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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 9 mars 2006 - Vol. 38 N° 24

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur la Loi électorale


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Table des matières

Auditions (suite)

Mémoires déposés

Remarques finales

Autres intervenants

 
M. Sylvain Simard, vice-président
M. François Ouimet, président
Mme Fatima Houda-Pepin
Mme Lorraine Richard
M. Maxime Arseneau
M. Raymond Bernier
M. André Gabias
M. Michel Morisset, comité citoyen
Mme Yohanna Loucheur, idem
M. Mustapha Acharid, idem
* M. Joël Arseneau, municipalité des Îles-de-la-Madeleine et municipalité de Grosse-Île
* M. Henri Massé, FTQ
* Mme Lise Côté, idem
* M. Patrice Rocheleau, RGPAQ
* Mme Claire Beaulne, idem
* M. Marcel Héon, idem
* M. Louis-Philippe Deschênes, idem
* Mme Patricia Rimok, CRI
* M. Étienne Hudon-Gagnon, FECQ
* Mme Judith Bélair-Kyle, idem
* M. Laurent Viau, idem
* M. Jean Melançon, ROP 03
* M. Olivier Collomb d'Eyrames, idem
* Mme Odile Boisclair, L'R des centres de femmes du Québec
* Mme Geneviève Dorais, idem
* M. Roméo Bouchard, Union des citoyens du Québec
* M. Martin Murphy, QCGN
* Mme Deborah Hook, idem
* M. Brian Gibb, idem
* Mme Chantale Turcot, MNQ
* M. Sébastien Cloutier, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant commencer nos travaux. Le mandat de la commission est aujourd'hui de conclure les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard de l'avant-projet de loi intitulé Loi électorale. Alors, nous avons... Vous connaissez évidemment, tout le monde, la façon dont nous travaillons. Je rappelle brièvement, et sans souligner les détails, que la commission arrive au terme d'une tournée à travers le Québec, qu'elle est non seulement une commission de l'Assemblée nationale, mais en plus elle comprend en son sein des représentants de la société civile, un comité citoyen. Et, ce matin, nous allons entendre, comme premier groupe, la...

Pardon, excusez-moi. Je vais d'abord demander au secrétaire, je m'excuse, s'il y a des remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. J'informe les membres de la commission que Mme Perreault (Chauveau) est remplacée par M. Bernier (Montmorency).

Le Président (M. Simard): Alors, aujourd'hui, pour vous rappeler le programme rapidement, nous entendrons d'abord la municipalité des Îles-de-la-Madeleine et la municipalité de Grosse-Île, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec, le Conseil des relations interculturelles, M. Louis-Edmond Hamelin, M. Jairo Alberto Castellanos Serano et la Fédération étudiante du collégial du Québec. Et nous allons suspendre nos travaux à 12 h 50 pour les reprendre à 14 heures afin d'entendre les groupes et témoins suivants: le Regroupement des organismes de personnes handicapées de la région 03, L'R des centres de femmes du Québec, l'Union des citoyens du Québec, le Québec Community Groups Network et le Mouvement national des Québécois et Québécoises. L'ajournement de ces auditions est prévu à 17 h 50.

Évidemment, vous aurez compris que les groupes et les citoyens qui vont apparaître devant nous ont droit à des temps de parole différents selon leur statut, selon les catégories que nous avions fixées au départ. Les membres de la commission sont conscients de l'importance que revêt cette consultation pour les militants de certains partis politiques. Alors, ceux qui veulent préciser leur appartenance, n'hésitez pas à le faire si vous souhaitez le faire.

Auditions (suite)

Alors, j'inviterais d'abord le représentant de la municipalité des Îles-de-la-Madeleine ou les représentants plutôt des Îles de la Madeleine et la municipalité de Grosse-Île à prendre place. Ils sont là. Je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour votre exposé, qui sera suivi d'une période de 40 minutes d'échange avec les membres de la commission. Alors, oui, c'est vous qui êtes là pour la municipalité.

Municipalité des Îles-de-la-Madeleine
et municipalité de Grosse-Île

M. Arseneau (Joël): Bonjour, mon nom est Joël Arseneau. Je suis maire des Îles-de-la-Madeleine et je représente effectivement en cette instance également la municipalité de Grosse-Île qui est récemment défusionnée mais qui fait partie du même conseil d'agglomération.

Le Président (M. Simard): Je souligne évidemment la présence parmi nous de votre député, le député des Îles-de-la-Madeleine, M. Maxime Arseneau.

M. Arseneau (Joël): Tout à fait, et il pourra, j'imagine, ajouter à l'argumentaire. Historien de formation, il pourra sûrement vous expliquer mieux que moi.

Le Président (M. Simard): Vous croyez qu'il n'est pas en faveur de la disparition du comté des Îles-de-la-Madeleine? Vous présumez. Alors, nous vous écoutons.

n (9 h 40) n

M. Arseneau (Joël): On a eu l'occasion d'en discuter. Bien, je vous remercie d'abord de nous accueillir. Au départ, on devait comparaître par vidéoconférence, compte tenu de la distance, et, par un concours de circonstances qui a fait en sorte qu'on était conviés à d'autres réunions, bien on a fait d'une pierre plusieurs coups, et c'est ce qu'on essaie de faire à chaque fois qu'on se déplace de notre archipel. On avait des réunions hier, on en a d'autres aujourd'hui, et c'est ce qui me permet d'être ici, d'avoir le privilège de comparaître devant vous et vous adresser la parole de vive voix. Et je vous remercie de m'accueillir.

Alors, je vais parcourir le court mémoire que l'on a présenté. Déjà, vous en avez peut-être pris connaissance. Je vais commencer par un court historique, et on va remonter en 1979 alors que l'Assemblée nationale du Québec a accordé une protection spéciale à la circonscription des Îles-de-la-Madeleine dans le cadre de l'adoption de la Loi sur la représentation électorale. Une reconnaissance qui, faut-il le rappeler, revêt, encore aujourd'hui, une très grande importance aux yeux des citoyens et des citoyennes des Îles-de-la-Madeleine.

C'est essentiel pour l'archipel de conserver un siège au sein de l'Assemblée nationale, et c'est ce qu'on a manifesté à cette époque et qu'on réaffirme aujourd'hui. Le législateur d'ailleurs en adoptant cette mesure d'exception ? à la suggestion de la députée de l'époque, Mme Denise Leblanc ? reconnaissait à notre avis le caractère unique et les particularités des Îles-de-la-Madeleine. C'est une circonscription qui est située au coeur du golfe Saint-Laurent, à plus de 200 km des côtes gaspésiennes.

Les Madelinots sont demeurés profondément attachés à leur circonscription électorale. Ils ne veulent surtout pas perdre le privilège d'avoir un représentant à l'Assemblée nationale en mesure de défendre leurs intérêts et de faire valoir leur différence. Aux Îles, on n'a jamais oublié la perte du comté fédéral distinct pour les Îles-de-la-Madeleine ? oui, effectivement, on a déjà eu un comté distinct ? ça s'est passé dans les années soixante. Et on a ensuite vécu plusieurs conséquences négatives de cette perte, une perte d'influence, perte de poids politique, également diminution du sentiment d'appartenance, un manque d'accessibilité au député, un désintérêt de la population envers la politique fédérale, et j'en passe.

Vous comprendrez donc que, dans les circonstances, toute nouvelle proposition de réforme du mode de scrutin au Québec suscite des appréhensions sur notre territoire. Notre population craint toujours que le statut d'exception reconnu aux Îles-de-la-Madeleine soit remis en question. C'est donc avec beaucoup de soulagement que l'on a pris connaissance de l'avant-projet de loi sur la Loi électorale déposé par le gouvernement, en 2004, et qui proposait donc le maintien du statut d'exception de la circonscription des Îles-de-la-Madeleine.

On tenait quand même à réaffirmer notre position, parce qu'il y avait des craintes, et ces craintes sont réapparues en novembre dernier, lors du dépôt en commission parlementaire du mémoire du Directeur général des élections, M. Marcel Blanchet, qui se questionnait pour sa part sur ce statut d'exception.

Alors, ça nous a incités à déposer un mémoire au nom de la communauté des Îles-de-la-Madeleine afin de demander au gouvernement du Québec de maintenir le cap et de conserver l'article 171 de l'avant-projet de loi, qui assure le maintien de notre circonscription électorale. On croit que les arguments qui avaient prévalu en 1979, lors de la reconnaissance par l'Assemblée nationale d'un statut d'exception pour le comté des Îles-de-la-Madeleine, bien ils conservent, aujourd'hui et plus que jamais, toute leur pertinence. Rien ne justifie à notre avis une remise en question de la circonscription autonome des Îles-de-la-Madeleine, et on va vous expliquer un peu les arguments à la défense de notre point de vue.

Le maintien du statut d'exception pour la circonscription des Îles-de-la-Madeleine, pour nous, ce n'est pas le fruit du hasard, je le rappelle, si le gouvernement a décidé de maintenir cette protection dans son avant-projet de loi. Il existe, selon nous, un consensus large au Québec pour accorder un statut particulier à l'archipel dans le découpage des circonscriptions électorales. Les principaux facteurs sont territoriaux, des frontières naturelles du comté, un éloignement majeur, mais surtout son insularité qui en fait un cas unique au Québec.

Si on regarde les principaux motifs qui doivent inciter la Commission spéciale sur la Loi électorale à maintenir le statut d'exception pour la circonscription des Îles-de-la-Madeleine, on peut revenir sur le caractère insulaire de l'archipel madelinot. Il y a beaucoup de régions qui peuvent se dire éloignées des grands centres, mais aucun autre comté ne peut faire valoir l'argument de l'insularité comme c'est le cas pour les Îles. Le caractère insulaire de la circonscription signifie concrètement que l'archipel possède des particularités géographiques, historiques, sociales et économiques qui entraînent des enjeux écologiques, démographiques, socioéconomiques et politiques. Et, je dirais même, au quotidien, ces enjeux sont débattus sur notre territoire, territoire fragile, il va sans dire, exigu également. Ce sont donc des enjeux qui exigent des adaptations constantes dans la mise en oeuvre des interventions et des programmes gouvernementaux.

Et là le rôle politique d'un député devient fondamental conséquemment pour qu'il défende à la fois les intérêts de la population qui habite le territoire et les nombreuses différences que cette réalité insulaire comporte. Pour les gens des Îles, il est impensable de rattacher l'archipel à une autre circonscription. La situation qu'on a vécue et qu'on vit toujours au fédéral, où les Îles sont intégrées à une circonscription gaspésienne, nous a démontré, et le fait encore quotidiennement, que ce grand comté ne repose d'aucune façon sur des frontières naturelles, que la population n'éprouve aucun sentiment d'appartenance à son endroit et que nos réalités insulaires ne sont jamais reconnues à leur juste valeur. À la limite, on pourrait même parler de la confiance dans le système en place sur le plan fédéral.

Évidemment, la perte de poids politique, c'est un enjeu. Les Îles-de-la-Madeleine ont toujours besoin de leur député pour faire progresser leurs dossiers et les faire cheminer dans les instances gouvernementales. Le rattachement des Îles à un autre comté signifierait donc une perte de poids politique que l'on juge injustifiable. Les Madelinots tiennent à conserver leur siège au sein de l'Assemblée nationale, c'est là une reconnaissance officielle de leur différence, de leur culture acadienne avant d'être québécoise, de leur histoire propre, de leur identité distincte au sein de la population québécoise.

Il y a tout l'aspect de l'accessibilité au député qui est importante. La reconnaissance du comté distinct a permis aux citoyens et aux citoyennes des Îles-de-la-Madeleine d'avoir un accès facile à leur député, une très grande proximité, donc. Il s'agit d'ailleurs d'un des principaux motifs qui, en 1979, avec l'insularité et l'éloignement de l'archipel, a été considéré lorsque le législateur a accordé un statut d'exception à la circonscription. Dans le débat à l'Assemblée nationale de l'époque, le ministre Marc-André Bédard avait soutenu que, pour délimiter les circonscriptions électorales, il fallait tenir compte de plusieurs facteurs, comme le fardeau législatif, le nombre d'électeurs, la représentation, les communautés locales en milieu rural et semi-rural et surtout, ce qu'il avait mentionné, le contact constant et nécessaire que les députés doivent avoir avec leurs électeurs. On comprendra davantage ici, dans un contexte d'éloignement et d'insularité, l'importance de maintenir une circonscription électorale distincte pour favoriser l'accessibilité des électeurs et des électrices à leur député et combler ainsi la distance qui les sépare des lieux de décision.

Il y a un contexte socioéconomique qui justifie également, selon nous, le maintien de la circonscription électorale des Îles. L'économie des Îles-de-la-Madeleine repose, je vous le rappelle, sur la pêche, sur le tourisme également, l'exploitation d'un gisement de sel, il y a le secteur agroalimentaire qui est toujours en développement. Mais ça demeure fragile, comme l'a démontré la crise économique profonde qu'on a traversée durant les années 1995 à 2000, liée évidemment à la rareté du poisson de fond. Des efforts de relance ont donné de bons résultats, mais il n'y a rien d'acquis définitivement.

Les Îles ont besoin, donc, d'une écoute attentive des différents paliers de gouvernement pour poursuivre leur développement économique. Il est donc, pour ce faire, impérieux que l'archipel conserve sa représentation politique à l'Assemblée nationale. Il s'agit d'un outil, selon nous, fondamental pour que la communauté madelinienne soit en mesure de faire valoir ses particularités auprès des instances gouvernementales. En raison de son contexte socioéconomique particulier, de son éloignement et de son insularité qui rendent encore plus grand le défi de la croissance économique, l'archipel ne peut accepter d'aucune façon une remise en question de notre circonscription électorale. Cette représentation politique est essentielle au développement.

n (9 h 50) n

Évidemment, il y a la question de l'occupation du territoire. La reconnaissance d'un statut particulier pour l'archipel par l'Assemblée nationale permet, selon nous, d'affirmer clairement le fait que l'archipel et les eaux qui entourent le territoire font partie intégrante du Québec. Le comté des Îles-de-la-Madeleine est en ce sens une reconnaissance officielle du territoire maritime du Québec qui englobe donc près des deux tiers du golfe Saint-Laurent.

Là-dessus, en guise de conclusion, j'ai énuméré les principaux motifs qui justifient à notre avis le maintien de la circonscription électorale aux Îles-de-la-Madeleine. Nous espérons que vous allez retenir que les Îles constituent une communauté qui est naturelle, qui est isolée au centre du golfe Saint-Laurent, et qu'il serait illogique de tenter de rattacher ce territoire à une autre circonscription aux réalités diamétralement différentes. Et c'est pourquoi en ce sens on réitère notre satisfaction de constater que l'avant-projet de loi sur la Loi électorale favorise le maintien de la circonscription électorale distincte. Il s'agit d'un appel au bon sens et à la reconnaissance des particularités et du caractère unique de l'archipel madelinot.

Nous sommes également reconnaissants pour une grande dame qui a marqué l'histoire récente, notre histoire récente, en faisant inscrire dans une loi de l'Assemblée nationale la protection de la circonscription des Îles. Il s'agit de la regrettée Denise Leblanc, qui a représenté les Madelinots, les Madeliniennes, à l'Assemblée nationale, de 1976 à 1985. Elle déclarait à l'Assemblée nationale, en déposant son amendement qui a reçu ? et ça, il faut le souligner ? à l'époque l'appui unanime des parlementaires, que son objectif était, et je la cite, «d'assurer l'inviolabilité des frontières électorales des Îles-de-la-Madeleine». Et c'est ce qu'on veut réitérer aujourd'hui. Nous croyons que les motifs qui ont prévalu il y a maintenant plus de 25 ans sont toujours pertinents et que rien ne devrait pouvoir les mettre en cause.

Là-dessus, je vous remercie de votre attention et du privilège qui m'est accordé de vous adresser la parole aujourd'hui et je suis persuadé que vous constaterez à votre tour, dans le cadre de vos travaux, que les réalités particulières de l'archipel justifient toujours le maintien de notre circonscription électorale. Évidemment, vous êtes au dernier jour de vos travaux, mais vous serez toujours les bienvenus dans notre île pour constater ? dans notre archipel, je devrais dire ? toutes les particularités qui justifient donc un statut distinct sur le plan électoral également. Je vous remercie.

Le Président (M. Simard): Je vous remercie. Et nous allons entamer la période de questions et réponses et de dialogue avec vous. J'indique tout de suite les temps de parole des différents groupes de la commission. Le parti ministériel disposera de 15 minutes, l'opposition officielle, de 10 minutes, le député indépendant, qui n'est pas ici ce matin, je crois, cinq minutes, et le comité de citoyens disposera de 10 minutes. Alors, j'invite d'abord le ministre à lancer la première question.

M. Pelletier: Bonjour, M. Arseneau. Merci d'être ici, ce matin, merci de votre présentation. Je vous ai très bien entendu, et je ne me prends pas pour Charles de Gaulle, mais je dirais même: Je vous ai compris. Évidemment, quand nous sommes allés en Gaspésie récemment, nous avons également eu un très fort plaidoyer pour que dans le fond toute la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine ne perde pas de représentants. Je peux vous dire que je suis très sensible à ces représentations-là qui ont été faites.

Si je tiens pour acquis, pour les fins de notre discussion, que le comté des Îles-de-la-Madeleine... ou la circonscription des Îles-de-la-Madeleine demeurera protégée et demeurera une circonscription d'exception, j'aimerais savoir qu'est-ce que vous pensez, dans le cas des autres évidemment, de l'hypothèse voulant qu'on ait de plus grands districts que ce qui est actuellement proposé dans l'avant-projet de loi? Je vous pose la question parce que plusieurs évidemment sont venus témoigner pour qu'il y ait un moins grand nombre de districts que ce que nous proposons. Le cas échéant, il y aurait de plus grands districts, et ça voudrait dire qu'on aurait même des districts qui pourraient dépasser largement dans certains cas les frontières actuelles des régions administratives. D'autres, par contre, eux, sont venus plaider pour un respect presque intégral des régions administratives dans la délimitation des districts. Alors, où vous situez-vous par rapport à ces deux points de vue?

M. Arseneau (Joël): Bien, il est très clair que, de notre côté, la discussion a été tenue non seulement aux Îles-de-la-Madeleine, mais au sein de la conférence régionale des élus. Et nous adhérons entièrement au point de vue qui a été présenté par M. Bertrand Berger lors des audiences, sur l'importance... garder un contact le plus près possible avec les citoyens, avec les réalités administratives ou géographiques et économiques des régions, et que tout élargissement des frontières électorales des circonscriptions va entraîner des effets qui, selon nous, seraient négatifs pour la représentativité de ce territoire et des individus qui l'occupent.

Dans le même sens, la Fédération québécoise des municipalités a également déposé certaines propositions à l'effet d'augmenter, si l'on veut bien, pour donner une place à la représentation proportionnelle, le nombre de députés, mais sans diminuer le poids politique des individus et des régions, là, qui sont... des régions rurales pour la plupart. Et on s'inscrit dans cette même mouvance où finalement, à partir du moment où on décide d'appuyer le développement des régions, il faut également être à leur écoute et s'assurer qu'un député soit leur porte-parole, et un porte-parole qui puisse être très près géographiquement et psychologiquement, je dirais, de la réalité et des gens qui occupent le territoire québécois.

M. Pelletier: Je présume de la réponse que vous allez donner à ma deuxième question, mais j'aimerais quand même l'entendre clairement. Vous savez, actuellement, l'avant-projet de loi propose que les écarts entre les circonscriptions soient de plus ou moins 15 %, et certaines personnes, elles, plaident, puis surtout des gens des régions évidemment éloignées des grands centres urbains, certaines personnes plaident pour qu'on revienne à la règle actuelle du plus ou moins 25 % d'écart entre les circonscriptions, en ce qui concerne les populations évidemment des circonscriptions. Alors, je voudrais savoir un peu où vous vous situez par rapport à cela.

M. Arseneau (Joël): L'écart de 15 % pris isolément sur une base strictement de population, j'ai le goût de vous répondre un peu par une boutade et mentionner que, si l'écart économique pouvait également être rétréci à 15 % ou l'éloignement en termes de kilométrage de l'Assemblée nationale était également de 15 %, on pourrait en discuter plus longuement. Mais ces facteurs-là sont, pour nous, primordiaux et on ne peut pas strictement décider, selon nous, d'un découpage électoral sur une base mécanique, sur une base statistique et sur une base per capita. Et je vais m'avancer même jusqu'à mentionner que, si, sur le plan international, les Nations unies fonctionnaient comme ça, bien on aurait un très gros siège pour la Chine, un siège un petit peu moins gros pour l'Inde, et le Canada serait très, très, mais alors très, très loin de pouvoir faire entendre sa voix. Alors, est-ce que l'on peut aussi, je dirais, considérer les facteurs autres que les facteurs purement mécaniques et statistiques pour donner la voix aux régions puis favoriser leur développement et l'occupation du territoire? Pour moi, la conclusion est certainement dans l'affirmative.

Le Président (M. Simard): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Arseneau. Vous venez plaider devant la commission la particularité des Îles-de-la-Madeleine, de Grosse-Île, et vous dites, entre autres, bien entendu: Il y a le facteur d'insularité, mais surtout vous appuyez beaucoup sur l'accessibilité au député. C'est que vous en faites une cause importante. Nous avons entendu cet argument à quelques occasions, mais on a aussi entendu d'autres arguments qui, en faveur de la proportionnelle, nous disaient que les citoyens, en fin de compte, ne s'identifient pas à un comté en tant que tel, mais ils s'identifient à une région.

n (10 heures) n

Entre autres, M. Larocque, qui est un des partisans de la proportionnelle, a appuyé beaucoup là-dessus en disant que les gens ne s'identifient pas à un comté, ils s'identifient à la région. Donc, la notion de district, etc., est beaucoup plus importante que l'accessibilité au simple député. Est-ce que vous pouvez élaborer davantage là-dessus pour nous convaincre que le rôle du député, pour le comté, c'est très important?

M. Arseneau (Joël): Oui. Bien, aux Îles-de-la-Madeleine, est-ce que c'est un trait exceptionnel de la population, je l'ignore, mais l'identité est très, très forte non seulement par rapport à l'archipel, mais par rapport à leur propre localité. Chez nous, on a vécu des tensions, ces dernières années, dans le dossier de la fusion des municipalités. Et je dirais que l'attachement, en plus d'être un attachement à la famille et parfois, j'oserais dire, au clan, il se fait au canton, puis ensuite au village ou à l'île, et ensuite à l'archipel. Et la région administrative, pour nous, a très peu, je dirais, d'impacts dans la mentalité des gens.

Et je vous dirais que, dans la dernière semaine, on a discuté de cette question-là et d'autres questions, et il y a beaucoup de gens qui prennent pour acquis que ça a commencé à mal aller, aux Îles, à partir du moment où on a créé la région Gaspésie?Les Îles-de-la-Madeleine. C'est ce qu'on entend parfois dans la population, une opinion qui, je pense, mérite d'être pondérée.

Mais c'est pour vous illustrer le fait que, de par leur insularité, par l'isolement, les gens ont dû se regrouper au cours des années ? j'allais dire même des siècles ? et ils ont développé donc des moyens de s'accrocher au territoire puis de survivre. Cet attachement-là au territoire, bien il se reflète, quand il est question de parler de politique puis de développement, à l'attachement au comté qui épouse les formes de l'archipel, et on doit pouvoir parler d'une seule voix à un moment donné. Et là on est, sur le plan municipal, presque tous réunis, mais, sur le plan provincial, nous n'avons qu'un seul porte-parole, un député, et c'est le seul attachement, je dirais, politique qui existe chez nous, le seul attachement administratif ou du moins le premier, il est en lien avec l'archipel, avec le territoire insulaire que l'on occupe.

Alors, je ne sais pas si je peux élaborer là-dessus, mais c'est clair que, si c'est un cas exceptionnel au Québec par rapport à ce que vous avez pu entendre ailleurs, bien peut-être que ça justifie d'autant plus le maintien d'un statut particulier.

Mme Houda-Pepin: Est-ce que vous seriez rassuré de savoir que la région Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine ne perdrait pas de poids politique, dans la mesure où elle garderait le même nombre de députés, sauf que, mettons, sur cinq, il y aurait deux qui seraient des députés de liste? Est-ce que vous estimez qu'un député de liste ne refléterait pas les préoccupations et la réalité de votre région et des Îles-de-la-Madeleine en particulier?

M. Arseneau (Joël): En fait, je dirais, sans parler nécessairement d'imputabilité, nous avons l'impression qu'un député de liste demeure un député presque virtuel. C'est une personne qui, selon nous, va aller présenter des courants politiques ou carrément des options politiques partisanes, des députés qui auront d'abord à rendre compte de leurs actions auprès du parti par rapport à ces courants-là, davantage que rendre compte auprès de la population. Donc, à ce niveau-là, nous pensons qu'un député comme celui-là serait très, très loin des préoccupations des gens liées, donc, à toutes les questions de développement économique, et social, et culturel, et d'identité. Et on estime que ce serait effectivement une perte de poids politique.

Et là je ferais peut-être un parallèle. Si le député de liste permet d'arriver à présenter ou à défendre des courants politiques minoritaires à l'Assemblée nationale, eh bien, la voix d'une région comme la nôtre, c'est aussi un courant, c'est aussi une opinion qui mérite d'être maintenue et toujours défendue à l'Assemblée nationale. Alors, c'est le parallèle que je ferais à ce moment-là. On ne peut pas, selon nous, remplacer, si on veut, l'opinion du citoyen par le courant politique minoritaire qui serait défendu par un député de liste. Qu'il soit superposé, on n'a pas vraiment de problème avec ça.

Mme Houda-Pepin: Bon. M. Arseneau, vous, ce que vous défendez, c'est le comté, c'est le député de circonscription qui est plus près de la réalité du milieu, à la limite une identification floue pour la région, mais quand même elle est là. Mais qu'est-ce que vous répondez aux gens qui nous disent: Il y a un déséquilibre démocratique, il y a des votes qui ne comptent pas, qui ne sont pas représentés démocratiquement à l'Assemblée nationale, et par conséquent il faut que les tiers partis aient une représentation équitable? Où est-ce que vous tracez la ligne de démarcation entre ces deux objectifs? Est-ce que vous êtes sensible à cet argument-là? Et, si oui, comment cela s'appliquerait dans votre région, Gaspésie? Îles-de-la-Madeleine? Et est-ce que vous êtes... vous rejetez la proportionnelle, même si on optait pour une proportionnelle avec une liste des candidats de district et non pas à l'échelle nationale?

M. Arseneau (Joël): Notre point de vue est nuancé sur ce plan-là, à savoir qu'il faut d'abord consolider la voix des individus, des citoyens et des régions qui habitent les territoires excentriques et donc les territoires davantage ruraux. Si ensuite on veut superposer à une telle structure un certain nombre de députés qui peuvent exprimer des points de vue politiques et des courants politiques, là, nous, on peut adhérer à ce genre de structure. Donc, on n'est pas contre évidemment le fait que toutes les voix et tous les courants politiques soient entendus à l'Assemblée nationale, mais il ne faut pas que ça se fasse aux dépens des régions et des populations qui habitent ces régions, tout simplement.

Mme Houda-Pepin: Peut-être dernière question. Non?

Le Président (M. Simard): Enfin, à moins que vous y arriviez à l'intérieur d'une minute, question, réponse très rapides.

Mme Houda-Pepin: Oui, très rapidement, très rapidement. Admettons qu'on ait des députés de liste et que vous ayez des représentants de région, comment cela s'articulerait avec le rôle de la conférence régionale des élus?

M. Arseneau (Joël): Les députés de liste avec la conférence régionale des élus. Je ne sais pas comment interpréter votre question. Je pourrais y aller de façon très générale en disant qu'il y aurait une collaboration qui devrait être mise en place, etc. Mais encore une fois je dois vous dire que, si le député de liste, comme il est parfois décrit, serait en quelque sorte au-dessus de la mêlée et pourrait provenir d'à peu près n'importe où au Québec pour ensuite représenter un secteur, on risquerait d'avoir encore une fois une certaine distance entre la population, les problématiques régionales et celles qui peuvent être défendues naturellement par un député de liste. Et je pense qu'il pourrait être politiquement... Bon. Et on aurait certainement besoin d'une période d'adaptation, parce que la CRE, compte tenu qu'elle représente d'abord les élus, les élus locaux qui sont imputables devant la population, je pense qu'ils seraient davantage représentatifs des opinions et des préoccupations de la région et qu'il y aurait certainement une période d'adaptation nécessaire, et je ne suis pas certain que c'est une transition qui serait très agréable.

Le Président (M. Simard): Voilà. Merci, M. Arseneau. Merci, Mme la députée de La Pinière. Nous passons maintenant aux questions de l'opposition officielle, qui dispose de 10 minutes. M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, M. Arseneau, merci de votre contribution. Et, je vous dirais, je suis quasiment ravi que le Directeur général des élections se soit questionné quant à votre statut particulier, parce que ça nous a permis de vous entendre aujourd'hui. Et vous représentez de manière remarquable les gens de l'archipel des Îles-de-la-Madeleine, et je salue la rationalité de vos propos et la qualité de vos arguments.

n (10 h 10) n

Ce qui ressort de vos propos, c'est, entre autres choses... entre autres, que, dans le système actuel ? et je ne suis pas un fervent du système actuel ? il y a quand même eu, au fil du temps, un équilibre qui s'est créé, et vos propos, aujourd'hui, démontrent pourquoi il y a eu statut d'exception et en quoi cela était-il justifié. Et, quand vous parlez du poids des régions, au fond ce n'est pas que vous voulez avoir autant de députés que l'île de Montréal, île de Montréal, 29 députés, la Côte-Nord présentement en a deux, mais les gens disent: Ne diminuez pas le poids que nous avons dans cet équilibre. Alors, au fond, ce que vous dites, c'est: Ne diminuez pas cet équilibre. Et les gens qui ont pensé cet avant-projet de loi, je me demande des fois: À quoi ont-ils pensé pour ne pas travailler à l'intérieur de cet équilibre-là? De toute façon, ils ont entendu ce que les régions ont dit.

Donc, des facteurs historiques, un équilibre, et vous dites: Un député de circonscription pour les Îles, c'est fondamental. La péninsule, la Gaspésie a cinq députés. Dans l'avant-projet de loi, il y en aurait deux, plus un pour les Îles, s'il avait un statut particulier, un député de district. Alors, il y aurait comme trois députés, là, sur le continent.

Vous avez répondu remarquablement aussi à la question du 15 %. Alors, la démocratie, ce n'est pas juste une question de mathématique. Il y a là quelque chose d'important, et l'avant-projet de loi va plus loin, hein, parce qu'on change les paramètres: 15 % de population; on a changé le 25 % électeurs pour 15 % de population.

Alors, dans ce cadre-là, moi, ce que je vous dirais: Si on ne touchait pas à cet équilibre, donc à la carte électorale... Parce que c'est l'infrastructure d'un mode de scrutin, la carte électorale. On ne touche pas à ça. On part de 125 et on dit: On augmente le nombre de députés au Québec pour créer un effet compensatoire. Alors là, il pourrait y avoir un scénario minimal, c'est celui de la FQM. On pourrait avoir un scénario optimal, monter à 150... 175 députés minimalement et faire en sorte que, si la distribution était nationale, bien, que la liste puisse permettre qu'ils sont distribués dans les 17 régions du Québec.

Est-ce que cette possibilité, de concilier les intérêts régionaux, les intérêts des urbains et des gens qui disent qu'il faut quand même avoir, là, plusieurs voix à l'Assemblée nationale, pourrait être une voie qui vous semble un consensus acceptable pour les gens des Îles, même si on sait très bien que vous n'auriez pas le même poids mathématique, là?

M. Arseneau (Joël): Bien, je pense que vous avez bien compris le sens de notre mémoire. La question n'est pas d'aller chercher une voix ou une proportion plus grande dans le droit de parole qu'on peut avoir à l'Assemblée nationale, mais c'est de garder une représentativité, c'est de garder une voix. Et, si effectivement, sur une base mathématique, on en vient à dire qu'il faut rajouter des sièges dans certains secteurs plus urbanisés ou encore par le biais de listes et de... une représentation davantage de parti, même si mathématiquement le poids diminue, la représentativité, elle, demeure, c'est-à-dire que la voix continue d'être là pour parler en notre nom. Et on ne veut pas nier les courants politiques qui peuvent vouloir s'exprimer dans la société québécoise. On dit, et je le répète, qu'il ne faut pas que ce soit substitué à la voix des régions, tout simplement. Alors, oui à votre question.

M. Thériault: Il y a des gens qui remettent en cause le lien élu-électeurs en disant: Bon, bien, il peut avoir un lien élu-électeurs même si son assise n'est pas une assise de circonscription. Il suffit d'avoir le même nombre, dans une région, de députés pour que naturellement ce lien-là se crée. Vous pensez quoi de ça?

M. Arseneau (Joël): J'aimerais que vous précisiez votre question, s'il vous plaît.

M. Thériault: Il y a des gens qui contestent le lien élu-électeurs sur la base des circonscriptions et qui pensent que le lien élu-électeurs peut aussi être préservé par le nombre de députés qui existeraient à l'intérieur d'une région, sans pour autant qu'ils soient associés à une circonscription. Voyez-vous une différence ou êtes-vous d'accord avec ces propos-là?

M. Arseneau (Joël): Bien, effectivement, je pense qu'il faut que le député soit imputable auprès de la population, et on doit au moins avoir ce premier lien là avec le député qu'on a choisi, qu'on a élu et qui s'est engagé à défendre les principales préoccupations des gens qui occupent un territoire. C'est, pour nous, le point de départ, parce que le territoire et parce que les préoccupations sont tout à fait particulières... qu'on a besoin d'une voix particulière. Et je ne pense pas d'aucune façon qu'un député qui soit élu avec d'autres modalités puisse faire le même travail, de la même façon, avec le même sens des responsabilités et puis le même contact avec la population puis le même engagement en lien avec la population également.

M. Thériault: Je vais permettre à mes collègues et mon collègue, peut-être, des Îles ou à ma collègue de la Côte-Nord de poser... de vous adresser une question.

Le Président (M. Simard): Oui. Je souligne, en passant, qu'il y a eu un arrangement entre les partis: le cinq minutes qui était libéré par l'absence du député de l'Action démocratique sera utilisé par le député des Îles. Alors, j'invite la députée de Duplessis à prendre la parole.

Mme Richard: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Arseneau. Merci beaucoup pour vos propos, j'ai écouté, encore une fois de plus, la voix des régions. Vous savez, je suis députée du comté de Duplessis, une très grande région, la Côte-Nord. C'est deux comtés. Lorsque la conférence régionale des élus est venue faire sa présentation, nous avons demandé, en région Côte-Nord, d'obtenir, tout comme vous, une circonscription d'exception. J'aimerais savoir: Est-ce que vous seriez d'accord que la Côte-Nord, tout comme les Îles-de-la-Madeleine, obtienne un statut d'exception?

M. Arseneau (Joël): Je connais moins bien, évidemment, la situation de votre territoire et de votre comté, votre circonscription, sauf que l'idée, pour nous, n'est pas de défendre un privilège jalousement et d'en exclure les autres populations. Alors, si les arguments valent pour nous et qu'on peut démontrer qu'ils valent également pour d'autres secteurs excentriques ou régions éloignées, bien, nous, ce qu'on réclame, ce n'est pas, donc, d'être les seuls à bénéficier d'une exception, mais bien d'avoir un caractère d'exception qui corresponde à nos préoccupations. Alors, de ce point de vue là, on est toujours sensibles aux préoccupations d'autres régions qui éprouvent les mêmes difficulté que nous parfois sur le plan économique, social ou de l'isolement par rapport aux grands centres. Et, de ce point de vue là, sans connaître véritablement les arguments qui ont été invoqués, disons qu'on est sympathiques à l'idée que la voix des régions continue d'être forte et entendue et, pour paraphraser M. Pelletier, comprise par nos élus à Québec.

Mme Richard: Merci.

Le Président (M. Simard): Merci. Petit complément de question, Mme la députée?

Mme Richard: J'ai vu également, M. Arseneau, que vous ne vous étiez pas nécessairement prononcé par rapport aux députés de liste, vous avez fait votre plaidoyer pour obtenir une circonscription d'exception. Vous avez été représentés pendant de nombreuses années par Mme Leblanc ici, à l'Assemblée nationale. Et vous savez que, bon, on a tout un débat, si on veut, pour la présence des femmes en politique, pour augmenter la présence des femmes. Et certains groupes de femmes viennent nous dire que, bon, avec les députés de liste, on pourrait prioriser les femmes, les premières sur la liste. Bon. Moi, je ne suis pas totalement d'accord. Comme femme élue au système uninominal à un tour, j'ai toute ma légitimité, je suis moins d'accord avec cette formule-là. Mais je voudrais savoir si vous en avez discuté avec les gens chez vous.

M. Arseneau (Joël): Non. Pour répondre très précisément à votre question, ça n'a pas fait l'objet de discussions chez nous. Mais, comme vous l'avez mentionné, les candidates qui se sont déjà présentées aux élections... et celle qui a été élue a rempli sa mission de façon brillante, et, de ce point de vue là, nous, on ne s'est pas prononcés à savoir... En fait, pour nous, c'est la personne qui est la plus engagée envers la communauté qui pourra remporter ses élections. Et ce qu'on espère, c'est que les partis... et je pense qu'ils ont un rôle à jouer également pour faire une plus grande place à la représentation féminine. Et je ne suis pas certain ? là, c'est une opinion tout à fait personnelle ? que la question des députés de liste soit la panacée pour la représentativité des femmes en politique, et qu'il y a d'autres moyens qu'on peut utiliser d'ici à...

Le Président (M. Simard): Très rapidement, il nous reste trois, quatre minutes, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine): Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, vous me permettez de vous remercier pour le privilège que vous m'accordez de participer à vos importants débats, et en particulier, ce matin, sur le maintien de la circonscription des Îles-de-la-Madeleine comme une circonscription distincte. Je veux aussi remercier le ministre pour sa générosité, sa proposition, je sais que c'est lui qui a fait la proposition pour que je puisse intervenir.

n (10 h 20) n

J'ai aussi eu l'occasion, je pense, en Chambre, à l'Assemblée nationale, sur l'adoption de principe ou enfin sur la motion... sur la question de la motion qui a été présentée, plus exactement, de reconnaître le fait que les Îles-de-la-Madeleine se trouvaient protégées dans cet avant-projet de loi.

