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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le jeudi 15 mars 1979 - Vol. 21 N° 12

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Présentation de mémoires sur la réforme du droit de la famille


Journal des débats

 

Présentation de mémoires sur la réforme du droit de la famille

(Dix heures trente et une minutes)

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre! La commission de la justice est réunie pour étudier les mémoires. Les membres de cette commission sont: M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis) remplacé par M. Ciac-cia (Mont-Royal); M. Charbonneau (Verchères), M. Clair (Drummond), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Vaillancourt (Jonquière).

Ce matin, d'un commun accord, nous allons terminer les travaux de cette commission à midi. Les organismes qui sont convoqués devant nous aujourd'hui sont, dans l'ordre — je les donne pour les besoins des gens qui sont dans la salle — le premier, l'Association des parents catholiques du Québec; le deuxième, YWCA, Comité la femme et son nom; le troisième, l'Association féminine d'éducation et d'action sociale; le quatrième, Comité national de la condition féminine du Parti québécois; le cinquième, l'Association des centres de services sociaux du Québec; et le sixième, l'Association des femmes diplômées des universités. Donc, c'est l'ordre dans lequel nous allons étudier les rapports aujourd'hui. On demanderait à chaque groupe ici présent de présenter son rapport le plus succinctement possible, compte tenu du temps, puisque nous terminerons ce soir à 22 heures, après l'ordre de la Chambre qui nous sera donné cet après-midi; compte tenu du début des travaux à 14 heures, cela devrait aller vers 15 h 30 jusqu'à 18 heures, et de 20 heures à 22 heures ce soir.

Le premier groupe à paraître devant nous, l'Association des parents catholiques du Québec, veuillez vous identifier, s'il vous plaît.

Association des parents catholiques du Québec

Mme Mathieu (Adeline): M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire, je vous remercie de la possibilité qu'il nous est donné d'exprimer notre point de vue concernant la révision du Code civil. J'aimerais en quelques mots présenter notre association.

Le Président (M. Jolivet): Voulez-vous, pour les besoins du journal des Débats, vous identifier et identifier la personne qui est avec vous?

Mme Mathieu: Certainement, c'est ce que j'allais faire.

Le Président (M. Jolivet): Excusez-moi.

Mme Mathieu: Mon nom est Adeline Mathieu, je suis présidente de l'Association des parents catholiques du Québec; Me Emile Colas, notre conseiller juridique. Je donnerai d'abord l'exposé de nos commentaires sur la révision du Code civil, concernant particulièrement les chapitres qui traitent de la famille. Me Colas aura aussi des commentaires à ajouter. L'Association des parents catholiques regroupe plus de 50 000 membres qui sont répartis dans toutes les régions de la province. Nous avons étudié les chapitres qui traitent particulièrement de la famille.

Il y a quelques années, nous avons déjà produit un mémoire concernant trois des points que nous voulons traiter aujourd'hui. Ce mémoire avait été soumis à toutes nos sections, à nos responsables, et avait été endossé par les différents délégués. Aujourd'hui, nous n'avons malheureusement pas eu le temps de recommencer cette consultation, parce que nous avons su seulement le 16 janvier, par les journaux, qu'il y aurait commission parlementaire sur la révision du Code civil, ce qui nous donnait très peu de temps et nous le regrettons. Nous aurions certainement aimé fouiller davantage le sujet. Mais nous sommes quand même en mesure de donner le point de vue de nos membres concernant les points qui traitent de la famille. Le court délai qui nous est imposé nous inquiète, alors que dans d'autres pays comme la France, l'Angleterre, les Etats-Unis, l'Italie, la présentation de législation concernant la famille fait l'objet d'une longue étude et de discussions publiques au cours desquelles il est permis, tant au gouvernement qu'aux organismes concernés, de faire des représentations. Aujourd'hui, bien sûr, on nous permet de faire des représentations, mais le sujet est tellement vaste et on entreprend une révision globale. On se dit qu'on aurait intérêt à donner plus de temps pour permettre aux organismes d'étudier davantage en profondeur.

Longtemps attendu dans l'espérance d'une législation qui, tout en respectant la liberté et le droit des personnes, permettrait à la famille de se consolider, de s'épanouir, d'être un milieu de formation et d'enrichissement pour ses membres, le rapport, dans sa forme achevée, nous déçoit. Il nous laisse perplexes et inquiets quant à l'avenir de la famille et aux responsabilités familiales et sociales de ses membres et même quant à l'avenir et à la stabilité de la société québécoise en regard des projets collectifs majeurs.

A-t-on assez mesuré les risques que fait courir au Québec l'abandon massif et souvent avalisé par l'autorité civile des valeurs fondamentales qui ont permis sa survivance? Je pense en particulier au caractère sacré de l'union conjugale et de la famille, en particulier aussi, à l'équilibre des droits et des devoirs concernant cette même famille, les responsabilités des membres de cette famille. Tout cela nous inquiète.

L'Office de la révision du Code civil a raison de vouloir tenir compte de certains aspects nouveaux de la vie québécoise, mais que l'on subordonne toutes nos lois à des concepts nouveaux, insuffisamment vérifiés, basés trop souvent sur une conception de l'homme et de la famille

étrangère à notre histoire, est à la fois dangereux et illusoire. C'est vouloir bâtir une société nouvelle sur le sable mouvant de l'éphémère. Le Québec, qui se veut un pays jeune, doit-il ici encore servir de cobaye en faisant de son code un syncrétisme de toutes les mesures sociales prétendument plus avancées d'autres pays où fleurit davantage l'esprit de jouissance que celui de l'effort et de la responsabilité?

Nous croyons qu'il est très important que la loi joue son rôle d'éducatrice jusqu'à un certain point. Ne confondons pas le changement social avec le progrès social. N'oublie-t-on pas trop facilement que demain sera le reflet des actes posés aujourd'hui à la lumière de l'expérience d'hier? Nous avons vu, par exemple, qu'en ce qui regarde l'éducation dans le domaine scolaire, lorsque le ministère de l'Education a entrepris une consultation, la population voulait revenir, retrouver des valeurs traditionnelles, la discipline, le respect, le sens des responsabilités, une meilleure organisation des écoles, le sens des valeurs; on s'était rendu compte que le laxisme qui avait prévalu dans le monde scolaire, depuis un certain nombre d'années, décevait la population. Je crois que le livre vert a été extrêmement révélateur de cette tendance profonde du peuple québécois qui veut conserver des valeurs, malgré parfois certains égarements, malgré parfois la confusion des esprits.

Alors séparer l'avenir de l'expérience et des valeurs qui ont édifié le présent, c'est paver la voie au désordre et à l'anarchie. Peut-être aussi les auteurs ont-ils trop attaché de foi aux affirmations de certains futurologues modernes comme Alvin Toffler qui écrivait dans "Le choc du futur": "Le mariage s'avérant de moins en moins apte à remplir sa promesse d'amour éternel, l'on peut prévoir que le mariage temporaire sera bientôt universellement accepté". C'est aller très vite et c'est prévoir une décomposition qui, il me semble, n'est pas nécessairement l'aboutissement vers lequel nous devons tendre et encourager, d'une certaine façon, par nos lois.

Qu'advient-il, dans le projet de Code civil, de la dimension éducatrice du droit, c'est-à-dire de sa capacité et de sa responsabilité de faire appel dans la personne à ce qu'il y a de meilleur en elle, à ce qui dépasse la recherche de ses intérêts immédiats? Quand on refuse toute norme objective, on finit par imposer la norme sociologique de ce qui est communément admis sans se rendre compte qu'on introduit un facteur de désintégration dans les sociétés, à commencer par la société familiale elle-même. Celle-ci, nucléarisée, n'apparaît plus désormais comme une association d'individus égaux en droits et soumis au nouveau "pater familias" qu'est le pouvoir judiciaire, ici, je cite même certaines pages, certaines parties de la révision du Code civil, du document lui-même.

Entre le temps où le comité de révision du Code civil a été formé et les audiences publiques concernant ce projet de Code civil, la sociologie a connu dans le monde une perte de vitesse, une perte de prestige comme science indicative, com- me science normative du fonctionnement des sociétés. On sait mieux maintenant discerner entre les manifestations sociales extérieures à l'homme et à sa nature, pour établir des principes devant gouverner les activités humaines. A l'opposé de la faveur dans laquelle il paraît tenir la sociologie, le rapport semble ignorer les plus riches acquisitions de la psychologie moderne quant à la diversité des rôles de l'homme et de la femme. Je pense ici en particulier à Karl Stern, à Hélène Deutsch et à d'autres.

Une première constatation s'impose donc à l'esprit; ce rapport reste entaché de sociologisme dans sa conception de la nature et de l'utilité des lois. Légitimer un à un les écarts de conduite, union de fait, divorce, et le reste, les autoriser en leur donnant la caution d'un Code civil, c'est tout simplement détruire l'homme et la société en accélérant leur déshumanisation. On ne peut aller indéfiniment contre la loi naturelle, sans, à brève ou longue échéance, conduire une société à la décadence. Les lois n'ont pas pour objet de consacrer seulement un état de fait. Les lois ont aussi pour objet d'améliorer l'homme et la société dans l'établissement de politiques qui permettent à l'individu d'atteindre le plein épanouissement de sa personne physique, intellectuelle, spirituelle et morale et ce dans l'ordre de "l'être plus" et pas seulement de l'"avoir plus".

C'est pourquoi un grand nombre de points fondamentaux que nous avons étudiés dans ce document posent des problèmes et nous aimerions reprendre en substance les observations que nous avions soumises au comité de révision en 1975, en particulier en regard des unions de fait.

Le rapport propose une réglementation juridique de ce qu'il appelle l'union de fait. Pour résoudre certains problèmes posés par les unions de fait, est-il nécessaire de consacrer le concubinage par une reconnaissance légale et codifiée? N'y a-t-il pas une différence d'approche de cette réalité sociale selon qu'on se trouve en régime de "common law" ou dans une société régie par un Code civil? Accorder au concubinage — puisqu'il vaut mieux appeler les choses par leur nom — droit de cité en droit civil n'est pas la meilleure façon de favoriser la stabilité entre conjoint ni, par conséquent, l'épanouissement de la famille. Me Ernest Capparos, dans une excellente étude sur l'union de fait et la facilité avec laquelle on pourra divorcer, disait ceci: "En effet, toute union entre un homme et une femme donne lieu à une réalité sociale et à une relation juridique. Dans le concubinage, la relation sociale existe, mais les concubins ont volontairement écarté de leur union la relation juridique: le mariage. Ils n'ont pas voulu accepter la structure juridique bâtie sur l'échange public de consentements que le législateur offre aux gens mariés dans le but de protéger leur union et d'assurer leurs droits. Il est illogique que le législateur veuille s'infiltrer dans un milieu qui se veut, au départ, et qui se tient, par la suite, hors la loi. Le fait que les concubinages soient plus fréquents ou du moins plus publics que jadis n'autorise pas

le législateur à les légitimer." Je cite toujours M. Capparos. "Avec un raisonnement semblable, l'Office de révision devrait aussi proposer d'inclure le vol parmi les modes d'acquisition de la propriété puisqu'ils sont de plus en plus fréquents. Le corps médical devrait, en cas d'épidémie, décréter que la maladie en question est devenue une manifestation de santé. "Le législateur doit, sans aucun doute, prendre en considération les réalités sociales, mais à leur mérite. Dans certains cas, ces manifestations de la réalité sociale devraient être intégrées dans la loi; dans d'autres, la loi devrait prévoir des mesures pour les faire disparaître dans la mesure du possible." Nous ajouterions que ce n'est pas non plus de cette façon que le législateur contribuera à faire croître l'estime que la société doit porter à l'institution du mariage. Les auteurs eux-mêmes, à la page 115, sur l'union de fait, admettent l'existence d'une controverse, mais ils n'en maintiennent pas moins la reconnaissance légale.

L'autre point dont nous avons décidé de traiter, c'est la facilité de divorcer. Dans les chapitres qui traitent du mariage, pages 55 et suivantes, on ne trouve pas de définition juridique du mariage, alors qu'à l'article 49, on donne une définition de l'union de fait. La définition est la suivante: "Dans ce code, sont époux de fait ceux qui, sans être mariés l'un à l'autre, vivent ensemble ouvertement comme mari et femme d'une façon continue et stable." Relativement au mariage et à la famille, il se dégage l'impression que le code traite des personnes comme des choses et des biens. La dimension de l'amour avec tout ce qu'elle implique de relations interpersonnelles et de don mutuel est trop souvent absente. (10 h 45)

La section III, volume II, sur la séparation et le divorce, avance comme principe essentiel "qu'ils constituent des remèdes à l'échec du mariage" (article 240). Mais si la loi en facilite l'accès, ils sont aussi une menace à l'amour des époux et une invitation à l'échec. Les auteurs semblent avoir ignoré cet aspect.

Au numéro 2 de l'article 241 du code, il est écrit que le divorce peut être accordé "si les époux ont vécu séparés pendant une période d'au moins trois ans précédant immédiatement la présentation de la demande, parce que l'un des deux est atteint d'une maladie incurable".

Dans le rapport du comité de révision, on parlait à ce moment-là de la période d'un an. Au bout d'un an... Aujourd'hui, on semble ajouter un peu plus de temps, mais le problème demeure. La loi voudrait-elle pénaliser le conjoint malade? Cette situation n'est pas créée de propos délibéré par l'un ou l'autre des conjoints que l'on rend pourtant ainsi responsable.

Alors, il n'y a aucune faute de la part du conjoint. Le législateur doit-il être à ce point soucieux du droit des individus à des relations sexuelles, quelle que soit leur situation matrimoniale, qu'il en vienne à soustraire les conjoints à leur devoir de fidélité, de secours et d'assistance qui découle d'une forme supérieure de l'amour humain?

A l'article 241 du livre II qui traite de la famille, on lit: "Lorsque le mariage est un échec, pour quelque cause que ce soit, le divorce ou la séparation doit être prononcé."

Pourquoi "doit"? Pourquoi ne pas se contenter de "peut"? Il y a là, semble-t-il, un constat de non-confiance envers les possibilités de réconciliation des époux.

De toutes les raisons qui sont envisagées comme valables pour accorder le divorce, la plus néfaste nous paraît, indubitablement, la troisième. Le législateur reconnaît, en fait, le divorce par consentement mutuel et abdique toute fonction d'éducation. En voici le texte intégral: "Les époux ont, d'un commun accord, vécu séparés pendant une période d'au moins un an précédant immédiatement la présentation de la demande et consentent à la séparation de corps et au divorce."

On peut dire que le nouveau code accorde le divorce sur demande, même si cette clause est assortie de mesures judiciaires et administratives théoriquement protectrices mais, en fait, inopérantes.

Le troisième point que nous traitons est l'égalité juridique des époux et la communauté familiale. Afin d'éviter tout malentendu, il faudrait distinguer l'état matrimonial qui est une communauté entre personnes égales, en droit, et la société familiale qui est nécessairement hiérarchisée comme toute société, d'ailleurs. Sinon, on se retrouve aux prises avec la nécessité de l'intervention d'une autre autorité, c'est-à-dire l'Etat, le tribunal, les divers spécialistes auxquels les époux et les parents sont amenés à se soumettre. On confère une compétence et une autorité à un arbitre extérieur à la famille sous prétexte d'égalité. Autrefois, la femme dirigeait de fait la famille. On a dit qu'au Québec on avait un matriarcat dont le chef était de droit le mari, le père. La nouvelle législation réduit les deux conjoints au rang de mineurs et leur impose une tutelle permanente ainsi qu'en témoigne particulièrement le commentaire de l'article 67, page 149 du volume II, tome I.

Voici un autre extrait, soit l'article 67, page 67 de la section III, qui est très clair: "S'il y a désaccord entre les époux concernant la direction morale et matérielle de la famille, la contribution aux charges du mariage, l'éducation des enfants ou le choix de la résidence familiale, l'un ou l'autre peut s'adresser au tribunal." "Celui-ci, après avoir tenté de concilier les parties, tranche le différend en tenant compte du meilleur intérêt de la famille."

Les auteurs admettent eux-mêmes que cette législation pose de graves problèmes. Ils constatent "qu'une des grandes difficultés de la reconnaissance du principe de l'égalité entre époux réside dans le choix des moyens pour résoudre les différends qui peuvent s'élever entre eux. Le recours au tribunal n'est certes pas une solution parfaite et d'aucuns estiment qu'il ne fait qu'envenimer les confits entre les époux." Mais, ajoutent-ils à la page 113, "il n'y a pas lieu de s'alarmer outre mesure de l'ingérence — c'est assez curieux de voir qu'on a appelé cette activité du juge une ingérence — du juge dans les affaires familiales,

car le projet a été construit dans l'optique d'une réforme parallèle de l'administration de la justice familiale par la création d'un tribunal de la famille doté d'un service complémentaire spécialisé." Or, on avait dit la même chose quand on a établi des cours de divorce, laissant entrevoir que les services spécialisés pourraient contribuer à accroître le nombre des réconciliations entre époux et donc restreindre le nombre de divorces. En fait, il n'en est rien. Ces services spécialisés sont très difficiles à organiser et sans doute aussi difficiles à faire accepter aux parties en cause.

A propos de la structure de la famille, les auteurs ont reconnu que la communauté familiale va se donner un administrateur. A la page 118, on lit ce qui suit: "II a été finalement décidé d'adopter la possibilité de choisir l'administrateur de la communauté mais de conserver au conjoint de l'administrateur la faculté de renoncer à la communauté et d'accumuler les biens réservés."

En d'autres termes, le chef de famille est réduit au rôle d'administrateur des biens matériels — on a compris que c'était nécessaire pour les biens matériels — mais la conduite d'un foyer implique aussi d'autres responsabilités et d'autres valeurs dont la promotion et l'orientation ne doivent pas être laissées au hasard.

Le postulat de l'égalité juridique absolue — je ne parle pas ici de l'égalité juridique de l'époux et de l'épouse en tant que telle et nous sommes d'accord pour la promotion de la femme et on est d'accord aussi avec toutes les lois qui lui permettent d'exercer ses droits, mais, là, il s'agit de la communauté familiale et on voudrait bien que ce soit clair que nous distinguons les deux communautés; en fait, il faudrait dire la communauté familiale du couple lui-même — affirmé de façon abstraite, sans référence aux rôles complémentaires des époux, soulève de graves problèmes. Les droits de la famille sont indûment subordonnés aux droits des individus qui la composent.

La famile est la cellule de base dont la fonction au sein de la société est de protéger, d'édu-quer les personnes et d'en favoriser l'épanouissement. Cette fonction de la famille suppose normalement chez les époux l'intention de former une union stable qui, seule, peut garantir en droit la permanence du foyer et assurer à l'enfant l'amour, l'éducation, la sécurité et les soins nécessaires à son développement personnel.

Toute législation qui ne reconnaît pas l'importance de tels principes constitue, nonobstant les apparences qu'elle peut revêtir, une menace, non seulement pour l'existence de la famille, mais, par ricochet, pour chacun de ses membres qui est, en quelque sorte, livré aux décisions de l'Etat pour la protection de ses droits.

En conclusion, nous disons: La société québécoise, dans sa grande majorité, demeure attachée aux principes judéo-chrétiens qui l'ont fondée et qui sont le fruit de plus de vingt siècles de sagesse humaine basée sur la connaissance de l'homme et de sa nature. Nous en avons une preuve dans le résultat de la récente consultation — j'en parlais au début, et je tiens à y revenir — du ministère de l'Education sur l'enseignement élémentaire et secondaire. Ce sondage a manifesté clairement que 85% de la population québécoise désire maintenir l'éducation religieuse à l'école, de même que son statut confessionnel. C'est une déclaration de M. Jacques-Yvan Morin, lors du lancement du livre "l'Ecole québécoise, énoncé de politique et plan d'action", le 20 février 1979.

La révision du Code civil semble vouloir ignorer cet héritage pour privilégier certains phénomènes sociaux que les auteurs du comité de révision reconnaissent eux-mêmes dans leur rapport comme transitoires, instables et mouvants. Ce n'est plus guider l'homme par la loi, mais bien soumettre la loi aux égarements momentanés de l'homme.

Voici nos considérations, en terminant. Nous considérons que la révision du Code civil, en regard de la famille, compromet la stabilité de la famille, en lui enlevant, sous le couvert du postulat, de l'égalité juridique des conjoints, la possibilité de se donner un chef.

Elle compromet aussi l'autonomie de la famille nécessaire à son évolution normale en introduisant une troisième personne à qui l'on confère le droit de décision finale en cas de dissensions entre les conjoints. Aussi, refusons-nous l'intrusion d'une troisième personne, fût-elle un tribunal, pour régler des conflits que des adultes normaux peuvent régler entre eux.

Que la loi intervienne dans des cas d'exception graves, cela est normal, mais qu'elle s'immisce à tout propos dans la vie quotidienne du couple, cela ne l'est plus.

Elle compromet aussi la vie privée de la famille par les intrusions marquées de la loi dans l'intimité du sanctuaire familial que ce projet de loi favorise.

Deuxièmement, nous considérons que cette législation pourrait défavoriser les familles normales et encourager l'individualisme au détriment de la famille.

Troisièmement, nous considérons qu'une politique de la famille devrait logiquement précéder et inspirer l'énoncé d'un code de la famille, son application et le fonctionnement d'un tribunal de la famille. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bédard: Je remercie Mme Mathieu, comme présidente, au nom de son groupe représentatif, des remarques et de la contribution particulière qu'elle a bien voulu apporter à l'attention des membres de cette commission parlementaire.

Au tout début de votre rapport, vous évoquez le fait qu'il y a eu un trop court délai, au niveau de la convocation de cette commission parlementaire, de telle façon que cela ne vous a pas permis d'articuler autant que vous l'auriez voulu des représentations sur l'ensemble du Code civil, du chapitre 2 du Code civil.

Je voudrais quand même faire remarquer qu'au niveau des avis parus dans les journaux

pour la tenue de cette commission parlementaire, c'est dès le 21 décembre que les premiers avis ont paru dans les journaux, informant la population qu'il y aurait une commission parlementaire qui se tiendrait aux dates présentes. Je voudrais aussi faire remarquer que le rapport du Code civil a été déposé le 20 juin 1978 et que, dès cette date, j'ai indiqué que nous tiendrions des auditions de la commission parlementaire pour entendre les différents groupes intéressés à faire des représentations.

Concernant spécifiquement le tribunal de la famille — vous le mentionnez dans votre mémoire — le rapport, le seul d'ailleurs, c'était peut-être un rapport préliminaire qui est devenu un rapport final, mais le rapport de l'Office de révision du Code civil concernant le tribunal de la famille a été rendu public dès 1975, c'est-à-dire qu'il y a eu des auditions. Votre groupement s'est fait entendre. Vous avez fait des représentations. C'est évident qu'on pourrait toujours demander plus de délais, mais il me semble, tout en prenant bonne note de vos remarques, qu'il y a eu, depuis le temps qu'on discute dans la société québécoise de la nécessité d'un tribunal de la famille, de la nécessité de réformer le Code civil au chapitre de la famille, je pense qu'il y a eu un temps suffisant de réflexion pour ceux qui voulaient acheminer des remarques au niveau des membres de la commission parlementaire ou au gouvernement, tel que vous le faites d'ailleurs ce matin.

Mme Mathieu: Non pas une remarque, mais simplement pour dire qu'en regard du tribunal de la famille, je veux parler de la mise en place d'un tribunal de la famille, pas simplement d'une étude, d'une possibilité ou de recommandations. Mais il faudrait d'abord commencer par mettre en place un tribunal de la famille. C'est dans ce sens...

M. Bédard: J'ai de la misère à comprendre... Je comprends probablement mal votre raisonnement, mais je ne vois pas comment on pourrait se permettre d'instaurer le tribunal de la famille et de consulter après. A l'heure actuelle, nous consultons justement en fonction de l'éventualité d'avoir un tribunal de la famille, que nous croyons une nécessité, et c'est pour cela que cette commission parlementaire tient des auditions présentement. Le tribunal de la famille n'est pas encore en place.

Mme Mathieu: Justement.

M. Colas (Emile): C'est ce que la présidente veut dire, M. le Président, si vous me permettez. Nous sommes en présence d'une transformation profonde et cette transformation profonde ne peut pas s'introduire sans que tous les mécanismes adéquats soient en place pour permettre que, justement, on soit capable de réaliser les propositions qui sont formulées dans les textes qui sont soumis à notre appréciation. C'est ce que Mme Mathieu veut dire, que vous ne devriez pas, à son avis — elle le soumet respectueusement — adopter des amendements au Code civil relativement à la famille sans que, en même temps, vous apportiez des amendements au niveau du chapitre sur les successions, sur les donations et abolir, par exemple, la liberté absolue de tester, de façon à protéger plus adéquatement la femme, parce que tant et aussi longemps qu'on n'aura pas fait cela, les familles seront évidemment défavorisées, et en même temps établir toutes les structures susceptibles de pouvoir réaliser ce que l'on veut faire. (11 heures)

Autrement, ce que vous faites c'est un travail parcellaire, un travail incomplet et un travail dangereux parce que, justement, vous n'avez pas la possibilité, à ce moment, de protéger adéquatement, parce que lorsque l'on ouvre des digues, évidemment, faut-il avoir une canalisation pour recevoir l'eau qui va en sortir.

M. Bédard: Je dois vous faire remarquer que vous interprétez à votre manière le mémoire qui nous est présenté. Maintenant si la formulation semblait nous orienter vers une autre perception... D'accord...

M. Colas: II est temps de consacrer que notre perception est commune sur la question et que les solutions seront adoptées dans ce sens.

M. Bédard: C'est-à-dire que je prends note de votre interprétation du rapport sur ce point précis. Je voulais essentiellement mentionner que lorsqu'on dit que les délais ont été trop courts pour préparer des représentations, je fais remarquer simplement que depuis le 21 décembre des avis ont été donnés, mais au-delà de cela le rapport est déposé depuis le 20 juin 1978 et qu'en 1975 déjà il y a eu des auditions. D'ailleurs, vous y référez en disant que vous véhiculez l'essentiel des représentations que vous aviez faites en 1975. Peu-être que cette interprétation... par exemple, dans votre mémoire — je pense que c'était la logique un peu de votre interprétation — vous parlez, à un moment donné, du nouveau code, vous parlez du législateur qui...

M. Colas: II faut bien reconnaître, M. le ministre, évidemment que ce ne sont pas des juristes qui ont préparé ce texte et qu'en conséquence il faut l'apprécier à sa juste valeur.

M. Bédard: Non, non, mais écoutez, vous me permettez, s'il vous plaît. Je ne voudrais pas que cela prenne l'allure d'un reproche. Il y a certaines constatations que nous voulons faire, ensuite nous allons commencer une discussion. Ce que je veux simplement faire remarquer, c'est lorsque vous dites que le législateur reconnaît, à la page 6 de votre mémoire, en fait le divorce par consentement mutuel et abdique toute fonction d'éducation, et puis que vous continuez en disant: On peut dire que le nouveau code accorde le divorce sur demande...

Mme Mathieu: Les propositions, c'est entendu...

M. Bédard: Ce n'est pas le législateur... Oui. Mme Mathieu: ... c'étaient les propositions...

M. Bédard: Justement, il y a une commission parlementaire de la part du gouvernement pour s'interroger sur l'opinion des différents groupes avant de légiférer avant qu'un nouveau code soit édicté.

Il semble, d'ailleurs, d'après le mémoire que vous avez présenté, que vous souhaitez non seulement que l'on choisisse au début du mariage un administrateur pour les biens matériels, comme dans la communauté de biens, par exemple, communauté tout court, mais vous semblez souhaiter que l'on choisisse aussi un chef de famille pour la direction des affaires morales, d'éducation, etc. Est-ce que vous pourriez préciser davantage cet aspect?

Mme Mathieu: Je l'ai expliqué un peu et je vais y revenir.

M. Bédard: C'est à la page 8 de votre mémoire.

Mme Mathieu: On considère et je considère que toute société doit se donner un chef. A l'intérieur même de cette société, on pourrait définir si c'est l'homme ou la femme qui a l'autorité dans certains domaines, mais il reste que c'est très difficile de concevoir une cellule familiale où il n'y a pas d'autorité. Je parle aussi en ce qui regarde les enfants. Qui n'a pas connu justement, parmi vous qui êtes parents, ce rôle du père si important dans un foyer? Je parle un peu avec mon coeur quand je vois nos grands garçons, les grands enfants les grands adolescents... Les femmes ont tellement besoin du père, d'un chef.

Cela ne veut pas dire qu'elles démissionnent, qu'elles n'ont pas un rôle à jouer comme éducatri-ces, mais l'homme, qu'on le veuille ou non, par sa prestance physique, par la puissance de sa voix, par ce que le Créateur lui a donné, possède une capacité en ce qui regarde l'autorité qu'on ne peut pas nier à notre avis. Certains pères peuvent en abuser, certains pères peuvent l'ignorer, mais, pour nous, le chef de famille, normalement c'est le père de famille. Cela ne veut pas dire qu'à l'intérieur de cette communauté familiale on n'établit pas des rôles, que la mère est assujettie, soumise, on pourrait même, dans le cas de l'administration des biens, les confier à la mère. La communauté de biens confiée à la femme, on n'a pas d'opposition si, dans certains cas, le mari est plus heureux de confier cette administration à la femme, mais il reste que quand on parle de collégialité, on ne peut pas dire qu'on aura un gouvernement collégial. Il faut qu'il y ait certaines responsabilités d'établies et, dans tous les foyers qui fonctionnent bien, la femme a une sphère d'activités où elle a son autonomie.

L'homme a aussi une sphère d'activités où il a son autonomie. Il y a un dialogue qui peut s'établir et qui doit s'établir à l'intérieur du foyer. On ne veut pas que la femme soit traitée, je l'ai dis à un certain moment, comme une mineure. On est d'accord sur toutes les lois qui ont été changées qui lui ont donné part entière, qui ont reconnu ses droits, mais dans la communauté familiale, nous disons: Nous avons besoin d'un père, d'un chef de foyer. Peut-être que cela pourra à la longue se transformer, comme on l'a vu au Québec dans des milieux ruraux en particulier, où la femme qui était souvent plus instruite que l'homme a pris les rênes et a été le chef. L'homme trouvait qu'elle était plus en mesure, dans bien des sphères, pour conduire le foyer, même parfois il a démissionné, malheureusement.

Ce sont les problèmes psychologiques qu'on peut retrouver à l'intérieur de la famille ou les ajustements psychologiques, mais pour nous, nous croyons nécessaire de conserver à l'homme sa responsabilité. Ce n'est pas en lui enlevant cette responsabilité de chef de famille qu'on valorisera la femme et qu'on valorisera l'homme aussi et qu'on assurera la stabilité du foyer. Il faut vivre des périodes difficiles, tant de guerres, tant de crises, pour voir comment la femme a besoin de s'appuyer sur un homme vrai et si tant de femmes aujourd'hui crient, demandent l'émancipation, c'est peut-être qu'elles n'ont pas justement connu cet homme vrai, ce vrai chef de famille, cet époux qui sait comprendre, qui sait être présent. Alors, des lacunes de la présence du père doit-il naître des lois qui vont enlever à l'homme sa responsabilité? Je vous pose la question.

M. Colas: D'ailleurs, M. le Président, si vous me le permettez...

M. Bédard: En fait...

M. Colas: ... dans toute société humaine organisée, comme dans la nature elle-même, il y a toujours quelqu'un qui, par sa force de caractère, par sa présence, est capable de prendre la direction. En fait, dans un ménage, vous avez tous vécu le ménage à plus ou moins brève échéance, agréablement ou désagréablement, mais une chose est certaine, c'est que le dialogue permet justement d'éviter de se poser la question: Qui prend les décisions? C'est justement en voulant raffiner au point cette logique qui dit qu'il y a égalité des deux partenaires sur une base telle que, finalement, plus personne n'est capable de prendre des décisions. C'est justement là que l'on établit la destruction de la famille, la destruction du ménage, parce que le ménage va au-delà lorsque, justement, il y a des enfants, parce qu'à ce moment-là, c'est la famille qui est en jeu. C'est pour cette raison qu'on doit être capable de regarder objectivement comment les choses se passent et non pas essayer d'avoir une rationalisation telle que, finalement, on détruit l'objectif que l'on tend à vouloir poursuivre.

C'est dans cet esprit, M. le Président, que je crois qu'il est important que l'on cesse de faire de la sociologie, que l'on cesse de faire une sorte de rationalisation bêbête, pour en arriver véritable-

ment à reconnaître que, dans une famille, chacun doit jouer son rôle efficacement, objectivement, sans que pour autant le législateur veuille l'en empêcher en introduisant toujours le juge au moindre... Et en quoi le juge est-il plus préparé que les deux époux à régler leurs propres problèmes? En quoi le juge est-il vraiment capable de savoir quels sont les éléments psychologiques, sociologiques et autres qui concourent dans un ménage à un succès ou à un échec?

Ce juge n'est pas mieux préparé, ce juge peut avoir eu les mêmes problèmes familiaux, il peut être divorcé, il peut être en concubinage, il peut être séparé, il peut avoir lui-même, dans sa propre vie personnelle, des problèmes qu'il ne pourra pas résoudre nécessairement; s'il n'est pas capable de les résoudre pour lui-même, il n'est pas capable davantage de les résoudre pour les autres. C'est pour cette raison qu'il faut être objectif et se dire que ce n'est pas une panacée de vouloir consacrer au juge la possibilité pour lui de résoudre les problèmes de l'ensemble des familles du Québec.

M. Bédard: Lorsque, malgré toute la bonne volonté dont font preuve l'homme et la femme pour essayer de s'entendre, au bout du compte, ils ne sont pas capables de s'entendre, à ce moment-là...

M. Colas: On constate à ce moment-là un échec, M. le ministre. On constate un échec.

Mme Mathieu: Je pense bien que, dans notre mémoire, ce n'est pas ce qu'on met en cause. On sait que les tribunaux sont obligés d'intervenir dans certains cas. On ne veut pas qu'on multiplie les occasions d'intervention en enlevant à la famille ses possibilités de se donner un chef ou une personne responsable.

M. Bédard: Un tribunal de la famille qui aurait des services spécialisés aux fins d'essayer de concilier des époux, qui pourrait agir même avant que des procédures judiciaires ne soient engagées, ne trouvez-vous que ça peut... Ce tribunal continuerait également après, à essayer de... C'est-à-dire l'équipe d'expertise continuerait à essayer de concilier des points de vue divergents des époux, est-ce que vous ne croyez pas que ça pourrait être un instrument important?

Mme Mathieu: On n'a pas mis en cause le rôle du tribunal. On ne veut pas non plus qu'on le considère comme étant le remède aux problèmes que l'on va multiplier en enlevant cette possibilité à la communauté familiale de se donner un chef. Je ne crois pas que, dans notre mémoire, vous puissiez voir qu'on serait contre un tribunal de la famille.

M. Bédard: Non, non.

Mme Mathieu: Loin de là. Mais nous disons que ce n'est pas le remède à tout, on l'a vu pour les séparations de corps et pour le divorce, que le tribunal n'était pas le remède à tout et que c'était très difficile d'amener les gens à se concilier.

M. Bédard: Vous dites, à la page 8 de votre mémoire, que, seulement dans les cas graves, le tribunal pourrait intervenir, est-ce que vous pourriez expliciter là-dessus le genre de cas où vous pensez que le tribunal devrait...

Mme Mathieu: On va multiplier ces cas. M. Bédard: ... intervenir et comment?

M. Colas: Si vous me permettez, M. le ministre, le grand drame de notre législation contemporaine, c'est d'avoir enlevé aux individus la possibilité de s'aider eux-mêmes, que ce soit dans le domaine social, que ce soit dans le domaine des systèmes d'aide et d'entraide, à tous les niveaux, graduellement, on a retiré aux individus la possibilité de prendre leurs responsabilités d'individus, de citoyens à part entière et la possibilité pour eux d'être capables de régler leurs problèmes.

On est obligé, toujours, dans toutes les législations qui se multiplient dans notre société contemporaine, d'ajouter des béquilles et, encore une fois, la famille ne pourra plus fonctionner parce qu'elle dira toujours: II y a la béquille, on va aller voir le juge ou on va aller voir les services de conciliation, alors, on sera continuellement à se promener devant ce tribunal pour aller chercher encore une nouvelle béquille.

Ce que l'on voudrait, c'est que les législateurs, surtout dans un Code civil, parce que ce n'est pas une législation statutaire ordinaire, puissent énoncer les principes de base d'une politique globale de la famille, qu'on n'essaie pas de faire du droit statutaire dans un Code civil. Que vous fassiez, dans d'autres législations, des lois justement pour apporter des secours ou des remèdes à certaines situations particulières, nous n'avons aucune objection, mais que, dans le Code civil, on puisse avoir des contradictions aussi flagrantes que les suivantes, M. le ministre, d'une part, vous dites que les actes de l'état civil, la naissance, le mariage, le décès...

M. Bédard: Le code...

M. Colas: D'accord, avec beaucoup de respect, je parle toujours de ce texte qu'on étudie présentement. D'autre part, vous dites que le mariage est la base de la création d'une famille, mais, en même temps, vous dites que l'union de fait doit être reconnue et qu'on doit permettre aux époux de fait, on en est arrivé à vouloir tellement éliminer la non-légalité des unions de fait qu'on en arrive à parler des époux de fait, on ne parle même plus des concubins, on en est arrivé à vouloir tellement déculpabiliser cette situation, parce qu'il y a des gens qui vivent en union de fait... Quand même je me ferme les yeux jusqu'à demain matin, il y en a beaucoup, mais je dois vous dire que les

conséquences sont tragiques et c'est pour les enfants. (11 h 15)

M. le Président, vous savez que je suis un PDMJ, une personne désignée par le ministre de la Justice auprès du Tribunal de la jeunesse, en matière... C'est une nouvelle expérience. Mais je dois vous dire que le nombre de gens qui viennent devant ces tribunaux, qui ne sont pas mariés... J'ai eu le cas l'autre jour d'un couple qui avait vécu en concubinage et qui a eu deux enfants. Les deux enfants ont été donnés au père parce que la mère est partie avec un autre concubin. Le père vivait avec une autre concubine. Ce qui est arrivé, c'est que les deux enfants, de six ans et de quatre ans, ont vu l'amant de sa première maîtresse venir assassiner leur père sous leurs yeux. Cela arrive.

Toujours dans la même journée, un autre enfant qui a trouvé son père qui s'est suicidé avec une corde dans la cave de la maison. Cela fait des enfants perturbés, M. le ministre. Ce que l'on doit être capable de faire, c'est non pas encourager les gens à maintenir ces situations anormales qui font que, finalement, ce sont les enfants qui sont les victimes. Les enfants ont besoin d'une union stable, de la présence d'un père et d'une mère, pour être capables de pouvoir grandir en toute sécurité et ainsi éviter qu'ils deviennent de nouveau des citoyens incapables de pouvoir fonctionner dans une société complexe comme la nôtre.

C'est pour cette raison que le législateur, au niveau du Code civil, doit être conscient que ce n'est pas un texte qui va être changé tous les jours. Si vous faites un Code civil qui, demain matin, peut être modifié, à ce moment-là, ce n'est plus un Code civil. Le Code civil, c'est la base sur laquelle repose toute une société organisée. Notre Code civil existe depuis 110 ans. On l'a amendé à certains moments. Mais les principes fondamentaux demeurent. Et c'est pour cette raison que je crois personnellement qu'il est important de ne pas tenter d'adopter, de façon parcellaire, chacune des parties du Code civil. On doit être capable d'avoir une pensée commune, à la fois une philosophie du droit et une pensée commune sur tous les différents chapitres qui se tiennent pour arriver justement à éviter de faire du droit statutaire, ce que l'on reproche aux gens de "common law", pour que, justement, on ait, au contraire, cette puissance que représente le Code civil qui est véritablement la manifestation d'un groupe francophone qui veut se respecter. A l'heure actuelle, au niveau où la dénatalité existe dans notre province, il est important que l'on puisse revaloriser la famille dans toutes ses manifestations. Et ce n'est pas dans ces manifestations, ces discussions, pour savoir qui va porter le nom de qui. Dans ce cas-là, par exemple, je considère que c'est aberrant de vouloir perdre un temps considérable sur la question du nom.

