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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mardi 11 juin 2019 - Vol. 45 N° 28

Étude détaillée du projet de loi n° 9, Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Intervenants

Mme MarieChantal Chassé, présidente

M. Christopher Skeete, président suppléant

M. Simon Jolin-Barrette

M. Monsef Derraji

Mme Dominique Anglade

Mme Paule Robitaille

Mme Stéphanie Lachance

Mme Suzanne Dansereau

Mme Lucie Lecours

M. Robert Bussière

M. Samuel Poulin

Mme Méganne Perry Mélançon

M. Andrés Fontecilla

Journal des débats

(Dix heures dix-huit minutes)

La Présidente (Mme Chassé) : On commence? Merci. Je constate le quorum et je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques ou la fonction de vibration.

La commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 9, la Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Jacques (Mégantic) est remplacé par M. Bussière (Gatineau); M. Lévesque (Chauveau) est remplacé par Mme Dansereau (Verchères); M. Birnbaum (D'Arcy-McGee) est remplacé par M. Derraji (Nelligan); Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis) est remplacée par Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne); Mme Dorion (Taschereau) est remplacée par M. Fontecilla (Laurier-Dorion); et M. LeBel (Rimouski) est remplacé par Mme Perry Mélançon (Gaspé).

Étude détaillée (suite)

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le secrétaire. Lors de l'ajournement de nos travaux hier, le député de Nelligan avait retiré une proposition d'amendement à l'article 9 du projet de loi. M. le député, je pense... simplement... C'est M. le député de Nelligan qui va... Très bien. Je pense que vous avez un nouvel amendement à nous présenter, et je vous cède la parole. Vous l'avez avec vous.

M. Derraji : Oui. Merci, Mme la Présidente. Donc, hier, à la fin de la séance, j'ai retiré l'amendement que j'ai déposé pour déposer un autre, suite aux discussions et aux échanges que nous avons eus avec le ministre. Donc, l'amendement se lit comme suivant :

L'article 9 du projet de loi est modifié par le remplacement, au premier alinéa de l'article 21.1 du projet de loi sur l'immigration au Québec qu'il propose, de «la création régionale ou sectorielle d'entreprises ou le financement de celles-ci» par «le financement ou le repreneuriat d'entreprises ou la création régionale ou sectorielle de celles-ci». Donc, je le dépose, Mme la Présidente.

(10 h 20)

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien, merci. Et est-ce que vous désirez nous introduire à votre nouvel amendement?

M. Derraji : Oui, absolument. Donc, comme je l'ai mentionné hier, Mme la Présidente, l'article que nous avons eu devant nous ne parlait pas d'un point qui est très important pour l'économie du Québec. Je l'ai mentionné, au courant des cinq, 10 prochaines années, le Québec va faire face à un départ aussi de pas mal de patrons, et on va se ramasser avec beaucoup d'entreprises qui vont chercher des patrons. Donc, c'est dans ce sens que j'ai proposé cet amendement que... permettre aux nouveaux arrivants, aux ressortissants étrangers de pouvoir reprendre aussi des entreprises.

Avec cette reprise d'entreprises, Mme la Présidente, donc, au-delà d'aller dans la création d'entreprises... mais aussi on va pousser les gens d'une manière indirecte à aller en région et prospecter d'autres opportunités d'affaires en région. Donc, pour nous, l'ajout du repreneuriat au niveau régional va favoriser énormément la régionalisation des entreprises, mais aussi pousser les gens qui avaient comme habitude... comme point d'attache la grande région métropolitaine, d'explorer d'autres régions, vu les opportunités d'affaires qu'ils vont avoir devant eux.

Donc, c'est ça, l'essence même, Mme la Présidente, de mon amendement, et je remercie le ministre par rapport aux échanges que nous avons eus hier dans ce sens. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre, est-ce que vous désirez intervenir? Parce qu'il y a la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne qui se signifie. Alors, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, allez-y.

Mme Anglade : Bien, écoutez, par rapport à cet amendement, j'aimerais simplement souligner le fait que nous avons des dizaines de milliers d'entreprises qui vont changer de main, et il y a véritablement une crainte, dans le milieu économique, que les entreprises ne puissent pas trouver repreneur. Et il y a eu différentes initiatives qui ont été mises de l'avant, notamment le CETEQ, qui permet justement de trouver un bassin d'entrepreneurs prêts à aller chercher ces entreprises-là. Mais les personnes, les cédants, en fait... Il y a toute une campagne de sensibilisation qu'on devrait faire aussi par rapport aux cédants parce qu'on sait qu'ils vont devoir changer de main, mais ça prend environ sept ans pour transférer une entreprise, c'est un travail qui est colossal. Et, lorsque l'on réfléchit en matière d'immigration, toute personne qui a déjà été entrepreneur, toute personne qui a déjà repris une entreprise pourrait définitivement contribuer à ça. Mais la seule chose qu'il faut mentionner, c'est qu'il va falloir qu'elles soient accompagnées, ces personnes-là, également. C'est bien qu'on favorise ces personnes en matière de repreneuriat, mais il faut qu'elles soient accompagnées parce que c'est complexe, et tu arrives dans un nouveau pays, tu veux reprendre une entreprise, tu as une certaine expertise, mais il y a plein de rouages que tu dois apprendre dans tout ça.

Une des institutions, un des organismes qui a vu le jour, et c'est pour ça, je pense, que ça mérite d'être souligné... un organisme qui s'appelle Entreprendre ici. Et l'objectif, c'est justement de sensibiliser les gens issus de l'immigration. Alors, ça peut être des deuxième et troisième générations, mais des premières également, issues de l'immigration, à considérer se lancer en entreprise, à considérer reprendre des entreprises dans les différentes régions du Québec. Il y a eu plusieurs tournées de repreneuriat au Québec pour aller sensibiliser les gens. Donc, je pense que c'est un volet qui est essentiel, d'un point de vue économique, surtout lorsqu'on atteint les taux de chômage que l'on a aujourd'hui.

Et je pense que, dans le discours du ministre, toute la question de repreneuriat devrait vraiment être mise de l'avant. On ne l'a pas beaucoup vue jusqu'à présent puis on n'en a pas parlé jusqu'à présent, mais, dans les échanges que nous avons eus, on a pensé que c'était un accent qui était fondamental. Et, à voir la réaction des députés du gouvernement hier qui disaient : Bien oui, je pense qu'effectivement c'est un sujet qui est pertinent, je pense qu'il faut qu'on se le mette en bouche, qu'on en parle, qu'on agisse par rapport à ça, et, dans les sommes qui vont être allouées d'un point de vue immigration, qu'on soit en mesure de peut-être même faire un effort particulier dans l'évaluation, une grille particulière pour ceux qui sont capables de reprendre des entreprises, parce que c'est ça, également, que ça va nous prendre, comme force de frappe au Québec, pour faire avancer ce dossier-là. Donc, j'espère qu'au-delà de l'amendement que nous faisons aujourd'hui, ça va aller plus loin encore, d'un point de vue immigration, sur ce volet-là, qui reste incontournable à mon sens.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, Mme la députée. Y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, Mme la Présidente. Simplement dire, comme je l'ai dit hier, que je pense qu'il s'agit d'un bon amendement de la part du député de Nelligan, et ça permet d'assurer, notamment, la pérennité des entreprises du Québec. Donc, c'est favorable.

La Présidente (Mme Chassé) : Y a-t-il d'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix. Est-ce que l'amendement à l'article 9 est adopté? Il y a une demande de vote nominal. M. le secrétaire.

Le Secrétaire : M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Pour.

Le Secrétaire : Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne)?

Mme Anglade : Pour.

Le Secrétaire : Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé)?

Mme Robitaille : Pour.

Le Secrétaire : M. Jolin-Barrette (Borduas)?

M. Jolin-Barrette : Pour.

Le Secrétaire : Mme Lachance (Bellechasse)?

Mme Lachance : Pour.

Le Secrétaire : Mme Dansereau (Verchères)?

Mme Dansereau : Pour.

Le Secrétaire : Mme Lecours (Les Plaines)?

Mme Lecours (Les Plaines) : Pour.

Le Secrétaire : M. Bussière (Gatineau)?

M. Bussière : Pour.

Le Secrétaire : M. Skeete (Sainte-Rose)?

M. Skeete : Pour.

Le Secrétaire : M. Poulin (Beauce-Sud)?

M. Poulin : Pour.

Le Secrétaire : M. Fontecilla (Laurier-Dorion)?

M. Fontecilla : Pour.

Le Secrétaire : Mme Perry Mélançon (Gaspé)?

Mme Perry Mélançon : Pour.

La Présidente (Mme Chassé) : Abstention. Oui?

Le Secrétaire : Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Chassé) : MarieChantal Chassé de...

Le Secrétaire : Mme Chassé?

La Présidente (Mme Chassé) : Hein? C'est ça? Bon. Alors...

Le Secrétaire : Bien, Châteauguay.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Oui? Est-ce qu'on le dit? C'est-u ça? Je ne m'en rappelle même plus. Bon. Bien, abstention.

Le Secrétaire : Abstention.

La Présidente (Mme Chassé) : Donc, l'amendement proposé par le député de Nelligan à l'article 9 est adopté à l'unanimité. Nous revenons aux discussions à l'article 9. Y a-t-il d'autres interventions? Ah! C'est qui, le premier? M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. En fait, dans la même logique de ce que nous avons... que nous venons d'adopter au niveau du repreneuriat, je voulais juste ajouter quelques points, par rapport à l'article 9, parce que c'est là où on parle vraiment de la régionalisation. Et je sais que, le ministre, il est sensible à ça. Il est sensible à la régionalisation aussi. Et je l'ai vécu personnellement, les deux dernières années, avec plusieurs organismes. Et je pense que, si on veut, en tant que législateurs, en tant que parlementaires aussi, contribuer à la régionalisation de l'immigration, la voie de l'entrepreneuriat et le repreneuriat est très important. Et j'espère que le ministre, au niveau de la planification... Parce que ça nécessite beaucoup de coordination avec d'autres organismes, donc, notamment Investissement Québec, notamment le ministère de l'Économie, notamment l'ensemble des partenaires dédiés à l'entrepreneuriat et à l'accompagnement. C'est une très belle façon d'encourager les gens à s'installer en région, soit en prenant en considération une entreprise qui existe déjà ou bien se lancer carrément en affaire. Et ce volet-là, on ne l'a pas vu depuis le début. Et je saisis l'occasion parce que c'est venu sur la table depuis hier, et, dans un mode de construction, vraiment, avec la ministre, je sais que, son équipe, elle est là, de garder sous l'oeil cet aspect. Parce que, oui, par rapport à la régionalisation et envoyer des employés... Parce que le besoin de la main-d'oeuvre, Mme la Présidente, comme on le sait tous, il est criant. Il est criant, et c'est... On le voit, donc, dans plusieurs régions. Mais ce que nous sommes en train de voir au Québec, c'est bâtir un écosystème, un écosystème basé sur des communautés qui vont s'installer en région, mais ils vont y rester.

Moi, c'est le mot «rester» qui me préoccupe le plus. Pour rester, l'ancrage le plus important, c'est bâtir ton entreprise. L'ancrage le plus important, c'est avoir la responsabilité, au-delà du développement économique, mais une réussite professionnelle. Et la plupart des études le démontrent, Mme la Présidente, que les nouveaux arrivants — ça, c'est au niveau canadien, à l'échelle canadienne — les nouveaux arrivants, le taux de succès de l'entrepreneuriat, il est très important. Un, ils prennent plus de risque. Deux, pour eux, l'entrepreneuriat, c'est l'épanouissement, c'est la réalisation de leur projet d'immigration.

