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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 2 novembre 2005 - Vol. 38 N° 2

Consultations particulières sur l'avant-projet de loi sur la Loi électorale


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Ouimet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission spéciale sur la Loi électorale ouverte. Je demanderais bien sûr à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières à l'égard de l'avant-projet de loi intitulé Loi électorale.

M. le secrétaire, avons-nous des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président. Il n'y a aucun remplacement annoncé.

Le Président (M. Ouimet): Alors, ce matin, nous entendrons les personnes suivantes: M. Henry Milner, qui comparaîtra par vidéoconférence directement de la ville d'Umeà, en Suède; M. Pierre-F. Côté, ex-Directeur général des élections; ainsi que Mme Diane Lamoureux; et, en après-midi, après la période des affaires courantes, nous entendrons M. Réjean Pelletier.

Auditions (suite)

Peut-être quelques consignes pour l'utilisation de la vidéoconférence. J'inviterais les membres à regarder les écrans où comparaîtra M. Milner, en direct de la ville d'Umeà. Veuillez prendre note qu'il y aura un délai de deux secondes dans la réception du son. En d'autres termes, lorsque M. Milner s'exprime, nous captons le son deux secondes plus tard. Alors, il est donc recommandé de parler lentement et d'éviter d'interrompre le témoin pour faciliter les communications.

M. Milner, vous m'entendez?

M. Henry Milner

M. Milner (Henry): Très bien. Bonjour.

Le Président (M. Ouimet): Bienvenue au Québec à vous.

M. Milner (Henry): Merci. Et je suis bien content d'avoir l'opportunité de vous adresser la parole même si c'est d'un peu loin.

Le Président (M. Ouimet): Alors, nous vous entendons très bien. Donc, vous disposez d'un temps de parole de 20 minutes pour effectuer votre exposé. Et, par la suite, il y aura une période d'échange de 40 minutes avec vous. Alors, si ça vous va, je vous cède la parole.

M. Milner (Henry): Alors, merci. J'espère que tout le monde m'entend bien. Je suis très content d'avoir l'honneur de faire une contribution au travail très important de cette commission.

Et, vous le savez peut-être, je suis spécialiste dans les modes de scrutin. Donc, je vais m'adresser surtout à la question de mode de scrutin qui nous est proposé. J'ai fait des études sur les modes de scrutin dans des pays différents, les expériences avec les effets des modes de scrutin. Et je commence, si vous voulez, avec une conclusion. Ça veut dire que, parmi les modes de scrutin qu'on trouve ailleurs, seul le mode de scrutin qu'on appelle écossais, utilisé en Écosse, qui, d'après moi, est le mode de scrutin le plus... le meilleur pour le Québec, qui sera le mieux adapté aux besoins du Québec. Donc, comme vous pouvez l'imaginer, j'étais très content de voir que, dans le modèle proposé par le gouvernement du Québec, ils ont en effet utilisé le modèle écossais.

n (9 h 40) n

Le modèle écossais, il y a plusieurs éléments: c'est un mode de scrutin mixte compensatoire, basé sur des régions électorales avec à peu près 40 % députés de liste et 60 % députés de circonscriptions. Donc, comme vous voyez, l'inspiration est sûrement là pour l'avant-projet. Le modèle écossais a plusieurs éléments positifs d'après moi qui seront appréciés ici, au Québec. Ça veut dire que ça garde le lien député-électeurs. La représentation est pas mal fidèle, pas à 100 %, mais pas mal fidèle au vote exprimé pour les partis différents. Ça favorise la participation des femmes et des minorités ethnoculturelles, et aussi les régions sont bien représentées. Alors, il m'apparaît que ces quatre effets sont très importants pour nous.

Alors, dans la période de questions, je serai bien content de vous en parler, des expériences dans des pays différents, avec des modèles différents, mais je veux utiliser le temps qui me reste dans mon allocution pour regarder l'avant-projet, ça veut dire l'application du modèle écossais ici, au Québec, dans l'avant-projet et vous faire au moins une sinon deux propositions pour le bonifier. Parce que pour moi, ça, c'est vraiment ce qu'il faut faire. Il faut essayer de bonifier cela pour que ça réponde exactement aux besoins, que ce soit le meilleur système possible pour nous.

Alors, bon, il y a deux éléments, un, c'est... qui diffèrent du modèle qui nous est proposé de ce qui se passe en Écosse, et ces deux éléments-là à mon avis laissent de la place pour des améliorations. Un de ces deux, c'est les deux votes. Je ne veux pas aller trop loin dans cela; pour moi, c'est moins important. Moi, je pense que les politicologues en général qui connaissent ça préfèrent deux votes au lieu d'un vote: ça veut dire un vote pour le candidat de circonscription, l'autre vote pour la liste de parti. Il y a des raisons pour ça, ça permet aux citoyens de choisir entre les individus et faire un choix différent entre les partis. Il y a aussi le fait que ça donne des meilleures chances aux petits partis qui n'ont pas de candidats vedettes parce que comme ça on peut voter pour le parti pas nécessairement pour l'individu. Alors, pour moi, pour ces deux raisons, je pense que ce serait mieux d'avoir les deux votes.

Je sais qu'il y a un certain risque des abus. On a vu ça en Italie, qui a un système un peu semblable, c'est possible d'abuser le système, si un parti crée, si vous voulez, des listes fantômes. Mais à mon avis le risque est assez minime au Québec. Donc, moi, je préférerais, je pense que c'est souhaitable, qu'on ait deux votes, un système avec deux votes, au lieu d'un vote, comme il nous est proposé. Mais je dis que c'est souhaitable; je n'irais pas aussi loin que dire que c'est indispensable. Ce qui est indispensable, à mon avis, c'est la deuxième de mes propositions de bonification, et ce serait une amélioration dans la carte, dans le découpage des territoires.

Et donc, dans le mémoire que je vous ai donné ? je pense que vous en avez copie ? on parle beaucoup de cette deuxième question. Le travail est fait dans ce mémoire... ce n'est pas simplement moi, c'est Me Wilfred Day, qui est aussi chez vous, je pense. Me Day m'a aidé beaucoup, surtout sur cette deuxième dimension, ça veut dire d'essayer de trouver une façon d'améliorer le découpage territorial, une meilleure carte pour les régions.

Alors, je commencerai avec ma critique de l'avant-projet qui, comme vous le savez, nous propose 26 districts régionaux, dans lesquels normalement il y a trois députés de circonscription et deux députés de liste. À mon avis, c'est trop de districts, et les districts sont trop petits. En Écosse, par exemple, dans chacun des districts électoraux régionaux, il y a neuf circonscriptions et sept députés de liste compensatoire. Alors, je pense qu'on peut faire mieux, on peut faire une carte, un découpage qui ira plus vers le modèle écossais.

Il est tout à fait normal, dans plusieurs régions du Québec, d'avoir... Par exemple, l'Outaouais, ce serait normal d'avoir une région avec cinq députés, trois députés de circonscription et deux députés de liste compensatoire. Mais ce qui est beaucoup moins logique et souhaitable, à mon avis, c'est dans la région de Montréal, ou dans la région de Montérégie, ou même dans la Capitale-Nationale. Ça sert quoi d'avoir six régions électorales, six districts régionaux sur l'île de Montréal? Et pourquoi en avoir quatre dans la Montérégie?

Si on avait eu des régions électorales plus grandes, on peut avoir... il y a trois choses qu'on peut faire mieux: d'abord, on peut mieux représenter les partis politiques, le vote exprimé par la population; deuxièmement, on peut mieux permettre la représentation des femmes; et, troisièmement, mieux favoriser la représentation des minorités ethnoculturelles.

Pour démontrer cela, je porte votre attention au tableau sur la page 6 de notre mémoire, avec les... Me Day et moi, nous vous proposons 14 régions électorales, 14 districts électoraux, et, comme vous voyez, il y a certains qui sont petits: Bas-Saint-Laurent, Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine ? on a gardé les mêmes chiffres que dans le projet du gouvernement ? par contre, quand on arrive à Montréal, vous voyez qu'il n'y en a que deux: un pour Montréal-Est, avec 10 circonscriptions et sept sièges de compensation, pour faire un total de 17; et Montréal-Ouest, huit et cinq, pour un total de 13; et quelque chose pareil dans la Montérégie.

Et donc vous voyez que, quand on fait l'analyse, nous avons 82 % des 125 députés qui viennent des régions comptant sept représentants ou plus; 58 députés, presque la moitié, proviennent des régions représentées par au moins 13 députés, dont au moins cinq députés régionaux.

Alors, quand les listes sont plus longues, ça veut dire quand les districts régionaux sont plus grands, avec une plus grande population, ça augmente les chances des femmes d'être élues, ce que... Les études internationales comparatives le démontrent: une liste de deux n'aurait pas le même effet qu'une liste de cinq ou sept. Donc, pour promouvoir la représentation des femmes, c'est tout à fait clair.

Si on fait la simulation de la représentation des partis politiques, vous voyez, sur la page ? pardon, il faut que je le cherche ? d'abord, sur la page 7 et, après ça, sur la page 8, des simulations. On utilise exactement les mêmes chiffres qui étaient utilisés par l'avant-projet du gouvernement, qui viennent du Pr Morissette, et nous avons fait une simulation.

Alors, vous voyez que... une proportion absolue des résultats de 1998, et après ça donc vous voyez les résultats sur le tableau page 7, et puis les différences entre notre proposition, les 14 régions, et la proposition du gouvernement, avec 26 régions. L'ADQ, dans le cas de notre proposition, est représentée avec neuf sièges au lieu de cinq dans la proposition du gouvernement.

n (9 h 50) n

Si on arrive à l'élection de 2003, si on fait la simulation, vous voyez que, dans notre proposition de 14 régions, encore une fois, on voit l'ADQ représentée à 20 %, beaucoup plus proche aux 23 % qui normalement, si c'était une proportionnelle intégrale, est mieux que le 16 % de la proposition du gouvernement.

On a aussi calculé la possibilité d'un tiers parti comme l'UFP. Et c'est bien clair que, si ce système était en place en 2003, l'UFP aurait pu gagner un siège, parce que l'UFP aurait présenté plus de candidats et aurait pu au moins très probablement même gagner un siège. Donc, ça aurait permis à une autre voix de s'exprimer.

Bon. Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais j'aimerais que vous portiez attention surtout sur la question de la représentation des minorités ethnoculturelles. Et encore une fois j'insiste sur l'importance de la région métropolitaine, l'île de Montréal, Montérégie, etc. Dans la proposition du gouvernement avec des petites régions électorales, à mon avis les chances d'améliorer la représentation ethnoculturelle sont beaucoup plus minces que dans notre proposition où, sur l'île de Montréal, comme je vous ai montré, il y a... dans Montréal-Est, il y a sept sièges de compensation et, dans le Montréal-Ouest, il y a cinq sièges de compensation.

Prenons le cas du Parti québécois. À mon... Le Parti québécois, que je connais un peu, depuis longtemps a voulu faire élire des représentants des communautés ethnoculturelles mais des vrais représentants dans leurs quartiers. Ce n'était jamais possible sur l'île de Montréal pour des raisons qu'on connaît très bien. Mais à mon avis... pas simplement à mon avis, c'est bien clair que, si le Parti québécois voulait... mettait sur la liste dans Montréal-Ouest et surtout dans Montréal-Est un ou même deux candidats, vraiment des gens qui émanent de ces communautés, pas d'allophone de service mais vraiment des militants qui viennent de la base mais qui sont là, ils seront élus. Et donc pour le Parti québécois, si le Parti québécois cherche vraiment un dialogue, une ouverture vers les gens dont les origines linguistiques ne sont pas francophones, nécessairement quelque chose sur lequel j'aimerais bien voir des dialogues, des ouvertures, à mon avis une telle réforme avec une meilleure carte, une carte avec des districts électoraux plus grands, surtout dans la région de Montréal, aura un effet très bénéfique pour les communautés ethnoculturelles qui seront mieux représentées mais pour la société québécoise comme telle.

Alors, je vous remercie pour votre attention.

Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, Pr Milner, pour votre intervention. Je vais maintenant amorcer la période d'échange. Je vais aller du côté du gouvernement, donc je vais céder la parole au ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques. Alors, M. le ministre, à vous la parole.

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Merci, M. Milner, pour votre excellente présentation. Merci également pour le mémoire que vous nous avez remis et dont nous allons tenir compte, il va sans dire.

J'ai compris de votre exposé que vous considérez que le système mixte compensatoire fondé sur une proportionnelle sur une base régionale, donc avec finalement, je dirais, une inspiration auprès du modèle écossais, j'ai compris que vous jugiez que c'était le meilleur modèle pour le Québec, le modèle le mieux adapté en quelque sorte à la réalité québécoise.

Par ailleurs, vous dites qu'il est indispensable que nous réduisions le nombre de districts et vous proposez qu'il y en ait en quelque sorte 14. Je voulais savoir: En quoi, dans un premier temps, pouvez-vous dire que le modèle mixte compensatoire avec représentation régionale est le mieux adapté aux besoins du Québec, aux besoins modernes du Québec et actuels du Québec? Et, dans un deuxième temps, comment pouvez-vous dire qu'il est indispensable que nous réduisions à 14 le nombre de districts?

M. Milner (Henry): Bon. Il m'apparaît que... Je commence avec la première question et je reviens sur les quatre éléments fondamentaux à moi, ça veut dire des représentants régionaux, lien député-électeurs, meilleure représentation des femmes et des communautés ethnoculturelles et une meilleure représentation des votes exprimés dans la députation.

Il n'y a pas d'autre système qui réponde à ces quatre critères et... Bon. Dans un petit pays comme le Pays-Bas, je pense que l'aspect régional, par exemple, est beaucoup moins important. Donc, si j'étais aux Pays-Bas, je n'insisterais pas nécessairement sur l'aspect régional. Et, dans des pays comme la Suède, où je me trouve maintenant, on n'est pas habitué à avoir un lien direct avec un député. Ce n'est pas dans les moeurs, donc ce n'est pas absolument nécessaire. Les députés sont des députés tous régionaux, avec pas de circonscription individuelle. À mon avis, dans les expériences que nous avons vécues, au Québec, chez nous, on a les habitudes d'avoir un député, un individu qui réponde à nos besoins, et ce ne sera pas acceptable d'avoir un système qui brise ce lien.

Alors, quand on regarde ces deux éléments ? l'aspect régional, l'aspect individuel ? et on regarde les systèmes qui existent dans le monde, on arrive très vite à des possibilités beaucoup moins nombreuses, et, en effet, c'est vraiment le seul, parmi les modèles possibles, qui réponde à ce critère. Alors, ça, c'est la réponse à votre... Et on peut parler des autres modèles et pourquoi ils ne répondent pas, mais ce serait un peu trop classe universitaire, mais on pourrait facilement le faire.

Alors, pour la deuxième question, je pense que j'ai répondu à cette question dans mon allocution. Quand vous avez des régions trop petites, surtout pour les tiers partis, c'est difficile d'être représentés d'une façon juste. C'est une amélioration au système actuel, parce que maintenant on a des régions avec un député. Donc, une région à cinq députés, c'est beaucoup mieux qu'une région avec un député, mais ce n'est pas suffisant pour cette question de représentation égale.

Deuxièmement, ça minimise... ça ajoute... je dirais que ce sera probablement un peu mieux pour les candidates femmes, et peut-être pour les communautés ethnoculturelles, mais je ne pense pas, mais pas beaucoup. Plus que les listes sont longues, plus que ça aide aux groupes qui sont mal représentés d'être mieux représentés. Alors, ce sont les deux raisons principales.

M. Pelletier (Chapleau): Certains nous diraient cependant que le fait de réduire le nombre de districts ? évidemment, vous l'avez dit ? ça aide les petits partis, bon, ça leur permet d'avoir une présence à l'Assemblée nationale, mais certains vous diraient que réduire le nombre de districts, c'est éliminer évidemment les... comment on appelle ça?

Une voix: ...

M. Pelletier (Chapleau): Non, pour le vainqueur, la prime au vainqueur. C'est éliminer la prime au vainqueur ou du moins la réduire, c'est donc courir un risque par rapport à un principe qui est cher à un bon nombre de Québécois, qui est le principe de la stabilité politique. On entend beaucoup les gens nous dire: On a peur d'avoir trop de gouvernements minoritaires au Québec et... bon.

Alors, est-ce que vous avez considéré l'impact de ce que vous nous proposez par rapport à ce que l'on appelle généralement la stabilité politique?

M. Milner (Henry): Oui, et vous avez raison qu'il y a un effet, mais il ne faut pas l'exagérer. Même dans les simulations que vous faites avec le système avec 26 régions, dans le cas de 1998, dans notre modèle, bon, c'est égal, et, dans votre modèle, il y a un siège de différence. Alors, il n'y a pas grand différence dans la simulation de 1998. Chez nous, c'est 58-58, avec neuf pour l'ADQ. Dans la proposition gouvernementale, c'est 60-59-5. Pas grande différence.

n (10 heures) n

Dans le cas de 2003, dans notre cas, 14... c'est une petite minorité dans le cas de modèles de gouvernements, et, dans notre cas, le PLQ a une grande pluralité mais manque un siège pour gouverner. Il me paraît qu'il y aurait des cas, sûrement; ça dépend des résultats. Si on fait plusieurs simulations des résultats possibles dans les élections, moi, je dirais qu'il y aurait plus souvent des gouvernements majoritaires dans le modèle proposé par le gouvernement que dans le nôtre, mais pas beaucoup. Je dirais probablement que, dans la majorité des cas, y compris qu'il y a un parti aussi fort que l'ADQ dans la population, ce serait quand même difficile de chercher une majorité de sièges.

Regarde, si la stabilité gouvernementale, ça veut dire qu'un gouvernement majoritaire est indispensable, moi, je vous dirais de garder le système actuel, c'est le... et même ça, ce n'est pas une garantie absolue, comme on voit à Ottawa, mais c'est le meilleur. Mais au moment que vous dites: Non, il y a d'autres principes, il faut accepter que la probabilité des gouvernements majoritaires va être réduite d'une façon considérable. Moi, je pense que, si on regarde les petits pays dans le monde, la plupart desquels utilisent le système proportionnel, la stabilité quand même est assez bien assurée sans un gouvernement majoritaire. Je peux vous parler de ce pays-là, la Suède, où je me trouve, ou de plusieurs autres pays, la stabilité gouvernementale n'est pas en question, et on n'a presque jamais des gouvernements majoritaires.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci. Je vais maintenant aller du côté de l'opposition officielle. Alors, pour vos fins, je cède la parole à M. le député de Masson, qui est un représentant du Parti québécois. M. le député de Masson.

M. Thériault: Oui. Bonjour, M. Milner. Dans votre mémoire, vous ne parlez pas d'un élément qui est cher à l'opposition officielle: le caractère incontournable d'un référendum pour pouvoir aller de l'avant dans cette réforme. Vous avez dit d'entrée de jeu que vous étiez un expert des modes de scrutin. Pour avoir lu un certain nombre de vos écrits, vous êtes aussi un expert qui se préoccupe beaucoup de l'implication citoyenne, de la participation citoyenne aux institutions démocratiques et vous avez déjà eu l'occasion de dire à la Commission des institutions, et je souhaite que vous le répétiez aujourd'hui si telle est votre volonté, que ce serait passer outre une belle occasion d'impliquer l'ensemble des citoyens au-delà d'un débat d'experts et d'initiés sur la question, profiter du fait que les citoyens puissent mettre la main à la pâte d'une redéfinition des institutions démocratiques, et notamment cette question du mode de scrutin.

Alors, est-ce que, compte tenu des arbitrages qui devront être faits entre les avantages et les désavantages ? on vient d'en voir un exemple, là, par rapport au statu quo versus votre modèle ? est-ce que vous ne croyez pas qu'il est incontournable qu'on puisse interpeller dès maintenant la population en leur assurant qu'ils auront à mettre en place... à faire un choix libre et éclairé sur la question? J'aimerais vous entendre.

M. Milner (Henry): Bon, j'ai deux réponses. Moi, je pense que normalement ce sera préférable d'avoir l'approbation populaire, dans un référendum, à un tel changement. On voit ça... On a vécu ça en Nouvelle-Zélande. On est en train de vivre ça en Île-du-Prince-Édouard. En Colombie-Britannique, ils ont vécu aussi un référendum. Donc, en principe, c'est une bonne idée.

Dans le cas de Québec, est-ce que ce serait nécessaire ou même souhaitable? Moi, je ne suis pas encore sûr, pour plusieurs raisons. D'abord, on a une loi référendaire très, très compliquée, qui n'est pas vraiment adaptée à un vote sur une telle proposition, parce que ça prend des comités du Oui et des comités du Non, ça divise la population. À mon avis, une proposition où on pose la question... Par exemple, en Nouvelle-Zélande, il y avait deux référendums: un sur le principe, l'autre sur les modèles possibles. Il faut être beaucoup plus fluide, beaucoup plus... permettre à toutes sortes de possibilités... Par exemple, êtes-vous en faveur du principe, oui ou non? Deuxième question: Est-ce que, parmi les possibilités... Si vous avez voté oui, est-ce que vous choisissez le numéro a ou b? Par exemple, en Colombie-Britannique, c'était... ils sont maintenant dans une situation très compliquée parce qu'ils ont posé une question, ils ont insisté sur une majorité de 60 %, qu'ils n'ont pas trouvée, alors le référendum n'a rien réglé.

À mon avis, si on va dans un référendum, il y a toutes sortes de questions préalables à régler, qui ne sont pas nécessairement faciles à régler. Donc, je ne suis pas sûr que je veux ralentir le processus.

Rappelons-nous que c'est un processus qui date depuis peut-être 25 ans. Moi, j'étais, avec votre collègue Sylvain Simard, impliqué en 1983-1984, quand M. Lévesque a proposé une réforme de mode de scrutin. On discute ça depuis longtemps. Est-ce que, parce que ce sera tellement compliqué dans les structures, de retarder une décision, si on peut chercher un certain consensus... Moi, je pense qu'il y a possibilité d'un consensus chez les acteurs importants, après une discussion de 25 ans, sur les principes de la réforme.

Donc, dans la situation actuelle, si on pourrait me revenir ? et, moi, je poserais peut-être la question à vous, M. Thériault ? bon, avec une formule souple d'une consultation populaire qui ne va pas retarder le processus d'une façon importante, je serais prêt à vous écouter, mais simplement pour accepter l'idée qu'il faut opposer cela parce qu'il n'y a pas d'approbation populaire garantie, je ne suis pas prêt à vous suivre.

M. Thériault: Oui. Pour vous rassurer, M. Milner, la position de l'opposition officielle, c'est de dire qu'il y a un moment privilégié, dans peut-être deux ans, deux ans et demi, qui est devant nous. Tenant pour acquis que le gouvernement a déjà indiqué que la réforme ne pourrait être effective qu'à partir de 2011, il m'apparaissait donc incontournable qu'on puisse examiner, dès maintenant, un certain nombre de considérations techniques qui vous inquiètent, par exemple, et qu'on trouve le moyen de faire, lors de la prochaine élection générale, un référendum sur cette question-là qui nous permettrait effectivement de saisir, de cristalliser cette volonté, pour l'instant, je dirais, peu répandue dans l'ensemble de la société québécoise.

Vous conviendrez avec moi que le droit de vote est un droit d'électeur, pas un droit d'expert, ni un droit d'initié, ni un droit de politicien, et que, si ça fait 30 ans que le débat perdure, c'est parce qu'il n'a jamais été tranché par la population.

M. Milner (Henry): Simplement pour répondre, à mon avis, si c'était possible de sortir de votre commission avec un consensus sur le contenu à présenter à la population et avec une moyenne assez souple pour le faire au moment de l'élection prochaine, je serais d'accord.

M. Thériault: Merci. Mon collègue M. Simard voudrait vous poser une question.

Le Président (M. Ouimet): Alors, M. le député de Richelieu et vice-président de la commission.

M. Simard: Alors, je salue le Pr Milner. Salut, Henry. Il me semble que le monde... il me semble que l'image, le temps s'est arrêté, nous avions ces débats-là il y a 25 ans. Alors, je suis heureux de les reprendre parce que M. Milner a toujours situé ces débats-là au plus haut niveau, et c'est toujours extrêmement intéressant.

Cependant ? là, je vais être très technique ? à regarder la proposition que vous faites concernant l'augmentation du nombre de districts et le rapetissement des districts, ça, à sa simple vue, là, je regarde simplement, par exemple, l'exemple de mon comté, de ma circonscription ? c'est un réflexe automatique qu'on a, nous, les députés, où est-ce qu'on trouve notre compte et nos électeurs là-dedans ? le comté de Richelieu se retrouve là-dedans avec Sherbrooke, avec Stanstead. Les gens chez nous, là... Présentez-vous jamais, cher ami, avec une proposition comme ça parce que je... revenir à Montréal.

