qui a généré une prise en charge de plusieurs enquêtes par les corps policiers. Il y a une mobilisation qui a été faite à l'ensemble des corps policiers. On s'est mis ensemble pour pouvoir travailler puis résoudre une situation dans laquelle il y avait présomption au niveau du caractère d'intégrité des enquêtes. Je vous dirais que ça se fait de façon régulière dans les corps de police où est-ce qu'à partir du moment qu'un directeur de police peut penser qu'il y aurait, au niveau de l'intégrité ou de la transparence quant à une enquête... fait régulièrement avis au ministre, qui va confier cette enquête-là à un autre service de police.

Dans le cas particulièrement des agressions sexuelles, que vous me demandez, il y a, à l'heure actuelle, plusieurs commissions d'enquête, il y a, à l'heure actuelle, des enquêtes qui ne sont pas encore terminées et qui pourraient peut-être nous permettre de voir s'il y a une meilleure solution. Est-ce que c'est vraiment cette solution-là qui va permettre de remédier à une situation? Peut-être que oui. Pas qu'on n'est pas d'accord avec la solution proposée, mais on se dit : Est-ce que c'est prématuré de la présenter? C'est en ce sens-là qu'on vous recommandait, M. le ministre, de laisser le temps aux instances nommément formées de voir s'il y a des recommandations à faire et regarder peut-être le problème, s'il y a lieu, dans un ensemble et ne pas seulement concentrer sur un type de crime qui pourrait être commis seulement. Puis, comme je disais et comme je relevais, lorsque, dans l'exercice de ses fonctions, il est confié au BEI, bien, la différence entre l'exercice de ses fonctions ou quand il n'est pas dans ses fonctions... il n'en demeure pas moins que c'est le même type de crime. Alors, dans un cas, on est capable de faire l'enquête et, dans l'autre cas, on ne le ferait pas. C'est un peu en ça. Puis, je me disais, on va peut-être regarder tous ensemble à des solutions ou à des situations qui vont évidemment préserver l'opinion publique et s'assurer qu'on offre le meilleur service aux citoyens en matière de sécurité publique.

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

• (11 h 50) •

M. Coiteux : Ma deuxième question, c'est pour vous donner l'occasion d'approfondir aussi davantage. Vous sembliez avoir un certain nombre de préoccupations à l'égard des équipes d'intégrité qui existent dans certains corps policiers et leur rôle vis-à-vis de l'UPAC, compte tenu de l'article 8.8 qui est proposé dans le projet de loi, qui dit que «tout corps de police doit aviser le commissaire lorsque, dans le cours d'une enquête qu'il mène, il a des motifs raisonnables de croire qu'un acte répréhensible — au sens de la loi de l'UPAC, bien entendu — a été commis».

J'aimerais ça vous entendre sur les enjeux, de votre côté, là-dessus un peu plus.

Mme Dion (Helen) : Bien, nous sommes tout à fait d'accord avec cette position. Ça fait partie, lorsqu'un directeur de police, peu importe, qui est témoin ou qui reçoit une information d'une infraction qui serait commise, peu importe la loi judiciaire ou la loi pénale, bien, oui, que, par le canal dans lequel on l'avise, on n'a pas de problème d'aviser directement cette entité-là au niveau de l'UPAC, on doit aviser. Et, que la responsabilité incombe à un directeur de le faire, je pense que ça va de soi. C'est notre responsabilité, comme directeurs de police, d'être garants, si on veut, des normes et des législations en vigueur. Et, que le canal soit directement orienté via l'UPAC, dans ce cas-ci, nous ne voyons pas d'objection.

M. Coiteux : Mais quelle était alors la référence que vous avez faite aux équipes d'intégrité, puis quel serait leur rôle pour la suite?

Mme Dion (Helen) : En fait, nous, au niveau de l'intégrité...

Une voix : ...

Mme Dion (Helen) : Ah! O.K. Excusez-moi, oui. Excusez-moi. Je vous reviens. C'est les intégrités locales, c'est-à-dire qu'à Laval ils ont leur intégrité.

M. Coiteux : Oui, tout à fait.

Mme Dion (Helen) : Et, nous, ce qu'on se disait : Est-ce que ça devient des sous-équipes de l'UPAC ou s'ils demeurent indépendants? Qu'en est-il du vecteur de communication entre ces entités-là et l'UPAC? C'est simplement ce qu'on voulait faire préciser par le gouvernement. Est-ce que le développement de l'UPAC vient encombrer, englober aussi ces unités-là ou si on le voit autrement?

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

M. Coiteux : Le projet de loi ne modifie pas la pratique actuelle, ça reste des corps policiers indépendants. C'est simplement l'obligation de transmettre, qui existe déjà, mais qui est précisée, là, par l'article 8.8 ici de façon beaucoup plus nette, disons. Mais ça reste des corps policiers indépendants. Ils ne sont pas intégrés dans l'UPAC. Ce qui me permet aussi de dire que, sur la question du prêt de service, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de préciser qui va payer, mais, dans les faits, un prêt de service implique que l'UPAC paie ses propres ressources avec ses propres crédits. Donc, c'est comme ça que ça fonctionne. Donc, on regardera ça avec nos juristes s'il y a une ambiguïté, mais c'est comme ça que ça devrait fonctionner, normalement. Donc, ça, pour vous rassurer, je vous le dis tout de suite.

Sinon, moi, je n'aurais pas d'autre question, parce que c'étaient les enjeux, là, sur lesquels, là, j'avais besoin de quelques précisions additionnelles. Je ne sais pas si certains de mes collègues auraient des questions. Donc, auquel cas, M. le Président, on peut demander maintenant à...

Le Président (M. Ouellette) : La présidence va en avoir une. Puisqu'on était dans les prêts de service, avez-vous des recommandations sur la durée des prêts de service?

Mme Dion (Helen) : Bien, en fait, au niveau de la durée, pas nécessairement. La seule chose, c'est qu'évidemment, dans les pratiques que l'on fait, plus la personne se dirige vers une spécialisation et qu'elle revient fort longtemps après dans ses fonctions primaires, évidemment, il y a une déconnexion qui se fait. Je ne peux pas vous dire à quel moment que ça se passe, trois ans, cinq ans, mais je peux vous dire qu'il y a une certaine déconnexion quand ils sont retournés dans leurs services de police primaires. Maintenant, c'est sûr que plus les gens sont au fait de différents projets de loi ou de différentes lois à appliquer et qu'ils ont ces connaissances-là, évidemment, ils deviennent des vecteurs de transmission de connaissances à leurs autres enquêteurs dans leurs entités primaires.

Donc, on n'a pas de recommandation comme telle, mais on veut simplement mettre sous votre information que c'est fort utile de participer à différentes instances comme ça pour la connaissance de nos policiers.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Dion, M. Deramond. C'est la deuxième fois qu'on a à échanger ensemble. Vous avez parlé, d'entrée de jeu, d'un refus initial de participer aux auditions et ensuite d'un cheminement. Alors, est-ce que vous pouvez nous parler de ce cheminement qui est survenu entre le refus initial et le changement d'idée de votre association?

Mme Dion (Helen) : Bien, écoutez, au départ, lorsqu'on a reçu la convocation et très, très, très à court terme... et, à la première lecture, on ne voyait pas la valeur ajoutée qu'on aurait pu... au premier départ. Je vais vous dire bien honnêtement, on aurait probablement dû être là, mais, à la première lecture, on s'est dit, peut-être, qu'on n'avait pas de valeur ajoutée nécessairement, puisque ça touchait plus des instances qui étaient à l'extérieur de nous. Et, lorsqu'on a eu une deuxième convocation, on a probablement mal évalué l'importance qu'on pouvait y apporter, tout simplement.

M. Bérubé : Merci, Mme Dion. Je veux vous assurer que votre participation est certainement utile sur différents enjeux.

Je comprends que vous êtes en accord avec la création d'un corps de police distinct avec l'Unité permanente anticorruption, donc, qui deviendrait éventuellement un de vos membres, un nouveau directeur de police ou une nouvelle directrice de police, sait-on jamais. D'ailleurs, je veux souligner que vous êtes une pionnière, avec d'autres, de... encore sous-représentées, les femmes, à la Direction des corps de police, et les gens de Repentigny sont fiers de vous pour votre compétence et notamment parce que vous êtes une pionnière. Je le sais, mon beau-père habite à Repentigny. Alors, je voulais vous le dire. Vous êtes en accord avec la création d'un corps de police qui est indépendant, avec énormément de pouvoirs. Lorsque vous comparez les pouvoirs de vos membres avec celui actuel de l'UPAC... et qu'il aurait à la suite de ce projet de loi si d'aventure il était adopté, c'est quand même important.

Alors, compte tenu de ces pouvoirs-là, est-ce que vous considérez que l'UPAC, parmi vos membres, éventuellement, aurait davantage de pouvoirs que vos autres membres, à la suite de ce projet de loi, s'il est adopté?

Une voix : ...

Mme Dion (Helen) : En fait, ce que je vous répondrais à ça, c'est : ce qui est demandé, c'est que ce soit un corps spécialisé. Donc, on reconnaît dans un certain créneau le volet spécialisé de l'UPAC. Versus les autres corps policiers, je ne vois pas d'ambiguïté quant aux collaborations ou aux allégations.

M. Bérubé : Par exemple?

Mme Dion (Helen) : Pardon?

M. Bérubé : Quant à la reddition de comptes pour chacun des corps de police, bon, avec une reddition de comptes serrée avec les... la SQ a un statut particulier, mais, pour les municipalités, c'est très serré. L'UPAC a un statut particulier également. Par exemple, nous, on a posé la question au printemps dernier : Est-ce qu'il y a eu des audits internes? Est-ce qu'il y a des évaluations qui ont été faites? On n'a pas accès à ça. Je suis convaincu que c'est plus facile à une municipalité d'avoir accès à ça, de ce que j'en connais.

Alors, les modes de fonctionnement sont très différents. Est-ce que vous avez porté attention à ça?

Mme Dion (Helen) : Bien, pour votre information, évidemment, il y a des audits pour les services de police municipaux, qui est mené par le ministère de la Sécurité publique, pour s'assurer que le service qui est demandé au niveau des niveaux de service soit rendu d'une façon uniforme par tous les services de police au Québec selon leurs niveaux de service.

Maintenant, en ce qui concerne l'UPAC, il y a certainement, et je ne suis pas membre de... il y a certainement des moyens, au niveau de l'Assemblée nationale, au moment de l'étude des crédits ou à d'autres instances, que cette unité va devoir rendre des comptes, ne serait-ce qu'en vertu des accusations qui vont devoir être portées.

M. Bérubé : Parce que, si je demandais au ministre de me fournir les audits pour chacun des membres de votre association, j'ai l'impression qu'il pourrait me les fournir soit par lui-même ou soit par la loi d'accès à l'information. Mais, dans le cas de l'UPAC, les membres de la commission, les membres de l'étude des crédits n'ont pas eu accès... Peut-être qu'on l'aura tout à l'heure. On n'a pas eu accès à ça. Alors, c'est une question que je pose, qui pourra peut-être avoir sa réponse tout à l'heure avec le groupe qui vous suivra. Vous vous êtes montrés préoccupés par la notion de prêt, notamment, d'enquêteur. Présentement, je sais qu'il y a des enquêteurs du SPVM qui sont à l'UPAC... probablement d'autres corps de police également, peut-être Québec, Laval, Roussillon.

Pouvez-vous donner un peu un état de situation des effectifs qui proviennent des différents corps de police municipaux qui sont à l'UPAC? Ça représente combien de personnes?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Dion.

Mme Dion (Helen) : Je ne peux pas vous dire le nombre de personnes, parce que... Je vais laisser mon successeur répondre à qui compose et le nombre de personnes qui composent son unité. Vous comprendrez que, même si on me posait... Je préférerais que personne ne réponde pour moi quand on me poserait des questions pour mon service de police, là. Alors, je vais laisser mon collaborateur répondre à ça. Mais il y a des membres de la Sûreté du Québec, et du SPVM, et d'autres services de police.

M. Bérubé : Je vais poser la question d'une façon différente puis je vais laisser le soin à la Sûreté du Québec de répondre.

Prenons le cas du SPVM. Il y a certainement des policiers qui sont prêtés à l'UPAC. Évidemment, vous avez des échos de comment ça se passe à l'UPAC. Quelle appréciation avez-vous de la relation entre les prêts qui sont faits à l'UPAC, notamment, du SPVM ou d'ailleurs, la satisfaction des gens qui y vont puis qui reviennent? Est-ce que c'est des expériences qui sont, en majorité, positives ou il existe des aspérités qu'on vous a communiquées?

• (12 heures) •

Mme Dion (Helen) : Je ne peux pas vous parler pour les relations qui existent entre le fait... au niveau de l'UPAC, pour les policiers qui ont été prêtés et qui sont revenus, mais je peux vous dire qu'on a participé, nous, au Service de police de Repentigny, et d'autres services de police, à ce qu'on appelle des ERM, des escouades régionales mixtes, qui sont aussi une entité sous la gouverne d'un autre service de police, en l'occurrence la Sûreté du Québec, et les relations sont excellentes. Dans la façon qu'on procède, on ajuste les façons de faire, et, quand nos policiers reviennent, ils sont redorés d'une expérience différente et très enrichissante qui permet de collaborer avec et de transmettre à leurs autres collègues de travail...

M. Bérubé : Ils seront là, le SPVM, non?

Le Président (M. Ouellette) : Le SPVM est... de Montréal.

M. Bérubé : Oui, mais ils seront en commission, non?

Le Président (M. Ouellette) : Ils vont être en commission mardi soir à...

M. Bérubé : D'accord. Parfait. Je vous pose la question parce que c'est composite dans l'UPAC, hein? Il y a des civils, il y a des gens de la Sûreté du Québec, il y a des gens du SPVM, et là ça viendrait uniformiser un peu l'ensemble des troupes avec un corps de police, avec un pouvoir d'embauche, avec des règles connues de tous. Nous, les échos qu'on a, c'est que c'est difficile, c'est difficile, notamment, pour certains policiers qu'un de vos membres représente, M. Pichet en l'occurrence, au SPVM, les passages de l'UPAC. Il y a des problématiques. C'est très dur d'en savoir davantage, mais je vous invite à vous enquérir, auprès de M. Pichet notamment, auprès d'autres de vos membres, de comment se passent les prêts d'effectif et d'avoir une évaluation très factuelle, pour utiliser un terme cher au président de la commission, sur comment ça se passe, parce que, nous, les échos qu'on a sont de toute nature. Alors, je vous invite à regarder ça.

Vous avez parlé, tout à l'heure, puis le thème était fort, de la théorie de complaisance à l'égard de l'évaluation des enquêtes entre corps de police. À des fins de souvenir, lors de la création du Bureau des enquêtes indépendantes, étiez-vous en faveur?

Mme Dion (Helen) : Oui. Nous ne sommes pas contre des... Lorsque le gouvernement prend des décisions pour créer des vecteurs de contrôle, si on veut, on n'est pas contre ces situations-là, des propositions du gouvernement. La seule chose qu'on dit tout le temps, c'est que, par rapport aux institutions... appelons ça de sécurité publique, policière, en général, il y a une espèce de cynisme qui a été créée au cours du temps.

Puis laissez-moi vous faire un parallèle assez rapidement : dans le monde médical, il y a beaucoup plus de décès de personnes sur les tables d'opération qu'il peut y avoir de personnes décédées sous l'oeuvre d'un policier ou l'implication d'un policier comme tel, O.K.? Et on ne met jamais en question ni la formation des médecins ni leur capacité, leur professionnalisme, jamais que c'est lynché, entre guillemets, sur la place publique, alors qu'aussitôt qu'il y a mort d'une personne, d'un citoyen suite à l'implication ou une intervention policières tout de suite on pointe du doigt la formation, on pointe du doigt la compétence, on pointe du doigt même le ministère de la Sécurité publique, on pointe du doigt les services de police comme quoi on aurait déjà... on a comme un préavis ou une présomption comme si on avait déjà fait erreur, ce qui, dans les faits, là — ce qui a été démontré et redémontré — est rarement le cas.

M. Bérubé : Donc, je comprends, puis vous ne m'avez pas répondu très directement, vous étiez en faveur de la création du Bureau des enquêtes indépendantes, votre association? C'est bien ça?

Mme Dion (Helen) : Nous sommes en faveur de toute unité de contrôle. On n'a pas de problème avec ça.

M. Bérubé : Mais je me permets d'insister. Le Bureau des enquêtes indépendantes, lorsqu'il a été présenté — je ne sais pas si vous avez fait des représentations — vous vous étiez dits en faveur de... pas d'organisme, de ce Bureau des enquêtes indépendantes.

Mme Dion (Helen) : On a déposé un mémoire, si je me souviens bien, puis il...

M. Bérubé : Qui était favorable?

Mme Dion (Helen) : Oui, il était favorable.

M. Bérubé : D'accord. La distinction avec les exemples que vous donnez, c'est que les policiers ont un pouvoir important, le pouvoir d'arrestation, l'autorité, port d'armes, et ça, c'est des responsabilités qui sont importantes et qui doivent être encadrées. Et, lorsqu'on regarde les statistiques, avant le Bureau des enquêtes indépendantes, du nombre de sanctions qu'on avait dans la police, on conviendra que c'étaient des chiffres, disons, très bas. Alors, il faut croire qu'il y avait beaucoup de plaintes non fondées.

Nous, on l'a appuyé, le Bureau des enquêtes indépendantes, et on considère que les Québécois souhaitent que la police n'enquête pas sur la police et que c'est une avancée qui est importante, ce qui n'enlève en rien le professionnalisme, la rigueur qu'on reconnaît aux policiers du Québec. Mais, comme dans toutes les organisations, on a besoin de reddition de comptes, de vérifications, et c'est pour ça qu'il y a cette institution. C'est également pour ça qu'on aura des questions à poser également sur la création de cet éventuel nouveau corps de police. Je vous remercie.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Merci de votre commentaire, M. le député de Matane-Matapédia. M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci, M. le Président. Alors, merci d'être ici, Mme Dion et M. Deramond. Moi aussi, j'avais une question, mais vous y avez répondu, dans le sens que vous avez considéré que ce n'était pas très, très utile d'être ici en première instance et vous avez révisé votre position lorsque vous avez eu une seconde lettre vous invitant à vous joindre à cette commission.

Est-ce que vous avez communiqué avec l'UPAC, avec le Comité public du suivi des recommandations de la commission Charbonneau avant de venir ici ou ça s'est fait... Parce qu'on sait qu'il y en a qui se sont désistés dans la même journée et il y en a qui sont revenus aussi dans la même journée. Alors, est-ce qu'il y a eu des communications avec les autres corps de police?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Dion.

Mme Dion (Helen) : Je peux vous expliquer comment on fonctionne, M. le député. Au niveau de l'Association des directeurs de police du Québec, nous avons un conseil d'administration, O.K.?

Le conseil d'administration est composé majoritairement de directeurs de police représentant les diverses régions, dont aussi la Sûreté du Québec, qui est présente, et le SPVM. Nous avions convenu au départ que, oui, on allait possiblement le regarder, parce que, lorsqu'on a reçu la convocation, on n'avait pas encore reçu le projet de loi comme tel. C'est arrivé le même jour que notre conseil d'administration. Mais, une fois le conseil d'administration dissout, si on veut, il y a une permanence, au niveau de l'Association des directeurs de police, qui regarde plus profondément... Parce que vous comprendrez que tous les membres du conseil d'administration sont aussi directeurs dans leurs municipalités. Alors, moi, je suis retournée dans ma municipalité assumer mes fonctions de directeur. Et ils se sont penchés... ce sont quand même des spécialistes, dont M. Didier Deramond, et ont jugé que, pour l'instant, ce n'était pas nécessaire ou on ne voyait pas en profondeur, rapidement, ce qu'on pouvait apporter de plus, tout simplement, audit projet de loi.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord

M. Spénard : Merci, M. le Président. Vous avez parlé d'apporter des précisions sur le terme «prêtés», parce que présentement il y a différentes institutions, organisations qui prêtent du personnel à l'unité anticorruption. Advenant qu'il devient un corps spécialisé pour les corruptions, j'imagine qu'il n'y a aura plus de prêts, il va être maître d'oeuvre d'engager son personnel, comme tout corps policier. Est-ce que vous pouvez m'éclairer là-dessus?

Mme Dion (Helen) : Dans ce que lis dans le projet de loi, à l'heure actuelle, on parle encore de personnel prêté.

M. Spénard : C'est ça, mais...

Mme Dion (Helen) : Donc, on ne parle pas d'embauche systématique au sein de l'UPAC. Donc, c'est pour ça qu'on demande : Le terme «prêtés», est-ce qu'on peut le préciser, tout simplement? Est-ce qu'ils demeurent quand même à leurs entités? Est-ce qu'ils deviennent prêtés temporairement? Un peu comme on le vit dans les ERM, à l'heure actuelle. Les ERM sont composées de divers policiers, et le respect de la convention collective de leur unité d'appartenance est respecté. Ça cause des mots de tête, je vous dirais, là, avec mes collègues de la Sûreté du Québec, puisqu'il y a à peu près, dans certaines ERM, jusqu'à huit conventions collectives à gérer en même temps, mais c'est en ce sens-là qu'on veut comme guider le gouvernement.

M. Spénard : Ce qui me vient à vous poser une question que je considère primordiale pour ce projet de loi là : Est-ce que vous faites une différence entre l'autorité fonctionnelle et l'autorité hiérarchique lorsqu'il y a des prêts de policier ou de civil à l'intérieur de l'UPAC? Qui est en autorité? J'imagine, l'autorité fonctionnelle, ça doit être l'UPAC, mais, l'autorité hiérarchique, est-ce qu'elle demeure dans le corps de police initial de l'individu qui est prêté?

Mme Dion (Helen) : Je ne peux pas vous parler pour l'UPAC, parce que, personnellement, je n'ai pas de personnel à l'UPAC, O.K.? Mais, lorsqu'on parle de l'ERM, l'autorité, si on veut, des opérations est sous l'égide de l'ERM comme telle, les ERM. Donc, tout ce que notre policier fait en termes d'opérations est sous la responsabilité de la Sûreté du Québec, si on veut, quand qu'il est prêté. Donc, c'est en ce sens-là. La seule autorité fonctionnelle, c'est, si on veut... le chèque de paie est toujours de Repentigny, c'est à peu près ça, puis le respect de la convention collective de Repentigny qui est en force à ce moment-là, à moins que, de lui-même, le policier accepte, de gré à gré, des ententes avec la Sûreté du Québec, et ça, il n'y a pas de souci.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.

• (12 h 10) •

M. Spénard : Merci, M. le Président. Est-ce que vous ne croyez pas qu'en ayant deux autorités comme ça qui s'adressent à la même personne... est-ce que vous pensez que c'est, premièrement, assez transparent pour dire qu'il n'y a aucune espèce d'infiltration dans une enquête soit par l'autorité initiale du policier ou soit par l'autorité fonctionnelle? Il y a deux autorités, là, mais, moi, ça me chicote un peu, les deux autorités, là, sur la confidentialité des enquêtes. C'est ça qui me chicote, moi. Parce que vous dites qu'il est obligé de faire respecter... Il y a huit conventions collectives à l'UPAC, vous avez semblé dire.

Mme Dion (Helen) : Et même plus.

M. Spénard : En tout cas...

Mme Dion (Helen) : Pas à l'UPAC. À l'ERM.

M. Spénard : O.K. Les autorités, là, est-ce qu'elles peuvent intervenir directement auprès de la personne lors d'enquêtes parce qu'elles ont une autorité sur la personne comme telle?

Mme Dion (Helen) : Je vais vous parler encore au niveau de l'ERM, là, parce que c'est à ce niveau-là. Je peux vous dire que, non, on n'a pas d'influence opérationnelle sur notre membre comme tel. On ne peut pas lui dire d'aller enquêter sur telle, telle situation, si ce n'est que par un comité directeur qui existe, qui rassemble l'ensemble des directeurs de police qui ont un membre à l'intérieur de l'ERM, là, et que, là, ensemble, les directeurs, on décide des orientations d'enquête, si on veut, vis-à-vis une menace quelconque. Et c'est l'ensemble des directeurs. C'est la seule façon qu'on a une influence sur l'entité de l'ERM comme telle. Donc, c'est en ce sens-là que je vous dis que, non, directement avec notre policier, on n'intervient pas quant à ses opérations terrain.

M. Spénard : Mais vous pourriez le faire, parce que vous avez l'autorité pour le faire.

Mme Dion (Helen) : En fait, il n'est plus officiellement sous la gouverne du Service de police de Repentigny, opérationnellement parlant. Il se rapporte, à tous les jours, à son lieutenant de la Sûreté du Québec.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Beauce-Nord. Je sais que M. Deramond a été très bien placé pour vous définir la structure des ERM, ayant lui-même dirigé une de ces unités d'enquête là par le passé. M. le député de Mercier.

M. Khadir : M. le Président, Mme Dion, comme je n'ai pas pu assister à votre témoignage et qu'il n'y a pas de mémoire écrit, je ne poserai pas d'autre question que de répéter la question de mon collègue de Beauce, précédent, parce qu'il vous a posé une question précise, mais je ne crois pas avoir entendu la réponse.

Vous avez quand même l'autorité d'intervenir auprès de la personne. C'est-à-dire, cette autorité existe. Vous dites que ce n'est pas exercé, mais cette autorité, stricto sensu, existe.

Mme Dion (Helen) : Écoutez, au niveau opérationnel, il n'est plus sous la gouverne du Service de police comme tel, il est prêté et sous la gouverne de l'entité sous laquelle il est embauché, si on veut. Et je vais demander à M. Deramond, qui va vous expliquer encore plus en profondeur les mécanismes...

Le Président (M. Ouellette) : M. Deramond.

M. Deramond (Didier) : Merci. Les prêts de service qui sont faits dans les escouades spécialisées dans le partage des services, que l'on peut appeler, effectivement, il y a des protocoles d'entente qui sont signés entre les organisations policières. Et, dans le cadre de ces protocoles d'entente là, effectivement, on fait mention que la personne prêtée demeure sous l'autorité des Services de police auxquels il va travailler. Donc, s'il va travailler pour l'escouade régionale mixte de Montréal, il est sous son autorité, de l'escouade régionale mixte de Montréal, ou l'ENRCO, maintenant, là, l'équipe nationale en réponse au crime organisé.

Bon. Effectivement, comme Mme Dion le disait, il y a une structure qui est en place au niveau de la lutte au crime organisé. On ne pourra pas dire la même chose au niveau de la lutte à la corruption, mais il y a quand même une coordination qui est en place présentement. Vous avez des équipes qui sont en place aussi qui sont sous la gouverne des Services de police, entre autres l'équipe de protection de l'intégrité municipale de Montréal, qui est existante. Il y en a à Laval, il y en a un peu partout qui sont sous la coordination... Bon, il est très peu probable que le Service de police de Montréal va intervenir dans les opérations de l'équipe sous la coordination...

Bon. Si vous me demandez s'il y a toujours une possibilité, la réponse à ça : le risque zéro n'existe pas, là, comme dans bien d'autres choses, là, mais c'est très peu probable. Et moi, de connaissance, après 36 ans, là, je ne l'ai jamais vu, pour avoir été à la direction aussi de ces équipes-là.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Mercier, 30 secondes.

M. Khadir : Non, ça va. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Helen Dion, M. Didier Deramond, représentant l'Association des directeurs de police du Québec.

Je suspends quelques minutes. Je demanderais au Commissaire à la lutte à la corruption et à son équipe de bien vouloir s'avancer.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

(Reprise à 12 h 18)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant M. Robert Lafrenière, qui est le Commissaire à la lutte à la corruption. M. Lafrenière, vous connaissez les us et coutumes de la commission, 10 minutes de présentation. Vous allez nous présenter les gens qui vous accompagnent. Et sûrement la question qui brûle les lèvres de tous les parlementaires... Vous allez sûrement nous expliquer dans votre présentation la raison de votre désistement aux audiences de la commission. Donc, je vous laisse la parole, M. Lafrenière.

Commissaire à la lutte contre la corruption

M. Lafrenière (Robert) : Alors, merci, M. le Président. Alors, M. le Président, Mmes et MM. les députés, bonjour à tous. Je me présente : Robert Lafrenière, Commissaire à la lutte contre la corruption. Je suis accompagné, aujourd'hui, du commissaire associé aux vérifications, M. Michel Pelletier; de Me Marie-Claude Laberge, conseillère juridique; de maître... de monsieur — j'étais en train de vous nommer maître, M. Barabé — M. Martin Barabé, conseiller stratégique au commissaire; et d'Anne-Frédérick Laurence, qui est directrice des affaires publiques et des communications.

Il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui à la Commission des institutions afin de répondre aux parlementaires à propos du projet de loi n° 107, Loi visant à accroître la compétence et l'indépendance du commissaire à la lutte contre la corruption et du Bureau des enquêtes indépendantes ainsi que le pouvoir du directeur des poursuites criminelles et pénales d'accorder certains avantages à des témoins collaborateurs. En effet, j'ai bien entendu les parlementaires qui me demandent de réitérer en cette commission les préoccupations qui me motivent, en tant que Commissaire à la lutte contre la corruption, à demander au gouvernement d'accroître l'autonomie, la compétence et l'indépendance de l'UPAC, et ce, dans le but d'améliorer notre capacité à combattre la corruption.

