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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mercredi 27 septembre 1978 - Vol. 20 N° 163

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Présentation de mémoires sur le projet de loi no 69 - Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement


Journal des débats

 

Présentation de mémoires sur le projet de loi no 69

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, mesdames et messieurs! Si vous voulez reprendre vos sièges, s'il vous plaît.

Reprise des travaux de la commission élue permanente de la protection de l'environnement sur la loi 69 pour la réception des mémoires.

Les membres de cette commission sont M. Beauséjour (Iberville), M. Brassard (Lac-Saint-Jean) remplacé par M. Proulx (Saint-Jean), M. Caron (Verdun) remplacé par M. Picotte (Maskinongé), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. de Belle-feuille (Deux-Montagnes), M. Goldbloom (D'Arcy McGee), M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Mercier (Berthier), M. Baril (Arthabaska), M. Dubois (Huntingdon), M. Grégoire (Frontenac), M. Léonard (Laurentides-Labelle) remplacé par M. Desbiens (Dubuc), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marquis (Matapédia), M. Roy (Beauce-Sud), M. Saindon (Argenteuil), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Verreault (Shefford).

Les mémoires qui seront entendus ce matin, je le répète pour les gens qui sont dans la salle, seront dans l'ordre dont j'en fais lecture: Mmes Elizabeth Hone-Bellemare et Marisol Hone-Marti-nez, à titre personnel; le deuxième, les Clubs 4-H du Québec et l'Association forestière québécoise Inc.; le troisième, la Fédération des associations pour la protection de l'environnement des lacs; le quatrième, le Conseil régional de l'environnement de l'Est du Québec; le cinquième, l'Union des producteurs agricoles; le sixième, l'Association pétrolière du Québec; le septième, M. Lorne Giroux, avocat, à titre personnel; le huitième, le Conseil consultatif de l'environnement.

J'appelle Mmes Elizabeth Hone-Bellemare et Marisol Hone-Martinez. Mesdames, si vous voulez, pour les fins du journal des Débats, vous identifier et identifier les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Mmes Marisol Hone-Martinez et Elizabeth

Hone-Bellemare et M. Dominique

Bellemare

Mme Hone-Martinez (Marisol): À ma droite, Mme Elizabeth Hone-Bellemare, M. Dominique Bellemare et moi-même, Marisol Hone-Martinez.

Le Président (M. Laplante): Vous pouvez commencer, madame.

Mme Hone-Martinez: Nous sommes des résidents de longue date de Beauharnois et c'est à ce titre que nous nous présentons ici. Nous représentons un groupe de huit familles, soit une trentaine de personnes, tous résidents de la Pointe Saint-Louis, sans compter le camp familial administré par les Soeurs du Bon Conseil qui peut, ou plutôt qui pouvait accueillir environ 200 personnes chaque été. Nous croyons aussi être les porte-parole d'une certaine population de Beauharnois qui préfère rester anonyme car il s'avère très risqué de s'attaquer aux sociétés omniprésentes et omni-puissantes que sont Domtar, Alcan, Stanchem, Chromasco et Union Carbide. Quant à nous, depuis longtemps, nous subissons les effets désastreux de la pollution causée par ces cinq grandes entreprises. La pollution est diversifiée: pollution de l'air, de l'eau, du sol, pollution visuelle et par le bruit. Nous sommes donc particulièrement sensibilisés par les questions concernant l'environnement. Après avoir pris connaissance du projet de loi 69 nous avons quelques commentaires et suggestions dont nous voulons vous faire part aujourd'hui.

Toutefois, avant d'entrer dans le vif du sujet, nous désirons vous exposer brièvement la situation scandaleuse qui existe à Beauharnois. Ainsi, nous croyons que le sens de notre intervention sera beaucoup mieux compris. Cela fait des années que nous subissons la multipollution des cinq multinationales de Beauharnois. Comme il peut être difficile de courir plusieurs lièvres à la fois, nous nous sommes particulièrement penchés, depuis une dizaine d'années, sur un seul aspect de cette situation, soit la pollution de l'air par l'Union Carbide.

Dans un mémoire de six pages que nous avons fait parvenir à cette commission, intitulé "La pollution à Beauharnois, exposé d'un cas type", nous avons résumé le cas de cette compagnie. Ce mémoire est accompagné de documents photographiques, de quinze photos et d'une caricature qui illustrent assez bien nos propos. Nous n'avons pas l'intention de reprendre ici la lecture de ce mémoire ce matin. Qu'il nous suffise de vous en rappeler les grandes lignes.

En 1978, l'Union Carbide continue toujours à polluer l'air. Cela est d'autant plus inacceptable qu'elle a reçu l'autorisation de construire sa plus récente usine en 1972, sur les bords du Saint-Laurent, à la condition expresse que ces installations soient non polluantes. Elle n'a jamais réussi, autrement que de façon intermittente, à tenir ses engagements. Au cours des trois derniers mois en particulier ce fut le comble. Elle s'est surpassée. Cette nouvelle usine a pollué l'air plus que jamais. De plus, en octobre 1975, les Services de protection de l'environnement ont émis à cette compagnie une ordonnance sur mesure ayant pour but d'éliminer toute pollution de l'air, ou presque, autant pour les nouvelles installations que pour les anciennes. Les échéances sont largement dépassées; les anciennes installations, comme les nouvelles, polluent toujours l'air, et cela en énorme quantité.

La compagnie, quant à elle, invoque des difficultés techniques ou des changements de production. Cela lui suffit. Difficultés techniques! Voilà une formule magique qui a très bien servi l'Union Carbide. À notre connaissance, les amen-

des de $5000 à $10 000 prévues dans l'ordonnance ne lui ont jamais été imposées. Quant à nous, citoyens, nous avons fait toutes les démarches imaginables qui sont censées être efficaces dans une société démocratique: lettres, téléphones, télégrammes, visites, tout cela auprès du ministre, comme des fonctionnaires, articles et lettres aux journaux, émissions de télévision. Nous avons même changé de gouvernement. Bilan: échec total. Tout le monde est au courant de cette situation, mais la compagnie a toute la latitude voulue pour continuer sa production polluante. Par contre, ne fait jamais le poids le droit des citoyens à un environnement qui sauvegarde leur bien-être, leur confort et leurs biens. Ce droit est mentionné en toutes lettres dans l'ordonnance de 1975.

Si ce dossier, celui de la pollution de l'air d'Union Carbide, qui avait, pourtant, toutes les chances d'aboutir a si lamentablement échoué, quel espoir avons-nous d'une amélioration pour la pollution par le bruit de cette même compagnie ou pour la pollution de l'air et de l'eau par la Stanchem? Après une telle expérience d'engagements non respectés, de promesses non tenues, d'ordonnances et de lois jamais appliquées ou applicables, vous comprendrez que nous nous méfions énormément des lueurs d'espoir que devrait nous apporter le projet de loi 69. Nous sommes indignés et exaspérés de cette situation scandaleuse et le projet de loi 69 ne nous laisse pas entrevoir clairement une solution à ces problèmes. Qu'on cesse de se payer la tête des citoyens. Que les élus du peuple, ceux du Québec, bien sûr, prennent leurs responsabilités et cessent leurs belles promesses sans suite. Si on souhaite vraiment la participation des citoyens, qu'on leur donne alors les pouvoirs et les moyens d'agir. Sur ce, venons-en plus précisément au projet de loi 69 et je cède la parole à ma collègue.

M. Hone-Bellemare: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, en annexe à notre petit mémoire, nous vous présentons ici un court texte comprenant des recommandations sur certains articles: l'article 1.6c, 4.19c, 41.119, 106 et 107 et également quelques commentaires sur les articles 114a, 115a et 123a. Nous allons commencer par les recommandations que nous avons mises par écrit, la première concernant l'article 1.6c qui se lit comme ceci dans ce qui est important pour nous: "Le bureau a pour fonctions d'enquêter sur toute question relative à la qualité de l'environnement que lui soumet le ministre, etc." Nous vous suggérons d'ajouter: ou toute personne qui subit les inconvénients de la pollution. Cette suggestion nous semble rejoindre l'esprit de la loi, tel que l'expliquait M. Léger hier, alors qu'il indiquait à quel point on voulait donner aux citoyens la possibilité de s'adresser au gouvernement.

L'article 4."19c" se lit comme ceci dans ce qui nous intéresse: "La requête visée dans l'article 19b peut être faite par toute personne physique domiciliée au Québec qui fréquente un lieu à l'égard duquel une contravention à la présente loi ou aux règlements est alléguée ou le voisinage immédiat de ce lieu". Cet article apporte une amélioration considérable dont nous félicitons le ministre. Comme suggestion, nous demandons de prévoir des modalités de subventions pour dédommager le citoyen des frais encourus par la requête, et de prévoir également que les frais de linjonction soient déboursés par la compagnie polluante. On devine que pour les citoyens, c'est un obstacle énorme: les frais qu'ils ont à encourir face aux démarches à faire.

Autre suggestion à l'article 41."119": "Tout fonctionnaire autorisé à cette fin par le ministre... peut pénétrer sur un terrain, dans un édifice... afin de prélever des échantillons... examiner les lieux pour fins de l'application de la présente loi". Notre expérience de Beauharnois nous amène à constater avec beaucoup de regret que, actuellement, le fonctionnarisme est totalement inefficace. Comme nous l'avons dit tout à l'heure, il y a des ordonnances claires qui ne sont tout de même pas suivies par les compagnies. Il se passe même quelque chose.

Nous suggérons de créer un comité de surveillance, dans certaines régions désignées, par exemple, Beauharnois. Ce comité serait composé de personnes indépendantes, directement ou indirectement, des compagnies polluantes, de telle sorte qu'elles ne soient pas en conflit d'intérêts. Ces personnes devraient être rémunérées et remboursées des frais reliés à leur travail de surveillance. Ce comité aurait un droit de perquisition comme les fonctionnaires autorisés, selon ce qui est prévu à l'article 41."119". Ce comité aurait également droit aux services techniques nécessaires à son travail, tels qu'ingénieurs, photographes, analystes, actions, rapports, etc. Ce comité, bien entendu, saurait tenir la confidentialité concernant certains dossiers. Par exemple, je pense à des entreprises concurrentes.

En somme, il s'agit d'une modalité d'intégrer les citoyens à la surveillance de l'environnement d'une façon qui semble rejoindre, encore une fois, les commentaires que M. Léger faisait hier sur l'esprit de cette présente loi.

Enfin, aux articles 106 et 107, nous les rejoignons pour ce qui est des suggestions. L'article 106 se lit comme suit: Une personne physique qui enfreint l'un ou l'autre des articles 20, 21, etc., est passible d'une amende. Puis, l'article 107 se lit comme suit: Une personne physique qui néglige ou refuse, etc., de se conformer à une ordonnance du ministre est passible d'une amende.

Alors, nous sommes les témoins de premier plan. Nous savons que l'ordonnance en question, par exemple, en ce qui concerne la Union Carbide, n'est pas suivie. Nous savons que ce sont très souvent des difficultés techniques qui sont invoquées à ce moment-là. Nous répétons un élément de ce qui a été lu tout à l'heure, c'est que dans le cas de la Union Carbide, à notre connaissance, c'est premièrement un changement de production qui a été invoqué pour justifier que la pollution recommence.

La deuxième occasion qui s'est présentée

souvent, difficultés techniques. Par exemple, on nous répond qu'un morceau manque dans le système antipollution, que le morceau est commandé, qu'il va prendre trois mois à arriver et, pendant ce temps-là, la pollution recommence. Cela semble tout à fait admis.

Nous sommes face à des situations comme celles-là que nous connaissons et également à la menace dont on a très souvent entendu parler de mises à pied où la réalisation de mises à pied invoquée par les compagnies face aux demandes contre la pollution. Nous en avons eu des témoignages. Lorsque la compagnie, par exemple, a installé son système antipollution il y a quelques années, elle a mis à pied plusieurs ouvriers pendant ce temps-là en disant qu'il n'y avait rien à faire. C'était parce que, pendant ce temps-là, on installait le système antipollution.

Devant cette situation que nous connaissons, nous suggérons de prévoir qu'en cas de difficultés techniques la compagnie interrompe sa production en continuant à payer le plein salaire à tous ses employés.

Voici, M. le Président, les suggestions que nous vous faisons face à notre mémoire. Nous vous répétons que nous sommes des citoyens qui sont témoins, à Beauharnois, de cas types qui représentent, croyons-nous, certaines situations qui, nous l'espérons, ne sont pas nombreuses mais qui sont significatives comme réalisation de ce qui pourrait se faire et qui ne se fait pas dans le Québec d'aujourd'hui, qui ne se fait pas toujours autant qu'on le promet, en tout cas.

Maintenant, nous allons vous présenter quelques commentaires. (10 h 30)

M. Bellemare (Dominique): Oui, nous allons uniquement faire deux ou trois commentaires concernant des articles du nouveau projet de loi no 69, soit 114a, 115a et 123a. Nous tenons à vous exprimer notre entière satisfaction quant aux précisions apportées à ces articles qui donneraient, dans le cas présent, quand la loi sera adoptée, pleins pouvoirs au ministre pour intervenir immédiatement dans un cas d'urgence, disons, comme on en parle à l'article 114a.

Le Président (M. Laplante): Merci. M. le ministre.

M. Léger: Je voudrais d'abord vous remercier pour l'excellent mémoire et aussi l'esprit qui anime le mémoire ainsi que vos performances passées. Vous êtes quand même des personnes qui avez combattu depuisun bon bout de temps pour défendre les droits des citoyens, non seulement au sujet de l'environnement, mais dans d'autres domaines. Nous vous en félicitons. Cela me fait toujours plaisir de voir que des citoyens peuvent prendre à coeur la chose publique et qu'ils peuvent être un atout exceptionnel pour les politiciens qui veulent faire avancer la cause.

Je voudrais quand même vous parler un peu du problème qu'on vit à Beauharnois avec la situation de l'Union Carbide. Comme je sais que vous êtes très intéressés à ce problème, je voudrais vous poser des questions et vous demander ce que vous feriez à la place du ministre. D'abord, vous savez que l'Union Carbide a été l'objet de deux ordonnances l'obligeant à s'équiper pour ne pas dépasser certaines normes — comme je ne suis pas un technicien, je ne sortirai pas les normes — à telle date. Elle s'est conformée graduellement à cela jusqu'à ce qu'il y ait, à un moment donné, un accident, un incendie, le 21 juin, qui a provoqué un arrêt de la production et un blocage du four no 18, celui qui pollue tellement.

La compagnie, qui avait eu l'autorisation de fonctionner avec les éléments filtrants, les sacs filtrants, pour éviter d'émettre trop de pollution, a quand même repris sa production malgré que les éléments épurateurs ne soient pas disponibles puisque l'incendie avait brûlé et la console de contrôle et les sacs filtrants, ou du moins une bonne partie des sacs filtrants. C'est donc dire qu'actuellement, cela pollue. Nous avons l'intention de lui envoyer une mise en demeure, mais avant je veux consulter les citoyens. Qu'est-ce que vous en pensez? Puisque vous vivez là-dedans, vous allez vous mettre dans la peau du responsable pour réellement déterminer ce qu'il faut faire.

Il y a trois actions qui peuvent être entreprises. Étant donné qu'elle est l'objet d'une ordonnance et qu'elle viole nécessairement la loi, le premier choix, c'est d'aller devant les tribunaux, avec les délais, le temps que cela prend, l'attitude que la compagnie prendrait; c'est une des positions. La deuxième, c'est la fermeture de la section de l'usine, étant donné qu'ils ne peuvent pas fonctionner sans polluer à cause justement de l'incendie qui a brûlé les sacs filtrants et la console de contrôle. Nous avons vérifié avec la compagnie d'une façon sérieuse. La réalité, c'est que les morceaux particuliers dont ils ont besoin pour faire fonctionner l'élément filtrant ne seront disponibles et ne seront fabriqués... On ne trouve pas cela dans un supermarché; il faut qu'ils soient fabriqués de façon bien précise pour tel type d'industrie et ce ne sera prêt que dans trois mois.

Durant ces trois mois, j'ai le choix de faire le Don Quichotte et de dire: Nous ne voulons rien comprendre et vous fermez. Ceci enlève peut-être 150 à 195 emplois sur les 400 ou 450 employés là-bas. C'est l'occasion précise de confronter la détermination de protéger l'environnement avec la réalité de l'emploi. Ce n'est pas du chantage, parce qu'on le sent quand une compagnie fait du chantage en disant: Je vais fermer mon usine, vous êtes trop sévères. Quand on va à l'intérieur, on s'aperçoit que dans 90% des cas, ce n'est que du chantage et qu'on n'a qu'à continuer à être ferme et ils vont se conformer.

Il y a parfois des cas bien précis comme celui-là. Ou bien on va devant les tribunaux et cela prend autant de temps ou bien c'est une fermeture d'usine tant qu'ils n'ont pas réparé cet élément pour éviter la pollution extérieure.

Je vous pose la question, si vous étiez le ministre de l'environnement, comme dans un programme de télévision, que feriez-vous?

Mme Hone-Martinez: Vous avez mentionné le 21 juin. C'est bien le 21 juin 1978, n'est-ce pas?

M. Léger: Oui.

Mme Hone-Martinez: Alors, vous citez un cas qui existe actuellement. Je me réfère encore aux antécédents. Je ne veux pas trop me répéter, mais la compagnie s'est bien engagée à construire cette usine à condition qu'elle soit non polluante et c'est à cette condition expresse qu'elle a obtenu l'autorisation. Cela, c'est en 1972, puis l'ordonnance est de 1975. Avant le 21 juin 1978, il s'est passé bien d'autres cas où la compagnie a éprouvé des difficultés techniques. On pourrait écrire un roman là-dessus, ses difficultés techniques sont innombrables. Aujourd'hui, on s'est particulièrement attaché à la pollution de l'air, mais, dans notre mémoire, nous référons aux autres types de cette pollution: les détritus sur les berges, la pollution visuelle, le bruit, nuit et jour, et sept jours par semaine parfois. Cette compagnie est tellement multipolluante et nous doutons qu'elle soit de bonne foi après tant d'années.

Comme recommandation, nous l'avons déjà formulée, qu'elle cesse sa production en continuant à payer le salaire de ses employés. Ils ne paient pas d'amendes à la compagnie, mais avec cet argent qu'elle pourrait payer en amendes, qu'elle continue à payer ses employés.

M. Léger: ... la dernière partie, parce que j'ai demandé une information...

Mme Hone-Martinez: Qu'elle cesse sa production. Nous avons déjà répondu à cette question dans nos recommandations, dans un cas comme cela. Étant donné les antécédents, ce n'est pas la première fois, il y a beaucoup d'antécédents, qu'elle cesse sa production et qu'elle continue à payer ses employés.

M. Léger: Autrement dit, elle devrait fermer son four no 18 et payer les 150 employés pendant les prochains trois mois.

Mme Hone-Martinez: Oui.

M. Léger: C'est ce que vous feriez si vous étiez des gens élus.

Mme Hone-Bellemare: Si nous étions, M. le ministre, des gens élus habitant aux portes de l'Union Carbide et si vous voyiez ce qui se passe. On comprend très bien que quand on est à Québec, on ne vient pas voir l'Union Carbide tous les jours, on ne vient pas la voir le dimanche matin, ni le soir à 20 heures, etc.

Mme Hone-Martinez: Ni à deux heures du matin.

Mme Hone-Bellemare: Ni à deux heures du matin. Or, nous qui sommes là, nous savons que, par exemple, toute la fumée possible sort des cheminées très souvent, alors que la compagnie affirmait qu'elle se conformait à l'ordonnance. À un moment donné, pendant une heure, toutes les cheminées fument. On le voit, on ne téléphone pas toujours. Quand on téléphone, c'est une difficulté technique, c'est un morceau qui ne fonctionne pas, c'est un bouton qui est défectueux, on ne peut pas énumérer la quantité de réponses du genre qu'on a eues quand on prend la peine de téléphoner. À la fin, on ne téléphone plus.

On vous parle, par exemple, du terrain de la compagnie qu'elle augmente continuellement. Elle jette ses détritus au bord du lac, ce qui augmente son terrain, elle empiète sur le lac. On sait bien que le ministre ne vient pas se promener en chaloupe à côté, mais nous, on constate que, par exemple, son terrain a augmenté de plusieurs pieds depuis deux ou trois ans, et c'est facilement vérifiable, parce que c'est un endroit où les strates sont très visibles, le long de la berge, et on voit très bien les dimensions nouvelles que prend le terrain de la compagnie.

Le bruit qui s'y fait la nuit est absolument intolérable, et ce sont des choses — nous l'avons vérifié — qui pourraient être facilement diminuées. Par exemple, il y a des sirènes de camion qui pourraient être diminuées s'il y avait une autre personne qui était employée, tout simplement. La compagnie ne veut pas employer une personne supplémentaire et fait actionner les sirènes du camion qui recule, par exemple, ou d'un petit train qui traverse la voie ferrée.

Quand on est aux portes de compagnies comme cela, on ne croit plus à la bonne volonté des multinationales.

M. Léger: D'autant plus que je pense que dans votre région, il y a une autre compagnie compétitrice, la Chromasco, qui, elle, semble avoir trouvé les moyens de résoudre ces problèmes. Comme vous vivez avec les deux compagnies, pouvez-vous comparer? Les deux sont dans la même compétition, sont dans la même région, vous comme citoyens qui vivez avec ces deux compagnies, expliquez-moi la façon ou l'importance que chacune a donnée à la qualité de l'environnement là-bas?

Mme Hone-Martinez: Dans le cas de la compagnie Chromasco, il y a eu, aussi, un système de dépollution. Nos observations permettent de dire que dans le cas de la Chromasco, il semble que le résultat soit meilleur. Ce n'est pas toujours parfait; parfois, il y a encore des difficultés techniques, mais elles nous semblent moins nombreuses. Il semble que Chromasco a un peux mieux réussi. Justement, peut-être que la comparaison nous permet de dire que Chromasco fait un effort plus loyal et nous croyons aussi qu'elle est moins multipolluante, c'est-à-dire qu'à part l'air, elle est moins polluante à d'autres égards que l'Union Carbide. Le fait que l'Union Carbide soit en plein sur le bord du Saint-Laurent... On ne comprend pas encore comment elle a pu obtenir cette autorisation en 1972 — c'est relativement récent

— alors qu'on parlait beaucoup de l'environnement à ce moment-là. Cela ne remonte pas à 20 ans!

M. Léger: Maintenant, pour votre information, la proposition que vous faisiez tantôt quand je vous consultais, vous avez donné une solution où je n'ai que la moitié des pouvoirs. Votre solution était quand même complète. D'un côté, pour éviter la perte d'emplois, la compagnie devrait payer le salaire et, d'un autre côté, pour éviter qu'elle émette de la pollution dans l'air, qu'elle ferme son four tant qu'elle n'a pas reçu ses morceaux et qu'elle puisse s'impliquer. Légalement, je ne puis que faire fermer le four, mais je n'ai aucun moyen légal pour l'obliger à payer des employés. À ce moment-là, la solution que vous me donnez est une solution que vous demandez à la compagnie, parce qu'elle a les pouvoirs des deux, et de payer et de fermer son four. Je n'ai que le pouvoir de lui faire fermer le four pour la période de trois mois. Si vous étiez à ma place et que vous n'ayez pas le pouvoir de faire payer les employés pendant trois mois, que feriez-vous à ce moment-là?

Mme Hone-Bellemare: C'est devant ce genre de situations qu'on a des réactions simplistes, je pense, en tant que citoyens. On a l'impression que, au lieu d'imposer une amende, à titre d'amende on pourrait dire: Payez les employés pendant que vous cessez la production. On a l'impression que le gouvernement devrait avoir ce pouvoir. Si, vraiment, dans la réalité, le ministre ne l'a pas, personnellement, je ne sais pas ce que je ferais. Je pense que je dirais, encore une fois...

M. Léger: Je vous trouve bien sympathique de comprendre que j'ai des problèmes.

Mme Hone-Bellemare: C'est certain que, devant la menace de 150 emplois perdus, cela n'a pas de sens. Mais on sent très bien qu'ils jouent avec cela. D'après nous, ils jouent avec cela. Ils utilisent cela comme instrument.

M. Bellemare (Dominique): D'ailleurs, quand vous parlez du four no 18, on se rend très bien compte que c'est "un" four. D'accord, il y a peut-être une exception faite pour ce four. Mais, quand il s'agit de tous les fours des deux usines, l'usine de silicium et celle de manganèse — et surtout cette dernière qui devait, à sa construction, être munie de tous les moyens possibles — ce n'est pas seulement une exception.

M. Léger: Étant donné que le temps passe, je vais quand même vous dire que, sur l'ensemble du dossier d'Union Carbide, je vais me pencher d'une façon particulière et d'une façon rapide. Sur la section du four no 18 où il y a des implications immédiates, je vais prendre peut-être une journée de réflexion, en ayant bien en mémoire ce que vous me disiez. Nous allons les contacter aujourd'hui et nous allons prendre une décision dans les jours qui viennent. Mais pour l'ensemble du dossier — parce qu'il n''y a pas uniquement le four no 18, comme vous dites, il y a beaucoup d'autres choses — je vais surveiller au peigne fin puisque c'est maintenant public. Des citoyens de la région, des citoyens honorables comme vous ont soumis cela. Vous n'êtes quand même pas des personnes qui voulez faire des oppositions extravagantes, vous faites cela d'une façon sérieuse, ordonnée. Je pense que les journaux vont quand même démontrer jusqu'à quel point c'est un problème et que l'Union Carbide devra faire quelque chose. De mon côté, je vais surveiller le dossier, regarder tous les aspects au niveau des berges, au niveau du problème de la pollution par le bruit, pollution visuelle, pollution de l'eau, et je vais suivre cela de très près pour prendre une décision de ce côté-là. Je pense que l'Union Carbide va être obligée de faire de gros correctifs bientôt.

Mme Hone-Bellemare: Un petit mot s'il vous plaît!

M. Bellemare (Dominique): La pollution de l'eau, on n'en a pas parlé mais les soi-disant tuyaux qui servent à renvoyer les eaux de refroidissement des fours entraînent néanmoins une eau insalubre dans un rayon de peut-être 200 pieds des berges, un demi-cercle, pour des eaux de refroidissement. Ce n'est pas dû au fait que le fond soit remué parce que, autrefois, ces eaux de refroidissement arrivaient et il n'y avait aucun problème.

M. Léger: Pour vous rassurer, je peux vous dire que la pollution de l'eau fait partie de la zone dans laquelle nous allons investir $144 millions pour les cinq grandes cibles de la grande région de Montréal. Cette partie va être incluse dans les travaux d'assainissement. Je vais terminer, avant de laisser la parole à mon collègue, en vous félicitant d'agir comme vous le faites. Le gouvernement a besoin de gens comme vous, parce que je pense que ce qui est le plus important, ce sont des citoyens lucides, déterminés et équilibrés, avec le préjugé pour l'environnement d'abord. C'est derrière cela que nous pouvons nous appuyer pour être capables de faire du Québec un Québec beaucoup plus propre et plus sain. Merci.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

(10 h 45)

M. Goldbloom: M. le Président, je trouve particulièrement intéressante la suggestion que la loi soit ainsi rédigée qu'une compagnie puisse être obligée à payer ses employés dans une période d'interruption de ses activités, période nécessaire pour corriger la pollution dont elle serait responsable.

Le problème que je perçois dans cette suggestion, c'est qu'à moins de créer une dictature dans un pays démocratique, que nous voudrions garder démocratique, quand même, ce ne serait jamais le ministre qui pourrait obliger une compagnie à agir ainsi: ce serait un tribunal. C'est dans ce sens... Ce commentaire pourrait, au premier abord, paraître négatif. Au contraire, je voudrais demander au ministre de consulter ses conseillers

juridiques, et même le ministre de la Justice, parce qu'il me semble qu'il y a là-dedans des germes d'idées possibles.

Je me demande si nos lois obligent, dans tous les cas, qu'une amende soit payée à l'État. Je présume que oui, et Me Piette me fait signe que oui. Mais cette notion d'obliger quelqu'un à payer une amende à une personne autre que l'État, c'est une idée qui mérite un examen philosophique et pratique pour voir si c'est une chose qui peut être inscrite dans nos statuts. Cela serait une forme de compensation. Pour obtenir une compensation, normalement, on doit présenter au tribunal la preuve d'avoir été lésé en quelque chose, d'avoir subi des pertes, des dommages et ainsi avoir droit à une compensation. Là aussi, il y a une notion qui me paraît mériter un examen attentif de la part de nos juristes. Vous reconnaîtrez, M. le Président, que ce n'est pas un homme de loi qui vous parle. En profane, comme Mme Martinez et Mme Belle-mare, je peux avoir des idées mais trouver que notre système de lois ne permet pas de réaliser l'objectif qui est visé.

M. le Président, nous nous trouvons ici devant une situation où les observations des citoyens de Beauharnois ne concordent pas avec l'impression que nous avons pu avoir de l'état réel du fonctionnement de l'usine de l'Union Carbide. Nous devions — vous l'avez exposé assez clairement, mesdames — avoir, dès le début du fonctionnement du four no 18, sauf pour une brève période de rodage, et l'engagement de la compagnie, si ma mémoire est fidèle, était que cette période de rodage ne dépasserait pas six semaines, je peux me tromper sur le chiffre, mais c'est à peu près cela... Il y a eu — si ma mémoire est toujours fidèle — un certain dépassement de cette période de rodage, mais la compagnie a voulu manifester une bonne foi en disant, comme vous l'avez souligné, qu'il y avait des difficultés techniques, qu'il fallait un peu plus de temps, mais que la chose serait réglée. Effectivement, il y a eu certaines améliorations, il y a eu une diminution de l'émission de polluants et les choses semblaient vouloir rentrer dans l'ordre. Je suis déçu maintenant d'apprendre que vos constatations, avant le 21 juin 1978, indiquent que le contrôle laisse beaucoup à désirer. Je pense que nous devons demander au ministre, avec l'aide de son personnel spécialisé, de nous indiquer, suivant les renseignements que possèdent présentement les Services de protection de l'environnement, quel est actuellement l'état de fonctionnement du four no 18.

En ce qui concerne la vieille usine, le four no 17 devait avoir un système de sacs filtrants et ce système a effectivement été installé. Il y a eu de vrais problèmes techniques; j'ai pu les constater de visu. Il y a eu, à cause d'une légère différence entre le procédé utilisé à Beauharnois et celui utilisé aux États-Unis, une difficulté majeure à faire passer la poussière récupérée par les tuyaux qui avaient été installés entre le four et le bâtiment qui abrite le système de sacs filtrants. Des tuyaux de trois pouces ont été installés et se sont bouchés à répétition malgré des efforts à les déboucher. Les tuyaux de trois pouces ont été remplacés par des tuyaux de six pouces et le système a semblé fonctionner à partir de ce moment-là.

Pendant que l'on travaillait sur le système dépuration du four no 17, la compagnie se penchait sur l'avenir du four no 16 et, si je comprends bien, a pris la décision de fermer le four no 16. Cette fermeture aurait dû avoir lieu vers la fin de 1976 ou le début de 1977. En même temps, de l'équipement devait être installé pour les fours nos 15 et 14 qui, les deux ensemble, ne représentaient que 15% de la pollution émise par la vieille usine. J'étais informé, au moment où j'ai quitté le ministère, que, effectivement, le four no 16 devait, peu de temps après, être fermé et les fours nos 15 et 14 être équipés de façon convenable. Là aussi, je pense que nous devons demander au ministre un rapport technique sur les cinq fours existants pour savoir si ce que le ministère connaît est en concordance avec les observations que vous avez faites; sinon, nous avons une situation qui nous oblige à revoir tout le système de surveillance des équipements qui sont installés.

Je termine en disant ceci: Vous avez fait des commentaires qui vous appartiennent sur la foi de la société Union Carbide. Vous l'avez qualifiée de mauvaise. Effectivement, cette société, aux États-Unis, avait acquis avant 1970 une très mauvaise réputation et justement sur cette question de foi. La réputation de la compagnie aux États-Unis en était une de mauvaise foi. Il y a eu, si je comprends bien, des changements à la direction de la compagnie et c'est à la suite de ces changements que la filiale canadienne a pris l'initiative de venir voir le nouveau ministre de l'environnement — c'était vers le début de 1971, si ma mémoire est fidèle — pour proposer un programme de dépollution. C'est ainsi que le premier de tous les programmes pour les industries majeures du Québec a été mis en marche.

Nous avons eu, pendant une certaine période subséquente, une impression que l'attitude de la compagnie avait effectivement changé et que la foi, autrefois mauvaise, était devenue bonne. Aujourd'hui, vous remettez en doute la bonne foi de cette compagnie. C'est une accusation qui est grave, qui est grave pour tous les intéressés, grave pour les citoyens d'abord, grave aussi pour les autorités qui doivent fonctionner en vertu de leur évaluation de la foi d'une compagnie avec laquelle elles transigent.

Je trouve que vous avez rendu un très grand service à la collectivité, quel que soit le résultat de l'analyse que le ministre vient de s'engager à faire de toute la situation. Or, la question que j'ai voulu poser s'adresse effectivement au ministre. Je le prie, avec les renseignements qui lui sont disponibles immédiatement, de nous indiquer, selon les dossiers des Services de protection de l'environnement, quel est précisément le portrait qu'il a de l'état des fours de l'Union Carbide à Beauharnois.

M. Léger: Je dirais que c'est l'état d'un mala-

de qui s'en va graduellement vers la santé mais qui est quand même dans une situation pas tellement belle actuellement; mais je suis convaincu, avec ce que je vais vous donner comme exemple, qu'on est en train de régler le problème. D'abord, je tiens à vous dire que ce ne sont pas cinq fours, ce sont quatre fours parce que le four no 16 a été fermé. Étant donné qu'il ne fonctionnait pas, il a été fermé.

M. Goldbloom: Je m'excuse d'interrompre le ministre mais, je dois lui poser la question suivante: À votre connaissance, le four demeure-t-il fermé? Parce que ce four représentait 40% de la pollution de la vieille usine et, pourtant, Mme Martinez et Mme Bellemare indiquent que la vieille usine pollue énormément, de temps en temps, au moins.

Mme Hone-Martinez: Oui Que cela sorte d'une cheminée ou de l'autre, pour nous, peu importe mais cela sort.

M. Léger: ... le numéro du four...

M. Goldbloom: D'accord, mais il y a quand même...

Mme Hone-Martinez: Cela ne sort pas seulement des cheminées, parfois, cela sort de partout. Même, pour être capables d'identifier les cheminées, il faut que le ciel soit relativement clair autour. Parfois, quand on est à un demi-mille, on croit que l'usine a disparu parce qu'on ne voit que de la fumée. Cela s'est produit il y a quelques jours. Ce n'est pas il y a quatre ans, cinq ans ou dix ans. Il y a quelques jours, j'aurais été incapable de dire si cela sortait du four 14, 15, 16 ou 17. Que de la fumée. De la brume. Je pensais qu'elle avait disparu; j'ai cru au miracle.

M. Léger: Voici. Le four no 16 est maintenant fermé, le four no 17 fonctionne parfaitement. Ce sont les fours no 14 et no 15. Alors, en date du 17 avril 1978, une ordonnane a été émise dernièrement, dans les quatre ou cinq derniers mois, une ordonnance a été émise pour obliger la compagnie à régler nécessairement dans le temps. Cela, ce sont des équipements qu'elle doit changer et aussi fabriquer. L'ordonnance l'oblige à épurer les gaz provenant des trous de coulée des fours nos 14 et 15 et à obtenir l'autorisation prévue à l'article 48 de la loi. Elle doit donner ces renseignements, le plan global et tout cela pour le 31 mars 1979. Selon la loi, tout doit être en marche pour corriger toutes les conséquences pour le 30 juin 1980. (11 heures)

Concernant l'autre aspect de la pollution, vous avez remarqué qu'il est en dehors des fours. C'est celui d'un système d'épuration des émissions fugitives provenant des espaces annulaires autour des électrodes des fours 14 et 15, et eux aussi doivent présenter leur plan définitif et être en activité à la même date. Donc, comme je vous dis, ce sont de gros équipements qu'ils sont en train de se donner et ils devront le faire puisque l'ordonnance est là. Je peux vous assurer que les ordonnances que j'ai émises vont être respectées et les gens qui ne les respecteront pas vont être poursuivis. Je peux vous dire une chose, c'est que les ordonnances qui sont dans le décor et qui ont été faites avant, j'ai demandé un relevé parce qu'il y en a qui étaient oubliées dans les tiroirs et on laissait cela là. À un moment donné, j'ai dit: On va regarder tout cela pour voir si les gens désobéissent ou non. Je devrai avoir un rapport, je pense, au cours des quinze prochains jours sur tout ce qui n'est pas dans la légalité suite aux ordonnances qui ont été faites dans le passé.

Maintenant, je veux vous dire ceci sur la précédente question du Dr Goldbloom, du député de D'Arcy McGee, sur le cas que vous avez soulevé tantôt; j'avais commencé à répondre là-dessus, c'est très intéressant. Actuellement, on n'a pas les pouvoirs légaux d'obliger une compagnie à payer ses employés pendant qu'elle est sous le coup d'une ordonnance non respectée. Mais je pense que l'idée que vous avez mise de l'avant est très intéressante. J'en ai parlé avec mon conseiller juridique, à côté, qui m'a dit qu'on va voir la possibilité de mettre dans la loi le fait qu'une amende ne soit pas payée à l'État au cas où une compagnie ne respecterait pas une ordonnance et devrait, pour la respecter, fermer temporairement; son amende, pour ne pas avoir respecté l'ordonnance, serait de payer les employés.

On verra comment on peut légalement le mettre dans la loi. C'est une idée que je trouve pas mal révolutionnaire et extraordinaire et qui va ajouter, je pense, de la qualité au projet de loi qui va nécessairement, grâce aux citoyens, rendre les compagnies un peu plus respectueuses. Vous avez dû entendre les représentants, hier et avant-hier, qui sont venus, surtout les représentants de compagnies, du patronat, etc. Ils nous ont dit craindre qu'on dérange l'équilibre des forces qui règne actuellement en donnant des outils aux citoyens à ce point qu'ils risquent de perturber et inquiéter l'activité économique.

Je m'aperçois en tout cas que vous n'étiez pas tellement forts dans le décor versus les compagnies et qu'on ne déséquilibrera pas grand-chose en vous donnant des pouvoirs. J'ai bien l'impression que la force était beaucoup plus seulement d'un côté. Avec la présence des citoyens, je suis convaincu que si cette loi était adoptée, au lieu de venir, vous seriez devant les tribunaux actuellement vous-mêmes pour poursuivre Union Carbide pour ne pas avoir respecté l'ordonnance, si vous aviez les pouvoirs. Je pense que cela aurait peut-être permis à la compagnie de venir expliquer devant le juge, avec vous autres, les raisons que nous connaissons. C'est un exemple flagrant où les citoyens pourraient facilement aider l'État en procédant directement par une injonction, quand une compagnie ne respecte pas la loi.

L'exemple que vous donnez démontre que les citoyens sont réellement démunis actuellement. Cela me confirme dans ma volonté de donner des pouvoirs de recours au civil et au pénal aux

citoyens. Je vous remercie infiniment de votre collaboration.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le Président, j'aimerais poser une question à M. le ministre. Est-ce que les ordonnances que vous avez émises concernant Union Carbide vont régler une fois pour toutes cette fumée dont se plaignent les citoyens qui entourent l'usine?

M. Léger: L'ordonnance qui a été émise va régler le problème. La raison de l'ordonnance et les détails, parce que cela est compliqué, une ordonnance, c'est technique...

M. Cordeau: Pas les détails. C'est le but.

M. Léger: Je vais vous l'expliquer, je vais vous le dire en quelques mots. Les détails là-dedans sont pour permettre à la compagnie qui doit observer une ordonnance d'avoir l'échéancier voulu pour le faire. C'est pour cela que les échéanciers sont très importants. Je ne peux pas arriver pour dire: Vous polluez, fermez. Cela ne marche pas comme cela.

M. Cordeau: Ce n'est pas le but de ma question.

M. Léger: Ce qui est important, c'est que le problème soit réglé et, pour le régler, cela peut prendre un an, un an et demi parce que ce sont de gros équipements qu'ils font installer. L'important est que la compagnie commence à avoir l'équipement et qu'elle soit obligée de se conformer à la loi. C'est l'objectif de l'ordonnance et vous pouvez être assuré qu'elle va être observée.

M. Cordeau: Ma question était, pour rassurer les intervenants, que les ordonnances que vous aviez émises avaient pour but la non-pollution de l'air par l'usine.

M. Léger: Ma réponse est oui.

M. Cordeau: Bon. Maintenant, concernant les observations que ce groupe de citoyens vous a faites, tantôt, l'empiètement des rives du fleuve par la compagnie, est-ce que vous avez été sensibilisé à ce problème?

M. Léger: J'ai dit tantôt que pour tous les autres aspects de la pollution ou du non-respect des lois de l'environnement autres que la pollution atmosphérique, je vais me faire apporter le dossier complet pour évaluer quelle est la situation exacte et je vais poursuivre.

Maintenant, il faut quand même admettre que chez nous, à l'environnement, c'est divisé en différents secteurs. Le secteur industriel en est un, le secteur des déchets dans la nature en est un autre. Ce sont des personnes différentes dans mon ministère qui s'occupent des différents aspects. Le bruit, c'est encore un autre groupe. Donc, nécessairement, il faut que j'aie l'ensemble du dossier, de tous les responsables chez nous de ces particularités.

M. Cordeau: Je tiens à vous féliciter pour votre performance passée, comme l'a souligné le ministre, mais je trouve un peu anormal que toutes les démarches que vous avez accomplies, que vous avez faites, tel que mentionné à la page 4 de votre mémoire, depuis dix ans: lettres, téléphones, télégrammes, visites, ainsi de suite, que toutes ces démarches n'aient pas eu plus d'impact sur le ministère de l'environnement. Réellement, c'est une anomalie que des citoyens soient obligés de venir à une commission parlementaire pour peut-être faire grouiller, ou faire avancer un dossier.

Je vous félicite pour vos démarches et j'espère que le ministre va porter une attention toute spéciale à votre problème, car je crois que c'est un problème majeur.

Mme Hone-Martinez: Est-ce que je peux répondre à cela?

M. Cordeau: Certainement.

Le Président (M. Laplante): Oui, très brièvement, s'il vous plaît, parce qu'on a déjà dépassé le temps de beaucoup et il y a un autre intervenant.

