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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 23 février 2016 - Vol. 44 N° 46

Étude détaillée du projet de loi n° 77, Loi sur l’immigration au Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures trente minutes)

Le Président (M. Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 77, Loi sur l'immigration au Québec.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président : Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par Mme Roy (Montarville).

Remarques préliminaires

Le Président (M. Picard) : Merci. Nous débutons avec les remarques préliminaires. Mme la ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, vous disposez de 20 minutes.

Mme Kathleen Weil

Mme Weil : Merci, M. le Président. Chers collègues députés, membres de la Commission des relations avec les citoyens, nous voici à une nouvelle étape du projet de loi n° 77 visant une révision complète de la Loi sur l'immigration au Québec. C'est une étape importante pour les législateurs que nous sommes. Je tiens à vous remercier, à titre de membres de l'Assemblée nationale, pour votre collaboration. Cela a contribué au bon déroulement des auditions et à l'appui unanime au principe du projet de loi à l'Assemblée nationale.

Je souhaite vivement, M. le Président, que l'étude détaillée que nous débutons maintenant, aujourd'hui, se poursuive dans cet esprit de collaboration. Pour ma part, je compte travailler avec vous avec la même ouverture dans le but de doter le Québec d'un système d'immigration moderne, efficace et performant, un système flexible et adapté à la réalité québécoise, qui saura répondre en temps réel aux besoins évolutifs de notre société et du marché du travail. Je crois sincèrement que ce sont là les attentes de la population québécoise.

Premièrement, il y a lieu de souligner que d'importants consensus se sont dégagés des auditions sur le projet de loi n° 77, c'est le cas notamment du pouvoir que le projet de loi vise à accorder en vue de mettre en place un système de sélection basé sur la déclaration d'intérêt.

Des représentants des milieux d'affaires et municipaux sont venus réitérer le besoin de miser sur l'immigration internationale pour faire face aux raretés de main-d'oeuvre dans certains secteurs d'activité et certaines régions. Le modèle de la déclaration d'intérêt permettra au Québec de sélectionner en continu les personnes dont le profil est le plus apte à répondre à ces besoins, et qui présentent le plus grand potentiel d'intégration. Nous pourrons répondre plus rapidement aux besoins en temps réel, comme je l'ai dit antérieurement.

Ce système permettra au Québec d'être plus compétitif dans la course aux talents qui se déroule sur la scène internationale. Non seulement le Québec pourra attirer et sélectionner les meilleures candidatures, mais aussi des personnes qui s'y établiront de façon durable et qui participeront pleinement à sa prospérité et à la vitalité du français, et ceci, dans toutes les régions.

Rappelons-nous, M. le Président, qu'en raison des enjeux démographiques, notamment celui de la diminution de la population en âge de travailler, une pression s'exerce sur le marché du travail québécois. En effet, selon Emploi-Québec, c'est 1,36 million d'emplois qui seront à pourvoir d'ici 2022. On prévoit de même que 18 % de ces emplois seront comblés par l'immigration.

Le système de déclaration d'intérêt sera donc alimenté par des portraits régionalisés des besoins du marché du travail, réalisés par la Commission des partenaires du marché du travail. Nous pourrons répondre de façon plus directe à ces besoins et ainsi favoriser le dynamisme de nos villes et municipalités et favoriser l'immigration en région.

La plus grande flexibilité du système d'immigration proposé par le projet de loi a aussi fait consensus chez les participants aux auditions. Cette flexibilité pourra s'exprimer, entre autres, par la mise en place de programmes pilotes d'immigration permanente et temporaire. Ces programmes pilotes permettront notamment de tester de nouvelles idées et d'innover, ou encore de répondre aux besoins ponctuels d'une région ou d'un secteur d'activités.

Le potentiel de solution que représentent les programmes pilotes a été reçu avec beaucoup d'enthousiasme en commission. L'immigration temporaire est en croissance au Québec et elle permet notamment de combler les besoins pressants des entreprises. Nous partageons l'opinion que ce sont des candidates et candidats de choix pour le Québec puisque leur processus d'intégration est déjà avancé et qu'il contribue déjà à la prospérité du Québec et au dynamisme de leurs collectivités.

Nous réitérons, dans le projet de loi n° 77, notre engagement, donc, à faciliter le passage à l'immigration permanente des travailleuses et travailleurs temporaires de même que des étudiantes et étudiants étrangers qui souhaiteront s'établir de façon durable au Québec.

Nous travaillons déjà en ce sens depuis l'année 2010 avec le Programme de l'expérience québécoise. Nous avons d'ailleurs constaté une grande unanimité autour de ce programme, qui sera, bien entendu, préservé comme programme distinct.

D'autres composantes du projet de loi ont été bien reçues lors de la consultation en commission parlementaire. Je pense notamment à l'instauration d'un recours au Tribunal administratif du Québec pour les ressortissants étrangers appartenant à la catégorie de l'immigration économique dont la demande de sélection permanente a été refusée.

La mise à jour des dispositions du projet de loi visant la protection du public est très bien vue. Nous proposons de renforcer les pouvoirs de vérification et d'enquête, tout comme celui des dispositions pénales.

Nous avons aussi intégré les leviers nécessaires pour intervenir afin de prévenir et de réprimer la fraude. Je tiens à souligner l'importance de ces mesures pour préserver l'intégrité de notre système d'immigration.

Les auditions sur le projet de loi n° 77 ont été l'occasion de réaffirmer la vision de notre gouvernement et de rappeler l'importance des efforts investis pour assurer la contribution de l'immigration à la vitalité de la langue française. Cette contribution est fondamentale. Nous avons misé sur deux stratégies afin de concrétiser ces efforts. Tout d'abord, nous avons favorisé le critère du français dans la sélection. Ainsi, parmi les personnes qui sont arrivées au Québec entre 2010 et 2014, soit les personnes issues de l'immigration économique, du regroupement familial et les réfugiés, 61,3 % ont déclaré connaître le français au moment de leur admission. Chez les requérants principaux de la catégorie des travailleurs qualifiés, la proportion de ceux qui connaissent le français est bien plus élevée : en 2014, leur proportion était de 90 %. Voilà une donnée significative.