• (12 h 20) •

Rappelons que l'UPAC est une jeune organisation qui a été créée en 2011 pour rétablir et préserver la confiance des citoyens envers les institutions publiques. En effet, pour situer la création de l'UPAC, il faut remonter vers la fin des années 2000, alors que des allégations sur des cas de corruption, d'abus de confiance et de collusion dans l'octroi et l'exécution des contrats publics ainsi que des allégations de financement politique illégal se succédaient, au point de commander une réponse claire aux autorités. Le gouvernement a répondu en créant l'opération Marteau en 2009, l'Unité anticollusion du ministère des Transports en 2010, l'Unité permanente anticorruption en 2011 et la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction en 2012.

Plusieurs lois ont par ailleurs été adoptées par l'Assemblée nationale, dont la Loi concernant le financement des partis politiques et la Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics, qui proposent un système permettant que soit vérifié si les entreprises qui désirent contracter avec un organisme public ou avec une municipalité satisfont aux conditions d'intégrité requises.

Ces initiatives ont permis de s'attaquer à ce phénomène criminel avec des moyens sans précédent. Au niveau de l'UPAC, les enquêtes policières, notamment, ont donné des résultats éloquents, tandis que la commission d'enquête sur l'industrie de la construction a permis de faire la lumière sur plusieurs allégations de pratique déloyale. Les recommandations issues de la commission d'enquête publique sont d'ailleurs une des raisons qui motivent les ajustements souhaités pour améliorer les mécanismes de fonctionnement qui sont en place au sein de l'UPAC depuis 2011. C'est, entre autres, et prioritairement, pour renforcer l'indépendance du Commissaire à la lutte contre la corruption que la vision d'un corps de police spécialisé en matière de lutte contre la corruption a été élaborée.

Mon équipe et moi avons participé, depuis les deux dernières années, aux travaux qui ont mené à l'élaboration actuelle du projet de loi n° 107 tel qu'il est soumis aux parlementaires aujourd'hui. J'ai eu plusieurs occasions de partager mes préoccupations face aux enjeux qui sont présents à l'UPAC. J'ai participé à l'élaboration des solutions qui sont présentées dans le projet de loi actuel. En effet, le projet de loi n° 107 vise à faire de l'UPAC un corps de police spécialisé, étant donné sa mission spécifique. Ce corps de police se distingue des autres corps de police traditionnels. En ce sens, la spécificité de ce corps de police confère à l'UPAC la compétence pour réprimer et prévenir toutes les infractions en matière de corruption, sans limitation aux contrats publics, sur l'ensemble du territoire du Québec.

Les trois objectifs visés par le projet de loi sont l'indépendance, l'autonomie et la compétence. L'atteinte de ces objectifs permettra à l'organisation de continuer de servir les citoyens avec toute la marge de manoeuvre nécessaire pour mener à bien ses mandats à long terme. Elle permettra également d'accroître l'efficacité de l'UPAC tout en offrant un service de haut niveau à la population québécoise. À cet effet, le projet de loi n° 107 vise également à préciser la définition d'«acte répréhensible» afin de couvrir tous les cas de corruption, de trafic d'influence et d'abus de confiance au sens du Code criminel et non seulement les cas reliés aux contrats publics.

Les avantages directs du corps de police spécialisé sont les suivants... Assurer l'indépendance. En effet, l'UPAC regroupe des équipes de vérification et des équipes d'enquête désignées par le gouvernement qui sont placées sous la coordination du commissaire. Ces équipes continuent de relever de leurs organisations respectives. Par conséquent, en matière d'enquête criminelle, une fonction critique, l'autorité du commissaire est susceptible d'être affaiblie ou remise en cause par un tiers. Cela en va de même pour certains services de vérification de la Sûreté du Québec, compte tenu que l'accès aux banques de données policières est réservé à l'usage exclusif des corps de police. Le projet de loi n° 107 vise justement à régler cette situation de dépendance. L'autorité du commissaire sur les enquêtes criminelles serait assurée avec une hiérarchie explicite, et l'accès à des renseignements qui se retrouvent dans les bases de données policières, entre autres le CRPQ et le SARC, serait dorénavant direct et protégé par une confidentialité accrue.

En matière d'échange de renseignements, le Commissaire à la lutte contre la corruption pourrait échanger, de façon autonome, des informations policières et du renseignement criminel directement avec les autres corps de police québécois, canadiens ou internationaux. Les demandes d'entraide internationale pourront également bénéficier de cette indépendance et de cette confidentialité accrues. Dans le même esprit d'indépendance dans ses actions, l'UPAC pourra autoriser des déplacements hors Québec de tous ses membres et ainsi avoir un meilleur contrôle sur la reddition de comptes.

Le deuxième avantage est le contrôle de son budget. La création d'un corps de police spécialisé impliquerait le contrôle direct des dépenses en matière d'enquête criminelle. En ce sens, l'UPAC ne dépendrait plus d'organismes tiers en termes de gestion des budgets et pourrait maximiser sa planification financière en fonction de la mission de l'organisation.

Le troisième avantage : spécifier le mandat de l'UPAC pour couvrir tous les actes répréhensibles associés à la corruption. L'article 1 du projet de loi n° 107 vise à préciser la définition d'«acte répréhensible» afin qu'il corresponde aux enquêtes déjà menées par les enquêteurs de l'UPAC. Présentement, la définition d'«acte répréhensible» à l'article 2 de la Loi concernant la lutte contre la corruption est l'équivalent d'un niveau de service en ce sens du Règlement sur les services policiers que les corps de police municipaux et la Sûreté du Québec doivent fournir selon leur niveau de compétence.

L'article 2 de l'actuelle Loi concernant la lutte contre la corruption ne vise donc pas à créer une infraction. Il vise plutôt à délimiter le champ d'action de l'Unité permanente anticorruption. Or, les infractions criminelles visées par les enquêtes de l'UPAC sont essentiellement énumérées à la section IV du Code criminel, et ces articles, entre l'article 119 et l'article 125, portent sur des crimes qui dépassent largement la seule corruption en matière contractuelle publique. En effet, les crimes en matière de corruption et d'abus de confiance publique peuvent toucher toutes les fonctions ou les missions de l'État, que ce soient, par exemple, l'octroi de contrats gouvernementaux, l'adoption, modification et abolition de règlements ou de directives, l'achat ou la vente de charge publique et l'infiltration de l'administration publique, l'achat et vente d'actif par l'administration publique, l'aide économique et financière publique.

Enfin, pour terminer ce court exposé, je me permets quelques mots sur le mode de nomination du commissaire qui est proposé dans le projet de loi n° 107. Il répond à la recommandation 31 de la commission Charbonneau. En effet, le mode de nomination proposé au projet de loi vise à éviter les risques potentiels d'influence au moment d'obtenir un renouvellement de mandat, et ce, à l'instar du mode de nomination du Directeur des poursuites criminelles et pénales. La formation d'un comité de sélection pour la fonction de commissaire serait prédéterminée et impartiale, permettant ainsi de sélectionner les meilleurs candidats selon les critères d'évaluation précis qui prennent en compte la qualité du parcours professionnel du candidat au poste de commissaire en lien avec l'importance de la fonction. En prévoyant un mandat à durée fixe, en l'occurrence sept ans, non renouvelable et un mode de nomination du commissaire objectif ainsi qu'une procédure de destitution, la garantie d'indépendance visée par la recommandation 31 de la CEIC est réalisée.

Mmes, MM. les parlementaires, ici tient l'essentiel de mon exposé. Le projet de loi n° 107, qui vise, entre autres, de créer au Québec un corps de police dont l'unique mission est de lutter contre la corruption, m'apparaît être une avancée majeure pour le Québec. D'ailleurs, il n'existe rien de tel au Canada, et encore peu de modèles similaires sont observables dans le reste du monde. En ce sens, le Québec est un précurseur.

Merci de vote écoute. Je tenterai de répondre à vos questions, qui feront avancer l'étude de ce projet. Et je vais revenir, M. le Président, à votre première question.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Oui.

M. Lafrenière (Robert) : Alors, si je fais la genèse de ce qui s'est passé dans l'invitation, j'étais à l'extérieur du Québec à ce moment-là, quand on a reçu l'invitation, je crois, un jeudi. Et, quand j'ai eu l'invitation, j'ai perçu que c'était obligatoire de venir. Et on sait que les organismes qui font de la sécurité publique n'ont pas l'habitude de participer à l'élaboration de projets de loi dans lesquels ils sont impliqués. Je n'ai jamais vu ça à la Sûreté du Québec. Et, à l'UPAC, les deux premiers projets de loi, on n'avait pas participé, même si on avait été invités.

Donc, à ce moment-là, j'ai quand même réalisé que, dans le cas de la CAP l'année passée, j'avais été forcé de venir témoigner. Donc, mon esprit a dit : Bien, on va témoigner. Alors, j'ai tout de suite avisé mon bureau de l'extérieur qu'on irait témoigner. Et j'ai demandé, par contre, des précisions sur le mémoire, quelle forme ça devait avoir, pour quand fallait le déposer. J'ai une adjointe qui a appelé à la commission, parlé à une gentille madame, et cette madame-là a dit : Bien, vous n'êtes pas obligés de faire un mémoire puis vous n'êtes pas obligés de venir comparaître, c'est vous qui décidez. Alors là, je suis revenu dans mon «minding» de ne pas participer comme organisme chargé de l'application de la loi, et c'est là que j'ai dit : Bien, on n'y va pas. Mais, quand j'ai vu les pressions dans la fin de semaine et que j'ai entendu parler... et je vous vois rire, là, les différents Twitter, bien là j'ai dit : On va y aller. Et le lundi, très tôt, on a décidé d'y aller. On attendait une lettre. Il était question d'une lettre pour envoyer notre réponse, mais c'était décidé dès le lundi, assez tôt dans la matinée, qu'on viendrait témoigner, et je le fais avec plaisir.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Si vous aviez appelé le secrétariat le lundi, vous vous seriez évité une lettre, mais c'est correct.

• (12 h 30) •

M. Lafrenière (Robert) : On a appelé, le lundi : La lettre s'en vient-u?

Le Président (M. Ouellette) : Pour confirmer que vous veniez. Mais donc c'est du passé.

L'autre chose. J'apprécierais, si c'est possible, et je pense que M. le ministre l'apprécierait aussi, et les parlementaires... Vos notes d'allocution, si vous pouviez les faire parvenir au secrétariat de la commission...

M. Lafrenière (Robert) : Avec plaisir.

Le Président (M. Ouellette) : ...ce serait très apprécié. M. le ministre.

M. Coiteux : Oui. Alors, M. Lafrenière, M. le commissaire, et toutes les personnes qui vous accompagnent, merci d'être là et merci de prendre le temps aujourd'hui de nous exposer votre vision par rapport à ce projet de loi.

D'entrée de jeu, vous avez dit que vous avez participé à des travaux et, notamment, en ce qui concerne un certain nombre de dispositions visant à accroître encore davantage l'efficacité opérationnelle de l'UPAC, etc. Ma première question serait la suivante — l'UPAC donc a été créée en 2011, on est en 2017, donc ça fait six ans : Le type de disposition qui est prévu dans le projet de loi, donc, qui fait de l'UPAC un corps policier spécialisé, est-ce que ça aurait pu être envisagé au jour un ou c'est dans l'évolution normale et à la lumière de l'expérience vécue depuis six ans que ça serait maintenant justifié de le faire?

M. Lafrenière (Robert) : Bon. Alors, quand on a créé l'UPAC en 2011, d'abord j'étais dans un poste pour influencer, j'étais sous-ministre en titre, à ce moment-là, à la Sécurité publique, et d'abord il y avait urgence, hein, souvenons-nous, là, que ça n'allait pas bien, là, au niveau médiatique, et tout ça, il y avait une urgence. Et je me souviens qu'on a discuté de différents principes.

Un principe très avant-gardiste était justement de greffer six autres organismes à une équipe de policiers. Parce qu'il faut se souvenir qu'en 2009 il y avait Marteau, Marteau étant composée principalement de la Sûreté du Québec, et de Revenu Québec, et de plusieurs membres du SPVM, huit membres, si je me souviens bien. Et, bon, ça ne suffisait pas, selon la réponse que le gouvernement voulait donner, de là l'élaboration de l'UPAC. Et, quand j'ai regardé ça avec l'équipe, on a dit : Bon, bien, si on repart à zéro, si on fait un corps policier puis on essaie d'embaucher notre monde, etc., toute l'expertise qui est déjà commencée depuis 2009... Et il ne faut pas se leurrer, il y en avait eu, des enquêtes sur la corruption, dans les années antérieures. Il y avait quand même une expertise là qu'on ne pouvait pas se permettre de mettre de côté puis que ça prenne beaucoup de temps avant qu'on parte l'unité, comme telle, opérationnelle. L'unité a été décrétée, si je me souviens bien, en février 2011, et, dès le mois d'avril, on commençait, avec l'équipe de Marteau, à faire des actions.

Alors, l'évolution s'est faite, et l'UPAC, ça a changé beaucoup. Au départ, je me souviens, le C.T., c'était prévu pour 179 personnes, incluant les équipes désignées. Et rapidement on a dû le doubler, presque, parce qu'on a eu le mandat de la loi sur les contrats publics à mettre en place, au niveau de la vérification, qui nécessitait beaucoup, beaucoup d'ajout de personnel. Donc, l'évolution s'est faite. La Sûreté du Québec a toujours dit présent... la ville de Québec, la ville de Montréal, et tout ça, et on a bâti tranquillement une équipe, je croirais, très solide. Puis ça me fait toujours plaisir de citer quelques statistiques, mais on a arrêté, à date, 179 personnes, 179 personnes arrêtées en termes d'actes criminels, mis à part tout ce qui est pénal, et on en a condamné, puis c'est ça que les Québécois veulent voir, 77. Le 77e était hier : deux ans de prison ferme. Alors, moi, je suis très heureux de ces choses-là. Puis là je ne vous parle pas de toutes les autres équipes de vérification et de prévention qui sont sur le terrain et que ça paraît moins au niveau des résultats.

Or, tout ça fait en sorte qu'à un moment donné on s'est posé une question il y a quelques années, puis on a dit : Bon, bien là, on est rendus où? Où veut aller? Puis c'est quoi qui accroche? Dans la fonction policière, il y a des outils qu'on utilise surtout dans les hauts niveaux d'enquête, d'enquête spécialisée. J'entendais Mme Dion parler de l'ERM. Il y a des outils qu'on utilise beaucoup. Exemple, le bill C-24. Le bill C-24, c'est que ça permet aux policiers, dans des barèmes très précis, de commettre des actes criminels pour faire avancer une enquête. Et, nous, quand on est pris face à une situation comme ça, bien là, il faut que je demande à la Sûreté du Québec... Donc là, on élargit le spectre de gens qui connaissent une partie de l'enquête, parce qu'il y a des officiers qui doivent se mettre en place, créer un comité, et tout ça, et, l'année d'après, c'est envoyé au ministère comme reddition de comptes. Donc, ça, c'est un outil qu'on ne peut pas utiliser actuellement dans un mode restreint, parce qu'il faut passer par la Sûreté du Québec. Et ils le font de bonne foi, là, il n'y a pas de problème. Mais l'autre élément important qui me vient à l'esprit, c'est la question des dépenses secrètes. Vous savez qu'il y a des fonds qui existent pour pouvoir payer un informateur, louer un local de surveillant, etc. Bien là, encore là, il faut monter par la Sûreté du Québec pour avoir accès à ça. Et ça peut être un montant qui est très, très élevé et ça va monter dans les très hauts niveaux d'autorisation de la Sûreté, suite à ce qu'on connaît, pour la gestion de ce fonds-là. Alors, ce sont des éléments un peu bizarres qui font en sorte que le corps de police s'est manifesté.

Vous savez, la fonction d'enquête criminelle, c'est le central de l'UPAC. Et actuellement, bien, c'est sous la responsabilité de la Sûreté du Québec, parce que... bon, on a parlé de policiers municipaux, on a parlé de policiers qui viennent nous aider, mais ils se rapportent à la Sûreté du Québec. Puis, dans le moment, c'est bien correct, puis ça fonctionne. Puis, en passant, des policiers municipaux, on en a 14 actuellement en place; deux postes de libres. Et on en a 40 qui ont passé depuis le début, depuis la création de l'UPAC, et les gens semblent très satisfaits. Souvent, ils nous demandent une rallonge, et puis ça nous fait plaisir, dans certains cas. Dans d'autres cas, les villes veulent ramener leurs expertises. Mais, bon, ça s'est beaucoup amélioré en termes de durée. Parce qu'au début on disait : Deux ans, un prêt et un an d'option. Maintenant, on essaie d'avoir trois, quatre... puis certaines villes disent oui, d'autres, non. Alors, c'est comme ça que le corps de police, entre autres, est venu dans notre esprit. Et puis évidemment il y a tous les autres articles qui améliorent différentes choses, aussi différents aspects. Une réponse courte, ça, monsieur...

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

M. Coiteux : La collaboration entre l'UPAC, devenue corps policier en bonne et due forme, et les autres corps policiers au Québec, dans le futur, là, si le projet de loi est adopté tel qu'il est présenté, comment vous voyez ça? Est-ce que cette collaboration-là va prendre un autre visage, ça va être autrement?

M. Lafrenière (Robert) : Bien, moi, dans le moment, j'y vois... D'abord, il y a l'article 8.8 qui demande aux corps policiers, lorsqu'ils sont en contact avec un acte répréhensible, de nous en informer. Et ça ne veut pas dire que le corps de police ne pourra pas continuer, là. Ce n'est pas le commissaire qui écrase les autres corps de police puis qui décide de tout. Mais il y a des éléments... puis je fais attention pour ne pas chauffer nos enquêtes, mais il y a des éléments qui souvent sont reliés l'un à l'autre et qui font en sorte que c'est des dossiers majeurs, qu'il faut absolument que ce dossier-là soit coordonné à l'UPAC.

Mais il y a d'autres types de corruption, puis j'ai été assez large dans mon exposé, qui peuvent très bien être continués par les corps policiers qui ont le niveau de service pour le faire. Alors, je pense évidemment à la Sûreté du Québec, je pense à la ville de Montréal, à la ville de Québec actuellement. Niveau 3, je suis moins certain, je ne pense pas. Alors, ces villes-là, ces corps de police là peuvent continuer, dans certains cas, à faire le dossier. Il y a des endroits sur la Côte-Nord très, très éloignés, où on a des signalements. Bien, je pense, la Sûreté du Québec est déjà présente. Et, si ça ne fait pas partie d'un stratagème plus global, c'est normal qu'ils poursuivent le dossier. Ça serait d'investir notre argent de très mal façon de partir avec une équipe de Montréal puis aller faire ce dossier-là quand c'est quelque chose qui est facilement conciliable.

M. Coiteux : Une autre question, différente cette fois-ci. Il y a une partie du projet de loi qui revoit les pouvoirs du DPCP, qui, en fait, leur donne des capacités en matière d'octroi d'immunité à d'autres types de situations que celles qui sont considérées normalement.

Est-ce que ça, ça a une interaction positive avec le travail que fait l'UPAC? Comment vous voyez ça?

M. Lafrenière (Robert) : Énormément positive, parce qu'on développe des collaborateurs, et, il ne faut pas se tromper, ce n'est pas des anges, de façon générale. Alors, ils ont des choses à se reprocher, puis, nous autres, dans la balance, il faut voir qu'est-ce que ça peut nous apporter de plus versus ce que ça nous coûte. Alors, c'est pour ça que, dans le projet de loi, l'idée de les protéger, d'une certaine façon, contre leurs ordres professionnels, contre les actions civiles qui pourraient arriver d'un pouvoir public, le Revenu... Souvent, on a des problèmes avec Revenu... pas des problèmes avec Revenu Québec, mais des problèmes d'impôt que ces gens-là n'ont pas toujours payé.

Alors, ces trois choses-là sont importantes pour nous, pour continuer à développer des collaborateurs, parce que c'est relativement difficile d'amener quelqu'un à faire une déclaration, d'amener quelqu'un à témoigner. Si en plus la personne sait que ça va lui coûter tant, qu'il va perdre son permis professionnel — je ne nommerai pas de fonction — bien, à ce moment-là, c'est beaucoup plus facilitant pour nous. Et on était très heureux de voir cet aménagement-là dans la loi.

M. Coiteux : O.K. Puis l'autre aspect, c'est la modification du délai de prescription pour des infractions pénales. Donc, il y a un allongement. Et ça, est-ce que c'est aussi de nature à aider votre travail?

M. Lafrenière (Robert) : Oui, parce qu'un an, c'est très peu, hein, quand on fait une enquête, même de nature pénale. Alors là, le fait d'aller à entre trois et sept ans, évidemment ça nous aide, ça nous donne un peu d'air pour... Parce que j'ai vu des enquêtes où on est... des enquêtes pénales, j'entends, qu'on est obligés de dire : Bien là, on arrête, là, parce qu'il y a telle et telle chose, puis on recommence, là, juste pour ne pas dépasser la prescription d'un an. Alors, pour nous, c'est aussi une avancée importante dans la lutte globale de la corruption.

M. Coiteux : D'accord. Moi, M. le Président, je n'aurai pas d'autre question, mais peut-être que des collègues de ce côté-ci en auraient.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de La Prairie.

M. Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. M. Lafrenière, dans votre exposé, vous avez parlé de l'importance de l'échange d'information. Quelles sont les problématiques actuelles? Et quels seraient les avantages que le projet de loi n° 107 va apporter par rapport à l'échange d'information? Parce que vous avez fait référence à l'international et aux autres corps policiers.

• (12 h 40) •

M. Lafrenière (Robert) : Bon. Alors, quand on parle avec d'autres corps policiers, québécois, ou canadiens, ou internationaux... et, dans le type de dossiers qu'on fait, il y en a beaucoup, hein, il y a beaucoup d'échanges, parce que, on sait, les paradis fiscaux, les routes d'argent, puis tout ça, il faut tout faire la traçabilité de ça, donc, souvent, on demande ce qu'on appelle, dans le milieu, un MLAT. C'est une demande d'assistance. Alors, déjà, il faut passer par la GRC à Ottawa pour avoir ça. Et là je ne peux pas le faire directement, je ne peux pas le faire sous ma gouverne, il faut que je demande à la Sûreté du Québec : Est-ce que tu pourrais demander, dans cette situation-là, d'avoir un renseignement? Donc, ça, ça améliorerait ça.

Il y a l'accès aux banques de données. C'est un peu bizarre, mais je ne vais vous parler que de deux banques de données. Il y en a une, c'est le service automatisé de renseignements criminels, ce qu'on entend dans le milieu, le SARC. Alors, le SARC, tous les corps policiers au Québec et plusieurs au Canada mettent du renseignement dans ça selon certains niveaux, et on peut, à ce moment-là, aller chercher ces renseignements-là dans le cadre d'une enquête ou même, nous, alimenter cette banque-là. Alors, c'est la même chose, il faut passer par la Sûreté du Québec parce qu'on ne peut pas avoir accès directement... Et il y a du renseignement actuellement qui est fait par nos analystes enquêteurs, qui ne sont pas des policiers de la Sûreté du Québec ou des autres corps policiers municipaux, qui font du travail, et on ne peut pas alimenter leur travail dans le SARC sans le passer par la Sûreté du Québec. Alors, vous pouvez vous rendre compte que... Bon, on parle de fuites beaucoup. Ça multiplie le nombre de personnes qui sont au courant de l'alimentation, etc. L'autre élément, c'est que, quand on veut échanger avec les autres corps policiers, bien, ils disent : Bien, tu n'es pas un corps policier, alors on repassera. Je ne peux même pas... Dans le CRPQ, il y a le Module d'information policière, qu'on appelle, où on alimente les dossiers. C'est ce qui fait en sorte qu'à la fin de l'année il y a des statistiques gouvernementales qui peuvent être faites : combien il y a eu de crimes de telle et telle envergure?, et tout ça, et nous, vu qu'on n'est pas une agence de police, on ne peut pas alimenter ça, il faut encore une fois... Puis je ne suis même pas certain que ça se fait.

Alors, c'est tous ces inconvénients-là. Dans un monde où on essaie de restreindre les fuites le plus possible, à compartimenter l'information... c'est beaucoup plus difficile. Mais, en bout de ligne, c'est l'intérêt d'être fluide puis d'être égal avec les autres corps policiers un peu partout, particulièrement en Amérique.

M. Merlini : Donc, aussi, vous voyez clairement un net avantage pour assurer l'indépendance, qui est un autre point, dans votre exposé, que vous voulez soulever, que le projet de loi n° 107 va vous aider justement à opérer de façon un peu plus indépendante mais aussi de garder, comme vous dites, un certain contrôle. Vous avez parlé, évidemment, du budget aussi parce que ça entre toujours en ligne de compte, parce que, là, ça va prendre aussi les outils nécessaires pour compléter cette tâche-là, pour ne pas toujours avoir à passer par quelqu'un d'autre.

J'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus, sur comment tout ça fait en sorte que le projet de loi n° 107 va venir améliorer votre indépendance et va vous donner un meilleur contrôle de votre budget.

M. Lafrenière (Robert) : Bien, je l'ai mentionné, j'ai mentionné tantôt devant les parlementaires la question, entre autres, des dépenses secrètes, hein? On a des choix à faire. C'est quand même des bons montants. Et moi, en situation de dépenses, bien, je veux être capable de mettre mes priorités. Et, je le répète, ce n'est pas que ça va mal avec la Sûreté du Québec. On a acquis dernièrement des ordinateurs pour la Sûreté du Québec. On en a payé une partie, parce que nous, on avait intérêt à acheter les mêmes, des ordinateurs beaucoup plus robustes en termes de capacité de hacking, et tout ça. Alors, le budget est, à ce moment-là, mis à contribution de façon optimale. Alors, c'est la même chose. Dans l'exercice, à date, ce qu'on a avec l'équipe du ministère de la Sécurité publique, c'est que ce serait à coût nul d'avoir un transfert de certains éléments d'enquête et de... pas d'enquête, mais de logistique de la Sûreté du Québec à nous en termes de ressources, en termes de logistique, et tout ça.

M. Merlini : Merci, M. Lafrenière. Merci, M. le Président.

M. Lafrenière (Robert) : Bienvenue.

Le Président (M. Ouellette) : M. Lafrenière, juste avant qu'on aille à Matane-Matapédia, et pour faire suite à la question de M. le député de La Prairie, rassurez-nous que, les informations que vous avez chez vous, vous n'avez pas une banque parallèle, là, ils sont alimentés dans la banque de la... Même si vous devez passer par la Sûreté du Québec, ils sont alimentés dans une banque qui est accessible à tous les policiers, là.

M. Lafrenière (Robert) : Lorsque je suis venu le 4 mai à l'étude des crédits, j'avais mentionné que, compte tenu de la situation, on mettait beaucoup, beaucoup de compartimentation sur certaines choses durant les enquêtes. Ça, ça se maintient. Mais, après ça, le renseignement devient accessible, c'est clair.

Le Président (M. Ouellette) : O.K. M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Bienvenue à M. Lafrenière, à son équipe de l'Unité permanente anticorruption.

Ce qui nous guide dans nos travaux pour le projet de loi n° 107, c'est la recherche de la vérité, et il nous apparaissait essentiel que vous soyez présent. Après tout, ce projet de loi porte pour beaucoup sur l'Unité permanente anticorruption, et, sans votre éclairage, il me semble qu'on n'aurait pas pu procéder avec la même utilité. Après tout, c'est l'UPAC qui a demandé ce projet de loi. À ma connaissance, ce n'est pas le gouvernement du Québec et ce n'est pas dans les recommandations de la commission Charbonneau non plus. J'ai vérifié à nouveau ce matin. Donc, c'est votre demande. Et vous l'avez exprimée ici, à l'Assemblée nationale. Donc, c'est un souhait que vous avez. Vous avez déjà énormément de pouvoirs, comme commissaire. Vous en voulez davantage. Alors, la démonstration que vous avez à faire devant les parlementaires pour qu'on puisse adopter ce projet de loi avec un vaste assentiment, parce que je préviens tout de suite le gouvernement que, s'il est le seul à appuyer ce projet de loi là, il va manquer beaucoup de légitimité, et ça va plomber considérablement la demande que vous avez faite... Donc, à grandes responsabilités, grandes redditions de comptes, et j'aurai des questions en ce sens.

Et, d'entrée de jeu, je veux faire un suivi sur l'étude des crédits du printemps dernier et j'aimerais que vous puissiez nous fournir, avant même qu'on vous accorde des pouvoirs supplémentaires, les deux diagnostics organisationnels que nous avons demandés le printemps dernier et les audits. Et vous avez votre conseillère juridique, qui est juste à votre gauche. Elle va pouvoir vous dire si vous êtes en mesure de nous les donner, mais on y tient.

Le Président (M. Ouellette) : M. Lafrenière.

M. Lafrenière (Robert) : Est-ce que, Me Laberge, vous pouvez... Mais là, quand vous parlez de deux diagnostics, moi, dans ma tête, il y en a un, là. Il y n'y en a jamais eu deux.

M. Bérubé : Tous ceux que vous avez, on les prend.

M. Lafrenière (Robert) : Il y en a un.

M. Bérubé : Pouvez-vous nous dire qui les fait, quelle organisation les fait?

M. Lafrenière (Robert) : C'est la Direction des ressources humaines du ministère de la Sécurité publique.

M. Bérubé : D'accord. Or donc, le ministre pourrait nous les fournir lui-même.

M. Lafrenière (Robert) : Écoutez, il y a une question de Loi d'accès, et tout ça, là...

Des voix : ...

