Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
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Le
mercredi 20 janvier 2021
-
Vol. 45 N° 111
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi visant à aider les personnes victimes d’infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement
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9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures trente-cinq minutes)
Le Président (M.
Bachand) : Bon matin, tout le monde. Ayant constaté le quorum,
je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. La commission
est réunie virtuellement afin de procéder aux consultations particulières des
auditions publiques sur le projet de loi 84, Loi visant à
aider les personnes victimes d'infractions criminelles et à favoriser leur
rétablissement.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements ?
La Secrétaire
:
Oui, M. le Président. M. Martel (Nicolet-Bécancour) est remplacé par
M. Provençal (Beauce-Nord) et M. Fontecilla (Laurier-Dorion)
est remplacé par Mme Labrie (Sherbrooke).
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons, par
visioconférence, les personnes et groupes suivants : Me Daniel
Gardner, professeur titulaire à l'Université Laval, Me Michaël Lessard,
doctorat en droit de l'Université de Toronto, mais d'abord, nous allons débuter
avec Mme Deborah Trent, directrice du Centre pour les victimes d'agression
sexuelle de Montréal. Alors, Mme Trent, bienvenue à la commission.
Mme Trent (Deborah) : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, je vous invite à prendre… à commencer votre
exposé. Vous avez 10 minutes et par après, on aura un échange de la
commission. Alors, encore une fois, bienvenue…
Le Président (M.
Bachand) : …Lessard, doctorant en droit de l'Université de
Toronto, mais d'abord, nous allons débuter avec Mme Deborah Trent,
directrice du Centre pour les victimes d'agression sexuelle de Montréal. Alors,
Mme Trent, bienvenue à la commission.
Mme Trent (Deborah) : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, je vous invite à prendre… à commencer votre
exposé. Vous avez 10 minutes et par après, on aura un échange avec les
membres de la commission. Alors, encore une fois, bienvenue et la parole est à
vous.
Mme Trent (Deborah) : Merci
beaucoup. Alors, bonjour à tout le monde, M. le ministre Jolin-Barrette et
tous les élus et les parlementaires, il me fait vraiment plaisir d'être avec
vous ce matin. Comme le président a dit, le mémoire que j'ai préparé vous sera
envoyé pas la suite. J'ai eu envie de faire une petite relecture, dernière
relecture, étant donné que ça a été fini assez tard.
Alors, je suis la directrice du Centre
pour les victimes d'agression sexuelle de Montréal, qui est un organisme communautaire
qui existe depuis fort longtemps. On a été créés en 1980. Ce fut une initiative
des professionnels de la santé qui travaillaient dans un… au CLSC Métro et
elles ont vu, à Montréal… les personnes qui étaient impliquées à ce moment-là
ont vu à Montréal qu'il existait peu de services pour les victimes d'agression
sexuelle, alors elles ont décidé de mettre en place un service. Alors, ça a été
vraiment… on a été vraiment au début, dans les… parmi les premiers services
pour les victimes d'agression sexuelle, ici, au Québec.
Dans… je vais passer un petit moment aujourd'hui
à vous parler très, très brièvement du centre dans le document que je vous ai
préparé. Je vous en parle beaucoup plus longuement, et ensuite, je vais
m'attarder sur quelques points en lien avec le sujet de l'heure, soit le projet
de loi n° 84. Je pense qu'il est important… au point de vue historique, je
pense qu'il est important de dire tout simplement que le centre a acquis, à
travers les années, beaucoup d'expérience au niveau de l'offre de services pour
les victimes d'agression sexuelle. On a évolué beaucoup avec le temps.
On a commencé avec… juste pour vous donner
une idée, on a commencé avec une employée payée et aujourd'hui on a une équipe
de près de… pas loin de 45 personnes. Le centre, lui, offre différents
services dont… on est un des centres désignés, un des quatre centres désignés à
Montréal pour les victimes d'agression sexuelle. On offre également une équipe,
on offre des suivis cliniques aux personnes qui ont vécu des agressions dans la
dernière année. On gère également la Ligne-ressource provinciale pour les
victimes d'agression sexuelle, qui est la ligne d'écoute, un petit peu comme
SOS Violence conjugale, sauf qu'on est là pour les victimes d'agression
sexuelle.
Et depuis 2018, on est mandataires d'un
nouveau projet qui cherche à offrir soutien, appui et encadrement pour tout le
réseau, le grand réseau des centres désignés à travers la province du Québec.
Alors, on a des services qui sont montréalais, mais on a aussi deux mandats
provinciaux. Donc, on a une loupe et un regard vers... pour essayer quand même
assez clairement d'être à l'écoute des besoins à travers toute la province du
Québec…
Mme Trent (Deborah) : ...le
grand réseau des centres désignés à travers la province du Québec. Alors, on a
des services qui sont montréalais, mais on a aussi deux mandats provinciaux.
Donc, on a une loupe et un regard vers... pour essayer quand même assez
clairement d'être à l'écoute des besoins à travers toute la province du Québec.
• (9 h 40) •
Le centre, lui, offre... a offert depuis,
juste pour vous donner une idée d'ordre de grandeur, a reçu, depuis 1997, alors
depuis quand même plusieurs années, l'équivalent de 3 591... on a effectué
3 591 interventions d'urgence médicosociale. Donc, ça veut dire que
c'est des personnes qui viennent en centre désigné. Au courant de la dernière
année, on en a reçu 249. Et la ligne-ressource provinciale reçoit annuellement
à peu près l'équivalent de 8 000 appels, donc à peu près 700... plus de
700 appels par mois. Donc, c'est un ordre de grandeur quand même
important.
Dans le mémoire que vais vous déposer, on
a fait un recensement des appels reçus à la ligne-ressource pour vous donner
une idée de ce que les appelants peuvent nous poser comme question ou en
lien... avec les problématiques en lien avec l'IVAC. Alors, je ne ferai pas un
retour là-dessus parce que le temps ne le permet pas aujourd'hui, mais je
voulais quand même prendre un petit moment pour vous faire part de certains de
mes commentaires par rapport à ce nouveau projet de loi.
Alors, inutile de vous dire que, moi, je
travaille dans le domaine des victimes d'actes criminels depuis... comme vous
pouvez le constater, depuis vraiment fort longtemps, et je ne peux pas me
rappeler d'un moment où on n'a pas parlé d'une réforme de la loi de l'IVAC.
Alors, c'est quelque chose qu'on attend, tous les organismes attendent depuis
vraiment, vraiment très longtemps. Je pense qu'on vous a quand même signifié...
plusieurs organismes, entre nous, vous ont signifié qu'on était tellement
contents d'avoir ce projet de loi, mais on aurait vraiment apprécié pouvoir
avoir un peu plus de temps pour en faire un retour et un regard, et beaucoup
plus en profondeur. Mais somme toute, on a quand même été capables de vous
ramener certains points.
Il y a clairement, clairement de très bons
coups dans le projet de loi. Je pense que la première chose qui vient en tête,
c'est toute la question de l'abolition de l'annexe. Cette loi-là, elle est
maintenant... elle arrive à jour, elle arrive en 2021 avec les crimes qui sont
beaucoup plus connexes à la réalité des personnes qui sont victimes d'actes
criminels. Vous avez aussi proposé que les victimes de 14 ans et plus
puissent signer leur demande. Alors, ça aussi c'est une importante avancée. On
pense... On va aussi proposer que les délais soient prolongés jusqu'à trois ans
pour faire une demande de prestations. Vous avez aussi proposé que les citoyens
canadiens qui ont été victimes d'agression sexuelle ou victimes d'actes
criminels à l'extérieur du Québec puissent aussi en faire une demande, ce qui
était vraiment une nouveauté...
(Visioconférence)
Mme Trent (Deborah) :
...proposer que les délais soient prolongés jusqu'à trois ans pour faire une
demande de prestations. Vous avez aussi proposé que les citoyens canadiens qui
ont été victimes d'agression sexuelle ou victimes d'actes criminels à
l'extérieur du Québec puissent aussi en faire une demande, ce qui était vraiment
une nouveauté. Et le projet prévoit également et ça, c'est une importante
avancée, quelque chose qui avait été demandé depuis vraiment fort longtemps et
qui va vraiment... témoigne de vraiment de votre préoccupation d'être à
l'écoute des besoins des victimes et des personnes qui travaillent auprès de
ces personnes-là, de la création d'un programme en situation d'urgence. Alors,
ça, c'est vraiment quelque chose qui est vraiment très, très bien reçu.
Alors, quand, moi, je pense à la Loi de
l'IVAC qui est... et quand... et, nous, sur le terrain, on parle de ça, vous
avez apporté, proposé un nouveau nom, une nouvelle appellation, mais c'est
clair que, nous, sur le terrain, on est vraiment dans la réalité quotidienne, et
la réalité quotidienne en lien avec l'IVAC, c'est clairement l'application de
cette loi. Et j'ai cherché dans les commentaires, ou en tout cas dans les
remarques que j'ai formulées dans mon mémoire, de vous faire état de ce qui est
vécu sur le terrain parce que ce qui est vécu sur le terrain et les expériences
que les victimes nous disent, ce que les intervenants et intervenantes nous
disent aussi va... nous donne de l'information sur ce qui sera important, là, à
trouver dans le nouveau projet de l'IVAC. Je comprends très bien qu'un projet
de loi, c'est des lois, c'est des choses très formelles, mais je crois que
c'est important de pouvoir faire bénéficier les différents articles de la loi,
qu'elle soit inspirée des expériences sur le terrain.
Dans le mémoire, je fais état de projet de
loi, plusieurs expériences terrain en lien avec l'application de la loi.
D'ailleurs, le Protecteur du citoyen avait fait... avait soulevé plusieurs,
plusieurs problématiques en lien avec ça, et, encore aujourd'hui, c'est ce que
les victimes vivent. Hein, les victimes vivent énormément de difficultés en
lien avec l'accès aux services, avec une compréhension des documents de l'IVAC,
une réception qui est courtoise et qui est vraiment à l'écoute des besoins des
victimes. Alors, il y a comme un écart entre ce qu'on leur propose et comment
elles le vivent. Il y a toute une préoccupation importante par rapport aux
formulaires, aux documents, aux formulaires que les victimes doivent compléter.
Et je fais état, dans mon mémoire, des expériences de beaucoup de nos
intervenantes en suivi clinique qui doivent passer énormément de temps à aider
une victime à compléter son formulaire.
Et surtout le point qui est très, très
problématique pour les victimes, c'est lorsqu'elles doivent écrire, elles
doivent décrire le récit, et ça propose ou ça crée souvent des situations
d'angoisse profonde, de revivification avec les flash-back et tout ça. Alors,
c'est une situation qui est très, très anxiogène...
Mme Trent (Deborah) : …est
très, très problématique pour les victimes, c'est lorsque qu'elles doivent
écrire, elles doivent décrire le récit, et ça propose… ça crée souvent des
situations d'angoisse profonde, de reviviscence avec les flash-back et tout ça.
Alors, c'est une situation qui est très, très anxiogène et ce qui fait en
sorte, bien des fois, que la victime, elle est découragée. On est très, très
conscientes, je pense, sur le terrain, que compléter un formulaire de l'IVAC ne
peut pas se faire seule. Alors, ça doit absolument se faire en étant
accompagnée par une personne. Donc, ça veut dire que ça exige un
accompagnement. Alors, c'est vraiment important, et je pense que cette
réalité-là, terrain, en lien avec l'application, peut avoir un impact sur les
lois et sur les mentions qui en sont faites dans le nouveau projet de loi. Dans
le nouveau projet de loi, vous parlez de vouloir… vous reprenez, hein,
finalement, les droits, et ce que les victimes d'actes criminels ont le droit
d'avoir l'accès à l'information et tout ça. Et si on cherche à être… à
correspondre à ce droit-là, bien, il faut s'assurer que dans l'application, et
je pense qu'il faut le nommer, il faut le souligner dans le projet de loi
également. Je voudrais…
Le Président (M.
Bachand) : Il reste très peu de temps, Mme Trent.
Mme Trent (Deborah) : Oui,
oui.
Le Président (M.
Bachand) : Le 10 minutes est passé, ça fait que je vais vous
laisser une petite minute de plus.
Mme Trent (Deborah) : Oui.
Alors… Oui. Je vais juste faire… alors, c'est ça… Le dernier point que je
ferais, c'est vraiment en lien avec le travail auquel j'ai participé sur le
comité d'experts sur l'accompagnement des victimes d'agression sexuelle et de
violence conjugale à travers tout le système de la justice. Et un des plus gros
constats, un des constats les plus importants qui est ressorti de nos nombreux
mois de travail et de réflexion a été… est en lien, vraiment, avec le fait que
les organismes d'aide travaillent en silo. Que tout le monde est séparé, que
tout le monde se retrouve dans un ministère ou dans l'autre, dirigé. Et dans le
nouveau projet de loi, on parle… c'est sûr que c'est le projet de loi du
ministère de la Justice, c'est clair que c'est, donc, les organismes qui
émanent du ministère de la Justice, ce sont les CAVAC. Mais on doit… et dans le
projet de loi, on ne l'entend pas, on n'entend pas de message en lien avec
l'importance de la collaboration, de l'échange, du partage, du travail de
concertation entre les différents organismes d'aide et… En bout de ligne, si
cette collaboration, elle est nommée, dans le projet de loi, ce qu'on ne voit
pas, il me semble que ça permettrait, entre autres, d'apporter un meilleur
service aux victimes.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
Mme Trent (Deborah) : Oui,
voilà.
Le Président (M.
Bachand) : On va passer à la période d'échanges. M. le
ministre, s'il vous plaît. Vous avez la parole. Merci.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Trent. Merci d'être présente avec nous
aujourd'hui, nous partager vos réflexions. Je vais rebondir sur ce que vous
avez dit, à la fin, d'avoir une coordination des différents acteurs…
Le Président (M.
Bachand) : …merci beaucoup.
Mme Trent (Deborah) : …oui,
voilà.
Le Président (M.
Bachand) : On va passer à la période d'échanges. M. le ministre,
s'il vous plaît, vous avez la parole. Merci.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Bonjour, Mme Trent, merci d'être présente avec nous aujourd'hui,
nous partager vos réflexions. Je vais rebondir sur ce que vous avez dit à la
fin : D'avoir une coordination des différents acteurs pour aider les
victimes. Je suis d'accord avec vous, et c'est sûr que ce n'est pas nommé dans
le projet de loi concrètement. Mais, sur le plan de la législation, ce n'est
pas possible d'indiquer à des partenaires externes qu'ils doivent collaborer,
mais, bien entendu, c'est l'esprit même de la réforme de l'IVAC. Nous, on
contrôle au niveau du régime d'indemnisation, de l'accompagnement aux victimes,
et c'est ce qu'on souhaite faire. On souhaite s'assurer que l'IVAC soit plus
humain, et c'est pour ça qu'on a construit le projet de réforme de façon à
faire en sorte que, dès le départ, la personne victime qui a des besoins pourra
avoir des besoins. Puis, ça, je pense que, avec les consultations que j'ai
faites auprès des groupes de victimes, c'était une demande le fait de
dire : Bien, il faut avoir du soutien psychologique dès le départ, dès le
moment et ne pas attendre plusieurs mois avant que le dossier soit autorisé
pour avoir de l'accompagnement puis du soutien. Je ne pense pas me tromper à ce
niveau-là?
Mme Trent (Deborah) : Moi,
j'ai moins vu ça — je ne veux pas vos contredire, là,
mais — j'ai moins vu ça, en tout cas, si c'est l'intention, pour moi,
c'est moins clair dans le projet de loi, je le vois moins bien. Mais, il me
semble qu'il faut nommer ces… Puis je comprends, là, qu'un projet de loi, là,
c'est compliqué, puis vous avez quand même plusieurs pages, au départ, qui font
l'état de la situation un peu. Mais, il me semble que, c'est ça, là, il y a
comme une espèce de discordance entre ce qu'on souhaite et ce qui se passe sur
le terrain. Alors, si l'intention, c'est ça — et je ne vous remets
pas en question, là — mais si l'intention, c'est ça, je pense qu'il
faut trouver, surtout en lien avec les victimes d'actes criminels. Et la
principale clientèle de l'IVAC, c'est clairement les victimes de violences
conjugales et les victimes d'agressions sexuelles ou les victimes de violences
sexuelles. Je pense qu'il faut trouver une façon beaucoup plus claire, beaucoup
plus humaine d'annoncer cette couleur-là parce que c'est moins évident dans le
projet de loi. De ce que j'ai vu, mais on… Voilà, oui.
• (9 h 50) •
M. Jolin-Barrette : C'est ça,
mais, en fait, je vous le dis dès le départ, on a mis une mesure législative
qui fait en sorte que le soutien psychologique peut être offert dès le départ
sans autant que le dossier ait été accepté, justement, pour faire en sorte que
la victime ait des ressources tout de suite. Puis, ça, c'est une critique qui
nous a été formulée.
Aussi, sur… Je suis d'accord avec vous,
là, sur la question des formulaires. Maintenant, à l'IVAC, ils vont pouvoir
aider au niveau de remplir les formulaires. Ça, je pense que, c'est une
demande, puis, aussi surtout, simplifier les formulaires aussi pour que ça soit
le plus accessible possible pour les personnes victimes.
J'aimerais vous entendre, là, sur le délai
qu'on augmente, là, de deux à trois ans, pour présenter une demande et sur
l'abolition du délai de prescription, là, pour ce qui est violence conjugale,
violence sexuelle puis violence subie pendant l'enfance.
Mme Trent (Deborah) : Je
pense que c'est une très bonne…
M. Jolin-Barrette : …possible
pour les personnes victimes. J'aimerais vous entendre, là, sur le délai qu'on
augmente, là, de deux à trois ans, pour présenter une demande et sur l'abolition
du délai de prescription, là, pour tout ce qui est violence conjugale, violence
sexuelle puis violence subie pendant l'enfance.
Mme Trent (Deborah) : Je
pense que c'est une très bonne idée, je pense que… parce que vous nommez aussi,
je pense que le fait de l'étendre, que ça va être davantage au service des
victimes, ça correspond davantage à leurs besoins aussi. Je pense qu'une
victime d'agression sexuelle, après la commission du crime, cette victime-là,
des fois, elle cherche de l'aide, des fois, elle ne la cherche pas, des fois,
elle n'en parle pas du tout. Alors, de pouvoir vraiment avoir accès à des
services qui sont à l'écoute de cette réalité, qui est de ne pas pouvoir
toujours aller rapidement aller chercher de l'aide, je pense que c'est quelque
chose qui va être beaucoup plus aidant pour une victime d'agression sexuelle,
pour une victime de violence conjugale également. Je pense que c'est une bonne
chose d'étendre et je pense que c'est une bonne chose aussi… dans la loi, on
entend qu'il y a des particularités pour les personnes qui sont victimes des
violences sexuelles et des agressions sexuelles. Alors, je pense que c'est une
bonne chose.
M. Jolin-Barrette :
Peut-être, on met en place un programme d'urgence pour faire en sorte que,
lorsqu'une personne est en situation de danger, de vulnérabilité, elle puisse
quitter son milieu, donc on parle d'aide au logement, la nourriture, le
transport. Vraiment, rapidement, vous, selon votre expérience, là, je comprends
que c'est quelque chose qui manquait actuellement, pouvez-vous nous décrire
l'état des victimes, là, lorsqu'elles décident, là, de quitter le milieu
toxique, ou tout ça, qu'est-ce que ça prend, là, en termes complets, là…
Mme Trent (Deborah) : Bien,
c'est parce que ça dépend… Oui, excusez-moi.
M. Jolin-Barrette : Allez-y,
allez-y. Je suis désolé.
Mme Trent (Deborah) : Non,
non, non. Je pense que ça dépend vraiment de la situation qui est vécue par la
victime. Alors, c'est sûr que les besoins d'urgence, je sens que les besoins
d'urgence, au niveau d'une victime de violence conjugale et une femme avec… une
victime avec des enfants, et tout ça, je pense que ces besoins-là sont plus
pratiques, plus fonctionnels, et tout ça, peut-être qui seront encore plus
grands. On a quand même, au niveau des victimes de violence sexuelle, au niveau
des victimes d'exploitation sexuelle qui sont mal prises, qui sont dans la rue,
qui n'ont pas de recours, qui n'ont pas de service, et tout ça, de pouvoir
avoir accès rapidement à un service qui va les aider, par exemple, à les
transporter d'un point A vers un point B, dans un milieu sécuritaire.
On a reçu, nous, un appel à la
Ligne-ressource provinciale pour les victimes d'agression sexuelle d'une jeune
fille qui se retrouvait… qui était dans un Tim Hortons à 3 heures du matin,
c'était le seul endroit où elle pouvait aller, elle n'avait plus d'argent. Ce
n'était pas sécuritaire pour elle de quitter et de pouvoir avoir accès à un
service qui lui aurait été payé plus facilement, aurait été vraiment très, très
aidant, alors…
Mme Trent (Deborah) :
...dans un... qui était dans un Tim Hortons à trois heures du matin, c'était le
seul endroit où elle pouvait aller, elle n'avait plus d'argent, ce n'était pas
sécuritaire pour elle de quitter. Et de pouvoir avoir accès à un service qui
lui aurait été payé plus facilement, aurait été vraiment très, très aidant.
Alors, c'est ce genre de chose là.
Une autre chose aussi qui n'est pas
nommée... au niveau des besoins d'urgence, qui n'est pas nommée dans la loi, et
je le mentionne à plusieurs reprises dans mon mémoire, c'est l'accès aux
services en centre désigné. Alors, il y a... on voit plusieurs victimes
d'agression sexuelle qui ont besoin d'avoir accès aux services en centre
désigné. Alors, c'est pour effectuer une intervention médicosociale, donc
s'occuper de leur état de santé mais aussi compléter, si besoin et si elles le
souhaitent, une trousse médicolégale.
Et, pour les victimes qui n'ont pas de
carte RAMQ, qui n'ont pas accès, d'avoir accès à ces services-là peut présenter
des coûts quand même importants. Et de devoir discuter, de devoir essayer de négocier,
tard la nuit, lorsqu'on vient de vivre une agression sexuelle, qui va payer ce
service-là, c'est complètement dérangeant, épouvantable, et tout ça. Et c'est quelque
chose qui peut faire en sorte que les victimes n'iront pas dans les services.
Alors, un programme d'urgence pourrait,
dans des circonstances comme ça, offrir un soutien et permettre aux victimes
d'avoir accès sans préoccupation aux services qui sont... qu'elles ont le droit
de recevoir, et facilement. Alors, ça, c'est...
Je dirais aussi, une victime d'agression
sexuelle qui n'a pas d'argent, qui a un besoin de transport... ou il n'y a pas
de places... vous savez, il y a beaucoup moins d'hébergement pour les victimes
d'agression sexuelle, alors elle doit se rendre, par exemple... elle doit aller
dans un lieu sécuritaire, elle doit aller dans un hôtel, elle n'a pas les
moyens, l'agression sexuelle s'est passée chez elle, etc., alors il y aurait plusieurs
moyens... ou plusieurs besoins qui pourraient être compensés par un régime...
un programme d'urgence.
Ce qui est important avec le programme
d'urgence, c'est que ça soit rapide et simple. Il ne faut pas qu'on doive
compléter un formulaire. Tu sais, il faut que ça soit vraiment, vraiment un système
qui est le plus simple et le plus rapide. Le plus urgent. C'est un programme
d'urgence.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie, Mme Trent. J'ai des collègues qui souhaitent poser des
questions. Donc, un grand merci pour votre partage en commission parlementaire.
Mme Trent (Deborah) : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. J'ai Mme la
députée de Les Plaines, s'il vous plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. le ministre. Bonjour,
Mme Trent.
Mme Trent (Deborah) :
Bonjour.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. On a hâte de lire votre mémoire. On
avait déjà des grandes lignes sur votre organisme, les bienfaits de votre organisme,
le type de clientèle, si on peut appeler ça la clientèle, là, je pense que je
mets des gros guillemets...
Mme Trent (Deborah) : On
se comprend.
Mme Lecours (Les Plaines) :
...des gens dans le besoin, ainsi que les bienfaits sur le terrain. Donc, je
vous en... Je profite de l'occasion pour vous féliciter du travail que vous
faites. Je pense que c'est un travail qui est important, essentiel.
J'aimerais vous entendre aussi sur un pan
du projet de loi à l'effet...
Mme Lecours (Les Plaines) :
…dans le besoin, ainsi que les bienfaits sur le terrain. Donc, je vous en… je
profite de l'occasion pour vous féliciter du travail que vous faite. Je pense
que c'est un travail qui est important, essentiel. J'aimerais vous entendre,
aussi, sur un pan du projet de loi, à l'effet qu'il n'y aurait plus de rente
viagère, mais des montants forfaitaires et ceci étant rendus nécessaires de par
l'élargissement, aussi, du nombre de victimes que nous voulons pouvoir mieux
servir, mieux desservir. Donc… et aussi tout le côté important, qui est,
justement, de pouvoir faire en sorte que ces gens reviennent dans… sur le
marché du travail, donc les accompagner, un meilleur accompagnement pour
pouvoir, justement, reprendre une place dans la société sans ce bagage, de leur
passé, qui pèse lourd. Donc, tout un accompagnement nécessaire.
J'aimerais vous entendre sur cette… ces
pans du projet de loi.
Mme Trent (Deborah) : O.K.,
merci. Alors, moi, je vous dirais que quand on se questionne… les personnes en
tout cas, là, les… nos petits efforts de consultation, de réflexion qu'on a pu
faire, au courant de la dernière semaine. Quand on se questionne sur quels sont
les besoins les plus importants des personnes qui sont victimes d'un acte
criminel et dans notre cas à nous, c'est les victimes de violence… de violence
sexuelle. Ce qui est nommé le plus, c'est vraiment d'avoir accès aux services
thérapeutiques, dans un premier temps. Deuxièmement, d'avoir un remplacement de
revenu. Alors, pour les victimes qui n'ont pas d'assurance salaire, qui n'ont
pas d'autres moyens d'avoir, facilement, accès à un remplacement de revenu, ça
aussi c'est vraiment une des choses qui est les plus importantes et aussi les
choses en lien avec le… un déménagement.
Je peux moins vous parler de la question
en lien avec le montant forfaitaire, parce qu'on n'a pas eu le temps de bien,
bien approfondir notre réflexion, mais je vous dirais que ce qui plus important,
c'est sûr que ça peut être important, surtout pour les personnes qui ont des
séquelles à long terme, que vraiment leur jouissance, au niveau de la vie, on
voit moins que les personnes vont s'en sortir, mais ce qui me semble encore
plus important et ce qui semble être nommé encore plus… de façon plus
importante par les victimes, c'est de l'aide concrète, immédiate, pour pouvoir
travailler sur ce qu'elles ont vécu.
• (10 heures) •
Alors, il faut trouver des façons et un
des problèmes qu'on vit présentement dans… pour répondre aux premiers besoins
des personnes qui ont vécu les agressions sexuelles, c'est le… de pouvoir
rechercher et de trouver une thérapeute. Alors, c'est sûr que les organismes
comme nous, c'est le CALACS, etc., les CAVAC, on offre, on fait du suivi, mais
nos listes sont tellement énormes qu'on doit recourir à l'IVAC. Alors, si
présentement, essayer de chercher une thérapeute…
10 h (version non révisée)
Mme Trent (Deborah) : ...rechercher
et trouver une thérapeute. Alors, c'est sûr que les organismes comme nous, type
CALAC, etc. les CAVAC, on offre, on fait du suivi. Mais nos listes d'attente
sont tellement énormes qu'on doit recourir à l'IVAC. Alors, si présentement,
essayer de chercher une thérapeute présentement, c'est très, très difficile, il
n'y en a pas assez. Les tarifs qui sont payés par l'IVAC ne sont pas
concurrentiels et compétitifs pour les thérapeutes. Les gens acceptent de moins
en moins les mandats de l'IVAC.
Alors, il me semble qu'il faut trouver un
équilibre entre, oui, les montants forfaitaires, mais il faut trouver des
façons monétaires, oui, de répondre à des besoins concrets et des besoins et rapidement.
Alors, moi, je vous dirais que oui, montants forfaitaires, quand c'est
pertinent, et tout ça, mais je ne suis pas sûre que c'est le plus grand besoin
et je ne dis pas, là, qu'il faut l'enlever, là, ce n'est pas ça que je dis du
tout, là. Mais je pense qu'il faut trouver un équilibre, là, pour essayer de
trouver des moyens plus concrets pour répondre aux besoins plus criants.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Donc, si je comprends bien, le continuum de services est d'autant plus
important avec ce que vous venez de me dire, là.
Mme Trent (Deborah) : Je
dirais ça comme ça, oui. Ça mériterait qu'on creuse encore plus, mais je dirais
que ce que... Oui, j'aurais davantage l'impression que oui.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Et, une dernière question avant de laisser la parole à mes collègues. Vous
trouvez que c'est une bonne chose, le programme d'aide urgente.
Mme Trent (Deborah) : Oui.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Donc, ce qu'on comprend, c'est qu'il faut que ça soit simple et rapide pour
pouvoir prendre en charge rapidement la victime et ensuite faire... selon le
continuum de service, faire en sorte qu'on l'amène justement à des services
précis, rapides aussi, pour que la personne puisse éventuellement se prendre en
charge. Est-ce que je comprends bien?
Mme Trent (Deborah) : C'est
ça. C'est un service d'urgence, il faut que ça réponde à des besoins et des
besoins en lien avec la sécurité. C'est ça qui est important, hein, surtout en violence
conjugale, quand une femme se retrouve avec des jeunes enfants, elle a besoin
de quitter, il n'y a plus de place en maison d'hébergement, elle n'a pas les
moyens de se rendre, il faut avoir quelque chose qui va l'aider tout de suite. En
exploitation sexuelle, c'est la même chose : il y a des victimes qui sont
amenées d'un endroit à l'autre, d'une région à l'autre et il faut être capables
de les ramener. Il faut avoir des mesures concrètes qui vont pouvoir répondre à
ces besoins-là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup...
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci
beaucoup, Mme Trent.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Chapleau, il
reste deux minutes pour la question et pour la réponse. Merci.
M. Lévesque (Chapleau) :
D'accord, merci beaucoup. Merci, Mme Trent.
Mme Trent (Deborah) :
Bonjour.
M. Lévesque (Chapleau) : J'ai
une petite question. Merci beaucoup pour votre témoignage. Bonjour, chers
collègues également.
Vous avez parlé de la difficulté, là, de
compléter toute la question des formulaires, également écrire et décrire la
situation que les victimes ont vécue, les grands moments d'angoisse qu'elles vivent.
J'aimerais peut-être que vous en parliez davantage, peut-être que vous avez des
pistes de solutions pour améliorer ces situations-là.
Mme Trent (Deborah) : Bien,
je pense que, dans un premier temps, il faut que ça...
M. Lévesque (Chapleau) : ...la
question des formulaires, également écrire et décrire la situation que les
victimes ont vécue, les grands moments d'angoisse qu'elles vivent. J'aimerais peut-être
que vous en parliez davantage, peut-être que vous avez des pistes de solutions
pour améliorer ces situations-là.
Mme Trent (Deborah) : Bien,
je pense que, dans un premier temps, il faut que ça soit des formulaires que
les gens puissent télécharger et compléter en ligne, hein? L'autre grande réalité,
c'est que le plus grand nombre de victimes d'agressions sexuelles, hein, c'est
souvent dans la population de 18-25 ans. Compléter formulaire, mettre quelque
chose à la poste, ce n'est pas du tout dans leur vécu. Les formulaires, on ne
peut même pas les télécharger. L'IVAC ne... On peut les télécharger, il faut
les compléter à la main. Alors, il faut tout revoir tout ce processus-là.
On peut regarder certains formulaires de
d'autres provinces qui sont beaucoup plus courts, où on demande davantage de
cocher des réponses. C'est le fait de devoir écrire longuement, faire un récit,
c'est quelque chose qui est très, très perturbant pour les victimes. Il y a
aussi une question qui est très dérangeante pour les victimes, c'est la
question qui demande de nommer si on est capable d'identifier l'agresseur, de
mettre son nom. Les victimes sont très paniquées par ça. Elles ont l'impression
qu'on va les poursuivre et tout. Voilà. J'en parle un petit peu dans mon
rapport, mais il faut trouver des façons efficaces, simples. Il faut... C'est
décourageant, les victimes abandonnent quand elles voient le formulaire.
L'autre petit point, c'est aussi par
rapport au remplacement de revenus. Il y a toute une section que les victimes
doivent demander à l'employeur de compléter. Alors, de devoir aller parler à
son employeur et lui dire : J'ai été victime d'agression sexuelle, ça,
c'est...
M. Lévesque (Chapleau) :
...c'est comme un frein.
Mme Trent (Deborah) :
...c'est un frein énorme.
M. Lévesque (Chapleau) : D'accord.
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de
Chapleau. M. le député de LaFontaine, vous avez la parole. Merci.
M. Tanguay
: Merci beaucoup,
M. le Président. Bon matin, Mme Trent.
Mme Trent (Deborah) :
Bonjour.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup d'être avec nous. Bonjour, bonjour.
Mme Trent (Deborah) : Ça fait
plaisir.
M. Tanguay
: Écoutez,
ce qui est particulièrement intéressant avec les consultations, c'est qu'on
peut mieux connaître des organismes tels que le vôtre, Centre pour les victimes
d'agression sexuelle de Montréal. J'aimerais vous entendre d'abord de façon un
peu plus générale, puis on abordé la question hier, est-ce que, depuis le
mouvement #moiaussi, est-ce que vous avez vu sur le terrain une augmentation
significative, là, des appels auprès de vous?
Mme Trent (Deborah) : Je vous
dirais que quand il y a des événements comme ce qu'on a vécu cet été, le dévoilement
sur les réseaux sociaux de personnalités et tout ça, là, tu sais, il y a eu un
moment au mois de juillet, alors à chaque fois qu'il y a un événement comme ça,
quand il y a des choses médiatisées, etc., il y a une augmentation qui est
ponctuelle. Moi, je vous dirais que notre... depuis le mouvement, depuis
#metoo, #moiaussi, il y a eu une augmentation. Est-ce que... Qu'est-ce que ça
veut dire? Est-ce que ça veut dire qu'il y a plus d'agressions sexuelles? On ne
peut... Je ne pense pas qu'on peut dire ça. Je pense qu'on peut dire...
Mme Trent (Deborah) :
...dirais que notre... Depuis le mouvement... depuis #moiaussi... #metoo,
#moiaussi, il y a eu une augmentation. Est-ce que que... Qu'est-ce que ça veut
dire? Est-ce que ça veut dire qu'il y a plus d'agressions sexuelles? On ne... Je
ne pense pas qu'on peut dire ça. Je pense qu'on peut dire peut-être davantage
que les gens sont... écoutent ce qui se passe. Les gens, ça les fait vivre des
choses. Quand elles entendent ça, elles vont tendre la main ou tendre...
proposer pour pouvoir parler avec quelqu'un. Ça rappelle quelque chose. C'est
sûr qu'avec le dévoilement où les gens dévoilaient davantage sur les réseaux
sociaux, les victimes avaient beaucoup, beaucoup de préoccupations par rapport
à ça, ont posé beaucoup de questions.
Alors, oui, il y a une augmentation, je
vous dirais, tranquille, avec le nombre de personnes ou les appels qu'on
reçoit. Et, quand il y a des événements comme ce qu'on a vécu cet été où, par
exemple, avec les décisions qui ont été rendues dans les procès de MM. Lauzon
et... le nom m'échappe, je pense que ça aussi, ça fait bouger.
Si votre question, c'est : Est-ce
qu'il y a plus d'agressions sexuelles, je ne peux pas vous dire ça. Je pense qu'il
y a plus de personnes qui parlent des situations d'agression sexuelle.
M. Tanguay
: Ce
matin, ce qui nous réunit, c'est la Loi visant à aider les
personnes victimes d'infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement.
Donc, évidemment, on inclut là-dedans les victimes d'agression sexuelle.
Puis je crois... puis je vous demanderais peut-être
d'étayer, s'il vous plaît, pour beaucoup, votre action des dans l'urgence. Vous
parliez tantôt de la jeune femme qui était au Tim Hortons, qui appelle, qui ne
savait pas où aller, qui finalement décide de reprendre sa vie en mains, décide
de lever la main, puis d'alerter, puis de dire : J'ai été victime
d'agression sexuelle. L'aide qui doit être... Puis vous nous invitez,
j'imagine, comme législateurs, à tout mettre ce qu'on peut, autrement dit, je
vais le dire de même, dans le projet de loi pour faire en sorte que dans
l'urgence, dans l'immédiat, on puisse s'assurer que, dans la loi, ça soit déjà
prévu, des moyens très tangibles, des services thérapeutiques.
Même, vous parliez, j'aimerais vous
entendre là-dessus, pour ce qui est d'une trousse médicolégale, vous disiez
qu'il y avait un coût. Il y avait un coût associé à ça? Vous me l'apprenez, là.
Mme Trent (Deborah) :
O.K., O.K. Alors, bien... Alors, lorsqu'une personne vit une agression sexuelle
et puis qu'elle consulte, il y a une intervention qui est proposée dans les
ressources qui s'appellent les centres désignés. Alors, à travers... dans
toutes les régions du Québec, il y a des endroits qui reçoivent les victimes
d'agression sexuelle 24 heures par jour, sept jours par semaine, et qui
répondent à leurs besoins médicaux, mais qui répondent aussi, donc, est-ce
qu'elles ont été blessées, est-ce qu'elles ont des préoccupations par rapport à
la grossesse, par rapport aux infections, et tout ça, transmissibles
sexuellement.
Mais, si la victime souhaite porte une
plainte légale, il y a moyen de ramasser des preuves médicolégales. Alors,
cette intervention-là, c'est une intervention qui est offerte à l'intérieur des
centres désignés. Et...
Mme Trent (Deborah) : …la
grossesse, par rapport aux infections et tout ça, transmissibles sexuellement.
Mais si la victime souhaite porter plainte légale, il y a moyen de ramasser des
preuves médicolégales. Alors, cette intervention-là, c'est une intervention qui
est offerte à l'intérieur des centres désignés. Et si une victime qui se
présente, qui n'a pas de carte RAMQ, qui vient d'ailleurs par exemple, qui est
une victime qui est en visite à Montréal pour le congé d'école, qui vient de
l'État de New York par exemple, elle va avoir… elle voyage avec les assurances
de ses parents, par exemple, elle ne veut pas utiliser ses assurances, parce
que ses parents vont être alertés. Alors, il y a différentes situations :
des personnes sans statut, des personnes qui ne sont pas dans l'attente de
statut, donc qui auraient accès à différentes assurances médicales. Alors, on
se retrouve… les personnes qui n'ont juste rien, et puis elles ont besoin
d'être vues en intervention médicale, et elles ont besoin d'avoir accès à ces
services-là. Alors, là, il faut payer le médecin.
• (10 h 10) •
Alors, ça, c'est quelque chose qui réclame
qu'on discute à plusieurs, hein. Que santé et services sociaux, que justice,
que tout le monde se parle. Alors, c'est ça, quand j'ai dit, à la fin de ma
présentation, l'importance, et ce qui a été soulevé, et de façon tellement
claire, dans les consultations qu'on a faites avec le rapport du comité
d'experts, c'est : On n'arrivera à rien si on ne met pas en place des
moyens pour tous se parler ensemble. Vous savez, les victimes d'agression
sexuelle, les victimes de violence conjugale et les autres victimes d'actes
criminels ont différents besoins, et les réponses à ces besoins-là sont…
proviennent de plusieurs sources. Alors, il faut mettre tout le monde ensemble
pour qu'on réponde à leurs besoins. Si on n'arrive pas à faire ça, les victimes
sont envoyées d'un endroit à l'autre et ce n'est pas compréhensible, et on les
mêle.
Alors, il y a un effort à faire. Je pense
que le rapport du comité d'experts a fait vraiment ressortir ça. Et c'est pour
ça que j'ai voulu vous en parler ce matin, parce que c'est quelque chose qui…
cette vision-là pourrait aussi apporter, je crois, un meilleur rendement de ce
projet de loi qui est absolument important et essentiel.
M. Tanguay
: Et puis en
ce sens-là vous nous invitiez, d'ailleurs, de peut-être mettre dans le projet
de loi le principe de collaboration, concertation. Quand c'est dit clairement,
quand c'est nommé, et puis que de la loi doivent découler les actions de la
machine, entre guillemets…
Mme Trent (Deborah) : C'est
ça.
M. Tanguay
: …la
concertation des intervenants également, de façon très tangible, iriez-vous à
recommander qu'il y ait une table permanente? Comment, de façon plus tangible,
vous pourriez nous inviter à réfléchir ce forum de concertation là?
Mme Trent (Deborah) : Bien,
dans le… parce que c'est frais à la mémoire, là, je suis certaine que Mme Hivon
pourra en faire état également, là. Mais le rapport du comité d'experts a 190
recommandations, en tout cas, pas loin de 190, puis propose à la…
M. Tanguay
: …ce forum
de concertation là
Mme Trent (Deborah) : Bien,
dans le… parce que c'est frais à la mémoire et je suis certaine que Mme Hivon
pourra en faire état également, là, mais le rapport du comité d'experts à 190 recommandations…
ou en tout cas, pas loin de 190. Puis propose, à la fin, la création d'un
secrétariat qui pourra réunir, hein, tous les représentants des différents
ministères, qui sont préoccupés par l'offre de service et les différentes
législations en lien avec les victimes d'actes criminels, pour que ça soit un
tout et que ça soit un peu moins pêle-mêle, parce qu'il y a des répétitions,
hein. Vous savez, dans le processus de consultation, on s'est promené à travers
le Québec. Il y a eu une consultation en ligne, où les victimes, on leur a posé
des questions. Elles ont répondu, et ce que les gens nous ont dit c'est :
Je ne sais pas où aller parce qu'on me répond : C'est comme ça ici… ce
n'est pas la même chose, ce n'est pas cohérent. Alors, oui, il faut absolument
qu'on revienne à les tables de concertation et qu'entre-nous on se parle. On se
parle, oui, mais il faut que la main gauche sache ce que la main de droite
fait.
M. Tanguay
: Et je
reprends la balle au bond. Quelqu'un est venu nous mentionner hier, dans le
début de nos consultations… il y a la loi, et il y aura plusieurs règlements
qui vont venir préciser les modalités d'application de la loi, alors une telle
table de la concertation, secrétariat pourrait être mis à profit, également,
par des gens comme vous, qui sont sur leur terrain pour dire : Bon, bien,
dans votre règlement, consultez-nous puis on aura des choses à dire sur
certains aspects, parce que la manière dont ça se vivra sur le terrain, pour
beaucoup ça va être influencé en amont par le règlement qui va dire, bien, on a
fait…
Mme Trent (Deborah) : Exact.
Exactement, exactement, exactement.
M. Tanguay
: …alors,
ça, ça pourrait même être fait rapidement, mis en place pour qu'il y ait un
forum de discussion. Puis, ça, ça fera peut-être partie de nos échanges. Et
vous nous avez permis d'aborder le sujet, là, présentement, en consultation
lorsqu'on sera en article 45 sur le projet de loi. J'aimerais que vous nous
parliez… parce que je vois là, aussi, peut-être une opportunité, pour vous, de
nous faire part de votre réalité et puis que, nous, de se casser la tête.
Comment on pourrait s'assurer de vous aider dans la rédaction du projet de loi?
Votre liste… les listes d'attente, pouvez-vous m'en parler davantage, je vais
en parler davantage. Attendre pour quels types de service, quels sont les
délais et comment on pourrait mieux faire pour diminuer cette liste d'attente?
Mme Trent (Deborah) : Bien,
les listes d'attentes… en tout cas, dans notre cas précisément, c'est pour les
services de suivi clinique. Alors, pour les services en urgence, il n'y a pas
d'attente pour ça, là, tu sais, c'est un service 24/7. Et les centres désignés,
c'est ça aussi, là, à travers la province, là, toute… chaque région se doit d'avoir
des centres désignés pour recevoir les victimes. Mais, généralement, les
services, les listes d'attente puis pour nous… et je me sens assez confortable
pour dire que, dans la majorité des organismes qui offrent des services, c'est
toujours en lien avec le suivi, alors… Et c'est pour ça que c'est souvent
problématique avec l'IVAC parce que, parce que nous on a des listes d'attente
qui peuvent être présentement… je crois que notre liste d'attente tient encore,
à peu près, une année pour…
Mme Trent (Deborah) : …des organismes
qui offrent des services, c'est toujours en lien avec le suivi, alors… et c'est
pour ça que c'est souvent problématique avec l'IVAC parce que, parce que nous
on a des listes d'attente qui peuvent être présentement… je crois que notre
liste d'attente tient encore, à peu près, une année pour avoir accès à des
services, il faut toujours réduire la durée de nos services pour qu'on soit
capable de répondre de façon plus rapide aux personnes qui ont besoin d'avoir
recours à nos services. Alors, c'est pour faire un processus clinique,
thérapeutique, et c'est pour ça que le complément avec l'IVAC est tellement
important parce que, si nous on peut faire un certain déblayage, on peut
commencer le travail. Si on veut chercher à répondre à un plus grand nombre de
victimes, bien, il faut un peu passer la balle à l'IVAC. Mais si, au niveau de
l'IVAC, ça devient très difficile pour les victimes, qu'on octroie des
services… à l'accès à des services psychothérapeutiques… et qu'il n'y a pas de
thérapeute sur le terrain, bien là, ça ne marche pas. Alors là, aussi, c'est
une autre…
Le Président (M.
Bachand) : Merci, merci beaucoup, Mme Trent. Je dois céder la
parole à la députée de Sherbrooke. Merci beaucoup.
Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous
plaît. Pour 2 min 45 s, hein, le temps file rapidement.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Trent, pour votre présentation. Vous avez parlé avec
raison de l'enjeu de donner des services très, très rapidement pour les
victimes, mais vous qui oeuvrez de près auprès des victimes depuis longtemps,
j'imagine que vous savez aussi également à quel point ça peut prendre du temps
se rétablir d'une agression sexuelle ou de violence conjugale. L'objectif du
projet de loi, c'est justement de favoriser le rétablissement, mais il y a des
éléments dans le projet de loi, je pense, par exemple à, le maximum de trois
ans pour une indemnité de remplacement de revenu. J'aimerais vous entendre
là-dessus. Est-ce que c'est raisonnable trois ans, maximum, pour une indemnité
de remplacement de revenu, de penser que le rétablissement de la personne va
avoir fait effet dans ce délai-là?
Mme Trent (Deborah) : Bien,
je pense que ça dépend tellement de la situation, je pense que ça va main dans
la main avec si on offre un service thérapeutique à quelqu'un… bien, il faut
que les services thérapeutiques soient pour la même durée que le remplacement
de revenu. Si on est avec quelqu'un qui n'a pas d'assurance salaire, qui a
perdu son emploi, et on voit ce type de situation là, il faut qu'elle puisse
avoir un moyen de subsistance en même temps qu'elle est capable de travailler.
Alors, et ça dépend aussi, là, tu sais, si on a une victime qui fait une
demande par rapport à une situation qu'elle a vécue dans la dernière année, qui
fait une demande à l'IVAC pour avoir soutien et tout ça, et puis ça remémore,
hein, d'autres expériences qu'elle aurait vécues dans son enfance, alors c'est
sûr que le temps de rétablissement va être beaucoup plus long, il va être
beaucoup plus prenant. Chaque personne est différente, je comprends que c'est
dur… c'est difficile d'apporter, de dire : Est-ce que c'est assez? Est-ce
que ce n'est pas assez? Il me semble que trois ans, tu sais, me semblent
pertinents, me semblent…
(Visioconférence)
Mme Trent (Deborah) :
...le rétablissement va être beaucoup plus long et va être beaucoup plus
prenant. Chaque personne est différente. Je comprends que c'est dur de... c'est
difficile d'apporter... de dire : Est-ce que c'est assez, est-ce que ce
n'est pas assez? Il me semble que trois ans, tu sais, me semblent pertinents,
me semblent convenables, mais il faut que l'accès à ça soit facile, que ça soit
simple, que ça ne soit pas...
Une voix
: En ce moment,
les indemnités peuvent être à vie en fait. Donc là, on vient plafonner à trois
ans, c'est quand même un changement majeur.
Le Président
(M. Bachand) :Rapidement,
Mme Trent. C'est parce qu'il reste quelques instants.
Mme Trent (Deborah) :
Oui, c'est ça. Je pense que si l'accès aux services l'accès aux services et le remplacement
de revenu est fait le plus rapidement possible, je pense que c'est quelque
chose qui peut être, je ne dirai pas adéquat, mais qui pourrait répondre. Si
tout est fait mieux, plus vite, plus rapidement, je pense que ça pourrait
répondre. Est-ce que c'est... mais là aussi, ça prend... j'aurais besoin de
réfléchir encore plus profondément à cette question-là, ça fait que je...
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup.
Mme Trent (Deborah) :
...sous toutes réserves...
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Je cède maintenant la parole à la
députée de Joliette. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
:
Oui. Bonjour, Mme Trent. Merci beaucoup de votre présence, puis j'en
profite pour vous remercier de tout le travail que vous avez fait pour le
comité d'experts. Les gens n'ont pas idée à quel point vous avez travaillé
fort, et donc vous avez accouché de quelque chose de formidable...
Mme Trent (Deborah) :
Merci.
Mme
Hivon
:
...qui, je pense, va pouvoir faire une réelle différence. Ça fait que je
voulais vous remercier publiquement.
Justement, vous parlez de l'importance que
l'aide psychologique notamment puisse être accessible tout de suite. C'est
vraiment quelque chose de fondamental, là, qui ressort du rapport et des
travaux que, dès qu'il y a un dévoilement, qu'il y a une main tendue, qu'on
puisse avoir de l'aide.
Moi, je suis un peu comme vous, je ne vois
pas, malgré ce que le ministre nous dit, là, je ne remets pas en question sa
parole, mais je pense que ça va devoir ressortir clairement dans la loi parce
que je ne vois pas en passant tous les articles. Je comprends que, vous non
plus vous ne voyez pas quelque chose de clair qui dit que, même en attente de
l'approbation de la demande, l'aide psychologique va pouvoir être donnée.
Mme Trent (Deborah) :
Oui. Il faudrait que je relise, là. C'est quand même...
Mme
Hivon
:
C'est ça.
Mme Trent (Deborah) :
...de nombreuses pages et une lecture assez dense, là. Et ça, c'est, tu sais,
même pour nous, les experts, là, tu sais, qui travaillons là-dedans depuis
longtemps, là, si, nous, on trouve... puis c'est sûr que les victimes n'auront
pas à lire les projets de loi, mais ça... tu sais, c'est parlant quand même,
là, tu sais, c'est parlant. Il faut trouver des choses... il faut vulgariser
les choses. Il faut trouver des choses qui sont simples et tout. Alors, si on
dit que la victime aura accès rapidement, bien, il faut que ça soit rapide.
Mais, pour moi, c'est moins clair dans le projet de loi. Il faudrait peut-être
le revoir.
Mme
Hivon
:
O.K.
• (10 h 20) •
Mme Trent (Deborah) :
Mais je suis très prête à revoir puis à qu'on me dise que j'ai fait une erreur,
là, mais...
Mme
Hivon
:
Moi aussi, j'aimerais ça qu'on me dise ça parce que, moi aussi, je le cherche.
Donc, si le ministre veut nous dire c'est quel article, je vais lui donner cinq
secondes pour nous le dire.
Le Président
(M. Bachand) : Comme vous le savez...
Mme
Hivon
:
On ne l'entend pas, par exemple.
Le Président
(M. Bachand) : Non, il n'y a pas d'interaction durant les
consultations.
Mme
Hivon
:
O.K. bon, c'est beau. Il pourra nous le dire. Ça, c'est quelque chose qui est
drôle dans nos travaux, mais voilà.
Donc, l'autre chose que vous nous dites
beaucoup...
Mme
Hivon
: …donc
si le ministre veut nous dire c'est quel article, je vais lui donner cinq
secondes pour nous le dire.
Le Président (M.
Bachand) : Comme vous savez…
Mme
Hivon
: On
ne l'entend pas, par exemple.
Le Président (M.
Bachand) : Non, il n'y a pas d'interaction durant les consultations.
Mme
Hivon
: O.K.
Bon. C'est beau. Il pourra nous le dire. Ça, c'est quelque qui est drôle dans
nos travaux, mais voilà. Donc, l'autre chose que vous nous dites beaucoup,
c'est la difficulté concrète de remplir la demande, toutes les difficultés
terrain. Hier, il y a un groupe aussi qui nous a dit comment c'était difficile,
même pour des professionnels, des fois, d'avoir des retours des gens de l'IVAC.
Donc, en ce moment, est-ce que les gens de l'IVAC peuvent aider les personnes
qui doivent remplir leur demande? Est-ce qu'il y a une aide interne qui est
offerte? Est-ce que ça devrait être le cas? Et qu'est-ce que vous voyez, dans
le projet de loi, qui va changer concrètement, je dirais, toute la bureaucratie
et la lourdeur de ce qu'on vit avec l'IVAC?
Mme Trent (Deborah) : Bien…
Le Président (M.
Bachand) : Mme Trent, Mme Trent, je vous laisse 10 secondes
parce que le temps est déjà écoulé.