Mme Hone-Martinez: C'est simplement pour dire que nous avons souvent eu des réponses à nos lettres, mais cela restait des réponses. Je peux citer seulement trois lignes d'une lettre écrite par M. Goldbloom en 1974: "La nouvelle usine, sur le bord de la rivière, comme vous avez pu le constater, est bien équipée et semble bien fonctionner." Au moment où il écrivait, il n'était pas très bien renseigné, parce qu'elle ne fonctionnait pas bien, à ce moment. Nous avons eu des réponses, mais simplement des réponses. J'ai eu aussi des réponses du chef de cabinet du ministre Léger qui nous disent qu'on va accorder la plus grande attention... Il y a le mot "immédiatement" dans la lettre, puis après on n'en entend plus jamais parler. Quand on retéléphone pour faire le "follow-up", là, les personnes à qui on s'adresse disent: On n'a jamais entendu parler du dossier. Il y a eu des réponses et après, c'était fini.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. le Président, d'abord en tant que député du comté de Beauharnois et représentant de la famille Hone, il me fait plaisir de vous entendre ici à la commission parlementaire sur le projet de loi no 69. Je tiens à vous dire, dans un premier temps, qu'à partir de ce matin, j'embarque avec vous dans le dossier. Je vous prie de communiquer avec moi et je pense qu'ensemble on va arriver à faire toutes les pressions nécessaires là où il faudra les faire pour que la compagnie

Union Carbide soit effectivement moins polluante.

Le site sur lequel la compagnie Union Carbide est venue s'installer est un site qui appartenait jadis à l'Hydro-Québec et qui était fantastique comme paysage, comme verdure, comme plantation d'arbres et tout cela. Je pense qu'on n'a pas le droit, quand on parle d'harmonie, justement — je sais que le ministre a parlé à maintes reprises de l'harmonie qu'on doit avoir dans cette conservation de l'environnement — de venir briser ici une espèce d'harmonie qui existait déjà, avant.

Bien sûr qu'une population, un comté, une société ont besoin d'un lieu de travail pour leurs citoyens. Je ne veux pas ici que mon intervention soit considérée comme étant une intervention ne permettant plus aux compagnies de venir s'installer chez nous à Beauharnois. Je pense que c'est quand même nécessaire qu'on en ait, mais il faut que ces compagnies comprennent que des règles du jeu doivent être établies au préalable. Une fois que ces règles du jeu sont établies et conformes, justement, à l'harmonie que chacun de nous souhaite, je pense qu'il faut être respectueux de ces règles du jeu et de cette harmonie. En ce qui concerne le non-respect de la part de certaines compagnies, je pense qu'ensemble on va arriver à faire en sorte que tout cela retourne dans l'ordre.

Je sais que ce n'est pas toujours facile parce que bien souvent on part avec un idéal, avec des objectifs et, en cours de route, on s'aperçoit que, sur le plan technique, nos idéaux ou nos démarches sont freinés, sont ralentis. Là, on nous parle de pièces difficiles à obtenir, on nous recule à trois mois. C'est sûr que cela fait aussi partie de la réalité. Il y a quand même moyen, en mettant la pression qu'il faut, de faire de trois mois un mois et demi. Ils sont installés depuis 1972. Je me dis que, s'il y avait eu, constamment, des pressions faites depuis ce temps, on ne viendrait pas parler d'un problème comme celui-là en 1978. Je pense qu'il y a peut-être eu.. Je ne veux pas accuser la compagnie nécessairement de mauvaise foi, l'ancien gouvernement et l'ancien ministre, de mauvaise foi, les citoyens ou l'ancien député de Beauharnois, de mauvaise foi; je ne voudrais pas, ici, lancer des flèches à qui que ce soit, mais je suis le député qui constate avec vous que finalement, depuis 1972, une situation comme celle-là existe et je suis certain qu'elle n'existe pas en conformité avec l'harmonie dont parle le ministre. Sur ce point, je suis prêt à l'appuyer à 100%.

On ne retournera pas en arrière, mais on va se diriger vers l'avenir et on va faire en sorte qu'ensemble non seulement la compagnie Union Carbide, mais toutes les compagnies du comté de Beauharnois plus particulièrement et du Québec dans l'ensemble puissent se conformer. Je pense que la loi 69 sera dans l'avenir un outil qui permettra aux citoyens, aux différents groupements et aux gouvernements d'intervenir quand on aura à faire face à des gens trop rébarbatifs. Je vous offre mon appui; ne vous gênez pas pour communiquer avec moi. Je pourrai faire le trait d'union entre vous et le ministre et je pense qu'ensemble on arrivera à trouver des bonnes solutions.

Le Président (M. Laplante): Une dernière intervention très courte, monsieur.

M. Corbeau: Oui, très courte. Je suis très heureux de constater que le député de Beauharnois vient de s'apercevoir qu'il y a un problème là, après deux ans de pouvoir, et qu'il est prêt à apporter son appui au comité de citoyens.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Lavigne: Je trouve votre remarque un peu désobligeante. J'étais bien au courant, M. le député de Saint-Hyacinthe, que ce problème existait. On n'avait pas l'outil nécessaire; là, on se donne un outil...

Le Président (M. Laplante): Je ne voudrais pas que cela engendre un débat politique. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je voudrais faire un dernier commentaire. Je voudrais dire, particulièrement à Mme Martinez, qu'il n'y a pas eu seulement des réponses; il y a également eu des actions. Notamment, quand j'ai demandé à une équipe universitaire de se pencher sur les rapports possibles entre la pollution atmosphérique et les maladies respiratoires, j'ai insisté pour que ces études se pousuivent à Beauharnois — il y en a eu à d'autres endroits dans la province — notamment et particulièrement chez les enfants. Les résultats ont été rassurants; cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'inquiétudes à avoir; mais il y en aurait eu, et de graves inquiétudes, si ces résultats avaient été mauvais. Heureusement, ils ne l'ont pas été.

À cause de la situation que vous connaissez et que vous mettez encore une fois en évidence, pour ma part, j'ai toujours voulu accorder une attention particulière à Beauharnois. J'espère que maintenant les mesures que le ministre a indiquées vont finir par régler définitivement le problème. Il n'y a pas d'autre solution acceptable.

Le Président (M. Laplante): Merci. Merci, Mme Hone-Bellemare, Mme Hone-Martinez et M. Bellemare, de l'apport que vous avez bien voulu fournir à cette commission.

J'appelle maintenant les Clubs 4-H du Québec et l'Association forestière québécoise Inc. (11 h 15)

Si vous voulez identifier votre groupe pour les fins du journal des Débats, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

Clubs 4-H du Québec et Association forestière québécoise Inc.

M. Grenier (Louis): Nous représentons ici les Clubs 4-H du Québec et l'Association québécoise Inc. Je suis accompagné de M. Gilles Frisque, M. Eric Rey-Lescure, M. Robert Daigneault. Mon nom est Louis Grenier.

M. le Président, avant de nous engager...

Le Président (M. Laplante): M. Daigneault est-il le président des Clubs 4-H?

M. Grenier (Louis): Nos fonctions respectives... M. Daigneault est directeur des programmes à l'Association forestière québécoise, MM. Frisque et Rey-Lescure sont des personnes-ressources du mouvement, et ma fonction est la direction générale des deux organismes précités.

Si vous nous le permettez, avant de nous engager dans la discussion et quelques commentaires sur le mémoire que nous avons soumis à cette commission, j'inviterais M. Daigneault à vous remettre et à vous livrer quelque 100 000 signatures que nous avons recueillies dans le cadre d'une campagne de sensibilisation dont le thème était "Si l'environnement pouvait parler". Ce sont des signatures que nous avons recueillies le printemps dernier dans le cadre d'une campagne qui portait sur l'utilisation abusive de certains contenants non retournables et sur lattitude pour le moins polluante de certains de nos concitoyens automobilistes.

Le Président (M. Laplante): C'est accepté, monsieur. Avant de commencer votre rapport, je voudrais vous souhaiter tout particulièrement la bienvenue, surtout aux membres des clubs 4-H, que j'aurais aimé voir un peu plus nombreux ici ce matin, vu que c'est un mouvement de jeunesse dont je suis un des premiers membres fondateurs. Le premier club a été à Val-Brillant, Cabano a suivi. Le premier congrès a eu lieu à Rimouski, le deuxième à Duchesnay. C'est tout un honneur pour moi. À ce moment-là, je n'aurais jamais pensé présider une commission parlementaire devant les clubs 4-H. La devise des clubs 4-H est honneur, habileté, humanité et honnêteté. C'est une devise que, je crois, tous les jeunes ont conservée au Québec. Bonne chance à tous ces clubs.

M. Grenier (Louis): Merci, M. le Président. Nous devons vous remercier aussi de l'occasion qui nous est offerte de venir ici vous porter quelques réflexions et quelques commentaires sur un projet de loi visant à modifier la loi existante sur la qualité de l'environnement.

Je pense qu'il serait opportun de situer ces quelques réflexions dans le cadre de notre action. Nous sommes essentiellement des mouvements d'éducation, autant chez les clubs 4-H qu'à l'association forestière. Notre préoccupation, bien sûr, porte sur le citoyen. La participation du citoyen à la qualité de son milieu est un des premiers volets que nous aborderons dans ce mémoire. La préservation d'espaces verts disponibles et accessibles en certains milieux urbains pourrait être le deuxième volet, et enfin une préoccupation toute particulière sur la protection et la conservation du milieu forestier.

Si vous me le permettez, M. le Président, je ferai la lecture commentée de quelques pages de notre mémoire.

La participation du citoyen à la qualité de son milieu. Le projet de loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement permet à tout citoyen un recours légal lui permettant de faire respecter son environnement et de s'assurer ainsi d'une meilleure qualité de vie. Interrogeons-nous sur les démarches que chaque citoyen devra accomplir. Tout d'abord, il doit être en mesure de déterminer ce que représente, pour lui, son environnement. Par la suite, il doit connaître, comprendre et déterminer ce que signifie une bonne qualité de vie. Il doit pouvoir juger sans émotion et de façon objective. S'il y a lieu de porter plainte, il devra donc posséder une certaine technique afin d'établir clairement l'objet et les raisons de son recours. Malheureusement, le citoyen n'est pas toujours préparé pour accomplir cette tâche. Le projet de loi lui procure un très bon outil dont il risque de ne pouvoir se servir pleinement. Au contraire, les étapes à franchir et la méconnaissance des concepts fondamentaux de la qualité de l'environnement le rebuteront et le décourageront à utiliser ce droit pourtant si fondamental. Nous recommandons, comme première étape, qui est l'assise même de toute démarche conduisant à la qualité de l'environnement, d'éduquer et de préparer le citoyen. Il faut lui apprendre à connaître, comprendre, apprécier, respecter, utiliser sainement et sauvegarder l'arbre, le patrimoine naturel, le milieu forestier et tout son environnement.

Pour ce faire, nous devons utiliser les institutions scolaires, culturelles et sociales, les lieux privilégiés déjà existants tels que les centres écologiques privés et gouvernementaux, les parcs et tous les organismes oeuvrant dans ce domaine. Nous devons instaurer des programmes et des activités visant à atteindre ces objectifs.

Nous souhaiterions que soient prévues, au sein de ce projet, les modalités favorisant limplan-tation de programmes de formation, d'éducation et de sensibilisation ainsi que des mesures incitatives à l'endroit des organismes déjà actifs en ce domaine.

Une législation appropriée éviterait d'interminables négociations avec le Conseil du trésor lorsque de tels projets pourraient être développés par le service d'éducation à l'environnement ou lorsque celui-ci désire faire appel à des organismes privés.

La préservation d'espaces verts disponibles et accessibles. La qualité d'un environnement aura des répercussions indéniables sur la qualité de vie par rapport à cet environnement. En milieu urbain, milieu privilégié pour et par les communications, il nous apparaît essentiel de développer et de maintenir des espaces qui, tout en offrant un couvert végétal nécessaire à la qualité de l'air, favoriseraient ces relations communautaires. Différents types d'espaces peuvent être aménagés sous forme de parcs, de jardins communautaires, de sentiers, etc. Notre expérience en ce domaine nous permet d'affirmer la présence d'espaces encore disponibles, mais qui risquent d'être détruits par le développement de nos municipalités. Nous croyons qu'il est possible de développer de tels espaces sans nuire au développement éco-

nomique d'une région et d'une municipalité donnée. À titre d'exemple, sous le réseau des lignes de l'Hydro-Québec, corridor vert à la grandeur du Québec, ne serait-il pas possible de développer certains espaces à vocation communautaire?

Nous vous suggérons de prévoir, par voie législative, des zones dites de préservation ou espaces verts. La loi devrait prévoir des mécanismes incitant les petites municipalités à faible taux de population à créer une ou plusieurs zones selon leurs possibilités. Par contre, elle devrait obliger les municipalités possédant un taux plus élevé de population, par exemple, celles ayant plus de 10 000 habitants, à aménager une ou plusieurs zones.

L'établissement, le développement et la surveillance de ces espaces pourraient être confiés au Conseil consultatif de l'environnement. Celui-ci, par l'intermédiaire des Services de protection de l'environnement ou d'organismes privés, pourrait offrir l'assistance nécessaire au moment où les municipalités se dotent d'un plan de zonage tant sur le plan technique qu'écologique. Cette préoccupation, tout comme la précédente, pourrait être confiée à un ou des ministères en relation soit avec les municipalités ou le milieu scolaire, mais nous croyons qu'il revient à "l'environnement" de garantir à tout citoyen une excellente qualité de vie ne serait-ce que par son environnement.

Nous y voyons quelques avantages dont celui de développer une conscience collective en opposition à certains intérêts individuels, de développer ainsi un sentiment d'appartenance, tout en assurant une qualité d'air, des espaces propices à la formation, etc.

Protection et conservation du milieu forestier. Nous y abordons deux aspects. Milieu dont l'importance économique et sociale n'est plus à démontrer, mais dont l'équilibre et la qualité en sont continuellement menacés. Nous ne pouvons qu'insister sur la pertinence et l'importance de maintenir et d'appliquer scrupuleusement les articles du projet de loi no 69 sur l'assujettissement des projets industriels à l'acceptation du ministre, leur mode de construction, leur gestion et leur fonctionnement global. Les études d'impact sur de tels projets, de même que les pénalités encourues lors du non-respect de la loi sont d'excellents moyens de contrôle et permettront sans aucun doute d'obtenir une meilleure qualité de l'environnement.

Nous croyons que le maintien et l'application de certaines normes et certaines pénalités devraient s'appliquer à tous ceux qui interviennent sur le milieu forestier. Mais nous croyons aussi que cette action devrait être appuyée d'une action de formation et de sensibilisation.

Le dilemme auquel sont et seront toujours confrontés les Services de protection de l'environnement, ou tout organisme intervenant sur ce milieu, demeure celui des impératifs économiques à court et à moyen termes, en regard de la portée d'un projet sur la qualité de l'environnement.

Une législation hésitante en matière de qualité d'environnement et des moyens rudimentaires favoriseront toujours les impératifs économiques et/ou pseudo-économiques, car il est toujours possible de démontrer la rentabilité d'une intervention pourvu que l'on sache s'y prendre.

Nous recommandons qu'il soit reconnu par cette loi que des comités ou conseils soient composés et qu'ils puissent se donner les moyens pour s'adjoindre des personnes ou des organismes ressources qui ont démontré et qui ont comme vocation l'intérêt du public et de l'environnement.

Le conseil consultatif est une première approche qui pourrait, par secteur de l'activité économique, se donner des ramifications ou comités sectoriels permanents lui assurant une connaissance exacte des projets et de leur portée économique et sociale. Ici, nous préconisons une approche régionale, de constituer ou favoriser la constitution de groupes supports aux Services de protection de l'environnement au niveau de chaque région multipliant ainsi les possibilités d'accueil et d'étude de différents projets.

Nous recommandons ces comités parce qu'ils ont d'abord une connaissance plus approfondie du milieu, parce qu'ils deviennent d'autant des multiplicateurs de la capacité d'accueil et d'étude et, enfin, constituent une augmentation d'agents d'information et de sensibilisation, d'où une meilleure information et une meilleure compréhension de l'utilisateur et, enfin, probablement moins de recours devant les tribunaux ou autres mécanismes.

À titre de conclusion, nous étions conviés, M. le ministre, M. le Président, à vous faire part de quelques-uns de nos commentaires. Notre action se situant surtout sur le plan de l'éducation, nous souhaitons la mise en place de mesures favorisant des programmes d'éducation et de formation, programmes auxquels toute notre collaboration vous est acquise.

Nous sommes aussi convaincus que la qualité du milieu est affaire d'économie à moyen et long termes et qu'une telle approche devrait faire l'objet d'une programmation auprès des principaux agents socio-économiques du Québec. Merci.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je veux d'abord féliciter le groupe, comme je le disais tantôt au groupe précédent, non seulement pour l'excellence de votre mémoire, mais aussi pour toute l'action que vous menez à travers le Québec, autant vous que ceux qui vous ont précédés. Quand on parle des clubs 4-H, c'est bien important de réaliser que ce n'est pas quatre haches pour couper des arbres davantage, mais c'est plutôt 4-H qui représentent des thèmes très positifs, c'est-à-dire honneur, habileté, humanité et honnêteté. Ce sont ces quatre qualités des 4-H qui déterminent jusqu'à quel point les options positives que vous menez ont un but de planification, de prévention, de conscientisation des citoyens, en commençant par les jeunes. Je pense que c'est quand on

commence par les jeunes qu'on s'assure pour plus tard une population un peu plus dynamique, un peu plus ouverte et ayant compris un peu le cycle de l'environnement et du milieu de vie.

Vous savez, j'ai fait un voyage en Suède il y a environ un an. J'ai vu beaucoup de mesures et d'importants budgets à l'environnement, et que les eaux y étaient traitées à 95%. J'ai demandé comment il se faisait qu'ils avaient pu passer des mesures aussi sévères et avec autant de crédits pour réaliser la protection de l'environnement. On m'a dit — cela m'a ouvert une lumière que j'ai essayé de garder ouverte depuis ce temps-là — que là-bas il y avait une éducation qui avait été faite auprès des jeunes depuis 25 et 30 ans. Ces jeunes-là, qui ont reçu une éducation, une formation dans le sens de la protection du milieu de vie, on les retrouve aujourd'hui dans des postes de commande, aux endroits où les décisions se prennent, aussi bien aux niveaux gouvernementaux, des industries, des syndicats qu'à tous les niveaux de la société. Quand on présente des projets de loi par la suite, ce n'est pas un tollé de la part de gens qui veulent s'opposer au progrès écologique, mais on a beaucoup de gens qui sont conscients de cela et les mesures passent beaucoup mieux. Alors, je pense que c'est une des raisons pour lesquelles il va falloir qu'on mette de l'avant — c'est ce qui est commencé chez nous aussi — des mesures bien précises de formation des citoyens dans le domaine de l'environnement. (11 h 30)

Nous avons créé un module de l'éducation a l'environnement. Des spécialistes vont essayer, avec les commissions scolaires, les professeurs, et en collaboration, en même temps, avec le ministère de l'Éducation de situer l'éducation à l'environnement à sa juste place. L'éducation à l'environnement, ce n'est pas une matière après les autres, ce n'est pas une matière à côté des autres, c'est une matière qui englobe toutes les autres. Puisqu'on a enseigné aux enfants que le cycle de l'eau existait, il faut maintenant éduquer la jeunesse à comprendre le cycle de la vie. Ce que je disais à l'ouverture de cette commission parlementaire, c'est l'importance de connaître l'interrelation entre les différents intervenants d'un milieu de vie dont l'homme doit être le personnage central, pas l'homme consommateur parce qu'il se fait toujours organiser, il consomme des affaires dont il n'a pas besoin, mais l'homme qui est le centre des préoccupations de tous les intervenants qui ne sont pas plus importants les uns que les autres, mais qui constituent un équilibre. Pour cela, il faut nécessairement, par l'éducation et par les cours qui se donneront dans les écoles, faire comprendre qu'il ne s'agit pas uniquement de faire sortir les enfants et de les amener voir les arbres à la campagne; on doit leur faire comprendre que toutes les interventions doivent se situer à l'intérieur d'une préoccupation globale d'un milieu de vie équilibré et de rapports harmonieux entre les différents intervenants à l'intérieur d'une politique de développement d'un État.

Je pense que vous jouez un rôle fondamental de ce côté et je peux vous assurer de notre collaboration et de l'utilisation de toutes vos forces dynamiques.

Le deuxième point que je veux soulever, c'est que vous avez souligné dans votre mémoire, l'importance des comités de citoyens. Je suis d'autant plus d'accord que nous dépassons 300 à 400 associations de citoyens au Québec qui sont issues de la base. Ce n'est pas nous, au niveau gouvernemental, qui devons imposer des groupes de citoyens et leur dire quoi faire. Ce sont les groupes de citoyens qui doivent se créer dans tous les milieux de la société, capables d'être ceux qui influencent leur milieu, capables d'être un groupe suffisamment éveillé et suffisamment issu des gens pour implanter un peu dans tous les milieux une préoccupation de la qualité de l'environnement.

Depuis quelques années, je pense que l'environnement devient de plus en plus important. On le voit par la quantité de mémoires qui sont présentés aujourd'hui. Une loi comme celle-ci, qui aurait été présentée il y a peut-être cinq ans, n'aurait jamais eu autant d'intervenants en faveur de l'écologie qu'on peut le voir aujourd'hui. On s'aperçoit que peut-être les deux tiers des mémoires proviennent de gens qui vivent l'expérience d'une qualité de vie, qui défendent l'écologie et qui vont nécessairement permettre à un projet de loi de cette importance, qui est un projet de loi novateur, d'être adopté et d'avoir ses lettres de noblesse.

Je pense que des interventions comme la vôtre sont très importantes. J'attends beaucoup des groupes de citoyens et je serai toujours là pour les aider. Même si les chèques arrivent en retard, ils vont arriver. Quant aux subventions je peux vous assurer que les groupes de citoyens qui démontrent le sérieux et l'à-propos de leurs interventions vont être aidés par le ministère de l'environnement.

Maintenant, je pourrais aussi vous dire que les espaces verts sont aussi un aspect très important. Une politique est en train de s'élaborer chez nous, un travail de coordination doit être fait. Vous savez qu'au niveau des espaces verts le haut-commissariat dit: J'ai des choses à dire là-dessus, le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche dit: J'ai des choses à dire sur les parcs; le ministère des Affaires municipales dit: J'ai des choses à dire si c'est à l'intérieur d'un territoire urbain. Dans tout cela, par exemple, chaque fois qu'il y a un problème d'espace vert, c'est l'environnement qu'on appelle. Donc, naturellement, c'est de l'environnement que les gens veulent avoir une politique des espaces verts.

Nécessairement, le ministère de l'environnement ne sera pas un ministère aménageur. Ce n'est pas à nous de déterminer des vocations. Notre rôle, je pense, c'est de prévenir, c'est-à-dire d'empêcher d'abord la disparition des espaces verts, d'avoir une politique permettant à des groupes de citoyens d'obliger leurs élus municipaux à penser en termes d'espaces verts dans le

développement domiciliaire ou le développement d'une municipalité. Donc, au préalable, cela prend une politique de l'environnement pour la protection des espaces verts et aussi, je dirais, la gestion du milieu ambiant pour que, par la suite, les ministères développeurs, comme haut-commissariat, Tourisme, Chasse et Pêche, Richesses naturelles ou Affaires municipales, puissent déterminer les vocations et l'administration de ces espaces verts. Je peux vous dire que cette coordination est en train de se faire au niveau du COMPA et que la collaboration avec des groupes comme les vôtres sont très importants.

Vous dites, un peu plus loin, que le Conseil consultatif de l'environnement devrait continuer à avoir des relations directes avec la population. Je peux vous assurer que l'objectif, pour nous, c'est que le Conseil consulatif de l'environnement ait aussi régulièrement la possibilité d'aller rencontrer les citoyens, obtenir leur point de vue, et informer le ministre du pouls que nous obtenons devant nos projets de règlement, nos projets de loi, nos politiques à venir, afin de savoir ce que les citoyens en pensent.

Maintenant, je vais vous poser quelques questions. Vous dites, dans votre mémoire, que l'injonction permet d'éviter le pire ou l'irréparable dans l'immédiat. Comme de raison, il y a eu quelques intervenants, non les moindres, qui disaient craindre qu'il y ait des abus, que ce soit dangereux pour les industries et les compagnies. Comment voyez-vous cet équilibre dans la participation des citoyens à pouvoir poursuivre des pollueurs ou des entreprises qui ne respectent pas la loi? Voyez-vous réellement que cela peut être dangereux pour les industries et les compagnies? Quel est votre point de vue là-dessus?

M. Rey-Lescure: Je pense que cela ne peut pas être nécessairement très dangereux. On pense particulièrement que l'article 4 ne va peut-être pas assez loin. Ce n'est pas une remarque qui est contenue dans le mémoire parce que nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour le préparer. Mais l'article 4 dit: qu'il n'y a pas d'injonction pour les projets ou activités à la suite d'études d'impact. On fait une étude d'impact sur un projet, on s'entend sur l'impact prévu et on dit: À partir de ce moment, il n'y a plus d'injonction. Cette restriction pourrait s'avérer dangereuse dans deux situations à long terme qui sont fort plausibles.

Le premier: Le cas où l'étude d'impact, à cause de l'état de la science actuellement, n'a pas prévu un impact donné, tel dans telle chaîne alimentaire, cela insère un composé chimique qui peut arriver jusqu'à l'homme, par exemple: Donc, il est dangereux pour l'équilibre écologique. C'est la première situation.

La deuxième situation, c'est le cas où de nouveaux progrès technologiques diminueraient fortement l'impact de ce projet. Il ne devrait alors pas y avoir de recours à la notion de droits acquis pour la création d'impacts négatifs sur l'environnement. De dire: Moi, j'ai eu la permission en 1978, vous m'amenez cette nouvelle technologie en 1982, mais vous n'avez pas le droit de recourir à l'injonction parce que nous avons déjà des droits acquis dans le domaine.

M. Léger: Je pense que ce qui est important, c'est que dans le projet de loi, il y a deux aspects. L'étude d'impact est un outil préventif. Nécessairement qu'il est limité à la connaissance de la technologie actuelle, mais c'est quand même un outil préventif pour éviter l'irréparable. Tandis que l'injonction est un outil curatif dans l'immédiat pour arrêter une détérioration immédiate qui est en train de se faire. Donc, c'est la raison pour laquelle, d'après moi on a essayé de tenir compte de ce qu'il faut prévoir et de ce qu'il faut arrêter.

Maintenant, que pensez-vous de l'article 109b concernant les amendes. Vous dites: II devrait y avoir des sanctions sévères, des amendes sévères qui s'imposent. Dans l'article 109b, on dit, entre autres, que l'amende devrait être proportionnelle aux revenus du contrevenant. Est-ce que vous pensez que c'est trop sévère de demander au juge d'avoir cette considération, ou si vous pensez que c'est une façon de s'assurer que les gros pollueurs se sentent quand même impliqués puisqu'une petite amende ne correspondant pas à leurs capacités pourrait peut-être ne pas les inciter à arrêter, à avoir un ferme propos de ne pas recommencer? Comment voyez-vous cela?

M. Daigneault: Je pense qu'à ce sujet, il y aurait tout de suite un exemple assez concret qui répondrait à la question, le cas de Bécancour où cela coûtait beaucoup plus cher à l'entrepreneur d'arrêter les travaux que de payer les amendes et continuer le dragage. Je pense que l'élargissement des limites des amendes va permettre au juge d'éviter que le fardeau soit si léger pour le contrevenant que ce soit pour lui la meilleure façon de continuer. C'est le problème de la rentabilité, disons, des contraventions à la Loi de la qualité de l'environnement.

Je pense qu'à cela on peut aussi apporter un autre volet qui est celui de la rentabilité à long terme de la protection de l'environnement.

Actuellement le problème qui se pose au niveau de la régénération forestière est un autre exemple concret où, si par le passé on avait évité de raser les forêts avec une trop grande envergure, on n'aurait pas le problème actuellement du coût de l'approvisionnement en bois pour les usines du Québec.

La rentabilité à court terme est intéressante, lorsqu'on contrevient à la qualité de l'environnement, mais à long terme c'est l'inverse qui se produit.

M. Léger: C'est la raison pour laquelle on trouvait inacceptable que les amendes prévues auparavant n'empêchaient pas les gens de faire des gestes aussi agressifs envers l'environnement. C'est pour cela qu'on a ajouté que l'amende minimale d'une corporation coupable d'une infraction serait trois fois plus élevée et qu'elle aurait une

amende maximale six fois plus élevée que celle prévue auparavant, ce qui veut dire que ce qui était $10 000 avant est maintenant $60 000. De cette façon, nous pensons être beaucoup plus dis-suasifs vis-à-vis des contrevenants à la loi.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je voudrais féliciter d'une façon toute particulière les auteurs de ce mémoire. Étant plus jeune que vous, M. le Président, je n'ai pas eu l'avantage d'être parmi les fondateurs des clubs 4-H en 1890.

Le Président (M. Laplante): Vous remarquerez que je n'ai pas dit l'année où j'ai appartenu aux clubs 4-H.

M. Goldbloom: Je l'ai deviné.

Le Président (M. Laplante): II y avait des dames dans la salle.

M. Goldbloom: M. le Président, j'ai eu, de la part des clubs 4-H une collaboration tout à fait extraordinaire. J'ai été ministre de l'environnement pendant six années. Je ne voudrais pas diminuer la valeur de la contribution de tout autre organisme, notamment de celle de la Fédération des jeunes chambres du Canada français, qui a collaboré avec le ministère vers la réalisation de la semaine et éventuellement du mois de l'environnement, mais il n'y a aucun organisme qui a fourni une collaboration d'une qualité supérieure et d'une utilité plus grande que les clubs 4-H. Je saisis cette occasion de leur rendre, encore une fois, ce témoignage.

Leur mémoire est le prolongement de laction des clubs 4-H et de l'association forestière. Je remarque particulièrement les dernières pages, à partir de la page 14, où des lacunes sont soulignées. Il est évident que l'économie de nos lois ne permettra pas d'intégrer au projet de loi no 69 tous les éléments qui y sont soulignés, mais les préoccupations sont profondément valides et nous devrons chercher dans cette loi, et dans d'autres, les moyens de tenir compte de ce que vous des 4-H soulignez avec tant de justesse.

À la page 12, vous indiquez la nécessité d'amener les municipalités à poser des gestes, à aménager leur territoire de façon à en conserver des éléments importants, ce qui n'a pas toujours été leur principale préoccupation. Je ne veux pas faire une condamnation générale des municipalités, mais j'ai déjà dit, hier, je pense, que nous souffrons collectivement du fait que tant de nos municipalités manquent encore de plan directeur d'urbanisme et donc de notion de l'usage auquel chaque parcelle de territoire devrait être consacrée.

Il y a un autre commentaire que je voudrais faire. À la page 11, vous exprimez l'espoir que des sommes d'argent puissent être facilement débloquées à des fins tout à fait valables, sans d'interminables négociations avec le Conseil du trésor.

Je comprends facilement le voeu que vous exprimez. Il faut quand même que le Conseil du trésor assume ses responsabilités, et il y a des règles que nous devons suivre quand nous sommes responsables de l'administration publique. Il y a des montants relativement petits que le ministre peut dépenser sans avoir l'autorisation du Conseil du trésor, mais il y a un seuil au-delà duquel l'approbation du Conseil du trésor est nécessaire. Quand on dépasse $1 million, c'est le Conseil des ministres qui doit approuver la dépense. Le fait que des crédits aient été adoptés par l'Assemblée nationale au début de chaque année financière ne permet quand même pas à chaque ministre de dépenser cet argent à sa guise sans autorisation. (11 h 45)

Je n'ai vraiment pas de question à vous poser; ce fait est le reflet de la qualité de votre mémoire.

J'ai un dernier commentaire. J'ai été impressionné par une expression que vous utilisez au deuxième alinéa de la page 10. Vous vous interrogez sur les démarches que chaque citoyen doit accomplir. Vous terminez cet alinéa en disant ceci. "Il doit pouvoir juger sans émotion et de façon objective." M. le Président, c'est précisément la façon dont les clubs 4-H ont toujours travaillé. Je les encourage à continuer de la même façon et à continuer à nous donner l'exemple qu'ils nous donnent depuis si longtemps.

Le Président (M. Laplante): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. À mon tour, je tiens à vous féliciter sincèrement pour votre participation active à cette commission et surtout d'avoir souligné au ministère de l'environnement qu'une de ses préoccupations devrait être l'éducation du citoyen face à l'environnement. D'ailleurs, dans les remarques que nous avons faites au début de cette commission, nous l'avions souligné amplement. Cela rejoint une de nos préoccupations concernant ce projet de loi.

Également, je voudrais vous féliciter pour le magnifique travail que vous avez fait l'an passé dans le cadre des projets de contre-publicité. Je crois que vous avez réellement atteint le but visé par ces projets. C'est pourquoi je crois que le comité de sélection, cette année, vous a encore accordé un projet. Il vous a également accordé le plus fort montant jamais accordé à un organisme. Je tiens à vous féliciter et à vous encourager à continuer l'excellent travail que vous accomplissez.

J'aurais une simple question à vous poser, c'est celle-ci: Est-ce que les explications fournies par le ministre concernant votre préoccupation au sujet de l'éducation des citoyens vous a rassurés et vous a donné satisfaction? Avez-vous des suggestions à faire au ministre concernant votre préoccupation de l'éducation des citoyens?

M. Grenier (Louis): M. le Président, bien sûr, nous allons probablement découvrir, au cours des prochaines semaines, des prochains mois, les

modalités d'application de la loi, mais ce que nous souhaitons grandement, c'est que soient incluses dans ce projet de loi des mesures favorisant la préparation du citoyen à jouer son rôle de gardien de l'environnement, mais à le jouer, comme le disait M. Goldbloom, d'une façon très objective.

À ce stade-ci, il est prématuré pour nous d'anticiper les résultats de cette préoccupation que peut avoir M. Léger, mais je pense que, de toute façon, depuis déjà quelques années que nous fonctionnons avec les services de l'environnement, nous sommes très confiants. Je dirais que nous sommes très très confiants. Je voudrais aussi profiter de cette occasion pour remercier toutes les autorités gouvernementales de l'appui qu'elles nous ont sans cesse donné. Ce sont treize mille jeunes à diriger, à former, à aiguiller, treize mille futurs citoyens que nous formons annuellement. Je pense qu'aujourd'hui notre ratio est d'avoir préparé ou développé quelque 400 000 citoyens préoccupés d'une façon toute particulière par l'environnement. C'est grâce à l'harmonie des relations que nous avons avec à peu près tous les organismes publics et privés que nous pouvons préparer la société de demain. Encore une fois, merci, messieurs.

M. Léger: M. le Président, je voudrais seulement faire une petite correction, si vous me le permettez. Comme de raison, tout ce qui se dit ici est enregistré au journal des Débats et ce qui est important, ce n'est pas ce qu'on veut dire, mais ce qu'on dit. Le député de Saint-Hyacinthe a semblé dire tantôt que le ministre délégué à l'environnement avait pratiquement attendu que les gens lui proposent une préoccupation d'éducation à l'environnement. Je veux dire que c'est dans la machine chez nous depuis un an déjà et que ce module d'éducation existe déjà depuis un bon bout de temps. Il y a des choses qu'on apprend par ce que les citoyens nous disent, mais il y en a d'autres qu'on entreprend nous-mêmes. Je voudrais bien qu'on enregistre au journal des Débats que je n'ai pas attendu qu'on me le dise là-dessus. Cela fait un bout de temps qu'on a mis sur pied un système d'éducation, de formation et de sensibilisation des citoyens.

M. Beauséjour: M. le Président, je tiens à féliciter l'organisme et surtout ce qui me plaît le plus à la page 10, c'est l'aspect de l'éducation dont l'organisme...

Le Président (M. Laplante): C'est M. le député d'Iberville.

M. Beauséjour: ... fait mention dans son mémoire, parce que je crois que le citoyen, s'il est bien renseigné et s'il a une éducation à l'environnement, peut faire beaucoup. L'autre aspect, c'est la responsabilité au niveau des municipalités. On attend peut-être que Québec fasse des plans d'urbanisme et de zonage, mais je crois que, si les municipalités se préoccupent plus de leur environnement, déjà il y aura un grand pas de fait.

Cependant, à la page 12, vous signalez qu'il serait peut-être possible d'aménager des espaces sous les lignes de l'Hydro-Québec. Êtes-vous un peu au courant de certains dangers qui peuvent exister, surtout sous les lignes à haute tension? Pour ce qui est des personnes, il y a certaines études qui ont été faites, à savoir que cela peut influencer le système nerveux ou des choses comme cela. Que voyez-vous comme idée à ce sujet-là?

M. Grenier (Louis): Le danger de travailler ou d'être sous les lignes de l'Hydro, émotivement parlant ou nerveusement parlant, est à peu près le même qu'être en ligne droite avec une piste d'atterrissage où les avions passent à une fréquence de trois ou quatre minutes. Ce que nous essayons de voir, c'est, bien sûr, que sous les lignes de 750, de 300 ou de 1 million de kilowatts, cela présente des dangers. Mais il y a sûrement des endroits. Souvent, les lignes de l'Hydro, ne serait-ce que dans la ville de Québec, passent dans des sites assez privilégiés. Il y a peut-être des activités à développer et je pense que les autorités de l'Hydro-Québec ont sûrement la connaissance pour ne serait-ce que vérifier ou étudier la possibilité d'y aménager quelques espaces, des espaces, bien sûr, qui ne pourraient pas nécessairement être aussi achalandés qu'un parc ou quelque chose comme cela. On a dans la ville de Sainte-Foy des jardins communautaires sous le réseau des lignes de l'Hydro, pas nécessairement au pied du pylône, mais dans un environnement assez immédiat. Cela ne semble pas présenter de dangers excessifs. Il est aussi dangereux probablement de se promener dans la rue aujourd'hui que de se promener sous les lignes de l'Hydro. Je veux dire qu'il y a quand même une limite à tous les dangers. C'est un exemple qu'on souhaite voir étudier. Bien sûr, on ne possède ni la science, ni la connaissance pour vérifier tous les détails techniques ou tous les dangers liés à l'utilisation de ces espaces, ne serait-ce que les arrosages que fait l'Hydro pour détruire la végétation qui risque de monter auprès de ses lignes. Je pense qu'il y aurait lieu de vérifier certaines possibilités, parce que c'est, à travers le Québec, un corridor qu'on pourrait qualifier de corridor vert. Il y a peut-être un type d'activité communautaire, sur neige, sur sol ou je ne sais pas. À la quantité de pistes de motoneige qui sont dans le voisinage de tours de l'Hydro, il y a quand même un degré de tolérance. Il y aurait à vérifier jusqu'où c'est dangereux.

M. Beauséjour: À quel niveau de gouvernement une étude comme cela pourrait-elle être faite?

M. Grenier: Régulièrement, l'Hydro a un service d'entretien, un service de vérification. Je pense que tous ces organismes publics possèdent les spécialistes pour, effectivement, vérifier cela, pour voir quel pourrait être l'impact de la venue du public sous les lignes de l'Hydro, mais, encore là, pas nécessairement partout et peut-être contingenter l'accès. Mais là, on parle d'un cas en

particulier. Il y a énormément d'autres cas ou d'autres espaces disponibles, accessibles qui vaudraient la peine d'être vérifiés. Encore là, je pense que et les Services de protection de l'environnement et les organismes municipaux ou les entreprises de l'État ont la connaissance et les qualifications pour vérifier l'opportunité d'y faire accéder le public. Bien sûr, lorsqu'on entre le public dans un endroit, on l'entre avec les contraintes que le public représente. Et, souvent, cela aussi entre dans le poids.

M. Rey-Lescure: En fait, les lignes hydroélectriques, c'est un exemple seulement. On pourrait parler des parcs des communautés religieuses à Montréal. Ce sont des parcs immédiatement disponibles, mais qui sont, pour l'instant, fermés à l'accès du public. Le député de Lafontaine, M. le ministre, vous connaissez la chapelle de la Réparation, vous êtes en négociation éventuellement pour l'acheter, disons, le gouvernement, mais un article du journal nous disait qu'on ne savait même pas quel ministère allait s'en charger, parce qu'il manquait une loi là-dessus. Nous répétons que dans cette préoccupation des espaces verts, on peut parler des lignes hydro-électriques, on pourrait parler des parcs des communautés religieuses, on pourrait parler, éventuellement, de certains cimetières qui sont très bien tenus, qui se prêtent à un certain type d'activités, de promenade, de relaxation. Cela s'est déjà fait, cela se fait ailleurs en Amérique du Nord et je pense que, sous certaines conditions, on serait surpris du nombre d'espaces potentiellement disponibles, sans avoir besoin nécessairement de créer des parcs qui coûtent cher à l'achat et autres: seulement utiliser les ressources déjà existantes.

M. Léger: M. le Président, je voudrais, quand même, ne pas passer sous silence le geste que vous avez posé au début de votre entrée quand vous m'avez présenté 100 000 signatures de citoyens. Je vois que vous avez remarqué les objectifs: l'environnement c'est à tout le monde. Vous parlez des mécanismes qu'on devrait mettre en application pour qu'il y ait des règlements interdisant aux citoyens de jeter des déchets le long des routes. Et plus bas, vous répétez une citation que j'avais déjà dite: La conservation du milieu deviendra une priorité du gouvernement seulement le jour où elle le sera dans l'esprit des Québécois. En répétant cela, cela veut dire que si vous avez 100 000 signatures aujourd'hui, cela commence à être une préoccupation des Québécois. C'est donc dire que le gouvernement va l'avoir, et je vais essayer, en tout cas, de l'implanter partout au Québec et l'assurer de ma participation.

