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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le mardi 22 septembre 2009 - Vol. 41 N° 3

Consultation générale sur le document intitulé Vers un Régime de rentes du Québec renforcé et plus équitable


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Kelley): Alors, je constate le quorum des membres de la Commission des affaires... oups! la Commission de la santé et des services sociaux. Pardonnez-moi. Alors, je déclare la séance ouverte en rappelant le mandat de la commission.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations générales et les auditions publiques sur le document intitulé Vers un Régime des rentes du Québec renforcé et plus équitable.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Lapointe (Crémazie) remplace M. Turcotte (Saint-Jean) et M. Grondin (Beauce-Nord) remplace M. Caire (La Peltrie).

Le Président (M. Kelley): Bienvenue à nos membres temporaires. Bienvenue, M. le ministre. Bienvenue, chers collègues.

Auditions (suite)

On va passer vite à notre premier témoin, qui est la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, représentée par son vice-président, M. Simon Prévost, et Mme Audrey Azoulay. Vous avez un droit de parole d'une quinzaine de minutes, suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Sans plus tarder, M. Prévost, la parole est à vous.

Fédération canadienne de
l'entreprise indépendante (FCEI)

M. Prévost (Simon): Merci, M. le Président. Membres de la Commission des affaires sociales, bonjour, ça nous fait très plaisir d'être ici ce matin. Et, d'abord, je veux vous remercier de bien vouloir entendre le point de vue des entrepreneurs sur la question du financement du régime de retraite du Québec.

D'entrée de jeu, peut-être un petit commentaire. On est d'avis que circonscrire cette question-là à la mission de la Commission des affaires sociales, c'est un peu limiter, disons, l'étendue de l'analyse du problème dans la mesure où, à notre avis, ça touche autant les questions qui sont adressées normalement par la Commission des affaires... des finances publiques ou la Commission de l'économie, du travail parce qu'en effet la question des régimes de retraite ne se limite pas à celle de la sécurité du revenu, elle touche également la question du poids des charges sociales, bien sûr le dynamisme du marché du travail et donc la compétitivité de notre économie.

n (10 h 20) n

Elle touche aussi la question de la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, celle de la relève et donc celle de notre productivité.

Les défis du vieillissement de la population s'assimilent de plus en plus à ceux, globalement, du développement économique, et en ce sens le financement des régimes de retraite publics doit être analysé de manière globale, en ayant en tête l'impératif absolu de la création de richesse. Or, les avis énoncés dans le document de consultation dont on discute ici aujourd'hui semblent privilégier une approche beaucoup plus comptable et, de ce fait, pourraient être difficilement compatibles avec les intérêts économiques du Québec à moyen et long terme. Le document de consultation privilégie en effet l'augmentation des cotisations soit par l'augmentation du taux lui-même ou par l'augmentation du maximum des gains assurables.

M. le Président, une augmentation des ponctions fiscales sur la masse salariale n'est pas sans conséquence sur notre potentiel de croissance économique. En fait, l'augmentation des charges sociales va totalement à l'encontre des mécanismes de création de richesse et de la valorisation du capital humain, qui sont tant recherchés dans notre économie aujourd'hui dans un contexte de concurrence accrue. Nous aurons l'occasion, dans quelques instants, de développer un peu plus sur ces questions-là, mais nous tenons à préciser, d'ores et déjà, d'entrée de jeu, que la FCEI est catégoriquement opposée à toute augmentation des ponctions fiscales sur la masse salariale, qui, par nature, en taxant le capital humain, est absolument... est difficilement compatible avec les politiques économiques du gouvernement du Québec.

Par ailleurs, le document de consultation mentionne aussi que l'augmentation de l'âge de la retraite serait a priori exclue des solutions envisagées. Non seulement cette tendance, à l'échelle internationale, d'augmenter l'âge de la retraite est de plus en plus précise, mais c'est encore plus important dans le contexte québécois, alors que le vieillissement de la main-d'oeuvre est encore plus aigu et où les retraites sont prises de manière encore plus précoce qu'à peu près partout ailleurs en Amérique du Nord. Il est évident que la protection sociale est de moins en moins le fait d'une volonté politique ou de consensus sociaux et de plus en plus le fait d'une réalité économique, c'est-à-dire notre capacité de payer comme société. Alors donc, dans ce contexte-là, il va falloir faire preuve d'une capacité de changement dans la conception du financement des régimes de retraite. Plus globalement, la tendance à favoriser l'augmentation des revenus fiscaux plutôt que la réduction du poids des dépenses ou la révision des programmes sociaux pour les enligner avec notre capacité de payer est malheureusement très caractéristique des récents gouvernements au Québec.

Il va pourtant falloir faire le saut dans cette direction-là, puisque le vieillissement de la population n'a pas comme seul effet de coûter plus cher à l'État, cela va également compresser les recettes fiscales à la baisse, et cette baisse ne peut pas être compensée continuellement par une hausse du poids des cotisations et autres charges sociales.

En 1997, la réforme du Régime des rentes comptait déjà une augmentation du taux de cotisation de 6 % à 9,9 %. Il s'agissait déjà à cette époque de renflouer les caisses afin d'éviter une augmentation future de ce même taux. Aujourd'hui, on ouvre la porte à une nouvelle augmentation. Et ce que, moi, je vous prédis, c'est que, si on ne profite pas de l'occasion pour faire une réforme en profondeur des paramètres du régime, on va tous se retrouver ici dans cinq ans pour discuter d'une nouvelle augmentation.

De toute évidence, des changements plus structurels donc s'imposent. L'occasion nous semble d'ailleurs idéale pour interpeller le gouvernement, de manière plus générale, sur sa vision en matière de compétitivité fiscale.

Avant de laisser la parole à Mme Azoulay, j'aimerais terminer mon introduction avec ceci: la Régie des rentes n'est pas la seule à taxer le capital humain, elle doit donc, comme les autres organismes, participer pleinement au maintien et à l'amélioration de notre compétitivité fiscale. Aujourd'hui, plus que jamais, la FCEI considère que tous les niveaux de gouvernement et tous les organismes gouvernementaux doivent participer à cet objectif dans le but de créer de la richesse, seule richesse qui va nous permettre de conserver les valeurs québécoises.

Mme Azoulay (Audrey): Merci, Simon. Alors, M. le Président, en effet le régime fiscal appliqué aux entreprises et tout particulièrement aux PME québécoises fait très clairement défaut, et je prendrais quelques minutes pour rappeler à la Commission des affaires sociales un ensemble de faits sur le contexte fiscal des petites et moyennes entreprises.

Premièrement, le taux d'imposition sur les revenus des PME est au Québec deux fois plus élevé que dans les autres provinces canadiennes, avec un taux d'imposition de 8 % au Québec contre 4 % en moyenne dans le reste du Canada. Dans un contexte où les gouvernements provinciaux travaillent à une meilleure intégration économique, cela constitue un désavantage fiscal certain et dont la correction va tôt ou tard devoir être envisagée.

Cela dit, l'imposition des revenus ne constitue pas la plus grosse épine du régime fiscal. Des ponctions fiscales sur la masse salariale sont prélevées indépendamment de la performance des entreprises, ce qui est d'autant plus pénalisant sur leur croissance que, selon les chiffres prévisionnels de 2009, les taxes sur la masse salariale représentent 53 % de l'ensemble des ponctions fiscales aux entreprises du Québec, à comparer avec une proportion de 36 % en Ontario. Cette évaluation est très conservatrice, puisqu'il va... puisqu'il faut y ajouter, à ces 53 %, les cotisations patronales aux régimes de sécurité sociale, catégorie dans laquelle se trouvent justement les cotisations au RRQ.

De plus, selon les dernières statistiques publiées par le ministère des Finances du Québec, on apprend que, par exemple, en 2003, la contribution patronale au fonds des services sociaux représentait 8,3 % du revenu net imposable des petites entreprises, et ça, c'est à comparer avec une proportion de 1,9 % du revenu net imposable des grandes entreprises. Du point de vue des PME, le principe fondamental de la capacité de payer n'est pas ici respecté. Si ces chiffres pouvaient prendre en compte en plus de ça le fait que les PME sont nettement plus intensives en travail que les grandes entreprises, le caractère régressif des ponctions fiscales sur la masse salariale serait davantage accentué. Ajoutez à cela, M. le Président, que les ponctions fiscales sur la masse salariale freinent la croissance des salaires au Québec, réduisent les possibilités d'épargne, réduisent la capacité des PME à embaucher ainsi qu'à rentabiliser les investissements en capital humain et vous conviendrez avec nous qu'augmenter le taux de cotisation à la RRQ comporte de grands risques économiques. Rappelons que la régie prélève autant que 10 % des salaires admissibles et qu'à titre indicatif les salaires représentent 54 % du PIB québécois, ce qui nous oblige ici à insister sur la responsabilité fiscale de la Régie des rentes du Québec.

Je finirais sur la question fiscale avec un chiffre: le Québec représentera, en 2009, 20 % de l'économie canadienne mais prélèvera 51 % du total canadien des taxes provinciales prélevées sur la masse salariale. Étant donné la nature et les effets économiques des ponctions fiscales sur la masse salariale, l'impasse sur un assouplissement n'est pas envisageable.

Comme l'a évoqué M. Prévost plus tôt, économie, démographie et finances publiques se tiennent maintenant main dans la main, et, puisque l'origine du problème qui nous intéresse aujourd'hui se trouve précisément sur le marché du travail, j'aimerais rappeler rapidement un ensemble de faits démographiques et relatifs au marché du travail qui nous aideront peut-être à reconnaître pourquoi l'enjeu qui nous intéresse aujourd'hui est fondamentalement démographique et économique avant d'être mécaniquement comptable et financier.

D'abord, en 2008, le taux d'activité de la population de 15 ans et plus est resté, au Québec, inférieur à celui de l'Ontario de 2,5 points de pourcentage. Par tranches d'âge, le taux d'activité des personnes âgées de 55 à 64 ans est inférieur, au Québec, de 10 points de pourcentage par rapport à l'Ontario. Pour les personnes de 65 ans et plus, cet écart en défaveur du Québec se situe à quatre points de pourcentage. Le tout confirme les observations sur un âge moyen à la retraite plus bas au Québec que dans le reste du pays. En ce qui concerne le nombre moyen d'heures travaillées par personne employée au Québec, la province reste à la traîne par rapport aux autres provinces canadiennes. Un autre chiffre important: dans les entreprises de zéro à 49 employés, la rémunération moyenne hebdomadaire est limitée, au Québec, à 89 % de la moyenne canadienne.

Enfin, en 2008, le PIB par habitant était, au Québec, de 23,5 % plus faible que dans le reste du Canada.

M. le Président, ces écarts ne sont pas sans conséquence sur le financement du RRQ. De ce que nous venons de vous énoncer, permettez-nous de suggérer à la Commission des affaires sociales trois principes de base qui devraient, selon nous, animer sa réflexion.

Principe n° 1: il faut mettre l'accent sur les variables du marché du travail avant de privilégier le raccourci d'une solution comptable, en l'occurrence avant de privilégier l'augmentation des cotisations. Les écarts du Québec en matière de taux d'activité, de taux d'emploi, d'âge effectif de la retraite, du nombre d'heures travaillées, de la rémunération moyenne expliquent pourquoi le Régime des pensions du Canada ne connaît pas les mêmes difficultés que le RRQ.

Le principe n° 2: ne pas faire l'impasse sur l'amélioration de la productivité et de la compétitivité fiscale. Les charges sociales pénalisent l'embauche, les investissements en capital humain, la croissance des salaires, la productivité, autant d'éléments qui doivent justement contribuer au financement durable des régimes sociaux. L'importance des ponctions... pardon, l'importance des ponctions fiscales sur la masse salariale explique en grande partie la faiblesse structurelle de la productivité du Québec. L'équité ne se trouve donc pas dans l'augmentation du taux de cotisation. Ajoutons à ça que, dans un contexte où une meilleure intégration économique est recherchée entre les provinces, se distancier du RPC en augmentant le taux de cotisation serait économiquement dangereux, politiquement irresponsable.

Principe n° 3: il faut réviser la générosité du RRQ pour l'ajuster à la réalité des finances publiques. Que le régime contienne une dimension redistributrice vis-à-vis des moins nantis n'est évidemment pas remis en cause par la FCEI. Cela dit, les politiques sociales doivent toujours prendre en compte la capacité de payer de la société.

Je vais maintenant laisser M. Prévost conclure avec nos recommandations.

n (10 h 30) n

M. Prévost (Simon): Merci, Mme Azoulay. M. le Président, le travail ne pourra jouer son plein rôle dans le développement économique du Québec si les politiques fiscales pénalisent les investissements en capital humain en taxant les salaires. La FCEI s'oppose catégoriquement à l'augmentation du taux de cotisation tout comme à l'augmentation du maximum des gains admissibles. Étant donné l'état de notre compétitivité fiscale, un taux d'activité plus faible, le système qui favorise les retraites anticipées au Québec, il est irresponsable et inacceptable de ne pas traiter les problèmes de financement du RRQ en remettant d'abord en cause les paramètres du régime.

La FCEI recommande donc, dans un premier temps, de desserrer la pression démographique d'abord en augmentant l'âge officiel de la retraite. Le financement des régimes de retraite publics doit s'inscrire dans le nouveau profil démographique du Québec. Il faut se rappeler que le régime a été mis en place dans un contexte où, une fois qu'on prenait sa retraite, on vivait une dizaine d'années. Les paramètres sont les mêmes, alors que maintenant on va vivre une quinzaine d'années. Alors, c'est clair que, sur le plan financier, et sans autre analyse plus approfondie, on s'en va dans une situation où le financement va être carrément intenable, et c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui, d'ailleurs. En considérant une politique, deuxièmement, d'immigration plus agressive. Or, bien sûr, ça aurait comme effet d'augmenter le nombre de cotisants. Et ce n'est pas juste bénéfique pour le financement du RRQ, mais c'est aussi une priorité dans le contexte évidemment de pénurie de main-d'oeuvre qu'on connaît au Québec.

Deuxièmement, la FCEI recommande de prioriser la fiscalité positive, en particulier en faveur de l'épargne et du travail. Pour un fardeau fiscal équivalent, il y a différentes manières de taxer les gens et de taxer les entreprises. Et, à l'heure actuelle, notre système de taxation, comme on l'a démontré, qui est beaucoup trop lourdement fondé sur les taxes fixes sur la masse salariale, nuit à l'emploi, nuit à l'investissement, nuit à la croissance économique. Sur le plan des taxes sur la masse salariale, comme on l'a démontré, les plus petites entreprises paient beaucoup plus que les grandes, et donc il faudra introduire un élément de progressivité dans le système.

Finalement, la générosité du système doit être contenue. Souvent, au Québec, ce qu'on dit, c'est qu'on a les programmes les plus généreux. Prenons, par exemple, le cas du Régime québécois d'assurance parentale. Alors, cette générosité-là n'est pas un signe de notre réussite au Québec dans la mesure où elle n'est pas en ligne avec notre capacité de payer. Alors, à très court terme, c'est joli. À long terme, on frappe un mur.

Finalement, la FCEI recommande de diminuer le taux de remplacement du revenu porté par le régime public et de promouvoir la diversification des sources de revenus de retraite. À cet égard, il est proposé dans le document que la régie prenne davantage en charge le remplacement du revenu, notamment avec l'idée de cotisations volontaires au RRQ. La FCEI n'est pas d'avis que c'est l'avenue à suivre. Nous recommandons plutôt de privilégier l'épargne privée comme moyen d'augmenter le niveau de vie des citoyens à la retraite.

M. le Président, merci de votre attention. Et nous allons donc répondre à vos questions.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Prévost. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission: environ 14 minutes à ma droite et 22, 23 à ma gauche. Alors, je vais couper la poire le plus équitablement possible. Et je vais commencer avec le ministre, M. le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale.

M. Hamad: Merci, M. le Président. M. Prévost, Mme ? attendez, je vais être sûr ? Azoulay, bienvenue. Je reconnais en vous, M. Prévost, un défenseur des PME et cependant j'ai plusieurs questions pour vous. Parce qu'une PME vit dans une société, une société c'est un ensemble, et évidemment notre objectif, c'est aider les PME à grossir parce que c'est les PME qui créent le plus d'emplois au Québec, c'est... l'avenir des PME évidemment, c'est l'avenir économique du Québec, et j'en conviens.

Première question que j'ai pour vous. Vous demandez d'augmenter l'âge de la retraite à 67 ans, parce que vous avez dit... Mme Azoulay a dit que le 10 points de taux d'activité, en Ontario... on se compare à l'Ontario. En passant, je ne sais pas si vous êtes au courant des dernières nouvelles, le taux de chômage, au Québec, est plus bas que l'Ontario, le taux de chômage à Montréal est plus bas qu'à Toronto, et la croissance économique au Québec est meilleure que l'Ontario. Et actuellement on prévoit que, le Québec, pour une première fois depuis 30 ans, la situation économique au Québec, dans l'ensemble, est nettement supérieure. Ça, vous ne l'avez pas mentionné, mais ça vaut la peine. Par contre, le 10 points que vous parlez, là, de taux d'activité, définitivement c'est une réalité.

Par contre, de l'autre côté, il faut tenir compte... Si vous dites qu'il y a un taux d'activité de 10 points et on veut augmenter l'âge de la retraite à 67 ans, comment ça se fait qu'en Ontario l'âge de la retraite n'est pas à 67 ans, obligatoire, mais le taux d'activité est meilleur? La moyenne d'âge de retraite, au Canada, c'est 64 ans. La réalité, elle est là. Au Québec, c'est 62 ans. Alors, les Québécois prennent leur retraite plus tôt qu'ailleurs. Mais ce n'est pas en augmentant l'âge de la retraite qu'on va augmenter le taux d'activité, parce que, la preuve, c'est que, vous l'avez dit vous-même, c'est 10, 10 points de plus qu'en Ontario. Premier point.

Deuxième point. Quand vous parlez: On veut taxer le capital humain, vous savez, je suis convaincu que vos employés qui sont dans les PME sont très heureux du régime d'assurance parentale. Et, vous savez, si on veut assurer notre pérennité, comme société, comme minorité francophone en Amérique du Nord, on devrait... première responsabilité collective, c'est d'assurer qu'on a la relève et, pour assurer qu'on a la relève, c'est que ça prend des programmes pour aider les familles davantage à avoir des enfants, et, la bonne nouvelle, ce que nous avons réussi. Nous avons réussi, et c'est une responsabilité de l'employeur, comme l'employé, parce que, l'employeur, un jour, ça prend la relève, puis la relève, ça ne se fait pas, là, sur une machine, ça se fait dans une famille. Et c'est ça que ça prend pour aider, puis... Ça, c'est le deuxième point.

Troisième point. Vous avez parlé de... Savez-vous, il y a une réalité importante dans votre milieu, c'est que une PME sur quatre n'ont pas de régime? Ils n'ont rien comme régime de retraite pour vos employés. Il y a 75 000 PME au Québec, ils n'ont rien comme régime de retraite. Et là, je vais vous le dire, moi, je suis prêt à vous aider pour qu'il y ait des régimes. Dites-moi c'est quoi, la solution. Et déjà on le fait, d'ailleurs on travaille ensemble pour faire la promotion des mises en place des régimes de retraite, mais, les résultats, il reste qu'il y a 1 million de Québécois aujourd'hui qui n'ont aucun régime de retraite au Québec. 1 million, c'est un travailleur sur quatre au Québec, et ces gens-là méritent d'avoir quelque chose, pas parce qu'ils ne veulent pas. Parce que, si la recette existe, si tout est facile, si tous les moyens sont là, en place, pourquoi ils n'en ont pas? Pourquoi que vos PME n'ont pas de régime en place? Il y a sûrement des bonnes raisons qui existent. Et, nous, comme responsabilité, c'est aider ces entreprises-là à avoir des régimes.

Donc, quand vous parlez de taxer, oui, définitivement, la masse salariale est plus taxée qu'ailleurs, définitivement, vous avez raison, c'est un grand défi pour nous, mais en même temps les Québécois veulent avoir plus de services, ils veulent avoir les meilleurs services. Demandez à vos employés: Demain matin, on va-tu arrêter l'assurance parentale? Vous allez voir. Et un patron, il a un enfant, peut-être. S'il est un peu plus vieux, il doit avoir un enfant qui a des enfants et, lui aussi, quand il regarde son petit-enfant qui est né récemment, il va être fier de ça aussi. Et donc il faut voir.

Alors, ma question, je vais revenir à ma question, là, j'ai plusieurs... Première question: Qu'est-ce qu'on peut faire pour vous demain matin pour aider que vos PME aient des régimes de retraite, demain matin?

Le Président (M. Kelley): M. Prévost.

M. Prévost (Simon): Merci, M. le Président. Alors, je suis très heureux de voir que notre présentation suscite beaucoup de questions intéressantes de la part du ministre. On va essayer d'y aller dans l'ordre, en essayant de n'en oublier aucune.

D'abord, effectivement, mon intention ici ne sera pas de faire un débat sur les variables économiques fondamentales. Effectivement, pour rassurer le ministre, on est très au courant que, je dirais, momentanément le taux de chômage est plus bas au Québec et que la croissance économique effectivement est meilleure. Si on prend les variables du marché du travail... et l'analyse du taux de chômage est peut-être la variable la plus difficile à interpréter dans la mesure où la variable clé, en réalité c'est le taux de participation au marché du travail parce que ça a une influence directe sur le taux de chômage. Et ce qui est certain, c'est que les tendances lourdes ne favorisent pas le Québec. Et, ce qui est clair, sur une perspective de conjoncture, si on ne fait rien pour favoriser davantage le travail au Québec et ramener les gens sur le marché du travail, ce que d'ailleurs le gouvernement essaie de faire de belle manière avec le Pacte pour l'emploi, on va voir rapidement que l'Ontario va reprendre le dessus en termes de taux de chômage et en termes de croissance économique.

Ceci étant dit, pour revenir à la question de l'âge de la retraite et du taux de participation, justement je voudrais préciser une chose: l'un ne va pas nécessairement avec l'autre. Et effectivement, dans ce sens-là, l'analyse, M. le Président, du ministre est tout à fait correcte, il n'y a pas nécessairement de lien de causalité, mais ce qui est certain, c'est que, nous, ça fait plutôt référence à la question de dire que ça nous prend un plus grand bassin de cotisants. Et aussi ça fait référence au fait qu'on a un système qui a été «designé», si vous me permettez l'expression, pour payer des rentes à peu près une dizaine d'années. Il faut se rappeler, il y a 40 ans, c'était quoi, l'espérance de vie. L'espérance de vie a augmenté considérablement en 40 ans, de telle sorte que de deux choses l'une: soit qu'on essaie de garder grosso modo, à peu près, le même nombre d'années qu'on veut payer en moyenne par rapport à l'espérance de vie, ça, ça veut dire augmenter l'âge de la retraite, ou soit qu'on va modifier les paramètres du régime pour pouvoir continuer d'avoir une retraite à 65 ans puis avoir les moyens de payer pendant 15 ans en moyenne plutôt que de payer pendant 10 ans. Et on l'a déjà... et en fait tout ça dans un contexte où l'aspect démographique a évolué de manière très défavorable pour le bassin de main-d'oeuvre au Québec.

Et, dans ce sens-là, je veux saluer aussi les efforts du gouvernement pour favoriser une retraite progressive. Donc ça, effectivement ce sont de bonnes mesures et qui pourraient commencer à pallier et ramener peut-être l'âge moyen de la retraite un peu plus en ligne avec l'âge moyen canadien. Mais notre objectif, en proposant d'augmenter l'âge de la retraite, c'est beaucoup plus de s'attaquer à un élément structurel du régime, parce que, là, il va falloir faire un constat. On n'est pas pour, comme je le disais, se voir à tous les cinq ans pour discuter de nouvelles augmentations.

n (10 h 40) n

Alors, il va falloir voir comment on peut influer sur les variables structurelles, puis ça, c'en est une qui est structurelle. Écoutez, on sait très bien qu'on n'arrive pas ici avec une proposition qui est populaire, mais on sait très bien qu'on n'imagine pas quiconque assis autour de la table en face de nous commencer à proposer ça, parce que ce n'est pas populaire.

Ceci dit, nous, on n'est pas ici pour être populaires, on est ici pour essayer de voir qu'est-ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas dans le régime et d'essayer de voir... dans le fond, de se sortir la tête du sable. Et je dis ça en tout respect. Je ne sous-entends pas ici que les membres de la commission ont la tête dans le sable, là, mais il reste que collectivement il faut qu'on s'ouvre les yeux et qu'on regarde effectivement quelles sont nos options. Et, nous, on pense que c'en est une qu'il va falloir examiner. Peut-être que ce ne sera pas une option qu'il va falloir privilégier, mais, à ce moment-là, il va falloir qu'on trouve d'autre chose.

Maintenant, petite parenthèse sur le RQAP, parce qu'en fait je suis heureux qu'on amène le sujet ici du Régime québécois d'assurance parentale parce que, pour nous, le financement du RRQ, le financement du Régime québécois d'assurance parentale, globalement la fiscalité et des individus et des entreprises est au coeur du débat ici. Parce qu'il n'y a pas aucun programme social, il n'y a pas aucune une mesure sociale qui est en isolation des autres au Québec, et encore une fois c'est une question de choix. Maintenant, qu'est-ce qu'il en est? C'est vrai que les travailleurs apprécient le Régime québécois d'assurance parentale, et je suis même prêt à concéder que ça peut avoir un impact direct sur le nombre des naissances. Quand je dis «concéder», c'est qu'évidemment il faudrait peut-être faire des études un peu plus approfondies pour savoir exactement c'est quoi, les facteurs qui ont amené les gens à faire plus d'enfants. Mais c'est sûr que la politique familiale, incluant les garderies, etc., a amené un regain de la natalité.

Ceci étant dit, on n'est pas en train, et je veux bien le préciser, de proposer de revenir en arrière sur le Régime québécois d'assurance parentale. Ce qu'on dit, c'est que les paramètres du régime sont effectivement beaucoup plus généreux qu'ailleurs au pays. Il y a peut-être moyen de voir si on peut être plus généreux sans l'être autant. Il y a peut-être surtout moyen de revoir le financement de la chose. Je vous rappellerai que, du point de vue des entreprises, ils paient quand même, puisque c'est globalement associé au régime fédéral d'assurance-emploi, ils paient quand même une portion plus grande que les travailleurs qui en bénéficient, donc 1,4 fois le taux des employés. Donc, si on avait juste une proposition qui irait pour un rééquilibrage de ça, je suis convaincu qu'et les PME qu'on représente et les employés qui bénéficient du programme seraient très heureux.

Finalement, pour répondre à votre question, qui est fondamentale, le fait que les PME effectivement n'offrent pas souvent des régimes de retraite, et qu'est-ce qu'on peut faire, comment vous pouvez nous aider, comme parlementaires, pour améliorer la situation des travailleurs dans les PME?, bien je dirais d'autre chose, je dirais, dans un premier temps, il y avait une question qui était très directe: Pourquoi il n'y en a pas dans les PME? Je vous dirais que toute la démonstration, qu'on a faite, de la manière dont les PME vivent une situation qui est fiscalement pénalisante au Québec, c'est déjà un début de réponse. Mais... et donc ça coûte cher effectivement, et là ils n'ont pas les moyens de faire ça.