M. Lafrenière (Robert) : Alors, Me Laberge me mentionne qu'elle va le remettre caviardé.

M. Bérubé : Caviardé.

M. Lafrenière (Robert) : Oui, parce qu'il y a des éléments... Je me souviens qu'il y a eu des témoignages, dans ça, de certains employés qui voulaient s'assurer de la confidentialité de leurs propos. Alors, je pense qu'on n'a pas le choix de caviarder, à ce moment-là, au moins l'identité de la personne.

M. Bérubé : D'accord.

M. Lafrenière (Robert) : Mais je peux vous dire là-dessus, si vous le permettez, M. le député, qu'il y a eu beaucoup d'actions qui ont été faites depuis ce temps-là. Il y a eu d'abord l'embauche d'une dizaine de personnes de plus pour un peu diminuer la tâche, il y a eu beaucoup de mises en place de processus de communication, de formation, etc. Et la vérification de l'intégrité, c'est une boîte, là, vraiment isolée des enquêtes, isolée du commissaire.

M. Bérubé : M. le Président, j'insiste...

Le Président (M. Ouellette) : Mais — ne bougez pas, M. le député de Matane-Matapédia — je me souviens, à l'étude des crédits, il y avait le diagnostic de la boîte...

M. Bérubé : Et l'audit.

Le Président (M. Ouellette) : ...du commissaire à la vérification, M. Forget, et il y en avait un autre qui touchait M. Boulanger et pour lequel une des directrices adjointes de la Sûreté du Québec était intervenue.

M. Lafrenière (Robert) : Oui. Puis, si je me souviens bien, il était question d'un audit. Et Mme Boucher, comme vous le mentionnez, M. le Président, avait mentionné qu'il n'y avait pas un audit, que c'était faux et qu'il y avait un principe, là, de conciliation. Je ne me souviens pas trop. C'est la Sûreté qui pourrait y répondre. Mais, pour répondre au député de Matane-Matapédia : dans ce dossier-là aussi, les trois personnes sont retournées au travail, et puis tout fonctionne.

M. Bérubé : M. le Président, je veux juste vous indiquer que c'est sur votre temps, cette question et cette réponse.

Le Président (M. Ouellette) : Oui, oui, c'était sur mon temps, M. le député.

M. Bérubé : Merci. Alors, on va être preneur de tous ces documents-là, mais ce qu'on veut qui soit caviardé, c'est le nominatif, pas les faits.

M. Lafrenière (Robert) : Ça, écoutez, je ne suis pas un expert en Loi d'accès, c'est Me Laberge qui va me faire une proposition de caviardage, et puis...

M. Bérubé : On serait déçus si ce n'était pas ça.

M. Lafrenière (Robert) : D'accord.

M. Bérubé : Je vais également vous préciser qu'il n'est pas inhabituel qu'une organisation de police participe lorsque ça touche à sa juridiction. Le projet de loi n° 133, le 6 septembre dernier, la Sûreté du Québec était là... sur l'uniforme des policiers. Puis il y a d'autres précédents également. Donc, en toutes circonstances, on est preneurs, pour que les corps de police viennent nous voir.

Lors de l'étude des crédits... Parce que, là, il faut savoir si vous êtes performants puis qu'est-ce qui vous empêche d'être plus performants. Pourquoi vous demandez un corps de police? La dernière fois, vous avez évoqué vous-même un projet d'enquête qui est l'affaire Mâchurer. Vous avez évoqué que vous vouliez aller jusqu'au bout. Pour le bénéfice de la commission puis des gens qui nous écoutent, pouvez-vous nous faire un état de situation, si vous avez d'autres obstacles importants qui vous empêchent de procéder?

M. Lafrenière (Robert) : Bon. D'abord, je ne vous ferai pas un état de situation, c'est clair. Vous le savez, que je ne parle pas de mes enquêtes. Ce que j'avais mentionné à l'étude des crédits le 4 mai, c'est qu'on irait jusqu'à la terminaison de ce dossier-là, j'irais jusqu'à prévoir de donner au DPCP une enquête complète, ficelée et totale, et, quand je vais avoir ça, on va déposer... avec une demande d'intenter, et ça va être ma réponse.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Matane.

• (12 h 50) •

M. Bérubé : Bien, merci. On avait noté votre détermination, à telle enseigne que j'avais rédigé une motion pour l'Assemblée nationale saluant votre — je suis sûr que ça s'est rendu à vous — détermination à aller jusqu'au bout dans l'affaire Mâchurer, que le gouvernement a refusée. J'aurais aimé qu'il soit conjoint sur notre motion, qu'ils aient également cette volonté de vous encourager, avec votre équipe, à aller jusqu'au bout. Mais, bon, je vous le rappelle, que c'est notre volonté également d'aller jusqu'au bout.

Je vous ai parlé, tout à l'heure, de la légitimité de ce projet de loi, qui doit avoir un vaste assentiment. Nous, d'augmenter l'autonomie de l'UPAC, son indépendance, on est prêts à aller de l'avant, je vous le dis, mais il y a une condition, et c'est la nomination du commissaire. Et nous, on considère depuis novembre 2015 — on s'était rencontrés, à ce moment-là, ici, pas ailleurs — que le commissaire, indifféremment de la personne qui occupe le poste présentement, doit être nommé par les deux tiers des députés de l'Assemblée nationale du Québec.

Alors, s'il advenait qu'il était nécessaire pour l'avancement de la police et des enquêtes qu'on ait une UPAC corps de police et que ça prenne un vaste assentiment, seriez-vous prêts, vous, à faire l'effort nécessaire, c'est-à-dire à mettre votre siège en jeu aux deux tiers, pour que vous puissiez avoir pour le Québec une UPAC comme corps de police indépendant?

Le Président (M. Ouellette) : M. Lafrenière.

M. Lafrenière (Robert) : Moi, ce que je vais vous répéter là-dessus, c'est ce que j'ai toujours dit. D'abord, ça appartient au législateur. Là, ce qui est sur la table, c'est la recommandation Charbonneau, la recommandation 31...

M. Bérubé : Non, non, ça ne marche pas, ça.

M. Lafrenière (Robert) : ...et je ne ferai pas d'autre commentaire là-dessus. Ça appartient au législateur.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : M. le commissaire, en tout respect, votre légitimité serait renforcée. Et le dilemme moral est le suivant : le choix, c'est entre l'UPAC plus performante, plus indépendante ou le fait que vous décidiez de conserver vos fonctions dans l'état actuel, où c'est le gouvernement libéral qui vous nomme, puis que vous faites des enquêtes sur le gouvernement libéral.

M. Lafrenière (Robert) : J'ai déjà dit que je me sentais totalement indépendant dans l'environnement actuel. Et puis moi, je continue à faire mon travail comme ça et je pense que nos lettres de noblesse sont là pour le prouver.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Matane.

M. Bérubé : M. le commissaire, quant à vous, je n'en doute pas, que vous soyez à l'aise dans cette situation-là. Nous, on ne l'est pas, puis je suis pas mal assuré que mes deux collègues qui vont passer après moi ne le sont pas non plus, et beaucoup de monde du public, des observateurs très sérieux. Alors, c'est un choix à faire. Et, si le gouvernement se retrouve à être le seul qui nomme le commissaire à l'UPAC et le seul qui va adopter ce projet de loi là, je peux vous dire une chose, on n'aura rien gagné en légitimité. Alors, je vous mets au défi de mettre votre siège en jeu pour l'avancement de la police au Québec.

M. Lafrenière (Robert) : Je vous ai fait ma réponse.

M. Bérubé : Bien, il y a la justice puis l'apparence de justice, M. le Président. Et le commissaire peut décider lui-même de contribuer à l'avancement de l'indépendance de son institution de lui-même. Je comprends qu'il a été nommé, il ne peut pas se démettre lui-même, mais, s'il passait ce test de confiance là, l'institution en serait grandie.

Alors, le choix est le suivant : Est-ce qu'on décide collectivement d'avoir une des meilleures organisations, avec l'appui de tout le monde, ou l'important, c'est que vous conserviez ce pouvoir-là dans les conditions actuelles? C'est le dilemme que vous avez.

M. Lafrenière (Robert) : Je vous ai fait ma réponse : Ça appartient au législateur. Et puis moi, bien, je ne fais pas de politique et puis je ne me mêle pas de ce débat-là. Ça appartient aux parlementaires.

M. Bérubé : M. le Président, en tout respect, oui, ça appartient aux parlementaires, ça appartient au gouvernement, qui est le seul à nommer le commissaire à l'UPAC, qui a la capacité de le démettre, qui pourrait répondre à mon défi également. Mais j'informe le gouvernement, d'entrée de jeu, que, sans cette recommandation qu'on a faite en 2015, de nommer le commissaire avec les deux tiers de l'Assemblée nationale, il n'aura pas notre appui. Alors, à date, il est seul. Je termine là-dessus.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci, M. le Président. Ça fait partie aussi d'une de nos demandes, la nomination du commissaire à l'UPAC aux deux tiers de l'Assemblée nationale, mais je n'élaborerai pas.

Moi, je veux revenir sur ce projet de loi là. Comme vous l'avez dit, ça va accroître l'autonomie, l'indépendance, la gestion, mais on demeure encore avec des membres prêtés. Et, lorsqu'on parle de membres prêtés d'autres organisations, d'autres corps de police, on parle que, s'ils sont prêtés, ils demeurent avec leurs conventions collectives de leurs lieux d'origine, ils demeurent avec un superviseur ou un directeur de leurs lieux d'origine qui peut intervenir, étant donné que c'est l'autorité hiérarchique. Et vous, vous êtes l'autorité fonctionnelle. Vous dites que ça va assurer plus d'indépendance à l'UPAC, alors qu'on procède par prêt de personnes.

Comment pouvez-vous m'expliquer ça, que ça va vous accorder plus d'indépendance, alors que vous êtes... Parce que, si je ne m'abuse, le prêt de ces personnes... Est-ce que c'est vous qui les choisissez ou si c'est le corps de police qui vous envoie des personnes?

M. Lafrenière (Robert) : C'est-à-dire que, si je réponds...

M. Spénard : Comment ça se passe, la sélection des candidats pour aller travailler à l'UPAC?

M. Lafrenière (Robert) : Alors, quand on a des besoins, on s'adresse aux corps policiers. Il y a sept corps de police actuellement qui nous fournissent du personnel. Et, à ce moment-là, il y a une entrevue qui est faite avec des officiers du Service d'enquête sur la corruption, de la Sûreté du Québec, pour choisir un candidat, pour voir tout son C.V., etc. Et, à ce moment-là, cet individu-là signe une décharge de confidentialité comme quoi il va garder le secret, etc., et il est assigné chez nous. Et il ne se rapporte plus, à ce moment-là, mais pas du tout, à ses autorités municipales. Il se rapporte vraiment au comité... pas au comité, mais à son officier au niveau du Service d'enquête sur la corruption. Et l'individu qui est en place actuellement au niveau du responsable des opérations, c'est un inspecteur de la Sûreté du Québec, c'est l'inspecteur André Boulanger. Donc, ultimement, ça va jusque-là. Alors, ça ne cause pas de problème opérationnel. Maintenant, vous avez raison, la convention collective s'applique. Les journées de maladie, etc., ça, ça demeure. Mais, vous savez, ça fonctionne bien. Mais on va parler du commissaire associé aux enquêtes, qui est prévu dans la loi. Ça, ce serait un policier d'expérience qui gérerait toute la capacité d'enquête qu'on a, et lui serait mon employé. Donc, c'est drôlement différent d'inspecteurs ou de capitaines de la Sûreté du Québec qui me sont prêtés et puis, bon, qui font carrière un petit bout à l'UPAC, qui s'en vont ailleurs parce que, bon, ils ont des plans de carrière, puis c'est correct. Alors, à ce niveau-là, on améliore de beaucoup notre capacité.

Et, le fait de devenir un corps policier, bien là, tu es hiérarchique directement sur tous les policiers. Et, vous savez, la police, vous le savez, c'est assez militarisé pour avoir le souhait que ce soit très clair au niveau de la structure. Ce n'est jamais du parallèle, c'est vraiment un peu paramilitarisé.

M. Spénard : Et c'est ça, c'est parce que les membres prêtés... Puis moi, j'ai de la misère, parce que vous allez être un corps... Selon la loi n° 107, vous voulez devenir un corps de police autonome spécialisé. Ça, ça va bien. Mais, quand on est un corps de police autonome, on engage notre propre personnel. Moi, ça a toujours été... On ne peut pas avoir deux boss, là, tu sais, un boss de convention collective puis un boss... Moi, dans la vie, là, tu sais, tu as un boss, puis c'est tout, tu sais, ça finit là, là. Tu n'en as pas 25, boss, surtout dans ce milieu-là.

Alors, comment pouvez-vous nous assurer de transparence, et tout, là, quand que ça va être encore du monde prêté, deux ans plus une année d'option? On sait que les enquêtes sont très longues. Alors, si, au bout de deux ans, la personne s'en va, puis l'enquête n'est pas finie, on recommence, on en nomme une autre... bien, on ne recommence pas, mais, disons, le temps... c'est à peu près comme quand on change de ministre, ils ne sont pas prêts à répondre aux questions le lendemain matin, là, on l'a vu. C'est-à-dire qu'il y a un autre processus, que le gars prenne conscience du dossier, puis etc. Alors, moi, c'est ça qui ne me rentre pas dans la tête, c'est qu'on veut créer un corps de police autonome puis on va continuer à avoir du prêt de personnel, et tout.

M. Lafrenière (Robert) : Bien, je vous dirais... puis évidemment ça vient de moi-même, je vous dirais que, la suite des choses, il va falloir qu'à un moment donné on commence à embaucher nos gens.

Et il y a beaucoup de gens qui veulent venir travailler chez nous. Les policiers, aujourd'hui, vous savez, prennent leur retraite à 48, 49, 50 ans. Il y a beaucoup, beaucoup de demandes pour des enquêteurs à l'externe, et, je vous dirais, à toutes les semaines, on a des demandes pour s'en venir travailler à l'UPAC. Je me souviens, mon équipe d'analystes enquêteurs, qui travaille directement pour moi dans différentes sphères, on a trois ex-SPVM qui sont avec nous, qui font un excellent travail, qui ont pris leur retraite puis qui se sont en venus avec nous, et il y en a d'autres comme ça. Alors, moi, je pense qu'un policier qui a 50 ans, avec une expertise — puis j'ai en tête quelqu'un, à Québec, qui est formidable, un ancien policier municipal de Québec avec une expertise — on peut embaucher cette personne-là, avec une convention collective qui sera à déterminer. Et tout ça est nouveau, hein? Il y avait un corps de police provinciale au Québec, c'était la Sûreté du Québec. Là, si le projet de loi passe, on va être rendus trois corps policiers provinciaux, avec le Bureau des enquêtes indépendantes. Donc, la façon de faire, convention collective, régime syndical, c'est tout à faire.

• (13 heures) •

Le Président (M. Ouellette) : Merci, André.

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Beauce-Nord.

Des voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Et vous allez me donner votre consentement, M. le député Beauce-Nord, et le consentement des collègues pour permettre au député de Mercier de dépasser l'heure et de pouvoir utiliser son trois minutes. M. le député de Mercier.

M. Khadir : Merci beaucoup. Je remercie la magnanimité de mes collègues.

M. Lafrenière, je vous écoute, vous avez une bouille sympathique, vous semblez sincère, j'ai vraiment envie de vous croire, et disons qu'on a envie que quelque chose de vraiment bien se passe pour le Québec et que l'UPAC fasse la pleine démonstration de son efficacité.

Cependant, il y a un sacré problème, parce que, disons, la lenteur de l'action de l'UPAC, son inaction, quand il s'agit d'épingler des gens au sommet du pouvoir à Québec, c'est-à-dire des gens qui ont été au gouvernement ou sont actuellement au gouvernement, fait en sorte que ça crée énormément de frustration chez beaucoup d'observateurs et chez nous également, je vous le dis. Vous nous avez dit que vous avez accusé 179 personnes, que vous avez obtenu 77 condamnations, mais le problème est le suivant, M. Lafrenière, c'est que c'est comme si vous dites... vous avez coupé le malade à 179 endroits, que vous avez fait 77 sutures, vous avez retiré... ou, je ne sais pas, 77 métastases, mais on n'a toujours pas la racine du cancer, ce qui envoie ses métastases. On a le menu fretin ou des échelles inférieures. La racine, on le sait, au Québec, c'est un système qui siégeait au gouvernement. Je ne dis pas «celui-là», mais l'ancien. Tout le monde le reconnaît tacitement ou ouvertement. On n'en est pas là. Donc, il y a un problème de confiance véritable. Je pourrais vous nommer des cas plus récents. M. Gauthier, qui est dans les... hein, Joël Gauthier, son dossier est connu de l'UPAC depuis au moins 2012. Il y a une montagne d'allégations de différentes sortes. On n'a toujours rien. Pourquoi? Parce que Joël Gauthier, c'est directement lié à Jean Charest, c'est directement lié à la commande du Parti libéral. Il y a M. Pietro Perrino et l'histoire de la Société immobilière du Québec, amplement décrite dans l'émission Enquête, et vous êtes au courant de ça aussi depuis longtemps.

Je ne parlerai pas de diligence, je ne parlerai pas du rapport Charbonneau sur le leader du gouvernement. Donc, votre inaction dans les dossiers qui touchent les responsables au gouvernement fait en sorte que c'est une espèce d'obstruction dans le sain travail qu'on avait pensé confier à l'UPAC pour extirper le mal, le cancer. Alors, moi, j'aurais envie de dire, là, avant de vous donner d'autres pouvoirs : Ce bilan-là ne me rassure pas. Est-ce que vous ne pensez pas que cette inaction, cette lenteur sert le gouvernement?

Et permettez-moi de poser la question autrement : Qu'est-ce que vous avez vraiment besoin, qui soit dans le projet de loi, qui vous permette d'épingler le suspect numéro un de la commission Charbonneau, Jean Charest? Qu'est-ce qu'il vous faut pour donner suite convenablement, par exemple, au chapitre de la commission Charbonneau qui incrimine directement le leader du gouvernement actuel? Puis c'est clair, c'est un ministre à 100 000 $ de l'autre gouvernement, le système au pouvoir qui a permis tout ça. Qu'est-ce qu'il vous faut?

Le Président (M. Ouellette) : C'était le commentaire de M. le député de Mercier. Il ne nous reste plus de temps. M. Lafrenière, on aura...

M. Khadir : Mais, non, j'ai fait 2 min 15 s.

Le Président (M. Ouellette) : Non. Vous avez brûlé 3 min 30 s. Je vous ai donné le 30 secondes en plus.

M. Khadir : Bien, alors, vous pouvez le dire aux médias après, peut-être, leur répondre, le dire aux médias.

Le Président (M. Ouellette) : Ça fait que vous lui donnerez sa réponse en privé.

M. Robert Lafrenière, Me Marie-Claude Laberge et M. Martin Barabé, merci d'être venus déposer.

Et la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 4)

(Reprise à 15 h 3)

Le Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 107, Loi visant à accroître la compétence et l'indépendance du commissaire à la lutte contre la corruption et du Bureau des enquêtes indépendantes ainsi que le pouvoir du directeur des poursuites criminelles et pénales d'accorder certains avantages à des témoins collaborateurs. Comme je l'ai mentionné ce matin, cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : la Sûreté du Québec, le Barreau du Québec, le Directeur des poursuites criminelles et pénales, le Bureau des enquêtes indépendantes. C'est beau.

Bon. Je souhaite la bienvenue à M. André Goulet, qui est inspecteur-chef à la Direction des enquêtes criminelles à la Sûreté du Québec, et Me Francis Brabant, qui est un habitué de nos commissions parlementaires, je vous dirais, depuis quelques années, puis je vais arrêter là, mais je pense que vos cheveux blancs font état de depuis combien d'années vous venez dans les commissions parlementaires, Me Brabant.

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Non, mais je le mentionne, parce que...

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Ah! ce n'est même pas une question de règlement, je pense que c'est un élément factuel.

Inspecteur Goulet, à vous la parole pour les 10 prochaines minutes. Après, il y aura un échange avec M. le ministre et les porte-parole des deux oppositions.

Sûreté du Québec (SQ)

M. Goulet (André) : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, les parlementaires, M. le ministre, merci pour l'invitation.

D'entrée de jeu, j'aimerais ça vous expliquer que le mémoire que j'ai ici, devant moi, que je vais vous relater, a trois sections : il va y avoir un préambule, il va y avoir un commentaire spécifique sur le projet de loi n° 107 et ainsi qu'une conclusion.

Nous tenons, en premier lieu, à remercier la Commission des institutions d'avoir invité la Sûreté du Québec à participer aux auditions publiques sur le projet de loi n° 107, Loi visant à accroître la compétence et l'indépendance du commissaire à la lutte contre la corruption et du Bureau des enquêtes indépendantes ainsi que le pouvoir du directeur des poursuites criminelles et pénales d'accorder certains avantages à des témoins collaborateurs.

La Sûreté du Québec est un corps de police national au Québec et elle agit sous l'autorité du ministre de la Sécurité publique. Elle a pour mission le maintien de la paix et de l'ordre public, la préservation de la vie, de la sécurité et des droits fondamentaux des personnes et de la... excusez, et la protection de leurs biens. La Sûreté du Québec soutient aussi la communauté policière, coordonne des opérations policières d'envergure, contribue à l'intégrité des institutions étatiques et assure la sécurité des réseaux de transport qui relèvent du Québec. La Loi sur la police prévoit six niveaux de service. La Sûreté du Québec est la seule organisation policière à fournir le service de niveau 6.

La Sûreté du Québec dessert 1 042 municipalités réparties dans 86 MRC, soit un territoire comptant plus de 2,5 millions de citoyens et couvrant près de 1,2 million de kilomètres carrés. Au 31 mars 2017, la Sûreté comptait 7 633 effectifs en place, dont 5 525 policiers, parmi lesquels 303 officiers, de même que 2 108 employés civils réguliers et occasionnels répartis entre le quartier général, les quartiers généraux en district et en région ainsi que les 121 postes.

D'entrée de jeu, il importe de préciser que la Sûreté du Québec est en accord avec les modifications proposées par le projet de loi n° 107. La Sûreté est un partenaire de première heure du Commissaire à la lutte contre la corruption. L'actuel Bureau des enquêtes sur la corruption, de la Sûreté du Québec, constitue l'une des équipes d'enquête désignées par le gouvernement au sens de la loi et des décrets applicables. Ce bureau regroupe 86 effectifs de la Sûreté du Québec — soit policiers et civils — 13 provenant des différents corps de police municipaux, dont Montréal, Longueuil, Québec, Richelieu—Saint-Laurent ainsi que Saint-Eustache.

La Sûreté du Québec appuie les objectifs et les moyens prévus par le projet de loi n° 107 afin de faire du Commissaire à la lutte contre la corruption un corps de police spécialisé et dédié à la lutte contre la corruption sous toutes ses formes. Il est d'intérêt public que les garanties d'indépendance, le champ de compétence et les pouvoirs du commissaire soient accrus et qu'il bénéficie de l'ensemble des outils disponibles aux corps de police. Les infractions en matière de corruption sont difficiles à détecter, identifier et poursuivre, car elles sont consensuelles et motivées par un intérêt mutuel. De plus, on obtient difficilement la collaboration volontaire des témoins, lorsqu'ils existent. Les confessions de suspect sont rares, voire souvent inexistantes. Il est donc primordial que les autorités chargées d'enquêter ce type de crime disposent des meilleurs outils d'enquête et de renseignement disponibles ainsi qu'une coordination efficiente entre les corps de police et entités gouvernementales.

Deuxième section : commentaires spécifiques sur le projet de loi n° 107. La présente section contient des commentaires ponctuels en lien avec certains articles proposés dans le projet de loi n° 107. Ces commentaires ont pour objectif principal de clarifier l'interprétation de certaines dispositions. L'article 2 du projet de loi vise à modifier l'article 2 de la Loi concernant la lutte contre la corruption, qui peut être interprété comme limitant la juridiction du commissaire dans ses enquêtes à la corruption et infractions semblables visant seulement les contrats du secteur public. Nous appuyons l'initiative de clarifier la loi à cet égard, de façon à n'a pas limiter indûment la juridiction du commissaire en matière de corruption. Nous notons toutefois que la loi mentionne déjà que l'une des infractions visées est la fraude en pareille matière, incluant, suivant l'amendement proposé, l'octroi de droits et privilèges par un organisme ou une personne du secteur public.

De fait, les enquêtes en matière de corruption comportent parfois une composante de fraude envers l'État, et, si les modifications proposées à l'article 2 du projet de loi n° 107 n'étaient pas prises, les enquêtes du commissaire pourraient demeurer plus limitées ou rendues plus complexes à gérer. Cependant, une interprétation mot à mot et hors contexte de cette modification comporte le risque d'étendre la juridiction du commissaire aux enquêtes concernant la fraude envers l'État sans qu'il y ait nécessairement un élément de corruption ou une infraction semblable.

• (15 h 10) •

Or, la Sûreté du Québec doit assurer, suivant le sous-paragraphe 7.1 du Règlement sur les services policiers, que les corps de police municipaux et la Sûreté du Québec doivent fournir selon leurs niveaux de compétence, un service d'enquête sur les crimes touchant les revenus de l'État et sa sécurité ou son intégrité. D'ailleurs, la Sûreté du Québec dispose d'un service des enquêtes sur la criminalité contre l'État dont le mandat est, notamment, d'enquêter les fraudes criminelles de nature fiscale ou de prestation de biens ou de services par les ministères et organismes gouvernementaux.

Ni la loi ni le projet de loi n'établissent de juridiction exclusive pour le commissaire sur les infractions mentionnées à l'article 2. Toutefois, l'article 8.8 du projet de loi prévoit que «tout corps de police doit aviser le commissaire lorsque, [...]le cours d'une enquête qu'il mène, il a des motifs raisonnables de croire qu'un acte répréhensible a été commis. Le commissaire établit, [une] collaboration avec le corps de police, les modalités selon lesquelles l'enquête doit se poursuivre.» Ce nouvel article, qui vient définir un devoir de signalement et le rôle prépondérant du commissaire dans le contrôle des enquêtes touchant les actes répréhensibles au sens de la loi, viendrait donc imposer au Service des enquêtes sur la criminalité contre l'État, de la Sûreté du Québec, un tel devoir et restreindrait sa discrétion quant à l'opportunité et la façon de mener ces enquêtes alors même qu'elles ne comportent aucune composante relative à de la corruption ou d'abus de confiance. Nous sommes d'avis que, malgré le libellé de l'article 2, ce n'est pas l'objectif visé par le projet de loi. Ainsi, notre commentaire vise essentiellement à nous assurer que nous avons une interprétation commune à l'effet que l'infraction de fraude vise les fraudes incidentes aux infractions mentionnées, afin de préserver les juridictions et la conduite efficiente et ordonnée des enquêtes.

Section Un corps de police spécialisé dans la lutte à la corruption. L'article 8.4 du projet de loi prévoit que forment un corps de police spécialisé dans la lutte contre la corruption, notamment, les personnes suivantes : à titre de membres, le commissaire, le commissaire associé aux enquêtes, les enquêteurs dont les services sont prêtés par un corps de police conformément à l'article 14.

Cette modification fait en sorte que, dorénavant, le Bureau des enquêtes sur la corruption, de la Sûreté du Québec, ne constituera plus une équipe d'enquête désignée en vertu de l'article 2 du présent alinéa de l'article 9 de la loi et son décret afférent. Elle établit plutôt un système de prêts de service par les corps de police suivant lequel ces policiers se joindront à un corps de police conformément à des ententes à cet effet. L'effet le plus tangible de cette modification sur le plan des enquêtes du commissaire est de donner au personnel de ce nouveau corps de police l'accès direct au Centre de renseignements policiers du Québec, en l'occurrence le CRPQ, qui est à la fois une banque de renseignements policiers et une passerelle vers le Centre d'information de la police canadienne, communément appelé le CIPC, géré par la GRC. Sans cette modification, vu les dispositions de l'article 52 de la Loi sur la police et des articles 59 et 61 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, le commissaire doit présenter, au cas par cas, une demande à un corps de police, habituellement par les membres policiers désignés d'enquête... des équipes d'enquête désignées, dis-je, afin de lui fournir une information contenue dans ces banques de données. Ainsi, nous appuyons le principe de fournir au commissaire et autres personnes composant ce corps de police projeté un accès direct à ces banques de données afin d'assurer l'efficience des enquêtes.

Nous constatons de plus que, malgré le principe établi d'indépendance des corps de police dans l'exercice de leur mission, il va de soi que la lutte à la corruption bénéficierait d'une perception encore plus claire de cet aspect des enquêtes du commissaire et, par le fait même, d'un accroissement du sentiment de confiance de la population. En dégageant davantage les policiers des équipes d'enquête désignées de leurs corps de police d'origine sur un plan opérationnel, ces sentiments seront rehaussés, à notre avis. Ce système préserverait néanmoins un lien administratif de ces policiers envers le corps de police d'origine, notamment au niveau de la facette des relations de travail, lequel sera précisé dans une entente suivant l'article 14 de la loi, tout en assurant une autorité exclusive du commissaire sur le plan opérationnel. Au moment de négocier cette entente, la Sûreté du Québec fera part de ses attentes et préoccupations au commissaire.