L'autre stratégie a conduit à une plus grande diversification de l'offre de services en francisation, et cela, tant au Québec qu'à l'étranger et en ligne. Nous sommes ainsi en mesure de mieux répondre aux besoins variés des personnes qui ne connaissent pas le français à l'admission, de même qu'à celles qui souhaitent parfaire leur maîtrise de la langue française.

Ces efforts ont porté des fruits, puisque, parmi les personnes arrivées en 2012, environ 86 % étaient soit francophones, ou étaient inscrites à un programme de francisation, ou étaient des enfants, évidemment, scolarisés en français. Ces progrès témoignent d'une attention continue à l'égard de la vitalité et de la pérennité du français et d'une volonté ferme du gouvernement du Québec de favoriser la pleine participation en français des personnes immigrantes. Nous allons tabler sur ces résultats afin d'aller plus loin. C'est ce qui est prévu dans le projet de loi n° 77, qui habilite le ministre à mettre en oeuvre les programmes visant la francisation, l'intégration et la participation des personnes immigrantes.

Nous allons, avec la collaboration des experts du ministère, poursuivre l'amélioration de l'offre en francisation en l'adaptant davantage aux besoins des personnes immigrantes et nous allons en faire une promotion vigoureuse. C'est d'ailleurs un des éléments clés de la nouvelle politique en matière d'immigration, de participation et d'inclusion, Ensemble, nous sommes le Québec, et de sa stratégie d'action. Je vous confirme que je dévoilerai cette politique très bientôt.

Je peux déjà vous indiquer que des moyens d'action seront déployés pour enrichir notre offre de services en francisation, notamment en relation avec l'insertion en emploi. Je suis convaincue que l'intégration réussie des personnes immigrantes est celle qui passe par l'accès à un emploi de qualité et l'apprentissage du français, les deux pierres angulaires de l'inclusion et de la participation à la société québécoise.

La nouvelle politique ainsi que la révision de la Loi sur l'immigration au Québec s'inscrivent dans la démarche de notre gouvernement visant à revoir en profondeur l'action du Québec en matière d'immigration, de participation et d'inclusion.

Au cours des 50 dernières années, le monde a changé, et la société québécoise aussi. La mobilité internationale des travailleurs est en croissance, et ce phénomène n'est pas près de s'estomper. Les gens sont à la recherche des meilleurs endroits pour vivre et travailler. Dans le contexte d'une économie de plus en plus mondialisée, les grandes sociétés d'immigration se livrent à une chaude lutte pour attirer les meilleurs talents sur leur territoire. Le Québec ne fait pas exception.

• (15 h 40) •

Comme je l'ai souligné précédemment, au Québec, l'immigration temporaire est appelée à prendre de plus en plus d'importance pour répondre aux besoins les plus urgents des entreprises et des sociétés d'immigration lorsque ces besoins ne peuvent être comblés par la main-d'oeuvre locale. L'immigration permanente et temporaire a toujours contribué à l'enrichissement du Québec.

Je le répète, et nous l'avons bien entendu lors des consultations : Nous faisons maintenant face à un défi démographique qui se présente sous la forme d'une décroissance de la population en âge de travailler, les 15 à 64 ans. Cette réalité démographique crée une pression sur le marché du travail, sur le développement économique et sur la compétitivité de nos entreprises. Le succès du Québec repose donc directement sur notre capacité à agir rapidement et efficacement. Il repose aussi sur notre capacité à favoriser la pleine participation en français des femmes, des hommes et des enfants que nous accueillons, tant pour des motifs économiques que pour des motifs de réunification familiale et humanitaires.

En terminant, j'aimerais faire un commentaire sur la forme du projet de loi. Tout au long de son élaboration, une attention particulière a été portée au caractère pédagogique du projet de loi. Notre volonté était qu'il puisse être accessible et simple à comprendre pour la population. Cela a d'ailleurs été souligné dans un article du Journal du Barreau par Me France Houle, vice-doyenne au premier cycle et professeure titulaire à la faculté de droit de l'Université de Montréal. Elle qualifie le projet de loi n° 77, et je la cite, «d'amélioration majeure au niveau de l'organisation de la loi, qui fait en sorte qu'elle gagne énormément en clarté», fin de la citation.

J'aimerais prendre le temps de féliciter les légistes de mon ministère, le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, qui ont oeuvré sur le projet de loi, soit : Me Geneviève Lajoie, qui est assise à ma gauche, Me Matteo Miriello, qui est assis derrière moi, sous la direction de Me Anne-Marie Wilson. Je peux vous dire que, quand j'ai reçu le Journal du Barreau chez moi, j'étais très, très fière de cette équipe de légistes.

En somme, l'évolution des 50 dernières années et les nouveaux défis qui se posent au Québec soulèvent la nécessité d'un système d'immigration qui soit à la fois plus moderne, plus efficace et plus performant, un système du 21e siècle. Le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion a déjà entrepris une démarche de transformation visant à simplifier ses processus, son fonctionnement et son offre de services aux personnes immigrantes. La réforme de la loi lui donnera les leviers nécessaires pour compléter cette transformation et compléter la mise en place d'un nouveau système d'immigration dans le cadre général décrit au projet de loi n° 77. La réforme proposée par le projet de loi est un jalon important de ce vaste chantier. À terme, nous voulons que le Québec dispose d'un système d'immigration souple et efficace lui permettant de mieux sélectionner, mieux franciser, mieux intégrer et mieux vivre ensemble. C'est en travaillant ensemble que nous pourrons compter, à partir de 2017, sur ce système de sélection moderne et concurrentiel capable de contribuer avec diligence à nos besoins tout en favorisant la pleine participation des personnes immigrantes et leur établissement durable.

Merci, M. le Président. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration, le député de Bourget, à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 20 minutes.

M. Maka Kotto

M. Kotto : Merci, M. le Président. Comme je le disais au moment de l'adoption du principe, la semaine dernière, c'est avec plusieurs interrogations en tête, lesquelles étaient par ailleurs largement partagées par différents groupes que nous avons entendus ici en commission, que nous abordons aujourd'hui l'étude article par article du projet de loi n° 77, Loi sur l'immigration au Québec.

Je le disais également, notre appui à ce projet de loi n'est pas inconditionnel, et nous aurons ici le loisir d'exprimer nos doléances dans une perspective constructive, évidemment, et aussi proposer des amendements lors de l'étude article par article.