Comment on peut faire ça? Je pense qu'une de nos propositions qui est de privilégier l'épargne privée, ça commence à être un début de réponse. Comment on peut privilégier l'épargne privée? Peut-être avec... Et là je n'ai pas de proposition très, très détaillée là-dessus, mais disons que l'idée générale là-dedans, c'est d'y aller peut-être avec un truc qui ressemblerait au compte d'épargne libre d'impôt, le fameux CELI, mais, disons, avec des paramètres qui nous amèneraient plutôt vers un compte de retraite, si on veut, libre d'impôt, quelque chose qui serait substantiellement différent des REER actuels dans sa conception pour générer davantage d'épargnes, parce qu'il va falloir effectivement en générer, de l'épargne, si on veut que l'épargne serve à la retraite.

Et là ça nous ramène, là... on boucle la boucle, ça nous amène à comment on va faire ça. Ça ne peut pas se faire sans réfléchir aux paramètres de création de richesse au Québec. Parce que, quand je dis: Création de richesse, ce n'est pas juste la création de richesse pour les entreprises. Quand il y a une création de richesse, c'est tout le monde qui en profite, et les individus, et les citoyens, et les entreprises. Donc, tout ça est un tout, finalement.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Hamad: M. Prévost, je pense qu'on est tous d'accord pour encourager les personnes qui sont entre 60 à 65 ans de rester sur le marché du travail le plus longtemps possible. Ça, il faut qu'on le fasse, il faut qu'on le fasse au Québec. Et on a fait des gestes, on a posé des gestes, puis il faut qu'on continue à toujours penser à ça. L'impact entre 62 et 64 ans, c'est 75 000 Québécois. C'est énorme. C'est beaucoup de travailleurs qu'on peut maintenir sur le marché du travail. Ça, on s'entend.

Maintenant, la question que... Mettez-vous à notre place, mettons. Puis, nous aussi, on ne cherche pas être populaires uniquement, on a une responsabilité. Notre responsabilité, c'est la qualité de vie de nos citoyens. Mettons que vous ne voulez pas être populaires. Venez ici une journée, avec le contexte qu'on a. Les actuaires nous disent: Il y a une question démographique. Dans tant d'années, vous avez un problème dans les fonds au régime de rentes de retraite. Oublions la Caisse de dépôt, O.K., parce que la Caisse de dépôt, c'est conjoncturel, mais il y a un problème structurel, c'est la démographie. Et l'analyse dit que, d'ici tant d'années, il va manquer d'argent. Il faut payer. On a deux choix: ou on ne fait pas payer personne aujourd'hui puis on attend dans quelques années, mais là il y a une augmentation énorme, ou on essaie de balancer ça aujourd'hui, ou vous coupez dans les services que vous donnez. Alors là, vous avez... Ou vous pouvez faire le mixte des deux.

Là, qu'est-ce que vous feriez? Là, un matin, vous vous dites: Ah, moi, je ne veux pas voir aucune augmentation. Je comprends. C'est facile, là. Si on n'augmente pas, c'est correct, ça règle le problème. Mais là qu'est-ce que vous faites, là? Vous allez couper où, vous allez couper dans quoi et vous allez faire quoi?

Le Président (M. Kelley): M. Prévost.

Une voix: ...

Le Président (M. Kelley): Mme Azoulay.

Mme Azoulay (Audrey): Merci. Juste une remarque, je dirais, d'ordre un peu économique avant que M. Prévost poursuive. Les coûts salariaux, du point de vue d'une entreprise, c'est à la fois des salaires, la rémunération puis à la fois les charges sociales. Donc, du point de vue d'une entreprise, c'est cet ensemble-là qui est considéré pour une entreprise, ce qui signifie que, lorsqu'on augmente les charges sociales, forcément on oblige un arbitrage plus favorable aux charges sociales qu'à la rémunération. Et le niveau des taxes sur la masse salariale au Québec et des différentes cotisations, différentes charges sociales explique grandement le fait que les salaires sont plus faibles au Québec que dans les autres provinces, ce qui fait que finalement il y a un niveau optimal, là, je dirais, pour taxer les masses salariales, et, au-dessus de ce niveau-là, on finit pas pénaliser les salaires et on finit éventuellement par pénaliser l'assiette fiscale sur laquelle on va chercher des cotisations.

M. Hamad: ...votre analyse, là, je ne suis pas économiste, là, peut-être ce n'est pas une qualité, mais, je vous le dirais, là, quand vous parlez masse salariale, là, il faut avoir une vision globale. Tu sais, ne dites pas que la masse salariale est plus importante, donc les salaires c'est moins, là. Ne faites pas cette équation-là automatique, là. C'est: en fait, là, vous savez qu'au Québec les subventions aux entreprises, c'est beaucoup plus élevé qu'en Ontario. Savez-vous qu'ici, au Québec, il y a 2, 3 milliards de subventions aux entreprises qu'on faisait, qu'on fait? Alors, ce qui rentre, ce qui sort, c'est toujours dans le même équilibre, là. Ça, l'ingénieur qui vous parle, là, c'est l'équilibre, là, la loi Lavoisier, là, il y a rien n'y perd, rien à perdre là-dedans.

Donc là, c'est important en même temps qu'on consolide. Le Pacte pour l'emploi qu'on fait, 1 milliard de dollars, 1,5 milliard pour aider les entreprises, pour faire la formation, c'est de l'argent qui va faire la formation des travailleurs à l'entreprise. Ça vient des taxes, ça vient des impôts, mais ça retourne aux travailleurs, ça aide l'entreprise, ça aide votre performance, ça aide votre productivité. Alors, ce n'est pas l'équation, de dire: On... Demain matin, vous êtes en train de dire: Si on baisse la masse salariale, l'entreprise va payer plus cher. C'est le marché libre actuellement. Si vous avez un bon travailleur, vous allez payer le salaire qui équivaut, sinon vous allez le perdre, actuellement. Et bien sûr, quand il y a une convention collective, c'est pour avoir une paix sociale, pour aider les deux parties à bien travailler.

Mais je reviens à ma question. Qu'est-ce que... C'est facile de dire: Je ne vais pas augmenter. Dites-moi c'est quoi, la solution.

Le Président (M. Kelley): Dernier commentaire, M. Prévost, parce que je dois passer la parole à ma gauche.

M. Prévost (Simon): Merci, M. le Président. Très brièvement. D'abord, petite remarque. Je ne peux pas m'empêcher de le faire, là. Nous, évidemment, on est comme vous, on représente des gens, hein? Vous représentez vos électeurs, vos commettants, nous, on représente nos membres. Nos membres nous disent que le fardeau fiscal est trop élevé, et que ça les étouffe, et que ça nuit à leur croissance puis à leur embauche, en partant. Sur les subventions, c'est surtout les grandes entreprises au Québec qui en reçoivent. Donc, déjà, moi, je représente les plus petites.

Ceci étant dit, sur l'approche, O.K., qu'est-ce qu'on peut faire? Parce que je sais que ça paraît du genre: Bien oui, vous n'en voulez pas, de hausse. Qui veut se faire augmenter les taxes? Vous non plus, vous ne voulez pas.

M. Hamad: Vous êtes sur la commission du marché du travail, là, c'est vous, là, votre commission, avec votre rôle actif, vous avez mis le programme SERRE.

M. Prévost (Simon): C'est à peu près le seul. Merci d'en parler, parce que c'est à peu près le seul dont les PME bénéficient.

M. Hamad: Le programme SERRE, là, il y en a combien de grandes entreprises là-dedans, M. Prévost? Combien de grandes entreprises là-dedans, dans le programme SERRE?

M. Prévost (Simon): Bien, je vous dirais que le programme SERRE, qui va avoir dépensé, en bout de course, à peu près une cinquantaine de millions, est effectivement bien utilisé par les PME. Ceci étant dit, le gros programme, là où est l'argent, c'est dans le programme Renfort, puis ça, ce n'est pas les plus petites qui en profitent.

Ceci étant dit, pour répondre à la question, parce que vraiment on s'égare, là, c'est précisément ce que je disais, c'est facile de dire: On ne veut pas de hausse, mais, nous, ce qu'on dit depuis le début dans notre mémoire, c'est que ça prend une approche globale. Alors, effectivement, c'est une position, qu'on pourrait dire dans le langage des négociations, une position de départ. On sait bien qu'à terme il va falloir peut-être admettre qu'une certaine hausse soit nécessaire, mais elle est totalement inadmissible pour les gens qu'on représente si elle ne s'accompagne pas d'une réflexion sur les paramètres du régime, et puis d'une réflexion sur comment augmenter le bassin de travailleurs, puis un plus grand taux d'activité au Québec, un âge plus élevé de la retraite. Et c'est ça qu'on veut proposer ici, c'est de dire: Ne vous limitez pas peut-être aux quelques options qui sont regardées dans le document de consultation parce que la question est beaucoup plus large. Et là on veut lancer le débat. Et ce ne sera pas demain matin qu'on va trouver une solution. Mais il va falloir y réfléchir. Moi, j'aimerais qu'on puisse.

Ça peut être le lancement d'un débat et non pas juste: On vient dire nos affaires, puis on vous laisse ça, puis après ça on n'en parle plus jusqu'à temps que la réforme arrive, là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Prévost. Mme la députée de Crémazie.

n (10 h 50) n

Mme Lapointe: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Prévost, Mme Azoulay, merci pour votre mémoire. Évidemment, vous suscitez beaucoup d'interrogations à travers ce mémoire-là, mais, moi, j'aimerais revenir sur la question. Vous dites que la PME, l'entreprise est défavorisée ici, au Québec, versus des concurrents, des entreprises concurrentes à l'extérieur du Québec. Est-ce que l'un dans l'autre... est-ce que vous pouvez nous dire... Vous devez avoir fait ces calculs-là.

Mme Azoulay (Audrey): Parlez-vous de la compétitivité fiscale?

Mme Lapointe: C'est-à-dire vous parlez toujours de charges, hein, sur la masse salariale au Québec pour les entreprises. C'est vrai que, si on ne regarde que ça, ça peut paraître plus élevé ici. En fait, si je vous parle de ça, c'est parce qu'ensuite je veux revenir sur le fond de votre mémoire, mais j'aimerais... si vous avez des chiffres.

Mme Azoulay (Audrey): La fiscalité des entreprises est de... grosso modo, c'est quoi? C'est les impôts sur le revenu, c'est les taxes sur la masse salariale et les autres cotisations patronales sur les régimes sociaux. Il y a encore un peu de taxe sur le capital qui aujourd'hui touche bien plus les grandes entreprises que les petites entreprises mais qui est encore existante et qui envoie toujours un signal négatif vis-à-vis des investisseurs. Donc, concentrons-nous d'abord sur les impôts sur le revenu. Les impôts sur le revenu, pour les petites et moyennes entreprises, le taux statutaire officiel, c'est 8 % au Québec et en moyenne c'est 4 % dans le reste du Canada. Ça, ça veut dire que, sur les profits des entreprises, le taux, la taxation, l'imposition est deux fois plus élevée au Québec que dans le reste du Canada, donc on pénalise déjà bien plus le profit. Ça nous pose moins de problèmes que les charges fixes, les impôts fixes tels que la taxe sur la masse salariale, parce que plus une entreprise performe, plus elle est taxée, c'est moins pénalisant pour la viabilité de son entreprise.

Par contre, pour une charge fixe comme les taxes sur la masse salariale ou les cotisations aux différents régimes sociaux, que l'entreprise aille bien ou que l'entreprise aille moins bien, O.K., qu'elle ait un financement confortable ou pas, eh bien, ses charges sociales sont les mêmes année après année pour qu'elle... si elle garde le même nombre d'employés. Mais une petite et moyenne entreprise... une petite entreprise en l'occurrence, je veux dire, un employé en moins, là, c'est beaucoup trop de commandes en moins, là. D'ailleurs, les statistiques le montrent, c'est: les petites et moyennes entreprises débauchent moins que les autres. Cela signifie que, pour une petite et moyenne entreprise, les charges sociales sont énormes et fixes donc, indépendamment de leur performance.

Et c'est en ce sens-là qu'on dit que le régime fiscal est rigide vis-à-vis des entreprises et qu'il faut desserrer cette contrainte-là au niveau des charges sociales. Donc, ici aujourd'hui augmenter le taux de cotisation, ça va exactement dans le sens contraire des intérêts économiques du Québec.

Mme Lapointe: Mais vous ne me dites pas si nous sommes défavorisés. Si je suis une petite entreprise au Québec, une PME, est-ce que je suis défavorisée dans l'ensemble, par rapport à nos concurrents de l'extérieur du Québec?

M. Prévost (Simon): Bien, en fait, pour rajouter à ce que Mme Azoulay vient de dire, il y a différentes façons de l'examiner. Nous, à la FCEI, on l'a examiné très récemment, là, au printemps dernier, en comparant cinq grands champs de taxation et qui ont un impact sur les PME et en comparant à ce qui se fait dans les autres provinces. Et c'est, sans entrer dans les détails, c'est quand même plus d'une soixantaine de variables fiscales qu'on a examinées pour les comparer d'une province à l'autre. Et ce qu'on constate, sur ces cinq grands champs... Les cinq grands champs, il y avait évidemment les taxes sur le capital, les taxes sur la masse salariale, impôt sur le revenu des particuliers et des entreprises et aussi taxes de vente et d'accise. Sur ces cinq grands champs là, il y en a trois où le Québec se classe en queue de peloton, donc où on a les conditions les plus défavorables, incluant l'impôt des particuliers, soit dit en passant. Et où on s'en tire un peu mieux, c'est du côté de la taxe de vente et d'accise parce qu'effectivement on a un système qui est mieux organisé. Effectivement, c'est une taxe aussi, soit dit en passant, qui est beaucoup moins pénalisante et qui est très progressive aussi.

Donc, dans ce sens-là, il y aurait peut-être des choses à faire de ce côté-là. Mais ce qui est certain, c'est que, quand on compare globalement, ensemble, tous ces cinq champs de taxation, le Québec effectivement est l'endroit où la situation fiscale est le plus difficile pour les entreprises. Et ça, il ne s'agit pas d'avoir une position idéologique, il faut comprendre c'est quoi, le rôle que la fiscalité joue dans la société. Puis, à un moment donné, comme dit le dicton, trop d'impôt tue l'impôt. Et puis on est rendus à ce stade-là au Québec.

Donc, en rajouter, bien, je veux dire, sur le plan économique, on risque d'avoir des impacts néfastes à moyen et long terme, qui vont annuler les hausses qu'on va devoir décréter. Et donc ce n'est même pas efficace sur le plan économique.

Mme Lapointe: Alors, écoutez, je reviens à notre régime de retraite, notre Régime de rentes, qui est la base pour l'ensemble des Québécois. Quand ça a été institué, c'était pour la majorité des travailleurs, c'était leur seule possibilité de réussir à économiser, avoir une économie pour leur retraite.

Je comprends vos réticences sur l'augmentation des taux, mais il faut comprendre aussi que ce régime-là n'est pas un régime d'une générosité extraordinaire, il remplace au mieux, environ, 25 % du revenu de travail, donc c'est nettement insuffisant pour vivre. Et je pense que vous admettrez que, dans les membres que vous représentez, peu d'entreprises peuvent avoir un régime complémentaire de retraite assumé à la fois par le travailleur et l'employeur. Je pense qu'on ne peut pas descendre, on ne peut pas reculer en deçà des avantages qui sont dans ce régime en ce moment en termes, si vous voulez, en termes de remplacement de revenu. Et augmenter l'âge de la retraite, moi, je sais que, pour certaines personnes, ça ne poserait pas de problème, mais il y a des travailleurs qui ont commencé à travailler à 16 ans, à 17 ans dans des conditions de travail absolument difficiles, qui arrivent aujourd'hui, à 55, 56, 57 ans, déjà fatigués. Je pense que ce serait complètement irresponsable de retarder l'âge de la retraite d'une façon arbitraire pour tout le monde.

J'aimerais vous entendre sur ce que je viens de vous poser comme problème.

L'autre jour, on avait des... on a reçu des personnes, des professeurs d'université qui nous disaient: Bien, nous, on continue à travailler. Mais, tu sais, le professeur d'université, quand il arrive à 71 ans, s'il veut continuer à travailler, il doit quand même retirer son fonds de retraite. Alors, il a une augmentation de salaire de 60 % à 71 ans, ça vaut la peine. Mais ce n'est pas la même chose que travailler dans une mine ou travailler, enfin, dans des conditions difficiles.

M. Prévost (Simon): Bien, ça, là-dessus effectivement c'est deux bases de comparaison assez extrêmes, là, et ce que... Ce qu'il s'agit de voir, il ne s'agit pas d'être bête et méchant non plus dans n'importe quelle mesure qu'on voudrait pouvoir mettre en place. Effectivement, l'objectif... Vous parliez de générosité, puis il y a 25 %, ce n'est pas grand-chose, donc. Bien, c'est ça, c'est inacceptable. Moi, je vous dirais qu'à la limite c'est vrai que ce n'est pas grand-chose, mais une baisse de... même modérée, O.K., associée à d'autres mesures qu'on propose, comme peut-être davantage inciter les gens à prendre leur retraite plus tardivement ou l'augmentation de l'âge de la retraite, pourrait régler, une bonne fois pour toutes et à long terme, la question du financement du régime. Il y a peut-être d'autres paramètres, et non pas le niveau de remplacement de revenu, qu'on pourrait regarder, qui pourraient être mis en place.

Je pense que la question d'augmenter l'âge de la retraite... Pour revenir à votre exemple: je travaille dans une mine depuis que j'ai 16 ans, je suis rendu à 55 ans, je commence à en avoir assez, comme on dit, je pense qu'il y a moyen de moduler ça, hein? Comme vous dites, l'augmenter de manière arbitraire pour tous; ah, peut-être que, là, on a une solution ici. Ce n'est peut-être pas pour tous, c'est peut-être pour les nouveaux entrants sur le marché du travail ou peut-être pour ceux qui sont là depuis un certain nombre d'années, mais pas dépasser un autre, tu sais, je ne sais pas, moi, un certain seuil. Ceux qui ont environ une quarantaine d'années, je pense que ce ne serait pas... c'est préjudiciable pour eux de savoir qu'ils vont devoir travailler deux ans de plus avant l'âge officiel de la retraite.

Ceci étant dit, si... l'âge officiel de la retraite, c'est une chose, hein, mais ici, au Québec, la retraite est déjà beaucoup... se prend à un âge beaucoup plus faible que l'âge officiel. Ça veut dire que ce n'est pas une si grosse contrainte que ça dans le contexte du système actuel. Donc, il y a peut-être lieu de plutôt jouer sur les paramètres, O.K., qui favorisent les retraites anticipées pour faire en sorte, comme M. le ministre le disait tantôt, de garder les gens plus longtemps sur le marché du travail. À mon avis, c'est deux solutions qui se valent. Mais c'est clair qu'encore une fois, sur les paramètres financiers, si on veut continuer d'offrir 25 % de remplacement de revenu et dans un contexte où, là... À l'époque, on avait cinq payeurs de taxes par retraité, puis on s'en va vers trois payeurs de taxes par retraité.

Alors, je comprends qu'il y a une question d'équité intergénérationnelle qui entre en jeu puis qu'effectivement, le travailleur qui, lui, a travaillé toute sa vie en sachant qu'il va prendre sa retraite à 65 ans, tu ne peux pas lui arriver à deux ans de sa retraite puis dire: Bien là, tu sais, tant pis, là, là, ça va être deux ans de plus.

Mais en même temps cette personne-là, dans le fond, a contribué et va demander à beaucoup de moins de payeurs de taxes de contribuer le même niveau de revenus que son prédécesseur. Donc là, je veux dire, je vous pose la question: Comment réglez-vous ce problème d'équité intergénérationnelle là? Parce que ce qui va arriver finalement, c'est qu'on va se retrouver avec des gens qui aujourd'hui, quand eux-mêmes vont arriver à la retraite, vont bénéficier d'un niveau de vie... parce que le système va imploser, là, ils vont bénéficier d'un niveau de vie qui va être plus faible que leurs parents. Puis là on va présider à un retournement. Alors que, depuis des centaines d'années, chaque génération après l'autre avait augmenté son niveau de vie, mais là on est rendus où l'élastique est tellement étiré qu'on risque de se retrouver avec une... à cause de la pyramide inversée sur le plan démographique, on va se retrouver avec une génération ou quelques générations qui, dans le fond, vont voir leur niveau de vie décroître par rapport à celui de leurs parents.

Puis est-ce que c'est ça qu'on veut, comme société? Je vous pose la question. Il va falloir trouver des solutions à cette problématique-là parce que, la question de l'équité, je veux dire, on ne peut pas être insensibles à ça, là. Je comprends que la question d'assurer les bons revenus de retraite aux travailleurs d'aujourd'hui, c'est important, aux travailleurs de demain, mais, l'équité intergénérationnelle, il va falloir y voir aussi.

n (11 heures) n

Mme Lapointe: Si on parle d'équité intergénérationnelle, il faut toujours penser que les personnes qui arrivent à l'âge de la retraite aujourd'hui ont énormément, ont énormément investi pour que les jeunes générations puissent bénéficier de choses dont on ne bénéficiait pas il y a 35 ou 40 ans. Il faut toujours penser à ça aussi. Il n'y avait pas d'assurance médicaments il y a 20 ans, il n'y avait pas de garderie à 5 $ ou à 7 $. Il n'y avait pas non plus d'assurance parentale. Et je vous invite à consulter, vous l'avez probablement fait, mais les dernières données statistiques de l'Institut de la statistique du Québec sur les prévisions démographiques, qui sont beaucoup plus positives que celles qui avaient été... qui ont été utilisées à la fois dans nos documents, ici, et qui ont été utilisées... bon, enfin, les données de 2006. Le rapport qui vient de sortir est très, très encourageant. Alors, je pense qu'il ne faut pas être pessimiste.

M. Prévost (Simon): Moi, je vous... Je pense que c'était plus une remarque qu'une question, mais je vais juste passer un petit commentaire là-dessus.

Effectivement, il y a beaucoup de choses que la génération précédente, si on veut, ou qui arrive à la fin de sa vie utile a sacrifiées pour qu'on ait, par exemple, les éléments, dont vous parliez, sur le plan des politiques, mais je vous dirais qu'ils nous ont aussi laissé quelque chose qui n'existait pas il y a 40 ans, c'est une dette énorme, qui continue d'augmenter de manière très importante. Donc là, je veux dire, il n'y a rien de gratuit. Puis, la dette, ce n'est pas eux qui vont la payer, c'est ceux qui suivent. Alors, je veux dire, on reste quand même... le dilemme de l'équité intergénérationnelle demeure entier, si vous... Ce serait mon petit commentaire là-dessus.

Mme Lapointe: Oui. Bien, écoutez...

Le Président (M. Kelley): Dernier court commentaire.

Mme Lapointe: Oui. La question de la dette, tout le monde est traumatisé, on naît avec, je pense, 45 000 $ de dettes. Il faut faire attention, là, il y a des investissements là-dedans. Les investissements, ça ne se paie pas avec les budgets, les budgets courants. Je pense qu'il va falloir qu'à un moment donné on rétablisse les faits, là, à cet égard-là. Je pense que ça crée une panique peut-être un petit peu exagérée. Mais je vous remercie pour vos réponses. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Alors, écoutez, moi, je trouve que votre... ce que vous nous apportez ici aujourd'hui est... c'est rafraîchissant, parce que, moi, ça me... disons que ça va dans ce que je pense. Je veux... Le taux maximum, là, mettons, un travailleur qui gagne, je ne sais pas, moi, 40 000 $, versus le travailleur qui gagne 100 000 $, la cotisation, est-ce qu'elle est la même?

M. Prévost (Simon): Oui. Bien, elle va être la même. Elle va être la même dans la mesure où il y a un maximum de gains admissibles, là. Alors, ça dépend si effectivement le... Mettons, si le salarié est au maximum de gains admissibles, de fait on va se trouver à payer exactement le même montant. Et, dans ce sens-là, ça pourrait être une solution, de se dire: Bien, on va augmenter le maximum de gains admissibles, O.K., on va aller chercher de l'argent là. Le problème, c'est que le système d'imposition... Et là on va chercher donc davantage de revenus dans ce qu'on pourrait appeler la... moyenne aisée, parce que quand même, il faut s'entendre, là, au Québec, ça ne prend beaucoup d'argent pour être considéré comme riche, là. Mais, disons, que, quand tu dépasses le maximum de gains admissibles puis tu irais, par exemple, à un niveau d'une soixantaine de mille, ce n'est quand même pas des revenus exorbitants.

Mais les gens... cette tranche-là est déjà extrêmement taxée. Et le système est extrêmement progressif. Et là ça rajouterait davantage de progressivité dans le système, alors que, sur le plan de l'impôt des particuliers... puis évidemment les entreprises, c'est la même chose, ils paieraient leur part aussi de ça... Ce qu'on dit, c'est que l'élastique est déjà étiré au maximum. Alors, soit qu'on peut décider philosophiquement ou même économiquement... vous allez toujours trouver un économiste pour dire qu'on peut taxer davantage parce qu'on a besoin de programmes sociaux puis qu'à terme c'est bon, puis, bon, etc.

Nous, évidemment, le point de vue qu'on relaie, c'est le point de vue de nos membres, hein, évidemment ce n'est pas un débat philosophique qu'on fait ici, et, eux, ils disent: Arrêtez, l'élastique, là, il est étiré au maximum.

M. Grondin: O.K. C'est parce que vous dites que, gagner 60 000 $, au Québec on peut être considéré comme riche, mais je peux vous dire que, gagner 25 000 $, 30 000 $, on est considéré comme pauvre. Et, avec toutes les charges qu'on a à payer, c'est pauvre. Alors, moi, je me dis, au lieu d'augmenter les cotisations à l'ensemble, laissons les travailleurs qui gagnent moins cher au moins au même taux puis remontons ceux-là qui gagnent plus cher. Je veux bien croire qu'ils vont être taxés plus, mais, quand tu es pauvre, tu es pauvre, tu ne peux plus en sortir, là, il n'y en a plus. Alors ça, c'était une de mes pensées magiques, là.

Mais, quand vous parlez des subventions, là, quand on... on sait qu'au Québec on subventionne beaucoup la grande entreprise, et la grande entreprise... quand on subventionne la grande entreprise, automatiquement on affecte la petite entreprise, les entreprises privées qui sont obligées de compétitionner les entreprises qui sont subventionnées. Alors, c'est sûr que ça va... ça a l'effet contraire. Quand... Tout le privé, là, présentement, moi, je le vis beaucoup dans mon comté, j'ai des gens qui viennent me rencontrer à toutes les semaines pour ça, ils sont obligés de se battre contre des entreprises qui sont subventionnées. Alors, si, moi, je dis: Ça a un effet, c'est... je ne suis pas nécessairement contre toutes les subventions, mais je me dis qu'une subvention, quand on aide une entreprise à démarrer, devrait avoir une fin. On devrait lui dire: O.K., on va t'aider pour démarrer pendant deux, trois ans, quatre ans, mais, à un moment donné, ça arrête là, tandis que le privé, lui, souvent n'a pas de subvention, il est obligé de se battre contre le système.