Dans cette pétition, vous avez 100 000 signatures de Québécois. Vous parlez des déchets le long des routes du Québec, ce qu'on appelle les déchets sauvages. Vous êtes sans doute au courant, et je pense que c'est important de le répéter, que nous avons lancé une campagne cet été, là-dessus, d'ailleurs avec votre collaboration. C'était, d'abord, une campagne de sensibilisation auprès de la population. Deuxièmement, les amendes ont été augmentées, elles sont rendues maintenant à $200 au lieu de $50 qu'elles étaient avant, pour des gens qui déversent des déchets le long des routes, ou des déchets sauvages. Deuxièmement, nous avons fait appel à la Sûreté du Québec afin que la surveillance soit beaucoup plus sévère et qu'on sensibilise les gens à ne pas faire ce geste, puisqu'il y a une amende de $200. Des panneaux-réclame ont été installés le long des routes et ils vont être installés le long des petites routes maintenant, de façon que, partout au Québec, les gens voient la possibilité d'une amende très forte. Nous avons aussi adopté un règlement, en mai 1978, sur les déchets solides. Aussi, nous avons entrepris une étude sur les types de déchets qu'on retrouve dans les déchets sauvages, et une analyse, aussi, du pourcentage de canettes là-dedans. J'attends un rapport de cette étude pour être capable de conseiller au ministre des Finances la façon dont nous devrons fonctionner et présenter le prochain budget concernant la taxe sur les canettes. Donc, suivant cette étude et les résultats de cette campagne sur les déchets, nous serons peut-être capables d'établir une politique bientôt dans ce domaine.

Le Président (M. Laplante): Messieurs, juste avant de terminer, on a beaucoup parlé des Clubs 4-H. Vous avez parlé des 400 000 citoyens formés. Je voudrais rendre hommage, aujourd'hui, à un monsieur qui en a été le fondateur, un ingénieur forestier: M. Bédard. On me dit aujourd'hui qu'il est décédé. Il a été le premier maître des Clubs 4-H du Québec. C'est un hommage tout à fait particulier que je voudrais lui rendre maintenant. Je vous remercie de la coopération que vous avez pu apporter à cette commission.

M. Grenier (Louis): Merci. (12 heures)

Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant la Fédération des associations pour la protection de l'environnement des lacs. Je vous demanderais d'identifier votre groupe pour les fins du journal des Débats et les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Fédération des associations pour la protection de l'environnement des lacs

M. Thibault (Jean-Claude): D'abord, M. le Président, nous désirons adresser nos remerciements à vous-même, à M. le ministre délégué à l'environnement, M. Léger, MM. les députés et aux autres membres de la commission pour nous offrir l'occasion aujourd'hui de présenter nos vues sur le projet de loi de la qualité de l'environnement.

Mon nom est Jean-Claude Thibault et j'aurai l'insigne honneur de vous présenter les points les plus importants du mémoire préparé à votre intention par le comité technique et juridique de FAPEL.

Pour compléter la représentation de cet organisme, je désire vous présenter à ma droite M.

Gordon Koh. vice-president au conseil général de FAPEL, et, à ma gauche, Mme Louise Lepage, directrice générale de FAPEL depuis sa fondation. Cette dernière personne est d'ailleurs certainement la mieux placée pour vous rappeler brièvement ce qu'est FAPEL.

Mme Lepage (Louise): Merci. Les membres de la commission me permettront de rappeler que FAPEL est un organisme bénévole et autonome. Au moment de notre fondation en 1975, nous regroupions 80 associations. Aujourd'hui, nous en comptons 480 totalisant approximativement 100 000 villégiateurs. Ce ne sont pas les mêmes 100 000 des 4-H; ce sont 100 000 qu'on peut ajouter.

Toutes ces associations travaillent bénévolement à la protection de l'environnement et de la nature. C'est pourquoi la loi 69 est, pour nous, un besoin très urgent pour autant que le ministre Léger veillera scrupuleusement à la compléter selon nos exigences et nos recommandations. Je vous remercie.

M. Thibault: M. le Président, on m'a signifié votre désir de nous voir abréger au maximum la présentation du mémoire. Ce que nous désirons vous suggérer comme formule, c'est de présenter la toute première partie du mémoire, où se retrouve le message essentiel de notre communication. Alors, si vous permettez, nous regarderons attentivement les six premières pages, laissant la suite du dossier à la disponibilité de vos questions. D'accord?

Le Président (M. Laplante): Vous désirez aussi que votre mémoire complet soit inscrit au journal des Débats.

M. Thibault: D'accord.

Le Président (M. Laplante): C'est votre voeu.

M. Thibault: C'est bien.

Le Président (M. Laplante): II vient d'être accordé. (Voir annexe A)

M. Thibault: Vous êtes bien aimable.

Alors, pour situer nos commentaires sur le projet de loi 69 dans leur véritable contexte, nous croyons nécessaire de rappeler les grandes étapes qui ont mené à la Loi de la qualité de l'environnement.

À l'origine, le ministère de la Santé était seul à s'occuper des problèmes de l'environnement à partir de la Loi de l'hygiène publique. Les responsabilités, à l'époque, couvraient: la pollution des eaux, les eaux de consommation, les déchets solides, la pollution par le bruit, la salubrité publique, l'hygiène industrielle et la pollution par la radioactivité.

La protection de la santé publique était l'unique préoccupation du ministère de la santé. La loi et les règlements ne touchaient donc que des problèmes de contamination et de nuisances. Rien sur l'écologie, rien sur la nature.

Au début des années soixante, on crée la Régie d'épuration des eaux, remplacée en 1964 par la Régie des eaux du Québec. C'est l'époque de la chaise musicale alors que les responsabilités du ministère de la Santé, en matière de pollution des eaux et de contrôle des eaux de consommation, glissent une à une vers un nouvel organisme. Mais, fondamentalement, rien de changé! La préoccupation première reste la contamination et la pollution. Rien encore sur l'écologie, rien sur la nature.

En 1972, le jeu de la chaise musicale se termine en faveur de l'environnement. Toutes les responsabilités, y compris celles sous l'autorité du ministre des Affaires sociales, soit le bruit, la radioactivité, les déchets solides, sont intégrées à un nouveau cadre juridique, les Services de protection de l'environnement dotés d'une nouvelle loi, la Loi de la qualité de l'environnement. Plus moderne, mieux adaptée au contexte social, la Loi de la qualité de l'environnement n'en demeure pas moins une loi qui touche avant tout et presque exclusivement aux problèmes de pollution et de contamination. Il s'agit, en quelque sorte, d'une loi d'origine publique indexée. Très peu de référence, encore, à l'écologie, aucune à la nature. On constate donc que de la loi de l'hygiène publique à celle de la qualité de l'environnement, toujours en vigueur, le législateur s'est surtout attardé à contrôler la contamination, la pollution de l'eau, de l'air et du sol. Et encore! la plus dangereuse et la plus importante source de contamination, les pesticides, échappe totalement à son autorité.

Dans ce contexte, le projet de loi no 69 offre à la fois beaucoup et trop peu. Beaucoup, puisque par le biais de la section concernant les audiences publiques et la section concernant le droit à la qualité de l'environnement, il vient enfin consacrer le rôle très important que les citoyens, groupements, comités et associations ont toujours joué dans le mouvement pour la protection de l'environnement. Beaucoup, parce qu'il consacre officiellement des droits fondamentaux et fournit enfin aux citoyens des mécanismes officiels de participation. Ainsi, les Québécois auront-ils un peu moins l'impression de lutter contre leur propre gouvernement pour obtenir que l'environnement soit respecté. Beaucoup, encore, puisqu'il institutionnalise les études d'impact sur l'environnement, donnant ainsi à la loi de l'environnement, par le biais de la section IV A concernant les études d'impact, sa première tête de pont officielle dans le domaine de l'écologie. Mais aussi trop peu parce qu'il ne tient aucunement compte de l'évolution des Québécois depuis les années soixante dans le domaine de l'environnement.

Si le mouvement d'opinion publique issu des préoccupations des citoyens s'est attardé à défendre l'environnement contre toute forme de pollution et de contamination, il a parallèlement et clairement manifesté un intérêt croissant pour tout ce qui touche l'écologie et la nature. On n'a qu'à lire les journaux pour constater jusqu'à quel point

la dégradation de la nature est devenue une des plus importantes préoccupations des comités de citoyens.

Vous me permettrez d'ailleurs, à ce titre, d'ouvrir une courte parenthèse. Nous avons compilé tous les travaux que le Conseil consultatif de l'environnement a réalisés depuis 1976, c'est-à-dire depuis sa création. En classant les études portant sur la pollution dans son sens classique, l'étude de contaminants; d'autre part, en classant les études sur le bloc protection de la nature ou protection d'un écosystème et, finalement, sur le troisième bloc, sensibilisation du public, nous réalisons que parmi les 39 études majeures que ce Conseil consultatif de l'environnement a produites ou est en train de produire, 26% seulement des travaux portent spécifiquement sur des sujets de contamination ou de pollution alors que 53% des études portent plutôt sur des problèmes de protection d'un écosystème, protection d'un élément naturel ou protection de sites naturels, le reste portant, dans l'ordre de 21%, sur des problèmes d'information et de sensibilisation du public.

Le projet de loi no 69 ignore presque complètement ces préoccupations. Il restreint les interventions futures au cadre actuel de la Loi de la qualité de l'environnement où la définition du mot "environnement" est tellement lourde et confuse qu'il faudra, comme par le passé, imaginer des tours de force juridiques et linguistiques pour arriver à protéger efficacement la nature. Le terme "environnement" et l'expression "qualité de l'environnement ", à cause de leur généralité et de leur association traditionnelle et inévitable avec les problèmes de contamination, ne suffisent pas à décrire la véritable vocation des Services de protection de l'environnement, soit de protéger à la fois la qualité de l'environnement et celle de la nature. Je vous donne ici quelques exemples.

La destruction de l'équilibre d'un milieu naturel n'implique que rarement ou encore que très vaguement le rejet d'un contaminant dans la nature. Il s'agit alors d'un cas de dégradation de la nature. Les remblais qui détruisent les rives et le lit des lacs et des cours d'eau ne sont pas en soi des situations de contamination. Il s'agit pourtant de dégradation systématique de la nature. La disparition graduelle des sites naturels d'une région à cause du développement et de la spéculation ne constitue pas une situation de contamination. C'est malgré tout une atteinte à l'intégrité de la nature. L'inondation de territoires immenses derrière les barrages hydroélectriques n'est pas en soi une situation de contamination. Il s'agit d'un déséquilibre écologique. La destruction des paysages naturels rongés par les gravières et les sablières n'est pas en soi une situation de contamination. On parle plutôt ici de dégradation de la nature.

La destruction des battures de Beauport, les menaces qui pèsent sur le boisé de la chapelle de la Réparation ne peuvent, non plus, être considérées comme des situations de contamination. Il est donc urgent que la protection de la nature soit insérée en toutes lettres dans une loi qui consa- crerait au moins une section aux problèmes de la nature et c'est ce nouveau volet que nous attendions anxieusement depuis deux ans. J'aimerais signaler ici à la commission l'atmosphère dans laquelle nous nous présentons ici et pourquoi nous soulevons spécifiquement ce problème.

Depuis deux ans, l'environnement au Québec commence à prendre une dimension qui élargit de beaucoup la fonction de chien de garde qu'on vouait traditionnellement aux Services de protection de l'environnement. Je vous rappellerai que même le premier ministre avait signalé publiquement, lors de l'inauguration de l'Assemblée nationale en 1977, qu'il voyait les SPE élargir leur tâche à d'autre chose que de faire appliquer des normes et de s'occuper principalement de faire prendre conscience et de sensibiliser les citoyens de façon plus claire à la question de l'environnement. Nous avons eu aussi, depuis l'arrivée de M. Léger à l'environnement, un genre de bouffée d'air pur pour tous les gens désireux de s'occuper de la protection du patrimoine naturel, surtout dans un aspect beaucoup plus préventif, ce qui fait que le mot nature est apparu beaucoup plus que le mot pollution, surtout au début du mandat de M. Léger.

Au summum de nos espoirs, nous avons eu la création de la Direction générale de la nature, service qui, théoriquement, existe actuellement dans les Services de protection de l'environnement. Vous comprendrez de quelle hauteur de marche nous tombons lorsque nous réalisons que, de fait, le projet de loi no 69 semble oublier totalement tout ce volet essentiel à une vision vraiment plus globale de l'environnement. Ici, je ferme la parenthèse. Avec la meilleure volonté du monde, comment peut-on espérer une action efficace et permanente de la part d'une direction générale qui ne possède à peu près aucune assise juridique. C'est ce qui nous justifie de dire que le projet de loi offre trop peu. Tous les avantages s'appliquent au cadre actuel de la Loi de la qualité de l'environnement. Il sera possible, par exemple, pour des citoyens de faire valoir leur droit à un environnement non contaminé, mais comment feront-ils valoir leur droit à l'intégrité de la nature? Nous croyons donc que le projet de loi no 69 devrait retourner sur la table à dessin pour être étoffé de façon à couvrir les problèmes de l'environnement et de la nature.

Il devrait répondre aux aspirations légitimes des Québécois qui luttent depuis tant d'années pour la protection de leur patrimoine naturel. Les nouveaux pouvoirs de réglementation devraient permettre d'assurer, dans une approche plus prospective que corrective, les points suivants: 1- la protection des territoires fragiles, tels l'encadrement forestier des lacs et des cours d'eau, les marécages, les terres humides; 2- l'intégrité du littoral des lacs et des cours d'eau; 3- la protection du couvert végétal des rives des lacs et des cours d'eau; 4- le contrôle de l'érosion; 5- l'intégrité des paysages naturels; 6- la protection des arbres, des boisés, des espaces verts, des sites géologiques et autres sites naturels; 7- la protection des aires de

nidification, frayères et autres habitats naturels; 8- la protection des espèces menacées tant animales que végétales. (12 h 15)

En résumé, le projet de loi no 69 devrait, en plus d'ouvrir un volet qui consacre la participation des citoyens, nous donner une véritable loi concernant la protection de l'environnement et de la nature en présentant une section autonome consacrée exclusivement aux problèmes de la nature, et modifiant tous les articles concernés du projet de loi et de la Loi de la qualité de l'environnement dans le même esprit.

M. Pouliot vous a probablement distribué un addendum concernant la création d'un véritable ministère de l'environnement, mais nous n'insistons pas ici sur ce fait que nous réclamons maintenant depuis trois ans. Je pense que le texte ne sert ici qu'à expliciter, encore une fois, les éléments majeurs que nous aimerions trouver à l'intérieur d'un tel ministère.

Quant aux commentaires spécifiques, étant donné l'heure, étant donné les délais, nous vous suggérons simplement de conserver en mémoire ces éléments dont vous avez probablement pris connaissance et nous les laissons à votre disposition pour des questions, si vous en avez, relativement à chacun de ces points. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Merci. M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je voudrais remercier votre organisme qui joue un rôle fondamental et qui a fait, dans le passé, un travail exceptionnel de sensibilisation, et je dirais, de regroupement de citoyens qui avaient les mêmes préoccupations au niveau des lacs et des rivières. D'ailleurs, vous savez fort bien que c'est grâce un peu à l'expérience que vous avez vécue et au dynamisme que vous avez démontré que j'ai transposé la philosophie derrière le fonctionnement de vos associations pour le reste des autres préoccupations de l'environnement, spécialement dans la politique de l'assainissement des cours d'eau du Québec.

Vous avez, au niveau de votre association et avec la Direction générale de la nature, chez nous, un petit manuel, genre de vade-mecum, des étapes que les citoyens doivent franchir pour réaliser un assainissement total et complet d'un lac, avec les étapes, que vous connaissez fort bien, de sensibilisation, d'évaluation, de plans correctifs, d'encadrement, etc. Toutes ces terminologies qui sont dans un petit vade-mecum vont me servir aussi de base. Alors, il n'y a pas d'erreur, vous devez toujours être en avant du gouvernement et jamais en arrière de nous autres. C'est pour cela qu'il ne faut pas vous en faire si on ne va pas toujours aussi vite que vous le voudriez. On a besoin que vous soyez en avant. La minute qu'on vous dépassera, vous devriez être inquiets. Il faut que vous ayez des mesures plus en avant que nous autres.

On va se servir de cette technique et la présenter aux associations de citoyens qui vont se former, qui sont en train de se former autour des rivières et du fleuve, dans le but d'assainir leur bassin. Comme notre politique d'assainissement touche les bassins, nécessairement, je ne ferai pas l'assainissement des bassins sans avoir avec moi et même devant moi les associations de citoyens qui devront, elles aussi, connaître quelles sont les étapes et quels sont les outils à utiliser pour faire avancer l'assainissement des cours d'eau avec l'État.

C'est donc dire que, très bientôt, peut-être dans deux ou trois semaines, j'aurai un petit manuel que je pourrai distribuer dans tout le Québec expliquant aux associations de citoyens ou aux citoyens qui veulent se regrouper, comment le faire, quel sera leur rôle déterminant dans le choix de leur bassin comme cible d'intervention; deuxièmement, un rôle de pression auprès des pollueurs de leur région et un rôle de pression auprès des citoyens, pour que tout le monde sente que l'assainissement d'un bassin ça concerne tous les gens qui vivent autour des bassins, aussi bien les pollueurs que les gens qui sont pollués.

Je voudrais aussi enlever peut-être une fausse impression que vous avez, selon votre mémoire, quand vous semblez croire que la nature n'a pas sa place dans la ioi qui est présentée. Comme vous le savez, le concept de l'environnement est un concept qui doit être facilement acceptable et compris et praticable pour les juges qui auront à interpréter la loi On ne peut pas mettre tellement de termes dans une définition de l'environnement, à un point tel que ce soit difficile de l'interpréter et d'apporter des jugements de la part des juges, dans des causes ou l'environnement et le milieu qu'on doit protéger. C'est pour cela que le concept d'environnement, de la qualité du milieu ambiant est suffisamment large pour y inclure les préoccupations de la nature. Pour vous le prouver, je tiens à dire que nous avons eu beaucoup de poursuites devant les tribunaux concernant uniquement la nature et, via les articles 20 et 22, il n'y a pas une seule fois que notre définition actuelle de l'environnement a permis au juge de débouter une cause de la nature. Donc, c'est déjà inclus à l'intérieur de la définition actuelle.

Chaque fois qu'on a eu à poursuivre des pollueurs qui dégradaient la nature et que la poursuite était en vue de protéger la nature, les espèces vivantes, etc., nous n'avons jamais été déboutés par les juges. C'est donc dire que l'appareil judiciaire a déjà inclus, dans la définition de l'environnement, la nature. Cependant, je vais peut-être voir s'il y a moyen d'ajouter certains articles à la loi qui toucheraient des aspects particuliers où, nécessairement, vous ne verriez pas cette préoccupation de la nature dans la loi. Au moins dans la définition et dans la possibilité d'avoir des actions légales entreprises pour la protection de la nature, cela y est déjà dans le concept de l'environnement.

D'ailleurs, je tiens à vous dire ici que bientôt, à Victoria, il. y aura une conférence des ministres de l'environnement de toutes les provinces du Cana-

da où l'objectif est de discuter de l'aménagement des zones riveraines. Pour vous faire plaisir encore, parce que j'aime bien vous faire plaisir — c'est un organisme des plus dynamiques qu'il y a au Québec — je tiens à vous dire que les expériences que vous avez vécues depuis plusieurs années vont servir de base pour montrer aux autres provinces, encore une fois, que le Québec est en avance dans le domaine de la protection des zones riveraines. Les étapes que vous avez franchies avec beaucoup de difficultés, beaucoup de persévérance et de soucis vous permettront d'avoir vos heures de gloire à Victoria, bientôt.

Je pourrais aussi ajouter votre expérience de regrouper des associations de villégiateurs pour la protection de l'environnement des lacs; vous les avez regroupées dans votre fédération. Je voudrais en profiter pour dire à tous les groupes de citoyens qui désirent faire quelque chose pour l'environnement, si c'est à propos d'un lac, de se former une association et de vous contacter, de façon que vous puissiez regrouper l'ensemble de ce qui pourrait exister au Québec. Actuellement, vous avez la grande majorité, mais il y a quand même des gens qui ne savent pas les services que vous pouvez leur rendre. Je veux aussi en profiter pour donner l'exemple: Si, pour vous, cela vous a permis de faire avancer beaucoup la cause de l'environnement, il y a nécessairement la possibilité de dire à d'autres associations de citoyens, pour d'autres préoccupations que les lacs, de ne pas hésiter à se regrouper de façon qu'on représente un groupe solide face aux promoteurs économiques pour qu'ensemble, au lieu d'être face à face, on aille tous les deux dans la même direction comme un couple regardant l'avenir ensemble et non pas en s'affrontant l'un l'autre.

Je voudrais vous féliciter et vous remercier de la proposition que vous faites, laquelle rejoint d'autres préoccupations, celle de la création d'un ministère. Je pense que tout le monde a compris l'importance que la création d'un ministère de l'Environnement peut donner à la cause de l'environnement au Québec. Le dernier geste que nous avons posé est, justement, la signature d'une entente entre les ministres des Richesses naturelles, des Terres et Forêts et de l'environnement pour présenter un mémoire très bientôt, dans les semaines qui viennent, et qui se transformera en une loi pour créer un ministère; possiblement que cette loi sera au moins déposée avant Noël et nécessairement adoptée dans les plus brefs délais, ce qui donnera la place au soleil à l'environnement au Québec.

En gros, c'est pas mal tout ce que j'avais à vous donner comme préoccupations. Je n'ai pas tellement de questions à vous poser, je vais plutôt laisser les députés de l'Opposition vous en poser. Je n'ai que des félicitations, de l'encouragement et je veux vous assurer de mon entière collaboration.

Le Président (M. Laplante): Merci M. le ministre. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, j'étais présent à la naissance de FAPEL, je n'étais pas son obstétricien, mais je suis devenu son pédiatre; maintenant, il est adulte — elle, parce que c'est une fédération — et je suis fier du travail accompli. Je sais que vous-mêmes, tout en éprouvant une certaine satisfaction, vous n'êtes pas complètement satisfaits des moyens mis à votre disposition, des résultats obtenus. Il y a encore énormément à faire. Je vous encourage à continuer.

M. le Président, j'ai remarqué des choses, dans ce mémoire, qui me paraissent importantes et que je voudrais mentionner brièvement. À la dernière page, il y a la recommandation que les effets nocifs que la pollution peut causer à la faune et à la flore devraient être reconnus dans la loi. Je trouve que c'est important. D'autres l'ont mentionné, et le ministre et ses conseillers juridiques se penchent sur la phraséologie pour que la loi puisse tenir compte de ce qui peut être infligé à des espèces autres que la nôtre.

Dans vos commentaires sur l'article 31h, à la page 10, vous nous placez devant des dilemmes importants du monde moderne, du monde industriel. Il y a cette vieille tradition que la concurrence entre compagnies qui oeuvrent dans le même domaine doit permettre à chacune de tenir confidentielle la nature même de ses procédés. Les secrets industriels peuvent représenter des avantages concurrentiels importants pour une compagnie.

Je comprends cela. Mais ce que vous soulignez — et je vous en remercie — c'est que cela peut valoir pour le domaine industriel, mais ne peut pas valoir pour la santé humaine. Il y a aujourd'hui trop de cas où nous sommes obligés de soupçonner — éventuellement de prouver, ou de ne pas prouver — que des produits chimiques ont des effets sur la santé, ou éventuellement de les disculper par la recherche scientifique. Mais il me semble que nous ne pouvons plus tout simplement dire, si c'est un procédé industriel, breveté ou non, que nous devons en respecter le secret pour ne pas porter atteinte à la position concurrentielle de la compagnie. Il faut des raisons plus profondes, plus importantes que celle-là pour taire les effets possibles d'un produit chimique. Encore une fois, je vous remercie d'avoir porté cela à notre attention.

À la page 8, vous recommandez que la loi soit explicite en ce qui concerne le réaménagement des carrières et sablières existantes. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je pense que nous avons accordé à ces exploitants une période de grâce assez longue, maintenant. Au début, il était difficile d'intervenir là où des permis avaient déjà été accordés, où des exploitations se poursuivaient; il était cependant facile de viser les nouvelles exploitations et, en accordant un permis, d'exiger un plan de reaménagement. Mais on voit toujours — et ce sont notamment les députés de la région métropolitaine qui sont en mesure de les constater — des plaies d'une laideur effarante sur le flanc du mont Saint-Hilaire et sur le flanc du mont Saint-Bruno. Je pense que nous devons assumer collectivement nos responsabilités et dire que cela ne

continuera plus. Le permis étant toujours là, nous ne pouvons pas, jusqu'à maintenant, mettre fin à ces activités, mais il faudra que nous soyons en mesure d'assurer un réaménagement convenable à la fin — une fin que nous espérons prochaine — de ces activités. (12 h 30)

M. le Président, je n'ai pas de questions. Je me permets toutefois un dernier commentaire qui ne s'adresse pas à la FAPEL. J'ai lu ce matin dans un journal un reportage sur les travaux d'hier de cette commission parlementaire. Le journaliste semblait déçu que l'Opposition soit largement d'accord avec le gouvernement sur le projet de loi no 69. Je trouve cela aberrant!

Il y a peut-être des divergences de vues. Il y a un sujet litigieux que nous n'avons pas encore abordé; nous allons l'aborder cet après-midi. Je ne prends pas position au nom de l'Opposition officielle; je ne sais pas quelle sera la décision de l'ensemble des députés de l'Opposition officielle quant au vote qu'ils donneront en deuxième lecture et en troisième lecture; cela viendra dans le temps. Ces personnes ne se sont pas encore réunies pour en discuter. Peut-être que ce sujet litigieux de cet après-midi pourra amener l'Opposition officielle à être en désaccord avec le gouvernement sur un aspect important du projet de loi; c'est possible. Mais je trouve inconcevable qu'un journaliste soit déçu que l'Opposition n'attaque pas le gouvernement sur un tel projet de loi.

Nous pouvons — et je l'ai dit à répétition au cours de nos discussions — discuter de moyens et ne pas être parfaitement d'accord sur des moyens, sur des aspects techniques de la loi; mais sur l'objectif visé, sur la nature même du projet de loi, nous nous devons d'être d'accord.

C'est ainsi que nous n'avons pas, de ce côté-ci de la table, chaque fois qu'il y a un mémoire — surtout un excellent mémoire, étoffé, objectif — des questions à poser. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le Président, j'aimerais ajouter quelques mots suite aux propos que vient de tenir le député de D'Arcy McGee. Moi-même, j'ai lu ces commentaires. Par contre, lorsque les mémoires sont présentés, le ministre semble procéder avec une ouverture d'esprit assez large et il accepte souvent, presque la majorité du temps, les recommandations des mémoires. Il dit que c'est très bien, qu'il va en prendre connaissance, qu'il va les appliquer probablement dans la loi, qu'il va apporter des modifications à la loi ou que ces recommandations vont lui servir pour rédiger des règlements. Alors, nous, de l'Opposition, lorsque le ministre accepte les recommandations des mémoires et qu'on trouve ces recommandations valables, on est dans une mauvaise posture pour critiquer, parce que le ministre dit qu'il va accepter les recommandations. Nous allons voir de quelle façon il va procéder après. Est-ce qu'il va nous présenter une nouvelle rédaction de projet de loi? À quel moment va-t-il nous présenter ces amendements à son projet de loi? Je crois qu'à ce moment nous serons plus en mesure de juger le projet de loi à sa juste valeur.

M. Léger: M. le Président, je voudrais, quand même, dire quelques mots là-dessus. Je pense que les députés de l'Opposition — je l'ai été pendant plusieurs années — ont un rôle à jouer qui n'est pas nécessairement de s'opposer continuellement, mais d'accepter quand il y a des aspects qui leur conviennent et de s'opposer quand cela ne leur convient pas. Il se peut, comme je le vois et les deux députés de l'Opposition le disent, qu'ils soient d'accord sur le principe, mais que, sur les modalités ou sur les moyens, ils aient des oppositions à faire. Je trouve que c'est très sain; ce n'est pas le rôle de l'Opposition d'être toujours contre. Je me rappelle que j'ai été souvent contre le député de D'Arcy McGee quand il était ministre, mais que je l'ai appuyé souvent. Je me rappelle même que je l'ai appuyé...

M. Goldbloom: Pas assez souvent!

M. Léger: Pas assez souvent. Je l'ai appuyé souvent quand il voulait contrôler les dépenses olympiques et j'étais derrière lui, parfois en avant de lui, parfois en arrière de lui. Mais, quand on voit qu'un projet de loi atteint les objectifs qui conviennent à l'Opposition, l'Opposition n'est pas nécessairement obligée de continuellement s'opposer. Peut-être que cet après-midi, il y aura des points sur lesquels on ne s'entendra pas, mais je pense que c'est un bon rôle que l'Opposition a à jouer, celui de proposer des choses meilleures, et ne pas s'opposer parce qu'il faut s'opposer

Le Président (M. Laplante): Merci. Sur ce, M. Thibault, Mme Lepage...

M. Cordeau: Me permettriez-vous une petite question ou un commentaire?

Le Président (M. Laplante): Oui, d'accord, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: À la page 2, vous mentionnez: "L'une des plus dangereuses et des plus importantes sources de contamination, les pesticides, échappe totalement à l'autorité du ministère ". Pourriez-vous expliquer votre point de vue ou apporter vos suggestions que vous aimeriez voir inclure dans le projet de loi ou la réglementation?

M. Thibault: D'une part, je pense qu'on va essayer de résumer la situation au sujet des pesticides. On est conscient actuellement qu'au provincial nous n'avons aucun contrôle systématique, ni sur la vente, ni sur l'utilisation des pesticides, herbicides et autres produits. Cela relève, en général, d'une certaine section au fédéral: c'est, je crois, le ministère de l'Agriculture.

Or, les pesticides — principalement dans le cas, chez nous, qui nous intéresse le plus: le

désherbage des routes, et dans l'autre cas classique, bien que fort malheureux, de l'arrosage pour la tordeuse du bourgeon de l'épinette — sont fréquemment utilisés au Québec dans des cas d'usage non essentiels. Je prends le cas du désherbage des routes. Malgré les effets extrêmement nocifs et connus des herbicides qui sont utilisés en général par le gouvernement pour désherber les routes, on pourrait fort bien penser retourner aux bonnes vieilles coutumes de désherbage manuel, ce qui serait d'ailleurs fort utile au niveau de la relance économique, et qui protégerait d'autant plus l'environnement vis-à-vis d'un usage que nous considérons comme non essentiel. Combien d'étudiants, combien de chômeurs pourraient trouver là un emploi et protecteur de l'environnement et utile à l'économie du Québec.

Alors, dans le cas des pesticides, nous considérons qu'il faut absolument que les Services de protection de l'environnement intègrent cet élément extrêmement dommageable à l'intérieur de la loi.

M. le Président, si vous êtes satisfait de notre réponse, M. le député, nous est-il possible de relever une question auprès du ministre?

Le Président (M. Laplante): Bien sûr.

M. Thibault: Écoutez! Je suis d'accord avec l'idée qu'a soumise M. Léger, ministre délégué à l'environnement, sur le fait que la définition de l'environnement, le concept de l'environnement est fort bien exprimé dès le début du projet 69. Mais le fait que nous avons relevé, à la lecture attentive du document, c'est que la notion de l'environnement reste, malgré tout, réduite. Nous n'avons pas soumis à la commission aujourd'hui tous les détails article par article où nous considérons que le mot environnement se rattache beaucoup plus souvent à l'idée traditionnelle de soit un contaminant, soit un élément destructeur classique, et que très souvent cela ne rejoint pas de façon explicite les problèmes que nous avons signalés à la page 6, c'est-à-dire huit points particuliers de sites naturels ou d'éléments naturels que nous aimerions voir explicités clairement dans la loi.

Nous ne voulons pas attaquer ici la bonne volonté, reconnue d'ailleurs, du ministre et l'enthousiasme avec lequel il s'est engagé à défendre la nature. Ce que nous voulons souligner, c'est l'écart important entre cet enthousiasme, avoué verbalement, et les oublis nombreux, la négligence totale de retrouver ces termes de façon explicite dans le texte de la loi.

Nous aimerions savoir de la part du ministre si vraiment il a l'intention d'intégrer au texte de la loi les huit points que nous suggérons à la page 6 du mémoire.

Merci, M. le ministre.

M. Léger: Voici. Je voudrais quand même répondre à deux ou trois questions qui ont été posées par la suite. À la page 6 de votre mémoire, en ce qui concerne les pouvoirs de réglementation dont vous soulignez les points qui devraient être inclus, je peux dire que vous avez raison. Il y a certains points qui demanderaient des amendements législatifs et réglementaires pour les inclure. Entre autres, je pense au thème V, intégrité des paysages naturels, au thème VI. protection des arbres, des boisés et des espaces verts, au thème VIII, protection des espèces menacées. Ce sont des choses qui demanderaient nécessairement un ajout. Alors, j'ai demandé qu'on en prenne note pour voir s'il y a possibilité d'inclure cela dans le projet final. Les autres, en général, à moins d'oubli, sont déjà inclus dans les concepts d'environnement. À moins d'erreur, je vais encore vérifier. Je pense qu'il est important d'y apporter la notion de nature et les différentes préoccupations amenées par votre mémoire pour quelles soient incluses dedans.

J'aimerais aussi parler de l'autre question qui a été posée auparavant concernant l'usage des produits comme les herbicides et les pesticides. Je tiens à vous dire que le BEST, qui est le Bureau d'étude sur les substances toxiques, est en train de faire l'inventaire de l'ensemble des usages ainsi que des usagers des pesticides et des herbicides. Cela nous apportera ainsi, grâce au Conseil consultatif de l'environnement qui a le mandat de le faire, une politique de contrôle de ces pesticides et de ces herbicides. À ce moment-là, nous serons capables d'avoir un projet de loi qui amènera le contrôle global de l'ensemble de cette préoccupation et non seulement envoyer un petit règlement qui dirait: On va empêcher de faire tel geste, et le retrouver ailleurs.

Donc, je pense que cela va être complet et va correspondre aux besoins que vous réclamez.

M. Thibault: Vous allez intégrer effectivement ce voeu dans le texte de loi?

M. Léger: Non. Ce dont je parle dans les pesticides, ce n'est pas dans cette loi parce que, celle-là, il faut qu'elle soit vite adoptée, mais dans une autre loi qui s'en vient. Je voudrais aussi en profiter pour vous remercier puisque le temps passe et qu'il y a d'autres mémoires. Je veux vous dire, comme de raison, que j'apprécie beaucoup le travail que la FAPEL fait. Je voudrais en profiter pour rendre particulièrement hommage à Mme Lepage qui est, je pense, le coeur du mouvement. Même si son mari est cardiologue, elle est le coeur du mouvement, et non seulement le coeur mais aussi l'âme. Quand je dis le mot "âme", je pense toujours aux trois lettres a - m - e. Elle a toujours une attitude mentale environnementale.

Le Président (M. Laplante): Mme Lepage, M. Thibault, M. Kohl, merci de votre participation. Merci bien. J'appelle maintenant le Conseil régional de l'environnement de l'Est du Québec. Pour les fins du journal des Débats, voulez-vous s'il vous plaît identifier votre organisme et les personnes qui vous accompagnent?

Conseil régional de l'environnement de l'Est du Québec

M. Arsenault (Doris): J'ai, à ma gauche, Alain La-chapelle, et je suis Doris Arsenault, du Conseil régional de l'environnement de l'Est du Québec, à Rimouski.

M. Lachapelle (Alain): Dans un premier temps, je vais vous présenter brièvement ce qu'est le Conseil régional de l'environnement de l'Est du Québec. Le Conseil régional de l'environnement de l'Est du Québec est un organisme qui a été mis sur pied au printemps 1977 par des individus provenant des diverses parties de la région 01, région qui s'étend de Kamouraska à Gaspé, incluant les Îles-de-la-Madeleine. Le conseil s'est donné pour principale mission l'éducation et la sensibilisation à l'environnement. De plus, de par ses membres, le conseil veut être le chien de garde de l'environnement dans notre région. Nous présentons aujourd'hui un mémoire en commission parlementaire sur le projet de loi no 69 qui, à notre avis, est un projet de loi important. (12 h 45)

On nous a demandé d'abréger la présentation de ce mémoire, ce qu'on va tenter de faire, mais on aimerait que le mémoire soit inscrit au complet dans la Gazette officielle.

Le Président (M. Laplante): Ce sera au journal des Débats. Pas à la Gazette officielle.

M. Lachapelle: D'accord. Au journal des Débats.

Le Président (M. Laplante): Accordé, monsieur. (Voir annexe B).

M. Lachapelle: Peut-être une remarque, en passant. On demande aux citoyens de couper sur la présentation des mémoires, mais on ne demande pas aux députés de couper sur la politique qui peut se faire alentour de la table.

M. Arsenault: Je vais commencer tout de suite la lecture du mémoire, en vous faisant grâce de l'introduction et en relevant les sept points majeurs qui sont contenus dans le mémoire.

Premièrement, on parle de la création du bureau d'audiences publiques. Notre organisme se réjouit au départ de la création de ce bureau qui, face aux problèmes qui ont surgi au Québec depuis plusieurs années, répond à un besoin et pourra apporter d'excellents correctifs à bien des points de vue. Mais il est évident que vu les responsabilités qui seront confiées à ce bureau, il devra jouir d'une plus grande autonomie. À bien des égards, le bureau est dépendant de la décision du ministre; par exemple, dans le choix des requêtes soumises par les citoyens.

Dans le projet de loi no 69, c'est le ministre qui choisit les requêtes qui doivent être soumises au bureau pour enquête ou pour audience. Nous croyons que le bureau devrait avoir le droit de faire lui-même la sélection des requêtes provenant des citoyens. Il devrait avoir la possibilité et les ressources nécessaires pour effectuer cette sélection. Ce bureau étant moins préoccupé que le ministre par des questions politiques, son intérêt premier serait donc le point de vue environnemental; il pourrait ainsi choisir en toute objectivité quelle requête justifie une enquête ou une audience publique. Le bureau ne doit pas non plus n'être qu'un auditeur face aux problèmes qu'il aura à traiter. Il est illogique de confier à un tel organisme des enquêtes et des audiences publiques sans que celui-ci puisse donner son opinion au ministre et faire les recommandations sur la décision qui sera prise.

Dans le présent projet de loi, le bureau ne fait que des constatations au ministre, selon les articles 6c et 31c. Nous pensons qu'investir des ressources importantes dans un organisme qui n'a pour rôle que de faire des constatations serait inutile. Ce bureau sera sans doute l'organisme qui sera le plus habilité à conseiller le ministre et orienter sa décision au sujet d'un problème soumis. Il devrait, à cet effet, quand l'enquête ou les audiences sont terminées, présenter au ministre une analyse de la situation, des commentaires et ses recommandations en vue de la décision finale.

Pour ce qui est du point de vue du droit du public à l'information, un des points les plus importants, qui tient à coeur du Conseil régional de l'environnement de l'Est du Québec le CREQ, dans ce projet de loi, c'est le droit du public à l'information.

Tous les articles de ce projet de loi touchent directement la qualité de vie de chaque citoyen du Québec. À ce titre, la population doit savoir tout ce qui la concerne, elle, sa région et sa province. Dans bien des cas, c'est la population qui aura à donner son avis par le biais de consultation ou d'audiences. C'est précisément pour cette raison qu'elle doit avoir le plus d'information disponible pour être bon juge. À cet effet, toute demande de permis pour un projet, toute ordonnance et toute décision prise par le ministre ou le Bureau d'audiences publiques devraient être rendues publiques non seulement dans la Gazette officielle, mais dans tous les quotidiens de la province et dans les hebdomadaires de la région d'où relève le problème. De plus, tous les documents relatifs aux études d'impacts faites par le promoteur du projet, ainsi que les résultats d'enquêtes ou d'audiences faites par le bureau devraient être disponibles à la population par le biais des bureaux locaux des Services de protection de l'environnement et par le secrétariat des municipalités.

En concordance avec le paragraphe précédent, information doit être synonyme de consultation. Par consultation, on entend présentation et explication dans la population de tous les aspects que comporte un projet d'envergure. Face à l'importance des projets qui vont être soumis à l'attention du public, il semble très pertinent qu'une consultation soit faite après l'étude d'impact préliminaire et après l'étude d'impact détaillée et que cette consultation soit régie par des

règlements de l'Assemblée nationale, afin d'obliger les promoteurs de projets à faire des consultations qui soient valables et non pas des campagnes de publicité en faveur d'un projet.

Le troisième point, c'est le droit de tout citoyen à la qualité de l'environnemet. Le projet de loi no 69 fait un sérieux pas en avant au sujet de la possibilité d'intervention qu'a chaque citoyen pour protéger son environnement. La population dispose d'outils nouveaux pour jouer plus efficacement son rôle de protecteur de l'environnement. Ce qui, cependant nous semble diluer quelque peu cette partie du projet de loi, ce sont les complications inutiles qui y sont assujetties, par exemple le fait de ne pas pouvoir passer directement sa requête au Bureau d'audiences publiques ou au conseil consultatif. Le citoyen ordinaire n'a pas l'habitude des procédures compliquées, des attentes nébuleuses ou des requêtes qui jouent au kangourou d'un bureau à l'autre. Ce qu'il veut, c'est formuler sa plainte à un seul bureau où il puisse communiquer pour savoir le suivi de son dossier.

Le Bureau d'audiences publiques et le Conseil consultatif de l'environnement doivent être perçus dans la population comme des outils qui lui sont privilégiés, accessibles et disponibles et non pas comme un organisme bureaucratique et souffrant de structurite aiguë. Ces nouveaux moyens que l'on veut mettre à la disposition des Québécois devraient être à l'image d'un ombudsman à l'intérieur du ministère de l'environnement et du gouvernement, un lien direct et efficace entre la population et les instances gouvernementales.

Dans un autre ordre d'idées, bien des projets qui ne sont pas considérés comme étant d'envergure peuvent créer autant d'impacts négatifs dans un environnement donné que des projets majeurs. Par exemple, les constructions qui créent un impact visuel et inesthétique: affiches le long des routes touristiques, constructions hôtelières ou autres qui empêchent les autochtones de voir le paysage. Il y a aussi la destruction ou la non-protection des espaces verts en milieu urbain. Beaucoup d'autres exemples peuvent ici se greffer pour prouver cette affirmation.

Dans ces cas précis, quels sont les recours du citoyen? Il ne faut pas ici faire l'erreur de ne surveiller que les cas majeurs et de laisser tomber les cas comme ceux précités, car par leur nombre, ils sont aussi importants que les grands projets.

Il faut, à cet effet, prévoir des mécanismes et donner la possibilité au bureau ou au conseil consultatif d'étudier un certain nombre de ces requêtes.

En quatrième point, nous parlons de la souplesse de la loi pour s'adapter au changement.

Comme on a pu s'en rendre compte ici, une loi devient souvent désuète au cours des années parce qu'elle n'a pas su s'adapter aux situations nouvelles qui sont survenues.