Je veux aussi saluer l'ensemble des membres, des collègues, mais aussi des membres de cette commission pour le travail extrêmement important que vous êtes en train de réaliser. M. le Président, je veux aussi saluer Joël Arseneau ? j'ai le goût de l'appeler Joël ? c'est un de mes anciens étudiants. C'est un jeune, mais ça fait quelques mois qu'il a les responsabilités de cette nouvelle municipalité des Îles-de-la-Madeleine. Vous avez vu avec quel aplomb, avec quel discernement et quelle justesse il a non seulement présenté le mémoire, lequel je partage entièrement, puisque c'est un mémoire conjoint, mais la façon avec laquelle il a répondu aux questions. Et je veux, je veux le féliciter pour sa présentation.

J'aimerais prendre quelques minutes. Je ne sais pas qu'est-ce que ça... Je ne veux pas aller du côté du mémoire, puisque je pense qu'il parle par lui-même et il est complet. Mais je veux peut-être vous apporter quelques précisions, quelques anecdotes ou encore des perspectives historiques qui peut-être vous feront mieux comprendre comment on a pu en arriver, aux Îles-de-la-Madeleine, en 1979, à cette proposition d'amendement que Mme Leblanc a déposée au moment de l'adoption de la Loi modifiant la Loi électorale au Québec, qui a fait en sorte de protéger, de façon unique au Québec, les frontières du comté des Îles-de-la-Madeleine.

D'abord, je vous dis qu'on aurait pu par égoïsme dire: Bon, le comté des Îles va être protégé. Merci, M. le ministre, puis on ne parle pas. On se tient bien, bien tranquille pour éviter que ça fasse des éclats. Mais ce n'est pas... Ce n'est pas...

Une voix: ...

M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine): Oui, fasse des jaloux, puis ce n'est pas vraiment le tempérament des Madelinots. D'abord, je vous dirais qu'aux Îles on a toujours une expression qui dit que ce n'est pas pareil. Et je pense que, dans le cas... Le plus bel exemple, c'est le cas patent de l'exception que les Îles représentent. Maintenant, le plus bel exemple qu'on a eu, je crois... Et je me trouve à répondre un petit peu à la question du ministre lorsqu'il parle d'accessibilité aux députés et de représentation.

On a vécu, aux Îles, le même phénomène au niveau fédéral. Il y a eu un comté des Îles-de-la-Madeleine à la Chambre des communes de 1959 à 1968, dans le coin à peu près, donc pour une dizaine d'années. Et évidemment, à ce moment-là, les Madelinots n'étaient pas représentés ni à la Chambre des communes ni à l'Assemblée nationale par des Madelinots. C'étaient des étrangers qui représentaient les Madelinots lors des forums et dans les assemblées. Et le comté des Îles au fédéral a été... Évidemment, avec les normes, en fonction des règles, et tout ça, c'était presque intenable.

Le comté des Îles est disparu. On a été rattaché d'abord au comté de Bonaventure. Là, il y avait des propositions. Même, je pense que Maurice Sauvé voulait que les Îles-de-la-Madeleine soient rattachées au comté d'Outremont, où il résidait, ça faisait un peu incongru. De sorte que graduellement, au niveau fédéral, les Îles-de-la-Madeleine, on a été intégré dans le comté de Bonaventure, dans le comté de Pabok?Gaspé? Bonaventure?Les Îles-de-la-Madeleine. C'est le cas actuellement, on l'appelle le comté de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, au niveau fédéral.

Mais ce que ça a eu comme résultat aux Îles-de-la-Madeleine, c'est que les Madelinots se sont désintéressés graduellement des élections fédérales. Et actuellement les Madelinots votent entre 40 % et 50 %. C'est ça, le taux de participation des Madelinots aux élections fédérales. Parce que jamais on ne peut envoyer à la Chambre des communes quelqu'un qu'on va être sûr qui va prendre la part ou la défense des Madelinots. Alors que, par exemple, au référendum, en 1995, 97 % des gens des Îles sont allés voter. Et, au niveau provincial, au niveau québécois, les Madelinots votent. Disons, donc ça, c'est l'exemple frappant. Et, quand on regarde pour la région Gaspésie? Les Îles, je me souviens, par exemple, cette région immense, un pays, comme, par exemple, la Côte-Nord, n'a qu'un seul représentant à la Chambre des communes. L'Île-du-Prince-Édouard, qui a à peu près la même population mais loin d'avoir la même superficie que la Gaspésie et les Îles, a quatre représentants à la Chambre des communes à Ottawa. Il y a donc plus que la question de la population et des réalités, etc.

L'autre exemple... ou l'autre donnée sur laquelle je veux insister, c'est l'insularité. C'est vrai que, quand on va dans certains coins de la Basse-Côte-Nord, ce sont presque des insulaires puisque, pour accéder, c'est extrêmement compliqué, et pour le député aussi. Mais l'insularité des Madelinots, c'est vraiment l'outre-mer, presque, pour le Québec. On me fait signe que je dois déjà... Oui. Alors, et il y a les archipels aussi...

Le Président (M. Simard): Vous étiez très bien parti. Vous étiez très convaincant.

M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine): ...dans le golfe, Saint-Pierre-et-Miquelon, par exemple, a un sénateur au Sénat français, et il vient de Miquelon, 630 personnes. Donc, il y a d'autres réalités.

L'accessibilité au député, c'est extrêmement important. Les Îles-de-la-Madeleine ont un comté depuis 1895. Entre 1910 et 1976, au moment où Mme Leblanc a été élue, ça a tous été des étrangers qui ont représenté les Îles-de-la-Madeleine à l'Assemblée nationale du Québec, puis je peux vous les nommer. Amédée Caron, père et fils, qui se transmettaient le comté des Îles de façon presque sans élection jusqu'en 1936, au moment où Hormidas Langlais a été élu pour l'Union nationale. C'était un charmant monsieur du Bas-Saint-Laurent. Il venait aux Îles l'été. Il avait sa chambre à l'hôpital parce qu'il était celui qui avait contribué à construire l'hôpital. Et il a été élu jusqu'en 1962, au moment où Maurice Sauvé a sauvé Lacroix, parce que Lacroix a été élu en 1962. Vous savez, il y a des élections successives au Québec, et Louis-Philippe Lacroix a représenté les Îles jusqu'en 1976, au moment où Mme Leblanc a été élue. Vous voyez. Et il n'y avait pas de bureau de comté jusqu'au moment où je vous parle. Denise Leblanc et Georges Farrah ont été donc ceux qui ont permis de redonner confiance à ce peuple madelinot quant à leurs moyens, quant à leurs capacités, quant au fait qu'ils doivent défendre leur volonté. Maintenant, ce ne serait plus possible de revenir en arrière.

Mon plaidoyer, M. le Président, et je termine là-dessus...

Le Président (M. Simard): Vous êtes absolument... Votre plaidoyer est passionnant, mais je dois y mettre fin, M. le député. Et je vous remercie beaucoup.

M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine): C'est un plaidoyer sur l'exception, mais aussi sur une perspective historique quant au système électoral qu'on a au Québec, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Alors, merci beaucoup. Je pense que votre message a été très bien entendu. J'invite maintenant quelqu'un qui n'est pas Madelinot mais qui est du Bas-du-Fleuve, il est de Baie-du-Sable, M. Morisset, à poser la première question pour le comité citoyen.

M. Morisset (Michel): Alors, Michel Morisset, de Baie-des-Sables. M. Arseneau, moi, j'essaie de suivre votre pensée, j'essaie de suivre votre pensée, et au fond, si je comprends votre pensée, c'est que vos craintes ? vous me corrigerez si je me trompe ? vous ne voulez pas qu'il arrive comme il est arrivé un peu avec le traité de l'Union, là, du Haut puis du Bas-Canada qui pourrait entraîner, disons, une crise, des crises sociales majeures. Ce que vous voulez, c'est de garder une paix sociale et de protéger vos acquis. Est-ce que c'est ça, votre pensée?

M. Arseneau (Joël): Bien, ce que je vous dirais, c'est: Vous me donnez l'occasion de mentionner aujourd'hui qu'au départ, lorsqu'on a écrit le mémoire, on l'a basé sur certaines inquiétudes, sur certaines craintes. À partir du moment où on évoquait la possibilité de devoir débattre de cette question, bien ça soulevait certaines inquiétudes. Et je vous dirais aujourd'hui que, même si ça n'a sûrement pas fait l'objet de longues discussions ou plaidoyers au cours de la commission, ce que je dirais aujourd'hui, c'est qu'on demande plutôt que ce soit réaffirmé. En fait, l'objectif ici, aujourd'hui, n'est peut-être plus d'exprimer des inquiétudes ou des craintes mais réaffirmer des principes qu'on espère voir la commission épouser, et affirmer de vive voix, et reconfirmer. En d'autres mots, on ne voudrait pas, aujourd'hui, que l'article 171 de l'avant-projet de loi soit oublié parmi les pages et que ce soit adopté comme lettre à la poste. J'aimerais au contraire que des gens puissent se lever, et je sais que Maxime Arseneau le fera et j'espère que quelqu'un d'autre pourra aussi dire: Il y a cet article 171, et on réaffirme ce qui avait été mentionné en 1979. Et ça, ce serait l'objectif ultime que l'on poursuit aujourd'hui.

Le Président (M. Simard): M. Boivin.

M. Boivin (Guillaume): Bonjour, M. Arseneau. Moi aussi, je voudrais souligner votre aplomb aussi puis votre ouverture d'esprit par rapport aux préoccupations qui ne sont pas forcément celles de vos intérêts locaux. Trop souvent, lorsqu'on pose des questions... la question est: Est-ce que ce compromis vous apparaîtrait acceptable? Et l'intervenant nous répond, nous réitère sa position originale, son intérêt local, disons, plus pointu, sans considérer les autres points de vue. Et, à ce moment-là, ça impose que les arbitrages soient faits sans éclairage quant aux arbitrages souhaités entre deux pôles, et justement vous avez montré des ouvertures. À ce moment-là, ça facilite la tâche.

n (10 h 30) n

Ma question, ce serait à savoir... quant aux modalités de passation pour procéder à une telle réforme, la question à savoir est-ce que ce serait un vote majoritaire de l'Assemblée nationale, un vote unanime de l'Assemblée nationale, est-ce que ça prend une consultation populaire. À ce moment-là, il y a des arguments qui militent dans les deux sens. Si c'est pour faciliter l'expression de la population, l'opinion est fondamentale, ça, ça milite vers une consultation populaire. D'un autre côté, rien que pour vous situer les pôles, on peut se demander: Est-ce que, par exemple, si une réforme s'avérait favorable au milieu urbain, est-ce qu'on soumet les droits des milieux ruraux ou des régions, disons, à la tyrannie de la majorité des milieux urbains? De la même manière, si on veut favoriser le pluralisme politique, est-ce qu'on soumet le droit à l'expression des courants politiques minoritaires à la bonne volonté, si c'est un droit, des courants politiques majoritaires lors d'un référendum à majorité? À ce moment-là, il y a des arguments dans les deux côtés. Avez-vous pensé à la question?

M. Arseneau (Joël): Si j'y ai pensé? Je vous répondrai très candidement que ça n'a pas fait l'objet de longues réflexions, compte tenu du contexte dans lequel j'évolue actuellement où les préoccupations beaucoup plus terre à terre nous rejoignent au quotidien. Mais je vais quand même émettre mon point de vue là-dessus en disant, d'entrée de jeu, que je crois comprendre que la commission parlementaire a élargi ses cadres pour donner justement une place plus grande à la diversité d'opinions, et ça, je pense que c'est déjà un point de départ fort intéressant. Elle s'est aussi déplacée à travers le Québec. Bien entendu, on ne s'est pas rendu jusqu'aux Îles-de-la-Madeleine, mais on ne peut pas vous le reprocher, vous êtes quand même venus tout près, en Gaspésie, et vous me permettez d'être ici, aujourd'hui.

Alors, je pense que c'est avec ce genre d'ouverture là qu'on donne le ton. À savoir si on doit adopter une réforme par un scrutin général ou par voie de consultation populaire, mon avis vaut celui des autres, mais je pense que, lorsque l'Assemblée nationale parle d'une seule voix avec une adhésion de chacun des partis à une proposition, je pense qu'habituellement c'est gage d'un appui aussi de la population. Alors, à mon sens, c'est peut-être la voie à explorer, d'arriver à une position commune des différents partis représentés à l'Assemblée nationale. C'est une opinion toute personnelle.

Le Président (M. Simard): Alors, nous avons ? il est passé 10 h 30 ? donc épuisé l'heure qui était à notre disposition. Je vous remercie infiniment, M. Arseneau. Vous savez que nous aurions souhaité aller aux Îles-de-la-Madeleine. Nous y étions invités d'ailleurs attentivement. Plusieurs députés avaient envie d'y faire, pour certains d'entre eux, une première visite. Vous avez évoqué la présence de Mme Leblanc tout à l'heure... la mémoire de Mme Leblanc. Nous gardons tous un formidable souvenir de cette représentante des Îles. Alors, merci de votre présence ici, aujourd'hui.

Et j'invite tout de suite M. Henri Massé et ceux qui l'accompagnent de la Fédération des travailleurs du Québec à venir présenter leur mémoire.

Alors, M. Massé est un habitué de nos commissions, mais je lui donne un petit peu le temps dont il dispose et je rappelle le temps dont nous disposerons ensuite. Vous avez 10 minutes pour nous présenter l'essentiel de votre mémoire; ensuite, le parti ministériel, 7 min 30 s; le parti de l'opposition officielle, cinq minutes; le député indépendant, 2 min 30 s; et le comité citoyen, cinq minutes. Je m'excuse d'avoir coupé trois minutes au comité de citoyens lors du dernier échange, par distraction. Merci. M. Massé.

Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Massé (Henri): Bonjour. Je suis avec Lise Côté, qui est du Service de la recherche de la FTQ. Et je voudrais vous remercier d'abord de l'opportunité de nous faire entendre sur un débat qui est très important pour la société québécoise.

D'entrée de jeu, j'aimerais vous rappeler qu'à la FTQ nous avions discuté de la proportionnelle au début des années soixante-dix, et, bon, c'est après, on ne le cachera pas, là, deux scrutins où le Parti québécois avait ramassé 20 % et 30 % des suffrages universels et où il avait cinq, six députés d'élus à chaque fois. Et, pendant une vingtaine d'années, on n'a jamais refait le débat. Et, il y a quelques années, deux ans, lorsque le débat a repris là-dessus, je vous dirais qu'on a été les derniers, à la FTQ, parmi ceux qui sont d'accord avec un système à la proportionnelle, on a été les derniers à embarquer.

Et, si je dis tout ça, là, ce n'est pas par plaisir, parce qu'habituellement on aime bien ça, se pointer en commission parlementaire puis se montrer pas mal plus sûrs de notre affaire que même on l'est des fois. Mais on veut vous le dire d'entrée de jeu parce qu'on pense qu'il n'y a pas de place dans ce débat-là pour l'improvisation puis il n'y a pas de place pour l'empressement. D'ailleurs, on avait refusé, la dernière fois, carrément d'adhérer à une coalition qui voulait ça avant les dernières élections. Je pense que ce n'est pas un sujet qui se traite sur un coin de table, et il faut prendre le temps que la population digère bien le projet avant d'aller de l'avant.

Même si on est tièdes, les avantages, quant à nous, l'emportent sur les inconvénients. Et je vais commencer par les inconvénients. On ne veut pas d'un régime, nous, qui engendre trop de gouvernements minoritaires. Je pense que la stabilité gouvernementale, c'est important dans notre société, surtout qu'on va être dans un régime fédéral qui n'aura pas le même genre de scrutin. Et c'est important pour nous de maintenir encore une fois la stabilité des gouvernements, la stabilité politique. Puis, de temps en temps, on pense qu'un gouvernement, ça a de besoin d'être sanctionné, et je pense que c'est sanctionné plus clair des fois quand on n'est pas dans un régime à la proportionnelle.

Maintenant, il y a un avantage sérieux et très important à la proportionnelle, c'est que ça rapproche le pourcentage de sièges du pourcentage de votes et ça permet à des tiers partis d'être représentés à l'Assemblée nationale, alors qu'elle ne l'aurait pas été, même si elle a un pourcentage de votes assez appréciable. Autrement dit, ça permet à plusieurs courants de s'exprimer.

Maintenant, si on regarde le projet actuel qui est sur la table, on a beaucoup de difficultés avec le projet. D'abord, nous, on souhaiterait une proportionnelle plus modérée. Et, au lieu de 125 sièges à 77, la formule qu'on a devant nous, là, 77 directement et une cinquantaine à la proportionnelle, nous, on pense que ça devrait être une centaine de sièges élus directement et une trentaine à la proportionnelle. Et on n'a pas de méthode scientifique pour établir ça, là, mais on a quand même lu les présentations ou les études, les analyses de plusieurs spécialistes sur la question, et, nous, ce qu'on propose, c'est d'y aller plus modérément.

Et il y a deux éléments à notre affaire. On dit: Quand on change notre système de façon aussi importante, on est peut-être mieux de le faire d'une façon un peu plus modérée, un peu plus pondérée, quitte, avec l'expérience, à aller plus loin après. Mais supposons qu'on va trop loin dans un premier temps puis on dit: Il faut redéfaire ce régime-là, nous, on pense qu'on ne sera pas capables de redéfaire ça. On est mieux d'y aller, je dirais, un peu par étapes, par tâtonnement puis y aller de façon plus modérée.

Deuxièmement, on a toujours trouvé important le rôle des députés dans la société québécoise. Et, bon, j'entendais le témoignage de l'exception pour les Îles-de-la-Madeleines, mais, moi, je pense qu'au Québec, dans beaucoup de circonscriptions, compte tenu de l'étendue du Québec... Parce qu'on se compare souvent à d'autres pays d'Europe puis tout ça, là, mais, quand on va voir l'immensité des territoires qu'on a à couvrir au niveau du Québec, moi, je pense qu'il faut faire en sorte que les citoyens ou les citoyennes se sentent assez près aussi de leurs députés.

n (10 h 40) n

Deuxième élément, c'est sur la question de la répartition des sièges de liste. À l'heure actuelle, dans la proposition, on parle de le faire au niveau des districts, et, nous, ce qu'on suggère, c'est de le faire à l'échelle nationale. Par exemple, s'il y a 30 sièges de liste à pourvoir, si un parti va chercher 40 % du vote, bien il aurait le droit à 12 sièges. Mais on voit ça au niveau national. Et l'importance de ça: je pense que ça va permettre d'abord aux plus petits partis d'avoir peut-être une meilleure place, à un moment donné, un peu sur l'échiquier.

Mais, deuxièmement, on a peur de la confusion des rôles au niveau des députés dans les régions, dans les circonscriptions. Et, moi, je viens de l'Abitibi, je connais très bien l'Abitibi, quand on prend avec le Nord, il y a quatre députés. Supposons, c'est quatre députés d'un même parti qui passent, ensuite on leur accole, au niveau du district, un député qui vient de l'autre parti. Moi, je pense que, même si on essaie, là, d'avoir la meilleure volonté du monde puis de dire: On va s'organiser pour ne pas qu'il y ait confusion au niveau des rôles, puis des députés de liste, ce sera ça, puis les autres, ce sera leur rôle traditionnel, moi, je pense que, dans la vraie vie, ce n'est pas comme ça que ça va se passer. Ça fait que, quant à ça, c'est pour ça qu'on dit que les députés de liste, ce seront des députés de liste qui représentent leurs partis, mais il n'y aura pas de confusion au niveau des rôles, au niveau des circonscriptions.

C'est un débat très important qu'on a devant nous et... Ah! Il y a un autre élément sur le projet où on est en complet désaccord, là, c'est la norme pour avoir le droit à la liste, là, aux députés de liste. Dans le projet de loi, si je comprends bien, c'est 15 %. Quand on regarde les expériences internationales, ça tourne plus autour de 5 %. On ne voudrait pas Israël, puis tout ça, là, où les gouvernements sont complètement puis constamment déstabilisés. Mais, à 5 %, ce semble être une norme qui n'est pas trop pire dans les pays où ils ont la proportionnelle. Et ça, moi, je vous le dis franchement, d'entrée de jeu, à la FTQ, s'il fallait qu'on reste à la norme de 15 % puis qu'on continue l'espèce de tripartisme PLQ-ADQ-PQ, nous, on trouve qu'il n'y a pas d'intérêt, quant à nous, là, il n'y a pas d'intérêt pour la proportionnelle. Le plus gros intérêt pour la proportionnelle, moi, je pense, c'est de permettre à certains courants de s'exprimer à l'Assemblée nationale. Mais, si on met la barre à 15 %, on va tout simplement changer quelques députés de place puis on ne permettra pas à ces courants-là de s'exprimer réellement à l'Assemblée nationale. Et, dans ce cadre-là, si on maintenait la barre là, on ne voit pas l'utilité de maintenir la proportionnelle.

Ça fait qu'en conclusion je voudrais vous dire qu'on trouve que c'est un débat très important. Il faut que les Québécois et les Québécoises y adhèrent le plus massivement possible, et, nous, on souhaite que ça se fasse par le biais d'un référendum. Ça peut être au moment d'une élection, si on ne veut pas perdre des semaines puis des mois à préparer un référendum. Accoler ça sur une élection, ça ne nous dérangerait pas pantoute, ça servirait pour l'élection d'après, s'il y a lieu.

Et il y a d'autres questions qu'on aurait aimé vous soulever ce matin, mais le temps nous manque. Mais, au-delà de la proportionnelle, là, il y a toute la question du rôle du député, de la ligne de parti qui nous préoccupe. Parce que, si on amène une proportionnelle mais on maintient les rôles des députés exactement comme ils sont à l'heure actuelle... Nous, on pense que la ligne de parti, il faut que ça continue à exister, mais peut-être qu'on pourrait avoir plus de souplesse, un petit peu plus de pouvoirs dans certains comités parlementaires. Il y aurait un long débat à faire là-dessus.

La Loi électorale. Il y a beaucoup de choses qui nous fatiguent dans la Loi électorale. On est en Cour supérieure, à l'heure actuelle, pour la contester puis on va aller en Cour suprême, à la FTQ, s'il le faut. Au moment d'une campagne électorale, on est rendus qu'on n'a pas le droit, comme citoyen ou comme groupe, on n'a pas le droit de s'exprimer. On comprend que la Loi électorale, le financement, ça permet à des groupes d'intérêts de ne pas venir débalancer le vote avec le pouvoir de l'argent puis des pouvoirs immenses, mais on n'a quasiment pas le droit de parler d'aucun sujet pendant une période électorale. Ça fait que ça aussi, ça nous préoccupe. Probablement qu'on aura la chance de vous en reparler une prochaine fois.

Mais encore une fois c'est des sujets qui... quand on parle de la proportionnelle, je pense, c'est pour avoir un régime qui est encore un peu plus démocratique, plus proche du voeu de la population. Ces autres questions là, on les trouve importantes aussi.

Le Président (M. Simard): Merci, M. Massé. J'invite d'abord le ministre à vous poser la première question.

M. Pelletier: Merci, M. le Président. M. Massé, merci beaucoup. Madame, merci d'être ici. Merci d'être ici, aujourd'hui. Merci de votre présentation. J'ai compris que d'emblée vous prenez position en faveur d'une réforme du mode de scrutin, et donc ça, c'est la prémisse de départ. J'ai noté cependant, dans le mémoire que vous avez présenté, que vous êtes favorable à la mixte proportionnelle, si je comprends bien, et je vais vouloir vous entendre sur cette proposition-là un petit peu plus. J'ai vu que vous avez une grande préoccupation pour la stabilité politique au Québec. Ça, j'ai compris ça de vos propos. Vous n'êtes pas le seul d'ailleurs qui s'exprime dans ce sens-là devant la commission. Mais en même temps vous êtes favorable à ce que l'Assemblée nationale soit davantage au centre d'un débat d'idées, d'un débat d'opinions, vous êtes favorable au pluralisme politique.

La question que je me pose toujours dans le fond, c'est: Comment concilier la stabilité politique et gouvernementale, d'une part, avec, d'autre part, la présence de tiers partis à l'Assemblée nationale, et le débat d'opinions, et la représentativité dont vous parliez?

M. Massé (Henri): Bien, c'est pour ça qu'on a fixé la barre à une trentaine de députés de liste. On n'a pas fait de calcul à partir de là, mais, quand on le regarde, là, on pense que, dans la plupart des cas, il va y avoir encore des gouvernements minoritaires de temps en temps au Québec, mais c'est assez rare. On pense que ça arriverait à peu près dans la même fréquence. Mais ça pourra permettre au Parti vert ou unions de gauche, s'ils ont un pourcentage assez considérable du vote, d'avoir un ou deux représentants à l'Assemblée nationale, alors qu'à l'heure actuelle ils ne sont pas capables d'en avoir malgré qu'ils peuvent aller chercher 7 %, 8 % du vote sans faire élire personne.

Ça fait qu'on dit, c'est... La stabilité gouvernementale, nous autres, c'est en termes de question de gouvernements minoritaires. Tu sais, trop de gouvernements minoritaires, là... Bon. Au fédéral, il y en a eu une couple, là, à un moment donné ça devrait finir, ça. Ça peut être le fun pour un bout, mais on n'a pas l'impression que c'est ça que ça nous prend au Québec.

Le Président (M. Simard): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Massé. Dans votre mémoire, vous avez accordé beaucoup d'importance aux modalités de l'exercice du droit de vote. Et vous vous prononcez en faveur des mesures proposées dans l'avant-projet de loi justement pour améliorer l'exercice du droit de vote, et vous insistez beaucoup sur le rôle du Directeur général des élections qui devrait, en fin de compte, contrôler toute cette opération-là.

Compte tenu que les modalités d'exercice du droit de vote sont des mesures qui peuvent être éventuellement introduites assez rapidement, même en prévision de la prochaine élection, est-ce que vous seriez d'avis que la commission, dans sa grande sagesse, pourrait procéder assez rapidement avec ces mesures-là, évidemment s'il y a consensus autour de ça par la commission, en attendant éventuellement qu'on termine le débat beaucoup plus laborieux sur le mode de scrutin?

M. Massé (Henri): Absolument.

Mme Houda-Pepin: Donc, on pourrait ? éventuellement, évidemment, je parle toujours conditionnel au consensus de la commission ? mandater le Directeur général des élections pour voir à opérationnaliser un certain nombre de mesures qui peuvent se faire pour faciliter l'exercice du droit de vote dans les plus brefs délais?

M. Massé (Henri): Absolument. Et même on pense qu'il y a urgence sur cette question-là, là. Je vous le dis, à la FTQ, on est à la Cour supérieure sur cette question-là. On va se rendre en Cour suprême s'il le faut. Mais en même temps on a toujours été d'accord avec l'esprit de la loi sur le financement des partis politiques au Québec et on a l'impression que, si on ne corrige pas certaines choses, on pourra peut-être se ramasser dans un problème qui est beaucoup plus grand. Et je suis convaincu qu'on serait capables d'avoir probablement un consensus dans la société québécoise pour changer certaines choses qui devraient être changées à ce moment-ci, et je pense que c'est important qu'on regarde ces questions-là le plus rapidement possible.

Le Président (M. Simard): J'ai le député de Montmorency et le ministre qui m'ont demandé.

Mme Houda-Pepin: O.K. D'accord.

Le Président (M. Simard): M. le député de Montmorency.

M. Bernier: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Massé. Ça me fait plaisir de vous rencontrer ce matin, que vous soyez ici. Merci de votre présentation. M. Massé, vous avez parlé beaucoup aussi en ce qui regarde le rôle des députés ? ça, moi, j'accroche là-dessus ? en ce qui regarde le rôle du député élu par rapport au rôle du député de liste, le travail fait par celui-ci au sein de sa circonscription. On a vu tout à l'heure le représentant, le maire des Îles-de-la-Madeleine, de l'archipel des Îles-de-la-Madeleine, élaborer également dans ce sens-là, sur le fait de la reconnaissance, et pourtant on voit dans certaines circonstances où, et sans égard au parti politique ou au niveau politique même, où les députés s'unissent dans un dossier ou dans un débat précis, puis ces gens-là réussissent à travailler ensemble, sans égard au parti politique. J'ai eu l'occasion de le faire, moi, dans différents dossiers, dans la circonscription que je représente.

n (10 h 50) n

Donc, vous, ce que je comprends, c'est que vous voyez une ligne de démarcation, là, très claire entre le député de liste puis le député élu, si on veut, dans un comté, et que celui de liste n'intervienne pas nécessairement dans les circonscriptions électorales. C'est ça?

M. Massé (Henri): C'est à peu près ça.

M. Bernier: O.K. Et ça, même sans égard à ce qui se passe dans certains dossiers au niveau de la réalité actuellement?

M. Massé (Henri): Non, mais je pense qu'il ne faut pas être plus catholique que le pape. Si c'est des députés de liste qui représentent leurs partis, j'ai bien l'impression que le problème n'existera pas. Mais, si c'est des députés de liste qui représentent leurs circonscriptions, vous avez trois ou quatre comtés dans la circonscription, en plus, après ça, vous avez le district, là on a l'impression que la confusion des rôles va arriver, puis très rapidement.

Deuxièmement, ce qu'on dit, tu sais, vous coupez quasiment de moitié... pas de moitié, mais quasiment de moitié, vous agrandissez quasiment de moitié des territoires des députés, là. Quand on regarde ça au Québec, qu'est-ce que ça fait, un député, vous venez voter les lois à l'Assemblée nationale, puis tout ça, mais dans vos bureaux de comté partout, tu sais, c'est très, très, très différent du rôle d'un député fédéral, c'est très, très, très différent du rôle d'un député probablement de plusieurs gouvernements européens. Vous vous occupez des problèmes de BS, vous vous occupez des problèmes d'assurance chômage. Même si ça ne relève pas du Québec, ils sont dans vos bureaux puis ils sont là pour aller, tu sais, puis... Des fois, à la FTQ, j'ai des téléphones de députés, autant libéraux, ADQ ou PQ, qui m'appellent pour dire: Regarde, il y a tel problème avec la convention collective, un membre prétend que, bon, vous ne l'avez pas défendu, est-ce que vous pouvez vous en occuper? Vous êtes dans ces questions-là journalièrement, et c'est là qu'on dit qu'il ne faut pas qu'il y ait de confusion des rôles, il ne faut pas agrandir trop les circonscriptions pour que les citoyens et les citoyennes se sentent détachés de leurs députés.

Puis encore une fois, si vous laissez ça au niveau du district, même si théoriquement on essaie de tout bien définir ça puis de bien encadrer, moi, je me fais souvent répéter, tu sais, les expériences d'Europe, puis tout ça, là, mais, où les proportionnelles marchent bien dans le monde, ce n'est pas toujours des pays latins. On est des latins, il faut se le rappeler, et encore une fois on pense qu'il va effectivement y avoir confusion des rôles au niveau des districts.

Le Président (M. Simard): M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. On a 10 minutes?

Le Président (M. Simard): Vous avez exactement cinq minutes.

M. Thériault: Cinq minutes. On a fait le tour des régions, on a fait le tour du Québec, on est partis avec l'hypothèse de l'avant-projet de loi qui réduisait de 125 à 77 circonscriptions... ou 75 parce qu'il y en avait deux d'exception. Les gens nous ont dit: Attention, là, il y a un équilibre qui s'est créé avec la carte électorale à 125, un équilibre... Aux Îles-de-la-Madeleines, il y a 10 000 électeurs. En Gaspésie, ça varie entre 24 000 et 34 000. Dans les milieux urbains, ca tourne autour de 45 000, 50 000, 54 000. Ne touchez pas à ça.

Parce que j'ai vu que vous essayez de respecter le ratio, là, de 125, là, si une solution était d'augmenter mais substantiellement le nombre de députés, auriez-vous un problème avec ça? Si je vous dis, par exemple, qu'en Suède, pour 6,7 millions d'électeurs, il y a 349 députés; en Nouvelle-Zélande, il y a 2,8 millions d'électeurs, il y a 121 députés; en Écosse, 3,8 millions... Et, au Québec, il y a 5,4 millions d'électeurs, si on montait à 175 pour faciliter la tâche de conciliation des différents intérêts à partir de 125, ce serait-u acceptable, selon vous?

M. Massé (Henri): Non, je pense que ça ne passera pas. On est en Amérique du Nord, là, et, en Amérique du Nord, on est une des places où il y a le plus grand nombre de députés. Mais encore une fois ça s'explique très bien parce qu'on est une des places où le territoire est le plus immense. Mais venir nous plaquer 50 députés là-dessus, là, en tout cas ce n'est pas moi qui vais aller défendre ça chez nous, là.

M. Thériault: 1,5 million de kilomètres carrés au Québec versus 450 000 en Suède, 78 000 en Écosse. Donc, vous pensez que, même si la solution reposait sur le fait qu'on ne touche pas aux 125 circonscriptions puis qu'on ajoute pour l'effet compensatoire, dans la population du Québec et chez vos membres, vous êtes certain que ça, ça ne pourrait pas être un compromis acceptable?

M. Massé (Henri): Je n'ai pas de certitude, je vous donne mon feeling. Moi, j'ai l'impression que ça ne passe pas.

M. Thériault: O.K. Vous avez parlé de la ligne de parti et vous êtes conscient qu'un député de liste, même s'il était élu par son parti, n'est pas élu par la population, il ne peut pas asseoir sa légitimé, devant son chef, sur ses électeurs. Est-ce que vous considérez que la ligne de parti ne serait pas quelque chose de très, je dirais, sensible pour un député de liste qui veut être en bonne place sur la liste, et donc peut-être qu'il ne pourrait pas en quelque part, là, revendiquer l'assise des votes qu'il a eus par ses citoyens, ses électeurs? Vous avez fait une réflexion là-dessus? Est-ce que vous voulez continuer, nous dire ce que vous pensez de ça?

M. Massé (Henri): C'est sûr que le député de liste est plus à la merci du parti, je pense bien, de la ligne du parti, mais en même temps c'est probablement le prix qu'on a à payer pour avoir une proportionnelle. Mais en même temps c'est pour ça qu'à la FTQ, dans un premier temps ? et ça pourrait être pour le reste de l'avenir aussi ? on propose une proportionnelle encore une fois qui est modérée, qui ne viendra pas tout chambouler le système. Ça fait que, s'il y avait une trentaine de députés sur une centaine, bon, ce n'est pas aussi important que le 40 % ou 45 % qu'on voit dans la proposition à l'heure actuelle. Ça chamboulerait un petit peu les circonscriptions, oui, elles seraient un petit peu plus grandes, mais ça ne chamboule pas non plus complètement le mode de circonscription qu'on a à l'heure actuelle.

M. Thériault: Mais par étapes, là, par étapes, là, de réduire de 125 à 100, j'imagine que les 25 que vous enlevez, de circonscription, ce serait plus dans les milieux urbains. Et, si ce n'est pas le cas, à la deuxième étape qu'est-ce qu'on fait, on en rajoute dans la compensatoire ou bien on baisse encore le ratio de députés de circonscription? Parce qu'à 75 ça ne passe pas au niveau des régions, là.

M. Massé (Henri): Oui, mais, quand on dit par étapes, là, nous, ce n'est pas dire: On va faire ça puis, trois, quatre ans après, on changera ça. On dit: Allons-y avec un régime qui est plus modéré. Si vraiment avec l'expérience, puis tout ça, puis si ça va très bien, puis un jour on pense qu'il faut refaire le débat puis l'améliorer, on l'améliorera. Mais, si on y va trop fort, ce n'est pas vrai qu'on va être capables de défaire ça le lendemain matin. Là, il y a du monde qui vont dire: Bien, là, vous ne toucherez pas à ça. Plusieurs petits partis, qui auront déjà plus de place à l'Assemblée nationale grâce à la proportionnelle, feront une bataille immense au niveau du Québec. On dit: Allons-y de façon modérée.

Le Président (M. Simard): Voilà. Merci, M. le député de Masson. Il y a cinq minutes attribuées au comité de citoyens, mais il y avait 2 min 30 s accordées au député indépendant qui n'y est pas. Comme j'ai cinq demandes d'intervention, je vais essayer d'en donner le plus possible. Mme Loucheur, d'abord.

Mme Loucheur (Yohanna): Merci. Bonjour. D'entrée de jeu, vous avez mentionné qu'une de vos craintes par rapport à l'avant-projet de loi ou en fait à la réforme du mode de scrutin, c'est que le Québec se retrouve avec un mode de scrutin différent de celui qui est utilisé au niveau fédéral. Je comprends qu'il y a une partie de ces craintes-là qui sont liées à la stabilité, sauf que, si on pense à des gouvernements de coalition et non pas à des gouvernements minoritaires, ce qui est quand même quelque chose d'assez différent, je voudrais que vous m'expliquiez pourquoi en soi de ne pas avoir le même mode de scrutin au niveau provincial et au niveau fédéral est un problème.

M. Massé (Henri): Bien, encore une fois, ça tourne autour de la question de la stabilité politique. Et, si on se donnait une proportionnelle qui est trop costaude et qu'on a continuellement des gouvernements minoritaires, on peut se monter bien des échafauds, bien des hypothèses, de se dire qu'il y aura des coalitions, mais on est convaincus que ce ne sera pas une stabilité aussi importante qu'un gouvernement qui continuera sur le mode traditionnel puis qui sera majoritaire la plupart des cas. On peut s'échafauder n'importe quoi, mais on pense que...

Une voix: ...

M. Massé (Henri): Mme Côté voudrait compléter.

Le Président (M. Simard): Mme Côté.

Mme Côté (Lise): J'ajouterais aux propos de M. Massé que la formation de coalitions, ce n'est pas dans nos pratiques politiques jusqu'à maintenant. Ça suppose de développer un esprit un peu de consensus, de négociation, ce qu'on ne connaît pas à ce moment-ci, puis on ne peut pas présumer que nous allons être très bons dans cet exercice-là à court terme.

Et, comme la FTQ a adopté un principe dans... comme c'est un changement fondamental et structurant pour le Québec, pour l'histoire politique du Québec, on a adopté un principe de précaution, comme l'a souligné M. Massé, et choisi de favoriser l'efficacité gouvernementale tout en maintenant des éléments de proportionnalité, donc garder les qualités du scrutin majoritaire tout en essayant d'être le plus proportionnel que possible.