Nous souhaitons par ailleurs revenir sur l'aspect de l'article 8.4, à savoir que les membres prêtés des corps de police deviendraient également membres de ce nouveau corps de police spécialisé.

Malgré le fait que vous désigneriez un policier prêté comme membre du corps de police spécialisé, nous comprenons qu'il demeurera, sur le plan administratif, entièrement lié à son organisation d'origine et qu'en ce sens il demeurerait assujetti seulement à notre Règlement de discipline, de même qu'aux dispositions prévues dans son contrat de travail, et enfin que les serments prévus aux annexes A et B de la Loi sur la police, qui sont, rappelons-le, le serment professionnel et le serment de discrétion, n'auront pas non plus à être prêtés de nouveau, puisqu'ils continuent de s'appliquer.

De façon claire, eu égard au Règlement de discipline, nous comprenons qu'en cas de manquement éventuel d'un de nos membres ou d'un comportement dérogatoire c'est le Règlement sur la discipline interne des membres de la Sûreté du Québec qui seul continuera de s'appliquer et que les modalités administratives liées au traitement d'un dossier de discipline seront prévues dans l'entente de prêt de service à convenir entre le commissaire et la Sûreté du Québec.

Conclusion. La Sûreté du Québec est en accord avec les modifications proposées par le projet de loi n° 107. Nos quelques commentaires visent essentiellement à nous assurer que nous avons une interprétation commune relativement à deux des dispositions qui y sont prévues. Nous réitérons que la Sûreté appuie les objectifs et les moyens prévus dans le projet de loi n° 107 afin de faire du Commissaire à la lutte contre la corruption un corps de police spécialisé et dédié à la lutte contre la corruption sous toutes ses formes. Il est d'intérêt public que les garanties d'indépendance, le champ de compétence et les pouvoirs du commissaire soient accrus et qu'il bénéficie de l'ensemble des outils disponibles à tout corps policier au Québec. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Goulet. Vous comprendrez qu'on est très intéressés, M. le ministre et les membres de la commission, par les notes qui ont servi à votre allocution, et, si c'était possible de les faire parvenir au secrétariat, ce serait très apprécié.

M. Goulet (André) : ...M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Goulet. M. le ministre.

M. Coiteux : Oui. Alors, merci, M. Goulet, M. Brabant, également. Je vais commencer par la question suivante... Plus tôt aujourd'hui, en fin de matinée, le commissaire à l'UPAC, M. Lafrenière, nous a expliqué comment ça fonctionne à l'heure actuelle et il a dit que ça fonctionnait très bien dans le cadre actuel avec la Sûreté du Québec, qui est évidemment un joueur clé dans l'unité, mais qu'en même temps ça lui permettrait d'être encore plus efficace avec le statut de corps de police qui lui sera octroyé par le projet de loi.

Compte tenu de l'expérience, là, dans ce type d'enquête longue, complexe, qui nécessite beaucoup d'agilité, comment vous voyez ça, vous, ce changement dans la nature même de l'UPAC, qui deviendrait un corps policier, par rapport à la situation actuelle?

Le Président (M. Ouellette) : M. Goulet.

M. Goulet (André) : M. le ministre, comme je mentionnais dans le mémoire, il est clair qu'en ce qui a trait, notamment, à des banques de données c'est inévitable qu'ils ont besoin de consulter les banques de données directement. Eux, les banques, en ce qui a trait, comme je mentionnais, au CRPQ, que ça soit le SARC... il faut qu'ils y aient accès le plus rapidement possible, sans passer par l'intermédiaire de la Sûreté du Québec. Comme je vous mentionnais, ces enquêtes-là sont difficiles à détecter, identifier ou poursuivre. C'est leur permettre de rendre plus efficients les enquêteurs et qu'ils soient en mesure de se concentrer à travailler sur les dossiers, et non pas de faire en sorte de passer par un intermédiaire pour avoir accès aux banques de données.

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

M. Coiteux : Oui. Concernant le prêt de service, là, en particulier, là, qui serait le mode prévu par le projet de loi, comment vous voyez ça, vous, de votre côté, à la Sûreté du Québec? Parce que vous allez en prêter un certain nombre.

Donc, qu'est-ce que ça va changer par rapport aux pratiques actuelles, très concrètement? Est-ce que ça a un impact sur la Sûreté du Québec, ça?

• (15 h 20) •

M. Goulet (André) : Concrètement, M. le ministre, non, parce que, depuis la création de l'UPAC, les prêts de service fonctionnent, et je tiens à le préciser, ça fonctionne, et ça fonctionne sur le sens opérationnel que ces personnes-là sont gérées par l'UPAC. Comme je mentionnais dans le mémoire, tout le volet administratif est géré par la Sûreté du Québec. Le projet de loi va venir, dans le fond, officialiser ce qui se fait présentement sur le volet de prêt de personnel qui est à l'UPAC.

Je me permets de faire une petite parenthèse par rapport aux ERM, par rapport aux ENRCO, qui touchent le crime organisé. Depuis les années 90, nous avons des protocoles qu'on fait avec les sûretés municipales, à la fois des protocoles où on prête des gens et à la fois des gens qui viennent à la Sûreté du Québec. On a fait la même chose que la GRC, le SPVM, un accord commun entre chaque pour les protocoles. Et ces protocoles-là font en sorte que, sur l'aspect opérationnel, bien, ça appartient au corps de police qui les accueille. Et on tient compte du côté administratif qui appartient au corps de police qui prête...

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

M. Coiteux : Le commissaire, encore une fois, dans sa présentation puis ses échanges avec nous plus tôt, il nous a dit : À terme, il faudrait même que l'UPAC puisse engager ses propres policiers, former ses propres policiers.

Est-ce que c'est une avenue qui vous apparaît pouvoir se faire très prochainement ou c'est vraiment à très long terme?

Le Président (M. Ouellette) : M. Goulet.

M. Goulet (André) : C'est difficile à vous répondre «prochainement», mais, je pense, c'est réalisable, dans la mesure que l'UPAC aura son règlement de discipline appartenant à leurs policiers proprement dits, de l'UPAC, et qu'on demeure, soit la Sûreté du Québec soit le Service de police de Montréal et tous les corps de police présents, sous notre régime de discipline. Mais, qu'est-ce qui va régir au... assujetti aux policiers... on va les appeler «embauchés par l'UPAC», qui ont la même formation ou la même façon de travailler, on n'a pas d'objection à ça.

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

M. Coiteux : Autre question. Il y a aussi l'élargissement des pouvoirs du DPCP. On lui donne un certain nombre de choses qu'il peut difficilement... ou même pas faire actuellement, notamment en matière d'immunité. Puis j'avais posé la même question au commissaire plus tôt : Comment ça peut, en complément avec les enquêtes policières, améliorer de façon générale la capacité d'aller à fond dans certaines enquêtes?

M. Goulet (André) : M. le ministre, auparavant, j'étais responsable de la Direction des services de soutien aux enquêtes, et ce volet-là, d'élargir ou de permettre... j'étais responsable de cette direction-là et j'avais le Service de protection de témoins sous ma responsabilité, et tout ce qui touche les collaborateurs de justice passait par le Service de protection de témoins, et ce volet-là était un enjeu important. Et on est très favorables de l'élargissement dans le volet des collaborateurs de justice. Notamment, comme je vous mentionnais tantôt, certaines enquêtes pour l'UPAC sont très difficiles, et ça va permettre d'outiller encore plus l'UPAC et aussi la Sûreté du Québec. C'est ce volet-là.

M. Coiteux : D'accord. Merci. Peut-être qu'un de mes collègues aura des questions.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Merci. Bienvenue à cette commission. Vous en avez parlé tantôt, justement, on parle toujours de prêts de service entre la Sûreté du Québec... On le sait d'ailleurs — on a parlé, tout à l'heure, à l'association des directeurs et directrices — qu'il y avait des prêts de service aussi au niveau municipal. Si j'ai bien compris, tantôt, de l'UPAC, les prêts de service, des fois, c'est deux ans plus un an, donc, ça joue là-dedans.

Chez vous, à la Sûreté du Québec, c'est-u aussi dans le deux ans plus un an d'option ou c'est plus que ça?

Le Président (M. Ouellette) : M. Goulet.

M. Goulet (André) : Pour les prêts de service — je vais parler en fonction des ERM — normalement, c'est trois ans, et ça peut s'extensionner. Concernant l'UPAC, les gens qui sont prêtés là sont prêtés, comme la dotation policière, pour quatre ans. Ils peuvent sortir sur la dotation policière, parce que c'est des prêts. On n'a pas de prêt proprement dit comme on connaît, comme je vous parlais, dans les ERM. Mais, selon l'article 14, je pense, c'est la meilleure façon qu'on pourra définir les gens qui vont être prêtés à l'UPAC, parce que, je ne vous le cacherai pas, vous le savez autant que moi, que c'est des enquêtes de longue haleine et complexes, et, souvent, deux ans, trois ans, ce n'est pas tellement long.

Ça fait qu'il se pourrait que les ententes soient plus longues que deux ou trois ans. En tout cas, ça serait à discuter dans l'entente, selon l'article 14, qu'on aurait avec l'UPAC.

Le Président (M. Ouellette) : C'est beau. M. le député de La Prairie.

M. Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. J'aurais une couple de questions. M. Goulet, vous avez mentionné dans votre présentation que vous avez un bureau d'enquêtes sur la corruption, à la Sûreté du Québec, et vous avez un service des enquêtes de la criminalité contre l'État.

Advenant l'adoption du projet de loi n° 107, qui va créer un corps de police spécialisé, qu'est-ce qui va arriver à ces deux départements-là? Je dis «départements». Ce n'est peut-être pas le bon mot, là.

M. Goulet (André) : Bien, le bureau...

M. Merlini : Mais voyez-vous, disons, une extension ou allez-vous maintenir ces services-là, ces bureaux-là?

M. Goulet (André) : C'est deux choses différentes. Le Bureau d'enquêtes sur la corruption, tout l'ensemble de ces gens-là sont prêtés, déconcentrés à l'UPAC et sont en lien, je vous dirais, administratif au BDGA, qu'on appelle, bureau du directeur adjoint aux enquêtes criminelles. Moi, je n'ai aucun lien avec eux. Mais les Services d'enquête des crimes contre l'État sont sous ma responsabilité, ça n'aura aucun changement pour eux. Ils demeurent encore avec moi. Le seul lien qu'il pourrait y avoir, c'est opérationnel, dans certains dossiers. Comme je vous mentionnais, selon l'article 2, il pourrait y avoir des possibilités.

M. Merlini : Maintenant, vous avez aussi fait référence à l'importance de l'accès qu'aurait ce corps de police spécialisé là aux banques d'informations que les corps de police ont accès. Mais, de l'autre côté, plus tôt ce matin, le commissaire à l'UPAC nous a dit que lui, il a des banques d'informations qui sont non partagées. Alors, qu'est-ce qui arrive, là, pour ça? Parce que j'imagine qu'il va falloir qu'il y ait aussi l'échange dans les deux sens, là.

M. Goulet (André) : Effectivement, et puis il y a des...

M. Merlini : ...non seulement de la Sûreté, mais de tous les corps de police, là, aussi.

M. Goulet (André) : Exactement, et puis pour le bénéfice de tous les corps de police. Mais, en même temps, je dois préciser qu'il y a certains dossiers sensibles, sans énumérer les critères, mais, quand on est en opération, bon, personne n'a accès, évidemment, question de sécurité, question de sécurité des personnes, dans les dossiers. Et l'UPAC ne sera pas différente pour ça que tout corps de police pour alimenter des banques de données. Mais, lorsque l'enquête est terminée, c'est des mannes d'informations importantes pour les corps de police que l'UPAC pourra partager avec tous les autres corps de police et nous, le SPVM et tous ceux qui ont accès, en l'occurrence, au SARC.

M. Merlini : Effectivement, quand vous revenez sur, par exemple, le Service des enquêtes sur la criminalité contre l'État, il y a peut-être de l'information qu'eux ont réussi à obtenir, d'une certaine façon, qui pourrait vous aider, vous, dans vos propres enquêtes aussi.

M. Goulet (André) : Effectivement. Vous avez entièrement raison.

M. Merlini : O.K. Est-ce que ça serait nécessaire, à ce moment-là, advenant l'adoption du projet de loi n° 107 et la formation de ce corps spécialisé là... Est-ce qu'il va être obligé d'avoir un protocole d'entente ou c'est de commun accord ou c'est d'usage que tout le monde pourrait avoir accès, là, aux...

M. Goulet (André) : Il y a des critères d'accès au SARC. Ce n'est pas tout le monde qui peut y aller, premièrement... ou à certains endroits, mais ce n'est pas un commun accord. Si tu es policier puis tu as l'accréditation, et la formation, et la compétence d'avoir accès, bien, tu vas pouvoir avoir accès à certaines données.

M. Merlini : O.K. Donc, on verrait une nette amélioration avec l'échange des informations pour tout ce volet-là, soit de la lutte à la corruption ou la criminalité contre l'État.

M. Goulet (André) : Effectivement.

M. Merlini : Merci beaucoup, M. Goulet. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : M. Goulet, quand vous faites les vérifications sécuritaires, je présume que vous avez accès... ou vous allez chercher l'information partout où elle peut être au Québec.

M. Goulet (André) : Effectivement.

Le Président (M. Ouellette) : Donc, selon les commentaires qui nous ont été faits par M. Lafrenière ce matin puis par mon collègue de La Prairie, lors de toute vérification sécuritaire, vous faites la vérification à l'UPAC dans leurs banques personnelles pour vous assurer que vous avez toute l'information disponible.

M. Goulet (André) : M. le Président, je ne peux pas vous dire «dans leurs banques personnelles», là. Je ne sais pas, premièrement, s'ils ont une banque personnelle. Je sais qu'ils contribuent, mais quand ils peuvent, au SARC, mais je ne peux pas vous dire si, mettons, le Service d'habilitation sécuritaire consulte l'UPAC pour certains dossiers. Je ne serais pas en mesure de vous répondre sur ce volet-là, parce que ce n'est pas mon secteur, ça.

Le Président (M. Ouellette) : O.K. M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci, M. le Président, M. Goulet, M. Brabant, bienvenue à l'Assemblée nationale.

D'entrée de jeu, j'aimerais que vous puissiez m'expliquer qu'est-ce qui fait en sorte que le directeur de la Sûreté du Québec, d'abord, est absent aujourd'hui et qu'est-ce qui fait en sorte que vous avez d'abord refusé l'invitation de la commission, pour ensuite vous raviser.

M. Goulet (André) : M. le député, premièrement, on a eu l'invitation, on l'a déclinée, mais je dois vous dire que la Sûreté du Québec a émis ses commentaires auprès du MSP dans le cadre du projet de loi. Mais évidemment on a eu plusieurs demandes qui ont afflué à la Sûreté du Québec et, lundi, on a décidé, après la lecture... Et puis, comme j'ai mentionné dans mon mémoire, il y a deux aspects qu'on voulait porter une attention particulière pour l'interprétation, et c'est la raison pour laquelle c'est moi qui est ici, parce que je suis responsable des enquêtes criminelles à la Sûreté du Québec.

Et les deux volets qui nous... je ne dirais pas «préoccupent», mais qu'on veut porter une attention particulière, c'est ce que je vous ai mentionné, soit la définition pour le rôle des Services d'enquête des crimes contre l'État, et l'autre volet, qui est les membres qui sont assignés auprès de l'UPAC, notamment, pour les ententes. C'est la raison pour laquelle c'est moi qui est ici.

M. Bérubé : Donc, M. Prud'homme était disponible.

M. Goulet (André) : Il aurait pu être disponible, mais il est à la cour présentement.

• (15 h 30) •

M. Bérubé : D'accord. Merci. Pour nous, c'est important que la Sûreté du Québec soit là, c'est un acteur important. D'ailleurs, ça a été mentionné en début d'intervention qu'un partenaire privilégié de l'UPAC... Alors, si c'est le cas, aussi bien vous entendre, on a des questions pour vous. C'est notre police nationale, c'est un acteur dans toutes les régions du Québec, alors il y a des questions importantes qui doivent se poser.

J'avoue que ce n'est pas une surprise pour nous que vous appuyiez la proposition gouvernementale. Vous relevez du gouvernement du Québec. La Sûreté du Québec n'est pas totalement indépendante. La nomination de son directeur, elle est de tutelle avec le ministère de la Sécurité publique. Le contraire m'aurait étonné, par contre. C'est quand même un pouvoir que la Sûreté du Québec perd, celui de l'UPAC, une autre organisation qui se crée. Alors, disons-le, souvent les politiciens se font accuser d'être des gens qui se préoccupent des enjeux de pouvoir, je pense que ça existe aussi dans la police — j'émets une hypothèse — et ça peut arriver parfois.

Alors, je pense, moi personnellement, que c'est un peu à regret que la Sûreté du Québec voit l'intention gouvernementale et que l'UPAC sera un corps de police, ce qui n'est pas recommandé par la commission Charbonneau. Parce qu'on peut bien invoquer certaines dispositions de la commission Charbonneau en disant : Elle l'a dit. En fait, je ne sais pas qui... ou les deux l'ont dit, parce qu'il y a de la dissidence sur le rapport de la commission Charbonneau. Le ministre s'accroche à ça pour la nomination. Mais, dans d'autres cas, il n'y a aucune recommandation qui fait en sorte qu'on devrait créer un corps de police indépendant. On ne l'a pas vu dans la commission. C'est la volonté du commissaire de l'UPAC. Je ne suis pas convaincu qu'il y a énormément de difficultés entre les deux directeurs... de l'UPAC puis de la Sûreté du Québec, de se faire entendre. Le lien assez inusité qu'on y retrouve fait en sorte que je ne pense pas que ça soit si difficile que ça.

Ceci étant dit, je ne prête aucune intention. Je vais faire le même exercice que j'ai fait avec l'UPAC pour bien comprendre la relation actuelle avant de concéder des pouvoirs et je vous annonce tout de suite que, si j'ai indiqué que le Parti québécois est en faveur d'une nomination aux deux tiers pour le commissaire de l'UPAC, quant à nous, la logique voudrait que ça s'applique à la Sûreté du Québec aussi. Alors, vous avez des policiers de la Sûreté du Québec qui sont à l'UPAC. Vous pouvez nous identifier le nombre d'enquêteurs qui y sont? Combien?

M. Goulet (André) : Je peux vous dire ça plus précisément : 76 policiers prêtés, dont cinq officiers prêtés.

M. Bérubé : D'accord. Vous avez fait un diagnostic organisationnel des policiers de la Sûreté du Québec qui sont à l'UPAC. Est-ce que vous pourriez nous le fournir?

M. Goulet (André) : Ce que je peux vous dire par rapport à ça — j'ai vu la question qui était posée ce matin, j'ai fait des vérifications, vous comprendrez, parce que je me doutais que vous poseriez la question : il n'y a pas eu de rapport d'audit par rapport à ça. La seule chose que je peux vous dire : Karine Martel, qui est responsable de la politique sur l'aspect du harcèlement à la Sûreté du Québec, elle a fait un état de situation suite à certaines plaintes des gens. Elle a pris des notes, des notes personnelles par rapport à ça, elle a fait un état de situation. J'ai vérifié auprès de la Direction des ressources humaines de chez nous, de la Sûreté du Québec, et, malheureusement, selon la Loi d'accès, on ne peut pas la diffuser, parce que c'est des notes personnelles.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Matane.

M. Bérubé : Donc, vous me dites ici, à la commission, qu'il n'y a aucun diagnostic organisationnel qui a été fait sur la présence des policiers de la Sûreté du Québec à l'UPAC.

M. Goulet (André) : Ce que je vous ai dit : il y a eu un état de situation fait par Mme Karine Martel, qui est responsable de la politique sur l'aspect du harcèlement, et puis, dans son état de situation, cet état de situation là regroupe des notes qui touchent des gens, des notes personnelles qui touchent des gens, puis, et j'ai vérifié, selon la Direction des ressources humaines chez nous, on ne peut diffuser ça, on ne peut divulguer ça.

M. Bérubé : J'ai vu ça ailleurs. D'ailleurs, la Sûreté du Québec est dernière pour les demandes d'accès à l'information au Québec. C'est un triste record, malheureusement. Je me permets de le déplorer. C'est la revue L'Actualité qui nous l'apprenait. Je suis étonné qu'il n'y ait pas de rapport plus formel que ça pour une grande organisation comme la Sûreté du Québec, qui prête des policiers à l'UPAC, d'autant plus qu'il y a quelques cas... moi, je vous suggère qu'il y a quelques cas de harcèlement réel de vos policiers à l'UPAC. Je vous suggère qu'il y en a plus que deux et je suis étonné qu'on n'ait aucun rapport qui fasse état de ça. Mais je prends votre parole, c'est ce que vous nous dites. Et, que les notes personnelles ne sont pas accessibles, je prends votre parole là-dessus, mais je suis très étonné, très étonné.

Tout à l'heure, des questions ont été posées par le gouvernement. À deux reprises, vous avez lu de façon systématique les réponses. Est-ce que c'est vos notes personnelles également ou c'est un document officiel de la Sûreté du Québec que vous avez devant nous?

M. Goulet (André) : Non, c'est mes notes.

M. Bérubé : O.K. Parce qu'à deux...

M. Goulet (André) : Le document officiel, il est ici, là, celui que je vous ai lu. Le mémoire est ici aussi. Les copies, vous allez les recevoir.

M. Bérubé : Sur deux questions tout à l'heure, c'était littéralement, là, la réponse complète qui était lue, alors ça m'a un peu étonné aussi. Mais, si vous me dites, là, que ça fait partie du mémoire, c'est un hasard.

On a parlé des banques de données tout à l'heure. L'UPAC, en version corps de police, pourrait piger dans vos banques au SPVM, mais est-ce qu'ils vous redonnent de l'information après ou ils gardent ça pour eux? Est-ce qu'ils vous disent c'est quoi, le suivi qu'ils font avec le travail que vos policiers, vos enquêteurs, vos patrouilleurs font? Il y a une banque, ils peuvent aller piger dedans. Mais, avec les nouveaux pouvoirs du commissaire de l'UPAC, est-ce qu'ils vous font un retour... qu'est-ce qu'on a fait avec la preuve que vous avez accumulée ou c'est unidirectionnel?

M. Goulet (André) : Le fonctionnement du SARC ou de toute banque de données... C'est une banque de renseignements, hein? Tout le monde, si on veut qu'elle soit la plus fidèle possible et le plus contemporaine... il faut que le monde l'alimente le plus possible. C'est que, si tu en mets, pour aller en consulter, c'est une règle de base. Et on s'attend de l'UPAC qu'ils vont faire la même chose. Mais, comme je disais tantôt, il faut s'assurer que l'information qu'ils mettent dedans... pareil pour la Sûreté du Québec, pareil pour le SPVM, pareil pour la GRC, l'information qu'on met dedans, elle ne peut pas nuire aux enquêtes. Aussitôt que les enquêtes sont terminées, bien, elle est accessible à tous ceux qui ont la possibilité de l'avoir. Et ça ne sera pas différent pour l'UPAC, au contraire. Comme je disais tantôt, c'est encore important pour nous, pour le Service d'enquêtes sur les crimes contre l'État, qu'on ait plus accès rapidement à ces informations-là.

M. Bérubé : Parce que le projet de loi n'offre aucune garantie du retour de l'UPAC sur les éléments qu'ils vont puiser, qui vont servir à leurs enquêtes de toute nature. En tout cas, à ma connaissance, ça n'offre aucune garantie. Et l'UPAC a déjà énormément de pouvoirs, très peu de reddition de comptes, en ce qui me concerne, ce que vous avez à la Sûreté du Québec, de façon historique, comme grande organisation policière, qui fait l'envie de bien des corps de police. Je pense qu'on peut le dire sans chauvinisme. Et je trouve qu'on ajoute encore beaucoup de pouvoirs sans tous les garde-fous nécessaires.

D'ailleurs, je me permets de poser la question : S'il arrivait un crime à l'intérieur de l'UPAC, à l'intérieur du bâtiment, chez les employés de l'UPAC, est-ce que vous avez le pouvoir d'enquête à l'intérieur de l'UPAC?

M. Goulet (André) : Oui, tout dépendant où ça s'est produit, de quel crime vous parlez, si ça se produit...

Une voix : ...

M. Goulet (André) : Ils sont présentement, leurs bureaux, à un endroit. S'il y a un corps de police, tout dépendant l'infraction que vous disiez, selon la juridiction des niveaux de service... Si ça se produit, les enquêteurs sont à un endroit, ils sont à Longueuil, puis l'infraction quelconque... c'est le poste de Longueuil qui a juridiction.

M. Bérubé : Je vous soumets une hypothèse. Si quelqu'un à l'intérieur de l'UPAC vous faisait un signalement sur un cadre de l'UPAC, sur une malversation qui aurait eu lieu en lien avec de l'information privilégiée, en lien avec un trafic d'information ou quoi que ce soit, est-ce que vous auriez une permission à demander pour aller enquêter sur des cadres de l'UPAC?

M. Goulet (André) : Non. Non, aucun. Je ne vous nommerai pas les enquêtes qu'on entend dernièrement, mais c'est cas par cas. Cas par cas va être traité. Et, s'il y a un signalement, soyez assuré que ça va être enquêté.

M. Bérubé : Est-ce que c'est déjà arrivé?

M. Goulet (André) : Pas à ma connaissance.

M. Bérubé : O.K. Les prêts d'enquêteur, de policier de la Sûreté du Québec à l'UPAC — vous m'avez nommé le chiffre tout à l'heure, je suis heureux de l'avoir, parce que j'avais un chiffre qui était plus bas que ça qu'on m'avait fourni, je pense, c'était une source journalistique, là, qui l'avait écrit — tendent à nous indiquer que c'est quand même un contingent important, puis c'est des gens que vous avez formés, c'est des gens qui font votre fierté puis que vous êtes fiers de les envoyer là, mais vous aimez aussi conserver un lien.

Au moment où vous les prêtez, est-ce qu'ils sont réputés devenir des policiers de l'UPAC ou ils ont encore très clairement leur lien organisationnel, hiérarchique avec vous ou, pendant la période où ils sont avec l'UPAC, ils ne relèvent que du commissaire de l'UPAC?

M. Goulet (André) : Je vais vous faire le parallèle. Comme j'ai mentionné tantôt à M. le ministre, le parallèle est le même qu'on fait dans le cadre des ERM. Les personnes qui sont prêtées à l'UPAC, du côté opérationnel, dépendent du commissaire et, du côté administratif, que ça soit le volet disciplinaire, que ça soit le volet conditions relatives, conditions de travail, appartiennent à la Sûreté du Québec. Et ce n'est pas différent pour le SPVM qui est prêté chez nous, ou la GRC, ou l'inverse, quand on est prêtés chez eux. C'est la même chose.

M. Bérubé : Merci.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Matane-Matapédia. M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci. Alors, merci, M. le Président. Bienvenue, M. Goulet et M. Brabant. Moi, j'ai une question qui... Parce que le commissaire à l'UPAC nous a dit ce matin que les prêts de service, c'est deux ans plus une année d'option. Ça, il a été clair là-dessus. Puis vous, vous parliez de quatre ans. Là, ça fait six ans que l'UPAC opère, ça fait six ans que vous prêtez du monde à l'UPAC. Quelle est la moyenne, en termes de temps, qui se dégage au bout de six ans? Quand un policier s'en va à l'UPAC, quelle est la moyenne de temps qu'il passe là? Vous devez avoir des statistiques là-dessus.

• (15 h 40) •

M. Goulet (André) : Non. Bien, je n'ai pas ça avec moi, la moyenne, mais, une chose que je peux vous dire, comme j'ai mentionné tantôt à M. le ministre, les gens qui sont prêtés à l'UPAC sont assujettis à nos conditions de placement. Ça fait que c'est un minimum de quatre ans qu'ils peuvent être là ou, s'il y a une promotion ailleurs... Ça fait que présentement on n'a pas d'entente écrite avec l'UPAC. C'est qu'on prévoit le faire dans le projet, selon l'article 14.

Comme je vous mentionnais tantôt, l'objectif qu'on connaît, les enquêtes de l'UPAC sont complexes et longues... fort possiblement, ça va être plus que deux ou trois ans — je ne veux pas m'avancer — contrairement à ce qu'on fait présentement à l'ERM. À l'ERM, souvent les membres vont être renouvelés plus longtemps, tout dépendant si le corps de police est d'accord, et nous autres, on est d'accord avec la prestation du policier. Je pense que ce guide-là ou ces grands paramètres là pourraient être utilisés avec l'UPAC.

M. Spénard : Mais vous n'avez pas de moyenne de temps que vos policiers ont passé là dans les six dernières années. Mettons qu'il y en a eu... Si vous dites qu'il y en a 76 aujourd'hui... Mettons qu'il en a passé 200. Je ne le sais pas, moi, tu sais, il doit y avoir un roulement, là, tout comme ailleurs, j'imagine.

M. Goulet (André) : Effectivement, il doit y avoir un roulement comme partout ailleurs, dans les autres unités, parce qu'ils peuvent appliquer sur des promotions, ils peuvent changer, revenir aux enquêtes chez nous ou, chez nous, aller là aussi. Je n'ai pas le chiffre, excusez-moi.

M. Spénard : O.K. Qui choisit, en dernier lieu, la personne qui va s'en aller à l'UPAC? Est-ce que c'est vous ou si c'est le commissaire?