Alors ça, je trouve que c'est... Si on voudrait... si on veut aller dans le sens de votre mémoire et dire: On veut essayer de donner une poussée à l'entreprise privée, aux petits entrepreneurs, aux petites compagnies, bien il faut les aider, il ne faut pas leur nuire. Moi, c'est une des... Puis je sais que je n'ai pas...

Le Président (M. Kelley): En conclusion, M. le député.

M. Grondin: ...je sais que je n'ai pas beaucoup de temps, j'aurais aimé aussi avoir dans votre... parce que je ne reviendrai pas, là. Qu'est-ce que vous pensez, mettons, de la régie... d'investir, de prendre tout son argent et de la mettre dans la Caisse de dépôt à 100 %? Est-ce qu'il n'y aurait pas... Est-ce qu'elle ne pourrait pas diversifier ses placements?

Le Président (M. Kelley): Un court commentaire, M. Prévost, parce que...

M. Prévost (Simon): Oui. Alors, très, très brièvement. Bon, je pense que les... je prends des commentaires qui ont été faits précédemment sur comment aider les entreprises. Ça pourrait faire l'objet d'un long débat, donc je vais plutôt me concentrer sur le dernier aspect de votre question, qui touche le fait que la régie doit par règlement, si on veut, ou par loi déposer ses sommes à la Caisse de dépôt. Il y a du bon et du moins bon là-dedans. C'est clair qu'au fil des années on a créé un outil très puissant pour le Québec, donc ça a eu du bon. Quand on connaît une mauvaise année, effectivement, après ça, on peut se remettre... on peut remettre en cause cette question-là. Je vous dirais que le jury est encore en train de délibérer sur cet aspect-là et je n'ai pas... Ce serait une bonne question à poser à mes membres, et je ne l'ai pas posée.

Ceci dit, il y a un principe en finance qui est la diversification. Ça pourrait être intéressant, puisque maintenant on a une caisse de dépôt qui est énorme, qu'on puisse avoir une petite portion de diversification en termes de gestionnaires, histoire d'introduire un peu de concurrence.

Ceci étant dit, c'est une simple suggestion, je n'ai pas... je n'en fais pas une proposition formelle.

Le Président (M. Kelley): Merci, M. Prévost. M. le député de Mercier.

n (11 h 10) n

M. Khadir: Oui. Bonjour. Merci, M. le Président. Bonjour, chers collègues, M. le ministre. Alors, M. Prévost, Mme Azoulay, merci pour votre rapport.

Je voudrais vous soumettre, disons, humblement, quoique ce soit un peu présomptueux par rapport aux deux partis qui ont déjà assuré le gouvernement du Québec durant les 40 dernières années, qu'il n'y a pas, à l'Assemblée nationale, de parti qui prend plus énergiquement la défense des PME, des petites et moyennes entreprises. D'ailleurs, tout notre programme est réfléchi pour non pas renverser le grand capital, mais pour faire en sorte que le grand capital, les grands intérêts économiques et financiers cessent leur contrôle hégémonique, qui étouffe la classe moyenne, comme vous l'avez dit, et qui étouffe la petite et moyenne entreprise.

C'est ce contrôle qui a des racines politiques très, très, disons, importantes dans l'histoire de nos sociétés, qui fait en sorte que, par exemple, dans le dernier budget présenté par le gouvernement actuel, il y avait quelques millions pour le développement de nouvelles technologies vertes, quelques millions pour l'économie sociale, quelques dizaines de millions pour la petite et moyenne entreprise et tout près de 3 milliards de dollars en liquidités, de nouvel argent pour la grande entreprise. Vous avez fait mention de ça. Et c'est là le problème.

Nous, on prend la défense des petites et moyennes entreprises pour deux raisons, d'abord parce que c'est eux qui créent la richesse. Ces emplois-là, c'est des emplois qui bénéficient au Québec. C'est eux qui créent les emplois, le plus grand nombre d'emplois. C'est un fait connu. Ils ne sont pas atteints de la vérole de la délocalisation répandue par la grande entreprise. Ça, c'est tout bon pour notre économie. Maintenant, au-delà de ça, l'autre raison, et je voudrais vous entendre là-dessus, c'est que, d'après les analyses que j'ai pu voir, dans les sociétés où les dépenses sociales sont plus importantes, où la charge sociale en général des entreprises dans leur ensemble, là, je ne parle pas des PME versus les grandes entreprises, sont plus importantes, il se trouve que, dans ces sociétés-là, les PME vont chercher une plus grande part du PIB de ces pays, autrement dit, la richesse collective produite se trouve attirée de manière plus importante dans l'économie des petites et moyennes entreprises dans les sociétés où, à cause d'une ponction fiscale globalement plus importante et des dépenses sociales plus importantes, les classes sociales à la base, O.K., la classe moyenne, les classes plus défavorisées touchent une plus grande part des richesses nationales. Est-ce qu'il n'y a pas une logique là-dedans? Est-ce que ça vous parle, cette information qui, à mon sens, est excessivement importante pour la petite et moyenne entreprise?

M. Prévost (Simon): Est-ce que ça nous parle? Je vous dirais que d'abord je n'ai pas...

Une voix: ...

M. Prévost (Simon): Oui. Bien, je me doutais que ça venait de là, mais je n'ai pas vu les chiffres. Alors, je vais y aller d'un commentaire plus général là-dessus.

Moi, je vous dirais qu'effectivement tout est une question de degré. Et, d'avoir une société où il y a une certaine forme de redistribution des revenus via les programmes sociaux ou des régimes comme le régime de retraite du Québec, c'est clair que ce n'est pas remis en cause par aucun propriétaire de PME au Québec, en tout cas qui sont membres de la FCEI, à tout le moins. Et donc il y a une... ils font partie du consensus social aussi de vouloir qu'il y ait une société plus juste et puis que tout le monde puisse avoir un certain niveau de vie et effectivement ils vont aussi être sensibles à ces questions-là.

Ceci étant dit, là, ce qui... ce dont il est question ici, c'est une question encore une fois de degré. Et je reviens à la problématique que, nous, on soulève, c'est que, si on veut continuer d'avoir ce rôle de redistribution et d'avoir ces politiques sociales généreuses, il faut créer de la richesse, et la meilleure des politiques sociales-démocrates, si vous me permettez le terme, c'est une politique qui va créer de la richesse. Donc, il faut que le développement de l'économie, du marché du travail, ça fonctionne main dans la main avec l'évolution des programmes sociaux et dans un contexte où, si on veut être généreux, il faut commencer par avoir de l'argent. Celui qui n'a rien ne peut rien donner, donc. Et le problème qu'on a à l'heure actuelle au Québec, c'est qu'on est rendus à un stade où on a un niveau de générosité qui est découplé de notre capacité de payer, et il va falloir retrouver un certain équilibre pour continuer à préserver ces valeurs-là d'entraide québécoise qu'on a et que les entrepreneurs, et spécialement les chefs d'entreprise dans les PME, partagent, bien sûr.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Malheureusement, je dois mettre fin à...

M. Khadir: ...de leurs recommandations, augmenter l'âge officiel de la... On peut parler aussi... avec les éléments qui ont été introduits: réduire... rendre l'impôt sur la masse salariale plus progressif, augmenter les incitatifs fiscaux, encourager l'immigration, tout ça. Mais réduire la générosité, ce ne sera pas nécessaire. Il suffit de jouer ailleurs pour que le tout se tienne.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Sur ça, je pense, vous avez réussi d'avoir un débat plus large, parce que les commentaires, les questions autour de la table étaient axés sur le Régime des rentes et d'autres éléments d'une politique économique du gouvernement.

Sur ça, je vais dire: Merci beaucoup, M. Prévost, Mme Azoulay. On va suspendre quelques instants. Et je vais inviter les représentants de Mercer de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 11 h 14)

 

(Reprise à 11 h 16)

Le Président (M. Kelley): Alors, la Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Notre prochain témoin, c'est les représentants de Mercer: M. Claude Paradis et M. André Picard. Et c'est M. Paradis qui va commencer. Alors, M. Paradis, la parole est à vous.

Mercer (Canada) ltée

M. Paradis (Claude): Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames et messieurs. Au nom de Mercer, nous remercions la commission de nous permettre de présenter nos réflexions sur l'avenir du Régime de rentes du Québec et nous espérons qu'elles pourront éclairer la commission dans ses importantes délibérations.

Mercer est la plus importante société d'actuaires-conseils au Québec et au Canada avec plus de 1 800 employés répartis dans 13 bureaux, dont les bureaux de Montréal et Québec. Nous offrons des services de consultation en avantages sociaux et en ressources humaines et plus particulièrement en matière de régime de retraite. Nous sommes également le leader mondial dans notre domaine. Ce matin, Mercer est représentée par mon collègue André Picard et moi-même, Claude Paradis. André et moi sommes des actuaires qui oeuvrons principalement dans le domaine des régimes de retraite.

Tout d'abord, nous voulons souligner la qualité de l'analyse contenue dans le document de consultation. Ce document illustre bien certains aspects problématiques du régime et dresse des pistes de solution qui semblent, pour la plupart, raisonnables et adéquates. Nous nous attarderons aujourd'hui sur certaines pistes de solution qui ont retenu d'avantage notre attention, notamment le renforcement du financement du régime, l'amélioration des conditions pour favoriser le travail après 60 ans, les modifications proposées aux prestations d'invalidité et au survivant, l'ajout d'un volet d'accumulation de capital et le relèvement du MGA.

Selon le document de consultation, la pression financière sur le régime s'accentue. Il est donc proposé de combler l'écart de 0,8 %, prévu en 2011, entre le taux de cotisation fixé par la loi et le taux de cotisation d'équilibre de 10,7 % par une hausse de cotisation de 0,5 % et une révision des prestations qui pourrait faire économiser 0,3 %. Tel qu'indiqué dans le document de consultation, l'enjeu de la démarche consiste à atteindre un certain équilibre quant aux efforts demandés à chacun pour ajuster le régime tout en évitant d'imposer une charge trop élevée aux générations à venir. La hausse importante de l'espérance de vie de la population constitue l'un des deux principaux facteurs qui expliquent l'augmentation de la pression financière sur le régime et provient autant des retraités que des travailleurs. Par conséquent, les travailleurs actuels et futurs ne devraient pas être les seuls à payer ce coût additionnel.

Nous sommes d'avis que l'équité entre les générations et la capacité de payer des générations à venir ne sont pas suffisamment prises en compte. En effet, nous connaissons actuellement une période de croissance très forte des coûts de soins de santé. Les futurs travailleurs devront prendre en charge les coûts de santé d'une population de retraités comme jamais auparavant.

n (11 h 20) n

Pour assurer la survie du régime, la prochaine génération de travailleurs devra verser des cotisations supérieures à 10 %, alors qu'un taux d'environ 6 % serait suffisant pour capitaliser les prestations qu'elle accumulera dans le régime. Afin d'obtenir un niveau de capitalisation suffisant, les générations actuelles de retraités et de travailleurs appelés à prendre leur retraite sous peu devraient également contribuer à l'effort financier demandé, surtout parce qu'ils ont bien profité du sous-financement du régime. Ceux qui ont pris leur retraite avant 1996, par exemple, ont payé en moyenne bien moins que 50 % de la valeur de leurs prestations.

Mais un ajustement partiel, et de façon temporaire, de l'indexation des rentes des retraités serait une solution pour atteindre un financement suffisant. Une indexation partielle des rentes ne réduirait pas les rentes en cours de versement mais entraînement... entraînerait un léger ajustement des prestations auxquelles les retraités auraient droit à l'avenir. Nous sommes conscients des enjeux politiques et sociaux de cette mesure, mais le financement du régime public est une responsabilité qui incombe à tous, et nous croyons que les aînés actuels devraient contribuer aux efforts de financement du régime afin de veiller à ce qu'il demeure viable pour les générations à venir. Si cette mesure était retenue, la hausse proposée du taux de cotisation de 0,5 % pourrait être réduite, voire même éliminée.

Nous notons également les arguments, énoncés dans le document de consultation, visant à ne pas reporter l'âge de retraite normal au-delà de 65 ans, comme l'ont fait plusieurs pays occidentaux récemment, notamment les États-Unis. Il semble louable de chercher à atteindre un meilleur équilibre entre la durée de vie active et la durée de la retraite en encourageant le maintien en emploi des travailleurs âgés afin de hausser l'âge de retraite normal, tel qu'énoncé dans le document. Cependant, compte tenu de l'augmentation de l'espérance de vie et de la situation financière du régime, il nous semble qu'il faut continuer à analyser cette option une fois mises en place les autres mesures proposées dans le document de consultation. Hausser l'âge de retraite normal pourrait aider à limiter les répercussions éventuelles d'un manque de main-d'oeuvre qualifiée au Québec.

La Régie des rentes du Québec a récemment publié une mise à jour, au 31 décembre 2008, de l'analyse actuarielle du 31 décembre 2006 pour refléter l'expérience réelle des années 2007 et 2008. Ainsi, nous constatons que l'écart à combler n'est plus de 0,8 % mais plutôt de l'ordre de 1,1 %. Cependant, ces pertes ne sont peut-être que conjoncturelles. Nous ne croyons pas qu'il est nécessaire d'augmenter le taux de cotisation dès maintenant afin de combler l'incidence des pertes sur le taux de cotisation d'équilibre. Nous suggérons plutôt d'attendre deux analyses actuarielles supplémentaires afin de vérifier si les rendements futurs vont compenser ces pertes.

Nous appuyons également les mesures pour favoriser le travail après 60 ans, notamment l'élimination de la condition de cessation de travail pour pouvoir demander sa rente de retraite avant 65 ans et le calcul de la rente de retraite en utilisant les 40 meilleures années de gains de carrière. Nous croyons que ces mesures favoriseront le maintien en emploi des travailleurs, qui le souhaiteront, pendant une période plus longue et aideront à reporter la date à laquelle les cotisants choisissent d'anticiper leurs rentes de retraite. Ces mesures devraient permettre d'améliorer le financement du régime.

Dans une perspective plus large, nous croyons que, si le gouvernement est sérieux dans sa volonté de promouvoir les retraites plus tardives, il devrait prêcher par l'exemple et revoir également les régimes de retraite qu'il offre aux travailleurs de l'État. Ces régimes prévoient des prestations de retraite anticipée importantes, plus généreuses que celles offertes par plusieurs employeurs du secteur privé et incitent plusieurs participants à quitter le marché du travail plus rapidement. Si ces mesures ne sont pas modifiées, elles pourraient accentuer la pénurie de main-d'oeuvre anticipée. André.

M. Picard (André): Merci. Concernant les modifications proposées aux prestations d'invalidité et au survivant, nous supportons ces modifications proposées, puisqu'elles permettront de dégager des économies tout en étant justifiées en fonction du contexte québécois actuel.

En effet, le document de consultation de la régie décrit bien les changements socioéconomiques que le Québec a connus au cours des deux ou trois dernières décennies, changements qui justifient certains ajustements à ces prestations. Parmi ces changements, il faut noter que les travailleurs d'aujourd'hui sont plus scolarisés et ceux qui atteignent la soixantaine sont nettement mieux formés que les travailleurs âgés des années passées. On observe également que de nouvelles formes de travail ont émergé. On observe que l'opinion des employeurs, et l'attitude des travailleurs, face au travail après 60 ans a également changé ou est en train de changer. Les réalités familiales ont changé, et d'autres modèles familiaux que le modèle traditionnel sont de plus en plus nombreux. On observe que un enfant sur quatre au Québec vit avec un seul parent. Et finalement les femmes participent maintenant davantage au marché du travail.

Actuellement, le Régime de rentes du Québec est plus généreux que le Régime de pensions du Canada en ce qui concerne la rente d'invalidité. En effet, après l'âge de 60 ans, un travailleur québécois peut recevoir une rente d'invalidité s'il peut démontrer qu'il est incapable d'effectuer son travail habituel. Au Régime de pensions du Canada, le travailleur doit démontrer son incapacité à détenir une occupation véritablement rémunératrice. Dans le contexte d'aujourd'hui, il devient de plus en plus plausible qu'un travailleur incapable de faire son travail habituel puisse se réorienter et rester productif pour la société, peu importe qu'il ait 45, 59 ou 61 ans. Il semble donc raisonnable de proposer d'appliquer la même définition d'invalidité à tous les travailleurs québécois, ce que le Régime de pensions du Canada fait déjà. De plus, nous sommes d'accord avec les propositions visant à modifier les modalités de calcul de la rente d'invalidité payable par le régime.

Nous appuyons également la proposition de tripler approximativement le montant de la rente d'orphelin afin de s'assurer de venir en aide au conjoint qui a la garde des enfants.

Le document de consultation de la régie présente avec justesse la non-pertinence des dispositions actuelles appliquées au conjoint survivant. Dans plusieurs cas, ces dispositions ne répondent pas à des besoins réels. Un régime de base comme le Régime de rentes du Québec doit être conçu pour répondre aux besoins fondamentaux de la plus grande partie de la population. Nous appuyons sans réserve les propositions mises de l'avant par la régie en ce qui concerne la rente de conjoint survivant, car elles tiennent compte du contexte d'aujourd'hui. Les employeurs qui offrent des prestations au décès de leurs employés ont reconnu déjà cette réalité depuis plusieurs années. La protection offerte par les employeurs ne prend plus la forme de rente au conjoint survivant mais consiste plutôt en montants d'assurance vie choisis par chaque employé selon ses besoins familiaux.

Le transfert au compte du conjoint survivant de 60 % des gains inscrits au registre du cotisant décédé pendant la période de vie commune est une proposition qui centre davantage le régime sur sa vocation de base, c'est-à-dire la retraite.

Finalement, nous appuyons également la proposition visant à verser au conjoint survivant après la retraite 60 % de la rente que recevait le retraité plutôt que 60 % de la rente que le retraité aurait reçus s'il avait pris sa retraite à 65 ans. La nouvelle disposition serait conforme à l'usage dans le milieu des régimes de retraite privés et à la législation qui régit ses régimes.

Maintenant, concernant deux avenues à explorer pour bonifier le Régime de rentes du Québec, l'ajout d'un volet d'accumulation de capital au Régime de rentes du Québec pourrait offrir une nouvelle option pour répondre aux besoins liés à la retraite de certains Québécois. Cependant, la mise en place de ce volet soulève plusieurs questions. Sans avoir le portrait complet du nouveau volet, il nous est donc difficile de se prononcer sur la validité de la proposition. Bien qu'elle puisse prendre des formes quelque peu différentes, cette idée de cotisation volontaire a également fait son chemin ailleurs au Canada et dans le monde. Peu importe la forme que cette proposition puisse prendre, nous sommes d'avis qu'elle ne pourra avoir sa véritable raison d'être que si elle permet, premièrement, d'augmenter le nombre de Québécois qui épargnent pour la retraite et, deuxièmement, permet de réduire les coûts de gestion du capital retraite.

Nous recommandons de bien définir les besoins visés et de considérer attentivement ce qui se fait à l'étranger ou au Canada, et plus particulièrement en Colombie-Britannique et en Alberta, pour déterminer si des solutions conjointes ne devraient pas être retenues. Nous croyons que le gouvernement du Québec devrait participer aux discussions nationales visant à déterminer comment encourager les Canadiens à épargner davantage. Nous croyons que ce nouveau volet optionnel pourrait répondre aux besoins des Québécois. Cependant, pour être viable pour l'ensemble du Québec, nous croyons que ce volet ne devrait pas générer de risques additionnels pour l'État québécois ni causer de tort au secteur privé.

Nous croyons qu'il faut analyser les tâches qui pourraient être confiées au secteur privé, surtout si les sommes investies deviennent considérables. À notre avis, cela pourrait se faire sans compromettre la sécurité des prestations et éviterait une concentration trop importante de l'épargne des Québécois dans le secteur public.

n (11 h 30) n

Une autre avenue proposée dans le document de consultation de la régie pour bonifier le Régime de rentes du Québec est d'introduire un deuxième palier de gains admissibles, par exemple un maximum à 60 500 $, en 2008. Il permettrait aux employés gagnant entre 44 900 $ et 60 500 $ en 2008 de recevoir une rente additionnelle à compter de la retraite. Nous sommes d'avis que cette solution ne devrait pas être retenue pour les raisons suivantes. Premièrement, cette solution... aux travailleurs gagnant plus de 44 900 $ en 2008. Ces travailleurs ont déjà accès, pour la plupart, à différents mécanismes de retraite, comme par exemple les régimes complémentaires et les REER. Nous croyons que le régime ne devrait pas se substituer au secteur privé. Deuxièmement, comme le Régime de pensions du Canada n'offre pas cette couverture, ceci affecterait la compétitivité des entreprises québécoises. Et finalement, compte tenu du problème important, actuel de transfert intergénérationnel auquel fait face le régime, nous croyons que l'introduction de ce nouveau volet ne viendrait un jour qu'amplifier le problème actuel, puisque la tranche de salaire ouvrant droit aux prestations serait significativement plus élevée.

M. Paradis (Claude): En conclusion, nous croyons que les modifications proposées dans le document de consultation sont un pas dans la bonne direction, que les retraités devraient être mis à contribution par souci d'équité entre les générations et que le gouvernement du Québec devrait accentuer ses efforts pour favoriser l'épargne en vue de la retraite et, entre autres, de participer à la consultation nationale sur la mise en place d'un régime universel d'épargne-retraite.

Nous serons heureux de répondre à vos questions sur nos réflexions. Nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Paradis, M. Picard. On va passer à une période d'échange avec les membres de la commission, environ deux blocs de 15 minutes, en commençant avec le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale et député de Louis-Hébert.

M. Hamad: Merci, M. le Président. M. Paradis, M. Picard, bienvenue. Et je vous félicite pour le mémoire déposé, c'est à la hauteur de la réputation de Mercer, bien étudié, vraiment bien fait, bien fait et très... C'est un mémoire très sérieux et réaliste, surtout.

J'ai quelques questions. La première préoccupation que j'ai, là, dites-moi comment on peut faire pour augmenter, encourager les travailleurs de rester sur le marché du travail, s'ils le désirent, entre 60 et 65 ans. Demain matin, mettons que vous êtes le législateur, que ferez-vous?

M. Paradis (Claude): La première chose à faire, c'est d'éliminer les incitatifs à la retraite anticipée. Actuellement, tout le monde croit que la retraite à 60 ans est beaucoup plus avantageuse que de la reprendre à 65 ans, par exemple. D'après nos calculs, ce serait... équivalent. Mais je pense qu'ici il y a une question de communication auprès de la population pour leur expliquer la situation. C'est qu'il n'y a aucun avantage à se retirer à 60 ans.

Deuxièmement, de créer moins d'incitatifs, c'est un peu... moins d'incitatifs à prendre sa retraite à 60 ans va déjà aider à ce niveau-là. Puis des solutions comme elles sont proposées dans le document vont sûrement aider à retarder cet âge de retraite là.

M. Hamad: ...juste parce qu'il y en a plusieurs, là, mais lesquelles, là, que vous...

M. Paradis (Claude): Ah, entre autres, de prendre le calcul sur une période de 40 ans va déjà réduire la rente qui serait versée pour une personne qui voudrait prendre sa retraite à 60 ans. Ça, c'en est un, exemple.

M. Hamad: O.K. Maintenant, pour le régime complémentaire de retraite, j'ai trouvé que, tu sais, vous avez dit... ce que j'ai compris de votre mémoire, où vous dites: Oui, on est d'accord, par contre il faut regarder qu'est-ce qu'on fait ailleurs, et évidemment vous posez la question pour le rôle du privé là-dedans. Et bien sûr le document, c'est une... c'est très... moins... ce n'est pas tellement décrit là-dedans, c'est quoi, le régime, puis je comprends vos questions. L'Alberta... J'aimerais ça que vous parliez de la Colombie-Britannique, l'Alberta, régime ABC, Colombie-Britannique, juste rapidement. Puis après ça j'ai des questions là-dessus.

M. Paradis (Claude): O.K. Qu'on vous parle du régime?

M. Hamad: Les régimes complémentaires de retraite volontaires, régimes volontaires, en Colombie-Britannique. Vous avez dit, dans la page... Dans vos recommandations, à la page 18, si ma mémoire est bonne, vous dites qu'il faut regarder les régimes existants en Colombie-Britannique et l'Alberta, comme le régime... Il y a un régime qui s'appelle ABC en Colombie-Britannique. Puis il prend l'exemple de la Nouvelle-Zélande, d'autres pays, l'Australie, etc.

M. Picard (André): En fait, ce qui se fait en Colombie-Britannique et en Alberta actuellement ? puis je pense qu'il y a la Saskatchewan qui veut peut-être se joindre à eux aussi ? c'est quelque chose qui n'est pas exactement ce qui est proposé, malgré que ce qui a été proposé ici, c'est vraiment juste une piste de solution qui a été lancée, là. Mais là-bas ils sont avancés un peu plus dans le projet, et c'est un projet où est-ce qu'il y aurait des cotisations à la fois de l'employé et de l'employeur. Donc, ce n'est pas exactement la même chose. Mais ce serait de voir avec eux, en ayant des discussions entre peut-être... avec la régie, avec les gens de l'Alberta, qu'est-ce qui les fait croire qu'eux, ça, ça va encourager plus l'épargne.

Donc, on ne prétend pas qu'on a la vérité à savoir est-ce que les cotisations volontaires vont de fait augmenter l'épargne des Québécois. Donc, c'est de voir qu'est-ce qui a fait penser ces gens-là que ça, ça va augmenter l'épargne des... de ce qu'on appelle les non-épargnants.

M. Hamad: En passant, ça ne contredit pas, parce que l'idée derrière ça, c'est que l'employeur peut faire ça, l'idée qui est proposée, donc ça rejoint, mais ce n'est pas clair. Vous avez raison de poser la question.

Donc là, qu'est-ce que vous en pensez, d'un régime complémentaire volontaire où l'employeur, l'employé peut contribuer? Et les fonds ne sont pas nécessairement envoyés à la Caisse de dépôt. Ça peut être adressé à des institutions d'assurance ou institutions financières ou aussi il y a des rentes viagères, peut être géré par des actuaires plus tard. Donc, c'est vraiment un régime qui est semi-privé et semi-public, dans le sens qu'il peut être géré par le privé, sauf que c'est le public qui contribue, et pour évidemment encourager l'épargne, aider les travailleurs à avoir un régime qu'ils n'ont pas actuellement.

Évidemment, on ne vise pas les travailleurs qui gagnent 70 000 $ et plus, là. Eux autres sont capables de voir puis ils ont plus d'accessibilité à avoir des régimes de REER, etc. On parle des travailleurs de 30 000 $, 40 000 $ par année ou moins. Eux autres évidemment ne sont pas les premiers clients des banques pour faire l'épargne parce qu'ils ne gagnent pas beaucoup. Donc, il y a un problème d'épargne là-dedans. Alors, cette direction-là, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Paradis (Claude): M. le ministre, nous, notre analyse nous fait voir qu'actuellement il y a un... c'est l'incitation à l'épargne qui n'est pas là. Et la façon de le faire, c'est-u par une meilleure communication? Est-ce que... On met souvent la charge sur le dos du gouvernement, de dire: C'est à vous autres de faire ça. Ce n'est peut-être pas juste au gouvernement de le faire, mais c'est d'inciter les gens davantage à l'épargne. Je pense que c'est ça qui est le premier geste à poser et qui ne coûte, d'après moi, pas cher.