Le Président (M. Simard): M. Boivin.

n (11 heures) n

M. Boivin (Guillaume): Bonjour, monsieur, madame. J'aimerais savoir, pour savoir comment recevoir les choses, est-ce que c'est une position de la présidence de la FTQ, de l'exécutif, d'une instance intermédiaire plus large ou une consultation de la base syndicale qui a donné lieu à ça? Et ma question, c'est surtout à savoir: Effectivement, il y a le système mixte à visée compensatoire... Encore là, il y a compensatoire... il y a le niveau de compensation qui est... Si c'est régional, c'est limité. Modèle à l'allemande, ça vise à compenser entièrement les distorsions induites par le système majoritaire uninominal à un tour. Et il y a également, effectivement, le parallèle, vous faites le lien entre votre proposition et celle de M. Guay, Jean-Herman Guay, qui est venu proposer quelque chose de similaire. Mais sa proposition était de l'ordre de 50 sièges attribués au niveau parallèle et sans seuil ou, disons, avec le seuil de facto que ça implique, c'est-à-dire un 100 % divisé par 50, c'est-à-dire un 2 % de seuil d'entrée à l'Assemblée nationale, parce qu'effectivement un parti qui aurait 5 %... disons, un parti qui aurait 4 % avec un système mixte à visée compensatoire aurait cinq députés à l'Assemblée nationale. Un parti qui aurait 4 %. Avec votre proposition, un parti qui aurait 4 % n'aurait aucun siège à l'Assemblée nationale.

Donc, dans la plupart des propositions qu'on entend d'un système parallèle, s'il y a, disons, une favorisation moindre du pluralisme de par la non-correction des distorsions, il y a bien souvent, ce qui accompagne ça, le souci d'un seuil effectif plutôt bas. La plupart des gens qui amènent ça n'amènent pas un seuil de 5 % étant donné qu'un 5 % donnerait environ, disons, un seul siège, et non pas les six sièges que ça donnerait avec des visées de correction proportionnelle.

M. Massé (Henri): Mais, moi, je ne veux pas rentrer dans la gymnastique des chiffres, là, je vais demander à Mme Côté de continuer. On n'a pas vu ça à la FTQ non plus, là, dans les détails, puis toutes les simulations possibles, là. On a vu ça avec le gros bon sens, la façon qu'on pense que ça devrait se passer. Et ça a été pris par les instances les plus larges de la FTQ, conseil général, il y a déjà eu des positions de congrès de la FTQ là-dessus. Ça fait qu'on est très à l'aise avec notre position.

Mme Côté (Lise): Oui, bonjour. La préoccupation de la FTQ, comme dit... entre les deux valeurs principales dans lesquelles on cherche un compromis acceptable, là, donc l'efficacité de la gouvernance et la représentativité des idées et des partis, nous avons visiblement, là, opté pour l'efficacité gouvernementale. Donc, dans cet esprit, on a voulu maintenir un plus grand nombre de circonscriptions, et c'est pour ça qu'on propose 100. Mais ça pourrait être 100 et un autre chiffre, là. Je veux dire, on s'est dit: On ne veut pas augmenter trop la députation. Donc, on passe de 125 actuellement... La proposition gouvernementale à 127, nous, on propose 130. Ça pourrait être autre chose, là, ça pourrait varier.

Comme on vous le précise, on n'est pas des experts, on n'a pas les outils pour évaluer la proposition qu'on faisait sur la table, mais on trouvait que la proposition de M. Herman Guay, qui avait été... bien, en fait, qui est une proposition intéressante, mériterait d'être fouillée encore davantage. Nous, ce qu'on a fait là-dedans, c'est qu'on s'est dit: Dans les travaux de M. Massicotte, qui ont beaucoup inspiré l'avant-projet de loi, on parle que plus les régions sont petites et nombreuses en fait, comme les districts, moins on corrige... enfin, on réduit beaucoup les effets de la proportionnalité. Et, si on compense au niveau de l'échelle du Québec, alors on a besoin de moins de sièges de liste, tu sais, pour corriger à la fois les distorsions et aussi avoir une certaine forme de proportionnalité. Nous sommes très conscients que ce qu'on propose corrige beaucoup moins bien les distorsions que d'autres propositions qui sont sur la table.

En ce qui concerne le seuil, en fait le seuil, c'est pour éviter qu'il y ait un émiettement en fait de la représentation à l'Assemblée nationale. Puis ça pourrait être un peu inférieur, là, mais, tu sais, on s'est dit: La norme, c'est 5 % dans les autres pays. Nous autres, c'est à l'échelle nationale, donc on... Oui.

M. Boivin (Guillaume): ...5 %...

Le Président (M. Ouimet): Je sais qu'il y avait des demandes nombreuses, M. Acharid, Mme Proulx, mais nous avons bien outrepassé le temps qui était disponible. Mme Côté, M. Massé, merci infiniment. Et j'invite maintenant le prochain groupe à venir nous rejoindre. Il s'agit du Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec.

Alors, M. Patrice Rocheleau, vous êtes le responsable du comité des participantes et des participants pour le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec, c'est bien cela?

Regroupement des groupes populaires
en alphabétisation du Québec (RGPAQ)

M. Rocheleau (Patrice): C'est bien ça.

Le Président (M. Ouimet): Bienvenue aux travaux de cette commission spéciale. Auriez-vous la gentillesse de nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

M. Rocheleau (Patrice): Oui. J'ai, à ma gauche, ici, Claire Beaulne, du Centre d'éducation des adultes de Saint-Henri, à Montréal; à ma droite, ici, Louis-Philippe Deschênes, de La Clé des mots, à Saint-Constant; et ensuite Marcel Héon, de La Marée des mots, ici, à Québec.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, à vous la parole. Ça se déroule assez rapidement, vous avez six minutes.

M. Rocheleau (Patrice): Six petites minutes, mais on va faire tout ça. Depuis de nombreuses années, nous demandons des améliorations au processus démocratique. L'ajout d'éléments visuels facilitant l'identification des candidates et candidats sur les bulletins de vote en est une.

Brièvement, les personnes qui m'accompagnent vont vous expliquer en quoi l'ajout des photos des candidats et du logo des partis sur le bulletin de vote pourrait les aider à aller voter. Ils vont parler, puis ensuite je reviendrai par la suite.

Mme Beaulne (Claire): Bonjour, messieurs et mesdames. Mon nom, c'est Claire Beaulne. Je fais affaire au CEDA, à Montréal. Moi, je ne vais pas voter pour la raison... Vous mettez vos photos sur les poteaux, ce serait le fun si vous mettiez vos photos pour voter. De même, le monde pourrait aller voter, ceux qui ne savent pas lire, puis ce serait plus facile pour nous autres.

M. Héon (Marcel): Bonjour. Je m'appelle Marcel. Je viens de La Marée des mots. Quand on va voter, on nous demande nos cartes avec photo. Mais, quand on va voter, on ne voit pas votre photo sur le bulletin de vote, on a de la misère pour vous identifier. À la télé, on vous voit. Quand on va voter, on n'est pas sûr du nom. Quand on va voter, c'est difficile, et on a peur de se tromper pour qui on a voté. Avec votre photo sur le bulletin de vote, on n'aurait plus de la misère pour voter et on n'aurait plus de peur pour voter.

Je voudrais aussi ajouter: Je ne savais pas qu'il y avait des personnes qui pouvaient nous transporter pour aller voter, car j'ai de la misère à marcher. J'aimerais qu'on informe le monde pour ça.

M. Deschênes (Louis-Philippe): Bonjour. Je m'appelle Louis-Philippe Deschênes. Je suis de La Clé des mots, de Saint-Constant. Aux dernières municipales, l'automne dernier, j'ai pu voir sur Internet la photo des candidats qui se présentaient. Je les ai imprimées pour les amener à l'isoloir, le jour des élections, et faire la comparaison parce que j'avais leurs photos et le parti qu'ils représentaient dans chacun des districts, donc j'ai pu comparer. Je me suis dit que, si ce serait pareil pour les élections provinciales et fédérales, ce serait plus facile pour les personnes peu alphabétisées d'aller voter.

M. Rocheleau (Patrice): Vous venez d'entendre trois personnes des groupes populaires qui... C'est 80 groupes à travers la province, mais en réalité il y a 1,2 million de personnes analphabètes au Québec. Toutes ces personnes-là, tout dépendant des régions, ça peut aller entre 20 % et 40 % de la population. C'est des gens qui ont des problèmes. Ça peut être l'analphabétisme, mais il peut y avoir d'autres problèmes aussi qui empêchent d'aller voter, puis les gens ne sont pas capables d'exprimer leur choix.

La photo, le logo, ça ne règle peut-être pas tout, hein, si on met ça sur le bulletin de vote, ça ne rend peut-être pas la politique plus accessible, mais c'est un départ au moins pour l'instant. Puis ça permettrait au moins à beaucoup de gens d'être capables d'exprimer le choix qu'ils ont déjà fait. Ce serait...

n (11 h 10) n

Il y a des mesures en ce moment d'accompagnement qui existent pour les personnes, mais elles ne sont pas vraiment bien adaptées. C'est un bon effort qui a été fait peut-être, là, mais c'est assez gênant parce qu'il faut s'identifier. Ça brise la confidentialité quand il faut que tu t'annonces comme personne analphabète. En plus, il faut connaître que ces mesures-là existent, il faut en connaître l'existence. Il faut le demander, s'identifier comme analphabète, ce qui n'est pas toujours évident, surtout dans les petites communautés, parce que, quand tu t'identifies comme analphabète dans un petit village, bien ça reste après, hein, bien au-delà des élections, hein?

Qu'est-ce qu'on vous demande, nous autres, en mettant la photo des candidates et candidats sur le bulletin de vote et le logo, ça coûte presque rien, hein? C'est quelque chose qui... avec les moyens technologiques d'aujourd'hui, c'est presque ridicule. C'est à l'avantage de tous les partis qui courtisent les personnes, l'électorat, parce que les personnes, dans bien des cas aussi, annulent leur choix. C'est un simple geste qui rend plus accessible la démocratie, mais surtout ça permettrait à nos politiques de mieux refléter les besoins de 1/5 de la population, les aspirations de ces personnes-là qu'on ne voit pas en général dans nos politiques. C'est simplement ça qu'on avait à vous dire. On vous remercie d'avoir pris le temps de nous écouter, mais c'était important pour nous autres de venir vous le rappeler.

Le Président (M. Ouimet): Merci à vous. Merci beaucoup de nous sensibiliser sur cette réalité à laquelle les gens que vous représentez sont confrontés. C'est un point de vue que nous avons entendu tout au long des travaux de cette commission, et, moi, je pense... sans trop me tromper, je peux vous dire que tous les membres de cette commission sont très sensibles et démontrent beaucoup d'ouverture par rapport à ce que vous proposez. Je vais céder la parole immédiatement à M. Acharid, de notre comité citoyen.

M. Acharid (Mustapha): Merci, M. le Président. Merci à vous d'être là. En plus des photos, et des logos, et des caractères un peu plus grands, il y avait des gens qui nous ont dit: Si on pourrait avoir une personne ressource, qu'elle va répondre aux questions de tout le monde, pas juste pour les personnes... ? comme ça, ça va être moins gênant ? pour les aider à exercer leur vote. Qu'est-ce que vous pensez de cette idée-là, une personne dans un bureau de vote qui reste permanente pour aider tout le monde? Comme ça, même si les gens arrivent, qu'ils sont... habitués, peuvent demander de l'aide.

M. Rocheleau (Patrice): C'est sûr que, s'il y a des personnes qui ont fait l'expérience du vote et qui n'ont pas réussi à exprimer leur choix, il faut les réattirer, hein, au bureau de scrutin. Si les gens savent qu'ils vont voir la photo du candidat, qu'ils vont être faciles à repérer et qu'ils vont être capables de voter pour, il y a déjà un pas qui est fait. Et, s'il y a des personnes qui peuvent répondre en plus aux autres questions, ça peut être bon, mais il faut que les personnes sachent que le bulletin de vote va être changé. On le voit pour beaucoup de pays dans le monde en ce moment et pas seulement pour des pays du tiers-monde, on le voit dans beaucoup, beaucoup d'endroits. Alors, je pense que ce serait important qu'on fasse une publicité, qu'on puisse les faire et que les gens soient au courant. Comme ça, ils n'auraient pas aucune crainte d'aller voter tout de suite en partant.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. Acharid. Mme Loucheur.

Mme Loucheur (Yohanna): C'était une question très similaire, donc je vais laisser la parole à quelqu'un d'autre.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, Mme Loucheur. M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Simplement pour vous remercier de venir sensibiliser les membres de la commission au fait que ce n'est pas parce qu'on a des difficultés fonctionnelles que ça doit se traduire en un handicap et qu'on doit finalement adapter nos pratiques pour les gens qui effectivement auraient des difficultés. Et on reçoit de façon très positive les propositions que vous faites. Alors, merci de votre témoignage.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le député de Masson. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Merci, messieurs et madame, de nous soumettre cette préoccupation fort importante. Moi, je travaille avec un groupe d'alphabétisation à Longueuil, et ça s'appelle la Boîte aux lettres, et donc je suis très au fait des difficultés. J'ai même rencontré des gens qui vivent cette réalité au quotidien.

Vous suggérez qu'il y ait une photo sur le bulletin de vote. Est-ce qu'une photo sur une affiche, à l'entrée du bureau de votation, pourrait suffire? Actuellement, on m'informe que, dans l'élection partielle de Sainte-Marie? Saint-Jacques, par consentement avec les partis, on met la photo des candidats à l'entrée du bureau de votation pour permettre justement aux gens qui ont des difficultés de pouvoir identifier les candidats. Est-ce que cela suffirait, selon vous, qu'on puisse, à l'entrée du bureau de votation, avoir les candidats avec leur photo, le logo du parti, ou il faut que ce soit vraiment sur le bulletin de vote, dans l'isoloir, au moment où on prend la décision?

M. Rocheleau (Patrice): Je crois que plus le chemin est rapide entre la photo, le logo, le nom de la candidate, candidat et l'endroit où on vote, plus le raccourci est près, plus il y a de chances que la personne puisse faire un choix éclairé, faire son vrai choix à la bonne place. Si elle a vu une photo avant, il faut retenir encore, lorsqu'elle arrive sur le papier, c'était quoi, les lettres qui allaient avec la photo.

Mme Houda-Pepin: La raison pourquoi je vous pose cette question, c'est parce que, si on était dans un mode proportionnel où on a des candidats de liste et donc on en aurait plusieurs sur une même liste, on aurait un bulletin de vote un peu à l'africaine. Pour avoir supervisé moi-même comme observatrice des élections, les élections en Afrique, les bulletins de vote sont assez... comme on dirait, c'est un accordéon, là.

Le Président (M. Ouimet): Il reste moins de 30 secondes, Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: C'est difficile en fait au niveau de l'opérationnalisation si on avait le mode de scrutin proportionnel.

M. Rocheleau (Patrice): Oui, mais, si c'est juste ça, le simple coût qu'il y aurait à pouvoir refléter l'ensemble de la population dans notre démocratie, ce n'est pas trop, trop cher, je crois, d'avoir une grande feuille.

Mme Houda-Pepin: D'accord, merci beaucoup.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci, Mme la députée de La Pinière. Merci à vous, du Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec, pour ce témoignage fort important et fort apprécié des membres de la commission. Merci. J'invite maintenant les représentants du Conseil des relations interculturelles à bien vouloir prendre place.

Alors, bonjour, Mme Rimok, et bienvenue aux travaux de cette Commission spéciale sur la Loi électorale. Auriez-vous la gentillesse de nous présenter la personne qui vous accompagne?

Conseil des relations interculturelles (CRI)

Mme Rimok (Patricia): Oui. Bonjour. Alors, j'ai avec moi M. Claude Thibault, qui est notre agent de recherche et qui est répondant sur ce dossier.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, 10 minutes de présentation puis, par la suite, 20 minutes d'échange.

Mme Rimok (Patricia): Je vous remercie. Ce que vous avez devant vous est en fait des débuts de réflexion sur l'ensemble de la proposition de l'avant-projet de loi, étant donné le peu de temps qu'on y a en fait consacré. Mais je voulais surtout sensibiliser les parlementaires sur certains éléments de fond qui interpellent beaucoup les membres du conseil et ceux qu'on a consultés.

Quand on revoit un peu... Et le conseil s'est penché là-dessus à quelques reprises, notamment dans son avis en 2002 et une position qu'il a prise aussi en 2003 qui était bien sûr très favorable à la proportionnelle au niveau de la réforme du scrutin. Mais nos préoccupations, surtout au niveau de la diversité ethnoculturelle, c'est de voir que, notamment avec l'ensemble des efforts qui ont été faits, que, dans la réalité et dans l'état actuel des élections, qu'elles soient municipales ou provinciales, le taux de représentativité des communautés culturelles ou des minorités visibles reste quand même assez faible. Donc, on s'est un peu posé la question à l'envers: Est-ce que le mode de scrutin en tant que tel serait en fait la seule solution ou bien est-ce qu'on devrait regarder d'autres types d'éléments qui pourraient faire en sorte d'assurer que, cette représentativité, on soit capable de l'augmenter?

Si on regarde au fond à la page 4 du document... excusez, en page 5, c'est un petit peu la proposition et les enjeux qu'on vous propose très rapidement. Si le but visé, c'est d'augmenter l'inclusion et la représentativité réelle de la diversité ethnoculturelle à l'Assemblée nationale, il faudrait regarder beaucoup en amont les différents enjeux et les obstacles qui viennent en fait diminuer les chances à la diversité ethnoculturelle d'être représentée et d'être élue à l'Assemblée nationale.

Quand on regarde l'ensemble des différents acteurs qui sont responsables en fait de la démarche, on regarde en même temps, bon, l'État et ses institutions démocratiques, les partis politiques, la société civile, les membres de la diversité ethnoculturelle sont tous partie prenante et responsables en fait de leur participation civique. En amont, l'avis 2002 et la position 2003 qu'on a fait ressortir depuis plusieurs années démontrent qu'il y a encore pas mal d'enjeux et obstacles qui ne dépendent pas de la réforme et qui ne dépendent pas du type de scrutin qu'on pourrait mettre en place, et dépendent beaucoup plus des éléments d'enjeux qu'on va retrouver à la page 4.

n (11 h 20) n

Je vous les sors rapidement, c'est des éléments qui ont été déjà remis au préalable, devant d'autres commissions. Mais l'important, c'est de savoir de qui on parle. En termes de diversité ethnoculturelle, dans la réforme on propose que ça représente 20 % si on inclut les communautés culturelles, les autochtones, les anglophones et, je pense... C'est ça. Bon. Alors que, si on regarde la totalité de la diversité, ça représente, pour le conseil, 1,4 million de personnes à travers le Québec, dont 52 % se retrouvent sur l'île de Montréal et 42 % sur le Grand Montréal. Donc, ça fait presque 1 million de personnes qui se retrouvent sur ce territoire plutôt qu'à l'échelle, si je peux dire, du Québec.

Donc, il y a un poids énorme de la diversité qui reste assez régional quand on le compare aux autres villes et régions qui tombent de 6 % à 3 %. Et, dans cette perspective, peut-être il faudrait revoir un peu de qui on parle quand on parle de diversité ethnoculturelle et de savoir qu'en même temps, avec l'impact des volumes d'immigration et des politiques d'immigration, ces volumes-là vont continuer d'augmenter et vont en fait amener, disons, un poids irrégulier et déséquilibrant au niveau d'une région en particulier par rapport à l'échelle du Québec. Donc, je voudrais vraiment sensibiliser les parlementaires à ce phénomène quand on fait des calculs de proportionnelle ou des calculs de territoires et de circonscriptions.

Les phénomènes d'exclusion et de racisme restent, et perdurent, et sont, dans les avis précédents, basés sur le contexte international et géopolitique. Vous le savez, je ne reviendrai pas sur le fait de l'impact du 11 septembre et, disons, les difficultés dans lesquelles certaines communautés se retrouvent à s'intégrer au Québec, mais ça joue beaucoup sur les relations entre les différents groupes et la société d'accueil. Dans cette diversité, nous rappelons qu'il reste encore une faible participation de ces minorités dans l'ensemble des institutions publiques et évidemment au niveau des élus.

Donc, quand on regarde la réforme en tant que telle, la mécanique qui propose des incitatifs financiers pour assister de la diversité à être plus effective à l'intérieur des réformes, en soi, est intéressante, mais, si au départ ils ne sont pas présents au niveau des partis, s'ils ne sont pas présents dans d'autres institutions où ils participent au niveau de leur citoyenneté, ça devient d'autant plus difficile, arriver à se positionner au niveau d'élections. Donc, il y a tout un travail en amont qui devrait se faire. Et c'est pour ça que, nous, on propose un modèle d'intervention, en fait ce que j'appellerais la gestion de la diversité ethnoculturelle qui se ferait en amont, c'est-à-dire qu'il y aurait une participation beaucoup plus accrue au niveau de la société civile, au niveau de l'État en tant que législateur et celui qui s'occupe de faire des réformes au niveau des scrutins, et en même temps la participation des communautés culturelles et de la diversité qui, elle, participerait plus sensiblement coordonnée dans l'ensemble de ces démarches.

Alors, c'est un petit peu les propos que je voulais amener aujourd'hui. La réforme en soi, oui, la proportionnelle, oui. Le poids de Montréal et le Grand Montréal, attention au niveau du découpage, parce que plus on grossit, plus c'est difficile pour certaines communautés et certaines diversités de se faire élire parce que ça leur demande un capital social plus important plus le territoire grossit. Et finalement nous souhaiterions, au niveau du conseil, continuer ces réflexions sur comment en fait ce découpage va se faire, puisque ça n'a pas été en fait mentionné au-delà du nombre... On ne sait pas comment exactement ce découpage va se faire pour la diversité ethnoculturelle. C'est important notamment parce que le poids de cette diversité est beaucoup plus un phénomène urbain. Alors, je vous remercie de nous avoir écoutés.

Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, Mme Rimok. Merci pour la présentation de votre mémoire. Nous allons ouvrir dès maintenant, du côté ministériel, avec Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Merci, Mme la présidente du Conseil des relations interculturelles. M. Thibault, merci de votre présentation. Je vous avoue, pour avoir lu avec beaucoup d'intérêt les documents du Conseil des relations interculturelles par le passé, qu'il y a beaucoup de confusion. Peut-être, je vais vous donner l'opportunité de clarifier ce que vous dites. Quand vous parlez de 52 % de la diversité qui est sur l'île, vous avez une autre définition, vous, de ce que c'est que la diversité ethnoculturelle par rapport à ce qui est compris dans l'avant-projet de loi. D'abord, précisons, qu'est-ce que vous entendez, vous, par diversité ethnoculturelle par rapport à l'avant-projet de loi? Qu'est-ce que l'avant-projet de loi ne comprend pas que vous auriez souhaité qu'il comprenne?

Mme Rimok (Patricia): Merci pour cette question. Je pense que, pour le conseil, la diversité ethnoculturelle est l'ensemble des personnes qui sont considérées comme immigrants, ou bien qui ont des parents qui sont immigrants, ou bien qui sont nés de la deuxième ou troisième génération de parents qui ne sont plus immigrants mais dont les grands-parents sont immigrants.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Alors donc, vous excluez, par exemple, les anglophones, que vous mettez dans une catégorie à part.

Mme Rimok (Patricia): Alors, c'est pour ça que je reviens sur la définition même de la diversité. Il y a certains anglophones qui peuvent se considérer comme d'origine chinoise anglophone, ils peuvent se considérer comme pakistanaise anglophone. On n'est plus nécessairement... ce n'est plus très, très clair que les anglophones soient de souche irlandaise ou écossaise. Donc, encore une fois, c'est de revoir qu'est-ce qu'on définit par diversité.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Alors donc, déjà là, on n'a pas la même compréhension du concept de diversité. Sur la notion de 52 % de la diversité qui serait sur l'île de Montréal par rapport aux régions ? vous avez soulevé cette question-là ? qu'est-ce que vous voulez dire par là?

Mme Rimok (Patricia): Je ne comprends pas la question.

Mme Houda-Pepin: En termes de votes, par exemple, vous voulez atterrir où exactement?

Mme Rimok (Patricia): Ce que je veux dire, c'est qu'au niveau de la diversité vous avez un poids en termes de nombre qui est plus important dans Montréal et dans les régions de Montréal que vous allez avoir, par exemple, au Saguenay, ou, par exemple, à Sherbrooke, ou à Québec.

Mme Houda-Pepin: Oui, ça, c'est une évidence. Mais, en termes de votes, est-ce que cela veut dire qu'il faut qu'on aille chercher la diversité seulement dans la région de Montréal? Parce qu'évidemment, si tel est le cas, quelqu'un qui est issu d'une minorité, par exemple, ne serait pas élu dans la région de Québec.

Mme Rimok (Patricia): Non. Ce que je suis en train de dire, c'est que les statistiques démontrent qu'il est plus facile pour une communauté culturelle, une minorité visible de se faire élire dans un secteur, ou dans un district, ou dans un comté où il y a une proportion de cette communauté qui vit là.

Mme Houda-Pepin: Alors, à ce moment-là, l'histoire s'est trompée lorsque les citoyens de Trois-Rivières, en 1830, ont élu le premier député juif, alors qu'il n'y a pas beaucoup de Juifs dans...

Mme Rimok (Patricia): Mais je pourrais vous citer plusieurs autres exemples à l'inverse.

Mme Houda-Pepin: Mais ce que je veux dire...

Mme Rimok (Patricia): Ce que je veux dire, c'est que c'est plus facile. Je n'ai pas dit que c'était impossible, j'ai dit que c'était plus facile pour une personne d'être dans un territoire, ou dans une circonscription, ou une région où il y a déjà d'emblée un certain nombre de communautés là.

Mme Houda-Pepin: Oui. En tout cas, notre compréhension, c'est qu'un candidat ou une candidate issue d'une minorité ethnoculturelle, si elle a la compétence, si elle a les qualités requises, elle peut se faire élire et représenter l'ensemble de la population de la circonscription où elle se présente ou du district où elle se présente indépendamment de sa communauté d'appartenance parce qu'elle ne représente pas la communauté d'appartenance, elle représente les citoyens qu'elle cherche à représenter à l'Assemblée nationale.

n (11 h 30) n

Mme Rimok (Patricia): Oui. Ce que nos recherches démontrent, c'est toute la capacité du capital social. Quand on parle de capital social, c'est le cumul de tous les réseaux possibles de personnes qu'on peut connaître ou toutes les associations qu'on peut connaître dans un certain secteur. La plupart des communautés ont une connaissance assez en fait limitée de l'ensemble de tous les acteurs possibles qui existent dans un territoire particulier. Donc, il est plus difficile pour eux d'aller chercher ces réseaux-là dans un court délai, si je peux dire ça comme ça.

Mme Houda-Pepin: Vous me permettrez de vous dire que je diverge entièrement d'opinion, mais on est en démocratie, cela va de soi. Parce que, si on cherche à refléter le pluralisme, ce n'est pas pour ghettoïser les communautés pour qu'elles disent: Bien, vous allez venir à l'Assemblée nationale, mais vous êtes Juif, vous représentez les Juifs, vous êtes Chinois, vous représentez les Chinois. On veut justement refléter le pluralisme parce que la société est sociodémographiquement pluraliste.

C'est pour ça que cette notion de capital social, en tout cas c'est la première fois que j'en entends parler de cette façon-là, d'autant plus qu'un candidat ou une candidate issu des minorités, quelles qu'elles soient, ce n'est pas juste quelqu'un qui a un réseau de contacts dans sa propre communauté. Il a un réseau de contacts dans son milieu professionnel, il a un réseau de contacts dans son milieu de travail, etc. Donc, ce serait réducteur de ramener un candidat et une candidate à sa propre communauté pour lui donner une légitimité puis pour lui donner une chance de se faire élire, si je comprends...

Mme Rimok (Patricia): Mais je suis d'accord avec vous. Ce que je vous dis, c'est que, dans les faits et la plupart du temps, ça leur est difficile. Mais, dans la vision, O.K., c'est ce qu'il faut aller chercher, on est d'accord, mais dans les faits, c'est plus difficile. Et c'est pour ça qu'on retrouve, aujourd'hui, un pourcentage aussi petit parce que, si on va dans votre sens à vous, à ce moment-là il n'y aurait pas eu autant de difficultés à aller chercher une représentativité plus importante au niveau de l'Assemblée nationale.

Mme Houda-Pepin: Je prends par exemple l'exemple de mon collègue Sam Hamad, qui est à Québec, là.

Mme Rimok (Patricia): Oui.

Mme Houda-Pepin: Il n'y a pas beaucoup de Syriens qui ont fait en sorte qu'il se fasse élire.

Mme Rimok (Patricia): Non.

Mme Houda-Pepin: Il est d'origine syrienne.

Mme Rimok (Patricia): Oui.

Mme Houda-Pepin: Je prends mon propre exemple. Je ne veux pas aller me donner en exemple, mais je prends l'exemple de mon voisin de comté, Maka Kotto, qui a été élu dans Saint-Lambert. Il n'y a pas beaucoup d'Africains qui sont là pour voter pour lui.

Donc, cette notion de dire: Ça vous prend une communauté d'appartenance pour vous donner un capital social sur lequel vous pouvez bâtir votre légitimité et puis aussi le vote, je m'excuse, elle est erronée. Le Québec est rendu à un autre registre: on peut, au Québec, voter pour quelqu'un issu d'une minorité s'il a les compétences requises pour cela. La preuve est faite, là: il y a des députés, aussi bien à Québec qu'à Ottawa, qui reflètent ça.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, Mme la députée de La Pinière...

Mme Houda-Pepin: Je vous remercie.

Le Président (M. Ouimet): ...je vais devoir aller du côté de l'opposition officielle, mais convenons qu'il y a une divergence d'opinion entre vous et Mme Rimok. Merci.

Mme Houda-Pepin: On est en démocratie.

Le Président (M. Ouimet): Et voilà, vous l'avez bien dit. M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Merci de votre témoignage pour éclairer nos débats. Je partage l'opinion de la députée de La Pinière, et donc, en ce qui me concerne, il y a un certain nombre de questions qui seront évacuées de mon intervention.

Mais, si on part de la prémisse qu'il y a une volonté énoncée dans une réforme des institutions démocratiques, notamment le mode de scrutin, de refléter la diversité présente, dans la société québécoise, des citoyens issus de l'immigration, il y a des mesures dites incitatives qui sont inscrites dans l'avant-projet de loi, et j'aimerais ça savoir ce que vous en pensez. Je sais bien, là, que vous avez parlé de l'intervention de façon plus globale en amont, etc., là, mais, quant à ces mesures incitatives là, qu'est-ce que vous en pensez et notamment quant à leur application par rapport justement à une définition? Parce qu'un des premiers intervenants qu'on a écoutés ici et entendus était le Directeur général des élections, qui, lui, va devoir appliquer ces mesures incitatives et ces bonifications, et qui disait: Comment je vais faire? Ce sera quoi, le critère? Et j'aimerais ça vous entendre là-dessus pour éclairer nos travaux.

Mme Rimok (Patricia): Certains membres ont retenu le fait que les compensations financières n'allaient pas nécessairement aider... L'objectif en fait qui était en question était d'augmenter la représentativité par des incitatifs financiers, parce que peut-être qu'à ce moment-là ce serait les partis qui iraient chercher des personnes issues de la diversité, mais pas nécessairement garantir que ces personnes-là seraient dans des comtés qui soient des comtés possibles d'accès. Donc, le financement, en tant que tel, n'allait pas nécessairement faciliter cette partie-là.

Cependant, le financement pourrait être donné pour des personnes qui se font élire ou bien des personnes qui ne se sont pas fait élire mais qui peuvent être nommées sur la proportionnelle, sur la performance en fait du nombre de voix qu'ils sont partis chercher. Donc, il y aurait en fait cet équilibre entre donner plutôt cet incitatif aux personnes qui gagnent plutôt que juste aux partis sur le nombre de personnes qu'ils présentent au niveau de la diversité.

M. Thériault: Mais le problème reste entier. Je comprends, là, qu'on peut changer la cible de la bonification financière, mais comment le Directeur général des élections va-t-il appliquer la liste que chaque parti lui transmet? Comment va-t-il pouvoir distinguer si effectivement... Est-ce que c'est par le nom? Comment il va faire? Et c'est ça, la question qu'il nous posait. J'imagine qu'avec votre expertise vous avez des réponses à nous donner. Comment peut-on être certain qu'il n'y aura pas de litige quant aux gens qui seront sur la liste?

Mme Rimok (Patricia): On n'a pas regardé le type de litige qui pourrait exister, étant donné qu'au départ on se pose la question sur une définition de la diversité ethnoculturelle ou dite minorité visible au-delà de la définition qui a été donnée dans le projet de loi, qui est celle qui a été utilisée par Statistique Canada dans le recensement 2001. Mais encore là je rappelle que, dépendamment d'où on se situe au niveau de la diversité ethnoculturelle, il est très difficile de savoir à qui on va donner nécessairement cet incitatif. Est-ce que c'est une personne...

Je ne sais pas. Imaginons un territoire en question, vous avez... même si Mme la députée de La Pinière n'est pas tout à fait d'accord et vous non plus, mais je prends, disons, un territoire comme Côte-des-Neiges, dans Montréal, vous avez 80 communautés ethnoculturelles qui vivent côte à côte. Imaginons que, dans ces 80 là, vous avez, je ne sais pas, moi, disons 60 %...

Le Président (M. Ouimet): Mme Rimok, allons-y rapidement, il reste 30 secondes à l'intervention.

Mme Rimok (Patricia): ... ? oui, oui, O.K. ? vous avez 60 % de ces personnes-là qui sont issues de la communauté noire. Dans votre proportionnelle et dans l'objectif que vous voulez financer, est-ce que vous donneriez le financement à la personne noire ou est-ce que vous le donneriez à un autre candidat qui serait, je ne sais pas, moi, issu de la communauté chinoise dans Côte-des-Neiges mais dans laquelle sa représentativité à l'intérieur du territoire, il est à, je ne sais pas, moi, à 2 %?

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, la question est posée. Merci, Mme Rimok. Allons du côté de notre comité citoyen. Mme Loucheur, dans un premier temps.

Mme Loucheur (Yohanna): Merci, M. le Président. Bien, je vais continuer exactement dans la même veine de questionnement que M. Thériault. J'avoue partager les inquiétudes ou les réticences par rapport à la conception de l'élection de gens issus des minorités. Pour moi, a priori, d'avoir un candidat chinois dans Côte-des-Neiges, pourquoi pas? Ou de l'avoir en Gaspésie d'ailleurs, pourquoi pas?

Par contre, j'ai la même question par rapport aux critères qui seront utilisés: à partir du moment où on a des incitatifs financiers, il devient très important d'avoir des façons très claires de déterminer qui se qualifie et qui ne se qualifie pas. Et personne jusqu'à présent n'a voulu se mouiller à essayer de suggérer des critères. Vous avez parlé par exemple de deuxième, troisième génération d'immigrants. Est-ce qu'effectivement quelqu'un qui dirait: Mon grand-père était marocain, il est arrivé il y a 30 ans, est-ce que cette personne-là devrait être éligible à ces incitatifs-là? Comment on fait?

n (11 h 40) n

Mme Rimok (Patricia): Toute la question reste entière. Vous pourriez décider comme critère une précarité financière. Mais là, à ce moment-là, ça viendrait jouer sur justement... puisqu'on parle d'une diversité qui est entièrement québécoise, donc un Chinois ou un Pakistanais ou peu importe qui aurait exactement les mêmes droit, vous venez de donner des incitatifs particuliers à une communauté parce qu'elle est considérée minorité visible ou parce qu'on considère, et on accepte, et on reconnaît qu'il y a un déficit de représentativité. Alors, il faut décider est-ce qu'il y a un déficit de représentativité, puis, à ce moment-là, on cherche à développer des incitatifs qui soient financiers ou autres, ou bien on revoit la définition de qu'est-ce qu'on veut dire par la «diversité ethnoculturelle» et puis, à ce moment-là, en la définissant mieux, on pourrait décider ou déterminer quels pourraient être les critères financiers si toutefois on choisit d'utiliser ces critères financiers. Pour la plupart des membres, il n'y avait pas, disons, de consensus sur la question.

Le Président (M. Ouimet): Merci. Mme Loucheur, désolé. M. Acharid.

M. Acharid (Mustapha): Merci, M. le Président, merci, madame. On a rencontré beaucoup de groupes qui nous ont parlé de la liste et ils ont dit que, par exemple, on va alterner femme-homme, femme-homme, et, quand on a parlé des groupes ethnoculturels, ils nous disent: Une bonne position. Ils n'ont vraiment jamais spécifié c'est quoi, la bonne position. Pour vous, c'est quoi, une bonne position dans une liste?

Mme Rimok (Patricia): Idéalement, ce serait en haut de liste, juste en haut de liste, idéalement. On considère, si on fait le calcul, sauf exception près de certaines personnes qui sont capables de se faire élire dans des régions où il n'y a pas un réseau ou un capital social important dans le secteur, que le vote proportionnel va certainement les favoriser s'ils sont mis en haut de liste.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. Acharid. M. Boivin, il reste 1 min 30 s.

M. Boivin (Guillaume): D'accord. Je ne sais pas qu'est-ce que vous penseriez, par exemple, on pourrait déterminer que les minorités visibles, ça demeure, ça demeure en permanence, de génération en génération, et, pour les minorités non visibles ou, disons, par exemple un Français francophone ou un Belge qui nous arriverait, la première génération serait également considérée minorité mais peut-être pas la génération suivante. Dans le cas des minorités, disons, non visibles ou qui n'ont pas de caractère de distinction aussi clair, est-ce que ça pourrait vous apparaître fonctionnel? Parce que, pour mettre en branle de telles, de telles modalités, la condition sine qua non, c'est la capacité de distinguer qui se qualifie et qui ne se qualifie pas, bien sûr.

Mme Rimok (Patricia): Mais, si vous le basez strictement sur le critère de quand est-ce qu'ils sont arrivés dans le pays, c'est-u ça, le critère? Est-ce que ça veut dire que quelqu'un qui est arrivé il y a 25 ans, il a moins de droit que celui qui est arrivé il y a 10 ans? Et quel serait le critère ou la capacité d'intégration au niveau de la participation civique? Il y en a qui sont ici depuis 45 ans, ou 50 ans, ou 60 ans et ne connaissent toujours pas les institutions et participations civiques. Je ne pense pas que ce soit nécessairement la mécanique qui va faire la grande différence au niveau des incitatifs financiers ou pas. Je pense que le travail se fait beaucoup plus en amont avec les partis et leurs plateformes et les...