L'ennui des schémas théoriques faits par de brillants politicologues tels que vous, cher ami, c'est que souvent c'est décalé de la réalité. Déjà, on se pose un problème fondamental: vous savez, une des objections au type de proportionnelle, c'est de créer deux classes de députés, c'est-à-dire des députés qui, eux, sont élus par la population et, le lundi matin, doivent s'occuper des problèmes de comté de la population, et d'autres, à partir d'une liste fournie par les partis... On ne tombera pas sur les deux hypothèses dont on a parlé. Mais là vous confirmez, dans des découpages comme ceux-là, que la deuxième catégorie de députés, là, elle n'aura aucun lien avec la population, c'est absolument impossible. Et je sais que la députée de La Pinière qui est devant moi, qui a regardé le découpage où elle est impliquée, pense exactement la même chose. C'est un sapré problème d'arriver à des découpages totalement artificiels qui détachent complètement le député de son travail de base qui est de représenter des électeurs.

n (10 h 10) n

Dans des régions... vous l'avez mentionné et vous avez raison, hein, l'Outaouais, la Côte-Nord sont des entités géographiques naturelles faciles à identifier, mais Montréal, Montérégie, Laurentides, c'est des réalités beaucoup plus complexes que vous ne le soupçonnez.

M. Milner (Henry): Bon. Alors, d'abord, il faut dire que, M. Day et moi, on a beaucoup travaillé sur la carte, et ce n'est pas par hasard. Par exemple, on a respecté, dans 41 des 50 sièges qui viennent des régions, ça veut dire dans le découpage des régions électorales, on a respecté les territoires administratifs du Québec. Donc, déjà, il y a une logique là-dedans. On n'a pas pu mettre tous les députés, toutes les régions égales aux régions administratives, pour des bonnes raisons, mais 41 sur 50, c'est pas mal bon. C'est mieux que la proposition du gouvernement, par exemple.

Deuxièmement, nous avons un système qui gardent les circonscriptions. Les gens vont d'abord s'identifier avec le député de leur circonscription et ils vont élire un député de circonscription. Est-ce que vraiment ce sera difficile pour l'électeur dans votre région de s'imaginer que, oui, il y aura cinq députés qui vont représenter une plus grande région qui inclut la Montérégie-Est, comme on le dit, ça veut dire la grande région territoriale de Rive-Sud de Montréal? Ça, c'est d'abord... administrativement, c'est logique. Il me paraît que ce n'est pas aussi artificiel que ça.

En Écosse, comme je vous ai dit, ils ont créé des districts régionaux avec 16 députés, neuf de circonscription, sept... Il n'y a personne qui a dit: Ce n'est pas réaliste, ça ne correspond pas à la réalité; ils vivent très bien à l'intérieur de cela. C'est une façon de s'assurer, par exemple, que, dans votre région, un parti qui gagne 20 % de votes se trouve avec aucun député, ce qui est bien possible. Ou est-ce que vraiment les gens de votre comté, quand vous leur expliquez que, chez nous, dans la région, il y a...

Le Président (M. Ouimet): Avec un décalage, M. Milner, je dois malheureusement vous arrêter, parce que le temps imparti à l'opposition est écoulé. Je dois aller maintenant du côté de M. le député des Chutes-de-la-Chaudière, qui est un représentant de l'Action démocratique du Québec. À vous la parole, M. le député.

M. Picard: Merci, M. le Président. Merci, M. Milner, pour votre rapport, votre mémoire. Moi, je voudrais aborder, à la page 8 de votre mémoire, vous parlez du vote, un ou deux votes. Vous dites que l'emploi du deuxième bulletin de vote est généralement reconnu comme étant un bon système parce que ça préconise la transparence.

J'aimerais vous entendre sur les inconvénients du système à un vote seulement, parce que vous ne précisez pas, pour bien expliquer aux gens qui nous écoutent, c'est quoi, le désavantage d'avoir notre système actuel d'un vote seulement?

M. Milner (Henry): Mais je pense que je l'ai expliqué. Quand vous avez un vote seulement, vous votez pour l'individu et, au moment, vous devez savoir que c'est un vote aussi pour le parti et que ça va être utilisé de cette façon-là. Souvent, les citoyens ne vont pas nécessairement... parce qu'ils sont habitués, dans notre système, à voter pour l'individu. Donc, même si c'est connu dans la loi, même si on le dit, le citoyen risque toujours de voter d'une façon stratégique pour dire: Oui, j'aurais aimé voter pour le candidat de l'ADQ ou pour le parti ADQ que je suis, mais je sais que, dans mon comté, l'ADQ n'est pas très fort. Donc, je vais voter pour l'autre, pour mon deuxième choix, pour éviter le pire, sans savoir que, non, votre vote pour l'ADQ va compter pour les votes pour les compensations.

Quand vous avez un deuxième vote, c'est évident, c'est clair, tout le monde le voit: Oui, O.K., ici, je vote pour... Parce qu'il y a deux candidats potentiels qui peuvent gagner, qui peuvent devenir mon député. Le candidat adéquiste ne sera pas mon député. L'ADQ, dans ma circonscription, n'est pas assez forte, donc je vais voter entre ceux qui peuvent devenir mon député. Mais, dans le deuxième vote, je peux voter pour l'ADQ parce que j'appuie le programme de l'ADQ.

Si c'est tout dans un vote, ça crée un problème pour le citoyen. Les profs comme moi, on n'aura pas beaucoup de problèmes avec cela, mais je pense que, pour le citoyen ordinaire qui est habitué avec notre système, c'est mieux d'avoir deux votes.

M. Picard: Merci.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Je vais maintenant me tourner du côté des citoyens et citoyennes. Et M. Gaboury a demandé la parole. Alors, M. Gaboury, à vous la parole.

M. Gaboury (Charles): M. Milner, vous proposez, dans votre modèle, le regroupement de régions de faible densité de population, comme la Côte-Nord à la Capitale-Nationale. Avez-vous évalué l'impact de ce regroupement sur le résultat des élections? Est-ce que ça aurait changé la répartition, ce regroupement-là de petites entités comme ça?

M. Milner (Henry): Je dois dire que ça se trouve dans notre mémoire, mais je n'ai pas consulté directement. Si vous regardez, sur la page 4, vous voyez les résultats, le nombre de députés de la région... Non, ce n'est pas page 4. Attendez un instant. C'est la page... C'est la dernière page, la page 10.

Ici, on recalcule les députés qui auront été élus dans les régions dans les deux dernières élections si on avait utilisé les 14 régions. Je n'ai pas devant moi les résultats exacts. Si vous les avez... Alors, votre question, c'est: Quelles régions?

M. Gaboury (Charles): Ah, c'était pour la Côte-Nord à la Capitale-Nationale, est-ce que ça aurait changé... est-ce que ça aurait aidé, disons, à éliminer la distorsion?

M. Milner (Henry): Parce que je n'ai pas devant moi les résultats des élections. Tout ce que j'ai, c'est la simulation avec notre système. J'imagine que ça aurait changé le résultat. Mais je n'ai pas les chiffres devant moi. J'aurais dû les avoir, mais je n'ai pas ça. Je suis malheureusement en Suède, donc ces chiffres-là ne sont pas nécessairement disponibles facilement. Peut-être, M. Day les aura, mais je ne pense pas.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. Gaboury. Maintenant, M. Acharid.

M. Acharid (Mustapha): Bonjour, M. Milner. Moi, j'ai une question: Comment concrètement on peut vraiment favoriser la représentativité des femmes et des groupes ethnoculturels dans votre proposition?

M. Milner (Henry): Votre question, c'était: Comment ça favorise la représentation des femmes et des... Est-ce que c'est ça, la question?

M. Acharid (Mustapha): Exact.

M. Milner (Henry): Ah, bon. Alors, si on regarde... Prenons le cas de Nouvelle-Zélande, où ils utilisent un tel système sur une base nationale et pas régionale, mais où on a fait des études sur les chiffres. Donc... Et c'est ce qui est intéressant en Nouvelle-Zélande, c'est un nouveau système. Donc, on peut comparer avant 1996, quand ils ont adopté... adapté le système. On peut faire la comparaison avec ce qui était avant.

Donc, avant, c'était un système exactement comme le Québec. Ça veut dire avec des districts simples, avec une majorité. Alors, ils ont remplacé cela, comme j'ai dit, avec un système mixte compensatoire, avec des listes nationales. Et, si on regarde le pourcentage de femmes et de Maoris ? ça veut dire des gens indigènes ? on voit que c'est dans la deuxième catégorie. Ça veut dire des députés de liste où l'amélioration a eu lieu. Donc, il y a plus de femmes maintenant depuis le changement et plus d'indigènes, des Maoris, et aussi des gens... des immigrants, d'origine immigrante qui sont... Mais ils sont tous dans la deuxième catégorie. Ça veut dire des députés de liste.

n (10 h 20) n

Et donc, quand on regarde ça, la logique est assez bien. Un parti qui présente un candidat, ça va être le candidat normal qui va se présenter, ça veut dire, normalement que c'est un homme, un blanc. Mais, quand vous avez une liste, ajoutez des noms, et normalement vous allez élire une, ou deux, ou trois personnes de la liste, selon la taille. Un parti a un certain... sont responsables de chercher une meilleure représentation, et donc ils vont mettre, souvent sous la pression des groupes de femmes, des groupes des communautés... sous la pression, ils vont se trouver dans une situation où ils vont présenter plus de candidats, et ce ne seront pas des comtés perdus, ce sera ceux des listes où ils auront des bonnes chances d'être élus.

Alors, ce qu'on voit, c'est, dans les sociétés où il y a une volonté d'avoir une meilleure représentation des femmes et des groupes ethnoculturels, quand vous avez des listes, des listes plus longues, les chances sont mieux. C'est aussi évident que ça.

M. Acharid (Mustapha): Merci.

Le Président (M. Ouimet): Merci. Alors, du côté maintenant de M. Guillaume Boivin.

M. Boivin (Guillaume): Bonjour, M. Milner. On peut constater que le modèle proposé dans l'avant-projet de loi impliquerait un seuil d'entrée effectif pouvant aller, dans certains cas, à 13 %, mais plus généralement autour de 15 % à 20 % pour les partis politiques.

Selon vous, quel serait le seuil effectif d'entrée au Parlement, selon le modèle que vous proposez? Pouvez-vous donner certains exemples pour les districts régionaux que vous proposez?

M. Milner (Henry): C'est une bonne question. On n'a pas calculé la moyenne, mais, selon nous, les chances des tiers partis, dans la réalité actuelle, seront assez bien... seront beaucoup mieux dans ce système que dans le système proposé par le gouvernement.

Prenons le cas de Montréal et surtout... et le cas... le plus grand des districts... J'accepte que ça, ce n'est pas la moyenne, mais il faut aussi savoir que Montréal, surtout Montréal-Est, c'est le pluriel, c'est un des endroits où vous avez plusieurs nouvelles idées, nouvelles formations qui peuvent se présenter: un parti de gauche, un parti vert, un parti d'anglophones, pour les droits d'anglophones. On peut les voir... on peut s'imaginer qu'ils sont mieux organisés, avec des candidats, avec des programmes, sur la base de l'île de Montréal.

Alors, avec sept sièges de compensation, sur l'île de Montréal, sur 17, on parle de... j'aurais dû faire les calculations, mais ça doit être autour de 5 %. Un parti qui gagne 5 % ou même moins que ça, peut-être 4 %... non, pardon, ce sera un peu plus, ce sera plutôt 6 % ou 7 %. Et je ne veux pas... il ne faut pas me citer dans les chiffres parce qu'il faudra le calculer. Mais c'est sûrement... disons 7 % ou 8 %. Et, à mon avis, et ce sera un peu plus dans l'Ouest de Montréal, un peu plus dans la Montérégie, mais, dans les grands districts, il y a des possibilités.

Alors, on peut dire que ce n'est pas la proportionnalité intégrale. La proportionnalité intégrale sera mieux pour les petits partis, mais il faut savoir aussi que, dans la plupart des pays où on utilise la proportionnalité intégrale, comme ici, en Suède, il y a un minimum, un seuil national. En Suède, c'est 4 %; en Allemagne, c'est 5 %. Alors, pour un parti... Prenons un parti qui est bien organisé à Montréal... pas mal faible dans les régions, moi, je prétends que ce sera peut-être même mieux d'avoir un seuil réel de 7 % à 8 % à Montréal pour élire quelqu'un que d'avoir une proportionnelle intégrale avec un seuil légal de 5 % pour tout le territoire.

Donc, il me paraît que ça va augmenter les chances pour les nouvelles formations. Ce ne sera pas facile, mais je pense qu'ils peuvent vraiment faire le travail nécessaire et aller dans la population pour leur dire: Vos votes ne seront pas gaspillés comme c'est le cas dans le système actuel.

M. Boivin (Guillaume): Merci.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. Alors, maintenant, je retourne du côté des ministériels. J'ai Mme la députée de La Pinière. À vous la parole.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. M. Milner, merci pour les éclairages que vous nous offrez, à la commission. Je voudrais, moi aussi, joindre ma voix à celle de mon collègue le député de Richelieu sur le commentaire qu'il vous a fait. J'ai regardé les deux tableaux, à la page 2 et à la page 6, et je constate par exemple qu'en termes de nombre de députés, on reste au même nombre, mais par contre les modèles proposés ne respectent pas les communautés naturelles. Par exemple, lorsque vous dites, sur la Rive-Sud, Longueuil... on a créé une agglomération par la loi n° 9 qui comprend, par exemple, la ville de Boucherville, qui n'est pas comprise ici, alors il y aura comme un décalage.

Mais ma question va surtout porter sur le modèle d'encouragement ou de plus grande équité pour la participation des femmes et des communautés culturelles. Alors, sur les communautés culturelles, je voudrais vous demander qu'est-ce qui empêche actuellement, dans le modèle actuel, les partis politiques d'avoir plus de femmes et plus de communautés culturelles, sachant qu'au Québec, au Parlement du Québec, par exemple, en ce qui a trait à la représentation des femmes nous sommes à l'avant-garde par rapport à tous les Parlements canadiens, et on peut donc continuer sur cette lancée-là? Et pour les communautés culturelles, bien il y a déjà une amorce, mais il faut accentuer davantage. Est-ce qu'il y a quelque chose qui empêche le modèle actuel d'aller dans cette direction-là?

Vous avez, dans votre commentaire, en parlant de vote des communautés culturelles, fait référence à la région métropolitaine. Est-ce que cela veut dire que les partis politiques ne puissent pas faire élire des gens issus des minorités ailleurs que dans la région métropolitaine? Je pense, par exemple, au premier député issu des minorités qui a été élu à l'Assemblée nationale du Québec, au XIXe siècle, c'est quelqu'un d'origine juive, et il a été élu à Trois-Rivières, et il n'y avait pas beaucoup, beaucoup de gens de la communauté juive à Trois-Rivières, à cette époque.

Et je terminerai en vous demandant, parce qu'hier le DGE nous a un petit peu présenté une problématique qui est celle de la définition du concept de minorité ethnoculturelle, alors, s'il faut, par exemple, accorder des incitatifs particulièrement en termes de mesures financières, comment est-ce que vous définiriez, vous, quels sont les paramètres sur lesquels on doit se baser pour identifier un candidat et un candidate comme étant issu des minorités ethnoculturelles? Et que faites-vous des candidats biculturels ou multiculturels qui sont issus de différentes communautés, qui est une réalité au Québec?

Le Président (M. Ouimet): Vous avez le choix des différentes questions, M. Milner.

M. Milner (Henry): Voilà. Bon. D'abord, sur Boucherville, regarde, une carte est une carte, ça peut être toujours amélioré. Mais le principe à mon avis est quand même clair qu'il y a des régions, il y a des circonscriptions, et les régions dans le cadre proposé par le gouvernement ne sont pas logiques non plus. On divise Montréal en six régions. Ces régions correspondent à quoi, à mon avis? Donc, si on parle d'un cadre réaliste, bon, on peut toujours penser à quelque chose de meilleur, mais à un certain moment il faut décider, dire: O.K., on met la ligne ici et pas là.

Sur la question des incitatifs, oui, je n'ai pas entré dans cela et je suis d'accord avec vous que ce sera compliqué de déterminer ces choses-là. En Nouvelle-Zélande, un Maori, c'est quelqu'un qui se dit Maori, et c'est aussi simple que ça. C'est ça, la loi. Mais au Canada, par exemple, un amérindien, c'est quelqu'un qui a un statut légal qui vient d'un traité signé par ses ancêtres. Donc, il y a des éléments compliqués dans tout cela, et c'est pour ça que je n'entre pas dans cette discussion.

Sur la question de: Est-ce que, dans notre système, on ne peut pas faire mieux pour les femmes et pour les communautés ethnoculturelles?, tout est possible avec de la bonne volonté. Mais la réalité, c'est qu'on travaille à l'intérieur des institutions et des structures. Et, si on regarde quels pays sont mieux... dans quel pays est-ce qu'on est mieux quand il s'agit de la représentation des minorités et surtout des femmes, on voit souvent, et presque toujours, que c'est dans les systèmes où il y a des listes, où il y a une proportionnelle avec des listes, parce que c'est plus facile d'encourager, de favoriser. Alors, est-ce que c'est possible de le faire sans des listes? Tout est possible dans l'imagination. Mais concrètement, si on veut favoriser cela, et je pense que vous allez écouter Mme Lamoureux et d'autres personnes vous en parler, qui connaissent cette question peut-être mieux que moi, ça prend aussi des changements dans les structures et institutions.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. Milner.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. Maintenant, M. le député de Trois-Rivières.

M. Gabias: M. Milner, merci de votre précieuse contribution. J'aurai trois questions.

n (10 h 30) n

La première, le modèle que vous proposez et que vous dites fondé sur les modèles allemand et écossais, est-ce que, dans ces deux modèles-là, la situation du Québec, qui est très particulière quant à des territoires très vastes et d'autres territoires beaucoup plus restreints mais avec une population beaucoup plus concentrée, se retrouve dans ces deux situations-là? Ma première question.

Ma seconde question, le modèle que vous proposez évidemment vise à assurer une meilleure représentation, donc à rencontrer davantage une volonté populaire, mais est-ce que ça ne sacrifie pas, par le fait même, une représentation régionale qui est aussi une expression populaire?

Et ma troisième question, et là je rejoins mon collègue de Richelieu, et peut-être que, si vous l'aviez identifié... ou plutôt identifié le comté de Richelieu dans la Mauricie, vous auriez constaté qu'il y a des atomes crochus entre ces deux comtés. Cela dit, ma question plus sérieuse, c'est: Est-ce qu'on ne verrait pas réapparaître, par l'arrivée de 50 députés de liste, une espèce de conseil législatif qu'on a déjà connu au Québec et qu'on a rejeté il y a quelques années? Alors, c'étaient mes trois questions.

M. Milner (Henry): Voilà. Bon. En Écosse, par exemple, il y a toutes les îles qui sont très éloignées et très peu peuplées, qui sont un peu semblables. Regarde, l'Écosse n'est pas aussi grande que Québec, mais il y a des régions assez loin et assez... moins peuplées, et on fait des exceptions. Et je pense que c'est la même chose ici, on va faire quelques comtés d'exception: peut-être les Îles-de-la-Madeleine, peut-être le Grand Nord, et ce sera normal. Ce n'est pas l'idéal, mais il faut aussi travailler selon la réalité.

Sur la question du... Comment répéter... Votre dernière question, c'était la représentation des régions. Pardon. Est-ce que vous pouvez la répéter?

M. Gabias: Est-ce qu'on ne sacrifie pas la représentativité régionale donc, qui est une expression populaire aussi, par la proportionnalité?

M. Milner (Henry): Oui, mais à mon avis... C'est pour ça que j'adhère au modèle écossais et pas au modèle Nouvel-Zélandais. La Nouvelle-Zélande, il y a une liste pour tout le pays, et c'est le cas qu'en Nouvelle-Zélande on ne pense pas dans les régions. Même s'il y a deux îles, les gens n'ont aucune identification avec leurs îles, avec leurs régions. Ça n'existe pas, presque. Alors, chez eux, c'est normal qu'il y aurait une liste nationale.

Moi, j'appuie le modèle écossais à cause qu'il faut reconnaître l'existence des régions. Et le modèle du gouvernement aussi est basé sur des régions, mais je trouve que les régions pas simplement qu'elles sont trop petites dans certains cas, mais elles ne représentent... elles ne reflètent non plus la réalité. Comme je dis, diviser Montréal en...

Le Président (M. Ouimet): M. Milner, je dois malheureusement vous interrompre à ce moment-ci; le temps imparti au gouvernement est écoulé. Il reste trois minutes du côté de l'ADQ et 3 min 30 s du côté des citoyens. Alors, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. J'aimerais aborder la différence qu'il y aurait entre un député de district et un député de comté, parce qu'il semble, là, que ça cause une grande problématique au Québec. Ma question est très simple: Un député de district en Écosse, ça fait quoi par rapport à un député, quand on vit au Québec... ou à un député de comté, là? Parce qu'il semble que les gens ont très peur qu'il y ait deux catégories puis qu'il y en ait un, je vais dire, qui a moins de contact avec la population, disons. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Milner (Henry): Bien, ce qu'on trouve dans ces pays-là, y inclus l'Allemagne, qui a une très longue expérience de cela, c'est que les députés de liste qui viennent des grands partis sont normalement des gens qui ont l'ambition de devenir des députés de comté, et donc ils se mettent dans un des comtés, des circonscriptions orphelines pour leur parti et font le travail... Souvent, ils travaillent avec la population, surtout avec les gens qui ont voté pour eux autres. Alors, pour les grands partis, c'est normal, et il n'y a personne qui pose la question, en Allemagne par exemple, qui dit: Ah! vous, vous êtes député de liste, vous n'avez pas la légitimité. Tout le monde est député, tout le monde est redevable devant la population.

Pour les petits partis qui ont peut-être un ou deux députés dans une région, ils deviennent plutôt des députés régionaux qui vraiment sont là pour alimenter la discussion, représenter leurs partis. Et donc encore une fois il n'y a personne qui leur pose la question: Vous n'êtes pas légitime parce que vous n'êtes pas le député d'un district, parce que, pour les petits partis, c'est très difficile d'être élu député d'un district, comme vous le savez très bien, à l'ADQ. Et donc la légitimité normalement n'est pas contestée. Il y a des exceptions, mais je pense, et je peux vous en parler, mais je pense que ces exceptions ne s'appliquent pas à la réalité québécoise. Et donc, pour moi, ce n'est pas un problème, c'est un élément, et il faut vivre avec, mais ce n'est pas un élément très important, et l'expérience nous démontre cela d'une façon assez claire.

Le Président (M. Ouimet): Merci. Alors, maintenant, du côté des citoyennes, Mme Loucheur, à vous la parole.

Mme Loucheur (Yohanna): Bonjour, M. Milner. Étant donné que vous êtes en grande partie d'accord avec le modèle qui est proposé dans l'avant-projet de loi avec quelques modifications, je me demandais s'il serait à votre avis envisageable d'avoir, disons, une période transitoire ou une application en étapes avec, par exemple... en commençant avec peut-être des régions plus petites qui ressembleraient plus au modèle actuel et pour ensuite, après une ou deux élections, aller vers un modèle où les régions seraient plus grandes et/ou commencer avec un seul vote et éventuellement aller vers deux votes une fois que les gens auraient peut-être assimilé jusqu'à un certain point le modèle mixte? Est-ce que ça présenterait à votre avis des difficultés particulières d'envisager ce genre d'approche?

M. Milner (Henry): Une question intéressante. Je n'ai pas vraiment pensé à ça, mais je dirais que je le diviserais en deux parties. La première partie, à mon avis, les inconvénients de la carte actuelle qui nous est proposée sont assez importants. Donc, je ne vois pas pourquoi... je ne vois pas de raison pour l'accepter, même d'une façon temporaire. Et il y a d'autres possibilités, comme la nôtre, à mon avis, qui sont quand même basées sur des régions et qui répondent à d'autres critères qu'on veut aussi respecter.

Mais la deuxième question, la deuxième idée de commencer avec un seul vote, ce sera peut-être une idée à considérer. Je sais qu'en Allemagne, dans les provinces allemandes, les Länder, dans plusieurs cas, c'est comme ça qu'ils ont commencé, avec un vote, et ils ont changé à un deuxième vote à un certain moment. Et peut-être ce sera la même chose ici. Alors, au moins, sur cette idée-là, je ne serais pas nécessairement contre.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, M. Milner, ceci met un terme à nos échanges. Au nom de tous les parlementaires, nous apprécions beaucoup votre participation à nos travaux. Votre visite au Québec a été éclair, mais combien enrichissante. Alors, merci à vous de vous être prêté à cet exercice.