Le projet de loi no 69 dit que toute personne peut intervenir pour protéger son environnement, mais, selon l'article 19a, "dans la mesure prévue par la présente loi et les règlements ". Il y a donc là un sens nettement restrictif; la loi et les règle- ments ne peuvent prévoir que le prévisible et non l'imprévisible.

Le conseil régional pense qu'il y a lieu d'ajouter un deuxième alinéa qui irait dans le sens suivant: si des cas particuliers se présentent et qu'ils débordent la présente loi et ses règlements, ce qui doit guider ceux qui auront à prendre des décisions doit être: la santé publique, la protection de l'environnement et le droit de tout citoyen à la qualité de la vie. De cette façon, les questions pécuniaires, de création d'emplois ou autres ne seront pas considérées en premier lieu et le tout respectera l'esprit général de la loi.

Le cinquième point, modification du mode de procédure lors d'une demande de permis. La façon de procéder pour autoriser un projet de construction tel que proposé par le projet de loi 69, ne nous semble pas assez exigeante, compte tenu de l'envergure des projets qui vont être traités. Nous proposons, à cet effet, que l'article 31b soit modifié afin de permettre que chaque étape précédant l'émission d'un permis de construction soit connue non pas seulement par le ministre, mais par la population en général.

Dans un premier temps, la population doit savoir la nature générale du projet, prendre connaissance de l'étude d'impact préliminaire faite par l'initiateur du projet ainsi que le plan général de ce qui va être analysé lors de l'étude d'impact détaillée. Cette information devrait être obligatoirement suivie d'une consultation où la population pourrait donner son avis sur cette première étape.

Après cette démarche faite et acceptée par la population et le ministre, l'étude d'impact détaillée devra être faite conformément au plan préalablement accepté. Cette étape devra être, elle aussi, suivie obligatoirement d'une consultation populaire.

Les requêtes d'audiences devraient être acceptées autant pour la première étape que pour la seconde. Ainsi, la population aura le loisir de diriger les études d'impact en accord avec ses besoins et à sa satisfaction. Il est aussi important de rappeler que l'initiateur du projet devrait présenter à la population un devis ou plan de l'étude d'impact détaillé, afin que celle-ci puisse donner son avis sur le genre d'étude qui sera entrepris et pourra voir à ce que tous les aspects qu'elle juge importants soient bel et bien étudiés.

Le sixième point: éviter les articles donnant lieu à de l'interprétation. Une loi se doit d'être la plus précise possible afin d'éviter qu'un individu ou qu'un organisme puisse s'y soustraire "légalement ". Dans le projet de loi qui nous concerne, nous pensons que plusieurs articles devraient être plus précis afin d'éviter toute ambiguïté. Par exemple, les articles 31f et 118c peuvent être interprétés de façon différente et peuvent donner libre cours à un jeu d'influence. Dans l'article 31f, on parle de soustraire certains projets à l'obligation de présenter une étude d'impact si l'un des trois points suivants a été commencé, soit: la planification, la conception ou la démarche de réalisation.

Nous sommes tous conscients que les compagnies d'envergure planifient leur expansion sur des périodes qui peuvent aller jusqu'à 25 ans et que concevoir un projet ne signifie pas le réaliser. On peut commencer à réaliser un projet en disant qu'il a été conçu il y a 50 ans. Il y a donc, dans cet article, un moyen évident de contourner la loi.

L'article 118c donne le pouvoir au Conseil des ministres de soustraire certaines municipalités à l'application de quelques articles de la présente loi, à la condition que la municipalité ait conclu des ententes avec le ministre. Il est facile de voir, ici, que les corps municipaux les plus influents vont user de toute leur énergie pour se soustraire à certains règlements qui comporteraient des dépenses importantes.

Nous croyons qu'il faut que tous les articles prévus dans le projet de loi 69 soient appliqués sans réserve et sans possibilité de conclure de petits accords officieux. De plus, cette loi doit être appliquée envers tous ceux qui, par leurs actions, détériorent la qualité de l'environnement à laquelle chaque citoyen a droit. Donc, ces deux articles en particulier devraient être sinon enlevés du moins rectifiés de façon à les rendre moins susceptibles d'être interprétés.

Un dernier point, ce sont les outils institutionnels. La création du Bureau d'audiences publiques est un élément important dans ce projet de loi. Mais c'est, en réalité, le seul organisme nouveau. Il est évident que le gouvernement du Québec ne possède actuellement pas les outils institutionnels adéquats pour mener efficacement une politique sur l'environnement. Face au manque de ressources et de personnel qualifié dans les bureaux régionaux des Services de protection de l'environnement et face au manque d'organismes d'information sur l'environnement dans toutes les régions du Québec, nous proposons deux éléments qui, selon nous, auraient dû faire partie du présent projet de loi. C'est-à-dire la création du ministère de l'Environnement et de conseils régionaux de l'environnement. Depuis bientôt deux ans qu'on nous promet la création du ministère de l'environnement et rien n'est encore fait. Nous sommes très déçus de ne pas retrouver dans le projet de loi un article créant officiellement ce ministère. Devant l'importance et l'urgence que prennent les questions environnementales à travers le monde, il est inexplicable que le Québec ne se soit pas encore doté d'outils institutionnels valables en matière d'environnement. Nous sommes déjà très en retard sur plusieurs pays indus-tiralisés en ce qui a trait à la protection de l'environnement. Et, tant que le ministère de l'environnement ne sera pas créé, nous continuerons à accentuer ce retard. Il faut donner à l'environnement l'importance et les outils dont il a besoin pour protéger efficacement notre milieu de vie québécois.

En deuxième lieu, nous proposons la mise sur pied des conseils régionaux de l'environnement dans toutes les régions administratives du Québec. Devant les changements qui se produisent et qui se produiront sans doute de façon plus intense au Québec en termes de lois et de mesures sur l'environnement, il faut prévoir des organismes d'information et d'éducation le plus près possible de chaque citoyen. Il est inutile de penser vouloir atteindre un but de conscientisation populaire à la protection de l'environnement si, à la base, un travail d'information et d'éducation n'est pas efficacement fait. Il est illogique, par exemple, de dépolluer une rivière si les gens ne voient pas les bénéfices de cette action et s'ils ne font pas leur effort pour que ce cours d'eau, une fois assaini, ne redevienne pas comme avant. C'est là un rôle très important qu'auraient à jouer les conseils régionaux dans chacune de leur région.

Les programmes nationaux n'ont de valeur et d'effet que s'ils sont expliqués à la base. Quelles que soient les mesures ou les techniques qui seront prises à Québec et à Montréal pour informer les régions éloignées, il existe toujours le problème du niveau de discussion qui n'est pas le même d'une région à l'autre et de l'interprétation de l'information selon les régions. Chaque région est différente de l'autre au Québec et pour cette raison on doit prévoir des mécanismes qui soient adaptés à chacune de ces régions en matière d'environnement.

D'après notre expérience dans l'Est du Québec, les conseils régionaux de l'environnement ont un rôle très important à jouer qui se situe entre le côté pratique des SPE régionaux et le côté politique et institutionnalisé du futur ministère de l'environnement. Face à d'autres conseils régionaux qui ont eu pour mission de développer le loisir ou la culture, nous croyons que l'environnement a besoin autant, sinon davantage, que ce secteur, d'être décentralisé.

Nous demandons donc que soient entreprises immédiatement les procédures afin que le Québec se dote d'outils institutionnels adéquats pour mettre sur pied une véritable politique de l'environnement à long terme.

On peut dire, en conclusion, que toutes les bonnes intentions exprimées dans ce projet de loi doivent être basées sur le besoin d'information et la nécessaire participation des citoyens du Québec.

Pour atteindre cet objectif, le gouvernement doit mettre en place des mécanismes accessibles et efficaces dans les mains de la population et se doter d'outils de réalisation adéquats pour assurer une politique de l'environnement à long terme et non pas une politique qui serait révisée à tous les quatre ans.

Le Président (M. Laplante): Messieurs, êtes-vous capables de revenir à 15 heures?

M. Arsenault: Oui.

Le Président (M. Laplante): Les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

Suspension de la séance à 12 h 59

Reprise de la séance à 15 h 10

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît!

Reprise de la séance de la commission permanente de la protection de l'environnement pour la réception des mémoires sur le projet de loi 69. Nous en étions au Conseil régional de l'environnement de l'Est et la parole était au ministre. M. le ministre.

M. Léger: D'abord, je tiens à vous dire que, malgré le fait que j'ai dû m'absenter quelques minutes pendant la lecture de votre mémoire, je l'avais déjà lu avant et que j'avais déjà eu l'occasion d'analyser les recommandations que vous nous faites. Donc, je m'excuse pour mon absence tantôt, mais ce n'est pas parce que le mémoire n'était pas intéressant; au contraire et loin de là. D'ailleurs, les remarques que je vais vous faire vont vous démontrer jusqu'à quel point nous avons apprécié le contenu des recommandations de votre mémoire.

Je pourrais quand même vous dire que les recommandations que vous faites nous obligeraient à aller plus loin que ce que la loi 69 nous propose. Je pense que c'est de bonne guerre pour le ministère de l'environnement d'utiliser plusieurs de vos arguments pour convaincre tous les groupes et tous les autres intervenants — qui ont leur mot à dire quand nous présentons un projet de loi... Je pourrai m'appuyer un peu sur des recommandations faites par votre groupe pour, peut-être, d'ici la présentation en Chambre du projet de loi définitif, qu'il y ait certains correctifs et certains amendements apportés.

Aussi, on peut dire que le CREEQ, le Conseil régional de l'environnement de l'Est du Québec, joue un rôle fondamental dans votre région. Je peux dire que nous avons nécessairement besoin d'organismes comme le vôtre, parce qu'il n'y a que deux, si je ne m'abuse, conseils régionaux de l'environnement. On doit s'appuyer pas mal sur vous pour expliquer au reste de la société de votre région, en particulier les industriels, qu'il faut prendre soin de l'environnement et que chacun doit devenir responsable, autant le développeur que l'individu, et doit modifier son comportement qui agresse la nature et l'environnement régulièrement.

Maintenant, vous avez mentionné dans votre mémoire que le Bureau d'audiences publiques devrait avoir des relations privilégiées avec les citoyens et que vous pensez qu'il devrait nous faire des recommandations. Plusieurs groupes demandent cette responsabilité-là au BAP, mais je ne pense pas encore, malgré tout ce qui a été mis de l'avant, qu'on doive commencer par lui donner déjà un mandat de faire des recommandations. Je pense qu'il va falloir essayer au moins une première expérience, mais en donnant, bien sûr, un mandat précis à ces fonctionnaires qui vont être des spécialistes et de l'environnement et de l'écoute des citoyens à transmettre au ministre, parce qu'ils travaillent à temps plein, les désirs de la population, les suggestions de la population lors des audiences publiques et, surtout, les recommandations de la population.

La raison pour laquelle on ne veut pas avoir les recommandations du BAP, c'est qu'on ne veut pas qu'il y ait, au début, du moins, une erreur entre les recommandations des citoyens et les recommandations de fonctionnaires. Ce n'est pas long que, nos désirs, on les fait passer aux autres qui nous suggèrent des choses. Parfois, par des questions indirectes, on peut facilement obtenir des gens les réponses qu'on veut. Moi, ce que je voudrais de ces fonctionnaires, c'est qu'ils soient des spécialistes de l'écoute, des "radioristes environnementaux" de l'écoute.

Je pense que la décision de refuser une audience doit être réservée au ministre qui est quand même le personnage élu, qu'il porte ou non l'odieux de l'avoir acceptée. Dans un contexte comme celui-là, avec les citoyens, c'est une décision politique. Si on refuse une audience publique, il faut en porter la responsabilité, et si on accorde une audience publique farfelue à une personne qui n'aurait pas réellement évalué toute l'importance de cela, c'est encore à l'élu de le faire. C'est pour cela qu'on calcule qu'il serait préférable que ce soit réellement le ministre qui décide ou pas de la tenue de ces audiences.

Concernant l'information, vous avez soulevé des points qui m'ont bien frappé. Quand vous parlez des projets réglementés, à l'article 31, des mesures d'information publique, je pense que vous réalisez qu'ils sont garantis. Dans le cas de plus petits projets, c'est plutôt grâce à l'article 22 que nous pourrons prendre des mesures. Votre suggestion de rendre publiques toutes les demandes de permis, toutes les décisions du directeur et toutes les ordonnances, il y a les journaux locaux et les hôtels de ville, c'est très valable. Je pense que je vais essayer de mettre en branle tous les mécanismes pour permettre le plus d'information possible. Je pense qu'une personne informée, qu'une personne libre pose de bons gestes. Une personne qui n'est pas libre est peut-être un peu plus extrémiste. Plus une personne est libre, plus une personne a des chances d'être un citoyen avec de la maturité, capable de concevoir les conséquences de ses gestes. (15 h 15)

Donc, plus on permettra de l'information aux citoyens, plus on permettra cette liberté de décision et de prise en charge de leurs responsabilités de protecteurs de leur milieu de vie. Là-dessus, je pense que votre mémoire apporte des mesures très intéressantes et je vais essayer de voir comment on pourra y donner suite. Je dirais même que oui, on va y donner suite. Maintenant, il s'agit de savoir comment on va le faire.

Vous avez mentionné aussi comment les citoyens pourront, tout en ayant droit à la qualité de l'environnement, surveiller ce que vous autres vous appelez les autres cas qui ne sont pas majeurs. Évidemment, les études d'environnement, études d'impact, sont faites pour les cas majeurs, pour les gros cas, comme j'ai mentionné, qui sont

nommés par règlement. Ces gros cas qui vont être énumérés dans le règlement, cela permet d'une façon automatique un mécanisme d'audiences publiques et de renseigner les citoyens.

Les autres cas qui ne sont pas aussi gros, on dit que même nous, les cas qui existent, les SPE ne sont pas au courant. D'où, je pense, l'importance que vous-mêmes vous puissiez, les groupes comme les vôtres, renseigner les SPE et en même temps, nous aussi, rendre les renseignements sur ces cas le plus publiquement possible. Maintenant, vous avez parlé — et là, c'est une question que j'aimerais vous poser — de la responsabilité du Bureau d'audiences publiques, qui est un organisme de prolongement du ministre, qui est un peu le thermomètre que le ministre plonge dans la population vis-à-vis de tel projet pour connaître le degré de chaleur ou de froid de la population sur tel projet. Pour savoir cela, le bureau est un organisme de citoyens-fonctionnaires à temps plein qui a un mandat bien précis, c'est de donner au ministre les renseignements concernant le pouls de la population sur tel projet.

Le Conseil consultatif de l'environnement, on veut lui donner un rôle différent, un rôle de réflexion, un rôle de prospective à long terme des politiques gouvernementales, un rôle d'analyse. Il donnera au ministre des avis provenant de gens qu'on a nommés là parce qu'ils sont issus des différentes régions du Québec, qu'ils sont issus de différentes disciplines et, en même temps, de différentes mentalités. Cela nous permettra d'avoir une idée, vu qu'ils représentent pas mal ce que les citoyens pensent. Le Conseil consultatif aura aussi nécessairement la possibilité de rencontrer les citoyens pour donner au ministre des avis sur les sujets où on a besoin réellement de renseignements pour fonctionner.

Comment voyez-vous la différence entre les deux organismes? Spécialement du fait qu'il y en a un des deux qui est présent qui fait partie de ce conseil, quelle est votre expérience à ce jour? J'aimerais avoir votre opinion sur la différence de responsabilité entre les deux organismes.

M. Arsenault: Nous pensons que le Conseil consultatif de l'environnement devrait être l'outil privilégié du ministre et le ministre pourrait lui confier certaines enquêtes directement. Il pourrait faire des recommandations directement au ministre, tandis que le Bureau d'audiences publiques pourrait être l'outil privilégié des citoyens. C'est là la différence fondamentale qu'on ferait. Parce que le conseil consultatif, étant un organisme spécialisé, peut se pencher sur des problèmes particuliers que le ministre veut voir élucider ou prendre une décision politique sur tel point particulier, tandis que le bureau d'audiences publiques pourrait être — il s'agira de le définir — plus près des citoyens et plus accessible aux citoyens.

On parle d'outil privilégié. Le citoyen va directement au bureau d'audiences publiques, porte sa plainte et peut faire le suivi de sa plainte directement au bureau des audiences publiques, tandis que le Conseil consultatif de l'environnement serait directement l'organisme conseil du ministre. C'est en fait la grosse différence que j'y ferais. Il s'agirait peut-être de préciser un peu plus là-dessus.

M. Léger: Est-ce que vous voyez le conseil consultatif se mêler, auprès de la population, des dossiers opérationnels?

M. Lachapelle: Pour compléter l'idée, le bureau d'audiences publiques, comme vous dites, ce serait surtout des questions opérationnelles qu'il s'occuperait, tandis que le conseil consultatif s'occuperait, lui, de politiques ou de nouvelles réglementations, de nouveaux projets de loi ou de n'importe quel conseil que le ministre demanderait. Le bureau d'audiences, lui, ce serait concernant les questions opérationnelles qui sont incluses dans la loi.

M. Léger: Parfait. Maintenant, une dernière question. De plus en plus, parmi les groupes qui sont venus nous rencontrer, on s'aperçoit que la grande majorité est d'accord sur le principe du projet de loi, mais il y en a quelques-uns quand même qui ont mentionné le danger qu'une étude d'impact peut entraîner des délais et des coûts qui risquent de faire que certains projets ne se réalisent pas. Quelle est votre façon de percevoir les affirmations de ces groupes?

M. Arsenault: À notre avis, au contraire, au lieu d'entraîner des coûts plus importants, cela va minimiser les coûts, dans le sens que si on prend les mesures nécessaires pour éviter les erreurs, choisir les meilleurs sites possible, choisir la meilleure méthode d'opération, choisir et peut-être même intégrer les ressources, c'est-à-dire que si on produit tel déchet, au bout, prendre ce déchet et en faire autre chose, intégrer tout ce circuit, autrement dit, éviter les erreurs, de cette façon, on fera des économies énormes. Je ne sais pas si cela répond à votre question. *

M. Léger: Parfait, c'est exactement ce que je voulais entendre dire des gens qui s'occupent de l'environnement. Je pense que quelqu'un qui a au préalable la lunette de l'environnement ne peut pas voir autre chose que cela. Pour quelqu'un qui a la lunette uniquement du développement économique, bien, l'environnement prend le bord. Nécessairement, je pense que c'est une vision et je pense que par cette loi et cette commission parlementaire, on est en train d'essayer d'obtenir une sorte de rapprochement entre la perception d'un développement uniquement économique du Québec, alors qu'il faut tenir compte des développements. On n'a pas encore trouvé le mot, mais il devrait y avoir un mot qui se forge autour de "économo-écologique", quelque chose comme cela. Il faut que ce soit la même chose; qu'on ne pense pas gagner des sous en faisant des dépenses qui vont détruire l'environnement. On appauvrit une collectivité simplement sous prétexté de faire certains profits immédiats pour un petit

groupe de citoyens. La préoccupation de l'écologie et de l'économie devrait être non seulement parallèle, mais sur la même ligne.

Je suis bien d'accord avec les affirmations que vous avez faites et je voudrais terminer en vous remerciant d'abord de votre mémoire et aussi pour le travail que vous faites dans la région de l'Est du Québec, lequel est très important.

M. Lachapelle: J'aurais une question à vous poser, si vous le permettez, concernant les études d'impact et la procédure qu'on suggérait, c'est-à-dire qu'il y ait automatiquement présentation de la nature du projet, ensuite étude d'impact préliminaire, présentation des devis sur l'étude d'impact détaillée, consultation auprès de la population, élaboration de l'étude d'impact détaillée, consultation auprès de la population. Est-ce cette structure que vous prévoyez mettre de l'avant ou, comme vous le dites dans la loi, selon les cas, faire l'étude préliminaire ou faire l'étude détaillée, etc?

M. Léger: Cela dépend de la nature de chaque projet, mais nécessairement une audience publique aura lieu soit après les études préliminaires, soit après les études détaillées, dépendant des implications. Hier, on a parlé du point de non-retour d'un projet. Il faut que l'audience ait lieu avant le point de non-retour. Souvent, le point de non-retour, c'est à l'étude préliminaire. À ce moment-là, si on dit que le corridor s'en va dans cette direction, il s'agit de savoir pourquoi. Si ce n'est pas l'endroit où doit aller le corridor, c'est avant les études préliminaires.

Dans d'autres circonstances, le contenu du procédé ou du projet est intéressant, mais cela dépend de l'endroit. Donc, c'est après les études détaillées. Les audiences dépendront du projet, mais auront lieu soit après l'étude préliminaire, soit après l'étude détaillée.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, est-ce que le ministre acceptera de soumettre ses néologismes à un comité indépendant de linguistes?

J'avais lu ce mémoire attentivement avant le début des séances de la commission. Je voudrais faire un commentaire et, en le faisant, appuyer une recommandation du mémoire. Le ministre y a fait allusion il y a quelques instants. Vous recommandez, messieurs, que les demandes soient rendues publiques et notamment dans la région concernée. Je pense que c'est une chose non seulement logique, mais tout à fait désirable. On publie dans les journaux les demandes de l'ouverture d'une taverne ou de l'autorisation à un épicier de vendre de la bière. Je pense que les considérations qui sont traitées ici sont d'une importance énormément plus grande. Il me semble tout à fait logique qu'une procédure semblable à celle que l'on utilise pour les permis de la Société des alcools soit appliquée à l'évaluation des projets qui peuvent affecter l'environnement.

Je n'ai vraiment pas d'autres commentaires ni d'autres questions. Je trouve que le mémoire est une contribution utile à nos discussions.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le ministre, je ne sais pas si vous avez fait allusion dans vos commentaires — je m'excuse, j'étais ici avant mais j'ai dû m'absen-ter — au paragraphe qui est au bas de la page 5, concernant l'article 31f. Je vais lire le texte des intervenants: "On parle de soustraire certains projets à l'obligation de présenter une étude d'impact si l'un des trois points suivants a déjà été commencé: la planification, la conception ou la démarche de réalisation. Nous sommes tous conscients que les compagnies d'envergure planifient leur expansion sur des périodes qui peuvent aller jusqu'à 25 ans et que concevoir un projet ne signifie pas le réaliser. On peut commencer à réaliser un projet en disant qu'il a été conçu il y a 50 ans. Il y a donc dans cet article un moyen évident de contourner la loi. " Pouvez-vous donner votre point de vue sur ce commentaire des intervenants?

M. Léger: Je voudrais tout simplement dire que vous avez raison sur ce point. C'est pas mal trop ouvert. Il va falloir qu'on réajuste un peu le libellé de cet article. Un bon point encore.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, merci messieurs de la coopération que vous avez bien voulu apporter à cette commission.

Je fais maintenant appel à l'Union des producteurs agricoles.

M. Cordeau: M. le Président, en attendant qu'ils prennent leur fauteuil, que la délégation prenne place, j'aimerais faire une mise au point sur des commentaires qui ont été faits ce matin autour de cette table. Durant l'étude du mémoire présenté par Mme Elizabeth Bellemare et Mme Marisol Martinez concernant la pollution à Beauharnois, le député de Beauharnois a fait une intervention disant aux intervenants qu'à compter de ce jour ils pouvaient compter sur son dévouement et ainsi de suite. Je n'ai pas le texte, mais c'était à peu près le contenu de son intervention, son dévouement et ainsi de suite. À la suite de cela, j'ai ajouté que j'étais surpris de voir que le député, après deux ans, venait de se rendre compte qu'il y avait un problème de pollution à Beauharnois.

Après les explications que M. le député de Beauharnois m'a données, il m'a assuré, et je le crois, qu'il est dans ce dossier depuis plusieurs mois, enfin, depuis qu'il est député. Alors, j'accepte ses explications et, les avoir sues auparavant, je ne serais pas intervenu de la façon dont je suis intervenu. Merci, M. le Président.

M. Lavigne: Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Goldbloom: M. le Président, nous sommes tous des amis de La vigne même si nous ne voulons pas toujours embrasser le député de Beauharnois!

Le Président (M. Laplante): Messieurs, si vous voulez identifer, pour fins du journal des Débats, votre groupe et les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Union des producteurs agricoles

M. Duval (Bernard): Bernard Duval, président du Comité environnement à l'UPA, François Côté, responsable du même comité et Jacques Proulx, représentant de la confédération. M. le Président, nous désirons, par ce court mémoire que nous vous présentons, porter à votre attention quelques remarques et aussi points d'interrogation face à la loi 69. Comme vous le remarquerez, M. le Président, nous sommes peut-être, nous producteurs agricoles, les citoyens qui seront les plus touchés par certains articles de la loi 69. Vous comprendrez, messieurs de cette commission, que dans certains mémoires qui ont passé aujourd'hui, dans certaines remarques qui sont souvent portées au public, on semble souvent vouloir nous dire qu'on est de grands pollueurs avec des possibilités immenses. C'est peut-être face à ces différentes choses que nous sommes craintifs, face à cette loi et surtout à certains de ses articles. Nous avons peur d'être les boucs émissaires, surtout au début de l'application de cette loi. Si vous permettez, M. le Président, maintenant je vais demander à François de vous lire le document.

M. Côté (François): M. le ministre, MM. les députés, comme vous le savez sans doute, l'Union des producteurs agricoles regroupe tous les agriculteurs du Québec. Vous savez sans doute aussi que l'économie agricole du Québec est fortement axée sur les productions animales. Parmi les 49 000 agriculteurs, on compte ainsi 24 000 producteurs de lait, 6000 producteurs de porc, 3000 producteurs de veau et de boeuf de boucherie, 1100 producteurs de divers types de volaille, 350 producteurs d'oeufs. Toutes ces exploitations, c'est-à-dire un total d'environ 34 500, à cause du fumier et des odeurs qu'elles produisent, sont directement concernées par la Loi de la qualité de l'environnement et par tout amendement qu'on pourrait lui faire subir. D'ailleurs l'agriculture est certainement un des secteurs où les Services de protection de l'environnement sont intervenus le plus fréquemment depuis leur création. (15 h 30)

Nous aurons, à l'occasion d'une commission parlementaire qui se tiendra en octobre sur le projet de règlement des SPE concernant les exploitations animales, l'occasion d'exprimer notre opinion sur l'action des SPE en agriculture. Disons simplement ici que nous reconnaissons la nécessité de prendre des mesures pour enrayer la pollution de l'eau. Nous croyons, cependant, que le gouvernement devrait prévoir une assistance financière pour atteindre ce but.

Nous avons aussi plusieurs réserves à exprimer sur certaines modalités techniques d'application du règlement. Par ailleurs, nous croyons que les odeurs provenant des exploitations agricoles, même si elles peuvent ennuyer certaines personnes, sont une conséquence inévitable et aucunement nuisible à la santé d'une activité essentielle à la société, et elles ne sauraient être considérées comme étant de la pollution. Cela nous amènera à exprimer de sérieuses réserves sur les sections du projet de règlement qui sont dictées par des considérations sur les odeurs, entre autres sur les distances de construction et les restrictions à l'épandage de certains fumiers.

De plus, nous soumettrons à cette commission parlementaire une proposition visant à constituer un comité consultatif de l'environnement en agriculture qui pourra servir de mécanisme d'appel des décisions concernant les permis et des décisions concernant l'entreprosage et l'épandage des fumiers.

Le projet de loi 69. Les opinions que nous présentons ici ne sont pas le résultat d'une analyse minutieuse par des légistes avertis. Elles sont le résultat d'une étude faite par des non-instruits de toutes lès subtilités du droit.

Cependant, notre expérience nous enseigne que la portée des textes de loi doit être recherchée en imaginant les pires situations, les cas les plus extrêmes, car ces situations finissent toujours par se produire et c'est à ce moment qu'on a recours à la loi et qu'on doit la faire interpréter par un juge.

Dans cette perspective, nous devons avouer que certains articles du projet de loi 69 nous font peur, même si, à travers le texte, on peut discerner les intentions louables de ceux qui l'ont conçu.

Les articles 19a à 19f. Ces articles, notamment les articles 19a, 19b et 19c, sont visiblement les articles clés du projet et ils nous semblent pouvoir avoir des conséquences importantes et néfastes en agriculture.

L'article 19a en lui-même n'est pas clair. Il laisse entrevoir la possibilité que chaque citoyen et chaque juge vont devenir les interprètes de la Loi de la qualité de l'environnement. Qu'adviendra-t-il si un citoyen convainc un juge qu'un règlement édicté par les SPE et respecté par un agriculteur est contraire à l'esprit de la loi? Jusqu'à ce jour, nous croyions que les règlements des SPE constituaient une contrainte, mais aussi une protection, en ce sens que si on s'y soumettait, on se mettait définitivement à l'abri de poursuites. Avec les articles 19a et suivants, on semble perdre cette protection.

Et même si les règlements édictés par les SPE constituaient aux yeux des juges une protection pour les agriculteurs, il demeure qu'il y a, en agriculture, une possibilité théorique de 34 000 procès différents de citoyens qui se diraient brimés dans leur droit à une nature pure. Or, la plupart des fermes sont des unités de production familiale. Ces procès représentent, pour le simple citoyen qu'est l'agriculteur, une source de stress difficile à comprendre par des gens comme ceux qui sont réunis ici. De plus, c'est une source de perte de temps considérable pour un petit entre-

preneur qui n'a pas de contentieux pour s'occuper de ce genre de choses.

Du strict point de vue légal — et c'est ainsi que les juges doivent voir les choses — tous les agriculteurs doivent, depuis l'adoption en 1972 de la Loi de la qualité de l'environnement, obtenir un permis des SPE pour agrandir leurs exploitations.

Or, pour toutes sortes de raisons que nous énumérons plus bas, un très grand nombre d'agriculteurs se sont agrandis sans obtenir de tels permis. Ils sont donc hors-la-loi et pourraient subir une injonction interlocutoire d'un juge de la Cour supérieure avec la loi 69.

Les raisons. Dans le cas des producteurs laitiers, il est certain que la très grande majorité ont considérablement augmenté leur production depuis 1972. Les SPE, peu organisés et préoccupés en premier lieu par la production du porc, ont eux-mêmes incité les producteurs laitiers qui les consultaient à s'agrandir sans permis. Or, un juge ne peut évidemment sanctionner une illégalité, même si elle a été commise à la demande de l'organisme administratif chargé de faire appliquer la loi.

Deuxièmement, un très grand nombre de petits et moyens agriculteurs, peu informés de cette nouvelle loi, ont pu agrandir leur exploitation sans savoir qu'un permis était requis. Quoique nul n'est censé ignorer la loi, on peut imaginer, en pratique, que ceux qui administrent une loi aussi révolutionnaire que la Loi de la qualité de l'environnement peuvent procéder à une mise en application souple et graduelle de cette loi, ce que l'on ne peut exiger des juges.

Donc, d'une façon générale, la possibilité pour tout citoyen d'intenter une poursuite en Cour supérieure quand il considère que son droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes est brimé peut représenter pour les agriculteurs une source d'embêtements sérieux.

De plus, nous avons le sentiment qu'en ce qui concerne l'agriculture cette démarche est prématurée. Elle survient au moment même où les agriculteurs sont à réaliser les adaptations déjà très importantes requises par les Services de protection de l'environnement. À notre avis, les Services de protection de l'environnement représentent un outil suffisamment puissant dans les circonstances actuelles. Ils sont en mesure de concevoir et de mettre en application les mesures destinées aux agriculteurs et requises pour protéger l'environnement. Ils sont également en mesure de donner suite aux plaintes des citoyens qui se sentent lésés et, en même temps — c'est l'avantage du système actuel — de ne pas donner suite aux plaintes non justifiées et, aussi, de procéder avec souplesse dans les cas délicats.

Voilà les remarques que nous voulions vous communiquer sur le projet de loi no 69. Nous espérons que vous saurez en tenir compte dans la rédaction finale de la loi. Merci.

Le Président (M. Picotte): M. le ministre de l'environnement.

M. Léger: M. le Président, je veux tout d'abord remercier l'Union des producteurs agricoles de son mémoire. Je dois aussi vous féliciter pour l'intérêt que l'Union des producteurs agricoles porte à la protection de l'environnement. Je sais que vous faites un gros effort de ce côté pour sensibiliser les gens et les agriculteurs membres de votre organisme. Je voudrais aussi vous faire savoir que votre collaboration va être essentielle pour la mise en oeuvre d'une politique de protection de l'environnement qui va impliquer tous et chacun des citoyens québécois, qu'ils soient agriculteurs, qu'ils soient industriels ou qu'ils soient de simples travailleurs dans une industrie. Il va falloir que chacun collabore à faire du Québec un Québec beaucoup plus sain et où chacun se sent responsable.

Je voudrais vous signaler qu'il y a beaucoup d'agriculteurs qui ont fait des efforts valables, peut-être parce que nous avons, au début, en présentant notre règlement, démontré des conséquences graves d'une pollution agricole. Cela a produit un grand éclat dans l'opinion publique en comparant à celle de 35 millions ou 36 millions de citoyens la quantité de pollution dans les cours d'eau, mais c'est uniquement une pollution bactériologique et non pas une pollution chimique ou toxique. C'est à ce niveau. Ce n'est pas autre chose qu'une quantité dans des régions bien particulières.

Nécessairement, aujourd'hui, on n'est pas ici pour parler du règlement sur l'élevage animal et spécialement sur le porc, parce qu'il y a une commission parlementaire, les 17, 18 et 19 octobre, qui nous permettra d'aller au fond des choses de ce côté. Je voudrais que vous sachiez que l'objectif de la présentation ou de la publication du règlement, c'était, premièrement, de donner publiquement aux citoyens un document de base permettant à ceux qui ont des choses à dire non pas uniquement de le critiquer, mais de venir nous proposer des solutions de rechange à certaines sections de ce règlement qui pourraient porter préjudice à certains groupes de cultivateurs.

Donc, ce n'est pas une décision finale. Au contraire, c'est un document de travail.

J'ai voulu associer les agriculteurs et les citoyens qui vivent des problèmes de qualité de l'environnement, ainsi que des organismes comme le vôtre pour venir nous dire ce que vous voulez qu'on mette dans ce règlement. J'aurais préféré, comme de raison, qu'on apporte toujours des solutions de rechange. Malheureusement, j'ai vu parfois uniquement des critiques et je trouve que ce n'est pas constructif parce que ce n'est pas un document final. Ce n'est pas un projet de loi sur le point d'être adopté. C'est une première prélecture. J'aurais beaucoup plus apprécié qu'on vienne nous dire: Sur tel règlement ou sur tel aspect, on trouve que vous demandez des normes trop fortes; on vous suggérerait autre chose. J'attends des suggestions. Il va falloir qu'on prenne une décision quelque part.

Si on ne fait que des critiques sans apporter de solutions de rechange, cela ne me donne pas

des solutions de rechange. Moi, je vous dis: Je suis là, ouvert à des solutions de rechange qui donneront une meilleure qualité de l'environnement et qui permettront à chaque agriculteur de bien vivre et de sentir que l'agriculture, c'est une chose que le gouvernement du Québec est très intéressé à aider.

Donc, au départ, ne prenons pas cela comme un règlement qui va attaquer les agriculteurs, comme certains l'ont peut-être dit dans une envolée oratoire — ou plutôt une envolée aratoire — parce que ce n'était pas du tout l'objectif du règlement. Nous voulons obtenir les suggestions de ceux qui vivent les objectifs et qui vivent aussi les problèmes. Je vais vous dire que la qualité de l'environnement devrait être protégée à la condition que les citoyens ordinaires et ceux qui affectent l'environnement collaborent d'une façon loyale à identifier les normes susceptibles de protéger adéquatement la qualité du milieu. Donc, ces normes, je veux les faire avec vous autres et je voudrais bien qu'on évite de les critiquer uniquement sans apporter une solution. Puisqu'on est tous les deux déterminés à protéger l'environnement, amenons chacun de notre bord les moyens et les normes qui vont permettre de réaliser cet objectif.

Je suis donc prêt à accepter vos suggestions car vous avez une connaissance très intime du problème et j'ai du respect pour la connaissance que vous avez là-dedans. Mais en tant que gouvernement, je voudrais que ces règlements et ces lois permettent à l'agriculture de vivre honorablement et très bien et même de prospérer, comme elle l'a fait depuis quelques années. Notamment, dans le domaine de l'élevage, il semble que cela va très bien de ce côté. Toutes les suggestions que vous allez nous apporter, nous allons les recevoir avec beaucoup d'ouverture d'esprit, en tenant compte du contexte administratif, technique et juridique à l'intérieur duquel nous devons manoeuvrer. Il faut tenir compte de cela.

En ce qui concerne les odeurs, notre expérience nous démontre qu'il y a là un problème réel. On n'a pas la finesse, je dirais, de l'odorat placée de la même manière partout au Québec, mais quand quelque chose sent mauvais, cela sent mauvais quand même, que ce soit d'une façon différente à la campagne et à la ville. Cela sent mauvais et quand cela sent mauvais, on a beau dire que ce n'est pas dangereux pour la santé, tout est dans le degré d'intensité de l'odeur, et aussi de la fréquence de l'odeur. Donc, l'important, il faut réglementer cela et ce n'est pas facile. On a besoin de votre expérience et de vos suggestions. Il ne faut pas dire: L'odeur, ce n'est pas grave; à la campagne, cela sent comme cela. Cela finit là. Ce n'est pas grave. Il y a des gens de la campagne qui trouvent qu'en ville cela ne sent pas bon, et quand ils retournent à la campagne, ils disent: On va retourner sentir le bon air de la campagne. Mais ce n'est pas assuré que quand ils passent à côté d'une porcherie de 5000 têtes, ils trouvent que c'est la bonne odeur de la campagne.

Nécessairement, il y a des endroits où il faut donner des droits acquis, et je vous ai dit que j'étais d'accord là-dessus. C'est la raison pour laquelle ce qui sera zoné agricole dans le projet qui s'en vient en dedans du prochain mois, va donner certains droits acquis aux agriculteurs sur le territoire zoné agricole. Pas un droit acquis à polluer, mais un droit acquis à des normes beaucoup moins sévères. C'est un territoire pour le développement agricole, donc, on doit d'abord tenir compte de la préoccupation agricole dans ce territoire.

C'est pour cela qu'il est impossible d'ignorer ou de balayer sous le tapis ces préoccupations. Les citoyens du Québec sont préoccupés par le problème et je pense que le gouvernement ne peut feindre de ne pas s'en occuper. Notre approche, compte tenu de ce que je viens de dire, doit aussi tenir compte des préoccupations autant de ceux qui subissent le problème des odeurs, que de ceux qui vivent quand même d'une industrie importante au Québec. Je pense que c'est une question d'équilibre, et l'équilibre, je pense bien que, ce n'est pas nous tous seuls qui l'avons et que ce n'est pas vous tous seuls qui l'avez. C'est quelque part entre nous deux. Mais c'est entendu que chacun va vouloir l'avoir le plus proche d'un bord que de l'autre. On va essayer de trouver une façon d'avoir un équilibre qui permettra à tout le monde d'être heureux là-dedans. Je pense qu'il va falloir qu'on trouve cet équilibre entre la qualité de l'environnement et les autres impératifs, économique et social, de la société.

Une chose est certaine, je pense qu'on est d'accord sur la qualité de l'eau. Je voudrais vous rassurer tout de suite concernant un point que vous avez mis de l'avant, à cause d'un article de la loi qui confère à des citoyens le droit de poursuite en injonction contre un pollueur. Je peux vous assurer que toute personne, qu'elle soit agriculteur ou qu'elle ait une autre tâche dans la société québécoise, toute personne ou toute industrie, toute entreprise ou tout agriculteur qui sera respectueux de la loi, des règlements et des certificats ne pourra jamais être poursuivi, soit sur le plan pénal ou sur le plan civil ou recevoir une injonction. (15 h 45)

Donc, les agriculteurs qui respecteront les lois et les règlements peuvent dormir en paix, ils sont à l'abri. Plus que cela. Vous dites: Un agriculteur pourrait être poursuivi par quelqu'un devant un juge parce qu'on aura prouvé que, même s'il respecte le règlement, il n'est pas selon l'esprit de la loi. Je peux vous dire qu'il faudrait peut-être nous faire un peu confiance; on ne fera pas un règlement qui ne serait pas selon l'esprit de la loi, le règlement va nécessairement être selon l'esprit de la loi. Quelqu'un qui respecte le règlement ou qui respecte la loi ne pourra pas être poursuivi.

Maintenant, j'aimerais peut-être avoir de vous certaines réponses. Est-ce que je vous ai rassuré complètement sur le plan de l'injonction pour celui qui va respecter la loi ou s'il y a encore des petites ouvertures de ce côté, sans parler du projet de règlement sur la production animale? C'est

uniquement à cet article, parce qu'on aura l'occasion à la commission parlementaire du 17 octobre de parler du projet de loi.

M. Duval: M. le Président, pour faire une remarque peut-être au ministre, on aimerait souligner la prépublication du règlement présentement. Il est appliqué au moins depuis 1972, en septième ou huitième version, présentement. C'est une remarque en passant. Si on regarde l'article 19 comme tel, si on regarde le dernier mot de l'article 19 où il est question de règlements, présentement, dans la publication, il y est question des odeurs. Vous ne m'avez nullement rassuré quand vous me dites qu'un producteur ne pourra pas être poursuivi en cours pour les odeurs. Vous avez mentionné qu'une porcherie de 5000 porcs dégage certaines odeurs; nécessairement le porc ça sent le porc, comme la vache sent la vache et le poulet aussi. Mais les porcheries de 5000 porcs, habituellement, dans la grande majorité des cas ont obtenu des permis des SPE qui permettent une certaine concentration des odeurs qui ne sont pas tellement compatibles à certains nez non aiguisés du consommateur dans le milieu rural. Je pense qu'en vertu de l'article 19, si on maintient la notion des odeurs dans le futur règlement, chaque citoyen ira devant un juge et il dira que la concentration d'odeur est plus grande que sa nature personnelle est capable d'absorber. Ce sera au juge de déterminer. C'est là qu'est notre gros point d'interrogation qui dit que ce n'est pas incompatible, mais ce n'est pas inscrit dans le règlement, l'unité de concentration d'odeurs que l'agriculture a le droit de dégager dans l'environnement.