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, Mme Rimok, merci infiniment à vous et à M. Thibault pour votre contribution intéressante aux travaux de cette commission spéciale. Merci à vous.

J'invite maintenant M. Louis-Edmond Hamelin à bien vouloir se présenter à la table des témoins. M. Hamelin dispose d'une enveloppe en tout, incluant les échanges, d'une vingtaine de minutes compte tenu qu'il est spécialiste de toutes les questions de la nordicité.

Mme Houda-Pepin: De la nordicité.

Le Président (M. Ouimet): Nordicité.

M. Louis-Edmond Hamelin

M. Hamelin (Louis-Edmond): Bonjour.

Le Président (M. Ouimet): Bonjour, M. Hamelin. Bienvenue aux travaux de cette Commission spéciale sur la Loi électorale. Donc, vous disposez d'environ huit à 10 minutes pour nous présenter votre point de vue et après quoi nous ouvrirons une période d'échange avec vous.

M. Hamelin (Louis-Edmond): Merci, M. le Président. Je vais parler un peu de mon expérience au Conseil législatif, qui s'appelle maintenant l'Assemblée des Territoires du Nord-Ouest. Donc, c'était une assemblée qui était composée de non-autochtones et d'autochtones. Donc, j'ai l'habitude de travailler avec ces gens-là. La communication, en somme, va traiter uniquement de la députation autochtone à l'Assemblée nationale. Et je ne parle pas au nom du Centre d'études nordiques de l'Université Laval et je ne parle pas non plus au nom des autochtones, en somme, qui parlent pour eux-mêmes.

Premièrement, c'est un geste démocratique que l'Assemblée nationale, donc le gouvernement du Québec, est en train de faire, et je voudrais le signaler très fortement. Le Québec se met en promotion autochtoniste avec la Convention de la Baie James, avec la déclaration de l'Assemblée nationale de 1985, et, aujourd'hui, en somme, c'est un pas en fait majeur, et c'est un geste extrêmement démocratique, et donc je félicite, si je peux, le gouvernement du Québec et les députés, l'ensemble des députés de se prononcer et d'admettre un autochtone. C'est un geste politiquement pertinent, non simplement honorable, mais pertinent. Il y a de grandes questions, en somme, qui touchent les autochtones, ces grandes questions là touchent également tout le Québec, et c'est nécessaire que ce soit discuté en Chambre avec des gens qui viennent, en somme, de l'autochtonie. Il s'agit donc d'un geste majeur. C'est un geste que je trouve presque aussi important que celui de la convention. C'est un geste qui reconnaît un peuple au niveau de l'Assemblée nationale. C'est presque une chose absolument grandiose, en somme, qu'on est en train de faire, et il faudrait que l'ensemble du peuple du Québec constate cette chose-là.

Mon seul commentaire, pour être bref: Vous ouvrez l'Assemblée nationale à un député, un député en fait qui viendra du groupe inuit, du peuple inuit. Et là-dessus j'aimerais inviter la commission, et le ministre, et le gouvernement à considérer que ça ne peut être qu'une étape, là, dans l'accroissement du nombre de députés autochtones à l'Assemblée nationale. Il y a 11 peuples autochtones au Québec, vous l'avez reconnu à l'Assemblée nationale. En admettre un, ce n'est pas admettre tous les peuples autochtones. En fait, peut-être vous y avez déjà pensé, mais d'introduire ou d'élargir ou de penser à l'accroissement... en somme, d'autres peuples autochtones.

Maintenant, vous allez me dire: On ne peut pas avoir 11 députés autochtones à l'Assemblée nationale, ce serait vraiment trop par rapport à la représentation démocratique, démographique, là. Ma suggestion, c'est celle que j'avais présentée, en somme, en 1999, dans un travail, et qui se lisait comme suit: Dans l'hypothèse que les autochtones recherchent à siéger à l'Assemblée nationale... C'est à eux à en décider, en somme, ce n'est pas à nous, là. On est généreux, dans un certain sens, de les inviter, mais c'est fondamentalement... en somme, c'est des grands messieurs qui parlent pour eux-mêmes, là. Il faudrait qu'ils participent, là, qu'ils veulent absolument, en somme, venir à l'Assemblée nationale.

Plusieurs formules peuvent être imaginées. Dans l'hypothèse d'accepter un député pour des nations de 10 000 individus ? c'est ma suggestion, les Inuits ne sont pas loin de 10 000 individus, c'est 9 000, 10 000, donc ils rentreraient en somme dans cette catégorie ? bien, dans l'hypothèse d'accepter un député pour des nations de 10 000 individus, il y aurait un élu pour chacun des peuples les plus nombreux. Ça fait que ça en ferait quatre: il y aurait les Mohawks, qui sont au Sud, les Montagnais, qui sont dans le pré-Nord, les Cris, qui sont dans ce que j'appelle le Moyen Nord forestier, et les Inuits dont on a parlé tantôt. Donc, il y aurait quatre peuples, à l'Assemblée nationale, qui se trouveraient à couvrir l'ensemble du territoire. Ça me semble, là, nécessaire que des gens recouvrent l'ensemble du territoire à partir des ethnies dont le territoire est une appartenance. Je dirais que, là, ce serait une marche de plus vers la reconnaissance démocratique, en somme, des peuples du Québec.

n (11 h 50) n

Vous allez peut-être me dire que les autochtones, c'est une minorité. C'est une minorité démographique, mais ce n'est pas du tout une minorité au sens politique, parce que ces gens-là, en somme, représentent des peuples. Le député inuit, il va représenter le peuple inuit. Il n'y a presque pas d'autre personne que le premier ministre qui peut être à ce niveau de représentativité au Québec. Ils représentent des peuples. Donc, si on avait quatre députés, on aurait quatre députés, en somme, qui représenteraient les peuples autochtones.

Mais vous allez me dire: Qu'est-ce qu'on va faire avec les sept autres? Bien, les sept autres, en somme, pourraient avoir accès, si l'Assemblée nationale le décide, à une commission parlementaire qui serait, disons, tous les trois ou quatre ans, qui pourrait considérer les autres questions que les questions... propres à chacun, en somme, de ces quatre peuples-là. Donc, voilà ma proposition principale, et peut-être que ce sera utile que je réponde à quelques questions.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci infiniment, M. Hamelin, pour ce point de vue très important. Je vais ouvrir immédiatement avec M. le député de Richelieu.

M. Simard: Merci, M. le Président. D'abord, ça me fait plaisir de saluer M. Hamelin et de saluer en même temps l'oeuvre qui a été celle de votre vie. Vous êtes sans doute l'un des plus grands géographes au Québec, et ce dont vous nous parlez aujourd'hui, vous le connaissez.

Cependant, vous êtes très conscient que vous touchez à des problèmes complexes, hein, vous l'avez vous-même admis dès le départ. L'un des problèmes, c'est qu'il n'y a pas de demande des nations autochtones actuellement pour avoir de représentation, représentation propre, et il n'y a que les Inuits effectivement. Mais ? et c'est là-dessus que je voudrais vous entendre ? les Inuits, dans leur argumentation, insistent pour dire que leur demande est territoriale et qu'il pourrait y avoir... d'abord, il n'y aura pas que les Inuits qui auront droit de vote sur ce territoire, mais tous les citoyens habitant sur le territoire, et qu'il pourrait y avoir éventuellement élection d'un non-Inuit sur ce territoire. Alors, vous voyez la complexité que pose cette position des Inuits, au point de départ, par rapport à la proposition que vous nous faites.

M. Hamelin (Louis-Edmond): Oui, en fait, bon, vous avez bien raison, il ne s'agit pas, en somme, d'avoir des députés ethniques, mais il y a quand même une assez grande chance que la partie Nunavik, en fait la future partie Nunavik du Québec soit représentée, en somme, par un Inuit. Bon.

Maintenant ? peut-être que ça ne répond pas tout à fait à votre question, mais ça permet quand même d'en discuter certains aspects ? quand je parle de un député puis agrandir ça à quatre, c'est que je suis un peu inquiet du fait que le premier député autochtone à l'Assemblée nationale, en somme, soit associé au projet Nunavik. Ça veut dire que les autres parties, les autres peuples du Québec devraient passer par ce qu'on appelle l'autonomie gouvernementale avant d'avoir un député. Cela m'inquiète un peu, parce que, si les Naskapis voulaient avoir... il faudrait qu'ils passent, en somme, par l'autonomie gouvernementale. Ce qui n'est guère possible, il y a quelques centaines d'individus seulement. De sorte que, dans l'esprit des gens, il peut y avoir une liaison entre ce que je viens de dire. Le fait, en somme, d'avoir un député pour être complémentaire à une formule d'autonomie gouvernementale, ça m'inquiète un peu. Ça ne devrait pas être la loi. La loi devrait... la démarche, ça ne doit pas être la démarche universelle, en somme.

On devrait procéder autrement et reconnaître en fait le fait que l'Inuit, ce n'est pas en fait une minorité ethnique, ce n'est pas... en fait les femmes, ce n'est pas non plus... même les hommes blancs non autochtones. Ces minorités-là, en somme, ont la conscience de représenter un territoire. Et ça, en dehors des autochtones, en somme, en dehors des 100 000 autochtones plus les métis, on n'a pas ce sentiment-là. De sorte que votre question est très importante parce qu'elle soulève la raison pour laquelle on va avoir un député inuit. Or, cette raison-là, en somme, elle ne peut être applicable pour les 11 peuples autochtones du Québec. De sorte qu'il faudrait élargir le débat ou trouver, en somme, un autre discours pour admettre les... Donc...

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. le député de Richelieu. Mme Loucheur.

Mme Loucheur (Yohanna): Merci. D'une part, simplement une question de clarification. Pour les députés que vous avez mentionnés, disons, les trois députés de plus qu'il y aurait, selon votre proposition, vous parliez du Moyen Nord, et tout ça, mais vous ne parlez pas de leur assigner un territoire donné. Ce serait plus comme une superposition avec les députés, avec les circonscriptions qui sont déjà là, si j'ai bien compris?

M. Hamelin (Louis-Edmond): Oui. Bien, c'est-à-dire que je n'invente pas cette chose-là, là. La convention du Québec, qui a été signée en bonne et due forme puis a fait naître, en somme, beaucoup de lois à la fois au provincial et au fédéral, ces conventions-là, en somme, sont faites avec des Cris puis des Inuits. Indirectement, implicitement, automatiquement, on reconnaissait que les Cris étaient au Moyen Nord puis que les Inuits étaient au Grand Nord. Donc, je dirais que c'est un fait, là, qui est inscrit petit à petit. Il n'a peut-être pas été déclaré très, très clairement, mais il est implicite, en somme, dans ce discours. Et ce serait plutôt à l'argumentation administrative de s'ajuster à ça, ce que le Québec est en train de faire depuis 50 ans, tu sais?

Mme Loucheur (Yohanna): En fait, ma question, à ce moment-là, était: Comment vous imaginez, disons, la division des responsabilités et la collaboration entre, d'une part, les députés des premières nations et les députés blancs, qui seraient ceux qui couvriraient les mêmes territoires, et des populations qui vivent ensemble mais qui n'ont pas nécessairement les mêmes priorités? Comment, concrètement, comment vous imaginez qu'ils pourraient travailler ensemble?

M. Hamelin (Louis-Edmond): Oui. Mais cette chose-là est à bâtir presque entièrement. Le Québec, en fait le Canada non plus, n'a pas... et les autres provinces non plus n'ont pas de tradition sur le politique d'échange normal entre les autochtones puis les non-autochtones, de sorte que c'est à bâtir.

Aux Territoires du Nord-Ouest, en somme, ça a pris des dizaines d'années avant qu'un certain discours, un certain dialogue de... On n'a pas l'habitude, en somme, de faire entrer l'autochtone de cette façon. On a l'habitude d'être polyculturels, d'avoir des voisins, d'avoir un certain discours. Même s'il est opposé, c'est un discours, alors que là, en somme, c'était presque un néant. De sorte qu'il nous faut bâtir le Québec du Sud, le Québec du Nord. Les non-autochtones qui habitent normalement le Nord doivent apprendre un discours politique pour vraiment arriver à un accroissement du statut démocratique qu'on souhaite au Québec, de sorte que votre question est énorme.

C'est tout un apprentissage, et on n'a pas beaucoup de grammaire pour faire ça, on n'a pas beaucoup d'orientations pour faire... La majorité, en somme, des politicologues du Québec se sont occupés du Sud, comme toujours. Il y a là une invention de procédés démocratiques à imaginer d'abord, et à établir, et à faire partager, en somme, par la population. En fait, faire entrer un autochtone à l'Assemblée législative, c'est presque redéfinir le Québec. Donc, c'est énorme au point de vue... Ça ne fera qu'un député sur 120 ou je ne sais pas quoi, 127 ou quelque chose comme ça, y compris les deux catégories, là, au total. C'est presque avoir une nouvelle politique pour chacun des députés, mais même les non-autochtones, chacun des députés, avoir une espèce de politique vers les autochtones, vers le Nord et vers le territoire.

Vous faites là quelque chose... Je disais tantôt: C'est à la dimension presque de la convention. Même si ça fait juste un petit geste, ce petit geste là... Parce qu'en fait un autochtone, c'est un type, en somme, qui, quand il sera en Chambre, il va se faire découvrir immédiatement comme extrêmement important parce qu'il va parler de choses... gouvernement régional, autonomie gouvernementale, il va parler, en somme, des droits des terres, et c'est énorme, comme question. Il va poser des questions, et les autres députés, en somme, auront à répondre, à y réfléchir, à le contredire, à le convaincre, etc., de sorte que vous êtes en train de faire un geste énorme.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. Allons du côté ministériel. Mme la députée de La Pinière.

n (12 heures) n

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Hamelin, de votre présentation, voire de votre éducation, parce que c'est ce que vous êtes en train de faire avec nous, vu votre vaste expérience.

En Nouvelle-Zélande, lorsqu'on a introduit le système, le modèle proportionnel, on a trouvé un accommodement, je dirais, avec les Maoris, à qui on a cédé, enfin on a réservé un certain nombre de sièges. Au Québec, la situation est plus complexe parce qu'on a déjà 11 peuples autochtones, alors que là-bas, bon, c'est un groupe plus monolithique. Mais est-ce que, compte tenu de votre vaste expérience, vous pensez qu'au Québec on pourrait arriver aussi à quelque chose de semblable? Quelles sont les leçons qu'on peut tirer de ce modèle de la Nouvelle-Zélande pour le Québec?

M. Hamelin (Louis-Edmond): Vous avez raison de parler de la Nouvelle-Zélande, parce que la Nouvelle-Zélande a fait un effort énorme à partir des juges et également des... on a écouté, en somme, les autochtones. C'est quelque chose de considérable, là, voyez-vous? Parce que votre question pose le problème des attitudes des non-autochtones au Québec. La première loi, en somme, du Québec s'est occupée en fait du Nord, c'est la loi de M. Duplessis, entre 1946-1951, où on n'avait pas consulté les autochtones, les autochtones ne sont même pas mentionnés, alors il s'agissait de faire une loi énorme pour le développement minier du Nord-du-Québec. Bon.

Alors, je peux citer d'autres exemples comme ça, de sorte qu'on s'est prononcés souvent, les non-autochtones se sont prononcés souvent sans faire appel ou sans avoir au moins de député à l'Assemblée nationale, de sorte que... La Nouvelle-Zélande a écouté davantage, disons, les autochtones, et ils ont fait des règlements pour les terres, ils ont fait des règlements également, en somme, au plan judiciaire, etc., de sorte que... Mais je ne crois pas qu'on puisse transporter cependant telle quelle l'expérience de Nouvelle-Zélande.

Mais ici on est déjà engagés, là. Le fait, en somme, de penser à un député inuit, c'est extraordinaire, ce qu'on va monter, en somme, comme marches. Mais seulement ce que je demande, si je peux, c'est que l'ensemble de la députation québécoise et l'ensemble du peuple québécois se fassent expliquer l'énorme geste, là, de faire entrer... on ne fait pas rentrer un député de plus, on fait rentrer un peuple de plus.

Il ne faut pas oublier que le Nunavik, en somme, qui sera prêt en 2011, avant ou après, c'est le tiers du Québec. Alors, il va y avoir un député pour le tiers du Québec. Même dans l'hypothèse qu'il soit non-autochtone, il traîne le tiers du territoire, et il vous demandera, à l'Assemblée nationale, en somme, d'avoir un chemin de fer ou une route au moins pour traverser tout le Québec. On n'a aucune route qui traverse tout le Québec, aucun chemin de fer qui traverse tout le Québec. Donc, simplement cette chose-là, au point de vue financier, c'est absolument énorme, et ce serait dans l'intérêt du pan-Québec, comme j'appelle, d'avoir, en somme, des réponses au Nunavik.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, M. Hamelin, merci infiniment. Je pense, c'est la deuxième présentation de fond que nous avons sur toute la question du Nunavik, avec la Société Makivik au tout début de nos consultations. Alors, c'est un point de vue qui est extrêmement important, et nous l'apprécions beaucoup. Merci à vous.

M. Hamelin (Louis-Edmond): Merci.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, nous entendrons maintenant M. Jairo Alberto Castellanos Serano, et après quoi nous suspendrons les travaux de la commission.

Alors, bonjour, M. Castellanos Serano, et bienvenue aux travaux de cette commission. Donc, vous disposez d'environ six minutes.

M. J. Jairo Alberto Castellanos Serano

M. Castellanos Serano (J. Jairo Alberto): Merci. Je m'excuse, mon français n'est pas bon. Je suis immigrant, et il y a une chose que...

Le Président (M. Ouimet): Pouvez-vous parler peut-être un peu plus près du micro pour que nous vous entendions bien? Merci.

M. Castellanos Serano (J. Jairo Alberto): Il y a une chose, dans mon étude sur la commission, que je pourrais dire sur la population autochtone et amérindienne. Je propose de faire un district spécial pour la population autochtone, amérindienne, et je ne sais pas si... ou aborigène, mais ici, au Québec. C'est pour l'histoire, pour respect dans l'histoire. Pour faire un... de la culture québécoise. Il y a une circonscription... Je propose de faire une circonscription spéciale dans tout le Québec, que la population autochtone pourrait choisir quelques personnes de sa communauté, mais la même chose avec les minorités ethnoculturelles. Je ne sais pas si c'est possible, s'il y a, au Québec, des statistiques très claires pour savoir quelle est la minorité la plus élevée ici.

Dans plusieurs pays, il y avait un district, une juridiction spéciale pour les minorités ethnoculturelles, pour les minorités noires, pour les minorités des différentes... les différentes choses. Mais, dans mon pays ? je suis Colombien ? il y a quatre sièges spéciaux pour les ethnoculturels, pour les populations amérindiennes, indiennes, et quatre sièges spéciaux pour les populations noires «afro-descendientes». Ils votent dans la même carte électorale, seulement que c'est la population noire qui choisit quelle personne doit représenter dans l'Assemblée, dans le Parlement. La même chose dans la Norvège, la même chose... Il y a 24 pays qui ont la même chose: il y a une juridiction spéciale seulement dans un territoire.

C'est pour tout le Québec, ou... Je ne sais pas s'il y a la possibilité ici, au Québec. C'est seulement pour respect à l'histoire, c'est pour faire un... des autres cultures. Le Québec est né d'un mélange d'Amérindiens, de Français. C'est un pays que la population immigrante comme moi, nous devons participer dans la vie politique. Je crois que, s'il n'y a pas de culture politique dans la population immigrante, c'est difficile, l'intégration totale à la vie canadienne, à la vie québécoise.

Aujourd'hui, dans la population latine... je viens de participer dans beaucoup de réunions, dans beaucoup de manifestations, dans beaucoup d'actions des immigrants latino-américains. Il y a une grosse préoccupation pour savoir comment est-ce que nous pouvons faire pour participer dans la vie politique. Beaucoup de personnes qui restons ici, nous sommes politiques. S'il y a la possibilité de non seulement pour venir ici et dire quelque chose, pour participer dans la vie politique du Québec. C'est tout.

Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, M. Serano, pour ce témoignage. Nous allons ouvrir avec vous une courte période de discussion. Merci pour la recommandation que vous faites. Alors, je vais commencer avec M. Boivin, dans un premier temps.

n (12 h 10) n

M. Boivin (Guillaume): Bonjour, monsieur. Je constate que, dans un souci d'intégration et de participation à la vie civique, vous faites vos propositions. Par contre, ça ne m'apparaît pas clair d'emblée que ce serait susceptible de le favoriser.

La plupart des pays qui donnent à ma connaissance des exceptions, disons, pour des sièges communautaires, ce n'est très souvent pas par exemple... comme l'exemple de «New Zealand»... puis ici ce qu'on envisage de faire pour les autochtones, pour les différentes immigrations successives, je n'ai pas un portrait global de la chose, mais ce ne m'apparaît pas si fréquent. Et d'ailleurs c'est sur une base territoriale qu'on envisage de donner par la bande, si on veut, une voix à la communauté inuite du Grand Nord québécois. Il y aurait non pas seulement les Inuits qui auraient le droit de vote pour la détermination de l'élu dans le comté en question, mais toute la population. On présume que, puisqu'ils sont une forte majorité, qu'à ce moment-là, très souvent, l'élu serait inuit, mais il aurait la tâche de représenter l'entièreté de la circonscription.

Si on avait, comme plusieurs l'ont proposé, une liste à la proportionnelle où il y aurait des balises qui impliqueraient qu'à tous les... dépendamment de la définition que l'on donnerait, là, de l'appartenance aux communautés ethnoculturelles, il y aurait des balises qui exigeraient que les partis, dans la constitution de leur liste, disons 20 %, ce sera moins si on... disons 20 % pour les fins de l'exercice, à ce moment-là, si on pouvait exiger, dans la constitution de la liste des partis, qu'à tous les cinq noms il y ait une personne des communautés ethnoculturelles, des nombreuses communautés ethnoculturelles qu'il y a au Québec, bien c'est certain que, dans la région de Montréal, il y aurait certainement, il y aurait certainement, dans une liste régionale pour Montréal, une personne, disons, latino en bonne position sur la liste...

Le Président (M. Ouimet): M. Boivin, je vais vous inviter à vous diriger, là, rapidement, vers une question, s'il vous plaît.

M. Boivin (Guillaume): Qu'en pensez-vous, de ce que je viens d'énoncer, tout simplement?

M. Castellanos Serano (J. Jairo Alberto): J'ai posé une question. L'idée, c'est... faire de la population ethnoculturelle, population autochtone encadrée dans un parti politique, ce n'est pas la liberté. Nous devons respecter son territoire, sa culture, parce que, dans ce document, c'est clair qu'il dit que seulement dans la liste du parti, 10 ou 11... avoir une liste propre des autochtones, des Inuits, des Amérindiens. Dans le district spécial, dans les circonscriptions spéciales, chaque Innu, chaque Amérindien doit choisir quelle personne doit représenter ici, dans l'Assemblée, pas dans le parti. Parce que l'idée, je crois qu'une démocratie forte, c'est une démocratie qui représente toute la population. L'Assemblée nationale doit refléter la grosse population du Québec, seulement les partis, parti X ou parti... je pense, je ne sais pas si c'est vrai.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. Boivin. Il reste 30 secondes, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: 30 secondes. Pour vous dire que, puisque vous êtes d'origine colombienne, l'Assemblée nationale a exprimé sa solidarité avec Ingrid Betancourt, candidate du Parti vert à la présidence, qui a été enlevée par les FARC. Donc, la démocratie, elle rayonne sur le plan international.

Sur la représentation des minorités, ce n'est pas le modèle qu'on a adopté au Québec. Depuis 1990, la politique d'intégration repose sur la participation ? la participation civique, la participation politique, la participation économique ? des minorités dans l'ensemble de la société, et non pas une ghettoïsation des minorités dans l'intérieur de leurs propres communautés. Alors, c'est un modèle qui est différent de la Colombie, puis j'espère que dans quelque temps vous seriez intéressé à être candidat pour vous faire élire dans une circonscription très diversifiée.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, Mme la députée de La Pinière. Et, M. Castellanos Serano, merci de votre témoignage et de votre participation aux travaux de cette commission.

Mme Houda-Pepin: «Muchas gracias!»

M. Castellanos Serano (J. Jairo Alberto):«De nada», «gracias!», merci.

Le Président (M. Ouimet): Merci à vous.

Là-dessus, je vais suspendre les travaux de la commission jusqu'à 14 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

 

(Reprise à 14 h 13)

Le Président (M. Ouimet): Alors, la Commission spéciale sur la Loi électorale reprend ses travaux. Je demande à tous les membres de la commission de bien vouloir regagner leur place, également aux personnes dans l'assistance de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

J'invite donc les représentants de la Fédération étudiante collégiale du Québec à bien vouloir s'approcher. Alors, M. Étienne Hudon-Gagnon, vous êtes le président de la Fédération étudiante collégiale du Québec, bienvenue aux travaux de cette commission spéciale. Auriez-vous la gentillesse de nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

Fédération étudiante
collégiale du Québec (FECQ)

M. Hudon-Gagnon (Étienne): Oui. À ma gauche, à votre droite, c'est Judith Bélair-Kyle, qui est coordonnatrice à la recherche à la fédération; et, à ma droite, c'est Laurent Viau, qui est recherchiste aussi... bien, qui est recherchiste à la FECQ.

Le Président (M. Ouimet): Alors, vous disposez de 10 minutes de présentation, puis, par la suite, 20 minutes d'échange avec nous, les membres de la commission.

M. Hudon-Gagnon (Étienne): Parfait. Donc, bonjour, messieurs mesdames. Donc, qu'est-ce que la Fédération étudiante collégiale du Québec? Eh bien, c'est 40 000 membres étudiants collégiaux à travers le Québec, que ce soit de Gaspé jusqu'à Rouyn-Noranda. Cette fédération-là existe maintenant depuis 15 ans pour défendre les intérêts des étudiants à travers le Québec. À travers ces 15 ans d'existence, bien on a oeuvré premièrement beaucoup en démocratie, mais aussi on a une bonne expertise de la citoyenneté des jeunes d'aujourd'hui.

À travers les assos, bien souvent les jeunes vont vivre leur première expérience de démocratie. C'est la première fois qu'ils vont pouvoir, là, se parler ensemble, faire des choix ensemble et aussi être capables, là, de voter et de respecter les consensus et les majorités qui vont en ressortir. Donc, c'est à travers ces assos-là que, nous, on a tiré notre expérience pour pouvoir vous exposer nos plus grands principes au niveau du mode de scrutin.

Donc, pour nous, l'aspect capital que cette loi-là doit faire ressortir, c'est le faible pourcentage du vote chez les jeunes. On parle de 20 % à 30 % lors des dernières élections. Mais, pour nous, c'est un enjeu, là, qui est primordial, qu'on doit s'attaquer le plus vite possible parce que, si ce pourcentage-là continue, si le pourcentage reste le même quand les jeunes vont être adultes, bien je pense que la démocratie au Québec va avoir un sérieux problème.

Donc, notre mémoire et nos positions pour cette commission et pour cette réforme du mode de scrutin ont été, là, vraiment l'oeuvre et le fruit d'une réflexion qui s'est faite autant avec l'exécutif qu'avec les associations étudiantes. On a observé premièrement les modes de scrutin qui se faisaient à travers le monde, mais aussi nos positions qu'on a eues dans le passé. Pour nous, le but de cette réforme-là doit pouvoir... que le mode de scrutin reflète proportionnellement le pourcentage de votes versus le nombre d'élus.

Pour nous, le projet de loi aussi n'est pas assez suffisant. Le mode de scrutin doit pouvoir refléter la diversité de la société québécoise. Pour les grandes positions, je laisserai la parole à Judith pour vous exposer ça.

Mme Bélair-Kyle (Judith): Alors, bonjour. Nous, à la FECQ, on est pour un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire national. Contrairement au projet de loi qui a été présenté à l'automne, nous, on trouve que la proportionnelle qui est présentée dans le projet de loi n'est pas suffisante. On trouve aussi que le ratio entre les districts puis les comtés, ce n'est pas suffisant non plus. On trouve que le projet de loi, ce qu'il fait, c'est que c'est bon pour juste trois partis. Ça n'aide pas du tout les petits partis à avoir leur place. Puis on trouve que les citoyens ont le droit de voter puis que leur vote compte puis que ce soit représenté à l'Assemblée nationale. Bon. C'est ça.

Ce qu'on a voulu vous montrer dans notre mémoire, c'est qu'on voulait pallier aux distorsions qu'il y a. Par exemple, plusieurs fois, c'est arrivé qu'un parti obtenait une majorité d'électeurs qui votaient pour lui, mais n'était pas représenté à l'Assemblée nationale... exactement. Excusez-moi, je suis extrêmement stressée.

Bon. La FECQ propose que le ratio entre les circonscriptions puis les districts soit de 50 % de députés élus dans leurs circonscriptions et 50 % élus par scrutin de liste. On est pour que l'attribution des sièges de liste soit faite à l'échelle nationale en comptant le Québec comme un seul district. Je m'excuse. Je laisserai Laurent parler.

M. Viau (Laurent): Donc, c'est ça. Bonjour, messieurs dames. L'essentiel de l'idée, pour ce qui est du mode de scrutin qui a été amené ici, c'est vraiment, c'est ça, essayer d'élargir la diversité de la représentation à l'échelle de l'Assemblée nationale, donc c'est ça, le fait que des tiers partis soient capables d'accéder à l'Assemblée nationale. C'est pour ça que ce qui nous apparaît dans l'avant-projet de loi qui est présenté par le gouvernement, c'est que le degré de proportionnalité, bien que la situation s'améliore par rapport à ce qu'on connaît actuellement, n'est pas suffisant par rapport à qu'est-ce qu'on pourrait atteindre par rapport notamment à la plupart des pays démocratiques, par rapport à la plupart des réformes qui ont été adoptées dans les dernières années en Europe ou à l'échelle du globe, en général. Donc, c'est ça.

n(14 h 20)n

Par rapport au... Judith parlait qu'on voulait atteindre un ratio de 50-50 au niveau des sièges compensatoires versus les sièges de circonscription. À ce niveau-là, ce qui a été présenté de notre part, c'est d'arriver avec 75 comtés. Comme ça, on pourrait reprendre directement comme justement l'avant-projet de loi le présente, on pourrait reprendre intégralement les délimitations qui sont en vigueur au niveau fédéral, ce qui faciliterait l'application directement de la réforme éventuellement puis ce qui aussi porterait à un plus grand nombre de sièges pour la compensation.

Ensuite de ça, par contre, il est clair que, même si on veut qu'il y ait un plus grand nombre de partis qui puissent avoir accès à l'Assemblée nationale, il ne faut pas non plus penser qu'un parti peut se présenter puis avoir accès à tous les privilèges qui viennent avec, par l'Assemblée nationale, en proposant de rester éternellement dans la marginalité. C'est une des raisons pour laquelle il a été proposé peut-être de fixer un seuil pour ce qui est du calcul des sièges compensatoires.

Ensuite de ça, un des autres points qui a été amené, c'est le fait d'avoir la possibilité de voter avec deux bulletins. L'idée de ça, ce n'est pas nécessairement, comme certains ont pu l'avancer... J'ai vu, dans les consultations jusqu'à maintenant, que certains avançaient que le deuxième vote pouvait rendre le vote plus proportionnel. Je ne pense pas que c'est ça, l'idée. L'idée, c'est surtout d'amener un plus grand choix pour les électeurs. On a vu notamment en Nouvelle-Zélande que jusqu'à 39 % des électeurs ont décidé de séparer leurs votes de cette façon-là. Ce qui fait qu'une personne peut considérer qu'un candidat est plus apte dans un parti qu'un autre à l'échelle locale, pour ce qui est de la circonscription, d'être élu; par contre, au niveau national, c'est peut-être un autre parti qui ferait mieux l'affaire. Donc, à ce niveau-là, c'est juste d'ouvrir des portes, de donner un peu plus de choix aux citoyens. Donc, c'est ça.

Finalement, je pense que je laisserais peut-être Étienne compléter pour la fin de l'exposé.

M. Hudon-Gagnon (Étienne): Bien, pour nous, le problème du vote chez les jeunes ? parce qu'il est un problème, je pense qu'il faut se le rappeler ? restera toujours, là, un enjeu primordial que la FECQ va toujours amener de l'avant d'ici à la fin des travaux de la commission et pour les suites.

Pour nous, il y a quelques solutions qu'on avait amenées, là, à travers différents mécanismes de consultation, que ce soient les bureaux de vote dans les cégeps, dans les universités, la commission itinérante qui révise les listes électorales, qu'elle se promène de cégeps en universités aussi, on parle de cours à la citoyenneté, on parle aussi de vote par correspondance pour des étudiants qui n'étudient pas dans leur région d'origine. Donc, ça, pour nous, c'est des solutions qui pourraient être amenées, là, à travers cette réforme-là.

Pour nous, il est clair que cette réforme-là, elle va avoir un impact majeur sur les institutions politiques et aussi sur les moeurs politiques au Québec, étant donné aussi que cette réforme-là va s'appliquer beaucoup... bien, ceux qui vont la vivre la plus longtemps, ça va être les jeunes d'aujourd'hui. Ce n'est pas une réforme, là... on ne travaille pas une... on ne refait pas un mode de scrutin à chaque deux ans, là, je pense que ce n'est pas un jeu de dés, donc cette réforme-là devra refléter vraiment la jeunesse d'aujourd'hui.

Je pense qu'en 2002, lors des états généraux, la réforme couvrait un peu plus large que juste le mode de scrutin. Le mode de scrutin est un gros morceau, je pense, de cette réforme des institutions démocratiques, donc il faut aller plus loin.

Finalement, bien, une des propositions innovatrices qu'on amenait, là, dans notre mémoire, c'est... quand ce projet de loi là sera presque final, bien c'est de le faire passer par référendum à travers la population. Donc, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci à vous de la Fédération étudiante collégiale du Québec pour ce mémoire, pour cette présentation et l'intérêt que vous manifestez à l'endroit des travaux de la commission. Nous allons ouvrir immédiatement du côté ministériel. M. le député de Trois-Rivières.

M. Gabias: Merci, M. le Président. Merci de votre contribution à la commission. Dans vos principales recommandations, évidemment, j'arrive sur peut-être le noeud, là, qui est une compensation à la grandeur du Québec, alors que nous avons entendu des collèges nous proposer tout à fait autre chose, dont, hier, le collège de Trois-Rivières proposait d'augmenter le nombre de districts au nombre de régions, en fait de faire correspondre ça au nombre de régions... pardon, dans le fond réduire, pardon. Est-ce que vous avez fait un peu un inventaire de l'ensemble des collèges du Québec pour voir de quelle façon c'était partagé, ces visions-là: d'une part, d'avoir un nombre de régions pour la compensation, plutôt que d'avoir ce que vous proposez?

M. Hudon-Gagnon (Étienne): Bien, je vais répondre là-dessus. Cette position-là a été adoptée, là, par tous nos membres. Il y a toujours des membres qui, oui, ont des opinions différentes, puis je pense que c'est ça aussi, la démocratie au Québec et le respect des différences. On avait des membres qui ont décidé de faire des mémoires pour leur association. Mais je pense que vous avez vu, à travers vos travaux, aussi, qu'il y a certains cégeps qui ont repris notre mémoire, qui ont repris leur position, qui ont décidé, là, que c'était, pour eux, ce que les étudiants du Québec voulaient. Donc, nous, il y a eu une consultation de toutes nos associations étudiantes, et je pense qu'il y a deux associations qui avaient décidé de présenter des mémoires, là, de leur côté.

M. Gabias: Merci.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le député. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Relativement à l'ajout de bureaux de votation sur les campus, pensez-vous que cela va inciter les jeunes à voter de façon significative ou si les jeunes de toute façon ne votent pas pour d'autres raisons et que l'abstention des jeunes en soi est une façon de voter? Et est-ce qu'au-delà des bureaux de votation il faut adopter des mesures incitatives spécifiquement pour les jeunes, et lesquelles?

M. Hudon-Gagnon (Étienne): Parfait. Peut-être juste un point, là, au niveau de l'abstention des jeunes, si c'est un vote: je ne pense pas que ce l'est. Je pense que, dans notre mémoire, on avait, là, reflété quelques pistes de réflexion. Je ne me souviens plus, là, des points, je pense qu'on disait, là: Les jeunes sont, si tu veux... En tout cas, les quatre points.

Donc, au niveau des incitatifs, bien, pour nous, je pense qu'aux dernières élections fédérales on l'a vu, là, on avait beaucoup poussé pour ? autant, là, nous, la FEUQ et la Fédération canadienne des étudiants et des étudiantes ? qu'il y ait des bureaux de vote dans les cégeps, dans les universités. Les résultats, là, sont encore à analyser, mais on a vu quand même une proportion... Là, on ne parle pas de 50 %, mais on parle quand même qu'il y a eu un petit peu un regain d'énergie au niveau du pourcentage de vote. Mais aussi le système électoral fédéral, concernant les étudiants qui vont étudier à l'extérieur de leur région, est un peu plus souple concernant le droit de vote qu'ils vont aller exercer dans leur milieu, là, où ils étudient. Donc, de ce côté-là, je pense, ce serait aussi important, là, d'assouplir ces règles-là.

M. Viau (Laurent): Peut-être, si je peux compléter...

Mme Houda-Pepin: Oui. Voulez-vous ajouter quelque chose? Oui.

M. Viau (Laurent): Il y a une chose aussi qui a été amenée. Je sais qu'il y a eu certaines modifications au niveau du cursus au niveau secondaire. Par rapport à ça, nous autres, une des grosses revendications en 2002, c'était l'introduction de cours à la citoyenneté. Je pense que c'est beaucoup de ce côté-là qu'il faudrait pousser pour inciter les jeunes à se préoccuper des institutions démocratiques puis à y aller plus... peut-être outrepasser le cynisme ou, un peu, la méfiance qu'il peut y avoir par rapport aux institutions, certainement, dans notre génération.

Mme Houda-Pepin: Je pense que les parlementaires partagent ce point de vue, en tout cas de ce que j'en sais. On est conscients que l'éducation civique est à la base de la responsabilisation des citoyens.

