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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mardi 17 octobre 1978 - Vol. 20 N° 169

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Présentation de mémoires sur le projet de règlement relatif aux exploitations de production animale


Journal des débats

 

Présentation de mémoires

sur le projet de règlement relatif

aux exploitations de production animale

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs! La commission élue permanente de la protection de l'environnement est réunie ce matin pour étudier ou entendre les mémoires présentés par les organismes, personnes ou autres groupes. concernant le projet de règlement relatif aux exploitations de production animale.

Les membres de la commission sont M. Beau-séjour (Iberville), M. Baril (Arthabaska) remplace M. Brassard (Lac-Saint-Jean); M. Picotte (Maskinongé) remplace M. Caron (Verdun); M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Gagnon (Champlain) remplace M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes); M. Goldbloom (D'Arcy McGee), M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Mercier (Berthier).

Les intervenants sont M. Dubois (Huntingdon), M. Grégoire (Frontenac), M. Léonard (Laurentides-Labelle), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marquis (Matapédia), M. Roy (Beauce-Sud), M. Caron (Verdun) remplace M. Saindon (Argenteuil), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Verreault (Shefford).

Est-ce qu'il y aurait un rapporteur pour la commission?

Une Voix: Je proposerais M. Baril.

Le Président (M. Boucher): M. Baril (Arthabaska).

M. Roy: Je l'appuie, M. le Président. Vous avez besoin de bien faire cela.

Le Président (M. Boucher): Pour la séance d'aujourd'hui nous avons les organismes suivants: la Fédération de l'UPA du Bas Saint-Laurent, le représentant est M. Jacques Cimon; MM. Y. Martel et J. Zizka, à titre personnel; un groupe de chercheurs de l'INRS-Eau, représenté par M. H.G. Jones; la Fédération des producteurs de volailles du Québec, représentée par M. Denis Jacob, secrétaire; M. Jean-Paul Lasnier, à titre personnel; M. Lorenzo Grégoire, à titre personnel; le Comité de citoyens du rang Jean-Guérin sud-ouest, représenté par M. Jean Trudel et l'Association québécoise des techniques de l'eau, représentée par M. Raymond Larivée. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le Président, est-ce que nous allons étudier les mémoires dans le même ordre que vous nous les avez présentés.

Le Président (M. Boucher): J'ai énuméré les mémoires dans cet ordre. C'est la liste qu'on m'a remise ce matin. S'il y a des changements à apporter, je ne crois pas que ce soit figé dans le ciment. Il faudrait quand même accepter que les groupes qui sont prêts à venir...

M. Cordeau: Est-ce que nous pourrions avoir une copie de cette liste?

Le Président (M. Boucher): De cette liste?

Compte tenu du temps alloué, compte tenu des nombreux mémoires que nous avons à entendre aujourd'hui, je suggérerais que l'on procède dans un délai quand même assez restreint pour chacun des mémoires, c'est-à-dire à peu près trois quarts d'heure par mémoire. Ce qui voudrait dire qu'on donnerait à ceux qui présentent le mémoire environ vingt minutes et, par la suite, les députés de la commission se partageraient le reste du temps pour les questions.

J'appelle immédiatement la fédération... Oui, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: En ce qui me concerne, je suis bien prêt à collaborer avec la présidence pour que nos travaux se déroulent sans perte de temps, de façon que nos invités ne soient pas dans l'obligation d'attendre et de perdre du temps en commission. Mais je pense qu'étant donné que c'est la première fois, depuis l'adoption de la loi 34, sanctionnée le 21 décembre 1972, que nous étudions des règlements, compte tenu du fait que cette loi comporte un pouvoir de réglementation énorme, je pense quand même qu'il ne faudrait pas être trop contingentés, pour ne pas brimer les droits des parlementaires.

Quand on arrive au partage du temps, je ne veux pas faire un débat là-dessus, mais chaque fois que nous avons eu des débats restreints, la présidence a toujours été obligée de tenir compte du partage, c'est-à-dire une partie du temps entre les représentants du côté gouvernemental et une autre entre les représentants de l'Oppositionrll y a trois formations politiques du côté de l'Opposition et il faudrait que mes collègues et moi-même, de l'Opposition, puissions poser les questions que nous estimons devoir être posées à nos invités, de façon à nous donner le maximum d'éclairage possible pour que, lorsque le temps viendra de faire nos recommandations, nous puissions faire des recommandations pertinentes au ministre et au gouvernement. Cela m'apparaît fondamental.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud, j'ai mentionné qu'on donnait vingt minutes à ceux qui présentaient le mémoire et que le reste du temps pouvait être partagé entre les différents partis autour de cette table. Je tiens compte de vos remarques à ce sujet. Je pense que, dans le passé, il y a eu, de la part de la présidence, une certaine latitude pour permettre à chacun de s'exprimer.

M. Gagnon: M. le Président, lorsque vous mentionnez que le reste du temps pourrait être partagé, suite à la question du député de Beauce-Sud, il serait partagé comment?

Le Président (M. Boucher): Par expérience, on essaie de demeurer à l'intérieur du temps qu'on se fixe. Ce n'est quand même pas gelé dans le ciment. On peut essayer de répartir les questions à peu près également, des deux côtés de la table.

M. le député de Saint-Hyacinthe.

Motion pour que le ministre

de l'Agriculture soit invité à l'audition

des témoins présents

M. Cordeau: M. le Président, j'aurais une motion à faire. Je ne sais pas si elle est recevable. M. le Président, je fais motion pour qu'on invite le ministre de l'Agriculture afin qu'il vienne entendre les revendications des groupes concernés en milieu agricole. Il est important que le ministre de l'Agriculture soit parmi nous car le règlement et les mémoires s'y rapportant le touchent indirectement et je sais pertinemment qu'il n'est pas en accord sur ce règlement car il l'a manifesté quelques fois. Il est en désaccord sur certains points de vue. Je ne dirai pas sur tous les règlements...

M. Léger: Je suis heureux que vous fassiez des nuances.

M. Cordeau: ... mais sur certains points de vue. Nous avons pu constater que le ministre de l'Agriculture serait en désaccord ou aimerait apporter des amendements.

M. Léger: M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, sur la recevabilité de la motion.

M. Léger: Etant donné que nous n'avons pas commencé à discuter, je pense que normalement, la commission aurait dû commencer par un mot d'ouverture de la part de chacun des intervenants et on en est déjà rendus à des motions. Je voudrais simplement faire remarquer au député de Saint-Hyacinthe que ce n'est pas selon l'esprit de nos règlements de convoquer une personne élue de la Chambre à une commission comme celle-ci. Les personnes qui sont membres de l'Assemblée nationale ont toute l'ouverture pour venir participer à des commissions parlementaires. De toute façon, j'ai déjà rencontré le ministre de l'Agriculture qui m'a assuré qu'il viendrait faire un tour à la commission parlementaire. Il aura l'occasion, probablement, de dire aussi son mot.

Je dois corriger le député de Saint-Hyacinthe qui disait que le ministre de l'Agriculture n'était pas d'accord sur le règlement, ou sur une partie du règlement. Je pense que c'est une affirmation qui est fausse puisqu'il y a eu des consultations durant plusieurs années avec le ministère de l'Agriculture et il y a eu plusieurs rencontres avec le ministre de l'Agriculture à ce sujet. J'en profiterai à l'ouverture, alors que je donnerai le point de vue du gouvernement au début de cette commis- sion parlementaire, pour répondre davantage à cette motion. Je pense, M. le Président, que cette motion est irrecevable.

M. Goldbloom: M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Gooldbloom: Sur la recevabilité de la motion. Le ministre a raison de dire que ce n'est pas dans nos habitudes de convoquer formellement un membre de l'assemblée nationale devant une commission parlementaire. Mais, l'habitude, c'est une chose et la recevabilité d'une motion en est une autre; à mon sens, la motion comme telle est parfaitement recevable. Je ne voudrais pas que le ministre aille trop loin en nous donnant des directives quant à notre ligne de conduite, lui, qui, dans l'Opposition, faisait une heure, une heure et demie de procédurite avant le début de toute discussion utile aux commissions parlementaires.

M. le Président, je ne sais si notre collègue de Saint-Hyacinthe veut insister pour que nous prenions une décision formelle sur sa motion, mais je voudrais soumettre à votre considération bienveillante et intelligente l'opinion que c'est une motion quand même recevable.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Hyacinthe, pour couper court à la discussion sur la recevabilité, je constate que le libellé de la motion du député de Saint-Hyacinthe mentionne que l'on invite. Compte tenu que les membres de la commission ont le droit de faire les voeux pieux qu'ils veulent bien faire, je considère la motion recevable. Si vous voulez discuter sur le fond, allez-y.

M. Léger: M. le Président, je présume que le ministre de l'Agriculture... Je ne voudrais pas faire de procédurite, mais je ne pense pas qu'il faudrait qu'on consulte... Vous demandez l'article du règlement, je ne l'aurai pas, mais je suis convaincu qu'on ne peut pas formellement, à moins d'un problème bien particulier — il y a des nuances à mettre là-dedans — obliger ou convoquer une personnalité de l'Assemblée nationale, un élu ou un membre du gouvernement à une commission parlementaire à moins de cas bien particuliers.

Je ne voudrais pas procéder à un jeu de procédurite, parce que je pense qu'on a autre chose à faire aujourd'hui que de la procédure. On a à entendre des personnes qui sont venues ici.

M. Goldbloom: Ah bon!

M. Léger: Je voudrais seulement vous dire que je suis convaincu qu'au moment où on se parle, le ministre de l'Agriculture, qui a des écouteurs, à son bureau, comme tous les ministres, est au courant ou que quelqu'un de son cabinet lui dit ce qui se passe, mais, de toute façon, comme je vous l'avais dit, le ministre m'a assuré qu'il viendrait faire un tour à la commission

et que peut-être même quelques fois il s'assoirait avec nous autres. Il pourra donner son point de vue et prouvera peut-être au député de Saint-Hyacinthe qu'il est parfaitement d'accord avec l'esprit du règlement.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Je vais ici simplement noter, un article du journal La Presse, le 14 septembre 1978, où il est écrit: "L'environnement. Enfin, le ministre croit — on parle de M. Garon — que les services de protection de l'environnement devront réviser leurs normes pour mieux s'ajuster au milieu agricole. Il est clair, selon lui, que le projet de loi 69 sur l'environnement qui sera présenté par le ministre, M. Marcel Léger, cet automne ne doit pas brimer le travail de l'agriculteur. C'est simplement pour indiquer que tantôt, je disais que le ministre de l'Agriculture diffère d'opinion sur certains points, pour confirmer.

M. Léger: M. le Président...

M. Cordeau: Je ne sais pas si les paroles de M. le ministre ont été bien rapportées dans la presse, mais c'est ce que j'ai lu.

M. Léger: J'aimerais clarifier la situation une fois pour toutes. J'attendais qu'on commence, selon l'habitude qui est dans l'ordre, soit de faire l'ouverture avec le point de vue de chacun des membres de cette commission, mais on est encore en procédurite. On aurait évité cela si on avait commencé, selon l'habitude. Je dois quand même vous dire ceci? Nous sommes appelés en commission parlementaire pour étudier un projet de règlement qui a eu une prépublication. Ce n'est pas la politique du gouvernement. Que le député de Saint-Hyacinthe essaie de faire dire que le ministre de l'Agriculture n'est pas d'accord avec le contenu, j'ai dit que le ministre de l'Agriculture est d'accord avec le principe qui est le suivant. Il y a une hypothèse de travail qui a été soumise à la population, aux groupes intéressés, aux agriculteurs, aux éleveurs, aux citoyens pour qu'ils puissent donner leur point de vue pour qu'on ait un règlement qui corresponde à l'équilibre qu'on veut avoir entre la protection de l'environnement et une aide aux agriculteurs pour développer le commerce ou l'industrie de l'élevage. Donc, on est ici ensemble pour trouver la solution. Je ne voudrais pas qu'on se mette à faire des insinuations comme quoi on est d'accord ou pas, il n'y a personne qui peut être d'accord parce qu'on cherche la vérité, tout le monde ensemble. Moi-même, je suis ici pour soumettre un document à l'opinion de personnalités qui vont vivre avec ce règlement plus tard, et je leur dis: Comment voulez-vous votre règlement? S'il n'est pas assez sévère, je leur dirai: Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de le rendre un peu plus sévère pour telle ou telle conséquence? Ceux qui vont vouloir le rendre trop sévère, on va leur dire: Est-ce qu'on pourrait le rendre moins sévère pour telle ou telle raison? On est ici, ensemble, avec l'aide et les lumières des députés de l'Opposition et ceux du gouvernement, puis des gens qui vont venir nous rencontrer pour trouver une solution. Il y a un problème, et ce problème, on le vit actuellement. Pour régler ce problème, il y a un règlement qui doit être adopté. Quant au contenu du règlement, je tiens à vous dire que tous les articles sont sujets à discussions. A la fin, on prendra une décision basée sur l'éclairage que nous aura donné cette commission.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Le député de Saint-Hyacinthe a proposé une motion invitant le ministre de l'Agriculture. Il faudra bien comprendre qu'il ne s'agit pas d'une convocation, mais bien d'une invitation; ce qui est bien différent, à mon avis. Pour ce qui me concerne, ce matin, je déplore le fait que le ministre de l'Agriculture ne soit pas ici, parce que je conçois très mal qu'au niveau de l'environnement, dans un règlement qui concerne la classe agricole jusqu'à maintenant, le ministre de l'Agriculture ne soit pas là et que les gens de l'Office du crédit agricole ne soient pas là non plus.

J'aurais bien des cas, bien des exemples à donner au ministre pour lui dire que, s'il veut avoir un règlement, et je le félicite de son ouverture d'esprit ce matin, s'il veut que les services de protection de l'environnement disposent d'un règlement réaliste en ce qui concerne la classe agricole, il va falloir que les services de protection de l'environnement travaillent avec le ministère de l'Agriculture. Il y aurait lieu de former un comité qui regrouperait des gens des deux parties et il devrait y avoir aussi des gens de l'Office du crédit agricole. (10 h 30)

Dans le secteur agricole, on ne peut pas penser jusqu'à maintenant que le ministère de l'environnement peut agir seul, peut agir de façon inconsidérée parce que, si on se réfère à la loi no 34, je dois dire, et je l'avais dit à l'époque — je pense que mon collègue, le député de D'Arcy McGee s'en souviendra — la loi 34 donne autant de pouvoirs au directeur général et au ministre de l'environnement que les ministres titulaires de certains ministères peuvent en avoir.

Dans le domaine agricole actuellement, dans le domaine des pouvoirs dont dispose l'Office de protection de l'environnement, le directeur général de l'environnement, j'ai l'impression, à la lumière d'énormément de dossiers non seulement de ma région, mais de tout le Québec qui parviennent à nos bureaux, que le ministre a plus de pouvoirs que le ministre de l'Agriculture lui-même. Dans ce règlement, il y a beaucoup d'inquiétude de la part de la classe agricole. Il faudrait penser que, si le règlement devait être appliqué à la lettre, selon un bref calcul que j'ai fait, il faudra au moins $100 millions d'investissements de la part de la

classe agricole pour pouvoir l'appliquer, et je m'étonne de plus que, dans ce secteur, on travaille surtout du côté de la classe agricole comme s'il appartenait en premier lieu, presque en exclusivité, à la classe agricole de corriger l'environnement au Québec.

M. Léger: M. le Président, est-ce que le député me permettrait seulement...

M. Roy: Depuis 1972... Non, je m'excuse, je n'ai pas terminé. Le ministre pourra faire des observations tout à l'heure.

M. Léger: Je ne voudrais pas faire une question de règlement parce que je veux simplement faire remarquer au député que, dans quelques minutes, il aura l'occasion de faire son intervention d'ouverture. Nous sommes uniquement sur la question de la recevabilité.

M. Roy: Non, la recevabilité est acceptée.

M. Léger: On reçoit ou on ne reçoit pas, mais on est en train de faire le procès de l'agriculture ou d'une situation qu'on va pouvoir faire dans quelques minutes. Si le député était d'accord, on commencerait immédiatement la commission sur le contenu, de façon que chacun des membres de cette commission et chaque partie puissent intervenir dans le sens vers lequel se dirige le député de Beauce-Sud. C'est pour cela, je pense, que son intervention qui était sur la recevabilité de la motion...

M. Roy: Elle est reçue.

M. Léger: ... est déversée dans du contenu.

M. Roy: La motion est reçue, premièrement. C'étaient des arguments que j'apportais à l'appui de la motion, parce que j'estime que le voeu qui est exprimé par le député de Saint-Hyacinthe devrait être accepté. J'ai tenté de démontrer aux membres de la commission — je terminerai là-dessus — par quelques exemples et quelques faits, l'importance qu'il y aurait, pour le ministre de l'Agriculture, de prendre part à nos travaux, et à d'autres ministres aussi qui ont des responsabilités gouvernementales dans le secteur de l'économie agricole.

M. Picotte: M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, tout en reconnaissant le bien-fondé de la motion du député de Saint-Hyacinthe, je la trouve un peu inutile dans le sens suivant, c'est qu'il me semble que le ministre de l'Agriculture devrait se faire un devoir d'être présent à cette commission qui discute directement d'agriculture. S'il ne peut pas être présent, il devrait au moins déléguer un représentant. J'ai de bonnes raisons de croire que les rencontres n'ont pas été nombreuses entre le ministre de l'Agriculture et le ministre de l'environnement puisque, au mois de juin dernier, je demandais au premier ministre la possibilité d'avoir une rencontre entre certains députés et les deux ministres en question. A ce moment, je plaidais la cause de d'autres députés du gouvernement — par exemple, celle du député de Champlain avec qui j'avais discuté à un moment donné et qui avait mentionné son intention d'être présent. A la suite d'une lettre que j'ai expédiée au ministre de l'environnement, ce dernier m'a fait part que dès qu'il y aurait une rencontre, on pourrait y être invité; malheureusement, depuis le mois de juin dernier, on n'a jamais été invité, alors, si les rencontres ont eu lieu, elles n'ont pas été nombreuses ou elles ont été clandestines.

M. Gagnon: M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Je pense que si on continue à discuter comme cela longtemps, cela va prendre du temps à étudier les règlements de l'environnement, ce que j'ai, personnellement, hâte de faire.

Il est bien évident que les règlements qu'on s'apprête à étudier et, éventuellement, à adopter, après modifications, je présume, regardent de très près l'agriculture puisque cela touche ce secteur.

Adopter une motion pour inviter le ministre de l'Agriculture, alors qu'il est déjà invité, je veux dire, l'invitation va de soi; il est membre de l'Assemblée nationale. J'ai eu l'occasion de travailler avec les deux ministres, autant le ministre de l'environnement que le ministre de l'Agriculture et, la semaine passée encore, le ministre de l'Agriculture m'a assuré qu'il y aurait ici, une présence du ministère de l'Agriculture.

Vous avez, ici, du côté gouvernemental, quatre députés agriculteurs et quatre députés qui travaillent de très près avec les deux ministres. Alors, quand on dit qu'il n'y a pas de représentant, nous avons autant de contact avec le ministre de l'Agriculture qu'avec le ministre de l'environnement et vous pouvez être certains que l'objectif qui est visé par le député de Beauce-Sud ou le député de Saint-Hyacinthe ou le député de Maskinongé est aussi le nôtre.

J'aimerais que, compte tenu de l'importance de cette réglementation, on arrête de faire de la procédurite et qu'on commence à l'étudier. Il est certain que vous allez voir le ministère de l'Agriculture présent au moment opportun.

Le Président (M. Boucher): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je ne prolongerai ce débat que de 60 secondes, approximativement. Je voudrais faire deux commentaires. D'abord, le ministre de l'environnement nous dit: J'ai eu des conversations avec mon collègue et il

n'y a pas entre nous de divergences de vues sur les principes qui sous-tendent ce projet de règlement. Il y a, M. le Président, à la lecture des mémoires, des gens qui ne sont pas d'accord avec ce qui est proposé dans ce projet de règlement et, normalement, ce serait le ministre de l'Agriculture qui devrait les écouter, particulièrement parce que c'est le ministre de l'environnement qui est l'auteur de ce projet de règlement et c'est donc lui qui s'en fait le défenseur principal. S'il y a des divergence de vues, ce n'est pas normalement lui qui se fera l'avocat de ces gens-là, c'est le ministre de l'Agriculture qui devrait, normalement, jouer ce rôle.

Deuxièmement, quand le ministre nous dit que son collègue de l'Agriculture écoute sûrement avec son perroquet les débats ici en commission parlementaire, M. le Président, nous sommes ici à temps complet, nous renonçons à toute autre activité afin d'être en mesure d'accorder notre attention complète aux intervenants et poursuivre un débat avec toutes les nuances qui peuvent surgir au cours de cette discussion. Si le ministre de l'Agriculture est à son bureau, c'est sûrement parce qu'il a en même temps autre chose à faire. Ce n'est pas un blâme que je fais à son endroit, ce n'est qu'une constatation. S'il n'est pas ici, c'est parce qu'il a autre chose à faire, il lui est impossible de consacrer toute son attention à ce qui se passe ici. Alors, j'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député. M. le député d'Iberville.

M. Beauséjour: Je ne discuterai pas de la recevabilité de la motion.

M. Roy: Elle est reçue. J'ai hâte qu'on note qu'elle est reçue.

M. Beauséjour: Oui, elle est reçue, je le sais, c'est pour cela que je dis que je n'en discuterai pas, mais il reste quand même que, selon le règlement, n'importe quel député peut venir ici et participer à la commission. J'ai l'impression que c'est un peu un voeu pieux d'inviter ou de ne pas inviter quelqu'un, puisque tous les députés sont invités. Je ferai remarquer quand même que les quatre députés qui sont déjà à la commission de l'agriculture peuvent aussi faire rapport au ministre s'il y a des moments où il peut venir puisque le ministre de l'environnement a indiqué que le ministre doit venir à la commission. Je ne retarderai pas plus ces discussions puisque la réglementation m'apparaît plus importante à étudier pour qu'on passe tout de suite, si c'est nécessaire, au vote et qu'on décide.

Le Président (M. Boucher): Merci. Est-ce qu'on est prêt à disposer de la motion du député de Saint-Hyacinthe voulant que l'on invite le ministre de l'Agriculture afin qu'il vienne entendre les revendications des groupes intéressés au milieu agricole?

M. Roy: Adopté.

Vote sur la motion

Le Président (M. Boucher): J'appelle les députés. Vous indiquerez votre vote en disant pour ou contre. M. Beauséjour (Iberville)?

M. Beauséjour: Abstention.

Le Président (M. Boucher): M. Baril (Arthabaska)?

M. Baril: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. Picotte (Maskinongé)?

M. Picotte: En faveur.

Le Président (M. Boucher): M. Cordeau (Saint-Hyacinthe)?

M. Cordeau: En faveur, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. Gagnon (Champlain)?

M. Gagnon: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. Goldbloom (D'Arcy McGee)?

M. Goldbloom: En faveur, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. Léger (Lafontaine)?

M. Léger: D'accord.

Le Président (M. Boucher): M. Mercier (Berthier)?

M. Mercier: D'accord.

Le Président (M. Boucher): M. Brassard remplace M. Lavigne. La motion du député de Saint-Hyacinthe est donc acceptée.

M. Léger: M. le Président, si vous voulez me permettre...

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

Exposé préliminaire du ministre

M. Marcel Léger

M. Léger: On commence cette commission, je voudrais profiter de l'occasion pour remercier tous ceux qui, dans un très court laps de temps, ont manifesté le désir de venir nous faire connaître leur point de vue et, ensuite, situer nécessairement dans quel contexte doit être discuté le projet

de règlement sur lequel nous nous informerons mutuellement au cours des trois prochains jours.

Depuis décembre 1972, il existe au Québec la Loi de la qualité de l'environnement. Depuis deux ans, à titre de ministre délégué à l'environnement, je suis responsable de l'administration de cette loi. L'article 22 de cette loi, premier alinéa, se lit comme suit: "Nul ne peut ériger ou modifier une construction, entreprendre l'exploitation d'une industrie quelconque, l'exercice d'une activité ou l'utilisation d'un procédé industriel, ni augmenter la production d'un bien ou d'un service, s'il est susceptible d'en résulter une émission, un dépôt, un dégagement ou un rejet de contaminant dans l'environnement, ou une modification de la qualité de l'environnement, à moins d'obtenir du directeur un certificat d'autorisation."

Un peu plus loin, à l'article 24, il est dit: "Le directeur doit, avant de donner son approbation à une demande faite en vertu de l'article 22, s'assurer que l'émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet de contaminant dans l'environnement sera conforme à la loi et au règlement. Il peut, à cette fin, exiger toute modification du plan ou du projet que lui soumet celui qui demande un permis. '

Un autre article de la loi, l'article 20, précise qu'en l'absence de règlement, nul ne doit émettre, déposer, dégager ou rejeter un contaminant qui est susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l'être humain, de causer du dommage ou de porter autrement préjudice à la qualité du sol, à la végétation, à la faune ou aux biens." La loi définit un contaminant de la façon suivante: "Une matière solide, liquide ou gazeuse, un microorganisme, un son, une vibration, un rayonnement, une chaleur, une odeur, une radiation ou toute combinaison de l'un ou de l'autre susceptible d'altérer de quelque manière la qualité de l'environnement. '

Ce ne sont pas les seules indications qu'il faudra se rappeler en entendant les mémoires sur le présent projet de règlement. Il faudrait également tenir compte des faits suivants: les exploitations de production animale sont l'objet, bon an, mal an, de plusieurs milliers de plaintes par année. Au cours des douze derniers mois, environ 2000 de ces plaintes ont été vérifiées par nos inspecteurs et se sont avérées fondées. Des études sur nos cours d'eau et sur les eaux souterraines ont permis de constater à plusieurs endroits des dommages importants et quelquefois irréparables.

Les problèmes que nous vivons, avec cette augmentation du nombre d'éleveurs de porcs en particulier, sont nombreux. Il faut réaliser qu'il y a cinq ans à peine, nous avions à peine 200 demandes de permis, soit pour des porcheries, pour des porcs, des truies ou des bovins. Nous sommes maintenant rendus à une demande qui va dépasser en 1978 les 2500 demandes de porcheries et de bovins. L'année dernière, il y en avait eu 2000. L'année n'est pas encore terminée. L'année dernière, il y avait eu 722 demandes pour les porcs, près de 700 pour les truies, près de 400 pour les bovins et quelques-unes dans d'autres domaines. C'était pour l'année dernière. Cette année, on va atteindre 2500 demandes.

Ce rythme amène des conséquences. La technologie de l'élevage s'est beaucoup améliorée, s'est beaucoup perfectionnée, à un point tel que nous produisons au-delà de 140% de la consommation interne dans le domaine des porcs. C'est donc dire que cette industrie est en pleine expansion. Je tiens à faire remarquer, pour ceux qui voyaient dans le règlement actuel un danger à l'exploitation, que si on est rendu à 2500 demandes de permis cette année, 2000 l'année dernière et que ces demandes ont été faites avec, comme guide, le projet de règlement qu'on met sur pied aujourd'hui, qu'on présente à la population aujourd'hui, cela veut dire que cela n'a certainement pas diminué l'ampleur de l'industrie de l'élevage du porc. Ceux qui essaient de faire peur en disant que cela va diminuer — j'ai même vu un article quelque part où on disait que cela était pour diminuer de 50% — c'est absolument du charriage. Entre vous et moi, quand on passe de 250 demandes par année à 2500 par année, je ne pense pas qu'on puisse dire que c'est une industrie qui s'en va en diminuant. Au contraire, elle va en augmentant. (10 h 45)

Mais il y a une conséquence sur laquelle il faut se pencher. C'est celle que si la technologie de l'élevage a progressé, la technologie du contrôle des déchets et de la pollution provenant des déchets, spécialement du porc, n'a pas été de pair, au même rythme. Nous vivons un problème majeur au niveau des conséquences sur l'environnement, spécifiquement sur les cours d'eau.

Si on pouvait résumer quels sont les problèmes de l'eau qu'on vit actuellement, c'est d'abord un problème d'entreposage de fumier qui ne serait pas adéquat, c'est-à-dire qui ne serait pas confiné dans des fosses étanches.

Le deuxième problème que nous vivons, c'est un problème d'épandage sur un sol gelé. Cet épandage va apporter un ruissellement jusqu'à la rivière et ce sont nos cours d'eau qui reçoivent ce fumier, et en quantité de plus en plus énorme.

Finalement, vous avez, comme troisième grand problème, l'épandage en quantité plus forte que la quantité utilisée ou susceptible d'être assimilée par les plantes. Donc, où va la différence de cet épandage? Cela va dans la nappe d'eau souterraine ou dans le cours d'eau. Comme conséquence, dans les cours d'eau du Québec, dans les régions où il y a cette concentration de volume de l'industrie de l'élevage, nous avons le problème de la pollution des cours d'eau résultant du rejet des fumiers qui vont dans les cours d'eau, enlèvent l'oxygène de l'eau, font pousser des algues dans nos rivières et changent la qualité de l'eau qui, souvent, est une source d'alimentation pour ceux qui vivent à proximité, aussi bien dans les municipalités que les petits villages et les grandes villes.

Il y a aussi, le danger de germe à la rivière, d'un germe contaminé, problème de nitrates dans la nappe d'eau et problème de phosphate dans les rivières. C'est donc dire que ces problèmes que nous vivons actuellement sont des choses que nous devons arrêter et, avec ceux qui gagnent leur

vie dans la production animale, avec les citoyens qui vivent en milieux ruraux et qui vivent le problème, je désire, à l'occasion de cette commission parlementaire, demander aux gens qui ont besoin de produire, parce que c'est leur gagne-pain, d'une part, et à ceux qui subissent un problème de pollution, qu'ensemble, on discute, on dialogue pour que les députés de la commission parlementaire puissent apporter des solutions. Venir uniquement critiquer tel ou tel article du règlement, cela ne nous aidera pas, mais venir nous dire qu'on devrait corriger tel article en l'amendant de telle façon, en disant le pourquoi, je pense que cela pourrait éclairer la commission parlementaire.

Je tiens aussi à souligner que le présent projet de règlement vise essentiellement à remplacer le chapitre XV des règlements provinciaux d'hygiène intitulé: Règlements concernant les renardières domestiques, porcheries, étables, écuries, cours et fumiers. Ce règlement adopté en 1944 — remarquez la date, 1944 — n'est plus approprié aux fortes concentrations qui ont remplacé les petites unités dans les exploitations de production animale. Toutefois, ce règlement précise, au sujet du site des porcheries, qu'aucune porcherie ne peut être établie à moins de 150 pieds d'une habitation et à moins de 100 pieds d'un puits ou d'une autre source d'approvisionnement en eau. Donc, même l'éleveur ne peut pas installer sa porcherie à moins de 150 pieds de sa propre maison.

La permission pour faire fonctionner une grande porcherie maintenant... Il faut se rappeler qu'à l'époque, une porcherie devenait grande... La grandeur de cela dépend des époques. Dans ce temps-là, on disait que c'était une grande porcherie dès que le propriétaire et sa famille ne consommaient pas toute la production. Dès que les animaux étaient élevés pour être vendus à des voisins, cela devenait une grande porcherie. Le règlement précise qu'une telle porcherie ne doit pas constituer une nuisance par des odeurs et les mouches qu'elle occasionne. Une grande porcherie, à l'époque, c'était peut-être 20, 25 ou 30 porcs, parce que c'était plus qu'on pouvait consommer à la maison. Mais, aujourd'hui, ce n'est pas rare de voir des porcheries qui ont 2000 têtes, 3000 têtes, 4000 têtes, 5000 têtes et jusqu'à 10 000 têtes. 10 000 têtes dans une porcherie, cela commence à être supergrand et cela amène des supernuisances. Il est important de réaliser que, comme la moyenne des porcheries se situe autour de 1200 têtes, on est loin de la période où on avait 20 à 25 têtes de porcs dans la porcherie. A ce moment-là, on disait: C'est une grande porcherie, il ne faut pas qu'il y ait de nuisances. On subit aujourd'hui les nuisances et il faut qu'on trouve une solution pour contrer les nuisances et permettre aux agriculteurs de quand même gagner leur vie avec cela.

Une refonte de ce règlement est donc devenue nécessaire. On y travaille depuis 1967. Depuis cinq ans, nos fonctionnaires étudient les demandes de permis d'exploitation animale à l'aide, et je dis le mot suivant, d'un guide interne constamment amélioré et dont les normes ressemblent à celles du présent projet de règlement présenté et soumis à la population.

Je tiens à souligner que de nombreuses consultations ont précédé la présente commission parlementaire. J'ai même eu deux séances, pour répondre au député de Saint-Hyacinthe, de quatre heures avec mon collègue, le ministre de l'Agriculture, et ses experts ainsi que les miens, en plus des consultations entre les fonctionnaires de l'environnement et les fonctionnaires de l'Agriculture. J'ai eu des consultations avec des représentants de l'UPA; à quatre reprises, je les ai rencontrés. Donc, les consultations qui ont précédé la présente commission parlementaire... Nous sommes toujours à la recherche — je pense que c'est le mot central de l'objectif de cette commission parlementaire — d'un équilibre qui doit exister entre la qualité de l'environnement et les besoins des producteurs.

Je veux être certain que toute personne qui suit cette commission parlementaire, que les media d'information donnent bien le sens de cette commission. Pour le ministre de l'environnement, cette commission est un besoin, une recherche d'un équilibre qui doit exister entre la qualité de l'environnement et les besoins des producteurs. Je suis réceptif à toute suggestion. Ce n'est pas un règlement qui est une politique du gouvernement, c'est une prépublication d'un projet de règlement soumis à des citoyens, parce que nous étions obligés de le faire. Je dois dire que c'est un peu à la suite de la démarche du député de Beauce-Sud qui disait: Vous donnez un permis ou vous refusez un permis à des citoyens et on ne sait pas sur quel critère vous vous êtes basés pour l'accepter ou le refuser. Cela peut être arbitraire. Je dois dire, en hommage au député de Beauce-Sud, qu'il avait raison, que nous avions un guide sur lequel nous étions obligés de nous pencher pour dire oui ou non et ce n'était pas connu.

Donc, nous avons fait connaître aujourd'hui le projet de règlement qui deviendra un règlement après qu'il aura subi les amendements requis, qui servira par la suite pour le contrôle de la qualité de l'environnement après que les personnes auront eu leur permis. C'est pour cela qu'on l'a mis en public. Cela a été demandé par l'UPA qui voulait qu'on rende public ce règlement. Il est public aujourd'hui pour que les gens puissent, non pas "manger" à tour de bras, mais venir nous dire comment ils voudraient qu'on le corrige. J'aimerais bien que ce soit un appui positif ou une critique constructive, et qu'on ne se serve pas de cette occasion uniquement pour détruire un règlement ou se faire un certain capital qui n'apporterait pas nécessairement des solutions. Ce que je veux, c'est une solution avec l'aide des gens qui ont des choses à nous proposer.

C'est donc dire que c'est à la fin du mois d'août que le projet de règlement a été rendu public. Il l'a été, en partie, pour satisfaire une demande légitime qui nous avait été faite, celle de rendre les règles du jeu publiques. Le 30 août dernier, en présentant le projet de règlement et en déclarant ouverte la période de consultations

publiques prévue par la loi, je disais que les éleveurs actuels ou futurs réclament de connaître précisément leurs droits et leurs obligations, même si moins — je pense que ces chiffres sont importants — d'une vingtaine de demandes ont été rejetées depuis 1973, soit environ 0,3%, et que seulement de 7% à 10% ont dû être modifiées à la demande de nos fonctionnaires, ce qui veut dire environ 600 qui ont dû être modifiées sur quelque 6000 demandes.

Il est intéressant de donner seulement quelques chiffres: sur 6616 demandes, il y en a eu 4290 qui ont été acceptées immédiatement. Donc, le règlement n'était tout de même pas si sévère que cela puisque 4290 demandes ont été acceptées, c'est-à-dire que 65% des demandes ont été acceptées; 821 demandes sont actuellement à l'étude, c'est-à-dire 12%. De 821 demandes, il y en a 350 dont on n'a pas encore ouvert le dossier et 439 sur lesquelles on se prépare à émettre des permis.

Il y en a 654 qui ont essuyé un refus technique; ce sont les 10% que je mentionnais tantôt, et de ces demandes, il y en a une bonne proportion qui sont revenues avec des correctifs qui en ont justifié l'acceptation. Il y en a 834 sur lesquelles nous avons demandé des informations supplémentaires, puisque la demande était faite d'une façon trop générale, on ne savait pas exactement les objectifs de la demande. Il y en a donc 834 sur lesquelles nous avons demandé des informations, ce qui équivaut à 13%.

C'est pour cette raison que nous pensons que la quantité de demandes et les réponses favorables qui ont été données démontrent jusqu'à quel point même le règlement actuel qui n'est absolument pas adéquat, qui doit être corrigé grâce aux lumières de ceux qui ont l'expérience là-dedans, malgré cela, il n'a pas du tout nui à l'économie de la production animale.

Au cours des trois prochains jours, nous aurons l'occasion, comme je le disais tantôt, de nous informer mutuellement. Nous procéderons à un échange de faits et de chiffres. Je tenais à ce que les producteurs agricoles viennent affirmer des choses qui seront étudiées et discutées par les gens qui subissent aussi le problème de la pollution en provenance de la production, parce que, vous savez, on a fait une affirmation à un moment donné où on disait — et cela est un petit peu charrié, dans un langage très coloré — que les producteurs agricoles de la campagne n'ont pas à se faire dire par des citadins comment administrer et comment vivre à la campagne, que les citoyens de la ville étaient maîtres chez eux mais qu'à la campagne il fallait qu'ils subissent ce qui se passait là, comme si les problèmes de la pollution de l'environnement — soit le problème des odeurs ou de l'eau — ne faisaient que nuire à des citadins qui venaient passer quelques jours de vacances en campagne et qui avaient un petit nez fin.

Je tiens à dire que 80% des plaintes que nous avons reçues — elles se chiffrent autour de 6 000, dont 2 000 cette année — proviennent de citoyens qui vivent dans le milieu rural à longueur d'année; il ne faut donc pas oublier qu'il n'y a pas uniquement des agriculteurs à la campagne. Il y a environ, selon les derniers chiffres que nous avons, une quarantaine de mille agriculteurs qui vivent du produit de la ferme mais il y a au-delà d'un million et demi de citoyens qui vivent dans un milieu rural, à temps plein, qui ne sont pas des producteurs, mais qui vivent dans le milieu rural, et c'est d'eux que proviennent 80% des plaintes que nous avons.

Je pense qu'il faut corriger ces affirmations gratuites qui sont faites un peu d'une façon simpliste et qui doivent être ramenées à des faits. Je pense que, avec la rencontre d'aujourd'hui, les producteurs agricoles de production animale et les citoyens qui vivent à la campagne d'une façon permanente vont corriger les uns et les autres, les petites énormités que chacun, des deux côtés, peut faire.

Je tiens toutefois à répéter que, durant ces trois jours, nous allons nous informer mutuellement et que nous procéderons à un échange de faits et de chiffres et également à un échange d'opinions qui nous permettront d'atteindre l'équilibre souhaité. S'il y a eu, depuis les deux ans que nous sommes au pouvoir, une consultation qui est souhaitée, c'est bien celle-là.

Cette commission parlementaire a pour objectif une consultation au plus haut degré jamais atteint à une commission parlementaire. Je tiens toutefois à préciser tout de suite certains points. Je crois fermement que l'écologie et l'économie sont des notions complémentaires et non pas contradictoires. Je fais partie d'un gouvernement qui s'est donné comme objectif d'atteindre le plus possible l'autosuffisance dans le domaine de la production alimentaire. Le mythe de l'environnement qui tente de contingenter la production animale ne peut pas s'appuyer sur une argumentation sérieuse. (11 heures)

II y a un autre mythe, qu'il va falloir corriger, qui veut prendre naissance. On veut opposer le citadin au producteur, comme je le disais tantôt; on laisse entendre que le premier veut imposer son mode de vie en territoire agricole. Comme je le disais, la très grande majorité des plaintes que nous recevons viennent du milieu rural. Il ne faut pas oublier qu'un million et plus de Québécois vivent en dehors des villes, que ces Québécois ne sont pas tous des éleveurs et que ces Québécois ont droit, eux aussi, à un environnement de qualité. Je dirais même qu'il y a des éleveurs qui poursuivent d'autres éleveurs parce que cela sent mauvais à la ferme voisine.

Je veux bien que l'on écarte le citadin du débat, mais je ne suis pas certain que le Québécois, qui vit en région agricole, ne soit pas d'accord avec un projet de règlement qui le protège. Je ne suis pas certain, non plus, que les agriculteurs, les éleveurs soient d'accord pour que l'industrialisation de l'élevage se fasse n'importe comment. Il s'est fait du développement sauvage dans les zones agricoles, j'en conviens. Nous devrions sérieusement nous interroger sur des

notions comme celles des droits acquis et de la réversibilité des distances.

Je reviens donc à la notion d'équilibre qui devrait être l'objectif du règlement définitif. A ma conférence de presse du 30 août, je déclarais: L'unanimité, je peux le dire, est faite sur un point: La nécessité absolue de protéger nos eaux de surface et nos eaux souterraines qui vont servir d'alimentation future pour les Québécois. La loi du zonage agricole permettra aussi de régler certains autres détails essentiels, parce que, s'il est évident qu'une porcherie n'a pas sa place en pleine ville, il faut admettre qu'il faut mettre un terme aux plaintes de ceux qui veulent transporter la ville à la campagne.

Ceux qui croient que le projet de règlement a été conçu pour les citadins font fausse route. Les citadins subissent la pollution industrielle, mais ce sont ceux qui vivent dans la zone agricole qui subissent le plus de pollution agricole. Jouer la ville contre la campagne est un faux débat, au même titre que l'opposition fictive entre le progrès économique et la protection de l'environnement.

Quand le règlement 15 est entré en vigueur, j'étais encore étudiant et, déjà, l'on précisait que, dans les limites des cités et villes et des agglomérations dites de villages, il était interdit de garder et d'élever des porcs ou des volailles, à moins d'une permission écrite du médecin hygiéniste du district dans lequel se trouve située la municipalité et pourvu que l'endroit où l'on garde ces animaux domestiques soit à une distance d'au moins 250 pieds de toute habitation et que, de cet élevage, il ne découle aucune nuisance. C'était il y a plusieurs années.

La notion de nuisance est importante, celle des distances à cause des odeurs, aussi; c'est pourquoi le projet de règlement parle de localisation. Nos producteurs ont un problème de stockage de fumier et un problème d'élimination et d'utilisation; c'est pourquoi le projet de règlement parle d'épandage. C'est pourquoi près d'une vingtaine d'études se poursuivent actuellement, pour le compte du gouvernement, sur la seule question du fumier de porc, qui est une richesse, en soi, pourvu qu'on puisse l'utiliser. Parce que, je pense, avec les études que nous avons en main, qui ne sont pas terminées, avec le procédé Fusch que nous avons mis sur pied il y a quelque temps, qui a fait ses preuves dans des pays d'Europe, et qui est tenté au Québec, il y a moyen, au lieu de perdre ce fumier, qui s'en va dans les cours d'eau et qui est une nuisance parce que cela fait perdre l'utilisation de nos cours d'eau, cela a parfois, comme dans la rivière Etchemin, fait mourir des milliers de poissons, plutôt que de le perdre dis-je, d'en faire un engrais; il faut le transformer en un engrais naturel qui redonnerait aux agriculteurs une possibilité, selon les chiffres actuels, de revenus additionnels de près de $100 millions.

Bientôt, la gestion du fumier, quand toutes les recherches vont être terminées, quand la mise en marché aura été étudiée, quand il y aura un moyen de contrôle du marketing, du transport et d'un marché pour vendre ce fumier qui sera transformé en engrais animal, il y a une possibilité de $100 millions de revenus pour les agriculteurs. C'est donc intéressant. Mais il ne faut pas comparer la technologie que des industries ont pour corriger la pollution avec la technologie connue dans le domaine agricole; c'est plus récent. Je pense qu'en dedans d'un an, deux ans au maximum, même en dedans d'un an, il y a moyen de transformer cette perte en un revenu pour les agriculteurs. Je termine, M. le Président, comme je le faisais le 30 août dernier, en disant ceci: A la suite de la commission parlementaire, ce sera mes responsabilités — et je la prendrai — de concilier tout ce qui aura été dit et de mettre en vigueur un règlement qui devrait satisfaire les éleveurs, d'une part, et les autres citoyens, d'autre part. Notre gouvernement a la volonté de protéger à la fois l'environnement, à la fois le sol arable et à la fois la classe agricole. Nous y arriverons avec la collaboration de tous les groupes intéressés et spécialement des membres de l'Assemblée nationale qui font partie de la commission parlementaire où, j'espère, j'aurai des propositions qui pourront permettre de bonifier ce règlement.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le député de D'Arcy McGee.

Remarques de l'Opposition

M. Victor C. Goldbloom

M. Goldbloom: M. le Président, nous abordons aujourd'hui une des discussions les plus importantes de l'histoire des efforts du Québec pour protéger son environnement et je suis extrêmement heureux que cette occasion nous soit offerte. Je voudrais dire amicalement, cordialement à mon collègue de Beauce-Sud que ce n'est pas la première fois que nous avons l'occasion de faire une telle séance sur un projet de règlement proposé en vertu de la Loi de la qualité de l'environnement. Nous l'avons fait pendant trois journées en 1976 sur le projet de règlement concernant la pollution de l'air. Je pense que c'est une formule qui est très heureuse et je voudrais, nonobstant les petits commentaires que nous avons pu faire au début de la séance, remercier le ministre de nous avoir fourni cette occasion d'examiner un aspect particulièrement important de la protection de l'environnement.

Je ne peux m'empêcher un certain sourire en écoutant le député de Beauce-Sud, comme d'autres aussi, faire la remarque que la Loi de la qualité de l'environnement accorde au ministre et au directeur des pouvoirs qui dépassent, dans bien des cas, ceux qui sont accordés par la loi à des ministres en titre dans d'autres secteurs de préoccupations gouvernementales. Mon sourire n'est pas inspiré par ce commentaire du député de Beauce-Sud, mais plutôt par les remarques de ceux qui disent que, depuis le début, le ministre de l'environnement manque de pouvoirs et n'est pas capable d'intervenir. Je trouve effectivement, et je l'ai toujours pensé, que la loi offre au

ministre, au gouvernement, à la société un instrument extrêmement important et passablement efficace. Voici que nous avons à assortir la loi de nouveaux règlements et ces règlements auront pour effet de renforcer la capacité d'intervention du gouvernement à l'égard de ceux qui pourraient être responsables de pollution de notre environnement.

M. le Président, le ministre a dit avec raison que notre préoccupation environnementale et notre préoccupation économique sont complémentaires plutôt que contradictoires. Je suis tout à fait d'accord avec lui. Il y a quand même des choix à faire, à tout le moins des accommodements. Il y a l'application des mesures qui doit être faite sur un calendrier et avec une compréhension qui permette à des gens bien intentionnés de poursuivre leurs activités pour le bien de la collectivité et en même temps arriver à bien protéger l'environnement.

Il est facile de dire que la protection de l'environnement est plus importante que toute autre considération dans le monde moderne. Il est vrai que c'est une de nos plus importantes préoccupations, il ne peut en être autrement. M est facile d'aller dans les détails et dire: II est plus important de protéger l'environnement que de faire de l'argent; il est plus important de protéger l'environnement que de poursuivre un développement industriel intense; il est plus important de protéger l'environnement que d'encourager une société de consommation, notamment avec cette notion des récentes décennies de l'obsolescence planifiée des produits et d'une économie basée sur cette obsolescence planifiée. Il est facile de dire qu'il faut protéger l'environnement plutôt qu'encourager l'automobile aux dépens du transport en commun. Il est même facile de dire qu'il est plus important de protéger l'environnement que de stimuler la consommation d'énergie, d'huile, de gaz, d'électricité.

Tout cela est vrai, mais quand on arrive à l'activité agricole, on n'est pas en mesure de dire: II est plus important de protéger l'environnement que de favoriser la production de denrées alimentaires, de favoriser notre autonomie agricole dans toute la mesure du possible. Les 100% ne seront jamais atteints à cause de notre climat, de notre courte saison de productivité agricole. Mais il n'y a pas moyen de dire qu'il est plus important de protéger l'environnement que de permettre aux cultivateurs de rendre le Québec et le Canada aussi autonomes que possible en denrées alimentaires.

Les deux cas sont égaux en importance: ce sont, comme le ministre l'a dit, deux préoccupations qui doivent être complémentaires et qui doivent avoir, à mon sens, une importance égale dans notre esprit. Ce qui a rendu plus massif et plus aigu le problème de la pollution agricole est certainement — notamment parce que nous parlons d'un projet de règlement relatif aux exploitations de production animale — ce que l'on appelle l'élevage sans sol, et les autres formes d'élevage intensifié par des méthodes modernes d'alimenta- tion des animaux. Autrefois, quand on n'avait que les méthodes naturelles, les animaux devaient, afin de pouvoir brouter, avoir à leur disposition une superficie considérable. Le résultat était que le fumier était laissé un peu partout sur une superficie considérable. Aujourd'hui, la concentration de l'élevage sur un territoire restreint fait que nous sommes obligés de disposer, d'une manière ou d'une autre, d'une quantité extraordinaire de fumier et d'autres déchets.

Je suis, encore une fois, d'accord avec le ministre que le recyclage de ces déchets, et notamment du fumier, est un objectif à atteindre et un objectif à garder à l'esprit en discutant de ce projet de règlement et des objections qui pourront être formulées par les intervenants et aussi par les membres de cette commission.

M. le Président, je suis convaincu que nous passerons nos trois journées à parler, pas de principes, mais de modalités d'application du règlement, de moyens d'atteindre le but que nous visons tous et c'est un but qui doit être double, celui de protéger l'environnement par rapport à l'activité agricole et, en même temps, favoriser cette activité agricole, parce que nous en avons tous besoin.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de D'Arcy McGee. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Fabien Cordeau

M. Cordeau: M. le Président, mes commentaires seront brefs, étant donné que j'ai peut-être employé quelques minutes au début de cette séance sur un autre sujet. (11 h 15)

Concernant ce règlement, je tiens premièrement à remercier le ministre de m'avoir donné l'occasion d'étudier ce règlement et d'apporter des suggestions positives afin de le bonifier, comme il l'a dit lui-même. Je crois bien que les participants apporteront aussi des suggestions très valables.

Il y a un point sur lequel j'aimerais attirer l'attention du ministre. Les citadins devraient aussi respecter les mêmes normes que celles que l'on demande aux cultivateurs, concernant les distances. Aujourd'hui, le règlement demande au cultivateur, à l'agriculteur, de respecter des normes. Par contre, le citadin qui veut s'établir à la campagne peut, je crois, construire sa maison où bon lui semble actuellement, étant donné que le zonage agricole n'existe pas. C'est bien beau de demander à l'agriculteur de respecter des normes, mais, si le citadin qui veut aller vivre à la campagne n'a aucune norme à respecter concernant la proximité des fermes ou le genre d'exploitation agricole du cultivateur, je crois que c'est un point de vue bien important à considérer dans l'étude de ce règlement.

Egalement, je fais le voeu que le ministre ait plus de moyens financiers, pour augmenter les recherches qui se font actuellement. Bien sûr, il y

a un effort valable qui se fait, mais je crois qu'étant donné la complexité du problème, le ministre devrait avoir les moyens pour augmenter les recherches.

Je veux rendre un témoignage aux membres du personnel de l'environnement qui font tout en leur possible — je le sais parce que j'ai eu à les consulter — étant donné le grand nombre de dossiers, ils ne peuvent pas faire l'impossible. Je me demande réellement si votre personnel est suffisant, malgré sa compétence, sa dextérité, à accomplir sa tâche convenablement et dans des délais normaux, après réception d'une demande de permis.