Mme Trent (Deborah) : O.K. On
ne le voit pas dans l'IVAC. C'est pour ça que j'ai tenu à vous parler de l'application
parce que, dans le projet de loi, on ne voit pas ça, on ne voit pas une
intention vers la simplification, et il me semble que c'est essentiel. On a
reçu une formation d'une personne de l'IVAC. On a fait une demande. Elle est
venue donner une formation. On avait prévu trois heures avec cette personne-là,
elle est restée quatre heures de temps, parce que les gens ont tellement de
questions, les intervenants ont tellement de questions. Alors, oui…
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Mme Trent, de
votre participation. C'est très apprécié. Cela dit, la commission suspend ses
travaux quelques instants. Mme Trent, encore merci.
Mme Trent (Deborah) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : On suspend les travaux.
(Suspension de la séance à 10 h 23)
(Reprise à 10 h 25)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît. La commission reprend
ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir M. Daniel Gardner,
professeur titulaire à l'Université Laval. M. Gardner, merci d'être avec nous aujourd'hui.
Je vous rappelle que vous avez 10 minutes de présentation. Après, nous
aurons un échange avec les membres de la commission. Alors, je vous cède la
parole. Merci beaucoup.
M. Gardner (Daniel) : Merci à
vous. Bonjour, tout le monde, bon matin. Alors, courant Zoom, conférences en
Zoom, on est rendu… ou en Teams, c'est la même chose, hein? Oui, on est rendu
aux commissions parlementaires en Teams. Alors, comment va le monde, n'est-ce
pas? Alors, on va essayer de rendre ça le plus intéressant pour vous, et
surtout, le plus utile. Alors, je vais m'en tenir, je vous le promets, aux
10 minutes, pour, ensuite, pouvoir discuter avec vous.
Vous le savez, sinon il faut le savoir,
même le régime actuel, qu'on veut rénover, est déjà le meilleur régime en
Amérique du Nord. Alors, si on se compare, juste avec nos provinces
limitrophes, Terre-Neuve n'en a pas, le Nouveau-Brunswick et l'Ontario ont des
indemnités minimales qui sont prévues, quand elles sont prévues, pour les
victimes d'actes criminels. Moi, je suis très fier d'être Québécois, là-dessus,
pour dire qu'on a le meilleur régime. Parce que, nous, depuis longtemps, on
tient compte de l'aspect solidarité qu'on doit donner aux victimes de coup du
sort, les victimes d'actes criminels.
Ce régime-là, donc, qui a presque
50 ans, il a été adopté dans l'urgence, avec la crise d'Octobre, au début
des années 70. Puis il faut comprendre qu'à ce moment-là, le seul régime
qu'on avait, de référence, pour pouvoir indemniser les gens correctement,
c'était l'ancienne Loi sur les accidents du travail, une loi qui remontait à
1931 et qui est toujours appliquée, là, au niveau des normes d'indemnisation,
aux victimes actuelles d'actes criminels. Et c'est, en partie, ça qui explique
pourquoi le régime a si mal vieilli, c'est ce qui explique, notamment, pourquoi
il y a des rentes viagères. En 1931, les hommes, les travailleurs, l'âge moyen
de décès, d'espérance de vie, c'était de 65 ans. Et il n'y avait pas de
supplément de revenu garanti, il n'y avait pas de régime de pension organisé,
donc c'était normal de fixer une rente viagère pour un travailleur gravement
blessé. À 65 ans, il allait être décédé puis il n'y avait rien de l'État
pour venir l'aider.
On en est rendu, évidemment, aujourd'hui,
le monde a pas mal changé, hein? L'espérance de vie, tant des hommes que des
femmes, est au-dessus de 80 ans. Il y a des régimes de solidarité, tant au
fédéral qu'au Québec, qui existent pour les personnes de plus de 65 ans,
alors c'est ça qui fait que la rente viagère est si anachronique dans le cadre
du régime actuel.
Donc, juste avant que je vous présente, en
rafale, quelques bons points et quelques moins bons points, à mon humble avis,
du projet de loi n° 84, vous rappeler simplement une chose assez
fondamentale, puis je vais y revenir en conclusion, l'État n'est pas
responsable des actes criminels qui se produisent sur son territoire. L'État a
la responsabilité morale…
M. Gardner (Daniel) : …avant
que je vous présente, en rafale, quelques bons points et quelques mons bons
points, à mon humble avis, du projet de loi 84. Vous rappellez,
simplement, une chose assez fondamentale, puis je vais y revenir en conclusion,
l'État n'est pas responsable des actes criminels qui se produisent sur son
territoire. L'État a la responsabilité morale, puis je suis très fier, je le
répète, qu'on ait cette responsabilité morale d'aider les victimes d'actes
criminels, mais l'État ce n'est pas lui qui doit indemniser, comme s'il le
ferait s'il était responsable de l'acte ciminel, c'est aux criminels à le
faire. Alors, quand on comprend ça, on comprend pourquoi on ne peut pas vouloir
atteindre les indemnités qui sont données qui sont données devant les tribunaux
ordinaires, on ne peut pas vouloir atteindre les indemnités qui sont données
par les compagnies d'assurance publique, les compagnies qui ne sont pas l'État,
hein, la Société de l'assurance automobile du Québec puis la CNESST, il y a
zéro financement de la part de l'État. Ce n'est pas l'État qui finance ces
régimes-là. D'ailleurs, ces régimes-là, ces compagnies d'assurance publique là,
sont très payantes pour l'État parce qu'ils remboursent les coûts de santé de
tous les travailleurs puis tous les victimes de la route, on parle de centaines
de millions de dollars par année, là, qui sont remboursés à la RAMQ par la SAQ
et la CNESST. Donc, il y a une différence fondamentale entre une compagnie
d'assurance publique qui est financé par le créateur du risque,
l'automobiliste, l'employeur et une… un régime de solidarité qui, lui, est
financé par les impôts et les taxes de tout le monde. Quand on comprend ça, ça
aide à comprendre pourquoi il faut que les régimes soient différents.
Alors, dans projet de loi n° 84, moi,
j'ai remarqué, j'en ai noté une douzaine de bons points. Je n'aurai pas le
temps de tous les faire, j'en signale en rafal quelques-uns. L'élargissement de
la notion de victime, c'est une très bonne chose. Je sais que les tribunaux
avaient commencé à élargir, mais ils tordaient la loi en le faisant, ce n'est
pas ça qui était écrit dans la loi, ce n'est pas ça que le législateur avait en
tête en 1972, notamment de viser les victimes par ricochet de manière aussi
large. Donc, c'est très bien qu'on l'élargisse, cette notion-là.
Qu'on aligne avec les règles du Code civil
sur les délais de prescription, sur les délais pour présenter une demande.
C'était quand même extraordinaire qu'on dispose de trois ans minimum dans le
Code civil puis seulement un an ou deux dans l'IVAC.
Et c'est très bien aussi qu'on ait aligné
le régime pour les victimes de violence conjugale et d'agression sexuelle,
qu'on rende les règles imprescriptibles. Si c'est imprescriptible contre un
responsable potentiel, ça devrait être imprescriptible vis-à-vis l'État
également.
L'officialisation de toutes sortes de
mesures de réadaptation. Ça existait, ces programmes-là, mais c'était des
directives internes. Là, maintenant, c'est dans la loi. Moi, j'aime beaucoup
notamment les règles sur la réinsertion professionnelle. Vous savez, depuis 20
ans, la majorité des victimes d'actes criminels ne sont pas au travail au
moment où elles sont victimes de l'acte criminel. Alors, que le régime puisse
les aider à se réinsérer professionnellement parlant, puis qu'il y ait des
sommes prévues puis de l'aide prévue pour ça, c'est une excellente chose.
Puis d'ailleurs, de manière générale, là,
tout ce qui est ce qu'on appelle, nous, les universitaires, de la réparation en
nature plutôt que de la réparation en argent, tout ça, c'est du bonbon, à mon
avis.
• (10 h 30) •
Je vais... Vous savez que la loi, hein, ça
fait 30 ans qu'on essaie de la rénover. Je suis retourné dans les rapports,
vous avez peut-être vu le rapport Lemieux, tout
ça, j'ai trouvé un truc intéressant dans un rapport qui avait été commandé par
le ministre de la Justice en 2001 puis qui a été adopté, donc, qui a été rendu
public en 2002. Et...
10 h 30 (version non révisée)
M. Gardner (Daniel) :
…argent, tout ça, c'est du bonbon, à mon avis.
Je vais… Vous savez que la loi, hein, ça
fait 30 ans qu'on essaie de la rénover. Je suis retourné dans les rapports — vous
avez peut-être vu le rapport Lemieux, tout ça — j'ai trouvé un truc
intéressant dans un rapport qui avait été commandé par le ministre de la
Justice en 2001 puis qui a été adopté, donc qui a été rendu public en 2002. Et
c'était un comité, je vous lis la conclusion, c'était : «Comité
consultatif sur la révision du régime d'indemnisation des personnes victimes
d'actes criminels». Donc, les membres du comité disaient qu'ils sont uniques en
leur genre. Pourquoi? Parce que «son caractère spécifique provient du fait qu'il
est principalement composé de personnes victimes ou de proches de personnes
victimes d'actes criminels.» Donc, pas des juristes, mais davantage des
victimes. Et qu'est-ce qu'ils disaient au deuxième paragraphe de leur rapport,
ces gens-là? Je vous lis la petite phrase : «les besoins d'aide,
d'information et de considération surpassent largement, particulièrement dans
les jours qui suivent l'agression, le besoin d'indemnisation.» Ne focalisez pas
juste l'attention sur l'argent, les mesures d'aide, d'accompagnement pour les
victimes d'actes criminels, c'est extrêmement important. Ça, moi, je salue que
le projet de loi, il donne davantage de détails sur ce que doit être, doivent
être ces mesures d'aide là.
Alors, il ne me reste, déjà, plus beaucoup
de temps, donc je voudrais ne pas que lancer des fleurs au projet de loi. Je
voudrais quand même vous indiquer, il y a deux choses, moi, qui me chicote, un
peu, dans le projet de loi 84. La première, ça part d'une bonne intention,
il y a une création de ce qu'on appelle une somme forfaitaire, hein, article 30
de la loi. Somme forfaitaire pour compenser les souffrances, douleurs, pertes
de jouissance de la vie des victimes survivantes. Puis pour compenser,
remplacer les indemnités de décès, là, lorsque la victime de l'acte criminel,
elle décède, pour compenser des proches. Ma critique, bien, elle est simple,
c'est que je ne peux pas commenter, il n'y a absolument rien dans le projet de
loi, ça nous renvoie à des règlements alors qui ne sont évidemment pas adoptés.
Alors, je ne peux pas savoir, est-ce que les normes d'indemnisation vont être
correctes? Est-ce que le barème d'indemnisation de ces souffrances-là va être
un barème moderne qui va tenir compte des atteintes psychiques? Ou, est-ce qu'au
contraire, ça va être un barème très anatomique qui ne va pas tenir compte de
la réalité des victimes d'actes criminels où le préjudice est souvent plus
psychique que physique? Alors, je n'en sais rien. Quels vont être les maximums
d'indemnités? Si c'est pour offrir, comme on l'a fait jusqu'en 2013,
2 000 $ pour les parents d'un enfant décédé d'un acte criminel, aussi
bien ne rien prévoir, là. Ça puis une claque à la figure, c'est la même chose.
Alors, donc, on aurait aimé avoir des détails, désolé, je ne peux pas
commenter. L'idée n'est peut-être pas mauvaise, mais le diable est dans les
détails, puis on va attendre d'avoir les détails là-dessus.
Mon deuxième commentaire, plus
fondamental : l'attachement à l'indemnisation basé sur le revenu, à mon
humble avis, est une erreur. C'est pour ça que les gens et les organismes ont
tellement de mal à distinguer le régime de l'IVAC avec le régime de l'assurance
automobile, le régime des accidents du travail pour les travailleurs. L'État,
je le répète, n'est pas responsable de l'acte criminel. Alors, à partir de là,
moi, je ne trouve pas que ça soit juste et équitable que quelqu'un qui gagnait
plus qu'un autre, au moment où il est victime d'acte criminel, qu'il reçoive
plus d'argent de l'État. Parce que, là, on s'entend, ici, l'argent provient de
l'État. Moi, là, si je suis victime d'un acte criminel, là, on prend mon
salaire, il est toppé à peu près à 80 000 $, on me donne 90 % de
mon revenu net…
M. Gardner (Daniel) : …à
partir de là, moi, je ne trouve pas que ça soit juste et équitable que
quelqu'un qui gagnait plus qu'un autre, au moment où il est victime d'acte
criminel, qu'il reçoive plus d'argent de l'État.
Parce que, là, on s'entend, ici, l'argent
provient de l'État. Moi, là, si je suis victime d'un acte criminel, là, on
prend mon salaire, il est toppé à peu près à 80 000 $, on me donne
90 % de mon revenu net. Le pire, c'est que j'ai des assurances collectives
qui me couvriraient de toute façon les conséquences de mon invalidité. Mais là,
c'est l'État qui prend le relais alors que, je l'ai dit, la majorité des jeunes
sont sans emploi, donc c'est 90 % du salaire minimum, puis on veut
continuer à compenser sur cette base-là de perte du revenu.
Je le répète, ce n'est pas le rôle de
l'État de faire ça. L'État, il doit aider les victimes d'actes criminels à se
reprendre en main, à se remettre sur pied. Il n'est pas là pour compenser la
perte. C'est le criminel. Tant mieux s'il peut être solvable, mais on le sait
comment il ne l'est pas souvent, c'est au criminel à répondre de la perte de
revenu. Et ça, tant qu'on va continuer à fonctionner comme ça, bien, les gens
vont faire le lien avec : Oui, mais les accidentés de la route, ils ont
beaucoup plus. Bien, c'est sûr, vous voulez compenser à partir de la même norme,
90 % du revenu net.
Puis pourtant les exemples, ils existent
au Québec. Deux exemples. Le supplément pour enfant handicapé. Quel bel
exemple, ça. Vous êtes parent d'un enfant handicapé, vous avez le droit à un
montant par mois, mensuel, qui ne tient pas compte du type de handicap de
l'enfant, qui ne tient pas compte du salaire des parents. Solidarité, on veut
aider, on veut reconnaître qu'élever un enfant handicapé, ça coûte plus cher.
L'État donne un montant indépendamment du revenu. Deuxième exemple, du fédéral,
la CPU. La CPU, là, c'était quoi? Qu'on gagnait 1 500 $ par mois ou
3 500 $ par mois, c'est le même montant de 2 000 $ qui a
été versé, pourquoi? Parce que l'idée, ce n'était pas de compenser le revenu
réel, c'était, l'idée, reconnaître solidairement que l'État doit aider les
personnes.
Alors, je m'arrête là. Il y aurait du
chemin à faire là-dessus, sur cette idée de compenser davantage en
reconnaissant une aide qui soit plus égalitaire, équitable que la compensation
sur la perte du revenu. Mais, je le répète, je veux être utile, donc je ferme
mon micro pour l'instant puis je suis tout ouïe pour vos questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Pr Gardner. Nous passons à la période
d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Bonjour, Pr Gardner. Merci de participer aux travaux de la
commission. D'entrée de jeu, relativement au fait que vous dites : Ce
n'est pas la faute de l'État, un acte criminel. Et là vous nous invitez à
dire : Bien, c'est le criminel qui a commis l'infraction, donc c'est lui
qui est responsable. Là, dans le projet de loi, ce que j'ai mis, j'ai mis une
disposition qui fait en sorte que ça va nous inciter à poursuivre… dans le
fond, un coup que l'indemnisation va être donnée, je vais pouvoir aller
récupérer les sommes directement à l'endroit de la personne fautive, puis j'ai
l'intention de l'utiliser. C'était possible de le faire dans le passé par voie
subrogatoire, sauf que ce n'était pas utilisé. Donc, je vais l'utiliser par le
biais de l'article 91. Qu'est-ce que vous en pensez de ça?
M. Gardner (Daniel) : Vous
savez, c'est depuis 87 qu'il n'était plus utilisé, le recours subrogatoire,
tout simplement parce qu'au ministère de la Justice on avait fait des études,
bien, pas des études, une analyse assez courte, puis on perdait plus d'argent à
poursuivre qu'à ramasser l'argent des criminels. Ce qui a changé depuis 1987,
c'est que le criminel type, ce n'est plus le braqueur de…
M. Jolin-Barrette : …pensez de
ça?
M. Gardner (Daniel) : Vous
savez, c'est depuis 87 qu'il n'était plus utilisé, le recours subrogatoire,
tout simplement parce qu'au ministère de la Justice, on avait fait des études…
bien, pas des études, une analyse assez courte, puis on perdait plus d'argent à
poursuivre qu'à ramasser l'argent des criminels. Ce qui a changé depuis 1987,
c'est que le criminel type, ce n'est plus le braqueur de banques comme dans les
années 70. C'est quelqu'un qui, souvent, a un travail, c'est un proche de la
victime, c'est le conjoint, c'est le père. Donc, moi, ça fait longtemps que je
dis qu'on devrait, non pas penser, dans tous les cas, vouloir récupérer
l'argent, mais certainement ne pas se fermer la porte comme on le fait depuis
1987. Puis vous savez, dans tous les régimes intéressants qui existent à
travers le monde, là, en Europe, il y a ces recours subrogatoires qui sont
exercés. Ça ne donne pas… ce n'est pas avec ça que vous allez financer le
régime, on s'entend bien, là, mais que vous récupériez 10 %, 20 % des
sommes investies, ça serait déjà beaucoup. Donc, moi, je suis favorable à ça,
puisque c'est au criminel, effectivement, de payer pour les conséquences de son
acte, évidemment, lorsqu'il en a les moyens.
M. Jolin-Barrette : O.K. Tout
à l'heure, vous avez abordé le fait relativement au montant forfaitaire, que ça
va être par voie réglementaire. Effectivement, ça va être par voie
réglementaire. Pour vous renseigner, j'ai l'intention d'y aller vers les sommes
qui sont similaires au régime de la SAAQ, avec des adaptations bonifiées aussi.
C'est sûr que moi, mon souhait, c'est de déposer le projet de loi puis de
travailler en même temps sur les règlements, parce que je veux faire en sorte
d'élargir le nombre de victimes et surtout le soutien. Donc, c'est sûr qu'on y
va par étapes, mais l'idée est de faire en sorte d'avoir l'assise législative,
justement pour faire en sorte qu'on puisse changer le régime le plus rapidement
possible, au bénéfice des victimes. Donc, c'est pour ça que ça ne se retrouve
pas dans le projet de loi actuellement.
M. Gardner (Daniel) : Juste
un commentaire là-dessus : C'est très bien que vous choisissez… que vous
choisissiez, pardon, le barème d'indemnisation des victimes d'accidents
d'automobile plutôt que celui des accidents du travail. Celui des accidents du
travail, il est beaucoup plus vieillot, il est très anatomique. Il tient moins
compte des conséquences psychiques. Celui de la Loi sur l'assurance automobile
est beaucoup plus moderne, tient plus compte des conséquences psychiques. Ça va
certainement mieux répondre aux besoins des victimes.
C'est quand même… vous ne vendez pas
beaucoup votre projet avec ça, parce que c'est quand même une avancée majeure,
là. Ça n'existait pas dans le régime actuel, là, d'indemniser les souffrances,
douleurs, pertes de jouissance de la vie, là. Alors, c'est quand même une
avancée majeure, puis si vous allez chercher ce qui se fait dans la Loi sur
l'assurance automobile, c'est beaucoup d'argent, là, qui est en jeu ici.
M. Jolin-Barrette :
Effectivement, puis on a rajouté 200 millions aussi pour les cinq
prochaines années, pour mettre à niveau le régime. Puis vous le disiez aussi,
c'est le régime déjà le plus généreux au Canada, par rapport aux autres
provinces canadiennes. Et on a eu quelques critiques, là, sur la question des
rentes viagères, l'abolition des rentes viagères. Vous, vous dites :
Écoutez, là, ça n'a plus sa place, les rentes viagères, dans un régime
d'indemnisation comme celui-ci, là.
M. Gardner (Daniel) : Quand
on comprend d'où c'est venu, puis on comprend pourquoi c'est le seul régime,
bien, celui des victimes d'actes de civisme également, là, c'est le même régime
qui s'applique, mais… C'est pourquoi… c'est le seul régime que je connaisse,
moi, même, non pas seulement au Québec, mais au Canada, où on indemnise, on
compense une perte de revenu sur une base viagère. Puisque, évidemment, les
victimes ne travaillent pas…
M. Gardner (Daniel) : …c'est
le seul régime, bien, celui des victimes d'acte de civisme également, là, c'est
le même régime qui s'applique, mais c'est pourquoi… C'est le seul régime que je
connaisse, moi, même… non pas seulement au Québec, mais au Canada, où on
indemnise, on compense une perte de revenu sur une base viagère
puisqu'évidemment, les victimes ne travaillent pas, pour l'immense majorité,
heureusement, d'ailleurs, jusqu'à la veille de leur décès.
• (10 h 40) •
Donc, l'idée, c'est de trouver une façon
de compenser jusqu'à une date prévisible de la retraite pour… c'est ce que font
les régimes d'accidents d'automobiles, d'accidents du travail, c'est ce que
font les tribunaux ordinaires, hein? Vous êtes victime d'un accident de ski, on
ne va pas vous donner votre perte de salaire jusqu'à la fin de vos jours. On va
essayer de déterminer une date de retraite quelque part entre 60, 65 ans.
Puis pour la suite, d'avoir un équivalent de ce qui existe déjà pour ces
victimes-là avec le supplément du revenu garanti… Je vous signale en partie que
vous travaillez pour le fédéral, là, présentement, parce que c'est le fédéral
qui devrait payer le supplément du revenu garanti, alors que là, c'est le
Québec qui paie ces rentes viagères là aux victimes d'actes criminels.
Alors, en logique, en logique
mathématique, moi, je ne vois pas comment on peut soutenir qu'il faille
compenser la perte de revenu jusqu'au moment du décès. On peut être en
désaccord sur le fait qu'on ne compense pas assez, ça, je veux bien, mais
jusqu'au moment du décès, là, c'est là qu'il y a, à mon avis, qu'il y a un
problème. Donc, c'est bien que vous vous attaquiez à la règle. Vous savez que
ça fait longtemps, hein? Tous les projets depuis 30 ans, c'est la question
qui est toujours posée parce que c'est ce qui coûte le plus cher à l'État et
c'est ce qui va coûter, de plus en plus, le plus cher à l'État, parce que là,
toutes les rentes continuent à s'accumuler depuis 50 ans. Alors,
évidemment, le nombre de victimes indemnisées augmente chaque année.
M. Jolin-Barrette : Sur… on a
eu une certaine critique, depuis le début des consultations, relativement au
fait qu'on vient restreindre la rente temporaire, donc, en cas d'incapacité.
Donc, maintenant, pour une victime qui subit l'infraction, il y a une
possibilité de trois ans plus deux ans. Donc, maintenant, on vient la
limiter à l'intérieur de cinq ans. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Oh! je
ne vous entends pas.
Le Président (M.
Bachand) : M. Gardner, votre micro.
M. Gardner (Daniel) : J'ai
oublié mon micro, c'est la première fois. Quand même pas pire, hein, après
quatre fois? On le fait tous, hein, vous le savez.
Alors… et là, j'en ai perdu mon idée. Oui,
ce que je voulais vous dire, c'est que dans un monde idéal, l'État, il
compenserait adéquatement toutes les victimes d'un coup du sort. Or, ce n'est
pas le cas à l'heure actuelle. Moi, quand j'entends dire que ce serait la
justice sociale que les victimes d'actes criminels soient compensées comme les
victimes de la route, bien, j'ai envie de dire : Oui, mais tant qu'à ça,
si on veut aller jusqu'au bout dans la justice sociale, toutes les victimes
d'un coup du sort devraient être indemnisées comme les victimes de la route.
Alors, j'ai un handicap de naissance, moi,
je suis une personne handicapée qui ne peut pas travailler, ce n'est pas ma
faute à moi. Ce n'est pas la faute de l'État non plus, mais pourquoi l'État ne
me compenserait pas, moi? Handicap dû à un acte criminel ou handicap dû à la
naissance, moi, je ne vois pas la logique en termes de justice sociale qui
fasse que je ne… pas compensé. Je suis un enfant, moi, qui n'a pas eu accès au
système scolaire parce que mes enfants étaient trop... mes parents étaient trop
fous pour m'envoyer à l'école ou parce qu'ils faisaient partie d'une secte.
Donc, je n'ai pas accès à un bon revenu. Bien, la justice sociale demanderait
que l'État me compense.
Comprenez-vous où je veux en venir? C'est
qu'à un moment donné il y a une capacité de payer de l'État. Ce n'est pas moi
qui vais la déterminer. C'est à vous, les politiciens…
M. Gardner (Daniel) : ...je
suis un enfant, moi, qui n'a pas eu accès au système scolaire parce que mes
enfants étaient trop... mes parents étaient trop fous pour m'envoyer à l'école
ou parce qu'ils faisaient partie d'une secte. Donc, je n'ai pas accès à un bon
revenu. Bien, la justice sociale demanderait que l'État me compense.
Comprenez-vous où je veux en venir? C'est qu'à
un moment donné il y a une capacité de payer de l'État. Ce n'est pas moi qui
vais la déterminer. C'est à vous, les politiciens, de la déterminer. Il y a une
capacité de payer de l'État, puis il faut s'assurer que le programme
Indemnisation des victimes d'actes criminels soit équitable non seulement entre
les diverses victimes d'actes criminels... puis là c'est là que je vous ai dit
que l'indemnisation basée sur la perte de revenus, à mon avis, n'est pas
équitable entre victimes d'actes criminels... mais il faut aussi qu'elle soit
équitable à l'égard des autres victimes de coups du sort au Québec.
Je ne sais pas si l'Office des personnes
handicapées intervient dans le cadre de ce projet de loi là, mais eux, ils vont
certainement vous dire que c'est très bien d'indemniser les victimes d'actes
criminels, mais il y en a d'autres, des victimes laissées pour compte, qui
n'ont pas le droit à aucune indemnité pour remplacement du revenu. Alors, il
faut faire attention puis jauger de tout ça pour éviter qu'à un moment donné
vous donniez tellement à un que les autres puissent dire : Oui, mais là en
comparaison, ça n'a plus de sens.
M. Jolin-Barrette : Bien,
vous nous invitez à avoir un certain équilibre.
M. Gardner, je vous remercie et je vais
céder la parole à des collègues qui ont des questions. Donc, un grand merci
pour votre présence en commission parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de
Chapleau, vous avez la parole.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Pr Gardner, merci de votre
témoignage. Peut-être une petite question, là, que j'aimerais aborder avec
vous, notamment en lien avec toute la question, là, de la reconnaissance des
crimes hors Québec, donc un volet, là, dans le projet de loi. Vous ne l'avez
pas nécessairement abordé. Peut-être que vous avez une opinion sur cette
question-là. Qu'est-ce que vous en pensez, de cet ajout-là?
M. Gardner (Daniel) : On a,
je l'ai dit, le meilleur régime en Amérique du Nord à l'heure actuelle. On a un
des meilleurs régimes au monde, puis on est en train de rejoindre, avec ça, les
meilleurs régimes au monde sur cet aspect-là. Le régime français, qui est un
régime extrêmement généreux... Parce que, lui, il est financé pour les victimes
de terrorisme. C'est pour ça qu'on accepte tant de le financer. Bien, le régime
français, il couvre le Français partout dans le monde, peu importe où le crime
a été commis.
M. Lévesque (Chapleau) : ...
M. Gardner (Daniel) : Donc,
c'est un ajout, et je pense que les paramètres qui ont été mis dans le projet
de loi, là, de s'assurer que la personne soit une résidente permanente, et non
pas un touriste ou quelqu'un qui était peu à passer longtemps chez nous, je
pense que ça garantit... Ça va augmenter les coûts du régime, mais...
Mettez-vous à la place, là... Il y avait, chaque année, quelques dizaines de
demandes qui étaient rejetées parce que les gens, ils ne font pas la
différence, eux. J'ai été victime d'un crime, donc, que j'aie été victime d'un
crime en Floride, parce que je suis «snowbird», ou au Québec, j'ai été victime
d'un crime. Alors, à partir du moment où c'est un citoyen québécois, je trouve
normal de le couvrir.
M. Lévesque (Chapleau) : Ah!
O.K. Puis là vous m'avez ouvert une porte, là. Vous avez fait du droit comparé.
J'ai vu que vous avez étudié certains autres régimes. Est-ce qu'il y a certains
éléments qui seraient intéressants à regarder dans d'autres régimes que vous
aimeriez... dont vous aimeriez nous faire part... les Français ou d'autres à
travers le monde?
M. Gardner (Daniel) : C'est
ça. Bien, le régime néo-zélandais, qui est un un modèle du genre, beaucoup
d'aide à la... de réparation en nature, beaucoup de mesures de réadaptation,
d'écoute, d'assistance. Puis ça, là, les victimes le disent, là : Quand on
s'occupe de moi dès le début, puis qu'on ne me lâche pas, puis qu'on m'assiste,
puis qu'il y a des choses qui me sont payées...
M. Gardner (Daniel) : ...c'est
ça, bien, le régime néo-Zélandais qui est un modèle du genre, beaucoup d'aide à
la... de réparation en nature, beaucoup de mesures de réadaptation, d'écoute,
d'assistance. Puis ça, là, les victimes le disent, là : Quand on s'occupe
de moi dès le début puis qu'on ne me lâche pas, puis qu'on m'assiste, puis
qu'il y a des choses qui me sont payées, tu sais, que je m'en vais à la
pharmacie puis que je n'ai pas à payer pour mes médicaments, puis que je m'en
vais chez le physio puis que c'est déjà prépayé, c'est tellement vu, ça, comme
étant quelque chose de positif. Alors, le régime néo-Zélandais, c'est un
leader, là-dessus, mondial. Ils sont très forts. Maintenant, il faut
faire attention avec les comparaisons parce que ça dépend toujours. Le régime français
est réputé très, très généreux, oui, mais attention. Le régime français, il ne
compense pas les petits actes criminels. Si vous n'avez pas une incapacité d'au
moins un mois, vous n'êtes pas indemnisé. Si vous avez commis la moindre faute,
la moindre conduite déraisonnable, vous êtes Français, on coupe votre
indemnité. Chez nous, là, c'est seulement des cas très, très rares, la faute
lourde, là.
Donc, tu sais, il faut toujours faire
attention à ne pas comparer juste l'argent avec l'argent. Il faut tenir compte
aussi, je l'ai mentionné d'entrée de jeu, le régime français, c'est un régime
qui... pourquoi il continue à être financé de cette manière-là? C'est parce que
la population n'accepterait pas que les victimes d'actes de terrorisme ne
soient pas indemnisées. Ce n'est pas tant les victimes d'infractions
ordinaires, c'est les victimes d'actes terroristes qui font que le régime...
Vous savez que chaque Français pour chaque contrat d'assurance qu'il a sur son
auto, sa maison, sa maison de campagne, son bateau paie une taxe de 5,70 €
par année.
17851 M. Lévesque (Chapleau) : Pour
le terrorisme.
M. Gardner (Daniel) : Pour financer
le terrorisme.
17851 M. Lévesque (Chapleau) :
Pas financer le terrorisme, mais du moins assurer un acte...
M. Gardner (Daniel) : Oui,
pas favoriser les terroristes, voilà...
17851 M. Lévesque (Chapleau) :
Oui, c'est ça.
M. Gardner (Daniel) : ...mais
pour indemniser les victimes de terrorisme parce qu'évidemment ça coûte très
cher. Alors, essayer de mettre ça en place ici, au Québec, je ne suis pas
certain que ça fonctionnerait.
M. Lévesque (Chapleau) : Je
comprends. Puis l'équilibre dont vous avez fait mention en lien avec la Nouvelle-Zélande,
est-ce que c'est... il s'éloigne un peu de sommes forfaitaires pour payer davantage
de services professionnels? Donc, c'est 50-50 ou est-ce qu'il y a des rentes
là-bas? Comment ça se passe?
M. Gardner (Daniel) : Oui, il
y a des rentes, mais ce n'est pas 90 % du revenu, c'est 80 % du
revenu. Vous voyez, déjà, il y a une différence. Eux, ils indemnisent tous les
accidents, peu importe le type d'accident, accident de ski à la maison, acte
criminel d'automobile du travail, c'est un régime complet de «no-fault». Donc
là, bien, ils ont été obligés de réduire en partie les indemnités...
M. Lévesque (Chapleau) : Les
montants.
M. Gardner (Daniel) : C'est
ça, les montants, notamment pour les souffrances, douleurs, pertes de
jouissance de la vie. C'est à peu près deux fois et demie moins élevé que ce
qu'on donne au Québec à nos victimes de la route. Donc, tu sais, il y a plus
de... eux, ils considèrent qu'il y a plus de justice sociale, c'est plus
réparti, les montants. Nous, on est à côté des États-Unis, on est à côté des
provinces anglo-saxonnes, on est habitués aux montants plus élevés. Donc, il
faut faire attention pour ne pas avoir un régime qui est trop bas et qui, là...
où les victimes diraient : Bien, nous, on ne veut pas de ce régime-là, on
préfère aller devant les tribunaux.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.,
je comprends. Vous avez parlé également, là, d'entrée de jeu, en lien avec les
infractions, l'ajout... c'est un des points positifs que vous nous avez
mentionné, l'ajout de nombreuses infractions, parce que, bon, il y avait une
liste qui était assez restrictive auparavant, d'infractions admissibles. Et là,
vous me dites, bon, dans certains pays, il y en a plusieurs qui sont... presque
tout peut être admissible. Est-ce qu'il y aurait certaines infractions,
certains actes ou gestes, parce qu'hier il y avait certains groupes qui nous
disaient, là, le harcèlement en milieu de travail, le harcèlement sexuel...
M. Lévesque (Chapleau) :
...parce, bon, il y avait une liste qui était assez restrictive auparavant
d'infractions admissibles. Et là, vous me dites, bon, dans certains pays, il y
en a plusieurs qui sont... presque tout peut être admissible.
Est-ce qu'il y aurait certaines
infractions, certains actes ou gestes... Parce que... hier, il y avait certains
groupes qui nous disaient, là, le harcèlement en milieu de travail, le
harcèlement sexuel, qui ne sont pas nécessairement des infractions criminelles,
mais qui pourraient être ajoutés dans la liste d'actes. Est-ce que c'est des
éléments qui vous semblent intéressants à analyser? Et est-ce qu'il y aurait
d'autres points que vous ajouteriez?
M. Gardner (Daniel) : Déjà,
le régime, même à l'heure actuelle, il visait la plupart des... la grande majorité
des actes criminels qui entraînent un préjudice corporel, une atteinte à
l'intégrité physique et psychique. L'exception de base, puis je suis d'accord là-dessus,
le harcèlement sexuel, qui n'est pas pas un acte criminel en soi. Donc, que le
harcèlement sexuel puisse être dorénavant visé, ce serait une bonne chose.
Le harcèlement psychologique au travail, il
faut faire attention, il y a un régime d'indemnisation déjà pour ça. Si vous
êtes victime de harcèlement psychologique au travail puis que vous êtes en
arrêt de travail, c'est la CNESST qui va vous compenser. Alors, moi, je
verrais... Ce serait normal. C'est l'employeur qui a toléré le milieu de
travail toxique, ça fait que c'est à l'employeur à payer avec ses cotisations
pour les victimes du harcèlement. Moi, je ne verrais pas que l'État doive
prendre le relais là-dessus.
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait. Merci. Moi, ça compléterait. Je crois que la collègue de Les Plaines, M.
le Président, aurait des questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée, il reste deux minutes pour
questions et réponses.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Deux minutes. Merci beaucoup, M. le Président. Professeur Gardner, bien
enchantée de pouvoir vous parler. Merci de vos clarifications, vos prises de
position et vos commentaires sur le projet de loi.
Rapidement, parce que j'ai peu de temps,
évidemment, l'abolition de la liste des infractions visées ouvre la
porte — et c'est bien, c'était une des voies que nous
voulions — aux victimes d'exploitation sexuelle des mineurs, en
l'occurrence. Est-ce que, justement, cet apport-là, j'imagine que vous la
trouvez importante, intéressante. Mais est-ce que, dans le reste du projet de
loi, on répond suffisamment à ce type de victimes là?
• (10 h 50) •
M. Gardner (Daniel) :
Moi, j'en suis à me demander s'il ne devrait pas y avoir un sous-régime pour
les victimes de violence sexuelle et conjugale, parce que c'est tellement des
victimes à part par rapport aux victimes de voie de fait puis de d'autres
crimes. Ils ont tellement des besoins particuliers. Moi, en tout cas,
j'aurais... je réfléchirais en termes d'une section particulière dans la loi
pour reconnaître leurs particularismes puis le besoin qu'ils ont, notamment, là,
pour l'aide, l'écoute, tout ça. Il y a déjà des choses intéressantes, là,
l'article 6 sur l'accompagnement dans le processus criminel, tout ça, il y
a des choses intéressantes là-dedans.
Mais je... C'est tellement ça qui amène...
D'ailleurs, vous allez voir les groupes d'intervention, ce n'est pas les
victimes de voie de fait qui interviennent, là, c'est des victimes de
préjudices d'ordre sexuel, de violence conjugale à la maison. C'est sur eux
autres qu'il faut focaliser notre attention. C'est elles qui ont parfois
l'impression qu'elles ne sont pas correctement entendues, bien indemnisées,
même si les choses, là, s'améliorent. La division de la CNESST, là, tu sais,
ils font mieux qu'ils le faisaient avant.
Mais donc c'est ça. Oui, les reconnaître,
ça, tout à fait d'accord, l'exploitation sexuelle, notamment. Mais c'est ça,
là, il faudrait réfléchir à un régime dans le régime, finalement...
M. Gardner (Daniel) : …qui ont
parfois l'impression qu'ils ne sont pas correctement entendus, bien indemnisés,
même si les choses s'améliorent, la division de la CNESST, là, ils font mieux
qu'ils le faisaient avant. Mais donc, c'est ça, oui, les reconnaître, je suis tout
à fait d'accord, l'exploitation sexuelle notamment. Mais c'est ça, là, il
faudrait réfléchir à un régime dans le régime parce que c'est des victimes à
part.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Donc, une sous-section qu'on traiterait notamment de ça, là, leurs besoins
particuliers, même si on parle de programme d'urgence dans le projet de loi,
mais leurs besoins particuliers à ce type de violence là. Et est-ce qu'au
niveau… j'imagine que mon temps est terminé. Écoutez, merci beaucoup, M.
Gardner de vos éclaircissements.
M. Gardner (Daniel) : Désolé
d'avoir été trop long.
Le Président (M. Bachand) :
Merci. Il n'y a pas de souci, on est parfait sur le temps. Alors, M. le député
de LaFontaine, vous avez la parole, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Bienvenue. Merci, M. Gardner, d'être avec nous. Et
j'aimerais vous donner le temps justement d'expliciter l'idée que vous étiez en
train d'avancer sur le régime particulier pour violence conjugale, violence
sexuelle, régime particulier parce qu'il y a des besoins particuliers en termes
de consultation, d'aide psychologique et aussi, j'imagine, régime particulier en
termes d'urgence de la situation, d'aide d'urgence. Je ne sais pas si vous
pouvez étayer puis est-ce qu'il y a des pans que je n'ai pas mentionnés aussi,
là?
M. Gardner (Daniel) : Bien,
déjà là, d'enlever le délai de prescription applicable pour ces victimes-là,
bien, ça va faire que, dès qu'ils se présentent, tout de suite, on les prend en
charge. Il n'y a plus de question de commencer à faire l'analyse du dossier
pour voir, est-ce que ça fait moins de deux ans que la victime a été victime de
ces violences-là? Donc, déjà là, l'écoute immédiate, déjà, ça va faire un bien
énorme que ces victimes-là soient reçues, puis qu'ils n'aient pas à rien
démontrer pour prouver qu'elles ont bien été victimes… au départ, on vous
écoute. Puis qu'il y ait de l'argent qui puisse être déposé… dépensé, non pas
en indemnité immédiate, mais, au moins, en soins immédiats, en écoute
immédiate. Tu sais, on ne sait pas encore c'est quoi, ton niveau de préjudice
psychique, mais soins, suivi psychologique immédiatement, oui. Puis les
victimes c'est ça qu'ils attendent. C'est ça qui fait le succès de notre régime
d'assurance automobile, c'est pour ça que les gens ne veulent pas retourner à
l'époque des procès, c'est parce qu'ils sont pris en charge immédiatement.
Ça fait que tout ce qui fait que, tout de
suite, ils seraient mis sur un «fast track» puis que, tout de suite, on les
prend en charge, moi, je verrais fort bien une sous-division au niveau de la
CNESST. Ils le font d'ailleurs peut-être déjà, ils ont peut-être des agents
d'indem qui sont spécialisés pour les victimes d'infraction d'ordre sexuel puis
qui sont plus aptes à entendre puis à leur apporter de l'aide immédiatement. De
l'officialiser, je pense que ce serait de montrer que ce n'est pas des victimes
comme les autres. Vous savez, là, c'est ça, être victime de violence conjugale
ou sexuelle, tu sais, tu es doublement perdant, parce que, premièrement, tu le
sais que la personne, l'auteur l'a fait intentionnellement, puis deuxièmement,
c'est quelqu'un que tu connais en plus. Alors, c'est la pire des situations. Il
faut leur reconnaître des droits particuliers aussi.
M. Tanguay
: Et, dans
bien des cas aussi, ça vous, par définition, ça vous impose le fait de
déménager, de quitter, de sortir de cette relation toxique là versus un acte
criminel, dont vous êtes victime, commis par un tiers…
M. Gardner (Daniel) : ...situation.
Il faut leur reconnaître des droits particuliers ici.
M. Tanguay
: Et, dans
bien des cas aussi, ça vous... par définition, ça vous impose le fait de
déménager, de quitter, de sortir de cette relation toxique là versus un acte
criminel dont vous êtes victime commis par un tiers que vous ne reverrez plus
jamais et là, il y a toute une vie à récupérer, à reprendre. Ça, ça veut dire,
on en parlait avec des intervenantes, au niveau du logement, réinsertion et
ainsi de suite. Alors, ce n'est pas la petite affaire, là, c'est reprendre en
main sa vie puis de, à quelque part, de repartir à zéro, jusqu'à un certain
point.
Et d'ailleurs, socialement, mais vous nous
invitez à réfléchir pour faire un pas encore plus loin. Entre autres, au DPCP,
on salue fait qu'il y a des procureurs qui sont spécialisés dans les dossiers justement
de violence à caractère sexuel, bien il y a peut-être là, une approche
différenciée qui mériterait d'être complétée.
Vous avez abordé, puis je voulais en
parler avec le peu de temps qu'on a, l'article 16, la prescription. Hier, on a
entendu les juristes progressistes, qui disaient, à l'article 16 du projet de
loi... pardon, l'article 20, la prescription, il y a différents aspects puis
c'est bon, parce que vous participez de la réflexion sur la philosophie
derrière les lois, là. Prescription, c'est essentiellement trois choses :
stabilité des patrimoines, relations juridiques, le dépérissement de la preuve
puis sanctionner la négligence des créanciers. Est-ce que, dans une telle loi,
la prescription pourrait être, selon vous, selon votre réflexion, complètement
mise de côté, que ce soit imprescriptible?
M. Gardner (Daniel) : Pour
tous les actes criminels, ce serait une nouveauté mondiale. Je ne connais aucun
régime ni de droit civil ni de Common Law qui a rendu imprescriptibles toutes
les infractions criminelles. Ça rendrait, à mon avis, des attentes démesurées
chez les victimes, parce qu'il faut quand même que la victime fasse une preuve
minimale qu'elle a été victime d'un acte criminel il y a 20, 30, 40 ans.
Ça va... je vais employer un mot qui
semble terrible, ça va relativement bien pour les victimes de violence
sexuelle, parce que ça parait, on est capables d'avoir objectivement un rapport
psychiatrique qui démontre comment elles ont été atteintes. Les victimes de
voies de faits à la sortie d'un bar il y a 20 ans, pas certain que... et ça va
créer des attentes peut-être démesurées, parce que... en tout cas, à moins que
vous vouliez ouvrir une porte qui vous couterait extrêmement cher, il ne
faudrait pas, à ce moment-là, que l'aide soit rétroactive. On ne pourrait pas
dire : L'indemnité de remplacement du revenu ou toute autre indemnité que
vous allez déterminer : Ah! bien l'acte s'est produit il y a 20 ans. Bien
voilà, on retourne 20 ans en arrière puis on vous verse l'indemnité.
Alors, si on n'agit qu'à partir du moment
où la personne dépose sa demande, ce qui serait, en toute logique, ce qui
devrait être fait, bien là, pour certaines victimes, ils vont considérer que
malgré tout, même si vous avez voulu tellement les aider, ils vont se
considérer : Oui, mais vous n'avez pas reconnu que depuis 20 ans je vis
ça, moi. Alors…
M. Tanguay
: O.K. Je
trouve ça intéressant, donc la non… si, d'aventure, on allait vers
l'imprescriptibilité comme solution de repli, parce qu'évidemment ils ont de la
suite dans les idées. L'Association des juristes progressistes allait chercher
le début...
M. Gardner (Daniel) : …les
aider, ils vont se considérer : Oui, mais vous n'avez pas reconnu que
depuis 20 ans je vis ça, moi. Alors…
M. Tanguay
: O.K. Je
trouve ça intéressant, donc la non… si, d'aventure, on allait vers
l'imprescriptibilité comme solution de repli, parce qu'évidemment ils ont de la
suite dans les idées. L'Association des juristes progressistes allait chercher
le début de 2926.1, le fameux article sur la prescription : «L'acte en
réparation d'un préjudice corporel résultant d'un acte pouvant constituer une
infraction criminelle se prescrit par 10 ans.» Donc, s'il n'y a pas la majeure
imprescriptibilité, seriez-vous plus ouvert avec la prescription «préjudice
corporel», «infraction criminelle» de 10 ans?
M. Gardner (Daniel) : Il y a
une logique de base, à mon avis, qui fasse que l'État — et c'est ça
qui ne marchait pas dans le régime actuel — l'État ne pouvait pas se
cacher derrière un délai plus court pour demander une indemnité que ne le fait
un responsable devant les tribunaux ordinaires. Alors, déjà, d'égaliser, c'est
le minimum qu'on devait faire. Si on va plus loin, et je… donc, dans ma
logique, il serait plus acceptable que ça soit l'État qui assume le… comment
dire, le coût de ça, hein, le fait que ça soit imprévisible, le nombre de
demandes, que les particuliers, que les héritiers des particuliers ayant commis
un acte criminel, parce qu'un jour ça va bien arriver ça. Avec
l'imprescriptibilité en droit commun, bien, ce n'est pas tant le criminel qui
va en répondre que ses héritiers qui vont l'apprendre, après son décès
d'ailleurs. Alors donc, l'État, lui, il est capable, parce que ce n'est
pas… ce n'est pas vous qui répondez personnellement, c'est l'État. Donc, je ne
jetterai pas de hauts cris si on portait la règle à 10 ans. Dans mon ouvrage
sur le préjudice corporel, je propose d'ailleurs que… le droit français, c'est
10 ans pour tous les cas de préjudices corporels, devant les tribunaux
ordinaires. Puis c'est ce que je propose, moi, dans mon livre, pour tous les
types d'accidents.
M. Tanguay
: Ah! C'est
bon, et…
M. Gardner (Daniel) : Je ne
peux pas aller à l'encontre de ce que j'écris, n'est-ce pas?
M. Tanguay
: Et en
plus, la nature du projet de loi no° 84 et l'analogie, ou l'extension que l'on
pourrait faire est quasi parfaite, parce qu'on parle de préjudice corporel pour
un acte pouvant constituer une infraction criminelle. Alors, là,
philosophiquement, là, on est en lien pas mal là-dessus.
Autre élément… le temps nous bouscule, 20
dit : «l'impossibilité d'agir», les juristes progressistes nous
proposeraient : «pour motif valable». Donc, l'incapacité d'avoir soulevé
ça. Quel est votre positionnement sur cela?
• (11 heures) •
M. Gardner (Daniel) : Oui. Je
suis contre, ils ne m'aimeront pas quand je vais dire ça. Toute règle de droit
aussi imprécise que la notion de l'impossibilité d'agir, elle le devient encore
plus quand on multiplie les termes employés. Alors, retournez dans la Loi sur
l'assurance automobile, ça fait trois fois qu'on change d'idée. Ça a commencé
par être des circonstances exceptionnelles, des circonstances particulières, de
l'impossibilité, en fait, d'agir. Puis à chaque fois, bien, ça crée des termes
que les tribunaux doivent interpréter, puis en se disant : Le législateur
n'écrivant pas pour ne rien dire, qu'est-ce qui voulait dire, en ne parlant pas
d'impossibilité, en fait, d'agir? Puis là, bien, on se lance dans l'incertitude
juridique et ça, ça prend du temps avant que ça soit réglé, puis je ne suis pas
sûr qu'on rend tant service. Moi, je trouve que la règle qui dit, là,
impossibilité, en fait, d'agir, mais le délai court à partir de la connaissance
du lien que vous faites avec l'infraction criminelle. Dans la…
11 h (version non révisée)
M. Gardner (Daniel) : …en ne
parlant pas d'«impossibilité, en fait, d'agir.» Puis, là, bien, on lance… on se
lance dans l'incertitude juridique et, ça, ça prend, ça prend du temps avant
que ça soit réglé, puis je ne suis pas sûr qu'on rend tant service.
Moi, je trouve que la règle qui dit,
là : impossibilité, en fait, d'agir. Oui, mais, le délai coure à partir de
la connaissance du lien que vous faites avec l'infraction criminelle. Bon, dans
la majorité des cas, on n'a même plus besoin de cette règle d'«impossibilité, en
fait, d'agir». C'est : Je n'ai pas pu faire le lien immédiatement entre
les agressions sexuelles que j'ai subies et le fait que, maintenant, je ne sois
pas fonctionnel dans la société. Bien, c'est venu quand j'ai consulté un psy,
cinq ans après les… l'infraction. Bien, c'est là que le délai commence à
courir. Donc, je n'ai pas besoin d'«impossibilité, en fait, d'agir», là, à ce
moment-là, là. Tout est sur le point de départ.
M. Tanguay
: Merci.
Merci beaucoup. Deux questions rapides. L'article 16, qui commence
par : «Aucune personne victime n'a droit à une aide financière en vertu du
présent titre si :» Et là on défile sur une page et demie les exceptions.
Donc, c'est-à-dire les éléments où on ne pourra pas avoir d'aide financière. On
nous a dit : Cet article-là est difficile de compréhension, touffu.
Comment va-t-il être interprété? Vous, quelle est votre lecture de
l'article 16 sur sa rédaction globale, là, son économie? Trouvez-vous que
ça tient la route tel que rédigé?
M. Gardner (Daniel) : O.K.
alors, là, je vais faire semblant que je m'en souviens bien, du texte de
l'article 16. Mais, ce que je veux vous dire, c'est qu'il faut… et, ce
n'est pas le cas. Alors, ce qu'il faut faire, c'est, absolument, qu'il y ait
des alinéas particuliers pour bien définir quand est-ce que le régime passe
avant et quand est-ce que qu'il passe après. Puis, il y a des choses
fondamentales. Il faut qu'on envoie les victimes d'accident… d'actes criminels
au travail. Il faut qu'on les envoie à la CNESST, division accidents du
travail. Il faut qu'on envoie les victimes, victimes de ce qu'on appelle les
criminels de la route, à la Société de l'assurance automobile. Il doit y a voir
une règle de premier payeur, là, qui s'applique, là. Le régime le plus
particulier, il doit répondre.
Le régime que… dont on est en train de
discuter, le projet de loi 84, c'est un régime de solidarité qui doit être
là en repli. Ça pourrait même aller, à mon avis, jusqu'à empêcher les assureurs
privés de mettre la clause usuelle qu'ils ont dans leur contrat d'assurance.
Qu'ils disent : Tu as une assurance invalidité, tu nous payes une prime de
tant par année. Oui, mais si tu touches une indemnisation de l'IVAC, nous
autres, on arrête de te payer.
M. Tanguay
: Oui, on le
voit, dans le domaine des assurances, ça se fait déjà, là, la…
M. Gardner (Daniel) : Ça
s'explique pour les accidents d'automobile, parce que c'est un régime
d'assurances, l'assurance automobile. Mais, ça ne s'explique pas pour la…
l'IVAC, parce que l'assureur au Québec, là, il plus d'argent que l'assureur
ontarien là-dessus, là.
M. Tanguay
: Dernière
question, M. Gardner, puis je vous remercie, parce que je n'aurai pas le
temps de le faire. Somme forfaitaire, des normes d'indemnisation, des barèmes.
Avez-vous un exemple, à l'étranger ou ailleurs, dans une autre province, où il
y avait de telles normes d'indemnisation, des barèmes objectifs?
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, professeur Gardner, parce que le
temps est écoulé
M. Gardner (Daniel) : Bon,
pas rien qui va pouvoir vous intéressez.