Mais, toujours pour inciter les jeunes à aller voter, vous avez dit que l'expérience fédérale vous a permis de noter peut-être quelque inclinaison vers plus de votes. Il y a des coûts au déploiement des ressources au niveau du Directeur général des élections. Est-ce que le jeu vaut la chandelle? Est-ce que vous estimez que vraiment, lorsqu'on va mettre des bureaux de votation dans les campus au niveau des cégeps, au niveau des universités, cela va vraiment inciter les jeunes à exercer leur droit de vote, ou si c'est d'autres facteurs finalement qui jouent sur le vote des jeunes?

M. Hudon-Gagnon (Étienne): Je pense qu'il y a beaucoup d'autres facteurs qui jouent sur le vote des jeunes, mais, si on ne fait rien... S'il y a un 5 %... Un 5 % de plus de votes chez les jeunes, c'est un 5 %. Moi, je suis désolé, là, on en a cherché, des idées, je pense, les parlementaires aussi, puis, à travers les années, on en a cherché, des idées. Nous, c'est les idées qu'on propose, parce qu'on a vu que ça améliorait. Si vous avez des meilleures idées, bien, allez-y, mais, pour nous, ça reste les idées primordiales.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Justement sur cette question des idées pour modifier les modalités pour l'exercice du droit de vote, indépendamment de ce qu'on pourrait avoir comme système de scrutin, est-ce que vous seriez d'accord pour qu'on procède rapidement avec l'introduction de ces modalités pour améliorer et faciliter l'exercice du droit de vote assez rapidement, dès la prochaine élection?

M. Hudon-Gagnon (Étienne): Je pense que oui, là. Le plus tôt ça va être fait, le mieux ça va être, je pense. On parle, là... Je ne me souviens plus du pourcentage des étudiants qui vont étudier à l'extérieur de leur région, mais ça devient quand même un phénomène assez répandu. Et ces étudiants-là, au Québec en tout cas, ont de la difficulté à aller voter, là, dans leur région où ils habitent pour leurs études.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Merci.

Le Président (M. Ouimet): Merci, Mme la députée de La Pinière. Je vais du côté de l'opposition officielle. M. le député de Masson.

n(14 h 30)n

M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, madame messieurs, bienvenue, merci de votre contribution à ce débat qui ne fait que commencer sur les modalités d'un mode de scrutin. Aux états généraux, vous l'avez dit tout à l'heure, il y a eu plusieurs recommandations. C'était la première fois qu'on faisait le tour du Québec avec la commission Béland. Il s'est dégagé un principe qui était celui d'introduire un modèle plus proportionnel.

Là, on en est à la détermination du modèle. Et allons-y sur quelques petits points. Vous soutenez la double candidature dans votre mémoire. Vous dites: «Dans les faits, dans la très grande majorité des cas ? à la page 11 ? les députés de liste sont avant tout des personnes qui se présentent dans une circonscription et tout laisse croire que le Québec ne fera pas exception à la règle.» Vous ne semblez pas voir de problèmes là.

Avez-vous pensé aux effets que ça pourrait avoir sur, par exemple, la représentativité des femmes, la parité et l'égalité des femmes en politique dans la mesure où les candidats de circonscription sont majoritairement des hommes actuellement? Il y a juste 32 % de femmes dans notre système parlementaire. Et, si on admet qu'il y a double candidature, bien les députés sortant ont une certaine priorité sur des candidatures qui n'ont pas été élues. Bref, comment vous voyez ça dans un premier temps?

Puis l'autre aspect de cette mesure-là, c'est: Est-ce que vous ne trouvez pas en quelque part que quelqu'un qui aurait été battu, donc pas accepté de la population dans une circonscription, qui se retrouve député de liste, il n'y a pas comme en quelque part un problème de légitimité là-dedans?

M. Hudon-Gagnon (Étienne): Vas-y, Laurent.

M. Viau (Laurent): O.K. Pour ce qui est de la double candidature, c'est la façon de faire, c'est le modus operandi dans la plupart des pays qui utilisent le mode de scrutin proportionnel. On ne voit pas nécessairement de problèmes à ça.

Par rapport au fait qu'une personne pourrait être battue dans son comté mais après ça être élue selon le scrutin de liste, l'idée générale, c'est d'avoir une proportionnalité entre le vote qui est exprimé puis les sièges qui sont accordés. Si un parti réussit à avoir, disons, 15 % des votes à l'échelle nationale et que ce 15 % là ne lui permettrait pas de toute façon d'avoir un siège de circonscription, bien il y a probablement... il y a quand même 15 %, à l'échelle du Québec, des citoyens qui ont en quelque sorte perdu leur vote. Donc, à ce niveau-là, nous croyons que la valeur de la représentation... la proportionnalité va au-delà de cette question-là.

Par rapport aux femmes, il y a beaucoup de personnes, surtout en 2002, qui avaient affirmé que le simple fait d'amener un système de vote proportionnel ferait que, miraculeusement, du jour au lendemain, on se retrouverait avec une parité hommes-femmes à l'Assemblée nationale. On est d'avis, à la fédération, que c'est avant tout une question de culture politique, de moeurs politiques, et ça, ça doit être le souci de chaque parti de s'assurer qu'il y ait une parité hommes-femmes dans les candidatures qui sont amenées, et c'est justement plus facile probablement d'arriver avec une parité en dressant les listes que de simplement avoir des investitures dans chaque comté.

M. Thériault: O.K. Merci. Puisqu'on parle de double candidature, de votes, vous avez dit, et ça avait été repris par le Pr Massicotte, que un vote, deux votes... en fait, le un vote, ça intervenait peu dans la proportionnalité, mais... en tout cas, ça laisse un choix en tout cas plus grand. Est-ce qu'un parti, selon vous, dans votre compréhension ou dans... Est-ce qu'un parti pourrait ne présenter que des députés sur des listes et pas de député de circonscription, et donc briguer le deuxième vote plutôt que de briguer les deux votes? Est-ce que ça, ça vous apparaîtrait correct? Un parti, comme ça arrive, le...

Le Président (M. Ouimet): Il reste une vingtaine de secondes.

M. Hudon-Gagnon (Étienne): Ce ne sera pas long. Bien, écoutez, de ce côté-là, pour nous, je pense qu'on n'en avait pas traité dans notre mémoire, ce n'est pas une question qu'on avait évaluée, là. Je vais dire une opinion... peut-être ce qui s'est dégagé, généralement. Je dirais que ce n'est pas quelque chose qu'on souhaiterait voir, là. Nous, ce qu'on aime beaucoup, c'est justement des candidats ou des députés qui sont élus aussi pour leur représentation régionale et non seulement pour leur affiliation à un parti national.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. le député de Masson. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Merci pour votre contribution. Dans l'avant-projet de loi, il y a des incitatifs qui sont prévus pour la représentation des femmes et des communautés culturelles. Vous vous opposez à la discrimination positive, est-ce que vous pourriez nous faire part de vos considérations pour en arriver à cette conclusion?

M. Hudon-Gagnon (Étienne): Ce que je peux vous dire là-dessus, c'est que ça a été un débat assez, je dirais, animé à l'intérieur de notre fédération. Là-dessus, pour nous, là, il y a plusieurs... Puis je dois vous dire, là, pour ceux qui ne le savaient pas, mais, à l'éducation postsecondaire, maintenant, on se retrouve avec une proportion de 60 % de filles puis 40 % de gars. Donc, les associations étudiantes commencent aussi à voir cette proportion-là à l'interne. Et ce que les représentantes féminines nous disaient, c'est que, pour eux, aller se faire chercher par un parti pour être candidates puis de dire qu'il y aurait un attrait positif au parti, bien, pour eux, ils n'acceptaient pas qu'un parti le fasse seulement pour ça. Donc, comme disait Laurent tantôt, je pense que c'est dans les moeurs politiques. S'il y a des statistiques là-dessus, bien je pense que les partis devraient, eux autres, le faire d'eux-mêmes sans avoir cet incitatif-là. Et ça a été, là... Je peux vous dire, là, que c'est un débat qui n'est pas fini à l'interne de la fédération puis qui arrive souvent. Je vais peut-être laisser compléter Laurent.

M. Viau (Laurent): Peut-être, si je peux compléter là-dessus, ce qui a été avancé de notre côté, c'est peut-être les sommes qui avaient été... que le gouvernement pensait peut-être attribuer, avec ce projet de loi là, pour la représentation des femmes à l'intérieur des partis, peut-être plus les injecter dans les fondations qui s'occupent justement de promouvoir le rôle des femmes au sein des institutions politiques que de directement, justement, être payés en tant que... je veux dire, avoir l'argent versé parce que la personne qui se présente est une femme.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Du côté de notre comité citoyen, j'ai cinq intervenants, donc allons-y dans l'ordre. M. Morisset, dans un premier temps.

M. Morisset (Michel): Alors, merci beaucoup. Et je vous dirais que, malgré votre âge, je vous félicite pour votre grande sagesse. Et je dirais aussi que... Ma question, c'est: Ne croyez-vous pas que, dans des sites, par exemple un site Internet, il ne pourrait pas justement y avoir, d'une façon pas ponctuelle, là, mais occasionnelle, une publicité, disons, pour faire plus d'éducation justement à la citoyenneté, à l'importance du vote? Parce que, si j'ai bien compris, vous avez saisi ça, que, le jour du scrutin, finalement c'est le pouvoir du peuple, hein? C'est important.

M. Hudon-Gagnon (Étienne): Pour nous, c'est très important, là, on l'a dit tantôt, les cours à la citoyenneté. Puis je pense qu'on a vu dans certains pays aussi, là, que, dès que le jeune atteignait 18 ans, il se retrouvait avec, mettons, une cinquantaine d'autres jeunes qui viennent d'avoir 18 ans dans un camp dans une fin de semaine où justement on leur expliquait: Bien, votre droit de vote, il va servir à ça. Les institutions démocratiques, c'est ça. Pour se présenter candidat, c'est ça. C'est arrivé, je ne me souviens plus de l'exemple de quel pays, mais je sais que c'est arrivé quelquefois que, moi, j'ai vu ça. C'est-à-dire que, dès qu'il atteint l'âge de 18 ans, qu'il a le droit d'avoir son droit de vote, bien c'est comme un camp de formation, là, je veux dire, on envoie les jeunes, une fin de semaine, dans une retraite fermée où vraiment on leur donne des ateliers sur la démocratie puis sur la citoyenneté du pays.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. Morisset. M. Acharid.

M. Acharid (Mustapha): Merci à vous. Une question courte: Comment vous voyez le rôle des députés de liste par rapport aux députés de circonscription?

M. Hudon-Gagnon (Étienne): Leur rôle en tant que tel, peut-être je vais laisser compléter Laurent. Là-dessus, bien, pour nous, là, c'est ça, on l'a dit dans notre mémoire, les députés de comté et de district... de comté devraient vraiment, là... le vote ne devrait pas aller à l'affiliation ou au parti qui élit, mais bien sur comment cette personne-là peut représenter bien sa région à l'Assemblée nationale. Les députés de liste, bien c'est sûr que, pour nous, là, quand on demande une semi-proportionnelle, bien c'est de dire qu'au global le pourcentage de vote, bien c'est sur l'opinion du parti, sur les enjeux globaux vraiment du Québec en entier, là, sur les enjeux qu'ils vont avoir affectés à toutes les régions et non pas des spécificités régionales.

n(14 h 40)n

M. Viau (Laurent): Sinon, pour compléter là-dessus, un des aspects qu'on avait présentés en 2002, c'était essayer de revaloriser le rôle des députés en général, le rôle législatif des députés. Donc, c'est ça, le rôle du député en tant que tel n'est pas seulement de servir directement la population, c'est aussi un rôle législatif, c'est un rôle parlementaire. Pour ce qui est du lien territorial, d'assurer qu'il y ait une bonne communication entre les députés et la population, bien il reste toujours les députés de circonscription.

Et, de toute façon, on peut le voir à l'heure actuelle, la plupart des députés ne font pas juste de la représentation dans leur comté même. Si on voit, disons, un député libéral dans une région où c'est principalement des députés du Parti québécois qui sont représentés, bien le Parti libéral va souvent se déplacer dans toutes les régions, et vice versa. Donc, je ne vois pas en quoi le lien territorial est complètement brisé avec le fait qu'il y ait...

Le Président (M. Ouimet): Il me reste 1 min 30 s, là, pour M. Boivin, Mme Loucheur et Mme Proulx. Alors, M. Boivin.

M. Boivin (Guillaume): Vous m'excuserez, j'étais légèrement en retard. Vous avez déjà répondu dans vos interventions. Je me demandais... Les sommes qui seraient allouées plutôt à des groupes qui travaillent à favoriser la participation à la vie civique des femmes et des communautés ethnoculturelles, est-ce que ce seraient les sommes qui auraient été, disons, en moyenne, allouées aux partis en vertu des mécanismes proposés, qui seraient, année après année, attribuées à ces groupes-là, ou on ferait la même mécanique avec la comptabilisation des résultats et ensuite on enverrait ces sommes-là aux groupes en question? Parce qu'à ce moment-là où est la stimulation, où est l'incitation pour les partis politiques, à part la bonne volonté qu'ils peuvent avoir de favoriser leur représentation? Mais, au niveau direct, ça m'apparaît moindre.

Le Président (M. Ouimet): En 30 secondes.

M. Hudon-Gagnon (Étienne): Bien, pour nous, le mécanisme d'allocation des sommes, en tout cas on n'y a jamais vraiment réfléchi, là. Pour nous, l'important, c'est qu'il y ait de l'argent donné à des groupes qui vont oeuvrer dans justement cette valorisation qui est le travail de député aussi, là, la présence des femmes en politique. Donc, au niveau de l'allocation, c'est ça, on l'a toujours dit, on est contre les incitatifs positifs.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, M. Hudon-Gagnon, Mme Bélair-Kyle et M. Viau, merci infiniment de votre contribution aux travaux de la commission. Merci à vous.

J'invite maintenant les représentants du Regroupement des organismes de personnes handicapées de la région à bien vouloir s'approcher.

Alors, M. Jean Melançon, vous êtes le président du regroupement?

Regroupement des organismes
de personnes handicapées
de la région 03 (ROP 03)

M. Melançon (Jean): Oui.

Le Président (M. Ouimet): Alors, bienvenue aux travaux de cette commission spéciale.

M. Melançon (Jean): Merci.

Le Président (M. Ouimet): Vous nous présentez la personne à votre droite?

M. Melançon (Jean): Il s'agit de M. Olivier Collomb d'Eyrames, notre directeur, qui va vous faire la présentation formelle de nos interventions. Notre organisme regroupe 26 organismes de personnes ayant des déficiences ou des limitations de toute nature dans la région de la Capitale-Nationale. Notre objectif, c'est la défense collective de droits, c'est notre mission, alors c'est pour ça que nous sommes ici, aujourd'hui, mesdames messieurs, pour vous faire valoir le point de vue des personnes atteintes de limitations qui représentent...

Le Président (M. Ouimet): ...cinq, six minutes.

M. Melançon (Jean): Oui, d'accord. Et, ces personnes-là, je vous dirais, à l'attention des membres de l'Assemblée nationale, que l'Institut de la statistique du Québec évalue à la grandeur du Québec à près de 1,3 million le nombre de personnes ayant des limitations. Si on y ajoute un aidant naturel à chacun, c'est plus de 50 % de l'électorat québécois.

M. Collomb d'Eyrames (Olivier): Donc, bonjour, mesdames, messieurs de la commission. Nous, on n'a pas déposé de mémoire, donc, en fait, aujourd'hui, on va insister plus sur les points qui nous semblaient les plus importants. On souscrit à l'ensemble des mémoires qui ont été déposés sur la question de la participation des personnes qui ont des limitations fonctionnelles, plus particulièrement le mémoire déposé par la COPHAN, la Confédération des organismes de personnes handicapées, et la Fédération des mouvements Personne d'abord. Donc, notre position, on va la développer principalement autour de deux choses: la représentativité et le vote.

Donc, sur la question de la représentativité, il y a deux groupes cibles qui ont été identifiés en raison de leur manque de participation aux instances démocratiques à l'Assemblée nationale, et, nous, on pense qu'il faudrait que vous rajoutiez un sixième onglet à l'article 1 pour dire que les personnes qui ont des limitations fonctionnelles doivent, elles aussi, être prises en compte par la loi, et, elles aussi, on doit favoriser leur représentation à l'Assemblée nationale.

Donc, il y a un ensemble de points qui s'y rattachent, qui ont été développés fort justement dans le mémoire notamment de la COPHAN, donc... bien, autour des bonifications que vous accordez et autour des remboursements de frais de campagne. À ce sujet-là, on voudrait insister sur le fait que les personnes qui ont des limitations fonctionnelles rencontrent des barrières environnementales qui ont pour conséquence une augmentation du coût, ça peut être du coût de déplacement, du coût d'hébergement, des coûts liés à une campagne électorale. Et, sur ce sujet-là, on demande un remboursement à hauteur de 100 % des frais supplémentaires liés à la limitation fonctionnelle, car on estime qu'une personne qui a une limitation fonctionnelle ne doit pas supporter le coût de sa différence pour participer à un processus électoral.

Donc, on souscrit à l'ensemble des revendications ? je vais passer à travers étant donné qu'on n'a que six minutes. Il y a des points où on voudrait insister particulièrement, c'est aussi au niveau des communications qui sont faites en direction de l'électorat, que ce soit par le biais de sites Web ou de documents. Il y a certaines règles qui entourent l'accessibilité aux personnes qui ont des limitations fonctionnelles, des outils de communication, il y a des règles pour les sites Internet, il y a des règles pour les documents. Et on aimerait que ça, ce soit pris en compte et que ça fasse partie des plans d'action, puisqu'on aimerait que chaque parti politique dépose des plans d'action, qu'à ces plans d'action il y ait un suivi qui soit fait, et qu'il y ait une attention particulière qui soit autour de tout ce qui est du domaine de la communication, donc au niveau de la représentativité autant qu'au niveau de la communication en direction de la population. À titre d'exemple, les dernières campagnes, la majorité des sites Internet des partis politiques ne proposent pas une information qui soit accessible de manière autonome par une personne qui a une limitation visuelle. Donc, on aimerait qu'il y ait un point particulier qui soit fait là-dessus.

Au niveau de l'accessibilité du vote en lui-même, bien, nous, on souscrit à la revendication qui a été faite par la Fédération des mouvements Personne d'abord d'avoir une authentification des candidats et des candidates qui soit faite par le biais de photos avec... une communication qui soit claire. On insiste aussi sur le fait que, nous... aux dernières élections en tout cas municipales qui ont eu lieu dans la région de Québec, il y a plusieurs personnes qui ont rencontré des difficultés d'accessibilité, notamment les personnes qui ont des limitations d'ordre visuel. Il y avait des protocoles qui avaient été mis en place, les gens qui étaient dans les bureaux n'étaient pas informés, on leur a proposé de voter à leur place, alors que les personnes pouvaient voter de manière autonome si le protocole avait été connu.

Donc, on voudrait qu'il y ait, dans la loi, une attention particulière qui soit portée à la formation des personnels des bureaux de vote, et une attention aussi particulière qui soit liée à l'accessibilité du processus de vote, autant le bulletin que les appareils, qu'on puisse, par exemple, les poser sur les genoux d'une personne en fauteuil, les rendre accessibles pour une personne de petite taille, c'est-à-dire qu'il y ait une véritable prise en compte de la différence. On est ouverts à vos questions.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci à vous, M. Melançon et M. d'Eyrames. Ouvrons dès maintenant. M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, merci de votre contribution. Merci de venir nous rappeler que les limitations fonctionnelles ne doivent pas nécessairement donner lieu à des handicaps. Nous avons eu des parlementaires qui avaient certaines limitations fonctionnelles, mon prédécesseur, le chef de mon parti, pas actuellement, mais... Et ce n'est pas nécessairement facile, mais je pense que l'environnement de l'Assemblée nationale s'est adapté assez vite à ça.

Savez-vous ma préoccupation... Moi, si j'avais à recruter des gens ? je vous le dis comme je le pense, là ? les personnes étant majeures et vaccinées et capables de décider, en toute connaissance de cause, si elles veulent sauter dans l'arène politique, mais je ne crois pas que toutes les limitations fonctionnelles sont propices au travail d'un député, et je m'explique. C'est déjà difficile à supporter comme travail et charge de travail... En tout cas, moi, quand j'aurai à recruter quelqu'un qui en a une, limitation, je lui dirai: Je te veux, j'aimerais bien, bien ça parce que c'est un plus pour un parti politique, même dans une vision étroitement électoraliste.

n(14 h 50)n

Le Président (M. Ouimet): Votre question, M. le député.

M. Thériault: Mais en quelque part êtes-vous conscients de ce que ça implique comme travail et comme difficultés par rapport à la santé et par rapport à la capacité de durer? Parce qu'en politique ce qu'il faut, c'est de durer.

Le Président (M. Ouimet): La question est lancée.

M. Collomb d'Eyrames (Olivier): Bien, je vous dirais là-dessus: C'est comme vous le dites, ça appartient aux personnes. Donc, ce qui est important, c'est de favoriser... Effectivement, les personnes qui ont des limitations fonctionnelles sont des personnes avant tout, donc elles n'ont pas forcément envie d'aller en politique, puis là on rejoint un peu les réflexions qui ont été apportées par le groupe qui est intervenu avant nous, l'image que soulignait, tout à l'heure, une députée, l'image de la fonction de politicien, de politicienne, mais... Pareil pour le vote. Ils ne votent pas plus. C'est des personnes avant tout, des personnes d'abord, pourrais-je dire. Donc, nous, simplement, ce qu'on aimerait, à travers l'identification des personnes ayant des limitations fonctionnelles comme étant un des groupes pour lequel doit être mis en oeuvre un rattrapage, c'est de donner un signal aux personnes qui ont des limitations fonctionnelles et à leurs familles qu'elles sont des citoyens et des citoyennes comme les autres.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, là-dessus, je dois aller du côté ministériel. Merci. M. le ministre.

M. Pelletier: Merci d'être ici, aujourd'hui, merci de votre présentation. Vous avez renvoyé, à certaines occasions, au mémoire de la COPHAN. Dans ce mémoire-là, on proposait des mesures incitatives spécifiques pour les personnes donc qui souffraient d'un handicap. J'aimerais savoir si vous appuyez aussi ces mesures-là, si vous avez quelque chose en tête, si ça va assez loin. Qu'est-ce que vous pensez de ce que dit la COPHAN par rapport à justement ces mesures?

M. Collomb d'Eyrames (Olivier): Le mode de fonctionnement démocratique de la COPHAN fait que, nous, on a été consultés sur la position; on y a adhéré. En tout cas, on trouve que, dans la manière de concevoir l'inclusion des personnes qui ont des limitations fonctionnelles, le mémoire de la COPHAN va assez loin, et, on pense, notamment sur la prise en charge, le remboursement à hauteur de 100 % et aussi la responsabilisation des partis, parce qu'on trouve ça important que les partis politiques soient responsabilisés, et notamment au niveau de... C'est bien d'inciter ceux qui font l'effort et ce serait peut-être bien aussi de sanctionner ceux qui ne le font pas. Comme ça, ça apporterait un différentiel suffisamment grand peut-être pour que les partis politiques se penchent sur cette question.

Aussi, je voudrais juste revenir sur le point d'avant. Certes, il y a des personnes qui ont des limitations fonctionnelles dans les partis politiques, mais bien souvent elles sont acquises avec l'âge. Donc, ce n'est pas la même chose et ce n'est pas la même démarche intégrative. Alors, d'un point de vue de l'inclusion, on n'est pas dans la même démarche.

Mais, pour clore sur cette question, effectivement le mémoire de la COPHAN va suffisamment loin, nous semble-t-il.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, M. Melançon, M. d'Eyrames, merci infiniment. Vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Melançon (Jean): Oui. Pour répondre, donner un exemple à M. Pelletier.

Le Président (M. Ouimet): Très rapidement, parce qu'on est à court de temps.

M. Melançon (Jean): Oui, oui. Tout simplement pour donner l'exemple que le maire de Vancouver a donné à l'occasion des Jeux olympiques, qu'en politique, même si on a des limitations, on peut jouer un rôle important.

Le Président (M. Ouimet): Alors, c'est un exemple tout à fait récent. Merci.

Une voix: Merci, messieurs dames.

Le Président (M. Ouimet): Merci. J'invite donc maintenant les représentants de L'R des centres de femmes du Québec.

Alors, Mme Odile Boisclair, vous êtes la représentante de L'R des femmes, c'est ça?

L'R des centres de femmes du Québec

Mme Boisclair (Odile): Oui. Et je suis accompagnée de Geneviève Dorais, du centre Halte-femmes, à Montréal-Nord, qui est membre chez nous.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, bienvenue à vous. Donc, vous disposez d'environ 10 minutes, et puis par la suite 20 minutes d'échange.

Mme Boisclair (Odile): Bonjour. Merci de nous recevoir. On sait que ça a été un peu compliqué. Merci à M. Louis Breault aussi. Bonjour, M. le ministre. C'est le fun de parler avec vous autres la dernière journée de la commission. On sait que vous êtes sur vos derniers milles.

Alors, les centres de femmes rejoignent indirectement ou directement 300 000 femmes annuellement. D'ailleurs, on veut remercier nos collègues supporters, dans la salle, qui sont ici pour... Ce sont des femmes qu'on a consultées et qui ont participé à l'élaboration de notre mémoire d'une façon ou d'une autre.

Nous n'interviendrons pas en tant que spécialistes ? parce que nous ne le sommes pas ? de la réforme du mode de scrutin, mais nous allons parler au nom des femmes qui fréquentent les centres, parce que c'est avec elles que, tous les jours, nous tentons d'éradiquer les discriminations systémiques dont sont toujours victimes les femmes, et cela, malgré l'égalité de droit au Québec. Et c'est ainsi que nous nous sommes jointes à l'Opération 100 voix de femmes pour la démocratie dont vous avez entendu parlé, je crois, à quelques reprises au cours de cette commission.

À notre avis, la réforme du mode de scrutin doit rencontrer les cinq grands principes portés par le Mouvement pour une démocratie nouvelle, dont L'R est membre, et le Collectif Féminisme et Démocratie, avec lequel nous collaborons. Donc, on parle de refléter le plus fidèlement possible la volonté populaire, de viser l'égalité entre les femmes et les hommes dans la représentation politique, incarner la diversité québécoise, refléter le pluralisme politique, respecter l'importance des régions dans la réalité québécoise.

Mme Dorais (Geneviève): Au niveau de l'égalité entre les femmes et les hommes, pour L'R, il s'agit d'un objectif de société, et c'est essentiel, pour nous, que ce soit affirmé comme tel dans la Loi électorale. Et on voudrait attirer votre attention ici qu'on parle, nous, d'égalité et non pas d'équité, comme il est actuellement fait mention dans l'avant-projet de loi. On ne croit pas que l'atteinte d'une égalité de fait entre les femmes et les hommes puisse se faire sans l'intervention de l'État.

Au niveau de la représentation politique, ce que ça signifie, pour nous, c'est l'instauration de mesures dites positives et de mesures législatives. On ne croit définitivement pas à la théorie qui veut que l'égalité de fait va s'installer automatiquement en suivant le cours de l'histoire. Pour nous, il est clair de se rappeler que les gains qui ont été faits au niveau de la condition de vie des femmes ont été faits, entre autres, grâce aux luttes de femmes et grâce à des décisions politiques. Plus de 60 ans après avoir obtenu le droit de vote et le droit d'éligibilité, les femmes ne sont encore que 32 % de la députation actuellement. On voit donc que la progression est lente, mais les dernières élections fédérales nous montrent aussi qu'elle est non seulement lente, mais qu'elle est aussi fragile. Même en supposant qu'il n'y aurait aucun recul au Québec, si la tendance se maintient, il faudrait attendre 2050 pour atteindre l'égalité à l'Assemblée nationale, ce qui, pour nous, est beaucoup trop long.

Parmi les mesures que nous proposons, certaines sont destinées particulièrement au volet proportionnel du scrutin mixte et d'autres sont destinées au volet majoritaire du scrutin mixte, et nous croyons donc que ces dernières mesures sont applicables immédiatement, sans devoir attendre l'ensemble de la réforme. Outre l'intégration de mesures spécifiques dont certaines sont destinées aux partis, nous recommandons, pour le volet proportionnel, une compensation à une échelle nationale selon une liste avec une alternance obligatoire entre les femmes et les hommes, sous peine de rejet par le DGEQ.

Mme Boisclair (Odile): Alors, nous saluons aussi que, dans l'avant-projet de loi, on fasse appel à la mobilisation de tous les acteurs sociaux, et particulièrement des partis politiques, parce qu'on pense que ceux-ci ont un rôle capital à jouer en ce sens d'arriver à l'égalité entre les femmes et les hommes. Et c'est pourquoi nous recommandons qu'il soit inscrit dans la Loi électorale que les partis politiques doivent se doter d'un plan d'action avec des objectifs de résultat qui visent l'égalité entre les femmes et les hommes et des moyens concrets pour y arriver ? là, je vous passe les moyens.

Ensuite, nous recommandons que les bonifications financières reçues par les partis soient investies par ceux-ci dans un fonds spécial destiné à la promotion et au soutien de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le parti et de l'égalité entre les femmes et les hommes dans les candidatures qu'ils soutiendront. On n'est pas... comme les gens de la FECQ avant nous, on pense qu'on doit adopter des mesures positives pour que les femmes puissent arriver réellement à l'égalité.

Nous recommandons que la Loi électorale exige des partis politiques la production annuelle d'un rapport d'activité et d'un rapport financier qui démontreraient les efforts pour l'atteinte de l'égalité de représentation et de l'égalité dans leurs propres structures et que ces rapports soient adressés au DGE.

Mme Dorais (Geneviève): Pour ce qui est des mesures financières, au niveau de l'allocation financière qui est accordée aux partis, on salue l'initiative qui a été mise dans l'avant-projet de loi. On croit que c'est une très belle initiative. On y ajoute un bémol, par exemple: nous désirerions que cette mesure soit faite en fonction du pourcentage d'élues et non en fonction du pourcentage de candidates, puisque, dans la partie majoritaire, il n'y a rien qui nous assure que les partis placeraient ces candidates dans des comtés dits gagnants.

On considère également que le seuil de 30 % est trop bas puisqu'actuellement on l'a atteint. Donc, pour nous, un boni doit féliciter un effort supplémentaire, donc nous l'augmenterions à 35 %.

Pour ce qui est du remboursement des dépenses électorales, cette fois-ci, comme l'argent est un obstacle important dans l'avancée des femmes en politique, nous sommes d'accord qu'il y ait une bonification qui soit accordée en fonction du nombre de candidates pour ne pas pénaliser la candidate, mais nous accorderions également une deuxième bonification si le parti a fait élire plus de 35 % de ses candidates.

Mme Boisclair (Odile): Pour qu'un véritable reflet de la diversité de la société québécoise soit présent à l'Assemblée nationale, nous pensons que le gouvernement doit soutenir des actions en vue de renforcer le potentiel de participation sociale... Pardon, je veux aller trop vite. C'est parce que j'ai eu l'impression de ne pas avoir de temps.

n(15 heures)n

Le Président (M. Ouimet): Il vous reste au moins quatre bonnes minutes avant l'échéance.

Mme Boisclair (Odile): Alors donc, la participation des personnes vulnérables à l'exclusion. Donc, pour nous, à L'R, incarner la diversité québécoise, ça veut dire de susciter la participation de l'ensemble de la population à l'exercice de la citoyenneté en tenant compte des exclus, et notamment les personnes pauvres, les personnes handicapées, faiblement scolarisées et analphabètes. Les analphabètes sont toujours au nombre de 1 million au Québec, c'est tout à fait inadmissible, mais ces gens-là doivent pouvoir participer de façon citoyenne. Et c'est possible, on n'a qu'à voir les dernières élections en Haïti, où il y beaucoup d'analphabètes.

Alors, en outre, nous croyons aussi que la définition des minorités culturelles dans l'avant-projet de loi doit être revue parce que celle qui est émise veut que toute personne dont l'origine est autre que française fasse partie des minorités. Nous, on pense que ça inclut donc les anglophones et nous ne croyons pas que les anglophones, bien qu'ils soient minoritaires en nombre au Québec, vivent les mêmes exclusions que les personnes issues des communautés ethnoculturelles d'immigration. Donc, nous recommandons que la composition des listes nationales, dans le volet compensatoire, tienne compte obligatoirement de la diversité ethnoculturelle et que le gouvernement corrige sa définition de la minorité culturelle afin que celle-ci permette des actions concrètes afin de rejoindre spécifiquement des personnes victimes de discrimination en raison de leur origine ethnique et qu'en conséquence le gouvernement revoie les seuils à partir desquels les bonifications financières aux partis seraient accordées.

Nous allons recommander, pour refléter la diversité culturelle, la même question, là, des plans d'action pour chaque parti. Alors, je ne vous les répéterai pas parce que ce sont les mêmes.

Et nous voulons mettre l'accent sur les recommandations 21, 22, 23 et 24. Nous recommandons que le gouvernement prenne en compte les obstacles spécifiques à l'exercice d'une pleine citoyenneté afin de les contrer; que la réforme du mode de scrutin favorise l'équité de représentation des groupes sociaux discriminés sur la scène politique; que le gouvernement engage des sommes pour permettre la tenue d'une campagne d'éducation populaire et d'information sur la réforme du mode de scrutin plus particulièrement auprès des groupes discriminés et marginalisés; et que le gouvernement injecte de nouveaux fonds dans le programme À égalité pour décider pour permettre l'accessibilité du programme à de nouveaux groupes et pour de nouveaux projets, en particulier ceux qui s'adressent aux femmes susceptibles d'être exclues ou doublement discriminées.

Maintenant, pour refléter la volonté populaire, nous... En fait, respecter la volonté populaire ferait que les résultats électoraux correspondent au nombre de votes obtenus par les partis, et nous éviterions que des milliers de votes soient perdus. Le modèle qui nous est proposé dans l'avant-projet de loi ne répond pas à l'objectif de refléter le plus fidèlement possible la volonté populaire, vous le savez, et il y aura encore des votes perdus. Et il n'y en aurait pas, une vraie proportionnalité, puisque l'électorat ne dispose que d'un seul vote. Donc, nous préconisons deux votes.

Le Président (M. Ouimet): En conclusion.

Mme Boisclair (Odile): En conclusion. Je le savais que je n'avais pas le temps, M. le Président. Alors, j'espère que vous allez nous poser les bonnes questions, qu'on puisse finir de vous présenter notre mémoire. Alors donc, nous serions contre la double candidature. Je vais laisser faire le pluralisme politique en espérant que vous seriez assez bons pour nous poser des questions là-dessus et sur le référendum quant au mode de scrutin. Voilà.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci à vous pour cette présentation un peu accélérée mais combien importante. Je vais ouvrir en allant du côté ministériel. M. le député de Trois-Rivières.

M. Gabias: Question très simple: Quel est le morceau que vous auriez voulu nous livrer et que vous n'avez pas eu le temps de livrer? Après avoir pris votre gorgée d'eau, là.

Mme Dorais (Geneviève): C'est la section sur le pluralisme politique, puisque, pour nous, c'est important, puisqu'on représente plusieurs femmes de diverses orientations politiques. Pour les centres de femmes, c'est très important que les femmes aient cette liberté d'idéologie et de pensée politique. Donc, pour nous, il faut que le mode de scrutin permette de refléter toute cette diversité d'idéologies politiques qu'il y a chez les femmes et dans la société en général. Et, pour ça, on croit que, pour le faire, il faut, d'une part, une liste nationale, puisqu'avec le système de districts dans l'avant-projet de loi on calcule un seuil entre 13 % et 18 % pour qu'un parti fasse élire quelqu'un. Donc, pour un petit parti, ça voudrait dire que tout le monde déménage dans le même district si on veut arriver à faire élire quelqu'un, ce qui, pour nous, est illogique. Et, l'autre point, c'est le deux votes, puisque ça permettrait à quelqu'un d'élire la personne qu'il juge le mieux pour représenter sa circonscription et, d'un autre côté, aller quand même, au niveau de ses idées, chercher le parti qui représente le mieux ses idées au niveau de la liste nationale.

M. Gabias: Croyez-vous que la répartition pour les fins de la proportionnalité, si c'était dans des districts plus... en fait non seulement à Québec, là, mais avec des districts plus nombreux, peut-être à dimensions différentes, est-ce que ça ferait obstacle à ce souhait-là, là, de voir la diversité d'opinion des femmes?

Mme Dorais (Geneviève): C'est sûr que plus les districts sont nombreux, plus le reflet de la volonté populaire et du pluralisme est difficile parce que l'amplitude monte, et on fait monter le seuil. On sait qu'il y a plusieurs groupes qui ont proposé, par exemple, une compensation au niveau des régions du Québec. C'est sûr que ça aide, mais on croit que, pour vraiment atteindre le maximum de la possibilité, il faut aller vers une liste nationale pour éviter les votes perdus, où, là, si, moi, je n'ai pas gagné dans ma circonscription, mais mon vote s'additionne au vote de tout le Québec pour éviter d'être perdu. Plus on ajoute de districts, plus on crée de votes perdus.

M. Gabias: Ça va. Merci.

Le Président (M. Ouimet): Merci.

Une voix: ...

Le Président (M. Ouimet): Oui. Merci, M. le député de Trois-Rivières. M. le député de Montmorency.

M. Bernier: Merci. Justement, je reviens un peu avec votre liste nationale, moi. Merci, premièrement, d'être là. Merci de venir faire votre présentation. Par contre, ce matin, on a eu quand même et au cours... Je n'ai pas participé à toutes les séances, mais j'ai la chance d'être là aujourd'hui. On parle beaucoup au niveau des régions, de la représentativité des régions, l'importance... On avait, ce matin, le maire des Îles, l'archipel des Îles-de-la-Madeleine, qui était là, et vous ne croyez pas qu'à ce moment-là on vient affaiblir les régions en faisant ça?

Mme Boisclair (Odile): Pas du tout parce que ce qu'on demande, nous, c'est que, dans les 20 premiers noms de la liste, les régions soient en bonne place sur les listes. Alors, je ne pense pas qu'on affaiblisse les régions.