M. Milner (Henry): Merci beaucoup. Au revoir et bonne chance.

Le Président (M. Ouimet): Merci. Voilà. Alors, maintenant, nous allons demander à M. Pierre-F. Côté de s'approcher à la barre des témoins.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): Alors, M. Côté, bienvenue à nouveau à l'Assemblée nationale du Québec. Vous êtes bien connu, ayant occupé des fonctions comme Directeur général des élections. Vous disposez d'environ 20 minutes pour nous faire votre présentation, et puis, par la suite, comme vous le savez, j'ouvrirai la période d'échange avec vous.

M. Pierre-F. Côté

M. Côté (Pierre-F.): Alors, merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, les représentants des citoyens, M. le ministre, voici comment j'ai procédé dans mon exposé. J'aurai, pendant quelques minutes, des remarques ou des commentaires à faire sur l'avant-projet de loi. Par la suite, vous devez avoir en main ou vous aurez un mémoire que j'ai présenté à la commission parlementaire du 21... je l'ai déposé le 21 novembre 2002. Il n'a jamais été entendu en commission parlementaire parce que, le jour où il devait être entendu, les élections générales ont été déclenchées. Donc, je juge qu'il est encore valable.

n (10 h 40) n

Alors, pour commencer, le document de travail qui est fait par M. Massicotte, c'est une brique énorme qui est très fouillée, mais qui, de toute évidence, est préparée par un universitaire. On aurait aimé, dans certains points de son rapport ? et que j'ai parcouru à plusieurs reprises ? un peu plus de sens pratique, quelque chose de plus concret, mais enfin, c'est un travail considérable.

Mais on ne réussit pas trop à savoir à quelle enseigne se loge l'auteur. Il laisse les portes ouvertes pour la commission parlementaire ou le gouvernement de décider quelle sorte de mode de scrutin proportionnel on aura. Il se réclame de nombreux pays européens et en particulier de l'Allemagne.

En ce qui concerne l'Allemagne, le système électoral en Allemagne ? que j'ai étudié, il y a plusieurs années, je me suis rendu sur place ? m'apparaît comme un système électoral assez complexe, la proportionnelle qu'ils ont. Et une des difficultés, c'est, d'abord, de le bien comprendre soi-même et, ensuite, d'être capable de l'expliquer facilement.

M. Massicotte ne fait aucune référence ou si peu au rapport Jenkins, le fameux rapport Jenkins que j'ai ici, de Grande-Bretagne. Je souligne que mon mémoire est basé en grande partie sur ce qui est écrit dans le rapport Jenkins.

D'autre part, la proposition soumise d'une assemblée nationale composée de 77 députés réguliers et de 50 députés élus à la proportionnelle m'apparaît trop radicale comme changement. Enfin, quant aux autres propositions d'amendement électoral, je mentionne un certain nombre qui devraient être étudiées avec beaucoup de soin.

Je passe maintenant à mon mémoire. Je ne vous le lirai pas au complet évidemment parce que c'est trop long. Je ne vous cache pas que ça a été un travail assez considérable et, à l'époque, je n'avais aucune espèce d'aide de personne pour en tirer les 50 copies, les autres 50 copies. Il en fallait pour les journalistes, il en fallait pour tout le monde. Et je pense qu'heureusement la commission a amélioré cette façon de procéder en offrant de l'aide à ceux qui préparent des mémoires.

Alors, je vous rappelle qu'en 1984 j'avais déposé un rapport à l'Assemblée nationale avec la proportionnelle territoriale. Ce rapport a été assez rapidement mis de côté. Il semblait un peu trop radical comme changement, et ça a été dû à certaines difficultés ministérielles pour qu'il aille plus loin.

Donc, comment est-ce qu'on peut définir un système électoral? Le système électoral ou le mode de scrutin est l'ensemble des règles qui établissent la façon de procéder pour élire des candidats au poste de membre de l'Assemblée nationale. Alors, vous allez voir par la suite que je puise amplement dans le rapport Jenkins en l'adaptant au Québec. Alors, d'une part, vous pourrez parcourir le rapport Jenkins, qui a été traduit en français par le ministère du Conseil exécutif en 1999. Alors, on fait état d'abord de qu'est-ce que c'est, le scrutin uninominal à un tour, ce que j'appelle dans mon texte le SMUUT, le scrutin majoritaire uninominal à un tour, qui est, selon la vieille expression anglaise, «the first past the post». On connaît bien ce système, c'est celui qui nous gouverne depuis plus de 100 ans.

Alors, dans le rapport Jenkins, on définit très brièvement ce que sont les différents modes de scrutin: le vote préférentiel, le vote supplémentaire, le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, le scrutin de liste, le vote unique transférable. Et on parle des avantages et des inconvénients. J'attire votre attention ? peut-être que j'y reviendrai tout à l'heure ? sur les avantages et inconvénients du système actuel qu'on retrouve à la page 3 de mon rapport.

Et j'appuie, page 4, sur certains inconvénients qui se présentent, en particulier si on regarde les résultats des élections générales à partir de 1881 jusqu'en 1898. Alors, vous voyez par ces tableaux le nombre de députés qui ont été élus et quel est le pourcentage de vote qu'ils ont obtenu. Il y a des différences assez marquées dans certaines années qui permettent à un gouvernement d'être minoritaire dans les votes, mais d'avoir la majorité des députés. On peut se rappeler que ce mode de scrutin existe depuis 1881, et ça existe formellement en Grande-Bretagne seulement depuis 1950. Avant cette période, on pouvait, dans une circonscription, élire deux députés.

Alors, la page 6, 7 et 8 sont des adaptations du rapport Jenkins, et la page 8, c'est les considérations sur le système électoral, comment l'évaluer, quelles sont les fonctions de représentation de gouverne et de sélection, et l'opposition entre la représentation et la gouverne. J'ai envie de vous lire quelques lignes de ça, à la page 8 de mon rapport.

«La grande opposition entre la représentation et la gouverne sous-tend la plupart des jugements normatifs qui sont portés sur les systèmes électoraux. Malheureusement, on s'en tient plus souvent aux aspects formels de la représentation et de la gouverne. Nous avons déjà démontré ? et c'est le rapport Jenkins qui parle ? qu'en plus des aspects strictement quantitatifs de la représentation, il fallait aussi tenir compte de sa qualité et qu'au-delà des notions vides de stabilité et d'efficacité gouvernementale, il fallait aussi considérer la "responsabilité" d'un gouvernement au sens de sa capacité à répondre aux attentes et aux exigences du public. Cela complique l'évaluation des conséquences d'un système électoral. Elle se complique encore plus si on prend en compte les fonctions de sélection des partis, c'est-à-dire leur capacité à orienter les activités gouvernementales ou les activités de représentation dans le public.»

Alors, la suite, c'est: Qu'est-ce que c'est que la démocratie représentative?, qu'est-ce que signifie la stabilité gouvernementale?, à la page 10. La première phrase de la page 10: «Ces vices seraient compensés et même effacés, aux yeux des partisans du système majoritaire, par les vertus des la stabilité gouvernementale, gage d'efficacité gouvernementale.»

Le paragraphe suivant: «Avec le système majoritaire, non seulement le parti du gouvernement est porté à surestimer les appuis qu'il a dans la population, mais il est aussi porté à surévaluer dans la fabrication des politiques les milieux d'où viennent ses appuis les plus denses.»

Représenter et gouverner. Représenter est une chose, et gouverner en est une autre. Alors là, c'est développé dans ce paragraphe. Et finalement j'aborde le vote préférentiel. C'est la base de ma proposition, formellement.

Je veux signaler, au départ, que ça fait longtemps que je recommande qu'il y ait des représentations à l'Assemblée nationale d'un Inuit et d'un autre représentant des autres nations amérindiennes, et je suggère la façon de procéder pour les nations amérindiennes, les Inuits ayant leur territoire dans le Grand Nord. Mais les nations amérindiennes sont réparties partout sur le territoire, alors c'est par une convention dans les 10 nations qu'on pourra désigner un représentant pour le siège réservé aux Amérindiens.

Je vous signale que le mode de scrutin par vote préférentiel est celui que j'ai inscrit dans la rédaction du code électoral des Hurons-Wendat, ici, à L'Ancienne-Lorette, et ça fait déjà deux élections qu'ils tiennent par ce processus du vote préférentiel, et ça réussit à merveille.

Entre parenthèses, je préside un référendum, qui va se tenir samedi chez les Hurons-Wendat, sur un problème très précis qui se présente là. Mais le vote préférentiel présente l'avantage majeur suivant, qu'il s'oppose à un vote par scrutin de liste, une liste établie par les partis politiques. La vertu, je dirais, du vote préférentiel, c'est que le choix est fait par l'électeur sur la liste électorale, et il établit son choix, son propre choix.

Prenons l'exemple qu'il y a cinq candidats dans une région où il y aurait le vote proportionnel: l'électeur marque, parmi les cinq candidats, celui dans l'ordre qu'il préfère, aussi bien le troisième que le premier, le reste... un, deux, trois, quatre, cinq. Lorsqu'on dépouille le scrutin, celui des cinq qui a obtenu 50 % plus un est élu. S'il n'a pas obtenu 50 % plus un, ce sont les choix des électeurs pour le dernier qui est éliminé qui sont reportés jusqu'à temps qu'on ait 50 % plus un pour élire le député en question.

n(10 h 50)n

J'ai un texte, à la page 14, que je pourrais vous lire et vous répondre si... On s'interroge souvent: Est-ce que ça fait deux catégories de députés? J'avoue que les réponses fournies par le rapport Jenkins à cet égard sont bien évidentes. Il n'y a pas de problème majeur à cet égard.

Alors, comment est-ce qu'on peut procéder pour réaliser un changement de mode de scrutin? À la page 14. D'abord, l'engagement formel des partis politiques de porter le projet à terme dans les six premiers mois suivant une élection générale. Deuxièmement ? et c'est l'aspect le plus important que je recommande ? c'est la tenue d'un référendum qui soumettra pour approbation par les électeurs un projet sur l'évolution de notre mode de scrutin.

On ne peut modifier les habitudes électorales découlant d'un mode de scrutin en vigueur au Québec depuis de si nombreuses années sans impliquer des électeurs en leur expliquant de façon claire ce que sera le mode de scrutin soumis. Un référendum, c'est évidemment une grosse décision pour un gouvernement à prendre. À date, vous savez qu'on en a eu trois au Québec selon la Loi sur la consultation populaire.

Mais l'avantage du référendum pour adopter le mode de scrutin, c'est deux aspects. La première, c'est que les tenants du Oui puis les tenants du Non doivent se manifester. La deuxième, c'est que, pendant la campagne référendaire, on est obligé d'expliquer à l'électeur de quoi il s'agit. C'est très difficile d'expliquer à des électeurs un mode de scrutin proportionnel, quel qu'il soit, parce que c'est un changement dans les habitudes depuis si longtemps.

C'est une raison pour laquelle je recommande qu'on établisse le vote proportionnel pour entre 17 et 24 régions. On peut s'inspirer des régions qui ont déjà été établies en 1980 ? 1984, je pense ? dans le premier rapport que j'ai soumis à l'Assemblée nationale. Pourquoi avoir un petit nombre de députés par vote dans les circonscriptions régionales? Je pense qu'il faut faire élire à la Chambre le minimum au départ, le minimum de députés selon un système proportionnel, parce qu'il faut procéder par étapes. Si on a un minimum de députés qui sont élus par le système proportionnel, les autres députés étant élus selon le mode habituel, ça permet à l'électeur de voir où est-ce qu'on s'en va et d'envisager, s'il y a lieu, des divisions ou des répartitions pour les circonscriptions électorales régionales plus larges ou plus étendues que celles proposées.

Évidemment, le problème des régions est un problème assez considérable, assez difficile. On ne peut pas dire, par exemple, qu'il y a une seule région à Montréal, sur l'île de Montréal ou dans les alentours de Montréal. Il faut qu'il y en ait un certain nombre et il faut que tout ça s'équilibre avec le nombre d'électeurs dans les autres circonscriptions. Alors, je pense, M. le Président, que mon temps est un peu écoulé. Je vous souhaite tout simplement, si jamais vous avez de la difficulté à vous endormir un soir, de lire mon rapport. Alors, ça vous aidera à voir de façon plus précise de quoi il s'agit.

C'est une étude... Il y a beaucoup de références à la fin. Et, sous le rapport Jenkins, je me suis permis une certaine ironie à la fin, quand je cite un texte de Cicéron qui est encore d'actualité. Et finalement je vous donne, dans le document, la... J'ai publié, en 1998, dans un journal, la proposition dont je viens de faire état. Alors, M. le Président, je vous remercie. Je pense que j'ai écoulé la période qui m'était accordée.

Le Président (M. Ouimet): Il vous reste encore cinq minutes, là, mais, si vous pensez que vous êtes...

M. Côté (Pierre-F.): Oui, peut-être que ce serait préférable, quitte à ce que je revienne, si vous me donnez la patience, que je revienne à mon texte pour vous donner une réponse... pour retrouver dans mon texte ce qu'est la réponse à la question qu'on peut me poser. C'est parce que je trouvais ça un peu onéreux de vous lire ce texte, là, qui est assez dense et aussi un peu difficile.

Parce que je l'ai mentionné tantôt, c'est une difficulté majeure, la compréhension d'un mode de scrutin proportionnel. Il faut tenir compte que le mode de scrutin proportionnel préférentiel, c'est celui qui est actuellement suivi par le Parti québécois pour le choix d'un chef à la tête de ce parti. C'est exactement le mode de scrutin préférentiel. Et on va voir comment est-ce qu'il va se dérouler, surtout qu'il se déroule d'une façon assez particulière, c'est par téléphone.

Toutes les expériences passées qui se sont prévalues d'un système par téléphone ont malheureusement raté au Canada. Il paraît que celui-là est très bon et qu'il n'y aura pas de difficulté, mais on va voir comment est-ce que ça va se dérouler. Mais c'est un mode de scrutin préférentiel: s'il n'y a pas un des candidats qui obtient la majorité plus une, bien on procède par le deuxième choix qu'ont fait les électeurs.

Alors... Et je reviens sur le point peut-être... J'insiste sur le point peut-être le plus important puis l'un des plus difficiles, c'est la tenue d'un référendum pour faire accepter par les citoyens ce changement. Ça a surtout, à mon sens, un référendum pour faire approuver un changement, une valeur pédagogique, et je ne pense pas que ce sera du travail... des déchirements sur la scène publique par les tenants du comité du Oui ou les tenants du comité du Non. La proposition qui sera faite sera évaluée par les électeurs, l'ensemble des électeurs du Québec, sera approuvée ou rejetée selon la tenue de... les résultats d'un référendum. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci à vous, M. Côté. Nous allons donc amorcer la période d'échange. Je vais céder la parole au ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques. M. le ministre.

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. M. Côté, merci d'être ici, aujourd'hui, merci de votre présentation, merci de l'intérêt que vous manifestez, depuis plusieurs années, pour la question.

Je voulais d'abord vous entendre concernant la possibilité ou enfin l'opportunité de tenir un plébiscite, parce que, là, tout à l'heure, vous nous avez parlé d'un référendum, mais il y a des gens qui, dans la société, préconisent la tenue d'un plébiscite sur la même question, la question de la réforme du mode de scrutin. Que je sache d'ailleurs, en Colombie-Britannique, c'était davantage un plébiscite qu'un référendum qu'ils ont tenu.

Or, dans un document qui date de 2002, en fin de compte, le 24 mai 2002, vous dites qu'il ne devrait pas y avoir un plébiscite sur des questions qui portent sur la structure politique, le système politique et les institutions étatiques du Québec. Et là vous mentionnez: «son régime politique, son régime parlementaire, son mode de scrutin, son mode de nomination des membres de l'Exécutif et les pouvoirs de l'Exécutif et de l'Assemblée nationale».

Alors, je voulais savoir: Est-ce que vraiment vous avez fermé la porte à la possibilité qu'il y ait un plébiscite sur la question du mode de scrutin?

M. Côté (Pierre-F.): Oh! pas du tout. Je suis content que vous souleviez la question parce que, comme tout le monde, je l'ai posée moi-même, mais il faut établir bien distinctement quelle est la différence entre un référendum puis un plébiscite.

Un référendum, selon la Loi sur la consultation populaire, il y a création du comité du Oui et du Non. Un plébiscite... Et je me suis acharné, ces derniers temps, à faire d'ailleurs... J'ai d'ailleurs fait une proposition au gouvernement de tenir un plébiscite, le gouvernement qui a précédé celui-ci. Un plébiscite, pour moi, c'est l'approbation ou le rejet d'une mesure gouvernementale. Alors, l'avantage que ça peut présenter, c'est qu'il n'y a pas nécessairement de comité... il n'y a pas de comité du Oui ou comité du Non. Il y a tout simplement la présentation, par exemple, d'un avant-projet de loi ou d'une question très claire sur le changement du mode de scrutin, avec les documents à l'appui, l'approbation ou le rejet d'une politique gouvernementale. C'est la grande différence que je vois concernant un plébiscite. Je ne vois aucun inconvénient à ce que, pour le mode de scrutin, on choisisse un plébiscite plutôt qu'un référendum.

M. Pelletier (Chapleau): Donc, si je comprends bien, vous revenez sur ce que vous avez écrit, le 24 mai 2002, sur le sujet.

M. Côté (Pierre-F.): Oui. Vous avez raison. Évidemment, un référendum, pour moi, est plus fort, je dirais, qu'un plébiscite et de nature différente. Mais, quand vous dites que je reviens sur ce que j'ai proposé, je n'ai pas objection à revenir sur des idées exprimées dans le passé. On peut en trouver tellement de toutes les sortes. Mais, vous avez tout à fait raison, j'ai déjà exprimé cela, mais je crois maintenant qu'un plébiscite peut être tenu plutôt qu'un référendum. Encore là, il faudrait expliquer à la population qu'est-ce que c'est, la différence entre un plébiscite puis un référendum. Mais je n'exclus pas... Maintenant, je n'exclus pas cette possibilité qu'il y ait un plébiscite.

n(11 heures)n

M. Pelletier (Chapleau): M. Côté, j'aimerais vous entendre sur le principe de la représentation proportionnelle, parce que, dans l'avant-projet de loi, évidemment il est proposé que, bon, il y ait une certaine représentation proportionnelle de façon à ce qu'il y ait une meilleure coïncidence entre les votes recueillis par les formations politiques et le nombre de sièges qu'ils obtiennent à l'Assemblée nationale.

Lorsque je vous écoute, et je peux me tromper, je vous entends beaucoup parler de vote préférentiel, mais je vous entends peu parler du principe de la proportionnalité ou de la représentation proportionnelle. Alors, j'aimerais ça vous entendre parler du principe de la représentation proportionnelle. Êtes-vous pour ou êtes-vous contre? Et que pensez-vous de ce que contient à cet égard l'avant-projet de loi?

M. Côté (Pierre-F.): Bien, d'une part, par mon mémoire, je me prononce pour une représentation proportionnelle. Vous me demandez qu'est-ce que c'est que la représentation proportionnelle, c'est le fait d'élire des députés dans des régions données selon un mode de scrutin particulier. Alors, il y a plusieurs modes de scrutin proportionnel. À travers le monde, on a fait l'expérience de bon nombre de scrutins proportionnels et à bien des égards on a évalué qu'il fallait perfectionner, il fallait changer ou il fallait modifier le mode de scrutin proportionnel.

Donc, on serait en présence, par un scrutin proportionnel, on serait en présence, en Chambre, de députés régionaux. Bon, ça, on dit: Bien, ça va faire deux sortes de députés et ça va mettre... Moi, je ne crois pas que ça... puis Jenkins est assez clair là-dessus, je ne crois pas que le fait d'avoir un député qui représente une région à l'intérieur de laquelle un député a été élu selon le mode traditionnel, que ça présente des inconvénients majeurs, parce que la personne qui serait élue députée selon un mode proportionnel aura une vue d'ensemble de toute la région, et son vote à l'Assemblée nationale est équivalent au vote d'un député élu de la façon traditionnelle. Alors, le dialogue qui va s'établir entre les députés à l'intérieur d'une région et le député régional ne peut être à mon avis que bénéfique pour une région.

Vous avez actuellement le phénomène qu'un gouvernement a été élu par une majorité de députés, et des ministres puis des députés sont obligés... sont nommés titulaires d'une région, parce qu'ils n'ont pas été élus dans cette région-là. Il y a quand même des représentations ou des demandes qui émanent des électeurs des circonscriptions qui n'appartiennent pas maintenant au gouvernement. Alors, dans les faits, ça existe que des députés sont responsables d'une région ou d'un certain nombre de circonscriptions dont une région et font les représentations ou agissent comme suppléant au député qui... de cette région qui a élu un membre de l'opposition.

Alors, l'avantage d'un mode proportionnel en particulier, c'est de permettre... Évidemment, je pense qu'il faut établir un seuil de 0,5 % avant d'avoir un député. Mais l'avantage, c'est de permettre à un certain nombre de partis qui autrement n'auraient pas de représentant à l'Assemblée nationale de réussir à se faire élire dans une région.

Une des difficultés majeures, au Québec, c'est le fait qu'on a deux grands partis politiques et qui par leur force, leur organisation et leur présence éliminent toute autre sorte de représentation. Appelons-les comme on voudra, les verts, bon, les jaunes, là, peu importent les partis politiques, petits partis politiques qui existent, mais c'est quand même l'expression de citoyens qui voient les choses différemment et qui voudraient pouvoir le dire à l'Assemblée nationale ou défendre leur point de vue, mais comme ils n'ont pas de représentant... Et vous savez que mettre sur pied un parti politique au Québec coûte énormément cher. Ça coûte cher en temps, en argent et en persévérance. Alors, vous avez des exemples de partis qui, depuis quelques années, ont émergé, en commençant par les petits partis, je prends l'exemple du Parti québécois, pour finalement devenir le parti soit gouvernemental ou dans l'opposition. Mais créer un parti, c'est beaucoup. Tandis que, si on a une proportionnelle et qu'un parti moyen ou petit concentre ses efforts dans cette région pour faire élire un représentant de leur tendance, c'est relativement plus facile. Mais ce sera toujours difficile, et il n'y a pas de solution miracle pour permettre à tous les gens qui ont des opinions divergentes de celle du gouvernement ou de l'opposition d'être élus.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Ça va. Je vais aller du côté de l'opposition officielle et je reviendrai. Alors, M. le député de Masson, à vous la parole.

M. Thériault: Oui. Bonjour, M. Côté. J'ai lu attentivement votre mémoire, mais j'avais aussi suivi vos déclarations jusqu'ici à propos de ce débat-là. Dans le fond, ce que vous proposez, c'est l'introduction progressive de la proportionnalité. Vous dites: 100 députés de circonscriptions, de 17 à 25 qui auraient une dimension régionale. Et vous dites: Il serait intéressant et il est intéressant par l'introduction, je dirais, modérée de ces 17 ou 25 de constater que cela pourrait se calquer autour des régions administratives, des MRC qui sont déjà des lieux de gouverne et de prise de décision. Et vous dites: Donc, système uninominal à un tour pour les 100 députés. Pour ce qui est l'élément de proportionnalité ou de compensation, il faudrait prendre le vote préférentiel.

Je connais bien le vote préférentiel, on l'utilise présentement au sein du parti. Mais est-ce que vous ne trouvez pas que le vote préférentiel, à ce moment-ci, au Québec, si on considère la surdétermination de la question nationale, deviendrait difficile à mettre en place? À moins que vous suggérez que les députés compensatoires ne soient pas des députés appartenant à des partis politiques?

M. Côté (Pierre-F.): Non, j'ai bien saisi la dernière partie, mais il y a un point que je n'ai saisi pas de votre interrogation. Mais...

M. Thériault: C'est-à-dire après avoir voté pour un... C'est-à-dire que c'est bien de dire un vote proportionnel, mais un, deux, trois, quatre, cinq... On ne peut pas ne pas considérer que la société québécoise actuelle est divisée en deux camps, et, à ce moment-là, en termes de capacité de choisir, il y a donc en quelque part un camp souverainiste, il y aura probablement un autre parti. Après avoir choisi deux, trois, quatre et cinq, ça devient des partis qui, au niveau constitutionnel entre autres, ont d'autres options. Est-ce que le vote proportionnel serait, dans votre perspective, lié à des partis politiques ou tout simplement des individus qui représenteraient leurs régions sans nécessairement être affiliés à un parti?

M. Côté (Pierre-F.): Non, je crois que ce doit être des personnes qui désirent se faire élire selon la proportionnelle préférentielle venant des partis politiques. Alors, ça veut dire, par exemple, pour les tendances différentes des deux grands partis que les petits partis ou les moyens... les personnes qui veulent avoir un représentant, il faut qu'ils créent un parti ou un... il y a déjà... ou un... voyons, je vais me reprendre, qu'ils appartiennent à un parti déjà existant ou qu'ils en créent un.