Actuellement, il y a déjà des véhicules. Entre autres, le système fiscal, dans le cas de l'épargne-retraite, permet déjà d'épargner en vue de la retraite par les REER. Ça fait qu'actuellement, si la personne utilisait tous les véhicules qui sont à sa disposition, d'après moi, elle serait aussi capable d'avoir suffisamment d'argent en vue de la retraite. Ça fait que c'est plus au niveau de les inciter à le faire que les véhicules qui sont en place.

M. Hamad: Et, si je suis ce que vous dites, comment ça se fait qu'il y a 1 million de Québécois, de travailleurs québécois qui n'ont aucun fonds de retraite? Si tout est là, tout est facile, tout est accessible, comment ça se fait que c'est 1 million? En passant, c'est un sur quatre, là. Alors, pourquoi ces gens-là, ils n'ont pas compris ça?

M. Paradis (Claude): Sur le million, M. le ministre, il faudrait voir, en premier, de décortiquer ce million-là. Parce que qu'actuellement, selon... quand on fait des études de remplacement de revenu, on peut s'apercevoir qu'aller jusqu'à un certain niveau de revenus, que le régime de pension de la sécurité de la vieillesse, le Régime de rentes du Québec peuvent combler la majorité ou presque la majorité des prestations... du revenu après retraite.

Ça fait qu'au-delà de ça, pour l'autre tranche qui reste, il faudrait voir, par exemple, en fonction du salaire, parce qu'il y a des gens, dans le million, si c'est des gens qui sont à faibles revenus, ils n'ont peut-être pas suffisamment d'argent pour vivre. À ce moment-là, ils n'auront pas suffisamment d'argent pour épargner non plus. Ça fait que c'est l'analyse de ça qu'il faudrait regarder pour cibler davantage ces gens-là, pour dire: Bien, écoute, il y a telle strate; eux autres, on peut faire telle chose avec eux autres. Telle autre strate, on peut faire telle autre chose avec eux autres. Et après ça de voir qu'est-ce qui pourrait être fait si on a besoin de faire un régime universel. Je ne vous dis pas que le régime universel n'est pas une bonne chose. C'est que, si c'est seulement, le régime, pour forcer les gens à épargner davantage, parce qu'ils disent: On n'a pas de véhicule qui nous efforce à épargner, et qu'il y a une déduction sur le salaire qui serait collectée par l'employeur et remise au gouvernement, qui serait reproduite, si je comprends bien vos propos, dans l'industrie, à ce moment-là, si c'est ça qui est le but, peut-être que ça pourrait être regardé davantage, si c'est ça, la solution en tant que telle.

M. Hamad: La solution, c'est que l'employeur peut verser, et l'employé, dans un régime. Universel, on n'est pas dans ce...

M. Paradis (Claude): Sur la question, M. le ministre, de «l'employeur peut verser», dans le document de consultation, on parlait que l'employé pouvait verser des cotisations. Ça fait que c'est sur ce point-là que j'y allais. Sur la question de dire: Est-ce que l'employeur devrait matcher ? excusez-moi l'expression ? la cotisation de l'employé?, ça, c'est un autre sujet. Et actuellement il y a déjà des mécanismes, des véhicules de régime complémentaire de retraite qui le permettent, ça. Ça fait que j'oserais croire qu'actuellement il y a suffisamment de véhicules qui permettent cette chose-là, que de dire qu'il faudrait que l'employeur matche en plus la cotisation de l'employé.

n (11 h 40) n

M. Hamad: ...PME, ils n'ont aucun régime. C'est ça que, moi, j'ai de la difficulté de, tu sais... Si tout est là puis tout est facile à avoir, comment ça se fait que ces gens-là, ils n'ont pas rien? Comment? Puis, vous savez, on fait beaucoup de programmes, de promotion pour la Régie des rentes, avec vous, avec les chambres de commerce, avec les banques, pour faire la promotion des régimes, implanter des régimes au Québec. Moi-même, je suis allé pour faire la promotion de ça, et il y en a bien sûr, mais, l'autre côté, il faut regarder comment on peut être gagnant, de l'autre côté. Dans ce régime-là, évidemment vous ramassez de l'argent avec ceux qui n'ont pas le moyen, mais ça peut être fait par le privé aussi. Et il n'y a rien de fermé, là, c'est juste une réflexion. Donc, ce n'est pas nécessairement aller à la Caisse de dépôt, ça peut être des blocs d'argent ramassé qui va aller à Desjardins ou d'autres, puis il va y avoir des rentes viagères aussi, il peut gérer après, par les actuaires puis l'analyse. Donc, on crée un deuxième régime qui est volontaire bien sûr, qui permet de régler le gros problème.

M. Paradis (Claude): Pour répondre à votre première interrogation, M. le ministre, sur la question des PME, actuellement... La Régie des rentes du Québec avait instauré, en 1993, ce qu'on appelle le régime de retraite simplifié, O.K., qui visait, à ma connaissance, les PME, qui permettait d'avoir un régime simplifié, de dire ce que... la seule chose que l'employeur et les employés ont à faire, c'est de déterminer le niveau de cotisation qu'ils veulent verser et trouver une institution financière, parce que toutes les institutions financières en ont un maintenant.

Ça fait qu'actuellement il existe des véhicules, il y a déjà un véhicule, entre autres le régime de retraite simplifié, qui permet cette chose-là, pour permettre aux PME, entre autres, de pouvoir créer un régime de retraite qui est simple à administrer. Ça fait que, sur ce point-là, je vous dirais, c'est seulement... est-ce qu'il y aurait... qu'est-ce qui fait que les PME n'y vont pas? Est-ce qu'elles sont mal informées? Est-ce qu'il y aurait une question d'information? Je ne le sais pas, mais actuellement il existe un véhicule. Si on veut aller plus loin, dire: Écoutez, ça ne fonctionne pas, il faut qu'on force les gens, bien peut-être que le régime universel, qui est à cotisation définie, pourrait être une solution. Mais je pense qu'avant ça il faudrait analyser davantage la problématique avant de se décider qu'on aille vers ça.

M. Hamad: Est-ce que c'est une bonne affaire de faire... Là, actuellement, c'est entre 60 et 65 ans, les pénalités sont... Si on l'amène à 62 au lieu de 60 ans, est-ce que c'est une bonne affaire à faire?

M. Paradis (Claude): Je vous dirais qu'actuellement il y a, si on regarde dans le monde, il y a une tendance vers hausser l'âge normal de retraite. Vous l'avez. Dans le document, on le mentionne aussi. Vous le voyez dans les journaux. Il y a une tendance vers ça.

Il y a une autre constatation aussi qu'on a, c'est: quand on regarde l'analyse du Québec par rapport au monde, dans le monde, c'est qu'au Québec on se retire plus tôt qu'ailleurs dans le monde; on parle de deux ans, en moyenne. C'est beaucoup. Ça fait qu'est-ce que c'est une... est-ce que c'est les régimes qui ont incité les Québécois à se retirer plus tôt ou c'est juste dans la façon de vivre des Québécois? Je sais qu'on est uniques, mais il y a cette chose-là. Ce qu'on dit ici, c'est que... on ne dit pas de pénaliser les gens, on dit juste qu'avec les coûts que ça représente on est peut-être moins en mesure de se le payer, et maintenant il va peut-être falloir retarder cet âge de retraite là.

M. Hamad: Dites-moi, dans cette logique-là, là, dites-moi si ma logique est correcte, c'est que l'Allemagne, quand ils vont aller à 67 ans... Parce que le taux d'activité des personnes entre 60 et 65 ans est déjà élevé, ils sont dans les hauts, dans les tops, et donc les autres, ils savent que maintenant cette main-d'oeuvre là est occupée. Donc, augmenter, ça ne fait pas un grand changement parce que les gens sont sur le marché du travail. Contrairement au Québec et le Canada, le Canada a 64 ans en moyenne d'âge de retraite; le Québec c'est 61,8, 62 ans. Donc là, nous... et le taux d'activité est faible pour la strate de 60, 65 ans, donc on n'est pas dans... le marché du travail au Québec ou au Canada, il n'est pas dans le même contexte que l'Allemagne. Nous, ici, je pense que notre premier devoir, c'est augmenter le taux d'activité, c'est-à-dire encourager les gens à travailler. Et par la suite, si tout le monde embarque, peut-être dans le futur, là, on peut parler d'âge de retraite plus tard, parce qu'on n'est pas là actuellement.

M. Picard (André): C'est exactement ce qu'on dit dans notre mémoire, hein, c'est: avant d'en arriver à la... puis on entend exactement ce que vous dites puis on le comprend, je pense qu'il faut premièrement augmenter le taux d'activité. Et là ça, c'est quand même tout un défi juste là, là. Puis, une fois que ça aurait été fait, là passer peut-être à l'étape suivante, d'augmenter l'âge de retraite, mais il faudrait que ce soit étudié avant de procéder, là.

M. Hamad: Pour ça, on cherche des moyens, comment on peut faire de plus pour encourager les gens à travailler. Là, vous m'avez donné quelques-unes, éliminer les avantages. Et en même temps il y a un groupe de femmes qui, il n'y a pas longtemps, est sorti... que, si on faisait ça, on s'attaquait à la progression de la cause des femmes. Alors, c'est quoi que vous répondez au Conseil du statut de la femme?

M. Paradis (Claude): Sur ce point-là, je vous dirais que, si on regarde la situation, au cours des années antérieures, oui, effectivement on avait un contexte où j'appelle ça la femme au foyer, et puis ça a aidé... Moi, ma mère a été dans cette situation-là, et j'ai grandement apprécié ce choix-là.

Aujourd'hui, on s'aperçoit que le marché du travail change. On s'aperçoit qu'il y a beaucoup plus de femmes qui sont sur le marché ? ce sont surtout des jeunes femmes ? qui sont sur le marché du travail. Et ce qu'ils font, c'est qu'ils commencent au travail, sur le marché du travail beaucoup plus tôt qu'antérieurement, et ils vont prendre une pause pour avoir des enfants, et ils reviennent assez rapidement, et ils continuent aussi dans le futur. Ça fait que ce que je vous dis, c'est que les modifications qui sont proposées ici sont pour tenir compte de ce changement-là dans la mobilité de la main-d'oeuvre au niveau féminin. Oui, il y a... Puis ça, ces modifications-là, ce serait fait de façon graduelle pour aller avec les générations de femmes qui vont sur le marché du travail.

Je vous dirais qu'effectivement le Régime de rentes du Québec a bénéficié à certaines femmes dans le passé. Mais, comme le marché du travail change, bien on fait évoluer le régime en même temps.

M. Hamad: ...est-ce qu'il m'en reste, de temps? La dernière?

Le Président (M. Kelley): Dernière. Très rapidement.

M. Hamad: Oui. Dites-moi, la formule... Là, il y a eu des grosses discussions. Les groupes des femmes disent qu'on devrait changer la formule de 15-42 au lieu de 40. Alors qu'est-ce que vous en pensez? 15-42, est-ce qu'on capables de vivre avec ça, tu sais, la formule, là, la fameuse formule des 15 dernières années, 42?

M. Picard (André): Non, on ne l'a pas... on n'a pas étudié cette formule-là. Nous, ce qu'on sait, c'est que la... ce qu'on a étudié, c'est la proposition de la régie. Et on trouve que cette formule-là est... répond aux objectifs, c'est-à-dire d'équité, de poursuivre le travail, encourager le travail après 60 ans. Donc, c'est plus dans cette optique-là qu'on l'a analysée.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe: Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre mémoire très clair et puis très bien documenté. Moi, je voudrais revenir, dans un premier temps, sur le questionnement: Pourquoi au Québec on se retire plus tôt du travail, du marché du travail qu'ailleurs?

Évidemment, vous avez parlé des incitatifs à la retraite hâtive, c'est certain que ça a un intérêt pour beaucoup de gens, mais est-ce que nous avons ou nous devrions mettre en place des incitatifs à demeurer sur le marché du travail plus intéressants, plus avantageux, plus concrets que ce qu'on a en ce moment? Et vous me corrigerez si je me trompe, mais je sais que, certains régimes complémentaires de retraite, à un âge donné, on ne peut plus y contribuer, par exemple, hein? Alors ça, ce n'est certainement pas un incitatif à continuer une année ou deux années de plus. Mais qu'est-ce qu'on pourrait faire pour que vraiment ce soit intéressant, intéressant pour la personne, qui, au fond, s'il n'y a pas de différence entre se retirer à 62 ou à 65, pourrait très bien décider de se retirer à 62 ans? Et c'est ce que beaucoup de gens, de Québécois font en ce moment. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Paradis (Claude): Il y a deux points que je vais aborder. Concernant... C'est plus... ça vise plutôt les régimes complémentaires de retraite. Ce que je peux vous partager avec vous, c'est un peu les tendances qu'il y a actuellement dans le marché.

C'est que je vais faire un historique, dans un premier temps. Les régimes complémentaires de retraite, pour beaucoup, ont été instaurés dans les années soixante-six, quasiment en même temps que le Régime de rentes du Québec, avec la loi sur les régimes supplémentaires de retraite. Et, à ce moment-là, c'est qu'il y avait... on favorisait un peu les retraites anticipées, et les régimes ont été conçus dans ce sens-la. Mais aujourd'hui ce qu'on s'aperçoit, c'est qu'avec le marché du travail qui change, que les... et les coûts liés à la retraite anticipée, on s'aperçoit que les employeurs ne peuvent plus se le permettre, de se le payer, ça. Ça fait que ce qu'on voit actuellement, c'est une tendance vers l'élimination ou la réduction, beaucoup, de la retraite anticipée subventionnée.

Ça veut dire qu'on retarde, dans les régimes de retraite privés, on commence à retarder l'âge de retraite pour réduire les coûts, d'une part, puis aussi garder notre monde. Parce que les personnes qui quittent à 55 ans ou... puis, même s'il a 30 ans de service, à 55 ans, tu es dans la fleur de l'âge et tu es encore très, très utile pour une entreprise parce que tu as toutes les connaissances avec ça. Et c'est pour ça que maintenant... c'est que des employeurs ont compris ça, c'est qu'ils disent: Bien, écoute, on va permettre de... on va retarder l'âge de retraite pour être capables de garder ce monde-là. Est-ce qu'il y a des compensations qui se font ailleurs? Peut-être. Mais c'est... actuellement, c'est la tendance qui se fait dans le marché.

Pour répondre à votre deuxième interrogation, oui, dans le passé on limitait la période de cotisation. Souvent, c'était, mettons, à 35 ans de service ou après 30 ans de service. Maintenant, ce n'est plus le cas. C'est que maintenant cette limite-là a été beaucoup éliminée avec les années, ce qu'on permet de... La personne qui a 30 ans ou 40 ans de service peut recevoir des rentes jusqu'à... durant les années de service qu'elle a, tout en cotisant.

n (11 h 50) n

Mme Lapointe: Et...

M. Picard (André): Un petit complément de réponse là-dessus.

Mme Lapointe: Excusez-moi. Oui.

M. Picard (André): C'est évident que, si on veut encourager les Québécois à demeurer au travail après 60, 62 ans, on ne peut pas le faire uniquement avec le Régime de rentes du Québec. Vous le disiez au début, ça représente, tout à l'heure, seulement 25 % des revenus. Donc, il faut travailler sur l'ensemble des éléments qui prennent... qui sont pris en compte dans une décision de partir à la retraite, là. Il faut même que ce soit culturel. Il faut que, dans les entreprises, les travailleurs âgés soient valorisés. Quelqu'un, même si ça lui tente de rester à l'emploi, s'il sent qu'il n'est pas valorisé dans son entreprise, il va peut-être avoir plus envie de partir. Donc, il faut que ce soit plus que juste de l'argent, que ce soient des mentalités aussi qui soient changées. Mais, comme je le disais dans ce que je disais, ça change tranquillement, on le sent, peut-être par nécessité, là, parce que les employeurs, ils réalisent que la main-d'oeuvre qui arrive en arrière est plus rare que dans le temps, là. Quand on regarde les courbes de population active de nos clients, il y a des grosses boules, des ballounes, là, à 50, 54 ans, là. Dans 10 ans, ces gens-là, s'ils ne sont plus là, je me demande, comme... ils se demandent comment ils vont trouver des employés pour remplacer cette balloune-là, là, qui est là.

Mme Lapointe: Bien, c'est sûr que, je pense, autour de la table, là, les deux côtés, on est tous d'accord à favoriser le travail, enfin, disons, à ouvrir, à faire tomber ces barrières-là pour que les gens se sentent bien, heureux de continuer à travailler soit dans leur propre entreprise ou bien aller dans un autre domaine, selon le cas.

M. Picard (André): ...qui pourrait être intéressant, c'est le volet de cotisation volontaire, si ça prenait place. Ça, ça a un biais inverse. Les régimes à prestations déterminées souvent ont un biais pour la retraite anticipée parce que, si on peut prendre une retraite sans réduction à 60 ans puis on attend, on perd de l'argent, alors que, dans un volet à cotisation déterminée ou cotisation volontaire, bien plus on reste longtemps, plus ça va nous donner une grosse rente à l'autre bout si on travaille jusqu'à 65. Donc ça, ça pourrait aussi favoriser des gens à rester plus longtemps à l'emploi.

Mme Lapointe: La fédération des travailleurs du Québec a proposé... je ne sais pas si vous avez pu prendre connaissance de leur mémoire, proposait un régime universel, plus de retraite, en fait, là, et quelque chose de plus substantiel que la Régie des rentes, quelque chose de complémentaire à la Régie des rentes. Est-ce que c'est quelque chose qui, à votre sens, pourrait être une piste intéressante?

M. Paradis (Claude): Vous voulez dire un régime de retraite universel où est-ce que tous les employeurs volontairement ou obligatoirement seraient requis de cotiser pour leurs travailleurs?

Mme Lapointe: Ce serait, oui, ce serait à chaque... Moi, ce que j'ai compris du mémoire de la fédération des travailleurs du Québec, ce serait un régime complémentaire à notre Régime de rentes...

Une voix: ...

Mme Lapointe: ...obligatoire et pour... enfin, en remplacement pour ceux qui n'ont pas de régime complémentaire de retraite, là, à prestation ou à cotisation déterminée. Ce serait... Ça remplacerait en tout, avec la Régie des rentes, à terme 50 % du revenu, quelque chose comme ça. Ça semble quelque chose de très intéressant, mais j'aimerais vous entendre à ce sujet-là.

M. Paradis (Claude): O.K. Sur ce point-là, il y a déjà des analyses dans le passé qui ont été faites voilà bien longtemps, même avant mon temps.

Et la raison pour laquelle le système... une des raisons pour lesquelles le système actuel a été mis en place, c'est en permettant à des employeurs de pouvoir mettre leur propre régime sur pied, était... c'était beaucoup plus flexible, c'est une question de flexibilité, et il aussi était plus facile à adapter à la capacité de payer des employeurs. Il y a des... Puis ça, c'est le premier point. Le deuxième... la deuxième raison, c'est aussi le type de population qu'on vise dans une entreprise. Par exemple, vous allez avoir une entreprise qui est composée seulement de jeunes, vous allez avoir un type de régime qui va être vraiment différent que d'une entreprise où on va avoir des employés de carrière. Ça veut dire qu'ils vont vivre 30 ans, 40 ans, dans le fait qu'on... souvent dans le domaine manufacturier.

Ça fait que c'est pour ça que d'essayer de couvrir un régime universel avec une population qui est disparate, ça va être très, très, très difficile. Et c'est les raisons... les deux principales raisons pour lesquelles je vous dirais que ce ne serait peut-être pas avantageux de le faire. Je ne dis pas que c'est... que ça n'a pas son sens. Mais, à prime abord, on pourrait élaborer pendant longtemps, là, sur les autres raisons, mais c'est les deux principales raisons que je vois à date pour dire que ce n'est peut-être pas la meilleure solution, à ce stade-ci.

Mme Lapointe: Alors, une dernière question. Ça m'a un peu... Ça m'a beaucoup frappée. Vous considérez que les retraités devraient contribuer, en ce moment, les retraités de notre Régie des rentes devraient contribuer par une réduction de l'indexation. Vous savez que, pour plusieurs personnes qui sont retraitées en ce moment, c'est tout ce qu'elles ont. Moi, je ne parle pas des personnes qui ont des régimes complémentaires de retraite ou qui sont des personnes très à l'aise. Mais, pour beaucoup, beaucoup de personnes, alors que le prix de la nourriture augmente, alors que tous les tarifs, comme on le sait, augmentent, réduire le montant qu'ils reçoivent par mois, ça peut... pour certaines personnes, là, c'est très difficile, très, très, très difficile.

Alors, je ne sais pas comment vous voyez ça. Voyez-vous ça d'une façon modulée, selon, je ne sais pas, moi... si quelqu'un a beaucoup d'autres revenus? Comment voyez-vous ça? Mais réduire la rente... la Régie des rentes, là, de certaines personnes me semble périlleux. J'aimerais vous entendre.

M. Paradis (Claude): O.K. Si vous me permettez. Bien, premièrement, dans notre mémoire, ce qu'on mentionnait, c'est qu'on parlait d'un ajustement à l'indexation de la rente, on n'a pas parlé qu'on réduirait les rentes. Ça fait que ça, d'un premier de jeu, c'est que les retraités gardent... la personne reçoit une rente de 100 $ par mois, elle va continuer à avoir son 100 $ par mois. Ce qu'on dit, c'est que, dans les indexations futures, elles seraient modulées selon la capacité de payer du régime. Oui, vous comprenez qu'effectivement... Je comprends, je sympathise beaucoup avec les gens qui pourraient dire: Bien, écoute, mon indexation va être un peu moins élevée que qu'est-ce que j'ai eu dans le passé. Par contre, on se doit de regarder en avant et de dire: Écoutez, pour l'instant le coût de donner cette indexation-là devient de plus en plus important, ce qui n'avait pas été prévu au départ, pour différentes raisons. Et la principale raison de ça, c'est l'augmentation de l'espérance de vie autant des retraités que des employés actifs, mais surtout des retraités.

Ça fait que c'est pour cette raison-là qu'on croit qu'il faut qu'il y ait un effort qui soit fait, parce que, si on met... on ne fait pas cet... si toutes les générations ne font pas leur effort, on va se retrouver à un moment donné où est-ce que les gens des générations futures devront payer davantage et ils ne seront peut-être plus capables de supporter le régime, pour le futur. Ça fait qu'en faisant une... en mettant davantage, en faisant tout de suite ces ajustements-là, on va pouvoir être capables de prévenir l'avenir. Et ce qu'on dit, c'est que c'est une façon temporaire. Si on s'aperçoit qu'au bout, mettons, de six ans le niveau du Régime des rentes du Québec se rétablit, à ce moment-là, il pourra y avoir une certaine compensation qui pourrait être faite à ça. On parle de modalités ici, là, mais on parle d'une situation temporaire, pour essayer de pallier aux augmentations prévues de cotisation.

n (12 heures) n

Mme Lapointe: Il faudrait vraiment regarder ça de près, parce que, vous savez, une fois que les habitudes sont prises d'avoir fixé un mode d'indexation, c'est difficile d'y revenir. Et puis je reviens sur les personnes qui n'ont que ça, tu sais, qui n'ont que ça et qui nous disent ? on le voit dans nos bureaux de circonscription, ils nous le disent: Tout augmente, hein, tout augmente... Et puis bien, si le minimum vital qu'ils ont pour vivre n'augmente pas, bien c'est un recul.

Je terminerai avec juste la question, là, qui était soulevée par le Conseil du statut de la femme à l'égard... et par les groupes de femmes aussi qui sont venus nous voir à l'égard de la rente au conjoint survivant. On nous faisait valoir que dans certains cas la proposition du gouvernement de limiter à 10 ans cette rente pouvait propulser des femmes, là, dans une espèce de trou noir autour de 55, 56 ans et qu'elles pourraient se retrouver à l'aide sociale. Elles ont fortement insisté pour qu'on ne... on s'assure qu'aucune femme ne se retrouve dans une situation comme ça.

Est-ce que vous avez fait, j'imagine... Vous êtes des actuaires, vous avez sûrement fait des prévisions, vous avez sûrement analysé des chiffres à cet égard-là.

M. Picard (André): En fait, on a regardé un document qui était très intéressant aussi, c'était l'Étude d'impact, un document que la régie a publié aussi, là, suite... bien, depuis... au mois de juillet, je crois, l'étude d'impact, là, sur les modalités qui étaient proposées. Concernant la rente au conjoint survivant, nous, on n'est pas... on n'est pas contre l'objectif de venir en aide à des gens qui peuvent être dans le besoin. Ça, c'est... En fait, il ne faut pas faire de... il ne faut pas mêler la question d'équité intergénérationnelle et de solidarité sociale. De venir en aide aux gens, qui sont peut-être propulsés dans le besoin, par une mesure comme ça, ça devient plus une mesure sociale qui, selon nous, devrait être traitée à l'extérieur du Régime de rentes du Québec.

Mme Lapointe: ...personne ne veut se retrouver à l'aide sociale, là. On considère... je pense qu'on sait tous que l'ensemble du Régime de rentes, c'est une assurance collective, hein? Le travailleur paie sa Régie des rentes en se disant: S'il m'arrive quelque chose, ma conjointe ne sera jamais... vous savez, ce n'est pas drôle de se retrouver à l'aide sociale, là, pour certaines personnes, là, donc ma conjointe va être protégée, ma femme va être protégée. Je ne pense pas que personne, là, accepterait que ce soit remplacé par un programme d'aide sociale. Si c'était par une autre mesure qui soit gérée par la Régie des rentes, c'est autre chose, là, c'est autre chose. Mais enfin c'est délicat, cette question-là.

M. Paradis (Claude): Je suis d'accord avec vous que c'est...

Le Président (M. Kelley): Dernier commentaire, M. Paradis.

M. Paradis (Claude): Excusez-moi, monsieur. Oui, c'est délicat. Ce qu'on dit ici, c'est qu'on veut permettre... c'est qu'actuellement on ne veut pas réduire les prestations qui sont payables actuellement aux conjointes survivantes généralement qui sont des femmes. On dit: C'est un programme qui va s'instaurer dans l'avenir. Comme je l'expliquais précédemment, c'est que le monde du marché du travail a changé, et la place des femmes est de plus en plus grande dans le marché du travail, et ces gens-là travaillent beaucoup, ça fait que la... C'est sûr qu'il va toujours y avoir des femmes au foyer, même dans le nouvel environnement, mais on dit: C'est que ces gens-là... c'est que la plupart des femmes qui travaillent, eux ne souffriront pas de ça, puisqu'ils vont continuer à travailler, puis ils vont pouvoir recevoir, pendant ces 10 ans là, la rente, et les gens qui n'auraient pas de travail, par exemple, eux autres, ils vont l'avoir pendant 10 ans, peuvent s'organiser, et il y aura d'autres programmes pour pouvoir suppléer à cette affaire-là, mais à l'extérieur du Régime de rentes du Québec à ce moment-là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Merci encore une fois aux représentants de Mercer, M. Paradis et M. Picard, pour votre contribution à notre réflexion.

Sur ça, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 19 h 30 dans la salle Louis-Joseph-Papineau. Bon appétit, tout le monde.

(Suspension de la séance à 12 h 4)

 

(Reprise à 19 h 34)

Le Président (M. Kelley): Alors, la Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux.