M. Tanguay
: O.K.,
c'est clair. Merci, M. Gardner, professeur.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, je cède maintenant la parole à la députée de
Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, M. Gardner, vous nous amenez sur plein de pistes
intéressantes, notamment, en comparant avec d'autres régimes, ailleurs dans le
monde, puis j'ai beaucoup apprécié vos propos, aussi, sur la question de…
(visioconférence)
M. Tanguay
:
...merci, M. Gardner, professeur.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Je cède maintenant la parole à la
députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, M. Gardner. Vous nous amenez sur plein de pistes
intéressantes, notamment en comparant avec d'autres régimes ailleurs dans le
monde, puis j'ai beaucoup apprécié vos propos aussi sur la question de
l'accompagnement spécifique, là, qui est nécessaire pour les crimes d'agression
sexuelle et conjugale. C'est sûr que le projet de loi a été rédigé avant le
dépôt du rapport, mais, maintenant qu'il est déposé, j'espère bien qu'on va
pouvoir s'en inspirer pour améliorer le projet de loi, puis vous nous avez déjà
donné des pistes.
Je pense que vous avez parlé de la
question de donner plutôt un montant qui serait égal pour tout le monde, qui ne
serait pas basé sur le revenu parce que c'est une prestation de solidarité.
Est-ce que, sur cette question-là spécifiquement, vous avez des exemples desquels
on devrait s'inspirer?
M. Gardner (Daniel) :
Bien, je vous l'ai dit, du supplément pour enfant handicapé.
Mme Labrie : Bien, de
régimes similaires ailleurs dans le monde.
M. Gardner (Daniel) :
Non, pour deux raisons, premièrement, parce qu'au Québec, on ne s'en rend pas
compte, mais on a beaucoup de régimes d'indemnisation particuliers, beaucoup
plus que dans la moyenne des pays ailleurs dans le monde, puis ça, c'est la
première raison, donc il n'y a pas beaucoup d'exemples au départ. Puis, la
deuxième raison, c'est que, quand on en crée un, on a tendance à toujours
vouloir aller chercher un modèle qui existe déjà, puis c'est ça qu'on a fait,
nous, par l'IVAC en 1972. Alors donc, on n'a pas tendance à penser en dehors de
la boîte parce qu'on dit : Ah! bien, il existe déjà un régime, on va
prendre déjà ce régime-là.
Là où est-ce que j'ai essayé de vous
amener, c'est de dire : Oui, mais, s'il n'y a pas de financement au bout
du compte, à un moment donné la capacité de payer de l'État n'est pas infinie,
là. Tu sais, il y a 20 ans, le régime, il coûtait 47 millions. Voilà
10 ans, il en coûtait 92, puis là il est rendu au-dessus de
150 millions par année. Bien, à un moment donné, il va falloir faire des
choix, puis, moi, je voudrais que, ces choix-là, ils soient équitables. Je ne
voudrais pas à en arriver à un jour où on dise : Le régime coûte trop
cher, il faut l'abolir, il y a quelque chose de significatif comme économie
qu'on peut faire là. Non, j'aimerais mieux un régime qui soit vendable aux Québécois
en disant : Trouvez-vous que c'est logique, équitable qu'on aide, mais
qu'on n'aide pas nécessairement les plus riches par rapport aux plus pauvres?
Puis, la PCU, là-dessus, là, vous ne
trouvez pas qu'elle nous a aidés? Moi, je n'ai pas entendu parler des gens qui
disaient : C'est écoeurant, il gagnait juste 1 500 $, puis là on
lui donne 2 000 $. Bien oui, il y a une forme de solidarité
là-dedans. L'important, c'est que ça ne soit pas à vie, c'est temporaire, qu'il
y ait une forme d'égalisation dans le malheur. Je le répète, si je suis victime
d'un acte criminel, moi, je ne trouve pas logique d'être plus indemnisé que
l'étudiant qui, lui, n'a pas mon revenu, pour le même acte criminel.
Mme Labrie : Surtout que,
là, c'est prévu, dans le projet de loi, que, si la personne n'avait pas de
revenu, elle n'a pas accès à cette indemnité-là.
M. Gardner (Daniel) :
Bien, elle a accès, si j'ai bien compris, là, sur la base de ce qui existe à
l'heure actuelle, 90 % du salaire minimum.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Je cède la parole à la
députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Oui. Merci beaucoup. Vraiment très intéressant, beaucoup de suggestions. Vous
nous amenez à réfléchir autrement. Dites-moi, hier, une victime nous
expliquait… une victime qui a été, donc l'objet de violence sexuelle en milieu
familial pendant de nombreuses années, ensuite de violence conjugale. Puis, en
fait, le rétablissement puis les difficultés d'intégration...
Mme
Hivon
:
…suggestions. Vous nous amenez à réfléchir autrement. Dites-moi, hier, une
victime nous expliquait… une victime qui a été, donc l'objet de violence
sexuelle en milieu familial pendant de nombreuses années, ensuite de violence
conjugale. Puis, en fait, le rétablissement puis les difficultés d'intégration,
par exemple, à l'emploi sont vraiment réels. Et donc, dans cette logique-là,
l'idée d'une rente parce qu'il a des gens qui vont être vraiment longtemps
incapables de travailler apparaissait encore pertinente. Mais je veux bien voir
avez-vous, même dans ces cas-là, vous, vous nous dites : Il faut y aller
vers le forfaitaire, mais avec un montant qui tiendrait compte de ces plus
grands risques d'avoir plus de possibilités de s'intégrer à l'emploi.
M. Gardner (Daniel) : Oui.
Bien, c'est pour ça que j'en ai parlé, hein, comment les règles sur la
réinsertion professionnelle sont importantes. Et puis, pour moi, ça ne fait pas
partie des choses qui sont limitées à trois ans ça, là, là. Tout ce qui aide,
réadaptation, aide à la réinsertion, ça, ça ne devrait pas être limitée
qu'après trois ans, l'État dit : On ne veut plus rien savoir de ça. Les
services devraient être permanents. L'aide financière devrait être temporaire,
donner le temps à la victime de se replacer puis de l'aider à se remettre sur
pied.
Maintenant, je relance mon idée. Si on
créé une sous catégorie pour ces victimes particulièrement affectées, victimes,
là, de violence sexuelle et conjugale… faites vos calculs, demandez au Conseil
du trésor de voir combien ça coûterait d'avoir un régime qui, lui, serait plus
généreux en termes de durée, notamment, pour les indemnisations financières.
Mais ne faites pas l'erreur qui a été faite en 1993, quand on a adopté… elle a
été adoptée en troisième lecture, la Loi sur l'aide et l'indemnisation des
victimes d'actes criminels, puis que ça a bloquée au Conseil du trésor.
Pourquoi? Parce qu'entre députés tout le monde s'entendait, des beaux principes
c'est bien beau, mais il faut voir ensuite qu'est-ce que ça coûte. Puis ça ne
fonctionnait pas, tout simplement, parce que les indemnités étaient beaucoup
trop élevées. Alors, faites des choix stratégiques puis allez chercher ceux et
celles qu'on doit aider davantage. Mais, c'est sûr, il faut le dire dans la loi
clairement à ce moment-là. Puis…
Mme
Hivon
: Oui.
C'est très intéressant, puis plusieurs nous disaient hier que, de toute façon,
c'est la grande majorité des demandes. Ça provient des victimes de violence
sexuelle et conjugale, c'est pour ça qu'on entend beaucoup de groupes qui les
représentants aussi. Une dernière petite question. Hier, il y a un groupe qui
nous a dit, puis vu que vous avez l'air d'un spécialiste de tous les régimes,
qu'en fait on devrait laisser le choix aux victimes d'aller vers l'IVAC ou vers
la LATMP, donc en matière de travail, quand il y a vraiment une question
d'agression sexuelle sur les lieux du travail, par exemple de harcèlement
sexuel. Parce que, dans la loi pour le travail, il faut se tourner vers
l'employeur pour faire un dévoilement et le dire avant de pouvoir procéder, ce
qui peut mener à des situations difficiles. Et qu'est-ce que vous pensez de ça?
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, Pr Garner, s'il vous plaît.
M. Gardner (Daniel) : Oui.
Financièrement parlant, là, le régime de la LATMP est plus intéressant. Alors,
tout tient à qu'est-ce qu'on veut faire. Est-ce que l'idée, c'est de garder les
choses secrètes… qu'il y a une vengeance, tout ça? En tout cas, ça a toujours
été que les régimes assurantiels financés par le créateur du risque… c'est au
créateur du risque à payer pour. Moi, je ne serais pas très chaud avec l'idée…
M. Gardner (Daniel) :
…parlant, le régime de la LATMP est plus intéressant. Or, tout tient à
qu'est-ce qu'on veut faire. Est-ce que l'idée, c'est de garder les choses
secrètes? Qu'il y ait une vengeance, tout ça? Et tout cas, ça a toujours été
que les régimes assurantiels financés par le créateur du risque, c'est au
créateur du risque à payer pour. Moi, je ne serais pas très chaud avec l'idée
que : Ah bien, dorénavant, ça va être l'État.
Le Président (M.
Bachand) : Bien, sur ce, Pr Gardner, merci infiniment de votre
participation à la commission, ça a été très intéressant. Sur ce, la commission
suspend ses travaux quelques instants. Merci beaucoup.
M. Gardner (Daniel) : Merci
tout le monde. Au revoir.
(Suspension de la séance à11 h 9)
(Reprise à 11 h 10)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît. La commission reprend
ses travaux. Ça nous fait plaisir d'accueillir Me Michaël Lessard, docteur
en droit à l'Université de Toronto. Alors, Me Lessard, merci d'être avec
nous aujourd'hui. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation,
et par après, nous allons échanger avec les membres de la commission. Sur ce,
la parole est à vous. Merci.
M. Lessard (Michaël) :
Bonjour, merci beaucoup de me recevoir. Donc Michaël Lessard, je suis avocat,
doctorant en droit de l'Université de Toronto, comme ça a été dit. Merci
beaucoup de l'invitation.
On m'a invité aujourd'hui beaucoup parce
que j'ai mené des recherches sur l'admissibilité des victimes à la LIVAC, une
recherche que j'ai mise en annexe III de mon mémoire. Donc, mes
commentaires sur le projet de loi n° 84 vont surtout porter sur une
analyse approfondie des décisions publiques de l'IVAC, puis comment est-ce que
ça nous donne des enseignements puis des outils pour améliorer le régime
d'aide, surtout sur le point de l'admissibilité des victimes, et surtout en ce
qui a trait aux victimes de violence sexuelle et violence conjugale.
Donc, il y a plusieurs points, plusieurs
suggestions et recommandations pour améliorer le projet de loi dans mon
mémoire. Dans mon exposé, je vais me concentrer principalement sur les trois
premières, mais, évidemment, je prends les questions puis demandes
d'information sur toutes les autres.
Donc, les trois points, brièvement, c'est
celui d'inclure des victimes pour lesquelles l'auteur de l'acte criminel serait
déclaré non criminellement responsable, le deuxième point, c'est celui
d'éliminer, au sein de la faute lourde, les préjugés sexistes, et le troisième
point, qui est celui de considérer la violence sexuelle au-delà de l'agression
sexuelle. Donc les trois points que je développe.
Le premier point, c'est celui, puis
certains autres intervenants et intervenantes l'ont déjà un peu abordé, c'est
celui de tenter de dissocier l'aide à la…
(Visioconférence)
M. Lessard (Michaël) :
...sexiste, et le troisième point qui est celui de considérer la violence
sexuelle au-delà de l'agression sexuelle.
Donc, les trois points que je développe,
le premier point, c'est celui... puis plusieurs certains autres intervenants,
intervenantes l'ont déjà un peu abordé, c'est celui de tenter de dissocier
l'aide à la victime de l'état d'esprit de l'agresseur. Le problème qu'on voit,
c'est qu'on a un système d'aide civiliste qui se bâtit sur des concepts
criminalistes, et en droit criminel, pour avoir une infraction criminelle, il
nous faut ce qu'on appelle l'actus reus, donc le geste criminel, et la mens
rea, soit l'intention coupable. Mais, le problème, c'est qu'on a vu, dans le passé,
beaucoup de dossiers où l'IVAC refusait l'aide d'indemnisation à une victime
qui a subi une atteinte importante à son intégrité physique, mais tout
simplement en disant : Oui, mais l'agresseur n'avait peut-être pas
d'intention coupable.
Donc, un exemple un peu plus parlant pour
les agressions sexuelles, l'actus reus, c'est trois éléments : c'est
l'attouchement, la nature sexuelle du contact, puis l'absence de consentement.
Donc, une fois qu'on remplit l'actus reus, on a une invasion corporelle importante
de la victime. Mais la mens rea, c'est celle d'avoir... c'est-à-dire que
l'agresseur ait une intention de contact sexuel sachant que la victime n'a pas
consenti. Ce qui fait en sorte qu'on voit des dossiers où la victime fige
durant l'agression et donc subit l'agression sexuelle, mais l'IVAC va refuser
d'indemniser en disant : Mais peut-être que l'agresseur, hypothétiquement
dans un procès criminel, aurait pu dire qu'il ne savait pas que, la victime,
elle ne consentait pas, et donc on refuse parce que ça ne correspond pas à la
définition très stricte d'une infraction criminelle.
Un autre exemple possible, bien, ça serait
celui de personnes prostituées par leur proxénète et donc, de peur d'être
battues par leur proxénète, vont consentir à des actes sexuels avec des
clients, et donc vont faire semblant de consentir face aux clients, même si au
sens du droit criminel, ce n'est pas un consentement. Eh bien, s'il faut suivre
la même logique, l'IVAC dirait : Bon, ces personnes-là, certes elles
subissent l'actus reus d'une agression sexuelle d'une manière si répétée chaque
jour sur plusieurs mois, sur plusieurs années, mais comme le client ne savait
pas qu'il n'y avait pas de consentement à ce moment-là, on refuserait
l'indemnisation.
Donc, il y a vraiment un problème à
faire... à lier l'aide à des victimes qui, clairement à mon sens, ont besoin de
l'aide de l'État, de l'état d'esprit de l'agresseur. Donc, en ce sens-là, une
des recommandations, ce serait de tout simplement faire dépendre
l'indemnisation, non pas de l'infraction criminelle au sens large, mais
simplement de l'actus reus, donc du geste criminel. Donc ça, c'est pour le
premier point.
Pour le deuxième point, c'est celui par
rapport à la faute lourde qui est en fait un peu deux sous-points. Premièrement,
il semble y avoir peut-être un manquement à l'article 16. Là,
l'article 16 prévoit plusieurs exceptions. Donc, l'article 16 dit
que, si une personne a contribué à son préjudice en raison de sa faute lourde,
elle ne sera pas indemnisée. Puis, pour plusieurs acteurs et actrices, il y a
une exception si elle agit de la sorte en raison de violence ou de menaces,
mais cette exception-là n'existe pas pour les victimes, les personnes victimes
elles-mêmes...
M. Lessard (Michaël) : ...a
contribué à son préjudice en raison de sa faute lourde, elle ne sera pas
indemnisée. Puis, pour plusieurs acteurs et actrices, il y a une exception si
elle a agi de la sorte en raison de violence ou de menaces. Mais cette
exception-là n'existe pas pour les personnes victimes elles-mêmes, ce qui fait
en sorte que le libellé est très curieux. Je comprends que ce n'est sûrement
pas l'intention législative, mais le libellé suggère que, si on a, encore une
fois, une victime d'agression sexuelle qui se fait empoigner par l'agresseur,
qui se fait menacer d'un couteau, et qui cesse, par exemple, de se débattre
pour conserver sa vie, bien, là, on arriverait à un scénario... le libellé
semble suggérer que l'IVAC doit refuser parce que l'IVAC dit : Ah! bien,
l'exception pour les menaces ou l'exception pour la violence ne s'applique pas.
Donc, il faudrait étendre l'exception pour les violences et les menaces à tout
le monde, et surtout aux personnes victimes.
Un deuxième point, c'est que le même type
de logique peut s'appliquer de manière un peu plus subtile et pernicieuse dans
le contexte de victimes de violence conjugale. Donc, on a vu déjà des dossiers
où l'IVAC refusait l'indemnisation en disant que la victime, choisissant de
rester avec un conjoint violent, a contribué à ses propres blessures. Et donc
on blâme la victime pour, au fond, la violence de son conjoint.
Et ça, ça vient nier toute une
connaissance qu'on a développée puis une littérature de plus en plus importante
sur les mécanismes du cycle de la violence, donc la manipulation que les
victimes... dont les victimes peuvent subir. Donc, souvent, on voit que le
conjoint commet une violence, s'excuse, dit : Ah! bien, c'est
simplement... je suis simplement esclave de mes impulsions, je ne recommencerai
pas. Il recommence. Il s'excuse encore une fois. Et donc il y a tout un cycle,
un mécanisme de manipulation qui est ignoré lorsque l'IVAC blâme la victime
pour être demeurée avec leur conjoint.
Et il y a d'autres moments où ce n'est peut-être
pas une manipulation, mais une crainte réelle que quitter le conjoint
déclencherait un acte de violence encore plus grand. Puis tristement,
l'actualité des derniers mois nous a rappelé que ça peut aller jusqu'à des
meurtres. Et donc une victime qui craint pour sa sécurité ou pour celle de ses
enfants pourrait, de manière tout à fait raisonnable, rester avec son conjoint,
mais il n'y a pas lieu de la blâmer pour ça. En fin de compte, elle essaie de
protéger sa sécurité le plus qu'elle peut.
Donc, la suggestion, ça serait d'abolir la
notion de faute lourde dans le contexte de violence conjugale et de violence
sexuelle. Une suggestion qu'on a aussi vue dans le rapport Corte-Desrosiers.
Puis, selon le rapport, c'est aussi une suggestion que le Barreau proposait
quant à l'IVAC.
Et le troisième point, qui est un peu plus
court, c'est celui qu'on a vu que les délais de demande étaient supprimés en ce
qui a trait aux victimes d'agressions à caractère sexuel. Or, quand on se
limite à l'agression, on oublie toute sorte d'autres violences sexuelles qui ne
sont pas des agressions au sens du droit criminel, mais qui pourraient… pour
lesquelles les victimes pourraient bénéficier d'un délai de demande plus grand.
Donc, je pense à une séquestration à des fins sexuelles, mais qui ne se solde
pas par une agression, un harcèlement criminel sexuel, publication non
consentie d'images intimes, etc. Toutes ces victimes-là pourraient vivre de la
honte, un manque de soutien, une peur de représailles, et qui ferait en
sorte...
M. Lessard (Michaël) : …qui
pourraient… pour lesquelles les victimes pourraient bénéficier d'un délai de
demande plus grand. Donc, je pense à une séquestration à des fins sexuelles
mais qui ne se solde pas par une agression, un harcèlement criminel sexuel,
publication non consentie d'images intimes, etc. Toutes ces victimes-là
pourraient vivre de la honte, un manque de soutien, une peur de représailles,
et qui ferait en sorte qu'il me semble que, moralement, on devrait leur
permettre aussi de bénéficier d'un délai de demande qui soit plus long ou, dans
le cas qui nous occupe, soit supprimé. Donc, on pourrait remplacer la
notion d'agression par simplement celle de violence à caractère sexuel. Et je
crois que, pour bien aider les victimes, on pourrait aussi rapporter ce
changement-là à l'article 2926.1 du Code civil qui porte sur
l'imprescriptibilité des actions civiles dans le contexte… d'actions civiles
dues à des gestes criminels.
Donc, c'est ce qui complète brièvement
pour mon exposé, puis j'ai bien hâte d'entendre vos questions et interventions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Lessard. Je cède maintenant
la parole au ministre. M. le ministre, à vous.
M. Jolin-Barrette : Oui, merci,
M. le Président. Bonjour, Me Lessard. Merci de participer aux travaux de
la commission. Donc, on a entendu des groupes, hier, qui nous ont dit
sensiblement la même chose que vous relativement à la faute lourde en matière
de geste à caractère sexuel, à l'effet que, bon, on devrait venir nommément
l'indiquer, faire une exception à loi. Donc, j'ai bien pris note de ça, hier,
comme suggestion. Cela étant, déjà, là, à l'IVAC actuellement, il y a une
directive qui fait en sorte que ce n'est pas invoqué, dans le fond. Alors,
vous, même s'il y a une directive actuellement qui est en vigueur puis l'IVAC
ne l'invoque pas, vous souhaiteriez qu'on l'inscrive noir sur blanc dans la
loi?
• (11 h 20) •
M. Lessard (Michaël) : Exact,
mais déjà il n'est pas clair de savoir si la directive va survivre au
changement de régime. De ce que je comprends, la direction de l'IVAC va changer
de ministère, puis je ne sais pas si elle va être reformée en bureau. Donc, la
première crainte, ça serait que les directives soient effacées puis prennent un
certain temps avant d'être adoptées. Puis ensuite il me semble vraiment plus
bénéfique de tout simplement rassurer tout le monde et mettre directement dans
la loi l'exception aux fins des violences sexuelles. Et puis le problème aussi,
c'est que la directive ne s'étend pas aux violences conjugales, qui sont aussi
des situations pour lesquelles il n'y aurait pas lieu de blâmer les victimes.
M. Jolin-Barrette : O.K. En
réponse à votre question aussi, là, sur votre intervention, dans le fond,
désormais, la direction d'Indemnisation des victimes d'actes criminels… Bien,
en fait, le ministère de la Justice va rapatrier la gestion, service à la
clientèle, que je peux dire, auparavant, c'était à la CNESST, donc à la
direction d'indemnisation. Et, bon, il y a certaines lacunes organisationnelles
qui ont été décrites par plusieurs bénéficiaires du régime. Donc, moi, mon
souci, c'est d'assurer un service à la clientèle qui est beaucoup plus humain,
qui est beaucoup plus adéquat, et c'est notamment pour cette raison-là qu'on
veut s'assurer que le ministère de la Justice soit le ministère responsable qui
est chargé donc…
M. Jolin-Barrette : …organisationnels,
qui ont été décrites par plusieurs bénéficiaires du régime. Donc, moi mon souci
c'est d'attirer un service à la clientèle, qui est beaucoup plus humain, qui
est beaucoup plus adéquat. Et c'est notamment pour cette raison-là qu'on veut
s'assurer que le ministère de la Justice soit le ministère responsable, qui est
chargé, donc on pourra avoir des discussions avec la Direction de l'indemnisation
des victimes d'actes criminels. Mais, pour nous, c'est sûr qu'on a pris acte
des critiques qu'il y avait par de nombreuses victimes, relativement au
traitement. Et il y a certaines récriminations qui sont tout à fait justifiées,
relativement à la flexibilité et au service, surtout, lorsqu'on est une
personne victime, on ne veut pas avoir à… comme dans Astérix et Obélix, à faire
la maison des fous… à chacune des étages avec tel ou tel formulaire, donc c'est
pour ça aussi qu'on veut simplifier les formulaires puis qu'on donne de l'aide
aussi pour remplir les formulaires. Alors, ça, c'est notre souhait.
Je veux revenir, là, sur votre
proposition, là, avec 26.1, là, relativement aux agressions à caractère sexuel.
Nous on l'entend par les violences sexuelles, mais vous nous dites, vous
devriez aller plus loin que ça et plus spécifique dans les termes.
M. Lessard (Michaël) : Oui,
exact. Bien, ce qu'on voit, c'est que la notion d'agression dans les contextes
qui nous occupent est facilement assimilée par juristes à celle d'agression
sexuelle au sens du droit criminel. Donc, ça oublie toute sorte d'autres
violences sexuelles puis là on parlait, par exemple, de harcèlement sexuel, de
séquestration… Un des avantages de la disposition que vous venez de nommer,
c'est qu'on inclut aussi les violences durant l'enfance. Mais sinon on pourrait
… c'est-à-dire que si on mettait ça de côté, on voit que dans le terme
agression sexuelle, on oublie aussi tout ce qui est production de pornographie
juvénile, tout ce qui est leurre, incitation à contacts puis, etc. Donc, la
notion de violence sexuelle est vraiment plus large puis le… Bon, présentement,
ce qui nous sauve, c'est qu'on a aussi la même considération pour les enfants,
mais, par rapport aux adultes, encore une fois, séquestration, harcèlement
sexuel, publication non consentie d'image intime, c'est toutes des violences
pour lesquelles il me semble que le délai de trois ans qu'on voit dans le projet
de loi n° 84 est trop court.
M. Jolin-Barrette : Mais ce
n'est pas agression sexuelle, c'est agression à caractère sexuel, d'où la
distinction aussi. Donc, pour moi, ça le couvre, mais je retiens votre
suggestion puis on va réfléchir à tout ça. Sur la question des délais, là. Auparavant,
on était à un an, on est passé à deux ans en 2013, là, on amène avec la
prescription générale à trois ans, on abolie également la prescription. Qu'est-ce
que vous pensez de tout ça?
M. Lessard (Michaël) : Oui,
oui. Juste pour un dernier point sur agression, là, pour que ce soit plus
clair. La notion d'agression sous-entend un contact physique. Donc, à ce
moment-là, il y a d'autres… les éléments que je nommais comme publication non
consentie d'image intime puis harcèlement sexuel, je suis d'accord avec vous
que c'est des termes de violence puis que c'est agressif, mais il n'y a pas le
contact. Après, je comprends que le temps est limité, donc on peut toujours
poursuivre les discussions puis avoir les compléments d'information là-dessus…
M. Lessard (Michaël) : …Donc,
à ce moment-là, il y a d'autres… les éléments que je nommais comme :
«publication non consentie d'images intimes» puis «harcèlement sexuel». Je suis
d'accord avec vous que c'est des termes de violence puis que c'est agressif,
mais il n'y a pas le contact. Après… Je comprends que le temps est limité, donc
on peut toujours poursuivre les discussions puis avoir les compléments
d'information là-dessus.
Pour ce qui est de l'extension du délai,
moi, je trouve ça tout à fait louable. Je crois que ce qui serait le plus
intéressant, ça serait de se coller au délai qu'on voit dans le Code civil,
donc la prescriptibilité pour les recours qu'on vient de parler puis sinon un
10 ans pour le reste des recours. Il semble difficile de comprendre pourquoi on
ferait une distinction entre l'IVAC puis entre les actions civiles. Il me
semble que si le raisonnement, à la base, de l'extension du délai, c'est de se
dire : Ah, mais une victime, ça a besoin de beaucoup de temps avant de
passer à l'action puis, surtout, à passer à une action qui soit bureaucratique,
donc soit au travers des tribunaux ou l'IVAC. À ce moment-là, si on détermine
que 10 ans, c'est un temps raisonnable, il faudrait que ça soit 10 ans,
partout, peu importe que ça soit une action civile, peu importe que ça soit
avec l'IVAC.
M. Jolin-Barrette : O.K.,
parfait. Sur la question, ici, de la reconnaissance des personnes victimes,
l'élargissement de cette notion. Dans le fond, que ça ne soit pas uniquement la
victime directe, mais plutôt tout le noyau familial, l'élargissement, les aides
qu'on souhaite offrir, également, à l'ensemble du noyau familial. Qu'est-ce que
vous en pensez?
M. Lessard (Michaël) : Bien,
je trouve que c'est souhaitable de mettre comme vous l'avez mis dans la loi. Il
y a peut-être quelques ajustements qui pourraient être faits. Déjà, on voit que
beaucoup de victimes passent, bon, beaucoup d'argent puis de temps devant les
tribunaux pour essayer de faire élargir la définition, donc ce qu'on voit
présentement, c'est très souhaitable.
J'ai vu beaucoup de critiques, par
exemple, par rapport à la notion de «scène intacte» qui est, peut-être, trop
limitée, là, au sens où une victime, c'est-à-dire une personne qui serait
témoin d'un acte en arrivant sur les lieux, serait indemnisée si elle arrive
avant les premiers répondants, mais pas si elle arrive après les premiers
répondants. Donc, il y aurait lieu de savoir si… est-ce que vraiment, au niveau
de l'atteinte psychologique que ces personnes-là vivent, s'il y a vraiment une
distinction? Donc, peut-être quelques petits ajustements, mais pour l'ensemble,
en effet, il y a un pas dans la bonne direction.
M. Jolin-Barrette : Mais,
prenons ce cas-là, précisément, parce que certains ont critiqué le projet de
loi malgré le fait qu'on leur a expliqué, mais je vous donne cet élément de
réponse là. Parce que, exemple, la personne qui arrive sur les lieux va être
considérée comme une personne victime, également, non pas comme la personne
elle-même qui a subi l'infraction parce que ce n'est pas elle la victime sur
laquelle on a commis l'infraction criminelle. Mais, avec l'élargissement que
nous faisons, dans le cadre du projet de loi, la personne va être considérée
comme une personne victime également, mais en fonction d'une certaine
catégorie, comme un proche, comme une personne significative, comme un parent.
Aussi, je donne l'exemple : auparavant, vous n'étiez pas considéré comme
une victime si le meurtre de votre enfant mineur survenait parce ce n'était pas
l'autre parent qui l'avait fait à votre encontre…
M. Jolin-Barrette :
…également, mais en fonction d'une certaine catégorie, comme un proche, comme
une personne significative, comme un parent. Aussi, je donne l'exemple :
Auparavant, vous n'étiez pas considéré comme une victime si le meurtre de votre
enfant mineur survenait, parce ce n'était pas l'autre parent qui l'avait fait à
votre encontre. Donc, on a fait des ajustements justement pour élargir le plus
possible, alors certains prétendent certaines choses, mais je pense que ce
n'est pas exact, ce qu'ils disent aussi. Je voulais juste rectifier tout ça, je
ne fais pas référence à vos propos, Me Lessard, mais à d'autres personnes qu'on
entendra cet après-midi.
Écoutez, Me Lessard, merci beaucoup pour
votre témoignage en commission parlementaire. Je sais que j'ai des collègues
qui souhaitent poser des questions, alors je leur cède la parole. Merci encore.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député de Chapleau,
vous avez la parole.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
merci M. le Président. Bonjour, Me Lessard. Michaël, j'en profite pour te
souhaiter un joyeux anniversaire, une belle journée pour faire de la
commission. Donc, autre chose plus sérieuse maintenant : J'aimerais
peut-être vous entendre sur la principale avancée qui est permise dans ce
projet de loi là. Qu'est-ce qui, dans ce projet de loi, vous trouvez qui est le
plus positif? On ira à l'inverse ensuite.
M. Lessard (Michaël) : Oui.
Bien, le plus positif, c'est clairement l'avancée sur l'admissibilité des
victimes. On en a listé quelques-unes, là, qui sont encore exclues du régime,
puis c'est très déplorable, là, on pense encore une fois à la pornographie
juvénile, etc. Donc, au niveau de l'admissibilité, c'est là où il y a la plus
grande avancée, mais je pense que… bien, je vais profiter de la question pour,
justement, souligner que ce qu'on voit dans le projet de loi, c'est vraiment quatre
volets.
Un volet qui est le premier titre sur
l'aide non financière, donc l'aide que les victimes peuvent avoir,
l'accompagnement, les compléments d'information face aux corps policiers, au
système de justice, par exemple. Un volet sur l'admissibilité, celui qui est le
plus avancé selon moi. Un volet sur le calcul, ensuite, de l'aide financière,
puis un quatrième volet que les autres intervenants, intervenantes ont beaucoup
souligné, c'est l'aspect humain, donc, diminuer la lourdeur bureaucratique.
Donc ça, je trouve que c'est intéressant aussi, puis, peut-être sur cet
aspect-là il pourrait aussi être intéressant d'imaginer de donner des
formations aux préposés sur les mythes relatifs à la violence conjugale, à la
violence sexuelle. Donc, il y a ces quatre volets-là, l'admissibilité,
clairement, est le plus fort pour moi, mais il ne faut pas négliger les trois
autres volets aussi.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.
Puis sur l'admissibilité, justement, je sais que vous en avez parlé, là,
beaucoup. Y aurait-u d'autres éléments que vous aimeriez ajouter, que vous
n'avez pas pu, nécessairement, aborder, juste pour nous éclairer dans nos
travaux?
• (11 h 30) •
M. Lessard (Michaël) : Oui.
Donc, il y a quelques éléments qui relèvent plus de l'ajustement, là, dans mon
mémoire. Deux éléments que je trouve intéressants, c'est celui par rapport à
l'obligation de coordination. C'est-à-dire que les victimes doivent coopérer
avec… en fait la loi, à cet égard-là, est plus ou moins claire, là, mais elle
doit coopérer avec les personnes qui sont chargées de l'application de la loi.
Donc, est-ce que c'est seulement la direction de l'IVAC, ou est-ce que ça doit
être aussi les corps policiers, et donc peut-être dénoncer à la police? Est-ce
que ça doit être avec les procureurs de la Couronne? Donc, à cet égard-là, il
pourrait être intéressant de…
11 h 30 (version non révisée)
M. Lessard (Michaël) : …en
fait, la loi, à cet égard-là, est plus ou moins claire, là, mais elle doit
coopérer avec les personnes qui sont chargées de l'application de la loi. Donc,
est-ce que c'est seulement la direction de l'IVAC? Ou est-ce que ça doit être
aussi les corps policiers? Et donc, peut-être, dénoncer à la police. Est-ce que
ça doit être avec les procureurs de la couronne? Donc, à cet égard-là, il
pourrait être intéressant de mettre, au moins, une condition qui dise que
l'obligation de coopération ne sera pas imposée, si ça va à l'encontre du
processus de guérison de la victime.
M. Lévesque (Chapleau) : Ou de
la volonté.
M. Lessard (Michaël) : Exact
ou ça peut être «de la volonté». Donc, on peut comprendre, puis surtout dans un
projet de loi qui vise à favoriser le rétablissement des victimes, que ça
puisse être délétère pour une victime de rapidement devoir aller témoigner à la
police de ce qu'elle a vécu, surtout si on parle de proches autour d'elle.
Donc, ça, ça pourrait jouer sur l'admissibilité, une victime qui se dit :
Bien, moi, j'ai… je subis un grand préjudice, mais… par exemple, on peut penser
à une victime d'inceste, mais qui dit : Bien, je ne voudrais pas aller
témoigner contre mon père ou je ne veux pas aller passer devant plusieurs policiers
pour raconter cette histoire-là. Peut-être qu'elle ne va pas appliquer à
l'indemnisation ou à l'aide financière que l'IVAC pourrait lui accorder.
Ça fait que, ça, c'est un problème, mais
qui est facilement ajustable. Puis, un autre élément que je trouve intéressant,
c'est celle de la proposition de l'Association des juristes progressistes, de,
aussi, tenir en compte d'autres types de violence sexuelle et de violence
conjugale. Là, le problème qu'on a devant nous, c'est qu'on a un projet de loi…
M. Lévesque (Chapleau) :
Iriez-vous dans ce sens-là, justement, ils nous proposaient d'ajouter, de tenir
en compte certains actes puis certains gestes à caractère sexuel pour les
ajouter dans les, pas nécessairement les infractions-là, mais la possibilité
pour l'indemnisation. Vous iriez dans le même sens que ces derniers?
M. Lessard (Michaël) : Oui,
oui, tout à fait, parce que là, ce qu'on est en train de voir, c'est que
l'Assemblée nationale adopte un projet de loi dont une partie est, en quelque
sorte, si on veut, déléguée au Parlement du Canada, parce qu'on est tributaire
de ce qui est adopté ou non comme infraction criminelle. Alors qu'il y a des
violences, dans le contexte de la violence sexuelle, je pense beaucoup au
harcèlement sexuel, mais qui n'atteint pas le niveau du harcèlement criminel ou
dans le contexte de la violence conjugale, on a tout ce qui est violence
psychologique, contrôle coercitif, contrôle financier.
Donc, ce sont tous des exemples qui, puis,
en fait, si… l'avenir nous le dira, là, mais peut-être que d'ici quelques
dizaines d'années, ça va être adopté comme infraction criminelle. Il y a déjà
des projets de loi, à cet égard, au Parlement du Canada, mais on pourrait, en
fait, aller prendre les devants puis aller un peu plus loin puis dire :
Bien, regardez, les victimes de ce type de violence sexuelle là et violence
conjugale ont besoin de l'aide de l'État puis on ne va pas attendre que le
Parlement du Canada prendre une décision là-dessus.
M. Lévesque (Chapleau) :
Agisse, prenne acte. O.K. rapidement, là, une petite dernière question, là.
Vous avez parlé de lourdeur puis… administrative et bureaucratique, notamment,
en lien avec les victimes qui se présentent à l'IVAC puis les agents qui ont
quelques problématiques à ce niveau-là. Il y a plusieurs intervenants qui sont
venus nous en parler. Ils ont parlé, notamment, de la question de la formation.
Y a-t-il d'autres points que vous ajouteriez ou proposeriez pour améliorer,
justement, ce fameux service à la clientèle ou cette lourdeur bureaucratique?
M. Lessard (Michaël) : Donc,
je n'en vois pas d'autres que ces deux points…
M. Lévesque (Chapleau) : ...il
y a quelques problématiques à ce niveau-là. Il y a plusieurs intervenants qui
sont venus nous en parler, ils ont parlé notamment de la formation. Il y a-t-u
d'autres que vous ajouteriez ou proposeriez pour améliorer, justement, ce
fameux service à la clientèle ou cette lourdeur bureaucratique?
M. Lessard (Michaël) : Donc,
je n'en vois pas d'autres que ces deux points-là, mais je pense que celui de la
formation, il est assez important, parce que souvent, quand on veut faire une
formation, disons à un groupe de préposés, ce qu'on va faire, c'est une
formation de trois heures à chaque deux ans ou quelque chose de beaucoup trop
minime pour que ça ait un impact réel sur le traitement des dossiers.
Donc, il faudrait penser à une formation
qui permette aussi un certain suivi puis qui s'assure qu'on ne reproduise pas
les erreurs les erreurs du passé puis qui, en fin de compte, n'oblige pas les
victimes à aller en révision ou à aller devant le Tribunal administratif du
Québec pour faire d'autres demandes, etc, ce qui, dans le fond, impose un autre
coût à l'État si les premières décisions sont problématiques puis doivent être
ensuite révisées et corrigées.
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait, merci beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député. Écoutez,
il reste 1 min 30 s, M. le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Oui, j'arrive. Merci
beaucoup, M. le Président.
1 min 30 s. on n'ira pas bien loin, mais
je voulais faire un peu de perspective contextuelle avec vous, Me Lessard, parce
que je vous écoutais et c'était très précis dans un projet de loi très touffu,
qui arrive des dizaines d'années après qu'on ait installé ça.
Diriez-vous que la direction qu'on prend
ou, en tout cas, que le projet de loi est en train de nous donner, de nous en
aller vers des services plutôt que vers des indemnisations, qui étaient essentiellement
le but de l'exercice il y a 50 années, pas juste dans l'air du temps, mais
est-ce que c'est la voie, au-delà de ce que chacun va réclamer, là, la voie que
tout le monde devrait réclamer, about du compte, avec des détails puis des
aménagements, bien sûr, là?
Le Président (M.
Bachand) :Rapidement, Me Lessard, s'il
vous plaît.
M. Lessard (Michaël) : Oui.
Donc, je pense que oui, je pense qu'on est sur la bonne voie. Je pense que
c'est la même critique qu'on porte aussi au système de justice criminelle, c'est-à-dire
qu'il n'y a pas vraiment d'accompagnement des victimes puis qu'on ne puisse pas
justement les aider à se rétablir.
Ensuite, comme le disait le professeur
Gardner avant, le diable est dans les détails et il va falloir savoir
complètement... Ça serait déplorable, en fait, si la victime avait de bons
outils psychologiques, mais n'était pas capable de se rétablir, en raison de
besoins financiers. Là, je comprends que ce n'est pas le souhait, mais il faut
aussi avancer sur les deux plans de manière égale. Mais, oui...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Lessard. M. le député de
LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, bon matin, Me Lessard. Merci beaucoup d'être
disponible et de répondre à nos questions puis bravo et merci pour votre
mémoire et également le texte que vous avez écrit, là, en 2019. Ça va
évidemment nourrir notre réflexion.
Il y a beaucoup de petits points
techniques, et je vais essayer d'y aller en rafale avec vous. Le premier point,
la mens rea, vous en avez parlé. Ce que l'on constate, et corrigez-moi si j'ai
tort...
M. Tanguay
: ...en
2019, ça va évidemment nourrir notre réflexion.
Il y a beaucoup de petits points
techniques, et je vais essayer d'y aller en rafale avec vous. Le premier point,
la mens rea, vous en avez parlé. Ce que l'on constate, et corrigez-moi si j'ai
tort, l'importance de — puis c'est comme ça que je reçois votre
commentaire — pour nous d'exclure le facteur de mens rea de façon
spécifique viendrait nous assurer que l'IVAC et le TAQ, en le disait
clairement, empêcheraient... ne pourraient plus, selon leur interprétation,
empêcher le cheminement du dossier sur cette notion-là. Donc, on peut se dire,
comme législateurs : Ah! bien, il va sans dire. Mais, quand on le dit
clairement et qu'on l'exclut, bien là, les interprétations contradictoires
seront... la porte sera fermée. C'est ce à quoi vous nous invitez.
M. Lessard (Michaël) :
Exact. Tout à fait. Puis j'imagine que, si on demandait aux parlementaires
d'examiner 70, si, bien, ils voulaient vraiment exclure, là, tous... les
victimes de tous les exemples que j'ai donnés, ils auraient dit, bien évidemment,
que non, on ne voulait pas les exclure. Mais après, une fois qu'on adopte un
projet de loi, vous n'êtes pas sans savoir qu'ensuite c'est les juristes et les
tribunaux qui vont le fouiller de manière très ciblée, et parfois de manière
trop textuelle, sans nécessairement regarder l'intention législative derrière.
Donc, le mieux, évidemment c'est de s'assurer d'avoir un projet de loi qui soit
le plus béton possible, puis je pense qu'on a proposé des solutions assez
intéressantes à cet égard-là, surtout la proposition de retirer... en fait de
faire une exception pour tout ce qui est un événement fortuit, donc tout ce qui
est de la teneur d'un accident. Donc, à ce moment-là, on cible complètement les
gestes criminels.
M. Tanguay
: Tout
à fait. Deuxième point, faute lourde, je vous avoue que votre argument étayé
dans la note de votre page 17 est assez... est assez clair. La raison pour
laquelle, et puis c'est un argument de texte, nous devrions retirer «faute
lourde» de l'article 16, vous faites l'analogie avec 1474 du Code civil où
on définit une faute lourde comme étant... comme participant de l'insouciance,
de l'imprudence puis de la négligence grossière. Or, «faute lourde» dans un
contexte de violence sexuelle où il y a un contexte de violence et de menaces,
et que vous participez à l'acte criminel, qu'on considère que vous ayez
participé à l'acte criminel en l'assimilant à de l'insouciance, imprudence et
négligence grossière, mais quand vous êtes sous la menace puis de la violence,
bien, ça ne participe pas de la faute lourde. Donc, déjà là, l'argument de
texte est assez dévastateur, puis je vous en remercie, puis je vous salue
là-dessus. À moins que vous n'ayez un commentaire plus spécifique là-dessus,
j'aurais d'autres points.
M. Lessard (Michaël) :
Bien, peut-être rapidement, il y a deux éléments. Moi, je suis un peu d'accord
avec votre analyse de la faute lourde. La seule crainte, c'est que, si on met
des exceptions pour les violences et les menaces pour toutes les autres personnes,
est-ce que les tribunaux ne vont pas de dire : Ah! bien, l'Assemblée
nationale a décidé de changer la définition de la faute lourde et donc de
considérer certains éléments comme de l'insouciance. Donc, il y a ce danger-là
au niveau du texte. Peut-être que le plus simple...
M. Lessard (Michaël) : ...la
seule crainte, c'est que, si on met des exceptions pour les menaces et les
violences pour toutes les autres personnes, est-ce que les tribunaux ne vont
pas se dire : Ah! bien, l'Assemblée nationale a décidé de changer la
définition de la faute lourde et donc de considérer certains éléments comme de
l'insouciance. Donc, il y a ce danger-là au niveau du texte. Peut-être que le
plus simple, ça serait d'enlever la mention de menaces ou de violences partout.
Ça, c'est une chose.
• (11 h 40) •
Puis l'autre chose, encore une fois,
rapidement, c'est que, bon, une fois qu'on a fait ça et qu'on a enlevé les
mentions de menaces puis de violences, le problème c'est que, si on se réfère
juste à la notion d'insouciance, on a plusieurs exemples où les tribunaux, malheureusement,
ont considéré que des victimes de violence conjugale ou de violence sexuelle
ont commis de l'insouciance. Et donc, ici, c'est vraiment une question de blâme
moral selon moi. On ne peut pas les blâmer pour... enfin, pour les raisons que
j'ai expliqué, pour ces situations-là, mais on voit que les tribunaux le font.
Donc, à ce moment-là, peut-être le mettre clairement dans la loi, dire :
Bien, regardez, la faute lourde, ça ne s'applique pas comme la directive... la
direction de l'IVAC l'a fait pour la violence sexuelle et pour la violence
conjugale. Puis, à ce moment-là, on a un projet de loi, encore une fois, qui
est...
M. Tanguay
: Tout à
fait, tout à fait. J'aimerais revenir avec vous sur... et vous nous inviter à
faire cette modification législative là qui serait très substantielle, puis je
salue cette suggestion-là, on fera le débat en article par article, mais passer
de la notion d'agression à violence, tant dans le contexte du projet de loi
n° 84 que dans le contexte de l'article d'imprescriptibilité, 2926.1.
«Violence», selon l'état du droit québécois,
à l'heure où on se parle, pouvez-vous nous référer des définitions, de la
jurisprudence? À quoi pourriez-vous nous inviter... À quel document
pourriez-vous nous... porter notre attention?
M. Lessard (Michaël) : Oui.
Donc, dans le contexte de violence... Bien, en fait, puis je me permets une
parenthèse pour commencer, par rapport à la violence conjugale, il y a une
définition intéressante dans la Loi sur le divorce, la nouvelle Loi sur le
divorce qui n'est pas encore en vigueur, dans la définition de violence
familiale. Donc, ça, il y a quelque chose de bien travaillé puis intéressant
pour s'inspirer.
Pour ce qui est des violences sexuelles,
la loi la plus intéressante pour moi, c'est la loi-cadre qui vise à lutter
contre les violences sexuelles dans le contexte de l'enseignement supérieur. Et
donc, dans cette loi-là, on va vraiment parler de violence et non d'agression.
Et puis évidemment on vise à couvrir des situations à couvrir aussi des
situations où on aurait, par exemple, un professeur qui fait du harcèlement
sexuel sur une étudiante, qui peut en faire sur plusieurs années, mais qui ne
passe jamais à faire un acte physique, donc à l'attouchement. Donc, l'idée,
justement, puis dans cette loi-là, on le définit bien, que violence s'étend
plus loin que la notion d'agression à caractère sexuel.
M. Tanguay
: Vous
faites référence à la loi... projet de loi n° 151, si ma mémoire est
bonne.
M. Lessard (Michaël) : C'est
possible, je ne l'ai pas près de moi…
M. Tanguay
: 151. Notre
collègue Hélène David.
M. Lessard (Michaël) : Vous
avez une meilleure mémoire que moi.
M. Tanguay
: Peut-être
parce que je l'ai lu il y a un mois. Rapidement, obligation de coopération,
O.K...
M. Tanguay
: …151, si ma
mémoire est bonne.
M. Lessard (Michaël) : C'est
possible, je ne l'ai pas près de moi…
M. Tanguay
: 151. Notre
collègue Hélène David…
M. Lessard (Michaël) : Vous
avez une meilleure mémoire que moi.
M. Tanguay
: Peut-être
parce que je l'ai lu il y a un mois.
Rapidement, obligation de coopération.
O.K. Obligation de coopération, j'y vais, puis j'aimerais vous entendre
là-dessus, selon la même logique. Quand vous retirez ou que vous dites
clairement, dans une loi, ou que vous retirez une expression dans une loi,
c'est clair, il n'y a pas place à l'interprétation.
Vous avez des préoccupations quant à
l'article 7, l'obligation de coopération, dans un contexte où ça pourrait
aller à l'encontre du processus de guérison d'une personne, comme celui de
témoigner, entre autres, des violences subies dans le cadre… Et ça, ça
s'applique même à l'exercice de la subrogation. Alors, moi, je vois, les
concepts qui se marient bien.
Je vais essayer de vous poser ma question
le plus clairement possible. Vous nous invitez à baliser l'obligation de coopération
dans la mesure où ça ne va pas à l'encontre du processus de guérison. Si on
fait ça, je me fais un peu l'avocat du diable, ça va être sujet à
interprétation. Il y aura tantôt des décisions heureuses, tantôt des décisions
malheureuses : Je considère que vous avez l'obligation, madame, de
coopérer, parce que moi, je considère que ça ne va pas à l'encontre de votre
processus de guérison. Ne devrions-nous pas, donc, pour éviter ça, retirer
carrément cette obligation de coopération? Je vous pose la question.
M. Lessard (Michaël) : Oui,
bien, vous avez raison, là. C'est sûr qu'après la question, c'est aussi
de savoir qui est-ce qui va prendre la décision, qui qui va pouvoir
interpréter. Puis, dans le cas… Souvent, en fait, il y a certaines obligations de
coopération qui sont nécessaires pour recevoir l'aide financière, là, donc ça
peut être une discrétion… à la discrétion de la direction. Puis, on pourrait,
en effet, se retrouver face à des situations fâcheuses. Donc, je vous ai donné,
un peu, l'idéal, comme proposition, c'est-à-dire de baliser autour du processus
de guérison, mais, évidemment, le monde n'étant pas parfait, peut-être que le
plus simple, ça serait soit de dire que l'obligation est conditionnelle à la
volonté de la victime, ou, soit, simplement, d'enlever l'obligation de
coopération. Parce qu'en effet, on pourrait s'entraîner dans plusieurs débats.
On pourrait forcer des victimes à faire ce qu'elles ne veulent pas faire. On
pourrait, plus dangereusement, repousser des victimes qui auraient peur d'être
obligées, mais qui ont vraiment besoin de l'aide de l'État. Donc, il y a toutes
sortes de situations déplorables. Puis, après, ça ajoute, aussi, un coût à
l'État s'il y a une contestation, et, qui s'en va devant le tribunal
administratif, révision…, etc., donc, là, pour les victimes qui auraient peut-être
plus de soutien juridique, il y aurait aussi un coût pour l'État, là.
M. Tanguay
: Et je vais
toucher l'autre point, mais on va… L'exercice de subrogation, effectivement,
poursuivons la réflexion. On dit l'exercice de subrogation devrait être
subsidiaire, ne contrevient pas au processus de guérison, comme celui de
témoigner des violences subies. Alors, voyez-vous qu'on pourrait être, dans le
cas du devoir de coopération, dans la situation assez particulière où, comme
victime, je devrais aller témoigner du fait que je ne veux pas aller…
M. Tanguay
: ...devrait
être subsidiaire ne contrevient pas au processus de guérison comme celui de
témoigner des violences subies. Alors, voyez-vous qu'on pourrait être, dans le
cas du devoir de coopération, dans la situation assez particulière où, comme
victime, je devrais aller témoigner du fait que je ne veux pas aller témoigner,
je devrais témoigner du fait que, oui, ça participe de mon processus de
guérison, c'est majeur, puis que ça me stresse, puis que ça m'empêche de guérir
totalement. Et que là donc ça ajoute des délais, ça ajoute du stress, mais je
devrais témoigner pour ne pas pouvoir aller témoigner plus tard dans un autre
contexte. Il y aurait peut-être ça aussi que c'était une incongruité.
J'aimerais... Il me reste une minute, je
regarde M. le Président, il sourit encore, alors c'est bon signe. Les crimes
perpétrés à l'extérieur du Québec, ça, c'est un point important. Vous soulevez,
recommandation 14 , faites en sorte de ne pas exclure les employés de
l'État, les étudiants, les travailleurs humanitaires, parce qu'ils ne
respectent pas la fameuse règle du 183 jours. Ça, je voulais vous entendre
là-dessus, c'est parce que je trouve ça intéressant.
M. Lessard (Michaël) : Exact.
Puis c'est intéressant aussi que l'exercice a déjà été fait dans, disons, le
dessin du régime d'assurance maladie, c'est qu'il y a un peu la même exception,
bien, c'est-à-dire un peu les mêmes dispositions au sens où, après 183 jours,
l'assurance maladie va être retirée, mais il y a des exceptions pour tout ce
qui est étudiant qui va à l'étranger, bon, fonctionnaire, employé de l'État,
personne en mission humanitaire. Et donc je crois qu'il y aurait lieu de s'inspirer
de ces exceptions-là pour le régime.
Puis on peut penser à des cas qui nous
frapperaient de voir des refus. Par exemple, si j'allais étudier... Bien, en
fait, je vais me prendre comme exemple, là. J'ai étudié à l'Université de
Toronto. Bon, là, présentement, je suis revenu au Québec, mais s'il n'y avait
pas eu la pandémie, j'aurais sûrement fait plus que 183 jours à l'Université de
Toronto. Si, à la dernière année de mon doctorat, je subis quelque chose à
Toronto, je subis des voies de fait puis que je reviens ici, bien, je veux
dire, à toutes fins pratiques, je suis quand même un Québécois, je reviens
quand même vivre au Québec. Je suis parti temporairement aux fins des études,
mais je n'ai pas l'intention d'appartenir à une autre juridiction, donc je ne
vois pas pourquoi, surtout dans une optique de solidarité sociale, pourquoi il
faudrait m'exclure du régime...
