Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
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Le
mardi 19 janvier 2021
-
Vol. 45 N° 110
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi visant à aider les personnes victimes d’infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement
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14 h (version non révisée)
(Quatorze heures)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonjour. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte. La commission est réunie virtuellement afin de procéder
aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi
n° 84, Loi visant à aider les personnes
victimes d'infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire
: Oui, M.
le Président : M. Martel (Nicolet-Bécancour) est remplacé par Mme Hébert (Saint-François);
M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par Mme Labrie (Sherbrooke).
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Cet après-midi,
nous allons entendre les différents groupes suivants, donc : l'Association
des juristes progressistes, Mme Rochon, Me Langevin et Mme Rachel Chagnon, la
Fondation Marie-Vincent et le Groupe d'aide et d'information sur le harcèlement
sexuel au travail.
Mais d'abord, nous allons débuter par les remarques
préliminaires. Alors, j'invite maintenant le ministre de la Justice à faire ses
remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six minutes. À
vous la parole.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Salutations à l'ensemble des collègues qui sont présents avec
nous en ces consultations particulières en mode virtuel. Donc, vous le savez, M.
le Président, nous avons déposé, le 10 décembre dernier, un important projet de
loi visant à réformer le régime actuel de l'IVAC, afin d'améliorer les services
d'aide et d'indemnisation offerts aux personnes victimes d'infractions
criminelles.
Au cours des années, au cours des derniers
mois, nous avons tous été émus et choqués par les nombreuses histoires
bouleversantes de ces personnes. Ces événements vécus par des personnes
d'infractions criminelles reflètent bien tristement les nombreuses lacunes du
système de l'IVAC. Nous ne pouvons plus tolérer que de telles situations se
perpétuent, c'est notre devoir d'agir, et cette action doit être guidée par un
profond sentiment de solidarité et de compassion. Grandement attendu, ce projet
de loi propose des modifications législatives dont le besoin se faire sentir
depuis plus de 30 ans. Le processus est enfin enclenché. Effectivement, les
consultations sont rapides, mais les victimes ont longuement attendu. Nous
entamons aujourd'hui l'étape des consultations particulières.
Je tiens, d'entrée de jeu, à remercier
tous les groupes et experts qui se joignent à ces travaux pour nous présenter
leurs points de vue sur les changements et bonifications que nous proposons.
Votre participation est essentielle, votre expertise et vos recommandations
bonifieront certainement notre réflexion afin d'atteindre nos objectifs, soit
d'assurer une plus grande reconnaissance des personnes victimes, de remettre la
personne victime au coeur du processus, d'offrir un meilleur accès à l'aide
psychosociale adaptée et puis d'assurer un soutien plus équitable en vue
d'aider les personnes victimes à reprendre le cours de leur vie. Nous
voulions...
M. Jolin-Barrette : ...de
réflexion afin d'atteindre nos objectifs, soit d'assurer une plus grande
reconnaissance des personnes victimes, de remettre la personne victime au coeur
du processus, d'offrir un meilleur accès à l'aide psychosociale adaptée et puis
d'assurer un soutien plus équitable en vue d'aider les personnes victimes à
reprendre le cours de leur vie. Nous voulions qu'il n'y ait plus de victimes
abandonnées par le système.
Je tiens aussi à remercier toutes les
personnes qui sont passées par l'IVAC et qui ont accepté de nous partager les
épreuves qu'elles ont dû surmonter à travers le régime actuel. C'est grâce à
vos témoignages et en raison de votre force, de votre ténacité que l'État
québécois amorce aujourd'hui une transformation de son approche vis-à-vis les
personnes victimes. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, bien résolus à
remédier à la situation et à mettre les victimes au coeur du processus.
L'un des principaux objectifs de cette
réforme étant de mener à une plus grande reconnaissance des personnes victimes.
Nous prévoyons donc revoir la notion de «victime». Nous proposons aussi
d'abolir la liste des infractions prévues à la loi pour couvrir toutes les
infractions contre la personne, sans exception.
Les demandes d'indemnisation concernant
les actes commis en contexte de violence sexuelle, conjugale ou subis dans leur
enfance seront dorénavant imprescriptibles.
On ne décide pas de subir une infraction
et encore moins l'endroit où cela se produit. Nous proposons donc que les
personnes ayant subi une infraction à l'étranger soient maintenant admissibles
au régime d'indemnisation. Avec cette réforme, nous voulons également remettre
les personnes victimes au coeur de leur processus de réhabilitation et de
guérison. Ainsi, les mesures permettront une prise en charge immédiate et
systématique de celles-ci avant même que leur demande d'indemnisation ne soit
acceptée. Elles pourront notamment bénéficier d'une aide financière d'urgence
pour couvrir leurs besoins de base afin de leur permettre de quitter une
situation où leur vie ou leur intégrité physique est menacée.
Les personnes ayant présenté une demande à
l'IVAC pourront également bénéficier de certaines aides immédiates dans
l'attente d'une décision de l'admissibilité au régime. Pour reprendre le cours
de leur vie, les personnes qui ont subi une infraction criminelle ainsi que
leurs proches ont, dans la vaste majorité des cas, besoin de soutien
psychologique et psychosocial afin de surmonter leurs traumatismes. Il s'agit
d'ailleurs d'une lacune du régime actuel.
En conséquence, nous prévoyons accroître
l'accès à l'aide psychologique, notamment pour les parents d'enfants
assassinés. Nous offrirons aussi l'accès à une plus large gamme de
professionnels, comme des travailleurs sociaux ou des sexologues. Ces services
sont essentiels au rétablissement des personnes ayant subi une infraction
criminelle. Il est crucial qu'elles y aient accès plus facilement et plus
rapidement.
Cette réforme en profondeur de l'IVAC
favorisant une conception plus humaine de l'indemnisation orientée vers le
rétablissement est fondée sur l'accompagnement. Par ces différentes
initiatives, nous voulons nous assurer de près aux personnes victimes les
outils ainsi que tout le soutien et l'accompagnement nécessaire pour les aider
à reprendre une vie normale lorsque cela est possible.
En terminant, je réitère ma profonde
reconnaissance à tous les participants de ces consultations particulières qui
débuteront sous peu. Votre apport est primordial à cette réforme tant attendue.
Notre gouvernement est déterminé à améliorer le sort des personnes victimes, et
cette volonté que nous partageons...
M. Jolin-Barrette : …lorsque
cela est possible. En terminant, je réitère ma profonde reconnaissance à tous
les participants de ces consultations particulières qui débuteront sous peu.
Votre apport est primordial à cette réforme tant attendue. Notre gouvernement
est déterminé à améliorer le sort des personnes victimes et cette volonté que
nous partageons, j'en suis sûr, avec les différents collègues des oppositions.
Je vous invite donc à travailler ensemble dans l'optique de bonifier ce projet
de loi, mais également de le faire cheminer. Les personnes victimes ont assez
attendu, ensemble, nous pourrons faire un réel changement dans la vie de ces
personnes, et ce, rapidement. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et député de LaFontaine
à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de quatre minutes. M.
le député, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Est-ce que vous m'entendez bien? Merci beaucoup.
Alors, écoutez, on débute aujourd'hui, c'est une première pour moi, des consultations
sur un projet de loi excessivement important. Donc, des consultations — c'est
une première pour moi — sous l'aspect virtuel, alors on va essayer
d'avoir, je pense, des échanges tout à fait efficaces et, tout de même, je vous
dirais, chaleureux avec les personnes, même si nous sommes à distance, sur un projet
de loi excessivement important, le projet de loi n° 84, Loi
visant à aider les personnes victimes d'infractions criminelles et à favoriser
leur rétablissement.
Le projet de loi comporte 190… Nous aurons
aujourd'hui, mardi, mercredi, jeudi, l'occasion d'entendre plusieurs
intervenants. Ils sont des acteurs de premier plan, quant à l'indemnisation des
victimes d'actes criminels, et également des femmes et des hommes acteurs de
premier plan pour qu'une personne qui est victime, qui est dans l'entourage
proche d'une victime puisse reprendre contrôle d'une partie ou entièrement de
sa vie. Alors, projet de loi excessivement important, on le sait, le régime
actuel date de 1972. La réforme est donc nécessaire. Nous saluons le dépôt du projet
de loi. Mais il faut également rappeler, entre autres, la prise de conscience
que, d'ores et déjà, avait Stéphanie Vallée, la prédécesseure du ministre de la
Justice. Elle avait déposé, en 2016, à l'époque, un plan d'action afin
d'ajouter des ressources à l'IVAC, dans le but d'améliorer rapidement les
services offerts à l'IVAC. Puis, en 2017, Stéphanie Vallée avait également mis
sur pied et publié la Déclaration des droits des victimes d'actes criminels
à l'égard du régime public d'indemnisation. Et, en 2018, pour ne citer que
ces trois exemples-là, et je terminerai là-dessus, sur des exemples de ce que
Stéphanie avait fait, elle avait mis sur pied le programme de soutien pour les
proches de personnes victimes décédées à la suite d'actes criminels.
Vous voyez donc, M. le Président, que ces
avancées tangibles ne participaient pas d'une réforme complète du projet de loi.
Là, la réforme complète du projet de loi, on l'a devant nous. Je le salue, et
nous aurons l'occasion, l'opposition officielle, de faire part de nos propositions.
Nous voulons discuter de façon complète, parce que la réforme, elle est là,
elle est devant nous, elle est possible, et c'est un rendez-vous qu'il ne faut
pas manquer. Vous avez entendu récemment, M. le Président, des organismes qui
ont dit, et je les cite…
M. Tanguay
: …je le
salue, et nous aurons l'occasion de l'opposition officielle de faire part de
nos propositions. Nous voulons discuter de façon complète parce que la réforme,
elle est là, elle est devant nous, elle est possible et c'est un rendez-vous qu'il
ne faut pas manquer. Vous avez entendu récemment, M. le Président, des organismes
qui ont dit, et je le cite, vouloir retarder l'étude de la réforme afin qu'il n'y
ait pas d'analyse dans la consultation. Vous avez entendu des personnes telles
que Louise Riendeau du Regroupement des maisons pour femmes victimes de
violence conjugale, Arlène Gaudreault de l'Association québécoise
Plaidoyer-Victimes, qui ont à coeur, bien évidemment, au premier titre, ils ont
à coeur l'intérêt des victimes, le bien-être des victimes et de faire en sorte
que les personnes qui gravitent autour d'un acte criminel, bien, malheureusement,
qu'ils puissent avoir accès à un encadrement, à une aide qui soit adéquate. Et
ça, ça passe, entre autres, par le fondement qui est la loi. Alors, ils disent
ne pas… lequel qui est devant nous, M. le Président, c'est d'aller, de vouloir
aller trop vite. Vite, vite, vite, la précipitation est mauvaise conseillère.
On va faire le travail, on aura, entre autres, l'occasion d'entendre des
personnes comme Marc Bellemare qui récemment avait des propos très durs à
l'encontre du projet de loi, puis sa partie du débat démocratique. J'ai hâte
d'entendre M. Bellemare, j'ai hâte d'entendre toutes celles, et ceux, qui vont
apporter leur contribution.
• (14 h 10) •
Comme disait Boileau, M. le
Président : Hâtons-nous lentement. On veut bien et on va prendre le temps
pour les 190 articles de bien faire les choses, et sur des éléments
fondamentaux tels que la définition d'une victime, et quel devrait être la
forme et le fonds d'une aide... qu'on fera le débat d'une façon constructive,
prenons le temps qu'il faut. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. J'invite
maintenant à la députée de Sherbrooke à faire ses remarques préliminaires pour
une minute, Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Je me suis alloué, également, la volonté du ministre de la Justice
de moderniser cette loi-là qui était franchement due pour une mise à jour. Le
projet de loi corrige certaines lacunes, mais, évidemment, pas toutes. Je
pense, par exemple à l'injustice envers les prestataires d'aide sociale, qui
est maintenue dans le projet de loi. Il y a également d'autres problèmes qui
sont mis en lumière, déjà, dans les mémoires qu'on a commencé à recevoir, par
exemple le recule pour les victimes sans emploi, la limite dans la durée
maximum de remplacement de revenu. Il y en a d'autres puis on sait que le
stress financier n'est pas de nature à favoriser le rétablissement des
victimes.
Donc, certainement, qu'on va pouvoir… on
va souhaiter prendre notre temps et de corriger toutes ces lacunes dans le
projet de loi. Puis je remercie à l'avance toutes les personnes qui vont être
entendues en commission, ou déposer un mémoire pour nous aider à le faire
consciencieusement.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée de Sherbrooke.
J'inviterais maintenant la porte-parole du troisième groupe d'opposition et
députée de Joliette à faire ses remarques préliminaires pour une minute. Mme la
députée, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
:
Merci, M. le Président. Bonjour à tous les membres de la commission et à nos
invités. Donc, à mon tour de me réjouir, d'entamer la l'étude de cet important
projet de loi, cette réforme que nous attendons depuis un bon moment et qui,
oui, comporte des éléments intéressants, mais d'autres sur lesquels des
questions importantes demeurent. Et donc, nous aurons beaucoup de questions.
Et, déjà, à voir la qualité des mémoires qui nous sont soumises, je pense que c'est
un éclairage fondamental dont va pouvoir bénéficier le ministre et les membres
de la commission. Et je veux inviter le ministre a…
Mme
Hivon
:
...et qui, oui, comporte des éléments intéressants, mais d'autres sur lesquels
des questions importantes demeurent. Et donc nous aurons beaucoup de questions.
Et déjà, à voir la qualité des mémoires qui nous sont soumis, je pense que
c'est un éclairage fondamental dont vont pouvoir bénéficier le ministre et les
membres de la commission.
Et je veux inviter le ministre a vraiment
faire preuve de la plus grande écoute, de la plus grande ouverture et, surtout,
de donner le temps de bien faire les choses. Comme plusieurs groupes ont
exprimé, ils se sont sentis bousculés par le peu de temps pour préparer leurs
remarques face à une réforme aussi significative qui change de fond en comble
le régime. Donc, j'espère que c'est ce qui va l'animer, de ne pas faire ça à
toute vitesse, mais de plutôt bien faire les choses, parce que, quand ça fait
aussi longtemps qu'on attend une réforme, il faut bien la faire.
Et parallèlement j'inviterais le ministre
à faire une consultation en ligne des victimes elles-mêmes, qui ont beaucoup de
choses à dire et ce qui pourrait être un éclairage vraiment percutant pour
nous. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment. Cela met fin à la rubrique
remarques préliminaires.
Nous allons maintenant débuter les
auditions. Donc, il me fait donc plaisir d'accueillir les représentantes de
l'Association des juristes progressistes. Alors, je vous invite à, bien sûr,
prendre la parole. Vous avez 10 minutes de présentement et, après ça, on
aura les échanges avec les membres de la commission. Donc, la parole est à
vous. En vous demandant, bien sûr, préalablement de vous présenter. Merci
d'être avec nous cet après-midi.
Mme Descoteaux (Catherine) :
Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre, pour l'invitation. Mmes, MM. les
députés, bonjour. Nous vous remercions d'avoir invité l'Association des
juristes progressistes pour cette Commission des institutions sur les consultations
particulières portant sur le projet de loi n° 84.
Nous nous sommes déjà présentées à la commission
plus tôt, mais, par souci d'informer les personnes qui nous écoutent, je me
présente à nouveau, Catherine Descoteaux, je suis avocate et administratrice de
l'Association des juristes progressistes, que j'appellerai dorénavant l'AJP. Je
suis accompagnée aujourd'hui de ma collègue Romane Bonenfant, qui est elle
aussi membre de l'association, afin de vous présenter la position de l'AJP sur
le projet de loi n° 84.
Donc, l'AJP, c'est un organisme à but non
lucratif qui unit des avocats, des avocates, des étudiants, des étudiantes en
droit, des travailleurs, travailleuses du domaine du juridique et des juristes
de divers horizons. L'AJP, c'est une force politique qui est vouée à la
promotion des droits politiques socioculturels au Québec. La mission de l'organisme
est de mettre en lumière le rôle producteur et reproducteur du droit en matière
d'inégalités afin d'agir concrètement sur celle-ci.
Donc, depuis sa fondation en 2010, l'AJP a
pris publiquement position dans le cadre de plusieurs débats de société au
Québec, tant auprès de la société civile qu'auprès des instances gouvernementales,
notamment par la présentation de mémoires dans le cadre des projets de loi n° 32 et, plus récemment l'été dernier, n° 45.
C'est parce que les membres de notre association se sentent concernés par les
enjeux sociojuridiques soulevés par le projet de loi n° 84 que nous vous
soumettons respectueusement notre mémoire.
Donc, dans l'écriture de ce mémoire-là,
l'AJP s'est particulièrement intéressée aux personnes victimes de violence
sexuelle et conjugale parce qu'il s'agit d'un fléau au Québec, mais aussi parce
qu'en tant que grandes oubliées de l'IVAC, leurs luttes s'inscrivent dans la
mission de notre association. Je tiens également à mentionner que la majorité
des personnes qui sont victimes de violence conjugale et de violence sexuelle
sont des femmes et/ou des personnes aussi de communautés marginalisées.
Donc, les députés en ont parlé plus tôt,
le régime actuel de l'IVAC est très vieux et comporte plusieurs lacunes qui ont
été soulignées à plusieurs reprises par divers intervenants au fil des
dernières années, dont, en 2016, par la Protectrice du citoyen dans son
rapport. Certaines de ces lacunes ont été corrigées dans le projet de loi
n° 84, mais...
Mme Descoteaux (Catherine) :
…et/ou des personnes issues de communautés marginalisées.
Donc, les députés en ont parlé plus tôt,
le régime actuel de l'IVAC est très vieux et comporte plusieurs lacunes qui ont
été soulignées à plusieurs reprises par divers intervenants au fil des
dernières années, dont en 2016, par la Protectrice du citoyen dans son rapport.
Certaines de ces lacunes ont été corrigées dans le projet de loi n° 84,
mais nous vous soumettons respectueusement que ce projet de loi maintient et
même, selon nous, ajoute tout de même un grand nombre de problématiques que
nous avons expliquées en détail dans notre mémoire.
Aujourd'hui, par but d'être concises, nous
allons vous soumettre seulement trois points dans le cadre de notre présentation,
mais je vous invite à nous poser des questions si vous avez des questions sur
d'autres enjeux soulevés dans notre mémoire. Donc, premièrement, nous allons
parler du régime d'indemnisation que nous vous proposons concernant les
infractions criminelles. Ensuite, nous allons parler de rétroactivité et de
l'abandon de la rente viagère.
Donc, premièrement, nous saluons le
retrait de l'annexe de l'IVAC qui limitait le nombre d'infractions criminelles
qui étaient admissibles au régime. Il s'agit d'une belle avancée pour
indemniser plus de victimes d'actes criminels. Par contre, nous avons encore
des problématiques par rapport à la définition d'infraction criminelle telle
qu'elle est définie actuellement dans le projet de loi n° 84. Donc, par
exemple, pensons à une personne qui serait victime d'une agression sexuelle et
dont l'agresseur pourrait, devant un tribunal criminel, faire valoir le fait
qu'il n'avait pas l'intention de commettre cette infraction criminelle là.
Donc, dans le régime actuel de l'IVAC,
c'est un problème qui mène parfois à des refus sur la question, et c'est une
question qui n'a pas été adressée actuellement dans le projet de loi n° 84.
Donc, pour cette raison, nous vous proposons de retirer l'élément d'intention — donc,
ce qu'on appelle en droit criminel a mens rea — de l'agresseur du
régime parce que c'est difficile à prouver pour la personne qui a été victime,
mais également parce que nous considérons que ça ne s'inscrit pas dans
l'objectif du régime d'indemnisation du... qui est mis en place par le projet
de loi n° 84. Donc, pour cette raison, nous vous proposons d'élaborer
d'abord, dans un premier temps, un régime principal qui serait basé sur le
geste criminel seulement, donc l'actus reus.
Dans un deuxième temps, nous vous recommandons
de mettre en place un deuxième régime qui, lui, serait secondaire et supplétif
dans les cas particuliers de violence sexuelle et de violence conjugale. Donc, M.
le ministre l'a mentionné plus tôt, l'objectif du projet de loi n° 84 est
clairement de soutenir les personnes qui sont victimes de violence sexuelle et
de violence conjugale. Or, on sait qu'il y a beaucoup de gestes violents qui
s'inscrivent dans ces deux spectres-là qui ne sont pas nécessairement
considérés comme des infractions au sens du Code criminel.
Je pense par exemple au harcèlement sexuel
en matière de violence sexuelle ou à la violence économique en matière de
violence conjugale. Il ne s'agit pas, en ce moment, d'infractions qui sont
libellées dans le Code criminel, mais puisque le droit criminel évolue
constamment, nous pouvons nous dire que peut-être que ces gestes-là qui posent
des conséquences qui sont importantes sur les personnes qui les subissent
pourraient éventuellement en faire partie. Donc, nous vous demandons d'être proactifs
dans l'indemnité de ces gestes-là. Et donc, au final, nous vous proposons… que
si les gestes sont de nature de violence sexuelle ou de violence conjugale et
qu'ils n'ont pas pu se qualifier dans le premier régime, donc ils n'entrent pas
dans la description du libellé d'une infraction criminelle, d'utiliser plutôt
un critère de l'atteinte violente à l'intégrité pour les indemnités... pour les
indemniser, pardon. Sur ce, je vais laisser la parole à ma collègue,
Mme Bonenfant.
Mme Bonenfant (Romane) :
Merci beaucoup, Me Descoteaux. Donc, moi, je vais enchaîner sur la
rétroactivité. Nous proposons une modification de l'article 171 et 175 qui
offre actuellement une…
Mme Descoteaux (Catherine) :
...de l'atteinte violente à l'intégrité pour les indemnités... pour les
indemniser, pardon. Sur ce, je vais laisser la parole à ma collègue,
Mme Bonenfant.
Mme Bonenfant (Romane) : Merci
beaucoup, Me Descoteaux. Donc, moi, je vais enchaîner sur la
rétroactivité. Nous proposons une modification de l'article 171 et 175 qui
offre actuellement une rétroactivité très limitée. Donc, les personnes qui sont
aujourd'hui victimes de pornographie juvénile, de traite de personnes, de
leurre informatique et de plusieurs autres violences sexuelles et autres
infractions qui n'étaient pas dans l'annexe de la LIVAC ne seront pas
indemnisées si on adopte le projet de loi n° 84 tel quel. Il en est de
même pour les proches. Donc, on peut penser aux parents, aux conjoints, aux
enfants, aux témoins, qui n'étaient pas indemnisés sous la LIVAC dans certains
cas, donc ne pourraient pas non plus se faire indemniser.
Donc, nous proposons d'élargir les effets
rétroactifs à ces victimes, parce que cette injustice-là, d'une victime de
traite aujourd'hui versus celle après l'adoption du projet de loi, n'est pas...
bien, c'est une injustice et elle va à l'encontre de l'objet du projet de loi
qui est de favoriser le rétablissement des victimes. C'est pourquoi nous
proposons un effet rétroactif sans limite temporelle pour les infractions qui
n'étaient pas à l'annexe, ainsi que pour les proches qui ne se qualifiaient pas
sous la LIVAC. Subsidiairement, comme la LIVAC, lorsqu'elle a été adoptée,
permettait de retourner dans le passé pour six ans, nous proposons une
rétroactivité pour six ans. Et subsidiairement, nous pensons que les victimes
d'infractions qui sont passées devraient au moins aujourd'hui être indemnisées
pour les séquelles qu'elles vivent encore.
Et ce qui nous mène à notre troisième
point de critique que nous aborderons aujourd'hui : l'abandon de la rente
viagère. Donc, nous déplorons évidemment l'abandon de cette rente-là qui
permettait aux victimes de toucher à des indemnisations pendant toute leur vie.
Et nous proposons, comme modification, de remplacer l'indemnité pour le revenu,
donc de modifier les articles 37 et 40.
• (14 h 20) •
En effet, dans un contexte de violence
conjugale, il est fréquent que les femmes n'occupent pas d'emploi. C'est des
choses qui arrivent. Et il y a aussi des cas d'étudiants ou de jeunes enfants
qui sont victimes d'infraction, qui, si on adopte le projet de loi tel quel, ne
serait pas indemnisés du tout. Donc, c'est pourquoi nous proposons d'annuler la
limite de trois ans pour la perte de revenus, donc de la rente sans limite
temporelle, et de permettre aux personnes sans lien d'emploi de recevoir une
aide palliant à la perte de revenus.
Également, il est primordial de modifier
le Règlement d'aide aux personnes et aux familles afin de permettre aux
prestataires d'aide financière de dernier recours de toucher à leurs
prestations de dernier recours ainsi qu'à leurs prestations qui leur sont
accordées à titre de victimes d'infraction criminelle...
Mme Bonenfant (Romane) :
…perte de revenus. Également, il est primordial de modifier le Règlement d'aide
aux personnes et aux familles afin de permettre aux prestataires d'aide
financière de dernier recours de toucher à leurs prestations de dernier recours
ainsi qu'à leurs prestations qui leur sont accordées à titre de victimes
d'infraction criminelle. C'est une injustice qui a d'ailleurs été déplorée par
la Cour supérieure, qualifiée d'injustice sociale, et la Cour supérieure a
interpellé le législateur pour remédier à cette situation-là. Nous soulignons
encore une fois que ce problème touche particulièrement les femmes.
Donc, pour conclure, nous portons à votre
attention que notre mémoire, il fait 85 pages mais, dans le corps du
texte, nous avons mis les modifications qui sont principales. Nous ne les avons
pas énumérées au complet, là, dans notre présentation de 10 minutes, mais
elles sont dans le corps du texte. Et nous avons une annexe d'une cinquantaine
de pages avec plusieurs autres modifications qui sont très, très importantes.
Ce n'est pas des modifications de forme, c'est des modifications qui servent à
favoriser le rétablissement des victimes, et nous vous invitons à les lire et à
les considérer.
Nous sommes d'ailleurs disponibles, si
vous avez des questions subséquentes à notre présentation à la commission… de
nous écrire par courriel à l'adresse courriel de l'AJP.
Finalement, nous déplorons, comme
plusieurs de nos collègues, le manque de temps que nous avons eu. Nous avons
été invités quelques jours avant les fêtes et nous avons consulté plusieurs
intervenants du milieu. Le milieu est surchargé. On est en pandémie en ce
moment. C'est un projet de loi qui propose de modifier complètement le régime,
donc c'est d'une grande ampleur. Donc, c'est pourquoi nous vous proposons de
rallonger le temps des consultations.
Et finalement, nous soulignons… en
réfléchissant au projet de loi, nous nous sommes rendu compte… évidemment, ce projet
de loi ne peut pas régler toutes les injustices sociales. Certains enjeux sont
transversaux et nécessitent une réponse sur plusieurs… dans plusieurs secteurs,
donc dans l'éducation, la santé, les services sociaux. Donc, nous recommandons,
évidemment, d'investir massivement dans ces services.
Et nous vous remercions beaucoup pour
votre écoute et nous allons prendre vos questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment pour votre exposé. Nous allons
d'abord commencer avec le ministre pour la période d'échange. M. le ministre,
vous avez la parole pour 16 min 30 s. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Descoteaux, Mme Bonenfant, merci de participer aux
travaux de la présente commission parlementaire. Merci également pour votre
mémoire fort volumineux.
D'entrée de jeu, je voudrais vous poser
une question. Est-ce que vous considérez que la proposition de réforme que nous
faisons, quoiqu'elle ne soit pas parfaite, ça constitue une avancée pour les
personnes victimes au Québec?
Mme Descoteaux (Catherine) :
Bien, tel que j'ai mentionné, en fait, durant la présentation, je pense que
pour certains points, effectivement, ça peut être considéré comme une avancée.
Je pense que, comme ça a été mentionné plus tôt, par contre, par d'autres
députés, c'est important de prendre le temps de le faire pour ne pas tourner
les coins ronds, en fait. Donc…
M. Jolin-Barrette :
...personnes victimes au Québec?
Mme Descoteaux (Catherine) :
Bien, tel que je l'ai mentionné, en fait, durant la présentation, je pense que
pour certains points, effectivement, ça peut être considéré comme une avancée.
Je pense que, comme ça a été mentionné plus tôt, par contre, par d'autres
députés, c'est important de prendre le temps de le faire pour ne pas tourner
les coins ronds, en fait, donc s'assurer de vraiment pondérer chacun des
éléments puis chacun.. chaque impact qu'ils pourront avoir, en fait. Puisqu'on
fait carrément table rase, je pense que c'est vraiment important de prendre le
temps d'analyser chacun de ces 190 articles là et de se demander quel impact
ils auront. Donc, pour certains points, comme je l'ai mentionné, par exemple,
le fait d'élargir, de retirer l'annexe, par exemple, c'est une avancée. Par
contre, je pense que c'est important aussi de se dire que... En ce moment, il y
a un engouement pour ce qui est du support pour les violences sexuelles, les
violences conjugales, et par exemple on a applaudi le fait qu'il n'y ait plus
de délai de prescription pour ces cas-là. Mais on ne voulait pas nous plus
laisser de côté d'autres personnes qui pourraient avoir vécu des événements
traumatiques de nature criminelle. Donc, je pense que c'est important de faire
ce travail-là d'une façon qui inclut tout le monde, en fait, et qui va
permettre de vraiment être une avancée pour tout le reste du Québec.
Mme Bonenfant (Romane) : Oui,
puis, si je peux me permettre, notre analyse a permis de se rendre compte que,
comme on a dit, il y a certaines avancées, il y a d'autres reculs. Si le projet
de loi est adopté tel quel, nous constatons des reculs très, très, très
importants, surtout au niveau de l'indemnisation, comme on ouvre
l'indemnisation à plusieurs personnes, mais dans les faits l'indemnisation nous
semble substantiellement limitée. Donc, si c'est adopté tel quel, selon nous,
ça représente un recul.
M. Jolin-Barrette : Peut-être,
Mme Bonenfant, en réponse à votre intervention, simplement vous rappeler que le
régime que nous avons au Québec est déjà le plus généreux dans tout le Canada,
en fait, et surtout on a rajouté de l'argent, on a rajouté 200 millions
sur cinq ans, donc environ 40 millions par année supplémentaires justement
pour élargir la gamme de services, mais l'indemnisation aussi pour davantage de
victimes.
Donc, tout à l'heure, vous avez dit dans
votre intervention préliminaire que, bien, dans le fond, les victimes maintenant
ne seraient plus indemnisées. Donc, il est vrai que la rente viagère est
abolie, mais par contre elle est remplacée par un montant forfaitaire, comme ça
se fait avec les autres régimes d'indemnisation québécois, celui de la CSST et
celui de la SAAQ, notamment. Donc, on était le seul régime au Québec et au
Canada à toujours avoir une rente viagère. Donc, nécessairement, l'objectif du
projet de loi est de faire en sorte de couvrir davantage de victimes, mais
faire en sorte que la victime qui subit l'infraction soit mieux outillée, mieux
accompagnée. C'est pour ça, dès le départ, qu'on change la façon de travailler
avec la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels, on veut
dès le départ offrir du soutien psychologique. Même si la demande n'est pas
accueillie encore, n'est pas étudiée complètement, on veut que dès le départ,
le premier réflexe, ça soit de donner de l'aide à la victime pour ne pas que ça
dure durant des mois avant qu'elle soit acceptée à l'IVAC, pour qu'elle
puisse...
M. Jolin-Barrette : …avec la
direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels. On veut dès le
départ qu'il y ait du soutien psychologique, même si la demande n'est pas
accueillie encore, n'est pas étudiée complètement. On veut que, dès le départ,
le premier réflexe ce soit de donner de l'aide à la victime. Il ne faut pas ça
dure durant des mois, avant qu'elle soit acceptée à l'IVAC pour qu'elle puisse
bénéficier de ces aides-là.
Donc, on change la façon dont on
travaille, vraiment dans un souci de réhabilitation de la personne victime. On
veut aussi faire en sorte que l'ensemble du noyau familial puisse être couvert.
Je pense aux frères, aux soeurs, aux personnes significatives, aux proches. On
leur donne davantage de soutien, davantage d'aide également de réhabilitation.
Je suis d'accord avec vous qu'on transforme la rente viagère, on transforme
également l'incapacité… l'indemnité d'incapacité de travail lorsqu'il n'y avait
pas de revenu, mais cela fait en sorte qu'à terme, plus de
4 000 bénéficiaires annuellement vont pourvoir bénéficier d'une
indemnisation du soutien supplémentaire de l'IVAC. Donc, le verre n'est pas
plein, mais on essaie de travailler dans la direction pour faire en sorte de
vraiment couvrir le plus de personnes victimes possible aussi.
Je voudrais peut-être vous entendre sur le
volet que nous avons mis pour les victimes hors Québec. Maintenant, on a décidé
de faire en sorte de couvrir toutes les infractions criminelles et j'ai en
tête, notamment, des homicides qui sont survenus au cours des dernières années…
des mères qui famille qui ont été assassinés, notamment, dans… le Sud, tout ça.
Maintenant, on va venir couvrir les victimes. Qu'est-ce que vous en pensez de
ça?
Mme Bonenfant (Romane) : Si
je peux me permettre, juste pour revenir, comme vous l'avez abordé, la somme
forfaitaire. Effectivement, ça peut être une belle avancée. C'est juste que… si
on lit le libellé de la… du projet de loi, on manque un peu de détails pour
pouvoir l'analyser, nous, en profondeur. Donc, c'est pour ça qu'on proposait de
renforcer la rente viagère comme c'était comme… un peu plus évident et concret
à modifier.
Pour ce qui est de la territorialité, on
trouve que c'est des vraiment belles avancées. On a proposé quelques modifications,
les plus importantes c'est le critère de 183 jours du paragraphe… pardon,
à l'article 63, l'alinéa 1, paragraphe 3, en fait, pour
l'élargir afin que les personnes qui sont… qui étaient en voyage de coopération
internationale ou en voyage depuis quelques moments, qu'ils puissent y toucher.
Donc, de créer une exception à ce niveau-là.
Et également l'obligation de
l'article 63, alinéa 1, paragraphe 5, de dénoncer l'infraction
criminelle auprès des autorités dans l'état étranger nous semble très problématique,
parce que c'est connu que pour plusieurs raisons, les victimes dans ces…
surtout quand… quand elles peuvent être dans des… à l'étranger ou dans un autre
pays, il peut y avoir une multitude de raisons pour lesquelles on ne peut pas
dénoncer une infraction dans le pays. Donc, ça, on demanderait de le retirer,
mais sinon on trouve que c'est une très belle avancée. Nous la saluons.
• (14 h 30) •
Mme Descoteaux (Catherine) :
Si je peux me permettre également de rebondir sur ce que M. le ministre avait
dit précédemment concernant la somme forfaitaire aussi…
14 h 30 (version non révisée)
Mme Bonenfant (Romane) : ...à
l'étranger, dans un autre pays, il peut y avoir une multitude de raisons pour
lesquelles on ne veut pas dénoncer une infraction dans le pays. Donc, ça, on
demanderait de le retirer. Mais sinon, on trouve que c'est une très bonne
avancée, et nous la saluons.