• (10 h 30) •

Donc, juste pour qu'on reste et qu'on garde ça en tête, que, oui, l'article présent ne cible pas à 100 % l'entrepreneuriat, parce que nous avons eu l'occasion de parler de conditions liées à la résidence permanente, etc., mais j'espère, j'espère qu'au niveau de l'entrepreneuriat des immigrants, on va le voir autrement. Parce qu'au-delà d'attaquer le taux de chômage de certaines communautés, bien, on va favoriser le développement économique régional. Et Dieu sait que le développement économique régional est très important pour la vitalité régionale. Donc, ça, c'est un point important.

L'autre point très important... Et c'est vu que, quand tu as des entrepreneurs issus de certaines communautés qui s'installent en région, ça favorise l'arrivée d'autres personnes parce que l'attachement régional, ça encourage d'autres communautés à venir, et nous avons plusieurs exemples au niveau de plusieurs régions, Mme la Présidente. L'arrivée de certaines communautés... Le tissu social, il est très important. Et ça, ce n'est pas juste le rôle de l'État. L'État ne peut pas accompagner individuellement chaque individu, mais l'État peut favoriser la mise en place de systèmes qui vont encourager les immigrants à rester en région.

Donc moi, ce que... J'invite l'ensemble des parlementaires à réfléchir au-delà de juste l'article. Ce que nous sommes en train de régler avec le projet de loi que le ministre nous propose aujourd'hui, et le titre le dit, c'est vraiment la prospérité socioéconomique. Moi, ça me tient beaucoup à coeur, la prospérité socioéconomique, mais je ne veux pas qu'on garde uniquement l'angle de l'employé, l'immigrant employé qu'on va ramener en région. Il faut qu'on prenne aussi en considération l'entrepreneur immigrant qui va jouer un double rôle. Le premier rôle, Mme la Présidente, c'est le rôle de l'employeur. Donc, le premier rôle de l'immigrant entrepreneur, c'est l'immigrant employeur, qu'on doit accompagner, comme ça a été dit par ma collègue. Le deuxième, c'est aussi la vitalité économique des régions. Donc, j'espère que... et c'est vraiment dans un mode de construction, je sais que l'équipe de M. le ministre sont très sensibles à ça, mais pensons au-delà de juste l'article.

Le projet de loi, il est très important. Il parle d'une intégration et favoriser l'intégration socioéconomique. Et la voie de l'entrepreneuriat, elle est très importante sur ce que nous avons mis déjà en place, elle est très importante, à savoir l'accompagnement par des mentors. Le financement existe. Ce qui reste à faire, c'est quelqu'un qui va prendre le «lead» de regrouper tous ces partenaires, ne pas que la personne ou l'entrepreneur immigrant ne soit... qu'on ne le perde pas dans le système. On l'a dit toujours, depuis le début, l'entrepreneur ou le milieu des affaires déteste l'incertitude. Mettez-vous à la place de quelqu'un qui arrive dans un pays et il veut se lancer en affaires : l'incertitude, elle est énorme. Je sais que le ministre a mis un budget important au niveau de la prospection. Je ne sais pas, dans le «target» du ministère, la place qu'il veut donner aux entrepreneurs immigrants, je sais que c'est une nouvelle classe, mais concrètement, et on le voit dans plusieurs régions...

Et je veux juste vous partager... Je veux ouvrir une parenthèse, Mme la Présidente, j'étais impliqué, les deux dernières années, au niveau du transfert d'entreprises. Et nous avons lancé une étude. Et, croyez-moi, le nombre d'appels que nous avons reçus en région pour des gens qui veulent vendre leur dépanneur, leur auberge, des motels, était énorme. Et ils nous disent : Je suis prêt à accompagner la personne, je suis prêt à être son employé pour l'accompagner parce que je ne veux pas perdre ma business, parce que j'ai à ma charge une dizaine d'employés. Et, si je quitte, c'est ces personnes-là que je vais perdre. Et c'est ma région, je ne veux pas quitter ma région, je veux continuer à vivre dans ma région.

Donc, je ne sais pas, au niveau du ministère, parce que là, on vient d'ouvrir un nouvel aspect qui est très important, mais j'aimerais bien juste sensibiliser le ministre à ce point, et à son équipe de garder sous l'oeil cet axe, parce que ça risque d'être un nouveau MIDI, un nouveau ministère qui va ramener de la valeur au niveau de nos régions. Donc, ne pas, justement, garder en tête que la voix des employés, mais la voix des entrepreneurs. Donc, je ne sais pas qu'est-ce que le ministre pense, par rapport à ça, ou bien c'est dans les plans au niveau du recrutement que vous faites à l'international, de garder cet aspect de l'entrepreneuriat, et vous pouvez même ramener avec vous l'ensemble de ces partenaires, parce que vraiment tout est prêt. Tout est prêt pour charmer des entrepreneurs à venir reprendre au Québec et aussi commencer leur projet entrepreneurial. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Est-ce que vous désirez intervenir, M. le ministre? Allez-y.

M. Jolin-Barrette : Oui. Mme la Présidente, j'entends bien les commentaires du député de Nelligan. Effectivement, le transfert d'entreprises, c'est important, la reprise d'entreprises, dans toutes les régions du Québec. Et sachez, Mme la Présidente, que je suis sensible à l'intervention du député de Nelligan pour faire en sorte de s'assurer que les entreprises du Québec puissent être reprises, et que, oui, lorsqu'on va chercher des personnes immigrantes à l'étranger, on va chercher beaucoup des travailleurs qualifiés, mais également des programmes d'immigrants entrepreneurs aussi, qui pourraient être davantage valorisés. Alors, c'est quelque chose que je voulais regarder aussi parce qu'honnêtement, lorsqu'on souhaite créer des emplois, on souhaite avoir du dynamisme aussi. Il n'y a pas uniquement des travailleurs qu'on a besoin, il y a des gens qui ont le goût du risque, qui ont le goût de développer, qui souhaitent entreprendre, et, notamment pour augmenter la richesse, les salaires au Québec, tout ça, pour rattraper notre retard par rapport aux autres provinces, je suis très sensible à cette réalité.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le ministre. Oui, M. le député de Nelligan, vous désirez poursuivre? Allez-y, oui.

M. Derraji : Oui. Question très rapide. Dans le plan que vous avez mis, de prospection — je sais que l'effort, il est pas mal concentré sur les employés — est-ce qu'il y a une volonté de regarder pas uniquement les employés mais aussi des entrepreneurs? Et, si c'est oui, est-ce que, dans vos plans, il y a l'accompagnement avec des organismes que c'est très crédible, au niveau de vos missions?

M. Jolin-Barrette : En fait, vous savez, lorsque le Québec sélectionne, il sélectionne dans les différentes catégories, à la fois le travailleur qualifié, les investisseurs, à la fois les entrepreneurs. Mais c'est sûr qu'on veut travailler d'une façon paramétrique surtout. Le parcours personnalisé qu'on est en train de développer, c'est notamment pour les travailleurs qualifiés, mais ce n'est pas uniquement pour les travailleurs qualifiés.

Et l'autre élément, aussi... Quand je vous disais, là, on arrête de travailler en silo, là, bien, Emploi-Québec travaille déjà avec les entreprises, O.K.? Donc, si vous avez des repreneurs d'entreprise, ils vont pouvoir avoir accès aux programmes d'Emploi-Québec, notamment de l'accompagnement en entreprise, et, nous aussi, on va être là pour soutenir l'ensemble des personnes qui décident d'immigrer au Québec, pas uniquement les travailleurs qualifiés.

Pour nous, l'important, Mme la Présidente, là, peu importe à quelle catégorie d'immigration vous appartenez, c'est que l'intégration soit réussie et qu'on fasse des efforts pour que, peu importe la catégorie, ça soit facilitateur, la venue et l'arrivée au Québec. Parce qu'il faut être — et la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne le dit souvent — attractif. Je suis d'accord avec ça. Il faut faciliter la venue des gens qui viennent au Québec.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Merci, M. le ministre. M. le député de Nelligan, vous poursuivez?

M. Derraji : Oui, très rapidement, désolé, merci, Mme la Présidente. En fait, ce que j'aimerais savoir, c'est que... Dans vos missions de prospection, est-ce qu'il va y avoir une attention particulière sur cette catégorie? Parce que je sais que ce qu'on fait, c'est vraiment des immigrants, la catégorie économique, et je sais qu'il y a plusieurs catégories, mais, en fait, c'est un changement de paradigme. C'est que vu l'état de l'économie présentement, avec le départ pour les prochaines années, la tâche va être très difficile pour le Québec de remplir ces départs. Donc, je me dis, quand on part en prospection, moi, je connais des gens qui ne sont pas intéressés à venir au Québec pour être des employés. Par contre, ils voient la proximité aux États-Unis, ils voient l'environnement économique favorable et ils veulent se lancer en affaires. Mais les critères qu'on a, parfois, certains entrepreneurs, ils ne peuvent pas avoir accès au Québec. Donc, c'est tout un changement de paradigme que je vous propose parce que toutes les conditions poussent l'immigrant à s'installer en région. C'est sûr qu'il ne va pas quitter et, s'il s'installe avec son entreprise, c'est tout le Québec qui va gagner.

En fait, ma question : Est-ce que, vraiment, dans vos missions de prospection, il va y avoir une attention particulière par rapport à une catégorie d'entrepreneurs ou repreneurs qui ont les moyens, mais qui sont prêts, genre, à ce que vous allez leur dire : Écoutez, pour telle région, il y a un besoin, bien, on va remplir ce besoin dans cette région parce que l'opportunité d'affaires, elle est là.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, M. le ministre.

• (10 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, je reviens à mon histoire de silo, là. Le ministère du Développement économique aussi porte une attention particulière à cela. Donc, oui, nous, travailleurs qualifiés, on va regarder les entrepreneurs aussi, mais, au niveau des entreprises, au niveau des investisseurs aussi, il y a un gros rôle qui est joué aussi par Investissement Québec, par le ministère du Développement économique aussi.

Ça fait qu'on va travailler en synergie avec Emploi, nous, Immigration, aussi Développement économique aussi. Ça, ça se fait autant à l'extérieur du Canada, mais aussi à l'intérieur du Canada aussi pour le ministère du Développement économique. Mais c'est sûr qu'à l'international on a des partenaires comme Montréal International, Québec International qui, eux, touchent à ça aussi parce qu'ils ne font pas juste présentement des travailleurs qualifiés, ils font beaucoup de PMI à Montréal International, mais aussi des investissements puis aller chercher des entreprises aussi, ça fait qu'on va avoir une approche cohérente et globale sur tout, puis on est très sensibles à ce que le député de Nelligan dit.

La Présidente (Mme Chassé) : Simplement vous mentionner que la députée de Gaspé s'est aussi signifiée pour vouloir prendre la parole.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Parfait. Poursuivez, M. le... Vous voulez terminer? Allez-y.

M. Derraji : Oui, oui, juste terminer par rapport à un point. Je comprends le rôle de Montréal International, mais, ce que je propose au ministre, c'est que, parfois, l'entrepreneur que je cherche pour aller en Gaspésie ou pour aller dans une autre région, probablement, ce n'est pas le même entrepreneur que je veux dans l'industrie du jeu de vidéo à Montréal. On ne parle pas des mêmes moyens, et, probablement, ce n'est pas le rôle de Montréal International, à moins... si ça change.