Je pense qu'on est assez d'accord au sujet de la protection de l'eau, surtout, en l'occurrence, en vertu de cela, excepté les odeurs. Il y a les dates d'épandage qui sont contenues dans cela. Pour rester près d'une autoroute moi-même, je n'ai qu'à écouter un peu les radios CB qui circulent sur les routes et on dit: On n'a pas besoin de savoir exactement où les citadins qui circulent en milieu touristique, en passant par la zone verte, sont situés sur la route comme telle quand ils longent certaines porcheries. Ces mêmes porcheries détiennent des permis de votre service. Donc quelqu'un qui s'en va le vendredi soir à son chalet pourra dire tout d'un coup: II y a une concentration un peu exagérée. Le producteur, ça gèle complètement son entreprise pour savoir les conséquences d'une implication judiciaire. C'est pourquoi nous avons un point d'interrogation.

M. Léger: Je suis bien content que vous fassiez cette proposition, parce que vous venez de me démontrer justement jusqu'à quel point il peut y avoir eu une mauvaise interprétation. Je disais, tantôt: Une personne ou un agriculteur, un éleveur qui aura obtenu un permis. Cela ne veut pas dire que, parce qu'il a un permis, il n'aura pas le droit d'émettre des odeurs. J'ai parlé d'un degré, d'un équilibre là-dedans. S'il a un permis, c'est parce que les distances permises par le règlement lui permettent d'avoir son entreprise là. S'il respecte son permis, c'est-à-dire les distances telles que voulues, même si cela sent, il n'y a personne qui peut gagner une injonction contre lui. Il y en a même des gens qui ont essayé cela et ont perdu, parce que ce qui compte c'est qu'il respecte le règlement. Le règlement ne détermine pas un odomètre — là, ce n'est pas le bon mot, parce que l'odomètre, ce n'est pas pour la même chose — mais un "odeur-mètre ", je ne sais pas, cela n'existe pas comme tel pour déterminer la quantité de senteurs permises ou pas dans la loi. Oublions la partie de concentration d'odeurs, à quel degré la loi le permet ou pas, ce n'est pas cela. Pour contrôler l'odeur, on a pris des mesures susceptibles de nous donner des distances, des grandeurs. Donc, s'il a eu son permis, c'est parce qu'il est situé à une distance acceptée par le gouvernement; à ce moment-là, personne ne peut le poursuivre parce qu'il sent. Je ne sais pas si cela répond à votre question, de ce côté-là.

M. Duval: On souhaite qu'aucun agriculteur... M. Léger: Ou un "sentimètre ", oui...

M. Duval: On souhaite qu'aucun agriculteur ne soit brimé dans ses droits d'exploitation durant quelques mois, quand on connaît présentement la lenteur de l'appareil judiciaire et quand on sait que dans une entreprise agricole... Une injonction sommant de comparaître en cour dans quelques mois au sujet de certaines choses sera annulée par cela et l'agriculture pourra progresser tout en protégeant la nature...

M. Léger: Je vais répondre à une autre de vos questions. D'abord, je veux vous rassurer là-dessus et j'espère que vous le savez. Aucun citoyen agriculteur qui respecte le règlement ou le permis qu'il a eu ne pourra être poursuivi en injonction. Cela devrait être clair. Maintenant, vous devez comprendre qu'il faut prendre des mesures parce que la technologie de l'élevage des porcs a bien évolué au cours des dernières années. Aujourd'hui, quand on a 10 000 porcs, cela fait changement avec le temps où on élevait nos porcs, trois ou quatre, qu'on mettait autour de la table et à qui on donnait les restes de la table. Arnold, à la télévision, dans le programme des Arpents verts, c'est passé de mode, il n'en a plus qu'un ou deux, et on est rendu dans les 10 000; cela fait longtemps que c'est passé.

Il faut aussi comprendre que cela crée des problèmes et que les problèmes sont arrivés en pleine face des citoyens dans les dernières années, alors que les éleveurs, individuellement, se sont aperçus que c'était quelque chose de rentable. On est rendu à 140% de production par rapport à la consommation au Québec, c'est donc dire que c'est une industrie importante. La technologie de contrôle de l'environnement n'a pas suivi à la même vitesse que la technologie de l'élevage. C'est pour cela qu'on a un problème, aujourd'hui, qu'il faut résoudre.

Je réponds en même temps à votre première question, quand vous disiez que depuis 1972, on utilisait ce règlement ou les versions suivantes. Il faut quand même admettre que la loi disait que quelqu'un susceptible d'entreprendre une exploitation pouvant amener de la pollution devait obtenir un permis. Donc, la production animale, spécialement celle du porc, a une conséquence de pollution aussi bien de l'eau que par les odeurs. Nécessairement, il fallait des permis, mais comme il n'y avait pas de moyen autre que se donner un guide pour déterminer pourquoi nous devions refuser ou accorder un permis, il a fallu se baser sur un règlement que nous avons commencé à préparer pour être capable de dire: Oui, un permis à tel éleveur ou non, en nous basant sur des normes. Là, votre organisme, l'UPA, a eu raison d'exiger que le ministre de l'environnement rende public l'outil sur lequel il se basait pour accepter ou refuser des permis d'agriculteurs au niveau de l'élevage. Vous aviez raison.

À ce moment-là, nous avons présenté ce règlement qui est un document de travail parce qu'il était utile pour donner un permis, au départ, comme guide de références, mais il va aussi devenir un règlement par la suite pour ceux qui ont une exploitation pour voir si après qu'ils ont eu leur permis, ils ont respecté continuellement ces normes. Donc, il faut que cela devienne non seulement un guide pour attribuer un permis, mais aussi un règlement que tout le monde connaît, pour le respecter durant la période d'exploitation de cette industrie.

Donc, on est obligé de le publier et maintenant qu'il est publié, on vous demande votre appui, votre collaboration, vos suggestions, de façon positive, pour que ce règlement, on le corrige, on lui apporte les amendements voulus pour qu'on atteigne en même temps les deux objectifs, c'est-à-dire la qualité de l'environnement et la possibilité que l'industrie de l'élevage puisse devenir prospère. Je pense que ce règlement va devenir un outil de protection des éleveurs.

M. Proulx (Jacques): M. le ministre, je reviens à la première partie de la question que Bernard vous a posée tout à l'heure. Vous y avez répondu en partie. Il reste que cela demeure, pour nous, un point d'interrogation, cet article 19. On comprend très bien que si on respecte les règlements, les normes, ainsi de suite, on reste tout de même face à des citoyens qui, pour toutes sortes de raisons, peuvent aller en cour et nous obliger à aller nous défendre, ce qui entraîne, si on prend individuellement chaque producteur...

Vous savez comme moi qu'il y a des petits, des moyens et des gros producteurs. Ils n'auront pas tous les moyens d'aller se défendre. On vous croit quand vous dites: Si tu as obtenu ton permis et ainsi de suite, tu es à l'abri de cela. Mais tu es à l'abri jusqu'à un certain point. Il reste que tu seras obligé d'aller te défendre et que cela entraînera des procédures. C'est cette garantie qu'on veut avoir, M. le ministre.

M. Léger: Je viens de vous la donner, mais vous avez quand même joué sur les mots. Je viens de vous dire, précisément, qu'un agriculteur qui a son permis, qui respecte la loi et les règlements, est à l'abri des poursuites. Donc, il n'aura pas à aller se défendre. Il va être à l'abri des poursuites. Il n'y a pas un juge qui va accepter une poursuite en injonction venant d'une tierce personne contre quelqu'un qui respecte la loi et les règlements. Que puis-je vous dire de plus? Mais je sais fort bien que ce n'est pas là-dessus que vous avez des préoccupations. C'est sur d'autres choses. On va en parler à l'occasion de la commission parlementaire. J'espère avoir une bonne réponse à vous donner sur les autres choses dont vous n'osez pas me parler aujourd'hui. D'accord?

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, le mémoire est court, mais il est parmi les plus importants que nous ayons eu à étudier. Il s'agit, effectivement, du problème litigieux auquel j'ai fait allusion ce matin.

Je voudrais demander votre indulgence et celle des membres de la commission pour quelques secondes seulement, parce que, sur cet important sujet, je voudrais passer la parole au jeune, fougueux et brillant député de Maskinongé — que voici.

M. Cordeau: Une entrée triomphale!

Le Président (M. Laplante): Les acteurs ne sont pas tous à Hollywood!

M. Picotte: M. le Président, M. le ministre, je pense que les remarques que nous nous proposons de faire concernant ce projet de loi et les réticences, en principe, que nous avions concernent surtout la production agricole. L'autre fois, j'étais en train de relire bien attentivement la transcription des rencontres que le ministre de l'Agriculture tient présentement et je me suis rendu compte à cette lecture que les agriculteurs mentionnent assez régulièrement avoir de sérieux problèmes au niveau de l'environnement. Je pense que cela relève du fait que, en termes de permis du côté de l'agriculture, on a toujours su évaluer cela avec une question de distance. On parlait des odeurs tantôt.

Quant à moi, je sais que dans mon comté les odeurs n'ont pas l'air de fatiguer trop les citadins, puisque, dans bien des cas, on a profité d'une situation donnée pour venir se bâtir des chalets tout près de porcheries ou même d'un dépotoir dans certains cas. Par la suite, les gens font des plaintes, ce qui est normal, parce qu'ils trouvent, évidemment, qu'il y a de mauvaises odeurs, ils trouvent que cela a des inconvénients spéciaux. Il reste que ces gens sont venus s'installer sur le territoire agricole, dans le milieu agricole et, par la suite, ils causent des problèmes aux agriculteurs.

Cela m'amène à mentionner justement ceci: il faudrait absolument qu'à l'intérieur du projet de loi que nous discutons présentement il y ait une distinction très nette au sujet de la pollution. Nous convenons qu'à un moment donné, lorsqu'une activité agricole pollue les cours d'eau, il est absolument important que les normes soient assez rigides et soient respectées, mais nous trouvons que c'est mettre une arme assez puissante dans les mains de chaque citoyen que de lui donner l'occasion de se plaindre ou de demander une injonction surtout au niveau des odeurs en particulier. (16 heures)

Pour être issu de la Mauricie, je sais que les services d'environnement, entre autres, ont fait des procès à des agriculteurs dans le passé, non sans raison dans certains cas. Je sais que dans la Mauricie, entre autres, plus précisément dans mon comté, plusieurs agriculteurs, quelques-uns, en tout cas, sont amenés devant les tribunaux face à ces choses. Il est très important, je pense, et c'est la considération que je voudrais donner au ministre, de bien distinguer pollution d'odeurs et autres senteurs qui proviennent d'une exploitation agricole. Il faudrait aussi, à mon avis, être prudent et revoir les normes. On a parlé tantôt d'un comité consultatif agricole, appelons-le agrico-écologie ou peu importe. Ce serait extrêmement important qu'un comité soit formé, comme il est mentionné dans le rapport de l'UPA, pour revoir les normes afin d'être bien certains que ces normes ne serviront pas à décourager la relève agricole et ne serviront pas, non plus, à décourager l'exploitant agricole. Je pense qu'il est possible, à l'intérieur d'un projet de loi donné, de faire un aparté concernant les exploitants agricoles, et serait important, en tout cas, que tout cela soit fait en collaboration très précieuse évidemment, en collaboration très étroite avec les dirigeants de l'UPA, l'UPA qui a sûrement des services et qui a étudié cela avec beaucoup d'acuité.

J'écoutais, ce matin, un mémoire où on a parlé, entre autres, d'une compagnie à Beauharnois qui polluait. C'est une autre chose qu'il faudrait absolument distinguer. Il faudrait faire une distinction entre les pollueurs qui exploitent une activité industrielle, parce que la plupart du temps ce sont des multinationales, ce sont des gens que nous ne connaissons même pas. Mais il ne faut pas perdre de vue que l'exploitant agricole, lui, bien souvent est un individu et c'est une famille. Je pense que cette distinction est importante à faire. Je prierais les gens de l'UPA, que le ministre a invités tantôt à collaborer avec les Services de l'environnement dans le but d'établir les normes, je les prierais d'avoir des rencontres le plus rapidement possible afin que ce projet de loi, comme on l'a mentionné, et je pense que mon collègue de d'Arcy McGee l'a démontré depuis le début de la commission, sur lequel nous sommes d'accord en principe, que ce projet de loi soit suffisamment bonifié pour permettre à la classe agricole de continuer d'exercer son activité agricole. Tantôt on sera peut-être moins pollué, les odeurs seront moins fortes, mais on ne sera peut-être plus capable de manger non plus et on n'aura plus d'exploitants agricoles. C'est bien important que cela soit fait.

M. Léger: M. le Président, je voudrais remercier le député de Maskinongé de ses remarques. Je voudrais le rassurer. Il nous demandait de faire une différence entre les odeurs et la pollution. Je répète ce que je disais tantôt: Ce n'est pas l'odeur ou le degré d'odeur qui est inscrit dans la loi et qui est une norme sur laquelle on se base pour se dire qu'on a transgressé la loi. C'est tout simplement une question de distance, c'est une question, disons, de date, c'est une question d'une infinité de petits détails qui fait qu'une personne respecte ou non la loi. Donc, je le répète encore, au cas ou cela ne serait pas assez clair: il n'y a pas un agriculteur qui peut être poursuivi par une injonction s'il a un permis et s'il respecte les lois et les règlements. Il n'y a personne qui peut le poursuivre. Il peut dormir en paix. Aussi, je peux vous dire que s'il y a eu des poursuites dans le passé de la part des Services de protection de l'environnement contre les agriculteurs, c'est à peine 18% des poursuites. Le reste, c'était contre les entreprises et les industries. Donc, 82% de ces poursuites étaient contre des industries, alors que 18% étaient contre des éleveurs ou des agriculteurs. Et même, je tiens à vous dire qu'avant qu'il y ait une poursuite contre un agriculteur, il y a eu longtemps des discussions, des dialogues, des possibilités de rencontre pour corriger les situations et c'est seulement à la dernière limite qu'il y a eu des poursuites.

L'action des SPE n'a pas eu pour effet de brimer l'agriculture, parce que jamais l'élevage n'a autant progressé au Québec depuis six ans. Donc, l'environnement n'a pas retardé l'agriculture et n'a pas l'intention de le faire. Tout simplement, il est important que tout le monde soit saisi du fait que l'élevage du porc amène une nouvelle technologie pour protéger l'environnement. Si on n'avait pas affirmé ce que je viens de dire d'une façon aussi dramatique, peut-être que ceux qui polluent — les quelques-uns, ce n'est quand même pas une majorité d'éleveurs qui polluent — n'auraient pas senti l'importance des conséquences des gestes qu'ils posent. Donc, ils ont été saisis de l'ampleur du problème, ils ont peut-être eu un peu plus peur qu'ils auraient dû. Aujourd'hui on est en train d'apporter des correctifs à ces affirmations pour qu'il n'y ait pas de peur et, deuxièmement, pour qu'il y ait des mesures de prises dans leur cas. Nous allons aussi, à l'occasion de la prochaine commission — parce que je ne veux pas m'embarquer là-dedans aujourd'hui — apporter une aide quelconque pour permettre aux agriculteurs, comme pour les industries et les municipalités, d'avoir une aide pour respecter l'environnement.

Je pense qu'on doit considérer chaque citoyen, qu'il soit agriculteur ou autre, comme faisant partie de la société québécoise où chacun de nous peut être un pollueur éventuel et qu'on se doit de faire des correctifs de ce côté-là.

Je ne pense pas que l'environnement puisse nuire à l'agriculture; il ne le fera pas à l'avenir non plus, sauf qu'il va falloir atteindre un certain

équilibre entre des normes d'environnement très sévères et une agriculture qui fonctionne bien.

Je pense que vous avez une question à me poser; je vous ai vu lever la main.

M. Duval: Oui, M. le Président, j'avais une question à poser; c'est peut-être une certaine remarque à faire au sujet des agriculteurs. En tout cas, au niveau de l'union, on a collaboré avec les Services de protection de l'environnement, depuis 1976, au niveau de l'adaptation du texte à un milieu agricole vivable. Quand M. le ministre mentionne que les Services de protection de l'environnement n'ont pas brimé certains agriculteurs ou l'agriculture en général, je pense qu'on peut se référer à des exemples très précis. Des agriculteurs ont été obligés de fermer leur exploitation de production animale — en l'occurrence 23 — bêtes de type laitier. En vertu du règlement du chapitre 15, 1944, il y a présentement possibilité, au niveau de la loi de 1972, article 22, pour approximativement au moins 20 000 producteurs de faire de la production animale, surtout dans la production laitière, sans permis où il y a eu amélioration, construction. Les Services de protection de l'environnement refusaient, tel qu'on le mentionne dans notre dossier, l'émission d'un permis et on est devenu des hors-la-loi. Tout cela ensemble crée l'inquiétude. On sait que présentement il y a des cas au niveau du contentieux des Services de protection de l'environnement. Un producteur est mis en demeure de fermer son exploitation jusqu'au moment d'obtenir son permis. Pour une construction bâtie en 1973, il n'y avait aucune notion de vents dominants; présentement elle existe. Ce producteur-là, en vertu des habitations voisines, devient un hors-la-loi parce que nécessairement l'exploitation n'est pas sur des roulettes, elle est à 600 pieds de l'habitation voisine. En vertu du règlement qui est prévu, il va falloir qu'il se mette à 2000 pieds.

M. Léger: Est-ce que les vents dominants sont inclus pour les bovins?

M. Duval: C'est une exploitation de production animale.

M. Léger: Oui, mais elle n'est pas du même type.

M. Duval: Ce sont des porcs.

M. Léger: Des porcs, ce n'est pas pareil.

M. Duval: Mais quand même...

M. Léger: II ne faut pas mêler les porcs avec les vaches.

M. Duval: Habituellement, les services de la qualité, au niveau des produits laitiers, refusent qu'on produise des porcs en même temps que des vaches, au moins dans la même bâtisse.

M. Léger: Je puis vous rassurer après ce que vous venez de dire. J'aimerais quand même vous dire que, depuis 1973, il n'y a eu qu'une vingtaine de demandes qui ont été rejetées. Nous avons eu 6616 demandes, 4290 ont été acceptées. Il y en a eu 654 où on demandait des explications supplémentaires au niveau de la façon dont ils pourraient se conformer à la loi. Ils ont eu leur permis par la suite. À peine une vingtaine ont été refusées. Nécessairement, il peut y avoir eu des délais si elles n'étaient pas conformes à la demande du règlement. Mais il y en a à peine une vingtaine qui ont été refusées. Alors, je ne pense pas qu'il y ait de problèmes de ce côté-là.

Vous avez fait une affirmation qui m'a surpris tantôt. Quand vous affirmez que vous êtes à une vingtaine de milles d'un éleveur de bovins qui, actuellement, n'aurait pas eu de permis, je pense qu'un de vos rôles, comme membre de l'UPA, c'est d'informer vos membres qu'ils doivent respecter les lois. Cela me surprend que vous affirmiez cela aujourd'hui parce que je pense que, depuis ce temps-là, vous auriez dû dire à vos gens, via l'information, la publicité que vous faites, qu'ils devaient demander un permis et qu'ils auraient eu leur permis chez nous. Si vous dites qu'il y en a 20 000 qui pourraient être hors-la-loi et qui pourraient être poursuivis, je tiens à vous dire qu'avant que le projet de loi no 69 dont on parle aujourd'hui ne soit adopté, avant que le règlement ne soit adopté, il peut quand même se passer un certain temps. Vous devriez nous aider à faire de la publicité pour inviter tous ces gens à demander leur permis au plus tôt et se mettre en loi. C'est là une bonne collaboration, plutôt que de dire: N'adoptez pas de loi. On a des gens qui ne sont pas dans la légalité actuellement. Donc, il ne faut pas qu'ils soient poursuivis.

Je pense que le geste devrait être beaucoup plus positif de votre part. Vous devriez dire à vos gens: Allez demander vos permis! Je vais engager du personnel supplémentaire à l'environnement uniquement pour écouter les demandes de vos gens, pour m'assurer qu'ils aient leur permis à temps. Je m'engage à avoir le personnel pour leur donner des permis si vous faites de la publicité de votre bord pour que vos agriculteurs qui n'ont pas le permis puissent le demander. Tout cela va se faire avant que la loi ne soit en vigueur.

M. Goldbloom: M. le Président, si vous me le permettez, il y a une question assez importante que je voudrais poser au ministre en vertu de ce qu'il vient de dire. En s'engageant à fournir le personnel nécessaire pour étudier les demandes qui viendront sûrement, est-il en même temps en train de donner l'engagement que les infractions qui sont candidement mentionnées dans ce mémoire ne feront pas l'objet de poursuites?

M. Léger: M. le Président, si vous vous rappelez, hier, j'ai bien dit que les industries ou les pollueurs qui signeraient un protocole d'entente avec un échéancier pour se conformer au règle-

ment ne seraient pas poursuivis en injonction. C'est donc dire que les agriculteurs qui demanderaient un permis pour s'équiper, pour être en conformité avec la loi, seraient inclus parmi les gens qui ne devraient pas être poursuivis, s'ils ont fait ce geste.

M. Goldbloom: Nonobstant le fait qu'ils auraient dû demander un permis il y a certain temps, qu'ils ne l'ont pas demandé et qu'il y a donc une période, dans le passé, qui pourrait avoir comme résultat de les rendre passibles à des interventions judiciaires?

M. Léger: Tout dépend du libellé de la loi concernant des problèmes que nous voyons et que nous verrons à corriger. Ce qui est important, c'est qu'il y ait justice pour tous les citoyens devant la loi, que pour ceux qui ont des problèmes particuliers on fournisse toute l'aide technique voulue, le personnel voulu chez nous pour permettre aux gens d'obtenir le permis. À ce moment-là, si les agriculteurs qui n'ont pas le permis actuellement demandent un échéancier et signent un protocole d'entente avec le ministère de l'environnement pour s'équiper en-deçà du temps nécessaire, je pense qu'ils vont être à l'abri de toute poursuite.

L'objectif de la loi, c'est de permettre aux citoyens d'être responsables, autant celui qui est poursuivi que celui qui pourrait être poursuivi.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le Président, sur le même sujet. Dans le mémoire, à la page 4, on dit: "... où les SPE, peu organisés et préoccupés en premier lieu par la production de porc, ont eux-mêmes incité les producteurs laitiers qui les consultaient à s'agrandir sans permis. ' Je ne sais pas si cette allusion est véridique ou non. Par contre, il serait peut-être bon d'inclure dans la loi un article nouveau donnant à ces agriculteurs qui ne se sont pas conformés à la loi un délai plus long que l'entrée en vigueur totale de la loi. Si on adopte la loi au début de la session et qu'elle est en vigueur immédiatement, cet article ne serait en vigueur que sur promulgation pour permettre à ces agriculteurs qui ont déjà construit un délai d'un an ou d'un an et demi. Pour ne pas, non plus, surcharger le ministère de l'environnement dans un délai très court, on donnerait à ces agriculteurs un délai plus long afin de se conformer à la loi et on promulguerait cet article un peu plus tard. (16 h 15)

M. Léger: La dernière suggestion que vous venez de faire, c'est une suggestion intéressante qu'on peut regarder. Comme je l'ai dit, ce qui est important, c'est que tout le monde soit traité justement.

M. Cordeau: Oui.

M. Léger: Donc, il ne faut pas qu'on pénalise ceux qui ont respecté la loi avant en donnant trop d'ouvertures à ceux qui ne l'avaient pas respectée, sauf que, pour éviter des problèmes qui peuvent survenir, il y a des modalités que nous sommes ouverts à regarder. Vous avez affirmé au début — le mémoire le mentionnait — que l'environnement aurait dit à des gens que ce n'était pas nécessaire de demander un permis. C'est cela à peu près?

M. Cordeau: Oui. Je peux vous relire l'article.

M. Léger: Ce n'est pas le cas, sauf qu'en juillet 1973 il y a eu une directive pour les éleveurs de porcs d'avoir à demander un permis et, à partir de juillet 1974, cela été pour les autres éleveurs de bovins. Donc, il n'y a pas eu de directive disant aux gens: Ne demandez pas de permis. Ce n'est pas exact.

Le Président (M. Laplante): C'est tout, monsieur? D'autres questions?

M. Cordeau: J'en aurais peut-être une autre, concernant la qualité de l'environnement en campagne. Je crois que le zonage agricole va apporter certainement des clarifications concernant certains points parce qu'aujourd'hui, dans le comté de Saint-Hyacinthe comme dans d'autres comtés, on voit des développements domiciliaires sauvages tout près de fermes agricoles. Alors, ces gens se construisent dans des boisés et,de chaque côté de ces boisés, il y a des fermes agricoles. Entre autres, dans le comté chez nous, un producteur de porcs est établi là depuis passablement longtemps. Le boisé voisin a été acheté, il y a eu du développement domiciliaire dans ce boisé et, aujourd'hui, le producteur de porcs est obligé d'ailer à 3000 pieds sur sa ferme pour une nouvelle construction bien qu'il ne soit pas dans les vents dominants, à cause de la proximité des bâtisses, des nouvelles constructions domiciliaires dans le boisé.

Je crois que le zonage agricole arrive à temps et que cela va empêcher cette urbanisation sauvage, comme je l'appelle, en plein territoire agricole.

M. Beauséjour: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Oui, M. le député d'Iberville.

M. Cordeau: II y a une autre chose aussi. Seulement un commentaire. De toute façon, si à un moment donné quelqu'un essaie de poursuivre un cultivateur concernant les odeurs, il va être certainement très difficile pour ce poursuivant d'apporter une preuve tangible à la cour. Je pense que cela va être assez difficile concernant les odeurs d'apporter une preuve tangible à la cour.

M. Beauséjour: M. le Président, j'aimerais féliciter les membres de l'Union des producteurs agricoles de nous avoir présenté certaines préoccupations touchant le monde agricole. Mainte-

nant, je crois que les 17, 18 et 19 octobre où nous étudierons spécialement la réglementation sur le sujet sont de la plus grande importance. Il y a un aspect que vous avez certainement remarqué, c'est qu'au niveau de la production des terres agricoles, étant donné que c'est peut-être en retard depuis longtemps et que la construction s'est faite dans nos milieux, souvent une production agricole est arrêtée ou diminuée parce qu'il y a des maisons qui sont construites tout près. Je suppose que, lorsque nous aurons étudié le règlement, nous pourrons voir une possibilité de donner une espèce de droit acquis au premier occupant de telle façon que le producteur agricole ne soit pas obligé de se transporter continuellement pour être capable d'agrandir sa production.

À la page 1, vous indiquez: "Nous croyons cependant que le gouvernement devait prévoir une assistance financière pour atteindre ce but, "c'est-à-dire une aide pour toute application de règlements touchant l'environnement. Est-ce que vous pourriez préciser un peu dans quel sens? Est-ce que ce serait pour reprendre une production ailleurs si cela cause des problèmes d'odeurs? Ou si c'est pour l'installation de fosses pour l'élevage de porcs et le reste? Est-ce que vous pourriez préciser sur ce sujet?

M. Côté: On va préciser en détail à la commission parlementaire là-dessus, mais le fond de l'affaire, c'est que pour se soumettre aux règlements, cela implique que les producteurs de porcs doivent se construire des fosses étanches; cela suppose — et c'est une nouveauté — que les producteurs de lait, dorénavant, vont devoir emmagasiner les fumiers solides sur des plates-formes étanches conçues de façon à retenir le liquide. C'est le mot à mot du règlement. On n'a pas fini de faire le tour du problème, mais calculé n'importe comment, c'est un investissement énorme qui est demandé de l'agriculture. Demandez à tous les producteurs laitiers du Québec de se construire une plate-forme étanche conçue de façon à retenir les liquides, mettons un chiffre qui tourne autour de $100 millions. C'est de cela qu'on parle. Même, on parle de cela pour l'industrie des pâtes et papiers, ce serait déjà un montant considérable, mais pour l'agriculture, c'est un montant encore plus considérable en termes de capacité de payer. Cela va être un changement qui va être extrêmement onéreux pour l'agriculture. C'est de cela qu'on va parler.

M. Beauséjour: Étant donné que probablement cela reviendra quand on étudiera les règlements, je suppose que si vous avez d'autres suggestions qui seraient de nature à diminuer les coûts ou bien d'autres formules que des plates-formes et qui seraient aussi efficaces contre la pollution, vous pourrez nous les apporter, à ce moment.

Le Président (M. Laplante): Merci. M. le député de... juste quelques courtes questions, parce que le temps est déjà dépassé.

M. Cordeau: M. Couture, président général de l'UPA, commentant le projet de loi no 69, mentionnait ceci: "A l'accusation que l'agriculture pollue davantage que les pâtes et papiers, M. Couture réplique que si cette dernière industrie veut soustraire au fisc les dépenses engendrées par l'installation d'équipements antipollution, l'Etat n'accorde aucune assistance de cette nature aux agriculteurs". Est-ce l'intention du gouvernement d'apporter une aide financière aux agriculteurs concernant les dépenses qu'ils auront à faire pour l'aménagement des équipements nécessaires exigés par la nouvelle réglementation?

M. Léger: Je voudrais juste faire remarquer au député de Saint-Hyacinthe qu'on est en dehors du projet de loi no 69, qu'il y aura une commission parlementaire qui va statuer là-dessus. Maintenant, je peux vous dire que le ministère de l'environnement a une vocation première qui est celle de la protection de l'environnement, et que le ministère de l'Agriculture a la responsabilité d'aider au développement de l'agriculture, et c'est lui qui devrait avoir les programmes là-dessus.

Cependant, nous sommes en étroite collaboration, en étroite discussion tous les deux. J'ai sensibilisé le ministre de l'Agriculture en lui disant gentiment que la partie environnementale c'est ma responsabilité et que lui devait s'occuper de la partie de l'aide aux agriculteurs. C'est là qu'on s'est dit: Ne nous égarons pas et trouvons les solutions pour aider les agriculteurs en même temps. Je suis sûr qu'il y a quelque chose qui s'en vient, je travaille fort de ce côté, le ministre Garon aussi. Et quand nous aurons passé toutes les étapes, nous essaierons de voir ce qu'on peut faire de ce côté. Mais je dirais que c'est très positif.

M. Goldbloom: C'est celui qu'on appelle "le gros alimentaire"?

M. Léger: Le gros alimentaire.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

Vous aviez une question, je crois.

M. Duval: Pour reprendre les premières paroles de la dernière intervention du ministre Léger, quand il rappelait à son confrère qu'on était en dehors du texte du projet de loi no 69, nous, à l'intérieur du dernier paragraphe qu'on mentionne dans notre mémoire, on dit que la loi 69 serait peut-être la loi où l'agriculture devrait être exemptée, qu'on en avait assez de la loi 49, des articles 22 et 20 de la loi 49. On voudrait se conformer au moins le plus possible à l'article 22 de la loi 49.

Pour répondre à certaines interrogations des membres ici présents, ce qu'on a affirmé en page 4 comme quoi les SPE... Je n'ai pas à aller chercher tellement loin un exemple très précis. En 1974, lorsque mes bâtiments de ferme ont brûlé, j'ai demandé aux Services de protection de l'environnement un permis. L'inspecteur de ma région m'a déclaré, à ce moment-là, que les permis, il en

émettait seulement pour les producteurs de porc. Admettons que dans ma région il s'en fait beaucoup; peut-être que son temps était occupé et il n'avait pas besoin de s'occuper des producteurs laitiers. Donc, je suis moi-même un hors-la-loi parce que j'ai rebâti, en 1974, une exploitation qui a presque doublé comparativement à l'ancienne qui a brûlé. Tout cela mis ensemble fait que je suis un hors-la-loi et il y en a quelque 1000 autres.

Regardons le personnel que M. Léger serait obligé de demander à la fonction publique quand on voit qu'il y a 2500 demandes par année et un délai de 2 à 3 mois pour l'obtention du permis. Il y a autour de 20 000 demandes qui vont arriver en bloc suite à des discussions qu'on a déjà eues avec des hauts-fonctionnaires quand on négociait les droits acquis. On négociait les droits acquis et on disait: La capacité maximum qu'une exploitation de production animale devrait détenir devrait être contenue dans l'émission du permis. On dit: On va inviter les 40 000 producteurs d'animaux à s'inscrire auprès des Services de protection de l'environnement pour obtenir le permis maximum tenant compte des habitations voisines et on dit: Tant et aussi longtemps que ce producteur dans cette catégorie de production n'aura pas atteint son maximum, c'est son droit acquis. Ils ont dit: Un instant! Un instant! le personnel ne nous le permettrait pas, vous nous inonderez de demandes pour à peu près cinq ans d'avance. On en est là.

Avec 20 000, avec 50%, on va mettre deux ans et demi. Je pense que déjà la loi 69 est exclue de l'agriculture seulement pour faire appliquer l'article 22 de la loi 49. C'est pourquoi on demande que l'agriculture soit exclue de la loi 69 pour essayer au moins de commencer à vivre et de tenter de vivre avec la loi 49.

M. Léger: Pour répondre, parce que vous avez fait une affirmation; je veux vous dire que puisqu'on va collaborer ensemble — d'abord, on s'est rencontrés quelquefois en dehors des sessions publiques pour analyser les possibilités de trouver des solutions au problème — de votre côté, occupez-vous de nous envoyer des demandes de permis. De mon côté, je m'occuperai d'avoir le personnel pour leur répondre et on va régler le problème; il n'y a pas de problème de ce côté-là.

Ne pensez pas que le passé est garant de l'avenir. Quand je suis arrivé au ministère, il n'y avait pas suffisamment de personnes au service des permis pour les productions de porc. J'ai été chercher le personnel voulu. Alors qu'on demandait 250 permis par année voilà cinq ans, on est rendu maintenant à 2500. Comme on avait le personnel pour 250 à 500 avant, c'est la raison pour laquelle cela prenait trois mois. Maintenant qu'il y a du personnel supplémentaire, l'année dernière, on a donné 2000 permis. On sait qu'on en aura 2500 cette année. J'ai le personnel voulu pour répondre à cela et j'en aurai d'autre si vous arrivez avec les 20 000 permis que vous m'avez demandés tantôt. Soyez assuré de cela.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee, une courte intervention.

M. Goldbloom: Très courte, M. le Président. La pollution agricole est une chose réelle, et personne ne peut demander que les lois du Québec ne s'appliquent pas à la vraie pollution agricole. Il y a, de l'autre côté, des aspects des exploitations agricoles qui constituent plutôt des inconvénients. J'aimerais encourager le ministre à essayer de faire aussi clairement que possible la distinction entre les deux et à essayer, autant que possible, de régler le deuxième cas, celui des inconvénients, par le truchement du zonage agricole plutôt que par le truchement de la Loi de la qualité de l'environnement.

Je voudrais en terminant, M. le Président, nier une rumeur selon laquelle j'aurais passé la parole, sur ce dossier, au député de Maskinongé, parce que je me trouvais dans une situation délicate, coincé entre les producteurs de porc et mon rabbin!

Le Président (M. Laplante): Sur ce, messieurs, les membres de cette commission vous remercient de votre coopération. Merci beaucoup.

M. Duval: Merci.

Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant l'Association pétrolière du Québec.

Monsieur, pour les fins du journal des Débats, si vous voulez identifier votre groupe et les personnes qui vous accompagnent. (16 h 30)

Association pétrolière du Québec

M. Beauregard (Gaston): Je m'appelle Gaston Beauregard. Je suis le directeur régional, pour l'Est du Canada, de Shell Canada Limitée et président de l'Association pétrolière du Québec. Je suis accompagné de M. Carl Lussier, assis à ma gauche, conseiller en hygiène du milieu chez BP Canada Limitée et, à ma droite, de Me Thomas Lavoie, conseiller juridique chez Texaco Canada Inc. et pour notre association.

M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, mesdames et messieurs. Nous vous remercions pour l'occasion accordée par la commission de vous présenter les commentaires de notre association concernant le projet de loi 69.

L'Association pétrolière du Québec agit depuis plusieurs années et regroupe dix entreprises pétrolières membres faisant affaires au Québec. Parmi les objets qui touchent de près ou de loin le secteur des produits pétroliers, elle s'occupe spécialement des problèmes qui se rapportent à l'environnement. Elle approuve l'effort d'adopter, par le présent projet de loi, des mesures qui permettront de mieux adapter la loi aux besoins du milieu québécois dans notre société complexe et changeante.

Vous avez déjà en main une copie de notre mémoire. Nous nous permettons aujourd'hui de

résumer et d'expliquer ce document. Je laisse la parole à Me Lavoie.

M. Lavoie (Thomas): M. le ministre, MM. les députés, nos commentaires toucheront les cinq points suivants: le droit à l'injonction, l'étude d'impact et les audiences publiques, les amendes, le nettoyage d'un contaminant et les poursuites pénales.

Le droit à l'injonction. La loi veut reconnaître à chaque citoyen, au procureur général et à une municipalité le droit à l'injonction pour assurer le droit à la qualité de l'environnement, entre autres par un recours direct à la procédure d'injonction.. D'abord, on ne peut ignorer le sens général des mots "qualité de l'environnement", même si la loi permet de définir ces termes, plus tard, par des normes fixées par réglementation. L'APQ reconnaît que cette procédure vise la prévention plutôt que la correction. Elle ne contredit pas le droit à l'injonction, mais elle croit que cette procédure extraordinaire, telle qu'elle est formulée par rapport aux individus, enlèvera au tribunal la discrétion qui lui permet de juger chaque cas particulier selon les circonstances qui lui sont présentées.

Il faut reconnaître que ce nouveau droit à l'injonction existerait concurremment avec le droit à l'injonction qui existe déjà en vertu du droit commun. Aussi, ce nouveau recours serait basé sur des normes déterminées par règlement. Jusqu'à présent, un tribunal avait le droit de juger si le résultat — c'est-à-dire une ordonnance de ne pas faire quelque chose ou de détruire quelque construction — était disproportionné vis-à-vis du dommage causé ou du risque de dommage. Si le projet de loi devenait en vigueur tel que rédigé, un tribunal n'aurait plus la possibilité d'évaluer l'intérêt du réclamant ni les conséquences de l'injonction.

C'est pourquoi nous suggérons la formule suivante d'introduction à l'instance. En résumé, une plainte énumérant les faits, sous forme d'affi-davit ou de déclaration solennelle par au moins six personnes, adressée au procureur général de la province qui aurait la discrétion de demander l'injonction si la plainte ne lui paraissait pas frivole. Cette procédure n'est pas nouvelle. Elle existe en vertu d'autres lois canadiennes. Les Services de protection de l'environnement sont déjà familiers avec la procédure de plainte par voie d'affidavit et en connaissent les avantages, entre autres pour éliminer les plaintes mal fondées.

Nous croyons qu'une telle formule serait à l'avantage des plaignants, puisque le procureur général possède plus souvent l'expertise technique permettant de mieux évaluer l'exactitude des faits et l'intérêt des parties. En résumé, cette formule aurait un double objet: premièrement, assurer un caractère sérieux à la plainte et limiter les abus possibles; deuxièmement, ne pas imposer au plaignant le fardeau économique et parfois technique de la procédure d'injonction.

Étude d'impacts et audiences publiques. Sans nous opposer aux moyens d'évaluation reconnus autant en dehors du Québec pour juger de la qualité de l'environnement, nous suggérons que la législation projetée souligne la discrétion du ministre plutôt que de rendre obligatoire l'addition d'une consultation publique à une première étude d'impact, surtout si celle-ci est suffisante en rapport avec le projet visé. Nous ouvrons ici une parenthèse pour indiquer que nous croyons qu'il y a lieu de reconnaître, en ce cas et dans tout autre cas où des informations devront être fournies par les compagnies autant que par les individus en vertu de cette loi, le droit à la protection d'informations jugées être d'un caractère confidentiel, telles que les procédés, les brevets et d'autres détails similaires.

Les amendes. Nous remarquons avec regret l'augmentation notable des amendes applicables aux corporations. La loi existante sur la qualité de l'environnement fixe une amende maximale applicable, sans distinction, aux individus ou aux corporations. Les amendes maximales suggérées par le projet de loi demeurent les mêmes pour les individus, mais sont multipliées de façon notable pour les corporations avec, en plus, des amendes minimales. Nous reconnaissons le désir du gouvernement de dissuader les contrevenants par ces sanctions draconiennes. À tout le moins, nous estimons qu'il serait plus juste et plus approprié de simplement indiquer les amendes applicables aux corporations en chiffres comme c'est le cas habituel pour les amendes en matière pénale plutôt que d'appliquer un multiplicateur.

Les critères d'évaluation d'une amende. Il est facile de voir à quels abus peuvent mener les critères établis par l'article 109b dans la détermination du montant d'une amende. Jusqu'à maintenant, la discrétion du tribunal pour fixer ses propres critères lors de la détermination d'un montant d'une amende a été reconnue. Nous nous opposons à ces critères qui seront dans la plupart des cas très difficiles ou impossibles à évaluer. Mais, s'il faut modifier ce principe et imposer au tribunal des critères, nous recommandons qu'il soit au moins tenu compte des autres facteurs importants, tels que le caractère accidentel ou la force majeure, de même que les difficultés techniques qui ont pu mener à la commission de l'infraction.

L'élimination ou le nettoyage des contaminants. Nous avons souligné dans notre mémoire que les Services de protection de l'environnement sont maintenant familiers avec l'expertise des membres de notre association en matière de contrôle des déversements. Ces programmes entrent dans le cadre de la prévention et de la protection du milieu des compagnies membres. Nous reconnaissons que le ministère aura recours à ces équipements en certains cas d'urgence, ce qui équivaut quelque peu à une forme d'expropriation. Nous recommandons que la loi prévoie une indemnité pour l'usage des services et des équipements d'une personne ou d'une municipalité lorsque requis par le ministre.

Sur les poursuites pénales, l'article 116. Le projet de loi augmente les différents cas d'infrac-

tions, tout en remplaçant le procureur général comme personne autorisée à intenter les poursuites pénales. Maintenant, tout individu pourra intenter ces poursuites. Nous avons déjà soulevé les problèmes relatifs à un recours direct aux tribunaux dans un domaine aussi complexe que l'environnement, lorsque nous avons parlé tantôt des injonctions. Nous proposons le maintien du procureur général ou d'une personne nommée par ce dernier comme personne autorisée à intenter les poursuites pénales en vertu de la loi ou des règlements. Ceci n'enlèverait pas au public le droit d'intenter la poursuite si le procureur général lui accorde ce droit. Aussi, puisque le projet de loi vise à augmenter l'incidence des poursuites civiles et pénales, nous croyons encore que le tribunal devrait avoir discrétion pour déterminer en quel cas et par qui les coûts d'analyse devraient être payés.

Je laisse la parole à M. Beauregard pour la conclusion.