Mme Descoteaux (Catherine) :
Si je peux me permettre également de rebondir sur ce que M. le ministre avait
dit précédemment concernant la somme forfaitaire aussi. Comme ma collègue l'a
mentionné, en fait, effectivement, il n'y a pas de définition claire de ce
qu'est la somme forfaitaire, et dans quelles circonstances elle s'applique, ni
le montant qui sera accordé. Et ça, c'est une inquiétude qu'on a, en fait,
puisqu'elle sera déterminée par règlement. On n'a pas... Évidemment, les règlements
ne sont pas écrits actuellement.
Et pour nous, c'est une chose qui nous
inquiète, puisque, par exemple, quelqu'un qui recevait la rente viagère avec le
régime précédent de l'IVAC, qui recevait, par exemple, 900 $ par mois
durant... pour une infraction... mais, disons, vécue à 30 ans, et jusqu'à la
fin de ses jours, disons, jusqu'à 80 ans, donc durant 50 ans, ça faisait un
montant de 540 000 $ qui était versé à cette personne-là. Et on se
questionne sur le montant de cette somme forfaitaire là qui va être versée
parce que, si une personne... On doute fortement, en fait, que ce ne sera pas
de ce niveau-là, le montant qui va être versé à la personne. On soupçonne que
ça risque d'être probablement beaucoup moins élevé que ça.
Et pour nous, c'est un gros enjeu parce
qu'effectivement si on élargit le régime et qu'on permet une plus grande
admissibilité à plus de personnes au régime, bien, qu'on réduise largement les
indemnités qui sont versées, au final, on ne rencontre quand même pas
l'objectif d'indemnisation du régime qui est mis en place par le projet de loi.
M. Jolin-Barrette : Bon, en
fait, M. le Président, je comprends bien ce que vous nous dites, mais on se
retrouve dans une situation, aussi, où il faut faire en sorte d'accompagner
toutes les victimes aussi. Et les ressources, elles sont tout de même limitées,
malgré le fait que l'État québécois investit plusieurs centaines de millions de
dollars, avec un 200 millions supplémentaire. Donc, c'est sûr que, dans
certaines circonstances, il y a certains choix à faire. Et le régime des rentes
viagères, comme je le disais, c'était le dernier régime au Canada à avoir... et
déjà, je pense que la CSST, la... ont aboli, en 1985, les rentes viagères... un
petit peu plus tardivement pour l'autre régime. Mais je vous entends bien sur
votre préoccupation de le préserver.
Mais la construction du... la réforme que
nous faisons aussi, c'est pour faire en sorte aussi que les gens retournent...
puissent retrouver une vie normale le plus possible. Donc, c'est pour ça qu'on veut
les accompagner, avec de l'aide pour la réinsertion professionnelle, la
réorientation. Dans certains cas, ça va être des changements de carrière. Donc,
on prévoit, pour la victime qui a subi l'infraction directement, donc, qu'elle
pourrait avoir cinq ans pour l'aider, son accompagnement au niveau de sa
réintégration dans le cours de sa vie.
Peut-être une question pour vous. Tout à
l'heure, vous avez dit... Écoutez, vous visez à indemniser les infractions de
nature criminelle. Maintenant, toutes les infractions font que la personne va
être visée. Mais vous donnez l'exemple, vous dites : Certains gestes qui ne
sont pas des infractions criminelles devraient être également indemnisés. Vous
donnez l'exemple, là, du harcèlement, mais le...
M. Jolin-Barrette : ...vous
visez à indemniser les infractions de nature criminelle. Maintenant, toutes les
infractions font que la personne va être visée. Mais vous donnez l'exemple,
vous dites : Certains gestes qui ne sont pas des infractions criminelles
devraient être également indemnisés. Vous donnez l'exemple, là, du harcèlement,
mais le harcèlement est couvert et dans la liste. J'ai peut-être manqué tout
ça, mais vous voudriez qu'on crée un autre régime aussi pour toutes sortes de situations
autres qui ne seraient pas couvertes par la liste d'infractions criminelles,
bien, en fait, l'absence de liste, si je peux dire, là, maintenant c'est tous
les crimes visant la personne.
Mme Descoteaux (Catherine) :
Effectivement. Et c'est quelque chose qui a nécessité beaucoup de jus de
cerveau, je vous dirais, de notre côté, parce qu'on se questionnait, en fait,
quel était le meilleur moyen d'accompagner les personnes qui ont vécu des
violences sexuelles ou de la violence conjugale. Et effectivement le
harcèlement criminel se retrouve dans les infractions qui seraient indemnisées.
Par contre, le harcèlement sexuel ne se qualifie pas souvent de harcèlement
criminel au sens du Code criminel.
Et j'ajouterais aussi qu'en fait l'idée, c'est
vraiment... Ça pourrait être une liste qui serait définie. Par exemple, on a
proposé, dans notre annexe à l'article 13, une définition pour les
agressions sexuelles et pour la violence conjugale, et ça pourrait être des
listes... des gestes qui seraient posés dans le cadre de cette liste-là. Je
pense, entre autres, au sextage non sollicité, et là j'en perds probablement.
Le voyeurisme, je pense que c'est infraction criminelle. Mais, en tout cas, il
y a plusieurs gestes qui sont de nature à être blessants, à être violents et
qui ne sont quand même pas considérés comme des infractions criminelles. Donc,
cette liste pourrait être limitative.
Et, ceci étant dit, j'apprécierais en fait
même si vous étiez intéressé à discuter avec nous sur ces enjeux-là au-delà de
cette rencontre-ci, parce que 35 minutes, c'est très peu. Mais nous avons
voulu, en fait... aller dans une optique qui était de permettre, et
d'accompagner correctement, et de vraiment assister des personnes dans leur
rétablissement pour des actes de nature sexuelle ou de violence conjugale
qu'ils auraient pu vivre.
Mme Bonenfant (Romane) : Oui.
Puis, si je peux me permettre, c'est aussi la violence économique et
psychologique qui a lieu des fois dans les contextes de violence conjugale,
donc sans nécessairement qu'il y ait des voies de fait ou des actes physiques.
C'est pour ça qu'on cherchait à être un peu plus larges et un peu plus
englobantes, puis on pensait à la réalité que beaucoup de victimes tombent un
peu dans une catégorie qu'elles ont vécu des séquelles, mais que ce n'est pas
nécessairement quelque chose que le DPCP pourrait prendre, aller poursuivre...
bien, aller mener ses poursuites. Donc...
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Donc, Me Descoteaux, Mme Bonenfant, je vous remercie pour votre
intervention. Je vais céder la parole à des collègues qui souhaitent vous poser
des questions également. Merci beaucoup pour votre participation aux travaux de
la commission.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, j'ai le député
de Chapleau, s'il vous plaît. Il vous reste 3 min 50 s. M. le
député.
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait. Merci beaucoup. Je tâcherai d'être prompt. Bonjour, Me Descoteaux,
Mme Bonenfant. Je salue...
M. Jolin-Barrette : …merci
beaucoup pour votre participation aux travaux de la commission.
Une voix
: Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Alors, j'ai le député de Chapleau,
s'il vous plaît, il vous reste… il reste 3 min 50 s. M. le député.
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait. Merci beaucoup. Je tacherai d'être prompt. Bonjour, Me Descoteaux, Mme
Bonenfant je salue également l'ensemble des collègues pour cette première
expérience entièrement virtuelle.
J'aimerais peut-être une clarification sur
un point que vous avez abordé, notamment en lien avec la définition d'un acte
criminel. Vous avez parlé de l'actus reus, et la mens rea. Comment ça se
déroule actuellement? Donc, il faut… ça prend la mens rea dans les situations
actuelles pour l'IVAC, c'est bien ça?
Mme Descoteaux (Catherine) :
Bien, en fait, c'est que ce n'est pas clair. Donc, actuellement, en fait, le
régime actuel de l'IVAC exclut l'identité, qui est un autre élément à prouver
dans le cadre d'un processus criminel, et exclut également d'avoir à démontrer
la capacité de la personne, de l'agresseur à se faire poursuivre en vertu d'un
processus criminel. Par contre, il n'y a rien qui est mentionné par rapport à
mens rea.
Par contre, quand on regarde les décisions
qui sont rendues par le Tribunal administratif du Québec, il y a des décisions…
il y a des demandes d'indemnisation qui sont refusées sur la base que
l'agresseur pouvait, justement, ne pas avoir eu l'intention de commettre le
geste, alors qu'on sait que, dans le cas d'une personne qui a vécu une
agression sexuelle, si elle n'avait pas le consentement, ce n'est pas vraiment…
c'est indépendant, en fait, de ce que l'agresseur a pu en croire. Alors qu'on
sait qu'en droit criminel le but d'avoir cette intention coupable là, c'est de
ne pas condamner des personnes qui sont moralement innocentes, en fait. Donc,
on… c'est deux objectifs complètement différents, et on croit qu'il s'agit
selon nous d'une erreur, d'une confusion par rapport au droit qui ne devrait
pas s'insérer, en fait, dans le droit administratif qui est le régime couvert
par l'IVAC actuel.
M. Lévesque (Chapleau) : Donc,
le fameux cas, là, du somnambule, qu'on voit justement dans nos cours de droit,
qui commet un acte criminel envers une personne, mais n'est pas conscient ou,
du moins, n'a pas le mens rea. Donc, ça serait tout de même inclus dans
l'indemnisation pour la victime qui aurait subi, du moins, un acte criminel de
ce somnambule-là, c'est bien ça que je comprends?
Mme Descoteaux (Catherine) :
Bien, pas exactement, en fait, parce que, dans notre mémoire, on a rédigé aussi
une exception… on propose une exception qui serait pour les cas qui seraient
fortuits. Donc, vraiment, justement, le cas de l'agresseur qui est somnambule
ou, disons, même moi, je suis en train de cuisiner, j'ai mon couteau dans les
mains, je me retourne et je poignarde mon conjoint. Clairement, c'est un cas
qui est fortuit. Donc, on propose une exception dans ces cas-là.
Là où ça s'applique beaucoup plus, c'est
en matière, par exemple, d'agression sexuelle où il y a souvent un flou sur la
notion de consentement. Donc, on l'a vu, juste cet été, il y avait encore une
vague de dénonciations, #metoo l'a mis aussi en lumière aussi… des fois, une
même perception… un même événement n'est pas perçu de la même façon par la
personne victime et son agresseur. Et ça ne… selon nous, en fait, un régime
d'indemnisation devrait pouvoir indemniser la personne qui considère avoir vécu
une agression sexuelle, peu importe, en fait, ce qui se passait dans la tête de
l'agresseur. Donc là, on parle vraiment plus de cas qui sont de la nature
d'agression sexuelle et qui ne rentreraient pas dans le cas du fortuit, là.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.
Puis, en terminant, là, rapidement, donc vous voudriez, notamment en lien avec
certaines infractions, notamment violence sexuelle et conjugale, vous aimeriez
peut-être étendre cela à d'autres actes, donc, que vous avez mentionnés tout à
l'heure. Est-ce qu'il y a d'autres…
Mme Descoteaux (Catherine) :
…vraiment plus de cas qui sont de la nature d'agression sexuelle et qui… ils ne
rentreraient pas dans le cas du fortuit, là.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.
Puis en terminant, là, rapidement, bon, vous voudriez, notamment en lien avec
certaines infractions, notamment violence sexuelle et conjugale, vous aimeriez
peut-être étendre cela à d'autres actes que vous avez mentionnés tout à
l'heure? Est-ce qu'il y a d'autres infractions, qui sortent peut-être du
domaine de la violence conjugale ou des infractions sexuelles, que vous
aimeriez ajouter, que vous avez peut-être abordées?
• (14 h 40) •
Mme Descoteaux (Catherine) :
Voulez-vous dire des infractions ou des gestes?
M. Lévesque (Chapleau) : Ou
des gestes. Un ou l'autre.
Mme Descoteaux (Catherine) :
Oui, en fait, il y a beaucoup de choses. J'ai vraiment ma liste, là, je
pourrais vous la lire. Donc…
17859 Le Président (M. Bachand) : On peut y aller…
Mme Descoteaux (Catherine) :
Oui, O.K., je vais faire ça très…
Le Président (M. Bachand) :
Il reste 15 secondes.
Mme Descoteaux (Catherine) :
O.K. Donc, vraiment, tout ce qui est exploitation sexuelle, tout ce qui touche
à la pornographie juvénile, par exemple la sextorsion, la diffusion d'images
intimes, sont des gestes qui sont de nature sexuelle, qui ne rentrent pas
nécessairement dans l'agression sexuelle.
M. Lévesque (Chapleau) : Hors
de toute la notion sexuelle, y avait-u d'autres éléments?
Mme Descoteaux (Catherine) :
Dans la violence conjugale, oui. Mauvais… de violence sexuelle et conjugale
M. Lévesque (Chapleau) : Hors
de violence conjugale et sexuelle, est-ce qu'il y a autre chose? En dehors des
deux?
Mme Descoteaux (Catherine) :
…en violence conjugale, il y en a, mais pas en dehors des deux qu'on a vus,
qu'on a réfléchi, actuellement.
M. Lévesque (Chapleau) :
D'accord. Parfait.
17859 Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de Chapleau. Je cède
maintenant la parole au député de LaFontaine, pour 11 minutes. M. le député,
s'il vous plaît.
11789 M.
Tanguay: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon
tour de vous remercier et de vous saluer, Me Descoteaux et Mme
Bonenfant. Merci beaucoup de prendre le temps d'être avec nous
aujourd'hui. J'ai 11 minutes, alors je vais y aller rapidement. Mais,
évidemment, il sera utile de souligner d'entrée de jeu, puis vous avez fait une
analyse, là, qu'on voit rarement dans nos commissions parlementaires, en
mettant en annexe… Vous avez même rédigé les amendements, alors ça va nous être
d'un précieux secours. J'entends bien votre message, dans un projet de loi qui
modifie 23 lois, qui abroge trois lois et qui modifie 18 règlements, vous nous
dites : Ça se peut qu'on ait d'autres réflexions. Puis peut-être même que
depuis la production de votre mémoire vous avez déjà eu d'autres éléments à
ajouter. Je vous en prie, je vous ai fait une invitation au nom de notre
président. N'hésitez pas à envoyer des compléments de réflexions au Secrétariat
de la commission, parce qu'il est possible que l'on embarque très, très
rapidement sur l'analyse article par article, et là, ça va débouler.
Alors,
bravo : un mémoire excessivement étoffé, étayé et réfléchi. J'aimerais
vous attirer, donc, sur l'amendement que vous proposez à l'article 13, la
définition «acte à caractère sexuel non consensuel». Vous y mettez une liste, y
compris, notamment… j'aimerais vous entendre sur cette rédaction-là, qui est la
vôtre, c'est une liste qui n'est pas limitative. Est-ce que vous croyez,
toujours aujourd'hui, que cette définition-là serait la bonne et y a-t-il
d'autres éléments de définition, parce que lorsque l'on définit les termes d'une
loi, tout le reste, quant à l'application, en découle. Est-ce que d'autres…
au-delà de ça j'aimerais vous entendre, et est-ce qu'il y a d'autres
définitions auxquelles vous aimeriez attirer notre attention, qui mériteraient
d'être peaufinées?
Mme Descoteaux (Catherine) :
C'est une excellente question. En fait, déjà, pour le terme, on s'était penchés
sur la question, à savoir est-ce qu'on préférait parler de violence sexuelle ou
d'acte à caractère sexuel non-consensuel…
M. Tanguay
: ... en découlent.
Est-ce que d'autres au-delà de ça et est-ce qu'il y a d'autres définitions
auxquelles vous aimeriez attirer notre attention qui mériteraient d'être
peaufinées?
Mme Descoteaux (Catherine) :
C'est une excellente question. En fait, déjà pour le terme, on s'était penché
sur la question à savoir si est-ce qu'on préférait parler de violence sexuelle
ou date à caractère sexuel non consensuel. On s'est dit qu'il allait y avoir la
notion de non-consentement permettrait d'aller restreindre la question quand
même et s'assurer qu'il y avait un aspect vraiment qui visait l'indemnisation,
là. Je vous avouerais que cette liste-là, a été rédigée en ayant une vision
très large, en pensant à peu près à tout ce qu'on pouvait envisager qui était
de nature des violences sexuelles ou une violence où une personne aurait pu ne
pas consentir.
Rapidement, comme ça, moi, je ne vois pas
d'autre chose qu'on pourrait y ajouter. Par contre, ça ne veut pas dire que
c'est limitatif puis c'est pour ça qu'on a mis le «notamment», en fait. Donc,
c'était vraiment dans cette optique-là, parce qu'on avait eu un mois pour le
rédiger puis on avait d'autre chose à traiter dans le mémoire. Donc, je ne sais
pas si ma collègue et Mme Bonenfant voulaient rajouter quelque chose.
Mme Bonenfant (Romane) : Oui,
bien, si je peux me permettre, on utilise le mot «acte» à la place de
«violence». Ça fait un peu partie des réflexions qui n'est pas nécessairement
parfaite, mais on voulait que... le mot «violence», qui est un peu connoté comme
quelque chose de, tu sais, très violent et qui choque, tandis que «acte», on
disait que c'est un peu plus englobant puis comme on veut aussi que cette loi
soit idéalement comprise par les victimes, là, on avait un genre de souci
d'intelligibilité puis on trouvait que, oui, c'est une longue explication, là,
«à caractère sexuel non consensuel», mais, en même temps, ça peut aller
rejoindre un peu tout le monde qui peut comprendre, là, à quoi on fait
référence puis en listant des exemples, bien les victimes peuvent voir: Ah!
oui, moi, ça rentre là-dedans, puis on voulait les impliquer, mais ce n'est pas
une expression qui est parfaite. On a discuté avec quelques intervenantes et
quelques intervenants comme Michaël Lessard, qui va parler plus tard et...
Il y a des gens qui sont pour, il y a des
gens qui sont contre, mais c'est notre proposition.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup. Pages 19 et 20 de votre mémoire, j'en suis sur le délai... le délai,
«suppression totale du délai pour présenter une demande ou, au moins, qu'il
passe de trois ans à 10 ans, j'aimerais vous entendre sur l'importance de ça et
j'aimerais également vous entendre sur «tout motif valable» plutôt que
«impossibilité d'agir». En quoi ça, c'est majeur?
Mme Bonenfant (Romane) : Oui,
en fait, c'est majeur parce que le Tribunal administratif du Québec a une jurisprudence
qui penche des fois... des fois, qui est très large et englobante puis, des
fois, qui vont être plutôt restrictif sur l'utilisation du terme...
M. Tanguay
:
Impossibilité.
Mme Bonenfant (Romane) :
oui... merci beaucoup, d'impossibilité d'agir. Donc, c'était pour être le plus
englobant possible, tout en ayant un temps qui est quand même raisonnable, là.
On ne peut pas ouvrir l'indemnisation à tout le monde dans ces circonstances-là
où est-ce qu'il y a eu un...
Mme Bonenfant (Romane) :
...
M. Tanguay
:
Impossibilité.
Mme Bonenfant (Romane) :
oui... merci beaucoup, d'impossibilité d'agir. Donc, c'était pour être le plus
englobant possible, tout en ayant un temps qui est quand même raisonnable, là.
On ne peut pas ouvrir l'indemnisation à tout le monde dans ces circonstances-là
où est-ce qu'il y a eu un retard.
Également, bien, à la page 20, on
liste les raisons pour lesquelles la prescription existe habituellement. Donc,
c'est : assurer la stabilité des patrimoines et les relations juridiques,
éviter le dépérissement de la preuve et sanctionner la négligence des
créanciers. Pourtant, dans un contexte d'indemnisation des victimes, ça n'a pas
vraiment rapport, ces points-là.
Donc, c'est pour ça que ça serait très,
très, très important pour les victimes de violence sexuelle et conjugale mais également
pour toutes les victimes. Donc, on... c'est pour ça. Puis on trouvait que
c'était raisonnable de proposer ces modifications-là, surtout en raison de la
définition... bien, de la raison même d'un délai de prescription. Et on note
que, même pour le tribunal administratif, ça coûte de l'argent de refuser une
demande, que ça aille en appel ou en révision, puis tout ça. Donc, voilà.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup. J'aimerais vous entendre... Puis excusez-moi, je suis un petit peu
télégraphique, mais c'est le peu de temps puis la matière, là, vous m'excusez.
La rente viagère, je veux vous entendre là-dessus. Vous soulevez qu'il s'agit
d'un recul. Est-ce que vous croyez que l'abandon de la rente viagère va
vraiment favoriser la réintégration, comme le prétend le ministre?
Mme Bonenfant (Romane) :
Bien, tout dépendamment de la somme forfaitaire puis de... C'est que, dans le
projet de loi, il n'y a presque pas de montants. On détaille très, très peu les
montants, donc c'est difficile pour nous de critiquer. On ne voudrait pas être
trop durs et dire : C'est un projet de loi terrible, on n'a pas les
détails. Donc, quand on n'a pas les détails, ça peut être positif, ça peut être
négatif.
Mais on doute, comme Me Descoteaux l'a
expliqué avec son exemple d'une personne qui recevait un certain montant par
mois, on doute qu'une somme forfaitaire va aller toucher des
200 000 $, 300 000 $, ce qui est, des fois, le cas... Dans
certains cas, il y a certaines victimes qui peuvent toucher à ces montants-là,
si on compte, au bout du fil, là, au bout de 50 ans...
M. Tanguay
: Et
même... Puis corrigez-moi si j'ai tort, puis peut-être que j'emprunte une analogie
qui ne tient pas la route, puis vous allez me le dire, mais, même dans
l'économie de notre droit civil, vous n'êtes pas forclos de parfaire votre
réclamation pour des dommages corporels. Alors, c'est une situation qui peut
évoluer dans le temps.
Alors, il est un peu peut-être antinomique
de dire : Bien, on va faire une somme forfaitaire, puis ça règle
l'entièreté du reste de votre vie, sachant que, dans l'économie de notre droit,
pour des dommages corporels, je peux parfaire la preuve au fur et à mesure que
d'autres effets négatifs d'un acte fautif ne sont...
Alors, il y a peut-être une logique là
qui... tu sais, somme forfaitaire, peut-être que... ne s'arrime pas bien...
M. Tanguay
:
...forfaitaire puis ça règle l'entièreté du reste de votre vie, sachant que,
dans l'économie de notre droit, pour des dommages corporels, je peux parfaire
la preuve au fur et à mesure que d'autres effets négatifs d'un acte fautif me
sont... Alors, il y a peut-être une logique là qui, tu sais... somme
forfaitaire, peut-être que ça ne rime pas bien. Je vous lance la réflexion pour
commentaire, là.
Mme Bonenfant (Romane) : Oui,
bien... Puis l'article 2926.1 du Code civil, on l'a mis à la page 20, également,
garantit au moins 10 ans, donc ce serait un peu absurde de créer un régime
d'indemnisation qui est dans le but d'aider les victimes mais qui soit plus
strict à certains égards que le Code civil, donc...
M. Tanguay
:
J'aimerais...
Mme Bonenfant (Romane) : Oui,
et si je peux me permettre...
M. Tanguay
: Je vous en
prie.
Mme Bonenfant (Romane) :
...sur la rente, le remplacement de revenu, on proposait également de se baser
sur le salaire moyen plutôt que salaire minimum, ce qui serait un peu plus
juste. Parce qu'en fait ce qui était souligné, c'est que même le régime à
l'IVAC, actuel, donne 90 % du salaire minimum, c'est vraiment, vraiment
très peu, c'est sous le seuil de la pauvreté. Donc, on a détaillé ça dans notre
mémoire.
M. Tanguay
: Oui, tout
à fait, ça, c'est un point important. Et ça aurait comme effet de maintenir
aussi des gens dans une situation de pauvreté et de ne pas favoriser le
rétablissement. Or, c'est toujours un objectif aussi, que la personne reprenne
contrôle de sa vie.
Mme Bonenfant (Romane) :
Absolument.
M. Tanguay
: Puis
lorsque l'on veut réellement que la loi soit là pour vous épauler de façon
substantielle pour vous rembarquer puis que vous preniez le contrôle de votre
vie, bien... on vous maintient ici, indirectement, puis je sais que ce n'est
pas l'intention du ministre, mais dans la situation de pauvreté.
Vous dites également, on le sait — ça,
c'est moi qui le dis — le diable est dans les détails, puis vous le
savez, beaucoup, beaucoup de choses seront prévues par règlement. Puis on vient
d'entendre le ministre qui nous dit : Bien, Québec, oui, c'est un système généreux,
mais ce n'est pas un puits sans fond, l'argent, alors ça, c'est le genre de
commentaire, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, là, où il y aura un
travail de vigilance au niveau des règlements qui vont tous nous aider à
dire : Bien, quelle forme ça va prendre dans la vraie vie, ça...
• (14 h 50) •
Mme Bonenfant (Romane) :
Effectivement. C'est une des craintes qu'on a soulignées aussi dans notre
mémoire. On pense que c'est vraiment important d'encadrer la réglementation qui
va surgir du projet de loi parce que justement on n'a pas accès à ça, on ne
sait pas l'état des finances du Québec, actuellement, quelles elles seront, en
plus, après une pandémie qui va avoir duré quelques années, dans quelques
années. Donc, on pense que c'est vraiment important d'aller fixer des balises,
puis c'est pour ça qu'on suggère d'aller vraiment délimiter quelles sont ces
indemnités-là, quels seront les montants minimaux et à quoi ils correspondent.
Et pour ce qui est des chiffres, pour
nous, c'est vraiment difficile de nous pencher, parce qu'on n'est pas des
actuaires, ce n'est pas du tout notre domaine d'expertise. Par contre, on
recommande vraiment de faire affaire avec des personnes qui travaillent sur le
terrain avec ces victimes-là pour évaluer quelles sont les indemnités dont
elles ont besoin, quels sont les montants dont ces personnes-là ont besoin.
Parce que, sinon, en fait, c'est ça, nous, c'est une crainte qu'on a que ce
régime-là pourrait en fait ne pas remplir les objectifs qu'il s'est fixés
initialement.
M. Tanguay
: Bien,
écoutez, M. le Président, combien il me reste de temps?
Le Président (M.
Bachand) :
...
M. Tanguay
: 20
secondes? Je ne vous ai pas entendu, mais je vous ai vu, j'ai lu sur vos
lèvres, 20 secondes. J'ai 20 secondes. Alors, il me reste une chose, vous
remercier très chaleureusement, Me Descoteaux, Mme Bonenfant. Merci beaucoup.
Encore beaucoup de nourriture, pour nous...
Mme Descoteaux (Catherine) : ...qui
s'est fixé initialement.
M. Tanguay
: Écoutez, M.
le Président, combien il me reste de temps?
Le Président (M.
Bachand) :
...
M. Tanguay
: 20
secondes? Je ne vous ai pas entendu, mais je vous ai vu. J'ai lu sur vos
lèvres, 20 secondes. J'ai 20 secondes. Alors, il me reste une chose,
vous remercier très chaleureusement, Me Descoteaux, Mme Bonenfant.
Merci beaucoup. Encore beaucoup de nourriture, pour nous, intellectuelle, puis
on aura l'occasion de reparler. Chapeau, merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. Je
passerai maintenant la parole à la députée de Sherbrooke pour
2 min 45 s. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci à vous Mmes Descoteaux et Bonenfant pour votre mémoire.
Votre association porte très bien son nom, on voit l'effort que vous avez fait
de vouloir non seulement réagir au projet de loi, mais de faire des
propositions qui l'amène plus loin également.
Il y a toute une section de votre mémoire
qui porte sur la notion de faute lourde. J'aimerais ça entendre ce que vous
aviez... un peu là-dessus...
Mme Descoteaux (Catherine) :
Oui. En fait, c'est sûr que, pour la faute lourde, je vais vous inviter aussi
peut-être, si on n'a pas le temps à rentrer dans les détails, à poser les
questions aussi à la coalition... je ne me souviens plus du nom, pour la CLES,
qui va venir parler, en fait, dans deux jours parce qu'elles vont se pencher
sur cet enjeu-là. Mais on a remarqué, en fait, qu'il y a... ce qu'on pense être
une erreur de rédaction, en fait, dans la faute lourde. Donc, la personne qui
est victime elle-même n'est pas admissible actuellement sous le régime actuel
de l'exception. Donc là je reforme ma phrase. Donc, si une personne a vécu une
violence sexuelle ou a vécu... elle a subi de la violence, elle est admissible
à une exception pour certaines catégories de personnes admissibles au régime. Par
contre, la personne elle-même qui a subi de la violence ou des menaces n'est
pas admissible à cette exception-là. Donc, si elle a commis une faute, elle
n'est pas admissible à ça. Pour nous, ça nous semble un peu étrange,
considérant qu'on essaie de ne pas blâmer la victime pour les situations dans
lesquelles elle se retrouve. On essaie d'être conscients de la violence qu'elle
a subie. Et, également, donc après ça de lui reprocher qu'elle a subi cette
violence-là et qu'elle a commis une faute qui l'empêcherait d'être indemnisée,
au final, pour nous, c'est une aberration.
Et on a également un problème... en fait,
ce n'est pas un problème parce qu'on sait que ça existe actuellement sous le
régime de l'IVAC que les personnes qui ont vécu des violences sexuelles ou de
la violence conjugale peuvent aussi faire l'objet d'une autre exception et ne
peuvent donc pas faire... ils ne peuvent... Excusez, je sais que je manque de
temps, ça fait que j'essaie de tout dire en même temps, mais donc elles ne
peuvent donc pas... elles pourraient se retrouver, en fait, accusées d'avoir
commis une faute lourde et ne pas se faire indemniser, même si elles ont vécu
de la violence sexuelle et violence conjugale. Et on pense que c'est
problématique, notamment en ce qui touche les travailleuses du sexe. Donc,
c'est pour ça que je vous réfère à la CLES parce que ces personnes-là se sont
parfois fait reprocher d'avoir un travail qui fait en sorte que ça les place
dans des situations qui sont dangereuses pour elles, alors que ces personnes-là
devraient, au contraire, être protégées. Elles ont signé... elles ont accepté
de faire du travail du sexe, ça ne veut pas dire qu'elles ont accepté de se
faire agresser sexuellement.
Donc, pour nous, c'est essentiel que cet
élément-là se retrouve inscrit dans le projet de loi parce qu'autrement, en
fait, on ne protège pas les personnes qu'on est censé...
Mme Descoteaux (Catherine) :
…au contraire, être protégées… elles ont signé… elles ont accepté de faire du
travail du sexe, ça ne veut pas dire qu'elles ont accepté de se faire agresser
sexuellement.
Donc, pour nous, c'est essentiel que cet
élément-là se retrouve inscrit dans le projet de loi parce qu'autrement, en
fait, on ne protège pas les personnes qu'on est censé protéger avec ce projet de
loi là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je dois maintenant céder la parole à
la députée de Joliette pour 2 min 45 s. Mme la députée, s'il
vous plaît.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour à vous deux. Merci de votre excellent mémoire et de votre très bonne
présentation aussi.
Deux sujets. Donc, juste pour continuer
là-dessus, plusieurs demandent donc que ce soit clairement inscrit dans le
projet de loi que la faute lourde n'est pas un principe qui peut s'appliquer
quand on parle d'infraction de violence sexuelle, violence conjugale, leurre,
exploitation sexuelle. Donc, vous êtes du même avis, on doit carrément
l'exclure?
Mme Descoteaux (Catherine) : Effectivement.
Mme
Hivon
: Oui?
O.K. L'autre fait, c'est sur l'indemnisation. Donc, vous soulevez, je pense,
fort à propos, qu'il n'y aura plus de rente viagère. On est complètement dans
le néant à savoir la hauteur, donc, des compensations et des indemnisations qui
vont être données parce que tout ça va relever des pouvoirs réglementaires du
ministre. Vous pouvez être certaines qu'on va poser beaucoup de questions et
qu'on va demander de savoir à l'avance vers quoi s'enligne le ministre parce
que ces pouvoirs-là sont vraiment très, très, très larges dans le projet de loi.
Moi, je veux comprendre : Est-ce que
vous nous recommandez de garder un régime mixte qui pourrait avoir des rentes
viagères et des indemnisations forfaitaires ou est-ce que vous nous dites
plutôt : Allons-y vers l'indemnisation forfaitaire, mais en s'assurant que
les victimes ne perdront pas au change?
Mme Bonenfant (Romane) : Ce
qui est important, en fait, c'est que les victimes puissent toucher à des
indemnisations pendant toute leur vie si c'est nécessaire. Donc, que ça soit
sous le terme «sommes forfaitaires» ou «remplacement de revenu» ou… tu sais, on
pourrait… on n'a pas vraiment étudié plus en détail le dossier comme on
manquait d'information par rapport aux détails sur les sommes forfaitaires.
Mais dans tous les cas, ce qui est
important, c'est que les victimes puissent toucher… pas avoir un gros chèque le
lendemain de leur agression puis s'attendre à ce qu'elles l'utilisent pour
payer leurs séances de psychologue pendant toute leur vie, mais de donner…
c'est une très bonne idée de faire une somme forfaitaire si le but, c'est de
donner de l'argent directement, rapidement pour l'aider à se remettre sur pied,
puis ensuite d'avoir quelque chose qui est plus à long terme. Ça ressemble un
petit peu à… l'incapacité totale… c'est tout le régime qu'il y avait avant,
mais je pense que si ce principe-là est respecté, peu importe, un peu, le nom
qu'on lui donne, tant que l'argent est donné le plus rapidement possible et
ensuite pendant une bonne durée de temps, c'est ça qui serait important.
Mme
Hivon
:
Parfait. Donc, c'est vraiment à la hauteur puis, ce qui vous préoccupe, c'est
de dire : Puisqu'on augmente le nombre de victimes qui pourront
potentiellement être dédommagées, ce qui est évidemment une bonne chose et une
avancée, c'est que celles qui pouvaient bénéficier du régime en ce moment
perdent au change parce qu'elles vont être compensées à une hauteur moins
importante. C'est bien ça?
Mme Bonenfant (Romane) : Oui,
puis Rachel Chagnon va…
Mme
Hivon
:
...puis, ce qui vous préoccupe, c'est de dire : Puisqu'on augmente le
nombre de victimes qui pourront potentiellement être dédommagées, ce qui est évidemment
une bonne chose et une avancée, c'est que celles qui pouvaient bénéficier du
régime en ce moment perdent au change parce qu'elles vont être compensées à une
hauteur moins importante. C'est bien ça?
Mme Bonenfant (Romane) : Oui.
Puis Rachel Chagnon va vraiment très bien expliquer cet enjeu-là. C'est bien
qu'on élargisse, mais l'État a quand même un peu les mêmes montants, là, ce
n'est pas infini. Donc, d'élargir puis de permettre à plein de gens de recevoir
l'indemnisation tandis qu'une personne peut être très, très, très gravement
blessée puis qu'on coupe dans ces indemnités-là, ce n'est pas...
Le Président (M.
Bachand) : Merci.
Mme Bonenfant (Romane) : Oui.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, Me Descoteaux, Mme Bonenfant,
merci infiniment de votre participation aux travaux.
Sur ce, on suspend les travaux quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 14 h 58)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 3)
Le Président (M.