Lorsqu'un agriculteur veut se construire une porcherie, que ce soit pour un jeune qui va acheter une ferme, qui veut ajouter la production porcine à sa ferme, il doit avoir un permis d'environnement et, si cela prend deux mois et demi ou trois mois... Actuellement, peut-être que les dossiers sont deux mois et demi en retard, c'est-à-dire qu'entre la date de réception du dossier et la date de l'étude, il y a environ deux mois et demi qui s'écoulent.

J'ai eu connaissance qu'il y a des jeunes qui voulaient avoir un prêt agricole et le tout a été retardé, étant donné le nombre toujours grandissant de demandes auxquelles ont à faire face les employés du ministère. Ce n'est pas une critique, parce que je tiens à les féliciter encore une fois de l'excellent travail qu'ils font. Par contre, quand on est un certain nombre pour faire le travail et qu'il y a du travail pour le double de personnel, bien sûr que l'efficacité s'en ressent.

M. Léger: Ils travaillent comme des cochons.

M. Cordeau: Je ne dirais pas cela, mais ils travaillent fort.

Tantôt, vous avez mentionné que ce ne devrait pas être une guerre entre les citadins et les agriculteurs — c'est vrai — mais que tous devraient travailler main dans la main afin de pouvoir trouver les moyens pour que tout le monde vive dans l'harmonie. Mais il est difficile de concilier les vues de ceux qui s'occupent de l'écologie ou de l'économique, lorsqu'on peut lire dans un rapport: II nous semble fondamental de légiférer avec force sur l'ensemble des facteurs polluants et cela, même s'il faut le faire au détriment d'intérêts économiques.

Vous savez, lorsqu'une affirmation est aussi catégorique, c'est assez facile de concilier l'économique et l'écologie. Bien sûr, il faut faire la part des choses, mais cela nous rend songeurs un peu lorsque des gens affirment des choses semblables. Ils s'occupent d'écologie, bien sûr, mais peut-être pas d'économique. De toute façon, c'est leur point de vue.

Je crois que cette réglementation devrait venir de pair avec le zonage agricole. Réellement, sans zonage agricole, cette réglementation sera assez difficile d'application, parce que rien n'empêche aujourd'hui l'urbanisation sauvage, comme je l'appelle, soit que des gens de la ville achètent un boisé et, à un moment donné, s'établissent en plein milieu d'un secteur agricole et après, c'est une hypothèque qui est créée contre tout l'environnement, A ce moment-là, les cultivateurs des fermes environnantes sont obligés d'aller à des distances considérables.

Également, un autre point de vue, M. le ministre, c'est d'accorder, dans des boisés, des permis d'exploitation de restaurants ou de salles à dîner. A un moment donné, on demande un permis pour des banquets durant le temps des sucres. On fait des agrandissements pour des réceptions. Ensuite, on a un permis de bar, etc., là, c'est une hypothèque sur des milliers et des milliers de pieds, parce que les cultivateurs ne peuvent pas obtenir des permis de l'environnement, étant donné qu'il y a, dans les environs, un établissement de restauration. Je crois qu'il fau-frait être parcimonieux dans d'autres services avant d'accorder des permis de bar, etc., dans des zones agricoles.

M. le ministre, tantôt, vous avez fait mention de certaines statistiques. Serait-ce possible de nous en faire des copies et de nous les remettre afin que nous soyons mieux sensibilisés au travail qui se fait à votre ministère. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: Merci, M. le Président. Comme plusieurs points ont été soulevés par mes collègues, je ne les reprendrai pas. Je veux être bref de façon à permettre à nos invités de se faire entendre.

Cependant, M. le Président, j'aimerais bien dire mon appréciation, ce matin, du fait qu'il y a une commission parlementaire de convoquée pour étudier un projet de règlement. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la loi a été votée en 1972. Les règlements ont été mis en application, c'est-à-dire qu'on a appliqué certains règlements qui étaient inconnus du public alors qu'on sait très bien que toute législation adoptée par l'Assemblée nationale est sanctionnée lorsque cette loi est mise en application et que des règlements découlant de l'application de la loi doivent être déposés et publiés dans la Gazette officielle afin que la population puisse en être informée, parce que les règlements ont la même portée, comportent les mêmes obligations que la loi elle-même.

Nous sommes bien conscients que ce problème, le problème de la pollution est un problème extrêmement sérieux et qui nécessite des solutions, mais des solutions réalistes, des solutions justes et, ce qu'il ne faudrait surtout pas oublier, M. le ministre, des solutions applicables.

Pour ce qui me concerne, je ne crois pas à une solution globale. Il y a déjà eu 160 000 agriculteurs au Québec, il n'y a pas tellement d'années, je pense que c'est il y a environ 25 ans. Le nombre aujourd'hui est de moins de 40 000. Ce n'est pas une question de nombre, ce n'est pas une ques-

tion du nombre de fermes. Le problème de la pollution est venu avec la concentration des animaux dans des espaces, dans des territoires extrêmement restreints, mais pas tous les animaux. Il faudrait se demander quelles sont les causes de cette concentration, si on veut réellement apporter des solutions valables et des solutions les moins coûteuses possible pour la société et pour les gens impliqués.

Cette concentration d'animaux est venue d'une façon presque normale dans un certain sens, parce qu'il y a eu une évolution de l'économie agricole, non seulement au Québec, mais ailleurs dans le monde. Mais il y a eu aussi au Québec, et particulièrement au Québec, depuis quelques années, une surspécialisation qui a été poussée. Il faut avoir travaillé dans les milieux agricoles, il faut avoir vécu dans les milieux agricoles pour se rendre compte combien d'agriculteurs ont été forcés de se surspécialiser pour pouvoir bénéficier des politiques gouvernementales et pour pouvoir aussi être en mesure d'avoir les prêts agricoles.

Il faut se dire que, dans le domaine des porcheries — j'attire l'attention du ministre à ce moment-ci — lorsqu'un agriculteur fait une demande d'emprunt à l'Office du crédit agricole pour une porcherie, l'office l'oblige à augmenter sa production, l'oblige à une plus grande concentration d'animaux — je parle en connaissance de cause — sinon, il n'a pas de prêt. C'est la raison pour laquelle j'aurais aimé ce matin — je ne reprendrai pas les débats là-dessus, mais je vous en fais une remarque, parce que je pense que mes remarques peuvent être prises en considération — que les gens de l'Office du crédit agricole soient ici. J'ai eu à travailler à certains dossiers. Je déplore actuellement le fait que l'Office du crédit agricole du Québec force les agriculteurs à une concentration encore plus grande qu'ils ne sont intéressés à en faire eux-mêmes et qui, de ce fait, sous prétexte de rentabilité, comporte des risques énormes. C'est qu'étant donné qu'il n'y a pas de protection dans les prix et qu'il n'y a pas de plan conjoint pour garantir des prix minimaux dans l'industrie du porc et qu'actuellement, on produit 140% de notre consommation domestique, et on risque d'avoir demain des problèmes qui feront mal à l'économie rurale. Il va falloir un ensemble de politiques. Sur ce plan et naturellement sur le plan de la concentration des animaux, je dis qu'il n'y a pas de solution globale et je ne crois pas en un règlement unique. On nous présente ce matin un règlement, unique s'appliquant à toutes les productions animales. Je dis à l'attention du ministre qu'il devrait y avoir un règlement distinct pour les porcheries. Cela m'apparaît absolument important si on veut que le règlement soit applicable et que le règlement qui s'applique aux porcheries ne soit pas obligatoire pour ceux qui sont dans l'industrie laitière, pour ceux qui sont dans d'autres productions animales, comme les bovins laitiers. Parce que la production de porcs se fait uniquement dans des bâtisses, ne nécessite pas de territoire comme tel, il n'y a pas d'étendue de terrain, puisque la nourriture, l'alimentation provient de céréales. Ces céréales viennent d'ailleurs. Il n'est pas nécessaire d'avoir une étendue de terrain pour pouvoir garder 1500, 2000, 3000 et même 5000 porcs, alors que, dans la production de bovins de boucherie, c'est complètement différent, et il en est de même dans l'industrie laitière.

A mon avis, il faudrait absolument qu'il y ait un règlement distinct, un règlement sévère pour ce qui a trait à la production de porcs, pour ce qui a trait à l'établissement de porcheries au Québec. En ce qui concerne les débats dont on a parlé tout à l'heure entre citadins et ruraux, j'aimerais attirer l'attention du ministre sur un point qui est fondamental, parce que j'estime qu'il devrait y avoir quelque chose, un principe qui devrait être reconnu et admis dans l'élaboration de nos règlements. C'est d'abord le droit du premier occupant. Actuellement, il y a des cultivateurs qui exploitent la ferme ancestrale depuis des générations. Sous prétexte que les taxes sont moins élevées dans les municipalités rurales que dans les municipalités de villages, vous avez des gens qui vont s'installer, qui vont s'acheter des emplacements, des fermes abandonnées, s'installent près des fermes qui sont en exploitation. Ces gens, évidemment, qui veulent bénéficier du grand air, qui veulent bénéficier d'un meilleur coût pour leurs frais d'habitation, deviennent, en quelque sorte, l'un ou l'autre des six millions d'inspecteurs dont le ministre a parlé, qui font des rapports et qui font des plaintes. C'est bien beau d'avoir six millions d'inspecteurs, comme le disait le ministre, je n'ai rien contre cela, mais il y en a qui se font spécialistes pour porter des plaintes et pour créer des embêtements au voisinage. L'économie rurale a ses besoins, a ses caractères particuliers, a ses exigences particulières, et il va falloir que le gouvernement en tienne compte.

En terminant, je veux attirer aussi l'attention du ministre, en disant qu'il n'y a pas que les agriculteurs qui polluent les cours d'eau au Québec. Quand je vois les règlements sévères qu'on tente de faire appliquer à des agriculteurs qui sont dans l'industrie laitière et qui sont obligés d'avoir un permis pour pouvoir agrandir l'étable, parce que cela pourrait polluer — je ne dis pas que cela pollue — alors qu'un cours d'eau est situé à 300 pieds et que, quand nous descendons deux milles plus bas, il y a une municipalité ou une ville de 5000 âmes qui n'a aucune usine d'épuration et qui déverse ses égouts directement dans les cours d'eau, je suis bien d'accord pour qu'on fasse quelque chose au niveau de l'environnement. Je veux qu'on fasse quelque chose pour corriger et améliorer la qualité de l'eau au Québec, c'est un problème extrêmement sérieux. Il ne faudrait cependant pas qu'on concentre nos efforts uniquement pour obliger la classe agricole à respecter tous les règlements, à en faire les frais, alors que à cause des implications budgétaires et des budgets publics que cela implique, les municipalités, les cités et villes, et même certaines industries, continueront à polluer les cours d'eau comme elles le font à l'heure actuelle, sans trop d'embêtements.

On émet bien une ordonnance. Je connais des municipalités qui ont des ordonnances depuis cinq ans, mais il ne s'est encore rien fait. Le ministre a des dossiers de lacs et de rivières extrêmement pollués, pour lesquels des représentations ont été faites. Des rencontres ont eu lieu avec le ministère, mais il n'y a encore rien de fait. A ce moment, les cours d'eau sont pollués, les lacs sont pollués, les rivières sont polluées, et ce n'est pas la faute des agriculteurs. J'aimerais faire une suggestion au ministre: qu'on ait une autre commission parlementaire et qu'on étudie à ce moment-là la possibilité d'un règlement concernant les règlements, les exigences qui devraient s'appliquer aux municipalités et villes du Québec. (11 h 30)

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Beauce-Sud. M. le ministre.

Réponse du ministre

M. Léger: M. le Président, j'aimerais répondre à certaines questions qui ont été soulevées. Je remercie d'abord le député de D'Arcy McGee et le député de Saint-Hyacinthe, qui ont apporté une contribution très importante et qui situe le débat dans sa juste dimension.

Au député de Beauce-Sud, j'aimerais donner certaines réponses à trois préoccupations qu'il a. La première, c'est celle des ordonnances qui ne sont pas respectées. Je tiens à vous dire que c'est exact qu'il y a eu des ordonnances qui n'étaient pas respectées et je tiens aussi à dire que j'ai demandé à mon service du contentieux de me rapporter toutes les ordonnances qui ne sont actuellement pas respectées. Je suis à faire une vérification pour voir si l'ordonnance était trop sévère, si elle ne l'était pas, pour, dans les deux cas, apporter une correction, soit pour la faire respecter par une poursuite, si elle devait être respectée, soit pour corriger cette ordonnance, si elle allait peut-être au-delà des possibilités ou de la situation réelle.

Un deuxième point est celui que vous avez mentionné, qu'il y a d'autres types de pollueurs qui déversent dans les rivières des matières polluantes et qu'on semble s'attaquer très fort à la partie de la pollution qui est agricole. Je voudrais quand même dire que c'est le seizième règlement qui est publié dans la Gazette officielle qui touche tous les autres aspects de tous les autres types de pollution. Ce n'est donc pas le premier règlement. Nécessairement il ne s'agit pas que chacun soit poli au point de dire: On va laisser passer les autres avant d'être touché; il faut toucher à tout et, aussi bien pour la pollution atmosphérique que la pollution des cours d'eau, nous avons émis plusieurs poursuites contre des municipalités et des industries pour le non-respect d'ordonnances entres autres. Actuellement, nous avons décidé de mettre sur pied un immense programme d'épuration et d'assainissement des cours d'eau au Québec. La philosophie en sera la suivante, c'est qu'au lieu d'épurer toutes les rivières un peu en même temps et qu'il n'y en ait aucune qui soit récupérable pour les usages des citoyens, nous avons choisi des cibles. Dans ces cibles-là, c'est-à-dire, dans des bassins bien identifiés, tous les pollueurs sont touchés en même temps, aussi bien le pollueur industriel, le pollueur municipal que le pollueur agricole.

Ce qu'on veut, c'est que le cours d'eau soit redonné aux citoyens de façon complète et totale. La seule façon de le faire est d'attaquer en même temps les trois sources de pollution, qui sont le municipal, l'industriel et l'agriculture. A ce moment-là, on aura une chance d'avoir un cours d'eau qui sera remis aux citoyens. Autrement, comme je le disais à la dernière commission parlementaire, si on ne fait pas cela, si on ne fait que toucher à un des pollueurs, c'est un peu comme dans notre cuisine, c'est de mettre un peu d'eau propre dans l'eau de vaisselle sale, cela fait de l'eau de vaisselle un peu moins sale, mais elle est encore sale. Ce qu'on veut avoir, ce sont des cours d'eau complètement nettoyés.

Le troisième point est celui où le député de Beauce-Sud parle d'avoir des règlements séparés pour les divers types d'élevage, de ne pas avoir un seul règlement. Le règlement actuel n'est pas un règlement unique, c'est un règlement où il y a des subdivisions qui touchent les types d'élevage; il y a donc des normes différentes pour les types d'élevage et il y est aussi question de normes différentes pour la dimension. Une porcherie de 50 têtes et une porcherie de 5000 n'ont pas les mêmes dimensions, ce ne sont pas les mêmes distances et les mêmes obligations au niveau de la mise sur pied de cette industrie.

Il y a aussi des normes pour l'épandage, l'entreposage et la localisation, et aussi des normes différentes concernant une nouvelle installation ou un agrandissement qui est un autre type de normes, pour le remplacement d'un type d'élevage par un autre type d'élevage, et aussi pour une augmentation du nombre dans le même type d'élevage.

C'est donc dire que, même si ce ne sont pas des règlements différents, même si ce ne sont pas des chapitres bien distincts, les normes sont différentes pour les types d'élevage et pour les types d'intervention qu'il y a à faire.

Ce sont les quelques remarques que je voulais faire. Peut-être que d'autres députés de la commission voudraient adresser la parole?

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Pour mon information, est-ce que cette commission est la dernière ou s'il y en aura une autre où on étudiera les règlements article par article? Comment cela va-t-il fonctionner?

M. Léger: Normalement, c'est quand même une des rares fois où nous faisons une commission parlementaire pour des règlements. Cela n'arrive pas souvent, je crois que c'est arrivé une fois à l'occasion du règlement sur la qualité de l'atmosphère. C'est une des rares fois que cela ar-

rive, mais je pense que c'est une bonne politique parce que cela permet à tout le monde de bonifier un projet. On est tous ici pour jouer notre rôle, aussi bien l'Opposition que le gouvernement, et je pense que c'est une bonne politique. Mais, dans le cas actuel, comme c'est une prépublication, nécessairement, il aurait pu ne pas y avoir de commission parlementaire. Une prépublication aurait permis à des gens de s'exprimer en nous envoyant des mémoires qui n'auraient pas été tellement connus ou qui l'auraient été uniquement par une conférence de presse par le groupe qui fait la commission parlementaire, mais ces affirmations auraient paru dans les journaux sans avoir une critique de certains autres. Je tenais à ce que les gens qui viennent faire des affirmations puissent être aussi critiqués par d'autres groupes de citoyens. Ce n'aurait pas été le cas s'il n'y avait pas eu de commission parlementaire. Normalement, c'est 60 jours après qu'un projet de règlement a été publié dans la Gazette officielle que le ministre peut prendre une décision. Dans le cas d'un règlement, cela prend deux parutions; donc, il y en a eu une première. Là, il y a une commission parlementaire et, après la commission parlementaire, nous allons apporter les correctifs et amender le projet de loi pour essayer d'atteindre les objectifs d'équilibre que je voulais entre le producteur et la qualité d'environnement. Il sera publié une deuxième fois dans la Gazette officielle; après une période de 60 jours, il sera en vigueur.

M. Baril: Si vous permettez, M. le Président, je n'ai pas fini.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Champlain.

Autres interventions M. Jacques Baril

M. Baril: Après avoir obtenu l'information qui me satisfait, je suis bien heureux de voir que, dans l'avenir, l'agriculteur sera en mesure de constater sur quel règlement se base un inspecteur qui viendra soit lui faire fermer son entreprise, soit la lui faire réaménager ou améliorer. Ici, je tiens tout de suite à dire mon opinion face au règlement, tel qu'il est inscrit actuellement. Il y a certains changements qui devront être apportés pour laisser vivre certains agriculteurs.

Dans le passé, au niveau de l'industrie laitière, le bureau d'hygiène faisait un travail qui était assez louable. Il pénalisait l'agriculteur qui ne se conformait pas aux normes existantes, mais ne pénalisait pas celui — je vais dire un mot, pour qu'on se comprenne — qui se lavait; celui qui ne nettoyait pas l'entourage de sa ferme, qui laissait le fumier se répandre un peu partout était pénalisé et même on lui coupait sa paie pour une semaine ou quinze jours et même on a déjà vu jusqu'à un mois, mais le voisin qui se conformait, respectait son environnement, n'était pas désavantagé.

Actuellement, avec les normes qu'on veut appliquer, on met tout le monde sur le même pied. Le ministre a dit tout à l'heure que les plaintes avaient augmenté de beaucoup; il a donné des chiffres. C'est certain qu'on n'en doute pas. mais il faut bien se rappeler que, si on recule de 20 ans. quand un cultivateur se levait à six heures du matin, avec une petite Ford grise à essence, cela ne menait pas de bruit, les voisins ne l'entendaient même pas. Aujourd'hui, l'agriculture est mécanisée, l'agriculteur travaille avec des tracteurs de plus de 100 forces qui font plus de bruit. Je suis certain que la plupart des députés qui sont autour de cette table ont eu connaissance de cas où des gens sont venus s'établir à la campagne à environ 150 ou 200 pieds d'un tas de fumier; pourtant, le tas de fumier était là quand ils sont arrivés, mais cela sentait bon quand même. Après deux ou trois ans, les senteurs changent et là, on veut arrêter l'agriculteur de produire, de travailler et souvent, ce personnage qui a fait une plainte ne travaille même pas. il est sur les bras du gouvernement. Cela est déplorable; il a le droit de l'être, mais il faudrait quand même avoir un juste milieu.

C'est pour cela que je m'informais, tout à l'heure, de la façon de procéder. Il y a certains changements que je trouve nécessaire d'apporter à certains règlements, comme quand on parle de la direction des vents; est-ce qu'une usine de pâte à papier est obligée d'arrêter de fonctionner parce que le vent ne souffle pas du bon côté? Est-ce qu'on demande à une telle usine de déménager parce qu'il s'est construit une agglomération de maisons autour d'elle et qu'elle pollue? Ce sont toutes des questions qu'on peut se poser et j'aimerais bien que, au cours de cette commission, on ait la chance d'en discuter. Je ne suis pas habitué au fonctionnement d'une telle commission, mais j'essaierai, au fur et à mesure, d'intervenir pour expliciter davantage une certaine opposition à certains articles du règlement.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député d'Arthabaska. M. le député de Champlain.

M. Marcel Gagnon

M. Gagnon: Seulement quelques mots pour dire que, comme les autres intervenants, je suis très heureux que pour une fois, on discute sur la place publique les fameux règlements qui font I objet de critiques assez fréquentes depuis 1973 — environ — qu'ils sont appliqués. Je pense qu'on rejoint l'unanimité, comme a déjà dit le ministre de l'environnement, sur les principes, sur l'objectif. J'ai fortement l'impression qu'on n'aura pas de discordance d'opinions pour ce qui concerne l'objectif. Etant un député agriculteur, un peu comme le député d'Arthabaska, et ayant passé ma vie, jusqu'à maintenant, à travailler avec les agriculteurs comme représentant de commerce et ainsi de suite, je vois dans le règlement actuel certains points qui nous empêcheraient peut-être d atteindre notre objectif, celui d'abord — je crois que c'est urgent — d'arrêter la pollution dans les cours d eau. De ce côté, je pense que le règlement

doit être sévère, mais en même temps qu'on veut arrêter ce genre de pollution, il faudrait peut-être penser que si on met des balises, des normes assez sévères du côté de l'épandage des fumiers, si on empêche un agriculteur d'épandre des fumiers durant la saison estivale, même si on lui demande de se construire une fosse de 200 jours, qu'est-ce qui arrivera à cet agriculteur si le printemps et l'automne sont trop pluvieux et s'il n'a pu épandre ses fumiers au cours de l'été? A un moment donné, les 200 jours vont être dépassés et il va falloir déverser quelque part ou arrêter la production.

Les points que j'apporterai, pour essayer de modifier ou de bonifier le règlement, c'est surtout dans le domaine — le député d'Arthabaska a souligné un autre point — des vents dominants, les dates d'épandage. Il y a aussi un autre point auquel il faudra penser, c'est qu'au fur et à mesure qu'on va exiger de l'agriculteur de se conformer à des normes, se construire des fosses, qui pourraient être assez dispendieuses dans certains cas, il va falloir le conseiller ou l'aider financièrement. Si moi, comme agriculteur, je suis dans une situation financière telle que mon comptable me demande, pour deux ou trois ans, de ne pas réinvestir — c'est le cas de plusieurs agriculteurs qui commencent — et si durant cette période le ministère de l'environnement vient me donner une ordonnance et me donne six mois ou un an pour me construire une fosse de $20 000, j'ai fortement l'impression que je vais être obligé de faire quelque chose, soit ne pas respecter les normes de l'environnement et risquer d'être poursuivi, ou me mettre dans une situation financière telle que je ne pourrai pas continuer l'exploitation que j'ai commencée. Je veux dire par là que des normes comme celles-là, pour être respectées, devront être accompagnées d'un système financier, d'une aide financière quelconque pour que, en même temps qu'on demande à l'agriculteur de s'organiser pour arrêter de polluer surtout les cours d'eau, il puisse réellement satisfaire à ces normes-là par une aide financière quelconque.

Les interventions que je vais faire seront à peu près dans ce sens. Je ne voudrais pas qu'on pense que je suis opposé, au contraire, à ce règlement de l'environnement. Personnellement, j'ai eu l'occasion de l'appliquer même avant qu'on le pense. Je me souviens, lorsque j'étais dans le commerce, avoir refusé du financement à un producteur qui aurait pollué une rivière dans notre coin. Cela ne me regardait pas, mais on avait refusé le financement tout simplement parce qu'il allait à l'encontre de ce qui était la logique même de la protection de l'écologie, la protection de l'environnement. Je suis réellement sensibilisé à ce problème. J'ai déjà, d'ailleurs, commencé à faire un travail en région où on a formé un comité de citoyens — je vois, ici dans l'assistance, une dame qui fait partie de ce comité de citoyens — pour essayer de trouver des solutions pratiques. Mais pour arriver à appliquer ces normes, il va falloir tomber dans la pratique et faire en sorte qu'on puisse réellement les appliquer sans nuire à l'éleveur et en proté- geant notre environnement, comme on veut le faire. Alors, je pense qu'on va rejoindre l'unanimité.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Iberville. (11 h 45)

M. Jacques Beauséjour

M. Beauséjour: M. le Président, seulement quelques points, avant de partir, que je trouve importants de ne pas oublier, tout au cours des échanges qu'on aura. On peut remarquer déjà que ce qui est revenu souvent, c'est le problème de la production porcine et les problèmes que cela entraîne au niveau de l'environnement. Mais il faudrait aussi être capable de faire la distinction avec les autres productions qui ne polluent pas de la même façon; on est peut-être aussi en retard au niveau des recherches pour transformer le purin en engrais utilisable.

Un autre point sur lequel je trouve qu'il est important que le projet de règlement soit bien clair, c'est la question du droit au premier occupant. Avec le développement qui a eu lieu, un peu dans toutes les régions du Québec, c'est souvent un terrain de golf installé près d'une porcherie — qui aura la priorité — c est un citoyen de la ville qui est venu s'installer dans un milieu rural. Est-ce que les producteurs, que ce soit de l'industrie laitière ou autre, pourront encore agrandir leur production, la développer?

Je crois que c'est très important que les règlements tiennent compte du premier occupant en place. Un autre aspect, quand je vois la dépollution de la Yamaska, je crois que c'est $8 millions, $80 millions?

M. Léger: $30 millions immédiatement et $120 millions plus tard.

M. Beauséjour: En tout, $8 millions?

M. Léger: $30 millions dans la première partie du projet, mais $120 millions en tout.

M. Beauséjour: $120 millions en tout qui sont donnés pour aider les municipalités à dépolluer la rivière. Je dirais, dans un sens, que cela aide aussi au niveau des industries, parce que souvent, les industries déversent leurs eaux dans le système d'aqueduc et, de telle façon, c est la municipalité qui va, avec des subventions, aider à dépolluer. Si, au niveau des municipalités, des industries, il y a de l'aide financière, pour ce qui est de l'industrie agricole, je crois aussi qu'il devrait y avoir un programme d'aide financière pour développer I industrie agricole d'une façon saine pour l'environnement.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député d'Iberville. M. le député de Maskinongé, s'il vous plaît, le plus rapidement possible, parce que je vois dans la salle des gens qui ont I'air inquiet. Ils se demandent s'ils sont venus vous entendre ou si on pourra les entendre.

M. Picotte: C'est ce que j'allais vous demander. J'ai hâte d'entendre du monde qui connaît ça. J'aimerais que vous appeliez la Fédération de I'UPA du Bas-Saint-Laurent.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. le député de Maskinongé. J'appelle donc les représentants de la Fédération de l'UPA du Bas-Saint-Laurent, s'ils veulent bien s'approcher à la table centrale et nous faire part de leur mémoire.

M. Jacques Cimon, si vous voulez bien vous identifier et identifier ceux qui vous accompagnent.

Fédération de l'UPA du Bas-Saint-Laurent

M. Cimon (Jacques): Jacques Cimon, permanent à la Fédération de l'UPA du Bas-Saint-Laurent.

Le Président (M. Boucher): Si vous voulez rapprocher vos micros, s'il vous plaît.

M. Michaud (Réal): Réal Michaud, vice-président de la Fédération de l'UPA du Bas-Saint-Laurent.

M. Bélanger (Rémi): Rémi Bélanger, administration de la Fédération de l'UPA du Bas-Saint-Laurent et aussi président du comité qui a travaillé à des questions sur l'environnement.

Le Président (M. Boucher): M. Cimon, vous avez la parole.

M. Cimon: On vous remercie de nous laisser l'occasion de présenter un mémoire. Je vous en fais la lecture immédiatement. On commence par la situation de l'agriculture dans le territoire de la Fédération de l'UPA du Bas-Saint-Laurent.

L agriculture dans les territoires de la Fédération de I'UPA du Bas-Saint-Laurent est constituée en majorité de producteurs laitiers. C'est là l'effet, en partie, de la stabilité des prix dans cette production, de la coutume, de la vocation herbagère des sols, du climat et de l'éloignement des marchés pour les autres productions.

Le nombre de producteurs se situe à un peu plus de 3000 et ces derniers sont dispersés sur un territoire couvrant approximativement les comtés de Rivière-du-Loup, Témiscouata, Rimouski, Matane et une partie du comté de Kamouraska, soit un territoire de 6000 milles carrés approximativement.

Sauf pour ce qui concerne les villes de Rivière-du-Loup, Rimouski et Matane, on ne retrouve que de petites agglomérations souvent inférieures à 1000 habitants. Nous comptons dans notre région 2000 producteurs de lait, dont 375 ont moins de 20 unités animales. 750 autres ont moins de 35 unités animales, 525 ont moins de 50 unités animales et le reste, soit 300, ont de 50 à 125 unités animales.

Au niveau de la production de porc, nous comptons 300 producteurs de porcs de 100 a 200 porcs, et nous comptons 500 producteurs de bovins de 20 à 50 unités animales. Finalement, nous comptons 17 producteurs d'oeufs de consommation qui possèdent des troupeaux moyens de 3200 poules, soit une moyenne de 25 unités animales.

Nous connaissons dans notre région une culture assez extensive, on n'a qu'à remarquer la grandeur des entreprises (une moyenne de 175 acres en culture) pour constater que la concentration de la population et des entreprises y est très peu dense. Nous pouvons aussi remarquer sur presque toutes les propriétés des parcelles importantes de boisés qui contribuent à maintenir une concentration très faible.

Située au sud-est de la province, notre région connaît un climat assez difficile et les possibilités de cultures sont assez réduites. Avec une moyenne d'environ 120 jours sans gel et des précipitations ordinairement abondantes en début et en fin de période, on peut affirmer que les travaux dans les champs doivent être effectués dans de très brefs délais.

Une autre difficulté que l'on rencontre assez souvent dans cette région est la topographie assez mauvaise en plusieurs endroits. Ceci implique que les bâtisses sont souvent difficilement implantables à des endroits prescrits.

Pollution au niveau agricole dans la région. Nous pouvons affirmer, compte tenu de la grosseur des entreprises et du respect de l'environnement de la part de la très grande majorité des producteurs de la région, que la pollution n'est pas un problème. Ceci est surtout dû au fait de la non-concentration des entreprises et de la faible quantité de polluants qu'elles dégagent. A notre connaissance, aucune municipalité, ni autres organismes concernés n'ont porté plainte contre des producteurs suite à des actes de pollution par ceux-ci et. toujours selon notre connaissance, aucune plainte n'a été portée devant les tribunaux pour des cours d'eau qui auraient été pollués par des producteurs dans notre région.

Compte tenu des faibles possibilités de croissance de l'industrie agricole dans notre région et de la faible volonté des gouvernements, tant fédéral que provincial, de vouloir agir en ce sens, nous pouvons nous poser des questions sérieuses sur la volonté du gouvernement à imposer des réglementations qui pourraient entraver encore plus le développement de l'agriculture et, certainement, amener la disparition de plusieurs entreprises.

Projet de règlement relatif aux exploitations de productions animales.

Nous croyons qu'un règlement relatif aux exploitations de production animale devrait, s'il existe, être assorti de plusieurs conditions préalables telles que zonage agricole, fardeau de la preuve au législateur, droit acquis, programme de recherche, droit d'appel, pouvoir de présenter une requête et caractère non rétroactif de la loi.

Zonage agricole. Les citadins sont régis par des règlements et des lois mais ces contraintes sont contrebalancées par des lois de zonage leur donnant priorité sur leur territoire. Nous croyons

qu'il est illogique d'exiger du producteur agricole d'être contraint à des règlements sans savoir si au préalable ceux-ci auront un droit exclusif dans leur territoire. La loi de zonage agricole, tel que promis depuis longtemps par le gouvernement, devrait être appliquée préalablement à une loi sur la qualité de l'environnement.

Fardeau de la preuve au législateur. Nous croyons qu'il est très facile pour un législateur d'établir des normes strictes et rigides dans un texte de loi et de les fane appliquer. Nous croyons, cependant, qu'il serait beaucoup plus juste et équitable de traiter chaque cas à son mérite au niveau d'une réglementation sur l'environnement. Le législateur doit, en fait, juger si un cas en particulier est un pollueur. Nous croyons aussi que trop de facteurs entrent en ligne de compte pour établir si un agriculteur est un pollueur et les solutions peuvent être aussi nombreuses que les cas de pollution.

Droits acquis. Par négligence, par manque de surveillance ou autrement, on a laissé s'installer des producteurs sur un immense territoire de n'importe quelle façon. Il serait peut-être injuste aujourd'hui d'essayer de les déloger pour respecter des lois qui ne leur étaient pas connues ou qui n'étaient même pas prévisibles à l'époque. Il est donc essentiel de reconnaître un droit que l'on peut qualifier de droit de premier occupant.

Programme de recherche. La recherche sur la gestion des fumiers n'a jamais été très approfondie, dû surtout au fait que l'on n'a jamais ressenti auparavant la nécessité d'aller plus loin que la méthode traditionnelle stokage-épandage. La présente réglementation nous apporte des solutions toutes prêtes. Nous croyons que d'autres solutions que les plates-formes en béton devraient être envisagées tout en étant plus avantageuses et surtout plus économiques, suite à des recherches sur le sujet. Ces recherches ne peuvent être entreprises par les agriculteurs qui n'ont pas les ressources financières pour le faire.

Droit d'appel. Nous croyons qu'il doit y avoir dans toute loi une possibilité d'appeler d'une décision qui pourrait avoir été appliquée de façon trop draconienne. Ce droit d'appel devrait être confié majoritairement à des agriculteurs et tenir compte d'une représentation agricole régionale pour les dossiers concernés.

Pouvoir de présenter une requête. Si l'on permet, selon l'article 19b du bill 69, à chaque citoyen de présenter une requête contre son semblable, on s'expose, en plus d'une application discriminatoire de la loi, à des poursuites innombrables et surtout injustifiées. Nous ne croyons pas que tout le peuple puisse agir comme "police ". Comme dans toute autre loi et règlement, des personnes compétentes et autorisées devraient être mises en place pour en faire l'application.

Caractère non rétroactif de la loi. La réglementation dont il est question ici fait référence à une application au niveau de l'accroissement du nombre d'unités animales depuis l'année 1972. Ce caractère rétroactif des règlements nous amène à conclure que de nombreux agriculteurs de notre région seront dans l'illégalité suite à l'adoption des règlements. Compte tenu que les lois n'étaient pas ou très peu connues par les agriculteurs et qu'aucun règlement officiel n'avait été édicté à cette date pour mettre en application cette loi, nous croyons qu'il est injustifié d'appliquer les normes à partir de situations existantes. Il n'y a aucune loi dans notre pays qui soit rétroactive.

Changements à apporter aux règlements. En plus des changements de principe, tels que mentionnés précédemment, nous aimerions que certains autres changements soient effectués dans les règlements au niveau: 1) de la définition d'immeuble protégé; 2) du zonage; 3) des vents dominants; 4) des plates-formes étanches; 5) de l'épan-dage du fumier.

Définition d'un immeuble protégé. La définition d'un immeuble protégé, tel que contenu dans le projet de règlement, est beaucoup trop large et, selon nous, elle devrait se résumer à la protection des établissements de santé.

Zonage. La section III des règlements devient inutile si une loi-cadre de zonage est votée. On devrait enlever les exigences qui concernent les limites à l'intérieur des municipalités.

Vents dominants. La définition de vents dominants est trop large et on considère de plus qu'il ne devrait pas y avoir de restriction versus la direction des vents, puisqu'il ne s'agit que de pollution par les odeurs. Nous n'avons jamais constaté de perte de vie, de maladie pulmonaire ou autre due à ce genre de "pollution ", dans notre région en tout cas.

Plates-formes à fumier. Nous considérons qu'il sera difficile pour les producteurs de transporter leur fumier lorsque celui-ci sera entreposé dans une plate-forme étanche avec mur et, probablement que pour ramasser le purin et les eaux contaminées, on devra faire appel à des appareils de pompage et d'épandage identiques à ceux dont on se sert pour le fumier liquide; donc, investissements supplémentaires. De plus, lorsque le sol est imperméable, (exemple; les sols argileux) on ne devrait pas exiger de plates-formes étanches. Finalement, si des plates-formes étanches sont exigées, on ne devrait pas exiger en plus des distances très grandes d'un point d'eau. Pourquoi deux exigences pour régler un problème, le ruissellement des purins?

Epandage du fumier. Il devrait y avoir un élargissement des normes sur l'épandage du fumier liquide et semi-solide en tenant compte des climats régionaux. Dans la région du Bas-Saint-Laurent, certaines années il est' très difficile d'avoir accès aux champs avant le 15 juin et après le 15 septembre.

Conclusion. En résumé, on peut dire que les agriculteurs sont d'accord pour protéger leur environnement. On tient cependant à mentionner que la pollution par les odeurs est beaucoup plus folklorique que réelle, dans notre région en tout cas. Ceci est dû à la faible concentration des entreprises et à leur grosseur, tel que mentionné précédemment. Nous croyons que la pollution des eaux est la seule pollution qui puisse exister au niveau agricole.

Nous voulons en dernier lieu vous signaler que la définition de "polluant" dans la Loi de la qualité de l'environnement (chapitre 19, article 6) nous dit que celui-ci est "un contaminant ou un mélange de plusieurs contaminants présents dans l'environnement en concentration ou quantité supérieure au seuil permissible déterminé par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil". La quantité permise dans les règlements qui sont mentionnés ici considère comme polluantes des entreprises aussi petites que celles d'une unité animale. Nous considérons ces règles comme tout à fait irréalistes. Le meilleur exemple que l'on peut apporter est bien celui des producteurs laitiers de notre région. Ceux-ci sont requis de faire examiner l'eau de leur puits près de leur exploitation et, lorsque ces puits sont situés à des distances de cinquante pieds et plus de l'amas de fumier, il n'y a généralement aucun problème de pollution.

Pourquoi ces entreprises dégageraient-elles des "polluants", si elles ne polluent même pas le puits situé à proximité?

Dans la lutte pour combattre la pollution, nous pourrions être puristes à l'extrême, ce qui serait l'idéal, mais allons-nous empêcher les usines de fonctionner, les automobiles de circuler ou les gens de fumer, parce qu'il y a rejet de polluants? Nous croyons qu'il devrait y avoir dans tout règlement un esprit d'équité pour tous les citoyens. Nous n'avons qu'à penser aux citadins qui rejettent en majorité leurs polluants ' directement dans nos cours d'eau (fleuve et rivières).

Finalement, nous considérons que des entreprises de petites tailles, une moyenne de 25 unités animales, tel qu'il en existe dans notre région, ne devraient pas être soumises à des règles aussi strictes que le règlement l'exige, ceci, compte tenu de leur grosseur et surtout de leur faible concentration. (12 heures)

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Cimon.

M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je vous remercie de votre mémoire qui est très constructif et qui apporte des suggestions. J'aurai quand même certaines questions suite à la réflexion que vous nous imposez. D'abord, votre groupe vient d'une région qui est très étendue, le Bas-Saint-Laurent. Votre mode d'agriculture, surtout l'élevage, est très intégré à l'environnement et à la nature. C'est un peu différent d'autres régions où il y a plus de conséquences sur l'environnement. Comme vous le soulignez dans votre mémoire, il y a peu de problèmes, voire moins de risques de pollution, étant donné le peu de concentration et la grosseur réduite des troupeaux.

Votre région n'a pas encore connu l'industrialisation de l'élevage, comme c'est le cas dans trois ou quatre autres régions du Québec. C'est pour cela que vous pouvez affirmer que la population agricole, due à l'élevage, n'est pas encore un problème chez vous. A partir de cette constatation, vous vous demandez pourquoi le gouvernement veut imposer des réglementations. La question que je me pose, c'est: Est-ce qu'il faut attendre de se retrouver dans une situation avancée de pollution, comme c'est le cas dans d'autres régions, pour établir des normes et obliger à des équipements antipollution? Est-ce qu'il ne vaut pas mieux prévenir et être vigilants? D'ailleurs, vous le soulignez vous-même, car à la page 6 de votre mémoire, vous dites: "Par négligence et par manque de surveillance et autrement, on a laissé s'installer des producteurs sur un immense territoire de n'importe quelle façon. " Le gouvernement veut, par ce règlement, établir des normes claires, des règles du jeu qui soient connues de tout le monde. C'est le but du règlement qu'on est en train d'étudier.

J'ai pris connaissance de votre mémoire et certaines questions me viennent à l'esprit. A la page 4 de votre mémoire, vous dites que "le règlement va certainement amener la disparition de plusieurs entreprises." J'aimerais que vous me disiez comment. Expliquez-moi pourquoi vous dites cela.

M. Cimon: Quand on parle de la disparition de l'entreprise, c'est que, comme on le mentionne au début du mémoire, en introduction, plusieurs entreprises sont très petites. On parle des entreprises de bovins laitiers. Si vous arrivez et si vous imposez l'installation de plates-formes à fumier qui vont coûter peut-être $5000 ou $10 000... Ces plates-formes à fumier peuvent subir le même sort que les fosses à béton. Les fosses en bloc de béton étaient considérées comme étanches et, aujourd'hui, elles ne le sont plus. Cela veut dire que pour les plates-formes en béton que vous exigez aujourd'hui, dans quatre ou cinq ans il y aura peut-être autre chose d'exigé. Si vous demandez en plus un investissement de $5000 à $10 000 à ces petites entreprises, probablement, et on peut l'affirmer, qu'il y a plusieurs entreprises qui ne seront pas capables de faire cet investissement, comme cela a été mentionné tantôt. Il y a des petites entreprises qui ont un capital de $25 000 ou de $30 000 et qui fonctionnent avec cela. C'est leur capital. Si vous exigez des investissements de $5000 et de $10 000 de ces entreprises, elles ne pourront pas survivre. Elles vont être obligées de fermer.

M. Léger: Pour la petite entreprise, c'est combien de bovins?

M. Cimon: On parle d'environ 25 à 30 unités animales. Quand vous disiez tantôt qu'il faudrait être vigilants, il y a peut-être un facteur qui est important à ce sujet. Si on n'a pas été vigilants jusqu'à maintenant, qu'on a laissé faire les entreprises et qu'on n'a pas de problème de pollution, je ne vois pas pourquoi on irait imposer des normes encore plus sévères. Dans la région du Bas-Saint-Laurent et dans d'autres régions, qu'on dit périphériques, je ne pense pas que l'agriculture se développe plus qu'elle ne l'est à l'heure actuelle. Il va y avoir des consolidations d'entreprises, mais il n'y aura pas d'augmentation effarante du

nombre d'unités animales dans la région. Dans d'autres régions, il y a de grosses concentrations, mais dans la région, il n'y a pas de concentrations qui sont prévues, à moins que le ministre de l'Agriculture ne nous annonce un programme d'investissement agricole de $200 millions dans la région, mais on n'attend pas cela pour demain matin.

M. Léger: Quand vous dites que cela coûte cher pour 25 vaches, est-ce que vous avez une idée du revenu annuel d'un éleveur qui a à peu près 40 vaches?

M. Cimon: On pourrait laisser répondre un producteur.

Le Président (M. Boucher): M. Michaud.

M. Michaud (Réal): Je pense, M. le ministre, qu'il est reconnu qu'une ferme rentable en industrie laitière, cela prend environ 310 000 livres de lait. Alors, 310 000 livres de lait, c'est 35 à 40 vaches en moyenne. Cela est une ferme rentable.

Dans le Bas-Saint-Laurent, on a environ le tiers des fermes rentables en industrie laitière. On sait que l'épine dorsale pour le Bas-Saint-Laurent, c'est l'industrie laitière, en agriculture. De ce côté, on considère qu'il y a un rattrapage considérable à faire pour amener le plus grand nombre d'unités rentables dans le Bas-Saint-Laurent. C'est pourquoi M. Cimon a fait allusion à ceci: si, à un moment donné, on veut développer l'agriculture, il y a du rattrapage à faire si on compare avec les autres régions. Cependant, on considère qu'à l'heure actuelle il y a un équilibre qui semble parfait: on a 3000 agriculteurs sur un territoire extrêmement grand; on a une quantité de forêts qui constituent, peut-être pas un antipolluant, mais un peu cela, et environ 900 000 acres en agriculture. Il en faut à peu près 500 000 ou 600 000 pour l'industrie laitière.

M. Léger: Quand vous dites rentable, 310 000 livres de lait équivalent à peu près à 35 ou 40 vaches?

M. Michaud (Réal): Oui.

M. Léger: Quel est le revenu annuel pour cela?

M. Michaud (Réal): Cela peut faire un revenu brut d'environ $35 à $40 000.

M. Léger: Pour $35 à $40 000 de revenus annuels, le coût social que devrait payer n'importe quelle industrie, que ce soit une petite industrie comme une entreprise de vaches ou une autre industrie, devrait être nécessairement inclus dans le prix et il devrait y avoir une considération. Est-ce que vous considérez que pour 35 à 40 vaches, un investissement — une fois — de $5000 ou $6000 pour l'équipement dont on parlait tantôt... Si quelqu'un fait $35 000 à $40 000, ne pensez- vous pas que cela pourrait être réparti sur plusieurs années et que c'est un coût qui n'est quand même pas si élevé que cela?

M. Michaud (Réal): M. le ministre, ce n'est pas celui-là qui a atteint à la rentabilité. Je pense qu'il est capable de prendre à sa charge sa responsabilité de pollueur de l'environnement, mais, dans notre territoire, les deux tiers n'ont pas atteint à cette rentabilité. C est pourquoi l'impact sur l'agriculture serait considérable si on mettait en application un règlement très sévère. Nous considérons que la pollution n'est pas un problème à l'heure actuelle. Si cela devient un problème, si on a un programme agricole qui se développe et qu'on veut développer l'industrie porcine avec des 1000 et 2000 porcheries, là, on y verra. Mais, pour le moment, ce n'est pas un problème.

M. Léger: Vous êtes quand même au courant que le règlement ne serait pas en application pour le type d'élevage dont on parle avant 1982, pour la fosse exigée.

M. Michaud (Réal): Oui.

M. Léger: Cela donne quand même le temps. D'un autre côté, j'admets qu'il faudrait une aide pour les deux tiers qui ont de la misère à rejoindre le taux de rentabilité, mais il faut quand même tenir compte qu'un entrepreneur, de quelque métier qu'il soit, parce qu'il n'a pas encore atteint le taux de rentabilité, aura le droit de polluer ses voisins. Il faut quand même qu'à l'intérieur des coûts, il tienne compte de cela. Nécessairement, il peut y avoir une aide; je suis d'accord là-dessus. Il ne faut pas penser quand même, que, parce que son industrie n'est pas encore rentable, cela lui enlève toute responsabilité de tenir compte de ses voisins.

M. Michaud (Réal): Non, mais si avant de donner la chance d'atteindre la rentabilité, on exige de lui un règlement très sévère, cela va en décourager une quantité considérable. Autrement dit, en bon cultivateur, c'est mettre la charrue devant les boeufs. On est mieux de développer l'agriculture tout en respectant l'environnement; je pense qu'on peut faire d'une pierre deux coups.

M. Léger: D'accord, si on le fait en même temps, pas de problème. Deuxième question...

Le Président (M. Boucher): Un instant, M. le ministre, monsieur a quelque chose à ajouter.

M. Bélanger: Si vous le permettez, M. le ministre, j'aimerais intervenir à ce sujet. Lorsqu'on parle d'amener une entreprise à la rentabilité, cela veut dire que, nécessairement, on parle d'agrandissement. Cela veut dire que les normes s'appliquent immédiatement. A ce moment-là, le gars va être obligé de demander un permis, s'il veut atteindre la rentabilité qu'on lui suppose, ce qui veut

dire que pour atteindre la rentabilité, il doit faire son investissement immédiatement.

M. Léger: C'est là qu'il a besoin d'aide.

M. Bélanger: Oui, c'est là qu'il devra sûrement avoir de l'aide. Une autre chose qu'on souligne un peu dans le mémoire a rapport aux plates-formes, qui vont quand même nous toucher beaucoup. La plate-forme, dans mon cas, je ne la considère pas comme un moyen efficace de combattre la pollution. Même si vous mettez un mur de trois pieds autour de la plate-forme, nécessairement, les eaux accumulées par la neige et la pluie vont déborder à un moment donné; ce qui veut dire qu'à côté de la plate-forme qui peut coûter environ $6000, il va falloir une fosse qui va recevoir les purins de la plate-forme. A ce moment, on ne parle plus de $6000, on va parler d'un équipement beaucoup plus considérable.

M. Léger: C'est que vous tenez pour acquis — et je pense que c'est faussement compris, pas seulement par vous, mais par d'autres aussi — que cela prend absolument une plate-forme en béton. Ce n'est pas ce que le règlement dit; le règlement dit: "étanche". S'il y a une autre façon que du béton pour la rendre étanche, peut-être qu'il y a moyen de trouver une autre solution.

M. Bélanger: C'est que, M. le ministre, les autres façons...

M. Léger: II y a de nouvelles études qui ont démontré — aux Etats-Unis, entre autres — que le béton n'est pas essentiel et qu'il y a d'autres façons d'atteindre le même objectif.

M. Cimon: Je pense que cela n'a pas encore été accepté ici par les Services de protection de l'environnement, ce qu'on appelle les lagunes; cela n'a pas encore été accepté ici au Québec.

M. Léger: C'est-à-dire que, sur le plan technique, il y a des discussions, mais ce qui compte, c'est que ce soit étanche. Si la langue est devenue étanche et que c'est prouvé avec le climat, etc., cela va permettre que ce soit accepté.

Il y aurait un autre point important; vous dites que la loi du zonage agricole devrait être appliquée préalablement à la loi de la qualité de l'environnement. Je suis d'accord qu'elle devrait être appliquée le plus rapidement possible et le gouvernement s'en vient avec la loi du zonage agricole, mais, en attendant que la loi du zonage agricole s'applique, que suggérez-vous que le gouvernement fasse? Comment allons-nous décider de donner ou de refuser un permis d'autorisation pour de nouvelles exploitations? Pensez-vous qu'on peut permettre à n'importe qui de s'installer n'importe comment, tant que la loi du zonage agricole ne sera pas acceptée?

M. Cimon: Je pense que ce n'est pas un problème parce que le ministre de l'Agriculture a promis la loi de zonage agricole pour cet hiver.

M. Léger: Comme vous le dites, cela s'en vient, mais si, par hasard, dans les trois prochains mois, avant que ce soit adopté, etc. Il faut faire quelque chose; il faut donner des permis ou les refuser; sur quoi va-t-on se baser?

M. Cimon: Vous avez la loi de 1972, vous ferez comme vous avez fait depuis 1972, avec le pouvoir du ministre...

M. Léger: C'est ce qu'on faisait, c'est ce guide-là qu'on avait.

M. Cimon: C'est cela.

M. Bélanger: M. le ministre, là-dessus...

M. Léger: Quand vous affirmez, un peu plus loin, que cela peut permettre la fermeture de... Selon les chiffres que je donnais au début, quand on en est rendu à donner des permis au nombre de 2000 et 2500 par année, cela ne fait pas fermer, au contraire. Le principe n'est pas de fermer des fermes, c'est qu'elles soient installées adéquatement, quand on établit de nouveaux projets, pour s'assurer qu'elles fonctionnent comme il faut.

M. Cimon: Je pense qu'au niveau des permis, les statistiques faussent peut-être un peu la réalité. Je pense qu'au niveau régional en tout cas, les services de protection de l'environnement ont dit à plusieurs producteurs de bovins laitiers, entre 1972 et 1978, qu'ils n'avaient pas besoin de permis pour agrandir et, aujourd'hui, depuis 1977-1978, chaque fois qu'il y a un prêt de l'Office du crédit agricole, l'Office dit à l'agriculteur: II faut que tu te procures un permis. Mais, avant ces dates, il y en a plusieurs qui ont fonctionné sans permis, parce que, bien souvent, les services de la protection de l'environnement ont dit: Vous n'avez pas besoin de permis ou, tout simplement, l'agriculteur ne savait pas qu'il existait des règlements et des lois dans ce temps-là.