En fait, les recommandations de l'Office de révision du Code civil sur la question du nom sont absolument valables. Encore une fois, si vous permettez une fluctuation dans l'usage du nom, comme le propose le Barreau, par exemple, vous aurez Marguerite Latulippe qui aura comme frère Paul Saint-Jean et vous aurez un troisième frère qui pourra s'appeler encore autrement, avec le résultat pratique que, loin de vouloir sécuriser les enfants par l'utilisation d'un nom commun à tous les enfants issus d'un même ménage, vous aurez encore une fois un autre élément qui apportera une modification sensible et un danger, encore une fois, à l'unité de la famille.

Conservez donc, dans les circonstances, un nom qui soit le nom de tous dans la famille et que tout le monde soit fier de porter ce nom. Autrement, vous donnez le sentiment que, véritablement, vous voulez encore détruire, jusqu'à un certain point, l'unité de la famille, par cette nouvelle manifestation.

M. Bédard: Vous dites que le Code civil doit tenir compte des réalités sociales. L'union de fait, comme vous le mentionnez, en est une.

M. Colas: Non. Je crois que, justement, j'ai souligné qu'on ne devait pas donner à des situations illégales une apparence de légalité, pour simplement justifier des considérations d'ordre social.

M. Bédard: Si vous le permettez, comme c'est une réalité et qu'on constate tous les jours qu'il y a beaucoup de divorces ou de gens qui cessent, pour des raisons personnelles, de vivre ensemble, il y a des unions de fait. Qu'est-ce que vous proposez, face à cette réalité?

M. Colas: C'est bien simple. De la même façon que, tous les jours, dans cette réalité, je vois également dans les journaux, en première page, que les gens volent, que les gens assassinent, que les gens dilapident, etc. A ce moment-là, légalisons le vol, légalisons l'assassinat, légalisons tous ces crimes en disant que, justement, puisque c'est la situation généralisée, il sera absolument inutile de vouloir considérer que ce soit valable. D'ailleurs, à tel point, M. le Président...

M. Bédard: Mais est-ce que vous êtes d'accord avec moi au moins sur un point? Ce n'est pas à cause de la loi qu'il y a des gens qui dilapident, qui commettent des meurtres ou encore les actes criminels que vous avez évoqués. Ce n'est pas la loi qui en est la cause. La loi est là justement pour dire que ce n'est pas accepté dans la société.

Mme Mathieu: Justement, la loi joue — je crois que tout le monde à peu près le reconnaît — un rôle quand même d'entraînement, un rôle d'éducatrice jusqu'à un certain point.

M. Bédard: Oui.

Mme Mathieu: Si on reconnaît, légalement, les unions de fait, on leur donne par le fait même, au point de vue social, un prestige, on encourage les jeunes de plus en plus à vivre de cette façon-là. On rend cette situation normale comme si, juste-

ment pour la question du vol, on acceptait de le considérer comme normal, parce qu'il y en a beaucoup. Comprenez-vous? C'est rendu qu'il y a tellement de voleurs qu'on ne peut pas tous les mettre en prison, et on va accepter le vol. Là, ou on accepte l'union...

M. Bédard: Vous admettez avec moi qu'il y a... M. Colas: Si vous permettez, madame... Mme Mathieu: Oui.

M. Colas: M. le ministre, si vous permettez, deux secondes.

M. Bédard:... une différence entre un vol et le fait de deux personnes qui ne sont plus capables de vivre ensemble.

M. Colas: Non, ce n'est pas cela, je...

M. Bédard: A un moment donné, il faut quand même qu'il y ait certaines lois qui prévoient des mesures à prendre, à ce moment-là.

M. Colas: M. le ministre, la proposition qui est formulée dans le projet que nous avons devant nous est assez paradoxale: c'est qu'alors que vous défendez le mariage avant 18 ans, l'union de fait pourrait exister et être reconnue pour des enfants de seize ans.

M. Bédard: C'est-à-dire, quand vous dites "vous", on s'entend toujours.

M. Colas: Toujours, ah non! vous n'êtes pas pris à partie du tout, bien au contraire, parce que nous connaissons l'objectivité et, en même temps, ces désirs sincères d'entendre la voix de la majorité silencieuse du Québec qui ne peut pas s'exprimer souvent dans notre société, par suite de media d'information qui briment beaucoup l'individu, mais il n'en reste pas moins vrai, M. le ministre, que, dans l'affaire de l'union de fait, dans l'union de fait, c'est assez paradoxal.

Vous avez, d'une part, la possibilité de reconnaître que des enfants de seize ans pourront s'unir de fait, mais que des enfants qui voudront légaliser une situation et se marier devront attendre l'âge de 18 ans. Déjà là, vous avez une anomalie qui est absolument extraordinaire qui fait que justement on valorise encore une fois l'union de fait au détriment du mariage. Comment explique-t-on cela, parce que, d'autre part, vous avez également un principe fondamental, comme je le disais tout à l'heure, d'avoir à la fois uniquement trois éléments dans la vie sociale d'un individu, la naissance, le mariage et le décès? Ce sont les trois actes d'état civil possibles dans un projet que nous étudions actuellement.

Il n'est pas du tout prévu que l'union de fait soit également considérée comme un acte de l'état civil. Il n'est pas du tout prévu que ce soit considéré comme véritablement une situation sta- ble parce qu'on sait très bien que... Si vous lisez les articles qui se rapportent à cette union de fait, vous constaterez que c'est aberrant. Si véritablement une personne se sent lésée à la suite du bris d'une union de fait, elle n'a qu'à s'adresser à l'article 1053 du Code civil qui est le principe fondamental de la responsabilité et, à ce moment-là, elle pourra obtenir les redressements qu'elle voudra de nos tribunaux, mais ce n'est pas en légiférant et en disant que si vous voulez des aliments dans l'union de fait... Il faut vraiment avoir un sens assez curieux de la société. Imaginez-vous la concubine qui dit: II ne me donne plus à manger. A ce moment-là, ils n'ont seulement qu'une chose à faire, c'est de ne plus rester ensemble, parce qu'elle dit: II ne me donne plus à manger.

Mais, seulement, il n'y a personne qui dit que l'individu ne peut pas partir ailleurs et aller voir une autre maîtresse et aller vivre en concubinage avec une autre femme. Cela se passe tous les jours comme cela, M. le ministre. Je peux vous donner des exemples par centaines, celui d'un gars, par exemple, qui dit: Je suis fatigué d'elle et je vais aller en prendre une plus jeune. Cela se passe régulièrement. Ce sont des unions de fait. Qu'est-ce qui les en empêche? Il n'y a rien, parceque la bonne femme a consenti, au départ, d'accepter cette situation comme telle.

Il ne faut quand même pas, à un moment donné, essayer de s'imaginer que, parce que l'individu a une union défait, il aura des responsabilités plus grandes. Regardez, dans le projet en question, il est même dit: Ils pourront même déroger, s'ils le désirent, par une convention à la possibilité de suivre ou non ces règles-là. A ce moment-là, c'est quoi? A quoi valent ces règles-là si on peut y déroger? Ce n'est pas une question d'ordre public, tandis que, dans le mariage, c'est une question d'ordre public. La question de fidélité, secours et assistance, la question des aliments, c'est une question d'ordre public, en d'autres termes.

Encore sur la question de l'alimentation, M. le ministre, on peut bien dire une chose, même à l'heure actuelle, la pension alimentaire qui est accordée par les tribunaux n'est pas perçue dans une proportion de 70% environ. A quoi servent véritablement les tribunaux? Il faut apporter de nouveaux remèdes, mais alors d'ordre procédural, à ce moment-ci, pour voir à ce que l'Etat ne soit pas la victime de cette situation-là, parce qu'à l'heure actuelle l'Etat est victime. Qu'est-ce qu'on fait? On s'arrange pour que le mari ne paie pas la pension alimentaire pour que la femme puisse tomber sur le bien-être social et, à ce moment-là, c'est l'Etat, vous et moi avec nos taxes, qui payons pour les aberrations individuelles des individus en question.

C'est donc qu'il y a lieu de corriger encore là les situations qui sont malheureuses, M. le ministre, et c'est pour cette raison que, dans le projet, il est traité des pensions alimentaires, puisque l'on sait, à la lumière de la sociologie dont vous parliez précédemment, que les pensions alimentaires données par les tribunaux ne sont pas perçues dans une proportion de 70%.

Donc, on se sert des tribunaux pour des fins inutiles et futiles. Il y a donc lieu d'apporter des remèdes sérieux dans ce domaine. Or, il n'y a rien qui soit proposé pour permettre aux gens qui ont eu un jugement leur donnant droit à une pension alimentaire de pouvoir percevoir cette pension alimentaire. Il faut donner aux gens la responsabilité de leurs actes. Il faut leur permettre de prendre en main leurs responsabilités.

Je crois, M. le ministre, que de la façon dont on le fait à l'heure actuelle, on retire aux individus la possibilité d'être responsables. On demande beaucoup de droits, mais personne ne veut avoir de responsabilités dans notre société. A tout droit correspond une responsabilité. Lorsqu'on prend la responsabilité de prendre femme ou d'enfanter, à ce moment, on doit en prendre également les conséquences. Je crois que c'est là, à mon avis, que l'on veut faire oeuvre utile de législateurs conscients, parce qu'à l'heure actuelle, c'est bien beau de vouloir faire un Etat du Québec francophone, mais il ne restera plus de Québécois francophones avant longtemps. Vous n'avez qu'à regarder les statistiques sur la natalité. Vous n'avez qu'à regarder exactement où s'en va le Québec. Le Québec est une des provinces où le taux de natalité est le plus bas, à l'heure actuelle, dans tout le Canada. C'est quand même un facteur important. Est-ce qu'on va avoir des règles aberrantes pour, justement détruire la famille, alors qu'en réalité, la société est en train de se décomposer? Il est à peu près temps qu'on se réveille et qu'on fasse quelque chose dans ce domaine, M. le ministre. Je crois qu'un gouvernement responsable comme le vôtre doit être capable, justement, de trouver les solutions pour une politique familiale globale, encourageant la natalité et permettant ainsi au groupe francophone de se maintenir, autrement il va disparaître, et rapidement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

M. Bédard: Je vous remercie de votre conviction.

M. Ciaccia: Je crois que vous avez très bien expliqué tous les points de vue qui ont été soulevés dans votre mémoire. Vous exprimez vraiment ce qu'on pourrait appeler les valeurs traditionnelles. C'est assez rare, je dois vous dire, qu'on les voit exprimées d'une telle façon. Cela prend un certain courage aujourd'hui, dans le climat actuel pour venir devant une commission parlementaire exprimer des valeurs traditionnelles. Je suis persuadé qu'elles sont plus fortes dans la société qu'on ne le prétend, ou que certains groupes peuvent le prétendre. Je vous en félicite.

Il y a une question qui se pose quant au rôle du législateur. Les lois doivent refléter, d'après certaines approches du rôle du législateur, les moeurs, les valeurs d'une société. Même si je partageais, par exemple, votre point de vue sur les valeurs traditionnelles, est-ce que je n'ai pas une obligation, comme législateur, à répondre aux moeurs que la société, que les autres groupes préconisent? Comment dois-je réagir face à cet aspect du rôle du législateur, face à vos représentations?

Mme Mathieu: Je voudrais seulement faire un petit commentaire. Je ne suis pas une spécialiste en droit. Je m'intéresse quand même aux lois, parce que les familles sont impliquées. Il me semble que le rôle du législateur n'est pas seulement de légiférer en raison des moeurs ou du milieu social. Il doit être aussi guidé par certains principes, parce que si le législateur s'inspire uniquement des modes, des courants de pensée ou des moeurs de certains groupes de la population, à ce moment, il faut s'attendre — on l'a déjà souligné — qu'il y ait continuellement une descente et qu'un peuple en arrive à se détruire lui-même. Je crois que toute autorité a quand même un autre mandat, peut-être si c'est une démocratie, d'écouter le peuple, mais elle a aussi le mandat d'administrer en raison d'un pouvoir délégué, en raison de certains principes qu'elle ne doit pas ignorer. Nous avons la conviction que plusieurs parties de la révision du Code civil ne tiennent pas compte justement de principes absolument nécessaires à la survie de l'homme et de la société.

M. Colas: M. le Président, si vous me permettez de répondre à cette question qui a été en partie répondue par Mme Mathieu, je voudrais simplement souligner ceci: Le législateur souvent tombe dans la facilité de notre société contemporaine qui veut que l'on soit populaire. Les media d'information sont en grande partie responsables de cette situation, parce qu'ils ont toujours l'art de monter en épingle l'exceptionnel. (11 h 30)

Lorsque le législateur légifère comme il l'a fait pour changer l'état civil d'une personne qui se fait couper le kiki pour devenir une madame, ou encore, n'est-ce pas, une madame qui veut être un monsieur, je dois vous dire que c'est vraiment la démonstration évidente que le législateur légifère pour l'exception et non pas pour la règle. Je ne crois pas qu'autour de cette salle il y ait beaucoup de monsieurs qui veulent se faire couper le kiki pour devenir des madames et beaucoup de madames qui veulent avoir des kikis pour être des monsieurs. Le résultat pratique, M. le Président, démontre très bien que le législateur se laisse embarquer, de façon honteuse, à mon avis, parce qu'on sait très bien que, sur le plan médical, un individu qui a subi une opération de cette nature n'a pas, pour autant, changé ses hormones et n'a pas, pour autant, changé de sexe. Psychologiquement, il est peut-être encore davantage malade, mais il n'en reste pas moins vrai que le législateur ne doit pas légiférer pour les gens qui sont malades ou en prison. Le législateur doit légiférer de façon que, justement, il soit possible de refléter la norme de base de la majorité de la population.

Vous dites, mon cher confrère, qu'évidemment, le législateur ne doit pas être inconscient de ce qui se passe dans la société. Le législateur doit être justement ce régulateur qui évite de tomber dans la facilité de la mode actuelle pour justement assurer la continuité de la société telle qu'elle est, telle qu'elle était et telle qu'elle sera. Un homme et une femme sont toujours un homme et une femme, que vous ayez tous les mouvements féministes possibles et imaginables pour vous dire que les hommes ne sont plus bons à rien et que les femmes peuvent être bonnes toutes seules. Je dois vous dire que ça, à mon avis, c'est une aberration de l'esprit, parce que "I don't buy that bag", comme on dit chez nous. Le résultat pratique, évidemment, de la même façon que vous pouvez enseigner la sexualité comme vous voulez, que vous la fassiez de 125 positions différentes, c'est toujours la même chose. Le résultat pratique, c'est que vous pouvez nous raconter tout ce que vous voulez, mais il ne faut quand même pas charrier les gens. C'est pour cette raison que, lorsque le législateur a des groupes de pression minoritaires, mais vocaux, qui veulent lui faire adopter des lois qui vont à rencontre de ce que vous avez dit vous-même, M. le ministre, la pensée de la majorité de la population, à ce moment-là, je me pose des questions sur le rôle véritable du législateur. C'est que le législateur doit être le reflet, en démocratie, de la totalité de la population et non pas simplement des groupes de pression. Il ne doit vraiment pas être uniquement influencé par les groupes de pression minoritaires, criards, absolument aberrants, qui ont des motivations d'ordre politique souvent qui sont sous-jacentes à leurs positions sur des sujets précis et je vais vous donner des exemples.

Le législateur, dans notre société libérale, a commencé par libérer la contraception. De la contraception, il est allé à l'avortement. De l'avortement, nous avons, après ça, diminué l'âge de la majorité à 18 ans. On a donné comme raison qu'en fait, c'est parce que les enfants allaient à la guerre à 18 ans, mais qui envoie les enfants de 18 ans à la guerre? Ce sont les adultes. Ce ne sont pas les enfants qui ont demandé d'aller à la guerre à 18 ans, mais on les a convaincus que, puisqu'on leur demandait d'y aller à 18 ans, on établirait l'âge de la majorité à 18 ans. Dans mon expérience personnelle de père de famille et également de PDMJ et tout ça, je tiens à vous dire que l'enfant, à 18 ans, a encore besoin d'une présence, il a encore besoin de parents. C'est pour cette raison qu'on détruit progressivement la famille, justement en grignotant, en disant: c'est inoffensif. On entrouve la porte, et, une fois qu'on a entrouvert la porte, toute la cohue entre dans la maison. C'est pour cette raison que la société est dans une situation de perdition comme aujourd'hui; c'est pour cette raison que, plus on augmente la permissivité, plus on détruit l'individu, la société et la famille. C'est là, M. le ministre, que je crois qu'il est important que le législateur, comme l'a posé mon confrère avec beaucoup de sagesse et de sérieux, doit être très prudent en s'attaquant à un monument aussi extraordinaire que le Code civil et en ne constatant pas qu'en l'attaquant, il attaque les bases mêmes de notre société. C'est que le Code civil, c'est pour nous, civilistes francophones, une des manifestations des plus extraordinaires du génie français dans sa manifestation de logique, de principes cartésiens, de bons sens du départ, qui permet qu'avec les grands principes on soit capable, grâce à l'interprétation jurispru-dentielle, de pouvoir régler la majorité des problèmes qui viennent devant les tribunaux.

Et avec l'imagination, les juges peuvent arriver, avec des articles comme 1053, qui a été édicté en 1806, M. le ministre... Il est encore aussi valable aujourd'hui qu'il l'était en 1806, qu'il l'était, n'est-ce pas, au temps des Romains. Toute personne capable de discerner le bien du mal est responsable de sa faute, négligence, imprudence et incurie. Avec cela, vous avez pu régler les problèmes de l'homme sur la lune, comme vous avez pu régler les problèmes du temps du cheval et de la voiture. Voilà la beauté du Code civil et, lorsqu'on s'y attaque, il faut être très prudent.

Le Président (M. Dussault): Est-ce que je peux me permettre de demander aux intervenants, s'il vous plaît, de s'adresser au président, comme nos règlements l'exigent?

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Vous soulevez des problèmes fondamentaux de notre société dans votre mémoire; vous ne vous arrêtez pas seulement aux détails des recommandations, mais vous allez vraiment à la base des philosophies qui existent et des idéologies qui font le combat dans notre société, aujourd'hui. Que répondriez-vous — je remarquais, pendant que vous répondiez aux questions du ministre, et vous vous exprimiez d'une façon très éloquente sur les valeurs de base traditionnelles qu'on a vécues dans nos familles et qu'on a connues dans le passé, qu'il y avait beaucoup de monde, des jeunes qui riaient un peu — si quelqu'un vous disait: Ecoutez, il y a un "generation gap" entre vous et ces jeunes?

M. Colas: Oui, c'est très facile; je dois vous dire que les parents de ces jeunes ont abdiqué leurs responsabilités et ces jeunes sont laissés seuls à eux-mêmes; très souvent, ils ont été. obligés de se grouper dans des communes ou de se grouper dans des associations de jeunes pour être capables de chercher et de trouver la chaleur humaine qu'ils n'ont pas eue dans leur famille. Parce que notre génération et nos générations ont été intéressées avant tout au bien-être matériel et à une société de consommation. Pour arriver à obtenir et à atteindre ce bien-être matériel, ce que nous avons tous recherché, les gens se sont appuyés davantage sur la possibilité d'atteindre cet objectif, au lieu de penser aux autres aspects du mariage et de la famille, à tel point que... Vous êtes-vous jamais posé la question: Qu'est-ce que c'est, réussir sa vie, si ce n'est en réalité d'avoir un juste milieu entre son rôle d'époux, entre son rôle

de père, entre son rôle de professionnel, de travailleur, d'ouvrier, entre son rôle d'individu dans la société? Parce que je connais un nombre considérable, et vous aussi, d'hommes qui ont pu réussir leur vie sur le plan professionnel et qui sont une faillite dans leur famille. Parce que, justement, ils n'ont pas su doser adéquatement leur rôle d'homme comme citoyen, comme époux, comme père, comme professionnel. C'est pour cette raison-là que beaucoup de nos gens ont failli à leur tâche. C'est pour cela que ces jeunes, ayant été laissés à eux-mêmes, n'ont eu qu'une sorte d'exemple devant eux: le père qui partait et qui laissait les enfants et qui donnait beaucoup d'argent souvent; ou bien on se déculpabilise quand on est père en donnant de l'argent à l'enfant et en disant: Dé-brouilles-toi. Ce n'est pas cela que l'enfant veut. C'est justement là que je dis: Attention, lorsque vous jouez sur le mot des noms et tout cela. L'enfant a besoin d'être sécurisé et, pour être sécurisé, il doit avoir cette présence, cette chaleur humaine, cette compréhension, cette discipline. Je me rappellerai toujours un enfant de seize ans qui dit à sa mère: Maman tu ne m'aimes plus. Elle dit: Pourquoi je ne t'aime plus? Et il dit: Tu ne me punis plus. La mère avait neuf enfants et elle avait d'autre chose à faire que de toujours punir l'enfant de seize ans. C'est un exemple pour vous démontrer que l'enfant même puni y trouve une sécurisation.

Par conséquent, lorsqu'on veut nous faire croire que l'éducation nouvelle a permis aux enfants de pouvoir se libérer et s'exprimer, l'enfant s'exprimera le jour où il aura quelque chose à dire. Mais, pour s'exprimer, faut-il encore qu'on lui meuble l'esprit. C'est justement cela que notre société n'a pas fait. Le meilleur exemple pour meubler l'esprit, c'est l'exemple qu'il prend au foyer familial. Si vous avez le moindrement d'expérience, vous savez que vous n'avez pas besoin de faire de longs discours à vos enfants, mais le geste porte plus que la parole. Pour moi qui aime beaucoup utiliser le verbe, je dois vous dire que le geste chez moi est peut-être plus éloquent que la parole.

M. Bédard: J'imagine que vous ne rendez pas la loi responsable de toutes ces difficultés, parce que je voudrais quand même vous faire remarquer que la loi actuelle prévoit, depuis 1866, que le père est le chef de famille.

M. Colas: Je suis très heureux, M. le Président, d'entendre le ministre de la Justice affirmer cela. C'est que justement, déjà...

M. Bédard: C'est simplement pour faire ressortir que ce n'est pas la loi qui règle les problèmes...

M. Colas: ... je vais me permettre, si vous le permettez, d'y répondre. Je suis content que vous le souligniez parce que, même avant d'avoir ouvert les valves, cette situation existait. On ne légifère pas toujours dans ce domaine-là comme on le veut. On doit vivre la société, comme je l'ai dit tout à l'heure. Cette société-là, justement, c'est l'abdication du père ou de la mère dans leur rôle respectif de père et de mère dans un ménage. C'est pour cette raison-là, comme l'a dit Mme Mathieu il y a un instant, que le père, souvent, a abdiqué sa responsabilité et c'est la mère qui a dû prendre seule cette charge. C'est absolument anormal que ce soit la mère qui la porte seule. C'est l'abdication des individus. Comme nous l'avons souligné, et je le répète encore une fois, M. le ministre, ce n'est pas en ouvrant les valves davantage que vous allez permettre une meilleure canalisation, vous allez au contraire détruire encore davantage. En d'autres termes, même si, avec la restriction dont vous semblez reconnaître l'existence dans le Code civil de 1866, cela n'a pas porté fruit, cela n'en portera pas davantage en disant: On va aujourd'hui permettre à tout le monde de pouvoir diriger la famille. Pour cette raison-là, nous considérons que, même avec les lois restrictives que nous avons, comme on dit que l'on a... Je ne considère pas qu'elles sont restrictives parce que justement ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est qu'on a dit aussi qu'on avait une société restrictive, M. le ministre. Mais ce sont quand même tous des gens qui sont passés par les écoles des bons frères et des bonnes soeurs et qui, aujourd'hui, peuvent se 'permettre de détruire la société, l'Eglise et tout cela parce que justement ils ont eu suffisamment l'esprit bien formé pour être critiques et être capables de considérer qu'ils voulaient se libérer eux-mêmes et libérer les autres. Qu'ils donnent donc aux gens la possibilité de se meubler l'esprit et après cela ils pourront choisir librement, mais pas en imposant toutes sortes d'idéologies absolument subversives et fausses et en matraquant, comme on tente de le faire.

Mme Mathieu: J'aimerais répondre, si M. le Président me le permet.

Le Président (M. Dussault): Mme Mathieu.

Mme Mathieu: Vous avez dit: J'ai vu des sourires quand on a parlé de valeurs traditionnelles. Moi aussi, vous savez, j'en ai vu souvent des sourires. Je vous avoue que j'ai élevé cinq enfants et des adolescents. J'ai vu des sourires se tourner en pleurs aussi. J'ai donné rendez-vous dans dix et vingt ans à certains. Si nous avions craint les sourires il y a douze ans, nous n'aurions pas choisi comme nom l'Association des parents catholiques du Québec.

Je dois vous dire que les sourires du temps se sont transformés aujourd'hui, dans bien des cas, en adhésions ferventes, en adhésions courageuses quand on a vu qu'il y avait un groupe de parents qui croyaient encore en Dieu, qui croyaient encore en L'Eglise, qui croyaient encore en certaines valeurs, qui, dans leur vie familiale, réussissaient à conserver cet amour du couple, cet amour des enfants et qui s'engageaient, malgré toutes les difficultés, dans le bénévolat pour défendre des droits fondamentaux en y mettant tout leur coeur,

toutes leurs forces. Ce groupe de parents fait école, joue un rôle d'entraîneur actuellement. Les sourires, je vous dirais, diminuent et se transforment. La jeunesse a besoin de s'appuyer sur des groupes qui croient en quelque chose, qui croient en un absolu qui les dépasse, qui croient en des valeurs qui peuvent susciter l'épanouissement de l'être, car, pour nous, les valeurs ne changent pas, elles sont... Si c'étaient des valeurs qui changeaient, ce ne seraient que des modes. Les vraies valeurs ne sont ni traditionnelles ni d'avant-garde; elles sont les valeurs, elles sont éternelles.

M. Ciaccia: Une autre question.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Mont-Royal, en vous rappelant que la commission a convenu, selon ce que m'a dit le président qui m'a précédé, qu'à midi, on mettrait fin au travail sur le mémoire qu'a présenté l'Association des parents catholiques du Québec. Vous avez la parole.

M. Ciaccia: Je veux seulement référer à un autre point qui est très important et que nos invités ont souligné. Vous semblez... dans votre mémoire, il y a deux questions, la question morale, les valeurs traditionnelles ou les vraies valeurs, comme vous les appelez, c'est un aspect du mémoire. L'autre aspect, on peut diviser la question des valeurs morales, c'est le rôle de l'Etat. On pourrait avoir des valeurs complètement différentes et on pourrait avoir le rôle de l'Etat plus ou moins accru ; un, vraiment, je pense, ne va pas nécessairement avec l'autre. (11 h 45)

Dans votre description du rôle de l'Etat, je crois qu'ici, vous allez pas mal à rencontre de certains points de vue, je crois même de l'approche de ce gouvernement qui croit...

M. Bédard: M. le Président, nous parlons à l'heure actuelle de la révision du code.

M. Ciaccia: Oui.

M. Bédard: Sur le rapport de révision du code.

M. Ciaccia: Je parle du rôle du gouvernement. Vous ne devriez pas être sur la défensive autant que ça, je ne vous insulte pas.

M. Bédard: Je ne suis pas sur la défensive. Je voudrais...

M. Ciaccia: C'est un point de vue auquel vous avez droit.

M. Bédard: Je n'ai exprimé aucun point de vue. J'ai...

M. Ciaccia: Moi, j'ai le droit de l'exprimer, mon point de vue.

M. Bédard: Non, mais je m'excuse... M. Ciaccia: ... en posant la question.

M. Bédard: J'ai le droit d'apporter des correctifs devant nos invités que je respecte. Je n'ai posé que des questions pour leur permettre d'exprimer ce qu'ils ressentaient profondément. Je pense que c'est notre rôle à l'heure actuelle.

M. Ciaccia: Pour ne pas toucher la sensibilité du ministre, je vais reprendre la question.

M. Bédard: Soyez donc correct.

M. Ciaccia: Vous voyez un rôle différent pour le gouvernement que celui suggéré par la révision. Est-ce que vous croyez qu'il y a une abdication du rôle de l'individu, d'après ces recommandations? Au nom de la liberté, on veut donner plus de liberté, mais en donnant tout ce rôle à l'Etat, au tribunal, selon l'organisme à qui on veut le donner, est-ce que, vraiment, on ne fait pas l'inverse? On donne moins de liberté, parce que c'est toujours le juge, le magistrat, l'avocat qui va représenter et est-ce que je peux bien interpréter... je peux avoir vos commentaires là-dessus? Est-ce que ce n'est pas une tendance, dans notre société, de vouloir donner... le gouvernement, l'Etat va tout faire pour nous?

M. Colas: C'est intéressant de constater, M. le Président, que le député Ciaccia a bien saisi la pensée qui était sousjacente à nos revendications, à nos récriminations, vis-à-vis du texte soumis. Justement, on ne fait plus confiance à l'individu. En voulant créer des libertés on élimine des libertés ou la possibilité pour l'individu de pouvoir se réaliser lui-même et c'est ce que j'ai appelé tout à l'heure, M. le Président, des béquilles qu'on lui accorde continuellement et sans lesquelles il ne peut plus fonctionner, parce que nous avons à tel point fait intervenir l'Etat dans toutes les activités humaines depuis la conception, la naissance jusqu'à la mort que, véritablement, aujourd'hui, l'individu n'est plus libre. Lorsqu'on dit qu'on est obligé de créer des libertés, en fait, ce qu'on fait, c'est détruire la liberté.

Je vais vous donner le meilleur exemple de cela. Si l'on disait: Dans une société bien organisée, tous les hommes sont libres, mais ils ne doivent pas traverser la lumière rouge, ils ne doivent pas faire ceci, ils ne doivent pas faire cela, ils ne doivent pas voler, ils ne doivent pas prendre en vain le bien d'autrui, à ce moment-là, on n'aurait pas à définir des libertés ou des droits, parce que tout ce qui ne serait pas défendu serait liberté et droit.

Mais, aujourd'hui, on est tellement obligé de dire quels sont les droits que ceux qui ne sont pas définis sont interdits. C'est une situation paradoxale, M. le Président, mais qui fait que, justement, la législation va à l'encontre même de l'individu et de la liberté.

Je suis très content de constater qu'un législateur, parmi vous, a soulevé cette question. Cela nous permet justement de pouvoir expliciter notre pensée et de pouvoir faire constater au législateur le danger qu'il y a de vouloir continuellement créer des béquilles. C'est pour cette raison qu'on doit éviter cela et c'est ce que nous voulons.

M. Ciaccia: Je vous remercie.

Le Président (M. Dussault): Merci, monsieur. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je vous remercie, au nom du parti que je représente, l'Union Nationale, des commentaires que vous formulez sur l'Office de révision du Code civil. Je pense que c'est important, votre façon d'aborder le problème. Vous voulez toucher véritablement au fond de la question, et nous voyons qu'il y a, dans votre intervention, différentes idéologies qui s'affrontent sur ce problème.

Bien que je vous suive sur beaucoup des points de votre argumentation, il y a quand même certaines choses sur lesquelles je me pose des questions. Vous dites que le législateur ne doit pas légiférer pour la minorité. Je fais référence à l'autorité paternelle, ou l'autorité du chef de famille auquel vous faites allusion dans votre mémoire. Ne croyez-vous pas qu'aujourd'hui, dans notre société québécoise, la majorité des foyers normaux respectent à peu près ce que l'Office de révision du Code civil propose, c'est-à-dire: "Les époux ont, en mariage, les mêmes droits et les mêmes obligations et se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance et sont tenus de faire vie commune." "42. Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille et l'éducation de leurs enfants communs."

Ne croyez-vous pas que, dans notre société québécoise actuelle, si on veut légiférer pour la majorité, il faudrait respecter ces choses-là et peut-être essayer de modifier la formulation actuelle du Code civil, à savoir que c'est le chef de famille qui est l'autorité?

M. Colas: Si vous le permettez, M. le Président, je pense bien que la question m'est adressée autant qu'à Mme Mathieu il faut bien reconnaître que, dans un ménage qui fonctionne bien, je ne me suis jamais posé la question de savoir qui exerçait l'autorité ou non. On ne se pose pas ces questions. On vit ces expériences. Par conséquent, ce n'est pas le législateur qui vient chez nous nous le dire. C'est naturel, cette position.

Par contre, lorsque Mme Mathieu disait, il y a quelques instants, qu'en fait, les époux ont des droits égaux et des obligations égales, je suis entièrement d'accord, et nous sommes entièrement d'accord avec cela.

Cela ne doit pas être une excuse pour créer un conflit dans la famille pour savoir qui exercera ce pouvoir si, en réalité, la loi dit: C'est le père de famille qui exercera le pouvoir, l'autorité paternel- le dans le ménage. Je crois que cela a été dit depuis 1866, comme a dit le ministre tout à l'heure, mais, dans la réalité des faits, cela n'a pas été cela, dans bien des cas. Pour autant, le code a continué à exister et les couples ont continué à exister.

Ce n'est pas justement en disant que c'est ceci ou que c'est cela que cela corrigera un mal. Le mal, c'est de vouloir grignoter progressivement l'institution de la famille en lui ôtant les balises qui sont essentielles pour assurer son bon fonctionnement, de la façon que la nature a créé l'homme et la femme et les enfants qui viennent par la suite. Parce que l'élément psychologique du mariage, c'est un élément important sur lequel on ne peut pas légiférer; mais l'élément psychologique, c'est qu'il faut sécuriser les êtres qui font partie du ménage. Cette sécurisation-là se fera s'il y a une certaine structure, s'il y a certains éléments de base qui sont reconnus comme étant valables et, comme a dit Mme Mathieu dans son mémoire, avec raison, la loi doit servir de code, si vous voulez, de modèle, d'exemple, d'élément pondérateur pour justement éviter d'avoir à consacrer des situations extrêmes.

Ce n'est pas parce que l'on dit que le mari et la femme peuvent avoir des droits égaux que, nécessairement, dans... Je vais vous donner un exemple. Dans une corporation commerciale, tous les actionnaires ont des droits égaux. Il n'en reste pas moins vrai qu'il y a un président, qu'il y a peut-être des vice-présidents, qu'il y a un secrétaire et qu'il y a un trésorier. En d'autres termes, il y a une structuration. Dans l'armée, il y a un général, il y a des colonels, il y a des majors, il y a des soldats. De la même façon, toute société humaine doit être structurée et organisée de façon qu'il y ait un chef. Au gouvernement, il y a un premier ministre. Il n'y a pas simplement des ministres, il y a un premier ministre, il y en a un qui est le chef, qui commande, qui commande aux autres. Ils vont tous avoir des droits égaux dans le cabinet lorsqu'il s'agira de prendre un vote, mais le premier ministre est quand même le premier ministre.

Donc, ce que je veux souligner, c'est que, dans toute société humaine... Chez les animaux, c'est la même chose. Dans les groupes d'éléphants, il y a le gros éléphant qui précède les autres éléphants et qu'on respecte comme étant le chef des éléphants. C'est peut-être aberrant, mais, quand même, les gens finissent par oublier des choses élémentaires. On veut tellement rationaliser et tellement sortir de l'ordinaire qu'on en arrive à être "bebête". Je m'excuse, M. le Président, mais c'est cela qu'on arrive à faire. C'est pour cette raison-là qu'il faut quand même retourner à une certaine rationalité, à un certain "logisme", à une certaine logique.

C'est pour cette raison qu'en ce qui concerne les enfants nous serons reconnaissants si on leur donne la possibilité de pouvoir s'épanouir dans un cadre véritablement organisé, et non pas dans la confusion dans laquelle on essaie de placer la famille en proposant des solutions comme celles

qui sont proposées dans certains cas. Il y a des solutions qui sont valables.

M. le ministre, lorsqu'on a parlé qu'on n'avait pas eu le temps, c'est qu'on n'a pas pu prendre, comme le Barreau a fait, article par article, et vous dire ce qu'on n'aimait pas, les points, les virgules et tout cela, parce qu'on pourrait le faire, vous savez. Cela fait vingt ans que je suis à l'uniformisation des lois au Canada. J'en ai fait des textes de loi, je dois vous dire, mais ce n'est pas notre objectif. Notre objectif, c'est d'essayer de faire réfléchir le législateur qu'avant de toucher au Code civil, attention, soyez prudent.

Ce n'est pas une aventure qui va être temporaire. Vous engagez l'avenir. Lorsqu'on engage l'avenir, on doit penser qu'après avoir eu plus de cent ans de base juridique valable avec un Code civil, on ne va pas tout chambarder simplement pour faire plaisir à une certaine coterie minoritaire qui, elle, veut avoir ce qu'elle appelle des droits. C'est pour cette raison que nous avons été prudents. Je ne sais pas si M. le député est satisfait de la réponse que je lui ai donnée. Je pourrai amplifier davantage si vous le croyez justifié.

M. Fontaine: J'aurais bien d'autres questions additionnelles, comme on dit à l'Assemblée nationale, à poser là-dessus, mais je m'en tiendrai là pour l'instant, étant donné qu'on termine à midi et qu'il me reste deux ou trois minutes. J'ai une autre question qu'il est quand même important de vous poser. Le ministre a essayé d'avoir une réponse de votre part là-dessus, mais je pense que vous avez habilement évité d'y répondre spécifiquement.

M. Colas: Ce n'est pas volontaire, croyez-moi, parce que quand on me pose des questions, d'habitude, je donne les réponses.

M. Fontaine: II y a bien des ministres qui répondent, mais ils ne répondent pas toujours à la question.

M. Bédard: Ce n'est pas un député de l'Opposition qui patine.

M. Fontaine: C'est concernant l'union de fait. Cela existe. Il faut s'ouvrir les yeux et la regarder telle quelle.

M. Colas: J'ai écrit deux livres sur le divorce, entre parenthèses.

M. Fontaine: Est-ce que vous voulez me laisser poser ma question, s'il vous plaît?

M. Colas: Je peux vous dire que je connais le divorce, la séparation, l'union de fait et tout cela. Alors, allons-y!

M. Fontaine: L'union de fait existe au Québec. Je pense que si on veut, dans ce sens, protéger, entre autres, les droits des enfants qui naissent de ces unions... Est-ce que vous avez, votre groupe, essayé de trouver des solutions juridiques qui permettraient à ces enfants ou aux parents auxquels ces enfants sont confiés, essayé d'obtenir des compensations juridiques pour...

M. Colas: C'est très facile, à l'heure actuelle. Vous n'avez simplement qu'à venir me voir si vous vivez en concubinage et que vous avez des problèmes. Je prendrai une requête pour pension alimentaire, je demanderai à la personne qui est le géniteur des enfants en question de payer une pension alimentaire, et le juge devra évaluer la requête en fonction, premièrement, des possibilités de paiement de celui qui est appelé à payer et des besoins financiers de celle qui demande la pension alimentaire. Cela existe déjà. Pourquoi, à ce moment-là, se creuser le cerveau?

M. Fontaine: Oui, mais ce n'est pas reconnu dans le Code civil.

M. Colas: Je m'excuse...

M. Fontaine: C'est tout simplement de la jurisprudence.

M. Colas: Non, je m'excuse, c'est dans le Code de procédure civile. Il y a un amendement qui a été apporté il y a quelques années. Toute personne qui veut des aliments a simplement à se présenter et les enfants auront des aliments du géniteur qui a la possibilité de payer. Monsieur, demain matin, n'importe quand, je vous donnerai ma carte et vous viendrez me voir et je vous obtiendrai une pension alimentaire. Il n'y a pas de problème. Non, c'est pour cette raison, on fait croire des choses qui ne sont pas... Cela existe déjà, M. le Président. Par conséquent, il ne faut pas chercher midi à 14 heures quand, en réalité, je tiens à vous dire et je réitère que tout enfant naturel qui connaît l'existence de son père et de sa mère, peut, aujourd'hui, en 1979, comme il pouvait depuis déjà plusieurs années, se présenter devant n'importe quel tribunal et dire: Celui-ci est mon père. Il a de l'argent, qu'il me paie des aliments, parce que j'ai besoin de manger, et on les lui donnera, les tribunaux... Il y a des jugements — je pourrais vous en donner par centaines — qui, tous les jours, reconnaissent la possibilité aux enfants naturels d'obtenir une pension alimentaire.