Il y a quoi, il y a une douzaine de partis politiques, je pense, approuvés, autorisés par le Directeur général des élections actuellement mais il pourrait y en avoir d'autres. Parce que mettre sur pied un parti politique n'est pas une affaire très, très difficile sur le plan de la technique de reconnaissance. Mais c'est sur le plan de l'organisation, la propagation des idées d'un nouveau parti... là se pose une difficulté.

M. Thériault: Merci. Dans un autre ordre d'idées, puisque vous êtes aussi un expert de la Loi électorale et de ces aménagements que l'on fait progressivement depuis quelques années, vous avez, lors d'une consultation, lors d'un colloque, dernièrement, à propos des événements de 1995 lors du référendum, vous avez affirmé qu'il y avait des solutions potentielles à ce que vous avez qualifié, et qui a été rapporté dans la presse, de loi qui a été transgressée. Vous disiez: Le problème était de prouver tout cela, on a déclenché des enquêtes, des poursuites. Qu'est-ce qui... Est-ce qu'il vous manquait quelque chose pour aller plus loin? Est-ce que le législateur aurait dû vous donner un pouvoir supplémentaire? J'aimerais ça vous entendre sur... lorsque vous dites: Mais, c'est en vain. Et qu'est-ce qui devrait être modifié dans la loi pour qu'on puisse arriver à faire respecter et l'esprit et la lettre de notre loi?

n(11 h 10)n

M. Côté (Pierre-F.): Oui, fondamentalement, ce que j'ai dit à ce colloque, c'est qu'on vit dans un État de droit. Alors, ça, c'est une évidence, une affirmation qu'on peut faire sans hésiter, soit l'État de droit... l'État de droit qui partage les pouvoirs. Dans le partage des pouvoirs, selon la Constitution, toute la question de l'élection, des élections est de juridiction provinciale et, par voie de conséquence, tout ce qui concerne un référendum qui découle du système électoral, on... les difficultés se présentent en pratique.

Qu'est-ce qui s'est passé en 1995? Je ne veux pas élaborer longuement là-dessus, mais principalement ce que j'ai suggéré, c'est une perspective d'avenir. Parce que revenir constamment sur 1995 pour soit me justifier soit me plaindre ou je ne sais trop n'était pas tout à fait approprié. Donc, qu'est-ce que j'ai proposé? J'ai proposé deux solutions.

La première, c'est une solution politique, c'est-à-dire une entente entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral ou avec d'autres provinces, une entente formelle par laquelle ils s'engageraient à respecter toutes les dispositions de la Loi sur la consultation populaire. En fait, le problème de fond, c'est celui de l'extraterritorialité. Est-ce que la Loi sur la consultation populaire peut être observée ou est-ce qu'on peut dire qu'il y a eu des écarts en dehors du Québec? Bon. Il faut prendre juste l'exemple de la marche de l'amour là, c'est évident qu'il y a eu des sommes de dépensées par des gens à l'extérieur du Québec.

Alors, ce que je propose pour ça, je propose d'aller en Cour d'appel et de demander un avis à la Cour d'appel à l'effet que la Loi sur la consultation populaire a la... on peut la considérer comme ayant des pouvoirs extraterritoriaux. Et, dans mon texte, que je n'ai pas avec moi, mais... ce que j'ai dit à Montréal, c'est de s'appuyer sur des décisions de la Cour suprême.

Il y en a une en particulier qui est assez surprenante, qui s'est produite il y a à peine quelques années, c'est très récent. En Colombie-Britannique, des fabricants de cigarettes ont poursuivi la Colombie-Britannique pour dire: Vous n'avez pas le droit, comme province, de poursuivre des entreprises de fabrication de cigarettes qui sont situées à l'extérieur de la province. Or, le jugement de la Cour suprême est très clair. Ils donnent à la Colombie-Britannique le pouvoir de poursuivre les compagnies de tabac qui sont à l'extérieur de la province. C'est un précédent incroyable.

Il y a eu aussi un autre précédent dont il faut tenir compte, puis je ne voudrais pas élaborer trop longuement là-dessus, mais il faut en tenir compte, parce que j'ai écrit des textes sur ça, du jugement dans l'affaire Libman qui nous éclaire sur les limites et les possibilités de la Loi sur la consultation populaire.

Une voix: Veux-tu y aller?

Le Président (M. Ouimet): Il reste deux minutes...

M. Simard: Oui. En complément, simplement. Moi, je comprends très bien votre prémisse. Dans un État de droit, tout le monde est censé respecter la règle, la loi, que ce soit un gouvernement ou un autre, surtout quand il y a une Constitution qui régit normalement, dans un État normal, qui régit les pouvoirs des uns et des autres.

Mais je pense que le ministre, qui est avec nous aujourd'hui, pourrait vous le dire aussi, les jugements de la Cour suprême, depuis quelques années, sont parfois très surprenants. N'avez-vous pas peur que d'aller en renvoi ? parce que c'est de ça dont il est question, puisque, en passant par la Cour d'appel, ça va se terminer en Cour suprême ? en allant en renvoi, c'est-à-dire en demandant à la Cour suprême d'interpréter, vous vous retrouviez avec une situation que vous n'auriez pas désirée au départ?

M. Côté (Pierre-F.): C'est possible, mais je crois fermement... Puis là il faudrait approfondir ma proposition, je dirais, parce que ça prendrait toute une équipe de juristes. Il y en a tellement au gouvernement qui pourraient se pencher là-dessus. Mais, d'après le texte que j'ai... ce que j'ai exposé à Montréal, ça me semble qu'on mettrait un peu mal à l'aise la Cour suprême d'avoir un jugement sur ce renvoi qui soit défavorable au Québec.

J'ai employé l'expression qu'on n'est pas dans un État de droit, mais dans un État de quasi-droit. Et, quand j'ai parlé, comme première solution, de la solution politique, il y a des ententes interprovinciales présentement. Alors, je suggère qu'on pourrait, par exemple, avoir des ententes si quelqu'un est déclaré ayant perdu son droit de vote et se présenter, il faut que ça s'applique. Il faudrait que ça s'applique dans toutes les autres provinces et vice versa, si ça se produit dans d'autres provinces, pour le Québec. Mais le plus important, c'est la question du respect de la Loi sur la consultation populaire. Il y a un risque, je pense, qui est à évaluer sérieusement, mais ça me semble être une avenue à tout le moins... qu'il faut à tout le moins... ce renvoi, il faut à tout le moins...

Le Président (M. Ouimet): Alors, M. Côté, malheureusement, je dois vous interrompre, le temps imparti à l'opposition est écoulé. Je vais aller du côté maintenant de M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. À vous la parole.

M. Picard: Merci, M. le Président. M. Côté, j'aimerais aborder avec vous une partie de votre mémoire qui a été très peu élaboré, celui de la gouvernance. Vous indiquez que vous êtes favorable à des élections à date fixe. Je comprends qu'en tant qu'ancien Directeur général des élections, c'est certainement pour l'organisation de tout le processus. Mais aussi vous dites que vous êtes favorable à l'élection du premier ministre au suffrage universel. Est-ce que je dois comprendre que vous êtes favorable au système à deux votes, comme on vit dans les municipalités, c'est-à-dire que les gens votent pour un conseiller et, après ça, il y a vote pour la mairie? Parce que vous n'avez pas élaboré...

M. Côté (Pierre-F.): Non, vous avez raison, mais je vous avoue que j'ai écrit ce texte en 1992, et j'ai évolué depuis. Je suis moins certain de la proposition de l'élection d'un premier ministre au suffrage universel. Indépendamment des partis politiques, ça peut être passablement compliqué. Mais je l'ai lancé comme étant une perspective qu'on pourrait envisager selon l'évolution de notre mode de scrutin et l'importance qu'on accorde au rôle de premier ministre. Mais je peux vous dire que là-dessus, vous avez raison, je n'ai pas élaboré, j'ai émis l'idée, mais je n'étais pas très sûr que ce serait une bonne chose que de le laisser dans mon texte.

M. Picard: O.K. Deuxième élément que j'aimerais souligner: le financement des partis politiques. Hier, nous avons entendu M. Blanchet, puis, lui, il indiquait qu'il serait favorable à des incitatifs financiers pour les partis politiques, pour favoriser, à titre d'exemple, la candidature de femmes. Est-ce qu'on peut avoir votre... de femmes ou d'ethnoculturels? Donc, est-ce que vous êtes en faveur du système de... Est-ce qu'on devrait favoriser par des moyens financiers les candidatures de différents groupes?

M. Côté (Pierre-F.): À l'égard du financement des partis politiques, j'ai prononcé une conférence il y a quelques années, puis c'est les mêmes idées que je reprends dans ce que je vais vous dire, fondamentalement. Une chose sur laquelle il faut être prudent. Si on regarde, par exemple, la participation, l'implication de l'État et la participation nette des électeurs, on s'aperçoit que, de 1994 à 2004, c'est intéressant de voir quels sont les pourcentages que l'État met... s'engage dans le système, dans le système du financement des partis politiques. Et je pense qu'il peut y avoir une difficulté majeure si on augmente trop cette participation de l'État. Quand la participation de l'État au financement des partis politiques sera rendue à 60 %... On a déjà rencontré ce chiffre en 2004. Ça devient... C'est à 63,1 %, on a des variantes de 34 % à 63 %, alors 34 %, 60 %, 69 %, 49 % puis 43 %. On a des pourcentages de l'implication de l'État qui sont... qui deviennent impressionnants.

Et, moi, le danger que j'y vois, c'est que l'augmentation de l'implication financière de l'État, sous quelque forme que ce soit, il faut être prudent parce qu'à un moment donné, si c'est financé alentour de 60 % ou au-delà, le législateur va devoir, à un moment donné, se poser la question suivante: Comment ça fonctionne dans les partis politiques? Quelle sorte de contrôle on va exercer sur eux?

n(11 h 20)n

Or, le système actuel laisse une très grande liberté aux partis politiques de s'organiser, d'accueillir du financement... de recueillir du financement, mais sans un contrôle strict de l'État. Et, moi, je verrais un danger démocratique si on arrive un jour à ce que le gouvernement, quel qu'il soit d'ailleurs, le gouvernement ait la possibilité de fouiller ou de mettre le nez dans toute l'organisation d'un parti politique. Il y a une coutume qui existe à cet égard. Il y a des fautes qui peuvent se produire, bon on l'a vu hier. Mais il y a une coutume qui existe sur l'organisation d'un parti politique et l'autonomie d'un parti politique face à l'organisme... à l'État. Alors, il y a des bonnes idées qui sont exprimées pour augmenter cette contribution, mais je le fais avec beaucoup de prudence, en ayant à l'esprit qu'il faut faire attention pour ne pas...

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, M. Côté, merci. Je dois aller maintenant du côté du comité des citoyens. Alors, M. Boivin m'a demandé la parole. M. Boivin.

M. Boivin (Guillaume): L'avant-projet de loi implique... Je reviens un peu à l'enjeu de tantôt. J'ai demandé à M. Milner... L'avant-projet de loi implique un seuil d'entrée effectif à l'Assemblée nationale de 15 % à 20 %. Or, votre proposition, comportant moins d'élus de liste, entraînerait probablement un seuil plus élevé encore. Ainsi, il serait possible qu'éventuellement, théoriquement, 20 % des électeurs, soit 1 million de Québécois et de Québécoises, puissent voter pour un parti sans être représentés à l'Assemblée nationale. Puisque vous considérez que la stabilité politique... la stabilité, je veux dire, du gouvernement comme une notion vide, puisque vous faites vôtre le libellé du rapport Jenkins: «Un système électoral a pour fin de permettre la représentation équitable des électeurs et non pas de former un gouvernement. La démocratie représentative n'est pas un mécanisme pour assurer la suprématie des gouvernants sur les gouvernés, c'est un mécanisme pour informer l'appareil gouvernemental de la variété des partis et du poids respectif des électeurs qui les appuient.»

Or, comment conciliez-vous l'effet probable de votre proposition de diminuer le nombre d'élus de liste par rapport au projet de loi et les considérations que vous faites vôtres, qui sont celles du rapport Jenkins? Il me semble y avoir un paradoxe là. Et comment vous l'expliquez et quels sont les autres arguments, là, qui justifient la diminution des élus de liste? Et, si je comprends mal, là, pourriez-vous réexpliquer...

M. Côté (Pierre-F.): Bien, moi, je comprends mal votre question, peut-être parce que c'est un peu complexe, parce que ma proposition est basée sur des extraits du rapport Jenkins, donc il faut retourner au rapport Jenkins pour voir exactement qu'est-ce qu'il a suggéré.

L'autre point qui est un peu faible dans ma proposition ? je n'avais pas les moyens d'aller plus loin ? c'est le nombre de régions, qui aurait comme conséquence, ce que vous mentionnez, cette disparité de pourcentage entre un élu d'un parti politique versus un autre, si j'ai bien compris votre question. Alors, la difficulté de ça, c'est qu'il faut demander à la Commission de la représentation électorale...

Ce qui est surprenant, c'est que la Commission de la représentation électorale incidemment a fait du travail pour M. Massicotte, il le dit dans son rapport. Je suis un peu renversé de voir que la commission s'est prêtée à ça, mais il faut que le gouvernement ou l'opposition, par l'intermédiaire du comité consultatif, fasse une demande à la Commission de la représentation électorale, qui est exclue du comité consultatif, mais une demande conjointe serait bienvenue, je pense, serait acceptable, pour établir différents scénarios qui pourraient répondre à l'objection que vous soulevez, voir de quelle façon il y a une disparité trop grande ou pas. C'est de là que m'est venue l'idée: on peut partir des 17 régions, mais on peut aussi envisager des circonscriptions.

Je vous signale, par exemple, que, dans la proposition territoriale qui s'était faite en 1984, il y avait une proposition soit de 22 circonscriptions électorales proportionnelles ou 24. Alors, déjà, il y a des travaux qui sont faits... qui ont été faits, à ce moment-là, par la Commission de la représentation, et c'est à la suite de ces travaux-là qu'on pourrait établir si ça fonctionne ou pas ou si c'est vendable ou pas.

Le Président (M. Ouimet): Bien, merci, M. Boivin. Alors, Mme Hadd m'avait demandé la parole. Mme Hadd.

Mme Hadd (Carole): Oui. M. Boivin, vous dites... M. Côté, vous dites considérer que la proposition que nous étudions, au cours de cette consultation, une formule mixte composée de 77 députés de circonscription et 50 députés de liste, était trop radicale. Pourquoi la considérez-vous trop radicale?

M. Côté (Pierre-F.): C'est parce que c'est un changement qui n'est pas progressif, qui chambarde complètement toutes les habitudes des citoyens. La difficulté de l'expliquer d'abord est considérable, je l'ai mentionné. Elle aussi peut, si elle est... si le projet gouvernemental pourrait être approuvée par un plébiscite ou un référendum. Mais ce que je propose, moi, au lieu des 77-50, là, qu'il propose... Parce que je suis d'accord sur la question d'avoir un représentant inuit puis amérindien, mais la difficulté, c'est que ça me semble être un saut dans l'inconnu un peu trop grand. C'est pour ça que je propose une voie mitoyenne, qui est celle, par la suggestion que je fais ? ou il peut y en avoir d'autres ? de procéder à l'adoption d'un mode de scrutin proportionnel de façon graduelle.

Le Président (M. Ouimet): Bien, merci. Alors, Mme Lafontaine.

Mme Lafontaine (Martine): Oui, M. Côté, pouvez-vous nous dire les circonstances qui ont mené, en Grande-Bretagne, à la création de la commission Jenkins en 1997?

M. Côté (Pierre-F.): Ah, c'est intéressant comme question, mais je pense qu'on va retrouver la réponse dans le rapport lui-même. C'est que le premier ministre Blair, qui a créé la commission Jenkins, lui et son parti en étaient arrivés à la conclusion que le mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour qui existe en Grande-Bretagne présentement, et ici, et au Canada... C'est les deux endroits, dans les provinces et au Canada, c'est les deux endroits au monde où... il n'y en a plus beaucoup qui ont ce système-là. Parce qu'ils se sont aperçus que ça créait des difficultés majeures de non-représentation d'un certain nombre de courants de pensée.

Alors, quand le rapport Jenkins a sorti, il y avait une page frontispice de la fameuse revue The Economist qui avait le titre Blair's genie. C'est qu'il a eu le courage de demander ça. Il y avait deux grandes réformes qu'il a proposée: une qu'il a réalisée, l'autre qu'il n'a pas encore réalisée. La première grande réforme, c'est la réforme de la Chambre des lords, qu'il a réalisée, mais celle du mode de scrutin est encore à l'étude, je dirais.

Mais c'est une... ça démontre que la question qu'on se pose ici face à une réduction du proportionnel, ce sont des questions qu'on s'est posées également en Grande-Bretagne. Vous savez qu'on a une longueur d'avance, parce qu'on a une proposition concrète par l'avant-projet de loi puis par la commission parlementaire actuelle, mais on va un peu plus vite que ce que les Britanniques veulent faire.

Le Président (M. Ouimet): Merci. Mme Loucheur, maintenant.

Mme Loucheur (Yohanna): M. Côté, j'avais deux questions. Je ne sais pas combien de temps il reste, donc je vais vous laisser choisir.

Le Président (M. Ouimet): Il reste trois minutes et demie à peu près.

Mme Loucheur (Yohanna): O.K. Je vais vous laisser choisir les points qui peut-être vous paraîtront les plus importants à soulever. Étant donné votre longue expérience comme Directeur général des élections, j'aurais voulu avoir votre opinion sur certaines des mesures relatives à l'exercice du droit de vote qui sont aussi dans l'avant-projet de loi, et notamment l'impact que vous prévoyez, que vous pouvez voir sur la participation des citoyens aux élections.

Et je vous cite, par exemple, le choix du jour du vote entre le dimanche et le lundi, l'utilisation de différents bureaux dans les circonscriptions, les changements à la révision de la liste électorale; on mentionne aussi le vote électronique. Donc, si là-dedans il y a des mesures qui vous paraissent soit plus intéressantes, plus efficaces ou plus problématiques.

Et la deuxième question était: Hier, M. Blanchet était particulièrement inquiet encore une fois par rapport à l'avant-projet de loi. Il semblait très inquiet notamment du retrait de la flexibilité de la commission de révision de la carte électorale et du fait qu'on enlevait la capacité d'aller jusqu'à 25 % de différence dans certains cas. Et j'aurais voulu peut-être avoir votre opinion là-dessus.

M. Côté (Pierre-F.): Oui. Alors, pour la première question, moi, j'ai toujours favorisé qu'au lieu du lundi ça ait lieu le dimanche. Cependant, il faut comprendre pourquoi la longue tradition au Québec, c'est le lundi. C'est que la fin de semaine qui précède l'élection, ça permet à tous les organisateurs, à tous les politiciens, à tous les candidats de souffler un peu, de faire une pause, le samedi et le dimanche, et, je dirais, d'être frais et dispos pour le lundi, parce que, là, c'est une grosse journée pour tous les organisateurs. Alors, c'est une façon de procéder.

L'autre point, vous mentionnez les machines à voter. Les machines à voter, par exemple celles qui sont utilisées actuellement à la ville de Québec, je suis contre ça. Quand j'étais président de l'élection municipale de Québec, il y a quatre ans, on avait une imprimante. C'est ce qu'ils vont avoir à Montréal, par exemple. Au moins, on a un document papier. Dans le système actuel, c'est le grand défaut de l'utilisation des machines à voter pour la ville de Québec, l'élection de la ville de Québec, il n'y aura pas de preuve d'un bulletin. Là, on modifie le rôle et l'importance des juges, hein? On ne donne pas la possibilité qu'il y ait une révision judiciaire du tout. Ça, c'est un grave accroc, à mon avis, à notre système. Est-ce que ça répond à votre question?

Mme Loucheur (Yohanna): Tout à fait.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci. Du côté ministériel, maintenant, Mme la députée de Chauveau.

n(11 h 30)n

Mme Perreault: Oui, merci, M. le Président. M. Côté, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Mme Loucheur a déjà abordé la question des modalités quant à l'exercice du droit de vote, donc, je n'aborderai pas ça de nouveau. Écoutez, moi, je veux vous entendre sur les délais de mise en application. À l'automne 2003, vous parliez d'une possibilité de mettre en place cette nouvelle... cette réforme-là dans le cadre d'un premier mandat. Tout à l'heure, vous avez aussi évoqué la nécessité d'être de bons pédagogues, d'expliquer à la population quelle serait justement cette réforme-là. Donc, votre prédécesseur... votre successeur, pardon, hier, nous a parlé d'un délai de 18 à 24 mois, et évidemment il serait à mon avis impossible ou en tout cas délicat de la part du Directeur général des élections d'amorcer des mises en oeuvre d'une loi finalement qui n'est pas encore adoptée par notre Parlement. Donc, je veux vous entendre là-dessus: Quelle est votre position, au moment où on se parle, sur les délais de mise en application?

M. Côté (Pierre-F.): Quand mon successeur, M. Blanchet, parle de 18 à 24 mois, il a tout à fait raison en se basant sur les dispositions actuelles de la loi. Une façon de procéder, si le projet gouvernemental est soumis à l'approbation des électeurs sans grosse modification, c'est-à-dire surtout 77-50, c'est que la délimitation des circonscriptions électorales qu'on pourrait utiliser, comme a fait l'Ontario, c'est les circonscriptions électorales du fédéral. Donc, il y a moins de travail à faire dans le travail de la commission pour le découpage électoral parce que les deux députés de surplus, là, ne créent pas de difficulté. Alors, c'est 75-50, et pour les 75, c'est, si je ne me trompe pas, c'est ce qui existe au Québec de la part des élections fédérales.

Mais il y a une grosse distinction, c'est qu'on n'entend pratiquement jamais parler d'une commission électorale fédérale qui vient modifier les circonscriptions. Il n'y a pratiquement pas d'audience, il n'y a pratiquement pas de représentation, et tout d'un coup les gens se réveillent puis disent: Ah... Je vais prendre juste un exemple: Gaspésie?Les Îles. De la façon dont c'est incorporé, il n'y a pas de reconnaissance des Îles-de-la-Madeleine, comme il y en a toujours eu au Québec, comme étant une entité d'exception.

Alors, il a raison, c'est une période qui peut être longue. Pourquoi une période peut être longue? Parce que le processus qui est bien établi dans la loi est sage à mon avis, celui d'un travail de la commission, de rapports préliminaires, d'audiences publiques et d'écoute des députés. Et, moi, je dirais que la dernière partie, que j'ai vécue en deux grandes occasions en modifiant la carte électorale, de l'écoute des députés, est très importante et influence, je pense, la décision finale ? moi, ça a été mon cas ? de la commission. Alors, tout ce mécanisme, là, à moins de le réduire à sa plus simple expression de consultation, d'établissement de la nouvelle carte, doit être observé.

Mme Perreault: Oui, j'ajouterais simplement, tout à l'heure, quand vous avez parlé des élections le dimanche, qu'à ma connaissance ? je partageais avec la députée de La Pinière ? on travaille maintenant le samedi et dimanche avant l'élection. Alors, la tradition, d'après moi, n'existe plus pour les élections le lundi, ce que vous parliez tout à l'heure, là, quand vous faisiez référence au fait qu'on ne travaillait plus le samedi et le dimanche.

M. Côté (Pierre-F.): C'est une belle évolution de la situation.

Mme Perreault: Oui, absolument. Je suis d'accord avec vous.

Le Président (M. Ouimet): Merci, Mme la députée. Alors, M. le député de Trois-Rivières.

M. Gabias: Oui. M. Côté, merci. Vous parlez... vous êtes en faveur de circonscriptions d'exception, je l'ai bien compris. J'aimerais que vous nous disiez pourquoi et lesquelles vous pourriez identifier dès maintenant.

M. Côté (Pierre-F.): Oui, bien, les Îles-de-la-Madeleine sont bien connues comme étant.. Mais les deux autres qui seraient des circonscriptions d'exception, c'est celles pour les Inuits et les Amérindiens. Il faut se rappeler que, dès 1984, en particulier les Inuits ? et depuis ce temps-là ils n'ont jamais changé d'idée ? désirent avoir une représentation à l'Assemblée nationale. Alors, il y a 14 villages inuits. Il y a à peu près 6 000 électeurs. Mais l'exception d'un candidat chez les Inuits pour être le député pour une circonscription électorale me semblerait une excellente façon pour les Inuits et pour les Amérindiens... Je vais d'abord parler des... Je vais tout de suite parler des Amérindiens puis vous dire pourquoi.

Pour les Amérindiens, c'est plus compliqué parce qu'eux ils sont répartis sur tout le territoire, mais en faisant une élection d'un représentant par les 10 nations on peut avoir un candidat.

Le principal avantage, pour moi, serait que ces groupes fondateurs du pays aient une représentation électorale, et les fameuses revendications qui ne cessent de s'exprimer soit de la part des Amérindiens ? où ils n'ont pas toujours tort ? soit de la part des Inuits pourraient s'exprimer par l'intermédiaire de leur participation aux travaux de l'Assemblée nationale. Ils auraient une voie, une voie publique et une voie unique de se faire entendre.