Le Président (M.
Bachand) : ...Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. Mme
la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, M. Lessard, pour votre présentation. J'ai apprécié la
distinction que vous avez faite, là, entre la question d'agression ou de
violence sexuelle, je pense que c'est éclairant pour certains de mes collègues
autour de la table. J'aime aussi l'invitation que vous nous faites à faire
preuve d'autonomie pour identifier les actes qui ne sont pas nécessairement
criminels, mais qui devraient être indemnisés. On n'a effectivement pas
nécessairement besoin d'être à la remorque du fédéral pour ça, c'est
intéressant que vous nous y invitiez.
Pour la question de l'obligation de
coopération, j'essaie de résumer, disons, vos propos. Est-ce que le plan A
serait de retirer complètement cette notion-là du projet de loi, de l'obligation
de coopérer, puis le plan B serait de préciser au...
Mme Labrie : ...mais qui
devraient être indemnisés. On n'a effectivement pas nécessairement besoin
d'être à la remorque du fédéral pour ça. C'est intéressant que vous nous
l'indiquiez.
Pour la question de l'obligation de
coopération, j'essaie de résumer, disons, vos propos. Est-ce que le plan A
serait de retirer complètement cette notion-là du projet de loi, de l'obligation
de coopérer, puis le plan B serait de préciser au moins que, si ça nuit au
rétablissement de la victime, et elle n'y est pas tenue... Si on faisait ça, est-ce
qu'il faudrait quand même essayer de définir davantage de quel genre de
coopération on parle, avec qui, dans quel contexte?
M. Lessard (Michaël) : Oui,
bien, c'est une bonne question. Je pense que le... par rapport à l'article 7, justement,
ce serait plus intéressant de définir de qui on parle exactement. Puis moi,
j'en ai débattu avec beaucoup de collègues, à savoir, est-ce que les personnes
qui sont chargées de l'application de la loi, on parle du projet de loi qu'on
étudie présentement ou est-ce qu'on parle de la loi en général, donc les
services de police, etc.? Donc, des précisions pourraient être intéressantes.
C'est sûr que le plus simple, ce serait simplement de retirer l'obligation de
coopération puis l'obligation de dénoncer dans un État étranger aussi.
Par contre, je comprends qu'il y a aussi
des obligations de coopération quand on demande à la victime d'aller passer
certains tests pour évaluer son état de santé. Donc, à ce moment-là, il serait
difficile de comprendre qu'on puisse retirer complètement ces dispositions-là, parce
que dans ce contexte-là, on a besoin d'évaluer l'état de santé pour évaluer l'aide
financière, du moins, de ce que je comprends pour l'instant, évidemment, sous
réserve de lire les règlements.
Mais ce qui pourrait être fait dans ces articles-là,
que, peut-être, qui seraient plus difficile à enlever, ce serait de bien
baliser, justement, une période de guérison, qui pourrait être protégée pour ne
pas pousser trop rapidement les victimes, puis, en fin de compte, à aller à
l'encontre de l'objectif du projet de loi, qui est de favoriser leur
rétablissement puis de les aider.
Mme Labrie : Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
• (11 h 50) •
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour, merci beaucoup. Moi, je suis exactement à la même place que vous. Je
pense qu'il ne faudrait pas atteler de violence sexuelle, et vraiment
s'éloigner de la notion d'agression sexuelle dans le vocabulaire et dans la
réalité de ce que c'est aussi. C'est quelque chose de fondamental.
L'autre chose que je veux bien comprendre
concrètement. Quand vous nous dites de ne pas se coller juste à ce qui est
prévu au Code criminel, encore une fois, je vous suis très bien. Donc, ce que
vous proposez, c'est que la base serait les infractions, pour ne pas aller
revisiter tout ce qu'il y a dans le Code criminel, serait ce qui est prévu au
Code criminel, mais on ajouterait certaines rubriques. Est-ce que j'ai bien
compris?
M. Lessard (Michaël) : Oui,
voilà. Moi, j'adopte la proposition de l'Association des juristes
progressistes, qui est peut-être un peu plus détaillée dans leur mémoire que
dans le mien. Mais essentiellement, c'est ça, c'est que le régime de base
serait sur, en fait, l'actus reus des infractions criminelles. Puis ensuite, si
on ne rentre pas dans une infraction criminelle, on tomberait dans une
évaluation supplétive, qui serait ensuite sur une définition plus large de la
violence conjugale, de la violence sexuelle.
Donc, au fond, ce n'est pas... tu sais, il
ne faudrait pas l'expliquer comme étant deux...
M. Lessard (Michaël) :
...en fait, l'actus reus des infractions au criminel. Puis ensuite, si on ne
rentre pas dans une infraction au criminel, on tomberait dans une évaluation
supplétive qui serait ensuite sur une définition plus large de la violence
conjugale, de la violence sexuelle.
Donc, au fond, ce n'est pas... Tu sais, il
ne faudrait pas l'expliquer comme étant deux régimes, là, peut-être que c'est
un terme trop gros, mais c'est vraiment une évaluation qui se fait en deux
étapes. Maintenant, elle se fait juste en une étape : Est-ce qu'on rentre
dans une infraction au criminel? Puis là la deuxième étape, ça serait, bon,
sinon subsidiairement, est-ce qu'à ce moment-là on rentre dans une autre
définition de violence qui porte atteinte à l'intégrité physique ou
psychologique d'une personne sans être criminalisée?
Mme
Hivon
:
Parce qu'il y a quelque chose qui est ressorti beaucoup de nos travaux avec le
comité d'experts, c'est toute la notion de violence psychologique dans le
contexte de violence conjugale, qui malheureusement n'est pas reconnue. Donc,
avec l'approche que vous proposez, ça pourrait être formellement reconnu.
M. Lessard (Michaël) :
Exact, tout à fait. Puis, si j'ai bien compris l'intention derrière le projet
de loi n° 84, c'est justement d'aider rapidement des victimes qui ont des
besoins psychologiques importants. Donc, justement, si on pourrait aller les
aider, bon, ça, ça serait bénéfique, surtout... parce que la violence
psychologique est difficile à retracer. Mais il y a aussi d'autres mécanismes
qui s'enclenchent. Donc, on pourrait, par exemple, leur donner une aide pour
déménager, quitter leur conjoint. Donc, il y a de l'aide au déménagement qui
est prévue dans le projet de loi n° 84. Mais présentement l'aide au
déménagement, elle est juste donnée si on a subi, disons, une infraction
criminelle violence aussi, donc au sens strict, mais elle n'est pas donnée à
une victime de violence psychologique, alors qu'elle devrait bénéficier de la
même aide. On devrait vouloir lui permettre de quitter son conjoint puis
favoriser son rétablissement.
Mme
Hivon
:
Merci, c'est très clair. Est-ce qu'il me reste encore quelques secondes, M. le
Président?
Le Président (M.
Bachand) : Deux secondes.
Mme
Hivon
:
...
Le Président (M.
Bachand) : ...allez-y...
Mme
Hivon
:
O.K. Bien, j'aurais aimé juste vous entendre, parce que tantôt vous sembliez
dire qu'il faut vraiment se concentrer sur l'actus reus, là, je comprends. Mais
vous sembliez dire que, dans l'état actuel des choses, des fois, on va essayer
de chercher est-ce qu'il y a eu consentement dans une agression sexuelle avant
d'offrir l'aide. Et je suis vraiment surprise d'entendre ça parce que je
pensais qu'en matière d'agressions sexuelles l'IVAC avait une interprétation
large, et non restrictive, mais vous donnez un son de cloche divergent là-dessus.
Le Président (M.
Bachand) : Me Lessard, rapidement, s'il vous plaît.
M. Lessard (Michaël) :
Oui. Donc, exact, on a vu plusieurs décisions sur la question, puis... En fait,
moi, j'ai étudié les décisions publiques. Toutes les décisions qui sont prises
par la direction de l'IVAC et qui ne sont pas... qui ne vont pas devant les
tribunaux, elles sont confidentielles. Donc, à ce moment-là, tout ce que j'ai
vu, c'est la pointe de l'iceberg. Puis, à ce moment-là, il y a quand même eu
beaucoup trop de décisions qui entretiennent cette logique-là et qui font
dépendre l'aide de l'état d'esprit de l'agresseur.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, Me Lessard, merci infiniment d'avoir
participé, en cette journée de votre anniversaire de naissance, aux travaux de
la commission.
Cela dit, la commission suspend ses
travaux jusqu'à 14 heures. Merci infiniment, tout le monde.
(Suspension de la séance à 11 h 54)
Le Président (M.
Bachand) : ...aux travaux de la commission. Cela dit, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci infiniment, tout
le monde.
(Suspension de la séance à 11 h 54)
14 h (version non révisée)
(Reprise à 14 h 1)
(Visioconférence)
Le Président
(M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous
plaît! Bon début d'après-midi. La commission reprend ses travaux.
Donc, nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n°84, Loi
visant à aider les personnes victimes d'infractions criminelles et à favoriser
leur rétablissement.
Cet après-midi, nous allons
entendre les personnes et groupes suivants : la Direction générale
de l'indemnisation des victimes d'actes criminels, l'Association des familles
de personnes assassinées ou disparues,
Me Madeleine Lemieux, l'Association québécoise
Plaidoyer-Victimes. Et nous débutons d'abord avec Me Marc Bellemare.
Me Bellemare, bienvenue dans la commission.
M. Bellemare (Marc) :
Merci.
Le Président
(M. Bachand) : Alors, comme vous connaissez les règles,
donc on a 10 minutes de présentation de votre part, et après ça nous
aurons un échange avec les membres de la commission. Cela dit, merci d'être
avec nous aujourd'hui, et je vous cède la parole pour 10 minutes. Merci,
Me Bellemare.
M. Bellemare (Marc) :
Merci. Alors, j'ai déjà transmis mes observations écrites au secrétariat de la
commission. Je vais vous lire un court texte. Après, on procédera aux
questions.
Alors, M. le Président, M. le ministre,
Mmes et MM. les députés, depuis plus de 50 ans... près de 50 ans
plutôt, 72, la Loi sur l'IVAC garantit, à toutes les personnes victimes d'actes
criminels au Québec, qu'elles aient ou non un emploi au moment du crime, trois
choses :
1° des traitements psychologiques sans
limite de temps;
2° une indemnité de remplacement de revenu
jamais inférieure au salaire minimum, sans limite de temps, également tant que
durera l'incapacité à travailleur, sa vie durant s'il le faut; et
3° une rente à vie correspondant aux
séquelles permanentes résultant de l'agression.
Avec son projet de loi n° 84,
le ministre de la Justice poussera à la faillite et à l'aide sociale des
milliers de victimes d'actes criminels et leurs familles. En effet, le projet
de loi abolit le remplacement de revenus pour les victimes sans emploi lors de
l'agression, on parle ici des chômeurs, des femmes au foyer, des étudiants et
des retraités. Le projet de loi n° 84 limite le soutien à ces victimes,
donc les sans-emploi au moment de l'agression, ils ne l'ont pas choisi bien
évidemment, au simple remboursement de frais de traitement pour une somme et
une durée inconnue. Il promet une somme forfaitaire globale, dont l'importance
est également…
M. Bellemare
(Marc) : …le projet de loi no° 84 limite le
soutien à ses victimes — donc les sans-emploi
au moment de l'agression, ils ne l'ont pas choisi bien évidemment — au simple remboursement de frais de traitement pour une somme et une
durée inconnues. Il promet une somme forfaitaire globale, dont l'importance est
également inconnue, des années plus tard, à la fin des traitements, une fois
que la faillite sera consommée. Les autres victimes, celles qui ont eu la
chance d'avoir un emploi au moment de l'agression, certainement une minorité,
verront 90 % de leur revenu remplacé pour une période maximale de
trois ans. C'est à mon sens une hérésie, un recul sans précédent dans l'histoire
du droit social québécois. En plus de jeter à la rue d'autres milliers de
victimes toujours inaptes au travail après trois ans, ce projet de loi ignoble
et régressif causera maintes disparités et injustices.
Ainsi, je prends l'exemple de cette
serveuse de restaurant âgée de 30 ans, qui gagne 30 000 $ annuellement et
qui est victime d'un acte criminel. Si notre serveuse est agressée au
travail — elle a 30 ans — elle verra son revenu remplacé
par la CNESST pendant 38 ans, si l'incapacité perdure bien sûr, jusqu'à l'âge
de 68 ans. Si par contre elle est blessée par un chauffard en retournant chez
elle après le travail, c'est la Société de l'assurance automobile qui va
remplacer son revenu également, parce qu'à ce moment-là elle sera une victime
de la route, également jusqu'à l'âge de 68 ans, potentiellement donc pendant 38
ans. Si malheureusement elle n'est pas agressée au travail ou sur la route,
mais qu'elle est agressée chez elle, à domicile, le soir, elle n'aura droit ni
à la CNESST ni à la SAAQ, elle vivra dans l'indigence du projet de loi no° 84
et M. le ministre de la Justice cessera de remplacer son revenu après trois
ans, même si elle est toujours invalide à tout emploi.
Quant à la notion même de victime, le
projet de loi no° 84 l'élargit, au sens sémantique certes, aux proches, aux
conjoints et aux enfants. Toutefois, pour eux le statut de victime est une
coquille vide, puisque ces derniers n'auront pas droit au remplacement de
revenu, parce qu'ils ne figurent pas parmi les victimes admissibles à l'article
36 du projet de loi.
J'estime qu'il vaut mieux conserver la
définition actuelle de victime, plus simple, contenue à l'article 3a de la Loi
sur l'IVAC, une définition largement et généreusement interprétée par le
Tribunal administratif du Québec et par les tribunaux civils à ce jour. Même
chose pour la notion de faute lourde qui, à mon avis, mérite d'être maintenue.
Elle fait l'objet d'une jurisprudence stable, constante, jurisprudence qui sera
écartée au profit de toutes les nouvelles définitions de faute lourde amenées
par le projet de loi no° 84 à l'article 16…
M. Bellemare (Marc) : …même
chose pour la notion de faute lourde qui, à mon avis, mérite d'être maintenue.
Elle fait l'objet d'une jurisprudence stable,
constante, jurisprudence qui sera écartée au profit de toutes les nouvelles
définitions de faute lourde amenées par le projet de loi n° 84 à
l'article 16, lesquelles prendront cinq, 10 ans, peut-être davantage,
avant d'être interprétées durablement par les tribunaux. La loi actuelle de l'IVAC,
qui est simple, une trentaine d'articles seulement, connue, et elle est
d'interprétation stable. Ça a pris 50 ans pour écrire ça.
La première chose dont les victimes
d'actes criminels ont besoin, c'est de stabilité quant à leurs droits et aux
indemnités qu'elles recevront. Ce mauvais projet de loi les projette dans
l'incertitude et dans l'inconnu par une multitude de nouvelles définitions, de
nouveaux concepts inconnus qui mériteront d'être interprétés, mais pendant
combien de temps avant qu'on sache exactement où on s'en va avec cette loi.
Les seules certitudes dans ce projet de
loi sont dans les reculs immenses qu'il contient, surtout quant au remplacement
de leur revenu à long terme. Le ministre de la Justice en rajoute en promettant
40 millions par année pendant cinq ans, ce qui est, à mon sens, absolument
et mathématiquement impossible, compte tenu des reculs financiers précités. Cet
argent, s'il existe, n'ira certainement pas dans les poches des victimes. Il
s'agit d'un autre leurre, d'une autre utopie.
M. le ministre, retirez ce projet de loi
ignoble et plutôt améliorez les droits des victimes plutôt que de les détruire.
Pour y arriver, je vous demande de procéder à une vraie consultation sur le projet
de loi, parce que rencontrer des victimes, ce n'est pas une consultation. Une
vraie consultation, c'est une consultation sur le projet de loi qui donne le
temps aux partenaires de se préparer sur la base d'un document précis. Je vous
demande d'amender simplement la loi actuelle, encore bien meilleure que le projet
de loi n° 84. Ajoutez, bien sûr, les victimes hors Québec, ce qui est une
bonne chose, et les autres victimes qui ne sont pas visées actuellement par la
loi. Un amendement de deux lignes suffirait, immensément plus simple que le
cauchemar que vous annoncez. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : …Me Bellemare. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Bonjour, Me Bellemare. Merci d'être avec nous pour
participer aux travaux de la commission. D'entrée de jeu, Me Bellemare,
outre les points que vous avez soulignés à la fin, qui étaient une bonne chose
pour les crimes hors Québec, est-ce qu'il y a autre chose que vous trouvez de
positif dans le projet de loi? Parce que vous semblez avoir une analyse
réductrice du projet de loi qui a été travaillé par des juristes, par des gens
au gouvernement du Québec et par beaucoup de gens qui semblent dire que ça
représente des avancées significatives, le projet de loi…
M. Jolin-Barrette : …Québec. Est-ce
qu'il y a autre chose que vous trouvez de positif dans le projet de loi?
Parfois, vous semblez avoir une analyse réductrice du projet de loi, qui a été
travaillé par des juristes, par des gens au gouvernement du Québec et par
beaucoup de gens qui semblent dire que ça représente des avancées
significatives le projet de loi n° 84. Alors, j'aimerais vous entendre,
est-ce qu'il y a d'autres éléments positifs dans le projet de loi n° 84?
• (14 h 10) •
M. Bellemare (Marc) : Bien, je
ne sais pas de qui vous parlez par rapport aux juristes parce qu'il y a
beaucoup de juristes, effectivement, au ministère de la Justice. Il y en a
aussi qui sont à votre service, au Procureur général, qu'on affronte,
quotidiennement, dans nos débats devant les tribunaux, et qui contestent
systématiquement les réclamations des victimes. Alors, si c'est eux qui ont
rédigé le projet de loi, puis je le soupçonne, bien, c'est bien sûr que ça fait
leur affaire, je n'en doute pas une seconde. Sauf que parmi tous les avocats
que je connais de longue date, parce que ça fait 42 ans que je fais ce
travail-là, sauf une courte année sur le siège que vous occupez, il n'y a
personne qui est d'accord avec le projet de loi. Alors, ceux qui vivent avec
les victimes et qui savent quelle est la portée de la loi actuelle, qui
connaissent la jurisprudence, ne sont pas satisfaits du projet de loi, et ils
voient des recules.
Maintenant, ce que je dis, c'est que la
définition de victime qui est présente à l'heure actuelle et qui fait l'objet,
surtout depuis 2013, d'une jurisprudence positive de la part du Tribunal
administratif du Québec et des tribunaux civils, la Cour supérieure notamment,
cette définition-là mérite d'être conservée, c'est-à-dire : Une victime
est une personne qui a été blessée directement ou à l'occasion d'un acte
criminel. Ça suffit, on a tout là-dedans, c'est une notion très précise, très
large, on n'est pas obligé d'avoir une définition de victime d'une page et
demie pour comprendre et on a de la jurisprudence aussi, qui interprète
favorablement cette définition-là.
Alors, on peut amender la définition
actuelle, en précisant que la victime qui aurait été victime d'un homicide,
parce que je pense que ça serait suffisant, à l'extérieur du Québec, serait
considérée comme une victime en vertu de cette définition-là. Comme on peut
prévoir l'abolition de l'annexe, ce qui est déjà le cas dans votre projet de
loi, en prévoyant que tous les crimes sont admissibles… il y a déjà beaucoup de
crimes qui sont admissibles, hein. Il y en a quelques-uns qui vont être ajoutés
parce que le Code criminel prévoit d'autres crimes, mais il y a déjà beaucoup
de crimes… Vous savez, les agressions sexuelles sont acceptées, les homicides,
les tentatives de meurtre, les voies de fait… bon, il y en a quelques autres
qui faut ajouter, mais on n'a pas besoin d'un projet de loi de
190 articles pour le faire.
M. Jolin-Barrette : C'est
tout de même ironique, M. le Président. Parce que, savez-vous, on en a
rencontré des victimes, on a rencontré des groupes de victimes, tout le monde
demandait l'abolition de la liste des infractions pour que ce soit l'ensemble
des infractions contre la personne qui soit couverte, c'est ce qu'on a fait.
Avec la proposition que Me Bellemare nous fait quand il dit : Ah! Bien,
les homicides commis à l'étranger, c'est correct ça, ça, c'est correct. Par
contre pour les victimes d'agression sexuelle à l'étranger, ça, il ne faudrait
pas faire de modification avec ça? Est-ce que c'est ça que j'entends de la part
de Me Bellemare?
M. Bellemare (Marc) : Pas
nécessairement.
M. Jolin-Barrette : Non,
mais, M. le Président, soyons honnêtes, M. le Président. On se retrouve dans
une situation où c'est une réforme qui est globale, je comprends que ça ne fait
plaisir à Me…
M. Jolin-Barrette : ...mais
les homicides commis à l'étranger, c'est correct, ça, ça, c'est correct. Par
contre, pour les victimes d'agression sexuelle à l'étranger, ça, il ne faudrait
pas faire de modification avec ça? Est-ce que c'est ça que j'entends de la part
de Me Bellemare? Non, mais, M. le Président, soyons honnêtes, M. le
Président. On se retrouve dans une situation où c'est une réforme qui est
globale, je comprends que ça ne fait pas le plaisir de Me Bellemare...
Le Président (M.
Bachand) : Juste un instant, M. le ministre, Me Bellemare,
je vous rappelle qu'on est en visioconférence, il y a toujours un petit délai.
Alors, pour les gens qui participent à la commission puis les gens qui nous
écoutent, je vous demanderais de faire attention à vos propos, de un, et de
laisser la personne poser la question et l'autre personne y répondre. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Alors, M.
le Président, écoutez, de connaissance générale, je crois que Me Bellemare
a demandé à de multiples reprises de réformer la loi, même à l'époque où
lui-même était ministre de la Justice. Et on se retrouve dans des situations où
il est vrai que le projet de loi n'est peut-être pas complètement parfait. On
travaille à l'intérieur de certains paramètres. Et, lorsque Me Bellemare
nous dit : Écoutez, on doute du 200 millions, bien, je peux vous dire
que, quand je suis passé au Conseil du trésor puis lorsque le Conseil des
ministres a entériné 200 millions supplémentaires, je n'ai pas besoin
d'expliquer à Me Bellemare comment les processus de l'État québécois
fonctionnent.
Alors, je trouve extrêmement malheureux, extrêmement
malheureux qu'un ancien ministre de la Justice mette en doute autant le rôle
des juristes de l'État qui travaillent, autant le rôle aussi de la fonction. Parce
que je pense que tous les parlementaires sont animés par le désir de faire en
sorte d'offrir davantage de soutien aux victimes, et c'est précisément ce qu'il
a fait.
Et, quand je lis des lettres ouvertes ou
des lettres qui me sont communiquées pour dire : Écoutez, j'aurai seulement
10 minutes en commission parlementaire pour témoigner, alors que c'est faux, c'est
45 minutes, je crois qu'il faut apporter certaines nuances, et,
Me Bellemare, j'aurais cru que vous auriez apporté les nuances
appropriées.
Et je comprends qu'il y a certaines
mesures dans le projet de loi que vous êtes en désaccord, mais vous devez tout
de même reconnaître qu'il y a des avancées significatives, notamment sur la
notion de victime pour la cellule familiale, qui fait en sorte qu'il va y avoir
du soutien psychologique, davantage de ressources qui vont être données, qu'on
met en place un programme d'urgence pour les victimes, qu'on va faire en sorte
d'amener du soutien où il n'y en avait pas actuellement. Êtes-vous en mesure de
reconnaître ce que fait le projet de loi pour les victimes d'infraction
criminelle?
M. Bellemare (Marc) : Le problème
dans le projet de loi que vous apportez... Puis je ne crois pas un mot de ce
que vous dites quand vous dites que vous allez mettre 200 millions parce
que...
Le Président (M.
Bachand) : Me Bellemare, Me Bellemare, vous
connaissez quand même les règles, on ne peut pas mettre en doute ce qu'un
parlementaire a dit. Alors, je vous demanderais d'être extrêmement...
Me Bellemare, Me Bellemare, je vous dis, je vous dis : Faites
juste attention dans vos propos. On est en commission parlementaire au
Parlement de Québec, s'il vous plaît. Allez-y.
M. Bellemare (Marc) : Très
bien. Alors, je vous répète que ce que le ministre dit quand il dit qu'il va
mettre 200 millions, c'est mathématiquement impossible. Alors, il peut
bien dire ce qu'il voudra aujourd'hui, il peut bien faire les communiqués de
presse qu'il voudra aujourd'hui, c'est impossible. S'il y a 40 millions
qui vont être affectés dans les budgets de l'État, ça va bien être à la baisse
et non pas à la hausse, parce que, quand tu coupes toutes les indemnités pour
incapacité totale temporaire...
M. Bellemare (Marc) : ...c'est
mathématiquement impossible. Alors, il peut bien dire ce qu'il voudra aujourd'hui,
il peut bien faire les communiqués de presse qu'il voudra aujourd'hui, c'est
impossible. S'il y a 40 millions qui vont être affectés dans les budgets
de l'État, ça va bien être à la baisse et non pas à la hausse, parce que quand
tu coupes toutes les indemnités pour incapacité temporaire des sans-emploi, ça
représente des millions de dollars. Dans le rapport annuel de 2019, M. le
ministre, que je vous invite à lire et à relire, il y a 65 millions pour
l'incapacité totale temporaire.
Il y a des sans-emploi qui retirent ça,
puis il y a des gens qui retirent des indemnités, qui étaient au travail au
moment où ils ont été agressés, qui sont payés bien au-delà de la troisième
année. Alors, vous les abandonner, vous les jeter à la rue après trois ans.
C'est inacceptable. Ça représente quand même des milliers de Québécois.
Et que... vous avez beau payer les
traitements que vous voudrez au niveau psychologique, les traitements
psychologiques, c'est des remboursements de dépenses. Ce n'est pas ça qui paye
le beurre et le pain, puis ce n'est pas ça qui paye le loyer des victimes. Ce
qui paye le loyer des victimes, ce sont des indemnités aux deux semaines qui
sont payées et qui leur permettent de remplacer un revenu qu'elles ne peuvent
pas avoir. Pour ceux qui travaillent.
Alors, d'arrêter après trois ans, ça, ça
vient du rapport Lemieux qui est un rapport qui n'a jamais été suivi par vos
prédécesseurs, qui date de 2009. Il y a eu six ministres de la Justice depuis
2009, il n'y en a aucun qui a mis de l'avant ce rapport-là. Vous sortez ça des
boules à mites pour justifier votre trois ans, alors que c'est tout à fait non
fondé, c'est contraire à la réalité. Toutes les lois du Québec prévoient des
indemnités tant que l'incapacité perdure.
Qu'est-ce que vous allez dire à la
serveuse, à 34 ans, qui est traumatisée crânien, stress post-traumatique,
qui ne peut pas gagner sa vie et vous la lâcher après trois ans? Elle va faire
quoi, la serveuse, le mécanicien, le menuisier, le chômeur qui ne pourra plus
se trouver un emploi qu'il cherchait au moment de l'agression criminelle? C'est
inacceptable, vous ne pouvez pas ignorer ça. Et vous avez beau dire que vous
changez la définition de victime, que vous donnez des traitements
psychologiques, je vous le répète, ce sont des remboursements de dépenses. Tu
n'es pas obligé d'être sur IVAC pour avoir des psychologues non plus, là. Le gouvernement
a annoncé des gros budgets pour les psychologues, tu n'es pas obligé d'être sur
IVAC.
Alors, il y a des reculs financiers
immenses dans votre projet de loi, vous ne pouvez pas ignorer ça. Alors… Puis
je n'attaque pas les légistes du ministère de la Justice. Les légistes du ministère
de la Justice, là, que je connais bien d'ailleurs, ils font ce que vous leur
demandez de faire. C'est vous le ministre de la Justice, ce n'est pas eux
autres.
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, savez-vous ce qui est dommage, c'est les nuances à apporter, que Me
Bellemare refuse d'apporter dans ses propos. Ce n'est pas uniquement trois ans,
ça peut aller jusqu'à cinq au niveau de l'indemnité de remplacement de revenu,
c'est dans le projet de loi. On oublie de mentionner qu'il y aura une somme
forfaitaire, aussi, au lieu d'avoir une rente viagère. Ça, malheureusement, Me
Bellemare ne le dit pas, non plus.
Alors, pour ce qui est du rapport Lemieux,
savez-vous quoi? Effectivement, je suis le premier ministre de la Justice à
apporter une réforme globale de l'IVAC, qui va faire en sorte qu'environ
4 000 personnes supplémentaires annuellement vont pouvoir
bénéficier d'aide et de soutien de l'État. Alors, ça, ça n'a pas été fait par
mes prédécesseurs, incluant par Me Bellemare, M. le Président. Et c'est drôle,
parce qu'au cours des années, quand on recense les déclarations de Me
Bellemare, il nous dit toujours : Le régime de l'IVAC…
M. Jolin-Barrette : ...de
l'IVAC qui va faire en sorte qu'environ 4 000 personnes supplémentaires
annuellement vont pouvoir bénéficier d'aide et de soutien de l'État. Alors, ça,
ça n'a pas été fait par mes prédécesseurs, incluant par Me Bellemare, M. le
Président. Et c'est drôle, parce qu'au cours des années, quand on recense les
déclarations de Me Bellemare, il nous dit toujours : Le régime de l'IVAC
doit être modernisé, le régime de l'IVAC doit être plus généreux, le régime de
l'IVAC doit penser davantage aux victimes, et c'est ce qu'on fait dans le cadre
du projet de loi.
Ce que je peux vous dire, M. le Président,
aujourd'hui, c'est que je ne pense pas qu'on va réussir à avoir une discussion
qui va faire en sorte, qui va nous permettre de dire : Bien, voici, dans
le projet de loi, vous devriez améliorer ceci, hein, de la façon dont il est
qualifié par Me Bellemare. J'en suis attristé, parce que je crois que Me
Bellemare peut nous apporter une expertise qui ferait en sorte de dire :
Bien, écoutez, vous devriez ajouter ceci, ajouter cela. Mais il choisit de
prendre une approche qui dit : Tout est mauvais, retirez le projet de loi,
puis il n'y a rien de bon là-dedans. Alors, M. le Président, je n'aurai pas
d'autre question pour le témoin, mais j'en suis déçu, d'avoir une telle approche,
malheureusement, puis je vais céder la parole à mes collègues.
M. Bellemare (Marc) : M. le
Président, est-ce que je peux répondre?
Le Président (M.
Bachand) : Oui. Bien sûr, Me Bellemare.
M. Bellemare (Marc) : Alors, M.
le ministre me surprend beaucoup, parce que j'ai beaucoup travaillé avec M. le
ministre lorsqu'il était dans l'opposition. Il me connaît, il connaît mon
expertise, il connaît mon engagement auprès des victimes depuis 42 ans et il me
dit qu'il aurait voulu profiter de mon expertise. Il est un peu tard, M. le
ministre. Ça aurait peut-être été bon que vous m'en parliez avant, de mon
expertise, parce que vous n'avez consulté aucun avocat spécialisé en matière
d'indemnisation, je les connais tous; vous avez rencontré certaines
associations pour leur demander leurs besoins, vous ne les avez pas consultées
sur le projet de loi comme tel; vous nous arrivez en conférence de presse le 10
décembre, à une semaine de Noël, avec un projet de loi d'une grande densité,
tout à fait nouveau — il y a beaucoup de gens, même au sein de votre
ministère, qui ne savent même pas où ils s'en vont avec le projet de loi,
tellement il y a des notions nouvelles; il y a beaucoup d'imprévus; et on nous
convoque en commission parlementaire le 19 janvier, en pleine pandémie, il y a
le congé des fêtes.
• (14 h 20) •
Puis vous me dites que vous voulez avoir
mon expertise? J'en doute. Mon expertise est là depuis 1979, M. le ministre, et
j'ai travaillé avec l'IVAC depuis 1979, j'ai représenté des milliers de victimes.
Et, je vous le dis, c'est un recul colossal au niveau de l'aide financière,
c'est un sophisme de parler d'aide financière quand on parle simplement de
remboursement de traitements psychologiques. Ce n'est pas de l'aide financière,
c'est un remboursement de frais. L'aide financière, c'est l'indemnité pour
incapacité totale temporaire, même au-delà de quatre ans. Vous ne pouvez pas
nous dire, quand bien même que c'est cinq ans, que ça correspond à la loi
actuelle, la loi actuelle prévoit des indemnités à vie. La vie, ça ne s'arrête
pas à 30 ans. Et tous les autres régimes d'indemnisation au Québec prévoient
des indemnités de remplacement de revenu jusqu'à l'âge de 68 ans. Même par
exemple pour les victimes de la route qui étaient sans emploi au moment de
l'accident, vous pourriez vous inspirer de la loi de la SAAQ, qui prévoit des
indemnités pour les gens qui étaient étudiants, chômeurs, travailleurs
temporaires, retraités au moment de l'acte... l'accident d'automobile. Vous ne
vous inspirez pas des autres lois, on s'en va tout croche, on s'en va partout
avec un tout nouveau régime. Ça va mêler les gens, les Québécois ont besoin
d'être rassurés. On a des régimes d'indemnisation...
M. Bellemare (Marc) : …inspirez
de la Loi de la SAAQ, qui prévoit des indemnités pour les gens qui étaient
étudiants, chômeurs, travailleurs temporaires, retraités, au moment de
l'accident d'automobile. Vous ne vous inspirez pas des autres lois. On s'en va
tout croche. On s'en va partout, avec un tout nouveau régime. Ça va mêler les
gens. Les Québécois ont besoin d'être rassurés.
On a des régimes d'indemnisation, au
Québec, qui existent, à la CSST depuis 1909, à la SAAQ, depuis 1978. Il y a des
concepts qui marchent très bien au sein de ces organismes-là, vous devriez les
emprunter et les intégrer dans la loi de l'IVAC pour que ce soit plus simple,
qu'on tende vers un régime qui soit plus commun, au Québec, puis que les
Québécois s'y retrouvent. Parce que dans des régimes multiples, comme ça, plus
on s'étire, plus on s'en va dans toutes les directions, plus on crée des
régimes différents des uns des autres, plus c'est mêlant pour les victimes,
moins on sait où on s'en va, et pour le simple citoyen, ça devient plus
compliqué que la loi de l'impôt, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Me Bellemare. S'il n'y a pas d'autres
questions du côté ministériel, je vais céder la parole au député de LaFontaine.
M. le député, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Merci beaucoup…
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, je crois qu'il y avait des questions de la part du député de
Saint-Jean.
Le Président (M.
Bachand) : O.K. J'attendais juste que la main se lève, comme on
dit. Alors, M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît. Il reste
3 minutes.
M. Bellemare (Marc) : Il n'a
pas de micro, M. Lemieux. Je n'entends rien, là.
Le Président (M.
Bachand) : Louis? Me… M. le député de Saint-Jean?
M. Lemieux : Oui.
Le Président (M.
Bachand) : O.K. Excuse.
M. Lemieux : Désolé, M. le
Président. Ma camarade des Plaines, aussi, à qui je vais essayer de laisser un
peu de temps.
Beau débat d'experts, mais j'aimerais
quand même vous entendre, Me Bellemare. Le ministre a essayé de vous demander
s'il y avait autre chose qui allait, un peu, au moins. Moi, je comprends qu'on
va aider beaucoup plus de victimes et de parents de victimes, et surtout, on va
les aider dès le départ.
On a entendu toutes sortes de monde venir
depuis hier, puis ça va continuer demain, des gens qui disent que : C'est
une place de fous, ça prend une éternité, on a de la misère. Et si j'ai bien
compris, là, et puis vous avez probablement lu le même projet de loi que moi,
au lendemain du début des procédures, les gens vont avoir de l'aide, de l'aide
qui n'est pas l'argent sonnant dont vous parlez depuis tout à l'heure, mais de
l'aide à laquelle ils ont droit et qu'ils n'ont pas en ce moment. Parce que,
là, on n'est pas, au moins… On peut-tu s'entendre au moins là-dessus, là? On
commence avec ça, là, puis on continue?
M. Bellemare (Marc) : Non,
mais, c'est parce que, M. Lemieux, c'est un problème de machine, c'est un
problème administratif qui fait que tu reçois ton premier chèque une semaine
après l'agression, ou six mois, ou un an après l'agression. Ça n'a rien à
voir avec la loi.
La loi, c'est un cadre juridique qui crée
des droits ou qui en enlève, selon ce qu'on avait avant. Dans ce cas-ci, on en
enlève beaucoup plus qu'on en donne, à mon avis, surtout au niveau de l'aide
financière, ce qu'on appelle véritablement l'aide financière.
Le délai que ça prend pour l'IVAC à
s'activer, ce n'est pas dans la loi, à moins qu'on mette une disposition puis
qu'on oblige le ministre à répondre, par exemple, à une réclamation dans les
90 jours ou qu'on oblige des paiements temporaires pour les gens qui ont
été victimes d'actes criminels, spontanément, un traumatisme psychologique.
Mais, autrement, ce n'est pas la loi qui va régler ça, à moins qu'on impose un
délai à l'administration.
M. Lemieux : Je ne parlais pas
des indemnisations, je parlais des services et de l'aide qu'on va donner, de
l'aide directe, en psychologie, et autre. Mais il y a ma camarade des Plaines,
aussi, ma collègue des Plaines à qui je vais laisser le peu de temps qu'il nous
reste. Merci, Me Bellemare.
M. Bellemare (Marc) : Au
plaisir.
M. Bellemare (Marc) : …mais
autrement ce n'est pas la loi qui va régler ça à moins qu'on impose un délai à
l'administration.
M. Lemieux : Je ne parlais pas
des indemnisations, je parlais des services et de l'aide qu'on va donner, de
l'aide directe, psychologie, et autres. Mais il y a ma camarade des Plaines
aussi, ma collègue des Plaines à qui je vais laisser le peu de temps qui nous
reste. Merci, Me Bellemare.
M. Bellemare (Marc) : Au
plaisir.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Les Plaines, s'il vous
plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci, M. le Président. Bonjour, Me Bellemare. Très rapidement, il y a quand même
une grande avancée dans ce projet de loi qui est de reconnaître les victimes
d'exploitation sexuelle. J'aimerais au moins que vous puissiez au moins
reconnaître cette grande avancée là. J'en ai rencontré beaucoup dans les
derniers mois, et ces victimes-là et les organismes qui s'occupent de ces
victimes-là le demandaient à tout vent. Alors, j'imagine que vous reconnaissez
que c'est une très grande avancée dans ce projet de loi là.
M. Bellemare (Marc) : C'est
une avancée, puis on a besoin d'un amendement d'une dizaine de mots à la loi
actuelle pour prévoir ça. On a besoin simplement d'abolir l'annexe qui est à la
fin de la loi sur l'IVAC et de prévoir que tous les crimes prévus au Code
criminel seront inclus. On n'a pas besoin d'avoir un projet de loi révolutionnaire,
positif comme négatif, de tout changer ce qui existe depuis 50 ans au Québec en
matière d'IVAC pour apporter ce changement-là, ça aurait pu se faire par un
simple amendement législatif. Et c'est ça que je dis au ministre, vous n'avez
pas besoin de réinventer la roue et de mêler tout le monde pour la prochaine
génération pour ajouter des victimes et abolir l'annexe. C'est ça que je dis.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Par contre, toute l'aide accordée, toute la portion aussi d'aide directe
rapide, ça, c'est également une avancée qui était demandée non seulement par
les victimes pour être maintenant reconnues dans ce projet de loi là, mais
aussi par beaucoup, beaucoup d'organismes qui sont... qu'on a rencontrés sur le
terrain, qu'on a sondés.
M. Bellemare (Marc) : Mais
l'aide directe rapide, là, il y a déjà de l'aide directe rapide à IVAC, là, ce
n'est pas inventé. Ça existe depuis 1972, l'aide directe rapide.
Le problème, c'est que les victimes
doivent se trouver un psychologue, ce qui n'est pas évident. Puis il y a
beaucoup de psychologues sur le marché privé qui ne veulent pas faire de
traitement pour les victimes d'actes criminels parce que ce n'est pas payant,
c'est des tarifs qui sont relativement bas, c'est de la paperasse, il faut faire
des rapports, les fonctionnaires t'appellent, na, na, na. Alors, il y a
beaucoup de psychologues dans le privé qui ne veulent pas agir. J'ai
régulièrement des appels de victimes qui me disent : Ça fait 12 que
j'appelle, il n'y a personne qui veut me prendre parce que c'est un dossier
d'IVAC, ce n'est pas juste de la thérapie, c'est de la paperasse, c'est des
téléphones, c'est des papiers, c'est des formulaires à remplir.
Alors, ça, ça ne changera pas, ça. Ça va
continuer. Mais il n'y a aucun changement par rapport à la loi actuelle. Les
traitements psychologiques aux victimes d'actes criminels, on en a ça fait
49 ans, là. Où est l'avancée là-dedans? On appelle ça de l'aide
financière. Ce n'est pas de l'aide financière. Rembourser un traitement de psychologue
au privé à 86 $ la shot, je ne vois pas où est l'avancée, là. Ce n'est pas
ça qui fait que tu paies ton loyer à la fin du mois, là. Le problème, c'est que
les victimes n'auront plus de remplacement de revenus, n'auront plus
d'indemnité... C'est ça, le problème. C'est le pain puis le beurre qui
comptent, parce que suivre une thérapie puis guérir ou se remettre d'un stress
post-traumatique quand tu as l'huissier en arrière ou le syndic qui vient
saisir tes biens parce que tu n'es pas capable de payer tes dettes, ça va assez
mal au niveau de la thérapie...
M. Bellemare
(Marc) : ...c'est que les victimes n'auront plus de
remplacement de revenu, ils n'auront plus d'indemnité... C'est ça, le problème,
c'est le pain puis le beurre qui comptent parce que, suivre une thérapie puis
guérir ou se remettre d'un stress post-traumatique quand tu as l'huissier en
arrière ou le syndic qu'il vient saisir tes biens parce que tu n'es pas capable
de payer tes dettes, ça va assez mal au niveau de la thérapie. Tous les psychologues
vont vous dire que, pour réussir une approche thérapeutique, ça prend de la
sérénité, ça prend de la quiétude, donc ça prend un remplacement de revenu. Ça
prend une indemnité aux deux semaines qui va permettre à la victime de payer
ses dépenses. Autrement, la thérapie ne marchera pas.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Me Bellemare. Je cède maintenant la parole au
député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Oui.
Merci, M. le Président. Merci, M. Bellemare. Bonjour.
M. Bellemare (Marc) : Bonjour,
M. Tanguay.
M. Tanguay
: Il était
très important pour nous de vous entendre, puisque vous... en désaccord avec le
ministre. Alors, une fois que ceci est dit, nous partageons votre approche à
l'effet que la précipitation est mauvaise conseillère, d'un. Et, de deux, le
fait qu'un pavé de 190 articles, que vous qualifiez restrictifs, laborieux
et inutilement complexes, c'est sûr que ça vient, et vous l'avez dit, c'est
un... quand même, la loi est perfectible, puis tout le monde appelait à des
modifications à l'IVAC et à l'indemnisation des victimes. On vient mettre de
côté... puis j'aimerais vous entendre, puis j'ai peut-être huit, 10 points, en
mon 11 minutes, alors je vais essayer de vous permettre de pouvoir peut-être
préciser votre pensée, parce que votre analyse, là, de votre lettre, là, il y a
beaucoup de stock au pouce carré puis c'est excessivement important de vous
entendre. Donc, vous dites harmoniser, on a déjà un corpus de jurisprudence et
d'application au Québec, il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain,
autrement dit.
M. Bellemare (Marc) : Oui,
c'est ça. C'est parce que moi, je pense que l'État québécois... vous savez, on
a beaucoup de régimes d'indemnisation, au Québec, on a la Régie des rentes,
pour les invalides sans raison particulière, on a la CNESST, on a la Loi sur
les accidents du travail, en 1985, on a la Loi sur l'assurance automobile, en
1978, qui a été refaite en 1990. On a beaucoup de régimes d'indemnisation, au
Québec, à mon avis, on en a trop.
• (14 h 30) •
Et quand on fait des changements, on
trouve que d'essayer de revenir avec des modèles complètement nouveaux... Je
comprends que ça peut être sexy, au plan législatif, d'arriver avec quelque
chose qui est complètement nouveau, innovant, bon, on a inventé quelque chose,
de la modernité. Sauf que pour les gens, pour les victimes sur le terrain, pour
les avocats, pour les travailleurs sociaux, pour les psychologues, ça devient
extrêmement complexe. Et moi, je suis contre l'approche du ministre qui
consiste à réinventer la roue avec toutes sortes de nouvelles notions au niveau
de la faute lourde, la participation à une infraction ainsi que la faute
lourde. Pourquoi ce n'est pas simplement de la faute lourde, il y a de la
jurisprudence pour remplir mon bureau sur la faute lourde, déjà, au Tribunal
administratif, conserver la même notion dans la Loi sur les accidents du
travail, dans la Loi sur l'IVAC Si vous faites des changements, comme, par
exemple, pour les sans-emploi, j'insiste là-dessus, dans la Loi sur l'assurance
automobile, il y a de multiples dispositions sur les sans-emploi. Qu'est-ce
qu'on fait? On ne paie pas les six premiers mois, et à partir du septième mois,
on détermine un emploi fictif qui correspond à...
14 h 30 (version non révisée)
M. Bellemare (Marc) : ...la
loi sur l'IVAC, si vous faites des changements, comme par exemple, pour les
sans-emploi, j'insiste là-dessus, dans la Loi sur l'assurance automobile, il y
a de multiples dispositions sur les sans-emploi. Qu'est-ce qu'on fait? On ne
paie pas les six premiers mois et, à partir du septième mois, on détermine un
emploi fictif qui correspond au bagage académique, au profil de la victime,
puis on détermine un emploi fictif, puis on dit : S'il ne peut pas faire
cet emploi-là, on commence à le payer en remplacement de revenu. C'est ça qu'on
fait depuis le 1er janvier 1990 en assurance automobile. Les
étudiants, les chômeurs, les retraités, des femmes à la maison aussi, parce que
ce n'est pas parce que tu n'as pas de job au moment où l'acte criminel survient
que tu n'en auras jamais eu de ta vie.
M. Tanguay
: Non.
M. Bellemare (Marc) : Tu peux
être sans emploi temporairement. Un chômeur qui honnêtement cherche de
l'emploi, il n'y a pas d'emploi au moment de l'événement, on ne lui versera pas
d'aide financière de remplacement de revenu. C'est scandaleux! Il n'y a pas une
loi au Québec qui est comme ça, pas une.
M. Tanguay
: Et si vous
me permettez, vous nous avez donné, dans votre présentation initiale, un
exemple qui parle de lui-même, là. La femme serveuse au restaurant de
30 ans et ça, là, je veux dire, cet exemple-là, je vais le reprendre au
cours de nos débats puis je vous en donnerai le droit d'auteur, mais ça parle
tellement sur le fait que de 38 ans d'administration, on tombera à un
maximum de trois ans, même si les séquelles ne t'arrêteront par magie trois ans
après.
J'aimerais vous entendre sur un exemple
aussi très tangible d'une notion qui s'appelle de «scène intacte». Et
j'aimerais que vous nous expliquiez le plus rapidement possible en quoi ça
aurait eu un impact négatif pour les victimes de la Mosquée de Québec le
29 janvier 2017 que cette notion-là de scène intacte qu'introduit l'article 13
du projet de loi n° 84…
M. Bellemare (Marc) : Je vous
donne l'exemple de Mme Thabti qui est ma cliente et qui a réussi à se faire
reconnaître comme victime, qui est la femme d'Aboubaker Thabti qui a été
assassiné à la Mosquée de Québec parmi cinq, six autres personnes le
29 janvier 2017. Elle apprend que son conjoint est à la mosquée et elle
apprend qu'il y a une fusillade, la police, les ambulances, etc. Elle se
précipite avec ses enfants à la mosquée sachant que son conjoint est à
l'intérieur, ça ne va pas bien, et là c'est l'horreur. Qu'est-ce qu'elle voit?
Des badauds, des gens paniqués, des policiers, des ambulanciers, des civières,
des journalistes. Stress post-traumatique automatique, ses deux enfants aussi.
Elle réclame à l'IVAC en disant : J'ai été victime d'un choc mental à
l'occasion d'un acte criminel, même si je n'étais pas dans la mosquée, si je
n'ai pas reçu une balle de fusil, je suis quand même une victime. Alors, elle a
été refusée par IVAC en disant : Bien, vous n'étiez pas là dans la mosquée
quand les balles ont sorti du fusil de Bissonnette, donc vous n'êtes pas une
victime. On a contesté ça, on a gagné la cause devant le Tribunal administratif
du Québec.
Des exemples comme ça, j'en ai plaidé,
j'en ai fait reconnaître une bonne vingtaine de gens comme ça qui se sont
précipités sur la scène de crime. Alors, Mme Thabti qui est une
conjointe — ça va? — son mari a été assassiné. Dans la
définition du projet de loi, on dit que le conjoint d'une personne… — le
projet de loi n° 84 — le conjoint d'une personne qui aurait été
blessée à l'occasion d'un acte criminel ne sera pas... sera considérée comme
victime, dans le projet…
M. Bellemare (Marc) :
...est une conjointe. Ça va? Son mari a été assassiné. Dans la définition du projet
de loi, on dit que le conjoint d'une personne — le projet de loi
n° 84 — le conjoint d'une personne qui aurait été blessée à
l'occasion d'un acte criminel ne sera pas... sera considérée comme victime,
dans le projet de loi. Sauf qu'à l'article 36, la conjointe... n'a pas
droit au remplacement de revenu. N'est-ce pas? Alors, c'est la conjointe,
Mme Thabti. Elle, elle a été payée par IVAC une fois qu'elle a été
reconnue comme victime. Elle a eu un an de salaire parce qu'elle ne pouvait pas
s'occuper de sa garderie. En vertu du projet de loi, comme elle n'est pas
prévue à l'article 36 du projet de loi, elle n'aura pas d'aide financière.
Donc, cette femme-là, qui a eu de l'indemnité de remplacement de revenu pendant
un an, suite à l'agression de Bissonnette, ne serait pas indemnisée au niveau
du remplacement de revenu, même si elle avait un emploi, parce qu'elle n'est
pas visée à l'article 36 du projet de loi qui restreint au témoin de la
scène intacte. Ça va?
Mais la scène intacte, M. le ministre,
qui, de façon très claire, veut faire échec à cette jurisprudence-là, parce que
c'est manifeste, quand j'ai lu ça, la scène intacte, je me suis dit :
C'est carrément à l'encontre de ce courant jurisprudentiel là, on définit la
scène intacte comme étant la scène avant l'arrivée des ambulanciers puis des
policiers. C'est n'importe quoi. C'est comme si, quand on arrive sur une scène
de crime et qu'on voit les policiers puis les ambulanciers, bien, là, on n'est
plus traumatisés. C'est complètement ridicule, c'est encore pire, M. Tanguay.
Si t'arrives sur une scène, t'arrives chez vous, le soir, il y a des cordons de
sécurité, il y a des polices, il y a des ambulances, tu ne travailleras pas le
lendemain, là, alors tu es traumatisé. Et on réduit la scène intacte à la scène
avant l'arrivée des policiers, ça veut dire que c'est une peau de chagrin, ça
veut dire qu'on va éliminer quantité de victimes qui sont admissibles
actuellement.
M. Tanguay
: J'aimerais
aussi, puis là, vu que le temps presse, il me reste à peu près... moins de
quatre minutes, je vais jumeler deux points qu'on aurait pu développer
ensemble... qu'on aurait pu développer distinctement, mais je vais les mettre
ensemble, sur la multiplication du pouvoir réglementaire et ce qui s'enligne
pour être la gestion par le ministère de la Justice. N'y voyez-vous pas là,
puis c'est un peu qu'on déduit de votre lettre, une capacité pour l'État, par
le pouvoir réglementaire, de fermer des portes, et dans l'application par le
ministre de la Justice de dire : Oui, il a droit, non, elle n'a pas droit,
une capacité gouvernementale aussi de faire une gestion budgétaire qui ferait
en sorte que là, bien, on va fermer les écoutilles, là?
M. Bellemare (Marc)
:
Bien, c'est possible. L'avenir nous le dira. Parce que l'avenir, on ne le
connaît pas puis on le connaît encore moins avec ce projet de loi là. Mais je
vous dirai simplement que la somme forfaitaire, d'abord, le projet de loi ne
nous dit pas quelle est l'étendue de la somme forfaitaire. Il y a des barèmes
au Québec qui existent. Le barème de la CNESST, qui est plutôt modeste au
niveau de séquelles, ne donne à peu près rien pour les séquelles permanentes.
C'est un barème qui en vigueur depuis le 1er octobre 1987. Le barème de la
SAAQ a été modifié à de multiples reprises depuis 1978. Sa dernière version
date de 2000. Plus généreux. Mais on ne sait pas c'est quoi, le barème du
ministre. J'espère qu'il ne nous arrivera pas avec un troisième barème ou un
quatrième. On en a déjà pas mal, des barèmes, là. On peut-u arrêter, là...