Il est utile de rappeler que cette loi, et la ministre l'a rappelé, si adoptée, viendrait remplacer la Loi sur l'immigration adoptée en 1968, une loi qui n'avait jamais fait l'objet d'une révision en profondeur. C'est une révision en profondeur. Parce qu'on se rappelle de l'épisode de Mme Courchesne aussi, il y a eu des retouches.

Je rappelle également que ce projet de loi reflète de larges pans du projet de loi n° 71 que dame De Courcy, l'ancienne ministre de l'Immigration, avait déposé, à la veille de la dernière élection générale, c'était le 18 février 2014, un projet de loi qui avait pour objet, donc, de contribuer, par l'immigration, à la prospérité économique, certes, notion qui est contestée par certains chercheurs érudits en ces matières, mais qui, néanmoins, de la perspective même de certains entrepreneurs, est fondée. On pense aussi également à l'enrichissement du patrimoine socioculturel, si cher au coeur du professeur Fortin, qui est passé ici, au dynamisme démographique, à l'occupation et la vitalité des régions ainsi qu'à la pérennité du français, terme qui nous convient davantage que «vitalité», le français étant la langue publique commune au Québec.

M. le Président, sur la question fondamentale relative à la sauvegarde du français, en rappelant à la vigilance, comme l'a souvent répété le premier ministre actuel... c'est une chose, mais la situation exige de nous, législateurs et décideurs politiques, beaucoup plus que ça. Le père de la loi 101, le regretté Dr Camille Laurin, a maintes fois décrit la langue comme étant l'âme d'un peuple, résumant ainsi en quelques mots la thèse de tous les exégètes en ces matières, d'où l'importance de la protéger et de la défendre avec l'énergie du désespoir, si vous me permettez l'expression, chaque jour, à chaque instant, à chaque moment que l'occasion nous est donnée de le faire.

Aussi, défendre le principe de la compétence dans la sélection des ressortissants étrangers souhaitant s'établir au Québec est fort bien, mais nous serions très mal avisés de négliger les impératifs liés à la connaissance de la langue française. Pour cela, il nous faut nous assurer que le projet de loi n° 77, dans son articulation, considérera l'immigration de façon globale comme un projet de vie et non pas uniquement comme un simple instrument légal facilitant l'arrimage entre la main-d'oeuvre immigrante et les besoins tangibles du marché québécois.

Et ce point de vue est largement partagé, comme nous avons pu le lire ou l'entendre, ci et là, notamment avec ce collectif qui a fait paraître une lettre dans Le Devoir, le 27... non, je n'ai pas la date précise, mais c'était tout récemment, où ils mettaient l'accent, ils orientaient notre attention sur l'impératif, la nécessité de nous pencher sur la question de la langue relativement à l'immigration.

M. le Président, je veux ici saluer toutes les personnes qui sont venues, les unes après les autres, contribuer à la réflexion que nous avons entamée lors des consultations, et aussi saluer la rigueur de votre présidence et du secrétariat relativement à cet épisode. Nous avons, comme l'a dit la ministre, eu un moment, disons, de collaboration, et je souhaite, pour ma part également, que cette collaboration se poursuive pour le reste du travail qui nous incombe.

Je veux revenir sur la question de la langue en lien avec l'échange, un échange entre la ministre et la présidente de la Centrale des syndicats du Québec, Mme Chabot, et je cite la ministre : «La langue, c'est la clé de l'intégration en emploi.» Nous l'avons apprécié, de ce côté-ci de la table, M. le Président. Nous aurions certes aimé une terminologie plus musclée. Si la ministre avait dit que la langue est la clé d'une intégration réussie, on aurait applaudi, même si cela nous est interdit maintenant.

• (15 h 50) •

M. le Président, nous le disons depuis longtemps, le gouvernement devrait d'abord s'assurer d'intégrer en français et de faciliter l'accès au travail pour des milliers de nouveaux arrivants qui sont accueillis chaque année au Québec. En ce sens, le gouvernement devrait, dans des approches rigoureuses appelant énergie, temps, créativité et ressources, consacrer, donc, ces éléments dans l'apprentissage du français, ce qui, vous l'avez constaté, est notre première préoccupation au-delà des compétences dont le marché de l'emploi au Québec a besoin, et préoccupation qui fut celle des premiers négociateurs des pouvoirs en matière d'immigration avec le fédéral, il y a déjà longtemps.

M. le Président, la ministre évoquait l'esprit de collaboration qui nous a habités ici ou l'esprit de collaboration dont nous avons fait preuve. Je souhaiterais, évidemment, pour le bien de tous ici, partager avec elle la connaissance qu'elle a de l'orientation générale dans laquelle s'inscrit ce projet de loi. Et, quand je parle de l'orientation générale, je veux parler de la politique-cadre en immigration. La ministre a dit que celle-ci a été validée — elle peut me contredire si elle le veut — au Conseil des ministres, donc elle existe, elle est tangible. Nous aurions, à l'étape de l'étude article par article, nous aurions aimé la voir, cette bible-là, pour pouvoir naviguer à vue comme elle le fait. Nous sommes plutôt, de ce côté-ci, dans l'obscurité totale, et ce n'est pas une situation très agréable. Plusieurs intervenants entendus ici en commission parlementaire... pour en citer quelques-uns, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la CSN, la FTQ, le Barreau du Québec, tous étaient étonnés, voire dubitatifs de constater que la nouvelle politique en matière d'immigration, pourtant promise et qui, rappelons-le, avait fait l'objet de consultations au début de l'année 2015, n'ait pas été déposé avant que nous entreprenions les consultations qui nous engagent... pardon, les... oui, avant les consultations et l'étude, pour ce qui nous engage ici aujourd'hui, l'étude article par article, M. le Président.