M. Beauregard (Gaston): En guise de conclusion, nous sommes réticents face à l'augmentation de la législation déléguée. Nous croyons que les problèmes d'une telle législation seront, en partie, compensés par une période plus longue pour la consultation avant la promulgation des règlements qui seront rédigés en vertu de la loi. Nul doute que ces règlements touchent un sujet complexe et que les critères qui serviront à évaluer la qualité de l'environnement seront souvent techniques.

Nous espérons que le gouvernement reconnaîtra l'expérience de l'entreprise privée dans ce secteur et qu'il permettra une période suffisante pour entendre et écouter les commentaires préalables à toute nouvelle réglementation. Nous rappelons que nos membres ont déjà fait des investissements directs et indirects de plusieurs millions de dollars pour se conformer à la loi et à ses règlements. Il est fort probable que les nouvelles exigences créeront des coûts importants.

Nous sommes prêts, comme par le passé, à prendre notre part des frais pour un environnement sain, mais il faut que les résultats de ces coûts soient tangibles. Nous sommes préoccupés de l'environnement d'une façon positive. Nous espérons aussi que les moyens suggérés par ce projet de loi soient humains, praticables et pos-sibies.

Nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je remercie l'Association pétrolière du Québec de son mémoire. Comme de raison, étant donné qu'il y a tellement eu de mémoires qui ont précédé celui de l'association, j'ai déjà répondu plusieurs fois à certaines de vos remarques. Je vais quand même dire quelques mots sur certaines demandes, certaines affirmations contenues dans votre mémoire.

Vous mentionnez, entre autres, que le législateur a de nouveau recours à la législation déléguée, qu'il rend peut-être impossible de mesurer l'impact réel du projet de loi. Je suis d'accord avec vous en ce sens que l'objectif de ce projet de loi et d'une commission parlementaire, après la première lecture et non pas après la deuxième, était de discuter du principe. Grâce aux interventions qui sont venues de la part des représentants des différentes associations, grâce aux amendements proposés, aux suggestions amenées, nous pourrons, dans la réglementation, apporter les correctifs voulus et les moyens à prendre pour atteindre les objectifs présentés dans la loi, et avoir le contenu voulu. Je vous rassure de nouveau en vous affirmant que ce projet de règlement sera publié dans la Gazette officielle, permettant à tous ceux qui ont des choses à ajouter de s'exprimer sur ce règlement avant qu'il soit adopté d'une façon définitive.

Vous mentionnez plus loin qu'au niveau du recours à l'injonction, l'association voudrait qu'on parle des mots "portera atteinte " plutôt que des mots susceptible de porter atteinte". En ce qui nous concerne, le mot "susceptible" est bien important parce que la preuve est beaucoup plus difficile à faire quand il s'agit de porter atteinte, alors que l'objectif, c'est de prévenir le danger. Donc, c'est le mot "susceptible" qui, pour nous, correspond beaucoup plus à l'intention du législateur qui est celle de prévenir des problèmes et non pas d'avoir à les prouver, alors qu'il se pourrait que l'atteinte soit faite avant même qu'on ait pu le prouver.

Vous parlez de l'augmentation notable des amendes qui devraient être des montants spécifiques. Nous avons préféré donner au juge des critères d'évaluation pour qu'il puisse tenir compte du dommage à l'environnement, de la capacité de payer du pollueur et ainsi obtenir l'objectif de dissuader. C'est pour cela que nous avons mis, à l'intérieur de notre loi, ces critères-là. Il est important d'atteindre au moins l'objectif suivant: que les amendes soient suffisamment sévères pour tout type de pollueur pour les dissuader, alors que, comme le disaient même les députés de l'Opposition, très souvent, les industries préféraient payer i'amende plutôt que de respecter la loi, parce que cela coûtait moins cher. (16 h 45)

Vous parlez aussi du principe d'un critère reconnu. C'est celui de distinguer entre une commission accidentelle et une autre volontaire. C'est un critère qui me fait peur, parce que quelqu'un qui est accidentellement responsable de quelque chose, il faut nécessairement qu'il soit aussi tenu de dédommager; il faut tenir compte d'une action qui a été faite, que ce soit volontaire ou accidentel. Le dommage à l'environnement est là quand même. Je ne suis pas un juriste. Je dois faire attention parce que, parfois, quand on fait des lois et qu'on ne tient pas toujours compte des avis de nos conseillers juridiques, on peut dire des énormités. Je tiens quand même à dire que la commission accidentelle, pour moi, n'est pas un critère dont on doit tenir compte. Peut-être dans l'importance des amendes... Je vais quand même

prendre cela en bonne considération et en discuter avec les responsables juridiques de mon ministère.

Quand vous dites que la poursuite en matière pénale devrait être uniquement reconnue au procureur général, je tiens à vous dire qu'il y a sept provinces du Canada qui ont cette façon de poursuivre au niveau pénal en permettant aux citoyens de le faire et non pas uniquement le procureur général; on reviendrait à la situation d'avant 1972 en le faisant. Je pense que c'est une façon, pour nous, d'atteindre l'objectif qui est de rendre responsables et d'associer les citoyens à la défense du milieu de vie en leur permettant d'avoir une poursuite et non pas uniquement les "irresponsabiliser" en disant: Uniquement le procureur peut le faire.

Là-dessus, je pense qu'on ne pourra pas retourner en arrière. L'objectif premier de notre loi, c'est de permettre aux citoyens d'être associés à la protection de l'environnement.

Concernant les renseignements à donner au public sur les pollueurs, sur les actions des pollueurs et les contenants des matières polluantes qui sont déversées par les pollueurs, je pense qu'on peut s'entendre sur le fait qu'on doit tenir compte de la discrétion sur les procédés industriels. On est d'accord avec vous là-dessus mais je ne pense pas qu'on puisse uniquement se baser sur l'industriel comme étant celui qui nous détermine ce qu'on peut rendre public ou non. À ce moment-là, le pollueur ou l'industriel, en l'occurrence, serait celui qui jugerait ce qui peut être rendu public au citoyen ou non. Je pense que c'est une responsabilité du gouvernement qui est élu par la population.

Je n'ai pas d'autres remarques à faire, à moins que vous ayez des questions à me poser. Je cède la parole à mon collègue de l'Opposition.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez des remarques?

M. Beauregard: Je vais laisser répondre M. Lavoie.

M. Lavoie (Thomas): Je voulais tout simplement répondre concernant le droit d'accorder au public les plaintes pénales. Je ne crois pas que ce serait enlever la responsabilité sociale au public, à un individu, que d'être obligé d'obtenir la permission du procureur général avant d'intenter une poursuite contre un pollueur ou un contrevenant. La raison pour laquelle je dis cela, c'est parce que le procureur est peut-être mieux placé pour décider si l'individu a un droit valable ou non plutôt que de laisser ce travail aux tribunaux.

Je voudrais tout simplement citer le juge Estey, qui était juge en chef de la Cour suprême de l'Ontario, qui avait déjà mentionné que c'était mauvais d'encourager l'encombrement des tribunaux. C'est pourquoi nous croyons que le procureur général pourrait distinguer si une plainte est valable ou non et accorder la permission à la personne faisant une demande de poursuite pénale.

Le Président (M. Laplante): Merci. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Léger: Si vous voulez me permettre une question ou une affirmation. Je voudrais quand même dire que l'expérience des autres provinces a démontré que cela n'amenait pas un encombrement des tribunaux. Si, par hasard, il y avait eu encombrement, c'est parce qu'il y avait beaucoup plus de plaintes que le procureur n'aurait pu entreprendre et c'est parce qu'il avait des problèmes à régler. L'expérience des autres provinces a démontré que cela n'encombrait pas les tribunaux et qu'au contraire cela donnait une soupape de sécurité en ayant des citoyens qui peuvent eux-mêmes aider le gouvernement à remplir des responsabilités. Cela n'enlève pas le leadership du gouvernement. Au contraire, cela permet aux citoyens de savoir qu'ils peuvent le faire, mais à l'intérieur des balises que j'ai mentionnées lors d'autres mémoires.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, j'ai une question et j'aurai ensuite deux commentaires. Ma question concerne les amendes. L'Association pétrolière exprime l'avis que les amendes qui existent dans l'actuelle Loi de la qualité de l'environnement sont suffisamment élevées. J'aimerais demander tout simplement s'il y a des compagnies membres de l'association qui se sont vu imposer des amendes très élevées qui ont fait mal, disons, aux compagnies en question.

M. Lavoie (Raymond): Si je peux répondre, je crois qu'on s'est peut-être fait mal comprendre. Nous n'avons pas suggéré le maintien des amendes telles qu'elles étaient. Nous avons reconnu qu'elles étaient élevées. Tout ce qu'on déplorait, c'était l'aspect psychique de voir un multiplicateur plutôt qu'un chiffre fixe pour une amende élevée. À savoir si des compagnies membres ont eu des amendes qui leur ont fait mal, je suis mal placé quant à moi pour les compagnies. Quant à la compagnie que je représente, les amendes c'est surtout au niveau des règlements municipaux que nous en avons eu.

M. Goldbloom: Avec les...

M. Beauregard: Dans le contexte d'aujourd'hui, une amende de $1 cela fait mal. Comme M. Lavoie l'a dit, c'est le multiplicateur qui nous fait mal.

M. Goldbloom: Je n'avais pas compris parfaitement le point de vue que vous aviez exprimé. Mes deux commentaires sont...

M. Beauregard: Je comprends la raison pour laquelle vous voulez avoir une amende assez importante.

M. Goldbloom: M. le Président, mes deux commentaires sont les suivants: Le premier porte

sur la page 5 du mémoire où, en bas de la page, l'Association pétrolière demande que la loi prévoie un avis à la partie responsable avant que le ministre ne prenne ses propres mesures pour nettoyer des contaminants. Je présume que c'est l'esprit de nos lois que s'il y a quelqu'un qui paraît être responsable de quelque chose, on commence par une mise en demeure, un avis quelconque et ensuite on intervient si cette personne n'offre pas la collaboration voulue. Je voudrais simplement demander au ministre de bien vouloir vérifier que la loi est rédigée de façon à être véritablement juste.

M. Léger: Je pense que c'est la coutume, la pratique, ce que vous venez de dire là, sauf qu'il peut y avoir des cas où il peut y avoir une fuite de contaminants rapide, dans la nuit et qu'il faille intervenir immédiatement. C'est plutôt l'exception.

M. Goldbloom: D'accord, M. le Président. Mon deuxième commentaire est d'ordre général. Le projet de loi no 69 s'inscrit dans la même foulée que la Loi sur le recours collectif et cherche à impliquer davantage le public, la population, le citoyen dans ce qu'on peut appeler l'administration de la justice et, dans ce cas particulier, la protection de l'environnement.

Il y a peut-être deux ou trois ans — je pourrais trouver la référence précise — un juge aux États-Unis a rendu un jugement sur cette question du recours collectif que l'on appelle aux États-Unis "class action", de façon à exiger des personnes qui intentent de telles procédures une démonstration plus serrée qu'auparavant de leur intérêt direct. Je mentionne cela pour attirer l'attention du ministre et de ses conseillers juridiques sur cette considération.

Il y a une philosophie de législation derrière tout cela. J'aimerais que nous soyons certains que la loi soit en équilibre entre les divers intérêts qui sont en jeu.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Une simple observation. Dans votre mémoire, aux articles 9 et 10, en marge, vous suggérez au gouvernement de changer les mots "indique" par "peut demander" et, au troisième paragraphe, "requiert" par "peut requérir". Voulez-vous nous faire connaître un peu votre point de vue sur les modifications que vous aimeriez apporter à ces textes?

M. Lavoie (Thomas): La raison de ces deux suggestions était que nous trouvions la phraséologie un peu trop impérative et que cela ne laissait pas la discrétion au ministre de demander ou d'indiquer soit que la consultation n'était pas requise, soit que l'audience publique n'était pas requise. Alors, cela lui laisse une plus grande discrétion.

Le Président (M. Laplante): Vous avez votre réponse?

M. Cordeau: Peut-être que le ministre aurait d'autre chose à dire. Le texte est rédigé comme cela: "Après avoir reçu l'étude d'impact préliminaire ou l'étude d'impact détaillée, selon le cas, le ministre indique... " Cela veut dire que dans tous les cas il doit indiquer au promoteur du projet d'entreprendre la consultation. Moi aussi, je me suis posé une question à un moment donné: Si l'étude d'impact préliminaire ou l'étude d'impact détaillée est complète et vous donne satisfaction et qu'il n'y a aucun détail additionnel à demander, est-ce que les requérants vont être obligés d'aller à une consultation publique dans tous les cas? Comme c'est rédigé, "indique", c'est un impératif.

M. Léger: Les études d'impact, qu'elles soient détaillées ou qu'elles soient préliminaires, ne nous donnent que les explications techniques qui peuvent être très satisfaisantes sur le plan technique. Cependant, si on a voulu qu'il y ait une audience possible, c'est que l'objectif premier — il ne faut jamais oublier le principe de la loi — c'est un droit à l'information du citoyen. Donc, ce qui est important, c'est que le citoyen soit informé. Si l'étude d'impact sur le plan technique est parfaite, que ce soit la préliminaire ou l'autre, et que c'est rendu public, les citoyens ont le droit de la voir s'ils veulent s'exprimer là-dessus. Ils peuvent trouver que c'est très bien sur le plan technique ou sur le plan pratique, sauf que dans leur région cela peut amener certaines autres conséquences et seuls les citoyens peuvent nous le dire. D'où l'importance de donner une période de 30 jours permettant aux citoyens de dire: On veut une audience publique ou pas. Nous, nous avons quand même la possibilité de juger si la demande est frivole ou pas.

Le Président (M. Laplante): Vous avez votre réponse, monsieur?

M. Cordeau: Est-ce que cela vous donne satisfaction?

M. Lavoie: J'ai une réponse.

Le Président (M. Laplante): C'est bien, messieurs. Les membres de cette commission vous remercient, MM. Beauregard, Lussier et Lavoie, pour la participation que vous avez bien voulu leur accorder. J'appelle M. Lorne Giroux, avocat. M. Giroux, pour les fins du journal des Débats, voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît, et commencer.

M. Lorne Giroux

M. Giroux (Lorne): Mon nom est Lorne Giroux, je suis avocat et professeur à la faculté de droit de l'Université Laval. Le mémoire a été présenté en mon nom personnel.

M. le Président, MM. les membres de la commission, comme vous avez pu le constater, mon mémoire est très court. Je n'ai pas l'intention de le lire devant la commission, mais, si la commission me le permet, j'aimerais cependant insister sur certains des aspects qui me paraissent

fondamentaux dans mon mémoire. Si la commission me le permet également, à la fin, j'aimerais dire quelques mots relativement à une des interventions qui ont été faites avant la mienne, nommément celle de l'Union des producteurs agricoles, même si ce n'est pas dans mon mémoire.

Le Président (M. Laplante): D'accord, monsieur. Je crois que vous voulez que votre mémoire soit inscrit aussi au complet au journal des Débats.

M. Giroux: Si la commission juge que cela peut être utile, je l'apprécierais.

Le Président (M. Laplante): Accordé, monsieur. (Voir annexe c).

M. Giroux: La première chose que j'ai fait ressortir dans mon mémoire, c'est qu'il me paraît que les amendements proposés par le projet de loi no 69 marquent un certain recul, notamment par rapport à la possibilité pour les citoyens d'intervenir directement dans les questions concernant l'environnement. (17 heures)

À mon avis, il y a un recul à deux niveaux: Recul, d'abord, au niveau des pouvoirs accordés au Conseil consultatif de l'environnement parce que le projet de loi, qu'on le veuille ou non, permet, à toutes fins pratiques, d'enlever toute initiative au conseil consultatif. Je dois déplorer, également, qu'à chaque fois que les citoyens ont, d'après ce projet de loi, la possibilité d'intervenir, soit en demandant une enquête au conseil consultatif, soit en demandant une audition publique suite au dépôt d'une étude d'impact, à chaque fois, dis-je, ils doivent, à toutes fins pratiques, obtenir la permission d'un ministre.

Il m'apparaît, M. le Président, messieurs les membres de la commission, que la philosophie de ce gouvernement, qui a été publicisée à maintes reprises depuis quelques mois, c'était d'inciter de plus en plus les citoyens à s'impliquer; c'est le mot qui a été fréquemment employé. Il m'apparaît, en conséquence, que si on demande aux citoyens de s'impliquer, le moins qu'on puisse faire, c'est de leur faire confiance et de ne pas contrôler ou permettre que soit contrôlée à chaque fois l'intervention des citoyens.

Prenons l'hypothèse, si vous voulez, des études d'impact. La formulation actuelle du projet de loi 69 me paraît malheureuse parce que, d'une part, on dit: Les citoyens peuvent demander une audition publique et, d'autre part, on dit: Le ministre, s'il juge la demande frivole, peut empêcher la tenue d'une audition publique, il m'apparaît que c'est un jugement trop important et qu'on ne doit pas le laisser au seul jugement d'un ministre, sans aucun critère sinon que, lui, pense que la demande est frivole. Comme je l'ai signalé dans mon rapport, cela pourrait mettre le ministre dans des situations délicates. Si jamais le ministre exerce ses pouvoirs pour refuser à un citoyen une audition publique suite, par exemple, à une demande d'implantation d'une ligne de transmission d'électricité par l'Hydro-Québec, il pourrait être sujet à la critique publique à l'effet que le gouvernement, dans ce problème, est juge et partie, que, d'un côté, le gouvernement établit les règles du jeu en déterminant la participation des citoyens lorsqu'on fait les études d'impact et que, de l'autre côté, il se sert de normes individuelles, de décisions individuelles d'un ministre pour l'empêcher là où normalement elle pourrait être faite.

Je tiens à préciser que ma remarque est de portée générale. Je ne fais aucune remarque relativement à des événements récents ou à des personnes, mais c'est dans un projet de loi et cela a tendance à rester. À ce niveau, il m'apparaît que si le gouvernement décide qu'il y a des activités qui sont tellement importantes et qui ont possiblement un impact tellement important sur l'environnement québécois, cela justifie que des auditions publiques soient possibles dans tous les cas. Il ne faut pas oublier que le dernier mot appartient au gouvernement. Or, vous avez d'un côté le gouvernement qui est lui-même un des intervenants en matière d'environnement — et je pense, par exemple, au ministère des Transports — et de l'autre côté, c'est celui qui fait les règles.

Je pense que le projet de loi serait meilleur, H viserait plus l'objectif que le ministre a exposé à plusieurs reprises si cette possibilité d'empêcher les auditions publiques était enlevée.

En ce qui concerne les études d'impact, je déplore que la loi ne soit pas plus précise. Actuellement, tout ce qu'il y a dans la loi, c'est la possibilité pour le gouvernement d'adopter des règlements déterminant les activités qui vont faire l'objet d'études d'impact, ta possibilité pour le gouvernement d'élaborer par règlement des procédures en vertu desquelles seront évaluées les études d'impact, et la possibilité pour le gouvernement, éventuellement, de déterminer des règles d'auditions publiques.

C'est une question fondamentale et il m'apparaît que nous avons manqué une bonne chance de la discuter parce que le gouvernement n'a pas suffisamment précisé dans son projet de loi les questions qui devaient faire l'objet d'une étude d'impact. Je lisais justement, lundi matin, l'édition du samedi du Devoir, en page 3, où on rapportait une déclaration du ministre qui indiquait certaines des activités qui, semble-t-il, seraient contenues dans les règlements. Si on en est rendu au point précis où on sait d'avance quelles sont les activités qui vont faire l'objet d'une étude d'impact, pourquoi ne les a-t-on pas mises dans la loi, dans les définitions, à tout le moins, pour qu'on puisse en discuter en audition publique?

C'est la dernière recommandation qu'il y a dans mon mémoire. J'ai trouvé curieux qu'on donne des auditions publiques dans le cas d'un règlement qui va s'appliquer à l'UPA et qui va toucher 40 000 producteurs agricoles et que les règlements concernant les études d'impact qui intéressent 6 millions de citoyens du Québec ne feront pas l'objet — du moins, il n'y a rien qui

nous l'indique — d'une audition publique en commission parlementaire. Je trouve qu'on a manqué une belle occasion de faire une discussion publique sur une question fondamentale.

En ce qui concerne l'article 19, je comprends la politique qui est poursuivie par cet article et, dans un sens, c'est un pas en avant. Maintenant, je me reporte à ce que nous avions déjà dit en 1972, lorsque le premier projet de loi a été discuté. La procédure de l'article 19 a le défaut de sa qualité, c'est-à-dire qu'elle a le défaut d'intervenir à la fin d'un long processus et, là, elle oblige le citoyen individuel à prendre sur lui d'aller devant les tribunaux, d'encourir les délais, d'assumer le fardeau de la preuve, d'assumer le fardeau financier, pour peut-être se faire répondre au bout qu'il y avait un certificat, parce que, actuellement, dans la loi, rien ne dit que les certificats qui ont été émis doivent être publics. Il me paraît que, si on avait suivi la procédure de la Colombie-Britannique, si on avait permis aux citoyens d'intervenir avant que les certificats ne soient rendus, ce serait plus valable. D'abord parce que l'"input" des citoyens se ferait au niveau de l'aménagement de l'environnement et non seulement pour corriger des abus. Maintenant, il semble que le ministre a promis un amendement à l'article 19; tel que je lis le projet de loi 69, dans le cas de l'article 19, si quelqu'un obtient un certificat il est à l'abri de la procédure d'injonction. C'est comme cela que j'avais compris la loi.

Maintenant, le ministre semble dire qu'il va y avoir des amendements selons lesquels, si indépendamment du certificat il y a un protocole d'entente signé entre une entreprise pour n'importe quelle activité et les Services de protection de l'environnement, on sera également à l'abri de la procédure d'injonction.

Il faut quand même noter que dans ce cas-là on accorde moins que ce que le droit commun accorde actuellement. Parce que le droit commun, actuellement, accorde le recours à l'injonction pour empêcher la violation d'une loi. Dans l'hypothèse qui est maintenant soulevée, si je la comprends bien, cela veut dire que même si une entreprise ne respecte pas les normes, dans la mesure où elle a signé un protocole d'entente, elle est à l'abri de l'injonction. C'est un net recul par rapport au droit commun actuel, si c'est l'interprétation qu'on doit donner, parce que je n'ai pas vu les amendements qui ont été annoncés là-dessus.

Le dernier point que je voudrais soulever, M. le Président, c'est que j'ai été quelque peu surpris, en tant que citoyen ordinaire, par les interventions qui ont précédé, notamment celle de l'Union des producteurs agricoles. Ce qu'on demandait au législateur, en définitive, c'était de les mettre à l'abri des recours judiciaires devant les tribunaux, point final. On ne voulait même pas que les producteurs soient soumis, comme tous les citoyens du Québec, à l'autorité des tribunaux. Deuxièmement, l'Union des producteurs agricoles a semblé demander une certaine tolérance à l'égard de certains de ses membres qui, actuellement, auraient agrandi des activités en dérogation des règlements, auraient commencé à exercer des activités en dérogation des règlements, et on a donné une foule de raisons. Je ne sais pas ce que l'Union des producteurs agricoles dirait si on employait les mêmes arguments, maintenant, pour justifier des lotissements ou des zonages défendus, une fois que la loi du zonage agricole sera adoptée. Il y aurait peut-être là moins de tolérance qu'on ne semble en montrer à l'égard des règlements de l'environnement. Mais, sur un plan plus fondamental, la position prise tend à soustraire ou tend à établir un certain sectarisme entre différentes activités au Québec qui sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement.

Si vous voulez le point de vue d'un simple citoyen ordinaire, c'est injuste de soustraire une partie de la population des normes applicables à l'ensemble de la population. Prenons un exemple. Actuellement, dans des municipalités, il y a des injonctions qui se prennent contre des individus parce qu'ils ont gardé un chambreur dans une maison unirésidentielle, dans les zones familiales les plus exclusives de nos municipalités. Il n'y a jamais personne qui a dit que c'était épouvantable de demander une injonction contre une personne parce qu'elle a gardé un chambreur près de l'université. Pourtant, on vient nous dire ici que si possible on devrait soustraire 40 000 producteurs agricoles à la procédure de l'injonction. Je pense qu'il y a une question de mesure ici et que rien ne justifie... Il est possible que la fixation des normes demande certains assouplissements à l'égard des producteurs agricoles mais, à mon avis, c'est dangereux de déterminer une règle selon laquelle une catégorie de la population échappe à l'application des normes une fois qu'elle les a violées. Les citoyens ordinaires ne le permettront pas et ne l'admettront pas.

Le Président (M. Laplante): Merci monsieur. M. le ministre. Je pense que vous avez donné de la misère au ministre.

M. Léger: Non, je trouve que vous avez apporté de fameux bons arguments. J'essaie de voir jusqu'à quel point on peut les inclure dans les corrections qu'on va apporter. D'abord, je tiens à vous dire que vous avez apporté un argument qui est très intéressant. C'est celui qu'un citoyen qui veut intenter une poursuite en injonction et qui, après avoir fait des dépenses, s'aperçoit au bout de la ligne que le présumé pollueur avait déjà son certificat. Le fait de rendre les certificats publics est une bonne mesure et je peux immédiatement vous dire que nous allons voir à la possibilité d'inclure cela dans notre loi parmi les règlements. C'est un point très important.

La façon dont vous avez répondu à l'argumentation des représentants de l'UPA m'incite à vous dire que j'adorerais que vous soyez présent à la commission parlementaire des 17 et 18 octobre pour répondre, un peu, aux arguments des agriculteurs. Ce sont quand même des points importants. Tout ce que je peux vous dire là-dessus... Il faut dire d'abord que je ne suis pas avocat et que je

puis, dans mes explications les plus décodées des termes légaux, peut-être, affirmer ici, des choses qui pourraient être dites autrement, pour être toujours sous la balise d'une expression qui est légale. Je voudrais aussi, vous dire, étant un élu de la population, que je dois de tenir compte des situations.

Et au sujet de ce que je disais tantôt, pour les 20 000 producteurs d'animaux qui pourraient ne pas avoir le certificat ou le permis, puisqu'ils auraient augmenté leur production, ce qui ne serait pas conforme aux règlements, comme on ne connaît pas la quantité — 20 000, c'est le total des gens qui font de la production animale autre que le porc, mais cela ne veut pas dire qu'ils sont tous en état d'illégalité; il peut y en avoir quelques milliers qu'on ne connaît pas — au moment ou cette chose arriverait, la situation serait la suivante. C'est qu'il y aurait trop de gens qui tout à coup seraient dans l'illégalité, au moment ou on l'apprend. Ma façon d'exprimer cela, c'est de dire, et mon conseiller juridique va m'arrêter en plein milieu si je dis une énormité qu'il faut trouver un moyen de rendre justice à ceux qui ont respecté la loi avant et ne pas faire de cadeau à ceux qui ne l'auraient pas respectée. Mais de faciliter, quand même, par des moyens techniques et légaux, la possibilité qu'ils reviennent dans la légalité. Comment faire cela? Je vais consulter les autres et on verra à le présenter de façon que tout le monde soit bien content, mais que tout le monde respecte l'environnement en même temps, sans injustice pour l'ensemble des citoyens.

Un autre point que vous avez soulevé, c'est le fait que le type d'entreprises qui devraient être assujetties à des études d'impact avant d'avoir un certificat, ces types d'entreprises vont être incluses dans le règlement. Nécessairement, le règlement va être publié et quand il sera publié, il y aura un minimum de 60 jours pour entendre tous ceux qui ont des choses à dire là-dessus, de façon que même s'il n'y a pas une audience, tous ceux qui ont des choses à dire puissent s'exprimer pour que le règlement puisse être corrigé de façon à satisfaire la majorité des Québécois. (17 h 15)

Vous avez parlé aussi d'un protocole d'entente avec les industries. Il faut tenir compte du fait que les industries devront respecter des normes, ou des règlements ou une loi et que, pour le faire, quand même, des dates doivent leur être données pour qu'elles aient physiquement le temps d'installer leur équipement antipollution. Ce qui est important pour nous, c'est que les entreprises soient en voie de se donner ce qu'il faut pour le réaliser a l'intérieur d'un échéancier. À ce moment-là, si elles sont en train de le régler, ce qui est important pour nous, c'est qu'il y ait une proposition ferme et, si elles sont en voie de le régler, elles devraient être à l'abri de ceux qui peuvent les poursuivre. Sauf que, dans la période pendant laquelle elles sont en train de se mettre dans la légalité, il faut aussi qu'elles respectent l'entente. Si elles ne respectaient pas l'entente, elles seraient sujettes à une poursuite en injonc- tion puisque la seule chose qui les rend légales dans la période où elles sont illégales, c'est le fait qu'elles respectent l'échéancier et l'entente. À ce moment-là, je pense que cela respecterait une justice pour tout le monde. Je peux vous dire qu'aucun protocole d'entente n'aura pour effet de soustraire une industrie à un règlement.

Je ne sais pas s'il y avait d'autres points. En tout cas, je vais laisser les gens de l'Opposition parler. S'il y d'autres questions que vous voulez me poser, il me fera plaisir de vous répondre.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, Me Giroux a présenté un mémoire vigoureux et convaincu. Il a souligné des points qui méritent notre attention. J'aurai un seul commentaire à faire. Je suis d'accord avec lui qu'il n'y a pas lieu de créer des cas d'exception dans la société. La loi doit être rédigée d'une façon applicable et doit tenir compte d'une certaine réalité.

M. le Président, entre parenthèses, je ne crois pas que notre règlement se prononce de façon précise sur cette considération, mais il y a une tradition qui fait que nous devons essayer d'éviter les échanges entre les intervenants devant les commissions parlementaires. Je crois qu'il aurait été intéressant d'entendre une réaction de l'Union des producteurs agricoles aux critiques formulées par Me Giroux.

Il me semble que ce que Me Giroux nous conseille est valide, c'est-à-dire que l'assouplissement, s'il y en a un, devrait se situer dans la loi et dans les règlements plutôt que dans une espèce de passe-droit. Mais je pense que nous devons tenir compte du fait que des lois rédigées avec le problème du gros pollueur industriel à l'esprit peuvent en même temps être rédigées de façon à s'appliquer à un cultivateur qui essaie de peine et de misère de gagner sa vie et qui travaille sept jours par semaine pour le faire.

Il faut, en rédigeant nos lois, se poser la question: Qui va traire les vaches si le cultivateur doit passer trois jours devant un Bureau d'audiences publiques?

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: II a été question tantôt de rendre publics les noms de tous ceux qui détenaient des permis. Mais peut-être serait-il plus simple, pour le citoyen qui désire obtenir une injonction, de s'adresser d'abord au ministère de l'environnement afin de savoir si celui qu'il veut poursuivre ou contre lequel il veut obtenir une injonction a déjà un permis ou un protocole d'entente avec le ministère. Ce serait peut-être une façon d'éduquer les gens sur ce détail de leur dire qu'avant d'obtenir une injonction il faut toujours s'adresser au ministère de l'environnement pour se renseigner si, oui ou non, la personne... Parce que la publication des noms de tous ceux qui ont des

permis, je vous assure que cela fera des listes à conserver dans des dossiers, quelque part.

M. Léger: C'est sûr qu'il va falloir qu'on établisse un mécanisme pour permettre aux gens d'être renseignés d'une façon régulière. Même si cela est publié une fois, par exemple dans un journal, cela ne veut pas dire que les gens vont se le rappeler et qu'ils en ont pris note.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, y a-t-il d'autres questions?

M. Léger: On me dit qu'en Ontario il y a un fichier public accessible à tout le monde pour ces choses-là.

M. Cordeau: Évidemment, au ministère; c'est parfait. Je tiens à féliciter Me Giroux pour la clarté de son mémoire et de son expression. Réellement, il serait peut-être bon, comme le député de D'Arcy McGee l'a souligné, qu'il assiste à la commission qui étudiera les règlements — le ministre l'a également souligné — relatifs à l'environnement dans la production animale.

M. Goldbloom: M. le Président, je vous fais remarquer que c'est le ministre qui a émis cette invitation.

Le Président (M. Laplante): Une dernière remarque, M...

M. Giroux: Je suis d'accord avec le député de D'Arcy McGee. Je partage son point de vue. Maintenant, ce que je dis, en substance, c'est ceci : même si je comprends que, dans des cas individuels, cela a toujours été la discrétion de celui qui poursuit de décider que c'est mieux, pour une foule de raisons, de ne pas poursuivre un cas individuel, c'était plus que cela qui était demandé cet après-midi. À toutes fins pratiques, c'était que l'on soustraie une grande partie de la population qui produit au Québec de normes qui s'appliquent à l'ensemble des citoyens. Je pense que c'est trop demander et c'est là-dessus que j'en avais.

M. le ministre, il y a un point sur lequel — peut-être que ma mémoire n'est pas bonne — je ne pense pas avoir eu de réponse: pourquoi avez-vous empêché le droit d'initiative du Conseil consultatif et pourquoi, également, ne donnez-vous pas le droit aux audiences publiques, sur demande, pour les projets soumis à une étude d'impact? En ce qui concerne le Conseil consultatif de l'environnement, lorsque la première loi a été adoptée, moi, j'étais avec d'autres, on avait des doutes sur le Conseil consultatif parce qu'on se disait: On n'a pas mis dans la loi des dispositions similaires à la Loi de la Colombie-Britannique qui permettent l'intervention des citoyens. On a mis sur pied un conseil consultatif. Cela peut noyer le poisson.

Or, l'expérience nous a donné tort. Il s'est avéré que le Conseil consultatif de l'environnement a fait un travail remarquable, de l'année 1972 à l'année 1978. Il a surtout acquis auprès des citoyens une crédibilité extrêmement importante dont le gouvernement même bénéficie, par exemple, si on regarde le rapport. N'oublions pas que le dernier rapport sur les Îles-de-la-Madeleine a été fait à la demande des citoyens. C'est le conseil, de lui-même, qui est intervenu dans ce dossier, à la demande des citoyens.

Je pense qu'il serait avantageux que ce rôle du conseil consultatif soit maintenu. De plus, je pense que si le gouvernement ou la population québécoise estime, par ses législateurs, qu'il y a des activités qui nécessitent une étude d'impact, il n'y a pas d'arguments, à mon avis, qui justifient que l'on puisse, dans les cas individuels, refuser une audience publique.

M. Léger: M. le Président, il y a un point sur lequel je voudrais répondre. D'abord, on veut éviter le dédoublement des responsabilités. L'exemple que vous avez donné démontrait qu'il aurait pu y avoir, tout à coup, deux organismes qui seraient appelés en même temps puisque, aux Îles-de-la-Madeleine, nécessairement, il y aurait eu étude d'impact, donc suivie d'une audience publique par le bureau. Si, par hasard, des citoyens n'étaient pas contents de ce qui s'est passé au bureau, ils auraient pu demander que le conseil y aille une deuxième fois. Alors, on veut éviter les dédoublements et ne pas amener le conseil consultatif dans une intervention à l'intérieur des dossiers opérationnels.

M. Giroux: Je pense que l'expérience actuelle a démontré que le conseil lui-même a exercé une retenue qui était fort louable, parce qu'il y a certainement eu plus de demandes qu'il y a eu d'études, M. le ministre.

Deuxièmement, vous dites que, dans le cas de Îles-de-la-Madeleine, par exemple, ce serait un dédoublement de fonctions parce qu'il y aurait des audiences publiques sur les études d'impact. La loi actuelle ne garantit pas que le citoyen ordinaire, dont je suis, a droit à une audience publique dans tous les cas. La loi actuelle vous permet, vous, par une décision unilatérale, de décider que ma demande est frivole. J'estime que c'est un pouvoir exorbitant qui devrait être ôté de la loi.

M. Léger: Je suis content que vous poussiez sur ce côté. Remarquez bien, c'est avec des explications comme celles-là qu'on peut améliorer une loi. Il ne faut quand même pas oublier que l'audience publique, si elle est demandée par un citoyen, aura lieu à moins que, et non pas l'inverse, et non pas une permission du ministre pour le faire.

M. Giroux: Oui. À ce moment-là, il suffit d'une décision d'un ministre et elle n'a pas lieu.

M. Léger: Quand on dit: À moins qu'il ne juge la demande frivole, l'aspect "demande frivole ", c'est là que tout l'odieux de la décision peut retomber sur celui qui la refuse. Il ne faut pas

oublier qu'un personnage qui est élu se doit de ne pas poser des gestes qui ne seraient pas de portée plus générale, et que la majorité des gens soit d'accord là-dessus. Il y a quand même une grosse différence entre un directeur ou un fonctionnaire qui lui est à l'abri de toutes les conséquences des gestes qu'il pose alors qu'un élu aura toujours à rendre compte à la population de ses gestes. Donc, la marge de manoeuvre de refuser la demande si elle est frivole, elle est très très petite. C'est le contraire, c'est que l'audience devra avoir lieu si on instruit la demande "à moins que"... La marge est tellement petite qu'un ministre qui refuserait de la donner porterait l'odieux de la situation.

M. Goldbloom: M. le Président, un dernier commentaire. Peut-être que le mot "frivole " n'est pas le mot idéal. Je n'en connais pas d'autre qui servirait. On devrait peut-être en chercher un. Mais il y a des cas passablement tristes, par exemple, où une personne va demander une enquête et des audiences publiques parce qu'elle est certaine que le projet de l'industrie à côté de chez elle est mené par des espions dirigés par une puissance étrangère, et qu'il y a des ondes et des polluants qui pénètrent dans sa maison et ainsi de suite. Il faut au moins, pour de tels cas, permettre aux autorités de dire: Écoutez, ce n'est pas si grave que cela. On n'a pas besoin de mobiliser tout l'appareil des audiences publiques quand on voit que la demande n'est pas justifiée.

M. Giroux: Deux remarques. Je suis sensible à cet argument. Vous avez parfaitement raison. Il me semble que la décision pour le gouvernement de décréter que certaines activités, par exemple, le projet de la baie James, sont tellement importantes qu'elles nécessitent une étude d'impact, à mon avis, justifie qu'il se fasse une discussion publique, tenant compte du fait que le gouvernement a toujours le dernier mot. Deuxièmement, je fais à la commission une petite remarque dans mon mémoire vers la fin où je signale qu'actuellement il y a possibilité que les gens qui vont être au Bureau des audiences publiques soient eux-mêmes des fonctionnaires, parce que la loi ne dit pas qu'ils sont à temps plein.

Ce serait curieux, M. le ministre, si on arrivait à la situation où ce sont des fonctionnaires qui tiennent des audiences publiques sur un projet présenté par d'autres fonctionnaires. Par exemple: Le ministère des Transports. Je pense qu'il devrait y avoir des garanties là-dessus.

Le Président (M. Laplante): Messieurs, le temps est déjà passé.

M. Cordeau: Je demanderais des explications sur l'interrogation de l'intervenant. Il se demande si le Bureau des audiences publiques va être formé de fonctionnaires. Vous avez déjà dit que les membres du Bureau des audiences publiques seront des fonctionnaires.

M. Léger: C'est le cas. Des fonctionnaires à temps plein qui auront le préjugé de l'environnement et qui devront possiblement affronter, comme c'est le cas dans l'appareil gouvernemental, d'autres fonctionnaires d'autres ministères qui ont d'autres préoccupations que l'environnement.

M. Giroux: M. le ministre, je pense que dans ce cas la loi devrait prévoir que si c'est un projet qui émane du gouvernement — peu importe le ministère, parce qu'il y a des canaux de communications que nous du public n'avons pas à l'intérieur du gouvernement — si le projet émane du gouvernement, comme vous avez la possibilité de nommer des commissaires ad hoc, dans ce cas, que ce soit obligatoirement des commissaires ad hoc.

M. Léger: II ne faut pas oublier que l'objectif premier, c'est que l'audience doit être l'oreille du ministre qui, lui, a une décision à prendre. Donc, en réalité, le fonctionnaire qui va là doit rapporter les désirs et les recommandations des citoyens et non pas les siennes, et c'est son travail de le faire comme tel. C'est pour cela que je ne vois pas quand même trop trop un problème de ce côté, que ce soit des fonctionnaires à l'intérieur de l'appareil gouvernemental. Eux, leur vocation est bien précise et on voit fort bien des ministères s'affronter via leurs fonctionnaires parce que chacun a des objectifs bien différents.

M. Giroux: C'est justement ce qui nous inquiète, M. le Président, en tant que membre du public.

Le Président (M. Laplante): D'accord. Merci beaucoup, M. Lorne Giroux, de votre participation.

M. Léger: M. le Président, est-ce que je peux me permettre avant le prochain mémoire? Je viens de recevoir un télégramme d'un groupe qui ne pourra pas venir à la commission parlementaire. Il me demande simplement de vous mentionner ce qu'ils ont dit. C'est la Coopérative des consommateurs de Montréal qui nous fait part de son enthousiasme face à la commission parlementaire sur l'environnement que nous venons de mettre sur pied, avec ses 18 000 membres, pas de la commission, mais les membres de la Coopérative des consommateurs de Montréal. Elle soutient toute action visant à lutter contre la pollution, à conscientiser des citoyens et à éviter le gaspillage.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, je fais appel au Conseil consultatif de l'environnement.

Pour les fins du journal des Débats, voulez-vous identifier votre organisme et les personnes qui vous accompagnent, monsieur. (17 h 30)

Conseil consultatif de l'environnement

M. L'Heureux (Réal): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission

parlementaire, je suis Réal L'Heureux, président du Conseil consultatif de l'environnement. Je suis accompagné, cet après-midi, de deux collègues, M. Laurent Tessier, à ma gauche, le vice-président, et M. Réjean Brosseau, membre du conseil.

M. le Président, on m'a informé tout à l'heure que le temps courait rapidement et que, dans toute la mesure du possible, on me demandait de résumer le document ou le mémoire que nous avons déposé devant la commission. C'est ainsi que, effectivement, je vais essayer d'identifier, à même notre mémoire, les thèmes les plus importants.

Toutefois, avec votre permission, je voudrais demander que le mémoire du conseil soit inscrit intégralement au journal des Débats, si possible.

Le Président (M. Laplante): Accordé. (Voir annexe D)

M. L'Heureux: Merci.

M. le Président, le conseil a étudié le projet de loi no 69 en profondeur et, de cette réflexion, il en a dégagé les principaux points que je vous résumerai le plus possible dans les quelques minutes qui suivent.

Quelques mots sur la participation des citoyens. Le premier aspect que je voudrais porter à votre attention concerne l'intervention directe des citoyens. Le conseil souhaite et recommande que la population puisse, si elle le désire, intervenir directement, tant auprès du bureau d'audiences publiques que du Conseil consultatif de l'environnement, pour soumettre ses requêtes et ses suggestions.

