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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mercredi 18 septembre 2019 - Vol. 45 N° 35

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 18, Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes


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Table des matières

Auditions (suite)

Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)

L'Appui national pour les proches aidants d'aînés

Document déposé

Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN)

Protecteur du citoyen

M. Dominique Goubau

Autres intervenants

Mme MarieChantal Chassé, présidente

M. Mathieu Lacombe

M. Harold LeBel

Mme Isabelle Lecours

Mme Jennifer Maccarone

Mme Kathleen Weil

Mme Lucie Lecours

Mme Stéphanie Lachance

Mme Marilyne Picard

*          Mme Guylaine Ouimette, OTSTCFQ

*          M. Alain Hébert, idem

*          Mme Magalie Dumas, L'Appui national pour les proches aidants d'aînés

*          Mme Emmanuelle Laliberté, idem

*          Mme Véronique Vézina, COPHAN

*          Mme Louise Bourgeois, idem

*          M. Olivier Collomb d'Eyrames, idem

*          Mme Marie Rinfret, Protectrice du citoyen

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente-huit minutes)

La Présidente (Mme Chassé) : Je constate le quorum et je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.

Je vous souhaite la bienvenue et je vous demande à tous de fermer la sonnerie de vos appareils électroniques, ou le mode de vibration, ou encore la porte ici.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 18, Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Lévesque (Chauveau) est remplacé par Mme Picard (Soulanges); M. Skeete (Sainte-Rose), par Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac); Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé), par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce); Mme Dorion (Taschereau), par Mme Labrie (Sherbrooke).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, Mme la Présidente. Ce matin, nous entendrons les groupes suivants : l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec puis l'appui pour les proches aidants d'aînés. Comme la séance a commencé à 11 h 38, c'est ça, hein?

La Secrétaire : Oui.

La Présidente (Mme Chassé) : Est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue?

Une voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Il n'y a pas de consentement, ça prend l'unanimité. Donc, deux façons : soit qu'on répartit les coupes des enveloppes de temps à travers chacun des partis. Est-ce qu'il y a consentement à ce que l'on coupe de façon proportionnelle dans chacun des... dans chacune des enveloppes de temps?

M. LeBel : Combien de temps qu'il en reste?

La Présidente (Mme Chassé) : Combien de temps qu'il en reste? Le 10 minutes qui est imparti aux présentateurs est conservé, et le reste... mais je suis certaine qu'il va en rester. Alors, il y a consentement?

Une voix : ...

• (11 h 40) •

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Excellent.

Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes, tel que je viens de vous le mentionner, et, à une minute de la fin, je vais vous faire un signe de la main ou un signe vocal pour vous inviter à conclure. Débutez en vous présentant puis commencez tout de suite votre exposé. Allez-y.

Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)

Mme Ouimette (Guylaine) : Mme la Présidente, je suis Guylaine Ouimette, présidente de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. Je suis accompagnée de M. Alain Hébert, travailleur social, chargé d'affaires professionnelles à l'ordre.

Mme la Présidente, M. le ministre délégué, distingués membres de la commission, au nom de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, je vous remercie de nous permettre d'exercer notre participation citoyenne en commentant le projet de loi n° 18.

Dans le respect de sa mission de protection du public, notre ordre soutient l'exercice et encadre... professionnel ses quelque 14 000 membres. L'ordre juge impératif de participer à la réflexion sociétale entourant ce projet de loi, et je remercie le curateur de nous avoir associés à sa consultation en reconnaissance de notre expertise.

Mme la Présidente, permettez-moi de vous présenter brièvement notre profession inspirante. Nous croyons en la capacité humaine d'évoluer et de se développer. Nous adhérons aux principes de respect de la dignité, de l'autonomie et de l'autodétermination de la personne. Nous reconnaissons à tout individu en danger le droit de recevoir assistance selon ses besoins. Nous sommes, et avec fierté, d'ardents défenseurs des droits et des principes de justice sociale.

Nous intervenons auprès des personnes qui comptent souvent parmi les plus vulnérables de notre société. Nous visons à rétablir leur fonctionnement social, à améliorer leurs conditions de vie et leur mieux-être, à favoriser leur intégration et leur participation citoyenne.

Les travailleurs sociaux jouent un rôle de premier plan dans le contexte des mesures de protection des personnes inaptes depuis le tournant des années 1990. D'ailleurs, en 2009, le législateur nous a attribué la réserve exclusive de l'activité qui consiste à, et je cite : «Procéder à l'évaluation psychosociale d'une personne dans le [contexte] des régimes de protection du majeur ou du mandat donné en prévision de l'inaptitude du mandant.»

J'insiste sur le fait que l'évaluation psychosociale constitue un geste professionnel de première importance. Nous portons un regard global sur la situation de la personne, sa réalité, ses besoins et ses aspirations. Nous statuons sur la mesure de protection la plus appropriée et nous déterminons si la personne a besoin d'être représentée dans l'exercice de ses droits civils. Également, nous évaluons et recommandons la ou les personnes les plus habilitées à jouer ce rôle.

L'évaluation est une activité complexe et sensible puisque le travailleur social est souvent placé au coeur de situations conflictuelles où plusieurs intérêts divergents s'affrontent. Nous privilégions la mesure de protection la moins contraignante pour la sauvegarde optimale des droits... de l'exercice des droits et des volontés de la personne.

Le projet de loi n° 18 s'inscrit parfaitement dans l'esprit de la conduite professionnelle attendue des travailleurs sociaux. Mme la Présidente, ce projet de loi représente un pas de plus vers le respect de la préservation de l'exercice des droits civils. Il vise une plus grande sensibilité sociale, je vous dirais, à l'égard des préférences, des volontés et de la participation de la personne. Ce projet de loi tend à préserver un équilibre entre les principes d'autodétermination et de protection pour les personnes en situation de vulnérabilité.

Nous vous soumettons 17 recommandations qui visent à ajouter des balises pour mieux réussir l'actualisation de la nouvelle loi, protéger le public et éviter toute forme de maltraitance. Aujourd'hui, nous avons choisi de mettre l'emphase sur certaines recommandations qui favorisent l'exercice optimal des droits des personnes tout au long du parcours de leur vie.

D'abord, l'ordre salue la volonté inscrite au projet de loi, qui prévoit que la tutelle sera modulée par le tribunal en fonction, notamment, des facultés de la personne. La notion de faculté est très importante et mérite d'être définie pour éviter toute méprise par une interprétation restrictive au sens biologique du terme.

Pour sa part, le travailleur social, par son évaluation multidimensionnelle, tient plutôt compte des capabilités de la personne. C'est-à-dire qu'il estime les ressources propres à la personne, donc ses attributs personnels, combinées à celles disponibles dans son environnement dans le but premier de maintenir au maximum l'exercice de ses droits. Nous recommandons donc l'ajout d'une brève définition de la notion de faculté dans le sens même de capabilité. Cette précision, nous croyons, sera gagnante pour tous et garante du respect de l'esprit de la loi.

La mesure de représentation temporaire est une nouveauté. Elle vise à répondre aux besoins d'une personne qui est devenue inapte à la suite d'une évaluation médicale. Il s'agit d'une mesure pour un seul acte par une personne désignée dans un temps spécifique. Ceci est un gain mais comporte des risques. Ainsi, l'ordre est en désaccord avec le fait que cette mesure soit conclue uniquement sur évaluation médicale.

Nous recommandons fortement un amendement afin d'exiger une évaluation psychosociale de pair avec l'évaluation médicale pour la mesure de représentation temporaire. Notre souci comporte deux dimensions. Premièrement, valider si la personne désignée est en mesure d'exercer les droits qui lui sont confiés. Deuxièmement, si cette mesure ne répond pas, une tutelle pourrait s'avérer nécessaire. Par ailleurs, les travailleurs sociaux déplorent également qu'aucun encadrement ne soit systématiquement prévu pour le mandataire, alors qu'il se voit confier notamment la pleine administration des biens d'une personne inapte.

Le projet de loi propose l'instauration de l'inventaire obligatoire des biens et la reddition de comptes, sauf sur renonciation expresse du mandant. Nous saluons ces deux dispositions qui exigent du représentant qu'il agisse avec transparence afin d'éviter tout préjudice et d'assurer la protection du patrimoine. Cela va dans le sens vraiment des efforts sociétaux contre la maltraitance financière et matérielle.

Enfin, la mesure de l'assistant majeur est un aspect novateur du projet. Elle suppose que la personne comprend la décision qu'elle prend et en quoi consiste la mesure. Dans un souci de vigilance et de bienveillance, le curateur doit s'en assurer, et, en cas de doute, il importe de prévoir une trajectoire afin que la personne en situation de vulnérabilité obtienne la bonne mesure.

Mme la Présidente, l'ordre appuie le projet de loi n° 18, et nous souhaitons que nos 17 recommandations trouvent un accueil favorable de la part des parlementaires et du législateur. Chaque jour, les travailleurs sociaux sont sollicités afin d'évaluer des personnes en besoin de protection. Vous conviendrez avec nous de l'absolue nécessité que les Québécois aient accès à leurs services dans le réseau public. Également, nous invitons l'État à être sensible aux besoins de soutien des acteurs sociaux afin qu'ils bénéficient des ressources requises pour contribuer à l'actualisation de cette future loi.

En terminant, le succès de cette nouvelle pièce législative reposera en bonne partie sur l'engagement, la rigueur et la contribution unique de nos membres en collaboration avec les médecins, les notaires, les avocats et les autres professionnels. Je vous assure que, de concert avec le curateur et son équipe, les travailleurs sociaux seront à la hauteur du défi que ce virage pose pour la protection des personnes, et ce défi est notre engagement. Pour votre réflexion et en terminant, sans être une recommandation de l'ordre, je me permets de vous suggérer que la future désignation du curateur devienne le Tuteur public. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec les membres de la commission. M. le ministre, la parole est à vous. Le temps qui est imparti au gouvernement, au parti formant le gouvernement, est de 14 min 30 s. Allez-y.

M. Lacombe : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci. Merci à vous pour la présentation, merci pour votre présence, merci pour votre mémoire, qu'on a évidemment lu avec beaucoup d'attention. D'entrée de jeu, je suis heureux d'entendre que vous êtes en faveur du projet de loi. Je le suis même avec vous. Je pense que c'est un bel outil... ce serait un bel outil... tout ce qui se trouve là-dedans serait un bel outil, peut-être, pour améliorer l'autonomie des personnes, préserver leurs droits le plus longtemps possible. J'ai quelques questions quand même, parce qu'évidemment le but de votre présence c'est qu'on puisse améliorer... prendre vos commentaires et éventuellement améliorer le projet de loi.

À la page 10 de votre mémoire, donc, vous parlez... vous indiquez que le curateur devra offrir un soutien aux tuteurs pour les aider. La question que j'ai pour vous, le curateur joue déjà un rôle de soutien ou, du moins, un rôle dans cette sphère-là : En quoi les fonctions actuelles du curateur ou la situation actuelle ne répondent pas aux besoins selon vous?

• (11 h 50) •

Mme Ouimette (Guylaine) : En fait, on dit offrir un soutien adapté. C'est parce qu'on va vers un projet de loi qui a des mesures, en fait, que la population vont comme découvrir et peut-être ne pas nécessairement comprendre. C'est un enjeu qu'on a soulevé, d'ailleurs, déjà auprès du curateur pour dire que tout l'aspect pédagogique qui va suivre suite à l'application de cette loi-là nécessitera définitivement du soutien. Oui, on sait qu'il va y avoir des gens qui répondent aux appels téléphoniques, mais ce qu'on veut dire, ça prend vraiment une grande... On parle de soutien. Ça peut être des documents, des dépliants, ça peut être de l'information grand public, ça peut être des capsules vidéo et ça peut être, dans certaines situations, vraiment un soutien téléphonique pour bien faire comprendre le rôle soit de l'assistant au majeur ou de la personne qui est porteur d'une tutelle modulée. Parce que, parfois, les gens ne vont pas nécessairement comprendre. Parce que, là, on s'en va vers vraiment le respect des droits de la personne dans ses capacités, ses aptitudes personnelles, jusqu'au maximum de ce qu'elle peut utiliser. Donc, ça crée une ouverture de... On sort du paternalisme, on soutient la personne dans l'exercice maximal de ses droits.

Donc, nous, c'est de s'assurer qu'il n'y aura pas oubli, hein, de mettre ce qu'il faut en termes de ressources pour répondre aux questions du grand public. Souvent ça va être peut-être des aidants naturels qui vont répondre, qui vont jouer ce rôle-là. Ça va être des personnes qui ne vont peut-être pas nécessairement toujours comprendre bien les balises. C'est à cet égard-là que nous avons fait cette recommandation.

M. Lacombe : Est-ce que le fait que, dans la loi, on introduirait dans la mission du curateur, qui va changer de nom... dans cette mission-là, on introduit aussi un devoir d'information. Parce que c'est important, ce que vous dites. Effectivement, il y aura tout un changement. Et, au-delà du soutien, là, technique qu'on doit offrir, par exemple aux tuteurs ou aux assistants, il y a toute cette notion d'information dans le changement que vous évoquez. Cette notion-là qu'on ajoute, de devoir d'information, est-ce que ça répond à votre préoccupation, à cette préoccupation-là?

Mme Ouimette (Guylaine) : En fait, je ne suis pas juriste, mais c'est... Évidemment, si c'est inscrit dans un projet de loi que le futur tuteur ou Curateur public ait cette responsabilité-là, je crois que ça viendrait appuyer notre demande. À moins que mon confrère puisse en ajouter, des éléments.

M. Hébert (Alain) : Bien, écoutez, on part avec l'idée, pour nous, que le Curateur public est déjà dans cette voie-là, fait déjà le travail. En fait, ce qu'on soulève, c'est qu'on prend très au sérieux les changements d'attitude, de compétence que les tuteurs auront à développer pour tenir compte, comme on dit dans le projet de loi, des volontés et préférences de la personne et pour la faire participer, dans la mesure de ses possibilités, à la prise de décision. C'est un changement qui peut sembler, comme ça, quand on le lit, peut-être un petit peu banal. Et il est vrai que, déjà, les tuteurs et qu'au plan social on est dans cette mouvance-là, mais en l'inscrivant nommément dans le projet de loi, nous, on pense qu'il y aura quand même un changement de culture sociale à y avoir, et même... Ça fait que c'est dans ce sens-là qu'on parle d'un soutien adapté en fonction de cette nouvelle réalité. C'est ce qu'on veut dire.

Est-ce que, dans la mission, le terme «information» suffit? Bien, il faut voir peut-être comment on le comprend, là, du côté du législateur dans le sens où, déjà, le Curateur public donne de l'information, mais déjà, on le sait, nous, il donne du soutien. Alors, est-ce que l'information, c'est la même chose que le soutien et l'accompagnement qui est déjà dans la mouvance des actions du curateur? Faudrait voir, là. On va laisser à d'autres peut-être le soin de juger de ça. Est-ce que le terme «information», de votre point de vue, englobe tout ça? C'est à voir.

Tu sais, il peut avoir une gradation, là, information, soutien, accompagnement. Et on sait que c'est déjà dans les pratiques quand même du curateur de viser le soutien et l'accompagnement. Alors, est-ce qu'il faudrait l'inscrire dans la mission? Là, c'est une... Nous, on ne s'est pas prononcé là-dessus dans notre mémoire.

M. Lacombe : Vous avez raison que c'est déjà dans son rôle. Je pense que ça fait partie implicitement du rôle que le curateur joue. Et nécessairement, avec le projet de loi qu'on propose, ça sera aussi au coeur, l'accompagnement. Mais je vous rassure, là, pour l'information, ce qu'on propose, c'est vraiment d'ajouter que le curateur «informe les personnes chargées de la représentation de majeurs inaptes, les tuteurs aux mineurs [...] les assistants aux majeurs afin qu'ils remplissent leur charge conformément à leurs obligations [qu'il] informe la population des enjeux que soulève la protection des personnes inaptes et des moyens nécessaires pour l'assurer». Donc, je présume, je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais que ça répond probablement à ce questionnement que vous aviez.

M. Hébert (Alain) : Ça va dans le sens de notre recommandation.

M. Lacombe : Super! Deuxième question pour vous, et c'est à la page 12 de votre mémoire, au sujet de l'évaluation psychosociale, c'est la recommandation n° 5 que vous formulez. Vous l'avez dit tantôt, vous exprimez un désaccord qui est assez marqué avec la mesure qui prévoit qu'il y a seulement dépôt d'une évaluation médicale qui est nécessaire pour demander la représentation temporaire du majeur. Il faut dire que l'évaluation médicale qui est nécessaire pour la demande de représentation temporaire, ce n'est pas la même, hein, on le sait, ce n'est pas la même que pour l'ouverture d'une tutelle ou pour l'homologation d'un mandat de protection. Et mon questionnement, c'est que, par exemple, dans le cas où on se trouve devant un notaire, il y a déjà cette situation-là qui se pose, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'évaluation psychosociale qui est nécessaire pour l'homologation. Si le notaire a un doute, il peut demander une évaluation médicale. On se rend chez le médecin, on doit revenir avec un billet. Et, pour terminer le préambule de ma question, vous soulignez vous-même que c'est parfois difficile d'avoir accès aux services pour avoir une évaluation psychosociale.

Est-ce que vous ne pensez pas que de l'exiger dans le cas de la représentation temporaire, ça pourrait rendre ça plus compliqué et faire en sorte que le citoyen ne se prévale pas de cette mesure-là quand, dans les faits, on veut simplifier la vie des citoyens qui ont besoin de cette représentation-là de façon très temporaire?

Mme Ouimette (Guylaine) : D'accord. Je vais demander à mon collègue, M. Hébert, de bien positionner cette recommandation avec la paire de lunettes que nous, les travailleurs sociaux, nous avons en termes de protection de public et éviter de la maltraitance possible.

M. Hébert (Alain) : Bien, voici, peut-être, d'entrée de jeu, on trouve important de vous souligner qu'ici n'est pas mis en cause le bien-fondé de l'évaluation médicale, peut-être juste important quand même de le clarifier de façon explicite. C'est qu'en fait on estime que l'acte pour lequel la représentation temporaire pourrait être en vigueur pourrait donner lieu, par exemple, s'il s'agit de la vente d'un actif important, à des besoins possibles de représentation plus permanents, par exemple au niveau de la gestion dans l'exemple que je vous donne.

Or, au niveau de l'évaluation psychosociale, ce qu'on vous mentionnait tantôt, c'est qu'on a développé, au fil des années, une complémentarité avec l'évaluation médicale, avec les médecins, et, de notre côté, en termes d'évaluation psychosociale, on a l'objectif d'apprécier le représentant légal, d'en faire une recommandation pour qu'il puisse bien jouer son rôle. Et on porte un regard global sur la personne, qui pourrait faire en sorte qu'on s'assure que le besoin temporaire anticipé n'est vraiment que temporaire, le besoin de représentation. C'est dans ce sens-là qu'on voit une plus-value, pour la personne, qu'il y ait une évaluation psychosociale qui soit faite.

Maintenant, est-ce que... parce ce qu'on fait la distinction entre cette évaluation psychosociale... entre l'évaluation médicale et le rapport d'évaluation médicale produit aux fins d'ouverture d'une tutelle, par exemple, ou d'homologation de mandat. Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir un pendant au niveau de l'évaluation psychosociale? Et nous, dans les limites de notre mandat, comme ordre, on est tout à fait disposés à voir qu'il puisse y avoir, et on le souligne dans notre mémoire, peut-être pour clarifier, un modèle de rapport adapté et un processus d'évaluation un peu plus succinct qui part avec le contexte de la demande, qui est une demande pour la représentation temporaire, quitte, au besoin, si le travailleur social, dans son évaluation, voyait que cette évaluation plus succincte... on trouve des éléments, des données qui font en sorte qu'on devrait s'intéresser plus largement à la situation, quitte, là, à ce moment-là, à la faire. Mais, pour un certain nombre de situations, il est possible qu'une évaluation plus sommaire pourrait être acceptable. Et, dans ce sens-là, nous, comme ordre, ça nous ferait plaisir de travailler à cette situation-là pour accommoder aussi en termes de besoins.

• (12 heures) •

Mme Ouimette (Guylaine) : Je complémenterais en disant que, pour rassurer les parlementaires et vous, M. le ministre, c'est que c'est évident qu'on ne veut pas ajouter plus d'étapes pour permettre aux gens d'avoir accès à cette mesure-là, qui est quand même assez légère dans le temps, temporaire. Notre point de vue, c'est de dire : On est prêts à travailler avec le curateur pour arriver avec un type d'évaluation qui est beaucoup plus simplifié, mais juste pour s'assurer que la personne qui va représenter, qui va exercer les droits de cette personne-là, juste dans une mesure temporaire, là, puis temporaire, des fois, bon, est-ce que le médecin peut dire : C'est que trois mois, c'est que pour cette action-là?, des fois, ça peut être plus long, qu'on ait fait le tour de la question pour dire : Effectivement, cette personne-là est en mesure de jouer ce rôle-là dans le contexte. Donc, on est ouverts vraiment... On ne parle pas d'une évaluation psychosociale comme l'activité réservée quand c'est le temps d'ouvrir une tutelle modulée ou homologuer un mandat, là. On est ailleurs.

M. Lacombe : D'accord, merci pour la précision. Je vais laisser le temps restant à ma collègue députée de Lotbinière-Frontenac.

La Présidente (Mme Chassé) : Excellent! Donc, j'invite la députée de Lotbinière-Frontenac à prendre la parole. Bienvenue avec nous.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Merci. Bonjour.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste trois minutes.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Merci. Pouvez-vous informer la commission des impacts socioaffectifs vécus par les personnes vivant sous le régime de tutelle et comment la réforme proposée par le projet de loi pourrait aider à minimiser ces impacts-là?

Mme Ouimette (Guylaine) : Je m'excuse, je vous ai mal entendue. Il y avait du bruit.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Je répète. Pouvez-vous informer la commission des impacts socioaffectifs vécus par les personnes vivant sous le régime de tutelle et comment la réforme proposée par le projet de loi pourrait aider à minimiser ces impacts?

Mme Ouimette (Guylaine) : Je vais commencer. En fait, l'esprit de cette loi-là vise à ce qu'on change notre regard paternaliste sur la limitation de l'exercice des droits d'une personne. C'est comme si, dans la chaise, la personne qui va avoir le devoir de représenter, elle devra permettre à cette personne-là d'exercer ses droits de prendre la parole avec ce qu'elle a comme attitude ainsi qu'avec les ressources qu'elle a autour d'elle. Donc, pour nous, ça va permettre — comme je disais tantôt, c'est un changement de cap, là — d'une certaine façon, d'aller encore plus loin, de dire : Ce qui est primaire, ce qui est primaire, c'est la parole de la personne dans les capacités qu'elle a et dans ses limites, mais aussi avec toutes ses ressources. Donc, on croit que, pour la personne qui est représentée, le projet de loi va permettre qu'elle soit encore plus dans l'exercice de ses droits civils. C'est la perception qu'on en a. Les gens vont être obligés...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste encore au-dessus d'une minute.

Mme Ouimette (Guylaine) : Dans le fond, je pourrais ajouter que les gens qui vont représenter la personne, peu importe la mesure... premièrement, la tutelle modulée, les gens, maintenant, vont avoir des obligations d'inscrire, de faire un rapport, de faire une reddition de comptes, mais, quand on parle de l'assistant au majeur, c'est intéressant, parce que c'est comme... on part de ce que la personne est et où elle est rendue puis on lui permet d'exercer parole et faire ses choix jusqu'au bout de sa limite.