La ministre a certainement à coeur la qualité de notre contribution relativement à cet exercice. Mais, si nous sommes, disons, tenus dans le secret de la politique-cadre en immigration, j'ai bien peur qu'on soit parfois amenés, ici, à errer. Parce que l'absence de l'information de base n'étant pas là, nous serions enclins à deviner, à imaginer. Quand je me réfère notamment à la quarantaine d'articles dans le projet de loi, qui en recèle 125, quarantaine d'articles qui donnent des pouvoirs exceptionnels, discrétionnaires à la ministre, vous comprendrez mon désarroi, en quelque sorte. Si le souci de transparence en est un qui habite la ministre, il serait apprécié, de notre part, de devoir déposer ici, en commission, à la limite même, à huis clos, à huis clos, pour que nous puissions, à l'instar d'elle-même, naviguer à vue. Voilà ma principale doléance, M. le Président. Et je m'arrêterai là pour l'instant.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. le député. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième groupe d'opposition, la députée de Montarville, pour vos remarques préliminaires d'une durée maximale de 20 minutes.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. 20 minutes, c'est généreux, je suis ravie.

D'abord, j'aimerais vous saluer, Mme la ministre, l'équipe gouvernementale, mon collègue de Bourget également. Et, puisque je bénéficie de 20 minutes, je croyais avoir 2 min 30 s seulement, j'aimerais tout de suite ouvrir le jeu, poser une question ou, du moins, faire une remarque, et la ministre pourra nous éclairer plus tard.

Moi aussi, je viens d'entendre que la nouvelle politique en immigration suivra, alors je suis un petit peu perplexe dans la mesure où nous aimerions connaître cette politique avant peut-être de voir une loi. Et y aura-t-il une loi qui — parce qu'on est dans le projet de loi actuellement — suivra une politique, alors peut-être qu'avoir vu le contenu de la politique on aurait pu s'en inspirer aussi pour, Dieu sait, faire quelques amendements ou modifications au projet de loi actuel? Et y aura-t-il une autre loi qui suivra la politique ou la loi devance la politique? Vous me faites oui, signe de la tête, donc pas d'autre loi? Ah bon, d'accord.

Donc, la question se pose. On travaille sur le projet de loi n° 77 et la politique suivra après. Alors, tout comme mon collègue de Bourget, j'aurais peut-être aimé voir qu'y a-t-il dans la politique pour qu'on puisse arrimer le projet de loi sur lequel nous travaillons tous à cette politique pour essayer d'avoir un contenu le plus cohérent et homogène possible. Enfin, c'est une remarque que je fais parce que c'est la première fois que je travaille comme ça et j'aurais voulu qu'on m'explique, à cet égard-là, le fonctionnement.

Il y a aussi tout ce qui est du côté des règlements, on n'a pas les règlements non plus. Alors, on travaille sur un projet de loi sans avoir les règlements qui en découleront et sans savoir quelle est cette politique, cette nouvelle politique en immigration. Donc, on vous suit, on travaille ensemble, mais il nous manque beaucoup de petits morceaux.

Sur ce, d'entrée de jeu, je vous dirais : Qu'ont en commun la France, la Belgique, l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Norvège et les Pays-Bas? Je vous pose cette question-là et je vous réponds, je vous dis : Eh bien, tous ces pays ont mis en place une formation linguistique obligatoire pour les nouveaux arrivants dans le but d'assurer leur intégration à la société d'accueil et, il ne faut pas se le cacher non plus, dans le but de préserver leurs lois, leurs langues respectives. Certains de ces États ont également créé des cours d'orientation obligatoires relativement aux valeurs et aux droits fondamentaux qui prévalent dans leurs sociétés respectives. Alors, pourquoi, au Québec, une société minoritairement francophone dans un océan anglophone et anglo-américain, doit-on le dire, bien, pourquoi ne serions-nous pas capables de nous inspirer de ces pays, de ces autres démocraties pour protéger notre langue française?

Chose certaine, je vais vous le répéter, je vous l'ai dit et je persiste et signe : Nous continuons à dire qu'il faut protéger la langue française et que nous devrions rendre les cours de langue obligatoires. La pérennité et la préservation de notre langue française et l'intégration responsable, efficace et durable des immigrants doivent passer par un meilleur accompagnement en matière de francisation et la mise en place d'obligations de résultat. Le p.l. n° 77 comporte de bonnes mesures, principalement, et nous sommes d'accord avec le gouvernement pour assurer une meilleure adéquation entre les qualifications des personnes sélectionnées et les besoins de main-d'oeuvre du Québec, il faut qu'il y ait un lien entre les deux, mais on considère qu'à certains égards le projet de loi est trop faible sur d'autres volets.

Le projet de loi n° 77 est donc une occasion, une occasion pour les parlementaires de réellement moderniser notre modèle d'immigration en profondeur. Vous nous l'annoncez avec ce plan d'immigration qui s'en vient. Alors, je compte sur l'ouverture de la ministre envers les propositions, propositions d'amendement que nous allons lui soumettre pour bonifier ce projet de loi, naturellement, dans l'intérêt de toutes les citoyennes, tous les citoyens du Québec et tous ces nouveaux arrivants, ces immigrants qui deviendront eux aussi Québécois.

Alors, voilà, tout simplement, je vous soumets que nous allons travailler en toute bonne foi, en collaboration, mais que je reviendrai avec cette obligation d'apprendre cette langue, cette si belle langue qui fait notre différence, qui fait notre fierté, qui fait notre unicité au sein du Canada, et il faut la protéger.

Alors, voilà, M. le Président, pour l'ensemble de mes remarques.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres membres qui souhaitent faire des remarques préliminaires? M. le député de Mercier, pour vous permettre de faire des remarques préliminaires, j'aurais besoin de consentement des parlementaires parce que vous n'êtes pas membre de cette commission. Consentement?

Une voix : Oui.

• (16 heures) •

Le Président (M. Picard) : Oui? M. le député de Mercier.

M. Amir Khadir

M. Khadir : Merci, M. le Président. Je remercie mes collègues. Je vous présente également un membre de notre équipe qui s'est intégré récemment à l'équipe de Québec solidaire à l'Assemblée nationale, M. Casgrain, Antoine, que vous allez voir souvent dans nos travaux. Il va donc s'impliquer dans le travail qu'on va faire en commun avec un esprit, disons, constructif de collaboration pour essayer de renforcer tous les éléments, enfin, tenir compte des éléments les plus importants qui, pour la plupart, ont été mentionnés par les gens qu'on a tant entendus lors des consultations.