M. Fontaine: Mais, M. le Président, il faut, à tout le moins, que l'enfant soit capable de faire reconnaître la personne comme étant son père et, deuxièmement, ma question portait également sur la mère ou le parent qui a la garde de ces enfants.

Mme Mathieu: Cela existe.

M. Colas: Cela existe déjà, monsieur...

M. Fontaine: Cela n'existe pas dans le Code civil.

M. Colas: Bien, monsieur! Je m'excuse, vous comprenez que même si vous me dites que ça n'existe pas dans le Code civil, je vous dis, moi, avec toute déférence et tout respect, M. le Président, que non seulement c'est possible, mais, si vous voulez, demain matin, en avoir la preuve, on fera le test et on aura un jugement pour vous. (12 heures)

M. Bédard: M. le Président, simplement, en terminant, je pourrais peut-être ajouter quelque chose. Sous réserve de tout ce que vous avez exprimé afin de prévenir le législateur des dangers éventuels concernant la révision du Code civil, également sous réserve des appels à la prudence que vous avez faits au législateur, je pense bien qu'on peut quand même faire ressortir de votre intervention le fait que vous êtes d'accord, je dis bien en respectant les réserves que vous avez faites, sur les deux premiers articles de l'Office de révision du Code civil qui contiennent les principes à savoir que les époux ont, en mariage, les mêmes droits et les mêmes obligations. Ils se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance, ils sont tenus de faire vie commune et les époux, article 42, assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille et de l'éducation de leurs enfants communs.

M. Colas: Vous nous mettez dans la bouche des paroles...

M. Bédard: Non, non.

Mme Mathieu: Non, le deuxième point, on le remet en question.

M. Bédard: Sur le deuxième point, je note les réserves que vous avez exprimées et je puis vous dire que c'est avec plaisir que l'ensemble des membres de cette commission parlementaire ont entendu vos représentations. Je tiens encore une fois à vous remercier et à vous assurer que le législateur sera très prudent avant de légiférer définitivement. Je vous remercie.

Mme Mathieu: Pouvez-vous m'accorder juste un instant?

Le Président (M. Dussault): Très brièvement, s'il vous plaît.

Mme Mathieu: Oui, très brièvement. En terminant, c'est qu'aujourd'hui nous avions deux représentantes des cercles de fermières qui sont ici présentes et qui ont étudié à l'exécutif notre mémoire, mais qui n'ont pas encore pris position, mais qui nous disent qu'il n'y aura pas de difficulté, qu'elles vont certainement nous appuyer parce qu'elles ont étudié le document Egalité-Indépendance, qu'elles ont retrouvé à peu près les mêmes sujets et qu'elles partagent nos options concernant les trois points majeurs que nous avons traités.

M. Bédard: On aura l'occasion de les entendre.

Mme Mathieu: Oui, mais j'aimerais le signaler, parce que...

M. Colas: J'ai un seul mot à ajouter, j'avais préparé des notes pour dire... mais dans ces notes il y avait entre autres la possibilité pour le législateur en étudiant toute cette question de la famille de refaire le chapitre portant sur les régimes matrimoniaux. Nous considérons comme aberrant la société d'acquêts comme régime légal au Québec et nous croyons qu'il est important, comme la majorité des corps constitués l'avaient fait antérieurement, de demander de ne pas adopter la société d'acquêts comme régime légal au Québec, mais, bien au contraire, de voir à éliminer la liberté absolue de tester pour justement corriger l'injustice dont les femmes sont victimes par suite de cette possibilité pour le mari de tout laisser à sa concubine et de ne rien laisser à sa femme et à ses enfants légitimes.

Il est important que, dans ce domaine, tout se fasse dans un tout complet et que l'on revoie en profondeur cet aspect particulier, parce que les législateurs se sont fait passer — excusez-moi l'expression, M. le Président — un Québec, le jour où ils ont adopté la société d'acquêts comme régime légal. C'est une situation qui, sur le plan des réalités pratiques, ne fonctionne pas. D'ailleurs, le Barreau lui-même a été obligé de le dire dans son mémoire, c'est impossible, lorsqu'il y a une séparation ou un divorce ou encore un décès, de retrouver où sont les biens de chacun là-dedans.

M. Bédard: Les membres de la commission parlementaire prennent bonne note de vos dernières remarques et, encore une fois, je vous remercie.

M. Colas: Je pourrais peut-être soumettre les notes que j'avais préparées.

Le Président (M. Dussault): Le président remercie l'Association des parents catholiques du Québec de son témoignage et j'appelle le groupe suivant.

M. Bédard: Non, il est midi.

Le Président (M. Dussault): On m'avait dit que cela se terminait à midi trente, mais que ce mémoire se terminait à midi.

M. Bédard: Non, non.

Le Président (M. Dussault): Si c'est la convention de la commission, je m'y plie volontiers, M. le ministre.

Alors, j'ajourne les travaux de cette commission sine die.

Comme c'est un ordre de la Chambre qui devrait nous ramener en commission, ce qui est fort probable, de toute façon, vers 15 h 15,15 h 30, je ne peux quand même pas vous dire de façon certaine que cela aura lieu, mais il y a tout lieu de croire qu'à 15 h 15, 15 h 30, nous serons de nouveau en commission.

Fin de la séance à 12 h 5

Reprise de la séance à 16 h 6

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, s'il vous plaît! La commission de la justice est réunie pour étudier des mémoires.

Les membres de cette commission sont: M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis) remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Charbonneau (Verchères), M. Clair (Drummond), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Vaillancourt (Jonquière).

Nous en étions au moment de l'ajournement ce midi, au deuxième mémoire qui est celui du Comité "La femme et son nom" du YWCA, présenté par Mme Chantai Leduc. Présentez aussi les membres qui sont avec vous, s'il vous plaît.

Comité "La femme et son nom" du YWCA de Montréal

Mme Leduc (Chantai): M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs de la commission, mesdames et messieurs, je suis Chantai Leduc, coordonnatrice au YWCA de Montréal. Cet organisme est un organisme international qui offre des services et des cours aux femmes. La maison à Montréal, entre autres, s'occupe d'action féministe. Le comité "La femme et son nom" est un des comités d'action féministe. Ce comité existe depuis 1974 et, donc, informe les femmes mariées ou sur le point de l'être du droit qu'elles ont de garder et d'utiliser leur nom de naissance. En plus, ce comité a compilé les plaintes des mères et parfois même des couples qui ont voulu transmettre le nom de la mère ou du couple. C'est donc dire que j'aimerais également présenter une partie des membres du comité: à ma droite, Ghislaine Beau-champ, Denise Sirois, Laurence Gamache et, à ma gauche, Jennifer Harper. Le mémoire, j'espère que tout le monde l'a vu et lu patiemment. Je dois ajouter qu'il a été approuvé et appuyé par la Fédération des femmes du Québec, également par un groupe qui était là ce matin et qui s'appelle les Familles monoparentales de Verdun.

Maintenant, j'aimerais aussi dire que Mme Gamache fera la présentation d'un résumé du mémoire. Elle est membre du comité depuis trois ans. Sa formation de sociologue et d'analyste de gestion a été un atout précieux dans l'élaboration de ce mémoire. Alors, je passe maintenant la parole à Mme Gamache.

Mme Gamache (Laurence): En réponse aux articles 32 à 45 du volume I, livre premier, section de l'attribution du nom du rapport préparé par l'Office de révision du Code civil du Québec et aux commentaires correspondants, le comité "La femme et son nom" du YWCA de Montréal soumet le présent mémoire.

Le comité veut faire ressortir l'aspect discriminatoire de l'article 33 du rapport de l'ORCCQ et des autres articles qui en découlent. Les membres du comité préconisent que le choix du nom de l'enfant soit laissé aux parents. Il semble que l'ORCCQ n'ait pas tenu compte du nombre croissant de femmes qui désirent transmettre leur nom et n'ait pas fait ressortir les avantages du libre choix. La diversité qu'entraînerait le libre choix proposé dans le présent mémoire permet d'éviter, par l'identité, une distinction entre les enfants naturels, adultérins et légitimes.

Prenez maintenant le mémoire à la page 15, où on lira le mémoire proprement dit d'une façon plus officielle.

Attendu que les femmes manifestent avec un intérêt croissant la nécessité de sauvegarder leur identité,

Attendu que certaines universités et certains CEGEP n'émettent des diplômes aux femmes qu'à leur seul nom de naissance afin de simplifier leur administration,

Attendu que le registre de la population ne prend en considération que le nom de naissance,

Attendu que de plus en plus d'organismes accordent à la femme mariée la liberté d'exercer le droit d'utiliser son nom de naissance,

Attendu que plusieurs lois ou projets de lois concernant l'identité étudiés dans d'autres provinces et d'autres pays confirment l'importance de remettre en question la valeur de la descendance exclusivement masculine,

Attendu que seule la femme bénéficie généralement de moyens lui permettant de prouver son lien biologique en l'absence de preuves scientifiques irréfutables,

Attendu que certaines municipalités refusent de permettre à la mère de transmettre son nom à son enfant, procédant ainsi d'une façon discriminatoire pour les femmes,

Attendu que plusieurs femmes ont manifesté le désir de transmettre leur nom de naissance à leurs enfants, certaines ayant réussi alors que la majorité ont échoué, et, de plus,

Considérant que l'article 56a du Code civil dit que le nom légal d'une personne est son nom de naissance,

Considérant que l'Office de révision du Code civil du Québec recommande que "les époux conservent, en mariage, leur nom patronymique ainsi que leurs prénoms respectifs",

Considérant que l'Office de révision du Code civil du Québec recommande au gouvernement que "l'enfant porte le nom patronymique de son père", constituant ainsi un accroc au principe d'égalité des époux en privant la mère du droit de donner son nom à ses enfants,

Considérant que l'article 244 du Code civil stipule que "les pères et mères exercent ensemble l'autorité parentale",

Considérant que l'article 54 du Code civil laisse entière liberté de choix quant au nom de l'enfant, le comité "La femme et son nom" du YWCA de Montréal propose:

Que l'article 54 du Code civil soit maintenu;

Que la signature de la mère soit obligatoire lors de l'enregistrement d'un enfant;

Que les parents aient le choix de transmettre à leurs enfants le nom de la mère ou le nom du père, ou le nom de la mère et du père, ou le nom du père et de la mère.

En réponse aux articles de l'ORCCQ et aux commentaires faits dans son rapport, à la page 3 de notre rapport, on a l'article 32 de l'Office de révision du Code civil qui dit que: "Toute personne humaine a un nom composé d'un nom patronymique et d'au moins deux prénoms qui lui sont attribués dans l'acte de naissance."

Pour un comité, le terme "patronymique" est un terme qui n'est pas juste parce que le mot "patronymique", dans le dictionnaire, vient du mot "pater" et signifie une descendance par le père. Donc, le comité demande de changer le terme "patronymique" pour "nom de naissance". Pour les commentaires apportés à cet article concernant le double nom et les difficultés que cela posait face à l'identification, on disait qu'il fallait deux prénoms et un nom parce que cela faisait une meilleure identification des gens et que le prénom et le nom ne seraient pas suffisants. On se dit: Puisque cela prend deux prénoms, on pourrait avoir deux noms et un prénom et ce serait la même chose.

L'article suggéré par le comité est donc le suivant, dans sa formulation: "Toute personne humaine a un nom composé d'au moins un prénom et de deux noms ou d'au moins deux prénoms et d'un nom qui lui sont attribués dans l'acte de naissance."

Pour l'article 33 qui se trouve aussi à la page 3, on lit, pour l'ORCCQ: "L'enfant porte le nom patronymique de son père. Toutefois, lorsque seule la filiation maternelle est établie, il porte le nom de sa mère." L'ORCCQ, en proposant un tel article, veut codifier un usage qui est un accroc au principe de l'égalité des conjoints. Les coutumes changent et la fonction de la loi n'est pas de codifier les coutumes.

Si on prend les commentaires qui ont été faits par l'ORCCQ quant au choix, si on prend la proposition 1 sur laquelle on a réfléchi, qui dit: "L'enfant porte un nom composé des noms de ses père et mère", on voyait des difficultés quant à cela. On se dit que, quant aux générations suivantes, les parents pourraient choisir un ou deux noms à partir d'un maximum de quatre noms dans le cas où les deux parents auraient des noms composés. On fait un choix. La mère choisit un de ses noms, le père choisit un de ses noms.

En plus, dans la proposition 1, je crois qu'on avait oublié un élément. Il devrait être possible d'inverser père-mère et mère-père dans les noms. Quant à la proposition 2 sur laquelle on réfléchissait aussi, c'est que les parents choisissent lequel de leurs deux noms l'enfant portera. (16 h 15)

Le comité répond à cette réflexion que les parents pourraient d'une part choisir un nom de naissance au premier enfant, pour les plus conservateurs, mais si, par contre... La société va évoluer. On peut avoir un esprit plus large. On pourrait, d'autre part, choisir un nom de naissance pour chacun de leurs enfants.

Dans un premier temps, on pourrait s'en aller avec un nom obligatoire pour tous les enfants, mais, par la suite, en évoluant, ce serait encore possible de modifier. Cette dernière suggestion a l'avantage d'éliminer le nom de famille discriminatoire pour l'enfant dit naturel. Parce qu'en fait on ne croit pas tout de même que ce soit le nom qui fasse l'unité de la famille, ce sont les choses invisibles comme les sentiments d'affection, le sens des responsabilités, qui créent l'unité familiale et non le nom.

En plus, cette histoire de double nom, ce n'est pas encore la fin du monde, parce qu'il y a d'autres pays — on n'a pas innové là-dedans et on n'innovera pas — il y a même ici deux provinces canadiennes qui permettent le choix du double nom.

Dans la proposition 3, l'enfant porte dans tous les cas le nom de sa mère. Même si, au premier abord, en tant que femme, on serait portée à cela en se disant: Enfin, on va avoir notre choix, on trouve que cette solution est discriminatoire, et si nous nous plaignons de discrimination, on ne veut pas non plus que cela retourne sur nos conjoints ou les pères des enfants. Cela va à l'encontre du principe d'égalité des époux pour lesquels on se bat et on veut qu'il soit respecté.

Donc, le comité voit l'article 33 de cette façon: Que l'enfant porte le ou l'un des noms de sa mère ou de son père ou à la fois le ou l'un des noms de sa mère et de son père ou vice versa, toujours en donnant, selon ce qu'on a expliqué tout à l'heure, un maximum de deux noms et un prénom.

Pour ce qui est de l'article 35, à la page 6, qui parle du désaveu de paternité, le comité propose une formulation moins sexiste dans ce sens qu'on pourrait dire que le désavoeu ou la contestation de filiation accueilli en justice fait perdre à l'enfant le nom de naissance du parent présumé. A compter du jugement, l'enfant porte le nom de naissance du parent qui le reconnaît. Là, on pourrait supposer que la mère aussi puisse contester une maternité.

Ensuite, à la page 9, vous avez les articles 39 à 44, sur les changements de noms résultant d'un changement d'état. En cas d'adoption, naturellement, pour avoir une logique de pensée, on veut que la mère adoptive puisse aussi transmettre son nom à ses enfants et, en plus, on fait remarquer que l'enfant lui-même devrait avoir le droit... On devrait se préoccuper qu'il garde son prénom, parce que cela peut traumatiser les enfants de changer de prénom lorsqu'ils sont un peu plus âgés. Il faudrait que le juge en tienne compte.

A l'article 45, de la page 12, on dit: "Les époux conservent en mariage leur nom patronymique", on revient à ce que j'ai dit tout à l'heure, que le terme "patronymique", on voudrait le voir bannir du texte, en ce sens qu'on voudrait employer le nom de naissance.

M. le Président, le comité "La femme et son nom " souhaite que les élus du peuple portent une attention soutenue à ce mémoire afin de ne pas codifier les coutumes discriminatoires, mais plutôt de réviser la question de l'identité, avec un esprit ouvert et un souci d'équité.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. M. Bédard: Je voudrais remercier... Mme Gamache: II n'a pas écouté la fin.

Le Président (M. Jolivet): Vous n'avez pas terminé?

Mme Leduc: C'est parce que monsieur n'écoutait pas ce que madame a dit à la fin.

M. Bédard: Je voudrais vous remercier toutes et chacune pour le mémoire que vous venez de nous présenter qui, en fait, est un abrégé. Naturellement, vous avez mentionné que nous avions dû avoir la patience de lire ce mémoire, je dois vous dire que cela n'a pas été une question de patience, mais qu'au contraire, c'est avec intérêt que nous l'avons lu, surtout que vous y allez assez en profondeur afin de soutenir votre solution.

Maintenant, quand vous proposez le libre choix, ce qui existe à l'heure actuelle dans le code, vous le faites au nom de l'égalité. On voit quelle situation cela a donné, la loi telle que rédigée, avec le libre choix qui y est contenu. Est-ce que vous pourriez expliciter votre pensée sur la solution qui a été mise de l'avant par le Conseil du statut de la femme, à savoir que les deux noms, les noms des deux époux, soient inclus? Pourriez-vous nous expliquer ou nous dire quelle est votre impression concernant les difficultés de cette solution proposée?

Mme Gamache: La solution des deux époux semble, au premier abord, la solution à privilégier, parce qu'en fait, ça permet tout de suite de donner égal à égal. Si on comprend que ça fait des millénaires que les femmes pratiquent pour voir quel nom irait mieux avec quel garçon par rapport à tel autre, alors, notre nom, on n'a pas appris à l'aimer encore. On n'a pas appris à lui donner une valeur. On ne peut pas avoir le goût de le transmettre. Mais on peut quand même s'informer là-dessus et, en plus, pour ce qui est de l'enfant, le problème que ça pose, le double nom crée certains problèmes au niveau de l'enfant naturel. Cela peut créer des injustices. Cela va prendre un code spécial pour dire que l'enfant va porter le nom de son grand-père avec le nom de sa mère, parce que, si on le laisse en porter un seul, cela va tout de suite paraître que c'est un enfant illégitime. Cela va être discriminatoire.

Si on laisse le choix des noms, vous allez avoir des gens avec un nom, des gens avec deux noms. C'est sûr qu'au début, les femmes vont peut-être être portées à donner le nom du père, peut-être. Mais il s'agit de les informer, de leur apprendre à aimer leur nom et, graduellement, elles le transmettront. Et je crois que les couples qui vivent ensemble, vraiment, vont avoir le goût de donner les deux noms.

M. Bédard: Et vous ne voyez pas trop d'obstacles à ce que votre formule puisse permettre, en fin de compte, que, dans une même famille, il y ait des noms différents?

Mme Gamache: Je pense qu'il faut d'abord s'attarder au principe du respect des droits des deux époux, au principe de l'égalité. Ce n'est pas le fait de porter un nom qui est important. C'est la continuité du nom. Le fait que vous ayez toute votre vie le même nom.

Je suis sûre que, parmi vous, parmi les gens de la salle également, il y a des gens qui ne sont pas les aînés de la famille... Ou si vous avez un aîné de famille chez vous qui était plus ou moins déplaisant à l'école, si vous, vous arriviez en deuxième, la réputation est faite et on vous a presque catalogué, parce que vous êtes un petit "si". Toute la famille est cataloguée.

Tandis que, si vous aviez des noms différents, cela pourrait prendre un certain temps avant de vous cataloguer. Vous pourriez peut-être réussir à être quelqu'un.

Il faut sortir d'un principe où on dit que la famille est la seule unité, l'unité de base. Mais ce n'est pas cela, l'unité de base. Ce sont des individus, regroupés. Et c'est cela qu'il ne faut pas perdre, chaque être qui existe dans les groupes.

M. Bédard: Ce matin, nous avons eu l'occasion d'entendre un groupe. Vous étiez présentes, je crois. Ce groupe a fait certaines remarques concernant la famille comme cellule de base. Vous dites que c'est un groupement de personnes, à un moment spécifique. Est-ce que vous auriez quelques remarques à faire concernant cette autre manière de voir les choses, qui a été exprimée ce matin par M. Colas, entre autres, de même que par Mme Mathieu?

Mme Leduc: Si vous le permettez, M. le Président, M. le ministre, je vais répondre à la question. En effet, M. Colas a laissé entendre que les féministes avaient tendance à vouloir détruire la famille. Or, loin de là est l'organisme féministe que nous représentons ici; au contraire, nous voulons respecter les personnes et respecter chaque membre de la famille et rétablir, jusqu'à un certain point, un équilibre qui a été rompu par la trop grande importance qui a été accordée à l'homme dans la famille, malgré que vous soyez ici, majoritairement, je pense bien, des messieurs. Je ne veux insulter personne, mais, en fait, l'idée du féminisme est de rétablir un équilibre et, en fait, la sécurité de la famille sera de nouveau rétablie, quand chacun, chaque personne sera respectée. Là, on parlera d'autonomie et d'association, mais il faut d'abord que chacun ait des droits et des libertés, des obligations aussi. Après cela, on parlera d'unité familiale. C'est dans cet esprit-là que, tout simplement, j'aimerais rétablir les faits, parce qu'il y a effectivement des gens qui ont beaucoup de préjugés sur les féministes, mais, en fait, dans le comité, du moins, sur cinq personnes, il y en a...

M. Bédard: Je comprends que, personnellement, vous êtes mère de famille.

Mme Leduc: Pardon? Oui, c'est cela que je veux ajouter, qu'au moins, parmi nous, sur cinq personnes ici présentes du comité, il y en a trois qui sont mariées et avec des enfants. On pourrait très bien vivre une vie familiale heureuse tout en étant féministes. Evidemment, tout le monde n'était pas là, ce matin, mais certains d'entre vous y étaient. Vous voyez à quoi je fais allusion. C'est tout.

M. Bédard: Encore une fois, je vous remercie de votre mémoire, je sais que les autres membres de la commission ont des questions à vous poser.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je veux vous remercier du mémoire que vous avez voulu très spécifique sur l'attribution du nom. On a, depuis le début, passé beaucoup de temps sur cette question qui peut sembler être un peu... on ne peut pas dire pas importante, mais une partie pas tellement considérable du projet de réforme du droit de la famille. Je pense qu'il faut quand même reconnaître que le projet de l'Office de révision du Code civil a reçu un appui très large de la part de ceux et celles qui sont venus ici quant à la façon d'aborder le problème, les principes de base, l'égalité des époux, par exemple, et une modernisation quand même très grande dans nos institutions juridiques pour ce qui concerne la famille. C'est donc, je pense, tout à fait dans l'ordre qu'on s'attarde simplement sur les points, sur les questions sur lesquels on n'est pas d'accord. C'est donc ce désaccord que vous venez exprimer ici, comme d'autres l'ont fait.

Votre mémoire est très étoffé en ce qu'il est accompagné aussi d'une documentation dont plusieurs parties ne sont pas disponibles dans l'ensemble de la population. J'ai été intéressé par le cahier 4 "La jeune femme et la famille" du secrétariat d'Etat que vous avez en annexe 6.c.2, du secrétariat d'Etat à la condition féminine de France. C'est un mémoire qui est daté du 12 janvier 1977, qui a deux ans et qui, sans aller aussi loin ou sans porter la réflexion au point où nous l'avons vu ici dans le mémoire du Conseil du statut de la femme et dans celui de M. Huot, en particulier, le professeur de biologie, accepte ou enfin met de l'avant la suggestion des deux noms.

Je suis d'accord avec vous, ce n'est pas par antiféminisme, au contraire, ce n'est pas pour plaider pour ma paroisse, mais je suis d'accord avec vous qu'institutionnaliser le nom de la mère pour l'enfant, on ferait simplement ce qu'on reproche aux autres, installer la discrimination, mais de l'autre côté. Est-ce que vous pourriez nous dire... peut-être savez-vous quel sort a subi ce mémoire du secrétariat d'Etat en France, il y a déjà deux ans? Est-ce que la réflexion a fait du chemin là-bas?

Mme Leduc: Vous permettez, M. le Président, je vais répondre. Le secrétariat d'Etat a été dissous; c'est tout ce que je sais. Françoise Giroud n'avait pas eu son poste. Qu'est-ce qui est arrivé au mémoire? Je ne le sais pas. Tout ce que je sais, c'est qu'il circule, par exemple. A part la France, vous avez bien d'autres pays dont la loi en Alberta et en Ontario — ils sont quand même plus près de nous — qui peut également nous servir de point de repère.

M. Lalonde: Alors, dans l'ensemble, votre mémoire est très clair. Il y a seulement une chose qui m'a fait, non pas sursauter, mais qui m'a un peu surpris: c'est la possibilité de désaveu de la part de la mère. C'est vrai que le code n'en parle pas, que traditionnellement, on n'en a jamais parlé. Est-ce que vous avez eu connaissance de cas ou d'expériences qui autoriseraient le législateur à introduire ce concept juridique dans le Code civil? On a parlé du lien biologique privilégié, ou la primauté du lien biologique de la femme, de la mère à l'égard de l'enfant. On a insisté aussi sur le fait qu'il ne s'agissait pas naturellement d'une primauté de qualité de liens, mais simplement au niveau de la preuve. C'est beaucoup plus facile naturellement de déterminer la filiation entre la mère et l'enfant. Est-ce qu'à votre expérience, à votre connaissance, il est arrivé plusieurs cas d'injustices à cause du fait que le Code civil ne permette pas à une mère de désavouer un enfant?

Mme Leduc: Je ne sais si c'est vraiment la permission de désavouer que le fait de désavouer. Je dois dire que je ne suis pas avocate. Je n'ai pas de cas devant moi. J'ai souvent entendu parler de désaveu de paternité, mais pas de maternité comme telle. Cela pourrait arriver qu'une mère abandonne son enfant, à un moment donné, ou le rejette, quelque chose comme cela. (16 h 30)

M. Lalonde: C'est parce que vous faites une suggestion. Je voulais voir s'il y avait un besoin. Je pense que c'est la première fois que cette suggestion est faite.

Mme Leduc: Pour l'instant, il n'y a pas eu de besoin, mais il faut quand même imaginer qu'il y a l'avenir; il n'y a pas seulement le présent. Cela pourrait arriver que les mères abandonnent leur enfant. C'est peut-être...

M. Lalonde: Je ne parle pas de l'abandon. L'abandon, c'est une autre chose.

Mme Leduc: Non, le désaveu. Je sais que c'est très difficile à prouver.

M. Lalonde: Le désaveu, c'est dire: Cet enfant n'est pas à moi.

Mme Leduc: N'est pas à moi. Cela va être difficile, effectivement, à prouver, parce que...

M. Lalonde: C'est cela que je vous demande: Comment ça peut-il arriver et si c'est déjà arrivé, parce que c'est la première fois que ça nous est

soumis. Je comprends que c'est peut-être un souci d'égalité qui vous a inspirées; parce qu'on permet à un père de désavouer son enfant, pourquoi ne le permettrait-on pas à la mère? En principe, on est bien d'accord à éliminer tout ce qui est discriminatoire dans la loi, mais est-ce qu'il y a réellement un besoin?

M. Bédard: II faut que l'enfant appartienne à quelqu'un, à un moment donné.

M. Lalonde: Même dans le cas de viol, si c'est ça qu'on veut couvrir, la mère ne peut quand même pas désavouer si c'est elle qui l'a mis au monde.

Mme Leduc: Elle a eu des témoins au moment de son accouchement la plupart du temps. Mais la question de désaveu, je ne pense pas que ce soit le principal point du mémoire. J'amerais qu'on revienne à la question spécifique du nom...

M. Lalonde: Excusez-moi, je ne voulais pas insister là-dessus non plus. Cela a simplement piqué ma curiosité.

Mme Leduc: Oui, d'accord.

Mme Gamache: Mais, M. le Président...

M. Lalonde: Non, je sais que votre mémoire est fait surtout sur le nom.

Mme Leduc: Ce n'est pas le principal.

Mme Gamache: Je pourrais essayer de compléter, pour voir un fait qui pourrait se produire. Si on s'oriente vers les besoins, la responsabilité égale, il pourrait peut-être y avoir des obligations qui se créent et sur lesquelles les femmes seraient engagées. Alors, on pourrait permettre à la femme, à ce moment-là, de désavouer cet enfant auquel elle serait obligée, pour une raison ou pour une autre, qui ferait qu'on pourrait légalement créer des cas, des jugements quelconques. C'est parce qu'il ne faut pas le prendre uniquement sur l'aspect biologique. C'est aussi en termes d'obligations légales envers quelqu'un, envers son enfant.

M. Lalonde: Oui, mais le concept juridique de désaveu, ça n'a rien à voir soit avec l'abandon de l'enfant, le refus, pour une bonne raison ou non, de ses obligations envers l'enfant. C'est de dire: Cet enfant n'est pas à moi. C'est ça.

Mme Gamache: Oui, mais l'homme, en disant: Cet enfant n'est pas à moi, se libère de toutes les obligations qu'il a.

M. Lalonde: Je ne parle pas de motivation non plus, vous avez raison peut-être dans les faits. La motivation, c'est peut-être parce qu'il ne veut pas avoir d'obligations légales à l'égard de cet enfant, mais le désaveu, ce n'est pas de désavouer ses obligations, c'est de dire: II n'est pas à moi. Si on veut introduire dans ce concept juridique la possibilité pour une mère de dire: Cet enfant n'est pas à moi, s'il y a un besoin, je veux bien, peut-être dans un cas de substitution d'enfant, oui.

Mme Gamache: Oui, dans un hôpital, il pourrait arriver qu'on mêle des enfants...

M. Lalonde: Je vais revenir au nom, comme vous l'avez souhaité. Vous suggérez donc que l'enfant porte l'un des noms de sa mère ou de son père, ou à la fois l'un des noms de sa mère et de son père ou vice versa.

Ne croyez-vous pas que ce serait plus clair et moins sujet à des problèmes, à des difficultés si la loi disait carrément ce qu'on doit faire et non pas laisser des choix, dans le sens... Si on s'entend, on donne le nom qu'on veut; si on ne s'entend pas, c'est un autre nom, un peut comme le rapport le suggère. Si les parents ne s'entendent pas pour donner le nom de la mère, c'est le nom du père. C'est ce que le rapport suggère.

D'autres ont suggéré de dire: Ecoutez! l'enfant porte les deux noms, celui de la mère en premier, celui du père ensuite et on laisse tomber un à mesure qu'on passe de génération. C'est la suggestion du Conseil du statut de la femme. Est-ce que vous seriez d'accord, en général, là-dessus?

Mme Leduc: On est tout à fait d'accord avec le double nom, cela fait partie de nos choix. Donc, on est d'accord. Le seul inconvénient qu'on voit, c'est, par exemple, l'association de noms comme Saint-Hubert-Saint-Laurent, Beaugrand-Petit, Lebrun-Leblanc si la personne est noire ou Boulanger-Meunier. Prenez le livre du téléphone et associez tout cela. Des cas comme ceux-là pourraient arriver. Je serais bien d'accord avec ce système, mais à la condition qu'il y ait des exceptions pour les Tremblay-Tremblay ou des choses comme cela. Cela peut arriver.

Evidemment, chacun a des noms, bien souvent... cela peut être seulement Leblanc ou Olivier, comme on le dit, certainement.

M. Lalonde: Aucoin-Larue.

Mme Leduc: II y a toujours beaucoup de taquineries. Par contre, il faut prévoir ce genre de situations. On ne voit pas d'inconvénients à ce que tout le monde ait un double nom, cela fait partie de nos choix. On n'y voit pas d'inconvénient. C'est seulement qu'il faudra prévoir quelque chose au cas où il y aurait des situations où les noms seraient trop longs, comme Arsenault-Archambault, ou qui porteraient à rire, comme Boulanger-Meunier, des choses comme cela, ou au cas où il y aurait des répétitions de noms. Il faudrait prévoir quelque chose dans ces cas. La liberté de choix permet justement... On espère que les parents seront assez intelligents pour dire: Si on associe nos deux noms, cela ne marchera pas; on va lui donner un des deux. C'est la seule objection qu'on voit. Est-ce que Mme Gamache aimerait...

Mme Gamache: Pour le double nom, il y a encore l'aspect de la discrimination qui demeure. On trouve que c'est très difficile dans les cas de séparation, il vaut mieux laisser entièrement le choix. Cela veut dire qu'il y aurait des gens qui auraient un nom et d'autres qui en auraient deux. Il n'y a pas de problème. L'enfant naturel né de parents concubins pourrait ne porter qu'un nom. A ce moment-là, si le père ne reconnaît pas son enfant, cela ne paraîtra pas si tout le monde peut choisir d'avoir un ou deux noms.

M. Lalonde: Vous soulevez la réserve qu'il n'y ait pas de discrimination, que même les enfants naturels aient deux noms si un système est instauré.

Mme Leduc: C'est pour éviter qu'il y ait des différences.

Mme Gamache: II y a un autre aspect, celui de la fixité des noms. Si on dit que le premier nom est celui de la mère et le deuxième, celui du père, cela fait que — on en a vécu l'expérience avec les femmes qui portent le nom de leur mari — cela ne prend pas de temps qu'il ne reste que l'initiale et le dernier nom. A certains endroits, comme en Amérique latine, la descendance se fait par le père. On prend le premier nom parce que le premier nom est celui du père. Cela pourrait créer des habitudes qui feraient qu'on laisserait tomber un nom. S'il n'y a pas de fixité, ce sera tantôt l'un, tantôt l'autre, et on aura toujours besoin des deux noms.

M. Lalonde: Je vous remercie beaucoup.

M. Bédard: Ne peut-il pas y avoir une autre coutume que celle dont vous parlez, qui prenne le dessus, que ce soit le nom de la mère?

Mme Gamache: C'est assez difficile. Cela dépend de la domination des gens. Qu'on le veuille ou non, il faut le reconnaître, quand les femmes viennent d'avoir un enfant, souvent, elles ne sont pas préoccupées par toutes ces choses administratives. C'est l'enfant qui compte et certaines n'ont pas la santé pour se battre quand elles sont dans des situations comme celles-là. Les maris sont souvent beaucoup plus forts et pour eux, cela forme un clan. C'est important.

Si le nom n'était pas si important, on n'en discuterait pas autant. Cela tient à tout notre système de valeurs. En touchant au nom, on tient tout le système de valeurs. C'est tout la notion de propriété parce que, quand vous allez à l'école, vous inscrivez votre nom sur toutes vos affaires. C'est la même chose pour la femme.

A une certaine époque, on identifiait tous les animaux et on identifiait la femme aussi; elle portait même le prénom de son mari. On identifie sa propriété.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Plusieurs intervenants qui sont venus devant la commission nous ont dit que la situation actuelle favorisait, par exemple, les frustrations pour les enfants en cas de divorce ou lorsqu'il y a remariage; les enfants d'une même famille portent deux noms différents, à ce moment-là. Des solutions ont été proposées. Par exemple, le Conseil du statut de la femme nous dit qu'il faudrait peut-être avoir les deux noms et, vous, vous proposez que les parents aient le libre choix.

Ne pensez-vous pas que, si on adopte votre solution, on retombera dans les mêmes problèmes? Si les parents choisissent la même solution que celle qui existe actuellement, les mêmes frustrations, les mêmes traumatismes ou désagréments pour les enfants vont se répéter?

Mme Gamache: Je crois que là-dedans, le ministère de la Justice a un rôle à jouer au moment de la naissance d'informer les parents sur leurs choix et leurs possibilités et, ensuite, je crois que présentement les femmes se sensibilisent davantage, les mouvements féministes vont prendre la relève pour informer les femmes de leurs droits là-dessus. On a quand même certains résultats face au nom que les femmes portent présentement. Le fait d'informer les femmes du choix du nom, qu'elles ont la possibilité de garder leur nom, cela a un effet qui fait que de plus en plus les femmes gardent leur nom, le conservent, en voient la nécessité. A mesure que les femmes vont apprendre à aimer leur nom, elles vont vouloir le transmettre à leurs enfants.

M. Fontaine: Vous ne pensez pas que si on n'y va pas par voie de législation, il y a une tradition qui s'est établie et cela va être très difficile à changer? Cela va prendre beaucoup de temps à faire accepter cette situation.

Mme Gamache: II va peut-être mieux faire accepter une situation et respecter les mentalités des individus. La loi c'est bien, mais il faut informer, il faut bousculer un peu, mais de là à brimer les gens, je pense que tout de même... On a vu ce matin qu'on ne pouvait pas être sur une même longueur d'onde et qu'il y avait des gens qui étaient complètement à l'opposé. Il ne faudrait pas, au niveau d'un enfant, comme cela, d'un nom d'enfant, créer des situations qui seraient aberrantes.

M. Fontaine: Merci.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député des Iles-de-la-Madeleine.

Mme Leblanc-Bantey: Ma question ressemble un peu à celle du député de Nicolet-Yamaska. En fait, je comprends que vous ayez voulu éviter de transformer trop radicalement des mentalités et des moeurs dans la mesure où vous vous dites: II ne faudrait peut-être pas provoquer la mise sur pied de mouvements "homministes " qui seraient

beaucoup plus vindicatifs que les mouvements féministes, mais le député dit, dans le fond: Le libre choix, c'est légaliser une situation qui existe déjà de toute façon. C'est possible dans le moment de choisir ou de donner le nom que l'on veut, selon la coutume. Vous dites par contre: On a choisi cela parce qu'il ne faut pas brimer les individus à cause de la mentalité. Ne croyez-vous pas que tout changement de mentalité, même aussi mineur que celui-là — parce qu'entre nous, on peut fort bien se dire que le libre choix, ce qui risque d'arriver, comme l'a souligné le député de Nicolet-Yamaska, c'est qu'il y ait une force de l'homme qui soit bien plus souvent une force psychologique qu'autre chose, qui agisse sur les femmes et qui va faire que pour avoir la paix et pour s'éviter un paquet de troubles, pour pouvoir dormir plus tranquillement le soir et être de meilleure humeur dans la journée, on va dire: On va donner le nom du père et cela va régler le problème. Ils ne créeront pas de problèmes, de chicanes de ménage. Alors, au risque de faire face peut-être exactement à la même situation à laquelle on fait face aujourd'hui, qui brime dans un certain sens le droit des femmes, comment peut-on arriver à changer certaines mentalités sans brimer personne?

Mme Gamache: Vous pouvez quand même suggérer aux gens de porter le double nom. Si, par exemple, au niveau du fonctionnaire qui reçoit les parents, en fait on a bien établi la coutume que c'est le père qui donne le nom et il n'y a rien dans la loi qui le dit et les fonctionnaires nous obligent à donner le nom du père, alors, pourquoi ne pourrait-on pas informer les gens. Je suis sûr que, quand même, les couples ne sont pas toujours à couteaux tirés et que le principe d'égalité entre un peu dans la société même s'il n'est pas acquis. Les jeunes couples, s'ils sont bien informés dès les débuts dans ces différents cours, cela pourrait aller. Ce qui nous retient, c'est l'aspect discriminatoire du double nom. On voit tellement d'enfants comme cela qui ont des difficultés du fait qu'on les identifie tout de suite parce qu'ils ne sont pas de même père, je ne vois pas pourquoi on irait ancrer cette possibilité de discrimination.

Mme Leblanc-Bantey: Mais ce n'est pas seulement...

Le Président (M. Jolivet): Mme Leduc.