Donc, c'est ça, l'esprit de ce projet de loi là. Et c'est pour ça que les 17 recommandations qu'on fait, c'est vraiment dans le sens que cet esprit-là, qui est derrière ce projet de loi là, soit actualisé dans son sens même.

La Présidente (Mme Chassé) : Bon, et voilà. Alors, merci, Mme la députée de Lotbinière-Frontenac. Je cède maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis. Le bloc qui vous est imparti est de 9 min 30 s. 9 min 40 s, pardon.

Mme Maccarone : 40. 10 secondes de plus.

La Présidente (Mme Chassé) : Yes!

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. Désolée d'avoir manqué le début, mais j'ai lu avec grand intérêt votre mémoire.

La première question pour moi, ça a rapport avec la recommandation n° 7, par rapport à la procuration générale et que vous proposez de permettre des pouvoirs relevant de la simple administration des biens. Si je joue l'avocat du diable, on a entendu des groupes qui représentent les proches aidants, et, si, mettons, moi-même, j'étais proche aidante, pourquoi que je ne voudrais pas aller pour quelque chose qui est peut-être plus facile? Est-ce que la procuration est peut-être plus facile? Et, sinon — procuration générale, excusez-moi, n'est pas plus facile — pourquoi je veux mettre des balises à l'intérieur de ceci? Parce qu'on veut vraiment faciliter puis aider ces gens-là aussi, on ne veut pas ramener une lourdeur. Alors, comment que le projet de loi peut nous aider à déterminer ou de décortiquer mieux?

Mme Ouimette (Guylaine) : ...vais demander à mon expert de vous répondre à ce sujet-là.

M. Hébert (Alain) : Bien, cette recommandation sur la procuration, vous voyez qu'au début c'est explorer la possibilité et la pertinence. Alors, on est vraiment dans... Dans le fond, ce qu'on veut faire avec cette recommandation-là, c'est soulever des enjeux par rapport, par exemple, au recours à la mesure de l'assistant au majeur. C'est-à-dire que la mesure de l'assistant au majeur, et avec raison, est encadrée par un certain nombre de mesures d'encadrement. Et évidemment, quand on a le choix entre deux mesures, comme vous dites, on pourrait trouver très contraignante l'idée, par rapport à la procuration, la mesure d'assistant au majeur. Alors, nous, on le voyait possiblement comme un obstacle, c'est-à-dire que cette mesure-là présente moins d'attraits, et que, si on veut l'actualiser, l'assistant au majeur, qu'il y aurait peut-être à regarder qu'on ait aussi une forme d'encadrement au niveau de la procuration.

Là, ce que, nous, il est proposé ici, c'est la pertinence pour des pouvoirs relevant de la simple administration dans le sens où notre angle, nous, ce qu'on observe comme travailleurs sociaux, dans certaines situations, évidemment, pas toutes, on ne veut pas faire de généralisation, mais, dans certaines situations, on se retrouve dans des zones grises où il nous semble que la procuration peut donner lieu à des risques d'abus. Et, dans cette perspective-là, on souhaite qu'il y ait une réflexion sociale plus large. On n'est pas les spécialistes de la procuration, mais on soulève la question pour cette raison-là. Mais l'idée n'est pas de limiter, on comprend, les choix des citoyens.

Mme Maccarone : Parfait. Je ne suis pas experte non plus, alors je suis contente d'avoir votre réflexion. Je pense que ça va nous aider quand on va aller article par article.

Pour la recommandation n° 9, vous proposez d'ajouter un pouvoir réglementaire permettant de déterminer le fond du contenu de la reddition de comptes du mandataire. Pouvez-vous nous donner un exemple de qu'est-ce que ça peut avoir l'air?

Mme Ouimette (Guylaine) : Oui, Alain, tu peux répondre.

M. Hébert (Alain) : Bien, en fait, c'est que, d'entrée de jeu, ce qu'on observe, comme Mme la présidente le disait, Mme Ouimette, tantôt, c'est qu'actuellement il n'y a pas d'encadrement au niveau du mandat de protection, et les deux mesures qui sont soulevées par le projet de loi, qui sont identifiées dans le projet de loi, on est en accord avec elles. Ça fait plusieurs années, dans le fond, que nous, on déplore qu'il n'y ait pas d'encadrement au niveau de mandat de protection.

Maintenant, la mesure de reddition de comptes, ce qu'on dit, puis on finit en disant : C'est ce que nous proposons, c'est que, si on souhaitait avoir des balises pour dire en quoi elle pourrait consister, sans que ce soit nécessairement trop contraignant, ça pourrait agir comme guide pour voir à quoi pourrait ressembler la reddition de comptes, autant pour la personne que pour les biens. Et on pense que ça pourrait être une bonne idée de le faire. C'est dans ce sens-là qu'on soumet la recommandation.

Mme Maccarone : Pas nécessairement dans la législation, mais comme un document accompagnateur, avec toutes les autres informations qui seront fournies par le tuteur public, si c'est ça qui devient le nom potentiel.

Mme Ouimette (Guylaine) : En fait... Et aussi c'est vraiment... parce qu'on sait que c'est un grand changement une fois que cette loi-là va arriver. Puis on sait qu'il y a des tuteurs, des représentants légaux de toutes sortes de niveaux de compréhension. Et on se dit qu'on est vraiment d'accord avec ces deux mesures-là. C'est parfait. Mais, s'il y a comme des qualifications, des attendus, ça va être facile pour tout le monde. Pour ce qui est des suivis mêmes faits par le curateur, ça va être encore plus simple.

Alors, pour moi, c'est comme de faire la boucle et de permettre à la population d'agir, mais avec un cadre qui est quand même plus simple, avec des lignes assez claires et rendre ça le plus simple possible pour que ce soit réalisable.

Mme Maccarone : Par rapport à votre recommandation n° 1, excusez-moi, je pense que c'est la formation obligatoire, alors la recommandation n° 11. J'aimerais vous entendre un peu par rapport aux critères de cette formation obligatoire. Ça a l'air de quoi? On attend après quoi à l'intérieur de ceci?

Mme Ouimette (Guylaine) : Je vais demander à Alain de vous répondre à cet égard-là, par rapport à la formation, les attentes.

M. Hébert (Alain) : Oui, je ne suis pas certain d'avoir bien saisi votre question. Je ne suis pas certain d'avoir bien saisi la question de Mme la députée.

La Présidente (Mme Chassé) : Pourriez-vous répéter?

Mme Maccarone : Oui, je vais répéter. C'est par rapport à la recommandation n° 11, vous faites une recommandation pour avoir la formation obligatoire en matière d'évaluation psychosociale. Ça a l'air de quoi, cette formation obligatoire, si, mettons, on écrivait un autre document accompagnateur? Ça a l'air de quoi exactement? On s'entend pour...

• (12 h 10) •

M. Hébert (Alain) : Oui. Mais les éléments fondamentaux de cette formation-là, ce seraient les nouveautés au plan juridique du cadre légal qui encadre l'exercice de l'activité. Ce seraient aussi des ajustements faits sur comment produire le rapport d'évaluation psychosociale, d'abord, comment la réaliser au plan clinique et ensuite comment la produire. Parce que, là, c'est sûr qu'on aura, nous, comme travailleurs sociaux, dans le cadre de notre évaluation, à formuler des recommandations à l'intention du tribunal pour la modulation de la tutelle. Tu sais, on aura à documenter quelles sont les facultés de la personne pour permettre au tribunal de déterminer quel type de modulation de tutelle on aura.

Dans ce sens-là, ça va dans l'esprit, quand même, je vous dirais, de la philosophie des travailleurs sociaux depuis plusieurs années, mais il y a quand même un aspect nouveau qu'on devra documenter, et on souhaite que les travailleurs sociaux qui vont continuer à exercer cette activité-là soient bien au fait de bien réaliser une opinion professionnelle et des recommandations notamment sur cet aspect-là. Ça fait que, dans ce sens-là, on estime que ça justifie cette formation obligatoire.

Nouveauté du cadre légal, certaines dispositions par rapport à l'évaluation psychosociale, il y a d'autres éléments dans l'évaluation psychosociale par rapport à l'appréciation du futur représentant légal, potentiellement, qui vont être aussi à modifier, parce qu'on ajoute, puis nous, on prend ça très au sérieux, là, l'idée qu'on va... le représentant va devoir tenir compte des volontés et préférences de la personne dans la mesure du possible, la faire participer aux décisions.

On le disait tantôt, ça suppose que nous, comme travailleurs sociaux, travailleuses sociales, on apprécie cette ouverture du futur représentant, cette capacité du futur représentant légal à jouer le rôle dans l'esprit du projet de loi. Donc ça va changer quand même jusqu'à un certain point l'évaluation. Ça fait que c'est peut-être les éléments qui je vous dirais, là, spontanément.

Mme Ouimette (Guylaine) : Un petit ajout tout simple. C'est qu'il existe déjà une formation pour les travailleurs sociaux qui font l'activité exclusive réservée. Là, ce qu'on souhaite, c'est, étant donné le grand changement que ce projet de loi là apporte dans certaines façons de faire, on veut rendre obligatoire la formation pour assurer au public que le travailleur social qui la fait sera qualifié, aura les nouvelles connaissances nécessaires pour le faire.

M. Hébert (Alain) : Dans sa forme actuelle, la formation, là... puis c'est un format de trois jours avec une journée dispensée par un juriste ou une juriste et deux jours par un travailleur social ou une travailleuse sociale.

Mme Maccarone : Complètement en accord avec vous. Je présume, aussi, ça va prendre une réflexion au niveau universitaire aussi pour la formation des travailleurs sociaux avec peut-être juste une petite note à prendre. S'il reste du temps, Mme la Présidente, j'aimerais céder la parole à...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 1 min 30 s. La députée de Notre-Dame-de-Grâce désire prendre la parole.

Mme Weil : D'accord. Alors, merci. Bienvenue, Mme Ouimette, M. Hébert. Vous êtes vraiment au coeur de l'action, donc je vais aller un peu sur le lexique. «Tuteur public», c'est votre recommandation pour le titre. On a eu quelques différentes recommandations, inquiétudes par rapport à «personnes vulnérables», qu'on vient stigmatiser ces personnes. Moi, dans mes recherches, «Tuteur public», c'est cohérent avec le langage qu'on entend un peu partout dans toutes les provinces, dans tous les sites qui sont en français, puis il y en a quand même beaucoup dans diverses provinces.

Juste expliquer... parce que c'est important, les mots, le titre est très important. Ça signale quelque chose, un message, une orientation. Peut-être, avec le temps que j'ai, expliquer votre choix.

Mme Ouimette (Guylaine) : On est partis de l'idée que, depuis 1945, existe le titre de Curateur public. On va faire face à un projet de loi qui va amener des changements importants. C'est toute la référence au public, à cette institution-là qu'on trouve très importante. Et d'aller avec un titre comme celui qui est proposé, on craint un peu que la population se perde. En parlant... et désormais, parce qu'évidemment pour le curateur il n'y a plus de curatelle, ce sont des tutelles modulées, et autres mesures. Alors, vraiment, on n'en fait pas une recommandation ce matin, on fait un peu une improvisation, mais il reste que... parce que, quand on a finalisé notre mémoire, on n'avait pas encore finalisé notre réflexion. Mais en disant tuteur public, là, ça dit ce qu'il fait, ça dit qui il est...

La Présidente (Mme Chassé) : En terminant.

Mme Ouimette (Guylaine) : ...et ça fait quand même référence à une grande institution depuis plusieurs années.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est très bien. Je vous remercie. Je cède maintenant la parole au député de Rimouski pour un bloc d'échange de 2 min 25 s. Go!

M. LeBel : Merci, vous êtes trop généreuse. Très rapidement, moi, je suis porte-parole du dossier des aînés. C'est un dossier qui m'interpelle beaucoup. L'an passé ou il y a deux ans, j'ai participé au projet de loi contre la maltraitance des aînés, mais c'est une situation qui se perdure, là, avec le vieillissement de la population. Je suis dans une région, moi, où il y a une personne sur quatre qui a 65 ans et plus. Il y a des... La protection des aînés, ça m'intéresse beaucoup.

À la recommandation 12, vous dites : «Prévoir une solution législative à la controverse actuelle...» Je suis allé voir dans le mémoire. Vous dites : «L'obligation de devoir recourir à l'autorisation du tribunal, comme on l'exige en matière de consentement aux soins, peut s'avérer inutilement lourde, voire préjudiciable, dans certaines situations...»

J'ai des petites inquiétudes par rapport à des aînés qui ne pourraient pas se défendre ou qui pourraient être... J'aimerais ça avoir un peu vos commentaires là-dessus.

Mme Ouimette (Guylaine) : Sur l'enjeu que nous soulevons par rapport au consentement aux soins?

M. LeBel : Oui.

Mme Ouimette (Guylaine) : Ça va prendre trois heures, mais je vais tenter de... je vais passer la parole à mon collègue Alain pour répondre le plus succinctement possible, parce que cet enjeu-là, cette controverse-là, existe depuis très longtemps. On savait, dans le cadre du projet de loi, ça serait difficile de le régler. Puis on dit sous réserve, c'est de prévoir, de discuter vraiment pour arriver à ce que le consentement soit bien compris. Parce que le consentement aux soins, comme il est actuellement, peut être compris par les acteurs présents et futurs comme un consentement aux soins global. On va chez le médecin, on signe un formulaire, faites ce que vous voulez. Quand nous, on parle de consentement déontologique qui est produit par un travailleur social face à une personne, c'est d'aller jusqu'au bout pour lui faire comprendre de façon la plus claire ce à quoi elle consent.

Donc, c'est une dimension que je vous dirais plutôt sociale, de bien comprendre, de prendre le temps avec la personne pour aller chercher son consentement. Et là on rentre dans les enjeux de respecter qu'est-ce qu'elle a comme résiduel en termes d'exercices, d'aptitudes personnelles qui lui restent et de pouvoir consentir à ce qui se passe avec elle. Je ne sais pas si tu voulais ajouter quelque chose, Alain, parce que...

La Présidente (Mme Chassé) : ...

Mme Ouimette (Guylaine) : 30 secondes, c'est...

La Présidente (Mme Chassé) : En 10 secondes.

M. Hébert (Alain) : En 10 secondes. Bien, en fait, c'est qu'on soulève la difficulté que posent différentes interprétations sur l'étendue du consentement requis pour procéder à l'évaluation, et c'est dans ce sens-là qu'on souhaite une solution législative qui serait aidante pour tous les acteurs d'établissement.

La Présidente (Mme Chassé) : Excellent!

M. LeBel : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants — et on va essayer d'être diligent dans le transfert — afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 16)

(Reprise à 12 h 19)

La Présidente (Mme Chassé) : On se retrouve, et je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'appui pour les proches aidants. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. À une minute de la fin, je vais vous faire un signe de la main ou un signe vocal pour vous inviter à conclure, puis, par la suite, nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Commencez par vous présenter puis ensuite sautez tout de suite sur votre exposé. Bienvenue.

L'Appui national pour les proches aidants d'aînés

Mme Dumas (Magalie) : Merci. Donc, merci de nous accueillir. Je suis Magalie Dumas. Je suis directrice générale adjointe à L'Appui national pour les proches aidants d'aînés, donc la société de gestion.

Mme Laliberté (Emmanuelle) : Moi, je suis Emmanuelle Laliberté, directrice générale de L'Appui Capitale-Nationale. Donc, comme on est dans la région, c'est moi qui suis là pour représenter les 17 régions avec ma collègue.

• (12 h 20) •

Mme Dumas (Magalie) : M. le ministre, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés, membres de la Commission des relations avec les citoyens, merci de nous recevoir aujourd'hui.

L'Appui pour les proches aidants d'aînés salue le dépôt de ce projet de loi qui valorise l'autonomie, les droits, les volontés et les préférences des personnes assistées. De plus, nous saluons de façon encore plus soutenue l'objectif de simplification des mesures actuellement en place. Comme organisation accompagnant les personnes proches aidantes dans leurs trajectoires de soutien, nous pouvons témoigner de leur désarroi face aux mesures existantes. Leur simplification et leur modulation apporteront certainement un allègement de leur rôle et une reconnaissance de leurs savoirs expérientiels. Telle était la citation de notre organisation dans un document du Curateur public annexé au communiqué de presse du ministre de la Famille, M. Mathieu Lacombe, pour souligner le dépôt du projet de loi n° 18, le 10 avril dernier. Selon nous, cependant, pour arriver à de tels effets positifs, il y aura, d'une part, des dispositions à préciser et, d'autre part, un plan de transition rigoureux à orchestrer.

Plus que juridique, l'esprit dans lequel nous sommes ici, devant vous, est empreint d'une perspective sociale et de gestion du changement. Notre opinion toute relative est celle de témoins et d'acteurs privilégiés auprès de nos personnes aidantes d'aînées québécoises. Il est important de préciser que, compte tenu de notre mission, qui n'en est pas une de défense des droits, L'Appui n'adopte pas, dans ce processus des consultations, une posture de revendication, mais plutôt une posture partenariale. Par ailleurs, compte tenu de notre mission actuelle, qui pourrait être amenée à se modifier dans les prochaines années pour élargir les clientèles de personnes proches aidantes visées par notre action, L'Appui prend parole, dans ce mémoire et dans cette présentation, au regard de la situation des personnes proches aidantes d'aînés exclusivement. Nous vous prions donc de ne pas extrapoler le contenu de ce mémoire et de nos présentations à toutes les clientèles de personnes aidantes et à toutes les personnes pouvant se retrouver en situation de vulnérabilité et qui sont visées pas les dispositions du projet de loi n° 18.

Est largement considérée comme signe d'une société en santé celle qui vise à accroître le pouvoir d'agir de ces citoyennes et citoyens. Malgré leurs maladies, handicaps, limitations, difficultés, que tous puissent jouir d'un exercice de leurs droits adapté à leurs réalités et aptitudes. Par ailleurs, il est tout aussi largement considéré comme signe d'une société en santé celle qui vise à protéger ses membres en situation de vulnérabilité. À la jonction de ces deux considérants se trouve une fine ligne, un équilibre que tout législateur chercherait à atteindre. Il voudrait, pour ce faire, bien mesurer les impacts législatifs, légaux financiers, économiques, transitifs et sociaux engendrés par cette recherche d'équilibre entre son rôle de protection des individus et de préservation des droits civils, tout en ne perdant pas de vue les considérants de la santé des personnes et des institutions. C'est dans cette situation que se trouve aujourd'hui l'État québécois, et nous saluons le courage nécessaire à une telle entreprise.

Conséquemment, la mission de L'Appui, c'est du point de vue des considérations sociales et transitives que nous commentons le projet de loi n° 18, et ce, au regard, comme je vous le disais précédemment, d'une clientèle bien précise, celle des personnes proche aidantes de personnes aînées et de l'environnement qui est le nôtre, donc celui d'une organisation présente à la fois nationalement et régionalement.

Depuis quelques décennies, l'État québécois a mis moult efforts politiques et mesures législatives en place afin de contrer la maltraitance envers les personnes aînées, de favoriser leur maintien à domicile et de soutenir leurs personnes aidantes. À coup de gains âprement atteints, l'équilibre et la cohérence de ces actions tendent à se stabiliser et à se pérenniser depuis quelques années.

Derrière nos personnes aînées en situation de vulnérabilité se cachent des centaines de milliers de personnes proches aidantes sans qui nombre de personnes aînées ne pourraient s'accomplir dans leur quotidien. Il apparaît donc primordial qu'un changement de paradigme si important à l'égard du dispositif de protection des personnes prenne en compte la perspective particulière des personnes proches aidantes d'aînés et des aînés en situation de vulnérabilité eux-mêmes comme sous-population appréciable au Québec. La structure démographique québécoise telle qu'on la connaît, le taux de prévalence des troubles neurocognitifs et l'espérance de vie des personnes dressent devant nous de lourdes perspectives quant à l'équilibre et à l'étanchéité de notre tissu social.

Tel que présenté à l'heure actuelle, le projet de loi n° 18 ne semble pas suffisamment prendre en considération de ces faits. Il est convenu qu'une approche clientéliste n'est certainement pas le souhait du Curateur public, mais il est difficile d'imaginer que des changements aussi fondamentaux au dispositif de protection des personnes puissent se réaliser sans égard particulier aux personnes aînées en situation de déficit cognitif ou de maladie dégénérative et leur entourage. Plus tard, au moment de répondre à vos questions, on pourra vous parler précisément de nos préoccupations, de nos questionnements.

Mme Laliberté (Emmanuelle) : Comme c'est toujours le cas, l'adoption d'une nouvelle loi ou l'adoption d'une modification substantielle à une loi déjà en vigueur est la fin importante d'un rigoureux processus législatif, mais aussi le début d'un chantier déterminant de mise en application, de communication et d'opération destiné à en assurer le déploiement. Il nous faudra toute une collectivité pour réussir la transition de la modification du dispositif de protection des personnes.

L'Appui pour les proches aidants d'aînés souhaite continuer à contribuer de manière active à la poursuite des activités de consultation du Curateur public et à porter auprès de lui conseils et avis quant au contenu du projet de loi n° 18. D'autre part, L'Appui assure l'État québécois, le Curateur public et les personnes proches aidantes d'aînées de toute sa volonté de contribuer à la stratégie de mise en application et de communication nécessaire auprès des instances qui seront concernées par ces changements, et il y en aura beaucoup.

Nous aurons pris la peine, en annexe de notre mémoire, de manière plus soutenue que ce type d'exercice suppose, de dresser au lecteur un portrait du pouvoir d'agir de L'Appui. Évidemment, ceci permettra au lecteur de mieux comprendre qui nous sommes, mais surtout comment on pourra mesurer notre accès privilégié à des réseaux diversifiés qui seront tous concernés par la modification du dispositif de protection des personnes.

Nos réseaux communicationnels, notre engagement au transfert des connaissances et notre travail constant visant à vulgariser et rendre disponible l'information pertinente pour les personnes proches aidantes d'aînés de partout au Québec sauront assurément trouver leur place dans la stratégie de transition et de communication du Curateur public. Non seulement rejoignons-nous de manière privilégiée les personnes aidantes, nous avons également un accès particulier auprès des organisations communautaires et associatives qui leur offrent des services. Que ce soit par des initiatives communicationnelles, informationnelles ou formatives auprès des intervenants et professionnels qui accompagnent et soutiennent les personnes prochaines aidantes d'aînés, nous nous engagerons à être là aux moments opportuns et importants.

Plus tard, nous pourrons répondre à vos questions concernant nos principales préoccupations et nos constats favorables eu égard au grand chantier de transition qui sera nécessaire.

Bien qu'il reste des zones d'ombre à éclaircir, des notions à approfondir, des réalités différenciées à accorder et des politiques à rendre congruentes, L'Appui pour les proches aidants d'aînés est favorable à l'adoption du projet de loi n° 18. Nous avons confiance que les multiples avis transmis dans les exercices de consultation sauront apporter les ajustements nécessaires au projet de loi, mais, comme l'adage nous dit que le diable se cache souvent dans les détails, l'organisation demeure à la disposition du Curateur public et du législateur pour s'assurer de l'adéquation entre la modification du dispositif de protection des personnes et les réalités des personnes proches aidantes d'aînés.

En terminant, nous souhaitons remercier évidemment le Curateur public et la Commission des relations avec les citoyens d'avoir donné une voix aux préoccupations d'un réseau de soutien au service des personnes proches aidantes d'aînés. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci pour votre exposé. On va débuter la période d'échange avec le parti formant le gouvernement. M. le ministre, je vous cède maintenant la parole.

M. Lacombe : Merci beaucoup. Merci, Mme Dumas, merci, Mme Laliberté, de vous être déplacées ce matin. Je comprends que ça demande beaucoup de travail. À chaque fois qu'on dépose un projet de loi, ça vous demande beaucoup de travail parce qu'évidemment vous voulez que ça réponde très précisément aux besoins que vous avez. Je sais que vous avez travaillé fort.

