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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mardi 12 novembre 2013 - Vol. 43 N° 55

Consultations particulières sur le livre blanc sur la création d'une assurance autonomie intitulé L'autonomie pour tous


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Table des matières

Auditions (suite)

Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et
familiaux du Québec (OTSTCFQ)

Protecteur du citoyen

Regroupement des aidants naturels du Québec (RANQ)

Regroupement des entreprises d'économie sociale en aide à domicile du Québec

Regroupement des offices d'habitation du Québec (ROHQ)

Commission de la santé et des services sociaux des premières nations
du Québec et du Labrador (CSSSPNQL)

Regroupement interprofessionnel des intervenants retraités des services de santé (RIIRS)

Intervenants

Mme Suzanne Proulx, vice-présidente

M. Lawrence S. Bergman, président

M. Réjean Hébert

M. Yves Bolduc

Mme Stéphanie Vallée

Mme Françoise David

Mme Hélène Daneault

*          M. Claude Leblond, OTSTCFQ

*          Mme Lyse Gautier, idem

*          Mme Raymonde Saint-Germain, Protectrice du citoyen

*          M. Claude Dussault, bureau du Protecteur du citoyen

*          M. Carlos M. Hernandez, RANQ

*          M. Mario D'Astous-Tardif, idem

*          Mme Nadine Boucher, idem

*          Mme Marie-Claude Gasse, regroupement des entreprises d'économie sociale
en aide à domicile du Québec

*          M. André Richard, idem

*          M. J. Benoit Caron, idem

*          M. François Chauvette, ROHQ

*          M. Denis Robitaille, idem

*          M. Ghislain Picard, CSSSPNQL

*          M. Malik Kistabish, idem

*          Mme Marjolaine Sioui, idem

*          Mme Andrée Lamontagne, RIIRS

*          Mme Claire Tougas, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures trois minutes)

La Présidente (Mme Proulx)  : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le livre blanc sur la création d'une assurance autonomie intitulé L'autonomie pour tous.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Daneault (Groulx) est remplacée par Mme Roy (Arthabaska).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Proulx) : Merci. Alors, ce matin, nous entendrons l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec et le Protecteur du citoyen.

Je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)

M. Leblond (Claude) : Mme la Présidente, merci beaucoup. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, bonjour. Mesdames et messieurs, membres de la commission, il nous fait plaisir d'être parmi vous. Alors, je suis Claude Leblond, président de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. Je suis accompagné de Mme Lyse Gautier, travailleuse sociale, qui est chargée de projet, à l'ordre. Mme Gautier possède une feuille de route impressionnante, là, et de nombreuses années d'expérience au sein de notre profession. Elle fut la première travailleuse sociale à travailler pour le Curateur public du Québec et, pendant une vingtaine d'années, elle y a joué un rôle conseil afin que soient implantés les aspects concernant la protection de la personne. Alors, vous serez certainement en mesure d'apprécier, là, ses compétences et les éclairages qu'elle pourra nous apporter, là, dans cette présentation.

Alors, notre ordre professionnel regroupe maintenant près de 12 000 membres, et environ 4 500 de ceux-ci interviennent auprès des personnes âgées et possèdent d'excellentes connaissances des problématiques liées au vieillissement et au maintien à domicile. D'autres membres interviennent auprès des personnes en perte d'autonomie à la suite de traumatismes ou de maladies dégénératives. Les travailleurs sociaux ont une longue expérience en matière d'accompagnement dans les choix de milieu de vie. D'ailleurs, l'expertise de nos membres en matière de protection des majeurs a été reconnue par l'État avec l'adoption du projet de loi n° 21 modifiant le Code des professions en matière de santé mentale et de relations humaines en confiant aux travailleurs sociaux l'exercice exclusif de l'évaluation psychosociale d'une personne dans le cadre des régimes de protection du majeur ou du mandat donné en prévision de l'inaptitude du mandant. Nous avons, au fil des années, produit plusieurs documents en lien avec la problématique du maintien à domicile. Nous avons d'ailleurs apporté avec nous plusieurs de ces documents, que nous remettrons avec plaisir, là, au secrétariat de la commission. Et, parmi ces ouvrages, nous avons en main, là, le plus récent numéro de notre revue scientifique et professionnelle, la revue Intervention, dans lequel on retrouve un article coécrit, là, par le présent ministre de la Santé et des Services sociaux, le Dr Réjean Hébert, article qui s'intitule Caractéristiques des personnes âgées et des travailleurs sociaux associées au temps fourni au soutien à domicile.

Dans son livre blanc, le ministre de la Santé et des Services sociaux affirme que, et je cite, l'assurance autonomie vise à favoriser la prestation de soins et de services nécessaires au maintien à domicile partout au Québec et veut donner à la personne en perte d'autonomie la liberté de choix quant à son lieu de résidence en lui assurant que les soins et les services dont elle aura besoin seront disponibles à tarif raisonnable, en qualité et en quantité. Je ferme la parenthèse. Nous sommes tout à fait d'accord avec cette orientation et cette affirmation et nous nous rangeons parmi ceux qui applaudissent l'annonce de ce virage majeur. En même temps, si le maintien à domicile représente le souhait d'une majorité de personnes en perte d'autonomie, un certain nombre, par choix ou pour diverses autres raisons, préféreront toujours l'encadrement offert dans un milieu de vie substitut. Or, le choix de ces personnes doit aussi être respecté, ce qui signifie que nous aurons toujours besoin d'un nombre de places suffisant en CHSLD ainsi que dans les autres types de ressources d'hébergement, que ce soit en RF ou RI.

Cela dit, malgré notre adhésion au régime proposé, nous entretenons un certain nombre d'inquiétudes sur des éléments qui nous semblent fondamentaux et que nous avons identifiés dans le mémoire.

D'abord, nous déplorons la quasi-absence de considérations pour les préoccupations sociales, comme c'est malheureusement trop souvent le cas dans ce genre d'exercice. Pourtant, et c'est connu, les déterminants sociaux ont une influence directe sur le maintien ou la restauration de la santé. Négliger le social — je le dis souvent et je l'ai dit à quelques reprises à cette commission — négliger le social, c'est ajouter une pression encore plus forte sur le curatif. Alors, il importe non seulement d'agir sur des conditions physiques, physiologiques et psychologiques, mais également sur les déterminants sociaux, c'est-à-dire les conditions de vie, le revenu, le statut social, les conditions de travail, le réseau social, la famille et le soutien communautaire. Dans le livre blanc, les aspects sociaux sont pourtant relégués au rang de sous-éléments d'un des trois grands types de services de longue durée associés à l'assurance autonomie.

Nous sommes également inquiets par rapport à la formation du personnel dispensateur de soins et de services. Le personnel devra être formé convenablement et avoir accès à la formation continue. Sur ce point, il faut être particulièrement vigilant en ce qui a trait à la place que jouera l'entreprise privée dans la dispensation des services et sur sa capacité d'embaucher du personnel dont les qualifications sont suffisantes. Il est également essentiel de terminer et de consolider l'intégration des services dans tous les CSSS. À ce sujet, des défis sont toujours présents, après presque 10 ans de transformation, pour mieux répondre aux besoins grandissants d'une population vieillissante : la réorganisation des soins de première ligne, l'intégration des soins de première et de deuxième ligne ainsi que la coordination des entités existantes, hôpitaux, ressources d'hébergement et services communautaires, et le développement des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux dans les communautés.

• (10 h 10) •

Par ailleurs, ce serait une erreur de procéder trop vite avec la nouvelle façon de faire sans garder en réserve les ressources budgétaires nécessaires au maintien du système actuel, le temps de tout mettre en place. En effet, il faut éviter de faire vivre aux personnes concernées une rupture ou une diminution de services qui aurait pour conséquence de les placer dans des situations de plus grande vulnérabilité.

Les proches aidants jouent un rôle majeur auprès des personnes en perte d'autonomie. Trop souvent, nous avons tendance à les prendre pour acquis. Nous recommandons donc que soit accordé aux proches aidants un statut formel d'usagers nécessitant soins et services pour poursuivre leur oeuvre. Sur le plan technique, nous sommes d'accord avec l'utilisation du système de mesure de l'autonomie fonctionnelle, appelé le SMAF. Cependant, nous demandons à ce que l'outil d'évaluation SMAF social soit utilisé en complémentarité puisqu'il permet de capter des besoins sociaux de la personne. Pour les travailleurs sociaux, l'évaluation du fonctionnement social qui consiste en une analyse contextuelle de la situation sociale de la personne dans une perspective d'interaction dynamique entre elle et son environnement constitue un préalable incontournable pour déterminer la pertinence d'entreprendre une intervention sociale.

Le livre blanc accorde, avec raison, une grande importance au rôle d'intervenant pivot ou gestionnaire de cas. Depuis longtemps, les travailleurs sociaux ont développé une expertise en matière de gestion de cas. Toutefois, à l'heure actuelle, l'accent est placé sur la dispensation de services, au détriment des autres fonctions du gestionnaire de cas. Nous souhaitons donc que les compétences des travailleurs sociaux soient reconnues afin qu'ils puissent assumer ce rôle dans l'entièreté et dans toute son intégralité. Mme Gautier, d'ailleurs, pourra certainement vous en dire plus long sur le sujet. Comme plusieurs, nous nous inquiétons de la tarification en fonction du revenu, pouvant faire en sorte que les moins nantis doivent se priver de services, même si les tarifs sont raisonnables. Nous partageons également les inquiétudes de certains qui craignent de voir des emplois bien rémunérés dans le secteur public disparaître au profit d'emplois sous-payés dans le réseau privé, portant ainsi, principalement, préjudice aux femmes.

Par ailleurs, nous nous réjouissons de la déclaration faite le 4 novembre dernier par la première ministre, selon laquelle le financement du régime d'assurance autonomie sera assumé par les taxes et les impôts actuels de l'ensemble des contribuables et donc par une contribution particulière des usagers.

En conclusion, nous endossons la volonté du ministre de la Santé et des Services sociaux d'effectuer un virage vers les soins et les services de maintien à domicile pour les personnes en perte d'autonomie, reconnaissant ainsi le droit fondamental de la personne à faire le choix qui correspond aujourd'hui à son meilleur intérêt. Nous avons d'ailleurs beaucoup de retard à ce niveau. Cela dit, nous resterons vigilants. Trop souvent dans le passé, plusieurs bonnes idées se sont transformées en cauchemars sur le terrain parce que le financement n'est pas venu à la hauteur de ce qui était estimé. Le défi auquel s'attaque l'État est majeur et nécessitera une volonté politique solide et durable ainsi qu'un suivi constant.

En ce sens, et parce que nous avons le souci de contribuer à la mise en oeuvre et à la pérennité du programme d'assurance autonomie, nous avons rédigé quelques recommandations que nous soumettons ici et quelques recommandations autour desquelles nous nous ferons un plaisir d'échanger avec vous au cours de la période d'échange que nous sommes prêts maintenant à aborder. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec le groupe formant le gouvernement. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Hébert : Merci beaucoup, M. Leblond, Mme Gautier, merci de ce mémoire qui est extrêmement important, d'autant plus que les membres de votre ordre professionnel sont au coeur de ce changement important, puisque le gestionnaire de cas ou l'intervenant pivot représente la porte d'entrée dans ce régime d'assurance autonomie.

Et j'aimerais, dans mes premières questions, aller un petit peu plus loin avec vous sur le rôle, la formation, l'importance du gestionnaire de cas. Vous nous parlez, là, que le travailleur social est bien placé pour assumer cette fonction, mais vous êtes conscients qu'il y a d'autres professionnels de la santé qui assument également la fonction. Je ne comprends pas dans votre intervention que vous voulez avoir une exclusivité de pratique au niveau de la gestion de cas, mais que vous voulez que des travailleurs sociaux, de par leur formation, puissent faire partie de ces types de professionnels. C'est ce que je comprends.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Vous avez tout à fait bien compris, M. le ministre. Effectivement, on ne pense pas que ça soit uniquement les travailleurs qui devraient faire la gestion de cas, là, au Québec, pas du tout.

Ce qu'on affirme par contre, et ayant développé un guide de pratique pour la gestion de cas des travailleurs sociaux — c'est des travailleurs sociaux — il y a quelques années, là… on souhaiterait que non seulement, là, ils puissent le faire, mais que, quand ils le font à titre de gestionnaires de cas, qu'ils puissent assumer l'intégralité de la fonction qui est prévue et non seulement la gestion des services, là, des services que la personne a besoin, là. Alors, il y a d'autres éléments qui sont compris dans la fonction de gestion de cas et qui devraient être mis en place également. Et là Mme Gautier pourrait élaborer davantage là-dessus, si vous le souhaitez, à ce moment-ci, là.

M. Hébert : …pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, que vous, peut-être, fassiez un résumé de c'est quoi, les fonctions d'un gestionnaire de cas.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Gautier.

Mme Gautier (Lyse) : Dans le fond, les fonctions de gestionnaire de cas, c'est une fonction qui comprend plusieurs activités, qui est d'évaluer la situation de la personne concernée et de ses besoins, incluant les facteurs de risque; planifier les services appropriés aux besoins de la personne; développer le plan de services individualisés; négocier les services et l'accès aux ressources; coordonner les services mis en place; effectuer le suivi clinique; défendre les droits de la personne concernée; réévaluer la situation. Actuellement, comme le dit M. Leblond, très souvent les gestionnaires de cas font une partie des activités qui sont prévues, très souvent c'est le lien entre les ressources… c'est-à-dire, entre les besoins et les ressources. Malheureusement, d'autres fonctions très importantes dans la gestion de cas sont laissées pour compte, notamment toute la réévaluation de la situation, à savoir, si la situation évolue, bien il faut réajuster les services. Ici, on parle de la situation tant de la personne concernée que des proches qui offrent des services.

Alors, ce qu'on souhaite, dans le fond, c'est que la fonction, le rôle de gestionnaire de cas soit assumé dans son entièreté. Mais, comme vous l'avez dit, M. le ministre, c'est qu'on ne revendique pas l'exclusivité de cette activité, mais on voudrait par contre qu'elle soit plus complète que ce qu'elle est aujourd'hui, surtout que, le livre blanc, dans le fond, ce qu'on voit, pour dispenser des services à domicile, il se peut que, dans plusieurs situations, plusieurs interlocuteurs soient impliqués dans la situation. Alors, à ce moment-là, ça va nécessiter une coordination encore plus importante pour faire en sorte, dans le fond, que les personnes ne travaillent pas, et de un, en silo et que les services sont bien coordonnés et bénéfiques à la personne.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Quelle est la charge de cas d'un gestionnaire de cas typique, de façon idéale ou habituelle?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Gautier.

Mme Gautier (Lyse) : Écoutez, M. le ministre, vous me posez une très grande question, parce que, les gestionnaires de cas, actuellement, bien, il y a trois modèles, c'est-à-dire que, bon, il y a les gestionnaires de cas qui font juste la gestion de cas, il y a les modèles mixtes, c'est-à-dire que les gens qui ont des charges de travail en sus… Alors, il n'y a pas nécessairement, à ma connaissance, des… On ne s'est pas arrêtés sur des nombres de dossiers parce qu'il faut considérer plusieurs indicateurs. Alors, je ne m'avancerai pas pour donner une réponse exacte à cette question.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

• (10 h 20) •

M. Hébert : Au niveau de la réévaluation, est-ce que vous pensez qu'il serait important d'établir une certaine réévaluation statutaire des personnes en perte d'autonomie ou des personnes qui reçoivent des services d'un gestionnaire de cas, au-delà d'une évaluation qui est nécessaire, étant donné l'évolution de la personne, mais qu'il y ait au moins une évaluation statutaire qui soit déterminée?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Gautier.

Mme Gautier (Lyse) : Idéalement, je crois qu'il doit avoir effectivement une réévaluation à des moments statutaires, ce qui ne veut pas dire que la situation ne doit pas être réévaluée, au besoin. Quand il y a des événements dans la situation de la personne, je pense que ça doit absolument être réévalué aussi à ce moment-là.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : J'ajouterais, dans le fond, les réévaluations, on les fait au moment où il y a des changements puis quand il y a un besoin.

On met également en place des réévaluations statutaires probablement pour s'assurer effectivement qu'on n'oublie pas, quand on a une trop grande charge de cas ou une trop grande charge de coordination de services pour une trop grande quantité de personnes… qu'effectivement on n'a pas oublié des gens. Alors, le statutaire vient répondre à un besoin différent, me semble-t-il, que ce qui normalement devrait être fait par tout professionnel en termes de responsabilités par rapport à sa clientèle. Alors, quand on met en place des moments statutaires ou des contrôles, ils sont nécessaires, là. C'est un indicateur d'autres choses qui se passent, là.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Est-ce que la règle du pouce actuelle dans le réseau, là, où la charge de cas d'un gestionnaire de cas plein temps est autour de 40 personnes, est-ce que ça vous apparaît une norme raisonnable?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : On s'est penchés, hein, sur la question, là, de la charge de cas du travailleur social et on n'a pas voulu, que ce soit en gestion de cas ou dans d'autres services, établir de nombre, puisqu'on devrait établir un nombre de dossiers pris en charge selon ce qui est visé par l'intervention et le temps requis pour le faire.

Alors, est-ce qu'effectivement une quarantaine de clients en gestion de cas pour un travailleur social, c'est correct ou pas? Ça dépend probablement de la nécessité… ou des besoins de chacun de ceux-ci et de la possibilité d'atteindre les objectifs visés par le plan d'intervention, en ayant le temps requis pour pouvoir poser lesdites interventions pour que ça donne des résultats, là. Alors, ce n'est pas… un nombre, ça demeure statique, et c'est en prenant pour acquis que les objectifs seraient atteints dans ce cadre donné là avec ce nombre de personnes en charge de cas là. Alors, vous comprenez ma difficulté, là, M. le ministre, là, de répondre à votre question précisément, là. À partir du moment où on établit des objectifs, on devrait pouvoir mettre en action les modalités d'intervention nécessaires pour atteindre les objectifs. Ces modalités-là prennent un temps x et elles ne peuvent pas s'additionner à l'infini.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous mentionnez d'entrée de jeu, là, que cette réforme qui est l'assurance autonomie est nécessaire. Certaines personnes, notamment nos amis en face, pensent que de mettre un peu plus d'argent dans le système, ça va régler les problèmes et qu'on n'a pas besoin de réformer la façon dont on gère et finance les services de soutien à l'autonomie. Quelle est votre opinion là-dessus?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Nous, nous pensons que c'est nécessaire de le faire parce que, malheureusement, je vous dirais, là, avec… Et là je retourne un peu dans le temps, là, mais j'étais venu également à la commission, là, au moment de la création des centres de santé et de services sociaux et du regroupement des établissements et j'avais salué cette initiative du ministre de la Santé et des Services sociaux du temps dans la volonté quant aux objectifs qui étaient visés. J'avais également, à ce moment-là, dit que nous regarderions les choses aller, là, compte tenu des enjeux liés au risque, effectivement, qu'il y ait un transfert de budgets ou en tout cas une augmentation des budgets liés à tout ce qui touchait la santé physique et les urgences, et ce, au détriment des services sociaux, et on m'avait assuré que ça ne serait pas le cas.

Par contre, dans les faits, c'est ce qu'on a pu voir au fil des années. L'intérêt particulier, je dirais, du projet, non seulement du fait qu'on projette vers l'avenir, c'est qu'effectivement il fera en sorte que les argents prévus pour les services pour les personnes en perte d'autonomie seront là pour cela et qu'ils resteront là pour cela. Alors, est-ce que c'est par dépit de voir des... Non, ce n'est pas par dépit, il y a un choix d'orientation qui est important, mais il y a aussi l'autre élément qui entre en ligne de compte, c'est qu'effectivement cet argent-là sera dans une caisse qui servira à ce pour quoi il aura été créé plutôt que d'être utilisé à d'autres fins qui n'avaient pas été prévues, là, par le législateur.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Je souscris tout à fait à votre suggestion d'intégrer un outil de participation sociale comme le SMAF social dans l'Outil d'évaluation multiclientèle et également de pouvoir mieux évaluer les besoins des proches aidants. Il y a quand même un élément que vous soulignez dans votre mémoire, vous dites : Le proche aidant devrait être considéré comme un partenaire mais aussi comme un usager. Et j'aimerais ça que vous précisiez votre pensée là-dessus.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Je vais donner une partie de réponse et je vais demander à Mme Gautier d'y aller avec également, là... Il y a des éléments qui sont en... Bien, il y a des besoins, là, carrément, qui sont liés à la situation d'être aidant, et indépendamment, là, du fait, là, que le client soit également l'aidé, là. Alors, il y a une situation qui est vécue dans cette dimension-là. L'autre avantage qu'il y aurait, c'est qu'effectivement, compte tenu de… le mot ne me vient pas, là, en tout cas, du fait, là, que les interventions par client doivent être codifiées, là, alors des statistiques et de l'imputabilité, là, et de la... Bon, le mot ne me vient pas ce matin, alors je m'excuse. Alors, il y a un avantage certain à ce qu'on puisse codifier les interventions qui sont faites auprès des aidants et qu'elles soient prises en compte ensuite dans les réalisations et des professionnels et des établissements pour fins de rapports, là, au ministère et aux agences sur comment sont utilisés les sous.

Quant aux dimensions cliniques, je vais laisser Mme Gautier y répondre.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Gautier.

Mme Gautier (Lyse) : On croit, dans le fond, que les aidants doivent être reconnus à titre de partenaires et à titre d'usagers.

Pourquoi à titre d'usagers? C'est que devenir aidant, ce n'est pas très souvent par choix. Ça déstabilise, dans le fond, la famille, ça déstabilise tous les rôles sociaux que devait jouer l'aidant. Alors, il a aussi des besoins. Ce que tentait de dire M. Leblond, c'est que les études démontrent que les travailleurs sociaux n'accordent pas beaucoup de temps aux aidants, c'est-à-dire qu'on ne comptabilise pas beaucoup de temps de la part des travailleurs sociaux vis-à-vis les aidants parce que les aidants ne sont pas considérés comme étant des usagers. L'usager, c'est la personne en besoin de services. Ce qu'on dit, c'est que l'aidant a aussi des besoins psychosociaux qu'il faut répondre pour que la personne aidante puisse jouer son rôle de manière la plus adéquate possible et le plus longtemps possible. Si l'aidant n'est pas supporté, que ses difficultés ne sont pas reconnues et qu'on ne l'aide pas au niveau psychosocial, ce qu'on pense, c'est que, le rôle qu'elle va jouer, elle ne pourra pas le jouer aussi longtemps qu'elle pourrait si elle recevait des services.

Je ne le sais pas, si ça répond à votre question, M. le ministre.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Mais ce que je comprends, c'est que vous voudriez qu'au moins, dans le contexte de l'évaluation, on évalue les besoins du proche aidant ou de la proche aidante et que, dans le contexte de l'intervention, il y a un certain nombre de services qui soient couverts par l'assurance autonomie. C'est ce que je comprends.

Mme Gautier (Lyse) : Tout à fait.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Gautier.

• (10 h 30) •

Mme Gautier (Lyse) : Et, au niveau des services généraux, que les aidants qui manifestent des problématiques particulières à jouer leur rôle, bien, ils soient reconnus, dans le fond, comme un usager à part entière et non pas juste comme étant un acteur auprès de la personne en besoin de services.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous précisez, dans votre mémoire, deux partenaires du réseau : les organismes communautaires, d'une part, et les entreprises d'économie sociale. Au niveau des organismes communautaires, vous nous incitez à rehausser leur financement, la mission globale, ce que nous avons fait il y a deux semaines par l'injection de 40 millions, et plus spécifiquement aux personnes âgées. Vous savez que du 110 millions de cette année… 10 millions qui étaient consacrés spécifiquement aux organismes communautaires. Alors, je pense que ce que vous souhaitez est entendu.

Au niveau des entreprises d'économie sociale, vous nous suggérez, là, de vraiment s'assurer de la qualité de la formation et de la qualité des services des entreprises d'économie sociale. J'aimerais que vous élaboriez davantage là-dessus.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Quel que soit le dispensateur de services, l'État devra s'assurer effectivement qu'on a à la fois, là, des personnes qualifiées pour faire ce qui est fait et qu'on s'assure que, dans le processus, on vérifie la qualité des services et la satisfaction des usagers, là, alors, quel que soit le dispensateur. Le ministère le fait déjà via les agences, là, par rapport aux services rendus par les établissements. Il devra le faire également… qu'il y ait des mécanismes de contrôle pour les services qui sont rendus par les entreprises d'économie sociale, mais également, là, pour l'entreprise privée si on veut s'assurer effectivement de la qualité des services pour les personnes. Ou sinon on garde au sein de l'État, là, l'ensemble des services et des mécanismes de contrôle.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Certains ont remis en question ici la qualité des services des entreprises d'économie sociale. Est-ce que vos membres ont cette perception que les services des entreprises d'économie sociale n'ont pas la qualité souhaitée?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Je ne suis pas en mesure de vous répondre à cette question. Ce n'est pas l'écho que j'en ai, là, de façon générale.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Je retiens votre préoccupation de compléter la mise en place des réseaux intégrés de services pour être en mesure de mettre en place l'assurance autonomie. On a d'ailleurs investi 8 millions cette année pour réaliser cet effort pour que les gestionnaires de cas soient en place au moment de la mise en place de l'assurance autonomie. Et je retiens également votre préoccupation quant à la transition, là, pour qu'il n'y ait pas de rupture de services, mais que ce soit en continuité de services. Est-ce qu'il y a des éléments sur lesquels vous souhaitez insister dans cette précaution que vous nous invitez à avoir dans la période de transition?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : …davantage sur la question de principe, là. C'est qu'effectivement on ne peut pas mettre… il y a une nécessité d'une phase de transition, là, entre deux façons de répondre aux besoins de la population, et il faut, pour un temps donné, savoir que ça coûtera probablement plus cher, compte tenu que nous serons dans cette étape de transition, et que ça soit juste clair pour tout le monde que… aller vers autre chose. Et on doit quand même maintenir la route ouverte, là. Alors, si on doit faire un chemin de contournement, bien il faut bâtir ce chemin-là et tout en continuant sur l'autre chemin.

Donc, il y a une période donnée où on a à assumer des coûts supplémentaires et qui sont normaux, compte tenu de la volonté de la transition. Mais je ne sais pas. Est-ce qu'il y avait autres choses particulières par rapport à ça, Lyse?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Gautier.

Mme Gautier (Lyse) : Je crois que ça répond probablement à nos préoccupations. Ce qui est clair, dans le fond, il faut être très prudent avant d'abandonner ce qu'on a actuellement pour autre chose, que l'autre soit déjà en place avant d'abandonner un service.

Là, je ne m'avancerai pas plus loin que ça, mais c'était, dans le fond, ce qu'on voulait transmettre.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre, il vous reste à peu près une minute.

M. Hébert : Bien, une question assez simple : Est-ce que la formation actuelle des travailleurs sociaux les prépare bien à leur rôle de gestionnaire de cas?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : J'ose le souhaiter.

M. Hébert : Est-ce que vous êtes… Vous avez des contacts avec les universités? Je voudrais que vous complétiez un peu la réponse que vous me donnez, là.

M. Leblond (Claude) : Il y a neuf milieux universitaires qui forment en travail social au Québec, là. Le contenu, quant à la formation, ça, en gestion de cas n'est pas un contenu obligatoire, là. Donc, on pourrait ne pas retrouver, là, dans toutes les... de façon uniforme, là, à travers les neuf milieux universitaires. Il y aura certainement intérêt à ce qu'on rappelle à nos milieux de formation — et nous allons le faire, mais effectivement les établissements et le ministère peuvent le faire également — qu'il y aurait intérêt à ce que les professionnels de la santé et des services sociaux, dont les travailleurs sociaux, soient mieux formés quant à leurs interventions dans un contexte où ils sont gestionnaires de cas.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup, M. Leblond. Le temps pour ce premier bloc étant écoulé, nous allons maintenant poursuivre les échanges avec l'opposition officielle. M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bien, merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Leblond, qu'on a vu très régulièrement en commission parlementaire, d'ailleurs qui fait un travail extraordinaire, Mme Gautier.

D'abord, c'est un plaisir de vous avoir ici, puis d'abord vous féliciter également pour le travail que vos membres font. J'ai l'occasion régulièrement de les rencontrer, de travailler avec des gens sur le terrain puis, je peux vous dire, le travail qu'ils font est inestimable. C'est des gens dévoués. Ils prennent en considération les biens de la personne, de la famille et également ils veulent que les gens soient bien pris en charge. En tout cas, moi personnellement, mon expérience avec les travailleurs sociaux n'est que positive, aucun négatif. Puis je vous le dis de bon coeur parce que vous êtes une profession sous-estimée dans le réseau de la santé, et également vous travaillez avec beaucoup de respect avec les gens. Juste pour faire un commentaire sur le commentaire que le ministre a fait, là, on n'a jamais dit que ça prenait juste de l'argent de plus dans le système. Ça, c'est le ministre qui le dit, qu'on dit ça, mais ce n'est pas ça du tout. On pense que ça prend une transformation vers les soins à domicile, que ça prend une meilleure organisation de services. Mais, contrairement à ce que le ministre a laissé croire aux gens en début, il y a des gens qui vont devoir aller en CHSLD et il y a des gens qui ont besoin de ressources intermédiaires. On croit beaucoup plus dans le continuum de services en voulant maintenir nos gens le plus longtemps possible à domicile, autonomes, travailler avec les proches aidants, mais, à un moment donné, il faut être réaliste, ils vont avoir besoin de plus de ressources en ressources intermédiaires ou encore en CHSLD. Et ça, tous les proches aidants qui ont vécu des situations similaires savent qu'il peut arriver à un moment donné que la personne se détériore ou ne puisse plus continue à demeurer à domicile. Là, il faut avoir le support.

Donc, ce n'est pas juste une question de mettre plus d'argent. Ça en prend plus, mais, je pense, encore beaucoup plus, ça prend également une réorganisation des services. Et également on croit dans l'apport de toutes les professions dans un travail interdisciplinaire qui, pour nous, est majeur. On croit dans l'évaluation, dans la qualité, et, les principes du livre blanc, ça fait longtemps qu'on les a endossés. Également, on ne croit pas, comme le ministre, qu'il n'y a jamais rien qui a été fait. Il y a beaucoup de choses qui ont été faites dans le passé, mais il en reste beaucoup à faire, comme il y en aura toujours beaucoup à faire. Même si on mettait en place une assurance autonomie, il va y avoir encore du travail à faire, tout simplement parce que c'est un grand réseau avec beaucoup de personnes qu'on doit s'occuper.

Vos inquiétudes, également, je les partage. Vous parlez, dans votre mémoire, de désinstitutionnalisation, qui… on est parti d'une bonne idée, et tout le monde va vous dire que ça a été très difficile à mettre en place, entre autres, le manque de ressources. On associe de plus en plus, actuellement, l'assurance autonomie au virage ambulatoire. C'est un virage qui était nécessaire à faire, mais, quand ils sont arrivés pour le faire, il faut se souvenir qu'à l'époque c'était encore dans une période où on visait le déficit zéro, et on n'a pas mis les ressources. Moi, je l'ai vécu dans mon établissement, là, l'établissement se retrouvait avec 1 million de déficit. On a congédié des infirmières, il y a eu des infirmières qui ont été mises à la retraite, et ça nous a pris 10 ans pour rebâtir le réseau, ce qui n'a pas été fait dans les autres provinces, puis eux autres sont arrivés avec des aussi bons résultats en termes de virage ambulatoire sans faire ce virage, que j'appellerais catastrophique, à l'époque.

L'assurance autonomie, pour moi, c'est à peu près destiné à faire comme le virage ambulatoire. Puis ça, je le dis de façon consciente. Ce que je vois, actuellement, qu'il est en train de faire… C'est que le ministre avait promis aux Québécois que l'assurance autonomie permettrait à chacun de décider, avec l'allocation qui lui était faite, où il allait recevoir ses services. Ce qu'on avait compris à ce moment-là… que, si vous deviez aller en CHSLD, ça coûtait 90 000 $, bien, théoriquement, la personne aurait pu avoir 90 000 $ pour demeurer à domicile. Mais, en cours de commission parlementaire, le ministre est souvent revenu là-dessus, que ce n'était plus tout à fait comme ça. Également, le choix des organisations, au début, quand on a rencontré le syndicat, il nous a dit que c'était juste le public. Quand sont arrivées les entreprises sociales, bien on a rajouté les entreprises sociales. Puis, quand on a rencontré les résidences privées …Puis là c'est son dernier mot qu'il a dit, donc on espère que ça va être ça, c'est qu'il va y avoir également un choix pour les résidences privées de choisir leur propre personnel, en autant que la qualité soit présente, pour donner les services.

Donc, comme vous avez vu, on est très méfiants par rapport à ce projet parce que ce qu'on nous avait promis au début… puis on arrive vers la fin des commissions parlementaires, c'est un projet complètement différent.

J'insiste sur la question de la qualité. Et puis, à ma connaissance, également, votre profession… je pense que les travailleurs sociaux, ce sont tous des gens qui détiennent un bac à l'université.

• (10 h 40) •

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Sur cette question-là, oui. Oui, oui, tout à fait, un travailleur social doit nécessairement avoir un diplôme universitaire de premier cycle ou de deuxième cycle en travail social.

M. Bolduc (Jean-Talon) : O.K. Et puis…

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Puis vos membres, ils sont présents dans tout le réseau de la santé, tant dans les hôpitaux, les CHSLD et également au niveau des CLSC.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Oui, tout à fait. Alors, on est, je dirais, là, à la fois comme les médecins et les infirmières — on est une profession généraliste, là, de base, là, au niveau des services sociaux — donc, présents auprès de toute la population, de toute catégorie d'âge présentant toute catégorie de difficultés, dans tous les milieux, tous les types d'établissements, quelles que soient leurs missions, et également dans les organismes communautaires et en pratique autonome également, là.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci. Dans votre mémoire, à la page 19… Parce qu'on comprend que, les principes, on veut tous les mettre en place, là, de garder les gens à domicile, la qualité, les équipes interdisciplinaires, utiliser tous les professionnels selon leurs compétences. Par contre, quand vous arrivez, à la page 19, vous dites : «La mise en oeuvre et la pérennité d'un programme aussi ambitieux que l'assurance autonomie nécessiteront des sommes — et j'insiste sur le mot — colossales.»

Avez-vous quantifié, même grosso modo, là, approximativement qu'est-ce que c'était, «colossales»? Est-ce que c'est 100 millions de dollars, 1 milliard de dollars ou 3 milliards de dollars?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Je ne pense pas que nous ayons quantifié, M. le député, je ne crois pas. Mais ce n'est pas notre spécialité, là, donc on ne se mêlera pas de ces quantifications-là. Peut-être qu'on aurait pu choisir un autre vocabulaire, un autre adjectif, là, ou simplement ne pas préciser l'adjectif, là. Ça aurait peut-être été plus sage, probablement, là.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Non, je pense que votre intuition était bonne. Vous n'êtes pas obligés de mettre un chiffre, là, mais je pense que le mot «colossales», là, c'est le bon mot, c'est le bon mot. Puis on va juste faire un petit calcul pour vous dire, là… Juste en passant, ce n'est pas qu'on ne croit pas qu'il faut mettre… pas mettre rien en place, mais, lorsqu'on fait quelque chose, il faut avoir les moyens de le faire, et jusqu'ici on n'a pas eu de cadre financier, sauf que le ministre nous dit juste : Le cadre financier, c'est juste pour de la prédiction des dépenses futures, puis on va corriger ça. Mais un cadre financier, là, c'est savoir combien ça va coûter, combien chacune des personnes, avec un niveau SMAF déterminé, va recevoir soit en argent, en services, si on veut savoir combien la personne va contribuer, et puis à la fin il faut savoir aussi, comme contribuables, les citoyens du Québec, combien ça va nous coûter en impôt. Ça, en passant, c'est nous autres qui l'a arraché à la première ministre à la période des questions. Il n'était pas capable de nous dire d'où viendrait l'argent. On parlait souvent d'une caisse d'économie qu'on allait financer à partir d'une taxe spéciale, mais la première ministre, en période de questions, je dirais, a craché le morceau puis elle a dit : En fin de compte, ça va être pris dans les impôts. Mais ça, il faut que les Québécois le savent, ça… le sachent.

L'autre question que… Dans la même page, là, on n'en parle pas beaucoup, de ça, mais on présuppose qu'il va y avoir un système de gestion et d'information extrêmement efficace. Au niveau des services sociaux, il existe, je pense, un certain système, mais, à ma connaissance, il n'y a aucun système qui existe à la Régie de l'assurance maladie du Québec pour mesurer les niveaux d'autonomie, tant au niveau social que physique, des patients. À votre connaissance, au niveau de la RAMQ, il n'y a pas rien qui existe à ce moment-ci?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Pas à notre connaissance, effectivement. Bien, le défi de la communication et de la gestion de l'information dans notre réseau n'est pas simple à réaliser, là, et ce n'est pas la première année, là, qu'on est face à ce défi-là, ça a été les années antérieures également. Souhaitons que les outils seront en place.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bien, juste pour vous donner, là, la crédibilité du projet, le 1er avril 2014, il va être mis en place.

Vous avez au moins 230 000 personnes qui reçoivent des soins à domicile, vous avez 40 000 personnes qui sont dans des CHSLD et vous avez probablement, là, 12 000 ou 13 000 personnes qui sont dans des RI. Arrondissons, là : il y a 275 000 personnes qui vont avoir besoin d'une évaluation SMAF, je vais avoir 275 000 personnes qui vont avoir besoin d'un gestionnaire de cas. Oublions les CHSLD, les RI, là, il y a 230 000 personnes qui vont avoir besoin de gestionnaires de cas, et ces gens-là vont devoir être codifiés à la RAMQ, au moins pour les soins à domicile, pour savoir c'est quoi, l'allocation qu'on devra leur faire. Seulement que développer un système comme ça, là, puis je l'ai déjà dit pour le Dossier santé Québec, ce n'est pas connecter deux fils ensemble, il faut développer le programme, il faut développer également comment va rentrer l'information, il faut former le personnel, il faut avoir des ordinateurs pour le gérer. Écoutez, je vais dire un chiffre, là, je ne sais pas si le ministre a fait l'évaluation — s'il a fait l'évaluation, je lui demanderais de corriger mon chiffre, là — ça va être 150 et 300 millions de dollars dans le système d'information à mettre en place. Ça fait qu'il nous donnera les chiffres. Si ce n'est pas ça, on verra. Puis, je veux vous dire, il faut que ça fonctionne, le système, là, sinon ça ne fonctionne pas, mais il faut avoir mis ça en place pour le 1er avril.

Juste au niveau des gestionnaires de cas, mettons qu'on ne s'entend pas sur le chiffre un sur 40, parce qu'il y a quand même des cas qui sont plus sévères que d'autres, d'autres plus légers, mais, mettons, approximativement, là, qu'il y a 40 personnes qui sont prises en charge pour un gestionnaire de cas, vous avez 200 000 personnes — puis je vais diminuer un peu le chiffre, c'est plus facile à calculer — vous avez 200 000 personnes qui ont besoin d'un gestionnaire de cas, dont un gestionnaire de cas par 40 personnes. Rapidement, là, savez-vous combien ça prend de gestionnaires de cas?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Bien, je ne l'ai pas compté dans ma tête.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Je vais vous donner la réponse.

M. Leblond (Claude) : Je me disais que vous alliez me le dire, là.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Ça prend 5 000 gestionnaires de cas, O.K.?

M. Leblond (Claude) : Oui, mais je n'ai pas osé.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Un travailleur social ou une infirmière, salaire moyen… Parce que ça, en passant, c'est des infirmières cliniciennes. Donc, généralement, ça va être des bachelières qui vont être des gestionnaires de cas. Le salaire moyen, ça peut être combien pour un travailleur social qui a un bac…

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

M. Bolduc (Jean-Talon) : …avec un peu d'expérience, parce que ça va vous prendre des gens qui ont de l'expérience?

M. Leblond (Claude) : …moyen doit être aux alentours de… oui, aux alentours de 60 000 $, j'imagine, moyen, là, médian, là.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bon. Écoutez, je me suis trompé…

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : …je me suis trompé dans mon chiffre, j'avais pris 40 000 $. J'avais pris 40 000 $ multipliés par 5 000 gestionnaires de cas, mais je vais prendre votre chiffre, je l'aime plus. 60 000 $ multipliés par 5 000 gestionnaires de cas, ça coûte combien dans le réseau de la santé?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Allez-y, M. le député.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Autour de 300 millions?

M. Leblond (Claude) : Probablement.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Ça fait qu'il va falloir qu'on les ait, ces chiffres-là, parce que je suis d'accord qu'au début, le 1er avril, je ne m'attends pas qu'il y ait 5 000 gestionnaires de cas, mais, à la fin, il va falloir les avoir, ces gestionnaires de cas là, selon le programme d'assurance autonomie. Donc, vous voyez qu'on commence à avoir des factures qui sont salées.

Ça, en passant, on n'a pas traité un patient encore, on n'a pas pris en charge un seul patient dans le réseau de la santé, là. Il n'y a aucun sou de ce que je viens de vous dire là qui va être donné… directement des soins aux patients. Quand je dis au ministre : Ça prend plus d'argent, mais que ça prend plus que ça, là, ça prend aussi une logique d'organisation qui va faire que… comment se fait-il qu'on va mettre autant d'argent avant même qu'on ait traité un patient, et sans compter que, pour les quatre prochaines années, il va y avoir 100 millions de dollars de plus de mis dans l'assurance autonomie? Moi, je fais mon calcul, là, il n'y a pas grand argent qui va dans les… Juste mettre la structure en place, la bureaucratie qui va être mise en place, là, il a déjà épuisé l'argent des trois ou quatre prochaines années. Ça, c'est du raisonnement qu'on va devoir faire. C'est ça, l'objectif aussi de faire une commission parlementaire. Il faut qu'on les pose, ces questions-là, puis il faudrait que le ministre nous donne les réponses. Ce n'est pas juste de dire que ça va coûter plus cher plus tard. Comment vous allez résoudre ça? Il faut améliorer la performance du réseau de la santé. Je le disais tantôt, plus on va garder les gens longtemps à domicile, meilleur ça va être organisé, et plus on va avoir des gens qui vont s'occuper des gens directement à domicile. Ce qu'on a besoin, on a besoin de personnes, de préposés qui vont s'occuper du patient. On a besoin également de gens qui vont donner des services. Est-ce qu'à ce moment-là il faut, pour avoir ces gens-là, avant, avoir tout un grand système d'information, 5 000 gestionnaires de cas, l'évaluation qui va être faite? Ça, c'est des questions que des gens doivent poser. C'est notre rôle d'opposition. Puis, je pense, les médias et même vos organismes, avant de donner un appui inconditionnel à un virage ambulatoire manqué ou encore à une désinstitutionnalisation manquée, il faut avoir ces réponses-là.