M. Léger: Vous, de l'UPA, depuis quand êtes-vous au courant que la Loi de la qualité de l'environnement de 1972 oblige à détenir un certificat d'autorisation, dans les cas de nouvelles exploitations ou de modifications?

M. Cimon: Je suis entré à l'UPA en 1974, mais je suis au courant depuis 1976, cela m'a pris deux ans avant de le savoir; il n'y a pas eu beaucoup de publicité de ce côté-là.

M. Léger: Savez-vous qu'il faut un certificat, depuis juillet 1973, pour les porcs; qu'il faut un certificat, depuis juillet 1974, pour les autres et que l'Office du crédit agricole exige ce certificat pour faire des prêts? C'est donc dire qu'on ne peut plaider le fait que les gens ne le savaient pas. Ceux qui ont été obligés de passer par l'Office du crédit agricole et l'UPA — même si ce n était pas vous autres qui étiez là, votre oganisme — étaient au courant depuis ce temps. Effectivement, s il fallait un certificat à ceux qui ne l'ont pas fait, ils

sont dans l'illégalité, mais cela n'a rien à voir avec la question de la loi rétroactive comme vous dites plus loin dans votre mémoire. Nécessairement, depuis 1973 et depuis 1974 pour les autres types d'élevage, cela prenait un certificat d'autorisation.

M. Cimon: Je pense que la loi n'était sûrement pas connue. Je ne sais pas comment il se fait qu'elle n'était pas connue, mais elle n'était pas connue. Aujourd'hui, il y a encore une foule d'agriculteurs qui ne la connaissent pas. Je ne sais pas ce qui s'est passé. L'information ne s'est pas rendue au producteur. C'est entendu que ce serait facile de nous dire: Vous ne pouvez pas plaider l'ignorance, mais les faits sont là, la loi n'est pas connue. On est devant ce fait, il y a des agriculteurs qui ont fait des agrandissements et on est pris avec cela. (12 h 15)

M. Léger: Mais le rôle de l'UPA est quand même d'être des représentants, des gens élus de votre milieu agricole. Je pense que vous pourriez facilement donner des renseignements à vos gens. Il y a d'autres organismes de l'UPA qui ont donné d'autres renseignements — on l'a vu dernièrement dans les journaux — qui n'étaient pas adéquats, mais vous pourriez peut-être donner de vrais renseignements à vos gens en leur disant justement qu'ils peuvent se conformer facilement à la loi, surtout ceux qui font de l'élevage de bovins, parce que, dans 99% des cas, les producteurs de lait vont avoir leur certificat comme cela, sans problème. Ils pourraient se conformer immédiatement et il suffit de leur dire. Il n'y a pas de problème de ce côté-là.

M. Cimon: Je pense qu'il y avait un autre problème, à partir de 1972, c'est qu il n'y avait pas de règlement officiel qui avait été édicté. C'était resté un pouvoir discrétionnaire du ministre. A l'instant où il y a eu un projet de règlement qui a été public, il a été présenté immédiatement dans le journal La terre de chez nous, le 30 août dernier. Je pense que, du côté de l'UPA, l'information a circulé aussi vite que celle qui provenait du ministère.

M. Léger: Peut-être mieux même. M. Cimon: Peut-être mieux. M. Léger: Maintenant...

Le Président (M. Boucher): Un instant, s'il vous plaît.

M. Bélanger: Si vous le permettez. Qu est-ce que vous pensez, à ce moment-là, des permis qui sont laissés en suspens? J'ai eu connaissance et je suis même un de ceux qui ont demandé un permis à l'environnement, parce qu'ils étaient passés par l'office pour faire une nouvelle installation, mais sans augmentation d'unités animales. A ce moment-là, les SPE n'accordent pas de permis. Ils ne donnent, ni plus ni moins, qu'une autorisa- tion de s'installer, mais ils n'accordent pas de permis. Vous dites aujourd'hui: Demandez les permis. Je suis un de ceux qui sont passés par I'office, à un moment donné; j'ai demandé les permis et j'ai fait une plate-forme en conséquence; pourtant, je n'ai jamais eu de permis. On a dit: Etant donné qu'il n'y a pas augmentation du cheptel, vous n'avez pas besoin de permis. Qu'est-ce qu'on fait, dans ce temps-là?

M. Léger: Quand vous n'avez pas d'augmentation de quantité de contaminants, vous n'avez pas besoin de permis. La loi 22 ne s'applique pas à ce moment-là. Donc, cela veut dire que vous auriez dû avoir, de l'Office du crédit agricole, ce que vous avez demandé, parce que la loi 22 ne s'applique pas.

M. Bélanger: Ce qui veut dire que je vais demeurer un producteur en suspens tout le temps, sans autorisation légale de produire.

M. Léger: Vous n'en avez pas besoin. C est très bien, c est légal.

Un peu plus loin, vous dites dans votre mémoire qu'il serait plus équitable de traiter chaque cas à son mérite. C'est entendu que, s'il fallait qu'on règle chaque cas à son mérite, chacun serait peut-être mieux traité, mais avez-vous pensé combien de fonctionnaires cela prendrait pour aller voir chaque cas plutôt que d'avoir une réglementation générale? Il y a des assouplissements, comme vous avez dû voir, dans le règlement, dans certains cas, à cause de la situation géographique, à cause de la qualité du sol, à cause de différents facteurs qui font qu'un producteur pourrait respecter l'esprit du règlement et on n'est pas aussi sévère dans son cas à cause de la qualité du sol. Dans le règlement, on a dit qu'un certificat venant d'un agronome de la région, d'un professionnel, pourrait permettre d'avoir un permis particulier qui ne serait pas tout à fait comme la norme générale pour pallier des cas particuliers. Cependant, il faut quand même réaliser que ça prendrait une armée de fonctionnaires pour aller voir chaque personne; c'est pour cela que ça prend des normes. Vous savez qu'en France et en Angleterre, si quelqu'un demande un certificat, soit pour une augmentation ou pour une nouvelle implantation de 450 porcs, il y a une audience publique qui permet à tous les gens de s'exprimer, à savoir s'il devrait avoir son permis ou non.

Si on les compare à d'autres pays, ces normes ne sont pas tellement sévères. Vous dites plus loin qu'il y a des problèmes, parce qu'il y a des producteurs installés n'importe où. Vous parlez de la loi du premier occupant. Est-ce que ce droit, d'après vous, est illimité et absolu? Est-ce qu'un agriculteur qui avait, en 1972, 25 vaches peut avoir 100 vaches le lendemain ou remplacer ses 25 vaches par 500 porcs dans les mêmes conditions de localisation qu'avant? Pensez-vous qu'il peut se permettre de dire: J'ai un droit acquis, je suis installé là, je transforme mon installation de 25 vaches en 500 porcs et je n'ai pas besoin de

permis, parce que les conséquences ne sont pas différentes dans les deux cas?

M. Cimon: Non, nous, ce qu'on veut dire par là, c'est que le type peut rester là, il ne devrait pas être délogé par les citadins qui sont venus s'installer près de lui. Il y a des plaintes...

M. Léger: Le cas des citadins va être réglé par la loi du zonage agricole.

M. Cimon: II reste que cela existe. Il y a des citadins qui sont installés près des agriculteurs, qui essaient par toutes sortes de moyens de déloger l'agriculteur. Je pense qu'on devrait permettre...

M. Léger: C'est l'agriculteur qui a vendu la terre à ces gens.

M. Cimon: Oui. C'est un problème et par la loi du zonage, on va essayer de corriger ça.

M. Léger: II aurait dû mettre dans son contrat de ne pas critiquer son élevage.

M. Michaud (Réal): Pour atteindre sa rentabilité.

M. Cimon: On devrait au moins permettre à l'agriculteur d'agrandir un peu son exploitation pour qu'elle soit rentable; c'est ce qu'on veut dire.

M. Léger: Quel degré d'augmentation seriez-vous prêts à accepter? Lequel serait correct, d'après vous?

M. Cimon: On n'a pas de degré, mais je pense qu'il faudrait que la ferme suive une évolution normale, celle qui se produit dans révolution normale de l'agriculture.

M. Léger: Normale, pour vous autres, c'est quoi? A un moment donné, il nous faut écrire ce chiffre quelque part.

M. Cimon: C'est difficile à déterminer. Par exemple, tout à l'heure, on parlait de modèle...

M. Léger: Je suis content que vous sympathisiez avec moi.

M. Cimon: On parle d'un modèle de 300 000 livres de lait pour une organisation de bovins laitiers. On devrait au moins la laisser se rendre au seuil de rentabilité. Si on la laisse à 10 vaches ou à 15 vaches...

M. Léger: Quand vous parlez de droits acquis, est-ce que vous parlez aussi des immeubles qui étaient là avant l'agriculteur? Est-ce qu'il devrait y avoir des droits acquis pour l'immeuble qui était là avant l'agriculteur?

M. Cimon: On parle des immeubles qui se sont installés postérieurement au producteur.

M. Léger: Je parle de l'inverse. Est-ce que vous voulez avoir un droit acquis parce que vous vous êtes installé avant? Si, avant que le producteur agricole ne s'installe, il y avait des immeubles qui étaient déjà là, est-ce que ces immeubles devraient avoir le même droit acquis que vous?

M. Cimon: Quand vous parlez d'immeubles voulez-vous définir lesquels?

M. Léger: Je ne sais pas, ça peut être une école, un restaurant, une église, un équipement de santé quelconque. Est-ce qu'il y a un droit acquis à cet immeuble avant que l'autre agriculteur ne vienne s'installer? Est-ce que vous l'exigez de votre côté, en disant: II y a des citadins ou un rural qui veulent venir s'installer chez nous, l'agriculteur a des droits acquis. Mais si c'est l'inverse, est-ce que vous accepteriez qu'il y ait des droits acquis pour ceux qui sont installés avant que le producteur ne soit là?

M. Roy: Avant qu'on réponde, j'aimerais dire au ministre que ces cas-là sont extrêmement rares. On ne peut pas faire de parallèle valable sur cette question.

M. Léger: Une église et une école, cela fait un bout de temps que c'est là.

M. Roy: Avant que l'église se construise. L'église s'est construite dans des endroits où c'était habité.

M. Picotte: II y avait du monde.

M. Roy: II y avait déjà du monde. Et les fermes près des villages, on sait très bien ce qui se passe à l'heure actuelle dans la quasi-totalité du Québec. L'agriculture s'éloigne du village de plus en plus et les gens qui sont près du village abandonnent l'agriculture à un moment donné.

Je ne voudrais pas venir indûment à la rescousse de nos collègues, parce au'ils sont en mesure de se défendre, mais je pense qu'on ne peut pas faire un parallèle valable.

M. Gagnon: Cela existe pareil. M. Roy: C'est très rare.

M. Léger: Le député de Beauce-Sud devrait comprendre le problème. A un moment donné, il faut mettre des chiffres, et il faut les identifier. Quand on dit qu'on devrait avoir un droit acquis pour quelque chose, il y a quand même des gens qui veulent installer une porcherie plus près que les normes citées dans le règlement.

On se dit: Est-ce que des installations autres que l'agriculture, qui sont là depuis un bout de temps, jusqu'à quel degré un éleveur pourrait se permettre d'aller, jusqu'à quelle proximité d'un édifice installé depuis longtemps?

M. Cimon: Si vous êtes prêt à admettre les droits de premier occupant pour les agriculteurs, il n'y aura pas de problème. Nous autres, on va

admettre les droits de premier occupant et les autres qui vont être alentour. Il n'y aura aucun problème. Je pense que c'est un point majeur. Si vous êtes capable d'admettre les droits de premier occupant pour les agriculteurs, il n'y aura pas de problème. On va admettre que les autres qui se sont installés avant nous ont des droits de premier occupant. Il n'y a aucun problème avec cela.

M. Léger: Je suis bien content de vous l'entendre dire, parce que vous savez que c'est écrit au journal des Débats et que pour nous, c'est important de voir que vous acceptez des choses-là.

Il me reste deux petites questions. Quand vous parlez des vents dominants, dans votre région, dans combien de cas pouvez-vous être affectés par cela?

M. Cimon: On dit qu'il y a 200 petits producteurs de porcs et qu'il y a 17 producteurs d'oeufs de consommation. Cela veut dire que les cas de pollution par les odeurs sont très minimes. Les producteurs de porcs, ce sont des producteurs de 100 à 200 porcs. Les poulaillers ont une moyenne de 3000 poules. Cela veut dire qu'il n'y a pas trop de problèmes. Généralement, ces poulaillers et ces entreprises de porcs ne sont pas situés à priximité des villages. Cela veut dire, pour nous, que ce n'est pas un problème.

M. Léger: Cela ne vous affecte pas tellement; parfait. Mais quand même, un producteur de porcs, quand il cherche à situer son bâtiment, pensez-vous qu'il tient compte du sens des vents? Admettons que près de chez vous, votre voisin voudrait venir s'installer sans tenir compte que, la plupart du temps, le vent est dans votre direction, trouveriez-vous que ce soit normal qu'il s'installe là? Il pourrait s'installer dans une autre direction, pour éviter que vous ne receviez, la majorité du temps, les vents dominants de cette odeur.

Si vous étiez installé, non comme producteur, et qu'un producteur de porcs dise: Je m'en viens m'installer et que le vent dominant soit directement sur votre maison. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait qu'il se tasse un peu plus à droite ou à gauche, ou à 100 pieds plus loin, quelque chose comme cela?

M. Cimon: Je peux vous répondre par un exemple. Il y avait un gros poulailler qui était situé à Sayabec. L'agriculteur l'a installé, pour éviter que les vents dominants ne viennent sur le village de Sayabec, du côté est. Les vents dominants sembleraient venir du côté ouest. On n'a pas de spécialiste pour déterminer cela.

M. Léger: Cela a une importance, les vents dominants.

M. Cimon: Cela a une importance, mais je pense que, chez nous, selon la grosseur des entreprises, il n'y a pas de problème de ce côté-là.

M. Bélanger: M. le ministre, pour les nouvelles exploitations, je pense qu'il n'y a pas tellement de problèmes pour reconnaître les vents dominants, mais ce qui est là, c'est pour les exploitations qui sont actuellement en place. Si on commence à établir des normes pour les vents dominants, pour les exploitations qui sont déjà en place, c'est là que le problème commence. C'est entendu que, pour une nouvelle exploitation, je pense que l'agriculteur peut se conformer assez facilement en se disant qu'il fait son exploitation pour ne pas envoyer ses odeurs chez le voisin à cause des vents dominants. Mais lorsqu'on parle de vents dominants, on parle aussi des exploitations qui sont actuellement en place. Je pense que cela peut leur causer drôlement des problèmes.

M. Léger: Je ne pense pas qu'on déplace, par le règlement, des gens qui sont en place, à moins qu'ils veuillent passer d'environ 300 à 2000 porcs.

M. Bélanger: Mais les normes, à ce moment-là, sont plus sévères, la fosse doit être recouverte et toute la patente.

M. Léger: C'est cela.

M. Cimon: M. le Président, dans le règlement tel qu'il existe, les vents dominants sont définis beaucoup trop largement. On définit les vents dominants comme des vents qui soufflent à plus de 25% dans une direction. A ce moment-là, on peut se ramasser avec trois vents dominants. Au lieu d'avoir un corridor de cent mètres, on va avoir un entonnoir qui sera assez large...

M. Léger: Vous êtes sûr de cela?

M. Cimon: Par exemple, dans la région, il peut y avoir des vents de l'ouest, des vents du sud-ouest et des vents du nord-ouest.

M. Léger: 25% chacun?

M. Cimon: II peut y avoir cela, cela peut arriver.

M. Michaud (Réal): On parle de la topographie du terrain.

M. Léger: Ce ne serait pas 30% ou 40% du temps plutôt, pour que le vent dominant soit le plus important? Ça n'existe pas.

M. Cimon: En principe, cela peut exister, qu'il y ait trois vents dominants. Disons qu'au lieu de faire un corridor de 100 mètres de large, où l'immeuble peut être exposé, il va y avoir un corridor qui va être beaucoup plus large, qui va peut-être avoir 1000 mètres de large. Il faudrait peut-être essayer de restreindre la définition de vents dominants, de dire que le vent dominant, c'est le principal vent.

M. Léger: D'accord.

M. Roy: II y a quatre points cardinaux et ça fait 25% chacun.

M. Léger: Ce n'est pas si précis que ça. On s'est aperçu, d'après les études faites, que 25%, c'est le plus gros vent dominant qu'il y avait habituellement, parce que le reste se divisait en secteurs plus petits que ça.

Si le voisin d'un agriculteur spécialisé en bovins laitiers veut changer sa grange et veut passer à 500 porcs, à 50 pieds du producteur laitier, est-ce que le producteur laitier serait heureux que son voisin change tout à coup, sans nouvelles conditions, pour installer 500 porcs à côté de ses vaches? La question est difficile, hein? C'est la réalité.

M. Cimon: Je pense, M. le ministre, que vous voyez trop de grosses entreprises de porcs. Il y a aussi de petites entreprises qui existent. Dans notre région, les grosses entreprises qui s'installent ne s installeront pas dans des granges-étables existantes, ce n'est pas vrai. Faire entrer 500 porcs où il est entré 20 vaches, ce n'est pas possible. Il faut voir aussi les petites entreprises, il ne faut pas trop voir les gros méchants et celui qui a déversé ses égouts dans la rivière. Il faut voir les 99,999% qui ne font pas de pollution et qui ne semblent pas en faire. Nous autres, nous ne sommes pas des spécialistes pour dire: Ecoutez, l'eau de ruissellement, il n'y en va pas une petite goutte dans le ruisseau situé à quatre milles plus loin. On considère que dans notre région, pour la pollution, il n'y a pas de problème. On n'en voit pas de problème. S il y a des grosses entreprises...

M. Léger: Pour votre région, non. Je vous donnais le problème général. Dans votre région, je pense que ce n'est pas le même problème, ce ne sont pas les mêmes quantités. D'ailleurs, vous m avez donné des chiffres au début qui démontrent bien que vous avez à peine 300 producteurs de 100 à 200 porcs. Mettons l'exemple à 200 porcs dans ce cas.

M. Cimon: Dans la province de Québec, il y a peut-être près de 15 000 producteurs qui font moins de 200 000 livres de lait. 15 000 sur 40 000, c'est déjà une grosse proportion. Il ne faudrait peut-être pas juger à partir des plus gros. Il faudrait peut-être regarder les petits et dire: Ceux-là, ils ne font pas trop de pollution. On devrait peut-être regarder, comme on dit dans le mémoire, de quelle façon on pourrait traiter individuellement ces gens. S'ils ne font pas de pollution, s'il y a un petit amas de fumier situé à l'arrière de la grange, pourquoi ne les laisserait-on pas tranquilles?

M. Léger: Vous savez qu'il n'y a pas de vent dominant pour les vaches?

M. Cimon: Non, je ne parle pas des vents dominants, je parle de la pollution par le ruissellement. Est-ce que c'est vrai qu'un amas de fumier de 10 ou 15 unités animales dans les bovins laitiers, cela va faire une grosse pollution au niveau du ruissellement? On se pose sérieusement la question. On n'est pas des spécialistes pour y répondre, mais on se pose sérieusement la question. C est ce qu'on veut dire.

M. Michaud (Réal): A comparer avec une ville de 32 000 habitants, on se pose la question.

M. Léger: D'accord. Je vous remercie infiniment pour votre mémoire qui est très intéressant et qui démontre quand même un développement important chez vous où on peut déceler des correctifs qui peuvent être apportés. Mais j'espère avoir un peu calmé vos craintes en vous donnant quand même la date, 1982, et le fait que c'est une fosse étanche, et non pas nécessairement une fosse en béton, et le fait aussi qu'il y a plusieurs choses qui sont beaucoup moins dures que vous ne pouviez prévoir.

Le Président (M. Boucher): Messieurs, vous devrez revenir probablement cet après-midi, après la période des questions, pour continuer les questions de la part des autres membres de la commission. Etant donné l'heure, nous devons ajourner nos travaux sine die, en attendant I ordre de la Chambre cet après-midi, qui va être donné après la période des questions. Merci.

Fin de la séance à 12 h 31

Reprise de la séance à 15 h 45

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de la protection de l'environnement est de nouveau réunie pour entendre les mémoires des organismes et des personnes convoqués, concernant le projet de règlement relatif aux exploitations de production animale.

Les membres de la commission, cet après-midi, sont: M. Beauséjour (Iberville), M. Baril (Arthabaska) remplace M. Brassard (Lac Saint-Jean); M. Picotte (Maskinongé) remplace M. Caron (Verdun); M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Gagnon (Champlain), M. Goldbloom (D'Arcy McGee), M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Mercier (Berthier).

Les intervenants sont: M. Dubois (Huntingdon), M. Grégoire (Frontenac), M. Léonard (Laurentides-Labelle), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marquis (Matapédia), M. Roy (Beauce-Sud), M. Caron (Verdun) remplace M. Saindon (Argenteuil); M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Verreault (Shefford).

A l'ajournement, à midi, nous en étions aux questions du député de D'Arcy McGee et je lui cède la parole immédiatement.

M. Goldbloom: M. le Président, avant de poser mes deux questions et faire mon seul commentaire, je voudrais vous faire remarquer que nous

nous trouvons dans une situation un peu difficile, si nous voulons respecter le voeu que vous avez exprimé au tout début de nos travaux.

Vous avez suggéré que nous accordions à l'étude de chaque mémoire une période de 45 minutes. Si ma mémoire est fidèle l'Union des producteurs agricoles du Bas-Saint-Laurent a commencé à 11 h 50 à présenter son mémoire, a pris à peu près quinze minutes pour le faire, et après le ministre a fait des commentaires et posé des questions. On pourrait même dire qu'il était, pendant 25 minutes, le vent dominant.

Si nous voulons suivre votre directive, M. le Président, il resterait cinq minutes pour celui qui vous parle, pour les députés de Maskinongé, de Saint-Hyacinthe, de Beauce-Sud et même pour les députés ministériels qui pourraient vouloir intervenir.

M. le Président, de deux choses l'une, ou bien vous assouplissez votre directive, ou bien le ministre raccourcit ses interventions. J'espère, M. le Président, que ce sera le deuxième cas qui arrivera.

M. Léger: M. le Président, je remercie le député de D'Arcy McGee d'avoir pris cinq minutes pour nous dire qu'il restait cinq minutes de discussion. Mais je n'ai pas d'objection à ce qu'on soit suffisamment souple pour que certains mémoires puissent exiger plus de temps que d'autres, il se peut qu'il y ait moins de questions. On peut garder quand même la norme de 45 minutes en s'assurant qu'on soit assez souple selon les circonstances. Jusqu'ici, je pense que la collaboration semble être évidente des deux côtés de cette table. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on continue encore pendant le temps que le député de l'Opposition voudra bien utiliser.

Le Président (M. Boucher): Si je comprends bien, les membres sont d'accord pour que la période des questions tienne compte quand même d'un certain laps de temps, compte tenu de l'importance des mémoires qui sont présentés.

M. Goldbloom: Absolument d'accord, M. le Président. Je remercie le ministre et je lui dis que nous allons surveiller quand même les vents dominants.

M. Léger: C'est surtout les odeurs qu'il faudrait surveiller.

M. Goldbloom: Le ministre vient d'ouvrir une porte dangereuse, M. le Président.

J'aimerais m'adresser à M. Cimon et à ses collègues. Ma question porte sur votre recommandation en ce qui concerne le zonage agricole. Vous indiquez dans votre mémoire qu'il vous paraît illogique d'exiger des producteurs agricoles d'être contraints à des règlements sans savoir au préalable s'ils vont avoir un droit exclusif sur leur territoire. Vous ajoutez que l'éventuelle loi sur le zonage agricole devrait, à votre sens, être en vigueur et en application avant l'entrée en vigueur de ce règlement qui affecterait les exploitations animales.

J'aimerais vous amener à expliquer un peu plus en détail comment, à votre avis, le zonage agricole fonctionnerait pour facilier et rationaliser I application du règlement éventuel qui sera adopté en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Le Président (M. Boucher): M. Cimon.

M. Cimon: Oui. Si une loi sur le zonage agricole est adoptée, l'agriculteur qui sera installé dans une zone agricole aura l'exclusivité de son territoire. A ce moment-là, il ne sera plus question, pour l'agriculteur, d'être contraint à des plaintes des citadins qui pourraient être installés dans son voisinage, parce que le territoire lui sera réservé. En tout cas, dans notre esprit, c'est clair. Le territoire zoné agricole est réservé aux agriculteurs.

M. Goldbloom: M. le Président, j'ai une très courte question que j'aimerais, avec votre permission, adresser au ministre. C'est une vérification. L'UPA du Bas-Saint-Laurent recommande qu'il y ait un droit d'appel. Si ma mémoire est fidèle, il existe dans la Loi de la qualité de l'environnement certains droits d'appel. On peut en appeler devant la Commission municipale du Québec avec laquelle l'ancienne Régie des eaux du Québec a été fusionnée il y a plusieurs années. J'aimerais que le ministre puisse nous indiquer, je pense que cette réponse serait intéressante pour les membres de l'UPA du Bas-Saint-Laurent, de quelle façon le droit d'appel pourrait s'exercer par rapport à l'application de ce projet de règlement.

M. Léger: Je pense que la commission municipale pourrait répondre à cette préoccupation, mais je me réserverai peut-être une réponse plus détaillée dans quelques minutes. Le conseiller juridique ou le responsable du contentieux, chez nous, n'étant pas encore arrivé, j'aime autant attendre son retour pour m'assurer que je ne donnerai pas une réponse inexacte.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président.

M. Léger: Me permettez-vous? Un point que le député a mentionné, quant à la question du zonage agricole, vous disiez qu'il y aurait l'exclusivité à l'agriculture. C'est un fait qu'il y aurait une exclusivité à l'agriculture, mais cela ne veut pas dire qu'un éleveur de porcs, entre autres, dans un territoire zoné agricole, aurait le droit d'empester un autre agriculteur à côté, qu'un éleveur de bovins, comme on disait ce matin, qui verrait n'importe qui, encore dans l'agriculture, s'installer à 150 pieds ou 100 pieds de sa maison pour une porcherie de 2000 têtes... il faut nécessairement respecter des normes qui vont être beaucoup moins sévères dans un territoire agricole, mais il faut quand même protéger l'environnement des gens à l'intérieur de l'agriculture. La nuance qu'il y a, c'est que

ce ne sera pas des normes aussi sévères, étant donné que la vocation à l'agriculture est prioritaire, mais il faudrait quand même protéger l'environnement.

M. Goldbloom: M. le Président, je termine par un commentaire qui a trait à une autre recommandation de l'UPA du Bas-Saint-Laurent, celle qui propose un programme de recherches sur le recyclage ou la réutilisation du fumier, notamment. J'aimerais que le ministre attache une importance considérable à cette recommandation, parce que justement, il y a là de la matière organique qui n'est pas utilisée. Je n'ai pas besoin d'en convaincre le ministre, je sais qu'il est sensible à cette question. Je voudrais seulement lui rappeler ce que les porte-parole de l'UPA du Bas-Saint-Laurent savent sûrement, c'est que le fumier, notamment, quand il est concentré en forte quantité sur un territoire restreint, est nettement trop fort pour application directe et utile sur le sol. Aussi, on a pu, par des recherches déjà faites — il faudra sûrement en faire davantage — déterminer que le fumier a une teneur trop faible en carbone pour être complètement utile et c'est pour cela qu'aux Etats-Unis notamment, et dans d'autres pays aussi, on a fait une espèce de compostage en ajoutant au fumier un élément qui fournit du carbone comme, par exemple, des résidus de bois, des résidus ligneux. Là où je voudrais en venir, c'est que, dans les déchets domestiques, il y a quand même une proportion assez importante de papier, de choses de cette nature et l'on n'est pas toujours en mesure d'aller récupérer le papier comme tel pour le recycler, mais on s'en sert comme combustible et l'on peut s'en servir à d'autres fins. Quand on fait le compostage avec les déchets domestiques seuls, on n'a pas un produit qui est vraiment valable en agriculture. C'est un produit qui a une certaine utilité, mais qui ne peut quand même pas remplacer les engrais chimiques dont on voudrait diminuer l'utilisation.

Je pense que nous devons remercier particulièrement les porte-parole de l'UPA du Bas-Saint-Laurent de nous avoir rappelé cette préoccupation, qui est importante à l'échelle de tout le Québec, et je voudrais encourager le ministre à prendre cette recommandation, à la traduire en un programme de recherche ou à trouver un tel programme déjà en cours dans une de nos universités, par exemple; mais le sujet est d'une importance capitale.

Je voudrais, en terminant, remercier les membres de l'UPA du Bas-Saint-Laurent pour un mémoire bien fait et très utile.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de D'Arcy McGee.

M. le député de Saint-Hyacinthe?

M. Cordeau: A la page 4 de votre mémoire, vous mentionnez: "Compte tenu des faibles possibilités de croissance de l'industrie agricole dans notre région et de la faible volonté des gouvernements, tant fédéral que provincial, de vouloir agir... — je vais continuer — en ce sens, nous pouvons nous poser des questions sérieuses sur la volonté du gouvernement à vouloir imposer des réglementations qui pourraient entraver encore plus le développement de l'agriculture..."

Est-ce que vous auriez des suggestions à faire au gouvernement afin de développer davantage le secteur agricole dans votre région?

M. Michaud: Comme je l'ai dit ce matin, l'environnement, dans notre territoire, semble é-quilibré. On parlait du fumier, tout à l'heure; il est reconnu qu'à l'intérieur de notre région, le sol peut encore absorber du fumier, parce que, comme je l'ai dit, il y a 900 000 acres en culture et il en faut 600 000 pour le cheptel laitier qu'il y a à l'intérieur de la région, le sol peut donc absorber une quantité de fumier assez considérable parce que, d'après nos agronomes et nos experts, on en manquerait de ce côté; il faut ajouter du fertilisant. Mais je pense que ce qui est important, comme je l'ai dit ce matin, c'est qu'il faut peut-être s'occuper de l'environnement, mais il faut aussi s'occuper de l'agriculteur qui environne le milieu rural. Cela est important; on a parlé du zonage, tout à l'heure; le zonage ne consiste pas seulement à tirer quatre lignes, quatre poteaux et à ce que la responsabilité de la municipalité s'arrête là, passé tel rang, c'est uniquement de l'agriculture, mais si on s'occupe du zonage agricole, il va falloir s'occuper des gens qu'il va y avoir à l'intérieur de ce zonage. C'est pourquoi, dans notre mémoire, on dit que nos gouvernements ne semblent pas trop intéressés à développer l'agriculture. Nous, dans notre territoire, nous avons un plan agricole régional qui est déposé et qui a été travaillé en collaboration avec l'équipe régionale du ministère de l'Agriculture. Justement, à l'heure actuelle, on ne sait pas si ce dossier va déboucher oui ou non. Il semblerait que cela va venir à déboucher, mais on a un plan agricole régional qui prend en considération tous les programmes nouveaux, en vue de développer l'agriculture régionale. C'est pourquoi c'est toujours notre but de viser la rentabilité et d'augmenter le plus grand nombre de fermes agricoles rentables; c'est là notre objectif, parce qu'il ne faut jamais oublier que, dans le Bas-Saint-Laurent, il y a seulement 3000 agriculteurs et, pour maintenir une région agricole, cela prend un minimum de 3000 agriculteurs.

Avec la réglementation très sévère concernant l'environnement ou le zonage agricole, c'est bien de valeur, mais il va peut-être y avoir 50% des agriculteurs qui ne pourront pas faire face aux nouvelles exigences et, en même temps, on va peut-être protéger l'environnement au détriment de l'agriculteur lui-même. C'est là en partie notre mémoire.

M. Cordeau: A quelle date votre plan régional a-t-il été complété et déposé?

M. Michaud: Le plan régional agricole a été déposé au cours du mois d'avril.

Le Président (M. Boucher): Je crois qu'on

n'est pas à la commission de l'agriculture, on est à la commission de l'environnement et...

M. Cordeau: Mais c'est le contenu... Excusez, M. le Président, mais j'ai fait allusion à un paragraphe contenu dans le mémoire de l'UPA. C'est seulement une date que je demande, c'est tout.

Le Président (M. Boucher): II faudrait quand même s'en tenir au cadre que nous avons actuellement; c'est le règlement sur l'environnement. (16 heures)

M. Cordeau: Justement, pour développer l'agriculture, est-ce que la réglementation que nous sommes à étudier, aujourd'hui, vient à l'encontre un peu de leur développement? Cela se rapproche. Parce que s'ils ne peuvent pas se développer à cause d'une réglementation trop stricte, je pense que cela va de pair.

Le Président (M. Boucher): D'accord. Maintenant...

M. Cordeau: Mais j'ai seulement demandé la date. Sur cette question, je n'ai demandé que la date du dépôt du plan régional qui était terminé.

M. Michaud (Réal): Le rapport des recommandations a été déposé au cours du mois d'avril dernier, je pense, et les délégués des producteurs l'ont appuyé à 100% le 5 mai en assemblée générale spéciale, ce printemps. Par la suite, ils nous ont demandé de faire des priorités parmi les priorités, etc.

M. Cordeau: Une autre question. Vous avez fait mention aussi du droit acquis. Cela me semble un point primordial dans votre rapport. Je crois que M. le ministre en a parlé aussi un peu; mais quelles sont vos intentions, M. le ministre, sur les droits acquis? Est-ce que vous avez l'intention de prendre cette demande en considération dans la rédaction du règlement futur?

M. Léger: C'est sûr que déjà on reconnaît, pour les exploitations existantes, des normes beaucoup plus souples. Il y a une différence entre ceux qui s'agrandissent modérément, où les normes sont beaucoup plus souples, et ceux qui s'agrandissent beaucoup. Mais les droits existants... On n'a pas de droit existant à polluer, mais on a un droit existant dans le sens que dans le territoire qui sera zoné agricole, la vocation étant agricole, nécessairement les normes vont être beaucoup plus souples et on ne pourra pas interpréter les normes comme étant un avantage pour le citadin qui vient s'y installer, puisque la vocation donnée étant agricole, les normes seront moins sévères. Je pense que de ce côté-là, c'est ce qui donnerait un genre de droit acquis à la vocation agricole de la région, alors que dans une région non zonée agricole, nécessairement les normes vont être plus sévères.

M. Cordeau: D'accord. J'ai une autre observation. Quant au caractère rétroactif de la loi, vous avez fait mention, M. le ministre, ce matin, que toutes les installations, soit d'agrandissement ou de nouvelles constructions, datant soit de 1974 ou 1975, devraient obtenir un permis du ministère de l'environnement afin de régulariser leur situation. Vous les avez assurés que cette régularisation se ferait assez vite. Lorsqu'un cultivateur demandera de rectifier sa situation parce qu'il a agrandi son étable ou qu'il a changé sa production, avant de lui accorder son permis, est-ce que vous allez lui demander de construire tout de suite les fosses requises selon les productions animales qu'il a?

M. Léger: Tout ce que je peux dire pour le moment, c'est qu'il faudrait étudier chaque cas en particulier. Tout ce que je peux dire, c'est que pour une nouvelle exploitation ou une modification majeure à une exploitation existante, c'est depuis juillet 1973 qu'on devait avoir un permis pour les porcs, et depuis juillet 1974 pour les autres, dont les bovins. A ce moment-là, ce que je disais, c'est que pour les bovins, en tout cas, c'est très facile, il n'y a pas tellement de complications et, dans 99% des cas, comme je le disais ce matin, ils font la demande de permis et ils l'ont immédiatement.

M. Cordeau: Oui, mais avant d'émettre le permis, est-ce que vous allez exiger qu'ils aient leur fosse à purin ou à fumier selon la réglementation qui sera en vigueur à ce moment-là?

M. Léger: La réglementation, actuellement, c'est un guide pour déterminer si on donne un permis ou non. Mais si je dis qu'à 99%, il n'y aura pas de problème, c'est qu'au niveau du permis pour les éleveurs de bovins, nous ne voyons pas de problème de ce côté du tout. Du côté des porcs, nécessairement, il y a beaucoup de demandes en suspens actuellement, parce qu'il y en a trop pour la capacité d'absorption de nos services et c'est pour ça que ça prend un certain temps.

On ne peut pas dire, ça dépendrait de ce qu'on va demander. Le règlement actuel est celui qui a permis de donner 4290 permis. Alors, les gens qui nous demanderaient un permis pour être à jour, ce seraient les mêmes normes pour eux que pour ceux qui les ont eus avant. On ne peut pas être injuste pour les nouveaux comme pour les anciens.

M. Cordeau: Cela peut prendre un peu plus de temps pour l'émission.

M. Léger: Cela dépend de chacun des cas.

M. Cordeau: C'est parce que le type devra respecter la réglementation, soit avoir une fosse à fumier avant de recevoir son permis pour rectifier son agrandissement qui a eu lieu il y a déjà deux ou trois ans.

M. Léger: Nécessairement, cela dépend de

chacun des cas. On procédera de la même façon que pour les autres qui ont eu leur permis. Il n'y a pas de complication supplémentaire, c'était le guide dont on se servait depuis déjà six ans, même avant le gouvernement actuel, ce n'est pas nouveau, cela existait même en 1972.

M. Cordeau: C'est parce qu'il y a des cultivateurs qui ont agrandi; supposons qu'ils avaient 20 vaches, ils ont augmenté à 40 vaches, ils ont agrandi leur étable mais selon la réglementation actuelle, ils auraient dû demander un permis, ils ne l'ont pas fait et, à un moment donné, ils vont vouloir rectifier leur situation, demander un permis parce que autrement, ils sont hors la loi et il pourrait y avoir une injonction.

M. Léger: Pour rassurer le député, l'exemple que vous venez de donner, ce sont les mêmes normes pour 25 ou 40 vaches.

M. Cordeau: Oui.

M. Léger: C'est le chapitre 44 de la Loi d'hygiène.

M. Cordeau: Alors, le type qui va demander de rectifier sa situation, il va falloir qu'il envoie avec sa demande de permis un plan de sa plate-forme, pour le fumier de bovins.

M. Léger: Ce sont les mêmes normes qu'il devait respecter depuis 1944. Il n'y a rien de nouveau.

M. Cordeau: Mais, dans ce temps-là, il n'y en avait pas pour le fumier de bovins, de ces plates-formes?

M. Léger: Oui, il y en avait.

M. Cordeau: II y en avait depuis 1974?

M. Léger: Depuis 1944.

M. Cordeau: Une plate-forme?

M. Léger: Cela dépend du type de plate-forme qu'il fallait. C'est un système d'entreposage.

M. Cordeau: Oui.

Le Président (M. Boucher): M. Cimon.

M. Cimon: La position de l'UPA là-dessus, c'est qu'on devrait ignorer les agrandissements qui ont été faits de 1972 à 1978, parce que, malheureusement, la loi n'a pas été diffusée de façon adéquate.

M. Léger: Je vais vous poser une question là-dessus. Est-ce qu'il serait juste pour ceux qui se sont conformés à la loi, que les voisins ne respectent pas la loi à laquelle ils se sont conformés, qui leur a amené des dépenses?

M. Cimon: Je ne sais pas en quel nombre ils se sont conformés, mais, dans notre région, au niveau des producteurs de bovins laitiers, j'ai l'impression que tout le monde a pas mal fonctionné du même pied.

M. Léger: D'après nos connaissances, la majorité des gens se sont conformés, mais il y en a beaucoup qui ne l'ont pas fait. Mais c'est quand même une minorité par rapport à l'ensemble. On trouve que ce serait injuste de ne pas voir à ce que tout le monde se conforme à la loi, puisqu'il y en a qui ont fait des dépenses pour se conformer à la loi. Ce ne serait pas juste pour eux qu'on permette à d'autres de ne pas se doter des mêmes équipements. Mais, comme je vous le dis, il ne faut pas dramatiser, puisque, dans 99% des cas, la demande de permis pourrait avoir une acceptation très rapide.

Le Président (M. Boucher): Oui.

M. Bélanger: M. le ministre, il y a une chose que j'aimerais savoir. On sait que vous avez alloué aux SPE des permis pour la construction de fosses en blocs. Cela aurait l'air, aujourd'hui, que les fosses en blocs ne sont plus reconnues comme étant étanches. Ces gens-là ont quand même des permis dans leur poche pour dire qu'ils sont autorisés à un taux de production avec un nombre requis d'unités animales.

A ce moment-là, est-ce que ces permis vont être prolongés? Ou est-ce que vous allez revenir en arrière et leur dire: Avec la nouvelle réglementation, les fosses en blocs ne sont plus permises? Est-ce que vous allez revenir sur le permis que vous avez déjà alloué?

M. Léger: Non.

M. Bélanger: Non, d'accord.

M. Léger: Si cela peut vous rassurer, non.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, en lisant le mémoire de l'UPA, il y a deux constatations que j'aimerais faire. Quand on parle de zonage agricole, j'ai l'impression que, dans ce projet de règlement, même si c'est pour fins d'étude et qu'on sait que, dans un temps plus ou moins rapproché, il sera probablement effectif et que les agriculteurs devront s'y conformer, même s'il y a eu des modifications, j'ai l'impression qu'on aurait dû procéder auparavant au zonage agricole. Le zonage agricole viendrait donner des droits aux agriculteurs et pourrait peut-être leur permettre certaines choses, et les mêmes exigences deviendront obligatoires à la suite de l'adoption des règlements. Cela sera peut-être à ce moment-là d'une sévérité additionnelle que les agriculteurs eux-mêmes ne pourront pas se permettre.

En ce qui concerne les droits acquis, je dois

vous dire que je suis parfaitement d'accord, parce que j'imagine qu'il n'y a pas un citoyen au Québec qui ne sait pas ce que peut sentir une porcherie. Cela a l'air curieux à dire, mais, même si les citoyens savent que cela peut sentir mauvais, même si cela ne semble pas nocif à la santé dans la majorité des cas, il y a toujours des gens de l'extérieur, des citadins surtout, qui viennent s'installer proches pour ensuite faire des plaintes à l'environnement, ce qui cause évidemment énormément de problèmes à l'agriculteur.

Quand vous parlez, à un moment donné — c'est là le sens de ma question — des plates-formes étanches, vous mentionnez, à l'intérieur de votre mémoire, que, dans certains cas, il serait préférable que ces plates-formes ne soient pas étanches, en parlant des sols argileux. A votre niveau ou au niveau de l'UPA en général, y a-t-il eu des études de faites concernant les différentes sortes de plates-formes qui pourraient être exigées? En principe, y a-t-il eu des études qui pourraient nous guider, nous de la commission?

M. Michaud (Réal): Non, nous de la Fédération de l'UPA n'avons pas fait d'étude en profondeur, mais l'expérience des agriculteurs démontre qu'un sol argileux est très étanche. Le ministre a dit ce matin qu'il n'est pas toujours nécessaire d'avoir une plate-forme en béton, qu'il peut y avoir d'autres substances qui peuvent garder... Je pense que l'argile peut être une substance, je ne le sais pas. L'étude serait peut-être à faire de ce côté-là. Mais il y aurait peut-être un point que j'aimerais préciser. Tout à l'heure, on a dit: II y a des cultivateurs qui ont fait des plates-formes en béton, depuis dix ans et quinze ans, depuis 1944. Mais l'ont-ils fait vraiment dans l'intention de protéger l'environnement ou bien pour se donner le loisir de transporter le fumier à leur aise? Ce sont deux choses. Je pense qu'il y en a plusieurs qui l'ont fait, peut-être dans l'intention de conserver leur fumier, d'accord, mais surtout pour que le transport et l'épandage, surtout le chargement, se fassent peut-être plus à leur aise. De ce côté, je pense qu'il y a des cultivateurs qui ont peut-être semblé s'y conformer, mais peut-être aussi que c'était surtout pour faciliter l'épandage.

Du côté des études qui ont été faites, je pense que ce serait bon — l'UPA serait réceptive à cela — d'étudier certains sols ou des systèmes de sable, par exemple, parce qu'on sait que le sable est un élément filtreur. Je ne verrais pas pourquoi il n'y aurait pas des expériences qui pourraient se faire de ce côté-là, parce qu'on m'a toujours dit que l'huile pouvait être facilement filtrée à travers le sable. On enlève tous les résidus. Pourquoi ne ferait-on pas la même chose pour le fumier?

M. Picotte: Peut-être une dernière question, celle-là s'adresse au ministre. Lorsqu'il a été question de dépotoir régional, à un moment donné, le ministre a fait de nombreuses études. Dans quelques dépotoirs qui fonctionnent présentement, il semblerait que ces études donnent des résultats positifs. Il ne semble pas que cela cause de pro- blème dans certaines régions, entre autres dans ma région. Le ministre disait ce matin que ce n'était pas nécessairement des plates-formes en béton qui pouvaient exister, qu'il y en avait d'autres sortes. Y a-t-il quand même une étude assez poussée de la part des spécialistes de votre ministère concernant les différentes sortes de plates-formes qui pourraient être exigées, concernant les sols et concernant aussi diverses régions, parce que j'imagine que les régions ne sont pas toutes semblables?

M. Léger: II n'y a pas eu d'étude puisque l'objectif pour nous, c'est de nous assurer que la personne qui devra procéder à une exploitation ait un système étanche. Le règlement est fait de façon que ce soit à nous à prouver que ce n'est pas étanche. Pour obtenir un permis, il faut que la personne s'engage à avoir une fosse étanche, une plateforme étanche. Par la suite, c'est à nous à prouver qu'elle n'est pas étanche, s'il y a un problème, et non pas à elle à nous prouver qu'elle est étanche pour avoir son permis.

M. Picotte: N'y aurait-il pas possibilité, à la suite d'une étude par exemple, que, dans les normes, le ministère de l'environnement puisse dire à l'agriculteur: Voici, tu pourrais t'organiser de telle, telle ou telle façon. Il y aurait trois, quatre, cinq ou six façons de s'organiser dans ce domaine. A ce moment-là, il pourrait exiger, selon la possibilité des sols ou autres, que l'agriculteur se conforme à cela. Là, on semble demander à l'agriculteur de faire une étude, de faire des recherches, d'engager peut-être des spécialistes qui vont coûter X mille dollars, on ne sait pas, mais qui peuvent coûter des milliers de dollars à l'agriculteur pour qu'il vienne dire: Voici, ce serait étanche. (16 h 15

J'imagine que si les services de recherche du ministère de l'environnement avaient fait une étude, cela pourrait être pas mal moins dispendieux chez les agriculteurs et plus facile aussi pour eux d'application. Je pense bien qu'il ne serait pas question que le ministère prouve que ce n'est pas étanche ou moins étanche ou que l'agriculteur soit obligé de prouver que c'est étanche. Je pense que c'est une question de normes auxquelles ces gens seraient prêts à se plier, mais à condition qu'on arrive et qu'on leur donne une norme quand même assez précise avec des possibilités.

M. Léger: Si vous me permettez, je vais corriger ce que j'ai dit tantôt. Il y avait la moitié de vrai et la moitié de faux. Donc, je vais corriger. Je ne suis pas un spécialiste dans le domaine des techniques de contrôle de l'environnement. Disons donc que pour les installations déjà en place, ce que j'ai dit tantôt, s'applique. C'est à nous à prouver que ce n'est pas étanche, s'il faut qu'il y ait une poursuite de ce côté. Dans celles qui sont à venir, ceux qui demandent un permis doivent nous prouver que le projet va être étanche, mais quel que soit le moyen, quel que soit le type de

fosse ou de plate-forme. Je ne pense pas que ce soit, selon la Loi de la qualité de l'environnement, une responsabilité du ministère de déterminer et de faire des études de recherches sur des projets semblables. C'est au producteur ou c'est à l'industrie elle-même à s'assurer, pour ne pas émettre de contaminant, qu'elle a les moyens pour le faire. Ce n'est pas au service de la protection de l'environnement à faire des études pour déterminer quel type cela prend.

Parfois, par exemple, du côté de l'utilisation quand même — je vais répondre en même temps à la question de tantôt du député de D'Arcy McGee — pour déterminer des moyens peut-être de rendre rentable l'utilisation de la gestion des fumiers, il y a nécessairement le procédé où nous avons fait une étude et une expérience avec le procédé Fuchs, qui utilise justement, comme le disait le député de D'Arcy McGee, la tourbe comme deuxième étape du procédé Fuchs pour ajouter le carbone nécessaire, de façon que l'engrais animal corresponde à une bonne rentabilité, à un bon usage. Quant à la deuxième réponse que je pourrais donner aussi en même temps au député de D'Arcy McGee, concernant la commission d'appel, c'est vrai que la commission municipale est un organisme qui peut répondre aux préoccupations de décisions qui seraient données par le directeur du service de la protection de l'environnement.

M. Picotte: Je suis un peu d'accord avec le ministre, à savoir que ce n'est peut-être pas à l'environnement à faire des études là-dessus. Mais en tout cas, j'ose comprendre que ce serait possiblement en fonction du ministère de l'Agriculture, et peut-être que dans les nombreuses rencontres qui vont avoir lieu sûrement à ce sujet entre le ministère de l'Agriculture et l'environnement, ce serait peut-être une excellente suggestion à faire au ministère de l'Agriculture, de votre part, d'essayer d'en venir à quelque chose qui pourrait rendre service aux agriculteurs comme tels.

M. Léger: Pour vous rassurer, et en même temps, répondre à des préoccupations de ce matin, nous avons dans la salle, aujourd'hui, des représentants du ministère de l'Agriculture, dont le sous-ministre adjoint, et du personnel qualifié qui écoutent régulièrement et attentivement le débat pour être capables de donner suite à des préoccupations.

M. Picotte: Vous voyez, M. le ministre, nos vingt minutes de ce matin n'ont pas été du temps perdu. Cela a porté des fruits.

M. Cordeau: Nos invités...

Le Président (M. Boucher): Compte tenu du temps qui s'écoule rapidement et du nombre d'invités que nous avons aujourd'hui, je dois malheureusement mettre fin à ce débat, en remerciant les représentants de la Fédération de l'UPA du Bas-Saint-Laurent d'avoir bien voulu présenter leur mémoire, au nom de tous les membres de la commission.

M. Cimon: Nous autres aussi, on vous remercie. Franchement, on aime donner notre opinion. Comme dernier argument, je voudrais peut-être dire à M. le ministre Léger que quand je roule à 100 milles à l'heure sur l'autoroute, ce n'est pas à moi à prouver que je vais à 100 milles à l'heure, c'est à la police.

M. Léger: Bien d'accord. Pour avoir mon permis de conduire, il faut que je prouve quand même que je suis capable de chauffer.

Le Président (M. Boucher): Merci. J'appellerais maintenant MM. Martel et Zizka, qui ont un mémoire personnel à présenter. Messieurs, si vous voulez vous présenter.

MM. Yvon Martel et Jean Zizka

M. Martel (Yvon): Yvon Martel.

M. Zizka (Jean): Jean Zizka, agronomes, Agriculture Canada à Sainte-Foy.

M. Martel (Yvon): M. le Président... Le Président (M. Boucher): Allez-y!

M. Martel (Yvon): ... M. le ministre, messieurs les députés et membres de cette commission, nous sommes deux chercheurs en agriculture pour Agriculture Canada, qui travaillons en laboratoire à Sainte-Foy, ici, sur le boulevard Hochelaga, et c'est un mémoire un peu technique, peut-être, que nous voulons vous présenter mais, quand même, qui a une implication très pratique.

Nous allons vous lire le mémoire pour commencer, en se divisant la tâche tous les deux.

Ceci fait partie d'un projet sur lequel nous travaillons en équipe, Jean Zizka et moi-même, concernant le rôle de la matière organique sur la productivité des sols du Québec.

Or, les fumiers sont considérés comme un amendement organique et c'est la raison pour laquelle ils constituent ici le sujet de nos recherches.