M. Bellemare (Marc) : ...en
vigueur depuis le 1er octobre 1987. Le barème de la SAAQ a été modifié à de
multiples reprises depuis 1978. Sa dernière version date de 2000. Plus
généreux. Mais on ne sait pas c'est quoi, le barème du ministre. J'espère qu'il
ne nous arrivera pas avec un troisième barème ou un quatrième. On en a déjà pas
mal, des barèmes, là. On peut-u arrêter, là? Qu'il prenne un des deux, là,
idéalement, celui de la SAAQ.
Mais, le problème de l'indemnité
forfaitaire, M. Tanguay, c'est qu'elle est versée à la fin du processus. Si tu
n'as pas eu de salaire pendant deux ans ou trois ans, puis qu'on te verse une
indemnité... Parce que le forfaitaire, c'est pour les séquelles permanentes,
alors ça vient après tous les traitements, puis en psychologie c'est long les
traitements. Ce n'est pas une blessure au poignet, là, on parle de gens qui
sont en stress post-traumatique, ça peut prendre cinq, six, sept ans, des fois
10 ans avant d'aboutir… (panne de son) …l'indemnité forfaitaire. Mais, quant à
la façon de gérer ça, je ne sais pas, c'est sûr que l'État, par le fait que
souvent par le biais des ministères ou par le biais des organismes publics,
l'État a à coeur de dépenser le moins possible, on ne lui … pas ça, sauf que,
faut dire la vérité aux gens. Moi, ce que je trouve …, ici, … alors que ça va
l'être moins. Qu'on dise donc la vérité aux gens, qu'on leur dise donc :
On n'a pas d'argent, on est obligé de couper dans les salaires, on est obligé
de couper à trois ans parce qu'on n'a pas d'argent. Alors, qu'on dise ça, qu'on
dise aux victimes qu'ils n'auront moins, qu'on ne leur dise pas qu'ils vont en
avoir plus quand ça va être le contraire.
M. Tanguay
: Autre
exemple tangible, vous parlez de la prescription extinctive avec
l'article 21 à une victime de 17 ans estime apte à réclamer dès l'âge de
14 ans. Son recours serait-il prescrit avant qu'il n'atteigne l'âge de la
majorité? Donc, victime à 14 ans, 17 ans. J'aimerais ça que vous nous
expliquiez également cet autre écueil très très potentiel, avec le projet de
loi 84 quant à la prescription extinctive.
Le Président (M.
Bachand) : Et en moins de… Excusez-moi, Me Bellemare, il reste
une petite minute, alors s'il vous plaît le faire en une minute, s'il vous
plaît. Merci.
M. Bellemare (Marc) : On donne
à la victime de 14 ans le droit de réclamer, on lui donne même le droit de
gérer l'argent qui va sortir de la… de cette loi-là. L'indemnité forfaitaire,
par exemple, a va avoir des enfants de 15, 16 ans qui vont recevoir des
indemnités forfaitaires de, je ne sais pas, moi, 25 000 $,
30 000 $, 40 000 $, d'abord, c'est douteux, mais, pour ce
qui est de la prescription, on donne à la victime de 14 ans le droit de
réclamer. Est-ce que ça veut dire que, après trois ans, donc à 17 ans, s'il n'a
pas réclamé, il va être prescrit? Est-ce que la prescription, le délai de trois
ans ne devrait pas courir au moins à partir de sa majorité? Puis être prescrit
à 21 ans, lui laisser le temps d'agir, à 14 ans, tu n'as pas toute la maturité,
tu n'as pas toutes les connaissances. On lui donne le droit de réclamer plus
jeune. Est-ce que le délai de trois ans court aussi contre lui à partir du
moment où il a l'opportunité de réclamer? Puis qu'il est conscient de ses
blessures? Ce qui voudrait dire qu'il serait prescrit à 17 ans. Je trouve ça
risqué, il n'y a rien dans le projet de loi là-dessus.
Le Président (M.
Bachand) : Merci.
M. Tanguay
: Merci, Me
Bellemare.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Sherbrooke, vous avez la
parole, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, M. Bellemare, vous nous faites part de plusieurs lacunes dans
le projet de loi, vous n'êtes pas le seul d'ailleurs, là, merci. Vous avez
nommé la question des délais, tantôt, puis vous avez dit : Ça, c'est
quelque chose que le projet de loi ne va pas régler, à moins d'introduire une
disposition pour imposer un délai à l'administration. Pensez-vous que ce serait
souhaitable de le faire?
M. Bellemare (Marc) :
Peut-être, parce qu'écoutez, il y a beaucoup de délais, hein? Il y a beaucoup
de gens qui me disent : Ça me prend, quasiment, un avocat, dans le coffre
à gants, quand j'ai un accident d'auto…
Mme Labrie : …vous avez nommé
la question des délais, tantôt, puis vous avez dit : Ça, c'est quelque
chose que le projet de loi ne va pas régler, à moins d'introduire une
disposition pour imposer un délai à l'administration. Pensez-vous que ce serait
souhaitable, de le faire?
M. Bellemare (Marc) : Peut-être,
parce qu'écoutez, il y a beaucoup de délais, hein? Il y a beaucoup de gens qui
me disent : Ça me prend, quasiment, un avocat, dans le coffre à gants,
quand j'ai un accident d'auto, ou dans la boîte à lunch, quand j'ai un accident
de travail. C'est vrai qu'il y a beaucoup de délais. Les délais de
contestation, pour les victimes, l'IVAC, actuellement, c'est 30 jours pour
l'ITT ou l'admissibilité, 90 jours pour les séquelles permanentes,
60 jours devant le tribunal administratif, CSST, c'est 30 jours,
45 jours devant le Tribunal administratif du travail, la Régie des rentes,
c'est d'autres délais, la SAAQ, c'est 60 jours. Les délais de réclamation
varient d'une loi à l'autre. C'est pour ça que je vous dis : Essayez donc
de tendre vers l'harmonisation pour que les gens se disent : Ah! bien
c'est tel délai, pour la contestation.
• (14 h 40) •
Mais, c'est vrai qu'il n'y a pas de délai
pour l'action gouvernementale, puis c'est toujours déplorable. On n'a pas de
poignée pour ça. On a des dossiers, je comprends qu'ils ont des enquêtes, des
fois, au niveau de l'IVAC. On enquête pour savoir si monsieur était dans le
crime organisé ou s'il ne l'était pas. Il y a des cas, des fois, ça prend deux,
trois ans avant que la décision sorte. C'est inacceptable. Je comprends qu'ils
ont des enquêtes à faire, mais ça ne serait peut-être pas mauvais d'imposer des
délais, aussi, à l'administration publique. À moins d'une grande complexité,
dans le dossier, il me semble que si tu es victime d'un acte criminel, à partir
du moment où tu as déposé ta réclamation, ils devraient rendre une décision dans
un délai, je ne sais pas, moi, de 60 ou 90 jours. On peut l'imposer,
quitte à ce qu'il y ait des limites, mais là, il n'y en a pas, et il n'y en a
pas dans aucune des lois.
Alors, les délais, c'est toujours du côté
du citoyen, puis c'est fort complexe. Puis en matière d'IVAC, là, on parle de
gens, là, qui sont traumatisés au plan psychologique, là. C'est l'enfer. Il y a
beaucoup de victimes qui n'ont pas de blessure physique, qui sont blessées au
plan psychologique.
Il y a un problème, aussi, au niveau de la
réclamation. On dit qu'on a trois ans pour réclamer, puis au-delà de ça,
tu es réputé, je pense, je ne sais pas quelle disposition du projet de loi
n° 84, là, tu es réputé à avoir renoncé à moins de prouver l'impossibilité
d'agir. Ça, il faut se débarrasser de ça. L'impossibilité d'agir, c'est dans le
Code civil, mais ce n'est dans aucune loi sociale. Aujourd'hui, c'est le motif
raisonnable. C'est un concept beaucoup plus équitable, beaucoup plus simple. Si
l'accidenté est hors délai, à quelque niveau que ce soit, pour réclamer, la
victime d'actes criminels, un motif raisonnable devrait suffire à excuser son
retard et non pas l'impossibilité d'agir. Je trouve que c'est beaucoup plus
difficile. Puis, les tribunaux, l'impossibilité d'agir, c'est virtuellement
impossible d'atteindre ce niveau-là, c'est quasiment une preuve hors de tout
doute. …devrait imposer des délais, à mon avis, à l'administration aussi.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée de Sherbrooke. Mme la
députée de Joliette, vous avez la parole, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour. Merci beaucoup, Me Bellemare. J'aurais, vraiment, beaucoup de
questions, mais, voyez-vous, j'ai un gros 2 min 45 s. Donc, je
voudrais vous amener à l'article 71, parce que c'est là où on parle que si
le ministre est d'avis que la personne qui en fait la demande a besoin,
immédiatement, de l'aide financière, il va pouvoir le faire. Dans le deuxième
alinéa, on dit que ça va être déterminé par règlement, les constats et
modalités du versement préalable. Donc, moi, ce qui m'inquiète, puis je
voudrais avoir votre opinion là-dessus, c'est qu'on parle beaucoup de
l'importance de pouvoir agir, rapidement, avec, notamment, du soutien
psychologique. Et est-ce qu'on…
Mme
Hivon
: …dans
le deuxième alinéa, on dit que ça va être déterminé par règlement, les constats
et modalités du versement préalable. Donc, moi, ce qui m'inquiète, puis je
voudrais avoir votre opinion là-dessus, c'est qu'on parle beaucoup de
l'importance de pouvoir agir rapidement avec notamment le soutien
psychologique, et est-ce qu'on peut penser que de faire ça par règlement va vraiment
pouvoir venir déterminer toutes les circonstances où on devrait pouvoir agir
rapidement? Est-ce que ça ne devrait pas être la règle de base que l'aide doit
être immédiate?
M. Bellemare (Marc) : Oui,
mais je peux vous rassurer, Mme Hivon, ce ne sera jamais appliqué parce que
c'est déjà dans la Loi de l'IVAC, puis ils ne l'ont jamais appliqué. Les
paiements temporaires, quand ils sont d'avis qu'ils accorderont probablement
l'indemnité, moi, en 42 ans, je n'ai jamais vu ça, je n'ai jamais vu de
victime. Il y a une personne, il n'y a pas longtemps, là, qui m'a contacté, qui
a été victime d'une invasion de domicile. Ça fait huit mois que monsieur, sa
femme a été victime d'invasion à domicile, ses deux filles ont été blessées, il
dit : Je n'en reviens pas, je n'ai pas une cent qui rentre, personne n'est
payé, ça fait huit mois. Alors, ce serait un beau cas, là, mais ils ne
l'appliquent pas. Alors, les paiements temporaires, ils n'en font pas.
Maintenant, c'est sûr que, plus il y a de
garanties dans la loi, mieux c'est, et tout ce qui s'appelle pouvoir
réglementaire, bien, c'est évidemment à proscrire, parce que ça donne un
pouvoir discrétionnaire illimité à l'Exécutif pour réglementer puis ajouter des
conditions, puis ce n'est généralement pas nécessairement en faveur du citoyen.
Mme
Hivon
:
C'est sûr que ça inquiète beaucoup, parce que tout le coeur de l'indemnisation
puis des sommes forfaitaires, ça va tout être déterminé par règlement. Donc, en
ce moment, on n'est même pas capable de savoir la hauteur, ça fait que c'est
sûr qu'il va y avoir un gros travail à faire là.
Mon autre élément, c'est qu'on sait à quel
point les rapports, la bureaucratie sont difficiles avec l'IVAC. Est-ce que
vous voyez des choses, dans le projet de loi, qui sont de nature à améliorer
les rapports, je dirais, administratifs entre le citoyen, la victime et l'IVAC,
des améliorations très tangibles dans la manière dont on va prendre en compte
la demande, qu'on va être efficace, diligent, que ça va être plus simple pour
lui?
M. Bellemare (Marc) : Il
faudrait peut-être mettre des dispositions. Je sais que, dans la Loi sur les
accidents du travail, les maladies professionnelles, il y a des dispositions
qui disent qu'on doit s'adresser aux citoyens dans un langage simple. La Loi
sur la justice administrative aussi dit que les fonctionnaires doivent être en
soutien aux citoyens. Oui, il y a des beaux principes, mais, en pratique, tout
ça relève de l'administration, c'est un peu ce que je dis dans ma lettre,
comment ça va être géré cette affaire-là, la structure, c'est quoi, les
fonctionnaires, comment ils vont être formés.
Parce que c'est certain, comme je le
disais tantôt, qu'on fait affaire avec des dépressifs ou des traumatisés, des
gens qui sont sévèrement atteints au niveau psychique, ça touche l'humeur, ça
touche la concentration, ça touche l'anxiété, et on a besoin de… on le sait,
nous autres, les avocats, on a besoin de traiter nos victimes, nos clients,
quand c'est des victimes d'actes criminels, ce n'est pas n'importe quelle
personne. Et c'est sûr que ça fait grandement défaut, au niveau de l'IVAC, le
rapport, la façon de parler aux gens : Vous ne passerez pas votre vie
là-dessus. Ça fait trois fois que vous m'appelez depuis un mois. Vous n'avez
pas compris, ça fait une demi-heure que je vous l'explique, des attitudes
solides. Moi, on m'apporte des «tapes», des fois, là, des enregistrements de
contestation, c'est ahurissant. J'ai confiance que le ministre trouve une
solution à ce problème-là même…
M. Bellemare (Marc) : ...la
façon de parler aux gens, vous ne passerez pas votre vie là-dessus, ça fait
trois fois que vous m'appelez depuis un mois, vous n'avez pas compris, ça fait
une demi-heure que je vous l'explique, des attitudes solides. Moi, j'ai... on
m'apporte des «tapes», des fois, là, des enregistrements de conversations, c'est
ahurissant.
J'ai confiance que le ministre trouve une
solution à ce problème-là même si c'est beaucoup au niveau des rapports
humains, au niveau de la culture de l'organisme que ça doit être travaillé.
Mais là, s'il y a un changement législatif qui est opéré, il faudrait aussi
travailler très fort sur la structure et l'approche et convaincre les
fonctionnaires, les choisir en conséquence pour une certaine convivialité puis
un certain humanisme, là. Il faut vraiment travailler ça. Mais est-ce que ça
peut s'intégrer dans un cadre législatif? Je pense que ça a toujours été
compliqué...
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, Me Bellemare, ça conclut...
M. Bellemare (Marc) : ...ça
pourrait être... Si vous me permettez, M. Bachand. S'il y a une
structure... je le disais, s'il y a une structure qui est développée, qui est
mise en place, on ne la connaît pas, mais s'il y en a une, qu'on permette aux
victimes, aux vraies victimes, là, pas des représentants, là, pas des technocrates,
là, mais des vraies victimes articulées d'être présentes sur la structure
administrative éventuelle.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, Me Bellemare, encore une fois, merci
beaucoup de votre participation.
Sur ce, on suspend les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 46)
(Reprise à 14 h 48)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir maintenant les...
représentants, pardon, les représentants de la Direction générale de
l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
Alors, M. Rodrigue et
Mme Choquette, merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi, c'est très
apprécié. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, et,
après ça, on aura un échange avec les membres de la commission. Sur ce, je vous
laisse la parole. Et, encore une fois, merci de participer aux travaux. À vous.
M. Rodrigue (Jean) : Parfait. Merci
beaucoup. Alors, je me présente, Jean Rodrigue, directeur général de l'Indemnisation
des victimes d'actes criminels. Je suis accompagné aujourd'hui de
Mme Myriam Choquette, qui est directrice du développement...
Le Président (M.
Bachand) : ...savez, vous avez 10 minutes de présentation,
et, après ça, on aura un échange avec les membres de la commission. Sur ce, je
vous laisse la parole, et, encore une fois, merci de participer aux travaux. À
vous.
M. Rodrigue (Jean) : Parfait. Merci
beaucoup. Alors, je me présente, Jean Rodrigue, directeur général de l'indemnisation
des victimes d'actes criminels. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Myriam
Choquette, qui est directrice du développement, du soutien et du bureau de la
révision administrative. Mme Choquette est également la gestionnaire
responsable de la mise en oeuvre du projet de réforme.
Le but de la présentation, aujourd'hui,
c'est de partager avec vous certains constats opérationnels actuels et les
impacts prévus du projet de loi n° 84 sur ces
derniers. Nous ne nous présentons pas aujourd'hui en tant qu'experts du projet
de loi, je tiens à vous le dire. Comme vous le savez sûrement, la loi adoptée
en 1972 a confié un mandat de gestion administrative du régime d'indemnisation
à la direction générale de l'IVAC, et bien que nous ne soyons pas responsables
de l'analyse, du développement et de l'évolution de ce régime, nous sommes à
même de partager avec vous certains constats.
Ces constats, nous les avons partagés
d'ailleurs avec le ministère de la Justice du Québec dans le cadre de ses
travaux. Et j'aimerais souligner d'ailleurs la grande collaboration dans ce
projet entre le ministère et la direction générale de l'IVAC. Nous avons été à
même de discuter avec eux des problématiques auxquelles nous devons faire face
dans l'application de la loi actuelle. Nous avons mis dès le départ à
contribution une équipe de professionnels bien au fait de la prestation de
services, qui a pu porter la voix de nos intervenants et, par le fait même, des
personnes victimes elles-mêmes. Nous croyons que cette réforme importante
permettra de répondre à plusieurs critiques faites à l'endroit du régime
actuel.
Quelques chiffres, avant de commencer, les
derniers chiffres officiels, qui datent de 2019, chiffres présentés dans le
rapport annuel d'activité qui a été déposé à l'Assemblée nationale. Donc, 8856
nouvelles demandes de prestations reçues au 31 décembre 2019, 7 223
demandes de prestations acceptées. C'est 81,5 % des demandes qui ont été
acceptées. 17 532 dossiers pour lesquels des indemnités ont été versées,
pour une somme de 136 022 991 $.
• (14 h 50) •
Les enjeux actuels concernent deux points
essentiels que le Protecteur du citoyen a soulevés dans son rapport systémique
publié en septembre 2016, et qui font d'ailleurs souvent l'objet de plusieurs
publications dans les médias, je vous parle de l'accès au régime, ainsi que des
délais de traitement. Plusieurs critiques, donc, sur le régime actuel, sont en
lien avec l'admissibilité des réclamations. Ces critiques portent
essentiellement sur les critères d'admissibilité, restrictifs, il faut le dire,
qui limitent l'accès au régime à certaines victimes d'actes criminels. Le... le
projet de loi, pardon, prévoit des modifications sur certains aspects. Les
modifications porteront essentiellement sur la territorialité, le délai pour
déposer une demande de qualification, l'imprescriptibilité pour des infractions
dans certains contextes, les crimes éligibles et la notion de victime.
Tout d'abord, le critère de
territorialité. Actuellement, pour être admissible, le crime doit avoir été
commis au Québec. Une personne étrangère en visite peut être admissible, mais
un résident québécois victime d'un crime à l'étranger ne l'est pas...
M. Rodrigue (Jean) :
...pour des infractions dans certains contextes, les crimes éligibles et la
notion de victime.
Tout d'abord, le critère de
territorialité. Actuellement, pour être admissible, le crime doit avoir été
commis au Québec. Une personne étrangère en visite peut être admissible, mais
un résident québécois victime d'un crime à l'étranger ne l'est pas. En 2019,
13 personnes ayant été victimes d'un acte criminel commis à l'extérieur du
Québec et ayant déposé une demande de prestations ont reçu une décision de
refus.
Le projet de loi prévoit qu'un résident québécois
victime d'un crime ailleurs qu'au Québec, au Canada ou à l'étranger, serait
admissible à une aide. Ce changement permettrait à tous les Québécois et Québécoises
d'obtenir de l'aide du gouvernement s'ils sont victimes d'un acte criminel au
Québec ou ailleurs, dans la mesure, bien entendu, où ils répondent à tous les critères
d'admissibilité.
Le délai pour déposer une demande. Actuellement,
pour les crimes commis après le 23 mai 2013, le délai pour déposer une
demande de prestations est de deux ans. Pour les crimes commis avant le
23 mai, le délai est même d'un an. Passé ces délais, la personne victime
doit démontrer qu'elle avait des motifs raisonnables pour expliquer la présentation
tardive de sa demande de prestations, sans quoi elle est réputée avoir renoncé
à se prévaloir de ses droits pour bénéficier des avantages prévus à la loi.
En 2019, c'est 108 personnes qui ont
reçu une décision de refus à l'accès au régime, car elles n'ont pas présenté
leur demande de prestations à temps, sans motif raisonnable pour justifier leur
retard. Plus de la moitié d'entre elles ont été victimes d'agression sexuelle.
Le projet de loi n° 84 permet de
faire passer le délai de deux à trois ans pour le dépôt d'une demande de
qualification, ce qui laisse plus de temps aux victimes pour déposer leur
demande. De plus, il n'y aura aucun délai pour les crimes commis dans trois
contextes, à savoir la violence dans l'enfance, les agressions sexuelles et la
violence conjugale. La grande majorité des personnes victimes d'actes criminels
acceptées à l'IVAC sont concernées par ces contextes.
Ainsi, par exemple, sur l'ensemble des
demandes acceptées en 2019, 42,7 % étaient victimes d'agression sexuelle,
soit 3 096 personnes. Plusieurs d'entre elles ont probablement dû
expliquer à un agent, en tout respect de la loi actuelle et des façons de
faire, pourquoi elles ont fait leur réclamation hors du délai prescrit. Elles
devaient expliquer leur impossibilité d'agir. Nous sommes tous à même de
comprendre comment cela peut être difficile.
Le projet de loi prévoit qu'elles n'auront
plus à le faire. L'imprescriptibilité permettra donc aux personnes victimes de
demander de l'aide à tout moment lorsqu'elles se sentiront prêtes à le faire,
et l'agent d'indemnisation n'aura plus à questionner à cet effet.
Les crimes éligibles. Aujourd'hui, seuls
les crimes prévus à l'annexe de l'IVAC sont couverts par le régime actuel.
Souvent critiquée, cette liste ne couvre pas certains crimes tels que les
formes d'exploitation sexuelle, proxénétisme, traite de personnes, pornographie
juvénile, le leurre informatique. En 2019, 200 personnes ont reçu une
décision de refus à l'accès au régime, car le crime dont elles ont été victimes
ne figurait pas à l'annexe de la loi. Cela représente 13 % des décisions
de refus émises à l'accès au régime.
Le projet de loi prévoit l'abolition de
l'annexe et...
M. Rodrigue (Jean) :
...pornographie juvénile, le leurre informatique. En 2019, 200 personnes ont
reçu une décision de refus à l'accès au régime, car le crime dont elles ont été
victimes ne figurait pas à l'annexe de la loi. Cela représente 13 % des
décisions de refus émises à l'accès au régime. Le projet de loi prévoit
l'abolition de l'annexe et de couvrir l'ensemble des crimes contre la personne,
permettant par là même de donner l'accès au régime à toutes les personnes
victimes des crimes sur la personne et toutes les formes d'exploitation
sexuelle qui n'existaient pas en 1972. Nous croyons qu'il s'agit d'une
amélioration fort importante pour les personnes victimes.
La notion de victime. Lors de son rapport
d'intervention 2016, le Protecteur du citoyen émettait 33 recommandations. À ce
jour, 31 sont considérées comme étant implantées à sa satisfaction. Deux
demeurent, dont une fort importante, la recommandation n° 6 :
«Inclure dans la notion de victime toute personne qui subit un préjudice en
arrivant sur les lieux d'un crime venant juste d'être perpétré et qui l'affecte
ou la vise directement de manière significative.» Actuellement, il y a une
définition restrictive de cette notion de victime, ce qui amène non seulement
des refus, mais également des insatisfactions, des sentiments d'injustice et
des incompréhensions. En 2019, 193 personnes ont reçu une décision de refus
parce qu'elles ne répondaient pas à la notion de victime en vertu de la loi sur
l'IVAC. Le projet de loi vient élargir cette notion de victime en incluant par
exemple le témoin qui n'est pas physiquement présent sur les lieux de
l'infraction, mais qui aurait été en communication avec la victime au moment du
crime. Il s'agit sans contredit d'une mesure phare du projet qui permettra à
plus de personnes victimes d'avoir accès à l'aide nécessaire favorisant leur
rétablissement.
Je vous parle maintenant brièvement des
délais de traitement. Actuellement, les délais de traitement à l'admissibilité
sont principalement causés par le temps additionnel nécessaire à l'analyse des
demandes de prestations plus complexes. L'analyse est plus complexe et plus
longue lorsque les demandes de prestations sont déposées hors délai ou lorsque
le crime allégué ne figure pas de prime abord à l'annexe de la loi. Plus la
demande est complexe et plus nous devons aller chercher de l'information.
Beaucoup de nos délais sont en lien avec l'attente de ces informations,
qu'elles soient policières ou qu'elles soient médicales. En 2019, les délais de
traitement pour l'ensemble des dossiers traités à l'admissibilité étaient en
moyenne de 117 jours. Toutefois, il me fait plaisir de vous dire que pour les
dossiers plus simples, près de 36 % des dossiers qui on été traités en
2019, le délai n'était que de 2,6 jours.
L'imprescriptibilité de certains crimes
dans certains contextes va simplifier l'étude des dossiers, puisque les
personnes victimes n'auront pas à expliquer les délais ni à justifier leurs
retards. L'agent de l'IVAC n'aura pas à faire une cueillette supplémentaire, au
risque de donner l'impression d'être intrusif. L'offre de services sera mieux
encadrée, permettant de rendre des décisions plus rapidement en laissant
également moins de place à toute interprétation. De plus, le projet de loi
prévoit un programme de mesures d'urgence.
En terminant, nous croyons que le projet
de loi n° 84 favorisera le rétablissement des
personnes victimes en offrant des services adaptés à leurs besoins afin de les
aider à...
M. Rodrigue (Jean) : …rendre
des décisions plus rapidement, en laissant également moins de place à toutes
interprétations. De plus, le projet de loi prévoit un programme de mesures
d'urgence.
En terminant, nous croyons que le projet
de loi n° 84 favorisera le rétablissement des personnes victimes en
offrant des services adaptés à leurs besoins, afin de les aider à surmonter les
conséquences psychiques, physiques, sociales et professionnelles des blessures
causées par l'infraction criminelle. Il permettra d'offrir de l'aide de façon
équitable, en élargissant la notion de routine afin de tenir compte de l'impact
d'une infraction criminelle sur la personne victime, sa famille et ses proches,
en rendant admissibles tous les crimes contre la personne, et en mettant
davantage de balises sur l'application de la loi.
Il rendra finalement ces services plus
accessibles et efficaces, en prolongeant le délai pour le dépôt d'une demande
de qualification, en rendant imprescriptibles certains crimes dans certains
contextes, qui représentent la majeure partie des demandes à l'IVAC, en mettant
en place un programme de mesures d'urgence, et en permettant, notamment,
l'accès aux victimes à davantage de professionnels pouvant porter un soutien
psychique. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. Rodrigue… Pardon. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. M. Rodrigue et Mme Choquette, bonjour. Merci de participer aux
travaux de la commission. D'entrée de jeu, on a eu quelques intervenants qui
sont venus nous dire : Écoutez, il y a toujours l'impossibilité, en fait,
d'agir par rapport aux délais, parce qu'on augmente les délais de deux à trois
ans, relativement, à la possibilité de faire par réclamation, donc, un délai de
prescription de trois ans. On enlève tout délai pour les infractions à
caractère sexuel de violence subie pendant l'enfance ou pour la violence
conjugale. Mais on a eu des commentaires par rapport au fait qu'on reprend la
notion d'impossibilité, en fait, d'agir, qui est déjà présente dans la loi
actuelle de l'IVAC, pour dire : Bien, on vous donne également la
possibilité d'invoquer cela pour dépasser le délai de trois ans. Comment c'est
interprété, ça, à l'IVAC? Cette impossibilité, en fait, d'agir, là,
concrètement? Parce que certains soulevaient, disaient : On devrait
peut-être mettre motif? Est-ce que vous l'interprétez largement? Comment ça se
déroule concrètement?
M. Rodrigue (Jean) : C'est
interprété de façon très large, là, je tiens à vous le signaler. Bien entendu,
chaque cas est particulier, hein, on le comprendra. L'intervenant à l'accès au
régime discute avec la personne victime, essaie de comprendre, là, les raisons
derrière le fait qu'il n'a plus… bien, on va dire trois ans, là, bientôt, là,
si le projet de loi va de l'avant. Pourquoi qu'à l'intérieur de ces trois
années-là il n'y a pas été en mesure de déposer sa réclamation? Ce que je peux
vous dire, c'est que c'est étudié avec sérieux, bien entendu. C'est pour ça
aussi, parfois, qu'on trouve que les agents posent énormément de questions. Je
pense que les intervenants, ce qu'ils cherchent à faire, c'est d'aider la
personne afin qu'elle devienne admissible au régime, là. Donc, oui, chaque
demande est étudiée de façon très particulière.
• (15 heures) •
M. Jolin-Barrette : O.K.,
puis vous dites, le fait de ne plus avoir de délai de prescription sur les
trois types d'infraction que je vous ai mentionné, ça va permettre de
simplifier le processus…
15 h (version non révisée)
M. Rodrigue (Jean) : ...afin
qu'elle devienne admissible au régime, là. Donc, oui, chaque demande est
étudiée, là, de façon très particulière.
M. Jolin-Barrette : O.K. Puis
vous dites, le fait de ne plus avoir de délai de prescription sur les trois
types d'infraction que je vous ai mentionné, ça va permettre de simplifier le
processus au niveau de l'admissibilité.
M. Rodrigue (Jean) : Oui. Oui,
parce qu'il n'aura plus de questionnement pour ces contextes-là. Ce sont les
contextes, je vous dirais, les plus sensibles. Lorsque les gens font une
réclamation, par exemple, pour de la violence conjugale, pour une agression
sexuelle, pour un crime commis dans l'enfance, lorsque l'intervenant doit lui
demander des précisions, faire préciser certaines choses, essayer de comprendre
pourquoi il n'a pas été en mesure de faire cette réclamation-là, il est souvent
perçu comme étant très intrusif et c'est très difficile pour les gens, pour les
personnes victimes. Le fait que ces crimes-là deviennent imprescriptibles, eh
bien, il n'y aura plus cette enquête-là, il n'y aura plus ce questionnement-là.
Ça va vraiment simplifier le travail.
M. Jolin-Barrette : Puis en
matière d'infraction à caractère sexuel, c'est environ 80 % de vos
réclamations. C'est ce que j'ai compris.
M. Rodrigue (Jean) : Écoutez,
vous m'embêtez un peu. Je sais que la grande majorité des réclamations, c'est
violence conjugale, crimes à caractère sexuel, crimes dans l'enfance. C'est la
très, très grande majorité. Je ne pourrais pas vous confirmer avec exactitude,
là, si ça correspond à 80 %, mais c'est sûrement la très grande majorité.
M. Jolin-Barrette : O.K. Une
des demandes, bien, en fait, je dirais, un des commentaires que nous avons eus
de la part de certains groupes est à l'effet qu'on souhaiterait de la part des
personnes qui sont bénéficiaires du régime, de ne pas avoir... bien, en fait,
de toujours avoir le même agent d'indemnisation. Pouvez-vous nous renseigner un
peu pour savoir, actuellement, là, de quelle façon ça se déroule à la direction
de l'indemnisation?
M. Rodrigue (Jean) : Oui, avec
plaisir. C'est très difficile de n'avoir qu'un seul intervenant. Je vous
explique pourquoi. Lorsqu'on reçoit une réclamation, lorsque le dossier... la
personne victime, lorsqu'on traite son dossier, là, à l'accès au régime, ce
sont des intervenants avec des compétences particulières, une maîtrise
particulière de la loi. Donc, ce n'est pas le même intervenant qui va faire
l'accès au régime, qui va faire le suivi par la suite, du dossier.
En prévision du projet de loi, on a
modifié notre structure opérationnelle afin de l'humaniser. Et ce qu'on va
faire, là, c'est... depuis janvier, maintenant, c'est comme ça, tous les
dossiers qui ont besoin d'un accompagnement particulier, toutes les personnes
victimes, devrais-je dire, là, qui ont besoin d'un accompagnement particulier,
c'est un intervenant, la personne victime aura affaire avec un intervenant une
fois le dossier accepté. Donc, il est possible que la personne victime va
appeler à la Direction générale de l'IVAC, va parler avec un préposé aux
renseignements. Souvent, les gens peuvent confondre, ils parlent à plusieurs
personnes, ce n'est pas nécessairement l'intervenant qui est au dossier, là,
mais ils vont parler avec le préposé. Mais normalement il y aura...
M. Rodrigue (Jean) : ...le
dossier accepté. Donc, il est possible que la personne victime va appeler à la
Direction générale de l'IVAC, va parler avec un préposé aux renseignements.
Souvent, les gens peuvent confondre, ils parlent à plusieurs personnes, ce n'est
pas nécessairement l'intervenant qui est au dossier, là, mais ils vont parler
avec le préposé. Mais normalement il y aura un intervenant, soit agent
d'indemne ou conseiller en réadaptation, qui sera responsable d'un dossier, du
dossier de la personne victime.
M. Jolin-Barrette : Le fait
qu'on mette en place un programme d'urgence et le fait de pouvoir avoir des
services dès le départ, là, sans que le dossier, là, soit admis complètement,
là, est-ce que... comment la direction de l'indemnisation voit ça au niveau
opérationnel?
M. Rodrigue (Jean) : Vous
savez, actuellement, on a en place ce qu'on appelle des mesures temporaires.
Alors, lorsque nous avons... nous recevons une réclamation et qu'il est comme
mentionné que la personne est en attente de revenus, elle a des besoins particuliers,
on peut déjà mettre en place des mesures particulières. Nous avons reçu cette
réclamation-là, elle sera traitée, on peut autoriser certaines choses à la
demande également, là, de la personne victime. Ça fait que ça, c'est déjà
quelque chose en place.
Dans le programme d'urgence dont vous me
parlez, là, qui est inclus dans le projet de réforme, je crois que la
collaboration souhaitée, là, de la Direction générale de l'IVAC va être dans le
remboursement des frais et ces choses-là. C'est quelque chose que l'on maîtrise
très, très bien, là, toute la structure est en place pour recevoir, là, un tel programme,
là. Je ne vois pas de difficulté à mettre ça en place, pas du tout.
M. Jolin-Barrette : Au début
de votre intervention, je crois que vous disiez : Il y a beaucoup de
critiques de l'IVAC, de la direction de l'indemnisation des victimes d'actes
criminels, qui est causé par la loi que nous avons actuellement, par la
rigidité de la loi puis par les... dans le fond, les modalités qui sont assez
fermes, assez complexes et qui sont assez inflexibles. Donc, est-ce qu'avec la
nouvelle loi vous pensez qu'il va y avoir davantage de marge de manoeuvre et
que ça amène une plus grande souplesse et davantage de services?
M. Rodrigue (Jean) : Je crois
que oui. Moi, de ce que je comprends du projet de loi, je reviens à ça, là,
l'imprescriptibilité, juste ce volet-là, je pense que ça va être très, très
bien reçu des personnes victimes. J'en comprends aussi que la notion de victime
est modifiée, il y a plus de gens qui vont avoir accès au service. J'en
comprends qu'il y aura plus de victimes qui vont être reconnues comme étant une
victime, et ce n'est pas toujours le cas. Et ce qu'on constate, c'est que, chez
les gens qui font appel à nos services, le fait de ne pas être reconnu comme
une victime, c'est extrêmement difficile. Et ce que j'entends du projet de loi,
de ce que j'en comprends, il va y en avoir plus, de gens reconnus. Je pense que
c'est une excellente chose.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une dernière question pour moi, M. Rodrigue, avant de céder la parole à
mes collègues. Je ne sais pas si vous avez entendu l'intervenant précédent qui
était Me Marc Bellemare, mais il nous a dit : Écoutez, avec le projet
de loi...
M. Rodrigue (Jean) : …de ce que
j'en comprends, il va y avoir plus de gens reconnus, puis je pense que c'est
une excellente chose.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une dernière question pour moi, M. Rodrigue, avant de céder la parole à mes
collègues. Je ne sais pas si vous avez entendu l'intervenant précédent qui
était Me Marc Bellemare, mais il nous a dit : Écoutez, avec le projet de
loi no° 84, ça va être difficile à appliquer et à interpréter, la nouvelle loi
pour la direction de l'Indemnisation des victimes d'actes criminels. Est-ce que
vous pensez que vous allez avoir de la difficulté à appliquer le nouveau projet
de loi s'il devenait une loi?
M. Rodrigue (Jean) : Non, je
ne crois pas, même, du tout. Je tiens à préciser, là, je ne suis pas le
spécialiste, là, de cette réforme-là. Je ne suis pas légiste non plus, là, mais
il me semble plutôt que c'est beaucoup plus clair, il y a moins matière à
interprétation. Les services offerts selon le bénéficiaire, pour moi, c'est
beaucoup plus clair que ce que c'est présentement. Alors, je ne vois pas où
serait la difficulté, là, à mettre en oeuvre cette réforme. D'ailleurs, là, je
l'ai dit en introduction. Si vous permettez, là, je tiens à le répéter. La
direction générale de l'IVAC a collaboré depuis le début avec le ministère de la
Justice dans cette réforme-là. On a été à même de faire nos commentaires, puis
il n'y a pas beaucoup de roches qui n'ont pas été soulevées. Puis je pense que
les intervenants de chez nous qui ont participé à cette réforme-là, à cette
discussion-là, étaient très au fait des critiques des personnes victimes. Moi,
je ne crois pas que ça va être difficile à mettre en oeuvre, déjà on débute nos
travaux, là, on est en train de mettre en place certaines choses pour s'assurer
que ça soit mis en oeuvre au jour J. Non, je ne crois pas ça.
M. Jolin-Barrette : Merci. Je
vais céder la parole, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de
Bellechasse, s'il vous plaît.
M. Rodrigue (Jean) : Je ne
vous entends pas, désolé.
Le Président (M.
Bachand) : C'est la députée de Bellechasse qui va prendre la
parole. Mme la députée, votre micro est ouvert?
Mme Lachance : Merci, M. le
Président.
Le Président (M.
Bachand) : Parfait.
Mme Lachance : Merci, M.
Rodrigue, d'être présent parmi nous.
M. Rodrigue (Jean) : Ça fait
plaisir.
Mme Lachance : Peut-être,
comme première question, j'aimerais revenir sur quelque chose que vous avez
énoncé, et n'hésitez pas à me reprendre si je n'ai pas bien compris. Vous avez
mentionné qu'en 2019, 108 demandes avaient été refusées pour délai… motif de
renonciation, donc délai dépassé. Est-ce que c'est exact?
M. Rodrigue (Jean) : Pour hors
délai.
Mme Lachance : Pour hors
délai.
M. Rodrigue (Jean) : Oui.
Mme Lachance : Et sur les 108,
vous avez mentionné que près de la moitié étaient liées à des crimes à
caractère sexuel ou conjugal.
M. Rodrigue (Jean) : Un
instant… je veux juste m'assurer, là, que je…
Mme Lachance : C'était dans
votre présentation, au tout début.
M. Rodrigue (Jean) : Oui, 108
personnes… c'est vrai. 108 personnes ont reçu une décision de refus à l'accès
au régime, car elles n'ont pas présenté leur demande de prestations à temps, sans
motif raisonnable pour justifier leur retard.
Mme Lachance : Et donc près de
la moitié étaient à caractère sexuel…
M. Rodrigue (Jean) : Oui,
victimes…
M. Rodrigue (Jean) : …un
instant, je veux juste m'assurer, là, que je…
Mme Lachance : C'était dans
votre présentation, au tout début.
M. Rodrigue (Jean) : Oui,
108 personnes, c'est vrai, 108 personnes ont reçu une décision de
refus à l'accès au régime, car elles n'ont pas présenté leur demande de
prestation à temps, sans motif raisonnable pour justifier leur retard.
Mme Lachance : Et donc près de
la moitié était à caractère sexuel…
M. Rodrigue (Jean) : A été
victime d'agression sexuelle, oui.
Mme Lachance : O.K. Donc, on
peut convenir qu'avec le projet de loi n° 84 près de la moitié de ces
victimes-là auraient obtenu des gains. Pour l'autre moitié, est-ce que vous
êtes en mesure d'identifier un peu le délai? Est-ce que ça dépassait beaucoup
trois ans? Est-ce que c'était près de trois ans? Est-ce qu'on le sait?
• (15 h 10) •
M. Rodrigue (Jean) : Non,
malheureusement, je ne peux pas vous donner cette information-là. Lorsqu'on
codifie une réclamation, là, on va aller indiquer le refus hors délai, mais on
ne peut pas indiquer de combien de temps, là. Je suis désolé.
Mme Lachance : O.K. Donc, on
n'a pas cette information-là. Donc, selon votre expérience, est-ce que le délai
de trois ans est suffisant maintenant?
M. Rodrigue (Jean) : Vous
savez, pour certaines personnes, ce ne sera jamais suffisant. Mais oui, c'est
sûr et certain que ça va quand même donner plus de temps aux gens, surtout que
ça va être pour une catégorie, parce que, finalement, la majorité des dossiers,
là, il y aura l'imprescriptibilité. Alors, ils n'auront plus ces délais-là.
Mme Lachance : D'accord.
J'aurais aussi une petite question concernant ce que mon collègue le ministre
vous a exprimé il y a quelques minutes à ce qui a trait au nombre d'agents. Si
les victimes avaient la possibilité d'avoir un seul agent, ce serait un fait qui
serait apprécié parce qu'ils trouvent ça difficile. Est-ce qu'on peut savoir
comment ça fonctionne? Combien d'agents peuvent être en contact avec une
victime dans le cadre d'un dossier?
M. Rodrigue (Jean) : Comme je
vous l'expliquais, il est possible, là, au tout début, il y a un intervenant
qui va faire ce qu'on appelle l'accès au régime, donc qui va communiquer avec
la personne victime pour prendre l'information et puis déterminer son
admissibilité au régime. Par la suite, ce dossier-là sera transféré,
dépendamment, là, du type de dossier, dans des services d'accompagnement, et
là, il devrait y avoir un autre intervenant.
C'est vrai que, je le répète, là, parfois,
il peut y avoir une apparence, là, où il y a plusieurs intervenants qui
traitent un dossier. Il suffit que l'intervenant responsable du dossier soit en
vacances, soit absent, que ce soit une autre personne qui va prendre le dossier
et que la personne victime va penser qu'on a transféré son dossier. C'est
vraiment un souhait qui est fait et c'est quelque chose, là, sur lequel on
travaille parce qu'on est très soucieux de ça, que la personne victime n'ait
pas à répéter constamment son histoire. On comprend à quel point ça peut être
difficile de le faire.
Mais force est de constater qu'on a encore
du travail à faire, ça, c'est sûr, et qu'opérationnellement il y a des
difficultés à mettre ça en oeuvre. Mais ce que nous sommes en train de mettre
en place, notre nouvelle structure, je répète, on y travaille depuis juillet en
prévision de cette réforme-là qui s'en vient, mais qui…
M. Rodrigue (Jean) : ...force
est de constater qu'on a encore du travail à faire, ça, c'est sûr, et
qu'opérationnellement il y a des difficultés à mettre ça en oeuvre. Mais ce que
nous sommes en train de mettre en place, notre nouvelle structure, je répète,
on y travaille depuis juillet, en prévision de cette réforme-là qui s'en vient,
mais qui est en vigueur, là, depuis le mois de janvier, c'est tout nouveau...
On veut vraiment que la personne victime qui a ces besoins-là d'accompagnement
soit accompagnée par un intervenant en indemnisation et également un intervenant
en réadaptation. Parce que parfois il peut y avoir, hein, aussi... je dirais,
la personne peut penser que c'est deux intervenants, mais... oui, mais ils
traitent le même dossier, ils n'ont pas les mêmes tâches.
Mme Lachance : Donc, il y aurait
un intervenant en indemnisation et un en réadaptation. Et puis ces intervenants-là,
comment ils sont formés pour répondre à une clientèle victime... à des
victimes, en fait?
M. Rodrigue (Jean) : Oui. Écoutez,
il y a la formation lorsque les gens arrivent au régime, lorsqu'ils sont
embauchés, là, il y a une formation de près de... entre six et huit semaines,
avec des stages, là, dans les filières, là, pour travailler avec les personnes
victimes. Ça, c'est ce qu'on a fait en indemnisation. Tous les conseillers en
réadaptation, ce sont des corps d'emploi de niveau professionnel où les gens
sont bacheliers soit en psychologie, en criminologie. Il y a... ce sont des
pratiques que l'on recherche, là, les C.V. que l'on recherche, donc. Et il y a,
par la suite, la formation interne, formation continue, comment exprimer un
refus, comment communiquer des choses difficiles avec les personnes victimes, par
exemple. Donc, il y a de la formation continue tout au long de l'année.
Mme Lachance : Et ça, c'est déjà
en place, là, ça fait déjà partie de vos méthodes de travail, de votre façon de
fonctionner. Puis comment on évalue la qualité du service, dans le fond, la
qualité...
Le Président (M.
Bachand) : ...
Mme Lachance : M. le Président...
j'ai terminé, M. le Président?
Le Président (M. Bachand) :
Oui. Rapidement, M. Rodrigue, s'il vous plaît.
Mme Lachance : Merci, M. le
Président.
M. Rodrigue (Jean) : Oui. Je
ne sais pas si je vais être capable d'être rapide là-dessus, parce que c'est
une question très sensible, là, ça fait que vous m'interromprez si je vais trop
loin, là. Comment est-ce qu'on évalue la qualité du service, là, c'est une
excellente question, parce que ça me permet de vous parler de ce qu'on a fait.
Vous savez, là, le Protecteur du citoyen... je pense que vous êtes tous au
courant, lorsque le protecteur est arrivé à la direction générale de l'IVAC,
là, en 2016, lorsqu'il a fait ses travaux, lorsqu'il a fait son rapport,
lorsqu'il a fait toutes ses recommandations, près de 33, c'est un rapport quand
même costaud, il a amené un vent de changement incroyable au sein de la
direction. Il y a beaucoup de choses qui ont été changées. Des 33 recommandations,
il y en a 31 qui sont considérées comme étant implantées. Ça fait que ça a
amené beaucoup de choses, mais...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. Rodrigue. Je dois
malheureusement vous interrompre puis je m'en excuse.
Mme Lachance : Merci,
M. Rodrigue. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Je cède la parole au député de LaFontaine,
s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, M. Rodrigue, de vous saluer
et également de saluer Mme Choquette. Et j'aimerais ça, d'entrée de jeu,
permettre à Mme Choquette, là, sur tout ce qui s'est dit jusqu'à...
Le Président (M. Bachand) :
...merci beaucoup, M. Rodrigue. Je dois malheureusement vous interrompre
puis je m'en excuse.
Mme Lachance : Merci,
M. Rodrigue, merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Je cède la parole au député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
M. Tanguay
: Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, M. Rodrigue de vous saluer,
également de saluer Mme Choquette. Et j'aimerais ça, d'entrée de jeu,
permettre à Mme Choquette, là, sur tout ce qui s'est dit jusqu'à maintenant...
parce que souvent, dans ces consultations-là, on se rend compte qu'il nous
reste plus de temps puis on a dit : Ah! il y avait une autre personne qui
était là puis qui n'a pas pu s'inscrire, ou si peu, dans le débat, alors
j'aimerais vous donner l'occasion, Mme Choquette. Est-ce qu'il y a
d'autres éléments, peut-être que non, sinon, j'ai des questions, mais est-ce
qu'il y a des éléments autres également sur lesquels vous aimeriez porter notre
attention?
Mme Choquette (Myriam) :
Bien, peut-être juste pour terminer ce que M. Rodrigue disait tantôt, là,
à la question de Mme Lachance, là, comment on s'assure de la formation
puis de la qualité, là. C'est sûr qu'il y a des coachs intégrateurs, là, des
gens sur le terrain aussi qui s'assurent, là, qui suivent ces nouveaux-là et
qui peuvent aussi faire des interventions ponctuelles, là, quand on se fait
signifier, par exemple, là, qu'il y a des besoins de développement chez
certaines personnes, des difficultés, là, par rapport à certaines compétences.
Donc, on a ça aussi. Donc, je pourrais rajouter là-dessus, sinon, tout ce qui a
été dit par M. Rodrigue, je partage les mêmes idées.
M. Tanguay
: Bon, bien,
c'est bon. On n'en doutait pas. M. Rodrigue et Mme Choquette, je vais
vous lancer des questions puis je le sais que, des fois, ça participe de
l'intention du législateur puis vous avez un rôle à jouer, puis sur le
fondement, l'opportunité, je dirais, politique de faire une modification
législative ou pas, ce n'est pas réellement à vous de vous prononcer puis vous
n'avez pas à vous prononcer dans l'arène politique, mais sur des concepts quand
même, c'est à ce niveau-là, bref, que je ferais appel à votre expertise.
Sur le... On a entendu ce matin notamment,
ce matin, Me Lessard sur le concept de mens rea. Et lui recommandait, à
l'article 13 : définir l'infraction criminelle comme «tout événement
dont la description correspond à un geste criminel, soit l'actus reus d'une
infraction prévue au Code criminel survenue après le 1er mars 1972 et qui
porte atteinte à l'intégrité physique ou psychologique d'une personne».
Autrement dit, faire en sorte d'éviter que dans certains dossiers, et ça aussi,
ça nous a été dit, des groupes nous ont dit que l'IVAC invoquait l'absence
d'intention criminelle dans des cas, par exemple, d'agression sexuelle, bien
que la loi ne le prévoie pas. Alors, Me Lessard, puis on a eu des
discussions en ce sens-là, nous invitait à nommément, d'une manière ou d'une
autre dans la loi, retirer cette notion-là d'intention criminelle, dans
certains cas, semble-t-il, avait été une justification pour refuser une
demande. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, si vous le désirez, là.
M. Rodrigue (Jean) : Oui.
Écoutez, M. Tanguay, vous allez m'excuser dès le départ. Je ne suis pas un
légiste, donc, là, il y a des notions là, qui, pour moi, m'échappent, là.
M. Tanguay
: C'est bien
correct.
M. Rodrigue (Jean) : Ce que je
peux vous dire, par contre, là, que lorsqu'on étudie une demande, on ne demande
pas de preuve, là, spécifique, là, concernant l'intention de l'acte. Il y a des
directives qui existent et qui sont suivies, là, par nos...
M. Rodrigue (Jean) : …là,
qui, pour moi, m'échappe, là.
Ce que je peux vous dire, par contre, là,
que lorsqu'on étudie une demande, on ne demande pas de preuve, là, spécifique,
là, concernant l'intention de l'acte. Il y a des directives qui existent et qui
sont suivies, là, par nos intervenants. Bien entendu, il y a des cas très
particuliers qui sont présentés, là, à la Direction générale de l'IVAC, et ces
cas-là particuliers qui amènent des questionnements particuliers sont traités
avec la gestionnaire, avec une spécialiste de l'accès au régime. Souvent,
aussi, on va faire appel aux services juridiques pour aider dans le traitement
de ces dossiers.
Mais je ne pourrais pas me prononcer plus,
là, sur cette question-là, désolé.
M. Tanguay
: Non,
pas de trouble. Autrement dit, vous, vous êtes le directeur général de l'IVAC,
mais vous n'êtes pas juriste au sein de votre organisation et vous laissez ça,
donc, à l'interprétation des services juridiques.
M. Rodrigue (Jean) : Tout
à fait. Tout à fait.
M. Tanguay
: O.K.
J'imagine que ce serait également la même réponse en ce qui concerne… et ça,
c'est Me Bellemare, juste avant vous, qui en faisait état, et je le
cite : Autre cas où l'harmonisation… parce que le point de
Me Bellemare était : Bien, plutôt que de chambouler par
190 nouveaux articles qui devront vivre juridiquement…
On parle des juristes, j'en suis un, le
ministre en est un, Me Bellemare en est un également. Je veux dire,
l'interprétation législative d'un nouveau projet de loi, même si, à première
lecture, ça semble bien simple, 190 nouveaux articles, tout le monde, on a
la prétention que c'est de droit, ce n'est pas copié-collé, ce n'est pas quatre
trente-sous pour une piastre. Il y a des choses qui sont changées, il y a des
notions là-dedans qui devront être analysées et jugées. Donc, un corpus
jurisprudentiel, ça va prendre des années puis ça va prendre des victimes pour
passer devant le TAQ, pour passer devant l'IVAC pour dire : Bien, non, tu
as le droit, ou oui, tu as le droit en vertu de la nouvelle loi.
Alors, lui, il disait : Harmonisez
donc les concepts juridiques, notamment l'impossibilité d'agir, et dans
l'article 20 de la loi versus le motif raisonnable que l'on retrouve dans
des lois telles que la Loi sur les accidents de travail et les maladies
professionnelles, la Loi sur l'assurance automobile, la Loi sur la Régie des
rentes du Québec et ainsi de suite, est-ce que c'est la même réponse, là?
Avez-vous une analyse là-dessus, sur le fait que l'impossibilité d'agir, tel
qu'appliqué par l'article 20, va être encore plus lourd que «motif
raisonnable», qui a été développé dans les autres lois?
• (15 h 20) •
M. Rodrigue (Jean) : Je
me dois de vous faire la même réponse, M. Tanguay. Je ne peux pas me
prononcer là-dessus. Il faut comprendre aussi, hein, que notre rôle à nous, la
Direction générale de l'IVAC, c'est d'opérationnaliser, ce n'est pas de
travailler sur les orientations ou… ça appartient au ministère de la Justice.