Si jamais le cadre financier ne correspond pas à ce qui est attendu, c'est-à-dire l'argent n'est pas au rendez-vous, que la transformation va prendre des années et qu'on met beaucoup d'argent ailleurs que dans les soins cliniques, êtes-vous prêts à revoir votre position pour appuyer l'assurance autonomie en, je tiens à le dire, en mentionnant que, oui, c'est important les principes de l'assurance autonomie, du virage vers les soins à domicile?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond.

• (10 h 50) •

M. Leblond (Claude) : Probablement qu'on le serait, tout comme il faudrait revoir aussi ce que je vous contais tantôt, là, par rapport à l'appui que nous avions donné à la création des CSSS au Québec. Si on le refaisait aujourd'hui, je nuancerais beaucoup plus parce qu'au-delà de la volonté et des objectifs qui étaient visés par le projet de loi il s'est passé autre chose. Est-ce que ça a dépassé les garde-fous qu'on avait nommés? Alors, aujourd'hui, on donne un appui à ce projet en disant : Bien, par contre, il y a des choses sur lesquelles il faudra faire attention.

Notre mandat d'éclairer le législateur par rapport à des choix qui peuvent être faits en lien avec l'exercice de nos professions et l'intérêt du public, là, par rapport aux services sociaux à recevoir, bien, nous amène à dire : C'est un projet qui est intéressant de par ses objectifs. Il permettra d'atteindre des éléments dans la mesure où effectivement on fait aussi attention à ça, ça, ça, et ça et où effectivement on prévoit qu'il y aura une phase transitoire. Il y aura également nécessité d'avoir… Si on veut vraiment permettre aux gens de faire des choix, il faudra que l'ensemble des ressources soient présentes. Et dans des secteurs donnés et dans des régions, particulièrement les régions rurales, il sera sans doute difficile d'avoir la variété des ressources, mais il faudra les avoir, sinon on ne sera pas face à un réel choix. Alors, il y a tous ces éléments-là.

Alors, notre éclairage est en lien avec une proposition donnée, à un moment donné, avec des limites, là, qu'il peut y avoir, là, quant à l'atteinte de ces objectifs-là si effectivement l'ensemble des éléments ne sont pas mis en place, là.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Dans un autre sujet, c'est la tarification pour l'usager. Comment vous voyez ça en termes d'applicabilité, là, le fait de charger à l'usager une contribution? La contribution va être en fonction du revenu. Et ce qu'on voit également, c'est que de garder quelqu'un en soins à domicile, c'est entre 20 000 $ et 30 000 $. De ce qu'on comprend du projet, c'est : lorsque vous allez avoir un certain revenu, à ce moment-là, vous ne serez soit pas accessible à avoir l'allocation ou l'allocation va être diminuée.

C'est quoi, votre perception, par rapport à la limitation de l'assurance autonomie, par rapport à ça?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Gautier.

Mme Gautier (Lyse) : Disons que ça, c'est un sujet assez délicat parce que la contribution en fonction du revenu risque de faire en sorte que certains vont se priver de services à cause justement qu'ils doivent contribuer. Puis ces personnes-là, bien ça va être les personnes les moins bien nanties ou les personnes de la classe moyenne… vont faire en sorte, dans le fond, qu'ils ne recevront pas les services que leur état de santé demande. Alors, disons qu'il y a un enjeu assez important. Bon, on sait très bien qu'il y a des gens qui sont maintenus à domicile qui ont des problèmes, au niveau cognitif, assez importants. Alors, ce sera les proches qui prendront cette décision-là. On peut penser que certains proches privilégieront de ne pas recevoir les services, parce qu'ils doivent les payer, et que la personne, au bout du compte, bien sera dans un état de vulnérabilité un peu plus grande.

Alors, disons que c'est un enjeu assez important sur lequel il faudra se pencher sérieusement. Ça m'amène aussi à peut-être faire le lien avec les argents qui sont déjà donnés, les crédits d'impôt qui sont déjà octroyés aux personnes. Est-ce qu'on va abandonner ces services-là aussi, c'est-à-dire, ces allocations-là aussi? Parce que ça risque de faire le même effet que si la personne doit contribuer pour le service. Alors, disons que c'est peut-être… En tout cas, il y a des enjeux très importants pour faire en sorte qu'on ne place pas les personnes en besoin de services dans une situation de vulnérabilité plus grande qu'ils ne le sont déjà.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Parce que, si on comprend le raisonnement de l'assurance autonomie, si vous avez un besoin de 20 000 $ de services, advenant le cas que vous avez un certain niveau de revenus, hein, puis on sait qu'au Québec on commence à être riche à 40 000 $, 50 000 $, ça voudrait dire qu'au lieu de faire une allocation de 20 000 $ soit en services ou en argent, à ce moment-là, elle pourrait diminuer. On pourrait vous donner seulement que 5 000 $. Ça veut dire, l'autre 15 000 $ viendrait de la poche de la personne.

C'est comme ça que vous comprenez également l'assurance autonomie, le projet qui a été mis en place?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Gautier.

Mme Gautier (Lyse) : On peut le comprendre de cette manière-là, mais disons qu'il ne faudrait pas le comprendre de cette manière-là.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Il ne faudrait pas que ce soit ça?

Mme Gautier (Lyse) : Il ne faudrait pas que ce soit ça.

M. Bolduc (Jean-Talon) : O.K.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, peut-être une dernière question avant de passer la parole à ma collègue. On a parlé tantôt… juste en gestionnaires de cas, c'est 5 000 personnes de plus, 300 millions de dollars, à 60 000 $. Aviez-vous les ressources au niveau des travailleurs sociaux pour être capables de fournir, peut-être sur les 5 000 gestionnaires de cas, 1 500 ou 2 000 personnes?

M. Leblond (Claude) : C'est comme si on faisait actuellement… Il me semble, en tout cas, dans ce que j'entends, c'est comme si on faisait abstraction du fait qu'il y en a déjà, des travailleurs sociaux gestionnaires de cas. Il y en a déjà, des évaluations systématiques des besoins des personnes en perte d'autonomie, là. On ne part pas de zéro, là, pour arriver à ce niveau de besoins là, là. Donc, il y a déjà des choses en place, là. Est-ce qu'il y a 1 500 ou 2 000 travailleurs sociaux qui sont déjà gestionnaires de cas? Peut-être.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Leblond (Claude) : Il y en a 4 500, là, qui interviennent, là, auprès des personnes âgées en perte d'autonomie, là. Alors, parmi ces 4 500 là, il y en a. Et, dans la plupart des établissements, on a vu que c'était déjà mis en place, là, ce type d'organisation de services, là. Donc, je ne serais pas étonné qu'il y ait déjà, effectivement, là, 1 500, 2 000 travailleurs sociaux gestionnaires de cas au Québec, là.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : C'est un calcul qu'on doit faire, puis je suis content que vous mentionniez que ça se fait déjà. On y croit beaucoup, dans les gestionnaires de cas. Quand on va généraliser l'assurance autonomie à la hauteur que le ministre parle, je ne suis pas sûr qu'on va avoir l'argent, puis, à ce moment-là, ça va… Je ne suis pas sûr qu'on va avoir des ressources, mais ça fait partie de nos discussions.

Je vais passer la parole à ma collègue.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Leblond, Mme Gautier, merci beaucoup pour votre présentation.

Vous avez piqué ma curiosité parce qu'à votre recommandation cinq vous portez une attention particulière aux régions dévitalisées. Je dois vous dire que je suis heureuse qu'enfin on aborde la question parce que je doute beaucoup de la capacité de mettre en place l'autonomie pour tous en avril prochain ou au printemps prochain de façon équitable sur le territoire. J'habite et je représente une partie… je représente plusieurs municipalités dévitalisées. Je sais que ces municipalités-là et les gens qui y habitent font face à des défis d'accessibilité aux services, d'accessibilité, aussi, en fait de transport pour se rendre à leurs rendez-vous. On a des citoyens qui sont isolés. Et je me demandais si vous avez répertorié ou vous aviez fait état des besoins de base.

Qu'est-ce qui pourrait constituer, là, pour les régions, les communautés rurales du Québec des services de base sur lesquels on devrait absolument pouvoir compter pour les fins de la mise en place de l'assurance autonomie? Donc, qu'est-ce qui est essentiel dans une communauté afin qu'on puisse réellement parler d'une autonomie pour tous?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Leblond, il vous reste environ une minute.

M. Leblond (Claude) : Non, mais ça serait superintéressant de le faire. Donc, non, ça n'a pas été fait encore.

Notre réflexion est en lien avec des réflexions qu'on a faites, là, depuis les dernières années. Et je rappellerais, là, la commission, là, sur les conditions de vie des personnes âgées, là, où on avait également référé à la question de la dévitalisation de certaines communautés. Mais on a demandé effectivement à ce qu'il y ait des paniers de services nécessaires et minimaux partout au Québec, là. Il faudrait peut-être revoir si on avait été plus loin que ça à ce moment-là. Mais, à cette occasion-ci, on n'a pas fait, là, cet inventaire-là, mais ça serait très intéressant de le faire pour s'assurer effectivement que ça puisse être mis en place. Et ça nécessite également la collaboration des autres secteurs de… C'est toute la notion d'intersectorialité, là, en lien avec le transport, avec les municipalités, l'éducation, etc., là, les loisirs aussi.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup, M. Leblond.

Alors, le temps étant maintenant écoulé, je vais suspendre les travaux quelques instants et j'invite le prochain groupe à prendre place.

(Suspension de la séance à 11 heures)

(Reprise à 11 h 2)

La Présidente (Mme Proulx) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission va reprendre ses travaux. Je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Protecteur du citoyen

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Mme la Présidente, merci. Je suis accompagnée, à ma droite, du vice-protecteur, M. Claude Dussault, et, à ma gauche, du conseiller expert en santé, M. Michel Clavet, et je suis Raymonde Saint-Germain, Protectrice du citoyen.

Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je vous remercie de votre invitation à commenter le livre blanc sur la création d'une assurance autonomie. Nous convenons tous que le vieillissement de la population québécoise et la hausse conséquente de besoins de soins et de services viennent mettre une pression insoutenable sur le système en place. L'investissement dans les soins à domicile est une voie judicieuse afin de porter assistance aux personnes en perte d'autonomie, à leurs proches aidants, en plus de contribuer à mieux utiliser les ressources publiques d'hébergement, comme les CHSLD et les ressources intermédiaires, et d'éviter des hospitalisations.

Le Protecteur du citoyen est pleinement conscient des défis budgétaires et organisationnels liés à cette réforme. Le livre blanc suggère de nouvelles façons de faire quelquefois en rupture avec une certaine conception de la prestation publique de soins et de services de longue durée. Le recours accru à des contrats avec des ressources privées ou communautaires reconnues afin de dispenser les services à domicile, l'ouverture faite à une tarification de services que couvre aujourd'hui le régime public, la proposition de constituer une caisse dédiée à l'assurance autonomie sont autant d'orientations qui viennent modifier le profil du système public de soins de santé et de services sociaux. Le Protecteur du citoyen considère qu'il s'agit là de choix politiques importants. Je ne m'oppose pas en soi à ces orientations, j'ai cependant des préoccupations quant à leurs probables conséquences, que je souhaite partager avec vous aujourd'hui. Nous avons appuyé notre réflexion sur certains principes reconnus. Ces principes sont l'universalité de la couverture publique, l'équité d'accès aux services, l'accessibilité réelle et la qualité de ces services, la solidarité dans le financement, la transparence du régime et l'imputabilité de ses acteurs.

J'ai jugé utile, dans certains encadrés de notre mémoire, de vous présenter des cas vécus, afin d'illustrer de la façon la plus concrète possible l'impact humain des décisions organisationnelles et budgétaires qui sont prises. Ces exemples me ramènent au constat que je vous partageais en septembre dernier, à l'occasion de la présentation de mon rapport annuel. Dans plusieurs secteurs, dont celui des services à domicile, l'écart se creuse entre l'offre de services annoncée sur papier et celle qui est réellement disponible sur le terrain. Je pense, par exemple, à la pratique qui établit des plafonds d'heures de service, peu importent les besoins évalués de la personne. De telles pratiques génèrent beaucoup d'insatisfactions chez les citoyens, et celles-ci sont généralement fondées. La présente réforme doit être l'occasion d'inverser la tendance.

Ma première préoccupation à l'égard de la réforme proposée concerne la qualité des services qui seront dispensés. Déjà, le réseau public peine à assurer le contrôle adéquat de la qualité de ses propres services. Dans le contexte où l'on compte faire davantage appel, dans une large mesure, à des ressources privées et communautaires pour offrir des services de soutien à domicile, une attention particulière doit être portée au contrôle de la qualité. Je vise des processus rigoureux sans être trop lourds bureaucratiquement pour assurer l'accréditation ou la certification efficaces des différents types de ressources qui seront appelés à dispenser ces services à domicile. Le ministère de la Santé et des Services sociaux doit mener à terme son projet de politique d'assurance qualité sur les soins et les services. C'est un préalable à la mise en oeuvre adéquate du futur régime d'assurance autonomie. Pour la protection et le respect des droits de tous les usagers, le régime d'examen des plaintes du réseau doit de plus être étendu à tous les services donnés à domicile, quel que soit leur dispensateur. Ces divers moyens sont autant de conditions de respect d'un principe fondamental : peu importe le mode de dispensation des services qu'il choisit de déployer, l'État doit demeurer imputable et responsable de leur mise en oeuvre et de leur qualité.

Je vous fais part d'une autre préoccupation. Selon notre analyse, le livre blanc est conçu d'abord et avant tout pour répondre aux besoins des personnes âgées en perte d'autonomie. Or, on souhaite en élargir l'application à d'autres groupes, dont les personnes handicapées plus jeunes. Il faut s'assurer de bien considérer les besoins de ces dernières notamment en matière d'insertion sociale et professionnelle. Dans notre mémoire, nous attirons votre attention sur certains effets non souhaitables de l'utilisation de l'outil d'évaluation des besoins, l'Outil d'évaluation multiclientèle. Il ne tient pas explicitement compte de cette notion fondamentale d'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées. La compensation des limitations fonctionnelles de ces personnes soulève des enjeux cliniques, éthiques mais aussi légaux. Le respect de leur droit à l'égalité doit être au coeur de toute réflexion à ce sujet. Un dernier mot plus général sur l'évaluation des besoins. Même si l'utilisation d'un outil standardisé est pertinente, celui-ci ne doit jamais être appliqué de façon automatique sans que le jugement professionnel et clinique des intervenants soit pris en compte.

Je souhaite maintenant faire quelques observations sur l'implantation de la réforme projetée. Celle-ci doit se faire de façon ordonnée et en toute équité, et pour cela une période de transition suffisante est nécessaire. J'ai des inquiétudes à ce sujet. L'échéancier projeté m'apparaît peu réaliste compte tenu du déséquilibre que l'on constate déjà entre l'offre et la demande de services à domicile dans toutes les régions du Québec. Avant que les CSSS commencent à se retirer de la dispensation directe de certains services, il faut s'assurer que les partenaires privés et communautaires sont qualifiés pour prendre la relève et qu'ils sont prêts à le faire. Est-ce vraiment possible que tout cela soit concrètement fait d'ici avril 2014? Un désengagement hâtif des CSSS risquerait d'engendrer des bris dans la continuité des services à domicile. Je suis d'autant plus sensible à cette situation que nous avons constaté dans plusieurs de nos enquêtes que certains CSSS ont déjà commencé à modifier leurs offres de services dans le sens présenté dans le livre blanc. Cela m'apparaît prématuré. Un rappel doit être fait dans tout le réseau. Avant l'adoption d'une loi et la diffusion de la nouvelle politique-cadre qui l'accompagnera, c'est toujours la politique de soutien à domicile de 2003 qui continue de s'appliquer. Les citoyens sont en droit de connaître les normes en vigueur et de les voir appliquées en toute équité.

Je terminerai mes observations sur la délicate et complexe question du financement du régime. J'insiste sur l'importance de connaître le cadre financier qui doit être soumis à la discussion publique. Les modalités de financement de la caisse autonomie doivent respecter les principes d'équité intergénérationnelle et de justice distributive.

Confier la gestion de la caisse autonomie à un organisme public crédible sous la forme d'un fonds en fiducie, en plus d'assurer la transparence de sa gestion, devrait favoriser la confiance de la population autour d'un élément fondamental : la conviction que l'argent ainsi amassé ne servira pas à d'autres fins que celle de dispenser des services de soutien à domicile de qualité à toutes les personnes qui les requièrent.

Reste alors la question de la tarification. L'appui du Protecteur du citoyen au régime d'assurance autonomie qui sera proposé reposera sur un principe incontournable : l'incapacité financière des usagers à contribuer ne doit jamais être un obstacle à l'obtention des services. Pour respecter ce principe, il faudra tenir compte non seulement de la tarification, mais aussi, en particulier pour les faibles salariés, de l'effort fiscal supplémentaire qui sera exigé d'eux pour constituer la caisse autonomie. L'addition de ce fardeau fiscal à une éventuelle tarification risque de peser très lourd pour ces personnes, notamment. Les paramètres de la tarification doivent donc être explicites, détaillés et justes pour les citoyens de toutes les régions du Québec. En ce sens, j'estime que le tarif horaire des entreprises d'économie sociale en aide à domicile devrait être le même partout au Québec et que les augmentations de tarifs devraient être encadrées par des normes et compensées par un ajustement de l'exonération pour les personnes moins nanties financièrement.

Vous l'aurez constaté, c'est avec ouverture mais également avec prudence, en raison des grands défis qui se présentent, que j'envisage les prochaines étapes de cette importante réforme, et je vous assure de la collaboration du Protecteur du citoyen pour la suite de vos travaux. Je vous remercie.

• (11 h 10) •

La Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec le groupe formant le gouvernement. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Hébert : Merci beaucoup, Mme Saint-Germain, M. Dussault, M. Clavet, merci de votre ouverture et de votre présence, c'est ce que nous apprécions de votre rôle.

Je voudrais, d'entrée de jeu, aborder avec vous ce qui a été votre premier point, c'est-à-dire la qualité. Comme vous le savez, actuellement, la gestion publique des services de soutien à l'autonomie échappe dans plusieurs secteurs, notamment les entreprises d'économie sociale, les résidences privées. L'assurance autonomie souhaite retrouver une gestion publique, c'est-à-dire de s'assurer de critères, de standards de qualité et même de mettre en place des processus d'accréditation de tous les prestataires, qu'ils soient publics, communautaires ou privés.

En ce sens, est-ce que cette orientation de l'assurance autonomie vous agrée?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Dans la mesure où ces processus seront connus, accessibles, efficaces et vraiment indépendants aussi et qu'ils seront, dans les faits, dotés des ressources nécessaires, je pense que c'est une orientation et une volonté qui sont très pertinentes, d'autant plus pertinentes qu'il faut bien reconnaître le risque, entre autres, pour les services à domicile, de la vulnérabilité accrue de personnes qui souvent seront seules ou de personnes qui ont un aidant naturel lui-même très âgé et qu'il faudra manifestement bien soutenir. Et souvent ces personnes peuvent craindre des représailles, vont ignorer leurs droits, ne seront pas accompagnées, d'où l'importance accrue du contrôle de la qualité en amont et d'une capacité de surveillance de l'exercice de ces services.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Donc, ce contrôle de qualité devrait prévoir les normes précises sur la formation des personnels et professionnels, peu importe quel est le type de prestataire dans le réseau?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Oui, Mme la Présidente, des standards de qualité effectivement pour la formation du personnel, l'accréditation des organismes, l'encadrement aussi de la tarification et un encadrement de tarification qui devrait aussi concerner les résidences privées pour aînés où il y a quand même des risques, dans le présent contexte, qu'il y ait des doubles facturations ou des doubles tarifications. Donc, tout ça est à regarder, autant sur le plan de la qualité des services eux-mêmes que de l'équité financière et du contrôle de cette qualité.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Je vais continuer dans l'équité financière. Vous savez qu'actuellement les services publics couvrent à peu près 15 % des besoins des personnes en soutien à domicile, et, comme vous l'avez souligné dans vos rapports d'activité, ce 15 % là est variable de façon importante : juste dans un territoire qu'est la Montérégie, ça va de 6 %, dans certains territoires, jusqu'à 33 %.

Alors, il y a une variabilité dans la couverture publique des services de soins à domicile. Évidemment, le reste, c'est assumé par la personne soit en nature — puis il y a des gens qui ont fait des blagues, là, dans les commissions antérieures — mais par le proche aidant ou en espèces par l'achat de services, puis on estime donc qu'entre 2 000 $ et 5 000 $ sont déboursés par les personnes souvent en soins à domicile. Alors, il y a une iniquité dans la couverture publique. Nous voulons ramener, par l'assurance autonomie, une équité, donc, avec une allocation de soutien à l'autonomie qui est basée sur les besoins de la personne et nous voulons être capables de moduler cette allocation en fonction de la capacité de payer, c'est-à-dire que des gens qui ont plus de capacité de payer on module l'allocation, et, les gens qui n'ont pas la capacité de payer, on augmente l'allocation pour qu'ils puissent recevoir des services davantage.

Alors, cette modulation-là, cette façon de moduler, plutôt que de tarifer, parce que vous utilisez le mot «tarification», là, cette façon de moduler l'allocation en fonction de la capacité de payer, est-ce que c'est une avenue qui semble intéressante?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, c'est ici que la prudence va s'exprimer, Mme la Présidente.

Sur le principe, je pense que les principes sont clairs, il faut l'équité intergénérationnelle, il faut la justice distributive, il faut que jamais l'incapacité de payer ne soit un obstacle à l'accès aux services. Présentement, dans l'état du livre blanc, c'est difficile de voir quelle sera la hauteur réelle des contributions qui seront exigées et, qu'on les appelle tarifs ou autrement, c'est très difficile d'estimer, selon leur capacité de payer, quels seront les coûts pour les contribuables. C'est pour ça que moi, j'appuie ce principe d'une solidarité dans le financement, le principe qu'il y ait, selon la capacité de payer et l'utilisation des services, une gradation. Mais c'est difficile d'aller au-delà présentement et c'est pourquoi nous avons fait des recommandations qui portent précisément sur l'importance, avant la mise en oeuvre, que le ministère poursuive ses travaux, reprécise les modalités, les conditions et la hauteur du financement, pour que ce soit plus clair, et refasse des consultations sur cette dimension-là en particulier.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Il y aura sans doute des consultations sur le projet de loi, alors nous serons en mesure de revenir dans une prochaine étape.

Vous nous parlez des entreprises d'économie sociale, et il y a un élément de votre mémoire sur lequel je veux vous entendre parce qu'on entendra les groupes cet après-midi nous dire un peu l'inverse. Vous remettez en question le monopole, si je peux dire, des entreprises d'économie sociale dans certaines régions. Vous voulez qu'on ouvre les services à une multiplicité de prestataires, notamment dans l'économie sociale. J'aimerais ça que vous précisiez votre pensée là-dessus.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, Mme la Présidente, notre pensée est que le recours soit à des entreprises privées ou à des organismes d'économie sociale… en soi, nous n'avons pas d'objection. Par contre, ce que nous trouvons très important, c'est qu'il y ait, d'une part, formation de ces personnes, préparation de guides de bonnes pratiques — je le disais tout à l'heure — évidemment, contrôle a priori, surveillance pendant les services et un régime donc de contrôle et de surveillance de la qualité. Mais également ce qui nous apparaît très important, c'est que ces entreprises-là, dans un contexte de transition, ne soient pas, du jour au lendemain, appelées à entrer en exercice sans qu'il y ait eu vraiment un processus d'accréditation ou de certification qui soit sérieux et au moment où les CSSS se délesteraient de ces responsabilités-là.

Donc, la préoccupation, pour nous, elle est davantage de s'assurer que les organismes qui seront retenus, les personnes qui seront choisies — dans certains cas, ce seront des aidants naturels ou des proches des personnes âgées — que ces personnes-là soient qualifiées, soient en mesure d'assumer les services pour lesquels ils recevront une rémunération et que tout ça ne se fasse pas dans le désordre. Mais, sur le principe des entreprises d'économie sociale, nous n'avons pas en soi d'objection, mais ce n'est pas en soi non plus, sans vérification autre et sans préparation, une garantie de qualité. Alors, c'est le sens de notre réflexion.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

• (11 h 20) •

M. Hébert : Je voudrais tout de suite préciser un point, là. Il n'est pas du tout question, dans l'assurance autonomie, d'un transfert d'activités des CSSS vers les entreprises d'économie sociale, là. On ne parle pas de ça du tout. On parle d'un ajout de prestataires, parce qu'il y a des besoins à combler, et une invitation aux entreprises d'économie sociale de faire partie des prestataires, mais il n'y a pas de transfert des auxiliaires familiales ou des auxiliaires sociales et de santé vers des entreprises d'économie sociale.

Je vous rassure là-dessus, là, il n'est pas du tout question d'opérer un transfert de la sorte. Mais il y a, dans le projet d'assurance autonomie, l'accréditation d'entreprises d'économie sociale qui pourront être disponibles pour donner des services à des personnes. Alors, je vous rassure là-dessus.

Mais ma question était sur une partie de votre mémoire où vous dites : L'usager actuellement doit obligatoirement faire appel à l'entreprise d'économie sociale oeuvrant sur son territoire, ce qui entraîne une certaine captivité de la clientèle et contrevient à la liberté de choix du prestataire. J'aimerais ça vous entendre là-dessus et sur les moyens de pouvoir concilier la désignation d'entreprises d'économie sociale sur un territoire et le libre choix du prestataire.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, le principe est le suivant, c'est que ce sont quand même des soins et des services de… plutôt, des services de proximité, et la réserve que j'émets, c'est qu'il ne faudrait pas que seules des entreprises d'économie sociale accréditées deviennent obligatoirement les personnes qui donneraient les services à domicile.

En d'autres termes, le libre choix d'une personne qui pourrait être qualifiée, qui pourrait être un proche aidant, doit demeurer pour la personne qui reçoit les services à domicile. Et, dans ce sens-là, et je comprends que c'est aussi l'esprit du livre blanc, dans ce sens-là, les personnes qui recevraient, par exemple, un chèque emploi-services pourraient choisir de le verser à un aidant naturel ou à un proche de leur choix et qui serait qualifié. Je ne sais si ma compréhension est bonne, mais c'est la compréhension que nous avons dans ce contexte.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Encore là, certains groupes nous ont recommandé de conserver le chèque emploi-services. Comment on peut concilier l'atteinte de la qualité et des normes de formation de ce personnel avec l'utilisation du chèque emploi-services, à votre avis?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Encore là, c'est dans le rôle, d'une part, de surveillance qui devra être joué — contrôle de la qualité, a priori, oui, mais rôle de surveillance — et, dans ces situations-là, et ce seront des situations réelles, ce sont souvent des aidants naturels ou des personnes qui déjà offrent, à la satisfaction, des services, par exemple, d'aide à la vie domestique. Alors, on est dans un autre ordre de priorité. Et, si la personne qui est la première concernée est satisfaite des services et est en mesure de dire : Moi, je continue de le faire et qu'au niveau d'un contrôle de la qualité il n'y a pas de difficulté, je pense que ça devrait être accepté. Et c'est à cela que je référais, entre autres, lorsque je disais, Mme la Présidente, qu'il faut éviter d'avoir une approche, et des outils, et des exigences qui seraient trop bureaucratiques, surtout dans un contexte où il y aura quand même — je pense qu'il faut le reconnaître — une transition qui sera importante à gérer et où il n'y aura pas nécessairement toutes les ressources requises pour répondre immédiatement à l'ensemble des besoins.

Alors, c'est cette forme de souplesse avec, oui, des mesures qui peuvent être prises pour avoir des assurances, en tout cas, de qualité et de protection ou de sécurité des personnes, mais, à mon avis, tout ne pourra pas se jouer, là, de manière formelle dès le début, et c'est pourquoi l'importance… Et puis je suis heureuse d'entendre le ministre souligner qu'il n'y aura pas de désengagement des CSSS dès le début. Je vous dis que ma compréhension était qu'il y avait une possibilité d'un tel désengagement. Alors donc, ça viendra contribuer à permettre cette période de transition. On a utilisé une expression, qui s'appelle «modèle collaboratif», pour cette période de transition. Ce que ça signifie, au fond, c'est que les ressources qui agissent déjà devraient demeurer et travailler en collaboration et progressivement, au fond, moduler l'offre de services en fonction de la capacité des nouvelles ressources de prendre le relais. Je pense que ce sera vraiment important. On ne pourra pas cesser un service du jour au lendemain sans avoir cette garantie, là, de collaboration et de transition progressive.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous nous suggérez aussi de prévoir un mécanisme de recours pour l'évaluation des besoins qui ne serait pas satisfaisante aux yeux des usagers. Quel est le type de recours que vous nous suggérez de prévoir?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Là-dessus, on a utilisé le mot «contestation» qui apparaît dans la littérature scientifique, mais j'aime bien un mot qui, quant à moi, est plus positif, qui s'appelle le mot «révision», voire qu'un usager ne serait pas satisfait de son évaluation.

Il existe déjà des réseaux, là, de services intégrés pour les personnes âgées. Il y a dans les CLSC déjà des groupes de cliniciens qui pourraient peut-être être appelés déjà au moment où l'évaluation est faite, avant que le plan de services, ou plan d'intervention, s'entame, pourraient déjà recevoir ces demandes de révision là et, au besoin, faire des ajustements. On a vu que ça se faisait ailleurs, et ça permettrait d'agir a priori plutôt qu'a posteriori. Et les ressources sont déjà quand même, dans ce cas-là, disponibles. C'est sûr qu'il y aurait une charge de travail accrue, mais on ne parle pas de former des personnes, de créer une bureaucratie, d'ajouter de nouvelles structures. Alors, ça nous semblait une approche qui est intéressante.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous nous soumettez une suggestion au niveau du régime d'examen des plaintes. Vous nous dites : Il faudrait que le régime d'examen des plaintes s'applique aussi aux autres prestataires, qu'ils soient privés associatifs, privés lucratifs ou communautaires. Actuellement, le commissaire régional aux plaintes n'a pas juridiction sur ces prestataires-là?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Le commissaire régional aux plaintes et le Protecteur du citoyen, en deuxième niveau, n'ont pas compétence présentement sur les ressources privées qui ne sont pas certifiées, n'ont pas compétence non plus sur des organismes sans but lucratif, sauf dans certaines situations particulières où il y a une entente formelle avec une instance du réseau de la santé et des services sociaux. Alors, il faudrait que ce soit formalisé, notamment parce que ce serait, d'une part, une source d'autodiscipline pour ces organismes-là — il y a une certaine crainte de la surveillance, qui parfois a un effet positif d'autodiscipline — et aussi parce que c'est une garantie accrue de pouvoir détecter des situations de services inadéquats, de protection insuffisante et d'agir adéquatement.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Dans la mesure où l'assurance autonomie va accréditer des prestataires, est-ce qu'automatiquement… ce n'est pas le vocabulaire juridique, je m'en excuse, je ne suis pas un juriste, mais, automatiquement, est-ce que le commissaire aux plaintes deviendrait autorisé de pouvoir examiner une plainte concernant ce prestataire?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Mme la Présidente, j'évite toujours les risques d'interprétation juridique différente. Je pense que l'esprit ou l'intention du ministre, que j'interprète, est d'inclure effectivement ces nouvelles organisations ou ces nouveaux dispensateurs de services au régime de plaintes. Je m'en réjouis, mais je pense que ce serait prudent de l'indiquer spécifiquement dans la loi par une disposition qui viendrait le préciser.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : On a des collègues du contentieux du ministère qui, je suis sûr, prennent bonne note de votre suggestion.

Vous suggérez également, bien sûr, de considérer l'insertion sociale et professionnelle pour les personnes handicapées, mais vous nous suggérez aussi d'inclure pour l'assurance autonomie les moins de 18 ans émancipés. On a eu une suggestion du même ordre qui a été faite par différents organismes. J'aimerais que vous nous expliquiez votre point de vue là-dessus.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, on sait que les personnes émancipées, au fond, ce sont des personnes qui bénéficient de l'autorité… qui ne sont plus sous une autorité parentale et qui normalement ont des droits plus importants. Donc, on reconnaît leur autonomie plus grande que les personnes qui sont mineures. Et, dans un certain nombre de situations, on parle, par exemple, de personnes qui ont des troubles envahissants du développement, qui vivent de manière autonome et qui pourraient avoir besoin de ces services-là. On parle aussi évidemment de personnes qui ont des enfants, qui ont la responsabilité de ces enfants et qui, dans certaines situations, pour elles-mêmes, pourraient avoir besoin… compte tenu de leur état d'autonomie ou de problématiques qui font qu'elles sont en perte d'autonomie, pourraient aussi nécessiter ces services-là.

Donc, c'est dans cette perspective de dire : Il y aurait lieu de faire des exceptions à la règle générale des adultes pour les personnes qui sont émancipées. Ce ne sera probablement pas — je n'ai pas de chiffre à vous donner — un nombre important de personnes, mais, quand on sait que les programmes sont normés, mieux vaut prévenir ce genre de situation pour faciliter l'accès.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous nous recommandez, là… vous appuyez, en fait, l'utilisation d'une caisse séparée pour éviter les dérives que vous avez dénoncées à plusieurs reprises dans vos rapports. Qu'est-ce que vous pensez de confier, plutôt que de mettre en place une nouvelle bureaucratie, de confier la gestion de cette caisse séparée à la Régie de l'assurance maladie du Québec?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

• (11 h 30) •

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Sur ce plan, effectivement, moi, la création d'organismes, je pense que c'est une façon de faire qui n'est pas nécessaire présentement et qui entraîne toujours ces coûts. La Régie de l'assurance maladie a une bonne expérience de la gestion en santé. Certains avaient proposé la Régie des rentes. Mais je pense que ce sont, dans les deux cas, des organismes compétents, qualifiés qui ont une expertise actuarielle aussi qui est importante et qui leur permettrait d'agir.

Évidemment, ce n'est pas tout de voir qui sera l'organisme responsable. Le principe de cette fiducie-là, c'est aussi, comme vous le disiez, effectivement un principe qui va permettre de s'assurer que cette somme est dédiée aux fins des services à domicile et de l'assurance autonomie, en général, que ce soit fait de manière très transparente, que la reddition de comptes soit explicite et que les principes de solidarité sociale soient vraiment respectés, respectés aussi au niveau du financement et bien explicités, qu'on en rende bien compte dans les rapports.

Alors, sur ce principe, donc moi, je pense que c'est une bonne idée : Régie de l'assurance maladie ou Régie des rentes, éventuellement.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Il reste combien de temps?

La Présidente (Mme Proulx) : Il vous reste trois minutes.

M. Hébert : Merci. Dans le financement de l'assurance autonomie, vous êtes sans doute le premier groupe… et, pour avoir vu les mémoires qui s'en viennent, probablement le seul qui nous recommandez de capitaliser cette caisse pour le futur. J'aimerais comprendre les arguments à la base de votre suggestion.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, dans un premier temps, on vous recommande une capitalisation partielle.

Évidemment, on est au niveau du principe. C'est sûr que, si on peut, dans un contexte de capitalisation, prévenir l'augmentation des coûts pour les générations futures et déjà engranger, ce serait manifestement idéal. Par contre, nous avons aussi recommandé que tout le montage financier au fonds soit précisé et qu'on puisse avoir accès à des chiffres, à des données. Donc, c'est quant au principe.

Et, si vous permettez, Mme la Présidente, je demanderais au vice-protecteur, M. Dussault, de compléter cette réponse, lui qui a analysé, là, particulièrement certaines dimensions.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Dussault.

M. Dussault (Claude) : Merci. Écoutez, essentiellement, ça a été repris dans Ménard, là, un des enjeux majeurs, c'est toute la question de l'équité intergénérationnelle.

Le danger, en mettant un système classique de... où on serre de l'argent... actuellement, c'est que, vu que la population va augmenter, il va y avoir de moins en moins de gens pour payer. Donc, l'équité, là, excusez-moi l'expression, l'équilibrage, le «balancing act » qu'on dit qu'on doit faire, c'est, dans les argents qu'on perçoit aujourd'hui, quelle est la part qui sert à payer les besoins des retraités actuels versus quel est l'argent qu'on met de côté pour les futurs. Si on veut respecter l'équité intergénérationnelle, il faut absolument qu'il y ait une partie des sommes qui sont perçues aujourd'hui qui soit réservée pour la clientèle du futur. Sinon, les sommes vont être complètement absorbées, et il ne restera plus d'argent pour ces gens-là quand ces gens-là vont arriver à la retraite.

Évidemment, c'est un équilibrage qui est très délicat, mais il n'y a pas d'autre moyen que d'assurer... Il faut au moins en catalyser une partie justement pour prévoir les besoins du futur, sinon l'équité intergénérationnelle ne sera pas au rendez-vous.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Je voudrais terminer avec le plan de services individualisés. Vous nous dites : Il faudrait qu'il soit invariable selon les régions. Je veux être bien sûr que je vous comprends, là, parce que, pour moi, un plan de services, ce n'est pas désincarné, là. Un plan de services, ça tient compte de la réalité régionale. Un plan de services dans une région dévitalisée, c'est différent d'un plan de services au centre-ville de Montréal. Ce que je comprends, c'est : le besoin devrait être le même, mais la façon d'y répondre peut varier selon la région, parce qu'on ne peut pas dire que le plan de services est invariable, là. Je ne comprends pas, là, votre point de vue là-dessus.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain, pour une très courte réponse d'environ 30 secondes.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, je vous réfère plutôt à la recommandation 4. Ce que nous disons, c'est que le plan de services individualisés doit être associé à la personne et puisse la suivre dans son parcours de soins et de services, peu importent la région ou le lieu de dispensation des services. Parce qu'on a vu... moi, j'appelle ça de l'iniquité interrégionale, et on a vu ça dans beaucoup de situations. Et c'est même, sur le plan, je dirais, de l'investissement, une perte que d'avoir eu un plan de services individualisés qui fonctionne, qui est amorcé, qui ne peut pas se poursuivre dans une autre région lors d'un déménagement.

Alors, c'est plus dans ce sens-là que nous sommes intervenus. Le vice-protecteur pourrait compléter brièvement.

La Présidente (Mme Proulx) : Oui, M. Dussault aura l'occasion de compléter à travers d'autres questions.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : D'accord.

La Présidente (Mme Proulx) : Le temps est écoulé maintenant. Je vous remercie. Nous allons poursuivre les échanges avec Mme la députée de Gatineau pour l'opposition officielle.

Mme Vallée : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci de votre présentation. Bienvenue en commission. Vos mémoires sont toujours fort intéressants et surtout fort pertinents.

J'aimerais, avant d'aller… Je voulais aborder une autre question, mais le ministre a abordé la question des plans de services et des services de l'équité interrégionale dans l'offre de services.

Moi, je suis un petit peu en désaccord avec ce que le ministre disait. C'est-à-dire, je me dis, si on vise vraiment une autonomie pour tous, je crois qu'on devrait s'assurer qu'au Québec il y ait, un peu partout à travers le territoire, des services de base qui devraient, à tout le moins, assurer une véritable autonomie pour tous, et on devrait s'assurer avant de mettre en place une assurance autonomie que ces services-là peuvent être dispensés un peu partout, parce qu'un citoyen ne devrait pas être mis à l'écart ou avoir moins de choix de par sa situation géographique. Je trouve ça un petit peu triste de voir ou qu'on pense qu'il pourra y avoir une autonomie pour tous au centre-ville de Montréal, mais, si vous restez aux Îles-de-la-Madeleine, ce n'est pas tout à fait pareil ou, si vous restez… Ma collègue sourit. Mais c'est parce que je pense aussi aux gens qui sont dans le Nord-du-Québec, qui habitent le Nord-du-Québec, qui habitent Fermont, qui habitent les communautés dévitalisées. On ne devrait pas être pénalisé du fait qu'on choisit d'habiter le territoire, d'occuper le territoire.

Et je me demandais si vous aviez porté votre réflexion un peu dans ce sens-là ou si vos travaux, dans le passé, vous ont amenés à réfléchir à la question de l'accessibilité réelle des services. Et est-ce qu'on est prêts, en avril 2014, au même titre que ce que vous avez fait lors de votre présentation sur le projet de loi n° 52… Vous avez porté votre réflexion sur l'accessibilité aux soins palliatifs? Bon, bien est-ce qu'au Québec on a une réelle accessibilité aux soins à domicile pour tous, pas seulement pour les personnes âgées, mais aussi pour les personnes handicapées, pour les personnes aussi ayant une déficience intellectuelle? Est-ce qu'on est réellement capables de donner un véritable choix à tous les citoyens du Québec, peu importe où ils résident?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, Mme la Présidente, la députée fait référence, entre autres, à un des principes qui, pour nous, est fondamental dans l'assurance autonomie, c'est celui de l'équité d'accès pour tous à tous les services et l'accessibilité réelle.