Nombreux, par exemple, Mme la ministre et mes collègues se rappellent, nombreux ont été les groupes qui sont venus exprimer leur inquiétude de voir une si grande importance accordée dans ce projet de loi à la dimension strictement économique. Non pas que cette dimension n'a pas son importance, mais il y a un projet d'immigration, un projet de loi qui touche à l'immigration de n'importe quelle nation, mais particulièrement d'une petite nation minoritaire en Amérique du Nord dans un océan anglophone qui a comme principale langue le français qui, pour d'autres raisons que l'immigration, pour bien d'autres raisons liées à la dynamique économique et culturelle en place est menacé de toutes sortes de façons, qu'il faut protéger, a des responsabilités, a des exigences qui requièrent qu'il y ait d'autres dimensions dans cette politique d'immigration qu'uniquement de nature à l'adéquation entre l'immigration et les besoins des secteurs économiques, les besoins du marché de l'emploi.

Il en va de la pérennité du français sur lequel plusieurs personnes et groupes, syndicats, groupements sociaux sont venus insister, mais il en va également de toute une autre dimension, c'est-à-dire une intégration harmonieuse, qui donne aux citoyens issus de l'immigration tous les moyens de s'intégrer. Tous les moyens, ça veut dire une bonne connaissance de leurs droits, de leurs obligations, une connaissance relative, en tout cas, souhaitable des repères historiques, des repères politiques, des repères administratifs et judiciaires qui sont nécessaires pour une bonne intégration.

On a parlé aussi d'accompagnement, ma collègue de Montarville vient de citer l'exemple des pays d'Europe du Nord, que ça soit des pays scandinaves, que ça les Pays-Bas. Elle a, à juste titre, parlé de l'investissement que font ces pays dans ces programmes d'intégration. Je signale simplement, sans malice, que tout ça coûte des sous, nécessite des ressources et je lui rappelle que, dans ces pays-là, heureusement, il y a des systèmes d'impôt, d'imposition qui sont beaucoup plus justes, moins, je dirais, désavantageux pour les classes moyennes et qui responsabilisent les plus riches et les entreprises pour une pleine participation dans les efforts de la société à assumer ses responsabilités notamment en matière d'intégration à l'immigration.

Donc, lorsqu'on parle d'immigration, on doit forcément quelque part avoir en tête que, si on a connu tant de problème et de ratés au cours des dernières années, c'est que, pour des raisons, je m'excuse de dire, bêtement budgétaires, parce que ça devient bête quand c'est les mesures budgétaires et des considérations budgétaires qui déterminent un projet de société, qu'est-ce qu'on a vu au cours des 20 dernières années? Ce n'est pas uniquement le gouvernement en place, mais d'autres gouvernements qui l'ont précédé ont coupé à divers moments dans notre histoire contemporaine des programmes de francisation, les cours de COFI où on a simplement...

Là, évidemment, je laisse le bénéfice du doute à Mme la ministre, qui nous a déjà dit qu'elle allait nous présenter, parce qu'on en aura besoin... je le rappelle à la ministre, on aura besoin, pour voir où et ce qu'on doit mettre dans cette loi, l'emphase sur quelle dimension, de savoir par exemple, les transferts fédéraux, comment ont-ils été ventilés. Il y a des groupes qui sont venus nous dire : ils n'ont pas été consacrés, ces budgets-là, vraiment de manière adéquate à l'intégration, à la reconnaissance des diplômes et aux services rendus aux immigrants, que parfois, quand ils ont trouvé le chemin de certains ministères, ils sont allés soustraire des budgets qui devaient être alloués déjà dans ces ministères-là, remplacer des budgets existants et non pas s'ajouter à ces budgets-là, comme ça a été mentionné à plusieurs reprises au cours des cinq dernières années, n'ont pas suffisamment servi à s'assurer que le Québec reconnaît les compétences, donne les budgets qu'il faut aux facultés, aux ordres professionnels pour intégrer les diplômés venus de l'extérieur. Donc, c'est pour avoir une bonne vision, pour pouvoir ensemble travailler à ce que le projet de loi réponde à... c'est-à-dire répare et vienne palier aux faiblesses qu'on a connues avec non seulement l'ancien projet de loi, mais les politiques qui ont gouverné en matière d'immigration... On a besoin de les avoir, ces chiffres-là, on a besoin d'avoir, oui, la politique d'immigration sur laquelle le ministère travaille. Et ça va être l'axe aussi de nos interventions, c'est-à-dire de s'assurer que cette nouvelle politique d'immigration et la loi qui l'accompagne n'ont pas comme seul impératif un impératif économique, parce que, lorsqu'on commet cette erreur, malheureusement, on se ramasse avec d'autres problèmes.

Et même, quand on fait la meilleure adéquation, mais uniquement basée sur les compétences et le savoir-faire des immigrants qui arrivent, on sait bien que, dans une ère économique marquée par la précarisation des emplois, marquée par le fait qu'il y a de moins en moins d'emplois qui, traditionnellement, étaient garantis pour 10, 15, 20 ans, les employés, on est dans un marché du travail où la plupart des personnes, dans nos économies modernes, occupent des emplois pour de brèves périodes. Qu'arrivera-t-il quand ces secteurs d'emploi qui recherchent des immigrants dans trois, quatre, cinq ans, à la fin d'un cycle économique particulier, n'auront plus besoin de cette main-d'oeuvre? Si on a uniquement visé les compétences professionnelles et non pas les compétences générales, y compris la langue, y compris les capacités d'intégration, y compris, je dirais, l'entourage familial et donc d'autres dimensions de l'immigration, en fait, on se prépare à un échec même sur le plan économique.

Ensuite, il y a des groupes qui sont venus, notamment le Conseil du statut de la femme, mais aussi des syndicats, qui sont venus nous rappeler, étant donné les ratios hommes-femmes dans certaines catégories d'immigration, notamment rapprochements familiaux, réunions familiales, qu'il est absolument important que, maintenant qu'on est en train de réviser la Loi sur l'immigration, qu'on accorde une importance particulière à la question des femmes, à une analyse différenciée selon les sexes pour s'assurer que les politiques qu'on met en place, le cadre réglementaire et législatif qu'on introduit tienne compte qu'en fait, si on n'y prend pas garde, on peut désavantager les femmes, comme souvent dans le passé nos politiques en matière économique et en d'autres matières ont désavantagé les femmes.