Je vous rappelle le mandat de la commission. La commission est réunie afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document intitulé Vers un Régime de rentes du Québec renforcé et plus équitable.

On a deux témoins ce soir. Alors, sans plus tarder, je suis prêt à céder à la parole à M. Alexandre Laurin. Vous avez un droit de parole d'une quinzaine de minutes, suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, M. Laurin, la parole est à vous.

M. Alexandre Laurin

M. Laurin (Alexandre): D'accord. Merci, M. le Président. Membres de la commission parlementaire, bonsoir et merci de l'invitation à comparaître devant vous ce soir. Mon nom est Alexandre Laurin, je suis analyste principal à l'Institut C.D. Howe, un centre de recherche non partisan qui oeuvre à l'échelle nationale. Avant d'occuper ces fonctions, je fut analyste pendant près de 10 ans au Service de recherche parlementaire à Ottawa. J'ai grandi et complété une partie de mes études universitaires à Montréal.

Les opinions que je vais exprimer ici ce soir sont les miennes et ne reflètent pas nécessairement celles des membres de l'Institut C.D. Howe ou de ses administrateurs.

On dit souvent du système canadien de revenu de retraite qu'il est composé...

Le Président (M. Kelley): ...hausser le son un petit peu, s'il vous plaît, parce qu'on a... Vous pouvez continuer... ou peut-être s'approcher du micro un petit peu.

M. Laurin (Alexandre): D'accord.

Une voix: ...

M. Laurin (Alexandre): Ça va?

Une voix: ...

M. Laurin (Alexandre): Ah, bien oui.

Le Président (M. Kelley): Exactement, et ça, c'est une copie de votre allocution, n'est-ce pas?

M. Laurin (Alexandre): Oui.

Le Président (M. Kelley): Parfait.

M. Laurin (Alexandre): On dit souvent du système canadien de revenu de retraite qu'il est composé de trois piliers: le filet social, que constituent le programme fédéral de la sécurité de la vieillesse, le RRQ et son équivalent pour le reste du Canada, le Régime de pensions du Canada, RPC; et les régimes d'épargne privés... les régimes privés d'épargne-retraite.

Dans le reste du Canada, des trois piliers, ce sont surtout les régimes privés d'épargne-retraite qui font présentement l'objet d'une remise en question. Mais, au Québec, la situation financière difficile du RRQ a remis ce dernier au premier plan. La dernière réforme importante, celle de 1998, fit passer graduellement le taux de cotisation de 6 % en 1997 à 9,9 % à partir de 2003. Ce nouveau taux devait permettre d'accumuler une réserve suffisante pour faire face au vieillissement de la population et assurer la pérennité du régime à long terme. Aujourd'hui, le régime se trouve à un nouveau point tournant, bien qu'il faille reconnaître que les enjeux sont peut-être moins décisifs qu'au milieu des années quatre-vingt-dix.

Avant tout, il est crucial d'assurer la pérennité du régime tout en conservant l'équilibre qui existe actuellement entre le caractère collectif ou redistributif du régime et son aspect d'ordre purement individuel, c'est-à-dire l'accumulation de droits de prestations sur une base personnelle. Le régime en plus comporte un élément de solidarité intergénérationnelle.

De l'instauration du régime, dans les années soixante, jusque dans les années quatre-vingt-dix, les cotisations courantes servaient presque entièrement à financer les prestations sans qu'aucune réserve significative ne s'accumule. Ce mode de financement fonctionnerait bien, pourvu que la structure démographique ne change pas au fil des ans. Or, le vieillissement de la population et la hausse de l'espérance de vie signifient que le coût, pour la prochaine génération, de supporter ce régime sur une base courante sera de quatre fois plus qu'il était au moment de la création du régime. À leur juste valeur, sur une base individuelle, les prestations du RRQ pourraient être financées par un taux de cotisation approchant 6 %. La différence entre ce taux et le taux actuel de 9,9 % représente un transfert intergénérationnel où les générations présentes et futures se trouvent à refinancer un régime qui fut sous-capitalisé par les prestataires courants et passés. À un taux d'environ 11 %, cet écart bien sûr s'agrandirait. Un certain équilibre fut atteint avec la réforme de 1998.

Il est donc important de limiter la hausse du taux de cotisation le plus possible afin de maintenir cet équilibre.

De plus, une hausse marquée du taux de cotisation pourrait entraîner des conséquences néfastes pour l'économie québécoise. Le RPC, l'équivalent au Canada, ne subit pas les mêmes pressions financières que le RRQ. Un taux de cotisation plus élevé au Québec nuirait à la compétitivité du Québec face aux autres provinces, puisque les prestations offertes par les deux régimes sont essentiellement les mêmes. Afin de limiter la hausse du taux de cotisation, qui s'impose, les solutions favorisées devront assurer un partage équitable du coût du refinancement du régime entre les prestataires actuels et les futurs cotisants. Le document de consultation propose effectivement de partager le fardeau entre les générations, et cette approche est raisonnable. Les propositions au niveau des prestations, qui sont contenues dans le document de consultation, affecteraient, d'une manière ou d'une autre, tous les types de rente. Au total, elles permettraient de réduire le taux d'équilibre de 0,3 point de pourcentage.

n (19 h 40) n

On remarque par contre que le partage n'est pas proportionnel à l'importance relative des prestations versées pour chaque type de rente. Par exemple, la rente de retraite représente environ 75 % des prestations versées par le régime, alors que les modifications proposées par la rente... proposées à la rente de retraite ne représentent qu'environ 50 % de l'effort demandé au niveau des prestations.

En plus, ces propositions permettraient de réduire le taux de cotisation, requis pour atteindre la stabilité à long terme d'environ, de 11 % à 10,7 %, donc un pas dans la bonne direction, mais un effort plus grand est nécessaire afin de limiter la hausse du taux de cotisation.

Je propose donc deux mesures additionnelles et aussi deux pistes de solution à peut-être envisager. Une première proposition serait de temporairement geler ou de limiter l'indexation des rentes de retraite au coût de la vie. Notons que, du côté du RPC, aussitôt que le régime se trouve en position de déséquilibre actuariel, comme c'est présentement le cas du RRQ, la loi prévoit un gel automatique des rentes. Cette mesure permettrait de partager plus équitablement l'effort demandé entre les rentiers courants et les générations futures.

Aucune des solutions suggérées jusqu'à présent ne propose que les prestataires courants assument leur part du coût du refinancement du régime. Pourtant, ne sont-ils pas aussi responsables du déficit accumulé?

J'estime qu'un gel de l'indexation des rentes de retraite sur une période d'à peu près 10 ans pourrait permettre de réduire la hausse du taux de cotisation d'environ 0,3 point de pourcentage. Ce que je suggère serait un gel sur une période de trois ans, jusqu'à la prochaine analyse actuarielle. On pourrait envisager des mesures compensatoires hors du régime qui permettraient d'atténuer l'incidence négative de cette proposition pour les plus démunis. Il faut noter qu'à l'heure actuelle les prestataires à faibles revenus font face à des taux d'imposition marginaux effectifs très élevés souvent au-delà de 50 %. Donc, pour les retraités à faibles revenus, la structure même du programme fédéral de supplément au revenu permettrait d'éponger une bonne partie du fardeau d'un gel de l'indexation, réduisant du même coup le coût pour le gouvernement québécois d'adopter des mesures compensatoires pour les plus pauvres.

Une deuxième proposition serait de hausser le facteur d'ajustement actuariel, pour les retraites anticipées, de 0,5 % par mois à 0,6 %. Le moment de la retraite, qu'elle soit anticipée ou tardive, est influencé par le potentiel de réduction ou d'augmentation du montant des rentes. Ces variations dépendent de facteurs d'ajustement qui n'ont pas changé depuis 1984 et qui n'ont pas suivi le rythme de l'allongement de l'espérance de vie et du développement économique. À leurs niveaux actuels, ils découragent la prise de retraite tardive et encouragent les travailleurs à prendre une retraite anticipée. Le document de consultation propose de hausser le facteur d'ajustement, pour une retraite tardive, de 0,5 % à 0,7 % par mois d'ajournement. Ce même changement fut récemment proposé pour le RPC. Il a pour but de s'assurer que les gens qui décident de retarder leur retraite ne soient pas pénalisés. De la même façon, le régime ne devrait pas favoriser ceux qui décident de prendre une retraite anticipée. Pour cette raison, le RPC a proposé de faire passer le facteur d'ajustement actuariel, pour les retraites anticipées, de 0,5 % à 0,6 %. Je crois que le RRQ devrait suivre cet exemple et faire de même.

Aussi, rapidement, d'autres avenues qui pourraient être explorées.

Les changements démographiques sont à la source des pressions financières que subit présentement le RRQ. Donc, à moyen terme, on devrait envisager peut-être une politique d'immigration internationale plus agressive, continuer l'adoption de politiques favorisant l'augmentation de la natalité ainsi qu'augmenter la compétitivité migratoire du Québec sur le plan interprovincial. À ce chapitre, le Québec est la seule province canadienne ayant enregistré un déficit au titre de son solde migratoire interprovincial au cours de chacune des 37 dernières années. Un renversement de tendance serait plus que bénéfique. Par exemple, une hausse de l'indice de fécondité de 0,2 enfant par femme d'ici les 10 prochaines années, et c'est la tendance actuelle, accompagnée de 8 000 immigrants internationaux supplémentaires admis au Québec annuellement et d'une augmentation équivalente du solde migratoire interprovincial, pourrait permettre de réduire le taux de cotisation d'un autre 0,2... 0,42 point. C'est énorme.

Cet exemple est probablement trop optimiste, mais il montre jusqu'à quel point une situation démographique plus favorable permettrait de diminuer les pressions financières qui pèsent sur le régime.

Finalement, une autre piste de solution serait d'étudier la possibilité de hausser l'âge normal de la retraite, qui est présentement à 65 ans, pour faire face à l'espérance... à l'accroissement de l'espérance de vie et possiblement en préservant l'âge minimum de départ à la retraite à 60 ans. Plusieurs pays industrialisés, dont l'Allemagne et les États-Unis, ont opté pour cette solution. C'est sans doute la méthode la plus expéditive pour atténuer le déséquilibre financier, puisqu'elle permet à la fois d'augmenter les entrées et de diminuer les sorties de fonds.

Cela fait maintenant quelques années que les projections actuarielles montrent que la situation financière du RRQ se détériore. L'important est d'agir rapidement afin de préserver la stabilité financière à long terme promise par la réforme qui fut entreprise il y a maintenant plus 10 ans.

Ceci conclut ma présentation, M. le Président. Je suis à votre disposition si vous avez des questions.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Laurin. On va passer maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission, et je suis prêt à céder la parole au ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale et député de Louis-Hébert.

M. Hamad: Merci, M. Laurin, de prendre le temps de venir présenter votre mémoire et prendre le temps de le préparer. Je comprends qu'il y a beaucoup d'ouvrage derrière ça. Alors, merci pour cette belle initiative.

J'ai quelques questions et je vais commencer par votre dernière intervention, que vous disiez que le Québec doit s'attaquer à la politique... avoir une politique plus agressive en immigration, avoir une politique de natalité et... Alors, vous savez qu'on a augmenté le nombre d'immigrants au Québec récemment. Vous savez ça. Vous savez que le solde migratoire du Québec, en termes d'immigration, il est positif depuis quelques années. Vous savez ça?

Une voix: ...

M. Hamad: Oui. Est-ce que vous savez aussi qu'avec le programme d'assurance parentale on a une augmentation intéressante de taux natalité?

M. Laurin (Alexandre): Exactement.

M. Hamad: Donc, on a suivi vos recommandations déjà, hein?

Une voix: ...

M. Hamad: En ajouter? Mais on a augmenté. La dernière politique présentée par ma collègue ministre de l'Immigration, on augmente substantiellement le nombre d'immigrants. Et, l'autre élément, vous parlez aussi que ça va... Évidemment, il y a un autre élément que vous n'avez pas dit peut-être, c'est augmenter la mobilité de la main-d'oeuvre au Canada, qui nous permet d'attirer de la main-d'oeuvre ici, au Québec, ce que nous faisons aussi par l'accord qu'on a signé avec l'Ontario et l'Accord de commerce intérieur.

Donc, il y a plein de gestes que nous avons faits, et ça, vous savez ça, hein?

M. Laurin (Alexandre): Oui.

M. Hamad: Oui. O.K. Mais là vous me demandez d'aller plus loin. Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse de plus à ce niveau-là? Là, ce n'est pas actuaire, ça, là, mais c'est politique, là.

M. Laurin (Alexandre): Oui. Il y a deux buts. Le premier, c'est bien sûr de réaliser l'importance de la démographie. C'est le facteur principal. On voit, là, le potentiel est énorme. Je veux dire, 0,42 point de pourcentage, c'est énorme, là, c'est beaucoup plus que n'importe quoi d'autre qui pourrait être proposé. Donc, continuer en ce sens-là. C'est vrai que l'immigration internationale, elle est en hausse. Par contre... et le solde migratoire aussi total est en hausse, mais par contre le solde migratoire interprovincial, lui, il est en baisse et continue d'être en déficit et de plus en plus. Donc, il y aurait quelque chose à faire en ce sens-là.

Ce que vous avez parlé, là, la mobilité du travail... sur le marché du travail, c'est très important puis c'est une initiative qu'on appuie entièrement, à l'Institut C.D. Howe.

M. Hamad: C'est bien. Là, la question, c'est parce qu'il y en a plusieurs qui ont dit: Il faut augmenter l'âge de la retraite, et c'est une solution payante, etc. Vous savez, au Canada, l'âge de la retraite, c'est 64 ans, la moyenne, et, au Québec, c'est 62 ans. Alors là, on a l'ouvrage avant d'amener la... amener les gens à prendre leur retraite à 65 ans qu'avant de l'augmenter 67. Parce qu'actuellement, quand on donne l'exemple de l'Allemagne, là, souvent les gens reviennent, l'Allemagne, l'Allemagne... Et on voit ça à l'Institut économique, plusieurs, le Conseil du patronat et d'autres qui disent ça: L'Allemagne, ils vont aller à 67 ans. Évidemment, quand on prend le taux d'activité en Allemagne pour la strate de 60 à 65 ans, ils sont pas mal... pas à plein régime, là, mais ils sont pleins. Donc, là, pour ça ils peuvent aller à 67 ans, parce que ça va augmenter le nombre de cotisants, ça va augmenter le nombre de gens qui travaillent.

Mais au Québec, d'abord, on a une faiblesse à ce niveau-là, le taux d'activité est plus faible que la moyenne, et en plus les gens prennent leur retraite plus tôt. Alors, qu'est-ce que ça donne d'aller à 67 ans tant que les gens y prennent à 61 ans, et on a encore de l'ouvrage à les encourager à rester à 65 pour ceux et celles qui désirent le faire? Parce qu'il y en a d'autres qui n'ont pas la santé pour ça. Alors, qu'est-ce que... Comment vous répondez à cette contradiction dans l'argumentaire?

n (19 h 50) n

M. Laurin (Alexandre): Je ne suis pas certain que c'est une contradiction. Mais, oui, d'accord, c'est un bon point. Ce que je dis, c'est une piste de solution, ce n'est pas une recommandation. Ça prend un débat national. Je ne pense pas, là, que le Québec devrait se lancer unilatéralement là-dedans, là, on augmente tout de suite à 67 ans, ça y est.

Le Régime de pensions du Canada pourrait faire face aux mêmes problèmes que le Québec fait face présentement. Il n'y a rien qui dit que dans le futur ça n'arrivera pas. Puis, si ça arrive dans le reste du Canada, ce serait encore pire parce que la loi prévoit un gel automatique des prestations. Donc, c'est une éventualité qu'on veut éviter dans le reste du Canada. Et puis justement il va falloir lancer le débat peut-être. Il ne faut pas oublier aussi que l'espérance de vie est de cinq ans supérieure maintenant qu'elle l'était dans les années soixante. Donc, un jour, il va peut-être falloir lancer le débat, et puis ça pourrait commencer dès maintenant.

M. Hamad: Oui, mais, je comprends, mais, nous, vous savez que notre grand défi actuellement au Québec, c'est au moins commencer d'aller plus loin que 61 ans. Tu sais, on n'est pas à 65. Si tout le monde prenait la retraite à 64, on peut dire: O.K., on va aller plus loin. Mais actuellement notre défi, c'est de l'amener plus loin.

M. Laurin (Alexandre): C'est en partie dû au secteur public, qui est peut-être plus développé au Québec, donc les gens prennent leur retraite un petit peu avant peut-être qu'est-ce qui se fait dans d'autres provinces, là. Bien ça, ce n'est pas le... ce n'est pas le RRQ qui changerait ça, là, c'est tout simplement la façon dont les régimes privés d'épargne-retraite sont structurés.

M. Hamad: Oui. L'autre élément, vous disiez qu'il faut faire attention, rester avec le RPC, Régime de pensions du Canada, pour le taux de cotisation, ne pas augmenter plus. Puis plus loin vous demandez qu'on gèle les indexations des retraites, et là... Donc là, vous dites à une place de ne pas augmenter pour être avec le RPC, mais, si on gèle l'indexation, le RPC indexe. Donc là, il y a une solution qu'on dit non, puis oui pour l'autre. Donc, si on veut harmoniser avec les deux... si on gèle, il faut continuer à donner l'indexation, parce que le RPC indexe aussi.

M. Laurin (Alexandre): Pas nécessairement, puisque l'indexation, ça affecterait seulement les prestataires courants, là, actuels, et puis aussi, de toute façon, c'est la solution qui est prévue dans le RPC présentement, dans la loi constituante, c'est le gel de... le gel de l'indexation. Donc, ce serait adopter la même solution que celle qui est déjà prévue par la loi dans...

M. Hamad: Il y a une condition, là: s'il dépasse le taux d'équilibre, là, mais ce n'est pas le cas.

M. Laurin (Alexandre): Exactement. Bien oui, c'est sûr. Il faut dépasser le taux d'équilibre de plus de zéro... oui, 0,3.

M. Hamad: Mais ce n'est pas le cas, là.

M. Laurin (Alexandre): Non, ce n'est pas le cas.

M. Hamad: Donc, il n'y a pas de gel. Donc, on devient en contradiction avec l'argument de dire: Il ne faut pas augmenter pour ne pas être en... pour être plus haut que le RPC, puis en même temps on dit qu'il faut geler les indexations...

M. Laurin (Alexandre): Oui, mais ça...

M. Hamad: ...pendant que l'autre indexe.

M. Laurin (Alexandre): ...ça n'affecte pas la compétitivité du Québec, parce que les prestataires actuels la reçoivent déjà, la rente.

M. Hamad: Je parle de l'indexation.

M. Laurin (Alexandre): Oui, c'est ça. Si on gèle l'indexation, ça n'affecterait pas la compétitivité du Québec au plan économique.

M. Hamad: Pas la compétitivité, mais ça touche les personnes âgées dans leur capacité de... hein?

M. Laurin (Alexandre): Oui, effectivement.

M. Hamad: Ça enlève leur pouvoir d'achat.

M. Laurin (Alexandre): Effectivement.

M. Hamad: O.K. Mais...

M. Laurin (Alexandre): Mais je veux aussi mentionner qu'il serait... qu'on pourrait envisager des mesures compensatoires, là, pour les plus démunis, là.

M. Hamad: En dehors du régime, si le gouvernement fait...

M. Laurin (Alexandre): En dehors du régime, oui. Très important.

M. Hamad: O.K. L'autre, ce que vous proposez aussi, hausser le facteur d'ajustement actuariel de 0,5 % à 0,6 %, pour suivre l'exemple de RPC, et, nous, la régie propose la formule 40. Et je lui ai posé la question, à la régie: Pourquoi vous ne faites pas comme le RPC s'il y a une solution plus facile? La réponse de la régie, c'est qu'on va, avec la formule 40, on va cibler plus la clientèle.

Alors, qu'est-ce que vous en pensez, de ça?

M. Laurin (Alexandre): Bien, premièrement, il apparaît qu'il y a peut-être un... peut-être que les deux, la régie et le RPC, ne s'entendent pas, là, les actuaires. Le facteur d'ajustement, il est là justement pour s'assurer qu'on reste... qu'il y ait une certaine neutralité, qu'on n'incite pas les gens à prendre une... que les gens ne soient pas incités à prendre leur retraite anticipée. Et puis de la même façon, le facteur d'ajustement, lorsqu'on ajourne notre retraite, bien qu'on ne soit pas pénalisé parce qu'on le fait. Donc, il faut rester neutre à ce niveau-là. Là, les gens au RPC ont évalué que, l'espérance de vie, il y a un allongement, l'économie... l'économie s'est développée, maintenant on devrait aller à 0,6 %. À 0,5 %, c'est trop généreux.

Donc, c'est... la logique, c'est celle-là, là, c'est de... c'est d'encourager, dans le fond, la retraite progressive et de garder la neutralité du régime.

M. Hamad: Dernière question? Oui. En fait, actuellement, probablement vous le savez, actuellement toutes les provinces canadiennes connaissent un problème similaire, c'est l'épargne des citoyens. C'est qu'on dit qu'il n'y a pas assez... les Canadiens n'épargnent pas assez. Et alors là on sait que la Colombie-Britannique, on sait que l'Alberta et d'autres provinces commencent à discuter. Et, la dernière réunion des ministres des... des premiers ministres d'ailleurs, ils ont parlé d'épargne au niveau canadien. Alors, un régime complémentaire et volontaire de retraite, qu'est-ce que vous en pensez, de ça?

M. Laurin (Alexandre): Bien, il y a trois propositions sur la table présentement. Oui, le constat est fait. On est tout à fait d'accord, à l'Institut C.D. Howe. On a d'ailleurs publié plusieurs papiers à ce niveau-là, là. Au niveau du Canada, c'est, quoi, c'est, je crois, trois Canadiens sur quatre qui travaillent dans le secteur privé, qui ne sont pas couverts par aucun régime d'épargne-retraite privé. Donc, il y a un problème. Trois solutions qui ont été proposées. La première: étendre le régime public, donc RPC, RRQ, donc étendre un régime collectif. La deuxième, c'est de créer, comme vous venez de dire, là, un régime volontaire qui... avec une accumulation sur une base totalement individuelle, personnelle. Il y a plusieurs, plusieurs propositions qui ont été faites, là, qui se ressemblent à ce niveau-là. La troisième, c'est un régime multiemployeur, multiprovince qui serait totalement volontaire, totalement privé, aucune contribution d'employeur, peut-être; d'autres disent: Contribution d'employeur.

Donc, il y a... Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous. Il y a plusieurs solutions sur la table présentement. Et puis d'ailleurs il y a un comité provincial-fédéral présentement en place...

Une voix: ...

M. Laurin (Alexandre): ...fédéral, mais je crois qu'il y a des intervenants aussi des provinces là-dedans, là, qui sont après... sont en train d'étudier la question, là, présentement. Donc, c'est, oui, c'est un gros sujet présentement.

M. Hamad: Qu'est-ce que vous en pensez, des régimes volontaires?

M. Laurin (Alexandre): Oui. Moi, je suis personnellement en faveur du régime, pas nécessairement volontaire, là. J'irais plus avec une option de se retirer. Les gens ont plus... les gens ont tendance... Quand c'est volontaire, souvent les gens vont avoir tendance à ne tout simplement pas embarquer, alors que, s'ils ont l'option de se retirer, ils vont embarquer puis ils vont rester. D'autres qui... Certains vont se retirer, mais la plupart vont tout simplement rester. C'est la psychologie humaine qui est faite de cette façon-là.

M. Hamad: Vous parlez du régime de la Colombie-Britannique, ABC, c'est ça, qui a un «opting out»?

M. Laurin (Alexandre): Bien, comme je dis, il y a plusieurs propositions. On a publié un papier, à l'Institut C.D. Howe, Pour un régime complémentaire, de Keith Ambachtsheer, qui est quand même une sommité au Canada pour les régimes de pension, qui fait état, là, de sa proposition, là. C'est très détaillé. Certains sont en faveur de ça, certains ne le sont pas, là. Je veux dire, moi, j'ai tendance à être en faveur de cette solution-là, mais je comprends aussi, là, qu'il ne faut pas tuer non plus le secteur privé, là, et puis tout le secteur des compagnies d'assurance et puis des rentes viagères, etc. Donc, il faut faire attention peut-être, là, mais, bon...

M. Hamad: ...aux compagnies d'assurance...

M. Laurin (Alexandre): ...

M. Hamad: ...qui sont inquiètes. Qu'est-ce que vous direz aux banques là-dessus, pour votre solution, qui est la nôtre, là?

M. Laurin (Alexandre): Qu'est-ce qu'on... Il n'y a rien à dire vraiment, là. Je veux dire, si c'est la solution qui est la meilleure, c'est la solution qui est la meilleure. Il va toujours... Mais peut-être qu'il y a des compromis à faire, là. En politique, on fait toujours des compromis. Donc, il y a toujours des groupes de pression de tous les côtés. Et puis je suis convaincu qu'on va en arriver à une bonne solution. Mais ce ne sera pas demain matin, là. C'est... Là, présentement, comme je vous dis, il y a un comité qui commence à étudier la question, là. C'est la première fois. On parle d'avoir un sommet pancanadien. Attendez encore, attendons encore quatre, cinq ans, là.

M. Hamad: J'ai-tu encore du temps? Ou c'est...

Le Président (M. Kelley): Un petit peu de temps.

M. Hamad: Oui. C'est le son. Il a monté vraiment, là. On entend nos respirations. Dans vos évaluations, 11,1...

Une voix: ...

M. Hamad: ...oui, c'est bon ça, vous avez... Le taux d'équilibre, selon vos calculs, c'est 11,1 % par rapport à la régie, 10,95 %. Il y a un peu de différence. Cette différence-là, c'est dans la démographie probablement, dans les probabilités que vous avez évaluées?

M. Laurin (Alexandre): Oui, c'est ça. Bien, je me suis servi, là, des vieux chiffres. Donc, avec la mise à jour, comme vous avez dit, on a un meilleur profil démographique maintenant, donc c'est tout simplement, là... Maintenant, ce serait 11 %, dans le fond, et non pas 11,1 %.

M. Hamad: O.K. On est autour des mêmes chiffres. O.K. Merci.

n (20 heures) n

Le Président (M. Kelley): Juste avant de céder la parole à ma gauche, juste une question technique. Sur le premier paragraphe de la page 2 de votre présentation, vous avez parlé d'un transfert intergénérationnel. Vous n'êtes pas le premier témoin qui a mentionné ça, que le taux de cotisation à 6 %... la différence entre le taux et 9,9 % représente un transfert intergénérationnel. Comment est-ce qu'on calcule ça?

M. Laurin (Alexandre): Le 6 %, il y aurait deux... Premièrement, j'ai aussi mentionné que c'est sur une base personnelle. Le régime, c'est un régime collectif. C'est quand même tracer un parallèle avec ce que ce serait si ce ne serait pas un régime collectif, donc un régime purement personnel.