Ce sont en fait deux principes qui sont concomitants. Il faut que ce soit le cas dans toutes les régions. Ce n'est pas le cas présentement et c'est pourquoi j'insiste sur l'importance d'un plan de transition. Et, en même temps, est-ce qu'on est capables de donner tous les services à tous? Présentement, non, c'est certain. On l'a documenté dans notre rapport sur les services de soutien à domicile de 2012. Il y a un écart important entre ce qui est prévu et ce qui, dans la réalité, est vraiment disponible pour les personnes. Et, quand on regarde évidemment la courbe démographique, le livre blanc présente très clairement l'évolution des besoins qui va être croissante, et l'évolution des ressources n'est pas conséquente. Donc, c'est certain qu'il y a là une problématique et que la date d'avril 2014… Bon. Personnellement, je crois que, si on veut bien faire les choses, bien préparer la transition — je n'ai pas vu l'état des travaux au ministère, donc je vais aussi être réservée dans cette réponse — il reste beaucoup de choses à faire pour que ce soit en oeuvre et que ça s'amorce de manière sécuritaire pour les personnes. Donc, avril 2014 est une date extrêmement ambitieuse.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Est-ce qu'il y a, à votre connaissance, un état de situation? Outre votre rapport sur les soins à domicile, est-ce qu'il existe d'autres évaluations, d'autres états de situation, un état des lieux qui nous permettraient d'avoir une meilleure… de voir ou d'identifier clairement là où sont les lacunes pour être capables de donner un coup de roue aux régions particulièrement ciblées? Est-ce qu'on les a identifiées, ces régions-là? Est-ce qu'on a identifié les secteurs d'activité où on devrait porter une attention particulière?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

• (11 h 40) •

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Notre rapport de 2012 portait sur cinq régions spécifiques, mais nous avions fait des vérifications qui nous démontrent que, dans toutes les régions, l'écart était quand même important entre le besoin et la capacité de répondre aux besoins. Il y avait des problèmes à Montréal à cause du volume. En Gaspésie, c'est pour d'autres raisons. Donc, il y avait quand même des problèmes partout.

Ce que nous venons de constater récemment, c'est que déjà des CSSS, en particulier dans les régions de Montréal, Sherbrooke et Gaspésie, ont commencé à préparer le terrain pour travailler au niveau de la nouvelle approche du livre blanc. Ça peut être vu comme étant positif en disant : On commence à préparer la transition. En même temps, il faudra voir le nombre de ressources qui seront consenties. Ça peut aussi être vu comme inquiétant, dans la mesure où ça veut dire que déjà, la politique de 2003, on commence à ne plus la respecter pour aller dans le sens éventuellement d'un livre blanc mais d'une loi qui n'est pas encore adoptée. Alors, dans ce sens-là, c'est quelque chose qui est préoccupant. Le ministère a possiblement des données évidemment que je ne connais pas. Et il y a eu aussi, bien sûr, le rapport du Vérificateur général en 2013, qui a fait l'objet d'une commission parlementaire d'ailleurs récemment, qui présente aussi beaucoup de constats, et de caractéristiques, et de recommandations qui sont de nature à améliorer, je dirais, la préparation des cibles, la planification des services et leur optimisation.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Mais on est loin d'avoir identifié tout ça puis on est quand même déjà rendus en novembre 2013. On pourrait échanger longuement. J'avais d'autres petites questions avant de passer la parole à mon collègue.

Vous indiquez au point 81 de votre rapport que l'analyse du livre blanc amène le Protecteur du citoyen à conclure qu'il est, d'abord et avant tout, conçu pour les personnes âgées en perte d'autonomie. Pourtant, on nous dit que l'autonomie pour tous s'appliquera également aux personnes handicapées, aux personnes atteintes de déficience intellectuelle. J'aimerais vous entendre davantage sur ce constat que vous avez dressé.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, oui — merci, Mme la Présidente — notre constat est à l'effet que plusieurs personnes handicapées qui, du fait de leur handicap, ont des besoins, ont une perte d'autonomie sont des personnes d'abord plus jeunes qui ne sont pas des personnes âgées au sens du livre blanc et des personnes qui ont des besoins, des capacités d'insertion sociale et d'insertion à l'emploi. Donc, ça vient modifier la nature de leurs besoins, d'une part. Ça vient modifier souvent le profil des services qui sont requis. Dans certains cas, on peut parler de services requis le soir, requis la fin de semaine, selon la nature des emplois. Pour certains, ce sont des services qui vont être liés à l'accompagnement, aux études.

Donc, il y a toutes sortes de situations particulières qui font que, oui, ce sont des personnes en perte d'autonomie en raison de leur handicap, mais dont le profil et les besoins varient beaucoup par rapport aux personnes âgées. Et l'Outil d'évaluation multiclientèle n'est pas suffisamment explicite sur toute cette prise en considération des besoins d'insertion sociale et professionnelle qui sont plus fréquents chez les personnes handicapées. Évidemment, il y a aussi, dans leur cas, toute la notion du principe fondamental de la reconnaissance de la compensation pour leur handicap. Vous savez que c'est une... Depuis 1998, il y avait eu une décision importante du Conseil des ministres, le livre blanc d'ailleurs y réfère, et ça aussi, c'est une dimension qui devra, au moment de la préparation de la contribution financière, être prise en compte.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Pour ce qui est justement de la contribution financière, vous mentionnez que vous avez des craintes à l'effet que certains usagers mettent de côté le recours à des services d'aide domestique ou différents services en raison de l'inaccessibilité, pour eux, l'inaccessibilité financière.

Et je me demandais : Est-ce qu'on a identifié un revenu à partir duquel on ne pourrait tout simplement... on ne devrait pas nécessairement demander une contribution? Est-ce que c'est vraiment... Est-ce qu'on parle vraiment d'autonomie pour tous à partir du moment où on évalue la contribution en fonction du revenu puis en fonction aussi de la fréquence des services ou de l'intensité des services requis? Parce que, dans le livre blanc, on fait référence, à la page 24, de l'intensité des services fournis au niveau de l'allocation au soutien à l'autonomie. Et moi, je me questionnais en me disant : Est-ce que c'est équitable d'avoir, à l'intérieur d'une politique, ce type de référence là? Est-ce qu'on va demander davantage de contribution à quelqu'un qui a besoin d'une plus grande intensité de services, alors que c'est son état physique, son état personnel qui fait en sorte que ces services-là sont requis?

Est-ce que c'est équitable d'avoir cette philosophie-là?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Encore une fois, Mme la Présidente, le principe de l'équité, il est à la fois intergénérationnel, il est aussi en justice distributive. Et c'est une question qui se pose. Notamment, notre préoccupation… on n'a pas de… Je ne peux pas répondre à votre question en disant : À partir de tel seuil, on pense que ça serait inéquitable de demander une contribution additionnelle, etc. Par contre, la préoccupation était beaucoup celle des faibles salariés, ça peut être des personnes seules, ça peut être des familles, par opposition à, par exemple, des personnes qui sont aussi des personnes vulnérables, qui émargent aux programmes, qui reçoivent de l'aide des programmes de solidarité sociale mais qui souvent, en contrepartie de cette aide, auront plusieurs services pour lesquels ils n'ont pas à payer. Et là on arrive à cette tranche du faible salarié qui, lui, est très peu exonéré.

Alors, pour l'instant, il n'y a pas un montant à donner, mais ce principe effectivement de l'équité doit s'appliquer aussi, je dirais, en fonction du besoin et ne pas faire en sorte que la personne soit pénalisée par le niveau ou la complexité de son état de santé ou de sa perte d'autonomie. Ça, c'est vraiment important. Et autant pour cette question que pour certaines, que vous aviez abordées tout à l'heure, reliées au financement nous faisons, nous formulons les recommandations 12, 13 et 14, au fond, au ministère pour réaliser des travaux requis pour avoir justement une proposition de financement qui soit plus complète et qui permette de voir, de constater, avec plus de transparence, le respect de tous ces principes d'équité dans le financement, de solidarité dans le partage et de justice, au fond, distributive.

Mme Vallée : Merci.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Dans votre mémoire qui est très intéressant — puis je vois que vous avez fouillé les questions de façon assez sérieuse — vous parlez du droit d'appel.

Là, ce qu'on comprend, c'est qu'il va y avoir une personne qui va avoir des besoins, il y aurait un intervenant pivot ou un gestionnaire de cas qui va évaluer les besoins, un groupe nous a fait mention que ça serait important également que cette personne-là soit accompagnée pour un peu défendre ses intérêts, et il va y avoir l'établissement d'un SMAF auquel va correspondre un montant, en nature ou en espèces, sur des services qui vont être donnés. Et ce que vous nous dites… Parce qu'on voit dans notre réseau que ça peut arriver que, l'évaluation, il y a quand même une partie subjective. Si la personne est insatisfaite, à ce moment-là, il devrait y avoir un droit d'appel au palier régional. Est-ce que c'est bien l'interprétation de votre mémoire?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : C'est une interprétation, oui, qui se rapproche de notre mémoire, mais je ne suis pas du tout sous un angle juridique. Et l'important, c'est que… On dit toujours : Le jugement clinique ne doit pas être mis de côté, et il ne doit pas y avoir d'automatisme dans les conclusions de l'utilisation de l'outil d'évaluation. L'accompagnement des personnes, souvent c'est important par un proche parce que ça permet de connaître des éléments qui sont importants et déterminants dans l'évaluation de leurs besoins : l'état de pauvreté de la personne, la nature de son environnement, le fait qu'elle ait un… qu'elle soit en isolement social ou non. Il y a toutes sortes de dimensions qui ont un caractère plus humain, et ça, c'est vraiment important que ce soit aussi pris en compte parce que ça peut déterminer la nature et le niveau des services.

Par ailleurs, quand on parle d'un appel, c'est plus… On a utilisé le mot «contestation» qu'on retrouve dans la littérature scientifique, mais c'est plus... et je dirais «en amont», avant que le plan soit finalisé… si la personne le reçoit et dit : Ça ne répond pas, j'aimerais qu'on révise telle chose parce que je suis seule ou que je n'ai pas tel type d'accès, je dois aller voir un médecin, j'ai besoin d'outils pour l'aide à la vue, etc., que ce plan-là puisse être déjà révisé par des personnes qui sont soit déjà des cliniciens dans les CLSC ou soit les membres du réseau…

Une voix : RSIPA.

• (11 h 50) •

Mme Saint-Germain (Raymonde) : …RSIPA, là, oui. Le RSIPA, c'est le Réseau de services intégrés pour les personnes âgées.

J'espère que tout le monde a compris que c'est un réseau qui existe déjà, qui dans certains cas, évidemment, n'est pas implanté partout à 100 %, mais c'est un réseau qui fournit… Pour l'instant, c'est ça, c'est 62 % — merci, M. Clavet — 62 %, le niveau d'implantation de ce réseau-là, mais ils sont vraiment présents partout, ils ont une bonne connaissance du terrain, et je pense qu'on gagnerait à faire appel à leur expertise, encore une fois, une approche qui permet de ne pas créer de nouvelles structures, d'aller chercher l'expertise critique... clinique, pardon, et l'expertise de service social qui est disponible.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Puis, si je comprends, vous proposez ce mécanisme par un souci d'équité, c'est-à-dire que, si la personne a l'impression qu'elle n'a… soit que son intervenant pivot a sous-évalué ou a mal évalué, à ce moment-là, cette personne-là voudra avoir au moins une instance à laquelle elle pourrait demander... comme vous dites, on peut utiliser le mot «contestation» ou «révision»… mais dans lequel il y aura quand même un droit d'appel.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Oui, effectivement, et ça permettrait, dans ce contexte-là, d'agir plus vite, de prendre en considération des besoins spéciaux. Et moi, je pense que tout ne doit pas se régler, au niveau des plaintes, dans un contexte de différends. Je pense qu'il y a des façons de faire qui peuvent être facilitantes surtout pour des personnes âgées, surtout pour des personnes en perte d'autonomie. Or, je pense que c'est une forme d'action peu coûteuse et, à mon avis, réaliste et utile.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Bien, peu coûteuse… Ça, vous savez, on n'a pas d'expérience avec ce projet de l'assurance autonomie. Mais peu coûteuse? Je suis moins certain, parce que l'expérience que nous avons habituellement, c'est que les gens veulent quand même aller chercher les services auxquels ils ont droit, et souvent leur perception, c'est qu'ils devraient en avoir plus. Donc, s'il y a un droit d'appel, on peut s'attendre qu'il va être très utilisé. On le voit également dans les formules comme au niveau de la CSST, de l'aide sociale. C'est légitime, ça, on veut… Quand on met un système en place, il faut monter un bon système. Mais il faut s'attendre qu'il va y avoir un droit d'appel. Et, même si on est d'accord avec le principe, il reste que c'est de la bureaucratisation, parce que, quand on met de l'argent là, on ne le met pas dans les soins.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Bien, pour nous, Mme la Présidente, il ne s'agit pas d'ajouter des ressources, il s'agit de bien et mieux utiliser des ressources qui existent déjà et de travailler au palier régional le plus rapidement possible. Et je pense qu'une demande de révision pour des services pour des personnes en perte d'autonomie, quand on utilise un outil standardisé… je pense que ce n'est pas quelque chose qui soit abusif, et ça ne doit pas être… Je partage l'avis du député de Jean-Talon, ça ne doit pas être quelque chose de bureaucratique et lourd, mais c'est comme un autre regard clinique avant l'implantation ou la finalisation du plan d'intervention. Et les ressources, elles sont là. C'est de l'optimisation.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : On partage certaines visions, mais, celle-là, je la… Connaissant le système, là… on a vu, au niveau du traitement des plaintes, ça a pris un gestionnaire de plaintes, ça prend une secrétaire, puis c'est correct parce qu'il faut mettre ça en place. Mais à la fin ça ne se fera pas à coût nul, ça va prendre des gens pour le gérer, mais ça, on verra ça en temps et lieu.

Vous avez parlé du cadre financier, puis je pense que vous avez fait mention, avec justesse, qu'il manque beaucoup d'éléments dans le cadre financier. Vous, actuellement, avec ce que vous nous avez dit, qu'est-ce que ça prendrait pour dire qu'on a un cadre financier qui nous permet justement de faire une bonne évaluation de ce qui doit être mis en place? Et le ministre, lui, nous dit que le cadre financier, c'est toujours ces trois mêmes courbes, ça coûte plus cher, là, sauf qu'à la fin moi, le cadre financier, j'aimerais ça savoir combien on va… combien est-ce qui va être octroyé pour chaque SMAF en termes de coût, également c'est quoi, la contribution de l'usager, c'est quoi, le coût total du système, y compris le système d'information. La RAMQ, ils vont devoir certainement engager des fonctionnaires pour gérer un système comme celui-là. Et, à la fin, je ne sais pas, mais, dans un cadre financier, il y a le côté dépenses, mais on devrait également avoir le côté revenus. C'est quoi, la contribution du contribuable? Parce qu'on sait maintenant que ce ne sera pas une taxe dédiée, mais ça va être pris à même les impôts. Donc, on s'attend à ce qu'il va y avoir soit une augmentation d'impôt... Il va falloir nous dire d'où vient l'argent, parce que dans le projet il y a beaucoup de pensée magique.

Vous, est-ce que vous trouvez qu'on a ces éléments-là dans ce projet qui nous est déposé par le ministre? Et c'est quoi que ça prend de plus pour dire qu'on a un cadre financier qui soit crédible?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, Mme la Présidente, il est certain qu'au niveau du livre blanc toutes les données financières ne sont pas là. Il y a des études actuarielles qui sont importantes et qui sont requises, d'où nos recommandations sur le fait qu'il faut compléter le plan de financement. Donc, nous ne pourrons pas répondre ce matin par des chiffres. Mais je vais passer, avec votre permission, la parole au vice-protecteur sur… pour répondre à la question qui porte notamment sur les critères ou ce qu'on devrait retrouver en termes de ventilation des coûts.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Dussault.

M. Dussault (Claude) : Je veux juste rappeler, dans notre rapport qu'on a fait sur les soins à domicile, justement c'est une des recommandations qu'on avait faites, de bien identifier les besoins pour savoir… Ça, c'est la première chose en gestion, c'est de dire : J'ai tant de ressources… de bien identifier c'est quoi, l'ampleur des besoins, donc de bien définir c'est quoi, le panier de services qu'on va offrir à nos personnes âgées, de bien le définir, puis de reconnaître... à un moment donné, de dire : Bien, ce qu'on voudrait, idéalement c'est ça, ce qu'on est capables d'offrir en ce moment et de voir l'écart. Et là il va forcément…

C'est correct, dans le livre blanc, on pose la question, mais il y a une adéquation entre évidemment les services qu'on va donner et les montants que les citoyens vont devoir assumer. Et ça, c'est un peu le discours du Protecteur du citoyen, c'est un choix politique de dire : C'est quoi, l'ampleur? Mais il faut qu'il y ait une adéquation entre «voici ce qu'on a vraiment» et «voici le coût qui doit être assumé par les citoyens». Le problème qu'on observe en ce moment, là, puis on est en préassurance autonomie, c'est qu'on annonce beaucoup dans nos services, mais les services, en réalité, ne sont pas disponibles parce qu'on n'a pas les ressources suffisantes. Quel que soit le choix politique qui sera fait, ce qui est important, c'est d'avoir une bonne adéquation entre «voici ce qu'on offre»… et qu'on a mis les ressources qui correspondent. Et ça, c'est un choix politique de dire : Le niveau, il n'est pas défini dans le livre blanc. Nous, le commentaire qu'on fait, c'est qu'il va être important qu'on fasse justement un bon arrimage encore une fois entre «voici ce qu'on offre» et «voici les ressources correspondantes qui sont nécessaires pour financer ce qu'on veut offrir».

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Est-ce qu'on pourrait rajouter également c'est quoi, la contribution de l'usager, parce que, dans un plan de financement... Puis est-ce qu'on pourrait rajouter également c'est quoi, le montant d'impôt octroyé là-dessus? Est-ce que vous êtes d'accord qu'on devrait rajouter ça?

M. Dussault (Claude) : Absolument. Écoutez…

La Présidente (Mme Proulx) : M. Dussault.

M. Dussault (Claude) : Pardon.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Dussault.

M. Dussault (Claude) : Oui, absolument. Et je pense qu'il faut le définir. La transparence, c'est ça, c'est qu'il faut définir.

Il y a une partie qui sont les sommes qui sont déjà dans le… les fonds qui viennent du fonds consolidé. Il y a une partie qui est là, il y a une partie qui va venir de la contribution d'assurance autonomie, qu'on comprend qu'il va y avoir une progressivité selon la justice distributive là-dessus, et l'autre partie qui serait une contribution de l'usager. Tous ces paramètres-là évidemment devront être débattus, devront être faits de façon transparente, de manière qu'on voie que ces trois sources de financement là cumulées ensemble permettent de répondre aux services qu'on veut s'offrir.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Un, je veux vous remercier de votre réponse parce que c'est, depuis le début des auditions, c'est ce que je dis que ça nous prend. Et puis le ministre me ramène toujours ces trois courbes qui font juste dire combien ça va coûter de plus dans le futur puis que son projet qui, d'après moi, essaie de promettre une illusion… qu'avec son projet tout va se régler.

Ce que vous nous avez donné là, c'est ce que ça prend dans un cadre financier. Puis vous avez commencé par un mot intéressant : une «bonne» gestion. Dans ce projet-là, il nous manque un élément, un élément de bonne gestion. Le gros bon sens nous demande qu'on définisse c'est quoi, la hauteur des besoins. C'est le nombre de personnes qui va en avoir. Et après ça il faut regarder : Est-ce qu'on a les ressources pour offrir ces services et répondre à ces besoins, et également, si vous êtes d'accord avec moi — il faut avoir une adéquation, il y a un signe de dollar, à la fin, qui vient — combien ça va coûter? Mais, pour protéger le citoyen, l'usager doit savoir combien ça va lui coûter. Dans le projet qui nous est déposé, moi, si je comprends bien, là, on peut arriver à la fin avec un citoyen qui gagne un assez bon salaire — vous savez, au Québec, un bon salaire, c'est 40 000 $, 50 000 $, je tiens à le répéter — qui va avoir contribué, par ses impôts, à l'assurance autonomie, mais, lorsqu'il va être malade, parce qu'il a des revenus de son fonds de pension suffisants, pourrait ne pas avoir le droit à l'assurance autonomie parce que, son allocation, comme le dit le ministre, je ne lui enlève pas de l'argent, mais je ne lui en donne pas pour répondre à ses besoins.

Est-ce que c'est une hypothèse qu'il y a des citoyens, au Québec, qui vont contribuer dans leurs impôts… pourraient à la fin, parce qu'ils ont des revenus suffisants, ne pas pouvoir profiter de l'assurance autonomie? Puis c'est une question assez directe.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Sous ce plan, il y a quand même eu des simulations qui ont été faites par le comité Ménard, qui étaient très intéressantes et qui donnaient justement les balises à respecter, et encore une fois nous, on recommande au ministère de préciser cette information-là. C'est essentiel d'avoir le plan actuariel qui sous-tend à la fois la hauteur des sommes qui seront demandées, en conséquence les services qui seront requis et l'écart qui demeurera entre les besoins et la capacité d'offrir les services. Je pense que ce sont des critères très importants. Et, oui, il faut toujours le dire, si on parle du fonds consolidé ou du trésor public, bien c'est toujours un citoyen, un contribuable, individu ou entreprise, et il y a l'usager, le citoyen devenu usager, qui s'ajoute à ça, et la transparence va être très importante pour faire comprendre et faire, en conséquence, accepter ou non ce programme.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup, Mme Saint-Germain. Le temps étant maintenant écoulé, je vous remercie de votre présentation.

Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'après les affaires courantes, vers 15 heures. Et je demande aux collègues de bien vouloir apporter leurs effets personnels et ne pas les laisser dans la salle, s'il vous plaît. Merci.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 15 h 30)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. Nous allons poursuivre, sans plus tarder, les consultations particulières et auditions publiques sur le livre blanc sur la création d'une assurance autonomie intitulé L'autonomie pour tous.

Alors, on reçoit maintenant, collègues, le Regroupement des aidants naturels du Québec. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Pour les fins d'enregistrement, est-ce que vous pouvez donner vos noms, vos titres? Et le prochain 10 minutes, c'est à vous.

Regroupement des aidants
naturels du
Québec (RANQ)

M. Hernandez (Carlos M.) : Bon après-midi. Mon nom, c'est Carlos Miguel Hernandez, M. le Président, du Regroupement des aidants naturels du Québec. Je suis accompagné de...

M. D'Astous-Tardif (Mario) : Bonjour. Mario Tardif, coordonnateur du Regroupement des aidants.

Mme Boucher (Nadine) : Bonjour. Nadine Boucher, agente de développement au Regroupement des aidants naturels du Québec.

M. Hernandez (Carlos M.) : Alors, voilà. D'abord, je vous remercie beaucoup, M. le ministre, pour nous avoir invités à présenter un mémoire, au nom du Regroupement des aidants naturels du Québec et aussi au nom de tous les aidants naturels du Québec. Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités.

Et, vous savez, les aidants naturels, c'est une aide sociale qui a toujours existé et existera toujours, mais ce qui est nouveau, c'est que, depuis trois ans, on s'est regroupés. Aujourd'hui, il y a un mouvement, le Regroupement des aidants naturels, qui est dans 17 régions sociosanitaires du Québec et puis il y a plus de 80 groupes qui sont déjà regroupés, et ça, seulement en 13 ans de travail, avec les moyens du bord, comme on dit, des petits moyens, mais des grosses bottines pour marcher et aller chercher d'autres groupes. Alors, les aidants naturels que nous, on représente, ce sont les aidants naturels qui sont auprès des aînés mais aussi qui sont auprès des personnes handicapées, aussi des personnes avec une déficience intellectuelle, et aussi avec des personnes qui ont des… santé mentale. Tous ces hommes et ces femmes-là, aujourd'hui, ils sont regroupés dans le Regroupement des aidants naturels du Québec, comme je vous ai dit, en 17 régions. C'est ça que nous, aujourd'hui, on aimerait bien : vous présenter leurs voix. Nous avons fait, durant l'année, une visite de toutes ces régions-là et, dans ces régions, nous avons vu qu'il y a des besoins, et ce sont ces besoins-là qu'on va vous présenter aujourd'hui dans le mémoire.

Le but du mémoire est clair, nous aimerions améliorer les services de maintien à domicile — ça, c'est clair — et, en même temps qu'on améliore le service de maintien à domicile, améliorer la vie de ces hommes et ces femmes-là qui sont à domicile, qui sont aujourd'hui là, à l'intérieur de leurs maisons, en train de prendre soin de nos malades. C'est eux que nous, on représente et c'est à eux qu'aujourd'hui nous aimerions bien… vous présenter ce mémoire. Pour ça, j'invite Nadine pour continuer.

Le Président (M. Bergman) : Mme Boucher.

Mme Boucher (Nadine) : Alors, bonjour à toutes et à tous. Merci, M. le Président. Donc, comme notre mémoire, que nous vous avons transmis, comporte 26 recommandations, on ne va pas prendre le peu de temps qu'on a aujourd'hui pour vous entretenir de ces 26 recommandations, mais on aimerait attirer votre attention sur trois points privilégiés, trois points sur lesquels on aimerait orienter la discussion aujourd'hui.

Alors, le premier, c'est que, dans le projet d'assurance autonomie, il y ait une réelle connaissance et reconnaissance des personnes aidantes, et cette réelle connaissance et reconnaissance des personnes aidantes, elle s'exprime de deux manières : premièrement, de reconnaître les personnes aidantes comme des partenaires du réseau de la santé, les experts qui connaissent la réalité de leurs proches aidants et, deuxièmement, de reconnaître les personnes aidantes également comme des personnes qui ont des besoins, des demandeurs de services. Alors, lors d'une plateforme de revendications communes qui a été réalisée dans 15 régions du Québec par le Regroupement des aidants naturels du Québec auprès de plus de 260 personnes aidantes et intervenantes dans le milieu, il y a un point récurrent qui a fait l'unanimité, et cette idée-là, c'est qu'il y a une déshumanisation des soins au niveau des soins, des services qui sont offerts aux personnes aidantes, et cette déshumanisation des soins, elle s'exprime notamment par le fait qu'on ne les reconnaît pas, on ne reconnaît pas le fait que ce sont des personnes aidantes qui ont des besoins et qui sont des partenaires du réseau de la santé.

Alors, on dit qu'il n'y a pas de reconnaissance officielle dans la plateforme du statut d'aidant de la part du gouvernement, et l'expertise du proche aidant n'est pas prise en compte ou n'est pas reconnue dans le réseau de la santé, même si, parmi les gens qui sont en contact avec la personne aidée, le proche aidant est la personne qui connaît bien les besoins de la personne aidée de laquelle elle s'occupe. Première chose. Et, deuxièmement, de reconnaître les personnes aidantes comme des demandeurs de services. Parce que souvent la réalité d'une personne aidante, elle est associée souvent à différentes problématiques. On parle d'isolement, d'épuisement, d'appauvrissement, plusieurs problèmes de santé. Et c'est fragilisant, être une personne aidante, c'est fragilisant, accompagner quelqu'un qu'on aime vers la mort, c'est fragilisant d'accompagner un proche dont on sait qu'il ne pourra jamais vraiment s'épanouir pleinement dans la vie. Et, à la lumière du mémoire qu'on vous a transmis, il y a une recommandation qui est d'inclure les personnes aidantes dans la liste des personnes qui peuvent se qualifier à l'assurance autonomie parce qu'elles ont besoin de services. Elles ont des besoins qui doivent être connus et reconnus. Aussi, on demande à ce que soit offerte systématiquement aux proches aidants l'évaluation de leurs besoins, évidemment, et, enfin, que le ministère de la Santé et des Services sociaux se dote d'un outil d'évaluation des besoins des proches aidants plus adéquat que l'Outil d'évaluation multiclientèle en s'inspirant ou en généralisant l'utilisation, par exemple, d'un outil qui s'appelle Aide-proches. Alors, ça, c'est le premier point sur lequel on aimerait attirer votre attention : la reconnaissance réelle des personnes aidantes comme des partenaires et à la fois comme des demandeurs de services.

Ensuite, le deuxième point sur lequel on aimerait attirer votre attention, c'est celui de la question de la qualité et de l'accessibilité des services. Lors toujours de cette même plateforme de revendications qui a été réalisée dans 15 régions du Québec, qui a mobilisé 260, et plus, personnes aidantes, la question de la déshumanisation des soins, elle a été évoquée aussi à la lumière du manque de savoir-faire et du manque de savoir-être. Les personnes aidantes ont l'impression désormais que c'est la bureaucratie qui prime au détriment de l'aspect humain et que les méthodes de gestion qui sont calquées sur les entreprises ne font plus en sorte qu'on considère l'humain comme un être humain mais qu'on veut davantage répondre à des objectifs d'optimisation qui sont demandés par les agences.

Alors, en règle générale, les personnes aidantes, elles ont l'impression qu'elles doivent se battre pour obtenir des services, et même certaines proches aidantes, certains proches aidants ont l'impression qu'ils doivent quémander des services. Et ce n'est pas normal d'avoir l'impression qu'on quémande des services quand on assume plus de 80 % du maintien à domicile au Québec. Quand on est la structure portante du maintien à domicile, ce n'est pas normal d'avoir l'impression de quémander des services. Alors, à la lumière de ça, il y a aussi ce qui a été présenté par la Protectrice du citoyen dans son rapport 2012-2013 qui mettait en lumière l'idée que les personnes aidantes, bien elles se sentent un peu comme des ressources complémentaires à rabais qu'on peut utiliser, qui sont bien commodes, sur lesquelles on peut se fier, mais dont on n'a pas à considérer les aspirations, les besoins et les opinions.

Alors, à la lumière de ces idées, il y a la recommandation n° 1 du mémoire, qui demande à ce que les proches aidants et leurs associations soient consultés dans le cadre d'une évaluation en profondeur et obligatoire de l'organisation, du choix des priorités terrain et des pratiques du MSSS et des CSSS en maintien à domicile… soit réalisée, aussi une autre qui demande que la qualité des services soit au centre de la politique d'assurance autonomie, que, pour ce faire, le MSSS se dote de mesures adéquates et contraignantes pour garantir cette qualité, ainsi que des mécanismes de contrôle de cette qualité, et que les groupes d'usagers, incluant les organisations de proches aidants, soient associés au développement de ces mesures et mécanismes. On demande aussi à ce que les travailleurs qui assument les services de maintien à domicile aient une formation adéquate, continue qui aborde, en plus des compétences techniques, la réalité des aidants et qu'ils bénéficient d'un encadrement et de conditions de travail qui leur permettent de livrer cette qualité de travail, et, enfin, que le soutien aux activités de la vie quotidienne ne soit pas tarifé et qu'il soit assumé par le réseau public.

Et, enfin, le troisième point sur lequel on aimerait attirer votre attention, c'est l'idée de faire en sorte que le projet d'assurance autonomie ne s'inscrive non pas seulement sur un projet orienté vers la santé, mais un projet encore plus vaste, un projet de construction et d'évolution sociale. Et, à la lumière de ça, le RANQ demande à ce que différents acteurs soient interpellés pour leurs contributions, par exemple, d'autres ministères, des entreprises privées, des organisations syndicales et, évidemment, les organismes communautaires de proches aidants, qui ont un savoir et une expertise qui se doit d'être reconnue.

Alors, je laisse maintenant la parole à Carlos Hernandez qui fera la conclusion de notre présentation.

• (15 h 40) •

M. Hernandez (Carlos M.) : Alors, voici. Voilà, si vous voulez entendre quelle est notre demande… notre mémoire, il y a trois éléments, lesquels on aimerait bien souligner et qu'on croit… c'est qu'il faut mettre une politique générale…

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé pour la présentation…

Des voix :

Le Président (M. Bergman) : Certainement. De consentement? Consentement. Alors, procédez, monsieur.

M. Hernandez (Carlos M.) : …merci beaucoup, une politique générale pour tous les aidants naturels, un support à notre mission, ça fait 13 ans qu'on marche avec ça, puis un support… à notre mission. Et, le troisième élément qu'on vient de dire, que chaque fois qu'on fait un pas, ou un projet, ou une politique pour les aidants pour le maintien à domicile, les aidants naturels, il faut qu'ils soient là. On est la base du maintien à domicile : 80 % du travail, c'est nous qu'on le fait. Puis on est prêts à continuer mais avec un grand support, et c'est ça qu'on demande à travers notre mémoire. Merci.

Le Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation. Maintenant, pour le bloc du gouvernement, M. le ministre.

M. Hébert : Merci beaucoup, M. Hernandez. Mme Boucher, M. D'Astous.

Si on avait, dans ce livre blanc, mis de façon proportionnelle la place des proches aidants dans le livre blanc par rapport à toute la place que vous occupez dans le soutien à domicile, vous auriez occupé la grande majorité de ce livre blanc. Et, comme vous le soulignez très bien, on ne mentionne pas assez, et j'en conviens, la place des proches aidants dans ce livre blanc, mais soyez assurés que, dans le projet que nous menons actuellement, les proches aidants sont au coeur en fait de ce projet d'assurance autonomie, le but étant vraiment de fournir les services dont les aidés dont vous vous occupez ont besoin, de façon à pouvoir vous permettre d'assumer un rôle de proches aidants et non pas d'être une ressource, comme vous le soulignez. Alors, d'entrée de jeu, ce que vous affirmez ou ce que vous souhaitez, je le partage, je le partage tout à fait, soyez-en assurés. Ce rôle de ressource qui trop souvent vous est attribué doit faire place à un rôle de partenaire, comme vous le souhaitez. Et le fait que vous soyez ici et qu'on a déjà eu des conversations illustre bien le rôle important, le rôle central des proches aidants pour l'élaboration d'un projet de société comme celui sur lequel nous travaillons cet après-midi.

Vous nous demandez une reconnaissance des aidants — et là je veux être bien sûr que je comprends votre demande — une reconnaissance comme partenaires. Qu'est-ce que ça implique pour vous d'être reconnus comme des partenaires du réseau de la santé et des services sociaux dans le soutien à domicile?

M. Hernandez (Carlos M.) : Il y a deux éléments et il faut faire une distinction. L'aidant naturel, il fait des fonctions à l'intérieur de sa maison, ce qu'on appelle les AVQ. Ça, ces fonctions-là, les aidants naturels sont bénéficiaires, ils ont besoin d'un support de l'État. Mais on peut être partenaires, et là les partenaires, c'est là où est le rôle social que nous jouons. Dans les groupes, dans tous ces groupes-là que nous avons dans les 17 régions, il y a des groupes qui ont une mission, et ces missions-là peuvent être… parce que c'est un rôle social qu'ils jouent. On peut être partenaires pour pouvoir bien développer et arriver à faire des services à domicile adéquats. Parce que, dans la plateforme que nous, on a, c'est ça qu'on a vu : il y a des services, mais souvent… n'est pas tellement adéquat à la réalité de l'aidant naturel. Donc, les aidants naturels peuvent être bénéficiaires mais en même temps partenaires, et c'est là qu'il faudra faire un dialogue et puis bien se comprendre.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Est-ce que ça implique, là, la participation du proche aidant à l'élaboration du plan de services pour l'aidé?

M. Hernandez (Carlos M.) : Exactement.

M. Hébert : O.K.

M. Hernandez (Carlos M.) : Et voilà. Et c'est là où le rôle social rentre… dans lequel nous, on peut participer, avec les professionnels et les institutions, à définir un peu quels sont les services parce que, les besoins, c'est les aidants naturels qui peuvent les exprimer très clairement.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous nous suggérez, là, d'évaluer de façon beaucoup plus précise et adéquate les besoins des proches aidants dans l'Outil d'évaluation multiclientèle. Vous nous suggérez un outil : Aide-proches. Est-ce que c'est une possibilité ou un parmi tant d'autres, l'outil que vous trouvez le plus approprié? J'aimerais que vous nous parliez de cet outil-là.

Le Président (M. Bergman) : M. D'Astous-Tardif.

M. D'Astous-Tardif (Mario) : Dans le cadre de cet outil-là, c'est un outil. Ceci dit, c'est un outil qui s'inscrit dans des travaux comparatifs avec ce qui a été fait dans d'autres pays, des travaux qui ont déjà été menés, d'ailleurs, au ministère. C'est un document qui, malheureusement, n'a pas été retenu, à l'époque, parce que la question des proches aidants n'était pas assez significative. Nous, ce qu'on croit, ce qui est important… et c'est un outil, dont la recherche… Et il y a des équipes de chercheurs qui ont fait du travail sérieux, donc on peut s'inspirer. On ne voulait pas forcer, canner quelque chose pour le ministère, on croit que le ministère est capable de faire ses choix, mais on pensait qu'il y avait une piste là, des gens qui travaillent depuis de nombreuses années et on trouvait très important qu'il y ait un outil distinct pour qualifier les besoins des proches aidants parce qu'on pourrait facilement se retrouver dans une situation où il y a un proche qui a besoin de soutien, mais que la personne aidée, elle ne veut pas de soutien de l'État. Donc, le fait de la rallier automatiquement crée… et j'ai vu ça, moi, des dynamiques où l'aidé ne veut pas de soin, de support de l'État, et le proche aidant donc se trouve incapable de se qualifier pour quoi que ce soit au CSSS.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Est-ce que c'est un outil qui est utilisé par certains de vos membres ou qui a été utilisé dans certains des regroupements?

Le Président (M. Bergman) : M. Hernandez.

M. Hernandez (Carlos M.) : Je vais vous dire une chose, je suis retraité actuellement, mais j'ai passé 25 ans au maintien à domicile comme travailleur social. Et puis, comme travailleur social, j'ai participé à l'élaboration de cet instrument-là et puis j'ai trouvé ça… j'attendais quand cet instrument-là allait venir parce que, chaque fois que je rentrais dans les maisons, il n'y avait pas seulement un malade, il y avait quelqu'un à côté qui avait besoin.

Je me souviens très bien du temps de la CTMSP qui est passée au SMAF… et puis qu'aujourd'hui on est là, mais on propose un troisième pour les aidants naturels. Je crois que c'est un instrument que ça vaut la peine. En 1980… non, en 1976, quand j'ai commencé, j'avais un instrument de deux pages. On a passé à la CTMSP, au SMAF. Aujourd'hui, on vous propose un autre instrument, mais celui-ci est spécifiquement pour les aidants naturels, et je crois que ça va être complémentaire, et ça va être de qualité pour eux.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous soulignez avec justesse l'importance de la qualité des services et vous nous dites qu'il faut mettre des mécanismes de contrôle. Quel genre de mécanismes de contrôle souhaitez-vous pour qu'on puisse assurer la qualité des services?

Le Président (M. Bergman) : M. Hernandez.

M. Hernandez (Carlos M.) : Le contrôle… moi, je m'intéresse plutôt au terme d'«inspection», quelqu'un qui va voir, réaliser si le service est adéquat pour la personne. Nous… et moi personnellement, je crois que déjà notre système d'évaluation, et notre système d'intervention, est assez bien pour ne pas ajouter un autre contrôle, si on utilise votre terme. Ça veut dire, je ne crois pas que ça serait pertinent de créer une nouvelle coordination, un nouveau… — comment tu appelles ça? — un autre membre qui va contrôler les services et le travail des intervenants sociaux dans le terrain.

Le Président (M. Bergman) : M. D'Astous-Tardif.

• (15 h 50) •

M. D'Astous-Tardif (Mario) : Notre intervention à ce niveau-là se situe qu'on va déployer une nouvelle assurance, des nouvelles façons de travailler, et on croit que les organisations de proches aidants, les organisations d'usagers doivent être partie prenante pour développer les critères, les paramètres. C'est dans ce sens-là qu'on voulait intervenir, c'est ça, et dans le sens aussi de l'amélioration des mesures qui sont actuellement sur place. Mais vraiment c'est au niveau d'être partie prenante des paramètres et du développement, là, de ça serait quoi, les objectifs, comment on identifie les choses, évidemment. C'est ça.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Dans l'intention du livre blanc de mettre en place des mécanismes d'accréditation des prestataires, les critères d'accréditation, vous voudriez être associés à l'élaboration de ces critères-là, du cadre de référence, en tout cas.

M. D'Astous-Tardif (Mario) : Oui, exactement.

M. Hébert : O.K. Alors, je comprends bien.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous soulignez avec beaucoup de justesse que vous êtes responsables de 80 % des services. Seulement 15 % à 20 % des soins sont assumés par le financement public actuellement, par l'État, donc, vous êtes responsables du reste. Soit que vous le faites via votre travail de proches aidants ou que vous engagez, avec vos propres fonds, des personnes pour le faire. L'assurance autonomie vise à augmenter ce financement public et à le faire de façon à ce que les moins fortunés puissent avoir une aide financière plus importante. Donc, quand vous dites : On s'oppose à la tarification, en fait il y en a une actuellement, 85 % des services sont tarifés. C'est vous autres qui en êtes responsables, là, vous le faites en nature ou en espèces. Nous souhaitons, par l'assurance autonomie, pouvoir augmenter de façon substantielle cette part de financement de l'État et de la moduler suivant le revenu, de façon à ce que les gens qui ont moins de revenus aient plus accès à une allocation. Cette façon de pouvoir assurer l'équité, est-ce qu'elle vous agrée?

Le Président (M. Bergman) : M. D'Astous-Tardif.

M. D'Astous-Tardif (Mario) : Ce que je vous dirais : Quand les AVD ont été tarifées, on y était, et actuellement... Et moi, dans mon intervention terrain avec le monde, j'ai vu à de nombreuses reprises que juste le fait que soient tarifés les AVD, les gens retardent d'y avoir recours. On ne peut pas se retrouver dans une situation similaire pour les AVQ. Que ce soit la liste d'attente ou la tarification, pour moi, ça amène la même difficulté. Ça prend un financement adéquat. C'est un défi, on en est bien conscients puis on sait que l'argent ne pousse pas dans les arbres, mais il reste qu'il y a une obligation de résultat, et même une forme raisonnable de tarification va entraîner… en tout cas, entraîne déjà, au niveau de l'aide domestique, un retardement d'avoir recours aux services et, dans certains cas, un refus d'aller les chercher. Donc, dans le cas des AVQ, ça nous apparaîtrait contre-productif.

Le Président (M. Bergman) : M. Hernandez.

M. Hébert : Actuellement, même pour les AVD, dans le PEFSAD, ce qui est demandé même aux gens qui ont le maximum du supplément de revenu garanti — les gens en dessous du seuil de la pauvreté — est un montant important qui peut limiter l'accès à ces services d'aide domestique. Vous êtes d'accord avec ça?

Le Président (M. Bergman) : M. D'Astous-Tardif, commentaires?

M. D'Astous-Tardif (Mario) : Ah, je veux juste dire que je suis d'accord avec le ministre, qu'actuellement, oui, c'est un obstacle.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Je voudrais passer la... une dernière question avant de passer la parole à mes collègues. Vous souhaitez que même les moins de 18 ans soient admissibles à l'assurance autonomie. J'aimerais ça que vous puissiez m'expliquer pourquoi et quel est votre rationnel là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : Mme Boucher.