Puis la question du lien entre candidat de circonscription ou candidat de liste, en fait on pense qu'il peut se créer des liens autres que de circonscription, des liens d'idéologie, par exemple. Et aussi on pense que... En fait, ce qu'on a vu, si ce n'était que la question de la proximité, je ne crois pas que les gens, dans le comté de M. Emerson, à Vancouver, se seraient ainsi mobilisés afin de garder ce candidat-là dans leur région.

Mme Dorais (Geneviève): Si je peux faire du pouce sur ce que ma collègue dit, on considère aussi qu'il ne faut pas oublier qu'il y a 77 députés de circonscription. Donc, la question de la représentation régionale, elle existe du côté majoritaire, et, en balisant la liste, on peut aussi la refléter dans la liste. On croit que l'avant-projet de loi actuellement donne une surplace à la question des régions par rapport aux autres questions. C'est sûr qu'il n'y a pas un mode de scrutin qui va donner une note parfaite à tous les critères. Nous, ce qu'on a essayé, c'est de faire en sorte qu'il y ait un mode de scrutin qui donne une note moyenne au maximum de critères.

M. Bernier: Ah! C'est bien.

Le Président (M. Ouimet): Oui, M. le député, il reste du temps.

M. Bernier: O.K. Vous proposez qu'en ce qui regarde les mesures incitatives pour les femmes ça s'applique à partir du pourcentage de candidates élues. O.K.? On sait qu'au niveau de l'avant-projet ce qu'on présente, c'est davantage au niveau des candidates qui sont proposées au départ. Vous n'avez pas l'impression de défavoriser les petits partis politiques en faisant ça?

Mme Dorais (Geneviève): Actuellement, si on regarde les dernières élections et même si on regarde dans plusieurs pays, souvent les tiers partis sont des partis qui présentent jusqu'à présent un haut taux de candidates, d'une part. D'autre part, pour ce qui est des élus, on parle d'un pourcentage. Donc, si le petit parti a fait élire quatre personnes et que là-dessus il y a deux femmes, il y a 50 % d'élues. C'est un pourcentage par rapport aux gens qu'ils ont fait élire. Donc, que le parti ait fait élire beaucoup de personnes ou peu, c'est le pourcentage du nombre qu'il a fait élire. Donc, pour nous, ça ne défavorise pas vraiment les petits partis.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le député de Montmorency. Du côté de l'opposition officielle, M. le député de Masson.

n(15 h 10)n

M. Thériault: Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre contribution. Je l'ai dit à d'autres groupes, votre action et l'action d'autres groupes pour améliorer la cause des femmes dans cette société ont sûrement contribué au 32 % de représentation à l'Assemblée nationale, même si ce n'est pas assez.

On a fait le tour du Québec, on est rendus à une étape... Et on verra, dans les auditions particulières, ce que certaines personnes qui auront essayé d'établir des synthèses pourront nous suggérer, mais on arrive à la fin, ce qu'on appelle, là, le moment où on doit essayer de trouver des solutions. Et vous basez votre analyse sur encore un ratio de 75 circonscriptions, et, bon, vous n'avez pas suivi toute la commission, là. Ce n'est pas un reproche que je vous fais, mais il me semble que, lorsque les gens des régions nous disent: Attention, les circonscriptions actuelles sont déjà démesurées par rapport au lien élu-électeurs, il y a eu des acquis historiquement, notamment l'égalité du poids du vote à l'Assemblée, il y a 24 000 électeurs dans une circonscription, 27 000, il y en a 50 000 en région urbaine, ça peut arriver, mais ce n'est pas grave, ils ont un vote à l'Assemblée, et ça crée un équilibre sur le terrain, si on veut changer les choses, est-ce qu'on ne devrait pas se rapprocher, si ce n'est pas 125, se rapprocher le plus de cet équilibre historique qui a été créé, de sorte que la compensation nationale, à ce moment-là, permet, en augmentant le nombre de députés, d'atteindre les objectifs que vous visez?

Je vous donne une comparaison parce que souvent les gens sont frileux, là. En Nouvelle-Zélande, pourquoi je parle de Nouvelle-Zélande, il y a 121 députés, là, un territoire de 268 000 km, 2 800 000 électeurs; Québec, 1 500 000 km², 5 400 000 électeurs. Bon. Alors, j'imagine qu'on aurait une marge, là, pour essayer de trouver une solution en termes de députation, là.

Mme Dorais (Geneviève): Ce qu'à L'R on a fait, c'est qu'on a principalement répondu à l'avant-projet de loi tel qu'il était présenté. On ne s'est pas questionné sur l'augmentation du nombre de députés, parce que c'est clair que, si on veut augmenter le nombre de députés de circonscription, si on veut augmenter le nombre de circonscriptions pour qu'elles soient plus petites, pour nous, pour réussir à atteindre les avantages d'un scrutin mixte avec un volet proportionnel, il faudrait augmenter aussi le nombre de députés élus à la compensation nationale, donc augmenter le nombre total de députés, ce qui est un débat qu'on n'a pas fait à l'intérieur de nos groupes de femmes.

Mme Boisclair (Odile): Non, qu'on n'a pas fait puis en tout cas qu'on ne tient pas à faire non plus, je ne pense pas.

M. Thériault: Si je vous disais: Pour arriver à ce que certains groupes majoritairement nous ont dit, des groupes de femmes, à une alternance obligatoire hommes-femmes...

Une voix: ...

M. Thériault: Oui, oui. Avec les 17 régions en première moitié de liste, avec les représentants ethnoculturels en bonne place, si je vous disais: Ce qui cloche dans ces éléments de principe là, ce qui cloche, c'est l'alternance obligatoire, ça veut dire, en quelque part, pour arriver mathématiquement à faire tout ça, il faudrait peut-être qu'on commence à alterner après cinq femmes sur la liste, qu'est-ce que vous diriez?

Mme Boisclair (Odile): Qu'on commence par mettre cinq femmes sur la liste et qu'ensuite on ait une alternance? C'est ça que vous me dites?

M. Thériault: Parce que l'alternance, si vous la mettez obligatoire, mathématiquement il va devenir impossible de prévoir que ça va donner lieu à une meilleure représentation des femmes à l'Assemblée si on veut tout mettre dans la première moitié de la liste. Parce que plus il y a de partis représentés, moins il y aura de sièges de liste par parti et donc des difficultés, là.

Mme Boisclair (Odile): C'est pour ça qu'on veut que ça commence par une femme, que les listes commencent par une femme.

M. Thériault: Pas de problème là-dessus. Mais l'avez-vous évalué?

Mme Dorais (Geneviève): Il ne faut pas prendre non plus... il ne faut pas écarter le fait que, parmi les femmes, il y a des gens des régions, parmi les femmes, il y a des gens de la diversité ethnoculturelle. Ce n'est pas trois catégories séparées, il peut y avoir une femme de Québec d'origine haïtienne qui, dans ce cas-là, fait en sorte que le parti respecte ces trois critères. Donc, oui, c'est sûr que, s'il fallait que ce soient toutes des personnes différentes, on vient avec une liste qui ne finit plus, mais je crois que, comme on peut avoir des combinaisons de caractéristiques, il y a moyen d'y arriver avec une liste telle qu'elle est présentée.

M. Thériault: En fait, il faut que la combinaison soit obligatoire parce que, sinon, on n'y arrive pas mathématiquement. Bon. C'est possible...

Mme Boisclair (Odile): ...dit qu'on n'était pas des expertes, on sait qu'il y a...

M. Thériault: ...si effectivement on trouve une femme de minorité visible qui vient d'une région, et là, à ce moment-là, peut-être que c'est possible.

Mme Boisclair (Odile): Mais il y en a.

M. Thériault: Oui, oui, il y en a sûrement.

Mme Boisclair (Odile): Il y en a, des fort intelligentes et aussi capables que les hommes. Il y en a.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci...

Mme Boisclair (Odile): On pense qu'on est capables de trouver ça, nous autres.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le député de Masson. Allons du côté de M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Merci, mesdames. Je vais continuer sur la même ligne de pensée, mais, moi, c'est au niveau des régions. Est-ce que vous croyez que l'avant-projet de loi, qui va devenir une loi, qu'on prévoie une structuration de la liste pour s'assurer que toutes les régions soient minimalement représentées? C'est parce que tantôt vous avez dit: À la bonne place. Mais ça, la bonne place, là, c'est un voeu. Mais, si on veut...

Mme Boisclair (Odile): ...de liste. On voulait dire en première moitié de liste.

M. Picard: Mais est-ce qu'on devrait la structurer dans le projet de loi pour s'assurer au moins que toutes les régions soient représentées et que ce soit par des hommes, ou des femmes, ou des minorités, mais que... Parce que, lorsqu'on a fait le tour du Québec, les régions nous ont dit: C'est important, là, nous, d'être représentées correctement. Parce que le danger, si on ne structure pas, peut-être c'est qu'une région, à une élection, il n'y ait pas de représentant de district.

Mme Boisclair (Odile): Écoutez, dans notre regroupement, on a 101 centres de femmes, je vous l'ai dit tantôt, et la question des régions, là, puis de la compensation, liste nationale ou liste régionale, ça n'a pas fait l'unanimité d'un premier coup parce que justement il y a des centres qui sont situés dans des régions et qui croient que ça pouvait... En tout cas, ça a suscité des débats, disons, et la façon qu'on a trouvée avec nos collègues du collectif, ça a été de placer les 20 régions. Maintenant, oui, qu'on puisse les structurer, les listes, on est d'accord.

Mme Dorais (Geneviève): Pour nous, ça fait partie vraiment de nos mesures que ces listes-là soient structurées et que ce soit encadré dans la loi, là, que les listes des partis doivent être un cadre structuré.

M. Picard: Merci.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Du côté de notre comité citoyen, maintenant, Mme Loucheur.

Mme Loucheur (Yohanna): Merci, M. le Président. Bonjour. Je vais vous amener sur un autre terrain complètement, une question qui a été moins souvent abordée jusqu'à présent pendant les travaux de la commission, mais un des objectifs de l'avant-projet de loi concerne le financement. Et on parle d'assurer l'égalité des chances de tous les candidats et partis avec, entre autres, un financement équitable et un contrôle efficace des dépenses électorales. Et je me demandais, d'un point de vue de participation des femmes à la politique active en tant que candidates au sein des partis, tout ça, quel est votre point de vue là-dessus? Il y a des gens, par exemple, qui ont suggéré que les partis ne soient financés que par des fonds publics, qu'on élimine complètement tous les dons, toutes les contributions d'individus, que les dépenses électorales effectivement soient révisées, des choses comme ça. D'un point de vue féministe, qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Boisclair (Odile): Bien, on n'a pas consulté l'ensemble de nos membres à cette question-là, on n'avait pas beaucoup de temps à consacrer à l'élaboration de notre mémoire. La question des remboursements, qu'est-ce qu'on s'était dit?

Mme Dorais (Geneviève): Nous, on s'est vraiment positionnées sur les mesures. Au niveau du financement, on s'était positionnées sur les mesures financières qui étaient dans le projet pour favoriser la représentation des femmes, mais il y a plein d'autres questions supplémentaires sur lesquelles on ne s'est pas positionnées. C'est clair qu'on n'est pas un groupe qui travaille uniquement sur ces dossiers-là. En représentant les centres de femmes, on a une centaine d'autres dossiers, ça fait qu'on s'est concentrées sur ce qui était le plus facile pour nous et ce qu'on avait le plus de connaissances. C'est un sujet qui est très intéressant, qu'il serait probablement très intéressant de relancer dans nos groupes, mais on ne l'a pas fait, pas encore.

Mme Boisclair (Odile): ...ce midi, on se disait: Pourquoi qu'on n'a pas repensé au remboursement électoral, tu sais, 15 %? Pourquoi on n'a pas... Mais, tu sais, c'est ça, on n'avait pas... Mais ça aurait été intéressant aussi, le remboursement des dépenses électorales, peut-être abaisser le seuil du 15 %, mais, tu sais, on n'a pas fait la réflexion en grand groupe, là, on n'a pas... on a été obligées...

Le Président (M. Ouimet): Merci, Mme Loucheur. M. Boivin.

M. Boivin (Guillaume): Mesdames, j'avais des questionnements par rapport à votre proposition quant aux incitatifs financiers. Vous apportez des modifications à ce qui est présenté. Vous reconnaissez la principe de ça, mais, si j'ai bien compris, l'allocation irait à la proportion d'élues sur le nombre de candidates présentées. Est-ce que c'est bien ça? Parce qu'à ce moment-là ça...

Une voix: ...

M. Boivin (Guillaume): À ce moment-là, la majoration... Mais, à ce moment-là, si j'ai compris, un parti qui aurait fait élire deux candidates, bien, à ce moment-là, pour que ça atteigne le taux de 50 %, il eût fallu qu'il n'aurait présenté que quatre candidates. Alors, à ce moment-là, n'est-ce pas là une désincitation à présenter des candidates?

Mme Dorais (Geneviève): C'est sur le nombre de... Si le parti a fait élire... Par exemple, si on part de notre seuil le plus bas, qui est de 35 %, si le parti a fait élire... dans toutes les personnes qu'il a fait élire, si de ce nombre 35 % sont des femmes, là on majore la bonification financière.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. Boivin. M. Acharid.

M. Acharid (Mustapha): ...M. le Président. Merci à vous, mesdames. Moi, c'est comme une suggestion: Qu'est-ce que vous pensez, pour mieux corriger la distorsion tout en respectant les régions, de faire une compensation nationale à partir des listes régionales?

Mme Dorais (Geneviève): Il va falloir que vous m'expliquiez votre idée parce que je ne vous suis pas à 100 %.

Mme Boisclair (Odile): Mais on vous l'a dit, on n'est pas des spécialistes, là, hein?

M. Acharid (Mustapha): Nous aussi, on n'est pas des spécialistes. On parle d'une compensation nationale à travers tout le Québec, mais chaque région va avoir sa propre liste. Et, à partir de là, les partis vont choisir pour chaque région, dire les personnes qu'on va élire... qu'on va prendre pour élire ces personnes-là dans ces régions-là.

Mme Dorais (Geneviève): Au lieu que la liste soit de, par exemple, 40 noms, la liste serait de 10 noms...

M. Acharid (Mustapha): Exactement.

n(15 h 20)n

Mme Dorais (Geneviève): ...mais tous les votes du Québec seraient additionnés, et ensuite on choisirait par région. Ça pourrait être une option intéressante, effectivement. Nous, ce qui compte, c'est d'éviter les votes perdus. Donc, effectivement, tous les votes du Québec s'additionnent pour la partie proportionnelle. Par la suite, si c'est choisi sur une liste de régions, il faudrait quand même que la liste soit suffisamment grande pour qu'il puisse y avoir une juste représentation de la diversité et une juste représentation des hommes et des femmes, parce que plus la liste est petite, plus ça va devenir difficile d'avoir cette représentation-là.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. Acharid. Donc, Mme Boisclair, Mme Dorais, merci infiniment pour votre contribution aux travaux de cette commission. Merci. J'invite maintenant les représentants de l'Union des citoyens du Québec à bien vouloir s'approcher.

Vous êtes donc l'animateur de l'Union des citoyens du Québec. Bienvenue aux travaux de cette commission spéciale. Auriez-vous la gentillesse de nous présenter la personne qui vous accompagne?

Union des citoyens du Québec

M. Bouchard (Roméo): Oui. Je suis avec M. Richard Gauthier, qui travaille avec moi dans cette organisation d'information et d'intervention qui touche tous les dossiers citoyens, particulièrement les dossiers régionaux et ruraux. Et on vous remercie de nous recevoir, les membres de la commission.

Le Président (M. Ouimet): Vous avez six minutes et, par la suite, un court échange.

M. Bouchard (Roméo): Alors, on va aller direct au sujet. C'est qu'on est en faveur d'un mode de scrutin proportionnel, donc, pour diminuer le plus possible les distorsions, d'un système qui est mixte aussi pour garder un lien aux députés, assurer un peu mieux la stabilité peut-être des gouvernements et en faveur surtout d'un mode de scrutin régionalisé, proportionnel régionalisé parce qu'on croit que la voix politique des régions, particulièrement des régions périphériques... Donc, il y en a six. Les six régions ressources qui ont moins de 4 % de la population du Québec, c'est des régions très définies. Il y en a six. Ces régions-là à notre avis, en particulier, doivent avoir une compensation de représentation parce qu'elles sont défavorisées par la distance et par la faible densité de la population.

Et il faut s'assurer de façon générale d'un arrimage entre les structures de comtés, les structures politiques et les structures de gouvernance et de développement régional. Parce que, moi, je travaille en développement régional depuis longtemps, et un des grands maux qu'on doit déplorer, c'est qu'il y a deux filières de pouvoir. On travaille avec les concertations régionales, puis, à côté de ça, il y a la filière des députés, qui, elle, obéit à d'autres critères complètement. Alors, c'est très important d'arrimer les structures politiques électorales avec les structures administratives, les structures des économies régionales, à notre avis.

Bon. Le mode de scrutin qui nous est proposé, quant à nous, a des défauts importants, et il faut y apporter des correctifs, et je vais essayer de les énumérer. Le premier, c'est que la proportionnalité, comme beaucoup l'ont fait remarquer, est très réduite et qu'il faut, pour la corriger, jouer sur les quatre éléments qui restreignent en fait, dans le projet de loi, la proportionnalité. C'est-à-dire que 40 % de députés de compensation, déjà ce n'est pas beaucoup. Ça pourrait être 50 %, mais en tout cas c'est 40 %, déjà ce n'est pas beaucoup.

Un seul vote au lieu de deux, ça limite encore de beaucoup le choix. Donc, d'après nous, il faut revenir au double vote. Pas la double candidature, mais le double vote.

Troisième élément qui restreint la proportionnalité, c'est que les districts sont en général petits et font en sorte qu'il faut avoir à peu près 15 % pour avoir droit à la compensation. Alors ça, c'est vraiment inacceptable, il faut intervenir là-dessus aussi.

Et le quatrième élément qui limite la proportionnalité, c'est la méthode de calcul qui a été choisie, qui est évidemment, comme par hasard, celle qui permet le plus de distorsions, la méthode D'Hondt, pour les plus techniques. Donc ça, à notre avis, la proportionnalité, si on veut que ça atteigne son but, là, il faut faire des changements en quelque part dans ces quatre éléments-là.

Le deuxième élément, c'est la régionalisation. Dans ce qui nous est proposé, je ne pense pas qu'on atteigne le but de donner une voix politique aux régions suffisante. C'est sûr que le plus simple serait d'aller vers la compensation nationale qui permet, là, de donner accès à la compensation pour un parti qui a 4 %, 5 % du vote. Mais, tout en gardant, parce que, nous, on pense qu'il faut le garder, l'aspect régionalisé, il y a moyen, en jouant sur plusieurs éléments, d'arriver à ce que l'accès à la compensation soit quand même plus grand que ce que permet la division de districts qui est proposée dans le projet de loi, parce que l'occupation du territoire est impossible à notre avis si on applique les mêmes ratios en ville et en région périphérique. C'est-à-dire qu'il faudrait... les éléments sur lesquels on peut jouer, c'est l'élasticité, là, pour la détermination des circonscriptions. Le projet de loi propose 15 %. Nous, on dit que, dans les six régions qui ont moins de 4 % de la population du Québec, les six régions ressources, il faudrait pouvoir aller au moins jusqu'à 25 % de différence pour que les comtés soient moins grands, que la représentation puisse se faire puis l'accessibilité des citoyens à leurs représentants soit plus grande également.

On peut aussi augmenter le nombre de députés de compensation de 40 % à 50 % ? déjà, ça donnerait un peu plus ? et on peut augmenter le nombre total de députés aussi. Ce n'est pas interdit, là, tu sais, ce n'est pas criminel d'augmenter le nombre de députés si c'est pour assurer un fonctionnement et une participation beaucoup plus effective des gens. Alors donc, on pense qu'il faut respecter les frontières régionales et donner plus de représentativité à ces régions-là. Quant aux groupes particuliers comme les groupes de femmes ou minorités...

Le Président (M. Ouimet): Et, M. Bouchard, ce sera la conclusion.

M. Bouchard (Roméo): Oui? Bon. Bien, alors, j'arrêterai là-dessus. C'est que, nous, on n'est pas en faveur particulièrement de privilèges ou d'incitatifs, mais d'assurer l'égalité des chances, ça, c'est bien sûr. Et on espère que la réforme va se faire au-delà des intérêts des partis parce que c'est évidemment le gros écueil dans un dossier...

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. Bouchard. Ouvrons la discussion avec vous dès maintenant. M. Morisset, de notre comité citoyen.

M. Morisset (Michel): Bonjour, M. Bouchard. M. Morisset, de Baie-des-Sables dans la MRC de Matane. M. Bouchard, d'abord, permettez-moi de vous dire que je fais partie de l'Union paysanne qui... promouvoir l'agriculture biologique et l'agriculture à échelle humaine, et j'ai très bien suivi vos dossiers.

Ceci étant dit, c'est quoi, là, d'après vous, qu'est-ce que vous proposez comme méthode, là, dans l'éventualité, là, qu'il serait retenu une bonne partie de vos arguments, là, mais pour que ce soit... disons, faire avancer le dossier, là, auprès de la population, c'est quoi que vous préconisez vraiment pour... qu'est-ce qu'on devrait faire pour faire comprendre vraiment votre point de vue, là, dans le projet de loi, là?

M. Bouchard (Roméo): Bien là, je ne comprends pas tout à fait votre question, c'est-à-dire est-ce que vous pensez que... C'est au niveau du processus qui va suivre la commission, vous voulez dire, ou au niveau du concept?

M. Morisset (Michel): Au niveau du processus, oui.

M. Bouchard (Roméo): Bien là, il nous reste à nous abandonner, quant à moi, aux décisions politiques, là. Je ne vois pas très bien... Il y a la question d'un référendum, là, mais un référendum, c'est assez compliqué parce que c'est une question très technique, tu sais, et je ne suis pas sûr qu'un référendum réglerait le problème. Moi, je pense qu'il faut faire un choix. Il y a un choix à faire, ou on choisit de permettre aux régions d'avoir une voix politique très sérieuse, et alors là on n'applique pas des ratios dans les découpages électoraux, et on fait des districts régionaux en moins grand nombre, ça, c'est certain, mais qui respectent les délimitations de régions administratives... C'est au niveau des villes, à ce moment-là, qu'il faut avoir d'autres critères, mais ça suppose un choix politique très net d'occupation du territoire, tu sais.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. Morisset. M. le ministre.

n(15 h 30)n

M. Pelletier: Merci beaucoup de votre présentation aujourd'hui. Merci d'être ici. Vous avez exprimé un point de vue qui à mon avis a le mérite d'être clair. Certains tiennent mordicus à ce que les districts soient tout à fait, je dirais, conformes aux régions administratives, coïncident parfaitement avec les régions administratives du Québec. C'est un point de vue dont on a beaucoup entendu parler en région, ça. D'autres plaident pour des districts qui seraient de magnitude différente et seraient prêts à accepter en quelque sorte que la taille des districts varie d'une région à une autre au Québec, et surtout en tenant compte des réalités urbaines par rapport à des réalités rurales. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Bouchard (Roméo): Bien, je crois qu'il n'y a pas d'autre solution, là, il faut utiliser des critères différents dans les agglomérations urbaines et dans les régions, particulièrement dans les régions périphériques, et pour la division des comtés et pour la division des districts. Et je pense que ça peut soulever des réactions parce qu'en ville on n'est pas très ouvert à ça, tu sais. Mais c'est bien de valeur, on va perdre le reste du Québec, là, en arrière, là. Les deux grandes solitudes, disait quelqu'un cette semaine, c'est devenu les urbains et les non-urbains. Alors, je pense que c'est un gros choix politique, je ne suis pas sûr que tout le monde est prêt à ça. Mais, si on applique des ratios communs, là, il n'y en aura pas, de représentation régionale adéquate.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, M. Bouchard, M. Gauthier, merci infiniment de votre contribution aux travaux de cette commission. J'invite maintenant les représentants du Québec Community Groups Network à bien vouloir se présenter à la table des témoins.

Bonjour, M. Martin Murphy. Vous êtes le président. Welcome to these hearings of the Select Committee on this Electoral Act. We had some translation services during our three days of hearings in Montréal. I think you were supposed to make a presentation then, and it was sort of changed around, back to Québec. Unfortunately, we have no translation services today. So, je suis désolé de cela, mais... Bon.

Québec Community
Groups Network (QCGN)

M. Murphy (Martin): It's not a problem, Mr Chairman. Thank you very much though for the courtesy.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci à vous. Donc, 10 minutes de présentation, 20 minutes d'échange.

M. Murphy (Martin): O.K. Je suis le président. Et membres de la commission, et mesdames messieurs, rebonjour. Mon nom est Martin Murphy. Je suis le président du Québec Community Groups Network. Je suis accompagné de Mme Deborah Hook, notre directrice générale, et de M. Brian Gibb, qui est directeur général de l'Association régionale des West Quebecers, un de nos 25 organismes membres.

Deborah, Brian and I but mostly the 25 member organizations of the Québec Community Groups Network who work day in and day out to promote the vitality of English-speaking communities across Québec would like to thank you for inviting us to this audition. It was very important for us to have the opportunity to be heard on the current reform of the electoral system.

First of all, congratulations to the Government of Québec for having presented this bill and for having launched this public consultation process. We are here today to recommend that Québec's current electoral system, which is commonly called first past the post, be replaced before the next elections by a proportional system that respects first and foremost the principle of equality of all votes. The Government's bill is a good step in that direction. But, to really achieve it, there are two important adjustments that need to be made, and I'll let Brian, in a few moments, expand on these.

But, before going further, I thought it would be important for me to say a few words about the Québec Community Groups Network and the reasons why we asked to present our brief. The network is composed of community organizations, institutions and other community stakeholders from the Outaouais to the Gaspé and in between. The 25 members are the recognized experts on the English-speaking communities across Québec which is present in every administrative region of Québec. Our member associations are committed to working together to promote the vitality of English-speaking communities of Québec by responding to the priority needs and expectations of Québec Anglophones through a proactive evidence-based approach to community action and development. Our membership includes the regional English-speaking development associations as well as many organizations that are active across the province in over 12 different sectors such as health and social services, arts and culture, and youth employment.

Our role is also to represent our members in the process of development of government policies that can impact on the vitality of English-speaking communities of Québec, and the reform of the electoral system is one example. This reform has generated interest and hope, but also many concerns, since it will have a determining impact on the capacity of the Québec electorate to create for itself a government that reflects the diversity as much cultural as of opinion of the province.

And so I'll now ask Deborah to give an overview of the English-speaking communities of Québec.

Mme Hook (Deborah): Bonjour, tout le monde. Les Québécois d'expression anglaise, on n'hésite pas à le dire, sont fiers de constituer un élément dynamique de cette diversité dont Martin a fait mention tantôt. Saviez-vous qu'il y a environ 550 personnes pour qui l'anglais est leur langue maternelle et plus de 900 Québécois pour qui l'anglais est leur première langue parlée et comprise?

Les communautés d'expression anglaise sont loin d'être homogènes, mais elles ont en commun une intégration de plus en plus marquée à la collectivité québécoise depuis les 30 dernières années. Comme bien d'autres groupes minoritaires, les communautés anglophones du Québec, dans leur ensemble, continuent à faire face à des défis de taille qui leur sont propres. Par exemple, quoique les anglophones du Québec soient de plus en plus bilingues, 65 % de la population, selon les statistiques de 2001... les données du recensement de 2001 démontrent clairement que le déclin du nombre d'anglophones vivant au Québec ne cesse d'accélérer depuis 1996. 75 individus ayant déclaré l'anglais comme leur langue maternelle ont quitté le Québec de façon permanente entre 1996 et 2001. Le taux de vieillissement de la minorité anglophone du Québec est plus élevé par rapport aux francophones. Présentement, le taux de chômage, pour les anglophones du Québec, est 17 % supérieur à celui des francophones, ce qui représente une légère augmentation entre... que la période entre 1996 et 2001.

Dans les communautés d'expression anglaise, surtout à Montréal, nous constatons une forte proportion d'immigrants, de personnes de minorités visibles et un mélange de religions. Saviez-vous que 18,5 % de la communauté d'expression anglaise est membre d'une minorité visible?

La réforme en cours nous donne espoir que le gouvernement du Québec mette en place un système qui donnerait confiance aux Québécois d'expression anglaise, comme à tous les électeurs du Québec, confiance qu'ils auront une réelle occasion de porter à l'Assemblée nationale des représentants qui partagent pleinement et de façon instinctive leur espoir et leurs préoccupations, que leur vote en ce sens sera comptabilisé à leur pleine valeur.

À ce stade-ci, je donnerais la parole à Brian, qu'il vous en parle plus longuement. Merci.

M. Gibb (Brian): Merci, Deborah. En effet, le présent système majoritaire ne respecte en aucun cas ce principe d'égalité des votes et des électeurs, principe qui devrait avoir priorité sur tous les autres critères possibles. Dans ce système majoritaire, on retient seulement les bulletins des électeurs qui donnent la victoire à tel ou tel candidat dans un comté donné. Tous les autres bulletins, que ce soient ceux déposés pour les autres candidats ou ceux qui dépassent le nombre nécessaire à la victoire, sont effectivement rejetés et gaspillés. Conscients donc de la valeur nulle qui est ainsi accordée à leurs votes, plusieurs électeurs décident de voter stratégiquement plutôt qu'en accord avec leurs préférences sincères ou bien abandonnent tout simplement par dépit l'idée d'aller voter.

n(15 h 40)n

Malheureusement, l'avant-projet de loi, bien qu'il représente, comme l'a dit Martin, un pas encourageant en ce sens, n'en fait encore pas assez pour corriger cette situation. Il propose pour le moment de ne créer qu'une poignée de sièges additionnels pour chaque sous-région qui diviserait le territoire du Québec. Chacune de ces régions regroupe quelques comtés, et ces sièges seraient en plus répartis toujours selon le résultat du scrutin traditionnel pour des candidats spécifiques, comptabilisé à l'échelle de groupements de comtés seulement, ce qui ferait en sorte que chacun de ces sièges n'irait probablement qu'aux partis qui sont capables d'amasser au moins de 12 % à 17 % des votes dans une sous-région donnée. De plus, ce système persisterait à déformer les préférences réelles de l'électorat étant donné que certains électeurs continueraient à voter de façon stratégique. L'avant-projet contrevient donc toujours au principe d'égalité des votes.

Nous proposons donc deux ajustements à l'avant-projet. D'abord, pour éviter toute distorsion qu'entraîne un scrutin qui demande de voter pour un seul candidat, nous proposons que chaque bulletin exige deux votes: un pour le représentant du comté et l'autre pour un parti. On distribuera alors les sièges additionnels selon le résultat de ce second vote. Deuxièmement, ces sièges additionnels devront être répartis en fonction des résultats de ce second vote, calculés non à l'échelle de chacun des regroupements des comtés, mais bien en ce qui est important, à l'échelle de la province au complet. Certains risquent de reprocher que cette solution donnerait un poids politique trop important aux groupes minoritaires du Québec, dont les Québécois d'expression anglaise. Nous leur répondons que cet argument fait preuve de préjugé et de discrimination et n'a pas sa place dans la société pluraliste et démocratique qui est le Québec.

En terminant, comme les prochaines élections provinciales risquent d'avoir des conséquences déterminantes pour l'avenir du Québec, il est essentiel qu'un nouveau système électoral qui respecte l'égalité des voix soit mis en place avant ce moment afin de garantir que cet avenir puisse être décidé de façon vraiment démocratique. Merci.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci à vous trois pour cette présentation. Juste une petite clarification, je pense que, quand Mme Hook a donné les données, ça a fait sursauter le ministre et moi. Vous avez dit: 625 Québécois ont l'anglais pour première langue. Alors, c'est 625 000.

Mme Hook (Deborah): Ah! J'aurais dû dire 900 000?

Le Président (M. Ouimet): C'est 900 000. C'est le mille qui manquait. Je me disais: La communauté anglaise...

Mme Hook (Deborah): O.K. Oui. Il y en a de moins en moins, mais pas à ce point-là.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Voilà, c'est ça. Ça m'inquiétait beaucoup. Merci. Donc, ouvrons avec M. le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques.

M. Pelletier: Merci. Merci, M. le Président. Thank you very much for being here today. Thank you for your presentation. Nous proposons en ce moment, dans l'avant-projet de loi, l'adoption de mesures incitatives qui visent à encourager les partis politiques à avoir plus de candidats provenant des minorités ethnoculturelles, et la compréhension qui est, je dirais, largement faite de cela, c'est que ça inclurait les anglophones en soi, ce concept-là de minorité ethnoculturelle sans définition précise inclurait les anglophones. Certaines personnes se sont opposées à cela cependant, disant que ça devrait être beaucoup plus restrictif et que ça devrait viser, en fin de compte, des individus qui ont des origines diverses, qui font partie de groupes ethnoculturels particuliers, mais que ça ne devrait pas être fonction de la langue qui soit parlée, mais plutôt d'une quelconque origine ethnique ou d'une quelconque origine raciale.

J'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est un sujet qu'on n'a pas débattu, c'est un point important. J'ai entendu très peu d'anglophones dans le débat public venir appuyer cela. Très peu d'anglophones d'ailleurs sont venus appuyer l'avant-projet de loi, il faut le mentionner, ou un avant-projet de loi dont on dit qu'il va étendre considérablement le poids du vote anglophone. J'avoue que c'est assez étonnant. C'est probablement parce que cette prémisse-là de départ est fausse, mais enfin j'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Ouimet): M. Gibb.

M. Gibb (Brian): Je trouve que c'est avec la publication des listes, et ça, que ce soit fait avant le jour du scrutin. Les électeurs, électrices peuvent voir où les noms sont placés et avoir le renseignement par... pas juste le politique, mais aussi leur appartenance à des communautés culturelles diverses. Parce qu'effectivement d'être un anglophone aujourd'hui, ça se peut que quelqu'un ait un héritage britannique, mais ce n'est pas juste le cas aujourd'hui, nous avons une communauté où il y a beaucoup de membres qui viennent d'autres communautés culturelles.

Et par rapport les décisions je pense que ça incombe sur le parti politique. Et, dans le monde, on sait que le fait de publier les listes avant, si c'est une liste, moi, je vous dis, régionale, dans le sens l'île, l'ouest de Montréal, ou dans l'Outaouais, ou dans l'Estrie, de ne pas avoir les noms des membres de la communauté anglophone, ça peut être peut-être mal vu, mais c'est comme vraiment c'est la décision des électeurs et électrices si la liste est ouverte. Parce que, si la liste est fermée en ce moment, c'est juste une question, pour le parti politique, où de placer les noms. Et je pense qu'effectivement, avec une population assez grande, de presque 700 000 gens, c'est comme s'il y a un incitatif institutionnel d'avoir des noms des anglophones bien placés sur la liste. Mais, juste pour terminer, je ne pense pas que ça incombe sur le gouvernement pour exiger, c'est quelque chose qui naturellement se reflète par les choix des partis politiques.

M. Pelletier: Est-ce que j'ai encore du temps pour...

Le Président (M. Ouimet): Vous avez quatre minutes encore, M. le ministre.

M. Pelletier: Bien, merci. Je ne pense pas que vous m'ayez compris. À tout le moins, si vous m'avez compris, vous ne m'avez pas répondu, soit dit avec respect. La question que je veux savoir, c'est: Les anglophones se sentent-ils inclus dans le concept de minorité ethnoculturelle? Parce que, dans le projet de loi, on a des mesures incitatives pour les gens qui viennent des minorités ethnoculturelles qui actuellement s'appliquent aux anglophones. Certaines personnes sont contre cela, prétendant que les anglophones devraient être exclus. Ce n'est pas rien que pour les candidats de liste, là, ça, là, c'est pour les candidats de circonscription aussi. C'est pour avoir plus de candidatures de gens provenant des minorités ethnoculturelles, comme on veut plus de candidatures de femmes, par exemple. Alors, vous sentez-vous inclus dans le concept de minorité ethnoculturelle? Est-ce que ces mesures incitatives là devraient s'appliquer à vous, oui ou non?

Le Président (M. Ouimet): Alors, Mrs. Hook.

Mme Hook (Deborah): En tout cas, je pense que c'est vraiment une question que c'est très difficile de répondre au nom des 900 000 anglophones du Québec. Je trouve que, dès que quelqu'un est confiné dans une espèce de boîte quelconque, quelle que soit la provenance de la personne, on ne fait pas nécessairement partie de la société. Donc, à ce moment-là, de se faire dire: Vous faites partie de telle petite partie de l'autre petite partie, puis on va en piger dans chacune des petites boîtes là, c'est bien sûr, si on prend ça de façon générique, ça n'avantage pas nécessairement la communauté anglophone du Québec.

À savoir si on sent qu'on fasse partie des communautés ethnoculturelles, moi, personnellement, je dis que non. À ce moment-là, je pense que... pas une question nécessairement de quelque chose d'autre que... Je veux dire, il y a bien des Québécois de langue anglaise... Je prends l'exemple, le ministre des Affaires autochtones, qui est né au Québec, je ne suis pas sûre, lui non plus, puisqu'il est au Québec, il est né au Québec, il vit au Québec, il a tout fait au Québec, il se sentirait nécessairement faire partie d'un groupe qui a été en tout cas étiqueté par le gouvernement pour vouloir diviser la société québécoise.

M. Pelletier: Merci.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le ministre. Du côté de l'opposition officielle, maintenant, M. le député de Masson.

M. Thériault: Si je comprends bien les réponses que vous avez données, là, au ministre... Et d'ailleurs c'est dans le choix des mots de votre présentation, vous parlez de la communauté anglophone et non pas de la minorité anglophone. Et j'ai cru comprendre que, dans le cadre constitutionnel canadien, c'était tout à fait exact de parler de communauté anglophone, puisque vous n'êtes pas une minorité dans le cadre constitutionnel canadien.

n(15 h 50)n

Vous avez parlé de liste, de composition de liste et vous avez parlé du fait que l'électorat pourrait sanctionner d'une certaine manière les partis politiques selon la divulgation de la liste. Mais est-ce que l'histoire de la communauté anglophone au Québec et son destin ne sont-ils pas historiquement liés à un parti politique ou deux à venir jusqu'à maintenant et qu'en quelque part, si on sanctionnait un parti politique sur la base qu'il n'a pas beaucoup de représentants de la communauté anglophone sur ses listes, ce serait en quelque part un peu déraciné de l'histoire du Québec?