M. Zizka: C'est à titre personnel et dans le cadre de travaux que nous accomplissons dans notre discipline de la fertilité des sols ainsi que de l'analyse des fumiers que nous voulons soumettre ce mémoire. Permettez-nous, tout d'abord, de vous féliciter, M. le ministre, ainsi que votre ministère pour attaquer, tant sur le plan technique que politique, un problème d'une telle envergure. C'est dans l'espoir de vous voir réussir que nous prenons le temps de vous exposer notre point de vue.

Le point précis que nous voulons soulever concerne la section VI, article 48, sur les superficies d'épandage pour l'élimination des fumiers. Bien que l'idée générale soit très satisfaisante et

que vous laissiez la porte ouverte aux exceptions, sur présentation d'une étude technique faite et "signée par un professionnel dûment habilité à cette fin par la loi de l'ordre professionnel auquel il appartient", nous croyons que l'utilisation de la relation directe de l'unité animale avec la superficie de terrain pour baser les recommandations de fumier causera de nombreuses difficultés, en particulier pour les producteurs de porcs.

Les difficultés proviennent des variations qu'on obtient dans les éléments fertilisants contenus dans le fumier et des pertes de ceux-ci à l'air durant l'entreposage et l'épandage. Ces problèmes, s'ils ne sont pas considérés, causeront des différences dans les recommandations entre le point de vue de l'environnement et celui de l'agriculture.

M. Martel (Yvon): Nous croyons donc que les recommandations d'application de fumier sur les sols doivent tenir compte de trois types d'information: 1. Les quantités d'éléments nutritifs contenus dans les fumiers au temps de l'épandage. Ceci constitue la base de la recommandation. Il n'y a pas de système établi au Québec pour faire analyser les fumiers sur une base de routine. Toutefois, à partir de la littérature et des travaux que nous faisons en laboratoire, nous constatons que dans des conditions également bonnes, le système liquide d'entreposage, utilisé par les producteurs de porcs, cause des pertes d'azote à l'air plus élevées que le système d'entreposage solide communément retrouvé avec les bovins laitiers. Ainsi, nos résultats permettent d'évaluer que les pertes nettes d'azote dans un entreposage liquide de fumier de porc sont de l'ordre de 50% alors qu'elles ne sont que de 15% pour le fumier de bovins entreposé en tas. 2. Les recommandations de fumier doivent aussi tenir compte des quantités d'éléments minéralisables (rendues assimilables à la plante) au cours de la première saison de végétation. Les éléments contenus dans le fumier ne sont pas tous minéralisables la première année. Ils ne peuvent donc pas tous servir à la plante ou polluer l'environnement à la première saison de végétation. Nous estimons, à partir de travaux faits aux Etats-Unis et dans l'Est du Canada, qu'environ 50% de l'azote, 20% du phosphore et 50% du potassium sont minéralisés au cours de la première année de végétation et peut-être 15% la seconde année. De plus, puisque l'azote est l'élément qui répond le mieux sur les sols du Québec et que c'est lui, par contre, qui se perd le plus facilement dans les eaux de drainage, comparé au phosphore et au potassium qui sont mieux retenus dans les sols, nous croyons que l'azote devrait servir de base pour recommander les doses de fumier à appliquer. 3. Les recommandations de fumier doivent tenir compte des besoins des plantes en éléments nutritifs. Ceci est aussi un facteur important, car il ne serait pas logique de limiter les doses d'azote sous forme de fumier sur une surface donnée, pour des raisons de protection de l'environne- ment, et d'ajouter de l'azote sous forme d'engrais chimique sur le même sol la même année, pour répondre aux normes de fertilisation établies par le CPVQ, sauf, bien sûr, s'il s'agit d'une culture hautement spécialisée exigeant des temps d'application très précis.

En tenant compte de ces trois principes, le tableau 1, que vous avez à la page 3, nous donne les doses de fumier frais requises pour différentes cultures. Ce tableau, en fait, est un tableau que nous avons soumis et qui a été adopté par le CPVQ, par le ministère de l'Agriculture du Québec, en vue des recommandations de fumier, au point de vue agronomique, dans la province de Québec. Pour tenir compte des pertes de l'azote à l'air, il faut augmenter ces doses de 15%, pour le fumier solide, et de 100% — vous avez peut-être 50% sur votre manuscrit, c'est à corriger — pour le fumier liquide. Si du fumier a été épandu l'année précédente, on devrait diminuer les doses de 15%. Cette approche agronomique nous conduit à recommander des doses de fumier plus élevées que vous ne le permettez à votre ministère; surtout pour le fumier de porc.

A partir de ces faits, par exemple, nous croyons que les doses de fumier de porc devraient être de 57 tonnes pour un hectare de maïs-grain et pourraient atteindre 114 tonnes à l'hectare, s'il est entreposé sous forme liquide et épandu sur le sol n'ayant pas reçu de fumier l'année précédente.

D'après vos recommandations, le producteur agricole ne devrait pas dépasser 23 tonnes à l'hectare; or, cette dose est 4,5 fois plus faible que ce que nous pourrions recommander au point de vue agronomique. En retour, ceci peut avoir une importance capitale pour calculer la concentration de porcheries selon la surface de terrains disponibles pour disposer des fumiers au Québec.

M. Zizka: Devant ces différences, nous voudrions faire les recommandations suivantes: Que les recommandations de fumier soient basées sur la quantité d'azote qu'un producteur agricole peut utiliser à l'hectare, selon la plante en culture.

Que des équivalences d'unités animales soient faites en relation avec les quantités d'azote contenues dans les fumiers et disponibles aux plantes, selon l'espèce animale et la forme d'entreposage du fumier.

Ces recommandations sont dans la ligne de pensée du présent projet. Au lieu de relier l'unité animale directement à la superficie de terrain, elle la relie à l'élément azote, qui devient le critère de base pour l'utilisation des fumiers.

Le Président (M. Boucher): Merci, messieurs. M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je vous remercie de l'intérêt que vous avez porté à ce problème. Habituellement, quand on parle de chercheurs, la première question que je leur pose est: Avez-vous trouvé? Parce qu'on a beaucoup de chercheurs, au Québec, mais il n'y en a pas beaucoup qui trouvent les solutions aux problèmes, parce qu'il y a

plus de problèmes que de solutions. Mais, quand même, je pense que vous avez apporté un point très important qui n'était pas connu et vous nous apprenez qu'il y a une perte importante d'un élément fertilisant, lors de l'entreposage du fumier. Pensez-vous qu'il soit possible d'appliquer cette nouvelle connaissance à l'intérieur d'un règlement qui soit uniforme?

M. Martel (Yvon): Oui, et d'ailleurs il y a une tentative de le faire; vous êtes un peu dans l'obligation d'impliquer des normes d'application de fumier à l'acre et à l'hectare. L'article 47, par exemple, mentionne une unité animale par trois dixièmes d'hectare, à l'acre, en fait, plus ou moins. Lorsque l'on vient, dans la pratique, pour faire des calculs et faire des recommandations, on se pose la question: Qu'est-ce qu'une unité animale? Cela peut varier; aux Etats-Unis, il y a des gens qui parlent de l'unité animale avec 117 kilogrammes d'azote; au Québec, ce n'est pas mentionné dans le rapport, mais on parle souvent de 80 kilogrammes d'azote. C'est un peu plus sophistiqué, mais je crois que si vous voulez faire des recommandations d'épandage de fumier sur des surfaces données, il faut être un peu plus sophistiqué et il faudra peut-être renouveler les recommandations à la lumière des recherches qui se feront d'année en année. Je dois vous dire que — je ne suis pas au ministère provincial de l'Agriculture — au ministère de l'Agriculture, les recommandations sont révisées chaque année, à la lumière des nouvelles recherches. Comme dans tout domaine de science, les recommandations sont aussi renouvelées d'année en année ou de cinq ans en cinq ans; je pense que, dans ce domaine, où c est peu connu jusqu'à maintenant, vous allez aussi être obligés de les réviser à l'occasion. (16 h 30)

M. Léger: Pour répondre à votre préoccupation — c'était dans la Gazette officielle — à l'intérieur du règlement, il y a une définition de cette unité animale, à la page 5697 du projet de règlement, où on indique: "Lorsqu'un poids est indiqué à la présente annexe, il s'agit du poids de l'animal prévu à la fin de l'élevage" et pour chaque type d'animaux, vous avez, par exemple une vache laitière et son veau de l'année, cela équivaut à une unité animale. Alors, cela prend cinq porcs d'élevage d'un poids de 20 à 100 kilogrammes chacun pour déterminer une unité animale. Alors, cela est déjà défini dans le règlement, la définition de l'unité animale.

Il y a un autre aspect, dans votre mémoire, qui est intéressant. Avez-vous, quand même, une suggestion d'un mécanisme quelconque de contrôle dans la pratique? Autrement dit, comment peut-on vérifier que l'agriculteur va épandre en respectant les doses maximales de fumier que vous suggérez?

M. Martel (Yvon): Là-dessus, M. le ministre, vous devez lui faire confiance presque à 100% à moins d'avoir un agent par ferme pour surveiller. Je vais vous dire pourquoi. C'est dans son intérêt d'utiliser les doses les plus recommandables possible. Il est le premier à nous téléphoner et à poser des questions de semaine en semaine, surtout depuis que le ministère de l'environnement fait de la publicité pour les fumiers, si on peut le prendre dans ce sens-là.

M. Léger: Le règlement est en train de rendre le fumier populaire.

M. Martel (Yvon): Oui, si vous voulez, jusqu'à un certain point et les producteurs d'animaux, les fermiers, en fait, sont les premiers à se poser des questions et sont les premiers intéressés et ne demandent pas mieux que d'avoir des recommandations valables. Si on est capable d'expliquer les recommandations et de les rendre valables, ils vont être les premiers à les respecter. Il y a toujours des abus à quelques endroits, mais règle générale, je crois qu'on peut leur faire confiance à condition de leur proposer des recommandations qui rapporteront des rendements valables et qui seront, dans leur esprit aussi, logiques. Est-ce que je peux revenir sur l'unité animale?

M. Léger: Oui.

M. Martel (Yvon): C'est vrai qu'elle est définie, mais c'est peut-être un peu technique ici, mais certainement avec vos fonctionnaires, cela nous ferait plaisir de vous aider après cette présentation. Ce n'est pas très clair pour nous. Comme j'ai dit, l'unité animale plus un veau de l'année, quand vous êtes au niveau de la ferme, c'est combien de temps? Est-ce que c'est deux mois? Est-ce que c'est cinq mois? Est-ce que c'est un an? Lorsque vous faites des calculs pour représenter les fumiers, combien de temps est-ce un veau de l'année? Une vache laitière, comme je vous dis, aux Etats-Unis, on parle souvent de l'équivalent de 117 kilogrammes, en Ontario on parle de 80 kilogrammes. Je vais vous donner un exemple démontrant pourquoi on a de la difficulté. Vous dites: Une vache laitière. Je suppose que vous avez calculé cela sur une base d'azote. C'est ce qu'on propose dans notre recommandation et j'espère que cela va être adopté ou que vous allez faire les recommandations sur une base d'azote.

M. Léger: C'est le cas.

M. Martel (Yvon): C'est le cas. Alors, il s'agirait peut-être de le mentionner de façon un peu plus sophistiquée. L'exemple que je veux vous apporter est pour cette raison. Une vache laitière plus son veau de l'année, je l'accepte à 80 kilogrammes d'azote, ça produit cela. Je ne suis pas certain de ce que vous voulez dire par un veau de l'année, en combien de temps, mais admettons que c'est un détail. Lorsque vous arrivez au porc d'élevage. Vous dites: Cinq porcs correspondent à une unité animale. Je dois vous dire qu'avec les travaux que nous faisons, cela n'entre pas dans nos calculs. On a vérifié l'Ontario. L'Ontario parle de 15 porcs pour une unité animale. Au Québec on

parle ici de cinq porcs. Dans nos calculs, avec les analyses qu'on a faites, il y a des pertes d'azote qui sont un peu plus élevées parce que l'entreposage du fumier dure plus longtemps ici qu'en Ontario, l'unité animale correspondrait plus à 18 porcs. Cela commence à faire des différences assez grandes, entre cinq porcs et 18 porcs. Je pense qu'à un moment donné ou l'autre, il faudra faire des tableaux un peu plus précis pour être capable de passer à travers et que les agronomes et les cultivateurs soient capables d'interpréter ces données au champ.

M. Léger: C'est parce que la façon dont l'Ontario détermine ou explicite son règlement, c'est que pour eux, c'est quinze porcs de mis sur le marché dans une année. Tandis qu'au Québec, nous parlons d'un espace qui peut contenir cinq porcs. Cela se reproduit 2,3 fois le nombre de porcs dans un espace et au bout de l'année, cela revient à peu près au même chiffre puisque 2,3 fois ou même trois fois cela équivaut à peu près à la quantité de l'Ontario,, un basé sur l'espace et l'autre sur le nombre de porcs qui est mis sur le marché pendant un an.

M. Martel (Yvon): D'accord. Ce n'est sans doute pas clair, par exemple. Le cultivateur et nous qui faisons les calculs, on voit 5 porcs, est-ce que ça veut dire qu'une porcherie de 5000 porcs équivaut à 1000 unités animales, 1000 unités animales à trois dixièmes d'hectares chacune, ça fait à peu près 300 acres...

M. Léger: C'est ça, 1000 unités animales pour 5000.

M. Martel (Yvon): Pour 5000, oui. Mais comme je vous dis, déjà ça porte... C'est pour cette raison que la recommandation, si elle était faite sur l'azote plus précisément, je suis certain que les calculs doivent se rejoindre quelque part là-dessus. Parce que c'est probablement pris aux mêmes sources, c'est une façon de les interpréter, de les calculer. Mais l'azote est certainement l'élément de base qui vous intéresse et qui intéresse la pollution, qui intéresse l'agriculture, premièrement et les doses à appliquer sont importantes là-dedans.

M. Léger: D'accord.

Le Président (M. Boucher): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je serai très bref et je répéterai quelque chose que j'ai déjà dit lors de séances de commissions parlementaires. Souvent, ce n'est pas le mémoire qui ne provoque pas beaucoup de questions qui est le moins important, au contraire. Quand un mémoire est clair et fait des recommandations qui sont facilement compréhensibles, on n'a pas besoin de poursuivre toute une série de questions afin de comprendre ce que les auteurs veulent dire.

Je pense que nous n'avons pas eu assez sou- vent des chercheurs comme vous, M. Martel et M. Zizka qui sont venus devant les diverses commissions parlementaires et notamment devant celle de l'environnement. J'ai été particulièrement impressionné par le mémoire que vous présentez. Il est, comme vous l'avez avoué, un peu technique; ce n'est pas une faute. C'est loin d'être un défaut du mémoire, au contraire. Il me semble que le ministre a déjà indiqué sa volonté de revoir les normes et les exigences de l'éventuel règlement sur les exploitations animales, à la lumière des précisions d'ordre scientifique, basées sur des recherches et des données scientifiques que vous avez incluses dans votre mémoire.

Je suis convaincu que vous aurez apporté une contribution exceptionnelle à notre travail, en présentant ce mémoire. Je pense que je n'ai pas besoin de demander au ministre si, effectivement, il va revoir les aspects techniques du projet de règlement, à la lumière des recommandations qui sont contenues dans ce mémoire. Il me semble que le point fondamental — fondamental pour moi dans le sens pratique de l'application d'un règlement sur la protection de l'environnement par rapport aux exploitations animales — c'est lorsque vous dites: Si l'on ne fournit pas, avec du fumier, avec des produits à même le fumier, les quantités nécessaires d'azote et d'autres éléments, il faudra les ajouter d'une autre façon, avec des engrais chimiques, afin d'obtenir le résultat voulu, le rendement voulu de la terre en question.

Il me semble donc que vous avez posé un défi. Ce défi est le suivant: II faudra trouver une façon d'atteindre, par des moyens naturels autant que possible, les quantités, les concentrations nécessaires d'azote et d'autres éléments nutritifs afin d'obtenir le rendement que l'on veut du sol. Si on n'est pas capable de le faire à l'intérieur d'un règlement adopté en vertu de la Loi de la qualité de l'environnement, il faudra se poser des questions, parce qu'il y aurait, dans ce cas-là, en même temps, un autre risque de pollution présenté par l'utilisation des engrais chimiques. Donc, il faudra voir les deux en même temps pour voir quel est le total de la charge imposée à l'environnement.

Vous avez rendu un fier service à cette commission parlementaire. Je n'ai pas de question. J'ai voulu faire ce commentaire pour vous remercier et vous féliciter de ce mémoire.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de D'Arcy McGee. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: J'aurais une question à ceux qui ont présenté le mémoire. Vous êtes des agronomes chercheurs. Dans vos fonctions, est-ce que vous faites des recherches sur la manière d'employer le purin, les modes d'emploi du purin ou si ce ne sont que des recherches scientifiques que vous faites?

M. Martel (Yvon): Oui, il y a des aspects plus fondamentaux que d'autres, mais nous avons des essais pratiques sur les analyses de fumiers tels

qu'ils se présentent au temps de l'épandage sur la ferme, et l'utilisation de ces fumiers sur des sols précis, pour essayer de vérifier combien d'éléments fertilisants, contenus dans le fumier au temps de l'épandage, peut servir à la croissance des plantes et produire de bons rendements.

Donc, oui, nous avons des essais. Nous n'en avons pas autant que nous le voudrions mais nous avons des essais pour vérifier les hypothèses de base de travail, peut-être pas pour faire des recommandations sur tous les sols et dans toutes les régions de la province. Nous devons extrapoler. Ce serait dispendieux. Mais j'espère qu'à long terme, cela pourrait être fait. Nous essayons de vérifier les données de base qu'on vous a soumises aujourd'hui, qui ont été vérifiées dans nos conditions, peut-être un peu artificielles, mais quand même avec des sols du Québec et du fumier du Québec, par des chercheurs du Québec.

M. Cordeau: J'ai pu déceler dans vos recommandations que le purin de porc doit être épandu selon les cultures que le cultivateur fera l'année suivante. Il y a peut-être des cultures qui demandent plus ou moins d'azote.

M. Martel (Yvon): Exactement. Dans le tableau — j'ai passé vite sur le tableau — vous avez des cultures de maïs-grain qui demandent 170 kilogrammes d'azote à l'hectare par année. Vous avez une culture d'avoine qui demande 45 kilogrammes d'azote l'hectare. Il faut, pour être logique, appliquer plus de fumier dans un champ où il y a du maïs-grain que dans un champ où il y a de l'avoine. C'est un degré de sophistication un peu plus avancé, mais je l'espère, pas trop. Il faut en tenir compte. C'est tout simplement la pratique qui le demande. Autrement, vous allez avoir des problèmes de récolte, de surrendements et de verses dans le cas de l'avoine ou de sous-rendements de maïs.

M. Cordeau: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci. Je veux vous féliciter à mon tour pour la qualité de votre mémoire. J'aurais une question à vous poser. Est-ce que vous croyez possible, compte tenu des recherches que vous avez faites, de préciser, dans une réglementation qui peut s'appliquer partout, des données qui tiennent compte en même temps des cultures, et non seulement des cultures, mais qui tiennent compte aussi des sols, parce que les sols n'ont pas tous les mêmes besoins, selon les régions. Même à l'intérieur des régions, vous avez des sols qui ont besoin de telle sorte d'engrais plutôt que telle autre, et telle sorte de fertilisant plutôt que telle autre.

Pensez-vous que, compte tenu des études que vous avez faites, il soit possible d'inclure tout cela dans un règlement, premièrement, et, deuxièmement, de l'appliquer par la suite?

M. Martel (Yvon): Peut-être que cela vous semble compliqué, mais laissez-moi vous assurer que c'est très simple. Les cultivateurs travaillent avec des grilles de fertilisation. Pour chaque récolte, ils vont dans une grille de fertilisation pour regarder, pour les engrais chimiques; il s'agit de faire des grilles semblables pour les fumiers. Les cultivateurs sont déjà habitués à travailler avec cette approche. Je crois que, pour eux, ce serait très simple.

Ce n'est peut-être pas aussi facile pour nous de faire les grilles que cela l'est pour les engrais chimiques, qui ont eu l'avantage d'avoir des recherches depuis les années quarante et surtout depuis les années soixante-dix, de façon intensive, au Québec. Mais on peut se servir de ces recherches pour faire une adaptation pour les fumiers et les inclure dans des grilles de recommandations pour les cultivateurs. (16 h 45)

Je crois que, dans vos règlements, c'est peut-être difficile d'aller au niveau du cultivateur. Vous devez maintenir des principes de base. Je crois que si vous acceptez, comme il semble que vous l'ayez fait, la base de l'azote pour les recommandations de fumier, il s'agit, comme on vous le recommande, ou une recommandation près de celle-ci, de recommander des doses de fumier selon les plantes en culture, selon les besoins des sols aussi et de laisser les doses au ministère de l'Agriculture peut-être. Peut-être que vous voulez vous aventurer aussi dans ces doses, mais le règlement devra spécifier la base des recommandations.

M. Roy: M. le Président, je vous remercie. C'est justement pour cela que les cultivateurs, les agriculteurs exercent des grilles de fertilisation sur leur ferme, premièrement, en faisant analyser leur sol, deuxièmement, en tenant compte des spécialisations, en tenant compte des choix de cultures qu'ils ont faits. Dans des régions, la nature du sol peut varier et les cultures peuvent également varier. Il faut tenir compte de cela. C'est ce qui m'apparaît extrêmement difficile dans une réglementation, parce que je fais une distinction entre des recommandations qui pourraient être faites par les services de protection de l'environnement, à la suite des études qui sont faites, et une réglementation qui a la même portée que la loi et qui doit s'appliquer.

Il ne faudrait pas, je pense, à ce moment-ci — c'est une observation que je fais — s'enfermer dans des normes extrêmement rigides qui viseraient à faire en sorte de restreindre la marge de manoeuvre dont l'agriculteur a besoin sur sa ferme, parce qu'il y a une tentation qui existe actuellement, on ne s'en cache pas, et ce n'est pas un reproche que je fais à l'actuel ministre, nous avons eu une conférence des parlementaires du Commonwealth, la semaine dernière, pour étudier le parlementarisme britannique. Cela a fait l'objet de plusieurs séances d'études, par exemple sur la réglementation, la tendance à trop réglementer. J'aimerais attirer l'attention du ministre ici sur

l'excellence du mémoire qui a été présenté par nos chercheurs et l'inviter à tenir compte des faits sur lesquels je veux attirer son attention à ce moment-ci, parce que le gouvernement ne se rendraft pas service et on ne rendrait pas service à la classe agricole non plus.

M. Léger: M. le Président, je pense, si vous voulez me permettre, pour répondre à la préoccupation des intervenants ainsi que des députés, que, nécessairement, il y a une différence entre les préoccupations de l'agriculteur qui a intérêt à ne pas détériorer sa terre en épandant plus qu'il ne faut, celles de l'agriculteur à qui il faut faire confiance, et celles de l'éleveur sans sol qui peut avoir beaucoup plus de fumier à épandre et qui, ne l'épandant pas sur sa terre ou répandant sur la terre d'un autre, à un moment donné, en aura mis plus que requis par la quantité de terre sur laquelle il peut l'épandre et c'est là le problème, le surplus qu'on a.

Je voulais vous demander ainsi qu'au député de Beauce-Sud en même temps si l'article 48 correspond à votre préoccupation, pour éviter d'avoir une norme très générale, qui dispenserait de s'adapter à des particularités. Si on lit bien l'article 48, on a essayé de tenir compte de particularités locales, aussi bien de la qualité du sol que de la préoccupation très différente ou exceptionnelle d'un milieu. L'article 48 se lit comme suit: "Superficie d'épandage: Le fumier épandu sur des terres en culture, selon l'article 48, doit être épandu uniformément en respectant une superficie minimale de 0,3 hectare par unité animale contenue dans l'exploitation de production animale, à moins — là, je pense que c'est le point important que nous avons ajouté — que la nature des cultures ne permette un taux d'épandage supérieur, tel qu'attesté par une étude technique signée par un professionnel dûment habilité à cette fin par la Loi de l'ordre professionnel auquel il appartient ".

Autrement dit, dans une région, la norme étant plus sévère que ce que le sol peut accepter, c'est-à-dire que le sol pourrait accepter plus que la norme générale, et un spécialiste de la région, un agronome peut dire: D'accord, on est capable de certifier que votre terre à vous est capable d'en prendre plus. C'est un cas, c'est rendre une règle générale plus particulièrement acceptable à des différences locales. Est-ce que ce type d'article pourrait correspondre un peu à votre préoccupation?

M. Martel (Yvon): Sans doute qu'il va falloir trouver une solution simple. Je comprends votre point de vue dans le règlement. Dans le cas particulier d'une unité animale par 0,3 hectare, je peux vous assurer que, dans le cas du porc, à 99% des cas, ce seront des exceptions. Ce n'est peut-être pas le but visé non plus en faisant une règle générale d'être obligé d'avoir des recommandations signées à 98%, 99% pour les raisons que je vous ai mentionnées. Peut-être qu'en ajoutant une ou deux lignes... Vous permettez les exceptions.

Je vois votre point de réglementer... ou contre le point de faire confiance. Si vous disiez: Ne devrait pas dépasser les quantités d'azote nécessaires aux plantes, telles qu'elles ont toutes été relevées par le CPVQ, le Conseil de protection végétale du Québec, en vue des recommandations des engrais chimiques. C'est tout fait, oui, ces grilles. Peut-être que cela serait un peu plus précis et que cela éviterait beaucoup d'exception.

M. Léger: Cela correspond à la norme d'azote, parce que le 0,3 hectare par unité animale, c'est la conséquence de la quantité d'azote que l'unité animale va produire. Alors, votre 80 et quelque chose de tantôt, c'est 0,3 hectare par unité animale qui correspond à la quantité d'azote acceptable ou assimilable dans le sol.

M. Martel (Yvon): Oui. Alors, 80...

M. Léger: Vous avez sorti un chiffre tantôt de 80 et quelque chose...

M. Martel (Yvon): Oui. Pour le maïs-grain, par exemple, vous êtes à 80. J'ai avancé la valeur de 80 kilogrammes qu'on utilise, mais je ne suis pas capable de le calculer avec les données des annexes. Si c'est 80, par exemple, donc une récolte de maïs-grain demande 170 kilogrammes à l'hectare. Trois dixièmes d'hectare, cela veut dire, multiplié par trois plus ou moins, que le fumier à l'hectare peut contenir 240 kilogrammes. Il y a des pertes là-dedans. Il y a un pourcentage de minéralisation de l'azote qui n'est pas disponible la première année, parce que c'est sous forme organique. Ce n'est pas disponible la première année, même pas la deuxième année. Cela ne peut pas polluer non plus. Cela ne peut pas servir aux plantes non plus. Si on tient compte du calcul des pertes et de la minéralisation, les normes sont quand même, à mon point de vue, même pour le fumier de bovins laitiers, peut-être de 40% trop faibles. Peut-être qu'en élevant cette valeur aussi et en permettant les exceptions, sans doute que vous voulez une valeur minimum pour être certain que dans le cas de l'avoine qui demande le moins d'azote, par exemple, personne ne va le dépasser. Je pense que cela pourrait être un peu plus sophistiqué, en fait.

M. Léger: ... par le maïs.

M. Martel (Yvon): Oui. Je crois que c'est pas mal trop bas, et pour les porcs, et pour les bovins laitiers. A 80 kilogrammes, on parle de 240 kilogrammes de besoin.

M. Léger: De toute façon, tout ce qui a été dit à cette commission, surtout sur des points techniques...

M. Martel (Yvon): Oui.

M. Léger: ... je ne suis pas nécessairement le plus habilité à répondre sur les points techniques,

mais c'est bien enregistré. Mes spécialistes vont étudier davantage et analyser les recommandations, surtout avec ce que vous avez apporté dans votre excellent mémoire, pour qu'on puisse peut-être apporter des correctifs voulus.

M. Roy: Je pense quand même que les remarques qui viennent d'être faites nous illustrent une situation qui mérite, au niveau de cette commission parlementaire, qu'on détermine exactement les buts que nous cherchons à atteindre par la Loi de la protection de l'environnement. On a parlé de combattre la pollution. On est rendu très loin, parce qu'on est rendu à fixer les normes d'engrais des sois, alors que c'est un secteur qui, jusqu'à maintenant, a été réservé à l'agronomie. Je comprends qu'il y a des responsabilités. Je comprends qu'au niveau, par exemple, des purins et des fumiers qui proviennent des porcheries, il va falloir que le gouvernement soit extrêmement prudent. J'aurais de sérieuses réserves, pour ce qui me concerne, à ce qu'une loi de la protection de l'environnement aille aussi loin que de fixer les degrés d'engrais pour telle ou telle plante ou telle ou telle catégorie de sols. Là-dessus, je pense qu'il faut penser que si nous mettons cela dans un règlement, il va falloir que le règlement s'applique, il va falloir qu'il y ait des permis, il y aura des inspecteurs, il y aura du contrôle, mais il faudra qu'il y ait également des mesures pour obliger les gens à respecter ces règlements, donc des contraintes. Je pense qu'il y a place, évidemment, dans une loi de protection de l'environnement, à toucher tous les secteurs dans tous les domaines, parce que nous touchons à l'environnement dans nos activités. Même quelqu'un qui fume une pipe, pipée de bon tabac, affecte la qualité de l'environnement. On peut aller jusque là, mais jusqu'où peut-on aller, jusqu'où doit-on aller? Là, c'est la question. J'aimerais bien que le ministre... je ne veux pas dire cela parce qu'il fume la pipe, c'est un exemple que je voulais lui signaler. On peut aller très loin, mais jusqu'où doit-on aller? Si j'avais une recommandation à faire au ministre à ce moment, on doit voir à faire en sorte de respecter l'environnement et d'éviter la pollution, combattre la pollution, mais faisons attention de ne pas succomber à la tentation d'aller trop loin et de créer des carcans, des cadres trop rigides qui viseraient à exiger d'abord une bureaucratie épouvantable pour l'appliquer, et deuxièmement, qui viserait à décourager l'agriculteur, à le considérer en quelque sorte comme étant une personne non compétente, devant faire affaires avec des spécialistes, des agronomes ou des chercheurs pour être capable d'étudier son cas particulier en tenant compte de son sol, de ses cultures, de ses besoins et de la région qu'il habite.

M. Léger: II ne faut pas oublier, M. le Président — et je pense que c'est bien important pour répondre à la question du député de Beauce-Sud — que les normes sont faites pour éviter les abus et spécialement pour éviter la contamination, quant à l'épandage, de la nappe d'eau phréa- tique. Le sol peut absorber une certaine quantité de contaminants qui existent dans le fumier, mais qu'au-delà d'une certaine quantité, la nappe phréatique peut recevoir et, à ce moment-là, être complètement contaminée. Comme on sait que, dans l'avenir, les sources d'alimentation vont probablement provenir de la nappe d'eau souterraine, c'est ça qu'il faut éviter.

Nous avons même vu des cas où, s'il n'y avait pas un contrôle quelconque qu'il faut mettre en quelque part — il faut mettre les limites en quelque part — le fumier de 8000 porcs était épandu sur 40 acres de terrain. A ce moment-là, ce qui arrive, c'est que la personne qui veut se débarrasser de son fumier en met et en met, et comme elle n'a pas la grandeur de territoire qui correspond à la quantité de fumier qu'elle a à épandre, elle a la tentation, souvent, de l'envoyer directement dans le cours d'eau. Vous savez que dans les normes qui existent en Allemagne et même en France, on ne donne pas de permis pour l'élevage de porcs à un éleveur qui n'aurait pas la possibilité d'épandre tout son fumier sur son terrain à lui.

M. Roy: Là, vous touchez un point, M. le ministre, parce que lorsque vous parlez de la nappe d'eau phréatique, elle est atteinte à certains endroits, et les gens ont eu des permis. Je pourrais nommer des endroits. Je ne veux pas faire tort à qui que ce soit à ce moment-ci, mais c'est un fait. Cela existe à l'heure actuelle, et ça, c'est inquiétant. C'est pour ça que je dis — et je ne voudrais pas qu'on pense que, par mes interventions, j'ai des réserves au fait que le gouvernement s'en occupe — je l'ai dit depuis le début, le gouvernement doit s'en occuper, doit agir, mais il devra faire en sorte de protéger l'environnement et d'éviter la pollution. Je dis quand même qu'il y a une certaine limite jusqu'où on peut aller et jusqu'où on doit aller pour en faire un règlement applicable.

M. Léger: C'est ça. Il ne faut pas oublier qu'il y a des gens qui peuvent avoir un permis, mais qui, après avoir obtenu le permis, peuvent épandre leur fumier en quantité inacceptable. Ils ont un permis parce qu'ils sont bien localisés, qu'ils correspondent aux normes en ce sens-là, mais les gestes qu'ils posent après peuvent aller au-delà de ce que le règlement permettrait.

M. Goldbloom: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauharnois avait demandé la parole.

M. Lavigne: Je vous remercie, M. le Président, de m'avoir reconnu et de me donner l'occasion de prendre la parole à cette commission.

Je voudrais tout d'abord poser une question aux deux intervenants. Je sais qu'ils ont parlé d'azote. Ils ont parlé de quantité. C'est surtout là-dessus, je pense, que repose leur mémoire, que je trouve des plus intéressants, et je suis sûr que le ministre et ses coéquipiers vont sûrement en tenir compte lors de la réglementation.

II y a un point sur lequel, je crois, vous n'êtes pas intervenus dans votre mémoire, c'est à savoir s'il y a des différences, au niveau de la rentabilité des fumiers, en ce qui a trait aux dates de l'é-pandage. Est-ce que d'épandre le fumier le printemps, l'hiver, l'automne ou l'été est aussi rentable ou... de façon indifférente?

C'est là que se situe ma question et j'aimerais savoir si vous êtes en mesure de commenter ça.

M. Martel (Yvon): Oui, c'est un niveau de recherche technique que nous n'avons pas. Nous estimons, d'après les recherches faites en Ontario et aux Etats-Unis, qu'un fumier qui est enterré immédiatement par un labour ou un coup de roulette, qu'on appelle, peut perdre moins de 5% de son azote. Un fumier qui est laissé sur le sol pendant deux semaines peut perdre jusqu'à 30% de l'azote. Les recommandations agronomiques sont d'enfouir le fumier le plus tôt possible après l'avoir épandu.

M. Lavigne: Mais, indépendamment de la saison, en autant qu'il est enterré immédiatement?

M. Martel (Yvon): Oui. Si vous étendez un fumier le printemps et que vous faites une jachère d'été, il y aura une minéralisation normale durant l'été; s'il n'y a pas de plantes pour le prendre, ça pourra aller dans les eaux de drainage. Si vous l'appliquez l'automne, la saison d'automne, la saison d'hiver est assez tranquille aussi pour la biologie du sol. Il peut y avoir des pertes, mais on parle toujours de l'ordre de 10%, 15%, même de 30% de variation. Dans cet ordre, on garde à peu près les mêmes recommandations. Cela varie beaucoup d'une année à l'autre. C'est pour ça qu'il faut garder des chiffres assez généraux.

M. Lavigne: Je vous remercie. (17 heures)

Le Président (M. Boucher): M. le député de D'Arcy McGee.

M.Goldbloom: M. le Président, je reviens à la charge, parce que je trouve que la discussion est d'une importance absolument capitale.

Nous avons, dans ce mémoire, à la dernière page, ce qui est une divergence de vues quant à des chiffres. La situation qui se présente est la suivante: celui qui a comme principale préoccupation la protection de l'environnement établit un chiffre de 23 tonnes l'hectare. Celui qui a comme principale préoccupation la fourniture d'azote et d'autres éléments nutritifs à une culture dit: Ce n'est pas assez, on peut devoir aller jusqu'à 104 tonnes, donc plus de quatre fois et demie la quantité prévue dans le règlement.

Le ministre répond à cela en disant essentiellement ceci: On doit être prudent en établissant une norme générale, parce que l'on ne sait pas, au départ, où se situe la nappe phréatique et quel est le risque de sa contamination. Il faut donc que l'on étudie le cas particulier, si la recommandation est d'aller au-delà des 23 tonnes l'hectare. Mais, puisque l'écart est assez grand, quand même, je dois vous poser la question, M. Martel et M. Zizka: En établissant votre recommandation de permettre jusqu'à 104 tonnes, avez-vous pris en considération cette préoccupation nécessaire du ministre de l'environnement, la charge qui pourrait être imposée à la nappe phréatique, si elle est près de la surface, si elle est vulnérable, disons. Comment — c'est peut-être la question que j'aimerais vous poser — pouvons-nous concilier ces deux préoccupations, sans utiliser le genre de mécanisme que le ministre propose, c'est-à-dire un seuil pour tout le monde, pour toutes les activités agricoles, et un dépassement de cette norme dans le cas où l'on aurait pu démontrer que c'est en sécurité pour la nappe phréatique que l'on peut se permettre ce dépassement? J'aimerais avoir vos commentaires sur ce qui me semble une question clef dans toute la discussion.

M. Martel (Yvon): M. le ministre, vous avez l'honneur... sur le plan technique, — peut-être que sur le plan philosophique vous pourriez l'approcher après — les recommandations de 114 tonnes qui sont en fait deux fois 57 tonnes — je pense que c'est marqué 104, sur votre document — à ce niveau, nous pouvons vous affirmer que, sur une moyenne de dix ans de culture au Québec, les risques de pollution de la nappe phréatique sont presque nuls. Plus ou moins quoi, presque nuls. On vous dit: Presque nuls; on travaille avec des chiffres de 20% de variation, d'une année à l'autre, en plein champ. Donc, ces recommandations sont des recommandations qui, pour la pollution, ne devraient pas vous causer de problème. D'ailleurs, si vous ne le mettez pas, comme vous l'avez dit et comme nous le mentionnons dans le rapport, on va être obligé de mettre des engrais chimiques pour rendre le rendement rentable. Alors, que l'azote vienne sous forme de fumier ou sous forme d'engrais chimique pour être capable d'avoir du maïs rentable à l'acre et que le type soit pris avec sa porcherie pleine de fumier, je pense que 104 tonnes, c'est valable, selon les connaissances actuelles, cela peut progresser.

Maintenant, le point qui diffère et sur lequel vous avez raison est le suivant: Est-ce que le ministère de l'environnement devrait mettre la norme au minimum et permettre des exceptions signées partout ou s'il devrait permettre un maximum, en se fiant aux recommandations pour l'atténuer, si c'est de l'avoine ou d'autres récoltes? C'est une bonne question. Moi, j'aimerais mieux aller au maximum, je pense que — je ne connais pas tous les pays — aux Etats-Unis et en Ontario, on a tendance à aller au maximum, parce que le cultivateur n'a pas intérêt à dépasser les normes, le cultivateur a intérêt à mettre les normes exactes. Mais c'est une question qui, je pense, vaut d'être posée; Devons-nous aller au maximum ou au minimum?

M. Goldbloom: M. le Président, je me permets un petit commentaire que je ne voudrais pas du tout désobligeant, mais je voudrais souligner l'im-

portance de l'invitation que nous avons accepté de lancer à l'endroit du ministre de l'Agriculture. Le ministre de l'environnement nous a rassurés en disant que des fonctionnaires du ministère de l'Agriculture assistent et suivent de près toute la discussion et vont sûrement faire part au ministre de leurs conclusions et des opinions qui ont été exprimées. La seule différence, c'est que ces fonctionnaires ne sont pas en mesure de participer aux débats et, si le ministre de l'Agriculture était parmi nous, il serait en mesure, avec les conseils de ses fonctionnaires, d'apporter une contribution très utile à ce débat.

Le Président (M. Boucher): Avec l'accord des membres de la commission, M. le député de Bellechasse voudrait prendre la parole.

M. Goulet: M. le Président, je demanderais le consentement des membres de cette commission pour poser quelques questions aux intervenants.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a consentement? Oui.

M. Léger: D'accord.

Le Président (M. Boucher): II y a accord, M. le député de Bellechasse. Allez-y.

M. Goulet: M. le Président, je vous remercie. Vous comprendrez que le fumier de porc m'intéresse particulièrement parce que... Non, c'est parce que, vous le savez, M. le Président, dans les comtés de Bellechasse, Dorchester et peut-être quelques comtés avoisinants, on produit tout près de la moitié du porc produit au Québec et nous avons d'énormes problèmes avec les résidus ou, si vous voulez, avec le fumier de porc. C'est avec regret, M. le Président, je vous le souligne, que je ne participe pas à cette commission régulièrement parce que je suis retenu ailleurs, parce que je peux vous dire que c'est un problème qui touche à peu près tout le monde dans le comté. C'est pour cela que je voulais poser quelques questions aux gens qui sont ici. Nous avons actuellement dans le comté beaucoup de chicanes qui émanent justement de l'élevage du porc. Depuis deux ou trois mois, au moins quatre municipalités — j'en ai déjà parlé au ministre — ont dû voter des règlements même si, d'après le contentieux, ces règlements sont ultra vires, pour défendre l'élevage du porc, alors qu'on en vit chez nous. 90% à 95% de l'économie est basée sur l'agriculture et un bon pourcentage sur l'élevage du porc. Nous avons des organisations de tout près de $1 million à $2 millions, des types qui ont des organisations, des porcheries, des investissements de $1 million à $2 millions; cela commence à être considérable. Le problème chez nous, vous ne l'avez pas touché dans votre rapport; j'en ai pris connaissance rapidement, vous parlez surtout d'étendre le fumier par acre de terre, la quantité maximale, de façon à ne pas dépasser le seuil et à ne pas polluer la nappe d'eau. Chez nous, le problème est que nous n'avons pas assez de terrain ou d'acres de terre pour étendre ce fameux fumier. Il faut penser à autre chose. C'est dépassé déjà chez nous. Il faut penser à le commercialiser ou à le transporter à l'extérieur du comté, ce qui devient tout à fait hors de l'ordinaire, si vous voulez, à cause des coûts que cela peut demander.

J'aimerais savoir, des gens qui sont ici, si vous avez des études concernant le surplus. Je ne parle pas du seuil, vous en avez parlé tantôt, mais du surplus de fumier. J'ai personnellement discuté avec des gens qui font de la recherche où on parle de commercialisation. J'aimerais savoir si vous avez des chiffres là-dessus. La commercialisation parce qu'en Europe, on appelle le fumier de porc ou même le fumier l'or brun. Alors, pourquoi est-ce que ce ne serait pas de l'or pour nous aussi? A peu près toutes les sources de pollution dans le comté... Oui, c'est malheureux que je n'aie pas l'article ici, je ne m'attendais pas d'intervenir cet après-midi. Est-ce que vous avez des données sur des recherches concernant le fumier de porc, de façon qu'on puisse le composter, qu'on puisse le faire fermenter et, au bout de deux jours, par exemple, il n'y ait plus aucun danger pour la pollution de la nappe d'eau, il n'y ait plus aucun danger, aucune senteur qui se dégage. C'est le gros problème chez nous, c'est qu'on doit fermer les fenêtres dans les villages parce qu'il y a telle ou telle porcherie, ce qui est la source des chicanes que j'ai mentionnées tout à l'heure. Alors, avec toutes les sources de pollution, surtout dans un comté comme Bellechasse, où on a beaucoup de fumier de porc, où on a beaucoup de bran de scie, où on a beaucoup de lait, parce qu'également l'industrie laitière est très importante chez nous, des feuilles à cause des érablières, avec tout cela, on ferait ce qu'on appelle un compost. Aux Etats-Unis, ce produit se vend extrêmement cher, environ $2 pour un petit sac d'une livre, une livre et demie. Est-ce que vous avez des recherches là-dessus? Chez nous, on a déjà dépassé ce dont vous parlez dans votre rapport, parce qu'on a un surplus. Même si on voulait aller au seuil, à la limite permise dans vos recommandations, on a déjà dépassé cela parce qu'on a des producteurs de porcs très importants. On est rendu au niveau de la commercialisation, du transport à l'extérieur du comté. Est-ce que vous avez des données des recherches faites là-dessus?

M. Martel (Yvon): On en a indirectement, oui. C'est moi qui prends la parole, parce que les questions tombent dans mon domaine...

Le Président (M. Boucher): Allez-y.

M. Martel (Yvon): Jean s'occupe de l'aspect fertilisation des plantes et il est même peut-être plus agronomique, malgré que nous avons tous les deux ce style. Peut-être que vous devriez — c'est une suggestion, parce que j'ai écouté des conférences de fonctionnaires et de chercheurs — réévaluer la base de production de fumier de Dor-

Chester, aussi de Bagot, à la lumière des données qu'on vous suggère ici et ce sont des recherches qu'on a faites exactement dans ce but.

Si vraiment, on a pris seize porcheries typiques au Québec — combien est-ce qu'il y en a de porcheries typiques — on a essayé d'avoir un échantillon représentatif. Cela peut être matière à argument, cela va être rajusté. Mais avec les valeurs que nous obtenons et si c'est vrai qu'il y a 4,5 fois plus de sols où, en fait, la valeur fertilisante du fumier baissant 4,5 fois plus, on arrive à peu près aux valeurs égales, je pense qu'il a été évalué quatre fois trop de fumier pour le sol que vous aviez dans votre coin.

Donc, c'est important qu'on fasse l'analyse du fumier, mais ça ne règle pas le problème pour l'avenir. Disons qu'on est d'égal à égal. On est chanceux pour tout de suite, le fumier perd de l'azote à l'air, parce qu'il est conservé de façon biologique, de telle sorte que ça se transforme et ça se perd, à l'air, au brassage. Pour l'avenir, on a établi des prix basés sur l'analyse du fumier lui-même. On calcule aujourd'hui que le fumier de porc se vend à peu près $0.01 le gallon et est rentable pour le type qui l'achète, en tant que fertilisant. Cela vaut plus que ça, théoriquement, mais en NPK, les éléments fertilisants majeurs, dans l'industrie, à $0.01 de $0.07 à $0.014 le gallon, une moyenne de $0.01 le gallon, cela s'équivaut.

Il semble bien que $0.01 le gallon, c'est ce que ça coûte pour le manoeuvrer. Il y a des gens ici ce matin qui disaient que, pour $5 les 200 gallons, ils seraient bien heureux. On parle de $20 les 2000 gallons, un réservoir complet, donc, à $0.01 le gallon, c'est la valeur minimale du fumier, mais quand même, dans le commerce, l'offre et la demande réelles, le prix minimum auquel un cultivateur pourrait acheter le fumier. C'est peut-être le coût de manipulation, peut-être pas.

Les pays d'Europe que vous avez mentionnés — c'est très vrai — la Hollande principalement, ont une banque de fumier, sans doute que les fonctionnaires ici le savent bien, vous avez du fumier de porc, vous téléphonez à la banque nationale et ils viennent avec des camions le chercher, ils mettent ça dans de grands réservoirs et vous avez besoin de fumier de porc, vous téléphonez à la même banque et un autre camion vient vous en porter.

Au Québec, le problème, c'est l'hiver. Il faut entreposer dans des réservoirs étanches et dans de grands réservoirs. Ces applications de l'Europe, les applications américaines des lagoons dont on a parlé ce matin, ne se font pas au Québec. L'hiver est trop rigoureux, trop long. Il faut l'entreposer dans des petits réservoirs et l'utiliser. S'il y a trop de porcheries dans une région, je pense qu'il va falloir penser à limiter le nombre de ces porcheries. Autrement, les coûts d'exploitation vont être trop élevés.

Pour le compostage et ces choses-là, pour les quantités du Québec, je pense que ce n'est pas un choix valable. C'est un choix valable pour un producteur privé qui peut traiter son fumier et avoir un marché restreint pour le vendre. Il va faire de l'argent. Mais de là à dire qu'on va résoudre le problème du fumier en faisant des compostages et en le vendant en sacs pour les fleurs en ville, je pense qu'il y a beaucoup trop de fumier. Dire qu'on va résoudre le problème du fumier en le recyclant aux animaux, par exemple le fumier de volaille aux boeufs, ça ne règle pas le problème. Ce sont des utilisations de recyclage, mais ça ne réglera pas le problème du fumier.

Donc, la solution du compostage, au point de vue technique, c'est très bien connu, très facile à faire. Le marché, c'est plus difficile. Il y a beaucoup de concurrence vous faites un petit sac que vous vendrez $0.88, mais ça prend plusieurs sacs pour payer votre machinerie. La compagnie de Laval, s'il faut en nommer une, est capable de vous composter du fumier liquide dont la senteur va disparaître au bout d'une journée et demie ou deux jours à $35 000. Vous pouvez avoir d'autres systèmes de compostage à $30 000, $35 000, $50 000.

Dans le contexte actuel, ce n'est pas dans les proportions que le cultivateur peut se permettre.

C'est peut-être un peu long, je ne sais pas si ça répond à votre question.

Le Président (M. Boucher): Brièvement, compte tenu du temps, M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Oui. Monsieur nous a dit que le compostage n'est pas rentable, mais il nous parle d'équipement de $35 000 à $40 000. Le problème qu'on a actuellement avec le fumier, c'est la senteur d'abord et, deuxièmement, le contrôle de l'eau qui fait que ça peut s'égoutter ou s'infiltrer dans la nappe d'eau. (17 h 15)

Si on composte le fumier, sans machine — je veux savoir si c'est le cas — qui coûtent $35 000 ou $40 000, c'est le même principe qu'une tasserie de foin, qui est humide, au bout de deux ou trois jours, elle chauffe tellement qu'elle peut mettre le feu à la grande. C'est le même principe, sans mécanique.

Au bout de deux jours, la senteur est partie. Deuxièmement, pour le contrôle de l'eau, il s'agirait simplement d'un abri, de façon que s'il vient une grosse pluie, une averse, le liquide du fumier ne s'en aille pas dans la terre, ne coule pas sur la terre.

Les chiffres qu'on m'a donnés, ce ne sont pas les mêmes que les vôtres. D'abord, on n'a pas besoin de mécanique, sauf un tracteur pour charroyer cela. Deuxièmement, la senteur, au bout de deux jours, est atténuée. Et troisièmement, le contrôle de l'eau — parce qu'il faut l'arroser de temps en temps — c'est tout simplement un polythène ou un genre de revêtement métallique sur quatre poteaux, pour empêcher qu'une averse délaye le tas de fumier, si on veut se comprendre.

A ce moment-là, si on peut avoir un abri en polythene qui est très peu dispendieux et si on a les endroits pour le placer — chaque cultivateur a

des endroits qui ne sont pas cultivés, à l'intérieur d'érablières ou des choses comme cela — ne croyez-vous pas que ce serait peut-être rentable de commercialiser notre fumier?

On enlève la senteur qui est la première source de pollution et la première source de chicane. Je passe tous les lundis dans mon bureau de comté. C'est incroyable. Les municipalités sont obligées de légiférer. Et le contrôle de l'eau, c'est très facile de le faire avec un polythene. Ce n'est pas l'eau qui vient des côtés, c'est l'eau qui vient du dessus. L'hiver, cela ne dérange absolument rien, parce qu'il n'y a pas de senteur. Mais c'est l'été. Lorsque la neige fond, s'il n'y a pas eu de neige sur le tas de fumier, celle-ci ne délaye pas le tas de fumier en fondant.

Je n'ai pas parlé de machines de $35 000 ou $40 000. J'aimerais simplement savoir si, d'après vos recherches, vous avez essayé le genre de solutions que d'autres personnes ont préconisées. Je ne dis pas que je les ai essayées, mais j'ai trouvé cela tout à fait valable. Il y a des gens qui sont allés en Europe pour étudier cela et ils me l'ont suggéré.

M. Martel (Yvon): Je suis parfaitement d'accord avec vous. Je pense qu'on se rejoint. Vous mentionnez l'Europe pour finir. Vous avez exactement raison. Ce sont des systèmes plus petits que les systèmes pouvant régler le problème des fumiers de la Beauce. Le fait que le fumier soit solide ou liquide, lorsqu'on parle de la pluie qui tombe sur les tas de fumier solide, cela peut entraîner le liquide. Il y a des différences.