Mme Boucher (Nadine) : Oui. Merci. C'est très simple. C'est que, pour le Regroupement des aidants naturels du Québec, les personnes aidantes sont non seulement les proches d'un parent en perte d'autonomie ou encore les proches d'une personne atteinte d'un problème de santé mentale, mais aussi les parents d'un enfant atteint d'un handicap lourd. Et, à la lumière de ça, bien c'est logique dans la logique du Regroupement des aidants naturels du Québec que les personnes de moins de 18 ans et leurs proches soient également éligibles au projet d'assurance autonomie. Puis c'est aussi simple que ça, pour nous.

M. Hébert : Avez-vous l'impression que les besoins... que l'évaluation est similaire pour des gens en bas de 18 ans que des gens en haut de 18 ans? En d'autres termes, il me semble que le contexte est extrêmement différent chez une personne de moins de 18 ans que chez une personne de plus de 18 ans.

Mme Boucher (Nadine) : Oui.

Le Président (M. Bergman) : Mme Boucher.

Mme Boucher (Nadine) : C'est sûr. C'est sûr que les contextes sont différents, mais il y aura une manière humaine de répondre à ces différents contextes de vie, différents contextes de différentes personnes qui ont à vivre avec certaines difficultés et d'encourager le maintien à domicile à la lumière de ça. Donc, pour nous, c'est logique que les personnes aidantes, les parents d'un enfant atteint d'un handicap lourd doivent aussi être considérés éligibles, et aussi leurs enfants, également, dans le cadre du projet d'assurance autonomie. Et, bien, ça sera de s'ajuster à tout ça et de développer aussi également des infrastructures qui seront en mesure de répondre à ces différents contextes.

Le Président (M. Bergman) : M. D'Astous-Tardif.

M. D'Astous-Tardif (Mario) : Du point de vue des proches aidants — puis on s'entend que, là, c'est notre point de vue — dans nos groupes, la mère qui s'occupe d'un enfant autiste ou la personne qui accompagne une personne Alzheimer vit une détresse similaire, et, quand ils échangent et ils partagent, ils se comprennent, ils partagent une réalité qui est la même. Donc, effectivement, dans notre logique, pour ce qui est des besoins des proches aidants, on ne voit pas pourquoi ça devrait être traité différemment.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre. Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, madame. Un petit peu en lien avec ce que vous venez de mentionner tantôt par rapport au frein que peut représenter la tarification, même pour l'aide à la vie domestique, dans une de vos recommandations vous recommandez que le programme d'exonération financière pour ces services-là soit fortement bonifié. J'aimerais ça que vous nous donniez un peu plus de détails.

Est-ce que vous avez évalué un certain niveau de bonification? Qu'est-ce qui vous semblerait acceptable?

M. D'Astous-Tardif (Mario) : Moi, je vous dirais, regardez, dans l'absolu, ce serait le retour de la gratuité, mais il faut se positionner dans le réel, et ce qui est très clair, en ce qui me concerne, c'est que les seuils actuels sont un obstacle. Il faudrait travailler avec les personnes aidantes pour voir… ou avec les personnes demandeuses, les personnes aidées pour voir quels seraient les seuils réévalués. On ne s'est pas arrêtés pour faire une analyse économique de la chose, mais ce qu'on… Puis, comme je vous dis, dans le monde idéal qui n'existe pas, on aimerait la gratuité. C'est dans ce contexte-là qu'on l'inscrit.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste deux minutes.

Mme Proulx : Oui. En fait, ce que je comprends, c'est que la situation actuelle représente un frein.

M. D'Astous-Tardif (Mario) : Oui.

Mme Proulx : O.K., parfait. Et j'ai bien entendu votre message à l'effet que vous souhaitez, vous aussi, comme d'autres groupes nous ont dit d'ailleurs, que les proches aidants devraient être considérés comme des usagers aussi du… notamment dans le cadre de l'assurance autonomie.

J'aimerais ça vous parler, dans le temps qui reste, à propos des plaintes. Donc, en considérant les personnes… les proches aidants, les aidants naturels comme des usagers, ils auraient aussi accès à un service de traitement des plaintes. J'aimerais ça que vous nous donniez le portrait actuel. Actuellement, est-ce que vous, comme regroupement des proches aidants, vous savez ou vous avez un portrait de toute cette question de gestion de plaintes? Est-ce qu'il y a beaucoup de plaintes? Et est-ce que les proches aidants sont reconnus comme… Est-ce qu'ils ont le droit de faire des plaintes pour eux, comme proches aidants? Et qu'est-ce que vous souhaiteriez dans le futur?

Le Président (M. Bergman) : M. D'Astous-Tardif, il vous reste une minute dans ce bloc.

M. D'Astous-Tardif (Mario) : O.K. Je vais essayer d'y aller vite. Je vous dirais, je vais y aller sur des cas d'expérience de terrain. Je ne connais pas d'analyse générale. Ce que je sais, c'est que techniquement, même quand la plainte vient de l'aidé, c'est un service pour l'aidé, plus souvent qu'autrement c'est l'aidant qui va le faire, et qui va mener les démarches, et qui va parfois se faire dire qu'il n'a pas sa place et qui va parfois se faire écouter, selon qui est l'interlocuteur qui est devant lui. Et, comme il n'y a pas de reconnaissance formelle, ça dépend des pratiques et du bon vouloir.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Merci beaucoup pour votre présentation, surtout pour un mémoire qui est substantiel. J'aimerais vous entendre parce que vous avez soulevé quelque chose, d'entrée de jeu, qui, à mon avis, est extrêmement intéressant. Vous avez fait le tour des régions, vous avez rencontré énormément de regroupements sur le terrain. Une question qui me préoccupe grandement, c'est l'accessibilité des services sur l'ensemble du territoire, parce qu'on parle de l'autonomie pour tous. L'autonomie pour tous, ça ne devrait pas, à mon avis… le fait d'habiter dans une région rurale, pardon, ne devrait pas être un frein au choix que fera un individu de demeurer à la maison et d'avoir accès à des services à la maison.

Donc, j'aimerais ça un petit peu vous entendre sur le portrait que vous ont dressé vos membres un peu partout. Quels sont les besoins? Quels sont les enjeux auxquels font face vos membres un peu partout? Puis est-ce que vous avez pu évaluer ce qu'il manquait, quelles étaient les régions qui avaient besoin peut-être qu'on leur porte une attention particulière dans le cadre de cette grande réforme?

• (16 heures) •

Le Président (M. Bergman) : M. D'Astous. M. Hernandez.

M. Hernandez (Carlos M.) : Oui. La question est très bonne. Nous avons fait, disons, une tournée, et dans la tournée il y a quelque chose qui est ressorti tout de suite : les aidants naturels, qu'est-ce qu'ils ont besoin, c'est du répit. Ça, c'est ressorti tout de suite dans toutes les régions. Donc, le répit, c'était une des bases. Et ce répit-là est demandé aux centres de services sociaux d'abord et aux organismes communautaires, mais c'est le répit qui est la base parce que les aidants naturels, comme vous le savez, ils sont pris à l'intérieur de la maison avec des besoins propres à eux et ils prennent soin de quelqu'un qui, à un moment donné… la maladie les dépasse.

Deuxième élément, c'est toute la question, comme vous dites, de l'accessibilité. Alors, comment faire souvent, un aidant naturel, pour arriver à avoir un service à la maison? Au tout début, je me souviens des CLSC, on avait développé ces services à la maison à partir des CLSC, mais, au fur et à mesure que se sont développées les institutions, ces services-là ont été concentrés ailleurs. Donc, pour avoir accès à ces services-là, les aidants naturels, il faut toujours composer avec la personne qui est à côté, qu'il faut leur donner quelqu'un qui va venir à prendre soin pour qu'elle se déplace à ce service-là.

Troisième élément, c'est quand les services viennent à domicile et la qualité des services. Les problèmes que nous avons, c'est la continuité des services, et je m'explique. Ça veut dire qu'aujourd'hui, pour venir laver mon père, ma mère, il y a une intervenante qui vient. La semaine prochaine, c'est une autre intervenante. La semaine prochaine, c'est une autre intervenante. Donc, il y a une rotation dans la personne qui vient à donner un service, qui crée un problème intérieur pour les aidants naturels, parce que les aidants naturels disent : Je ne peux pas, il faut que je reste encore à la maison pour pouvoir expliquer à la personne qui vient où sont les serviettes, où sont les… Alors, ça, c'est des éléments de pointe que les aidants naturels, ils nous disent concrètement pour les services. Alors, oui, accessibilité, et là, avec difficultés, services avec qualité mais avec une rotation qui crée des problèmes à l'aidant naturel.

Le Président (M. Bergman) : M. D'Astous.

M. D'Astous-Tardif (Mario) : J'aimerais juste rajouter aussi que les organismes de soutien aux personnes aidantes ont développé un peu partout au Québec, en partenariat avec les CSSS, souvent avec les EESAD, des fois non, ça dépend des dynamiques régionales, toutes sortes de formules et d'alternatives qui méritent à être mises à contribution, tant et aussi longtemps que ça se fasse dans l'autonomie des partenaires.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Quel est l'état du répit? Je vous pose la question, puisqu'il y a quelques semaines on a eu une commission parlementaire, en fait à la CAP, où, pour la clientèle comportant des problèmes de déficience intellectuelle et des troubles envahissants du développement, la question du répit était un enjeu pour les familles. Ce n'était pas facile, ce n'était pas… il y avait beaucoup d'attente, de listes d'attente, de gestion de listes d'attente, et je me demandais si, lors de votre consultation des régions, on vous avait sensibilisés à des problématiques similaires. Et quel est l'état… parce que du répit une fois par année, ce n'est pas du répit, ou du répit instable, ce n'est pas non plus du répit. Alors, je ne sais pas si vous avez pu dresser un petit peu un état de la situation sur le territoire.

Le Président (M. Bergman) : Mme Boucher.

Mme Boucher (Nadine) : En fait, je vous dirais que, lorsqu'on peut considérer que les personnes aidantes sont des personnes invisibles, lorsqu'on considère que ce sont des partenaires mais qui sont invisibles, qu'on ne les reconnaît pas comme étant des personnes aidantes qui ont besoin de services, qui s'épuisent, qui s'isolent, qui s'appauvrissent à apporter un soutien à un proche avec des limitations qu'ils aiment, quand on considère que les personnes aidantes sont invisibles, ils ne sont pas du tout considérés. Eh bien, c'est normal qu'il y ait des personnes aidantes qui développent des problèmes de santé énormes. C'est même troublant de savoir qu'il y a des personnes aidantes qui décèdent avant le proche aidé.

Alors, pour ces raisons-là, on essaie de faire comprendre que le répit est essentiel et vital pour les personnes aidantes. Ce n'est pas pour rien que les deux dernières éditions de la Semaine nationale des proches aidants — d'ailleurs, elle a lieu la semaine dernière — aient comme principale thématique le répit, parce que les personnes aidantes meurent, s'appauvrissent, s'isolent, s'épuisent — dans certains cas, oui, elles décèdent même avant le proche aidé — pour subvenir aux besoins d'un proche avec des limitations. Et ça, ce n'est pas normal. Il y a une problématique à ce niveau-là qui se doit d'être résolue avec le temps, parce que c'est inacceptable.

Donc, en réitérant les demandes comme quoi c'est primordial qu'il y ait du répit pour les personnes aidantes, on l'a fait dans les deux dernières années de la Semaine nationale des proches aidants… bien, c'est parce qu'il y a un besoin réel de répit, et il faut faire quelque chose de concret et de significatif par rapport à ça.

Le Président (M. Bergman) : M. Hernandez.

M. Hernandez (Carlos M.) : Oui. Et, ce répit-là, on aimerait bien qu'il soit bien compris. Nous sommes là face à un drame humain, et ça, j'aimerais bien qu'il soit bien compris. Les aidants naturels… ce qui met aujourd'hui dans l'échelle du Québec, c'est que nous avons des hommes et des femmes qui ont vraiment besoin d'un support. Et le répit, c'est les clameurs d'une société qui vit une série de… disons, de sacrifices, de stress, de manque de liberté et c'est pour cela qu'on cherche un peu quelqu'un qui peut nous aider à sortir ces hommes et ces femmes là de leur maison. C'est ça qui est le sens du répit. Le répit, c'est une clameur qu'aujourd'hui… millions de Québécois et Québécoises sont dans la maison et puis qui ont besoin d'un petit peu de liberté, un petit peu de qualité de vie. C'est pour cela que le répit, c'est tout le temps la même chose qu'on entend des aidants naturels et c'est ça qu'aujourd'hui on veut vous présenter et on vous présente… comme une clameur des aidants naturels du Québec.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Comment vous voyez l'entrée en vigueur de l'assurance autonomie? Parce que de la façon dont s'est présenté, ce sera par étapes. Et moi personnellement, je trouve qu'on crée différentes classes de citoyens parce que l'assurance autonomie serait disponible, d'abord, pour les aînés, par la suite, pour les personnes ayant des handicaps, les déficiences intellectuelles et troubles envahissants du développement. Bref, on y va par année. Ça peut créer des risques, ça peut créer des préoccupations au sein des clientèles visées.

Comment vous la voyez, vous, cette entrée par segments? Est-ce que vous êtes en accord avec ça? Est-ce que vous croyez qu'on ne devrait pas faire de distinction quant à ceux et celles qui auront accès à l'assurance autonomie? Est-ce qu'elle devrait être disponible pour tous en même temps?

M. Hernandez (Carlos M.) : Alors…

Le Président (M. Bergman) : M. Hernandez.

M. Hernandez (Carlos M.) : Pardon. Oui. Je vous ai dit que j'ai travaillé durant 25 ans dans le réseau et j'ai vu des grandes réformes du réseau : la désinstitutionnalisation du réseau, après les services à domicile du réseau. Aujourd'hui, c'est une troisième que je crois que… le ministère et les services sociaux veulent faire une nouvelle réforme. Et, dans les deux autres, les aidants naturels étaient absents. Dans celle-ci, voilà, aujourd'hui nous sommes ici, nous sommes présents et nous, on le dit au Dr Hébert et au ministère des Services sociaux et Santé, que, si vraiment on veut réaliser une troisième réforme qui aboutisse — parce que, les autres, on a eu de la misère à ce qu'elles aboutissent — s'ils veulent aboutir à bon port, on vous dit : On ne peut pas passer à côté des aidants naturels. On est là. Il y a quelque chose qu'on ne veut pas, c'est que… comme les deux premières qu'ils ont faites, ceux qui ont, disons, assumé le travail ou le glissement des autres deux, c'étaient les aidants naturels, mais aujourd'hui nous sommes regroupés puis on veut être présents dans cette nouvelle réforme.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste quatre minutes.

• (16 h 10) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Je reçois très bien votre message, là, pour ce qui s'agit du répit. Moi, en tout cas, j'ai eu l'occasion de travailler avec des familles qui avaient besoin de soins, puis il y avait toujours des aidants naturels.

Vous savez, il y a deux histoires, hein : il y en a une qu'on voit venir, qu'on s'implique progressivement, il y a l'autre également qui arrive, une maladie soudaine, et là toute la famille est obligée de s'impliquer. Je peux vous dire, ça change la vie de tout le monde autour, et non seulement des aidants naturels, mais de la famille également des aidants naturels. Et souvent les gens sont désespérés parce que c'est du 24 heures sur 24. Ils veulent garder les gens à la maison et souvent ils n'ont pas les ressources nécessaires pour pouvoir les aider. Ça, je pense, en tout cas, que c'est un message que moi, je reçois très bien. Et ça, ça doit se développer indépendamment de l'assurance autonomie parce que c'est un grand besoin qu'on a dans notre communauté.

Je vous amènerais sur un autre sujet. Vous avez parlé de la tarification, qui est vraiment limitante. Dans le projet d'assurance autonomie, autant les AVD, les AVQ, il y aurait une tarification qui irait en fonction du revenu de la personne. Ce qu'on comprend également, c'est que, si vous avez gagné un certain montant, à ce moment-là, votre évaluation va faire que vous avez besoin d'un certain nombre de services, mais, à cause de vos revenus, vous ne les aurez pas. Et là les gens, théoriquement, parce qu'ils ont des revenus, devraient se payer les services. Si je comprends votre message, il y a des gens qui, tout simplement, même s'ils ont les revenus disponibles, probablement n'iront pas chercher les services et utiliseront encore plus les aidants naturels. Est-ce que c'est ça que vous voulez nous faire comme message?

Le Président (M. Bergman) : Messieurs.

Des voix : Oui.

Le Président (M. Bergman) : M. D'Astous.

M. D'Astous-Tardif (Mario) : Je vous dirais que ça fait partie des craintes. C'est ce qu'on a vu se développer avec la tarification des AVD. Donc, on n'a aucune raison de croire qu'on ne verra pas ça se développer avec le développement des AVQ.

M. Bolduc (Jean-Talon) : M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste 1 min 30 s.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, oui. Bon. Trouvez-vous que c'est important de savoir qui d'entre vous va avoir à payer des montants et à quel niveau vous allez payer des montants? Parce que, dans le projet, on n'a aucun cadre financier qui nous dit : Est-ce que c'est à partir de 30 000 $, 40 000 $? Vous connaissez l'histoire des gens en CHSLD, hein? À partir du moment que tu as le moindrement un revenu, moindrement un peu d'actifs, 2 000 $, 3 000 $, la tarification va jusqu'à 21 000 $. Et vous en connaissez, des couples qui ont dû vendre leur maison, vendre leur condominium ou encore vendre des actifs parce que, selon les règles, ils payaient 21 000 $? Et ce n'est pas la responsabilité de l'autre conjoint de savoir comment ça va fonctionner, il doit tout simplement acquitter la facture. Vous connaissez ces histoires-là?

Le Président (M. Bergman) : M. D'Astous-Tardif.

M. D'Astous-Tardif (Mario) : Oui. Juste rapidement. Oui, on a vu des histoires de même. Là, ce qu'on comprend, on est devant un livre blanc, il y aura un projet de loi, et c'est clair que — l'expression que j'aime bien — le diable est dans les détails. Donc, on espère qu'il y aura consultation sur le projet de loi et là on pourra intervenir. Pour l'instant, au niveau du livre blanc, on est plus au niveau des positions de principe.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci.

Le Président (M. Bergman) : M. Hernandez.

M. Hernandez (Carlos M.) : Oui. Et aussi j'aimerais bien faire voir que déjà les aidants naturels, ils mettent sur la table 4,1 milliards de dollars pour le maintien à domicile et j'aimerais qu'on porte l'attention à d'autres secteurs dans la santé, comme la corporation des médecins, qui peuvent apporter quelque chose à la santé au niveau, disons, économique. Et, vous savez, actuellement nous avons la corporation des médecins spécialistes, qui sont en train de donner un bon coup de main, et avec une fondation ils sont en train de nous donner un coup de main, et chapeau! Mais aussi il faudrait que cette corporation des médecins se développe un petit peu plus et qu'ils viennent à nous donner un coup de main.

Les pharmacies, les pharmaciens, toute la question des pharmacies qu'il y a dans nos CHSLD, etc., ils devront aussi être conscients que le maintien à domicile est formé à 80 % par les aidants naturels.

Le Président (M. Bergman) : Ceci...

M. Hernandez (Carlos M.) : Toute la technologie, actuellement, et ça veut dire toute la question...

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

M. Hernandez (Carlos M.) : Hein?

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition officielle. Maintenant, Mme la députée de Gouin pour un bloc de quatre minutes.

Mme David : De quatre minutes?

Le Président (M. Bergman) : Oui.

Mme David : D'accord. O.K. Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, bonjour, madame. On dit souvent que les proches aidants sont en fait des proches aidantes, dans beaucoup de cas. Avez-vous une idée de la proportion de femmes?

M. D'Astous-Tardif (Mario) : Ah, regardez, on parle de... ça dépend comment qu'on décide de calculer les chiffres, mais, je vous dirais, entre 75 % et 80 %.

Mme David : Donc, c'est énorme.

M. D'Astous-Tardif (Mario) : C'est énorme.

Mme David : On s'entend au moins là-dessus.

M. D'Astous-Tardif (Mario) : On est plus que s'entendre là-dessus.

Mme David : D'accord.

Mme Boucher (Nadine) : Et on évalue qu'il y a une personne sur sept qui est une personne aidante au Québec. Ça, ce sont les 45 ans et plus aussi dont on tient compte. On ne tient pas compte des 45 ans et moins. Donc, il y en a encore plus. Et en effet ce sont davantage des femmes entre 45 ans et 64 ans souvent qui assument cette tâche. Donc, il y a une prédominance de femmes proches aidantes ici.

Mme David : D'accord.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gouin.

Mme David : Merci, M. le Président. Donc, ça m'amène à vous poser un petit peu la question suivante : Où est-ce que vous tracez la ligne entre ce qu'une société est en droit de s'attendre, disons, des gens qui aiment leur père, leur mère, leurs frères, leurs soeurs ou leurs enfants… et donc tout ce que ces personnes-là vont être prêtes à faire, mais le moment où, là, il faut que ça cesse et c'est à l'État de prendre le relai? Puis ça peut être aussi à des organismes communautaires, bien sûr.

Mais où est-ce que vous tracez la ligne? Et, si je vous pose la question, c'est parce qu'il me semble, depuis autour de 20 ans, qu'on prend pour acquis et qu'on trouve parfaitement naturel de faire reposer gravement, lourdement, sur les épaules des femmes finalement ce qui s'appelle des soins quotidiens à des proches.

Le Président (M. Bergman) : M. Hernandez.

M. Hernandez (Carlos M.) : Très bonne, très bonne question. Moi, j'anime quatre groupes : deux groupes de personnes avec la maladie d'Alzheimer, des aidants naturels, et deux groupes qui sont des aidants naturels en général. Et, chaque fois, la ligne est très intéressante parce que la ligne, c'est l'aidant naturel qui, à un moment donné… il la trouve dans le groupe parce que le groupe le supporte. Mais il y a à un moment donné qu'on le dit : Écoute, il faut que tu prennes soin de toi, et c'est à ce moment-là, quand l'aidant naturel, dans le groupe — c'est pour cela qu'elle est très importante, notre mission — dans le groupe, prend conscience qu'eux aussi, ils ont un droit à vivre une qualité de vie, c'est à ce moment-là que la ligne s'impose, à part de qu'il y a un événement qui arrive tout le temps. Mais c'est très important que les aidants naturels arrivent à tracer, eux, la ligne, pas l'institution ni les professionnels.

Voilà pourquoi c'est très important d'avoir des groupes de support, qui est notre mission. Et c'est là où nous, on dit : Voici pourquoi on ne peut être partenaires à ce moment-là.

Le Président (M. Bergman) : M. D'Astous-Tardif, il reste une minute à ce bloc.

M. D'Astous-Tardif (Mario) : O.K. Je vais essayer de faire rapidement. Une autre ligne qui est posée, c'est par l'absence de services.

Veux veux pas, souvent les gens se retrouvent contraints à aller plus loin que qu'est-ce qu'ils veulent, parce qu'il n'y en a pas, d'alternative. Il n'y a pas d'alternative au travail parce qu'il n'y a pas de mesure de conciliation travail-famille qui a de l'allure. Il n'y a pas d'alternative dans le réseau de la santé. Les alternatives dans le communautaire sont généralement excellentes mais pour ce qu'elles offrent. Elles ne sont pas là pour se substituer aux obligations de l'État. Donc, la ligne… Et il y a une pression des intervenants pour leur dire… et de la famille pour dire : Il faut bien s'en occuper. Donc, quand les services ne sont pas là, les gens, ils dépassent leurs limites, avec les conséquences que ça apporte. Puis, on s'entend, c'est une responsabilité qui est partagée et qui demande une politique interministérielle qui couvre l'ensemble de la réalité des proches aidants.

Il y a des aménagements à faire dans le soutien à domicile. On est contents que l'enjeu soit posé. Mais il y en a dans le travail, il y a les autres acteurs sociaux, qui doivent être interpellés, patronaux, syndicaux, il y a un grand travail de réforme sociale à faire, et ça, ça demande minimalement une politique interministérielle.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. Hernandez, Mme Boucher, M. D'Astous-Tardif, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous aujourd'hui et partager avec nous votre expertise.

Je demande les gens du regroupement des entreprises d'économie sociale en aide à domicile du Québec pour prendre leur place à la table et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 16 h 18)

(Reprise à 16 h 20)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue au regroupement des entreprises d'économie sociale en aide à domicile du Québec. Bienvenue. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Pour les fins d'enregistrement, on a besoin de vos noms, vos titres, et le prochain 10 minutes, c'est à vous.

Regroupement des entreprises d'économie
sociale en aide à domicile du Québec

Mme Gasse (Marie-Claude) : Bonjour, mon nom est Marie-Claude Gasse, je suis présidente de la coalition des EESAD. Je suis aussi la directrice générale de Coup de main à domicile, qui est l'EESAD située à Rimouski. Il y a trois réseaux actuellement d'EESAD au Québec, et on travaille très bien ensemble depuis maintenant cinq ans. Donc, je suis accompagnée par Benoit Caron, qui est le directeur général de La Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec, et par M. André Richard, qui est porte-parole de L'Aile rurale et aussi le directeur général de Multi-Services, qui est l'EESAD située à Grande-Vallée, en Gaspésie.

On a beaucoup, évidemment, entendu parler des EESAD dans les dernières semaines, donc on apprécie grandement pouvoir venir vous donner notre vision de la situation. C'est sûr qu'avec le défi que représentent le vieillissement de la population et l'augmentation des besoins qui l'accompagnent, nous croyons nécessaire d'effectuer à nouveau un virage santé. Même si nous avons certaines préoccupations quant à la mise en oeuvre de l'assurance autonomie, elle nous paraît être un bon moyen d'effectuer ce virage. Les EESAD font déjà partie de la solution et sont prêtes à accroître leur apport dans le cadre de l'assurance autonomie. Il y a 102 EESAD au Québec, qui sont accréditées par le ministère de la Santé, dans 17 régions administratives, plus de 6 millions d'heures de services par année auprès de 87 000 usagers, 6 800 emplois occupés à 95 % par des femmes, et les EESAD sont toutes des entreprises collectives exploitées à des buts non lucratifs.

Étant donné qu'on est des gens qui sommes très connectés sur le terrain, au lieu de vous lire notre mémoire, que vous avez tous reçu et que vous avez tous lu, j'en suis convaincue, on a décidé de vous parler de ce qui se passe réellement sur le terrain, et pour ça je vais laisser mes collègues vous présenter les enjeux de notre secteur d'activité, les solutions potentielles que nous vous proposons et aussi les conditions nécessaires à leur mise en oeuvre.

M. Richard (André) : Donc, bonjour…

Le Président (M. Bergman) : Alors, M. Richard.

M. Richard (André) : Vous dire d'entrée de jeu que c'est sûr que l'ensemble des EESAD offre des AVD un peu partout sur le territoire du Québec et que plus de la moitié des EESAD offre aussi des AVQ, présence, surveillance, répit et ont des partenariats avec des résidences privées ou d'autres alternatives d'hébergement. Pour nous, pour répondre au défi du vieillissement, c'est clair qu'il doit y avoir une complémentarité entre les AVQ et les AVD, ce qui va permettre possiblement moins d'intervenants et qui va nous permettre aussi d'intensifier et de rentabiliser les actions en soutien à domicile.

Le premier enjeu pour les EESAD, c'est sans aucun doute la qualité des services. On sait que, du côté des AVD, on est déjà reconnus, mais on sait qu'avec une formation adéquate et adaptée pour nos préposés — plusieurs entreprises offrent déjà le PDSB, RCR, et ainsi de suite — cette qualité-là va être reconnue aussi du côté des AVQ, avec un bon encadrement. Deuxième enjeu, parce qu'on m'avait dit de faire très vite, prévention et dépistage précoce. Donc, c'est sûr que nos préposés sont les yeux et les oreilles du système, ils font partie du quotidien sous plusieurs aspects, là, de la vie de tous les jours. Ce sont nos préposés qui peuvent dépister et prévenir. Donc, nous, on est pour le maintien du PEFSAD pour les clients n'ayant pas accès à une allocation au soutien à l'autonomie. Troisième enjeu, sûrement, consolider les EESAD existantes par un financement adéquat. Juste accrocher, en passant, la loi no 27. Quelle belle opportunité de mettre en application cette loi-là, tout de suite en partant, avec les EESAD! Et la quatrième, c'est sûr, participer à la création de richesse collective. C'est sûr que les EESAD favorisent le maintien prolongé à domicile par l'intensification des services, on contribue à la vitalité des communautés, et une étude qui avait été réalisée dernièrement dit que les activités des EESAD ont produit un avantage social net de 333 millions de dollars en 2011‑2012 et que globalement chaque dollar investi par le gouvernement au Québec dans le PEFSAD… la valeur totale des avantages quantifiables générés par les EESAD pour l'économie du Québec s'élève à 5,27 $.

Des solutions : optimiser les services en limitant le nombre d'intervenants; favoriser le développement d'alternatives d'hébergement, ou les partenariats avec les résidences privées, ou OSBL d'habitation; mieux encadrer la détection des abus et de la maltraitance; offrir plus de répit personnalisé pour les proches aidants; et le dernier, bien entendu, je vais quand même le dire comme ça, le fameux chèque emploi-services où il y aurait possibilité de développer des partenariats EESAD et chèque emploi-services tout en respectant le choix de l'usager et en s'assurant d'une offre de services comparable. Et là on pense qu'il y aurait, là aussi, via le chèque emploi-services et EESAD, dans ce partenariat-là, une meilleure prestation de services.

Le Président (M. Bergman) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : Alors, en résumé, je vous dirais que cet après-midi, en me préparant, il y a une phrase qui me revenait : Pour réussir ce qu'on n'a jamais réussi, il faut faire ce qu'on n'a jamais fait. Alors, c'est sûr qu'on est à un moment où il faut changer de paradigmes.

Les EESAD ont déjà été un changement de paradigmes il y a 17 ans, et on est enthousiastes à l'idée de répondre positivement à l'invitation qui nous est faite dans le cadre du livre blanc. On parlait d'optimisation tantôt. Alors, la reconnaissance des EESAD dans le projet d'assurance autonomie est, pour nous, un moyen d'optimisation, et justement de changer les paradigmes, et d'être peut-être plus efficaces pour faire face à la demande qui va être présente demain, après-demain et considérablement, là, au cours des prochaines années.

Le financement, on en a beaucoup parlé. On a écouté les auditions à la commission. Le financement est un point qui revient constamment. On le sait, pour bien réussir ce projet-là, cet ambitieux projet là, il faut que, bien entendu, les EESAD aient le financement nécessaire pour la formation pour avoir la capacité d'intervention sur l'ensemble du territoire et de la même façon partout. Il y a également le financement et la capacité de payer des usagers. Alors, ça, c'est un élément qui est très important. Une condition de mise en oeuvre, c'est un plan de développement très bien orchestré entre le ministère de la Santé et le réseau ou les regroupements des EESAD. On ne croit pas que ça sera possible de réaliser cet ambitieux projet là sans avoir un projet de plan de développement bien orchestré. La formation, on n'y reviendra jamais assez, on a constaté que c'était une préoccupation généralisée et, c'est normal, on adhère à cette obligation de formation là. Cependant, là aussi, il y aura besoin de ressources, et c'est une condition qu'on croit essentielle, là, à la mise en oeuvre, là, du projet d'assurance autonomie.

On a parlé d'accréditation. Je l'ai déjà mentionné. Alors, on est favorables à une accréditation, on l'a mentionné. Et 102 EESAD du Québec sont déjà accréditées dans le cadre du PEFSAD. Alors, elles sont volontaires aussi pour faire une autre étape dans une accréditation qui concernera cette fois-là les activités de la vie quotidienne. Les ententes avec les CSSS sont essentielles. Et c'est fondamental que ce soit une condition peut-être même d'accréditation pour que les EESAD puissent développer leurs paniers de services aussi bien au niveau des AVD et des AVQ. On le sait, la majorité ont déjà des ententes avec les CSSS, mais on devra intensifier ces ententes-là, les élargir à l'offre de services qui sera celle de demain.

Le maintien de l'aide financière, ça aussi, c'est un point important, le maintien de l'aide financière pour les clientèles qui ne seront pas dans l'ISO-SMAF, alors le maintien des clientèles qui seront âgées, en légère perte d'autonomie mais qui ne seront pas dans l'ISO-SMAF. On a besoin d'être financés également pour eux. On a parlé tantôt de prévention. Alors, on pense que le travail que les EESAD font, que les intervenants, que les préposés d'aide à domicile font à ce niveau-là est primordial et constitue une merveilleuse façon de prévention chez les personnes âgées en perte d'autonomie.

Ensuite, un détail : on parle d'entreprises d'économie sociale en aide domestique, mais nous, depuis longtemps, on s'appelle entreprises d'économie sociale en aide à domicile.

Le Président (M. Bergman) : Alors, merci pour votre présentation. Pour le bloc du gouvernement, M. le ministre.

M. Hébert : M. Richard, Mme Gasse, M. Caron, bienvenue à cette commission, merci pour votre mémoire. «Pour réussir ce qu'on n'a jamais réussi, il faut faire ce qu'on n'a jamais fait.» Alors, je la retiens, celle-là, parce que, pour moi, c'est une phrase qui résume bien tout le projet d'assurance autonomie, toute la transformation qui est nécessaire pour être capables d'aller plus loin et de faire les choses autrement. Alors, merci de cette phrase. Je ne sais pas si elle a une propriété, mais…

Une voix : Ce n'est pas la mienne.

• (16 h 30) •

M. Hébert : O.K. Je voudrais que vous nous expliquiez un peu mieux comment fonctionnent les entreprises d'économie sociale à l'aide à domicile. Et quelle est la contribution, par exemple, minimale pour une personne qui aurait le supplément de revenu garanti complet, là, donc les personnes les plus pauvres de notre société, qui font appel à vos services pour l'aide domestique dans le cadre du PEFSAD? Qu'est-ce que ça représente pour les personnes qui reçoivent vos services?

Le Président (M. Bergman) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : On a déjà parlé que l'aide… le tarif horaire au Québec, là... Puis je demanderais à ma collègue, Mme Gasse, peut-être d'intervenir, qui est sur le terrain. Au Québec, là, le taux horaire moyen pour une heure de services, c'est 20 $. La personne que vous décrivez, le profil que vous avez décrit va obtenir jusqu'à 13 $ d'aide financière, aide fixe et aide variable, dans le cadre du PEFSAD. Elle devra donc assumer sept dollars pour chacune des heures. Comme je l'ai déjà mentionné, quand on a besoin de deux heures, ça fait 14 $. Quand on a besoin de 25 heures, ça fait une somme inaccessible, impossible à avoir pour une personne en perte d'autonomie qui a le profil que vous avez décrit.

Le Président (M. Bergman) : Mme Gasse.

Mme Gasse (Marie-Claude) : Bien, je vous dirais que c'est un peu différent dépendamment des réalités régionales. Il y a des CSSS qui sont beaucoup plus impliqués que d'autres, il y en a qui vont payer la cotisation du client, il y en a d'autres qui ne sont pas capables de le faire. Pour les entreprises, les tarifs peuvent être différents aussi. Si je vous donne l'exemple souvent qu'on donne, c'est l'entreprise qui est située à Tête-à-la-Baleine, elle, pour aller desservir ses clients ou même pour aller les faire signer dans le cadre du PEFSAD, il faut qu'elle prenne l'avion pour se déplacer d'un village à l'autre, donc c'est sûr qu'à ce moment-là les coûts d'opération sont très différents.

M. Hébert : Donc, il y a une iniquité, à travers le Québec, sur le montant qui est assumé par les personnes, ce qui peut être un obstacle à l'accessibilité à des services d'aide domestique ou encore même d'aide... d'activités de la vie quotidienne, là. C'est ce que vous nous dites.

Mme Gasse (Marie-Claude) : Effectivement, et c'est ce qu'on dit maintenant depuis cinq ans. Ce qu'on remarque, c'est que les entreprises ont eu des choix difficiles à faire où, pour accoter ne serait-ce que le salaire minimum, qui augmentait toujours, et que c'était une très bonne chose, il a fallu qu'on hausse les tarifications, et les subventions gouvernementales n'ont pas toujours suivi. Donc, on a dû faire le choix déchirant, des fois, d'abandonner certaines clientèles qui avaient besoin d'intensité de services ou qui n'avaient plus les moyens de se payer des services pour pouvoir continuer d'exister et desservir les autres.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Donc, d'avoir des règles claires au niveau de l'allocation de soutien à l'autonomie, de la modulation de cette allocation en fonction de la capacité de payer de l'usager, c'est un pas qui est important à franchir?

Le Président (M. Bergman) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : Je dirais qu'il y a la capacité de payer de l'usager, mais, comme on vient de le décrire, il y a également la réalité régionale. Mme Gasse donnait l'exemple de Tête-à-la-Baleine. Et, si on regarde la différence entre le centre-ville de Québec et Tête-à-la-Baleine, le coût pour l'entreprise, le coût pour l'usager ne sera pas le même. Alors, il y a une modulation à faire, oui, dans la capacité financière de l'usager, mais il y a une modulation à faire aussi dans le coût que devra charger l'entreprise.

M. Richard (André) : Et c'est très important, on croit, de respecter justement ces particularités régionales là, parce qu'on sait que c'est très différent aussi d'organiser des services, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural, où la clientèle est sur un très grand territoire et très dispersée.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Donc, des grilles tarifaires uniformes à la grandeur du Québec, ce n'est pas une solution que vous souhaitez?

M. Caron (J. Benoit) : Ce n'est pas les mêmes coûts. Tu sais, le coût n'est pas le même d'une région à l'autre, et c'est valable pour... Le coût de main-d'oeuvre n'est pas le même, le coût des déplacements, le coût de l'exploitation n'est pas le même. Donc, d'une région à l'autre, on... Je verrais mal comment on pourrait avoir un tarif uniforme au Québec.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Certaines personnes devant cette commission ont parlé des entreprises d'économie sociale avec beaucoup de réserve sur la qualité des services et la formation des intervenants. J'aimerais que vous nous... puis que vous puissiez réagir à ces différents commentaires qui ont été faits à l'endroit des entreprises que vous représentez.

Le Président (M. Bergman) : Mme Gasse.

Mme Gasse (Marie-Claude) : Je vous dirais que ce qui nous surprend le plus, c'est de voir que la majorité des intervenants ont dit qu'au niveau des AVD on faisait des miracles et on donnait des services d'une très grande qualité. Donc, notre réaction est de dire : Comment on fait, quand on dessert le même type de clientèle, pour passer d'un très haut standard de qualité à : On n'est plus bon du tout? Donc, ça, pour nous, il y a vraiment une marge.

Quand on parle de formation, il est faux de dire qu'il n'y a aucune formation qui est donnée par les EESAD. La majorité des EESAD donnent des très gros programmes de formation, et je vous dirais que, quand on parle de sonner l'alarme, on forme nos gens dans ce sens-là aussi. Ce n'est pas n'importe quelle formation. Ça prend une formation adaptée, terrain, technique et non pas de retourner nos gens sur les bancs de l'école pendant six mois, pendant un an. Il faut vraiment les former sur la réalité du terrain. Donc, qu'est-ce qui fait partie du vieillissement normal? Qu'est-ce qui fait partie d'une maladie normale? Quand est-ce qu'on doit sonner l'alarme parce qu'on détecte quelque chose d'anormal? À qui on doit le faire et comment on doit le faire? Donc, ça, c'est des formations de base qui existaient déjà. Le fameux PDSB, principes de déplacement sécuritaire qui sont pratiquement distribués à l'ensemble du personnel, même ceux qui ne font pas d'AVQ, parce qu'on a un principe de sécurité… Si j'ai une personne aînée ou une personne qui a un certain handicap, qu'on va aider et qui est prise… je ne sais pas, je dis n'importe quoi, là, mais qui est prise sur la toilette, par exemple, il faut être capable de la sortir de cette situation-là pour la rendre confortable. Donc, on doit le faire en sécurité pour la clientèle mais aussi en sécurité pour notre personnel.

Donc, pour nous, la formation a toujours été d'une importance capitale. Par contre, dépendamment des ressources financières et des subventions que certaines entreprises peuvent aller chercher, bien, des fois, il y a une limite à la formation qu'on peut offrir.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous avez, au cours des dernières années, établi un certain mécanisme d'autoaccréditation pour vos EESAD de façon à avoir des standards de qualité. Vous vous l'êtes donné à l'interne. J'aimerais ça que vous, en quelques minutes, là, puissiez résumer la démarche que vous avez élaborée.

Le Président (M. Bergman) : Mme Gasse.

Mme Gasse (Marie-Claude) : Bien, en fait, ce qui est important, pour nous, c'est la qualité de base. Donc, outre tout ce qui se passe autour, ce qu'on veut, c'est remettre le client au coeur des préoccupations. Les entreprises d'économie sociale ont été mises au monde pour ça, pour répondre à un besoin dans le milieu. Donc, comment on fait pour bien répondre au besoin et pour le faire, comme je le disais tout à l'heure, sécuritairement pour le client et pour l'employé? Donc, on s'est nourris de tout ce qui existait autour. Et on doit aussi dire que nos conseils d'administration sont souvent formés par beaucoup d'usagers, et la qualité des services est toujours au coeur de nos préoccupations. Et je sens que mon collègue Benoit a envie d'intervenir.

Le Président (M. Bergman) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : J'ai eu le plaisir de vous rencontrer la semaine dernière puis de vous dire que, comme Marie-Claude le précise, les entreprises collectives, ce sont les usagers souvent qui sont autour de la table. Alors, ça l'a un effet d'accréditation au niveau de l'offre de services qui est assez importante. On l'a précisé, on a un nombre d'heures important qui a une croissance importante annuellement au niveau des AVQ. Alors, c'est en réponse aussi à la demande de nos usagers.

Quand on parle d'accréditation, tout le processus, vous le savez, on ne devient pas une EESAD parce qu'on le veut bien. On ne croit pas qu'on doive non plus devenir une EESAD qui offre des AVQ sans préalablement avoir des partenariats, par exemple, avec le centre de santé et de services sociaux. Et ça doit s'inscrire dans une démarche qui est portée par l'ensemble des intervenants dans un milieu.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Certains mentionnent que les conditions de travail dans les EESAD ne sont pas optimales. Comment est-ce que l'assurance autonomie pourra vous permettre de modifier cet état de situation et d'améliorer vos conditions de travail et de formation?

Le Président (M. Bergman) : Mme Gasse.