Bachand) : Alors, s'il vous plaît, la commission reprend ses
travaux. Nous souhaitons, bien sûr, la bienvenue, maintenant, à Mme Rochon accompagnée
de Me Mongeon. Bienvenue à la commission.
Comme vous savez, vous avez
10 minutes de présentation, puis, après, nous aurons un échange avec les
membres de la commission.
Donc, Mme Rochon, la parole est à vous,
et, encore une fois, merci d'être avec nous cet après-midi.
Mme Rochon (Lili) : Tout
d'abord, c'est moi qui vous remercie. C'est un honneur, c'est une chance d'être
avec vous, aujourd'hui, dans le cadre du projet de loi 84.
Je trouvais ça extrêmement important que…
Le Président (M.
Bachand) : …donc, Mme Rochon, la parole est à vous et, encore
une fois, merci d'être avec nous cet après-midi.
(Visioconférence)
Mme Rochon (Lili) : O.K. Tout
d'abord, c'est moi qui vous remercie. C'est tout un honneur, c'est une chance
d'être avec vous aujourd'hui dans le cadre du projet de loi n° 84. Je
trouvais ça extrêmement important qu'une personne, ayant fait tout le chemin,
les parcours de la DPJ et IVAC, puisse faire entendre. Alors, pour faire un
résumé, pour commencer, si on veut, moi, je suis une enfant de la DPJ, j'ai été
adoptée. Et ensuite la famille qui m'a adoptée, j'ai subi des sévices sexuels
psychologiques et physiques durant 15 ans. Donc, ça, c'est la partie… la raison
pour laquelle je suis ici. Toutefois, par la suite, j'ai rencontré, selon moi,
à mon humble avis, beaucoup plus grave, si on veut, c'est-à-dire notre système,
comment il est conçu pour les victimes d'actes criminels. J'aimerais mettre de
l'avant que, tout d'abord, je trouve que les délais, entre la déposition d'une
victime et puis le moment où est-ce que, finalement, IVAC accepte cette
demande-là, je crois que le délai est trop long puis je crois que le traitement
psychologique devrait commencer immédiatement, aussitôt.
Je pense aussi… je pense, qu'est-ce qui
serait important de préciser, c'est actuellement, au courant de mon parcours,
je suis allée à l'école, j'ai travaillé. Je suis tombée, je me suis relevée. Je
suis encore tombée puis je me suis encore relevée. Moi, je crois que ce qui
serait utile pour les victimes d'actes criminels, ce serait un meilleur support
dans la réinsertion, si on veut. Moi, j'aurais voulu avoir un orienteur, un
orienteur qui prend compte de mes faiblesses, mais qui est capable de
reconnaître qu'à travers ces faiblesses-là il en découle aussi des forces, que
ces forces-là peuvent être utiles, faire de moi une bonne contribuable, parce
que, lorsqu'on devient victimes d'actes criminels, c'est comme si on avait un
titre, dans le fond. Et puis ce qu'il y a de plus difficile, c'est de perdre
toute fierté, parce que les victimes… en fait, victimes d'actes criminels ou…
post-traumatique, il n'y a personne qui comprend ça, là, absolument personne.
Donc, je trouve ça difficile.
Aussi, je m'excuse, mais je regarde, une
fois de temps en temps, mes notes, oui, oui, ça, c'est le point que je juge le
plus important, bien, à mes yeux à moi, oui, je comprends, il y a l'argent, et
tout, là, comme j'ai dit, l'orienteur, ensuite de ça, le psychologue, il
devrait être fourni à vie, tu sais, je veux dire, on donne, à la limite, un peu
moins d'argent, O.K., aux victimes, mais qu'on leur assure un suivi
psychologique à vie, parce qu'on n'est pas victimes…
Mme Rochon (Lili) : ...à mes
yeux à moi. Oui, je comprends, il y a l'argent et tout, là, comme je l'ai dit,
l'orientateur. Ensuite de ça, le psychologue, il devrait être fourni à vie. Tu
sais, c'est juste dire qu'on donne à la limite un peu moins d'argent, O.K., aux
victimes, mais qu'on leur assure un suivi psychologique à vie. Parce qu'on
n'est pas victime d'actes criminels durant une semaine ou un an, on l'est toute
notre vie, on a besoin d'aide toute notre vie.
Aussi, je veux dire, j'aimerais sincèrement...
Excusez-moi, je regarde mes notes. Oui. Lorsqu'on est victime d'actes
criminels, là, O.K., la procédure, c'est sûr que la bureaucratie, là, ça n'a
juste aucun bon sens, sincèrement, là, ça n'a aucun bon sens, c'est du martyr, O.K.
Parce qu'à chaque fois... faut aller se présenter comme... Moi, en exemple, je
suis allée au TAQ trois fois, à chaque fois devant trois juges. À chaque fois,
j'ai dû répéter toute mon histoire. J'ai dû répéter tous les sévices que j'ai
vécus. Puis, à chaque fois, on me replonge encore plus dans mon cauchemar.
Parce que c'est comme si, au fond, j'étais devenue celle qui devait se
défendre. Ce n'est pas moi qui ai commis quelque chose d'illégal, ce n'est pas
moi qui ai posé un préjudice à quelqu'un. Mais malgré tout, il faut que je me
présente à la cour puis que, tout à coup, c'est comme si c'était moi, la
coupable. Et ça, là, je ne le comprends pas. Je veux dire, tous les événements
sont écrits dans des documents médicaux, sont écrits dans des documents de
travailleurs sociaux, sont écrits dans les documents de psychiatres, sont
écrits même par des bureaux d'avocats. Pourquoi à chaque fois nous faire
répéter, même si on n'est pas capable, ce qu'on voudrait par-dessus tout
oublier? C'est martyriser quelqu'un qui est déjà post-traumatique, selon moi.
Aussi, j'aimerais parler au niveau
monétaire, c'est sûr, c'est sûr, sûr, sûr. Moi, là, j'ai vérifié, là, le projet
de loi, là, O.K. Moi, je fais partie de l'ancien régime, vous comprenez? Donc,
moi, je vais avoir droit à une rente pour le reste de mes jours, O.K. Mais si
on pense à nos voisins, à notre famille, à nos cousins, à nos propres enfants,
O.K., qui peuvent par malheur subir une agression quelconque, puis que par la
suite on lui dit : Écoute, on va te donner un montant d'argent, O.K., puis
rentre chez toi. Il est où, le support? Qu'est-ce qui va arriver avec cette
personne-là? Puis je m'excuse, mais le salaire minimum, là, je ne sais pas si
vous savez, là, parce que moi, personnellement, O.K., j'ai des études,
Me Mongeon, elle s'est battu bec et ongles...
Mme Rochon (Lili) : ...il est
où le support? Qu'est-ce qui va arriver avec cette personne-là? Puis je
m'excuse, mais le salaire minimum, là, je ne sais pas si vous savez, là...
Parce que, moi, personnellement, O.K., j'ai des études. Me Mongeon, elle
s'est battue bec et ongles, O.K., bec et ongles pour moi. J'ai des études. J'ai
travaillé. Actuellement, je suis payée au salaire minimum malgré mes efforts.
Me Mongeon, j'aimerais ça vous
entendre vous aussi, s'il vous plaît, si vous êtes là encore.
• (15 h 10) •
Mme Mongeon (Sophie) : Oui,
effectivement, là, je suis présente avec vous. Écoutez, moi, je dois vous
avouer que j'ai su vendredi que je serais ici aujourd'hui, donc on vous a
fourni un ordre du jour un peu en catastrophe qui sont les points principaux
qui sont ce que les victimes allèguent généralement comme difficultés sous
l'ancienne Loi des l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
Donc les délais de procédure et les
traitements de dossier, effectivement, ça a été très difficile avec
Mme Rochon. Une fois que tu fais une réclamation à l'IVAC, les traitements
de dossier sont extrêmement longs, sont extrêmement longs parce que la loi est
difficile à appliquer, O.K., et aussi parce que la loi est un peu... est
complexe. Puis, si je comprends bien, bien, des fois, les agents qui sont en charge
de rendre des décisions au niveau de l'indemnisation sont plus ou moins au
courant de cette loi-là qui est extrêmement complexe.
Donc, ça, c'était le point 1, les
délais de procédure et traitement de dossiers. On sait que le Protecteur du
citoyen a fait beaucoup de rapports en disant que les délais doivent être
accélérés, mais c'est bien beau que les délais... s'ils sont accélérés, mais
si, en bout de ligne, les indemnités sont toujours refusées parce que la loi
n'est pas adéquate, donc le délai de traitement, à certain moment donné, ce
n'est plus ce qui est vraiment important comme tel.
Donc, le point 2 que Mme Rochon
voulait discuter avec vous, c'est les indemnités de remplacement de revenus
pour les victimes d'abus et de violence conjugale. Effectivement, notre
problématique actuellement, c'est que moi et Mme Rochon, on n'a pas les
mêmes souvenirs de jeunesse. Moi, j'ai été appuyée dans mes études, alors que
Mme Rochon ne l'a pas été et la façon que la loi a été construite actuellement,
avant les modifications proposées, c'est qu'une personne qui est sans emploi va
être indemnisée au salaire minimum.
Nous, les objectifs... Moi, je fais... Je
suis spécialiste en régimes d'indemnisation depuis 25 ans. Les raisons qu'on
demandait une modification à la loi sur l'IVAC, c'était de bonifier ce salaire
minimum là, parce que c'est des gens qui n'ont pas eu l'occasion de faire des
études. Tu sais, je veux dire, quand tu es abusé quand tu es jeune, tu ne vas
pas... tu as de la difficulté à finir ton secondaire, tu as de la difficulté à
aller au cégep. Donc, c'est clair que quand tu fais une réclamation, ce n'est
pas un salaire.
Donc, à ce moment-là, les gens sont
indemnisés au salaire minimum et actuellement, quelqu'un qui reçoit des ITT,
des incapacités totales temporaires, va recevoir approximatimativement
1 400 $ par mois. Si on compare qu'actuellement, le train de vie
minimum a été jugé à 500 $ par semaine, on voit que c'est vraiment en
dessous d'un moyen plus raisonnable pour gagner sa vie. Donc, ça, c'était un
point qui était inadéquat dans l'ancienne loi, mais qui, en plus, qui vient
d'être amputé gravement dans la nouvelle loi. Donc...
Mme Mongeon (Sophie) : …500 $
par semaine, on voit que c'est vraiment en dessous d'un moyen raisonnable pour
gagner sa vie. Donc, ça, c'était un point qui était inadéquat dans l'ancienne
loi, mais qui en plus, qui vient d'être amputé gravement dans la nouvelle loi.
Donc, je pourrais discuter avec vous. Et, effectivement, l'IVAC refuse assez
souvent des réclamations et, au lieu d'aider dans la réintégration, va mettre
fin aux indemnités. Ça fait qu'en bout de ligne, ce qu'est-ce que tu fais,
c'est que tu négocies hors cour pour des montants forfaitaires et la personne
n'a pas vraiment eu de suivi. Et, effectivement, dans toutes les lois
administratives, quand la lésion est souvent considérée comme consolidée, ça
veut dire plus de traitement… Est-ce que vous êtes… est-ce que je suis encore
là? Parce que, là, ça l'a arrêté.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, on vous entend encore très, très bien, oui.
Mme Mongeon (Sophie) : Oui.
O.K., parfait. Donc, effectivement, quand les séquelles sont évaluées, il n'y a
pas vraiment de support… traitements de support qui est accordé à une victime.
Aussi, ce qui est difficile, c'est qu'à chaque fois devant les médecins puis
devant les tribunaux, même si l'acte criminel est accepté, la victime se doit
de refaire le témoignage, ce qui est extrêmement lourd. Donc, c'est plus, au
niveau procédural ou réglementaire, ça serait d'éviter, une fois que l'acte
criminel elle est acceptée, que la dame ou la personne victime soit obligée de
répéter constamment.
Et notre autre point c'était la nouvelle
loi, la diminution des bénéfices. Donc, il y a des points majeurs en ce qui
concerne les victimes par ricochet ou les proches. Ça, je vais laisser l'AFPAD
en discuter. Marc Bellemare aussi va en discuter demain. Il y a toute la
section de faute lourde aussi que je vais laisser la AFPAD, Marc Bellemare
discuter. Mais, moi, mon cheval de bataille aujourd'hui, c'est vraiment
l'indemnité de remplacement de revenu, qui dans la nouvelle loi fait en sorte
que des dames, comme Mme Rochon n'aurait droit à aucune prestation, zéro pis
une barre. Et…
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Me Mongeon. Parce qu'on est déjà rendu à la
période d'échange avec les membres de la commission. Je m'excuse de vous
interrompre. Alors, donc…
Mme Mongeon (Sophie) : Non,
non, allez-y. Allez-y avec vos questions.
Le Président (M.
Bachand) : Parfait. Alors, je cède la parole au ministre. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Mme Rochon, Me Mongeon, merci beaucoup de participer
aux travaux de la commission. Si vous me permettez, je vais revenir à vous vers
la fin de mes questions, Me Mongeon. Mais, tout d'abord, avec Mme Rochon. Merci
beaucoup, Mme Rochon, de témoigner à la commission aujourd'hui. C'est un geste
qui est courageux. On apprécie grandement… je pense que je fais… je vais
pouvoir parler… l'ensemble des membres de la commission pour vous remercier du
courage que vous faites preuve aujourd'hui. Surtout, de nous avoir aussi
informés, d'avoir discuté avec nous, avec notre cabinet, préalablement, pour
nous raconter votre histoire. Je pense que ça permet de bien faire comprendre à
la population ce par quoi les victimes sont passées, puis surtout, de votre
expérience avec l'IVAC. Et c'est justement ce qu'on veut faire avec le projet
de loi, d'améliorer notamment le service à la clientèle avec l'IVAC. Et vous
dire, un des objectifs du projet là puis on l'inscrit, c'est de faire en sorte,
dès le départ, que dès qu'une personne appelle à IVAC, maintenant, pour avoir
de l'aide ou on puisse lui offrir des séances, notamment, de soutien…
M. Jolin-Barrette : ...avec le
projet de loi, d'améliorer notamment le service à la clientèle avec l'IVAC. Et
vous dire, un des objectifs du projet de loi, puis on l'a inscrit, c'est de
faire en sorte, dès le départ, que dès qu'une personne appelle à l'IVAC, maintenant,
pour avoir de l'aide, bien, on puisse lui offrir des séances, notamment de
soutien, de psychothérapie. Dès le départ. Donc, de ne pas attendre que son
dossier soit consolidé ou qu'elle soit admise à l'IVAC pour en avoir aussi. Et
je voudrais vous rassurer aussi, à ce niveau-là, dans le fond, les séances de
psychothérapie vont être sans limite pour les victimes qui subissent les
infractions criminelles.
Mais j'aimerais ça, vous entendre davantage,
là, sur comment est-ce que... les points d'amélioration qu'on pourrait avoir
relativement avec la direction de l'indemnisation des victimes d'actes
criminels. Vous nous avez parlé de vos témoignages. Ça, c'est lorsque c'est
contesté puis que vous souhaitez contester la décision de l'IVAC. Mais avant ça,
là, quand vous vous adressez à l'IVAC.
Mme Rochon (Lili) : J'ai déjà
quelques idées qui me viennent en tête. Tout d'abord, sincèrement, lorsqu'une
victime d'acte criminel traite avec IVAC, je ne sais pas si vous avez déjà
entendu ça dans les commentaires, mais il arrive très, très, mais très souvent
qu'on nous change d'agent. À chaque fois. Tout le temps. On nous change
d'agent. Donc, déjà que lorsqu'on est dans une procédure où c'est important, de
notre vie, c'est-à-dire qu'on a choisi de se battre, si on veut, de se
défendre, il y a un lien de confiance qui doit se créer avec la personne. Mais
là, si... On nous change, puis ça, c'est fréquent, là, tu sais, sincèrement,
c'est fréquent, on nous change d'agent sans cesse.
Aussi, ce que je trouve dommage, c'est
que... Je ne sais pas si vous savez, mais moi, en tant que victime d'acte
criminel, contacter IVAC, là... Ça a été moins difficile de contacter M.
Jolin-Barrette que de contacter IVAC, à l'époque, sincèrement. IVAC, là, les
lignes téléphoniques... laissez un message, non, ce n'est pas la bonne personne,
non, c'est à la directrice qu'il faut parler, non, votre agente n'est pas là,
elle est partie en congé de maternité. Ça ne finit plus. Ça ne finit plus. Ça
ne finit plus.
Aussi, il y a une chose que j'aimerais
vous mentionner, c'est que ce n'est pas une bonne idée de faire des menaces à
une victime d'acte criminel. Puis là vous vous demandez où est-ce que je m'en
vais avec tout ça, là. Écoutez, moi, durant mon parcours — ce n'est
pas compliqué, il a duré 39 ans, 39 ans, d'accord? — durant mon
parcours, il est arrivé un temps où est-ce que ma situation faisait que je
n'avais plus, comme, de... je n'avais plus de garde-fou. Je cherche le bon
terme, là, mais j'étais complètement désemparée, j'avais besoin d'aide. Au lieu
de m'appeler puis de me dire : Madame, on va couper vos indemnités maintenant...
Pourquoi? Bien, là, c'est parce que la semaine passée, vous ne nous avez pas
appelés. Oui, mais, attendez un instant. Est-ce que vous avez vérifié pourquoi je
n'ai pas pu appeler? Est-ce que vous étiez au courant que mon fils était dans
un coma...
Mme Rochon (Lili) : …au lieu
de m'appeler puis de me dire : Madame, on va couper vos indemnités
maintenant. Pourquoi? Bien, là, c'est parce que la semaine passée, vous ne nous
avez pas appelés. Oui, mais, attendez un instant. Est-ce que vous avez vérifié
pourquoi je n'ai pas pu appeler? Est-ce que vous étiez au courant que mon fils
était dans un coma diabétique? Tu sais, c'est le manque d'humanisme que je
crois qui fait défaut. Et puis j'ai… pour m'adresser à vous aujourd'hui…
je ne le fais pas en mon nom, sincèrement, là. Moi, j'attends une greffe de
pancréas, sincèrement, O.K. Et en plus de ça, moi, je suis 100 % autres
séquelles. Donc, moi, là, c'est plate un peu, là, mais, pour moi, c'est fini.
Je le fais, je le fais… j'ai récolté des témoignages, là, O.K. J'aurais voulu en
recevoir plus, mais, avec le délai que j'avais, là, c'était impossible.
Parce que ça, c'est une autre chose aussi.
Les victimes d'actes criminels ont peur. Les victimes d'actes criminels ont
peur de parler…
(Interruption) Je m'excuse, j'ai un petit chien,
je suis désolée. C'est ça, les victimes d'actes criminels, ils ont peur de
parler. Il faudrait qu'ils soient mieux encadrés, plus soutenus. Puis, au fond,
aussi, simplement de se faire dire une fois : Je te crois. C'est une
petite phrase toute simple mais qui peut tellement aider une victime d'acte
criminel. Ou juste demander : Comment vas-tu? Parce que c'est tellement de
la bureaucratie, c'est de la paperasse. C'est : remplis tel formulaire.
Après ça, appelle ton avocate. Ton avocate te rappelle. • (15 h 20) •
Me Mongeon, elle a été extraordinaire
avec moi. Ça fait au-dessus de 10 ans, 10 ans qu'elle me défend, O.K.
Elle a été patiente mais patiente, parce qu'il y a une chose aussi qu'il faut
reconnaître, les victimes d'actes criminels peuvent être très harcelantes.
Bien, du moins moi, d'accord? Mais Me Mongeon, elle a toujours été
patiente, elle m'a toujours parlé, elle m'a toujours dit : Là,
Mme Rochon, je vous l'ai dit, on attend. On attend. Oui, mais c'est long.
Je le sais, Mme Rochon, mais on n'a pas le choix. Donc, elle, elle était
comme prise, si on veut, en sandwich, là. Mais moi, tout ce que je voulais, au
fond, là, je tapais du pied, là. Tu sais, quand j'ai fait des demandes de
rechute, O.K., lorsque j'ai fait des demandes de rechute, j'ai dû rembourser
mes études, O.K., mais pas juste ça. Lorsque je le faisais, là, la demande de
rechute, tout ce que je voulais, c'est un psychothérapeute. C'est tout ce que
je demandais, un psychothérapeute.
Je ne comprends pas, je ne comprends pas
pourquoi si c'est compliqué. Tu sais, c'est… il y a trop… C'est de
l'acharnement. C'est de l'acharnement. Tu sais, c'est comme si on te
disait : Tu vas tellement pédaler, là, tu vas t'épuiser puis tu vas
abandonner. Moi, c'est comme ça que je l'ai vécu, puis j'ai trouvé ça vraiment
très frustrant. Voilà.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vous remercie, Mme Rochon, de parler au nom des victimes aujourd'hui. Je
pense que votre voix porte le message de plusieurs personnes. Ça nous permet…
Mme Rochon (Lili) :
...pédaler, là, tu vas t'épuiser puis tu vas abandonner. Moi, c'est comme ça
que je l'ai vécu puis j'ai trouvé ça vraiment très frustrant. Voilà.
M. Jolin-Barrette :
Bien, je vous remercie, Mme Rochon, de parler au nom des victimes aujourd'hui.
Puis je pense que votre voix porte le message de plusieurs personnes. Puis ça
nous permet aussi de voir concrètement c'est quoi, les conséquences du régime
qu'on avait. Puis un des objectifs qu'on a avec la réforme qu'on propose, c'est
justement de le rendre plus humain, de rendre l'IVAC beaucoup plus humain, plus
flexible et surtout aussi d'offrir davantage de soutien, d'accompagnement.
Je vous dirais que le projet de loi, il
n'est pas parfait. On essaie d'en faire le plus possible. Il y a certaines
critiques relativement au projet de loi, j'en suis conscient. Cela étant dit,
vous pouvez être certains qu'on essaie le maximum de faire en sorte que les
victimes soient plus accompagnées. Puis je veux vous remercier pour votre témoignage
aujourd'hui. Je vais céder la parole à mes collègues.
Peut-être juste un commentaire que
j'aurais relativement à la somme forfaitaire. Dans le fond, la somme
forfaitaire n'empêche pas le soutien qu'on va offrir aux victimes. Dans le fond,
on a construit la réforme que nous proposons en ayant l'argent.
L'indemnisation, c'est une chose, mais tout le soutien qu'on va offrir en
termes de suivi psychologique sans limites pour la personne victime, également,
la réinsertion professionnelle, l'accompagnement, donc, tout ça aussi c'est
pensé relativement à ça. Puis c'est vrai qu'il y a des éléments qui vont venir
par voir réglementaire. Mais je souhaitais apporter cette précision-là.
Donc, un grand merci, Mme Rochon
d'avoir été présente aujourd'hui, puis j'ai des collègues qui vont vouloir vous
poser des questions.
Mme Rochon (Lili) :
...juste un petit truc qui m'échappait, là, ça fait que... je trouvais
important de vous mentionner. Tantôt... oui, c'est vrai, les victimes d'actes
criminels, ça donne des faiblesses, mais ça serait important d'en reconnaître
les forces. C'est-à-dire, moi, je ferais n'importe quoi, sincèrement, pour
aider auprès des organismes ayant... traitant avec des victimes d'actes
criminels, mais, à chaque fois, je me fais rétorquer : Il est où, ton
papier? J'ai de l'expérience de vie. Ça fait 39 ans que je suis dedans.
Donc, tu sais, juste... Je voulais juste faire une petite parenthèse à ce
sujet-là parce que moi, je veux encore, là. Je veux encore, vous comprenez.
C'est tout. Voilà.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à la députée de
Les Plaines. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci beaucoup, M. le Président. Mme Rochon, je joins ma voix à celle du
ministre pour vous féliciter de votre courage aujourd'hui, vous féliciter
d'être la voix des victimes. Votre témoignage est très sensible. Nous en sommes
tous enchantés d'avoir ce son-là. Parce qu'on va avoir évidemment beaucoup de
gens qui vont venir lors de ces consultations particulières, mais vous, vous
l'avez vécu sur le terrain, vous le vivez encore sur le terrain. Votre
expérience de vie nous est très importante à nous pour prendre des décisions
éclairées. Donc, merci d'être là. Merci de le faire...
Mme Lecours (Les Plaines) :
...de gens qui vont venir lors de ces consultations particulières, mais vous,
vous l'avez vécu sur le terrain, vous le vivez encore sur le terrain. Votre
expérience de vie nous est très importante, à nous, pour prendre des décisions
éclairées. Donc, merci d'être là, merci de le faire avec toute la verve que
vous avez, la voix, l'efficacité dans votre témoignage aussi.
J'aimerais ça, vous parler de... Vous
dites dans votre témoignage que vous aurez... vous auriez aimé avoir un
meilleur support dans votre réinsertion. Comment vous l'auriez... Comment vous
l'avez vécu et comment vous le verriez différemment?
Mme Rochon (Lili) : O.K.
Comment je l'ai vécu? En fait, c'est... ça a été des papiers puis de la
bureaucratie, c'est-à-dire qu'on te demande, lorsque tu tentes de te trouver un
emploi, de remplir une feuille avec tous les emplois que tu as contactés afin
d'avoir un éventuel travail. D'accord? Moi, ce que j'aurais aimé, comme je
disais tout à l'heure, c'est... Vous devriez offrir un service d'orienteur qui
va prendre en considération les forces, les faiblesses et les aspirations de
cette personne-là puis par la suite la... — la ou le, je m'excuse, parce
qu'il y a autant d'hommes que de femmes victimes d'actes criminels. Là, je dis
«la» parce que c'est la victime — mais de l'orienter dans une
direction afin qu'elle devienne une fière contribuable. Et c'est ça qui
manquait, c'est ça qui me manque, c'est-à-dire le support avec un orienteur
puis par la suite une évaluation professionnelle qui dit : Bon, O.K., bon,
elle, elle a ça, elle a ça, elle a ça. Ah! non, elle n'a pas de diplôme
universitaire. C'est plate, hein? Mais... O.K., elle a ça, elle a ça, elle a
ça, tu sais, puis qu'on tienne compte de tout le bagage aussi, parce que le
bagage en tant que tel... Les personnes comme moi, sincèrement, tout ce qu'ils
veulent, là, c'est éviter leur parcours aux autres. Les personnes comme moi,
là, ce qu'elles veulent, c'est les aider. J'aime... Ce serait tellement bien
qu'on puisse reconnaître une fois pour toutes l'expérience personnelle un tant
soit peu pour pouvoir aider, guider les personnes qui sont à peine entrées dans
ce cauchemar-là. Voilà.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Donc, à partir... Si je vous comprends bien, à partir du moment où on reconnaît
les événements vécus, qu'il y ait non seulement un support psychologique, parce
qu'il est essentiel, le support psychologique, mais qu'en soutien aussi, parce
qu'on appelle ça une réinsertion, qu'il y ait cette portion d'aide là. C'est ce
que je comprends bien?
Mme Rochon
(Lili) : Oui. Oui, Mme Lecours.
Mme Lecours (Les Plaines) : O.K.
Et parlez-moi aussi un... Dans les délais... À partir du moment où... Puis je
ne veux pas vous replonger dans votre passé, ce n'est pas ça du tout, là, je
veux juste... À partir du moment où vous avez été prise en charge, dans les
délais, combien ça a pris de temps entre...
Mme Lecours (Les Plaines) : …et
parlez-moi, aussi, dans les délais, à partir du moment où… puis je ne veux pas
vous replonger dans votre passé, ce n'est pas ça du tout, là, je veux, juste, à
partir du moment où vous avez été prise en charge. Dans les délais, combien ça
a pris de temps entre, par exemple, le moment où est-ce qu'on a reconnu votre
situation et les premières prises en charge, là, avec les traitements en
psychologie, et tout ça? Quelles ont été les étapes que vous avez franchies?
Mme Rochon (Lili) : O.K.
Bien, pour commencer, moi, j'ai 39 ans puis, lorsque j'ai décidé que c'était
assez, ce qui se passait à la maison, j'ai fait une fugue à 15 ans, O.K. Mais
je suis parvenue à avoir mon premier support. La première fois, j'ai reçu de
l'aide avec IVAC en 2001. J'étais une enfant, j'étais une enfant, mais la DPJ
ne m'a pas soutenue, la DPJ n'a pas pris soin de se questionner, à savoir, si
j'aurais besoin d'une thérapeute, d'une travailleuse sociale. Moi, j'ai eu un travailleur
social, oui, mais le seul souvenir que j'ai d'un travailleur social, c'est
celui qui t'arrache des gens que tu aimes le plus puis qui te trimballe de
famille d'accueil en famille d'accueil, ou foyer de groupe. Ça, c'est l'image
que j'ai, parfaite, d'un travailleur social.
Mais quand... toute petite, je n'ai jamais
eu de support psychologique. Ça a été en 2001, lorsque j'ai mis au monde mon
premier enfant. Là, la... tout ça, j'avais peur, extrêmement peur pour mon
enfant. Ça a pris tout ce temps-là. Donc, je veux dire, s'il y a quelqu'un qui
est bon en mathématique aujourd'hui, et je vous invite... mais 2001.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Donc, je comprends que, dans... ça a pris quand même des délais trop longs. Et
le fait qu'on aurait, avec le projet de loi, un programme d'aide d'urgence
serait, à votre sens à vous, bienvenu. C'est ça?
Mme Rochon (Lili) : Oui, oui,
Mme Lecours, définitivement... Oui, je suis entièrement d'accord.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci beaucoup, Mme Rochon, merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de
LaFontaine, s'il vous plaît. M. le député.
M. Tanguay
: Oui, merci
beaucoup, M. le Président. De combien de temps je dispose?
Le Président (M.
Bachand) : 11 minutes, M. le député.
• (15 h 30) •
M. Tanguay
: Parfait,
merci beaucoup. Écoutez, Mme Rochon, merci beaucoup d'être présente
virtuellement avec nous aujourd'hui et de nous partager votre témoignage, là,
ce que vous avez vécu. Et, vous savez, quand on est législateur, les projets de
loi doivent s'ancrer dans la réalité du vrai monde, si vous me permettez
l'expression, de ce que vous avez vécu ici, en l'instance, puis ça, c'est très
certainement... ça aide énormément notre réflexion. Et je me plais à dire qu'en
politique la pertinence vient, découle de la proximité. Vous ne pourrez pas
être pertinent si vous n'êtes pas proche du monde, puis votre témoignage va
nous aider à être encore plus pertinents, puis, oui, à bonifier le projet de
loi...
15 h 30 (version non révisée)
M. Tanguay
: …ça
aide énormément notre réflexion et je me plais à dire qu'en politique, la
pertinence vient… découle de la proximité. Vous ne pourrez pas être pertinent
si vous n'êtes pas proche du monde puis votre témoignage va nous aider à être
encore plus pertinents puis, oui, à bonifier le projet de loi.
Je pourrais déchirer la chemise que j'ai
sur le dos en disant que ça va trop vite. Le rythme aura été imposé par le gouvernement.
On est avec vous aujourd'hui, on va faire le travail qu'il faut, mais effectivement,
c'est trop important pour faire les coins ronds. Je ne dis pas que personne
autour de la table a l'intention de faire les coins ronds, mais pour obtenir un
véritable impact puis d'avoir la meilleure loi pour prendre le temps, puis la
précipitation est très mauvaise…
Alors, merci pour votre témoignage,
Mme Rochon. Me Mongeon, merci aussi pour le document que vous avez
été capable de bâtir avec les témoignages notamment de Mme Rochon. Vous
vous étiez fait un ordre du jour, j'aimerais vous entendre, Me Mongeon. Peut-être
en rafale, j'ai 11 minutes puis je m'en veux d'avoir pris
1 min 30 s, là, mais je pense que ce que je devais dire était
important.
Me Mongeon, les délais… votre premier
point… le premier point que vous avez mis, là, des délais de procédure et de
traitement de dossier, j'aimerais vous entendre sur cette réalité-là. Je vais
avoir essentiellement trois questions. Alors, j'aimerais ça vous entendre sur
cette réalité-là et en quoi le projet de loi n° 84 va venir aider ou
améliorer les délais de procédure et les traitements de dossiers ou pas.
Mme Mongeon (Sophie) :
Bien, pour répondre à votre première question, je ne sais pas si ça va vraiment
améliorer les délais de procédure et de traitement de dossiers parce que ça,
c'est quelque chose qui n'est pas législatif, qui est plus sur le terrain, donc
c'est plutôt d'entreprendre des procédures. Tu sais, vous savez, en civil, on a
des protocoles d'instance, là, tu sais, avec des délais obligatoires, etc., ça
fait que peut-être qu'en règlement, on pourrait mettre des délais, des
échéanciers. C'est-à-dire qu'au moment où la réclamation est faite, dans un
délai de trois mois, une première décision doit être rendue.
Mais effectivement, là, en CNESST puis en
SAAQ, quand quelqu'un est victime d'un accident de travail ou un accident
d'auto, on va autoriser, souvent, les traitements avant que la décision
d'admissibilité ne soit rendue. Ça fait que ça, c'est un très bon point. Ça
ferait au moins en sorte qu'est-ce que les gens ont des traitements en attente
d'une décision. Ça ferait moins mal, donc, d'attendre pour les traitements… le
traitement de dossier…
M. Tanguay
: Et
diriez-vous… oui, oui, c'est parfait puis je trouve ça très tangible, puis
voyez-vous, vous me donnez des suggestions qu'on pourrait même, le cas échéant,
mettre dans la loi. On pourrait même mettre des délais puis on pourrait même
mettre, justement, ce que vous dites : Des traitements en attendant que le
dossier soit en état et que l'on ait une décision sur le…
Diriez-vous également qu'on pourrait le
faire au niveau de l'indemnisation aussi? On verra si le montant global doit
être plus grand que cela, mais d'avoir une indemnité de secours de façon un peu
plus étayée que ce qui est devant nous aujourd'hui, peut-être, aussi.
Mme Mongeon (Sophie) :
Oui, ça serait une excellente idée d'avoir un montant forfaitaire d'entrée de
jeu, un peu comme un montant forfaitaire de frais funéraires, là, tu sais, qui
est un montant, par exemple, où les accidentés de la route ou du travail… Ça,
c'est le montant. Ça pourrait être effectivement un montant d'entrée de jeu
pour permettre aux gens de voir un peu de liquidités pour payer leurs
traitements… et leurs… la médication, si nécessaire. Parce qu'on le sait que
les traitements, souvent, vont être limités, mais il y a… en bout de ligne, les
accidentés finissent par payer une franchise…
Mme Mongeon (Sophie) :
…exactement. Ça, c'est le montant. Ça pourrait être effectivement un montant
d'entrée de jeu pour permettre aux gens de voir un peu de liquidités pour payer
leurs traitements… et leurs… la médication, si nécessaire. Parce qu'on le sait
que les traitements, souvent, vont être limités, mais il y a… en bout de ligne,
les accidentés finissent par payer une franchise, ça veut dire que les montants
qui sont donnés dans les… par règlement, les traitements, par exemple, de
psychothérapie, des fois, vont tourner alentour de 86,80 $ que l'État doit
payer, bien, il n'y a pas beaucoup de psychologues qui vont accepter de
travailler à 86,80 $, donc, dollars. Ça fait que, peut-être, c'est de
s'assurer que le montant soit approprié, puis qu'il est représentatif de la
réalité, là, du professionnel.