Mme Leduc: Ce qui va aider également les femmes à penser à transmettre leur nom, c'est le fait qu'elles l'auraient gardé. Comme dit l'article 45, les époux en mariage conserveront leur nom et leur prénom. Déjà le fait que cela va déjà être établi, elles auront beaucoup moins tendance à donner de l'importance au nom du mari. Cela va prendre un certain temps. Le choix c'est un risque, mais le double nom, le nom de la mère et le nom du père, chaque système a ses avantages et ses inconvénients, il faut essayer de voir celui qui va satisfaire plus le principe de stabilité et d'éga- lité. S'il y en a un meilleur, je n'y vois pas d'inconvénient, mais ce qui compte c'est de toujours respecter le principe d'égalité et de stabilité.

Mme Leblanc-Bantey: Parce que ce n'est pas toujours seulement l'influence de l'un ou de l'autre dans le couple, c'est souvent l'influence familiale et sociale etc.

Mme Leduc: Oui. (16 h 45)

Mme Leblanc-Bantey: C'est dans ce sens que le libre choix, je le trouve... ce serait peut-être la solution la plus facile parmi toutes celles qui nous ont été suggérées depuis une semaine, dans la mesure où toutes les solutions sont séduisantes, mais présentent chacune énormément de difficultés. Entre autres, par rapport à celle que vous proposez, le Conseil du statut de la femme, si je me souviens bien, y voyait beaucoup de difficulté administrative dans la transmission du nom, etc. Comment l'envisagez-vous?

Mme Leduc: Pour ce qui est de la difficulté administrative au niveau du libre choix, supposons qu'on adopterait le libre choix, qu'est-ce qui se passerait, administrativement parlant, je répète que Mme Gamache est analyste de gestion, je vais lui passer la parole.

Mme Gamache: Pour ce qui est des difficultés administratives, présentement, on a déjà la situation, on la vit, il y a des gens qui ont des doubles noms, il y a des gens qui ont le nom de leur mère, le nom de leur père. Dans les registres, vous avez toujours le nom du père et le nom de la mère inscrits dans les registres principaux. Ensuite, on n'a pas besoin nécessairement d'associer un enfant à son père ou à sa mère. Ce n'est pas la préoccupation principale. On doit avoir un individu devant soi. Alors, ce n'est pas ce qui est important. Ce qui est important, c'est que la personne ait un nom et une continuité dans ce nom.

Pour ce qui est des registres, comme je viens de vous le dire, on l'a transcrit, pour ce qui est des enregistrements ordinateurs, peut-être trouvez-vous que ça prendrait trop d'espace, on a quand même des noms qui sont assez longs. On a le double prénom, donc, si on passe un prénom et deux noms, ça ne change rien à notre situation. Cela ne coûterait pas plus cher. C'est sûr qu'il y aurait la période de transition, mais, en laissant le libre choix, ça se ferait graduellement.

Pour ce qui est du libre choix, les gens glissent automatiquement. Présentement, on a vu dans notre mémoire, les femmes, de plus en plus, sont intéressées. S'il n'y avait pas tant de difficulté, il y aurait plus de doubles noms.

Mme Leblanc-Bantey: Si cette solution n'était pas retenue, est-ce qu'il y en a une autre que vous préconisez par rapport à d'autres qui ont été énoncées depuis le début de la semaine?

Mme Gamache: Au premier abord, ce qui est plus facile, c'est le double nom, parce que, dans le double nom, on respecte l'égalité des époux que l'on prône depuis déjà plusieurs années et qui est presque traduite dans les moeurs. A ce moment-là, c'est simple, c'est la solution la plus simple. Tandis que la solution des choix de noms, ce n'est pas la solution la plus simple, mais je crois que c'est la solution qui respecte davantage les individus, qui respecte certaines coutumes. Qu'on le veuille ou non, on veut bien changer, évoluer, d'une façon, mais les gens dont révolution est autre chose, je n'ai pas plus le droit de les brusquer, il faut que je les laisse évoluer. Moi aussi, j'ai évolué pour en arriver à garder mon nom et à vouloir le transmettre. Ensuite, ils arriveront davantage et mieux vers nous.

Dans vos registres, vous pouvez exiger que, lorsque l'enfant est à l'école, on inscrive le nom de son père et le nom de sa mère. D'ailleurs, il est déjà fait sur le bulletin scolaire. Vous gardez le nom qu'il porte, le nom usuel.

Mme Leblanc-Bantey: Je vais terminer en rendant hommage à votre patience.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): Merci, M. le Président. Seulement une remarque. On constate, en lisant votre mémoire, que vous préconisez le libre choix, donc le statu quo. Je ne vous cacherai pas qu'à l'instar du député de Marguerite-Bourgeoys, je suis l'un de ceux qui pensent que le législateur devrait édicter dans la loi le système qu'il entend proposer. La remarque qui m'a fait sursauter, du moins personnellement, c'est quand vous nous dites: Je suis d'accord avec vous là-dessus, que les sentiments d'amitié, d'amour et d'affection sont les choses les plus importantes qui unissent une famille et que le nom, même si c'est important, est beaucoup moins important.

Il n'en demeure pas moins, je pense... Par exemple, j'ai deux enfants. Si j'avais un enfant qui s'appelait Pierre Vaillancourt et que ma fille, sa soeur, s'appelait Annie Morin, pour moi, personnellement, ça me dérangerait et je tiens mordicus que les enfants d'une même famille, peu importe le système qui sera adopté, portent le même nom.

Vous semblez attacher très peu d'importance au fait que les enfants d'une même famille portent le même nom, peu importe le système proposé. Si ce n'est que pour des questions d'identification, d'identité, je pense que le fait d'avoir le même nom est extrêmement important. Je voudrais vous entendre parler davantage de l'importance très minime que vous accordez au fait que les enfants d'une même souche portent un nom identique, un nom de famille identique.

Mme Gamache: Présentement, beaucoup de femmes qui ont gardé leur nom vivent cette situation. Moi, je ne porte pas le nom des gens de la famille et je ne me trouve pas plus exclue de la famille pour cela. Je vis la situation en tant que mère. Mes enfants ne me considèrent pas comme n'étant pas leur mère parce que je ne porte pas leur nom. Même, ils sont heureux de dire: Ma mère s'appelle Unetelle.

Qu'eux ne portent pas tous le même nom, naturellement, au début, c'est difficile de s'entrer cela dans la tête et de dire que ce sont des individus qui se regroupent. C'est toute notre mentalité qui fait que la famille forme un clan, au lieu de prendre l'esprit que ce sont des individus qui sont regroupés. Ceci veut dire que, lorsque vous dites que la famille forme un clan, c'est le clan qui la fait, en soi. Et les individus, à l'intérieur, n'existent plus comme tels, à la condition que le bon chef mène.

Tandis que, si vous allez au niveau de l'unité, ce sont des gens qui se regroupent, qui sont regroupés, qui forment un tout et qui se délèguent quelqu'un.

M. Vaillancourt (Jonquière): Est-ce que je comprends bien votre mémoire lorsque je déduis que, dans une même famille de six enfants, trois pourraient porter le nom du père et trois pourraient porter le nom de la mère, selon le choix qui serait fait lors de la naissance? Est-ce que je déduis bien?

Mme Leduc: Si c'est votre choix de donner des noms différents, ce sera votre choix. Si c'est votre choix de donner le même nom aux enfants, ce sera tous des noms pareils. Si vous, vous tenez à ce que tous vos enfants portent le même nom, c'est ce que vous ferez. Comprenez-vous?

M. Bédard: Mais vous ne lui reconnaissez pas le droit de l'imposer à quelqu'un d'autre?

Mme Leduc: C'est cela. Voilà.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je respecte votre opinion, mais je ne la partage pas.

Mme Leduc: Vous avez par exemple des situations actuelles dans lesquelles...

M. Vaillancourt (Jonquière): Mon analogie va être boiteuse. Je me suis occupé un peu de chevaux de course et j'ai regardé les arbres généalogiques de familles de chevaux de course. Et je dois vous dire que, même dans le domaine des chevaux de course, nous remarquons très souvent que les mâles et que les juments portent presque toujours le même nom, selon la source qu'ils ont.

Mme Leduc: Que je sache, nous ne sommes pas des animaux.

J'aimerais ajouter quelque chose. Sur chaque acte de naissance, il est toujours écrit...

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est vrai pour les chevaux de course.

Mme Leduc: Vous permettez? Sur chaque acte de naissance, il est toujours écrit qu'untel ou unetelle est le fils d'untel et d'unetelle. On en a tous un, au moins, un acte de naissance. Je porterais le nom de ma mère, alors que le voisin d'à côté, son enfant porterait le nom du père, quelque chose comme cela. On peut toujours le prouver par l'acte de naissance.

C'est comme cela qu'en peut revenir. On a même posé la question aux généalogistes à savoir s'ils y voyaient un inconvénient. Ils ont dit: Non, parce qu'on peut toujours trouver les noms par l'acte de naissance.

Mme Gamache: M. le Président, vous avez des exemples concrets présentement avec le nom du père. J'ai à l'esprit l'exemple d'une mère qui a quatre enfants qui portent quatre noms différents. Elle-même a un autre nom. Ce ne serait pas pire, on vit la situation. Et les enfants se sentent autant frères et parents les uns les autres parce qu'ils portent des noms différents. Cela ne les dérange pas.

M. Bédard: On vous remercie beaucoup. S'il y en a d'autres qui ont des questions.

M. Lalonde: Parce qu'on a invoqué mon nom, je voudrais seulement... Mon nom, c'est Marguerite Bourgeoys.

M. Vaillancourt (Jonquière): II est féministe.

M. Lalonde: J'en suis fier. Ma question a peut-être donné l'impression au député de Jonquière que j'étais en faveur d'un système rigide qui ne donnait pas de choix. Je vous ai posé la question.

Ce que je voulais éviter, c'est qu'un choix donne ouverture à une discrimination éventuelle, si on ne s'entend pas, comme le rapport du Barreau nous le suggère. Je pense que c'est le Barreau; je ne veux pas faire de libelle. Il nous dit: Que les parents s'entendent; s'ils ne s'entendent pas, c'est le nom du père.

Là-dessus, je ne voudrais pas que le choix donne ouverture à cela. Maintenant, vous dites — et je respecte beaucoup votre opinion — si les parents s'entendent sur le nom de la mère, éventuellement, pour un enfant ou pour l'autre... On voit beaucoup de familles...

Mme Leduc: Ce n'est pas le nom de la mère. Si les parents ne s'entendent pas, cela va être le double nom. C'est notre deuxième choix, si vous voulez, par ordre de préférence. Nous, c'est la liberté. Deuxièmement, le double nom — ce n'est pas écrit dans le mémoire — et, troisièmement, le nom de la mère.

Si vous me demandez ce qu'on pense des autres mémoires...

M. Bédard: A défaut par les parents de s'entendre, c'est le double nom.

Mme Leduc: Ce serait le double nom, bien sûr. J'espère qu'on s'est bien compris.

M. Lalonde: Oui. Je suis d'accord avec vous.

Mme Gamache: Si les parents s'entendent pour donner un nom, peu importe lequel... D'ailleurs, ce n'est pas pour rien qu'on a inscrit dans nos recommandations que la mère ait à signer le registre. De cette façon, si elle a signé, on est sûr que la mère aura consenti à donner ce nom-là.

M. Lalonde: La seule chose, le seul problème que je verrais dans ce système-là — c'est relié à une de vos remarques d'ailleurs — c'est que des enfants auraient un nom, celui de la mère ou du père, suivant le choix fait par les parents, d'autres auraient deux noms et on retrouverait un peu ce que vous avez — je pense que c'est vous, Mme Gamache — regretté, soit qu'on pourrait différencier les enfants naturels, parce qu'ils auraient seulement un nom, d'autres qui auraient deux noms. C'est seulement cet inconvénient que je verrais à votre système: il permettrait à des enfants de n'avoir qu'un nom, s'il y a un choix, et à d'autres d'avoir deux noms.

Mme Gamache: Vous ne pourriez pas dire que, parce qu'une personne a seulement un nom, c'est un enfant naturel...

M. Lalonde: Oui.

Mme Gamache:... parce qu'il y a des gens qui auraient un nom et d'autres qui en auraient deux.

M. Lalonde: Quant au fait que des enfants portent des noms différents — là-dessus je ne voudrais pas que la référence que le député de Jonquière a faite à mon intervention — ...

M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'est pas à ce sujet-là.

M. Lalonde: ... quant à moi, cela ne me fatiguerait pas.

Une Voix: Non.

M. Lalonde: Non, je ne tiendrais pas mordicus, comme le disait le député de Jonquière, à ce que tous les enfants portent le même nom. On voit cela dans plusieurs familles actuellement...

Mme Leduc: Oui, parce qu'il y a eu deux mères.

M. Lalonde: ... et même les enfants en tirent un peu une source de gloire...

Mme Gamache: Des avantages. Pas tous. M. Lalonde: ... enfin, dans la diversité.

M. Vaillancourt (Jonquière): Pourtant, je ne suis pas conservateur.

Mme Gamache: L'unité dans la diversité. Maintenant, M. le Président, supposons qu'il y a

un cas litigieux, comme le Barreau veut le signifier, notre choix, à ce moment-là, serait le double nom. Si les deux parents ne réussissent pas à s'entendre, que chacun donne son nom.

M. Bédard: On vous remercie encore une fois. Je pense que le fait d'avoir pu centrer votre mémoire sur le nom montre à quel point cela va être complexe de faire un choix.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

Mme Leduc: Nous vous remercions également de nous avoir donné la parole.

Le Président (M. Jolivet): Nous appelons l'Association féminine d'éducation et d'action sociale. Si vous voulez identifier les personnes qui vous accompagnent.

Association féminine d'éducation et d'action sociale

Mme Marchesseault-Lussier (Lucie): Oui, M. le Président. Mon nom est Lucie Marchesseault-Lussier, je suis vice-présidente de l'AFEAS. A ma droite, Mme Azilda Marchand, ex-présidente et instigatrice du dossier de la femme collaboratrice. Ensuite, Mme Jacqueline Demers, qui est aussi à l'origine du dossier de la femme collaboratrice et, à ma gauche, Me Danielle Lord, qui a agi comme personne ressource pour ce comité. Mme Solange Gervais, présidente de l'AFEAS, ne peut être ici parce qu'elle assiste au sommet économique.

L'AFEAS, je pense, commence à être bien connue de tout le monde. Peut-être un simple rappel pour dire que c'est une association féminine provinciale qui compte près de 36 000 membres au Québec.

J'aimerais tout d'abord vous dire, M. le Président, que nous allons parler d'une femme qui n'existe pas, qui n'est pas fichée dans les statistiques, parce que tout ce que Statistique Canada trouve à dire pour parler de ces femmes, c'est que ce sont des travailleurs familiaux non rémunérés.

Depuis 1974, un comité de l'AFEAS se préoccupe de la situation des femmes qui travaillent avec leur mari dans de petites entreprises. Personne, auparavant, ne s'était intéressé à ces femmes oeuvrant dans l'entreprise. Le rapport Bird, en 1970, soulignait que très peu de recherche avait été faite sur ce sujet, alors que Statistique Canada fait mention, dans ses relevés, de travailleurs familiaux non rémunérés, au nombre de 26 000 au Québec pour le mois de janvier 1978.

En 1975, l'AFEAS a entrepris une enquête scientifique auprès de 1000 femmes, la moitié venant de ses membres et la moitié du public, en vue de connaître le statut légal et financier de ces femmes qui, par leur travail, contribuent au succès de l'entreprise, mais dont la sécurité financière dépend à la fois du succès de l'entreprise et du bon vouloir du mari. L'enquête s'adressait à des femmes légalement mariées, à des femmes tra- vaillant actuellement en entreprise, à des femmes de tous les âges, à des femmes tant du milieu rural que du milieu urbain. Il faut bien faire la distinction: ce ne sont pas des femmes au foyer mais des femmes qui travaillent, en plus d'être au foyer. (17 heures)

Le rapport de cette recherche, paru en septembre 1976, a suscité beaucoup d'intérêt. Pour y donner suite, l'AFEAS a entrepris une démarche d'information et d'animation, tant auprès de ses membres que du grand public. Des animatrices spécialement préparées ont rencontré plus de 15 000 personnes, hommes ou femmes, pour les sensibiliser à cette situation.

Quelques définitions: La femme collaboratrice est celle qui est légalement mariée, vivant avec son mari et travaillant avec lui dans l'entreprise qui les fait vivre, sans être elle-même associée, actionnaire ou copropriétaire. Une entreprise à but lucratif, je pense que cela ne demande pas d'explication. L'enquête s'est adressée à des entreprises de moins de dix employés. Il arrive souvent que ce sont des entreprises familiales dans lesquelles mari et femme oeuvrent ensemble, et souvent aussi l'épouse travaille seule pour la majeure partie du temps, alors que le mari occupe un autre emploi.

Le portrait de cette femme: Elle est âgée de 41 ans, mariée depuis 18 ans, mère de quatre enfants. Elle travaille depuis sept ans, 23 heures par semaine, à l'entreprise, bien que 30% y consacrent plus de 40 heures. Elle est mariée sous le régime de la séparation de biens, à 54.6%. L'entreprise appartient au mari seulement, à 84.1%. Elle ne reçoit aucun salaire pour son travail.

La question des femmes collaboratrices se situe dans le contexte d'une société en changement. Le nombre d'enfants, l'accès à l'éducation, la participation des femmes au marché du travail sont autant de facteurs qui ont modifié notre société. La femme qui travaille avec son mari à l'entreprise qui appartient au mari, sans rémunération et sans garantie autre que l'amour entre les conjoints, fait des comparaisons avec l'employé ou avec la voisine dont le travail dans l'entreprise est reconnu de façon concrète.

Depuis la parution du rapport, on note en certains cas, dans certains milieux, une prise de conscience de la contribution de cette femme. Il est intéressant de noter une légère évolution. Certains projets de loi, exemple, l'assurance automobile, certains jugements reconnaissent le rôle indispensable de l'épouse collaboratrice pour le dynamisme des petites entreprises.

Dans son rapport d'enquête, l'AFEAS proposait plusieurs recommandations venues des membres. Elles ont été révisées par le comité avec l'aide de personnes-ressources. Ce sont quelques-unes seulement de ces recommandations que nous vous présentons, en vue de faire reconnaître la contribution des femmes collaboratrices et de leur rendre justice.

Par rapport au livre II du rapport de l'Office de révision du Code civil, le présent mémoire vise à faire sanctionner, à l'occasion de la réforme du

Code civil, les droits de la femme collaboratrice. Le rapport de l'office ne traite de ce sujet que de manière incidente à l'article 199 du livre III où il est énoncé que "tout héritier peut demander l'attribution, par voie de partage, de l'entreprise... à l'exploitation de laquelle il participait activement au jour du décès". Le livre II, consacré à la famille, ne contient aucune disposition particulière concernant les droits de l'épouse, collaboratrice de son mari.

Ce mémoire traite de la situation de la femme collaboratrice pendant la période de vie commune du couple ainsi qu'au moment du divorce ou de la séparation de corps. Si le mémoire emploie l'expression "femme collaboratrice", c'est que cette situation de collaboration se retrouve surtout au niveau des femmes dans le contexte socio-économique québécois. Si les recommandations proposées sont retenues, il est évident qu'elles devront être apliquées à tout conjoint collaborateur et non pas uniquement à l'épouse.

Recommandation I: Pour garantir l'autonomie financière de la femme collaboratrice, nous recommandons: 1.1, que soit reconnue la valeur économique du travail de la femme collaboratrice; 1.2, que soit reconnu le droit de la femme collaboratrice de recevoir pour son travail et sa participation au sein de l'entreprise une rémunération qui pourrait lui être versée soit sous forme de salaire, de participation dans les profits de l'entreprise, de parts dans la société ou d'actions, si l'entreprise est incorporée; 1.3, que soit reconnu le droit de la femme collaboratrice de bénéficier, au même titre que les autres travailleurs, des mesures économiques et sociales instaurées par l'Etat pour le bien-être et la protection des travailleurs, telles que le régime des rentes, le salaire minimum, l'assurance-chômage, la formation professionnelle et on pourrait ajouter les congés de maternité; 1.4, que des amendements soient apportées au Code civil et aux diverses législations fédérales et provinciales touchant notamment les domaines du droit corporatif, de la fiscalité, de l'assurance-chômage, du salaire minimum, du régime de rentes, etc., pour que soit reconnue officiellement cette réalité économique et sociale que constitue l'activité de la femme collaboratrice.

Cette première recommandation dépasse largement le cadre de la présente commission parlementaire. Elle permet de situer dans une perspective globale les problèmes auxquels sont confrontés les femmes collaboratrices.

En ce qui concerne la réforme du Code civil, il est nécessaire de reconnaître dans le Code civil cette situation de collaboration entre les époux dans une entreprise familiale.

Au chapitre de la communauté de meubles et acquêts, il est recommandé que l'article 216 du rapport soit modifié, de manière à prévoir expressément que le conjoint de l'administrateur puisse recevoir, à titre de bien réservé, le salaire que l'administrateur propriétaire de l'entreprise lui verse en raison de sa collaboration à l'entreprise. Dans l'état actuel du droit, l'article 1425a du Code civil ne permet pas de considérer comme bien ré- servé le salaire payé par le mari à son épouse. Cette disposition crée une injustice à l'égard des femmes collaboratrices mariées sous le régime de la communauté de meubles et acquêts.

Deuxième recommandation: Pour garantir les droits de la femme collaboratrice, advenant une annulation du mariage, un divorce ou une séparation de corps, nous recommandons: 2.1 Que l'entreprise qui appartient à titre de propre ou de bien personnel du mari soit considérée comme étant une société de fait; 2.2Que les intérêts de chacun des époux à titre d'associés dans ladite société soient déterminés lors de l'annulation du mariage, du divorce ou de la séparation en prenant en considération le nombre d'années durant lesquelles la femme a collaboré à l'entreprise, le travail accompli, les sommes d'argent investies par chacun des époux; 2.3Que la femme collaboratrice, dans le cas où l'entreprise est un bien de communauté ou un acquêt du mari, puisse réclamer, en plus des avantages résultant de son régime matrimonial, une compensation ou une indemnité proportionnelle à sa collaboration dans l'entreprise; 2.4Que la participation et la contribution de la femme collaboratrice soient établies selon des critères objectifs, sans tenir compte des torts respectifs des époux, de la relation mari et femme qui existait entre les deux associés et, surtout, que la loi et les tribunaux établissent une nette distinction entre le rôle de la femme collaboratrice et l'obligation d'assistance mutuelle que la loi impose aux conjoints; 2.5Que soit accordée à la femme collaboratrice une compensation proportionnelle à sa participation dans l'entreprise, soit par le paiement d'une somme d'argent, soit par le transfert d'une partie des droits, parts sociales ou actions de l'entreprise; 2.6Que les dispositions ci-dessus soient appliquées dans tous les cas où la femme a collaboré à l'entreprise dans laquelle le mari a un intérêt soit à titre de propriétaire unique, d'associé ou d'actionnaire.

Cette recommandation pourrait être insérée après l'article 264 du rapport. Il importe de ne pas confondre le sort des donations au moment du divorce ou de la séparation de corps avec le droit de l'épouse collaboratrice de réclamer à son mari une compensation pour le travail effectué pendant le mariage. Cette compensation devrait être accordée sans tenir compte des torts respectifs des époux et des avantages prévus par le contrat de mariage ou le régime matrimonial. Vous avez une référence à une décision du juge Claire L'heureux-Dubé.

En conclusion, les recommandations soumises ne concernent pas les pouvoirs d'administration et d'aliénation du mari propriétaire de l'entreprise. En effet, ces pouvoirs sont déterminés par le régime matrimonial des époux. C'est dire que, sauf dans le cas où l'entreprise est bien de communauté — article 152 du rapport — le mari pourra aliéner ou hypothéquer l'entreprise sans le consentement de son épouse. Or, cette situation

peut, dans certains cas, s'avérer préjudiciable aux intérêts de l'épouse collaboratrice. C'est pourquoi, en conclusion au présent mémoire, nous suggérons que l'entreprise à laquelle la femme collabore ne puisse être aliénée ou hypothéquée sans son consentement. Pour assurer la protection des tiers, il y a lieu de prévoir un mécanisme permettant la divulgation du statut de collaboration de la femme au sein de l'entreprise. Cette publicité pourrait se faire au moyen d'une déclaration constituant la collaboration de l'épouse et qui serait enregistrée au registre des déclarations de raisons sociales, par exemple.

Cette suggestion s'inspire des propositions contenues dans le rapport de l'Office de révision du Code civil concernant la protection de la résidence familiale. Elle permettrait, tout en accordant à la femme collaboratrice un droit de regard dans la gestion de l'entreprise, de garantir une protection plus complète et plus efficace des intérêts de la famille puisque, dans une très large part, les entreprises où les femmes collaborent sont des entreprises de type familial. Ainsi donc cette réforme assurerait la protection de l'entreprise familiale au même titre que celle de la résidence familiale.

Un commentaire concernant l'article 6 du livre 3. Il est recommandé, comme le propose l'article 6 du livre 3, d'abolir les présomptions de survie édictées aux articles 603 à 605. Ces présomptions sont la source de nombreuses injustices, particulièrement à l'égard des femmes. La présomption de décès simultané énoncée à l'article 6 est satisfaisante. Cependant, dans le cas où deux conjoints sont présumés décédés au même moment et que la femme était une femme collaboratrice, il paraît équitable d'accorder aux héritiers de la femme collaboratrice un droit de créance contre la succession du mari pour qu'ils puissent réclamer à la succession du mari une indemnité correspondant à la participation et au travail de la femme dans l'entreprise appartenant au mari.

Cette réclamation, dont le montant, à défaut d'entente entre les successibles, sera laissée à l'appréciation du tribunal, pourra être faite dans tous les cas où la femme, pendant le mariage, a collaboré à l'entreprise, et non seulement dans le cas où la femme, lors du décès, collaborait à l'entreprise.

J'aimerais passer la parole à Me Danielle Lord qui va expliquer brièvement la position de l'AFEAS sur la résidence familiale. Si on a fait un lien avec le Comité de la femme collaboratrice, c'est que c'est très souvent la situation des femmes collaboratrices également.

Mme Lord (Danielle): Comme vient de le dire Mme Marchesseault-Lussier, ce n'est pas uniquement dans le cadre de la femme collaboratrice que se situent nos commentaires concernant la résidence familiale. On a constaté que dans le rapport du Code civil, on mentionne justement ce mécanisme de protection de la résidence familiale. C'est heureux qu'on commence à réaliser ce besoin d'une protection. Nos commentaires ne vont pas uniquement dans le cadre de l'intérêt exclusif des époux, mais dans le cadre de la protection de la famille et non de la femme comme telle.

Les commentaires soumis portent, dans une première section, sur les pouvoirs des époux à l'égard de la résidence familiale pendant le mariage. Dans une seconde partie, on traitera particulièrement de l'article 65. A cause de la rédaction de l'article 65, nous devrons empiéter sur le livre 3. L'article 65 traite à la fois de l'attribution de la résidence familiale lors du divorce, de la séparation de corps et du décès. Selon nous, il semble qu'il faille distinguer ces deux situations: la rupture, soit du lien matrimonial, soit du mariage comme tel. A ce moment-là, au lieu de traiter uniquement de l'attribution au sens large dont fait mention l'article 65, nous aurons une section consacrée à l'attribution lors du divorce ou de la séparation de corps et une autre section concernant l'attribution lors du décès du conjoint.

Concernant les pouvoirs des époux pendant le mariage, les articles qui ont retenu notre attention sont les articles 58... Lorsque les époux sont locataires, on note que dans ce cas la protection prévue par la loi s'applique sans aucun formalisme. C'est le but recherché par nos recommandations.

Concernant les articles 59 et 61, c'est-à-dire les deux articles qui traitent du cas où la résidence principale est un immeuble appartenant à l'un ou l'autre des époux, le mécanisme de protection qui est prévu à l'article 59 est souvent un formalisme. Comme le souligne le commentaire en marge de l'article 59, il pourra certes limiter l'efficacité de cette protection. En effet, cet article 59 stipule que l'immeuble ne bénéficie de la protection prévue que dans la mesure où une déclaration de résidence a été enregistrée et qu'il s'agit d'un immeuble de moins de quatre logements. Ce sont deux formalités qui sont imposées et qui vont brimer l'application de ce mécanisme nécessaire dans l'état actuel.

Ce formalisme compromet grandement l'efficacité. En effet, il faut réaliser une situation de fait. Si les époux sont en bons termes, on n'a pas besoin de ce mécanisme de protection. Mais, lorsque surgit un litige familial qui peut mettre en cause non seulement les intérêts des époux, mais également le bien-être des enfants, il sera peut-être trop tard, justement, pour procéder à cette déclaration. (17 h 15)

Donc, on va discuter des deux formalités prévues. D'abord, la première question: Pourquoi limiter aux immeubles de moins de quatre logements? Il est fréquent, surtout dans les constructions récentes aujourd'hui, par exemple dans Montréal, qu'il y ait des quadruplex où on va avoir deux petits appartements en haut et on va louer le sous-sol pour quelques années, pour permettre au couple qui acquiert une propriété d'avoir un revenu supplémentaire pour rencontrer les dépenses et l'hypothèque. A ce moment-là, tout de suite, on

limite quand même un cas concret qui est une réalité.

Deuxièmement, dans les constructions plus anciennes — je prends un cas particulier parce que j'ai vécu dans ce milieu-là — dans les petites villes de province, on a souvent l'habitude du six loyers conventionnel.

Encore là, ce genre de propriété n'est pas, pour le propriétaire, considéré comme un immeuble à caractère commercial. On aurait pu — et ce serait peut-être l'idéal — simplement supprimer cette exigence de limiter le nombre de logements, mais, dans la mesure où notre seconde recommandation serait acceptée, à savoir tout simplement éliminer la nécessité de la déclaration de protection de la famille, pour ne pas limiter la liberté du commerce, surtout dans les transactions à caractère commercial, le critère de définir ce qu'est une résidence familiale paraît devoir être retenu.

C'est la raison pour laquelle on vous demande jusqu'à six logements. Cela ne paraît pas abusif de retenir ce critère. Si non, qu'on s'en tienne au moins à des critères qui sont déjà établis au moins dans une loi, tant que cette loi ne soit pas remplacée, à savoir les règlements d'application de la Loi de la protection du consommateur où on dit qu'en matière de prêt hypothécaire, par exemple, seuls les immeubles de plus de quatre logements sont considérés à caractère commercial.

Donc, à ce moment-là, le choix de trois nous paraît ici purement arbitraire. Il faudrait peut-être s'interroger sur la pertinence, soit du maintien de ce critère ou, au moins, de l'élargir pour rencontrer les situations concrètes vécues par la population du Québec sur ce point.

Concernant maintenant la seconde condition — et c'est peut-être le point le plus important — à savoir l'obligation d'enregistrer une déclaration de résidence familiale, ce qu'on recommande, c'est d'abroger cette exigence.

L'enregistrement d'une telle déclaration vise essentiellement à protéger les tiers qui voudront transiger sur un immeuble appartenant à une personne mariée. Or, aujourd'hui, suite aux réformes apportées aux régimes matrimoniaux en 1964 et en 1970 par la suite, toute personne qui veut acheter un immeuble doit vérifier le régime matrimonial et la capacité de son vendeur.

De plus, aux termes de l'article 390 du livre V du projet et de l'article 26 du livre VIII de ce projet, toute vente d'immeuble devra être constatée par acte notarié en minutes. Il en est de même pour l'hypothèque et tous les actes d'acquisition, constitution, extinction et transmission de droits immobiliers. Les parties à la transaction seront donc informées par le notaire qui, en raison de son devoir de conseil, doit aviser les parties sur l'importance de leur capacité et à poser sur ce point des questions pertinentes pour être en mesure de prodiguer impartialement aux intéressés les directions appropriées.

Pour ces raisons, il appert que les intérêts des tiers ne seront pas lésés si on supprime l'obligation d'enregistrer la déclaration de résidence fami- liale. De plus, le simple fait que le vendeur habite l'immeuble objet de la transaction... Il faut quand même réaliser que dans le cas d'immeubles à caractère résidentiel, il est assez rare qu'une personne aille acheter l'immeuble sans le visiter; à ce moment-là, la connaissance de l'endroit ou même quand une personne vient pour vendre, elle doit s'identifier, c'est-à-dire donner son nom, sa profession et sa résidence; or, si la résidence est la même que celle de la propriété, si une présomption de fait s'établit à savoir qu'il s'agit d'une résidence familiale dans le cas d'une personne mariée, cette présomption de fait, le tiers ne peut pas l'ignorer et, à ce moment-là, le mécanisme prévu pour assurer sa protection, on peut remettre son utilité en question.

Cette recommandation s'appuie d'ailleurs sur une partie de la réforme en Ontario, le Family Law Reform Act de 1978, où on définit la résidence familiale comme étant justement cette propriété dans laquelle une personne a un intérêt, qui est occupée ou qui a été occupée par elle et son conjoint et leur famille.

Aux termes de ces articles, la législation onta-rienne prévoit que le propriétaire d'un immeuble qui veut aliéner cet immeuble, doit obtenir le consentement du conjoint ou faire la preuve que l'immeuble n'est pas une résidence familiale. Cette solution est bien différence de celle préconisée par l'Office de révision du Code civil et constitue, à notre avis, un mécanisme beaucoup plus efficace pour la protection des intérêts de la famille.

Certes, l'article 61 prévoit que cette déclaration pourra être faite par l'un ou l'autre des époux. Cependant, dans les faits, il faut reconnaître qu'il y aura fort peu de femmes qui, si le mari s'oppose à un tel enregistrement, oseront aller à rencontre de la décision de leur mari et se rendre chez le notaire pour faire seules la déclaration de résidence.

Loin de protéger les intérêts de la famille, cette procédure risque de susciter des affrontements entre les époux, ce qui peut-être préjudiciable aux intérêts même de la famille. La protection de la résidence familiale, pour être efficace, doit être obligatoire et non pas, comme le préconise l'article 59, être laissée à la discrétion des époux. C'est pourquoi il est important de supprimer cette seconde exigence qui risque de rendre inopérant le mécanisme de protection.

Si on veut assurer la protection des tiers, pourquoi ne pas remplacer l'article 61 par une disposition analogue à l'article 41 de la loi onta-rienne, c'est-à-dire se servir de la déclaration de résidence comme moyen de preuve pour aliéner les autres immeubles dont un conjoint, il nous semble, pourrait être propriétaire? Cette approche de la loi ontarienne est beaucoup plus positive car, dans ce cas, c'est le propriétaire de plus d'un immeuble qui a intérêt à requérir l'enregistrement contre un de ses immeubles de la déclaration de résidence principale, et non pas le conjoint qui veut protéger les intérêts de la famille qui a l'obligation d'enregistrer cette déclaration.

A la suite de ces commentaires, on propose

de modifier le texte des articles 59 et 61. Vous allez me permettre de me dispenser de la lecture, étant donné que l'on n'a fait, en somme, que codifier et proposé un article correspondant.

Concernant le deuxième point, à savoir les droits des époux lors d'un divorce, d'une séparation de corps ou d'une annulation de mariage, on considère que l'article 65 est insuffisant. Il convient en premier lieu, et je pense que c'est important, qu'on souligne la différence qui existe entre le texte de l'article 65 et le commentaire qui accompagne cet article. En effet, l'article 65 énonce que le tribunal peut attribuer à l'un des époux l'immeuble servant de résidence familiale lorsque les époux ou l'un deux, donc l'un ou l'autre des époux ou tous les deux conjointement, ont un droit de propriété sur cet immeuble. Par contre, le commentaire en marge de cet article mentionne que l'article ne s'applique que lorsque les époux ont des droits assujettis à partage dans cet immeuble, c'est-à-dire que l'immeuble est ou en commun, ou un acquêt, ou une copropriété indivise, de sorte qu'il ne s'appliquerait pas si les époux étaient séparés de biens ou que le mari ou la femme était exclusivement seul propriétaire de l'immeuble.

Puisque l'article 59 prévoit que le consentement du conjoint est requis pour aliéner l'immeuble servant de résidence familiale et ce, sous tous les régimes, il faut continuer d'appliquer ce principe lors de la dissolution du mariage ou du régime matrimonial à la suite d'une séparation de corps. La protection de la famille requiert que des dispositions nouvelles soient introduites dans le code pour garantir certains droits fondamentaux aux deux époux relativement à la résidence familiale lorsque le régime matrimonial choisi n'accorde pas une protection adéquate. Pour un grand nombre de familles québécoises, l'achat d'une résidence familiale constitue l'investissement le plus important. Pour acquérir cette résidence, les deux époux vont s'imposer certaines restrictions financières. Les deux époux vont contribuer, soit financièrement, soit par leur travail, à l'entretien et la rénovation de cette résidence.

Bien que le type de propriété soit très souvent au nom d'un seul des époux, les deux époux, dans les faits, participent à cette acquisition. Il est donc important que la résidence familiale soit considéré non plus comme la propriété d'un époux dans la résidence familiale mettra fin à des situations pénibles et parfois injustes, notamment dans le cas d'époux mariés sous le régime de la séparation de biens, qui est et qui demeure encore aujourd'hui le régime le plus populaire au Québec. L'exemple suivant illustre bien cette situation. La résidence familiale est achetée par le mari, propriétaire unique, qui rembourse l'hypothèque à même son salaire. L'épouse, pour aider le mari et la famille, travaille à l'extérieur du foyer et assume à même son salaire les dépenses courantes du ménage et les frais d'entretien de la famille. Survient le divorce ou une séparation de corps. Comme les époux sont séparés de biens, le mari conserve la propriété de l'immeuble et l'épouse ne peut prétendre à aucun droit réel dans cet immeuble.

Très souvent, également, elle sera privée du droit de se faire rembourser une partie des sommes dépensées pour aider le mari puisque son contrat de mariage stipule soit que les deux époux devaient contribuer aux charges du ménage, soit que le mari supportera seul les charges du ménage, mais, cependant, l'épouse ne pourra lui réclamer les sommes qu'elle aura volontairement employées à ces fins. Reconnaître aux deux époux un droit de propriété indivis dans la résidence familiale serait également une façon de reconnaître la contribution de la femme au foyer qui, par son temps et son travail, participe à la direction matérielle de la famille.

On a amendé le Code civil; on parle aujourd'hui à l'occasion de cette commission parlementaire de l'égalité des droits entre les époux. Les deux époux devant participer à la direction morale et matérielle, il serait peut-être bon que l'on reconnaisse également cette participation matérielle et qu'on ne reconnaisse pas seulement la participation morale de la femme dans la famille. Ses droits à la résidence familiale, c'est une expression, c'est une reconnaissance de cette égalité des époux.

Il est donc recommandé de reconnaître aux deux époux un droit de propriété indivis sur la résidence familiale. Si on ne reconnaît pas ce droit, l'article 65 risque fort de ne pas répondre aux besoins des époux. En effet, cet article prévoit que le tribunal peut attribuer la propriété de l'immeuble à l'un ou l'autre des époux mais à charge de payer une soulte. Or, si les époux sont séparés de biens ou si l'immeuble est un bien propre, cela revient à dire que le conjoint pourra se voir octroyer le droit d'acheter la résidence appartenant à son conjoint. Dans de nombreux cas, la situation financière de ce conjoint ne lui permettra pas de payer le prix de l'immeuble et, alors, la maison demeurera la propriété de l'autre époux sans qu'il ne résulte à sa charge aucune obligation d'indemniser son conjoint pour le temps et le travail apportés à entretenir l'immeuble pendant la période de vie commune.

La solution proposée s'inspire de celle adoptée par l'article 4 de la loi ontarienne déjà citée et prévoit que, lors d'un divorce ou d'une séparation de corps, la résidence familiale fera l'objet d'un partage par moitié entre les deux époux et ce, sous tous les régimes. Ici, j'aimerais voir avec vous la rédaction proposée pour l'article 65 parce que ce droit, on veut le reconnaître en partage égal mais on est quand même conscient dans le cas, par exemple, où le mariage est dissous à court terme — disons que la période de cohabitation a duré trois mois, six mois, un an — que cela peut devenir arbitraire et préjudiciable aux droits d'un propriétaire.