Mme Gasse (Marie-Claude) : Très bonne question. C'est moi qui y réponds ou...

Une voix : Commence.

Le Président (M. Bergman) : M. Richard? M. Caron?

Mme Gasse (Marie-Claude) : Évidemment, les balises de l'assurance autonomie ne sont pas toujours claires. On connaît les grandes prémisses. Comment ça va s'opérer sur le terrain? C'est encore un peu nébuleux pour nous. C'est sûr que ça fait cinq ans qu'on se bat pour dire qu'on ne paie pas adéquatement notre personnel, du moins pas à la hauteur des responsabilités qu'on leur demande. Malgré tout, je pense que, sans vouloir être prétentieux, on a réussi à faire des miracles dans certains endroits, et on réussit à donner un service quand même d'une très grande qualité. Donc, on espère que le financement va être au rendez-vous pour être capables de consolider les emplois, parce que tout passe par là : pour être capables de donner un service de qualité à la clientèle, on doit avoir du personnel qui est formé adéquatement et qui, je dirais, doit être heureux dans son travail.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Quel est l'état des EESAD en termes de recrutement, de rétention du personnel, actuellement?

Le Président (M. Bergman) : M. Caron.

• (16 h 40) •

M. Caron (J. Benoit) : Beaucoup d'EESAD qui ont actualisé ou augmenté leur offre au niveau du salaire ont répondu... J'ai vu des EESAD, moi, qui n'ont plus de listes d'attente justement parce qu'ils ont haussé leurs... l'offre au niveau salarial, pardon, ce qui a eu par contre un effet au niveau de la tarification. Heureusement, ça a coïncidé, puis plusieurs s'en souviendront, avec l'augmentation de l'aide variable aux personnes. Alors, à mesure que l'aide variable du PEFSAD a augmenté, il y a eu une augmentation de la tarification qui a permis un ajustement des salaires des préposés.

Alors, où on en est? On a fait un virage, il y a quelques années, pour être honnêtes, pour poursuivre l'offre de services. On avait le choix, à un moment donné, de poursuivre l'offre de services ou de ne plus avoir les ressources. D'un côté, on a la capacité de payer des usagers; de l'autre côté, on a le besoin d'avoir des ressources et de les payer le plus convenablement possible. Alors, il y a quelques années, on a fait le choix d'augmenter la tarification de façon à avoir les ressources pour répondre à la demande. La demande a eu une croissance quand même importante.

Il y a encore énormément de travail à faire. Est-ce que la situation est correcte actuellement? Non. Est-ce que les préposés d'aide à domicile doivent gagner plus demain? Oui, sans aucune hésitation. Et, je vous l'ai dit, c'est une condition dans le financement du projet d'assurance autonomie. Si on ne dispose pas des ressources financières nécessaires pour offrir des conditions de travail convenables, ce sera un échec.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Et, si les conditions nécessaires sont là, la capacité de développer votre main-d'oeuvre va être au rendez-vous. C'est ce que je comprends.

M. Richard (André) : Effectivement.

Le Président (M. Bergman) : M. Richard.

M. Richard (André) : Oui, effectivement, si on a les ressources financières, le recrutement va être plus facile, toujours en respectant nos critères. On sait aussi que c'est peut-être un peu plus facile en milieu rural qu'en milieu urbain parce que, même du côté des salaires, on est plus compétitifs que ce qu'il y a sur le marché. Chez nous, il y a des employés qui sont là depuis 1998. Donc, du côté de la rétention du personnel, ce n'est quand même pas si mal. Mais, oui, si le financement est là et qu'on peut offrir des conditions, oui, ça va être plus facile de faire le recrutement, et, oui, on va pouvoir répondre à la demande.

Le Président (M. Bergman) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : Dans des conditions très difficiles, M. Hébert, on a réussi à faire des miracles. On sait qu'il y a… C'était avant hier, en 1997, là, ça n'existait pas ce réseau-là. Le développement de ce réseau-là a permis la création de 6 800 emplois, 6 800 préposés, dans des conditions, on en convient tous, qui ne sont pas idéales. Alors, on a réussi ça, et ces entreprises collectives là ont réussi cela. Alors, imaginez-vous, si on nous en donne la capacité, les ressources, ce qu'on sera capable de faire.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre, il vous reste trois minutes.

M. Hébert : Vous nous mettez en garde contre l'accréditation d'autres EESAD sur un même territoire. On a eu d'autres témoignages ici où on nous mettait en garde contre les monopoles et on nous incitait à pouvoir donner un choix plus intéressant de prestataire aux personnes. J'aimerais que vous défendiez votre position et vous nous l'expliquiez, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bergman) : Mme Gasse.

Mme Gasse (Marie-Claude) : On a tendance à croire que, pour être gagnant, on n'a pas avantage à multiplier les structures. Les structures sont déjà là, sont déjà en place, et, j'oserais dire... Excusez le terme que je vais utiliser, je suis connue pour manquer de nuance. Moi, quand on me dit : On injecte de l'argent et que l'argent s'en va en structure et ne se rend pas sur le terrain, ça me donne des boutons. Donc, le peu d'argent qui est disponible au niveau de l'État, les besoins sont tellement grands, pourquoi on multiplierait les structures quand on répond déjà à la demande? Et, pour faire la corrélation, quand les CSSS ne sont pas capables de répondre à la demande, la solution, ce n'est pas de créer un autre CSSS à côté, c'est de s'organiser pour optimiser les services pour être capables de donner le plus de services possible avec les ressources disponibles. Donc, c'est ce qu'on propose de faire.

Le Président (M. Bergman) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : Je vous rappelle que ce sont des entreprises collectives, on n'est pas des entreprises privées. L'objectif, ce n'est pas de générer des excédents et de faire des bénéfices, c'est de répondre à des besoins. Alors, avec ce profil-là, considérant les 102 sites et les 17 ans d'expertise qu'on a développé à faire des miracles, on pense qu'on peut faire une bonne job.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre, il vous reste 1 min 30 s.

M. Hébert : Dernière petite question brûlante. Vous piquez ma curiosité en mentionnant que vous souhaitez avoir un rôle dans le chèque emploi-services. J'aimerais ça que vous précisiez quel rôle et, deuxièmement, les partenariats avec les résidences privées. Alors, ces deux éléments ont piqué ma curiosité, j'aimerais ça que vous alliez un petit peu plus loin.

Le Président (M. Bergman) : M. Richard, dans une minute.

M. Richard (André) : Du côté du chèque emploi-services, bien c'est des partenariats qui existent déjà sur certains territoires où, par exemple, une personne handicapée qui a accès au chèque emploi-services a approché l'EESAD, et l'EESAD a enclenché le processus de recrutement avec la personne pour voir la personne choisie par la personne handicapée : Est-ce que c'est elle que vous voulez? Oui, elle correspond à nos critères d'entreprise, elle a passé le processus, elle est devenue une employée de l'entreprise, ce qui fait que la personne n'est pas isolée seule chez elle à contrôler quelqu'un. Il y a un contrôle de la qualité, et tout ça. Et nous, on pense que ça, ça pourrait être extensionné et avoir des partenariats directs comme ça avec les prestataires du chèque emploi-services et les entreprises d'économie sociale qui pourraient devenir l'employeur tout en respectant le choix de l'usager. Ça, c'était le premier. Résidences?

Mme Gasse (Marie-Claude) : Bien, il y a beaucoup de partenariats actuellement au Québec qui se développent, où les propriétaires de résidences privées sont parfois limités dans la gestion d'entreprises qu'ils peuvent faire. Donc, les EESAD ont fait des partenariats où ils vont dispenser l'ensemble des ressources humaines, donc les AVD et les AVQ. Ça a encore un avantage quand on parle de formation, d'encadrement de la qualité. Et, pour le ministère, on pense que l'avantage, la plus-value est que, là, on fait rentrer des yeux nouveaux. Donc, quand on parle de contrôle d'abus et de maltraitance, il y a différents intervenants qui passent sur place et qui peuvent sonner l'alarme si jamais il y a des choses anormales qui se passent.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps est écoulé. Pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, un plaisir de vous retrouver, pour certains d'entre vous.

Là, je me sens un petit peu mal de vous poser la question, là, et de faire le commentaire, mais je ne peux pas m'en empêcher. Je vous écoute, et vous dites : On a besoin de hausser les tarifs, on a besoin d'aller chercher un financement qui va répondre davantage aux besoins sur le terrain, qui va faire en sorte que les préposés qui travaillent au sein des EESAD seront rémunérés d'une façon plus adéquate, plus représentative de la charge de travail qu'ils auront ou qu'elles auront à effectuer. On souhaite également aller chercher des grilles tarifaires qui vont correspondre aux réalités régionales. Là-dessus, je vous suis, là, on s'entend, le transport d'une région à l'autre, ce n'est pas les mêmes coûts pour les gens. Et là je pense aux contribuables, là, du Québec, parce qu'à date, honnêtement, plus on écoute les demandes des différents groupes, plus on écoute les différentes interventions, je me dis : On arrête où dans ce projet d'assurance autonomie là? Ça va coûter combien? Parce qu'actuellement, avec les barèmes actuels, on a eu un aperçu la semaine dernière, on s'en irait autour du 4 milliards. Et ça, c'est sans compter toutes les demandes qui sont formulées à la commission depuis quelques semaines. Et je vous écoute puis je me dis : Où est l'intérêt pour la société que les services soient offerts par les EESAD plutôt que par notre service, par les CSSS si, au bout du compte, le coût sera le même? Et je vous dis ça, là... j'étais mal à l'aise de vous poser la question, mais c'est plus fort que moi parce que je suis persuadée qu'il y a des gens qui se posent la même question.

Actuellement, les EESAD font un travail, puis, oui, vous avez contribué à la création d'emplois, oui, vous êtes présents sur le terrain, vous êtes dans toutes les régions du Québec, vous faites un travail extraordinaire, puis c'est un travail... le rapport qualité-prix est somme toute fort intéressant. Mais là je vous écoute, et vos représentations sont à l'effet : Bien, oui, on veut être partenaires dans l'assurance autonomie, mais il faudra plus, plus d'interventions, il faudra payer ci, il faut payer ça. Et là je me dis : Bien, le contribuable, là, il gagne quoi? Alors, je vous demande de me convaincre et de m'expliquer, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bergman) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : En introduction à la réponse, parce que mes collègues vont poursuivre, je vous dirais : Pourquoi pas?, premièrement.

Deuxièmement, on sait très bien qu'on le fait déjà. On fait des AVD depuis 17 ans, on fait des AVQ progressivement, il y a une croissance importante. Comment? Est-ce qu'on va économiser? Le soutien à domicile, moi, c'est ce qui m'anime autour du projet d'assurance autonomie. C'est un virage soutien à domicile. On le sait tous, de quelque endroit qu'on se place, on sait qu'on doit investir dans le soutien à domicile. Mme Lamarre, de l'AQESSS, vous disait que ça coûtait 90 000 $, une personne qui est hébergée. On sait très bien, puis plusieurs vous l'ont dit aussi, qu'une personne en soutien à domicile… quand on aura dépensé 30 000 $ ou 40 000 $, on aura investi beaucoup, on aura été très présent dans le soutien à domicile. Alors, on vient juste de faire une économie de 50 000 $ par année par personne. C'est un calcul simple, c'est sûr.

Alors, nous, on croit que le virage soutien à domicile va nous permettre d'économiser comme État. On ne prétend pas qu'on doive avoir... parce qu'on l'a déjà fait, puis on réussit assez bien, avec une bonne différence entre le coût du public et le coût de l'économie sociale. D'ailleurs, je pense que l'État veut investir dans l'économie sociale. L'État a adopté une loi, qui est la loi n° 27. Alors, on pense qu'on est capable de réduire les coûts de l'État puis d'augmenter la capacité des gens de vivre chez eux, heureux et bien.

• (16 h 50) •

Le Président (M. Bergman) : Mme Gasse.

Mme Gasse (Marie-Claude) : J'ai envie de vous répondre que, si vous êtes mal à l'aise de nous poser la question, on est très à l'aise, nous, d'y répondre.

Actuellement, ça coûte plus cher pour une personne de faire le choix de rester à domicile que de s'en aller en hébergement, et ça, pour nous, ça n'a pas de bon sens. Donc, Benoit vient de nommer les coûts dans le réseau. Donc, c'est sûr qu'à domicile le coût est beaucoup plus faible. J'ai entendu aussi certains autres passages devant vous, et on parlait beaucoup d'optimisation de services, et ça, j'ai envie de dire : On a un travail incroyable encore à faire à ce niveau-là. Je vous donne un exemple très, très simple : il y a des endroits où, si on ne se rend pas sur place, les gens ne mangeront pas, donc on est sur place, par exemple, sept matins par semaine. Est-ce que c'est normal en 2013 que, si l'EESAD est présente sept matins par semaine, on doive prendre quelqu'un du CLSC, un auxiliaire, pour se déplacer, pour venir faire de la pose de bas support quand on est déjà sur place? Donc, il y a différents petits actes qu'on pourrait faire, qui vont beaucoup optimiser les services et qui vont faire économiser de l'argent aux contribuables. Donc, on pense qu'on n'est pas la solution au système de santé, mais on est une partie de la solution. On doit travailler en complémentarité de services. On a beaucoup, actuellement, d'ententes de services entre les CSSS et les EESAD. Ces ententes-là et les manières de fonctionner entre les deux doivent être arrimées.

Je vous donne un autre exemple. Ils font des comités, par exemple, d'intervention avant de sortir quelqu'un de l'hôpital où on va regarder : Est-ce qu'on peut le retourner à domicile ou est-ce qu'on l'envoie en hébergement? Ils font tout ça tout seuls, en vase clos, et après ça ils nous appellent : Bon, service B, demain matin, ça me prend 40 heures-semaine dans tel milieu pour être capable de sortir la personne. Nous, on dit : Pourquoi ne pas nous avoir impliqués à la base au lieu que, là, on vous explique qu'est-ce qui ne fonctionne pas et que vous ayez à recommencer ce que j'appelle de la réunionite? Dans ce temps-là, on recommence quelque chose qui a déjà été fait.

Donc, on doit vraiment arrimer les choses, s'assurer que la roue tourne encore mieux et vraiment y aller en complémentarité de services.

M. Richard (André) : Juste rajouter aussi…

Le Président (M. Bergman) : M. Richard.

M. Richard (André) : Juste rajouter aussi, revenir sur la complémentarité de services, parce qu'on pense que c'est là que le système peut y gagner, et de beaucoup. Si on dit : J'ai quelqu'un qui est là, par exemple, comme Marie-Claude disait, pour aller, par exemple, préparer le déjeuner et servir le déjeuner et que la personne a besoin d'aide pour des bas support ou, tout simplement, pour un changement de protection, bien ce geste-là AVQ pourra être facturé par la durée du temps pris pour le faire et non pas juste pour… Si quelqu'un va seulement pour poser ce geste-là, le coût va être beaucoup plus élevé, car la durée va être plus longue, incluant le déplacement. Si on est déjà là pour les AVD et qu'on doit poser certains gestes d'AVQ, on pense qu'il y a lieu d'optimiser et d'avoir une meilleure utilisation des ressources autant humaines que financières, même si, Marie-Claude, tu n'aimes pas «ressources humaines». Excusez-moi.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Alors, vous dites : Avec une meilleure optimisation des ressources, on va être en mesure d'économiser puis, même si on a une augmentation du tarif qui est versé aux EESAD, il y a quelque chose à gagner pour l'ensemble des contribuables du Québec.

Est-ce qu'on est prêts, en avril 2014, à se lancer dans cette aventure-là ou est-ce qu'on a besoin de recadrer des choses, parce qu'on est rendus en novembre, puis ça va vite?

Le Président (M. Bergman) : Mme Gasse.

Mme Gasse (Marie-Claude) : J'ai envie de vous dire : Ça dépend. C'est parce que les EESAD n'ont pas toutes la même grandeur ou la même grosseur et les mêmes possibilités financières. Donc, il y a des entreprises qui sont rendues déjà très loin dans ça, et elles sont rendues même plus loin qu'au 1er avril 2014, il y en a d'autres qu'on va devoir accompagner pour leur permettre de développer. Il y a un frein important quand c'est une petite entreprise qui n'a pas beaucoup de moyens financiers, l'argent pour faire le développement n'est pas là non plus. Donc, de là où on parlait tout à l'heure… ça prend du financement pour faire la formation, pour une remise à niveau de la formation pour ceux qui n'offrent pas déjà le service. Donc, pour nous, le fait que l'implantation de l'assurance autonomie va se faire de manière graduelle est vraiment une bonne nouvelle. On va devoir intensifier ce qui se fait déjà, donc il y a certains endroits où on va pouvoir aller plus vite et aider au développement. Mais, on vous rassure, l'ensemble des entreprises est d'accord pour faire ce virage-là.

M. Caron (J. Benoit) : On dispose déjà de…

Le Président (M. Bergman) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : Si vous me permettez? Je regardais les résultats d'une enquête qu'on a faite sur le développement des AVQ, et c'est entre 1 500 et 1 900 préposés d'aide à domicile qui ont déjà la formation ou une partie de la formation.

Depuis la sortie du livre blanc, nous, on est en opération. Alors, on a des rencontres provinciales, on anime, on accompagne et on soutient les entreprises. On n'a pas la prétention de pouvoir tout faire. Ce que je veux dire par là, bien entendu — on a parlé de financement tantôt — les entreprises ont besoin d'être soutenues financièrement parce que c'est soudainement, là, de développer un nouveau service, c'est de procéder aussi à des processus de recrutement importants, c'est de l'adaptation aussi de la machine administrative. On a une bonne machine, elle est efficace. Cependant, il y a des adaptations à faire. Donc, c'est sûr qu'on dit, nous, dans le mémoire que le financement doit être là très rapidement. On ne peut pas se réveiller le 1er avril 2014 puis dire : C'est ce matin qu'on commence. Il faut que ça soit planifié. Dans mon intervention du départ, on a parlé d'un plan de développement stratégique de tout ça. Alors, on est en attente. Quand je dis : On est en attente, ce n'est pas vrai, parce qu'on travaille déjà avec le ministère de la Santé et des Services sociaux déjà depuis plusieurs semaines, sinon des mois. Bien entendu, il reste encore beaucoup de travail à faire.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau, il vous reste sept minutes.

Mme Vallée : Dernière question : Aviez-vous un portrait de la situation à travers le Québec, c'est-à-dire est-ce qu'il y a des régions qui ont besoin qu'un effort additionnel soit accordé? Est-ce qu'on est prêt? Parce que vous disiez qu'il y avait des différences entre certaines entreprises. Donc, on n'est pas partout au même niveau. À quel endroit ou dans quel secteur on devra accorder une attention particulière? Puis est-ce que les EESAD sont présentes vraiment dans toutes les régions? Je pense au Nord-du-Québec, je pense à la Côte-Nord. Est-ce qu'on a des entreprises et des employés en quantité suffisante pour pouvoir répondre aux besoins des régions?

Le Président (M. Bergman) : Monsieur... Mme Gasse?

Mme Gasse (Marie-Claude) : On a un portrait actuellement qu'on est en train de finaliser, qui n'est pas toujours facile à faire parce qu'on prend une photo un jour mais on est en constante évolution, et on a des gens qui sont en formation. Outre les capacités financières, je vous dirais qu'un des freins qu'on rencontre actuellement, c'est là où il y a des arrimages difficiles entre les CSSS et les EESAD. Et, même si on n'ose pas nommer... il y a certains syndicats qui sont plus compliqués au niveau terrain, donc il y a certains CSSS qui n'osent pas transférer certains EESAD. Et je ne devrais pas utiliser le mot «transférer», parce que, quand on parle avec le ministère de la Santé — on travaille déjà avec le ministère de la Santé dans un objectif rapproché — on ne parle pas de transférer des AVQ chez nous mais plutôt de regarder, avec le vieillissement de la population, avec les besoins qui sont en grandissant, qui devrait s'occuper de quelle clientèle.

Donc, les auxiliaires dans les CSSS sont encore très importants, mais, étant donné que la formation est plus appuyée, bien, probablement qu'ils devraient se concentrer sur des clientèles qui sont un peu plus complexes, qui ont des soins critiques, des problématiques complexes ou des soins en fin de vie et que les EESAD pourraient, à ce moment-là, donner un coup de main au niveau des clientèles qu'on dit plus simples. Donc, s'il y a juste un problème physique, je ne sais pas, si c'est une personne âgée qui a de la difficulté à rentrer dans le bain ou qui n'est pas capable mais qui a une santé mentale et qui a toute sa tête, bien c'est beaucoup plus facile de prendre la relève dans des cas comme ça. Donc, actuellement, on est en train de développer, avec le ministère de la Santé, comment peut se faire cette implantation progressive là.

Le Président (M. Bergman) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : On travaille déjà, on l'a dit tantôt, avec plusieurs centres de santé et de services sociaux. La plupart des EESAD, la grande majorité des EESAD ont déjà des ententes avec les centres de santé et de services sociaux. Donc, il y a déjà une habitude de consommation. Je vous ai dit aussi qu'il y avait une croissance constante, là, au niveau des activités de la vie quotidienne et les services d'activité de la vie quotidienne qui sont offerts par les EESAD. Je vous ai parlé aussi d'un réseau de 102 sites, actuellement avec une machine administrative qui est efficace, avec des gestionnaires, des spécialistes en ressources humaines qui sont là. On a des entreprises, vous savez, qui ont 300 travailleurs. Alors, c'est sûr qu'il y a une machine administrative. Quand tu as 300 travailleurs dans les... on sait que ce n'est pas une usine avec tout le monde dans la shop en bas, hein, donc ça demande une organisation du travail qui est assez exceptionnelle puis assez lourde aussi. Imaginez, si vous vouliez faire la même chose sans ces 102 sites là et ces 102 organisations là...

Le projet d'assurance autonomie, pour ce qui concerne les AVD, les AVQ et le soutien à domicile... Notre titre de mémoire, c'est : Un pilier du soutien à domicile, les EESAD. Imaginez comment réussir cela sans les EESAD. Alors, oui, on est prêts.

• (17 heures) •

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Il vous reste 3 min 30 s.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Un, merci d'être ici, puis on apprécie beaucoup, beaucoup votre travail.

Je voudrais juste faire un petit correctif, là, parce que, dans ce dossier-là, il faut mettre de la rigueur. Puis il se dit beaucoup de choses, là, puis, à un moment donné, quand vous vérifiez sur le terrain ou vérifiez les chiffres, ce n'est pas la réalité. Quand on parle de maintenir quelqu'un à domicile, ça coûte 20 000 $, puis on dit : On va prendre quelqu'un en CHSLD, puis on va le mettre à domicile, puis on passe de 90 000 $ à 20 000 $, là, juste pour vous dire, ce n'est pas vrai, ça, là. 20 000 $ à domicile, là, c'est des gens avec des profils probablement autour de deux heures-soins, mais, quand vous arrivez avec des profils de quatre puis cinq heures-soins, l'expérience a été essayée, ces gens-là, ça prend du monde 24 heures sur 24 pour s'en occuper. Donc, ça ne coûte plus 90 000 $. D'ailleurs, un des critères, à un moment donné, quand on veut garder quelqu'un à domicile, puis il est rendu qu'il nous coûte 150 000 $, la société va dire : Bien, écoutez, je pense qu'on est peut-être mieux de l'avoir en CHSLD. Donc, c'est juste pour apporter un correctif, parce que les gens nous écoutent puis ils partent avec l'idée : Regardez, qu'on prenne le patient puis qu'on le mette à domicile au coût de 20 000 $. Ce n'est pas vrai, ça.

Deuxièmement, les profils sont tellement élevés pour certaines personnes, lorsqu'on parle de troubles cognitifs, on ne pourrait pas les garder à domicile. Ce n'est pas réel, là, ce n'est pas possible. L'autre affaire, ça nous prendrait tellement de monde pour les garder à domicile dans chacun leur appartement qu'on ne peut pas le faire. Il y a du travail à faire, parce qu'il y a des gens, oui, qui peuvent retourner à domicile, qui n'auraient peut-être pas dû être admis en CHSLD, qui… Juste pour vous dire, c'était vrai peut-être voilà cinq, six ans, c'est moins vrai aujourd'hui parce que tous les CSSS ont augmenté leurs critères d'admissibilité. Puis généralement, actuellement, les profils, c'est souvent des profils CHSLD puis, s'il n'y en a pas, de profil CHSLD, s'il rentre parce qu'il n'a pas le profil CHSLD, c'est parce qu'il n'y avait pas la ressource dans la communauté, pas nécessairement en soins à domicile mais beaucoup en ressources intermédiaires. Juste une clarification, parce que, je me rends compte, il faut mettre beaucoup, beaucoup de rigueur dans ce dossier-là. Puis, l'autre principe que je veux faire attention, c'est beau dans l'innovation, puis j'y crois beaucoup, qu'il faut essayer des nouvelles choses, là, mais, je rappellerais, puis le ministre va peut-être la retenir aussi, celle-là, c'est que neuf fois du temps, lorsqu'on fait des grandes transformations, c'est des échecs soit dans l'entreprise privée ou l'entreprise publique. Il vérifiera ses données. Il y a beaucoup, beaucoup d'échecs.

Donc, c'est pour ça qu'il faut soumettre un projet comme ça à un grand débat. Il faut retourner chacune des roches, il faut en discuter. Il y a des points qui sont positifs dans le projet, mais il y a des points qu'il va falloir qu'on clarifie. Si on ne part pas avec cette idée-là, c'est un peu comme le soupir que fait le ministre en disant «ce n'est pas vrai, là», ce n'est pas vrai, là. À un moment donné, il faut être réaliste. Puis on fera remarquer qu'il y en a eu, des grands échecs, dans le passé, que les gens après ça se sont demandé : Comment ça se fait qu'on a été là? Parce que des questions n'avaient pas été posées.

Ma question que je veux vous adresser. Les résidences privées veulent avoir une possibilité d'avoir leurs propres ressources, ne pas utiliser les EESAD, ne pas utiliser le système public. Êtes-vous d'accord avec ça, qu'on puisse partager sur le principe du libre choix, qu'eux autres pourraient avoir leurs propres ressources formées qui respectent la qualité et qu'elles pourraient, à ce moment-là, donner leurs propres services sans utiliser les EESAD?

Le Président (M. Bergman) : Mme Gasse, il vous reste seulement une minute pour la réponse.

Mme Gasse (Marie-Claude) : J'ai envie de vous dire que, pour nous, le domicile, ce n'est pas seulement une maison isolée dans le fond d'un rang, il y a aussi des alternatives à l'hébergement qui se sont développées, entre autres, en collaboration avec les offices municipaux d'habitation ou même dans des résidences privées. Vous êtes d'ailleurs venus voir un monsieur qu'on a sorti du CHSLD et que, pour nous, c'est un gain. Je vous rassure, les EESAD, au Québec, selon nous, ce n'est pas un échec du tout, c'est une réussite.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Les EESAD sont une réussite, ça, on ne conteste pas ça, là.

Mme Gasse (Marie-Claude) : Mais il y a certains changements importants qui peuvent être des réussites. Donc, certaines alternatives à l'hébergement pourraient être développées et coûteraient beaucoup moins cher que de l'hébergement normal. On ne vient pas vous dire qu'on peut sortir plein de monde du CHSLD demain matin. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas ce qu'on dit. Ce qu'on dit, c'est qu'on doit retarder par contre leur entrée en hébergement. Et souvent les résidences privées ont une limite à ce niveau-là. Donc, est-ce qu'on est d'accord à ce qu'ils soient eux-mêmes leurs propres fournisseurs? Ils vont atteindre la même limite. La différence, c'est que, quand on veut les garder dans les résidences privées plus longtemps, les CSSS viennent cogner chez nous puis ils nous disent : Tu pourrais-tu aller donner des services là parce qu'on doit les maintenir là…

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Gasse (Marie-Claude) : …on ne peut pas les envoyer ailleurs, ils ne cotent pas?

Le Président (M. Bergman) : Alors, malheureusement, le temps s'est écoulé. Mme Gasse, M. Caron, M. Richard, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous aujourd'hui. Et je demande au Regroupement des offices d'habitation du Québec de prendre leur place à la table.

Je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 17 h 4)

(Reprise à 17 h 6)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue au Regroupement des offices d'habitation du Québec. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Pour les fins d'enregistrement, on a besoin de vos noms, vos titres. Et les prochaines 10 minutes, c'est à vous.

Regroupement des offices d'habitation
du Québec (ROHQ)

M. Chauvette (François) : Merci. Dans un premier temps, je vais vous présenter une synthèse ou en tout cas un certain nombre d'éléments qu'on va retrouver à l'intérieur du mémoire qu'on vous a déposé.

D'abord, je vais commencer par une présentation de notre regroupement, le Regroupement des offices d'habitation du Québec. Le Regroupement des offices d'habitation du Québec, le ROHQ, constitue un vaste réseau qui s'étend sur tout le territoire du Québec. Son effectif est composé de 537 offices municipaux d'habitation, les OH, un office régional d'habitation et 10 corporations privées sans but lucratif reconnues à titre de membres auxiliaires. Les membres du ROHQ interviennent dans la gestion d'un peu plus de 90 000 unités de logement, dont 63 000 logements à loyer modique, les HLM, et près de 10 000 logements communautaires. Les offices sont également impliqués dans la conclusion de plus de 8 000 ententes avec des locateurs privés dans le cadre du Programme de supplément au loyer. Dans le cadre de sa mission, notre regroupement offre des services de soutien organisationnel, de formation et de représentation aux 3 800 administrateurs bénévoles, dont les conseillers municipaux, les délégués des municipalités, des représentants des locataires et des représentants de groupes socioéconomiques qui siègent au sein des conseils d'administration des offices. Nous offrons également des activités de réseautage, de formation et de perfectionnement aux 2 400 employés à temps plein et à temps partiel intervenant dans l'allocation de services d'habitation sociale auprès de plus de 100 000 résidents à travers le Québec.

Le vieillissement des populations, les opérations de désinstitutionnalisation ainsi que les politiques du réseau de la santé en matière d'intervention ont contribué à ce que les logements sociaux au Québec abritent de plus en plus de personnes âgées en perte d'autonomie, de clientèles aux prises avec des troubles mentaux ou encore de la déficience physique ou intellectuelle. Selon les données recueillies par le ROHQ en 2013, la majorité des logements du parc HLM — 55 % — sont spécifiquement destinés aux personnes aînées. C'est dans ce contexte que l'office d'habitation devient un pivot d'un ensemble de partenariats motivés par la nécessité d'assurer l'amélioration des conditions de vie des résidents dans la reconnaissance et le respect des compétences spécifiques à chacun des partenaires. C'est ainsi qu'un réseau de 260 intervenants oeuvrant en soutien sociocommunautaire est actuellement déployé au sein de notre regroupement pour agir auprès de résidents en HLM. Un peu plus de la moitié de ces ressources sont spécifiquement rattachées à des offices d'habitation. Les autres proviennent des CSSS — 23 % — ou des organismes communautaires associés au réseau local de services. Cette toile d'intervenants témoigne des nombreuses ententes de collaboration impliquant les intervenants d'habitation sociale publique et le réseau de la santé et des services sociaux dans des actions de soutien aux résidents en HLM.

Les offices d'habitation sont les seuls acteurs locaux en habitation sociale qui disposent d'un ensemble de moyens pour répondre aux besoins en logement des populations plus fragilisées. Ils administrent un parc de logements publics sous l'égide du programme HLM. Ils disposent d'un ensemble d'unités de supplément au loyer leur permettant de conclure des ententes de location avec des propriétaires privés. Ils peuvent développer de nouveaux projets de logement pour des clientèles ciblées dans le cadre des programmes administrés par la SHQ. Plusieurs réalisations témoignent de quelque 200 ententes de collaboration avec le réseau de la santé et des services sociaux ayant cours au sein de notre regroupement. Dans le mémoire que nous avons déposé, on cite divers exemples d'entente de collaboration entre des OH, des CSSS et d'autres partenaires, permettant de maintenir à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie, des personnes aux prises avec des déficiences physiques ou des troubles de santé mentale.

• (17 h 10) •

D'emblée, nous pouvons affirmer que notre réseau appuie le projet de déployer davantage de ressources aux soins de santé et aux services à domicile pour les personnes en perte d'autonomie. Nous estimons également que le financement et la gestion publique d'un tel programme constituent le mode de gouvernance le plus approprié pour assurer l'accessibilité équitable à ces services à l'ensemble des citoyens québécois. Il nous apparaît aussi fondamental que le déploiement des ressources associées à cette prestation de services soit coordonné au niveau local sur la base d'ententes de collaboration avec des ressources du milieu spécifiquement définies au niveau des responsabilités et des compétences et inscrites dans la pérennité, le long terme. Enfin, il est important que les intervenants qui seront impliqués dans le virage proposé à l'égard de l'organisation de ces services soient accompagnés par des référentiels permettant de mesurer les impacts, résultats, retombées de leurs actions pour les bénéficiaires des services et leurs collectivités.

Nous pensons sincèrement que les cinq conditions suivantes sont essentielles à la réussite de la démarche proposée : premièrement, augmentation des budgets et ressources du réseau de la santé et des services sociaux consacrés aux soins de santé et aux services à domicile; deuxièmement, le financement et la gestion publique de l'assurance autonomie; troisièmement, coordination locale de la prestation de services; quatrièmement, prestation de services sur la base d'ententes de collaboration spécifiques à long terme avec des partenaires du milieu; puis, cinquièmement, référentiel de mesure des impacts et des retombées.

Au-delà de ces cinq conditions, nous souhaiterions partager quelques-unes de nos préoccupations quant à la mise en oeuvre de ce projet. Il est essentiel que la réorganisation des services de soutien pour le maintien à domicile du réseau de la santé n'ait pas pour conséquence de fragiliser les ententes de collaboration existantes entre le réseau de la santé et des services sociaux et le réseau de l'habitation sociale. Au sein du réseau des OH, plus de 200 ententes de collaboration favorisent le maintien en logement de personnes vulnérables — personnes aînées, personnes avec des handicaps physiques ou personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale — sont actives. On constate une situation très inégale entre les régions et entre les territoires de CSSS à ce chapitre. Les succès que l'on observe sont très souvent davantage liés à la présence d'individus convaincus ou convaincants que d'orientations ou de liens formels permettant de renforcer et de préserver des projets d'habitation fondés sur les besoins des clientèles spécifiques. Malgré les engagements du cadre de référence sur le soutien communautaire en logement social, il appert que des financements spécifiquement dédiés à des objectifs de maintien et de développement des capacités des résidents en logements sociaux ont été détournés à d'autres fins sous les pressions de la croissance des besoins régionaux et locaux de santé et services sociaux.

Il conviendrait d'associer le soutien communautaire en logement social en complémentarité des plans de services qui seront déployés. Le soutien communautaire se distingue des services d'aide à la personne en supportant des actions s'adressant à l'ensemble des locataires et davantage destinées à la vie en logement collectif. Cependant, des interventions de référencement et d'accompagnement vers des ressources spécialisées, de vigilance quant à la santé, sécurité et maltraitance, de mobilisation et de sollicitation et de soutien à la vie quotidienne en font aussi partie. Considérant les conditions socioéconomiques des résidents en HLM, il appert que la complémentarité des porteurs d'actions collectives et individuelles auprès de ces personnes devrait être envisagée. Le mécanisme d'accréditation des prestataires de services devrait tenir compte des particularités des clientèles et des projets en logement social. Plusieurs organismes ont déjà mis en place, dans le cadre d'ententes tripartites avec des EESAD et des CSSS, un niveau de services qui est associé au fondement même du projet d'habitation sociale. Nous l'avons mentionné précédemment, ce qui caractérise l'habitation sociale, c'est justement ce volet de soutien aux locataires. Il faudrait que ces caractéristiques particulières soient prises en compte dans le déploiement du panier de services visé par l'assurance autonomie.

Concernant les aînés en perte d'autonomie, nous ne pouvons passer sous silence l'impact de la certification des résidents sur le coût du loyer des locataires habitant les logements sociaux, notamment les projets développés dans le cadre du volet 2 du programme AccèsLogis. Les normes associées à la prestation de services de surveillance notamment auront pour effet d'entraîner une augmentation des charges moyennes de 75 $ à 90 $ par mois pour les locataires des ensembles immobiliers de plus de 50 logements et d'au moins le triple pour les plus petits ensembles. Considérant les capacités économiques limitées des résidents de ces immeubles, une telle avenue conduit les intervenants locaux à l'abandon plutôt qu'à l'optimisation de leurs services de soutien. Des mesures compensatoires relatives à cette problématique devraient être envisagées.

Sur un plan opérationnel, il sera important de formaliser les liens entre les gestionnaires de cas, les intervenants sociocommunautaires des OH et les prestataires de services afin d'assurer une plus grande efficacité et une plus grande cohésion dans l'établissement et la mise en oeuvre des plans de services. Il faudra favoriser la mise en place de mécanismes de concertation territoriale entre les différents organismes impliqués — les CSSS, EESAD, OH, OBNL et coops en habitation — afin d'optimiser les ressources et de mieux répondre au continuum de services en habitation sociale. Sur la base des expériences de notre réseau, il ne faut toutefois pas sous-estimer les efforts requis, au quotidien, dans le travail intersectoriel. Celui-ci requiert un niveau d'engagement qui doit être absolument orienté vers des cibles de résultat plaçant les clients au centre des actions et non, comme on l'observe malheureusement trop souvent, par une instrumentation de la reddition de comptes desservant des motifs propres à chacune des parties prenantes. Les partenaires devraient ainsi être associés à la mesure de la performance et des retombées des plans d'action pour le maintien à domicile.

En conclusion, les offices d'habitation font partie de la solution. Il importe que les besoins particuliers des locataires et des offices d'habitation soient reconnus dans leurs particularités. Il faut aussi que nos partenaires du réseau de la santé comprennent mieux les limites mais également les opportunités de notre mission en habitation sociale. Dans la mise en oeuvre de l'assurance autonomie, nous souhaitons que la Commission de la santé et des services sociaux recommande de reconnaître l'importance de considérer les partenaires entre le logement social et le réseau de la santé comme incontournables; formaliser les ententes de collaboration existantes et futures; pérenniser ces ententes; assurer une évaluation constante des besoins et des ressources associées à la prestation de services ou aux ententes de collaboration; proposer une réponse territorialisée concertée et une mutualisation des ressources; puis, finalement, évaluer, en concertation avec les partenaires, les retombées sociales et économiques des interventions de maintien à domicile.

Le Président (M. Bergman) : Merci, M. Chauvette, pour votre présentation. Collègues, avant de commencer les échanges, y a-t-il consentement afin de permettre à la députée de Groulx de participer à cette séance? Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix :

Le Président (M. Bergman) : Consentement?

M. Hébert : …est membre de cette commission.

Le Président (M. Bergman) : Non, mais on a fait le remplacement ce matin. Alors, pour être corrects, on doit avoir votre consentement, M. le ministre.

M. Hébert : Ah, O.K. Nous sommes très heureux de revoir la députée de Groulx. Nous débordons d'allégresse.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Avec plaisir, puis on s'ennuyait d'elle.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bergman) : Alors, collègues, pour le bloc du gouvernement, M. le ministre.

M. Hébert : Merci beaucoup, M. Chauvette, M. Robitaille, de votre mémoire. Comme vous le savez, l'assurance autonomie vise à redonner aux personnes âgées une première liberté fondamentale qui est celle de choisir là où elles veulent vivre, et, pour 100 000 de ces personnes âgées, elles ont choisi de vivre dans vos établissements, dans vos habitations. Il fut une époque que j'ai connue, où la perte d'autonomie était un critère d'exclusion, sinon un critère d'expulsion des habitations, des HLM. J'aimerais ça que vous nous disiez l'évolution des HLM et la population que vous hébergez actuellement et qui peut être en perte d'autonomie.

Le Président (M. Bergman) : M. Chauvette.

M. Chauvette (François) : On a, depuis quelques années, comme on l'a mentionné dans le texte, là, avec le vieillissement des populations, puis tous les changements, puis l'évolution dans les politiques du réseau de la santé, de plus en plus de clientèles qui ont une perte d'autonomie qui s'alourdit, dans nos logements.

Il y a comme deux niveaux de personnes qu'on rencontre. Bon, on a des gens qui ont une perte d'autonomie, qui se compare… qui vivent à domicile dans les logements des offices d'habitation, qui se compare à ce qu'on voit dans tous les autres types de logement, là, en lien avec le maintien à domicile traditionnel. Bon. Donc, on a des intervenants qui viennent des centres de santé, des EESAD, des organismes communautaires, qui permettent de pallier les incapacités de ces personnes-là puis de les maintenir à domicile le plus longtemps possible. Ce qui est en train de se développer, je dirais, depuis principalement, là, le début des années 2000, c'est des clientèles qui ont des pertes d'autonomie importantes, des clientèles que, traditionnellement, on retrouvait hébergées dans des résidences privées, dans des RIRTF ou même en hébergement. On a des projets. Bon, il y a eu, dans un premier temps, ce qu'on appelait, à l'époque, les projets novateurs qui ont permis de développer des actions, des logements avec des ressources, avec des heures-services assez poussées, qui permettaient à ces gens-là d'être maintenus dans leurs résidences. On a également des projets, dans le cadre de différents programmes comme AccèsLogis, qui permettent de développer des résidences avec une supervision qui devient de plus en plus lourde. On a même des offices qui sont impliqués dans des résidences qui s'apparentent beaucoup à des résidences intermédiaires, quand ce n'est pas carrément des résidences intermédiaires qui sont gérées par des offices d'habitation.

Donc, les offices sont, depuis quelques années, de plus en plus impliqués avec des clientèles qui sont hypothéquées lourdement. Puis là on parle de personnes âgées, mais on pourrait parler aussi de personnes avec des déficiences physiques. Je pense à un projet, au Saguenay, où on a des personnes… déficiences physiques très lourdes qui, dans d'autres endroits, habituellement sont envoyées dans des CHSLD mais qu'on maintient dans des résidences, dans le cadre d'un programme AccèsLogis, avec une collaboration de la coop de services à domicile et du centre de santé… des gens qui sont très hypothéqués mais qui ont une qualité de vie intéressante à l'intérieur de logements.