Le Président (M. Ouimet): Je pense que Mme Hook voulait réagir à la première partie de l'intervention.

Mme Hook (Deborah): D'abord, sur ce, répondre à votre affirmation dans laquelle vous dites que la communauté anglophone du Québec ne fait pas partie des minorités selon la Charte canadienne. Si je me réfère à l'article 23 de la charte, qui parle de l'éducation des communautés minoritaires du Canada, à ce que je sache, la communauté anglophone en fait partie. Et d'ailleurs le gouvernement du Québec a signé une entente avec le gouvernement fédéral pour la minorité anglophone du Québec, pour les services d'éducation. Il y a aussi l'article 133 de la charte qui parle de l'accès à la justice dans les deux langues, et encore là il réfère à la communauté anglophone comme étant une des minorités. Ça fait que... Puis c'est ça. Donc, à ce moment-là, selon la Charte canadienne, je crois que c'est bien clair que la communauté anglophone, c'est une minorité de langue officielle au Canada.

M. Thériault: Mais est-ce que la communauté anglophone se perçoit comme une minorité au même titre que des citoyens issus de l'immigration se percevraient comme une minorité ethnoculturelle?

Mme Hook (Deborah): Bien, je crois que... Je vais me permettre, Brian... Après ça... Effectivement, on est une minorité. On l'a dit très clairement. La communauté anglophone est une minorité qui vit ici, au Québec. La majorité, c'est les francophones du Québec. À savoir si les anglophones se considèrent qu'ils fassent partie d'une minorité ethnoculturelle, je crois que c'est là, la question. Et j'ai dit que personnellement je ne me considérerais pas comme étant partie de la communauté ethnoculturelle, avec tout le respect que j'ai pour cette communauté-là. C'est ça, la différence dont, moi, je voulais faire référence.

M. Gibb (Brian): J'aimerais répondre rapidement. C'est comme il y a une grande...

M. Thériault: Sur les listes nationales?

M. Gibb (Brian): Oui. Mais une chose que je... En fait, l'identification, c'est comme il y a une grande diversité dans la province de Québec par rapport les communautés anglophones. C'est comme l'île, l'ouest de Montréal, c'est comme il y a un sentiment là. Ce n'est pas pareil dans l'Outaouais, ou dans l'Estrie, ou dans la Côte-Nord. Et ça dit aussi, c'est comme historiquement nous sommes en évolution. On avait, par exemple, le lien historique avec l'Angleterre, c'est moins évident aujourd'hui, aussi avec la religion protestante. Et, aujourd'hui, la langue devient plus importante au niveau de l'identification communautaire. Mais ce n'est pas la même chose par rapport à la communauté francophone, qui s'identifie très fortement avec la langue française, avec la culture française. Aussi, nous avons des anglophones qui ont un héritage ici, ils sont enracinés depuis près de 200 ans, et d'autres nouveaux arrivés. Effectivement, il n'y a pas homogénéité dans cette communauté.

Par rapport les listes nationales, moi, je trouve que c'est comme... on ne sait jamais, ça dépend est-ce qu'un parti... par exemple, l'électorat va sanctionner un parti qui ne présente pas les noms des candidats anglophones sur la liste assez bien placés. Ça se peut, mais on sait historiquement que le Parti libéral aussi avait l'occasion avec le Parti égalité, qui avait une brève histoire sur la politique québécoise... Mais c'était là, et finalement c'est l'électorat qui a décidé. Mais, moi, je trouve que c'est difficile à faire la comparaison, parce que qu'est-ce qui se passe avec le système électoral uninominal à un tour, ça ne transfère pas nécessairement à un autre système électoral qui a des listes. C'est difficile à prévoir, mais certainement je sais que les anglophones vont chercher les noms des représentants de leur communauté sur la liste.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. le député de Masson. Du côté maintenant de notre comité citoyen, M. Boivin.

M. Boivin (Guillaume): Bonjour. Donc, pour faire un exemple concret, en vertu des incitatifs financiers proposés, si on prend l'exemple de Mlle James, Yolande James, elle aurait obtenu un remboursement de ses dépenses électorales en vertu de son appartenance à une minorité visible et son appartenance, je crois, à la communauté anglophone, aurait obtenu une majoration de son remboursement des dépenses électorales non pas de 50 % en ayant été élue, mais de 65 % en vertu des majorations quant au caractère féminin et un 5 % de plus ou un 10 % de plus par rapport à l'appartenance à la communauté anglophone, tout ça pour compenser le désavantage historique des candidatures féminines et, s'il y a lieu, un désavantage lié au caractère minoritaire ou je ne sais pas si le mot «oppression» serait bon dans ce cas-ci, disons le caractère minoritaire de son appartenance à la communauté anglophone du Québec.

Donc ça, c'est-u quelque chose que vous seriez favorables à ça ou défavorables? Et question de précision, tantôt vous avez dit: 98 % ? 98, j'ai compris le chiffre, je ne sais pas si c'est 88 % ou 98 % ? de la communauté anglophone était de minorité visible, mais est-ce que c'était le bon chiffre? Est-ce que j'ai mal entendu? Parce qu'il y a plus que 1 % de «British descent», d'origine britannique, là, certainement.

Mme Hook (Deborah): Ça a été vu à la fin, là? 18 %. 18,5 %.

M. Boivin (Guillaume): Merci.

M. Gibb (Brian): Une chose que j'aimerais dire, c'est comme un peu à côté de notre présentation, de notre mémoire, nous sommes ici pour dire: Écoute, c'est la préséance de l'égalité de vote qui compte. Ça, c'est la chose qui est primordiale. Les autres questions, il y en a une tonne, en masse, mais nous ne sommes pas ici pour ça. Et vraiment, si on regarde, on dit: Il y a trois fois quand le système électoral du Québec a «crashé», dans le sens que le parti qui a amassé le plus de votes n'a pas formé un gouvernement majoritaire. Et on dit: Ça, c'est grave.

Mais allez plus loin que ça, ce n'est pas juste une question des gens vont voter pour le Parti libéral, c'est la question aussi importante, c'est la concentration des votes anglophones dans quelques régions du Québec qui ne traduisent pas... Quand M. Massicotte a commencé ces audiences, il disait qu'au début c'est quand on déclenche des élections générales, on peut dire... C'est comme le Parti libéral, mais on peut dire plus spécifiquement: Les anglophones sont moins représentés par ce système. Et, pour nous autres, quand on parle à propos d'avoir une liste nationale, ça dit que chaque vote compte également. Donc, pensez avec deux votes sur le bulletin. Et, pour nous autres, c'est la chose qui est plus importante, c'est le concept d'égalité. Et je trouve que le Québec est prêt pour ça.

C'est comme, oui, on entend quelquefois les commentaires qu'il faut protéger le pouvoir des francophones, mais effectivement les francophones sont plus que 80 % de la population. Et, si on vote totalement de la même façon, c'est comme nous sommes juste environ... Ça dépend aussi comment c'est calculé, c'est 8 %, mais en plus de ça je ne pense pas qu'on devrait désigner un système électoral en pensant des résultats avant, en disant: O.K., est-ce que ça va donner aux libéraux plus de pouvoirs? Est-ce que ça va nuire les chances du Parti québécois de fournir un gouvernement majoritaire, comme on a vu dernièrement dans Le Devoir? Vraiment les choses que, quand on commence de refaire un système, on a des principes. Et, pour moi, il faut commencer avec l'égalité. Et, au niveau du système, moi, je pense que c'est très important, c'est comme est-ce qu'on décide... Parce qu'on sait que le système actuel est discriminatoire contre quelques communautés minoritaires, les anglos et aussi les gens qui appuient les petits partis. Mais la question qui est primordiale dans le système de... est-ce qu'on va éliminer ou réduire? Parce que, si on décide d'éliminer, il faut prendre des mesures.

n(16 heures)n

Le Président (M. Ouimet): Je vais aller à une courte réplique, M. Murphy, parce que j'ai Mme Loucheur qui veut poser une question aussi.

M. Murphy (Martin): Oui, merci. I just want to repeat something that's important to retain, please, that there are close to well over 918 000 in the last census that identified themselves as belonging, associating... belong to the English-speaking minority community of Québec. So a round figure, it's close to a million. And there are about 6 million Francophones, as I understand it, for a total of 7 million population of Québec, close. O.K.? Yet in terms of the representation that we have, and this is why we're here, to underline the principles of justice, and fairness, and equity, equality, and democratic presence, representation, we have only four members of the National Assembly that, I think, would consider themselves as being part of the English-speaking minority community. Maybe I'd go... five or six, but if you were to apply that formula, then one-seventh of 125 seats would be 18. So that's the disparity that we hope will be considered as you continue your examination and reflection on the representations we're making for that purpose.

Le Président (M. Ouimet): Thank you, Mr. Murphy. Mme Loucheur, environ une minute.

Mme Loucheur (Yohanna): Bonjour. Je voulais vous demander si d'après vous une réforme devait être adoptée par l'Assemblée nationale ou devait faire l'objet d'un référendum. Avec le genre de débat, déjà, avec les arguments que vous avez soulevés et qui ont été publiés dans Le Devoir, et tout ça, on peut imaginer à quoi le débat pourrait ressembler.

Mais je voulais répondre à M. Murphy que les questions qu'on posait, tout à l'heure, sur les incitatifs financiers, c'est précisément pour ça. Pourquoi est-ce qu'il y a si peu d'anglophones à l'Assemblée nationale? Et est-ce que des mesures pour encourager les partis à aller chercher davantage de candidats anglophones pourraient fonctionner, ou est-ce que c'est d'autres choses? Je vois mal le mode de scrutin, exactement, comment il peut jouer là-dedans. Mais c'était ça, le sens des questions, tout à l'heure, qu'on posait.

M. Gibb (Brian): Oui. Mais, pour prendre un référendum, moi, je trouve que c'est une question intéressante parce qu'effectivement qu'est-ce qui se passe dans un référendum? C'est complètement proportionnel, c'est chaque vote compte avec le même poids. Et, si on prend le... Moi, ma question, c'est comme... Par exemple, si on a un référendum, ça donne quoi au niveau de la... d'être plus légitime comme démarche? Par exemple, on regarde qu'est-ce qui se passe en Colombie-Britannique: 57 % des gens ont voté oui pour changer le mode de scrutin. Mais le gouvernement qui était formé avec moins que 50 % du vote tient 100 % du pouvoir. Et, pour moi, c'est comme un peu... je trouve que c'est drôle dans le sens qu'il faut aller dans la direction d'avoir un référendum pour décider que la démarche est légitime, mais on va continuer d'avoir des élections générales avec un mode de scrutin qui est, comme M. Lévesque a dit, «démocratiquement infect».

L'autre chose qu'il est important de savoir, c'est que, au niveau des droits de vote minoritaires, si un mode de scrutin brime les droits des minorités, on ne peut pas aller au référendum pour dire... Parce que, si le modèle qu'ils mettent en avance ne se conforme pas aux droits, c'est comme un peu de dire... O.K., c'est la même chose... on avait cette question avec le mariage des couples de même sexe. Est-ce qu'on va aller au référendum? Non, ça ne marche pas, parce que c'est un droit de minorité, et la majorité n'a pas le droit de se prononcer sur des questions comme ça.

Le Président (M. Ouimet): On va arrêter l'échange là, M. Gibb. On ressent toute votre passion pour la question, mais malheureusement il faut arrêter le débat à ce moment-ci. Alors, M. Murphy, Mme Hook, M. Gibb, merci infiniment de votre contribution aux travaux de cette commission. Thank you very much.

J'invite maintenant le Mouvement national des Québécoises et Québécois à bien vouloir prendre place. Alors, Mme Chantale Trottier, vous êtes la présidente du Mouvement national des Québécoises et Québécois, bienvenue aux travaux de cette commission spéciale. Vous êtes accompagnée de...

Mouvement national des
Québécoises et Québécois (MNQ)

Mme Turcot (Chantale): M. Sébastien Cloutier, qui est responsable de l'action politique au Mouvement national.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, vous disposez de 10 minutes de présentation.

Mme Turcot (Chantale): Alors, M. le Président, Mmes, MM. les commissaires, merci de nous avoir invités. On sait que c'est un long processus de consultation, et j'espère que vous aurez encore un petit peu d'écoute pour les derniers groupes, parce que nous sommes très honorés d'être entendus aujourd'hui.

Permettez-moi d'abord de vous présenter très brièvement le Mouvement national, qui regroupe 18 sociétés nationales et des sociétés Saint-Jean-Baptiste réparties sur tous les territoires du Québec. Il a pour mission de promouvoir un Québec libre, français et démocratique. Il s'intéresse de manière générale aux grands enjeux qui orientent l'avenir du Québec.

L'origine de notre mouvement est intimement liée à l'histoire de nos institutions démocratiques, je n'aurai pas le temps de vous le démontrer, mais c'est juste pour vous dire que tout ce qui concerne le fonctionnement de la démocratie au Québec nous touche et c'est d'un grand intérêt pour nous.

Et notre mémoire, c'est le fruit d'une large consultation à travers vos instances depuis déjà, je dirais, deux ou trois ans, même trois ans. Et nous avons fait quelques constats, c'est que la participation des Québécoises et Québécois à l'élection de leur gouvernement n'a pas fléchi de façon significative au cours des dernières années, mais que nous croyons quand même que la conjoncture actuelle permet d'envisager sérieusement des réformes que les partis représentés au Parlement semblent souhaiter. Mais néanmoins il ressort de nos consultations deux grands principes qui doivent appeler à la prudence: la simplicité ? un système électoral doit être simple à utiliser et simple à comprendre pour le citoyen ? et la confiance ? c'est que, même si on élabore sur papier le meilleur système, si le citoyen n'a pas confiance, s'il sent que la réforme est biaisée, la réforme sera ratée.

Le peuple québécois est capable d'adaptation rapide, mais il faut que ce qu'on lui présente soit le fruit d'un large consensus. Pour ces raisons, nous n'appuyons pas la proposition actuelle du gouvernement parce qu'elle ne favorise pas le consensus nécessaire à sa réussite et qu'elle ne favorise pas l'émergence et l'élection de représentants de tiers partis, ce qui est un des buts de la réforme. Nous sommes cependant d'accord avec certains éléments de cette proposition gouvernementale. Nous favorisons un mode de scrutin mixte qui unit, d'une part, un scrutin uninominal et, d'autre part, un scrutin proportionnel.

Le scrutin mixte a l'avantage d'améliorer la représentation à l'Assemblée nationale et de la rendre plus conforme à la volonté des citoyens. Il a également l'avantage de maintenir le lien des élus avec un territoire, avec leurs électeurs, de permettre une meilleure représentation régionale. Je pense que ça, on a dû vous le dire à plusieurs reprises, nous avons le souhait de vous le redire. Mais, là où notre proposition diverge de celle du gouvernement, c'est que nous proposons deux votes sur le même bulletin, un vote pour le candidat de circonscription et un vote pour une liste de parti, parce que ces deux votes peuvent être différents. Notre proposition repose sur l'élection de 150 députés provenant, pour la moitié, d'un scrutin uninominal et, de l'autre moitié, provenant d'un scrutin proportionnel. Nous proposons d'augmenter le nombre de députés, car nos consultations et les simulations que nous avons faites nous démontrent qu'il doit y avoir un nombre significatif de députés élus à la proportionnelle pour corriger les distorsions du mode uninominal à un tour.

Selon cette logique, nous ne croyons pas que la proposition actuelle favorisera l'émergence de tiers partis ou l'élection de tiers partis, elle ne favorisera pas plus l'élection de femmes ou de représentants de groupes minoritaires, parce qu'il n'y aura pas, à deux ou trois députés par district, cette masse critique d'électeurs dans chaque district pour favoriser cette élection. L'exemple de l'Allemagne, qui est très séduisant et qui en principe donne le goût de l'appliquer au Québec, a une population qu'on peut multiplier presque par 10 et n'a pas ce clivage entre la grande région métropolitaine de Montréal et les régions du Québec. Alors, c'est pour ça qu'on ne peut pas prendre tel quel le modèle allemand même s'il est séduisant.

Nous favorisons de plus un scrutin mixte non compensatoire ? ou parallèle, dans le jargon. Ce serait là conserver l'avantage du mode de scrutin actuel, qui favorise la stabilité des gouvernements en évitant la trop grande fréquence de gouvernements minoritaires, et puis pour permettre, là aussi, au deuxième vote de favoriser des tiers partis. Et bien sûr nous favorisons une liste régionale. Mais, si nous devons aller à moins de 150 députés, ce serait difficile de mettre en application une liste régionale. Nous favoriserions, à ce moment-là, une liste nationale.

n(16 h 10)n

En terminant, il nous apparaît essentiel que le projet de réforme électorale fasse consensus au sein du Parlement avant d'être adopté. Le système électoral, c'est la base de la démocratie, et le consensus est essentiel pour amener la confiance de l'électeur, éviter que le système soit ou paraisse biaisé. S'il n'y a pas de consensus, nous favorisons un référendum ou un plébiscite. Parce que le citoyen, ce qu'il saisit du système actuel, c'est qu'il n'a pas si mal servi la démocratie québécoise et que, malgré les défauts qu'on lui trouve maintenant, il a favorisé l'alternance des partis politiques.

Je vous remercie de votre attention. Il y aurait eu beaucoup de choses à dire encore, mais probablement qu'avec les questions nous pourrons échanger un peu plus. Je vous remercie.

Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, Mme Trottier. Sûrement qu'il y aura beaucoup de questions. Nous allons commencer immédiatement ces questions avec M. le ministre.

M. Pelletier: Merci beaucoup d'être ici, aujourd'hui, en cette fin d'après-midi. J'ai vu que, dans votre mémoire, vous proposiez la création de grands districts. Et, parmi les scénarios que vous exposez, il y en a un où dans le fond il y aurait un district Laval-Laurentides-Lanaudière, il y aurait un autre district Mauricie?Centre-du-Québec? Estrie, il y aurait un district Bas-Saint-Laurent?Gaspésie? Côte-Nord?Saguenay?Lac-Saint-Jean et il y aurait un district Outaouais-Abitibi-Ungava. Je pense que je vais vous demander d'aller vendre ça dans les régions, parce qu'on y arrive, des régions, justement, et je ne sais pas comment une formule comme celle-là serait accueillie. Dans le fond, je me demande: Est-ce que le Québec vraiment est mûr pour une proposition qui soit, disons, aussi audacieuse? Est-ce que le Québec est prêt pour ça?

Mme Turcot (Chantale): C'est sûr que le découpage pose problème, et il posera problème même dans la proposition gouvernementale, où on favorise des regroupements de deux, ou trois, ou quatre comtés pour former des districts. C'est sûr que notre proposition de base, c'est basé sur 150 députés et 75 à la proportionnelle. C'est pour avoir une masse critique d'une dizaine de députés, pour permettre puis favoriser l'émergence de tiers partis, favoriser l'élection des femmes et favoriser aussi des minorités culturelles, parce qu'en bas de ça ce sera pas mal proche du vote traditionnel qu'on connaît maintenant.

Je suis d'accord avec vous. Nous proposons trois scénarios; ce n'est pas pour rien, c'est que nous n'en avons pas trouvé un idéal et que, même dans ces trois scénarios, ça ne fait pas consensus, et je vous dirais que certaines régions nous ont dit ? je ne vous les nommerai pas: Nous, on ne veut pas être avec telle région, et, nous, on ne veut pas être avec telle région. Bon.

Mais un fait est certain: que ce soit la proposition gouvernementale, avec le nombre de districts que vous proposez et de réduire à 75 circonscriptions le nombre de députés élus de façon uninominale, il y aura des cas de conscience et il y aura des difficultés. Bon. Et c'est basé sur des principes. Si on accepte ces principes-là d'avoir des grands districts qui regrouperaient une dizaine de députés, eh bien, à ce moment-là, ça facilitera les choses pour le découpage. Mais de toute façon le redécoupage ne sera pas simple et...

Le Président (M. Ouimet): M. le ministre.

M. Pelletier: ...j'ai encore du temps?

Le Président (M. Ouimet): Oui, vous avez encore du temps.

M. Pelletier: Vous avez, en fin de compte, deux préoccupations, d'après ce que j'ai pu voir, qui sont également celles du gouvernement. Dans un premier temps, il y a cette préoccupation en faveur de la stabilité politique ou gouvernementale. Je crois que j'ai eu l'occasion de dire à quelques reprises qu'il ne fallait pas non plus associer la stabilité politique avec le système uninominal à un tour, parce que c'est une équation qui est extrêmement, je dirais, fragile, et surtout plus on s'éloigne du bipartisme, en quelque sorte. Mais donc vous avez une préoccupation pour la stabilité politique ou gouvernementale et en même temps vous voulez l'émergence de tiers partis. La grande question dans le fond, c'est de savoir comment concilier les deux. C'est ça, là. La quadrature du cercle, c'est ça présentement. Comment est-ce qu'on peut faire pour concilier ces deux préoccupations-là qui dans le fond se heurtent, hein, l'une à l'autre?

Mme Turcot (Chantale): Oui. C'est pour ça qu'on favorisait deux votes distincts, parce qu'on peut voter pour un candidat de circonscription et on peut voter, au deuxième vote, pour un parti plus marginal ou pour une liste de parti qui favorise plus les femmes ou qui favorise d'autres éléments qui nous tiennent à coeur. Évidemment, qu'est-ce que ça donnera dans l'avenir, c'est difficile de prédire, mais c'est pour ça qu'on favorisait deux votes et qu'on favorisait qu'ils ne soient pas compensatoires, dans un premier temps.

Mais on pouvait voir un système électoral évolutif, aussi, de commencer une réforme qui serait plus prudente, celle qu'on propose bien sûr à 150 députés et deux votes non proportionnels. Et, lorsqu'on verra vraiment ce que ça donne sur le système électoral, la confiance des citoyens, peut-être dans 10, 15 ans, amener des éléments qui feront que le vote sera plus proportionnel qu'il ne l'est dans notre proposition.

On peut même avoir des listes de parti, des listes ouvertes aussi, dans un deuxième temps. C'est pour ça qu'on propose plutôt un système qui ne chambardera pas trop le système électoral présentement pour garder toujours la confiance des citoyens. Parce que les citoyens ont beau déplorer certains anachronismes ou certaines faiblesses du système électoral, si on le chambarde, peut-être que l'ensemble des citoyens ne suivront pas et perdront confiance. Et ça aura l'effet contraire, c'est-à-dire de ne pas nécessairement participer à une plus grande participation de l'électeur.

Le Président (M. Ouimet): Bien. M. le ministre.

M. Cloutier (Sébastien): Je pourrais peut-être compléter rapidement.

Le Président (M. Ouimet): Rapidement.

M. Cloutier (Sébastien): En 30 secondes. On présentait également la question de tenir aussi... la possibilité de tenir des élections à date fixe pour peut-être assurer un mandat complet, et aussi de permettre de modifier les règles en Chambre et faire en sorte, lorsqu'il y a des questions importantes, qu'il puisse y avoir un vote aux deux tiers pour renverser le gouvernement en place, donc pour assurer peut-être une plus grande stabilité, à ce moment-là, donc pour certaines questions peut-être d'ordre budgétaire qui nécessiteraient, afin de renverser un gouvernement, que ce soit adopté aux deux tiers des votes de la Chambre. Donc, ces deux éléments-là viendraient un peu aider à garder une certaine stabilité des gouvernements dans un contexte où il y aurait des éléments de proportionnalité.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. le ministre. Du côté de l'opposition officielle, M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Mme Trottier, M. Cloutier, bienvenue et merci de cette contribution. C'est quand même un mémoire substantiel qui essaie effectivement, comme bien d'autres groupes, de trouver la solution.

Claude Béland disait: Nous sommes condamnés à trouver et à élaborer un mode de scrutin sur mesure pour le Québec, et il était particulièrement préoccupé par l'ancrage territorial et l'occupation du territoire du Québec. C'est quand même un territoire considérable et où des gens s'y sont installés pour développer leur coin de pays.

À cet égard, on a commencé cette consultation avec une prémisse de réduction des 125 circonscriptions. Dans la perspective où, en 2003, après le discours inaugural, certains voulaient voir ça pour la prochaine élection, ça aurait pu être justifié de dire: C'est pratique, on va prendre les circonscriptions fédérales. Mais, si c'est pratique, ça ne semble pas être dans l'intérêt des régions. Et les régions ne sont pas très... sont plutôt hostiles à cette réduction-là.

Est-ce que ça chambarderait, pour reprendre vos propos, tout le système si on partait de cette pièce maîtresse et de cet équilibre des 125 circonscriptions pour ajouter, par exemple, 50 députés pour l'élément de compensation nationale?

Mme Turcot (Chantale): Vous parlez d'augmenter le nombre de députés? Parce que, d'entrée de jeu, vous m'avez dit qu'on visait plus à le diminuer ou le garder stable. L'augmenter, nous, c'est ce qu'on favorise, de 150 députés, pour qu'il y ait une certaine égalité entre les députés de circonscription et les députés régionaux, si on peut dire.

M. Thériault: Mais, plutôt que de réduire de 125 circonscriptions à 75, partir des 125 pour augmenter le chiffre, compte tenu du fait que ce serait aussi pratique parce qu'historiquement il s'est établi un équilibre.

Mme Turcot (Chantale): Absolument.

M. Thériault: Les régions semblent se reconnaître là-dedans, et on pourrait essayer donc...

Mme Turcot (Chantale): Je comprends bien.

M. Thériault: ...d'atteindre l'objectif.

n(16 h 20)n

Mme Turcot (Chantale): Oui, absolument, absolument. Je pense que ça, c'est une avenue qui était intéressante, qu'on a d'abord explorée. Mais, si vous pensez qu'il y a une faisabilité à augmenter... Si on augmente, à ce moment-là, peut-être beaucoup le nombre de députés, il y en a moins à la proportionnelle. Plus on inverse la proportion autre que 50-50, plus on diminue le nombre de députés à la proportionnelle, moins la proportionnelle joue le rôle qu'elle doit jouer parce qu'à ce moment-là il y en a très peu par district et... Mais, si on veut faire un test, dans un premier temps, pour, disons, deux élections, trois élections, de dire: On va tester ce que ça donne d'introduire un élément de proportionnelle dans le système électoral, oui, nous serions très favorables à ça, 125 députés plus 50 à la proportionnelle, mais nous tenons toujours, dans un premier temps, à ce que ce soit non compensatoire. Au moment où c'est compensatoire, là, on bouscule vraiment ce qui est, ce qu'on connaît maintenant.

Le Président (M. Ouimet): Il reste une minute.

M. Thériault: En fait, si on voulait respecter certains ratios qu'on retrouve dans d'autres pays, on pourrait augmenter encore. En Allemagne, ils n'ont pas commencé à 50-50 au niveau du ratio. Évidemment, on pourrait toujours dire 75 de proportionnelle, si on voulait être dans un monde idéal, le problème étant comment cela sera perçu par l'ensemble de la population, cette augmentation-là. Il faut bien l'expliquer, hein? Mais, dans un premier temps, si on change les moeurs et qu'on arrive à établir ce régime avec quand même 50... Parce que souvent il y en a qui nous ont dit: On y va de façon modérée, on en introduit 25, ce qui semble un peu difficile, là, pour atteindre les objectifs.

Mme Turcot (Chantale): 25, c'est très peu.

Le Président (M. Ouimet): Une courte réaction.

Mme Turcot (Chantale): Oui. 25, c'est très peu. Je pense que 125-50, ce serait une proportion qui serait intéressante pour les prochaines années.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. le député de Masson. Du côté de notre comité citoyen, M. Boivin.

M. Boivin (Guillaume): Pour continuer sur ce qui vient d'être dit là, d'emblée plusieurs personnes à qui on en a déjà parlé, pas tellement les intervenants, je vous ferai remarquer, mais... Je veux parler de la question d'augmenter le nombre de sièges à l'Assemblée nationale. Moi, autour de moi, j'ai souvent entendu dire: Voyons, les gens seront réfractaires à ça, certains discours, disons, de cynisme envers les élus, qui feraient en sorte que les gens ne seraient pas favorables.

S'il y avait une consultation populaire, que ce soit lors d'un plébiscite en même temps qu'une élection générale ou d'un référendum suivant la loi référendaire, que diriez-vous qu'il y ait plusieurs modèles présentés? On dit que l'opinion du citoyen est fondamentale. S'il n'y avait seulement qu'un choix dichotomique et qu'il y avait un vote majoritaire pour le non, comment est-ce qu'on interpréterait ça, un non à toute idée de réforme ou bien non au modèle présenté?

De la même manière, si les gens sont réfractaires à l'idée de 125, de dépasser 125, qu'on fait un modèle à 175 puis qu'on présente ça, et que les gens sont d'accord avec l'idée d'une réforme, d'une idée d'introduction d'une modalité proportionnelle dont on sait qu'il y a un large éventail, mais qu'eux sont réfractaires à dépasser le 125, ça se pourrait qu'encore là il y ait un vote non, et encore là comment l'interpréter?

Donc, est-ce que vous seriez favorables à l'idée où est-ce qu'il y aurait à la fois le statu quo, qui pourrait être légitimé si c'est la volonté populaire, ou bien un éventail, pas 28 possibilités, un éventail gradué qui comporterait différents modèles qui balanceraient, qui arbitreraient de manière différente les différents enjeux qui sont devant nous?

Mme Turcot (Chantale): Je serais très réticente à présenter plusieurs modèles. Je pense que c'est le statu quo ou un certain modèle qu'on propose de mettre à l'essai. Mon expérience des campagnes électorales, c'est que c'est le plus bas dénominateur commun. Il faut y aller dans la simplicité. Sinon, le citoyen, pas qu'il n'est pas capable de comprendre puis qu'il n'aura pas l'intelligence, tout ça, mais ça ne l'intéressera pas. C'est pour lui des questions byzantines. On lui dit: Oui, on doit changer le système. Présentez-nous un modèle. Je pense que le politicien qui verrait son option ou le gouvernement qui verrait son option rejetée devrait le prendre comme une invitation à refaire ses devoirs et de dire: Je n'ai pas su convaincre le citoyen, je recommence, je propose un autre modèle, le citoyen n'a pas suivi.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. Boivin. Mme Loucheur.

Mme Loucheur (Yohanna): Je voudrais revenir à la question... au modèle que vous proposez et au découpage régional puis revenir à ce que disait le ministre Pelletier tout à l'heure. Je voudrais que vous m'expliquiez l'intérêt de créer des régions aussi immenses et quel type, quel genre de rattachement les députés auront, à ce moment-là, à des régions très, très immenses et assez diversifiées par rapport à simplement une liste nationale qui pourrait par ailleurs forcer l'inclusion de candidats issus de toutes les régions du Québec. Expliquez-moi en quoi d'avoir ces sept ou huit grandes, grandes régions au Québec est un avantage.

Mme Turcot (Chantale): L'avantage premier, c'est d'avoir une masse critique d'électeurs pour permettre 10, 12, 15 députés élus pour un territoire donné. À ce moment-là, ça permet à l'électeur qui aura deux choix à faire sur son bulletin de vote d'être plus audacieux pour son deuxième vote pour la liste de parti. Moi, je suis convaincue que, si on a à élire, pour une région, une quinzaine de députés, on va être plus audacieux pour une liste où il y aura plus de candidatures féminines, on sera plus audacieux pour un parti, un tiers parti qui autrement n'aurait pas de chance d'élire un député à l'Assemblée nationale, mais, avec une liste de parti, il aurait peut-être la chance d'en faire élire un, ou deux, ou trois, tandis que, si on a un district où il y a seulement deux ou trois députés...

Mme Loucheur (Yohanna): ...contraire, madame, une liste nationale au lieu d'avoir sept ou huit régions. C'était ça, ma question. Quelle est...

Mme Turcot (Chantale): Entre une liste nationale ou... Oui, la liste nationale est intéressante aussi. Vous voulez dire au lieu d'un découpage par région, avoir une liste nationale?

Mme Loucheur (Yohanna): Oui.

Mme Turcot (Chantale): Oui, la liste nationale est intéressante dans la mesure où les partis politiques présenteront des candidats qui proviennent des régions. Le danger d'une liste nationale, c'est que les régions soient oubliées.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, Mme Loucheur. Mme Trottier, M. Cloutier, merci infiniment de votre contribution aux travaux de cette commission. Merci à vous.

Mémoires déposés

Alors, chers collègues, avant de procéder aux remarques finales, je dépose les mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été entendus à l'occasion de nos consultations pour valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission.

Et je vais suspendre les travaux une dizaine de minutes. Nous serons de retour à 16 h 40.

(Suspension de la séance à 16 h 28)

 

(Reprise à 16 h 43)

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission spéciale sur la Loi électorale reprend ses travaux. Je demanderais à toutes les personnes membres de la commission de bien vouloir regagner leurs sièges, et en silence si possible.

Remarques finales

Nous allons donc amorcer ce moment solennel de nos travaux, qui sont les remarques finales après cette étape importante de la consultation générale. Et nous allons commencer avec le représentant du comité citoyen, qui sera M. Guillaume Boivin, pour ses remarques finales. Vous disposez de 20 minutes.

M. Guillaume Boivin, membre
du comité citoyen

M. Boivin (Guillaume): Merci, M. le Président, ce sera plus que suffisant. Alors, la Commission spéciale sur la Loi électorale a été créée à la suite d'une motion votée par l'Assemblée nationale au mois de juin dernier. De là est né le premier comité citoyen participant aux travaux d'une commission parlementaire. Formé de quatre femmes et quatre hommes de réalités, de régions et d'âges différents, le comité est le reflet de la société québécoise d'aujourd'hui. Notre mandat est de nous tenir à l'écoute des citoyens et des groupes que nous avons eu la chance d'entendre. De plus, nous contribuons à la réflexion de cette commission par notre point de vue d'électeurs.

Nous tenons d'abord à remercier les nombreux citoyens qui se sont donné la peine de partager leurs idées avec la commission, soit en personne, dans l'une des 16 villes que nous avons visitées, soit en remplissant le formulaire sur Internet ou par la poste. Nous espérons que l'intérêt manifesté par la population pour ces enjeux démocratiques fondamentaux continuera et encouragera les efforts de réforme.

À la suite de ce que nous avons entendu jusqu'à présent, il est facile de déduire qu'une majorité des intervenants veut un changement. Nous avons aussi bien compris les préoccupations de chacun, notamment la représentation régionale, le pluralisme, la présence des femmes et de minorités ethnoculturelles en politique, l'abstentionnisme des jeunes et bien d'autres. Soyez assurés que nous tiendrons compte de la variété des points de vue exprimés. Contribuent aussi à nos réflexions plusieurs experts qui sont venus partager leurs savoirs, différents modèles électoraux que nous avons étudiés et bien sûr les expériences vécues ailleurs. Ensemble, nous travaillerons à mettre en commun nos opinions pour en venir à un consensus sur nos conclusions et recommandations à la commission. Les discussions que nous avons eues jusqu'à présent nous permettent de croire que nous y arriverons.

Nous tenons aussi à remercier l'Assemblée nationale d'avoir créé le comité citoyen. Que les parlementaires aient accepté de se lancer dans une telle aventure, ajoutant aux difficultés inhérentes à une tournée provinciale l'intrusion, dans leurs travaux, d'un groupe de non élus, témoigne de leur volonté... d'explorer, oui, des moyens originaux de collaborer avec les citoyens. Nous espérons que cette expérience ouvrira la porte à d'autres situations semblables et à une démocratie plus participative.

En terminant, nous espérons vivement que la Commission spéciale sur la Loi électorale s'inspirera de nos recommandations et débouchera sur une réforme de nos institutions démocratiques, que l'ouverture d'esprit dont ont fait preuve les parlementaires en s'adjoignant un comité citoyen se manifeste aussi dans leurs conclusions, soit la réforme du mode de scrutin. Merci.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci à vous, M. Boivin, pour ces remarques finales au nom des huit membres du comité citoyen. Allons maintenant du côté de M. le député des Chutes-de-la-Chaudière pour environ une dizaine de minutes.

M. Marc Picard

M. Picard: Merci, M. le Président. Voilà déjà sept semaines que la commission spéciale sur la réforme de la Loi électorale a amorcé une tournée de consultation dans 16 villes réparties à travers les différentes régions du Québec. Cette consultation générale s'inscrit dans une démarche qui va nous mener, à la fin des consultations particulières, à déposer un rapport qui aura à faire le bilan des recommandations que les citoyens, les groupes et les différents partis politiques auront déposées devant cette commission. Je tiens à souligner le caractère unique de cette commission qui s'est adjoint un comité citoyen.

Dans l'histoire du Québec, c'est la première fois qu'un comité citoyen participe aux travaux d'une commission parlementaire. Il faut se rappeler que les membres de ce comité ont été choisis au hasard parmi 2 352 candidatures. Ces quatre femmes, quatre hommes ont été choisis dans huit régions différentes parmi quatre différents groupes d'âge dont une personne appartient aux communautés culturelles. Donc, ce comité est très représentatif de la diversité culturelle et de la richesse des idées politiques du Québec. Ce comité a su amener une richesse indéniable à cette commission. Ces citoyens ont réussi, par la justesse de leur intervention, à nous éclairer dans notre présente démarche. Donc, j'adresse mes sincères félicitations aux citoyens de cette commission pour leur contribution plus que pertinente.

À cette étape, je tiens aussi à souligner que le comité citoyen va présenter un rapport indépendant de celui des élus. Je considère qu'il serait incontournable qu'on s'inspire du rapport du comité citoyen pour la rédaction du rapport final de notre commission. D'autre part, l'importante participation citoyenne démontre, hors de tout doute, la pertinence de procéder à une revue de notre modèle démocratique. En effet, cette commission a déjà dépassé, par le nombre de mémoires reçus et par le nombre de citoyens entendus, toute autre commission parlementaire. Je tiens donc à féliciter de façon particulière toutes les personnes qui ont contribué à faire de cette démarche un succès.

Par ailleurs, je ne peux passer sous silence la contribution de toute l'équipe de soutien. C'est grâce à chaque membre de cette équipe, qui travaille dans l'ombre, que notre tournée s'est complétée sans encombre ou sans souci particulier. Alors, toutes mes félicitations pour un bilan plus que positif.

n(16 h 50)n

Déjà, à cette étape, on observe qu'une large majorité des gens qui sont venus témoigner nous ont souligné la pertinence de changer notre mode de scrutin. La majorité des intervenants reconnaissent l'avantage que représente la stabilité assurée au gouvernement par le système uninominal à un tour. Par contre, ces derniers nous ont aussi souligné que le modèle actuel n'assure pas avec équité la représentation des divers courants politiques, des femmes et des communautés culturelles. Au Québec, il y a une diversité politique qui doit être mise en valeur. Il faut une meilleure représentation des partis politiques, et ce, afin d'avoir un portrait moderne et représentatif de notre société. En outre, ces témoins observent que ce système force les électeurs à donner la priorité soit au choix d'un représentant dans leur circonscription ou à la détermination d'un gouvernement national et que cela a pour effet de restreindre le terrain sur lequel se livre la bataille politique.