Donc, si vous le permettez, je vais vous lire ce projet d'article 65: "Lors d'un divorce, d'une séparation de corps, d'une annulation de mariage, l'immeuble appartenant à l'un des époux et servant de résidence principale de la famille est sujet à un partage à parts égales entre les époux. Ce-

pendant, le tribunal peut ordonner un partage inégal des droits respectifs des époux dans ledit immeuble en prenant en considération le nombre d'années pendant lesquelles les époux ont fait vie commune, la date d'acquisition de cet immeuble, le mode d'acquisition de l'immeuble et la contribution de chacun des époux. Ce pouvoir discrétionnaire du tribunal ne peut cependant être exercé dans le cas où l'immeuble est un bien commun ou acquêt ou encore dans le cas où les époux sont copropriétaires en titre de l'immeuble. Le tribunal peut, à défaut de convention entre les époux, attribuer à l'un des époux, à charge pour ce dernier de payer l'indemnité à son conjoint; le droit de propriété ou le droit d'habitation de la résidence familiale appartenant aux deux époux ou à un seul."

Enfin, concernant l'attribution de la résidence au décès dont il est fait mention à l'article 65, il convient, je crois, en premier lieu de souligner les nombreux articles du rapport qui traitent de l'attribution de la résidence suite au décès de l'un des époux. L'article 65, pour sa part, accorde discrétion au tribunal pour attribuer la résidence au conjoint survivant. L'article 113, toujours du livre II, dans le cas de société d'acquêt, prévoit que le conjoint peut — et cette fois-ci, sans recours au tribunal — exiger lors du partage des acquêts du conjoint décédé que l'on place dans son lot la résidence familiale.

Dans le livre III, au chapitre des successions, les articles 61, 194 et 199 traitent également de l'attribution préférentielle de la résidence familiale au décès de l'époux propriétaire de la résidence familiale. Tous ces articles entraînent une confusion et semblent accorder une trop grande importance au pouvoir discrétionnaire du tribunal en cette matière. Il est préférable de réglementer avec plus de précision, croyons-nous, le sort de la résidence familiale suite au décès. Le recours au tribunal doit demeurer une mesure d'exception et non le principe général, comme le préconisent les dispositions du rapport. Etant donné la nature particulière de la résidence, il paraît équitable de permettre au conjoint survivant de réclamer la propriété de la résidence familiale et de rendre ce droit opposable à tous les héritiers du conjoint décédé.

Cette recommandation se jutifie d'autant plus que le rapport prévoit que la séparation de corps fait perdre aux époux leur droit de succéder l'un à l'autre. Pour les raisons énumérées à la section II du présent mémoire, il est donc recommandé de reconnaître au conjoint survivant un droit de propriété indivis dans la résidence familiale appartenant au conjoint décédé. Ce droit est personnel aux époux et en conséquence ne pourrait être transmis à leurs héritiers. Les recommandations proposées tiennent compte des différents régimes matrimoniaux. Ces recommandations pourraient se résumer comme suit: Tout d'abod, à l'article 65, ce qu'on recommande tout simplement, c'est d'enlever les références aux cas de décès pour les reporter au chapitre des successions ou en traiter sous un article 65a dans un bloc uniforme. (17 h 30)

Deuxièmement, l'article 113, à l'alinéa 2, au chapitre de la société d'acquêts doit selon nous être maintenu. De plus, nous le régime de la communauté de biens, si on remarque le tendance de l'Office de révision, elle a été d'uniformiser la communauté et la société en modifiant le programme du système des récompenses au chapitre de la communauté, du système des dettes au chapitre de la communauté, mais le point de la résidence familiale n'a pas été uniformisé. Donc, on dit, dans le cas où l'immeuble est un bien commun: que l'on prévoie au chapitre de la communauté un mécanisme analogue à celui de l'article 113 au chapitre de la société d'acquêts de sorte que la femme commune en biens, par exemple, au décès du mari puisse exiger lors du partage de la communauté l'attribution préférentielle de la résidence familiale.

Quant au chapitre du livre III des successions, l'article 194 nécessite certaines modifications pour limiter l'exercice du pouvoir discrétionnaire du tribunal à l'égard de la résidence familiale. Si la résidence familiale n'est ni un acquêt ni un bien commun, les droits du conjoint survivant dans cette résidence seront protégés par la réserve prévue au livre III. Pour assurer cette protection, cependant, il importe de reconnaître de façon absolue le droit du conjoint survivant dans la résidence familiale et de ne pas soumettre de façon générale ce droit à la décision du tribunal. C'est pourquoi il est recommandé de modifier l'article 194 en ce qui concerne la résidence familiale comme suit: Donc, par préférence à tout autre héritier, d'enlever la référence à l'article sous réserve de l'article 199.

Le commentaire fait en marge des articles 194 et 199 dit que le droit d'attribution de la résidence familiale est opposable à tout héritier, sauf à un légataire particulier. Or, ce n'est pas ce que prévoit la société d'acquêts et, deuxièmement, vu que dans le texte de l'article 194 on termine en disant: Cependant, sous réserve de l'article 199, c'est donc qu'on soumet les droits du conjoint survivant dans la réserve au mécanisme 299 qui dit: Lorsqu'il y a un conflit entre des cohéritiers partageants, c'est le tribunal qui va décider. L'article 65 mentionne que c'est le tribunal également qui va décider de l'attribution. Donc, il faudrait prendre une solution, la retenir et en discuter. Merci.

M. Bédard: II va falloir penser à retenir les services d'experts aussi, étant donné l'expertise dont vous faites preuve sur les sujets que vous avez abordés qui sont quand même complexes.

Je tiens tout d'abord à remercier l'AFEAS du mémoire qu'elle a présenté à la commission parlementaire. Je pense bien que l'importance de l'AFEAS comme mouvement et comme association est connue de tous les membres de la commission parlementaire. Vous avez axé votre mémoire sur une réalité québécoise qui est de plus en plus présente. Quand on dit que le Code civil doit être la traduction de la réalité sociale, je pense qu'au moment où vous axez votre mémoire en grande partie sur la femme collaboratrice du

mari dans une entreprise à but lucratif, cela traduit vraiment une réalité sociale qui était beaucoup moins présente il y a quelques années, à savoir la participation de plus en plus active de la femme à l'entreprise lucrative du mari. Je pense que cette connotation économique de la femme, en général, on la voit un peu traduite par le fait que vous êtes présentes, vous l'avez mentionné tout à l'heure, au sommet économique. Je pense bien qu'il y a quelques années, on n'aurait pas pensé vous inviter à un tel forum. Le fait que ce soit le cas maintenant, c'est tout simplement la reconnaissance d'une réalité que vous essayez d'expliciter dans votre mémoire.

Il nous reste une demi-heure. On pourrait permettre à chacun des membres de la commission au moins de poser une ou deux questions, quitte à déterminer après cela si nous devrons poursuivre plus longuement.

Lorsque vous faites état de la collaboration de la femme à l'entreprise de son mari et que vous mentionnez que cet apport économique n'est pas suffisamment reconnu, vous proposez notamment que le salaire de l'épouse — je vais essayer de résumer un peu, vous me corrigerez si le député n'est pas exact — vous proposez notamment que le salaire de l'épouse à l'entreprise de son mari considéré comme un bien réservé — c'est cela? — aux termes de l'article 14.25 du Code civil qui ne le permet pas maintenant.

Dans le cas où rien n'est convenu entre les époux, vous proposez toute une série, toute une panoplie de moyens propres à tenir compte de cette collaboration économique de la femme, à savoir le salaire, la participation aux profits, les parts dans la société, les actions dans la compagnie, etc.

Vous proposez certains critères également dont il faudrait tenir compte, entre autres le nombre d'années qu'a duré le mariage, le régime matrimonial, le travail accompli. Vous proposez également que cette évaluation soit faite par les tribunaux lors du divorce ou encore de la séparation.

J'imagine que vous êtes — d'ailleurs, je le dis — je sais très bien que vous êtes conscientes que ce n'est pas une évaluation qui est facile à faire par les tribunaux et qui est susceptible de variations avantageuses ou désavantageuses, heureuses ou malheureuses, à moins d'en arriver vraiment à établir une grille de critères qui nous permettraient de nous attendre à une évaluation correcte de cette participation active de la femme, de cette participation économique de la femme.

Est-ce que vous avez, je ne le sais pas, fait des études qui seraient de nature à nous expliciter quels seraient ces critères? J'aimerais que vous explicitiez davantage ce sujet, ces critères dont devrait tenir compte un tribunal aux fins d'en arriver vraiment à une évaluation la plus correcte possible de la part de la femme.

Mme Marchesseault-Lussier: Nos moyens ne nous permettent pas d'avoir des études très approfondies sur le sujet. Mais comme, actuelle- ment, on arrive à quantifier le travail de tous les individus dans toutes les professions, dans tous les types de sociétés, ce que cela rapporte, le ratio heure, travail, compétence, équivalence, je pense que ce serait à d'autres instances, l'Ecole des Hautes Etudes ou l'Institut de recherche appliquée au travail ou autres, de poursuivre plus en profondeur ces données et d'arriver avec des chiffres. C'est certainement quantifiable, mais nous n'avons pas les moyens de faire ce type d'étude.

M. Bédard: Etant donné la complexité de l'évaluation justement de cet apport économique, vous convenez qu'avant de procéder, d'en arriver à des décisions, il faudrait vraiment qu'une évaluation en profondeur soit faite, qu'une étude en profondeur soit faite, concernant...

Mme Marchand (Azilda): M. le Président.

M. Lalonde: Je pense que Me Lord voudrait peut-être ajouter quelque chose. A la page 9 de son mémoire, elle a des critères, pour la résidence familiale.

Mme Lord: En réponse à la question de M. le ministre, c'est d'abord dire que ce que l'on... Quand on dit advenant le divorce ou la dissolution, c'est qu'on vise une situation où, pendant le mariage, la femme n'a eu aucune rémunération. Je pense qu'il faut distinguer le cas où, depuis l'assouplissement des régimes matrimoniaux, en 1970, quand on a enlevé les prohibitions traditionnelles de vente, de donation entre époux et qu'on permet aujourd'hui aux époux, par exemple, d'avoir une société civile ou de s'incorporer ensemble, c'est la meilleure solution. Donc, ce que l'on essaie de faire, et cela au niveau de l'information, au niveau des membres et des personnes impliquées dans ce mécanisme, c'est de dire: Idéalement, cette situation de fait que vous vivez, vous devriez la matérialiser concrètement, c'est-à-dire soit avoir un contrat de société avec votre mari, soit, si le commerce est incorporé... Il y en a une très large part, disons une portion qui sont incorporés, mais où la femme n'a même pas une action. A ce moment-là, c'est possible de le faire. Mais il y a une éducation de la population à faire. Et quand on rencontre ces femmes-là, et c'est vraiment là où l'Etat se doit d'intervenir, on leur demande bien souvent: Pourquoi ne demandez-vous pas un salaire? La réponse qu'on a, c'est: C'est mon mari, c'est notre entreprise, on fait vivre notre famille avec cela. Je ne viens pas ici pour gagner de l'argent, je viens ici parce que j'aime mon mari et je veux le bien-être de mes enfants. Cette mentalité de la femme, au Québec du moins, elle est réelle. Or, ces femmes, quand elles se sont mariées...

M. Bédard: II y a moyen d'aimer son mari et de collaborer avec lui tout en faisant le partage...

Mme Lord: Oui, tout en étant, légalement... Mais, pour elles, tant que cela va bien... C'est la

même chose pour mes recommandations concernant la résidence familiale; tant que cela va bien, il n'y a pas de problème. Le mari lui donne tout ce qu'elle veut. Même les maris avec lesquels on discute vont dire: Ecoutez, ma femme vient ici. Je ne la force pas à venir travailler, elle vient parce qu'elle aime cela. C'est un épanouissement, cela aide mon commerce. Par exemple, dans le cas de l'épicerie, cela fait une relation beaucoup plus humaine avec la clientèle que d'avoir un étranger à la caisse. Donc, les gens connaissent les patrons et ils aiment cela dans un quartier. Deuxièmement, c'est que, bien souvent, ces entreprises sont des entreprises modestes, comme nous l'avons souligné. Or, bien souvent, cela ne permet pas de payer, justement, ce salaire. Donc les époux vont investir en temps, pour faire fructifier une entreprise.

Quand arrive un divorce, malheureusement, on se retrouve avec des décisions de tribunaux qui disent: La femme qui a collaboré pendant dix, quinze ou vingt ans, à l'entreprise de son mari n'a fait qu'accomplir son devoir de bonne épouse, son devoir d'assistance mutuelle entre conjoints. Or, je regrette. Le devoir d'assistance mutuelle entre homme et femme, c'est une chose. Mais la collaboration réelle au sein d'une entreprise, les relations financières, c'est une autre chose que les tribunaux ne distinguent pas malheureusement. Si, dans un premier temps, on reconnaît que c'est difficile d'établir une jurisprudence, qu'au moins, comme prérequis, on fasse les études. On peut discuter, on peut faire des organismes de conciliation, mais qu'au moins, il soit sanctionné en un endroit dans le Code civil que le devoir d'assistance mutuelle entre conjoints n'est pas la collaboration financière des époux pour une entreprise à but lucratif. Parce que là, vraiment, c'est rendre une injustice. C'est reconnaître la notion d'enrichissement sans cause qui est défendue dans le Code civil.

Mme Marchand: Cela rejoint ce qui vient d'être dit, sauf que je voudrais relever certains commentaires. Je pense que des femmes collaboratrices, il y en a toujours eu au Québec, depuis la colonie. Sauf que la situation a évolué socialement, parce que, maintenant, ce qui est nouveau, c'est qu'il y a des femmes qui travaillent; des femmes collaboratrices ne travaillent pas. Alors, il y a des femmes qui travaillent à salaire et avec des avantages sociaux attachés à un salaire. Tout notre processus de sécurité sociale, jusqu'ici, je pense, a été accroché à un salaire. Il fallait que la personne soit reconnue sur le marché du travail pour avoir accès et droit aux avantages sociaux qui s'implantaient de plus en plus. Alors, les femmes collaboratrices continuent d'aimer leur mari, mais commencent à voir clair et commencent à se rendre compte qu'elles n'ont pas accès à ce genre de situation qui devrait exister. Par ailleurs, je pense que ce qui est aussi très important et ce que le mémoire tente de faire dans un premier temps, c'est la reconnaissance, peut-être, avant évaluation. On est d'accord pour dire que l'éva- luation sera peut-être difficile, mais ce n'est pas impossible. Mais c'est la reconnaissance du principe même, comme l'a dit Me Lord, selon lequel la femme collaboratrice fait plus que le devoir qui est prévu et les droits qui sont prévus de responsabilité égale dans un ménage ou d'assistance mutuelle.

Alors, disons, dans un premier temps, le fait de faire reconnaître légalement cette situation. Dans un deuxième temps, on s'est adressé au ministère du Revenu fédéral, et au ministère provincial éventuellement, pour reconnaître... Parce que la loi de l'impôt sur le revenu ne permet pas de déduire des revenus un salaire payé à une épouse. Je dis "épouse", parce que, si c'était une union de fait ou la voisine, on pourrait lui payer un salaire. Mais, quand il s'agit de la description que l'on a faite de la femme collaboratrice, c'est une épouse légale, légitime, alors celle-là n'a pas droit à un salaire. On nous dit: Ce n'est pas possible de faire l'évaluation. Je pense qu'il y aurait moyen d'établir des mécanismes. C'est sûr que ce serait peut-être une chose à laquelle les femmes ne sont pas habituées. Comme, par exemple, dans une comptabilité, établir la situation de fait, avoir des preuves, avoir des pièces justificatives. Il faudrait le faire. Mais il y a d'autres situations, vous savez, si on voulait faire un peu d'enquêtes, où les preuves sont très vite établies, qui, quand même, permettent de payer des salaires à des gens qui sont sur une liste de paie. Un point, c'est tout. Je pense donc que ce serait possible. (17 h 45)

M. Bédard: Je crois que cette étude est possible, même si elle est complexe.

M. Fontaine: Est-ce que vous me permettriez une question très courte sur le même point? Aux points 1 et 2 de vos recommandations, vous dites: Que soit reconnu le droit de la femme collaboratrice de recevoir pour son travail et sa participation, etc. En fait, je pense que ce que vous demandez, ce n'est pas nécessairement que ce soit reconnu, mais vous demandez qu'il soit obligatoire que chaque femme collaboratrice de son mari ait un salaire. Ce n'est pas ça?

Mme Marchand: Pas tout à fait quand même, parce que nous sommes conscientes qu'au début d'une entreprise, les jeunes couples n'ont pas les moyens... Qui va payer le salaire? On ne demande pas que ce soit l'Etat qui le paie, on demande que l'entreprise puisse le faire si elle est capable de le faire ou, du moins, qu'il y ait un salaire nominal, une reconnaissance de travail et de services rendus qui plus tard, pourra être transférée sous forme de salaire ou, comme on l'a dit, au moment d'une séparation, que ce ne soit pas une pension alimentaire, par exemple, c'est un dû, c'est bien différent. C'est un dû pour un travail réalisé, des services rendus à l'entreprise.

Il y a deux choses: le salaire payé et une reconnaissance de salaire. Dans certaines circonstances, il faudra appliquer l'un ou l'autre.

M. Bédard: Oui, je vous en prie.

Mme Marchand: II y a la question du salaire, mais ce n'est pas seulement une question de salaire. La femme qui travaille 40 ou 50 heures dans l'entreprise pourrait, je pense, beaucoup plus être considérée comme un partenaire et sa participation à l'entreprise devrait prendre l'aspect de parts ou d'actions même et pas seulement d'une action nominale.

M. Bédard: C'est d'ailleurs pour cela que vous ne parlez pas de salariée, vous parlez de collaboratrice...

Mme Marchesseault-Lussier: De rémunération; de reconnaissance d'abord, puis de rémunération ensuite.

M. Fontaine: C'était justement le sens de ma question. On veut qu'on reconnaisse le droit à une femme collaboratrice de recevoir un salaire ou des parts. Je pense que ce droit est reconnu. La femme a toujours le droit de dire à son mari: Si je travaille dans l'entreprise, je veux un salaire. Si elle ne veut pas y aller, elle n'y va pas.

Mme Marchesseault-Lussier: Pensez-vous, monsieur? M. le Président, si vous me le permettez, très souvent, il manque un employé, quelqu'un est parti en vacances ou il y a un surcroît de travail. Le mari dit: Viens donc donner un coup de main, viens m'aider. Alors, ça commence par deux heures et c'est un cancer qui gruge, qui gruge et ça devient 40 heures par semaine. Alors, la femme n'a pas toujours eu le choix d'accepter ou de refuser. La bonne entente dans le couple, bien souvent, fait que la femme accepte ce travail qui l'intéresse peut-être, mais qui peut-être ne l'intéresse pas et, parmi les personnes qu'on a rencontrées depuis trois ans, beaucoup de témoignages nous disent que ce n'est pas toujours par choix.

M. Fontaine: C'est pour cela que je vous dis que vous voulez que ce soit obligatoire.

Mme Lord: Non, si je peux me permettre. D'abord, si...

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais seulement soulever une question de règlement. Ce n'est pas que je veuille interrompre mon collègue, ou me plaindre de mon traitement, mais je voudrais savoir si vous êtes prêtes à revenir à 8 heures parce qu'on ajourne à 6 heures et qu'il y a un tas de questions qui sont soulevées, surtout par le deuxième mémoire, mais le premier aussi. Le deuxième est très compact et soulève beaucoup de questions que j'aimerais poser ce soir.

M. Bédard: Une autre solution serait de continuer jusqu'à six heures et demie et de recommencer à huit heure et demie ou huit heures et quart. On va se donner un peu moins de temps pour le souper.

M. Lalonde: Comme vous préférez.

Mme Marchesseault-Lussier: Si c'est possible de poursuivre jusqu'à 6 heures 30, on verra à ce moment-là s'il reste des questions.

Le Président (M. Jolivet): Cela va.

Mme Lord: Si je peux me permettre, M. le Président, de préciser une chose. Dans le Code civil actuel, dans le cas de la communauté de biens, si le commerce n'est pas incorporé, il est interdit au mari de verser un salaire à sa femme. C'est le Code civil qui dit cela. De plus, dans le cas de séparation de biens, il n'y a aucun problème. Dans le cas de société d'acquêts, vous avez un conflit doctrinal. Je ne voudrais pas m'embarquer là-dedans, mais il y a quand même le fait qu'on a aboli les restrictions des donations. Or, reconnaître un salaire comme tel peut soulever au niveau des tiers, par exemple, les créanciers de l'entreprise du mari, le problème suivant: Est-ce que le salaire que le mari paie à sa femme est effectivement un salaire réel, qui lui est dû, ou si, au contraire, ce n'est pas une donation déguisée de ses acquêts à son conjoint ce qui, à ce moment-là devient des biens propres de l'épouse. A ce moment-là, ce salaire, le créancier pourra y faire opposition par l'action paulienne et faire annuler le salaire versé à l'épouse, étant donné justement l'ambiguïté qui existe actuellement dans le code civil.

M. Bédard: Justement, concernant la société d'acquêts, lorsque vous parlez de modifications à apporter sur le plan matériel pour bien départager le travail des deux époux, vous parlez de régimes à venir par rapport aux régimes qui existent présentement. Mais, la société d'acquêts, vous n'en parlez pas dans votre mémoire. Je l'ai remarqué. On sait qu'à l'heure actuelle, il y a peut-être une popularité insuffisante concernant la société d'acquêts; est-ce que vous pourriez m'expliquer pourquoi vous avez choisi de ne pas en discourir, c'est-à-dire de ne pas aborder le sujet dans votre mémoire?

Mme Marchesseault-Lussier: Nous n'avions pas le temps d'aborder toute l'étendue de la révision du Code civil. Par contre, dans une petite brochure que nous avons préparée l'été dernier et qui s'appelle "Quand le coeur et la tête sont en affaires" — je pense que le titre dit beaucoup — on parle justement du régime de la société d'acquêts comme en étant un qui semble plus favorable aux deux conjoints quand ils sont dans l'entreprise. Je pense que Me Lord peut expliciter davantage.

Mme Lord: Disons que la partie du mémoire pour laquelle l'AFEAS a demandé ma collaboration, c'était justement de faire reconnaître les droits d'une femme collaboratrice, une situation de fait pratique. Maintenant, pour l'ensemble de la réforme, malheureusement, il y avait une question de budget, de temps qui a fait qu'on n'a pas pu le faire mais si la parenthèse s'ouvre, je veux bien faire un apport à la révision. C'est un fait que si on

prend le cas de l'épouse collaboratrice, le régime qui lui est le plus préjudiciable, c'est la séparation de biens. Or, 55% de ces femmes sont séparées de biens.

M. Bédard: Mais oui.

Mme Lord: Vous allez me dire: Aujourd'hui, on a la mutabilité des régimes, il n'y a rien qui les empêche de changer. Mais, comme je vous le dis, tant que cela va bien, on n'y pense pas et quand cela va mal, pour le changement de régime, le consentement mutuel est nécessaire; là, on ne l'a plus.

M. Bédard: Quand cela va bien, on est prêt à partager d'égal à égal peu importe les régimes.

Mme Lord: C'est cela; on n'y pense même pas. Vous êtes presque tous, je crois, des hommes mariés, depuis plusieurs années pour certains, et si je vous demandais combien de fois vous avez consulté votre contrat de mariage...

M. Lalonde: Je ne m'en souviens plus.

Mme Lord: Quand on n'a pas de problèmes, le contrat de mariage est dans le coffret de sûreté ou dans le tiroir et on n'y pense pas, mais la journée...

M. Lalonde: Je l'ai toujours.

Mme Lord:... où on a un problème, là on va le chercher. C'est cette situation qu'il faut essayer de temporiser, la séparation de biens. Je me permets, vu que certains des membres de cette commission l'ont fait, de revenir sur des mémoires antérieurs ou des commentaires apportés par d'autres organismes; quand ce matin, on parlait de valoriser la communauté familiale, l'autorité d'un chef de famille et qu'on conclut en disant: Le régime idéal, c'est la séparation de biens; j'ai de la difficulté à embarquer là-dedans parce que s'il y a un régime qui est inconcevable avec la situation de gens mariés, c'est bien la séparation de biens. Pratiquement, toute personne mariée qui vit une union matrimoniale stable, saine, on ne se demande pas à qui cela appartient, qui va payer la pinte de lait demain matin, qui va acheter la paire de souliers à la petite demain? Tout le monde partage dans une communauté de fait. Pourquoi la communauté de biens n'est plus à point? C'est justement non pas pour brimer l'autorité des hommes — je n'ai rien contre les hommes — mais il y a un fait...

M. Bédard: Je l'espère.

Mme Lord: ... la communauté de biens ne rendait pas justice justement à ce principe d'égalité que le législateur a reconnu aux deux époux. Or, la société d'acquêts est justement ce régime qui, peut-être, est difficile d'application pour certains mais justement, parce que, trop souvent, on identifie la société d'acquêts comme étant une communauté renouvelée... C'est un mot qui a été à la mode à un certain moment donné. Or, c'est faux, la société d'acquêts n'est pas une communauté renouvelée.

M. Lalonde: C'est la troisième voie.

M. Bédard: C'est la voie du fédéralisme renouvelé.

M. Lalonde: Vous êtes sur la troisième voie.

Mme Lord: Or, la société d'acquêts, je peux en parler...

M. Bédard: Notre troisième voie.

Mme Lord: ... je me suis mariée en société d'acquêts, je ne suis pas malheureuse de ma situation, et je n'ai pas de difficulté à vivre avec ma société. Mais il y a une question d'information qui doit se faire. Il y a des techniques, des correctifs à apporter, notamment le système des récompenses en société d'acquêts. C'est vrai que les comptables ont raison de dire: C'est bien dur. Mais ce n'est pas parce que — là, peut-être pour faire une conclusion brève avec tout cela, c'est évident que la séparation de biens, c'est simple, j'ai mes biens, tu as les tiens ou tu n'en as pas. On se sépare, tu prends les tiens et moi, je n'ai rien, parce que je ne garde rien. Mais, en société d'acquêts, on va peut-être avoir des petits accrochages, mais il y a quand même une procédure qui évite beaucoup de difficultés, qui est le droit pour les époux, au moment d'une séparation ou d'un divorce ou d'un changement conventionnel de régime même, de demander à la cour la nomination d'un praticien qui va faire un rapport d'expert et qui, à la lumière de ses connaissances, parce que lui les a, les connaissances, pourra statuer sur les biens propres ou acquêts de chacun des époux et sa décision sera homologuée. Donc, on n'est pas obligé de se tirer les casseroles; ce n'est pas vrai! C'est peut-être difficile, mais au moins on va avoir quelque chose en fin de compte. En séparation de biens, ce n'est pas compliqué, je n'ai rien en me mariant et je sais que je n'aurai jamais rien.

M. Bédard: En tout cas, je sais qu'un de mes collègues veut aborder la question de la résidence familiale. Je m'en tiendrai à ces questions pour le moment.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je vous remercie. Je pense que la vitalité de l'AFEAS n'est plus à prouver. Vos contributions dans le débat dans les divers secteurs de la vie en ont fait la preuve. Ces deux mémoires aussi en font la preuve actuellement. Quant à la question de la femme-collaboratrice, je me demande qui pourrait contester le bien-fondé des principes que vous suggérez. Il y a une seule chose, je me demandais dans quelle mesure vous préconisez les deux recommandations comme

étant cumulatives. Autrement dit, la femme collaboratrice qui reçoit un salaire juste, est-ce que vous considérez, à ce moment, qu'elle est rémunérée et qu'elle a obtenu justice? Je comprends que, dans les faits, ce n'est pas le cas dans chaque entreprise familiale où on peut payer un salaire, surtout au début. Mais celle qui a reçu un salaire, compte tenu de toute réforme qu'on devrait faire au point de vue fiscal, au point de vue de droit civil, est-ce qu'elle devrait aussi être considérée, en plus d'avoir été rémunérée? Et là, je touche à la recommandation 2, comme étant associée. Est-ce qu'il faut, d'après vous, les deux? Je soulève, avant de vous demander de répondre, des questions pratiques, des problèmes pratiques important, parce que c'est inutile de créer une structure légale qui ne pourrait pas être appliquée, à cause de difficultés pratiques. Par exemple, quand vous dites à 2.6 que la disposition ci-dessus soit appliquée dans tous les cas où la femme a collaboré à l'entreprise dans laquelle le mari a un intérêt, soit à titre de propriétaire unique, d'associé ou d'actionnaire. Alors, vous avez un mari qui a 10% des actions d'une société où il y a neuf autres actionnaires, pas nécessairement de la famille, et la société en question voudrait bien engager la femme de l'un des actionnaires à cause de ses qualités, son talent, lui paie un salaire. Est-ce qu'en plus de cela, il faudrait qu'on lui accorde une participation dans la société? Est-ce qu'on devrait assujettir la vente des actions à ses droits à elle? Je me demande jusqu'à quel point cela empêcherait justement les sociétés d'engager les femmes des actionnaires. (18 heures)

Mme Demers (Jacqueline): Nous avons mis de la souplesse dans nos recommandations, en disant: Un salaire ou différentes façons de payer un salaire ou accorder des actions parce que, après l'étude que nous avons faite, les cas étaient très différents et le cas où le mari a le dixième d'une compagnie est un cas assez exceptionnel dans notre mémoire. Nous avons beaucoup plus de propriétaires uniques. A ce moment, la femme fait souvent oeuvre de collaboratrice beaucoup plus qu'oeuvre d'employée. Elle dirige l'entreprise et, à certains moments, on a vu le mari travailler à l'extérieur et la femme tenir l'entreprise. Si vous voulez un exemple, nous allons prendre le dépanneur du coin qui, souvent, est tenu à 99% par l'épouse pendant que le mari travaille à l'usine encore 36 heures. A ce moment, on dit que ce n'est pas un salaire qui est justifié. Elle a gagné beaucoup plus qu'un salaire, elle a gagné une partie de la plus-value de l'entreprise au départ. Elle est propriétaire de par la justice de la moitié de la plus-value.

M. Lalonde: Alors, je comprends bien que votre recommandation se veut très souple...

Mme Demers: Oui.

M. Lalonde: ... pour répondre aux besoins de chaque cas.

Mme Demers: Pour être juste.

M. Lalonde: Pour être juste. Quand...

Mme Demers: C'est...

M. Lalonde: Quand il y a un comportement d'associés avec la responsabilité que cela implique, que la femme collaboratrice soit traitée comme associée.

Mme Demers: Oui, et nous avons porté cette femme à l'attention du ministère de la Justice, parce qu'elle n'est pas du tout reconnue légalement dans la société.

M. Lalonde: Je vous remercie. Comme le temps passe, je voudrais aller au deuxième mémoire, si vous permettez, celui sur la protection de la résidence familiale. Vous suggérez de supprimer l'exigence de l'enregistrement de la déclaration de résidence familiale. Vous avez apporté, entre autres, un exemple dans votre plaidoyer qui était très éloquent, je pense que je dois le dire, et très bien structuré. Vous avez donné quelques exemples en disant: Ecoutez, de toute façon, le propriétaire doit donner son adresse. S'il s'agit d'une résidence, s'il s'agit d'un homme marié, parce qu'il faut qu'il déclare aussi son statut matrimonial, c'est donc une résidence familiale. Avez-vous pensé, par exemple, au cas où c'est... il est marié, il est séparé de fait, disons que sa femme est partie, simplement, il ne l'a pas revue — il y a beaucoup de séparations de fait comme celles-là qui ne sont pas légalisée, pour employer un terme, c'est-à-dire reconnues par la loi, autorisées par le jugement du tribunal —. Alors, cela lui donnerait une grande difficulté s'il voulait vendre sa maison, vous ne trouvez pas? Autrement dit, cela s'applique au titre même de la propriété. J'imagine que c'est pour cela que les commissaires... l'enregistrement pour que les tiers aient un titre verifiable. Je pense que dans l'économie de notre droit des droits réels, il faut quand même protéger ce principe qu'on puisse prouver un titre de propriété. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'en enlevant cette exigence de l'enregistrement on devient plus vulnérable au niveau du titre de propriété qu'on peut passer à un tiers?

Mme Lord: Si je peux me permettre de répondre, M. le Président, l'argument est valable sauf que, dans le projet de l'office, si on le prend dans son ensemble, on veut faciliter justement le règlement de ces séparations de fait. On va permettre les conventions de séparations de fait. Je crois que vous admettrez que, quand deux personnes ne veulent plus vivre ensemble comme mari et femme, il est de beaucoup préférable de régler cette situation légalement, soit par une convention de séparation de fait, soit par une séparation de corps, soit par un jugement de divorce. Mais se quitter à la sauvette en laissant tout en suspens quand bien souvent ces gens sont mariés sous le régime de la communauté ou de la société d'ac-

quêts, ce n'est vraiment pas rendre service aux gens que de les encourager à partir à gauche et à droite sans assumer leur responsabilité, tant au point de vue du régime matrimonial qu'au point de vue de la protection des intérêts des enfants.

Ce principe étant admis et les époux connaissent cette difficulté, ils vont peut-être, lorsqu'ils vont décider de rompre cette vie conjugale, la liquider une fois pour toutes. A ce moment, tout ce que l'on a à faire, c'est d'enregistrer justement sur la résidence principale, par exemple, le jugement de séparation ou simplement la preuve de la convention de séparation de fait signée par les deux parties, ou le jugement de séparation de corps, ou le jugement de divorce. Ce sont des preuves qu'une personne n'a plus de résidence familiale, que c'est un immeuble qui lui appartient.

Dans le cas d'absence ou dans le cas justement de fuite de l'un des époux, le mécanisme que l'on a actuellement dans le Code civil — et là, malheureusement, l'article du projet m'échappe — on peut l'étendre et l'appliquer, justement, dans ce cas. L'article actuel qui est exactement repris dans la même substance, qui est l'article 182 du Code civil, dit: 'Un époux peut être autorisé par un juge de la Cour supérieure à passer seul un an pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint est requis." Donc, à ce moment, si — là, je ne dis pas que si les époux ont cessé de faire vie commune, toute présomption de fait jugée satisfaisante à l'égard des tiers qui sera constatée dans l'acte notarié sera valable pour clarifier le titre de propriété. Si c'est un acheteur qui est très, très, très méticuleux, le recours de l'article 182 est là et, à ce moment, le mari pourra se faire autoriser, de même que dans le cas où les époux sont en conflit, à savoir — c'est un argument qui a été soulevé hier par un avocat de la Commission des services juridiques ou un autre organisme, mais un avocat. Il disait que dans le cas de conflits, on arrive dans une impasse. Avoir deux chefs, cela ne fonctionne pas, mais c'est bon des fois, deux têtes valent mieux qu'une; donc, parfois l'intérêt financier d'un des époux peut être complètement en désaccord avec l'intérêt de la famille. Alors, je pense que la décision des deux sur une résidence aussi importante est une bonne chose.

De plus, s'il y a désaccord entre les époux, on ne se retrouve pas devant une situation inextricable; l'article 182 est là. Ce sera le tribunal qui, par exception — parce que là, c'est vraiment un cas de désaccord et de conflit majeur — va examiner les prétentions du mari, par exemple, qui veut vendre et les objections soulevées par sa femme qui, elle, ne veut pas qu'il vervde la propriété ou qu'il hypothèque l'immeuble servant de résidence familiale. C'est le tribunal, donc un tiers, et dans la perspective du tribunal de la famille, cela va être beaucoup plus démocratique et assouplir les modalités, telles que prévues dans le rapport. A ce moment, c'est justement un tiers qui va trancher le différend dans le meilleur intérêt de la famille. Mais ce n'est pas parce que cela va peut-être retarder de trois jours la signature de l'acte de vente que l'on doit réglementer dans le

Code un mécanisme de protection qui est très valable et cela, on l'admet et on en est très satisfait. Mais ce mécanisme ne doit pas être laissé à la discrétion du mari et de la femme; c'est la protection de la famille que l'on recherche et on ne doit pas laisser les intérêts financiers du mari ou de la femme brimer les intérêts de la famille. Cette protection, c'est le législateur qui veut l'établir, le projet de réforme la veut aussi efficace que possible. Malheureusement, le formalisme dont il l'entoure fait que ce sera inopérant dans la pratique.

M. Lalonde: Oui, vous dites que c'est la famille qu'on veut protéger, justement, c'est exact. Mais dans toutes vos recommandations, par exemple, dans le cas de rupture du mariage et aussi dans le cas de décès, c'est le survivant, le conjoint survivant qui a des droits et non pas les enfants. Bon, alors, il reste que le survivant, qui était un des deux conjoints pendant la vie des deux, il n'est pas exagéré de lui confier l'exercice de ce droit comme un de ces deux conjoints, parce qu'on ne demande même pas que ce soit signé par les deux. Un conjoint peut enregistrer cette déclaration, même si l'autre ne le fait pas. Naturellement, c'est dans le cas d'un conflit; je suis d'accord avec vous. Je pense bien que tout le monde est d'accord ici que c'est quand cela va commencer à aller mal que la personne qui n'est pas propriétaire de l'immeuble, celui des deux conjoints qui n'est pas propriétaire va aller enregistrer, peut-être pas en forme notariée — on le suggère ici, il y a eu plusieurs recommandations contre cela — la déclaration de résidence familiale. Cela ne se fera pas, disons, au moment de l'achat ou au jour du mariage. Non, cela va se faire probablement seulement quand il y aura un conflit. Mais il reste que c'est relativement simple et cela donne au moins — bien, c'est au moins aussi simple que la réponse que vous me donnez concernant ceci: quand on se sépare, on aime bien faire un contrat pour régler des problèmes ou bien aller devant le juge. C'est encore moins compliqué d'enregistrer cela au bureau d'enregistrement que de se servir de l'article 182 actuel. Enfin, je ne veux pas faire une discussion juridique trop longue, j'ai compris votre point de vue. J'ai quelques réserves là-dessus, mais je m'accorde parfaitement avec l'orientation de votre mémoire, à savoir de réduire la discrétion du tribunal dans ces trois articles 65, 194 et 199. Je pense que c'est le devoir du législateur d'établir les critères et de réserver à l'exception seulement l'intervention judiciaire. Là-dessus, je suis d'accord avec vous.

Mme Lord: Bon, si je peux me permettre, il y a beaucoup de choses dans votre exposé, monsieur. Tout d'abord en ce qui concerne le fait de dire qu'on prétend représenter les intérêts de la famille et, au décès, on parle des intérêts du conjoint exclusivement, donc pourquoi pas les enfants et la maison?

Il ne faut pas oublier que, dans le rapport de l'office, la réserve n'est constituée qu'en faveur du

conjoint survivant. On dit que les enfants ont droit à une créance alimentaire, mais on a dit — et je pense que c'est exact — que les enfants, si les parents leur laissent quelque chose, c'est tant mieux, s'ils ne leur laissent rien, c'est autre chose. Tandis que les deux conjoints, eux, ont mis tous leurs efforts ensemble pour construire une vie. Alors, c'est normal que ce soit à eux que l'on pense en premier à la dissolution. Deuxièmement, concernant le...

M. Lalonde: Alors, on aurait peut-être pu dire...

M. Bédard: En France, le droit de réserve va jusqu'aux grands-parents.

M. Lalonde: ... la résidence conjugale et non pas familiale, au fond, c'est cela qu'on veut protéger surtout.

Mme Lord: Mais qui sert à la fois de résidence familiale. Bon!