Mais je suis d'accord avec vous que le compostage peut être une solution. C'est difficile de voir le compostage comme la production de méthane pour l'énergie, par exemple, régler le problème des fumiers au niveau de pollution que vous discutez ici. Le compostage est très valable. C'est vrai que la senteur disparaît rapidement et que le matériel, après être composté, peut être mis sur un marché et produire un humus très valable pour les producteurs horticoles. Je suis parfaitement d'accord avec vous.

Est-ce que c'est une alternative au point de vue pollution pour régler cela au niveau du Québec? J'ai des doutes.

M. Goulet: M. le Président, ma dernière question s'adresse au ministre. J'avais personnellement, lors d'une courte conférence de presse, abordé ce sujet, il y a deux semaines. Nous avions parlé d'un institut intégré, c'est-à-dire montrer aux gens comment disposer des résidus. J'espère que j'aurai l'appui du ministre de l'environnement là-dessus, lorsque ce sera le temps de présenter mon dossier au ministère de l'Education.

M. Léger: Une chose est certaine, c'est que nous sommes ouverts à toute bonne proposition. J'écoutais avec beaucoup d'intérêt les suggestions que le député a apportées aujourd'hui et qui nous ont fourni un éclairage, des explications très pratiques à des problèmes qu'on vit quotidienne- ment. Les suggestions du député vont sûrement être très bien retenues.

M. Goulet: Merci.

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission, je remercie M. Martel et M. Zizka.

Je demanderais maintenant à un groupe de chercheurs de l'INRS-Eau, représenté par M. Jones, de bien vouloir s'approcher.

Groupe de chercheurs de l'INRS-Eau

M. Jones (H.G.): Bonjour, M. le Président. Je suis M. Jones de l'INRS-Eau.

M. Couillard (Denis): Denis Couillard, de l'INRS-Eau.

M. Demard (Hubert): Hubert Demard, de l'INRS-Eau.

M. Jones: A priori, j'aimerais demander que le mémoire comme tel soit déposé, parce que je vais retirer du mémoire certains passages qui ont déjà été discutés aujourd'hui. Je vais parler seulement de quelques éléments essentiels.

Le Président (M. Boucher): Alors, allez-y.

M. Jones: Je présente ce mémoire au nom de mes trois collègues — M. Campbell n'est pas ici cet après-midi — et moi-même, de l'INRS-Eau. On va essayer, dans la lecture qui suit, de faire une adéquation entre la réglementation proposée et la problématique de la pollution de l'eau, dans les régions agricoles.

Bien que le concept traditionnel de la société québécoise associe la vie agricole à un environnement sain et souhaitable, il faut ici souligner que les changements d'après-guerre dans la pratique agricole dégradent cet environnement comme d'autres secteurs socio-économiques.

La problématique de la pollution des eaux par les diverses activités agricoles est complexe. Citons brièvement qu'un taux élevé d'érosion des terres par certaines pratiques agricoles est responsable des charges excessives en sédiments rapportées dans plusieurs rivières. De plus, la présence de divers composés chimiques dans les eaux reflètent l'utilisation accrue d'engrais chimiques, de pesticides et d'herbicides sur les terres en culture. L'installation des réseaux de drainage modifie le comportement et la composition des eaux. Enfin, l'évolution des pratiques d'élevage intensif des animaux risque d'acheminer de plus en plus de rejets de fumier vers les cours d'eau. C'est ainsi que plusieurs rivières du Québec, également dégradées par les rejets en provenance des centres urbains et des industries manufacturières, subissent des impacts des pratiques agricoles dans un milieu souvent perçu par la société comme un lieu de récupération des eaux.

Toutefois, on ne doit pas aborder le problème

de pollution des eaux par l'activité agricole dans la même optique que la problématique de la pollution due à l'industrie manufacturière. Les activités du secteur agricole font tellement partie de l'environnement physique que l'adéquation classique entre production et pollution du secteur industriel est difficilement applicable au secteur agricole. Le degré de pollution dû à ce dernier n'est pas seulement une fonction de la qualité de production et de la biophysique des eaux réceptrices, mais dépend aussi des interrelations entre le lieu de production et les eaux. Ainsi, la nature de la source de pollution agricole est souvent diffuse, contrairement aux sources ponctuelles des centres urbains et des usines de production industrielle.

L'incorporation des aliments nutritifs en provenance du fumier dans les plantes des eaux de surface (les algues et les macrophytes) entraîne la rapide croissance de cette végétation et les effets de la dégradation subséquente de la matière produite rendent ces eaux, d'une part, inutilisables, comme telles, pour d'autres usages (alimentation, récréation, etc.) et, d'autre part, peu propices comme milieu de vie pour les organismes supérieurs. Une accumulation élevée de l'azote dans la nappe souterraine peut causer d'ailleurs des problèmes d'alimentation en eau potable par puits. Des pertes de ces éléments vers les eaux peuvent se produire au cours des deux opérations majeures de la disposition du fumier, c'est-à-dire le stockage et l'épandage. Des pertes massives d'une unité de stockage vers les cours d'eau peuvent être considérées comme une source ponctuelle de pollution tandis que l'épandage du fumier sur les terres donne lieu à une source de pollution de nature surtout diffuse. C'est le no 3, no 2, excusez-moi.

On exprime souvent la pollution potentielle de l'élevage des animaux en être humains équivalents, c'est-à-dire ayant des rejets du même ordre pour un élément donné. Cependant, les solutions retenues par la société pour les deux types de pollution ne sont pas les mêmes. En effet, on vise principalement, pour les rejets urbains, à produire d'abord un effluent acceptable quitte à se débarrasser des résidus qui auraient pourtant un fort potentiel de fertilisation. Par contre, l'orientation prise dans le cas des rejets d'élevage est telle que la priorité est mise sur la récupération du potentiel de fertilisation. Cette récupération comprend deux orientations majeures; la première est le recyclage naturel des éléments nutritifs par l'épandage sur la terre tandis que la seconde vise la mise en marché du fumier, soit comme engrais commercialisé pour l'horticulture, soit transformé en matière végétale destinée à l'alimentation animale ou à la matière combustible.

La première orientation est souhaitable. D'une part, elle affiche un bilan énergétique beaucoup plus favorable que l'autre et, d'autre part, elle rend possible le remplacement des éléments nutritifs en provenance des engrais chimiques. Toutefois, il faut rappeler que l'épandage du fumier en vue d'un recyclage et des récoltes des éléments nutri- tifs pourrait demander des ajouts supplémentaires. Nous avons fait allusion aux facteurs du ruissellement, du lessivage et des percolations qui peuvent contrôler le transfert des éléments nutritifs vers les eaux, suite à l'épandage du fumier. Il est évident qu'un taux de transfert élevé de ces éléments vers les eaux diminue considérablement l'efficacité de récupération de ceux-ci par la récolte. Ainsi, le drainage, l'épandage d'engrais chimiques, le type de récolte, la structure du sol, les opérations de préparation du sol pour la semence, la topographie du milieu, etc., vont influencer l'efficacité de récupération des aliments nutritifs par le recyclage biologique. En effet, l'efficacité d'incorporation des éléments nutritifs du fumier dans la récolte constitue la limite d'épandage.

On reconnaît donc qu'il y a une limite à lépandage du fumier sur les terres et que cette limite doit être définie surtout à partir de la biophysique du milieu d'épandage et de la qualité des eaux environnantes, plutôt qu'à partir d'une norme unique pour tous les milieux, c'est-à-dire 0,3 hectare par animal équivalent.

Nous envisageons donc les difficultés d'assurer une qualité "acceptable" des eaux par l'application d'un règlement comportant une norme universelle dans les milieux tellement différents les uns des autres. Nous préférerions un règlement flexible pouvant s'adapter plus convenablement à !a nature biophysique et à la dynamique de chaque milieu d'épandage en particulier. Quelle que soit la méthode permettant de définir une limite spatiale d'épandage de fumier, celle-ci sera atteinte dans plusieurs milieux. Il reste alors les possibilités d'augmenter l'efficacité de l'épandage et de la récupération naturelle des éléments nutritifs ou de transporter le fumier pour l'épandage ailleurs. Ainsi, doit-on reconnaître que le milieu donné possède une limite permissible d'exploitation agricole, cette limite ayant été établie en grande partie pa la biophysique du milieu. Si oui, on doit élaborer une stratégie globale de protection des eaux en milieu agricole. Autrement, on risque de se trouver dans plusieurs cas avec beaucoup d'investissements dans le stockage et l'épandage du fumier qui n'auront que peu d'influence sur l'amélioration de la qualité des eaux du milieu.

Enfin, la deuxième grande orientation dans la disposition du fumier, c'est-à-dire la transformation en produits énergétiques ou de consommation animale, ne semble pas être actuellement favorisée par le marché. On doit toujours se rappeler que cette orientation pourrait devenir nécessaire dans la situation où la superficie de l'épandage n'est disponible qu'à coût élevé. Il sera donc opportun que les services de protection de l'environnement du Québec et le ministère de l'Agriculture favorisent des développements dans ce domaine.

Compte tenu des principes énoncés ci-dessus, nous déposons quelques commentaires sur le règlement tel que présenté.

En fonction de l'objectif recyclage, la volonté exprimée par le règlement d'en arriver à un

stockage rationnel nous satisfait. Les clauses visant à la protection de l'eau, des lacs, des cours d'eau et de la nappe, par entreposage sur plateforme ou dans un abri, nous satisfont également.

Nous nous interrogeons cependant sur les clauses concernant le fumier solide amassé dans un champ, article 40, surtout dans le cas d'un amas de fumier exposé à la précipitation et situé soit sur les sols imperméables à proximité de l'eau de surface, soit sur les sols perméables en présence d'une nappe.

L'épandage soulève encore plus d'interrogations de notre part; nous aimerions savoir, par exemple, la définition de terre en culture, article 47. De plus, est-ce qu'il ne serait pas possible de spécifier des pentes et des natures de sols, article 48, ainsi que les distances vis-à-vis des fossés, article 50? L'article 49 concernant l'enfouissement du fumier dans le sol gelé est très imprécis et sujet à plusieurs interprétations dont les conséquences pourraient avoir une grande influence sur la qualité des eaux. Nous sommes toutefois heureux de constater que le règlement possède une certaine souplesse dans le cas où un professionnel peut prouver que la nature des cultures permet un taux d'épandage supérieur à celui décrit dans l'article 49.

En conclusion, nos interrogations portent surtout sur la disposition des fumiers. En effet, pour les régions, les bassins d'intense élevage, une limite à la pratique d'épandage du fumier sera atteinte. Cette limite doit être définie en fonction de la qualité des cours d'eau. Elle deviendra donc sujet à l'influence de plusieurs facteurs biophysiques et d'autres activités du milieu.

Dans le cas où les opérations de stockage et d'épandage locales de fumiers ne peuvent suffire à recycler cette matière fertilisante, on devra nécessairement exporter des quantités de fumier. Le transport de cette matière comprendra nécessairement des coûts additionnels pour les producteurs agricoles. Doit-on subventionner une telle opération ou, par contre, rationaliser le développement agricole régional? (17 h 30)

En ce qui concerne les technologies de transformation de fumiers, nous aimerions apporter à l'attention de la commission qu'on devrait en surveiller le développement et l'implantation, ceci en vue de s'assurer qu'elles seront adaptées aux problèmes et caractéristiques spécifiques du Québec.

Pour finir, il nous apparaît important d'insister sur l'information, voire l'éducation des agriculteurs. En effet, si on se base sur le milieu spécialisé, il semble évident qu'il existe un profond doute sur les effets réels de la pollution créée par l'élevage sur les cours d'eau.

Les SPE devront s'efforcer de ne pas limiter les interventions au seul niveau réglementaire, mais s'impliquer beaucoup plus dans le milieu en vue d'augmenter la sensibilisation des agriculteurs aux pratiques le moins dommageables pour l'environnement.

Sans la compréhension et la collaboration de ces derniers, la stratégie globale de protection des eaux en milieu agricole peut être perçue surtout comme une contrainte à un mode particulier de vie, plutôt que comme un réel effort d'améliorer la qualité de l'environnement pour tous les Québécois.

Je vous remercie. C'est la fin.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Jones. M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je veux remercier les gens de l'INRS-Eau pour leur mémoire des plus intéressants, étant donné que vous êtes l'organisme à peu près le plus intéressé, un de ceux, en tout cas, les plus intéressés à la qualité de l'eau. Je pense que vous situez très bien le problème que nous essayons ensemble de résoudre, c'est-à-dire la coexistence harmonieuse entre l'activité agricole et les autres types d'activités.

Je pense qu'on peut dire que vous êtes des experts dans la connaissance de l'eau. D'ailleurs, en page 2 de votre mémoire, vous dites justement que la problématique spécifique de la dégradation des eaux par l'élevage intensif porte essentiellement sur le transfert, de plus en plus important des éléments nutritifs comme l'azote et le phosphore contenus dans le fumier vers le milieu aquatique.

Est-ce que vous pourriez expliciter votre pensée, pas seulement pour le ministre et les députés ici, mais pour les autres organismes qui vont venir pendant les trois jours de la commission parlementaire et qui auront l'occasion d'avoir, notamment par la voie des media d'information qui les répètent ou qui vont les donner aux citoyens, le contenu des travaux de cette commission, pour que les autres groupes qui doivent venir soient au courant des conséquences? Est-ce que vous pourriez nous dire quels genres de problèmes, ce que vous venez de dire concernant les éléments nutritifs qui s'en vont vers le milieu aquatique, comment cela peut entraîner, au niveau des usages de l'eau en milieu rural, les conséquences et les problèmes qu'on y verrait?

M. Jones: Tout d'abord, je vais expliquer très brièvement le problème. C'est parce que les plantes aquatiques accumulent les éléments nutritifs et, dans les cours d'eau, vous avez une croissance très rapide, vous avez les grandes fleurs d'eau, les grandes masses de macrophites qui s'établissent dans les cours d'eau et dans les lacs.

C'est après la mort et la dégradation de cette matière qu'on commence à avoir des problèmes de goût et d'odeur dans l'alimentation de l'eau. Aussi, dans certains cas, la mort et la dégradation de cette matière qui a été produite par la photosynthèse, par les plantes, peut aussi être toxique.

Au niveau du problème récréatif dans le milieu rural, les lacs et les rivières deviennent extrêmement verts. Le niveau de chlorophylle, qui est la matière première de cette plante pour faire la photosynthèse, donne un aspect non esthétique à

l'eau. C'est difficile, par exemple, d'aller à côté de l'eau, de se baigner dans l'eau quand le niveau de chlorophylle dépasse, par exemple, dix parties par milliard. Souvent, dans les rivières et les lacs agricoles, la quantité de chlorophylle doit se trouver dans les 50, 100 ou 150 parties par milliard, et les rend donc inutilisables pour la récréation et l'alimentation en eau.

M. Léger: Au départ, vous dites qu'il y a un problème pour la santé humaine au niveau des conséquences de l'utilisation d'une eau qui aurait subi les conséquences d'un déversement?

M. Jones: On pourrait avoir des problèmes plus spécifiques de santé, M. le ministre, par exemple, dans le taux élevé de nitrate dans les eaux. Cela peut causer des problèmes surtout pour les jeunes enfants, l'alimentation de l'eau potable pour les jeunes enfants. Aussi, le fait qu'il y a beaucoup de matières organiques produites dans les eaux encourage la croissance des bactéries et virus pathogéniques.

M. Léger: D'ailleurs, je pense que j'ai vu à travers votre mémoire une crainte que notre règlement ne soit pas assez sévère pour garantir efficacement la protection des eaux de surface ainsi que, nécessairement, souterraines.

Vous dites, en page 6, que vous préférez un règlement flexible, pouvant s'adapter à la nature biophysique et à la dynamique de chaque milieu d'épandage. Pouvez-vous nous dire de quelle façon on pourrait mettre cela en pratique, sur le plan de l'application et du contrôle?

M. Jones: D'abord, pour un législateur et pour un administrateur, une norme universelle est, évidemment, la meilleure façon de procéder, parce que cela rend la tâche de l'administrateur relativement simple. L'universalité signifie des procédures administratives plus simples. Quand on commence à avoir des règles souples et flexibles, à quel niveau de flexibilité ou de souplesse devrait-on aller? Je ne demande pas ou ne suggère pas, dans le mémoire, que, par exemple, sur chaque ferme, dans chaque champ il y ait un inspecteur des Services de protection de l'environnement qui regarde le sol et dise au fermier comment faire. A priori, non, tout ce que je dis, c'est qu'on devrait dégrossir la problématique; on devrait, par exemple... Vous avez, dans certaines régions, des sols bien connus, des cartes pédologiques, on pourrait dégrossir le problème au niveau des bassins. Le but ultime serait d'avoir un système d'où un cultivateur ou un producteur de porcs individuel pourrait bénéficier de l'expertise, soit du ministère de l'Agriculture et des SPE ou d'une autre personne compétente, pour lui définir un processus de disposition de ses fumiers; c'est là la biophysique de sa ferme, de sa terre, de son milieu.

M. Léger: C'est quand même assez compliqué mais je comprends votre point de vue.

Vous mentionnez aussi qu'un milieu donné possède une limite permise d'exploitation agricole, établie surtout à partir de la biophysique du milieu. Cela m'intéresse beaucoup; maintenant, comment peut-on, d'après vous, appliquer ces limites et, surtout, qui pourrait les déterminer et les appliquer? Je vous donne un exemple. Supposons qu'il y ait 20 000 porcs, répartis le long d'un tronçon, d'un bassin de rivière d'un mille de long, cela pourrait être risqué pour les eaux. Si c'est cela que vous voulez dire; qu'est-ce que les SPE pourraient faire? Est-ce qu'il faudrait refuser toute demande additionnelle d'exploitation et bloquer ainsi l'expansion déjà existante, à cause de ce milieu? Est-ce que cela pourrait aller jusque-là?

M. Jones: Oui, je pense que cela pourrait aller jusque-là. La problématique qu'on a posée est celle-ci. Il y a évidemment une limite. On parle d'une limite, mais c'est un terme subjectif, dans le sens que la biophysique du milieu définit la limite, mais quelle est la limite? Pour un groupe de producteurs agricoles, la limite est de prendre toute la terre et l'utiliser pour faire la culture; cela est la limite biophysique du milieu de produire. Il y a d'autres limites du milieu, ce sont les limites qui sont établies par la collectivité et ces limites établies par les collectivités dépendent, à notre point de vue, de la qualité des cours d'eau. Cela veut dire que la limite, pour l'épandage de fumier, pour l'activité agricole dans un certain milieu, dans un bassin donné, doit avoir comme point de repère, doit se référer à la qualité des cours d'eau. C'est la qualité des cours d'eau qui devrait définir la limite d'épandage. Etant donné que la qualité des cours d'eau dépend de tous les facteurs où il y a percolation, à ce moment il faut qu'il y ait une expertise pour déterminer la limite et, à ce moment, la limite, étant donné qu'elle est définie par le cours d'eau, est différente pour chaque milieu, pour chaque bassin.

M. Léger: D'accord. Vous soulevez, à la page 8, la question du fumier amassé dans un champ. Y voyez-vous des inconvénients, en général?

M. Jones: Oui, la question est le no 40, je pense, M. le ministre?

M. Léger: Page 8...

M. Jones: No 39; la question est que ce fumier peut être amassé entre le temps permis pour l'épandage, mais, contrairement au sous-article no 3 de l'article 39, il n'y a pas de mention de toit. Cela veut dire que, pendant la période de fortes précipitations, vous auriez un lessivage du fumier et évidemment une percolation dans le sol et une perte vers les cours d'eau, à cause de la précipitation. On doit au moins avoir un toit et cela doit être protégé dans ce sens. Ce n'est pas spécifié dans cet article.

M. Léger: Pourriez-vous préciser votre pensée sur un autre aspect? Vous dites qu'il faudrait être

prudent — à la page 9 de votre mémoire — en ce qui concerne les technologies de transformation du fumier. Qu'est-ce que vous voulez dire par cela?

M. Jones: Quelle était la question spécifique, M. le ministre? Excusez-moi, je n'ai pas compris.

M. Léger: Quand vous dites qu'on devrait être prudent concernant les technologies de transformation du fumier, qu'est-ce que vous voulez dire par là?

M. Jones: En ce qui concerne la technologie... On devrait être prudent? Je n'ai pas utilisé le mot "prudent", à ma connaissance. Est-ce que j'ai utilisé le mot "prudent "?

M. Léger: C'est un peu comme cela; qu'est-ce que...

M. Jones: J'ai utilisé les mots "devrait surveiller le développement et l'implantation". Cela peut impliquer, par exemple, la prudence, mais dans le sens général. Ce que j'ai voulu dire en fin de compte dans ce paragraphe, c'est qu'on devrait essayer de suivre l'évolution de la technologie en fonction du contexte québécois.

M. Léger: Oui, d'accord. En ce qui concerne... Oui, M. Demard.

M. Demard: L'idée, c'était d'éviter les problèmes comme il peut y en avoir dans le domaine de l'urbain où les technologies qui sont utilisées ne sont pas toujours adaptées aux problèmes. Alors, il faut faire attention au niveau de l'importation d'un certain nombre de technologies, vérifier leur adaptation. C'est seulement cela.

M. Léger: D'accord. Je vous remercie. En ce qui me concerne, vous avez apporté beaucoup de renseignements qui sont déjà enregistrés au journal des Débats et qui vont servir, je pense, à toutes les personnes qui auront à apporter des correctifs à ce règlement. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je ne sais pas si le numérotage des mémoires est le fruit du hasard ou d'une intention, mais je trouve que la séquence du débat est extrêmement intéressante. Nous passons d'une facette à une autre d'un problème qui est de plus en plus cerné par les discussions que nous pouvons avoir avec les divers intervenants et je trouve que c'est extrêmement intéressant sur le plan intellectuel et sur le plan pratique aussi.

M. Jones, messieurs, j'aimerais vous demander ceci. Vous indiquez qu'à votre point de vue, une réglementation uniforme présente certaines difficultés d'application et vous invoquez un certain nombre de facteurs à l'appui de votre recommandation pour que le règlement soit souple. Il y a une chose qui m'embête un peu. Je comprends, sur le plan intellectuel, la recommandation que vous faites, mais j'essaie de voir, comme le ministre l'a fait il y a quelques instants, comment, dans l'application pratique, dans l'administration d'un tel règlement, nous pourrions arriver à être justes, parce qu'il me semble que, si l'on applique un régime de souplesse, on arrivera devant des cas où il faudra intervenir et prendre des précautions très serrées et, dans un autre cas, on dirait: Ces précautions ne sont pas tellement nécessaires. Celui qui serait dans le deuxième cas serait exempté des dépenses que le premier cultivateur serait obligé d'assumer. Comment arriver à une justice raisonnable dans une application souple de ce règlement?

M. Jones: C'est une question qui est toujours posée, M. le ministre, excusez, M. Goldbloom. La meilleure façon...

M. Goldbloom: Ne protestez pas trop.

M. Jones: C'est une question qu'on pose toujours, dans toute collectivité, dans toute activité, disons, administrative ou politique. C'est comme pour une municipalité. Je fais partie d'une municipalité et je subis les contraintes d'une municipalité qui a certains règlements qu'une autre n'a pas. Il faut réaliser qu'aujourd'hui, on se trouve face à une crise d'environnement et c'est vrai. A ce moment-là, la politique d'égalité pour tous, même si c'est vrai dans le sens philosophique et dans nos aspirations personnelles, est valable et souhaitable, mais je trouve qu'au niveau des opérations, dans la crise d'environnement qu'on connaît, on devrait adopter la voie de la souplesse. (17 h 45)

Vraiment, à ce moment-là, cela implique, par surcroît, qu'il y a d'autres personnes qui ne pourraient pas bénéficier d'avantages vis-à-vis d'autres, qui seraient plus punies. C'est la seule réponse que j'ai à cette question.

M. Goldbloom: Comme d'autres personnes avant vous, vous avez souligné le fait que le nombre de surveillants, d'inspecteurs, devrait être assez élevé si l'on voulait appliquer avec souplesse un tel règlement. Il me semble que le fait que vous invoquiez un certain nombre de facteurs qui influencent les conditions d'application de fumier sur le sol, disons — vous avez mentionné le problème de l'érosion qui peut affecter une ferme beaucoup plus sévèrement qu'une autre, vous avez parlé de différences en ruissellement... Il y a un facteur que vous avez mentionné, mais sans en discuter en détail et c'est l'objet de ma question qui est double. Je voudrais vous poser des questions sur le drainage agricole.

Il me semble que ce que vous proposez devrait nous mener à la conclusion qu'une évaluation presque annuelle de chaque ferme serait nécessaire, parce que les conditions pourraient être différentes, d'année en année, la précipitation est différente d'année en année, mais surtout s'il y a

eu un drainage agricole qui a été effectué au cours de l'année. Est-ce votre conclusion qu'il faudrait, suite à un tel drainage, réévaluer la terre en question? La deuxième partie de cette même question: Avez-vous une opinion quelconque à exprimer sur le drainage agricole qui se pratique à une échelle assez importante à travers le Québec, chaque année? On dit que le drainage agricole est nécessaire par rapport au rendement des fermes, mais sur l'autre plan, celui de la protection de l'environnement, est-ce que vous constatez, dans le drainage agricole, un problème, un fardeau additionnel, une complication en ce qui concerne la protection de l'environnement?

M. Jones: En réponse à la première partie de votre question, il est vrai qu'à la limite, on peut toujours imaginer que, chaque année, un inspecteur des services de protection de l'environnement va passer chez un cultivateur. Ce n'est pas l'esprit de mon intervention. L'esprit de mon intervention, c'est que le cultivateur bénéficie de l'expertise, soit gouvernementale, soit privée, pour définir le processus d'épandage de fumier sur son sol.

En fin de compte, c'est déjà indiqué dans la réglementation, à l'article 48, je pense. On définit qu'un cultivateur peut se prévaloir des services d'un professionnel qui, selon la nature de la récolte, pourrait réévaluer le taux d'épandage. Etant donné que ce principe est déjà énoncé dans la loi, il se trouve que tous les cultivateurs pourraient se prévaloir de cela, mais pas seulement en fonction de leur récolte comme telle, mais une expertise globale qui implique le drainage agricole et toutes les activités qui pourraient influencer le taux de transfert vers les cours d'eau.

La deuxième question concerne mon opinion sur le drainage agricole. Le problème avec le drainage agricole, surtout l'agricole souterrain, c'est qu'il comprime le cru et il diminue le débit des eaux en période d'étayage en été, ce qui pourrait avoir une influence sur l'écologie des cours d'eau.

Mais la question est, en fin de compte, qu'il faut regarder la surface du bassin où il y a un réseau de drainage, le pourcentage et le nombre de jours de gel et de dégel, et la fonte des neiges. Ce n'est pas si facile que cela. Tout à l'heure, quelqu'un avait dit que l'interprétation, de ces écosystèmes en fin de compte, était relativement facile. Mais c'est extrêmement complexe, c'est un problème extrêmement complexe et il faut que les services de protection de l'environnement se rendent compte qu'ils font face à un système qui est très complexe et qu'il ne faut pas l'approcher avec un concept d'ingénierie.

Dans un concept d'ingénierie, quand il y a un problème dont on connaît les techniques, on applique les normes. L'environnement n'est pas comme cela. C'est extrêmement complexe. Pour appliquer des normes universelles à court terme, peut-être que cela va nous aider à arrêter une certaine dégradation de l'environnement. Mais il faut absolument réévaluer ce processus à long terme, pour finalement avoir un certain but, et le but, j'ai dit que c'était une stratégie globale pour le Québec.

M. Goldbloom: M. le Président, j'ai un dernier commentaire. Je voudrais féliciter les chercheurs de l'INRS-Eau pour leur mémoire extrêmement utile et je voudrais les remercier d'avoir souligné un aspect qui est implicite dans plusieurs mémoires, mais explicite dans le leur, c'est la nécessité d'une éducation continue pour le cultivateur. Je pense que ce que nous examinons ici n'est pas simplement une considération théorique ou idéaliste pour protéger l'environnement, c'est beaucoup plus que cela. Nous voulons une agriculture rentable et, comme tout le monde l'a dit, il est impossible de faire autrement que de faire confiance aux cultivateurs.

Il faudra leur fournir tous les renseignements utiles dans une forme assimilable afin d'atteindre les buts visés. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Je tiens moi aussi, au nom de l'Union Nationale, à vous remercier pour votre participation à cette commission, surtout votre participation active et positive. Il y a un domaine en particulier sur lequel j'aimerais attirer l'attention des membres de cette commission, c'est que vous avez souligné aussi, comme d'autres mémoires, que le service de recherche du ministère de l'Environnement devrait apporter peut-être une attention spéciale ou une collaboration en vue de la transformation du surplus de fumier qui existe. Là, on parle de la conservation de la nappe d'eau. Peut-être qu'il y a des cultivateurs qui peuvent épandre du fumier en trop grande quantité, mais, étant donné que, parfois, ils ont une étendue de terre un peu restreinte, ils ne peuvent pas mettre le fumier en cannettes. Il faut qu'ils l'étendent quelque part.

Je crois que vous avez souligné le fait qu'on devrait apporter une attention spéciale à la transformation du fumier, surtout du surplus de fumier dont disposent les cultivateurs. Je crois que c'est un apport bien spécial. Je demande au ministre d'apporter une attention spéciale à ce détail, d'insister ou d'apporter une aide quelconque aux "transformeurs ", à un moment donné.

M. Léger: II y a actuellement, pour l'information du député de Saint-Hyacinthe, un comité interministériel, comprenant des représentants du ministère de l'Industrie et du Commerce, du ministère de l'Agriculture, du ministère de l'Environnement et de l'OPDQ, qui étudie la formule de l'utilisation du fumier au niveau de la transformation avec le procédé qu'on étudie actuellement à partir des couches, aussi bien que d'autres problèmes qui viennent en ligne de compte. Comme il faut que ce fumier qui va provenir, en grande partie, de régions où il y a une intensité d'élevage qui amène un surplus d'engrais animal pour la région, cela demande une étude sur la possibilité de le transporter ailleurs et, en le transportant, d'en conserver la qualité nécessaire à l'objectif qu'on veut atteindre et nécessairement, de le rendre intéressant pour la vente et l'achat. Donc,

le marketing, la transformation, le transport, ce sont des aspects qui sont étudiés par le comité interministériel et qui permettraient peut-être d'apporter, justement ce que je disais ce matin, une possibilité de revenus aux agriculteurs qui se chiffraient à pas loin de $100 millions.

M. Cordeau: A quelle date ce comité interministériel a-t-il été formé ou vers quelle date?

M. Léger: Cela fait à peu près trois mois qu'on en a discuté et ces gens ont déjà commencé à se réunir.

M. Cordeau: Ils ont commencé à se réunir. Il y avait un autre point de vue aussi, c'est surtout l'éducation des cultivateurs. Peut-être que le ministère a négligé ou n'a pas fait des efforts assez importants pour sensibiliser les agriculteurs à l'environnement. C'est dans le dernier paragraphe de votre mémoire.

M. Léger: Vous trouvez qu'on l'a faite un peu trop raide.

M. Cordeau: Oui, peut-être.

M. Jones: Est-ce que je pourrais interrompre?

M. Cordeau: Oui.

M. Jones: Peut-être que ce n'est pas une question d'efforts pour transmettre l'information. C'est la façon dont l'information est véhiculée. Il y a une différence de perception entre, par exemple, un agriculteur qui pense en tonnes d'engrais chimiques par acre et le fait qu'un cours d'eau est complètement inutilisable, quand il y a seulement 150 particules de phosphore par billion dans le cours d'eau. Il y a un énorme écart entre la perception de son égosystème terrestre et le cours d'eau. Cela prend tellement de grosses quantités d'engrais pour que cela produise, mais cela prend tellement peu dans un cours d'eau pour qu'il devienne inutilisable. L'information devrait être véhiculée dans ce sens pour que les cultivateurs le réalisent.

M. Cordeau: Je vous remercie de vos spécifications.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. le Président, devant tous ces mémoires qui nous sont présentés, et celui dont on discute présentement, que je trouve assez extraordinaire comme approche, comme philosophie, devant aussi le mémoire précédent des agronomes qui ont fait les études sur la rentabilisation des fumiers et les dangers qu'ils peuvent comporter pour l'environnement, j'ai quand même une certaine inquiétude. Cela ne veut pas nécessairement dire, parce qu'on est inquiet, qu'on ne doit pas travailler à trouver des solutions aux problè- mes, mais il n'en reste pas moins qu'il y a tellement de points qui viennent d'être soulevés que, devant un projet de loi ou devant une réglementation qui devra venir incessamment, je me demande comment on arrivera à considérer les points suivants qu'on a énumérés dans les différents mémoires, soit la nappe d'eau qui peut être plus ou moins profonde. Ce que je veux avoir comme approche ou indiquer comme approche, c'est la disparité des cas qu'on aura à évaluer et comment on devra le faire pour se garantir ou se protéger contre l'épandage des fumiers ou la façon dont on devra engraisser nos terres avec du fumier.

Bien sur, on ne peut pas, à mon avis, généraliser dans le sens suivant. Vous avez, d'une région à une autre, une nappe qui va être plus ou moins près de la surface. Vous avez aussi des terres qui vont être plus ou moins près de différents cours d'eau, soit de lacs ou de rivières. Vous avez aussi des sols de nature différente. Vous allez avoir des sols plus sablonneux à travers lesquels vont s'infiltrer plus rapidement les purins ou les fumiers. Vous allez avoir d'autres sols qui vont être plus argileux, sur lesquels les fumiers vont être plus portés à s'égoutter vers les cours d'eau. Vous avez aussi un autre élément qui doit être considéré, c'est l'aspect géographique du terrain. Vous allez avoir des terres, à un moment donné, qui sont plus planches, d'autres terres qui vont être plus vallonnées ou plus accentuées, sur lesquelles terres, bien sûr, ces jus de fumiers seront plus susceptibles de s'écouler vers les cours d'eau, les lacs et les rivières.

Vous avez aussi les différents types de cultures qui vont nécessiter un épandage plus accentué que d'autres. On disait, dans le mémoire précédent, que le maïs-grain, par exemple, nécessitait un épandage de fumier beaucoup plus considérable que pour celui de l'avoine ou du blé. Donc, encore là, c'est une considération qu'il faudrait apporter. Il y a aussi un autre élément que le "ministre" de D'Arcy McGee a soulevé immédiatement avant moi... (18 heures)

M. Giasson: Ce ne sera pas long. Cela ne prendra pas de temps.

M. Lavigne: Le député de D'Arcy McGee... M. Goldbloom: Cela reviendra.

M. Lavigne: ... soit le facteur du drainage des terres. Il est sûr que si vous avez une terre qui est drainée avec des tuyaux à tant de pieds régulièrement et à peu près à deux ou trois pieds de profondeur dans le sol, cette terre est susceptible de recevoir les résidus du fumier qui seront amenés par les pluies et les fontes de neige. Il est bien sûr que ces drains s'égouttent quelque part. Ils s'égouttent soit dans le cours d'eau le plus près qui, lui, s'égoutte finalement dans une autre rivière.

Donc, j'énumère tous ces points-là, et c'est à partir de ces points-là que je me dis, un peu

inquiet, quant à la réglementation qui devra venir, est-ce qu'on devra traiter tous ces fermiers sur un plan égal ou si on ne devra pas traiter ces fermiers en tenant compte d'autant de facteurs que ceux que je viens d'énumérer? S'il fallait le faire, je pense que ça va prendre presque un fonctionnaire par ferme. J'espère, en tout cas, qu'avec l'aide qu'on aura de la part de nos spécialistes, on arrivera à trouver la réglementation et le projet de loi qui devra convenir à tous ces agriculteurs, sans, pour autant, minimiser l'importance qu'on doit apporter à l'agriculture et permettre la rentabilité et aussi la maximisation de l'agriculture au Québec, tout en sauvant, bien sûr, notre environnement. Mais je manifeste quand même, à ce moment ici, devant autant de considérations, un peu d'inquiétude. Je ne sais pas si vous voulez commenter mes remarques, cela me ferait plaisir.

M. Jones: Je veux juste ajouter un commentaire...

Le Président (M. Boucher): Brièvement, s'il vous plaît, étant donné que nous sommes à l'heure de la suspension de la séance.

M. Jones: Est-ce que je peux commencer?

Le Président (M. Boucher): Allez-y assez brièvement, étant donné qu'il est déjà 18 heures.

M. Jones: D'accord. Juste un dernier commentaire; c'est vrai que c'est complexe. Vous avez évoqué toute une série d'activités sectorielles, je l'avais dit, mais on devrait, face à un tel défi, être stimulé pour trouver les moyens d'attaquer un tel problème. L'un des moyens, par exemple, est de réunir tous les éléments sectoriels ensemble pour essayer d'avoir une expertise pour les cultivateurs, dans certaines régions, pour avoir des équipes multidisciplinaires. C'est un moyen que SPEC pourrait utiliser dans ce sens, de petites équipes multidisciplinaires qui, par exemple, sont expertes dans les secteurs les plus importants, qu'elles jugent les plus importants dans certaines régions: pédologie, topographie, couverture de récoltes, couverture forestière. C'est une approche, mais je ne peux pas aller plus loin que cela.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Jones, ainsi que vos collaborateurs. Compte tenu de l'heure, nous devons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures.

Suspension de la séance à 18 h 3

Reprise de la séance à 20 h 13

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît! A la suspension de 18 heures, nous avions terminé avec le groupe de chercheurs de l'INRS-Eau. J'inviterais maintenant l'Association québécoise des techniques de l'eau, représentée par M. Raymond Larivée, directeur général. Il semblerait que les représentants de cette association ne sont pas arrivés. Nous allons donc passer au Comité de citoyens du rang Jean-Guérin sud-ouest, représenté par M. Jean Trudel. M. Trudel, s'il vous plaît. Allez-y. Si vous voulez identifier ceux qui sont avec vous, s'il vous plaît.

Comité de citoyens du rang Jean-Guérin sud-ouest de Saint-Henri-de-Lévis

M. Trudel (Jean): II s'agit de M. Bernard Couët, qui est un des résidents du rang Jean-Guérin sud-ouest, entre autres un de mes voisins, et de Mme Charles Allan, une autre résidente du rang Jean-Guérin sud-ouest.

Le Président (M. Boucher): Merci. Vous pouvez y aller.

M. Trudel: Le comité de citoyens du rang Jean-Guérin sud-ouest de Saint-Henri-de-Lévis, soucieux de l'impact que peut provoquer à l'égard de son groupe d'individus l'adoption du règlement sous étude, tient à formuler certaines remarques à son sujet.

Sensibilisé aux problèmes de pollution et plus particulièrement aux problèmes de pollution de l'air, notre comité, fort de son expérience passée avec de gros éleveurs, se permet de porter à votre attention certaines lacunes du règlement qui demanderaient à être comblées, afin de prévenir dans des secteurs déterminés de l'élevage des problèmes de pollution aberrants pour le voisinage.

Il ne s'agit pas ici de contester le projet de règlement en son entier, ni de faire édicter des normes si sévères qu'elles auraient pour effet de rendre quasi impossible l'implantation d'élevages, mais bien de voir à enrayer cette pollution inacceptable engendrée par certaines industries de l'élevage.

Il apparaît de toute évidence que le présent projet ne va pas assez loin si l'on considère que le but d'un règlement concernant les exploitations de production animale devrait être de prescrire des mesures préventives et curatives, permettant de contrer les atteintes portées à ce jour, à la qualité de l'environnement par certains secteurs de l'élevage.

A l'article 1, dans la section I, on constate que la définition du terme agglomération de cet article est trop restrictive et inadéquate, étant donné la situation réelle de certaines régions. A l'alinéa I, on limite la qualification d'agglomération au cas où une ou plusieurs habitations concernées seraient occupées par un producteur agricole. Notre expérience en milieu rural ne nous permet pas de

conclure que les agriculteurs, qui ne sont pas eux-mêmes des éleveurs, soient prêts à accepter la pollution de l'air émise dans leur voisinage par un de ces éleveurs peu scrupuleux de leurs droits.

A cet effet, nous croyons que l'article 1a i) du règlement ne devrait exclure de l'applicabilité de certaines normes que les agglomérations où on retrouve un éleveur parmi les propriétaires des cinq habitations mentionnées.

A l'alinéa 2 du même article, il est question d'un diamètre de 150 mètres dans lequel devraient se situer les cinq habitations. Cette restriction de 150 mètres nous semble irréaliste puisqu'il faudrait, à toutes fins pratiques, que les lots sur lesquels seraient situées lesdites habitations n'excèdent pas 30 mètres de longueur, ce qui correspond presque uniquement aux moyennes de longueur dans les limites d'une municipalité. Nous croyons donc qu'à cet effet, la limite de 150 mètres devrait être portée au moins à 500 mètres — mais disons qu'on rectifierait pour300 mètres, ce serait peut-être plus réaliste — ce qui serait plus conforme au problème réel qui se pose aux services de protection de l'environnement en 1978.

A l'alinéa 3 de l'article 1a i), il est fait état du zonage dans lequel devraient se retrouver les cinq habitations. Comme vous le savez, M. le ministre, messieurs, un règlement du zonage agricole à l'échelle provinciale, nécessaire à la préservation des terres arables, se fait toujours attendre. L'absence d'une réglementation stricte à cet égard a eu pour effet de permettre à certains citadins et à certains promoteurs immobiliers d'accéder à la propriété à l'extérieur des zones résidentielles. Cet exode d'une partie de la population vers les zones rurales s'est effectué depuis environ une décennie et il apparaît aujourd'hui que les zones agricoles situées dans le rayon des grandes villes sont partiellement occupées par ces ex-citadins qui sont maintenant aux prises avec des problèmes de pollution engendrés par des exploitations de production animale.

Est-ce à dire que l'on doit négliger, sinon écarter ces personnes du présent projet de règlement parce que les gouvernements antérieurs et les municipalités ont négligé d'élaborer une politique cohérente de protection des zones agricoles?

Un projet de règlement comme celui sous étude présentement doit composer avec les réalités existantes et ne devrait d'aucune manière mettre à l'écart les résidences situées à l'intérieur d'un territoire zoné à des fins agricoles. Ceci, pour des raisons de justice sociale et de droits acquis à un environnement sain auquel chaque citoyen devrait pouvoir prétendre.

Cependant, cet alinéa 3 de l'article 1a i) pourrait s'appliquer aux résidences qui ont été acquises dans une zone agricole après l'entrée en vigueur du règlement.

De plus, il serait souhaitable d'adjoindre à cette section I une définition relative aux exploitations de production animale de type industriel. Cette définition serait utile à l'application d'un régime particulier pour ces industriels de l'élevage ne résidant habituellement pas sur le site d'exploi- tation de l'entreprise et ne pratiquant pas le métier d'agriculteur, qui se soucient peu des préjudices qui peuvent être causés à leur voisinage par des concentrations souvent importantes d'animaux.

Des exploitations industrielles de ce genre existent en maints endroits au Québec, notamment dans des régions côtoyant le cours des rivières Etchemin et Yamaska. Il ne s'agit pas de pénaliser par des normes exorbitantes l'agriculteur-éleveur moyen; son exploitation constitue en effet un danger d'atteinte à l'environnement moins sérieux que celui que constituent les exploitations de ces industriels. Ces derniers arrivent à concentrer l'élevage d'un nombre imposant de bêtes sur une superficie de terrain plutôt restreinte, eu égard aux terres que possèdent en général les agriculteurs de notre province.

Conséquemment, on retrouve, dans les secteurs environnants de telles concentrations d'animaux, des problèmes alarmants de pollution attri-buables au fort taux d'émission de contaminants dans l'air. Ces émissions de contaminants atteignent souvent une densité si forte au mètre cube qu'elles portent inévitablement conséquence à l'air ambiant des lots contigus à ceux de telles exploitations. On a même observé dans des secteurs comme celui de Saint-Henri-de-Lévis et de Saint-Bernard-de-Dorchester que l'odeur répugnante dégagée par ce genre d'entreprise peut voyager sur une distance de plusieurs kilomètres.

A l'examen du projet de règlement, on constate qu'aucune disposition n'a été prévue pour prévenir l'implantation de telles concentrations, et il semblerait nécessaire, à notre avis, de prendre des mesures pour améliorer le sort des populations affectées par des problèmes aussi aigus. Il apparaîtrait à tout le moins essentiel de munir les services de protection de l'environnement d'outils adéquats afin que ses fonctionnaires puissent prévenir la répétition de situations aussi déplorables.

On devrait combler ces lacunes en suppléant à cette définition de production animale de type industriel une série de normes s'appliquant en particulier à ces dernières.

Par exemple, à l'article 1j, on définit une zone exposée comme étant: "la zone située à l'intérieur de l'aire formée par deux lignes droites parallèles imaginaires prenant naissance à 100 mètres des extrémités d'une exploitation de production animale. "

Selon des constatations effectuées dans la région de la rivière Etchemin, la distance de 100 mètres est nettement insuffisante si l'on considère qu'il s'agit d'une norme propre à régir toutes les exploitations de production animale. Il serait plus approprié de distinguer les exploitations selon l'importance du nombre de bêtes à y être élevées et de prévoir des distances plus grandes lorsqu'il s'agit d'exploitations de grande envergure.

Dans ce contexte, on devrait, en rapport avec l'article 1t, considérer un territoire avec son ensemble d'exploitations de production animale. Selon cet article: "si un ensemble de bâtiments utilisés à l'élevage est situé à plus de 150 mètres

de l'ensemble le plus rapproché, II sera considéré comme une unité indépendante du premier ensemble ".

Le libellé de cet article ne conduirait à l'application de certaines normes que dans le cas où la distance entre des ensembles de bâtiments serait inférieure à 150 mètres; ceci laisserait donc la possibilité d'établir plusieurs exploitations de semblable importance aussitôt qu'elles sont distancées de 150 mètres les unes des autres, et ceci sans aucune limite. On n'a donc pas prévu le cas de concentrations d'unités animales dans une même région. Il serait inacceptable que le règlement, une fois adopté, ne tienne pas compte de ce facteur dans ses normes. Il faudrait, à notre avis, prévoir un nombre total maximum d'une même espèce d'animaux à être élevés sur un même territoire, c'est-à-dire de soumettre les éleveurs à une limite de bêtes permises au mètre carré de territoire affecté à l'élevage. Les conditions pitoyables qui affligent les résidents des zones sursaturées de certains types d'exploitation de production animale devraient servir d'exemple à éviter et c'est pourquoi nous suggérons l'adoption de normes sévèrement restrictives susceptibles de prévenir la répétition dans d'autres régions de ce qui existe aujourd'hui dans certaines zones identifiées du Québec.

L'article 1p du règlement traitant de l'habitation du propriétaire d'une exploitation de production animale devrait être amendé aussi, de façon à appliquer une norme de distance moins grande que lorsque l'habitation du propriétaire est occupée par ce dernier. De cette façon, si l'habitation est occupée par un locataire, on pourrait exiger le même privilège de distance de l'exploitation que s'il s'agissait de la première habitation voisine.

L'article 1v ii) interprété en relation avec l'article 3 du projet de règlement accorde une dispense d'autorisation au cas où l'exploitation de production animale n'a pas servi depuis moins de quatre ans. A notre avis, cette dispense ne devrait pas exister puisque la rapidité avec laquelle on construit les maisons de nos jours, une agglomération au sens du règlement pourrait facilement s'être établie, dans le voisinage de cet ex-éleveur, pendant une période beaucoup plus courte que les quatre années prescrites. A cet effet, l'exploitation inutilisée devrait à tout moment être considérée comme une nouvelle exploitation au cas où l'on voudrait procéder à sa réouverture.

Article 4, alinéa 2: A l'alinéa 2 de l'article 4, il est fait état d'une dispense de fournir une évaluation détaillée de la quantité ou concentration de contaminants à être émis, déposés, dégagés ou rejetés par l'effet d'une activité projetée. Nous comprenons ma! les motifs qui ont poussé les rédacteurs du projet de règlement, à y inclure une telle dispense. Il faudrait, au contraire, qu'une évaluation de la sorte soit fournie au service de protection de l'environnement aussitôt que l'activité projetée reflète une certaine envergure risquant d'avoir un impact sur le voisinage. De plus, on devrait soumettre l'autorisation à la règle "audi alteram partem" et par là, consulter les résidents du voisinage qui risquent de voir leur qualité de vie détériorée par le projet.

Article 9: L'article 9, traitant de la teneur de tout certificat d'autorisation délivré selon l'article 3, précise qu'une mention doit apparaître à l'effet que le certificat d'autorisation permet la mise en oeuvre du projet décrit dans la demande d'autorisation, à condition que celui-ci soit conforme, au moment de son exécution, aux données et renseignements qui y sont énoncés.

Cette motion est primordiale car, trop souvent, les certificats d'autorisation sont émis par les services de protection de l'environnement et les requérants, forts de leur obtention, ne se conforment pas aux exigences qui y sont rattachées. Il est donc important de maintenir l'alinéa 2 de l'article 9 en son entier et de voir à fournir aux responsables du service, l'opportunité de le faire respecter.

Article 31b: A l'alinéa b de l'article 31, dans lequel on aborde la question de l'étanchéité des fosses de rétention du fumier liquide ou semi-solide, on éliminerait beaucoup de problèmes d'odeur en exigeant, qu'en plus d'être étanches, ces fosses de rétention soient couvertes à l'aide d'un couvercle assez hermétique pour retenir l'odeur qui s'en dégage habituellement.

Article 51 : Au sujet de l'épandage du fumier liquide, l'article 51 du règlement, tel que rédigé, laisse la liberté à la personne affectée à cette tâche d'y procéder à plus de 300 mètres d'une habitation voisine entre le 15 juin et le 15 septembre. A cause de l'imprécision de cet article, un agriculteur pourrait, selon son bon vouloir, épandre le fumier à l'intérieur de ces dates à 300 mètres de la première habitation d'une municipalité, ce qui aurait alors pour effet d'affecter toute sa population. Si l'on veut éviter une situation aussi absurde, il faudrait prévoir des distances plus grandes entre le lieu d'épandage et une municipalité ou une agglomération, car la distance de 300 mètres édictée dans cet article est nettement insuffisante, selon notre expérience. Il apparaîtrait plus réaliste de prévoir une distance d'au moins 1000 mètres dans ce cas.

Voilà, M. le ministre, les brefs commentaires que nous avions à formuler à l'égard du projet de règlement sous étude. Croyez bien que le comité de citoyens que je représente devant vous croit bien fondée la requête ultime qu'il vous adresse par le présent mémoire et déclare solennellement que les remarques qui y sont formulées sont basées sur des observations réelles qui ne laissent aucun doute sur le fait que l'environnement de son territoire soit gravement atteint par des pollueurs qui ne sont astreints à aucune norme assez coercitive permettant de contrer leurs agissements ou leurs négligences. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. Trudel. M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je voudrais vous remercier de votre participation, parce que, dans

la rédaction d'un règlement, comme on l'a dit, on veut quand même mettre ensemble deux groupes de citoyens qui peuvent apporter des perceptions différentes de la situation. Vous commencez justement en nous expliquant les problèmes d'odeur que vous avez vécus dans votre région. Souvent, on a eu comme réaction, de la part d'organismes comme l'UPA, que les odeurs de porcs ou de bovins en campagne, c'est normal. J'ai même lu un article de journal où on disait: Une vache sentira toujours la vache. Nécessairement, un porc sentira toujours le porc. Vous autres qui avez vécu le problème, est-ce que, pour vous, c'est normal qu'il y ait une senteur de cette envergure et est-ce normal que des agriculteurs non éleveurs ou d'ex-citadins qui sont installés en campagne vivent avec, dans leur environnement, une senteur de cette envergure? Comment réagi riez-vous si vous étiez à la place du ministre, ayant vécu le problème pour répondre à des organismes qui disent: C'est normal, en campagne, cela ne sent pas comme la ville, il faut accepter cela.