M. Goulet (André) : Premièrement, ce n'est pas moi, parce que moi, je n'ai pas de lien...

M. Spénard : La Sûreté du Québec.

M. Goulet (André) : O.K. Excusez-moi. Je réponds en fonction de moi, là. Ce n'est pas moi. Il y a des processus, comme je vous mentionnais, des processus de dotation. Il y a des, entre guillemets, comme on connaît, «boards» d'entrevue, et c'est réglementé, les «boards» d'entrevue. Et c'est certain qu'il doit y avoir des membres... je vais dire, un officier ou un sous-officier appartenant à l'UPAC, mais souvent, puis ce qu'on préconise puis qu'est-ce qui se fait, que ce soit quelqu'un de l'externe, qui vient de l'externe, dans le sens que... dans une autre grande fonction, qui participe aux entrevues. Et aussi, pour votre information, souvent, pratiquement tout le temps, l'APPQ est présente lors des entrevues. Ce n'est pas différent pour l'UPAC, pour les membres de chez nous qui sont prêtés à l'UPAC.

M. Spénard : O.K. Maintenant, s'en aller à l'UPAC — une question qui me trotte dans la tête, là — est-ce que c'est considéré comme une promotion?

M. Goulet (André) : Je ne pourrais pas vous répondre. L'UPAC, c'est un endroit que, selon le profil de l'enquêteur qui veut aller là, souvent, ils ont certaines affinités à y travailler. Pour eux, c'est un plan de carrière plus qu'une promotion, comme quelqu'un qui voudrait aller aux Crimes économiques, Crimes contre l'État, Crimes contre la personne ou au Crime organisé. Moi, je le vois pour une panoplie d'enquêteurs à la Sûreté du Québec qui ont le goût de s'investir ou de faire enquête.

M. Spénard : O.K. Mais ce n'est pas une promotion comme telle de passer de sergent à lieutenant à...

M. Goulet (André) : Non, c'est la même chose.

M. Spénard : O.K. Vous avez parlé, et j'en avais parlé ce matin, de la double autorité, parce qu'il y a quand même une autorité hiérarchique qui demeure à la Sûreté du Québec pour le monde qui est prêté là. Et l'autorité fonctionnelle revient au commissaire. Maintenant, ce que j'aimerais savoir : Lorsqu'il s'ouvre des postes dans la Sûreté du Québec, lorsqu'il s'ouvre des postes et la personne est à l'UPAC, est-ce qu'elle est avertie qu'elle peut revenir à la Sûreté du Québec pour postuler sur un poste de promotion, sur un poste de...

M. Goulet (André) : Oui. Effectivement, il a accès au réseau de la Sûreté du Québec et, à chaque fois qu'il y a des concours d'ouverts... et même lui, il peut, à chaque année, appliquer sur des postes... un enquêteur à l'UPAC, parce que c'est un membre de la Sûreté du Québec. Et, s'il y a des concours qu'on appelle ouverts provincialement, il le voit, parce qu'on envoie ça sur l'intranet et on envoie ça par courriel aux policiers. Ça fait qu'il le voit.

M. Spénard : D'où ma question, que vous n'avez pas de statistique sur le taux de roulement, à l'UPAC, des personnes prêtées là.

M. Goulet (André) : Je m'en excuse. Je ne m'attendais pas à cette question-là. Je ne l'ai pas avec moi.

M. Spénard : O.K. J'avais une dernière question. La banque de données comme telle, la banque de données que les corps policiers ont accès, l'UPAC, présentement, est obligée de passer par la Sûreté du Québec, puis la Sûreté du Québec, c'est... autrement dit, c'est la Sûreté qui donne la banque de données à l'UPAC. En étant un corps de police autonome, l'UPAC, vous ne saurez plus quelle banque de données qu'il va consulter, parce qu'il va avoir un accès direct, alors que, là, vous êtes au courant de la banque de données, vous êtes au courant des enquêtes. S'il vous demande la banque de données de tel organisme, telle chose, vous êtes au courant de tout ça.

M. Goulet (André) : Oui. Je dois vous dire que, oui, on va le savoir, s'il verse des données ou de quoi, parce que c'est nous autres qui avons la gestion du SARC et il y a une journalisation qui est faite. On est capables de le définir, parce qu'on doit s'assurer que tout le monde alimente... On est capables de sortir des données, qui qui alimente puis... pour voir qu'on ait un bon rendement. Comme je vous mentionnais tantôt, il faut que le monde en mette si on veut que ça soit le plus fidèle possible, l'information.

Le renseignement, c'est important dans toutes les enquêtes, tout genre d'enquête, et on doit s'assurer qu'eux aussi en mettent comme la Sûreté du Québec, comme tout le monde. Il y a une journalisation qui est faite, puis ils savent qu'il faut qu'ils l'alimentent comme, nous autres, il faut l'alimenter, comme le SPVM, comme la GRC, tout le monde doit le faire.

M. Spénard : O.K. Vous l'alimentez, mais, je reviens à ma question, il va pouvoir y aller directement. Si la loi n° 107 est adoptée, il va pouvoir y aller directement, et vous ne serez pas au courant. Est-ce que vous avez une espèce de mémo qui vous dit : Bon, bien, telle banque de données a été consultée ce matin par untel ou, ce matin, par untel? Pouvez-vous retracer les utilisateurs, ceux-là qui ont...

M. Goulet (André) : Je ne pourrais pas vous répondre précis. Ce n'est pas mon domaine précis. Il y a des spécialistes là-dedans qui pourraient vous le dire. Je ne serais pas en mesure de vous répondre là-dessus. Je ne suis pas en mesure de répondre précisément, si on peut dire, mais je sais qu'il y a une journalisation qui est faite. Mais, j'y vais par présomption, s'il y a une journalisation qui est faite, on pourrait le retracer, je vous le dirais bien, on pourrait le retracer.

M. Spénard : O.K. Puis une dernière petite question. M. le Président, il doit me rester une minute?

Le Président (M. Ouellette) : Oui.

M. Spénard : Karine Martel travaille-t-elle encore?

M. Goulet (André) : Oui.

M. Spénard : Au même endroit?

M. Goulet (André) : Oui.

M. Spénard : O.K. Merci. Je n'ai plus d'autre question.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. M. André Goulet, inspecteur-chef à la Sûreté du Québec, et Me Francis Brabant, représentant la Sûreté, merci d'être venus déposer en commission aujourd'hui. Oh! M. Goulet, vous aviez un petit commentaire.

M. Goulet (André) : Tantôt, j'ai mentionné que c'est moi qui étais le représentant ici pour la Sûreté du Québec. J'ai mentionné que le directeur général n'est pas ici, parce qu'il témoigne présentement, aujourd'hui, auprès des hauts dirigeants de la Sûreté du Québec. Je tenais à le préciser.

Le Président (M. Ouellette) : On avait bien compris que l'ordre d'un juge, je veux dire, a préséance sur l'ordre d'un président de commission. Donc, je comprends ça et je pense que c'est important que vous donniez les explications, et on sait dans quel cas il est à la cour. Donc, merci de votre présence.

Je suspends quelques minutes. Je demande aux représentants du Barreau de bien vouloir s'avancer.

(Suspension de la séance à 15 h 47)

(Reprise à 15 h 53)

Le Président (M. Ouellette) : On reprend nos travaux. On s'excuse du petit délai. On a eu un petit problème technique, électrique.

Nous recevons maintenant le Barreau du Québec. Me Nicolas Le Grand Alary et Me Magali Fournier, vous avez 10 minutes pour nous présenter votre mémoire, et mémoire que nous avons reçu et pour lequel on n'a pas eu besoin de vous envoyer d'écrit, et nous aurons une période d'échange avec M. le ministre et les porte-parole des deux oppositions. À vous la parole.

Barreau du Québec

Mme Fournier (Magali) : Parfait. Alors, bonjour à tous. Je suis Me Magali Fournier, de chez Brouillette Légal, et je suis ici aujourd'hui à titre de représentante du Barreau du Québec. Je suis accompagnée de Me Nicolas Le Grand Alary, qui est avocat du Secrétariat de l'ordre et affaires juridiques du Barreau du Québec.

Donc, d'abord, on voudrait vous remercier de nous avoir invités à faire cette présentation.

Le Barreau du Québec a pris connaissance, avec beaucoup d'intérêt, du projet de loi qui est étudié ici aujourd'hui. Cependant, nous avons d'importantes réserves quant au nouveau pouvoir octroyé au Directeur des poursuites criminelles et pénales de mettre fin à une plainte disciplinaire instruite devant un conseil de discipline d'un ordre professionnel. Nous comprenons évidemment que ce nouveau pouvoir découle d'une recommandation de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, mais le Barreau du Québec comprend, évidemment, l'importance d'une telle recommandation afin de prévenir la collusion, la corruption et la fraude, mais on a tout de même quelques petites réserves dont on voudrait vous faire part. Les ordres professionnels ont comme principale mission la protection du public. Le Barreau du Québec estime que l'article 38 du projet de loi ne prend pas en considération tous les impacts d'une telle décision en matière disciplinaire et soumet que ces dispositions méritent des ajustements importants.

Je vous présenterai aujourd'hui quatre sujets : intérêt de la justice et protection du public, consultation du syndic, caractère public de la décision du DPCP ainsi que la portée restreinte de la décision qui devrait être prise.

Pour commencer, intérêt de la justice et protection de l'intérêt public. Je pense qu'il est important de rappeler à tous que l'avocat est évidemment membre d'un ordre professionnel, mais il est aussi un officier de justice, et donc mettre fin à une plainte disciplinaire, mettre fin à l'audition d'une plainte disciplinaire peut avoir un impact important sur la justice. La discipline est un des moyens qui permet aux ordres professionnels de remplir leur mission de protection du public.

Le nouveau pouvoir octroyé au DPCP par le projet de loi interfère directement avec le rôle du syndic et le conseil de discipline au niveau du processus de sanction à l'égard des professionnels ayant commis des infractions déontologiques. En retirant une plainte ou en ne procédant pas à son audition devant un conseil de discipline, le DPCP s'immisce dans les fonctions mêmes d'un ordre professionnel et risque de compromettre la mission première des ordres, de protéger l'intérêt public. Nous croyons que ce pouvoir risque de grandement déconsidérer les ordres professionnels et de miner leur crédibilité aux yeux du public. La confiance du public envers le système professionnel est en jeu. Un professionnel dont la plainte devant le conseil de discipline serait terminée par le DCPC... le DCPC, je m'excuse, pourrait continuer à exercer en toute impunité. Le critère employé dans le projet de loi est celui de l'intérêt de la justice. Selon le Barreau, ce critère-là est trop bas. On devrait l'élever et imposer le critère de l'intérêt supérieur de la justice. Ce faisant, on assurerait que le pouvoir du DPCP soit mieux balisé. Cette proposition a aussi pour effet d'harmoniser le langage contenu dans d'autres lois, dont la loi sur la magistrature et d'autres qui sont nommées, là, de façon plus spécifique dans notre mémoire.

Le deuxième point qu'on voudrait soulever, c'est la consultation du syndic ayant mené l'enquête. Le syndic est tenu de préserver la confidentialité de ses dossiers d'enquête. Le DPCP n'a aucun accès au dossier d'enquête constitué par un syndic sur un professionnel. Ainsi, un syndic pourrait détenir un dossier d'enquête très volumineux sur le professionnel. Ce dernier pourrait toutefois obtenir de la part du DPCP que l'audition de la plainte ne se tienne pas quant à certains faits visés par une plainte disciplinaire dont le conseil de discipline est saisi. Le Barreau craint que... d'une telle décision par le DPCP, sans aucune considération pour l'étendue des fautes professionnelles commises. Il pourrait d'ailleurs survenir des cas où le DPCP n'aurait sans doute pas pris une telle décision s'il avait connu la teneur du dossier d'enquête constitué par le syndic sur ce professionnel, ce que, malheureusement, le syndic ne pourra divulguer, entre autres, à cause du secret professionnel. Bien que les dossiers d'enquête du bureau du syndic d'un ordre soient confidentiels, nous croyons que de tels pouvoirs ne devraient être accordés au DPCP que si la loi prévoit explicitement une obligation de consultation entre les ordres professionnels et le DPCP avant que celui-ci n'octroie l'immunité.

Il est également important de rappeler qu'un ordre professionnel peut être tenu responsable économiquement de dommages s'il ne remplissait pas sa mission de protection du public, ce qui pourrait arriver si le DPCP décidait de ne pas procéder à l'audition d'une plainte. Le DPCP devrait donc obligatoirement consulter le syndic ayant mené l'enquête, pour obtenir ses commentaires et observations quant à la possibilité de retirer une plainte déjà instruite devant le conseil de discipline.

Caractère public de l'immunité. Le Barreau constate que le projet de loi est muet sur le caractère public de la décision qui pourrait être prise par le DPCP. Le Barreau rappelle que la plainte disciplinaire n'est pas publique avant l'audition de celle-ci par le conseil de discipline. Pendant une certaine période de temps, entre la signification de la plainte disciplinaire au professionnel visé et l'audition, seuls le nom du membre et l'objet de la plainte ont un caractère public. Dans ce contexte, il faut éviter que le public ne comprenne pas les raisons pour lesquelles une plainte disciplinaire ne progresse pas ou qu'aucune décision du conseil de discipline n'est rendue. Il faudrait donc pouvoir permettre aux ordres professionnels de déclarer publiquement que la plainte n'a pas fait l'objet d'une audition, puisque le DPCP en a décidé ainsi.

La portée restreinte du pouvoir. La commission a recommandé certaines balises à l'exercice de ce pouvoir présenté comme un avantage possible à attribuer à un témoin collaborateur. Elle précisait que l'immunité peut être accordée si les fautes déontologiques ne portent pas sur la qualité des actes professionnels posés.

Ainsi, le Barreau suggère que le législateur encadre davantage les pouvoirs du DPCP en se collant aux critères établis par la commission dans son rapport et en limitant ainsi son champ d'application aux seuls cas pour lesquels la qualité des actes professionnels n'est pas visée.

Je vous réfère plus particulièrement à l'article 123.9 de la Loi modifiant diverses lois concernant principalement l'admission aux professions et la gouvernance du système professionnel, qui accorde un pouvoir similaire aux ordres professionnels. À l'article 123.9, deuxième alinéa, la loi dit : «Un syndic doit, avant d'accorder l'immunité, tenir compte notamment de la protection du public, de l'importance de maintenir sa confiance envers les membres de l'ordre, de la nature et de la gravité de l'infraction, de l'importance des faits allégués pour la conduite de l'enquête et de leur fiabilité, de la collaboration du professionnel au cours de l'enquête ainsi que de l'étendue de la participation du professionnel à l'infraction — tous des critères qui auraient pu faire l'objet d'une copie, si on veut, pour le DPCP.»

Donc, en vous remerciant sincèrement de l'invitation à participer à cette commission parlementaire sur le projet de loi, nous demeurons évidemment disponibles pour toute question que vous pourriez avoir concernant notre mémoire.

• (16 heures) •

Le Président (M. Ouellette) : C'est sûr qu'il va y en avoir quelques-unes. M. le ministre.

M. Coiteux : Oui. Merci, Me Fournier, Me Le Grand Alary, également. C'est un enjeu complexe, puis je sensible aux arguments que vous présentez aujourd'hui, là, puis j'aimerais ça l'approfondir un petit peu avec vous. Vous venez tout juste de vous référer à une autre loi qui concerne les syndics des ordres professionnels... on aurait pu faire un copier-coller, mais un copier-coller en les attribuant au DPCP, ces dispositions-là, ou un copier-coller à l'ordre professionnel qui aurait un rôle à jouer dans l'ensemble?

Mme Fournier (Magali) : Moi, j'irais avec un copier-coller pour le DPCP. Donc, avant que le DPCP puisse accorder une telle... pas une immunité, mais, avant que le DPCP puisse prendre une telle décision, c'est-à-dire de mettre un terme à l'audience ou à l'audition d'une plainte, il devrait considérer dans sa décision tous les critères que l'on retrouve dans le même genre de contexte, c'est-à-dire qu'un syndic a ce pouvoir-là, a le pouvoir d'accorder une immunité à un professionnel, mais, pour le faire, il faut qu'il tienne compte de ces critères-là.

M. Coiteux : Maintenant, ma question, c'est : Dans ce cas de figure où ça serait effectivement un copier... On est dans les hypothèses, hein, c'est pour fins de discussion.

Mme Fournier (Magali) : ...en tête.

M. Coiteux : Non, non, c'est à ça que ça sert, les consultations. C'est à ça que ça sert, les consultations. Après ça, on réfléchit. Si on faisait ça, disons, hypothèse, ça reste la décision du DPCP ou vous avez encore besoin, selon vous, d'un mécanisme de consultation de l'ordre professionnel concerné?

Mme Fournier (Magali) : Pour le Barreau, il est très important d'avoir un mécanisme de consultation. J'irais même plus loin que ça, c'est comme un genre de minimal, je dirais, d'avoir cette consultation-là. Puis la raison pour laquelle c'est le minimal, c'est que le dossier du syndic, il est confidentiel, puis le DPCP n'y aura pas accès. Alors, le DPCP ne pourra pas prendre une décision basée en toute connaissance de cause s'il ne consulte pas d'abord le syndic de l'ordre professionnel. Et il y a tout l'aspect secret professionnel de ce qui est divulgué à un syndic, parce que, un syndic, on ne peut pas lui opposer de secret professionnel.

Je vais parler des avocats, là. Quand un avocat est rencontré par un syndic, l'avocat ne peut pas dire : Bien, moi, j'ai du secret professionnel, je ne vous raconterai rien. Il n'a pas le droit de dire ça. Il est obligé de tout divulguer. Mais le syndic, lui, ne peut pas divulguer ce qu'il a obtenu qui conviendrait au secret professionnel. Donc, quand le syndic va être consulté par le DPCP, il ne va pas tout dire au DPCP, il ne va pas dire : Voici tout ce que je sais. Il va dire : Selon moi, là, je regarde mon dossier, puis, oui, c'est une bonne décision que tu prends ou, non, ce n'est pas une bonne décision. Or, moi personnellement, j'aurais dit : Bien, dans le fond, il faudrait que ce soit avec l'accord du syndic. Mais la position officielle du Barreau, qui se retrouve au mémoire, c'est de dire que ça prend au moins une consultation du syndic.

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

M. Coiteux : O.K. Est-ce que vous ne craindriez pas — hein, on parle évidemment d'une situation pouvant mener à toutes sortes de décisions dans le cadre d'une enquête qui doit demeurer confidentielle — que ces échanges-là mettent trop de monde au parfum, mettons ça comme ça — ce n'est pas une expression très juridique, là, celle que j'utilise, mais c'est celle qui m'est venue à l'esprit — et que ça puisse ultimement nuire à l'enquête ou aux enquêtes?

Mme Fournier (Magali) : Bien, toutes les personnes qui seraient au parfum, dans le fond, ce seraient le syndic et le DPCP. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de craintes à ce niveau-là. Ça fait une personne de plus. Le syndic ne pourra pas divulguer le contenu de son dossier. Le DPCP, lui, pourra dire : Bien, écoutez, j'envisage la possibilité de mettre un terme à l'audience ce cette plainte-là, qu'est-ce que vous en pensez? Honnêtement, je n'ai pas beaucoup de craintes sur...

Le Président (M. Ouellette) : Me Le Grand Alary.

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Oui. Bonjour. J'ajouterai aussi que, dans la situation qui est visée par le projet de loi, le DPCP peut retirer l'audition d'une plainte qui a déjà été déposée par le syndic devant le conseil de discipline. Donc, je veux dire, le syndic a déjà fait une enquête, et les critères de l'article 24.1 dans le projet de loi, c'est sur des faits ou des faits semblables. Donc, le syndic est déjà au fait de la situation qui a donné naissance peut-être à la volonté du DPCP de retirer la plainte, là. On est censé être sur les mêmes faits. Donc, il y a déjà une plainte. L'enquête du syndic est complétée, à certains égards.

M. Coiteux : Et l'enquête du syndic a été initiée suite à la plainte de quelqu'un, d'une personne. Comment ça fonctionne? Cette personne-là est avisée des décisions?

Mme Fournier (Magali) : En fait, il peut y avoir des enquêtes même sans plainte. Il peut y avoir des enquêtes qui émanent, par exemple, de commentaires d'un juge ou... Il n'y a pas nécessairement une plainte qui génère une enquête. La personne qui est visée par l'enquête au syndic n'est pas nécessairement au courant qu'il y a enquête à son sujet tant et aussi longtemps qu'elle n'est pas consultée pour ses commentaires, et tout ça est éminemment privé, là, tout ça est superconfidentiel. En fait, tant qu'il n'y a pas de plainte déposée par le syndic, le fait qu'il y ait enquête est confidentiel. Il faut qu'il y ait une plainte qui soit déposée contre le professionnel pour que la plainte... La plainte, à ce moment-là, ne devient pas encore publique, seulement le fait qu'une plainte a été portée devient public, et la nature de la plainte. La plainte en tant que telle, elle ne devient publique que le jour de l'audience sur la plainte.

M. Coiteux : Et donc, pour que ce mécanisme-là fonctionne, il faut que l'intervention soit faite avant que la plainte soit publique.

Mme Fournier (Magali) : Avant que la plainte... quoi?

M. Coiteux : Soit publique.

Mme Fournier (Magali) : Soit publique, oui, parce que, de toute façon, ce qui est visé, si j'ai bien compris le projet de loi, c'est de mettre un terme à l'audience et donc c'est de mettre un... J'imagine que l'idée, c'est de le faire avant qu'il y ait une audience et donc avant que ce soit public.

M. Coiteux : Et, dans les cas où l'enquête a été déclenchée par le syndic sur la base d'une dénonciation d'une personne, est-ce qu'il est d'usage de donner une rétroaction à cette personne sur les suites?

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Il y a certaines informations qui vont... Il y a des suivis qui sont faits auprès du demandeur d'enquête, effectivement, mais le contenu et la preuve ne seront pas divulgués. Quand la plainte est déposée, entre le dépôt de la plainte et l'audition, comme disait Me Fournier, il y a seulement le fait que la plainte a été déposée, le nom du professionnel visé et la nature des gestes qui sont reprochés, là, l'infraction qui est reprochée qui vont avoir un caractère public, effectivement.

M. Coiteux : Mais la personne qui aurait fait une dénonciation reçoit, en cours de route...

Mme Fournier (Magali) : Elle va recevoir une lettre qui va lui dire : Ou bien il y a une plainte qui a été versée ou portée ou bien il n'y a pas de plainte qui a été portée. Et là cette personne-là peut décider d'en appeler, si on veut. Il y a un comité de révision. Et, si le comité décidait qu'il n'y aurait toujours pas de plainte de portée contre le professionnel, à ce moment-là, une plainte privée pourrait être portée. Donc, il y a un processus de suivi, mais pas nécessairement de divulgation complète.

M. Coiteux : O.K. Alors, je pousse plus loin, je me mets toujours dans l'hypothèse où le DPCP a ses pouvoirs mais qu'on suivrait les recommandations que vous apportez aujourd'hui et qu'il consultait et qu'au terme de tout ce processus-là on décidait de mettre un terme à tout ça. Bon.

Mme Fournier (Magali) : Mais là, à ce moment-là, il n'y a pas de plainte encore.

M. Coiteux : Il n'y a pas de plainte, mais là la personne qui aurait fait la dénonciation reçoit une lettre, puis là vous me dites : Elle a un droit d'appel. Alors, qu'est-ce qui arrive avec ce droit d'appel dans un cas de figure... on est toujours dans l'hypothèse, mais qu'est-ce qui arrive avec ce...

Mme Fournier (Magali) : Bien, c'est superintéressant, ce que vous soulevez, parce qu'en fait, si le DPCP décidait de mettre un terme à l'audition d'une plainte, la personne, la demanderesse d'enquête, là, le demandeur d'enquête, pourrait possiblement... puis là, honnêtement, je n'ai pas analysé cette question-là, mais pourrait possiblement décider de porter une plainte privée.

• (16 h 10) •

M. Le Grand Alary (Nicolas) : J'ajouterais peut-être aussi également que, dans la situation qu'on parle, l'exemple que vous donnez, ça peut s'appliquer, là, même si on ne suit pas nos recommandations, même s'il n'y a pas de consultation du syndic qui est effectuée et que le DPCP, là, dépose le préavis de retrait de plainte et la plainte est retirée. La question pourrait toujours se poser pour le... Le cas de figure que vous évoquez pourrait toujours se poser, là.

La personne qui avait demandé l'enquête originalement pourrait essayer de tenter de reprendre l'instance, si on pourrait dire, là, d'aller avec une plainte privée puis une révision, mais je ne pense pas que c'est un problème majeur. Ce n'est pas un problème particulier soulevé, là, par nos recommandations dans le mémoire. Les recommandations qu'on fait ne créent pas cette situation-là. Elles s'appliqueraient de toute façon.

M. Coiteux : O.K.

Mme Fournier (Magali) : Mais «I stand corrected», là. L'article 2 de 24.1 prévoit : «2° à l'instruction d'une plainte portée à l'endroit de ce témoin devant un conseil de discipline...» Ça ne dit pas «plainte privée ou par un syndic». Donc, même s'il y avait une plainte privée, le DPCP aurait le pouvoir de mettre un terme à son audition.

M. Coiteux : O.K. Visiblement, peu importe de quel côté on regarde ça, on fait quelque chose, on ne fait pas quelque chose, on le fait d'une façon, on le fait d'une autre, il y a quand même un certain nombre d'enjeux. Maintenant, puis j'ai posé la question ce matin, en conjugaison avec les efforts d'enquête qui seraient ceux de l'UPAC, par exemple, les pouvoirs qu'on donnerait à l'UPAC pour agir de façon encore plus souple en étant un corps policier, l'interaction entre ça et les nouveaux pouvoirs du DPCP augmenterait l'efficacité générale des enquêtes. C'est ce qu'on me disait. Alors, ça semble être une chose qui pourrait être utile.

Vous, vous émettez des réserves, mais est-ce que vous doutez de l'utilité ou vous pensez que l'utilité est là puis il s'agit de trouver la meilleure façon de le faire?

Mme Fournier (Magali) : Moi, je ne doute pas de l'utilité. C'est un pouvoir que le syndic a obtenu également, puis je pense que c'est dans l'intérêt de tout le monde d'obtenir une plus franche collaboration possible. Donc, ce n'est pas tant l'utilité, c'est la façon de le faire. C'est de s'assurer, en fait, que le processus soit le bon.

M. Coiteux : Vous avez dit «dans l'intérêt de tout le monde» dans votre présentation. Est-ce qu'on a reçu un...

Mme Fournier (Magali) : Mémoire.

M. Coiteux : Je pense qu'on a reçu le mémoire aussi.

Mme Fournier (Magali) : Oui.

M. Coiteux : Vous voulez remplacer «intérêt de la justice» par «intérêt supérieur de la justice». Alors, moi, qui ne suis pas avocat, j'aimerais ça que vous m'expliquiez la différence entre les deux.

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Oui. C'est effectivement une modification qui peut paraître un peu technique, mais c'est dans un objectif, là, d'arrimer les critères. On mentionne, là, dans notre mémoire les différents codes de déontologie qui emploient le terme, là, «intérêt supérieur de la justice». C'est à un niveau de standard de preuve qui pourrait être plus élevé. On parle du Code de déontologie de la magistrature, le Code de déontologie des juges municipaux du Québec, le Code de déontologie applicable aux membres du Tribunal administratif du Québec et également le Code de déontologie des avocats. Donc, c'est d'utiliser, là, dans un objectif d'harmonisation, de la législation et de la réglementation, là.

M. Coiteux : Mais est-ce que ça veut dire qu'on élève la barre en ce qui concerne les occasions où ces pouvoirs-là pourraient être utilisés? Est-ce que c'est ça que ça signifierait?

Mme Fournier (Magali) : C'est ce qu'on espère, dans le sens où l'intérêt de la justice est un peu utilisé à plusieurs escients. On peut dire, par exemple, que je veux un délai de 10 jours de plus dans l'intérêt de la justice. Oui, c'est vrai que, dans ce cas-là, pour ce cas précis là, c'est dans l'intérêt de la justice d'obtenir 10 jours de plus. Mais ici on est au-delà de demander des délais ou de demander des accommodements, je dirais, pour la bonne procédure d'un dossier qui pourrait être faite dans l'intérêt de la justice. Ici, on est dans un cas où on demande des pouvoirs exceptionnels. C'est pour ça qu'on demande de rehausser un peu la barre et d'aller vers l'intérêt supérieur de la justice et non pas juste, entre guillemets, l'intérêt de la justice. L'intérêt de la justice, c'est important aussi, là.

M. Coiteux : M. le Président, moi, je n'aurais pas d'autre question. Je ne sais si... poser une question.

Le Président (M. Ouellette) : Ça va pour les collègues?

M. Merlini : J'aurais peut-être une question, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Envoyez donc.

M. Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. Dans votre présentation, vous parlez de l'intérêt supérieur de la justice, mais vous mentionnez que le DPCP pourrait arriver, si le projet de loi est adopté, pourrait arriver à arrêter une procédure disciplinaire, une mesure disciplinaire.

Dans votre esprit à vous — et moi non plus, je ne suis pas avocat, M. le ministre — pourquoi est-ce que le DPCP arrêterait une procédure? Quel serait l'intérêt du DPCP d'arrêter une procédure qui relève du syndic et des conseils de discipline que vous avez à l'interne?