Le Barreau du Québec, qui n'est pas venu, mais qui a présenté un mémoire, mais aussi la Confédération des syndicats nationaux nous ont aussi mis en garde contre la possibilité de voir peu à peu l'immigration sortir du giron et... pas du giron, mais en fait que le MIDI perde sa maîtrise d'oeuvre, le ministère, et son contrôle de la gestion et de l'intégration des immigrants au profit du secteur privé avec tous les... je dirais, l'histoire qui démontre qu'il y a réellement des soucis légitimes, notamment le libellé de l'article 81, mais nous y reviendrons dans nos amendements pour s'assurer, surtout en matière d'immigration, il en va d'un projet, je dirais, de société, hein, ce n'est pas une législation technique, c'est une législation qui porte en elle une vision de la société. La pleine maîtrise d'oeuvre à tous les niveaux doit être assurée par le public. Bien sûr, le privé peut, à l'occasion, et souvent même, être un appoint, mais ne peut pas être maître d'oeuvre, alors que, dans sa forme actuelle, le projet de loi malheureusement ouvre la voie pour une dérive ou un lent glissement vers une privatisation de l'immigration.

Je voudrais aussi apporter une précision sur le souci particulier que nous avons de protéger les travailleurs temporaires. On voit, dans le libellé actuel du projet de loi, un recours, je dirais, une intention de recourir de plus en plus intensivement à des travailleurs temporaires, à des travailleurs étrangers qui viendraient temporairement remplir des besoins. Ces travailleurs-là ont besoin de protection. Vous vous rappelez, avec moi, lorsque la Commission des droits de la personne est venue témoigner sur les rappels qu'on nous a faits, sur le fait que le gouvernement du Québec doit assurer, conformément à la Charte des droits et libertés de la personne, la reconnaissance des droits des travailleurs dans ces lois et une reconnaissance qui ne doit pas dépendre de leur statut d'immigration. C'est en vertu de la charte, c'est toute personne résidant sur le sol du Québec.

• (16 h 10) •

Nous aimerions aussi apporter des suggestions qui visent à renforcer les prérogatives du Québec pour que le Québec développe une politique globale et intégrée d'immigration dans laquelle on rapatrie tous les pouvoirs nécessaires pour l'adaptation et la gestion, justement, des travailleurs et des travailleuses étrangers temporaires, de manière à pouvoir offrir les protections dont on a besoin.

Et finalement, et finalement, tous les aspects de cette nouvelle politique d'immigration qui s'adressent aux besoins économiques du Québec, on doit aussi l'envisager sous l'angle suivant. Cette immigration — la question à se poser — ce qu'on aura prévu pour l'immigration et les impératifs pour lesquels on élabore notre politique d'immigration vont-elles — vont-ils et vont-elles — aggraver les problèmes sociaux, principalement liés, souvent, à des discriminations, à des inégalités économiques qui semblent aller croissant si on laisse uniquement le marché, les règles du marché ou les besoins des entreprises, qui sont guidés par des impératifs de marché, dicter la conduite des choses? Ou non, comme société moderne démocratiquement avancée, le gouvernement encadre sa politique de mesures concrètes de manière à ce que l'immigration, comme d'autres aspects de son activité, entraîne une meilleure cohésion sociale. Et on sait qu'une meilleure cohésion sociale vient avec un accès universel à des droits, à des services dans une économie où les gens ne sont pas discriminés et ont accès à des revenus et à des conditions d'existence qui soient le plus possible égalitaires, les moins frappées par des inégalités.

Les inégalités entraînent des déséquilibres sociaux et des sources de tension. Et, si on veut les éviter, la meilleure approche, c'est que, du point de vue économique, les politiques d'immigration soient entourées des meilleures protections pour assurer que ces immigrants ne sont pas discriminés à l'emploi, qu'ils ont accès au logement, qu'ils ont accès à des sources de revenus dignes, comme on est supposés le garantir à l'ensemble de nos citoyens. Merci beaucoup, M. le Président.

Étude détaillée

Le Président (M. Picard) : Merci, M. le député de Mercier. Est-ce qu'il y a d'autres membres qui veulent faire des remarques préliminaires? Je vois que non. S'il n'y a pas de motion préliminaire, nous allons immédiatement débuter l'étude article par article.

Mme Weil : M. le Président?

Le Président (M. Picard) : Oui, Mme la ministre.

Mme Weil : Oui. J'aimerais déposer quelques amendements : un amendement à l'article 1, amendement à l'article 3, amendement à l'article 11 et un amendement à l'article 18.

Le Président (M. Picard) : Merci. Nous allons les distribuer.

M. Khadir : M. le Président, comme mon micro... à la partie gouvernementale. Est-ce que la ministre... peut-elle indiquer si elle compte procéder article par article en commençant dans l'ordre? Ou y a-t-il un impératif pour aborder un... Oui, allez-y.

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre.

Mme Weil : Bien, écoutez, ce que je propose, mais, vraiment, je pense qu'on pourrait décider ensemble, l'article 1, c'est des objets. Alors là, j'ai déposé un amendement, mais souvent — et je voulais voir un peu le consensus — on peut suspendre l'adoption et l'étude de l'article 1, parce que, souvent, ça reflète... c'est-à-dire qu'on amène des amendements à l'article 1 après avoir fait tout le projet de loi. Parce qu'il y aura beaucoup de discussions ici sur tout ce qu'on a entendu en commission parlementaire. Vous allez avoir peut-être vous aussi des choses à rajouter aux objets. Alors là, j'ai proposé un amendement à l'article 1 pour que vous puissiez voir un peu comment j'ai tenu compte de ce qu'on a entendu en commission parlementaire. Donc, les amendements que j'ai déposés, que je viens de déposer reflètent ce qu'on a entendu en commission parlementaire. Évidemment, vous allez certainement en avoir d'autres. Alors, ma proposition, pour être efficace, ça serait qu'on suspende l'article 1 afin qu'on puisse le réviser à la lumière de toutes les discussions qu'on aura tout au long de l'étude.

Le Président (M. Picard) : M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. La proposition de la ministre rejoint parfaitement les préoccupations que j'avais relativement à ce projet de loi que nous étudions à ce stade-ci sans avoir été éclairés sur l'économie générale de la politique d'immigration, c'est-à-dire la politique-cadre qui existe puisqu'elle a été validée par le Conseil des ministres. Nous ne l'avons pas sous les yeux, et je réitère ma doléance : Est-ce que la ministre est ouverte à l'idée de nous la déposer pour qu'on en prenne connaissance afin de naviguer à vue comme elle dans cet exercice? C'est une question d'équité.