Nous, ce que je peux vous signaler, par
contre, que peu importe ce qui sera décidé, nous serons là pour le mettre en
oeuvre.
M. Tanguay
:
Excusez mon ignorance, mais vous avez une direction des affaires juridiques?
M. Rodrigue (Jean) : Qui
est à la CNESST. Donc, en collaboration avec la CNESST.
M. Tanguay
: O.K.
Et avez-vous eu…
M. Rodrigue (Jean) : ...il faut
signaler, par contre, que, peu importe ce qui sera décidé, nous serons là pour
le mettre en oeuvre.
M. Tanguay
: Excusez
mon ignorance, mais vous avez une direction des affaires juridiques?
M. Rodrigue (Jean) : Qui est à
la CNESST. Donc, en collaboration avec la CNESST.
M. Tanguay
: O.K. Et
avez-vous eu confirmation que la direction des affaires juridiques de la
CNESST, chargée de l'application de la loi, a été consultée pour le projet de
loi n° 84?
M. Rodrigue (Jean) : Oui, elle
a travaillé en collaboration avec le ministre de la Justice.
M. Tanguay
: Vous
parliez un peu plus tôt... Hier, on a entendu des groupes nous dire qu'ils
étaient fort inquiets notamment pour ce qui de l'ancienne loi, qui a beaucoup
moins que 190 articles, sans avoir beaucoup de difficulté à la maîtriser et à
rejoindre adéquatement... et à répondre adéquatement aux questions des
victimes. Là, on va passer d'une trentaine — on me corrigera si j'ai
tort — articles à 190 articles. Comment abordez-vous le défi de
complexité et la formation nécessaire à l'interne, qui sera nécessaire, puis,
j'imagine, la rédaction du bulletin d'interprétation, et ainsi de suite?
M. Rodrigue (Jean) : Si vous
le permettez, je donnerais la parole à Mme Choquette, qui est la gestionnaire
responsable de la mise en oeuvre. Elle va pouvoir vous expliquer qu'est-ce
qu'on prévoit faire.
M. Tanguay
: Merci.
Mme Choquette (Myriam) : Oui,
est-ce que... Donc...
Le Président (M.
Bachand) : Allez-y.
Mme Choquette (Myriam) : Oui,
merci. Alors, en fait, là, dans le cadre de la mise en oeuvre, là, ça fait
plusieurs mois déjà qu'on travaille en collaboration avec le ministère de la
Justice. Juste pour vous assurer, là... À chaque étape du projet, on a été
impliqués, donc on a eu le temps de voir venir... ça pourrait... d'évaluer, en
fait, qu'est-ce que ça peut être, les impacts de chaque nouvelle notion, chaque
nouveauté qui est apportée, donc... excusez-moi... donc, ça pourrait être quoi,
les impacts potentiels sur... que ce soient la structure organisationnelle, sur
les processus de travail, sur la volumétrie des demandes, sur les activités à
réaliser par les intervenants, là, tu sais, que ce soient des actions à modifier,
et à ajouter, à retirer.
Donc, à partir des informations qu'on
avait à ce moment-là, bien, on a fait des estimations, des hypothèses quant
aux... tu sais, par rapport aux ressources financières, technologiques, les
ressources humaines que ça va nous prendre. On a transmis ces informations-là
au ministère de la Justice. Donc, nous, on n'est pas responsables de la
budgétisation, donc on ne sait pas exactement où ça en est. Mais à notre
connaissance, avec...
M. Tanguay
: Mme
Choquette...
Mme Choquette (Myriam) : Oui?
M. Tanguay
: ...combien
de temps, et à quel prix, à quel coût évaluez-vous la mise en application du
projet de loi n° 84, si, d'aventure, il était adopté?
Mme Choquette (Myriam) :
Bien, comme je viens de vous mentionner, là, la budgétisation, c'est du... ça
relève du ministère. Par contre, le temps de l'implantation, c'est un peu ça
qu'on est en train d'évaluer. On travaille vraiment, là... On a mis sur pied
une structure de projet. Donc, on a tout évalué c'est quoi qu'il faut changer,
que ce soit... Tu sais, vous parliez de formation. C'est central dans tout ça,
la documentation, les instructions de travail, les politiques, comment on va
s'assurer de bien saisir, tu sais, qu'est-ce que ça veut dire, l'application de
tel article de loi ou pas, concrètement. On va travailler avec le ministère, on
le fait toujours depuis plusieurs années.
Donc, tout ça...
Mme Choquette (Myriam) : …si
vous parlez de formation, c'est central dans tout ça, les… la documentation,
les instructions de travail, les politiques. Comment on va s'assurer de bien
saisir? C'est qu'est-ce que ça veut dire l'application de tel article de loi ou
pas, concrètement? On va travailler avec le ministère, on le fait toujours
depuis plusieurs années. Donc, tout ça, là, ça va être en train de se mettre
sur pied puis c'est sûr que pour l'entrée en vigueur, on va être prêt. Il faut
être prêt pour l'entrée en vigueur. Pour être capable d'appliquer, par contre,
la… si vous savez, la mise en oeuvre implique aussi, justement, là, tu sais, du
raffinement. Vous avez mentionné tantôt, là, tu sais, par exemple, il y a des
décisions qui vont se rendre au Tribunal administratif. Il y a des choses,
donc, on va s'ajuster graduellement, on va s'assurer, aussi, de suivre comme il
faut l'intégration des compétences auprès des intervenants pour être capable de
revenir, là, puis développer un programme, là.
Donc, ça fait que, sur le temps, là, je
vous dirais qu'on s'est donné un trois ans, aussi, pour intégrer des
nouvelles ressources, de voir aller, aussi, ce que ça veut dire. On ne sait pas
combien de nouvelles réclamations on va avoir exactement. On a fait des
hypothèses, des estimations, mais concrètement, qu'est-ce que ça va vouloir
dire? Donc, on va s'ajuster au fur et à mesure, là, puis, donc, c'est ça…
M. Tanguay
: Et… est-ce
que vous pouvez communiquer au secrétariat de la commission vos évaluations
quant aux hypothèses du nombre de demandes supplémentaires que ça va engendrer
en termes de nombre et si d'aventure, de la nature des demandes et des coûts
également?
Mme Choquette (Myriam) :
Faudrait que je voie. En fait, je crois que les… je n'étais pas encore arrivée
à l'IVAC, là.
M. Rodrigue (Jean) : Si tu
permets, Myriam. Tous ces documents ont été transmis au ministère de la
Justice. Donc, de…
M. Tanguay
: D'accord,
mais est-ce que vous pouvez vous engager, M. Rodrigue, à les communiquer
au secrétariat de la commission?
M. Rodrigue (Jean) : Bien,
oui, je pourrais le faire. Je pourrais communiquer avec le ministère de la
Justice, qu'il nous retourne…oui.
M. Tanguay
: Bien, vous
les avez déjà… sans demander la permission du ministère de la Justice, si vous
vous engagez à nous les communiquer, comme élu et législateur, je pense que ça
serait des éléments intéressants et également vos évaluations quant au délai de
mise en application. Ce serait pertinent, parce que le projet de loi prévoit
cinq mois et là, vous parliez de trois ans. Alors, si vous pouvez
nous envoyer toutes vos analyses là-dessus au secrétariat de la commission, ce
sera grandement apprécié et éclairant.
M. Rodrigue (Jean) : D'accord.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine.
Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci. D'abord,
je voudrais vous remercier de venir… de prendre l'engagement de transmettre ces
documents-là à la commission. Je pense que ça va être très utile. Je… on se
serait adressé à vous, directement, pour en faire la demande, mais si vous
pouvez le faire, bien, la commission, je pense, l'ensemble de mes collègues va
être ravi de pouvoir lire ça.
J'entends bien que, vous, vous êtes plus
dans l'opérationnalisation de tout ça. Donc, je ne vous questionnerai pas tant
sur le fond du contenu du projet de loi, mais plus sur la question des délais.
Je pense que ça relève bien de vous. Vous nous avez dit qu'il y a des
changements dans le projet de loi qui vont simplifier votre travail. Donc,
j'entends, dans une certaine mesure, ça pourrait, j'imagine, réduire les
délais. Je pense à l'imprescriptibilité, vous en avez parlé. Ça serait… c'est
quoi votre cible de délai de traitement d'un dossier? Une fois que la demande
est elle complétée puis qu'elle vous est envoyée, c'est quoi votre cible? Puis,
si on inscrivait dans le…
Mme Labrie : ...des
changements dans le projet de loi qui vont simplifier votre travail, donc
j'entends que, dans une certaine mesure, ça pourrait, j'imagine, réduire les
délais, je pense à l'imprescriptibilité, vous en avez parlé. C'est quoi, votre
cible de délai de traitement d'un dossier une fois que la demande, elle est
complétée puis elle vous est envoyée? C'est quoi, votre cible? Puis, si on
inscrivait dans la loi un délai maximum de traitement une fois que le dossier
est complété, qu'est-ce qui serait raisonnable?
M. Rodrigue (Jean) : Très
bonne question que vous me posez. Puis je dois vous dire que c'est... On ne
s'est pas donné de délai cible, nous, dans les opérations parce qu'on essaie de
traiter la réclamation lorsqu'elle est prête à être traitée, lorsqu'on a toute
l'information. Il y a des choses qui, je vous dirais, qui n'appartient pas à la
Direction générale de l'IVAC. Par exemple, lorsqu'on a besoin d'une preuve de
blessure, ce délai-là, lorsqu'on demande à la personne victime d'aller chercher
une preuve de blessure, là, pour nous permettre, là, d'accepter la réclamation,
bien, parfois ça peut être difficile pour elle, puis parfois on va faire des
demandes, nous, on va demander des dossiers médicaux, etc., mais la personne
souvent doit aller chercher de l'information.
Mme Labrie : Ça, ça vient
après que le dossier est complet ou avant?
M. Rodrigue (Jean) : Avant. C'est...
Mme Labrie : Donc, une fois
qu'il est complet, que vous avez tous ces documents-là?
M. Rodrigue (Jean) : On rend
la décision. Vous savez, c'est pratiquement automatique, c'est quand même assez
simple, là, une fois qu'on a toute l'information. Ce qui est le plus complexe, c'est
d'obtenir l'information pour...
Mme Labrie : Ça fait que, si
on disait, par exemple, une fois que le dossier, il est complet, la réponse
doit être rendue dans les 15 jours, les 30 jours, ce serait raisonnable?
M. Rodrigue (Jean) : Tout à
fait.
Mme Labrie : Je vous remercie.
C'est un élément d'information très précieux. On va certainement tenter
d'inscrire ça dans le projet de loi. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour. Merci d'être là. Je dois vous dire que ça n'a aucun rapport avec vous personnellement,
mais c'est assez rare, inusité qu'on ait les hauts fonctionnaires responsables
d'un régime puis qui vont devoir l'appliquer venir en commission comme témoins,
parce qu'on comprend, bien sûr, que vous avez participé à l'élaboration du projet
de loi, donc ce n'est pas vraiment votre rôle d'avoir de la marge de manoeuvre
pour critiquer les orientations politiques ou législatives, donc...
Mais je vais plus vous amener sur des
enjeux très concerts, là, d'application, ce qui va être votre rôle. Et je pense
qu'éventuellement peut-être que... j'imagine que vous allez être présents si on
se rend à l'étude détaillée dans les prochains mois, donc il y aura peut-être
d'autres questions. Mais je voulais vous entendre sur toute la question des
formulaires. On nous a dit à quel point ce qui était lourd, c'est que,
notamment, la personne qui fait la demande doit écrire ce qu'elle a vécu, et
comment ça s'est passé, et tout. Est-ce qu'il y aurait moyen et est-ce que vous
pensez qu'on devrait simplifier de beaucoup le formulaire, notamment pour
peut-être éviter d'avoir autant à en demander aux victimes?
• (15 h 30) •
Puis l'autre question, c'est sur les soins
psychologiques. On nous a dit aussi que c'était difficile de pouvoir trouver
des psychologues, des fois, il fallait faire cinq, six, sept appels, qui
prennent des dossiers de l'IVAC. Est-ce qu'on devrait augmenter les
honoraires...
15 h 30 (version non révisée)
Mme
Hivon
:
…d'avoir autant à en demander aux victimes? Puis l'autre question, c'est sur
les soins psychologiques qu'on nous a dit aussi que c'était difficile de
pouvoir trouver des psychologues. Des fois, il fallait faire cinq, six, sept
appels qui traitent des dossiers de l'IVAC. Est-ce qu'on devrait augmenter les
honoraires pour que ce soit plus simple?
M. Rodrigue (Jean) :
Concernant les formulaires, les formulaires pour aider les personnes, là, à
déposer leurs réclamations ont été revus, ont été revus à la demande du Protecteur
du citoyen dans son rapport d'intervention, là. Ils avaient fait des représentations
à cet effet-là. Donc, ils ont été revus complètement, c'est vrai qu'ils sont
très complets, il y a énormément de questions. Puis pourquoi est-ce qu'on fait
ça comme ça? Pour faciliter le travail, encore là, pour pouvoir être en mesure
de rendre la décision rapidement lorsque nous avons, en main, le formulaire.
Ça me permet de vous dire qu'une fois que
ça a été fait, à la satisfaction du Protecteur du citoyen d'ailleurs, là, nous
avons fait un sondage auprès de notre clientèle, et on a sondé 900 personnes
victimes, 900 personnes victimes qui, si vous permettez, je tiens juste à le
dire parce que, pour moi, c'est important, là, qui ont salué les services à la
clientèle offerts par la Direction générale de l'IVAC. Je veux le dire, parce
qu'on n'entend pas toujours des bonnes choses, mais les personnes victimes nous
l'ont dit. C'est pour ça que je voulais souligner. Mais ils nous ont également
dit, à près de 90 %, que les communications écrites et orales, avec la
Direction générale de l'IVAC, étaient claires. Ça fait qu'on aura toujours du
travail à faire, on aura toujours du travail à faire parce que, souvent, c'est
un langage de fonctionnaire, on va appeler ça comme ça, puis il faut le
préciser, il faut le vulgariser, etc. Mais, plus on a de l'information
lorsqu'on reçoit la réclamation, plus vite on peut traiter cette demande-là et
aussi on n'a pas besoin d'aller requestionner la personne victime. Ce qu'on
souhaite, c'est qu'elle complète sa demande chez elle, à tête reposée,
tranquillement, qu'on n'ait pas besoin de reposer ces questions-là. C'est pour
ça qu'il est très, très, très complet.
On a également fait un guide pour les
accompagner, pour les aider. On a refait notre site Internet aussi pour que ce
soit plus clair pour eux, tu sais, pour faciliter le travail. Je comprends…
Le Président (M.
Bachand) : Merci. C'est tout le temps qu'on a, M. Rodrigue, Mme
Choquette. Merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi, c'est très
apprécié. Cela dit, la commission suspend ses travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 32)
(Reprise à 15 h 34)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux.
Alors, il nous fait plaisir d'accueillir
Me Nancy Roy et Mme Annie St-Onge de l'Association des familles de
personnes assassinées ou disparues. Merci beaucoup d'être avec nous cet
après-midi. Alors, cela dit, vous le savez, vous avez 10 minutes de
présentation, et après ça on aura un échange avec les membres de la commission.
Sur ce, je vous laisse la parole. Merci encore d'être avec nous aujourd'hui.
Mme St-Onge (Annie) :
Parfait. Donc, merci de nous accorder ce temps si précieux.
Mon nom est Annie St-Onge. Je suis la
soeur de Christine St-Onge, qui a été assassinée au Mexique en décembre 2018.
Si on se rappelle les événements, ma soeur
Christine a été portée disparue suite au retour précipité de son ami de coeur
un jour avant la date prévue, et qui s'est enlevé la vie... plus tard. Ma
soeur, c'est... On a appris par les médias mexicains que ma soeur avait été
retrouvée sans vie au Mexique une semaine plus tard.
Donc, suite à ça, je vous dirais que ça a
été un peu... infernal. Ça a été vraiment la tour de Babel, la maison des fous
pour mettre les efforts nécessaires pour rapatrier son corps ici, au Québec.
Les difficultés au niveau du rapatriement, c'était vraiment au niveau du nombre
d'intervenants, des messages contradictoires que nous avions. On devait
faire... Nous, la famille endeuillée, on devait faire le lien entre les
différents intervenants. Donc, c'était un processus qui était totalement inhumain.
C'est à ce moment-là que moi, j'ai fait
une sortie médiatique pour lancer un énorme cri du coeur parce que j'avais vraiment
besoin d'aide, puis j'avais besoin de comprendre, puis j'avais... pour pouvoir
faire notre deuil. Et c'est là que j'ai connu l'AFPAD, donc l'Association des
familles de personnes assassinées ou disparues. Et c'est à ce moment-là que
j'ai pu assister à des rencontres, des déjeuners pour rencontrer d'autres
familles et puis sortir de l'isolement. Et c'est à ce moment-là aussi, en
rencontrant les familles, que j'ai vraiment décidé de m'impliquer au sein de
l'AFPAD, donc à titre d'administratrice au niveau du C.A.
Mme St-Onge (Annie) : …des
rencontres, des déjeuners pour rencontrer d'autres familles et puis sortir de
l'isolement.
Et c'est à ce moment-là aussi, en
rencontrant les familles, que j'ai vraiment décidé de m'impliquer au sein de
l'AFPAD, donc, à titre d'administratrice au niveau du C.A. J'ai décidé de
m'impliquer parce que je voulais faire changer les choses. Puis j'avais comme
deux missions au sein de l'AFPAD, c'était de faire reconnaître les victimes
hors Québec, les victimes d'assassinat hors Québec, et aussi d'apporter un
processus plus humain dans les cas de rapatriement des dépouilles au Québec.
Donc, durant la dernière année, il y a eu
d'autres familles qui ont vécu la même chose que nous. Donc, si on se rappelle
bien, là, dans les médias, vous avez pu peut-être constater qu'il y a eu la
famille …( dernièrement, la famille Fraser qui ont vécu exactement les mêmes
enjeux que nous. Ça a été les mêmes… c'est carrément inhumain. Et nous,
l'AFPAD, on a été là auprès d'eux, on a apporté notre support et notre soutien
dans la mesure du possible.
Je voulais vous… je voulais saluer, en
fait, la nouvelle mouture de la loi sur l'IVAC, de la loi n° 84, mais je
vous avoue que je suis très déçue. Je suis déçue parce qu'il n'y a rien qui est
prévu pour les victimes antérieures, dont mes neveux. Il n'y a aucune mesure
transitoire, il n'y a aucune mesure rétroactive. En fait, mes neveux, ils
n'auront droit à rien. Dans certains cas, certaines victimes n'auront droit à
rien non plus, puis des fois ils ont besoin d'aide, ces gens-là qui tombent un
petit peu entre les deux… ont besoin d'avoir le support, ont besoin d'avoir de
l'aide aussi pour reprendre un cours normal de leur vie.
Dans les cas hors Québec, je pourrais vous
dire… je suis assez généreuse si je vous dis qu'il y a environ, au plus, cinq
cas d'homicides hors Québec par année. Ça serait quoi pour vous… ça serait quoi
comme différence pour vous de les reconnaître, ces gens-là? Je peux vous dire,
par contre, que pour des familles, ça pourrait faire toute la différence. Donc,
ma soeur et ces victimes-là ont été des payeuses de taxes, ont des payeuses
d'impôt, je pense sincèrement qu'ils devraient être reconnus comme victimes
d'actes criminels. Je vous remercie.
Mme Roy (Nancy) : C'est mon
tour.
Le Président (M.
Bachand) : Oui.
Mme Roy (Nancy) : Merci,
Annie. Si j'avais pu être accompagnée de plusieurs autres familles, je l'aurais
fait, parce que je pense que c'est important de démontrer c'est quoi leur
réalité, c'est quoi leur… les impacts qu'un drame peut avoir sur leur vie. Vous
savez, la refonte de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels
était un moment attendu avec fébrilité chez les familles et espoir de
réparation de leurs dommages qui étaient non reconnus et peu indemnisés.
Rappelez-vous, en…
Mme Roy (Nancy) : ...les
impacts qu'un drame peut avoir sur leur vie. Vous savez, la refonte de la Loi
sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels était un moment attendu avec
fébrilité chez les familles et espoir de réparation de leurs dommages qui
étaient non reconnus et peu indemnisés.
Rappelez-vous, en 2017, on est allé à une
délégation de familles rencontrer la ministre Vallée. Mme Hivon était là
ainsi que vous, M. le ministre. On était venus demander à la ministre des
changements législatifs pour mieux reconnaître ces familles-là. Nos attentes...
Quand on a eu le dépôt du projet de loi le 10 décembre, nos attentes
étaient grandes et, malheureusement, il y a plusieurs vides juridiques, il y a plusieurs
vides qu'on ne comprend pas.
• (15 h 40) •
Nous avons eu un mois depuis le dépôt du projet
de loi pour réagir et participer à cette commission-là. Vous comprendrez que
notre organisme est petit et de consulter toutes les familles, de consulter nos
organismes partenaires, ce n'était pas assez de temps. Comment pouvons-nous
donner notre assentiment sans réelle consultation avec toutes nos familles?
Nous sommes donc venus à la conclusion que certains concepts nous font craindre
malheureusement une mauvaise interprétation, une exclusion de plusieurs
victimes.
M. le ministre, moi, je reçois ces
personnes-là toutes les semaines, qui ont perdu malheureusement ce qui était le
plus important dans leur vie, et par violence, par un drame innommable. Puis la
réalité, je peux vous en parler longtemps.
Je ne suis pas ici pour vous présenter, de
façon pointue au niveau législatif, là, tout ce qui est dans le projet de loi.
Vous avez reçu des experts judiciaires, vous avez reçu Me Mongeon,
Me Bellemarre, vous avez reçu l'IVAC également, mais moi, ce que
j'aimerais vous présenter, c'est malheureusement nos inquiétudes face au projet
de loi.
Je dois conseiller ces familles jour après
jour, je dois les écouter, consulter l'IVAC souvent, et même, je dirais plus,
supplier l'IVAC d'aider ces familles-là. Parce que souvent, leurs besoins
psychologiques, leurs besoins financiers pour survivre à ce drame-là n'est pas
au rendez-vous. Les tribunaux nous ont donné raison, après plusieurs luttes sur
plusieurs années, qu'est-ce que la définition d'une blessure psychologique
attribuable au drame qu'ils vivent. Mais, malheureusement... et même les
décisions, que ce soit la décision du juge Huot en 2016, la décision de la Cour
supérieure, je pense que ce serait important que vous en preniez connaissance.
Les décisions du tribunal administratif, dernièrement, pour plusieurs de nos
familles, sont venues interpréter de façon favorable la notion de «blessure» et
sont venues confirmer que c'est une loi sociale, que c'est une loi réparatrice
et qu'elle doit être interprétée de façon large...
Mme Roy (Nancy) :
...dernièrement, pour plusieurs de nos familles, sont venues interpréter de
façon favorable la notion de blessure et sont venues confirmer que c'est une
loi sociale, que c'est une loi réparatrice et qu'elle doit être interprétée de
façon large afin d'inclure ces victimes-là. Le problème, je vous dirais, ce
n'est pas la définition, le problème, c'est dans l'application que l'IVAC va en
faire jour après jour avec nos familles.
Vous nous présentez un projet de loi complètement
nouveau qui va multiplier, malheureusement, d'après nous, les recours devant le
Tribunal administratif. Vous savez, ces personnes-là n'ont malheureusement
souvent pas les moyens financiers de se défendre ou d'aller demander au
tribunal d'interpréter en leur faveur les définitions contenues dans la loi. Ça
veut dire que nos familles devront encore patienter plusieurs années avant de
pouvoir bénéficier des bénéfices de la loi, de pouvoir être réparés dans leurs
dommages.
Au Québec, vous savez, il y a trois... il
y a plusieurs régimes d'indemnisation, mais souvent, nous, on est confrontés à
celui de la SAAQ ou bien de la CNESST. Mais qu'est-ce que je réponds aux
proches, M. le ministre, du signaleur routier qui a été fauché par quelqu'un en
état d'ébriété, quand ses proches ne peuvent pas bénéficier de l'aide
psychologique de l'IVAC parce qu'ils ont été indemnisés sous un autre régime?
Alors, si on crée un nouveau régime, notre peur, c'est que ça soit encore plus
complexe, que ces gens-là ne puissent jamais recevoir le soutien psychologique
parce qu'ils ont été sous un autre régime d'indemnisation. Je pense que
l'harmonisation des régimes devrait être au rendez-vous. Je pense aussi que
c'est... si un régime n'aide pas suffisamment une victime, qu'elle pourrait
avoir droit aux bénéfices qu'une autre loi pourrait lui donner.
Moi, j'ai quelques questions également.
Pourquoi ne pas avoir assis, avec ce projet de loi là, les experts, les groupes
qui travaillent jour après jour avec les victimes? Pourquoi ne pas avoir
simplifié la définition de «victime»? Parce que, je vous le dis, on a lu le
projet de loi, et plus on le lit, plus on est un peu mêlés. Donc, une famille
qu'on reçoit, je ne sais pas comment elles vont interpréter cette notion-là.
Pourquoi avoir ajouté la notion de scène intacte? J'ai eu plusieurs appels de
familles qui, malheureusement, nous ont dit : Bien, nous, on n'aurait pas
eu droit à ce moment-là, parce qu'on est arrivés après les services policiers
ou les services ambulanciers? C'est une question... C'est une réponse que je ne
peux pas leur donner, malheureusement.
Le Président (M.
Bachand) : Me Roy, je m'excuse, je vais vous demander de
conclure, cependant, parce que le temps est écoulé.
Mme Roy (Nancy) : Oui?
Parfait. Bien, donc, je pourrai ajouter, là, lors des périodes de questions.
Mais, pour nous, c'est sûr qu'on salue le hors Québec. Mais, pour toutes nos
familles...
Mme Roy (Nancy) : …question,
c'est une réponse que je ne peux pas leur donner, malheureusement.
Le Président (M.
Bachand) : Me Roy, je m'excuse, je vais vous demander de
conclure, cependant, parce que le temps est écoulé.
Mme Roy (Nancy) : Oui,
parfait. Bien, donc, je pourrai ajouter, là, lors des périodes de questions.
Mais, pour nous, c'est sûr qu'on salue le hors Québec, mais pour toutes nos
familles, malheureusement, qui n'auront pas bénéficié de la loi, qui ont fait
leur lutte, comment on peut les aider? C'est encore un vide qui va être comblé
par la réglementation, mais on ne l'a pas. Ça fait que c'est, comme, signer un
chèque en blanc qui nous rend extrêmement insécures, chez ces personnes-là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. On va débuter la période d'échange. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Me Roy, Mme St-Onge, merci de participer aux
travaux de la commission. Je comprends que vous avez certaines inquiétudes par
rapport au projet de loi.
Un des objectifs du projet de loi, c'est,
justement, de faire en sorte d'élargir la notion de victime pour, justement,
faire en sorte qu'il y ait moins de contestations et qu'on puisse avoir des
gens qui soient indemnisés. Je vous donne exemple sur l'indemnisation en tant
que montant forfaitaire. On vient élargir le nombre de personnes qui vont
pouvoir être indemnisées. Donc, auparavant, on parlait de la victime, qui était
directe. Et, on l'a vu, la loi, à l'époque, bien la Loi sur l'indemnisation des
victimes d'actes criminels, actuellement, c'est une loi qui… le législateur
faisait en sorte de dire : Bien, c'est la victime directe qu'on vise.
Il y a eu une évolution jurisprudentielle
parce que les gens ont contesté les décisions de l'IVAC. Et le groupe avant
vous, c'était, justement, la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes
criminels, il disait : Bien, nous, les fonctionnaires, qui interprétions
la loi, bien souvent, on n'avait pas vraiment le choix. C'était ça, le carcan.
Il y a eu des décisions, en équité, qui ont été rendues, mais à la fois les
différents groupes, à la fois, même, Me Bellemare, qui a réclamé, durant des
années, une réforme de la loi, on vise à élargir la notion de victime pour que,
justement, des proches, justement, la famille, parce que c'est le noyau
familial qui est affecté, qu'il y ait davantage de soutien psychologique, que
les personnes significatives aient de l'accompagnement, qu'il y ait des
indemnités, aussi, rattachées à ces personnes-là.
Donc, c'est un peu la démarche qu'on fait
avec le projet de loi pour faire en sorte qu'il y ait davantage de personnes
qui soient couvertes.
C'est sûr que je ne peux pas refaire le
passé, non plus. Vous savez, la loi, on a demandé sa réforme depuis environ 30 ans.
Je suis extrêmement sensible à votre cas, Mme St-Onge, lorsque vous me
parlez de vos neveux, relativement à votre sœur. La situation, pour l'étranger,
bien entendu, elle est réglée pour le futur. Donc, pas uniquement les
homicides, pas uniquement pour… mais, en fait, ça va pour les homicides, mais
tous les autres types d'infractions, également. Et termes de prescription, pour
toutes les victimes d'agression sexuelle, de violence subie pendant l'enfance,
de violence conjugale aussi, maintenant, c'est couvert.
Puis, l'objectif, aussi, c'est de rendre
l'IVAC, que ça ne soit plus un parcours du combattant, non plus, pour les
personnes que vous représentez, avec l'association. Donc, ça, c'est un élément
qui est important, aussi. Donc…
M. Jolin-Barrette : ...de
prescription pour toutes les victimes d'agression sexuelle, de violence subie
pendant l'enfance, de violence conjugale aussi, maintenant, c'est couvert. Puis
l'objectif, ici, c'est de rendre l'IVAC... que ce ne soit plus un parcours du
combattant non plus pour les personnes que vous représentez avec l'association.
Donc, ça, c'est un élément qui est important aussi. Donc, je l'ai dit d'entrée
de jeu, le projet de loi n'est pas parfait, mais je considère que c'est une
avancée significative sur plusieurs éléments. Est-ce que vous êtes d'accord
avec ça?
Mme Roy (Nancy) : Moi, je
peux peut-être répondre, Annie, si tu veux compléter après. Bien, écoutez, moi,
quand vous nous parlez, là, qu'on ne peut pas régler le passé, la ministre
Vallée, en 2017, je pense, ou 2016, avait instauré une directive administrative
qui faisait en sorte de reconnaître et d'indemniser les parents d'enfants
assassinés dans un contexte de drame intrafamilial. Donc, ce qu'on vous
demande, c'est de... ceux qui se sont battus depuis des années, ceux qui n'ont
rien reçu, de pouvoir peut-être instaurer une directive administrative pour
reconnaître une partie de leurs besoins. Parce que, sinon, ces personnes-là, on
va les retrouver où? On va les retrouver dans d'autres... malheureusement,
d'autres régimes, on va les retrouver au niveau de la santé. Ça fait que je
pense qu'il faut les soutenir, il faut les aider, puis on peut le faire par
directive administrative.
Et quand on parle qu'il y a plus de
victimes qui vont être indemnisées, permettez-moi, parce que jour après jour,
je les reçois, ces personnes-là, permettez-moi d'en douter, permettez-moi de
penser qu'il y a beaucoup de pensée magique, parce que ce n'est pas tant votre
volonté ministérielle de vouloir changer les choses, mais c'est comment ça
atterrit dans la machine administrative. Il y a un roulement de personnel, ce
n'est jamais les mêmes personnes, certaines personnes, même, ont de la
difficulté à s'exprimer en français ou dans la langue que la personne a besoin
d'être comprise. Souvent, ce n'est jamais le même intervenant, les délais sont
extrêmement longs, il n'y a aucune réglementation là-dessus.
• (15 h 50) •
Donc, pour nous, entre ce qui est promis
puis entre la façon que ça atterrit, ça nous insécurise beaucoup, parce que ces
gens-là, sachez qu'ils vivent le pire drame de toute leur vie. Souvent, appeler
à l'IVAC, c'est quelque chose, je vous mets au défi de faire des mises en
situation et d'appeler, c'est extrêmement pénible. Et ces gens-là sont appauvris,
autant financièrement, psychologiquement, ils sont appauvris socialement. Donc,
je pense qu'il y a beaucoup à faire, autant sur la formation que des directives
administratives qui seront faites.
M. Jolin-Barrette :
Là-dessus, Me Roy, je ne suis pas en désaccord avec vous pour le fait de rendre
plus humaine la direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
C'est pour ça justement que, dans le projet de loi, je la rapatrie sous le
ministère de la Justice...
Mme Roy (Nancy) : …que des
directives administratives qui seront faites.
M. Jolin-Barrette :
Là-dessus, Me Roy, je ne suis pas en désaccord avec vous pour le fait de rendre
plus humaine la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
C'est pour ça, justement, que dans le projet de loi, je la rapatrie sous le
ministère de la Justice, justement pour qu'on ait le contrôle sur l'offre de
services pour les victimes. Cela étant, je suis d'accord avec vous sur ce que
vous me dites, en termes de délai, en termes d'efficacité, en termes de
services à la clientèle, ça doit changer, puis je vous dirais que ça va changer
aussi. Mais ça, on est sur la mécanique. On se donne le pouvoir de la
rapatrier. Lorsque vous me dites : Écoutez, il faut toujours se battre, contester,
tout ça, un des objectifs d'élargir la notion de victime puis d'offrir du
soutien, d'offrir de l'aide financière aux personnes victimes collatérales, si
je peux dire, de la personne qui subit l'infraction criminelle elle-même, ça,
c'est noir sur blanc dans la loi maintenant, c'est ce qui change. Donc, ça va
éviter le fait de faire en sorte que la personne doive contester la décision de
l'IVAC. Parce que dès le départ, maintenant, le régime est changé, puis s'il y
a autant de gens qui contestent la loi actuelle, c'est justement parce qu'il y
avait un enjeu avec la définition de «personne victime», puis au niveau des
services qui lui étaient offerts, puis du soutien. Donc, c'est un peu ça, le
sens du projet de loi. C'est sûr que c'est un projet de loi qui est volumineux,
qui est complet, on parle de 190 articles, on parle de 30 à 190 articles mais,
justement, pour avoir un régime beaucoup plus complet, il faut s'assurer de
retourner les pierres. Puis j'entends bien aussi les critiques que vous faites par
rapport au projet de loi, puis on vous entend en commission justement pour
prendre en compte vos recommandations. Mais un des objectifs est vraiment
d'être à l'écoute des victimes, et surtout de faire en sorte qu'un plus grand
nombre pourront être indemnisées et pourront avoir, supposons, du soutien
psychologique rapidement, qu'elles n'attendent pas que leur dossier soit
autorisé avant d'en avoir, qu'on met en place un programme d'urgence, qu'on
abolit la prescription. Tout à l'heure, on nous disait que le simple fait
d'abolir la prescription pour les crimes à connotation sexuelle faisait en sort
que ça va beaucoup simplifier, aussi, la réalité des victimes. Donc, c'est un
peu dans cet esprit-là qu'on est, pour faire en sorte, vraiment, d'avancer et
que ça constitue un pas vers l'avant pour l'accompagnement des victimes.
Mme Roy (Nancy) : Mais je
vous dirais, si je peux ajouter, si je peux me permettre, que la loi était
quand même assez claire. Pour nous, ces parents-là, qui avaient perdu un enfant
par violence, par homicide, étaient clairement des personnes victimes au sens
de la loi. Donc, pour nous, c'était clair, c'était l'application, comme vous
parlez, de mécanique, c'était l'application qu'en faisait l'IVAC au jour le
jour, avec ces personnes-là. Mais sinon, pour nous, c'était clair et limpide
qu'elles étaient des victimes, qu'elles n'avaient pas à convaincre l'État
qu'elles sont victimes. Quel est le pire drame qu'on peut avoir dans une vie,
c'est bien de perdre son enfant par violence ou par homicide. C'est d'être
victime, automatiquement.
M. Jolin-Barrette : Mais, là,
là-dessus, précisément…
Mme Roy (Nancy) : …qu'elles
étaient des victimes, qu'elles n'avaient pas à convaincre l'État qu'elles sont
victimes. Quel est le pire drame qu'on peut avoir dans une vie? C'est bien de
perdre son enfant par violence ou par homicide. C'est d'être victime
automatiquement.
M. Jolin-Barrette :
Là-dessus, précisément, Me Roy, on vient de reconnaître le fait que tous les
parents, dont leur enfant est assassiné, un enfant mineur de moins de 18 ans
qui est assassiné, non pas par un ancien conjoint, mais par toute personne,
vont bénéficier des aides pour faire en sorte de s'assurer qu'elles soient
considérées comme des personnes victimes. Donc, ça, c'est une avancée dans la
loi. On vient répondre, directement, à une des problématiques qu'il y avait
parce que quand vous perdez votre enfant mineur, notamment, c'est assez
dramatique. On va venir créer les indemnités forfaitaires, aussi, les
indemnités de décès, donc…
Écoutez, je ne veux pas prendre plus de
temps. Je vais céder la parole à mes collègues, mais je vous remercie pour
votre présence en commission parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de
Bellechasse, s'il vous plaît.
Mme Lachance : Merci, M. le
Président. Merci, mesdames d'être là, parmi nous, aujourd'hui. Je salue, je
salue votre travail parce que vous êtes le point de chute de nombreuses
familles dans des situations, ma foi, les plus critiques de leur vie. Et vous
êtes reconnues pour votre écoute et pour savoir donner l'heure juste, alors je
tiens à le souligner.
Maintenant, vous avez parlé des besoins
des victimes d'assassinat hors Québec, Mme St-Onge, entre autres, mais je
sais que Mme Roy, vous êtes bien au fait. Au-delà, vous avez insisté
beaucoup sur le rapatriement du corps qui est un processus extrêmement
complexe, mais au-delà du rapatriement du corps, quels sont les besoins
spécifiques que le projet de loi va venir, si on veut, contribuer à amoindrir
les besoins d'une famille qui vit un drame hors Québec?
Mme St-Onge (Annie) : Bien,
un drame hors Québec, qu'il soit hors Québec ou qu'il soit au Québec, c'est
exactement la même chose. C'est sûr et certain que le hors Québec amène une
certaine difficulté, donc amène une certaine… Le processus de deuil est probablement
encore plus long parce qu'il faut se mettre les deux mains dedans : il
faut rapatrier le corps, il faut faire face à une bureaucratie qui est sans
fin. Je pourrais vous dire que c'est plus là, ça prend plus de temps à se
rétablir, pour l'avoir vécu, personnellement, pour avoir accompagné des
familles qui l'ont vécu, également, avec tous les déboires que ça peut
entraîner comme peine. Mais, les besoins d'aide psychologiques, effectivement,
sont là, sont là pour les proches, pour les gens qui sont alentour de ces
personnes-là, c'est… Tant qu'on ne le vit pas, on ne le sait pas puis, quand
qu'on vit ce genre de chose là, c'est... on a une vision qui est complètement
différente du besoin. Donc, oui, effectivement, je parle de mes neveux souvent,
mes neveux se retrouvent sans leur maman. Puis, quand que le drame est arrivé,
ils étaient encore assez…
Mme St-Onge (Annie) : ...puis,
quand qu'on vit ce genre de chose là, c'est... on a une vision qui est complètement
différente du besoin. Donc, oui, effectivement, je parle de mes neveux souvent,
mes neveux se retrouvent sans leur maman. Puis, quand que le drame est arrivé,
ils étaient encore assez jeunes. C'est sûr que de l'argent, ça ne vient pas
combler la présence d'une maman, mais il y a quand même une partie du revenu de
ma soeur qui n'est pas comblée pour certains besoins, ça, c'est sûr et certain.
Donc, c'est pour ça que je trouve que c'est un peu injuste.
Mme Lachance : Donc, vous
parlez injuste, vous parlez en termes de rétroaction, là, qui ne soit pas...
Mme St-Onge (Annie) : Bien
oui, effectivement, parce qu'il y a l'ancien régime auquel ils n'avaient pas
accès, c'était très, très clair, hors Québec, ce n'était pas touché. Puis là on
arrive dans le futur où il y a vraiment une reconnaissance, puis le ministre de
la Justice, M. le ministre de la Justice, je veux dire... Tu sais, je veux
dire, oui, on élargit énormément la notion de victime, puis c'est vraiment
bien. Sauf qu'il y a comme un flou, là, entre les deux. Eux autres, là, ils ne
sont pas reconnus avant puis ils ne sont pas reconnus pour le futur, ils sont
vraiment entre deux chaises. Puis ça, je trouve ça très, très, très décevant.
Mme Roy (Nancy) : Et si je
peux juste ajouter aussi qu'il y a quand même... On ne se mettrait pas pauvre,
là, comme société, là, que d'aider ces personnes-là, là. Il n'y en a pas
beaucoup d'homicides hors Québec, mais les besoins sont immenses, parce qu'il y
a des besoins psychologiques, il y a des besoins aussi de rapatriement du
corps, il y a des besoins de juste déplacement pour assister aux procédures
judiciaires. Si vous... ça arrive hors Québec, encore pire hors Canada, bien,
vous êtes très malchanceux, parce que vous allez faire affaire avec le fonds
d'aide au fédéral et affaires mondiales.
Ça fait que je pense que ça serait
préférable de rapatrier ces sommes-là, de s'occuper de notre monde et de
s'occuper convenablement des proches qui ont perdu quelqu'un à l'étranger. Et
je demanderais même qu'il faut absolument aider ces gens-là aussi qui se sont
battus durant plusieurs années, non pas juste pour une somme forfaitaire, mais
de l'aide psychologique, de l'aide de réadaptation professionnelle aussi.
Les neveux d'Annie, bien, oui, ils vont
avoir besoin d'aide pour pallier à l'absence de leur mère. Mais ça peut être
aussi un enfant qu'on a perdu dans homicide hors province ou hors Québec. Bien,
ces gens-là se sont appauvris par quelque chose qu'ils n'ont pas demandé et
qu'ils n'étaient pas préparés à faire face. Donc, on ne se met pas de l'argent
de côté, on ne se met pas un REER de côté au cas où qu'on aurait à vivre un
drame de la sorte.
Donc, je pense qu'il faut rapatrier ces
sommes-là, il faut s'occuper de notre monde puis il faut évaluer les besoins au
même titre que les victimes, parce qu'elles en sont.
Mme Lachance : Merci. M. le
Président, est-ce qu'il me reste une petite minute? Parce que mon collègue
voulait aussi prendre la parole.
Le Président (M.
Bachand) : Oui. Rapidement, le député de Chapleau,
1 min 55 s, s'il vous plaît.
• (16 heures) •
Mme Lachance : Je vais...
16 h (version non révisée)
Mme Roy (Nancy) : …donc je
pense qu'il faut rapatrier ces sommes-là, il faut s'occuper de notre monde,
puis il faut évaluer les besoins au même titre que les victimes, parce qu'elles
en sont.
Mme Lachance : Merci. M. le
Président, il me reste une petite minute, parce que mon collègue voulait aussi
prendre la parole.
Le Président (M.
Bachand) : Oui, je vais rapidement… le député de Chapleau,
1 min 55 s, s'il vous plaît.
Mme Lachance : Je vais laisser
M. le député de Chapleau. Merci. Merci, mesdames.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci, chère collègue de Bellechasse. Bonjour, tout
le monde. Bonjour, Mme St-Onge, Me Roy. Peut-être un peu sur la même ligne de questionnement
que ma collègue, donc au-delà de la rétroactivité, est-ce que l'article, tel
qu'il est rédigé pour toute la question hors Québec, vous convient? Est-ce
qu'il manquerait des éléments, là, si on exclut, évidemment, la partie
rétroactivité, vous nous l'avez fait mention?
Mme Roy (Nancy) : Bien, moi,
j'ai toujours suggéré qu'on conserve l'article qui était préexistant, là, l'article
3 de la loi actuelle, et qu'on y ajoute simplement une exception pour les
primes, les homicides hors Québec. Et, pour moi, ça aurait été simple, ça
aurait été efficace, ça aurait été aussi d'inclure ces personnes-là dans une
exception législative et pour… et ça couvrirait aussi… ou on pourrait couvrir
par disposition, directive administrative, bien, la rétroaction.
M. Lévesque (Chapleau) : Donc,
ce serait ces éléments, là. O.K. Maintenant, vous avez parlé d'exclusion, donc
plusieurs victimes sont exclues de la définition ou, du moins, de ce qui vous
apparaît au projet de loi, j'imagine que c'est en lien avec la définition.
Est-ce que vous pouvez peut-être nous éclairer sur ça, ou qu'est-ce que vous
verriez, en termes de définition ou, du moins, d'inclusion par rapport à
certaines victimes?
Mme Roy (Nancy) : Bien,
écoutez, pour nous, on aurait conservé la définition qui a été interprétée par
les tribunaux favorablement et, surtout dans le dernier deux ans, là, il y a eu
beaucoup de jurisprudences qui ont été interprétées sur la notion de blessure,
sur la notion victime, on aurait conservé ça. On aurait ajouté une exception,
au niveau du Québec, pour inclure hors Québec ou victimes… les proches de
victimes d'homicide hors Québec, et ça aurait couvert, je pense, à peu près la
majorité des besoins. Parce qu'un parent ou un proche qui démontre qu'il a une
blessure psychologique, mais correspond à la définition de l'article 3 en ce
moment. Ça fait que, pour nous, ça aurait répondu aux besoins…
M. Lévesque (Chapleau) : La
définition.
Mme Roy (Nancy) : …en tout
cas, des familles qu'on rencontre.
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Bien, d'abord, merci, Me Roy, d'être avec nous et également
Mme St-Onge. Merci beaucoup de partager votre expérience avec nous, expérience
dramatique, mais qui doit nous guider, comme législateurs, à faire justement
les bons choix. Vous êtes maintenant administratrice, Mme St-Onge, et, Mme Roy,
vous êtes directrice générale de l'Association des familles de personnes
assassinées ou disparues…
M. Tanguay
:
...expérience avec nous, expérience dramatique, mais qui doit nous guider comme
législateur à faire justement les bons choix. Vous êtes maintenant
administratrice, et Mme St-Onge et Mme Roy, vous êtes directrices générales de
l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues.
Moi, j'aimerais ça prendre votre point,
là, puis le revirer de bord, parce qu'on en a parlé avec Me Bellemare.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi ça consiste le parcours du combattant pour
des personnes qui veulent se faire indemniser et qui se voient refuser une
indemnisation, peu importe la raison, mais vous dites : Non, on va
contester, il y a des recours, ce que ça représente en termes de temps,
d'argent, d'énergie et en quoi ça vient aussi alourdir le fardeau qu'ils ont
déjà à subir, qui leur est imposé?
Mme Roy (Nancy) : Bien, écoutez,
c'est facile, hein? Vous auriez pu faire une mise en situation et appeler à
l'IVAC pour dire, vous êtes victime. Souvent, ces gens-là viennent au bureau,
nous rencontrent et nous demandent ou nous disent carrément : Bien... il y
en a qui se sont fait dire : Bien, vous n'êtes pas une victime. Bien,
pourtant, j'ai perdu mon enfant par assassinat. Non, vous n'êtes pas une
victime, la victime est décédée. Ça fait que des absurdités qu'elles se font
dire, jour après jour.
Ensuite, elles rentrent dans un dédale
administratif épouvantable avec des délais. Donc, elles doivent fournir beaucoup
de papiers, souvent des retards, des délais, des changements d'intervenant à
l'IVAC, souvent se font refuser malheureusement, malgré les interprétations
favorables qu'il y a eu dans les tribunaux, doivent... arrivent à l'AFPAD et
nous demandent : Bien, comment on fait? Qu'est-ce qu'on fait? On n'a pas
les moyens d'avoir un avocat.
Donc, c'est aussi de trouver des avocats
qui vont accepter ces causes-là qui sont difficiles. Il n'y a pas... Avoir un
mandat d'aide juridique, ça devrait être automatique pour une victime. Il
devrait avoir des liens avec l'aide juridique, l'accessibilité aux tribunaux,
parce que souvent, c'est difficile pour ces personnes-là et elles doivent se
battre durant des années. On a des familles que ça fait trois ans, quatre ans
qu'elles se battent pour être reconnues, pas pour recevoir des millions, là,
pour recevoir de l'aide psychologique, on le rappelle, et souvent de l'aide
pour retourner en emploi. Elles doivent reprendre une vie normale, donc après
des années, puis, entre ça, on se rappelle que souvent, il y a le processus
judiciaire. Donc, ces personnes-là sont complètement démolies.
Souvent, moi, j'ai appelé à l'IVAC pour
les supplier et leur demander d'ajouter aux 30 séances de psychothérapie,
des séances supplémentaires parce que ces gens-là, avec les délais du système
judiciaire, devaient affronter tout le procès, souvent en s'appauvrissant,
souvent en payant elles-mêmes les dépenses, donc... et l'IVAC me
répondait : Non, malheureusement...
Mme Roy (Nancy) :
…psychothérapie, des séances supplémentaires, parce que ces gens-là, avec les
délais du système judiciaire, devaient affronter tout procès, souvent,
s'appauvrissant… souvent, en payant elles-mêmes les dépenses. Donc… et l'IVAC
me répondait : Non, malheureusement, c'est 30 séances, alors…
M. Tanguay
: Alors,
quand on prend tout ça… puis c'est l'angle, puis c'est par la porte par
laquelle je veux entrer dans la discussion. Quand on prend tout ça, dans un
contexte où c'est une loi qui aura bientôt 50 ans, qui a évolué… vous avez
fait référence, un peu plus tôt, là, à la décision… je pense avoir la bonne,
là, du juge François Huot, septembre 2016, qui faisait une avancée juriste
prudentielle, autrement dit, la loi dit une chose, la façon dont c'est appliqué
et interprété, le décideur à l'IVAC dit, oui, dit, non. S'il dit non, bien, on
peut aller devant les tribunaux. C'est des temps… C'est du temps de délai puis
tout ça.
La loi, son application, son
interprétation a un peu été comme un arbre qui a grandi et qui, aujourd'hui,
est plus clair, a des bases. Malgré cela, vous dites : Bien, des fois, il
faut aller se battre pour replaider de la juriste prudence bien établie. Dans
ce contexte-là, je comprends, puis vous pourrez le formuler différemment que
moi, que de jeter, ce qui pourrait être vu comme un pavé dans la mare,
190 nouveaux articles qui ont la prétention d'apporter quelque chose de
nouveau et de différent… on ne fait pas 190 nouveaux articles pour faire
juste qu'à ce qu'en dessous pour une piastre, il faut amener d'autres éléments
d'interprétation. Bien, cette interprétation-là, je vais le dire un peu carré,
mais ça va sortir comme ça, elle devra se faire au cours des prochaines années
sur le dos des personnes qui voudront prétendre : Moi, je me bats parce
que, moi, je pense que la loi doit m'inclure là-dedans.
Alors, ça, c'est comme un fardeau qu'on
risque d'exiger au justifiable. Bien, allez faire avancer le droit pour
interpréter la loi avec les 190 nouveaux articles.
Mme Roy (Nancy) : Bien,
évidemment, pour nous, on aimerait ça simplifier pour ces personnes-là parce
qu'il faut pouvoir investir facilement dans leur réadaptation, dans leur sortie
du drame, hein, pour faciliter leur prise en charge, là, personnelle, émotive,
sociale. Et je pense que de rajouter de nouvelles définitions ne les aideront
pas. Je pense qu'on devrait plutôt s'inspirer de ce que les tribunaux ont dit,
de garder ce nouvel article-là. Mais y aller avec des directives
administratives à l'IVAC et d'ordonner comment elles doivent être appliquées.
Il ne faut pas les appauvrir ces gens-là. Et, quand on entend qu'ils auront des
remplacements de revenu pour trois ans, mais seulement ceux en emploi, bien, je
m'excuse, mais la totalité ou presque, en tout cas, la majorité de mes victimes
qui sont membres à l'AFPAD, et on en a plus de 600 personnes, bien, ce sont
toutes des personnes extrêmement appauvries par le drame et qui n'auront
peut-être pas les bénéfices de la loi au-delà du trois ans ou du cinq ans. Ça
fait que c'est alarmant.
M. Tanguay
: Ce que
vous dites là, ce que vous dites là est excessivement important…
Mme Roy (Nancy) : ...et on en
a plus de 600 personnes, bien, ce sont toutes des personnes extrêmement
appauvries par le drame et qui n'auront peut-être pas les bénéfices de la loi
au-delà du trois ans ou du cinq ans. Ça fait que c'est alarmant.
M. Tanguay
: Ce que
vous dites là est excessivement important, Me Roy. Vous parlez des 600
quelques personnes qui font appel à vos services. Et après trois ans, là, vous
dites : C'est terminé, là. Alors, il y en a qui auront un impact
là-dessus. Je pense que la logique du ministre, c'est de dire : On va en
donner un peu à plus de monde, mais ça veut dire qu'il y a des gens qui
auraient mérité plus, mais qui vont se faire couper, dans les faits. Et on
pourrait vous dire : Non, ça ne se passera pas de même, ça ne se passera
pas de même. Une chose est sûre, le trois ans va exister. Alors, trois fois
365 jours va arriver un jour, puis il n'y en aura plus, d'argent. Alors,
des gens qui, par ailleurs, auraient reçu, d'où un recul, une somme au-delà du
trois ans. Ça, c'est important.