Le deuxième aspect concerne la délimitation des champs d'intervention du bureau et du conseil. Le conseil juge très important de bien délimiter le champ d'action du Conseil consultatif de l'environnement de celui du bureau des audiences publiques. Selon le conseil, le bureau devrait se pencher plus particulièrement sur les dossiers de nature opérationnelle, alors que le conseil se verrait confier, quant à lui, les autres types de dossiers, c'est-à-dire ceux du domaine prospectif, de la législation, de la réglementation ou de certains aspects ne faisant pas l'objet d'une autorisation gouvernementale.

Le troisième aspect, M. le Président, concerne le droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes. Le conseil est satisfait que la proposition du ministre confirmera le droit du citoyen québécois d'intervenir par injonction pour s'assurer que la loi, ses règlements et les autorisations gouvernementales émises seront respectés.

Le conseil est également d'accord pour que l'on protège et préserve les espèces vivantes animales et végétales. Il a toutefois des doutes quant à la proposition du droit à la sauvegarde des espèces vivantes, si l'on tient compte de la définition même de l'environnement prévue dans la loi qui, à notre avis, concerne davantage le milieu physique que le milieu biologique.

Le conseil croit opportun de suggérer qu'en matière d'espèces vivantes ou concernant le problème des espèces vivantes, étant donné que de très nombreux ministères touchent à ces aspects, il serait opportun d'avoir une analyse interministérielle appropriée, afin, d'une part, de définir quelles sont les lacunes actuelles et aussi de bien préciser quelles sont les responsabilités de chacun des ministères. En conséquence, le conseil propose de s'en tenir, pour le moment, au droit de recours des citoyens pour protéger la qualité de l'environnement nécessaire à la santé et au bien-être de l'homme et à la sauvegarde des espèces vivantes.

Quelques mots, maintenant, sur l'analyse et l'évaluation des impacts environnementaux. Le conseil ne pense pas que le projet de loi tel qu'actuellement rédigé permet d'atteindre adéquatement les trois objectifs normalement reliés au processus des études d'impact. Il s'agit, selon notre avis, du choix d'un site ou d'un corridor, de la minimisation des impacts au site choisi et, comme troisième objectif, de la participation de la population. À la base de la réflexion du conseil se trouve le principe suivant: il lui apparaît essentiel d'instituer, dès le départ, le meilleur processus possible dévaluation et de révision des études d'impact.

Cette position s'appuie sur un certain nombre de considérations. La première considération, c'est qu'il s'agit de projets très importants, au point que le ministre suggère avec raison que la décision soit portée au niveau du Conseil des ministres. Deuxièmement, il est important que l'étude d'impact vise à obtenir le meilleur choix d'un site et qu'une fois ce choix effectué on minimise le plus possible les répercussions environnementales au site choisi. Le troisième objectif très important est la participation du public: si on la veut vraiment positive, il faut qu'on lui permette une intervention lors de la sélection de l'option, suite à l'étude préliminaire des solutions de rechange, et lors de la décision d'autoriser le projet suite à l'étude détaillée dont l'objectif est de minimiser les impacts négatifs de l'option retenue.

En conséquence, le conseil désire donc proposer que soit établi un processus d'études d'impact en deux étapes obligatoires: l'une portant sur un choix de sites, de procédés ou d'activités, que nous appelons "étude préliminaire", et l'autre visant à minimiser les impacts négatifs et à maximiser les répercussions positives de l'option retenue suite à l'étude d'impact préliminaire; c'est ce que les gens appellent l'étude d'impact détaillée.

Le conseil croit fermement qu'il est important qu'à chacune de ces étapes une consultation publique par le Bureau d'audiences publiques puisse avoir lieu, selon le désir de la population.

Le conseil a proposé une section qui s'appelle L'approche légaliste de la protection de l'environnement. Dans un premier temps, nous avons noté une influence de plus en plus forte des juges et des avocats dans le secteur de l'environnement, mais je voudrais surtout attirer votre attention sur l'article 109 qui concerne les amendes basées sur

les critères où le projet de loi propose d'obliger le tribunal à tenir compte de certains critères. Le conseil recommande, quant à lui, qu'un tel article soit retiré étant donné qu'il aurait, à notre avis, comme conséquence d'amener une lourdeur administrative considérable au niveau de la justice et tout cela pour la seule raison d'établir un montant d'amende. On ne croit pas que ce soit justifiable d'aller aussi loin que cela. Si la raison d'être de l'article était de peut-être amener les juges à mieux décider des montants, nous croyons qu'il vaudrait mieux s'appuyer sur un meilleur processus d'information et d'éducation que sur des critères inscrits dans la loi.

Nous avons également traité de la flexibilité des normes établies par règlement. Si on tient compte du droit à la qualité de l'environnement que propose de donner le ministre au public, c'est-à-dire le droit de recours du citoyen lorsqu'il y a une infraction à la loi et à ses règlements, il faudrait parallèlement éviter que les normes gouvernementales ne soient d'une sévérité telle qu'un responsable d'une activité se retrouve fréquemment en infraction, même s'il agit selon les règles de l'art. C'est une réflexion qui nous est venue suite au fait que nous constatons que, dans la préparation de la réglementation, on tente très souvent d'établir les normes en se basant sur le rendement optimal obtenu dans les meilleures conditions possibles des équipements antipollution. C'est ce qui peut amener très souvent des infractions si on prend les normes d'une façon trop élevée ou trop théorique.

Un point que je voudrais également porter à votre attention, c'est ce que le conseil identifie comme des absences de certaines modifications à la loi. Nous avons, dans cette section, traité de l'aspect des pesticides. Le conseil est d'avis que le ministre devrait profiter des présentes modifications à la loi de la qualité de l'environnement pour insérer une section traitant du contrôle, de la vente et de l'utilisation des pesticides. De toute façon, le conseil recommande fortement de légiférer sur cet aspect dans les meilleurs délais, et si possible, à l'occasion des présents amendements à la loi.

Le conseil a tenu également à toucher le problème des espaces verts en milieu urbain. En vertu de l'article 29 de la loi actuelle, le conseil croit qu'il est possible au ministre d'intervenir pour forcer une municipalité à utiliser son pouvoir de réserves à des fins publiques, et subséquemment son pouvoir d'expropriation pour préserver un espace vert, boisé ou non, en le constituant en parc. Comme certains juristes pensent que cet article pourrait être interprété dans un sens restrictif ne permettant pas d'intervenir au niveau des espaces verts, le conseil suggère de le préciser pour que le ministre puisse utiliser convenablement son pouvoir à l'égard des autorités municipales et régionales, s'il était jugé dans l'intérêt public d'acquérir un espace vert urbain à des fins de parc.

Définition du mot "environnement". Le conseil a constaté, comme plusieurs, que la définition du mot "environnement" était plutôt limitative aux éléments physiques de l'environnement. Il juge toutefois essentiel que l'environnement puisse inclure, pour les fins des études d'impact, qui est une section très importante des amendements à la loi, il juge donc essentiel que les éléments biologiques des écosystèmes, l'utilisation du territoire ainsi que les considérations esthétiques et socioculturelles soient introduits dans la notion des études d'impact. En conséquence, le conseil recommande qu'une deuxième définition élargie du mot "environnement" soit prévue dans la loi pour l'application des articles relatifs aux études d'impact sur l'environnement.

Le mémoire du conseil soumis à votre attention comporte une annexe dans laquelle nous commentons plusieurs des articles du projet de loi 69. Afin de préciser notre point de vue, nos commentaires sont généralement accompagnés de propositions alternatives au texte du projet de loi 69. Sans entrer dans les détails, vous me permettrez d'attirer l'attention des membres de cette commission sur certains aspects de cette partie du mémoire du conseil qui n'ont pas été traités spécifiquement dans le texte principal.

À la section IIA concernant le Bureau d'audiences publiques, vous constaterez que le conseil propose la création d'un organisme plus fort que celui défini dans le projet de loi. En ce qui concerne la section III relative au Conseil consultatif de l'environnement, vous n'avez sans doute pas été surpris d'apprendre que nous suggérons de maintenir la possibilité actuellement permise par la loi pour que le conseil puisse, directement, recevoir et entendre les requêtes et les suggestions des individus et des groupes.

À la section NIA concernant le droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes, j'attire votre attention sur la position du conseil relative à la requête d'injonction. Les modifications que nous proposons à la section IVA relativement à l'évaluation des impacts sur l'environnement s'inspirent de notre conviction que les deux étapes d'études préliminaires et d'études détaillées sont essentielles lorsqu'il est question de projets majeurs susceptibles d'impact important sur l'environnement. Vous avez certes constaté que nous proposons un niveau décisionnel différent à l'étape de l'étude préliminaire et à celle de l'étude détaillée. Le conseil est pleinement d'accord qu'à l'étape de l'étude préliminaire, c'est-à-dire à celle de l'étude sommaire conduisant au choix de l'option à retenir parmi d'autres options possibles, ce soit le Conseil des ministres qui assume la décision. Il s'agit, dans ce cas, de la recherche des meilleurs intérêts de la population et toutes les considérations, tant environnementales, techniques, économiques que socioculturelles, entrent en ligne de compte. (17 h 45)

Pour ce qui concerne la deuxième étape, soit celle de l'étude d'impact détaillée, c'est-à-dire approfondie, nous proposons que la décision devrait être prise par le ministre délégué à l'environnement plutôt que par le Conseil des ministres.

Cette étude ayant essentiellement comme objectif de minimiser les répercussions négatives sur l'environnement, nous estimons qu'il appartient davantage au ministre responsable de la Loi de la qualité de l'environnement de prendre les décisions. Voilà, M. le Président, l'essentiel du message du Conseil consultatif de l'environnement et nous vous remercions d'avoir accepté de nous entendre.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je voudrais en profiter pour remercier le Conseil consultatif de l'environnement pour le dynamisme avec lequel il a rempli ses fonctions depuis qu'il y a un nouveau conseil. Cela ne veut rien dire au niveau de l'ancien, mais je parle du nouveau qui est devant moi. Je voudrais, quand même, vous faire remarquer que les objectifs que vous voulez atteindre dans la loi que nous présentons sont les mêmes que ceux que nous avons mis de l'avant et je suis heureux de voir que vous êtes d'accord sur l'ensemble des mesures. Je voudrais vous poser certaines questions et en passant vous faire une petite remarque quand vous dites qu'il devrait y avoir dans la loi actuelle un passage qui touche les pesticides. Je pourrais vous assurer qu'il y aurait des grosses chances que cela soit dans cette loi, si j'avais le rapport avant la présentation de cette loi en Chambre. Cela vous permet, peut-être, de hâter vos conclusions pour qu'on ait le temps de le mettre dans la loi.

Vous avez parlé des deux étapes où il devrait y avoir des audiences publiques, aussi bien au niveau des études préliminaires que des études plus détaillées. Comment voyez-vous les inconvénients que cela peut apporter concernant les entreprises privées? S'il y a une audience publique au moment où la compagnie a l'intention de s'implanter, quelles conséquences cela peut-il amener sur les risques de spéculations puisque l'entreprise privée n'a pas la possibilité de faire une expropriation et ainsi courir le risque voulant s'installer à un certain endroit avant même qu'elle ait la possibilité d'avoir réglé certains problèmes, d'une hausse des prix. À ce moment-là, cela peut être préjudiciable pour l'entreprise privée alors que le gouvernement a le pouvoir d'expropriation. Du côté de l'entreprise gouvernementale, s'il y avait également deux audiences publiques, il pourrait y avoir des longueurs peut-être un peu trop dangereuses pour la réalisation des objectifs.

Comment conciliez-vous cela au niveau de deux étapes?

M. L'Heureux: M. le Président, vous me permettrez d'amorcer la réponse. Mes collègues pourront peut-être ajouter d'autre chose. C'est sûrement un point sur lequel nous avons discuté assez longuement au conseil cette notion de la double possibilité d'audiences publiques. Il n'y a pas eu tellement de difficulté à s'entendre sur les projets de nature publique ou les projets gouvernementaux ou paragouvernementaux. Je pense qu'on a fait assez l'unanimité que le gouverne- ment ne devrait pas éviter l'une ou l'autre des étapes, et sans doute... Quand je dis le gouvernement, je parle des organismes détenant des pouvoirs d'expropriation; cela peut aussi être des organismes paragouvernementaux.

En ce qui concerne l'entreprise privée, il est évident que, pour une entreprise, avoir à dévoiler certaines possibilités de sites alternatifs lors des études préliminaires comporte certains risques et, en particulier, le risque de la spéculation sur les terrains. Certaines personnes trouvent que ce serait dramatique, d'autres ne semblent pas être aussi effrayées. Il arrive, évidemment, souvent que les entreprises privées procèdent en maintenant des options d'achat sur un certain nombre de possibilités de sites d'installation. Cela se fait, je pense. C'est peut-être une chose qui pourrait continuer à se faire. Mais nous sommes tout à fait conscients que l'étape de la consultation publique au niveau des études d'impact préliminaires pour des projets d'entreprises privées entraîne la difficulté de la possibilité d'une spéculation sur les terrains.

M. Léger: J'aurais une autre question.

M. Brosseau (Réjean): M. le ministre, je pense qu'il ne faut pas oublier qu'au niveau de l'audience publique, l'étude d'impact préliminaire a déjà été déposée devant les fonctionnaires ou devant le ministre et que la compagnie a déjà une certaine perception de ses chances de succès, disons. L'audience publique arrive par la suite. De toute façon, il est très rare, quand l'étude préliminaire est bien faite — peut-être pas automatiquement — qu'on doive revenir sur un autre site. Ce qui est important, c'est l'obligation de faire l'étude, de forcer le développeur ou la compagnie à se pencher sur la possibilité d'évaluer certaines solutions de rechange. Une bonne étude d'impact devrait conduire à la meilleure solution et l'audience publique aussi devrait conclure la même chose.

M. Léger: Mais si l'audience publique conclut que l'endroit où on devrait aller n'est pas acceptable et qu'on a déjà fait l'acquisition du terrain, ou si l'inverse... Si on n'a pas fait l'acquisition du terrain et que l'audience publique prouve qu'il n'y a pas de problème là, avant d'aller à la deuxième étape, il y aurait peut-être une possibilité de spéculation. Dans les deux cas, il y a danger de spéculation.

M. Brosseau: C'est-à-dire que les compagnies responsables vont prendre des options d'achat qui ne coûtent pas tellement cher, à ce moment-là, sur plusieurs terrains.

M. Léger: D'accord.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Léger: J'en avais une dernière. Vous avez bien fait la distinction entre les deux organismes, le BAP, Bureau d'audiences publiques sur l'envi-

ronnement, et le CCE dont l'un s'occupe de dossiers opérationnels et l'autre a une responsabilité de prospective, d'avis au ministre, d'études de la législation et de la réglementation et s'occupe des questions qui n'ont pas besoin d'autorisation. Je pense que vos objectifs rejoignent pas mal les intentions que nous avions. Je pense que, dans ce style, il n'y aurait pas nécessairement de dédoublement des deux organismes. Je vous remercie.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je n'ai pas de questions. Je n'ai que des félicitations à exprimer. Je voudrais d'abord profiter de cette occasion pour féliciter M. Réal L'Heureux de sa nomination à la présidence du Conseil consultatif de l'environnement. M. L'Heureux a déjà à son crédit une carrière distinguée dans le domaine de la protection de l'environnement. C'est un couronnement, une reconnaissance de grands services rendus. Je lui souhaite beaucoup de succès et de productivité à la tête du conseil.

Je voudrais féliciter le conseil lui-même pour un mémoire qui est étoffé et pondéré. Je ferai un commentaire spécifique sur le chapitre 4 qui s'intitule Approche légaliste de la protection de l'environnement. Il ne comporte que deux pages, mais je trouve qu'il est un bijou et je remercie le conseil d'avoir exprimé beaucoup mieux que moi — j'ai essayé de le faire avec moins de succès — un point de vue sur ce problème de l'approche légaliste.

Dans le paragraphe 4.2, le conseil traite des directives qui sont données aux juges dans le projet de loi. J'ai déjà exprimé une objection à cela. Je suis heureux de trouver cette objection renforcée par l'avis du conseil.

En terminant, M. le Président, j'ai été particulièrement heureux d'entendre l'intervenant précédent, Me Lorne Giroux, exprimer un avis si positif à l'égard du conseil. On a dit des fois que le conseil était le parent pauvre, en quelque sorte, du ministère et qu'il était privé de moyens de faire un travail utile. J'étais convaincu que le contraire était vrai et j'ai été très fier des grands documents qui ont été produits: celui sur l'aménagement des berges et celui sur les couloirs de transmission. Je conserve un excellent souvenir de ce que le conseil a pu faire. Le passé est sûrement garant de l'avenir.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Brièvement. Si j'ai bien compris le début de votre exposé, vous aimeriez peut-être que les rôles du conseil consultatif et du Bureau d'audiences publiques soient mieux définis. Je crois que c'était votre premier souhait au début de votre mémoire. Est-ce que vous pourriez expliquer votre point de vue concernant...

M. L'Heureux: Voici, M. le Président, en réponse à la question du député de Saint-Hyacinthe, oui, le conseil trouve des plus importants de voir à clarifier dans la loi les responsabilités qui sont peut-être souvent difficiles à tracer. Nous souhaitons qu'on puisse tracer une démarcation entre le mandat éventuel du bureau et le mandat qui sera la responsabilité du conseil. Le texte, tel qu'il était rédigé, pouvait laisser croire que les deux pouvaient, à l'occasion, se retrouver sur les mêmes dossiers. Pour nous, c'était un peu embêtant parce que la population est tout à fait confuse et ne sait pas vraiment où aller. Il y a nécessité, pour l'efficacité, d'abord, d'avoir une démarcation la plus claire possible, et deuxièmement, aussi, pour que les gens qui, nous le souhaitons, pourront avoir accès directement au conseil puissent le faire avec assez de confiance et sachent qu'ils sont à la bonne porte.

Le Président (M. Laplante): MM. L'Heureux.

Tessier, Brosseau, je vous remercie, au nom de mes collègues, du mémoire que vous avez bien voulu nous faire parvenir. Merci.

M. le ministre délégué à l'environnement.

M. Léger: M. le Président, étant donné que la commission doit terminer ses travaux, je voudrais en profiter pour remercier tous les intervenants, tous les organismes qui ont eu l'obligeance de venir présenter des mémoires. Étant donné que nous n'avions que trois jours pour les présenter, malheureusement, il y a quelques mémoires qui n'ont pu être entendus. Cependant, nous les avons quand même conservés pour être capables d'en extirper les bonnes suggestions qui peuvent nous être apportées.

Ce qui m'a fait plaisir aussi, cela a été de voir la qualité des interventions. J'en profite pour remercier aussi l'Opposition de son travail positif, spécialement les députés de D'Arcy McGee et de Saint-Hyacinthe, qui ont apporté une contribution des plus positives et des plus intéressantes et qui ont certainement fait avancer le débat. Je souligne l'arrivée avec pompes, présentée par le député de D'Arcy McGee, du député de Maskinongé, qui a fait une intervention qui a été sentie par les gens de l'UPA.

Je voudrais conclure. En ce qui nous concerne, nous avons été très heureux de voir qu'il s'est développé un genre de consensus quasi total sur les principes que nous voulons atteindre avec cette loi. Il reste maintenant certaines modalités qui seront perfectionnées grâce aux conseils qui nous ont été présentés, aussi bien de la table que des invités. Je pense que l'objectif qui était de bonifier la loi va être atteint et que très bientôt nous pourrons présenter, en deuxième lecture en Chambre, un projet de loi avec les améliorations les plus susceptibles de la rendre la plus apte à donner aux citoyens du Québec une charte du droit à l'environnement et la possibilité d'associer les Québécois à la défense de leur milieu de vie et ce, grâce à l'intervention de ceux qui ont contribué à cette loi.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee. (18 heures)

M. Goldbloom: M. le Président, je suis d'accord avec le ministre sur la qualité des mémoires que nous avons entendus. Nous avons été stimulés par les interventions. Nous avons, à d'autres occasions, assisté à des débats même houleux sur des sujets où il y avait des divergences de vues assez marquées entre les deux côtés de la table, mais il ne pouvait en être ainsi de ce projet de loi.

Nous avons appris bien des choses par les interventions réfléchies que nous avons reçues; nous allons tirer de part et d'autre nos conclusions. Peut-être que cela nous mènera à un débat vigoureux en commission parlementaire, quand nous étudierons le projet de loi article par article et que nous nous pencherons sur la rédaction précise de chaque article. Dans l'ensemble cependant, nous ne pouvons qu'être d'accord sur la nécessité d'améliorer, de bonifier une loi qui, comme l'a dit le ministre lundi, a rendu un fier service à la collectivité mais qui, avec l'expérience vécue maintenant de presque six années, a besoin d'être rajeunie un peu, a besoin d'être adaptée à certaines réalités d'aujourd'hui.

Nous allons, de ce côté de la table, réserver nos ultimes commentaires sur les modalités pour l'occasion qui nous sera fournie quand nous reviendrons en commission parlementaire pour l'étude du projet de loi; mais je pense que le ministre a senti qu'il avait, sur le principe, un appui de ce côté de la table. Je pense que les intervenants, en écoutant les échanges, ont pu constater qu'il y a, quant à cet objectif, une unanimité très nécessaire, nécessaire parce que nous devons tous faire notre part pour protéger l'environnement et aider nos concitoyens à nous aider à le faire.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. J'ai été content d'apporter ma modeste contribution à l'étude des mémoires qui nous ont été présentés. Je remercie ceux qui les ont présentés. J'ai beaucoup appris en écoutant ces mémoires aujourd'hui, surtout en voyant l'intérêt que porte la grande majorité des Québécois à l'environnement. J'espère que M. le ministre nous apportera tous les amendements qu'il a retenus de tous les mémoires, parce qu'il a promis beaucoup à bien des gens, et je crois qu'avec tous ces amendements, nous allons avoir une loi exemplaire.

Le Président (M. Laplante): Messieurs, il me reste à vous remercier de votre pleine coopération. J'ajourne les travaux de cette commission sine die. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 4)

ANNEXE A

Mémoire de la Fédération des associations

pour la protection de l'environnement des lacs

(FAPEL)

Concernant le projet de loi no 69 modifiant la loi de la qualité de l'environnement

Le 28 août 1978

l'COMMENTAIRES GÉNÉRAUX

Pour situer nos commentaires sur le projet de Loi no 69 dans leur véritable contexte, nous croyons utile de rappeler les grandes étapes qui ont mené à la Loi de la qualité de l'environnement.

À l'origine, le ministère de la Santé était seul à s'occuper des problèmes de l'environnement à partir de la Loi de l'hygiène publique. Les responsabilités, à l'époque, couvraient: -la pollution des eaux -les eaux de consommation -les déchets solides -la pollution par le bruit -la salubrité publique -l'hygiène industrielle -la pollution par la radioactivité

La protection de la santé publique était l'unique préoccupation du ministère de la Santé. La loi et les règlements ne touchaient donc que les problèmes de contamination et de nuisances. Rien sur l'écologie, rien sur la nature.

Au début des années '60, on crée la Régie d'épuration des eaux, remplacée en 1964 par la Régie des eaux du Québec. C'est l'époque de la chaise musicale alors que les responsabilités du ministère de la Santé en matière de pollution des eaux et de contrôle des eaux de consommation glissent une à une vers un nouvel organisme. Mais fondamentalement, rien de changé! La préoccupation première reste la contamination et la pollution. Rien sur l'écologie, rien sur la nature.

En 1972, le jeu de la chaise musicale se termine en faveur de "l'environnement". Toutes les responsabilités y compris celles encore sous l'autorité du ministère de la Santé — le bruit, la radioactivité, les déchets solides, etc. — sont intégrées à un nouveau cadre juridique, les Services de protection de l'environnement dotés d'une nouvelle loi, la Loi de la qualité de l'environnement. Plus moderne, mieux adaptée au contexte social, la Loi de la qualité de l'environnement n'en demeure pas moins une loi qui touche avant tout et presque exclusivement aux problèmes de pollution et de contamination. Il s'agit en quelque sorte d'une loi de l'hygiène publique indexée. Très peu de référence à l'écologie, aucune à la nature.

On constate donc que la Loi de l'hygiène publique à celle de la qualité de l'environnement, toujours en force, le législateur s'est surtout attardé à contrôler la contamination, la pollution de l'eau, de l'air et du sol. Et encore! L'une des plus dangereuses et des plus importantes sources de contamination, les pesticides, échappe totalement à son autorité.

Tous ces efforts pour enrayer la pollution et prévenir la contamination du milieu répondaient et répondent toujours aux attentes des citoyens.

Dans ce contexte, le projet de loi no 69 offre à la fois beaucoup et trop peu.

Beaucoup puisque par le biais de la section IIa concernant les audiences publiques et la section IIIa, concernant le droit à la qualité de l'environnement, il vient consacrer le rôle très important que les citoyens, groupements, comités et associations ont toujours joué dans le mouvement pour la protection de l'environnement.

Beaucoup parce qu'il consacre officiellement des droits fondamentaux et fournit aux citoyens "des mécanismes officiels " de participation. Ainsi, les québécois auront-ils un peu moins l'impression de lutter contre leur propre gouvernement pour obtenir que l'environnement soit respecté.

Beaucoup puisqu'il institutionnalise les études d'impact sur l'environnement, donnant ainsi à la Loi de l'environnement par le biais de la section IVa concernant les études d'impact, sa première tête de pont officielle dans le domaine de l'écologie.

Trop peu parce qu'il ne tient aucun compte de l'évolution des québécois depuis les années '60 dans le domaine de l'environnement. Si le mouvement d'opinion publique, issu des préoccupations des citoyens s'est attardé à défendre l'environnement contre toutes formes de pollution et de contamination, il a parallèlement et clairement manifesté un intérêt croissant pour tout ce qui touche l'écologie et la nature. On n'a qu'à lire les journaux pour constater jusqu'à quel point la dégradation de la nature est devenue une des plus importantes préoccupations des comités de citoyens.

Le projet de loi no 69 ignore presque complètement ces préoccupations. Il restreint les interventions futures au cadre actuel de la Loi de la qualité de l'environnement ou la définition du mot "environnement" est tellement lourde et confuse qu'il faudra, comme par le passé, imaginer des tours de force juridiques et linguistiques pour arriver à protéger efficacement la nature.

Le terme "environnement" et l'expression "qualité de l'environnement" à cause de leur généralité et de leur association traditionnelle et inévitable avec les problèmes de contamination ne suffisent pas à décrire la véritable vocation des Services de protection de l'environnement: protéger à la fois la qualité de l'environnement et la nature.

La destruction de l'équilibre d'un milieu naturel n'implique que rarement et encore que très vaguement le rejet d'un contaminant dans l'environnement. Il s'agit de dégradation de la nature.

Les remblais qui détruisent les rives et le lit des lacs et des cours d'eau ne sont pas, en soi, des situations de contamination. Il s'agit de dégradation de la nature.

La disparition graduelle des sites naturels d'une région à cause du développement et de la spéculation ne constitue pas une situation de "contamination". C'est une atteinte à l'intégrité de la nature.

L'inondation de territoires immenses derrière les barrages hydroélectriques n'est pas, en soi, une situation de "contamination'. Il s'agit d'un déséquilibre écologique.

La destruction de paysages naturels rongés par des gravières et des sablières n'est pas, en soi, une situation de "contamination". On parle plutôt de dégradation de la nature.

La destruction des battures de Beauport, les menaces qui pèsent sur le boisé de la Chapelle de la Réparation ne peuvent non plus être considérées comme des situations de "contamination".

Il est donc urgent que la protection de la nature soit insérée en toutes lettres dans une loi qui consacrerait au moins une section aux problèmes de la nature et c'est ce nouveau volet que nous attendions anxieusement depuis deux ans. Nous sommes d'autant plus désappointés que déjà au sein des Services de protection de l'environnement, existe une Direction générale de la nature. Le projet de loi no 69 l'oublie totalement. Avec la meilleure volonté du monde, comment peut-on espérer une action efficace et permanente de la part d'une Direction générale qui ne possède à peu près aucune assise juridique.

C'est ce qui nous justifie de dire que le Projet de loi 69 offre trop peu. Tous les avantages s'appliquent au cadre actuel de la Loi de la qualité de l'environnement. Il sera possible, par exemple,

pour des citoyens de faire valoir leur droit à un environnement non contaminé mais comment feront-ils valoir leur droit à l'intégrité de la nature?

Nous croyons donc que le projet de loi no 69 devrait retourner sur la table à dessin pour être étoffé de façon à couvrir les problèmes de l'environnement et de la nature. Il devrait répondre aux aspirations légitimes des québécois qui luttent depuis tant d'années pour la protection de leur patrimoine naturel.

Les nouveaux pouvoirs de réglementation devraient permettre d'assurer: 1)la protection des territoires fragiles tels l'encadrement forestier des lacs et des cours d'eau, les marécages et les terres humides; 2)l'intégrité du littoral des lacs et des cours d'eau; 3)la protection du couvert végétal des rives des lacs et cours d'eau; 4)le contrôle de l'érosion; 5)l'intégrité des paysages naturels; 6)la protection des arbres, des boisés, des espaces verts, des sites géologiques et autres sites naturels; 7)la protection des aires de nidifications, frayères et autres habitats naturels; 8)la protection des espèces menacées tant animales que végétales.

En résumé, le projet de loi no 69 devrait, en plus d'ouvrir un volet qui consacre la participation des citoyens, nous donner une véritable loi concernant la protection de l'environnement et de la nature en présentant une section autonome consacrée exclusivement aux problèmes de la nature et en modifiant tous les articles concernés du projet de loi et de la Loi de la qualité de l'environnement dans le même esprit.

COMMENTAIRES SPECIFIQUES

Section IIa Article 3 modifiant l'article 9 de la Loi de la qualité de l'environnement

Article 3 L'article 9 de ladite loi est modifié par le remplacement du deuxième alinéa par le suivant: "Le ministre est tenu de rendre publics les avis du Conseil".

Modification: un délai raisonnable de 30 jours devrait être spécifié pour la publication des avis du Conseil.

Section Illa Article 6 modifiant l'article 27 de la Loi de la qualité de l'environnement

Article 6 Ladite loi est modifiée par l'insertion après l'article 27 du suivant: 27a. Le Directeur peut ordonner à l'exploitant de toute carrière ou sablière déjà en exploitation de préparer et de mettre en oeuvre un plan de réaménagement du terrain selon les conditions qu'il indique.

Cette ordonnance doit être précédée de l'avis préalable prévu à l'article 25.

Modification: les exploitants de carrières ou de sablières déjà en exploitation devraient être dans l'obligation de préparer et de mettre en oeuvre un plan de réaménagement du terrain.

Section IVa Articles 31a, 31b, 31c, 31d et 31e.

31a. Nul ne peut entreprendre la réalisation d'une construction d'une industrie, d'un plan d'un programme, d'un projet ou d'une activité faisant partie d'une catégorie déterminée par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil sans préparer une étude d'impact sur l'environnement et obtenir un certificat d'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil. 31b. Celui qui a l'intention d'entreprendre la réalisation d'un projet visé à l'article 31a doit déposer un avis écrit au ministre décrivant la nature générale du projet. Le ministre indique alors à l'initiateur du projet la nature et l'étendue de l'étude d'impact que celui-ci doit préparer. Il lui indique également si cette étude d'impact doit être une étude préliminaire ou détaillée ou s'il doit préparer les deux. 31c. Après avoir reçu l'étude d'impact préliminaire ou l'étude d'impact détaillée, selon le cas, le ministre indique l'initiateur du projet d'entreprendre la consultation publique prévue par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil.

Toute personne ou municipalité peut, dans le délai prescrit par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil, demander au ministre la tenue d'une audience publique relativement à ce projet.

À moins qu'il ne juge la demande frivole, le ministre requiert le Bureau de tenir une audience publique et de lui faire rapport de ses constatations.

31d. Le ministre peut demander à l'initiateur du projet de fournir tout renseignement ou d'entreprendre toute recherche dont il estime avoir besoin afin d'évaluer complètement les conséquences sur l'environnement du projet proposé. 31e. Lorsque l'étude d'impact est jugée satisfaisante par le ministre, elle est soumise, avec la demande d'autorisation, au lieutenant-gouverneur en conseil. Ce dernier peut délivrer un certificat d'autorisation pour la réalisation du projet avec ou sans modification et aux conditions qu'il détermine ou refuser de délivrer le certificat d'autorisation. Cette décision peut être prise par tout comité de ministres dont fait partie le ministre et auquel le lieutenant-gouverneur en conseil délègue ce pouvoir.

Cette décision est communiquée à l'initiateur du projet et à ceux qui ont soumis des représentations.

Modification: l'article 31a s'applique aux constructions, industries, plan, programme, projet ou activité.

Les articles 31b, 31c et 31e ne s'appliquent, selon le texte, qu'aux projets.

Il y aurait lieu pour chacun de ces derniers articles de répéter l'énumération de l'article 31a.

Section IVa Article 31f 31f. Le lieutenant-gouverneur en conseil peut soustraire en tout ou en partie de l'obligation de préparer une étude d'impact sur l'environnement, certaines constructions, industries, plans, programmes, projets ou activités visés à l'article 31a et dont la planification, la conception ou la démarche de réalisation est commencée lors de l'entrée en vigueur du présent article.

Avis de cette décision est publié dans la Gazette officielle du Québec.

Modification: seules les activités dont la réalisation est déjà commencée devraient être soustraites à l'obligation de préparer une étude d'impact.

Section IVa Article 31h

31h. Le ministre peut soustraire à une consultation publique des renseignements ou données concernant des procédés industriels et prolonger, dans le cas d'un projet particulier, la période minimale de consultation publique prévue par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil.

Modification: la première partie de cet article concernant les procédés industriels est inacceptable. Ces pouvoirs entraîneraient autant d'abus que les pouvoirs accordés au nom de la "sécurité nationale".

Section IVa Article 33, modifiant l'article 33 de la Loi de la qualité de l'environnement

L'article 33 de ladite loi est remplacé par le suivant: 33. Nul ne peut aménager ni exploiter un terrain d'amusement, de camping, de roulottes, une colonie de vacance ou une plage publique à moins qu'ils ne soient desservis par un système d'aqueduc et un système d'égout autorisés par le Directeur selon l'article 32 ou qu'il ne détienne un permis délivré en vertu de l'article 32a ou que le Directeur n'ait autorisé, selon les modalités déterminées par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil un autre mode d'alimentation en eau et d'évacuation des eaux usées.

Modification: l'énumération du début de l'article est trop restrictive. Il faut ajouter les hôtels, motels, centres de plein air ou autres établissements publics.

À "système d'égout" il faut ajouter ... et d'épuration ... autorisés par le Directeur.

Section IVa Article 26 modifiant l'article 86 de la Loi de la qualité de l'environnement

26. L'article 86 de ladite loi est remplacé par le suivant: 36. Sans restreindre les pouvoirs du ministre et du Directeur à cet égard, il est du devoir des municipalités d'exécuter et de faire exécuter tout règlement du lieu-

tenant-gouverneur en conseil adopté en vertu de la présente loi qui édicte que tel règlement ou certains articles de ce règlement sont appliqués par toutes les municipalités, par une certaine catégorie de municipalités ou par une ou plusieurs municipalités, sauf si un règlement municipal portant sur les matières visées dans les règlements susmentionnés a été approuvé conformément à l'article 124. Aucun permis de construction, de réparation ou d'agrandissement ne peut être émis par une municipalité si le projet de construction, de réparation ou d'agrandissement n'est pas en tous points conforme à tels règlements.

Modification: selon le nouvel article 86, les règlements provinciaux priment sur les règlements municipaux à moins que ces derniers aient été préalablement approuvés par le ministre.

Pour éviter que dans l'avenir des municipalités conservent des règlements "préalablement approuvés par le ministre " mais dont les dispositions seraient moins sévères que celles du règlement provincial, il y aurait lieu de modifier l'article 86 comme suit:

Sans restreindre les pouvoirs du ministre et du directeur... sauf si un règlement municipal portant sur les matières visées dans les règlements susmentionnés a été approuvé conformément à l'article 124 et à condition que ledit règlement ne possède pas de dispositions qui soient moins sévères que celles du règlement provincial.

Section IVa Article 27 modifiant l'article 87 de la Loi de la qualité de l'environnement 27. L'article 87 de ladite loi est modifié par le remplacement du paragraphe c par le suivant: c) pour réglementer, à l'égard de l'ensemble ou de toute partie du territoire du Québec, la construction, l'utilisation des matériaux, la localisation, la relocalisation et l'entretien des installations septiques et des lieux d'aisance individuels et communs, des égouts privés, drains et puisards et autres installations destinées à recevoir ou éliminer les eaux usées, pour interdire la construction de certaines catégories de bâtiments si la superficie de terrain ne permet pas de respecter les normes établies ou si le bâtiment n'est pas desservi par certaines catégories de systèmes d'évacuation et de traitement des eaux usées et pour prohiber les équipements non conformes.

Modification: Le début de l'article devrait se lire comme suit: pour réglementer ou prohiber, à l'égard de l'ensemble ou de toute partie du territoire, etc., le pouvoir de prohiber permettra de préserver les secteurs, projets, de la dégradation.

Cet article interdit la construction de certaines catégories de bâtiments si la superficie de terrain ne permet pas de respecter les normes établies... La superficie n'est qu'une des contraintes. La nature du sol, la topographie, le niveau du roc, des eaux souterraines ou de toute couche imperméable sont des facteurs aussi contraignants. Il vaudrait donc mieux lire "pour interdire la construction de certaines catégories de bâtiments si le terrain ne permet pas de respecter les normes établies..."

Section IVa Article 109b 109b. Dans la détermination du montant de l'amende, le tribunal tient compte notamment, dans l'ordre suivant: a)de tout préjudice physique, psychologique ou esthétique subi par des êtres humains, la faune, la flore et la vie biologique par suite de l'infraction: b)de tout danger créé pour la santé humaine par l'infraction; c)de toute altération temporaire ou permanente de la qualité de l'environnement causée par l'infraction; d)des revenus que le contrevenant a retirés de la commission de l'infraction;

Modification: "de tout danger créé pour la santé humaine " devrait être changé pour comprendre les dangers pour la faune et la flore.

ANNEXE B

Mémoire sur le projet de Loi 69 (Loi modifiant la Loi de la qualité de l'environnement)

Présenté à la Commission Parlementaire chargée de l'étude du projet de Loi 69

par le Conseil Régional de l'Environnement de l'Est du Québec

Rimouski, août 1978

Introduction

En présentant le projet de loi 69, le présent gouvernement a fait un pas en avant vers une reconnaissance du besoin de protéger l'environnement. Les modifications qui sont contenues dans ce projet de loi représentent à bien des égards, la mise à jour d'une loi qui était, sous bien des angles, difficile d'application et ne donnait pas suffisamment de recours contre les agresseurs de notre environnement.

Suite à cet important projet de loi, le Conseil Régional de l'Environnement de l'Est du Québec, en se basant sur l'expérience qu'il a acquise depuis sa fondation et sur les problèmes qui lui semblent éminents dans l'avenir, a tenu à exprimer ses commentaires par le dépôt de ce mémoire.

Voici donc ce que pense de ce projet de loi, un organisme qui représente les intérêts du Bas St-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.

1. Le Bureau d'Audiences Publiques.

Notre organisme se réjouit au départ de la création de ce Bureau qui, face aux problèmes qui ont surgi au Québec depuis plusieurs années, répond à un besoin et pourra apporter d'excellents correctifs à bien des points de vue.

Mais il est évident que devant les responsabilités qui seront confiées à ce Bureau, il devra jouir d'une plus grande autonomie. À bien des égards, le Bureau est dépendant de la décision du Ministre. Par exemple, dans le choix des requêtes soumises par les citoyens. Dans le projet de loi 69, c'est le ministre qui choisit les requêtes qui doivent être soumises au Bureau pour enquête ou audience publique. Nous croyons que le Bureau devrait avoir le droit de faire lui-même la sélection des requêtes provenant des citoyens. Il devrait avoir la possibilité et les ressources nécessaires pour effectuer cette sélection. Ce Bureau étant moins préoccupé que le ministre par des questions politiques, son intérêt premier sera donc le point de vue environnemental et il pourra ainsi choisir en toute objectivité quelles requêtes justifient une enquête ou une audience publique.

Le Bureau ne doit pas non plus n'être qu'un auditeur face aux problèmes qu'il aura à traiter. Il est illogique de confier à un tel organisme des enquêtes et des audiences publiques, sans que celui-ci puisse donner son opinion au ministre et faire des recommandations sur la décision qui sera prise.

Dans le présent projet de loi, le Bureau ne fait que des constatations au ministre (réf.: 6.c)

Nous pensons qu'investir des ressources importantes dans un organisme qui n'a pour rôle que de faire des "constatations ", serait inutile. Ce Bureau sera sans doute l'organisme qui sera le plus habilité à conseiller le ministre et à orienter sa décision, suite à un problème soumis. Il devrait à cet effet, quand l'enquête ou les audiences sont terminés, présenter au ministre, une analyse de la situation, des commentaires et ses recommandations en vue de la décision finale.

2. Droit du public à l'information

Un des points le plus important qui tient à coeur du CREEQ dans cet important projet de loi, c'est le droit du public à l'information.

Tous les articles de ce document touchent directement la qualité de la vie de chaque citoyen du Québec. À ce titre, la population doit savoir tout ce qui la concerne elle, sa région et sa province.

Dans bien des cas, c'est la population qui aura à donner son avis par le biais de consultations ou d'audiences; c'est précisément pour cette raison qu'elle doit avoir le plus d'informations disponibles pour être le bon juge.

À cet effet, toute demande de permis pour un projet, toute ordonnance et toute décision prise par le ministre ou le Bureau, doivent être rendues publiques non seulement dans la "Gazette officielle" mais dans tous les quotidiens écrits de la Province et dans au moins un hebdomadaire de la région d'où relève le problème. De plus, tous les documents relatifs aux études d'impacts faits par les promoteurs du projet ainsi que les résultats d'enquête ou d'audience faits par le Bureau, devraient être disponibles dans la population par le biais des bureaux locaux des S.P.E. et/ou par le secrétariat des municipalités.