Je sais que vous êtes favorables, donc, au projet de loi. On est ici pour évidemment le bonifier, s'il y a lieu. Justement, je vous amène à la page 4 de votre mémoire. Dans la section où vous parlez de l'assistant aux majeurs, vous parlez de décalage. Vous dites que, selon vous, il y a un décalage, et là je vais vous citer, là, qu'il y a «un décalage [qui] semble se créer entre — les principes : "Destinée à toutes les personnes qui, en raison d'une difficulté, souhaitent être accompagnées pour prendre certaines décisions" et — de l'autre côté — "Aucun pouvoir décisionnel pour l'assistant".»

Donc, selon vous, il y a comme une zone... est-ce que je dirais d'ombre ou de possible?

Mme Dumas (Magalie) : D'ombre, de lumière, toutes ces choses étant possibles.

M. Lacombe : Est-ce que vous pouvez nous en parler davantage? Qu'est-ce que... Est-ce que vous avez des craintes? Si oui, quelles sont ces craintes-là?

Mme Dumas (Magalie) : En fait, bien, tout ça sera dans les efforts de communication, de formation, puis de vulgarisation de la loi. Là, à l'heure actuelle, c'est sûr que les outils ne sont pas à ce point développés pour permettre d'expliquer l'ensemble de ce changement-là. Mais, à la lecture préliminaire puis pour avoir testé ça avec quelques proches aidants, cette lecture-là, la vision, d'un, sur la ligne de l'accompagnement... Qu'est-ce qu'un début, une fin d'accompagnement? Qu'est-ce qu'accompagner quelqu'un, mais de ne pas prendre de décision? Parce que ça demeure d'être accompagné dans une décision. Il y a quand même une zone ici, où, si c'est une mesure non judiciarisée, qu'on espère rendre très accessible... puis on l'a dit dans les constats favorables, on pense que, dans plusieurs cas où la personne est encore apte mais a des difficultés, ça va vraiment permettre à nombre de proches aidants de pouvoir agir là où ils ont plein de difficultés de nature administrative quand il n'y a pas de procuration, quand il n'y a pas d'autre chose pour la personne.

Mais cette zone-là où il y a un équilibre dans une dyade, où on a une personne aînée avec son proche aidant... Puis il y a plein de zones, puis on n'a malheureusement pas pu assister à tout l'exposé de nos amis de l'Ordre des travailleurs sociaux, mais, assurément, je suis convaincue qu'ils ont probablement des préoccupations aussi à ce niveau-là, sur s'assurer que tous comprennent bien. Puis je pense que l'assistant, une fois nommé, on devra vraiment prendre le temps avec lui pour ne pas que ça crée plus de dommages et de conflits familiaux à l'interne. Donc, de vraiment, vraiment définir la zone de l'assistant nous apparaît d'une primauté absolue, là.

• (12 h 30) •

M. Lacombe : Si je vous dis... Je comprends mieux votre crainte ou votre questionnement. Si je réponds à ça que, bien, d'une part, le curateur ou le nouveau nom qu'on va lui donner rencontre, hein, l'assistant pour lui expliquer son rôle et, d'autre part, que, de façon plus théorique, mais quand même, on intègre aussi dans la loi, dans la mission du curateur, le fait qu'il a un devoir d'informer et de faire en sorte que les gens qui vont agir à ce titre-là aient tous les outils pour le faire puis qu'ils connaissent bien leur rôle, est-ce que ça, ça vous rassure?

Mme Dumas (Magalie) : Tout à fait. Et je pousserais ça plus loin. C'est-à-dire, oui, effectivement, dans l'exercice, au moment où on a l'assistant et l'assisté puis l'assistant au moment... Mais aussi, puis souvent, bien, on... C'est comme les proches aidants puis les aînés qui se retrouvent chez le médecin, hein? La moitié des questions qu'ils voulaient poser, ils se les posent dans l'auto en retournant, ou ils ont été stressés, ou c'est bien énervant de se trouver dans ces institutions-là.

Donc, non seulement, oui, il y a un rôle du curateur, d'information et d'assistance, mais il y aura aussi à ce que ce soit très, très bien compris, bon, les travailleurs sociaux, mais, au-delà de ça, dans les organismes communautaires, dans tous les gens qui interviennent dans la vie des dyades de proches et de leurs personnes, que ce soit tout aussi bien compris. Parce que, souvent, c'est ce qui arrive dans une zone de transition où tout le monde n'a pas les mêmes informations au même moment. Donc, oui, bien informer l'assistant, mais s'assurer que le réseau autour aussi soit très bien informé.

M. Lacombe : Donc, si j'ajoute peut-être un autre élément de réflexion, si je vous disais que toutes les questions que les gens se posent en revenant dans la voiture, ils pourraient téléphoner, disons, à une ligne qu'on pourrait mettre sur pied, surtout dans la transition, on parle d'une transition qui pourrait durer plusieurs mois, là, mais, si on vous dit qu'il pourrait y avoir une ligne comme ça pour les questions de voitures, est-ce que ça, ça vous rassurerait encore plus?

Mme Dumas (Magalie) : Un accueil favorable, effectivement.

M. Lacombe : Accueil favorable, d'accord.

Je vous amène maintenant à la page 5 de votre mémoire. Vous indiquez à cet endroit-là que «le régime de tutelle modulé dans un contexte de maladie dégénérative ou de troubles neurocognitifs n'est [...] pas suffisamment considéré dans [le texte] du projet de loi». Et vous dites que ce manque de considération là, le fait que ce ne soit pas assez évoqué, ça pourrait alourdir la tâche des tuteurs puis des familles, potentiellement peut-être aussi désengager les gens qui auraient eu un intérêt de s'occuper d'un proche, d'une personne aînée. Qu'est-ce qui vous amène à tirer cette conclusion-là?

Mme Dumas (Magalie) : Bien, la lourdeur, déjà, actuelle de tous ces impacts-là. On a un service Info-aidant, donc, l'année dernière, presque 20 000 interventions auprès de proches aidants d'aînés au Québec. Donc, on a une antenne très, très, très collée, donc, sur les besoins du milieu. Et, après les questions sur les services et le répit, le deuxième sujet en importance au service Info-aidant, ce sont les questions de nature légale, fiscale et financière. Donc, c'est les proches aidants et les familles... ne serait-ce qu'ouvrir un régime de protection, là. Puis d'être dans les démarches d'évaluation psychosociale, médicale, les temps d'attente qui sont déjà présents actuellement, c'est beaucoup, et ça fragilise énormément, et ça crée des zones de conflit dans les familles très souvent, malheureusement.

Donc, de retourner... Bon, si on installe une tutelle modulée... Je vais essayer de faire un exemple le plus concret possible. Donc, avec une personne, donc, une conjointe et son conjoint qui a la maladie d'Alzheimer, pas de mandat de protection, on se retrouve donc sur un régime de tutelle. Et, bien, par la nature même d'une maladie dégénérative ou un trouble neurocognitif, on ne peut pas prévoir, cinq ans en avant de nous, ce qui va arriver, quels seront les droits civils qui pourront être maintenus. Donc, ça implique systématiquement de la revue très rapide et à une fréquence qui va finir par finalement épuiser des familles et renoncer à la volonté de maintien à domicile.

Puis, d'un autre côté, notre État québécois travaille fort à soutenir les proches aidants, à accueillir et à donner des facilitateurs pour qu'ils puissent vivre à domicile. Mais, si on vient déséquilibrer ce fragile équilibre là en plus des coûts financiers, nous... Je vais être... Encore une fois, très, très concrètement, à Info-aidant quand on a un proche aidant d'aîné qui est en attente des évaluations pour ouvrir un régime de protection et qu'on est rendu à 13 mois d'attente, si... Faites ça fois quatre sur une trajectoire de deux, trois, quatre, cinq ans, 10 ans, plus les coûts que ça engendre. Il y a des gens qui ont dit : C'est tellement rendu problématique d'avoir les évaluations avant d'ouvrir le régime que les gens se tournent au privé, là. Puis ce n'est pas toutes les familles qui ont les moyens et les accès à ces réseaux-là. Donc, on est très préoccupés par ce bout-là pour ne pas finalement déséquilibrer ce qu'on essaie de faire comme société ici, au Québec.

M. Lacombe : Je comprends. On a pris des notes. Et puis peut-être, dernière question... peut-être, en fait, une proposition. J'aimerais peut-être avoir une proposition de votre part. Vous écrivez, c'est à la page 4 — c'est-u à la page 4? — oui, à la page 4 de votre mémoire, vous écrivez que ce serait souhaitable, selon vous, d'arrimer et de préciser la... disons, la zone d'action des assistants dans le contexte du plan d'action contre la maltraitance puis de la loi pour lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne en situation de vulnérabilité. Qu'est-ce que vous proposez?

Mme Dumas (Magalie) : En fait, je n'ai pas avec moi le détail de cette loi-là, mais elle prévoit déjà des mesures, des zones d'action... faire la différence entre la maltraitance, de... Bien, tu sais, il y a une entente sociojudiciaire en cours.

Puis c'est ça qu'on disait à un moment donné dans la mesure d'assistance. Pour nous, ce serait vraiment très pertinent puis c'est à degré variable, puis elle est à déploiement encore variable, l'entente sociojudiciaire, mais le curateur n'est pas forcément de toutes les ententes sociojudiciaires.

Et, exemple, pour vraiment s'arrimer avec ça, c'est que, comme c'est une mesure non judiciarisée, bien, si le curateur, quand il a des préoccupations ou des soupçons importants, s'il peut, lui aussi, faire partie de l'entente sociojudiciaire et aller travailler avec les policiers, les travailleurs sociaux, avoir de l'accès, pour nous... C'est déjà prévu. C'est là. Pourquoi refaire? C'est là qu'on dit : Il y a un arrimage qui nous apparaît nécessaire entre — celui-là en était un exemple, là — la loi puis la politique.

M. Lacombe : Et, si je vous dis qu'on fait déjà partie de cette entente-là, est-ce que ça répond de facto à cette préoccupation?

Mme Dumas (Magalie) : Bien, corrigez-moi si je me trompe, j'ai peut-être commis une erreur, parce que j'ai vu, entre autres, des ententes sociojudiciaires où le curateur n'était pas tout le temps là. C'est pour ça qu'on dit : Qu'il soit vraiment là dans tous les déploiements des ententes sociojudiciaires. C'est peut-être juste là, mais je le sais qu'il est présent dans certaines...

M. Lacombe : D'accord. Bien, on comprend l'essence de votre proposition. Merci beaucoup. Puis je vais... Mme la Présidente, je n'ai plus de question, mais je vais laisser peut-être ma collègue députée de Les Plaines...

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. Je cède la parole à la députée de Les Plaines. Allez-y.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Merci beaucoup, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Chassé) : 4 min 30 s.

Mme Lecours (Les Plaines) : 4 min 30 s? Bonjour, mesdames. D'entrée de jeu, je vais vous dire que votre organisme est très important. Vous êtes déployés à travers le Québec, et, dans ma circonscription, on réfère souvent des cas à votre organisme.

Écoutez, j'avais beaucoup de questions auxquelles vous avez répondu, mais, une question un petit peu pointue comme... Étant donné que votre clientèle, si je peux m'exprimer ainsi, là, ce n'est pas une clientèle, mais les gens que vous appuyez, on va dire ça comme ça, c'est à un bout du spectre, et le projet de loi couvre quand même assez large, j'aimerais vous entendre sur l'obligation des mandataires de tenir un registre et de faire des redditions de comptes de façon permanente, de façon périodique également.

Mme Dumas (Magalie) : Bien, dans notre mémoire, on le mentionne, en fait, pour nous, c'est...

Une voix : ...à quelle page?

Mme Dumas (Magalie) : À la page 6, chère collègue, de notre mémoire. Donc, on a des constats essentiellement très, très favorables pour les ajouts au mandat, donc le mandat de protection bonifié, puis je vais prendre la peine de le dire en trois secondes :

«L'obligation du mandataire de faire un inventaire des biens de la personne inapte dans les 60 jours suivant l'homologation corrige une lacune actuelle importante;

«La bonification semble mieux structurer — aussi — les attentes et les obligations qui peuvent être légitimement attendues de la part du mandataire et du mandant.» Puis, tu sais, bon, c'était quand même une procédure écrite et entérinée par le tribunal, mais, des fois, il y avait quand même encore des petites zones d'ombre, mais on sent que la bonification vient clarifier ça, là, et que l'obligation de reddition de comptes qui pourrait être demandée est, pour nous, une mesure de protection supplémentaire tant pour le mandant que le mandataire.

Souvent, en conseil de famille, après, on se retrouve, on est le mandataire de notre personne aînée, puis il y avait des questions même sur... O.K., il est où, cet argent-là? Qu'as-tu fait de ce bien-là? Et, comme il n'y avait pas d'inventaire à la base, bien, il y a certains proches aidants qui se retrouvaient d'être dans le siège de l'accusé. Là, de savoir que ça va être mis par écrit, que ça va faire partie du mandat de protection, pour nous, protège absolument et le mandataire et le mandant. Donc, on entrevoit ça vraiment d'un bon oeil.

Et, dans la préoccupation qu'on a dans notre mémoire à ce sujet-là, compte tenu de nos préoccupations, eu égard à la quérulence des révisions pour le mandat de tutelle dans des cas de maladie cognitive ou dégénérative, bien, travaillons très fort à ce que les familles travaillent très fort à s'équiper puis à faire des mandats de protection au bon moment pour justement éviter la tutelle.

À Info-aidant, entre autres, on fait beaucoup d'éducation aux gens. Puis, tu sais, corrigez-moi si je me trompe, mais, tu sais, les directives médicales anticipées, on est encore à moins de 1 % de la population qui les a remplies. Donc, les mesures de protection sont mal connues, puis ce qui fait qu'on se précipite dans des situations très déplorables.

Donc, on aimerait ça. Oui, il va y avoir un effort de communication à expliquer les régimes de tutelle, mais prenons aussi un bon temps pour mieux préparer les gens, finalement, pour éviter les recours à la tutelle, justement.

• (12 h 40) •

Mme Lecours (Les Plaines) : Et, de façon peut-être un petit peu plus générale, est-ce qu'il y aurait des ajouts au projet de loi qui répondraient encore plus à votre partie de clientèle plus spécifique?

Mme Dumas (Magalie) : On l'a nommé dans le régime de tutelle modulée, on sait que ça existe, entre autres, en santé mentale, mais peut-être la création d'un tribunal administratif ou de quelconque organe qui permettrait un accès plus rapide en cas de réévaluation. Parce que, comme je vous dis, à l'heure actuelle, ouvrir un régime de protection, tout dépendant d'où on est au Québec, c'est de semaines à plusieurs mois, voire dépassé des années. On essaie de... on se met dans la peau des proches aidants qui accompagnent quelqu'un qui a une perte d'acquis substantielle qui fait que le tuteur ou le proche aidant ne peut plus... En fait, l'aidé a encore des responsabilités qu'il ne peut plus assumer. Et, dans ce contexte-là, si au moins il y avait un endroit où, rapidement, on peut sonner l'alarme et ne pas retourner sur une liste d'attente pour être réévalué nous apparaît être vraiment quelque chose de primordial à penser, à installer et à faire. Si on avait une recommandation à faire, ce serait probablement celle-là.

Mme Lecours (Les Plaines) : O.K.

Mme Laliberté (Emmanuelle) : Pour les personnes atteintes, dans le fond, de maladie cognitive, neurodégénérative.

Mme Lecours (Les Plaines) : Dégénérative, parce qu'entre le moment de faire la demande puis... il y a déjà une...

Mme Dumas (Magalie) : Le lendemain de la décision du tribunal, on pourrait se retrouver dans une tout autre situation.

Mme Laliberté (Emmanuelle) : Ça change vraiment rapidement, là, l'évolution de la maladie. Il y a toutes sortes de choses qui peuvent amener des changements, puis on ne peut pas attendre aussi longtemps que ce qui est prévu actuellement, là.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça conclut.

Mme Dumas (Magalie) : Et des changements dans la situation de santé de l'aidé, mais des changements dans la situation de l'aidant aussi.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. C'est très bien. Je vous remercie. Je cède maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis pour un bloc de 9 min 40 s.

Mme Maccarone : Tellement beaucoup de questions, puis pas assez de temps. Premièrement, merci beaucoup pour l'infographie. J'adore, ça donne vraiment un portrait clair puis, vraiment, ça m'aide beaucoup à mieux comprendre. Ça fait que merci pour ça, c'était hyperclair, votre mémoire.

Première question pour moi, parce que, là, on parle du plan d'action, etc., puis comment qu'on va l'arrimer avec le projet de loi. On sait que, souvent, la maltraitance des aînés est faite par leurs membres de la famille. Comment voyez-vous... Qu'est-ce qu'on peut faire pour protéger ces personnes en situation de vulnérabilité et aussi éviter un embarras pour eux, peut-être, à l'intérieur de qu'est-ce qu'on est en train de faire?

Mme Laliberté (Emmanuelle) : C'est une bonne question.

Mme Dumas (Magalie) : C'est une excellente question. En fait, bon, la... Bien, premièrement, je vais commencer par dire : Oui, effectivement, la maltraitance, souvent, est opérée par quelqu'un qui est près de nous, pas seulement un membre de la famille, mais quelqu'un qui est près de nous. Mais j'ai aussi envie de vous dire qu'en ce moment au Québec il y a des chercheurs qui s'intéressent au contraire, c'est-à-dire la maltraitance à l'égard des proches aidants de la part de leurs aidés. Nous, à Info-aidant, on reçoit beaucoup d'appels de proches aidants qui voudraient prendre du répit, qui voudraient avoir accès aux services, et c'est l'aidé qui refuse. Ces dynamiques-là sont excessivement complexes. Donc, on ne peut pas juste parler de la maltraitance comme l'aidant qui... qu'il est sur l'aidé, vraiment pas, et souvent ça crée du déséquilibre dans la famille, où le proche aidant a vraiment besoin de services, et c'est le contraire qui se produit.

Donc, c'est des questions excessivement pointues, c'est pour ça que je pense que j'ai pris un délai de réponse, parce que ça mériterait un mémoire, en soi, cette question-là. Ce n'est pas évident à trancher, mais, assurément, il faut trouver quand même le moyen d'avoir une préoccupation. Puis c'est ça qu'on vous mentionne, par ailleurs, dans le mémoire. On trouve que vous vous retrouvez dans une position où trouver la juste balance, hein... voyons, la balance de la justice, qu'elle soit vraiment comme ça à l'égard du proche aidant puis de l'aidé.

Puis j'ai entendu, tantôt, vaguement, je pense, nos collègues de l'Ordre des travailleurs sociaux parler aussi qu'il faudrait qu'ils rajoutent l'appréciation aussi du tuteur ou de la personne responsable. On ne l'a pas mentionné dans notre mémoire en se disant que, probablement, ils le feraient, et ils l'ont fait. C'est un incontournable aussi. Il va falloir vraiment évaluer les deux personnes. Puis, dans un contexte aîné, c'est souvent le conjoint ou la conjointe qui se retrouve à être le tuteur ou le représentant légal.

Donc, on parle d'une dynamique de couple qui s'est établie sur 50 ans, sur 30 ans, sur 40 ans, on n'arrive pas là... Déjà, absorber la maladie, là, surtout dans le contexte des aînés puis des maladies neurocognitives, c'est déjà quelque chose. Donc il faut vraiment s'assurer de trouver, entre le rôle de protection, hein, puis on pose plusieurs questions à cet effet-là, entre le rôle de protection puis, évidemment, la préservation des droits civils, mais de trouver un juste équilibre pour ne pas justement ajouter plus de déséquilibre aux familles qui sont déjà sur une corde raide, là.

Mme Maccarone : Ça m'amène sur mes questions, mais les questions de consentement. Avez-vous quelque chose à nous emmener là-dessus pour nous aider dans cette réflexion-là? Parce que, c'est sûr, c'est un enjeu directement affecté dans qu'est-ce qu'on est en train de parler.

Mme Dumas (Magalie) : On n'a pas abordé ni le consentement aux soins dans notre réflexion... puis j'entendais aussi la procuration générale qui nous questionne aussi. On s'est vraiment concentrés sur les aspects... pas que ceux-là ne le sont pas, là, mais de... vraiment dans le projet de loi. Il y a une réflexion à poursuivre là-dessus. On s'engage à la faire à l'intérieur des instances de consultation du Curateur public. Mais c'est sûr qu'il y a toute une réforme à opérer.

Puis on se pose quand même la question entre la procuration générale, je vais plus aller sur la procuration générale, puis le rôle... la nouvelle mesure d'assistance, puis je l'ai entendu tantôt, donc je ne répéterai pas le même propos, mais on a sensiblement les mêmes préoccupations par rapport à ça. Puis la procuration générale, bien, des fois, elle permet d'aller plus... tu sais, elle permet d'aller plus loin. On peut signer pour quelqu'un, on peut prendre place pour lui. Et là on pense que, bon, bien, dans certains cas, toujours avec la perspective d'éviter des situations de maltraitance, il y a assurément des choses à venir préciser ici pour vraiment s'assurer finalement que la mesure d'assistance soit plus utilisée pour ne justement pas utiliser la procuration générale dans le cas où quelqu'un est capable de signer pour lui. Parce que, souvent, elle est utilisée rapidement, puis on enlève des droits civils pour rien. Donc, trouver ici un équilibre encore.

Mme Maccarone : O.K. Pour ne pas répéter les questions, déjà, que mes collègues ont posées, vous avez souligné une préoccupation que... quand on parle de la personne responsable du respect des décisions au tribunal, quelqu'un qui peut-être n'habite pas avec la personne à leur charge ou qui n'habite même pas, peut-être, dans la même ville. Vous dites qu'on devrait considérer de déléguer un certain nombre de responsabilités particulières à un tiers. Vous proposez beaucoup de questions, suffisamment de ressources pour l'accompagnement, exercice de leurs droits, puis je sais qu'on a touché un peu là-dessus, mais que proposez-vous à nous, à cette commission, pour régler cette problématique, la préoccupation?

Mme Dumas (Magalie) : Assurément, d'avoir cette préoccupation-là, c'est-à-dire d'éviter la lourdeur, hein? Je pense que vous comprendrez que c'est l'esprit du propos, c'est déjà une tâche lourde, d'éviter la lourdeur. Mais, à l'heure actuelle, puis ce n'est pas un jugement, c'est un constat, hein, il y a des familles qui vont nourrir leurs personnes chères en CHSLD pour s'assurer qu'elles ne sont pas en dénutrition. Ils font déjà beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail pour venir suppléer au réseau de la santé et des services sociaux. Si, en plus, on leur dit : O.K., là, en plus, votre aidé est accompagné, mais il va falloir que vous soyez là, très, très, très présent dans le jugement du tribunal pour qu'il lui permette d'accomplir tel droit civil...

Une voix : Ça fait peur.

Mme Dumas (Magalie) : Ça fait peur. Ça fait peur. Les charges sont déjà importantes en soins mêmes à la personne. Donc, si on vient encore ajouter des impacts administratifs, légaux, fiscaux, financiers à tout ça, est-ce qu'on va avoir moins de gens qui vont venir s'occuper de nos personnes? Puis ça, c'est pour la partie publique.

Et, pour la partie privée, bien, on assiste quand même, dans le réseau des résidences, à une facturation à la carte assez impressionnante dans certains cas. Donc, allons-nous ravoir une belle facturation, un nouveau... une belle proposition de facturation pour accompagner un aidé à aller voter? On se pose la question.