Mme Fournier (Magali) : Bien, en fait, c'est un peu ça qui est demandé comme pouvoir. Ce qui est demandé comme pouvoir, c'est de mettre un terme à l'audience d'une plainte et donc d'arrêter le processus de cette plainte-là. Alors, pourquoi le DPCP aurait intérêt à faire ça? Si j'ai bien compris, le but de l'article en question, c'est d'obtenir une collaboration plus complète, je dirais, de la part du professionnel visé par la plainte.

Or, en gros, je pense que comment ça fonctionnerait, c'est qu'on dirait au professionnel : Bien, tu fais l'objet d'une plainte disciplinaire actuellement. Nous, on aimerait ça que tu collabores avec nous. Donc, on serait prêts, si les faits reprochés dans ta plainte disciplinaire sont suffisamment similaires à ceux pour lesquels tu pourrais nous aider, on serait prêts à mettre un terme à l'audience sur votre plainte disciplinaire.

M. Merlini : Et c'est là que vous voyez l'accroc au fait que ça remet en doute le rôle du syndic et le conseil de discipline.

Mme Fournier (Magali) : Oui. Ça outrepasse...

M. Merlini : C'est là que vous voyez la possibilité de miner la crédibilité que vous commencez un travail qui est sérieux, qui est nécessaire, que vous voulez faire, et vous l'avez très bien illustré par rapport à la divulgation, à un moment donné, quand est-ce que l'élément devient public ou non, où, là, ça mine un peu le travail, de dire : Bien, on s'est rendu jusque-là, puis là ça finit là. Et là voyez-vous la problématique où... Bon, advenant que le DPCP arrête une procédure pour avoir une meilleure collaboration, et là il arriverait quoi après? Est-ce que le membre en question retourne à sa pratique ou reprenez-vous là où vous avez arrêté ou, je ne sais pas, qu'est-ce que...

Mme Fournier (Magali) : En fait, pendant tout le processus, à moins qu'il y ait une radiation temporaire, pendant tout le processus, le professionnel continue jusqu'à ce qu'il soit déclaré... je vais utiliser le terme «coupable», là, mais ce n'est pas le bon terme, là, jusqu'à ce qu'il soit déclaré coupable de cette plainte-là.

S'il n'y a pas d'audience, il n'est jamais déclaré coupable, donc il n'est jamais radié. Et, sur ce point-là, je pense que c'est important de préciser aussi et de le rappeler, les ordres professionnels peuvent être tenus responsables, monétairement parlant, pour ne pas avoir radié dans des délais... ou ne pas avoir assuré la protection du public dans des délais acceptables et avoir... C'est ça. Donc, le fait qu'on mette un terme à un processus de plainte sans arriver au bout et sans pouvoir finalement décider si, oui ou non, ce professionnel-là devrait être radié... il y a d'autres possibilités de processus disciplinaire que la radiation, là, mais c'est quand même le plus important, il y a un risque de nuire à la crédibilité du processus disciplinaire.

M. Merlini : Donc, vous voyez aussi, dans une de vos propositions, d'encadrer davantage le pouvoir du DPCP, mais vous voyez une façon où un n'empêcherait pas l'autre, dans un certain sens, où vous pourriez continuer votre processus et que le DPCP pourrait aussi faire le sien, mais dans un encadrement que... C'est ça que vous recommandez, dans le fond, là.

Mme Fournier (Magali) : Bien...

Le Président (M. Ouellette) : ...

Mme Fournier (Magali) : Ah!

Le Président (M. Ouellette) : On peut-u avoir un petit 10 secondes? Oui.

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Je dirais juste qu'il faut se rappeler qu'au final ça va être l'ordre professionnel qui va être responsable, devant le public, de justifier au public pourquoi il y a un professionnel qui a commis peut-être des fautes déontologiques graves et qu'il a encore le droit de pratiquer, par exemple.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Me Fournier et Me Le Grand Alary. J'ai vu que vous étiez très attentifs, tout à l'heure, aux travaux de la commission et j'imagine que vous le serez avec les intervenants qui vont suivre.

Alors, je vous dis d'entrée de jeu que je vais poser vos questions moi-même à la Direction des poursuites criminelles et pénales, donc, je vais faire ça pour vous, mais j'ai d'autres questions à vous poser qui ne sont pas contenues dans votre mémoire et je veux tirer profit de la grande expertise du Barreau, dont on est fiers, de milliers d'avocats qui réfléchissent sur la justice et sur les façons d'assurer cette justice. Alors, je fais appel à vous comme experts sur certains enjeux. Libre à vous de vous prononcer. Mais je vais toutefois prendre un élément de votre mémoire que je veux, pour le bénéfice... Il y a trois valeureux journalistes qui sont là depuis le début — je veux les saluer — qui couvrent l'ensemble de la commission — alors, ils se reconnaîtront — et leur dire que c'est la deuxième fois qu'on nous indique que ça va à l'encontre, en fait, de la commission Charbonneau. Vous dites, à la page 1 : «À notre avis, le législateur va bien au-delà de ce qui a été recommandé par la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction en matière disciplinaire.» Donc, selon votre évaluation, ce n'est pas une recommandation de la commission Charbonneau, mais le gouvernement décide d'aller de l'avant quand même. En latin, on appelle ça du «cherry picking». La nomination du commissaire de l'UPAC, c'est les deux tiers, ça, ils l'appliquent, mais, dans d'autres cas, ils ne l'appliquent pas, et de donner des pouvoirs additionnels à l'UPAC comme corps de police, ce n'est pas non plus dans le rapport de la commission Charbonneau, mais ils le font. Je parle à voix haute, là. Je réfléchis comme ça avec vous. Je voulais le noter, parce que vous le dites.

Vous dites : Ça va bien au-delà du rapport Charbonneau. Si c'est notre référence, bien, il faut le suivre au complet. On ne peut pas choisir. Alors, je l'ai noté et j'imagine que tout le monde l'a noté également.

Ceci étant dit, c'est clair qu'en matière de... je vais surtout m'attarder d'abord à la lutte à la corruption, que les juristes sont importants dans tout le processus : une fois qu'il y a de la preuve; pour défendre les accusés; pour donner des avis, etc. On a appris dans une cause, puis ça pourrait arriver dans d'autres... un phénomène que moi, je ne connaissais pas, comme non-juriste, qui est une requête Lavallee. Avez-vous une opinion sur ce que ça peut représenter en termes de délai dans des causes de lutte à la corruption? Est-ce que c'est quelque chose sur lequel vous avez réfléchi? C'est le cas de l'affaire Mâchurer. Il y a une requête Lavallee qui nous apparaît presque comme une mesure dilatoire, là, dans la lutte à la corruption.

Donc, avez-vous réfléchi à ça et à l'impact que ça peut avoir dans les efforts qu'on fait ici pour lutter contre la corruption?

• (16 h 20) •

Mme Fournier (Magali) : Je ne pense pas que le Barreau du Québec se soit penché sur cette question-là de façon spécifique. Je connais la requête Lavallee. Elle peut être faite rapidement; comme elle peut prendre des temps immémoriaux. Ça dépend du nombre de documents qui doivent être analysés. Mais c'est un processus qui est important, qui a été balisé par la Cour suprême. Donc, je comprends peut-être que parfois c'est soulevé de façon dilatoire, mais ce n'est pas un processus que, malheureusement, on peut mettre de côté facilement.

M. Bérubé : C'est un processus qui peut être court.

Mme Fournier (Magali) : Ça dépend du nombre de documents, parce qu'en fait le but de la requête Lavallee, c'est d'analyser chacun des documents pour voir s'il y a du secret professionnel dedans ou pas.

M. Bérubé : Relation privilégiée entre un client et son avocat.

Mme Fournier (Magali) : Oui.

M. Bérubé : Essentiellement. D'accord. Il y a la justice et il y a l'apparence de justice. Vous faites souvent référence à ça dans toutes sortes de présentations. J'ai beaucoup de plaisir à suivre vos travaux, des mémoires.

Vous êtes très prolifiques en matière d'avis, puis on en profite souvent. S'il n'y avait pas les juristes à l'Assemblée nationale, je peux vous dire une chose... D'ailleurs, on l'a vécue, il y a eu une grève de juristes de l'État, puis je peux vous dire qu'on s'ennuyait des juristes. Ça a permis de mesurer toute l'importance qu'ils ont pour l'État. Puis on a dit ça au gouvernement, d'ailleurs, à plusieurs reprises. Les juristes jouent un rôle très important pour la justice, l'apparence de justice, puis nous, on a cette volonté-là aussi que les citoyens québécois, les gens qui suivent nos travaux soient convaincus également de l'indépendance des institutions. Par exemple, vous prétextez que... vous dites, pas prétextez, mais vous dites, par exemple : Vous avez des institutions qui permettent de réguler le travail des avocats, puis que ça fonctionne bien. Vous dites ça. Nous, on pense, par exemple, que les institutions comme l'UPAC devraient avoir non seulement une indépendance, là, sur papier, mais totale dans l'apparence, quant à la nomination.

Avez-vous une opinion, par exemple, sur le fait que c'est le cas pour plein de personnes, le Commissaire au lobbyisme, nommé aux deux tiers de l'Assemblée nationale — j'ai vu le signal que vous avez fait, vous, là — le Vérificateur général, les deux tiers; le Commissaire à l'éthique, les deux tiers; Protecteur du citoyen, deux tiers; commissaire d'accès à l'information, deux tiers; mais, la lutte à la corruption, ah! ça, non? Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Fournier (Magali) : Je n'ai pas de commentaire.

M. Bérubé : Vous n'avez pas de commentaire. Vous avez un beau sourire, mais vous... O.K. Sur le DPCP, sur la nomination aux deux tiers de l'Assemblée nationale, est-ce que vous avez une opinion là-dessus?

Mme Fournier (Magali) : Non.

M. Bérubé : Non plus.

Mme Fournier (Magali) : Le mémoire portait vraiment sur...

M. Bérubé : Je le sais, je l'ai vu. Mais, vous savez, les questions appartiennent aux membres de la commission, et les réponses vous appartiennent. Alors, je vous questionne là-dessus. Préalablement à votre présence, est-ce que vous avez déjà eu des échanges avec la Direction des poursuites criminelles et pénales quant, je dirais, aux réserves que vous avez? Est-ce que vous avez de la correspondance, des échanges informels ou formels?

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Normalement, quand un projet de loi est déposé, on l'étudie, là, à l'interne, au Barreau. Les commentaires qu'on fait, là, on les réserve pour la commission parlementaire ou pour notre mémoire. On n'a pas de relation, là, privilégiée d'échange avec le DPCP. Et, vu que c'est un projet de loi qui a été déposé par le ministre de la Sécurité publique, on fait nos commentaires au ministre de la Sécurité publique et à la Commission des institutions dans le cadre de ce mandat ici.

M. Bérubé : D'accord. Et juste à des fins de curiosité : Quand, par exemple, vous établissez une position comme celle-là, juste pour votre fonctionnement, vous avez des comités par secteurs, j'imagine, par intérêts des membres du conseil d'administration?

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Oui. La plupart de nos mémoires ou de nos lettres, de nos prises de position publiques sont développés par nos comités consultatifs et votés, là, par le conseil d'administration. Dans ce cas-ci particulier, c'est une position qui a été développée à l'interne avec des consultations, notamment, au bureau du syndic, au Secrétariat de l'ordre.

M. Bérubé : Très bien. Sur notre temps... Je ne sais pas combien on a de temps encore. Quelques minutes. Est-ce qu'il y a quelque chose que vous vouliez ajouter ou une question qu'on ne vous a pas posée puis que vous aimeriez développer sur le temps qu'on a encore? Je vous offre cette tribune, là, question à préciser.

Mme Fournier (Magali) : Peut-être mentionner, puis c'est vraiment juste pour répondre, en fait, au premier commentaire que vous avez fait, que notre mémoire porte sur le fait que le projet de loi va au-delà de la recommandation, mais il y a une recommandation à la base de ce qui est recommandé dans le projet de loi.

M. Bérubé : Mais je retiens, et vous le dites et c'est écrit, que ça va au-delà... Et même c'est plus que ça, vous dites...

Mme Fournier (Magali) : En fait, on fait référence exactement à la recommandation qui se trouve à la page 1 de notre mémoire.

M. Bérubé : Je préciserai. «Va bien au-delà», c'est ce que vous avez écrit. Alors, c'est plus qu'au-delà, c'est bien au-delà... Les écrits restent, et on va les consulter. Donc, c'est le deuxième élément qui n'est pas en étroite corrélation avec le rapport Charbonneau depuis le début de la journée, alors on en tient note également. Je vous remercie beaucoup pour votre présentation.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci, M. le Président. Alors, merci d'être ici, Mme Fournier et M. Le Grand Alary. J'ai bien aimé votre mémoire. J'ai suivi ça avec attention. Je suis un peu curieux, et il m'est venu une question de base, là. On parle du DPCP, on parle des ordres professionnels. D'ailleurs, on a reçu un mémoire aussi qui vient de l'Ordre des comptables agréés, qui nous mentionnait à peu près la même affaire que le Barreau en ce qui concerne ce pouvoir octroyé au DPCP.

Et moi, je me pose une seule question. J'aimerais ça avoir une réponse, parce que je ne le vois pas dans le projet de loi. Mais, quand quelqu'un fait l'objet d'une plainte, cette plainte est faite par une personne contre laquelle il y a eu une infraction déontologique, d'habitude, parce qu'on ne fait pas de... Alors, je me pose la question : Qui s'occupe de la personne qui a fait la plainte?

Mme Fournier (Magali) : En fait, je pense que la problématique dans votre question, c'est qu'à la base il y a une demande d'enquête. Il n'y a pas une plainte, il y a une demande d'enquête. On utilise dans le langage populaire le mot «plainte», parce que, dans le fond, la personne qu'est le consommateur ou le... lui, il s'en va voir le syndic puis il dit : Moi, je veux porter plainte contre mon avocat. Mais ça, ce n'est pas considéré comme une plainte, c'est considéré comme une demande d'enquête. Donc, lui dépose sa demande d'enquête, et là le syndic, lui, prend ça et fait enquête. Et c'est le syndic qui décide si une plainte sera portée ou pas. Donc, personne ne s'occupe de la personne qui dépose la plainte, puisque c'est le syndic. Il est généralement capable de s'occuper tout seul de lui-même.

Le demandeur d'enquête, qui est la personne à la base, lui, il n'est pas épaulé dans le processus autrement que d'être tenu au courant par le syndic de s'il y aura une plainte de portée ou pas par le syndic.

M. Spénard : Oui. Je comprends. Et là le DPCP arrive. Et, selon l'article 24, là, je pense, il arrive puis il peut effacer tout ça, mais la personne, elle, là-dedans, là, elle fait quoi, là? Elle va se demander quoi, la personne, là, tu sais? C'est bien beau, là, tout est effacé, on n'enquête plus, on ne fait plus rien, puis il n'y a personne qui est au courant de rien, puis la personne est là puis elle dit : Moi, là, je me suis fait flouer. Si c'est par, je ne sais pas, moi, un comptable, elle s'est fait flouer des milliers de dollars, si c'est par une malreprésentation d'un avocat ou, je ne le sais pas... mais qui c'est qui s'occupe de la personne, là, du public comme tel, là? Qui c'est qui le protège maintenant, là?

Mme Fournier (Magali) : C'est une des raisons pour lesquelles, un, on demande que le... pas le processus, mais la décision du DPCP puisse être rendue publique, parce qu'actuellement il n'y a rien qui est prévu à cet égard-là. Et, si on ne pouvait pas dire au demandeur d'enquête : Bien, votre plainte, que nous avons portée pour vous, suite à notre enquête que vous nous avez demandé de faire... Si on ne peut pas lui dire, à cette personne-là : Bien, on a retiré... ou on ne procédera pas à l'audience, parce que le DPCP a décidé de mettre un terme à l'audience, bien, ce demandeur d'enquête là va se poser des questions éternellement. Il va se demander, de façon éternelle : Mais qu'est-ce qui se passe avec mon dossier?

Il faut qu'on puisse lui dire que le DPCP a mis un terme au processus. Si on dit ça... puis c'est clair qu'il faut qu'on puisse le dire, mais, si on dit ça, bien là le demandeur d'enquête, lui, se posera la question : Mais pourquoi le DPCP a fait ça? Puis ce sera au DPCP, à ce moment-là, de s'occuper de ça. Nous, c'est ce qu'on vous soumet, là, c'est que c'est le DPCP qui devra répondre à ces questions-là et non pas le Barreau. Le Barreau ne le saura pas.

• (16 h 30) •

M. Spénard : Le Barreau ou quel que soit l'ordre professionnel en question.

Mme Fournier (Magali) : Oui, exactement.

M. Spénard : O.K. Je comprends. Vous avez expliqué tantôt... puis je m'étais pris une petite note sur l'intérêt de la justice et l'intérêt supérieur de la justice et je vous ai mal saisi, là. En tout cas, ce n'est pas clair pour moi, là. L'intérêt supérieur de la justice par rapport à l'intérêt de la justice. Brièvement, dites-moi donc la différence, là.

Mme Fournier (Magali) : En gros, «l'intérêt de la justice», je dirais que c'est cité peut-être plus régulièrement que «l'intérêt supérieur de la justice». «L'intérêt de la justice», on va l'utiliser régulièrement pour, par exemple, faire en sorte que le processus soit mieux fait, et là je parle de processus judiciaire. Donc, les procédures et des choses comme ça, c'est... souvent, on va utiliser «le fardeau» ou le critère de «l'intérêt de la justice» : Est-ce que c'est dans l'intérêt de la justice de faire ça ou pas?

Nous, on propose «l'intérêt supérieur de la justice» pour deux raisons : d'abord, parce qu'on pense que ça rehausse le standard — il ne faut pas juste parler de l'intérêt de la justice, il faut parler de l'intérêt supérieur de la justice — et parce qu'aussi ça harmonise... avec les lois qui sont mentionnées au mémoire, là, qui sont le Code de déontologie de la magistrature, le Code de déontologie des juges municipaux, le Tribunal administratif et les avocats. Donc, ce sont les deux raisons pour lesquelles on propose «l'intérêt supérieur de la justice».

M. Spénard : O.K. Merci. Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Me Magali Fournier, Me Nicolas Le Grand Alary, représentant le Barreau du Québec, merci d'être venus déposer devant la commission.

Je suspends quelques minutes. Je demanderais au Directeur des poursuites criminelles et pénales, qui est très attendu, de bien vouloir s'avancer.

(Suspension de la séance à 16 h 32)

(Reprise à 16 h 36)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant le Directeur des poursuites criminelles et pénales, représenté par Me Patrick Michel, qui est procureur en chef du Bureau du service juridique, accompagné de Me Benoit Lauzon. Vous connaissez les us et coutumes de la commission, Me Michel : 10 minutes pour votre présentation, et après il y aura un échange avec M. le ministre et les porte-parole des deux oppositions. Et on vous posera sûrement la question de votre report de venir en commission. Et je vous laisse la parole.

Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP)

M. Michel (Patrick) : Merci, M. le Président, pour votre introduction. Alors, vous l'avez dit, je me présente, Patrick Michel, je suis procureur en chef du Bureau du service juridique du DPCP, procureur aux poursuites criminelles depuis 17 ans maintenant. Je suis accompagné de mon collègue Benoit Lauzon, procureur en chef adjoint au même bureau. Me Lauzon est expert, disons, dans les questions relatives au traitement des collaborateurs de justice, questions juridiques relatives aux collaborateurs de justice et il coordonne aussi le traitement, chez nous, au DPCP, des dossiers qui nous viennent du Bureau des enquêtes indépendantes. Le Bureau du service juridique a principalement pour mandat d'offrir du conseil juridique à l'ensemble de l'institution du Directeur des poursuites criminelles et pénales.

On vous a distribué, je crois bien, notre mémoire. L'objet de notre mémoire et de notre présentation portera, en fait, essentiellement sur une disposition du projet de loi qui est l'article 38, qui est la seule disposition qui, je dirais, interpelle, disons, directement le DPCP dans l'ensemble du projet de loi. Vous constaterez que notre mémoire est quand même assez, en fait, volumineux. Je n'ai pas l'intention, je vous en rassure — de toute façon, je n'aurais pas le temps en 10 minutes — de vous en faire toute la lecture. Nous allons en faire ressortir, disons, les quatre points qui nous apparaissent les plus, bien, importants, pertinents, les plus saillants.

Essentiellement, nous allons aborder la question du pouvoir que nous avons déjà actuellement d'attribuer des immunités de poursuite en matière criminelle, l'encadrement actuel de ce pouvoir-là, la nouvelle réalité à laquelle nous sommes confrontés dans le processus de recrutement des témoins collaborateurs dans le domaine de la corruption, fraude, collusion et l'encadrement que nous attendons... ou les modifications que nous entendons apporter à l'encadrement actuel, sans présumer de l'adoption du projet de loi par les parlementaires... Advenant qu'il soit adopté, nous sommes conscients que nous aurons des modifications à apporter à nos pratiques et nous vous en ferons part brièvement. Voilà.

Et, il faut comprendre, justement, au niveau du premier point, le pouvoir dont nous disposons déjà d'accorder des immunités, ça n'a rien à voir avec les pouvoirs qui nous sont dévolus... ou qui nous seraient dévolus par l'article 24.1 de la loi. Je vous parle vraiment précisément d'un pouvoir qu'on a déjà, comme poursuivant public. De par la tradition, de par la jurisprudence, de par les fonctions inhérentes et pouvoirs inhérents en matière de poursuite qui sont dévolus au poursuivant public, nous avons le pouvoir d'accorder des immunités de poursuite en matière criminelle et pénale. Ce pouvoir-là a été intimement lié à notre pouvoir discrétionnaire fondamental de décider si on porte ou non des accusations et de décider, lorsque des accusations sont portées, s'il serait dans l'intérêt public de les arrêter. La particularité de l'immunité, c'est que ça se fait par une forme d'engagement. Alors, on s'engage, à l'avance, auprès d'un témoin, en échange de sa collaboration avec le système de justice criminelle, à ne pas engager de poursuites ou à les arrêter advenant que ces poursuites seraient déjà engagées.

• (16 h 40) •

Ce pouvoir, je vous disais, il origine, donc, de la tradition de la jurisprudence, donc, il n'est pas prévu nulle part au Code criminel. Son utilisation n'est pas encadrée par la loi, comme la plupart, d'ailleurs, des pouvoirs discrétionnaires du poursuivant public, même celui de déposer des accusations. Évidemment, le Code criminel va prescrire les éléments constitutifs d'une infraction. Mais, quand on vient à l'appréciation de l'opportunité, dans l'intérêt public, de déposer ou non des accusations, il n'y a pas de critères, en principe, qui sont fixés par le Code criminel. On a développé pour pratiquement tous les pouvoirs discrétionnaires que nous exerçons un encadrement par le biais de directives. Ces directives-là sont publiques et elles déterminent un ensemble de facteurs dont il faut tenir compte, dans la recherche de l'intérêt public, pour l'exercice de chacun de nos pouvoirs discrétionnaires.

Ce pouvoir d'accorder des immunités et toute autre forme d'avantage en échange de la collaboration d'un témoin, et ce serait mon deuxième point, il est encadré actuellement par, donc, une directive qui est la directive COL-1, que vous trouverez reproduite en annexe 4, je crois, de notre mémoire. Cette directive-là, outre un processus qui est prévu, qu'on décrit quand même de façon assez détaillée dans notre mémoire, le plus important ou l'essentiel, je crois, se retrouve au paragraphe 4 de cette directive, qui énumère de façon non exhaustive l'ensemble des facteurs dont le DPCP doit tenir compte dans l'appréciation de l'intérêt public avant d'accorder tout avantage à un témoin en échange de sa collaboration, en échange de son témoignage, incluant une immunité. Je ne les passerai pas tous en revue, mais, essentiellement, je vous dirais que l'exercice consiste à apprécier la gravité de l'infraction pour laquelle on envisage accorder une immunité par rapport à la gravité de l'infraction que nous allons pouvoir dénoncer, poursuivre et prouver, d'une part, et, d'autre part, nous allons apprécier l'importance de la preuve que peut nous amener ce témoin par rapport à l'ensemble de notre preuve. Nous allons apprécier l'importance de cette preuve-là pour convaincre le tribunal ou le jury que nous avons une preuve hors de tout doute raisonnable.

Alors, c'est essentiellement l'encadrement actuel. Et, comme je vous disais, tout ça... bien, en fait, ces facteurs-là sont tous appréciés les uns par rapport aux autres, ce n'est pas exhaustif, et c'est toujours dans la recherche, au bout du compte, de l'appréciation de l'intérêt public. Il y a un encadrement, aussi, pratique, là, qui est inhérent, je vous dirais, au déroulement d'un procès criminel, ce qu'éventuellement... évidemment, pardon, la crédibilité de tout témoin qui a reçu préalablement un avantage en échange de son témoignage peut être contestée, remise en question devant le tribunal. Alors, ça, ça impose de façon intrinsèque, quand même, de façon inhérente, une limite aux avantages qu'on peut octroyer, parce que, si on accorde un avantage qui peut paraître disproportionné par rapport à l'infraction dénoncée ou par rapport à la valeur et à l'importance du témoignage que ce témoin-là amène à notre dossier, ça risque d'affecter sa crédibilité. Et l'effet qu'on recherche... eh bien, on passe évidemment à côté de l'effet recherché par l'octroi de l'avantage.

Le troisième point que nous souhaitions aborder, en fait, c'est essentiellement cette nouvelle réalité qui a été décrite par la commission Charbonneau, qui a été décrite sûrement par d'autres témoins, les témoins policiers, cette nouvelle réalité du processus de recrutement des témoins qui ont un passé, disons, professionnel de col blanc dans ce type de criminalité qu'on appelle la collusion ou la corruption, la malversation. C'est un enjeu qui est nouveau pour nous par rapport aux collaborateurs, disons, plus traditionnels, qui sont issus de milieux, de groupes criminels, de groupes criminels organisés et qui viennent à un moment offrir leur collaboration. Mais, au moment où ils offrent leur collaboration... Ils avaient antérieurement un mode de vie essentiellement criminel. Alors, leurs préoccupations, là, au moment où on s'entend avec eux sur leurs avantages, seront de la nature de : Est-ce que j'ai besoin de plaider coupable à une infraction? Le cas échéant, à quelle peine de prison je m'expose? Quelles seront mes conditions de sécurité en détention? Pendant que je vais la purger, est-ce que vous accordez de la sécurité à ma famille? Et est-ce que je peux avoir une compensation financière qui me permettra, dans le processus de réhabilitation, de faire une transition entre le mode de vie criminel et un mode de vie, disons, légitime ou un emploi légitime, éventuellement?

Les préoccupations évoquées dans le processus de recrutement des témoins collaborateurs dits de cols blancs sont d'un tout autre ordre. Ce ne sont pas des personnes qui nous arrivent avec généralement un passé criminel très important. Ils ont souvent eu une carrière professionnelle où ils ont exercé de façon tout à fait légitime, et parfois, bien, il y a une erreur de parcours qui peut être grave, qui peut être importante mais qui demeure quand même une erreur de parcours par rapport à toute la vie professionnelle du témoin. Donc, c'est une première distinction importante. Et ce témoin collaborateur là, alors, il va se préoccuper, outre de plaider coupable à une infraction et outre d'aller ou non en prison, il va se préoccuper, évidemment, de toutes les conséquences collatérales de sa collaboration, que ce soit auprès d'un ordre professionnel, que ce soit au niveau fiscal, que ce soit en matière civile, particulièrement dans le contexte où éventuellement les dispositions du... c'était le projet de loi n° 26 ou n° 62 ou un qui était l'autre puis qui est devenu l'autre, là, la loi sur le recouvrement des sommes fraudées à l'État dans le cadre du processus d'octroi des contrats publics, qui va faciliter, par certaines présomptions, vous savez, les recours civils contre les personnes qui ont été impliquées dans un processus frauduleux de cette nature-là. Alors, évidemment, ils vont avoir ce type de préoccupations qui sont tout autres.

Et, bien évidemment, vous aurez compris qu'il n'est pas actuellement à la portée du DPCP d'accorder des immunités ou des avantages en rapport, donc, avec d'éventuelles poursuites des syndics d'ordre professionnel, des poursuites civiles ou des poursuites de nature fiscale.

Et, pour conclure, je crois, M. le Président... alors, j'aurai sûrement l'occasion d'y revenir, mais nous allons adapter notre directive COL-1 pour tenir compte de cette nouvelle réalité si on nous accorde le pouvoir... Notamment, un des facteurs, ce sera de s'assurer, auprès du témoin collaborateur, s'il est en mesure de dénoncer, par exemple, d'autres professionnels devant son ordre professionnel ou s'il est en mesure d'offrir son témoignage en collaboration à une éventuelle poursuite civile. C'est un des facteurs qu'on va considérer. Alors, on va s'assurer qu'il ne veut pas juste témoigner avec... c'est-à-dire, collaborer avec la justice criminelle pour s'en sortir, mais qu'il veut témoigner... qu'il veut collaborer, c'est-à-dire, avec la justice dans son ensemble. Alors, sur ce, je suis disponible pour vos questions. Merci.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Me Michel. M. le ministre.

M. Coiteux : Merci, Me Michel, Me Lauzon. Ma question... puis vous pouvez développer, là, je vais vous laisser développer, mais ma question, elle va être... Je pense que vous êtes arrivés un peu avant, donc, vous avez entendu la présentation...