M. Tanguay
: Tout à
fait. Merci. Deuxième des trois questions que… puis n'hésitez pas, Mme Rochon,
si vous voulez sauter dans la conversation, je m'excuse encore une fois, je
suis un petit peu directif, mais on manque de temps.
Mme Rochon (Lili) : Non, je
vous laisse le temps tout le monde, voyons, là… un petit 30 secondes
tantôt pour remercier quelques personnes importantes, c'est tout…
M. Tanguay
: …je vais
m'en assurer de le prendre sur mon temps, Mme Rochon. Me Mongeon, manque
d'accompagnement pour réintégration sur le marché du travail. Est-ce que, ça,
ça pourrait être mis dans un article du projet de loi n° 84 de façon plus
spécifique? Et pouvez-vous étayer à quoi faites-vous référence en termes
d'accompagnement pour le marché du travail?
Mme Mongeon (Sophie) : Bien,
la façon qu'on procède, c'est quand on est victimes d'un événement quelconque,
on a la période qu'on appelle postconsolidation, ça veut dire les traitements,
etc., où l'objectif, c'est d'améliorer la personne pour les amener à un point
où, même si on continue les traitements ad vitam aeternam, il n'y aura pas
d'amélioration, ce qu'on appelle la consolidation.
Actuellement, la façon qu'elle est bâtie,
toute la section de réadaptation est extrêmement complexe par la stabilisation
économique, stabilisation sociale, c'est toutes des notions qui sont tellement
difficiles que, même moi qui exerce dans le métier depuis plus de 20 ans,
je ne suis pas capable de vous dire tous les tenants et aboutissants de ces
programmes-là.
Moi, je vais tenter de vous dire que toute
la loi, la modification pourrait être copiée un peu sur la Loi sur l'assurance
automobile. Donc, c'est-à-dire, à partir du moment où on a des séquelles qui
nous sont accordées, tout de suite, il y a un conseiller en réadaptation qui
nous dit : O.K. Mme Rochon, tu n'es plus capable d'exercer l'emploi, par
exemple, de technicienne juridique, mais vous êtes capable d'exercer un autre
emploi, puis les aider dans ce recyclage-là. Est-ce que ça répond à votre
question?
M. Tanguay
: Oui. Non,
tout à fait, ça répond très, très bien. Et vous avez effleuré ce à quoi faisait
référence Mme Rochon, l'importance d'avoir une stabilité quant à
l'interlocuteur ou l'interlocutrice qui parle à la victime, donc d'avoir une
stabilité, de connaître… de développer, je dirais même, une relation
professionnelle avec cette personne puis de connaître son dossier, plutôt que
de toujours être obligé de raconter son histoire. Parce que ça
aussi — puis message bien reçu, Mme Rochon — ça participe
aussi de la lourdeur de la chose, de dire : Bon, il faut encore que je
reparte à zéro dans le dossier avec un nouvel interlocuteur. Ça n'aide pas, ça
ajoute aux tracas, puis des tracas, justement, l'État est là pour vous aider à
en avoir le moins possible…
M. Tanguay
: ...parce
que ça aussi — puis message bien reçu, Mme Rochon — ça
participe aussi de la lourdeur de la chose, de dire : Bon, il faut encore
que je reparte à zéro dans le dossier avec un nouvel interlocuteur. Ça n'aide
pas, ça ajoute aux tracas, puis des tracas, justement, l'État est là pour nous
aider à en avoir le moins possible.
Dernier point, Me Mongeon, manque de
support psychologique postconsolidation, j'aimerais vous entendre là-dessus, et
en quoi on pourrait y faire écho dans le projet de loi n° 84.
Mme Mongeon (Sophie) : Bien, effectivement,
dans tous les régimes d'indemnisation actuels, à partir du moment où il n'y a
plus d'amélioration possible, on appelle ça une consolidation, et c'est là que
les séquelles vont être abordées. Donc, à ce moment-là, c'est un peu une petite
lacune que... je me posais comme question, à savoir quel barème qui pourrait
être utilisé. Alors, j'en profite pour glisser un mot que le barème adéquat, ce
serait la Loi sur l'assurance automobile. C'est un barème qui a été élaboré
depuis 2000, qui tient compte de toutes les... quasiment toutes les fonctions,
psychiques, endocriniennes, déplacement et maintien de la tête, du tronc. Ça
fait que je me permets d'aborder ça, alors je vous le dis, ça pourrait être
quelque chose.
Donc, à partir du moment où la compagnie
d'assurance, l'organisme gouvernemental arrive à la détermination des
séquelles, elle paie rarement des traitements de support. Donc, il faudrait
absolument instaurer des traitements de support qui pourraient être prévus par
règlement, c'est-à-dire quelque chose de... un par mois, aussi pour maintenir
la personne en capacité aussi de travail. Parce que si vous me le permettez,
dans le nouveau projet de loi, actuellement, des gens comme Mme Rochon
n'auraient aucune indemnité, zéro, parce qu'au moment de la rechute ou au
moment de l'événement, elle est considérée sans emploi, parce qu'elle a été
victime d'abus sexuel dans sa jeunesse, donc elle n'a pas pu se créer une
carrière, vous comprenez. Donc, lorsqu'elle fait une réclamation, elle est sans
emploi, elle n'aurait aucun salaire dans le dossier, actuellement. Et même si
elle en avait, disons, ça serait maximum trois ans. Elle, elle a une rente
viagère, et c'est difficile pour elle d'arriver, là.
M. Tanguay
: Non,
exactement, et c'est là où vous trouvez... puis vous soulignez bien
l'illogisme, à cause de l'acte criminel, vous n'avez pas pu vous bâtir une
carrière et donc vous ne serez pas indemnisé. Donc, je veux dire, on fait le
tour, là, on fait le tour de cette...
Dans la nouvelle loi, j'aimerais vous
entendre, Me Mongeon, sur ce que vous appelez la diminution des bénéfices.
J'aimerais vous entendre, parce que, là, on arrive vers la fin, puis s'il y a
des choses, là, que vous dites : Ah! Ça, j'ai oublié d'en parler ou je
n'ai pas pu en parler, allez-y, je vous en prie. Et, Mme Rochon, je suis
convaincu qu'à la toute fin notre président vous accordera évidemment une
enveloppe de temps, vous parlez d'un 30 secondes pour pouvoir, là, faire
des remerciements. Mais j'aimerais entendre Me Mongeon aussi sur la diminution
des bénéfices. Puis allez-y, là, il me reste 1 min 30 s, là...
des choses que vous aimeriez dire.
Mme Mongeon (Sophie) : Merci.
Donc, effectivement, souvent, là, les personnes qui sont... ils ont eu de la
violence sexuelle quand ils étaient jeunes ou des personnes qui sont en
violence conjugale, c'est souvent des personnes qui ne travaillent pas. Déjà,
une de mes revendications pour les victimes était qu'ils étaient indemnisés sur
le salaire minimum. Alors, quand on faisait les revendications pour qu'il y ait
amélioration de la loi, c'était pour les payer un petit peu que...
Mme Mongeon (Sophie) :
...souvent, là, les personnes qui sont... ils ont eu de la violence sexuelle
quand qu'ils étaient jeunes ou des personnes qui sont en violence conjugale,
c'est souvent des personnes qui ne travaillent pas.
Déjà, une de mes revendications pour les
victimes était qu'ils étaient indemnisés sur le salaire minimum. Alors, quand
on faisait les revendications pour qu'il y ait amélioration de la loi, c'était
pour les payer un peu plus que le salaire minimum et peut-être tenir compte du
salaire moyen du Québécois, surtout quand c'est des jeunes de moins de
25 ans.
Tu sais, je le sais que moi, par exemple,
mes enfants, ils ont 16, 17, 18 ans, ils sont au cégep. À l'heure actuelle,
si mon fils se faisait tabasser alors qu'il attend l'autobus, il n'aurait
aucune indemnité. O.K.? Et, même s'il avait un emploi, par exemple, à temps
partiel chez Costco, il serait payé sur les indemnités Costco, mais un maximum
de trois ans. O.K.? Donc, ce qui est... • (15 h 40) •
Déjà les revendications qu'on voulait,
c'est que les personnes qui sont victimes de violence sexuelle ou d'abus
sexuels en jeunesse soient indemnisées d'une façon différente étant donné
qu'ils ne sont pas capables d'exercer un vrai travail sur le... un vrai... un
emploi sur le marché du travail. C'est là qu'il y a une diminution importante.
Donc, tout ce qui est retraité, femme au foyer, etc., ces gens-là sont vraiment
pénalisés.
Donc, en bout de ligne, on n'aide pas les
victimes comme telles, on les met dans un état encore pire qu'ils étaient. Dans
l'heure actuelle, j'ai le goût de vous répondre, je suis spécialiste en régimes
d'indemnisation, j'aime autant laisser la loi telle quelle. J'aime autant qu'on
ne la modifie pas parce que ça fait en sorte que les victimes sont vraiment
pénalisées par la loi. Puis vous comprenez pourquoi. Maximum trois ans, et on
met de côté toute une catégorie de victimes qui... dont c'est eux, au départ,
qui ont besoin de cette loi-là. C'est ces victimes-là, ce n'est pas ceux qui
sont nécessairement au travail, qui ont des assurances, qui ont d'autres
choses. C'est vraiment ceux-là, et ceux-là sont totalement mis de côté. Ça fait
que, moi, si vous... clairement, j'ai le goût de vous dire...
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Me Mongeon.
Mme Mongeon (Sophie) :
...j'aimerais autant qu'on ne la change pas.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je cède la parole à...
M. Tanguay
: Merci
beaucoup. Merci à vous.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le député de LaFontaine. Mme la députée de
Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci toutes
les deux. Vos témoignages sont très, très explicites sur ce que vous pensez du projet
de loi puis qu'on devrait ajouter. Merci, Mme Rochon en particulier pour
ce que vous nous dites sur les besoins d'accompagnement en insertion ou en
réinsertion professionnelle, en orientation, et pour les pistes de solution que
vous apportez aussi.
Vous avez nommé aussi que repasser devant
le tribunal, c'était comme un martyr. C'est quelque chose que j'entends souvent
de la part des victimes, qu'elles sont revictimisées à travers ce processus-là
de relations avec l'IVAC. J'aimerais ça que vous parliez un petit peu plus de
ça, puis qu'est-ce qui devrait être fait, puis est-ce que c'est réglé dans le
projet de loi...
Le Président (M.
Bachand) : ...le micro de...
Une voix
: Votre micro,
Mme Rochon.
Le Président (M.
Bachand) : Votre micro est fermé, Mme Rochon.
Mme Rochon (Lili) :
C'est parce que j'ai écouté les règlements. Quand qu'on parle, on...
Le Président (M.
Bachand) : C'est très bien.
Mme Rochon (Lili) :
Donc, ce que j'allais vous dire, c'est... Au fil du temps, je me suis comme
construit une petite phrase toute simple. C'est-à-dire que, si on regarde aux
États-Unis, O.K., on est coupable jusqu'à preuve du contraire. D'accord?
Lorsqu'on arrive au Québec, on est innocent jusqu'à preuve du contraire. Il
faut démontrer hors de...
Mme Rochon (Lili) : ...donc,
ce que j'allais vous dire, c'est... Au fil du temps, je me suis comme construit
une petite phrase toute simple. C'est-à-dire que, si on regarde aux États-Unis,
O.K., on est coupables jusqu'à preuve du contraire, d'accord? Lorsqu'on arrive
au Québec, on est innocents jusqu'à preuve du contraire, il faut démontrer hors
de tout doute. Mais, lorsqu'on est victime d'actes criminels, il faut démontrer
que nous sommes victimes d'actes criminels. C'est comme si nous devenions le
coupable. Puis moi, c'est dans ce sens-là que ça me gène.
Parce que d'expliquer... Parce qu'encore
une fois, comme je vous ai mentionné tout à l'heure, un lien de confiance,
c'est hyperimportant pour une victime d'actes criminels. En tout cas, du moins,
si je me prends pour exemple, je n'en ai pas eu, de lien de confiance dans ma
vie, donc c'est hyperimportant. Puis, à chaque fois, de me présenter à la cour
devant trois juges puis de répondre aux questions puis de déclarer toute mon
histoire, puis après ça d'être... si on veut, contre-questionnée, entre
parenthèses, oui, c'est un cauchemar, ça ne devrait même se faire. En plus de
ça, ça coûte beaucoup trop cher aux contribuables de façon inutile. Les
dommages ont été reconnus par un paquet de spécialistes, de psychiatres
psycholégaux ou... C'est de l'argent jeté par les fenêtres. Puis, en plus de
ça, ça fait du tort, ça fait du mal aux victimes. Oui.
Le Président (M.
Bachand) : ...de Sherbrooke, il reste très peu de temps. Mme la
députée, il vous reste quelques secondes.
Mme Labrie : Oui, bien, je
vous remercie. Je pensais que Mme Mongeon allait compléter, mais je vous
remercie, c'est assez clair, sur le fait qu'on devrait éliminer ces procédures.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée. Mme la députée de
Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour. Merci beaucoup à vous deux. Mme Rochon, je suis vraiment heureuse
que vous puissiez être devant nous aujourd'hui. C'est quand même incroyable,
vous êtes la seule représentante des victimes. Puis je vous remercie parce que
vous avez pris ça à coeur. Et, dans le document que vous nous avez remis, il y
a énormément de témoignages que vous avez recueillis qui sont très, très
pertinents, donc j'espère que tout le monde va les lire de A à Z. Et vous faites
un duo de feu avec Mme Mongeon, avec Me Mongeon.
Donc, je réitère au ministre que je pense
qu'il devrait faire une consultation en ligne pour que toutes les victimes
puissent s'exprimer. On ne réforme pas le régime à tous les jours, donc ce
serait important d'avoir des voix et que vous ne portiez pas vous seule tout le
fardeau de toutes les expériences des victimes au fil des décennies.
L'aspect du soutien psychologique, de
l'aide psychologique, c'est fondamental. Et donc vous nous dites qu'évidemment
c'est un combat puis que ça devrait être à vie, ça devrait effectivement suivre
les besoins. Le projet de loi veut être plus souple par rapport à ça. Mais
j'aimerais ça comprendre vous à quel moment on vous a dit que non, qu'il y
aurait une limite, parce qu'en théorie on est supposé suivre les besoins de la
victime.
L'autre chose, c'est : Est-ce que
vous craignez que, si on y va que par forfaitaire, on demande donc aux
personnes de choisir entre certains besoins qu'elles ont par rapport à
d'autres...
Mme
Hivon
: …,
mais j'aimerais ça comprendre, vous, à quel moment on vous a dit que, non,
qu'il y aurait une limite parce qu'en théorie on est supposé suivre les besoins
de la victime. L'autre chose, c'est, est-ce que vous craignez que, si on n'y va
que par forfaitaire, on demande, donc, aux personnes de choisir entre certains
besoins qu'elles ont par rapport à d'autres pour savoir qu'est ce qu'elles vont
se payer avec, donc, ce montant-là, y compris de l'aide psychologique
thérapeutique dont ils pourraient avoir besoin.
Peut-être pour Me Mongeon, dans mon court
trois minutes, juste nous dire les éléments desquels on devrait s'inspirer de
la Loi de la SAAQ.
Le Président (M.
Bachand) : Il reste une minute, une minute.
Mme Mongeon (Sophie) : O.K.
Mme Rochon, je vais prendre la relève, O.K. Donc, ce qui est bien important,
c'est toute la section, Mme Hivon, sur la détermination du salaire. Elle tient
compte de toutes les possibilités : ceux qui sont à l'école, ceux qui ne
sont pas à l'école, ceux qui ont un emploi. Ceux que leurs activités, par
exemple, la loi a été mise sur pied dans les années 1978 quand les femmes
étaient au foyer, donc, c'est prévu que, si ton activité, c'est de t'occuper de
tes enfants, il y a une indemnité de frais de garde. Donc, toute la section sur
la détermination du salaire, on devrait s'inspirer de la loi sur l'assurance
automobile, O.K.
Au niveau des séquelles également et au
niveau du processus de réadaptation, quand même elle a des lacunes, là, parce
que, moi aussi, il y a certaines choses de la loi que je ne suis pas d'accord,
mais généralement on pourrait s'inspirer de cette ligne de temps là de la loi
sur l'assurance automobile pour l'appliquer à l'IVAC. Le langage est déjà connu
devant le Tribunal administratif du Québec et devant le Tribunal administratif
du travail. C'est un langage qui serait harmonisé avec les autres régimes
d'indemnisation, donc, ça serait au contraire, c'est qu'au lieu de travailler
en silo, finalement, on commencerait à travailler en… parce que les organismes,
ils font tous référence un à travers l'autre, là : la loi sur l'assurance
automobile va référer à l'accident de travail, l'accident de travail va référer
à l'IVAC, vous comprenez? Ça fait que ça serait une belle occasion d'harmoniser
au lieu de créer quelque chose qui est nouveau puis qui est distinct puis qui
va donner lieu à des contestations devant les tribunaux pour arriver avec des
nouvelles interprétations, là. Ça fait qu'on devrait s'inspirer de ce qu'on a
déjà, puis on a déjà des beaux programmes qu'on pourrait juste améliorer, donc,
moi, ça serait l'entièreté, quasiment, de la loi sur l'assurance automobile.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Me Mongeon. Je laisse la parole à… le mot de
la fin à Mme Rochon tel que l'avait prévu le député de LaFontaine. Mme Rochon.
Mme Rochon (Lili) : Écoutez,
la raison pour laquelle je voulais faire des remerciements, c'est que si je
suis avec vous aujourd'hui, là, c'est que j'ai eu du support puis j'ai eu de
l'aide. Je vois Mme Hivon, bonjour. Mme Lecours, bonjour. M. Pascal Ferland. Je
pourrais en nommer plein, Arlène Gaudreault. Je voudrais mentionner aussi Lise
Ravary, mon avocate, mon avocate que j'adore. Je voudrais remercier, aussi,
Alain Racicot qui m'a beaucoup aidé dans le… pour recueillir, si on veut, tous
les témoignages et ainsi que Catherine Paquet qui a travaillé très fort avec
moi. Et puis un petit mot, je remercie la patience de mon conjoint, d'être
encore avec moi au bout de 11 ans. C'est tout.
Le Président (M.
Bachand) : Bien, sur ce, à vous deux, merci beaucoup d'avoir
été avec nous cet après-midi. Merci infiniment…
Mme Rochon (Lili) : ...pour
recueillir, si on veut, tous les témoignages. Et ainsi que Catherine Paquet,
qui a travaillé très fort avec moi. Et puis un petit mot, je remercie la
patience de mon conjoint, d'être encore avec moi au bout de 11 ans. C'est tout.
Le Président (M.
Bachand) : Bien, sur ce, à vous deux, merci beaucoup d'avoir
été avec nous cet après-midi. Merci infiniment.
La commission suspend ses travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 48)
(Reprise à 15 h 52 )
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir d'accueillir Me Louise
Langevin et Mme Rachel Chagnon. Alors, bienvenue à vous deux. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes de présentation et par après, nous aurons un
échange avec les membres de la commission.
Donc, encore une fois, bienvenue et la
parole est à vous.
Mme Chagnon (Rachel) : Oui,
bonjour. On nous avait dit 10 minutes chacune.
Le Président (M.
Bachand) : C'est 10 minutes total. Alors, désolé de la
mauvaise... Ça va être très concentré puis après ça, on va échanger avec les
membres de la commission.
Mme Chagnon (Rachel) : Nous
allons être très efficaces. Alors, tout d'abord, merci beaucoup à la commission
de l'invitation. Ma collègue Louise Langevin et moi-même sommes heureuses
d'être avec vous aujourd'hui. Je vais donc aller rapidement dans les premiers
points de notre mémoire et Louise ira sur des points plus particuliers.
Nous tenons d'emblée à exprimer notre
satisfaction par rapport à la décision du présent gouvernement de procéder à
cette réforme importante du régime de l'IVAC, qui était une réforme très
nécessaire. Nous sommes particulièrement contentes de voir disparaître la
fameuse annexe et de voir que les délais de prescription s'améliorent, qu'ils
s'harmonisent avec ceux du Code civil en ce qui concerne les victimes de
violence conjugale, les victimes de crimes à caractère sexuel et les victimes
de crimes durant l'enfance et nous sommes aussi très satisfaits de voir
s'élargir le concept de victime.
Nous voulons, par ailleurs attirer...
Mme Chagnon (Rachel) : ...de
voir que les délais de prescription s'améliorent, qu'ils s'harmonisent avec
ceux du Code civil en ce qui concerne les victimes de violence conjugale, les
victimes de crimes à caractère sexuel et les victimes de crimes durant
l'enfance. Et nous sommes aussi très satisfaits de voir s'élargir le concept de
victime.
Nous voulons par ailleurs attirer l'attention
des commissaires sur certains éléments pour lesquels nous voudrions voir
peut-être un peu plus d'attention. Tout d'abord, nous vous voulons porter votre
attention sur le caractère assez spécifique des bénéficiaires de l'IVAC qui
mérite d'être souligné. En 2019, le rapport annuel de l'IVAC montre en effet
que 75 % des bénéficiaires de l'IVAC sont des femmes, pour être exact,
75,5 %. On remarque qu'une bonne part des demandes émanant de ce groupe
sont des demandes en lien avec des crimes à caractère sexuel, mais que, dans
les autres demandes, on retrouve beaucoup de caractéristiques qui rejoignent
les crimes basés sur les violences conjugales, violences dans l'enfance,
exploitation sexuelle. Donc, on remarque, par exemple, qu'une majorité de victimes
connaissaient leurs agresseurs, une majorité de victimes ont été agressées dans
leur résidence. On pense qu'il est important de souligner ces éléments parce
qu'on doit en tenir compte dans la façon qu'on a de construire le régime, parce
que ces victimes-là ont des caractéristiques particulières, bon, tout d'abord,
le fait qu'elles soient très majoritairement des femmes.
En ce qui concerne les enjeux économiques,
les indemnités plus principalement. Ça a un impact. Les femmes sont dans les
rangs percentiles plus pauvres, elles sont toujours en moyenne moins rémunérées
que les hommes. On remarquera qu'au Québec, en 2019, les hommes ayant un
diplôme secondaire gagnaient en moyenne 873 $ par semaine, alors que les
femmes avec un diplôme collégial gagnaient 737 $ par semaine. Donc, nous
pensons que, dans la façon de construire le régime, on doit prendre en compte
ces inégalités-là, ne serait-ce que pour ne pas participer à les reproduire ou
à les prolonger indûment.
Le genre est aussi une composante
importante, hein, des crimes qui sont les plus largement indemnisés. Le fait
que les victimes connaissaient leurs agresseurs est un détail important,
surtout en ce qui concerne certains éléments comme, par exemple, la capacité
pour la victime de dénoncer son agresseur, les enjeux liés à la faute lourde.
Il faut souligner les liens socioéconomiques très complexes qui lient souvent
ces types de victimes là à leurs agresseurs et qui doivent être pris en compte
quand vient le temps, par exemple, de qualifier la personne comme étant une
victime ou pas.
Je vais donc, dans les deux minutes qui me
restent, simplement souligner qu'en ce qui concerne le régime des indemnités et
particulièrement l'indemnité forfaitaire nous avons beaucoup de questions,
beaucoup de choses nous paraissent... mériteraient d'être clarifiées. La nature
de l'indemnité forfaitaire, sa qualification — est-ce un revenu,
n'est-ce pas un revenu — pourrait avoir des incidences importantes
pour les bénéficiaires du régime. Et aussi le fait de passer à une indemnité
forfaitaire, de mettre fin à la rente pourrait avoir des incidences importantes
sur ce dont pourraient bénéficier les bénéficiaires du régime, une incidence
négative sur les bénéficiaires du régime. Puis il convient de poser la
question : Dans quelle mesure un montant forfaitaire pourrait s'avérer
aussi réparateur et bienfaisant qu'une rente à vie...
Mme Chagnon (Rachel) : ...de
mettre fin à la rente pourrait avoir des incidences importantes sur ce dont
pourraient bénéficier les bénéficiaires du régime, une incidence négative sur
les bénéficiaires du régime. Puis il convient de poser la question : Dans
quelle mesure un montant forfaitaire pourrait s'avérer aussi réparateur et
bienfaisant qu'une rente à vie. Le Protecteur du citoyen avait déjà soulevé ces
éléments-là dans son rapport, en 2016, lorsqu'il faisait des comparatifs sur
les montants forfaitaires versus les rentes. Ce questionnement, pour nous, se
pose toujours.
De façon plus générale, nous soulevons
l'idée qu'un régime qui axe une part importante de ses indemnisations sur le remplacement
de revenus devrait prendre en considération les inégalités et les iniquités de
revenus dont sont victimes les femmes et devrait prévoir des mécanismes de
compensation, surtout en partant du principe que 75 % des bénéficiaires du
régime sont en fait des femmes. Les femmes victimes de violence
conjugale — d'autres groupes reviendront là-dessus plus que nous,
j'en suis convaincue — sont particulièrement affectées, par exemple,
par une certaine impossibilité d'avoir accès au marché de l'emploi. Elles sont
souvent victimes d'un contrôle coercitif qui fait en sorte que lorsque viendra
le temps de les indemniser, elles en seront d'emblée pénalisées.
C'est une réflexion qu'on voudrait voir un
peu dans l'architecture des indemnités, puis nous invitons, par exemple, à
s'intéresser à ce que fait le Secrétariat à la Condition féminine en termes
d'analyse différenciée selon les sexes. Nous pensons que ce sont des outils qui
pourraient s'avérer utiles, voire importants pour trouver des mécanismes de
compensation efficaces. Et je cède la parole à ma collègue dans les temps.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
Mme Langevin (Louise) :
Merci. Merci, Rachel. Je vous remercie de l'invitation, là, qui nous est lancée
de nous adresser à vous. Dans les minutes que j'ai, je voudrais parler de la
faute lourde. La loi actuelle mentionne la faute lourde comme limite d'indemnisation,
et il y a, depuis 2017, dans l'IVAC, dans l'administration de l'IVAC, une politique
qui dit qu'on ne doit pas utiliser la faute lourde pour limiter l'indemnisation
de femmes victimes de violence sexuelle, de violence conjugale. Donc, il y a
une politique actuellement qui dit qu'on ne va pas utiliser le concept de faute
lourde pour limiter l'indemnisation.
Mais là, dans le projet de loi, on
retrouve, à l'article 16, le principe de faute lourde. On peut se demander
pourquoi, spécialement, là, avec... dans le nouveau projet de loi, le
proxénétisme et puis la traite des femmes vont faire partie des actes criminels
pour lesquels des femmes pourront être indemnisées. Il ne faudrait donc pas
reprocher à ces femmes-là leur mode de vie.
• (16 heures) •
Je le sais, qu'à l'article 16 il y a des
exceptions. Mais je vous lance le défi, essayez de comprendre la portée de
l'article 16. C'est très mal écrit, et je ne comprends pas quel est l'objectif
d'avoir adopté ce style de rédaction. À notre avis, ce serait beaucoup plus
simple de mettre un principe, de dire que pour les victimes de violence sexuelle,
violence...
16 h (version non révisée)
Mme Langevin (Louise) : …la
portée de l'article 16. C'est très mal écrit et je ne comprends pas quel
est l'objectif d'avoir adopté ce style de rédaction. À notre avis, ce serait
beaucoup plus simple de mettre un principe, de dire que pour les victimes de
violence sexuelle, violence conjugale et violence pendant l'enfance, qu'on ne
peut pas leur refuser une indemnisation en raison de comportement qui pourrait,
dans d'autres circonstances, ressembler à une faute lourde ou à une situation
de légitime défense.
On peut finir par comprendre qu'est-ce
qu'on vise par toutes les exceptions à l'article 16, mais il y a une façon
de faire beaucoup plus simple, beaucoup plus élégante, et surtout, beaucoup
plus claire. En d'autres termes, il ne faut pas que la faute lourde soit
appliquée à des femmes qui sont en situation, qui ont été en situation de
victime de violence sexuelle, de violence conjugale. Donc, ça, c'est notre
recommandation au sujet de la faute lourde. Ce n'est pas nécessaire dans la
nouvelle mouture de l'IVAC.
J'aimerais aussi vous parler de
l'imprescriptibilité. On peut saluer l'effort de concordance avec le Code civil
depuis juin dernier. Il n'y a plus de prescription pour les actions civiles
pour la violence sexuelle, violence conjugale et violence pendant l'enfance.
C'est imprescriptible. Donc, il fallait que la nouvelle version de l'IVAC soit
en phase avec le Code civil. Donc, on peut saluer cet effort-là, mais je me
demande : Pourquoi limiter l'imprescriptibilité aux évènements, aux
infractions criminelles perpétrées après le 1er mars 1972? Après le 1er…
donc, il faut que l'infraction ait eu lieu après le 1er mars 1972.
Pourquoi cette limite? Est-ce qu'il y a tant de victimes qui pourraient
demander une indemnisation? Il y en a peut-être, des femmes âgées, et dans ce
cas-là, ces femmes-là ont le droit à une indemnisation. D'ailleurs, le Code
civil n'a pas mis de limite au moment où cette violence est perpétrée, donc
pourquoi avoir limité l'imprescriptibilité après le 1er mars 1972?
Il y a aussi la question de la
coopération. L'article 7 du projet de loi prévoit une obligation de
coopération dans la mesure du possible, c'est bien écrit, pour les personnes
qui vont avoir… qui auront été blessées. On se demande : Pourquoi une
telle coopération alors qu'il n'y a pas d'obligation qui pèse sur le citoyen de
coopérer avec les autorités policières? Dans le projet de loi, on dit très bien
que l'auteur des infractions n'a pas à être connu, identifié, accusé et
poursuivi et ça, c'est tout à fait en lien avec le fait que les femmes violentées
ne portent pas plainte et qu'elles n'ont pas de contrôle sur…
Mme Langevin (Louise) : …dans
le projet de loi, on dit très bien que l'auteur des infractions n'a pas à être
connu, identifié, accusé et poursuivi. Et ça, c'est tout à fait en lien avec le
fait que les femmes violentées ne portent pas plainte et qu'elles n'ont pas de
contrôle sur le… la suite de leur plainte. Mais, donc pourquoi imposer, c'est
une obligation de moyen je le comprends bien, mais pourquoi imposer une
obligation de coopération. Quel est l'objectif ici avec cette opération… avec
cette obligation de coopération?
Je veux aussi parler du fardeau de la
preuve. Le fardeau de la preuve qui pèse sur le statut de la victime. Il
faudrait s'assurer que le projet de loi mentionne clairement qu'il s'agit pour
la victime de faire la preuve par prépondérance et pas hors de tout doute
raisonnable. La victime n'a pas à faire la preuve de l'intention, de la… du
«manslayer» dans l'infraction criminelle; on pense évidemment aux agressions
sexuelles. Donc, il faudrait préciser dans le projet de loi de la preuve qui
pèse sur la victime est une prépondérance des probabilités et qu'elle n'a pas à
faire l'intention… la preuve de l'intention de l'auteur des gestes.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme Langevin. Je dois vous
arrêter malheureusement, puis je m'excuse.
Mme Langevin (Louise) :
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : On est rendu à la période d'échange.
Mme Langevin (Louise) : Oui.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Mme Chagnon, Mme Langevin, merci
beaucoup d'être présents pour les travaux de la commission parlementaire que
nous avons présentement. Écoutez, d'entrée de jeu, je crois comprendre que vous
soulignez qu'il s'agit d'une avancée, le projet de loi que… qu'on a présenté.
J'en conviens, il n'est pas parfait, mais cela étant ça constitue une avancée,
notamment, pour les femmes.
Le Président (M.
Bachand) : Mme Chagnon, oui.
Mme Chagnon (Rachel) : Bien,
en effet, on est très satisfaite. Tout d'abord, parce que plus de femmes vont
pouvoir être indemnisées. Je pense ici aux femmes victimes d'exploitation
sexuelle qui jusqu'à maintenant étaient exclues du régime, ce qui était
vraiment injuste et très dommage. On pense à la traite par exemple,
proxénétisme.
Et, nous sommes aussi très, très
satisfaites de voir cette harmonisation avec le Code civil, c'est-à-dire
l'imprescriptibilité pour certaines victimes, la possibilité de déposer des
demandes. Bien que la fameuse date de 1972 nous questionne et on se demande
c'est quoi l'histoire derrière la… cette limite à l'imprescriptibilité. Mais,
de ces deux… pour… sur ces deux questions-là, on est très satisfaites, puis on
salue aussi les efforts qui sont faits pour simplifier la loi puis simplifier
le régime, parce qu'on le sait c'est une des choses qui a été… où le régime a
été le plus critiqué, c'est son extrême complexité qui le rend d'ailleurs, à
toutes fins pratiques, inhumain, là, pour les bénéficiaires. Donc, ça, c'est
clair qu'on… c'est des avancées importantes.
Comme vous le dites vous-mêmes, M. le
ministre, toute chose étant perfectible, nous vous proposons d'aller vers un
régime encore plus parfait qu'il ne l'est en ce moment.
Mme Langevin (Louise) :
Est-ce que je peux me permettre de rajouter deux petits points?
Le Président (M.
Bachand) : Oui, allez-y…
Mme Chagnon (Rachel) : ...là,
pour les bénéficiaires. Donc, ça, c'est clair que c'est des avancées importantes.
Bien, comme vous le dites vous-même, M. le ministre, toutes choses étant
perfectibles, nous vous proposons d'aller vers un régime encore plus parfait
qu'il ne l'est en ce moment.
Mme Langevin (Louise) : Est-ce
que je peux me permettre de rajouter deux petits points?
Le Président (M. Bachand) :
Oui, allez-y.
Mme Langevin (Louise) : Il
faut souligner que la notion de victime a été élargie. On a la victime directe,
celle qui subit l'atteinte, mais il y a aussi ce qu'on appelait les victimes
par ricochet, les victimes indirectes, c'est-à-dire les proches, qui, aussi,
subissent par ricochet une forme... des préjudices. Donc, la notion de victime
est élargie, et ça, on peut... on doit saluer ça. Ce qui, évidemment, va
demander des budgets en conséquence, parce qu'il y aura donc plus de personnes
qui vont cogner à la porte pour être indemnisées.
Je veux aussi souligner les mesures de
rétroactivité en lien avec le Code civil, tel qu'il a été modifié cet été.
Donc, les victimes qui ont... dont l'indemnisation a été refusée, les victimes
de violence sexuelle, violence conjugale, violence pendant l'enfance, ces
victimes dont l'indemnisation a été refusée pour la seule question des délais
ont trois ans à partir de l'entrée en vigueur de la loi pour représenter une
nouvelle demande. Donc, ça, on doit aussi saluer ça. C'est en lien avec le Code
civil.