En concordance avec le paragraphe précédent, "information" doit être synonyme de "consultation". Par consultation, on entend présentation et explication dans la population de tous les aspects que comporte un projet d'envergure. Face à l'importance des projets qui vont être soumis à l'attention du public, il semble très pertinent qu'une consultation soit faite après l'étude d'impact préliminaire et après l'étude détaillée, et que cette consultation soit régie par des règlements de l'Assemblée nationale, afin d'obliger les promoteurs de projet à faire des consultations qui soient valables et non des campagnes de publicité en faveur d'un projet.

3. Droit de tout citoyen à la qualité de l'environnement

Le projet de loi 69 fait un sérieux pas en avant au sujet de la possibilité d'intervention qu'a chaque citoyen de protéger son environnement. La population dispose d'outils nouveaux pour jouer plus efficacement son rôle de protecteur de l'environnement.

Ce qui cependant nous semble diluer quelque peu cette partie du projet de loi, ce sont les complications inutiles qui y sont assujetties. Comme par exemple, le fait de ne pas pouvoir passer directement sa requête au Bureau d'audience publique ou au Conseil consultatif.

Le citoyen ordinaire n'a pas l'habitude des procédures compliquées, des attentes nébuleuses et des requêtes qui jouent au kangourou d'un bureau à l'autre. Ce qu'il veut, c'est formuler sa plainte à un seul bureau où il puisse communiquer pour savoir le suivi de son dossier. Le Bureau d'audiences publique et le Conseil (consultatif de l'environnement) doivent être perçus dans la population comme des outils qui lui sont privilégiés, accessibles et disponibles, et non pas comme un organisme bureaucratique et souffrant de "structurites".

Ces nouveaux moyens que l'on veut mettre à la disposition des Québécois devraient être à l'image d'un ombudsman à l'intérieur du Ministère de l'Environnement et du Gouvernement; un lieu direct et efficace entre la population et les instances gouvernementales.

Dans un autre ordre d'idées, bien des projets qui ne sont pas considérés comme étant d'envergure, peuvent créer autant d'impacts négatifs dans un environnement donné que des projets majeurs. Par exemple, les constructions qui créent un impact visuel ou inesthétique; affiches le long des routes touristiques, constructions hôtellières ou autres qui empêchent les autochtones de voir le paysage. Il y a aussi la destruction ou la non protection des espaces verts en milieu urbain. Beaucoup d'autres exemples peuvent ici se greffer pour prouver cette affirmation.

Dans ces cas précis, quels sont les recours du citoyen? Il ne faut pas ici faire l'erreur de surveiller que les cas majeurs et de laisser tomber les cas comme ceux précités, car de leur nombre, ils sont aussi importants que les grands projets.

Il faut à cet effet, prévoir des mécanismes et donner la possibilité au Bureau ou au Conseil de pouvoir étudier un certain nombre de ces requêtes.

4. Souplesse de la loi pour s'adapter au changement

Comme on a pu s'en rendre compte ici, une loi devient souvent désuète au cours des années parce qu'elle n'a su s'adapter aux situations nouvelles qui sont survenues.

Le projet de loi 69 dit que toute personne peut intervenir pour protéger son environnement, mais selon l'article 19a: "Dans la mesure prévue par la présente loi et les règlements"; il y a donc là un sens nettement restrictif; la loi et les règlements ne peuvent prévoir que le prévisible et non l'imprévisible.

Le Conseil régional pense qu'il y a lieu d'ajouter un deuxième alinéa qui irait dans le sens suivant: si des cas particuliers se présentent, et qu'ils débordent la présente loi et ses règlements, ce qui doit guider ceux qui auront à prendre des décisions, doit être: la santé publique, la protection de l'environnement et le droit de tout citoyen à la qualité de la vie. De cette façon, les questions pécuniaires, de création d'emploi ou autres ne seront pas considérées en premier lieu et le tout respectera l'esprit général de la loi.

5. Modification du mode de procédure lors d'une demande de permis

La façon de procéder pour autoriser un projet de construction, tel que proposé par le projet de loi 69, ne nous semble pas assez exigeante, compte tenu de l'envergure de projets qui vont être traités.

Nous proposons à cet effet, que l'article 31.b soit modifié afin de permettre que chaque étape précédant l'émission du permis de construction soit connue non pas seulement par le ministre, mais par la population en général.

Dans un premier temps, la population doit savoir la nature générale du projet, prendre connaissance de l'étude d'impact préliminaire faite par l'initiateur du projet ainsi que le plan général de ce qui va être analysé lors de l'étude d'impact détaillée. Cette information devrait être obligatoirement suivie d'une consultation où la population pourrait donner son avis sur cette première étape.

Après cette démarche faite et acceptée par la population et le ministre, l'étude d'impact détaillée devra être faite conformément au plan préalablement accepté. Cette étape devra être elle aussi suivie d'une consultation populaire.

Les requêtes d'audience devraient être acceptées autant pour la première étape que pour la seconde.

Ainsi, la population aura le loisir de diriger les études d'impact en accord avec ses besoins et à sa satisfaction.

Il est aussi important de rappeler que l'initiateur du projet devrait présenter à la population les devis (ou plans) de l'étude d'impact détaillée, afin que celle-ci puisse donner son avis sur le genre d'étude qui sera entreprise et pourra voir à ce que tous les aspects qu'elle juge importants, soient bel et bien étudiés.

6. Éviter les articles donnant lieu à de l'interprétation

Une loi se doit d'être la plus précise possible afin d'éviter qu'un individu ou un organisme puisse s'y soustraire "légalement".

Dans le projet de loi qui nous concerne, nous pensons que plusieurs articles devraient être plus précis afin d'éviter toute ambiguïté.

Par exemple, les articles 31.f et 118.c peuvent être interprétés de différentes façons et peuvent donner libre cours à un jeu d'influence.

Dans l'article 31.f, on parle de soustraire certains projets à l'obligation de présenter une étude d'impact si l'un des trois points suivants a déjà été commencé: la planification, la conception ou la démarche de réalisation. Nous sommes tous conscients que les compagnies d'envergure planifient leur expansion sur des périodes qui peuvent aller jusqu'à 25 ans et que concevoir un projet ne signifie pas le réaliser; on peut commencer à réaliser un projet en disant qu'il a été conçu il y a cinquante ans. Il y a donc dans cet article, un moyen évident de contourner la loi.

L'article 118.c donne le pouvoir au Conseil des ministres de soustraire certaines municipalités à l'application de quelques articles de la présente loi, à la condition que les municipalités aient conclu des ententes avec le ministre. Il est facile de voir ici que les corps municipaux les plus influents vont user de toute leur énergie pour se soustraire à certains règlements qui comporteraient des dépenses importantes.

Nous croyons qu'il faut que tous les articles prévus dans le projet 69 soient appliqués sans réserve et sans possibilité de conclure des petits accords officieux. De plus, cette loi doit être appliquée envers tous ceux qui par leurs actions détériorent la qualité de la vie à laquelle chaque citoyen du Québec a droit.

Donc, ces deux articles en particulier devraient être sinon enlevés, du moins rectifiés, de façon à les rendre moins susceptibles d'être interprétés.

7. Les outils institutionnels

La création du Bureau d'audiences publiques est un élément important dans ce projet de loi, mais c'est en réalité le seul organisme nouveau. Il est évident que le gouvernement du Québec ne possède pas actuellement les outils institutionnels adéquats pour mener efficacement une politique sur l'environnement.

Face au manque de ressources et de personnel qualifié dans les bureaux régionaux des S.P.E. et face au manque d'organismes d'information sur l'environnement dans toutes les régions, nous proposons deux éléments qui, selon nous, auraient du faire partie du présent projet de loi, c'est-à-dire la création du ministère de l'environnement et des conseils régionaux de l'environnement.

Depuis bientôt deux ans que l'on nous promet la création d'un ministère de l'environnement et rien n'est encore fait. Nous sommes très déçus de ne pas retrouver dans le présent projet de loi, un article créant officiellement le ministère. Devant l'importance et l'urgence que prennent les questions environnementales à travers le monde, il est inexplicable que le Québec ne se soit pas encore doté d'outils institutionnels valables en matière d'environnement. Nous sommes déjà très en retard sur plusieurs pays industrialisés en ce qui regarde la protection de notre environnement et tant que le ministère de l'environnement ne sera pas créé, nous contribuons à accentuer ce retard. Il faut donner à l'environnement l'importance et les outils qu'il a besoin pour protéger efficacement notre milieu de vie québécois.

En deuxième lieu, nous proposons la mise sur pied de conseils régionaux de l'environnement dans toutes les régions administratives du Québec. Devant les changements qui se produisent et qui se produiront sans doute de façon plus dense au Québec en terme de loi et de mesure sur l'environnement, il faut prévoir des organismes d'information et d'éducation le plus près possible de chaque citoyen. Il est inutile de penser vouloir atteindre un but de conscientisation populaire à la protection de l'environnement, si à la base un travail d'information et d'éducation n'est pas fait efficacement. Il est illogique, par exemple, de dépolluer une rivière, si les gens ne voient pas les bénéfices de cette action et s'ils ne font pas leur effort pour que ce cours d'eau une fois assaini ne redevienne pas comme avant. C'est là un rôle très important qu'auraient à jouer les conseils dans chacune de leur région.

Les programmes nationaux n'ont de valeur et d'effet que s'ils sont expliqués à la base. Quelles que soient les mesures ou les techniques qui sont prises à Québec ou à Montréal pour informer les régions

éloignées, il existe toujours le problème de niveau de discussion qui n'est pas le même d'une région à l'autre et d'interprétation de l'information selon les régions. Chaque région est différente l'une de l'autre au Québec et pour cette raison, on doit prévoir des mécanismes qui soient adaptés à chacune de ces régions en matière d'environnement.

D'après notre expérience dans l'Est du Québec, les CRE (Conseils régionaux de l'environnement) ont un rôle très important à jouer qui se situe entre le côté pratique des S.P.E. régionaux et le côté politique et institutionnalisé du futur ministère de l'environnement.

Face à d'autre conseils régionaux qui ont pour mission de développer le loisir ou la culture, nous croyons que l'environnement a besoin autant sinon davantage que ces secteurs, d'être décentralisé.

Nous demandons donc que soient entreprises immédiatement les procédures afin que le Québec se dote d'outils institutionnels adéquats pour mettre sur pied une véritable politique de l'environnement à long terme.

Conclusion

On peut dire en conclusion, que toutes les bonnes intentions exprimées dans ce projet de loi doivent être basées sur le besoin d'information et la nécessaire participation des citoyens du Québec.

Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement doit mettre en place des mécanismes accessibles et efficaces dans les mains de la population et se doter d'outils de réalisation adéquats pour assurer une politique sur l'environnement à long terme et non pas une politique revisible à tous les quatre ans.

ANNEXE C

Mémoire à la Commission parlementaire de la protection de l'Environnement sur la Loi modifiant la Loi de la qualité de l'environnement. (P.L. no 69)

par Lorne Giroux, avocat Professeur agrégé, Faculté de Droit, Université Laval.

Introduction

Le présent mémoire porte sur deux aspects principaux du Projet de Loi 69: le régime de participation des citoyens qu'il préconise et le régime d'études d'impact sur l'environnement dont il prévoit l'établissement.

l'La participation des citoyens

A) Le rôle du Conseil consultatif de l'Environnement

Les nouveaux articles 7 et 8 édictés par l'article 2 du Projet de Loi marquent, à notre avis, un net recul sur les dispositions actuelles. En effet, elles ont pour effet de mettre le Conseil sous la tutelle directe du ministre responsable et de lui enlever toute initiative d'entreprendre de lui-même une étude sur un sujet donné. Si ces articles sont adoptés, le ministre pourrait museler le Conseil et même lui enlever tout rôle actif en ne lui demandant des avis que sur les questions qu'il aurait lui-même déterminées.

Enlever tout pouvoir d'étude et d'initiative au Conseil c'est lui enlever tout le dynamisme de la crédibilité acquise jusqu'à ce jour.

Bien plus, la formulation actuelle de l'alinéa 3 de l'article 8, tel que proposé, aurait pour effet de forcer le Conseil à demander au ministre une autorisation avant de recevoir les requêtes et les suggestions des citoyens! Rien ne justifie l'octroi d'un tel pouvoir à un seul ministre car il a pour effet de lui permettre de tuer toute participation directe des citoyens, ce qui va à l'encontre des objectifs que le ministre a lui-même déclarés vouloir poursuivre.

Le Conseil consultatif a acquis une grande réputation et une grande crédibilité justement parce qu'il a pu entreprendre des études à la demande même des citoyens préoccupés par les problèmes de l'environnement. Le Conseil appartient à l'ensemble des citoyens, il ne doit pas devenir l'affaire exclusive d'un ministre tel que le veut le Projet de Loi 69.

Sur un plan plus juridique, l'obligation faite au ministre de rendre publics les avis du Conseil devrait être assortie d'un délai pour éviter que ne se répète la situation déjà vue où un juge de la Cour supérieure a refusé une demande d'injonction pour le motif qu'il n'appartenait pas à la Cour d'intervenir dans l'exercice de la discrétion du ministre quant au délai de publication.

B) Le recours des citoyens selon les articles 19a et suivants

Les articles 19a et suivants visent à donner aux citoyens l'accès direct aux tribunaux pour assurer la protection de l'environnement. Cette initiative est louable mais elle a le défaut d'être une mesure ex post facto qui n'intervient qu'une fois le dommage causé. De plus, elle oblige les citoyens à assumer les frais et les délais d'un recours judiciaire.

Il nous apparaît qu'il aurait été plus efficace et plus utile de faciliter plutôt la participation des citoyens avant que l'atteinte à l'environnement n'ait été causée. En effet, lorsque le Directeur est saisi d'une demande d'autorisation en vertu de l'article 22, la Loi de la qualité de l'environnement n'exige aucune mesure de publicité de telle sorte que le public et les opposants éventuels n'en auront connaissance qu'une fois l'autorisation accordée. Dans d'autres législations du même type, en particulier en Colombie-Britannique, l'affichage d'un avis approprié sur le site qui fait l'objet de la demande ainsi que sa publication dans la Gazette Officielle et dans un journal local sont exigés. Les objections doivent être prises en considération et l'organisme qui les reçoit peut même tenir une audition. Au Québec, même si des tiers peuvent avoir connaissance d'une demande de certificat d'autorisation, la loi ne prévoit aucun droit pour les opposants d'être entendus par le Directeur.

À notre avis, le législateur devrait faciliter l'accès des citoyens au début du processus décisionnel avant de leur permettre d'engager un débat judiciaire une fois le dommage causé.

De plus, même dans le cas des articles 19a) et 19b), le droit à la qualité de l'environnement n'existe que "dans la mesure prévue par la présente loi et les règlements". En conséquence, puisqu'il n'y a aucune publicité ni registre officiel des demandes et des certificats d'autorisation émis selon la Loi, plusieurs des recours intentés en vertu de cet article risquent d'être rejetés occasionnant par le fait même des déboursés inutiles au requérant. Pour éviter cette situation, la Loi devrait faire obligation à celui qui demande un certificat d'autorisation d'afficher une copie de la demande sur le site qui en fait l'objet et elle devrait de plus prévoir l'établissement d'un registre public de toutes les décisions du Directeur dans l'exerice des compétences que la loi lui confère.

C) Le nouvel article 100

Le nouvel article 100 tel qu'amendé par l'article 29 du Projet de Loi permet à toute personne ou à toute municipalité d'intervenir devant la commission municipale dans le cas d'un appel interjeté en vertu de l'article 96. Il s'agit d'une amélioration par rapport à la situation actuelle puisque cet article modifie la politique actuelle de la Commission municipale qui refuse d'entendre qui que ce soit d'autre que les parties qui étaient devant le Directeur.

Cependant, la portée de cette disposition reste réduite puisque seul celui qui est visé par une ordonnance du Directeur peut porter sa décision en appel pour la faire casser ou modifier. Il n'y a pas de droit d'appel dans le cas où, le Directeur ayant émis le certificat d'autorisation, un tiers ou un membre du public désirerait le faire casser ou modifier.

De plus, comment le citoyen pourra-t-il intervenir devant la Commission s'il ne sait pas qu'une demande de certificat d'autorisation a été fait et encore moins qu'un appel a été logé auprès de la Commission? C'est pourquoi, pour rendre l'article 100 efficace, le Projet de Loi no 69 devrait prévoir des mesures de publicité des demandes de certificat, des décisions du Directeur et des requêtes d'appel de l'article 98.

Il Les études d'impact sur l'environnement.

Les articles 31a à 31 i de la Loi de la qualité de L'environnement ajoutés par l'article 9 du Projet de Loi 69 prévoient l'établissement d'une procédure d'étude d'impact sur l'environnement pouvant être requise pour les activités et projets faisant partie d'une catégorie déterminée par règlement du lieutenant gouverneur en conseil.

En réalité, ces articles ne font que prévoir le cadre général de cette procédure puisqu'ils laissent la détermination de toutes les questions importantes entre les mains du gouvernement par l'exercice du pouvoir réglementaire.

Il nous apparaît, quant à nous, que les questions les plus importantes devraient être déterminées par le législateur lui-même et ne devraient pas être reléguées au pouvoir réglementaire de l'exécutif.

En particulier, la loi elle-même devrait préciser à tout le moins les activités gouvernementales pour lesquelles une étude d'impact est requise afin d'éviter que le gouvernement ne paraisse se soustraire lui-même à une procédure qu'il impose au secteur privé. Ainsi par exemple, l'article 7 alinéa 2 de l'actuel Règlement général relatif à l'administration de la Loi de la qualité de l'environnement (1975) G.O.Q., Partie 2, Vol. 107, p. 4801) exige qu'une étude d'impact accompagne une demande de certificat lorsqu'il s'agit de projets de construction de lignes de transport d'énergie électrique d'une tension de plus de 315Kv, de chemins de fer, d'oléoduc ou de gazoduc alors qu'une telle étude n'est pas requise pour les projets de route à quatre voies ou plus, même si ces projets de route nécessitent l'obtention d'un certificat selon l'article 22. La nécessité d'une détermination législative apparaît encore plus évidente si l'on réalise que l'approbation d'une activité par le gouvernement, suite à la procédure d'impact, prive les

citoyens du recours accordé à l'article 19b, sauf s'il s'agit d'une activité non conforme au certificat d'autorisation accordé.

Il en est de même pour la procédure. La loi elle-même devrait déterminer le contenu d'une étude d'impact ainsi que les grandes étapes de la procédure. À notre avis, il ne devrait pas appartenir au ministre d'indiquer à l'initiateur du projet d'entreprendre la consultation publique prévue par règlement comme le veut l'article 31c. Une fois qu'il a été décidé qu'un projet est susceptible d'avoir sur l'environnement un impact tel qu'une étude préalable est requise, la procédure de publication d'avis, la teneur des avis, le délai pour permettre aux personnes et aux municipalités de faire des représentations et l'audience publique devraient être prévus par le législateur lui-même et rendus statutairement obligatoires.

La formulation actuelle de l'article 31c qui permet au ministre de requérir une audience publique "à moins qu'il ne juge la demande frivole" est malheureuse à cet égard. D'une part, elle laisse planer un doute sérieux sur la confiance que le législateur accorde à la participation des citoyens et d'autre part, elle pourrait placer le ministre lui-même dans une position inconfortable advenant le cas où cette discrétion absolue était exercée pour l'étude d'un projet émanant du gouvernement ou de l'un de ses mandataires. Enfin pour les motifs déjà exposés au paragraphe précédent, il nous semble qu'il serait de meilleure politique de rendre les auditions publiques obligatoires dans tous les cas plutôt que de donner une discrétion absolue à un ministre pour décider dans chaque cas individuel.

Les audiences publiques pouvant être tenues dans le cadre de la procédure d'étude d'impact le sont par un organisme, le "Bureau d'audiences publiques sur l'environnement" créé spécialement à cette fin.

On remarque, qu'en plus des fonctions du bureau dans le cadre d'une procédure d'étude d'impact, celui-ci peut enquêter sur toute question que lui soumet le ministre et lui faire rapport. Il doit, de plus, tenir des audiences publiques lorsque le ministre le requiert. (art. 6c ajoute par l'article 1 du Projet de loi 69). L'article 6c permet un dédoublement des fonctions du Bureau. Dans le cadre de l'article 6c il ne peut jamais enquêter, ni encore moins tenir des audiences publiques de sa propre initiative ou à la requête de citoyens.

À notre avis, le dédoublement de fonctions du Bureau selon les articles 6c et 31c devrait être évité. Le rôle du Bureau devrait être limité aux audiences tenues dans le cadre d'une procédure d'étude d'impact, ceci afin d'éviter que le Bureau ne soit saisi, dans le cadre de l'article 31c, d'une question pour laquelle le ministre aurait déjà demandé un avis selon l'article 6c. Si, comme nous le recommandons plus haut, le Conseil consultatif conserve son rôle actuel, l'article 6c devient inutile.

De plus, le Projet de Loi no 69 ne précise pas si les membres du Bureau sont à plein temps. En conséquence, il est possible que certains des membres du Bureau soient des employés ou des cadres à l'emploi du gouvernement ou ses mandataires ou d'anciens cadres. Pour éviter que les membres du Bureau qui sont des fonctionnaires ou d'anciens fonctionnaires n'aient à conduire des audiences publiques sur des projets émanant du secteur public, le Projet de Loi no 69 devrait spécifier de façon précise que, dans le cas de projets soumis par le gouvernement ou un de ses mandataires, aucun membre du Bureau qui est un officier ou employé du gouvernement ou d'un de ses mandataires ou qui l'a été dans les 5 années précédant la date de la demande ne peut tenir une audience publique sur un tel projet.

Enfin, si le législateur estime que la détermination des projets et activités pour lesquelles une étude d'impact est requise ainsi que la procédure doivent être laissées au pouvoir réglementaire de l'exécutif, l'importance des décisions en cause et la nécessité pour le gouvernement de dissiper tout doute quant à sa position ambiguë de juge et partie requièrent, à notre avis, l'obligation pour le gouvernement de soumettre tout projet de règlement adopté en vertu des articles 31f et 31i à la discussion publique en commission parlementaire. août 1978

Lome Giroux avocat

ANNEXE D

Commentaires sur le projet d'amendements à la Loi de la Qualité de l'Environnement

(Projet de loi 69)

soumis à la Commission parlementaire chargée de l'étude du projet de Loi 69

par le Conseil consultatif de l'Environnement

Commission parlementaire de la protection de l'Environnement

Monsieur le président,

Le Conseil consultatif de l'environnement a été créé en décembre 1972 en vertu de la section III de la Loi de la qualité de l'environnement, laquelle est l'objet d'amendements par le présent projet référé à la Commission parlementaire.

Conformément à la Loi, le Conseil doit normalement adresser ses avis au ministre délégué à l'Environnement. Tenant compte de l'importance de ce projet de loi pour le Conseil, le ministre délégué à l'Environnement nous a autorisé à présenter directement à la Commission parlementaire notre position sur le sujet. Le Conseil lui en est des plus reconnaissants et le remercie d'avoir accepté notre intervention directe à cette Commission.

Le Conseil est constitué de dix membres non fonctionnaires et d'un président à plein temps tous nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Il représente dans une certaine mesure une certaine opinion de la population.

À titre de président du Conseil, j'ai donc l'honneur de vous présenter notre réflexion sur le projet de loi 69 en espérant que nos commentaires permettront au législateur d'améliorer la Loi de la qualité de l'environnement pour assurer une meilleure qualité du milieu de vie et la préservation des ressources biosphériques nécessaires à la protection et à la survie des organismes vivants.

En vous remerciant de l'intérêt que vous porterez à notre mémoire, je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de mes sentiments distingués.

Le Président, P. Réal L'Heureux Québec, le 29 août 1978

Chapitre 1

Commentaires généraux sur le projet de loi 69 (Projet de Loi modifiant la Loi de la Qualité de l'Environnement)

1. Introduction

Le présent projet de loi représente à plusieurs points de vue des modifications importantes à la loi actuelle de la qualité de l'environnement. Nous n'avons qu'à penser aux sections traitant du "Bureau des audiences publiques sur l'environnement", à celle sur le "Droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes" et à celle sur les "Évaluations environnementales " pour en être vite convaincus.

Devant l'importance de telles modifications, le Conseil a tenu à présenter ses commentaires à la commission parlementaire chargée d'étudier ce projet de loi et au ministre délégué à l'Environnement.

Le document du Conseil est divisé en deux parties. La première comprend les chapitres 1 à 6 inclusivement. Il s'agit d'une réflexion sur les points les plus importants dégagés lors de l'analyse du projet d'amendements à la loi. Ainsi, le Conseil s'attache à l'intervention directe de la population dans le processus de participation du public, à la nécessité d'un processus d'évaluation des impacts conforme avec les objectifs qu'il est important d'atteindre pour la société, à l'approche légaliste de la loi, à la flexibilité des normes et à des propositions d'amendements non prévus.

Pour sa part, la deuxième partie constituée des annexes 1 et 2 comprend respectivement des commentaires spécifiques et des propositions d'amendements sur les points qui ont retenu l'attention du Conseil dans ce projet de loi et sur des propositions d'amendements du Conseil non contenues dans le projet de loi 69.

Chapitre 2

2. Participation des citoyens

2.1 Intervention directe des citoyens

Le Conseil constate avec satisfaction que le projet de loi 69 consacre davantage le droit du public à participer au maintien de la qualité de son environnement que ne le faisait l'actuelle Loi de la qualité de l'environnement. La section sur "le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement" et celle sur le droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes " en sont des exemples et constituent des moyens nouveaux et importants mis à la disposition des citoyens.

Par ailleurs, le Conseil remarque que la participation du public serait assujettie à la discrétion du ministre en ce qui a trait aux requêtes et suggestions des citoyens. De l'avis du Conseil, cela constitue une certaine faiblesse qu'il faudrait voir à corriger.

L'expérience acquise par le Conseil depuis cinq ans démontre que le public apprécie et souhaite grandement cette possibilité d'en appeler directement à un organisme dont le mandat est d'enquêter et de présenter des avis et des recommandations au ministre.

En conséquence, le Conseil souhaite et recommande que la population puisse, si elle le désire, intervenir directement tant auprès du Bureau d'audiences publiques que du Conseil consultatif de l'environnement pour soumettre ses requêtes et ses suggestions. Cette proposition, nous tenons à le signaler, n'implique nullement qu'un citoyen ne pourrait pas adresser sa requête au ministre si tel était son désir.

2.2 Délimitation des champs d'intervention du Bureau et du Conseil

Le Conseil juge très important de bien délimiter le champ des activités du Conseil consultatif de l'environnement de celui du Bureau des audiences publiques. En effet, le projet de loi actuel laisse supposer que ces deux organismes pourraient, dans certains cas, exercer les mêmes fonctions.

Une telle situation ne serait ni saine, ni souhaitable. Il importe donc, de l'avis du Conseil, que des modifications soient apportées au projet de loi 69 afin de mieux définir les responsabilités du Bureau par rapport à celles du Conseil. C'est ainsi que le Conseil croit, étant donné les rôles respectifs de ces deux organismes, que le Bureau devrait se pencher uniquement sur des dossiers de nature opérationnelle, notamment sur ceux qui font l'objet d'autorisation gouvernementale ou de permis. Quant au Conseil, il pourrait se voir confier les autres types de dossiers (domaine prospectif, législation et réglementation, aspects ne faisant pas l'objet d'une autorisation gouvernementale). Le Conseil souhaite par conséquent que le texte final du projet de loi puisse contenir de telles précisions.

2.3 Droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes

Le conseil est satisfait que la proposition du ministre confirmera le droit du citoyen québécois d'intervenir par injonction pour s'assurer que la loi, ses règlements et les autorisations gouvernementales émises seront respectés.

Il s'agit certes d'un bon pas dans la voie du droit des citoyens à une meilleure qualité de son environnement laquelle implique un milieu sain et écologiquement équilibré.

En ce qui concerne la proposition du droit à la sauvegarde des espèces vivantes, le Conseil se trouve en situation de dilemme. En effet, le Conseil est tout à fait d'accord pour que l'on protège et préserve les espèces vivantes animales et végétales mais il a l'impression que la Loi de la qualité de l'environnement ne prévoit pas la compétence directe du ministre sur les espèces vivantes comme telles. L'opinion du Conseil s'appuie sur la définition légale du mot "environnement", laquelle réfère davantage au milieu physique (eau, air, sol, milieu ambiant) qu'au milieu biologique.

Considérant l'importance de protéger et de sauvegarder les espèces vivantes;

Considérant que plusieurs ministères ont des responsabilités en cette matière;

Considérant que certaines espèces vivantes animales et végétales ne sont pas protégées présentement et que certaines autres le sont surtout en vue d'assurer une exploitation de la ressource faunique et végétale;

Le Conseil est d'avis que cette question devrait faire l'objet d'une analyse interministérielle appropriée afin d'identifier les lacunes et d'établir les responsabilités de chacun.

En attendant le résultat d'une telle étude, le Conseil propose de s'en tenir pour le moment au droit de recours des citoyens pour protéger la qualité de l'environnement nécessaire à la santé et au bien-être de l'homme et à la sauvegarde des autres espèces vivantes.

Chapitre 3

3. Analyse et évaluation des impacts environnementaux

3.1 Objectifs de la nouvelle législation

Cette section du projet de loi revêt, selon le Conseil, un très grand intérêt. En effet, elle va permettre d'exercer, à l'égard de l'environnement, une "médecine préventive ". L'application de cette nouvelle section de la loi aidera grandement à éviter bien des atteintes inutiles à la qualité de notre milieu de vie ainsi qu'à minimiser les correctifs après coup, lesquels s'avèrent souvent très coûteux. En obligeant l'initiateur de grands projets à soumettre à l'avance une étude évaluant les répercussions de son projet, il sera alors possible aux autorités gouvernementales d'exercer un meilleur contrôle du développement en respect avec le maintien de la qualité de l'environnement.

3.2 Lacunes de cette section du projet de loi

Cependant, le Conseil ne pense pas que le projet de loi, tel qu'actuellement rédigé, permet d'atteindre adéquatement les objectifs normalement reliés au processus des études d'impact (choix de sites, minimisation des impacts au site choisi, participation de la population). En effet, la procédure d'évaluation des impacts, telle que proposée, comporte des faiblesses importantes: rôle discrétionnaire du ministre, possibilité d'escamoter le processus d'évaluation des impacts et de participation de la population en permettant un choix du type d'études d'impact à réaliser, selon les projets envisagés.

À la base de la réflexion du Conseil se trouve le principe suivant: il lui apparaît essentiel d'instituer dès le départ le meilleur processus possible d'évaluation et de révision des études d'impact. Cette position du Conseil s'appuie sur les considérations suivantes: a) Les projets, dont il est question, sont d'une telle importance que le ministre propose que la décision soit portée au niveau du lieutenant-gouverneur en conseil.

Le Conseil prend pour acquis que les projets suceptibles de faire l'objet de la procédure d'impact prévue au chapitre IVA du projet de loi 69 seront majeurs et/ou susceptibles de causer des impacts significatifs à l'environnement.

Parmi ces projets, le Conseil pense, à titre d'exemple, qu'il pourrait y avoir: —les aéroports, —certaines catégories de digues et de barrages, —certains travaux de drainage, —la construction de quais ou de ports pour des navires autres que de plaisance, —les autoroutes, les routes provinciales et régionales, —certaines catégories de pipelines, —certaines lignes de transport et de distribution d'énergie électrique, —l'ouverture de mines, —l'implantation de parcs industriels, —les projets industriels majeurs tels que: les complexes pétrochimiques, les usines de pâtes et papier, les alumineries...

b)II importe de mettre sur pied une procédure qui puisse valoriser les études d'impact. De ce fait, l'étude d'impact doit pouvoir se réaliser en vue de répondre aux questions posées tant par le public que par les autorités gouvernementales. c) L'étude d'impact doit viser à obtenir le meilleur choix de sites, de procédures ou d'activités, puis, une fois ce choix effectué, tenter de minimiser le plus possible les répercussions environnementales négatives au site choisi. Dès lors, il apparaît essentiel d'exiger de l'initiateur d'un projet faisant l'objet d'une telle étude, de passer obligatoirement par ces deux étapes. Trop d'exemples récents nous montrent qu'escamoter l'une de ces étapes essentielles entraîne des conséquences importantes sur le milieu et qu'il s'avère coûteux de les corriger ou de les minimiser. d)La participation du public, si elle est recherchée d'une façon positive, doit lui permettre d'intervenir aux deux étapes clefs du processus décisionnel soient: a) lors de la sélection de l'option suite à létude préliminaire des "alternatives "; b) lors de la décision d'autoriser le projet suite à l'étude détaillée dont l'objectif est de minimiser les impacts négatifs de l'option retenue. L'expérience des dernières années au Québec indique clairement que le public veut avoir son mot à dire à l'étape du choix d'un site (exemples: vallée de la Jacques-Cartier, autoroute 73, aluminerie à St-Augustin, centrales nucléaires, tracés hydro-électriques de Châteauguay-Chénier et de Saint-Jean-de-Matha. projet minéralo-portuaire aux Îles-de-la-Madeleine...).

C'est pourquoi, le Conseil considère que la procédure suggérée par le projet de loi 69 est faible et insuffisante pour protéger l'environnement sur cet aspect. En effet, elle laisse au ministre le soin d'exiger soit une étude préliminaire, soit une étude détaillée, soit les deux. Or, l'expérience démontre que pour des projets de cette envergure, il est très important que les deux études soient faites. Comment, en effet, pourrait-on s'assurer qu'il s'agisse du meilleur projet si des alternatives ne sont pas analysées? De même, comment pourrait-on s'assurer de minimiser les impacts négatifs et de maximiser les bénéfices d'un projet si une étude détaillée de l'option retenue n'était pas réalisée?

Enfin, il est souhaitable de permettre à la population de se prononcer sur un projet d'envergure. Or, les publics sont très différents et leurs intérêts le sont également dans le cadre d'une étude d'impact préliminaire (cadre d'étude élargi) par rapport à une étude d'impact détaillée (cadre d'étude restreint). Accorder au ministre une discrétion dans le choix de la catégorie de l'étude d'impact à réaliser implique qu'il détermine également l'étape à laquelle il permet au public de faire valoir ses opinions. Pour sa part, le Conseil croit que si la population ne peut se prononcer qu'à l'étape de l'étude détaillée, l'on risque d'entraîner immédiatement de l'opposition et de la contestation, la population n'ayant pu se prononcer sur les critères des études et sur les sites possibles d'un projet, ce qui constitue le plus souvent l'objet des litiges que l'on observe actuellement.

3.3 Propositions

Le Conseil désire donc proposer que soit établi un processus d'études d'impact en deux étapes obligatoires: l'une portant sur un choix de sites, de procédés ou d'activités (étude préliminaire) et l'autre visant à minimiser les impacts négatifs et de maximiser les répercussions positives de l'option retenue suite à l'étude préliminaire (étude détaillée).

De plus, le Conseil croit fermement qu'il est important qu'à chacune de ces étapes, une consultation publique par le Bureau d'audiences publiques puisse avoir lieu selon le désir de la population.

Chapitre 4

4. Approche légaliste de la protection de l'environnement 4.1 Rôle accru des juges et des avocats

Le présent projet de loi est teinté d'une plus grande attitude légaliste envers la protection de l'environnement. En effet, le Conseil, tout en reconnaissant le rôle essentiel des juges et des avocats en ce domaine, constate cependant qu'on veuille accentuer leur présence dans l'application de la Loi de la qualité de l'environnement. Cette opinion découle plus particulièrement des propositions contenues dans les articles 19a à 19f et 109. À notre avis, une juste mesure doit exister entre les spécialistes du droit, les administrateurs et les scientifiques dans un secteur aussi complexe que la qualité de l'environnement. En effet, le Conseil croit important de signaler qu'il ne faudrait pas que les aspects légaux de l'environnement prennent une place plus importante que les aspects scientifiques de l'environnement lorsque l'on aborde les questions de la qualité du milieu.

De plus, s'il fallait que l'application de la Loi de la qualité de l'environnement se fasse trop souvent en présence des tribunaux, le Conseil pense que cela ne serait pas de nature à inciter la participation du public. En effet, ce dernier espère travailler dans un cadre plus flexible et moins formel.

Enfin, le Conseil est d'avis qu'il faudrait éviter de tomber dans une situation analogue à celle que l'on observe actuellement aux États-Unis où toute discussion environnementale se fait en présence d'avocats et où tout différend se règle finalement devant les tribunaux sur des critères souvent plus légaux qu'environnementaux.

À propos des tribunaux, le Conseil croit qu'il serait peut-être souhaitable de mettre sur pied un tribunal spécialisé pour entendre les causes de nature environnementale vu la complexité technique et scientifique des problèmes en cause et leur spécificité.

4.2 Amende basée sur des critères

Par ailleurs, à l'article 109b, le projet de loi propose d'obliger le tribunal à tenir compte, dans la détermination de l'amende, de critères souvent très difficiles à évaluer du moins sur une courte période de temps. De plus, la preuve pourrait s'avérer très coûteuse par rapport aux amendes que l'on pourrait imposer et le processus judiciaire pourrait s'en trouver grandement alourdi. Le Conseil pense qu'il faudrait plutôt s'en tenir, pour fixer le montant de l'amende, au respect ou non de la loi et au jugement du tribunal et demande à ce que cet article soit retiré.

Pour sa part, le Conseil estime que la meilleure façon de mieux sensibiliser les juges à l'importance des valeurs environnementales est reliée au processus de l'information et de l'éducation plutôt qu'à des critères inscrits dans une loi.

4.3 Poursuites sommaires

Le Conseil note qu'à certaines occasions, le projet de loi 69 fait mention de poursuites sommaires qui peuvent être intentées. Le Conseil considère qu'il s'agit là d'un aspect intéressant et positif du projet de loi. En effet, les poursuites sommaires vont permettre une plus grande efficacité des Services de protection de l'environnement et une rapidité d'intervention légale de leur part dans les cas d'infractions mineures.

Chapitre 5 5. Flexibilité des normes établies par règlements

5.1 Fixation des normes avec prudence

Si l'on tient compte du droit à la qualité de l'environnement que propose de donner le ministre au public, c'est-à-dire le droit de recours du citoyen lorsqu'il y a une infraction à la loi et à ses règlements, il faudrait parallèlement éviter que les normes gouvernementales soient d'une sévérité telle qu'un responsable d'une activité se retrouve fréquemment en infraction même s'il opère selon les règles de l'art. La tendance actuelle de la réglementation semble consister à établir les normes en se basant sur le rendement optimal obtenu dans les meilleures conditions possibles d'opération. Il serait, de l'avis du Conseil, important de généraliser la notion d'objectifs de la qualité du milieu et d'adopter par la suite des normes pour s'assurer de l'atteinte de ces objectifs. La flexibilité des normes serait rencontrée en continuant la pratique de les établir sur une moyenne mensuelle, sur une journée et pour une heure selon le cas.

Cette réflexion du Conseil découle de la proposition d'amendement à l'article 123a dans laquelle il est dit entre autres, qu'il est interdit de poursuivre l'utilisation ou l'exploitation d'un ouvrage sans que les équipements antipollution fonctionnent.

5.2 Procédure d'exception en cas d'urgence

De plus, le Conseil est d'opinion que le directeur des Services de protection de l'environnement du Québec devrait avoir le pouvoir d'accorder, dans des cas d'urgence, une tolérance par rapport aux normes en vigueur en cas de force majeure, de bris d'équipements...

Chapitre 6

6. Absence de certaines modifications apportées à la loi de la qualité de l'environnement 6.1 Pesticides

Le Conseil est d'avis que le ministre devrait profiter des présentes modifications à la Loi de la qualité de l'environnement pour insérer une section traitant du contrôle de la vente et de l'utilisation des pesticides.

Les substances toxiques étant aujourd'hui considérées comme l'un des importants problèmes dans l'environnement québécois, le Conseil recommande fortement de légiférer sur cet aspect dans les meilleurs délais et, si possible, à l'occasion des présents amendements à la loi.

6.2 Espaces verts en milieu urbain

En vertu de l'article 29 de la loi actuelle, le Conseil croit qu'il est possible au ministre d'intervenir pour forcer une municipalité à utiliser son pouvoir de réserve à des fins publiques et subséquemment son pouvoir d'expropriation pour préserver un espace vert (boisé ou non) en le constituant en parc de conservation, de récréation ou autre. Comme certains juristes pensent que cet article pourrait être interprété dans un sens restrictif ne permettant pas d'intervenir au niveau des espaces verts, le Conseil suggère de le préciser pour que le ministre puisse utiliser convenablement ce pouvoir à l'égard des autorités municipales et régionales, s'il était jugé dans l'intérêt public d'acquérir un espace vert urbain à des fins de parc.

6.3 Définition du mot "environnement"

Le Conseil constate que la Loi de la qualité de l'environnement définit le mot "environnement" et que cette définition légale est trop restrictive dans le cas des études d'impact. En effet, elle concerne surtout les éléments physiques de l'environnement (l'eau, l'atmosphère, le sol et d'une manière générale, le milieu ambiant).

Le Conseil juge essentiel que l'environnement puisse inclure, pour les fins des études d'impact, les éléments biologiques des écosystèmes, l'utilisation du territoire ainsi que les considérations esthétiques et socio-culturelles.

En conséquence, outre la définition actuelle, le Conseil recommande qu'une deuxième définition élargie du mot "environnement" soit prévue dans la Loi de la qualité de l'environnement pour l'application des articles relatifs aux études d'impact sur l'environnement.

6.4 Définition du mot "déchet"

La définition actuelle donnée au mot "déchet" dans la Loi de la qualité de l'environnement exclut les résidus miniers.

Le Conseil recommande que l'on révise la définition de l'expression "déchet" en y insérant les résidus miniers vu leur grande importance. En effet, une étude effectuée par le gouvernement du Québec en 1972, indiquait que les deux tiers des déchets solides produits au Québec étaient de sources minières.

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Liste des membres et des professionnels permanents du secrétariat du Conseil consultatif de l'environnement

Membres du Conseil

Monsieur P. Réal L'Heureux, président. Mademoiselle Lorraine Bois Monsieur Jean-Pierre Bonhomme Monsieur Régent Brosseau Monsieur Jacques Dunnigan Monsieur Clément Godbout Monsieur Alain Lachapelle Madame Annie Luttgen Mademoiselle Gloria Ménard Monsieur Laurent Tessier, vice-président Monsieur Claude Vallée

Professionnels de secrétariat

Monsieur Léopold Gaudreau, conseiller scientifique Monsieur Benoît Gauthier, conseiller scientifique Monsieur Camille Rousseau, secrétaire.

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