Ce qu'on veut, c'est des gens qui vont être prêts à reprendre un motel, ou un dépanneur, ou une petite business de fabrication de fenêtres dans une région, que... Ce n'est pas uniquement le chiffre d'affaires qui est très important, mais déjà, un, d'accepter d'aller en région — là on parle de la régionalisation — deux, de garder l'entreprise vivante, trois, de garder ses employés, quatre, le fait de venir au Québec, ce n'est pas le même... de la même façon que ce qu'Investissement Québec fait ou Montréal International.

Investissement Québec et Montréal International, ils ont un «target» de certaines entreprises avec un volume très important. On parle d'emplois super bien payés, on parle de secteurs d'activité très ciblés, bien, probablement intelligence artificielle, jeux de vidéo, des secteurs ciblés par le Québec. Ce que je vous propose aujourd'hui, c'est probablement un changement de paradigme avec des nouveaux individus ou des nouveaux entrepreneurs qui... Le but principal de cette proposition, c'est viser une régionalisation dans une région bien précise, sachant le tissu économique. Prenons, par exemple, Charlevoix, prenons la région de Mont-Tremblant. On sait que c'est l'industrie touristique, mais il y a des gens qui aimeraient venir s'installer dans cette région parce que dans leur pays d'origine ils ont travaillé dans l'industrie touristique. Au fait, c'est ça que je veux véhiculer avec ma question, sachant que le MEI fait du bon travail, à Montréal International aussi et Investissement Québec.

Mais, probablement, on passe à côté d'autres opportunités que le besoin, il est énorme pour des petites business en région. Je ne sous-estime pas les petites business versus les jeux de vidéo, mais les deux, c'est très important pour l'économie du Québec, et, je dirais même, vu le contexte actuel, je vais être beaucoup plus sensible à des business en région parce que leur impact, il est majeur. Leur fermeture, elle est beaucoup plus majeure qu'une autre industrie qui reçoit beaucoup d'aide et beaucoup d'amour de la part de notre gouvernement.

La Présidente (Mme Chassé) : Mme la députée de Gaspé, la parole est à vous.

Mme Perry Mélançon : Merci, Mme la Présidente. En fait, c'est un cas assez précis de ce que le député de Nelligan discute, justement, en ce moment en région. Juste un cas, pour montrer un peu des fois l'aberrance de ce qu'on nous demande ou de ce qu'on demande aux investisseurs de faire pour pouvoir acquérir une entreprise, puis là on parle seulement d'un petit gîte à Percé. Ça fait déjà quelques années de ça, et puis c'était un couple de Français qui voulaient acquérir le gîte pour pouvoir l'opérer à l'année, reprendre une entreprise, et puis on leur demandait d'avoir une formation académique de deux, trois ans en gestion touristique pour opérer un gîte de trois, quatre chambres. Et puis ils étaient prêts, ils avaient l'argent, ils avaient tout. Ils avaient vraiment l'intérêt de venir s'installer en permanence à Percé, et puis on leur a refusé l'entrée et l'achat du gîte parce qu'ils n'avaient pas les compétences académiques pour opérer un gîte touristique.

Donc, déjà là, on voit qu'il y a des petits... des failles comme ça qui nous ne nous permettent pas, des fois... qui nous empêchent de faire entrer au pays des gens très compétents qui viendraient assurer une relève entrepreneuriale. Donc, est-ce que c'est... Je ne le sais pas si c'est le MIDI ou si c'est au niveau fédéral que ça a bloqué, mais est-ce que le ministère entend un peu revoir tout ce qui est compétence, reconnaissance des acquis ou alléger justement ce qu'on demande à certains entrepreneurs ou des investisseurs intéressés? Est-ce qu'il y a une révision en cours pour pallier à tout ce genre de problème là?

La Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, écoutez, dans les deux cas, autant les commentaires du député de Nelligan que les commentaires de la députée Gaspé sont pleins de sens, Mme la Présidente. Je pense qu'on s'entend là-dessus. Je vais porter une attention particulière aux commentaires qui m'ont été soulevés, mais c'est sûr, Mme la Présidente, que, lorsqu'on va chercher des entrepreneurs, bien entendu, ce n'est pas uniquement des entrepreneurs à Montréal, dans le secteur des jeux vidéo, qu'il faut faire. Et d'ailleurs l'article 9 nous permettrait justement de faire en sorte de dire : Bien, écoutez, vous voulez venir au Québec, bien, l'entreprise que vous achetez ou l'entreprise que vous créez, c'est en Gaspésie, c'est en Abitibi, c'est dans Lanaudière, donc d'ajouter certaines conditions aussi, c'est conditionnel à ça. Alors, voyez-vous, il y a du bon dans l'article 9, qui permettrait d'imposer certaines conditions.

Pour ce qui est des critères au niveau de la révision associée à la formation, tout ça, ça demanderait davantage de vérifications puis d'avoir le dossier complet pour que je puisse émettre un commentaire précis sur l'exemple que donne la députée de Gaspé.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, Mme la députée de Gaspé.

Mme Perry Mélançon : Mais, de manière générale, sans aller dans le spécifique, on a très peu d'information par rapport à tout ce qui est reconnaissance des acquis, des diplômes, des expériences de travail à l'étranger. Je pense que c'est un pan un peu qui est manquant dans le projet de loi qu'on étudie actuellement. Donc, il y a plusieurs articles, oui, qui vont pallier à certaines problématiques, comme je viens de mentionner, des conditions qu'on va pouvoir imposer, mais, si on ne prévoit pas s'attarder à tout ce pan-là, le défi... Parce que je pourrais continuer avec beaucoup d'exemples de gens qui quittent vers l'Ontario parce qu'ils sont techniciens dans le domaine de l'électricité, pratiquement quasiment ingénieur dans leur pays, puis ils arrivent ici, puis il faut qu'ils repassent par tout le programme, trois ans en technique d'électricité, puis finalement, ces gens-là, ils nous quittent, là, puis c'est des emplois qui sont à combler, des postes. Chez nous, en Gaspésie, c'est quelqu'un qui aurait pu se trouver un emploi très, très rapidement puis qui est obligé d'aller faire ses études à Bonaventure, qui est à deux heures de route, puis, tu sais, ce n'est pas une qualité de vie pour un nouveau résident ou quelqu'un qui essaie de venir s'installer. Puis même, je pense, une pneumologue, aussi, qui était intéressée à venir s'établir en Gaspésie, puis qu'elle ne pouvait même pas pratiquer ni même être infirmière ni rien de tout ça, donc elle a dû...

La Présidente (Mme Chassé) : ...

Mme Perry Mélançon : Pardon?

La Présidente (Mme Chassé) : Quel était le métier?

Mme Perry Mélançon : Une pneumologue.

La Présidente (Mme Chassé) : Une pneumologue, O.K.

Mme Perry Mélançon : Du Pérou, qui avait un conjoint, je crois, en Gaspésie ou, en tout cas, qui a essayé de venir pratiquer chez nous, dans la région, puis qui n'a pas pu parce qu'elle n'avait pas, j'imagine... je ne sais pas, il fallait qu'elle prouve ou qu'elle démontre sa compétence ou je ne sais pas qu'est-ce qu'ils leur demandent exactement comme paperasse, mais il semblerait qu'en Ontario elle a pu aller pratiquer. Donc, on dirait que c'est ici, finalement, c'est au niveau provincial qu'il semble y avoir des irrégularités ou des différences avec d'autres provinces du Canada. Donc, je pourrais continuer, il y a beaucoup de beaux témoignages, bien, de tristes témoignages, finalement, qu'on entend un peu partout au Québec par rapport à la reconnaissance des acquis.

• (10 h 50) •

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, Mme la députée de Gaspé. C'est intéressant. C'est vraiment très intéressant. M. le ministre, est-ce que vous désirez... Y a-t-il d'autres interventions sur l'article 9 amendé? M. le ministre, oui, allez-y.

M. Jolin-Barrette : Juste pour boucler la boucle là-dessus, même si ça ne touche pas l'article 9. Est-ce qu'il y a de l'amélioration à faire? La réponse, c'est oui. Est-ce qu'il y a des cas qui sont arrivés? La réponse, c'est oui. Est-ce qu'il faut travailler à trouver une solution puis à simplifier? La réponse, c'est oui.

Cela étant dit, il y a deux choses. Lorsque ça touche le système professionnel, donc, lorsque quelqu'un est membre d'un ordre, d'un des 46 ordres professionnels au Québec, lorsqu'il y a des actes réservés ou lorsque c'est des titres réservés, prenons la première catégorie, lorsque c'est des actes réservés, exemple, ingénieur, exemple, avocat, exemple, dentiste, pharmacien, architecte, bon, dans ces cas-là, l'ordre professionnel a l'obligation de... Bien, en fait, tous les ordres professionnels ont l'obligation de s'assurer de la protection du public, donc il y a des normes qui sont établies, tout ça.

Au niveau des statistiques, la majorité des demandes de formation supplémentaire ou de non-reconnaissance se situent au niveau de cinq ou six professions sur les 46 professions. Il y a des reconnaissances partielles, il y a des reconnaissances entières. Souvent, quand il y a des reconnaissances partielles, il y a des exigences de stage, de mise à niveau ou de suivre de la formation à l'école, à l'université, supposons. Lorsque c'est une formation à suivre ou de stage, la difficulté, puis ce sur quoi il faut travailler, ça, on va travailler ensemble, avec le ministère de la Justice, parce que c'est Justice qui est responsable des ordres professionnels, puis le ministère de l'Éducation, et également Santé pour les professions du domaine de la santé, c'est la disponibilité.

Exemple. Si l'ordre professionnel vous dit : Ah! bien, il faut aller faire tel, tel, tel cours, mais que le programme universitaire, dans le fond, bien, c'est donné sur deux ans, les cours, bien ça n'a pas d'allure parce que la personne va se dire : Bien là, moi, il va falloir que je mette sur «hold» deux ans ma vie et ma pratique professionnelle. Ça fait que souvent on va dire : Bien, plutôt que d'aller aux études deux ans, je vais migrer vers un autre métier où quelque chose de moindre... Exemple, si vous étiez ingénieur, vous allez devenir, supposons, technicien, vous allez pouvoir faire le travail de technicien. Ça fait que ça, c'est des choses qu'il faut corriger.

Dans le réseau de la santé, supposons, parfois il y a des demandes de stage, parfois, dans le réseau de la santé, les stages ne sont pas disponibles ou il n'y a pas assez de personnel d'encadrement pour superviser les stages. Ça fait que ça aussi, c'est quelque chose qu'il faut regarder.

Pour les métiers non régis par un ordre professionnel, le ministère de l'Immigration émet une attestation d'équivalence en fonction de qu'est-ce que ça représente, supposons, dans le système scolaire québécois, la formation. Et ça, c'est important aussi, parce que, parfois, dans certains pays, on peut posséder tel titre, mais, dans le système scolaire québécois, ce n'est pas la même chose aussi. Ça fait qu'il faut regarder ça aussi pour classifier la personne de la bonne façon. Mais je suis d'accord avec vous, il y a du travail à faire avec les ordres professionnels.

Il y a le pôle de coordination qui a été mis en place par Mme Vallée, à l'époque, puis il faut travailler ensemble à améliorer les choses. Cela étant dit, comme je vous dis, il existe des histoires, mais ce n'est pas le lot de toutes les histoires aussi.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Merci, M. le ministre. Alors, des propos éclairants, mais j'invite tous à se recentrer sur l'article 9 amendé. Y a-t-il d'autres interventions sur l'article 9? Vous vouliez encore parler, Mme la députée de Gaspé?

Mme Perry Mélançon : Non, mais je trouve ça intéressant, quand même, qu'on parle...

La Présidente (Mme Chassé) : C'est très intéressant.