Donc, c'est une place, c'est un créneau qu'on développe de plus en plus dans les offices, tant pour les personnes âgées en perte d'autonomie que les clientèles avec des déficiences physiques intellectuelles et troubles de santé mentale, avec des partenaires. Parce qu'évidemment les offices, on n'est pas des prestataires de services comme tels, hein, la majorité du temps, là, donc on s'associe à des partenaires, en particulier dans le réseau de la santé, pour que les services soient dispensés, en plus des partenaires autres, comme les EESAD, en particulier. Ils sont très actifs, là, dans plusieurs endroits.

Le Président (M. Bergman) : M. Robitaille.

• (17 h 20) •

M. Robitaille (Denis) : Juste un complément d'information. Puis, si vous permettez, avec tout le respect, M. le ministre, je vais vous reprendre.

Les résidents HLM ne choisissent pas de résider en HLM, c'est un parcours de vie qui les amène là. Et c'est ce qui nous amène à travailler dans le sens du maintien à domicile, notamment, puisqu'il y a une masse critique : 55 % du parc de logements est destiné à des personnes âgées, de plus en plus âgées. Au moment où ce parc-là, dans son âge d'or, pour les personnes âgées a été créé, entre 1980 et 1993, avant le retrait du gouvernement fédéral du financement, c'étaient des personnes âgées autonomes, et, effectivement, vous avez très raison, l'âge d'entrée dans un HLM était de 55 à 65 ans. La moyenne d'âge en HLM aujourd'hui, une personne âgée, c'est autour de 78 ans. On est dans les barèmes qui nous préoccupent au niveau du maintien en autonomie. Et c'est justement parce que ces gens-là ne font pas le choix d'aller en HLM. C'est des conditions, des parcours de vie qui les amènent là, avec des conditions, d'abord, économiques très préférentielles puis après au niveau de l'accompagnement, qui sont préférentielles… et qui a une masse critique, qui a amené les offices à s'inscrire dans une stratégie immobilière sociale, finalement. Alors, ce qui fait qu'à… Mais par contre il y a des barrières architecturales qui nous contraignent en termes de sécurité, d'évacuation, de capacité, de maintien, il y a notre mission qui nous interpelle. On fournit du logement, pas des lits — c'est très important, c'est du logement chez nous — mais les gens sont conscients qu'ils ont une capacité d'offrir un continuum résidentiel, et c'est là-dessus que les offices se sont, je pense, démarqués avec différents programmes.

Mais aussi, dans des initiatives de rénovation du parc HLM à Lévis, ça a fait en sorte que, bon, dans leur parc, ils ont fait des opérations tiroirs et ont concentré l'édifice qui était le plus adapté pour favoriser le maintien à domicile à faire des transformations de bâtiments pour y accueillir puis y sécuriser des gens. Mais, pour faire ça, ça ne prenait pas juste l'accord de la Société d'habitation du Québec, ça prenait une entente, un appui des réseaux de la santé, des organismes communautaires. À Drummondville, à côté du HML classique, ils ont construit un AccèsLogis, un passage entre les deux, puis il y a une EESAD qui vient donner de l'aide à la vie domestique, des soins en AVQ pour le maintien à domicile. À Victoriaville, bien ça a été un projet plus achevé, vraiment en continuum avec le réseau de la santé dans le cadre d'un projet novateur. Et ce sont des acteurs clés, mais sur lesquels il y a déjà des ententes qui vont dans le sens du maintien à domicile.

M. Hébert : Donc — je suis très heureux que vous me repreniez — c'est la continuité de la vie de la personne, et je suis extrêmement heureux de voir qu'on peut accompagner la personne, en dépit d'une perte d'autonomie, dans vos maisons. Et on évoque souvent le modèle danois, hein, où 73 % des budgets vont au soutien à domicile, où il y a très peu de CHSLD tels qu'on les connaît aujourd'hui et où cette formule d'habitation même municipale permet d'accueillir des gens même en lourde perte d'autonomie, même avec des problèmes cognitifs. Le fait que ce soient des résidences collectives fait en sorte qu'on est capables d'accompagner à domicile ces gens-là sans nécessairement séparer des couples, par exemple, permettre que des couples puissent continuer à vivre dans ces habitations, même si l'un des deux n'a pas de perte d'autonomie. Et je pense que c'est des modèles extrêmement intéressants que l'allocation de soutien à l'autonomie, telle qu'incluse dans l'assurance autonomie, va permettre de voir émerger et même se développer davantage, parce que, là, on donne les moyens aux gens d'avoir des formules novatrices, comme celles que vous avez évoquées tout à l'heure.

J'aimerais que vous me parliez un peu plus des intervenants sociocommunautaires qui sont dans vos habitations. Alors, quel est leur rôle? Qu'est-ce qu'ils font, exactement? Quel est leur mode d'intervention auprès des résidents?

Le Président (M. Bergman) : M. Chauvette.

M. Chauvette (François) : Ça fait référence à un cadre de référence, justement, qui a été convenu entre le ministère de la Santé, les offices d'habitation, la SHQ, qui permet de déployer des intervenants à l'intérieur des offices d'habitation, qui ont pour but de soutenir la vie communautaire qui existe, là, dans ces bâtiments-là.

Quand on parle de vie communautaire, bon, c'est au sens large, il y a différentes facettes dans ça. On fait affaire à une clientèle qui est vulnérable, c'est des gens qui sont défavorisés économiquement, mais, de plus en plus, on a affaire également à des gens qui sont défavorisés à toutes sortes de niveaux, là, que ça soit en termes de perte d'autonomie liée au vieillissement, que ce soient des gens qui ont des problématiques sociales, des problématiques de santé mentale, des familles en difficulté, donc des gens qui, de plus en plus, sont dans le besoin. Avec les intervenants sociocommunautaires, on fait du travail de proximité, un peu comme du travail de rue, mais à l'intérieur des offices d'habitation, avec différents modèles, différents types de fonctionnement. C'est des gens qui vont permettre à des personnes qui ont des difficultés particulières de réapprendre à vivre en communauté, de vivre en société; des personnes, des intervenants qui vont développer des activités qui vont stimuler les comités de résidents, qui vont les amener à travailler sur des projets, comme développer des petits jardins communautaires, toutes sortes de petites activités qui vont favoriser la vie en communauté; des personnes qui vont aussi permettre de dépister des individus qui présentent des problèmes particuliers et de les référer aux ressources appropriées; des intervenants qui vont… bon, dépendant des endroits, dépendant des intervenants qu'on a, il y a des gens qui ont un volet clinique qui va les amener même à intervenir cliniquement avec des personnes qui ont des problématiques.

Donc, c'est un ensemble de personnes qui sont, comme je disais tantôt, dans un contexte de travail de proximité, qui permettent d'améliorer la qualité de vie des personnes qui vivent en logement social par différents moyens de travail de proximité qui peut être mis à leur disposition par le biais d'ententes. Parce que ça, c'est très, très, très important. Ça se fait beaucoup par le biais d'ententes entre le réseau de la santé et les offices d'habitation. D'ailleurs, une partie importante des intervenants qui font ce travail-là provient du réseau de la santé. Ils sont engagés et payés par le réseau de la santé qui travaille en collaboration avec les offices d'habitation.

M. Hébert : Merci.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Nous avons entendu, tout à l'heure, des représentants des entreprises d'économie sociale nous faire part de leur ouverture à établir des partenariats avec des résidences privées. Est-ce qu'il est envisageable pour vous d'avoir — et en avez-vous déjà? — des partenariats avec des entreprises d'économie sociale?

M. Chauvette (François) : Oui.

M. Robitaille (Denis) : Oui, mais pas avec des EESAD.

Le Président (M. Bergman) : M. Chauvette.

M. Chauvette (François) : Oui. On a à plusieurs endroits... Quand tantôt je mentionnais des projets qui touchent des personnes en perte d'autonomie à différents niveaux… souvent les entreprises d'économie sociale sont impliquées directement avec la clientèle. Il y a des ententes formelles — dans bien des cas, c'est informel — où ces organisations-là sont directement impliquées avec la clientèle. On en voit beaucoup, là. Je dirais qu'une partie…

Une voix : ...

M. Chauvette (François) : Pardon?

M. Robitaille (Denis) : Oui, j'allais glisser dans l'oreille de mon président que la presque totalité des ententes de service sont avec des coopératives de services à domicile, des EESAD, donc ce réseau communautaire là qui est… puis qui, par nature, de toute façon, est complémentaire à l'intervention que les offices comme… à la fois comme intervenant mandataire de logement social public mais aussi OBNL de logement social, parce qu'ils ont aussi ce statut-là, dans tous les projets qui ont été développés en AccèsLogis, sont là.

Peut-être juste revenir sur le soutien communautaire. L'élément marquant du soutien communautaire, on le déterminait dans notre mémoire, c'est l'intervention à stabiliser la vie collective, parce que, je reviens là-dessus, les gens en HLM, ils ne choisissent pas d'y vivre. Tous les autres citoyens choisissent. Même les gens qui bénéficient de programmes de supplément au loyer, ils ont un certain choix en termes de logement, mais ce n'est pas le cas des gens qui sont en HLM.

Alors donc, il faut apporter un soutien à cette vie collective là qui est obligée, et c'est là que se prend l'essence du soutien communautaire. C'est moins une aide à la personne pour la maintenir en logement, c'est un soutien à la personne pour la vie collective, puisqu'elle a à… je ne dis pas «à la subir», ce n'est pas le cas, mais c'est un élément qui est assez marquant dans l'intervention au programme de logements publics, qui n'est pas particulier au Québec. D'ailleurs, hein, en France, en Belgique, partout, l'un va avec l'autre, c'est la poignée de porte et la poignée de main, hein? On n'arrête pas de le dire, là, nous, mais ça va ensemble en logement social.

• (17 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre? Mme la députée de Sainte-Rose. Il vous reste 3 min 30 s.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Bien, en lien avec ce que vous venez de dire, est-ce que le modèle des coopératives d'habitation qui sont aussi du logement collectif, qui peuvent avoir un impact quand même intéressant sur la vie des personnes qui décident, cette fois-ci par choix, d'aller vivre dans une coopérative… Est-ce que vous pensez que le logement social pourrait s'inspirer du modèle des coopératives d'habitation?

Le Président (M. Bergman) : M. Chauvette.

M. Chauvette (François) : Absolument. On a plusieurs coopératives d'habitation qui sont impliquées à ce niveau-là également. Puis, comme on l'a mentionné tantôt, on trouve très important, à plus forte raison, que ce soit que les coopératives d'habitation puis les organismes… les OBNL qui font du logement social. On milite beaucoup en faveur d'une concertation entre nos trois réseaux. On fait tous du logement social avec des façons différentes, des besoins différents, mais on a beaucoup de points communs qui se recoupent puis on vit dans des mêmes territoires. Donc, on a intérêt à mettre en commun nos expertises, à se coordonner, à s'organiser plutôt que de travailler en compétition les uns avec les autres.

Donc, effectivement, les coops d'habitation, ça fait aussi partie de solutions mais avec un modèle qui est centré sur le modèle coopératif. On s'entend qu'il y a des limites par rapport à ce modèle-là en lien avec des personnes souvent en perte d'autonomie. Il y a des mixtes qui peuvent être faits, il y a peut-être des ententes qui peuvent se faire entre les coops, puis les offices d'habitation, puis le réseau de la santé, mais, là aussi, il y a de la place, là, pour faire des projets intéressants.

Le Président (M. Bergman) : M. Robitaille.

M. Robitaille (Denis) : Bien, ce serait juste un complément, d'une part. La participation citoyenne à la gestion des offices d'habitation, elle est là, il y a 3 500 administrateurs bénévoles qui sont au conseil d'administration des 543 offices. La presque totalité des représentants des locataires, ce sont des personnes âgées, notamment, qui sont très, très impliquées, très actives dans leur milieu. Il ne faut pas tomber dans l'inverse de la problématique.

Donc, il y a une participation citoyenne à la gestion des offices qui est importante, d'une part. Puis, d'autre part, je dirais qu'au Québec on a cette chance-là, il y a un succès québécois, là, historique en matière de logement social, et ce succès-là, il fait en sorte qu'il n'y a personne qui a un pôle. La vérité n'est pas dans le logement social public, la vérité n'est pas dans les OBNL d'habitation, la vérité n'est pas dans les coopératives d'habitation puis la vérité n'est pas dans le programme d'aide de soutien à la personne en logement privé, mais la vérité est dans le fait qu'on a tout ça dans notre jeu de cartes. Historiquement, on a maintenu tous ces leviers-là, qui sont importants en fonction des types, des caractéristiques des clientèles, des besoins des milieux, des particularités d'engagement, et c'est ça qui est gagnant. Il faut prôner une certaine concertation entre les acteurs, coordination. On parlait d'optimisation tout à l'heure. C'est vrai aussi à ce niveau-là. Et ça, nous, on est absolument ouverts, le réseau. D'ailleurs, il y a des réalités concrètes à ce niveau-là. Il y a une entente spécifique en Chaudière-Appalaches, par exemple, sur le soutien communautaire à laquelle sont impliqués tous nos réseaux de partenaires, et les trois réseaux — coops, OBNL, offices — travaillent au sein de cette entente-là en complémentarité. Donc, oui, il y a des réalités, et je pense que c'est là-dessus qu'il faut capitaliser, sur ces acteurs-là.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. J'ai beaucoup aimé votre explication sur la diversité qu'on doit avoir au niveau de l'offre de services en logement. Moi, ce que je constate, c'est… On rencontre des gens. Souvent, ils habitent dans des endroits où ils n'ont plus le moyen de se payer des appartements qui sont décents, ils n'ont pas les revenus nécessaires, ils ont souvent l'isolement également. Et ils font une demande d'un logement à loyer modique et, quand ils sont acceptés, ils améliorent beaucoup leur qualité de vie, et ça, je peux vous dire que, pour nous, là, c'est quelque chose de très, très, très important qu'on veut maintenir, c'est certain.

Puis, comme vous dites, puis j'accède à ça, quand quelqu'un a les revenus suffisants pour se payer un bon logement, il ne fera pas affaire avec vous. Ça va être les plus démunis, ces gens-là qui… Au fond, si ce n'était pas de l'offre de services en HLM avec les loyers modiques, ces gens-là seraient dans des appartements probablement désuets, vétustes puis dans lesquels ce n'est pas agréable de demeurer. C'est ça, votre clientèle?

Le Président (M. Bergman) : M. Chauvette.

M. Chauvette (François) : Oui, c'est notre clientèle. C'est une clientèle de personnes démunies, des personnes qui, comme disait M. Robitaille tantôt, ont un parcours de vie qui ne les amène pas nécessairement à choisir, là, à choisir les logements sociaux mais qui les amène vers là parce que c'est une alternative qui leur permet d'avoir une qualité de vie, de ne pas être coincées au niveau financier mais, de plus en plus aussi, pour des gens qui sont démunis d'une façon importante, là. Puis là, si on revient à la question des gens qui sont en perte d'autonomie, de plus en plus, ces gens-là retrouvent dans le logement social un milieu de vie qui est plus adapté à leur situation que dans un contexte de logement, là, dans le domaine privé. Donc, on constitue une réponse qui est adaptée, là, aux besoins de la communauté.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'accord. D'ailleurs, moi, j'y crois beaucoup, je crois dans la diversité. Ça nous prend des résidences privées qui peuvent être très dispendieuses, moyennement dispendieuses, à prix modique. Ça prend également des installations comme les vôtres pour permettre à ces gens-là d'avoir une qualité de vie. Un des principes que moi, j'ai, puis on en parle souvent, c'est… une chose des plus importantes pour quelqu'un, c'est son logement. On pense, pour nos enfants, nos parents ou pour nous-mêmes, d'être bien logés, c'est déjà une condition essentielle.

Si vous évaluiez les gens qui auraient le potentiel d'aller dans votre organisation, versus l'offre de services que vous offrez, la différence entre le besoin puis l'offre que vous faites, ça serait d'à peu près combien de logements?

M. Robitaille (Denis) : Ah, écoutez, de façon très simple, M. Bolduc, je vous dirais, il y a 38 000 personnes sur les listes d'attente de HLM au Québec actuellement, mais, sur ces 38 000 là, c'est majoritairement des personnes âgées, notamment en région, hein? On comprend que c'est là que sont les besoins. Quand on regarde les… qu'il se construit à peu près, en moyenne, 3 000 unités de nouveaux logements via le programme AccèsLogis, la grande faveur est sur des volets de programmes qui accueillent des personnes âgées en légère perte d'autonomie, en perte d'autonomie ou des clientèles plus ciblées, notamment, en santé mentale. Donc, tous les groupes, hein, réclament à hauts cris des engagements à long terme sur la construction de nouveaux logements. Des engagements de 3 000, 3 500 unités par année, là, on serait capables de livrer ça sans trop de problèmes, tous les réseaux confondus, là. Je me permets de parler pour tous les réseaux, sans aucun problème, à ce niveau-là.

Puis, en HLM, bien on a une réalité d'environ 35 000 logements spécifiquement dédiés aux personnes âgées. Il y a aussi un certain potentiel en région. Vous savez qu'il y a des limitations qu'on a en vertu des ententes fédérales-provinciales sur la transformation des parcs de logements. Je donne des exemples concrets. Par exemple, à Matane, en Gaspésie, où les parcs sont construits historiquement dans le cadre du Bureau d'aménagement de l'Est du Québec, destinés à des familles, aujourd'hui les besoins, c'est pour des personnes seules âgées de plus de 50… 60 ans, souvent des personnes seules qui présentent des problèmes de limitations physiques ou d'autonomie aussi, et là il y aurait des possibilités de transformer aussi ces parcs-là puis de les faire évoluer, ce qu'on n'a pas actuellement comme possibilité dans le cadre des ententes qu'on a avec le fédéral. Mais, oui, il y a de la marge de manoeuvre à ce niveau-là, effectivement.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Actuellement, avant même l'apparition de l'assurance autonomie, si je comprends bien, quelqu'un peut vieillir dans vos logements parce qu'il va y avoir soit des soins à domicile venant du CSSS, il va y avoir également les entreprises d'économie sociale qui vont aller donner des services. Ce que vous nous dites aujourd'hui : C'est déjà comme ça.

M. Robitaille (Denis) : Bien, il y a déjà plusieurs ententes, on les a citées dans notre mémoire avec plusieurs exemples, des ententes avec des CSSS notamment ou des organismes communautaires, favorisant le maintien à domicile des personnes âgées, ou de création de projets qui favorisent le maintien à domicile des personnes vieillissant en HLM, oui.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Et puis, si je comprends bien ce que vous dites, si on avait plus de ressources dans les soins à domicile, on serait peut-être capables de faire plus, indépendamment du modèle, parce qu'il existe déjà les entreprises d'économie sociale. Les CSSS sont en place. Il y a probablement déjà une évaluation des besoins de vos clientèles. Il y a probablement une clientèle qui auparavant, avant qu'on développe les soins à domicile, devait aller soit en ressources intermédiaires ou en CHSLD, qui actuellement est capable de demeurer dans vos logements, ce qui fait qu'il y a un alourdissement au niveau de vos gens qui demeurent dans vos logements.

Le Président (M. Bergman) : M. Chauvette.

• (17 h 40) •

M. Chauvette (François) : Puis il y a encore de la place pour du développement. Il y a deux choses. Bon, d'une part, dans les conditions qu'on a mentionnées dans notre mémoire, oui, l'augmentation du financement pour soutenir le maintien à domicile… il est important, mais, je vous dirais, juste en faisant un travail de meilleure complémentarité, de meilleur partenariat dans différentes régions, parce que c'est très inégal au Québec… Il y a des régions où on a des projets numéro un, il y a une très belle collaboration, mais il y a des secteurs où est-ce qu'il y a beaucoup de difficultés. Puis il n'y en a pas juste une, région, là, il y en a plusieurs.

Nous autres, on voit des gens partout au Québec, là, on circule un peu partout, on jase avec notre monde, puis on nous mentionne régulièrement l'existence de problèmes entre les CSSS et les offices, entre autres des CSSS qui considèrent que, parce qu'une personne réside dans un office, elle a besoin de maintien à domicile mais est prise à charge par un office. Mais l'office, ce n'est pas un organisme de maintien à domicile, là, on n'a pas de service. Donc, si ces partenariats-là étaient en meilleure cohésion au Québec, déjà on aurait un développement, un développement naturel à partir de ce qu'on fait déjà, il y aurait déjà de la place, là, d'une façon intéressante. Puis, oui, les offices, on est capables de soutenir des clientèles qui sont passablement en perte d'autonomie avancée. On a une infrastructure en termes de logements, on a une capacité, on a une boîte à outils en termes de programmes existants avec la SHQ, entre autres, puis on a la capacité d'établir des partenariats avec le réseau de la santé, les EESAD et d'autres partenaires dans la communauté, donc on est équipés pour développer.

Donc, si on prend le projet d'assurance autonomie tel qu'il est présenté actuellement, on peut devenir une alternative intéressante pour continuer à développer le maintien à domicile puis permettre même… Moi, je dirais, pour avoir vécu l'expérience dans ma région, chez moi, on est, je suis convaincu, capables de réduire passablement le nombre de personnes qui sont hébergées dans des milieux comme des ressources privées, des ressources intermédiaires, des CHSLD en les gardant dans leurs logements en logement social mais avec des services appropriés de la part des partenaires comme le réseau de la santé.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Mais, si je comprends bien votre message, c'est si on met plus de ressources mais également si on les coordonne mieux. Mais est-ce qu'on a besoin de créer une nouvelle structure avec la RAMQ qui rentre dans le dossier ou localement… Généralement, moi, ce que j'ai vu, il y a plusieurs endroits qui vont bien, au Québec. Juste pour vous dire, de créer une structure avec des paiements différents, ça ne changera pas la volonté d'un directeur général de s'entendre avec ses EESAD puis ça ne changera pas non plus la volonté nécessairement de donner plus de services, même si le financement est là. Il faut juste avoir un financement qui vient directement cibler les endroits qu'on veut traiter plus de gens, non?

Le Président (M. Bergman) : M. Chauvette.

M. Chauvette (François) : Oui, théoriquement, ce que vous dites, je suis en accord avec ça. Par contre, à la lumière de l'expérience qu'on vit, malgré la bonne volonté de tout le monde puis le niveau de conscience des besoins d'une population vieillissante, des fois ça prend un incitatif, ça prend quelque chose, des moyens qui permettent de fouetter un peu la machine. Tu sais, je regardais comment le système… la documentation, là, tout ce qui a été publié au niveau du projet. Puis, bon, moi, je viens du réseau de la santé, j'ai travaillé dans le secteur pendant longtemps puis je voyais beaucoup tout le système en réseau intégré, là, qu'on tente depuis quelques années d'installer, là, pour les personnes âgées, puis il y a beaucoup d'éléments là-dedans, là, qu'on retrouve, là, tu sais, il y a beaucoup d'éléments qui ne sont pas nécessairement nouveaux mais qui permettent de donner un coup de fouet. Puis c'est un petit peu ça, le projet d'assurance autonomie, c'est un mécanisme qui permet probablement de donner une… c'est un catalyseur, c'est quelque chose qui devrait permettre d'actualiser des choses, qui existent déjà sur le terrain, à partir de moyens supplémentaires.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Un, je suis content que vous me dites qu'il y a déjà beaucoup de choses qui étaient sur le terrain. Il y a probablement de l'amélioration à apporter.

La question dans le projet… vous avez vu un peu le dossier du financement, là, les gens viennent ici puis ont des commandes. Puis ma collègue disait tantôt : Les gens ont beaucoup de demandes et ils s'attendent à ce qu'on réponde à toutes leurs demandes. Et de plus en plus on est en train de se rendre compte que le moyen qui va être mis en place, soit que ça va… une meilleure, une plus grande contribution de l'usager, soit qu'il va y avoir un impôt supplémentaire qui va arriver ou encore on va devoir dire aux gens : Vous savez, ce qu'on vous avait dit, avec le 100 millions de dollars qu'on met cette année, probablement qu'il n'y en aura pas beaucoup qui va aller directement dans les services, parce que, monter juste la structure au niveau de l'informatique, avoir tous les intervenants pivots, on a estimé ce matin pour ma collègue de Groulx que c'était pas loin de 300 millions de dollars d'intervenants pivots que ça prenait. Il y en a peut-être déjà en place, mais c'est 300 millions de dollars. Elle, elle est dans le domaine de la santé. Elle sait qu'un intervenant pivot, ça ne donne pas de soin directement aux patients.

Moi, la question qu'on va devoir se poser : Si on est pour mettre 100 millions de dollars, est-ce qu'on est mieux de les mettre directement dans des soins comme le vôtre en demandant aux gens de mieux s'entendre puis de coordonner — ce que je suis tout à fait d'accord, en partant du principe que des services intégrés sont déjà en place, toute la structure est là, les acquis, le ministre l'a dit, sont déjà là — ou encore on se crée une structure où, pendant les trois, quatre prochaines années, le 100 millions de dollars qu'on va mettre à chaque année, on va le mettre dans une structure administrative?

C'est du questionnement qu'on doit faire. Le ministre va devoir répondre en déposant un projet chiffré, pas avec des courbes qui montent mais bien avec des chiffres, contributions d'usagers et de combien. Ça va coûter combien au total, puis ça veut dire quoi également pour des entreprises comme la vôtre? Et vous avez vu que chacun vient avec une demande d'en avoir plus, mais, à un moment donné, pour la société il y a aussi le contribuable, comme disait ma collègue, qui... Il faut peut-être lui poser la question, au contribuable citoyen : Ça va lui coûter combien de plus dans ses impôts? Je ne sais pas qu'est-ce que vous en pensez.

Le Président (M. Bergman) : M. Chauvette.

M. Chauvette (François) : Écoutez, il y a un travail de réingénierie à faire indépendamment des projets qui sont sur la table, ça, c'est clair, mais il y a aussi une réalité avec laquelle on vit : il y a un vieillissement de la population qui est très important, qui va demander le déploiement de moyens supplémentaires. Il y a sûrement du financement qu'il faut qu'il soit donné dans les différents niveaux de services.

En logement social, c'est clair que, si on veut augmenter l'apport du logement social pour participer au maintien à domicile, ça va demander des logements supplémentaires, ça va demander des ressources supplémentaires pour desservir ces gens-là. L'intervenant pivot, moi, ce que je conçois de ça, pour l'avoir vécu également à d'autres niveaux, entre autres en santé mentale où on a travaillé beaucoup, dans le domaine où j'étais auparavant, à développer ce secteur-là, l'intervenant pivot devient un intervenant, même s'il n'est pas nécessairement, cliniquement, impliqué dans le quotidien, un intervenant majeur parce qu'il joue un rôle de coordination puis il travaille avec des partenaires, avec des organismes qui eux autres donnent des services. Ça fait qu'on apprend, quand on fonctionne comme du monde avec ça, que c'est rentable d'avoir des intervenants pivots, des gestionnaires de cas. Appelons-les comme on veut, là, mais il y a une question de gestion là-dedans, une question de coordination, une question de partenariats puis évidemment, éventuellement, une question d'investissement. On ne s'en sortira pas, là, il y a des choix sociaux à faire.

Mais, nous, le logement social, ce qu'on vous offre, c'est une réponse à partir de ce qu'on a. Ce dans quoi on est bons, c'est du logement, de la gestion de logements, mettre des logements à la disposition des services qui sont requis par les personnes en perte d'autonomie puis de vous permettre de participer avec une infrastructure qui est adaptée à ces besoins-là. C'est ce qu'on vous offre. Puis, comme on vous dit, on fait partie de la solution. Bien, c'est à ce niveau-là que nous, on est prêts à jouer le jeu.

Le Président (M. Bergman) : M. Robitaille.

M. Robitaille (Denis) : Bien, juste un petit complément d'information. Ce qui est aussi important, je pense, à dire, peu importe la solution qui sera retenue, peu importe la stratégie ou la réingénierie qui sera retenue, nous, on peut témoigner d'une trentaine d'années d'histoire de partenariat visée à ce que les clientèles soient maintenues dans leurs logements. C'est ça, la réalité puis la mission des offices d'habitation depuis leur création. Et ça demande énormément... Il ne faut pas sous-estimer toute l'énergie que ça demande en termes de concertation, en termes de travail de partenariat. Et c'est un défi qui est très important et qu'il ne faut pas sous-estimer. Au-delà du fait que nécessairement il va falloir ajouter des ressources, nécessairement il y a un appel à tous ces éléments-là, mais c'est un élément qui est très important. L'optimisation, ce n'est pas... dans sa pratique qu'elle est difficile, et ça, on peut témoigner d'une centaine de réussites… de 200 projets de réussite là-dessus, mais il y a énormément d'efforts qui reposent sur des individus. Et là il ne faut pas sous-estimer tous les efforts que ça demande. C'est un peu le message qu'on donnait dans...

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Cinq minutes, c'est ça?

Le Président (M. Bergman) : Pour un bloc de cinq minutes.

• (17 h 50) •

Mme Daneault : Merci. Merci, M. le Président. Merci de votre présence ici.

Je comprends votre message et je peux vous parler d'une expérience qu'on a vécue à Rosemère — peut-être que vous le savez — où on avait un OMH et on a ajouté AccèsLogis parce qu'on avait de l'espace sur le terrain. Puis j'étais mairesse à ce moment-là. Et, à ma grande surprise, effectivement les gens qui ont eu accès à AccèsLogis, qui étaient en perte d'autonomie, ont progressé, dans les mois qui ont suivi leur intégration à AccèsLogis, d'une façon assez exceptionnelle, de un, parce que l'isolement était brisé, deux, parce qu'il y avait des activités sur place, déjà en place.

Avec l'autre côté de l'OMH, là, il y avait un tunnel qui rejoignait les deux, donc les activités sont devenues mitoyennes, alors les gens ont commencé à participer. Et ce qu'on qualifiait de perte d'autonomie au départ… finalement, à la longue, après quelques mois, on s'est rendu compte que, juste le fait d'être dans un milieu qui était stimulant pour eux, on a obtenu des résultats assez impressionnants. Donc, je pense qu'effectivement c'est une belle formule, et c'est une formule, je pense, à multiplier, effectivement. Le constat, effectivement, c'est que ça ne se retrouve pas dans tous les milieux au Québec, malheureusement, et je pense qu'il y a vraiment à faire la promotion de ces AccèsLogis-là.

Ma question et ma… À ma grande surprise, lorsqu'on a mis en place l'AccèsLogis, il ne semblait pas y avoir, d'emblée, une coordination avec le CSLC, les soins à domicile, et chacun était laissé pour compte avec son propre médecin. Certains étaient sur la liste d'attente de soins à domicile ou ils étaient ailleurs, ils sont restés au même endroit. Et, sincèrement, là, je pense qu'il y a vraiment beaucoup de travail à faire, parce qu'essentiellement, si je comprends votre message — mais, moi, c'est ce que j'ai vécu — c'est qu'on devrait s'assurer, dès qu'on a un AccèsLogis sur un territoire, d'être desservi par le CLSC, autant les soins à domicile qu'au niveau médical, qu'au niveau des infirmières, au niveau aussi de l'ergothérapie, parce qu'on s'est rendu compte… et là c'étaient des bénévoles qui venaient faire faire de l'activité physique à ces gens-là, et on a eu une récupération assez impressionnante, aussi, physiquement.

Alors, ce que je comprends, mais je pense que ce que vous nous demandez aussi, c'est, cette coordination, qu'elle se fasse d'emblée dès qu'il y a un AccèsLogis au niveau d'un territoire.

Le Président (M. Bergman) : M. Chauvette.

M. Chauvette (François) : Ce que vous amenez là, c'est majeur, c'est majeur puis c'est la condition pour qu'on puisse…

À la lumière du projet, là, l'assurance autonomie, si on veut que les offices, dans ce cadre-là, soient mis à contribution d'une façon rentable, il faut davantage, je dirais, formaliser le partenariat entre le réseau de la santé et les offices. Il y a tellement d'écarts entre les régions au Québec. Puis, comme on disait dans le mémoire, on l'a dit tantôt, c'est lié beaucoup plus aux individus qu'à la gestion de clientèle, qu'au système, là, d'ententes, là. C'est des conditions gagnantes. Puis je pense que là-dessus le réseau de la santé… il y a un bout du ministère, il y a un travail important à faire, les agences ont un travail important à faire. Il faut s'assurer qu'on ait quelque chose de formel puis qu'il y ait une reddition de comptes en lien avec ces ententes-là, qu'on s'assure que ce n'est pas lié aux individus, qu'il y ait une pérennité dans les ententes. On voit des offices qui développent un projet en lien avec le CSSS, par exemple, en santé mentale où est-ce que le CSSS s'engage à donner des services d'intervenants qui vont intensifier leur travail auprès d'une clientèle qui est dans un projet AccèsLogis, puis, à un moment donné, il y a des coupures de budget ou le cadre responsable s'en va, puis les services s'en vont avec. On est pogné avec la clientèle. Ils ont des services pareil, mais c'est des services minimaux, puis, à un moment donné, mais tranquillement pas vite, les gens, ils s'en vont de là, ils s'en vont en ressources intermédiaires, en RTF ou à l'hôpital puis, bon, parce que l'entente n'a pas été maintenue.

Donc, c'est un élément important. Donc, l'exemple que vous soulignez, bien, on le vit, là, un peu partout, comme on peut observer le succès d'ententes qui marchent bien, qui marchent depuis longtemps, où on voit des résultats. Évidemment, c'est plate — parce que ça aussi, c'est un élément qu'on vous a mentionné — on n'a pas d'indicateurs qui permettent de mesurer ça actuellement. Si on pouvait être capables d'évaluer la progression des clientèles lorsqu'ils sont intégrés dans des projets comme ça, on verrait en quels points c'est rentable à tous les niveaux : ça permet de décharger le réseau de la santé, ça évite d'envoyer des gens à l'urgence, ça évite de les placer en milieu d'hébergement, ça donne à ces gens-là une qualité de vie. Donc, on est gagnants, tout le monde, là-dedans, autant au niveau santé sociale qu'économique.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. Chauvette, M. Robitaille, merci pour votre présentation, merci d'être avec nous ici aujourd'hui et partager votre expertise.

Collègues, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 19 h 30 ce soir, et nos travaux ce soir sont dans le salon rouge. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

(Reprise à 19 h 30)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, la commission reprend ses travaux. Nous allons poursuivre, sans plus tarder, les consultations particulières et auditions publiques sur le livre blanc sur la création d'une assurance autonomie intitulé L'autonomie pour tous.

Alors, collègues, on reçoit maintenant la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador. Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale, bienvenue à la commission. Pour fins d'enregistrement, on a besoin de vos noms, vos titres, et vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Le micro, c'est à vous.

Commission de la santé et des services
sociaux des premières nations du
Québec et du Labrador (CSSSPNQL)

M. Picard (Ghislain) : D'accord. Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission, d'abord, nos remerciements pour nous recevoir ce soir. On va être trois à faire la présentation. On va se partager les 10 minutes qui nous sont allouées. À ma droite, M. Malik Kistabish, qui est président de la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador, et, à ma gauche, Marjolaine Sioui, qui est directrice générale de la Commission de la santé et des services sociaux du Québec et du Labrador. Et moi-même, Ghislain Picard, qui est chef pour l'Assemblée des premières nations du Québec et Labrador, donc, je représente moi-même le secrétariat politique, si on veut, alors que la commission se penche beaucoup plus de façon étroite sur la situation qui prévaut en matière de santé et des services sociaux pour les communautés de premières nations que nous représentons. Et donc, encore une fois, mes remerciements. (S'exprime dans sa langue).

Donc, mes salutations dans la langue qui m'est propre, qui est la langue innue. Et ça me permet peut-être d'aborder la question qui nous intéresse ce soir en insistant sur les principes qui ont été mis de l'avant par un gouvernement sous le Parti québécois, et je vous ramène en 1983 alors que ce gouvernement-là, sous M. René Lévesque, à l'époque avait mis de l'avant un certain nombre de principes, une quinzaine de principes pour être plus précis, et qui reconnaissaient, au-delà des questions linguistiques, reconnaissaient également à nos communautés le droit de pouvoir créer leurs propres institutions, le droit à leur développement social, également, développement économique, et j'en passe. Et j'en parle parce que c'est important dans ce contexte-ci de la discussion que nous voulons avoir avec vous ce soir. Et ça me ramène aussi, peut-être, à un contexte beaucoup plus large qui est celui de la déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones, qui a été endossée par le gouvernement canadien en novembre 2010 et qui a été auparavant reconnue par Mme Marois et son parti un peu plus tôt cette année-là, et ça a été le deuxième parti à avoir reconnu cette déclaration-là après Québec solidaire. Et j'en parle parce que la déclaration de l'ONU fait un parallèle avec les droits reconnus par le gouvernement de M. Lévesque en 1983 et de façon assez claire et je pense qu'on peut constater que, presque 30 ans plus tard, il y a eu de toute évidence une évolution marquée sur la question de cette reconnaissance sur les droits des peuples que nous représentons.

Notamment, l'article 3 de la déclaration de l'ONU reconnaît de façon très claire notre droit à l'autodétermination. Et, en dépit de l'évolution qu'on constate depuis plusieurs années maintenant sur le plan domestique mais sur le plan international également, on est obligés aussi de constater qu'il y a encore beaucoup de rattrapage à faire pour notamment donner l'opportunité à vos institutions de faire une reconnaissance un peu plus appropriée dans votre façon de faire les choses et qui nous permettrait de dire : Bon, c'est un gouvernement qui est à l'heure de l'évolution du droit international et qui respecte bien ses obligations de consultation au niveau des communautés que nous représentons. Et ça touche la question qui nous intéresse ce soir de façon très évidente, parce qu'à notre sens ce qu'on constate depuis déjà plusieurs, plusieurs années de… je dirais même, depuis plusieurs gouvernements, c'est qu'il y a un réflexe, souvent, d'oubli par rapport à la particularité des communautés que nous représentons.

Et je vais m'arrêter ici parce que je sais que notre temps est très limité. Et je voulais juste peut-être faire ce point-là et insister sur une dernière, peut-être, particularité, c'est que le gouvernement du Québec a souvent l'occasion de référer à sa relation avec les Premières Nations et souvent dans le contexte peut-être plus particulier des communautés dites conventionnées, et particulièrement les Cris, les Naskapis et les Inuits, alors que nous, bien, on représente peut-être beaucoup plus les intérêts et la spécificité des autres communautés qui sont encore en étroite relation avec le gouvernement fédéral.

Et je passe la parole à M. Kistabish.

M. Kistabish (Malik) : Bien, merci beaucoup de nous recevoir ici. Moi, qu'est-ce que je veux mettre en lumière aussi, c'est la divergence entre les programmes qui sont offerts au sein des communautés versus dans le réseau québécois de la santé et des services sociaux, deux programmes qui sont financés par le fédéral. Pour les communautés non conventionnées, ce sont les soins à domicile et l'aide à la vie autonome.

Un des obstacles qu'on… bien, deux des obstacles qu'on a là-dedans, c'est des programmes qui sont très restrictifs puis peu de marge de manoeuvre pour rendre les services, surtout compte tenu de l'état de santé des Premières Nations. Une autre des différences, c'est que, dans les communautés autochtones, on a des centres de santé qui sont dits de prévention et d'autres qui sont curatifs. Ceci aussi peut causer des obstacles aussi à la délivrance de services à nos membres et à nos usagers qu'on dessert dans nos communautés. Un autre obstacle qu'on peut avoir aussi, c'est la difficulté d'assurer un continuum de services avec l'accès aux services afin de diminuer les risques de mettre en danger la santé de nos patients. Quand je parle de continuum de services, c'est faire le lien entre le réseau et puis nous, les Premières Nations.

• (19 h 40) •

Mme Sioui (Marjolaine) : Donc, quand vous allez voir dans le mémoire qui a été rédigé, c'est que, suite aux enjeux qu'on a pu énumérer, on rencontre aussi diverses problématiques au sein des communautés.

Bien sûr, on ne pourrait pas passer sans justement souligner l'éloignement, donc, l'éloignement et la répartition de toutes les communautés sur le territoire du Québec. Et ça, ça amène une diversité bien sûr au niveau des communautés qui sont très différentes les unes des autres. Bien sûr, quand on regarde aussi au niveau de l'accès limité aux soins spécialisés, donc, bien sûr, quand on regarde au niveau de l'éloignement, bien c'est plus difficile pour certaines communautés justement d'accéder à ces soins spécialisés là au sein de leur communauté et d'avoir à se déplacer des grandes distances pour pouvoir accéder à ces services.

Lorsqu'on regarde aussi au niveau des communautés, ce qui nous est beaucoup rapporté et ce que les communautés constatent, c'est une très grande méconnaissance, souvent, de la culture ou du milieu, même une méconnaissance aussi au niveau de l'offre de services qui est offerte dans les communautés, et ce qui peut créer certaines problématiques justement avec les intervenants du réseau, et d'essayer de, justement, assurer un certain continuum à ce niveau-là, et de pouvoir justement bâtir sur cette relation-là pour offrir des services qui vont… Parce que, dans la majorité des communautés, on peut retrouver des centres de santé, mais on retrouve aussi des postes de soins infirmiers, donc, encore une fois, une diversité qui peut offrir des services 24/7, comparativement à des services sur les heures régulières de bureau. Une fois qu'on arrive dans le réseau, bien on tombe plus au niveau des services de deuxième et troisième ligne, et là encore une fois, bien, il y a une méconnaissance, dans le sens de pourvoir, même de la part des communautés, des services qui pourraient être accessibles au niveau aussi des Premières Nations.

On parle aussi d'accompagnement, d'interprétation pour les personnes qui parlent aussi... Comme vous le savez, il y a une grande majorité de communautés qui, pour elles… la deuxième langue est l'anglais, à part de leur langue maternelle. Et la même chose aussi pour les Premières Nations qui sont... plus pour nos aînés, où la langue, c'est... la langue qui est la plus utilisée, c'est leur langue maternelle. Donc, lorsqu'on arrive justement dans le réseau, on entend même des gens du réseau qui peuvent arriver et dire que c'est dur pour eux autres de donner des services puis de communiquer avec la personne, souvent par manque au niveau de l'accompagnement ou bien aussi de la compréhension parce qu'on parle deux langues différentes. Et c'est sûr et certain que, pour les communautés qui sont plus anglophones, la limite au niveau des ressources qui sont spécialisées : c'est de plus en plus dur, ce qu'on constate, à accéder à des services aussi où on peut se faire servir au niveau de la langue anglaise.