M. Lalonde: Oui.

Mme Lord: Deuxièmement, c'est vrai qu'un des époux peut l'enregistrer et vous dites: Quand ça va bien, on ne le fera pas et, quand ça va aller mal, l'autre époux le fera. Mais, bien souvent, quand l'autre époux va venir pour le faire, il sera peut-être trop tard. Il ne faut pas oublier que, dans la réforme du livre VIII sur l'enregistrement, il y a le système de prénotation qui est prévu et qui va conserver les droits, par exemple dans le cas où le mari, sentant venir quelque chose, ou ayant une idée derrière la tête, il est propriétaire... Prenons le cas — on peut vous faire plaisir, vu qu'il y a beaucoup d'hommes à cette commission — par exemple, d'une femme qui est propriétaire de la résidence familiale; le mari n'a pas enregistré la déclaration et la femme encore moins. La madame se dit: J'ai envie de divorcer, mais il faudrait que je m'arrange au cas où mon mari enregistrerait une déclaration discrètement. C'est possible à imaginer et cela arrive. Bon! Or, le mari donne à un agent d'immeubles le soin de trouver un acheteur et, avec le système de la prénotation, l'offre d'achat enregistrée va préserver les droits du promettant acheteur avant la passation de la signature de l'acte de vente, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Actuellement, vous signez une promesse de vente et cela ne vous donne pas plus de droits que si vous n'en aviez pas signé. Mais la prénotation qui est prévue peut justement agir contre l'intérêt de la famille si on soumet le mécanisme de la protection à l'enregistrement de la déclaration, parce que le mari, dans mon hypothèse, va réaliser à un moment donné que la femme commence à mettre la vaisselle dans les boites, etc., il va se demander ce qui se passe. La femme de répondre: Je vends la maison. Alors, il court au bureau d'enregistrement pour enregistrer et on lui dit: Monsieur, il y a déjà une prénotation d'une offre d'achat qui est enregistrée. Il est trop tard.

Deuxièmement, laisser à la discrétion des époux. Si les deux époux s'entendent, mon Dieu! il n'y a aucun problème, mais il faut être réaliste. On parle d'égalité, on demande l'égalité des deux conjoints, mais, de la même façon que le mémoire antérieur l'a souligné, il y a des traditions, des moeurs, des coutumes. Même si, pour une grande majorité d'hommes et de femmes, il n'est plus question de parler du chef de famille mais que les deux époux s'entendent très bien, il y a quand même certains milieux où cela demeure encore important. Certaines femmes ont vécu la soumission depuis des générations et cela est ancré dans les moeurs.

Si le mari dit: Non, je ne vais pas l'enregistrer, c'est un fait que peu de femmes y iront. Je n'invente pas cet argument. Si vous prenez le commentaire en marge de l'article 61, dans le rapport de l'Office de révision du Code civil, quand on a dit qu'on rejette la question de la dénonciation, vu que cela peut être enregistré par l'un ou l'autre des époux et qu'on enlève l'obligation au régis-trateur de signifier au propriétaire l'enregistrement de la déclaration, le commentaire est le suivant, si vous me permettez. Il a paru préférable de ne pas exiger cette dénonciation qui risque de provoquer des dissensions familiales au cas où l'époux qui a enregistré la déclaration n'aurait pas prévenu son conjoint. On dit: Faites-le en cachette et vous n'aurez pas de problèmes. Est-ce que ce sont des adultes?

M. Lalonde: Oui, il y a de drôles de réactions là-dedans. C'est pour cela qu'il faut bien mesurer. Par exemple, si on crée une situation où on peut injecter un caractère de précarité au titre, à cause de cette espèce de preuve qu'il faut faire que ce n'est pas une résidence familiale, dans les cas de conflits, à ce moment-là, on peut — parce que les gens réagissent vite, ce sont des réactions qui ne sont pas collectives, qui sont individuelles, mais elles se font toujours de la même façon en ce sens que les couples vont cesser d'être propriétaires. (18 h 15)

II va se développer une habitude de louer et même les maisons unifamiliales vont être propriétés d'autres et on va encore devenir un peuple de locataires plus qu'on ne l'est. On va développer une habitude qui n'est pas prévue, qui n'est pas voulue si on n'assure pas aux titres un caractère d'authenticité et une valeur équivalente à celle qu'on a actuellement.

Mme Lord: Mais on a prévu le mécanisme; au lieu de dire: "On enregistre une déclaration pour que l'immeuble soit une résidence principale" les deux époux, de consentement mutuel, vont l'enregistrer pour éviter d'avoir à en faire la preuve à chaque fois qu'ils vont vendre un immeuble. On va prouver par le certificat de recherches qu'il y a une déclaration de résidence principale pour le lot 100-4 du cadastre et que l'immeuble que l'on vend est le lot 100-5. Donc, à ce moment-là, la preuve est là? elle est facile.

M. Lalonde: Quand il n'y a pas conflit; quand les deux époux peuvent s'asseoir ensemble et dire: On va signer cela...

Mme Lord: Cela, c'est quand l'achat de la maison se fait tout de suite, le mari ou la femme qui achète l'immeuble aura intérêt à l'enregistrer tandis que là, on dit que c'est au conjoint du propriétaire de se protéger. C'est cela qui est dommage. Dans notre société, le conjoint qui a intérêt à se protéger, malheureusement, c'est encore la femme. On semble vouloir lui dire: Ecoute, on a réglé ton problème, tu vas avoir l'égalité avec ton mari mais c'est encore toi qui as le fardeau de te protéger.

M. Lalonde: Je vous remercie de votre contribution.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président.

Je voudrais quand même vous féliciter pour la bonne présentation de votre mémoire et surtout la recherche poussée de la deuxième partie parce que c'est extrêmement agréable d'entendre quelqu'un qui manipule si bien son dossier.

J'ai déjà posé quelques questions mais je voudrais tout simplement revenir sur la question de la résidence familiale mais je pense qu'il y a quelqu'un d'autre qui voudrait y revenir, alors je n'y reviendrai pas, car vous avez donné des explications convenables.

Il y a seulement une question que je veux vous poser: A la recommandation 1.3, vous dites: Que soit reconnu le droit de la femme collaboratrice de bénéficier au même titre que les autres travailleurs des mesures économiques et sociales instaurées par l'Etat pour le bien-être et la protection des travailleurs. Vous savez que, dernièrement, le ministre du Travail a édicté une ordonnnce à l'effet que les femmes au travail pouvaient bénéficier d'indemnité en cas de maternité; est-ce que vous pouvez nous dire si vous avez fait des représentations au ministre du Travail pour inclure la femme collaboratrice de son mari dans cette ordonnance?

Mme Demers: II est tout à fait impossible à l'heure actuelle de faire des représentations lorsque arrivent des lois qui sont sous-jacentes à notre projet parce que l'étape première, c'est d'abord de faire reconnaître ici cette femme. Quand elle sera reconnue, après on pourra continuer, mais là, on vous a proposé un ensemble de recommandations et la principale est de reconnaître cette personne qui est une femme collaboratrice. La première étape, c'est ici qu'il faut la faire.

M. Fontaine: Oui.

Mme Demers: Est-ce que cela vous donne une réponse.

M. Fontaine: Oui.

Mme Demers: En fait, on aurait parlé de quelqu'un qui n'existe pas encore légalement.

Mme Marchesseault-Lussier: Seulement pour compléter, c'est un peu cela la difficulté, c'est que la femme collaboratrice n'est pas reconnue comme travailleur et elle est nommément exclue de la Loi du salaire minimum; la loi exclut textuellement le conjoint du propriétaire de recevoir un salaire. On a acheminé, par le Conseil du statut de la femme qui faisait une représentation, une note que le conseil a appuyé demandant que ne soit plus exclue la femme collaboratrice de cette Loi du salaire minimum et de toutes les autres lois qui touchent les travailleurs.

M. Fontaine: Vous ajoutez...

Mme Marchand: Je voudrais vous donner un autre exemple.

M. Fontaine: Oui.

Mme Marchand: Quand on parle d'avoir accès à la formation professionnelle, je pense aux agriculteurs par exemple, je veux vous dire que les agriculteurs suivent des cours de formation professionnelle agricole pendant que leur femme fait le train et tient la comptabilité à la maison.

M. Fontaine: Oui. A ce moment-là, cela voudrait dire que vous seriez favorables au fait que toutes les femmes, qu'elles soient au foyer, à travailler, à élever leurs enfants, à en prendre soin, toutes les femmes qui collaborent avec leur mari dans une entreprise puissent, par exemple, obtenir une compensation ou une indemnité en cas de maternité.

Mme Marchand: Le mémoire ne dit pas cela pour le moment. Disons, sans préjudice...

M. Fontaine: Non, je vous demande si vous seriez favorable à cela.

Mme Marchand: Sans préjudice pour la femme au foyer, ce qu'il faut commencer à éclaircir et décortiquer, ce sont les catégories de femmes au foyer. La même chose pour la Régie des rentes et le reste. Il y a des femmes au foyer pour lesquelles on peut reconnaître un travail, telle la femme collaboratrice, telle l'éducatrice de jeunes enfants ou ainsi de suite. Le mémoire ne veut parler que de la femme collaboratrice et tient à ce qu'elle ne soit pas identifiée uniquement comme femme au foyer. Ce n'est pas la même chose.

Mme Marchesseault-Lussier: Une simple remarque. C'est que plusieurs épouses de députés et de ministres pourraient revendiquer le statut de collaboratrice; je suis certaine qu'elles passent un nombre d'heures important à aider leur mari dans

ses diverses fonctions. C'est très important, justement. C'est pour cela que notre mémoire qui a paru en 1976 a pris le nom de "La femme collaboratrice du mari", mais dans une entreprise à but lucratif, pour bien marquer la différence entre la femme au foyer et la femme dans une entreprise.

M. Fontaine: Vous avez mentionné le cas des agriculteurs. A ce moment, est-ce que vous nous diriez que dans la plupart des foyers d'agriculteurs, la femme serait automatiquement collaboratrice?

Mme Marchand: Pas nécessairement. Il y en a beaucoup, mais pas nécessairement. Cela évolue là aussi, parce qu'il y a beaucoup de fermes qui passent de l'entreprise familiale à l'entreprise commerciale et où le statut des collaborateurs est moins clairement défini. Il y en a beaucoup...

M. Fontaine: Parce que, aujourd'hui...

Mme Marchand: ... dans cette catégorie. Mais le mémoire vous dit bien qu'une enquête qui n'avait pas voulu être particulière en milieu agricole a donné comme réponse, que c'était à peu près égal en milieu agricole et en milieu urbain.

M. Lalonde: Je ne veux pas compliquer la vie du ministre, mais il y a aussi l'enfant collaborateur, dans le milieu agricole.

Mme Marchand: Mais la situation est différente quand même.

M. Lalonde: Maintenant c'est changé. Mme Marchand: Oui.

M. Fontaine: Seulement une petite remarque. Vous ajoutez également, au même point, la question de l'assurance-chômage. Vous ne pensez pas que cela pourrait donner lieu à des abus, à savoir, qu'à peu près dans tous les commerces, les maris vont inscrire leur femme sur le livre de paie et vont essayer de retirer de l'assurance-chômage?

Mme Demers: Pourquoi a-t-on tant peur de la fraude de la part des femmes?

M. Fontaine: Non, non.

Mme Demers: Pourquoi a-t-on tant peur de la fraude de la part des femmes alors qu'on en laisse passer des fraudes? On sait qu'elles existent mais on ne peut pas les arrêter. Il faut penser que dans la situation de collaboration, ce sont souvent des petites entreprises qui ont de la misère à passer et si l'entrepreneur ne travaille pas pendant une certaine période de l'année, la simple collaboratrice y aurait droit comme d'autres. On a vu aussi le moment où l'entreprise, la situation de collaboration est dissoute. Le mari vend l'entreprise, alors l'épouse ne peut pas retirer l'assurance-chômage si elle n'a pas été reconnue comme travailleuse. Si la vente est faite, l'entreprise n'existe plus et cette femme ne reçoit pas de justice dans sa...

M. Fontaine: Ce n'était pas le sens de ma question. C'est que dans la loi de l'assurance-chômage, le travailleur autonome n'est pas reconnu comme une personne qui peut bénéficier de l'assurance-chômage. Sa femme pourrait l'être et lui ne le serait pas.

Mme Demers: Oui.

Mme Marchesseault-Lussier: Si la femme est considérée comme une employée dans l'entreprise, à ce moment elle y aurait droit. Si elle était associée elle n'y aurait pas plus droit que le mari sociétaire.

M. Fontaine: Alors vous faites une distinction entre la femme employée et la femme associée.

Mme Marchesseault-Lussier: Bien, association légale à ce moment. C'est pour cela que l'on dit que la femme qui travaille plus de 30 ou 40 heures par semaine, pourquoi ne pas la considérer comme un partenaire légal dans l'entreprise? Soit sous une forme de société ou sous une forme de compagnie, où elle ne serait pas un prête-nom avec une action. Parce que souvent on nous dit que les entreprises n'ont qu'à s'incorporer, que cela va être bien facile après. On veut bien, mais il faudrait à ce moment que la participation antérieure de l'épouse dans l'entreprise soit égale à des actions équivalentes à sa participation antérieure.

M. Fontaine: C'est justment là que je vois un espèce de confit. Si vous demandez que la femme soit considérée comme une associée vous ne pouvez pas demander en même temps qu'elle puisse bénéficier des avantages d'une personne à salaire.

Mme Marchesseault-Lussier: Vous avez parfaitement raison et c'est ce que Mme Demers a tenté d'expliquer tantôt en disant que ce qu'on demande prend diverses formes selon la situation de collaboration. Les couples, c'est à eux de décider. Ce qui importe, en premier lieu, c'est de reconnaître que cette femme existe, que c'est un travailleur et qu'elle a sa place dans la société.

M. Fontaine: Merci beaucoup.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je n'ai qu'une question, merci M. le Président. Je voudrais tout d'abord, comme les autres, vous féliciter pour les qualités de votre mémoire. Cela ne me surprend guère, puisque les AFEAS, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, ont l'habitude de nous présenter des mémoires extrêmement bien étoffés.

A la page 7 de la deuxième partie de votre mémoire, vous dites qu'il est important que la rési-

dence familiale soit considérée non plus comme la propriété d'un époux, mais comme un bien de la famille. Je pense que l'exemple que vous donnez à la page 7 est un exemple que nous rencontrons malheureusement trop souvent. A la page 9, vous dites ceci: Lors d'un divorce, d'une séparation de corps ou d'une annulation de mariage, l'immeuble appartenant à l'un des époux et servant de résidence principale de la famille sera sujet à un partage à part égale entre les époux. Par contre, on sait que, lors de la passation des contrats de mariage, les époux ont l'habitude de se faire des donations. Ne croyez-vous pas qu'en donnant la propriété indivise aux deux de cet immeuble familial cette disposition va avoir une incidence sur les donations que se feront les couples par contrat de mariage, lors de la passation du contrat de mariage? Si oui, lequel est le mieux pour la protection des droits de l'épouse?

Mme Marchesseault-Lussier: Un droit concret, monsieur. La résidence familiale, si on l'a dans le code demain, on dit: Cela aura peut-être une influence, la femme n'aura peut-être pas de donation. Mais vous êtes avocat et vous savez très bien le sort des donations par contrat de mariage, si vous allez en divorce, en séparation. On va plutôt faire un parallèle, et c'est une question que vous avez posée hier personnellement; est-ce mieux d'avoir une séparation de biens avec des donations ou une société d'acquêts? Quel est l'avantage de l'un ou de l'autre? Dans un mémoire qui a été présenté, on disait que ce serait peut-être mieux de changer la société pour avoir une séparation avec une espèce de réserve au divorce. Mais ce qu'il faut souligner, c'est la différence qui existe entre un contrat de séparation de biens, incluant donation, et un régime de société d'acquêts où entre une donation dans un contrat de mariage et un droit à la moitié indivise d'une résidence familiale; il y a toute la différence du monde. Dans le cas du contrat de mariage et de la séparation avec donations, le juge a discrétion sur le sort des donations, tandis que, dans une société d'acquêts, la moitié des acquêts vous est acquise, sans aucun pouvoir discrétionnaire.

Dans le cas de la résidence familiale, on dit: Droits reconnus à la moitié indivise. Le pouvoir discrétionnaire du juge ne devra s'appliquer que dans les circonstances exceptionnelles. Par exemple, le cas que je vous ai souligné — ce sont des cas qui arrivent — un mariage qui dure six mois, les époux ont été mariés pendant à peine un an, tout de suite au bout de deux semaines, la femme est partie. Dans le cas — c'est un point, peut-être, que je n'ai pas mentionné tantôt dans les commentaires — le mode d'acquisition de la propriété pour nous paraît important. Sans vouloir embarquer dans des conflits de patrimoine familial ou quoi que ce soit, je pense que c'est l'assentiment à la fois des membres avec lesquels on a discuté et d'une majorité assez importante des gens. Par exemple, le cas où mon père me lègue par testament un immeuble, ou le cas, par exemple, du cultivateur qui lègue sa ferme à son garçon. Le garçon continue l'entreprise du père, dont il trans- porte sa famille sur cette ferme qu'il a reçue par testament. Dans ce cas, je crois que le juge pourra avoir discrétion pour tenir compte du mode d'acquisition. Ainsi, si le bien a été acheté pendant mariage par les économies des deux époux, là, c'est moitié-moitié et le juge aura discrétion si les époux ne s'entendent pas pour dire: C'est lui qui a la garde des enfants, par exemple, qui aura l'attribution, à charge de payer la moitié du prix de vente ou la juste valeur marchande, à l'autre conjoint.

Dans le cas où le bien a été reçu par succession, il y a quand même des liens qui doivent entrer en ligne de compte, parce que le droit doit être humain aussi. Ce n'est pas juste de poser deux plus deux égalent quatre. Alors, ce côté du mode d'acquisition, pour nous, est important. Dans ce cas, la femme n'aura peut-être pas de droit de conserver la ferme dans l'exemple que je mentionnais, mais elle aura au moins droit à la juste valeur marchande de l'immeuble. C'est une solution qui me paraît beaucoup plus équitable et beaucoup moins aléatoire qu'une donation. Un autre facteur important que je me permets de souligner, c'est que les donations prévues au contrat de mariage sont fixées à la date de célébration, à la date de signature du contrat de mariage. Donc, il n'y a aucune indexation. En affaires immobilières, je ne vous apprends rien, l'immeuble s'indexe automatiquement avec l'inflation. C'est de beaucoup préférable. (18 h 30)

M. Vaillancourt (Jonquière): D'accord et on sait effectivement qu'en pratique, les juges exercent leur discrétion et même lorsque nous réussissons à obtenir le jugement, l'exécution est souvent très pénible.

Mme Lord: L'exécution, tandis que là, l'immeuble est là et on va le liquider, merci.

Le Président (M. Jolivet): Oui, Mme Marchand.

Mme Marchand: Je ne vous cache pas que dans le projet de refonte du Code civil, j'aurais aimé qu'on mette quelques définitions. Actuellement, quand on parle de protection de la résidence familiale, on parle de quoi? Protéger une famille pour qu'elle ne soit pas, du jour au lendemain, dans la rue, ou protéger le droit de propriété ou la subdivision d'une propriété; ce sont deux notions assez différentes, je pense que cela amène une argumentation différente et des recommandations différentes aussi, une législation, l'application des faits. Comme il y a quelques jours quand vous avez des organismes qui prônent que demeure dans le texte, par exemple, l'obligation d'une vie commune entre les époux, et d'autres vont dire que ce n'est pas nécessaire, cela devrait être enlevé. De quoi veut-on parler quand on parle de vie commune? Si c'est celle de Napoléon, c'est une chose, si c'est celle d'aujourd'hui, c'est autre chose peut-être.

Alors, je pense que pour la protection de la résidence familiale, il y a un concept aussi. Je

dirais que ce qu'il faut retenir, c'est le principe même avec lequel — je pense que tout le monde est d'accord — on voudrait qu'il y ait une protection de la résidence familiale, d'une part. D'autre part, on voudrait que cette protection soit accessible à la majorité des citoyens particulièrement des petits qui ont moins de voix. Tout cela amène l'AFEAS à dire: Faisons donc sauter la déclaration obligatoire pour tout le monde, parce qu'on pense que certains ne la feront pas, sauf pour ceux qui ont beaucoup plus de biens; vous avez, par exemple, des domiciles à cinq logements, Généralement ces gens-là ont plus de moyens, plus d'informations et vont faire les démarches nécessaires, leurs affaires sont plus en règle, la relation avec leur notaire est plus régulière. Ils vont faire les démarches nécessaires, mais la plupart des petits, des modestes ne l'on peut-être pas.

Ce qui ne veut pas dire que j'ai deux chapeaux quand le Conseil du statut de la femme dit par exemple: Ce serait préférable qu'il y ait une déclaration. Je pense qu'à ce moment-là, ils ont étudié différentes situations qui peuvent se produire. Je voudrais seulement en indiquer une pour laquelle je n'ai pas de réponse, ce qui ne m'empêche pas de partager le premier principe que je viens de décrire, mais par exemple, avec la Loi de protection agricole actuelle qui ne permet pas de subdiviser un lot, qui ne permet pas de lotir l'emplacement du domicile, de le séparer de toute une ferme, que va-t-on faire avec ça par rapport à la protection du domicile familial? Je n'ai pas de réponse pour le moment, on n'a pas réussi... Cette loi est trop récente.

M. Lalonde: On va en parler au ministre de l'Agriculture, il a des réponses à tout. Il va dire que c'est bien simple.

Mme Marchand: J'attire votre attention. C'est à cela que pensait le CSF quand il a dit à un moment donné: II peut peut-être y avoir des conflits dans l'application de certaines lois, il faudra revenir, il faudra réfléchir sur ces différents points. Mais au niveau des principes, je suis entièrement d'accord avec ce qui vient d'être dit.

Le Président (M. Jolivet): On vous remercie. Avant d'ajourner, j'aimerais savoir s'il y a une personne qui représente l'Association des femmes diplômées des universités? Oui? Donc, nous nous retrouvons ce soir, à 20 heures, avec l'espoir d'entendre alors deux groupes.

M. Bédard: On pourrait s'entendre pour revenir à 20 heures. On va tous faire un effort?

M. Lalonde: Je n'ai pas d'objection, ce n'est pas moi qui vais venir ici ce soir.

Le Président (M. Jolivet): Donc on est sur... M. Lalonde: ... à revenir à 20 heures ici.

Le Président (M. Jolivet): J'ajourne la séance jusqu'à 20 heures, ce soir, et j'espère vous voir.

Fin de la séance à 18 h 34

Reprise de la séance à 20 h 15

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, madame, messieurs! La commission de la justice est réunie pour entendre des mémoires. Lors de l'ajournement, nous en étions, tout à l'heure, à la présentation du rapport du Comité national de la condition féminine du Parti québécois. Je demanderais à la personne de s'identifier ainsi que sa compagne.

Comité national de la condition féminine du Parti québécois

Mme Thiboutot (Louise): Louise Thiboutot et Odette Nadon. Je pense que je vais commencer par dire que s'il est une réforme au Québec qui est attendue, c'est bien la réforme au niveau de la révision du Code civil. Cela a des répercussions très importantes pour les femmes, pas uniquement pour les femmes, je crois.

Je voudrais peut-être vous dire au départ que le Comité national — je m'excuse je suis un peu essouflée, je suis montée vite — de la condition féminine du Parti québécois existe depuis déjà deux ans maintenant, qu'il coordonne en fait une action nationale, qu'il est représentatif à peu près d'une soixantaine et un peu plus de comités à travers les comtés, qui sont les structures normales d'un parti politique, avec quelques comités régionaux. Nous attachons beaucoup d'importance à un travail décentralisé et à une consultation et au fait, aussi, d'être informé des besoins à partir de l'existence des comités de comté. Pour nous, c'est une priorité de participer à la commission parlementaire sur le droit de la famille.

Avant de passer la parole à Odette, qui s'est occupée plus particulièrement de la formulation des modifications et des recommandations, je voudrais rapidement vous dire que, dans l'ensemble, on considère que les objectifs de l'Office de révision du Code civil vont dans le sens de l'adaptation de celui-ci à une réalité sociale nouvelle et améliorent, à toutes fins utiles, la situation de la femme par rapport au contexte qui était celui dans lequel elle avait à fonctionner. Sans entrer dans les détails, puisqu'on va le faire point par point, on est d'accord sur une bonne partie des objectifs, tout en trouvant que sur certains points, on ne va pas suffisamment loin. Odette, comme avocate et membre du comité, a vu à la formulation d'un certain nombre de recommandations et comme il est tard, qu'il y a eu plusieurs comités, pour la partie politique, on va se limiter à ces quelques informations et passer tout de suite à l'aspect technique du mémoire du Comité national de la condition féminine.

Mme Nadon (Odette): Je me présente, Odette Nadon. J'ai travaillé plus spécialement sur les articles de façon à faire des textes corrigés de ce qui avait été proposé.

M. Bédard: Est-ce que vous pourriez approcher le micro, pour qu'on compenne mieux?

Mme Nadon: D'accord. En commençant, je voudrais compléter ce que Louise a pu dire, comme partie introductive, et toucher un sujet qui n'est pas touché comme tel dans les articles du projet de l'Office de révision du Code civil, c'est le Tribunal de la famille. La position du comité sur ça, c'est qu'on est tout à fait d'accord avec l'institution d'un Tribunal de la famille, comme tribunal de première instance ayant juridiction sur les matières de séparation, divorce, les gardes d'enfants, tout ce qui peut regarder les problèmes familiaux. Sur ce plan, on peut seulement être d'accord avec l'objectif de rapatrier le divorce, qui est présentement de juridiction fédérale.

On ne pense pas qu'il y aurait un grand problème constitutionnel, étant donné que, déjà, la Cour supérieure peut appliquer ce qui arrive en matière de divorce. Ce serait seulement pour considérer que tout est une façon unifiée d'assumer les problèmes de famille au point de vue des tribunaux. Au point de vue du Tribunal de la famille, on avait pensé à sa juridiction en toutes ces matières. Pour la composition, on pensait aussi que les juges, c'était bon qu'ils siègent seulement en matière de famille, parce que c'est tellement un domaine spécialisé qu'il fallait s'attendre à avoir des gens pas nécessairement compétents en la matière, ce serait procéder à l'exclusion des autres juges, mais ce serait de dire que les juges qui siégeraient en matière de famille seraient vraiment sensibilisés aux problèmes rencontrés. Ce serait beaucoup plus adéquat pour apporter des solutions qui sont quand même assez lourdes de conséquences juridiques.

Parallèlement à ça, il y aurait des organismes juridiques et sociaux au Tribunal de la famille. Des organismes sociaux, il y en a plusieurs qui en ont parlé, comme des conseillers psychologiques, etc. Ce sur quoi on voulait le plus insister, c'était un mécanisme de perception des pensions alimentaires. On n'aime pas tellement le terme de pension alimentaire, qui est très négatif. On pensait plutôt à un mécanisme de contribution volontaire ou forcée, volontaire dans le sens que, quand un conjoint condamné par jugement paie une pension alimentaire, il paie la contribution, parce qu'en fait on appelle ça une contribution, car, dans un couple ou dans une famille, quand il faut payer pour certaines choses on appelle ça une contribution et non une pension alimentaire qui est à caractère punitif le plus souvent. Dans nos jugements, on le retrouve presque toujours, c'est toujours à saveur punitive, les pensions alimentaires.

Et on pensait au mécanisme forcé aussi. Quand 50% ou 75% des gens ne paient pas leur pension alimentaire, il devrait y avoir un organis- me qui s'occupe de percevoir cela, que ce ne soit pas encore le conjoint bénéficiaire des pensions alimentaires qui soit toujours à courir après cela, toujours reproduire une situation de dominant-dominé, en soumettant la personne qui est lésée en ne recevant pas sa rétribution, à poursuivre, en plus.

Je voudrais passer à la partie technique qui traite des articles qui sont touchés par l'Office de révision du Code civil. Je vais procéder en donnant le texte corrigé et je vais limiter les commentaires pour attendre la période de questions s'il y en a, parce que, en fait, on a peu de temps.

Au sujet de nom patronymique, je vous réfère à la partie technique. Ce qu'on proposait, c'était un nom simple ou composé, un nom patronymique simple ou composé, avec un maximum de deux noms, pour éviter les désaccords qui peuvent arriver au sujet des générations futures. En cas de désaccord, on disait que chacun des conjoints donnait son nom patronymique. Et si plusieurs enfants naissent des mêmes parents, ceux-ci doivent donner le même nom patronymique à tous les enfants. C'était pour qu'on puisse identifier la famille nucléaire, comme elle existe présentement. Quand il y avait plusieurs enfants qui naissaient des mêmes conjoints, on ne voulait pas tout faire éclater et respecter quand même une idée qui représente celle d'une bonne majorité des gens.

En faisant cela comme cela, on essayait de respecter les libertés et, en même temps, l'égalité des deux conjoints. Idéalement, on aurait aimé que ce soit le nom patronymique de la mère, mais, en fait, il y a trop de problèmes qui peuvent naître de cela. La solution proposée ne présente pas de problème comme tel, ni au point de vue administratif, ou à quelque niveau que ce soit. On y reviendra s'il y a des questions à ce sujet.

M. Bédard: D'accord.

Mme Nadon: A l'article 41 du projet de loi, dans les effets du mariage, les obligations des époux. Nous, on voulait enlever le dernier alinéa qui disait que les époux, dans leurs obligations, étaient tenus de faire vie commune. On trouvait qu'il n'y avait plus d'utilité à écrire cet alinéa face aux sanctions que cela pouvait apporter à un moment donné. Dans notre nouveau contexte de vie quotidienne, on avait plusieurs faits qui pouvaient causer que des gens vivent séparés l'un de l'autre, ne fassent pas vie commune. En fait, qu'est-ce que c'est que de faire vie commune, étant donné que ce n'est pas défini? Cela peut amener des sanctions qui sont disproportionnées face à ce qui peut arriver. Il peut y avoir des stages de perfectionnement, des contrats à l'étranger qui font que des gens, à un moment donné, ne font pas vie commune.

Pourquoi imposer cela dans les obligations du mariage, alors que cette obligation peut être couverte dans d'autres devoirs conjugaux. Il peut y avoir des sanctions qui sont beaucoup moins rigides que si on en fait une obligation comme telle qui

laisse peu de matière à interprétation. Faire vie commune, c'est...

Ensuite, on sautait à l'article 49 qui est l'union de fait. On trouvait que c'était un point très important dont on a discuté longuement. On voulait souligner le fait que les règles des articles 47 et 48 s'appliquent également aux époux de fait, si ces derniers ont consigné par écrit, en forme notariée en minutes une entente relative au partage matériel des charges du ménage. En fait, pour les époux de fait, on ne donne aucune limite de temps de vie commune, parce qu'on peut laisser cela à l'appréciation du tribunal, étant donné que ce sera un tribunal de la famille qui sera sensibilisé au fait. On ne peut pas mettre une période de temps qui soit trop rigide.

Mais, pour les articles 47 et 48 face aux charges du ménage, on se demandait comment le législateur pouvait intervenir à ce niveau-là, alors que c'est le désir bien arrêté de plusieurs personnes et de plusieurs couples de justement ne pas être légifères en choisissant l'union de fait. On se demandait si ce n'était pas une façon de récupérer d'une manière protectionniste les époux de fait qui sont quand même de plus en plus nombreux. On se disait qu'il fallait respecter la liberté des individus de pouvoir vivre en union de fait et en mettant la possibilité de faire un écrit sous forme notariée les obligeant aux charges du ménage, on se disait que, s'il y a eu des abus par le passé et s'il y a eu des gens qui ont payé pour les unions de fait, on donnait une façon moins rigide que le mariage de pallier cette situation qui a amené des abus. Cela pouvait un peu réconcilier les positions tout en respectant la liberté de ceux qui ne veulent justement pas avoir une espèce de loi qui s'ingère dans leur vie privée. Je pense qu'à ce niveau-là, cela éliminerait un peu les problèmes qu'il peut y avoir en ce moment sur cela.

Ensuite, on parlait de la résidence principale. La déclaration de résidence principale, on n'était pas d'accord à mettre cela sous forme notariée pour la bonne raison que cela rendait la chose inaccessible à peu près à tout le monde. En mettant des formulaires prévus à cette fin au bureau d'enregistrement, on rendait cela moins coûteux, parce que, de toute façon, si c'est sous forme notariée, il faut toujours que cela finisse au bureau d'enregistrement. Pourquoi ne pas avoir un mécanisme direct avec des conseillers qui peuvent aider à remplir les formulaires et tout cela? On évite les intermédiaires comme cela et on rend cela plus sécurisant pour les gens. Je veux dire que s'ils ont seulement une formule à remplir, il y a déjà beaucoup d'organismes où on prévoit de remplir des formules et cela ne fait pas peur aux gens.

C'est quand même nouveau comme principe. Alors, pourquoi le faire aussi rigide et en forme notariée? C'est sûr qu'on n'accrochera pas beaucoup de gens avec cela. Cela va tomber à rien. Tous les gens vont essayer d'éviter cela.

Ensuite, on a parlé de l'article 65 comme de l'article 56 qui donnaient la discrétion à certains juges de délimiter la propriété, lors d'un divorce ou d'une séparation, des immeubles ou des meubles à l'un des conjoints, selon, non pas la provenance du bien, mais l'utilisation qui en a été faite durant la vie commune. On a trouvé cela très bon et on n'a aucune correction à apporter à ce niveau. On a trouvé que c'était justement une façon, de la part de l'Office de révision du Code civil, de démontrer qu'enfin on se rendait compte de ce qui a pu être fait par le passé, par exemple; que les femmes à la maison ont toujours investi pendant 15 ou 20 ans de façon non rémunérée. C'est une façon d'en faire le partage alors qu'il n'y en a pas eu jusqu'à maintenant.

Ensuite, on tombe aux régimes matrimoniaux. Je pense qu'on pourrait passer vite sur cela. L'article 85 concerne la société d'acquêts. On fait des droits d'une pension alimentaire ou d'une pension d'invalidité un propre, alors qu'on fait un acquêt de l'argent qui est perçu à la suite de ce droit. On est d'accord pour dire que tout est un propre, tant le droit que la perception de l'argent qui peut en découler. En fait, c'est une fiction juridique que de dire qu'un droit est un propre et que l'argent qui en découle est un acquêt. Pourquoi fait-on cela? Cela n'a aucune utilité, d'autant plus que l'argent qui peut être perçu pour ces pensions d'invalidité etc., c'est vraiment personnel au bénéficiaire. Alors, on ne voyait pas l'utilité d'en faire un acquêt, d'autant plus qu'il y a plusieurs autres exemples qui peuvent servir d'acquêts. Cela ne porte pas préjudice à un régime matrimonial que d'en faire quelque chose de différent. C'est à peu près la même chose pour la communauté de biens à ce sujet, en faire un bien commun ou un bien propre.

Au sujet de la communauté de biens à l'article 118, pour le produit du travail de la femme, on trouve cela très bien d'avoir aboli l'article 14,25a, parce qu'il n'avait pas son utilité juridique et qu'il était discriminatoire en lui-même. Si on veut vraiment traiter d'un pont de vue égalitaire, on n'a pas à faire des traitements de faveur à une femme parce qu'elle travaille. C'est à l'article 14.25a.

Alors, on est en faveur de mettre les deux produits du travail sur un pied d'égalité, que ce soit l'homme ou la femme. Il n'y a pas à avoir de traitement de faveur. Quand on fera des traitements de faveur, ce sera accepter une situation protectionniste et paternaliste, et il n'y a pas de raison à cela. (20 h 30)

Ensuite, à l'article 150, pour l'administrateur de la communauté de biens, nous avons aboli le deuxième paragraphe qui faisait une présomption que c'était le mari qui était l'administrateur des biens de la communauté. Comme la communauté de biens n'est plus le régime légal et qu'il faut le faire par contrat de mariage, on s'est dit: Si les gens prennent la peine de faire un contrat de mariage de communauté de biens, c'est normal qu'expressément ils prévoient celui des deux conjoints qui va être l'administrateur. En fait, les gens posent un geste en faisant un contrat de communauté de biens. Je comprends mal qu'on puisse dire qu'il y aurait une présomption. C'est retomber

dans l'ancien droit et dire que, finalement, cela donnera ouverture à une pratique qui ferait qu'il n'y aurait jamais de stipulation, les gens ne seraient pas plus informés et peut-être que le notaire instrumentant serait moins porté à expliquer aux gens les conséquences de nommer un administrateur. Si on ne nomme absolument rien, ce sera encore le mari. Cela peut donner ouverture à une pratique qui serait de revenir exactement à la même chose.

En fait, aussi, pour l'accord sur les séparations de fait, on a changé un mot. On disait ici: "Toutefois, l'accord n'est valable..." Nous, on est plus d'accord pour dire "l'accord n'a d'effet", parce qu'au point de vue juridique, le mot "validité" et les mots "n'a d'effet", on pense que ce serait plus juste de dire qu'il y a un effet entre les époux. Un accord sur une séparation de fait pourrait avoir un effet à partir du moment où c'est homologué par le tribunal. Mais pour dire que cela a une validité... Cela pourrait avoir une validité autre qui est celle d'avoir un effet, à un moment donné, mais, pour avoir un effet réel, il faudrait que ce soit homologué par le tribunal. C'était seulement un terme juridique qu'on voulait préciser sur ce point.

Ensuite, on passait à l'article 241 du projet pour ce qui est des échecs du mariage et qui donne ouverture aux divorces et aux séparations. Nous avons ajouté un paragraphe là-dedans qui est le paragraphe 3. On a dit que, lorsqu'un des époux a été abandonné par l'autre depuis au moins un an, c'était un échec au mariage. On voulait par là créer une situation qui est déjà présente dans la Loi sur le divorce. On fait une distinction entre l'époux abandonné et l'époux qui abandonne. En ce moment, les laps de temps sont de trois ans et de cinq ans avant de pouvoir instituer une requête en divorce. On se demandait pourquoi il n'y aurait pas une telle distinction, d'autant plus qu'à l'article 3, comme on le propose, on dit que c'est un an.

Un an, c'est un laps de temps suffisamment long pour dire que, si un époux est abandonné, il pourrait quand même agir et procéder à une mesure de séparation ou de divorce, étant donné qu'au bout d'un an, il a pu se passer suffisamment de faits, les choses ont pu suffisamment se calmer, et ça ne soumet pas l'époux qui est abandonné à l'arbitraire de celui qui l'abandonne, alors qu'à l'article 2, tel qu'il était proposé à l'alinéa 2, on mettait trois ans sans faire de distinction entre les deux époux, celui qui était abandonné ou celui qui abandonnait.

Je pense qu'il ne faut pas généraliser et qu'il faut vraiment faire une distinction à ce niveau. L'époux qui a été abandonné, au bout d'un an, s'il veut avoir des possibilités, il peut trouver une solution là-dedans.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je voudrais remercier le Comité national de la condition féminine du Parti québécois de sa contribution à la commis- sion parlementaire. On comprend que je ne ferai pas de plus amples commentaires sinon de signaler ma conviction que le fait de venir acheminer ici, en commission parlementaire, le résultat de vos réflexions dans les différents comités à travers l'ensemble du Québec, comme c'est le cas dans tous les partis politiques, constitue, je crois, une prise de responsabilités digne de mention.

Je voudrais simplement, étant donné, comme vous le savez, que bien des points ont déjà été couverts, poser quelques questions sur des points particuliers. Il y a un point, entre autres, dont on a déjà traité à maintes et maintes reprises, à savoir le nom de l'enfant. Votre position est celle du libre choix, ce qui existe présentement dans le Code civil, sauf qu'en cas de désaccord, vous proposez le nom des deux parents, au maximum. Contrairement à la proposition du Conseil du statut de la femme, vous évoquez votre conviction de la nécessité que tous les enfants d'une même famille aient le même nom.