Et, moi, je trouve qu'on est déjà très en retard. C'est une première mesure qu'on devrait adopter tout de suite, de dire: On va avoir trois circonscriptions d'exception: les Îles-de-la-Madeleine, les Inuits et les Amérindiens. Je pense qu'on est très en retard et qu'on peut être blâmés de ne pas trouver le moyen de leur accorder une représentation.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, il ne reste plus de temps. M. Côté, toujours agréable de vous retrouver. Merci infiniment d'avoir partagé votre longue expérience et expertise avec les membres de la commission. Je vous souhaite un bon retour. Merci à vous.

M. Côté (Pierre-F.): Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): Alors, j'invite maintenant Mme Diane Lamoureux à bien vouloir s'approcher à la table des témoins.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): Alors, je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec, au nom de tous les membres de la commission parlementaire. Je vous cède la parole pour une période de 20 minutes, et puis par la suite l'échange s'amorcera avec les membres de la commission.

Mme Diane Lamoureux

Mme Lamoureux (Diane): Bonjour. Je vous remercie de votre invitation. J'ai centré mes notes plutôt qu'un mémoire parce que, comme j'ai été prévenue assez tardivement de ma comparution... Je vous ai d'ailleurs fait distribuer le document aujourd'hui. J'ai centré mon intervention sur deux points, la question du pluralisme politique et la question de la représentation des femmes.

Bon, c'est évident que je suis très contente qu'on commence à discuter formellement d'une réforme du mode de scrutin. Je suis un peu sceptique sur le fait que ça prenne la forme d'un avant-projet de loi puis éventuellement d'un projet de loi, c'est-à-dire que ce soit essentiellement les membres de l'Assemblée nationale, qui sont à la fois juge et partie dans le processus, qui soient les maîtres d'oeuvre de la réforme. Ça me semble aussi saugrenu que si on demandait, par exemple, au Syndicat des fonctionnaires d'écrire la convention collective de la fonction publique. Et, personnellement, je serais beaucoup plus en faveur d'un mode de scrutin complètement proportionnel que d'un mode de scrutin mixte, mais j'ai accepté de travailler à l'intérieur des paramètres de l'avant-projet de loi pour simplifier les choses.

Bon, le premier enjeu donc que je veux aborder, c'est celui du pluralisme. Je n'ai pas besoin de vous faire l'article, ça a été fait à plusieurs reprises, des distorsions que peut entraîner le mode de scrutin actuel quand il y a plus de deux partis politiques qui se présentent dans la plupart des circonscriptions. C'est évident que le mode de scrutin actuel est un mode de scrutin qui favorise le bipartisme. Il me semble que la société québécoise est traversée par plusieurs enjeux qui ne peuvent pas nécessairement se réduire à deux partis. Si ça vous prend un exemple récent, je pense qu'on peut prendre la question du manifeste Pour un Québec lucide, qui regroupait autant des... qui regroupait des personnalités de divers partis politiques ou rattachées à diverses sensibilités politiques.

n(11 h 40)n

Donc, en ce qui concerne le pluralisme, il me semble qu'il y a deux défauts dans la proposition qui nous est présentée: le premier défaut, c'est que l'alternance, si on se fie à tout le moins à ce qui s'est passé dans les élections, au cours des 45 dernières années, c'est-à-dire les élections depuis 1960, semble quasi improbable; et le deuxième défaut, c'est l'ouverture insuffisante à la diversité politique.

Bon. Dans l'étude qui a accompagné le dépôt de l'avant-projet de loi, Louis Massicotte faisait des simulations uniquement pour l'élection de 1998 et l'élection de 2003. Dans un article qui est paru dans L'Action nationale, Pierre Serré s'est livré au même exercice de simulation, mais pour toutes les élections depuis 1960. Et ce que ça donne, c'est qu'on aurait eu à peu près, dans toutes ces élections-là, un gouvernement majoritaire du Parti libéral, sauf à trois reprises: un gouvernement minoritaire dont le parti arrivé en tête aurait été le Parti québécois, en 1976; un gouvernement minoritaire où les deux principaux partis auraient eu le même nombre de voix en 1994 et 1998.

Donc, il me semble que, d'une certaine façon, le principe d'alternance a assuré, au cours des 45 dernières années, un substitut au fait que peu de sensibilités politiques étaient représentées à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire que ce qu'on a eu, ça a été... bon, il n'y a pas de gouvernements qui ont eu plus de deux mandats consécutifs, et on a eu une alternance entre Parti libéral et Parti québécois à la tête des gouvernements durant cette période-là.

Si on perd l'alternance, il me semble qu'on perd quelque chose qui est quand même assez précieux, d'une certaine façon. Le rapport Gomery, qui est sorti hier, dont la première partie est sortie hier, nous a rappelé les difficultés que ça crée quand un parti confond l'État et lui-même, et c'est évident que le défaut d'alternance renforce cette tendance. Ça ne la garantit pas, heureusement, mais c'est évident qu'un parti qui est continûment au pouvoir pour de longues périodes a tendance à moins différencier entre les intérêts du parti et les intérêts de l'État.

Le deuxième problème, c'est l'ouverture insuffisante à la diversité politique. Je comprends qu'il est important de pouvoir bâtir des gouvernements stables, des coalitions gouvernementales qui font en sorte qu'on n'est pas obligés d'aller voter aux six mois. C'est évident qu'aller voter aux six mois aurait des conséquences sur le taux de participation et ce qu'on pourrait appeler une certaine fatigue de l'électorat. Mais en même temps il me semble important que les diverses sensibilités politiques soient représentées. Et avec des seuils d'éligibilité qui, dans le mode de scrutin qui nous est proposé, oscillent entre 13 % et 17 %, il me semble que c'est des seuils d'éligibilité extrêmement élevés; un seuil d'éligibilité de 5 % me paraîtrait largement suffisant.

Et, pour corriger les questions liées au pluralisme insuffisant, je propose deux changements: d'une part, la distinction entre le vote par circonscription et le vote par parti; d'autre part, une compensation nationale plutôt qu'une compensation par district. C'est les deux premières recommandations, que vous retrouvez à la page 2 du document que je vous ai remis.

Bon. Je ne vais pas... Je pourrai revenir, dans la période de questions, sur ça. Je vais plutôt parler... je vais maintenant passer à la question de la présence des femmes ? ça commence à la page 3 de mon document. Dans la proposition qui nous est fournie, il y a deux façons qui sont envisagées pour obtenir ce qu'on appelle, dans le projet de loi, une représentation équitable des femmes, sans qu'on définisse d'ailleurs ce que veut dire le mot «équitable», ni en chiffres ni... Bon, donc, on peut supposer que le dictionnaire nous donne la définition du mot. «Équitable» ne veut pas dire «égal». Donc, moi, je suis pour une représentation égale.

Alors, les mesures qui sont proposées, c'est la majoration du financement public des partis politiques si ceux-ci ont présenté plus de 30 % de femmes aux élections. Et la deuxième mesure qui est proposée, c'est la majoration du remboursement des dépenses électorales des candidates soit qu'elles aient été élues, soit qu'elles aient obtenu au moins 15 % des suffrages exprimés. Bon. Il me semble que ces mesures-là sont peu propices à faire en sorte que nous atteignions une égalité entre les femmes et les hommes dans la représentation politique. La première mesure ne garantit absolument pas que les sommes seront affectées au recrutement, à la formation et au soutien aux candidatures féminines. D'ailleurs, l'article 116 fait passer la représentation équitable des femmes et des minorités ethnoculturelles après le fonctionnement général des partis, ce qui donne un... ce qui laisse présumer de ce qui se passera probablement en réalité, c'est-à-dire que les partis consacreront ces sommes additionnelles à leur fonctionnement général plutôt qu'au recrutement de candidatures féminines ou de personnes issues des milieux ethnoculturels.

D'autre part, le seuil à partir duquel la bonification s'applique me semble trop bas. Si on regarde la situation actuelle, il y a actuellement 32 % de femmes à l'Assemblée nationale. Bon. Mettre le seuil à 30 %, c'est le mettre bas. J'entendais M. Côté tout à l'heure dire qu'il ne faut pas que l'État contribue trop au financement des partis politiques. Ça me semble être un cas où ce serait une contribution exagérée. Il y a un parti qui dépasse le seuil de 30 %, c'est le Parti québécois, qui est à 34,8 % de sa députation composée de femmes. Et il y a un parti... il y a deux partis, plutôt, qui le dépassent, le Parti libéral a 31,5 %. Donc, il me semble que c'est récompenser d'une certaine façon des pratiques actuelles. Ce n'est pas encourager une amélioration. Si on commençait la bonification à 35 %, il me semble que ce serait beaucoup plus incitatif. Il n'y a aucun parti qui atteint ce seuil-là. Il y en a un qui n'est pas très loin. Mais c'est des choses qui sont fluctuantes, hein? On ne joue pas... Le pourcentage diminue en fonction... Un ou deux députés font changer de façon importante donc, sur 125 ou 127, là, le chiffre.

Il me semble également que, dans la logique de ce que je disais précédemment, c'est-à-dire d'avoir une compensation nationale pour les sièges de répartition par liste de parti, on pourrait réglementer la composition de ces listes nationales. On ne peut pas... Il me semble difficile de réglementer le choix des candidatures de circonscription de chacun des partis et les règles internes. Je ne pense pas que ce soit la fonction de la Loi électorale de réglementer les règles internes de choix des candidats et candidates des partis. Mais les listes nationales pourraient être réglementées en ayant des listes qui présentent dans une alternance parfaite une femme, un homme, en commençant par une femme, puisque les femmes sont actuellement sous-représentées. Et donc, dans ce cas-là, on pourrait s'approcher beaucoup plus rapidement de l'égalité des femmes dans la représentation politique.

Alors, pour augmenter la présence des femmes, je suggère quatre modifications à l'avant-projet de loi. La première, c'est de calculer les bonifications dans le financement public des partis politiques en fonction des élues et non pas en fonction des candidates, O.K., pour valoriser l'atteinte des résultats et non pas les bonnes intentions.

Deuxièmement, c'est d'obliger les partis politiques qui demandent cette bonification, puisqu'après tout c'est de l'argent public, de faire rapport à la Direction générale des élections des mesures qu'ils ont prises afin de favoriser les candidatures de femmes et le soutien aux femmes élues. Si c'est une bonification qui est liée à la représentation de femmes, il me semble que ce serait logique que cet argent-là serve à la représentation des femmes.

n(11 h 50)n

Deuxième chose, c'est de mettre le seuil tant pour... Troisième chose, mettre le seuil tant pour les bonifications que pour le remboursement des dépenses électorales des candidates à 35 % plutôt qu'à 30 % selon ce que je vous ai raconté au niveau des pourcentages actuels.

Et, quatrième élément, réglementer la composition des listes nationales de chaque parti en imposant une alternance parfaite entre femmes et hommes, en commençant par une femme. Donc, je pense que je vais m'arrêter là et je répondrai à vos questions.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, Mme Lamoureux, pour votre intervention, votre présentation. Je vais aller immédiatement du côté de M. le ministre. Alors, M. le ministre, à vous la parole.

M. Pelletier (Chapleau): Merci, Mme Lamoureux. Merci de votre présentation, merci de votre mémoire également. Est-ce que je vous ai bien compris que, vous, ce que vous privilégieriez en tout cas, ce serait un système proportionnel intégral complet, que ce serait ça finalement, votre option?

Mme Lamoureux (Diane): Oui, de façon idéale, oui. Mais je fonctionne aussi avec un principe de réalité.

M. Pelletier (Chapleau): C'est ça. D'accord. Et vous affirmez à la fin de votre mémoire, vous dites: «Il va sans dire que cela n'exclut pas de se demander si le système mixte compensatoire est le plus à même d'assurer le pluralisme et la présence égalitaire des femmes.» J'imagine que vous avez déjà une réflexion sur le sujet. Vous n'en avez pas parlé dans votre mémoire, mais je voulais savoir où en est votre réflexion là-dessus jusqu'à présent.

Mme Lamoureux (Diane): Bon. C'est évident que, par rapport au mode de scrutin uninominal à un tour que nous avons actuellement, abstraitement, le système mixte compensatoire, enfin, de façon générale ? et, alors là, il faut voir les modalités particulières de chaque système mixte compensatoire, il y en a plusieurs ? peut assurer un plus grand pluralisme. S'il y a des listes, il me semble qu'on peut aussi plus facilement parvenir à trouver une façon de faire en sorte que la présence des femmes dans la députation soit accrue.

C'est évident que le système intégralement proportionnel pour le pluralisme est nettement supérieur au système mixte compensatoire. Il n'y a qu'une compensation proportionnelle dans le système mixte compensatoire. Et il est évident aussi qu'une proportionnelle intégrale avec uniquement des listes nationales permettrait, par des listes en alternance homme-femme, de parvenir beaucoup plus facilement à l'égalité. On aurait peut-être,... disons... Ça ferait une variation, disons, entre 48 et 50 ou entre 48 et 52, là, pour un sexe ou pour l'autre, ce qui serait nettement une nette amélioration si on considère plusieurs partis, par exemple.

Donc, il me semble que, de ce point de vue là, ce n'est pas le truc optimal, ce qui est proposé à l'heure actuelle. On peut améliorer... Par ailleurs, je pense qu'on peut travailler à l'intérieur du cadre actuel et le bonifier et pour la proportionnelle et pour la représentation des femmes, et c'est dans cette optique-là que je l'ai fait.

M. Pelletier (Chapleau): O.K.

Le Président (M. Ouimet): Merci. Mme la députée de Chauveau.

Mme Perreault: ...

Le Président (M. Ouimet): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Lamoureux, merci pour votre présentation. La question des mesures financières pour inciter les partis politiques à présenter plus de candidatures femmes... Vous l'avez dit vous-même dans votre mémoire et dans votre présentation, au Québec, on est à 32 % de représentation féminine au sein de l'Assemblée nationale, c'est insuffisant, mais c'est un grand progrès depuis 1961, évidemment, et il reste encore du chemin à faire. Pourriez-vous expliquer aux gens qui nous écoutent pourquoi un parti politique doit-il bénéficier d'avantages financiers lorsqu'il présente une candidature féminine. Quelle est la logique qui commanderait qu'on puisse effectivement soutenir les partis de cette façon-là?

Mme Lamoureux (Diane): Bon. D'abord, je voudrais vous préciser que je ne recommande que les partis bénéficient d'un soutien financier en tant que partis, quand ils présentent des candidatures féminines, mais quand ils font élire des femmes...

Mme Houda-Pepin: Oui. J'ai bien compris. J'ai bien compris.

Mme Lamoureux (Diane): ...ce qui, pour moi, est une différence substantielle. Je pense que c'est important parce que les choses... Si effectivement la progression des femmes à l'Assemblée nationale a été exponentielle depuis 1961 ? après tout, il n'y avait qu'une seule femme en 1961, il n'y a eu qu'une seule femme jusqu'en 1976, et maintenant c'est 32 % de femmes à l'Assemblée nationale ? ce n'est pas lié à l'évolution naturelle des choses. C'est lié à plusieurs éléments. C'est lié au fait qu'il y a eu des luttes féministes pour l'égalité des femmes dans tous les secteurs de la société. C'est lié au fait que des femmes, à l'intérieur ? et pas seulement des femmes, mais surtout des femmes ? à l'intérieur des partis politiques ont essayé de transformer les usages internes de leur parti politique, dans quelques cas les règlements internes de leur parti politique, pour faire en sorte que plus de femmes soient présentées comme candidates à l'électorat. Et d'ailleurs je ferai remarquer qu'aux dernières élections générales il n'y avait que 28 % de candidates, mais 30 % d'élues, ce qui veut dire que l'obstacle n'est pas du côté de l'électorat, mais du côté des partis politiques. Bon.

Troisième élément qui a joué dans la progression du nombre de femmes, c'est la mise en place du programme À égalité pour décider, qui a permis de former plusieurs femmes qui hésitaient, qui ne se sentaient pas nécessairement préparées à vouloir se présenter sous la bannière de l'un, l'autre ou le troisième parti, là. Donc, je pense qu'il y a eu jusqu'à présent des mesures. Ce n'est pas une évolution naturelle. Il faut continuer les mesures.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Je voudrais vous demander, puisque vous êtes une experte, de nous parler de l'expérience française, où on a mis de l'avant des mesures pour la parité en politique pour les hommes et les femmes. Comment évaluez-vous cette approche et les résultats qu'elle a donnés?

Mme Lamoureux (Diane): Bon. J'évalue que l'approche... Les résultats sont très différents selon qu'il s'agit d'élections à la proportionnelle et d'élections au suffrage majoritaire.

Pour les élections à la proportionnelle, les dispositions de la loi française, c'est que les partis politiques doivent présenter un nombre égal de femmes et d'hommes par bloc de six candidatures, O.K.? La première fois que ça a été utilisé, ça a été au municipal. Ça a donné 47 % de femmes conseillères municipales. Donc, ça a plutôt bien marché parce que, si les partis ne rencontraient pas ce critère-là, ils ne pouvaient pas présenter leur liste. Donc, il y avait un caractère extrêmement contraignant de cette partie-là de la loi française.

Pour les élections au suffrage majoritaire, il n'y a pas du tout le même... Le caractère de contrainte est beaucoup moins grand, le caractère de contrainte est uniquement en ce qui concerne le financement public des partis politiques. La part du financement public des partis politiques est très variable selon les partis politiques. C'est-à-dire que plusieurs... Les petits partis politiques dépendent plus largement du financement public des partis politiques que les grands partis politiques. Et le résultat a été désastreux aux dernières législatives, les deux principaux partis politiques préférant se passer de la part de financement public plutôt que de présenter un nombre égal de femmes et d'hommes.

Mme Houda-Pepin: Donc, pour vous, la proportionnelle ne signifie pas qu'il y aurait nécessairement des résultats probants pour une représentation plus équitable des femmes en politique.

Mme Lamoureux (Diane): Au contraire, parce que... Bon, c'est-à-dire, la proportionnelle avec des mesures concernant l'égalité des femmes. C'est évident que la proportionnelle, en tant que telle, ne détermine rien sur la présence des femmes tant qu'on ne réglemente pas la confection des listes.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Merci.

Le Président (M. Ouimet): Merci. Alors, je vais maintenant du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Duplessis.

n(12 heures)n

Mme Richard: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Lamoureux. Bienvenue. Merci pour avoir déposé ce mémoire. Je vais avoir quelques questions parce que, quand vous parlez du système proportionnel... Et vous dites, dans votre mémoire, et vous l'avez cité, que pour vous on ne peut pas agir directement sur les députés de circonscriptions pour avoir plus de femmes, amener les femmes en politique. Là où on aurait un certain pouvoir, où on est capables d'agir, c'est plus sur une liste nationale. Mais, moi, je trouve qu'il y a quand même un paradoxe. Parce que, si on regarde, je veux dire... puis vous dites: Les partis n'ont pas tellement fait avancer la cause des femmes; moi, je crois que oui parce qu'on n'avait pas de députées de liste, on est dans un système uninominal à un tour et, je veux dire, on est à 30 quelques pour cent ? pour certains partis, c'est 32 % la moyenne ? donc il y a de plus en plus de femmes en politique. Je pense qu'il y a eu des mesures qui ont été mises de l'avant.

Et, moi, la question que je me pose comme femme, comme députée femme, c'est qu'on me privilégie, moi, parce que je suis une femme sur une liste en alternance. Moi, je suis pour l'égalité des femmes, je crois qu'on a travaillé, au cours des dernières décennies, à faire avancer la cause des femmes. Mais, moi, je me sens ? je ne sais pas si le terme est exact ? je me sens mieux dans ma peau de députée d'avoir franchi toutes les étapes, que ce soit lors d'une convention avec trois hommes, que j'ai rapportée majoritairement, et je me sens bien dans ce rôle-là, pas juste parce que je suis une femme ? je représente les hommes, les femmes, les ethnies. Donc, je ne voudrais pas qu'on fasse reculer la cause des femmes en les privilégiant sur une liste où, là, les gens n'ont pas leur mot à dire. Comprenez-vous bien le sens de ma pensée? Je trouve qu'il faut être extrêmement prudent.

Mme Lamoureux (Diane): Bon, je ne partage pas votre avis. Je pense que la Charte québécoise prévoit les mesures d'actions positives. La logique des mesures d'actions positives, c'est de dire qu'il y a eu des injustices historiques, et, après tout, le fait que les femmes n'aient pas eu le droit de vote jusqu'en 1940 me semble constituer une injustice historique, le fait qu'il n'y a pas eu plus qu'une femme présente à l'Assemblée nationale jusqu'en 1976, ça me semble rentrer dans la catégorie des injustices historiques. Il n'y a rien qui fait en sorte que biologiquement un homme serait plus qualifié à être député qu'une femme. Donc, dans ce cadre-là, il me semble que reconnaître qu'il y a eu des injustices historiques et prendre les moyens appropriés pour remédier à ces injustices historiques, ça ne veut pas dire privilégier indûment un groupe, ça veut dire que, comme société, on reconnaît qu'il y a eu des torts et que ces torts doivent être réparés.

Et par ailleurs la Loi électorale ne peut pas réglementer le fonctionnement interne des partis. C'est dans ce sens-là que je dis qu'il est très difficile... Les partis, par ailleurs, peuvent se doter de règles. Il y a plusieurs partis politiques qui... Bon, par exemple, le Parti vert en Allemagne et... les Parti vert en Allemagne et en France ont des règles d'alternance depuis très longtemps. Le Parti social-démocrate allemand a des règles. Les partis sociaux-démocrates et les partis conservateurs scandinaves ont des règles. Donc, il y a plusieurs pays où il y a des règles internes, mais ça ne relève pas de la Loi électorale et c'est pour ça que je n'en ai pas parlé.

Mais, pour moi, l'action positive est une mesure tout à fait légitime de correction des inégalités historiques, et des listes constituées en alternance ne veulent... c'est des membres des partis politiques, ça veut simplement dire qu'on estime qu'une femme est aussi compétente qu'un homme pour représenter les électeurs. Ça me semble quelque chose qui est défendable dans notre société et qu'il y a... Et par ailleurs j'estime qu'il y a suffisamment de femmes compétentes pour exercer cet emploi-là.

Mme Richard: Mme Lamoureux, je suis d'accord avec vous que les femmes sont autant compétentes que les hommes, et, oui, il y a eu une injustice, mais je ne voudrais pas que ? bon, je vous l'ai dit, ça a pris des décennies avant qu'on voit, là, une représentation assez... pas égalitaire des femmes à l'Assemblée nationale mais une bonne proportion, 32 %, on a fait un bon travail ? parce qu'il y a eu une injustice dans le passé, on s'en serve pour donner certains privilèges à la femme.

Et c'est là où je suis en désaccord sur certains de vos propos quand vous dites: Bon, c'est peut-être par la liste qu'on viendrait rétablir cette injustice. Je crois aussi qu'on peut agir au niveau des députés de circonscription. C'est ce qu'on avait fait par le passé, et, moi, je pense qu'on doit en faire encore davantage pour inciter les femmes en politique. Ça va bien plus que de dire à une femme: Tu vas être privilégiée sur une liste, de l'emmener en politique. Il y a tout un travail qui s'était fait.

Moi, j'ai des collègues, au parti, qui ont travaillé, qui, dans le temps, faisaient des assemblées de cuisine. Puis de valoriser, valoriser aussi la politique, valoriser le travail de la femme en politique, son rôle de députée, son rôle de parlementaire, on a un travail à faire là. Et, moi, je pense qu'on a un énorme travail à faire, qu'il va falloir continuer à le faire, mais pas juste être privilégiée sur une liste. Je pense qu'on doit aller au-delà de ça.

Mme Lamoureux (Diane): Bien, première chose, rien n'interdit aux membres des partis politiques de faire du travail à l'intérieur de leur parti politique, mais je ne pense pas que ce soit à la Loi électorale de définir les règles internes des partis politiques, bon, et donc de définir la façon dont les partis politiques choisissent leurs candidats ou candidates dans les circonscriptions.

Deuxième chose, je ne pense pas que ce soit privilégier un groupe qui constitue grosso modo la moitié de la population que de dire qu'il doit constituer la moitié des listes électorales. C'est simplement rétablir un équilibre. Ce n'est pas du tout un privilège.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Il reste 1 min 30 s à l'opposition officielle.

Une voix: Je te la laisse.

M. Thériault: Je voudrais... Si j'ai bien compris vos notes, votre mémoire, vous nous dites: Ce modèle qui est sur la table consacre le bipartisme... le tripartisme, de sorte que ce que l'on pourrait considérer comme un certain avantage dans le système actuel ou en tout cas une mesure, comment dire, du moindre mal dans le système actuel, qui est l'alternance, disparaîtrait. Vous nous dites qu'on est juge et partie à cette commission et que vous n'avez pas beaucoup... qu'un doute vous habite quant à la conclusion. Rapidement, vous êtes en faveur d'un plébiscite ou d'un référendum, j'imagine, qui viendrait peut-être un petit peu rééquilibrer votre doute. Et ensuite je viendrai avec la question du pluralisme.