Mme Maccarone : Wow! Je n'avais même pas pensé à ça. Je trouvais que c'était vraiment une bonne idée quand vous avez proposé que... Il n'y aurait pas un dispositif à envisager, comme, par exemple, la constitution du tribunal administratif qui pourrait permettre un accès rapide et sans frais à cette clientèle pour que les modulations de tutelle seront à prévoir à une cadence potentielle accélérée? C'est une idée excellente.

Est-ce qu'actuellement nous avons assez de ressources pour répondre à ce besoin-là? Puis, je pense aussi, pour les régions aussi, c'est une question que je demande régulièrement, parce qu'on n'est pas tous dans les milieux urbains. Alors, qu'est-ce que vous proposez qu'on peut faire pour bonifier ceci puis pour le mettre en vigueur?

• (12 h 50) •

Mme Dumas (Magalie) : En fait, le tribunal administratif, on le voit très, très bien sous l'égide du curateur. On ne pense pas à une structure différente. Puis le curateur a un bureau partout au Québec, hein? Bon, des fois, hein, bon, ils sont à Gaspé, il peut être à 200 kilomètres pareil, mais quand même. Puis, à la limite, je vous dis ça, puis probablement aussi que l'avènement des technologies nous amènera probablement un jour à être capables de faire un certain nombre de ce type d'audition là à distance. Et ce serait d'ailleurs une très, très bonne idée, en passant.

Donc, on ne voit pas de création supplémentaire. On voit juste une facilité vraiment dans les antennes du curateur qui sont déjà partout au Québec, et donc très près du milieu décisionnel régional à ce sujet-là. Donc, à partir de maintenant, est-ce qu'on a les ressources et les capacités? Moi, je pense qu'on doit les donner au curateur, de pouvoir faire ça dans chacun de ses bureaux régionaux pour vraiment, vraiment, vraiment venir enlever de la pression et donner de l'accès rapide pour ne pas... puis... Parce que de l'accès non rapide, éventuellement, peut conduire aussi à des situations de maltraitance. Si on commence à être au bout du rouleau, l'épuisement, la fatigue, l'ajout puis déjà composer avec de l'errance la nuit, par exemple, comme proche aidant, quand on a été debout toute la nuit pour veiller, il faut donc... il faut vraiment prévoir un accès facilité à la clientèle, vraiment, mais dans les antennes déjà en place.

Mme Maccarone : Avez-vous déjà été confrontés avec des difficultés pour les communautés minoritaires, que ça soit linguistiques ou autochtones, qui ont un besoin, mais qu'on n'est pas capables de les combler parce qu'il y a un manque de ressources?

La Présidente (Mme Chassé) : En une quarantaine de secondes.

Mme Dumas (Magalie) : On ne constate pas, nous, en tout cas, à Info-aidant, qui est notre principale antenne, là, directe, on ne constate pas de différenciation quant à ces facteurs-là. C'est le même accès. Bon, c'est sûr que, parfois, les niveaux de littéracie, si on est un anglophone dans une région plus francophone, bon... Mais c'est vrai là et c'est vrai à l'épicerie, là. Ce n'est pas différent. Mais rien de particulier par rapport à cette clientèle-là.

Mme Maccarone : C'est une bonne nouvelle. Merci. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci à vous. Je cède maintenant la parole au député de Rimouski.

M. LeBel : Merci, Mme la Présidente. Moi, c'est à votre page 3, le dernier paragraphe, ça m'a... En partant, vous... Il dit : «Tel que présenté à l'heure actuelle, le projet de loi [...] ne semble pas suffisamment prendre [en] considération [le fait du vieillissement de la population].» Vous dites : On ne peut pas... Ça ne peut pas se réaliser sans égard particulier aux personnes aînées en situation de déficit cognitif. Moi, je vous le dis, c'est vrai qu'on a... Il faut s'ouvrir les yeux, là. Il nous arrive... À chaque année, le vieillissement de la population nous interpelle, puis ça tombe beaucoup sur le dos des proches aidants, je le vois dans ma région. Il faut absolument qu'on prenne conscience de ça. Puis on ne peut pas y aller par silo.

Est-ce que vous pensez qu'au Québec on ne serait pas dus à un protecteur des aînés?

Mme Dumas (Magalie) : Vaste question, intéressante. Pourquoi pas? Pourquoi pas? Notre structure démographique est telle que, pour les 20 prochaines années... Peut-être que ce ne serait plus... ce ne serait peut-être plus la saveur à la mode dans 60 ans, là, quand on aura passé une grande partie de notre pyramide démographique, mais, à l'heure actuelle, ce serait effectivement une idée intéressante.

M. LeBel : J'en profite parce que je n'ai pas beaucoup de temps, Mme la Présidente, j'aimerais ça, déposer... parce qu'il y a des réflexions qui se font partout. Et, dans ma région, avec les gens de chez nous, on a proposé une réflexion sur le... comment on peut bien vieillir dans nos communautés, vieillir dans la dignité, et on organise un colloque bientôt. Je vous dépose le programme du colloque qui est organisé. Ça pourrait donner des idées aux autres. C'est fait en collaboration avec tout le monde.

Parce que je continue à dire qu'il faut se donner une vision par rapport aux aînés; ça va nous rattraper. On a parlé aujourd'hui de listes d'attente en CHSLD, on ne parle pas encore des ressources intermédiaires qui ont aussi des listes d'attente, des aînés qui n'ont pas d'argent, qui vivent... Il y a des villages chez nous, les aînés sont à 94 %, ils reçoivent des revenus suppléments garantis, ça fait qu'ils ne peuvent pas avoir des logements adéquats. Et il faut les protéger et il faut travailler avec eux autres. Merci pour ce que vous faites.

Document déposé

La Présidente (Mme Chassé) : Excellent! Je confirme qu'on a reçu votre document, M. le député de Rimouski, et qu'il va être disponible sur notre site.

Alors, je vous remercie pour votre contribution aux travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Bon lunch!

(Suspension de la séance à 12 h 54)

(Reprise à 15 h 03)

La Présidente (Mme Chassé) : Bon après-midi, tout le monde. La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux, et je demande à toutes les personnes de la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie ou la fonction de vibration de son appareil.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 18, la Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes.

Et, cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : La Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, le Protecteur du citoyen et Me Dominique Goubau, professeur en droit à l'Université Laval.

Je souhaite tout d'abord la bienvenue à la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec. Vous avez 10 minutes pour votre exposé. À une minute de la fin, je vais vous faire un signe de la main ou un signe vocal pour vous inviter à conclure. Je vous invite à tout d'abord vous présenter puis à tout de suite débuter votre exposé. Bienvenue.

Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)

Mme Vézina (Véronique) : Merci, Mme la Présidente. Merci aux membres de la commission. Mon nom est Véronique Vézina, je suis présidente honorifique de la COPHAN. J'ai à mes côtés, à ma droite, M. Olivier Collomb d'Eyrames, qui est du Regroupement des organismes de personnes handicapées de la région 03, qui est un membre de la COPHAN, et, à ma gauche, Mme Louise Bourgeois, qui est présidente de la Fédération des mouvements Personne d'abord du Québec, qui est aussi un membre de la COPHAN.

Peut-être une petite minute pour vous présenter la COPHAN. La COPHAN est un organisme de défense de droits des personnes qui ont des limitations fonctionnelles et de leurs familles. On couvre l'ensemble des limitations, que ce soient les limitations motrices, visuelles, auditives, intellectuelles, trouble du spectre de l'autisme, troubles de santé mentale, trouble du langage et les troubles cognitifs. On regroupe actuellement près de 45 organisations à travers le Québec, ce sont des organisations soit provinciales ou régionales.

La COPHAN fonctionne par le... a le mandat de faire du pour et par. Aujourd'hui, je tiens à souligner qu'on fait beaucoup plus de pour que de par, et on est ici pour porter la voix de ceux qui sont derrière nous et qui, considérant que plusieurs d'entre eux sont sous curatelle ou tutelle, n'ont pas le droit à l'image et à la parole. Et je tiens à le souligner, car nous ne sommes que des porte-voix et non pas des porte-parole.

La COPHAN accueille favorablement les principes du projet de loi n° 18. Après lecture de la situation issue des individus et de leurs familles, il est en effet grand temps de réformer en profondeur le système des régimes de protection. Cependant, à travers les informations de nos membres, nous constatons que l'effet réel du projet de loi est trop faible. Ayant pris connaissance de plusieurs mémoires, nous constatons ne pas être les seuls à partager cette lecture. Nos membres vous rappellent que l'autodétermination des personnes ayant des limitations fonctionnelles va beaucoup plus loin que ce qui est mis de l'avant par le personnel des différents réseaux de la direction jusqu'aux intervenants terrain. L'autodétermination d'un individu, comme celle d'un peuple, c'est avoir la capacité de choisir, incluant le droit à l'erreur. Il s'agit de notre ligne directrice dans le présent mémoire afin d'améliorer véritablement les droits des personnes que nous représentons. À la lecture du projet de loi, il pourrait potentiellement avoir un gain de droit pour les personnes. Cependant, plusieurs points nous apparaissent limiter les effets du projet de loi.

Le premier point : les ressources humaines techniques et financières. Le changement de mentalité dans l'ouverture et la gestion de la tutelle ne peut pas être simplement décrété. C'est un processus long, complexe et surtout hasardeux. Nous nous questionnons sur le fait que, depuis 1990, la tutelle modulée était déjà possible sur une base volontaire. Pourtant elle n'a été que la solution dans 225 cas. Nous doutons que l'obligation fasse naître la vocation.

Tous les réseaux impliqués dans la mise en oeuvre de la loi à venir ont des contraintes évidentes de ressources. Même en leur prêtant les meilleures intentions du monde, les différentes organisations impliquées vont faire en fonction de leurs ressources actuellement déficientes. Nous avons une perception que nous allons aller vers une définition a minima du processus de modulation. Cela sera tout simplement des tutelles modulées, numérotées de un à cinq.

Nous recommandons donc que la Commission des relations avec les citoyens s'assure, notamment dans l'étude des crédits, que les ressources nécessaires aux différentes organisations citées plus haut soient affectées en accord avec l'esprit du législateur.

Nous recommandons également que le projet de loi prévoie la mise en place d'une modulation personnalisée à chacun et non une modulation individualisée avec un jugement identique par catégories de tutelles modulées.

Également, depuis trop longtemps la COPHAN et ses membres suivent différentes initiatives censées améliorer les droits effectifs des personnes et de leurs familles. Ainsi, nous demandons à ce qu'une recherche de 10 ans soit faite, débutant avant la mise en oeuvre de la loi et suivant les changements au fil des années. Un rapport d'étape après cinq ans permettrait d'alimenter un comité responsable d'étudier les effets de la loi et ses éventuelles révisions.

Nous demandons également que le projet de loi prévoie une évaluation indépendante de la mise en oeuvre et des résultats de la loi sur la base du rapport préliminaire de la recherche. Pour soutenir ce monitorage de la loi, nous demandons qu'un comité consultatif soit formé avec, entre autres, des experts de vécu après consultations, entre autres, de la COPHAN. Ce comité aurait notamment deux mandats : la préparation et la révision de la loi ainsi qu'une analyse dénominalisée des plaintes et des commentaires reçus au Curateur public.

Nous suggérons aussi à la commission d'agir immédiatement pour les personnes vivant en RI, RTF ou en RAC. Ces personnes sont extrêmement surveillées sur ce qu'elles peuvent ou non faire chez elles, dans leur domicile. Par exemple, si une personne veut recevoir son conjoint ou sa conjointe, si elle veut inviter une personne à dîner, aucune raison ne pousse le gestionnaire de la ressource à accepter. Le fait d'octroyer de nouveaux droits aux personnes ne dictera pas ce changement de mentalité. Le projet de loi ne s'attaque pas à ce problème et la présente commission doit interpeler les autorités en charge des lieux d'hébergement.

Nous demandons en conséquence à la présente commission d'interpeler le ministère de la Santé et des Services sociaux et son réseau pour qu'ils prennent leurs responsabilités concernant les hébergements en RI, RTF et RAC afin que les personnes soient maîtres chez elles et aient véritablement accès à leurs droits.

Concernant la mesure d'assistance, nous comprenons que cette pratique se fait déjà et que le projet de loi veut encadrer cette pratique. Nous avons du mal à concevoir ce que ce nouveau modèle va proposer d'effectif. Nous nous questionnons, en fait, sur l'intérêt des personnes à s'inscrire à cette mesure d'assistance. Dans les faits, s'inscrire à la mesure d'assistance, faire une demi-journée de formation, rédiger un rapport une fois par année devient plus lourd que de simplement continuer d'assister sa grand-mère de façon ponctuelle.

• (15 h 10) •

Nous recommandons donc que la Commission des relations avec les citoyens prenne les moyens, en se servant des mécanismes d'imputabilité, que ce soit l'audit d'imputabilité ou le mandat d'initiative, pour documenter les besoins d'accompagnement et que la mise en oeuvre de ces moyens inclue l'audition des groupes représentant les individus et leurs familles.

Pour les personnes sous tutelle modulée, la mesure d'assistance doit exister. Comme indiqué, le réseau de la santé n'aura pas les ressources. Le personnel du Curateur public a une expertise très pointue en gestion de patrimoine, notamment en acquisition et vente de biens, qui doit être mise à contribution. De plus, une partie des personnes concernées sont isolées, voire désaffiliées. Et il est crucial que l'expertise cumulée par le personnel du Curateur public soit mise à contribution dans l'exercice de leurs droits.

Nous recommandons donc que le projet de loi permette au Curateur public de mettre en place un réseau d'assistants rémunérés pour aider les personnes sous tutelle modulée et leurs proches qui en font la demande. En effet, si la personne sous tutelle ne développe pas d'elle-même les aptitudes pour gérer son nouveau droit, le Curateur public n'aura d'autre choix que de lui retirer. À titre d'exemple, une personne qui assume le droit de gestion de finance et qui oublie de payer son loyer car elle ne sait pas faire un chèque risque de se voir retirer son droit. Le projet de loi doit prévoir un mécanisme pour que le service de soutien des services sociaux soit là, et pas dans six mois. Il doit être là maintenant.

Ainsi, il faut aussi prendre en considération que les personnes sous régime de protection ont droit à l'erreur, comme tout un chacun. Il faut toutefois faire la part des choses entre le droit à l'erreur et protéger les personnes sous tutelle. La personne a droit à l'erreur, toutefois, lorsque cette erreur est répétée dans le temps, il faut s'en apercevoir et corriger la situation.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui a le mandat d'exercer l'article 48 de la Charte des droits et libertés de la personne, doit être impliquée dans le projet de loi.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

Mme Vézina (Véronique) : La COPHAN est surprise que cette entité ne soit pas associée au projet de loi.

Nous recommandons donc que le projet de loi prévoie une disposition pour que le réseau de la Santé et des Services sociaux assume la période de transition lorsque la personne sous régime de protection assume de nouveau certains droits.

Je vais laisser ma collègue, Mme Bourgeois, terminer avec quelques exemples.

La Présidente (Mme Chassé) : En 30 secondes. 30 secondes.

Mme Bourgeois (Louise) : Bonjour.

La Présidente (Mme Chassé) : Bonjour.

Mme Bourgeois (Louise) : Au sujet de... les mots... Oui. Au sujet des mots, le vocabulaire et les changements de pensée, nous ne voulons plus entendre le mot «inapte» et «vulnérable». Nous ne voulons que des mots qui respectent l'esprit de la loi, qui respectent la personne. Au sujet de «le droit à l'erreur»...

La Présidente (Mme Chassé) : Ça conclut votre exposé. Je suis désolée.

Mme Vézina (Véronique) : Est-ce qu'on pourrait avoir un petit deux minutes en accommodement en fonction de nos limitations?

La Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre, est-ce que vous accordez deux de vos minutes pour... Comme vous le désirez. Vous êtes... Vous avez la pleine liberté.

M. Lacombe : Oui. Oui, oui. Allez-y.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. Le ministre vous accorde deux minutes supplémentaires.

Mme Vézina (Véronique) : La conclusion.

Mme Bourgeois (Louise) : Ah! la conclusion. Je passe à la conclusion.

La Présidente (Mme Chassé) : Excellent!

Mme Bourgeois (Louise) : Au sujet... Conclusion, message général. Ça fait plus de 10 ans qu'on attendait ce projet de loi. À chaque fois qu'il y avait un changement de gouvernement, le projet de loi restait sur glace, et à chaque fois. Maintenant, c'est là que ça se passe. On a déjà trop attendu, mais il ne faut pas que ça se passe tout croche. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Bien, merci à vous. Très bien. Je vous remercie pour votre exposé, et nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Il vous reste 15 minutes.

M. Lacombe : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous de vous être déplacés en aussi grand nombre. Ça fait plaisir à voir, vous prenez ça à coeur. Merci pour votre engagement.

D'abord, je dois vous dire, honnêtement, je suis un peu surpris, parce qu'effectivement vous venez de le dire en conclusion, et je vous avais entendus le dire : À la COPHAN, nous attendons un tel projet de loi depuis plus de 10 ans. Par contre, je vous écoute, vous n'avez pas l'air satisfaits, vous avez l'air d'avoir plusieurs revendications. Vous sous-entendez ou, enfin, vous mettez de l'avant que ce qu'on propose n'est pas adapté. Et je vous avoue aussi que j'aurais aimé peut-être pouvoir vous poser des questions plus précises, mais je vais vraiment me baser sur ce que vous venez de me dire, parce que, là, vous comprenez qu'on a reçu votre mémoire il y a moins d'une heure. Donc, on... J'aurais aimé pouvoir le lire avant, puis pour qu'on puisse échanger sur le mémoire, mais on pourra le lire après, c'est correct. Donc, je vais vraiment me baser sur ce que vous venez de dire.

Donc, effectivement, je suis un peu surpris. Pouvez-vous m'expliquer qu'est-ce qui a changé entre le moment où on a déposé le projet de loi, et vous avez été consultés, je pense qu'il y a eu des discussions, et tout ça, entre ce moment-là, où vous étiez heureux, et aujourd'hui, où vous semblez avoir, disons, beaucoup de points de divergence?

Mme Bourgeois (Louise) : Je vais expliquer. C'est parce que, dans le passé — comment je pourrais dire ça? — on parlait beaucoup du projet de loi, puis là on voulait que le projet de loi soit adopté et accepté. Mais, à chaque fois, on rentrait dans un mur. Il y avait un changement de gouvernement. Là, c'était à recommencer encore, le projet de loi était mis sur la glace. Mais maintenant, là, on a eu un changement de gouvernement cette année, on s'est pris dès le début, c'est là que ça se passait, puis on en est fiers.

Puis je peux vous donner des exemples qu'on a le droit à l'erreur... je peux vous donner des exemples aussi. Il faut que les mots soient simples, que le projet de loi ne soit pas expliqué dans les mots à 100 $, que ce soit expliqué dans les mots simples pour des personnes... la population au complet. Comme je prends, exemple, Suzie, qui a 80 ans, une personne âgée, puis qu'elle ne comprend pas qu'est-ce qu'ils disent dans la loi, puis, s'ils interprètent des mots de politicien, ça peut être dur. Comme Mario... Suzie, qui a une énorme... une déficience visuelle. Il faudrait qu'il y en ait en version braille aussi pour les personnes non voyantes.

M. Lacombe : Je comprends. Mais, en fait, peut-être...

Mme Bourgeois (Louise) : J'en ai un troisième, exemple, qui est pertinent : Mario, un malentendant, qui est sourd, il faudrait qu'il ait un interprète pour lui expliquer la loi.

Mme Vézina (Véronique) : Peut-être pour compléter...

M. Lacombe : Mais je voudrais peut-être juste poser une question. Je comprends ces exemples-là, et vous avez raison, je pense qu'on doit faire des efforts pour que les projets de loi et les lois soient accessibles. En même temps, on a aussi un devoir, après, de communication, hein? Et je pense que le meilleur outil pour vendre les nouvelles mesures, ce ne sera pas le projet de loi, parce que c'est lourd et ce n'est pas toujours compréhensible pour le commun des mortels, parce que c'est du langage souvent juridique, hein, mais je pense qu'on a un devoir de diffuser l'information, de faire connaître aux gens leurs droits. D'ailleurs, dans le projet de loi, si vous le voyez, on intègre la mission du curateur. Notamment, on ajoute le fait que le curateur a un devoir d'information. Donc, peut-être que ça, ça peut répondre à votre questionnement.

Mais la question précise que je me pose, parce que je me la pose sincèrement : Qu'est-ce qui a changé dans votre état d'esprit entre le moment où on a présenté le projet de loi et aujourd'hui? Vous étiez heureux. Là, aujourd'hui, je vous sens davantage, je veux dire, prudents, pour ne pas dire déçus de ce qu'on présente dans le projet.

• (15 h 20) •

Mme Vézina (Véronique) : Je vous dirais que ce qui a changé... On est toujours heureux que le projet de loi soit déposé, mais on est inquiets sur sa mise en oeuvre. On trouve qu'il manque énormément de balises et de mesures pour soutenir la personne pour transiter vers une nouvelle façon de faire. Et les ressources qui vont être utilisées pour soutenir ces personnes-là ne sont actuellement, puis ça va être principalement les ressources du réseau de la santé, ne sont actuellement pas disponibles. Quand je dis «pas disponibles», je pense, c'est un contexte qui est connu dans plusieurs secteurs, il y a un manque de main-d'oeuvre partout, et il y en a un criant dans le réseau de la santé. Et actuellement il y a des listes d'attente importantes. Le réseau de la santé n'a pas les ressources pour absorber le soutien qu'ils vont devoir donner aux personnes qui vont aller vers différents types de tutelles en fonction de la modulation qu'il va y avoir. Ils n'auront pas le soutien, par exemple, pour faire des apprentissages qui vont leur permettre d'obtenir des droits. Ils n'auront pas le soutien nécessaire s'ils veulent avoir, par exemple, de l'information : Est-ce que je devrais faire l'achat de tel équipement, ou me procurer tel service, ou aller vers telle ressource? La disponibilité n'est pas là, et c'est ça qui nous inquiète. Ce n'est pas le projet de loi. Je pense qu'on est contents d'aller vers où on va, mais on est inquiet de la disponibilité du soutien que les personnes vont avoir pour pouvoir regagner des droits. Parce que, nous, notre objectif, c'est que les gens aient plus de droits, mais, pour avoir plus de droits, ils ont aussi besoin à plus de services.

M. Collomb d'Eyrames (Olivier) : Si je peux me permettre, en complément, il nous semble avoir compris, dans les derniers temps, que le réseau de la justice aussi a des légers problèmes de ressources. Puis ce qu'on constate, on ne veut pas comparer ça à la désinstitutionnalisation, parce que c'est beaucoup mieux préparé, mais c'est que, là, le projet de loi, il s'adresse à une entité, en... principalement le Curateur public, qui ne peut pas couvrir toute une société, là. Le projet de loi qui couvre tout le monde, je ne sais pas ce... même, si ça peut seulement exister. Mais c'est de se dire... d'attirer l'attention de la commission, parce qu'il y a même des recommandations qui concernent la commission, qui ne concernent même pas le projet de loi, mais sur le fait qu'il faut vraiment le monitorer. Puis je pense que le curateur, certainement, a dû vous faire part de comment ça c'était passé ailleurs. Ailleurs, les réformes des systèmes de protection, ça a eu parfois... en tout cas, je pense, notamment en France, ça a été très mal géré.

Là, on voit qu'il y a des modifications importantes qui ont été apportées face aux philosophies des projets de loi précédents. On sent moins la volonté d'aller vers des trucs de curatelle privée, des choses comme ça. Mais ce qu'on se dit, on voit un réseau de la santé qui coupe des services, qui n'arrive pas à respecter ce qui est son coeur de métier et à qui on vient rajouter ça. C'est ça qui nous préoccupe. Et on sait que le projet de loi, il y a des aspects qu'il ne couvrira pas.