Mme Perry Mélançon : ...de ces éléments-là parce qu'ils sont absents. Ça fait que, donc, je ne sais pas à quel article on pourrait en rediscuter, de toute façon. Je veux dire, tu sais, c'est des mesures d'intégration...

La Présidente (Mme Chassé) : Absolument.

Mme Perry Mélançon : ...qui, pour moi, correspondent à l'objectif du projet de loi, c'est-à-dire de mieux intégrer les nouveaux arrivants avec les besoins du marché du travail, donc. Et je pourrais continuer, je ne le fais pas, là, mais il y a d'autres mesures d'intégration, il y a toute la discrimination à l'embauche, les C.V. anonymes, tout ça. Ça aurait pu faire partie d'un projet de loi encore plus complet. Mais je vais céder, parce que mon but n'est pas de regarder le...

La Présidente (Mme Chassé) : ...réfléchir. Vous pouvez continuer à réfléchir sur vos bonnes idées.

Mme Perry Mélançon : Non, mais, en même temps, je veux dire, le ministre a réfléchi, parce qu'il a des réponses à mes questions puis il semble vouloir travailler à régler ces problèmes-là, donc ce n'est pas un manque de connaissances. Je me demande juste pourquoi est-ce qu'on n'a pas intégré ces éléments-là dans le projet de loi à titre de mesure d'intégration. C'est ma question.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, reprenons l'exemple, là, qui est soulevé par la députée de Gaspé, là, supposons par rapport aux ordres professionnels. Ça ne relève pas du ministère de l'Immigration, ça relève du ministère de la Justice, parce que tout le système professionnel est chapeauté par l'Office des professions, qui relève du ministère de la Justice. Donc, le ministère de l'Immigration est déjà présent aux pôles de coordination. On travaille en collaboration avec le ministère de la Justice là-dessus, sauf que ce n'est pas dans ma loi constitutive puis dans la loi sur l'immigration, la reconnaissance, c'est du côté de Justice. Mais, quand je vous disais : On va abattre les silos, c'est notamment ça. On ne souhaite plus travailler en silos, on souhaite que tout le monde se parle. Le rôle de coordination du ministère de l'Immigration, qu'on lui confère, va nous permettre de faire ça, va nous permettre de demander à Justice : Pourquoi ça, ce n'est pas fait? Comment est-ce qu'on peut mieux travailler? Ça fait que le rôle de coordination, il est là. Mais, de façon spécifique au niveau des ordres professionnels, il ne relève pas juridiquement du ministère de l'Immigration, il relève de Justice, alors c'est pour ça qu'il ne se retrouve pas dans le cadre du projet de loi n° 9.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, Mme la députée de Gaspé.

Mme Perry Mélançon : Pour conclure, dans le fond, quand on parle, dans les premiers articles, en soutien avec les ministères concernés, les organismes, on peut s'attendre quand même à ce que le recrutement et tout ça se fassent avec leur soutien, et puis que ça aussi soit traité comme d'autres étapes pour bien intégrer les nouveaux arrivants dans la société.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Je dirais, Mme la Présidente, c'est plus le rôle de coordination qu'on va faire au ministère que le rôle de recrutement, parce que le rôle de recrutement, c'est au niveau des besoins du marché du travail, ça fait que, ça, Immigration est capable de le faire tout seul puis il a la latitude pour le faire. C'est au niveau de la coordination, au niveau de la reconnaissance des compétences. Mais nous, dès le départ, là, on souhaite que, quand on va recruter quelqu'un, là, déjà, toutes les démarches soient faites relativement aux ordres professionnels, puis que la personne, là, quand elle applique puis elle dit : Bien, je suis ingénieur, bien, elle soit «linkée» directement avec l'Ordre des ingénieurs pour que déjà son processus de reconnaissance soit débuté, puis qu'elle sache, quand elle applique, bien, s'il va y avoir des formations de mise à niveau, s'il va y avoir des stages à faire, si ça va être une reconnaissance partielle ou une reconnaissance pleine. Parce qu'on ne veut pas se retrouver dans des situations comme c'était le cas dans le passé, où la personne arrive ici, elle dit : Ah! bien, moi, dans mon pays, j'étais ingénieur, tout ça, puis, finalement, qu'elle soit barrée par l'ordre professionnel parce que ce n'est pas les mêmes standards. Ça fait que ça, il faut éviter ça, il faut éviter des rêves déçus. Puis tout ça, quand je parle du parcours personnalisé, c'est en amont, c'est dès l'étranger. On veut s'assurer que, dès le départ, tout ça soit checké, soit regardé.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le ministre. Mme la députée, est-ce que vous désirez poursuivre?

Mme Perry Mélançon : Non, ça va, merci. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci beaucoup. M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Oui. Dans le même ordre d'idées, j'offre mon entière collaboration au ministre parce que ça me tient à coeur vraiment, l'intégration économique, depuis mon arrivée au Québec. Et je sais que sa volonté réelle, par rapport à ce projet de loi, c'est vraiment réussir l'intégration socioéconomique.

Ce que la collègue députée de Gaspé a ramené sur la table, c'est des faits réels. J'en suis sûr et certain que... Je ne dis pas que vous n'êtes pas au courant. J'en suis sûr et certain que... Et ça... Vous avez une bonne volonté, depuis le début, de... On revient toujours au mot «coordination». Probablement, aujourd'hui, vous avez très bien expliqué ce que vous voulez dire par la coordination interministérielle. Je vous lève mon chapeau, bravo.

Par rapport à l'intégration régionale, je suis disponible à aider à contribuer avec ce que je peux, si vous le souhaitez. Mais prenez ça au sérieux, vraiment. Et je ne dis pas que vous ne le prenez pas au sérieux. Pensons au-delà de ce... où on siège maintenant. Pensons à l'avenir de nos régions. Les mesures d'intégration régionales au niveau entrepreneurial, c'est une voie énorme. Je répète encore une fois, Mme la Présidente, la mission d'Investissement Québec, de Montréal International, je la vois autrement. Le ministère peut prendre le «lead» parce qu'il joue un rôle de coordination extrêmement important, mais ce n'est pas encore une chose qui a été réalisée jusqu'à maintenant. Je sais que le ministère et le ministre a la volonté de coordonner avec les autres ministères, je l'entends. J'entends aussi qu'il ne veut pas faire des choses que les autres font, mais je l'invite à vraiment revoir l'écosystème de la régionalisation entrepreneuriale des immigrants, je le répète, vraiment revoir l'écosystème de la régionalisation des entrepreneurs immigrants.

Il y a une très bonne valeur ajoutée pour nos régions parce que le défi, que les gens quittent les régions, le défi que nous avons tous, c'est qu'il est énorme pour les prochaines années au Québec. Et probablement, en revoyant le rôle de coordination du ministère de l'Immigration avec ce que le ministre compte faire au niveau de la régionalisation, mais qu'on ajoute un autre volet entrepreneurial, que ce soit partenaire avec des entreprises déjà existantes ou bien une reprise d'une entreprise déjà existante, on va probablement boucler la boucle des régions qui se vident, des entreprises qui ne trouvent pas de repreneurs. Le défi de la main-d'oeuvre, et même au-delà, parfois, c'est l'exportation, et nous avons pas mal de beaux exemples.

Ce que j'ai aimé dans l'intervention de la collègue de Gaspé, c'est aussi certains volets où le rachat d'une entreprise ou un investissement, il est lié à un autre professionnel. Je donne l'exemple que, parfois, être patron et exercer dans le domaine où tu veux, les règles bureaucratiques vont empêcher de le faire parce que tu n'as pas accès à un ordre. Je vous donne un exemple. Je connais un pharmacien qui opère dans une ville, que je ne vais pas nommer, mais une ville dans le Nord, mais il vient pour deux semaines d'un autre pays pour partir travailler deux ou trois semaines. Il est pharmacien, mais ça lui a pris beaucoup de temps pour passer à travers. Mais, si ce pharmacien n'a pas accepté d'aller dans cette ville au Nord, bien, cette pharmacie ne va pas avoir de pharmacien pour travailler pendant des semaines.

Donc, c'est là où je dis au ministre et aux gens du ministère : Réfléchissons à l'extérieur d'un box très réglementaire. Et je sais qu'on doit respecter les règlements, je ne dis pas le contraire, mais prenons des projets pilotes, parce qu'on parle de vitalité économique régionale. L'urgence, elle est là, et le ministre, il est sensible, et c'est pour cela même — sa loi vise à accroître la prospérité socioéconomique — que j'achète et où j'adhère, Mme la Présidente. Mais, s'il vous plaît, prenons vraiment une vision 360 degrés de la prospérité socioéconomique du Québec. Ça ne prend pas uniquement des travailleurs en région, et je reste encore une fois convaincu que ce n'est pas uniquement le travail d'Investissement Québec et de Montréal International qui va répondre aux besoins de l'ensemble des régions. Ce qu'on cherche, M. le ministre, probablement, c'est une autre catégorie qu'on ne cible pas encore d'entrepreneurs. C'est des gens qui ont la volonté d'investir, mais pas forcément les mêmes moyens que les grandes entreprises. Merci, Mme la Présidente.

• (11 heures) •

La Présidente (Mme Chassé) : Mme la députée de Les Plaines, vous désiriez faire une intervention?

Mme Lecours (Les Plaines) : Rapidement, Mme la Présidente. Merci. Je trouve ça intéressant d'entendre ces exemples-là, de parler de l'urgence. C'est justement ce qu'on veut prévoir. L'article 9 parle de ça, le projet en entier parle de ça. Et des exemples comme on vient d'entendre, d'aberrations, ça fait des années. On vient du même milieu, le collègue et moi, des chambres de commerce. Ça fait des années qu'on parle de repreneuriat, ça fait des années qu'on parle de l'urgence d'agir en région, et c'est pour ça que l'urgence est aussi de l'adopter, ce projet de loi là. Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'était un commentaire. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, madame. Oui, bien entendu. Merci, Mme la députée de Les Plaines. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'article 9 modifié? Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : Je vous remercie, Mme la Présidente. Mme la députée des Plaines, c'est vrai qu'il y a... Quand elle dit qu'il y a longtemps qu'on en parle, c'est pour ça qu'il y a eu différentes initiatives aussi qui ont été mises de l'avant et c'est pour ça également que, lorsqu'on regarde les initiatives qui ont été mises de l'avant, les résultats... et je sais que le ministre revient souvent au rapport de la Vérificatrice générale, mais les résultats des... quand on regarde les deux dernières années, les trois dernières années, on voit une meilleure intégration, on voit qu'il y a eu des résultats. Est-ce que tout est parfait? Non, mais il y a une progression qui a été faite. Et nous voulons également procéder avec le projet de loi.

Cela dit, j'ai des questions encore qui ont été soulevées hier par... bien, en fait, par l'ensemble des parlementaires, puis j'aimerais vraiment comprendre un élément, puis je vous dirais que c'est l'élément essentiel qui, à mon avis, reste à discuter autour de l'article n° 9. Lorsque l'on dit une phrase, que l'on a lue à maintes et maintes reprises, «le ministre sélectionne un ressortissant étranger, il peut lui imposer des conditions qui affectent la résidence permanente», bon, on va arrêter là, lorsque l'on dit ça... Hier, après moult échanges, on a conclu que «le ministre sélectionne un ressortissant étranger», «peut lui imposer des conditions», ça affecte également un conjoint ou une conjointe qui serait associé à cette personne. Donc, mettons qu'il y a un couple puis qu'il applique, l'article veut donc dire que cette personne-là est touchée par les... s'il y a une des personnes qui est touchée par les conditions, bien, que les deux peuvent se voir imposer des conditions, ce qui méritait d'être clarifié. Mais, avant d'aller dans cette direction-là, on pose une condition, un test à un des ressortissants. L'autre personne, on lui impose une condition de test. À quel moment est-ce qu'il y en a un qui passe, un qui ne passe pas? Est-ce qu'on a l'intention de préserver les cellules familiales dans ce processus-là? Comment est-ce que le ministre voit ça par rapport à la cellule familiale? Parce que, si tu as un père qui applique, tu as une mère qui applique, on pose un test au père, on pose un test à la mère, un passe, l'autre ne passe pas, comment est-ce qu'on a la garantie qu'on ne va pas séparer des familles avec le projet de loi qu'on dépose? Ça m'apparaît assez essentiel comme question.

La Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bon. Dans un premier temps, la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne sait très bien qu'actuellement, lorsqu'elle parle de test, actuellement il n'y en a pas, et on va devoir développer l'ensemble de la réglementation en collaboration avec le gouvernement fédéral. C'est la première des choses à dire. Actuellement, dans la législation fédérale, ce n'est pas différent. Les gens qui se retrouvent en statut de résidence permanente ont également l'obligation de respecter les conditions rattachées à la résidence permanente.

Alors, nous, effectivement, dans le cadre d'une cellule familiale, un conjoint et une conjointe, un couple, vont devoir chacun passer les évaluations, supposons, rattachées à la connaissance du français ou à la connaissance des valeurs québécoises exprimées par la charte des droits et libertés et les deux devront réussir avec succès ces évaluations. L'ensemble des mesures vont être déployées, l'ensemble de l'accompagnement, pour que ça constitue un succès. En ce qui concerne les modalités d'application, on n'entrera pas dans les détails parce que ça doit faire l'objet des discussions avec Ottawa.

La question que la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne dit, c'est : Est-ce que les cellules familiales vont être brisées si jamais une personne ou l'autre ne remplit pas les conditions afférentes? Je lui répondrais que ce n'est pas l'objectif et je lui répondrais qu'actuellement, avec la législation fédérale, les conditions rattachées avec la résidence permanente, c'est le cas actuellement, notamment en matière de criminalité. Alors, notre objectif, c'est que les familles demeurent ensemble, mais les conditions attachées à la résidence permanente, affectant la résidence permanente peuvent toucher l'ensemble des personnes titulaires d'une résidence permanente.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le ministre. Oui, Mme la députée.

Mme Anglade : J'entends, dans les discussions que l'on... les propos du ministre, le test, il n'y en a pas présentement, mais il y a clairement un test qui va s'en venir à un moment donné. Puis je comprends que le ministre ne veuille pas rentrer... je ne suis pas nécessairement d'accord, mais qu'il ne veut pas rentrer dans les détails. Bon, ce n'est pas dans le détail du test que je veux rentrer non plus, mais il me semble important que, d'un point de vue principe, d'un point de vue de la loi... Le ministre nous dit : Nous, notre intention, ce n'est pas de briser des familles avec ça. Il dit, en même temps : Il y aura des tests à passer puis il faudra que les deux passent ou réussissent, il faudra tout faire pour qu'ils passent, mais ce n'est pas mon intention de briser des familles.

Pourquoi est-ce que ce volet-là, à ce moment-là, on ne le retrouverait pas, d'un point de vue principe, à l'article 9? Ou on a un principe général qui dit : On n'a pas l'intention de... on a l'intention de tout faire pour préserver les cellules familiales?

La Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Le principe, Mme la Présidente, c'est que toutes les personnes qui vont immigrer au Québec, à l'exception des enfants, devront remplir les conditions affectant la résidence permanente. Donc, là-dessus, c'est très clair. C'est le même principe qu'au niveau du gouvernement fédéral, vous devez respecter certaines conditions affectant la résidence permanente.

La Présidente (Mme Chassé) : Mme la députée.

Mme Anglade : Mais la question, elle se pose dans la mesure où les gens qui appliquent sont très souvent des couples qui appliquent pour venir. Plus que ça même, on encourage les gens à venir avec leurs enfants au Québec, on encourage ce type d'immigration là pour l'intégration. S'il y en a un qui passe le test puis il y en a un autre qui ne passe pas le test, qu'est-ce qui arrive dans ce cas-là? Je comprends... Ce n'est pas très hypothétique, c'est assez probable comme situation, étant donné le contexte. Est-ce qu'il y a moyen ici, à l'article 9, d'intégrer la notion de principe qui nous guide, qui serait de dire : On n'a pas l'objectif ici de séparer des familles, au contraire, on veut qu'elles réussissent et que... On veut qu'elles réussissent. Mais clairement, dans cet article, il mériterait une bonification dans le sens où il maintiendrait l'unité familiale. Ça fait partie quand même des valeurs, justement, que l'on souhaite défendre, je pense, au Québec.

La Présidente (Mme Chassé) : M. le député de Laurier-Dorion... M. le ministre, vous désiriez intervenir? Allez-y, puis ensuite ce sera M. le député de Laurier-Dorion.

M. Jolin-Barrette : Tout le projet de loi, Mme la Présidente, est construit de façon à faire en sorte d'accompagner toutes les personnes immigrantes, qu'elles soient en statut temporaire, qu'elles soient en statut permanent, au Québec. L'article 9 permet d'imposer certaines conditions en lien avec la sélection pour s'assurer que les personnes, notamment... et je l'ai dit, il pourrait y avoir d'autres conditions affectant la résidence permanente, mais on est dans le préliminaire. Mais l'intention du gouvernement a toujours été la même, soit celle de s'assurer qu'il y ait une évaluation de connaissance du français et qu'il y ait une évaluation de connaissance des valeurs québécoises, inscrites dans la Charte des droits et libertés de la personne, exprimées.

Ce que la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne nous dit, c'est que, écoutez, on devrait mettre de côté ces deux principes-là pour prioriser, dans le fond, la cellule familiale, c'est-à-dire que, si un des deux individus ne passait pas l'évaluation, bien, cette personne-là ne serait pas affectée par la non-réussite de cette évaluation. Moi, ce que je réponds à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, c'est qu'on va déployer tous les efforts et toutes les ressources, et, d'ailleurs, c'est ce qu'on fait dans le cadre du parcours personnalisé, pour que toute personne réussisse ses évaluations.

• (11 h 10) •

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le ministre.

Mme Anglade : Bien, je veux juste continuer...

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, parfait, très bien, merci.

Mme Anglade : ...puis après ça le député... je vais revenir, après, avec le ministre...

La Présidente (Mme Chassé) : Allez-y, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : ...mais je veux juste comprendre, puis c'est vraiment une question de clarification, lorsque le ministre a dit : On veut mettre les principes de côté pour favoriser la cellule familiale, quels sont les deux principes que vous voulez mettre de côté, M. le ministre?

M. Jolin-Barrette : Pardon?

Mme Anglade : Dans ce que vous avez dit, j'essaie vraiment de suivre les propos pour bien comprendre l'article, vous avez mentionné... En fait, Mme la Présidente, M. le ministre a mentionné, il y a deux principes qu'on mettrait de côté pour favoriser celui du principe du maintien de la cellule familiale. Tout à l'heure, quand vous avez parlé, vous avez dit : Est-ce qu'on mettrait ces principes-là de côté afin de favoriser la cellule familiale? Puis c'est ces deux principes-là... Je ne savais pas à quoi vous faisiez référence.

La Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : La connaissance de la langue française et la connaissance des valeurs québécoises exprimées par la Charte des droits et libertés.

La Présidente (Mme Chassé) : Poursuivez, Mme la députée.

Mme Anglade : O.K., alors, dans ce cas, évidemment que... Bien, on a déjà que le test des valeurs, on n'était pas favorable, ça fait que je ne vais pas dire que... C'est l'intention du ministre d'aller de l'avant avec un test des valeurs. Cela dit, le principe qui devrait nous guider, c'est qu'il n'y a pas de séparation de familles. Parce que là, présentement, dans le projet de loi — je rappelle le fait qu'hier, on n'était pas au fait à savoir si le conjoint ou la conjointe allait passer un test, donc on l'a clarifié hier aux termes de longs échanges — là, ce qui est inquiétant présentement, c'est de dire... La manière dont on le présente : On va faire un test de français, on va faire un test de valeurs, on va amener d'autres conditions, O.K., qui vont être définies dans les règlements. Comment est-ce que l'on peut collectivement bonifier ce projet de loi et faire en sorte qu'on ait un principe qui nous guide, qui soit celui du maintien des cellules familiales?

Je vois mal comment une mère de famille passe le test, le père ne passe pas le test, puis là, on va dire : Bien, là, il y en a un qui l'a passé, l'autre qui n'a pas passé, il y en a un qui a des pénalités, l'autre qui n'a pas de pénalité, un qui doit s'en aller, l'autre qui ne doit pas s'en aller. Il y a quand même un respect de l'unité familiale, d'autant plus que, lorsqu'on regarde la grille de sélection que nous avons et qui va certainement être maintenue sous une forme ou sous une autre à l'avenir, on favorise les cellules familiales, c'est ce que l'on fait. On donne plus de points à des gens qui immigrent avec enfants et qui veulent s'installer en région, puis, quand on parle d'aller en région, les gens sont contents de savoir qu'il y a des personnes, des ressortissants étrangers qui vont s'installer en région mais qui ne viennent pas seulement avec eux-mêmes, qui viennent en plus avec un conjoint ou une conjointe, qui viennent avec des enfants. Les enfants vont aller à l'école, il va y avoir toute une intégration associée à ça, ça crée de la vitalité pour nos régions, c'est ce que l'on encourage dans tous les principes de la régionalisation de l'immigration. Ce que l'on encourage, ce sont des familles qui vont pouvoir aller à l'extérieur, dans les régions du Québec, puis pouvoir s'intégrer.

Alors, cette notion de cellule familiale m'apparaît essentielle dans ce que l'on fait. Ce que j'aimerais voir de la part du ministre, c'est une volonté réelle à inscrire ça à l'article 9, parce que cet enjeu-là, il est passablement important d'un point de vue social mais également d'un point de vue économique.

La Présidente (Mme Chassé) : M. le député de Laurier-Dorion, la parole est à vous.

M. Fontecilla : Mme la Présidente, sur le même sujet, je pense que, d'emblée, il faut dire qu'il y a une condition de de base, une condition, condition de base pour toute personne issue de l'immigration admise au Canada, c'est qu'il faut qu'elle respecte les lois, hein, c'est ici, au Yukon, en Colombie-Britannique, en Ontario, à Gaspé, peu importe, là, il y a une condition de base, c'est : il faut respecter les lois. Donc, on parle de cette prémisse-là, et tous les gens qui sont admis ici, c'est la promesse sous laquelle ils ont été admis.

Ceci dit, à moins que le ministre nous dise que c'est différent, là, la résidence permanente n'impose pas d'autres conditions que celle qui est évidente, là, celle de respecter les lois. D'ailleurs, les personnes qui ont commis des actes criminels sont rapidement, en théorie, renvoyées du pays, donc... Et c'est le ministre qui veut imposer des conditions, là, le ministre de l'Immigration au Québec, on ne parle pas pour l'ensemble de la législation en immigration au Canada.

Ceci dit, allons-y avec des questions qui nous paraissent très importantes. Est-ce que le ministre entend grever de conditions l'obtention de la résidence permanente aux enfants d'un immigrant économique au Québec, là, des enfants qui ont entre 18 et 21 ans?

La Présidente (Mme Chassé) : Wow! O.K. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : L'amendement que nous avons accepté, c'est les enfants d'âge mineur.

La Présidente (Mme Chassé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : J'ai compris de sa réponse qu'il entend imposer des conditions aux enfants qui font la demande de réunification familiale qui ont entre 18 et 21 ans.

La Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Non. Là, vous êtes dans la réunification familiale. Nous, on est au niveau des travailleurs qualifiés.

M. Fontecilla : Je repose ma question.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. Oui, M. le député, nous vous écoutons.

M. Fontecilla : Les personnes qui postulent à la réunification familiale parce qu'ils ont un père, on va dire un père, ici, déjà admis, et ce père-là a un enfant entre 18 et 21 ans, hein, est-ce que cette personne, cet enfant-là va se voir imposer des conditions à l'obtention de la résidence permanente?

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le député...

M. Fontecilla : Qui postule au programme de réunification familiale.

La Présidente (Mme Chassé) : Pouvez-vous répéter la fin de votre phrase en vous approchant un peu du micro, s'il vous plaît?

M. Fontecilla : Qui postule au programme de réunification familiale.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Merci, M. le député de Laurier-Dorion. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Au niveau du regroupement familial, c'est fédéral. Je n'ai pas de juridiction sur le fédéral.

M. Fontecilla : Tout à fait.

La Présidente (Mme Chassé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : On traite sur l'article 9, l'article 21.1. En ce moment, on traite sur un article qui n'a pas cours dans la législation actuelle. Il va la négocier, la permission du gouvernement fédéral, pour l'appliquer. Hier, après de longs échanges, il a fini par nous dire qu'il avait l'ambition d'obtenir tous les pouvoirs également dans le domaine de la réunification familiale.

Je lui pose la question : Est-ce qu'il va obtenir tous ces pouvoirs-là? Il entend imposer des conditions aux enfants entre 18 et 21 ans qui postulent, qui veulent arriver ici en vertu du programme de réunification familiale.

La Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Là, Mme la Présidente, là, on est dans des conjonctures hypothétiques futures. À ce jour, le Québec n'a pas la juridiction sur le regroupement familial. Est-ce que c'est une volonté du gouvernement du Québec? La réponse à cette question-là, c'est oui. Est-ce que le fédéral nous a transféré la responsabilité? La réponse à cette question-là, c'est non. Actuellement, on étudie le projet de loi n° 9 avec l'article 9 qui introduit l'article 21.1. Depuis le début de la commission, le député de Laurier-Dorion fait des propositions hypothétiques futures. Alors, Mme la Présidente, soyons sérieux, restons sur l'article 9.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le ministre. M. le député de Laurier-Dorion, vous désirez poursuivre?

M. Fontecilla : L'article 9 est extrêmement vaste et vague, là. On peut y voir toutes sortes de choses. Ce qu'on sait, c'est que c'est un article... l'application de cet article-là est hypothétique, là, parce que le ministre, en ce moment, dans l'état de la législation actuelle, n'a pas le pouvoir pour faire appliquer son projet de loi... son article 21.1 tel que proposé. Donc, on est dans l'hypothétique. Hier, il nous a dit qu'il voulait aussi... qu'il entendait, parce que c'est un très bon négociateur, là, il entendait obtenir le pouvoir en réunification familiale.

Et la question qui s'impose, là : Est-ce qu'il entend imposer des conditions aux enfants entre 18 et 21 ans admis au Québec en fonction du programme de réunification familiale, si jamais il obtient le pouvoir?

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le député de Laurier-Dorion. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, j'ai déjà répondu à cette question-là. C'est hypothétique. On n'a pas la juridiction. J'ai déjà répondu, je n'ai pas d'autre commentaire, Mme la Présidente. Je veux, je souhaite avancer, mais c'est sûr que, si on amène toutes des questions hypothétiques tout le temps sur des dossiers, des compétences qu'on n'a pas la juridiction, Mme la Présidente, on ne sortira pas du bois, hein?

La Présidente (Mme Chassé) : Est-ce que vous désirez poursuivre? Non? D'accord, très bien. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, la parole est à vous.

• (11 h 20) •

Mme Robitaille : Je suis tout à fait d'accord avec le ministre quand il dit qu'il veut régionaliser, aider, justement, les immigrants à mieux s'intégrer en région et les aider à s'intégrer. Le problème que j'ai ici, c'est les conséquences de ces conditions-là. Le ministre nous dit : Bien, les résidents permanents ont des obligations, dans la loi fédérale, ils ont des obligations. Si, par exemple, ils commettent un acte criminel, bien, il y a des mesures de renvoi, des mesures d'expulsion à leur égard.

Est-ce qu'on met sur le même... Est-ce qu'on traite de la même façon le type qui échoue un examen de français ou qui échoue un test de valeurs avec l'individu qui commet un crime ou... Je regarde, ici, là, l'article 33 — et suivants — de la loi fédérale, interdiction de territoire, on parle de quelqu'un qui s'est livré au terrorisme, qui a commis des actes criminels, grande criminalité, et ça continue. Est-ce qu'on... J'ai un problème avec ça. Est-ce que le ministre peut me rassurer? Est-ce qu'on traiter de la même façon quelqu'un qui échoue un test de français, qui travaille, qui essaie de donner le plus possible à la société québécoise, et le type qui commet un acte criminel, qui ne répond pas à ses obligations de résident permanent?

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, Mme la députée de Bourassa-Sauvé. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, à partir du moment où il y a des conditions affectant la résidence permanente dans un texte de loi, la loi s'applique, et c'est des conditions affectant la résidence permanente.

Mme Robitaille : Donc, je comprends, Mme la Présidente, que la réponse, c'est oui. Est-ce que le ministre est à l'aise avec ça?

La Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, à partir du moment où il y a des obligations légales dans une loi, on se doit de respecter les obligations légales dans une loi. Est-ce que la députée de Bourassa-Sauvé fait une hiérarchisation des normes? Est-ce que c'est ce qu'elle nous invite à faire? Est-ce qu'il y a une hiérarchisation des normes qui s'applique? Est-ce qu'il y a une hiérarchisation des lois qui s'applique en fonction des lois régulières dans notre corpus juridique? Est-ce que ça existe? J'aimerais qu'elle réponde à la question là-dessus.

La Présidente (Mme Chassé) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Je n'ai pas à répondre. Mais ce qui m'inquiète... Puis je vais vous dire, puis je l'ai déjà dit, j'ai une certaine expérience à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. En bout de ligne, quand le commissaire qui traite ces cas-là voit que ces conditions-là pourraient être mises de côté pour des raisons humanitaires, il va choisir de laisser tomber justement les demandes de retirer la résidence permanente à cause de certaines conditions. Moi, je m'inquiète.

En fait, et vraiment honnêtement, je pense qu'il y a une grande différence entre quelqu'un qui donne beaucoup, qui essaie au maximum de s'intégrer chez nous mais qui échoue un test de français et celui qui commet un acte criminel ou qui est négligent et puis qui décide de rester dans son pays d'origine plus que le nombre de jours qu'il doit rester au Canada... bien, tu sais, qui ne répond pas à ses obligations de résident permanent. Il y a une grosse différence, il me semble, entre ces deux individus-là, et ça me dérange de voir qu'on traite ces gens-là qui vont venir chez nous, qui vont tout faire pour s'intégrer, comme des gens qui commettraient des actes criminels. Et je pense que, bon, j'ai un malaise avec ça, mais je ne pense pas que je suis seule à avoir cette inquiétude-là.

Le Président (M. Skeete) : Merci beaucoup, Mme la députée. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, la députée de Bourassa-Sauvé donne l'exemple des conditions affectant la résidence permanente relativement à la criminalité. Il y a d'autres exemples qu'elle pourrait donner, notamment sur la présence en territoire canadien. Il y a une foule de conditions du fédéral, elle choisit de donner cet exemple-là, ça lui appartient. M. le Président, je réitère ma question pour la députée de Bourassa-Sauvé : Est-ce qu'elle fait une hiérarchisation des normes? C'est ça, la question. S'il y a des conditions affectées dans une loi, elles doivent être respectées. C'est ça, la question, là, qui nous occupe. Est-ce que la députée de Bourassa-Sauvé nous dit : Cette norme est plus importante qu'une autre norme? Est-ce qu'elle invite les citoyens à moins respecter la loi que d'autres lois? C'est tout ça, la question. Je suis un peu déçu que le député de Jean-Lesage ne soit pas là, parce qu'il pourrait philosopher là-dessus et nous renseigner.

Le Président (M. Skeete) : Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée, si vous souhaitez répondre, je voudrais vous aviser qu'il vous reste trois minutes.

Mme Robitaille : Simplement, je pense qu'il y a un sérieux problème d'applicabilité de ces conditions-là. Merci.

          Le Président (M. Skeete) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je passerais la parole à la collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : Merci, M. le Président. Dans les échanges que nous avons eus par rapport à la cellule familiale, je pense qu'il y a un élément qui est important qui ne ressort pas dans cet article, et, en ce sens, j'aimerais proposer un amendement.

Le Président (M. Skeete) : Merci beaucoup. Est-ce qu'on ajourne?

Une voix : ...

Le Président (M. Skeete) : On va ajourner quelques minutes, le temps de préparer...

Une voix : On suspend.

Le Président (M. Skeete) : Merci, oui, suspendre, c'est le mot. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 26)

(Reprise à 11 h 31)

La Présidente (Mme Chassé) : Donc, nous sommes de retour. Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, vous venez de déposer un amendement. Je vous invite à nous l'introduire.

Mme Anglade : Merci, Mme la Présidente. Alors, avec le principe qui nous guide, qui est celui de dire : Il y aura une imposition de test pour un ressortissant étranger, il y aura une imposition de test pour le conjoint ou la conjointe de cette personne, on évite les enfants. Ça, on l'a clarifié dans le dernier amendement que l'on a proposé, enfin, un des derniers amendements que nous avons proposés. Là, ce que l'on vient clarifier, c'est la nécessité d'avoir un principe qui nous guide par rapport à la cellule familiale.

Alors : «Ces conditions ne peuvent avoir d'incidences négatives sur l'unité familiale.» C'est ce qu'on amène. On l'amène dans une optique où ce qu'on aimerait, c'est préserver la cellule familiale ou, au moins, à tout le moins, avoir un objectif de préserver cette cellule familiale.

Je sais que le ministre, il l'a dit d'ailleurs, est favorable à ce principe-là, il l'a dit. On le met de cette manière-là dans l'amendement. J'aimerais, un peu, avoir sa réaction puis de voir s'il veut proposer quelque chose d'autre ou si... mais avec cette même optique là. Jusqu'à présent, ça a bien fonctionné, quand on propose quelque chose, on s'entend sur les principes, qu'on essaie d'ajuster pour utiliser le bon vocabulaire et le bon mécanisme.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Merci, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne. M. le ministre, vous intervenez?

M. Jolin-Barrette : Oui, Mme la Présidente. Je comprends l'intention de la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne. Cela étant dit, dans le cadre de l'article 9, je ne peux présumer qu'il n'y aura pas de conséquence sur l'unité familiale, tel que proposé par la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne. Dans l'éventualité d'une évaluation ou de conditions affectant la résidence permanente, elles viseront à la fois les membres d'une même famille. Alors, je ne peux garantir que cela n'aura pas d'impact sur l'unité familiale.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, Mme la députée, allez-y.

Mme Anglade : Il se pourrait donc, c'est possible, ce n'est pas souhaitable, mais il se pourrait qu'il y ait des familles qui soient séparées. O.K. Il se pourrait, avec ce que dit le ministre, que l'on sépare des familles, et un père qui soit séparé de ses enfants et qu'une mère soit séparée de ses enfants. Techniquement parlant, c'est possible.