Donc, comme ma collègue disait, il y a des
points forts dans ce projet de loi. On doit les saluer. Mais on doit aussi
travailler à ce que le projet... à, ce que je pourrais dire, à aplanir
certaines difficultés dans le projet de loi pour... L'objectif, c'est atteindre
une réelle indemnisation des victimes de violence. Puis comme on l'a souligné,
ce sont des femmes, à 75 %, et des enfants, ces victimes-là, et
demanderesses.
Merci.
M. Jolin-Barrette : Je
voudrais... Je vous remercie pour vos réponses. Je voudrais vous poser une
question rapidement, justement à la question de la faute lourde. Je vous
entends bien, Mme Langevin, sur la... en matière de crimes de nature...
d'infractions criminelles de nature sexuelle, où une victime d'exploitation
sexuelle, ou de traite de personnes, ou tout ça, pourrait se retrouver dans une
situation particulière, bien qu'il y ait une directive à l'IVAC, présentement,
qui fait en sorte qu'elles sont indemnisées, puis qu'on n'invoque pas la faute
lourde. Bien, vous êtes... Par contre, on ne doit pas permettre d'invoquer la
faute lourde pour d'autres types de crimes.
Donc, ce que vous nous invitez à faire,
là, c'est nommément l'indiquer clairement, noir sur blanc, dans la loi qu'on ne
pourrait pas refuser d'indemniser en matière d'infractions à caractère sexuel.
Vous nous invitez à le faire concrètement, là.
Mme Langevin (Louise) : Oui.
C'est facile à faire, un principe, une ligne pour les trois sortes de victimes,
violence sexuelle, violence conjugale et violence pendant l'enfance, pas de
faute lourde. Je comprends ce que vous visez par la faute lourde, on le
comprend, mais 75 % de la clientèle de l'IVAC actuelle sont des femmes et
des enfants dans les trois cas que...
Mme Langevin (Louise) : …une
ligne pour les trois sortes de victimes, violence sexuelle, violence conjugale
et violence pendant l'enfance, pas de faute lourde. Je comprends ce que vous
visez par la faute lourde, on le comprend, mais 75 % de la clientèle de la
l'IVAC actuelle sont des femmes et des enfants dans les trois cas que je vous
ai mentionnés. Donc, c'est la… c'est plus que la majorité, hein, de la
clientèle, de la l'IVAC, c'est facile de faire un principe, une phrase qui le
dit clairement, et je vous lance au défi, M. le ministre, de m'expliquer
l'article 16. Je vous lance au défi. On était trois juristes, hier, à essayer
de s'expliquer l'une l'autre l'article 16. Oh là là! Donc, on peut faire
simple, élégant et clair.
• (16 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Mais je
vous entends…
Mme Langevin (Louise) : Sans
utiliser la méthode de common law. Là, là, vraiment, là, la méthode de common
law, où il faut prévoir l'exception de l'exception. Non, ça ne marche pas.
M. Jolin-Barrette : Mais je
vous entends bien, j'aurai l'occasion de l'expliquer lors des travaux en
commission parlementaire. Sur la question de la prescription, là, revenons à
1972, là.
Mme Langevin (Louise) : Oui.
M. Jolin-Barrette : Il faut
comprendre qu'avant 72, bien, en fait la création du régime date de 72. Donc,
c'est pour ça qu'on a remonté jusqu'à cette date, mais je comprends que vous
nous invitez, là, à faire fi de cette date-là, malgré le fait que le
législateur ne prévoyait aucune indemnité au moment, en 72, donc c'était pour
le futur, mais vous nous dites : Faites un pas supplémentaire et faites…
enlevez le plafond de 1972. Donc, c'est déjà bien d'avoir la rétroactivité,
c'est déjà bien de le rendre imprescriptible, mais vous nous invitez à aller
au-delà de 1972.
Mme Langevin (Louise) : Oui,
parce que je le sais pourquoi, là, cette date-là est là. Parce que la première
loi est entrée en vigueur à ce moment-là. Mais n'oubliez pas qu'avant 72,
pensez aux tabous qui pèsent et qui pèsent encore sur les victimes d'inceste,
les victimes d'agression sexuelle d'avant 72. Il n'y aura pas des masses de
personnes, c'est 50 ans et plus. Donc, ce sont des femmes âgées. Des femmes
âgées qui, peut-être, vont se présenter et qui vont demander une indemnisation.
Il n'y aura pas des tonnes de personnes, mais les… ces femmes-là, âgées, qui
vont se présenter, ont le droit à une indemnisation comme toutes les autres
victimes. Donc, il n'y a pas d'utilité sociale à mettre ça, en fait, ça crée
une injustice. Pensez avant 72, le tabou sur les femmes qui ont été victimes
d'inceste. Par exemple, je pense à des affaires devant les tribunaux où des
petites filles avaient été victimes d'inceste, puis qui ont intenté une action
lorsqu'elles avaient 75 ans. Je pense entre autres à une affaire. Donc, il n'y
a pas d'objectif social à garder cette date-là, mais ça va permettre à quelques
femmes âgées d'obtenir une indemnisation.
M. Jolin-Barrette : Vous
l'avez abordé… Allez-y, Mme Chagnon.
Mme Chagnon (Rachel) : Bien,
je vais me permettre de faire un peu de renforcement sur ce que vient de dire ma
collègue, puis je pense que ce serait d'autant plus intéressant et généreux de
la part du régime, que c'est… l'objectif ultime du régime de l'IVAC est d'être
un régime de justice…
Mme Langevin (Louise) : …une
indemnisation.
M. Jolin-Barrette : Vous
l'avez abordé… Ah, allez-y, Mme Chagnon.
Mme Chagnon (Rachel) : Bien,
je vais me permettre de faire un peu de renforcement sur ce que vient de dire
ma collègue. Puis je pense que ce serait d'autant plus intéressant et généreux
de la part du régime que c'est le… L'objectif ultime du régime de l'IVAC est
d'être un régime de justice sociale et de solidarité sociale. C'est vrai que le
régime remonte à 72, mais cet objectif plus général de solidarité sociale, on
peut qualifier qu'il est intemporel et on pourrait ouvrir quand même le régime
à une quantité de personnes, somme toute, très limitée, qui ont vécu de grandes
injustices à l'époque où elles ont été victimes des crimes dont elles ont été
victimes. Voilà.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
juste une dernière question avant que je cède la parole à mes collègues. Vous
disiez, bon : La proposition de réforme que l'on fait vise à simplifier le
processus à l'IVAC. C'est quoi les difficultés que vous avez pu observer dans
le cadre de vos recherches relativement au système actuel?
Mme Langevin (Louise) :
Est-ce que je peux rajouter un point? Je sais que Rachel veut en parler aussi.
Le manque de transparence, ça, c'est un problème. Ce qu'on sait du
fonctionnement de l'IVAC, outre les directives qui sont publiques, ce sont les
décisions qui sont publiées par le TAQ. À part de ça, on ne le sait pas
vraiment comment ça fonctionne. Est-ce qu'on l'applique, la faute lourde?
Est-ce qu'on ne l'applique pas? Bon, pour quelles raisons est-ce que des
demandes sont refusées? Donc, il y a le manque de transparence. Mais, Rachel,
je te laisse la parole.
Mme Chagnon (Rachel) : Bien,
ça a été un de mes constats, dans une autre vie très ancienne, dans un autre
millénaire, alors que j'étais jeune stagiaire à l'aide juridique, j'ai été
appelée à accompagner des victimes dans leur demande à l'IVAC. Ce qui était
frappant, c'était la lourdeur du système, ce qu'on demandait aux victimes de
faire en termes de formulaires à remplir, de rapports de médecin à déposer,
etc. Puis ensuite c'était justement… et c'est un problème qui perdure dans le
temps, depuis il y a un certain temps, je dois dire, je n'ai plus 20 ans,
et que je constate encore aujourd'hui parce qu'en étant à l'écoute, en
travaillant avec différents organismes qui sont avec des victimes qui font des
demandes à l'IVAC, les problèmes que moi, j'avais à 20 et quelques années comme
jeune stagiaire, on les retrouve encore aujourd'hui. Des décisions dont on ne
comprend pas le sens, des rapports médicaux qui contredisent le rapport déposé
par la victime mais qui n'offrent aucune réelle explication.
Le Protecteur du citoyen avait déjà, en
2016, mis le doigt sur plusieurs des éléments, et l'IVAC… on nous annonçait
dans les différents rapports annuels de l'IVAC qu'il y avait des places… des
choses qui avaient été mises en place pour améliorer les choses parce que le
traitement administratif de l'IVAC était vraiment considéré sans empathie, sans
chaleur, extrêmement défavorable à ceux qui en faisaient… qui faisaient des
demandes et très opaque. Et la reddition de comptes demeure un problème. C'est un
problème récurrent, et, bon, la loi, peut-être, est mal placée pour nous dire
comment elle va régler ce problème-là mais si je prends, par exemple,
simplement le processus de révision, je ne vois pas de différence par rapport à
ce que le régime futur nous propose, et ce qu'on a actuellement, et le
processus de révision fait partie du…
Mme Chagnon (Rachel) : ...de
comptes demeure un problème, et c'est un problème récurrent, et, bon, la loi, peut-être,
est mal placée pour nous dire comment elle va régler ce problème-là, mais, si
je prends par exemple simplement le processus de révision, je ne vois pas de
différence par rapport à ce que le régime futur nous propose, et ce qu'on a actuellement
et le processus de révision fait partie du problème, entre autres la possibilité
d'une révision par des agents qui font... qui prennent par ailleurs des
décisions en première ligne. Donc, le manque... ce manque de transparence là et
le poids administratif qu'on fait trop souvent peser sur les victimes sont des
choses qui sont vraiment... qu'il faut qu'elles soient prises en compte, et ça,
je le vois un peu moins. On voit des efforts, bon, la fusion entre la loi sur
l'aide aux victimes d'actes criminels, l'IVAC, pour assurer une meilleure
protection des droits des victimes, mais je pense que sur le plan de la
gestion, là, il va falloir quand même nous... être plus pédagogique dans ce qui
s'en vient. Même si vous n'avez pas l'obligation en vertu de nos règles de
déposer les projets de règlement qui vont être associés à l'IVAC, je pense
qu'il va y avoir un exercice de clarification pédagogique qui va être
intéressant à faire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au
député de Chapleau. M. le député, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui.
Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mmes Chagnon et Langevin, plaisir de
vous entretenir cet après-midi. Peut-être une petite question, là, en lien avec
ce dont nous discutions précédemment, madame... Nous avions eu une intervenante
précédente qui parlait justement de la froideur et... bon, des intervenants à
l'IVAC et également de la lourdeur bureaucratique qui se retrouvait, là,
lorsqu'elle... lorsqu'elle était, là, en tant que victime, elle devait aller
voir son agent. Je ne sais pas si vous avez des commentaires sur cette
affirmation-là. Est-ce que vous avez noté les mêmes préoccupations? Et
qu'est-ce que vous envisageriez en tant que solution par rapport à ça?
Mme Chagnon (Rachel) : J'y
vais?
Mme Langevin (Louise) : Oui,
vas-y.
Mme Chagnon (Rachel) : Il n'y
a pas de solution miracle, hein? Il ne faut pas perdre de vue que, peu importe
ce qu'on va... ce qu'on cherche à faire pour améliorer le régime, le régime de
l'IVAC reste ce qu'il est, c'est un régime d'indemnisation de type assurantiel,
et, si on regarde les différents secteurs d'indemnisation, on ne peut pas... il
n'y aura pas de simplification extrême du régime, parce que, bon, il va y
avoir... il y a les trois grands postes, il y a le montant forfaitaire, il y a
le remplacement de revenu puis il y a ce que je pourrais appeler tout le reste,
donc l'indemnisation... par exemple l'aide à la réinsertion sociale, l'aide à
la réinsertion professionnelle, l'aide psychologique, qui sont... qui est
davantage une aide qui demande un suivi d'agent. Donc, il va falloir que...
C'est des dossiers qui restent ouverts : c'est des gens qui envoient des
factures, elles ont vu leur psy, elles ont pris des cours de... elles ont pris des
cours professionnels pour faire un changement de carrière, l'IVAC prend les
factures, on gère ça au jour le jour. Ça reste des régimes laborieux, je pense
qu'on ne pourra pas éviter une certaine lourdeur. Mais je pense que plus de
transparence et plus d'imputabilité amène... et peut-être plus de ressources
dans le régime, avec des agents qui ont le temps de vraiment s'investir dans
chaque dossier des bénéficiaires pour prendre le temps de bien faire leur
travail, de prendre le temps de... ne pas refuser des factures de façon
intempestive, ne pas faire un calcul à rabais par exemple pour les indemnités
forfaitaires serait extrêmement aidant, puis ça répondrait aux principales...
Mme Chagnon (Rachel) : ...le
temps de vraiment s'investir dans chaque dossier des bénéficiaires pour prendre
le temps de bien faire le travail, de prendre le temps de ne pas refuser des
factures de façon intempestive, pas faire un calcul à rabais, par exemple pour
les indemnités forfaitaires serait extrêmement aidant puis ça répondrait aux
principales récriminations des victimes, qui sont vraiment, pour l'essentiel, de
ne pas être traitées avec beaucoup d'humanité puis il ne faut pas perdre de vue
qui sont ces victimes -là. Les bénéficiaires de l'aide sociale sont des
victimes de crimes vraiment... bon, de crimes dont elles connaissaient leur
agresseur, on parle de crimes à caractère sexuel, on parle de typologie de
crimes qui font qu'on parle de personnes amochées et fragilisées.
Donc, je pense que peut-être aussi, ce qui
serait aidant, puis ce qui a été souligné par beaucoup de groupes et par le Protecteur
du citoyen, une formation des agents pour leur permettre de comprendre avec qui
ils transigent, une sensibilité plus grande aux caractéristiques propres aux bénéficiaires
qui leur permettrait de mieux rentrer en contact avec ces bénéficiaires-là.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci.
Mme Chagnon (Rachel) : Mais
c'est ça, puis ça va rester.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui.
Non, d'accord, merci. Peut-être un autre point, vous avez abordé l'indemnité
forfaitaire tout à l'heure. Vous sembliez mi-figue, mi-raisin. J'aimerais peut-être
que vous clarifiiez votre positionnement par rapport à cette indemnité et
qu'est-ce que vous verriez dans cette indemnité-là ou comment vous la
moduleriez?
Mme Chagnon (Rachel) : Bien,
j'ai deux questions par rapport à l'indemnité forfaitaire. Bon, dans la mesure
où elle remplace les rentes, est-ce que c'est vraiment un gain pour les bénéficiaires?
On a souvent reproché aux rentes de ne pas être extrêmement généreuses, mais le
fait est que pour une personne qui, par exemple, devient... est victime d'une
incapacité à 30, 35 ans, ça, c'est l'âge de la majorité, hein, des bénéficiaires
du régime, la majorité ont 35 ans et moins. Donc, il y a une incapacité
permanente qui vous tombe dessus à cet âge-là, vous allez être impacté le reste
de votre vie jusqu'à votre mort.
La rente rendait compte de ça. Elle
donnait un soutien financier aux personnes pour les accompagner pour le reste de
leurs vies, en prenant en compte que le reste de leurs vies était changé de
façon irrémédiable par le geste dont elles avaient été victimes.
• (16 h 20) •
L'indemnité forfaitaire suit une autre
logique, hein? On donne une compensation à la personne, la personne peut
prendre cette compensation-là puis en faire un peu ce qu'elle veut. Mais si,
par exemple, on prend quelqu'un qui, à cause des préjudices dont elle a été
victime, reçoit une prime, reçoit une rente de... aujourd'hui reçoit une rente
d'à peu près 800 $, 900 $ par mois pour le reste de sa vie et vit
jusqu'à 80 ans, par exemple, ce qu'elle va recevoir de l'IVAC à la fin de sa
vie, ça va avoir été plus de 300 000 $, 350 000 $,
375 000 $. Est-ce qu'on va donner des montants aussi importants ...
en sommes forfaitaires? C'est comment on va les calculer?
Puis aussi, pour les personnes, comment on
va s'assurer d'une certaine équité entre les personnes qui vont aussi des
indemnités pour le remplacement de leurs revenus et les personnes qui sont sans
salaire? Parce que la rente prenait quand même en compte cette réalité-là en
posant le principe du salaire minimum reconnu.
Maintenant, qu'est-ce qui arrive aux
victimes à qui... qui n'étaient pas sur le marché du travail? Est-ce qu'on va
leur accorder une valeur aussi importante? Qu'est-ce qui arrive aux femmes qui
sont dans les...
Mme Chagnon (Rachel) : ...sans
salaire. Parce que la rente prenait quand même en compte cette réalité-là en
posant le principe du salaire minimum reconnu.
Maintenant, qu'est-ce qui arrive aux
victimes à qui... qui n'étaient pas sur le marché du travail? Est-ce qu'on va
leur accorder une valeur aussi importante? Qu'est-ce qui arrive aux femmes qui
sont dans le «care», qui sont des aidantes naturelles, qui ont décidé de rester
à la maison, s'occuper des enfants? Comment on va évaluer leurs contributions
sociales? Je pense que... Oui.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. À mon tour de vous souhaitez la bienvenue. Merci,
Mme Chagnon, Me Langevin, d'être avec nous et de répondre à nos
questions.
Et je reprends la balle au bond,
Mme Chagnon, sur ce que vous disiez. Avec tous ces bons exemples-là que
vous venez d'étayer et de mentionner, vous recommandez donc que la loi...
explicitement la nature de l'indemnité forfaitaire et donne un cadre qui
servira à le calculer... à la calculer, pardon. Donc, vous demandez, à la fin
de cette analyse-là, qu'il y ait un cadre dans la loi ou un cadre
réglementaire.
J'aimerais vous entendre sur quelle forme.
Avez-vous un exemple de cadre? Quelle forme... législatif ou quelle forme ça
pourrait prendre, là, dans les travaux qui sont devant nous?
Mme Chagnon (Rachel) :
Malheureusement, je n'ai pas d'exemple sous la main. Parce que les principaux
régimes d'indemnisation qu'on connaît sont des régimes qui sont basés sur le
revenu si on pense à la SAAQ, si on pense à la CSST et à l'assurance chômage.
Un régime qui se distingue à ce niveau-là,
c'est le régime de l'Aide financière aux études où là la prise en compte des
besoins devient un facteur important dans la détermination de ce qu'on va
offrir aux personnes. Peut-être que l'IVAC pourrait s'inspirer en partie de
cette logique-là.
Bon, moi, ceci dit, mon champ d'expertise,
c'est le droit. Je ne suis malheureusement ni comptable, ni actuaire, ni très
forte de façon générale sur les chiffres, ce n'est pas la réputation des gens
en droit. Mais j'inviterais par contre les parlementaires à, par exemple,
utiliser les outils issus de... vous m'excuserez, là, mais les outils d'ADS qui
nous permettent justement de réfléchir sur les impacts différenciés que peuvent
avoir certaines mesures sur les femmes versus sur les hommes pour voir s'il n'y
a pas des mécanismes compensatoires.
Est-ce qu'on ne pourrait pas, par exemple,
trouve une façon de chiffrer la contribution en «care»? Qu'est-ce que ça...
Quand quelqu'un... Un proche aidant qui décide de prendre un travail à temps
partiel pour devenir la personne qui va prendre en charge une personne âgée
puis qui va permettre, de ce fait-là, à la société de bénéficier de ce travail
bénévole là, est-ce qu'on ne pourrait pas le chiffrer en quelque part pour
ensuite prévoir des ordres de compensation qui pourraient rendre justice à la
contribution sociale de cette personne-là, même si cette contribution-là n'est
pas calculable à travers un salaire ou un revenu?
M. Tanguay
: Et c'est
pourquoi, puis je suis content que vous reveniez avec cet élément-là,
Mme Chagnon, vous parliez, entre autres, des travaux du Secrétariat à la
condition féminine...
Mme Chagnon (Rachel) : …rendre
justice à la contribution sociale de cette personne-là, même si cette
contribution-là n'est pas calculable à travers un salaire ou un revenu.
M. Tanguay
: C'est
pourquoi… puis je suis content que vous reveniez avec cet élément-là,
Mme Chagnon, vous parliez entre autres des travaux du Secrétariat à la
condition féminine et vous prévoyez… c'était votre avant-dernière… «prévoir des
mécanismes de modulation des inégalités». Puis vous l'avez bien dit, il est
important que, justement, dans l'indemnisation des victimes d'actes criminels,
que l'on ne vienne pas reproduire les inégalités, mais qu'on soit
véritablement, je dirais, progressiste dans son application. Est-ce qu'on va
les éliminer, les combler?
Et ça, ça doit être pris en compte puis il
faut lire vos deux dernières recommandations comme un tout, comme une approche
globale, notamment se donner des mécanismes — puis vous nous invitiez
à aller voir les travaux du Secrétariat à la condition féminine — des
mécanismes, justement, qu'il y ait des analyses différenciées selon les sexes,
là, c'est très important.
Mme Chagnon (Rachel) : Oui,
puis on a une belle expertise au Québec à ce sujet-là puis je pense que c'est…
on peut en être fiers. C'est une expertise qui a été développée par l'État
québécois, entre autres, puis je pense qu'on peut en tirer profit.
M. Tanguay
: Bien,
merci beaucoup. Avec le temps qu'il me reste, j'aimerais maintenant… je ne sais
pas si vous avez entendu les juristes progressistes qui passaient un peu plus
tôt cet après-midi. J'aimerais vous entendre si vous avez une réflexion qui a
été… si vous avez une réflexion à ce sujet-là où il était soumis que quant aux
victimes de violence sexuelle ou conjugale, dans des situations qui ne sont
parfois pas évidentes, qui sont un peu plus complexes, difficiles à déterminer,
ils proposaient peut-être, là, à propos d'avoir un régime particulier. Est-ce
que vous, vous iriez jusque là, d'avoir un régime particulier pour les victimes
sexuelles… de violence sexuelle et conjugale?
Mme Langevin (Louise) :
Qu'est-ce qu'on vous… si je peux prendre la parole, qu'est-ce qu'elles
voulaient dire, ces avocates, avec un régime particulier?
M. Tanguay
: Bien, en
substance, prendre en compte les situations toutes particulières qui découlent
des violences sexuelles et conjugales, avoir un encadrement différencié, justement,
avoir une approche différenciée par rapport à ces dossiers, si je peux dire, à
ces cas qui sont particuliers, pour qu'en bout de piste, l'objectif soit
atteint, qu'il y ait une véritable indemnisation.
Quand on pense, entre autres… puis on
revient à cet exemple-là, on parle de faire la preuve de la mens rea, bien, à
quelque part, ça ne tient pas la route, là. Puis vous aviez une recommandation
en ce sens-là sur la prépondérance des probabilités. Alors… puis peut-être
qu'on peut bifurquer là-dessus si vous voulez, l'obligation de préciser que
l'infraction criminelle doit être prouvée selon la prépondérance des
probabilités, mais si vous voulez ajouter à cette approche différenciée là aux
violences sexuelles et conjugales, n'hésitez pas, là.
Mme Langevin (Louise) : Oui.
Bien, on… 75 % des demandes à la LIVAC découlent de violences sexuelles,
violence conjugale, violences subies durant l'enfance. Donc, je ne sais pas si
on a besoin d'un régime particulier pour 75 % des demandes, hein, c'est la
très grosse majorité.
Donc, l'imprescriptibilité s'applique à
ces trois demandes, les mesures de rétroactivité s'appliquent à ces trois
demandes. Tout à l'heure, j'ai parlé de la faute lourde et j'ai dit qu'il ne
faut pas que la faute lourde soit prise en considération pour ces trois
situations…
Mme Langevin (Louise) : ...la
très grosse majorité. Donc, l'imprescriptibilité s'applique à ces trois
demandes, les mesures de rétroactivité s'appliquent à ces trois demandes. Tout
à l'heure, j'ai parlé de la faute lourde et j'ai dit qu'il ne fait pas que la
faute lourde soit prise en considération pour ces trois situations. On a...
J'ai parlé de l'obligation de coopération, l'obligation de coopération imposer
ça à des femmes qui sont déjà traumatisées... Donc, il me semble que, dans le
projet de loi, il y a des améliorations à y apporter. On prend déjà beaucoup en
compte cette réalité-là.
Et je veux aussi ajouter qu'il ne faut pas
que le processus d'analyse de la demande soit plus traumatisant que le
traumatisme subi. Il ne faut pas que le dépôt d'une demande d'indemnisation, on
en a parlé tantôt, du manque d'humanisme, des longs délais, des difficultés
administratives, mais il ne faut donc pas que la demande d'indemnisation soit
elle-même une autre source de traumatisme imposée par l'appareil étatique.
Et je veux rajouter aussi que les victimes
de violence sexuelle, violence conjugale et violence durant l'enfance doivent
être traitées avec le même respect que l'on traite des travailleurs blessés,
que l'on traite des accidentés de la route, nos deux autres régimes étatiques,
là. Donc, les victimes dont on parle aujourd'hui, pour des raisons de justice
sociale, comme ma collègue l'a soulevé, doivent être traitées avec le même sens
d'humanité, de justice et d'équité que d'autres victimes qui sont indemnisées
par un régime étatique.
M. Tanguay
: Et vous
avez... merci beaucoup, et vous avez précisé un peu plus tôt aussi une certaine
obscurité quant à l'application de certains principes dans la loi. Alors, oui,
on a, dans certains cas, évidemment, les décisions du Tribunal administratif du
Québec, du tribunal, mais vous nous invitez donc à préciser justement, parce
que, quand il y a place à l'interprétation, des fois, l'interprétation sera
heureuse et, des fois, l'interprétation sera malheureuse, et on fait une double
victime, là, ou on fait d'une personne une victime d'un traitement administratif.
Alors, préciser, donc, c'est pour ça, vous le dites bien, retirer l'article...
parce que qu'est-ce que ça veut dire, l'obligation de coopération, puis comment
ça pourrait être interprété... Ah! Monsieur, madame n'a pas coopéré. Ah bon?
D'un.
De deux, vous dites : Bien, préciser,
à l'article 2, le préjudice psychique ou psychologique. Effectivement, je
révisais l'article 2, on parle d'une atteinte à son intégrité ou une perte
matérielle, alors c'est important de préciser. Et finalement, bien, préciser
que c'est la preuve selon la prépondérance des probabilités. Tout ça, vous nous
invitez, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, donc, à préciser, puis il y a
trois exemples tangibles, mais l'exercice... il y a 190 articles, là. Vous avez
parlé d'abondance de l'article 16, mais vous nous invitez, nous, les
législateurs, à mettre ça clair au départ. Après ça, ce sera interprété de façon
claire...
• (16 h 30) •
Mme Langevin (Louise) :
Exact. Oui, oui, je suis d'accord avec ce que vous avez...
16 h 30 (version non révisée)
M. Tanguay
: ...vous
entendre là-dessus, donc, à préciser... Puis il y a trois exemples tangibles,
mais l'exercice, il y a 190 articles, là. Vous parlez... Vous avez parlé
d'abondance de l'article 5, mais vous nous invitez, nous, législateur, à mettre
ça clair au départ, puis après ça, ce sera interprété de façon claire et juste?
Mme Langevin (Louise) :
Exact. Oui, oui, je suis d'accord avec ce que vous avez soulevé. Il faut revoir
certains articles pour que ce soit plus clair. Et l'objectif... le projet de
loi met la victime au centre de ces préoccupations, et donc l'objectif de la
loi, c'est une indemnisation, je dirais, juste, équitable des victimes
d'infractions criminelles, et on sait qui sont ces victimes-là, et on sait
aussi qui est la clientèle de l'IVAC actuellement.
M. Tanguay
: Alors...
Et vous nous invitez à ce défi d'être simples, élégants et clairs, alors ce
sera notre défi lors de l'article par article.
J'aimerais vous entendre, puis je ne sais
pas... ou corrigez-moi si j'ai tort, mais je ne pense pas que vous en avez...
vous l'ayez abordé directement, l'abolition des rentes viagères et la
limitation d'une indemnité pour pertes de revenus à trois ans. J'aimerais vous
entendre là-dessus, si vous avez fait une analyse plus étayée sur l'abolition
des rentes viagères.
Mme Langevin (Louise) : Je
laisse la parole à ma collègue Rachel, mais on n'a pas eu beaucoup de temps.
Vas-y, Rachel.
Mme Chagnon (Rachel) : C'est
difficile de mesurer l'impact de l'abolition des rentes viagères à l'heure
actuelle parce qu'on n'a pas énormément d'information, par exemple, sur c'est
quoi, les coûts sur le système. C'est sûr qu'il faut... La rente viagère impose
plus de coûts au système que le montant forfaitaire. C'est... Quand on regarde
la situation actuelle de l'IVAC, où la... bien, en fait, le basculement vers le
montant forfaitaire se fait déjà à l'intérieur de l'IVAC, lorsque la rente
viagère est sous un certain seuil, là, à ce moment-là, on va remettre un... le
montant forfaitaire au bénéficiaire, mais le bénéficiaire pourrait éventuellement
décider de capitaliser son montant à l'intérieur de l'IVAC puis d'opter pour la
rente viagère.
La rente viagère, c'est vraiment... c'est
un accompagnement, c'est une reconnaissance que vous allez être affecté jusqu'à
la fin de vos jours. C'est un petit montant qu'on vous donne à tous les mois,
c'est une garantie, c'est une sécurité financière qu'on vous accorde jusqu'à la
fin de vos jours parce qu'on considère que ce qui vous est arrivé, qui a fait
basculer votre vie, qui a altéré le cours de votre vie à jamais, bien, ça
mérite une certaine compensation. Puis aussi, c'est qu'on veut vous aider, dans
la mesure du possible, à rester une personne fonctionnelle à l'intérieur de la société.
Il y a une fonction, bien, de solidarité sociale, de répartition des risques,
de répartition... aussi, de s'assurer de la paix sociale en veillant à ce que
les personnes les plus fragilisées conservent quand même une certaine autonomie
financière. La rente viagère remplit toutes ces fonctions-là.
Par contre, le fait que ce soit une rente
à vie, c'est sûr que ça impose un coût important au système, et dans la mesure
où on veut accueillir plus de victimes, là, il va y avoir des questions à se
poser sur quels sacrifices on doit faire pour permettre à un plus grand nombre
de personnes d'être indemnisées. Il y a des choix difficiles qui doivent être
faits lorsqu'on veut rendre le régime plus généreux, bien, en fait, lorsqu'on
veut rendre le régime plus accueillant à l'égard d'un plus grand nombre,
comment on préserve la générosité du régime…
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Mme Chagnon. Je
dois...
Mme Chagnon (Rachel) : …des
questions à se poser sur quels sacrifices on doit faire pour permettre à un
plus grand nombre de personnes d'être indemnisées. Il y a des choix difficiles
qui doivent être faits lorsqu'on veut rendre le régime plus généreux, en fait,
lorsqu'on veut rendre le régime plus accueillant à l'égard d'un plus grand
nombre, comment on préserve la générosité du régime…
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme Chagnon, je dois…
M. Tanguay
: Merci à
vous deux.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, je dois céder la parole à la députée
de Sherbrooke. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, Mme
Chagnon, Mme Langevin pour votre présentation.
Je veux discuter, moi aussi, de la
question des indemnités, ça a été nommé par les groupes qui vous ont précédés
que, le fait de réduire à un maximum de trois ans, la possibilité d'avoir un
remplacement de revenus, puis le fait aussi qu'il y ait possibilité d'avoir un
remplacement de revenus seulement si on avait un revenu avant de subir un
crime. Ça a été identifié comme des lacunes majeures dans le projet de loi au
point où ça a fait dire aux autres intervenants qu'il ne valait mieux pas
changer le projet de loi que d'adopter celui-là, que c'était des reculs plus
importants que les gains du projet de loi. J'aimerais savoir ce que vous en
pensez, en particulier, dans une perspective d'analyse différenciée selon les sexes
parce qu'on sait que les femmes sont plus souvent susceptibles d'être en
situation de ne pas avoir de revenus au moment de subir un…
Mme Langevin (Louise) : Je
peux simplement rajouter, poser une question : Est-ce que l'analyse
différenciée a vraiment été menée? C'est juste la question que je pose. Rachel,
si tu veux compléter.
Mme Chagnon (Rachel) : Bien,
écoutez, c'est sûr que la logique… Si on regarde d'autres régimes d'indemnisation,
le remplacement de revenus a aussi une date de fin parce que l'un des objectifs
du régime, puis c'est marqué dans le nouveau régime, c'est de permettre à la
personne de retrouver sa vie normale d'avant, en autant que possible. Donc, le
remplacement de revenu, on le met pour un temps limité parce qu'on estime que, au
bout d'un certain temps, la victime va être en mesure de retrouver une vie
normale, qu'elle n'aura pas besoin d'un remplacement de revenus au-delà d'un
certain seuil.
Ceci dit, c'est vrai que cette logique-là,
qui permet par ailleurs d'éviter qu'il y ait une trop grande pression sur le
régime puis qui permet aussi de garder certaines de nos ressources pour un plus
grand nombre de bénéficiaires, a ses limites en termes d'accompagnement qui
fait à chacun de ces bénéficiaires-là. Puis, c'est toujours, en fait, c'est
toujours, on a ces discussions-là par rapport à l'aide juridique, on a ces
discussions-là par rapport à l'aide financière aux études, c'est… On a des
ressources finies. Comment on les attribue si on veut en donner à un plus grand
nombre? Et, ça, c'est le dilemme.
Moi, j'appuie, en fait, j'essaie de rester
réaliste par rapport à ce que le régime peut faire, mais je pense que les
groupes ont raison de poser la question à comment on peut, on va veiller à
toujours bien accompagner des personnes qui demeurent avec des séquelles
importantes, permanentes, des suites de leur agression? Dans une mesure où,
maintenant, on a opté pour des formes d'indemnisation qui ont toutes des
périodes de temps définies, que ce soit le montant forfaitaire, que ce soient les
indemnités de remplacement de revenus, ce qu'on voit, c'est que toutes ces
formes d'indemnisation là finissent un jour dans le temps.
Or, il faut reconnaître que certaines
catégories de victimes…
Mme Chagnon (Rachel) : ...dans
une mesure où, maintenant, on a opté pour des formes d'indemnisation qui ont
toutes des périodes de temps définies, que ce soit le montant forfaitaire, que
ce soient les indemnités de remplacement de revenus, ce qu'on voit, c'est que
toutes ces formes d'indemnisation là finissent un jour dans le temps.
Or, il faut reconnaître que certaines catégories
de victimes vont, elles, subir des contrecoups permanents, comme on voit, par
exemple, aux personnes en matière d'accident de travail où là on reconnaît à un
accidenté du travail que, s'il a perdu un bras au travail, bien, son bras, il
ne repoussera pas puis il va toujours être dans cette condition-là. Et là les
personnes vont nous dire : Bien oui, mais c'est parce que les accidents de
travail, c'est utilisateur-payeur, les travailleurs et les employeurs
contribuent au régime. Donc, c'est un régime assurantiel qu'on peut traiter
comme tel, ce n'est pas le cas de l'IVAC. Mais l'IVAC, c'est un régime où c'est
l'ensemble de la société qui contribue puis c'est un geste de solidarité sociale.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme Chagnon. Je dois vous
interrompre. Je dois passer la parole à la députée de Joliette, s'il vous
plaît.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour à vous deux. Merci pour votre excellent mémoire. Toujours un plaisir de
vous entendre.