Le système tel que conçu actuellement force plusieurs citoyens à ne pas voter selon leur véritable idéologie politique. D'autre part, dans une large majorité, les intervenants ont formulé leur attachement à une société démocratique québécoise qui respecte le plus fidèlement possible la volonté populaire. Donc, l'Assemblée nationale doit refléter la diversité de leur culture, dans la richesse de leurs idées politiques. C'est dans cette perspective, M. le Président, que l'introduction d'une composante proportionnelle permettrait une meilleure représentation de l'électorat.

Les consultations générales font aussi ressortir que les citoyens désirent le maintien d'un lien entre les députés et les circonscriptions géographiques. La conciliation de ces deux perspectives représente un réel défi pour les membres de cette commission. Dans le même sens, les incitatifs financiers tels que stipulés dans l'avant-projet de loi ont suscité des réactions et des commentaires très partagés chez les témoins que nous avons entendus. La commission aura, là aussi, à départager les différents points de vue entendus.

Au-delà de toutes les autres considérations, il existe un enjeu encore plus important, soit celui de restaurer la confiance des citoyens dans leurs institutions politiques et assurer la qualité de la démocratie au Québec. Le Québec a une démocratie riche en histoire. Par conséquent, la réforme de la Loi électorale doit s'inscrire dans le cadre d'un processus de continuité et non de rupture, ce qui maximise les chances de réussite de la présente démarche.

Je tiens donc à souligner que, parmi l'ensemble des problématiques soulevées et des solutions avancées, il existe certaines mesures faciles d'application qui ont pour finalité de faciliter la mécanique du vote. À titre d'exemple, je cite ici les mesures avancées par les groupes d'alphabétisation.

Enfin, je tiens à souligner que le succès de notre commission repose maintenant sur la capacité qu'auront les parlementaires à trouver un consensus qui répondra aux attentes de la population. Je tiens à réitérer mon désir que ce consensus s'inspire des recommandations du comité citoyen. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière, pour ces remarques finales. Allons du côté maintenant de M. le député de Masson, de l'opposition officielle.

M. Luc Thériault

M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, mes remarques finales seront construites à partir de remarques générales à propos de la consultation, de dégager des points saillants de ce qu'on doit retenir de ces consultations générales, qui ne sont pas les dernières consultations de cette commission, un retour sur l'avant-projet de loi et les critiques qui ont été adressées, des pistes de solution et les autres éléments contenus dans l'avant-projet de loi.

À propos de cette commission et de cette consultation, M. le Président, d'abord mes premiers mots pour vous remercier, saluer votre travail. Il est difficile, avec le temps qu'on s'était donné parfois par intervenant, de bien gérer l'alternance, et vous avez fait votre possible. Je voudrais saluer aussi le travail de votre collègue de Richelieu, qui officiait comme vice-président de cette commission.

Passer par-dessus le fait que cette commission n'aurait été possible et n'aurait pu atteindre son but sans le travail extraordinaire du secrétaire de cette commission et de son équipe serait vraiment inopportun, M. le Président. Évidemment, une commission est toujours le fruit d'un compromis entre les partis, des différentes composantes parlementaires, mais on leur donne des paramètres et c'est avec ça qu'ils doivent travailler, et, même si c'est le fruit de compromis, on pourrait dire qu'en ce qui les concerne c'est mission accomplie.

Évidemment, les gens savent que je suis un perfectionniste, et on pourrait dire, à la lumière de ce que l'on a vécu, qu'on ne peut pas se contenter seulement d'une approche quantitative. Oui, effectivement, cette commission a reçu plusieurs mémoires, a entendu plusieurs personnes, mais il faut aussi se questionner sur une vision et un bilan qualitatif, et on peut se poser la question: Est-ce que nous avions par moments assez de temps, compte tenu de la contrainte du sept semaines, sept semaines en plein hiver, qu'on s'était donnée. Heureusement que dame Nature était de notre côté et qu'on n'a pas annulé notre venue dans une ville du Québec. On peut se demander... et on a pu vivre, par cette expérience, que par moments des sujets de fond étaient quelque peu escamotés. Et peut-être que ce n'est qu'une première étape dans cette étape qui doit nous conduire à un modèle, un modèle qui doit concilier à certains égards, on le verra tantôt, peut-être, des positions qui au départ peuvent apparaître inconciliables.

Donc, des questions de fond effleurées qui auraient mérité à certains moments qu'on s'y attarde davantage, pour n'en citer que quelques-unes: les difficultés de saisir la position de certains intervenants sur ce qui semblait être ou ce qui sous-tendait leur volonté d'amélioration des institutions démocratiques, quand on faisait allusion au cynisme, au bris de confiance envers la classe politique, à l'abstentionnisme au Québec. Évidemment, des gens pourraient nous dire que l'opposition officielle a accepté l'échéancier, c'est tout à fait vrai, M. le Président, mais c'est quand même l'objet d'un compromis.

Une telle réforme commande d'aller et impose d'aller en profondeur, et j'espère que nous pourrons, dans une étape ultérieure et peut-être autour des débats sur les travaux parlementaires, réussir à atteindre un certain nombre de préoccupations qui étaient soulevées par certains intervenants, parce que souvent les problématiques qui les animaient étaient liées aussi à la façon, à la manière dont les politiciens incarnent les travaux et la démocratie dans les travaux parlementaires. Alors, il y a une démarche simultanée et peut-être devrait-elle, elle aussi, produire des fruits, M. le Président. Donc, on ne peut pas évaluer la démocratie québécoise strictement en fonction d'une infrastructure que j'ai appelée à certains égards, de façon un peu rapide, la quincaillerie.

Au niveau donc des questions de fond, rappelez-vous que l'opposition officielle avait soulevé au tout début un défi, le défi de rejoindre et que cette commission puisse avoir écho dans les foyers québécois. A-t-on dépassé le cercle des initiés? Question qui reste ouverte.

L'opposition officielle, M. le Président, se réjouit d'avoir travaillé en vue d'un rôle accru des citoyens et d'une représentation citoyenne au sein de cette commission. On se rappellera, et le ministre se rappellera de la motion du 15 juin qui a été vivement débattue. Certains ont dit que leur participation était le fruit du hasard, ce qui est tout à fait vrai, mais on pourrait prolonger l'énoncé en disant que parfois le hasard fait bien les choses. Et je voudrais saluer, M. le Président, sincèrement, d'abord, leur détermination et leur rigueur dans ces travaux. Leurs interventions ont été constamment inspirées de cette règle de la rigueur, et j'ose espérer que leurs recommandations seront aussi inspirantes à cet égard.

n(17 heures)n

Alors, qu'est-ce qu'on doit retenir de cette consultation générale? Évidemment, ce n'est pas des remarques exhaustives, elles seront exhaustives quand on aura colligé l'ensemble des données après les consultations particulières. D'abord, il n'y a pas de mode de scrutin parfait, il faut se le dire. Il faut se le dire, parce qu'en quelque part on pourrait être animé d'une volonté d'atteindre cette perfection-là. Alors ça, c'est clair. Il comporte des avantages et des inconvénients, et il y a une obligation d'arbitrer ces avantages et ces inconvénients. Tout le monde sait très bien que l'opposition officielle pense que cet arbitrage n'appartient pas aux politiciens, aux experts et aux initiés, qu'il n'appartient... en démocratie, sur une question aussi fondamentale, qu'il appartient donc aux citoyens. C'est pourquoi nous pensons avoir entendu une forte majorité des intervenants venir nous dire que la population devra trancher le débat, et qu'il est nécessaire d'avoir le consentement éclairé de cette population dans une consultation populaire qui prendra la forme soit d'un référendum, après ou avant une élection générale, ou d'un plébiscite, s'il fallait que ce soit pendant l'élection générale. Mais la position de principe qui a été entendue et défendue... et à certains égards, M. le Président, j'ai posé la question assez souvent pour qu'on puisse colliger la courbe d'occurrence à cet égard.

En ce qui a trait donc aux autres intérêts qui ont été amenés à cette commission, il faut se poser la question si nous serons capables de dépasser nos convictions, nos intérêts particuliers et viser à concilier les intérêts et les principes défendus par les intervenants. Alors, ce qui ressort: une volonté de changement réel en vue d'une assemblée nationale plurielle. Et des gens disaient: Il n'y a pas de demi-mesure, mieux vaut une réelle modification, sinon pas de changement.

Le maintien de la représentativité des régions. Alors, à cet égard, est-ce que le modèle proposé est acceptable? D'entrée de jeu ?  et c'est de bonne guerre ? le parti ministériel a essayé de justifier l'avant-projet de loi mis sur la table en disant qu'il était peut-être le fruit d'un compromis. Bref, en conclusion de ces audiences générales, je ne pense plus qu'on puisse soutenir cette thèse. Le projet de loi est inacceptable pour une grande majorité, à ce point tel que l'obligation de la bonification est telle qu'on devrait se retrouver devant un tout autre mode de scrutin.

Pourquoi est-il jugé inacceptable? D'abord, des gens ont dit que la volonté de pluralisme politique n'y était pas présente, qu'en quelque part le seuil de facto faisait en sorte qu'on ne pouvait pas se retrouver devant une assemblée nationale plurielle, et ils convenaient, à ce moment-là, de trouver une solution pour abaisser ce seuil d'accessibilité. Les intervenants ont beaucoup parlé du fait qu'il doit y avoir, en ces matières, deux votes. Nous nous abstenons d'élaborer, à ce stade-ci, sur les motifs.

Nous avons aussi entendu que les listes doivent être réglementées pour s'assurer d'atteindre les objectifs de représentation féminine et ethnoculturelle, et il me semble que, si on retenait, dans un premier temps... si on ne retenait pas cela de ce que nous avons entendu, cela refléterait difficilement ce qui a été entendu. D'autre part, bien qu'ayant entendu ceci, il y a cela, et qui n'est pas quelque chose de facile à concilier, certains ont soulevé des inquiétudes sur la légitimité, l'imputabilité des députés de liste. Bon. Conséquence, certains ont dit: On ouvre un débat sur une liste bloquée ou ouverte. La double candidature ne devrait pas être tolérée. Et, quant aux districts, bien, en quelque part, ils étaient beaucoup trop arbitraires pour être acceptables, et les gens ont pensé à un ancrage de la représentativité régionale à partir des régions administratives qui sont en fait l'infrastructure des services gouvernementaux.

Par ailleurs, les régions que nous avons visitées, Abitibi, Outaouais, Estrie, Bas-Saint-Laurent, Gaspésie, Saguenay?Lac-Saint-Jean, Côte-Nord, sont attachées et ont fait valoir leur attachement à l'ancrage territorial, ont parlé de la réduction du nombre de circonscriptions, de la difficulté que cela comporte, pour eux, quant à la responsabilité qui incombe aux députés de circonscription, au travail, au lien élu-électeurs, donc se sont prononcés contre tout agrandissement de leurs circonscriptions. Les régions donc insistent sur le lien élu-électeurs qui, pour eux, est primordial. Et en quelque part le député de liste pose un certain nombre de problèmes s'il faut qu'il se substitue à un député de circonscription.

Les régions ne sont pas majoritairement réfractaires à l'idée d'introduire des sièges de compensation, mais on a entendu très souvent que ça ne doit pas se faire à leur détriment. Il ne faut pas donc banaliser et négliger l'impact de la réduction du nombre de circonscriptions. Les citoyens des régions nous ont souligné à de nombreuses reprises leur attachement à leurs députés et qu'il leur apparaissait tout à fait impensable d'augmenter l'étendue. Pensons, entre autres, à la demande de la Côte-Nord comme statut particulier.

Nous avons entendu aussi Claude Béland, qui a fait, lui aussi, le tour du Québec, venir nous dire que notre recherche d'un modèle devait tenir compte d'un désir et d'une réalité, la réalité de l'occupation du territoire québécois, et il faut un mode de scrutin sur mesure pour le Québec et le territoire québécois. C'est pour ça qu'entre autres il est venu défendre une approche territoriale de type scandinave, qui était la recommandation 1° des états généraux, mais nous disant: L'ancrage territorial des 125 circonscriptions, c'est quelque chose avec lequel il faut composer.

Alors, que doit-on faire? Loin de moi l'idée de clore le débat à ce sujet, M. le Président. Je me contenterais, aujourd'hui, d'élaborer un certain nombre de questions ouvertes, mais à partir desquelles il faut à notre avis travailler.

Est-ce que, s'il était facile et pratique de travailler avec 75 circonscriptions fédérales, étant donné l'application 2011-2012 de la réforme du mode de scrutin, n'est-il pas aussi intéressant de travailler à partir de 125 circonscriptions? Parce qu'il me semble que la réduction à 75 était à mon avis liée au fait qu'on n'avait pas consulté des gens et qu'en quelque part la Commission de représentation électorale se trouvait avantagée en termes de travail, là, parce que ce n'est pas rien, le mandat qu'on va lui donner, à cette Commission de représentation électorale si on décide de commencer à jouer avec des découpages qui ne sont pas ceux fédéraux ou bien les 125 circonscriptions.

Donc, si on était capables de dépasser des scrupules quant à l'augmentation du nombre de députés, est-ce que nous pourrions suggérer, à la lumière de ce qui se passe ailleurs, dans d'autres coins de pays, est-ce que nous pourrions proposer de travailler à partir de ces 125 circonscriptions, dans un premier temps? Je voulais juste mentionner que, parmi les pays qui ont un mode de scrutin proportionnel, la Suède, pour 6,7 millions d'électeurs, a 349 députés. S'il fallait prendre ce ratio, ce qui n'est pas nécessairement souhaitable, le Québec aurait 300 députés, avec 5,4 millions d'électeurs et 125 députés actuellement.

Dans les autres éléments, M. le Président, on a entendu aussi des gens venir nous dire: Bien, le législatif est subordonné à l'exécutif, et peut-être faudrait-il élire un premier ministre au suffrage universel. Et il y a une perception d'une subordination trop forte du législatif par rapport à l'exécutif, je dirais même une perception d'impuissance et de servilité attribuées aux législateurs que sont les députés. Et peut-être les travaux parlementaires réussiront à combler cette perception, mais n'empêche que des gens veulent un premier ministre au suffrage universel, ce qui aurait un effet très grand. On change dans le fond le système parlementaire britannique si on fait ça. Mais des gens l'ont quand même soulevé à plusieurs reprises comme intention.

n(17 h 10)n

Quant aux modalités d'exercice du droit de vote, ça pourrait peut-être rassurer certains individus autour de la table, mais il n'y a pas lieu de demander un plébiscite pour les modifications pour les prochaines élections sur ce point, puisque la tradition parlementaire fait en sorte que tout changement de cet ordre doit être le fruit d'un consensus au comité consultatif du Directeur général des élections. Mais force est de constater qu'on n'a pas eu le temps vraiment de tout voir la mécanique et que l'imbrication de 711 articles et des modalités d'exercice du droit de vote n'était peut-être pas la mesure la plus intéressante pour tester un certain nombre de volontés de changement à cet égard. Toujours est-il qu'il faudra, lorsqu'on voudra changer les modalités d'exercice du droit de vote, être très, très, très rigoureux dans l'équilibre à atteindre entre l'intégrité du vote et le fait de faciliter l'accès au vote.

Je vous dirais, M. le Président, que j'ai hâte aux consultations particulières, parce que c'est après ces consultations que le gros du travail se fera. J'ai hâte de voir les intervenants qui, au début de cette commission, nous ont dit qu'ils allaient écouter nos consultations avec nous. J'ai hâte de voir s'ils ont amélioré leur proposition ou leur conception, parce que, nous, on évoluait au fur et à mesure de la commission et on entendait parfois des mémoires qui avaient été déposés en décembre de gens qui n'avaient pas, comme nous, la possibilité de suivre les travaux de la commission défendre parfois des points de vue qui étaient restés dans le fond figés dans le temps. Mais des gens se sont engagés à venir devant cette commission pour venir nous dire qu'ils allaient écouter et qu'ils allaient refaire des représentations particulières, venir nous dire ce qu'ils ont entendu, et j'imagine que ça pourra éclairer nos travaux.

Et le défi, quel défi, M. le Président, de pouvoir proposer quelque chose qui puisse satisfaire les intérêts divergents que nous avons entendus. Évidemment, les citoyens nous remettront leur rapport, les parlementaires de cette commission remettront leur rapport à l'Assemblée nationale, et, en bout de ligne, c'est tout de même la responsabilité gouvernementale d'entendre ou de faire avec ce qui sera dans ce papier, dans ce rapport. Et j'ose espérer, M. le Président, qu'on aura entendu qu'on ne peut pas se contenter, dans un débat aussi fondamental, de cette démarche. Plusieurs sont venus nous dire: Il faut continuer d'informer la population du Québec, il faut mettre le temps et l'énergie qu'il faut pour faire de la pédagogie. Et c'est toute la société québécoise, et c'est toute la démocratie québécoise qui va sortir gagnante d'une étape consécutive à nos travaux, M. le Président, en espérant que la population tranchera ce débat un jour, informée et donnant son consentement libre et éclairé. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, M. le député de Masson, pour ces remarques finales. M. le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, à vous la parole.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier: Merci. Merci, M. le Président. M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la commission à titre d'élus, à titre de non-élus membres du comité citoyen. On ne soulignera jamais assez que cette Commission spéciale sur la Loi électorale est sans précédent. Elle est sans précédent en raison de sa composition, puisqu'elle réunit à la fois des parlementaires et des non-élus choisis au hasard. Elle est sans précédent en raison de l'ampleur des moyens déployés pour obtenir le point de vue des citoyens et des experts. Elle est aussi sans précédent en raison de la tournée en région, laquelle a permis de rapprocher l'institution parlementaire de nos concitoyens. Il fallait une bonne dose de détermination pour mener à bien une telle entreprise. Je suis heureux aujourd'hui de constater que, nous tous et toutes, membres de la commission, nous nous sommes montrés à la hauteur de ce défi exigeant.

Une étape cruciale de nos travaux se termine aujourd'hui. Je veux vous remercier, M. le Président, d'avoir dirigé cette consultation générale qui, depuis le 23 janvier dernier, nous a fait sillonner le Québec afin d'entendre nos concitoyens s'exprimer sur le projet gouvernemental de réforme du mode de scrutin et de refonte de la Loi électorale. Votre tact, votre sens de l'organisation et votre impartialité ont été indéniablement les gages du succès de cette commission spéciale. Je veux aussi remercier le député de Richelieu, qui vous a assisté dans cette tâche à titre de vice-président. Je tiens à souligner la contribution positive de tous les membres réguliers de la commission lors de nos rencontres dans chacune des 17 villes. Vous me permettrez de saluer particulièrement mes vis-à-vis, les députés de Masson et de Chutes-de-la-Chaudière. Je veux aussi remercier nos collègues qui se sont joints à nous à différentes occasions et qui ont démontré un vif intérêt pour cette consultation générale.

Aux membres du comité citoyen, je veux témoigner de mon respect et de mon admiration. Votre présence constante et votre attention de tous les instants témoignent du sérieux avec lequel vous avez assumé vos fonctions. Cet engagement est d'autant plus méritoire que vous vous êtes portés volontaires pour cet exercice qui vous a éloignés de vos proches et de vos activités habituelles pour vous faire vivre de près ce qui, pour nous députés, représente l'un des aspects les plus exigeants de notre métier, à savoir le travail en commission parlementaire. Votre contribution au débat jusqu'à présent a été remarquable, et je suis convaincu qu'elle continuera de l'être dans l'avenir. Vos recommandations seront pour moi une source d'inspiration.

Je veux souligner le travail formidable du secrétariat de la commission sous la direction de M. Louis Breault, qui a déployé des efforts considérables sans fléchir devant les contraintes de temps et de logistique afin d'assurer le succès de cette consultation générale. Enfin, je veux remercier l'équipe du Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques et à l'accès à l'information et les membres de mon cabinet, qui m'ont appuyé sans relâche depuis les tout débuts des travaux de commission, et même bien avant.

J'adresse aussi mes remerciements à tous les organismes et individus très nombreux qui ont pris la peine de nous faire connaître leur point de vue ou d'assister à nos délibérations publiques. Au cours de cette consultation générale, M. le Président, nous avons entendu quelque 357 personnes venues s'exprimer au nom des organismes qu'ils représentent ou en leur nom personnel. De ce nombre, 170 ont présenté un mémoire. De plus, quelque 1 087 personnes ont fait parvenir leur opinion via Internet ou complété le questionnaire de consultation. En considérant les contributions du Directeur général des élections, des partis politiques et des experts conviés lors des consultations particulières, c'est plus de 1 100 personnes et organismes qui se sont exprimés, d'une manière ou d'une autre, sur l'un quelconque des aspects du projet soumis par le gouvernement. Une telle participation mérite d'être soulignée.

Le mandat de la commission n'est pas encore complété. En effet, il nous reste notamment à déterminer, au cours des prochaines semaines, la forme que prendra le rapport de la commission et à formuler, le cas échéant, les recommandations appropriées. Certes, il est trop tôt pour présenter un bilan exhaustif qui rendrait justice à l'ensemble des commentaires et des suggestions qui ont été formulés. De même, ce serait anticiper de manière inappropriée sur la prochaine étape du mandat de la commission que de tirer des conclusions quasi définitives de la consultation générale qui se termine aujourd'hui. Toutefois, il est possible, afin de guider notre réflexion à venir, de formuler certains constats.

Tout d'abord, je constate que les mesures favorisant l'exercice du droit de vote ont généralement fait l'objet de commentaires favorables. Par ailleurs, plusieurs de ces mesures ont été mises à l'essaie lors des élections complémentaires d'Outremont et de Verchères, en novembre dernier, et le seront aussi lors de l'élection complémentaire à venir dans la circonscription de Sainte-Marie? Saint-Jacques. Certains intervenants, devant cette commission, ont avancé des propositions visant à bonifier les mesures contenues dans l'avant-projet de loi en ce qui touche aux modalités d'exercice du droit de vote ou d'ajouter à celles-ci. Toutes ces recommandations seront soigneusement examinées.

Comme nous pouvions le prévoir, les intervenants devant la commission ont avant tout commenté le projet de réforme du mode de scrutin proposé par l'avant-projet de loi. La grande majorité des personnes que nous avons entendues se sont exprimées en faveur d'un changement significatif au mode de scrutin afin d'assurer une plus grande représentativité de l'Assemblée nationale. Le mode de scrutin que nous connaissons n'est pas sans mérites. Toutefois, force est de constater qu'il produit des distorsions de représentation qui minent la confiance des électeurs envers le processus électoral. Ce que souhaite une majorité significative des intervenants et, je crois, de la population en général, c'est une assemblée nationale qui reflète avec plus de justesse, plus d'équité les voix exprimées lors des élections. J'ai souvent indiqué qu'un tel changement ne pouvait être réalisé qu'en s'appuyant sur un large consensus social en faveur du principe d'une réforme du mode de scrutin. À cet égard, les travaux de la commission ont permis jusqu'à présent de prendre la mesure de ce consensus. Ce désir de changement clairement exprimé s'ajoute aux intentions déjà manifestées par les partis politiques et par plusieurs acteurs de la société civile à l'occasion des dernières élections générales.

n(17 h 20)n

Le défi qui se pose à nous à compter de maintenant consiste à proposer les modalités susceptibles de mieux traduire cette volonté de changement en propositions de réforme concrètes. Dans ce contexte, je crois que trois écueils se dressent devant nous.

Le premier consiste à rechercher à tout prix l'unanimité dans la société. Poser une telle condition équivaut à défendre le statu quo. En effet, un changement de mode de scrutin répond à un éventail très large de valeurs qui ne sont pas toujours réconciliables. Certains préfèrent conserver le mode de scrutin actuel parce qu'il confère un lien très direct entre les électeurs et leurs représentants et qu'il a eu pour effet, jusqu'à présent, au Québec, de produire des gouvernements majoritaires. D'autres souhaiteraient que l'Assemblée nationale reflète de façon mathématique les voix exprimées en faveur des partis, sans égard à l'attachement territorial des élus. De manière générale, nous devons chercher à retenir les modalités qui, d'une part, suscitent les appuis les plus significatifs et qui, d'autre part, sont les plus susceptibles, sur la foi de démonstrations rigoureuses, d'atteindre les effets escomptés. Un tel exercice implique que nous fassions des choix.

Le deuxième écueil consiste à ériger en dogme les préférences que l'on peut exprimer. Nous avons entendu de tels propos à l'occasion. Des personnes de bonne foi sont venues exprimer leur désir de changement, mais en affirmant du même souffle, dans des termes très durs à l'endroit du projet gouvernemental ou de positions exprimées par d'autres, que seules leurs propositions sont dignes d'être retenues et d'être jugées démocratiques. Cette rhétorique rigide peut satisfaire l'esprit mais n'est pas compatible avec un processus de consultation sérieux et ouvert. Elle fait fi d'une réalité incontournable de la politique dans une société démocratique comme la nôtre: il est impossible de retenir toutes les propositions exprimées. A fortiori, comme on l'a maintes fois souligné, il n'existe pas de mode de scrutin parfait, il faut donc choisir ce qui semble le plus approprié. Il faut consentir aussi à donner la chance à une proposition de changement, la chance de subir l'épreuve de l'action et du temps, même si ce n'est pas toujours notre premier choix, quitte à la transformer ou l'ajuster par la suite.

Le troisième écueil est plus insidieux. Il consiste à présumer des effets des changements à travers le seul prisme de la volonté partisane et à subodorer les intentions des acteurs sous ce seul rapport. Pour certains, les élus de quel parti qu'ils soient sont en conflit d'intérêts et devraient être écartés de l'élaboration d'un nouveau mode de scrutin. Cette position est absurde, tout comme l'est la condamnation sans équivoque de l'avant-projet de loi par certains au motif qu'il ne peut être que partisan en faveur du parti ministériel, sous prétexte qu'il est mis de l'avant par le gouvernement. On peut différer de point de vue sur les effets de la proposition gouvernementale ou encore sur les effets de certaines corrections proposées, mais il incombe de documenter les affirmations et non seulement de condamner et de dénoncer de façon péremptoire.

De plus, il faut se garder de présenter comme des faits avérés ce qui relève de la spéculation sur le comportement de l'électorat et des partis en regard d'un nouveau mode de scrutin. Une certaine prudence s'impose donc en ce qui concerne les propositions et autres hypothèses prospectives, comme les projections, à titre d'exemple. Est tout aussi discutable l'attitude de ceux qui, tout en se disant favorables au changement, se confinent à critiquer sans prendre position, sans contribuer de manière constructive au débat.

Le gouvernement a proposé un mode de scrutin précis: la proportionnelle mixte avec compensation régionale afin de faire avancer un débat qui s'était engoncé, au cours des quelque 30 dernières années, sur les mérites ou non d'une telle réforme en fonction de principes et de constats plutôt généraux. En gardant à l'esprit les considérations évoquées précédemment, je retiens que, parmi les grandes familles de modes de scrutin, majoritaires, proportionnels ou mixtes, c'est le système mixte qui suscite les appuis les plus significatifs, et ce, tant de la part des partis politiques que de celui des experts, des organismes et des personnes qui se sont exprimées lors des consultations générales et particulières. En ce sens, le projet gouvernemental parait engagé dans une bonne voie.

Les modalités précises toutefois font l'objet d'avis plus partagés et nécessiteront un examen minutieux. Ainsi, la question se pose de savoir si la compensation doit s'effectuer sur la base de listes régionales, comme le propose l'avant-projet de loi, ou sur celle d'une liste à l'échelle du Québec. Les opinions sont partagées à ce sujet, selon que l'on souhaite maintenir un attachement territorial plus fort pour tous les élus ou selon que l'on favorise le résultat le plus mathématiquement proportionnel.

Certains jugent qu'une compensation nationale favoriserait davantage les tiers partis et, dans une certaine mesure, l'élection d'un plus grand nombre de femmes. D'autres par contre craignent qu'une telle approche ne vienne réduire le poids politique de leur région à l'Assemblée nationale ou ne fasse éclater la représentation à l'Assemblée en une multitude de partis qui rendrait le Québec ingouvernable.

En pratique, il faut considérer les effets propres à chaque approche. La compensation régionale pourrait favoriser l'émergence de partis dont les appuis sont davantage concentrés dans de petits territoires. La compensation nationale pour sa part pourrait favoriser les partis dont les appuis sont dispersés sur l'ensemble du territoire québécois. Quelle approche voulons-nous donc privilégier?

Les tenants de la compensation régionale proposent différentes modalités afin d'améliorer les chances des tiers partis d'être représentés à l'Assemblée nationale: l'agrandissement de la taille des districts; l'agrandissement des districts mais seulement dans les milieux urbains; l'alignement de la compensation régionale sur les limites des régions administratives. Ces différentes propositions devront être étudiées attentivement en fonction des avantages et des effets escomptés de chacune, mais aussi de leur lien avec d'autres modalités.

De façon très nette, une vaste majorité d'intervenants se sont exprimés en faveur d'un deuxième vote. Toutefois, les experts se sont montrés plus nuancés sur les avantages réels de cette option. Le deuxième vote confère plus de choix aux électeurs, il facilite la participation électorale des tiers partis en leur permettant de ne pas présenter de candidats de circonscription. Cet avantage du deuxième vote se transforme en inconvénient aux yeux de ceux qui favorisent un lien plus direct entre l'électeur et le candidat de son choix. Un deuxième vote favorise aussi ce qu'on appelle le «split voting» dont les effets pourraient altérer la correction des distorsions, surtout dans le cadre d'une compensation régionale avec de petits districts. Il faudrait étudier attentivement cette proposition en regard de la forme que pourra revêtir la compensation.

Le rôle du député de liste et la capacité du député de circonscription de s'acquitter efficacement de son mandat dans le cadre de territoires passablement plus vastes soulève aussi de nombreuses questions, surtout en région. On s'interroge aussi sur la pertinence de la double candidature. Certains y voient un facteur qui minimise les différences entre les deux types de députés, d'autres sont réfractaires à l'idée qu'un candidat défait dans une circonscription puisse être élu par le mécanisme de la compensation. Toutes ces préoccupations sont légitimes et méritent qu'on s'y arrête plus longuement.

Plusieurs proposent de conserver le nombre de circonscriptions actuel et d'ajouter tantôt des représentants régionaux tantôt des sièges de compensation nationale. Ces formules ne sont pas sans mérite, mais elles ont pour inconvénient d'augmenter considérablement le nombre d'élus et d'ajouter à la complexité du système électoral en prévoyant la présence de trois catégories de députés. D'autres proposent plutôt d'augmenter le nombre de circonscriptions et de réduire le nombre de sièges de compensation dans des proportions de deux tiers-un tiers, au lieu du 60-40 actuellement proposé. Cette proposition est intéressante, mais elle risque néanmoins de réduire l'effet de correction des distorsions du système.

Dans l'éventualité où la compensation régionale était retenue, il ne faudrait pas écarter la possibilité d'apporter des ajustements à la marge, dans le nombre total d'élus, afin d'assurer à la fois le maintien de territoires moins vastes dans les régions où la géographie fait apparaître cette difficulté, notamment en Abitibi, sur la Côte-Nord et en Gaspésie, tout en assurant l'équilibre du poids politique des régions. Dans ce contexte, je note avec satisfaction que le maintien de la circonscription des Îles-de-la-Madeleine comme circonscription d'exception et la création d'une autre circonscription d'exception, celle du Nunavik, font largement consensus.

Le Directeur général des élections a proposé de conserver le critère actuel de plus ou moins 25 % aux fins de la confection de la carte électorale, plutôt que le critère de plus ou moins 15 % prévu à l'avant-projet de loi. Cette proposition fut reprise avec force en région. Je suis très sensible à cette suggestion qui permettrait de définir des territoires moins vastes dans les régions moins densément peuplées.

n(17 h 30)n

Je constate aussi que les mesures incitatives financières proposées afin de favoriser l'élection des femmes et des candidats issus des minorités ethnoculturelles obtiennent un appui non négligeable. Toutefois, plusieurs proposent de baser le calcul de la mesure visant à bonifier l'allocation annuelle sur le nombre de candidates et de candidats élus et non pas sur le nombre de candidats seulement. Cette approche mérite d'être étudiée attentivement.

En terminant, la question se pose de savoir si l'on doit envisager de soumettre le projet de réforme du mode de scrutin qui sera retenu à un référendum en vertu de la Loi sur la consultation populaire ou encore à un plébiscite lors des prochaines élections générales. Certains se sont dit favorables à une telle initiative; d'autres émettent par contre d'importantes réserves ou ne se prononcent que timidement après de longues questions suggestives ? cela étant dit amicalement.

En région, certains craignent qu'une telle démarche donne aux grands centres urbains l'occasion d'imposer leurs volontés. D'autres doutent qu'une consultation de cette nature ne favorise le maintien du système actuel. Il faudrait donc mesurer attentivement l'intérêt de tenir une telle consultation et, le cas échéant, bien en examiner les modalités.

La commission a permis aux Québécois et Québécoises d'exprimer leurs opinions et leurs attentes à l'endroit d'une réforme de la Loi électorale en général et du mode de scrutin en particulier. La commission a aussi permis à bon nombre de Québécois d'être sensibilisés et de s'informer sur ce projet capital pour l'avenir de notre démocratie. En ce sens, notre travail aura été d'une très grande utilité pour nous-mêmes bien sûr, mais aussi pour nos concitoyens.

Cette consultation s'est déroulée dans un climat serein, propice à la réflexion. Pour ma part, j'ai abordé ce vaste exercice de consultation dans un esprit d'ouverture et d'écoute, avec pour objectif de favoriser le dialogue afin de bâtir le plus large consensus possible autour des changements à apporter au mode de scrutin. Nous avons réalisé des progrès indéniables en ce sens.

Nous entrerons bientôt dans l'étape la plus cruciale et la plus exigeante, soit celle qui consiste à convenir entre membres parlementaires et entre membres citoyens des changements que nous souhaiterions apporter à l'avant-projet de loi en vue de doter le Québec d'un mode de scrutin plus juste et plus équitable, un mode de scrutin qui donnera non seulement le sentiment, mais aussi l'assurance que le vote de chacun compte. Je souhaite que cette étape soit complétée promptement et dans l'esprit de rigueur et d'ouverture qui a animé nos travaux jusqu'à présent. Les citoyens du Québec attendent de nous des résultats tangibles. Pour ma part, je puis vous assurer que le gouvernement du Québec est déterminé à transformer en réalisations concrètes ce débat qui a cours depuis plus de 30 ans. Merci.

Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, M. le ministre, pour ces remarques finales. À mon tour d'en faire quelques-unes très brèves pour remercier les citoyens et les organismes qui ont bien voulu accepter de témoigner devant cette Commission spéciale sur la Loi électorale. Leur contribution a été soulignée combien de fois, et nous leur disons un gros merci.

Je voudrais aussi féliciter et remercier le secrétaire de la commission, M. Breault, pour le travail colossal qu'il a abattu tout au long de ces travaux. Vous avez une capacité du travail absolument extraordinaire, j'en ai été témoin à tous les moments, à tous les instants du déroulement des auditions des travaux de la commission. Vous avez un sens de l'organisation également qui ferait de vous un candidat de premier choix pour tout chef politique qui voudrait recruter un organisateur politique de premier ordre. Aucuns détails ne vous ont échappé, sauf peut-être un, à Sept-Îles, le dîner, mais ça, tout le monde vont vous le pardonner. On vous le pardonnera bien facilement.

Merci également aux parlementaires et aux membres du comité citoyen. Dans le fond, si cette tournée a été un succès, c'est à cause, je pense, de nous tous, autour de la table. Nous étions animés de cette volonté de faire de cette tournée un franc succès, et je pense qu'on peut dire «mission accomplie» à cet égard.

Merci aussi aux collaborateurs des différents porte-parole autour de la table ? qu'on a baptisé le comité technique ? pour le travail que vous avez fait. Sans vous, véritablement, j'aurais été dans le pétrin, comme président de la commission. À plusieurs reprises, aussitôt qu'un problème se pointait à l'horizon, rapidement, avec M. Breault, on se disait: Nous allons donner ce mandat-là au comité technique, et quelques heures plus tard la solution était trouvée. Donc, bravo et félicitations à tout le monde! La tâche que nous venons d'accomplir aujourd'hui a beaucoup demandé de chacun de nous, et je suis fier du travail que nous avons accompli.

De plus, j'aimerais prendre quelques secondes et avoir une petite pensée pour tous ceux qui, dans l'ombre, ont investi leur énergie dans ces travaux. J'aimerais souligner la qualité de la participation des membres des directions et d'un organisme de l'Assemblée nationale qui se sont impliqués dans cette itinérance de la commission à différents titres. Je nomme ces organisations, nous ne les avons pas vues pendant le déroulement des auditions, mais, en les nommant, vous allez rapidement constater toute l'équipe qui était derrière la commission, en commençant par les directions suivantes: de l'informatique, de la Bibliothèque, de la diffusion des débats, de la gestion immobilière, de la recherche en procédure parlementaire, de la sécurité, de la traduction et de l'édition des lois, des affaires juridiques et législatives, des communications bien sûr, des relations interparlementaires et internationales, des ressources financières et des services d'approvisionnement, des ressources humaines, des ressources matérielles et des restaurants, du protocole et de l'accueil, du Secrétariat de l'Assemblée, du secrétariat du Bureau de l'Assemblée nationale, du Secrétariat des commissions ainsi que de la Fondation Jean-Charles-Bonenfant. Ces gens travaillaient dans l'ombre, mais ils étaient tous là pour nous épauler. Leur soutien indéfectible dans la réalisation de leurs missions respectives a permis d'assurer le bon fonctionnement des travaux de la commission, et je tiens, au nom de mes collègues, des membres du comité citoyen et du secrétariat de la commission, à les en remercier très sincèrement.

Alors, là-dessus, la commission ayant accompli son mandat de consultation générale, j'ajourne ses travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 37)


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