Puis, dans ce qu'on vous dit, comme dit notre présidente, c'est important, bravo! Maintenant, c'est qu'est-ce qu'il y a derrière. Puis on sait que le pouvoir de l'Assemblée nationale, il y a un moment, c'est le pouvoir exécutif qui va s'occuper de ça. Puis on voit plusieurs organisations, puis ce qu'on a tendance à constater, puis ce n'est pas juste, je pense, pour les personnes qui ont des limitations, quand on change quelque chose, chacune des organisations concernées essaie de le moins possible changer ses pratiques quand elle n'a pas les ressources pour le faire. Et donc, nous, ça, c'est une de nos préoccupations, c'est comment faire pour que les ressources soient là, pour que les gens les aient au bon moment dans un contexte où... Puis je pense que vous avez des gens aussi qui travaillent en services sociaux. Bien, vous le voyez, c'est comment on va faire pour dire à des gens qui n'y arrivent pas : En plus, il y a ça dans ta charge de cas à travers le reste?

M. Lacombe : Là, vous parlez de ressources, vous parlez du réseau de la santé. Pouvez-vous préciser en lien avec le projet de loi?

Mme Vézina (Véronique) : Bien, en lien avec le projet de loi, c'est que les gens vont avoir des apprentissages à faire, mais on va avoir aussi beaucoup de questionnements. Puis ce n'est pas toujours les proches. Il y a beaucoup de gens qui sont isolés. Il y en a qui sont même désaffiliés du réseau, que, déjà, ils ne sont pas dans le réseau. Les gens n'arriveront... les professionnels qui sont dans le réseau de la santé n'arriveront pas à prendre cette charge de travail là, supplémentaire, pour supporter les personnes qu'on vient de sortir d'un régime, mais qu'on transfère dans un autre réseau qui va devoir leur donner des services pour venir pallier. Puis tant mieux si on les transfère de réseau, mais est-ce que les ressources vont être là pour leur donner le service? Puis il faut savoir que les principales personnes concernées sont des personnes qui ont une déficience intellectuelle, un trouble du spectre de l'autisme et une déficience ou des déficiences cognitives.

M. Lacombe : Mais, je...

Mme Vézina (Véronique) : J'aimerais terminer mon idée. C'est ces personnes-là qui vont être les principales concernées, et, actuellement, l'offre de service à ces personnes-là est en train de se modifier. On travaille maintenant par épisodes de services. Donc, plusieurs personnes se retrouvent sans intervenants dans le réseau de la santé, donc sans personne sur qui pouvoir s'appuyer.

M. Lacombe : Je vais... Ce que je vous dirais, c'est que je comprends vos critiques envers le réseau de la santé. Je comprends, en fait, que vos critiques s'adressent au réseau de la santé, sauf que je dirais aussi que ce n'est pas l'objet du projet de loi, ce n'est pas du tout l'objet du projet de loi, parce que, puis c'est pour ça que je voulais peut-être corriger la perception, on ne parle pas d'envoyer des gens... de changer des gens de réseau, tout ça est toujours sous l'égide du curateur, qui va changer de nom. Donc, on ne parle pas de désinstitutionnalisation comme ce à quoi on faisait référence, c'est-à-dire qu'on n'envoie pas les gens dans le réseau de la santé. C'est pour ça que je me posais la question quand vous faites référence au manque de ressources en santé pour prendre en charge ces gens-là. Ces gens-là vont continuer d'être épaulés par le curateur.

Donc, on parle d'une mesure, la mesure d'assistance, qui fait en sorte que, pour permettre à des gens de conserver des droits le plus longtemps possible, on leur permette, sans avoir recours aux tribunaux, d'avoir accès à une personne qui va pouvoir leur offrir un conseil, va pouvoir les accompagner, va pouvoir téléphoner dans les ministères, par exemple, les organismes à son nom pour être capable de prendre de l'information, appuyée par le curateur, qui va être là, qui va avoir un devoir d'informer les gens de leurs obligations, des outils qui sont disponibles, de leur donner de l'information. Donc, on ne les envoie pas dans le réseau de la santé. Donc, je me demande si on a une interprétation différence.

Mme Vézina (Véronique) : On n'a pas une interprétation... Je ne dis pas qu'on les transfère du curateur au réseau de la santé, mais le réflexe des gens, ça va être de s'adresser au réseau de la santé pour obtenir un service, parce qu'ils n'auront plus... la perception des gens, là, c'est qu'ils n'auront plus d'agent, à la curatelle, je vais dis ça, peu importe le nom que ça portera par la suite, n'auront plus d'agent à qui se référer. Déjà, c'est difficile d'avoir accès à ces personnes-là. Et là, en ayant une mesure d'assistance, à qui ils vont se référer? Ça va être beaucoup plus simple pour eux d'aller dans le réseau de la santé.

Puis on ne dit pas que le projet de loi doit adresser des recommandations ou s'attacher avec le réseau de la santé. Ce qu'on dit, c'est qu'on doit s'assurer que le réseau de la santé aura les ressources pour absorber les changements à la curatelle, mais aussi pour permettre aux gens de faire de... Nous, ce qu'on veut, c'est que les gens aient plus de droits. Mais, pour avoir plus de droits, les gens vont avoir des apprentissages à faire. Et, si le réseau n'a pas la capacité de leur donner la possibilité de faire des apprentissages là, ils n'auront pas plus de droits.

M. Lacombe : Je pense qu'on gagnerait peut-être à échanger davantage le fond du projet de loi, sur la façon dont il va être mis en oeuvre, parce que, je vous avoue, je suis très surpris, et pas agréablement surpris, là. Moi, je pensais que ça répondait à ce que vous cherchiez, et je le dis honnêtement, parce que je suis persuadé que ça répond à ce que vous énoncez comme préoccupations en ce moment. Je pense qu'on a peut-être un travail d'explication à faire parce que, vraiment, je ne vois pas ça de la même façon que vous. C'est-à-dire il y a toujours des gens, là, au curateur... Les gens qui sont sous curatelle, par exemple, ou sous tutelle aujourd'hui, vous dites : Bien là, maintenant, ils devront se tourner vers des gens du réseau de la santé ou, en tout cas, ce sera leur réflexe.

Les gens qui ont toujours besoin d'une tutelle, là, avec le nouveau projet de loi, ils vont continuer d'avoir leurs ressources. Les gens qui voudraient eux-mêmes ne pas être sous tutelle, mais plutôt avoir recours à la mesure d'assistance, bien là, d'abord, ce serait leur choix, parce que peut-être que, pour eux, c'est la meilleure solution. Ils peuvent conserver le maximum de droits puis ils sont capables de les exercer. Bien, à ce moment-là, ce sera leur choix. Ils vont être très bien informés du support qu'on leur donne ici sans être obligés d'aller chercher ça dans le réseau de la santé. Donc, je pense que c'est là qu'on ne s'entend peut-être pas ou qu'on ne comprend pas la même chose.

Mme Vézina (Véronique) : Je pense qu'on comprend bien les mêmes intentions. Nous, ce qui nous inquiète, c'est l'application, puis je vais vous donner un exemple de ce qui nous inquiète. Si on redonne à la personne le droit, par exemple, de gérer ses finances elle-même, mais qu'il n'y a jamais personne qui lui a montré à faire un chèque, à aller au guichet automatique, à simplement aller sur Internet faire un virement ou une transaction quelconque, ça, là, la personne, ce n'est pas qu'elle n'est pas capable de gérer ses finances, c'est qu'elle n'a pas fait les apprentissages pour y arriver. Ça fait que, si on veut lui redonner le droit à gérer ses finances, il faut d'abord lui donner des services pour qu'elle ait les capacités de le faire.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute au bloc d'échange, M. le ministre.

M. Lacombe : Merci, Mme la Présidente. Dans le cas d'une tutelle... je comprends qu'il y a un accompagnement, là, qui est offert. Vous êtes d'accord avec moi? Dans le cas d'une curatelle, en ce moment, d'une tutelle, il y a cet accompagnement-là.

• (15 h 30) •

Mme Vézina (Véronique) : Oui. Oui.

M. Lacombe : Si la personne, du jour au lendemain, pour x, y raisons, il y en a mille et une, sort du régime de protection, de la tutelle, pour aller vers une mesure d'assistance, la personne qui va pouvoir l'aider dans son cheminement, parce qu'elle reprend le contrôle de ses finances, bien, ça va être l'assistant. Puis ça, c'est explicite, là. En faisant tout ce processus-là, ça va lui être expliqué, la personne va choisir un assistant, il va y avoir une entrevue...

La Présidente (Mme Chassé) : En terminant, M. le ministre.

M. Lacombe : ...et tout ça va se faire, donc c'est l'assistant qui va les aider.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça conclut le bloc d'échange avec le parti formant le gouvernement. Je cède maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis pour son bloc d'échange avec les intervenants. Allez-y.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présence ici en si grand nombre. Ça fait du bien d'avoir du monde ici, à votre Assemblée nationale.

Question pour vous, puis là j'ai fait une lecture rapide, mais je vous ai entendus par rapport à votre présentation, vous avez dit que la Commission des droits de la personne et les droits de la jeunesse, qui a le mandat d'exercer l'article 48 de la Charte des droits et libertés de la personne, doit être impliquée dans le projet de loi. Quel rôle aimeriez-vous qu'elle occupe à l'intérieur de ce projet de loi?

M. Collomb d'Eyrames (Olivier) : Oui, ça, il y a quelques années, la Commission des droits de la personne avait mis sur pied une escouade avec différentes compétences pour protéger les aînés, en vertu de l'article 48, de l'exploitation. Et, en ouvrant des nouveaux droits, on augmente les risques d'exploitation. C'est comme ça. Si la personne peut gérer 0 $... en tout cas, on peut abuser d'elle, mais pas là-dessus.

Et donc, là, nous, on se posait la question, c'est... comme l'article 48 de la charte protège les personnes qui ont des limitations, enfin, personnes handicapées au sens de la charte, bien on s'est dit : Mais ça va être quoi leur lien avec ces nouvelles ouvertures de droits? Parce que, nous, ce qui nous préoccupe, ce n'est pas... Je comprends le ministre, mais je pense qu'il n'y a personne qui est contre le fait qu'on donne des nouveaux possibles, mais, si on ne donne pas les ressources, bien, en fait, les possibles ne seront juste pas mis en oeuvre.

Et là on se posait la question encore une fois, et je comprends, M. le ministre, mais nous, on n'est pas juristes, et surtout pas à ce niveau-là, c'est qu'on se posait la question : Est-ce que le projet de loi, il interpelle le rôle de la commission? Est-ce qu'eux aussi, ça va leur donner ce que la Commission des droits de la personne... voilà encore une organisation qui se déclare sous contrainte de ressources depuis de nombreuses années, qui certainement fait très bien son travail. Mais un an pour avoir une instruction pour des discriminations, des fois, qui sont, somme toute du genre : On m'a refusé un taxi, j'ai un chien-guide, ça prend des délais qui sont quand même assez élevés, d'aller en médiation, et tout ça. De se dire, encore une fois... ils sont interpellés. Il y a un effet d'aubaine, ça s'appelle, hein, quand on... de ces personnes qui vont recouvrir des droits, et de se dire : Mais est-ce qu'ils devraient être interpellés... Comme je vous dis, on n'a pas votre expertise, on ne sait pas si votre commission a le pouvoir de se pencher là-dessus, mais de se dire... puis la commission a certainement un avis sur le présent projet de loi. Mais, nous, c'est ça, ce qui nous questionnait, c'était : Est-ce qu'en donnant ces nouveaux droits il y a ce besoin d'une protection plus élevée par le biais de la commission? Est-ce que la commission a un rôle?

Donc, nous, c'est ça qu'on soulève dans notre mémoire. Et d'ailleurs, je pense, de mémoire, il n'y a pas de recommandation spécifique à cet effet, mais c'est qu'en le lisant, bien, il y a des gens qui se sont déclarés surpris en disant : Bien, la protection contre l'exploitation, la maltraitance, là, d'habitude, c'est eux. Donc là, on se le demandait, on s'est posé cette question.

Mme Maccarone : Mais c'est bien que vous souleviez ce point-ci. Vous êtes ici pour nous aider dans notre réflexion. Alors, merci. C'est sûr, notre Curateur public est avec nous aujourd'hui. Alors, je sais qu'il en prend note, de vos propos.

Vous avez mentionné : Qu'est-ce qu'on peut faire pour changer la mentalité? Parce qu'on comprend qu'il y a quand même une vulnérabilité à l'intérieur de tout ça, parce qu'il y a des jugements. J'aimerais vous entendre parler un peu sur le consentement. Parce que, moi, dans le fond, si je peux résumer un peu qu'est-ce que vous avez partagé avec nous à cette commission aujourd'hui, c'est qu'il y a des jugements, il y a des gens qui peuvent être aptes à faire des choses, mais il y a un jugement envers ces personnes-là qui ne sont pas capables, mais elles ont le droit au consentement.

Ça peut avoir l'air de quoi à l'intérieur de notre projet de loi si on faisait peut-être une définition, une description de comment que ça peut évoluer puis comment qu'on peut vraiment aider les gens à l'intérieur de qu'est-ce qu'on veut faire, une évolution pour aider le public dans ce projet de loi?

Mme Bourgeois (Louise) : Moi, je dirais que leur donner... de leur donner leur droit de se marier puis le droit de voter, parce qu'une personne qui est sur la curatelle, leurs droits sont enlevés. Ils n'ont même pas le droit de faire un appel. Les personnes qui vivent en ressources intermédiaires, ils n'ont pas le droit de recevoir un ami de coeur. Donc, il faut que ça change. Il faut qu'ils regagnent tous ces droits-là. Pour nous, c'est très important.

M. Collomb d'Eyrames (Olivier) : ...peut-être pour compléter, c'est... Et, encore une fois, vous avez vos expériences, et nous, on a les nôtres. On aimerait éviter qu'on aille vers une individualisation, parce qu'individualiser, une lettre individualisée, en fait, c'est qu'il y a votre nom dessus, puis c'est la même pour tout le monde. Ça, c'est bien ce qu'on appelle une lettre individualisée. Une lettre personnalisée, bien, on connaît mon âge, qu'est-ce que j'ai déjà acheté, bon, c'est ça. Mais, nous, notre souci, c'est que l'approche reste personnalisée. Puis on ne décrète pas un changement de mentalité. Puis ce n'est pas...

Je veux dire, nous, quand on a posé la question, effectivement, il y a eu des très beaux échanges avec le personnel du curateur. Ça aurait dû commencer il y a 10 ans, mais on apprécie le nombre de rencontres qu'on a eues en quelques semaines. Mais, c'est ça, on nous dit : Depuis 1990, on peut faire des tutelles modulées sur une base volontaire. On pose la question : Il y en a eu combien? J'aurais... Ça fait 29 ans qu'on peut le faire, que les acteurs, les individus, tout le monde peut le faire. Sur une base volontaire, on nous dit : 225 en 30 ans. Sur le volume total des gens qui ont été concernés, nous, ça nous interroge.

Si je vous permets volontairement de cesser un comportement qui brime les droits des autres et que vous continuez, bien, ça veut peut-être dire qu'en fait cette situation-là, pour toutes sortes de raisons, des jugements de valeur, des fois des contraintes de ressources... On l'a entendu aussi, les proches... toutes les démarches juridiques de modulation de tutelle, quand c'était sur une base volontaire, on peut comprendre que des proches qui en ont déjà pas mal au-dessus de la tête se soient contentés de choses beaucoup plus rigides. Mais ça, je veux dire, si, en 30 ans, tu l'as fait 225 fois sur des dizaines de milliers de cas, ça veut peut-être dire que, le jour où je t'impose, tu vas y aller, mais pas gaiement. Donc, pour nous, c'est pour ça qu'on veut insister sur le côté personnalisé.

Et on sait que ça va être compliqué à gérer. On sait qu'il n'y a personne qui veut des jugements de six pages d'attendus et de 18 pages de ce qu'il faut faire dans le détail. Ça ne sera pas gérable. Mais on veut vraiment rester dans cette philosophie. C'est d'essayer de la personnaliser. Maintenant, comment faire, dans la loi, pour dire qu'il faut que les gens respectent, ça, c'est compliqué.

Mme Maccarone : En effet, mais comment? Comment le faire? Parce qu'on a déjà entendu d'autres groupes nous dire qu'ils ne veulent pas qu'on en rajoute, de la lourdeur administrative, dans le fond. Dans le fond, il faut enlever cette lourdeur-là pour aider les proches aidants à aider les personnes à leur charge. Alors, ma crainte, c'est que... comment on peut le faire sans rajouter une lourdeur administrative non seulement pour les proches aidants puis les tuteurs, mais aussi pour le Curateur public, qui veut vraiment bien gérer toutes les personnes pour qui il est responsable, mais d'une façon où il n'y aura pas une liste d'attente puis il y aura un accès assez rapide?

Parce que je vous ai clairement entendus, il faut rajouter des ressources, je pense que c'est clair puis je pense que tout le monde est en accord avec ceci, avec ce changement. Puis il y aura une gestion de changement, ça aussi, je vous entends là-dessus, une gestion de changement qui peut être à 18 mois, 24 mois, peut-être. Il y a déjà l'engagement du gouvernement et du curateur pour donner de l'information, faire de la formation, s'assurer que toutes les informations sont adaptées pour la population qui va subir ce changement-là. Mais comment faire vraiment, personnaliser? Est-ce que c'est parce qu'on... Pensez-vous qu'on devrait proposer un autre intervenant à l'intérieur du processus? Est-ce qu'il y a un autre rôle qu'on devrait penser à créer? Est-ce qu'il y a un autre niveau de gouvernement à interpeller dans le processus? Est-ce que c'est le droit de la personne qui peut nous aider dans ceci?

M. Collomb d'Eyrames (Olivier) : Je pense que la seule réponse claire que vous avez, dans notre mémoire, à ce sujet-là, c'est qu'en fait on n'en sait peut-être pas grand-chose et que c'est pour ça qu'on vous propose un projet de recherche qui commence avant l'entrée en vigueur du projet de loi, un côté longitudinal, qu'on suive les personnes dans cette évolution et qu'on la... peut-être on la révise. En tout cas, pour nous, c'est quand même un changement de mentalité important qu'on propose là.

Mais moi, je me rappelle, il y a quelques années — peut-être mon accent me trahit encore, je ne suis pas né ici — j'entendais des gens qui parlaient du moment où les femmes ont eu le droit de commencer à signer des papiers sans qu'il y ait un homme à côté, puis d'entendre des gens qui disaient : Mais tu as encore des notaires, au milieu des années 70, qui questionnaient le fait que la femme, elle vienne toute seule. Et là on parle de gens formés, on parle de gens qui sont dans un certain milieu, soit les années 70, les notaires, bon, voilà. Donc... Et ça a pris des années. Et je pense... Il me semble entendre parfois, encore, qu'il y a encore des enjeux sur l'égalité hommes-femmes, comme la Loi sur l'équité. Je suis arrivé en 2004, on en parlait encore.

Donc, je me dis, c'est ça, nous, on en est venu à la conclusion... Et, pour éviter ces problèmes de perception que le ministre souligne, on parle bien d'un projet de recherche où on suit des gens, où on regarde, où on monitore. J'ai vu un très beau... un extrait de projet de recherche en France, où ils ont vu à quel point il y avait eu du très bon et des gens qui s'étaient tout simplement débrouillés pour faire comme avant, mais en changeant les mots, et on se dit...

• (15 h 40) •

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

M. Collomb d'Eyrames (Olivier) : ...avec un vaste projet de recherche ambitieux, on en a déjà parlé au Curateur public, qui semble ouvert, M. Marsolais, bien là on se donne une chance. Je pense qu'il faut arrêter de vouloir essayer d'être parfait tout le temps en partant. Et, quand on en a parlé entre nous, c'est ce qu'on s'est dit. Le droit à l'erreur, il est pour vous aussi.

Mme Maccarone : Si vous me permettez, parce qu'il nous reste peut-être 30 secondes, vous avez fait plusieurs recommandations. Est-ce que vous pouvez identifier vos tops trois? Parce qu'il y en a deux pages, et je vous félicite là-dedans, c'est parfait, mais, si, mettons, il faut cibler, c'est lesquels, les plus importants?

La Présidente (Mme Chassé) : En 15 secondes.

Mme Vézina (Véronique) : Je vais en citer deux : la personnalisation et l'ajout de ressources pour s'assurer que les personnes sont soutenues et qu'on leur permette d'acquérir des droits, mais d'acquérir la possibilité de faire des apprentissages pour avoir des droits.

Mme Maccarone : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je vais suspendre momentanément les travaux pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 42)

(Reprise à 15 h 45)

La Présidente (Mme Chassé) : Et je souhaite... À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Protecteur du citoyen. Vous savez que vous disposez de 10 minutes, et que, par la suite, nous procéderons à une période d'échange, et qu'à une minute de la fin je vais vous faire un signe pour vous inviter à conclure. Débutez tout d'abord en vous présentant puis poursuivez avec votre exposé. Allez-y.

Protecteur du citoyen

Mme Rinfret (Marie) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci à vous.

Mme Rinfret (Marie) : Marie Rinfret, Protectrice du citoyen. Mme la Présidente, M. le ministre de la Famille, Mmes, MM. membres de la commission, je vous présente les personnes qui m'accompagnent. À ma droite... bien, je ne sais pas pourquoi je dis à ma droite, parce qu'il y a juste un homme, Claude Dussault, qui est vice-protecteur, Services aux citoyens et aux usagers, et Mme Ariane Massicotte, qui est coordonnatrice aux enquêtes en administration publique.

D'abord, je remercie la Commission des relations avec les citoyens d'avoir invité le Protecteur du citoyen à participer aux consultations sur le projet de loi n° 18. Le respect des personnes et de leurs droits ainsi que la prévention des préjudices sont au coeur de la mission du Protecteur du citoyen. Son rôle en matière de prévention s'exerce notamment par l'analyse de situations qui pourraient engendrer des préjudices pour des citoyens et des citoyennes ou qui sont de nature systémique. En vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous pouvons proposer des modifications aux lois, aux règlements, directives et politiques administratives afin de les améliorer dans l'intérêt des personnes concernées. C'est dans cette perspective que nous sommes devant vous aujourd'hui.

D'entrée de jeu, le Protecteur du citoyen considère que le projet de loi n° 18 marque une avancée pour la protection des personnes en situation de vulnérabilité, et ce, dans le respect de leur autonomie. De plus, il s'inscrit dans les tendances internationales qui visent les mêmes buts et auxquelles nous adhérons. Je suis toutefois d'avis que des précisions sont nécessaires pour que la réforme atteigne son objectif.

Soulignons d'abord que le projet de loi prévoit dorénavant une seule mesure de représentation pour les personnes inaptes, soit la tutelle. Le tribunal en déterminera les modalités à partir d'évaluations médicales et psychosociales et en fonction de l'avis du majeur, dans la mesure du possible. C'est un progrès. C'est un progrès, puisque le tribunal adaptera mieux les conditions de la tutelle à la situation du majeur inapte.

La reconnaissance de l'autonomie des personnes exige qu'on ne les empêche pas d'exercer elles-mêmes les droits qu'elles sont en mesure d'exercer. C'est ainsi que l'accent est désormais mis sur l'évaluation du besoin de représentation.