Mme Lamoureux (Diane): Oui, je serais en faveur d'un référendum pour adopter les transformations du mode de scrutin.

M. Thériault: Au niveau du pluralisme, il y a des arbitrages que la population devra faire. On dit: Dans le système actuel, il y a détermination directe de la gouvernance, et même, à quelque part, ça joue... ça pourrait jouer dans le sens d'une dévalorisation du socle de la démocratie, qui est le pouvoir législatif au fond, la détermination, dans 125 circonscriptions, des représentants du peuple.

Le Président (M. Ouimet): Il vous reste 10 secondes, M. le député.

M. Thériault: Est-ce que le pluralisme doit être nécessairement privilégié versus la représentation régionale? J'aurais aimé ça vous entendre sur cela parce que vous prônez une répartition nationale.

Le Président (M. Ouimet): Très, très, très rapidement parce qu'il ne nous reste plus de temps.

Mme Lamoureux (Diane): Je prône une répartition nationale à l'intérieur d'un système où il y aurait 75 sièges de circonscription, donc les régions seraient représentées par les 75 sièges de circonscription, et rien n'exclut que les listes nationales comportent également des gens en provenance des diverses régions du Québec.

Le Président (M. Ouimet): Ça faisait partie des largesses de la présidence à l'endroit de l'opposition officielle.

M. Thériault: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Mme Lamoureux, lorsque je prends... lorsque je lis votre mémoire, vous nous indiquez tout simplement que le statu quo, c'est l'alternance à tous les quatre ou huit ans ? c'est plus à tous les huit ans. Je comprends aussi que vous indiquez que la réforme proposée, c'est une régression parce que, là, il y aurait un parti qui aurait gagné pendant, je dirais, des décennies.

Dans vos solutions, vous dites: Peut-être, le vote... deux votes, ce serait une des solutions. Vous avez dit, tout à l'heure, aussi la compensation nationale, mais vous êtes aussi pratique. Mais c'est quoi, le nombre de districts qui serait acceptable pour avoir une réforme qui n'est pas une régression puis qui n'établit pas une alternance non plus, là? Tantôt... Hier... Tantôt, M. Milner, il parlait de 16 par rapport... 14 par rapport à 26. Est-ce que vous avez fait l'analyse du nombre cible de districts pour que ce soit efficace comme réforme?

n(12 h 10)n

Mme Lamoureux (Diane): Bon, moi, ce que je privilégie, c'est en fait un seul district.

M. Picard: Oui, O.K., mais vous avez dit que vous étiez pratique, aussi.

Mme Lamoureux (Diane): Oui. Mais c'est ce qui fonctionne à l'intérieur d'un système mixte. Par ailleurs, il me semble que le gros défaut sur le pluralisme se situe... Bon, c'est vrai que ça fait un seuil très élevé. Pour avoir un seuil de 5 %, à vue de nez, il ne faudrait pas dépasser le... il ne faudrait pas dépasser quelque chose comme une douzaine de districts, là, puis là ça poserait problème pour essayer de les constituer.

Moi, il me semble que ce qui pourrait le mieux assurer le pluralisme, c'est deux votes distincts. Ce n'est pas un chambardement total. Au municipal, on vote au moins sur deux bulletins de vote. Dans certains endroits comme à Montréal, on peut voter jusqu'à quatre fois dans la même élection, et je suppose que les gens ne sont pas plus bêtes, à l'échelle du Québec, quand ils votent pour le provincial que quand ils votent pour les élections municipales. Donc, deux votes permettraient de distinguer les préférences partisanes et les choix stratégiques au niveau de chacune des circonscriptions.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. le député. Alors, du côté des citoyens, maintenant, citoyennes. M. Acharid.

M. Acharid (Mustapha): Oui, bonjour, Mme Diane. Moi, j'ai une question: Si, dans le cas où, le pourcentage des hommes, il est en bas de 35 %, est-ce qu'on va rappliquer votre recommandation pour corriger la situation?

Mme Lamoureux (Diane): Bon. C'est évident qu'à partir du moment où on atteint durablement, et là on peut... il y a des propositions qui ont été faites, entre autres par le Collectif Féminisme et Démocratie, pour considérer que «durablement» est trois élections consécutives, une proportion de femmes qui s'approche du 50 %, là, je veux dire, ces mesures-là deviendront caduques. Je n'ai pas encore vu, suite à des mesures d'action positives, quelque profession que ce soit où la proportion des femmes soit tombée en bas... des hommes soit tombée en bas du 35 %.

M. Acharid (Mustapha): Mais, si la tendance continue...

Mme Lamoureux (Diane): Oui, mais ce n'est pas une tendance. Selon moi, c'est lié à toute une série de facteurs et ça peut s'interrompre, ces tendances-là.

M. Acharid (Mustapha): Merci.

Le Président (M. Ouimet): Merci. Alors, Mme Proulx.

Mme Proulx (Mélanie): Oui, Mme Lamoureux. Dans la mesure où l'on veut augmenter aussi les élus issus des minorités... les ethnies, est-ce que vous ne croyez pas qu'une alternance homme-femme, ce ne serait pas favoriser finalement l'élection des femmes par rapport à celle des minorités? Est-ce que... Puis aussi d'y aller d'alternance minorité-francophone, ce ne serait pas excessif? Je ne sais pas si vous comprenez un peu ma question.

Mme Lamoureux (Diane): Oui.

Mme Proulx (Mélanie): Est-ce qu'il n'y a pas une différence?

Mme Lamoureux (Diane): Bien, je pense que les minorités ethnoculturelles sont comme la majorité ethnoculturelle, c'est-à-dire qu'il y a des hommes et des femmes. Donc, je veux dire, l'alternance homme-femme n'empêche pas que ces hommes et ces femmes viennent de diverses provenances ethnoculturelles. Je n'ai pas parlé de cet aspect-là dans mon mémoire. Comme je vous dis, je me suis limitée à deux choses. On pourrait également établir des mesures sur des listes nationales concernant, bon, la proportion de membres des communautés ethnoculturelles, là, c'est à peu près 12 % ? encore qu'il faudrait les définir, parce que dans la loi ce n'est pas très clair ce qu'est une communauté ethnoculturelle. Mais donc, mettons qu'il y a 12 % de... puis il faudrait déterminer à partir de combien de générations on est une communauté ethnoculturelle. Bon, ça pose beaucoup de problème. Homme et femme, c'est plus facile, c'est établi par l'état civil.

Il y a beaucoup de flou artistique dans la notion de communauté ethnoculturelle, mais on pourrait faire, dans les listes nationales, des mesures similaires pour dire que, je ne sais pas, moi, à chaque huit candidatures, il doit y avoir une personne, homme ou femme, appartenant à une minorité ethnoculturelle. Donc, ce n'est pas des mesures qui sont contradictoires.

Le Président (M. Ouimet): Bien, merci. Alors, du côté maintenant ministériel, Mme la députée de Chauveau.

Mme Perreault: Merci beaucoup, M. le Président. Mme Lamoureux, je vais partager l'opinion de ma collègue la députée de Duplessis quant aux réserves que j'ai sur l'obligation de mettre des femmes sur des listes.

Je vous dirais que j'ai eu l'occasion dernièrement, et je l'ai fait avec la députée de Taschereau, d'échanger avec des femmes françaises justement sur la problématique des femmes en politique. Et vous avez raison de dire qu'en France la loi sur les quotas est un désastre au niveau de la représentation des femmes. Au niveau du Parlement français, il n'y a que 12 % de femmes en France, imaginez-vous, dans une société comme la France. Alors qu'on a voulu être coercitif, on a eu exactement l'effet contraire. Donc, moi, j'ai extrêmement de réserves quant à des mesures qui seraient coercitives qui d'une part n'ont pas... d'après les expériences qu'on voit, n'ont pas donné de résultat probant, deuxièmement, qui d'après moi discréditent la valeur des femmes.

Moi, pour avoir été candidate en 1998, j'ai perdu une investiture où il y avait trois femmes qui se présentaient dans mon comté, et je vais vous dire honnêtement que j'étais très fière de ça même si j'ai perdu cette investiture-là. Dans mon parti politique, je pense que la députée de Duplessis va être d'accord avec moi pour dire qu'on fait beaucoup de travail, nous, les femmes, et on le fait en collaboration avec les hommes pour essayer de recruter des femmes pour être candidates. Je l'ai moi-même fait et je peux vous dire toute la difficulté que ça représente pour nous les femmes de convaincre d'autres femmes de se présenter en politique.

Et là je pense que, moi, le défi pour moi qui suis une femme... Il est là, notre défi à nous, femmes qui sommes députées, de convaincre d'autres femmes de se joindre à vous. Et j'aurais presque envie de vous poser la question. Une femme de votre valeur pourrait très bien être candidate à une élection, et vous avez sûrement d'excellentes raisons de ne pas l'être, comme une multitude de femmes, et, moi, ça, je suis très sensible à ça.

Je vous dirais également qu'il y a des consultations qui ont été faites ? je n'ai pas le document avec moi, c'est dommage, mais on l'a présenté en France ? à l'intérieur de nos formations politiques. L'ADQ évidemment n'a pas été consultée parce que c'est il y a quelques années. Je serais curieuse de voir s'ils le faisaient à l'interne. D'après moi, ils auraient les mêmes résultats, à savoir que les femmes qui sont en politique sont contre des mesures coercitives qui inciteraient les femmes à venir en politique. Alors...

Et l'expérience de la femme, je veux juste ajouter une chose, vous avez parlé tout à l'heure des règles des partis en France, le Parti vert notamment, et ça aussi c'est une mesure coercitive. Et le résultat, c'est qu'il y a 12 % de femmes au Parlement français. Donc, à moins que... Je n'ai pas votre expérience, je n'ai pas vos connaissances, mais de visu force est d'admettre que les mesures coercitives sont des mesures qui sont dépassées, à mon point de vue. Il faut être davantage dans la pédagogie, dans l'éducation et dans le modèle. Et je pense que nous sommes... Les femmes parlementaires, en tout cas, je pense que nous sommes solidaires de cette vision-là, et je vous le dis en toute sincérité et je l'ai partagé également avec la députée de Taschereau qui pourra en témoigner aujourd'hui et avec mes consoeurs.

Donc, je veux... C'est le commentaire que je voulais vous faire. Alors, vous comprendrez que, dans les obligations des partis politiques, de faire la démonstration qu'ils vont présenter des femmes... En France, les femmes nous ont dit: Les partis politiques étaient plus intéressés à payer des amendes notamment pour la loi sur les quotas que de rendre des comptes quant à la nécessité de présenter des femmes.

Une voix: Et de recevoir des compensations.

Mme Perreault: Exactement. Et de recevoir des compensations. Donc, l'enjeu n'est pas là. Et, moi, je pense que la fierté pour nous, les femmes, d'être en politique, c'est justement d'être arrivées à 32 % de représentation et de l'avoir fait à force de conviction et à force d'avancement dans la société québécoise.

Et je trouve que 40 ans, moi, pour avoir fait le chemin qu'on a parcouru, moi, je suis extrêmement fière de ça, et honnêtement je pense qu'on est capables de se rendre à 50 %. Le Conseil du statut de la femme dit qu'à 40 % ? ce n'est peut-être pas le Conseil du statut de la femme; mais qu'à 40 % ? de représentation féminine on a un poids qui serait sensiblement égalitaire, une masse critique pour... et je pense que c'est le cas. Donc, je vous laisse sur cette pensée-là et je vous pose la question en même temps. Convainquez-moi de la nécessité d'être coercitifs dans ces mesures-là, et je changerai d'idée mais, pour l'instant, moi, je pense qu'on a évolué et je suis d'accord avec la députée de Duplessis.

Le Président (M. Ouimet): Il ne reste à vrai dire pas de temps, mais je pense que ce ne serait pas juste de ne pas vous laisser de temps pour réagir. Alors, je vous laisse une réaction au commentaire de la députée de Chauveau.

Mme Lamoureux (Diane): Bon, je pense que vous avez mal compris mon intervention. Les mesures coercitives qui concernent le fait de ne pas pouvoir présenter des listes ont très bien marché en France en ce qui concerne les élections municipales. Les mesures qui n'ont pas marché, c'est les mesures incitatives, c'est-à-dire l'amende, c'est ça. Parce qu'on regarde la loi sur la parité, c'est une mesure incitative, l'amende. Et le pourcentage de financement public des partis politiques en France et au Québec est différent. Donc, ça aussi, il faut le prendre en considération. Et ce n'est pas parce qu'une chose ne marche pas en France que ça ne marche pas ailleurs. Il y a beaucoup de retard... Bon. Par ailleurs, je trouve désolant que des députés des deux partis principaux à l'Assemblée nationale disent s'opposer au programme d'action positive.

n(12 h 20)n

Le Président (M. Ouimet): Bien, alors, ce dernier commentaire appellerait d'autres commentaires, mais, à ce moment-ci, il reste un peu de temps pour les citoyennes, les citoyens. Si je n'ai pas de demande, je vais mettre un terme... il ne reste plus du temps du côté ministériel.

Des voix: ...

Le Président (M. Ouimet): Voilà. Alors, écoutez, on va mettre un terme à cet échange fort intéressant. Mme Lamoureux, je vous remercie infiniment pour votre présentation. Votre point de vue est très intéressant, et ça vient enrichir nos débats. Merci à vous.

Je suspends les travaux jusqu'à la fin de la période des affaires courantes, cet après-midi. Je vous demande de ramasser vos effets, vos documents parce qu'il y aura caucus ici, à 12 h 30. Alors, je suspends les travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 21)

 

(Reprise à 15 h 36)

Le Président (M. Ouimet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission spéciale sur la Loi électorale reprend ses travaux. Je demanderais encore une fois à toutes les personnes qui ont un téléphone cellulaire de bien vouloir éteindre la sonnerie de leur appareil.

Je vous rappelle que le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières à l'égard de l'avant-projet de loi intitulé Loi électorale. Alors, M. Réjean Pelletier, je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vois que vous avez déjà pris place.

Alors, les règles, je pense, vous les connaissez. Nous vous cédons la parole pour une période d'environ 20 minutes, puis par la suite s'amorce une période d'échange avec vous. Alors, à vous la parole.

M. Réjean Pelletier

M. Pelletier (Réjean): Alors, merci, M. le Président. Je vous remercie aussi de m'avoir invité à venir partager avec vous quelques réflexions. Il y a déjà des gens, je pense, ici qui connaissent mes positions. De toute façon, je vais me répéter par certains côtés, mais en tout cas, pour d'autres, ce sera quelque chose de nouveau.

Je voudrais procéder en trois temps: tout d'abord, commencer par quelques considérations plus générales, donc soulever aussi des questions, faire quelques commentaires en cours de route; ensuite, m'arrêter, dans un deuxième temps, à quelques points plus particuliers de l'avant-projet de loi; et, dans un troisième temps ? tout dépendra du temps qu'il me restera justement ? parler un peu des avantages du mode de scrutin majoritaire et des avantages du mode de scrutin mixte compensatoire.

Je voudrais aussi ajouter que mon exposé porte essentiellement sur le mode de scrutin et non pas sur d'autres aspects de l'avant-projet de loi. Je pense que, par rapport aux autres aspects, c'est vraiment le point le plus important qui est abordé dans l'avant-projet de loi, qui est le mode de scrutin. Et je vais me concentrer donc davantage sur cet aspect-là.

Alors, ceci étant dit, donc quelques considérations générales. Je voudrais d'abord répondre à une question: À quoi ça sert, une élection et donc à quoi ça sert, un mode de scrutin dans un cadre... dans le cadre d'une élection? Évidemment, la première des réponses qui vient à l'esprit, c'est... On dit toujours: C'est choisir des représentants et des représentantes, c'est-à-dire des gens qui sont appelés à nous représenter, puisqu'il n'y a pas de démocratie directe. On est en démocratie de représentation. Alors, on va élire des gens qui sont appelés à prendre des décisions en notre nom.

Oui, c'est un aspect important évidemment de la démocratie et de l'élection et du mode de scrutin, mais il y a plus que ça. Je dirais aussi, lorsqu'on regarde notre mode de scrutin et d'autres modes de scrutin aussi, mais celui avec lequel on fonctionne déjà, que le mode de scrutin et l'élection nous aident aussi à choisir le parti politique qui sera appelé à nous gouverner, donc à choisir le futur gouvernement, pas seulement des représentants et des représentantes, mais aussi le gouvernement lui-même. Contrairement, par exemple, à ce qui se passe aux États-Unis avec le système présidentiel, et tout ça, nous, on a cette possibilité, en élisant un parti politique, donc de choisir un futur gouvernement. Et je dirais que c'est ça qui correspond peut-être davantage à la réalité d'aujourd'hui. Plus que le choix du représentant, c'est le choix d'un parti politique, d'autant plus que nos choix électoraux sont structurés par les partis politiques en place. Alors, on se positionne par rapport à ces partis-là.

Alors, l'électorat donc est appelé ? et ça, je pense qu'on vous l'a peut-être déjà dit, mais on va vous le répéter certainement ? à porter un double jugement au moment d'une élection: un jugement rétrospectif, c'est-à-dire on essaie de voir qu'est-ce que le gouvernement en place a déjà fait, est-ce qu'on en est satisfait ou pas, et un jugement prospectif. Si on en est satisfait, on va dire: On va réélire ce parti-là pour former le gouvernement. Si on n'en est pas satisfait, on va choisir un autre parti. Et donc, vous voyez qu'il y a cet aspect-là dans toute élection: porter un jugement sur le gouvernement en place et de voir, pour l'avenir, qu'est-ce qu'on pourrait faire. Est-ce qu'il faudra changer de gouvernement, donc changer de parti au pouvoir, ou bien le maintenir en place?

n(15 h 40)n

Troisième aspect que je veux ajouter: le changement de gouvernement, donc changement de parti au pouvoir, ça reste aussi, en démocratie, un aspect important. C'est-à-dire que, qu'il y ait une certaine forme d'alternance au pouvoir, je crois que c'est important en démocratie. Le pire des scénarios, c'est celui où c'est toujours le même parti qui détient toujours le pouvoir. C'est le pire des scénarios en démocratie. C'est possible, mais je dirais que ce n'est pas un scénario qu'il faut favoriser.

À partir de tout ça, je constate aussi en même temps que, dans le cadre actuel, les citoyens et les citoyennes du Québec restent encore attachés malgré tout à leur député. Ils ont un attachement au député, celui qu'on va élire dans sa circonscription, et c'est un aspect qu'il ne faut pas négliger lorsqu'on parle de réforme du mode de scrutin, cet attachement, je dirais très profond, à l'égard de son député.

Donc, à partir de ce double constat, attachement à son député, choix d'un parti appelé à former le gouvernement, qu'est-ce qu'on peut faire? Il y a deux solutions, je dirais, qu'on pourrait préférer: l'une, qui est le maintien du mode de scrutin actuel, puisqu'on retrouve cet attachement au député dans le cadre d'une circonscription et qu'on choisit effectivement un parti politique qui sera appelé à nous gouverner durant les quatre ou cinq prochaines années; ou bien on peut choisir aussi un autre mode de scrutin, le mode de scrutin mixte, celui dont on parle ici, dans l'avant-projet de loi, mixte compensatoire, ou un mode de scrutin vraiment mixte. Pour moi, ce n'est pas le même qui est proposé dans l'avant-projet de loi.

Je peux, disons, afficher mes couleurs immédiatement. Je préfère un mode de scrutin vraiment mixte dans le sens suivant, c'est-à-dire qu'il y a un certain nombre de députés élus dans le cadre d'une circonscription, ce qui est déjà proposé, et donc avoir, par exemple, 75 députés élus dans le cadre territorial d'une circonscription, et avoir ensuite, disons, 50 députés élus à la proportionnelle. Pour moi, plutôt que la proportionnelle vienne servir de compensation aux distorsions qui auraient pu être causées par le mode de scrutin uninominal à un tour, tout simplement je le verrais en parallèle de l'autre, et on viendrait additionner tout simplement ce à quoi auraient droit les partis, dans le cadre de régions ou de districts, additionner leur représentation à ce que les citoyens ont déjà fait par l'élection au mode de scrutin uninominal à un tour dans le cadre d'une circonscription. C'est-à-dire qu'à ce moment-là évidemment ça voudrait dire donner deux votes à chaque citoyen: le vote pour le candidat ou la candidate dans la circonscription et le vote pour un parti dans la région ou dans le district, et on additionnerait purement et simplement les résultats d'un côté comme de l'autre, plutôt que de dire...

C'est parce que ce qui me gêne un petit peu dans la compensation, c'est de dire: Bien, on voudrait une proportionnelle, mais on n'en veut pas trop, puis en même temps, bon, il faut fonctionner en même temps avec le mode de scrutin uninominal, mais il faudrait le corriger en allant choisir ailleurs pour avoir d'autres députés pour compenser.

En somme, c'est presque que de dire aux gens: Vous n'avez pas bien voté dans le premier cas, et donc il faut avoir autre chose pour compenser. Ce que je préfère, c'est de dire: Vous avez bien voté dans le premier cas. Je respecte vos choix. Et ensuite on additionne vos choix que vous allez faire dans l'autre cas, tout simplement. Et donc, pour moi, ce serait de dire: Je respecte la volonté des gens qui s'est exprimée d'une façon ou de l'autre et j'additionne tout ceci, finalement.

Alors donc, ceci ne correspond pas exactement à l'avant-projet de loi sur... D'abord, l'avant-projet de loi est de nature compensatoire. Pour moi, je verrais plutôt additionner les résultats plutôt que de compenser à la suite du résultat du mode de scrutin uninominal à un tour dans les circonscriptions. Et, de l'autre, on dit qu'il n'y aurait pas deux votes, mais un seul vote. Je préfère deux votes, c'est-à-dire qu'il y ait un bulletin à deux volets et que l'on vote pour un candidat dans une circonscription et ensuite que l'on vote pour un parti dans le cadre d'une région ou d'un district.

Autres considérations ? et je vais revenir sur des points plus précis aussi de l'avant-projet de loi, là; autres considérations ? que je soumets à votre réflexion tout simplement. Je n'ai pas, ici, je n'ai pas de réponse à tout, là. Je vais souvent poser des questions aussi. Alors, selon moi, un gouvernement majoritaire, c'est-à-dire à un seul parti, favorise certainement une meilleure imputabilité, une meilleure reddition des comptes au moment des élections, puisqu'il n'y a qu'un seul parti au pouvoir. Donc, s'il n'a pas rempli son mandat, on ne peut que blâmer ce parti-là et non pas d'autres partis, surtout s'il y avait une coalition. Donc, c'est très clair qu'un gouvernement majoritaire à un seul parti, ça favorise une meilleure imputabilité, une meilleure reddition des comptes et une meilleure possibilité de porter un jugement rétrospectif sur le gouvernement en place.

Ce peut être la même chose aussi pour un gouvernement minoritaire. Un gouvernement de coalition ? on y reviendra tout à l'heure ? ça pose d'autres problèmes. Et il est clair que, plus on a de proportionnelles, plus on s'oriente vers des gouvernements de coalition, pas nécessairement, mais il y a de fortes chances qu'on en arrive plutôt à des gouvernements de coalition. Alors, un gouvernement minoritaire... Mais évidemment, là, il peut y avoir des problèmes, puisque les autres partis peuvent l'empêcher aussi de vraiment adopter son programme ou mettre en place son programme, comme on le voit déjà à Ottawa, à l'heure actuelle, où ça pose... Il doit y avoir plus de négociations avec les tiers partis, et tout ça, si on veut faire passer sa législation. Donc, pour moi, un gouvernement majoritaire va favoriser certainement une meilleure reddition de comptes, meilleure imputabilité.

Deuxième point, toujours dans ces considérations supplémentaires, là: les scrutins proportionnels produisent le plus souvent des gouvernements de coalition. Je dis «le plus souvent». Ce n'est pas automatique, mais, plus on a de proportionnelles, plus il y a des chances qu'on ait des gouvernements de coalition. Et là je pose les questions suivantes, puisqu'on parle beaucoup de démocratie: Est-ce que la fabrication d'une majorité parlementaire concoctée par les états-majors des partis, est-ce que c'est plus démocratique, pour en arriver justement à un gouvernement de coalition, est-ce que c'est plus démocratique qu'une majorité qui serait acquise à la suite d'une pluralité des voix? Ça me pose des problèmes, y compris sur un plan strictement démocratique. Je ne suis pas sûr que ce soit nécessairement plus démocratique.