M. Trudel: II apparaît qu'à ce niveau, il faudrait distinguer certains types d'élevage. Il y en a qui causent moins de préjudice finalement aux gens qui demeurent dans les environs, entre autres l'élevage des bovins. J'ai personnellement résidé dans une région où j'étais collé, si l'on veut, à une distance de 50 pieds, d'un très gros élevage de bovins, de 150 bêtes. Je n'ai jamais été, d'aucune façon, embêté par ledit élevage. Maintenant, dans le cas de notre problème à nous, il réside dans le fait qu'on a vraiment une concentration substantielle d'animaux et il n'y a pas de mesures qui ont été prises par les promoteurs ou, si on veut, les contremaîtres de ces entreprises afin de minimiser les risques. Il m'apparaît que ce n'est pas normal, parce qu'avec les expériences que j'ai pu avoir avec certains agriculteurs qui ne sont pas éleveurs de porcs, entre autres, si on veut prendre l'élevage du porc comme exemple, ces gens-là n'acceptent pas que certaines productions de porcs s'installent dans leur environnement. Je pense que l'argument de l'UPA selon lequel ce ne sont que les ex-citadins qui sont embêtés par ce problème est faux. En réalité, beaucoup de gens, même des résidents de la municipalité de Saint-Henri, sont aux prises avec ce problème. Ils ne sont pas eux-mêmes des agriculteurs, ils ne sont pas des ex-citadins et je pense qu'on déplace un peu le problème en laissant supposer que c'est seulement le fait qu'on puisse venir d'une municipalité ou d'une ville antérieurement qui puisse causer ce problème.

M. Léger: Dans votre région, comment avez-vous évalué les risques environnementaux de telles concentrations d'animaux? D'ailleurs, combien y a-t-il de bêtes dans votre coin?

M. Trudel: Disons que, sur une superficie d'environ un mille carré, on retrouve présentement 19 000 bêtes.

M. Léger: Une superficie de combien?

M. Trudel: D'un mille carré.

M. Léger: Un mille carré, 19 000 bêtes.

M. Trudel: 19 000 bêtes. Cela veut dire trois producteurs.

M. Léger: Ce sont des porcs?

M. Trudel: Ce sont des porcs, entre autres, et il est prévu d'ailleurs une addition de 3500 nouveaux porcs d'ici à peu de temps, parce que le permis a été émis par vos services le 2 octobre 1978.

M. Léger: Quels sont les problèmes qui ont été causés selon vous à la rivière Etchemin? Vous avez des milliers de poissons qui n'ont pas survécu à ça.

M. Trudel: Disons que moi, je demeure assez près de la rivière, mais quand même pas assez pour avoir pu observer ce phénomène. J'en ai quand même beaucoup entendu parler. J'ai un de mes amis qui a observé lui-même une écume, un certain samedi matin, le samedi matin de la fin de semaine dont vous avez sûrement entendu parler, qui aurait pu être attribuable, évidemment, à un purin de cochons. La preuve reste à faire. Moi, personnellement, je n'ai pas fait la preuve. (20 h 30)

Cependant, il y a eu d'autres observations qui ont été faites et vérifiées par les services de protection de l'environnement en rapport avec deux éleveurs, entre autres, que je mentionnais, c'est-à-dire... De toute façon, je pense qu'il est peu important de mentionner le nom. Des observations concrètes ont été faites et des analyses de laboratoires ont prouvé qu'il y avait eu des émissions de contaminants dans l'eau.

M. Léger: Mais, diriez-vous que, dans votre région, le problème qui est le plus ressenti, c est un problème d'odeur ou si c'est le problème des cours d'eau?

M. Trudel: C'est à peu près sous les deux aspects.

M. Léger: Pourriez-vous dire quel pourcentage du temps cela sentait, d'une façon...

M. Trudel: Moi qui préside, je ne veux pas prendre mon cas personnellement, mais je suis quand même assez bien placé, je suis assez loin pour faire un cas d'espèce, je demeure environ à 2000 pieds de l'exploitation, de 1800 à 2000 pieds, et je dirais que 66% de tous les jours compris entre le 1er juin et le 1er septembre, il y avait une odeur nauséabonde chez nous, jusque dans la maison; cela est clair.

M. Léger: Est-ce que les gens de la région semblaient s'opposer à cela ou s'il y en avait une partie qui s'accommodait de cela?

M. Trudel: Qui s'opposaient à quoi?

M. Léger: Qui s'opposaient à cette odeur. Est-ce qu'il y avait des plaintes? Est-ce que les gens acceptaient cela ou si, en général, ils étaient tous opposés à cette odeur?

M. Trudel: Si on prend le cas du Comité de citoyens du rang Jean-Guérin sud-ouest, pour l'appeler par son nom, on a déjà émis plusieurs pétitions à vos services à cet effet, ce qui démontre que les gens ne sont sûrement pas d'accord avec cette idée et même qu'ils réprouvent beaucoup cet état de fait. On voit mal, d'ailleurs, comment on pourra en arriver à sauver notre région de ce problème parce qu'il est vraiment envahissant, dans le moment, et il est toujours en progression.

M. Léger: Au niveau des concentrations, la norme de 0.3 hectare par unité animale, à l'article 48, comme superficie minimale visée, pensez-vous que c'est une norme qui peut empêcher les grosses concentrations ou si c'est une norme qui peut simplement amener à minimiser, mais pas nécessairement arrêter cette concentration?

M. Trudel: Vous avez dit à l'article 48?

M. Léger: Oui, l'article 48. On dit que la norme — si je lisais l'article — est de 0.3 hectare par unité animale nécessaire pour faire de l'épandage.

M. Trudel: A ce niveau, je pense que je ne pourrais pas émettre d'opinion en tant que telle. Je présume que cette norme a dû être calculée par des gens qui étaient plus compétents que moi en la matière. La norme... C'est plutôt au niveau du nombre de bêtes par mètre carré que cela nous intéresse. On a des problèmes à cause de l'épandage du fumier, forcément, mais ils sont minimes si on considère que ce sont plutôt les systèmes de ventilation desdites entreprises qui nous nuisent, les systèmes de ventilation qui projettent l'air vicié de l'intérieur de la porcherie vers l'extérieur.

M. Léger: Est-ce que les senteurs provenaient, d'après vous, plus des bâtiments que de l'épandage?

M. Trudel: On pourrait facilement affirmer que pour les 66% du temps pendant lequel j'ai été affecté cet été, il y a au moins 50% de cette période où le problème provenait de la ventilation des bâtiments parce qu'on peut vous dire qu'on a même remarqué qu'il y avait une différence d'odeur entre une odeur d'épandage et une odeur de ventilation. Je ne vous expliquerai pas les détails, mais c'est quand même quelque chose de différent.

M. Léger: Qu'est-ce que vous penseriez de l'idée qui semble ressortir dans votre mémoire, pour permettre, comme cela se fait un peu en Europe, à quelqu'un d'avoir une installation, un nombre assez élevé de têtes de porcs, d'avoir une audience publique pour tout projet de grosse porcherie.

M. Trudel: Nous serions entièrement d'accord sur cette mesure et, de plus, on le demande à vos services depuis fort longtemps.

M. Léger: A combien de têtes calculeriez-vous que c'est une grosse porcherie?

M. Trudel: II m'apparaît qu'à partir de 1000 têtes on sort des cadres du petit éleveur moyen.

M. Léger: De 1000 têtes.

M. Trudel: A partir de 1000 têtes, il me semble que cela peut avoir un impact assez sérieux.

M. Léger: D'après votre expérience, quelle pourrait être la distance minimale raisonnable entre deux grosses exploitations de 2000 porcs, par exemple, à cause des conséquences des odeurs? On nous disait, à certains endroits, que cela sentait tout le temps, tout l'été, parce que s'il y avait trop de permis d'exploitation dans la même région, des grosses porcheries, nécessairement, il y en avait un qui faisait de l'épandage une journée, le lendemain, c'était l'autre, et l'autre journée après, c'était un autre, et l'autre encore recommençait. A un moment donné, il y en avait tous les jours. Avez-vous une idée de la distance qu'il devrait y avoir entre deux grosses industries de 1000 ou 2000 têtes?

M. Trudel: De toute façon, il faudrait tenir compte, à ce moment-là, des vents dominants, ce que vous faites déjà, dans une certaine mesure, parce qu'il ne faut quand même pas perdre de vue que l'odeur s'additionne sur le parcours que suit le vent. S'il y a trois porcheries qui sont situées en ligne, avec le vent dominant, forcément, on va avoir à peu près l'odeur des trois additionnées pour le logement qui va être situé sous ces vents dominants. On en a un exemple flagrant chez nous. Prenons le cas de Mme Allen, qui demeure à un mille de chez nous. Les porcheries sont situées à mi-chemin entre chez elle et chez moi. Quand le vent du sud-ouest souffle vers chez nous, il n'y a jamais rien qui se passe vers chez elle, alors que quand il s'agit d'épandage avec un vent du nord, à ce moment-là, c'est Mme Allen qui se trouve à avoir le problème. Pour la distance entre les deux porcheries, je ne sais pas, parce qu'on a toujours été soumis à un problème qui allait en augmentant. Lorsque je suis arrivé là il y a deux ans, il y avait 4000 porcs. A 4000 porcs, qui étaient à environ 1800 pieds de chez nous, j'avais des problèmes, mais disons que c'était acceptable et on se disait que, compte tenu d'une bonne gestion

des bâtiments et d'une bonne gestion des fumiers, on aurait dû normalement arriver à régler ce problème-là en grosse partie. Jusqu'à maintenant, on n'a pas pu finir par trouver une norme, parce que cela évolue sans cesse.

M. Léger: Vous ne parlez pas dans votre mémoire de vents dominants, et là vous venez de parler de vents dominants. D'après vous, ce serait une question qui soulève beaucoup d'opposition de la part des agriculteurs, les vents dominants. Qu'est-ce que vous en pensez comme norme d'installation de bâtiments en tenant compte d'un vent dominant qui est plus...

M. Trudel: En tenir compte est sûrement une bonne chose, parce qu'actuellement le vent dominant, on considère que c'est le vent de beau temps, finalement, c'est le sud-ouest dans notre cas, et c'est sûr qu'on ne peut pas faire autrement qu'en tenir compte. De toute façon, dans notre cas, qu'il y ait vent dominant ou pas de vent du tout, on a l'inconvénient de toute façon. Il ne faut pas se dire que le simple fait que ce n'est pas situé sous les vents dominants, cela va contribuer à enlever tout le problème. Aussitôt qu'on parle d'une grosse exploitation de production animale, à une distance de 1800 pieds, je veux vous dire que l'odeur est là, omniprésente.

M. Léger: Vous parlez aussi de dates d'épan-dage. Les agriculteurs nous disent souvent — là je vous soumets le problème qu'on a — que nécessairement il se peut qu'il y ait un printemps ou un début d'été très maussade, très mauvais, donc qu'on ne peut pas, à un moment où il pleut, alors que le sol est humide faire de l'épandage. Et c'est la même chose à l'automne. Il reste seulement l'été où ils ont le plus de chances.

La période d'été, c'est la période où on voulait limiter, en quantité et en sorte de fumier d'épan-dage; d'après vous, est-ce qu'il devrait y avoir le maintien de dates pour éviter lépandage durant cette période, du 1er juin ou du 15 juin au 1er septembre ou au 15 septembre?

M. Trudel: Ce serait sûrement essentiel si on considère que, finalement, les gens qui vivent à la campagne aiment bien vivre à l'extérieur. Ces périodes sont celles où on peut exploiter le plus le fait qu'on puisse vivre dehors. C'est sûr que, s'il se produit de lépandage comme il s'en est produit cette année, dans notre cas, tout l'été, on restreint presque complètement la jouissance de la vie à l'extérieur.

De toute façon, il n'a pas été prouvé non plus que lépandage ne pouvait pas se faire en période de pluie. Mais ça ne change absolument rien. Prenons notre cas à nous, ce sont des camions-citernes du type camion d'huile qui sont affectés à ça et ils ne sont pas dérangés du tout par le fait qu'il pleuve. De toute façon, la pluie est une bonne chose parce que ça dissout le purin en question et ça lui permet de pénétrer plus rapidement dans le sol. Alors...

M. Léger: Une dernière question, étant donné que vous avez vécu toutes sortes de problèmes.

D'après vous, la distance d'une agglomération, nous avions diminué ça à 300 mètres; au début, on avait pensé à 1000 mètres; est-ce que vous pensez que 300 mètres d'une agglomération, seraient suffisants pour l'épandage ou si 1000 mètres, d'après vous, est un chiffre absolument essentiel?

M. Trudel: En fait, si on pense qu'on veut arriver à une norme qui va couvrir à peu près tous les cas, que ce soit sous vents dominants ou pas, le plus possible de jours dans l'année, on considère que 300 mètres, c'est nettement insuffisant. C'est clair. 1000 mètres, il m'apparaît que ça pourrait être une norme qui pourrait avantager certaines personnes à certaines périodes de l'année, et puis encore. Comme on disait, c'est qu'il ne s'agit pas d'empêcher complètement l'élevage et la culture. Il faut que ça puisse se faire. Il s'agirait de minimiser les problèmes qui sont causés par ça.

Il reste quand même une grande période entre les mois d'avril et juin, du 15 septembre jusqu'en novembre, pour procéder à ça. De toute façon, dans notre région, il s'est fait beaucoup d'épanda-ge cette année parce que les porcheries sont trop grosses et les fosses à purin sont prévues seulement pour un certain nombre de bêtes, mais en considérant qu'on va pouvoir épandre toute l'année. C'est sûr que ça ne fera pas l'affaire de certains éleveurs si on leur dit: "Vous ne pouvez épandre entre telle et telle date"; à ce moment-là, ils vont être obligés de donner des contrats pour le faire plus rapidement.

Evidemment, en période d'été, il faudrait trouver le moyen de restreindre un peu.

M. Léger: Le problème de l'odeur, d'après vous, est-il suffisamment important pour incommoder suffisamment les gens des environs, à l'intérieur d'un territoire qui serait zoné agricole? Supposons que la vocation première d'un territoire zoné agricole, comparativement à d'autres territoires qui ne seraient pas zonés agricoles... A l'intérieur d'un territoire zoné agricole, est-ce que le problème de l'odeur est suffisamment important pour indisposer des gens qui vivraient de l'agriculture, qui ne seraient pas nécessairement des éleveurs de porcs, d'autres types d'éleveurs ou d'autres citoyens qui vivent à la campagne, des ruraux, même à l'intérieur d'une zone agricole où les éleveurs voudraient avoir une sorte de priorité ou d'exclusivité dans ce domaine? Est-ce que les conséquences de l'odeur sont suffisamment importantes pour avoir des mesures sévères à l'intérieur d'un territoire zoné agricole?

M. Trudel: Nous croyons pouvoir affirmer facilement que oui. Un exemple assez simple qui me vient à l'esprit, c'est que j'ai un de mes amis qui s'est installé en zone agricole, qui est un ex-citadin. Il avait dans ses projets d'installer une porcherie; il a eu des représentations de la part de ses voisins de ne pas procéder à l'installation de ladite porcherie, parce qu'il semble que ça ne leur convenait pas. J'ai eu d'autres témoignages d autres cultivateurs, dans des zones plus proches de notre zone, qui ne tiennent pas du tout à voir

arriver dans leur région le type d'élevage qu'on a chez nous. Je pense que cela peut être assez important... Cela nuit au bien-être, il n'y a pas d'erreur.

M. Léger: Je voudrais là-dessus. Je vous remercie d'être venu. Mais je voudrais quand même savoir une chose. Souvent, des groupes de représentants d'agriculteurs comme l'UPA ou des organismes qui ont à coeur l'intérêt des agriculteurs, nous disent que ceux qui se plaignent, ce sont souvent et même très souvent des citadins ou des villégiateurs qui viennent passer l'été à la campagne et qui ont le nez un peu trop fin, que ce n'est pas leur milieu.

Votre comité est composé de quel type de personnes?

M. Trudel: Le comité est formé de 18 personnes dans le moment. Sur les 18 personnes, il y en a six qui sont des ex-citadins. Les douze autres sont, soit des ex-agriculteurs ou des retraités maintenant. Entre autres, le mari de Mme Allen était agriculteur et habitait la maison que j'habite présentement. Il demeure maintenant un peu plus bas, comme je vous l'expliquais tantôt. Il ne me semble pas que Mme Allen soit une personne prête à subir le contrecoup de ce type de...

M. Léger: Donc, d'après-vous, les deux tiers du comité sont des personnes qui vivent dans le monde rural, ce sont des personnes qui ont toujours vécu dans ce milieu. Quant à cette odeur, ce n'est pas une odeur normale à accepter à cause de la densité, des inconvénients et des nuisances? Ce n'est pas une odeur normale de la campagne?

M. Trudel: Non, que ce soit pour les agriculteurs ou pour les ex-citadins, on en vient à une constante à ce niveau. Ce n'est pas plus acceptable pour l'un que pour l'autre.

M. Léger: Je vous remercie infiniment. Votre témoignage aura été important. Il y a d'autres membres de la commission qui vont vous poser certainement des questions.

Le Président (M. Boucher): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président. M. Trudel, vous avez donné des réponses assez détaillées aux questions du ministre. Je n'ai donc pas besoin de refaire tout le même cheminement. Je voulais justement vous demander ce que le ministre vous a demandé à la fin, soit le nombre de membres de votre comité. Vous avez indiqué qu'il y a 18 personnes qui en font partie, à peu près.

M. Trudel: Oui.

M. Goldbloom: J'aimerais vous demander si le comité de citoyens a été fondé à cause des problèmes que vous venez exposer ici ce soir.

M. Trudel: C'est exact. Le comité a été formé à la suite de demandes de porcheries qui ont été accordées par les Services de protection de l'environnement, le 28 avril 1977. A ce moment-là, il y avait plusieurs demandes qui étaient pendantes et plusieurs qui avaient été accordées. On a cru alors qu'il était nécessaire de nous lier pour essayer d'endiguer ce problème. On n'a pas tellement bien réussi, je dois vous dire. (20 h 45)

M. Goldbloom: Vous avez indiqué la composition de votre comité. La population du rang Jean-Guérin Sud-Ouest est à peu près de combien?

M. Trudel: Le rang Jean-Guérin Sud-Ouest est quand même assez long finalement, parce qu'il joint Saint-Henri et Saint-Anselme. On pourrait diviser le rang. Il est zoné d'une façon agricole, je m'excuse de déborder un peu, mais je voudrais donner certaines précisions.

M. Goldbloom: Allez-y.

M. Trudel: La première partie du rang, soit celle que nous habitons, est complètement habitée par des non-agriculteurs, soit des ex-citadins, on des ex-agriculteurs, qui sont maintenant au travail dans des industries, ou soit par des retraités.

Mais à partir de ce mille, la population agricole commence. Combien peut-il y avoir de gens dans ce rang-là, ce serait difficile de mettre un chiffre, mais il me semble qu'il y a une trentaine de familles pour la partie qui s'appelle Jean-Guérin sud-ouest, à tout le moins. De toute façon, il y a, dans d'autres parties du rang qui dépassent le mille en question, d'autres éleveurs de porcs, entre autres, qui ne causent pas de préjudice à leurs voisins jusqu'à date. Ce sont des agriculteurs qui exploitent ces élevages. Ce qui nous intéresse ici, ce sont vraiment les industries.

M. Goldbloom: Je voudrais que le but de mes questions soit clair. Je ne veux pas jouer avec les mots. Vous avez parlé des 18 personnes qui sont actives comme membres de votre comité et vous avez indiqué que le comité a été créé à cause des problèmes de pollution agricole. Il y a d'autres personnes qui habitent le même secteur, qui ne sont pas membres de votre comité. C'est ce que je voulais faire ressortir. Est-ce que vous avez une représentation importante en proportion de la population totale qui pourrait être affectée de la même façon que vous, que Mme Allen, que les autres membres de votre comité?

M. Trudel: Non, il me semble que les 18 personnes formant le comité de citoyens sont les personnes qui sont touchées essentiellement. On n'a pas cherché à étendre les limites du comité de citoyens à autre chose que le but que l'on cherchait, c'est-à-dire essayer d'enrayer ce problème de pollution. On n'a pas cherché à toucher des gens qui étaient agriculteurs, qui étaient à l'extérieur de cela.

D'ailleurs, il y avait une bonne raison à cela, c'est que le comité de citoyens, au début, a essayé de faire modifier le zonage de cette partie-là du rang, en un zonage résidentiel qui aurait été conforme finalement, puisqu'en réalité, il n'y avait que des résidents.

M. Goldbloom: Alors, à l'intérieur du territoire représenté par les propriétés des 18 membres de votre comité, avez-vous à peu près tout le monde comme membre de votre comité ou y a-t-il d'autres personnes qui ont refusé de devenir membres du comité, qui ont dit: Non, nous sommes indifférents, cela ne nous dérange pas?

M. Trudel: Une personne, entre autres. M. Goldbloom: Une seule.

M. Trudel: Une seule personne, quoique, quand même, on n'a pas débordé non plus, parce que — je vous parlais tantôt d'une distance d'environ un mille carré sur laquelle pouvaient se situer plusieurs exploitations — il y a des gens qui sont touchés ailleurs, c'est-à-dire dans notre voisinage, qu'on n'a pas approchés, c'est-à-dire qu'on n'a pas cru nécessaire de liguer tous ces gens-là dans le même but, finalement. On s'est dit: On va essayer d'agir avec rapidité et depuis ce temps-là, on n'a pas grossi le comité de citoyens, mais on peut dire facilement qu'il y a d'autres personnes que celles du comité de citoyens, dans la même région, qui ont des problèmes avec cela, cela pourrait faire, à ce moment-là, une cinquantaine de personnes qui sont des résidents aussi et pas nécessairement des ex-citadins non plus.

M. Goldbloom: M. le Président, je remercie M. Trudel de ces précisions qui éclairent notre lanterne et je termine par un commentaire. Nous avons, en examinant le problème de la pollution industrielle — industrielle dans le sens classique du mot — parlé souvent du problème de la concentration des industries sur un territoire restreint. Le ministre nous a parlé lui-même assez souvent du problème causé par la concentration des raffineries de pétrole dans l'Est de l'Ile de Montréal. Il est très évident que s'il n'y en avait qu'une seule là et les six autres étaient éparpillées sur le territoire québécois, le comté de Lafontaine ne serait pas pollué autrement que par la présence de son député, mais cela est une autre chose. Cela est méchant. Je retire mes paroles.

M. Léger: C'est parce que le comté est très pollué qu'ils ont élu le député pour s'en occuper.

M. Goldbloom: C'est cela! je retire mes paroles, M. le Président. Je n'ai pas été méchant, je ne voudrais pas commencer à l'être.

Aussi, il y a un phénomène qui affecte le coin que représente le ministre; c'est justement la tendance des vents dominants. S'il n'y avait pas ces vents venant généralement de l'ouest, il n'y aurait pas le problème à l'est des carrières que l'on connaît, à l'est des raffineries. Justement, quand on voit le développement des villes, c'est généralement un développement qui va dans le sens inverse des vents dominants, parce que les gens qui deviennent, avec le temps, un peu mieux nantis essaient de se déplacer en amont, si je peux m'exprimer comme cela, des industries et des autres sources de pollution.

Voici un mémoire qui nous place devant le problème analogue qui se présente dans le domaine agricole. La concentration des activités agricoles crée un problème qui n'existe pas avec leur éparpillement et le jeu des vents dominants devient donc important. Je pense qu'encore une fois, nous avons eu à étudier un mémoire instructif et utile et que nous devons remercier M. Trudel et ses collègues d'avoir porté ces importantes considérations à notre attention.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de D'Arcy McGee. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. Trudel, vous nous avez informés tantôt que vous demeuriez dans ce rang depuis environ deux ans.

M. Trudel: Oui, monsieur.

M. Cordeau: Est-ce qu'il y avait des porcheries déjà construites lorsque vous avez décidé d'aller demeurer dans ce rang?

M. Trudel: Oui, monsieur. Il y avait deux porcheries contenant 4000 porcs, à ce moment.

M. Cordeau: Vous n'avez pas craint, à un moment donné, que ce soit pour vous un handicap d'aller vous établir en campagne, dans un rang, dans un secteur agricole où il y avait des porcheries?

M. Trudel: Disons qu'ayant résidé depuis plusieurs années en campagne, cela fait quand même huit ans que je réside en campagne, je n'avais jamais observé de tels problèmes. La présence de ces deux petites porcheries, si on peut s'exprimer ainsi, ne semblait pas un gros risque puisqu'on pouvait constater qu'il y avait une mauvaise gestion autour des bâtiments et qu'on pouvait facilement prévoir qu'à l'aide des Services de protection de l'environnement et des règlements qui étaient existants à ce moment, on pourrait probablement endiguer ce problème. Evidemment, on ne pouvait pas prévoir la prolifération de cela.

M. Cordeau: En allant s'établir en campagne comme citadin, c'est toujours un risque.

M. Trudel: De toute façon, je ne me considère plus comme un citadin. Je me considérais, à ce moment, comme une personne qui voulait se porter acquéreur d'une ferme et qui n'a pas été capable de le faire, si vous voulez, à cause des prix élevés. J'ai quand même acheté une portion

de ferme, si on veut, avec le but de cultiver, si possible.

M. Cordeau: Est-ce que les autres membres de votre comité sont dans votre situation ou si ce sont des citadins qui sont allés s'établir dans un rang rural où il y avait des exploitations agricoles?

M. Trudel: Disons qu'à cet effet, comme je le disais tantôt, il y a peut-être six personnes en tout — je m'inclus dans ces personnes — qui sont des ex-citadins. Les autres personnes sont soit des exagriculteurs ou des gens à la retraite qui ont toujours résidé dans ce rang, c'est très important, et qui ont d'ailleurs tenté en 1969, lors de l'implantation de la première des deux porcheries, existantes au moment où je suis arrivé, d'en empêcher l'implantation, soit en achetant le lot qui était à vendre, qui a été acquis à ce moment par l'industriel, et qui n'ont pas réussi encore, pour des questions d'argent, si vous voulez.

M. Cordeau: Est-ce que les exploitations agricoles, les porcheries que vous avez là, sont exploitées par des intégrateurs ou par des cultivateurs indépendants?

M. Trudel: Je suis bien content de votre question. C'est exploité uniquement... Il y a trois grosses industries dans le moment qui sont exploitées par les fermes Porcbec, une filiale des Salaisons Brochu, par la meunerie Longchamps et Fils et par M. Patrick Buteau, un producteur industriel aussi, qui ne vivent de l'agriculture d'aucune façon. L'un est administrateur, l'autre est négociant en grains et le troisième est administrateur aussi.

M. Cordeau: Est-ce que, dans le rang Jean-Guérin sud-ouest, ce sont des fermes facilement exploitables ou si ce sont des lots de bois ou des choses comme cela? Est-ce que ce sont des fermes à sol arable?

M. Trudel: Ce sont des fermes à sol arable. D'ailleurs, elles ont déjà été cultivées. Les endroits dont vous parlez, qui sont occupés présentement par les industries du porc?

M. Cordeau: Votre rang, oui.

M. Trudel: Ce sont des terres arables qui sont cultivées. D'ailleurs, les terres qui sont à côté de mon terrain sont exploitées par des cultivateurs.

M. Cordeau: Tantôt vous avez dit aussi que vous aviez fait des démarches pour rendre ce rang zone résidentielle.

M. Trudel: Pas le rang au complet, simplement une partie...

M. Cordeau: Une partie, mais, par contre... M. Trudel: ... pour faire un découpage.

M. Cordeau: ... de chaque côté, ce sont des fermes avec sol arable.

M. Trudel: Oui.

M. Cordeau: Je pense qu'il y a peut-être une anomalie de vouloir rendre un rang résidentiel lorsqu'il y a des sols arables de chaque côté. Cela est tout à fait contraire au futur projet de loi de zonage agricole.

M. Trudel: Avec lequel on est entièrement d'accord, d'ailleurs. Mais, en fait, non, il ne s'agissait pas de généraliser pour toutes les terres arables, les sols arables de ce rang-là. Le premier mille, il nous appartient. On est tous des résidents. On peut faire ce qu'on veut. Si mon voisin désire louer sa terre à un agriculteur pour qu'il vienne y ramasser le foin, c'est son droit, mais il est quand même propriétaire du sol. On est tous propriétaires de notre sol. On se disait qu'on avait quand même le droit, étant donné qu'on était résidents et non pas destinés à être agriculteur... De toute façon, il ne faut quand même pas perdre de vue que le seul but de faire modifier le zonage était d'arriver à faire respecter une norme de 3000 pieds pour rétablissement d'une porcherie. C'était le but, en fait, pour faire indirectement ce qu'on ne pouvait pas faire directement.

M. Léger: Est-ce que le député de Saint-Hyacinthe...

M. Cordeau: Je crois que la réglementation actuelle... Oui, excusez, M. le ministre.

M. Léger: Je voulais simplement ouvrir une petite parenthèse, étant donné que vous avez posé une question qui soulève un problème, à savoir si les résidents étaient allés s'installer après ou avant que les porcheries existent. La question qui me vient à l'esprit, si vous me permettez, est la suivante. Les propriétaires de porcs qui sont installés dans votre région, est-ce qu'ils résident à la campagne ou ailleurs?

M. Trudel: Deux d'entre eux demeurent dans la municipalité de Saint-Henri même. Ils ont des maisons assez bien situées. Quant au troisième, il est mon voisin. Toutefois, il est quand même chanceux, parce qu'il demeure dans une dénivellation, il demeure dans un trou, comme on pourrait dire, qui fait que ça passe au-dessus.

M. Léger: Ma question n'était pas...

M. Trudel: Je m'excuse de la précision, mais c'est quand même vrai.

M. Léger: Mais ma question n'était pas au sujet de ceux qui élèvent les porcs. Je parlais de ceux... Est-ce que ce sont les intégrateurs qui louent leurs porcs à ceux qui les élèvent pour les reprendre par la suite ou s'ils sont les propriétaires eux-mêmes de leurs porcs?

M. Trudel: Les gens dont je parle sont propriétaires.

M. Cordeau: Avez-vous d'autres questions, M. le ministre?

M. Léger: Non, c'est simplement parce que c'est arrivé...

M. Cordeau: Alors, je vais continuer.

Je tiens à vous féliciter pour votre mémoire, parce que vous avez attiré notre attention sur les exploitations dites industrielles. Je crois que c'est la première fois que c'est souligné dans les mémoires que nous étudions.

M. le ministre, avez-vous l'intention d'inclure dans la réglementation une disposition dans le but de contrôler l'implantation de telles concentrations, telles que mentionnées dans le mémoire?

M. Léger: C'est une question qui est très intéressante, mais jusqu'à quel point aujourd'hui, au moment où on se parle, je peux me prononcer, j'écoute ce que les gens nous disent. C'est sûr que si le problème, c'est un problème de concentration et que la qualité de l'eau, mettons, comme richesse d'une région, ne peut pas supporter plus qu'un certain nombre d'agresseurs, que ce soient des éleveurs ou autres, est-ce qu'il faudrait penser en termes de limiter les permis à un certain nombre? C'est un peu comme quand on accorde, dans les municipalités, un permis de bière, vous n'en avez pas plus que tant dans une région pour qu'il n'y ait pas de concurrence inutile. A ce moment-là, c'est uniquement au niveau de la concurrence, ou, dans le temps des tavernes, pas plus que tant de tavernes dans une municipalité, parce qu'il ne fallait pas aller trop loin de ce côté-là.

Est-ce qu'on peut faire la même chose? Est-ce qu'il y aurait injustice vis-à-vis de ceux qui arriveraient en troisième ou en quatrième lieu? Ce sont des questions qu'il faut se poser. Mais là, c'est placé en face d'une ressource importante à protéger, soit la ressource eau, c'est placé aussi pour le bien-être des citoyens. Le fameux équilibre entre les agriculteurs-développeurs qui ont droit de vivre et la qualité de vie des gens autour d'eux et la qualité des ressources, est-ce qu'il faut s'en aller dans cette direction? Je pense qu'après les trois jours d'écoute des citoyens et des groupes, c'est une hypothèse qu'il vaudra la peine d'examiner au niveau de cette commission. Je pense que cela fait partie du débat; j'aimerais avoir l'opinion des gens de la région ainsi que celle du député. (21 heures)

M. Cordeau: Est-ce que cela ne pourrait pas être contrôlé selon la superficie des sols et le nombre d'unités animales?

M. Léger: Ce que vous dites là, c'est l'article 48.

M. Cordeau: Dans un secteur donné... M. Léger: Plus grand.

M. Cordeau: Dans un secteur donné, si vous avez X hectares de terre, sur cela il ne devrait y avoir que X unités animales. Cela pourrait être contrôlé de cette façon parce qu'à un moment donné, qu'on le veuille ou non, les autorisations pour l'épandage du fumier semblent être obtenues assez facilement. Jusqu'où...

M. Léger: Je pense que c'est une excellente suggestion, M. le député de Saint-Hyacinthe; on pourrait peut-être continuer le débat devant l'UPA quand elle viendra ici afin de savoir comment elle voit le problème, comment elle voit aussi, les implications pour les membres de l'association. C'est une bonne suggestion qui, en tout cas, m'intéresse. J'aimerais voir la réaction des gens de l'UPA et même du groupe, ici, savoir ce qu'ils pensent de cette limitation dans une concentration donnée.

M. Trudel: Ce serait sûrement adéquat, comme on pourrait dire, si on considère que pour certains industriels comme, entre autres, les nôtres, ils sont possesseurs, finalement, d'une bande de terre qui est restreinte, qu'on appelle une terre standard, de trois arpents de large. Ces personnes sont en train de s'en aller en ligne avec la longueur de la terre et à chaque 150 mètres, elles nous arrivent avec 3000 à 4000 porcs et cela monte indéfiniment jusqu'à la limite de la terre. Ces personnes ont même, d'ailleurs, fermé certaines autres entreprises qui n'étaient pas centralisées à cet endroit afin de les centraliser près des abattoirs parce que les abattoirs sont voisins, si on veut, de notre région. C'est sûr que cela apparaîtrait nécessaire, essentiel.

M. Léger: Que font-ils avec le fumier étant donné qu'ils n'ont pas assez de terre pour l'épan-dre?

M. Trudel: Evidemment, i! y a eu toutes sortes de solutions. On sait qu'au printemps — à tous les printemps, mais à ce printemps-ci, on peut le prouver hors de tout doute — i! y a eu un déversement massif dans la rivière Etchemin de la part des deux gros éleveurs qui sont sous ma fenêtre, que je peux observer assez facilement. Pour le reste, on a conclu des contrats d'épan-dage avec certains cultivateurs, qui sont difficiles à obtenir à cause de la grande concentration des porcs et au grand volume de purin, on a de la difficulté à l'épandre. Il arrive qu'on fasse des choses comme en épandre trois fois au même endroit pendant la même semaine. C'est une autre chose qui n'est pas nécessairement bonne pour le sol arable. Je pense que le problème est assez vaste, finalement, parce qu'on ne peut pas toujours surveiller ces personnes.

M. Léger: D'accord.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez terminé?

M. Cordeau: Je n'ai qu'une remarque. Tantôt vous disiez qu'au printemps, même par un temps

pluvieux, les cultivateurs pouvaient épandre leur fumier. Peut-être que les terres sont drainées; quand les terres ne sont pas drainées... Je sais que chez nous, c'est assez difficile d'épandre du fumier s'il a plu pendant une semaine.

M. Trudel: Oui.

M. Cordeau: Je ne sais pas si vous rencontrez cela... le ne sais pas quels sont les sols dans votre rang.

M. Trudel: Dans notre rang, les sols sont bien drainés par un sous-sol de gravier et de sable. Chez nous, cela va assez bien à ce niveau; en dedans de 24 heures, les sols sont relativement assez durs pour circuler dessus.

M. Cordeau: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, j'aurais à peu près deux questions. Vous avez bien parlé, tantôt, de trois producteurs, environ, qui totaliseraient 19 000 têtes.

M. Trudel: Oui, monsieur.

M. Picotte: A ce moment-là, ce ne sont pas des producteurs, ce sont des industriels. Si Mme Allen n'a pas d'objection, je voudrais lui poser deux questions, possiblement. Puisqu'on a mentionné, tantôt, que votre époux était lui-même agriculteur, producteur, est-ce que vous avez pu remarquer depuis dix ans, à votre connaissance, s'il y a eu une diminution ou une augmentation des producteurs agricoles dans le rang qu'on appelle Jean-Guérin sud-ouest?

Mme Allen: Ils ont diminué.

M. Picotte: Il y a eu une diminution.

Mme Allen: Oui, ils ont diminué. D'autres cultivateurs, les gros cultivateurs ont acheté des morceaux ailleurs. Cela a diminué.

M. Picotte: Est-ce qu'il y a eu un changement...

M. Léger: Pourriez-vous rapprocher votre micro afin qu'on puisse vous entendre?

M. Picotte: Est-ce qu'il y a eu un changement — toujours à votre connaissance — de vocation du côté des gens qui ont acheté d'autres terres agricoles, par exemple? Est-ce qu'il y a eu transformation? Est-ce que quelques-uns sont passés d'éleveurs laitiers, par exemple, à éleveurs...

Mme Allen: Oui. Nous-mêmes étions cultivateurs et on a laissé notre terre...

M. Picotte: Est-ce que vous avez vendu votre terre...

Mme Allen: On a vendu notre terre à notre garçon et il l'a revendue. C'est M. Trudel qui s'est trouvé à acheter la maison, mais la terre, ce sont d'autres cultivateurs plus haut qui viennent la cultiver.

M. Picotte: Est-ce qu'ils font le même élevage que vous faisiez?

Mme Allen: Ce sont les animaux et aussi ils ont la porcherie. Il y en a qui ont des porcheries sur leurs terres plus haut que cela.

M. Picotte: II y aurait eu augmentation du nombre de têtes de bétail même s'il y a eu une diminution de producteurs.

Mme Allen: Je ne crois pas qu'il y ait eu d'augmentation. Je crois même que, pour le bétail... Pour les porcheries, oui, ce sont des porcs, mais pour les vaches à lait, cela est resté pas mal la même chose. Ce sont d'autres qui sont venus et qui font pacager les animaux sur ce terrain.

M. Picotte: J'ai une dernière question, M. le Président, à M. Trudel. Quand vous êtes arrivé là, vous avez mentionné qu'il y a deux ans environ il y avait deux porcheries d'environ 2000 têtes de bétail chacune. Vous disiez tantôt qu'il vous semblait que 1000 têtes, c'était déjà beaucoup dans cet élevage. A ce moment-là, est-ce que vous subissiez les mêmes préjudices concernant l'odeur que ce que vous subissez présentement? S'il y avait une différence, est-ce que c'était moins fort?

M. Trudel: C'était beaucoup moins élevé, cela va de soi. A ce moment-là, on pouvait peut-être observer une odeur persistante sur 30% des jours de l'été, mais, encore, comme je le spécifiais, tantôt, c'est qu'il y avait une mauvaise gestion des bâtiments parce qu'il y avait des mares croupissantes de purin sur le bord du rang. On pouvait dire: Cela doit être probablement à cause de cette mauvaise gestion, mais on ne pouvait pas identifier exactement le problème, et dire: Cette odeur provient de la ventilation, cette autre odeur provient de l'épandage. C'était une masse de 4000 porcs sur un petit terrain avec une mare croupissante qui sentait mauvais, à ce moment-là, mais évidemment pas aussi mauvais que cela, pas aussi mauvais que le problème qu'on a aujourd'hui même.

M. Picotte: Merci, cela répond à mes questions.

M. Léger: II y en a aujourd'hui, vous avez dit, 19 000?

M. Trudel: Là, il y en a environ 19 000, dans à peu près trois mois on va en avoir 24 000, plus de 23 000.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: M. Trudel, je dois vous féliciter d'abord pour l'audace que vous avez eue de présenter ce mémoire parce qu'il est extrêmement dur pour les agriculteurs. Entre autres, quand on regarde à la page 3, vous souhaiteriez qu'on tienne compte de l'agrandissement du diamètre de 150 mètres à 300 mètres dans lequel devrait être située une agglomération, ou cinq maisons. Par contre, à la fin, vous souhaiteriez qu'on rapetisse la zone d'épandage, si on peut dire, ou qu'on limite la zone d'épandage à 1000 mètres de la première résidence d'une municipalité, qu'on passe de 300 à 1000 mètres la limite d'épandage de la première maison d'habitation de la municipalité. Quand on regarde cela, 1000 mètres, cela ferait trois quarts de mille ou un kilomètre et quart à peu près.

M. Trudel: Oui, monsieur.

M. Baril: Si on regarde la composition actuelle de nos campagnes, qui ont un rang à peu près à tous les milles, où prétendez-vous que les agriculteurs vont épandre leur fumier?

M. Trudel: Vous venez de spécifier qu'on parle d'un rang à la campagne, donc on suppose qu'on n'a pas d'agglomération, tel que vous venez de présenter le problème. Il n'y a pas d'agglomération, donc, j'imagine que la norme de 300 mètres doit être suffisante. Je parle du cas d'une agglomération, parce qu'on a constaté qu'un mille, ce n'est même pas beaucoup pour l'épandage sous les vents dominants. C'est ce que j'entends par cela. Je parle de distance de la première habitation. C'est parce qu'à Saint-Henri-de-Lévis, dans la municipalité même, c'est un problème pendant l'été, c'est un réel problème.

M. Baril: Vous parlez bien de 300 mètres de la première habitation d'une municipalité. Vous dites que c'est absurde d'y penser, que ce serait plus réaliste de mettre cela à 1000 mètres.

M. Trudel: Dans ce cas-là, dans le cas d'une agglomération ou d'une municipalité, j'entends bien. Je m'excuse si je n'ai pas été précis.

M. Baril: Oui, je comprends. Si on regarde, comme je l'ai dit, la composition des campagnes, le type peut être construit dans un rang plus haut ou plus bas, selon ce qu'on voit des choses, et il peut facilement y avoir une agglomération. Des agglomérations aujourd'hui, dans les campagnes, il y en a partout, surtout que vous augmentez vous-mêmes à 1500 mètres le diamètre d'une agglomération.

M. Trudel: Pas à 1500 mètres. J'avais marqué 500 mètres et il me semble que ce n'est pas réaliste. Je pense que si on arrivait à 300 mètres, ce serait raisonnable. De toute façon, à 150 mètres de diamètre, il y a deux agglomérations qu'on pourrait facilement représenter, nous, et qui n'existent plus. Évidemment, cela nous soumettait tout de suite à un régime plus difficile que celui auquel on est soumis présentement. Parce que, malgré que ces règlements ne soient pas en vigueur, il faut dire que les fonctionnaires des Services de protection de l'environnement essaient de se guider là-dessus, lorsqu'ils émettent un permis, pour ne pas avoir un impact trop grand sur l'environnement, à l'avenir, si jamais ces normes entrent en vigueur.

Là, on voyait notre situation se détériorer encore plus qu'elle peut se détériorer maintenant. Je pense que, de toute façon, le problème n'est pas si aigu que ça, parce qu'on pourrait faire l'épandage dans ces zones à l'intérieur des 1000 pieds de l'agglomération de la municipalité, qu'on le fasse au mois de mai, qu'on le fasse aux mois d'octobre, novembre, qu'on le fasse ces jours-ci, il me semble qu'il y a une planification qui peut se faire à ce niveau, il s'agit d'y penser.

M. Baril: Je vais vous poser une question bien simple, assez directe, est-ce que vous avez déjà conduit un camion, dans un champ, le lendemain matin d'une pluie? Disons...

M. Trudel: Oui, ça...

M. Baril: ... qu'il a plu toute la journée, seulement une journée, dans la nuit, le lendemain matin, il fait beau soleil, est-ce que vous avez déjà conduit un camion dans le champ?

M. Trudel: Je sais un peu à quel problème vous faites allusion. Il s'agit du problème de porter des roues sur le sol, cela peut représenter un certain problème, mais il n'est pas nécessaire de le faire le lendemain d'une pluie. Je présume que, durant tous les mois d'avril, mai, octobre et novembre, même septembre, il peut sûrement se trouver des jours où le champ est assez sec. C'est une question de planification finalement. Encore, c'est toujours le gros industriel qui a le problème, parce qu'il doit épandre tout l'été s'il veut arriver à se débarrasser de tout le purin qu'il a emmagasiné pendant son hiver. L'agriculteur qui a un élevage de 600 ou 1000 porcs peut arriver, en dedans de deux ou trois jours, à procéder à cet épandage.

M. Baril: D'accord...

Le Président (M. Boucher): Je regrette, mais il reste quand même qu'il y a encore quatre mémoires à présenter. Il ne faudrait pas éterniser les questions. Je pense qu'on va être obligé de s'en tenir aux trois quarts d'heure par mémoire qu'on avait établi au début, parce qu'autrement, on n'en sortira pas ce soir.

M. Baril: Parfait, M. le Président. Les députés ministériels, on ne parlera pas, encore une fois. Je me soumets à votre décision.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. Trudel, au nom des membres de la commission, je vous remercie pour votre mémoire.

J'inviterais maintenant, je ne sais pas s'ils sont

dans la salle, l'Association québécoise des techniques de l'eau. Messieurs, si vous voulez vous identifier.

Association québécoise des techniques de l'eau

M. Marcil (Gaston): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés et membres de la commission permanente de l'environnement, j'aimerais présenter notre délégation. A mon extrême gauche, le Dr Jacques Talbot, médecin, conseiller médical de notre comité, qui a travaillé à la préparation du mémoire et membre de notre association; à ma gauche, M. André Perrault, ingénieur, vice-président de l'Association québécoise des techniques de l'eau; à mon extrême droite, Me Charles Veilleux, avocat, notre conseiller juridique pour la rédaction de ce mémoire et membre de notre association; à ma droite, M. Raymond Larivée, notre directeur général, et moi-même, Gaston Marcil, président de l'association.

Le Président (M. Boucher): M. Marcil, est-ce que vous avez l'intention de lire au complet le mémoire ou d'en faire un résumé? Etant donné que tous les députés de la commission en ont reçu copie au préalable et ont eu le temps de le lire, s'il y avait possibilité de le résumer, pour permettre, par la suite, d'aller plus vite aux questions.

M. Marcil: On va essayer...

Le Président (M. Boucher): Vous n'avez pas de résumé préparé? Non?

M. Marcil: On n'a pas préparé de résumé, parce que, finalement, ce sont des points importants qu'on voulait soulever.

Le Président (M. Boucher): Etant donné...

M. Marcil: On va essayer de faire vite. On va lire l'essentiel, on va sauter des bouts qu'on pense que les députés...

Le Président (M. Boucher): D'accord, allez-y, M. Marcil.

M. Marcil: On va essayer de se répartir la tâche pour aller plus vite. Je vous présente immédiatement l'Association québécoise des techniques de l'eau. C'est une corporation incorporée en vertu des lois du Québec dont les deux principaux objectifs sont de favoriser les échanges techniques et scientifiques entre ses membres en vue d'une amélioration de la qualité de l'eau et d'éduquer le public en général sur les moyens rationnels de conservation et d'utilisation de l'eau. (21 h 15)

L'AQTE regroupe plus de 1100 membres de diverses professions oeuvrant tant dans le domaine privé que public de notre société, lesquels partagent tous un intérêt particulier pour la protection de l'eau sous toutes ses formes.

Dans la poursuite de ses objectifs, l'AQTE a régulièrement soumis au gouvernement du Québec des mémoires sur les divers problèmes relatifs à la gestion de l'eau.

On va passer directement au mémoire maintenant. L'AQTE remercie le gouvernement du Québec de lui avoir donné l'occasion de venir exposer, à cette commission parlementaire de la protection de l'environnement, son point de vue sur ce projet de règlement qu'elle juge essentiel pour la protection de l'eau au Québec.

L'AQTE accueille avec joie ce projet de règlement puisqu'il semble constituer une amorce sérieuse à l'attaque d'un problème qui a pris une très grande envergure au cours des dernières décennies.

La détérioration constante et accélérée de la qualité de l'eau au Québec n'est pas un secret pour personne mais il faut admettre que la plupart des individus et des organismes refusent de croire à cette triste réalité.

Tout Québécois rêve avec fierté à nos grandes ressources d'eau douce, se laissant souvent bercer par l'illusion trop souvent véhiculée par le gouvernement du Québec ou ses organismes qu'il s'agit là d'une richesse quasi inépuisable couvrant une partie si grande du territoire du Québec que son abondance est unique au monde.

Cependant, la réalité est que 90% des Québécois vivent à l'intérieur d'un corridor étroit contenu dans la plaine du Saint-Laurent où l'eau potable devient à chaque jour davantage un souvenir d'antan et presque un objet de luxe.

La détérioration constante de l'eau douce dans la partie habitée du Québec a plusieurs causes dont l'une des principales est l'exploitation de production animale.

En un sens, la nécessité de l'introduction de ce présent projet de règlement nous consterne puisqu'elle illustre à quel point nous avons pu rapidement dilapider, de façon totalement irresponsable, cette ressource naturelle dont personne ne doutait de la qualité il y a à peine quelques décennies.

De toute façon, cette dégradation a correspondu à une industrialisation accélérée, à une urbanisation poussée ainsi qu'à une révolution dans l'exploitation agricole.

C'est ainsi que le producteur agricole est devenu pollueur malgré lui. En effet, il y a à peine cinquante ans, le Québec était peuplé de cultivateurs vivant à la fois d'une production animale marginale ainsi que de grandes et de petites cultures.

Les développements économiques et technologiques ont forcé ces cultivateurs à se transformer en producteurs agricoles organisés sur une base industrielle.

Ainsi, l'évolution de l'élevage est brusquement sortie du niveau artisanal pour arriver à un stade industriel où il est essentiel d'assurer d'abord une rentabilité économique.

A court terme, cette rentabilité économique s'est concrétisée par une accélération des cycles de reproduction ainsi que par une grande concen-

tration du nombre d'animaux dans des espaces proportionnellement plus restreints.

Parallèlement, les producteurs agricoles ont dû accepter une augmentation vertigineuse de leurs investissements.

Il était donc prévisible et compréhensible que, poussés brutalement dans de tels changements, les producteurs ne se soient pas préoccupés de la seule richesse qu'ils croyaient acquise, soit celle de leur environnement, et qu'ils aient eu une vue à court terme, tant comme producteurs que comme citoyens, en ne voyant pas les conséquences économiques de la dégradation du milieu et particulièrement de la ressource eau, ceci tant au niveau économique qu'au niveau de leur bien-être physique et matériel.

M. Perrault (André): L'intérêt de l'AQTE se situe au niveau de l'eau. L'AQTE ne veut jeter en aucun cas la pierre aux producteurs agricoles, puisque la pollution de l'eau venant des exploitations de production animale s'est souvent faite avec le consentement tacite de la société.

L'AQTE tient à exprimer son estime aux producteurs agricoles dont l'activité est quand même essentielle à notre société.

Cependant, cette pollution ne saurait continuer sans mettre en péril cette même société.

L'AQTE est heureuse de la présentation de ce projet de règlement qui couvre les divers aspects du problème de la pollution de l'eau résultant de ces productions.

Cependant, par son expertise et ses préoccupations principales, l'AQTE désire limiter ici son intervention aux aspects du présent règlement touchant à la protection de la ressource eau et laissant à d'autres organismes ainsi qu'aux spécialistes de l'Etat le soin d'approfondir le problème de la pollution par les odeurs.

Nous voulons exposer ici la problématique de la pollution causée par l'élevage. Il nous apparaît important de définir la pollution, dans le cadre du présent mémoire, et de délaisser peut-être la définition strictement légale. La pollution de l'eau, c'est l'introduction de matières ou de corps étrangers dans le milieu aquatique qui change les propriétés et les composantes de telle sorte que l'eau devient inutilisable pour les usages auxquels elle est destinée.

De façon plus spécifique, on peut dire que l'eau naturelle, dans un cours d'eau, contient l'oxygène dissous nécessaire à la vie de la faune aquatique.