6 %; il y a deux façons. La première, on peut, disons, prendre une feuille de calcul et calculer en regardant les hypothèses puis des actionnaires, les hypothèses que les... qui ont été faites par la Régie des rentes, par exemple. Là, on regarde les hypothèses et puis, bon, le taux de rendement, etc. Puis on voit, au bout de 40 ans, là, qu'est-ce qui serait à peu près l'équivalent. Et puis une autre façon de faire... il y a le Régime de pensions du Canada qui publie dans ses analyses un peu la même chose, là, ce qu'ils appellent le taux de juste valeur. Et puis c'est justement le taux qui permettrait d'accumuler, sur une base personnelle, les bénéfices... les prestations de l'individu, là, à chaque année, là.

Le Président (M. Kelley): Non, non, je suis juste curieux, c'est juste... ça m'intriguait. La dernière fois qu'un témoin a utilisé la même comparaison, je n'ai pas posé la question, à ce moment. Mais juste pour voir, alors le taux de 6 % donne le rendement prévu pour un travailleur actuel. Alors, si on charge 9 %, la différence, dans votre estimation, c'est ça qui paie pour les travailleurs précédents? Est-ce que je peux le formuler ainsi?

M. Laurin (Alexandre): Oui. C'est... exactement. Ça reste une métaphore, mais, oui, exactement. C'est une image.

Le Président (M. Kelley): Parfait. Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Laurin. Mémoire intéressant du C.D. Howe. Moi, j'ai évidemment quelques petites questions sur vos pistes de solution.

Il faut se rappeler que notre Régime de rentes, quand ça a été créé, c'était pour assurer un minimum de remplacement de revenu à l'ensemble de la population, et évidemment ceux qui en ont le plus besoin, c'est la classe moyenne et les gens qui sont les plus... en fin de compte, qui n'ont pas beaucoup d'autres revenus. Et on a fait des choix, comme Québécois, avec ce Régime de rentes, de lui donner un caractère d'assurance collective. Et puis je pense qu'il faut le regarder. Il ne faut pas le regarder tout seul, il faut regarder l'ensemble des mesures sociales, il faut voir un portrait global. Je ne sais pas si, dans les autres pays ou provinces que vous avez... que vous étudiez, que vous analysez, si vous faites une comparaison avec l'ensemble des avantages. Parce que, si on pense à toujours cette fameuse équité intergénérationnelle, moi, je pense que nos jeunes aujourd'hui vont peut-être payer un peu plus cher pour leur Régie des rentes, mais ils ont des services assez formidables. Et je ne sais pas si ces services-là... Je reviens toujours aux politiques un peu familiales, les garderies à 7 $, l'assurance parentale, l'assurance médicaments. Alors, je ne sais pas si ce sont des choses... à travers l'ensemble de la taxation, des impôts qu'ils paient, si finalement ils ne sont pas quand même assez... assez bien favorisés.

Je vous entendrais là-dessus peut-être une petite minute, si vous avez un commentaire, puis ensuite je passerais à des points plus précis.

M. Laurin (Alexandre): D'accord. Oui, c'est vrai, je ne sais pas... oui, il y a un choix social qui a été fait. Mais ces services sociaux là sont payés à même les impôts courants, là. Vous parlez des garderies, etc. Ça ne fait pas partie du Régime des rentes. Le Régime des rentes, ça protège pour 25 %. Et puis peu importe que, si on paie six ou 10... c'est toujours 25 %.

Mme Lapointe: Ça, je comprends, mais ce que je veux dire, c'est que quand même il faut regarder, je pense, le portrait global de la situation des différentes générations, qui n'a pas été le même tout le temps.

Et j'en arrive évidemment à votre position, enfin votre proposition de gel des prestations. Moi, je suis très mal à l'aise avec ça, je dois vous dire, là, mais je comprends que l'année 2008 a fait perdre 9 milliards de dollars à la Régie des rentes et puis a affaibli, hein, a affaibli beaucoup ses réserves. Mais, sur 40 ans, le rendement a été de 8,5 %, et il y a des bonnes chances que les rendements... Je pense que vous les situiez à environ... Je ne sais pas si c'est vous qui situiez les rendements, là, à 6,5 % ou si c'est le mémoire suivant, pour la suite des choses, mais je pense que ce serait épouvantable de faire payer les retraités d'aujourd'hui notamment pour les pertes astronomiques de la Caisse de dépôt, entre guillemets, là. Les retraités d'aujourd'hui, si on cesse d'indexer, pendant deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans, puis ça peut être plus long que ça, bien, ces gens-là, leur niveau de vie recule. Bon. Alors, ça me fait peur.

Par contre, vous dites qu'il y aurait des moyens de compenser, des programmes qui pourraient être institués pour compenser ça. Alors, moi, je serais tentée de vous demander de quelle manière, lesquels, comment, parce que ce serait intéressant. Évidemment, les personnes qui ont d'autres régimes complémentaires de retraite, un gel de leur Régie des rentes, ça ne changerait pas grand-chose dans leur vie s'ils ont des revenus importants, mais, des personnes qui ont des faibles et très moyens revenus, tout compte. Alors, lesquels et comment? Avez-vous réfléchi à ça?

M. Laurin (Alexandre): Bien, on pourrait envisager les moyens conventionnels, un transfert direct, un crédit d'impôt, là, comme on appelle, ou, si ce n'est pas un crédit d'impôt, ça pourrait être un supplément québécois au SRG fédéral, par exemple. Il pourrait y avoir plein de façons, on n'a qu'à utiliser notre imagination, mais l'important, c'est d'instaurer un autre transfert, un paiement de transfert.

Mme Lapointe: Bien, c'est sûr que c'est compliqué avec deux niveaux de gouvernement, mais on ne reviendra pas sur cette question-là. Mais vous dites, vous dites dans votre... je pense bien, là, dans un de vos textes: «...la structure même des programmes gouvernementaux de supplément au revenu permettrait d'éponger une bonne partie du fardeau de cette mesure proposée, réduisant ainsi le coût pour le gouvernement québécois d'adopter des mesures compensatoires pour les [moins bien nantis].»

C'est intéressant. Qu'est-ce que ça veut dire?

M. Laurin (Alexandre): Bien, le SRG, le supplément du revenu garanti, les réduit, pour une personne seule, de 0,50 $ pour chaque dollar de revenu de pension de retraite, incluant le RRQ. Donc, c'est la même chose s'il y a une réduction des... Ce n'est pas une réduction, mais une hausse moindre du RRQ. La hausse qui est moindre, bien là, dans ce cas-là, c'est: le coût est 50 % moins élevé pour cette personne seule là. Donc, d'une certaine façon, le gouvernement fédéral se trouverait à éponger 50 %.

Mme Lapointe: C'est une bonne affaire? Ça pourrait être une bonne chose

M. Laurin (Alexandre): Ça reste que c'est un régime. C'est le filet social, hein, c'est le revenu minimum.

Mme Lapointe: Bien sûr, bien sûr. Tout à fait. Quand vous parlez évidemment, là, du taux de natalité, est-ce que vous vous basez sur les dernières statistiques de l'Institut de la statistique, de juillet cette année, dans vos prévisions optimistes?

M. Laurin (Alexandre): C'est juste un exemple. C'est un exemple. 0,2, ça m'apparaissait optimiste, mais quand même, dans la mesure peut-être du réalisme... Puis justement, la première fois que je me suis penché là-dessus, c'était avant les nouvelles projections démographiques, et puis on a eu une bonne augmentation, déjà là, donc on voit qu'on est sur la bonne voie, c'est possible. Mais il faut en tenir compte parce que la démographie, c'est ce qu'il y a de plus important, dans le fond.

Mme Lapointe: Absolument, absolument.

M. Hamad: ...

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

n(20 h 10)n

M. Hamad: Quand M. Laurin parle de son 6 % de rendement, parce qu'il dit: Si j'investis mon argent ailleurs, j'ai besoin de juste payer 6 %, c'est important de clarifier ce point-là, que le régime charge 11 %, puis ailleurs je peux avoir 6 %. Ça me coûterait 6 %, dans le fond, si je m'occupe de moi, là. Il y a des conditions, au préalable, à ça. C'est définitivement dans le calcul, ça devient comme ça, mais en fait il y a une condition de dire que j'obtiendrai le même rendement que la Caisse de dépôt. Et ça, c'est: Est-ce qu'un individu tout seul est capable d'obtenir le même rendement de la Caisse de dépôt? Ce n'est pas tout le monde.

Mme Lapointe: ...sur 40 ans. Non.

M. Hamad: Sur 40 ans. Alors ça, ce n'est pas tout le monde. Donc, ces conditions-là font en sorte que, oui, ça coûte moins cher, le 6 %, mais dans les... et ça, ça vaut la peine de le clarifier, parce que sinon tout le monde va dire: Aïe, je vais gérer mon régime puis, moi, je n'ai pas besoin des autres.

Le Président (M. Kelley): M. Laurin.

M. Laurin (Alexandre): Oui. Je veux dire, là, j'ai dit le même rendement, là, parce que je voulais être conservateur, mais on pourrait le calculer de toutes sortes de façons, avec des rendements moindres, et puis on pourrait arriver au même montant, là. Je veux dire, ces exercices-là, c'est seulement utile pour faire une... pour donner une image, une métaphore, mais il ne faut pas trop se lancer là-dedans parce que c'est basé sur tellement d'hypothèses, de toute façon, donc...

Mme Lapointe: ...n'est pas une science exacte.

M. Laurin (Alexandre): Oui, mais ça, ce n'est pas un calcul actuariel, là. Les actuaires, là, ça leur prend du temps.

Le Président (M. Kelley): S'il n'y a pas d'autre question, il me reste à dire merci beaucoup, M. Laurin, parce que souvent on a des organismes, des groupes qui viennent ici témoigner, mais vous avez fait ça à titre individuel, comme citoyen, de participer dans un débat qui est très complexe. Alors, merci beaucoup pour avoir partagé votre expertise avec les membres de la commission. Je vais suspendre quelques instants et je vais inviter des représentants de la Confédération des syndicats nationaux de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 20 h 12)

 

(Reprise à 20 h 15)

Le Président (M. Kelley): Alors, la Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Notre deuxième témoin ce soir, c'est la Confédération des syndicats nationaux, représentée par son vice-président, M. Louis Roy, M. François Lamoureux et Mme Nathalie Joncas. Alors, M. Roy, la parole est à vous.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Roy (Louis): Merci beaucoup, M. le Président, M. Kelley. On est heureux de contribuer à votre qualité de vie au travail. En commençant plus tôt, on espère que vous allez pouvoir dormir un peu plus ce soir.

Alors, M. le ministre, M. Hamad, M. Trudeau, Mme Lapointe, MM. et Mmes les députés, comme vous avez déjà entendu plusieurs points de vue sur la proposition du RRQ, de la régie, on va y aller assez carrément sur la position de la CSN pour avoir un échange le plus fructueux possible. Plutôt que de vous lire un texte, là, je vais aller à l'essentiel des choses. D'abord, vous dire qu'en 2004 nous étions ici, sensiblement les mêmes personnes, une nous a quittés justement pour prendre sa retraite, quand il y a eu la consultation, et ce n'est pas moi, contrairement aux mauvaises paroles du ministre du temps, qui avait dit qu'il y avait trois générations présentes et qu'il pensait que c'était moi, le plus vieux. Ce n'était pas vrai, c'est... Mes cheveux blancs l'ont confondu. Mais, en 2004, on était ici et on vous disait que nous ne voulions pas de changement...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Roy (Louis): Ce soir, malheureusement, c'est moi le plus... C'est une mauvaise soirée. Mais j'ai gardé juste un peu de blanc, voyez-vous?

Alors donc, nous avons, depuis cinq ans, quand même étudié beaucoup la question des régimes de retraite et aussi la question du Régime des rentes du Québec, et aujourd'hui c'est avec un esprit d'ouverture sur plusieurs questions qu'on se présente devant la commission. Et d'ailleurs on est très heureux de la façon dont le débat a été posé, même si je comprends que c'est quelque chose qui est extrêmement sensible au Québec: on fait affaire à tous les lobbys, les plus jeunes, les plus vieux, les femmes, les syndicats, les patrons. Là, vraiment on est dans le coeur de quelque chose d'assez compliqué. Et, nous, on a choisi cette fois-ci de prendre des risques au niveau de notre position concernant les modifications au RRQ, et c'est ce qu'on va vous exposer rapidement ce soir.

Mais vous dire que, nous, on a trois objectifs fondamentaux. Le premier, c'est de consolider le Régime des rentes et d'en assurer la pérennité, et pas juste d'un point de vue financier, pas juste d'un point de vue des argents nécessaires pour le maintenir, mais aussi d'un point de vue social, c'est-à-dire d'avoir un consensus autour de cette question-là pour permettre au régime de traverser les 50, 60 prochaines années. Un peu comme, quand on le voit aujourd'hui, ceux et celles qui l'ont imaginé il y a 40 ans, je pense qu'on peut leur lever notre chapeau, ils ont fait un travail colossal, on le voit, le régime aujourd'hui fonctionne très bien. C'est sûr qu'il n'y a pas de régime parfait, mais, quand on regarde ce qui a été instauré il y a 40 ans, bien c'est un peu le même genre de travail qu'on voudrait faire avec vous pour dire comment on peut se projeter sur les 50 ou 40 prochaines années pour s'assurer que le régime va être encore là et ne pas faire en sorte qu'il y ait des débats intergénérationnels en cours de route et que ceux et celles qui sont les plus jeunes, là, qui commencent à rentrer dans le régime, après 10, 15 ou 20 ans commencent à dire que ce régime-là ne leur convient pas et qu'ils jettent le bébé avec l'eau du bain.

Alors, nous, on l'a abordé avec cet esprit-là. Et, nous, on est d'accord avec l'idée de la retraite avec trois bases, trois piliers chez les individus, c'est-à-dire les régimes qui sont plus publics, si on veut, j'inclus dans ça aussi la question de la sécurité de la vieillesse; les régimes complémentaires de retraite, qui sont des régimes employeurs-employés directement négociés par ces personnes-là; et aussi l'épargne personnelle. L'épargne personnelle, pour qu'elle existe, il faut qu'on soit capable d'instaurer des régimes qui permettent aux gens d'avoir encore suffisamment d'espace pour faire de l'épargne personnelle.

Alors, nous, on l'a abordé comme ça. Mais je vous dirais que le point majeur qui nous a retenus, qui a retenu notre attention, c'est celui de l'équité et de la solidarité intergénérationnelles. On ne peut pas parler que d'équité intergénérationnelle, même si dans notre texte vous retrouvez plus cette appellation-là, il faut aussi parler de solidarité, et c'est l'élément majeur qui a conduit nos réflexions jusqu'à présent.

n(20 h 20)n

Alors, je vais y aller par le côté négatif, tiens, on va s'en débarrasser tout de suite, il faut le faire. Dans les recommandations qui sont faites, nous, il y en a deux principalement pour lesquelles on n'est pas d'accord, c'est la question de la retraite anticipée à 60 ans avec la rente supplémentaire. Et c'est un débat qui n'est pas facile, même dans nos rangs, hein? Les personnes qui approchent de la retraite, qui veulent poursuivre le travail passé 60 ans, et je comprends que vous avez certainement eu un peu lobby de la part des gens qui représentent cette génération-là qui est plus vieille que la mienne, là, nous, on considère qu'il y a une question, là, véritablement de solidarité à faire et, si on veut demander aux plus jeunes de contribuer un peu plus au régime, bien on pense qu'en parallèle il faut demander aussi à ceux qui sont plus âgés et qui continuent de travailler, bien, de contribuer au régime, mais pas nécessairement d'en tirer des bénéfices personnels, mais de le voir d'un point de vue collectif et d'en tirer le bénéfice collectif de maintenir le régime.

Alors, vous le savez certainement, c'est un débat qui n'est pas facile.

La deuxième chose avec laquelle on n'est pas d'accord dans la proposition, c'est la question d'invalidité, d'assouplir la règle ou enfin la définition d'invalidité. Nous, on... les gens avec qui on travaille, qui ont ces problèmes-là... Quand tu es invalide, ce n'est pas par choix. Et on ne peut pas comparer quelqu'un qui est invalide à 60 ans avec quelqu'un qui décide, lui, de se retirer à 60 ans, et qui fait ses calculs, et qui mesure son espace financier et qui décide quand même de prendre sa retraite. Pour nous, c'est quelque chose de très différent d'avec quelqu'un qui a des problèmes de tous ordres mais qui le rendent invalide pour occuper son propre emploi. Nous, on n'est pas d'accord avec l'idée d'affaiblir la notion d'invalidité. Bon. Voilà.

Maintenant, ça, c'est le volet sur lequel on voulait insister, pour lequel on est pas d'accord.

La question de la formule de calcul, là, passer de 36 ans à 40 ans, là, de cotisation, nous, on pense qu'effectivement le débat, il est bien placé. Les événements qui... ou les changements qu'il y a eu soit dans la structure du régime, dans la structure de la société, ou encore même financiers... Là, évidemment on ne parle pas de l'évaluation actuarielle de l'année 2008, là, mais on considère qu'il y a un espace collectif à occuper au Québec pour éventuellement augmenter la période pendant laquelle il faudra travailler pour retirer une pleine rente. Et on serait possiblement d'accord avec l'idée du 40 ans. Mais par ailleurs, pour nous, c'est lié directement avec la possibilité de faire reconnaître les années de grâce dans lesquelles on... avec lesquelles on finit par faire nos calculs, là, de réduction de 15 %. Et toute la question des études, la question des enfants, la question des parents, pas juste la question donc des enfants, des enfants malades, les parents aussi, et aussi les périodes d'invalidité... si ces périodes-là étaient reconnues dans le calcul, on serait prêts à regarder comment on pourrait moduler le passage de 36 à 40 ans.

Donc, il y a une ouverture de notre côté. Je vous jure que ça, ce n'est pas des... ce ne sont pas des débats faciles, ça, hein, la question de l'augmentation de l'âge de la retraite, là, mais on pense que, si on y travaillait correctement et si on trouvait un équilibre dans l'ensemble des composantes du RRQ, on pourrait soutenir ce genre de proposition là.

L'autre volet, je ne les ferai pas tous, hein, parce qu'il y en a quand même plusieurs, là, dans le document de la régie, là, mais l'autre volet, c'est celui de la rente de... voyons, de conjoint survivant et d'orphelin. Ça aussi, c'est un débat qui est assez costaud. Nous, on a des comités de condition féminine qui se sont penchés sur la question, qui ont regardé est-ce que véritablement on est dans la situation pour être prêts à modifier une rente qu'on donne présentement à vie à un conjoint survivant, qui généralement est une conjointe mais qui a souvent aussi au-dessus de 55 ans, pour la remplacer pour une période de 10 ans. Mais, un peu comme la question du calcul, là, de la formule de calcul, en augmentant la rente d'orphelin puis en la versant véritablement aux orphelins, en faisant en sorte que la rente de conjoint survivant soit dirigée véritablement vers la personne qui a des responsabilités envers des enfants... et, si on ajoutait à cela des périodes de reconnaissance, là, pour des périodes d'études, invalidité, grossesse, s'occuper des enfants, s'occuper des parents, bien on pense qu'on est rendus à ce point-là et on pourrait ouvrir sur ce débat-là. Il y aurait sans doute des modalités de soutien pour des femmes qui pourraient en avoir besoin.

On n'est pas allé dans les détails. Il pourrait y avoir aussi des formules. Vous ne les retrouvez pas dans notre document parce qu'on ne voulait pas les écrire à ce moment-ci, on ne voulait pas s'enfermer dans une mécanique, mais il pourrait y avoir des formules, par exemple, de pleine reconnaissance des trois premières années, je dis ça comme ça, là, ça pourrait être deux, trois, quatre, là, mais pour le calcul de la rente. Donc, oui, passer d'une rente permanente à une rente sur 10 ans mais en soutenant celles qui en auraient besoin.

Et il y aura toujours des gens pour qui le régime, quand ils vont arriver au bout du 10 ans... ils vont passer au bout du quai, là, ils vont être rendus au maximum. Mais, nous, on pense que ce n'est pas à la RRQ d'assumer ça, ce n'est pas au Régime des rentes du Québec, c'est plus... Si on veut soutenir ces personnes-là, bien il faudra trouver dans notre filet social une autre façon de soutenir les personnes qui pourraient éventuellement être en reste au bout de la ligne des 10 ans.

Alors, comme vous le voyez, ce ne sont pas des débats simples, mais on pourrait avoir une ouverture avec les conditions que j'ai énumérées.

Est-ce qu'il y a des ceintures de sécurité sur vos chaises? Oui? J'espère. Vous pouvez vous attacher à vos chaises.

Une voix: ...

M. Roy (Louis): Alors, la question du financement...

Une voix: ...

M. Roy (Louis): Nous, on pense que, sur la question du financement, il faut donner un signal très fort, collectif, public sur la nécessité d'une équité intergénérationnelle.

Nous n'étions pas, nous, à la CSN, d'accord avec l'idée de mettre en place le Fonds des générations. Le gouvernement a décidé de le mettre en place, et l'argent est là, l'argent continue à rentrer. Bien, nous, on va vous proposer qu'on serait prêts à regarder, étudier la possibilité que ce fonds-là soit spécifiquement dédié à la caisse du Régime de rentes du Québec. Pourquoi? Parce qu'on pense que la rente que l'on paie, quand on regarde les tableaux qui nous ont été fournis par la RRQ... ce sont les plus jeunes qui sont à risque sur la question de donner beaucoup de cotisations et de retirer moins, au bout de la ligne. Je mets ça entre guillemets. Évidemment, si on compare un jeune qui commence à travailler aujourd'hui avec une personne de 60 qui a commencé à travailler en 1972, là les écarts sont faramineux. Mais parlons tout simplement des jeunes qui rentrent ou qui sont rentrés il y a cinq ans, il y a 10 ans. Bien, nous, on pense que, si on veut véritablement donner un signal clair sur la solidarité intergénérationnelle, on peut utiliser le Fonds des générations pour soutenir le RRQ, ce qui pourrait nous permettre, évidemment avec les calculs qui seraient à faire, ce qui pourrait nous permettre d'augmenter, parce qu'il faudrait quand même probablement augmenter un peu la cotisation maintenant... mais qui pourrait éventuellement nous permettre de la faire baisser plus tard et faire en sorte que nos jeunes qui commencent à travailler aujourd'hui ne soient pas ceux qui assument à peu près seuls l'augmentation des cotisations dans le futur.

Donc, stabiliser le fonds avec le Fonds des générations. Ça aussi, c'est un débat qui n'est pas simple, d'autant que... parce qu'on l'a fait, nous. Donc, les arguments contre, je vais vous en laisser quelques-uns, là, mais on en connaît quand même quelques-uns. Le Fonds des générations, théoriquement, est un fonds auquel ont contribué tous les Québécois et toutes les Québécoises, mais, d'un point de vue pratique, c'est qui qui a mis de l'argent dans le fonds? C'est ceux qui paient des impôts. Et ceux qui paient des impôts généralement ici, au Québec, c'est ceux qui travaillent. Donc, cette question-là d'utilisation d'un fonds dédié, pour lequel nous n'étions pas d'accord, je le répète, parce que quand même vous ne pourrez pas m'accuser de ne pas vous l'avoir dit, bien c'est de l'utiliser pour soutenir les générations actuelles, celles qui débutent leur travail maintenant, pour éviter qu'ils se ramassent avec des problèmes plus graves en termes de cotisation dans le futur.

Et finalement une autre question, c'est celle de l'existence d'un régime universel de retraite complémentaire.

n(20 h 30)n

Nous, on pense qu'on est rendus au point où il faut faire cette discussion-là collectivement, avec l'ensemble de la société du Québec, évidemment beaucoup avec les patrons, parce que ce que ça veut dire, ça veut dire obliger à la fois les patrons et les employés à contribuer à une caisse ou à des caisses, là. Je dis «des» au pluriel parce qu'on ne s'est pas arrêté sur la formule. Ça pourrait être un régime universel pour tout le monde, ça pourrait être des régimes sectoriels, ça pourrait même être des régimes régionaux. En tout cas, il y a différentes formules qui pourraient être utilisables pour faire en sorte que toutes les personnes qui travaillent au Québec bien bénéficient de ce plus-là au moment où elles prennent leur retraite. Et nous sommes tout à fait prêts à faire ces discussions-là.

Je terminerais en disant que ce qui nous apparaît le plus important, c'est de trouver, dans les mois... ou dans l'année qui vient, une façon de faire des consensus autour de ces questions-là. Et pas juste le gouvernement avec la CSN, mais l'ensemble des groupes qui sont touchés et intéressés par la question. Et, moi, je considère... et la CSN, on est de cette eau-là, il y a un espace, là. Ce qui s'est passé financièrement a fait réfléchir beaucoup de monde sur des questions de retraite, parfois, malheureusement, de façon un peu brutale. Mais, si on veut se projeter pour les 40 prochaines années, là le timing est bon, comme on dit en chinois. Il faut faire cette réflexion-là. Mais imposer des modifications au RRQ en laissant des groupes de côté, ça va être un peu compliqué, surtout quand on parle d'équité ou de solidarité intergénérationnelles.

Alors, nous, on appelle à du travail sérieux, sur un espace maximal de un an, pour s'entendre sur des modifications qu'on serait capables, tout le monde... ou presque tout le monde, de soutenir de façon consensuelle. Alors, c'est l'essence à peu près du mémoire que nous vous avons déposé.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Roy. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission, et je vais reconnaître le ministre de l'Emploi, la Solidarité sociale et le député de Louis-Hébert.

M. Hamad: Merci, M. Roy, Mme Joncas, M. Lamoureux, merci d'être là. Très intéressant, puis il y a beaucoup de courage dans votre mémoire, parce que, là, vous proposez des pistes qui vont... évidemment qui vont nous demander beaucoup de réflexion et beaucoup d'interactions. J'ai plusieurs questions. Je vais aller rapidement dans mes questions. Juste la première, pour comprendre. Le 60 ans, là, les 60 ans, là, j'aimerais ça comprendre ça. Donc là, on partage le temps, parce que l'opposition, elle veut savoir ça aussi. C'est bon?

Le Président (M. Kelley): On va laisser au président la gestion du temps.

M. Hamad: Oui, bien sûr. Surtout, on a un bon président. On a un très bon président. Alors, c'est juste l'expliquer davantage, là. J'ai compris que vous ne voulez pas le supplément de revenu, qu'on a mis en place. Vous n'êtes pas d'accord avec ça? Je ne le sais pas, je n'ai pas bien compris.

M. Roy (Louis): Voulez-vous qu'on prenne toutes vos questions une à une, comme ça?

M. Hamad: Comme vous voulez.

M. Roy (Louis): Oui. O.K. Bien, Mme Joncas, sur le 60 ans... M. le Président, si vous permettez.

Le Président (M. Kelley): Mme Joncas.

Mme Joncas (Nathalie): Bon. Effectivement, la dernière fois, on n'était pas trop d'accord à avoir la rente additionnelle avec ces cotisations-là et effectivement on vous avait dit que ça avait des coûts dans le régime, puis on le voit dans la consultation. Là, on hausse les cotisations puis on a apporté un bénéfice voilà quelque temps.