M. Michel (Patrick) : Nous étions avant... mais nous n'avons pas entendu la présentation du Barreau.

M. Coiteux : Mais vous avez quand même une bonne idée de quelle était cette présentation.

M. Michel (Patrick) : J'imagine que oui.

M. Coiteux : Oui. Alors, ma question va être la suivante... puis je vous laisse développer, puis on pourra continuer à échanger. Les représentants du Barreau nous ont soulevé des craintes quant à la manière d'envisager cette capacité de donner des immunités qui ne sont pas de nature criminelle et ils ont fait une série de recommandations pour baliser ça davantage et, notamment, ils insistent sur l'importance de consulter, notamment, le syndic d'un ordre professionnel qui serait concerné, parce qu'il pourrait devenir une action du DPCP qui mettrait un terme à une procédure. Ils ont insisté pour baliser par des critères très précis ce dont le DPCP devrait tenir compte avant de prendre une telle décision et ils ont voulu monter la barre un peu plus sur l'utilisation de ce pouvoir-là en parlant d'«intérêt supérieur de la justice» plutôt qu'«intérêt de la justice». Alors, moi, c'est ce que j'ai retenu, en particulier, de leur présentation.

Alors, je vous donnerais l'occasion de nous expliquer ici : Est-ce que vous trouvez raisonnable le type de recommandation qu'ils nous ont fait? Est-ce que vous y voyez des enjeux qui rendraient plus difficile et moins utile, finalement, le pouvoir d'immunité qui vous serait conféré? Puis enfin qu'est-ce que vous en dites et qu'est-ce que vous avez à nous suggérer?

Le Président (M. Ouellette) : Me Michel.

• (16 h 50) •

M. Michel (Patrick) : Oui. Merci, M. le Président. Je vous remercie.

Bon. D'abord, j'aborderais peut-être le premier point, qui est celui du critère de l'intérêt. Actuellement, le projet de loi prévoit «l'intérêt de la justice». Je crois que, les recommandations de la commission Charbonneau, c'était «l'intérêt général». On parle, là, de «l'intérêt supérieur de la justice».

Pour nous, ces concepts-là, je vous dirais qu'ils sont tous un peu subsumés ou inclus dans le critère ou le facteur de l'intérêt public, qui, comme je vous disais... c'est la recherche de l'intérêt public qui commande l'ensemble de nos actions... ou, en fait, l'exercice de l'ensemble de nos pouvoirs discrétionnaires.

Alors, qu'on le libelle de la façon que le Barreau le suggérait, je ne vois pas en quoi ça restreindrait notre faculté d'action. Je vous dirais que, d'un point de vue peut-être un peu plus théorique ou scolaire, c'est davantage dans notre jargon de poursuivant public de parler d'intérêt public. Par exemple, notre directive ACC-3, qui est notre directive vraiment cadre, là, qui détermine dans quelle situation on porte des accusations tant sur le plan de la suffisance de la preuve que sur le plan de l'appréciation de l'opportunité... on parle de l'appréciation de l'opportunité de déposer des accusations dans l'intérêt public. Alors, on pourrait bien vivre avec la proposition du Barreau ou avec ce changement-là qu'on pourrait intégrer.

Pour ce qui est du volet de la consultation préalable à l'octroi d'un avantage ou à l'arrêt d'une poursuite, d'une plainte disciplinaire, il y a à la fois des enjeux, je vous dirais, opérationnels à ça, il y a des enjeux même d'équité, j'y reviendrai, d'équité envers le témoin, mais il y a principalement des empêchements juridiques qu'on y voit. Je pourrai là-dessus passer la parole à mon collègue si M. le président me le permet. Mais il y a quelque chose qu'il faut comprendre dans la réalité du processus de recrutement des témoins, c'est que souvent les faits que vont nous rapporter ces gens-là, l'implication dans des activités criminelles qu'ils vont nous donner, qu'ils vont nous décrire, ce ne sera souvent pas des faits qui sont déjà connus, O.K., de leurs ordres professionnels ou pour lesquels ils font l'objet d'une plainte disciplinaire. Alors, c'est évident qu'en venant nous voir et en offrant leur collaboration avec la justice criminelle c'est leur collaboration, avec la justice criminelle, dans la recherche de la punition d'un crime parmi les crimes les plus graves, qui sont ceux du Code criminel... qu'il offre sa collaboration. Et cette collaboration-là va l'exposer à des... parlons du syndic, là, puisque c'est les commentaires du Barreau, va l'exposer à des problèmes avec son syndic, à des plaintes de son syndic.

Et il y a d'autres considérations, là, je vous disais, des considérations de nature juridique ou des empêchements de nature juridique que mon collègue pourra vous expliquer mais qui font en sorte, en fait, que l'entente de collaboration conclue avec le témoin, elle ne peut pas être rendue publique avant la fin de l'enquête, avant le dépôt des accusations. Évidemment, en consultant le syndic, on nous dira : Oui, mais on ne rend pas ça public, sauf qu'il y a des privilèges, des règles de confidentialité qui s'appliquent à nous mais qui ne lient pas le syndic. Non seulement elles ne lient pas le syndic, mais elles nous empêchent, nous, le DPCP, de communiquer de l'information qui pourrait compromettre une enquête en cours ou qui pourrait identifier un informateur. Et là-dessus je céderais la parole à Me Lauzon, avec la permission de M. le président.

Le Président (M. Merlini) : Oui. Allez-y, Me Lauzon.

M. Lauzon (Benoit) : Merci. Alors, effectivement, donc, pour renchérir, il y a, à tout le moins, trois règles de confidentialité qui pourraient être en jeu si on envisageait de faire une consultation préalable à une entente de collaboration.

Le principe qui, je pense, est le plus important, c'est le privilège, comme l'a souligné mon collège, relatif à l'indicateur de police. C'est un privilège qui est de nature quasi absolue en droit criminel. Il est absolu, hein, il se pose en droit civil, en droit disciplinaire, en droit déontologique, il n'y a aucune exception, c'est-à-dire tout renseignement susceptible d'identifier un indicateur de police doit être tenu secret. La seule exception est dans une instance criminelle, et c'est lorsque l'accusé estime qu'il a besoin de ce renseignement-là pour établir son innocence, et pas simplement pour améliorer sa défense, pour satisfaire sa curiosité de : Qui m'a dénoncé? Non, non, il faut véritablement que ça soit absolument essentiel pour pouvoir soulever un doute, parce qu'évidemment, même s'il est très, très, très important, le privilège d'un informateur, à l'intérêt public et à l'application des lois criminelles, parce que, sans l'aide d'informateurs, peut-être qu'il y a plusieurs crimes qui ne seraient pas connus, bien, évidemment, la société trouve encore pire le fait de condamner un innocent. Donc, il n'y a qu'une seule exception très, très mince.

Une fois qu'on a fait ce petit laïus en droit, quand on parle d'un recrutement d'un témoin collaborateur, dans les faits concrets, c'est ou bien la police qui va l'approcher ou bien ce témoin-là qui viendra se manifester. Mais là cette première journée-là : Oui, bonjour, vous êtes qui? Ah bon! Vous voulez nous donner de l'information. Merci, c'est intéressant. On va commencer à documenter un dossier de façon à voir si, en vertu des différents critères, l'importance de la preuve, la gravité, l'ensemble des informations qu'ils peuvent nous donner, l'impossibilité de les découvrir autrement... et on devra faire une analyse et un exercice durant, je dirais, cette analyse de cette candidature de témoin collaborateur. Or, en droit, et c'est notre prétention, dans ces discussions-là, le statut... et ça, vous retrouverez ça dans notre mémoire, là, mais le statut de cette personne-là en est un d'indicateur de police. Au moment de l'entente, son statut, là, il basculera. On le verra, l'entente sera rendue publique, elle devra être divulguée à la défense, là, dans le cours du procès. Mais, avant ce stade-là, c'est le privilège absolu de l'indicateur de police et qu'il n'y a absolument aucune exception possible à cette étape-là.

Donc, nous, notre compréhension, c'est que la consultation préalable ferait en sorte qu'on violerait ce privilège, car seuls la police, les procureurs concernés... ce n'est pas des informations qui sont diffusées beaucoup, seuls la police, les procureurs concernés et, le cas échéant, un juge qui aurait à trancher sur une question relative à ce statut de privilège là pourraient être informés. Même l'avocat de la défense n'a pas absolument droit, en aucune circonstance, sauf cette très, très, très mince limite qu'est l'exception de l'innocence en matière criminelle... n'aurait pas le droit de l'avoir. Alors, c'est ce qui nous fait penser a fortiori — pardonnez-moi l'expression — qu'effectivement nous serions dans l'illégalité si nous devions transmettre quelque renseignement aux ordres professionnels qui serait susceptible, donc, de permettre l'identification de cet informateur. Alors, ça, c'est vraiment le privilège, selon nous, le plus important. Je rajouterai aussi que c'est un privilège fédéral. Notre prétention, c'est qu'une loi provinciale ne pourrait pas venir modifier ce privilège-là. C'est la prétention du DPCP.

Donc, c'est en cours d'enquête normalement qu'on peut aller recruter un collaborateur, mais il peut y avoir un autre cas de figure où c'est un agent civil d'infiltration, c'est-à-dire un informateur actif, si on veut, pour la police. Et ça, dans ce temps-là, on l'envoie, si on veut, sur le terrain commettre certains crimes de façon très, très, très encadrée et balisée par une entente intervenue avec lui en vertu des pouvoirs qui sont donnés dans le Code criminel, aux articles 25.1 et suivants, aux autorités de la Sûreté du Québec, etc. Alors, lui — c'est un autre privilège qui intervient — c'est qu'évidemment, puisqu'on va le mettre sur le terrain, il devra un jour témoigner. Son identité, un jour, sera révélée. Ça, c'est sûr. Cependant, pendant qu'il est sur le terrain... Et donc, au moment où on signe l'entente, nous, on a une obligation absolue de protéger sa sécurité, enfin, les forces policières, l'État. Alors, pour nous, ce serait un accroc très, très dangereux et possiblement dommageable que de commencer à disséminer les informations concernant son identité.

Et finalement, je termine là-dessus, il y a un dernier privilège qui est quand même peut-être plus relatif mais qui va chatouiller, j'en suis sûr, quiconque pourrait être devant celui-ci, c'est-à-dire qu'il y a un privilège relatif aux enquêtes en cours, hein? Les policiers, les procureurs... le moins de personnes sont au courant d'une enquête en cours, le plus de chances cette enquête-là a des chances d'aboutir, et le moins de chances, évidemment, elle a d'être éventée et donc de permettre aux gens soit de détruire de la preuve ou encore de se soustraire à l'administration de la justice.

Alors, en substance, c'est un peu le portrait que je désirais faire concernant cette question.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Me Lauzon. M. le ministre.

• (17 heures) •

M. Coiteux : Bon. Avec toutes les nuances qu'impose le fait que je ne sois pas un avocat, là, j'ai compris en bonne partie le premier cas de figure et le troisième cas de figure. C'est le deuxième qui m'apparaît un petit peu plus... J'ai besoin de plus d'explications sur le deuxième, parce que vous recrutez un... bien, il faut que la police recrute un... vous avez dit «un agent infiltrateur» qui va effectivement commettre un certain nombre de gestes.

Mais est-ce qu'on parle de commettre un certain nombre d'infractions de nature criminelle, auquel cas les pouvoirs dont vous disposez actuellement vont permettre de bien encadrer cela, ou on parle d'offenses pouvant donner lieu, par exemple, à une demande d'enquête auprès du syndic d'un ordre professionnel? Parce que, normalement, quand on prend un agent infiltrateur, on l'envoie plutôt commettre des gestes de nature criminelle, à moins que je ne me trompe, là.

Le Président (M. Merlini) : Me Lauzon.

M. Lauzon (Benoit) : Merci, M. le Président. Une même série de gestes peut évidemment engager une différente série de responsabilités. Alors, c'est évident que, par exemple, le comptable à qui la police demanderait d'aller faire des faux documents, hein, dans la poursuite d'un système beaucoup plus large qu'elle est en train d'enquêter, bien, ce comptable-là pourrait faire une infraction criminelle de faux document, et autres, là. Évidemment, il pourrait causer des dommages, ce faisant, à un organisme quelconque qui est en train d'être fraudé et engager sa responsabilité civile.

Évidemment, sur le plan, bien, disciplinaire, mettons, s'il travaillait à l'intérieur d'une compagnie qui a un code de discipline, bien, il pourrait évidemment y faire face, et, déontologiquement, tous ces mêmes gestes là pourraient... Avec le seul geste de continuer à participer à un «scheme» — pardonnez-moi l'expression — criminel, eh bien, il pourrait engager facilement ces quatre niveaux-là en plus de devoir probablement, puisqu'il aura vraisemblablement fait des profits, s'exposer à des cotisations fiscales, ce qui fait en sorte que, bon, voilà, c'est l'ensemble de l'oeuvre.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Me Lauzon. Ça met un terme à ce temps d'échange avec le ministre. Vous avez terminé, vous avez rempli vos obligations temporelles. Maintenant, c'est au tour de l'opposition officielle, M. le député de Matane-Matapédia, et votre bloc d'échange.

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Michel, M. Lauzon. J'imagine que vous avez été attentifs à la présentation précédente du Barreau du Québec, qui interpelle la Direction des poursuites criminelles et pénales.

D'entrée de jeu, je pose la même question à l'ensemble des groupes qui sont concernés : Qu'est-ce qui faisait en sorte que la Direction des poursuites criminelles et pénales hésitait à venir à la commission? Et qu'est-ce qui a fait en sorte que vous avez changé d'idée?

Le Président (M. Merlini) : Me Michel.

M. Michel (Patrick) : Merci, M. le Président. Alors, voici. Essentiellement, je vous dirais que, de prime abord, lorsque nous avons accepté de comparaître en personne, nous avions compris que nous n'avions pas le choix d'accepter, que c'était obligatoire.

À l'analyse, disons, et à la préparation des commentaires que nous allions faire, d'abord, évidemment, il y a une seule disposition du projet de loi qui nous interpelle et sur laquelle on a développé l'intention de faire des commentaires, qui soulève des questions plutôt, comme vous pouvez le voir, techniques et juridiques qui peuvent être assez complexes. Alors, il nous est apparu assez rapidement qu'on allait procéder à la rédaction d'un mémoire. Et nous avons, à ce moment-là, recontacté le secrétariat de la commission pour voir s'il était possible de déposer un mémoire, même si on ne comparaissait pas, ou si on était absolument obligés de comparaître. On nous a expliqué qu'on pouvait déposer un mémoire sans comparaître. On nous a même dit que, ce mémoire-là, on pourrait le transmettre d'ici la fin des travaux de la commission, la fin de la consultation particulière, ce qui nous aurait donné jusqu'au 24 octobre. Alors, c'est ce qu'on a décidé de faire.

Maintenant, devant l'intérêt manifesté par les membres de la commission à entendre le DPCP, nous nous sommes ravisés sans attendre de recevoir une correspondance et nous avons activé sur la production du mémoire, ce qui peut peut-être expliquer que quelques coquilles çà et là nous aient échappé. Alors, voilà.

M. Bérubé : Bien, ce qui est important pour nous, c'est votre présence physique pour pouvoir échanger. Mais, juste pour corriger, ce n'est pas la commission qui s'est prononcée, c'est uniquement le Parti québécois qui a demandé à la Direction des poursuites criminelles et pénales, au Bureau des enquêtes indépendantes, à l'UPAC et la Sûreté du Québec de venir. Puis vous avez tous dit oui à notre appel, alors on en était très heureux. Mais ce n'est pas la commission, c'est uniquement le Parti québécois.

Alors, merci d'avoir répondu à cet appel même avant d'avoir la lettre du président, qui ne pouvait pas présager qu'il allait y avoir une majorité de membres de la commission. Mais c'est uniquement sur cette base-là. Alors, je voulais le préciser. Donc, peut-être vous dites : Avoir su, on ne l'aurait pas fait. Mais vous l'avez fait, puis on s'en réjouit.

Le Président (M. Merlini) : Oui, suite à la lettre que le président de la commission a envoyée.

M. Bérubé : Avant la lettre, avant la lettre. Plusieurs groupes ont décidé de venir avant même d'avoir la lettre, qui a été envoyée à 15 h 45 le lundi, pour être factuel, M. le Président. Donc, l'important, c'est qu'on soit là ensemble puis qu'on échange ensemble.

La Direction des poursuites criminelles et pénales, c'est évidemment un joueur extrêmement important lorsque... Je vais vous parler beaucoup de l'UPAC, pas uniquement de votre mémoire, puis je vais vous parler du Barreau également, comme je me suis engagé à le faire. La Direction des poursuites criminelles et pénales, elle reçoit la preuve et décide d'aller de l'avant ou pas, alors c'est vraiment une très grande responsabilité, puis il faut être sûr, hors de tout doute, et c'est ça que... parfois, c'est difficile à comprendre pour des observateurs. Vous devez être sûrs de votre coup pour aller de l'avant. Et ça crée parfois des frictions. Alors, je suis obligé de vous poser la question. Ça a fait l'objet d'un texte dans La Presse, de Philippe Teisceira-Lessard — ça date de 2015 — les frictions avec l'UPAC sur... Le texte s'appelle L'ex-patronne des procureurs anticorruption démissionne. C'était Me Isabelle Briand à l'époque. On disait qu'il y avait des problèmes avec l'UPAC, il y avait de l'impatience à l'UPAC.

Je suis parfois très dur avec l'UPAC quant à mes questions, mais je veux être juste, alors je veux poser la question au DPCP : Pouvez-vous me donner une appréciation de votre collaboration actuelle avec l'UPAC quant aux enquêtes puis aux processus, ce qu'on vous livre aussi comme qualité de preuve? Parce que vous pouvez décider de dire : Ce que vous nous fournissez ne permet pas d'aller de l'avant, et, nous, notre rôle, c'est d'avoir vraiment une preuve la plus complète possible. Donc, l'état de vos relations avec l'UPAC. C'est une question qui est très subjective, évidemment, mais ça vous appartient, la réponse.

Le Président (M. Ouellette) : Me Michel.

M. Michel (Patrick) : Oui. Merci, M. le Président. Alors, je vais tenter de répondre. Je dois seulement préciser que le bureau, chez nous, donc le Bureau du service juridique, nous ne sommes pas le bureau, au sein du DPCP, qui traitons les dossiers de l'UPAC, qui traitons avec l'UPAC.

Par ailleurs, ce que je sais, ce que j'entends, pour répondre à votre question, c'est que la collaboration, elle est très bonne entre les procureurs du DPCP et l'UPAC. Depuis cette époque... et là j'ai de la difficulté à me replacer dans le temps avec la...

M. Bérubé : Quand Me Isabelle Briand a démissionné, on est plusieurs à avoir eu des inquiétudes sur la conduite finale de certaines enquêtes... d'autres personnes qui ont claqué la porte également, qui ont eu des réflexions. Nous, on a craint... à l'époque, moi, j'étais un de ceux-là, puis, dans la communauté juridique, plusieurs personnes avec qui j'ai échangé... que ça ralentisse des enquêtes, parce qu'il y avait des personnalités qui avaient un rôle important à jouer. Parfois, bon, les gens ont le droit d'aller dans le privé, mais c'était à recommencer parfois. En tout cas, il y a eu manifestement des sources de l'UPAC qui se sont adressées au journal La Presse puis qui ont indiqué qu'il y avait des aspérités dans la relation avec le DPCP.

Je n'ai jamais eu l'occasion vraiment de poser la question, parce que vous relevez de la Justice et c'est ma collègue députée de Joliette qui peut poser ces questions-là, mais je tenais à vous poser la question, parce qu'on va se pencher sur l'idée d'avoir un nouveau corps de police. Je veux connaître comment ça se passe avec les partenaires, avant d'aborder ces questions-là, comment ça se passe présentement.

Le Président (M. Ouellette) : Me Michel.

M. Michel (Patrick) : Oui. Merci, M. le Président. Évidemment, je ne peux pas revenir, parce que je ne maîtrise pas tous les faits... je ne connais pas les raisons qui ont pu amener les procureurs que vous nommez à quitter le DPCP. Je peux seulement vous dire que depuis le DPCP a vécu une grande restructuration, une grande réorganisation du travail. Nous avons recruté, je crois, en expérience au Bureau de la grande criminalité. La procureure en chef qui est à la tête de ce bureau-là est une de mes collègues les plus expérimentées autour de la table des procureurs en chef.

Une voix : ...

M. Michel (Patrick) : Me Grandchamp. Tout à fait.

Alors, moi, ce qu'on m'a dit, c'est que la collaboration est très bonne. Maintenant, et, si vous me permettez, sans embarquer dans le contexte précis de l'insatisfaction...

M. Bérubé : ...de façon générale, vous êtes satisfait.

M. Michel (Patrick) : Oui, tout à fait.

M. Bérubé : Parfait. Je veux vous poser une question que le Barreau ne peut pas vous poser, pour que vous puissiez y répondre. Ils disent dans leur mémoire : «Le nouveau pouvoir octroyé au DPCP par le projet de loi interfère avec le rôle du syndic et du conseil de discipline au niveau du processus de sanction à l'égard des professionnels ayant commis des infractions déontologiques. En retirant une plainte déposée devant un conseil de discipline, le DPCP s'immisce dans les fonctions mêmes d'un ordre professionnel et risque de compromettre la mission première des ordres, de protéger l'intérêt public.»

Quelle est votre réaction à cette partie du mémoire du Barreau du Québec?

• (17 h 10) •

Une voix : ...

M. Michel (Patrick) : Oui. Merci. Donc, je n'ai pas eu le bénéfice d'assister à la présentation du Barreau, parce que j'étais ici, en arrière, dans l'antichambre, mais je comprends leur préoccupation.

Mais, la préoccupation, de la façon qu'ils l'expriment, c'est qu'ils tiennent pour acquis, dans le cas de figure qu'ils amènent... ils tiennent pour acquis que le témoin collaborateur envers lequel on s'engage à arrêter les procédures disciplinaires fait l'objet déjà de procédures disciplinaires au moment où il va venir nous offrir sa collaboration. Ça pourrait être le cas. Mais, comme je vous disais, les cas de figure auxquels l'expérience nous amène à penser davantage en pratique, c'est que le témoin va nous révéler des faits qui ne sont pas connus du syndic, et, s'il faut nous... Je reviens peut-être avec la question, parce que, pour eux, j'imagine que l'aspect de la consultation pourrait répondre à leur préoccupation, mais l'incidence pratique, sur le plan opérationnel, des réalités et des contraintes juridiques que vous expliquait mon collègue, c'est que, si nous devons consulter le Barreau ou un autre syndic d'ordre professionnel avant d'arrêter d'éventuelles poursuites disciplinaires ou avant de prendre l'engagement de les arrêter si jamais elles devaient arriver, il faudrait avec le témoin libeller notre engagement un peu avec un «sous réserve», là. Alors, il faudrait dire : Oui, on s'engage à arrêter d'éventuelles poursuites déontologiques par ton conseil de discipline mais sous réserve de notre obligation de consulter le syndic de l'ordre professionnel.

Alors, de deux choses l'une, je veux dire. On ne dira pas au témoin : Non, mais, écoute, là, on va les consulter, mais peu importe ce qu'ils... Tu sais, si c'est une consultation, c'est une consultation, puis on va le faire de bonne foi, puis, nos engagements, on va les prendre de bonne foi. Alors, ça mettrait un frein à cette collaboration, de devoir l'assujettir à une consultation postérieure au dépôt d'accusations.

M. Bérubé : Merci beaucoup.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci. Alors, bienvenue, M. Michel et M. Lauzon. Oui, c'est un pouvoir qui vous est accordé que... en tout cas, moi, je trouve que... Il y a le mémoire du Barreau du Québec et aussi le mémoire de l'ordre des comptables professionnels du Québec qui disent à peu près la même chose. Et vous, vous dites : Dans l'éventualité que ça arrive, qu'on a un témoin collaborateur qui a déjà des plaintes au syndic comme tel... Mais, s'il n'y a pas de plainte au syndic, ça fait quoi? Je ne sais pas si vous comprenez le sens de ma question.

M. Michel (Patrick) : Oui, tout à fait.

Le Président (M. Ouellette) : Me Michel.

M. Michel (Patrick) : En fait, s'il n'y a pas déjà de plainte au syndic, ce sera un engagement que l'on exerce notre pouvoir prévu à 24.1, de les arrêter si jamais il devait y en avoir.

Mais votre question, si vous me permettez, me permet peut-être de préciser autre chose, sur le plan pratique, qu'on expose, là, dans notre mémoire, c'est que, le collaborateur, on exige de lui, dans le processus de recrutement, une très grande franchise dans la divulgation de tout ce qui pourrait lui être reproché au niveau de son implication dans des activités criminelles qui peuvent aussi, parallèlement, constituer des manquements déontologiques. S'il fait déjà l'objet d'une plainte au syndic, évidemment, au moment où il vient nous offrir sa collaboration, il faudra qu'il nous le dise, et nous, on va s'enquérir, évidemment, auprès de lui, des motifs ou de ce qui sous-tend cette plainte-là. Si la preuve lui a été divulguée, parce qu'ils ont droit à la communication de la preuve, on exigera probablement de la voir pour bien comprendre ce qui lui est reproché. Ça, c'est le premier cas de figure.

Dans l'autre cas de figure, où le témoin collaborateur ne fait pas déjà l'objet d'une plainte de son syndic mais qu'il devait s'avérer qu'il a manqué de franchise, voire qu'il nous a menti sur la nature de son implication criminelle, sur la gravité des gestes qu'il a posés, nous pouvons mettre fin à l'entente de collaboration pas juste en rapport avec les avantages, là, qu'on va donner en matière disciplinaire, et autres, mais nous pouvons mettre fin à l'entente de collaboration. Le cas échéant, les autres instances, les autres procédures, qu'elles soient civiles, fiscales ou autres, peuvent suivre leur cours.

M. Spénard : O.K. Bien, ma sous-question là-dessus, c'est : Mettons que le syndic n'est pas au courant, mais ça se passe, tu sais... il a fait des infractions déontologiques, mais le syndic n'est pas encore au courant, et vous, vous le prenez comme témoin, est-ce que vous avertissez le syndic?

Une voix : ...

M. Michel (Patrick) : O.K. Merci, M. le Président. Alors, ce qu'on envisage de faire, et nous l'exposons au mémoire... Quand je parlais, je n'ai pas pu présenter, là, en fait, tout l'encadrement nouveau qu'on va devoir prévoir dans nos directives.

Mais un aspect de cet encadrement-là, c'est que, lorsqu'on aura pris... Nous, en fait, il faut savoir que les engagements qu'on prend auprès du témoin, une fois que les accusations sont déposées, bon, elles sont divulguées... L'entente de collaboration écrite, avec tous ses avantages, est divulguée à l'accusé et éventuellement déposée au tribunal. Alors, ça, ça prend un caractère public. Mais, avant même qu'on se rende là, dès la fin de l'enquête, le dépôt des accusations, dès qu'il n'y a plus de risque de compromettre une enquête en cours, de compromettre la sécurité du témoin ou de violer le privilège de l'informateur, nous entendions informer le syndic de l'ordre professionnel d'un engagement que nous avons pris à l'égard peut-être d'un comportement qui ne fait même pas encore l'objet d'une poursuite, parce qu'on est bien conscients... on ne voudrait pas évidemment que... c'est la même chose pour nous, là, entre poursuivants, on ne voudrait pas que le syndic investisse temps et ressources dans une enquête qui s'avérerait peut-être inutile au bout du compte, puisque nous, on aurait pris l'engagement d'arrêter les procédures advenant qu'elles soient déposées.

Alors, c'est le genre de collaboration qu'on envisage, le genre, entre guillemets, de partenariat qu'on peut envisager avec les différents syndics d'ordre professionnel.

M. Spénard : Merci. Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Me Patrick Michel, Me Benoit Lauzon, représentant le Directeur des poursuites criminelles et pénales, merci d'être venus déposer devant la commission.

Je suspends quelques minutes. Je demanderais à Me Madeleine Giauque, représentant le Bureau des enquêtes indépendantes, de bien vouloir s'avancer.

(Suspension de la séance à 17 h 18)

(Reprise à 17 h 20)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevrons notre dernier groupe de la journée, qui est le Bureau des enquêtes indépendantes, représenté par sa directrice, Me Madeleine Giauque. Bonjour. Vous allez nous présenter la personne qui vous accompagne, mais il semblerait qu'il y en a plusieurs dans la machine gouvernementale. Ça fait que probablement que le vrai, il est chez vous.

Donc, vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation, Me Giauque, et par la suite il y aura des échanges avec M. le ministre et les porte-parole des deux oppositions. Je vous laisse la parole.

Bureau des enquêtes indépendantes (BEI)

Mme Giauque (Madeleine) : Merci. Alors, bonjour à tous. Je suis heureuse d'être ici devant vous. Je suis accompagnée de Me Sylvain Ayotte, qui est le directeur adjoint au BEI depuis le début mai 2017.

Alors, d'entrée de jeu, je peux vous dire que le BEI est en accord avec le projet de loi n° 107.