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre.

Mme Weil : Ce que je répondrais à la question pour rassurer les collègues, c'est sûr que ça sera déposé sous peu, mais c'est exactement la consultation, c'est-à-dire c'est les orientations qu'on a déposées pour la consultation. Donc, le document de consultation, toute la vision était là, tout est là, le reste, c'est des stratégies d'action, c'est vraiment des stratégies d'action qui reflètent ce qu'on a entendu, et c'est ça qui sera dévoilé. Mais le document de consultation avait justement toutes les orientations. D'ailleurs, le fait qu'on mette l'accent sur une transition rapide, efficace entre l'immigration temporaire et permanente, de garder et de valoriser le Programme de l'expérience québécoise, l'arrimage entre la sélection et le marché du travail, tout ça reflète justement tout ce qu'on a entendu en commission parlementaire. Pourquoi? Parce que c'étaient les questions qui avaient été posées dans le document de consultation. Je tiens à rassurer encore une fois les députés des oppositions que c'est vraiment sous peu qu'ils prendront connaissance de la politique, mais ils ne seront pas surpris du tout de ce qu'il y a dans la politique parce que ça reflète le document de consultation.

Pour ce qui est des textes des articles qu'on va étudier, évidemment c'est vraiment une modernisation. Certains articles reprennent même ceux qui étaient déjà dans le projet de loi n° 71, comme les définitions à l'article 2, ensuite, à l'article 3, on est... Les premiers articles, on est beaucoup sur les définitions. C'est ça. Donc, c'est vraiment la planification, tout ça reflète exactement les actions que le ministère mène en matière d'immigration depuis toujours.

Les pouvoirs de la ministre qu'on retrouve à la fin de la loi, c'est là où évidemment toute la question de la politique en effet est très pertinente dans le sens qu'on voit le rôle du ministre de l'Immigration, qui a un rôle réellement transversal pour assurer la pleine participation de tous les citoyens, d'ailleurs, non seulement juste les immigrants, mais toute la société québécoise. Donc, toute la diversité ethnoculturelle se retrouve reflétée dans nos actions gouvernementales.

Il y a, en fait, 25 ministères et organismes qui ont participé à la politique, qui ont aidé à développer les stratégies d'action qu'on verra très bientôt, et c'est pour ça que c'est aux articles plus dans la deuxième partie, les articles des pouvoirs de la ministre, devoirs de la ministre... 106 et suivants. Et, à ce stade-là, vous allez bien voir la politique d'immigration, de diversité et d'inclusion à ce moment-là.

Le Président (M. Picard) : Merci. M. le député de Bourget.

M. Kotto : M. le Président, je prends la parole de la ministre, mais, étant un apôtre de l'autre, je crois ce que je vois, donc, et l'objet dont il est question ici donne la mesure de l'orientation du projet de loi. Mais jusqu'à quel point est-il pénétré de la vision du gouvernement relativement à la politique d'immigration? C'est ça, la question que je me pose. On ne l'a pas. Rien n'empêche la ministre de nous soumettre ce document à huis clos. Nous nous engagerions à ne pas en parler publiquement, et cela, au contraire, nous permettrait d'avancer comme elle avance, elle, à visière levée, à vue.

• (16 h 20) •

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre.

Mme Weil : ...d'autre commentaire pour l'instant.

M. Kotto : ...si j'entends bien la...

Mme Weil : Non, non, écoutez, je ne sais pas, là, je ne peux pas prendre cette décision tout de suite comme ça, là, cette... Mais, moi, si on regarde... Parce que, les objets, je comprends, puis, rassurez-vous, quand on reviendra aux objets, vous allez avoir vu la politique, parce que c'est vraiment très, très, très prochainement, mais on veut le faire convenablement, avec une invitation à vous aussi de participer à cette annonce. Donc, il n'y a rien qui nous empêcherait, par exemple, de regarder, dans le temps qui nous reste, des articles qui sont vraiment très, très, comment dire... des articles de définition, qui ne changent rien, hein, parce qu'on sait que c'est de compétences partagées, beaucoup de ces articles touchent justement des responsabilités du gouvernement du Québec en matière de sélection, mais aussi en matière d'accueil, d'intégration, oui, des travailleurs qualifiés, mais aussi des membres du regroupement familial et des réfugiés.

Alors, si on regarde l'article 1 — je vous le donne comme exemple, là, on ne l'a pas encore lu — vous voyez là qu'on a amené des correctifs dans l'article 2, et ça, ça ne relève pas du tout de la politique. Ce n'est pas une question de vision, là, c'est vraiment une question de corrections qu'on a amenées ici parce qu'il y avait des erreurs dans l'article 1. Je vous donne ça comme exemple, je ne veux pas commencer à lire tous les articles, mais, avec le temps que nous avons, on pourrait au moins se pencher sur les premiers articles qui suivent. Moi, je propose de suspendre l'article 1, c'est de voir si tout le monde serait d'accord avec cette proposition.

Le Président (M. Picard) : C'est ça. Pour suspendre l'étude de l'article 1, j'ai besoin du consentement de tous les parlementaires.

M. Kotto : Bien, M. le Président, à ce moment-là, pourquoi ne suspendrions-nous pas le processus?

Mme Weil : On perdrait du temps pour un projet de loi qui est super important.

M. Kotto : Mais il est important, certes, j'en conviens, mais il l'est aussi de ce côté-ci. C'est le sentiment de handicap que j'ai exprimé depuis tout à l'heure qui m'oblige, disons, à rester fermé à cette proposition. Si nous avions ce document d'orientation générale, cette politique-cadre, nous serions plus à l'aise, et je pense qu'on irait avec célérité dans l'exercice qui nous engage ici aujourd'hui.

Le Président (M. Picard) : Donc, si nous n'avons pas consentement, nous allons procéder à l'article 1.

Mme Weil : Oui. D'accord.

Le Président (M. Picard) : J'ai besoin d'un consentement pour suspendre, moi.

Mme Weil : Oui. D'accord. On procède à l'article 1, oui.

Le Président (M. Picard) : Ou on discute pendant... vous allez en parler, là.