Et, pour le 60 ans, bien c'est qu'on demande, on dit aux prochaines générations: Vous allez travailler 40 ans, donc vous allez travailler plus longtemps, parce qu'on pense que les gens devraient travailler plus longtemps, donc on va baisser les bénéfices ou on va allonger la période, mais finalement c'est comme une façon... On vous pénalise, et ça va prendre 40 ans pour avoir la rente, tandis que, pour favoriser le travail des personnes qui ont 60 ans, bien on va leur donner une pleine rente dès 60 ans. Donc, dans un cas, on dit: On vous enlève votre rente, on vous la baisse, comme ça vous allez rester au travail, et, dans l'autre cas, quand tu as 60 ans, bien on dit: Tu vas avoir pleine rente, même si tu ne pars pas au travail, parce qu'on va te... ça va te permettre de rester au travail. Ça fait que, dans un côté, on donne puis, dans l'autre, on pénalise. Donc, une chose dans l'autre: à 60 ans, de donner la rente à quelqu'un qui n'a pas pris sa retraite puis... et qui n'a pas de réduction de temps de travail, ça a un coût dans le régime. Et là on est en train d'essayer de trouver une équité. Donc, on pense qu'en plus ça viendrait seulement, à peu près, à cette génération-là, parce qu'en augmentant à 40 l'âge de retraite, automatiquement, en augmentant à 40 le nombre d'années pour avoir droit à une rente, on pousse l'âge de la retraite, et là tranquillement les gens vont se retirer plus tard que 60 ans. Et cette mesure-là, elle va s'appliquer probablement que dans une très... une période assez courte.

Donc, on va... encore un coût additionnel mais qui est encore dirigé vers une certaine cohorte, et on baisse les bénéfices de l'autre cohorte. Donc, ce n'est pas que le bénéfice n'est pas intéressant, mais, à ce moment-ci, ce ne serait pas notre choix que de donner ça. Et, dans les études qui sont mises par la régie, on dit: Le Régime de rentes, c'est juste pour donner un signal, parce qu'il n'a pas vraiment d'influence sur le fait, oui ou non, si un travailleur reste au travail. Donc, on trouve que ça coûte assez cher juste pour donner un signal, tandis qu'on est en train de demander des hausses de cotisation aux autres personnes. Donc, on n'est pas pour ce bénéfice-là, bien que ça pourrait être quelque chose d'intéressant, mais ce n'est pas, à ce moment-ci, le temps de donner un bénéfice additionnel aux personnes de 60 ans.

M. Hamad: Mais il y a 125 000 Québécois, là, qu'avant... à travailler, cotisaient à la Régie des rentes et ne recevaient aucun bénéfice avec ça. 125 000 personnes de 60 ans et plus au Québec. Et on a corrigé comme une... je ne dirais pas une injustice, mais on a corrigé quelque chose pour dire aux gens: Si vous retournez sur le marché du travail, là vous continuez à travailler, vous allez voir, c'est bénéfique. Et là on revient à nos discussions pendant l'adoption du projet de loi n° 68, il y a un an et demi, mais on est constants, les deux, sur une même chose, mais aujourd'hui on peut en parler. Parce que, moi, j'ai vu les chiffres: 125 000 Québécois qui ont eu un bénéfice avec ça, et, ce bénéfice-là... en passant, ces gens-là travaillent, continuent à cotiser, et c'est intéressant de voir... Puis en plus la moyenne québécoise actuellement de l'âge de la retraite, c'est 61 ans. Et on ne peut pas obliger le monde de travailler, mais on peut les encourager à travailler parce que le taux d'activité est faible à ce niveau-là.

Le Président (M. Kelley): M. Roy.

M. Roy (Louis): Bien, c'est parce que, M. le ministre, c'est une question... c'est la même chose, c'est un question de timing. Si on veut rééquilibrer l'ensemble des problèmes ou des défis que nous pose le RRQ, on ne peut pas voir les éléments séparément, un par un. Si vous faites une commission parlementaire uniquement sur cette question-là des 60 ans, on va venir vous dire: Ça a bien du bon sens. Mais, si vous nous demandez en même temps: Oui, mais les plus jeunes qui vont rentrer, au lieu d'avoir la pleine rente après 36, vont l'avoir à 40, je suis obligé de vous dire que, nous, on représente des gens dans les deux cohortes, là, et on a travaillé à faire en sorte qu'il y ait une solidarité entre eux. Et c'est ça qu'on vient vous dire. On ne peut pas, d'une part, demander aux plus jeunes de cotiser plus longtemps pour avoir la même rente et au même moment donner à des gens un bénéfice qui n'existait pas avant. On trouve que, là, il y a deux poids, deux mesures, et nos jeunes, ils ne nous suivront pas s'ils se rendent compte qu'en même temps qu'on fait ça on donne des bénéfices à des personnes plus âgées. Et je ne dis pas...

Ce n'est une question de mérite, ce n'est pas une question de contenu, c'est une question de... si on veut revoir l'ensemble, bien il va falloir que tout le monde y mette du sien, et, pour les personnes de 60 ans, c'est probablement ce que ça voudrait dire.

M. Hamad: Quelle est la moyenne d'âge de retraite dans vos conventions collectives négociées, en moyenne? Vous cherchez quoi? Vous cherchez probablement en bas de 60 ans.

M. Roy (Louis): Voulez-vous avoir les noms aussi?

M. Hamad: Hein?

M. Roy (Louis): Voulez-vous avoir les noms des personnes qui prennent leur retraite?

M. Hamad: Les noms? Non.

Une voix: Juste les adresses.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Hamad: Surtout le numéro d'assurance sociale. Mais c'est...

Une voix: Nathalie peut-être là-dessus.

Mme Joncas (Nathalie): Bien, moi, je pense, le facteur le plus important, c'est: Est-ce que, oui ou non, il y a un régime de retraite complémentaire? Donc, dans les industries où il y en a, c'est vraiment l'âge de retraite prévu dans le régime, là, 58 ans ou 59. Bon. Mais, dans les autres endroits ou il n'y en a pas, c'est plutôt... ça va plus tard, 60, 61, dans tout ce qui est plus commerce. Donc, on est là-dedans, mais effectivement c'est comme... ça donne un bénéfice de plus, à ce moment-ci, pour le même objectif, c'est-à-dire travailler plus longtemps. Vous dites aux jeunes: On va vous demander 40 ans au lieu de 36 parce qu'on croit que vous devez travailler plus longtemps, étant donné l'espérance de vie, et vous dites à d'autres juste à côté: On va vous en donner plus pour travailler plus longtemps parce qu'il y a des problèmes dans le régime, et en même temps. Donc, dans un but d'équité, pourquoi en donner à un puis en forcer avec l'autre?

M. Hamad: Je vais aller au Fonds de générations. Le Fonds de générations, en passant, là, c'est payé par le contribueur, mais c'est payé aussi, c'est financé pas nécessairement par les gens qui cotisent à la Régie des rentes.

M. Roy (Louis): ...d'après moi, c'est pas mal le même monde, finalement.

M. Hamad: Bien, c'est... quand on vend des actifs du gouvernement pour mettre dans le Fonds de générations, ce n'est pas ceux qui contribuent à la Régie des rentes, et on a toujours dit...

Une voix: ...

M. Hamad: Bien, des fois, ça peut être des bénéfices, des investissements. Bien oui.

Une voix: ...

n(20 h 40)n

M. Hamad: Mais non. Oui, ça peut être des redevances aussi, mais il y a le fonds consolidé. On a toujours dit: Il faut que le fonds consolidé soit indépendant de la Régie des rentes. Et là avec... Là, on challenge, là, vous avez amené une idée, là, audacieuse, là, il faut qu'on en discute, là. Et, quand vous amenez... on a toujours parlé de l'indépendance de la Régie des rentes, c'est un régime social qui veut... puis là les employeurs, employés paient, puis on maintient un régime. Là, ce que vous demandez, et ça ne me surprend pas, en passant, mais c'est dans votre approche de dire: Pourquoi pas que le gouvernement amène l'argent puis le mette dans le régime?

On a vu ça dans le régime d'assurance parentale. Vous avez demandé la même chose, que le gouvernement mette de l'argent dans le régime. Et là c'est le gouvernement. Tu sais, c'est l'approche, et vous êtes constants dans votre approche. Mais là on parle de deux régimes. On parle d'un régime qui est payé par l'employeur et les travailleurs. On parle de fonds consolidé. Et ça devient comme un autre impôt, qu'on va le mettre, prendre à une place puis l'amener là. Et est-ce que c'est... Là, je regarde le député de Mercier. Ça se peut que c'est l'individu qui paie. Vous disiez toujours que le député... que les individus au Québec paient plus que les compagnies, donc on va prendre leur impôt, le mettre dans la Régie des rentes. Alors, c'est un petit peu ça, là, qu'on dit. Est-ce que... Oui. Allez-y.

Une voix: M. Roy.

M. Roy (Louis): Bien, écoutez, je le répète, nous, ce fonds-là, nous n'étions pas d'accord avec et on ne sait toujours pas à quoi il va servir, finalement. On met de l'argent de côté théoriquement pour soutenir les générations futures s'il y a un problème qui se produit. Nous, ce qu'on dit: Il y en a un, problème qui se produit. Et principalement, si, par exemple, on appliquait directement les recommandations de la régie, les augmentations de cotisation des plus jeunes, c'est eux qui vont payer. Et, dans cinq, six ans, je ne le sais pas, je ne souhaite pas de malheur, mais on va revenir, et la régie va nous dire: Bien, écoutez, on a eu deux, trois mauvaises années supplémentaires, peut-être qu'il faut encore augmenter les cotisations. Mais qui va augmenter? Pas ceux qui sont partis à la retraite, ils sont partis, eux. Ça va être tout le temps, tout le temps les plus jeunes. Nous, ce qu'on a compris, puis peut-être qu'on a mal compris, mais ce qu'on a compris du Fonds des générations, c'est qu'on faisait une réserve pour soutenir les générations en cas de coup dur. Nous, ce qu'on dit, c'est: Il y en a un, coup dur, là. Et, les jeunes d'aujourd'hui, c'est vers eux qu'est dirigé ce fonds-là. Ce n'est pas pour les jeunes, ceux qui auront 10 ans en 2060, là.

M. Hamad: ...générations, c'est pour baisser la dette plus tard. C'est ça, l'objectif. Puis d'ailleurs, dans la présentation, le projet de loi, c'est pour baisser le pourcentage de la dette par rapport au PIB, puis il y a une prévision, on monte le montant. D'ailleurs, le Fonds des générations aujourd'hui, on regarde le montant d'argent par rapport les besoins de la régie. Ce n'est pas encore le gros montant, parce qu'on souhaite que ce fonds-là, il va se bâtir avec les années. Alors, il y a deux éléments, là, tu sais, on parle de dette, puis la dette, c'est la génération, le Fonds des générations. Il y a des dettes aujourd'hui, on bâtit un fonds, de payer la dette plus tard. Donc, c'est pour l'équité intergénérationnelle, alors. Et aussi il y a le principe d'indépendance entre le fonds consolidé et le fonds de la régie, sinon vous êtes en train de dire au gouvernement: Prenez de l'argent, puis mettez le dans le fonds, puis n'augmentons pas les tarifs. C'est ça que vous êtes en train de dire, là. Tu sais, c'est une belle solution, mais, dans le fond, là, c'est comme on dit à quelqu'un: Ne paie pas le compte n° 1 mais paie le compte deux, puis ça va être correct. Mais, compte un, on ne t'augmente pas, là, tu vas être content, mais, dans le fond, il va payer la même chose au compte deux.

M. Roy (Louis): Un bon argument contre le Fonds des générations Je vais le retenir, celui-la.

M. Hamad: Mais, le Fonds des générations, avant que vous montez rapidement votre argument, vous m'avez dit il y a deux minutes que vous ne connaissez pas pourquoi ça sert, le Fonds des générations. Je vous le dis, pourquoi, il sert pour payer la dette plus tard.

M. Roy (Louis): ...présumez qu'il va y avoir une dette dans 40 ans, évidemment. Oui, c'est ça.

M. Hamad: Bien, il y en a une, dette, actuellement. La dette est là, là.

M. Roy (Louis): Oui, oui. Bien, actuellement, oui, oui. Alors, j'ai mes deux qui ont levé la main en même temps, je ne sais pas si vous avez...

Le Président (M. Kelley): On va commencer avec Mme Joncas et continuer avec M. Lamoureux.

Mme Joncas (Nathalie): Le taux de cotisation, pourquoi il est si élevé? C'est qu'on a fait des consensus dans le passé sur la Régie de rentes, puis on a accordé des bénéfices, et là on paie encore pour des dettes qu'on a données dans d'autres années. Donc, il y a eu des consensus. Mais ça fait en sorte que ça traîne une dette, il y a des générations qui n'ont pas financé le coût du régime. Et une dette dans un régime de retraite, c'est une dette aussi, c'est une dette qui apparaît partout. Donc, on trouve que la mission du Fonds des générations cadre très bien avec le fait que, dans le Régime de rentes du Québec, on a des... il y a des dettes que les jeunes doivent assumer, parce qu'on n'a pas financé le coût total dans les années passées. Donc, dans le bout de la mission du Fonds de générations puis à quoi qu'on voudrait... pourquoi qu'on voudrait le mettre dans le RRQ, donc on trouve que la mission est à peu près la même.

L'autre chose, ce n'est pas juste de dire: On va prendre l'argent là puis on ne paiera pas nos taux, nos cotisations, c'est de dire: Premièrement, pourquoi on veut une réserve? On veut une réserve pour que les intérêts puissent payer une partie des bénéfices un peu plus tard, pour être capables d'avoir un taux de cotisation qui est quand même raisonnable, qui est quand même assez nivelé. Donc, si on met plus d'argent, admettons qu'on monte la cotisation comme c'est prévu, on met plus d'argent dans la réserve, et notre réserve vient plus haute, plus grosse, ça peut... ça va faire en sorte que la cotisation plus tard, on pense... et là on pense que ça pourrait permettre de baisser un peu plus les générations... les taux des cotisations des prochaines générations, à peu près vers 2020 ou 2030, pour justement rétablir un petit peu de cette équité-là. On dit: Oui, on sauve.

Si on a besoin de hausser la cotisation en faisant les changements des bénéfices, haussons-la, cotisons, montons peut-être une réserve plus élevée avec la contribution du Fonds des générations ainsi que les paiements pour, je ne sais pas, les cinq ou 10 prochaines années que vous deviez y faire, et ça, ça va créer une meilleure réserve et pourrait ainsi permettre que, ceux qui cotisent 10 % ou 12 %, là, puis qui n'ont pas cotisé les 3 %, 4 % ou 5 % que les autres générations ont cotisés, mais peut-être qu'on pourrait les ramener à 8 % plus tard pour avoir un équilibre dans le régime. C'est à peu près la seule façon qu'on peut... de rétablir une certaine équité sans dire qu'on va leur baisser les bénéfices ou on va les faire cotiser un peu plus.

M. Hamad: ...de dette puis au début vous avez parlé de solidarité. Là, je ne vous suis pas. Là, vous dites qu'on a donné des bénéfices, puis c'est des dettes qu'on a assumées, puis au départ vous disiez que le régime, il doit être solidaire. Là, il y a une contradiction dans la version. Quand vous parlez de version comptable, vous êtes dans les dettes; quand vous parlez de version sociale, il devrait être solidaire. Et là vous devrez, là, se brancher là: Êtes-vous solidaires ou vous parlez de dette?

Mme Joncas (Nathalie): Je pense que la solidarité, c'est que les jeunes paient la dette de celle qui a été... Tu sais, il va y avoir... Il faut que quelqu'un paie. Là, il y a une dette. Puis c'est un consensus social et...

M. Hamad: Il n'y a pas de dette dans le régime, là. Il n'y a pas de dette dans le régime. Actuellement, le régime, il n'a pas de dette. Le régime, actuellement ce qui arrive, c'est que c'est une question démographique. C'est que, dans tant d'années, il va y avoir moins de monde qui vont payer, un.

Deux, quand on regarde l'intergénérationnel, puis la députée de Crémazie est d'accord avec moi, c'est que, si vous regardez ce qu'on paie à la Régie des rentes, vous allez dire: Ah, il y a iniquité intergénérationnelle parce que vous ne payez pas assez, mais, ces gens-là, dans les années soixante, demandez à ceux qui ont vécu dans les années soixante, la garderie n'existait pas, il n'y avait pas l'assurance, il y avait des problèmes partout, puis ça coûtait cher pour vivre, et il n'y avait pas autant d'avantages qu'aujourd'hui Quelqu'un qui paie, aujourd'hui, garderies, 7 $, on a des avantages, de l'allocation familiale: avantage. Il y a plein de choses qui balancent, que ça coûte de l'argent aussi, mais ce n'est pas la même vie.

Alors là, quand on parle d'équité intergénérationnelle, là il faut prendre l'ensemble aujourd'hui, l'ensemble futur, l'ensemble avant. Puis aujourd'hui celui qui paie, il a les écoles gratis, il a les universités avec des frais, mais puis...

Une voix: ...

M. Hamad: Non, je n'ai pas dit: Gratis, l'université, mais aussi...

Une voix: ...

M. Hamad: On est dans des bâtiments.

Des voix: ...

M. Hamad: On est dans des bâtiments.

Une voix: ...

Le Président (M. Kelley): On va référer ce débat aux commissions de la Culture et de l'Éducation. On va revenir sur le sujet, ce soir.

M. Hamad: On est dans des bâtiments qui sont payés par l'autre génération, où on a payé une partie. Alors, on prend l'héritage avant, on l'utilise, on paie pour le futur. Mais c'est normal, une société comme ça qui envoie une charge à l'autre. Alors là, on n'est plus dans les dettes, on n'est pas dans la dette, on est juste... Parce que, si on enlève la solidarité pour ne pas avoir des dettes, là on va couper dans les services, on va couper dans l'invalidité, on va couper dans les rentes orphelin, est-ce que... on va couper dans tout ça, ce que vous demandez de tenir compte. Si je regarde l'autre recommandation, c'est... Alors là, expliquez-moi ça, là je suis mêlé dans vos affaires.

Le Président (M. Kelley): Peut-être on va laisser M. Lamoureux, qui est très patient. C'est votre tour, M. Lamoureux.

M. Lamoureux (François): On a pris un peu d'avance. Je veux revenir à...

Une voix: ...

n(20 h 50)n

M. Lamoureux (François): C'est ça, sur le Fonds des générations et la notion de dette. Sur les objectifs qui sont poursuivis par le Fonds des générations, on s'entend, vous l'avez dit, M. le ministre, il y a un constat, hein, il y a une espérance de vie plus longue, hein, pour la plupart des hommes et des femmes, donc des gens qui vont retirer leurs rentes pendant encore beaucoup plus longtemps et un marché du travail qui est en parfait changement, c'est-à-dire qu'il y a des gens aussi qui se retirent plus jeunes et qui vont retirer leurs rentes beaucoup plus jeunes. Alors, l'effet net, et, dans le document de consultation de la régie, d'ailleurs c'est bien documenté, c'est sûr qu'il va y avoir un effet de halo sur nos jeunes, O.K., qui vont devoir... ou les gens qui entrent sur le marché du travail qui vont devoir assumer inévitablement une portion assez importante des charges du régime.

Donc, le Fonds des générations et le sens qu'on peut donner à la dette, je vous dirais... je prendrais l'exemple du régime d'assurance-emploi, O.K., qui à l'époque, au fédéral, on lui donnait une interprétation en disant: Ça ne peut être utilisé à d'autres fins qu'au bénéfice des prestations d'assurance-emploi.

Mais, avec le temps et avec les changements aussi du marché du travail, cette notion-là a évolué, de telle sorte qu'on a décidé que les mesures d'employabilité, O.K., pouvaient provenir du régime d'assurance-emploi puis des ententes, qu'on a eues, provinciales-fédérales, en y faisant un peu la boucle en disant: Mais, écoutez, c'est au bénéfice des prestataires, puisque ces mesures-là vont aider à les recycler, à les replacer, bon, dans leur... dans un autre milieu de travail. Faisons la même association au niveau du Fonds des générations et de la dette sur le fait que la dette, au sens net, au sens propre du terme, qui devrait servir... ce fonds-là devrait servir à dire: Bon, bien, si on a une dette à un moment x, bon, on voit qu'elle baisse, mais prenons, prenons une photo, on va dire: On va l'utiliser, supposons, pour éliminer la dette qu'on a demain matin puis on a un fonds assez costaud, ça va servir à l'ensemble de la société, pas uniquement aux jeunes, oui, aux jeunes, pour ne pas qu'ils supportent un poids davantage.

Au même titre, je fais l'analogie au niveau des jeunes qui entrent sur le marché du travail et qui vont devoir travailler leur vie durant pour essayer, eux, de combler... les gens qui, à une époque, qui partaient à la retraite normalement profitaient de leurs rentes de retraite dans des milieux de travail, prenaient leur retraite puis cinq ans, dix ans après ou ils étaient décédés ou ils n'en profitaient pas plus que ça. Mais, sur une période de 25, de 30 ans, et en plus que les gens partent plus tôt, c'est inévitable que ce poids-là va retomber sur les jeunes. Alors, pourquoi ne pas utiliser, hein, dans le même esprit, le Fonds des générations pour aider à ce problème-là d'équité intergénérationnelle et de solidarité? Parce que la crainte, elle est là dans nos rangs. Le vice-président vous l'a bien expliqué tantôt. Ça risque de jouer du coude et ça risque de jouer assez dur dans la cohorte de jeunes qui vont dire: Moi, là, ce que j'investis ici, là, ça va me coûter 276 %, moi, en bout de piste, pour avoir la même rente que quelqu'un a mis peut-être à une époque 14 % d'investissement pour avoir sa rente. Et peut-être que, moi, dans le fond, ce régime-là, moi, je peux mettre, là, mon épargne personnelle, puis mettons la hache là-dedans, puis moi-même je suis capable de me bâtir une retraite, parce qu'à ce compte-là, en commençant à travailler à l'âge de 18 ans, bien ce que je vais mettre dans mon épargne...

Et il y a ce risque-là, M. le ministre.

M. Hamad: ...s'appelle M. Duhaime, qui a parlé de régime Pinochet, là, c'est exactement ça, le régime, là, l'«opting out», là, qui... Mais, regardez, là...

Une voix: ...

M. Hamad: Parce que, si on a des dettes, c'est à cause qu'on a investi dans les infrastructures, on a... Tu sais, là, on met un fonds des générations, payer ces investissements-là. Le régime d'assurance, c'est un régime à côté, mais, je pense, on va discuter longtemps sur le deux...

M. Roy (Louis): ...pour en parler.

M. Hamad: Oui, on a une année pour ça. Mais je veux revenir à un autre point important pour moi: le régime complémentaire puis volontaire. Là, vous autres, ce que vous recommandez ce soir, c'est un régime obligatoire pour tout le monde, universel, par une loi, de dire: Toutes les entreprises, vous allez mettre en place un régime, vous allez payer, vous allez payer les employés. Comme ça, tout le monde va avoir une épargne. Vous, vous êtes là. Il y en a d'autres. Et plusieurs sont venus dire: Mêlez-vous pas de ça, le gouvernement, là, le régime complémentaire, régime volontaire, ça, ce n'est pas vos affaires, laissez le privé faire. Là, on a deux, deux, deux... et il y en a qui sont venus entre les deux dire: Écoutez, oui, peut-être c'est bon. Là, quel est l'argument, vous allez l'amener... Quel est votre argument face à quelqu'un qui dit: «Écoutez, là, on a tout ce qu'il faut pour ça»? On a des régimes simplifiés, on a des REER, on a des... Qu'est-ce que vous voulez mêler là-dedans, obliger le monde, on... C'est eux autres, il faut juste les faire comprendre qu'il y a des régimes, puis ils vont être bons puis ils vont le prendre.

C'est quoi, votre réponse à tout ce monde-là? Il y en avait plusieurs qui disaient ça, là. C'est quoi, votre réponse à ce niveau-là?

M. Roy (Louis): Bien, premièrement, on a 60 % des gens chez nous qui n'ont pas de régime de retraite complémentaire.

Les sondages nous disent qu'il y a 60 % des gens qui n'en ont pas, qui en voudraient un. Et c'est une question de responsabilité sociale et aussi de garantie pour l'avenir. Vous savez, on a vécu une crise financière, on glisse. On est aussi dans une crise économique. Aujourd'hui, vous êtes mieux placés que moi pour le savoir, on est dans une crise budgétaire, mais, si on ne réussit pas à sortir de tout ça, c'est une crise sociale qui nous attend. Et la question de la retraite, les gens... la planification de l'avenir, c'est toujours compliqué, ça. Je ne sais pas si... Moi, j'ai été militant syndical quand j'avais 20 ans et je disais aux gens: Il faut que tu investisses dans ton fonds de retraite. Je vais vous dire, ce n'est pas évident d'expliquer ça à des jeunes, là, qui ont 20, 25 ans, hein? Alors, la question de la retraite, c'est vrai, et je le répète, nous sommes pour l'existence de trois piliers: il y a une question de responsabilité sociale, il y a une question de régime complémentaire et il y a une question personnelle dans tout ça. Mais en même temps, dans la question publique, dans la question des régimes publics, il y a un espace, là, qui de toute évidence n'a pas été développé.

On a plein de gens qui travaillent et qui n'ont pas de régime de retraite. Il y a plein de gens qui ne sont pas syndiqués, qui ne sont pas en mesure de négocier des régimes de retraite complémentaires. C'est déjà difficile quand on est syndiqué, alors, quand on ne l'est pas, quand on travaille chez McDonald's ou n'importe où, le régime de retraite... On va vous dire, d'ailleurs chez McDonald's, que: Voyons donc, la retraite, c'est dans 40, 50 ans, ça, oublie ça, pas besoin d'un régime de retraite, tu sais, alors que, nous, on pense que justement... et je pense que même l'OCDE a un peu la même opinion que nous sur ces questions-là, c'est que c'est de la responsabilité sociale de l'État de prévoir qu'est-ce qui va arriver à ses concitoyens à la retraite. Il y a une partie qui repose sur leur propre responsabilité personnelle, sur leur volonté personnelle, mais on pense qu'on est rendu à un moment où il faut faire en sorte...

Et on n'est pas les seuls, hein, ça s'est fait en Australie, en Grande-Bretagne. Les régimes obligatoires de retraite, ça existe. Ça a des défauts, mais ça a l'immense avantage de faire en sorte de permettre à tous ceux et celles qui travaillent d'avoir une base sur laquelle ils peuvent construire pour leur retraite.

M. Hamad: ...c'est obligatoire, pourquoi créer un...

Le Président (M. Kelley): ...M. le ministre.

M. Hamad: Si c'est obligatoire, pourquoi créer un autre régime? On prend le même régime, puis on monte tout, c'est la même chose.

M. Roy (Louis): Bien, écoutez, nous, on n'est pas fermés à ces options-là, mais...

M. Hamad: ...il ne faut pas augmenter. Elle est là, la contradiction, là-dedans. Vous ne voulez pas augmenter les tarifs parce qu'il y a une question d'équité puis en même temps vous dites: On va monter tout le monde, il faut que tout le monde paie plus, les employeurs paient plus pour avoir un régime plus large. C'est ça.

M. Roy (Louis): ...demander à quelqu'un d'autre d'expliquer, puisque je n'arrive pas à vous convaincre.

Le Président (M. Kelley): ...très rapidement, parce que je dois céder la parole à...

M. Lamoureux (François): Mais c'est exactement... Nous étions cet après-midi en discussion avec l'ensemble de nos syndicats là-dessus et cette question-là, et on la pose de la façon suivante.