À tout le moins, il faudrait, dans le cadre du projet de loi, qu'on puisse camper la discussion puis se dire : Il y a une question de principe qu'on ne veut pas briser ces familles. Ce n'est pas ça, l'objectif. L'objectif, c'est d'attirer des gens qui vont rester chez nous, qui vont travailler dans nos différentes régions, qui vont aller occuper des emplois, qui vont envoyer leurs enfants à l'école, qui vont contribuer à leur développement économique et social, d'eux-mêmes, de leur région et contribuer au Québec. C'est ça, l'objectif que l'on tente de poursuivre ici.

Or, le ministre, il dit : Bien, je ne peux pas le garantir. Je peux comprendre que le ministre ne puisse pas le garantir à tout prix, qu'il n'y aura pas de familles qui seront brisées par le projet de loi qui est introduit, mais est-ce qu'on peut cheminer pour faire en sorte qu'il y ait un principe qui nous guide dans les discussions où la cellule familiale est préservée?

La Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre, vous désirez intervenir?

M. Jolin-Barrette : L'objectif de tout le projet de loi, Mme la Présidente, c'est de faire en sorte d'accompagner les gens. Le parcours personnalisé qu'on a vu préalablement vise à faire en sorte de donner toutes les ressources pour que les personnes immigrantes au Québec réussissent dans leur parcours d'intégration, notamment au niveau de la connaissance du français, notamment par rapport à l'intégration socioprofessionnelle. C'est fondamental.

Alors, le gouvernement du Québec sera là pour accompagner toutes les personnes tout au long de leur parcours, et ça, j'y tiens, vu que l'ensemble du projet de loi est construit de cette façon.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : Vous savez, Mme la Présidente, hier, lorsqu'on est venus puis qu'on a posé la question, est-ce qu'un conjoint — ou une conjointe — est affecté par les conditions qui sont présentées, ça a pris du temps pour qu'on obtienne une réponse. Quand on a posé la question initialement sur les mineurs, les personnes de moins de 18 ans, 18 ans et moins, ça a pris du temps pour qu'on ait l'information.

Là, c'est quand même un article qui est essentiel. On envoie un message. C'est au-delà de la vision, c'est un article de loi, mais il y a une vision qui est en arrière de ça, où on dit : On veut prioriser l'immigration, on veut s'assurer que les gens réussissent. La manière de le faire, pour le ministre, c'est de dire : Je vais imposer des tests, chose qui le concerne.

Cela dit, comment est-ce qu'on est capable de minimalement se dire qu'à travers ça on ne va pas séparer des familles? Je veux dire, la pire chose qu'on pourrait faire, c'est faire venir du monde ici, puis, à ce moment-là, il y a un père qui est séparé de ses enfants, encore une fois, une mère qui est séparée de ses enfants après un an, deux ans, trois ans. Je ne peux pas imaginer. Je ne peux pas imaginer que ce soit l'objectif que l'on cherche à faire. Pourtant, dans la manière dont c'est rédigé aujourd'hui, il n'y a rien qui prévient ça. Puis le ministre nous dit : Moi, je veux m'assurer que tout le monde soit intégré, moi, je veux m'assurer que ça fonctionne, mais je ne peux pas le garantir, je ne peux pas le garantir, qu'il n'y aura pas de familles qui vont être brisées. Mais, s'il ne peut pas le garantir, il pourrait au moins le mettre à l'intérieur de sa loi, faire une proposition qui fasse en sorte qu'on sente l'intention du législateur, qu'on sente son intention. Là, présentement, on ne sent pas l'intention. Ce qui est inquiétant, c'est quand le ministre me dit : Bien, ça peut arriver, ça fait que c'est la conclusion à laquelle on arrive. Bien, je lui dis : Minimalement, il pourrait y avoir une intention.

Alors, j'aimerais que le ministre réfléchisse à cet enjeu. Je sais qu'il sait que c'est important. Je sais qu'il sait que c'est important. Mais il pourrait proposer quelque chose. S'il n'est pas à l'aise avec le libellé qu'on amène, qui est : «Ces conditions ne peuvent [pas ] avoir d'incidences négatives sur l'unité familiale», et qu'il trouve ça trop contraignant, comment est-ce qu'on est capable de représenter l'intention du législateur, qui est une intention d'ouverture, et de faire en sorte que nos familles restent, s'établissent, prospèrent ici au Québec?

La Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : L'objectif, Mme la Présidente, de l'ensemble du projet de loi que j'ai déposé, c'est de mieux accompagner, mieux intégrer et de soutenir les personnes immigrantes, et ce, dès l'étranger. Alors, Mme la Présidente, l'article 9 va faire l'objet de négociations avec le gouvernement fédéral, et nous adopterons un règlement en conséquence. La députée de Saint-Henri—Sainte-Anne souhaite aller... La proposition qu'elle fait vise à traiter de l'unité familiale, alors que nous, on est dans les moyens pour que l'ensemble des individus réussissent leur parcours d'intégration. On va tout faire au gouvernement du Québec, parce qu'il s'agit d'une responsabilité partagée, pour faire en sorte que les personnes immigrantes, leur parcours ici soit couronné de succès. On va déployer toutes les ressources. D'ailleurs, j'ai été chercher 146 millions de dollars, justement, pour ça. 42 % d'augmentation du budget, 730 millions sur cinq ans. Alors, on veut s'assurer que l'intégration des personnes immigrantes se déroule avec succès.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, vous poursuivez?

• (11 h 40) •

Mme Anglade : Oui, je poursuis. Quand le ministre nous dit qu'il a déployé des efforts, qu'il a mis de l'argent supplémentaire, qu'il souhaite... qu'il essaie de voir des résultats concrets, etc., on est d'accord. Même qu'on a salué le fait qu'il mette davantage d'argent. Là n'est pas la question. Lorsque l'on regarde l'élément de l'article 9, il est évident que ça concerne les familles. Je veux dire, c'est la première question qui est posée. Ça tombe sous le sens, que ça concerne les familles. Ça tombe sous le sens. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle il y a un amendement qui a été fait et qui a été adopté, pour dire que les mineurs ne sont pas touchés par ça parce que, justement, ça soulève un ensemble de questions fondamentales. Dans les personnes que nous recrutons, que nous allons chercher, nous avons des familles qui veulent venir s'établir ici. Et, en fait, nous recherchons des familles qui veulent s'établir ici.

Alors, l'intention du législateur, ici, n'étant pas d'imposer des tests pour briser des familles, l'intention du législateur étant d'être... de passer des tests pour pouvoir mieux s'intégrer. Parfait. Mais quelle formulation est-ce qu'on peut trouver pour préserver les cellules familiales, pour ne pas qu'à la conclusion, à la fin, on se dire : Bien, finalement, bien, l'article 9, ce que ça dit, c'est qu'il y a des familles qui pourront être brisées, puis c'est ça, la vie, puis on passe à un autre appel. Je veux dire, ce n'est pas comme ça qu'on devrait faire les choses. Ce n'est pas comme ça qu'on devrait considérer l'immigration au Québec. Ce n'est pas comme ça qu'on devrait voir le développement de nos régions puis ce n'est pas comme ça qu'on va assurer la vitalité de nos régions.

Alors, s'il y a des cas où des familles doivent être séparées, et j'espère qu'on va être très loin de ce type de scénario et puis des cas qui vont être déchirants, pour une raison x ou y... Bon, très bien, le ministre a l'air de penser qu'il y en aura. Moi, ce que je souhaite, c'est qu'il n'y en ait pas. Ce que tout le monde ici souhaite, ce que tout le monde ici souhaite, là, je regarde l'ensemble des parlementaires, là, tout le monde ici... Il n'y a personne qui va vous dire : On veut briser des familles. Il n'y a personne qui va vous dire ça. Ce n'est pas vrai, ça. Pourtant, l'article 9 ouvre la porte exactement à ça.

Alors, minimalement, ce qu'on devrait proposer, c'est une formulation qui permette de dire : On veut préserver les familles lorsque l'on va imposer un certain nombre de conditions. Si les familles sont à l'étranger, puis tu imposes des conditions puis des tests à l'étranger, puis qu'ils les passent à l'étranger, puis qu'il y en a un qui passe et un qui ne passe pas, bon, à la limite, on pourrait dire, ce sont des personnes qui sont à l'extérieur — à la limite, et encore. Mais une fois que les personnes sont ici, une fois qu'elles sont installées chez nous, une fois qu'il y a des enfants qui sont à l'école, va-t-on vraiment aller dans cette direction-là, Mme la Présidente? Va-t-on vraiment dire : il y en a un qui passe, l'autre qui ne passe pas, puis on va séparer des familles? J'espère que non. Je pense que non.

Alors, si on pense que non, si on espère que non, si ce n'est pas l'intention du législateur, comment est-ce qu'on le matérialise à l'intérieur d'une loi? On écrit : «Ces conditions ne peuvent [pas] avoir d'incidences négatives sur l'unité familiale.» Encore une fois, moi, je suis ouverte, avec le ministre, pour voir de quelle manière il veut le rédiger si cette formulation ne lui convient pas. Mais il y a sûrement une manière d'arriver à quelque chose qui va faire en sorte que l'intention du ministre lui-même soit incluse à l'intérieur de ce projet de loi.

La Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre, est-ce que vous désirez intervenir? Y a-t-il... Très bien, M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Bien, merci, Mme la Présidente.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : C'est au député de Nelligan.

Mme Anglade : Non, non, vas-y.

M. Derraji : Non, mais je pense que, oui, on s'adresse au ministre, mais on s'adresse aussi au popof, père de famille. Je ne pense pas qu'au Québec, nous aimerions être en face de certaines situations qui vont être difficiles pour l'unité familiale. Je ne pense pas que le ministre aimerait voir des situations où nous serons tous malmenés en tant que société d'accueil. Le Québec est une province très ouverte au monde, et je ne pense pas qu'avec nos procédures d'immigration, nos lois ou nos articles que nous sommes en train d'étudier aujourd'hui, on veut envoyer une image négative par rapport à notre façon d'accueillir les gens.

J'aimerais bien savoir juste le pourquoi... Bien, je sais, le ministre l'a dit au début, qu'il ne peut pas dire qu'il n'y aura pas de conséquences, mais, au moins, donnons-nous les moyens d'avoir une unité familiale. Je ne pense pas que... Je parlais en tant que père, responsable. Je n'aimerais pas que le Québec que j'aime, un jour, vu que quelqu'un n'a pas réussi à une des conditions liées à son projet d'immigration, que l'unité familiale soit visée. Je pense, c'est plus un appel à la responsabilité que ma collègue la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne nous lance maintenant. Je pense qu'en tant que parlementaires, viser qu'il n'y a pas ou qu'il n'y aura pas d'incidence négative sur l'unité familiale démontre notre sens de compréhension. On parle d'êtres humains, Mme la Présidente, on ne parle pas d'une marchandise qu'on peut placer quelque part. Ce n'est pas des boîtes, ce n'est pas des conserves, ce n'est pas des sacs, ce n'est pas du carton, là, c'est des êtres humains avec un coeur, avec des sentiments, avec des projets. Et on doit avoir une sensibilité humaine.

Parfois, on est tous rationnels, hein? On essaie tous d'avoir une logique, d'avoir un peu de pragmatisme, mais, je pense, cet amendement que ma collègue vient de déposer est plus un appel à nous tous en tant que parents responsables mais aussi en tant que législateurs responsables. Je ne pense pas que le Québec un jour va aller dans ce sens, et je me demande, en 2019, est-ce que quelqu'un va être contre l'unité familiale. Surtout quand t'envoies un message, on veut que les gens restent au Québec, on veut que les enfants de ces parents s'intègrent, on veut que ces enfants parlent la langue française, on veut que ces enfants partagent avec notre culture, on veut que ces enfants parlent et partagent la fierté d'être Québécois et la fierté de résider en Amérique du Nord et de parler français. C'est beaucoup de choses qu'on demande avec fierté, et avec raison. Nous sommes tous pour la promotion de la langue française et du français, mais dire aujourd'hui qu'il n'y a aucune garantie de ne pas avoir d'incidence ou de conséquence sur l'unité familiale, moi, ça me dépasse.