Je veux continuer dans la même veine. On a
eu, juste avant, une victime, donc, qui a été victime de violence sexuelle en
milieu familial pendant une dizaine d'années et ensuite de violence conjugale.
Et donc elle est incapable d'avoir un emploi. Elle nous expliquait aussi tous
les besoins en réinsertion. Mais cette personne-là aujourd'hui qui bénéficie
d'une rente viagère n'aurait plus rien parce qu'elle n'a aucun revenu. Et,
quand vous parlez d'analyse différenciée selon les sexes, je pense que c'est
pile sur le type de réalité qu'on doit bien faire ressortir quand on regarde
comment les femmes vont être impactées et les hommes.
Je voulais savoir si, dans votre
réflexion... Je comprends que vous avez manqué de temps, c'est une base
générale des intervenants aujourd'hui, mais est-ce que vous pensez qu'on
devrait maintenir un régime, par exemple, hybride, donc d'avoir un maintien de
rente dans certaines situations, mais d'avoir le forfaitaire ou l'indemnité
plus globale dans d'autres? Par exemple, un geste isolé qui va être arrivé, qui
va avoir créé une conséquence x à un moment x versus des violences qui vont
s'être étendues sur le long terme puis avoir affecté la capacité d'une vie de
quelqu'un.
Mme Langevin (Louise) : Juste
un mot, la réponse, c'est oui. Il faut donc distinguer entre les sortes de
victimes, les victimes directes, les victimes indirectes, et sur la gravité des
gestes qui ont été posés. Donc, à votre question, la réponse me semble
évidente, oui. Rachel, est-ce que tu veux compléter?
Le Président (M.
Bachand) : Il reste une minute, Mme Chagnon. Désolé.
Mme Chagnon (Rachel) : Les
victimes qui sont... Souvent, les personnes qui vont subir des dommages les
plus importants sont les femmes. Compte tenu de la typologie des crimes dont
elles sont victimes, les personnes qui vont subir des contrecoups puis des
séquelles plus importantes sont majoritairement des femmes. Si un nouveau
régime tend à moins indemniser les gens dans la durée, les personnes qui vont
être surreprésentées parmi les personnes les plus impactées négativement, là,
pour employer un québécisme, ça va être les femmes. Donc, une analyse
différenciée selon les sexes nous permet de dévoiler ça puis de réfléchir à ça.
Et, à partir de là, en effet, il faut se
poser la question. Est-ce qu'on ne pourrait pas penser à des formes
d'indemnisation qui durent plus longtemps pour reconnaître l'impact plus
profond que...
Mme Chagnon (Rachel) : …et
impactées négativement, là, pour employer un québécisme, ça va être les femmes.
Donc, une analyse différenciée selon les sexes nous permet de dévoiler ça, puis
de réfléchir à ça. Et à partir de là, en effet, il faut se poser la question.
Est-ce qu'on ne pourrait pas penser à des formes d'indemnisation qui durent
plus longtemps, pour reconnaître l'impact plus profond que le crime a pu avoir
sur certaines personnes dans une mesure où certaines typologies de crimes,
c'est des crimes multiévénementiels, c'est des crimes à répétition, c'est des
personnes qui ne pourront jamais retrouver une vie normale. C'est des personnes
dont les impacts psychologiques, physiologiques des crimes sont tels qu'elles
ne pourront sans doute jamais travailler, jamais retrouver une vie normale, et
ce n'est pas de leur faute. Et la solidarité sociale ne nous commanderait-elle
pas de veiller sur ces personnes-là avec un soin particulier? Je pense que oui.
• (16 h 40) •
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, Mme Chagnon et Mme Langevin, merci beaucoup
d'avoir été avec nous cet après-midi.
Mme Chagnon (Rachel) : Merci.
Mme Langevin (Louise) :
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, je suspends les travaux quelques instants.
Merci.
Mme Chagnon (Rachel) : Merci.
Mme Langevin (Louise) :
Merci.
Une voix : Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 39)
(Reprise à 16 h 41)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Bon, alors, nous souhaitons la bienvenue aux représentantes de la
Fondation Marie-Vincent. Alors, bienvenue. Je vous rappelle que vous avez 10
minutes de présentation, et après ça nous aurons une période d'échanges avec
les membres de la commission. Je vous cède la parole et, encore une fois, merci
d'être avec nous aujourd'hui.
Mme Gareau (Stéphanie) :
Alors, bien, merci beaucoup, merci aux parlementaires, la commission, pour
l'invitation que vous avez faite à la Fondation Marie-Vincent. Alors, je suis
Stéphanie Gareau, directrice générale de la Fondation, et je suis accompagnée
de ma collègue Élodie Bergeron qui, elle, est directrice des Services
cliniques. Alors, nous sommes heureuses de vous entretenir aujourd'hui sur nos
commentaires sur le projet de loi. Au niveau de la Fondation, ça fait plusieurs
années, là, qu'on demande que l'IVAC reconnaisse et indemnise… et aide les
jeunes victimes d'exploitation sexuelle. Donc, on est heureuses de constater
que cette recommandation-là a été entendue. Peut-être, avant de commencer sur
les commentaires sur le projet de loi, une rapide présentation de qui nous
sommes, la Fondation. Alors, nous sommes un centre d'appui à l'enfance, ça veut
dire que…
Mme Gareau (Stéphanie) :
...demande que l'IVAC reconnaisse et indemnise... et aide les jeunes victimes
d'exploitation sexuelle. Donc, on est heureuses de constater que cette recommandation-là
a été entendue.
Peut-être, avant de commencer sur les
commentaires sur le projet de loi, une rapide présentation de qui nous sommes,
la fondation. Nous sommes un centre d'appui à l'enfance, ça veut dire que nous,
du dévoilement jusqu'à la fin du suivi thérapeutique, on accompagne les
enfants, les adolescents qui sont victimes de violence sexuelle, sous un même
toit, donc ça veut dire services policiers, médicaux, psychosociaux,
thérapeutiques. C'est une expertise qui est relativement unique au Québec.
Ce qu'on constate, c'est qu'en regroupant
tous les services sous le même toit, à Marie-Vincent, bien, ça permet de
minimiser les traumatismes secondaires qui pourraient être vécus par les
enfants dans le cadre du processus après un dévoilement. Ça permet de réduire
le stress, de réduire l'anxiété, puis c'est aussi une meilleure coordination
des services avec tous nos partenaires. Donc, à Marie-Vincent, évidemment,
nous, on offre des services psychosociaux, psychothérapeutiques, avec
l'intervention de nos thérapeutes, qui sont basés sur les meilleures pratiques
issues notamment des études et des recherches de la chaire qui collabore avec
Marie-Vincent.
On offre aussi des services aux parents et
aux adultes significatifs protégeant autour des enfants, parce qu'on peut... on
le constate, là, le dévoilement d'une agression sexuelle est un événement qui
affecte toute la famille, donc les parents non-agresseurs ont aussi besoin de
soutien pour mieux accompagner leurs enfants dans la thérapie, puis il est
reconnu que la présence et la protection des parents est essentielle et favorise
le rétablissement chez l'enfant.
Donc, à la fondation, on fait des
traitements, mais on fait aussi de la prévention et de la formation. Donc,
au-delà des services psychosociaux, psychothérapeutiques, on est fiers d'avoir
élaboré des programmes de prévention qui sont novateurs autant pour les
enfants, les 0-5 ans, que des programmes de prévention en cyberviolence
sexuelle, par exemple, qui pourraient s'adresser davantage aux adolescents. Et
au niveau de la formation, bien, on a des formations qui sont offertes aux
intervenants du réseau de la santé et des services sociaux, au niveau de
l'éducation, au niveau des centres de la petite enfance, des organismes
communautaires et sociojudiciaires, les médecins, les policiers, avec lesquels
on peut aussi former... qu'on peut former. La chaire universitaire, bien, ce
qui distingue la Fondation Marie-Vincent, c'est que nous sommes le seul centre
d'appuis aux enfants au Canada qui soutient sa propre chaire de recherche, qui
va développer une expertise de pointe, tant en prévention, en dépistage qu'en
intervention.
Bien, la Fondation Marie-Vincent, depuis
2017, on a vu une explosion, là, des demandes de services au niveau des
agressions sexuelles, des violences sexuelles envers les enfants et les
adolescents, notamment tout ce qui a entouré, là, le mouvement #moiaussi. On
fait face malheureusement à une liste d'attente de 500 jeunes, une moyenne de
deux ans avant de les servir. Donc, pour nous, c'est un problème important.
C'est un des grands défis auxquels on fait face et on doit mettre tout en
oeuvre pour pérenniser les services, pour recruter les professionnels qui vont
les aider.
J'aurais le goût, avant qu'on commence,
juste pour vous donner un petit peu l'état de ce qu'on...
Mme Gareau (Stéphanie) :
…malheureusement, à une liste d'attente de 500 jeunes, une moyenne de deux
ans avant des servir. Donc, pour nous, c'est un problème important. C'est un
des grands défis auxquels on fait face et on doit mettre tout en oeuvre pour
pérenniser les services, pour recruter les professionnels qui vont les aider.
J'aurais le goût, avant qu'on commence,
juste pour vous donner un petit peu l'état de ce qu'on observe au niveau de la
violence sexuelle envers les enfants. Ça existe au Québec, donc, on pense
souvent que ce n'est pas ici que ça se passe. Donc, quelques petites
statistiques qui pourraient vous intéresser, une fille sur cinq, un garçon sur
dix rapporte avoir été victimes d'agression sexuelle avant 18 ans,
50 % des victimes d'abus sexuels ont moins de 18 ans, 99 % des
victimes qui reçoivent des services à la Fondation Marie-Vincent connaissent
leur agresseur. Puis, au niveau du bilan des DPJ, on a constaté une
augmentation de 6 % des signalements qui sont retenus pour abus, au risque
d'abus sexuel en 2020.
Donc, ça, c'était la rapide présentation
de qui nous sommes, ce que nous faisons. Sur le projet de loi 84, de manière
générale, on tient à souligner la volonté de mieux accompagner, soutenir, aider
les victimes ainsi que leur famille en ajoutant la notion de rétablissement.
Pour nous, en allant au-delà de l'indemnisation, on intègre aussi… on prend
acte du rôle et de la mission des organismes, comme le nôtre qui accompagne les
jeunes victimes et qui les aident à surmonter les épreuves pour qu'ils puissent,
éventuellement, grandir et développer leur plein potentiel.
Alors, évidemment, la modification qui est
la plus importante que nous on a constaté, évidemment, c'est l'ouverture à
l'aide aux victimes de toutes formes de violence sexuelle. Dans le fond, ce changement-là
va permettre d'indemniser puis d'offrir des services aux jeunes victimes que
nous on recevait de toute façon, qu'on accompagnait de toute façon. Mais, ce
qu'on se rendait compte, c'est que la non-reconnaissance du statut de victime,
ça représentait pour eux une deuxième victimisation. Donc, cette ouverture-là,
on la salue, et on constate aussi qu'il y a … bon, au niveau des actes
criminels qui seront dorénavant… dont les victimes seront couvertes, il y a,
bon, l'incitation à des contacts sexuels, l'exploitation sexuelle, la
publication non consensuelle des images intimes, pornographie juvénile. Donc,
tout ça, ça devient … ça l'a un impact important pour les jeunes que nous on
voit dans nos services.
La cyberviolence sexuelle c'est une réelle
problématique au Québec, donc c'est important d'aider les jeunes. On a fait une
rapide étude auprès de certaines écoles, on s'est rendu compte que près… un
jeune sur quatre qui a déjà eu une relation amoureuse a partagé des images
intimes, qui a 18 % des jeunes qui ont reçu des photos à connotation
sexuelle de quelqu'un d'autre qui circulait sans sa permission. 36 % des
filles rapportent s'être fait demander d'envoyer des photos à connotation
sexuelle d'elles-mêmes. Donc, on voit qu'il y a un impact important.
Le drapeau jaune qu'on voudrait lever,
c'est au niveau de l'exploitation sexuelle et la perpétration d'une infraction
criminelle. Évidemment…
Mme Gareau (Stéphanie) :
…36 % des filles rapportent s'être fait demander d'envoyer des photos à
connotation sexuelle d'elles-mêmes. Donc, on voit qu'il y a un impact
important.
Le drapeau jaune qu'on voudrait lever,
c'est au niveau de l'exploitation et de la perpétration d'une infraction
criminelle. Évidemment, on aimerait attirer votre attention sur le fait que
souvent les jeunes victimes d'exploitation sexuelle sont… manipulées ou sont
amenées par leur proxénète à commettre certaines infractions criminelles, comme
par exemple le recrutement. Donc, l'article 16.1 qui limite la couverture
ou l'admissibilité d'une victime qui a été partie à la perpétration de
l'infraction pour nous est un peu inquiétante. On ne voudrait pas, dans le
fond, que l'ouverture qui est apportée avec le projet de loi 84 soit
refermée par l'effet de l'article 16 par rapport à la faute lourde et la
participation à une infraction criminelle.
Aussi, on souhaitait vous dire que la
reconnaissance des personnes victimes de toute forme de violence sexuelle est
importante, parce que les conséquences sont aussi dévastatrices pour les jeunes
que les abus sexuels où il y a un contact, là, entre la victime et son
agresseur. Ça a des conséquences importantes sur les victimes, des
problématiques, des enjeux qui sont vécus à… tout au long de leur vie par la
suite.
Enfin, on voudrait aussi attirer votre
attention sur le fait que la… les problématiques qui sont vécues par les jeunes
qui sont victimes d'exploitation sexuelle sont plus complexes et beaucoup plus
longues à traiter, donc on constate par exemple que le nombre moyen de… de
séances thérapeutiques peut aller de 40 à 45 séances, plutôt que le 12 à
15 quand on parle des enfants. Donc, c'est important de tenir compte de cette
réalité-là. Il y est important pour toutes les… pour les victimes de toutes
formes d'exploitation sexuelle que l'on reconnaisse, au sens de la loi,
qu'elles ont connu une situation de violence sexuelle, ça leur… le sentiment
d'être crues et entendues, de comprendre qu'est-ce qui est arrivé n'est pas de
leur faute, cette reconnaissance-là, pour eux, c'est un premier pas vers le rétablissement.
• (16 h 50) •
On souhaite… on se déclare aussi satisfait
de l'abolition de la prescription, là, parce que pour nous c'est important que
peu importe le temps que les jeunes prendront pour dévoiler ou demander de
l'aide ou reconnaître qu'elles ont été victime, on pourra les rendre
admissibles à une protection, une indemnisation de… en vertu du projet de
loi 84. Des fois, les victimes, on le constate, là, ça peut prendre du
temps avant de reconnaître qu'elles ont été victimes et qu'elles ont besoin
d'aide. Donc, l'abolition de la prescription a un impact important pour ces
jeunes-là. Pour ce qui est des infractions criminelles qui sont commises à
l'extérieur du Québec, bien pour nous aussi ça c'est une modification qui est
importante.
Donc, en conclusion, on salue le dépôt du
projet de loi 84 qui répond aux préoccupations de notre organisme. On
pense qu'avec ce projet de loi là, on reconnaît à juste titre les victimes de
crime liées à toutes formes de violence sexuelle. Pour nous, c'est une avancée
significative pour les jeunes et c'est important qu'elles puissent comprendre
qu'elles ne sont pas responsables de ce qui leur est arrivé et qu'on peut les
aider à surmonter…
Mme Gareau (Stéphanie) : …ce projet
de loi là, on reconnaît à juste titre les victimes de crimes liés à toute forme
de violence sexuelle. Pour nous, c'est une avancée significative pour les
jeunes et c'est important qu'elles puissent comprendre qu'elles ne sont pas
responsables de ce qui leur est arrivé et qu'on peut les aider à surmonter
cette épreuve. Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup pour votre présentation. Je cède la
parole au ministre. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Mme Gareau, Mme Bergeron, bonjour, merci
d'être présentes aujourd'hui en commission parlementaire. Merci également du
travail que vous effectuez à la Fondation Marie-Vincent. Je pense que
c'est assez éloquent avec les données, les statistiques que vous démontrez, à
quel point il y a beaucoup de jeunes filles et de jeunes garçons qui sont
victimes d'infractions à caractère sexuel, donc je pense que votre institution
est reconnue puis je tiens à souligner le travail que vous faites ainsi que des
gens qui y travaillent à la formation des intervenants et des intervenantes.
D'entrée de jeu, nous, notre objectif,
c'est de faire en sorte, supposons, pour les séances de psychothérapie, les
rencontres avec le psychologue, que la personne qui subit l'infraction, il n'y
ait pas de limite à ça. Et dans votre propos, tout à l'heure, vous nous
disiez : Écoutez, parfois, ça dépassait. Donc, qu'est-ce qui arrivait pour
vous, là? Vous financiez vous-mêmes le recours à même vos services lorsqu'une
personne était victime, lorsque ça dépassait le nombre de séances
psychologiques?
Mme Gareau (Stéphanie) :
Bien, oui parce que de toute façon, si là, présentement, les jeunes sont des
jeunes qui sont victimes d'exploitation sexuelle, ils ne sont pas reconnus, là.
Donc, nous, peu importe qu'il y ait une indemnisation ou pas de l'IVAC, la
Fondation Marie-Vincent fournit les services gratuitement, là, aux personnes
qui font appel à nous, là.
Tu sais, c'est le principe de la
fondation, c'est qu'on offre les services gratuits. Ça fait qu'évidemment,
nous, l'impact, il est beaucoup plus grand pour la victime. Le fait qu'on
reconnaisse que cette personne-là est une victime, il y a là une avancée
significative, mais sur la prestation de services, sur l'offre de services,
concrètement, ça ne change rien parce qu'on les offrait, les services.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question du noyau familial, là, j'aimerais que… si vous pouvez nous en
parler, l'impact que ça a lorsque, supposons, un jeune garçon ou une jeune
fille est agressée sexuellement. C'est quoi l'impact sur la cellule familiale
que ça amène? Puis là, je vous dirais que dans le projet de loi, on a essayé
d'inclure aussi la cellule familiale au sens large pour qu'eux aussi soient
considérés comme des personnes victimes, mais c'est quoi l'impact concret pour
les proches quand un enfant est agressé?
Mme Gareau (Stéphanie) :
Bien, je peux répondre de façon globale puis après ça, peut-être que ma
collègue pourrait répondre un peu plus du côté clinique, là, mais globalement,
l'impact, c'est… tu sais, un dévoilement d'agression sexuelle dans une famille,
c'est comme une bombe, là, qui explose. Donc, c'est un peu à ce niveau-là
que je soulignais l'importance de reconnaître aussi les parents comme victimes,
parce qu'ils font partie de la solution, ils accompagnent les jeunes. À
Marie-Vincent, on a le service de psychothérapie pour les enfants qui en ont
besoin, mais on a aussi des services d'accompagnement psychosocial pour les
parents ou les adultes significatifs, là…
Mme Gareau (Stéphanie) : ...
Donc, c'est un peu à ce niveau-là que je soulignais l'importance de reconnaître
aussi les parents comme victimes, parce qu'ils font partie de la solution, ils
accompagnent les jeunes. À Marie-Vincent, on a le service de psychothérapie
pour les enfants qui en ont besoin, mais on a aussi des services
d'accompagnement psychosocial pour les parents ou les adultes significatifs, là,
dans la vie des enfants. Donc, c'est clair que plus le parent va être impliqué
dans la thérapie, va comprendre ce qui se passe avec son enfant, va comprendre
l'impact de son accompagnement, bien, plus ça va être facilitant, là, au niveau
de l'impact sur le jeune puis la facilité à reconnaître puis à avancer dans sa
thérapie, là.
Mme Bergeron (Élodie) : Je
pense que Mme Gareau l'a bien mentionné, on utilise vraiment l'expression «Ça
fait l'effet d'une bombe», hein, dans le sens où la vie de la famille, elle est
complètement chamboulée quand elle apprend, là, que l'enfant a été victime
d'une infraction, là, à caractère sexuel. Je vous dirais que le premier volet,
là, si on pense vraiment à l'accompagnement des parents, le premier volet,
hein, c'est que, quand un genre de situation comme ça arrive, les parents vont
rentrer dans toutes sortes de démarches, hein, dans un système. Il va y avoir
des fois, bon, l'implication des policiers, la DPJ, tous les services, là, qui
viennent après le processus judiciaire. Ça fait que c'est sûr qu'il y a dans un
premier temps un grand besoin d'information pour les parents pour arriver à se
démêler dans tout ça, à comprendre puis à se sentir, là, un peu plus sécures,
là, sur ce qui s'en vient. Sinon, ce qu'on va voir aussi, c'est un grand
sentiment de culpabilité, donc : Comment ça se fait que je n'ai pas vu ça?
Comment ça se fait que je n'ai pas pu prévenir ça? Qu'est-ce que j'aurais pu
faire autrement?, donc le parent qui va se culpabiliser par rapport à la situation,
et, évidemment, ça va entraîner toutes sortes de problématiques au niveau de la
gestion de ses émotions et tout ça, et c'est sûr qu'il va y avoir beaucoup de
questionnements sur, maintenant, comment j'interviens auprès de mon enfant,
comment je peux soutenir mon enfant à travers cette situation-là. Donc, je
pense qu'il y a vraiment deux volets : il y a le volet soutien aux parents
et il y a aussi le volet implication du parent pour qu'il puisse soutenir son
enfant. Ça fait que c'est de là l'importance d'impliquer le parent, oui, dans
l'intervention, mais l'importance d'être présent pour le soutenir, lui aussi,
là.
M. Jolin-Barrette : Tout à
l'heure, vous avez abordé la question de la faute lourde. Donc, comme les
intervenantes qui vous ont précédée, comme les professeures Chagnon et
Langevin, donc, vous souhaiteriez qu'on l'inscrive clairement dans la loi
également, que la faute lourde en matière de crimes à caractère sexuel ne peut
pas être utilisée. Même s'il y a déjà une directive, là, je pense que vous
formulez la même demande, là.
Mme Gareau (Stéphanie) : Bien
oui, et je pense qu'ailleurs dans... par exemple l'exemple de l'abolition de la
prescription, on la fait, la distinction. Ça fait que je pense que, comme il y
a un précédent de faire une distinction, je pense que ce serait bienvenu si la
précision était intégrée dans le texte de loi.
M. Jolin-Barrette : O.K. Avec
l'abolition de la prescription que nous faisons, puisqu'il y a beaucoup de
jeunes victimes, ça va leur permettre d'accéder éventuellement à...
Mme Gareau (Stéphanie) : ...la
précision était intégrée dans le texte de loi.
M. Jolin-Barrette : O.K. Avec
l'abolition de la prescription que nous faisons, puisqu'il y a beaucoup de
jeunes victimes, ça va leur permettre d'accéder éventuellement à l'indemnité au
niveau du forfaitaire pour l'IVAC et aussi le receveur des services. Donc,
j'imagine, vous êtes en... vous approuvez la démarche qu'on fait d'abolir la
prescription au niveau des crimes de violence sexuelle, de violence faite
pendant l'enfance puis de violence conjugale?
Mme Gareau (Stéphanie) : Oui,
absolument. Comme je le disais, tu sais, souvent, il y a un délai entre le
crime, ou l'infraction qui est commise, ou l'agression, la violence puis la reconnaissance
du statut de victime. Ça fait que l'abolition de la prescription permet que,
quand la personne va être prête, va le reconnaître, va faire la demande... tu
sais, quand on dit «prend connaissance de l'infraction», là, ça fait que je
pense que c'est important, puis c'est bienvenu à ce niveau-là aussi.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Bien, je vous remercie grandement pour votre passage en commission
parlementaire. Je sais que j'ai des collègues qui veulent poser des questions,
donc je vais leur céder la parole, et puis un grand merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Les Plaines, s'il vous plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci,
M. le Président. Merci, M. le ministre. Tout d'abord, je veux vous saluer à
nouveau. On s'est vues il y a quelques mois à peine en commission spéciale,
alors je... comme le ministre, je salue votre travail à nouveau. Je reconnais
toute l'importance de votre organisation dans le milieu.
Et un peu... Je ne reviendrai pas sur la
faute lourde. Je pense que l'avez bien spécifié, le drapeau jaune que vous avez
levé. Par contre, vous avez une expertise qui est hyperintéressante,
hyperimportante avec le type de clientèle que vous avez. Et dans les
dernières... les derniers témoignages qu'on a eus, notamment celle d'une
victime, où elle a soulevé le côté, je vais dire, inhumain de certains des
services, est-ce qu'on pourrait peut-être penser qu'un organisme comme le vôtre
pourrait donner des formations aux agents, à savoir, comment intervenir avec
les victimes?
Mme Gareau (Stéphanie) :
Bien, j'aurais tendance à vous dire oui parce qu'on fait ces genres de formation
là. Par exemple, là, quand je disais qu'on formait au niveau du système d'éducation,
bien tu sais, avec l'arrivée des cours d'éducation à la sexualité, bien, arrive
une meilleure connaissance, donc un plus grand nombre de dévoilements. Donc,
nous, on fait des formations pour aider les professeurs à comment répondre à un
dévoilement, comment gérer un enfant qui nous parle d'une situation comme ça,
quelles questions poser, comment bien poser les questions. On fait le même
genre de formation aussi auprès des policiers.
Donc, absolument, là, c'est le genre de
formation qui pourrait être développée par les intervenantes puis les
professionnelles à Marie-Vincent.
• (17 heures) •
M. Leclair
: O.K. Parce
que c'est sûr que ça, ce n'est pas législatif, là. Je comprends qu'au niveau du
projet de loi vous êtes contentes, c'est une avancée. On reconnaît les victimes
d'exploitation sexuelle, ce que vous aviez d'ailleurs demandé, c'était une de
vos premières demandes. Et toute la notion de rétablissement, j'aimerais ça que
vous reveniez là-dessus parce qu'il y a aussi, dans le projet de loi...
17 h (version non révisée)
Mme Lecours (Les Plaines) : ...législatif,
là. Je comprends, au niveau du projet de loi, vous êtes contente, c'est une
avancée. On reconnaît les victimes d'exploitation sexuelle, ce que vous aviez
d'ailleurs demandé — c'était une de vos premières
demandes — et toute la notion de rétablissement, j'aimerais ça que
vous reveniez là-dessus, parce qu'il y a aussi, dans le projet de loi, le
programme d'aide urgente. Donc, ça, c'est une avancée également, mais toute la
notion de rétablissement, vous la voyez comment?
Mme Gareau (Stéphanie) :
Bien, j'aurais le goût de demander à ma collègue, Mme Bergeron, de répondre à
cette question-là.
Mme Bergeron (Élodie) : Oui,
bien, en fait, je pense que quand on fait référence au rétablissement, c'est vraiment
de reconnaître qu'il y a un besoin de soutien, hein, au-delà de... Souvent, ce
qu'on entendait, si on parle juste d'indemnisation, mais c'est comme si on ne
reconnaît pas, en arrière de ça, le besoin de soutien, le besoin d'aide puis
aussi le besoin, comme on disait tantôt, dans certains cas, que c'est un
cheminement. C'est un cheminement puis, des fois, ça ne se fera pas tout d'un
coup. Ça fait que, tu sais, l'idée de moins limiter, justement, de s'assurer
qu'on arrive à un rétablissement, qu'on arrive à retrouver un fonctionnement,
je ne vais pas dire normal, mais quasi normal, malgré le traumatisme qu'on a
vécu. Je le vois comme ça, là, à ce niveau-là, donc de s'assurer que les
victimes sont accompagnées jusqu'à ce qu'elles arrivent à un point où on a un
fonctionnement... où on est fonctionnel, où on considère qu'on est rétabli,
là.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Est-ce que ça peut être, pour le cas des victimes avec lesquelles vous faites
affaire, entre guillemets, là, ce n'est peut-être pas le bon terme, là, mais
est-ce que ça peut être long ou moins long? Parce qu'en élargissant l'IVAC,
avec le projet de loi qui est sur la table actuellement, on va aller chercher
plus de victimes, on va aider plus de victimes, mais l'idée derrière ça, c'est
de les aider à redevenir, ou devenir, parce que vous faites affaire avec des
jeunes victimes, ddonc devenir fonctionnel dans la société, d'où l'importance
qu'on ait un solide programme de rétablissement.
Mme Bergeron (Élodie) : Oui,
vous posiez la question, à savoir si ça peut être long, c'est sûr que nous, on
a des services aux enfants, donc une clientèle moins de 18 ans. Nous, ce qu'on
voit avec notre programme — je veux juste me permettre de faire une
petite parenthèse pour les enfants — un des éléments qui va avoir le
plus d'impact sur le rétablissement, c'est la précocité des services. Donc, de
notre côté, pour un enfant, plus on va agir rapidement, plus le rétablissement
va être rapide et complet. Donc, c'est sûr que, pour nous, c'est un enjeu. On
parle d'enfants, on parle de petits êtres encore en développement. On parle de
cerveaux qui sont encore en développement, donc plus tôt on peut agir
là-dessus, mieux c'est pour le rétablissement.
C'est sûr...
Mme Bergeron (Élodie) :
...rapide et complet. Donc, c'est sûr que, pour nous, c'est un enjeu. On parle
d'enfants, on parle de petits êtres encore en développement. On parle de
cerveaux qui sont encore en développement, donc plus tôt on peut agir
là-dessus, mieux c'est pour le rétablissement.
C'est sûr que nous, bon, bien, évidemment,
on a une situation de liste d'attente, comme on vous disait, mais le plus tôt
on est capables d'intervenir, nous, on va observer qu'avec notre programme puis
avec nos interventions, on arrive à un fonctionnement pour un enfant. Là,
après, de vous dire est-ce que ces enfants-là, quand ils dépassent le 18 ans,
qu'ils arrivent à l'âge adulte, est-ce qu'il y a des récidives, j'ai de la
misère à me prononcer là-dessus, mais j'insiste sur le fait que plus on est
capables d'intervenir tôt, plus les impacts vont être minimisés et plus le développement
va se faire de façon harmonieuse et fonctionnelle, là.
Mme Lecours (Les Plaines) :
O.K. Si j'ai le temps, une dernière question, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Oui.
Mme Lecours (Les Plaines) : Si
vous aviez une chose à modifier dans le projet de loi, quelle serait-elle? Tout
projet de loi étant perfectible, on s'entend, le ministre l'a dit, donc si vous
aviez quelque chose... la priorité, selon vous.
Mme Gareau (Stéphanie) :
Bien, pour nous, ce qu'on a souligné, là, c'est la faute lourde, là. Je pense
que c'est important que... Parce que souvent, là, les victimes d'exploitation
sexuelle qui en font, du recrutement, pour elles, elles ne font pas de crime,
ce n'est pas un problème. Donc, il y a une reconnaissance de qu'est-ce
qu'elles... Tu sais, quand on parle, là, en criminel, de la mens rea puis
l'actus reus, bien, souvent, la mens rea, elles ne l'ont pas, parce qu'elles
sont manipulées, là. Ça fait que je pense que c'est à ce niveau-là que c'est le
plus important pour nous.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Bien, merci beaucoup. Merci de votre présence.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté
ministériel? S'il n'y a pas d'autre question, je vais céder la parole au député
de LaFontaine.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Bienvenue, bonjour. Merci, Mme Gareau, Mme Bergeron,
de prendre le temps d'avoir cette conversation-là avec nous. Merci aussi pour
le mémoire que vous nous avez communiqué et que nous avons lu avec attention.
J'aimerais... avant d'aborder des éléments
du projet de loi un peu plus techniques, j'aimerais vous entendre puis vous
donner l'occasion d'étayer un peu ce à quoi vous faites référence en page 6 de
votre mémoire, défis et solutions novatrices. Parce que vous êtes un organisme
phare, vous êtes un organisme extraordinaire, puis je me permets de souligner
le travail que vous faites, et vous avez un impact très tangible dans la vie de
plusieurs, plusieurs personnes et, au premier titre, les jeunes, des jeunes.
Vous... Il y a quelque chose qui m'a frappé. Premier paragraphe, sous le titre
défis et solutions novatrices : «Dpuis l'apparition du mouvement #moiaussi
au Québec, à l'automne 2017, le volume de demandes de services à Marie-Vincent
a augmenté de manière importante. La liste d'attente ne cesse de s'allonger et
compte désormais plus de 500 jeunes, qui doivent attendre en moyenne deux
ans...
M. Tanguay
: …et
solutions novatrices. Depuis l'apparition du mouvement #moiaussi au Québec, à
l'automne 2017 le volume de demandes de services à Marie-Vincent a augmenté de
manière importante. La liste d'attente ne cesse de s'allonger et compte
désormais plus de 500 jeunes qui doivent attendre, là, en moyenne deux ans pour
obtenir les services dont ils ou elles ont besoin. Ça, d'une part, c'est une
bonne chose que les victimes sortent davantage, mais on voit que l'on ne… on ne
répond pas suffisamment à la demande. Et vous avez dit, Mme Bergeron,
l'importance, toute l'importance d'agir tôt. Alors, on pourrait s'enorgueillir
d'avoir le plus beau projet de loi et la plus belle loi au monde, le projet de
loi no° 84 mais, dans les faits, est-ce que l'offre est là? J'aimerais vous
entendre pour… sur une base, là, tout à fait constructive et positive, comment
on pourrait mieux répondre à ce besoin-là, puis c'est plus qu'hier, moins que
demain, puis c'est une bonne chose que les victimes sortent. Mais l'offre
aussi, c'est important qu'elle soit présente, puis dans un délai inférieur de
deux ans. J'aimerais vous… là-dessus, comment on pourrait mieux faire,
socialement?
Mme Gareau (Stéphanie) :
Bien, écoutez, c'est sûr que nous, la liste d'attente, c'est la chose… tu sais,
je veux dire, c'est le dossier prioritaire à la Fondation, parce que c'est
inacceptable, là, qu'il y ait une liste d'attente de deux ans, puis il y a plus
de demandes qui entrent que de capacité d'offrir des services. Ça fait que
c'est le nerf de la guerre, c'est toujours le financement, là. Puis le
financement de la Fondation n'est pas exclusivement un financement qui provient
d'indemnisations de l'IVAC ou de financement public, là, on est à peu près
financés 50-50 public-privé, puis on a des donateurs privés qui jouent un rôle
important. Donc, comment on peut faire? Bien, c'est sûr que nous, on s'est posé
la question. Ça fait que comment on peut faire… bien, ils viennent d'où, les
enfants, sur notre liste d'attente, on s'est posé la question. Parce qu'évidemment,
nous, on est à Montréal, puis on dessert la grande région métropolitaine, là,
si je peux me permettre. Il y a 25 % à 30 % des enfants qui viennent
de la Montérégie sur notre liste d'attente. Ça fait que, là, nous, on a
développé un projet pour offrir des services en Montérégie. Donc, on travaille
avec les partenaires du CISSS, les trois CISSS en Montérégie, on travaille avec
la DPJ, avec les services policiers. Et on a pour objectif d'aller s'établir,
dans un monde idéal, d'ici la fin de l'année, en Montérégie. On a bon espoir
que ça va fonctionner. Ça fait que ça, ça va nous… aider 125 enfants à peu
près, puis après ça, bien, ça va créer un besoin en Montérégie. Tu sais, il y a
plus d'enfants victimes qu'il y a d'opportunités d'offrir des services.