On a aussi les gens qui nous parlent beaucoup de se sentir un peu comme exclus socialement, la coupure aussi au niveau des familles lorsqu'on doit se rendre en milieu urbain pour recevoir des services et où on est limité au niveau... Parce que, comme vous le savez, au niveau des communautés des Premières Nations, on a quand même tout le sens aux niveaux social, familial, qui est assez développé, et ça devient une déchirure, une coupure des fois qui peut être assez difficile pour les personnes âgées lorsqu'elles quittent leurs communautés.

On dispose, dans les communautés, d'environ sept centres d'hébergement pour les personnes aînées. C'est très peu. Chaque communauté n'a pas accès à ce centre, à ces types d'établissement là. Et ça devient aussi très difficile pour elles de pouvoir justement s'éloigner, des fois jusqu'à une heure, deux heures et trois heures de route, de la famille. Et souvent on constate un affaiblissement, souvent très prononcé, des personnes lorsqu'elles sont éloignées de leur milieu et qu'elles ne peuvent pas retourner dans la communauté pour pouvoir recevoir les soins dont elles devraient avoir justement accès. On regarde aussi au niveau de tout ce qui est de l'accompagnement, mais aussi de personnes qui nous soulèvent aussi des problématiques. Je sais que le réseau présentement fait des efforts à ce niveau-là, mais, lorsque les personnes des fois vont se sentir exclues socialement… ou avec des fois des personnes qui peuvent même leur dire, encore aujourd'hui, qu'elles peuvent avoir de la difficulté à obtenir justement des services dans la langue… ou même des gens qui sont dans le réseau et qui pourraient dire : On n'a pas pu avoir l'accès ou avoir une personne qui était pour nous accompagner dans la langue qu'on avait de besoin.

Lorsqu'on regarde au niveau des impacts qu'on pourrait prévoir avec l'assurance autonomie présentement, on parle d'un investissement au provincial, qui est destiné à couvrir justement l'accroissement estimé au niveau du soutien à domicile et on se questionne présentement beaucoup sur comment ça pourrait se traduire au niveau de l'accès pour les personnes des Premières Nations au niveau du service. On soulève aussi l'inquiétude au niveau de ce qui est prévu ou de ce qu'on estime pouvoir utiliser au niveau de financer les institutions quand on sait très bien que, si on donne... au niveau du financement avec la RAMQ et vers les centres ou les institutions des CSSS, si on avait des gens au sein des communautés qui avaient accès à recevoir les services, de quelle façon ça pourrait se traduire pour recevoir au niveau des services qui pourraient être ajoutés aux heures qui se donnent déjà en soins au niveau des communautés. Présentement, lorsqu'on regarde les problématiques qu'on a déjà eues, c'est que les communautés sentent aussi qu'elles pourraient mettre en jeu certaines gouvernances ou autonomies au niveau de fournir leurs soins ou leurs services. On sait que, dans plusieurs communautés, il y a quand même une population aussi qui peut être allochtone et qui réside au sein des communautés pour toutes sortes de raisons. Et on se questionne aussi, dans les communautés, à savoir comment ça va se passer lorsqu'on va devoir donner des soins avec le programme qui est offert au niveau de l'assurance autonomie et de s'assurer que les communautés disposent des moyens nécessaires pour pouvoir desservir la clientèle qui résidera sur leur territoire.

On peut aussi citer certains exemples au niveau des meilleures pratiques. Présentement, on sait que l'assurance autonomie amène quand même une option que, je crois, les communautés ont déjà mentionnée...

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Sioui (Marjolaine) : ...ont déjà mentionnée au niveau d'un mémoire sur les aînés et qui était le désir de résider le plus longtemps possible dans leurs communautés et d'avoir les services qui soutiennent avec ça. Et donc on a quand même regardé plusieurs mesures spécifiques qui pourraient aussi développer des plans d'action et aussi regarder au niveau de certains projets de loi où on a fait un effort, justement, de consultation au niveau des Premières Nations pour s'assurer de minimiser les impacts le plus possible.

Le Président (M. Bergman) : Alors, merci pour votre présentation. Et maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, M. le ministre.

M. Hébert : Merci beaucoup, M. Picard, Mme Sioui, M. Kistabish. Lorsque vous affirmez d'entrée de jeu que le livre blanc ne traite pas de la question des Premières Nations, vous avez parfaitement raison. Et je suis très heureux de vous accueillir ce soir pour qu'on puisse discuter avec vous des enjeux que soulève cette nouvelle mesure de solidarité sociale qu'on est à implanter au Québec, qui est l'assurance autonomie, quels sont les enjeux et comment ça, ça peut s'adapter ou peut-être s'appliquer, nous verrons, aux communautés que vous représentez.

Je situe tout de suite… et je pense que vous l'avez fait d'entrée de jeu, M. Picard, on s'intéresse ici ce soir, là, aux non conventionnées, sur réserve surtout. Et j'aimerais mieux comprendre, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent aussi, mieux comprendre l'organisation des services sociaux surtout et des services de santé sur les territoires de réserves, parce que vous nous avez parlé de deux programmes fédéraux, les programmes de soins à domicile et d'aide à la vie autonome. Et j'aimerais donc que vous puissiez nous décrire, là, chacun de ces programmes-là.

Le Président (M. Bergman) : M. Picard.

M. Hébert : Ou M. Kistabish.

M. Picard (Ghislain) : Oui. Bien, merci beaucoup. Je laisserais peut-être le soin à Mme Sioui d'y aller avec les détails sur les deux programmes. C'est que le domaine de la santé et des services sociaux est un de ces domaines où il y a très clairement, là, un chevauchement, d'un côté, de la responsabilité fédérale en matière de santé principalement mais aussi des services sociaux et, évidemment, un secteur où, pour des raisons qui sont évidentes à nos yeux, on doit faire affaire avec des institutions du gouvernement du Québec, qui sont sous la responsabilité du gouvernement du Québec.

Ceci étant dit, il y a quand même des programmes qui sont, je veux dire, entièrement sous la responsabilité du gouvernement canadien. Et, parce qu'on a manqué de temps tantôt, je vais revenir tantôt sur les recommandations que nous avons à vous présenter et qui ont déjà fait l'objet d'une lettre qui vous a été adressée, M. le ministre. Et on reviendra un peu plus tard là-dessus. Mais pour l'instant, puis pour répondre à votre question, je laisserais peut-être le soin à Mme Sioui d'élaborer davantage.

Le Président (M. Bergman) : Mme Sioui.

Mme Sioui (Marjolaine) : Merci. Bien, si on regarde au niveau des communautés, l'offre de services peut diverger d'une communauté à l'autre.

C'est sûr qu'on s'entend au niveau des financements qui sont reçus au niveau des communautés non conventionnées où le fédéral va donner des enveloppes qui vont être négociées avec chacune des communautés pour différents programmes. Donc, ce sont, dans la majorité, des programmes qui sont plus au niveau de promotion de la santé et de prévention, pour la majorité, et aussi au niveau de santé publique. Donc, la façon que ça fonctionne — et peut-être que Malik pourra continuer tout à l'heure pour vous exposer un petit peu plus comment ça se passe dans une communauté donnée — mais présentement ce que la communauté va négocier, c'est, par le biais d'accords de contributions... vont regarder un ensemble de services où autrefois ils étaient beaucoup plus fixes. Maintenant, il y a une certaine souplesse qui est donnée à ce niveau-là.

Mais, peut-être pour vous l'illustrer un petit peu plus, c'est que les soins qui sont donnés à travers ces deux programmes-là vont, d'une partie, donner les soins à domicile, donc pouvoir permettre à la communauté de pouvoir développer son offre de services. Mais, si on prenait deux communautés identiques, au niveau de la population, de 2 500 personnes… Et, pour une communauté qui se trouve avec beaucoup de problématiques au niveau d'un taux de diabète peut-être de 30 %, 35 %, comparativement à une autre communauté qui aurait 2 500 habitants, la même chose, avec un taux de diabète de 5 %, on a la même enveloppe populationnelle, donc on doit offrir nos services de la même façon, en donnant certaines priorités. Donc, la communauté qui est aux prises avec plus au niveau de problématiques de santé ou quoi que ce soit bien sûr va avoir des choix à faire au niveau de sa priorité, au niveau de l'offre de son service, tandis qu'une autre communauté, bien, va pouvoir peut-être axer plus au niveau de la prévention ou de la promotion au niveau des saines habitudes de vie.

Donc, c'est une réalité dans laquelle les communautés naviguent sur une base quotidienne. Les programmes aussi au niveau… Quand on parle au niveau de l'aide à la vie autonome, une communauté peut aussi, lorsqu'elle va donner un soutien au niveau de services… va souvent aussi offrir des… par sous-contrats, donc sous-contractants… qu'elle va offrir pour une personne qui va aller donner… — puis, Malik, tu pourras peut-être renchérir — au niveau de donner un montant pour la personne qui va aller donner ces soins-là et ces services-là. Donc, elle engage cette personne-là pour offrir ses services.

D'un autre côté, au niveau des soins à domicile, bien, c'est sûr aussi, quand on regarde présentement, avant on ne disposait pas de l'outil ISMAF pour pouvoir faire l'évaluation, on avait l'outil multiclientèle qu'on utilisait, et maintenant, depuis près de deux ans, ISMAF, dans certains... on l'a commencé avec... on a réussi avec... au niveau des Affaires autochtones du fédéral, de pouvoir obtenir un financement pour pouvoir justement former nos intervenants dans les communautés, et ils ont été capables d'arriver seulement avec un financement pour les communautés qui avaient des centres d'hébergement.

Donc, c'est sûr qu'avec la politique au niveau que vous voulez… bien, pas la politique, mais avec le projet que vous voulez mettre en place il est évident qu'il y aura quelque chose à avoir justement pour que ce soit l'ensemble des communautés qui puissent faire une évaluation au niveau de leurs communautés et des personnes qui auront besoin de soins éventuellement.

• (19 h 50) •

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Est-ce que vous pouvez compléter? Parce que j'ai compris que, pour le soutien à l'autonomie des personnes à domicile, il y avait un programme de soins à domicile puis un programme d'aide à la vie autonome. Alors, j'aimerais connaître un peu mieux ces deux programmes-là.

M. Kistabish (Malik) : Je vais renchérir là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : M. Kistabish.

M. Kistabish (Malik) : Concernant les soins à domicile, c'est des services de santé. À la base, c'est un service de soins infirmiers qu'on donne à domicile. Dans une communauté, ça se passe que, exemple… Je vais donner un exemple un peu plus concret : un patient, un membre de la communauté, reçoit un congé postopératoire, il retourne à la maison, et puis l'infirmière en soins à domicile va aller chez le patient, va faire des soins, des changements de pansements tout au long de la durée de la guérison du patient. Pour les soins à domicile, en gros, c'est ça que l'infirmière fait.

À part ça, le financement qu'on reçoit, ce n'est pas vraiment… On ne peut pas aller plus loin que ça. Puis aussi c'est très restreint, on ne peut pas… Quand je dis «restreint», c'est : on n'a pas beaucoup d'espace de manoeuvre. Il faut suivre vraiment les règles du programme qui sont dictées.

M. Hébert : Et qui engage cette infirmière-là?

M. Kistabish (Malik) : C'est le centre de santé.

M. Hébert : Le centre de santé.

M. Kistabish (Malik) : Oui, c'est le centre de santé de la communauté.

M. Hébert : O.K.

M. Kistabish (Malik) : Et puis, pour ce qui est de l'aide à la vie autonome, c'est un peu plus du maintien à domicile. Du côté du volet des services sociaux, nous, on aide les gens à rester chez eux. Exemple, là, une femme qui aurait un congé de… un billet du médecin qui dirait qu'elle aurait une grossesse à risque, bien il faudrait qu'elle reste couchée. Bien, pour subvenir à ses besoins, à la maison, faire le ménage, faire les activités quotidiennes, bien il y a une personne qui est déléguée, qui est engagée pour aller justement donner des services à la femme. Et c'est ça qu'on délivre comme services chez nous, puis aussi…

M. Hébert : …personne. Si une personne âgée dans votre communauté, qui a besoin d'être lavée, par exemple, qui a besoin qu'on puisse l'aider au ménage ou à préparer les repas, c'est le Programme d'aide à la vie autonome qui va être mis en cause, c'est ça?

M. Kistabish (Malik) : Oui.

M. Hébert : Et qui est le prestataire de services dans ce cas-là? Qui va donner ce service-là et par qui sont-ils encadrés, engagés?

Mme Sioui (Marjolaine) : C'est qu'on n'aura pas

Le Président (M. Bergman) : Mme Sioui.

Mme Sioui (Marjolaine) : …de soins palliatifs au sein des communautés.

M. Hébert : Non, pas palliatifs, mais des services comme ceux que… aide au bain, aide au ménage. Quelles sont les personnes qui vont faire ça pour la personne âgée en perte d'autonomie?

Mme Sioui (Marjolaine) : C'est soit au niveau des aidants naturels ou au niveau de… Si la communauté peut essayer… Avec l'enveloppe qu'elles ont, elles peuvent des fois décider de pouvoir le faire, mais ce n'est pas dans les règles ou dans la politique de pouvoir mettre ce type de services là. Donc, elles le font au niveau des services de base, au niveau de l'infirmière, de pouvoir donner ce type de services là, mais c'est assez limitatif au niveau de services qu'on peut offrir avec ça.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Donc, c'est la famille qui a la responsabilité, en fait, de donner les services, si j'ai bien compris.

Mme Sioui (Marjolaine) : Bien, dans des…

Le Président (M. Bergman) : Mme Sioui.

Mme Sioui (Marjolaine) : Pas toujours, mais, dans des cas, ils vont se mobiliser pour pouvoir le faire, et il va y avoir certaines failles.

M. Hébert : …engager une personne pour faire ça, avec un financement qui vient du fédéral, est-ce que c'est…

Mme Sioui (Marjolaine) : …ménage. Si une personne justement a besoin de tant… Ils peuvent allouer tant d'heures pour pouvoir donner une aide au niveau d'aider la personne à faire le ménage parce qu'elle est moins apte à pouvoir le faire. Donc, des genres de services de ce type-là.

M. Hébert : Et c'est sous la responsabilité du conseil de bande?

Mme Sioui (Marjolaine) : Toujours.

M. Hébert : O.K. Donc, c'est le conseil de bande qui gère cette enveloppe fédérale, si j'ai bien compris.

Mme Sioui (Marjolaine) : Oui. Mais peut-être que c'est important de dire que, lorsque le fédéral avait amené une initiative au niveau de politique de transfert… Donc, cette politique-là, en 1986, a été mise sur pied pour permettre aux communautés de prendre en charge certains programmes et services. Donc, ce que ça a fait, c'est qu'au cours des années 80 le Québec a été, au niveau des communautés autochtones, quand même un pionnier dans le sens de pouvoir prendre en charge ces services-là. Donc, on négociait des enveloppes de transfert du fédéral vers les communautés. Et, à partir de ce moment-là, les communautés sont devenues responsables d'embaucher justement le personnel, le personnel infirmier, autres ressources, pour pouvoir donner des services dans les communautés suite aux programmes. On avait des programmes, aussi, communautaires. Donc, ça peut varier aussi de ce qui est au niveau d'autres programmes, le diabète, au niveau soins à domicile, au niveau aussi des programmes d'aide à l'enfance, dans certains cas. Donc, il y a une gamme de programmes comme ça qui, à l'aide des ententes de transfert, peuvent être pris en charge par les communautés.

Présentement, au Québec, on a seulement, si je ne me trompe pas, trois communautés qui ne sont pas totalement transférées. Donc, c'est Santé Canada qui continue d'offrir des services, donc, qui embauche le personnel qui va aller travailler dans les communautés. Pour le reste des communautés, c'est le conseil de bande. Les employés sont sous le conseil de bande.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Donc, c'est sous juridiction fédérale tant et aussi longtemps que c'est sur la réserve. Dès que la personne âgée demeure à l'extérieur de la réserve, elle devient sous la responsabilité du gouvernement du Québec et de son réseau de la santé et des services sociaux.

Le Président (M. Bergman) : Mme Sioui.

Mme Sioui (Marjolaine) : Oui. Toutefois, les politiques aussi au niveau fédéral présentement…

Je vais vous donner un exemple d'une personne qui doit se rendre en milieu… supposons, au centre-ville de Québec pour recevoir des soins au niveau des personnes dialysées, O.K.? Donc, la personne, elle a un besoin au niveau de la dialyse. Ce type de dialyse là ne se donne pas au niveau… supposons, à Sept-Îles, doit se donner ici, à Québec. Et, quand elle arrive à Québec, bien elle doit séjourner, des fois parce que le médecin peut dire qu'elle est… son état va ne pas lui permettre de retourner à la maison, va devoir accéder au niveau des services et va devoir peut-être, des fois, séjourner un an, deux ans, jusqu'à ce que le médecin puisse dire : Bien, écoutez, ça va être permanent, ou sinon elle pourra retourner, à un certain moment donné, dans sa communauté.

Les politiques, au niveau fédéral présentement, pour tout ce qui est au niveau de séjourner, après trois mois, on va considérer qu'une personne n'est plus admissible au niveau des soins de santé non assurés pour pouvoir l'héberger à l'extérieur de la communauté à une période autre… au plus de trois mois. D'un autre côté, la personne qui va garder, si on voit une personne qui est obligée de quitter son emploi ou quoi que ce soit et qui deviendrait, au niveau de la sécurité du revenu… va être, au niveau de la politique avec les Affaires autochtones, va être considérée, même si elle demeure hors de la communauté, pour recevoir des soins de santé, va être toujours en lien avec la communauté et va continuer d'être payée sous le régime fédéral au niveau de la sécurité du revenu.

Donc, il y a beaucoup d'incohérences au niveau des politiques présentement, qui amènent des problématiques pour les personnes qui doivent séjourner à l'extérieur des communautés. Donc, ce n'est pas cohérent, dans plusieurs cas.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Lorsque l'assurance autonomie pour les personnes âgées va être mise en place, jusqu'à quel point ça s'applique à la situation des réserves étant donné que c'est une responsabilité fédérale? En d'autres termes, ce que je vous demande, c'est… Vous avez vu le livre blanc. Comment vous voyez l'application de cette mesure-là pour les communautés dont vous avez la responsabilité?

Le Président (M. Bergman) : Mme Sioui.

• (20 heures) •

Mme Sioui (Marjolaine) : Bien, peut-être qu'on arrive un peu avec une solution qu'on vous propose de regarder. C'est que présentement, à cause de différentes incohérences dans les politiques, ou quoi que ce soit, puis des juridictions aussi, parce qu'on arrive souvent dans des conflits juridictionnels en termes de qu'est-ce qui s'applique ou ce qui ne s'applique pas… et ce qu'on propose, c'est justement de pouvoir faire une analyse des impacts un petit peu plus approfondie pour voir justement comment ça pourrait s'appliquer ou non au niveau des communautés mais aussi de voir de quelle façon le continuum de services doit s'effectuer.

Donc, si on prend le cas... Au niveau de s'appliquer au niveau des communautés, si on avait une personne… Je vais vous donner quelques exemples. Si on avait une personne des Premières Nations qui doit aller séjourner dans un milieu urbain pour une période donnée à cause de son état de santé et si, à ce moment-là, elle devenait résidente du Québec, contribuait à la… justement à… si elle avait, à un moment donné, une contribution à donner au niveau de l'assurance autonomie, retournait dans sa communauté et avait besoin de continuer avec le nombre d'heures qu'elle aimerait recevoir en tant que services, donc de quelle façon on va assurer un continuum pour pouvoir dire : Bien, maintenant... Si la personne a contribué pendant un an, deux ans, qu'elle retourne dans sa communauté, à quel moment qu'on peut continuer de considérer de dire que la personne doit encore recevoir des soins soit par le réseau québécois ou soit par la communauté.

Si on a une personne qui séjourne dans une communauté qui est allochtone... On a souvent des couples, bon, supposons, une personne qui est mariée avec un Québécois. Elle demeure dans la communauté avec la personne. Donc, à ce moment-là, la personne, elle peut contribuer, comme tout Québécois. Ils sont situés dans… localisés dans la communauté, donc est-ce que… À ce moment-là, qu'est-ce qui se passe? Est-ce que c'est le réseau qui vient donner un service en communauté pour cette personne-là qui est québécoise ou bien est-ce que c'est la communauté qui prend en charge? Quels arrangements qu'on fait avec le réseau québécois pour coordonner ces types de services là?

Donc, il y a beaucoup de questions comme ça qu'on s'est posées, qu'on aimerait mettre devant pour voir quelles réponses qu'on peut donner à ça et analyser un petit peu plus en profondeur.

Le Président (M. Bergman) : M. Picard.

M. Picard (Ghislain) : Ce que j'aimerais peut-être ajouter ici, c'est que, sur une base presque quotidienne, on est constamment sur le front par rapport à, d'un côté, notre interprétation de l'obligation fédérale en ce qui concerne les soins de santé et, de toute évidence, de leur côté — je parle du gouvernement fédéral — avec une limite qu'eux-mêmes fixent. Et c'est toujours, de toute évidence, à court des besoins que nous exprimons au nom des communautés et des membres qui les constituent.

Et donc le cas des dialysés est un bon exemple à cet effet-là. Et, pour nous, bien c'est clair qu'on ne veut pas, je veux dire, on ne veut pas un service de second ordre ou de troisième ordre par rapport à ce qui existe autour de nous. Donc, on essaie, dans la mesure où c'est possible, d'harmoniser, je veux dire, la responsabilité du gouvernement fédéral à l'endroit des communautés que nous représentons avec ce que le Québec dispense comme services. Donc, c'est une question d'harmonisation davantage dont il est question ici, et ça pourrait très certainement s'appliquer au livre blanc, d'ailleurs, et à ce qu'il propose.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre, il vous reste deux minutes.

M. Hébert : Oh! J'essaie de décoder ce que vous me dites, M. Picard. Vous dites : Si, pour les Québécois il y a un régime d'assurance autonomie qui est beaucoup plus intéressant que ce qu'on reçoit du fédéral, on voudrait être capables d'avoir l'équivalent sur nos réserves. C'est-u ça que je décode?

Le Président (M. Bergman) : M. Picard.

M. Picard (Ghislain) : Non. Bien, tout ce que je dis, c'est que nous, on ne cessera pas, je veux dire, de mettre le gouvernement fédéral sur le stand, si on veut, là — pardonnez-moi l'expression — par rapport à son obligation. Mais en même temps ce qu'il faut savoir aussi, c'est que c'est un combat de tout instant, là. Ça, c'est notre situation à nous. Et ce que nous disons, ce que nous disons ici, c'est que, je veux dire, il existe déjà des précédents où le Québec, je veux dire, est capable de signer sur un bout de papier pour permettre que certaines institutions, par exemple, qui sont, je ne sais pas, caractérisées comme étant provinciales puissent servir dans certaines communautés. Sous votre gouvernement, je veux dire, on a permis la construction d'un hôpital à Kahnawake, ça fait déjà... sous l'ère de M. René Lévesque. Et est-ce qu'on pourrait, par exemple, envisager qu'un service, par exemple, de soins de longue durée puisse, je veux dire, quelque part représenter, je veux dire, un autre exemple possible d'une communauté qui pourrait, par exemple, se doter d'un service comme celui-là, alors que le gouvernement fédéral ne le prévoit pas?

M. Hébert : Il ne faudrait pas que…

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Je vais passer la parole à ma collègue de Gatineau.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Bonsoir. Bienvenue parmi la commission. J'ai quelques questions.

Je me demandais, dans les communautés que vous représentez à l'Assemblée des Premières Nations, est-ce qu'il existe des ressources d'hébergement destinées aux aînés ou destinées aux personnes en perte d'autonomie ou est-ce que les membres de vos communautés vont surtout rechercher ces services-là à l'extérieur des communautés?

Le Président (M. Bergman) : Mme Sioui.

Mme Sioui (Marjolaine) : Il y a sept communautés qui détiennent présentement des maisons d'hébergement des personnes aînées, et, pour les autres, elles doivent aller rechercher ces services-là à l'extérieur des communautés.

Bien sûr, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, une des grandes problématiques qu'on voit présentement pour les communautés qui n'ont pas de centre d'hébergement, ce sont plus pour les personnes justement comme les communautés anglophones, où elles se sentent plus… pour aller dans des centres où qu'ils parlent la langue anglaise. Donc, quand on parle, supposons, des communautés micmaques de la Gaspésie, elles doivent, bon, pour accéder aux services, aux soins… souvent, bon, elles vont se limiter au territoire. Mais ça devient des problématiques où justement ils peuvent se sentir très isolés. Et il y avait aussi… tout à l'heure, on ne l'a pas mentionné, mais peut-être... puis ça viendrait répondre un petit peu à la question qui a été posée tout à l'heure. Au niveau des soins à domicile, on estime, avec le financement qu'on reçoit, un soin, qu'il peut être donné jusqu'à un maximum de 2,5 heures, O.K., par personne, par jour. Et ce que ça amène, bien c'est sûr que, quand on fait l'évaluation, donc après, bien la personne, elle est retournée vers le réseau, quand elle a besoin de plus de soins, étant donné la limite qu'on a dans la communauté à pouvoir donner un type de services.

Donc, c'est sûr et certain qu'à plus long terme, quand on regarde si la personne veut recevoir ces types de services là, va se tourner de plus en plus à se retrouver dans le réseau… Et, si on veut retourner la personne plus vers son milieu naturel pour retourner... bien la personne qui a besoin de ces services-là, si elle voit que, dans la communauté, on n'a pas ce type de services là et qu'on est limité à ne pas pouvoir donner plus que ça… bien il pourrait aussi y avoir une dynamique qui s'installe, que la personne qui a déjà eu son service lorsqu'elle s'est rendue hors de la communauté, elle a peut-être une réticence aussi à retourner compte tenu qu'elle ne pourra peut-être pas recevoir le même type de services.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Vous soulevez une problématique qui est réelle. Est-ce qu'il existe des ententes entre certaines communautés et les CSSS?

Je vous pose la question parce que moi, je suis dans le coin de Maniwaki. Donc, évidemment, la communauté de Kitigan Zibi est contiguë avec la communauté de Maniwaki. Et je sais qu'entre autres, au niveau de la dialyse, il y a des échanges, il y a un travail, qui se fait, de collaboration, de proximité. Mais est-ce qu'il existe, dans certains secteurs, des ententes entre les services de santé des communautés et les CSSS pour justement permettre aux membres des communautés d'avoir accès, à l'intérieur, dans leurs résidences, dans leurs chez-soi, à des services spécialisés qui, par exemple, ne sont pas disponibles à l'intérieur du service de santé? Je ne sais pas, je pense peut-être à un physiothérapeute ou à des services spécialisés. Parce qu'en région on sait que nos services spécialisés ne sont pas aussi disponibles ou accessibles qu'on peut les avoir dans les centres urbains.

Donc, est-ce qu'il existe ces ententes-là de facto qui permettent aux membres des communautés de demeurer dans leurs résidences mais d'avoir accès à des services spécialisés à domicile?

Le Président (M. Bergman) : Mme Sioui.

Mme Sioui (Marjolaine) : Bien, peut-être, Malik, tu pourrais partager un exemple de chez vous?

Le Président (M. Bergman) : Monsieur...

• (20 h 10) •

Mme Sioui (Marjolaine) : Mais il y a différentes communautés, il y a quelques communautés qui ont quand même amorcé des ententes de service ou de soutien.

Tu sais, une communauté peut avoir justement conclu une entente que, lorsqu'elle va donner son service… Parce que, comme je vous ai expliqué tout à l'heure, il y a les postes de soins infirmiers qui sont 24/7, mais il y a aussi les communautés qui offrent seulement sur les heures normales, là, qu'on connaît, de 8 à 4, si on veut. Et, à ce moment-là, c'est qu'on peut avoir conclu une entente avec un CSSS pour justement prendre la relève. Donc, on va diriger notre population sur les heures en dehors des heures normales de bureau au niveau du CSSS, et le CSSS est avisé, Donc, il va pouvoir justement offrir les services, et les gens vont pouvoir se rendre justement dans le réseau.

D'un autre côté, il peut y avoir, dans certaines communautés... Comme je le disais tout à l'heure, il y a certaines communautés où il peut y avoir une population plus grande au niveau des personnes allochtones qui résident dans la communauté. Donc, je donnais l'exemple tout à l'heure d'un couple, la personne... c'est déjà arrivé, et les communautés nous l'ont mentionné… où il peut arriver que, dans une même maisonnée, il va y avoir l'infirmière du réseau du CSSS qui va être là pour traiter monsieur et l'infirmière qui est payée par le conseil de bande qui va être là pour traiter la dame. Donc, ça arrive. On se demande maintenant à savoir comment on pourrait peut-être trouver des moyens d'arrimer ce service-là justement pour ne pas dupliquer les ressources, être plus efficaces et d'arriver à trouver des solutions qui pourraient justement faire un échange au niveau des services et de répondre mieux au niveau de ce que la clientèle a besoin, qui vit sur notre territoire. Tu voulais-tu ajouter...

Le Président (M. Bergman) : M. Kistabish?

M. Kistabish (Malik) : Un peu pour répondre à votre question concernant les ententes qu'on a, dans ma communauté d'où que je viens, on a deux ententes avec des médecins visiteurs qui viennent au centre de santé, qui viennent faire des cliniques au centre de santé dans ma communauté. L'entente a été faite aussi pour désengorger les cliniques en ville pour permettre aussi à nos membres d'avoir accès à des médecins qui n'ont pas nécessairement de véhicule pour se déplacer à l'extérieur de la communauté. Ça fait qu'on a conclu cette entente-là. On a des médecins qui viennent dans la communauté.

Aussi, on a une entente aussi avec le CSSS Les Eskers, à côté de chez nous. On a donné un temps-plein pour une nutritionniste. On a convenu d'une entente avec le CSSS pour embaucher une nutritionniste. Le CSSS avait besoin de deux jours, et nous, dans la communauté, on avait besoin de trois jours par semaine… d'une nutritionniste, et nous avons convenu ensemble d'offrir un temps-plein, et puis on a conclu une entente avec le CSSS pour faire l'affichage d'un temps-plein. Puis la prochaine entente qu'on veut essayer de faire, c'est de mettre un interprète pour les soins de santé au CSSS, qui est à côté de chez nous, pour permettre aux gens de recevoir des services en ma langue, là, en leur langue.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Outre la question de la langue, qui, je comprends, est un enjeu majeur pour les membres des communautés, que ce soit la langue des communautés ou la langue anglaise, quels sont les principaux obstacles au maintien à domicile des membres des communautés autochtones du Québec?

Le Président (M. Bergman) : M. Kistabish.

M. Kistabish (Malik) : Le principal obstacle que je dirais, pour ma part, c'est que c'est le... bien, autre que le niveau de la langue, c'est le déracinement. Ils veulent demeurer chez eux aussi, à l'intérieur de leur communauté. On a grandi avec la valeur de la famille, et se faire déraciner comme ça, ça rappelle d'autres souvenirs aussi de leur vécu, qu'est-ce qu'ils ont vécu par rapport à… je vais mentionner le pensionnat indien. Ils sont partis, ils ont... déracinés de leur communauté, puis là, encore une fois, il faut qu'ils sortent de chez eux? Je me mets un peu à leur place. Ça ne devrait pas être trop, trop évident de partir encore une autre fois puis de se faire déraciner encore de leur communauté. Et ils veulent...

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Bien, en fait, ma question, c'était : Qu'est-ce qui est le principal obstacle, justement? Qu'est-ce qui empêche les membres des communautés de rester à domicile? Est-ce que c'est les ressources, les soins spécialisés, la proximité des soins spécialisés? Est-ce qu'il y a d'autres enjeux? Qu'est-ce qui serait... S'il y avait une chose sur laquelle on devait principalement s'attarder pour assurer que ce soit vraiment une autonomie pour tous et que les mesures mises en place puissent plus facilement desservir l'ensemble de la population, ce serait quoi?

Le Président (M. Bergman) : M. Kistabish.

M. Kistabish (Malik) : Je vous dirais que ça serait les ressources. Principalement, c'est les ressources qui sont le plus gros obstacle chez nous à délivrer, à rendre des services à notre population, que je parle de juste des ressources spécialisées, mettons, en réadaptation, si je peux dire ça comme ça. C'est le manque de ressources aussi. Puis, avec des programmes aussi restreints, des fois on est encadrés dans des cadres de référence qu'on doit juste faire ça. Si on dépasse certains cadres, bien on ne peut pas donner le service, il faut qu'on se tourne vers le réseau, puis...

Mme Vallée : Les boîtes sont strictes puis...

M. Kistabish (Malik) : Oui.

Mme Vallée : O.K. Les programmes sont peu adaptés à la réalité ou sont peu malléables, on pourrait dire. Est-ce que c'est ça?

M. Kistabish (Malik) : C'est ça. Ils sont très peu malléables, on ne peut pas vraiment dépasser du cadre, puis...

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Je vais laisser la parole à mon collègue, qui, je sais, avait des...

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Je reviendrais avec vos recommandations, parce que, je pense, la première recommandation, je vais la lire : «Que le MSSS s'engage à participer au groupe de travail conjoint qui sera mis sur pied par la [commission] dans le but d'analyser les impacts du projet d'assurance autonomie sur les premières nations du Québec et de formuler des recommandations quant à l'énonciation des paramètres du projet de loi et de toute politique qui en découlera.»

Si je comprends bien, vous aimeriez avoir une collaboration avec le ministère pour voir comment une politique comme l'assurance autonomie pourrait s'implanter chez vous… ou, en tout cas, les collaborations qui pourraient être possibles pour offrir des meilleurs soins?

Le Président (M. Bergman) : M. Kistabish.

M. Picard (Ghislain) : Vas-y.

M. Kistabish (Malik) : Pour ma part, là, oui, c'est ça, effectivement, c'est ça qu'on voudrait avoir, une collaboration afin d'analyser les impacts qu'on aurait, qu'un tel projet pourrait avoir comme impact sur nos communautés puis aussi comment qu'on pourrait harmoniser et avoir accès aux services pour nos communautés.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bien, écoutez, moi, je trouve que c'est une belle... en tout cas, c'est un appel à la collaboration. Puis, avant de savoir qu'est-ce qu'on va faire, il faut peut-être en faire l'étude, faire une étude des besoins puis tout en respectant les différentes juridictions. Puis je comprends que c'est une situation assez complexe où chacun a des apports à faire. Moi, je pense que, comme gouvernement, on devrait saisir l'opportunité, surtout que, comme vous disiez, quand on met des politiques comme ça en place, théoriquement on devrait vous consulter.

Vous offrez encore plus, vous offrez une possibilité de collaboration par un comité. C'est-u un comité que vous verriez avec des résultats à court ou à moyen terme, sur l'espace de quelques mois ou en termes d'années?

Le Président (M. Bergman) : M. Picard.

M. Picard (Ghislain) : Je vais laisser le soin à Mme Sioui de compléter. Mais, pour nous, c'est très clair qu'il y a une possibilité d'arriver à des résultats rapidement, parce que je pense qu'on est capables de bien cerner la situation qui nous intéresse ici. Et, à mon sens, il y a des exemples aussi de résultats, lorsqu'il y a collaboration, et notamment au chapitre, par exemple, de l'adoption coutumière — et je pense que c'était sous le gouvernement précédent — où il y a eu le dépôt d'un projet de loi n° 81 pour reconnaître l'adoption coutumière dans nos communautés. Et également, il y a quelques années, il y avait une modification, je pense que c'était une loi qui venait confirmer le statut de sage-femme, et je me souviens qu'à l'époque il y avait des considérations précises pour cette profession-là à l'intérieur des communautés que nous représentons.

Donc, il y a des exemples de bonne collaboration qui existent. Encore faut-il avoir le forum approprié pour en discuter. C'est pour ça que nous avions proposé, d'ailleurs, acheminé une lettre au ministre à cet effet-là pour la création d'un groupe de travail conjoint pour vraiment faire l'examen de tout ce qui peut constituer de paramètres, là, par rapport à la spécificité des communautés que nous représentons.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste 3 min 30 s.

• (20 h 20) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Surtout que moi, je pense qu'il y a beaucoup de travail à faire avec les communautés. Il y a un phénomène d'isolement. Il y a également des phénomènes où il y a des communautés qui ont peu de personnes. Donc, quand on veut développer des ressources, on n'a pas toujours le nombre minimal. Puis je pense qu'il y a également une grande, grande volonté.

Puis, quand on parle de maintien à domicile, c'est que vous avez probablement des gens qui pourraient rester dans la communauté, parce qu'il n'y a rien de pire, quant à moi, que les sortir de la communauté, qu'on peut essayer de les garder le plus possible jusqu'à la fin de leur vie, mais ça va peut-être demander de développer des ressources très particulières que vos communautés pourraient probablement gérer et qui pourraient se faire en collaboration avec le gouvernement du Québec et le ministère de la Santé.

Le Président (M. Bergman) : M. Picard.

M. Picard (Ghislain) : Oui. Bien, sur cette question-là, c'est clair que ce qui est poursuivi comme objectif par l'ensemble des communautés que nous représentons, c'est... Et d'ailleurs, au début, je référais à la déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones. Et, je veux dire, cette déclaration-là, comme les principes du Québec en 1983, reconnaissait notre capacité et la possibilité aussi de pouvoir développer nos propres institutions. Donc, oui, de toute évidence, et qu'on puisse avoir nos propres institutions qui assurent leur propre gouvernance.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste deux minutes.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Bien, écoutez, moi, je conclurais en vous disant que j'apprécie énormément, puis notre parti apprécie énormément la proposition que vous faites parce que c'est une proposition de collaboration. Pour avoir rencontré le chef Picard dans le H1N1, là, on avait vu qu'à ce moment-là on avait établi qu'il y avait des collaborations, puis vos communautés avaient été dans les communautés avec lesquelles on avait eu vraiment des bons résultats. Et moi, je pense que c'est le type d'approche qu'il faut avoir. Je suis à peu près certain que le ministère et le ministre doivent être contents de voir qu'on puisse avoir des collaborations communes. On sait que la situation, quand on arrive pour négocier ou discuter, c'est toujours complexe parce qu'il y a toujours le niveau fédéral, mais il reste que les citoyens du Québec qui reçoivent des soins… Puis je pense que vos communautés ont droit aux mêmes soins, adaptés aux conditions, comme je vous le disais, à cause souvent de l'isolement, petites communautés. C'est comment on peut faire pour donner les services. En tout cas, vous pouvez être assurés que vous pouvez compter sur notre collaboration.

Le Président (M. Bergman) : Maintenant, pour le bloc du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence. Je voudrais vous référer... Dans votre mémoire, vous mentionniez que vous bénéficiez de deux programmes de Santé Canada, le premier étant le Programme de soins à domicile en milieu communautaire des Premières Nations et des Inuits, le deuxième étant le Programme d'aide à la vie autonome.

J'aimerais comprendre comment ça fonctionne. Est-ce que c'est des enveloppes budgétaires annuelles que vous recevez en fonction des besoins ou c'est la même enveloppe qui bénéficie d'une augmentation annuelle? Comment ça fonctionne puis quel est le montant de l'enveloppe que vous recevez?

Le Président (M. Bergman) : Mme Sioui.

Mme Sioui (Marjolaine) : Bien, ça dépend des communautés. Le même montant n'est pas alloué à chacune des communautés de la même façon.

Ce sont des ententes maintenant que les communautés peuvent conclure jusqu'à sur une période de cinq ans. C'est négocié sur une base populationnelle, comme je l'expliquais un petit peu plus tôt. Donc, dépendamment de ce qu'on reçoit du montant, on doit bâtir notre offre de services à ce niveau-là. C'est sûr, c'est assez complexe, là, quand même au niveau des lignes directrices et de tout ce qui vient avec. Donc, encore une fois, bien, comme je le disais, c'est… supposons, pour les soins à domicile, on va donner des soins pour une période x pour les personnes, soit de 2,5 heures. Par la suite, on doit après ça référer au niveau du réseau parce qu'on ne peut pas nécessairement donner tous les services qu'on a de besoin au niveau des personnes, dépendamment de la gravité de l'état de la personne. Aussi, lorsque la communauté conclut son entente, c'est sur une base d'une entente, dépendamment, avec le fédéral. Donc, une entente est signée avec Affaires autochtones au niveau de l'aide à la vie autonome, et l'autre entente est signée avec Santé Canada au niveau du Programme de soins à domicile. Donc, ce sont deux ententes distinctes. Il y a un travail qui est en train de se faire au niveau fédéral pour essayer de ramener les ententes, avoir les ententes unifiées, mais ça ne sera pas disponible avant 2015-2016 pour les communautés. Et là ils sont comme en pilotes présentement.

Donc, une communauté, dépendamment, va... L'enveloppe va être différenciée, là, d'une communauté à une autre. Donc il n'y a pas de formule pour tout le monde, la même chose, ce sont des ententes qui sont basées vraiment sur la population qu'on dessert au niveau de la communauté.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx, il vous reste deux minutes.

Mme Daneault : Merci. Mais le montant global, ça peut représenter combien dans le programme soutien à domicile?

Mme Sioui (Marjolaine) : Peut-être que, Malik, tu peux parler de ton…

M. Kistabish (Malik) : Dans le montant pour le soutien à domicile, c'est un peu ambigu, parce que pour nous, les Algonquins de chez nous, c'est un… comme que Marjolaine disait, c'est une entente qui était des services sociaux.

Nous, les services sociaux, on n'a pas d'entente. On n'a pas pris en charge les services sociaux à l'intérieur de la communauté. Ça fait que le ministère des Affaires indiennes envoie ça au Centre jeunesse de l'Abitibi-Témiscamingue chez nous, et c'est le centre jeunesse qui… Nous, on facture le centre jeunesse. Ça fait que ça peut... Le montant, je ne l'ai jamais su, en tant que tel. Mais, pour ce qui est des soins à domicile, j'ai une enveloppe de 104 000 $ par année pour desservir mes soins de santé à l'intérieur de ma communauté. Puis ça n'augmente pas nécessairement annuellement. Alors, on a des petites indexations, là, de 2 % à 3 % par année, là, et c'est tout. Et cette augmentation-là de 3 %, souvent elle nous est dictée par Santé Canada. Ils nous disent que c'est soit pour les frais de formation ou pour l'augmentation salariale de nos employés, et ça ne peut strictement servir à rien d'autre et, non, même pas pour la délivrance de services.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. Picard, Mme Sioui, M. Kistabish, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous et partager votre expertise.