Le projet de loi n° 107, essentiellement, en ce qui concerne le BEI, vise trois points principaux. Le premier point est le fait que le projet de loi n° 107 fait du BEI un corps de police spécialisé. En vertu de l'actuelle Loi sur la police, l'article 289.5, le BEI est déjà un corps de police aux fins de sa mission. Le fait de devenir un corps de police spécialisé ne change en rien sa mission, ses devoirs, ses obligations, alors, à ce niveau-là, le BEI n'a pas grand-chose à dire. La deuxième modification, qui est plus importante, à la mission du BEI, c'est que, de façon systématique, les inconduites à caractère sexuel commises par des policiers dans le cadre de leurs fonctions devront être soumises directement au BEI par le service de police concerné qui a reçu la plainte. Actuellement, le ministre de la Sécurité publique a le pouvoir, en vertu des articles 289.3 et 289.6, de confier ces enquêtes au BEI, et, dans les faits, depuis octobre 2016, tous ces dossiers sont automatiquement transférés au BEI. Alors, ce que le projet de loi actuel vient dire, c'est... il vient mettre en place quelque chose qui existe déjà dans les faits. Par contre, il y a des nuances par rapport à ce qui existe actuellement, c'est-à-dire qu'actuellement le directeur de police doit communiquer avec le MSP dès qu'il reçoit une allégation d'inconduite en matière criminelle et il doit le faire, à moins qu'il ne considère, après avoir consulté le Directeur des poursuites criminelles et pénales, que la plainte est futile ou sans fondement. Avec l'amendement que le projet de loi n° 107 propose, c'est plus : le directeur de police n'aura pas le choix et, dès qu'il y aura une allégation d'inconduite à caractère sexuel, il devra automatiquement la transférer au BEI. Le BEI devra faire enquête sur cette allégation. Le projet de loi prévoit que le BEI n'aura pas nécessairement l'obligation de communiquer avec le DPCP et pourrait, à son niveau, fermer le dossier s'il considérait que la plainte était frivole ou sans fondement. Pourquoi cette différence avec maintenant? Un des principaux enjeux, je pense, c'est qu'actuellement le corps de police est un peu juge et partie. Alors, on veut qu'un organisme indépendant extérieur au corps de police concerné puisse prendre la décision et puisse décider si une plainte est frivole ou sans fondement.

Au niveau du BEI, le BEI est déjà un corps de police qui est extérieur. Le fait de ne pas être obligé de consulter le DPCP aurait pour nous un avantage majeur, en ce sens que la loi est ainsi faite aujourd'hui que, même si une plainte est presque sans preuve, on a l'obligation de faire un rapport à soumettre au DPCP, qui a l'obligation d'en prendre connaissance pour décider qu'elle est frivole ou sans fondement.

Et je vous donne un exemple qui est tiré des exemples qu'on a eus. Un policier qui a l'obligation, en vertu de l'article 260 de la Loi sur la police... est au courant qu'un de ses collègues aurait fait une agression sexuelle ou une inconduite à caractère sexuel. Il en avise comme il se doit son directeur. La plainte arrive au BEI, et nous allons rencontrer la présumée victime, qui nous dit : Moi, je n'ai jamais voulu porter plainte, je ne veux pas porter plainte, je ne suis pas intéressée à porter plainte et je n'ai rien à vous dire. Nous devons, malgré tout, faire un rapport au DPCP, alors qu'il n'y a aucune preuve au dossier. Cette possibilité, cet amendement, viendrait beaucoup nous faciliter la tâche, parce que le BEI est une petite équipe et la rédaction de rapports, même dans un cas semblable, prend un certain temps. Alors, ça pourrait, pour nous, nous faciliter le travail.

L'autre point important qui concerne les modifications à la façon de faire, c'est au niveau du déclenchement des enquêtes indépendantes. C'est-à-dire qu'actuellement les corps de police doivent appeler au MSP. Le MSP nous transmet l'information, et l'enquête commence à se dérouler à ce moment-là. De par le projet de loi, les corps de police appelleraient directement au BEI, et c'est le BEI qui enclencherait, déclencherait l'enquête immédiatement. Ça vient ajouter à l'autonomie et l'indépendance du DP... du BEI, excusez-moi — le mot «DPCP» revient toujours — mais du BEI, qui prendrait la décision, à ce moment-là, d'enquêter ou non.

Alors, grosso modo, c'est ce que j'avais à vous dire sur le projet de loi n° 107 et les implications du projet de loi n° 107 dans le mode de fonctionnement du Bureau des enquêtes indépendantes, au moment où on se parle.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Giauque, vous n'avez pas produit de mémoire à la commission, et je vois que vous êtes allée directement. Je ne sais pas si vous avez des notes que vous pouvez envoyer à la commission, relativement aux points que vous avez faits aujourd'hui, qui pourraient éclairer M. le ministre et les collègues de la commission avant qu'on aille en étude détaillée. Si c'est le cas, je vous prierais de les faire parvenir au secrétariat de la commission pour faciliter l'éclairage de tout le monde. M. le ministre, oui.

M. Coiteux : Merci, Me Giauque. Merci aussi, Me Ayotte. Écoutez, je vais reprendre une recommandation qui nous a été faite par... c'était la Commission des droits de la personne, en fait, parce que j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que vous êtes évidemment, maintenant, depuis un moment, là... Ça ne fait pas tellement longtemps que le Bureau des enquêtes indépendantes a commencé à faire son travail. Mais, le Bureau des enquêtes indépendantes, si je fais abstraction, là, de la question d'inconduite ou d'agression sexuelles, mais, dans son travail, je dirais, qui est principal, là, qui est d'intervenir suite à une opération policière qui pourrait avoir causé une blessure grave, qui pourrait avoir causé un décès... Donc, ça, c'est votre... je m'excuse de prendre le mot anglais, mais ça me vient comme ça, c'est votre «core business», dans le fond, hein?

Mme Giauque (Madeleine) : Vous avez raison.

M. Coiteux : Puis, grosso modo, vous en avez à peu près une par semaine, si je ne me trompe pas, en moyenne.

Mme Giauque (Madeleine) : On en a 64 depuis le 27 juin 2016. Effectivement, en proportion, c'est une par semaine. Par contre, la réalité fait en sorte que c'est plutôt trois dans la même semaine et trois semaines sans enquête par la suite.

M. Coiteux : Donc, la moyenne cache...

Mme Giauque (Madeleine) : On en a eu six dans la même semaine, à un moment donné.

M. Coiteux : La moyenne cache des choses importantes pour les opérations du BEI. Ça, je comprends ça parfaitement. Mais on a eu cette recommandation de revoir notre définition des blessures graves et d'étendre la notion de blessure grave aux blessures psychologiques. Et j'ai eu un échange avec les représentants de la Commission des droits de la personne, parce que j'essayais de voir comment, en pratique, ça pourrait, de façon réaliste, s'intégrer dans vos opérations.

J'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur ce que ça pourrait représenter pour le BEI.

Le Président (M. Ouellette) : Me Giauque.

• (17 h 30) •

Mme Giauque (Madeleine) : C'est difficile à quantifier, M. le ministre, parce qu'on a beaucoup de plaintes actuellement, particulièrement au niveau des agressions sexuelles, et des plaintes du passé. Et là comment quantifier à quel moment est survenu un traumatisme psychologique à quelqu'un? Est-ce qu'on peut conclure que toutes les personnes qui sont impliquées dans un événement de la nature de ceux qui font partie de notre «core business» sont des personnes qui ont un trouble post-traumatique, ou quelque chose comme ça? C'est possible. Les policiers qui sont impliqués dans ces genres de dossier sont souvent aussi marqués. Alors, ça deviendrait très difficile pour nous d'enquêter tous ces événements-là, parce qu'ils vont être impossibles à peu près à identifier. Qu'est-ce qui fait que telle personne, à tel moment, va avoir une réaction psychologique plus importante? Est-ce qu'il y a une raison particulière cette journée-là?

C'est très, très, très difficile à quantifier.

C'est sûr que, si on avait, six mois après les événements, un document d'un médecin qui nous dit : Traumatisme psychologique important, c'est une chose. Mais là je n'ai plus de scène... Les policiers se sont parlé, les policiers ont discuté de l'événement. La mémoire n'est plus fraîche. Comment on fait ça dans les faits? C'est très, très, très difficile à établir et à pouvoir enquêter. Comment faire en sorte qu'on soit certain que le traumatisme provient de cet événement-là? Est-ce que les médecins sont capables de nous dire ça? Les psychiatres, les psychologues... Je ne le sais pas. Mais inclure les blessures psychologiques, psychiatriques, c'est très... Je ne vois pas comment on pourrait dans les faits mettre ça en pratique, parce qu'à partir du moment où on inclut la notion de blessure grave il faut quand même concevoir, là, que la mission du BEI, c'est enquêter une intervention policière au cours de laquelle un civil a été blessé gravement, blessé par arme à feu ou tué. Alors, si on n'est pas capable d'enquêter les faits, on enquête quoi au bout de la ligne? C'est difficile. C'est presque impossible. Je ne vois pas comment ça peut être faisable. Honnêtement, là, je ne vois pas, dans le cadre courant de notre travail, comment on pourrait être appelés à faire ça. Ou alors, si c'est à dire que, dans tous les cas, absolument tous les cas où il y a usage de la force par un policier, le BEI doit être consulté, bien là, il va falloir embaucher des gens, parce que ça va devenir impossible, ça aussi, à faire, là.

Dans la province, il peut se passer, à tous les jours, beaucoup d'événements violents qui peuvent avoir des répercussions importantes sur les personnes mais, en même temps, n'avoir aucune blessure grave physique. Et on ne peut pas voir, là, comment on pourrait faire ça.

M. Coiteux : ...parce qu'il y a eu l'Association des directeurs de police du Québec qui nous a dit aujourd'hui : Peut-être que, pour les cas d'agression sexuelle, ça n'a pas besoin d'être enchâssé dans la loi tout de suite, puisque, de toute manière, c'est déjà la pratique. J'ai utilisé les pouvoirs qui sont les miens pour m'assurer que ces enquêtes-là vous soient confiées, et on a mis en place tout ce qu'il faut pour que ce soit le cas. Ils nous disent : Pourquoi ne pas attendre de voir la suite des choses, comment ça va se passer avec le BEI, qu'est-ce qui va se passer avec les corps policiers ou certains individus des corps policiers qui ont été enquêtés par d'autres corps policiers, bon, tous les événements qu'on connaît? Ils nous disaient : Pourquoi vous devez tout de suite enchâsser... Pourquoi ne pas attendre? Comment réagissez-vous à ce... Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Giauque (Madeleine) : Bien, comme je le disais tout à l'heure, les actuels amendements à la Loi sur la police vont faciliter le travail du BEI. Mon personnel est formé. Parmi mon personnel, j'en ai la moitié, à peu près, qui sont des ex-policiers. Plusieurs d'entre eux ont déjà de l'expérience en matière d'infraction à caractère sexuel, d'enquête de cette nature-là. Nos civils ont été formés. Et je pense qu'actuellement ça va déjà très bien. Comme il s'agit, selon moi, de la volonté claire du gouvernement, et même de la population, parce qu'on se souvient que c'est suite aux événements qu'on a qualifiés... les événements de Val-d'Or que cette décision-là a été prise par le gouvernement et à la demande de tous, bien, je ne vois pas pourquoi on ne devrait pas le faire immédiatement. Ça fonctionne. Et, comme je le disais tout à l'heure, les amendements permettent de faciliter le travail.

M. Coiteux : Moi, M. le Président... peut-être qu'un collègue aura une question, mais c'est les éléments sur lesquels je souhaitais échanger.

Le Président (M. Ouellette) : Ça va? M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Vous me permettrez d'abord de saluer Me Giauque, M. Ayotte et d'indiquer à Mme Giauque que je suis très admiratif de son parcours professionnel. J'ai eu l'occasion de lire souvent sur son parcours dans le droit dans différentes publications. Je voulais vous le témoigner. C'est une inspiration pour plusieurs femmes, non seulement en droit, mais votre parcours suscite l'admiration. Alors, je voulais vous le dire ici devant témoins et vous dire que je suis heureux que vous soyez à la fonction où vous êtes présentement avec le travail que vous faites.

Mme Giauque (Madeleine) : Bien, vous êtes très gentil, mais là vous me faites rougir.

M. Bérubé : Non, mais il faut le dire quand même. Puis, le Bureau des enquêtes indépendantes, on y a cru. Les différentes formations politiques y ont cru... le Parti libéral, le Parti québécois, d'autres également. C'était nécessaire de créer ce bureau, parce qu'il y avait dans la population un sentiment assez fort que ce n'est pas l'idéal que la police enquête sur la police. Et le bureau est arrivé un peu tardivement, mais je pense qu'il reposait sur des bonnes bases lorsqu'il est arrivé. Vous l'avez mis en place. Il y a eu un problème, à un moment donné, avec les civils. Ça a paru dans l'actualité. On a suivi ça de près, mais là je pense que c'est sur les rails. Votre expertise vous amène également à participer à certaines enquêtes. Alors, je voulais souligner ça également.

Mais je vais également vous poser la question, à savoir qu'est-ce qui vous a fait hésiter à venir nous rencontrer ici et recevoir ce compliment que je viens de vous faire?

Mme Giauque (Madeleine) : Bien, écoutez, avoir su, je serais venue avant. Mais, non, la question, c'est que, quand j'ai reçu la convocation, puis je suis un peu gênée de le dire, comme tout le monde, j'ai pensé que c'était une convocation... alors, et qu'on n'avait pas vraiment le choix. Moi, j'avais été consultée en cours de rédaction du projet de loi. Le projet de loi répondait à mes attentes, et je pensais, moi, peut-être par mon inexpérience au niveau des travaux parlementaires, qu'il fallait surtout venir si on avait des choses à demander, à changer. Et, pour moi, il n'y avait rien, rien à changer dans le projet de loi, c'était correct. Alors, c'est la raison pour laquelle moi, j'avais décliné... Et, quand j'ai vu par contre le tollé qui s'est fait dans les médias, bien là, je me suis dit que peut-être ça serait une bonne idée que je change d'idée, et c'est ce qui s'est passé. J'ai avisé la secrétaire de la commission parlementaire que j'étais pour me présenter.

M. Bérubé : D'accord. Bien, on l'apprécie, mais, en fait, comme vous l'avez entendu tout à l'heure peut-être avec étonnement, en fait, c'est notre formation politique qui avait demandé... Tant mieux si vous avez répondu à cet appel, mais la commission ne s'est pas prononcée sur ça. Mais c'est important de vous entendre. Je vous entends également sur votre approbation du projet. Vous avez des arguments qui sont fort valables, que j'accepte également, mais j'aimerais vous emmener ailleurs, profiter de votre expertise.

Vous allez m'entendre beaucoup parler de l'Unité permanente anticorruption. Ce n'est pas une surprise, je parle souvent de cet enjeu-là, je trouve ça important. Quelle est votre relation avec l'UPAC? C'est-à-dire est-ce que vous avez un rôle qui vous permettrait d'enquêter à l'intérieur de l'UPAC si, par exemple, il y avait un signalement — j'ai posé la même chose à la Sûreté du Québec tout à l'heure — de quelqu'un à l'intérieur qui disait : Il y a des actes répréhensibles qui sont posés? Alors, à ce moment-là, vous ne pourriez pas annoncer publiquement que vous faites ça, parce que, là, on avertirait l'UPAC, mais pourriez-vous intervenir ou est-ce que c'est déjà arrivé? Techniquement, est-ce que c'est possible?

Le Président (M. Ouellette) : Me Giauque.

Mme Giauque (Madeleine) : Légalement parlant, actuellement, c'est possible uniquement si le ministre de la Sécurité publique nous mandate dans un dossier en particulier.

M. Bérubé : ...il y a un communiqué, il y a...

Mme Giauque (Madeleine) : Bien, c'est-à-dire, non, ce n'est pas nécessairement public, parce qu'une infraction criminelle... comme, les dossiers d'agression sexuelle, actuellement, on en a 17. On ne les publie pas, parce qu'on veut conserver la preuve, il faut préserver les victimes, il faut...

M. Bérubé : Il y a des plaignants, des victimes.

Mme Giauque (Madeleine) : C'est ça. Alors, non, ça ne serait pas nécessairement public, mais il faudrait aussi que ça soit... Notre seul mandat, c'est d'enquêter des policiers dans le cadre de leurs fonctions. Alors, il faudrait que ça soit... Si c'était, par exemple... J'écoutais tout à l'heure les gens de la Sûreté du Québec. Si c'était un policier de la Sûreté du Québec en prêt de service à l'UPAC et qu'il y avait une plainte, que M. le ministre de la Sécurité publique préférait que ce soit le BEI qui enquête, on pourrait le faire, parce que c'est un policier dans le cadre de ses fonctions.

M. Bérubé : Bien, c'est l'enjeu de la reddition de comptes, c'est-à-dire que, vous voyez, là, ça prend une autorisation du ministre. Mais, si le BEI, de son propre chef, pouvait, surtout dans des endroits où c'est très particulier... c'est notamment le cas à l'UPAC, de dire : J'ai reçu des informations dignes de mention qui me disent : Bien, je devrais aller là, je suis l'organisation la mieux habilitée à aller enquêter là parce que je ne suis ni le SPVM, ni la Sûreté du Québec, ni la police du Roussillon, de Laval ou de Québec, je ne détesterais pas ça, parce qu'il m'apparaît... J'ai de la difficulté à identifier qui surveille l'UPAC comme organisation. Et votre organisation, elle est neutre de son essence même. Et j'essaie de trouver une façon de compléter ce qu'on nous présente avec le projet de loi.

J'ai l'impression... vous n'êtes pas obligée de la partager, là, mais j'ai l'impression que déjà l'Unité permanente anticorruption a énormément de pouvoirs, peu de reddition de comptes — peut-être qu'elle en fait une au ministre, là, mais on n'y a pas accès tant que ça — puis que, là, elle aurait davantage de pouvoirs. Il m'apparaît que votre organisation pourrait être susceptible d'être le garde-fou nécessaire pour vérifier, surveiller, voire même prévenir ce qui se passe à l'UPAC, parce que c'est quand même un... Si ça devient un corps de police, il y a des questions de pouvoir, il y a des questions d'argent, il y a des questions d'enquête, d'information, de divulgation. Il me semble que vous avez l'expertise pour faire ça.

Le Président (M. Ouellette) : Me Giauque.

• (17 h 40) •

Mme Giauque (Madeleine) : Écoutez, je pense que ce n'est pas une question d'expertise, je pense que c'est une question, un, de personnel. On n'a pas le personnel pour faire ça, déjà en partant. Dans la loi, actuellement, notre mandat, il est très précis. Alors, ça serait vraiment, quant à moi, s'il y a une volonté du gouvernement ou des gens de l'Assemblée nationale de décider qu'une loi doit être modifiée à ce niveau-là. Mais moi, je ne peux pas faire de commentaire là-dessus, là.

M. Bérubé : En fait, en m'adressant à vous, je sais que le gouvernement m'entend, alors ça peut être une suggestion qui est appréciée par le gouvernement.

Vous avez parlé d'argent. En juillet, ça n'allait pas très bien. Est-ce que ça va mieux? J'ai vu une manchette, là, qui indiquait, il me semble, là, que les finances, là, ce n'était pas évident.

Mme Giauque (Madeleine) : Il ne faut pas croire tout ce qui est dit dans les journaux, malheureusement.

M. Bérubé : Donc, c'était une «fake news».

Mme Giauque (Madeleine) : Écoutez, on rentre dans nos budgets, ça va relativement bien.

M. Bérubé : ...rallonge financière.

Mme Giauque (Madeleine) : Écoutez, on...

M. Bérubé : C'est un beau moment pour le demander, là.

Mme Giauque (Madeleine) : C'est-à-dire que ce n'est pas la question. La question, c'est que, oui, on a eu de l'argent supplémentaire mais parce qu'on a engagé du personnel supplémentaire. Alors, il fallait de l'argent pour les payer. Mais il ne faut pas croire tout ce qui est dit. Si vous regardez le rapport annuel... je ne sais pas s'il a été déposé devant l'Assemblée nationale ou non encore, là, mais on rentre dans nos budgets, là. Ça va relativement... on est corrects.

M. Bérubé : ...pas pour la conduite des enquêtes de la justice. Je vous donne un exemple, parce que je n'ai pas eu l'occasion de vous questionner aux crédits, mais, dans le cas de l'UPAC, ils nous ont clairement dit qu'ils avaient fait un C.T., une demande de financement, puis ils ont obtenu de l'argent supplémentaire pour avoir davantage de ressources pour le «backlog» de l'UPAC. Alors, si c'est le cas — c'est une tribune totalement appropriée pour s'assurer que vous ayez les ressources nécessaires à votre mission — c'est important pour nous que vous les ayez. Alors, je me permets juste de l'évoquer. J'aurai appris que la nouvelle qui a été rapportée n'était pas totalement juste ou pas du tout juste. Alors, j'aurai appris ça avec vous.

Mme Giauque (Madeleine) : Bien, écoutez, c'est certain qu'on a fait une demande de C.T., parce que, comme je le disais, on voulait du personnel supplémentaire, ce qui nous a été accordé. Alors, dans ce contexte-là, oui, on a fait une demande de C.T. et on a l'argent nécessaire, je pense, pour fonctionner.

M. Bérubé : D'accord. Je vous parlais de l'UPAC, parce que, quand j'évoque l'indépendance de l'UPAC, je parle de la nomination, mais je parle aussi des façons de faire des vérifications.

Ce matin, j'ai demandé au commissaire de nous fournir les diagnostics organisationnels. Puis je l'avais demandé au printemps. Vous étiez là à l'étude des crédits, je crois. C'est important de savoir l'état général de cette organisation avant de lui confier davantage de responsabilités. Alors, j'ai demandé ça. Je ne sais pas si je vais avoir les documents, ils vont être caviardés, mais je veux savoir comment ça se passe avec le personnel. Y a-tu des plaintes, y a-tu des rapports de force indus qui s'opèrent à travers cette organisation-là? C'est pour ça que je cherche une façon de m'assurer que le commissaire et son équipe ne sont pas seuls, ils n'ont pas un statut où ils sont vraiment, compte tenu de la nature de ce qu'ils font, des grandes enquêtes contre la corruption, seuls, qu'il y a des gens qui surveillent qu'on ait les meilleures pratiques possible. Et, lorsque je cherche, bien, évidemment, je pense spontanément au Bureau des enquêtes indépendantes. Mais, encore une fois, en m'adressant à vous, j'envoie le message à l'univers. C'est quelque chose qu'il m'apparaît pertinent de considérer. Voilà.

Est-ce qu'il nous reste un peu de temps encore?

Le Président (M. Ouellette) : 20 secondes.

M. Bérubé : 20 secondes? Merci de votre participation. Et on va lire avec attention votre mémoire, parce qu'on aura l'étude par article après puis ça va nous servir à...

Le Président (M. Ouellette) : Le rapport annuel, vous voulez dire.

M. Bérubé : Le rapport annuel, excusez-moi, le rapport annuel, oui, puis ça va nous servir à travailler comme législateurs. Alors, merci de votre présence, à tous les deux, et salutations à votre équipe.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci, M. le Président. Alors, bien content de vous avoir entendus, Mme Giauque et M. Ayotte, mais on a surtout entendu Mme Giauque. Bien content que vous soyez ici.

Vous êtes déjà un corps de police, et là on vient réaffirmer dans un projet de loi n° 107, là, qu'on confierait toutes les infractions à caractère sexuel pour un policier directement au BEI, alors qu'avant ça c'était le directeur de police de la personne qui était en inconduite sexuelle qui était saisi de ça et lui, il pouvait juger si l'infraction était bien fondée ou futile, etc. Là, ce que je comprends, c'est qu'automatiquement le directeur va vous confier l'enquête, et vous allez être obligés d'enquêter, O.K., parce que ça peut arriver qu'il y ait des plaintes qui sont non fondées et qui sont futiles, parce qu'on en parle dans le... On en parlait, de ça. Est-ce que vous allez être en mesure de... Parce que, là, une enquête, un rapport, et tout ça... Comme vous le dites, vous n'êtes pas beaucoup de personnes.

Est-ce que vous allez pouvoir juger, sans faire un rapport et sans faire une enquête, si la plainte est suffisamment fondée pour instaurer une enquête dessus?

Mme Giauque (Madeleine) : Pour moi, il n'y a pas de plainte insuffisamment fondée ou suffisamment fondée. Dès qu'il y a un élément de preuve au dossier qui laisse penser qu'il y a eu vraiment une inconduite à caractère sexuel, le dossier sera transmis au DPCP. Ce n'est pas à moi à juger que la plainte est assez sérieuse ou non, ça sera au DPCP. C'est leur travail. Moi, ce que je dis, c'est : Quand je n'ai aucune plainte au dossier. C'est-à-dire que j'ai une présumée victime qui me dit qu'elle n'a pas été agressée, que c'est quelqu'un d'autre qu'elle qui a porté plainte, et ça, ça arrive...

M. Spénard : ...c'est la tierce personne qui porte plainte, souvent.

Mme Giauque (Madeleine) : C'est ça, c'est la tierce personne, mais qui n'a pas été témoin de rien, qui me dit : Telle personne a été agressée sexuellement par tel policier dans tel cadre. Alors, nous... C'est-à-dire qu'ils ne me le disent pas à moi, là, ils commencent à le dire au directeur de police, parce que la loi oblige le policier qui est au courant de ça d'aviser son directeur. La loi oblige le directeur à aviser le ministère de la Sécurité publique, sauf si, après avoir consulté le DPCP, il en vient à la conclusion que la plainte est futile ou non fondée. Une fois que la plainte est rendue au niveau du MSP, le MSP me transmet le dossier, et nous, on enquête de façon systématique pour vraiment... on va rencontrer la victime et on fait l'enquête, on se rend le plus loin possible.

M. Spénard : Ça fait que, là, on sauterait la portion du ministre, là, on sauterait la portion du MSP, là.

Mme Giauque (Madeleine) : Oui, sauf que le directeur de police n'aurait pas le choix. Il ne pourrait plus, lui, décider qu'elle est frivole ou sans fondement. Il ne pourrait plus consulter le DPCP pour en venir à la conclusion que c'est frivole ou sans fondement. Alors, lui, dès qu'il entendrait parler de quelque chose comme ça, il aurait l'obligation de le confier au BEI.

M. Spénard : O.K. Merci. Vous avez parlé, tout à l'heure, de... On a parlé... c'est mon confrère de Matane-Matapédia, si vous pouviez enquêter à l'intérieur de l'UPAC, et vous avez dit qu'il faudrait que vous demandiez au ministre avant d'enquêter sur une infraction à caractère sexuel à l'intérieur de l'UPAC. Et j'ai posé la question toute la journée : Étant donné que les policiers qui sont prêtés à l'UPAC ont encore comme autorité hiérarchique la Sûreté du Québec, ou la sûreté municipale, ou n'importe quoi, alors pourquoi vous seriez obligés de demander au ministre, étant donné que, d'après leur convention collective, ça va être leur syndicat qui va les défendre... Et ce n'est pas le syndicat qui est rattaché à l'UPAC, c'est le syndicat qui est rattaché à la base de l'engagement du policier. Il est juste en prêt, là. Alors, pourquoi vous ne pouvez pas intervenir dans l'UPAC?

Mme Giauque (Madeleine) : Parce que la Loi de police, telle qu'elle existe actuellement, fait en sorte que le BEI n'a aucun pouvoir d'initier une enquête de sa propre initiative. Tous les mandats du BEI lui proviennent du ministre de la Sécurité publique.

M. Spénard : Je ne comprends pas, là.

Mme Giauque (Madeleine) : Bien, je ne peux pas, moi, déclencher...

M. Spénard : J'ai de la misère à comprendre, parce que vous me dites : Le directeur de police s'en va directement au BEI pour une enquête sur un policier en exercice. La même affaire se passe à l'UPAC. Et moi, je vous dis qu'à l'UPAC la personne qui est l'ultime employeur, ce n'est pas l'UPAC, l'ultime employeur, c'est, mettons, la Sûreté du Québec ou un corps municipal. C'est pour ça que j'ai de la misère à vous suivre, parce qu'il y a double autorité, là.

Mme Giauque (Madeleine) : Non, c'est que moi, je vous parlais de la situation actuelle, et vous, vous me parlez de si le projet de loi avait été adopté.

M. Spénard : Je parle du projet.

Mme Giauque (Madeleine) : Alors, si le projet de loi est adopté, c'est bien sûr que le policier, par exemple, de la Sûreté du Québec qui travaille à l'UPAC... ou le directeur de la Sûreté du Québec avait une plainte ou une allégation à l'effet que cette personne-là a commis une inconduite à caractère sexuel, le directeur de la Sûreté du Québec n'aurait pas le choix que de m'appeler, de m'aviser, et moi, à ce moment-là, je déclenche automatiquement une enquête.

M. Spénard : À l'UPAC?

Mme Giauque (Madeleine) : À l'UPAC.

M. Spénard : Bon. C'est ça que je voulais savoir, c'est ça que je voulais éclaircir.

Mme Giauque (Madeleine) : C'est simple.

M. Spénard : Bien, je vous remercie beaucoup. Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

• (17 h 50) •

Le Président (M. Ouellette) : Bien, merci, Me Madeleine Giauque, Me Sylvain Ayotte. On vous entendra peut-être une autre fois, Me Ayotte.

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Pardon?

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Ah! on se connaît depuis fort longtemps.

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Oui. On a mis pas mal de personnes en prison.

Et, sur ce, je vais suspendre nos travaux jusqu'à demain... pas jusqu'à demain, là, jusqu'à mardi, là, en tout cas, jusqu'à la prochaine date, parce que c'est mardi où est-ce qu'on va terminer les auditions.

(Fin de la séance à 17 h 51)

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