C'est que, dès le moment où on met une espèce de RRQ2 donc en place, alors l'effet net, il n'est pas documenté au plan statistique, il faudrait le voir, mais ça risque d'avoir des impacts directs avec des «opting outs» pour des employeurs par rapport à un régime complémentaire, donc fin de régime à prestations déterminées peut-être, fin de régime à cotisation déterminée, peut-être fin de régime avec des REER collectifs, et là le problème se pose avec beaucoup de gravité. C'est-à-dire que, si les salariés se retrouvent dans une situation où ils doivent maintenant, plus de régimes complémentaires, plus de REER collectifs, de dire: Moi, c'est mon épargne personnelle, je vais devoir investir dans des REER, je vais devoir... par expérience, et on revient au volet du régime universel, par expérience, les individus sont en face de deux choix: ou bien ils vont dire: Je n'ai pas les moyens, ou bien ils vont dire que peut-être ils ne souhaitent pas sortir de l'argent de leurs poches, O.K., nécessairement. Et la bagarre sur les régimes complémentaires de retraite à l'époque, la mise sur pied, parce que le vice-président parlait du succès du Régime des rentes du Québec... mais c'est un succès, les régimes complémentaires de retraite, mais, vous vous souvenez, à l'époque, lorsqu'on se battait pour les mettre sur pied, on se battait contre nos propres salariés qui disaient: Je suis capable de me mettre de l'argent de côté, moi, occupez-vous pas de ça puis... Ce n'est pas vrai.

Si on n'avait pas mis ces régimes-là comme soupapes, il y aurait eu des gens qui auraient été drôlement mal pris. Et la situation se pose au plan de la responsabilité politique sur les régimes universels. Si l'État ne met pas cette pression-là, il y a des gens qui vont se retrouver et qui se retrouvent en sérieuses difficultés, sans aucun régime de retraite.

Imaginez, là, des gens à qui on a dit: Bien oui, ça prend des régimes complémentaires de retraite pour essayer d'atteindre notre objectif de 70 % à peu près de notre salaire dans notre carrière, et que les gens qui n'ont pas de régime complémentaire, qui n'ont pas de régime de retraite, qui n'ont pas les moyens de mettre de l'argent de côté...

Le Président (M. Kelley): En conclusion, s'il vous plaît.

M. Lamoureux (François): ...bien, vous savez c'est quoi, le revenu? 50 %, 40 %, 50 % à peu près, c'est misérable, c'est misérable.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe: Merci, M. le Président. Alors, M. le ministre a posé pas mal de questions dans les champs qui m'intéressaient.

Merci pour votre mémoire et votre présentation. On avait lu votre mémoire, alors on n'a pas eu besoin de s'attacher...

n(21 heures)n

Une voix: ...

Mme Lapointe: ...on avait prévu, on avait prévu ça. Mes collègues aussi auront des questions à vous poser. Mais je pense que ce que vous avez dit qui est le plus important de votre présentation, puis vous l'avez souligné, c'est qu'il va falloir qu'on trouve, comme société, le moyen de faire un consensus autour de la question de la réforme et puis de la pérennité du Régime de rentes. Parce qu'on a entendu des opinions très variées, je dirais, même opposées, mais il y a des choses qui reviennent régulièrement et qui méritent qu'on s'y attarde. Je pense qu'on va devoir vraiment en discuter avec la société civile, avec les Québécois.

Moi, je voudrais vous entendre un petit peu sur la question de la rente au conjoint survivant, à la rente à la conjointe, habituellement. Vous nous dites: Est-ce que nous sommes prêts? Est-ce que nous sommes prêts à trouver d'autres mesures dans le filet social? J'aimerais un petit peu vous entendre davantage là-dessus, quelles ont été vos discussions. Parce que, bon, on nous a souligné, les groupes de femmes nous ont souligné: Écoutez, attention, si vous touchez à ça, il y a des femmes qui vont se retrouver dans un trou, dans un vide, à 52, 54, 55 ans. Et je pense qu'il n'y a rien de pire pour quelqu'un de se retrouver finalement à l'aide sociale, pour des raisons de cette nature-là, à cet âge-là. Donc, qu'est-ce que vous suggéreriez?

Est-ce que vous verriez la Régie des rentes administrer, avec de l'argent qui viendrait d'un autre ministère, par exemple, certaines prestations, certaines parties du filet social? Est-ce que c'est un petit peu à ça que vous pensiez ou...

M. Roy (Louis): ...demander à Mme Joncas, qui veut vraiment intervenir depuis tout à l'heure, là.

Mme Joncas (Nathalie): Oui.

Le Président (M. Kelley): À votre tour, Mme Joncas.

Mme Joncas (Nathalie): Bon. Vous avez demandé l'état des réflexions. C'est certain que, le fait d'augmenter la rente aux orphelins, donc on redirige cet argent-là plus vers les enfants, donc ça, c'est un pas. Donc, en donnant ça, c'est sûr qu'il y a des coûts là-dedans, donc il faut trouver des sources de financement. Donc, le fait de redonner plus aux enfants, ça, c'était... c'est une bonne chose, donc on était d'accord avec ça.

Et on a vraiment regardé l'ensemble des... Bon. Il y a des problèmes financiers. S'il n'y avait pas de problème financier ou si le régime allait bon train, et tout ça, on ne serait peut-être pas en train de se parler de cette rente-là, là, de changer ou de couper cette rente-là. Une des choses, c'est de dire: Est-ce que, l'argent qui va dans le RRQ justement pour les femmes, est-ce qu'il est au bon endroit en payant une rente de conjoint survivant? Donc, quand on entend le fait qu'effectivement le taux d'activité des femmes a augmenté, bon, bien il n'est pas encore au même niveau que les hommes, les salaires sont encore plus bas, ça, c'est beaucoup des arguments qui sont avancés, mais ça, est-ce que de considérer ces périodes-là et de compenser, prendre l'argent pour compenser ces périodes-là pour qu'elles aient un revenu adéquat lorsqu'ils s'occupent de personnes... d'enfant malades et tout, être capables d'avoir de véritables années, plein de revenu et qu'ils ne soient pas pénalisés pour ces périodes-là où ils doivent s'occuper d'enfants malades ou d'être aidants naturels?, on pense que ça, ça aurait un plus grand impact, pour les femmes, sur leurs rentes à la retraite que peut-être la rente au conjoint survivant, si le conjoint décède. Donc là, tu as 25 ans, peut-être que, là, tu vas l'avoir à vie.

C'est sûr que ça peut être intéressant d'avoir ça, mais on croit que l'argent serait beaucoup mieux dirigé et aiderait beaucoup plus les femmes justement si on allait compenser ces années-là où ils s'occupent d'enfants, où ils ont des périodes... et où à la fin leur salaire est plus bas et leur rente à la fin de retraite, elle est plus basse. Et ça, c'est la majorité des femmes qui vont travailler, qui vont être affectées par ça, plus que peut-être que la rente de conjoint survivant. Et effectivement ce qu'on s'est dit, c'est que ça se peut qu'à la fin... bon, on a 10 ans, il y a une période pour se retourner, donc s'occuper des enfants, mais à la fin il se peut effectivement qu'il y ait des femmes ou... qui tombent dans un certain dalot et est-ce que c'est vraiment à la Régie des rentes à supporter, à aller là? Peut-être qu'on devrait regarder dans d'autres programmes. Et, si on arrive après 65 ans, parce qu'avant la rente, elle allait jusqu'au bout, bien à 65 ans, ce n'est peut-être pas la régie qui devrait faire ça, c'est peut-être le supplément de revenu garanti qui devait être augmenté ou la pension de sécurité de vieillesse qui devrait être augmentée pour, pour aller chercher ces cas-là, mettons, de vraiment de pauvreté à la retraite.

Donc, ça devrait plus se passer peut-être par le supplément de revenu garanti que par le Régime de rentes du Québec pour ces quelques cas-là, qu'on va sûrement peut-être échapper.

M. Roy (Louis): Peut-être juste rajouter, M. le Président, si vous permettez, que la question, pour nous, de la condition des femmes, elle passe d'abord et avant tout par l'autonomie financière. Et il y a un effet quand même pervers avec une rente viagère, là. On comprend que, si tu la reçois à 46, 47 ans, là il y a un problème d'ajustement, là.

Là, il faut trouver une manière de faire ces ajustements-là. Mais en même temps on ne peut pas non plus soutenir constamment, via un régime comme celui des rentes du Québec, des gens pendant 40 ou 50 ans parce que leur conjoint est décédé. Il y a des ajustements qu'il faut faire. Nous, les femmes ont fait cette discussion-là, nos comités de condition féminine, et elles sont pas mal revendicatrices et elles considèrent qu'il y a un espace à ce moment-ci pour remettre de l'avant la question de l'autonomie financière des femmes et non pas mettre ça comme: Ah, bien on va enlever des choses aux femmes. Au contraire, ce qu'on dit, c'est qu'on va en donner plus aux femmes, surtout si on compense, là, les périodes de grâce, là, que j'appelle. On va en donner plus, à plus de femmes, mais il faut s'organiser évidemment pour soutenir celles, qui malheureusement, pour toutes sortes de raisons, là, bonnes ou mauvaises, se dirigent toutes seules vers le bout du quai. Il faut les empêcher de tomber au bout, là.

Mme Lapointe: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Merci, M. le Président. Alors, justement, pour continuer sur le même sujet, dans la formule de calcul 40 ans, entre autres, vous le spécifiez dans votre mémoire, ça vient désavantager les femmes qui ont à s'occuper de leurs enfants, qui s'absentent pour... proche aidant. Et, dans la majorité des mémoires, on nous a fait cette démonstration-là. Par contre, on nous a proposé une formule 15-42. Je ne sais pas si vous l'avez regardée, cette formule-là, puis j'aimerais vous entendre là-dessus et vous entendre, dans le fond, parce que vous n'avez pas de solution à celle-là, sauf de nous dire qu'il faut, il faut tenir compte, dans un nouveau mode de calcul, bon, de paramètres pour s'occuper des enfants, des personnes âgées, etc.

Donc, c'est quoi, votre solution, en tant que tel?

Le Président (M. Kelley): Mme Joncas.

Mme Joncas (Nathalie): Le 15-42, juste être bien certain, c'est 42 ans pour avoir la rente puis 15 ans pour le salaire moyen? Tu sais, donc un salaire... Ce que, nous, effectivement, on disait, on a fait le débat en disant: Est-ce que 40 ans... Est-ce qu'on peut augmenter de 35 à 40 ans pour avoir droit à une rente? Donc, ça veut nécessairement dire travailler plus longtemps pour avoir accès à la même rente. Donc, oui, on est d'accord d'ouvrir là-dessus, mais il ne faudrait pas qu'en plus on pénalise. Avant la période de grâce, le 15 % faisait en sorte d'extraire ces années-là de bas salaires et aller justement chercher les meilleures années. Donc, on en avait 35 si on était capables d'aller en chercher 35, puis on avait une période d'acquisition. Donc là, on dit: Oui, allons au 40. Bon, là, il y en a qui disent: 42. Peut-être avoir une plus longue période pour avoir l'acquisition, mais il ne faudrait pas que la valeur de rente, du fait qu'on met 40 ans, soit plus basse parce qu'on a plus d'années. Et là-dedans on va en chercher qui ont des plus petits salaires.

Donc, compensons ces années-là ou bien soit les compenser ou en prendre moins. Moi, j'ai... On pourrait prendre les 20 meilleurs salaires ou quelque chose comme ça, mais, si c'est... De déterminer la valeur de la rente sur les meilleurs salaires, c'est une chose, et de prendre plus d'années pour avoir le droit à la pleine retraite, c'en est une autre. Donc, on dit, nous: Il ne faut pas que nos salaires... la rente soit plus petite du fait que tu étudies, du fait que tu as des enfants ou du fait que tu t'occupes de personnes malades. Mais on est d'accord que peut-être, oui, ça prendrait 40 ans pour... et travailler plus longtemps. Mais en même temps pénalisez-nous pas en baissant puis justement en allant donner... en reprenant ces années-là où les personnes... où les femmes s'occupent d'enfants. Donc là, il y a comme deux coups de pénalité: on prend des plus petits salaires puis en plus on en demande plus.

Donc, nous, on... Peut-être que c'est ça, la formule, d'avoir une formule différente. Mais on dit: On serait ouverts à regarder le 40, mais dans la mesure où ça ne pénalise pas pour ces années-là.

M. Roy (Louis): C'est ça, augmentons les motifs, et peut-être qu'on ne sera pas obligé d'étirer à 42.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Groulx.

M. Gauvreau: Oui. Merci, M. le Président. Dans un premier temps, à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de protection de la jeunesse, je vais toujours m'objecter à ce qu'on jette un bébé avec l'eau du bain.

Une voix: Qui a dit ça?

M. Gauvreau: M. Roy a dit ça, en début.

Une voix: C'est vous, M. Roy?

M. Gauvreau: J'étais scandalisé.

Une voix: ...ou c'est moi, le bain, là?

M. Gauvreau: Bon. Avec tous les intervenants qui viennent nous rencontrer, on a l'impression qu'il faut mettre de côté la notion, qu'on a apprise pendant longtemps avec la London Life, liberté 55 et ne pas tomber dans la pauvreté 65. Dans une partie de votre mémoire sur le régime universel de retraite complémentaire, il faut constater que, parmi ceux et celles qui ne cotisent pas à un régime complémentaire sont majoritairement des non syndiqués, sont majoritairement des petites entreprises, moins de 16 employés, souvent deux, trois, quatre, cinq employés.

Moi, j'ai eu l'occasion, comme président de conseil d'administration, d'avoir à négocier avec 14 autres entreprises pour avoir un minimum, un minimum à peine acceptable avec, bon, avec des banques, avec des compagnies d'assurance pour fournir aux employés le minimum d'un régime complémentaire de retraite, compte tenu des coûts élevés.

Est-ce que vous croyez qu'un régime universel aurait un impact important sur toutes les petites entreprises, là, les garages, des gens avec deux, trois, quatre employés?

n(21 h 10)n

M. Roy (Louis): Tout à fait. C'est exactement les clientèles qu'on vise. C'est-à-dire que, même un employeur qui serait de très bonne volonté, qu'il ait 10 employés... mettre sur pied un régime de retraite, tu sais, ça n'a quasiment pas de bon sens. Alors, est-ce qu'on pourrait faire en sorte de permettre l'existence de ces régimes-là? Et, quand on regarde la façon dont ça s'est fait partout dans le monde, bien, malheureusement, pour les permettre, il faut les obliger, il faut le faire de façon obligatoire, que ce soit sectoriel, régional ou d'une autre manière, ou que ce soit un autre régime global, et c'est la seule manière de couvrir ces personnes-là.

Et là on ne vient pas, là, plaider pour qu'ils soient syndiqués ou pas, là, on vient plaider pour qu'on soit collectivement responsables de les soutenir dans la mise en place d'un régime de retraite, parce que ce sont les personnes les plus mal prises, au bout de la ligne. Quand elles arrivent, là, au bout de la ligne... mon camarade me faisait remarquer que ce sont souvent des personnes, aussi, qui sont des femmes, hein, dans ces petites entreprises là. On le voit beaucoup dans le développement des entreprises de services. Bien, ce sont ces personnes-là qui n'ont pas la capacité, la possibilité... et parfois même, même si on faisait tout en oeuvre pour mettre en place un régime de retraite, on n'y arriverait pas. Alors, c'est pour ça qu'on pense qu'il faut le rendre obligatoire.

M. Gauvreau: Vous faites référence au Fonds des générations.

Le Président (M. Kelley): ...peut-être un complément de réponse.

M. Lamoureux (François): J'allais juste ajouter: le succès des régimes sectoriels, les exemples. Si, les CPE, CPE par CPE, on avait passé avec l'établissement des régimes de retraite, mais le régime sectoriel qui a été mis sur pied, négocié en grande partie par ma collègue qui est à ma droite, qui a été un succès épouvantable, et celui aussi, en même temps, des syndicats de la construction, aussi c'est des exemples où chaque employeur... mais maintenant, on a décidé de fonctionner avec une caisse unique, donc la possibilité de diversifier, de réduire les risques, les économies d'échelle, les meilleurs bénéfices à long terme.

M. Gauvreau: Vous faites référence, au niveau du financement, au Fonds des générations. Je ne sais pas où vous étiez vendredi, mais ici nous étions ensemble en train de participer à une grande émission de télévision fort sympathique qui a fini à 11 h 30 le soir. Le Fonds des générations, cette année, la contribution du gouvernement, il doit aller le chercher par emprunt. Vous n'avez pas l'impression que, si on va le chercher dans le Fonds des générations, si on va le chercher dans d'autres fonds déjà existants, encore une fois on va créer une certaine forme d'iniquité sociale pour les plus jeunes? Moi, je pense à mes enfants qui vont commencer à travailler bientôt. La dette, là, la dette, là, si on commence à faire des apartés par rapport au remboursement de la dette, c'est nos enfants qui vont casquer pour nous autres, puis pas à peu près.

M. Roy (Louis): Bien, écoutez, on ne peut pas relier directement le débat du régime de retraite avec celui de la dette.

Celui de la dette est important en soi, ça, c'est vrai. Le premier ministre a annoncé l'été dernier qu'on aurait éventuellement un débat sur les finances publiques, mais, dans la colonne Revenus des finances publiques, il va y avoir des choses à faire là aussi. Mais pour l'instant, dans le cadre des débats qui nous sont proposés par la Régie des rentes, nous, on a travaillé. Je l'ai dit au tout départ, c'est pour ça que j'ai pris la peine de le répéter, c'est la question de l'équité et de la solidarité intergénérationnelles qui a été notre fil conducteur. Parce que, si on n'avait pas pris ce fil-là, on ne serait pas arrivés au même résultat. Et, nous, on pense, peut-être à tort, comme dirait le ministre... mais, nous, on continue à penser, malgré les arguments qui ont été apportés ce soir, que le Fonds des générations est un plus pour ceux et celles qui sont aujourd'hui au travail, et qui sont jeunes, et pour lesquels on crée une dette, je vais le mettre entre guillemets, parce qu'on promet des prestations à des gens, c'est une obligation de paiement, on s'engage collectivement à dire: On va fournir ça. Bien, ça s'associe, quant à nous, à une dette. Et c'est justement pour éviter que vos enfants et peut-être mes petits-enfants à moi soient pris dans cet étau-là, qui n'est pas celui de la dette, là.

Ce n'est pas celui des finances publiques, c'est celui du financement du Régime des rentes du Québec. Prenons-le, lui, dans son ensemble, c'est déjà un beau morceau, et on aura des débats à faire et on sera très ouverts sur la question de la dette aussi, il n'y a aucun problème avec ça.

Mais, le Fonds des générations, de la façon dont il a été constitué... quant à nous, aujourd'hui, la Régie des rentes nous dit: Les jeunes qui travaillent aujourd'hui, bien on est en train de leur capitaliser une dette, si j'ose l'expression. Eh bien, on a de l'argent, il n'y en a pas énormément, mais on va continuer à en mettre, alors utilisons-la maintenant pour éviter que nos jeunes soient pris pour payer ça plus tard. La question de la dette, il va falloir la régler aussi. Mais ça, il y a d'autres façons que les cotisations au Régime des rentes du Québec.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Mercier.

M. Khadir: Merci. Bonjour à M. Roy, ses collègues. D'abord, quand on parle de dette, il ne faut pas oublier que ? on a eu l'occasion d'en parler, à la défunte Commission des affaires sociales ? actuellement dans les pays occidentaux, les pays où les systèmes de santé sont assez développés et sont arrivés à un certain niveau de services, le facteur qui a la plus grande incidence sur la consommation des services de santé, donc des coûts de santé, c'est la pauvreté, c'est les inégalités sociales et la pauvreté. Alors, si vous conjuguez à ça pauvreté en fin de vie, proche de l'âge de la retraite, ça fait vraiment une bombe en termes de... bombe à retardement en termes de coûts sociaux, parce qu'on va payer ailleurs dans le système de santé pour des personnes à très faibles revenus, qui n'ont pas de prestation de retraite, qui vont être dans des situations de pauvreté, et enfin dans... à un âge avancé.

Donc, en fait, si on ne veut pas refiler cette facture-là aux générations futures, il vaut mieux prévoir maintenant un coussin en... Et c'est une simple question d'équité générationnelle. Ensuite, moi, je creuse actuellement, bon, sans faire de mauvais jeu de mots, la question des mines. Je me rends compte...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Khadir: Vraiment, non, ce n'était pas prévu. Je suis en train...

Une voix: ...

M. Khadir: Exact. C'est un trou «story». C'est un trou «story». Je vois par exemple qu'au moment où on se parle, dans l'année 2009, au Brésil, en Inde, dans les pays scandinaves, partout on parle d'augmenter les redevances sur les... surtout, sur les sources, les matières premières non renouvelables.

Les mines, par définition c'est une matière première non renouvelable. Ce n'est pas comme le vent, ce n'est pas comme l'eau, ce n'est même pas comme la forêt. Bon. Actuellement, dans le Fonds de générations, ce qu'on est en train de mettre, là, le gros du morceau qui va là, c'est des redevances sur l'eau, qui sont dues depuis longtemps mais qui sont... qui ne sont payées en fait depuis quelques années que par Hydro-Québec. Autrement dit, on part d'une poche... on sort d'une poche puis on en remet dans une autre. Il n'y a pas... Bon, il y a quelques ventes dont les produits ont été placés là, mais, l'essentiel de ce qu'il y a là, c'est une entreprise publique qui l'a investi. Imaginez tous les secteurs actuellement qui ne paient pas de redevances, alors qu'il y a une politique qui est annoncée depuis des années. S'ils capitalisaient dans ce fonds-là, si en plus on regardait ce que les minières pourraient faire... On a regardé tout à l'heure les chiffres fournis par le collègue de Rouyn-Noranda, qui est de la partie gouvernementale. Le plan, juste pour une mine, qui est la mine d'Osisko, si on touchait le 10 %, par exemple, que l'Inde compte, 10 %, au prix du marché, de son produit qui est le fer, en termes de royautés, en termes de redevances, ça constituerait, juste pour une seule mine, 400 millions de dollars, hein, sur le plan d'affaires d'Osisko.

Imaginez toutes les minières qui ne paient pas actuellement de redevances. Alors, imaginez tous les fonds qu'on a à notre disposition pour des ressources non renouvelables, qu'on pourrait... dont une partie pourrait être allouée dans une capitalisation d'un fonds de retraite d'un régime universel, comme le propose la CSN, qui viendrait à long terme atténuer, et amortir, et empêcher les coûts supplémentaires dus à la pauvreté et à la maladie, reliés... Moi, je pense que ça fait énormément de sens. C'est une équité intergénérationnelle, et ça permettrait au gouvernement de prendre ses responsabilités pour toutes ces personnes qui n'ont pas encore de couverture parce qu'ils ne bénéficient pas d'ententes collectives protégées par des syndicats, qui font la richesse du Québec.

Le Président (M. Kelley): Des commentaires? M. Roy ou...

M. Roy (Louis): Bien, écoutez, nous, on a...

M. Khadir: ...en parlant de Brésil, là, et les mines. D'ailleurs, le Brésil, dans les redevances supplémentaires qu'il veut aller chercher du côté du fer, une partie du fonds va être dédiée aux caisses de retraite, par l'État.

n(21 h 20)n

M. Roy (Louis): Bien, moi, ce que je voulais dire, en fait c'est que, nous, on n'a pas voulu s'attarder à des formules aussi précises que celle-là parce qu'on considère que... et pour avoir fait le débat entre nous, à la CSN, on considère que le consensus, il n'est pas suffisamment solide à ce moment-ci pour arriver avec un projet de loi hâtif, surtout qu'on n'a toujours pas l'évaluation actuarielle quand même de cette année ni celle de l'an passée au complet, là, j'oserais dire.

Alors, nous, on pense qu'il faut travailler plus fort encore, collectivement, sur qu'est-ce qu'on peut faire, tout le monde, les employeurs, les syndicats, les jeunes, les plus âgés, etc., pour mettre en place la deuxième phase du RRQ. On a fait 40 ans, là, un petit peu plus, mais je pense qu'il faut s'attarder assez précisément à qu'est-ce qu'on peut faire pour les 40 prochaines années. Nous, on est très ouverts à participer à ces travaux-là. Et des propositions qui sont faites, comme le député Khadir vient de le faire, c'est des choses qui peuvent être mises sur la table, mais, nous, on n'a pas voulu dans notre rapport, à ce moment-ci, aller dans ces détails-là justement pour éviter de faire dévier le débat.

Déjà, en mettant le Fonds des générations, on savait qu'on prenait un risque assez sérieux, mais ça permet... En mettant le Fonds des générations, je peux vous le dire par expérience, puisqu'on l'a fait, nous, avec nos instances, oups, tu sais, ça réveille, là, parce qu'il y a une question d'équité intergénérationnelle qu'on veut mettre de l'avant et qu'on veut que ce soit le fil conducteur de la réflexion. Alors, qu'est-ce qui arrivera, au bout de la ligne? Je n'en sais rien, mais, nous, on plaide pour des travaux supplémentaires, sérieux, en comité de travail, pas nécessairement... On en a fait, des comités de travail, qui ont porté fruit, sur des questions de retraite dans la dernière année... même pas, dans les dernières années, dans la dernière année. Mais, qu'on puisse faire ça et qu'on puisse ensemble trouver la solution autant pour nos jeunes que pour les personnes qui sont plus âgées et qui soit veulent rester au travail ou veulent s'en aller ou encore pour les femmes qui seraient juste sur la limite, là, quand on déciderait de changer, moi, je suis convaincu qu'on a tous les espaces collectifs pour le faire, mais ça va prendre un leadership particulier. Et malheureusement, bien, c'est votre rôle, M. le ministre, vous allez être obligé de l'assumer, c'est le rôle du gouvernement.

Dans des débats comme celui sur la RRQ, vous ne pourrez pas imposer à un groupe... Vous pouvez le faire, mais dans cinq ans, dans quatre ans, dans six ans il va falloir revenir puis corriger les trucs. Visons des consensus, mais faisons les vrais débats par ailleurs et non pas des débats en vase clos, comme on aurait pu en faire, nous, avec notre groupe des femmes, par exemple, ou avec notre comité des jeunes, ou avec l'âge d'or, L'OR-CSN, tu sais. On aurait pu se diviser, nous aussi, puis arriver avec des solutions de compromis sur certains aspects: pour ça, contre ça, pour ça, contre ça. Mais, au bout de la ligne, ce n'est pas ça qui ferait un vrai régime porteur pour les 40 prochaines années.

Il faut trouver un fil conducteur. Je pense que la question intergénérationnelle est porteuse dans tous les milieux et qu'elle nous permettrait de traverser une modification importante du régime de retraite.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, au nom des membres de la commission, merci beaucoup pour une contribution qui, je pense, illustre bien la complexité de ces questions. Je veux souligner l'esprit d'ouverture que vous avez démontré ce soir et l'importance du débat public pour chercher les consensus.

Sur ça, merci beaucoup, je vais ajourner nos travaux jusqu'à jeudi le 24 septembre, à 11 heures, dans la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document intitulé Vers un Régime de rentes du Québec renforcé et plus équitable. Bonsoir, tout le monde.

(Fin de la séance à 21 h 23)


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