Ce qui arrive, c'est que la décomposition de la matière organique déversée dans les cours d'eau a pour effet de consommer l'oxygène dissous et de conduire à l'asphyxie de la faune aquatique.

Des cas précis de mortalité massive de poissons sont nombreux au Québec et on peut les attribuer, dans bien des cas, à des pollutions massives dans les régions agricoles.

Comme les matières organiques contiennent, en plus ou moins grande quantité, les éléments nutritifs servant à la fertilisation, la pollution des eaux provoque très souvent une pousse excessive d'algues aquatiques, laquelle a pour conséquences d'accélérer le vieillissement des cours d'eau, qu'on nomme eutrophisation.

La pollution rend donc l'eau inutilisable à des fins de loisirs, à un grand nombre de fins industrielles et à des fins d'utilisation comme eau potable, ce qui est très grave.

De plus, la pollution d'un cours d'eau s'accompagne de la présence d'un taux élevé de bactéries coliformes et de d'autres bactéries dont un grand nombre sont pathogènes, c'est-à-dire susceptibles de transporter ou de transmettre des maladies.

Dans le présent mémoire, nous ne voulons pas négliger l'aspect de la pollution des eaux due à la présence de matières toxiques, tels les insecticides, les herbicides, et les métaux lourds. Ces matières toxiques sont des éléments importants de pollution de cours d'eau, mais nous désirons nous attarder sur la pollution résultant de l'exploitation de la production animale, laquelle transmet au point d'eau une très forte pollution sous la forme de matières organiques, les fumiers et le purin, ainsi que des éléments nutritifs qui y sont contenus.

M. Larivée: L'élevage et l'eau: II existe au Québec plusieurs rivières dont le bassin est très peu urbanisé et où très peu d'industries sont localisées, mais qui sont fortement polluées par les activités agricoles.

Nous voulons, devant cette commission, lancer un signal d'alarme pour sauver de la mort des rivières qui sont dans un état d'agonie accélérée depuis plusieurs années. Nous voulons nommer, entre autres, les rivières suivantes: la rivière L'Assomption, la rivière de l'Achigan et la rivière Saint-Esprit, la rivière Etchemin, la rivière Yamaska, la rivière Saint-François.

Un très grand nombre d'autres rivières et leurs affluents sont aussi victimes de pollution plus ou moins avancée. Combien d'autres rivières viendront s'ajouter à la liste présentée plus haut si nous ne prenons pas maintenant nos responsabilités?

Plusieurs rapports d'études effectuées sur ces rivières ont démontré la pollution causée par l'agriculture et les élevages intensifs. Notre association soumet ici respectueusement que ces rapports devraient être diffusés plus adéquatement dans le public pour permettre une discussion en profondeur.

Parlons maintenant des conséquences de cette pollution. Le premier constat de la pollution d'un cours d'eau se fait d'abord par la présence de poissons morts, d'odeurs nauséabondes, de la couleur dans l'eau, etc.

Généralement, nos média d'information se préoccupent fortement de la mort des poissons et de la perte aquatique et matérielle qui en découle. Or, il est important de souligner que la mort des poissons, au-delà de la perte écologique, est d'abord un indice des problèmes que véhiculent de tels cours d'eau et qui sont susceptibles d'affecter les humains comme les animaux.

A titre d'exemple, nous nous permettons de souligner à cette commission que la méthode pour vérifier la toxicité d'un effluent industriel s'opère en laboratoire par des bancs d'essais sur des poissons vivants.

Ceci dit, nous désirons rappeler que les cours d'eau faisant l'objet de rejet de résidus provenant des productions animales sont fort souvent la source d'alimentation en eau potable des municipalités implantées le long de leur cours.

Bien que cette eau soit généralement traitée dans des centres de traitement d'eau potable modernes, il serait illusoire de croire, et nous le soulignons, que de tels équipements protègent totalement la population dans tous les cas de pollution de cours d'eau. Notre association a le devoir de mettre en garde le gouvernement dans le cas de cours d'eau fortement pollués. Les méthodes de traitement actuellement développées ne permettent pas d'éliminer toutes les matières toxiques et souvent ne permettent pas de redonner à l'eau des propriétés acceptables pour des fins de consommation humaine.

En fait, si le traitement d'une eau fort polluée donne une eau claire, limpide et même stérile, on doit se souvenir que celle-ci peut encore contenir des matières toxiques, des matières organiques indésirables, etc.

Dans le cas de rivières polluées par les déversements provenant de l'élevage intensif d'animaux, les matières organiques peuvent réagir avec l'utilisation du chlore, causant la création de composés chloré-organiques et de chloramines, composés responsables de sérieux problèmes de goûts et d'odeurs.

La technique a donc des limites et il est essentiel de réduire, dans une optique d'élimination totale, la pollution de nos cours d'eau.

L'AQTE désire insister devant cette commission sur le fait qu'il est primordial que notre société prenne immédiatement les mesures nécessaires pour mettre fin à la pollution des points d'eau puisque cette dernière provoque actuellement des pertes humaines et matérielles dont la seule énumération nous fait frémir.

Nous allons expliquer plus clairement ce que nous entendons par perte humaine, en vous parlant des conséquences humaines de la pollution.

M. Talbot (Jacques): Je vous prie de prendre note qu'une partie du texte a été remaniée.

On ne peut douter du coût de la conservation de la santé que notre société supporte à cause de l'ingestion d'eau polluée, filtrée ou non. Ces coûts se manifestent par des consultations multiples dans les établissements de santé, la perte de jours ouvrables et une déchéance économique dans le cas de régions à vocation touristique, victimes d'épidémie. L'on ne peut pas, par ailleurs, passer sous silence les souffrances engendrées par les épidémies estivales d'otite, de conjonctivite, de gastro-entérite. Au surplus, les cas de mortalité, de morbidité directement imputables aux intoxications ou aux infections transmises par l'eau, sont sous-estimés, en raison du nombre restreint de cas rapportés, sauf lorsqu'il y a épidémie, de la fragmentation des juridictions entre les différents ministères — si le problème relève d'une contamination par les aliments, cela relève de l'Agriculture; s'il s'agit d'un problème d'eau, ce sont les services de protection de l'environnement; s'il s'agit d'une épidémie, c'est le domaine de la santé — troisièmement, de l'absence d'expertise épi-démiologique, établissement des relations de cause à effet entre les polluants et certaines entités pathologiques.

Une autre facette du problème réside dans le fait qu'en raison des méthodes actuelles d'élevage, les animaux ingurgitent des quantités importantes de substances bactéricides. Cette pratique a pour conséquence, lorsque les déjections d'animaux atteignent les cours d'eau et lorsque cette eau est consommée par les humains, de favoriser l'émergence de réactions allergiques chez les personnes sensibles, et surtout d'amener l'émergence de bactéries résistantes qui, lorsque pathogènes pour l'homme, nécessitent des antibiotiques et des antibactériens, toujours de plus en plus toxiques.

M. Marcil: Maintenant, parlons des pertes matérielles dues à la pollution. Si les pertes physiques sont incalculables, et que la valeur de celles-ci sont inestimables, nous pourrions sans doute arriver à établir le coût économique de la pollution des cours d'eau dans l'ensemble des opérations physiques de notre société. Le calcul de tels coûts impliquerait des recherches approfondies et elles-mêmes dispendieuses. C'est pourquoi nous nous contenterons, dans le présent mémoire, de nous limiter à une brève description de ces pertes.

Nous mentionnions précédemment que les centrales de traitement d'eau ne pouvaient, dans l'état actuel de la science et des moyens techniques et financiers mis à la disposition des corps publics, toujours assurer une production d'eau dite potable.

C'est pourquoi la présence d'une pollution de plus en plus forte dans les cours d'eau a amené notre société à développer des équipements des plus sophistiqués pour tenter de protéger la société.

Le développement de tels équipements, de même que la construction de centrales de traitement d'eau entraînent des dépenses exorbitantes pour l'ensemble de la société, et particulièrement, pour le contribuable moyen.

A titre d'exemple, la plupart des centrales de traitement d'eau potable situées le long des rivières polluées, telle la rivière L'Assomption, fabrique et utilise sur place de l'ozone pour détruire les goûts et les odeurs de l'eau et doivent utiliser une gamme de produits chimiques dans le but de donner à l'eau des caractéristiques acceptables.

Il nous semble inacceptable que cette liste de produits chimiques qui est dans le rapport continue de s'allonger sans limite devant des pollutions toujours plus complexes à contrer. Il faudrait

éviter que la population perde un jour confiance en ce produit vital qu'est l'eau potable, alors qu'il n'y a pas si longtemps, l'eau était puisée dans des réservoirs naturels et distribuée telle quelle. (21 h 30)

II faut maintenant s'inquiéter du présent et de l'avenir et agir immédiatement pour éviter que l'eau potable ne s'obtienne que par l'utilisation de procédés longs, coûteux et dont l'efficacité pourrait être mise en doute.

A un autre égard, on peut se demander, dans le cadre de la pollution de l'eau due à l'élevage, quelle est l'importance économique réelle de la pollution de l'eau sur l'agriculture et I élevage lui-même, puisque les premiers consommateurs de cette eau polluée sont fort souvent les animaux eux-mêmes qui s'abreuvent le long des ruisseaux et des rivières qui transportent une quantité importante de purin et de fumier.

M. Perrault: Le point de vue de notre association sur le présent projet de règlement est le suivant: L'AQTE réitère son appui au gouvernement pour ce présent projet de règlement dont les normes constituent une amélioration marquée sur la situation existante et qui va dans le sens de la protection de notre ressource eau.

Notre association a jugé préférable de ne porter aucune critique quant au contenu des différentes normes qui y sont proposées, non pas que ces dernières soient indiscutables, mais plutôt parce qu elles constituent un ensemble de mesures sérieuses et assez réalistes dont lapplication est essentielle pour assurer l'arrêt de la détérioration de la qualité de l'eau, ce qui, à notre avis, est primordial.

Ainsi, la position de I'AQTE, quant au contenu même du projet de règlement, est d'abord et essentiellement un appui global de même qu'une demande formelle au gouvernement du Québec de maintenir comme minimales des normes qui sont proposées dans ce projet de règlement.

L enjeu est, pour nous, plus qu'une question de poissons, plus qu'une question de loisirs, plus qu une question de bien-être ou une question économique. C'est incontestablement et avant tout la santé publique qui est en jeu.

Si notre association applaudit à la présentation de ce projet de règlement et crie son appui à son adoption intégrale, elle s'interroge cependant sur son application. L'AQTE est bien consciente qu'avec l'application des règlements antérieurs, il aurait peut-être été possible d'empêcher la dégradation de l'environnement et d'empêcher la pollution de l'eau telle qu'on la connaît dans les rivières qu'on a nommées précédemment. Dans ce sens, l'Association québécoise des techniques de I'eau, même si elle applaudit à la présentation de ce projet de règlement, reste toujours sceptique devant les intentions réelles du gouvernement du Québec.

On peut dire que ce dernier, au cours des 35 dernières années, a accompli assez peu pour empêcher, dans les faits, la détérioration de l'eau au Québec.

En résumé, notre association considère que le présent projet de règlement, lorsqu'il sera en vigueur, pourra constituer un bon outil pour améliorer la qualité de I'eau et de l'environnement. Cependant, ce règlement deviendra-t-il simplement un bon outil pour émettre des permis ou sera-t-il un instrument efficace pour combattre la pollution?

Enfin, comment le gouvernement du Québec entend-il faire pour faire respecter ce règlement?

M. Larivée: Pour ce qui est du contrôle administratif, notre première question est: Combien d'inspecteurs sont prévus? Le gouvernement du Québec croit-il sérieusement pouvoir ajouter à la charge déjà trop lourde des inspecteurs en territoire la responsabilité de faire respecter le règlement lorsque celui-ci sera en vigueur?

Si tel était le cas, le présent projet de règlement ne serait vraiment qu'un remplacement du chapitre XV des règlements provinciaux d'hygiène de 1944.

Quant à la division industrielle des services de la protection de I'environnement du Québec, elle a sous son contrôle à peu près une demi-douzaine d'inspecteurs. Dans combien de temps ces derniers seront-ils ensevelis par des formules de demandes de permis? Et qui fera les inspections?

A cet effet, nous avons eu d'ailleurs, ce matin, de la part de M. le ministre, des statistiques fort éloquentes quant à la quantité assez importante de demandes de permis. L'AQTE s oppose donc à ce que ce projet de règlement ait comme principal avantage, sur le chapitre XV des règlements provinciaux d hygiène de 1944, celui de permettre une augmentation de notre bureaucratie et qu'il ne devienne, dans son application, simplement une recette pour faciliter et justifier I'émission de permis et ce, même en utilisant les ordinateurs.

De plus, de quelle autorité jouira I'inspecteur en territoire pour faire respecter ce projet de règlement?

A notre avis, I'application pratique et rigoureuse de ce projet de règlement semble impossible sans la volonté inébranlable du gouvernement de donner aux services de la protection de I'environnement du Québec les disponibilités humaines et financières pour veiller à son application. Or, même avec 200 inspecteurs en territoire occupés à temps plein à la seule application de ce règlement, nous doutons qu il soit possible de surveiller lépandage de plus de 35 000 exploitations de production animale durant la période de prohibition et particulièrement durant la courte période où cet épandage est techniquement et légalement permis.

En fait, l'AQTE croit que 200 inspecteurs en territoire, occupés strictement et à temps plein à l'application du présent règlement, ne parviendraient à visiter qu'une seule fois par année chacun des producteurs opérant au Québec.

En conséquence, l'AQTE, face au palmarès historique du gouvernement du Québec en matière de protection de l'environnement, voudrait au moins pouvoir être mois incrédule quant aux

intentions véritables du gouvernement et s'inquiète profondément du sort réservé, en pratique, à ce projet de règlement, particulièrement dans son application administrative quotidienne.

Le contrôle judiciaire, Si l'AQTE s'interroge sérieusement et s'inquiète profondément du contrôle administratif que réserve l'État à ce projet de règlement lorsqu'il entrera en vigueur, notre association se préoccupe aussi du contrôle judiciaire qui, malheureusement, est essentiel à sa mise en application. Cet aspect de l'application de la réglementation soulève encore une fois le problème de l'accessibilité à la justice. Or, ce problème revêt une importance d'autant plus grande dans le cas du présent projet que les territoires concernés sont souvent dans des zones mal desservies par l'appareil judiciaire, tant à cause de l'éloignement des cours de justice qu'à cause des coûts prohibitifs du mécanisme judiciaire imputable à cet éloignement.

Nous désirons souligner que la présence d'inspecteurs en territoire en nombre suffisant apparaît comme une condition essentielle à l'efficacité du contrôle judiciaire. En effet, la présence d'inspecteurs en territoire qualifiés permettra une diminution des actes nocifs à la qualité de l'eau et des infractions au règlement à venir. D'autre part, ces inspecteurs constitueront une équipe d'aide à l'appareil judiciaire particulièrement nécessaire en matière de preuve et d'expertise.

Enfin, l'AQTE réitère son appui au gouvernement du Québec en ce qui a trait, particulièrement, à l'article 4 du projet de loi no 69 intitulé "Loi modifiant la Loi de la qualité de l'environnement". Cependant, notre association est aussi consciente que si la multiplication des policiers sur les routes serait de nature à diminuer le nombre des excès de vitesse et d'accidents, elle ne pourrait, à elle seule, en assurer une élimination totale. De même, dans le domaine de l'environnement, les meilleurs mécanismes administratifs et judiciaires ne pourront empêcher toute pollution de l'eau.

C'est pourquoi l'AQTE considère qu'il est essentiel que les producteurs agricoles et la population tout entière soient informés de façon plus sérieuse sur le problème de la pollution de l'eau et de ses conséquences vitales sur notre société.

M. Marcil: Si les accidents de la route et les excès de vitesse ne peuvent être évités sans la collaboration du conducteur, aucune épuration des eaux ne peut se faire sans la collaboration des pollueurs. L'AQTE insiste donc pour que l'ensemble des mesures ci-haut énoncées soit complété par un programme intensif d'éducation populaire. Cette éducation populaire requiert, dans notre opinion, la collaboration franche et totale des fonctionnaires de l'État, des associations professionnelles telles que l'UPA, de l'ensemble des organismes se préoccupant de l'intérêt public et de tous les media d'information.

En dernier lieu, l'AQTE se demande quel rôle le gouvernement entend réserver aux corporations municipales ainsi qu'aux conseils de comté dans l'application de cette réglementation. Elle se demande aussi si un transfert de pouvoirs et de budgets appropriés n'assurerait pas un complément au pouvoir réglementaire des corporations municipales en matière de zonage, de contrôle des nuisances, une application locale de cette réglementation pouvant très bien s'insérer à l'intérieur de la politique de décentralisation de l'État.

En conclusion, l'AQTE demande avec insistance au gouvernement de ne céder devant aucune demande ni aucune pression aux fins de diminuer les normes contenues à ce projet de règlement puisque celles-ci doivent être considérées comme des normes minimales. Il s'agit là d'une question de santé publique et même de survie.

Messieurs, je vous remercie.

Le Président: Merci, messieurs, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Léger: M. le Président, je voudrais d'abord vous remercier non seulement pour votre mémoire et pour la qualité de votre mémoire, mais aussi pour le travail fantastique que vous faites depuis quelques années pour sensibiliser la population au problème de la qualité de l'eau. Votre association, je pense, mérite l'appui des citoyens, du gouvernement et de tous ceux qui sont intéressés à l'environnement puisque votre rôle est réellement, un rôle d'éveilleurs de conscience publique.

Je dirais même, en regardant le contenu de votre mémoire, que si on regarde les deux ou trois dernière années, la participation de plus en plus intense, de plus en plus accrue des citoyens et des groupes de personnes intéressés à la qualité du milieu de vie a nécessairement changé l'allure du débat environnemental au Québec et a amené nécessairement les citoyens à être de plus en plus conscients d'une ressource essentielle à protéger. Je dirais même que vous avez mis les producteurs de n'importe quelle catégorie que ce soit, les développeurs un peu sur la défensive en réalisant qu'ils devront maintenant faire face à des citoyens vigilants qui veulent défendre les richesses naturelles qui appartiennent à tout le monde. Donc, je pense que vous êtes un des groupes qui ont joué un rôle important depuis les dernières années et je voudrais vous féliciter à ce sujet.

M. Marcil: Merci.

M. Léger: Dans votre mémoire, vous touchez des points qui sont très importants. Je n'aurai pas tellement des questions parce que le mémoire, comme tel, est un vibrant hommage à la protection d'une ressource essentielle comme l'eau, mais j'aurais quand même des questions un peu plus précises à poser à votre organisme, spécialement au Dr Talbot, sur un point qui me frappe, c'est le rapport que vous mettez entre la santé des citoyens et la production animale. Est-ce que vous pouvez mettre une relation directe entre le fumier ou les résidus des fumiers qui vont dans les eaux et la santé des citoyens?

M. Talbot: Si vous voulez, préalablement, avant de répondre...

M. Léger: Si vous permettez, j'aurais voulu tantôt bien cerner si c'était la pollution en général que vous touchiez ou si la pollution provenant d'un manque de gestion des déchets était la cause, une des causes importantes des problèmes de santé que vous avez mentionnés.

M. Talbot: Lorsqu'on s'adresse à des agriculteurs, on nous dit souvent que le fumier, c'est de santé. Dans mon esprit, c'est peut-être de santé pour les plantes, mais je ne suis pas convaincu que ce soit de santé pour les humains. Habitant dans une région intensément agricole, à savoir le comté de L'Assomption, où on dénombre tout près de 100 000 têtes de porcs sur un petit territoire, avec une rivière à faible débit, je parle de la rivière de l'Achigan, qui compte sûrement parmi les rivières les plus polluées de la province de Québec, j'entends par pollution autant la pollution bactérienne, virale, les matières organiques et possiblement les substances toxiques tel qu'en témoigne une étude qu'ont publiée les services de protection de l'environnement, j'ai été appelé à me poser beaucoup de questions sur l'interrelation entre la santé publique et la déjection de fumier de porc. Il y a un folklore qui circule beaucoup dans la région, c'est qu'il y a 20 ans la rivière de l'Achigan était une rivière où on pouvait se baigner et, progressivement, on ne pouvait plus se baigner parce qu'un enfant qui allait se baigner dans l'eau, et, au lieu de frapper un rocher, c'était un porc mort qu'il frappait. Ensuite, au printemps, tranquillement, on voyait déambuler des carcasses sur les tessons de glace. Une fois de temps en temps, dans l'usine de filtration, il y avait un porc mort qui se ramassait. C'est un problème de pollution secondaire, le problème de la récupération des carcasses animales. Disons qu'actuellement ce problème est disparu.

Le deuxième problème, c'est le problème de la pollution organique, comme on l'a cité plus haut. La charge de purin est devenue tellement importante qu'à un moment donné on a observé des accidents écologiques. Je parle de la rivière de L'Achigan, que je connais très bien. L'hiver, il y a deux ans, à un moment donné, la teneur en oxygène de l'eau était devenue tellement basse et la couche de glace était tellement épaisse que deux pieds de poissons se sont ramassés dans le bassin d'entrée de l'usine de filtration. En fait, sur le plan santé, encore, ce ne sont pas des accidents qui ont eu une grande importance.

Là où je me pose le plus de questions, c'est compte tenu de la pollution bactérienne et virale de la rivière de l'Achigan ou de ses tributaires, de la rivière L'Assomption où on dénombre trois usines de filtration, à savoir à L'Epiphanie, à L'Assomption et à Repentigny, quel danger est-ce que ça peut représenter? Est-ce que l'usine de filtration est un bon tamis? Ces trois usines sont nanties du système le plus perfectionné, à savoir le traitement à l'ozone. L'ozone a comme propriété d'être virucide.

Par ailleurs, j'ai déjà observé certains accrocs où, par exemple, une municipalité, pour des raisons d'économie, a décidé de suspendre le traitement à l'ozone ou, lors de la question du traitement à l'ozone, les manipulateurs d'usines de filtration n'aiment pas trop ça, parce que ça comporte certains dangers, avec la résultante qu'on devient protégé par les autres mesures de filtration, à savoir la précipitation à l'alun, la filtration au sable, la chlorination. (21 h 45)

Par ailleurs, si la charge polluante devient beaucoup plus élevée, s'il y a une grande quantité de matière organique, on sait que le chlore agit beaucoup moins, avec la résultante qu'il y a des substances virales qui peuvent passer et contaminer le réseau. Ces substances virales peuvent donner quoi? Sûrement engendrer des gastro-entérites. Qu'est-ce qui se passe quand une grande quantité de gastro-entérites surviennent dans une région? S'il y en a juste une et que ça ne comporte pas de fièvre ou de diarrhée, on la laisse tranquille, mais, s'il y a une épidémie, on se pose des questions. Cela peut avoir des...

Des gastro-entérites, en quoi c'est dangereux; ça peut être dangereux surtout pour les extrêmes de la vie, les vieillards et les jeunes enfants.

Une autre question que j'ai été amené à me poser et qui m'inquiète beaucoup plus, c'est la question des contaminations par une eau polluée, contamination qui peut se transmettre directement à un consommateur. Je m'explique par des cas d'espèces; je pense que ce sera beaucoup plus clair. Je connais certains producteurs de tomates, de même que certains producteurs de fraises, de même qu'un petit producteur de bovins. Les premiers arrosent leurs plantes directement avec de l'eau et le deuxième nourrit ses bêtes directement avec de l'eau brute. J'ai l'impression que c'est une pratique agricole qui est plus ou moins acceptable, étant donné le pouvoir pathogène, c'est-à-dire le pouvoir très grand d'une particule virale d'engendrer une maladie.

Ce type de pratique est sûrement susceptible, c'est un exemple pour montrer que la proximité d'une rivière polluée est susceptible d'engendrer des problèmes de santé publique. Par ailleurs, pour répondre à l'argumentation, est-ce que ce problème est facilement détecté? Je dois vous répondre un peu comme tantôt, il est détecté dans la mesure où il devient épidémique. S'il s'agit de cas isolés, non; s'il devient épidémique, oui, en raison du problème des déclarations des maladies obligatoires qui sont faites d'une façon plus ou moins erratique.

J'ai fait allusion à la pollution bactérienne, à la pollution virale. Maintenant, il y a d'autres types de pollution qui n'ont jamais été inventoriés — dont on a parlé dans le mémoire — à savoir la pollution par les pesticides. Un autre type de pollution, c'est l'effet du traitement du chlore sur des eaux usées. Je pense que mes confrères pourraient expliquer

un peu plus la situation; c'est qu'il y aurait formation d'autres substances qui pourraient possiblement être dangereuses. On parle de chloramine, certaines études ont été publiées, on parle possiblement de tétrachlorure de carbone.

Maintenant, faire une relation de cause à effet entre ces substances et des problèmes de santé, d'abord c'est très long pour prouver l'effet carci-nogène, c'est-à-dire cancérigène, tétratogène, c'est-à-dire pouvant engendrer des malformations congénitales. Ce sont des études très longues, qui restent à faire et qui prennent des années à faire.

Une autre facette maintenant, la dernière facette que je voudrais souligner, sur le plan de la santé publique et eau polluée, c'est le problème des substances toxiques. Je pense que ce problème n'a pas été inventorié non plus. Dans les porcheries, on se sert de -plusieurs substances pour nettoyer les porcheries. Je pense au sulfate de cuivre, je pense à l'acide chloridrique. Ces substances sont aussi déversées dans l'eau, peuvent possiblement passer au niveau des usines. Mais en fait, c'est une inconnue.

Le dernier problème qui, peut-être, aurait un peu plus d'importance, c'est la question de la résistance bactérienne. Les porcs, en raison des conditions d'élevage, reçoivent des quantités fort importantes de substances antibactériennes. Je pense au sulfa et à la pénicilline. Ces substances antibactériennes, au contact de la flore, des animaux, rendent les bactéries de plus en plus résistantes, tant et si bien que ces bactéries, une fois rendues dans l'eau et une fois ingérées accidentellement par certains humains, vont transmettre ce facteur de résistance, tant et si bien que lorsque, en pathologie humaine, on est aux prises avec une bactérie résistante, on doit utiliser des substances antibactériennes de plus en plus toxiques.

M. Léger: Je ne sais pas si j'exagérerais en parlant d'un certain cycle qui existerait en partant de l'eau polluée, par le fumier entre autres. L'eau étant polluée, les animaux qui boivent de cette eau deviennent malades, il faut leur donner des médicaments; ces médicaments, on les retrouve dans les fumiers qui retournent dans l'eau polluée, avec un surplus de matières toxiques, d'éléments toxiques dangereux pour la santé pour ceux qui, par la suite, auront à la réutiliser.

M. Talbot: Dire que les substances antibactériennes, on les retrouve dans l'eau, possiblement, pourraient donner des problèmes, je ne pense pas que ce soit les substances antibactériennes. Ce qui est plutôt agaçant, c'est le problème des bactéries qui sont pathogènes, qui sont excrétées par les animaux, qui deviennent résistants aux substances antibactériennes. C'est un problème qui est inquiétant. En fait, ces bactéries, on ne les ingurgite pas, parce qu'elles sont tamisées par les usines de filtration. Mais il existe, comme je vous ai cité tantôt, des cas de contamination secondaire. Je vous ai parlé du planteur de fraises, du planteur de tomates, qui peuvent, finalement, nous faire entrer ces bactéries dans le cycle de l'alimentation humaine.

M. Léger: De toute façon, je pense que c'est excessivement intéressant ce que vous apportez. Je pense que c'est une des rares fois qu'un médecin est venu témoigner à une commission parlementaire, en sonnant une certaine cloche d'alarme concernant les conséquences sur la santé, des problèmes environnementaux.

Je pense que c'est un pas très important et ce qui est enregistré au journal des Débats va nécessairement permettre à beaucoup de gens de réfléchir davantage sur les conséquences d'une sorte d'insouciance concernant l'eau qui nous entoure comme si l'eau était quelque chose qu'on pouvait s'assurer posséder indéfiniment.

Vous avez parlé dans votre mémoire, à la page neuf, en haut, du commencement de l'agonie accélérée de certaines rivières: rivière L'Assomption, rivière de l'Achigan, rivière Saint-Esprit, rivière Etchemin, rivière Yamaska, rivière Saint-François, qui, selon vous, subissent une agression très forte qui peut peut-être dépasser, si on ne fait pas attention, le point de non-retour, provenant justement de cette insouciance qu'on a à protéger ces cours d'eau et devant le laisser-aller qu'il y avait de la part des producteurs agricoles qui, individuellement, pensent que ce n'est pas tellement grave, ce que chacun fait, mais une concentration et l'ensemble des gestes un peu insouciants de l'ensemble des producteurs, cela peut amener une conséquence aussi grave que non seulement l'agonie, mais peut-être la fin de certaines de ces rivières. Est-ce que vous pourriez aller jusque là?

M. Marcil: En fait, on constate de plus en plus dans les usines de traitement d'eau potable, parce qu'il y a beaucoup de nos membres qui travaillent dans ces domaines, que sur ces rivières très fortement polluées, qui ne sont pas tellement urbanisées, par exemple la rivière L'Assomption, à l'amont, ce n'est pas tellement urbanisé, il n'y a pas d'industrie, que, si elles sont fortement polluées, c'est dû aux industries de production animale. Dans ces usines, on a de gros problèmes de goût. On a même des cas où, après s'être lavés, les gens sentent encore le purin. Même le linge, après avoir été nettoyé, sent mauvais.

Il y a des problèmes de plus en plus graves sur ces rivières. On ne pourra plus faire de l'eau potable. Les techniques — comme on l'a mentionné dans le rapport — connues, les techniques de filtration, laissent passer des toxiques. Le fait d'utiliser le chlore pouf stériliser l'eau c'est indispensable, autrement, il y aurait des maladies. Mais, en fait, avant l'utilisation du chlore dans l'eau potable, on dénotait des épidémies de typhoïde. Le chlore réagit avec ces produits et forme des composés qui sont de plus en plus remis en question. Cela est grave.

M. Léger: Je ne voudrais pas prolonger le débat parce qu'il y a encore trois autres mémoires, mais pourriez-vous dire qu'à l'heure actuelle, si on

ne prend pas des mesures assez énergiques, le coût de la dépollution pourrait être très élevé et que, même on n'obtiendrait pas tous les résultats voulus, même avec une dépollution sophistiquée de nos cours d'eau, et que le coût social est très important, qu'on doit tenir compte de cet aspect ou si, que cela soit pollué par du purin animal ou par une autre source de pollution, il y aurait quand même des coûts à peu près identiques? Y a-t-il un danger que cela coûte beaucoup plus cher bientôt à cause de ce type de pollution?

M. Marcil: Evidemment, on n'a qu'à penser à l'inflation pour penser à l'augmentation des coûts, mais il faut penser que, du fait de déverser des quantités importantes de nutriants, d'éléments majeurs qui servent comme l'azote et le phospore dans l'eau, il se produit une eutrophisation. On a parlé d'eutrophisation dans le rapport. C'est le phénomène de vieillissement. Ce sont des algues qui se mettent à pousser en grande quantité, meurent à l'automne, se déposent au fond et repoussent au printemps, parce que cela a fait de la matière organique. Un vieillissement accéléré se fait. Plus on attend, plus c'est grave.

M. Léger: Je vous remercie. Je vais laisser la chance à d'autres pour ne pas prolonger le débat.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Je voudrais, à mon tour, m'adresser notamment au Dr Talbot, parce qu'il y a des considérations extrêmement importantes qui sont soulevées par le mémoire de l'Association québécoise des techniques de l'eau. Une chose qui me frappe, c'est l'insistance que vous placez sur la nécessité d'éviter de présenter aux usines de filtration d'eau potable une charge excessive de polluants.

Cela me rappelle l'époque de la médecine où l'on ne prenait pas beaucoup de précautions pour éviter la contamination et où l'on se servait d'antiseptiques par après pour essayer de décontaminer les plaies chirurgicales. On a appris que cela ne suffisait pas et qu'il fallait procéder par asepsie, c'est-à-dire en évitant, dès le départ, la contamination, plutôt que d'essayer d'arriver par après et la tuer.

Nous sommes effectivement dans cette situation en ce qui concerne les cours d'eau dans lesquels nous puisons notre eau potable. Dr Talbot, vous rendez un important service à la collectivité en nous rappelant cela. Vous avez fait une déclaration qui ne peut que nous inquiéter. Je voudrais restreindre la considération aux exploitations animales, parce que c'est la préoccupation ici. Que vous disiez que des éléments toxiques échappent à la purification dans les usines de filtration, cela est possible, mais il faudra, pour les fins de ce débat, lier ce problème aux exploitations animales. Que des microbes deviennent résistants à des antibiotiques à cause de leur exposition à de tels médicaments dans le cours de l'élevage, cela aussi arrive, c'est connu.

La question que je veux vous poser est la suivante: Avez-vous effectivement des cas où des maladies humaines ont pu être retracées à des exploitations animales et notamment où la résistance de microbes contre des antibiotiques a pu être retracée au traitement de ces mêmes microbes avec des antibiotiques dans le processus de l'élevage des animaux.

M. Talbot: Comme je le soulignais un peu plus tôt, je crois qu'il y a un gros problème de carence sur le plan expertise. Si je me réfère au problème des virus, par exemple, vous savez, je crois, aussi bien que moi qu'il y a très peu d'analyses biologiques qui sont faites dans les cours d'eau dans la province de Québec. Que je sache, il y a M. Paiement, de l'Institut de microbiologie à Montréal, qui, en fait, en a fait récemment sur la rivière des Prairies, mais il y a une grosse carence sur ce plan-là.

Deuxièmement, sur le problème de la résistance des antibiotiques, je crois qu'il n'y a qu'à observer le comportement des bactéries au cours des dix dernières années. Si je prends les conformes, en particulier les salmonelles, on constate qu'elles deviennent de plus en plus résistantes, qu'on doit se servir d'antibiotiques un peu plus spéciaux.

Si je pousse encore plus votre question pour essayer de distinguer ce qui provient de la contamination humaine par rapport à la contamination animale, parce qu'en fait, il y a les deux là-dedans, on sait que le purin de porc peut être vecteur de certaines bactéries qui peuvent être pathogènes pour l'homme et de certains virus, on pense en particulier à des rotavirus ou à d'autres virus inconnus. L'association-contamination par purin de porc des humains est très plausible. Je crois qu'il n'y a nul doute là-dessus.

Maintenant, si vous me demandez de citer une expertise précise, je crois qu'il y a une grosse carence sur ce plan-là. (22 heures)

Le Président (M. Boucher): Vous m'excuserez. Compte tenu que nous sommes à l'heure de l'ajournement, je demanderais le consentement des membres pour continuer.

M. Goldbloom: M. le Président, je pense que nous n'avons pas le choix. Nous avons invité des témoins. Il en reste même trois à comparaître. Je ne ferai pas de critique désobligeante à l'égard de qui que ce soit. Je constate tout simplement que nous nous trouvons, à 22 heures, avec trois mémoires à recevoir. Il nous sera passablement difficile d'accorder à ces mémoires autant d'attention que nous avons accordée à ceux que nous avons entendus au cours de la journée.

M. le Président, le consentement quant à l'Opposition officielle — et j'ai cru comprendre que le député de Saint-Hyacinthe est d'accord — est facilement donné. Je termine assez rapidement les questions que je voulais poser.

Je suis très sensible à ce que l'AQTE souligne et aux explications fournies notamment par le Dr Talbot. C'est un autre cas, parmi beaucoup d'autres, où le fardeau de la preuve repose sur les

épaules de celui qui veut dire qu'il n'y a pas de danger. Il reste quand même que, si l'on prend l'ensemble des bactéries, notamment, nous avons toujours reçu l'enseignement que la majorité est spécifique quant à l'espèce, c'est-à-dire que la transmission de bactéries de l'espèce animale à l'espèce humaine ne se fait pas dans la majorité des cas. Je pense qu'il est important que le journal des Débats transcrive également ce fait pour qu'il n'y ait pas une panique à l'échelle de tout le Québec et du monde entier, même, que demain matin on pourra avoir des épidémies partout à cause de bactéries de provenance animale. Le problème est là, vous l'avez décrit, mais ce n'est quand même pas la majorité des microbes que l'on peut retrouver chez les animaux qui risque d'infecter les humains.

Il me reste une question que j'adresse à M. Marcil et c'est une question qui s'adresse plus particulièrement aux nombreux ingénieurs qui sont membres de l'AQTE. Quand on regarde le problème de la pollution et de la dépollution, on peut établir une échelle avec, en haut de l'échelle, le niveau de pollution qui existe et en bas de l'échelle, le niveau zéro. Entre les deux niveaux, il y a une marge considérable et il y a, notamment, un facteur coût-bénéfice à établir.

On peut généralement réduire considérablement le niveau de pollution avec une dépense relativement restreinte, mais quand on veut aller plus loin, progressivement, on doit payer de plus en plus cher des diminutions de plus en plus petites, de plus en plus faibles de la pollution.

En ce qui concerne la pollution agricole, il y a un niveau qui est élevé. Il y a un niveau idéal qui est très loin, notamment parce que, comme nous le constatons en faisant le débat sur le projet de règlement, il n'y a pas encore eu assez d'attention et les interventions n'ont pas encore été assez vigoureuses et assez généralisées. Mais si l'on veut vraiment faire une différence, il faudra faire plus que tout simplement donner des conseils aux cultivateurs du Québec quant à l'emplacement du tas de fumier et quant à la construction du silo dans lequel on va mettre le purin. Il faudra des dépenses et des dépenses considérables, et nous avons entendu, de la part du milieu agricole, des inquiétudes quant à cela. J'aimerais vous poser la question suivante. Je ne mets pas en doute la nécessité de payer. Je vous demande, dans votre esprit, qui doit payer. Dans quelle mesure la classe agricole doit-elle payer et dans quelle mesure la collectivité doit-elle croire et accepter que c'est de sa responsabilité de payer le coût de la dépollution des activités agricoles?

M. Marcil: Je pense qu'il faut distinguer entre l'agriculteur et l'industriel, surtout le gros éleveur, quand on parlait de 19 000 porcs dans une région. Ce sont des industriels qui vendent leur production totale à des multinationales, qui vendent cela sur le marché; ce n'est pas pour la nécessité du Québec, ils vendent cela sur le marché international, aux Etats-Unis, au Japon. Alors, il ne faudrait pas que ce soient les multinationales qui se cachent derrière les agriculteurs pour déverser et minimiser leurs devoirs envers l'environnement.

Pour ce qui est de la protection des coûts, il y a beaucoup de travail ou de protection qui peuvent être faits seulement en améliorant la manipulation et en prévenant les déversements. On sait que souvent les cas problèmes qu'on a cités, la rivière Etchemin, etc., ont été des pompages de nuit de purin dans la rivière, etc.

Du côté de la manipulation, il y a une partie qui ne coûte rien, souvent, ou qui ne coûte pas grand-chose. Evidemment, dans le cas des producteurs qui oeuvrent dans des productions marginales, j'imagine qu'il n'y aura pas d'objection à ce qu'ils soient aidés. Ce que nous visons, c'est la protection des cours d'eau. Alors, que les producteurs soient aidés, on le conçoit facilement et on ne verrait pas pourquoi une certaine partie du budget ne serait pas consacrée à cela, comme les municipalités devront être aidées pour procéder à l'épuration de leurs eaux usées.

M. Goldbloom: M. Marcil, votre réponse m'inspire une autre petite question. Puisque vous établissez, dans votre esprit, un certain lien entre l'importance de l'exploitation et le degré de responsabilité que devrait porter l'agriculteur, pense-riez-vous en termes d'une taxe par tête de bétail?

M. Marcil: On entre dans des domaines de taxation, on devrait plutôt en parler à M. Parizeau. Nous, en fait, on ne connaît pas assez l'industrie pour dire: Ils sont capables de payer une taxe par tête de bétail. On connaît l'eau, les problèmes de l'eau; alors, c'est difficile pour nous de dire... Mais il semble que d'après le nombre de permis que ça demande, la-croissance de la production, il semble que ça ne doit pas être parce qu'ils perdent de l'argent.

M. Goldbloom: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Une chance que j'ai un bon moral, parce que je viens d'apprendre ce soir que la rivière Yamaska est dans un état d'agonie accélérée depuis plusieurs années. Etant donné que je bois de cette eau...

M. Léger: Je vous voyais faiblir.

M. Cordeau: ... depuis presque ma naissance... c'est probablement causé par la qualité des eaux usinées à notre usine de filtration, à Saint-Hyacinthe, probablement.

Maintenant, j'aimerais que le ministre réponde à la première question de l'AQTE qui spécifie, concernant le contrôle administratif, combien d'inspecteurs sont prévus. Page 17, M. le ministre, concernant le contrôle de cette réglementation.

M. Léger: Nécessairement, c'est une tâche qui relèverait de tous les inspecteurs, pas uniquement

de ceux de Québec. En réalité, ce sont tous les inspecteurs du territoire qui devraient être responsables de la surveillance et du contrôle de cette qualité et du respect des règlements. C'est la raison pour laquelle, depuis que je suis arrivé au ministère, j'ai mis de l'avant cette image de 6 millions d'inspecteurs. C'est parce que le problème de la pollution, aussi bien de l'air que de l'eau, est tellement vaste que quelqu'un qui veut s'y attaquer uniquement avec des fonctionnaires ne pourrait pas atteindre l'objectif. C'est la raison pour laquelle on a mis de l'avant un système ou une technique de sensibilisation de la population, qu'on a présenté la loi 69 qui permet de donner au citoyen l'occasion d'être armé, en ayant des pouvoirs juridiques et une aide technique de mon ministère pour que chaque citoyen se sente responsable de son milieu de vie.

C'est pour cela que, comme on limite les interventions de poursuites pénales ou civiles à des citoyens uniquement limités à des actes illégaux, nous pourrons avoir une aide très forte de la part des citoyens qui deviendront de plus en plus consciencieux. Donc, il y a au moins une centaine d'inspecteurs actuellement dans le Québec, qui s'occupent de toutes les régions du Québec, mais ce n'est certainement pas suffisant. Je pense que, comme c'est une richesse naturelle, en donnant à chaque citoyen, du fait qu'il fait partie de la collectivité, la possibilité juridique de pouvoir poursuivre, parce que le bien collectif devient important pour chaque citoyen, en ayant le pouvoir de défendre ce bien collectif, je pense qu'on vient de décupler la possibilité de surveiller ce qui se passe au Québec.

M. Cordeau: Je vous félicite pour la présentation de votre mémoire, pour plusieurs lumières rouges que vous avez allumées, certaines jaunes, mais plusieurs rouges. Je tiens à souligner le troisième paragraphe de la page 22, dans lequel vous mentionnez: "C'est pourquoi l'AQTE considère qu'il est essentiel que les producteurs agricoles et la population tout entière soient informés de façon plus sérieuse sur le problème de la pollution de l'eau et de ses conséquences vitales sur notre société."

Le Président (M. Boucher): Merci. Au nom des membres de la commission, je remercie l'Association québécoise des techniques de l'eau pour le mémoire qu'elle a présenté. J'inviterais maintenant M. Lorenzo Grégoire qui a un mémoire à titre personnel à présenter.

On va attendre la petite mise en scène.

M. Grégoire, vous pouvez y aller. (22 h 15)

M. Lorenzo Grégoire

M. Grégoire (Lorenzo): Je vous ai apporté une carte sur laquelle il y a eu un certain travail de préparé cet été par des étudiants oeuvrant à un projet Jeunesse Canada au travail. Le titre de cette recherche était: L'inventaire de notre environnement. Nous avions une carte en main à laquelle nous avons fait des décorations, suite à ces recherches. Le but était de se connaître, tous ce que nous sommes, la population de Saint-Bernard. D'abord, on voulait savoir si on était propres ou si on l'était plus ou moins, si on sentait trop fort ou si c'était passable.

Je pense que je vais faire mon exposé et à la suite de cela je pourrai répondre aux questions qui me seront posées concernant la carte et je pourrai expliciter davantage.

Le Président (M. Boucher): Allez-y.

M. Grégoire (Lorenzo): C'est avec une certaine satisfaction et un grand intérêt que nous avons pris connaissance de votre projet de règlement concernant la loi de la qualité de l'environnement. Je ne crois pas qu'il faille s'éterniser longuement sur les droits fondamentaux qui sont le droit pour la population tout entière à une qualité exceptionnelle d'eau et d'air pur. A partir de ce principe, il va sans dire qu'une municipalité un tant soit peu responsable ne fera qu'appuyer tout effort tentant de minimiser les dangers pour la santé en mettant sur pied des outils permettant un contrôle plus sévère des agents de détérioration.

Ayant à Saint-Bernard une population relativement importante de résidents d'été, permettez-nous, M. le ministre, de vous présenter en première partie du présent mémoire, un court exposé rédigé par M. Denis Lemelin, résident d'été, qui, nous en sommes assurés, rejoint l'idée générale de tous les autres résidents dits d'été.

En seconde partie du mémoire, vous trouverez une brève critique de certains articles; la municipalité de la paroisse de Saint-Bernard a soulevé certains doutes quant à la portée de ces articles.

Finalement, vous nous permettrez bien humblement, M. le ministre, de faire quelques suggestions sur certains points non mentionnés dans notre projet et qui, nous semble-t-il, auraient dû l'être.

Ayant lu votre projet de règlement concernant la loi de la qualité de l'environnement, je vous félicite des mesures que vous désirez prendre afin de passer une loi qui réponde au mieux-être des Québécois.

Permettez-moi de vous faire la demande suivante, au nom d'un fort groupe de propriétaires de chalets, maisons d'été, dans la municipalité de Saint-Bernard, Beauce-Nord paroisse, situés la plupart le long de la Rivière Chaudière.

Dans la section i, à l'article "Interprétation ", je vous demande d'ajouter dans la liste des définitions, iii, un groupe d'au moins trois habitations saisonnières appelées chalets ou maisons d'été, 1. dont aucune n'est habitée par un producteur agricole, 2. qui sont situées à l'intérieur d'un diamètre de 300 mètres, 3. qui sont toutes situées à l'intérieur des limites territoriales d'une municipalité de village, de paroisse, de ville ou de cité et 4. qui sont placées au bord d'un lac ou d'une rivière, espace vert où l'on retrouve habituellement la plupart de ces habitations saisonnières.

D'après les relevés dont j'ai pris connaissance

dernièrement, plus de 140 chalets sont bâtis à Saint-Bernard; les propriétaires ainsi que leur famille souffrent beaucoup de la piètre qualité de l'environnement dans cette municipalité. Avant même que les producteurs de porcs et de volaille se lancent sur une haute échelle, la plupart de ces résidences étaient déjà construites.

Depuis quelques années, il y a des exagérations très nettes qui sont devenues intolérables dans cette municipalité. La senteur est suffocante durant les mois d'été et l'eau, même celle des sources, risque fort de devenir impropre à boire si elle n'est pas déjà polluée.

Il y a donc lieu, M. le ministre de l'environnement, de considérer la présence des propriétaires de chalets situés au bord d'un lac ou d'une rivière, que ce soit ou non zoné à des fins agricoles. Considérez leur présence dans la loi de la qualité de l'environnement et veuillez en tenir compte au même titre que les autres habitations décrites antérieurement dans votre projet, dans les distances minimales qui apparaîtront dans votre loi.

Enfin la distance minimale de toute source qui fournit l'eau potable à tout être humain devrait être d au moins 150 mètres. C'est une modification suggérée et qui devrait apparaître en plus, dans une colonne, à l'annexe B. Il y a une différence très nette entre un ruisseau et une source qui alimente, entre un lac et une source qui alimente une habitation.

M. le ministre, je vous remercie de lattention que vous porterez à ce mémoire et soyez assuré que nous — ceux que je représente, et ils sont nombreux — comptons beaucoup sur vous pour protéger notre santé et améliorer notre joie de vivre dans un environnement qui sera à la fois sain et gai.

La troisième partie critique certains articles du règlement.

Article 4: A notre avis, contrairement à l'essence du deuxième paragraphe du présent article, le requérant devrait justement soumettre les plans et devis de construction, de même que fournir une évaluation détaillée de la qualité ou de la concentration des contaminants à être émis ou déposés. Ceci, dans le but d'effectuer un meilleur contrôle des projets du requérant. Il nous semble que le règlement fait beaucoup trop confiance à la bonne volonté de se soumettre audit règlement. Non pas que nous ne fassions pas confiance à la population; nous doutons, toutefois, qu'une loi ou un règlement fasse changer de vieilles habitudes du jour au lendemain.

Article 5; De même que dans le cas de l'article précédent, il nous semble que la confiance règne. Le règlement devrait prévoir, à notre avis, un mécanisme permettant de vérifier si, effectivement, le fumier a été épandu chez le tiers consentant. Il nous semble qu'il serait un peu dupe de prétendre que l'entente avec un tiers ne sera pas, à l'occasion, qu'un paravent ne servant qu'à obtenir le permis demandé.

Article 19: En ce qui concerne la reconstruction pure et simple, conformément à la loi, nous croyons qu'une mention spéciale devrait être faite à ce sujet. Ainsi, lorsqu'il est question de reconstruction, il n'est, la plupart du temps, pas plus dispendieux pour le producteur de reconstruire à un endroit différent de l'ancienne construction que de construire sur les anciennes fondations. Pour cette raison, nous croyons donc que, lors d'une reconstruction complète, le producteur devrait se soumettre en toute conformité à la loi en vigueur au moment de ladite reconstruction.

Nous pourrions même aller plus loin en demandant qu'il en soit de même pour les rénovations où très souvent ces dernières seront aussi dispendieuses sinon plus qu'une reconstruction pure et simple. Ainsi, il pourrait être prévu que pour une rénovation où le coût serait égal à une reconstruction ou plus grand, le producteur devrait reconstruire en se soumettant à la loi en vigueur au moment de ladite rénovation.

De fait, très souvent, on se sert du couvert d'une rénovation ou d'une reconstruction pour effectivement modifier substantiellement la construction précédente ou les plans de rénovation. Nous ne croyons pas qu'il nous appartienne ici de soulever l'épineuse question des "droits acquis ".

Articles 20 à 27: En ce qui concerne la section IV, réglementant les normes générales de gestion des fumiers, il nous fait plaisir d'affirmer notre entière satisfaction.

Articles 47 et 48: Nous voyons d'un très bon oeil que le ministre oblige l'épandage du fumier au moins une fois l'an. Toutefois, la norme de 0,3 hectare par unité animale nous semble beaucoup plus un voeu pieux qu'une norme minimale à respecter. La vérification du respect d'une telle norme nous semble d'une nécessité absolue. D'autant plus que le respect de celle-ci serait sans doute tout à l'avantage du producteur, trop de fumier étant parfois un handicap plus qu'un avantage.

Nous aimerions, à ce stade-ci, mentionner — ce sont des suggestions — quelques points omis dans notre projet, qui auraient dû faire I objet de réglementation.

En premier lieu, nous déplorons l'absence de réglementation concernant les vents dominants. Bien qu'il en soit fait mention dans l'article des définitions, nous n'en retrouvons aucune trace en aucun autre endroit. La présence des vents dominants est un facteur non négligeable relativement aux odeurs polluantes. Il devrait donc en être fait mention et en être tenu compte dans la présente réglementation.

En second lieu, signalons qu'il n'est fait aucune mention des producteurs ne résidant pas sur les terres cultivées. Ainsi, le producteur résidant dans un village, par exemple, et exploitant une ou des fermes dans une municipalité de paroisse, tiendra beaucoup moins compte des dangers causés à ses voisins de ferme. La réglementation devrait donc considérer cet état de choses qui, dans certaines municipalités, devient de plus en plus chose courante.

J'ai ajouté quelque chose ici. Nous croyons qu'un éleveur sans sol, ne résidant pas sur sa

ferme, ne devrait pas être détenteur d'un permis ou admissible à une subvention dont les vrais de vrais agriculteurs sont les bénéficiaires, car eux, ils vivent et font vivre leur famille des revenus de la ferme... Pas plus qu'on ne nous permet de rendre les services d'un professionnel de toute profession libérale.