• (16 h 10) •
Vous invitez également aussi — ça,
on va le dire, on va le nommer puis vous l'avez dit également — une
harmonisation des régimes, accidents de travail, des accidents de la route. Également
il y a là un corpus, il y a là des surplaces des systèmes qui visent à
l'indemnisation. Il y aurait aussi avantage à se coordonner, à s'harmoniser
plutôt que de refaire un 190 nouveaux articles également. Puis on peut
voir... je ne sais pas si vous en avez vu, j'aimerais vous entendre, Me Roy,
puis peut-être Mme St-Onge également, vous avez commencé un peu plus tôt à
parler d'éléments nouveaux, comme scène intacte, le concept de scène intacte.
Est-ce qu'il y a d'autres concepts comme ça qui vous ont fait froncer, là, des
sourcils?
Mme Roy (Nancy) : Bien,
écoutez, il y a toutes des notions, là, qu'on a entendu, là, l'impossibilité
d'agir. Quand on sait ça, on le sait que c'est un fardeau qu'on demande aux
victimes, qui est vraiment alourdi. Donc, moi, je plaide plus en faveur d'une
application facile, d'une application élargie, mais il faut bien investir dans
ces personnes-là. Il ne faut pas saupoudrer l'aide. Je pense qu'il faut la
concentrer, parce que, de toute façon, sinon, ces personnes-là vont se
retrouver à l'aide sociale, vont se retrouver bénéficiaires de d'autres régimes
de dernier recours, malheureusement, parce qu'on n'aura pas investi, de façon
massive au début, sur ces personnes-là, on les aura exclues, et on ne fait
qu'alourdir le fardeau, finalement, de pouvoir les aider convenablement.
Écoutez, j'ai eu une jeune fille qui... sa
mère a été assassinée devant ses yeux et on lui payait ses cours à l'université
que si elle les coulait. Donc, pour nous, c'était d'aider quelqu'un à
l'inverse. Parce qu'on leur demandait : Pouvez-vous payer ses frais
universitaires? Ils ont dit : Non, on paie juste si, à cause du drame,
elle échoue certains cours.
Donc, je pense qu'il faut repenser les
notions aussi, qui sont de réadaptation. Je pense qu'il faut asseoir les...
Mme Roy (Nancy) :
...c'était d'aider quelqu'un à l'inverse. Parce qu'on leur demandait :
Pouvez-vous payer ses frais universitaires? Ils ont dit : Non, on paie
juste si, à cause du drame, elle échoue certains cours.
Donc, je pense qu'il faut repenser les
notions aussi, qui sont de réadaptation. Je pense qu'il faut asseoir les intervenants
du milieu. Il faut leur demander : Qu'en pensez-vous? Parce que vous
travaillez avec ces gens-là de façon quotidienne. On les connaît, les besoins
de nos personnes, mais on n'a pas été suffisamment consultés à ces propos-là.
M. Tanguay
: Et...
Il me reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) : 1 min 15 s.
M. Tanguay
:
1 min 15 s. Donc, plus de consultation, ne pas agir dans la
précipitation.
Et également, comment accueillez-vous le
fait qu'il y aura un pouvoir élargi réglementaire? Donc, le diable est dans les
détails, et les règlements vont suivre. Là aussi, j'imagine que, si d'aventure
la consultation n'a pas eu lieu sur le projet de loi n° 84, vous aimeriez
minimalement qu'il y ait une consultation, j'imagine, sur d'éventuels
règlements qui vont étayer tous ces beaux nouveaux articles-là, là.
Mme Roy (Nancy) : C'est
sûr, parce qu'on les connaît, nous familles. On les connaît, leurs besoins. Je
pense que, si une famille... Si... Je réponds quoi, moi, à quelqu'un que son
enfant a été assassiné sur son lieu de travail? Est-ce qu'il va être indemnisé
par la CNESST ou par l'IVAC, le nouveau programme?
C'est extrêmement compliqué de s'y
retrouver. Pour une victime, ça va être compliqué. Pour les organismes de
terrain, ça va être compliqué. Je pense qu'il faut simplifier les choses. Ça
fait qu'il faudrait se rasseoir tout le monde avec des experts terrain et
dire : Comment on peut faciliter, comment on peut investir dans ces
personnes-là pour qu'enfin elles puissent retrouver un semblant de vie qui soit
plus normale?
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, Me Roy. Merci, Mme St-Onge.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Sherbrooke pour
2 min 45 s, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Roy, Mme St-Onge pour votre présentation. Je
pense, vous étiez très éloquentes sur les changements que vous attendez du projet
de loi.
Je ne veux pas vous mettre mal à l'aise,
Mme St-Onge, mais, si vous vous sentez à l'aise, j'aimerais ça que vous
nous parliez de vos neveux puis de la différence que ça ferait pour eux d'avoir
accès à l'IVAC. Mais je ne veux pas vous mettre mal à l'aise. Si jamais vous ne
vous sentez pas à l'aise...
Mme St-Onge (Annie) :
Bien, en fait... En fait, je pense que, tu sais, autant un parent qui perd un
enfant, autant un enfant qui perd un parent dans une situation comme ça... Et
la situation a été tellement, mais tellement médiatisée. C'est très handicapant
dans un si jeune âge de pouvoir continuer leur parcours.
Donc, oui, ces enfants-là ont des besoins un
peu plus particuliers, ont besoin d'être soutenus pour réussir un peu à vivre
la vie qu'ils auraient eue... et ils ne l'auront jamais, mais s'ils avaient
conservé leur maman, s'ils avaient eu leur maman auprès d'eux. Donc, les
besoins, c'est beaucoup au niveau de l'aide, de l'aide psychologique. Puis,
quand je parle d'aide psychologique, c'est sûr qu'on peut se dire : Ah!
bien...
Mme St-Onge (Annie) : …s'ils
avaient conservé leur maman, s'ils avaient eu leur maman auprès d'eux. Donc,
les besoins, c'est beaucoup au niveau de l'aide, de l'aide psychologique. Puis,
quand je parle d'aide psychologique, c'est sûr qu'on peut se dire : Ah,
bien oui, mais ils vont aller consulter un psychologue, puis ça va être
correct. Non. C'est précis. Ce n'est pas n'importe quel psychologue généraliste
qui peut adresser des situations comme ça. Ça prend des psychologues qui sont
spécialisés dans le trauma. C'est des spécialistes qui ont étudié, qui ont fait
des études. Un psychologue, c'est quelqu'un qui a quand même un doctorat, mais
il y a des spécialisations pour être en mesure de comprendre.
Puis j'en suis aussi… je parle en
connaissance de cause parce que j'ai aussi… oui, malgré ce que j'ai de l'air,
bien forte, là, moi aussi, j'ai besoin d'aide puis je n'en trouve pas. Puis là
on ne parle pas d'argent, là, on parle de soins. J'ai besoin de me remettre,
j'ai besoin de retrouver une vie quasi normale, moi aussi, depuis deux ans. Ça
fait que là je parle de mes neveux mais je parle de moi aussi, mais les aides
ne sont pas toujours là.
Donc, même pour mes neveux… Puis c'est
encore pire pour eux que pour moi, eux autres aussi ont besoin d'être
accompagnés, ont besoin d'avoir de l'aide très spécifique, très spécialisée
pour être en mesure d'avoir une vie presque normale rendus plus loin. Ma soeur,
c'était quelqu'un qui avait quand même un revenu important dans sa famille.
C'était quelqu'un qui avait une belle carrière, qui avait un bon emploi
rémunérateur. Donc, tout ça, ils ne l'ont plus, ils n'ont plus cette partie-là,
mes neveux. Ils n'ont plus cette jouissance de vie là non plus. Donc…
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme St-Onge. Merci infiniment.
Merci. Mme la députée de Joliette pour 2 min 45 sec, s'il vous
plaît.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour. Bonjour, Mme St-Onge. Merci d'avoir cette force-là d'être parmi
nous aujourd'hui. C'est très, très éloquent pour nous, ce que vous nous dites.
Puis merci, Mme Roy. Toujours un plaisir de vous entendre.
Je voulais revenir, Mme Roy, sur
toute la question de la nouvelle définition de victime. Donc, vous nous dites
que, dans le fond, à l'heure actuelle, il y a des progrès substantiels qui se
sont faits par les tribunaux et qui font en sorte que, maintenant, il y a eu un
élargissement, et vous craignez, si je vous suis bien, qu'avec ce qui est prévu
dans la loi on régresse. Est-ce que vous pouvez nous spécifier si vous craignez
dans la définition même qu'on régresse ou dans le type d'aide ou de soutien et
d'indemnisation dont vont pouvoir bénéficier les victimes qu'on pourrait
appeler secondaires ou par ricochet? Qui sont, selon moi, des vraies victimes,
là, mais on se comprend. Pouvez-vous juste me clarifier ça?
Mme Roy (Nancy) : Bien, je
pense que la définition même, là, elle a été largement, là, définie par les
tribunaux. Donc, on se demande pourquoi ces familles-là, qui perdent un enfant
par homicide, doivent aller nécessairement, trois ans après, au tribunal pour
se faire reconnaître comme victimes…
Mme Roy (Nancy) : ...elle a
été largement, là, définie par les tribunaux. Donc, on se demande pourquoi ces
familles-là qui perdent un enfant par homicide doivent aller, nécessairement,
trois ans après, au tribunal pour se faire reconnaître comme victimes. Donc, pour
nous, la définition, elle est claire, c'est une personne qui a subi une
blessure, donc une blessure psychologique, qui arrive, que ce soit avant ou
après les premiers répondants, mais qui... ou qui n'arrive pas, non plus, là,
les tribunaux ont dit que même si on n'était pas sur place, on subissait une
perte. Je pense qu'il faudrait s'inspirer aussi de ce qui se fait ailleurs. En
France, on indemnise les proches, les parents beaucoup plus facilement qu'au Québec.
Donc, il faut s'inspirer, il faut travailler avec ces personnes-là.
Je pense que la loi, elle est complexe,
parce que plus je la lisais, plus je me disais : Mon Dieu! Ça va être
compliqué pour les organismes terrain de même s'y retrouver. Ça fait que
pourquoi ne pas prendre une définition claire, d'y mettre certaines exceptions?
De peut-être enlever aussi les notions de prescription, parce que ces personnes-là
sont dans un état de vulnérabilité. Souvent, ce n'est pas... ils ne savent pas,
ils ont le processus judiciaire puis ils ne déposent pas nécessairement, dans
le trois ans une demande à l'IVAC, ils n'ont pas nécessairement identifié leurs
besoins, et après ça, on leur dit que c'est prescrit. Mais si on se colle sur
les dernières décisions des tribunaux, bien, je pense qu'à ce moment-là on serait
gagnants.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on a. Me Roy,
Mme St-Onge. Merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi, c'est fort
apprécié. Merci beaucoup. On suspend les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
16 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 16 h 37)
Le Président (M.
Bachand) : Oui, je veux juste ouvrir la séance,
Me Lemieux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir Me Madeleine
Lemieux, ex-bâtonnière et auteure du rapport sur la modernisation de l'IVAC.
Alors, Mme Lemieux, on a hâte de vous entendre. Donc, vous avez
10 minutes de présentation, après ça, on aura un échange avec les membres
de la commission. Donc, la parole est à vous. Merci d'être ici avec nous.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Alors, bonjour. Vous avez dit : Auteure du rapport, je ne suis pas auteure
du rapport. J'ai présidé le groupe de travail qui a présenté un rapport. Nous
avons eu mandat en 2006 et notre rapport était de juin 2008. Je présume qu'il
y a des membres de la commission qui en ont pris connaissance parce que, je
dois dire, j'ai reconnu plusieurs de nos recommandations dans le projet de loi.
Je vais rapidement revenir sur le mandat
que nous avions, dont les objectifs étaient de dégager les fondements, la
nature, les caractéristiques, les objectifs d'un régime d'indemnisation,
examiner la fameuse liste des actes criminels qu'on trouvait à l'époque en
annexe, préciser les liens à établir avec d'autres régimes sociaux et des
services d'aide existants et recommander des scénarios de modification au
régime avec des estimés de coûts et, si jugé approprié, des hypothèses de
financement, le tout dans un contexte d'une gestion rigoureuse des finances
publiques. Puis, finalement, examiner les coûts du mode d'administration
actuel.
Le comité était composé de sept personnes,
dont Mme Bérubé, Mme Cadrin, M. Gagné, Me Ionescu et
Me Turmel. Et nos travaux ont duré à peu près deux ans, pendant lesquels
nous avons fait plusieurs consultations. Nous avons rencontré plusieurs groupes
de personnes-ressources spécialisées en réadaptation ou qui représentent des
associations soit de victimes, soit de soutien aux victimes, et on a sorti un
rapport qui faisait plusieurs recommandations.
Je ne sais pas s'il y a des sujets en
particulier, mais si je m'en vais aux grandes lignes de ce rapport-là…
Mme Lemieux (Madeleine) : ...représentent
des associations soit de victimes, soit de soutien aux victimes. Et on a sorti
un rapport qui faisait plusieurs recommandations. Je ne sais pas s'il y a des
sujets en particulier, mais, si je m'en vais aux grandes lignes de ce
rapport-là, ça a été de vraiment dégager les fondements de ce régime-là, qui
est un régime qui est fondé d'abord et avant tout sur la solidarité sociale, et
le distinguer des régimes d'assurance, qui sont des régimes autofinancés, comme
l'indemnisation des accidents de travail ou de l'assurance automobile.
• (16 h 40) •
Alors, ça a été notre premier travail de
vraiment installer ces fondements-là et de donner un sens aux mots «solidarité
sociale». On s'est inspirés d'un rapport précédent qui disait : «Sur la
manière par laquelle les sociétés modernes trouveront des façons de réduire les
conséquences plus graves des inégalités rattachées aux mauvais coups du sort.» Parce
que les victimes d'actes criminels, c'est ce qu'on appelle vraiment les mauvais
coups du sort.
Ce qui nous a aussi beaucoup frappés, ça a
été de constater la très grande vulnérabilité des gens qui s'adressent à ce
régime-là, vulnérabilité qui est différente, je pense, des personnes qui vont
s'adresser à d'autres régimes d'indemnisation publics, à cause des situations particulières
dans lesquelles ils se sont retrouvés.
Je voudrais vous parler aussi des
principes directeurs qui nous ont guidés, qu'on va retrouver à la page 14 du rapport.
C'est que : «Une victime d'un crime peut bénéficier des services et
indemnités prévues à la loi si elle a subi un préjudice corporel ou psychique
en lien avec l'acte criminel. Elle a droit au respect, à l'empathie, à l'aide
et à l'assistance de toute personne chargée d'administrer la loi. Toute
intervention auprès d'une personne victime doit être basée sur le respect de
son autonomie et reposer sur la capacité à reprendre le contrôle de sa vie.»
«Toute intervention auprès d'une personne
victime doit être faite avec célérité.» Et j'insiste beaucoup là-dessus. Nous,
c'est quelque chose qui nous a frappés, comment la rapidité avec laquelle on
intervient auprès des victimes est contributive de leur rétablissement. «De
suivi, et dans l'allocation des services et indemnités prévus à la loi. La
personne victime doit notamment être informée... et c'est un autre de nos
constats, de voir jusqu'à point les gens se sont plaints du manque
d'information, ont manifesté des besoins d'information, que nous avons trouvés,
rencontrés presque avec chaque groupe que nous avons consulté... avec diligence
et dans un langage accessible, des services et indemnités prévus.
«L'administrateur du régime doit fournir
des services...
Mme Lemieux (Madeleine) : …donc
nous avons trouvé… rencontré presque avec chaque groupe que nous avons
consulté, avec diligence et dans un langage accessible, les services et
indemnités prévus. L'administrateur du régime doit fournir des services adaptés
aux besoins des personnes victimes, coordonnés en complémentarité avec les
services dispensés par les organismes publics. Ça, c'est un autre des principes
qui s'est dégagé de nos consultations : c'est que le régime
d'indemnisation est un régime supplétif. Il y a des services que seul le régime
d'indemnisation des actes criminels peut fournir, mais il ne doit pas remplacer
les autres régimes, publics ou privés, d'indemnisation, et il doit travailler
en complémentarité avec les services dispensés par les organismes publics,
parapublics et communautaires. Et la victime peut, selon la gravité des
préjudices subis, recevoir des services médicaux et psychosociaux nécessaires à
sa réadaptation et être indemnisée selon les dispositions de la loi. Les
services visent à atténuer les préjudices subis en lien avec l'acte criminel,
et favoriser son rétablissement. Et finalement, les proches de la personne
victime peuvent, dans certaines circonstances, être admissibles aux services et
indemnités prévues à la loi.
Il y avait à cette époque-là des
difficultés particulières pour ce qui concernait les proches des victimes, à ce
qu'elles obtiennent des indemnisations. Nous avions recommandé, entre autres,
un changement de titre de la loi. Nous avons recommandé, entre autres, la
disparition de la liste, pour ne plus limiter l'indemnisation à des crimes qui
sont énumérés dans une liste, mais bien élargir à un plus grand nombre de
personnes, et c'est très relié, je pense, à l'évolution de la société, à
l'évolution de la criminalité aussi. Nous avons… c'était formulé, plusieurs
recommandations qui ont trait à l'information, au soutien, au devoir
d'assistance de l'organisme chargé d'indemniser les victimes. Nous avions
recommandé aussi la fin des rentes viagères et un terme aux indemnités de
remplacement de revenu.
Ça fait à peu près le tour d'un rapport
qui fait quand même 140 pages. Je pense que je préfère répondre à vos questions
sur des sujets bien précis que d'aller plus loin dans toutes les
recommandations, parce qu'il y en avait… je les ai sorties. Il y en avait 68… recommandations.
Alors, je pense que je pourrais… je vais essayer de répondre à vos questions du
mieux que je peux.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Lemieux. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Merci, Me Lemieux, d'être avec nous et de prendre le
temps de venir en commission parlementaire, c'est apprécié. Écoutez, je veux
aborder un élément dans votre rapport. Bien, tout d'abord, je comprends, là,
que votre rapport avait été rendu en 2008, mais…
Le Président (M.
Bachand) : ...merci beaucoup, Me Lemieux. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Merci, Me Lemieux, d'être avec nous et de prendre le
temps de venir en commission parlementaire, c'est apprécié.
Écoutez, je veux aborder un élément dans
votre rapport. Bien, tout d'abord, je comprends, là, que votre rapport avait
été rendu en 2008 mais qu'il avait été uniquement rendu public en 2012, suite
aux pressions de la députée de Joliette à l'époque. Donc, il avait été rendu
public... dans la sphère publique à ce moment-là. Dans votre rapport, et c'est important
de le dire, que vous aviez un comité pour faire ce rapport-là, vous
recommandiez la fin des rentes viagères. Pourquoi est-ce que vous recommandiez
la fin des rentes viagères?
Mme Lemieux (Madeleine) :
C'est basé sur deux principales raisons. Le régime, dans notre vision à nous,
était un régime... est d'abord et avant tout un régime supplétif. Alors, le
régime doit avoir comme premier objectif la réparation des conséquences
immédiates du traumatisme subi suite au crime et de diriger la personne vers
d'autres ressources à partir d'à un moment donné. Alors, la réparation vise d'abord
le remplacement du revenu. Quand nous avons suggéré trois ans de remplacement
de revenu, nous l'avons suggéré à partir des statistiques qui existaient à
l'époque à l'IVAC, qui couvraient à peu près 95 % ou 97 %, si ma
mémoire est bonne, des réclamations de remplacement de revenu. C'est à peu près
ça. Nous avons aussi collé le remplacement de revenu à quelqu'un qui possède déjà
du revenu ou une expectative normale de revenu. Mais c'est un régime qui devait
d'abord et avant tout être élargi à un plus grand nombre de victimes, et, compte
tenu des ressources dont on dispose, de faire en sorte que si une personne
doit... peut recevoir une indemnité qui la compense, elle n'a pas... elle ne
devrait pas recevoir une rente viagère. Ce n'est pas l'objectif de ce
régime-là. Un régime, rappelez-vous, comme principe de base... basé sur la
solidarité et basé sur l'indemnisation rapide, immédiate, et la correction des
défauts.
Les rentes viagères sont un coût énorme
pour le régime, et je pense que ça a été contributif du fait qu'on ait autant
tardé à élargir le nombre de personnes qui étaient admissibles en faisant
disparaître la fameuse liste de crimes qui rendaient admissible à l'indemnisation
du régime. En gros, là, c'est à peu près ça qui... et que le régime ne doit pas
être calqué sur les régimes d'assurance santé, sécurité au travail ou accidents
automobiles. Ce sont des régimes dont les fondements sont complètement
différents.
M. Jolin-Barrette : Sur ce
point-là, Me Lemieux, pourquoi...
Mme Lemieux (Madeleine) : ...et
que ces... le régime ne doit pas être calqué sur les régimes d'assurance
santé-sécurité au travail ou accidents d'automobile, ce sont des régimes dont
les fondements sont complètement différents.
M. Jolin-Barrette : Sur ce
point-là, Me Lemieux, pourquoi ils sont différents? Juste, là, pour bien nous
renseigner, là, pourquoi que ce n'est pas la même chose, le régime de la SAAQ,
le régime de la CNESST puis le régime de l'IVAC?
Mme Lemieux (Madeleine) : Le
régime de la CSST et de la SAAQ sont des régimes d'assurance autofinancés.
Alors, ce sont les utilisateurs... Dans un cas, ce sont les employeurs, et dans
un autre cas, ce sont les utilisateurs du réseau routier et des automobiles qui
paient le... ces régimes-là. Ce ne sont pas des régimes basés sur la solidarité
sociale, comme d'autres régimes existant dans le gouvernement, c'est tout à
fait autre chose. Alors, on n'est pas dans un domaine d'assurance, on...
Souvent, on s'est posé la question : Est-ce que, si quelqu'un vous
offrait... un assureur privé vous offrait une police d'assurance contre les
crimes... Bien, vous diriez : Non. Moi, ça ne m'arrivera pas à moi, ça
arrive aux autres. On va assurer, quand on en a les moyens, le salaire, on va
assurer contre la maladie. Ce n'est pas un régime d'assurance, c'est un régime
d'indemnisation étatique basé sur la solidarité. On l'a copié sur celui de la
santé-sécurité au travail parce que le régime, d'après ce qu'on m'en a raconté,
a été adopté très rapidement, à la sauvette, puis on l'a rapidement confié à la
CSST, et, dans la tête de tout le monde, on l'a assimilé à un régime
d'indemnisation pour des accidents de travail, et ce n'est pas ce que c'est, de
notre avis, ce n'est pas ce que c'est, c'est tout à fait autre chose.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question de l'indemnité de remplacement de revenu, vous le limitiez à
l'incapacité temporaire, à trois ans. Nous, ce qu'on fait, c'est qu'on met
trois ans plus une tranche de deux ans supplémentaire en termes de réinsertion,
donc pour un total de cinq ans. Mais vous, à l'époque, le trois ans, ça vous
apparaissait une approche normale pour faire en sorte de... que la personne
puisse être rétablie et qu'elle ait un montant forfaitaire par la suite.
• (16 h 50) •
Mme Lemieux (Madeleine) : Oui,
et on s'était basés sur les statistiques de l'IVAC, on s'était basés sur
combien... quel est le pourcentage de personnes et quelle est la durée pendant
laquelle elles ont besoin de remplacement de revenu, et on en arrivait à des
statistiques... Il faudrait que je fouille un petit peu dans mon rapport, parce
que, vous savez, je n'avais pas lu ça depuis 2008, hein? Alors, je vais être
obligée de relire. On s'était basés sur des statistiques qui nous avaient
dit : Bien, avec une limite de trois ans, c'était 97 % qui allaient
recevoir exactement la même indemnisation. Alors, la zone tampon peut
correspondre à des statistiques qui seraient différentes aujourd'hui, je
l'ignore.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Qu'est-ce que vous pensez de l'élargissement de la notion de victime que nous
faisons dans le projet de loi n° 84?
Mme Lemieux (Madeleine) : Vous
voulez dire...
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, auparavant, on avait la...
Mme Lemieux (Madeleine) :
…correspondre à des statistiques qui seraient différentes aujourd'hui, je
l'ignore.
M. Jolin-Barrette : O.K.
qu'est-ce que vous pensez de l'élargissement de la notion de victime que nous
faisons dans le projet de loi 84?
Mme Lemieux (Madeleine) : Est-ce…
vous vous dire les?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, auparavant, on avait la victime directe qui avait droit à des
indemnisations. Là, ce qu'on vient faire, c'est qualifier la personne… les
personnes victimes plus largement. Donc, il y a la victime qui subit
l'infraction, mais il y a toute la cellule familiale, le noyau familial, les
proches, les personnes significatives qui vont pouvoir être indemnisées
désormais et recevoir des services.
Donc, est-ce que vous voyez ça positivement,
le fait que davantage de personnes, et on l'évalue à près de
4 000 personnes supplémentaires par année, pourront recevoir du
soutien de l'État?
Mme Lemieux (Madeleine) :
C'est…
M. Jolin-Barrette : On
élargit le régime.
Mme Lemieux (Madeleine) : Oui.
Vous savez, nous… dans nos consultations, il n'y a absolument personne,
personne, personne qui a plaidé en faveur d'une restriction. Au contraire, tout
le monde a plaidé en faveur d'un élargissement et ça va de soi que la victime
n'est pas celle… seulement celle qui a reçu les coups, mais que ses proches,
que la cellule familiale et c'est ça l'idée de la solidarité sociale, de
réduire le plus possible les effets d'un crime sur tous ceux qui en sont
victimes et ça méritait un élargissement.
M. Jolin-Barrette : Pourquoi,
Me Lemieux, pensez-vous que, depuis la publication de votre rapport en
2008, il n'y aucun gouvernement qui a mis en oeuvre une réforme de l'IVAC?
Mme Lemieux (Madeleine) : Je
l'ignore. Je devrais faire pure spéculation, parce qu'on mentionne dans le
rapport que notre rapport a été précédé de deux autres rapports. Ce n'est pas
le… il y en a eu deux autres qui avaient formulé des recommandations avant le
nôtre. Je pense que c'est directement relié aux coûts et que la majorité de nos
recommandations étaient des recommandations qui favorisaient des élargissements
qui auraient entraîné d'autres coûts, des coûts supplémentaires et que ce
n'était probablement pas dans l'air du temps que d'ajouter à ce que ça coûte
déjà. Parce que j'ai comparé les chiffres de 2008 et ceux d'aujourd'hui et
malgré le fait que le régime est resté sensiblement le même, les coûts sont
beaucoup plus importants qu'ils ne l'étaient à l'époque.
Je ne vois pas autre chose, parce que tout
le monde réclamait une modernisation de cette loi-là. Tout le monde réclamait
un élargissement de la notion de victime. Tout le monde réclamait des
modifications à l'administration du régime. Il n'y a pas personne qui est venu
dire : Gardez ça comme c'est là. Et le rapport, bien, ça voulait le
reflet, hein.
M. Jolin-Barrette : Puis, une
dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Me Lemieux,
tout à l'heure, Me Bellemare est venu témoigner et il a mis en doute le
fait que les mesures supplémentaires, que je mettais dans la loi pour les
victimes, qui sont, notamment, inspirées, en autres, de votre rapport,
allaient… n'allaient pas engendrer des coûts supplémentaires pour l'État. Donc,
je comprends, de ce que vous nous avez dit, que dans les recommandations que
vous faisiez, ça allait engendrer des coûts supplémentaires. Donc,
nécessairement, le gouvernement du Québec…
M. Jolin-Barrette : ...et il a
mis en doute le fait les mesures supplémentaires que je mettais dans la loi
pour les victimes, qui sont notamment inspirées, entre autres, de votre
rapport, n'allaient pas engendrer des coûts supplémentaires pour l'État. Donc, je
comprends de ce que vous nous avez dit que, dans les recommandations que vous
faisiez, ça allait engendre des coûts supplémentaires, donc nécessairement le gouvernement
du Québec met plus d'argent si on suit vos recommandations.
Mme Lemieux (Madeleine) :
C'était notre constat. Et nous avions de grands doutes que le rapport ne serait
probablement pas suivi rapidement justement parce qu'il allait entraîner des
coûts supplémentaires à l'administration du régime.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vous remercie, Me Lemieux, pour votre passage à la commission
parlementaire. Je vais laisser la parole à mes collègues. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député de Chapleau,
s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Me Lemieux. Merci de votre témoignage.
Bon, vous nous mentionniez que vous avez un peu dépoussiéré votre rapport, là.
Je vais maintenant faire appel à votre mémoire.
Donc, dans le rapport que vous aviez
présenté et soumis, j'aimerais peut-être que vous fassiez un exercice de
comparaison entre ce qui s'y trouvait et le projet de loi actuel à l'étude.
Est-ce qu'il y a des éléments qui vous apparaissent manquer ou qui sont... qui
sortent un peu de l'ordinaire, qui n'étaient pas vraiment compris dans le
rapport? Puis vos interrogations ou, disons, au moins vos commentaires par
rapport à ces éléments.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Bien, écoutez, j'ai fait l'exercice de prendre chacune des recommandations et
de chercher dans le projet de loi là où elles étaient reprises ou non.
Évidemment, la recommandation... une de
nos toutes premières recommandations qui était d'élargir le régime de façon à y
inclure tous les crimes se retrouve dans le projet de loi, et c'était une de
nos toutes premières recommandations. Que les... Essayer de cesser d'assimiler
trop le régime aux autres régimes dont j'ai parlé tantôt, on le voit bien à
l'article 59 que c'est, si on est couvert par d'autres régimes, ce sont
les autres régimes qui doivent d'abord couvrir, oui. Le mot «blessure», nous
suggérions qu'il soit remplacé par «préjudice corporel ou psychique» pour
éviter, vous savez, le fameux : Si ça ne saigne pas, ce n'est pas une
blessure. Et l'atteinte à l'intégrité, bien, on la retrouve aussi.
C'est sûr que, dans le projet de loi, il y
a... Dans nos recommandations, nous avons formulé plusieurs recommandations qui
visaient à laisser de la discrétion à l'administrateur du régime. Dans le
projet de loi, il y a plusieurs sujets qui vont être traités par règlement. À
défaut de lire les règlements, bien, c'est impossible de savoir jusqu'à quel
point ils seront couverts.
Je vous dirais que, de façon générale, les
recommandations sont suivies.
M. Lévesque (Chapleau) :
D'accord, très bien.
Mme Lemieux (Madeleine) : Je
ne vous cache pas que l'article 16...
M. Lévesque (Chapleau) : On a
eu des interrogations sur cet article-là aussi par d'autres groupes.
Mme Lemieux (Madeleine) : Les
articles...
Mme Lemieux (Madeleine) :
...couverts. Je vous dirais que, de façon générale, les recommandations sont suivies.
M. Lévesque (Chapleau) : D'accord.
Très bien.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Je ne vous cache pas que l'article 16...
M. Lévesque (Chapleau) :
On a eu des interrogations sur cet article-là aussi par d'autres groupes.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Les articles 16 et... Nous avons recommandé de conserver la notion de
faute lourde. Et nous nous basions sur la jurisprudence élaborée par le TAQ au
fil des ans.
M. Lévesque (Chapleau) :
Le TAQ.
Mme Lemieux (Madeleine) :
La jurisprudence d'il y a 20 ans sur la faute lourde et la jurisprudence
au moment où nous avons fait notre rapport, ce n'était pas du tout la même
chose. Et elle était peut-être tributaire de certains préjugés que les
décideurs pouvaient avoir aller voir... avoir à l'égard de certaines...
M. Lévesque (Chapleau) :
...victimes.
Mme Lemieux (Madeleine) :
situations particulières.
L'article 16, vous savez, moi, je
suis une fervente défenseure du langage clair. J'ai promené mes valises à
travers le Québec pour le langage clair. Et j'en suis autant plus adepte quand
il s'agit de l'instrument législatif qui s'adresse à des personnes qui sont dans
le besoin, qui sont démunies. Et 16, je ne vous cache pas, me cause des
problèmes d'interprétation, 17 aussi. Et je ne suis pas capable de m'assurer qu'il
y a adéquation entre ce texte législatif et la jurisprudence plus récente du
TAQ sur la notion de faute lourde et de contribution à ces blessures. Ça m'a un
peu intriguée, ça. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
M. Lévesque (Chapleau) :
Oui, oui. Non, ça répond, tout à fait, excellent. Donc, l'arrimage avec la
jurisprudence actuelle, avec le TAQ, il y a peut-être quelque chose à analyser
à ce niveau-là, si je comprends bien votre commentaire.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Oui.
M. Lévesque (Chapleau) :
Dernière petite question avant de passer la parole à mon collègue. Depuis les
12, 13 dernières années, est-ce que vous avez eu l'occasion avec... vous
et vos collègues de ce rapport-là, de voir différents changements et certains
points que vous auriez ajoutés dans les 13 années qui ont passé depuis? Y
a-tu quelque chose qui serait modifié à ce rapport-là?
Mme Lemieux (Madeleine) :
Bien, non, parce que...
M. Lévesque (Chapleau) :
Non? Parfait. Il reste d'actualité?
Mme Lemieux (Madeleine) :
Vous savez, la criminalité a changé, et le regard de la société sur la
criminalité change aussi. Et, par l'élargissement qu'on fait, on va cesser de
laisser pour compte des gens qui bel et bien des victimes, là.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci, Me Lemieux. Je pense que le député de Saint-Jean aurait...
Le Président (M.
Bachand) : Merci. J'ai la collègue de Les Plaines devant moi,
pour deux minutes.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Écoutez... Merci beaucoup, M. le Président. Je vais laisser le micro à mon collègue,
qui porte le même nom de famille, alors peut-être... va avoir des questions
encore plus directes. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :O.K. Très rapidement, M. le
député de Saint-Jean, il reste 1 min 40 s.
• (17 heures) •
M. Lemieux : Oui. Désolé
pour la confusion, M. le Président. Merci beaucoup. Bonjour, Me Lemieux. Pas de
lien de parenté, on s'entend.
Je voulais... Et on a juste une minute,
alors on va faire de la philosophie rapide, là. Mais est-ce que vous avez des
raisons de penser que l'esprit, les concepts, la vision que vous aviez dans le
rapport a mal vieilli? Parce qu'entre vous et moi, on va s'entendre, là, vous
pourriez...
17 h (version non révisée)
M. Lemieux : …lien de parenté,
on s'entend.
Je voulais… Et on a juste une minute,
alors on va faire de la philosophie rapide, là, mais est-ce que vous avez des
raisons de penser que l'esprit, les concepts, la vision que vous aviez dans le
rapport a mal vieilli? Parce que, entre vous et moi, on va s'entendre, là, vous
pourriez réclamer des droits d'auteur en partie, en tout cas, au ministre de la
Justice. Et, donc, à quelque part, je me demandais, on peut, comme vous l'avez
fait, parler de jurisprudence qui a évolué, mais les concepts, en gros, la
philosophie, la vision, elle est encore, comme vous le disiez à mon collègue, tout
à l'heure, elle est encore d'actualité et vous y croyez encore?
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, Me Lemieux, s'il vous plaît. Désolé.
Mme Lemieux (Madeleine) : Je
vous dirais : Oui. Je vous dirais que oui sur réserve d'actualiser
certaines questions. Et j'aurais besoin de mes experts pour le faire parce que,
moi, j'ai fait juste présider, hein, ce n'était pas moi l'experte là-dedans.
M. Lemieux : Merci, maître.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
LaFontaine, vous avez la parole.
M. Tanguay
: Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Bienvenue, Me Lemieux. Merci de prendre le temps de
répondre à nos questions, c'est vraiment intéressant de vous avoir avec nous.
J'ai, devant moi, la liste, là, des 68
propositions, recommandations du rapport de 2008. Peut-être, avant d'aller là,
j'aimerais ça vous entendre de façon un peu plus spécifique puis vous donner
l'occasion de, peut-être, préciser votre réponse quant aux articles 16 et
17 qui pourraient être problématiques quant à leurs compréhensions. Donc,
langage clair, l'article 16, là, fait quasiment deux pages, là, une page
et deux tiers. Vous avez parlé, donc 16 et 17, entre autres, sous le vocable de
«faute lourde», est-ce qu'il y a d'autres éléments de 16 et 17 qui vous ont
fait sourciller? Je ne sais pas si vous avez d'autres points.
Mme Lemieux (Madeleine) : Non,
je vous avoue que je n'ai pas vraiment compris pourquoi on faisait autant de
distinctions et on tentait de viser, en détail, autant de situations. Alors que
je pense, de ce que j'en sais, que chaque cas va rester un cas d'espèce, chaque
cas risque d'être un cas différent. Et que l'idée fondamentale, c'est que si
vous, comme le TAQ l'a régulièrement dit : Si vous êtes entré, armé dans
une banque, et qu'on va a tiré dessus, vous avez des grosses chances que vous
avez commis la faute grave et que vous avez contribué à vos blessures. Et le
risque que je vois, c'est le flottement jurisprudentiel que ces dispositions-là
peuvent entraîner dans des cas, par exemple, de violences conjugales, de
violences sexuelles. Je ne suis pas capable, imaginez, parce que je ne suis pas
saisie d'un dossier particulier, là, quelle interprétation en feront les juges
du TAQ, c'est ça, c'est un peu ça ma pensée.
M. Tanguay
: Oui, tout
à fait. Puis on a justement eu des groupes qui sont venus nous dire
qu'effectivement en matière de proxénétisme, entre autres, où la victime peut,
sous la manipulation, peut participer à un acte criminel, bien, pourrait être
refusée. Donc, c'est un des cas d'espèce qui a fait partie de notre réflexion.
Dans vos recommandations, je vais vous…
M. Tanguay
: …oui. Tout
à fait. Puis on a justement eu des groupes qui sont venus nous dire
qu'effectivement en matière de proxénétisme, entre autres, où la victime peut,
sous la manipulation, participer à un acte criminel, bien, pourrait être
refusée. Donc, c'est un des cas d'espèce qui a fait partie de notre réflexion.
Dans vos recommandations, je vais vous la
nommer, des fois, ça peut… la recommandation 9 : «Que
l'administrateur du régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels soit
tenu à un devoir d'assistance à l'égard des réclamants.» Est-ce qu'on doit le
lire… puis je n'ai pas le bénéfice, là, de l'entièreté de l'explication, mais
en vos propres mots, moi… est-ce qu'on doit le lire comme étant une sorte de
principe… établir le principe que, là, on est là pour servir une population
vulnérable et membre de la population, et là on a un devoir quasiment proactif
d'assistance. C'est un peu ça, la philosophie?
Mme Lemieux (Madeleine) : Oui.
Pendant notre consultation, vous savez, on a entendu plusieurs critiques sur le
traitement qui était donné aux demandes par le personnel de l'IVAC. Et on a
rencontré aussi le personnel de l'IVAC, des gens qui étaient en poste à l'IVAC.
Mon opinion bien personnelle, c'est que les employés de l'IVAC ne sont pas
moins empathiques, plus froids et moins compétents que la moyenne des ours. Par
contre, ils font affaire avec une clientèle qui présente des vulnérabilités
extrêmes dans certains cas, des attentes qui sont liées à leur condition que…
vous savez, une jambe cassée, ça fait mal, quand on s'est cassé une jambe en
auto ou un… ça fait mal, ça dérange la vie, mais je ne pense pas que ça cause
le même type de traumatisme que d'être victime d'un crime. Et les besoins de
cette clientèle-là sont différents, d'où une de nos recommandations que de la
formation soit donnée.
Et j'ai lu rapidement les propos de la
Protectrice du citoyen de 2016, et on voit que c'est encore d'actualité. Nous,
on l'avait constaté en 2008 et on le reconstate à nouveau en 2016, il y a des
ajustements à faire en raison d'une vulnérabilité exceptionnelle de la
clientèle qui a recours à ces services-là. Vous savez, dans la Loi sur la
justice administrative, le TAQ a un devoir d'assistance à l'égard des parties
qui se présentent devant lui, c'est le législateur qui l'inscrit dans la loi.
Nous étions d'avis que de l'inscrire dans la loi serait probablement un message
fort que ce n'est pas un service comme n'importe quel autre service.
M. Tanguay
: C'est bien
la façon dont vous le… Je pense que c'est la première fois que ça a été… que
c'est verbalisé de cette façon-là à cette commission. Vous faites bien de le
dire, effectivement, que c'est la clientèle spécifique et sa vulnérabilité qui
fait naître l'approche différenciée d'intervenants de l'État qui, au départ,
sont tous de bonne foi puis ils sont prêts à offrir un bon service, mais
effectivement ils ont une clientèle qui est très, très particulière. Et merci
de le dire comme ça, ça nous éclaire.
La recommandation 14, je vous ferais
un lien avec l'article 7 du projet de loi…
M. Tanguay
: ...fait
naître l'approche différenciée d'intervenants de l'État qui, au départ, sont
tous de bonne foi puis sont prêts à offrir un bon service, mais effectivement
ils ont une clientèle qui est très, très particulière. Et merci de le dire
comme ça, ça nous éclaire.
La recommandation 14, je ferais un
lien avec l'article 7 du projet de loi. L'article 7, là, c'est
l'article où il y a un devoir de coopération. Alors, l'article 7 de la
loi, bon. Là vous, vous... Puis je prends l'article 14, mais il y a
d'autres propositions aussi qui allaient un peu dans le sens de dire :
Bien, il ne faut pas que ça soit du donnant-donnant, là. «Que l'admissibilité
au régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels ne soit pas assujettie
aux obligations de signaler le crime aux autorités policières.» J'imagine que
vous devez recevoir l'article 7, là, avec certains bémols, j'imagine,
«devoir de coopération».
Mme Lemieux (Madeleine) :
Bien, vous savez, ça, c'est un sujet sur lequel nous avons reçu des
commentaires très contradictoires. Il y avait des tenants de dire : Non,
non, non, il faut qu'on dénonce le crime puis il faut qu'on accepte d'aller
témoigner, puis il faut que... Et d'autres tenants qui, surtout dans des cas de
violence conjugale, dans des cas d'agression sexuelle, ne voulaient pas imposer
ce fardeau-là aux victimes, ou de rendre conditionnelle leur admissibilité et
leur droit à des indemnisations et à de la réadaptation. Et moi, 7 ne m'a pas
fait trop sourciller à cause des mots «dans la mesure du possible». Mais là,
vous savez, on appelle ça du droit mou. Du droit mou, moi, j'aime ça parce que
ça permet d'exercer son jugement, mais ça peut amener aussi des décisions
regrettables. Alors, comment seront interprétés les mots «dans la mesure du
possible» avec le mot «doit», là, c'est l'avocat qui parle, là, je ne le sais
pas.
M. Tanguay
: Oui, oui.
Est-ce que...
Mme Lemieux (Madeleine) :
...non plus.
M. Tanguay
: On a eu
une discussion ce matin avec Me Lessard qui lui disait : Bien, on
pourrait garder ça de même, mais ajouter quelque chose, là, puis je
paraphrase : dans la mesure où ceci ne contrevient pas au processus de
guérison de la personne victime. Alors, y verriez-vous ça peut-être une porte
d'analyse supplémentaire au «doit», dans la mesure ou, effectivement, ça ne va
pas venir mettre en péril le processus de guérison? Puis là on couvrirait
peut-être l'exemple que vous mentionniez.
Mme Lemieux (Madeleine) : Les
commentaires que nous avions eus à ce sujet-là étaient très variés. Il y
avait... Ce n'était pas uniquement relié au processus de guérison. Évidemment,
le premier objectif de la loi, c'est la guérison, c'est la réadaptation. Ce
serait un ajout qui va dans l'objectif premier de la loi. Mais il y a d'autres
facteurs qui peuvent ne pas être liés à la guérison, qui peuvent faire en sorte
que ce devoir de coopération là devient une embûche et un empêchement d'avoir
accès aux services. Quand c'est le père de nos enfants, par exemple, que le
père, on n'a rien à lui reprocher dans son rôle avec les...
Mme Lemieux (Madeleine) : …qui
peuvent faire en sorte que ce devoir de coopération là devient une embûche et
un empêchement d'avoir accès aux services. Quand c'est le père de nos enfants, par
exemple, que le père, on n'a rien à lui reprocher dans son rôle avec les
enfants, mais que la violence conjugale fait en sorte que… on a entendu tellement
de cas d'espèce, là, que…
• (17 h 10) •
M. Tanguay
: Je
comprends, je comprends. Dans le peu de temps qu'il me reste, il y a deux
derniers aspects qu'on n'a pas encore ensemble, là, vous et la commission,
discuté, les moins de 18 ans et les régions éloignées. Alors, je prends la recommandation
25 : «Que des mesures de soutien et des incitatifs à la réinsertion
scolaire soient prévus pour les personnes victimes d'actes criminels âgées de
moins de 18 ans.»
Je prends cet exemple-là pour tester un
peu jusqu'à quel point vous aviez mis de l'avant une approche différenciée ou,
je dirais, un peu plus complète dans un cas d'une personne mineure dans un
contexte de réinsertion puis de réintégration.
Mme Lemieux (Madeleine) : Dans
le régime actuel, il y a une espèce d'automatisme du fameux 35 $ de
l'heure et du revenu possible, mais pour favoriser, d'abord et avant tout, la
réadaptation, pour favoriser le retour à la vie normale, pour favoriser l'accès
à… Et on sait que, par exemple, les enfants qui sont victimes de crime sexuel,
ça peut entraîner de très grands retards dans leur capacité de prendre leur vie
en charge, de prendre leur vie en main. Alors, la barrière du 18 ans, dans
notre esprit, ne devrait pas être vue surtout pour des raisons financières ou
des questions financières, mais vue comme des moyens d'accéder à l'instruction,
d'accéder à un métier, d'accéder à un retour à une vie normale. C'était ça qui
était l'objectif…
M. Tanguay
: Je
comprends. Est-ce que vous nous inviteriez à la plus grande prudence en agitant
peut-être un drapeau jaune ou rouge, quant au très, très large pouvoir
réglementaire? On dit que le diable est dans les détails, le ministre aurait…
et le ministre actuel ou n'importe quel autre ministre, on s'entend, là, je
veux dire, des ministres, là, ça change, alors que le pouvoir discrétionnaire
réglementaire trop large serait-il un drapeau rouge ou jaune?
Le Président (M.
Bachand) : En quelques secondes, Me Lemieux.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Peut-être pas un drapeau dans le sens que les règlements doivent être
prépubliés, les règlements ne feront pas l'objet d'un débat de la même manière,
mais les règlements doivent être prépubliés, les règlements peuvent faire
l'objet d'un débat, ça, c'est prévu dans la Loi sur les règlements. Nous
n'avons pas envisagé un pouvoir réglementaire de cette nature-là, mais c'est
comme ça que la Société de l'assurance automobile fonctionne, c'est dans des
règlements, c'est dans des chartes qu'on détermine les indemnités et les
mesures. Alors, je dirais peut-être un drapeau jaune, ça veut dire qu'il va
falloir les lire attentivement, qui soient lisibles…
Mme Lemieux (Madeleine) : …nous
n'avons pas envisagé un pouvoir réglementaire de cette nature-là, mais c'est
comme ça que la Société de l'assurance automobile fonctionne. C'est dans des
règlements et c'est dans des chartes qu'on détermine les indemnités et les
mesures.
Alors, je dirais peut-être un drapeau
jaune. Ça veut dire qu'il va falloir les lire attentivement, qu'ils soient
lisibles et qu'ils ne soient pas trop complexes à appliquer.
M. Tanguay
: Merci,
Me Lemieux.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Je cède la parole à la députée de Sherbrooke,
s'il vous plaît, pour 2 min 45 s.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Lemieux. J'aimerais ça vous entendre sur une
suggestion qui a été faite par un précédent intervenant, M. Gardner, qui
nous disait que, de son point de vue, c'était une erreur d'indemniser sur la
base du revenu et que, comme c'était plutôt une mesure de solidarité, ce
n'était pas équitable de le faire comme ça et qu'il fallait plutôt, peut-être,
envisager d'avoir un montant fixe peu importe le revenu de la personne
concernée.
Donc, j'aimerais ça vous entendre sur
cette proposition-là.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Alors, M. Gardner, il fait partie des gens que nous avons consultés à
l'époque et je ne me souviens pas de nos discussions à ce sujet-là. Nous avons
été, je vous dirais, assez conformistes et assez traditionalistes en
travaillant avec la base du revenu. Le montant fixe, pour nous, présentait
certains risques de surindemniser ou de sousindemniser, par opposition à une
indemnisation qui est plus liée sur le revenu réel quand on parle de remplacement
de revenu.
Je sais que le mauvais côté de cette
approche-là, c'est de perpétuer des situations de pauvreté et c'est une matière
à réflexion importante parce que si on est peu… on a peu de revenus, qu'on est
victime, alors on va être indemnisé avec peu de revenus. C'est ça, l'équation
qu'on doit faire, et ça revient… ça nous ramène à la base de ce régime-là, qui
est un régime de solidarité sociale. Et je pose la même question que j'ai
souvent posée : Jusqu'où va aller cette solidarité-là? C'est… et à partir
de quand on se demande si… est-ce que ça devient une injustice réglementée ou
sinon, au contraire, on a ouvert plus?
C'est des questions assez profondes puis
je ne me sens pas vraiment capable de dire… trancher ça, là, noir ou blanc, là.
Mme Labrie : Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, vous
avez la parole.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour, Me Lemieux, merci beaucoup.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Bonjour.
Mme
Hivon
: Oui,
c'est ça, en fait, je pense que le défi, c'est de trouver l'équilibre parce
qu'en fait, du fait que c'est un régime de solidarité sociale, votre comité a
proposé, donc, de s'éloigner de la réalité des rentes, donc, des paiements en
continu comme on voit dans les autres régimes d'assurance, mais par ailleurs,
la base est la même que celle des autres régimes, c'est-à-dire le salaire, le
revenu.
Et donc, ça crée…
Mme
Hivon
: …de
solidarité sociale, votre comité a proposé, donc, de s'éloigner de la réalité
des rentes, donc, des paiements en continu, comme voie dans les autres régimes
d'assurance. Mais, par ailleurs, la base est la même que celle des autres
régimes, c'est-à-dire le salaire, le revenu. Et donc ça crée, effectivement,
une disproportion, notamment pour les personnes qui n'en ont aucun, revenu,
pour toutes sortes de raisons, au moment où le crime se commet. Donc, je pense
qu'effectivement, il y a des bonnes réflexions à faire par rapport à ça.
Mais, je voulais vous entendre parce que,
tantôt, vous avez dit, quand vous avez fait vos travaux, que 97 % des
dossiers, si on annulait les rentes viagères puis qu'on donnait un montant
forfaitaire, on viendrait à avoir le même niveau financier d'indemnisation. Je
ne sais pas si je vous ai bien comprise.
Mme Lemieux (Madeleine) : Non,
ce n'est pas tout à fait ça.
Mme
Hivon
: O.K.
C'est beau.
Mme Lemieux (Madeleine) :
C'est l'indemnité de remplacement de revenu. Vous savez, dans le jargon, là, on
va parler de l'incapacité totale temporaire, l'incapacité totale permanente, et
puis de la somme qui vient compenser à long terme. Quand on s'est penché sur la
question de l'indemnité de remplacement de revenu, et si je retrouve le numéro
de ma recommandation, je vais pouvoir vous donner la statistique précise à
laquelle je faisais référence. Alors, c'est à la page 62.
Mme
Hivon
: O.K.
J'ai votre rapport, ici.
Mme Lemieux (Madeleine) : O.K.
L'indemnité de remplacement de revenu. Alors, c'est celle-là que nous avons
recommandée qu'elle cesse après trois ans. Et c'est relié à deux choses.
C'est relié au fait que… Ah! voilà, j'ai la statistique, elle est à la
page 67 : «En ce qui concerne la durée du versement de l'indemnité de
remplacement de revenu, les membres du groupe de travail recommandent de fixer
une limite de trois ans. Le régime proposé aurait comme objectif de
soutenir temporairement la personne victime à surmonter les difficultés
financières immédiates auxquelles elle est confrontée. L'introduction d'une
telle limite permettrait, tout de même, de répondre aux besoins financiers
temporaires de la presque totalité des victimes puisque 96 % d'entre elles
ont une durée d'incapacité inférieure à trois ans.» Et ça, c'étaient les
statistiques de l'époque.
Mme
Hivon
:
Parfait. C'est bon. C'est plus clair. Est-ce qu'il me reste du temps, M. le
Président?
Le Président (M.
Bachand) :Allez-y rapidement, 30 secondes.
Mme
Hivon
: O.K.
Il y a des intervenants qui nous ont dit qu'il y avait un monde de différence
entre, évidemment, être victime, par exemple, d'un vol, de voie de fait, versus
d'agression sexuelle, de violence sexuelle ou conjugale, et qu'on devrait
prévoir, comme, un sous-régime spécifique pour les cas de violence sexuelle et
conjugale. Je voulais savoir si c'est quelque chose que vous aviez analysé.
Mme Lemieux (Madeleine) : Non,
on ne l'a pas analysé, mais on a constaté, par les commentaires des gens que
nous avons consultés, qu'il y avait, effectivement, un univers de différence.
Mme
Hivon
: O.K.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, Me Lemieux, merci infiniment d'avoir
été avec nous cet après-midi, c'est très, très, très apprécié. Je vous souhaite
une bonne fin de journée, et je suspends les travaux pour quelques instants.
Merci beaucoup.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Merci. Au revoir.