Cela m'amène à recommander que les critères à prendre en compte pour évaluer le besoin de représentation pour l'exercice des droits civils soient davantage précisés afin de fournir des références communes à tous les professionnels, de même qu'au tribunal, et ce, compte tenu des conséquences déterminantes sur les personnes visées. Parmi ces facteurs ni exhaustifs ni limitatifs à prendre en compte, on peut penser au degré et à la durée prévisible de l'inaptitude du majeur, à la nature et à la valeur de son patrimoine, à savoir s'il est isolé ou bien entouré ou encore si un mandataire désigné par lui assure déjà une représentation adéquate ou non.

La réévaluation médicale et psychosociale de la personne sous tutelle ne se fera plus selon des délais uniformes mais fixés au cas par cas par le tribunal selon l'évolution de la condition de la personne, et ce, sans excéder cinq ans. J'insiste qu'il faudra voir à respecter rigoureusement les délais impartis. En effet, des plaintes que nous recevons font état de nombreux retards dans ce processus de réévaluation.

• (15 h 50) •

Le projet de loi introduit le concept de représentation temporaire du majeur inapte. Sans être une tutelle, la formule vise à répondre à un besoin temporaire de représentation d'une personne déclarée inapte par un médecin, et ce, pour la réalisation d'un acte déterminé. Or, aucune mesure de surveillance n'est prévue pour s'assurer que l'acte posé par le représentant temporaire respecte le cadre de son mandat. Les actes visés par une telle représentation peuvent parfois être complexes et lourds de conséquences.

Ainsi, je suis d'avis que des mesures de surveillance devraient être instaurées pour que le représentant temporaire, tout comme le tuteur, soumette une reddition de comptes lorsque la représentation prend fin. J'en fais une recommandation.

Le projet de loi prévoit une nouvelle mesure d'assistance au majeur apte ou inapte. Cette mesure, qui n'en est pas une de représentation, pourrait concerner toute personne majeure qui, en raison d'une difficulté, voudrait être assistée pour prendre soin d'elle-même, administrer son patrimoine ou exercer ses droits civils tout en conservant sa pleine capacité.

Par cette formule administrative, ce serait donc le directeur de la protection des personnes vulnérables qui serait responsable de la reconnaissance de l'assistant au majeur choisi par la personne elle-même. J'estime que cela devrait répondre aux besoins d'un certain nombre de personnes et de leurs proches aidants, tout en leur évitant des démarches judiciaires.

Afin de remplir son rôle auprès de la personne qu'il assiste, il importe toutefois que l'assistant au majeur puisse accéder facilement à l'information requise, y compris à de l'information confidentielle. Des plaintes traitées par le Protecteur du citoyen nous ont permis de constater les difficultés qu'éprouvent les proches aidants pour obtenir des renseignements auprès de certains ministères et organismes parce qu'ils n'ont pas de statut reconnu par un régime de protection ou un mandat homologué. Par exemple, nous avons reçu une plainte d'une dame qui n'avait pas de procuration ou de mandat homologué pour prendre soin de sa mère atteinte de la maladie d'Alzheimer. Elle souhaitait obtenir des renseignements sur une réclamation de Revenu Québec d'environ 800 $ qu'avait reçu sa mère. Jusqu'alors elle n'avait pas réussi à obtenir l'information qui lui était nécessaire. Elle avait même échoué à négocier une entente de paiement.

La mesure d'assistance devrait permettre au proche désigné par la personne souhaitant être assistée d'obtenir l'information nécessaire pour l'aider. Je recommande donc que le projet de loi soit modifié afin de préciser que nul ne puisse refuser à cet assistant au majeur, avec le consentement de la personne assistée, la communication d'un renseignement ou l'accès à toute information requise dans le cadre de cette assistance.

Le projet de loi prévoit par ailleurs que l'assistant ne puisse agir lorsqu'il se trouve dans une situation de conflit entre son intérêt personnel et celui du majeur assisté. Je recommande que le projet de loi oblige l'assistant à dénoncer à la personne qu'il assiste et au directeur de la protection des personnes vulnérables toute situation où il peut se trouver en conflits d'intérêts réels ou potentiels.

Enfin, le Protecteur du citoyen est préoccupé eu égard aux délais requis pour compléter les étapes de la reconnaissance d'un assistant au majeur. Les ressources nécessaires devront être mises en place au directeur de la protection des personnes vulnérables pour permettre la reconnaissance des assistants dans des délais raisonnables.

Par ailleurs, considérant la nouveauté et l'ampleur des modifications proposées par le projet de loi, je recommande que le directeur de la protection des personnes vulnérables ait un rôle d'accompagnement et d'information pour les personnes qui le requiert dans le cadre de leurs démarches pour initier l'ouverture d'une tutelle ou une demande de représentation temporaire.

En conclusion, le Protecteur du citoyen estime que le projet de loi n° 18 constitue un pas dans la bonne direction vers l'atteinte de l'équilibre délicat entre la protection des personnes et le respect de leur autonomie. La mise en place de la réforme proposée nécessitera une grande vigilance pour assurer une juste réponse aux personnes dont la situation, loin d'être nécessairement binaire, apte ou inapte, peut se situer quelque part entre ces deux pôles. Autant dire que répondre aux besoins de chacun et de chacune à l'intérieur des balises légales requiert à la fois souplesse et rigueur. Le défi est de taille, de plus en plus d'actualité dans une société qui prend de l'âge et profondément humain. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci à vous pour votre exposé. Nous allons débuter ensemble la période d'échange avec les membres de la commission en commençant avec M. le ministre pour le bloc d'échange du parti formant le gouvernement avec vous.

M. Lacombe : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui. Évidemment, on a écouté avec beaucoup d'attention vos commentaires, vos recommandations, et là j'ai plein de questions. Donc, je vais essayer de faire ça vite pour qu'on puisse couvrir le plus de terrain possible.

D'abord, vous en avez parlé, c'est à la page 5 de votre mémoire, parlons de surveillance, des mesures de surveillance du représentant temporaire. Vous recommandez, donc, vous venez de le mentionner, que les règles relatives aux mesures de surveillance de la tutelle s'appliquent au représentant temporaire avec peut-être des adaptations en fonction de l'acte visé. Pourquoi vous croyez qu'il devrait y avoir cette mesure de surveillance, alors que, d'une certaine façon... cette mesure de reddition de comptes? Parce que, d'une certaine façon, le juge, lorsqu'il a un doute ou lorsqu'il y a une attention ou une information qui est portée à son attention, peut décider par lui-même de dire : Bien, à la suite de la transaction, par exemple, à la suite de la vente de la maison pour laquelle vous allez être représenté temporairement, bien, je veux avoir une reddition de comptes, je veux voir tel ou tel document. D'autant plus que le curateur lui-même, par exemple, serait notifié, lorsqu'il y aurait une telle demande, il pourrait lui-même aller faire des représentations. Et là je parlais comme si c'était déjà adopté, mais évidemment, c'est hypothétique. Donc, il y aurait déjà cette possibilité pour le juge de demander une reddition de comptes, et le curateur aurait lui-même la possibilité de faire une revendication. Donc, pourquoi faire cette recommandation-là?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, et... à cet égard-là, on considère d'abord, un, éviter de judiciariser les dossiers et de responsabiliser le représentant temporaire à devoir rendre compte, faire une reddition de comptes, tant à la personne qu'il représente à l'égard de l'acte qui avait été déterminé par le tribunal et également au directeur de la protection des personnes vulnérables. Ça nous apparaît essentiel, d'autant plus que l'article 297.7 du projet de loi... bien, en fait, ce n'est pas... vous me comprenez, là, l'article 297 qu'on introduit par le projet de loi, réfère aux règles relatives à la charge tutélaire et au remplacement d'un tuteur au mineur. On importe ces règles-là à la représentation temporaire du majeur inapte.

Alors, nous, on se dit : Ce serait essentiel que le représentant temporaire doive également être assujetti aux règles sur la surveillance, qui sont prévues également au Code civil. Et, conséquemment, ça permettrait, sans avoir à judiciariser, sans avoir à retourner auprès d'un juge pour déposer une reddition de comptes, de le faire administrativement et d'avoir cette responsabilité-là inhérente en vertu de la loi.

M. Lacombe : On en prend bonne note.

Mme Rinfret (Marie) : Merci.

M. Lacombe : Page 4 de votre mémoire, vous recommandez que le projet de loi précise les principaux critères, vous l'avez aussi mentionné, que le tribunal devra prendre en compte dans l'évaluation des besoins de représentation au moment d'établir les mesures. Selon l'article 270 du Code civil, le besoin de représentation... et c'est toute la notion du rapport psychosocial. Donc, par exemple, dans le rapport psychosocial, on pourrait retrouver la durée, justement, le... bien : isolement du majeur, la durée prévisible de son inaptitude, la nature ou l'état de ses affaires, essentiellement, de mémoire, ce que vous avez mentionné tantôt. Donc, puisque ce serait déjà inclus dans le rapport psychosocial, ce que je comprends, c'est que, pour vous, ce n'est pas suffisant, ça devrait être écrit tel quel.

• (16 heures) •

Mme Rinfret (Marie) : En fait, ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait des repères communs pour l'ensemble des intervenants qui devront... Parce que chacun intervient à un moment x de l'évaluation de la personne, et ce serait également essentiel, selon nous, que le tribunal tienne compte de ces facteurs au moment où il doit déterminer sur mesure dans quelles circonstances la personne pourra exercer ses droits civils ou dans quelles circonstances elle devra être représentée par son tuteur. Et, à ce titre-là, ça nous importe que l'ensemble des intervenants, donc pas juste lors de l'évaluation psychosociale, pas juste, également, lorsque c'est le directeur général d'un établissement qui fait un signalement, qui doit, lui, s'en tenir à ces critères-là, donc que ce soit une trame commune. Puis, bon, quand on vous énumérait les facteurs qu'on propose, bien, ma foi, il faut également que ces facteurs-là collent à la réalité des personnes visées par la demande de tutelle. Donc, ils ne doivent ni être limitatifs ni être exhaustifs, mais ce doit, selon nous, être des éléments communs que l'ensemble des intervenants au dossier doivent prendre en compte.

M. Lacombe : Pas seulement le travailleur social, donc, dans l'établissement de son rapport?

Mme Rinfret (Marie) : Exactement. Et ça, ça devrait être vrai, selon nous, tant pour l'ouverture de la tutelle que pour des modifications par la suite. On le sait, hein, avec les dispositions qui sont prévues par le projet de loi, la personne qui a été déclarée inapte, qui a besoin de représentation dans l'exercice de ses droits civils peut, elle aussi, demander que les conditions soient assouplies ou changées, modifiées. Et, à ce titre-là, de pouvoir s'asseoir également sur des critères uniformes communs... Je n'aime pas le mot «uniforme», parce qu'on n'est pas dans l'uniformité ici, c'est vraiment une appréciation commune qui, selon nous, doit être faite et partagée par l'ensemble des intervenants dans un dossier.

M. Lacombe : D'accord. Et puis dernière question pour moi, je vais laisser la place à un collègue après, c'est à la page 6 de votre mémoire, donc, au sujet des renseignements, la communication des renseignements confidentiels. Donc, vous venez de le dire, là, vous aimeriez qu'on ajoute dans le texte que nul ne pourrait refuser la transmission des renseignements à la personne qui est désignée comme étant l'assistant dans le cadre de son assistance. Je veux juste préciser avec vous, à 297.1, on dit déjà que l'assistant agit comme intermédiaire entre le majeur assisté et tout tiers et que le tiers ne peut refuser que l'assistant agisse à ce titre. Donc, je comprends, encore une fois, que c'est peut-être... ça répond partiellement à ce que vous voulez. Vous voulez qu'on aille plus loin?

Mme Rinfret (Marie) : Oui. Bien simplement, le fait qu'un tiers ne puisse refuser que l'assistant agisse à titre d'assistant, ça n'empêche pas un organisme public, par exemple, de dire à cette personne-là : Bien, en vertu de la loi, par ailleurs, je ne peux pas te donner tel document. Ce qui fait que, bien, ça n'aide pas l'assistant ni l'assisté dans des circonstances comme celle-là.

M. Lacombe : Et on se demandait : Est-ce qu'il y a une notion de professionnel là-dedans ou vous ne touchez pas à ça?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, on n'en était pas là. Ce qu'on... vraiment, l'exemple qu'on a chez nous et les demandes, les plaintes que nous recevons, c'est souvent lié à des documents détenus par les organismes publics qui... bien, qui, en vertu des lois actuelles, hein, sont tenus de refuser l'accès à ces documents-là.

Donc, je me dis : Si, vraiment, on veut aider l'assistant au majeur à administrer ses biens, bien, c'est de boucler la boucle et de lui permettre d'avoir accès aux documents dont il a besoin pour soutenir, pour assister le majeur.

M. Lacombe : On a pris note de ça aussi.

Mme Rinfret (Marie) : Merci.

M. Lacombe : C'est tout pour moi, Mme la Présidente. Je sais que la députée de Bellechasse...

La Présidente (Mme Chassé) : Je cède la parole à la députée de Bellechasse. C'est très bien, merci, M. le ministre. Mme la députée, vous avez 7 min 30 s.

Mme Lachance : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Allez-y.

Mme Lachance : Merci, Mme Rinfret, merci à vos acolytes. Merci d'être là. J'ai trois petites questions quand même assez brèves. La première, c'est que j'aimerais savoir : Dans les mandats de protection, suite à l'homologation, l'inventaire obligatoire et la reddition de comptes, quelle est votre opinion?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, en ce qui nous concerne, et vous le savez, mon mandat se situe à l'égard des organismes publics. Donc, quand on entre dans la sphère privée, malheureusement, je n'ai pas compétence. Donc, je réserverai des opinions qui pourraient vous être faites par les personnes les mieux placées pour les faire.

Mme Lachance : D'accord. Dans la suite et dans le même ordre d'idée, pensez-vous que les propositions d'abandon du régime de curatelle auront un impact sur votre travail en tant que Protecteur du citoyen?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez... et là vous me permettez de souligner à nouveau que, pour nous, de simplifier la curatelle, la tutelle, la représentation temporaire aux majeurs inaptes, donc de regrouper la curatelle et la tutelle au sein d'une forme de représentation, c'est une avancée. Toutefois, et je le disais d'entrée de jeu, on le dit dans notre mémoire, je le disais dans mon allocution tout à l'heure, il y a là un défi de taille, il y a là un grand défi de communication, un défi d'accompagnement, de guider les personnes qui, à un moment de leur vie, demandent à ce qu'il y ait une personne pour les assister, alors qu'elles sont encore aptes, et qu'ensuite, bon, leur état, pour une raison ou pour une autre, se dégrade, bien, il faudra que le directeur de la protection des personnes vulnérables agisse avec beaucoup de vigilance pour être capable d'accompagner les personnes qui auraient été désignées comme assistant au majeur pour, là, venir dire : Bien là, votre personne ne peut plus uniquement être assistée, elle a besoin d'être représentée, et, bien, ça pourrait être par le moyen de la représentation temporaire ou encore son état s'est tellement dégradé que ça devrait être la tutelle. Et, pour ça, il devra y avoir des outils, il devra y avoir des guides, il devra y avoir de l'accompagnement pour les personnes, les proches aidants, notamment, les personnes, donc, qui sont désignées comme assistant au majeur et les personnes également visées par les mesures.

Mme Lachance : Donc, si j'ai bien compris, vous nous dites qu'il y a un très grand enjeu de communication...

Mme Rinfret (Marie) : Oui, d'accessibilité.

Mme Lachance : ...d'accompagnement et puis d'outils disponibles pour accompagner les gens. Mais, dans votre expérience, avec le type de plaintes que vous recevez habituellement, est-ce que vous pensez que ça va augmenter ou diminuer, à la lumière de...

Mme Rinfret (Marie) : Votre question est excellente. Un constat qu'on fait généralement, c'est que, lorsqu'il y a un grand changement, et appelons-le comme ça, une réforme, la gestion de la transition est aussi importante que l'adoption du projet de loi comme tel, ce qui fait qu'au moment où le projet de loi sera adopté, dans l'hypothèse où il l'est, bien sûr, il faudra déjà avoir prévu tous les éléments de transition pour bien soutenir les personnes qui auront besoin de ces outils pour assister les personnes qui en auront besoin. Et ici on parle souvent des personnes qui sont les plus vulnérables de notre société, de sorte qu'il faut être proactifs par rapport à eux si on veut vraiment que, par exemple, l'assistance aux majeurs atteigne son objectif d'aller chercher le plus possible les gens qui, actuellement, parce qu'ils n'ont pas les sous, parce que de s'adresser aux tribunaux, ça devient quelque chose qui s'ajoute au fait d'accompagner leurs parents... Donc, il y a là, quand on parle de défi de taille... Et c'est vrai dans n'importe quelle réforme, je vous dirais, là, mais ici il faut bien être conscient qu'on parle d'une réforme qui va toucher les personnes les plus vulnérables de notre société. Donc, on doit vraiment mettre en place tout ce qu'il faut pour assurer la transition et bien, bien, bien accompagner les personnes dans ça.

Mme Lachance : Donc, je comprends l'importance. Je tiens à vous rassurer à cet effet-là, entre l'adoption, si elle a lieu, et la mise en application, on prévoit un temps de 18 à 24 mois pour préparer tout ça. Merci.

Mme Rinfret (Marie) : O.K. C'est parfait. C'est très bien.

La Présidente (Mme Chassé) : 2 min 30 s.

Mme Lachance : Si vous permettez, Mme la Présidente, j'aurais terminé.

La Présidente (Mme Chassé) : Bon, est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le ministre, vous désirez reprendre la parole? Absolument. Allez-y. C'est votre prérogative.

M. Lacombe : J'ai senti un peu d'inquiétude.

La Présidente (Mme Chassé) : Absolument aucune inquiétude, vraiment pas de stress du tout.

M. Lacombe : Bien, j'avais une autre question parce qu'évidemment on veut bien faire les choses. Vous dites que vous êtes préoccupés, c'est à la page 6 de votre mémoire, vous dites qu'au point 21 «le Protecteur du citoyen est préoccupé eu égard aux délais requis pour compléter les étapes de la reconnaissance d'un assistant au majeur. Les ressources nécessaires devront être mises en place au directeur de la protection des personnes vulnérables pour permettre la reconnaissance des assistants dans des délais raisonnables.»

Et là je comprends qu'on peut interpréter ça de plein de façons, mais disons qu'on veut éviter de se retrouver dans votre rapport. Qu'est-ce que vous voulez dire?

• (16 h 10) •

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Rinfret (Marie) : C'est un excellent réflexe.

M. Lacombe : Je pense que c'est bien de savoir qu'est-ce que vous entendez par «délais raisonnables». J'imagine que ça dépend de beaucoup de choses.

Mme Rinfret (Marie) : Vous avez raison, et c'est d'ailleurs pour ça qu'on a inscrit «délais raisonnables», parce que, déjà dans la loi, il y a des délais qui sont prévus, hein, des avis de 30 jours, il y en a deux, me semble-t-il. Déjà là, on est dans une perspective de plus de deux mois avant de déposer une demande et de se voir reconnu comme assistant au majeur, de sorte qu'il faudra vraiment agir avec beaucoup de célérité, du côté du directeur de la protection des personnes vulnérables, pour permettre aux gens qui demandent d'être assistés de recevoir une réponse rapidement pour s'assurer qu'effectivement, là, leur demande est acceptée et que l'assistant, lui, au majeur obtienne l'information, obtienne la formation. Parce que ça aussi, ça va devoir faire partie de l'accompagnement quand on parle d'accompagner les personnes qui transigent autour...

La Présidente (Mme Chassé) : En moins de 30 secondes.

Mme Rinfret (Marie) : Excusez-moi.

La Présidente (Mme Chassé) : Allez-y.

Mme Rinfret (Marie) : Donc, c'est tout ça.

La Présidente (Mme Chassé) : Bon, vous aviez 30 secondes. Je vous remercie. Je cède maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis pour son bloc d'échange. Allez-y.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Juste pour faire un peu de pouce sur votre paragraphe 13, faire le lien avec qu'est-ce que le ministre vient de dire, on parle des suivis rigoureux, puis il y a des délais. Savez-vous s'il y a des actions qui sont mises en place pour adresser cette problématique-là? Et, sinon, est-ce qu'on devrait être conscients de ceci dans l'adoption de ce projet de loi?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, c'est une chose qu'on porte à l'attention... à votre attention, Mmes, MM. les parlementaires, parce qu'actuellement on reçoit des plaintes, au Protecteur du citoyen, qui concernent le non-respect des délais de réévaluation des dossiers. Bon, actuellement, il y a un délai de trois ans et un délai de cinq ans, selon qu'on est en tutelle ou en curatelle. Là, ce qu'on prévoit, c'est que le délai puisse varier, selon la personne visée par la tutelle, avec un maximum de cinq ans. Et, à ce titre-là, ce qu'on dit, c'est qu'il faut mettre en place, au directeur de la protection des personnes vulnérables, les outils de suivi pour s'assurer qu'il n'y a pas de dossier qui glisse entre les craques, comme on dit au Québec, et qui se retrouve sans évaluation, sans réévaluation.

Et ce que je dois dire, cependant, pour répondre complètement à votre question, c'est qu'à ce titre-là on a une excellente collaboration du côté du Curateur public actuellement, qui, de fait, est tout à fait conscient de ces enjeux-là et met en place les processus pour s'assurer de respecter le délai de réévaluation des dossiers.

Mme Maccarone : Excellent. Vous parlez beaucoup de la responsabilité du tuteur, la personne qui va faire la représentation temporaire, mais je n'ai pas senti qu'on parle beaucoup des proches aidants ou la personne qui va être responsable là-dedans. Est-ce que ça, c'est quelque chose qui devrait faire partie aussi de notre réflexion? Parce qu'on sait qu'eux aussi ils ont besoin des mesures de protection. On a bien entendu la cause puis la demande. Alors, qu'est-ce qu'on peut faire pour bonifier qu'est-ce que vous avez présenté aujourd'hui pour amener des mesures de protection envers cette population?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, les... quand on parle... pour nous, quand on réfère au proche aidant, l'ensemble du projet de loi n° 18, les nouvelles mesures qui sont proposées devraient faire écho aux besoins qu'on entend de leur part. C'est certain, selon nous, que la mesure d'assistance au majeur devrait faciliter les choses, d'où l'importance de faire connaître. Et ça aussi, c'est une recommandation que l'on fait, de faire la promotion de cette nouvelle mesure pour permettre justement que ce soient les proches aidants, mais aussi les personnes qui ont besoin d'aide... de faire cette demande-là, que ce soit traité rapidement. Dans le fond, les mots-clés dans ça, c'est la souplesse, l'efficacité, l'accessibilité. Et, en ce sens-là, je pense... en tout cas, on le pense sincèrement, ça devrait répondre à un besoin qu'on entend.

Le besoin qu'on entend aussi souvent, et c'est pour ça qu'on en fait une recommandation, c'est le fait que les personnes qui... les proches aidants, les personnes qui soutiennent celles qui ont besoin d'aide, se butent au refus d'organismes publics de leur donner les outils dont ils ont besoin pour aider la personne qui a besoin d'aide.

Et là je réfère uniquement... je vais vous donner seulement un exemple puis je pense que vous allez, tout le monde, comprendre : la déclaration de revenus qui doit être faite, l'ensemble des documents qu'on a besoin pour demander une rente d'invalidité. Ce sont des formalités qui devraient demeurer des formalités simples, accessibles et qui actuellement peuvent s'avérer être une montagne pour les proches aidants, alors qu'on devrait leur faciliter les choses. C'est pour ça qu'on vous demande d'ajouter au projet de loi un article qui va leur permettre d'obtenir tous les documents nécessaires, avec le consentement de l'assisté, bien sûr, mais tous les documents nécessaires qui vont leur permettre justement, à titre d'assistant, de bien conseiller la personne assistée afin que les décisions puissent être prises correctement.