Troisièmement, nous aimerions suggérer au gouvernement, par l'entremise du ministère de l'environnement ou de l'Agriculture, selon le cas, que celui-ci voit à faciliter l'amélioration des établissements déjà en place, afin qu'ils satisfassent aux exigences de cette loi. Ainsi, le gouvernement pourrait mettre à la disposition des producteurs, une certaine aide, soit sous forme de techniciens, de conseils ou de subventions leur permettant de se soumettre adéquatement à la loi.

Le quatrième point concerne les distances entre le lieu d'entreposage du fumier et la ligne de l'eau. En se référant au tableau en annexe, nous constatons que la distance minimale entre le lieu d'entreposage — que ce soit pour une citerne ou pour un fumier solide — et la ligne de l'eau n'est que de six mètres.

Nous considérons que cette distance est beaucoup trop courte. Une distance de 30 mètres entre ces deux points assurerait le producteur voisin contre tout risque de débordement et ainsi minimiserait au maximum tout risque de dommage à un voisin.

En terminant, mentionnons qu'une plus grande collaboration entre les différents services offerts aux producteurs serait un service immense rendu à ces derniers. A titre d'exemple, mentionnons le surplus d'efficacité qu'apporterait une meilleure collaboration entre les inspecteurs de l'environnement du Québec et les inspecteurs municipaux de l'environnement.

Conclusion: Tel que dit précédemment, au tout début de ce document, nous ne pouvons qu'appuyer toute tentative ayant pour but d'améliorer la qualité de la vie des Québécois et nous en félicitons les auteurs. Toutefois, nous ne pouvons terminer ce court exposé sans nous demander très sérieusement de quelle façon le gouvernement va s'assurer le respect d'une telle loi. Il n'est de mystère pour personne que la présente loi fait depuis longtemps l'objet de grandes difficultés de contrôle et d'application. Nous osons espérer que le ministère saura se doter, dans les plus brefs délais, d'une équipe qualifiée et des plus efficaces.

Bien qu'un effort de dépollution et de précaution de celle-ci soit fort louable, mentionnons, en terminant, qu'un effort encore plus grand devrait être entrepris afin d'éduquer la population sur les sources et les problèmes de la pollution sous toutes ses formes. Un tel effort, disons-nous, devrait être entrepris dans les plus brefs délais et ce, pour le plus grand bien de la population québécoise.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Grégoire.

M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je remercie M. le maire et de son mémoire et de sa présence et aussi des efforts qu'il fait pour sauver les gens de sa région et de sa municipalité en présentant un vibrant plaidoyer avec un exemple aussi frappant que cette carte.

M. le maire, je ne sais pas si vous pourriez nous donner un petit peu d'explication sur votre carte. Est-ce que vous pouvez me dire quelle est la grandeur du territoire couvert par cette carte? Combien de citoyens vivent dans la région indiquée sur cette carte? Combien y a-t-il de porcheries? Cela équivaut à combien de bêtes, tout ça? Les couleurs vertes représentent, je présume, des porcheries?

M. Grégoire (Lorenzo): Les couleurs vertes représentent les porcheries; les ronds, c'est la zone d'influence de senteur quand il n'y a aucun vent; la grosseur des ronds va selon l'importance du nombre de têtes dans la construction; la langue qui continue, pour ainsi dire, ce sont les vents dominants. C'est la direction des vents dominants.

On a pensé que si quelqu'un voulait acheter un emplacement dans les parages, en regardant la carte, il verrait où aller s'installer. (22 h 30)

M. Léger: II y a une constante dans les vents dominants.

M. Grégoire (Lorenzo): La population de notre paroisse est de 2000 personnes; on a environ 49 ou 50 milles de route. C'est un territoire, j'imagine, de huit milles carrés — je ne sais pas trop, on l'a entendu dire, mais je ne l'ai pas exactement — c'est une paroisse agricole dans la force du mot, c'est facile à voir. On a beaucoup de demandes de permis en cours et parmi les agriculteurs qui vivent de cela, il y a des spécialistes, des gars qui sont industriels sur une grande échelle et qui briment certains endroits où le producteur qui en a besoin pour vivre est empêché d'avoir son permis étant donnée l'affluence qu'il y a par le nombre de têtes.

Les étudiants ont fait le tour de la paroisse et ont préparé un questionnaire dont nous avons transmis les grandes lignes à M. le ministre de l'environnement, à M. le ministre de l'Agriculture; on l'a envoyé à d'autres également, à l'UPA, à certains autres ministres dont le nom m'échappe — ce n'est pas moi qui les ai mis à la poste — et à qui on a pensé que cela pourrait être utile. D'après moi, on ne pouvait choisir un travail, pour les étudiants, plus important que celui-là chez nous. Le but, comme je le disais tout à l'heure, était de permettre de se connaître, de savoir si on en a trop à certains endroits et je crois que ce travail a atteint son but.

Il y a encore du travail à faire pour convaincre tous les gens de l'efficacité du travail — parfois on trouve que cela est trop fort — mais je crois que c'est une recherche qui n'est pas terminée, il faudra continuer à travailler sur cette carte pour, d'un

coup d'oeil, voir notre paroisse ou voir ce qu'on peut faire de plus et où on peut faire d'autres constructions.

M. Léger: Vous n'avez pas dit combien cela représentait de têtes de bêtes...

M. Grégoire (Lorenzo): D'après l'étude qui a été faite cet été, il y a de 86 000 à 90 000 porcs; il y a 900 000 volailles; il y a entre 6000 et 7000 bêtes à cornes.

M. Léger: Pour une population de 2000 personnes dans la région.

M. Grégoire (Lorenzo): C'est cela. Le travail avait été fait par un homme, l'hiver dernier, qui en était arrivé à peu près à la même conclusion quant au nombre de têtes. On disait toujours: On reste dans une paroisse agricole, et si quelqu'un nous demandait: Combien avez-vous de porcs chez vous? On ne le sait pas. Combien avez-vous de vaches? On ne le sait pas. On avait un type qui travaillait pour Canada au travail, on lui a demandé de faire un travail de recherche; il a été dans toutes les maisons, il a eu la collaboration des gens. Dans le travail des étudiants, quatre cultivateurs n'ont pas voulu répondre aux questions, donner le nombre de têtes et dire la grandeur de terrain dont ils disposaient. D'après le travail, à Saint-Bernard, actuellement, pour épandre les engrais produits, il nous manque 4118.7 acres pour disposer du fumier qu'on a chez nous.

Il semblerait que certains ont leur porcherie et n'en ont jamais épandu.

M. Léger: Où ce fumier va, d'après vous?

M. Grégoire (Lorenzo): II va dans les cours d'eau; on a des plaintes des producteurs laitiers voulant que leur lait perde sa bonne qualité parce que les vaches sont obligées de boire dans les cours d'eau; d'autres ont clôturé de chaque côté leur fossé, ce qui est presque impensable pour des producteurs laitiers.

M. Léger: Est-ce que les producteurs de bovins qui voient leurs vaches produire une qualité de lait inférieure se plaignent de cette situation?

M. Grégoire (Lorenzo): II y a quelques plaintes assermentées reçues par le contentieux depuis le printemps. Cela prend du temps à se classer, à avoir des nouvelles de cela; on en a un peu, mais c'est assez long. Il semble qu'il y a beaucoup de travail au contentieux et à l'environnement, énormément.

M. Léger: Pourriez-vous dire que l'éleveur qui ne vit pas sur sa ferme... Vous semblez dire dans votre mémoire, plusieurs nous l'ont dit, il faudra peut-être poser la question, tantôt, aux députés de l'Opposition quand vous aurez l'occasion de donner votre opinion là-dessus... est-ce que vous pensez que le gouvernement devrait ne donner des permis qu'à ceux qui vivent sur leur ferme ou si un intégrateur ou un éleveur qui ne vivait pas sur sa ferme devrait aussi avoir un permis tel que le propose le mémoire. Je vous soumets cela. J'aimerais avoir l'opinion de l'Opposition là-dessus.

Dans votre mémoire, M. le maire, vous parlez du droit de tous à l'eau et à l'air, aussi bien les citadins que les villégiateurs que les ruraux qui vivent là d'une façon permanente, vous dites que tous ont droit à l'eau et à l'air. D'autres nous ont dit, à d'autres occasions, qu'à la campagne, il faut s'attendre à des odeurs et que réclamer de l'air pur est de l'utopie. Est-ce que vous pensez qu'en région rurale même zonée agricole c'est normal qu'une vache sente la vache et qu'un porc sente le porc?

M. Grégoire (Lorenzo): C'est peut-être normal, mais il y a eu un manque de précaution de la part des éleveurs, peut-être aussi d'information. Il y a quelques années, on avait eu un mois de juillet où il n'avait pas plu du mois et où on a étendu, par exemple, pendant une semaine, dans quinze à vingt arpents de champs, une épaisseur énorme de fumier liquide. Il y a des gens qui vont s'appliquer à étendre un voyage ou deux tous les soirs. Imaginez-vous qu'ils empoisonnent quand ils sont du côté du vent dominant et qu'il y a là des résidences d'été ou le village, qu'il y a un manque de planification dans leur travail. S'il y a des plaintes, c'est qu'on n'a pas pris les précautions nécessaires. Il faudrait absolument les rappeler à l'ordre, parce qu'il y a des gens dans des chalets. Celui qui a écrit le mémoire, cela fait 18 ans qu'il est construit là, mais il n'y avait pas alors la production qu'il y a aujourd'hui. Aujourd'hui, il est un peu brimé. Ils sont prêts à en endurer, mais ils voudraient qu'il y ait un peu d'ordre. D'autres en laissent tomber dans le chemin énormément. On a eu des plaintes au sujet du chemin du Roy. On l'a fait gratter un peu, mais il en reste plus qu'on en ramasse, évidemment. Donc, il y a un peu de négligence de la part de certains producteurs, ce qui fait qu'on va avoir des lois qui vont brimer les vrais bons producteurs.

M. Léger: A quelle quantité de têtes pourriez-vous définir que c'est un éleveur industriel? Est-ce que vous pensez qu'avant de donner un permis à ceux qui le demandent, une fois dépassé un certain nombre, un niveau où on jugerait que c'est un éleveur industriel, que ce n'est pas nécessairement un agriculteur, il devrait y avoir une étude d'impact ou même une audience publique avant de donner un permis à des gens qui demandent un permis pour une quantité qui dépasserait ce qu'on appelle le niveau de l'agriculteur et qui deviendrait plutôt un niveau de producteur industriel?

M. Grégoire (Lorenzo): Je reconnaîtrais l'agriculteur comme étant un gars qui vit et qui fait vivre sa famille de sa ferme et qui veut leur donner le confort dont ils ont besoin. Donc, avec le coût de

la vie qui augmente, il faut qu'il soit capable d'augmenter sa production. Quel nombre cela prend-il pour en vivre? Cela dépend des périodes, du prix de la marchandise à vendre. Si c'est du porc, à ce temps-ci, il vivrait peut-être pas avec un nombre excessif de têtes, mais, en d'autre temps, cela lui en prend plusieurs. Quand est-ce industriel? Cela dépend s'il fait son élevage, s'il a sa maternité pour faire son élevage; s'il achète ses porcs, cela va lui en prendre plus. Je ne voudrais pas m'aventurer à vous donner des normes fixes dans ces choses, c'est peut-être un peu dangereux.

M. Léger: Est-ce que 2000 porcs, c'est industriel, d'après vous?

M. Grégoire (Lorenzo): On a plusieurs industries, si 2000 porcs, c'est industriel, parce qu'on en a plusieurs qui en ont 2000 chez nous.

M. Léger: Est-ce que vous pensez que le promoteur devrait être propriétaire du sol d'épan-dage?

M. Grégoire (Lorenzo): Pour chez nous, je dirais oui. On n'a plus de place pour des gars qui ne sont pas propriétaires du sol et qui ne restent pas à l'endroit ou sur une de ces fermes, nettement.

M. Léger: En gros, c'est tellement évident, ce que vous dites là. Je vais laisser plutôt la chance aux députés de l'Opposition de vous poser des questions et peut-être me répondre, s'ils le désirent, s'ils pensent qu'une personne devrait vivre sur sa terre pour avoir un permis.

Le Président (M. Boucher): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Je me permettrai de ne pas répondre à brûle-pourpoint à cette question qui me paraît importante, notamment parce que mon collègue de Maskinongé, qui a du domaine agricole une expérience que je n'ai pas, a été obligé de s'absenter pour un bref moment.

M. le maire, votre mémoire est éloquent et votre carte encore davantage. Je la soupçonne d'avoir été faite par un Irlandais, le 17 mars. Vous soulevez, encore une fois, le problème qui me paraît important et je m'adresse autant au ministre qu'à vous même. Je profite de cette présentation visuelle très éloquente pour souligner que nous avons, depuis quelques années, l'habitude de penser à un lac, par exemple, en termes de la population qu'il peut supporter, du nombre de maisons ou de chalets, du nombre de visiteurs, du nombre d'embarcations motirisées, et le reste.

Je me demande si l'on ne doit pas penser dans les mêmes termes en ce qui concerne une région agricole. Il y a sûrement une capacité quelconque qui peut être déterminée. Il y a plusieurs facteurs qui entrent en ligne de compte, comme vous les avez soulignés, M. le maire. Vous avez exprimé le voeu que le règlement soit plus précis sur la question des vents dominants. Là aussi, votre carte indique l'influence des vents dominants sur la qualité de vie des gens qui habitent votre coin.

Aux Etats-Unis, on entend parler de l'Etat du Vermont comme étant celui et le seul où il y a plus de vaches que d'être humains. Aujourd'hui, nous avons eu au moins deux démonstrations d'une situation, au Québec, où le nombre de têtes de bêtes dépasse de beaucoup la population. Là aussi, il y a peut-être un rapport mathématique, assorti de certaines autres considérations, que nous pourrions établir.

M. le Président, je ne voudrais pas que le maire soit offusqué si je ne pose pas de questions. J'ai trouvé que sa présentation a été extrêmement claire et extrêmement utile. Je voudrais l'en remercier.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le maire, pourriez-vous nous indiquer dans quelle direction sont situés vos chalets?

M. Grégoire (Lorenzo): Le point droit, en haut. C'est la rivière Chaudière, les chalets ne sont pas indiqués.

M. Cordeau: Je sais, mais...

M. Grégoire (Lorenzo): Sur le bord de la rivière Chaudière.

M. Cordeau: ... à peu près, en bas, en haut, je ne sais pas.

Comme c'est là, ce n'est pas dans le centre, c'est certain.

M. Grégoire (Lorenzo): Non...

M. Cordeau: Ils sont dans les vents dominants.

M. Grégoire (Lorenzo): C'est ça.

M. Cordeau: M. le ministre, M. le maire a un problème de manque de terre pour l'épandage du fumier. Je pense qu'il manque d'étendue... Pour avoir un contrôle sur les autorisations d'épandage, étant donné que vous vous servez d'un ordinateur et que le cultivateur doit donner son numéro de lot lorsqu'il donne son autorisation, il serait peut-être bon de contrôler l'autorisation par les numéros de lots. Alors, à ce moment-là, vous décèleriez que le même cultivateur a peut-être donné dix ou quinze autorisations à un moment donné. Ce serait peut-être une façon de contrôler les autorisations, surtout dans des paroisses où on semble manquer d'espace.

M. Grégoire (Lorenzo): Cela a été constaté par l'étude. Même, il y a des...

M. Cordeau: Actuellement, visuellement, il n'y a pas un inspecteur qui est capable, si vous n'avez pas un contrôle "ordiné", il n'y a pas de possibilité.

M. Léger: Ni "ordiné", ni ordinaire.

M. Cordeau: C'est un contrôle "ordiné".

M. Léger: Avant de répondre à la question du député de Saint-Hyacinthe, j'aimerais qu'il réponde à ma question.

M. Cordeau: Je suis prêt. Ce n'est pas nécessairement parce que le père peut être propriétaire de la ferme et son garçon rester à la maison paternelle, parce qu'il va s'occuper de la ferme et lui, il peut aller rester au village. C'est tout de suite un exemple où le propriétaire de l'exploitation ne doit pas nécessairement demeurer sur la ferme, parce qu'il peut y avoir son fils ou quelque chose comme ça; mais lui, aller demeurer ailleurs tout en restant propriétaire de la ferme. (22 h 45)

M. Léger: Est-ce que cela veut dire que s'il n'y a pas de relation de famille père-fils, de parenté directe, la question se pose autrement? Est-ce qu'on devrait ne pas donner de permis à des gens qui ne vivent pas sur la terre? Autrement dit, les gens qui ne vivent pas les inconvénients, mais qui retirent un profit en causant des inconvénients à tous les gens qui vivent autour?

M. Cordeau: Etant donné que nous allons avoir d'autres mémoires de la part de gens bien intéressés, on va certainement entendre d'autres sons de cloche. J'aimerais réserver ma décision après avoir entendu tous les mémoires.

M. Léger: Je reviendrai avec ma question plus tard.

M. Cordeau: Certainement. M. le maire, est-ce que tous les chalets qui sont sur le bord de la rivière Chaudière ont des fosses septiques?

M. Grégoire (Lorenzo): Je ne le crois pas.

M. Cordeau: Cela pollue aussi.

M. Grégoire (Lorenzo): Je ne le crois pas.

M. Cordeau: Bien sûr, c'est une partie de la pollution. C'est minime, si vous voulez, mais je pense qu'à un moment donné, pour la dépollution des fermes, il va falloir que les résidences se plient à certaines normes, autant les producteurs agricoles que les gens des résidences privées.

M. Grégoire (Lorenzo): Je suis d'accord. C'est normal.

M. Cordeau: Je vous félicite, M. le maire, de l'intérêt que vous portez à vos concitoyens et espérons qu'avec le temps les choses s'améliorent.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-François.

M. Cordeau: II y a autre chose. Je voudrais rassurer M. le maire. Tantôt, il a fait allusion au contentieux. Il peut être assuré que ses paroles ne sont pas tombées dans des oreilles de sourds ce soir.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-François.

M. Rancourt: Merci, M. le Président. M. le maire, j'aimerais savoir, pour mon propre éclairage, étant donné que je ne connais pas votre municipalité, si votre municipalité possède un réseau d'égouts et d'aqueduc.

M. Grégoire (Lorenzo): Oui.

M. Rancourt: Est-ce qu'il est construit d'une façon linéaire ou autrement?

M. Grégoire (Lorenzo): Passablement linéaire.

M. Rancourt: Ceci veut dire, si je ne m'abuse, qu'en étendant votre réseau d'aqueduc, automatiquement, vous rejoignez la plupart des producteurs agricoles de votre région, c'est plus facile. Vous n'augmentez pas de densité, vous allez en étendue, tout simplement. Est-ce exact?

M. Grégoire (Lorenzo): La longueur du réseau est d'au moins un mille, comme la longueur de la rue principale. Cela ne va pas tellement loin de chaque côté, parce que le territoire du village est de 300 pieds de chaque côté.

M. Rancourt: Ceci veut dire, dans ce cas-là, qu'automatiquement, vous êtes sûr qu'il y a des fermes qui ne sont pas très éloignées de votre réseau d'aqueduc.

M. Grégoire (Lorenzo): Il y a des fermes qui n'en sont pas très éloignées, sûrement.

M. Rancourt: D'accord. Deuxièmement, lorsque vous émettez un permis de construction... comme municipalité, vous émettez des permis de construction, j'imagine? C'est normal.

M. Grégoire (Lorenzo): C'est cela.

M. Rancourt: Est-ce que vous avisez les gens qu'ils sont dans un secteur où il y a production agricole?

M. Grégoire (Lorenzo): Oui. Dans notre règlement, on a même prévu qu'il ne devait pas se former d'agglomération. Ceux qui sont déjà en place, il faut travailler avec, mais pour les nouvelles constructions, on ne veut pas donner de permis qui vont faire des agglomérations de trois maisons et plus, sur des distances...

M. Rancourt: Je comprends mal, M. le maire. Si votre réseau d'aqueduc a un mille de long et

que vous donnez des permis de construction le long de votre réseau d'aqueduc, au minimum, cela fait que vous faites une agglomération linéaire.

M. Grégoire (Lorenzo): Oui. On a réparti le territoire en zone industrielle et en zone résidentielle. La zone résidentielle est plus longue, elle déborde les limites du village. Il y a une route qui sort du village, qui a un mille de long, qui était au tiers construite, peut-être un peu plus.

M. Rancourt: Donc, pour vous, c'est tout à fait normal que les gens se construisent le long d'une route, n'importe où.

M. Grégoire (Lorenzo): Dans le temps, on n'avait pas de plan, quand cela a commencé. Cela a commencé au bout de la route, on s'est construit en s'en allant, de chaque côté, et on est pris avec le problème. Cela a été déclaré zone résidentielle. Du côté des vents dominants, il y a 2000 pieds où on ne doit pas construire de porcherie à l'avenir. Du côté des vents non dominants, on a gardé 1000 pieds.

M. Rancourt: D'accord, je reviendrai sur d'autres questions. Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Je vous félicite pour votre mémoire, c'est appréciable. Il y a une question que je voudrais vous poser. Vous avez des endroits qui sont identifiés, sur votre plan, en vert, et, si je ne m'abuse, je vois aussi du jaune.

M. Grégoire (Lorenzo): Le jaune, c est les volailles.

M. Lavigne: C'est les volailles! Ah bon! Je ne voudrais pas ici donner la bénédiction à tous les agriculteurs qui polluent plus ou moins. C'est bien sûr qu'il y a deux types d'agriculteurs. Je pense qu'on possède encore au Québec plusieurs fermes dites entreprises familiales et viennent se greffer ou s'ajouter dans les milieux agricoles du Québec des exploitations dites plutôt industrielles, à grand déploiement. C'est sûr que si, effectivement, il y a de ces cultivateurs qui vont déverser du purin à plein camion dans les rivières, je ne suis pas prêt à leur donner la bénédiction. C'est bien évident.

Par contre, si j'étais un producteur moyen avec une ferme familiale, je m'inquiéterais un peu du fait suivant: Les gros producteurs, les industriels, risquent de sensibiliser la population à un tel point qu'on en vienne à des règlements sévères qui puniraient peut-être... Finalement le petit paierait pour le gros, ou celui qui fait moins de dommage paierait pour celui qui en fait beaucoup plus.

Dans toutes les revendications qui sont faites par les gens qui demeurent dans les chalets d'été, on a souvent dit que lorsqu'on va à la campagne, l'air pur, même si cela sent un peu le fumier, c'est de santé. Par contre, il ne faut pas en abuser non plus. Est-ce que ces gens sont conscients aussi que lorsqu'ils quittent leur chalet d'été pour s'en aller demeurer en ville, à Montréal, etc, il y a un "smog", continuellement, à longueur d'année, et chaque jour, dans les bulletins de nouvelles, on parle de la mesure qu'il ne faut pas dépasser au niveau de la pollution de l'air?

Je suis un peu pris en sandwich et un peu inquiet pour l'agriculteur, parce qu'il y a énormément de revendications qui sont faites présentement; je suis d'accord qu'on intervienne, bien sûr, au niveau de la dépollution de l'air et de l'eau et de toutes les dépollutions.

Quant on pense aussi aux gens qui vont près des lacs, l'été, est-ce que ces gens pensent à la pollution qu'ils font avec les embarcations motorisées? Le député de Saint-Hyacinthe soulignait tout à I heure qu'il y a beaucoup de ces chalets dont les égouts se déversent directement dans les lacs et les rivières. Est-ce qu'ils sont sensibles aux canettes de bière qu'ils jettent quand ils vont à la pêche ou à la chasse? Je pense qu'avant de critiquer, finalement... Je dis qu'une critique constructive a toujours sa place, mais il faudrait aussi que chacun de ceux qui critiquent se regarde et voit à quel point, lui aussi, est impliqué dans la dépollution ou l'environnement. Un mal, bien sûr, n'enraye pas nécessairement l'autre, mais je dis que I agriculteur, ce n'est pas un luxe, c'est nécessaire; on doit le protéger jusqu'à un certain point.

Il y aurait une question que j'aimerais vous poser pour terminer. Est-ce qu'on ne serait pas mieux, plutôt que de dépailler ou d'agrandir le territoire en ce qui a trait à l'élevage du porc... On dit déconcentrer parce que, au moment où ce sont de grosses industries, cela pue davantage autour et si on met une infinité de petites industries éparses sur le territoire agricole, est-ce qu'il n'y aura pas plus de gens, finalement, qui vont sentir? S'il y a une agglomération, une concentration, les touristes ou les gens de villégiature s'en éloigneront et laisseront produire dans des coins bien spécifiques, les porcs, et s'en iront ailleurs sur le territoire du Québec, à d'autres places, pour passer l'été. C'est une question que je me pose et je ne sais pas si vous, vous avez une réponse.

M. Grégoire (Lorenzo): Je ne crois pas que les gens qui ont un chalet — et il y en a depuis quarante ans qui sont installés là — veuillent arrêter la production agricole; il faut avoir un peu d'ordre. Quand ils arrivaient au mois de juillet, encore une fois, et qu'ils disaient: cette semaine, trois ou quatre cultivateurs épandent, ce n'est pas gai! J allais, un jour ou l'autre, au bureau, à Lévis, où je vais de temps en temps. J'ai dit: Ne venez pas chez nous de ce temps-là. Cette nuit, en me tournant de bord, il sortait de la poussière de dessous les couvertures; tu ne pouvais pas dormir, c'était suffocant dans la maison; cela ne pouvait pas sortir, c'était pire dans la maison que dehors et tu ne pouvais pas dormir dehors, ce n'est pas la place, on n'est pas habitué à cela! C est qu'il y a

eu des abus à des temps; en contrôlant le temps, probablement que cela va contrôler bien des choses. Si c'est pour avoir de l'ordre, je pense que le règlement qui s'en vient, s'il tient un peu à l'ordre, qu'on l'applique et que les municipalités aident l'environnement, l'environnement aide la municipalité, ensemble, on va faire quelque chose qui aura de l'allure et on pourra continuer à vivre.

Le Président (M. Boucher): Je regrette, M. le député d'Iberville.

M. Beauséjour: C'est une petite question qui découle seulement de...

Le Président (M. Boucher): Je vous ferai remarquer qu'il reste deux mémoires à entendre, et, qu'après minuit, on n'a pas le droit de siéger.

M. Grégoire (Lorenzo): Ah non!

Le Président (M. Boucher): II faudrait quand même donner la chance aux autres qui attendent depuis ce matin de se faire entendre. Je regrette, le temps est épuisé pour ce mémoire. M. Grégoire, je vous remercie au nom de tous les membres de la commission.

M. Grégoire (Lorenzo): Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Vous reviendrez, M. le député d'Iberville.

M. Cordeau: ... des autres.

Le Président (M. Boucher): J'appelle maintenant M. Jean-Paul Lasnier.

M. Cordeau: Un homme patient.

M. Jean-Paul Lasnier

M. Lasnier (Jean-Paul): M. le Président, M. le ministre, MM. les législateurs, c'est assez difficile, après la journée que j'ai vécue ici aujourd'hui, de m'identifier comme agriculteur, mais vous connaissez les agriculteurs du Québec, ce sont des gens persévérants. Je n'ai aucune hésitation à me présenter comme agriculteur qui a, de plus, su inculquer à sa famille — ses onze enfants — la volonté de s'impliquer directement en agriculture.

N'eût été la générosité que vous nous avez faite, il y a quelques instants, de ne pas nous renvoyer bredouilles après une journée d'attente, vers dix heures, quand on m'a averti que je devais m'en aller, j'ai presque eu envie de vous dire: Mes amis, on va lâcher l'agriculture. Tous ces gens qui ont parlé aujourd'hui mangeront ce qui pollue, pensent-ils, nos cours d'eau. Quand ils en auront mangé assez, ils penseront que les agriculteurs devront avoir une place de choix dans une société bien organisée.

J'ai l'impression très nette qu'on n'a pas fait, aujourd'hui, seulement la part des agriculteurs du

Québec. Je reviens à mon mémoire, qui est très court. M. le ministre, je dois vous féliciter d'avoir le désir d'améliorer la qualité de l'environnement. Je crois que le temps est révolu où un individu, cultivateur par surcroît, ou un gouvernement pouvait faire n'importe quoi. Par exemple, un éleveur qui se débarrasse de son fumier en le déversant dans un cours d'eau, cela s'est vu; un ministère qui détruit des fermes, des boisés, des cours d'eau, etc., sous n'importe quel prétexte. M. le ministre, je crois que ce temps est révolu sous votre gouvernement et je vous en félicite.

Ceci dit, M. le ministre, vous ne devez pas verser dans un excès contraire. A mon point de vue — et la journée d'aujord'hui le confirme — votre projet de loi a pour but de protéger le citadin qui veut avoir le droit de se dépolluer en sortant des grands centres urbains. Là, il y en a de la pollution! Vouloir imposer aux ruraux une protection de l'air qu'on ne rencontre nulle part ailleurs frise l'utopie!

Certains articles de vos règlements doivent être biffés. Une loi de zonage des terres agricoles doit précéder plusieurs autres articles de votre projet de loi. Dans vos règlements, vous parlez d'agglomération et vous faites une distinction entre une habitation occupée par un producteur agricole et une autre occupée par un producteur non agricole. Pourquoi un citadin aurait-il droit à plus de confort que nos producteurs agricoles qui se spécialisent dans tout autre chose que l'élevage au Québec? C'est vouloir faire des producteurs agricoles une classe de gens inférieurs.

Etre producteurs agricoles dans nos milieux ruraux depuis cinq ou six générations et être soumis à des législations semblables n'est pas acceptable. Que votre projet de loi fixe un minimun et des maximuns de qualité de l'air et de l'eau, j'en suis, mais que votre projet de loi vienne me dire quand et quelle quantité de fumier je dois utiliser à ma ferme, ces directives devraient venir des agronomes du ministère de l'Agriculture qui sont spécialistes en ce domaine. (23 heures)

La première étape devrait être franchie par votre collègue, M. Garon, qui se doit de rendre publique la valeur des fumiers de ferme. Pendant plusieurs années, les ministères de l'Agriculture ou le ministère de l'Agriculture et les ministres qui se sont succédé ont subventionné l'emploi d'engrais chimiques qui ont été fréquemment plus néfastes à l'environnement que le fumier de ferme. Les expériences concernant l'entreposage et la disposition du fumier de porc que nous effectuons à nos fermes, mes fils et moi, nous prouvent que vos critères seront dépassés dans un an ou deux.

Nous avons aussi l'intention, si possible, de réduire de la moitié ou du tiers nos achats d'engrais chimiques, qui sont présentement de l'ordre de $35 000 annuellement, en utilisant au maximum le fumier de porc à la condition que vos exigences ne nous obligent pas à déplacer nos fermes ou à déplacer le village. Si nous apprenions à conserver nos richesses, notre situation économique se porterait beaucoup mieux. Le

fumier de ferme constitue une de nos richesses.

M. le ministre, j'espère que vous direz oui à mes doléances. Comme vous le disiez à Richelieu, l'autre jour: dans les années à venir, le oui va avoir beaucoup plus d'importance que le non. Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Lasnier. M. le ministre.

M. Léger: M. Lasnier, je vous remercie de votre mémoire et de votre patience. Je tiens à vous dire que les jours vont se suivre, mais ne se ressembleront peut-être pas, puisque, une autre journée, ce seront beaucoup plus les producteurs qui vont s'exprimer, alors qu'aujourd'hui il y avait beaucoup plus de gens qui manifestaient leur opposition aux conséquences, provenant, justement, d'une mauvaise gestion des fumiers.

Je veux d'abord vous féliciter pour l'intention que vous mentionnez dans votre lettre de réduire, si possible, de la moitié ou du tiers vos achats d'engrais chimique qui représentent au-delà de $35 000. Je pense que si vous êtes un producteur de porcs, vous avez certainement ce qu'il faut pour les remplacer. Je voudrais quand même, pour ne pas prolonger le débat, étant donné que votre explication était assez éloquente, vous poser seulement deux petites questions. La première, c'est que vous sembliez dire, à un moment donné, qu'à la campagne, en milieu rural, protéger la qualité de l'air et de l'eau serait une chose qui ne serait qu'une préoccupation pour aider le citadin. Est-ce que vous n'évaluez pas qu'à part les producteurs et à part les citadins, il y a une clientèle résidente, à plein temps, qui est importante en milieu rural et qui aurait besoin, aussi, d'être protégée?

M. Lasnier: Je dois expliquer mon point de vue, M. le ministre. Je crois sincèrement... D'ailleurs, pour éclaircir la discussion, nous ne sommes pas des éleveurs. Chez nous, nous sommes des producteurs de maïs en grains et l'utilisation qu'on veut faire, c'est justement d'acheter les résidus de nos collègues, de nos amis en agriculture, parce qu'on voit, d'un côté, un montant important dans nos dépenses annuelles d'engrais chimique, et de l'autre côté, on voit nos voisins qui polluent les cours d'eau. C'est une situation intenable.

C'est ce que je vous dis quand vous me posez la question. Croyez-vous que dans nos milieux ruraux, on n'a pas le nez assez fin pour savoir quand cela pue ou quand ça ne pue pas. Si vous avez des normes à établir vis-à-vis de la société, elles doivent être établies en fonction de nos cultivateurs, mais les cultivateurs doivent avoir la même protection qu'un citadin. C'est impensable qu'un agriculteur qui possède une serre et qui cultive des fleurs soit obligé, par votre loi, d'accepter des inconvénients de son voisin quand son ami qui n'est pas un producteur agricole a des avantages. Je vous dis que si vous avez constaté qu'un producteur agricole pollue l'environnement à un tel point qu'il peut nuire à son voisin, arrêtez-le, qu'il soit producteur agricole ou non.

On ne doit pas faire discernement, en disant que, si vous êtes producteur agricole dans d'autres domaines que l'élevage du porc, vous devez sentir votre voisin et que, les agglomérations où il n'y a pas de producteurs agricoles, elles, on va les protéger.

A ce point de vue-là, M. le ministre, je suis prêt à combattre votre projet de loi, parce qu'il serait discriminatoire pour la classe agricole. La désertion de nos jeunes vis-à-vis de l'engagement agricole aujourd'hui mérite plus que cela... Nos jeunes qui veulent s'intégrer en agriculture méritent une loi aussi restrictive pour eux que pour les autres habitants qui ne sont pas producteurs agricoles...

M. Léger: Je suis bien d'accord avec vous; vous avez un bon point, là. D'ailleurs, vous reconnaissez aussi, un peu plus loin dans votre mémoire, la valeur fertilisante du fumier et je trouve excellent que vous mentionniez que c'est une richesse et qu'elle ne doit pas aller dans les cours d'eau, mais qu'elle doit être utilisée à l'endroit où elle peut rapporter le plus aux agriculteurs, c'est-à-dire comme matière fertilisante.

Juste pour terminer, vous avez fait allusion à des expériences que vous faites avec vos fils. Est-ce que vous pouvez me donner autre chose que ce que vous m'avez dit déjà ou est-ce que vous avez d'autres exemples d'expériences concernant les problèmes que vous voulez éviter pour les cours d'eau?

M. Lasnier: C'est évident que les recherches que nous faisons actuellement vont minimiser énormément l'importance de la pollution. Les champs d'épuration sur une ferme, qui pourraient constituer le fumier liquide en fumier solide, seraient un grand pas vers le progrès. Quand vous dites aux agriculteurs qu'ils polluent les cours d'eau, ces affirmations-là sont bien vraies, mais vous proposez dans votre réglementation d'obliger l'épandage des fumiers de ferme à des périodes où le terrain est saturé d'eau. Cela aurait pour conséquence de ne pas faire pénétrer le fumier et, au moindre petit orage, on polluerait nos cours d'eau. La période la plus propice pour le sol à recevoir l'engrais de ferme à son état naturel, c'est justement la période où le sol est le plus sec, où la culture est la plus intense, pour protéger...

Vos règlements viennent en contradiction avec des faits; vous obligez l'agriculteur, par votre règlement, en fixant des dates qui ne sont pas propices à la pénétration du purin dans le sol, à un lavage qui va polluer les cours d'eau. De par vos règlements, vous allez à l'encontre de l'objectif de la Loi sur l'environnement. C'est là-dessus que je dis que vous devriez, en tant que ministère de l'environnement, limiter vos critères et laisser au ministre de l'Agriculture le choix de diriger les agriculteurs aux périodes les plus propices pour l'utilisation des fumiers.

M. Léger: Si vous remarquez bien, dans le règlement, cela concerne l'épandage à des moments propices ou à des dates limites, pour le fumier liquide et ceci, à une distance de 300 mètres d'une prochaine maison. Mais dans le cas que vous venez de mentionner, vous en avez fait avec du fumier solide. A ce moment-là, il n'y a pas de problème de date d'épandage, puisque la date limite ou la période non permise pour l'épandage concerne le fumier liquide à une distance de 300 mètres.

Est-ce que vous jugez qu'un fumier liquide pourrait être acceptable si on l'épandait à moins de 300 mètres d'une maison?

M. Lasnier: C'est évident que d'aller trop près des demeures, c'est un inconvénient. Il y a des procédés d'enfouissement, aujourd'hui, au moment de l'épandage. On pourra, en discutant et en appliquant des règlements avec des autorités du ministère de l'Agriculture, trouver des solutions. Mais je crois qu'il serait un peu prématuré, par votre loi, d'y aller carrément à ce stage-ci. J'ai reçu, le lendemain de mon mémoire, justement, — et je pourrais vous le fournir au dossier — un feuillet du ministère de l'Agriculture qui parle encore de subventions pour les engrais chimiques. Au point de vue recherche, au point de vue publicité, notre ministère de l'Agriculture a toujours attaché beaucoup plus d'importance à favoriser la vente d'engrais chimiques que celle d'engrais de ferme.

Par votre projet de loi, vous avez sensibilisé les producteurs agricoles et je suis heureux de participer... Je suis convaincu que dans notre région, l'élevage de porcs se fait sur une échelle intensive. J'ai des voisins qui ont 4000 porcs et j'en ai d'autres un peu plus loin qui en ont 10 000. Le problème est facile à solutionner en impliquant, par des lois compréhensives et non pas trop rigides et des lois qui seront à la mesure du besoin... Quand vous nous dites, M. le ministre, que vous nous empêchez de conserver notre fumier de ferme plus d'un an, je vous dirais, à titre d'expérience agricole, que le fumier c'est comme le bon vin, après trois ou quatre ans, c'est à ce moment-là qu'il ne sent plus du tout.

Vous nous le faites étendre à une période où la fermentation est la plus intense et que ça pue le plus. Vous nous obligez à le faire.

M. Léger: Pensez-vous qu'il y a encore des fertilisants, dans ce fumier, après trois ou quatre ans?

M. Lasnier: C'est évident!

M. Léger: Ce matin, certaines autres personnes semblaient nous dire que cela s'évaporait.

M. Cordeau: Pas le fumier d'ici.

M. Lasnier: Ecoutez! Il y a une certaine partie du fumier qui va s'évaporer dans des conditions d'épandage à ciel ouvert, soumises à l'action du soleil. Si vous accumulez un tas de fumier — en bon cultivateur, en bon québécois — quand il est bien pourri, après trois ou quatre ans, je vous dis que cela fait pousser de bonnes patates et j'ai déjà dit à un de vos collègues: Mangez un peu plus de produits agricoles, produits avec de l'engrais naturel, et vous allez avoir plus de couleurs dans le visage que vous n'en avez avec des engrais chimiques.

M. Léger: Quand même, vous avez dû remarquer qu'il n'y a pas de restriction, pour l'épandage enfoui, au niveau des distances. Est-ce que cela ne répond pas un peu à la préoccupation que vous aviez?

M. Lasnier: Au point de vue des distances, non, mais au point de vue des quantités... Si on a besoin d'une quantité d'azote donnée pour produire un arpent de maïs en grains dont on veut atteindre un rendement de trois à quatre tonnes l'acre, il nous faut inclure dans le sol une quantité d'azote et d'engrais convenables à ce que la plante peut absorber.

Mais si, par l'épandage restreint, vous nous obligez à faire deux opérations, une en fumier et l'autre en engrais chimique, cela doublera le coût d'opération. Je ne peux pas concevoir, quand on peut remplacer les engrais chimiques par les engrais naturels, qu'on doive être limité dans la quantité des engrais naturels et qu'on ne le soit pas dans les engrais chimiques. Là, je me perds en conjectures.

M. Léger: Vous avez quand même remarqué, au cours de la journée, que nous avons répété plusieurs fois que l'article 48 permettait, justement, de s'adapter à la condition du sol. Même si le règlement est plus sévère, si un sol particulier est capable d'absorber d'une façon plus intense que ne le permet la règle, et qu'un agronome spécialisé émet un certificat, la personne pourra dépasser les normes du règlement. Ne pensez-vous pas que c'est une bonne mesure d'assurance pour s'adapter localement? Ne pensez-vous pas que cette norme n'est pas absolument irréductible partout? (23 h 15)

M. Lasnier: A ce point de vue-là, M. le ministre, je n'en ferais pas un obstacle extraordinaire.

Je crois qu'un cultivateur qui investit en fosses pour entreposage, de $15 000 à $20 000 et qui a de 500 à 600 acres de maïs en grains, ce cultivateur n'est certainement pas un cultivateur qui est intéressé à ouvrir son puisard pour en envoyer le contenu dans le cours d'eau. Le problème actuel c'est que le ministre de l'Agriculture doit faire de la publicité pour l'utilisation des fumiers; en agriculture, cela doit être utilisé par le producteur. Cela ne doit pas être le problème de l'éleveur de porcs; on l'a résolu chez nous, dans notre région. L'éleveur de porcs paie aux agriculteurs $0.75 par tête de porc pour se débarrasser de son fumier en le vendant aux producteurs

agricoles. Là est la solution. L'éleveur, c'est un embarras pour lui, mais le jour où cela deviendra la propriété du producteur, ce ne sera plus un embarras, ce sera une économie de plusieurs milliers de dollars en agriculture qui dépendra d'une politique ordonnée et vulgarisée.

M. Léger: Je suis bien d'accord avec vous, je vous remercie de votre intervention.

Le Président (M. Boucher): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président. M. Lasnier, à mon tour je voudrais vous remercier très sincèrement de votre patience et vous féliciter de votre franc-parler. Vous nous avez dit ce que vous avez vécu, ce que vous vivez quotidiennement. Souvent — ce n'est pas une critique désobligeante que je fais à l'endroit de qui que ce soit — quand on prépare un projet de loi ou de règlement, on a une tendance à le faire sur le plan théorique et à ne pas penser suffisamment à consulter ceux qui vivent au jour le jour l'application de ces mesures et qui sont donc capables de dire: Cela paraît être une bonne chose, cela paraît être une chose utile et respectueuse de la protection de l'environnement, mais vous qui n'avez pas vécu cela comme je l'ai vécu, vous n'êtes pas en mesure de comprendre que l'application n'est pas si simple que cela et qu'il y a d'autres problèmes auxquels vous n'avez pas pensé. C'est essentiellement ce que vous nous avez dit et je vous en remercie.

Je ne voudrais pas vous retenir longtemps parce que je sais que vous voulez retourner à Sainte-Brigitte-d'Iberville ce soir et je vous prie de conduire prudemment parce qu'il commence à se faire tard. Je me limite à une question qui est un peu générale. Il est évident que si la classe agricole est méfiante devant ce genre de projet de règlement, il y a un facteur qui saute aux yeux, c'est le facteur coût. Vous avez indiqué, sans le dire en autant de mots, que l'application de ces mesures pourrait coûter cher aux agriculteurs et pourrait faire la différence entre la rentabilité et la non-rentabilité d'une exploitation agricole. Cela pourrait alors affecter l'intérêt que pourraient avoir des fils comme les vôtres, et des filles, à poursuivre une carrière dans l'agriculture, dans l'avenir, au détriment du bien commun de nous tous.

Vous avez souligné des points pratiques. Vous avez échangé avec le ministre, des propos sur la conservation du fumier. Le ministre propose une limite de temps et vous dites: Ce n'est pas réaliste, il serait plus logique de permettre qu'on le conserve plus longtemps. Vous avez échangé avec lui des propos sur la période de l'année qui peut être propice à l'épandage. Vous avez aussi mis le doigt sur un problème qui me frappe personnellement depuis plusieurs années, c'est que les politiques économiques du gouvernement, les politiques de subventions du gouvernement ont leur influence sur le comportement des citoyens. S'il y a une subvention importante pour l'engrais chimique et s'il n'y en a pas pour l'engrais naturel, il n'y a pas d'incitation à chercher à remplacer l'engrais chimique par l'engrais naturel.

Alors, je voudrais vous demander, à la fin de tout cela, d'indiquer si vous avez remarqué, dans le projet de règlement, d'autres problèmes pratiques comme ceux que vous avez soulignés, qui devraient nous inspirer une certaine prudence et peut-être une révision de certains éléments du règlement. Avez-vous remarqué d'autres problèmes pratiques dont vous croyez que nous devrions prendre connaissance?

M. Lasnier: M. le député, je crois sincèrement que, le jour où on aura rendu publics les avantages de l'utilisation du fumier naturel sous toutes ses formes et qu'on aura augmenté, pas diminué, le nombre de nos agriculteurs... Vous connaissez le problème de l'horticulture, on ne produit que 6% de notre consommation. Le jour où on aura atteint l'autosuffisance pour les besoins québécois, on va manquer d'engrais naturel.

Il y a un autre problème important qu'on doit toucher, que nos cultivateurs ont touché cet après-midi. Vous avez dans notre région, et surtout plus près de Montréal, le décapage des terres, parce que les gens ont besoin de "top soil", excusez-moi l'expression, mais le fumier de ferme, mélangé avec du terreau, de la terre noire et du sable, serait justement l'élément qui compenserait le marché de construction de parterres et de jardins dans nos milieux urbains. Le jour où on pensera de l'utiliser à des fins économiques, on n'aura pas trop de fumier, on va en manquer énormément. C'est mon point de vue, M. le député.

M. Goldbloom: Merci, M. Lasnier, et je vous félicite encore une fois pour votre mémoire.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. A mon tour, M. Lasnier, je tiens à vous féliciter, vous et votre famille, pour l'excellent travail que vous accomplissez. Je crois qu'on peut vous considérer comme une vraie famille terrienne. Je vous remercie pour votre franc parler et pour les recommandations pratiques que vous nous avez faites.

Dans votre mémoire, on lit que certains articles devraient être biffés. Je ne sais pas si vous vous souvenez des articles auxquels vous faites allusion; si vous les avez en mémoire, vous pourriez nous les donner sommairement.

M. Lasnier: J'en ai donné quelques-uns tout à l'heure: si on fait de l'horticulture, il faut épandre le fumier au mois de juillet, mais il y en a un autre d'importance extraordinaire. Vous avez ici des représentants, je vous en félicite, de votre ministère.

Vous avez des distances absolument aberrantes. J'ai construit, pour recevoir le fumier de porc d'un producteur agricole pour nos fermes, une fosse de dimension telle qu'on soit capable de

l'accumuler pendant un an. Le producteur de maïs-grains doit mener le plus vite possible au printemps pour être capable de récolter l'automne. Cette production nous permet l'épandage de fumier à ce temps-ci, au moment des récoltes et, pour arriver à accumuler une réserve de fumier de cette importance, cela prend une quantité de pieds cubes extraordinaires. Vous exigez jusqu'à deux milles et demi du village, sans même tenir compte des vents dominants. Bien, imaginez-vous! Voulez-vous qu'il s'en aille dans le cours d'eau ou est-ce que vous voulez qu'on le récupère, le fumier? Prenez un peu vos distances! Quand personne n'est incommodé en plein milieu d'un boisé qui est à un mille et demi d'un village, en sens contraire des vents dominants, la seule personne qui se plaint, c'est votre projet de règlement qui, à mon sens, est absolument contraire aux besoins d'une région, parce que ce n'est certainement pas au moment de l'accumulation dans une fosse que cela sent énormément, c'est au moment de l'épandage. Au moment de l'épandage, quand on aura conservé ou appliqué les solutions que nous avons dans le moment, je pense qu'on aura minimisé à 90% le problème d'incompréhension entre nos ruraux et nos urbains dans une société où on doit vivre collectivement, de manière à nuire le moins possible à l'un et à l'autre des groupes de profession différente.

Au nom de la classe agricole, je dois rassurer nos amis les urbains du Québec en disant que nous n'avons pas comme objectif de polluer les urbains, mais nous avons l'objectif de les nourrir avec les aliments les plus sains possible pour le bien de leur santé. Merci.

M. Cordeau: J'aurais une autre observation. Je suis tout à fait d'accord avec vous concernant le zonage agricole qui devrait être fait le plus tôt possible, parce que sans zonage agricole, les citadins pourront encore s'établir à la campagne et être une source de complications pour les agriculteurs. Ne croyez-vous pas, M. Lasnier, étant donné que vous devez respecter certaines distances concernant les maisons les plus proches ou les habitations, qu'il devrait y avoir une réglementation aussi pour empêcher les citadins de s'établir à des distances non moindres des fermes parce que les cultivateurs, eux, sont obligés de respecter des distances et les citadins, actuellement, peuvent s'établir et ne respectent pas les distances des établissements déjà construits, des fermes, et cela empêche le producteur agricole de développer son exploitation?

M. Lasnier: A ce point de vue, M. le député, j'ai appris, au moment où j'ai suivi mon cours moyen en agriculture, à Saint-Césaire... Par surcroît, nous étions confrères des élèves du cours commercial. Lorsque nous allions visiter la ferme et que nous revenions au cours, plusieurs de nos confrères disaient: Les types du cours d'agriculture sentent l'étable. On a solutionné ce problème. Savez-vous comment? En les invitant à participer à nos visites dans nos étables. Quand nos citadins auront, dans nos milieux ruraux, des résidences, on les invitera à élever deux ou trois porcs; quand ils seront impliqués dans cela, je pense qu'on aura résolu le problème.

Le Président (M. Boucher): Alors, pour... M. Cordeau: ... Bon voyage de retour!

Le Président (M. Boucher): Pour être juste envers le député d'Iberville, je ne permettrai qu'une seule question du côté ministériel et une très courte question, s'il vous plaît.

M. Beauséjour: Oui, M. le Président, vous êtes très gentil, en fin de soirée, de me permettre une question.

M. Lasnier, vous avez laissé entendre que certains aspects du règlement pourraient être plutôt de la juridiction du ministère de l'Agriculture. Pourriez-vous préciser un peu cet aspect?

M. Lasnier: C'est encore le même monde, mais je crois que M. le ministre de l'environnement doit établir des critères de minimum et de maximum. A un moment donné, si un cultivateur a un maximum de pollution de l'eau, on lui dit: Oh! Tu devras payer une amende si tu dépasses cela. Pour suivre ce critère de minimum et de maximum de la loi du ministre de l'environnement, je crois que le ministre de l'Agriculture, avec ses techniciens, devrait s'impliquer dans les directives de nos producteurs agricoles pour savoir où, quand, comment protéger l'environnement et comment utiliser l'engrais chimique. J'ai bien du respect pour le ministre de l'environnement, je l'ai félicité au début de mon mémoire, je le félicite encore, mais le travail du ministre de l'environnement n'est pas le travail du ministre de l'Agriculture. Faites votre boulot et laissez votre collègue faire le reste.

M. Beauséjour: je suis bien d'accord avec vous et j'espère que le ministre de l'Agriculture va lire votre intervention dans le journal des Débats.

M. Cordeau: Je crois qu'il aurait été plus avantageux pour lui s'il avait été ici ce soir.

M. Goldbloom: N'est-ce pas?

M. Léger: Ses représentants sont ici.

Le Président (M. Boucher): Au nom des membres de la commission, M. Lasnier, je vous remercie.

(22 h 30)

J'appellerais maintenant les représentants de la Fédération des producteurs de volailles du Québec.

Une Voix: Ils ne sont plus ici, ils se sont envolés!

Le Président (M. Boucher): Compte tenu de l'heure, je crois que la commission doit suspendre ses travaux jusqu'à dix heures demain matin.

Fin de la séance à 23 h 31

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