Mme Nadon: Oui, en fait, c'est pour mieux respecter ce qu'ils pourraient rencontrer comme idéologie, à un moment donné, si justement... Je pense qu'il faut continuer à faire une certaine identité de la famille, parce que ce n'est quand même pas rendu à un point où il faut tout chambarder non plus. Je pense qu'en respectant cela, un couple au premier abord, s'il a un premier enfant, prend une espèce de consensus sur le nom et, après, il le respecte. Je pense que c'est inutile de vouloir créer la situation, s'il y a cinq enfants, de rediscuter chaque fois le problème parce qu'en fait, il ne faut pas s'éterniser non plus sur le nom patronymique. Ce n'est pas terrible comme conséquence, mais il ne faut pas tout chambarder, il faut respecter les gens dans cela.

M. Bédard: Concernant l'union de fait, vous proposez que le législateur n'intervienne pas dans la liberté de vie que choisissent les époux par l'union de fait. Cela rejoint essentiellement la recommandation du Conseil du statut de la femme. Vous permettez également qu'il y ait des ententes qui soient permise concernant les aspects financiers.

Mme Nadon: Oui.

M. Bédard: Comment réagiriez-vous à la proposition du Barreau qui explicitait sa tendance ou sa conviction qu'il serait peut-être nécessaire qu'il y ait un minimum de protection légale concernant les unions de fait?

Mme Nadon: En fait, un minimum de protection légale, cela ne devrait pas être synonyme de dire qu'il y a une ingérence de l'Etat dans n'importe quelle union de fait qui peut arriver comme cela. Si on commence à dire qu'il faut un minimum de protection, c'est dire qu'on légifère partout, c'est dire que les couples qui ont pu décider de vivre en union libre, sans aucune obligation juridique, si c'est un choix éclairé, n'auraient plus

le choix de faire cela, alors que, si on veut assurer un minimum, il me semble que le projet de texte qu'on soumet ici, que le comité soumet, tient compte d'un minimum. En fait, on prévoit que, pour certaines unions de fait, il faudrait prévoir de faire un contrat qui régit la répartition des charges du ménage. Il me semble que cela peut être le minimum qui peut être prévu par une loi. Si on va plus loin que ce minimum, je me demande comment on peut qualifier cela, sûrement pas de minimum.

M. Bédard: Même un minimum qui pourrait se limiter concernant, par exemple, l'obligation alimentaire, ne serait-ce que des...

Mme Nadon: L'obligation alimentaire, vous voulez dire face aux enfants?

M. Bédard: Face aux époux.

Mme Nadon: Face au conjoint, je me demande si, à un moment donné, il ne faut pas faire confiance un peu aux gens et vraiment, je ne vois pas ce qui les empêcherait de faire précéder leur union de fait d'un certain contrat qui n'est quand même pas tellement formaliste. Pourquoi ne pas faire confiance aux gens et dire qu'ils vont prévoir un mécanisme? Probablement qu'on trouve aussi des cas où les gens sont en union de fait parce qu'il y a un des deux conjoints qui est déjà marié ou qui a déjà des obligations. Je me demande comment on ne pourrait pas faire confiance aux gens en disant qu'ils vont faire un certain contrat, qu'ils vont tenir compte des conséquences et des cas d'espèce aussi. Pour ce qui est des autres qui ne veulent pas du tout avoir de contrat, je pense qu'il faut les respecter.

M. Bédard: Pourriez-vous donner plus de précisions? Cela peut sembler assez formaliste lorsque vous dites dans votre mémoire, à la page 4, que "les règles des articles 47 et 48 s'appliquent également aux époux de fait si ces derniers ont consigné par écrit, en forme notariée en minutes, une entente relative au partage matériel des charges du ménage."

Mme Nadon: Vous voulez que j'en précise le sens...

M. Bédard: Non, pas en préciser le sens, sauf que vous voulez le moins de formalisme possible. Est-ce que vous ne trouvez pas que vous en mettez quand même...

Mme Nadon: Un peu trop?

M. Bédard:... un peu trop lorsque vous exigez la forme notariée?

Mme Nadon: En fait, je me demande comment on pourrait proposer une autre forme, puisqu'on essaie de faire un peu moins qu'un contrat de mariage, qui est déjà une forme notariée, et un peu plus que de dire qu'on n'est pas soumis à une loi, qu'on n'a même pas pensé aux conséquences. Quand on parle d'un acte en forme notariée portant minutes, ça ne veut pas dire que ça va être un contrat sur 25 pages, ça va être quand même limité à la portée des articles 47 et 48 qui regardent les charges du ménage.

Cela va donner ouverture probablement à des formules presque toutes faites, mais qui vont quand même protéger les charges du ménage et les obligations monétaires qui en découlent. Cela ne pourra pas donner libre cours à des contrats très compliqués et qui n'auront plus de fin, en fait. C'est très limité, les articles 47 et 48. En légiférant sur les articles 47 et 48...

M. Bédard: C'est un minimum...

Mme Nadon: C'est ça, c'est vraiment d'avoir un minimum, les charges du ménage, c'est un minimum. Si les gens pensent à en faire une forme notariée, ce nest pas pour faire peur, la forme notariée, il n'y a rien de spécial là-dedans, c'est seulement pour donner un caractère authentique à ça. C'est une question de preuve devant les tribunaux. Pour ce qui est d'un minimum qui irait en deçà de cela, je pense que c'est légiférer dans le domaine privé des gens, quand ils choisissent de ne pas l'être.

M. Bédard: Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je veux également remercier les membres du Comité national de la condition féminine du Parti québécois de leur mémoire. J'ai quelques questions; comme le disait le ministre de la Justice, il y a plusieurs questions dont on a déjà discuté. Il y a de vos recommandations qui rencontrent celles du Conseil du statut de la femme.

Ma première question touche la notion de vie commune. Dans votre mémoire et également quand vous vous êtes exprimées, vous parlez de la nécessité de tenir compte de l'évolution des mentalités, de ne pas brusquer les mentalités, c'est un facteur sur lequel on doit compter. Je pense que c'est peut-être surtout un facteur politique. Vous n'avez pas exactement le rôle de politiciens, mais vous êtes quand même sensibilisées à aborder les problèmes sous cet angle.

Ma première question: Est-ce que vous croyez qu'à ce moment-ci, les mentalités permettraient — surtout que cela a été recommandé dans la révision du code — simplement de faire sauter l'alinéa? Est-ce que vous croyez que les mentalités sont prêtes à cela?

Mme Nadon: En fait, les mentalités sont toujours un peu prêtes à ce que les lois peuvent leur imposer. C'est sûr que ça peut apporter certaines réticences, mais il y a une période d'adaptation qui doit être... on doit quand même laisser la

chance pour une période d'adaptation. Je pense qu'on ne chambarde quand même pas des principes terribles en faisant des propositions comme celles-là. Je ne pense pas que ce soit tellement grave. Je pense qu'il n'y a personne... d'autant plus qu'on respecte toujours, on essaie toujours, tout le long du mémoire de respecter les libertés.

Cela respecte toujours une certaine mentalité que je ne veux pas étiqueter de conservatrice, mais une mentalité qui est assez importante et qui trouve que ce qui se fait présentement, c'est correct. Cela respecte cette liberté, ceux qui trouvent que ce qui se fait présentement est correct vont continuer à appliquer ça. Les autres qui sont frustrés par ce qui se fait obligatoirement en ce moment, par des contraintes administratives ou autres — parce que ce ne sont pas toujours nécessairement des contraintes légales — pourront justement adopter une autre ligne de conduite face aux textes qui sont quand même assez souples. Ce n'est quand même pas de la démagogie de faire des textes comme ça. Il s'agit d'essayer de ne pas frustrer les gens dans leur mentalité en proposant cela de cette façon. (20 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Juste une question qui m'apparaît une question de concordance. Si on abolit ce dernier alinéa, il m'apparaît qu'on le retrouve à l'article 241, quand on énumère les conditions touchant... "Il est réputé en être ainsi dans les cas suivants"; le deuxième alinéa "les époux ont vécu séparés... parce que l'un d'eux a décidé de ne plus faire vie commune". Comment le juge va-t-il décider s'ils ont fait vie commune ou non, si on le fait sauter dans le premier article?

M. Bédard: Selon la décision qu'on prend dans un premier article, la concordance s'y retrouverait dans l'autre que vous mentionnez.

Mme Nadon: En fait, dans l'article 41, vous parlez du dernier alinéa, de l'obligation de faire vie commune. Et dans l'article 241, alinéa 2, on crée quand même une obligation de trois ans. Je pense qu'entre les deux, il y a moyen de dire que ce n'est pas parce qu'on n'est pas obligé défaire vie commune, à l'article 41 comme tel, sans imposer une limite de temps, que, nécessairement, cela peut écarter l'alinéa 2 de l'article 241 qui parle d'un désir de ne plus faire vie commune pendant trois ans.

A ce moment-là, cela prévoit vraiment le cas d'un époux qui décide de ne plus faire vie commune pendant trois ans. C'est le cas de l'époux qui abandonne l'autre. C'est qu'on lui impose une sanction...

Mme Lavoie-Roux: C'est juste la notion de vie commune qui revient dans cela.

Mme Nadon: II faut prévoir, à un moment donné, qu'est-ce que c'est que de faire vie commune.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela, le juge va être obligé de décider qu'est-ce qui...

M. Bédard: II n'y a pas une ambiguïté dans les termes, quand on parle de vie commune? La cohabitation, ce n'est pas la même chose. Est-ce que vous ne voulez pas parler plutôt de cohabitation?

Mme Nadon: Cela dépend de ce qu'on peut entendre par vie commune. Il n'y a aucune définition. On pourrait peut-être en proposer une. Je ne sais pas comme cela, à brûle-pourpoint, ce que cela peut être, mais, vie commune, cela a quand même...

M. Bédard: Ce n'est pas la même chose que la cohabitation, dans votre esprit?

Mme Nadon: Oui.

M. Bédard: C'est la même chose?

Mme Nadon: Non, ce n'est pas tout à fait la même chose. Une vie commune, cela peut-être quand même une solution de continuité, sans nécessairement une cohabitation. Le sens de l'article 241, alinéa 2, est beaucoup plus large que celui de l'article 41, comme tel. Faire vie commune, c'est que je trouve que, dans l'article 41, ils sont tenus de faire vie commune, cela laisse ouverture à beaucoup d'interprétations. Et Dieu sait comment les tribunaux, lorsqu'ils ont une absence de précision dans les textes législatifs, comment ils peuvent interpréter d'une façon qui n'est pas nécessairement dans l'esprit du législateur.

A l'article 241, quand on regarde l'alinéa 2, faire vie commune pendant trois ans ou cesser de faire vie commune pendant trois ans, je pense que cela ne pose pas tellement de problème d'interprétation.

Mme Lavoie-Roux: En tout cas, je pense que le législateur pourra éclairer cela. Mais je me demandais si le juge n'aurait pas un peu de problèmes, étant donné que la première notion aurait peut-être été abolie. Je veux revenir sur la question des unions de fait.

Mme Nadon: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Votre recommandation est identique à celle... sauf que cet organisme ne prévoit pas de possibilité de contrat notarié, si ma mémoire est bonne.

M. Bédard: Le Conseil du statut de la femme le prévoit.

Mme Lavoie-Roux: Prévoit cela.

M. Bédard: C'est-à-dire des ententes.

Mme Lavoie-Roux: Oui, pas notariées.

M. Bédard: Pas notariées. Mme Lavoie-Roux: Des ententes.

M. Bédard: Ces dames ne l'ont pas précisé, en tout cas.

Mme Lavoie-Roux: Je comprends votre point de vue sur les unions de fait, mais je me demande si on ne se place pas dans un contexte qui correspond à certaines valeurs sociales ou culturelles de personnes qui ont eu plus de chance que d'autres dans la vie, pour une foule de raisons, qui sont peut-être mieux préparées. Si l'Union de fait se rompt, on reprend chacun son petit bonheur parce qu'on a fait un autre choix et cela ne présente pas de problème.

Mais ce qui me préoccupe, ce sont d'autres qui, justement, sont moins prêts ou prêtes — cela peut être l'un ou l'autre — qui n'ont peut-être pas eu... Quand on parle d'avantages, c'est bien relatif, mais je pense qu'on peut se comprendre. C'est peut-être de ceux-là ou de celles-là que je m'inquiéterais.

Je ne sais pas si vous avez des réflexions qui ont été faites avec d'autres catégories, des gens qui ont... Vous, vous avez évidemment des études universitaires...

Mme Nadon: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Je ne connais pas le cas de votre compagne. Mais il reste qu'il y a cette dimension qu'il faudrait peut-être examiner plus à fond.

Mme Nadon: Je comprends très bien, d'autant plus que les personnes auxquelles vous faites allusion, ce ne sont quand même pas des cas d'espèce, c'est quand même un certain nombre et un nombre...

Mme Lavoie-Roux: Et peut-être plus nombreux, dans le fond.

Mme Nadon: Oui, un nombre important, dans le fond. Mais on se dirait, à un moment donné: Faut-il continuer à toujours protéger des situations comme cela? Ne faut-il pas faire confiance aux gens et dire qu'à un moment donné, il va falloir qu'ils fassent un pas? S'il y a certaines personnes qui font l'acte volontaire de se marier, qui feraient partie probablement de la même catégorie de gens que ceux qui sont "victimes" d'unions de fait, il faudrait quand même s'attendre que les gens posent un certain geste, un minimum de gestes, de dire qu'ils peuvent faire un contrat sous forme notariée sur les charges du ménage, d'autant plus que c'est très restreint, les charges du ménage, et que cela peut être cela qui crée le plus de problèmes.

Il faudrait peut-être aussi prévoir des mesures transitoires pour les gens qui sont déjà en union de fait et qui n'ont pas fait précéder leur union d'un contrat comme cela. Il faudrait prévoir des mesures transitoires qui comblent le vide juridique qu'il peut y avoir en ce moment. On n'a pas pensé à fond à ce problème-là, mais on est conscient que ce n'est justement pas seulement un petit nombre qui sont victimes de cela. Mais, si on continue toujours à essayer de protéger — parce que la plupart du temps, ce seront des femmes qui seront en union de fait et qui seront désavantagées — si on continue à avoir une attitude protectionniste comme cela, à ne pas informer les gens et à mettre comme dans une espèce de contexte ésotérique toute cette partie-là, on continuera une situation qui a toujours été comme cela.

Je pense que ce serait facile d'instaurer des mécanismes d'information pour les gens. En leur permettant de faire une espèce d'entente sur les charges du ménage, on ne leur demande pas la fin du monde. Il me semble que c'est un minimum. On peut demander aux gens qui s'en vont en union de fait de le faire. C'est un pas en avant à faire. Je pense que s'il y a vraiment eu des manques, à un moment donné, et des frustrations de la part de certaines personnes, les gens sont assez conscients de leurs droits de plus en plus pour, peut-être, préférer ce petit pas. Ce serait un avancement positif.

M. Bédard: Je pense que Mme Thiboutot avait...

Mme Thiboutot: Oui, je suis sensible à la dimension possiblement élitiste que Mme Lavoie-Roux pourrait voir derrière une position de cet ordre-là, parce qu'effectivement, les problèmes, je pense, se retrouvent davantage dans des milieux où les gens sont défavorisés financièrement et possiblement sur le plan de la connaissance, de l'information aussi. Effectivement, en pratique, ce sont eux qui font les frais d'une situation difficile.

Ce que je me dis, par contre, c'est qu'au niveau des principes, je reste d'accord avec la formulation telle qu'on l'a présentée dans le mémoire qui est soumis. Au niveau pratique, je me dis: II y a déjà des choses qui sont changées. D'abord, dans ces situations-là, était toujours relié autrefois le problème des enfants. C'était automatiquement rattaché au couple et aux responsabilités qu'on devait avoir vis-à-vis des enfants et qui n'étaient pas nécessairement prises d'une façon facile et automatique par les adultes que devaient être les parents. Je pense que, dans le nouveau code, la situation de l'enfant est améliorée. Il n'y a plus d'enfants illégitimes, tous les enfants ont des droits égaux, quelque soit le contexte dans lequel va se produire la naissance. Il reste, à ce moment-là, à vraiment mettre au point des relations d'adultes. Je pense que ces relations d'adultes, on peut être en mesure de respecter leur choix de décider et de passer par contrat, d'être un couple officiellement marié ou d'être dans une situation d'union de fait.

Par contre, pour contourner la difficulté — parce qu'effectivement il y a toujours la période de rattrapage quand on veut modifier une situation par rapport au vécu des gens — pour ne pas les bousculer et pour que cela puisse se faire le plus harmonieusement possible, je pense que la seule façon d'y arriver correctement, ce serait par de l'information, une information massive qui serait donnée aux individus pour qu'ils connaissent bien leurs droits, qu'ils sachent, si par exemple une recommandation comme la nôtre était retenue,

qu'ils ont la liberté ou d'être sans aucun contrat, très librement comme ils le veulent, ou si, sans vouloir être mariés, ils voulaient, à un certain niveau, y aller d'une certaine protection par un contrat minimal, que la chose est possible et qu'elle existe, sans qu'ils soient obligés pour autant de se marier.

Je pense que la façon de contourner humainement la difficulté, c'est-à-dire permettre le rattrapage, tout en respectant un objectif d'égalité des deux sexes entre adultes et de respecter le choix que ces adultes pourraient faire, ce serait une façon peut-être d'y arriver.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Cela demeure quand même un problème pour moi, parce que je pense que, dans l'évolution des valeurs au Québec, les unions de fait ont précédé depuis longtemps, dans les milieux populaires, les milieux défavorisés, les unions de fait dans les milieux plus "bourgeois", avec ce que cela peut vouloir dire ou ne pas vouloir dire. Il faudra que vous réfléchissiez là-dessus, mais c'est une grosse question. Merci quand même de vos explications.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): Merci, M. le Président. Seulement une question. Je remarque en lisant votre mémoire, à la page 9, que vous semblez, en fait, très directement reconnaître encore la notion de faute en matière d'échec du mariage. Nous avons eu devant nous hier ou avant-hier la Commission des services juridiques, qui nous a proposé que la rupture du mariage soit constatée par le simple dépôt d'un avis unilatéral de rupture qui serait présenté au tribunal par l'un des époux, le juge devant alors tout simplement constater la rupture du mariage en constatant la présence physique de cet aveu unilatéral de rupture. Je voudrais savoir si votre comité s'est penché sur ce problème des causes de séparation de corps, des causes de divorce, et quelle est son opinion sur cette possibilité éventuelle de pouvoir mettre fin au mariage par un simple avis unilatéral de l'un des deux époux.

Mme Nadon: Seulement une chose, je me demande comment on peut mettre fin unilatéralement à un mariage qui comporte deux personnes. Je trouve que c'est tout à fait illogique de dire cela de cette façon. Je me demande quel fondement cela peut avoir, tant au point de vue juridique qu'au point de vue de la volonté des parties, parce que, quand même, un mariage, c'est la volonté de deux parties. Je me demande comment on peut y mettre fin comme cela, d'une façon arbitraire, par l'idée d'une personne qui pourrait être affectée, pour un certain temps, par des dérangements ou par une charge émotionnelle plus grande qu'habituellement. Je me demande comment on peut donner foi à cela et comment un juge pourrait se prononcer d'une façon impartiale sur cela.

M. Vaillancourt (Jonquière): Si je comprends bien votre réponse, vous êtes plus d'accord avec la position du Barreau qui, lui, nous dit implicitement qu'il souhaite que le juge continue à contrôler judiciairement non pas la rupture, mais l'échec du mariage en constatant, par une preuve faite devant lui, que ce mariage est véritablement un échec.

Mme Nadon: Oui, je pense qu'il faut que cela fasse partie d'une preuve.

M. Vaillancourt (Jonquière): D'accord. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député des Iles-de-la-Madeleine.

Mme Leblanc-Bantey: Au risque de faire de la redondance, je vais féliciter le Comité national de la condition féminine du Parti québécois. Je trouve que c'est un mémoire qui me paraît très équilibré dans la mesure où on veut changer des mentalités sans les piétiner avec des pieds d'éléphant. Par contre, j'ai certaines préoccupations et il y a une qui rejoint celle du député de L'Acadie. C'est à propos des conjoints de fait. Je pense que c'est assez unanime dans tous les mémoires. La plupart des personnes qui se sont présentées étaient contre l'idée de légiférer d'une façon arbitraire ou trop stricte sur l'union des conjoints de fait en disant qu'il fallait respecter la liberté des personnes et que les gens qui vivaient en union de fait, c'était justement pour ne pas être soumis aux mêmes lois que le mariage.

Là-dessus, mon opinion rejoint un peu celle du député de L'Acadie dans la mesure où il y a beaucoup de personnes qui, à mon vis, vivent en union de fait, parce que, très souvent, l'autre conjoint est marié, c'est difficile, ils sont dans une situation compliquée. Il y en a qui vivent en union de fait en se faisant promettre le mariage pendant 5, 10, 15 ans et même pendant une grande partie de leur vie, et un beau jour, l'un ou l'autre des conjoints disparaît, et finalement, l'autre se retrouve complètement démuni, à la mer, si on peut dire, sans avoir prévu les coups qui s'en viennent. Autant chaque groupe féminin a voulu ou a semblé vouloir protéger la femme mariée, autant on semble s'accorder pour dire que, dans le cas d'une union de fait, ce serait du paternalisme et qu'il faut faire confiance aux gens, qu'en leur donnant l'information, les gens vont être capables de se protéger suffisamment par des ententes ou autre chose. (21 heures)

On sait fort bien que la femme qui vit en union de fait, la plupart du temps, surtout dans des milieux défavorisés, et qui, souvent, vit en union de fait parce qu'elle n'a pas le choix, même s'il y a des ententes possibles ou par négligence ou par influence de son époux, par gêne, parce qu'il y a encore beaucoup de gens qui sont gênés d'admettre qu'ils vivent en union de fait, ne fera pas d'entente. Une femme, par exemple, peut vivre

avec un homme pendant cinq ou six ans, la maison est à son nom, elle peut contribuer 50-50, par exemple, dans l'acquisition des biens meubles, mais tout étant au nom du mari. Si le mari décide de partir et de faire comme dans la chanson de Renée Claude — c'est-à-dire que, quand elle rentre à la maison, il ne reste que les fleurs de papier — même si elle a contribué 50-50 pendant des années sur certains biens meubles, etc., elle reste complètement démunie et elle n'a aucun recours, si elle n'a pas prévu de faire des ententes, ce qui risque d'arriver dans énormément de cas.

D'autre part, il y a la question des enfants. On sait qu'avec la révision du Code civil, il n'y a plus d'enfants illégitimes et on reconnaît à tous les enfants les mêmes droits. Par contre, dans le cas des enfants d'unions de fait où il n'y a pas d'entente ou de protection légale d'assurée, ça oblige à des recours juridiques pour des pensions alimentaires ou pour la protection de l'enfant beaucoup plus longs que quand c'est prévu dans des cas de mariage.

Comment pouvez-vous concilier tous ces éléments?

Mme Nadon: Je ne vois pas comment vous pouvez voir que les procédures judiciaires vont être plus longues pour des enfants naturels dans les cas de demande de pension alimentaire que chez des enfants qui sont issus d'un mariage reconnu. Je ne comprends pas du tout ce sens, parce que ce n'est pas tout à fait vrai. Dans les faits, même en ce moment, un enfant naturel peut avoir des recours s'il a un père et une mère qui l'ont reconnu. Il n'y a pas de problèmes à ce niveau. Il y a déjà des jugements qui accordent des pensions alimentaires pour ces gens.

Mme Leblanc-Bantey: Mais, dans des cas de divorce, quand on prononce la cause de divorce, automatiquement, très souvent, on va, en même temps, décider d'une pension alimentaire pour l'épouse ou l'époux, selon la nécessité, selon la personne qui obtient la garde de l'enfant. Dans le cas des unions de fait, il n'y a aucune procédure juridique...

Mme Nadon: On n'a pas à se prononcer sur un divorce et à faire comme mesure accessoire des pensions alimentaires et des gardes d'enfants. A ce moment-là, on fait des procédures uniquement pour des pensions alimentaires. Ce n'est pas greffé à une action principale comme telle. C'est une action en soi d'avoir à recourir aux tribunaux pour fixer une pension alimentaire pour des enfants naturels. Dans un cas, ce n'est pas automatique, comme vous pouvez le dire. C'est plutôt greffé à une action principale qui est la requête en divorce, prévoyant des mesures accessoires pour les enfants, alors que, dans le cas des enfants naturels, ce sera un recours direct, mais qui va donner à peu près les mêmes résultats.

Mme Leblanc-Bantey: A condition que les mentalités changent suffisamment pour que, dans les milieux populaires, les femmes qui vivent en union de fait ne se sentent pas gênées, d'abord, à l'admettre à la face du monde, ne se sentent pas gênées d'aller se défendre pour des droits alimentaires pour des enfants qu'elles ont eus avec leur conjoint en union de fait.

Je pense qu'il y a une question de mentalité dans des milieux populaires contre les unions de fait, qu'on néglige peut-être sous cet aspect. Je comprends votre point de vue. De toute façon, il est sensiblement le même que celui de toutes les femmes qui sont venues cette semaine, mais, à mon avis, je pense qu'il faudrait peut-être se pencher davantage sur la question pour être bien sûr qu'on ne lèse pas toute une catégorie de femmes...

Mme Nadon: Mais je ne suis pas certaine que le fait de rendre les mécanismes automatiques par la loi, ça va être une solution à la gêne de certaines personnes en ce moment sur les unions de fait.

Mme Leblanc-Bantey: C'est comme si on les reconnaissait légalement... C'est comme si, finalement, on les légitimait aux yeux du public en légiférant sur leur union. Cela devient ni plus ni moins un mariage finalement, sauf qu'il n'y a pas de procédures de divorce dans le fond.

Mme Thiboutot: Je voudrais simplement ajouter que, là encore, on est toujours face au même problème lorsque les lois changent, c'est-à-dire des gens dont la situation précède l'adoption de la loi. Les mentalités elles-mêmes changent, il ne faut pas l'oublier. Si, effectivement, au niveau des gens d'un certain âge, dans certains milieux, et je ne voudrais pas du tout les qualifier, parce que je pense que ce n'est pas nécessairement qu'une question d'argent ou de lieu, par exemple opposer les petites villes à une grande ville comme Montréal, pour essayer de démontrer quelles sont les moeurs des gens. Je pense que ce serait un mauvais critère de référence.

Je pense que la situation est déjà joliment en train de changer. Si on regarde les jeunes à l'heure actuelle, on ne peut quand même pas sérieusement avancer que vivre en union de fait les gêne beaucoup, qu'ils veuillent ne pas en informer leur entourage, qu'ils se sentent mal à l'aise quand ils retournent dans leurs familles ou autrement. Je pense que, même dans des milieux qui ne sont pas nécessairement des grandes villes, par expérience personnelle, la mentalité des jeunes a évolué presque aussi rapidement que dans les centres urbains. Je pense que les lois ont — et elles ne le font pas, en règle générale — devancé les besoins, mais elles s'adaptent tout au plus au contexte d'une société qui est déjà en train de changer. Je pense que c'est déjà cela.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Verchères.

Mme Leblanc-Bantey: Je vais terminer. Il n'y a aucun doute qu'il y a une évolution et j'espère

que, dans ce sens, c'est vous qui avez raison et non moi; c'étaient des réticences que j'exprimais. Je termine en vous disant qu'il y a des points de vue que vous avez apportés que j'ai eu l'impression de voir pour la première fois cette semaine, entre autres aux articles 85 et 150, quant à l'époux administrateur de la communauté. Je trouve que c'est très pertinent comme remarque parce que c'est une façon de faire évoluer les mentalités sur des choses qui apparaissent comme des détails, mais qui, finalement, sont fondamentalement importantes dans l'élaboration des lois.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Rapidement, M. le Président, parce que je sais qu'il y a un autre groupe qui attend. Je voudrais simplement revenir sur une question qui a déjà été abordée, c'est-à-dire l'union de fait. En fait, il y a trois causes qui peuvent être invoquées: l'échec du mariage, la notion de faute ou la notion de consentement mutuel. D'après l'intervention du député de Jonquière — parce que je n'ai pas eu l'occasion, malheureusement, de parcourir votre mémoire en détail — vous semblez retenir la notion de faute.

Mme Nadon: A l'article 241?

M. Charbonneau: Oui, comme cause, si j'en crois l'intervention du député de Jonquière. Je me demande, à ce niveau, si, en retenant cette notion de faute, on ne perpétue pas, finalement, un système — je l'ai déjà qualifié ainsi — une espèce d'hypocrisie institutionnalisée et si on n'amène pas, finalement, les parties à monter des scénarios de faute qui se déroulent quotidiennement devant les tribunaux quand il s'agit des causes de divorce ou de séparation. Je me demande si, finalement, il n'est pas préférable de s'engager dans la voie du Barreau qui est une espèce de juste milieu qui dit: On va accepter le principe du consentement mutuel, mais, après un an uniquement et, de toute façon, on va faire reconnaître non pas la faute, mais l'échec par le tribunal. Je pense que c'est différent de faire reconnaître l'échec plutôt que la faute.

M. Bédard: M. le député de Verchères se trompe peut-être de groupe parce que le Barreau a parlé...

M. Charbonneau: D'échec. Il n'a pas parlé de faute, je m'en souviens, j'ai fait une intervention à ce moment-là.

M. Bédard: Mariage responsable, divorce responsable.

M. Charbonneau: II a parlé d'échec plutôt que de faute et il a parlé de consentement mutuel après un an. C'est-à-dire qu'après un an, cela devient automatique, après un an de séparation formelle.

Mme Nadon: Je ne pense pas que ce soit tout à fait la position du Barreau sur cela. De toute façon, à l'alinéa 4 de l'article 241, on retient cette possibilité du consentement mutuel. Pour ce qui est des autres possibilités, sur la notion de faute, vous faites sûrement allusion à l'alinéa 1 qui parle des obligations résultant du mariage. Comme on a restreint les obligations du mariage, dans notre article 41, on se dit que ce n'est pas nécessairement reconnaître la notion de faute, mais c'est reconnaître que l'adultère peut continuer à être une cause de divorce, sans nécessairement retenir une notion de faute, puisqu'on est pour l'institution d'un tribunal de la famille. Dans ce sens, la discrétion du juge est une discrétion qui est toujours exercée dans tous les domaines en Cour supérieure, mais, en instituant un tribunal de la famille, la discrétion pourrait être plus adéquatement exercée.

On va tenir compte que la cour de divorce ou que la cour de séparation ne sont pas des cours de marchandage pour punir celui qui a pu commettre une faute, ce qui fait référence à l'alinéa 1. Peut-être que le texte a l'air de codifier encore les notions de fautes, mais en pratique le tribunal de la famille pourra justement écarter ce que présentement certains juges peuvent appliquer comme notion de faute en récompensant le conjoint qui est lésé par certaines conduites du conjoint. Alors, on peut faire confiance au juge et à la discrétion qu'il peut exercer tout en donnant des possibilités de consentement, mais on ne peut vraiment pas adhérer à la position qui veut qu'on puisse mettre fin au mariage en déposant une formule de l'un des conjoints qui décide que c'est fini.

M. Charbonneau: Ce n'est pas nécessairement cela qu'était la position du Barreau. Si après un an on constate que les gens ne sont plus ensemble... la Commission des services juridiques disait plus que cela, elle était plus libérale. Je pense que le Barreau préconisait de reconnaître l'échec devant le tribunal et non pas automatiquement. Je pense que c'est là où la nuance est importante. On reconnaissait le principe du consentement mutuel dans ce sens qu'après un an on n'était pas obligé de faire des histoires de cas à n'en plus finir devant le tribunal. Après un an, automatiquement...

Mme Nadon: D'accord, mais si vous voulez lire l'alinéa 3, on dit que si un époux est abandonné depuis un an, il pourra presque déposer l'équivalent d'un document qui dirait que son mariage est un échec. En fait, nous, en ajoutant l'alinéa 3, on a prévu qu'un conjoint qui est abandonné depuis un an n'est pas soumis à l'arbitraire de se demander si son conjoint va revenir dans trois ans ou pas, comme c'est prévu dans le rapport de l'Office de révision du Code civil. On se dit que, quand cela fait un an qu'on est abandonné, les choses ont eu le temps de se tasser, la situation a eu le temps d'être analysée. C'est suffisant un an. Ce n'est pas assez rapide pour dire que c'est une décision hâtive et c'est

suffisamment long pour dire que c'est quand même une décision éclairée. Cela peut être l'échec du mariage et constituer une cause reconnue par les tribunaux.

M. Charbonneau: D'accord, merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Nous vous remercions de votre présence.

M. Bédard: Merci beaucoup.

Mme Thiboutot: J'aurais voulu faire remarquer, avant de terminer, que le divorce est rapatrié à l'intérieur de l'Office de révision, des recommandations du nouveau code. Je pense que c'est une excellente recommandation. Cela va impliquer des démarches avant de devenir réalité, parce que je crois que le divorce relève encore du fédéral à l'heure actuelle.

M. Bédard: Au moment où on se parle, c'est le cas. Je pense qu'il y a de bonnes chances que se concrétisent certaines ententes qui ont été faites entre le fédéral et les provinces il n'y a pas si longtemps.

Mme Nadon: Merci.

Association des femmes diplômées des universités

Le Président (M. Jolivet): Merci. L'Association des femmes diplômées des universités, s'il vous plaît! Si vous voulez vous présenter, s'il vous plaît!

Mme Piché-Messier (Ginette): Ginette Piché-Messier et ma collègue, Francine Morency. Nous représentons l'Association des femmes diplômées des universités et peut-être qu'avant de débuter je pourrais vous dire brièvement qui nous sommes. De l'Association des femmes diplômées des universités, il y a onze groupes au Québec, huit associations anglophones et trois seulement francophones. Nous représentons l'Association des femmes diplômées, la plus importante numériquement au Québec. Vous avez peut-être déjà entendu parler de l'association...

M. Bédard: Vous voulez dire en termes de membres?

Mme Piché-Messier: Oui, en termes de membres à Montréal. L'association comporte des femmes diplômées de l'Université de Montréal, de McGill, de Sherbrooke et d'autres grandes universités du monde, mais le siège social est à Montréal. C'est l'association, entre autres, qui a fait le mémoire sur les enfants battus et certains autres mémoires qui ont été présentés au gouvernement au cours des années. Alors, l'association est aussi affiliée à la Fédération canadienne des femmes diplômées et à la Fédération internationale. Alors, pas plus longtemps, je débute. (20 h 15)

C'est en fait depuis 1975 que notre association a étudié à tour de rôle les mémoires, les remarques préliminaires préparées par l'Office de révision et, à chacun des mémoires qui avaient été préparés, l'association faisait ses remarques et c'est depuis 1975 qu'on suit la question. C'est pourquoi nous étions bien intéressées à venir ici ce soir. Dans la préface de son volume I, le professeur Crépeault mentionne que le projet de révision du code était le suivant, "Faire du nouveau Code civil le reflet des réalités sociales, morales et économiques de la société québécoise d'aujourd'hui des lois accordées aux exigences d'une société en pleine mutation".

On mentionnait: "II ne doit pas se creuser un fossé entre le droit et la vie et, pour l'AFDU-Mont-réal comme pour l'Office de révision, les principes moteurs qui doivent définitivement être sous-jacents à toute législation seront l'adoption du principe d'égalité dans les rapports entre les époux et, deuxièmement, la protection des membres de la cellule familiale".

Les points que nous avons élaborés brièvement dans notre rapport sont les suivants: il y a la question du nom de la femme, la question du nom de l'enfant, l'âge de 18 ans minimum pour contracter mariage, certains effets du mariage, la définition d'époux de fait, la question de la résidence familiale, les accords écrits et les effets de la séparation de corps et divorce, la notion de légitimité, l'obligation alimentaire au conjoint de fait, l'autorité parentale et, enfin, le tribunal de la famille.

La question du nom de l'enfant. On en a énormément parlé. Nous sommes peut-être conservatrices, mais nous sommes d'accord avec ce que l'Office de révision propose, c'est-à-dire que l'enfant porte le nom du père. On en a beaucoup parlé et ce qui nous a surpris, c'est qu'on ne parle pas, en cette année internationale de l'enfant, de tout le reste, tout ce qui est autre que la fameuse question du nom dans le rapport de l'office sur les droits des enfants, sur les obligations, sur la notion d'intérêt de l'enfant, la garde de l'enfant, etc. On est ici depuis ce matin, mais on n'a rien entendu là-dessus, on a entendu seulement des tas de choses sur la question du nom de l'enfant.

On se demandait si l'enfant serait si intéressé à savoir s'il va porter le nom de sa mère, le nom de son père, s'il va porter les deux noms. Je pense que ce qui préoccuperait l'enfant, s'il y avait un enfant qui venait ce soir devant vous, ce serait de savoir ce qu'on va faire pour lui, quelles vont être les choses qui vont faire qu'il va être heureux dans la vie et non pas savoir si son nom va être Jean-Baptiste X ou Jean-Baptiste Y, etc.

Nous rejetons l'idée du libre choix. Nous croyons que le législateur doit intervenir pour dire: Voici, le nom de l'enfant sera le nom du père. Si, par la suite, par exemple — on était ici cet après-midi et le YWCA insistait beaucoup pour dire que la femme avait peut-être honte de donner son nom, etc. — si la femme désire garder son nom toute sa vie, il n'y a aucune objection. Cela rejoint ce qui est peut-être encore plus important, la

question du nom de l'enfant, c'est la question du nom de la femme, qui devrait définitivement être dans tous les actes de l'Etat civil et c'est indiqué à l'Office de révision, son nom à la naissance, et il le garderait toute sa vie, ce qui simplifierait beaucoup les problèmes.

La question de l'âge, 18 ans, pour contracter mariage. On ne peut qu'applaudir à cette suggestion, surtout quand on regarde tous les problèmes des mariages qui échouent, en général, qui sont des mariages de gens trop jeunes.

Les effets du mariage. Nous soulignons dans notre mémoire que les articles 47, 48 et 49 semblent être la pierre d'achoppement du chapitre 7 quant aux effets du mariage. Nous croyons que ça devrait être spécifié, la question des charges respectives de chacun des époux dans le mariage.

A la question d'époux de fait, nous sommes d'accord sur la définition d'époux de fait et nous croyons également que les situations matrimoniales d'époux de fait ont longtemps été perçues par le droit comme étant immorales, contre l'ordre public, et il s'est ensuivi que le droit civil évitait de réglementer les rapports juridiques. Aujourd'hui, cependant, nous croyons qu'on veut ramener le droit à une plus juste évaluation de la réalité sociale et nous sommes pleinement d'accord avec ça.

La résidence familiale. Enfin, on mentionne que ce chapitre nous a créé des maux de tête. D'une part, nous comprenons l'idée de la protection de la résidence familiale, c'est toujours un problème lorsque la cellule familiale éclate. Nous avions déjà souligné à l'Office de révision que le fait de devoir enregistrer une déclaration de résidence nous paraissait discutable à cause du risque d'ignorance des époux. Ainsi, la ménagère au foyer peut ne pas être au courant de devoir enregistrer une déclaration de résidence et, si les propositions de l'office doivent être suivies, il sera absolument nécessaire de faire une publicité adéquate à ce sujet.

Dans ce sens-là, et si cette question de résidence familiale doit rester, nous sommes d'accord avec la recommandation de la Chambre des notaires qui dit que, lorsque l'un des conjoints va enregistrer la résidence familiale, à ce moment-là, le notaire devrait nécessairement aviser l'autre partie, pour qu'elle soit au moins au courant de ses droits.

Aux articles 240 et 241 de son projet, l'office mentionne que le divorce ou la séparation prononcée lorsque le mariage constitue un échec. Nous sommes parfaitement d'accord avec cela, et c'est très intéressant comme notion, parce que cela va permettre au tribunal d'user de sa discrétion pour déterminer si le mariage est effectivement un échec, mis à part les motifs qu'on peut retrouver à l'article 241 du projet de l'office. On remplace ainsi la notion antérieure de cause déterminée pour donner droit au divorce ou à la séparation.