Mme Maccarone : Vous identifiez dans votre recommandation 1 les principaux critères, alors je réfère à votre paragraphe 9, où vous dites les facteurs qui devraient guider l'analyse des professionnels de la santé, ultimement celles du tribunal... ne soient pas davantage précisés au projet de loi. Comme quoi?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, on réfère, et ce sont les exemples que l'on donne, est-ce que... puis ça, c'est un exemple, là, bien sûr, est-ce que la personne est isolée ou elle est bien entourée. Et, quand on réfère au fait d'être bien entourée, ce n'est pas juste d'être entourée, c'est d'avoir des personnes compétentes pour administrer leurs biens. Parce que, dans les plaintes que nous recevons, il y en a plusieurs qui réfèrent à la gestion du patrimoine des personnes.

Donc, on identifie des gens qui devraient nous aider et qui, malheureusement, soit se retrouvent en conflit d'intérêts ou encore ne savent pas trop par où passer, de sorte que ce ne sont pas les bonnes personnes pour nous soutenir. Ce qui fait que, dans les exemples qu'on donne, qui, encore une fois je le répète, ne sont pas des critères qui doivent être limitatifs ou exhaustifs, je pense que le principal, ça devrait toujours être dans l'intérêt du majeur inapte, hein, de s'assurer que toutes les décisions qui sont prises, les facteurs qui sont considérés le soient à terme en fonction de la personne qui a besoin de représentation.

Parce qu'ici avec la réforme on sort de l'appréciation binaire d'une personne apte ou inapte. On pousse... On met l'accent sur est-ce qu'une personne inapte a besoin de représentation dans l'exercice de ses droits civils, et, si oui, pour l'exercice de quels droits civils, et, conséquemment, que la personne qui soit désignée comme tuteur agisse dans cette continuité-là, donc permette au majeur inapte d'exercer ses droits civils par ailleurs, pour lesquels il a été... il est toujours compétent pour le faire.

Donc, vraiment c'est le choix des personnes en fonction des critères qui doivent être pris en compte pas uniquement, je le rappelle, dans le cadre de l'évaluation psychosociale, mais également par l'évaluation médicale et aussi, et j'ai presque envie de dire surtout, par le tribunal, qui, lui, a comme responsabilité de déterminer la tutelle sur mesure pour la personne qu'il a devant lui. Bien, qu'il a devant lui ou qu'il a... dont il est chargé d'évaluer le besoin de représentation.

• (16 h 20) •

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente, je pense que...

La Présidente (Mme Chassé) : Est-ce que la députée de Notre-Dame-de-Grâce désire prendre la parole? Vous avez deux minutes. Allez-y.

Mme Weil : ...question. D'abord, j'aimerais vraiment vous remercier pour votre mémoire. Avec votre expérience, avec votre vision de l'intérieur, des plaintes que vous recevez, on voit que la tâche est énorme. Et, dans ce que vous dites, il y a des échos de ce que d'autres ont dit, et je suis contente d'entendre qu'il y a une bonne collaboration avec le Curateur public, parce qu'il y a beaucoup de travail à faire. Et on comprend que le gouvernement va se donner le temps de s'assurer que les choses seront mises en place. Moi, je n'avais pas saisi que ce serait comme jusqu'à peut-être 24 mois.

Donc, j'irais sur peut-être votre point 13. Vous, vous recevez beaucoup de plaintes par rapport aux délais concernant la réévaluation du régime de protection, déjà, donc, un drapeau rouge, alors que, maintenant, ça va se faire cas par cas. Est-ce que vous... Donc jusqu'à un maximum de cinq ans. Est-ce que vous avez une recommandation? Parce que c'est bien de dire qu'ils devront être vigilants par rapport à ça, mais, dans un système aussi complexe, si on n'a pas, comment dire, un déclencheur qui fait en sorte que, woup! là c'est trop tard... Est-ce que, de votre expérience, vous êtes capable de peut-être y réfléchir, si vous n'avez pas aujourd'hui une solution à ça? Si vous n'avez pas de recommandation, c'est que vous n'aviez pas nécessairement une recommandation précise, mais...

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste une minute.

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, votre question est excellente. On s'est posé la question. Le système comme le propose la réforme, il est très bien. Je vous dirais, pour nous, la limite maximale de cinq ans se doit d'être une limite maximale, parce que c'est quelque chose de priver une personne de l'exercice de ses droits civils.

Donc, est-ce que le délai de cinq devrait... maximal de cinq ans devrait être une limite maximale de trois ans? À cet égard-là, on se fie sur la discrétion du tribunal qui aura, avec l'éclairage de l'évaluation médicale et psychosociale, à déterminer une limite pour la réévaluation. Ce qui fait que, là, on arrive vraiment dans l'ordre administratif...

La Présidente (Mme Chassé) : En terminant.

Mme Rinfret (Marie) : ...et, à cet égard-là, ce qu'on demande, c'est d'être extrêmement vigilant et de mettre en place des outils du côté du directeur de la protection des personnes vulnérables pour...

La Présidente (Mme Chassé) : Ça conclut.

Mme Rinfret (Marie) : ...assurer le suivi... Excusez. Donc, assurer le suivi.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça va. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends momentanément les travaux afin de permettre à la prochaine personne de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 23)

(Reprise à 16 h 25)

La Présidente (Mme Chassé) : Je souhaite maintenant la bienvenue à Me Dominique Goubau. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé et, à une minute de la fin, je vais vous faire un signe de la main ou un signe vocal pour vous inviter à conclure. Débutez tout d'abord en vous présentant de nouveau puis commencez votre exposé.

M. Dominique Goubau

M. Goubau (Dominique) : Merci. Mme la Présidente, M. le ministre, distingués membres de la commission, M. le Curateur public, c'est un honneur pour moi d'être ici, c'est un privilège, et je vous remercie de me l'avoir accordé. Je vais prendre juste quelques secondes pour me présenter, pour dire qui je suis, comment ça se fait que je viens vous voir pour parler et participer à vos travaux sur le projet de loi n° 18.

J'enseigne le droit des personnes depuis plus de 30 ans, depuis 33 ans exactement, à l'Université Laval. J'ai publié beaucoup dans ce domaine. J'ai notamment écrit un traité sur la question, qui est réédité depuis 25 ans maintenant et qui sert d'ouvrage de référence pour les tribunaux et les avocats dans la province de Québec.

Donc, j'ai un intérêt personnel, professionnel pour la matière et je vais vous dire en deux mots la raison aussi pour laquelle j'ai demandé à... enfin, j'ai déposé un mémoire, que j'ai rédigé cet été, et que j'ai demandé à pouvoir vous rencontrer. Je vous remercie d'avoir accepté ma demande.

La première raison, et je ne sais pas si ça a déjà été soulevé depuis vos travaux d'hier, mais, depuis quelques années, maintenant, au Québec, on entend des juristes bien avisés qui soulignent depuis quelques années, depuis l'entrée en vigueur... enfin, depuis d'adoption par le Canada de la convention internationale sur la protection des droits des personnes handicapées, le fait que le droit du Québec serait en porte-à-faux par rapport aux normes internationales. Je ne partage pas du tout cet avis et je pense que cela ne constitue... ce soi-disant porte-à-faux ne devrait pas être le fondement d'une réforme du droit québécois actuel, et je m'en expliquerai dans quelques instants.

J'entends également l'argument suivant : Ça fait 30 ans qu'on a fait la réforme — j'y étais, de la réforme, en 1989, j'enseignais déjà cette matière-là — et ça fait 30 ans, le système québécois était à l'avant-garde, il ne l'est plus, la société a changé, il faut donc changer le système. Là encore, je ne suis pas d'accord. Je pense que le droit québécois est encore à l'avant-garde, je m'en expliquerai.

On parle aussi de difficultés sur le terrain. Je pense que, depuis hier, vous entendez parler de difficultés sur le terrain lorsqu'il s'agit des régimes de protection au Québec. Par exemple, on entend souvent dire qu'en matière de consentement aux soins médicaux il arrive souvent et, selon certains témoins, très souvent que, par le simple fait qu'une personne est sous régime de protection, que ce soit la tutelle et certainement la curatelle, on ne s'intéresse même pas de savoir si elle est apte à consentir ou non à des soins médicaux ou les refuser. Et c'est un vrai problème, mais ce n'est pas un problème de norme, c'est un problème de pratique sur le terrain. La loi est très, très claire. Même s'il y a un régime de protection de tutelle ou de curatelle, il faut vérifier au cas par cas l'aptitude ou l'inaptitude de la personne, et, si, même si elle est sous curatelle, elle est apte à consentir ou à refuser les soins, il faut respecter cette décision comme si elle était apte et qu'elle n'était pas sous régime.

Alors, si cette règle n'est pas respectée, c'est un vrai problème. Les médecins qui ne respectent pas cette règle-là commettent une faute civile, pour ne pas dire plus, et seraient susceptibles d'être poursuivis en responsabilité civile. Il s'agit d'une atteinte à l'intégrité physique. La Cour d'appel et la Cour suprême sont très claires sur le fait que, lorsqu'il y a un régime de protection, cela ne constitue jamais une présomption d'inaptitude.

Donc, ce n'est pas la norme qui est la fautive ici. La norme est bonne. Elle prévoit que la... qu'il n'y a pas de présomption d'inaptitude, mais elle est mal appliquée, elle n'est pas respectée dans la pratique. Il ne faut pas changer la norme, il ne faut pas changer l'article 15 du Code civil du Québec, il faut modifier les mentalités.

Y a-t-il encore des relents de paternalisme médical? Sans doute. En tout cas, certains juges le soulignent encore. Y a-t-il une certaine paresse professionnelle à se contenter du régime de protection et à ne plus vérifier l'aptitude ou l'inaptitude de la personne? Sans doute. Ce n'est pas un problème de norme, c'est un problème de pratique.

Un autre exemple, et je pense que vous... on vient de l'entendre tout à l'heure. J'étais dans la salle et j'ai entendu les deux précédents intervenants. On sait que la tutelle est donc un régime adaptable, mais on sait aussi, on l'a entendu des précédents témoins, que, souvent, ça ne se fait pas, et on prend, au fond, le régime par défaut plutôt que d'y aller dans le détail.

Bien, là encore, ce n'est pas un problème des normes. Les normes prévoient dans la loi que c'est un système adaptable. Et je vais plus loin que certains témoins ici. Le juge n'a pas l'option de déterminer le champ de capacités des personnes dans le cadre de la tutelle, il a l'obligation. Il ne peut prononcer un régime de protection et décrire les pouvoirs de la personne que dans la mesure où le besoin existe, dans la mesure de l'inaptitude de la personne. Donc, ces règles existent déjà, mais il y a clairement un problème d'application des normes actuelles.

• (16 h 30) •

Mon propos est le suivant, s'il fallait le résumer. Les objectifs du projet de loi n° 18, qui sont les mêmes que ceux de la convention, sont des objectifs louables, mais je pense que les mesures qui sont proposées sont beaucoup trop radicales, qu'il n'est pas nécessaire de bouleverser des régimes de protection. Il suffit, à mon avis, de modifier quelques dispositions d'un code pour satisfaire à l'essentiel des objectifs de la loi.

Évidemment, dans mon exposé, de même que dans mon mémoire, je ne m'arrête qu'à ce qui me paraît problématique. Il y a bien des points dans la loi qui sont bien et que j'applaudis, j'en ai cité quelques-uns. Mais, sur le fond même, celui de l'abolition des régimes, d'où vient cette idée? La convention internationale sur la protection des personnes handicapées prévoit que les objectifs de la convention, c'est de prévenir les abus, de ne pas discriminer, de respecter les droits des personnes, surtout de respecter la volonté et les préférences des personnes à chaque fois que c'est possible et de protéger des personnes de façon proportionnée. Ce sont les objectifs du projet de loi. Ce que je viens vous dire ici, c'est que ce sont les fondements éthiques de la loi actuelle. Ce sont exactement les mêmes.

Donc, sur le plan des objectifs, le projet de loi, fondamentalement, ne change rien. Ces objectifs existent déjà. Ce sont déjà les valeurs fondamentales du système actuel. Or, selon certains, notamment des hauts fonctionnaires à l'ONU, les systèmes de représentation, comme notre curatelle ou notre tutelle, sont... ou de décisions substituées, comme on les appelle, sont fondées sur l'idée que la protection des personnes, dans un cadre de représentation, tutelle, curatelle, implique nécessairement la privation des droits de participation. Or, cela ne s'applique pas au Québec.

Depuis 1989, nous avons déjà ces principes dans notre loi. Nous sommes précurseurs. Nous avions déjà dans notre système ces principes avant même la convention. Je peux vous dire aussi qu'il y a plusieurs pays qui, à l'époque, ont regardé avec beaucoup d'intérêt notre système et qui, encore aujourd'hui, imitent notre système. La Belgique, en 2013, a modifié ses régimes pour les rendre conformes à la convention internationale et, ce faisant, elle a appliqué des principes que nous avons dans notre loi : mandat de protection, un régime de tutelle à la carte, etc., qui sont les principes que nous avons déjà.

Alors, depuis 1989, et je pense que ça n'a pas changé, le Québec est à l'avant-garde dans l'organisation de ses régimes de protection, et je pense qu'il est conforme. Le mandat de protection, nous étions précurseurs là-dedans. Bien sûr, il y a certains points qui peuvent être améliorés, mais la tutelle — alors, c'est le premier grand point ici — devrait être abolie, la curatelle devrait être abolie, le conseiller judiciaire devrait être aboli au profit d'une tutelle unique, parce qu'on ne doit pas seulement prévoir la représentation, il faut aussi insister sur le terme d'assistance des... et la possibilité d'assistance. Mais on oublie souvent que c'est déjà le cas aujourd'hui.

Si vous regardez l'article qui est... l'article 288 du Code civil actuel, cette disposition du code prévoit expressément que le tribunal qui ouvre un régime de tutelle doit déterminer dans son jugement, selon le niveau d'inaptitude de la personne, les actes pour lesquels elle doit être représentée ou les actes pour lesquels elle doit être assistée. Par conséquent, la tutelle n'est pas qu'un régime de représentation, c'est aussi un régime d'assistance. On a tendance à l'oublier. Même les juges semblent l'oublier. Il y a là certainement un effort d'information à faire au sein de la magistrature et au sein du Barreau.

Le deuxième point, celui... je pense qu'il est central dans votre projet de loi, c'est celui de la prise en considération de la volonté et des désirs de la personne. Et ça, je pense que c'est le point le plus important de la réforme, je pense qu'il mérite d'être souligné. L'idée est la suivante...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute à votre exposé.

M. Goubau (Dominique) : Pardon?

La Présidente (Mme Chassé) : Une minute.

M. Goubau (Dominique) : Une minute.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute à votre exposé.

M. Goubau (Dominique) : D'accord. Alors, il y a, dans le Code civil, l'article 257 et l'article 260 qui prévoient qu'il faut informer la personne des décisions que l'on prend. La Cour d'appel, unanime, nous rappelle, à tous les deux mois, que cela signifie non seulement qu'il faut informer, mais qu'il faut faire participer la personne dans le respect de son autonomie résiduelle. Donc, ce principe, il est déjà dans notre système juridique.

Je crois que c'est une bonne idée de l'inscrire, comme le projet de loi le fait, et je propose qu'on aille plus loin et qu'on prévoie, à l'article 257 et surtout l'article 260, qui est un petit peu les obligations du représentant, de déterminer plus dans le détail quelles sont les obligations du représentant ou de l'assistant lorsqu'il s'agit de faire participer la personne à des décisions et certainement lorsqu'il s'agit de décisions qui touchent aux droits fondamentaux de la personne.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Très aimable. Merci pour votre exposé. Je cède maintenant la parole au ministre pour son bloc d'échange.

M. Lacombe : Merci, Mme la Présidente. Merci d'être ici aujourd'hui. On voit que vous avez beaucoup d'expérience. Je comprends que, lorsque vous avez commencé à enseigner, je n'étais pas né ou j'avais 1 an, là. Donc, j'ai beaucoup de respect pour votre feuille de route.

Blague à part, il y a beaucoup de choses dans ce que vous nous amenez, surtout beaucoup de points sur lesquels vous n'êtes pas d'accord avec ce qu'on propose. Donc, si vous permettez, je vais me concentrer peut-être sur un ou deux points sur lesquels j'aimerais davantage échanger avec vous, notamment sur l'assistant au majeur, parce que c'est une petite révolution. Certains diront que ce serait une grande révolution d'avoir, et je comprends que ce n'est pas votre avis, mais plusieurs personnes nous ont dit que, pour eux, ça ferait toute la différence. Vous questionnez l'utilité réelle parce que vous dites que le majeur peut déjà avoir accès, par exemple, à une procuration. En même temps, on comprend que la procuration, ça permet de donner à une autre personne le pouvoir d'exercer notre droit. Quand on parle de l'assistant, ce n'est pas du tout la même chose. Pouvez-vous peut-être nous clarifier ou nous donner plus de détails sur votre position là-dessus?

M. Goubau (Dominique) : Certainement. Je trouve que cette idée d'assistance est très intéressante, mais je doute qu'elle soit appliquée. D'abord la procuration, c'est une chose, mais il n'y a pas que la procuration. Le droit commun... Si la personne est apte, et on prend pour acquis qu'elle est apte, mais qu'elle désire une certaine assistance, rien n'empêche, selon le droit commun, d'engager une personne et dire : Tu vas m'aider, tu vas m'assister. Moi, si j'achète une maison, je ne connais rien dans l'immobilier, je peux demander à quelqu'un non pas de me représenter, je ne veux pas lui donner une procuration, mais je peux très bien, en droit, lui confier cette entreprise, si vous voulez, qui est de me conseiller et de m'aider. C'est tout à fait possible. Pourquoi est-ce que j'irais m'enregistrer dans un registre pour cela? Pourquoi est-ce que je me soumettrais à des formalités, alors que le droit commun permet de le faire de façon très, très simple dans une entente, même pas une entente écrite. Mais, si, par contre, il s'agit d'une personne qui est vulnérable, non pas au point d'être inapte au sens qu'elle doit être représentée, mais suffisamment vulnérable pour que son entourage trouve qu'elle devrait être assistée, on a déjà le conseiller judiciaire dans le code. C'est vrai que c'est peu appliqué, mais ce principe existe déjà.

Alors, c'est sûr que c'est intéressant, mais est-ce que ça va être appliqué dans les faits? D'abord, je pense que la plupart des gens qui veulent vraiment être assistés, alors qu'ils sont aptes d'exprimer leurs volontés, ils ne passeront pas par le système prévu par la loi. Mais ça s'est déjà vu ailleurs.

En Saskatchewan, ils ont cela. Ils ont la «codecision making», l'assistance. J'ai un de mes collègues à l'Université de Saskatchewan qui a fait une étude intéressante en 2012 et qui a démontré qu'il n'y a à peu près aucune demande d'assistance. Et je l'ai appelé, parce que son étude date de 2012, je l'ai appelé pour savoir si son étude était actualisée. Il m'a dit : «Your timing is perfect», parce qu'il vient de terminer l'actualisation. Il m'a envoyé un petit mémo parce qu'il n'a pas eu le temps de publier ses résultats. Il m'a envoyé un mémo récemment et il m'autorise à le déposer aujourd'hui, à vous le communiquer, dans lequel il confirme que son étude de 2012 a été actualisée à 2018‑2019. Et il constate la même chose. Juste pour vous donner une idée, selon son étude à lui, si on prend les assistances, cela représente, sur une période 10 ans, à peu près huit dossiers par année. Et, si vous me permettez, sur la représentation temporaire, où ça existe, ça existe également en Saskatchewan, deux cas par année pour la Saskatchewan. Donc, je pense que c'est une... Ça vaut la peine, c'est peut-être une suggestion que je pourrais faire, de regarder plus en détail ce qui s'est fait ailleurs.

M. Lacombe : On l'a fait. On l'a fait. Et, là-dessus, peut-être qu'on ne sera pas d'accord, mais, en fait, on ne parle pas du tout de la même chose. On ne parle pas du tout de la même chose, parce que, dans le cas de la Saskatchewan, le système de codécision, ce qu'il permet de faire, c'est... ou, en fait, la différence entre ce qu'on propose et le système de codécision, c'est qu'en Saskatchewan, avec ce système-là, vous ne gardez pas totalement le contrôle de vos droits. C'est-à-dire que la décision, l'autre personne a un droit de veto. Donc, ce n'est pas exactement la même chose. Et évidemment on a communiqué avec... bon, là, le nom m'échappe, là, mais avec le Public Guardian and Trustee of Saskatchewan. Et lui-même nous confirme que ce n'est pas du tout la même chose et salue ou, en tout cas, nous dit que c'est une excellente nouvelle parce qu'ici au Québec c'est différent et que c'est intéressant. Donc, on ne parle pas de la même chose, là, dans ce cas-là.

• (16 h 40) •

M. Goubau (Dominique) : Évidemment, je ne veux pas argumenter, mais je pense que, comme vous dites très bien, s'il s'agit d'une personne qui veut garder l'entier contrôle et qui est inapte totalement, cette personne a les outils, actuellement dans le droit commun, pour faire les choses de façon beaucoup plus simple que ce que propose le projet de loi.

M. Lacombe : ...inapte, disons. Je pense qu'on peut tasser, peut-être, l'exemple de la Saskatchewan, parce qu'on ne parle pas du tout de la même chose, mais, si on revient à l'assistant, on parle de quelqu'un, par exemple... je peux vous donner l'exemple de mon père, qui, par exemple, pourrait vouloir garder toutes ses capacités, pouvoir prendre ses décisions par lui-même, mais peut-être avoir besoin de mon aide pour téléphoner chez Revenu Québec, peut-être avoir besoin de mon aide pour téléphoner chez Vidéotron quand il y a un problème de facture, pour téléphoner à la banque, parce que, parfois, c'est compliqué, et les gens ressentent ce besoin-là.

D'ailleurs, on a toute une liste, là, de gens qui... de groupes qui sont venus nous dire que ça ferait toute une différence. Et la différence, avec ce que vous mettez de l'avant en disant : Bien, les gens peuvent le faire de toute façon, c'est qu'il y a une légitimité qui est donnée à l'assistant qui peut aller recueillir ces informations-là au nom de la personne qu'il assiste. La situation actuellement, c'est qu'on se bute... les gens qui veulent assister un proche, bien, se butent, par exemple, dans les organismes publics, à la loi, qui dit : Bien, on ne peut pas vous partager ces renseignements-là.

M. Goubau (Dominique) : Non, je comprends très bien. Et je vous ai dit au départ, c'est intéressant : Je doute de la praticabilité et j'ai entendu tout à l'heure un des intervenants qui disait : Ça serait peut-être intéressant de faire des tests et vérifier si ces mécanismes peuvent fonctionner. Il faudrait peut-être les observer. Personnellement, j'ai des doutes que ça fonctionnera. Je pense que le droit commun répond amplement à cela et qu'on n'a pas besoin d'un autre élément de complexité dans la loi.

M. Lacombe : Et l'autre particularité, c'est que ce n'est pas judiciarisé.

M. Goubau (Dominique) : Oui.

M. Lacombe : Donc, vous n'avez pas besoin d'avoir recours aux tribunaux. Par exemple, que, si vous voulez assister...

M. Goubau (Dominique) : C'est administratif.

M. Lacombe : Exactement, c'est administratif. Donc, il y a aussi une différence avec ce qui existe actuellement. Vous parliez du conseiller au majeur, qui existe actuellement, qui n'est pas comparable en ce sens-là.