À cet égard, donc, je préfère nettement les coalitions qui seraient formées, je dirais, avant les élections plutôt qu'après les élections. Avant les élections, au moins, la population sait à quoi s'en tenir. Par exemple, comme en France, lorsque le Parti socialiste fait coalition avec les communistes et avec les verts, même présente un programme commun, on va encore plus loin, on sait à quoi s'en tenir. On sait qu'il y aura une coalition, mais au moins, la coalition, elle est claire, elle est nette. Ici, si la coalition se forme après les élections, ça veut dire qu'il y a un marchandage entre les partis politiques. Donc, pour moi, ce n'est pas nécessairement plus démocratique.

Autre question que je pose: Est-ce finalement plus démocratique qu'un tiers parti, celui qui arrivera en troisième ou quatrième position, soit celui qui permette la formation d'un gouvernement majoritaire? C'est-à-dire, pour en arriver à une majorité, est-ce que c'est plus démocratique d'additionner un plus trois contre deux, contre le deuxième, ou même, parce que ceci est possible, deux plus trois contre un, celui qui aurait plus de députés, mais que la coalition se formerait entre le deuxième parti et le troisième, et avoir une majorité? Est-ce que ce serait plus démocratique, finalement? Je n'ai pas de réponse, mais je soulève la question, et je pense que ça vaut la peine de s'y arrêter parce qu'en démocratie, là, ça pose certains problèmes, surtout lorsqu'on en arriverait ? et ce n'est pas impossible ? que la coalition soit le deuxième parti, en termes de députés, avec le troisième, et ce n'est pas impossible du tout. Et est-ce que ce serait plus démocratique aussi que le troisième parti ou même le quatrième empêche le premier parti de mettre en oeuvre une bonne partie de son programme en formant la coalition, puisqu'il y aurait des négociations, inévitablement?

Et donc prenez en somme la situation actuelle au Québec. Il y a trois partis, là: le Parti libéral au pouvoir, il y a le Parti québécois, il y a l'ADQ. D'abord, avec qui on aurait formé coalition? Si on prend ces trois-là, il y aurait eu des problèmes de coalition, très, très clairement. Il ne faut pas oublier que l'ADQ, c'est quand même... résulte d'une scission à l'intérieur du Parti libéral. Est-ce qu'on formerait coalition PLQ et ADQ? Je ne sais pas. L'ADQ n'est quand même plus... Si elle l'a déjà été, elle n'est plus souverainiste. Est-ce qu'elle formerait coalition avec le Parti québécois? Ce n'est pas sûr non plus. Alors, vous voyez donc comment on se retrouverait, au lendemain des élections, pour former une telle coalition.

Des voix: ...

M. Pelletier (Réjean): Comment?

Des voix: ...

M. Simard: Comme en Allemagne.

M. Pelletier (Réjean): Comme en Allemagne.

M. Simard: Comme en Allemagne, avec un grand succès.

M. Pelletier (Réjean): Oui. C'était le...

Le Président (M. Ouimet): Alors, poursuivez, M. Simard... M. Pelletier.

n(15 h 50)n

M. Pelletier (Réjean): Oui. Troisième considération ? toujours, je soulève donc un certain nombre de questions, là ? je pense aussi qu'un mode de scrutin, quel qu'il soit, ne devrait pas être un frein puissant à l'alternance au pouvoir, ce que je considère comme un élément essentiel de la démocratie, donc qu'il y ait possibilité de changer de parti au pouvoir.

Je dirais qu'à cet égard-là le mode de scrutin actuel permet quand même une telle alternance. Pourquoi? Parce que le mode de scrutin, comme il conduit à des distorsions, il vient amplifier la volonté de changement, alors qu'un mode... et plus on aurait la proportionnelle, moins ce serait vrai, c'est-à-dire que, lorsqu'on a une vraie proportionnelle, la volonté de changement, elle n'est pas amplifiée; même, je dirais qu'elle est réduite, on la voit de moins en moins, et surtout si ce sont des partis en coalition et que le changement se fait entre le premier parti de la coalition et le deuxième. À ce moment-là, on reste dans les mêmes eaux, on a la même coalition, mais tout simplement on n'a pas le même nombre de joueurs d'un côté comme de l'autre.

Alors, vous voyez qu'ici, là, pour moi, la population, lorsqu'elle veut du changement, avec le mode de scrutin actuel, ça vient l'amplifier. Peut-être trop parfois, parce qu'on a vu des raz-de-marée qui ont amené à un tel balayage que là, vraiment, c'était peut-être trop, mais en même temps, dans l'utilisation d'une proportionnelle, il est assez clair que, plus on aura de proportionnelles, moins ça permettra cette amplification d'une volonté de changement au sein de la population. Donc, la distorsion a aussi, je dirais, parfois des effets bénéfiques. C'est ça que je veux dire, en somme. La distorsion que l'on connaît déjà peut aussi amener des distorsions dans l'amplification de la volonté de changement, mais, en même temps donc, il y a aussi des limites, je pense, à cet égard-là.

Quatrièmement, le changement au mode de scrutin est un changement important, majeur dans le fonctionnement de nos institutions démocratiques. Je suis bien d'accord ici avec ce que disait le ministre Pelletier, dans Le Devoir du 9 juin ? et je le cite ici: «Le processus de sélection des élus constitue l'un des piliers centraux de la démocratie représentative.» Je suis parfaitement d'accord, et, pour moi, c'est tellement important qu'ou bien ça devrait requérir finalement l'accord des trois partis représentés actuellement ou bien qu'on pourrait consulter la population sur le sujet.

Je pense qu'il y aurait une occasion idéale pour consulter la population sur le sujet; c'est au cours de la prochaine élection. Comme il est clair que le mode de scrutin, qu'il soit modifié ou non, s'il est modifié, ne sera pas mis en vigueur à la prochaine élection, je pense que ce serait l'occasion idéale de consulter la population elle-même, de savoir qu'est-ce qu'elle veut à ce sujet-là, est-ce qu'elle préfère le mode actuel ou des modifications, un peu comme on l'a fait en Colombie-Britannique, au cours d'une élection donc, et on a appelé les gens à se prononcer à cet égard-là.

Ceci étant dit, je vais revenir sur quelques aspects ici de l'avant-projet de loi, des aspects ici qui m'apparaissent un peu plus problématiques ? et je soulève là encore un certain nombre de questions, et je n'ai pas toujours des réponses à tout ? en ce qui a trait à la carte électorale, donc les articles 166 à 169, là, de l'avant-projet de loi. Il y aurait 77 circonscriptions ramenées à 75. Donc, 75, si on exclut les Îles-de-la-Madeleine et le Nunavik, là, c'est le même nombre que de circonscriptions au niveau fédéral, et ceci me pose un problème dans le sens suivant: Est-ce qu'il faudrait deux commissions de représentation électorale ou une seule? Est-ce qu'on pourrait se... on devrait se servir ou non de celle du fédéral ou pas? Donc, ça va se poser, ce problème-là.

Deuxième aspect: ce qui est proposé, c'est un assez grand nombre de districts, de 23 à 27, avec un à trois sièges de proportionnelle. Si on veut vraiment qu'il y ait une certaine forme de proportionnalité, je pense qu'il faudrait réduire le nombre de district. Pour moi, idéalement, ce serait de 12 à 15, et d'avoir trois à cinq députés plutôt à la proportionnelle. Là, la proportionnelle pourrait jouer davantage. Quand il y a un seul siège ou deux, il n'y a pas beaucoup de proportionnelles qui jouent dans ce cadre-là, et donc, si on en a trois ou cinq, là il y aurait plus de chances de faire jouer véritablement la proportionnelle.

Troisième aspect aussi, on fait référence souvent à des modèles qu'on retrouve ailleurs, qu'on retrouve en Allemagne, en Écosse, en Nouvelle-Zélande, au pays de Galles. Oui, on peut s'en inspirer, je pense, mais il faut voir que la situation du Québec ne se compare pas non plus exactement à la situation ailleurs.

Disons, sur le plan géographique entre autres, le Québec est un territoire immense, ce qu'on ne retrouve pas en Allemagne, ni en Écosse, ni en Nouvelle-Zélande, ni au pays de Galles, ça, c'est très clair. Et au plan démographique évidemment, avec l'Allemagne, on ne se compare pas, là. On peut se comparer davantage avec l'Écosse, et encore là; même pas avez la Nouvelle-Zélande non plus. Donc, il faut voir un peu qu'est-ce qui se passe ailleurs à cet égard-là et surtout que, la culture politique qui s'est développée en Allemagne, elle est venue surtout à la suite de la Deuxième Guerre mondiale.

Je continue par la liste à l'intérieur des articles 288 à 292, une liste dans le district avec un ordre déterminé par le parti. Je pense qu'on pourrait prévoir les interventions des militants dans le choix, dans cet ordre, dans l'établissement de cet ordre. Mais ça, ça relève davantage des partis politiques eux-mêmes. Il est difficile de les obliger à faire ceci, mais je pense que c'est ce que les partis seront appelés à faire par la suite. Il y aurait une autre solution, c'est qu'on pourrait aussi aller plus loin et dire à l'électeur: Établissez une préférence dans la liste que vous avez devant vous. Donc, avoir un vote préférentiel. Alors, à ce moment-là, c'est l'électeur tout simplement qui établit sa préférence plutôt que le parti lui-même.

Le Président (M. Ouimet): ...

M. Pelletier (Réjean): Oui?

Le Président (M. Ouimet): Vous êtes à court de temps, à vrai dire.

M. Pelletier (Réjean): O.K.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci infiniment pour votre présentation, mais on aura l'occasion de toute façon de poursuivre l'échange par le biais des questions avec les membres de la commission, et je commence dès maintenant avec le ministre responsable de la... J'ai de la misère avec le titre.

M. Pelletier (Chapleau): De la Réforme.

Le Président (M. Ouimet): De la Réforme, voilà.

M. Pelletier (Chapleau): De la Réforme des institutions démocratiques. Merci beaucoup. M. Pelletier, merci d'être ici. Merci de votre présentation, et je pense que c'est une présentation qui va alimenter notre réflexion.

Je constate que le système que vous proposez est un système qui dans le fond corrige très peu, je dirais, les... corrige très peu les écarts entre, en fin de compte, le nombre de votes recueillis par les partis et le nombre de sièges qu'ils obtiennent au Parlement. Or, plusieurs personnes nous disent: Nous, on est bien prêts à embarquer dans une réforme du mode de scrutin, mais il faut que ça corrige les écarts. Pour eux, c'est, disons, le principe qui est le plus important: la correction en quelque sorte des écarts. Alors, vous, votre système ne nous permet pas de corriger les écarts, du moins pas autant que ce que nous proposons dans l'avant-projet de loi, et même, je dirais, assez peu.

Alors, ça m'amène à la question: Pourquoi, à ce moment-là, opterions-nous pour votre système? Parce que je ne vois pas quels seraient les bénéfices en tant que tels pour le système démocratique au Québec.

M. Pelletier (Réjean): Oui, il est vrai que ça corrigerait moins les écarts que ce qui est proposé par le mode de scrutin, là, dans l'avant-projet de loi, le mode de scrutin mixte compensatoire. Par contre, j'ai quand même deux interrogations par rapport à ce mode de scrutin mixte compensatoire. Le premier, c'est qu'on a quand même beaucoup de districts, et forcément aussi la compensation est moindre, surtout lorsqu'il n'y aurait qu'un seul ou même deux députés à élire dans le cadre d'un district. Je pense qu'il faudrait réduire le nombre de districts et augmenter le nombre de députés à faire élire, à ce moment-là, par le système mixte compensatoire. Donc, là, on corrigerait encore davantage les écarts. Je ne suis pas sûr donc que ce soit... disons, oui, ce serait une meilleure correction, mais, pour moi, elle ne jouerait pas beaucoup dans certains cas, lorsque surtout il n'y aurait qu'un seul ou deux députés au maximum à faire élire dans le district.

n(16 heures)n

L'autre aspect, il est clair que je favorise plus une certaine stabilité gouvernementale et je favorise moins l'idée d'une coalition. Évidemment, plus on met de proportionnelles, plus on en arrivera à une forme de... à des formes de coalition. Pour moi, j'aime mieux encore un gouvernement qui est responsable de ce qu'il fait et pour lequel on ne peut pas accuser un deuxième ou un troisième parti de coalition, disons, en faisant porter l'odieux sur le parti de la coalition, le deuxième ou le troisième, peu importe, là, et en disant: Bien, oui, j'aurais voulu faire telle chose, mais, non, là, je ne pouvais pas le faire, et tout ça. Un peu comme ça arrive aussi lorsqu'on a un gouvernement minoritaire et que les partis vont tout simplement se liguer pour dire: Non, ceci ne passera pas.

Alors, à ce moment-là, je préfère quand même qu'un gouvernement puisse gouverner et qu'ensuite il soit tenu responsable de ce qu'il a fait et que la situation soit claire. D'ailleurs, c'est pour ça que je dis: Si on en arrive là, pour moi, il faudra en arriver aussi au fait que la population devrait savoir, durant la campagne électorale, qui formera coalition avec qui. Sinon, c'est laisser ceci aux états-majors des partis après les élections. Et pour moi c'est moins démocratique encore que tout autre changement qui serait apporté.

Et donc c'est tout ça que je mets en balance ici. Et je suis tout à fait conscient que ce que je propose n'apporte pas de grands chambardements, oui, corrigerait certaines choses, mais pas de grands chambardements, mais en même temps aussi je crains qu'en allant aussi trop loin, ce soit trop de chambardements et des chambardements peut-être qui n'apporteraient pas de réponse ou de solution aux problèmes qui sont posés à l'heure actuelle.

Et d'ailleurs j'ajouterais qu'il est vrai que les gens, je dis les gens en général, se plaignent du mode de scrutin actuel, mais en même temps il est vrai qu'ils sont prêts à le conserver, très souvent. Disons, ce n'est pas... Pour le dire autrement, ce n'est pas une priorité pour les citoyens, à l'heure actuelle, le mode de scrutin. Il y a beaucoup d'autres grandes priorités, et ça... C'est pour ça que j'aimerais quand même qu'on aille les consulter pour dire: Bien, voilà, vous avez une occasion de vous prononcer, qu'est-ce que vous préférez? Dites-nous qu'est-ce que vous voulez, en fait. Puisqu'on est... on parle souvent au nom des gens, mais on ne va pas toujours les consulter pour voir: Bien, qu'est-ce que vous voulez exactement? Alors, j'aimerais qu'on aille les consulter finalement sur ce qu'ils veulent.

M. Pelletier (Chapleau): Je ne suis pas très familier avec le modèle que vous proposez, un système mixte parallèle en quelque sorte. Est-ce que c'est un modèle qu'on retrouve ailleurs dans le monde en ce moment?

M. Pelletier (Réjean): Pas à ma connaissance.

M. Pelletier (Chapleau): Non?

M. Pelletier (Réjean): Je ne sais pas. Il y en a peut-être, là, mais disons que je n'ai pas fait le tour de tels...

M. Pelletier (Chapleau): Non. D'accord.

M. Pelletier (Réjean): En fait, moi, je le proposais surtout en ayant l'idée, ce que je disais un peu tout à l'heure... La proportionnelle mixte compensatoire, là, le mode de scrutin mixte compensatoire, ça donne l'impression qu'il y en a qui trouvent que les gens ont mal voté lorsqu'ils ont voté dans le cadre du mode de scrutin uninominal à un tour, puisqu'il y a des distorsions. Ça, c'est très clair. Et donc on dit: Bien, vous avez mal voté, il faudrait corriger ça. Je n'aime pas beaucoup cette façon de faire. Et là, pour moi, c'est pour ça que je disais, lorsqu'on met deux systèmes en parallèle, on vous dit: Bien, votez comme vous voulez, on va additionner vos résultats et, ce que vous voulez tout simplement, ce sera la volonté populaire, alors que, dans l'autre cas, ça donne toujours cette impression: Vous avez voulu ça, mais, là où il y a des distorsions, il faudrait aller corriger ça, puis on va essayer de trouver des façons de corriger ce que vous avez déjà. Je trouve ça un petit peu gênant. C'est un peu... Donc, c'est pour ça.

Donc, quand c'est mixte parallèle, on n'a pas ce problème-là. On dit aux gens: Votez comme vous l'entendez. Vous avez deux choix, deux bulletins de vote, et on va voir qu'est-ce que ça donne comme résultat. On va additionner purement et simplement vos résultats. C'est ce que vous avez voulu.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, je vais maintenant aller du côté de l'opposition officielle, M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Je ne suis, moi non plus, pas très familier avec votre modèle. Et, comme on n'avait pas de document en tant que tel, j'aimerais ça que vous poursuiviez sur votre lancée, là. Un système où la compensation s'additionne... Tracez-moi, là, le profil mécanique de ça, là, c'est-à-dire qu'il y a deux votes, oui, je comprends bien, mais ensuite, là... Allez-y.

M. Pelletier (Réjean): O.K. J'avais écrit un petit article déjà, qui est paru dans Le Devoir et dans Le Soleil. Disons, je partais, là, de la situation actuelle, 125 députés, donc 75-50. 75, mode de scrutin uninominal à un tour, donc ça donne tel résultat. Ensuite, les 50 autres, pour moi, je préférais que ce soit dans un cadre régional, régional forcément, là, élargi quand même si on veut qu'il y ait un peu plus de proportionnalité. C'est un peu un problème à cause de l'étendue du territoire au Québec, ça, j'en conviens, parce que le territoire est immense, là, mais il faudrait élargir un peu les régions, les régions ou les districts, là.

Et ensuite, là, donc, dans ce cadre-là, les gens sont appelés à voter pour un parti où il y aurait une liste de... Et même, si on veut aller plus loin, mais là évidemment, là, je... Mais, disons, prenons seulement... Les gens votent pour un parti. Le parti a 60 % des voix, le parti... disons 50 %, l'autre 40 % et l'autre 10 %. On fait agir qu'est-ce que ça va donner comme proportionnelle dans le cadre de la région. Alors, s'il y a cinq députés, disons, finalement ça pourrait être trois-deux, trois pour un parti, deux pour l'autre. Alors, tout simplement c'est de dire: On additionne vos votes pour le parti dans le cadre de la région, et ensuite on redistribue ça à la proportionnelle. Et là il y a différentes méthodes, là. Il y en a plusieurs qui ont été proposées. Le système D'Hondt est souvent celui qui est utilisé, là.

M. Thériault: Bien, peut-être que, d'une certaine manière... mais ce n'est pas tout à fait exact, là, mais peut-être que le système japonais se rapprocherait, quoiqu'il y a juste un vote, et on redistribue. Mais on additionne aussi le caractère compensatoire, au Japon. Moi, je voulais...

M. Pelletier (Réjean): Juste en passant, avoir un deuxième vote aussi, ça pourrait permettre peut-être de voter pour un autre parti éventuellement dans certaines régions.

M. Thériault: Alors, justement, c'est là où je m'en allais. On a entendu et on lit souvent et... Bon. Commentaire général sur votre exposé, ce qui est intéressant, ce que cherche l'opposition officielle, c'est à faire arbitrer les avantages et les inconvénients par le plus grand ensemble possible de la population.

Souvent, on entend des critiques sur le mode actuel et on en souligne les désavantages, on souligne la distorsion, mais comme s'il n'y en avait pas dans les autres modèles. Nous, ce qui importe, c'est de pouvoir faire en sorte qu'il y ait un choix libre et éclairé et que les gens puissent vraiment choisir l'avantage de l'un par rapport à l'autre et l'inconvénient de l'un par rapport à l'autre, et vous en avez soulevés, vous avez fait une petite analyse, là, comparative.

Moi, ce qui... je n'ai pas encore eu le temps de questionner les gens là-dessus, ce qui m'intéresse, c'est cette prétention à pouvoir établir l'intention du vote. Vous savez, les gens disent: Dans le système britannique, les gens votent utile, ils votent pour la détermination du gouvernement. Donc, ils ne votent pas par idéologie, par conviction sur la base d'une plateforme. Ils ne votent pas pour leurs idées, ils votent parce qu'ils sont tannés d'un gouvernement ou pour déterminer le gouvernement. Ils ne votent pas... À la limite, ils peuvent voter pour un homme, une femme, plus pour l'homme ou pour la femme que... Il y a plusieurs donc vecteurs qui font que le vote...

Mais on dit souvent: Le vote est utile, dans le système britannique. Mais en quoi ne serait-il pas utile aussi dans votre système et dans les autres systèmes? Il y a des votes stratégiques. Et là, si ça implique des coalitions, ça va maximiser l'idée de l'utilitarisme du vote et de la stratégie liée au vote. Est-ce que vous ne croyez pas que cet aspect-là n'est pas un argument convaincant et que, dans tous les modes de scrutin au fond, il y a de la stratégie qui va s'insérer, peut-être pas les premières années mais, au fur et à mesure que les gens vont être habiles à voter, et non pas seulement qu'habilités à voter, il va y avoir ces considérations-là qui vont rentrer en ligne de compte?

M. Pelletier (Réjean): Oui. Une chose est sûre, c'est que, lorsque quelqu'un vote, il y a différentes raisons. On a essayé d'analyser, disons, les motifs, là, de tel ou tel vote. Parfois, ça peut être un vote utile, parfois, c'est... D'ailleurs, parfois il y en a qui ne vont pas voter, qui vont s'abstenir pour dire: Je veux exprimer mon mécontentement aussi par l'abstention. Donc, vous voyez, là aussi... Mais ensuite on peut voter, c'est vrai, par idéologie, par conviction personnelle. Mais tout ça, ici, là... Moi, je n'entre pas dans les motivations personnelles, disons, de celui ou de celle qui va voter; c'est son choix. Pour moi, je dis... je respecte ce choix-là, finalement. Et le plus grand respect que j'ai de ce choix-là, c'est que je dis: Je ne veux pas corriger ce que vous avez déjà fait, et c'est pour ça donc que, pour moi, en mettant deux systèmes en parallèle, il y a certaines corrections momentanément du fait qu'il y aura une proportionnelle qui va s'établir de l'autre côté, mais ce n'est pas pour essayer de corriger ce que vous avez déjà fait, tout simplement.

n(16 h 10)n

Alors, les motivations donc derrière le vote... le vote utile, il existe, mais il y a aussi beaucoup d'autres raisons, et ça, c'est ce qui est le plus difficile à cerner justement en sciences politiques.

M. Thériault: Il n'y a pas d'étude scientifique là-dessus. Il n'y a pas vraiment d'analyse scientifique.

M. Pelletier (Réjean): Bien, il y en a. Oui, il y en a, mais... Sur la motivation du vote, oui, il y en a.

M. Thériault: C'est assez difficile à saisir, tout de même.

M. Pelletier (Réjean): Oui. Il y a différentes considérations.

M. Thériault: C'est ponctuel à un vote, mais, je veux dire, sur l'ensemble... Est-ce qu'on peut, par exemple, prétendre qu'au Québec les gens ne votent pas, dans une circonscription où il y aurait un candidat qui correspond au profil d'un candidat bien implanté dans sa communauté, etc., là, ne voteraient pas Parti vert parce que le Parti vert n'a pas de chance de rentrer au pouvoir? Est-ce que peut déterminer vraiment ça de façon scientifique? Et est-ce qu'il y a vraiment des études de ce type-là? Parce que c'est un argument qui revient très, très, très souvent. Moi, je veux bien qu'on change de mode de scrutin, d'autres, non, mais pour de bonnes raisons et non pas seulement des raisons qui ne tiennent pas la route, et c'est pour ça que je vous questionne là-dessus.

M. Pelletier (Réjean): On dit souvent que, disons, les gens n'aiment pas perdre leurs votes. Je dirais qu'on ne perd pas son vote, c'est-à-dire on vote comme on l'entend, on vote comme on veut voter. Et donc, en ce sens-là, personne ne perd son vote, là. Évidemment, c'est peut-être une déformation que l'on a de dire qu'on vient perdre son vote dans certaines circonstances.

Ceci étant dit, je reconnais qu'il y a des gens qui peut-être n'iront pas voter pour un parti finalement, en disant: Bon, il n'a aucune chance, et je préfère voter pour mon deuxième choix pour empêcher que mon troisième choix ne l'emporte. Il y a des votes stratégiques aussi, en ce sens-là, ça, oui.

Il y a l'autre dernier aspect que je voudrais mentionner. Il y a aussi les gens qui, devant les choix qui sont offerts, vont dire: Bien, finalement, je préfère m'abstenir; je n'irai pas voter. Alors, il y a tout ça qui joue. C'est pour ça que c'est tellement difficile à départager: vote utile, stratégique, par conviction, et tout ça, y compris l'abstention, qui est une façon de s'exprimer, donc de dire: Je ne veux pas aller m'exprimer pour tel, ou tel, ou tel parti, peu importe le choix qui m'est offert ici. Et l'abstention, il faut bien voir que c'est un phénomène qui est grandissant. Et on le retrouve aussi au niveau fédéral, au niveau provincial. C'est un phénomène qui est grandissant. Évidemment, peut-être qu'en modifiant le mode de scrutin on pourrait augmenter la participation. Ce n'est pas quand même quelque chose d'acquis automatiquement.