Ça fait qu'ensuite de ça, bien, comment,
on s'est posé la question. Bien, ça veut dire embaucher davantage de personnel,
ça fait qu'on a identifié combien ça pouvait coûter. Tu sais, on pense à… nous,
pour vider la liste d'attente, c'est 700 000 dollars, là, ça fait que
c'est majeur comme impact. Il faut aussi aller les recruter, ces gens-là, parce
que, des intervenants qui veulent travailler à temps plein avec des enfants
victimes de violence sexuelle, tu sais, c'est quand même une problématique qui
est lourde. Puis, ensuite de ça, bien, on peut aussi se poser la question sur
la définition, sur la bonification de notre offre de services. Tu sais, tantôt
on parlait d'accompagnement psychosocial, puis de suivi…
Mme Gareau (Stéphanie) : …qui
veulent travailler à temps plein avec des enfants victimes de violence
sexuelle. Tu sais, c'est quand même une problématique qui est lourde. Puis
ensuite de ça, bien on peut aussi se poser la question sur la définition, sur
la bonification de notre offre de service, tu sais. Tantôt, on parlait
d'accompagnement psychosocial puis de suivi psychothérapeutique, ça fait qu'on
peut aussi rencontrer davantage de jeunes, au début, faire une évaluation plus
rapide des besoins de ces enfants-là. Certains n'auront pas nécessairement besoin
de psychothérapie, donc est-ce qu'on peut offrir davantage de services avec
d'autres types de thérapeutes? Ça fait que, tu sais, on est toujours en
réflexion, on est toujours à la recherche de solutions. Évidemment, le défi, il
est double, il est financier et… c'est des ressources financières et humaines,
dans le fond, puis une capacité à rencontrer… à répondre aux besoins des
enfants qui nous demandent de l'aide.
• (17 h 10) •
M. Tanguay
:
Mme Bergeron, voulez-vous compléter sur cet aspect-là?
Mme Bergeron (Élodie) : Bien
en fait, je pense que Mme Gareau l'a très bien résumé. C'est sûr que, nous…
puis moi, je suis directrice des services cliniques, hein, donc, ces
500 enfants-là, là, c'est les intervenants de mes équipes, là, qui s'en
occupent, c'est sûr que nous, à l'interne, on se questionne beaucoup sur
l'offre de service, donc de toujours se réinventer, est-ce qu'il y a des
modalités différentes, là, avec lesquelles on peut voir les enfants? Donc,
c'est sûr que nous, on se disait : Pour le moment, on est beaucoup axés
vers la psychothérapie. Là, on veut bonifier notre offre avec un volet
psychosocial. Donc, on accueillait, aussi, très favorablement, dans le projet
de loi, là, ce volet-là qui veut aussi élargir, là, au niveau des services. C'est
sûr que nous, ça nous permet d'augmenter la capacité, puis ça nous permet de
faciliter le recrutement avec différents types de professionnels, donc on
pourrait parler de psychoéducateurs, de travailleurs sociaux, de sexologues,
donc, vraiment, de venir élargir le type de professionnels qui travaillent à
Marie-Vincent. Mais, évidemment, je répète ce que Mme Gareau disait, c'est le
financement, pour nous, qui est le gros défi, parce que, oui, nous, on peut et
on veut offrir des services à ces enfants-là. On est en mesure de trouver des
solutions, on est créatifs, on est innovants, mais reste que tous ces beaux
projets-là doivent trouver du financement, donc c'est sûr que c'est le défi
majeur, là.
M. Tanguay
: Bravo,
bravo, merci pour ce que vous faites.
J'aimerais vous entendre de façon un peu
plus précise sur l'article 16. Lorsque vous faisiez mention, je pense que
c'est Mme Gareau, de la perpétration d'actes criminels, autrement dit, pour
vous, l'importance, parce que la notion de manipulation, vous en faites état à
la page 8 de votre mémoire, l'importance de ne pas faire deux fois une
personne victime, autrement dit victime d'un acte criminel, mais parce qu'elle
a participé elle-même à la perpétration d'un acte criminel, elle n'a pas d'aide.
Alors l'importance, pour vous, dans un contexte bien particulier, là,
d'exploitation sexuelle, la notion de manipulation, bien souvent, est au cœur
de la relation toxique et…
M. Tanguay
: ...victime
d'un acte criminel, mais parce qu'elle a participé elle-même à la perpétration
d'un acte criminel, elle n'est pas... elle n'a pas d'aide. Alors, l'importance
pour vous, dans un contexte bien particulier, là, d'exploitation sexuelle, la
notion de manipulation, bien souvent, est au coeur de la relation toxique et
occasionne de telles victimes et victimes par ricochet également, donc
l'importance pour vous de s'assurer que l'on retire, dans le fond, que l'on
amende, là, 16.1.
Mme Gareau (Stéphanie) :
Bien, c'est exactement ça dans le fond. Parce que, bien, ce que l'on constate,
nous, de notre côté, c'est que souvent ces jeunes... je vais dire «jeunes
filles» parce que c'est principalement, mais les jeunes victimes d'exploitation
sexuelle, elles vont être amenées à commettre des infractions. Puis ce serait dommage
que, dans le fond, l'ouverture qui est manifestée avec le projet de loi
n° 84 de couvrir justement ou d'indemniser ces victimes-là, bien, que la
porte se referme automatiquement par l'effet, là, de l'article 16.1. Donc,
pour nous, s'il y avait mention d'une exception, au même titre que c'est fait,
là, par exemple, comme je le disais pour la prescription, je pense que ça
pourrait aider à clarifier peut-être la lecture puis assurément l'esprit, là,
ça serait conforme à l'esprit du projet de loi tel qu'on le comprend.
Mme Bergeron (Élodie) :
Est-ce que je peux juste compéter?
M. Tanguay
: Je vous en
prie.
Mme Bergeron (Élodie) : En
fait, j'ai juste envie de dire, là, pour peut-être qu'on comprenne l'importance
de notre propos, ces jeunes-là ont un parcours très complexe, hein? Puis ça
prend du temps avant qu'ils décident d'aller chercher de l'aide pour s'en
sortir. Donc, quand ils arrivent à ce constat-là et quand ils arrivent à
dire : Je suis rendu là, j'ai besoin d'aide, j'ai besoin de soutien, c'est
parce que réellement ils veulent se sortir de ce milieu-là. Puis se sortir de
ce milieu-là, ça veut dire, oui, se sortir du milieu de l'exploitation
sexuelle, mais de la délinquance dans son sens large. Ça fait que moi, je veux
juste souligner cette importance-là. Ça fait que c'est sûr que, s'ils arrivent
à nous dire : Je veux m'en sortir, et que là on a un article qui vient
fermer la porte, ça n'arrive pas au bon moment, puis ça va venir les décourager
pour la suite des choses, là.
M. Tanguay
: Et
là-dessus, Mme Bergeron et Mme Gareau, corrigez-moi si j'ai tort,
mais je ne pense pas que votre mémoire en fait spécifiquement mention, mais
l'article 7, même si vous n'avez pas écrit ça dans votre mémoire, vous ne
l'avez pas abordé, je pense qu'on peut réfléchir tout haut ensemble, où la
victime doit, dans la mesure du possible, coopérer avec les personnes chargées
de l'application, bien, j'y vois là aussi une autre raison de se questionner
très sérieusement sur un jeune qui dit : Oui, je veux m'en sortir, comme
vous le dites bien, Mme Bergeron, puis dire : O.K., puis j'aimerais
ça, oui, participer à un régime d'indemnisation parce que je suis une victime
d'acte criminel. Mais d'alourdir ce cheminement-là en disant : Mais tu
sais que tu devras coopérer. Oui, coopérer, mais comme on dit : Que c'est
que ça veut dire? Puis ça peut être un déterrant majeur, là. Alors, un autre
petit drapeau que je mettrais rouge, moi, cette fois-là, peut-être.
Mme Gareau (Stéphanie) : Oui.
Bien, on n'a pas souligné... Bien, tu sais, il faut comprendre aussi qu'à la
fondation on n'est pas des juristes, là, a contrario de...
M. Tanguay
: …oui,
coopérer mais, comme on dit : Qu'est-ce ça veut dire? Puis ça peut être un
«deterrent» majeur, là. Alors, un autre petit drapeau que je mettrais rouge,
moi, cette fois-là, peut-être.
Mme Gareau (Stéphanie) : Oui,
bien, on n'a pas souligné… mais, tu sais, il faut comprendre aussi qu'à la
fondation on n'est pas des juristes, là, a contrario de certaines personnes que
vous aurez entendues ou que vous entendrez, là. Ça fait que nous, on a souligné
plus à grands traits l'impact de certains articles, mais je pense qu'il y
aurait une lecture ou, en tout cas, peut-être une réécriture pour préciser que
ce n'est pas ce qui est recherché comme objectif.
M. Tanguay
: Bien,
merci beaucoup à vous deux puis félicitations pour ce que vous faites. Merci.
Mme Gareau (Stéphanie) :
Merci.
Mme Labrie : Votre micro ne
serait pas ouvert, M. le Président, mais est-ce que c'est à mon tour?
Le Président (M.
Bachand) : C'est à ton tour. C'est à votre tour, pardon.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Vous avez… Il a été question, tout à l'heure, de la question de
l'absence presque totale des services pour les victimes auxquelles vous
répondez dans plusieurs régions du Québec. Évidemment, vous faites dans la
mesure de votre possible dans la région où vous êtes présentes mais c'est un
constat quand même important que, dans plusieurs régions, ces services-là n'existent
pas et, dans la mesure où, jusqu'à maintenant, les enfants concernés n'étaient
pas reconnus comme victimes par le régime, bon, ça posait certains problèmes
mais, là, maintenant que ces enfants-là vont être reconnus comme victimes et
vont, techniquement, être indemnisés pour des services, l'absence de services
disponibles dans plusieurs régions va être un problème majeur. Qu'est-ce que le
gouvernement ou le ministère devraient faire, de votre point de vue, pour
pouvoir vraiment permettre de concrétiser, là, l'intention d'offrir des
services à ces victimes-là dans toutes les régions du Québec?
Mme Gareau (Stéphanie) :
Bien, peut-être une petite correction. Ce n'est pas tous les enfants, là, qui
n'étaient pas reconnus victimes. Il y a certains… certaines infractions. — O.K.,
c'est beau. — Mais qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire?
Bien, en tout cas, nous, de notre côté, ce qu'on essaie de faire, c'est de
déployer nos services à l'extérieur de Montréal, là. Tantôt, j'ai parlé de la
Montérégie. Évidemment, il y a plusieurs régions qui nous… apprenant un peu ce
qu'on fait, connaissant mieux l'expertise de Marie-Vincent, souhaitent qu'il y
ait un Marie-Vincent dans leur région. On a beaucoup d'appels de phares à cet
égard-là. Ça fait que… qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire? Bien, je
pense que ça va être d'investir dans les services. Je pense que c'est ça que
j'ai le goût de vous répondre, là. Puis de donner à des organismes comme
Marie-Vincent le moyen de nos ambitions. Jusqu'à maintenant, bon, nous, on
reçoit un financement du ministère de la Justice, après ça, on est à projet
avec plein d'autres ministères, là. Il y a… on sent qu'il y a une ouverture, on
sent qu'il y a une écoute, en tout cas à la Justice, pour accompagner davantage
Marie-Vincent pour qu'on puisse déployer nos services. Donc, je pense que c'est
ça. Je pense que c'est de reconnaître l'importance, la spécificité de ce qui
est fait, l'impact de l'investissement, quand les enfants sont jeunes, à long
terme, à moyen et long terme puis, à ce moment-là, bien, de mettre… de nous
donner les outils pour pouvoir déployer nos services partout au Québec, là…
Mme Gareau (Stéphanie) : …je
pense que c'est de reconnaître l'importance, la spécificité de ce qui est fait,
l'impact de l'investissement quand les enfants sont jeunes, à long terme, à
moyen long terme. Puis à ce moment-là, bien, de mettre… de nous donner les
outils pour pouvoir déployer nos services partout au Québec, là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci…
Mme Labrie : Donc, par
cohérence, il y a une invitation à soutenir financièrement des services, comme
les vôtres, ailleurs.
Mme Gareau (Stéphanie) :
Bien, je pense que ça répond à un besoin, oui.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Joliette, vous avez la parole, merci.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour à vous deux. Merci beaucoup. Heureuse de vous retrouver. Deux questions,
une plus technique, je ne sais pas si vous avez eu une réflexion là-dessus, sur
toute la question des rentes versus une indemnisation forfaitaire. Donc, on a
eu une victime, tout à l'heure, qui, justement, a fait l'objet d'abus sur une
longue période d'abus sexuel dans son enfance. Ça l'a amené, et elle a rapporté
aussi des exemples, d'autres victimes à avoir beaucoup de difficulté à se
trouver un emploi, à conserver un emploi. Et donc est-ce que vous avez réfléchi
à ça, l'impact de changer les rentes viagères pour certaines personnes pouvant
rendre la difficulté à manoeuvrer dans leur vie, et avoir des revenus versus
l'idée, donc, d'avoir une seule somme forfaitaire? Puis, l'autre chose que
j'aurais aimée, c'est que, pendant nos travaux du comité d'accompagnement des
victimes de violences sexuelles et conjugale, on a souvent parlé de vous comme
d'un modèle qu'on aimerait transposer pour les victimes adultes. D'avoir tous
les services en un but, du dévoilement, comme vous l'avez bien dit, jusqu'à la
fin des suivis psychosociaux. Donc, j'aimerais juste que vous nous rappeliez
tout ce qui est offert sur vos lieux quand on prend en charge quelqu'un qui
vient faire un dévoilement.
• (17 h 20) •
Mme Gareau (Stéphanie) : O.K.
Bien, dans un premier temps, au niveau de la rente viagère, là, on ne s'est pas
penché sur cette question-là. Honnêtement, les victimes qu'on rencontre, les
gens qu'on aide, c'est des enfants. Ça fait que ça se pose moins ou, en tout
cas, ça s'est moins posé jusqu'à maintenant. Donc, on ne s'était pas attardé à
ce volet-là. Ça fait que, ça fait une réponse plutôt courte, je suis désolée.
Pour le volet des services, bien,
Marie-Vincent, c'est un centre d'appui à l'enfance. Donc, l'idée, c'est que les
services viennent aux enfants plutôt que les enfants doivent se déplacer
partout pour… d'une liste d'attente à une autre, de trouver son chemin à
travers les dédales des services qui sont offerts par les établissements, par
les organismes communautaires, par différents partenaires. Donc, par exemple,
s'il y a un dévoilement, il y a un enfant qui va être référé à Marie-Vincent,
bien, l'entrevue d'investigation policière, les policiers viennent au centre, à
Montréal. Il y a une salle où on enregistre le témoignage pour éviter que
l'enfant ait à le répéter à plusieurs reprises. Ensuite de ça, s'il y a un
nécessaire suivi… examen médical à faire, des fois, les enfants… les victimes
après une agression vont avoir des questions par rapport aux ITS, par rapport
aux risques de grossesse. Il y a des médecins de l'Hôpital Sainte-Justine, du
Children's, qui viennent dans les locaux de Marie-Vincent pour faire les examens.
Ensuite de ça, bien, les intervenants de la direction de la protection de la
jeunesse…
Mme Gareau (Stéphanie) :
...examen médical à faire, des fois, les enfants après... les victimes, après
une agression, vont avoir des questions par rapport aux ITS, par rapport au
risque de grossesse. Il y a des médecins de l'Hôpital Sainte-Justice, du
Children's, qui viennent dans les locaux de Marie-Vincent pour faire les
examens. Ensuite de ça, bien, les intervenants de la direction de la protection
de la jeunesse, par exemple, peuvent venir à Marie-Vincent pour accompagner des
enfants dans le cadre de leurs thérapies. Puis évidemment tout ce qui est l'accompagnement
aussi sociojudiciaire, là. S'il y a lieu, il y a des avocats qui peuvent les
accompagner, les gens peuvent venir dans notre centre.
Ça fait que l'idée, c'est d'éviter à
l'enfant et à sa famille de se promener d'un endroit à l'autre, c'est
d'offrir... C'est aussi beaucoup plus facile pour un enfant de faire une
entrevue avec un policier dans une salle qui est beaucoup plus accueillante, beaucoup
plus chaleureuse qu'un poste de police. Ça va dédramatiser, dans la mesure où
c'est possible, l'événement, là, l'entrevue. Donc, c'est un peu... c'est la
nature des services qu'on offre.
Puis peut-être, si je peux ajouter, parce
que ça fait partie de nos projets, évidemment, on va constater, par exemple,
avec une clientèle adolescente, que les jeunes, ils vont nous arriver avec pas
juste un bagage de victime de violence sexuelle, mais il y a aussi une
dépendance, il y a une problématique de santé mentale. Donc, nous, on souhaite
bâtir des passerelles, des ententes avec des partenaires qui vont offrir ces
services-là, qui viendraient à Marie-Vincent rencontrer les adolescents, faire l'évaluation,
déterminer le meilleur service pour leurs besoins puis, ensuite de ça, offrir
ce service-là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce, Mme
Gareau, Mme Bergeron, merci infiniment d'avoir été avec nous cet après-midi.
Sur ce, je suspends les travaux quelques instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 23)
(Reprise à 17 h 25)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Juste un petit rappel pour les participants de garder votre caméra
ouverte, s'il vous plaît. Merci beaucoup.
Alors, il nous fait plaisir d'accueillir
les représentantes et représentants du Groupe d'aide et d'information sur le
harcèlement sexuel au travail. Donc, Me Masson et M. Morin, bienvenue à la
commission. Vous avez 10 minutes de présentation, comme vous savez. Après,
on échange avec les membres de la commission.
Donc, sans plus tarder, la parole est à
vous. Encore une fois, merci d'être avec nous aujourd'hui.
M. Morin (Yann) : Bien,
merci beaucoup pour l'invitation. Donc, bonjour, M. le Président, M. le
ministre, toutes et tous les députés. Donc, effectivement, Yann Morin,
criminologue et responsable du département de relation d'aide du groupe d'aide,
et Me Masson, avocate au département des plaintes.
En fait, notre organisme communautaire est
établi depuis 40 ans avec le mandat vraiment d'assister des victimes de
harcèlement sexuel et psychologique au travail. Donc, c'est sûr que notre
clientèle, plusieurs ont subi des infractions criminelles comme voies de fait,
agressions à caractère sexuel. Donc, nous, on est vraiment un organisme de
plancher, au jour le jour, avec les victimes : soutien, écoute, soutien
technique, formulaire de plainte, recours à la CNESST, à l'IVAC, etc.
Donc, c'est sûr qu'aujourd'hui, en fait,
on aurait pu se pencher sur plusieurs points du projet de loi,
190 articles, mais dans le temps imparti, comme c'était un petit peu court
et qu'on aurait pu prendre beaucoup plus de temps pour travailler tout ça, on a
décidé vraiment de se pencher sur notre expertise, quelques points qui ne
seraient peut-être pas abordés nécessairement abordés par tous les organismes,
toutes les personnes qui viennent vous rencontrer lors des auditions. Donc, on
va vraiment se pencher sur les victimes en milieu de travail et tout
spécifiquement, en fait, sur l'article 59 au chapitre XI sur l'aide
financière et autres sommes perçues en vertu d'un autre régime ainsi que, dans
le fond, l'expérience directe des personnes avec qui on travaille au jour le
jour.
Donc, moi, je vais vraiment commencer, en
fait, sur l'article 59 au volet, plus spécifiquement, de la LATMP, la Loi
sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Dans le fond,
nous, ce qu'on aimerait recommander à la commission, c'est d'offrir le choix
aux victimes dans le milieu de travail de pouvoir soit utiliser…
M. Morin (Yann) : …article 59
au volet, plus spécifiquement, de la LATMP, la Loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles. Dans le fond, nous, ce qu'on aimerait
recommander à la commission, c'est d'offrir le choix aux victimes dans le
milieu de travail de pouvoir, soit utiliser l'IVAC, présentement, ou la nouvelle
loi qui sera instituée par le nouveau projet de loi ou la LATMP selon ce
qu'elle désire. Dans le fond, pourquoi on vous arrive avec, vraiment, cette
recommandation-là aujourd'hui? C'est pour divers points.
Le premier, en fait, c'est pour s'assurer
que les victimes d'infractions criminelles, que ça soit fait dans le milieu du
travail ou à l'extérieur, aient les mêmes droits. Présentement, en fait,
quelqu'un qui vit un acte criminel, comme ça, dans le milieu de travail doit se
prévaloir de la LATMP donc doit vraiment aller à la Commission des normes, de
l'équité, de la santé et de la sécurité du travail pour obtenir une
indemnisation, au besoin. Donc, la façon que ça fonctionne, en fait, à ce
régime-là, c'est qu'il faut expliquer en long et en large, donner un exposé des
faits complet de notre accident de travail, de ce qui nous a rendus malades.
Donc, il faut vraiment mettre par écrit, en détail, ce qu'on a vécu, et, une
fois que ça c'est fait, une copie est envoyée à l'employeur. Donc, nous ce
qu'on voit beaucoup chez notre clientèle, c'est que l'employeur, c'est la
personne qui a commis les agressions, les actes criminels, donc on demande à la
victime de mettre par écrit ce qu'elle a vécu et de le redonner, dans le fond,
à son agresseur donc, c'est déjà un premier frein pour notre clientèle.
Le deuxième est vraiment basé sur le fait,
qu'une fois que ça c'est fait, l'employeur a donné une réponse. Donc, il répond
par écrit, la victime va en avoir une copie, et si cette réponse-là n'arrive
pas à la même chose, en fait, la SST n'est pas en mesure de faire une enquête
approfondie. Et ce qu'on voit dans notre quotidien, c'est si les récits sont
différents, ne pouvant pas faire d'enquêtes, ce qu'on voit, c'est des refus.
Donc, on a des attentes un, deux, trois, quatre mois pour un refus. Pendant ce
temps-là, la personne n'obtient aucune indemnisation, ne reçoit aucune aide. Et
c'est ce qu'on voit dans le projet de loi, entre autres, et dans l'IVAC, tout
ce mouvement administratif là qui peut prendre très long et qui est très
demandant. Ça serait peut-être plus adapté aux victimes, même en milieu de
travail, en fait, vu que le fardeau de preuves pour être indemnisé n'est pas du
tout le même.
• (17 h 30) •
Aussi, on le voit aussi dans le projet de
loi, on le voit dans l'IVAC, il y a une aide d'urgence qui peut être accordée
sous forme d'indemnisation, sous forme d'aide psychologique, au besoin,
j'entendais aujourd'hui. Oui, la LATMP offre aussi un article pour ça. Moi, ce
que je peux vous dire par contre, c'est, en 40 ans d'expérience, on n'a pas
réussi à voir ça au niveau de la LATMP, se faire mettre en place dans un de nos
dossiers, tandis que, dans certains dossiers de l'IVAC, oui. Donc, pour nous,
vraiment pour faciliter l'adhésion et l'aide …
17 h 30 (version non révisée)
M. Morin (Yann) : ...un article
pour ça. Moi, ce que je peux vous dire par contre, c'est, en 40 ans
d'expérience, on n'a pas réussi à voir ça au niveau de la LATMP, se faire
mettre en place dans un de nos dossiers, tandis que, dans certains dossiers de
l'IVAC, oui. Donc, pour nous, vraiment pour faciliter l'adhésion et l'aide aux
victimes, on croit vraiment que de pouvoir offrir le choix d'aller soit selon
le nouveau projet de loi ou LATMP serait une avancée importante. Et, en fait,
nous, ce qu'on voit, c'est que, déjà dans l'article 59, il y a un tel paragraphe
pour choisir entre la SAAQ et le nouveau projet de loi. Donc, nous, on
proposerait déjà, pour favoriser l'aide aux victimes, d'inclure un paragraphe
semblable au niveau de la LATMP. Donc, moi, je vais maintenant passer la parole
à Me Masson pour l'expérience terrain de notre clientèle.
Mme Masson (Mélisande) :
Donc, le deuxième volet qu'on veut souligner, nous, c'est l'accueil du soutien
des personnes victimes. Donc, ce projet de loi reprend et répète des droits
déjà entérinés dans la charte des victimes sans pour autant articuler ou
préciser comment ce nouveau régime verra leur mise en oeuvre.
Donc, il existe en ce moment des
manquements à des obligations essentielles de justice administrative, soit la
qualité, la célérité et l'accessibilité des services. On se retrouve avec un
manque d'harmonisation et de collaboration entre des régimes qui devraient
plutôt se complimenter. Par exemple, à l'article 4 du projet de loi, on
stipule qu'une personne victime a le droit d'être informée de ses droits, ses
recours et les mesures d'aide disponibles. Par contre, sur le terrain, la
réalité est toute autre.
Donc, pour illustrer un peu, on va vous
présenter un exemple. Dans un dossier récent, une de nos clientèles avait été
victime d'une agression sexuelle au travail. Elle a appelé la police, a déposé
une plainte formelle et a été accompagnée à l'hôpital pour recevoir des soins.
Tout au long de ce processus, elle n'a jamais été informée de ses droits en
tant que personne victime d'une infraction criminelle ni des services qui
existent comme l'accompagnement avec le CAVAC ou la possibilité d'obtenir une
aide financière pour couvrir ses frais, les frais associés à l'hospitalisation
ou les médicaments. C'est juste une fois qu'elle s'est rendue chez nous qu'elle
a appris qu'un régime comme l'IVAC existait.
Suite à ça, elle a déposé une plainte en
harcèlement sexuel. On s'est rendus en médiation devant la CNESST, organisme
qui veille à l'application de la LATMP et l'IVAC. Nous tentions de régler le
dossier à l'amiable, mais on était quand même conscients que cette cliente
avait des séquelles importantes et avaient besoin de soins thérapeutiques et
une indemnité de remplacement de revenus. Donc, lorsqu'on... on a demandé au
médiateur si, malgré un règlement quant à la plainte en harcèlement et à un
retour au travail, si on pourrait quand même avoir un soutien pour les besoins
thérapeutiques de la cliente par l'entremise de l'IVAC. Le médiateur n'avait
aucune connaissance sur les droits ni les lois qui s'appliquent aux victimes
d'infraction criminelle. Donc, on a dû mettre terme à cette médiation-là...
Mme Masson (Mélisande) :
…quant à la plainte en harcèlement et un retour au travail. Si on pourrait
quand même avoir un soutien pour les besoins thérapeutiques de la cliente par
l'entremise de l'IVAC, le médiateur n'avait aucune connaissance sur les droits
ni les lois qui s'appliquent aux victimes d'infractions criminelles. Donc, on a
dû mettre terme à cette médiation-là et vérifier auprès de l'IVAC et quand on a
appelé l'IVAC, ça, c'est également avéré non conclusif, parce que l'agent
n'avait pas la réponse puis nous a référé au site Web pour trouver les
informations.
Donc, tous ces manques d'information
entraînent des retards significatifs dans le processus dans le rétablissement
d'une personne victime et souvent nos clients ne sont en mesure de travailler
suite aux événements vécus et ont besoin d'un revenu pour subvenir à leurs
besoins, mais aussi les besoins de leur famille. Donc, les institutions qui
sont chargées de garantir les droits des victimes, leur compréhension, leur
accompagnement ne sont pas en mesure de répondre au questionnement.
On recommande que le projet de loi encadre
et articule davantage comment nous allons réellement garantir les droits des
personnes victimes puis que les institutions et les personnes mandatées à
appliquer à loi soient en mesure de nous guider et de nous informer sur la mise
en oeuvre concrète de cette loi. À cet effet, on trouve aussi que les modalités
de mise en oeuvre ne se retrouvent pas dans le projet de loi. Donc, on fait
plutôt référence à des règlements qu'on n'a pas eu l'occasion de voir ni
évaluer pour voir ce qui en est de leur portée et souvent les plus gros
obstacles auxquels font face nos clients sont précisément liés à ces
modalités-là, comme les délais et les suivis opportuns.
On reste avec plusieurs enjeux comme la portée
de l'aide financière, le montant, quelle institution qui sera chargée de
l'application, qui ne sont pas nécessairement adressés. Donc, on recommande
aussi que les règlements soient déterminés de concert avec les organismes
spécialisés en la question, afin d'ouvrir une aide et un soutien adaptés aux
besoins de toutes les personnes victimes.
Pour conclure, nous tenons à vous
remerciez encore une fois, la commission, pour cette invitation et aussi à
souligner les avancées qui ont été proposées par ce projet de loi, comme
l'élargissement du concept de personne victime puis l'inclusion des personnes
victimes à l'extérieur du Québec. Par contre, on souligne que c'est primordial
de permettre aux travailleurs victimes d'infractions criminelles le choix au niveau
du régime et qu'également il faut s'assurer que le projet apporte une
amélioration au système actuel au niveau de… soutien des personnes victimes.
Les règlements qui encadrent plusieurs, sinon la majorité des modalités du
régime doivent prendre en compte les principes qui sous-tendent une loi à
vocation sociale et être élaborées en consultation avec les organismes
intervenants de première ligne afin de mieux répondre aux besoins des
Québécois. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Masson, M. Morin. Nous
allons débuter la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci,
M. le Président. Me Masson, M. Morin, bonjour. Merci de
participer aux travaux de la commission…
Mme Masson (Mélisande) : …de
première ligne afin de mieux répondre aux besoins des Québécois. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Masson, M. Morin. Nous allons
débuter la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Masson, M. Morin, bonjour, merci de participer aux travaux de
la commission. Vous apportez un éclairage qui est intéressant relativement aux
différents régimes d'indemnisation que nous avons, relativement à celui de la
Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et celui de
l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
Donc, ce que je retiens, notamment, de
votre propos, c'est qu'il y a une difficulté, pour les deux régimes, de
fonctionner et de collaborer ensemble. Je comprends qu'il y a certaines
victimes qui se retrouvent un peu dans une situation particulière et, si je
pourrais dire, le bec à l'eau un peu, là.
M. Morin (Yann) : Oui,
effectivement, c'est exactement ça. Donc, on peut vraiment avoir des gens qui
ont vécu un acte criminel sur le milieu du travail, vont commencer par
contacter l'IVAC, vont se faire dire : Bien ce n'est pas nous, les
premiers payeurs, ce n'est pas nous, à contacter, c'est la CNESST, faites une
demande avec eux. Et ensuite, à la CNESST, en fait, recevoir une réponse prend
plusieurs, plusieurs mois. Pendant ce temps-là, on n'a aucun contact, aucune
réponse. On ne reçoit pas d'aide, on ne reçoit pas de suivi. Ça prend des mois
avant d'avoir un agent attitré au dossier, donc on a des gens qui tombent un
peu entre deux chaises. Et dans le fond, à la SST, la majorité des gens,
malheureusement, sont refusés quand on n'a pas une blessure physique, quelque
chose à démontrer physiquement qui nous est arrivé, comme dans le cas, par
exemple, d'un stress post-traumatique. Donc à la SST, se voir refuser une fois,
se voir refuser en révision. Aller au tribunal dans un an et demi,
deux ans, toujours pas de réponse. Donc, effectivement, on a des gens qui
attendent très longtemps, sans support, sans pouvoir se retourner vers, entre
autres, potentiellement, la nouvelle loi ou l'IVAC qui pourrait les aider plus
rapidement, aussi.
M. Jolin-Barrette : Est-ce
que vous voulez ajouter quelque chose, Me Masson?
Mme Masson (Mélisande) : Non,
je crois que mon collègue a bien soulevé les enjeux. Mais, tu sais, peut-être
qu'on peut souligner, par exemple, l'importance des mesures d'urgence. Donc,
nous, comme on sait que la préséance de la LATMP sur l'IVAC, c'est vraiment un
frein. Par exemple, quand on a un travailleur qui a son logement chez
l'employeur, par exemple dans un dossier où un travailleur avait été victime de
voie de fait, il se faisait renvoyer de son logement et de son emploi. Donc, on
a comme une intersection de différents enjeux qu'on ne peut pas venir palier,
qu'on n'a jamais vus palier avec la LATMP, et que si ce client-là s'était
adressé à l'IVAC, selon les protocoles et les articles dans l'IVAC, se verrait
également refusé chez l'IVAC, il faudrait qu'il se retourne vers la LATMP. Et
tout ça, ça engendre des gros délais, puis ce monsieur-là se retrouve dans la
rue, entre-temps. Donc, je pense que c'est ce genre d'enjeux là qu'on veut
essayer de pallier et souligner.
M. Jolin-Barrette : Donc, les
deux régimes semblent aider les gens, mais par le fait…
Mme Masson (Mélisande) :
...vers la LATMP, et tout ça, ça engendre des gros délais, puis ce monsieur-là
se retrouve dans la rue entre-temps. Donc, je pense que c'est ce genre d'enjeux
là qu'on veut essayer de pallier et souligner.
M. Jolin-Barrette : Donc, les
deux régimes semblent aider les gens, mais, par le fait qu'il y a une certaine
rigidité, ça fait en sorte que, bon, les personnes se retrouvent entre les
deux. Mais, je note, vous dites : Dans le fond, le régime d'urgence que
vous mettez en place directement dans l'IVAC, il pourrait bénéficier à certains
travailleurs, donc vous nous invitez à faire le pont entre les deux régimes et
à ce que ça fonctionne mieux pour les travailleurs.
J'avais une question en regardant votre
mémoire : Est-ce que vous avez un estimé... bien, enfin, pas un estimé,
mais votre organisation, là, selon votre expertise, combien de personnes, vous
pensez, sont victimes d'une infraction criminelle sur les lieux de travail qui pourrait
être indemnisable par l'IVAC? Avez-vous une idée, un aperçu dans les données
que vous récoltez chez les gens qui sont membres de votre organisation?
• (17 h 40) •
M. Morin (Yann) : Oui. Bien,
je n'ai pas une donnée spécifique sur la question, malheureusement, de
préparée, vite comme ça. Ce que je pourrais... Je pourrais faire peut-être une
sorte d'estimation de mes connaissances, de ma clientèle au jour le jour. Si je
dis que j'ai environ 400 nouvelles personnes dans une année, qu'environ 30 %
d'entre elles, c'est du harcèlement sexuel au travail — la majorité,
il y a eu au moins des attouchements — je pourrais quand même
calculer : un bon 30 % de notre clientèle pourrait potentiellement en
bénéficier.
M. Jolin-Barrette : Mais
vous, vous avez 400 nouvelles demandes annuellement. Et, selon votre
expérience, les gens avec... les gens qui font appel à vous, vous nous
dites : La majorité des crimes, des infractions criminelles sont de nature
sexuelle, principalement du harcèlement sexuel.
M. Morin (Yann) : Oui. Bien,
en fait, on est le groupe d'aide sur le harcèlement sexuel et psychologique.