Mme Rotiroti : M. le Président?

Le Président (M. Picard) : Oui?

Mme Rotiroti : Est-ce que je peux parler?

Le Président (M. Picard) : Oui, oui, allez-y, Mme la députée de Jeanne-Mance.

Mme Rotiroti : Il y a quelque chose que je ne comprends pas. La ministre nous propose de, justement, en souci de transparence, de suspendre l'article 1 puis continuer, parce que l'article 1 concerne les objets, puis le député de Bourget semble dire le contraire. Je veux juste bien comprendre et bien saisir l'argument, parce que je pense qu'on le fait... la ministre est de bonne foi et, justement, si le député parle de transparence, je pense qu'on ne peut pas être plus transparent que ça. Alors, l'idée, c'est de suspendre l'article 1 vu que ça traite des objets — puis je veux bien comprendre moi-même, là — et continuer, par la suite, revenir. D'ici ce temps-là, la politique va être déposée, alors, si, le ministre, c'est ça, son inquiétude, je pense que la ministre a très bien répondu puis a très bien rassuré le député de Bourget, alors je ne vois pas pourquoi qu'on fait cette obstruction-là, présentement.

Le Président (M. Picard) : On ne doit pas dire que M. le député de Bourget fait de l'obstruction, c'est un questionnement légitime, mais au niveau de... moi, dans l'application du règlement, pour suspendre, j'ai besoin du consentement.

Mme Weil : Mais je suis prête à procéder avec l'article 1.

Le Président (M. Picard) : Est-ce que ça va pour tout le monde? Mme la ministre, nous allons débuter à l'article 1, s'il vous plaît. Je prends en considération l'article 1 du projet de loi. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Weil : Donc, article 1. Donc : «La présente loi a pour objets la sélection de ressortissants étrangers souhaitant séjourner au Québec à titre temporaire ou s'y établir à titre permanent, la réunification familiale des citoyens canadiens et des résidents permanents avec leurs proches parents ressortissants étrangers et l'accueil de réfugiés et d'autres personnes en situation particulière de détresse.

«Elle vise aussi à favoriser, par un engagement collectif et individuel, la pleine participation des personnes immigrantes à la société québécoise afin qu'elles contribuent notamment à la prospérité du Québec, à son rayonnement international et à la vitalité du français.»

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre, vous avez un amendement?

Mme Weil : Bon, alors, je vais faire... Bien, j'ai déposé un amendement, alors donc, vous avez l'amendement, et je vais lire l'amendement. Alors, ce serait de remplacer le deuxième alinéa par le suivant : «Elle vise aussi à favoriser, par un engagement collectif et individuel, la pleine participation des personnes immigrantes à la société québécoise en toute égalité et dans le respect des valeurs démocratiques afin qu'elles contribuent notamment à la prospérité du Québec, à son rayonnement international, au dynamisme de ses territoires, à son enrichissement culturel par l'établissement de relations interculturelles harmonieuses ainsi qu'à la pérennité et à la vitalité du français.» Donc, je ferais des commentaires.

Le Président (M. Picard) : Oui, vous pouvez y aller.

Mme Weil : M. le Président, donc, l'ajout de «en toute égalité et dans le respect des valeurs démocratiques» affirme l'engagement du gouvernement à la fois à l'égard du droit à l'égalité et du respect des valeurs démocratiques en assurant un équilibre entre les attentes à l'égard des personnes immigrantes et la responsabilité de la société à viser l'égalité réelle.

Également, l'article 1 du projet de loi est amendé afin d'ajouter l'expression «au dynamisme de ses territoires», qui a pour but de marquer le fait que l'immigration en région contribue à son dynamisme. De plus, l'ajout de «[ainsi qu']à son enrichissement culturel par l'établissement de relations interculturelles harmonieuses» permet de mettre de l'avant l'apport de la diversité à l'essor de la société québécoise, accru par le renforcement des liens de confiance et de solidarité et l'établissement de relations interculturelles harmonieuses.

Enfin, cet amendement prévoit l'ajout de «la pérennité» avant «la vitalité du français» afin d'accentuer l'engagement du gouvernement à l'égard de la promotion du français, notamment auprès des personnes immigrantes.

Alors, M. le Président, juste pour résumer ou répéter ce que j'ai dit avant, ça reflète aussi beaucoup les commentaires qu'on a eus de nombre de groupes qui sont venus ici pour dire à quel point, d'une part, il fallait assurer la pérennité aussi du français, oui, la vitalité, la pérennité, mais vraiment mettre l'accent sur l'importance de la langue française, mais aussi des régions. Évidemment, c'était toujours la volonté de nous assurer que l'immigration contribue au dynamisme des régions, mais là c'est de le rendre plus clair dans les objets.

Le Président (M. Picard) : Merci. Interventions sur l'amendement?

M. Kotto : Oui, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : M. le député de Bourget.

M. Kotto : Je suis ouvert à l'idée d'apporter l'idée, d'amener l'idée de la pérennité et la vitalité du français, c'est une chose. Cependant, selon les propos qui ont été tenus ici et l'écoute dont nous avons fait preuve, nous retenons que le projet de loi devrait aussi avoir pour objet de favoriser la francisation et l'intégration économique, sociale et culturelle des immigrants. Et le reste, l'établissement des relations interculturelles harmonieuses, ça, on en convient. Il y a, par ailleurs, la notion des valeurs communes qui a été ramenée... donc, l'ouverture potentielle de la ministre à l'idée d'intégrer l'affirmation des valeurs communes de la société québécoise auprès des immigrants... est une chose qui viendrait enrichir son amendement. Disons que je suis ouvert à son amendement, mais on pourrait l'enrichir davantage.

Le Président (M. Picard) : Je comprends, M. le député de Bourget, que vous allez élaborer un sous-amendement?

M. Kotto : Oui, j'aimerais apporter un sous-amendement, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Je vais suspendre quelques instants afin de permettre à M. le député de Bourget d'écrire son sous-amendement.

(Suspension de la séance à 16 h 30)

(Reprise à 17 h 59)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux. Je confirme qu'il y a eu de bonnes discussions entre les différents députés, et j'ajourne sine die, et je vous encourage à poursuivre vos discussions privément pour qu'on puisse avancer dans les différentes étapes du projet de loi. Donc, merci et bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 heures)

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