Et, s'il y a des choses qu'on ne comprend pas, le ministre a la capacité, et j'en suis sûr et certain, il est capable de trouver la phrase qui l'arrange et qui arrange l'applicabilité de l'article. Je ne veux pas rentrer dans un débat juridique de l'applicabilité ou pas, je ne suis pas un expert de ce domaine. L'analyse que je ramène de cet article, c'est plus un appel à la raison, un appel plus de la logique, du pragmatisme par rapport à l'impact que nous risquons tous d'avoir avec l'applicabilité de certaines conditions.

Donc, je lance l'appel au ministre de nous faire une proposition qui l'arrange en respectant l'essence même de ce qu'on veut dire. Je ne pense pas que le ministre est contre l'unité familiale, je ne pense pas, et je ne lui prête aucune intention, hein, je veux juste qu'il collabore, qu'il nous explique son raisonnement derrière les conditions. Depuis le début, nous avons fait du chemin par rapport aux conditions, nous avons écouté l'argumentaire et les arguments du ministre, nous voulons vraiment avancer, juste qu'il nous explique ses réticences par rapport à ne pas avoir des conséquences sur l'unité familiale. Et, s'il a une meilleure proposition, je ne pense pas qu'on va dire non, juste qu'il nous la propose et qu'il nous explique ses arguments par rapport à ça, Mme la Présidente. Je ne sais pas si ça se fait, mais je fais appel au ministre, mais je fais aussi appel au bon père de famille qu'il est.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le député de Nelligan. M. le ministre, est-ce que vous désirez intervenir?

Une voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne...

Mme Anglade : Bien, il ne veut pas répondre.

Une voix : ...

Mme Anglade : Non, non, il ne veut pas répondre. Il ne veut pas répondre.

La Présidente (Mme Chassé) : La parole revient à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : Écoutez, on propose des lois, on fait des lois, on passe des lois pour améliorer les choses dans une société. C'est ça, l'objectif d'une loi, hein, ce n'est pas pour les détériorer, c'est pour les améliorer. On a un article qui ouvre la voie, et le ministre le reconnaît lui-même, à la séparation de familles suite à des tests qu'il veut imposer par règlement — ça viendra plus tard. Mais comment est-ce qu'on peut justifier ça? Comment est-ce que le ministre peut justifier ça?

Et je ne pense pas que ça tienne la route, le ministre a pris la parole tout à l'heure puis il a dit : Je ne peux pas garantir que les familles ne seront pas séparées. Il ne peut pas garantir que les familles ne seront pas séparées. J'imagine qu'il peut y avoir des cas exceptionnels. J'imagine qu'il y a des questions. Mais est-ce que c'est ça, le Québec? Est-ce que c'est ça, le Québec, Mme la Présidente? On est en train de passer une loi qui ouvre la voie au fait que des familles puissent être séparées. On est en train de passer une loi qui est en train de dire : Il y a un père de famille, il y a une mère de famille, ils ont deux enfants, ils viennent au Québec, on impose des conditions sur la résidence permanente, il y en a un qui rencontre les conditions, il y en a un autre qui ne rencontre pas les conditions, c'est la vie, ils pourraient être séparés. Est-ce que c'est ça, notre avenir collectif? Est-ce que c'est ça, l'avenir des régions du Québec? Est-ce que c'est ça, la société ouverte que l'on veut avoir pour les 50 puis les 100 prochaines années? Je me refuse à croire que c'est l'intention du ministre de faire ça. Ça ne me rentre pas dans la tête, Mme la Présidente. Et, s'il pense, comme moi, qu'on ne veut pas ouvrir cette porte-là, on ne veut pas aller dans cette direction-là, bien, il faut que l'on amène un élément qui va venir bonifier cet article, qui a besoin de bonification, pour que ce soit minimalement acceptable. Puis là le ministre, il se replie comme une huître, il décide qu'il ne répond plus. Il a répondu une fois en disant : Bien, je ne peux pas le garantir, ça se peut que la famille soit séparée. Ah! il me fait signe qu'il a répondu trois fois. Bien, c'est parce qu'il y a une fois en particulier où il a dit que les familles vont être séparées. Mais il est à l'aise avec ça? Il est à l'aise avec le fait que des familles puissent être séparées au Québec? Il est à l'aise avec le principe qu'on introduit cette notion-là?

• (11 h 50) •

La Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre, vous désirez intervenir? Nous vous écoutons.

M. Jolin-Barrette : Oui. Le premier élément, Mme la Présidente, c'est qu'on n'introduit pas ce concept-là, hein? C'est la première des choses. Nous, comme gouvernement, on va tout faire en sorte pour s'assurer que chaque personne qui choisit le Québec, son parcours d'intégration, sa venue au Québec soit couronnée de succès. Cela étant dit, le gouvernement du Québec a indiqué très clairement qu'il souhaitait que la connaissance du français et la connaissance des valeurs québécoises exprimées par la Charte des droits et libertés soient des objectifs qui soient remplis et qui pourraient affecter la résidence permanente, des conditions affectant la résidence permanente.

Je l'ai dit, Mme la Présidente, aussi que cette obligation-là s'appliquait à chaque personne adulte aussi, de remplir ces obligations-là. Ce n'est pas différent, Mme la Présidente, des autres conditions affectant la résidence permanente qui sont imposées par le gouvernement fédéral. Je partage le souci de la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne. Or, ce n'est pas différent des conditions affectant la résidence permanente imposées par le gouvernement fédéral.

La Présidente (Mme Chassé) : Vous désirez poursuivre, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne ou... Y a-t-il d'autres interventions sur l'article 9? M. le député de Laurier-Dorion, effectivement. Allez-y.

M. Fontecilla : Oui. Donc, le ministre a dit qu'il ne peut garantir l'unité... que l'unité familiale soit maintenue. Je sais qu'il aime bien philosopher avec le député de Jean-Lesage, mais on sent que sa préoccupation, c'est le succès du parcours d'immigration. Mais, au fond, c'est un moyen, hein, ce qu'on veut, c'est la prospérité du Québec, là, c'est le titre du projet de loi, et donc qu'en accompagnant le parcours d'une personne, celle-ci va bien s'intégrer. Mais, vous savez, là, malheureusement ou heureusement, c'est à vous de choisir, Mme la Présidente, on n'est pas tout seul dans la vie, hein? C'est-à-dire, oui, je peux assurer le succès de mon... je peux tenter d'assurer le succès de mon parcours, mais je me préoccupe aussi du succès du parcours de ma conjointe, de mon conjoint, de mes enfants, de mes parents, de mes grands-parents, etc., là. Un être humain n'est pas seul, hein? Et on semble deviner, dans ce projet de loi, l'impression qu'un être humain, il est isolé complètement, il chemine dans la vie, mais qu'on n'a pas de lien, d'attache avec d'autres personnes autour de nous. Mais, bon, on fait appel au sens humaniste du ministre.

Et, bien qu'il apprécie philosopher, ça ne produit pas d'effet, hein, ce n'est pas la question humaniste qui semble le faire bouger et changer un petit peu de position. Mais allons-y pour le pratique, là, c'est-à-dire le succès du parcours. Est-ce qu'il considère que réunification familiale, l'unité familiale favorise la rétention d'immigrants au Québec? Parce que — écoutez, je ne sais pas, je parle pour moi, hein, mais peut-être que d'autres pourraient se reconnaître — si on me dit que je suis admis au Québec, et je suis très content, évidemment, mais qu'au bout de trois ans ma conjointe, mes enfants devront partir, bien, moi, je vais considérer sérieusement la possibilité de partir immédiatement de cette province-là qui ne veut pas de... qui pourrait éventuellement ne pas vouloir de ma famille.

Le test que le ministre entend imposer, là, s'adresse principalement au requérant principal, non pas à sa conjointe, non pas à ses enfants entre 18 et 21 ans, ce qui est la législation, la réglementation fédérale en matière de réunification familiale ou... À la limite, si je veux amener mes vieux parents, là, ma mère qui a 75 ans et qui pourra peut-être difficilement contribuer à la prospérité économique du Québec, en tout cas, en termes de travail ou en termes de francisation, etc., là, si je n'ai pas toutes ces possibilités-là, bien, je vais m'en aller ailleurs, là.

Donc, la question est très simple pour le ministre : Est-ce qu'il croit que l'unité familiale peut aider à la rétention de l'immigration au Québec?

La Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre, vous désirez intervenir?

M. Jolin-Barrette : Oui, Mme la Présidente. Je suis sensible aux arguments qui sont soulevés par la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne et le député de Nelligan. Comme je l'ai dit, l'objectif, c'est de faire en sorte que tout le monde réussisse, au Québec, et de s'assurer aussi, à titre d'exemples, que la connaissance du français et la connaissance des valeurs québécoises exprimées par la Charte des droits et libertés soient rencontrées par l'ensemble des personnes immigrantes d'âge adulte. Mais, si vous permettez, Mme la Présidente, dans un souci d'ouverture et dans un souci de faire avancer le projet de loi n° 9, et, je vous l'ai dit, je suis sensible aux arguments soulevés par le député de Nelligan et la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, je vous demanderais de suspendre quelques instants, et on pourrait regarder de façon à travailler pour faire avancer le projet de loi, pour que je puisse étudier toutes les options.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Merci, M. le ministre.

Nous suspendons les travaux momentanément.

(Suspension de la séance à 11 h 56)

(Reprise à 11 h 59)

La Présidente (Mme Chassé) : Alors, nous revenons. Merci. Oui, M. le ministre, vous désirez intervenir juste avant que nous suspendions les travaux. Allez-y.

M. Jolin-Barrette : ...pour notre prochaine séance, là, pour communiquer, on pourrait peut-être, à l'article 1 de la loi, dans les objets de la loi, lorsqu'on a inséré «elle a également pour but de favoriser l'intégration des personnes immigrantes»... et on pourrait mettre «et notamment celle de leur famille ou des membres de la famille». Pas à l'article 9 mais à l'article 1, pour dire quels sont les objets de la loi, pour venir englober l'ensemble des membres de la famille.

Alors, Mme la Présidente, je laisse les collègues sur cette idée générale. On va travailler de notre côté, puis je suis ouvert aux bonifications du côté de l'opposition officielle.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est très bien. Merci, M. le ministre.

Et, compte tenu de l'heure, la commission...

Mme Anglade : ...

La Présidente (Mme Chassé) : On se reprend... Vous voulez...

Mme Anglade : Je veux juste dire une chose, Mme la Présidente.

 (12 heures )

La Présidente (Mme Chassé) : Allez-y, Mme la députée. Patience à tout le monde.

Mme Anglade : C'est que, c'est sûr... Bien, c'est ça, on ne se revoit pas aujourd'hui, on va se revoir demain.

La Présidente (Mme Chassé) : On se revoit demain, après les travaux au salon bleu.

Mme Anglade : C'est sûr qu'on va vouloir voir de quelle manière on peut le bonifier puis aller dans le sens qui est proposé pour la préservation des cellules familiales. Donc, on va vouloir avoir ces discussions-là, en effet.

La Présidente (Mme Chassé) : Et voilà. Et alors, je vous remercie, à tous, pour votre collaboration.

Et, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 1)

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