Une voix: ...

M. Simard: Juste une petite minute et demie, je le sais bien. Rappelons justement, pour le taux de participation, qu'il n'y a pas un lien direct entre le mode de scrutin et le taux de participation. L'Écosse, dont on fait grand état ici et dont on veut copier le modèle, a 48 % de taux de participation aux dernières élections, là. Nettement inférieur au nôtre. Historiquement, ils n'ont jamais dépassé le 50 %. Alors, attention aux règles absolues, aux rapports absolus entre intérêt...

Moi, le point le plus important que vous avez mentionné à mon avis, c'est une sorte d'imputabilité des gouvernements majoritaires. Quand l'élection arrive, ils sont reconduits parce qu'ils ont bien fait ou battus parce qu'ils ont mal fait, mais c'est d'une clarté, une transparence que les combinaisons d'états-majors dans une coalition ne permettent jamais d'atteindre.

M. Pelletier (Réjean): Oui, disons, je suis d'accord que c'est là où l'imputabilité ou la reddition des comptes est la plus claire. On a un parti qui est en place, qui a une majorité pour agir, et donc c'est... on ne peut pas faire reporter les problèmes, et tout ça, sur d'autres, sur un autre parti, sur le troisième ou sur... Non, il peut le faire. Ça, je suis d'accord sur cet aspect-là.

Le Président (M. Ouimet): Merci.

M. Pelletier (Réjean): Pour le taux de participation, en passant, évidemment c'est là où le vote est obligatoire que c'est le plus élevé. Ça, c'est...

Le Président (M. Ouimet): Je vais aller du côté maintenant de M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. À vous la parole.

M. Picard: Merci, M. le Président. M. Pelletier, moi, j'ai de la difficulté avec une affirmation lorsque vous dites qu'en modifiant le système on va indiquer aux citoyens qu'ils ont mal voté. Si on veut revoir le système, c'est parce que le système ne traduit pas fidèlement ce que les gens veulent. Si je reprends, ce matin, le document qui nous a été remis par Pierre-F. Côté, si on regarde, à titre d'exemple, là, l'élection du 24 octobre 1994, Le Parti libéral avait eu 44,40 %, il y a eu 47 députés; le Parti québécois, 44,75, 0,3 % et il a eu 30 députés de plus. Ça, c'est une distorsion de la volonté populaire, selon moi. Et, en 1998, on a eu le même phénomène aussi. Donc...

Puis, lorsqu'on dit que les gens s'abstiennent, c'est, selon moi, parce que, un, ils ne se reconnaissent pas dans le résultat, dans notre manière de comptabiliser ou de... de comptabiliser les votes puis déterminer qui va avoir le pouvoir.

Puis je pense que vous mêlez des choses. Ça ne veut pas dire que, si on revoit le système avec la proposition sur l'avant-projet de loi, il va y avoir des gouvernements de coalition, là, à chaque élection, là. Selon ce qu'on a vu, ce n'est pas tout à fait ça. Il peut y en avoir comme il peut y en avoir actuellement. Au niveau fédéral actuellement, là, il y a un gouvernement minoritaire, puis ça va comme ça va. Donc, moi, en tout cas, j'ai de la difficulté.

Puis votre système, là, il n'est pas si compliqué que ça. C'est qu'on reprend un petit peu l'essentiel de ce qu'est-ce qu'on vit au niveau municipal où il y a deux votes. Grosso modo, habituellement, le maire ou la mairesse qui est élu a à peu près le même pourcentage que le conseiller. Donc, on va corriger ou même, selon moi, on va peut-être même amplifier la problématique actuelle. Donc, j'aimerais vous entendre sur mon commentaire, tout simplement.

M. Pelletier (Réjean): Il est clair que le mode de scrutin actuel conduit à des distorsions. Par contre, je dirais qu'à peu près... même pas, pas à peu près, tous les modes de scrutin conduisent à des distorsions, tous. Parfois, c'est plus, parfois, c'est moins. Et il y aura d'autant plus de distorsions qu'on va utiliser un cadre territorial à l'intérieur. Si on fait...

Là où il y a moins de distorsions, c'est lorsque, par exemple, tout le Québec serait une seule circonscription. On appliquerait la proportionnelle. Mais, même dans ces cas-là, il y a encore des distorsions parce qu'habituellement on met un seuil minimal. En Allemagne, par exemple, c'est 5 %, bon... O.K.? Alors, déjà les petits partis ne sont pas représentés, s'ils n'ont pas au moins un député élu à l'uninominal à un tour et, à ce moment-là, même s'ils ont 4,9 %, ils n'ont pas droit à des députés s'il n'en ont pas déjà un d'élu, là, qui... Alors, on met un seuil. Alors, ça veut dire qu'il y aura encore une certaine distorsion.

Si, en plus, on fait des régions à l'intérieur du Québec, forcément il y aura encore des distorsions plus grandes. C'est-à-dire, plus on fait de cadres territoriaux, plus on en arrive à des distorsions parce que, disons, on compte les résultats... Les résultats que vous m'avez donnés, ce sont des résultats globaux. Alors, ça ne peut pas s'appliquer, puisqu'il n'y a pas de mode de scrutin, sauf un, qui est la proportionnelle intégrale qui permet ici de rencontrer ces résultats globaux. Tous les autres apportent des distorsions et, de plus en plus, s'il y a... Si on garde des circonscriptions, il y aura des distorsions. Si on fait des régions, il y aura des distorsions. Ça, c'est clair.

M. Picard: O.K.

Le Président (M. Ouimet): Ça va?

M. Pelletier (Réjean): Alors, c'est ça, là, qui est... Il faut avoir tout ça en tête. Et on donne toujours l'exemple du résultat global, alors que ça ne peut pas s'appliquer, puisqu'on a dit: Non, il y a des circonscriptions où il y aura des régions. On ne peut pas donner un résultat global, et c'est ça qui fausse la perception.

Le Président (M. Ouimet): Alors, je vais aller maintenant du côté des citoyennes et des citoyens. J'ai cinq personnes qui ont demandé la parole. J'ai 12 minutes à allouer. Alors, je vais commencer par M. Morisset. À vous la parole, M. Morisset.

M. Morisset (Michel): Bonjour, M. Pelletier. M. Pelletier, moi, là, là-dedans, il y a deux choses. On dit ici, bon, là, ça va bien quand les gens votent un gouvernement majoritaire. Quand ça va mal, ils le jettent à terre aux élections puis ils en mettent un autre. Moi, je vais vous dire un peu, là, ma perception de M. et Mme Tout-le-monde et de moi-même aussi puis je vais vous poser une question après.

Ma perception actuellement, c'est que, comme il y a à Ottawa... Là, il y a un gouvernement minoritaire. Un gouvernement minoritaire, moi, ce que je fais... Ça ne durera pas longtemps, mais tant mieux parce que là je vais avoir des choses que l'autre, quand il était très fort au pouvoir, je ne l'ai jamais. Ça traîne. Il y a des chicanes de pouvoir, de procédure, puis je ne l'ai pas. Que ce soit n'importe quel bord de la Chambre. Bon. Je suis toujours pris avec ça.

n(16 h 20)n

Alors, quand il arrive un gouvernement minoritaire, je suis content parce que je vous dis que, si vous regardez dans les 20 dernières années, les gouvernements minoritaires pour le peuple, pour un gain direct pour le peuple, que ce soit pour l'assurance-emploi, que ce soit pour les mesures sociales ou autres, ils ont toujours bénéficié à court terme, ça ne dure pas longtemps, ils ont toujours bénéficié davantage. Bon.

Maintenant, vous dites: C'est dangereux, les proportionnelles, et tout ça. Moi, je vous demanderais: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, selon vous... Parce que quatre ans, là, c'est long. Si, moi, j'embarque majoritaire quatre ans, je débarque, mais l'autre est majoritaire pendant quatre ans, mais que là les mesures populaires ne sont pas suivies, je suis fait pour huit ans, comme citoyen. Je suis fait. La vie passe vite, hein, puis les réformes, bien ça prend du temps à cause de ça.

Alors, si on disait que, le mandat, au lieu de marcher à quatre ans, il marcherait trois ans, qu'est-ce que vous en pensez? Il y aurait moins d'encrassement du système. Moi, je vous parle comme citoyen, là, je ne veux pas accuser personne, mais je vous dis, comme citoyen, là.

M. Pelletier (Réjean): C'est correct.

M. Morisset (Michel): Je ne veux pas accuser personne, mais, je vous dis, comme citoyen, si on réduisait le mandat, on le laissait comme ça, mais qu'on le réduirait, le mandat, puis on dirait: Trois ans, il va falloir qu'il se surveille un peu plus, pour que les gens puissent bénéficier davantage. C'est ça.

Le Président (M. Ouimet): M. Pelletier.

M. Pelletier (Réjean): Oui. Bien, je voudrais tout d'abord corriger quelque chose que vous avez dit, que je trouvais que c'était dangereux, la proportionnelle. Non. Pour moi, ce n'est pas un danger comme tel, là. S'il y a une proportionnelle, je suis capable de vivre avec ça. Donc, ce n'est pas si dangereux que ça, là, mais...

Alors, ceci étant dit, ce que je constate d'une façon générale: les gens n'aiment pas beaucoup les gouvernements minoritaires, quoi que vous en disiez, et les gens n'aiment pas beaucoup aller en élection. Disons que c'est peut-être regrettable, mais, lorsque je regarde, disons, comment les gens se comportent, ce qui arrive habituellement ? on n'a jamais connu de gouvernement minoritaire à Québec, mais à Ottawa il y en a eu ? après un gouvernement minoritaire habituellement, sauf le cas de Lester B. Pearson, habituellement, c'est suivi d'un gouvernement majoritaire, et le tiers parti qui servait d'appui au gouvernement minoritaire est celui qui écope le plus, parce qu'on dit: On va aller renforcer le parti ? disons, si on prends l'exemple à Ottawa ? on va aller renforcer le Parti libéral plutôt que d'aller aider le NPD qui va appuyer le Parti libéral, alors on est mieux d'aller le renforcer immédiatement.

Et donc, à ce moment-là, je constate... et, les gens aussi, on n'a qu'à écouter ce qu'ils disent, n'aiment pas beaucoup les gouvernements minoritaires, quoi qu'on en pense, parce qu'ils disent: On est tannés d'avoir des élections, et ça... D'ailleurs, pour moi, disons, on pourrait aller aux deux ans comme aux États-Unis, mais je pense qu'on augmenterait encore l'abstentionnisme. Plus on aurait d'élections, moins les gens iraient. Et je trouve ça dommageable, puisque c'est l'occasion par excellence pour les citoyens de se prononcer. Mais je constate que les gens n'aiment pas ni les gouvernements minoritaires...

Évidemment, ça pourrait changer avec un autre mode de scrutin où les gens seraient habitués à vivre en gouvernement de coalition, par exemple. Ça, ça pourrait changer avec le temps, pas à court terme, mais avec le temps. L'autre aspect, des élections à répétition, les gens disent: Non, on n'en veut pas.

Le Président (M. Ouimet): Bien, je vais aller maintenant du côté de M. Boivin.

M. Boivin (Guillaume): Bonjour, M. Pelletier. Vous affirmez qu'un gouvernement de coalition implique en quelque sorte une diffusion de responsabilités entre les partis, mais, en dehors d'une analyse abstraite qui pourrait tendre à le faire penser, y a-t-il des études démontrant la moins grande imputabilité des partis dans un tel contexte?

Par exemple, dans le cas ? je sais que ce n'est pas un gouvernement de coalition, mais il y a des similitudes ? dans le cas du contexte fédéral, on sait très bien d'où vient l'ajout de 4,6 milliards au niveau budgétaire. Par exemple, un parti qui a tel élément programmatique depuis x années, lorsque la mesure est passée dans le contexte d'un gouvernement de coalition, on sait très bien, hein, de quel morceau, si on veut, de ce gouvernement de coalition là c'est originaire. Donc, à ce moment-là, en dehors de l'intuition, parce que, là, il y a beaucoup de choses qui relèvent de l'intuition dans les différents éléments, sur plusieurs éléments, comme plusieurs le soulignent, en dehors d'intuitions semblables, y a-t-il des choses qui... des éléments qui le démontrent formellement?

M. Pelletier (Réjean): Disons, il y a deux choses, là. Si vous donnez... D'abord, commençons par l'exemple d'Ottawa, qui sera le plus facile à régler, puisqu'on le connaît davantage, là. On sait que c'est le NPD qui a réussi à obtenir, disons, ce 4,6 milliards supplémentaire. Par contre, il n'est pas sûr qu'à la prochaine élection ce soit le NPD qui va en profiter. C'est que... Bien, en tout cas, je réfléchis toujours dans le cadre de notre mode de scrutin actuel, là.

Comme je le disais tout à l'heure, les gens préfèrent ensuite, plutôt que de revenir en gouvernement minoritaire, d'avoir un gouvernement majoritaire. Et donc, pour ce faire, il va tout simplement retirer son appui aux tiers partis, et en particulier à celui qui était l'appui au gouvernement minoritaire, pour avoir ce gouvernement majoritaire. Donc, on voit qu'il y a un transfert, à ce moment-là, très souvent des voix. En l'occurrence, ce serait du NPD vers le Parti libéral.

Et c'est d'autant plus facile que, disons, là, on ne verrait pas, disons, du NPD au Parti conservateur. Ça, c'est, disons... La distance idéologique est trop grande, là. Alors, ça, c'est... Mais c'est vrai qu'on fonctionne avec le mode de scrutin actuel. Est-ce qu'il y aurait d'autres comportements avec un autre mode de scrutin? Là, je ne sais pas ici. Il faudrait voir à terme.

L'autre aspect, celui de la coalition. Celui de la coalition, pour moi, il y a deux problèmes que ça pose, là. L'un qui est celui de la démocratie elle-même, et c'est que je soulevais tout à l'heure. Est-ce que c'est finalement plus démocratique d'avoir un troisième ou un quatrième parti ? puisqu'il pourrait y en avoir un quatrième aussi, on n'est pas limité à deux, ou même un cinquième ? un quatrième ou un cinquième, qui font partie d'une coalition? Est-ce que c'est plus démocratique que d'avoir tout simplement... puisque, disons, si, pour exprimer la volonté de la population, ces partis-là se retrouvaient très loin, en quatrième, en troisième, quatrième, cinquième place. Donc, est-ce que c'est plus démocratique d'avoir une coalition un avec trois ou avec quatre, ou deux avec trois ou avec quatre, ce qui serait possible aussi? Alors, pour moi, ça pose ce problème-là.

L'autre aspect, c'est, lorsqu'on forme coalition, s'il n'y a pas, je dirais, de coalition déjà annoncée ou de programmes déjà annoncés, programmes communs déjà annoncés, forcément il y aura des tractations par la suite. Les tractations, elles se passent entre les partis, par-dessus la tête des citoyens, forcément. Et tout simplement, ici, ça fait qu'on ne sait pas: Est-ce que c'est le programme du parti A qui est appliqué vraiment ou le programme du parti C qui fait partie de la coalition? Et ensuite, si le parti A ne peut pas mettre en application tout son programme à cause du parti C, est-ce qu'il va dire: Bien, oui, j'aurais voulu le faire mais je ne pouvais pas, j'étais en coalition avec l'autre, donc je devais tenir compte de ce que l'autre voulait, il ne voulait pas ceci? Alors, je ne sais pas, ça me pose un certain problème aussi.

Le Président (M. Ouimet): Il reste moins d'une minute pour M. Acharid. À vous la parole.

M. Acharid (Mustapha): Bon. Merci, M. le Président. Merci, M. Pelletier. Dans le même contexte, dans une coalition, on dit qu'on ne peut pas vraiment pointer un parti. Est-ce qu'on ne peut pas pointer un élu à la place d'un parti? Parce que l'élu aussi, c'est lui qui va faire le programme, s'il est responsable de ce programme-là. Au lieu de dire: On ne peut pas pointer un parti dans une coalition parce qu'on ne sait pas c'est qui qui a fait le programme, mais, si on peut pointer l'élu même...

M. Pelletier (Réjean): Non. Mais c'est-à-dire, ce n'est pas seulement qu'on ne sait pas qui a fait le programme, c'est que, lorsqu'on veut mettre en application le programme, il peut y avoir des oppositions venant du tiers parti, par exemple. Donc, à ce moment-là, il faut négocier quelque chose. Et, si le tiers parti donne son accord à telle chose, souvent il va dire: Bien, aussi j'aimerais que certains éléments de mon programme soient mis en application, O.K., en contrepartie, là. Alors, ça se passerait entre partis plus qu'entre élus strictement. C'est beaucoup plus une négociation entre partis, là, que d'un élu avec un autre à ce moment-là.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, je vais maintenant retourner du côté ministériel. J'avais M. le député de Trois-Rivières. Il reste un peu moins de sept minutes.

M. Gabias: Merci, M. le Président. M. Pelletier, merci de votre précieuse contribution. Je veux bien comprendre lorsque vous parlez d'un système mixte parallèle. Évidemment, vous dites, vous proposez 75 députés de circonscription élus dans leurs circonscriptions respectives et 50 députés de listes. Ces 50 députés de listes là, est-ce qu'ils sont élus sur une liste que j'appellerais nationale, c'est-à-dire à la grandeur du Québec, ou s'ils seraient répartis par les voix exprimées à l'intérieur des régions dans lesquelles vous les répartissez?

n(16 h 30)n

M. Pelletier (Réjean): Non, c'est-à-dire, comme je préconise un deuxième vote, ce serait le deuxième vote qui établirait donc quelle proportion le parti A... quelle proportion de députés a droit le parti A, quelle proportion de députés a droit le parti B.

M. Gabias: Mais à la grandeur du Québec?

M. Pelletier (Réjean): Non, dans la région.

M. Gabias: Dans la région.

M. Pelletier (Réjean): Non, je pense qu'il y a encore un attachement régional assez fort et, pour moi, je préfère encore un modèle régional. Évidemment, avec le modèle régional, il est clair, comme le disait le ministre tout à l'heure, qu'il y aurait encore moins de corrections aux distorsions proposées, disons, issues du scrutin uninominal à un tour. Ça, c'est clair. Il y aurait moins de corrections de ceci. Mais, en même temps, je pense qu'il vaut la peine quand même d'agir dans un cadre régional pour les gens. Bon, peut-être qu'à Montréal... Mais, même encore à Montréal, il y a des différences entre l'ouest et l'est de Montréal, très clairement. Et, entre l'est et même le centre de Montréal, je pense que ce n'est pas la même chose, et, à ce moment-là, il faut tenir compte un peu de ce cadre géographique là aussi.

M. Gabias: D'accord. Ma dernière question: Quant à la fonction du député de circonscription par rapport au député de liste, comment vous entrevoyez ça, la différence de fonction?

M. Pelletier (Réjean): Ici, ça me permet en même temps de critiquer un aspect de l'avant-projet de loi ici. Là, ce que je crains, moi... Évidemment, parce qu'on dit, en Allemagne, il n'y a aucun problème, il n'y a pas deux sortes de députés, et tout ça. Si, chez nous, sur la liste... Moi, je verrais d'un côté une liste avec des gens qui ne se présentent pas dans la circonscription et qui seraient obligés, surtout si on mettait un vote préférentiel, qui seraient vraiment obligés de faire campagne pour se faire valoir dans la région, O.K., au même titre que l'autre. Alors là, à ce moment-là, les deux seraient sur le même pied, en disant: Moi aussi, j'ai combattu comme vous, j'ai été élu comme vous, tout simplement par la population, non pas d'une circonscription mais de la région à ce moment-là.

Ce que je n'aime pas, là, dans l'avant-projet, c'est qu'on permette ce passage de l'un à l'autre, de la circonscription à la liste. Et ce qui va arriver, c'est que, comme il y aura un certain nombre de députés élus dans les circonscriptions, on ira récupérer un perdant d'une circonscription, qui sera sur la liste et qui passera par la liste. Et ça, je n'aime pas ça beaucoup. Si vous voulez augmenter le cynisme de la population, allez récupérer un perdant et les gens vont vous dire: On l'avait battu dans la circonscription, pourquoi vous allez le récupérer d'une autre façon? Ce n'est pas notre choix; il a été défait. Donc, si vous voulez vraiment augmenter le cynisme, récupérez le perdant.

C'est évident, il y aurait deux classes de députés: les défaits, les perdants, et les vrais élus. Alors, vous voyez comment, à l'Assemblée nationale, on regarderait son voisin: Toi, tu as été récupéré, tout simplement; moi, je ne suis pas un récupéré, je me suis battu pour être élu. Ça, ça me gêne un peu.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, Mme la députée de La Pinière maintenant.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. M. Pelletier, c'est intéressant de vous entendre, comme d'ailleurs les cours que vous donnez à l'université.

Votre modèle de scrutin parallèle. Je regardais ici un petit tableau qui m'a été donné pour les systèmes mixtes sans compensation, qui correspondent un peu au système parallèle. Et je regarde la liste des pays qui pratiquent ce type de système: l'Albanie, Andorre, l'Arménie, l'Azerbaïdjan le Cameroun, la Corée du Sud, la Croatie, l'Équateur, la Georgie, le Guatemala, la Guinée, le Japon, Lituanie, le Niger, la Russie, le Sénégal, les Seychelles, la Somalie, Taïwan et la Tunisie. Autrement dit, pour la quasi-totalité des pays qui ne sont pas des exemples de démocratie ou à démocratie émergente. Alors, où est le parallèle par rapport à une vieille démocratie comme celle du Québec?

Deuxième élément. Quand vous avez fait votre présentation, vous avez dit que le citoyen va avoir deux votes, un pour le candidat et un pour le parti. Un pour le candidat dans la circonscription. Il me semble que, lorsqu'on vote pour une circonscription, donc le vote uninominal à un tour, on vote non seulement pour le candidat, mais on vote d'abord pour le parti. On vote aussi pour le candidat, mais on vote aussi pour le programme. Donc, c'est un vote qui est beaucoup plus complet. Le choix de l'électeur est beaucoup plus diversifié. C'est-à-dire, il peut entrer soit par le programme qui l'accroche, soit pour le candidat avec lequel il a plus d'affinités, qu'il apprécie, ou par le parti, alors que, dans le vote, je dirais, les 50 candidats qui seraient au niveau de la région, vous limitez ça au parti seulement.

Troisième élément, je constate dans votre présentation qu'il y a comme, je dirais... pas une confusion, mais des fois c'est difficile de distinguer dans votre analyse ce qui relève du mode de scrutin comme tel et ce qui relève de la gouvernance au niveau d'un gouvernement. Comme vous dites: Est-il démocratique d'avoir un parti majoritaire, par exemple?

Le Président (M. Ouimet): Mme la députée, il reste à peine moins d'une minute pour M. Pelletier à répondre.

Mme Houda-Pepin: Alors, répondez-moi là-dessus, s'il vous plaît, en moins d'une minute. Quel défi!

M. Pelletier (Réjean): Oui. Première chose, c'est vrai que les exemples que vous avez donnés ne sont pas des modèles de démocratie, sauf peut-être un peu le Japon, Mais, même là encore, même encore il y a des... Par contre, il ne faut pas oublier, parlant de vieilles démocraties, le Québec est une vieille démocratie, la Grande-Bretagne aussi, ils ont un mode de scrutin uninominal à un tour, on ne veut pas le changer comme tel. Aux États-Unis aussi, c'est une vieille démocratie. Il y a beaucoup de vieilles démocraties qui conservent encore leur mode de scrutin uninominal à un tour. Alors, on peut ne pas changer ou on peut changer aussi. Ici, en termes de vieille démocratie, il y en a qui ne veulent pas changer le mode de scrutin, O.K.?

L'autre aspect, les deux votes, il est vrai que, lorsque quelqu'un vote ? c'est parce qu'il y a plusieurs considérations; moi, je pense, et d'ailleurs les études le montrent ? il vote d'abord et avant tout pour un parti, O.K.? Dans ça, il y a beaucoup d'éléments...

Le Président (M. Ouimet): Écoutez, malheureusement je vais peut-être encourager la députée à poursuivre la discussion avec vous après nos travaux, mais...

Avant de mettre un terme, je voulais remercier le Pr Pelletier pour sa prestation, mais également remercier aussi les membres de notre comité citoyen, qui ont eu une semaine très fébrile et chargée en termes de travail. Les citoyennes et citoyens sont avec nous depuis vendredi soir. Ils ont eu toute une formation, plongés maintenant dans l'activité parlementaire depuis deux jours. Je leur souhaite un bon repos au nom de tous les membres de la commission. Et au plaisir de vous retrouver la semaine prochaine. Merci.

J'ajourne les travaux à mardi prochain, 9 h 30, le 8 novembre.

(Fin de la séance à 16 h 37)


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