M. Goubau (Dominique) : Je ne veux pas polémiquer. Je n'ai pas dit que c'était identique, j'ai dit qu'il y a une idée d'assistance à une personne qui est apte dans la prise de décision. On voit le succès très, très mitigé, pour dire à peu près nul, en Saskatchewan.

Je ne peux que vous redire que le droit commun permet déjà de répondre à cela, mais je crois, et je le souligne dans mon mémoire, la question de la représentation temporaire va probablement souffrir du même défaut.

M. Lacombe : Qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Goubau (Dominique) : Je veux dire par là que les exigences qui sont mises en place sont des exigences telles qu'il est difficile d'imaginer des personnes qui vont faire les démarches pour le constat d'inaptitude, la démarche judiciaire, tout cela pour obtenir l'autorisation d'un seul acte. Dans ces genres de situations là, il s'agira d'un cas où, de toute évidence, on se dirige vers un cas d'inaptitude plus important. Or, les cas où on peut demander l'autorisation d'un acte particulier, c'est déjà prévu dans la loi. Vous pouvez aller voir un juge aujourd'hui et dire : Il y a un acte pour lequel on demande une autorisation particulière, et c'est déjà dans la loi, c'est possible.

M. Lacombe : Je n'ai pas envie de m'obstiner avec vous sur le détail juridique, parce que je sens que je vais perdre.

M. Goubau (Dominique) : Non, non, non. On n'est pas là pour gagner ou pour perdre.

M. Lacombe : Parce que vous êtes juriste, et je ne le suis pas, mais moi, j'ai envie de vous parler des gens aussi. On a tous une liste de gens : la mesure d'assistance, le Réseau FADOQ, le Barreau du Québec, l'Office des personnes handicapées, Réseau Avant de craquer, l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, seulement pour la mesure d'assistance, par exemple, qui sont venus nous dire que ça les aiderait.

Je vais vous poser une question. Je comprends que vous présumez que ça ne sera pas utilisé. Vous présumez que ce ne sera pas populaire. Mais, si tout le monde, demain matin, applaudissait et utilisait cette mesure-là, tel qu'on la présente, telle qu'on la propose aujourd'hui, est-ce que ce serait une bonne nouvelle?

M. Goubau (Dominique) : Vous n'êtes peut-être pas juriste, mais vous êtes un très bon avocat. Et l'argument du nombre, c'est sûr. Moi, tout ce que je vous dis, c'est : Les outils existent déjà. Maintenant, si un nombre important d'intervenants dans la société vous disent : C'est un outil qui, pour nous, serait très utile, j'imagine que c'est votre responsabilité de les écouter.

M. Lacombe : Donc, on a un terrain d'entente, là. Je comprends ce que vous voulez dire. Vous dites : Actuellement, peut-être que, légalement, à gauche et à droite, en théorie, je vais dire, on a les outils pour arriver aux mêmes fins. Là, je comprends qu'il y a d'autres juristes qui pourraient peut-être, là, ne pas être d'accord, mais ce que vous dites, je résume en disant : Légalement, on aurait peut-être les leviers, là, pour le faire, mais ce n'est pas populaire. Nous, ce qu'on dit, c'est : On veut que les gens aient recours, on veut faciliter la vie des gens, on veut leur simplifier la vie. Donc, en ce sens-là, si la mesure, elle est utilisée... et c'est le son de cloche qu'on a, on a l'impression que les gens vont l'utiliser. Il y a des gens qui nous disent qu'ils attendent ça depuis 10 ans, par exemple. Donc, si elle est populaire, j'imagine que la façon dont on la présente, ce sera une bonne nouvelle.

M. Goubau (Dominique) : On avait présenté également le conseiller au majeur comme une formule intermédiaire très, très utile et pratique, et finalement on voit bien qu'elle n'est jamais appliquée parce qu'il s'agit de personnes qui sont aptes.

M. Lacombe : Mais il y a un coût associé à ça.

M. Goubau (Dominique) : Il y a un coût parce que c'est judiciarisé.

M. Lacombe : C'est ça, exactement. Et là ce ne le serait pas. Mais je comprends, je comprends mieux votre point de vue. Donc, je comprends que, si vous aviez la certitude que ce serait utilisé et populaire, je comprends que vous seriez probablement d'accord avec la mesure.

M. Goubau (Dominique) : Bien sûr. Bien sûr, oui.

M. Lacombe : D'accord. Moi, je suis encouragé, je suis peut-être optimiste, mais je suis encouragé quand je vois toute la liste des gens qui sont venus nous dire qu'ils aimeraient utiliser cette mesure-là. Mais je suis content d'avoir pu échanger avec vous, c'est instructif.

Maintenant, moi, je céderais la parole à une collègue, un collègue?

La Présidente (Mme Chassé) : À un collègue ou à une collègue, puis peut-être que vous allez la reprendre après.

M. Lacombe : La députée de Soulanges.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est la députée de Soulanges qui prend la parole. Allez-y.

Mme Picard : Oui, merci. Bonjour... pour votre présence aujourd'hui. J'aimerais attirer votre attention sur une partie de votre mémoire où vous parlez de l'utilisation du terme «vulnérable». Vous dites qu'on aurait proposé un autre nom au lieu du terme «vulnérable». J'aimerais avoir vos propositions, si vous en avez, ou... élaborer sur le sujet.

M. Goubau (Dominique) : J'ai écrit dans le mémoire que j'aimais assez bien l'idée de Curateur public, d'abord parce que les gens connaissent le Curateur public et que, dans les milieux d'intervention, tout le monde sait qui est le Curateur public. Donc, le mot, il est acculturé, il est connu. Et qu'on a déjà un défi important, auprès de nombreuses clientèles, à faire comprendre les choses, voilà déjà un acquis, il est connu. Tout le monde sait qui est le Curateur public.

Mais j'ai une objection... enfin, une proposition ou, plutôt, un élément à apporter. C'est que le Curateur public, bien sûr, il s'occupe des régimes de protection des majeurs, il s'occupe aussi des mineurs, des petits enfants, mais il s'occupe aussi des adolescents qui ont 16 ans, qui ont 17 ans et qui, parce qu'ils ont des actifs de plus de 25 000 $, eh bien, se voient soumis, en tout cas, leur tuteur, à une série de contrôles, et c'est normal, dont le Curateur public est le chien de garde. C'est normal. Mais les jeunes de 16, 17 ans ne sont pas des personnes vulnérables au sens où on l'entend. Et j'ai écrit, j'ai dit dans mon mémoire qu'il y a même quelque chose de problématique là, puisque le Québec adhère à la convention internationale sur les droits de l'enfant, dont un des principes fondamentaux est la reconnaissance de l'autonomie des mineurs, particulièrement des adolescents.

Et donc dire du même souffle : Nous adhérons à la convention internationale sur les droits de l'enfant et nous reconnaissons l'importance de l'autonomie du mineur, et le Québec est en avance sur ces questions-là, et dire en 2019 ou 2020 : Par ailleurs, nous considérons que tous les mineurs, parce qu'ils ont des intérêts pour lesquels ils sont représentés, pour lesquels il y a des contrôles, qui sont nécessaires et normaux, eh bien, on va les faire contrôler par une personne qui est responsable ou le protecteur des personnes qui sont en état de vulnérabilité au Québec, je pense que ce n'est pas un bon signal à envoyer aux étudiants de secondaire V et aux étudiants de cégep, qui, au contraire, sont des personnes qui sont dans la voie de l'autonomie bien plus que de la vulnérabilité.

Mme Picard : Donc, vous proposez de garder le terme de «curateur».

M. Goubau (Dominique) : Personnellement, je le garderais, oui, je l'aime bien.

Mme Picard : D'accord. J'ai combien de temps encore, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste encore 2 min 45 s.

Mme Picard : Deux minutes? Est-ce que tu y vas ou je peux faire une autre question? Parfait. Vous avez mentionné d'entrée de jeu qu'il y a des aspects du projet de loi qui, selon vous, ont le plus grand potentiel d'améliorer la vie des individus concernés. Vous avez dit qu'il y a certains éléments qui sont bons. J'aimerais que vous élaboriez un petit peu sur les points positifs.

M. Goubau (Dominique) : J'en ai signalé plusieurs, que j'applaudis. D'ailleurs, il y en a plusieurs que j'avais moi-même... que j'ai déjà moi-même proposés il y a longtemps, mais il y a des simplifications dans les procédures de convocation du conseil de tutelle, des simplifications dans l'organisation de l'assemblée des parents et des simplifications au niveau du mandat aussi, du mandat de protection. Peut-être, ce sont des choses qui paraissent plus des détails, mais qui ont leur importance dans le quotidien et qui sont des irritants qui ont déjà été parfois soulignées par les tribunaux aussi et qui vont être améliorées par ce projet de loi. Donc, ça, je pense que c'est une très bonne idée.

Mme Picard : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : 1 min 45 s au bloc.

Mme Picard : Je pourrais en prendre d'autres, si vous voulez, mais libre à toi. En avais-tu une dernière?

M. Lacombe : Tu n'as pas d'autre question?

Mme Picard : Bien oui, je pourrais en avoir une autre, oui.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, elle dit qu'elle en a une autre.

M. Lacombe : O.K. Oui, oui, vas-y, vas-y.

• (16 h 50) •

Mme Picard : L'article 257 et 260, vous les avez mentionnés tantôt. J'aimerais ça que vous élaboriez un petit peu sur votre commentaire que vous avez dit d'entrée de jeu dans votre...

M. Goubau (Dominique) : Ma position est la suivante, c'est que je pense que le point central du projet de loi, et qui devrait être le souci de tout le monde, c'est de s'assurer que, dans notre société, les personnes qui sont sous une mesure de protection, quelle qu'elle soit, puissent être entendues dans la mesure où elles sont capables de s'exprimer, un, donc exprimer leur volonté, et, deux, si elles ne sont plus capables de le faire, que le représentant ou que l'assistant ait l'obligation de tenir compte d'une expression de volonté antérieure ou probable de cette personne-là. Ces choses-là ont été soulignées et sont soulignées très régulièrement par les tribunaux. La Cour d'appel, comme je vous ai dit en introduction, a dit : Il ne suffit pas d'informer, il faut que la personne puisse participer à la décision. J'ai mis, dans mon mémoire, plusieurs extraits...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 45 secondes pour répondre, Me Goubau. 45 secondes.

M. Goubau (Dominique) : Alors, j'ai mis, dans mon mémoire, plusieurs extraits de décision des tribunaux dans lesquels les tribunaux du Québec insistent sur l'importance du respect de la liberté et de l'autonomie, particulièrement lorsqu'il s'agit des droits fondamentaux des personnes sous régime de protection. C'est l'état actuel du droit. De l'inscrire mieux dans la loi, c'est une excellente idée.

Mme Picard : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Ça termine le bloc avec le parti formant le gouvernement. Maintenant, nous passons au bloc... au parti formant l'opposition officielle. La députée de Westmount—Saint-Louis désire prendre la parole. Allez-y.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre mémoire puis votre présentation. Je vous ai entendu quand vous avez débuté votre présentation. Vous avez parlé, je ne vous cite peut-être pas exactement, mais : On a le problème de pratique, sur le terrain, à identifier si la personne est apte, puis il faut modifier les modalités. Alors, comment on peut faire appliquer la loi et quelles modalités devrons-nous changer pour faire appliquer la loi?

M. Goubau (Dominique) : Dans ma pratique d'avocat ou de professeur, je suis très souvent confronté à des médecins, compte tenu de la matière que j'enseigne et dans laquelle je fais de la recherche, et je constate effectivement qu'il y a un manque d'information. Et pourtant, pourtant, les médecins ont un ordre professionnel qui les informe beaucoup. Mon épouse est médecin, et je lis ce qu'elle reçoit et, je veux dire... et je trouve qu'ils sont très bien outillés pour informer leurs membres. Et, curieusement, on entend des gens, comme des gens qui sont venus hier, je pense, ici, devant la commission, vous dire que, dès lors qu'il y a un régime de protection, on ne cherche pas à obtenir le consentement ou à savoir s'il y a un refus, ce qui est tout à fait contraire aux règles. Et donc il y a là un déficit d'information, enfin, j'espère que ce n'est que ça, et très certainement une action à mener là-dessus.

Mais, puisque vous me tendez la perche sur cette question-là, une des propositions que je fais dans mon mémoire, et je pense que... enfin, je pense qu'elle est intéressante, c'est que la règle que nous avons en matière de consentement aux soins, c'est-à-dire de vérifier au cas par cas si la personne, même sous régime de protection, a l'aptitude ou non de participer à la décision médicale, je pense qu'on devrait avoir la même règle pour ce qui est de la résidence de la personne. Il y a des pays où ça existe. En France, ça existe, en Belgique, ça existe. Il y a des pays qui prévoient, comme en matière de soins médicaux, que, même si la personne est sous régime de protection, lorsqu'il s'agit de la résidence, de son lieu d'habitation, alors il faut présumer que la personne est apte ou, en tout cas, il faut vérifier à chaque cas par cas, comme en matière de soins, si la personne est inapte de prendre une décision concernant son lieu de résidence. Je pense que ça, ce serait une amélioration intéressante pour le projet de loi.

Mme Maccarone : Merci. Merci. C'est sûr, on comprend, comme le ministre a cité, beaucoup de gens sont contents avec la proposition d'avoir un rôle d'assistant au majeur temporaire tel que proposé dans le projet de loi. Si, mettons, on va vers l'avant, puis le projet de loi est adopté, mais, avant que ce soit adopté, que devrions-nous faire pour bonifier le rôle de cette personne-là?

M. Goubau (Dominique) : Le rôle de l'assistant?

Mme Maccarone : Oui.

M. Goubau (Dominique) : Je pense qu'il faudrait bonifier les dispositions 257, 260, y inclure l'assistant. Et, au lieu de simplement dire, comme le fait le projet de loi, mais c'est une énorme avancée : Le représentant ou l'assistant doit tenir compte des volontés et des désirs exprimés, ce que la Cour d'appel a dit noir sur blanc, donc c'est déjà la règle, mais elle n'est pas dans le code, de la mettre dans le code, c'est une bonne idée, j'y ajouterais des choses plus précises. Qu'est-ce que ça veut dire, tenir compte? Comment tenir compte? Tenir compte du milieu de la personne, de son histoire. Il y a des précédents, il y a des législations en dehors du Québec où on prévoit ce genre de code d'éthique, si vous voulez, du bon représentant ou du bon assistant. Et donc je pense que l'article 260 pourrait être bonifié pour mieux expliciter ce que ça veut dire concrètement, pour un assistant ou pour un représentant, de tenir compte des volontés et tenir compte des désirs de ces personnes.

Évidemment, le grand défi, c'est comment établir l'aptitude ou l'inaptitude de la personne. Mais ça, ce n'est pas un législateur qui va faire ça. Et tous les intervenants sont d'accord pour dire, que ce soient les médecins, les travailleurs sociaux, pour dire que c'est probablement la chose la plus délicate à faire. Lorsque le juge devra déterminer, dans une tutelle, que tel acte est permis tout seul, tel acte, non, tel acte, oui, ça va être extrêmement compliqué. C'est déjà très compliqué de dire qu'une personne est totalement inapte ou qu'elle est apte. Les psychiatres s'entendent pour dire que c'est un exercice parfois impossible à faire. Alors, quand il s'agit d'aller déterminer, par le menu détail, que l'aptitude est suffisante pour tel acte mais qu'elle est insuffisante pour tel acte, c'est sûr qu'on va avoir des problèmes d'application concrète de dispositions comme celles-ça. Donc, moi, je pense que ça va être là, le grand défi. Ce n'est pas un défi de loi, c'est un défi dans la pratique, encore une fois.

Mme Maccarone : Je céderais la parole à ma collègue, elle a une question directement reliée à ceci.

La Présidente (Mme Chassé) : Absolument. La députée de Notre-Dame-de-Grâce, allez-y. Vous avez 6 min 20 s. Profitez-en.

Mme Weil : Merci. Merci beaucoup. Justement, donc, vous avez dit : Le problème n'est pas dans le Code civil en soi, que le Québec est précurseur, mais c'est dans la pratique, surtout, je pense, que... j'imagine, dans le réseau de la santé et des services sociaux, etc., toutes ces institutions qui ont le mandat de protéger ces personnes en situation de vulnérabilité. Qu'en est-il des tribunaux et de leur compréhension? Surtout parce que c'est quand même... ces modifications du Code civil, ça date, cette réforme, 1989, vous avez dit. Donc, il y a certainement des changements dans la compréhension aussi peut-être des juges.

Et là on vient d'avoir des recommandations. Je pense, c'est le Protecteur du citoyen qui nous a fait des recommandations d'être très, très précis, je pense que vous vous référez à ça, par rapport aux conditions de vulnérabilité, etc., puis quand est-ce que... je ne sais pas si vous avez entendu, donc... et invite le ministre à aller de façon assez pointue. Qu'en dites-vous, par rapport aux tribunaux et l'application, de ce que vous voyez dans votre pratique, de la loi, et des modifications, et du Code civil tel que c'était conçu à l'origine, la réforme?

M. Goubau (Dominique) : L'analyse des 30 dernières années des décisions des tribunaux, particulièrement de la Cour d'appel, démontre que la Cour d'appel a très bien mis la lumière sur l'interprétation juste de la réforme de 1989. C'est la Cour d'appel qui a rappelé que le principe le plus important dans notre régime actuel, c'est le respect de l'autonomie résiduelle et qu'on ne peut imaginer une mesure de protection que lorsqu'il y a un besoin à rencontrer. C'est exactement ce qu'on dit dans le projet de loi. La Cour d'appel a constamment rappelé ça. Quand elle dit : Il ne suffit pas d'informer une personne, encore faut-il l'écouter et, quand c'est possible, la faire participer, ce sont les tribunaux qui ont mis ce principe de l'avant, et je pense que c'est un excellent principe, raison pour laquelle j'applaudis le projet de loi lorsqu'il ajoute, dans cette disposition du code, qu'effectivement il faut écouter la personne et qu'il faut tenir compte de ses volontés.

Maintenant, la détermination de l'aptitude ou de l'inaptitude est un exercice tellement difficile, et je ne pense pas que les tribunaux, même, soient très efficaces là-dedans. Dans les années 90, la Cour d'appel du Québec a proposé un test en cinq questions s'inspirant d'un document de psychiatres de la Nouvelle-Écosse et a dit : Voici, pour déterminer l'aptitude sur le plan médical, voici les questions qu'il faut se poser. Et le médecin ou n'importe qui, travailleur social, doit se poser ces cinq questions. C'est bien, mais c'est très théorique. Ça n'a pas réglé les problèmes en termes de difficultés d'établir l'aptitude ou l'inaptitude d'une personne. Mais, voilà.

Mme Weil : Est-ce qu'il y a un risque, si le législateur va trop loin, à énumérer, bon, des éléments ou pensez-vous que ce serait éclairant pour le tribunal d'être assez précis pour regarder des conditions de vulnérabilité, etc., qui mériteraient...

M. Goubau (Dominique) : Et donc les conditions d'inaptitude.

Mme Weil : C'est ça.

M. Goubau (Dominique) : Je pense qu'aujourd'hui les tribunaux sont tous d'accord pour dire que ce test en cinq questions s'applique. Donc, à la limite, on pourrait même l'inscrire dans la loi. Mais, si vous parlez à un psychiatre, il va vous dire : Oui, c'est très bien, mais c'est purement théorique. Ça reste un exercice extrêmement délicat et compliqué.

• (17 heures) •

Mme Weil : Dans votre pratique, je ne sais pas s'il y a d'autres éléments que vous voudrez... parce que c'est une occasion unique, pour nous, de vous entendre. Vous avez une expertise extraordinaire. Le Barreau est venu avec son point de vue. Donc, évidemment, on regarder ça, toutes ces recommandations. st-ce qu'il y a d'autres éléments dans ce que vous avez peut-être pu entendre?

C'est sûr qu'on nous... il y a une grande préoccupation par rapport au système, on a parlé de la gestion du changement. Mais c'est drôle, parce que, d'après ce que vous dites, le droit va bien, c'est la pratique qui est problématique. Donc, quoi qu'il en soit, dans la pratique, c'est une occasion peut-être pour le gouvernement... On a beaucoup parlé de formation et d'information. Donc, alors qu'on amène des changements dans le sens que vous dites et dans le sens de ces conventions internationales, alors que le Québec est peut-être déjà là, mais peut-être pas en pratique, mais en théorie, est-ce que votre pratique vous dit, en effet, les genres de problèmes qui ont été soulevés, problèmes de vieillissement de la population, lourdeur, problème de ressources humaines, problème de coordination entre les professionnels qui sont tous autour de cette même personne, est-ce que vous constatez ça dans votre pratique?

M. Goubau (Dominique) : Oui. Enfin, ma pratique est une pratique de chercheur et d'enseignant, mais je vous dirais, pour répondre ou peut-être répondre par le biais, que ma pratique m'enseigne, si vous voulez, que la chose la plus importante, et on la retrouve dans le projet de loi, c'est la consécration dans la loi du principe reconnu en jurisprudence de la prise en considération des volontés de la personne. Il faut que ce soit inscrit dans la loi. Je pense qu'il faut encore aller plus loin, et mieux l'expliquer, et peut-être même prévoir une règle selon laquelle, lorsqu'il s'agit de droits fondamentaux comme la résidence d'une personne, le lieu de vie, alors il faut une présomption dans la loi que cette personne est apte à prendre cette décision, à moins qu'on en fasse la démonstration contraire. Et je pense que, s'il y avait ne fut-ce que cette partie de la réforme là, ce serait déjà un pas énorme dans la prise en considération des droits fondamentaux des personnes protégées.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste 30 secondes.

Mme Weil : Dans les systèmes que vous avez observés, analysés, vous avez beaucoup cité la Belgique, la France ou l'Europe. Est-ce que c'est là les meilleurs modèles que vous avez vus?

M. Goubau (Dominique) : Non, certainement pas. Je pense, honnêtement, quand je fais des exposés...

Mme Weil : C'est le Québec? C'est le Québec?

M. Goubau (Dominique) : Quand je fais des exposés sur notre modèle, le Québec est cité en exemple. Et donc je pense qu'il faut... Et c'est pour ça que j'ai... une des raisons pour lesquelles j'ai fait ce mémoire, c'est que je ne suis pas d'accord avec ceux qui viennent dire qu'on a un mauvais système et qu'il viole le droit international. C'est faux. Et, quand on connaît le système, on ne peut que conclure que c'est un bon système, mais qui peut être... on peut le parfaire. Et je pense que c'est une bonne occasion de le faire.

Ceci dit, tout cet exercice me rappelle une fois de plus à quel point la loi, elle n'est pas toujours efficace. Je veux dire, je tombe de ma chaise quand j'entends quelqu'un venir vous dire, pas plus tard qu'hier ou ce matin, je ne sais plus, que c'est la norme que, lorsque dans les milieux médicaux une personne est sous régime de protection, qu'on ne cherche même pas à savoir si elle refuse ou si elle accepte ça. Je tombe de ma chaise. C'est contraire à toutes les règles. C'est même contraire à toute l'information médicale...

La Présidente (Mme Chassé) : Ça conclut.

M. Goubau (Dominique) : ...qui est proférée par l'ordre des médecins. Donc, la loi a beau dire le principe, on a un problème d'application. C'est un peu frustrant. Cet exercice nous mène face à la limite de la loi.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça conclut votre... l'échange avec le... Oui. Il manque un petit bout à mon aide-mémoire, mais je vais y aller justement avec ma mémoire.

Ça conclut nos discussions pour aujourd'hui, et j'ajourne les travaux jusqu'à demain, jeudi 19 septembre, merci de me rappeler la date... Qu'est-ce qui est écrit? 12 h 15. Bonne soirée, tout le monde.

(Fin de la séance à 17 h 04)

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