(Suspension de la séance à 17 h 18)
Mme Lemieux (Madeleine) :
...par les commentaires des gens que nous avons consultés qu'il y avait effectivement
un univers de différences.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, Me Lemieux, merci infiniment d'avoir
été avec nous cet après-midi, c'est très, très, très apprécié. Je vous souhaite
une bonne fin de journée, et je suspends les travaux pour quelques instants.
Merci beaucoup.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Merci, au revoir.
Le Président (M.
Bachand) : Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 18)
(Reprise à 17 h 24)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux... ses travaux, pardon. Alors, nous sommes fiers
d'accueillir Mme Arlène Gaudreault, présidence de l'Association québécoise
Plaidoyer-Victimes.
Alors, Mme Gaudreault, merci d'être
avec nous. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation. Après,
nous aurons un échange avec les membres de la commission. Et je vous cède
immédiatement la parole.
Mme Gaudreault (Arlène) :
J'entends la musique, est-ce que c'est normal?
Le Président (M.
Bachand) : Je ne suis pas musicien, donc ça ne vient pas de
moi, là. Alors, allez-y, on va tenter de voir s'il n'y a pas...
Mme Gaudreault (Arlène) :
Attendez un peu. Je pense qu'il y a un petit problème que je vais régler,
peut-être. Attendez, ne bougez pas. O.K. Je pense que c'est bon. C'est bon?
Alors, très bien.
(Interruption)
Le Président (M.
Bachand) : O.K. On va suspendre juste quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 25)
(Reprise à 17 h 26)
Le Président (M.
Bachand) : Alors, on y va. Deuxième prise, Mme Gaudreault,
la parole est à vous.
Mme Gaudreault (Arlène) :
Oui. Alors, bonsoir, M. le Président, M. le ministre, membres de la commission
parlementaire. Je vous remercie d'abord pour cette invitation, nous permettre
de participer à cette consultation. Je suis présidente de l'Association
québécoise Plaidoyer-Victimes et je suis un membre fondateur depuis... et je
participe aux activités de l'association depuis 1984.
Plaidoyer-Victimes est un organisme qui
milite pour la défense des droits des victimes. Nous sommes un organisme
pionnier au Québec et nous avons amené de nombreuses initiatives pour favoriser
l'accès à la justice, l'accès au droit, la reconnaissance des leurs besoins
dans toutes sortes d'initiatives. On a participé à toutes les consultations, y
compris celles sur la loi... l'adoption de la Loi sur l'aide aux victimes
d'actes criminels en 87 et à toutes les consultations qui ont eu lieu depuis
sur l'aide et l'indemnisation.
Alors, le 10 décembre dernier, quand
nous avons... le dépôt de loi a été annoncé, nous avons salué la détermination
du ministre de la Justice. Et on peut dire que c'est une réforme qui était très
attendue, et ce n'était pas la première fois... en fait, le ministre...
Mme Gaudreault (Arlène) :
...le 10 décembre dernier, quand nous avons... le dépôt de loi a été annoncé,
nous avons salué la détermination du ministre de la Justice. Et c'était... on
peut dire que c'est une réforme qui était très attendue, et ce n'était pas la
première fois... En fait, le ministre de la Justice est passé à l'action. Ça
faisait plusieurs fois qu'il y avait des promesses en ce sens.
J'ai suivi les débats hier et aujourd'hui
et je pense qu'il y a un consensus assez clair au niveau des avancées et des
réponses à des demandes qu'on a formulées depuis plusieurs années, d'enlever
l'annexe, d'allonger la période pour faire une demande, d'élargir la notion de
victime, de considérer la situation des proches. Il y a des mesures qui sont
intéressantes aussi, j'en reparlerai, je vais le commenter, par exemple, toute
la question de l'aide aux victimes hors Québec, la mise en place d'un fonds
d'urgence.
Alors, c'est un... Je ne suis pas la seule
à le dire, on l'a dit... ça fait deux jours qu'on le dit, en fait, c'est un
projet de loi qui est complexe, qui est très dense, qui est difficile à
interpréter, qui va devoir être clarifié, vulgarisé pour les victimes, pour les
intervenants de première ligne qui travaillent auprès des victimes. Et j'étais
contente de voir que même les juristes eux-mêmes trouvent que c'est un projet
qui est quand même complexe, à cause de la structure, à cause du nombre
d'articles, à cause du libellé, à cause de la portée.
Alors, quand on a reçu ce projet de loi,
c'est sûr qu'on était contents, mais en même temps, on était un peu, je dirais,
paniqués par les difficultés d'analyser ce projet de loi en une période aussi
brève. On a demandé au ministre, le 4 janvier, de reporter peut-être les consultations.
Alors, ce n'est pas le cas, on est dans l'étude. On prend le train aussi, on a
décidé de ne pas se défiler à nos obligations puis d'être présents pour faire
part de nos interrogations.
Je vais vous amener dans un... je dirais,
particulièrement dans une section de la loi dont on a peu parlé, en fait, on
n'a pas parlé beaucoup depuis le début des consultations. C'est toute la
question de l'aide aux victimes et des droits des victimes, qui sont reconnus
dans les sections I et II. Alors, on s'attendait du régime... à une réforme du
régime d'indemnisation. Ce qu'on reçoit, c'est une fusion de l'actuelle loi sur
l'aide aux victimes et de la loi sur l'indemnisation. On démantèle, dans ce
projet de loi, la loi sur l'aide, qui, auparavant, quand même, avait trois
composantes principales, des énoncés de principe pour les droits des victimes,
l'existence d'un bureau d'aide aux victimes et un fonds d'aide. Alors, on
retrouve le fonds d'aide et le bureau d'aide aux victimes dans les articles 100
à 105 et on a gardé la portion, je peux dire, ou la section qui concernait les
droits des victimes au tout début.
• (17 h 30) •
Alors, il y avait une logique dans...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Gaudreault (Arlène) :
…aux victimes et un fonds d'aide. Alors, on retrouve le fonds d'aide et le
bureau d'aide aux victimes dans les articles 100 à 105. Et on a gardé la
portion, je peux dire, ou la section qui concernait le droit des victimes au
tout début.
Alors, il y avait une logique dans la loi
sur l'aide qu'on ne retrouve plus dans cette loi-là. Il y avait un fil
conducteur, et c'est un peu amalgame où il n'y a pas toujours… les distinctions
ne sont pas clairs. La notion même d'indemnisation n'apparaît plus à nulle part
ni dans le titre, ni dans le libellé des articles, ni dans les droits. Et,
pourtant, toute la journée, on a parlé de l'indemnisation. Et, ce dont on
parle, en fait, des articles, en fait, 10 à 97, en substance, c'est l'indemnisation.
C'est un régime dont on doit être fière, M. Gardner l'a dit aujourd'hui.
C'est un régime qui est unique et qui est beaucoup plus généreux que toutes les
provinces au Canada. Et je pense qu'on ne doit pas avoir peur de parler de l'indemnisation.
Alors la section I et II nous donne une
définition de victime, qui est différente de celle de l'article 10, parce que
c'est une définition de victime... victime en général. Et elle introduit les
droits des victimes. Alors on serait attendu… parce que la première phrase de
ce projet de loi là, en fait, c'est : «vise à reconnaître les droits des
victimes». C'est la première phrase, donc ça donne le ton à la loi, et on
serait attendu à une loi qui est assez rigoureuse, qui a été révisée, qui a été
actualisée, qui correspond à l'évolution des législations. Et on se retrouve
avec un projet de loi… avec une section qui est très mince, dans le fond, tu
sais, en quatre articles, ont ajouté quelques dispositions qui touchent
principalement les droits des victimes dans le système de justice. C'est des
droits qui sont généraux, qui ne sont pas précis. Il y a des droits qui sont
absents, il y a des droits qui sont incomplets. On ne fait pas de distinctions
entre l'aide, l'indemnisation, la participation des victimes dans le système de
justice. Et, quand on parle des obligations, on parle des obligations des
victimes, on ne parle pas du tout des obligations des instances, des
différentes instances qui ont des responsabilités à leur endroit.
Alors, pour l'essentiel, la section II,
c'est une section qui fait un réaménagement, qui est assez superficiel, qui ne
va pas au fond des choses et qui ne répond pas à des demandes qu'on a formulées
depuis plusieurs années, à l'effet de réviser la loi sur l'aide, de façon
substantielle. Et à faire en sorte, aussi, qu'on ajoute des recours. Et, si
vous lisiez, par exemple, ce qu'on a écrit en 1993 quand il y a eu la Loi sur
l'aide et l'indemnisation… qui ressemble aussi un peu comme principe. Et ce
qu'on demandait, c'est d'ajouter des recours. On n'est pas le seul groupe, mais
beaucoup d'organismes demandaient à ce qu'on ajoute des recours pour permettre
aux victimes de mieux exercer leurs droits. Et je vous donnerais deux exemples
de la faiblesse des recours actuels. On a une charte canadienne… parce que
l'article 6 touche les victimes qui participent dans le système de justice.
Alors donc, c'est très vaste, hein. C'est très... il y a…
Mme Gaudreault (Arlène) :
...permettre aux victimes de mieux exercer leurs droits. Et je vous donnerai
deux exemples de la faiblesse des recours actuels. On a une charte
canadienne... parce que l'article 6 touche les victimes qui participent
dans le système de justice. Alors donc, c'est très vaste, hein? C'est très...
ça entraîne une certaine confusion.
On a adopté une Charte canadienne des
droits des victimes en 1995. Cette charte-là prévoit, pour les provinces, qu'il
devra y avoir des mécanismes précis pour que les victimes, quand leurs droits
sont lésés, puissent porter plainte, qu'on traite ces plaintes-là, et puis
qu'il y ait des correctifs qui soient apportés. Ça fait cinq ans que la loi a
été adoptée et ça a eu aucune résonnance sur le terrain, il n'y a eu aucune
discussion réelle là-dessus et on n'est pas avancé... on n'a pas avancé du tout
sur cette question-là, malgré toutes les demandes qu'on a fournies. Alors,
c'est assez gênant qu'on ne soit pas acquitté de nos obligations en vertu de la
Charte canadienne des droits des victimes.
Si on regarde l'indemnisation, je pense
qu'il y a des... aussi... il y a des recours, mais il y a des améliorations à
apporter aux recours actuels. Les victimes qu'on rencontre à
Plaidoyer-Victimes, ce sont des personnes qui sont en... Alors, ce sont des
personnes qui vont au Tribunal administratif du Québec, ce sont des personnes
qui ont des problèmes avec la révision. Et qu'est-ce qu'ils nous disent? Bien,
ils ne se sentent pas préparés, ils ne sont pas accompagnés, ils ne sont pas
représentés, ou encore, ils sont mal représentés par des droits... par des
avocats qui ne connaissent pas bien le droit de l'IVAC, qui n'aiment pas particulièrement
travailler avec ces dossiers-là et ils ne se sentent pas bien représentés. Et
ça, on l'a entendu souvent à Plaidoyer-Victimes.
Donc, tout le problème d'accompagnement
des victimes puis d'avoir un soutien juridique, d'avoir de l'aide dans la représentation
lorsqu'on exerce des recours est très important au niveau de l'IVAC aussi. Et
ça fait plusieurs années que notre association demande, par exemple, on l'a
demandé en 2006 à la Commission des services juridiques du Québec, que les
victimes puissent avoir accès à un plus grand nombre d'experts, d'avocats de
l'aide juridique qui sont dédiés aux victimes, qui connaissent ce type de droit
là, qui veulent travailler avec les victimes et qui nous aident à faire avancer
le droit. On a demandé aussi que la Loi sur l'aide aux victimes d'actes
criminels soit révisée en profondeur. Elle a été adoptée en 1988, il n'y a rien
qui a été fait depuis, les pratiques sur le terrain ont changé, les lois ont
changé et d'avoir des recours aussi dans la Charte canadienne des droits des
victimes. C'est gênant, moi, je suis gênée.
Bientôt, au mois de février, je vais
représenter le Québec avec une autre intervenante, une directrice de CAVAC. On
va aller parler dans l'ensemble du Canada sur le... des recours, et j'aurais
aimé pouvoir dire qu'au Québec on a une loi qui vient d'être déposée puis on
travailler sur ces questions-là et qu'on va avancer. Et ce n'est pas ça qu'on
nous propose dans ce projet-là.
Le Président (M.
Bachand) : Mme Gaudreault, excusez-moi de vous
interrompre. Le 10 minutes est déjà passé. On est rendus à la période...
Mme Gaudreault (Arlène) :
Eh Seigneur!
Le Président (M.
Bachand) : Ça va vite, la vie, hein?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Oui. Bien...
Le Président (M.
Bachand) : Alors, M. le ministre.
Mme Gaudreault (Arlène) :
...je vais juste terminer sur la question de...
Le Président (M.
Bachand) : Très, très rapidement, parce qu'on a du retard.
Mme Gaudreault (Arlène) :
Oui, sur cette question-là. En fait, nous, ce qu'on... Il y a eu beaucoup de
représentations qui ont été faites...
Mme Gaudreault (Arlène) :
...et ce n'est pas ça qu'on propose dans ce projet-là.
Le Président (M.
Bachand) : Mme Gaudreault, excusez-moi de vous
interrompre, le 10 minutes est déjà passé. On est rendus à la période...
Mme Gaudreault (Arlène) :
Eh Seigneur!
Le Président (M.
Bachand) : Ça va vite, la vie, hein?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Oui. Bien...
Le Président (M.
Bachand) : Alors, M. le ministre.
Mme Gaudreault (Arlène) :
...je vais juste terminer sur la question de...
Le Président (M.
Bachand) :Très, très rapidement, parce
qu'on a du retard.
Mme Gaudreault (Arlène) :
Oui, sur cette question-là. En fait, nous, ce qu'on... Il y a eu beaucoup de représentations
qui ont été faites dans le comité d'experts, on pourra revenir là-dessus. Ce
qu'on demanderait par rapport à cette section-là, c'est qu'on la retire...
Le Président (M.
Bachand) : Parfait, O.K. Je vais... Je dois céder la parole au ministre.
Mme Gaudreault (Arlène) :
D'accord.
Le Président (M.
Bachand) : Désolé. Le ministre pourra vous laisser du temps sur
son temps.
Mme Gaudreault (Arlène) :
D'accord... répondre.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Gaudreault. Merci de venir en commission
parlementaire. Merci également pour votre travail puis votre implication auprès
des victimes.
D'entrée de jeu, là, lorsqu'on parle de la
loi sur l'aide, là, dans le fond, on vient la fusionner avec la loi sur l'indemnisation.
Donc, on prend ce qu'il y avait et on vient l'intégrer ici. Donc, on ne diminue
en rien ce qu'il y avait déjà qui était offert, là, pour les victimes au niveau
de l'aide, puis on voulait avoir un tout qui est cohérent.
Je serais curieux de vous entendre, parce
que je crois que vous avez participé au rapport Lemieux à l'époque sur les
recommandations du rapport...
Mme Gaudreault (Arlène) :
...
M. Jolin-Barrette :
...votre organisme. Donc, il y avait une série de recommandations qui sont dans
le rapport Lemieux qui se retrouvent également dans le projet de loi, là, qu'on
a présenté.
Mme Gaudreault (Arlène) :
Je... C'est sûr qu'on a évoqué la question de la loi sur l'aide à ce moment-là
puis la question des droits. Là, on est rendus quand même... on est rendus quand
même quelques années plus tard. Il est étonnant de voir qu'on ne soit pas
capables d'aller vers une réforme avec des droits beaucoup plus précis, avec
des recours qui sont existants, avec des obligations qui sont précisées de la
part des... auprès des... pour, je dirais, préciser le travail puis les responsabilités
des différents acteurs.
Alors, on est au même point. En fait,
quand on regarde le rapport, le mémoire qu'on a déposé en 1993, on peut redire exactement
la même chose que ce qu'on dit maintenant. On n'a pas avancé sur ces
questions-là.
Et j'ai fait partie du Comité d'experts
sur l'accompagnement pour les victimes d'agressions sexuelles et de violence
conjugale, et c'est une question qui a été abordée longuement, la question de
la reconnaissance des droits des victimes et la question des recours. Et il y a
plusieurs recommandations qui émanent de ce rapport-là à l'effet que, par
exemple, le ministère de la Justice, que le ministre de la Justice exerce un leadership,
qu'on mette en place ces recours-là, qu'on... même, on nomme un ombudsman
provincial pour les victimes d'actes criminels.
Je pense que ça serait important...
Tantôt, je n'ai pas eu le temps de terminer, mais notre position, c'est : Il
faut retirer cette section-là. Il faut vraiment travailler sur les droits. Il
faut tenir compte des recommandations qu'il y a dans le rapport du comité
d'experts. Et tous les partis politiques qui sont présents autour de cette commission-là...
Je vois Mme Labrie, Mme Hivon, qui ont travaillé aussi avec nous. Je
pense que tous les partis politiques ont... se sont engagés à faire en sorte
que le travail qu'on a fait pendant 18 mois n'a pas été un travail vain et
qu'on mettrait en place des mesures. Alors...
Mme Gaudreault (Arlène) : …de
cette commission-là. Je vois Mme Labrie, Mme Hivon, qui ont travaillé
aussi avec nous. Je pense que tous les partis politiques ont… se sont engagés à
faire en sorte que le travail qu'on a fait pendant 18 mois n'a pas été un
travail vain et qu'on mettra en place des mesures. Alors, c'est le cas pour les
mesures… c'est le cas pour la question des droits des victimes, c'est le cas
pour la question… tout ce qui touche la Charte canadienne des droits des
victimes et la Loi sur l'aide aux victimes.
• (17 h 40) •
Alors, c'est un travail qui doit être
approfondi. C'est un autre chantier, c'est un autre chantier qu'il faut mener,
et ça vaut la peine de bien le faire. Il faut avancer sur ces questions-là, il
faut les préciser. Quand on parle de, par exemple, d'indemnisation, le droit à
l'assistance, qu'est-ce que ça veut dire? Qu'est-ce que ça veut dire, le droit
d'être entendu? Qu'est-ce que ça veut dire, que notre dossier soit traité dans
des délais raisonnables? C'est tout ça qu'il faut… Il faut que les droits
soient précis, il faut que les victimes sachent à quoi s'attendre et il faut
aussi que les organismes prennent des engagements. Le meilleur exemple qu'on a,
je pense que c'est la charte des droits des victimes au Royaume-Uni. On
pourrait s'inspirer de cette charte-là. Regardez la charte du Manitoba aussi ou
celle de l'Ontario, beaucoup plus précises que ce qu'on a, nous, au Québec,
actuellement.
M. Jolin-Barrette : Sur… Je
vous entends bien. Sur la question, là, des… parce que ça fait plusieurs années
que vous êtes dans le milieu puis vous avez cette expertise-là… Sur les
demandes historiques, là, pour la réforme de l'IVAC, là, parce que ça fait… ça
a été tenté en 93, il y avait un projet de loi qui avait été déposé mais, même
avant, il y a plusieurs années… Est-ce qu'on répond à certaines demandes
historiques par rapport au régime d'indemnisation avec le projet de loi qu'on
dépose?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Bien sûr, bien sûr qu'on répond à des demandes. La question, par exemple,
d'allonger la période à trois ans, d'assouplir le délai de prescription, de
prendre en considération, pour les victimes de violence sexuelle et conjugale…
on reconnaît mieux aussi les proches, c'est beaucoup plus englobant. Bien sûr
qu'on répond.
Mais, je veux dire, il reste quand même,
quand vous regardez la proposition qui est sur la table, qu'il y a des
problèmes importants qui ont été soulignés. Par exemple, hier et aujourd'hui,
c'est venu à maintes reprises et c'est sûr que vous allez travailler là-dessus,
la question du salaire qui est retiré, de la base de salaire qui est retirée
pour les victimes sans emploi. Je pense que ça a été… Tous les organismes qui
travaillent auprès des victimes, qui sont venus devant la commission, vous ont
dit… Mme Rochon vous l'a dit aussi à partir de son expérience. On ne peut
pas travailler à son rétablissement si on n'a pas une sécurité de base, si on
s'appauvrit, si on n'a pas ce qu'il faut pour vivre dans le quotidien. Ça fait
partie du rétablissement. La question du trois ans aussi, bon, je sais qu'il y
a des… bon, il y a d'autres modalités, mais la question du trois ans est une
question qui est très importante aussi. Mme Hivon…
Mme Gaudreault (Arlène) :
...on s'appauvrit, si on n'a pas ce qu'il faut pour vivre dans le quotidien. Ça
fait partie du rétablissement. La question du trois ans aussi, bon, je sais
qu'il y a des... bon, il y a d'autres modalités, mais la question du trois ans
est une question qui est très importante aussi.
Mme Hivon, hier, a amené une avenue
qui pourrait être intéressante là-dessus. Parce tout le monde s'entend qu'il y
a des personnes, il y a beaucoup de personnes, et on n'a pas de portrait juste,
je dirais, à l'IVAC sur la composition des personnes ou le profil des personnes
sans emploi. On devrait avoir un portrait beaucoup plus détaillé. Et aussi je
pense que ça serait important... je pense que tout le monde reconnaît que les
personnes qui ont subi de multiples victimisations, de la victimisation dans
l'enfance, il y a une partie importante de ces personnes-là qui vont avoir des
conséquences à long terme. Ça, c'est ce qu'on voit sur le terrain puis c'est
très bien documenté dans la littérature aussi.
Alors, une des voies, je reviens à ce que
Mme Hivon proposait hier, une des voies qui pourraient être examinées,
c'est : est-ce qu'il n'y a pas, par exemple, un profil de personnes qui
pourrait... par exemple, correspond plus au profil des personnes qui pourraient
avoir un service pendant trois ans, parce que, à cause de la gravité du crime,
à cause des conséquences du crime, parce qu'ils ont plus de soutien social et
qu'on pense que ces personnes-là vont se rétablir plus rapidement, mais qu'en
même temps, qu'on accepte et qu'on considère, on soit bienfaisants par rapport
à des personnes qui auront des séquelles à long terme parce qu'elles ont été...
elles ont subi de multiples victimisations puis elles ont été très éprouvées.
Alors, ça peut être une avenue à envisager.
Ce n'est pas simple parce que viennent
devant vous des personnes, des organismes qui travaillent avec certains
groupes, qui font des revendications pour les proches. D'autres c'est par
rapport à d'autres... à des problématiques en violence sexuelle et conjugale.
Alors, c'est difficile aussi de trouver un équilibre, l'équité, avoir une
solidarité pour tout le monde, tenir compte de la situation et des besoins de
toutes les victimes aussi.
M. Jolin-Barrette :
Là-dessus, Mme Gaudreault, je vous donne tout à fait raison, c'est un
difficile équilibre à faire. Et aussi ça prend beaucoup d'argent. C'est pour ça
qu'on a été cherché 200 millions supplémentaires dans le régime pour faire
en sorte notamment d'abolir la prescription, où est-ce que ça touche près de 80 %
des demandes, pour faire en sorte que les gens qui se sont fait dire non juste
à cause de l'écoulement de temps puissent être indemnisés aussi.
Donc, c'est sûr que c'est un difficile
équilibre à faire. Et ce qu'on tente de faire, c'est de couvrir, entre autres,
le plus de victimes possible, on estime à près de 4 000 le nombre de
personnes victimes qui vont pouvoir obtenir du soutien, de l'aide, des services
supplémentaires, et d'accompagner aussi des personnes victimes qui ont subi l'infraction,
au niveau psychologique, leur vie durant, tant que les besoins sont là. Donc,
là-dessus, je suis d'accord avec vous.
Vous connaissez bien les autres régimes
dans les autres provinces...
M. Jolin-Barrette : ...près de
4 000 le nombre de personnes victimes qui vont pouvoir obtenir du soutien,
de l'aide, des services supplémentaires. Et d'accompagner aussi des personnes
victimes qui ont subi une infraction, au niveau psychologique, leur vie durant,
tant que les besoins sont là. Donc, là-dessus, je suis d'accord avec vous.
Vous connaissez bien les autres régimes
dans les autres provinces, on est les plus généreux, on rajoute de l'argent. Et
l'objectif du gouvernement du Québec est vraiment de mieux accompagner, mieux
répondre aux besoins, puis surtout d'élargir la notion de victime pour éviter
qu'il y ait toujours des contestations et que, de base, à l'IVAC, ce soit plus
humain et qu'on accompagne davantage. C'est pour ça qu'on met le programme
d'urgence également et qu'on veut offrir des services dès le départ, dès le
moment que la personne appelle. Mais je suis d'accord avec vous, ce n'est pas
simple, tout ça.
Écoutez, je vais vous remercier, je vais
céder la parole à mes collègues pour qu'ils puissent échanger avec vous, mais
un grand merci pour votre présence en commission parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de
Bellechasse, s'il vous plaît.
Mme Lachance : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Gaudreault, d'être présente parmi nous. J'aimerais
revenir sur deux points que vous avez abordés. D'abord, vous avez parlé de la
reconnaissance du droit des victimes, et principalement de la Charte canadienne
du droit des victimes, en disant qu'elle n'avait pas été appliquée, utilisée.
Pourquoi, selon vous?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Bien, ce que... D'abord, elle est peu connue, hein, elle est très peu connue,
elle n'a pas attiré beaucoup l'attention aussi. Écoutez, pour un projet de loi
qui était aussi important, il y a eu, dans tout le Canada, neuf mémoires. Et
pour le Québec, nous étions le seul organisme qui avons fait des représentations
lors des consultations devant le Comité permanent de la justice et des droits
de la personne.
À Plaidoyer-Victimes, notre organisme, on
donne des sessions de formation aux intervenants pour leur faire connaître la
charte, pour aussi alimenter une réflexion sur la question des droits des
victimes. Et on se rend compte aussi que beaucoup, la plupart des intervenants,
en fait, n'avaient pas entendu parler de la charte, n'avaient pas été formés,
d'autres n'avaient jamais lu le projet. En fait, il y a un énorme travail, et,
bien, c'est sûr que si les intervenants eux-mêmes ne connaissent pas beaucoup
cet outil-là... bien comprendre que les victimes elles-mêmes ne la connaissent
pas.
Écoutez, la... On parle beaucoup des
services aux victimes, c'est quelque chose qui est très important, mais je
pense qu'on a un peu relégué dans l'ombre la question des droits des victimes.
On prend pour acquis que les victimes ont des droits qui sont reconnus, mais on
se rend compte qu'il y a énormément encore de travail à faire pour renforcer
les droits, pour que quand les victimes estiment que leurs droits sont lésés,
elles puissent s'adresser à quelque part. Et ça veut dire avoir des mécanismes,
des choses aussi simples qu'avoir un mécanisme, des formulaires pour traiter
les plaintes, quelqu'un qui les traite, quelqu'un qui donne suite aux plaintes.
Mais plus que ça aussi, il faut en
analyser les enjeux, les problèmes que rencontrent les victimes d'une façon, je
dirais, systémique, les problèmes les plus importants. Et il faut être
responsable, il faut...
Mme Gaudreault (Arlène) : …quelqu'un
qui les traite, quelqu'un qui donne suite aux plaintes. Mais plus que ça aussi,
il faut en aviser les enjeux, les problèmes que rencontrent les victimes d'une
façon, je dirais, systémique, les problèmes les plus importants, et il faut
être responsable, il faut en répondre.
Mme Lachance : Merci, merci.
Mais peut-être aussi, parce que, là, je sais qu'il y a des collègues qui
veulent aussi prendre la parole. M. le Président, il me reste suffisamment…
Le Président (M.
Bachand) : Quatre minutes 30.
Mme Lachance : Excellent.
Merci, M. le Président. Au-delà de la question, vous avez aussi mentionné le
délai de trois ans, l'importance d'un délai de trois ans. Pourquoi trois ans,
pourquoi pas deux, ou quatre, ou cinq?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Écoutez, je n'ai pas de réponse à vous donner là-dessus. Je pense que dans…
idéalement, je pense qu'il faudrait offrir, il faudrait être très souple, il
faut être très souple par rapport à… je pense à… parce que les problématiques
sont complexes, parce qu'aussi on est avec des personnes qui peuvent avoir des
aggravations aussi par rapport à leur situation, qui vont être bien pendant une
certaine période donnée. Il va arriver, par exemple, des procédures
judiciaires, il va arriver des événements dans leur vie. C'est… il y a une
question de coût, aussi, dans le régime, parce qu'on est préoccupés par les
questions de coût. Il y a une question de coût dans le régime, dans le sens
qu'il faut l'ouvrir le plus possible, mais il faut l'ouvrir aussi aux personnes
qui le sont le plus vulnérable, peut-être qui en ont le plus besoin. On
élargit, par exemple la question des… je voudrais parler de la question des
victimes hors Québec, c'est intéressant, mais vous allez avoir des chiffres. Je
ne sais pas comment on a évalué le nombre de victimes qui vont venir dans le
système, parce qu'il y a beaucoup de monde qui voyage, beaucoup de personnes
qui voyagent actuellement. Alors, qu'est-ce que ça représente? Qu'est-ce que ça
représente, aussi, 4 000 personnes de plus dans le régime d'indemnisation?
On a entendu M. Rodrigue aujourd'hui, il nous dit : Bon, tout va être en
place, on a travaillé avec le gouvernement. Mais vous savez, quand on voit que
l'Ontario, qui est une province, on ne peut pas dire que c'est une province
pauvre, bien, l'Ontario a coupé complètement son régime d'indemnisation au
cours des derniers mois. Et tout ce qu'il y a en Ontario, actuellement, c'est
un fonds d'urgence. Regardez : On regarde les chiffres ailleurs, aussi,
dans d'autres provinces. Alors, on se dit : C'est des régimes qui peuvent
être coupés, aussi, s'il n'y a pas de contrôle sur les dépenses, s'ils ne sont
pas bien réglés. Alors, on peut admettre plus de victimes mais, si on fait du
saupoudrage, ils sont réduits, les services. Ça, ça nous inquiète beaucoup
parce que les chiffres, on ne les a pas vus. Tout comme on ne sait pas comment
elle va être exercée, cette loi-là, parce qu'il y a tellement de pouvoirs
discrétionnaires puis le pouvoir réglementaire est tellement important. Bon,
c'est sûr qu'on pourra regarder la réglementation, mais…
• (17 h 50) •
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
Mme Gaudreault (Arlène) :
…j'ai le droit d'avoir tort, aussi.
Le Président (M.
Bachand) : Il reste tellement peu de temps. M. le député de Saint-Jean,
une minute 49 secondes. Question, réponse.
M. Lemieux : Merci beaucoup.
Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Mme Gaudreault, je ne suis pas sûr
d'avoir bien…
Mme Gaudreault (Arlène) :
...est tellement important. Bon, c'est sûr qu'on pourra regarder la
réglementation, mais...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup,
Mme Gaudreault. Il reste tellement peu de temps. M. le député de Saint-Jean,
1 min 49 s, question réponse.
M. Lemieux : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Mme Gaudreault, je ne suis pas sûr d'avoir bien
saisi votre réponse plus tôt quand il a été question du rapport Lemieux.
Étiez-vous d'emblée favorable à la philosophie et à la vision du rapport
Lemieux à l'époque, même si on n'en a jamais rien fait depuis, là?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Bien, nous, on est favorables à une philosophie où la réadaptation ou on va
appeler ça la... bon, des fois, on va dire le processus de rétablissement, c'est
au coeur de la réforme. Et c'est ça, le message qu'on devrait donner.
Et la loi, actuellement, la façon dont
elle est rédigée, par exemple, on parle toujours des aides financières. Alors,
ça donne le sentiment que c'est une loi pour aider financièrement. Et les personnes
qui travaillent dans le régime vont vous dire : Nous, là, il faut même
déconstruire cette image-là avec la clientèle qui pense qu'ils vont venir
chercher de l'argent. Non, on donne des services pour se rétablir. Et regardez
les notes introductives, il y a deux pages. Et, sur les deux pages, il y a une
page d'énumération d'aides financières. Alors, c'est un drôle de message qu'on
donne.
M. Lemieux : Oui. Mais, dans
le titre, ça le dit bien. Ça, moi, ça me réjouit aussi et les explications du ministre
tout à l'heure. Merci, Mme Gaudreault. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Avant d'aller plus loin, on avait pris un
petit peu de retard. J'aurais besoin d'un consentement virtuel pour ajouter
cinq minutes à la consultation, à la séance.
Des voix
: Consentement.
Le Président (M.
Bachand) :Consentement. Merci beaucoup. M.
le député de LaFontaine, vous avez la parole.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, merci, Mme Gaudreault, de prendre le
temps de venir discuter avec nous basé sur votre expertise, votre expérience.
Savez-vous quoi, Mme Gaudreault? Vous
m'avez fait réaliser une chose que je n'avais pas encore réalisée jusqu'à maintenant.
Il y a dans le choix des mots du projet de loi n° 84, des mots «aide»...
Le projet de loi a pour titre... a comme deux volets : Aider les personnes
victimes et favoriser leur rétablissement. Au niveau de l'aide, puis j'ai fait
une recherche dans le projet de loi sur l'expression «indemnisation»,
«indemnité», ce que vous me faites réaliser, Mme Gaudreault, ce qu'«aide»,
tel que désormais si d'aventure le projet de loi était adopté tel que conçu,
versus «indemnisation», «aide», selon moi, et la manière dont je vois ça... On
parlait du trois ans, on parlait du... vous n'avez pas de salaire, vous n'avez
pas d'indemnité. C'est comme si l'aide était beaucoup plus ségrégée, beaucoup
plus limitée, beaucoup plus ponctuelle, puis c'était comme : Bien, on va
vous donner de façon ponctuelle. Oui, il y a tout l'aspect... Là, j'en suis sur
l'aide financière. Il y a tout l'aspect de soutien, et tout ça, là, j'en suis
sur l'aide financière versus l'indemnisation. Quand on est dans une philosophie
d'aide ponctuelle financière versus indemnisation qui, nécessairement, entraîne
une analyse beaucoup plus à long terme et une analyse beaucoup plus in concreto
de votre situation qui, après trois ans, 10 ans, 20 ans, pour le reste de vos
jours, vous avez besoin d'une indemnisation, je pense qu'il y a là... ce n'est
pas anodin, et on a là la véritable philosophie...
M. Tanguay
:
…indemnisation qui, nécessairement, entraîne une analyse beaucoup plus à long
terme et une analyse beaucoup plus in concreto de votre situation qui, après
trois ans, 10 ans, 20 ans, pour le reste de vos jours, vous avez
besoin d'une indemnisation, je pense qu'il y a là… ce n'est pas anodin et on a
là la véritable philosophie du projet de loi n° 84.
Mme Gaudreault (Arlène) : Oui
et je pense qu'il faut vraiment mettre l'accent là-dessus. C'est le message
qu'on va donner, c'est qu'on va mettre autour de vous, autour de la personne,
tout ce dont vous avez besoin possible pour vous rétablir. Et on n'est plus en
1970, on est 50 ans plus tard. Alors, quand cette loi-là a été
adoptée, il n'y avait presque rien : quatre, cinq maisons d'hébergement,
deux, trois CALACS. On est rendu beaucoup plus loin, il y a une expertise au Québec,
on l'a vue aussi. Alors, il faut qu'il y ait une complémentarité entre les
organismes qui… de première ligne qui travaillent sur le terrain, dans les
CALACS, les CAVAC, etc., et ce régime… le régime d'indemnisation qui est très
spécifique et qui donne des services qu'on n'a pas dans les services courants.
Et quand on parle de l'aide, on parle
beaucoup des psychologues, mais écoutez, il y a autre chose que ça qu'on peut
faire, aussi, pour aider les personnes : travailler avec les programmes… Emploi-Québec,
travailler avec les organismes existants, par exemple, les CALACS, qui ont
développé des programmes, faire des ententes de services, les accréditer, les
reconnaître. Il faut sortir aussi de la vision où, par exemple, le BAVAC ne…
son rôle, c'est de subventionner, de soutenir les centres d'aide. Il doit
soutenir aussi tous les organismes, soutenir les organismes ou les programmes
qui peuvent offrir des services aux victimes.
Alors, c'est ça aussi qu'il faut repenser.
C'est pour ça… la section 1 et 2, elle doit être retirée et
on doit faire un travail autour de l'aide, profiter aussi de… je dirais, de
tout ce qui ressort des rapports — il va y avoir
le rapport Laurent, la commission, aussi, sur l'exploitation sexuelle — et
reprendre ce travail-là, réexaminer la question des droits, la question des
recours, et ça, vous pouvez le faire. Et ce que vous pouvez le faire aussi,
c'est… tout le monde vous a dit : On n'a pas le temps. On n'a pas le temps
pour examiner, pour faire une étude approfondie. On se sent tellement pressés,
je le vois même, moi, quand je parle, on veut tout vous dire puis, bon,
finalement, on ne sait pas comment ça sort.
Et en même temps, vous allez avoir ce
problème-là, vous aussi, quand vous allez examiner le projet de loi parce qu'il
est complexe. C'est vous qui l'avez, maintenant, le problème. Mais ce que vous
pouvez faire, par exemple, c'est que par rapport à des questions qui sont
difficiles, comme les questions concernant le sans-emploi, les questions
concernant le trois ans, la définition des victimes, ce que vous pouvez
faire, c'est que quand les questions… vous pouvez prendre votre temps aussi.
Puis ça se fait, aussi, dire : On va sur des choses qui font un consensus,
on travaille là-dessus, et il y a des choses que c'est compliqué, on n'a pas
toute l'analyse, on a besoin… et on le reporte. Ça se modifie, des lois. Donc,
on n'est pas obligés de faire en une fois ce qu'on n'a pas fait pendant
40 ans…
Mme Gaudreault (Arlène) :
…dire : On va sur des choses qui font un consensus, on travail là-dessus,
et il y a des choses que c'est trop compliqué, on n'a pas toute l'analyse, on a
besoin… et on le reporte. Ça se modifie, des lois. Donc, on n'est pas obligés
de faire en une fois ce qu'on n'a pas fait pendant 40 ans.
M. Tanguay
: Tout à
fait, tout à fait.
Mme Gaudreault (Arlène) : Et,
à ce moment-là, vous pourriez déposer d'autres modifications à l'automne, nous
donner le temps d'être consultés comme il faut, nous donner le temps
d'approfondir, vous donner le temps aussi de regarder d'autres régimes. Et ça,
ça serait sage. Et si on modifie la Loi sur le système correctionnel canadien,
là, presque à chaque année, je ne vois pas pourquoi on ne modifierait pas la
Loi sur l'aide aux victimes et pourquoi on ne modifierait pas non plus la loi
sur l'indemnisation, s'il le faut, à deux puis trois reprises pour la bonifier
puis en faire un bon régime. Et c'est ça que le ministre nous a dit hier, quand
il nous a parlé hier matin.
M. Tanguay
: Et ça, Mme
Gaudreault, c'est une préoccupation quasi unanime de celles et ceux qu'on a
entendus jusqu'à maintenant, autrement dit, que ça va vite, vite, vite. Et la
précipitation est mauvaise conseillère, que la loi que l'on ouvrirait,
semble-t-il, bien, bien vite durant cette session parlementaire, on la
refermerait dans un délai très court… et qui est majeur, majeur, majeur. Alors,
là-dessus, ça, soyez-en assurée, c'est notre quotidien depuis le 1er octobre
2018, de travailler vite, vite, vite. Mais est-ce qu'on fait de la bonne
législation? Ça, c'est préoccupant. Je referme la parenthèse.
Puis, pour ma gouverne, quand vous
dites : Section I, section II, vous faites référence à quels articles
de la loi?
Mme Gaudreault (Arlène) : Ça
réfère… attendez un peu… devant moi. En fait, c'est l'article 1 jusqu'à…
Ah! écoutez, ce n'est pas beaucoup, là. L'article 1 à l'article 9, en
fait. Alors, on essaie, je dirais, de compresser la notion. On a compressé, en
fait, la notion d'aide et de droits en quelques articles. Alors, ce n'est pas…
et c'est une section qui ne fait pas de lien et de sens avec le reste. Elle n'a
pas attiré l'attention non plus, c'est comme si on lit ça, puis on dit :
O.K., c'est bon, mais alors que c'est quelque chose d'important parce que c'est
toute la vision qu'on a de l'aide aux victimes, comment on doit la donner. Et
il y a eu des questions très pertinentes aujourd'hui et hier là-dessus :
Qui va donner les services? Est-ce qu'on va être capables de les donner
rapidement? Ce n'est pas une réponse qui est aussi simple que ça, parce que,
par exemple, en région, les services sont très différents. C'est vrai que
trouver un psychologue, ce n'est pas facile, pas juste à cause des tarifs, mais
aussi la formation. On peut se réjouir qu'il y a un élargissement au niveau des
professionnels et qu'il y ait d'autres professionnels que les psychologues qui
vont intervenir, mais il faut avoir une vision plus large de ce qu'est aide et
l'indemnisation, une discussion.
• (18 heures) •
M. Tanguay
: Et ce à
quoi vous faisiez référence aussi, quand on arrive avec un pavé de
190 articles, vous faisiez référence à la complexité, la densité... est
difficile à vulgariser. Alors, ça va être un nouveau corpus législatif, une
nouvelle loi costaude, complexe qui devra vivre sur…
18 h (version non révisée)
Mme Gaudreault (Arlène) :
...plus large de ce qu'est aide et l'indemnisation, une discussion.
M. Tanguay
: Et ce à
quoi vous faisiez référence aussi quand on arrive avec un pavé de 190 articles,
vous faisiez référence à la complexité, la densité et difficile à vulgariser.
Alors, ça va être un nouveau corpus législatif, une nouvelle loi costaude,
complexe qui devra vivre sur le terrain, puis, veux veux pas, il y aura des
interprétations différentes, puis ça, bien, ce sont les victimes qui demandent
à être indemnisées qui devront faire avancer le droit, et ça, ça risque de
prendre, pour ravoir un rééquilibrage, là, une interprétation juste et
raisonnable ou large et libérale, comme il se doit, bien, ça prend... ça va
prendre des années, et probablement sur le dos de plusieurs victimes en termes
de temps, de délais, d'anxiété et de coûts, là. Alors...
Mme Gaudreault (Arlène) : Et
les...
M. Tanguay
: Tout à
fait. Vous avez parlé... Vous avez fait un pas par rapport à l'aide juridique.
Donc, est-ce... seriez-vous d'avis que nous devrions nous assurer, via l'aide
juridique, que de telles demandes, de tels cheminements en vertu de la loi
soient couverts par l'aide juridique?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Oui, absolument.
M. Tanguay
: Plus
largement.
Mme Gaudreault (Arlène) : Et
il y a des propositions intéressantes aussi dans le rapport du comité d'experts
à l'effet qu'il y ait des avocats d'aide juridique, par exemple, là, qui soient
dans les organismes... travailler avec les intervenants psychosociaux, qu'il y
ait des cliniques itinérantes. Alors, ce sont des... vraiment des aspects qu'il
faut examiner aussi, et c'est une façon de renforcer les droits, c'est une
façon de mieux les accompagner. En 2021, on ne devrait pas se retrouver avec
des victimes qui se rendent toutes seules au tribunal ou qui ne sont pas
représentées, qui ne savent pas comment ça va se passer. Il y a des initiatives
comme le Jeune Barreau de Montréal qui sont intéressantes, ça devrait se faire
à l'échelle du Québec. On travaille actuellement à Plaidoyer-Victimes à un
guide d'accompagnement pour les victimes qui vont au TAQ. Il faut aider les
victimes aussi au moment de la révision, parce que souvent, les victimes...
trop souvent, les victimes ont de l'aide pour remplir le formulaire, mais après
ça, dans le cheminement... Il faudrait avoir des partenariats aussi entre les
agents de l'IVAC, ceux qui sont responsables du dossier et ceux qui travaillent
dans la communauté, dans les organismes de première ligne pour qu'il y ait un
accompagnement, une collaboration. Et on a avantage, je pense, à faire
connaître plus le travail de l'IVAC, de faire comprendre quels sont leurs
programmes, les limites de leurs programmes, et je pense qu'on devrait avoir
d'autres choses que le rapport annuel, parce que le rapport annuel nous
présente toujours les mêmes données. Il y a toute une expertise au niveau de
l'IVAC, il y a une réflexion qu'ils devraient nous livrer aussi, dont on
devrait profiter. Il faudrait mieux comprendre qu'est-ce qu'ils font
exactement, et pour être capables de le traduire avec les victimes avec
lesquelles on travaille. Et, l'observation est importante, il y a du roulement
à l'IVAC, il y a du roulement à la direction aussi à l'IVAC au cours des
dernières années.
M. Tanguay
: Bon. Il y
a beaucoup de choses à faire, hein, beaucoup de choses à faire qui vont
au-delà...
Mme Gaudreault (Arlène) :
C'est pour ça qu'on est là.
M. Tanguay
:
... — oui, oui — qui vont au-delà d'une loi.
Dernière question, dernière question. Vous
avez — et j'aimerais vous entendre pour les quelque 30 secondes qu'il
reste — ombudsman victimes d'actes criminels. Donc, ce serait quelque
chose à mettre sur pied?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Bien, il y a un ombudsman fédéral...
Le Président (M.
Bachand) : Très rapidement, Mme Gaudreault, s'il vous plaît.
Mme Gaudreault (Arlène) :
Oui. Il y a un ombudsman...
M. Tanguay
: Fédéral?
Mme Gaudreault (Arlène) :
...fédéral, mais il n'y en a pas au plan provincial, et je pense que le Québec,
vraiment, là...
M. Tanguay
: …dernière
question, dernière question. Vous avez, et j'aimerais vous entendre pour les
quelques 30 secondes qui restent, ombudsman, victimes d'actes criminels. Donc,
ce serait quelque chose à mettre sur pied?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Bien, il y a un ombudsman fédéral…
Le Président (M.
Bachand) : Très rapidement, Mme Gaudreault, s'il vous
plaît.
Mme Gaudreault (Arlène) :
Oui, il y a un ombudsman…
M. Tanguay
: …fédéral
Mme Gaudreault (Arlène) :
…fédéral, mais il n'y en a pas au plan provincial et je pense que le Québec — vraiment,
là — serait un chef de file, s'il y avait un ombudsman provincial
pour les victimes. Je pense que ça serait un grand pas en avant et je vous
invite à lire le chapitre 13 de notre rapport.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, Mme Gaudreault.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je cède la parole à la députée de
Sherbrooke pour 2 minutes 45 et je rappelle, on est fin de rencontre,
question et réponse. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Gaudreault. Donc, ce que j'entends de votre part,
c'est qu'il y a des éléments du projet de loi qui sont suffisamment
problématiques ou des choses qui sont absentes, au point où on ne parviendrait
pas à corriger le problème simplement en faisant des amendements. Vous nous
recommandez vraiment de peut-être scinder des bouts, de... en fait, sur
certains éléments puis d'attendre même l'automne, après le dépôt du rapport
Laurent, vous me corrigerez si je me trompe.
Sur quoi on devrait se concentrer? Qu'est-ce
qui doit être fait à très court terme? Qu'est-ce qu'on doit faire maintenant?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Bien, peut-être sur les choses qui font consensus. Il y a quand même beaucoup
de choses qui font consensus dans la loi et ont été énumérées. Je pense que,
là-dessus, ce serait déjà quelque chose d'important. Et sur les éléments qui
sont problématiques, et sur lesquels il y a eu beaucoup d'interventions, puis
qui touchent, par exemple, des questions financières, qui touchent l'accès aux
services, ça vaut la peine de prendre le temps de bien faire les choses.
C'est ce qu'on a demandé dès le départ. Il
faut prendre le temps de bien faire les choses, il faut prendre le temps de
réfléchir, de regarder qu'est-ce qu'on a vu, par exemple, dans le rapport, sur
la continuité des services, la question du référencement, des questions de...
aussi, comment éviter le travail en silo, de telle sorte... On a beaucoup
travaillé sur l'accompagnement dans notre rapport. Il faut que cette notion
d'accompagnement, elle soit présente partout, dans le régime d'indemnisation,
dans l'aide, dans le système de justice.
Alors, je pense qu'il n'y a personne qui
va être... je ne pense pas qu'on va vous faire des reproches si vous disiez,
par exemple, certaines modifications, on va prendre le temps de le faire, puis
on va les reporter, puis cet automne ou, je ne sais pas, un peu plus tard, on
va revenir avec des propositions, on va prendre le temps de vous consulter. Et
nous, ça va être rassurant, puis on va se sentir beaucoup plus confortables
aussi d'avoir le temps de regarder la loi. Puis peut-être que vous allez nous
soumettre aussi des dispositions qui sont plus faciles à comprendre aussi pour
des non-juristes, et qu'on va pouvoir aussi examiner plus attentivement.
Alors, je pense que ça, c'est peut-être
une avenue de compromis, puis c'est peut-être la meilleure avenue. Mais je ne
dirais pas, à ce moment-ci, de retirer le projet. Je ne serais pas de cet
avis-là. Je pense qu'il y a des choses qui font vraiment un consensus, qui sont
intéressantes, qui sont des avancées, mais il faut regarder les problèmes...
Mme Gaudreault (Arlène) :
...de compromis puis c'est peut-être la meilleure avenue, mais je ne dirais
pas, à ce moment-ci, de retirer le projet, je ne serais pas de cet avis-là. Je
pense qu'il y a des choses qui font vraiment un consensus, qui sont intéressantes,
qui sont des avancées, mais il faut regarder les problèmes qu'elles posent
aussi.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, pour
2 min 45 s, question, réponse.
Mme
Hivon
: Oui,
merci beaucoup. Toujours très intéressant de vous entendre, et vraiment merci,
parce que vous amenez... vos mettez le doigt sur un enjeu qui, moi, me
dérangeait un peu, puis évidemment personne n'en a parlé jusqu'à vous, c'est le
fait que l'aide et toute la question de l'aide et de l'ancienne loi sur l'aide,
et ce qu'on dit... Et là, en fait, ce que vous me dites, si je décortique bien,
c'est que, sur l'indemnisation, ce dont on parle presque exclusivement depuis
hier, il y a des changements, il y a des choses qui font consensus. Mais, dans
le fond, on a fait une réforme de l'indemnisation, mais très peu de l'aide,
mais on est allé greffer l'aide avec l'indemnisation, puis là on parle généralement
d'aide. Sauf que, dans les faits, on parle de soutien financier puis
d'indemnisation.
Donc, si je vous lis correctement, vous
nous dites : Attention. Moi, je dirais même : Attention, parce qu'en
plus, depuis le dépôt du projet, on a déposé le rapport du comité d'experts qui
a des avancées extraordinaires. Là, si on vient réformer l'aide alors que,
d'abord et avant tout, c'est un projet qui nous bloque pour réformer
l'indemnisation, on passe la chance d'aller beaucoup plus en profondeur sur les
questions d'aide. Les recours, vous avez complètement raison, ils ne sont pas
du tout explicités itou.
Mais je veux vous amener... Moi, plus
j'entends depuis hier, plus je me dis : Est-ce qu'on ne devrait pas — il
y a un ou deux groupes qui ont amené ça — avoir comme un régime en
soi pour les victimes de violence sexuelle et conjugale? Parce qu'autant pour
la durée des problèmes sur l'aide, est-ce qu'on devrait réfléchir à ça, d'avoir
comme un régime dans le régime? Là, je vous lance ça. Moi, avant-hier, je
n'avais pas réfléchi à ça. Mais plus j'entends des choses, plus je me
dis : Est-ce que doit réfléchir à cette option-là?
Le Président (M.
Bachand) : En une minute, Mme Gaudreault, s'il vous plaît.
Mme Gaudreault (Arlène) :
Bien, je pense que ça m'apparaît difficile aussi... à premier abord, je pense
que ça m'apparaît difficile. Je ne connais pas de système non plus de régime
ailleurs qui a cette façon de faire là. Ça mériterait une réflexion. Mais je
n'aurais pas tendance à aller dans ce sens-là. Il faut qu'il y ait des programmes
adaptés — ça, c'est différent — et il faut avoir un régime
peut-être plus large, qui est équitable pour tous, qui tente le plus possible
de prendre en considération les besoins de tout le monde. Puis il y a quand
même...
Mme
Hivon
: Oui,
oui. Parfait. Puis, dites-moi, pour tout ce qui est, justement, l'aide
psychologique, la réintégration, le soutien pour des recours, vous, je
comprends que le modèle... Parce que nous, si on prend du temps puis on dit
justement : On va exclure ça, si on suivait votre recommandation, on
devrait s'inspirer de la Grande-Bretagne...
Le Président (M.
Bachand) : Mme Hivon... Mme la députée, vous devez
malheureusement terminer, je suis désolé, parce qu'on arrive à la fin de la
rencontre. Mais je veux prendre le temps qu'il reste pour...
Mme
Hivon
: ...le
soutien pour des recours. Vous, je comprends que le modèle... Parce que nous,
si on prend du temps puis on dit justement : On va exclure ça, si on
suivait votre recommandation, on devrait s'inspirer de la Grande-Bretagne...
Le Président (M. Bachand) :
Mme Hivon... Mme la députée, vous devez malheureusement terminer, je suis
désolé, parce qu'on arrive à la fin de la rencontre. Mais je veux prendre le
temps qu'il reste pour remercier Mme Gaudreault d'avoir participé à la commission,
c'est très, très, très apprécié. Sur ce, la commission ajourne ses travaux au
mercredi 20 janvier, 10 h 20, où elle va poursuivre son mandat. Merci
à tout le monde. Au revoir.
(Fin de la séance à 18 h 9)