Donc, c'est ça, on a un très grand volet harcèlement sexuel, avec vraiment plus
crimes à connotation sexuelle. Au niveau du harcèlement psychologique, en soi
ce n'est pas criminel, donc ça dépend des personnes. Donc, si quelqu'un se fait
insulter et crier après, c'est potentiellement du harcèlement psychologique. Ce
n'est pas criminel, mais par contre, des fois, il y a des voies de fait, crimes
contre la personne, contre les biens aussi. On a vu des dossiers... des gens
s'en prendre à la voiture de la personne, vraiment... J'ai déjà eu quelqu'un,
en fait, que ce qui est arrivé, c'est qu'elle s'est quand même fait donner un
coup de ciseaux dans le dos. Donc, on a quand même des crimes qui peuvent aller
très graves contre la personne, agressions à caractère sexuel. Généralement, on
tourne dans ces eaux-là quand on parle d'actes criminels dans notre... pour
notre organisme.
M. Jolin-Barrette : Mais, ça,
ça signifie, je note, là, avec l'élargissement de la liste que nous faisons au
projet de loi, notamment au niveau du harcèlement, ça ferait en sorte que, si
on réussit à trouver un arrimage entre le régime de la LATMP puis celui de
l'IVAC, bien, le fait qu'il y ait l'élargissement de la liste, ça répondrait...
M. Morin (Yann) : ...notre...
pour notre organisme.
M. Jolin-Barrette : Mais ça,
ça signifie... et je note, là, avec l'élargissement de la liste que nous
faisons au projet de loi, notamment au niveau du harcèlement, ça fait en sorte
que, si on réussit à trouver un arrimage entre le régime de la LATMP puis celui
de l'IVAC, bien, le fait qu'il y a l'élargissement de la liste, ça répondrait
principalement aux types de cas que vous avez dans votre organisation.
M. Morin (Yann) : Je crois,
oui.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Actuellement, l'indemnisation des victimes d'actes criminels se retrouve à la
direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels, qui est à la CSST.
On a prévu une disposition, dans le projet de loi, qui fait en sorte qu'à titre
de ministre de la Justice, maintenant je vais avoir le contrôle, à ce
niveau-là, pour déterminer à quel endroit est-ce que ça va... mes services vont
être donnés. Puis aussi, pour pouvoir faire des ententes de services, ça va
devenir la responsabilité du ministère de la Justice. Comment est-ce que... Vos
utilisateurs, là, quels sont leurs commentaires par rapport aux services qui
sont donnés à la DIVAC puis par rapport aux deux... bien, à la direction qui
est à l'intérieur de la CSST? C'est quoi, je vous dirais, les commentaires
service à la clientèle que vous recevez?
M. Morin (Yann) : Oui, bien,
en fait, je crois que je vais pouvoir rejoindre un peu des propos de Mme Rochon
de cet après-midi, en fait. On arrive exactement aux mêmes conclusions, un
manque d'humanisme flagrant au niveau de l'IVAC particulièrement. Comme, par
exemple, on a des gens qui, après plusieurs, plusieurs mois, nous contactent
pour obtenir de l'aide. Ça fait des mois qu'ils tentent de contacter l'IVAC.
Ils laissent des messages, ils laissent des messages, et il ne se font jamais
rappeler. Et c'est nous, une fois qu'on a laissé des messages, nous, on va se
faire rappeler pour la personne. Sinon, la victime n'a jamais de retour
d'appel. Ça nous arrive quand même régulièrement.
Au niveau de la CNESST, je vais me
concentrer volet santé et sécurité, je vais oublier volet normes, avec lequel
on travaille aussi beaucoup, là. Mais au niveau SST, on voit sensiblement les
mêmes difficultés tant que le dossier n'est pas accepté. Donc, quand on a
besoin d'une information, notre dossier est en enquête, réussir à parler à
quelqu'un, c'est difficile. Réussir à parler deux fois à la même personne,
c'est quasiment impossible. Mais c'est vrai qu'au niveau de la santé et
sécurité du travail, une fois que notre dossier est accepté, et qu'on commence
à recevoir des soins, des indemnisations, on a des agents attitrés, avec qui on
est capables de créer un lien de confiance, et on voit déjà une amélioration
rendus à ce moment-là. Mais tant que le dossier n'est pas accepté,
effectivement, c'est très, très, très difficile pour les personnes victimes.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Bien, dans le fond, M. Morin, je vous remercie. J'ai des collègues qui veulent
vous poser des questions. Merci pour votre présentation en commission
parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de
Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
merci beaucoup, M. le Président. Bonjour Me Masson, M. Morin, un plaisir de
m'entretenir avec vous cet après-midi. Une petite question, peut-être en lien
avec ce que le ministre demandait tout à l'heure, là, en lien avec, bon, toute
la question du harcèlement. Nous avons eu, cet après-midi, un groupe qui nous a
parlé...
Le Président (M.
Bachand) : …beaucoup M. le ministre. M. le député de Chapleau,
s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui.
Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour Me Masson, M. Morin, un plaisir de
s'entretenir avec vous cet après-midi. Une petite question, peut-être en lien
avec ce que le ministre demandait tout à l'heure, là, en lien avec, bon, toute
la question du harcèlement. Nous avons eu, cet après-midi, un groupe qui nous a
parlé de la possibilité d'élargir, d'étendre la liste des infractions, mais pas
nécessairement des infractions, mais également des actes qui ne seraient pas
criminels en tant que tels, mais qui pourraient être admissibles à l'IVAC. Je
sais que vous en avez mentionné, là, un peu. Est-ce que vous avez certains
actes, ou certains… à votre connaissance, là, certains points que vous aimeriez
ajouter ou, du moins, dans votre expérience, que vous voudriez nous partager?
Mme Masson (Mélisande) : Bien,
peut-être je peux m'avancer, Yann. Nous, dans le fond, si on peut étendre, puis
ajouter le harcèlement. Ça a des séquelles, et non seulement le harcèlement
sexuel mais aussi discrimatoire et psychologique, ça a des très, très grosses
séquelles sur nos clients. Et, dans le fond, en ce moment, comme mon collègue a
souligné, quand on va vers le LATMP, et on doit rédiger toute une version des
faits, puis on explique, puis on… il y a une revictimisation aussi quand on
partage ces propos-là, puis ces propos-là sont également partagés avec le
potentiel ou l'allégué harceleur, plusieurs fois. Donc, élargir, puis inclure,
donner accès aux travailleurs victimes de harcèlement psychologique et
discriminatoire aussi, bien, ça permettrait aussi d'éviter cette
revictimisation, puis aller chercher cette compensation ou cette indemnité pour
permettre qu'ils reviennent puis qu'ils se rétablissent, sans nécessairement
être confrontés à des situations difficiles ou des représailles sur le milieu
du travail.
Le Président (M.
Bachand) : Parfait, merci. M. Morin, oui. Allez-y.
M. Morin (Yann) : Si je peux
me permettre de compléter. Je suis tout à fait d'accord avec ma collègue. Dans
un monde parfait, où est-ce qu'on pourrait offrir ça à toute notre clientèle,
de pouvoir être indemnisé sans être obligé d'aller devant un juge, se battre
pendant des années, ça serait tout à fait génial. Ou peut-être, parce que je
comprends que c'est quand même dans un monde parfait qui serait peut-être un
peu difficile à mettre en place, ou peut-être un moyen, justement, d'arrimer
les deux programmes, d'avoir un programme qui fait comme… d'accord, c'est le
monde du travail, ce n'est pas un crime, mais peut-être, que, tu sais, vous
avez besoin d'aide maintenant, pendant que vous faites vos démarches avec la
CSST, peut-être qu'on pourrait vous fournir un psychothérapeute pour vous aider
à remonter la pente, des choses comme ça. Ça serait déjà, je pense, un pas
énorme par en avant, aussi… si je ne me permets pas d'être 100 %, je vais
demander tout ce que je veux dans le monde parfait.
17851 M. Lévesque
(Chapleau) :Excellent. Merci, bien noté. Vous avez parlé
d'accueil et de soutien aux victimes. Vous avez dit qualité, célérité et
diligence, Me Masson. Puis vous avez fait mention, là, M. Morin, également, de
toutes les problématiques qu'il y a à l'IVAC avec, bon, le retour des appels
pour les victimes. Comment on pourrait outiller les agents qui sont là, comment
on pourrait améliorer le service à la clientèle? Qu'est-ce que… avez-vous des
pistes de solution pour que ça…
M. Lévesque (Chapleau) :
...diligence, Me Masson, puis vous avez fait mention, M. Morin, également, de
toutes les problématiques qu'il y a à l'IVAC avec, bon, le retour des appels
pour les victimes. Comment on pourrait outiller les agents qui sont là? Comment
on pourrait améliorer le service à la clientèle? Qu'est-ce que... Avez-vous des
postes de solution pour que ça aille mieux? Parce qu'en fait on veut qu'il y ait
un service à la clientèle qui soit rendu, là, puis que les victimes aient accès
à ce dont elles ont droit.
M. Morin (Yann) : Oui. Bien,
moi, je crois que la base... Tu sais, je suis criminologue, mon travail, c'est
de l'intervention directe avec les victimes, je suis spécialisé en
victimologie. Donc, on a quand même une excellente formation sur comment
intervenir en première ligne. Donc, je crois que déjà les gens qui doivent les
accueillir... de suivre une formation comme ça, de savoir un peu qu'est-ce
qu'ils doivent dire, ce qu'ils doivent faire, au-delà de : J'ai besoin de
votre information, voici ce que j'ai de besoin, ce que je vais faire.
Les victimes, si je pars de la base, de la
base, juste de se faire dire : Je vous crois, je suis là pour vous donner
de l'information, vous soutenir, même si, en bout de ligne, on n'est pas
capable de répondre à tous leurs besoins, c'est déjà un pas en avant qui permet
d'améliorer les services, grandement.
Généralement, quand je vois quelqu'un, je
prends deux personnes... quelqu'un qui... me dire : J'ai appelé la CNESST,
je suis vraiment content de leurs services, puis je leur demande pourquoi, la
première chose qu'ils vont me dire, bien... la personne m'a écouté, m'a laissé
parler, m'a donné les informations puis m'a dit : Bien, tu sais, si vous
avez besoin de plus d'aide, de quelque chose, tu sais, recontactez-moi,
recontactez... peut-être contactez un CAVAC, contactez-ci. Versus la personne
qui va me dire : J'ai eu les pires services du monde, va me dire : La
personne, elle était froide, elle ne voulait pas m'écouter, elle a été directe
avec moi. Des fois, c'est juste ça qui fait un changement.
M. Lévesque (Chapleau) : Tout
à fait. Tout à fait. Ça revient d'ailleurs, là, la notion, la question de la
formation, vous n'êtes pas les premiers à nous en parler, puis également, évidemment,
l'écoute active, puis reconnaître la victime dans ce qu'elle vit, je pense que
ça un impact, ça a de l'importance, c'est revenu.
Merci beaucoup. M. le Président, je crois
que mon collègue de Saint-Jean aurait des questions.
• (17 h 50) •
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Saint-Jean, pour
deux minutes, deux petites minutes, s'il vous plaît.
M. Lemieux : Vous devancez ma question,
M. le Président. Merci beaucoup. Ma question, pour nos invités, que je salue,
M. Morin, Me Masson... Vous êtes très terre-à-terre, et j'apprécie ça, parce
que c'est votre réalité et c'est ce que vous venez nous présenter. Reculez avec
moi un petit peu pour regarder l'ensemble du projet de loi, même s'il y a 180
articles qui vont dans toutes les directions. C'est quand même 50 ans de
poussière, là, sur laquelle il faut travailler. Est-ce qu'il y a un pan de mur,
là-dedans, qui vous agace plus qu'un autre? Est-ce qu'il y a quelque chose,
là-dedans, qui vous heurte, pour commencer, ou si on y va page par page, puis
vous trouvez à redire? Mais essentiellement, qu'est-ce qui vous heurte? Puis je
suis un ancien journaliste, donc je pose tout le temps la question : Puis
qu'est-ce que vous appréciez en particulier, là-dedans, à part le
dépoussiérage, là?
M. Morin (Yann) : Bien, si je
peux me permettre — je vais te laisser compléter, Mélisande — je
vais y aller en deux points sur ce qui me chicote un peu plus. Je vais y aller
comme ça. C'est une loi qui a été mise en place pour des victimes, donc
quelqu'un de fragilisé, qui a vécu quelque chose de très difficile, souvent...
M. Morin (Yann) : ...si je
peux me permettre — je vais te laisser compléter,
Mélisande — je vais y aller en deux points sur ce qui me chicote un
peu plus. Je vais y aller comme ça. C'est une loi mise en place pour les
victimes, donc quelqu'un de fragilisé, qui a vécu quelque chose de très
difficile, souvent qui veulent reprendre le contrôle sur leur vie. Donc
souvent, les gens vont essayer de se renseigner par eux-mêmes et je peux déjà
vous dire que cette loi, même pour nous, Me Masson, moi, qui travaillons là-dedans
à tous les jours, les 190 articles, qui sont très volumineux, sont très
compliqués, je ne sais pas comment les gens réussir à comprendre quand qu'ils
vont tomber à l'utilisation, au niveau plancher.
Moi, ensuite, maintenant que j'ai fait
cette parenthèse-là, là, la réponse 2, c'est surtout le volet peut-être aide
qui est très abordé, mais très en surface, qui, pour moi, oui, l'indemnisation
peut être inquiétante. On parle de chiffres, on sort totalement de ce qui moi,
me tient à coeur, c'est les personnes sur le plancher. Je ne sais pas, avec ce
qui est écrit à l'intérieur suite à... Au temps que j'ai pris, dans les deux
dernières semaines, pour essayer de tout bien comprendre, le niveau aide,
est-ce qu'il va être suffisant? Est-ce qu'il va vraiment bien en place? On
n'est pas tout à fait... Je n'ai pas l'impression qu'on va être tout à fait
arrimé entre le volet aide ... charte de droits des victimes au Canada. J'ai
l'impression qu'il pourrait manquer des choses.
Je ne suis malheureusement pas prêt à vous
en parler pendant une demi-heure aujourd'hui, mais moi, je pense que c'est
peut-être là, qu'il y a un bât qui pourrait blesser aussi, particulièrement,
mais qu'on oublie peut-être d'en parler, vu que je suis sûr que tout le monde
se préoccupe pour l'indemnisation...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Je dois céder
la parole au député de LaFontaine. Désolé, M. Morin. M. le député de LaFontaine,
s'il vous plaît.
Une voix : Il va y avoir
d'autres occasions.
M. Tanguay
: Oui, merci,
M. le Président. À mon tour de vous saluer, Me Masson et M. Morin. Merci beaucoup
de prendre le temps d'être avec nous et de répondre à nos questions.
J'aimerais ça que vous étayiez, justement,
ce sur quoi vous avez terminé auparavant sur la charte des victimes.
Pouvez-vous nous en parler? La charte des victimes, d'où vient-elle et quelle
est son utilité? J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que vous nous
invitez à avoir une réflexion quant au potentiel arrimage à faire et questionnement
que nous devrions avoir avec la charte des victimes.
M. Morin (Yann) : Est-ce que
je peux te lancer la balle, Mélisande, ou...
Mme Masson (Mélisande) :
Bien, en fait, je te laisserais peut-être plus, vu que tu es spécialiste en ...
puis moi, ce n'est pas une charte que je travaille principalement avec.
M. Morin (Yann) : Donc,
j'avoue que ça fait un petit moment que je n'ai pas révisé en profondeur, mais
on a vraiment une charte canadienne qui vient baliser toute l'aide qu'on peut
apporter, l'importance de la victime, ses droits en tant que victime à travers
et quand j'ai lu le projet de loi hier, j'ai vraiment mis un à côté de l'autre un
petit peu puis je retrouvais des paragraphes, mais je ne les retrouvais pas je
ne les retrouvais pas nécessairement avec toute l'idée à l'intérieur. Donc,
c'est sûr, pour bien répondre à votre question, j'aurais besoin de les ouvrir
devant moi, les deux, vous passez point par point. Mais j'ai l'impression...
Non, je vais y aller dans le sens inverse. Je crois que l'important, c'est de
ne pas oublier...
M. Morin (Yann) : ...pas nécessairement
en entier, je ne les retrouvais pas nécessairement avec toute l'idée à
l'intérieur. Donc, c'est sûr, pour bien répondre à votre question, j'aurais
besoin de les ouvrir devant moi, les deux, vous passez point par point. Mais
j'ai l'impression... Non, je vais y aller dans le sens inverse. Je crois que l'important,
c'est de ne pas oublier la victime derrière et l'aide qu'elle a de besoin et de
ne pas juste penser au monétaire qu'elle a de besoin.
M. Tanguay
: Oui. Et
puis merci pour cette précision, puis on fera le travail nécessaire. Et vous
venez justement de toucher un point important, pas juste le monétaire, mais les
besoins spécifiques de la victime. Pouvez-vous nous en parler? Parce que vous,
dans un contexte de travail, vous êtes un groupe d'aide et d'information.
Pouvez-vous nous traduire votre réalité? Les victimes, au-delà du monétaire,
là, de quoi on parle comme besoins à combler?
M. Morin (Yann) : Je vais
faire un survol très rapide. Donc, c'est sûr, quelqu'un qui nous appelle, les
besoins qu'on a, premièrement, être écouté. Donc, la personne, elle arrive,
elle a vécu quelque chose, ça fait peut-être une journée, ça fait une semaine,
ça fait trois mois. Malheureusement, ça a besoin de ressortir puis souvent ça a
besoin de sortir plus qu'une fois. La famille est tannée, les médecins sont
tannés, tout le monde à l'entour sont tannés, ils ont besoin d'avoir une
écoute.
La deuxième chose qu'ils ont besoin, c'est
de l'information, une information complète et compréhensible, de se faire
dire : Bien, dans votre situation, bien, oui — si je reprends
mes volets à moi — vous pouvez aller aux normes du travail si la
santé et sécurité d'indemnisation est possible. Ça, c'est au niveau juridique,
mais peut-être que vous avez besoin effectivement d'un psychothérapeute.
Malheureusement, moi, je ne peux pas aller plus vite que la CSST pour vous en
fournir un, mais je peux vous en trouver un qui demande moins cher dans le coin
où est-ce que vous habitez. Donc, offrir la psychothérapie, trouver les
services nécessaires. Moi, si quelqu'un a besoin de parler pendant une heure,
puis après ça on ne se reparle plus jamais, bien, c'est merveilleux. Mais si
elle a besoin de me parler cinq fois une heure dans ma semaine, bien, je
l'invite à m'appeler cinq fois une heure, puis c'est ça qui fait la différence.
Selon moi, c'est de montrer qu'on est disponible puis qu'on s'en préoccupe.
Mme Masson (Mélisande) :
Puis, si je peux me permettre aussi, c'est dans la ligne de ce qu'on a discuté
avec les autres questions, c'est aussi s'assurer que les personnes qui
écoutent, elles sont en mesure d'expliquer la loi aux personnes qui appellent.
Parce qu'en plus d'avoir le volet intervention puis écoute active, c'est aussi
de savoir vulgariser ce qui est dans la loi. Comme mon collègue a soulevé, on a
une loi de 190 articles qu'on essaie de comprendre puis on avait déjà une
loi avec très peu d'articles qu'on a de la difficulté à expliquer, puis qu'on
se fait référer au site Web, puis là on n'est pas sûr, ce n'est pas clair, puis
l'ancienne loi de l'IVAC est déjà très, très, très courte. Donc, tu sais, cette
capacité de prendre les articles qui sont dans le projet de loi ou dans
l'ancien régime puis le vulgariser pour que les clients et les victimes
comprennent un peu comment on va procéder, c'est quoi la portée de leurs droits
puis des recours qui sont disponibles, je pense, c'est très, très important au
niveau du pratico-pratique aussi.
M. Tanguay
: Et on
réfère... précisément sur ce que vous mentionnez, on réfère aussi...
Mme Masson (Mélisande) : …les
clients et les victimes comprennent, un peu, comment on va procéder, c'est quoi
la portée de leurs droits puis des recours qui sont disponibles. Je pense,
c'est très, très important au niveau du pratico-pratique aussi.
M. Tanguay
: Et on réfère
précisément sur ce que vous mentionnez, on réfère aussi au besoin qui était
exprimé cet après-midi d'établir un lien avec le ou les agents de l'État et en
espérant que les agents de l'État, bien, ça ne sera pas une multitude auxquels
il faudra toujours repartir ou avoir l'impression de repartir de la case zéro.
Parce que j'imagine… puis corrigez-moi si
j'ai tort, mais quand vous dites : Besoin d'écoute, ce n'est pas
uniquement besoin d'écoute pour besoin d'écoute, mais c'est le besoin d'écoute
qui va se traduire dans : Une personne qui est un agent de l'État m'a
écouté, a compris ma situation. L'importance de se faire écouter, mais de se
faire comprendre puis d'avoir le sentiment pas juste dans la perception, mais
dans les faits, d'avoir été compris, puis là, on est en mode solution.
Mais donc l'importance, oui, de la
formation, à laquelle vous faites référence à la page 5 de votre mémoire,
de la formation pour que les intervenantes, intervenants soient corrects dans
ce cheminement-là, mais également au niveau de l'État dans la gestion d'un
dossier, que ce soit fait de façon à ce point respectueuse ici, là. Alors, je
vois que ça a… si vous avez d'autres commentaires, n'hésitez pas.
J'aimerais vous entendre également,
j'aimerais savoir… parce que vous êtes, en quelque sorte, des experts,
expertes, là, pour ce qui est de la CNESST puis de la loi sur les accidents de
travail. Est-ce que… j'aimerais vous entendre là-dessus puis vous allez
commenter si ça s'applique ou pas, mais trouvez-vous qu'en matière d'accidents
de travail et peut-être de ce que vous savez également, pour avoir joué un peu
avec l'indemnisation des victimes d'actes criminels, trouvez-vous que…
jour un d'une personne qui se lève et parle, il y a des ressources
d'urgence qui sont en nombre suffisant et avec la bonne nature de ressources?
Vous parlez des psychothérapeutes,
trouvez-vous — oui en milieu de travail, mais de votre expérience en
matière d'indemnisation des victimes d'actes criminels — qu'il y a
suffisamment de possibilités d'avoir des ressources, là, à très, très court
terme pour aider une personne?
M. Morin (Yann) : J'adorerais
répondre oui, mais malheureusement, je ne peux pas. Puis je ne parle même pas
du volet monétaire. Si je prends juste le volet psychothérapie, SST n'en offre…
en tout cas, je n'ai jamais vu ça depuis que je suis au groupe d'aide, on n'a
jamais vu une histoire en 40 ans. Je n'ai jamais vu un psychothérapeute
pouvoir rentrer avant que le dossier ne soit accepté dans trois, quatre, cinq
mois ou après les audiences.
Donc, nous, la majorité du temps, bien, on
a des gens qui… bien, ils sont en arrêt de maladie, ils ne travaillent pas, ne
reçoivent pas d'argent. Donc, la démarche qu'on utilise généralement, s'ils
n'ont pas de revenu, c'est de passer par CLSC, CIUSSS avec file d'attente, donc
ça prend plusieurs mois quand même. Donc, réussir à leur offrir tous les
services qu'ils ont de besoin dans un délai court, voire raisonnable,
malheureusement, ça n'arrive pas très souvent.
• (18 heures) •
Mme Masson (Mélisande) : Et
même si ça…
18 h (version non révisée)
M. Morin (Yann) : …revenu,
c'est de passer par CLSC, CIUSS avec file d'attente. Donc, ça prend plusieurs
mois quand même. Donc, réussir à leur offrir tous les services qu'ils ont de
besoin dans un délai court, voire raisonnable, malheureusement, ça n'arrive pas
très souvent.
Mme Masson (Mélisande) : Et
même si ça revient à passer par l'IVAC, mais c'est un peu ce qu'on a soulevé
aussi, c'est qu'il n'y a personne qui leur dit que ça existe. Donc, ils sont
dans le besoin, mais ils ne savent pas que, par exemple, dans les cas de
violence conjugale, on peut changer de loyer, donc c'est des mesures. Mais vu
que les victimes ne le savent pas, ils ne se font pas dire pendant tout le
processus. On ne peut pas aller chercher, donc on ne peut même pas… c'est
difficile de commenter à quel point c'est disponible en ce moment.
M. Tanguay
: Et
l'importance de ce que vous nous dites là, nous invite, nous, législateurs à se
poser la question, justement, est-ce qu'à travers les 190 articles, ne
pourrions-nous pas prévoir, justement, un élément législatif qui pourrait
permettre cette aide, notamment, psychothérapie d'urgence, rapidement, en
attendant que le dossier soit en état? Alors, peut-être que législativement, il
y a là un principe que l'on pourrait mettre dans la loi. Puis moi j'entends
bien, c'est comme ça que je reçois ce que vous nous dites, une invitation à y
réfléchir pour que delà découle, dans l'application de la loi, en partant de ce
principe-là, bien, une aide d'urgence, une aide à très court terme. Et puis,
oui, le dossier va suivre son cours et on va le parfaire. Mais, ça, c'est
important parce qu'effectivement j'imagine aussi, tant en matière d'accident de
travail que comme on le voit dans victime d'infraction criminelle, il y a toute
une étape personnelle de : Est-ce que je sors et je parle? Et quand je
sors et je parle, on n'est pas convaincu, j'imagine, on n'est pas convaincu
qu'on a fait la bonne chose, on est inquiet, on est stressé. Et puis là, si on
a une montagne devant nous… écoutez, on dit aux victimes de parler, mais il
faut bien les accueillir et il faut bien s'en occuper.
J'aimerais également vous entendre sur les
modalités de règlement. Ça, c'est important, je veux le souligner à double
trait, beaucoup de modalités mises en oeuvre seront prévues par règlement.
Beaucoup de règlements, vous, vous devriez être partie, faire des
représentations de concert avec les organismes et les intervenants. Ça, c'est
un message très important que je me permets de souligner. C'est important pour
vous parce que vous le vivez sur le terrain, le diable est dans les détails,
là.
M. Morin (Yann) : Oui, c'est
exactement ça. Si je reprends un peu l'exemple de LATMP, il y a plusieurs
montants qui sont déjà inscrits dans la loi. On sait où est-ce qu'on s'en va,
on sait les délais… quand même, il y a certains délais qui sont inscrits tandis
que, présentement, tout va être par règlement. Donc, on ne peut pas vous
aiguiller sur quoi préparer, quoi faire, on ne sait pas déjà quelles sont vos
réflexions. Donc, effectivement, nous, on trouverait ça très important que
pour, nous, les organismes de pouvoir quand même tenter de vous soutenir dans
les décisions à prendre dans ce sujet-là.
M. Tanguay
: Et ce
bout-là est important parce que, souvent, on s'est fait dire… quand on essaie d'amener
ça comme amendement, on se fait dire : Bien, il y a déjà un processus
réglementaire qui permet des consultations. Mais là, ce que vous demandez,
c'est quelque chose plus, là. Une réflexion qui pourrait peut-être, à la
limite, être collective que le, oui, un processus réglementaire…
M. Morin (Yann) : ...quand
même tenter de vous soutenir dans les décisions à prendre dans ce sujet-là.
M. Tanguay
: Et ce que
vous dites là est important, parce que souvent on s'est fait dire... quand on
essaie d'amener ça comme amendement, on se fait dire : Bien, il y a déjà
un processus réglementaire qui permet des consultations. Mais là, ce que vous
demandez, c'est quelque chose de plus, là, une réflexion qui pourrait peut-être,
à la limite, être collective, que le : Oui, il y a un processus réglementaire,
il y a une prépublication... Mais quelque chose de plus. Moi, je vous entends
là-dessus, parce que ce processus réglementaire là, il serait insuffisant en
l'espèce dans l'importance de la loi, là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de
LaFontaine.
M. Tanguay
: Merci à
vous. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Sherbrooke, s'il
vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Vous faites état, dans votre mémoire, que vous êtes appelés à
interagir puis à exercer des recours légaux auprès de différents types
d'instances, vous en avez nommé quelques-unes. Est-ce que... l'incapacité, je
vais nommer ça comme ça, des gens sur le terrain, qui répondent au téléphone, par
exemple, à répondre aux questions sur l'application de la Loi sur l'indemnisation
des victimes d'actes criminels, est-ce que c'est particulier pour l'IVAC, ou
vous voyez ça dans d'autres organisations aussi, par exemple, CNSST, CDPDJ,
est-ce qu'eux sont en maîtrise de leur loi, ou c'est plutôt généralisé, ce problème-là,
que vous nous décrivez de vous référer au site Web, alors que, techniquement,
ça devrait être eux… une autre référence.
M. Morin (Yann) : Bien, moi,
je dois vous avouer qu'au niveau normes du travail, santé, sécurité, quand j'ai
appelé pour des questions, parce que veux veux pas, chaque cas est différent,
on n'est jamais sûr de quelque chose, je ne me suis jamais fait référer à un site
Web pour répondre à ma question, j'ai toujours eu quelqu'un soit qui a réussi à
répondre ou qui a pris mes coordonnées puis qui a été voir des supérieurs, des
avocats de leur cabinet pour réussir à bien répondre à la question,
contrairement à l'IVAC que là je me fais particulièrement répondre : Allez
voir notre site Web, appelez CAVAC, ils vont pouvoir vous répondre.
Donc, effectivement, je ne vois pas
exactement la même chose. C'est sûr, c'est aussi variable sur qui on compte, il
y en a des meilleurs que d'autres aussi, on ne se le cachera pas.
Mme Masson (Mélisande) : Mais
je confirme un peu ce que mon collègue a dit, dans mon expérience, généralement,
les personnes, avec qui j'ai interagi à la CNESST, ont eu la capacité à
vulgariser et à mettre l'expérience à la lumière des articles des droits de
manière un peu plus aisée que de dire : Bon. Allez lire les articles ou
allez voir le site Web ou, en fait, appelez le CAVAC. Donc, je vous dirais que
c'est plus dirigé par l'IVAC et…
Mme Labrie : Il y a des
lacunes dans leur formation, vraiment, qui sont évidentes par rapport à
d'autres organismes, là, qui ont aussi des lois complexes à administrer. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
: Oui,
merci beaucoup. J'ai beaucoup appris en vous entendant et en vous lisant, donc
c'est très intéressant, je veux continuer là-dessus. Vous dites qu'il y a un
volet qui est vraiment fondamental, c'est le premier contact, c'est d'être
capable d'être bien informé, c'est aussi quelque chose, avec Chistine
notamment, qu'on a beaucoup entendu avec le rapport sur l'accompagnement des
victimes de violence sexuelle et conjugale, à quel point le premier contact est
fondamental. En même temps, vous dites…
Mme
Hivon
: ...et
je veux continuer là-dessus. Vous nous dites qu'il y a un volet qui est vraiment
fondamental, c'est le premier contact, c'est d'être capable d'être bien
informé, c'est aussi quelque chose, avec Christine, notamment, qu'on a beaucoup
entendu avec le rapport sur l'accompagnement des victimes de violence sexuelle
et conjugale, à quel point le premier contact est fondamental. En même temps,
vous nous dites des choses assez inquiétantes, que souvent on va se cogner,
autant les citoyens eux-mêmes que même vous qui êtes des professionnels, à des
réponses un peu inadéquates, des gens qui n'ont... pas nécessairement bien au
fait de la loi. Puis là, vous nous dites que vous avez une crainte — je
veux juste être sûre de bien le formuler — qui est un peu
double : la loi telle qu'elle est devant nous, la nouvelle loi, vous la
trouvez très complexe dans sa structure, dans ce qu'elle amène puis vous
trouvez aussi qu'il manque de chair autour de l'os pour savoir quels vont être
les besoins auxquels on va répondre avec les mécanismes d'aide, puisque tout ça
va être dans les règlements. Est-ce que je comprends bien que votre inquiétude
est comme deux niveaux? Oui? Parfait.
M. Morin (Yann) : Oui,
effectivement, oui.
Mme
Hivon
: O.K.
Puis là, je continue. Sur la fameuse option entre les deux régimes, là, vous
nous dites : Quand ça se passe sur les lieux du travail, un acte criminel,
c'est sûr qu'il faut renvoyer vers le régime du travail. Et vous, ce que vous
souhaitez, c'est le choix. Mais est-ce que vous pensez qu'il y aurait encore
des cas qui resteraient dans la loi du travail ou en fait, dès qu'il y a un
acte criminel sur les lieux du travail, on devrait les envoyer à l'IVAC, ou
vous, votre demande, c'est vraiment de garder le choix? Parce que je suis
curieuse de savoir dans quels cas ça serait avantageux de rester dans la
situation actuelle.
M. Morin (Yann) : Oui. Bien,
ça, j'ai une réponse à cette question-là. On préférerait le choix, parce qu'il
n'y a pas deux cas pareils. Donc, je vais vous prendre deux cas acte criminel,
lieu de travail.
Donc, le premier, dépanneur, hold-up,
acte criminel qui se passe là : utiliser la LATMP n'est pas un problème,
ça va même super bien aller, ça ne sera pas particulièrement long; l'employeur
a des très bonnes chances de dire la même chose, il y a potentiellement une
caméra qui a vu quelque chose, on va s'entendre. Le régime de la LATMP est
quand même généreux, on ne se le cachera pas. Donc, c'est sûr, il y a ce
volet-là qui existe, qui fonctionne très bien.
Là où le bât blesse un petit peu plus,
c'est... admettons, je prends : agression sexuelle de la part d'un
supérieur. Donc, ce qui est demandé présentement avec la LATMP, c'est de
dénoncer à l'interne, quand même... bien, au niveau normes du travail, plus,
mais de le dénoncer, parce qu'il faut que l'employeur soit mis au courant qu'il
est arrivé quelque chose dans son entreprise. On fait une demande à la CNESST
d'indemnisation, on produit un document qui explique tout, on donne ça à
l'employeur dans tous les détails, quand dans les faits c'est lui qu'on met en
cause. Donc, là, je n'embarque même pas dans la potentielle difficulté que ça
pourrait causer au niveau criminel pour une poursuite pénale d'avoir redonné
toute sa version des faits directement à la personne qui pourrait être
poursuivie. Donc, dans ce cas-ci, peut-être que la personne, effectivement, pour
réussir à s'en sortir, utiliser la LATMP serait... l'inverse...
M. Morin (Yann) : …pas
dans la potentielle difficulté que ça pourrait causer au niveau criminel pour
une poursuite pénale d'avoir redonné toute sa version des faits directement à
la personne qui pourrait être poursuivie.
Donc, dans ce cas-ci, peut-être que la
personne, effectivement, pour réussir à s'en sortir, utiliser la LATMP serait…
l'inverse. Utiliser l'IVAC serait beaucoup plus approprié, tandis que dans
l'autre cas, la LATMP s'applique tout à fait et peut bien fonctionner. Donc,
compte tenu de la diversité potentielle de ce qui peut arriver, nous, on
proposerait vraiment de donner le choix à ce qui s'applique le mieux dans la
situation.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. Morin, Me Masson, merci
infiniment d'avoir participé aux travaux de la commission, c'est fort apprécié.
Cela dit, la commission ajourne ses
travaux jusqu'à mercredi 20 janvier, à 9 h 30, où elle va
poursuivre son mandat. Merci beaucoup, tout le monde.
(Fin de la séance à 18 h 10)