L'office a proposé aussi le divorce par consentement mutuel après un an. Lorsqu'on sait qu'habituellement la décision d'aller voir un avo- cat — et je pense que c'est important — pour se séparer ou se divorcer, n'importe quel avocat qui a fait quel que soit peu de pratique familiale sait que c'est toujours après de multiples hésitations que les conjoints qui se retrouvent dans un bureau d'avocats, cela fait déjà un bon bout de temps qu'ils y pensent. Même si on parle de réconciliation, comme la Loi sur le divorce nous y oblige, c'est une des obligations, habituellement, dans neuf cas sur dix, il n'y a jamais de réconciliation. C'est pour cela que, lorsqu'on parle d'un an, il pourrait y avoir divorce par consentement mutuel, nous sommes d'accord avec cela.

La notion de légitimité, ça revient un peu à ce que nous mentionnions au début, sur la question des enfants. A l'article 266, deuxième paragraphe, du projet de l'office, on mentionne que l'enfant né pendant l'union de fait est présumé avoir pour père l'époux de fait de sa mère. Ceci s'inscrit dans la ligue de protection des droits de l'enfant et dans la reconnaissance de l'union de fait.

Les articles 280 et 281 au sujet de l'insémination artificielle sont bien pensés dans le cadre d'une société en évolution. Enfin, nous notons une nouvelle présomption de fait à l'article 289, contre celui qui refuse, de façon injustifiée, de se soumettre à un prélèvement sanguin.

L'obligation alimentaire. Ici, nous ne sommes pas d'accord avec ce que l'Office de révision mentionne. Nous désirons souligner l'importance de la possibilité du paiement d'une pension alimentaire au conjoint de fait, même après la cessation de la vie commune. Il nous semble, en effet, qu'il n'y a pas de raison pour exiger ce que l'office décrit comme étant les circonstances exceptionnelles. C'est à l'article 338. Je pense que c'est un peu ce qu'on vient juste de discuter. Finalement, les conjoints de fait ou les gens qui vivent ensemble sans être mariés et qui sont éduqués, n'auront jamais les problèmes. Le législateur est là justement pour prévoir pour ceux qui, peut-être, n'auront pas eu la sagesse de prévoir, ou n'auront pas eu l'instruction ou ce qu'on voudra pour traverser une telle situation. Et aussi, c'est pour protéger. On a vu souvent dans notre pratique des femmes qui vivaient avec un conjoint de fait, pendant peut-être cinq ou dix ans, et qui se retrouvent, du jour au lendemain, avec à peu près rien. D'accord, la femme peut demander une pension alimentaire pour ses enfants, mais elle se retrouve presque dans la rue. C'est une situation tout à fait déplorable.

Le titre quatrième du rapport sur l'autorité parentale; ce titre énonce le principe que les droits qui sont accordés aux parents sur leurs enfants ne leur sont donnés que pour assurer l'exécution de leurs obligations envers eux. Ainsi, il peut y avoir des décharges de l'autorité parentale en cas d'abus.

Nous croyons que ceci est un chapitre extrêmement important et on insiste sur le bien-être de l'enfant, son intérêt et on ne peut être qu'entièrement d'accord avec ces principes. Dans le Code civil, actuellement, l'enfant n'a que des obligations et les parents n'ont que des droits. L'Office de

révision désire que la considération déterminante dans toute décision concernant l'enfant soit son intérêt et ceci consacre toute la jurisprudence qui existe depuis plusieurs années là-dessus.

Pour la question du tribunal de la famille, ma consoeur va vous en dire quelques mots.

Mme Morency (Francine): M. le Président, je crois que le ministre a dit, il y a quinze jours, à peu près à la veille de la rédaction de ce texte-là, qu'heureusement ou fort heureusement on pouvait peut-être s'attendre à la reconnaissance par le fédéral ou à une certaine délégation de pouvoirs dans le domaine du droit familial. C'est un souhait qu'on partage avec vous. Mais ce qu'on inscrit dans notre rapport, c'est que, si jamais les démarches d'amendement de la constitution ou de délégation de pouvoirs en matière d'attribution des juges ou de ce qu'on pourrait considérer comme étant la création d'un tribunal qui devrait avoir au moins le rang de la Cour supérieure, ce qu'on a mis dans le rapport, c'est de peut-être aller présenter des lois toutes faites au fédéral, si on ne rapatrie pas la constitution ou si on ne la modifie pas et de voir quelle sera sa réaction. Je ne sais pas si cela a déjà été essayé. Ce serait d'aller et de dire: Voici le texte de loi que vous devriez adopter.

M. Bédard: On a déjà essayé avec quelques lois. On s'en parle à l'heure actuelle à la Cour suprême.

Mme Morency: Parce que disons que le tribunal de la famille, dans l'application telle quelle du rapport de l'Office de révision du Code civil, ce serait difficile, je le crois, dans le cadre d'un tribunal, tel qu'il existe actuellement, pour permettre aux juges de déterminer si une propriété qui appartient à quelqu'un devrait être attribuée à l'épouse, pour déterminer si l'enfant jouit assez de discernement pour savoir s'il doit prendre son avis sur toute question, on croit que les juges devraient être aidés par différents domaines, comme par les psychologues, les travailleurs sociaux, etc., et c'est ce qui se conçoit seulement dans ce qu'on appelle un tribunal de la collégialité. Toute cette question, on souhaite que cela puisse être réglé. On est avec vous, on espère que la question constitutionnelle se réglera à courte échéance.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je tiens à remercier l'Association des femmes diplômées des universités de leur mémoire. Il touche plusieurs des points chauds sur lesquels vous avez été à même de constater que bien des discussions ont été faites jusqu'à maintenant. Je ne pense pas que vous vous attendiez que nous revenions sur chacun de ces points chauds. Si nous ne le faisons pas, je ne voudrais pas que vous en tiriez la conclusion que votre mémoire est moins intéressant, qu'il constitue une contribution moins intéressante que d'autres mémoires qui l'ont précédé, c'est que, simple- ment, la discussion ayant déjà été faite, je pense bien qu'il ne serait peut-être pas indiqué de la recommencer. Je prends bonne note de votre suggestion concernant le tribunal de la famille dans vos derniers propos, je prends bonne note de votre suggestion dans le sens que l'Assemblée nationale pourrait même proposer des textes de loi que le fédéral devrait édicter. Je pense bien que ce serait...

M. Lalonde: Ayez confiance, soyez positif.

M. Bédard: ... difficile, on en a déjà édicté quelques-uns...

M. Lalonde: Soyez constructif pour l'Opposition.

M. Bédard: ... je vous le disais, ils sont en discussion devant la Cour suprême à l'heure actuelle, mais il y aurait peut-être une autre suggestion qu'il serait possible de faire, c'est que si les Oppositions sont d'accord, étant donné qu'il y a déjà une entente entre les provinces et le fédéral, nous procédions à une loi qui tienne carrément compte des ententes qui ont été faites il y a quelques semaines, peut-être qu'à ce moment-là, le fédéral serait très mal placé pour en contester la constitutionnalité, étant donné que, déjà, il nous a donné son accord. Si, à cet accord-là du fédéral, s'additionne l'accord des oppositions de procéder de cette façon, je pense que les autorités fédérales seraient bien mal placées pour en contester la constitutionnalité. En tout cas! Je pense que le mieux est d'espérer que les ententes déjà conclues se concrétisent le plus rapidement possible. (21 h 30)

C'est le souhait que j'ai exprimé au nom du gouvernement et au nom de l'ensemble des citoyens du Québec qui, par le biais de votre groupe et des groupes qui vous ont précédés, ont très clairement exprimé l'urgence qu'il y ait au plus vite la création d'un tribunal de la famille qui réponde aux véritables besoins.

Je remarque, cependant, même si vous avez évoqué le fait que le nom, ce n'est quand même pas toute la législation et tout le fond de la législation, ce qui est important pour l'enfant, c'est de savoir ce que cette loi va lui donner en pratique. Vous êtes le seul groupe féminin qui exprimez votre accord avec la recommandation du Code civil, soit de donner le nom du père. Vous allez un peu plus loin. Vous dites qu'il y aurait la possibilité, pour la femme célibataire qui donne naissance à un enfant et qui désire lui donner le nom de son père véritable, de le faire sans le consentement de l'homme, du père.

Mme Morency: Lorsqu'on a étudié la question, avant que les débats ne soient commencés, pour nous, la proposition de l'office semblait tout à fait dans la ligne de pensée.

M. Bédard: Non, c'est une remarque qui m'a fait sourire.

Mme Morency: De ce que nous avons étudié, la proposition du rapport, le nom du père nous a paru tout à fait normal. On ne s'est pas interrogé sur cette possibilité de choisir un autre nom que celui du père. On était tout simplement heureuses que l'office ait pensé reconnaître que l'époux de fait puisse être considéré et présumé le père de l'enfant. C'est établir une filiation. On espère que, si les lois sont adoptées à cet effet, les enfants qu'on appelait avant adultérins ou nés du concubinage auront la possibilité d'avoir un père. On croit que leur attribuer ce nom directement, c'est plus difficile que de le dire dix ans après qu'il ait vécu avec cette femme. Je crois qu'en dehors des liens du mariage c'est plus difficile d'établir la paternité. C'est dans ce sens qu'après coup on s'est posé la question sur le choix du nom. Nous en sommes restées à ce nom du père dans ce sens que c'est plus facile, surtout dans le cas des unions de fait, de déterminer s'il y a un père.

M. Bédard: Vous ne voyez pas là le nom donné à l'enfant, le symbole de l'égalité entre les époux.

Mme Morency: C'est-à-dire qu'on ne peut pas établir le principe de l'égalité totale en tout; d'ailleurs l'office l'a reconnu. Au point de vue pratique, par exemple, on a éliminé la solidarité entre les époux et les charges du ménage. On a dit: II ne faut pas rêver en couleur. Les époux n'ont pas nécessairement les mêmes moyens. C'est dans ce sens qu'on a favorisé une partie qui est le père. Je crois que ce choix s'inscrit dans une ligne de continuité.

Sur le nom, j'aimerais ajouter que, personnellement, en tant qu'avocate, c'est l'idée du choix laissé par le législateur aux parents qui m'effraie le plus. J'y vois la plus belle cacophonie: des enfants de la même famille n'auraient pas le même nom; ils porteraient deux noms ou un nom... Disons que cette possibilité de laisser le choix aux parents me paraît tout à fait dangereuse. Comment s'y retrouver?

Mme Piché-Messier: Oui, c'est exactement cela. Ce matin, on écoutait tout ce qui était dit. En fin de compte, on arrivait à une même famille ayant des enfants aux noms différents, des enfants aux noms composés, des enfants ayant le nom de la mère, des enfants ayant le nom du père. A une des questions, on en est venu à dire: Ceux qui auraient un nom composé, ce sont ceux dont les parents... On dirait: Non, ce n'est pas parce que ce sont des enfants qui viennent de conjoints de fait, ceux qui ont des noms composés seraient ceux venant de parents ne s'entendant pas. Alors, le petit Michel Laforêt-Trudeau, c'est parce que ses parents ne s'entendaient pas sur son nom...

M. Lalonde: Elle est excellente.

Mme Piché-Messier: A côté, Isabelle Laforêt, qui était née deux ans après, par exemple; là, ses parents s'entendaient sur le nom et, par la suite, on pouvait avoir le petit Sébastien Trudeau. Lui, il aurait pris le nom du père. Pour ma part, je pense que c'est quand même très important pour les enfants, si on veut garder — je pense que c'est une chose sous-jacente — une certaine cellule familiale, d'abord, que les enfants aient le même nom. Qu'on regarde seulement comment des enfants peuvent être mêlés dans des cas où la mère va se remarier et va utiliser, va prendre le nom de son mari, va s'appeler Mme Thériault, alors que le petit garçon va s'appeler, je ne sais pas, Sébastien Laforêt, de l'ancien mariage. A un moment donné, ce petit garçon — j'en suis certaine, pour ma part, comme avocat, je l'ai déjà vu et même dans notre vie de tous les jours — va prendre le nom du mari de sa mère et il va dire que son nom... Il n'aimera pas du tout avoir l'ancien nom, il va le dire à l'école et il va vouloir se faire appeler par le nom de la mère.

Quant à moi, je pense que tout ça mènerait à une situation... Et je suis parfaitement d'accord avec ma collègue ici; il ne faut surtout pas dire: Oui, vous pouvez prendre le nom, un nom composé, le nom de la mère, le nom du père. On ne pense pas que ce soit ça dans cet élément de la question du nom qui brime les femmes et qui enlève la question d'égalité dans le couple qu'il doit y avoir. Tous les autres principes qui sont sous-jacents à ce que l'office recommande sont beaucoup plus importants, à notre avis, que cette question de savoir: Est-ce qu'il va s'appeler avec tel nom ou tel autre nom?

M. Bédard: Je vous remercie de votre opinion.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je vous remercie de votre mémoire. Je voudrais tout d'abord souligner une petite faute typograhique dans votre mémoire, parce que c'est dans un chapitre qui est assez important; à la page 14, au deuxième paragraphe, vous dites: "Heureusement, la déclaration de l'honorable premier ministre du Canada, M. Pierre E. Trudeau, à l'effet qu'il consentirait à remettre aux personnes la totalité..." Je pense que vous avez voulu dire "aux provinces". Je ne veux pas parodier le film "Mon nom est Personne", mais je voulais savoir si c'était "aux provinces" que vous vouliez dire.

Mme Morency: Oui, vous avez totalement raison, on s'excuse...

M. Lalonde: Bon! C'est simplement...

M. Bédard: ... que ce ne serait pas "à personne".

M. Lalonde: Non, il ne faudrait surtout pas que ce soit "à personne" et notre nom n'est pas "personne".

M. Bédard: De remettre à personne...

M. Lalonde: Quant à la suggestion du ministre de la Justice de légiférer sur le tribunal de la famille, même sans amendements à la constitution actuelle, je pense que ça part, je ne sais pas, d'un naturel de bonne foi, mais ça fait preuve d'une certaine ignorance de la loi. Non, ce n'est pas seulement le fédéral qui peut contester la constitutionnalité d'une loi; n'importe quel citoyen, qui serait assujetti à la loi que l'Opposition pourrait contribuer à adopter très rapidement, pourrait contester cette loi si elle n'est pas constitutionnelle.

M. Bédard: J'avais pris la peine... M. Lalonde: Pas seulement le fédéral.

M. Bédard: ... de mentionner si tous les citoyens du Québec.

M. Lalonde: Ah! bien oui, mais... M. Bédard: ...

M. Lalonde: Je pense que vous en assumez trop, M. le ministre...

M. Bédard: D'ailleurs, c'était... Non, un tribunal...

M. Lalonde: ... et que le député de Nicolet-Yamaska et votre humble serviteur représentent quand même 59% de la population si on s'en rapporte aux dernières élections.

M. Bédard: Non, je n'ai pas parlé de ça sous l'angle politique.

M. Lalonde: Si vous voulez, on va le faire, mais on va le faire suivant les lois.

M. Bédard: On va préparer notre projet de loi et on verra.

M. Lalonde: Bon!

M. Fontaine: ... par exemple.

M. Bédard: Absolument!

M. Lalonde: Lorsque, à la page 4, vous... D'abord, je pense que, comme commentaire général, on peut dire que vous appuyez assez largement, assez généralement le projet de Code civil, c'est-à-dire en ce qui concerne le droit de la famille, qui nous est soumis actuellement. Vous avez certaines réserves. Je veux simplement en souligner quelques unes.

Par exemple, à la page 4, sur les promesses de mariage, vous dites que vous êtes d'accord avec le principe que la rupture abusive de promesse de mariage doive entraîner l'obligation de réparer le préjudice causé. Certains nous ont suggéré — je ne me souviens plus qui exactement — qu'on limite ce préjudice au préjudice matériel.

Est-ce que vous avez une opinion, avez-vous examiné cette question, pour éviter les dommages moraux, l'angoisse et tout le reste? Je ne sais pas si le député de Jonquière a vécu cela. Je l'ai entendu réagir.

M. Vaillancourt (Jonquière): J'ai dit dépression.

M. Lalonde: A la dépression et à tout le reste.

M. Bédard: Je suis en mesure de dire qu'il ne vit pas cela.

M. Lalonde: Non?

M. Bédard: II n'y a pas de problème.

Mme Piché-Messier: C'est une question intéressante. Je serais tentée de vous répondre que l'on va limiter cela aux dommages matériels. Je suis certaine que plusieurs me diraient: Mais que faites-vous de ma liberté de réclamer, si j'ai vraiment été moralement atteinte, etc.? Je pense qu'on doit peut-être laisser cela à la discrétion du tribunal. Si la personne veut réclamer des dommages moraux, on peut regarder la jurisprudence; les dommages moraux sont presque toujours limités à $100. Qu'est-ce que cela peut valoir?

M. Lalonde: Merci. La première remarque — je veux laisser un peu de temps aux autres — c'est à la page 8, dans les régimes matrimoniaux. Je présume ironiquement que vous avez fait la déclaration suivante: Bien entendu, il faudra attendre la prochaine révision du Code civil — j'espère qu'on n'attendra pas encore cent dix ans — pour que ce soit la femme qui soit présumée choisir comme administratrice de la communauté en l'absence de stipulation d'un contrat de mariage! Pourquoi cette patience à attendre la prochaine révision? Pensez-vous que vous n'êtes pas en mesure de faire une recommandation à ce stade-ci concernant la responsabilité de l'administration de la communauté? On sait que, s'il n'y a pas d'entente, c'est le mari, actuellement, d'après le projet qui nous est soumis.

N'ayez pas peur d'être audacieuse, on en a vu depuis deux jours, ici. Soyez en toute confiance. Il y en a qui ne me font pas confiance, ici, mais je ne suis pas au gouvernement, je n'ai pas besoin de votre confiance.

Mme Morency: Je peux tenter de vous répondre qu'en tant qu'avocat, on est peut-être bien patiente ou bien patient et que, dans le même style ou la même idée que sur le nom, on a tout simplement regardé le rapport de l'Office de révision pour voir si, vraiment, dans l'optique d'une femme québécoise pratiquant au Québec, ce rapport était acceptable. C'est dans ce sens qu'on dit: Oui, il est acceptable. On craignait, au contraire, que l'Assemblée nationale rejette une très grande partie de ce rapport, le croyant trop avancé, mais on s'est rendu compte, une fois ici, que vous avez

eu toutes sortes de demandes et on ne dit pas qu'on ne les appuie pas. Ce n'était pas notre but.

M. Lalonde: Remarquez qu'on parle de la communauté de biens et d'une petite exception, en fait, dans la réalité concrète.

Mme Morency: Ce que je veux dire, en fait, c'est que c'est dans la même ligne de pensées que sur le nom. On continue la lignée. Actuellement, la coutume veut que les enfants portent le nom de leur père et, actuellement, c'est l'homme qui administre la communauté. Je crois qu'il faut justement déterminer, à un moment donné, qu'on ne peut pas avoir la complète égalité en tout. Ce sont des cas où il faut choisir et on a choisi la ligne de la continuité. C'est peut-être parce que c'est plus facile. Lorsque vous allez déposer ce rapport, si cela modifie tout... Il sera peut-être un peu plus acceptable, si on ne le modifie pas intégralement.

M. Lalonde: Vous aviez présumé de notre capacité de changer. Je pense qu'ici, autour de la table, on y est pour écouter. A la page 9, il y a une partie de phrase que je ne comprends pas exactement. Au début, en parlant de l'échec comme raison de divorce ou de séparation, vous dites: Ce terme nous plaît car il permettra au tribunal d'user de sa discrétion pour déterminer si le mariage est effectivement un échec, mis à part les motifs que l'on retrouve à 241. Est-ce que vous suggérez qu'il n'y ait aucun motif dans la loi, que ce soit simplement une preuve d'échec, quels que soient les motifs. Est-ce que je comprends bien votre suggestion ici? (21 h 45)

Mme Piché-Messier: On est d'accord avec ce que l'office recommande, qu'il y ait certains motifs, comme par exemple l'adultère ou l'abandon et, en plus, on veut laisser quand même une certaine discrétion au tribunal pour d'autres motifs qui peuvent être, je ne sais pas, n'importe quoi. Par exemple, maintenant, on a des causes de cruauté mentale, c'est peut-être un exemple où le mariage est un échec pour une raison ou pour une autre, que ce soit l'attitude du mari ou des choses qu'il fait qui ne sont pas nécessairement l'adultère ou une autre question définie, décrite comme telle dans la loi. Ce terme d'échec, je pense qu'il est très bon, parce que dans ce sens-là, un mariage peut être un échec pour d'autres motifs que ceux qui sont décrits dans la loi comme telle.

M. Lalonde: Ce n'est pas un choix. Vous ne demandez pas de ne pas mettre de motifs, mais il pourrait y en avoir d'autres, il ne faudrait pas que ce soit limitatif.

Mme Piché-Messier: Exactement.

M. Lalonde: J'aurais quelques autres questions, mais étant donné le temps qui passe, je pense que je vais laisser la chance aux autres membres de cette commission de poser des ques- tions, en vous remerciant de votre présentation et de vos réponses. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci. J'aurais surtout des questions concernant l'obligation alimentaire pour les époux, les conjoints de fait. L'Office de révision du Code civil propose que les époux de fait se doivent des aliments tant qu'ils font vie commune et on ajoute un paragraphe: Toutefois, le tribunal peut, si des circonstances exceptionnelles le justifient, ordonner à un époux de fait de verser des aliments à l'autre après la cessation de la vie commune. Vous proposez d'enlever la question des circonstances exceptionnelles. Cela veut donc dire que les époux de fait se doivent des aliments tant qu'ils font vie commune et vous n'allez pas plus loin que cela, mais dans toute circonstance, quelle que soit la circonstance?

Mme Piché-Messier: Oui.

M. Fontaine: Vous ne pensez pas que c'est peut-être aller un petit peu loin?

Mme Piché-Messier: Non, on ne le pense pas, parce que justement si le législateur doit reconnaître le conjoint de fait, pourquoi vouloir, surtout dans la question des aliments qui est quand même très importante, une fois que les conjoints de fait ne font plus vie commune, continuer le paiement dans des circonstances exceptionnelles? Nous ne sommes pas d'accord sur cela parce qu'on peut trouver plusieurs cas où justement on dirait... Et des circonstances exceptionnelles, à part cela, qu'est-ce que cela peut signifier?

Quand on sait que des termes comme ceux-là peuvent être interprétés de mille et une façons par les tribunaux, nous ne croyons pas que ça devrait être là, parce que, si on reconnaît le conjoint de fait, à ce moment-là, la question de la pension alimentaire devrait demeurer, selon nous, et peut-être plus spécialement, parce qu'on n'a pas seulement des cas, dans les conjoints de fait, de gens instruits, de gens qui ont déjà un contrat devant un notaire et qui s'entendent très bien. Souvent, on va rencontrer des gens qui se retrouvent et n'ont absolument rien, ou le conjoint de fait va les quitter parce que la femme vieillit ou quoi que ce soit, et il va se retrouver sans absolument rien.

Nous ne voulons pas que ce soit limité dans les circonstances exceptionnelles. C'est sur la question des aliments, ça.

M. Fontaine: A ce moment-là, est-ce que vous ne pensez pas qu'il faudrait une définition plus articulée des époux de fait?

Mme Piché-Messier: Ceux qui font vie commune ensemble?

M. Fontaine: Oui.

Mme Piché-Messier: Justement, on s'amusait à regarder tout à l'heure dans le code; je pense qu'il faut une question de durée, ce ne sont pas des gens qui seraient restés deux semaines ou trois semaines ensemble, cela ne signifie absolument rien, mais des gens qui auraient fait vie commune. Une vie commune, qu'est-ce que ça signifie? C'est vivre ensemble, vivre ensemble pendant au moins un an ou six mois, de façon à établir une certaine permanence et non pas se retrouver avec des cas où les gens auraient pu vivre avec quatre ou cinq personnes durant l'année. A ce moment-là, on se retrouverait avec une multiplicité de recours qui n'auraient aucun sens.

M. Fontaine: Si on crée de telles obligations, je pense que ce serait peut-être important...

Mme Piché-Messier: Oui, il faut assurément qu'il y ait une certaine...

M. Fontaine: Avoir une définition avec une durée. D'accord, merci.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député des Iles-de-la-Madeleine.

Mme Leblanc-Bantey: Je ne comprenais pas, au début, votre manque d'agressivité, mais Mme Morency a souligné que c'est parce qu'elle ne faisait pas confiance à l'Assemblée nationale. Comme l'Assemblée nationale est composée en majorité d'hommes, j'en conclus que vous n'avez pas fait confiance aux hommes qui composent l'Assemblée nationale, en termes de capacité de changement.

Vous dites que vous n'avez pas du tout senti le besoin de vous attarder à l'attribution du nom et que, dans la continuité, c'était tout à fait normal que ce soit le nom du père, que ce n'est, ni plus ni moins, qu'un symbole, ce n'est pas ce qui compte, alors que tout ce que les femmes ont pu dire cette semaine, depuis le début, c'est qu'au contraire, cette question est fondamentalement importante, parce que ça touche à des racines très profondes, ça touche à des mentalités, à des moeurs, à des coutumes qui veulent que le nom du père est significatif de l'autorité paternelle dans un foyer, le même symbole qui veut qu'un père, traditionnellement, est assis au bout de la table, que c'était le père qui administrait la communauté de biens, etc. Finalement, ce sont des symboles, mais qui trouvent des concrétisations dans la réalité de tous les jours et qui veulent que la femme soit toujours considérée un peu en état d'incapacité ou en état inférieur par rapport à l'homme.

Je comprends par ailleurs votre point de vue sur le libre choix. Vous avez expliqué une situation qui, dans le fond, pourrait fort bien se produire et ce sont des nuances que tout le monde a senties cette semaine. Ce n'est peut-être pas la solution idéale, mais, compte tenu de tout ce qui s'est dit cette semaine autour du sujet, est-ce que vous êtes toujours aussi, je dirais, presque draconnien-ne sur votre position ou si vous pensez qu'il vaudrait quand même la peine que la réflexion se continue quant à l'attribution du nom de l'enfant?

Mme Morency: Etant donné que vous m'avez attaquée, je vais vous répondre. J'ai bien confiance en notre Assemblée nationale, mais, dans ce rapport, c'est ce qui nous surprenait, ce qui nous a surpris aujourd'hui, c'est qu'on avait vu énormément de choses dont on n'a pas parlé. On s'est dit que la question du nom, c'est peu par rapport à tout ce que l'office propose.

Sur la question du nom, c'était la solution qui nous apparaissait acceptable et nous sommes venues vous la présenter. Suite à la publicité faite autour du rapport du Barreau et de celui du Conseil du statut de la femme, nous nous sommes repenchées sur cette question et j'ai consulté les commentaires de l'office lui-même sur le nom. L'office avait étudié les possibilités et avait conclu que la solution la plus logique était de donner le nom de la filiation maternelle, c'est-à-dire le nom de la mère.

Je crois que cette solution — et ce, à titre pesonnel — est idéale dans le cas où la femme ne serait pas mariée, qu'elle n'aurait pas ce problème de changer de nom de père, bien que je ne croie pas, comme l'association du YWCA l'a précisé aujourd'hui, que cela se présente aussi fréquemment qu'elles le disent, trois ou quatre noms différents, si on choisissait le nom du père.

Je crois que ce serait une solution logique que de préserver une certaine unité. La femme aurait des enfants tous à son nom, il n'y aurait pas de mélange. Mais on croit, maintenant que l'office recourra, non pas au certificat de baptême ou au certificat de naissance qui ne sera signé ni par le père, ni par la mère, mais qui pourra être signé par toute autre personne intéressée, on croit que le fait de donner le nom du père à l'enfant, il sera plus difficile pour le père de prétendre qu'il n'a jamais eu de lien avec ces personnes. C'est dans ce sens-là.

Mme Leblanc-Bantey: C'est surtout dans le cas des unions de fait?

Mme Morency: Oui, dans le cas des unions de fait. En cas de mariage, en principe, il n'y a pas de problème. C'est très facile de prouver que les gens sont mariés, même si on donne le nom de la mère uniquement. Les gens sont mariés, il y a un acte qui le dit. Et vous avez des registres à cet effet, ce qui n'est pas le cas dans les cas d'unions de fait.

Mme Leblanc-Bantey: Je pense qu'on ne continuera pas la discussion sur le nom, parce qu'on a fait suffisamment de débat cette semaine.

A la page 9, à propos du divorce, vous acceptez le délai qui est proposé par l'Office de révision dans le cas d'une entente, d'un consentement mutuel, soit le délai d'un an. Vous vous basez sur le fait que la décision de voir un avocat pour se séparer, pour divorcer, ne se fait qu'après une longue réflexion et une tentative de réconciliation. Donc, on ne peut que trouver ce délai d'un an normal.

A ce moment-là, pourquoi accepter le délai puisque, de toute façon, quand des gens décident d'aller voir un avocat, c'est qu'il n'y a plus rien à faire dans la plupart des cas. On sait bien que cela prend souvent un an avant que cela se règle. Pourquoi fixer ce délai? Pourquoi la nécessité de fixer un délai?

Mme Piché-Messier: Parce que nous ne croyons pas que — je pense que cela a été dit à un moment donné — les gens qui décident de se séparer peuvent tout de suite aller obtenir un divorce ou une séparation. Je veux dire que le délai d'un an n'est pas excessif, c'est très court, finalement, un an.

Mme Leblanc-Bantey: Je sais bien, mais ce que vous laissez entendre, ce qui précède cette phrase-là, c'est que, dans le fond, quand les gens ont décidé, cela ne s'est pas décidé vite, c'est suite, souvent, à des mois, des années de discussions et de mésententes, etc., et quand ils vont voir un avocat, c'est que, vraiment, ils ont décidé qu'il n'y avait rien à faire. Ce n'est pas le délai d'un an supplémentaire qui risque de changer...

Mme Piché-Messier: Oui, d'accord, mais c'est que, souvent, cette année-là, elle vient d'être passée quand les gens viennent voir l'avocat. N'importe quel avocat pourrait vous dire: Quand les gens viennent vous voir, souvent cela fait un an et même plus que...

Mme Leblanc-Bantey: Oui, mais est-ce que le délai d'un an commence à courir dès le moment où tu vas voir l'avocat ou s'il court...

Mme Piché-Messier: Non, mais c'est un an d'après...

Une Voix: Un an d'abandon.

Mme Leblanc-Bantey: Un an d'abandon, d'accord. J'aurais d'autres questions, mais je vais laisser mes collègues terminer. Je suis gentille, n'est-ce pas?

Le Président (M. Jolivet): C'est cela, le député de Drummond a une question à poser.

M. Clair: Merci.

Mme Leblanc-Bantey: Vous voilà soulagé.

Une Voix: Pardon?

Mme Leblanc-Bantey: Vous avez l'air soulagé. Une Voix: Absolument pas.

M. Bédard: C'est une mauvaise impression de ma collègue et amie.

Le Président (M. Jolivet): On peut continuer après 22 heures, avec consentement.

M. Clair: Ma question...

M. Bédard: II y en a qui se sont soulagés, mais...

M. Vaillancourt (Jonquière): ... L'Opposition étant absente, le consentement sera facile à obtenir.

Mme Leblanc-Bantey: Les oppositions sont seulement devant la télévision.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Drummond.

M. Clair: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir à la question de la résidence familiale. Vous dites dans votre mémoire, à la page 7, que ce chapitre vous a créé des maux de tête. Vous dites notamment: "Nous avions déjà souligné à l'Office de révision que le fait de devoir enregistrer une déclaration de résidence nous apparaissait discutable à cause du risque d'ignorance des époux". Sur ce point, ma préoccupation va un peu dans le même sens, si je comprends bien votre attitude, à savoir que s'il y a un trop grand formalisme, on risque que les gens qui auraient le plus besoin de la protection offerte — je me répète — par la protection de la résidence familiale, justement, à cause du formalisme, n'aient pas accès à cette mesure de protection.

Il y a eu plusieurs propositions de formulées. Il y a eu une proposition par un groupe dans le sens de constituer au Code civil en quelque sorte une présomption, à savoir que la résidence familiale est protégée et, en conséquence, que les tiers en soient informés, aient à être prudents face à cela. Une autre solution qui a été mise de l'avant, était à l'effet de dire: Mettons à la disposition chez le régistrateur une formule simple que n'importe qui peut remplir assez facilement. Rendons le régistrateur responsable de la formule à être remplie. Il y avait l'autre position de la Chambre des notaires qui, elle, insiste pour dire: II faut que ce soit formaliste pour être sûr que la désignation est bonne et être sûr que la garantie qu'offre la loi est à son meilleur.

Quand vous dites que cela vous paraît discutable, la méthode d'enregistrement, j'aimerais savoir ce que vous entrevoyez comme méthode idéale d'enregistrement ou de protection tant à l'égard des tiers qu'à l'égard des personnes qu'on vise à protéger, que l'office vise à protéger par la protection de la résidence familiale.

Mme Morency: Encore une fois, on n'a pas voulu faire de révolution sur ce sujet. Etant bien sages, on a dit: Voici ce que l'office propose. On vous met en garde sur le fait que si ces dispositions sur la résidence familiale sont adoptées telles quelles, il y aura sûrement des cas où la résidence ne sera pas enregistrée, parce que les gens ne connaîtront pas ou ne connaîtront pas suffisamment... On dit, cependant: On espère que si c'est adopté, il y aura une publicité suffisante à cet effet.

Concernant le mode de publicité au sujet de la résidence principale, je suis d'accord avec l'enregistrement. Dans la province de Québec, on a vécu de façon bien rigide avec les immeubles et avec l'enregistrement, de sorte que je suis d'accord avec les notaires. Il faudrait que ce soit enregistré, peut-être pas par acte notarié — je suis avocat — ...

M. Clair: On se relierait facilement à l'enregistrement par bordereau ou dépôt. (22 heures)

Mme Morency: Je dirais qu'il faudrait l'enregistrer pour préserver ou perpétuer encore une fois ce système que nous avons dans la province de Québec. Effectivement, cela bouleverserait pas mal de choses dans l'opinion des gens en général, devant l'acquisition d'un immeuble, de se demander si ce ne serait pas la résidence familiale. C'est une notion qui serait encore complètement étrangère au Québec.

M. Bédard: Vous avez...

Mme Morency: Je crois qu'avec une publicité adéquate...

M. Bédard: Vous avez la préoccupation que, quel que soit le mode que nous retenions comme législateurs, vous ayez au moins l'assurance que la population a une information adéquate.

Mme Morency: J'insiste surtout sur le fait que la proposition, comme en Ontario où on dit que l'acheteur doit vérifier la résidence familiale... Dans la provincede Québec, on a un système d'enregistrement fort différent et les gens sont peu habitués à vivre avec ce genre de présomption en matière immobilière et, même si on a émis des doutes ici quant à la possibilité de l'enregistrement, on se dit que, finalement, c'est la seule solution vis-à-vis des immeubles, pour le moment en tout cas.

M. Clair: A votre connaissance; à la mienne, je vous avoue franchement qu'il n'y a, en matière immobilière, de présomption du genre nulle part dans notre droit civil. Je ne sais pas si vous partagez la même opinion, mais je ne pense pas qu'il y ait, nulle part dans notre droit civil, de présomption semblable en matière immobilière. C'est la publicité par le biais du bureau d'enregistrement.

Mme Morency: C'est parce qu'en Ontario, les gens n'ont pas du tout le même système que le nôtre. Ils ont un certificat du gouvernement selon lequel cet immeuble, c'est bien la propriété de monsieur et il est clair. Tandis qu'ici, on a tout un système fort différent et il y a suffisamment de choses à vérifier comme cela avant d'acheter un immeuble sans en assortir ou en faisant ressortir une nouvelle condition. Tant que cette question sur les hypothèques qui est incluse dans d'autres parties du rapport de l'Office de révision du Code civil ne sera pas adoptée, c'est suffisamment compliqué comme ça, selon moi.

M. Clair: Je vous remercie.

Mme Piché-Messier: J'aimerais peut-être ajouter simplement deux mots à l'intention du député des Iles-de-la-Madeleine au sujet de la fameuse question du nom. On est accusées d'être bien conservatrices et d'être la seule association féminine qui a suggéré que ce soit le nom du père. Je pense qu'il y a un élément qu'il faut prendre en considération et il faut se demander si la population en général est prête actuellement à suivre cette idée que c'est le nom de la mère qui devrait être donné à l'enfant.

Mme Leblanc-Bantey: Ce n'est pas ce qu'on a dit non plus.

Mme Piché-Messier: Pardon?

Mme Leblanc-Bantey: Ce n'est pas ce que j'ai dit non plus.

Mme Piché-Messier: Non, mais je pense que c'est un élément, parce que vous vous dites: Quelle est la raison pour laquelle ce ne serait pas le nom de la mère? Biologiquement, effectivement, ça devrait sans doute être le nom de la mère. Mais nous croyons que le droit doit... En fin de compte, si le législateur fait des lois qui ne seront pas observées ou que la population ne suivra pas, sans dire que le législateur doit faire des lois rétrogrades, il faut quand même que le droit puisse être le droit et ne jamais tellement être à l'avant-garde. Il faut quand même qu'il puisse s'assurer que les gens vont comprendre et que les gens vont être d'accord avec ça. Nous ne croyons pas que, dans la situation actuelle, aujourd'hui même, en 1979, les gens soient prêts, que la grande majorité de la population soit prête à accepter cette idée que c'est le nom de la mère qui soit donné.

Déjà, il y a de nombreuses réticences seulement sur la question des conjoints de fait. On a vu l'Association des parents catholiques et, sans doute, plusieurs autres personnes qui ne sont peut-être pas venues ici ou qui vont venir, qui sont totalement opposées et qui ont l'impression que c'est une révolution épouvantable.

On peut aussi se dire: Si on change cela, d'accord, mais on donne comme argument: Depuis cent ans, c'est le nom du père; pourquoi ne changerait-on pas pour que ce soit le nom de la mère? On va se retrouver dans cent ans et on va dire: Pourquoi ne donnerait-on pas le nom du père? Je pense que la coutume est là. Ce n'est pas qu'on doive toujours suivre les coutumes, il y en a qui ne sont pas bonnes, mais on doit aussi voir l'évolution de la société actuelle et se dire qu'on n'est pas prêts à un tel changement qui serait vraiment draconien. La question de l'égalité de la femme, nous y croyons, mais nous ne pensons pas que ce soit cela qui soit l'élément important qui fasse de la femme l'égale de l'homme dans le mariage.

Mme Leblanc-Bantey: Je voudrais seulement spécifier, si vous me le permettez, que je n'ai jamais pris position pour que l'enfant porte nécessairement le nom de la mère. A mon avis, ce ne serait pas plus égalitaire dans ce sens que cela

l'est dans le sens actuel. Par contre, je trouve que la position de l'Office de révision du Code civil est extrêmement conservatrice et qu'il faudrait trouver une solution plus égalitaire. Par contre, tout le monde, cette semaine... on a entendu une foule de mémoires, on ne s'est pas penché sur une solution, pas plus moi que d'autres, et je ne sais pas encore comment on va s'en sortir. Jusqu'à maintenant, je n'ai pas encore pris de position définitive pour que ce soit le nom de la mère.

M. Bédard: Une chose est certaine, il faudra s'en sortir, à un moment donné. Je vous remercie beaucoup de votre mémoire.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Etant donné qu'il est 22 heures je dois ajourner à mardi matin, 10 heures, ici au salon rouge. Je vous fais part, pour les besoins de la cause, des six mémoires qui seront entendus: Ernest Caparros; la Confédération des syndicats nationaux; la Fédération des femmes du Québec; l'Association canadienne pour la santé mentale, filiale de Sherbrooke; l'Association des femmes autochtones du Québec; le Réseau d'action et d'information pour les femmes.

Merci.

Fin de la séance à 22 h 6

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