Je demande aux gens du Regroupement interprofessionnel des intervenants retraités des services de santé pour prendre leur place à la table et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 20 h 26)

(Reprise à 20 h 29)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, on reçoit le Regroupement interprofessionnel des intervenants retraités des services de santé. Bienvenue à la commission parlementaire. Pour les fins de l'enregistrement, on vous demande de nous donner vos noms, vos titres, et vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Alors, le micro est à vous.

Regroupement interprofessionnel des intervenants
retraités des services de santé (RIIRS)

Mme Lamontagne (Andrée) : O.K. Je me présente : Andrée Lamontagne, je suis la présidente. À ma gauche, c'est Claire Tougas, la première vice-présidente. À l'extrême gauche, Élaine Trottier, la deuxième vice-présidente et, à ma droite, Nicole Lefebvre, qui est la secrétaire du RIIRS.

Donc, M. le Président, Mmes, MM. les députés, le Regroupement interprofessionnel des intervenants retraités des services de santé était à l'origine un regroupement d'infirmières retraitées. Il a été créé en 1992 par la volonté d'infirmières sur le point de prendre leur retraite ou déjà retraitées et est supporté par le Fédération des infirmières et infirmiers du Québec. Ces pionnières souhaitaient rassembler leurs consoeurs afin de recréer un sentiment d'appartenance, et d'éviter l'isolement, et de donner une voix collective à ses retraités.

• (20 h 30) •

Depuis, le RIIRS n'a cessé de croître et, en 2006, il s'est agrandi et enrichi en intégrant les infirmières et infirmiers auxiliaires, les inhalothérapeutes, les perfusionnistes et les techniciens et techniciennes en circulation extracorporelle et les puéricultrices. Notre regroupement compte actuellement près de 10 000 membres répartis dans 10 régions du Québec. Nous sommes une organisation d'action collective visant à favoriser une meilleure défense des droits et intérêts des membres, à fournir le soutien nécessaire à l'amélioration de leur qualité de vie et participant aux grands débats publics relatifs aux intérêts des aînés.

Donc, le livre blanc sur la création d'une assurance autonomie traite de sujets que nos membres connaissent bien en raison de leurs activités dans le cadre de leur vie professionnelle et de leur réalité personnelle à titre d'aînés. Nous avons donc tenu une consultation auprès de nos membres au courant de l'été afin de connaître leurs avis sur l'ensemble des propositions et recueillir leurs suggestions quant au projet d'assurance autonomie. Le mémoire est le résultat de cette démarche. Les présidentes de chaque région ont procédé à une consultation parmi leurs membres selon le temps et les moyens disponibles, là, parce qu'on était en période d'été. Les membres de sept régions ont répondu avec beaucoup d'intérêt et manifesté de nombreuses inquiétudes. L'essence du contenu du livre blanc est très bien reçue, puisque les aînés souhaitent vraiment choisir leur domicile pour y vieillir en toute sécurité et obtenir les services qui leur permettront d'atteindre cet objectif. Les commentaires furent très nombreux sur les préoccupations et les questionnements suscités quant à la mise en application du programme ainsi que le financement pour mettre en place cette assurance. Notre groupe est composé à 90 % de femmes dont le revenu est, en général, faible et donc très vulnérable aux coûts pouvant être engendrés par la mise en application de l'assurance autonomie.

Donc, la démarche nécessaire pour cette assurance. Nous réitérons que nous appuyons le projet d'assurance autonomie, mais nous tenons à souligner qu'une attention particulière devrait être portée quant aux réalités différentes qui sont vécues par les aînés dans les différentes régions du Québec. Nous constatons parmi nos membres qu'il existe des disparités régionales importantes quant aux besoins, aux ressources et aux services. À titre de professionnels de la santé, nous avons été à même de faire le constat de ces différences qui existent et nous considérons qu'elles doivent être tenues en compte. Donc, comme première recommandation, nous recommandons que l'aspect des disparités régionales quant aux besoins, aux ressources et services soit tenu en compte quant à l'élaboration du programme d'assurance autonomie.

Nous avons aussi pris connaissance de l'échéancier proposé par le livre blanc quant à l'adoption et l'implantation du programme d'assurance autonomie. De prime abord, nous nous interrogeons quant à la possibilité de respecter cet échéancier, qui nous semble peu réaliste, en considérant qu'il est essentiel que les besoins et les ressources soient évalués et répertoriés en tenant compte des réalités et des disparités régionales, toujours tel que mentionné. La mise en place de l'ensemble des mécanismes nécessaires et surtout l'adhésion tant des aînés que de l'ensemble des intervenants qui seront impliqués sont tout aussi indispensables. Nous sommes d'avis que ces étapes sont essentielles au succès du programme et doivent s'inscrire dans un échéancier réaliste. Nous recommandons que l'échéancier quant à l'implantation du programme d'assurance autonomie soit révisé afin de s'assurer qu'il sera réaliste et réalisable.

Pour les personnes admissibles, tout en étant en accord avec l'identification des groupes ciblés, l'intervention du RIIRS vise uniquement le groupe des aînés en raison de la mission du regroupement, qui vise la défense de l'intérêt de ses membres. Pour les services assurés, nous sommes en accord avec les services identifiés qui doivent être visés par le programme. Par ailleurs, notre expérience professionnelle passée ainsi que notre constat de la situation présente nous amènent à nous interroger quant à la disponibilité et la formation de l'ensemble des ressources qui seront appelées à assurer les services identifiés. Ces éléments constituent, selon nous, la pierre d'assise du projet d'assurance autonomie et la clé de sa réussite. Nous recommandons que la disponibilité et la formation de l'ensemble des ressources soient évaluées, toujours en tenant compte des particularités de chaque région du Québec.

Pour le cheminement des personnes admissibles, nous sommes en accord avec les grandes lignes élaborées dans le livre blanc, concernant le processus de cheminement des personnes admissibles. Notre expérience professionnelle collective nous autorise à souligner l'importance primordiale qui doit être accordée à l'autorité et à l'imputabilité du gestionnaire de cas : l'autorité quant à la détermination et l'identification des services à donner ainsi que les ressources qui seront appelées à les dispenser — cette autorité devra, selon nous, être exercée en consultation avec une équipe de professionnels de titres d'emploi pertinents autres que celui du gestionnaire de cas. Cette autorité devra aussi pouvoir être exercée envers l'ensemble des ressources dispensatrices de services, que celles-ci relèvent directement ou non du réseau de santé; l'imputabilité quant à la mise en oeuvre du plan de services déterminés ainsi que l'ensemble des moyens afin de le respecter.

Nous constatons par ailleurs qu'il existe une ambiguïté quant au moment de l'intervention du gestionnaire de cas. Ce dernier est-il impliqué avant et pendant l'évaluation ou uniquement après celle-ci? Ça nous apparaissait un peu nébuleux. Donc, nous recommandons que l'autorité et l'imputabilité du gestionnaire de cas soient maintenues et même renforcées. De plus, le moment de l'intervention du gestionnaire de cas devrait être précisé.

L'allocation de soutien à l'autonomie. Nous tenons à souligner que la priorité de nos membres est à la disponibilité et l'accès aux ressources et aux services. Sans nier que l'allocation financière pour l'achat de services puisse répondre aux attentes de certains aînés, nous considérons que la priorité doit être donnée à la disponibilité et à l'accès aux services et non à l'allocation financière. Donc, nous recommandons que l'allocation de soutien à l'autonomie priorise l'attribution d'heures de services devant l'allocation financière pour l'achat des services.

La responsabilité du CSSS. Nous sommes aussi en accord que la responsabilité et l'imputabilité du CSSS sont nécessaires et essentielles pour assurer le bon fonctionnement du projet d'assurance autonomie. Nous soulignons qu'il est primordial qu'il y ait une concertation de tous les organismes qui sont à même de donner les services requis dans chacune des régions et qui se retrouveront donc sous la responsabilité et l'autorité du CSSS.

Au niveau du financement, la préoccupation du RIIRS et de ses membres, c'est que l'assurance autonomie n'ait pas pour effet de hausser la contribution des usagers ou de diminuer les crédits d'impôt disponibles pour les aînés et leurs proches. Le défaut de respecter ces paramètres amènerait indubitablement comme résultat un appauvrissement des aînés, ce qui n'est certes pas le but visé ou une des conséquences souhaitées par le projet d'assurance autonomie. Donc, nous recommandons que l'assurance autonomie n'ait pas pour effet direct ou indirect de hausser les contributions des aînés ou de diminuer leurs crédits d'impôt ou ceux de leurs proches.

En conclusion, nous remercions les membres de la commission de nous avoir permis de présenter l'opinion de nos membres pour qui ce projet sera déterminant afin de leur permettre de vieillir dans le domicile de leur choix. Nous sommes disponibles pour les questions en lien avec la consultation effectuée auprès de nos membres.

Le Président (M. Bergman) : Merci, Mme Lamontagne, pour votre présentation. Et maintenant, pour le bloc du gouvernement, M. le ministre.

M. Hébert : Merci, mesdames, pour votre présentation. J'irais, d'emblée, sur votre premier point qui porte sur les disparités régionales.

En fait, c'est un élément qui a été soulevé par notamment le Protecteur du citoyen dans deux de ses rapports, l'iniquité par rapport à l'accès aux services de soutien à domicile selon le territoire, et l'assurance autonomie est justement la réponse que nous proposons à ceci parce que, si l'accès aux services varie d'une région à l'autre, l'allocation, elle, le soutien à l'autonomie, suite à l'évaluation, devrait être uniforme, peu importe la région du Québec, et c'est la réponse que nous souhaitons apporter à cette disparité-là. En fait, l'État actuellement, en moyenne, fournit 15 % des services de soutien à l'autonomie, et ça peut aller d'un faible 6 %, dans certains territoires, à plus de 33 % dans d'autres, dépendamment de certaines politiques de gestion des CSSS. Alors, ce que nous voulons, nous, c'est qu'on puisse avoir une équité interrégionale dans l'accès à des services de soutien à l'autonomie, alors on se rejoint tout à fait dans cette voie. Par contre, j'ai l'impression qu'on ne comprend pas la même chose avec l'allocation. Pour moi, ce n'est pas une allocation en espèces, une allocation, c'est une allocation d'heures de services. Et, je vous rassure là-dessus, il n'est pas question d'avoir un chèque qu'on signe à la personne, quoique, pour les personnes handicapées, ce qu'on nous dit, c'est que le chèque emploi-services est une modalité qu'ils apprécient et qu'ils veulent continuer à recevoir.

Alors, pour nous, c'est vraiment une allocation en heures de services. Qu'elle soit donnée par des établissements publics ou des entreprises d'économie sociale, des résidences privées ou des organismes communautaires, c'est une allocation en heures de services.

• (20 h 40) •

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne (Andrée) : Oui. O.K. Je suis d'accord avec vous, mais c'est qu'on avait bien lu dans votre présentation du livre blanc qu'il pouvait aussi y avoir des allocations au niveau monétaire.

Maintenant, pour ce qui est des régions, la disparité des régions, moi, le manque, là, c'est au niveau de la ressource. C'est qu'actuellement, en région, et on l'a observé, là, même dernièrement, c'est que le besoin est analysé, on dit : Oui, voilà, madame a besoin des EESAD, si on veut, d'une personne des EESAD, et on prend le téléphone, et il n'y a pas de ressources. Madame nous dit : Elles sont tout utilisées, cette semaine on ne peut pas, ça va aller dans deux semaines. Et les services sont vraiment rompus, et on les reprend la semaine d'ensuite. On y va quand les ressources sont là. Et c'est ça qu'on trouve difficile au niveau des régions, c'est que la ressource n'y est pas ou y est peu, et aussi ce ne sont jamais les mêmes, de toute évidence, aussi, qui viennent. Et c'est la difficulté qui se vit actuellement en région. C'est pour ça qu'on demandait… Parce que, même s'il y avait allocation, au niveau des services, d'heures, il faut la ressource, et actuellement elle n'est pas là. Il n'y a pas de stabilité de ces ressources-là et il n'y a pas de permanence de ces ressources-là. C'est ça qui est le plus difficile.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : On n'a pas eu tout à fait la même opinion de la part des entreprises d'économie sociale qui nous ont assuré que, dans les 102 entreprises d'économie sociale partout sur le territoire, il y avait la capacité de répondre aux besoins. Alors, on a une divergence là-dessus, sur l'appréciation de la disponibilité des ressources.

Je voudrais vous entendre sur le gestionnaire de cas. Vous demandez : Est-ce qu'il intervient avant, pendant ou après? Toutes les réponses sont bonnes, c'est-à-dire : le gestionnaire de cas doit être là avant l'évaluation, pendant l'évaluation et après l'évaluation. Ce n'est pas juste quelqu'un qui vient faire une évaluation et s'en va, le gestionnaire de cas, c'est la personne qui procède à l'évaluation, élabore avec la personne le plan de services individualisés, obtient les services et s'assure du suivi de la personne et de sa réévaluation. C'est l'ensemble de ces fonctions-là que le gestionnaire de cas accomplit pour les personnes en perte d'autonomie.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne (Andrée) : C'est ce que nous souhaitions, parce qu'il n'y a rien de mieux que la continuité pour être capables de connaître le dossier et le suivi de la personne comme telle. C'est ce qu'on souhaitait, que le gestionnaire de cas soit avant et après pour le suivi, et même l'évaluation, effectivement.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Bien, c'est lui qui est responsable de l'évaluation, hein?

Mme Lamontagne (Andrée) : Responsable. Mais ce qu'on souhaitait, par exemple, par rapport à ça aussi… et responsable et imputable, parce qu'on avait besoin des deux aussi, parce qu'il fallait absolument quelqu'un qui rende des comptes.

On a besoin de quelqu'un qui rende des comptes. Mais ce qu'on souhaitait, par exemple, c'est qu'il y ait une équipe avec cette gestionnaire de cas, qui soulagerait sa responsabilité. Dans ce sens-là, on dit : S'il y a une équipe qui travaille avec elle, à ce moment-là c'est plus facile de prendre la responsabilité, de l'assumer totalement. Parce que ce que j'en ai compris aussi, c'est que non seulement elle faisait le suivi, mais elle devait évaluer les ressources qui allaient s'occuper de la personne. Donc, tout ça, vous comprendrez que c'est beaucoup, hein? On trouve que pour une même personne, là, c'est beaucoup, d'en faire l'évaluation, de faire le suivi, de voir à ce que les bonnes ressources soient accordées et de voir aussi à ce que la ressource soit compétente et d'en faire l'évaluation. Donc, ce qu'on voyait, c'est qu'il y avait une équipe avec cette personne-là aussi pour lui aider.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Quoique l'évaluation de la compétence des prestataires, ça, ça relève en fait plus de l'établissement, que ce soit l'agence ou le centre de santé et de services sociaux, et non pas du gestionnaire de cas lui-même. Le gestionnaire de cas va s'assurer que les services qui sont supposés être donnés le sont effectivement, mais l'accréditation des prestataires, ça, ça doit se faire par un processus qui ne dépend pas du gestionnaire de cas, là, qui est un processus qui fait partie du contrat que l'établissement passe avec les prestataires, que ce soit l'entreprise d'économie sociale ou l'organisme communautaire. Comprenez-vous ce que je veux dire?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne (Andrée) : Oui. Bien, ce qu'on avait… oui, mais ce qu'on avait saisi, c'est qu'il y avait… la gestionnaire de cas devait faire l'évaluation des services rendus à la personne, donc, par les différentes ressources qui étaient là.

M. Hébert : Dans le sens que les services sont donnés, mais la compétence du personnel… ce n'est pas elle qui va faire l'évaluation de la compétence du personnel qui donne les services. Ça fera l'objet d'une accréditation des organismes prestataires, en fait. Le gestionnaire de cas va s'assurer que les services… s'il a besoin de 15 heures par semaine, que ces 15 heures par semaine là sont effectivement données, parce que le gestionnaire de cas suit la personne et va donc être en mesure de savoir auprès de la personne et de son proche est-ce que les 15 heures ont été effectivement données et est-ce que votre estimé de la qualité de ces services-là est satisfaisant. Comprenez-vous?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne (Andrée) : Oui.

M. Hébert : Alors, je résume le processus. Si je me résume, il y a deux processus d'évaluation de la qualité : un qui est un processus où les prestataires doivent avoir une accréditation pour s'assurer que leur personnel a la bonne formation et que les critères de qualité sont au rendez-vous, et une autre qui est plus individuelle : Est-ce que la personne dont je m'occupe reçoit des services qui correspondent au plan de services individualisés? Et ça, c'est le gestionnaire de cas.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne (Andrée) : Oui. Et de là notre inquiétude, à savoir que c'est essentiel pour nous que les ressources qui vont donner les services aient la compétence, par exemple, qu'elles reçoivent une formation nécessaire et qu'elles aient la compétence de donner ces services-là. Ça, pour nous, c'est essentiel.

M. Hébert : Donc, dans les critères d'accréditation des prestataires, il faudra que la formation soit un élément central, selon ce que vous me dites.

Mme Lamontagne (Andrée) : Voilà.

M. Hébert : O.K., peu importe le prestataire en question.

Mme Lamontagne (Andrée) : Exact.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Je reviens sur le chèque emploi-services parce que, pour moi, c'est un élément important sur lequel je veux avoir votre avis. Pour les personnes handicapées, ils utilisent déjà ce chèque par lequel ils engagent des gens eux-mêmes. Et ils utilisent le chèque emploi-services pour les rémunérer. Les personnes handicapées souhaitent continuer à avoir ce mode de prestation.

Est-ce que pour les personnes âgées on pourrait le retenir également, selon vous?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne (Andrée) : Ce que nous, on a retenu de ce que les membres nous ont dit, c'est qu'elles souhaitaient avoir les services, donc avoir les heures-soins. Ce n'est pas exclu qu'il puisse y avoir aussi ce chèque, mais, dans l'ensemble des personnes aînées, la préoccupation et l'essentiel, c'est qu'elles reçoivent les services, donc que ce soient des heures-services qui soient attribuées, pour être sûres qu'elles l'aient. Parce qu'au niveau monétaire on n'est pas sûrs que ça ne puisse pas faire un petit peu des abus auprès des aînés, que ce soit une question, à cet effet-là, là, qui serait dangereuse, à notre avis, parce que, dépendant, là, des gens qui vont rendre le service...

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Donc, vous dites : On peut l'utiliser mais avec prudence pour éviter qu'il y ait des abus ou que les heures ne soient pas effectivement au rendez-vous. C'est ce que vous dites.

Mme Lamontagne (Andrée) : Exactement, que les heures ne soient pas données tel que prévu.

M. Hébert : O.K. Je disais tout à l'heure que 15 % des services sont donnés par le public. Donc, ça veut dire que le reste est donné par les proches aidants ou encore les gens se le paient eux-mêmes.

On estime que ça coûte entre 2 000 $ et 5 000 $ par mois pour les soutiens à domicile pour ces personnes-là. Avec l'assurance autonomie, c'est clair que ça augmente le 15 % de façon importante. Et ce qu'on prévoit, c'est moduler l'allocation pour que ceux qui ont moins de revenus puissent avoir plus de pourcentage de soins, plus d'allocation. Alors, en fait, on ne peut pas aller pire que 15 %, là, parce que 15 %, c'est vraiment le minimum. Et ce qu'on souhaite, c'est que les gens qui ont moins de revenus puissent justement avoir beaucoup plus que le 15 % en question. Alors, quand vous parlez de votre crainte de tarification, en fait il y a une grosse tarification actuelle, une tarification de 85 % actuellement, là. Et ce qu'on veut, c'est diminuer cette tarification-là pour faire en sorte qu'elle soit modulée selon le revenu, elle ne soit pas pareille pour tout le monde.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne.

• (20 h 50) •

Mme Lamontagne (Andrée) : O.K. Ce que nos aînées connaissent actuellement, là, c'est que, quand elles deviennent en perte d'autonomie, elles ne restent pas à la maison justement parce qu'elles n'ont pas les moyens, là, d'y rester. Donc, ce qui leur reste, c'est le CHSLD, et, le CHSLD, bien, vous savez comme moi qu'il y a un montant fixe qui fait en sorte que même les plus pauvres peuvent y aller, il n'y a aucun problème. Donc, c'est leur façon à eux autres d'être là. Et ce qu'on leur demande, ce qu'on souhaite et ce qu'ils souhaitent aussi, c'est de rester à la maison, mais qu'ils ne se sentent pas plus dépourvus au niveau monétaire que s'ils se rendaient au CHSLD. En fait, c'est que le domicile va être supérieur aux CHSLD. Puis bien sûr que, quand ils y vont, je peux vous assurer, en tout cas dans ce qu'on a reçu des membres et de leurs proches, que ce n'est pas un souhait du tout, ce n'est pas ça qu'elles veulent, mais elles n'ont pas le choix parce qu'elles ont besoin de services, elles n'ont pas les moyens de se le payer.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : On estime que l'État assume autour de 75 % à 80 % de la couverture de services en CHSLD alors qu'elle est de seulement 15 % à domicile. Alors, vous avez tout à fait raison de dire que le fardeau est beaucoup plus important à domicile pour les personnes que lorsqu'elles sont hébergées, effectivement, surtout pour les personnes moins bien nanties. Comme retraités du réseau de la santé et des services sociaux, vous êtes à même de pouvoir apprécier le rôle des infirmières. On sait qu'au niveau de la gestion de cas ça se divise à peu près moitié-moitié entre les travailleurs sociaux et les infirmières.

Quelle est votre appréciation de cette tâche de gestionnaire de cas et de la formation des infirmières pour assumer une tâche comme celle-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne (Andrée) : C'est sûr qu'ayant une formation d'infirmière et ayant oeuvré en tant qu'infirmières nous pensons que l'infirmière a une capacité d'évaluation plus complète que la travailleuse sociale, quoiqu'on ne dit pas que la travailleuse sociale n'a pas sa place, là, loin de là. Mais on pense que l'infirmière, dans sa formation, est plus capable d'évaluer les aspects biopsychosociaux de la personne qui font en sorte que l'évaluation est quand même plus importante, plus globale, si on veut, et que, si la personne a besoin, en plus, de soins, bien elle peut le faire, là, tandis que... Ça évite d'aller chercher d'autres professionnels, parce que les soins sont importants.

Donc, on dit : Bien, elle, elle peut le faire. D'ailleurs, c'est ce qui se pratique actuellement. J'ai validé au niveau du CLSC chez nous, et les gestionnaires de cas qui sont en... ils ont des manques d'infirmières à domicile, et c'est elles-mêmes qui font les soins actuellement. Donc, elles compensent. Si c'était une travailleuse sociale, elle ne pourrait pas le faire. Donc, il y a quand même une économie, là, à percevoir, là, sur ce plan-là.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : D'un autre côté, le travailleur social, lui aussi, il intervient dans son champ de compétence, même lorsqu'il est gestionnaire de cas, et c'est une compétence un peu différente. Donc, ce modèle qu'on appelait le modèle hybride, là, c'est-à-dire où le gestionnaire de cas fait sa tâche de gestionnaire de cas, plus une certaine tâche dans son rôle professionnel auprès de ses usagers, c'est valable à la fois pour l'infirmière ou pour le travailleur social. Je ne voudrais pas faire un débat au niveau professionnel, mais je pense que c'est les deux professions qui sont bien placées par leur formation généraliste pour assumer ces rôles-là.

Mme Lamontagne (Andrée) : On n'est pas réfractaires...

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne (Andrée) : Merci. On n'est pas réfractaires au travailleur social, c'est juste qu'on vous donnait, là, le point de vue infirmier.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Une dernière question avant de passer la parole à mes collègues. Au niveau des crédits d'impôt, vous le soulevez dans votre mémoire, il n'est pas de notre intention de les retirer. Par contre, on ne veut pas qu'ils fassent double emploi. Lorsqu'il y a une allocation de soutien à l'autonomie, il ne faut pas qu'il y ait en plus le crédit d'impôt, là. Alors, on s'assurera qu'il y a un arrimage entre ces deux modalités et qu'on puisse utiliser l'un ou l'autre, dépendamment de la volonté de la personne. Alors, si ça peut vous rassurer, ce n'est pas dans notre intention d'éliminer le crédit d'impôt pour soutien à domicile.

Mme Lamontagne (Andrée) : On est en accord.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames. Écoutez, ça me fait plaisir d'échanger avec vous, d'une part, parce que vous êtes toutes d'anciennes professionnelles de la santé, donc avec une connaissance du réseau, et vous êtes, vous-mêmes, maintenant retraitées. Alors, je trouve qu'à la fois votre expertise et l'expérience que vous avez de personnes retraitées vont certainement nous être utiles. J'ai combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bergman) : 5 min 30 s.

Mme Proulx : Parfait. Je souligne d'entrée de jeu que vous mentionnez que l'essence du contenu du livre blanc est très bien reçue, puisqu'effectivement les aînés, vous l'avez mentionné, souhaitent vraiment choisir leur domicile, et vieillir en toute sécurité, et avoir l'opportunité d'obtenir à domicile les services dont ils ont besoin. Et vous mentionnez aussi que votre groupe est composé à 90 % de femmes dont le revenu est, en général, faible et donc très vulnérable aussi aux coûts qui pourraient être engendrés par la mise en application de l'assurance autonomie.

Vous parlez de votre groupe. Je suppose qu'il y en a beaucoup dans votre groupe qui sont elles-mêmes des proches aidantes. Vous n'avez pas parlé beaucoup de proches aidants dans votre mémoire, mais je suis convaincue que vous avez des choses à nous dire là-dessus. Et j'aimerais ça vous entendre. Quels sont les besoins que vos membres vous ont peut-être signifiés au niveau des aidants naturels… aidantes naturelles, je devrais dire?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne (Andrée) : Oui, je vais passer la parole à ma consoeur, qui a vécu... elle aussi étant aidante naturelle il n'y a pas longtemps.

Le Président (M. Bergman) : Mme Tougas.

Mme Tougas (Claire) : Oui. Alors, disons qu'au niveau des aînées infirmières retraitées... Bon, toute notre vie, dans nos familles, vous le savez, comme étant… Je vois le Dr Hébert qui fait ça. Comme étant médecin, il a eu les mêmes questions. Quelqu'un nous appelle, bon, il a tel problème.

Alors, c'est sûr qu'on est aidantes naturelles naturellement, hein, ça se dit tout seul. La problématique est la même pour tout le monde, qu'on soit infirmière ou pas, c'est les revenus et aussi c'est le temps, c'est l'épuisement. Et malheureusement, bien, nous, on est à l'âge de la retraite, donc il y a l'âge aussi qui fait que c'est un petit peu plus difficile. Au niveau des besoins qui ont été nommés, c'est les mêmes besoins que pour toute la communauté, pour toute la population du Québec. On a besoin de plus de ressources, on a besoin de répit puis on a besoin de sous. C'est la même chose.

Au niveau des infirmières, on a dit... et les inhalos, etc. : Les revenus, contrairement à ce que la population pourrait peut-être penser, à la retraite ne sont pas si élevés que ça. Il faut penser qu'une grande majorité, c'étaient des femmes. Donc, elles ont souvent soit arrêté pour élever une famille. C'est la même chose qu'on a vue, je pense, chez les professeurs. Et, à ce moment-là, les revenus de la retraite étaient un petit peu amputés, pour ne pas dire «beaucoup». Et c'est surtout vrai pour les infirmières qui ont pris leur retraite, qui ont été un petit peu poussées dehors, là, en 1997 et depuis. Alors, ces infirmières-là n'étaient peut-être pas prêtes financièrement à prendre leur retraite, mais on leur offrait un montant. Et, étant épuisées ou quoi que ce soit… avaient certains besoins, elles ont pris leur retraite mais se ramassent avec des retraites qui ne sont pas toujours suffisantes pour ne serait-ce qu'avoir accès à des services nous-mêmes.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui. Et je fais appel encore à votre expérience, là, d'anciennes professionnelles de la santé.

Vous soulignez dans votre mémoire que la mise en place de l'assurance autonomie, par exemple, et de tous les mécanismes nécessaires qu'on va devoir mettre en place doive susciter l'adhésion tant des personnes aînées que de l'ensemble des intervenants qui vont être impliqués. J'aimerais ça vous parler de cet aspect-là, de l'adhésion des intervenants. Selon vous, pourquoi c'est important de susciter l'adhésion des intervenants et quels sont les moyens, comment on peut susciter l'adhésion? Parce qu'effectivement c'est un virage. C'est un changement. Donc, il peut y avoir parfois une résistance aux changements, naturelle. Mais comment?

Quelles seraient vos recommandations pour vraiment susciter l'adhésion des intervenants?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne, il reste une minute à ce bloc, le temps pour une courte réponse à une question.

• (21 heures) •

Mme Lamontagne (Andrée) : Parfait. En fait, c'est ce qu'on avait évalué, c'est qu'on avait dit que la pierre angulaire, la réussite de l'assurance autonomie, ce sera la formation des ressources et l'adhésion des personnes. Parce qu'on l'a vécu par le virage ambulatoire. Il y a eu adhésion, mais il y a eu un manque de financement par la suite et il y a eu découragement des acteurs par la suite.

Donc, ce qu'on nous dit… nos aînés nous disent : Ça va faire comme le virage ambulatoire, O.K., c'est plein de belles promesses, c'est plein de belles choses, mais, quand on arrive à la fin, il manque l'essentiel. Donc, cette crainte-là, elle est là, elle est constante, et ce qu'on pense qui est important... Et c'est pour ça qu'on parlait de l'échéancier, parce qu'on a dit : Si on fait adhérer les intervenants et les aînés à l'assurance, aux bénéfices de l'assurance autonomie mais que ce qu'on leur dit est réel et vrai, et qu'on peut leur prouver, et qu'on peut leur dire : Bien, voici, vous avez des besoins, la ressource est là pour vous les donner, et voici ce que ça va coûter, les gens vont adhérer et les gens vont suivre ce plan-là.

Mais, si ça fait comme le reste, comme c'est arrivé au virage ambulatoire, ils ont de la misère à y croire. Et actuellement il y a une défense à cet effet-là, parce qu'on dit : Ah, ça va faire comme le virage ambulatoire. Et c'est là qu'il faut aller chercher, là, les ressources nécessaires, compétentes pour les rassurer à cet effet-là et dire : Oui, on est dans la bonne direction, et ça va se faire comme ça. C'est là-dessus qu'on en est.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bienvenue à la commission. C'est toujours un plaisir de rencontrer des gens qui étaient dans notre réseau puis qui ont collaboré.

On va continuer sur la lancée sur laquelle vous parliez. Si on vous disait que les ressources ne seront pas au rendez-vous puis on vous prouve mathématiquement qu'elles n'y seront pas… Et vous avez vécu le virage ambulatoire. Moi, je l'ai vécu en tout cas dans le réseau, où je l'ai défendu, en passant. J'étais probablement dans les 5 % qui y croyaient. J'ai même fait des entrevues à la radio. Et puis j'étais médecin puis j'étais directeur des services professionnels, et, au début, c'était beau parce que le plan était bon, les idées étaient très, très bonnes, mais ça a chaviré complètement lorsque le milliard qui devait être investi dans le virage ambulatoire n'est pas venu à cause du déficit zéro. Vous vous en souvenez. Notre établissement à Alma, l'hôpital d'Alma, à l'époque a fait 1 million de déficit. J'ai connu des établissements qui ont fait 5 à 6 millions, gros plans de redressement, fermetures de lits. En plus de ça, on a eu la mise à la retraite du personnel que vous avez vécue. Par la suite, pénurie du personnel, puis on a pris 10 ans avant de se relever dans le réseau de la santé. On commence à avoir assez de médecins dans le réseau de la santé en 2013. C'est tout nouveau, là. Parce que ça, juste pour vous dire, c'est tout nouveau, parce qu'on a augmenté les effectifs médicaux puis les demandes dans les facultés de médecine à partir de 2002-2003. Ça a été ça, le virage ambulatoire. Donc, on a eu une bonne idée, mais, lorsqu'on est arrivés pour l'appliquer, ça n'a pas fonctionné et, vous l'avez dit, par manque de financement.

Si je vous disais qu'on regarde mathématiquement, parce qu'on n'a pas de cadre financier, on ne peut pas se prononcer, on arrive à la fin, puis le besoin pour faire tout ce qui est dit dans l'assurance autonomie puis tout mettre en place, là... mettons, un petit chiffre, là, ça prendrait 2 milliards de dollars, mais on vous met juste 100 millions de dollars sur la table puis on vous dit qu'on va faire la transformation du réseau... Vous avez connu ça, la transformation du réseau, hein? On va couper à quelque part puis, quand on va l'avoir coupé, on va l'investir au bon endroit, là. En passant, il ne se fermera pas de lits de… Moi, je ne pense pas qu'on a besoin de fermer des lits de CHSLD, c'est juste qu'il faut peut-être ralentir le développement.

Mais, si on en arrivait à la fin puis on vous disait : Bien, ce que vous avez calculé, qui était 2 milliards de dollars, ça, c'est à part de toutes les demandes qu'on a eues durant les trois semaines de commission, là, ce que tout le monde nous disait qu'est-ce que ça leur prenait pour qu'on réussisse, puis qu'on vous disait qu'on met juste 100 millions de dollars, qu'est-ce que vous en penseriez?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne (Andrée) : C'est la crainte des gens. En fait, quand on a fait la consultation, c'était pas mal tous des gens qui étaient dans le réseau lors du virage ambulatoire, donc c'est l'exemple qu'ils nous ont donné aussi.

Donc, la crainte, c'est : Est-ce que les ressources y seront? Parce qu'actuellement elles n'y sont pas. Donc, comment est-ce qu'on va aller les chercher, d'une part, et comment est-ce qu'on va pouvoir recevoir cette aide-là à domicile si actuellement on ne l'a pas? C'est la question, c'est la préoccupation et c'est la même que nous avons aussi. Donc, on a l'exemple de ce qui a été fait antérieurement avec la meilleure volonté du monde. Et, comme vous avez dit, c'était une bonne idée, mais c'est la fin qui avait tout gâté avec le manque de financement. Donc, c'est la crainte que nous avons encore cette fois-ci. C'est normal, je pense qu'on y va avec du vécu, et notre vécu nous apprend qu'il y avait un manque à cet effet-là, et c'est la crainte que nous avons actuellement.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Moi, habituellement, je suis quelqu'un qui est optimiste. Puis, juste pour vous dire, on a eu des projets de loi qui ont été déposés par le ministre, puis on les a salués, puis on les a adoptés ensemble, sauf que mon oeil de médecin et de gestionnaire regarde ce projet-là, et je me dis : Je pense qu'on va avoir un gros problème. Et le danger que nous avons... Parce que, vous savez, quand on a fait le virage ambulatoire, il faut se le dire, ça a pris 10 ans avant de se relever de ça, et les coupures qu'il y a eu dans les établissements de santé, ça a fait mal. Il y a des patients qui en ont souffert. On a fermé des lits, on a fermé des ressources. À la fin, je pense que c'est ça qu'il fallait faire, mais la façon dont ça a été fait, ça a été beaucoup, beaucoup de souffrances dans le réseau, beaucoup de souffrances pour les patients.

Vous disiez quelque chose, vous dites : On n'a pas assez de ressources. La solution, également, c'est peut-être de changer nos façons de faire puis de mettre plus de ressources. Mais, si on n'est pas capables de mettre plus de ressources actuellement... De ce que je vois dans le projet d'assurance autonomie, là, c'est qu'on va créer un gros système informatique. On va nous donner l'estimé, à un moment donné, qui va être au moins plusieurs dizaines de millions de dollars, peut-être quelques centaines de millions de dollars. Puis là il faudra peut-être avoir des estimés. Juste la question des gestionnaires de cas, les intervenants pivots, moi, je suis d'accord pour qu'on en mette, mais on estimait, après-midi, là... Si on prend un estimé d'un intervenant pivot par 40 personnes, on estime à peu près 200 000 personnes. Moi, je pensais que ça a l'air autour peut-être de 40 000, 45 000. C'est 60 000, sans compter les coûts marginaux, parce que c'est des bachelières ou des bacheliers. On arrive déjà avec une facture de 300 millions de dollars juste pour gérer les intervenants pivots. Juste pour vous dire, je suis d'accord que l'évaluation, c'est une partie importante, mais l'intervenant pivot ne donne aucun soin directement au patient.

Là, on part. Moi, je vais vous avouer, je le regarde d'un oeil de gestionnaire, puis on veut développer. En passant, on est tous d'accord avec le principe d'assurance autonomie, garder nos gens à domicile, offrir plus de services, faire la transformation, utiliser les professionnels à bon escient, mais je regarde le projet, là, puis je dois vous avouer que c'est un bateau que je ne suis pas sûr qu'il est… Sans compter que, juste pour vous donner une idée de la crédibilité, on a dit qu'on va mettre ça en place le 1er avril. On va finir d'écouter les groupes la semaine prochaine. On va faire le projet de loi n° 52 pendant deux semaines. On arrête. Le ministre va pouvoir déposer son projet de loi. Selon moi, à moins qu'il ne soit déjà écrit avant qu'on ait fini les auditions, il va déposer ça au mois de février. Il faut faire les auditions d'encore une quarantaine de groupes en février. On va être à la mi-mars, là. Puis là il faut faire l'étude article par article d'un projet de loi qui va être controversé.

Est-ce que vous pensez qu'on peut mettre ça en place pour le 1er avril 2014? Je veux juste dire : Soyons réalistes, là. Est-ce que c'est possible de mettre ça en place pour le 1er avril 2014?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne (Andrée) : Bien, c'était ça, notre inquiétude. On ne le croit pas. On pense que l'échéancier — effectivement, c'est ce qu'on a dit dans notre mémoire — était trop court pour réaliser... Et on pense que ce serait peut-être plus intéressant d'aller plus lentement, d'aller vers les régions, rechercher les ressources, mettre en place le système pour que, quand l'application pourra se faire sans accroc… Et c'est ça qui va donner la crédibilité aux aînés qui vont dire : O.K., on embarque dans ce plan-là. Les intervenants aussi, parce qu'on aura pris le temps d'installer tout le système, mettre le système en place avant, faire l'inverse de ce qu'on avait fait au virage ambulatoire. Ça, c'est la position que nous avons.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Puis pensez-vous qu'avant d'embarquer dans un projet comme ça le minimum, c'est qu'on sache quelle va être la contribution de la personne?

Le ministre, il nous dit : Les personnes, on ne leur prendra pas de l'argent, on va leur en donner moins, puis, par la suite, ils vont devoir se donner les services selon leurs moyens. Mais, si vous êtes une personne ou un couple qui gagnez, je ne sais pas, 50 000 $, 55 000 $, on peut donner tout à celui qui n'a pas de revenus, puis ça, je peux le comprendre. En passant, dans le système, actuellement c'est un peu comme ça aussi, ceux qui ont moins de revenus, on essaie de leur en donner plus, sauf qu'à 50 000 $, 55 000 $, ça se pourrait que tu sois appelé à te payer tes propres services de soins à domicile. Et, où il y a peut-être une injustice qu'il faut qu'on regarde avec le ministre, la personne qui va avoir contribué, par ses impôts, pendant toute sa vie, là, 15, 20 ans, quand elle va arriver à la fin, si elle a moindrement des revenus, un bon fonds de pension, ce qui est actuellement quand même assez bon dans le réseau de la santé... Parce que vous, vous étiez dans des années aussi où est-ce que les gens arrêtaient mais en plus de ça ne cotisaient pas nécessairement sur plusieurs années. Ces mêmes personnes là qui vont avoir payé des impôts vont être celles-là qui vont encore payer pour avoir leurs services à domicile sur le principe que l'allocation va aller en fonction du revenu. Mais je ne vous dis pas que c'est correct ou pas correct, je vous dis juste : Est-ce que ce serait normal qu'on ait les chiffres, avant, de combien vous allez recevoir, et quelle va être la contribution que, comme usagers, vous allez devoir faire, avant de dire qu'on est pour ou contre un principe d'assurance autonomie?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne.

• (21 h 10) •

Mme Lamontagne (Andrée) : Merci. Bien, c'est sûr que les gens qu'on a consultés avaient cette inquiétude au niveau du financement. C'est pour ça qu'on ne l'a pas élaboré sur le financement, et on n'a pas pu non plus faire des recommandations sur le financement. Et les gens souhaitent évidemment savoir combien ils vont débourser pour l'assurance autonomie, pour les services qu'ils vont recevoir. Puis je pense que c'est normal que les gens vont accepter un montant raisonnable pour les services qu'ils recevront, dans leur capacité de payer. Et c'est ce qu'ils nous ont dit. Pour ceux qui ont pris leur retraite antérieurement, ça fait longtemps, parce qu'on sait que le RREGOP est en fonction depuis 1973, donc ceux qui ont pris leur retraite bien avant n'avaient pas cette forme de protection là non plus. Et ce n'est pas rare, là, les gens entre 70 et 75 ans, qui sont peut-être les personnes, là, qui vont utiliser le plus… qui ont un fonds de pension à 10 000 $ et 12 000 $, là, dans l'année, là. Ça fait qu'on parle d'un fonds de retraite qui est très faible.

Et c'est de ça qu'on parlait tantôt. Et les gens ont dit : Si on doit rembourser, donner plus, on ne peut pas, on n'est pas capables, donc on n'utilisera pas ces services-là. Et ils n'auront pas plus. Donc, c'est d'aller savoir… Évidemment, bien sûr que les gens veulent savoir combien ça va leur coûter, mais ce qu'ils nous ont dit au départ, c'est qu'«on ne peut pas assumer plus que ce qu'on paie là, en regard de la pension que nous avons, qui est très faible». Et là je ne vous parle pas de ceux qui ont pris leur retraite dans les 10, 15 dernières années, je vous parle de ceux qui sont d'âge de recevoir plus les soins, qui… en haut de 75 ans.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Vous devez avoir des enfants, aussi, entre 30, 40 ans?

Mme Lamontagne (Andrée) : Oui.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Vous savez comment, de nos jours, les jeunes travaillent, mais également au niveau de… ils ont des dépenses, ils ont une famille à faire vivre. Est-ce qu'il serait normal également pour vos jeunes, ceux qui travaillent, qu'on leur dise combien ça va coûter, une assurance autonomie?

Et, si on leur disait… Puis, un exemple, si on leur disait : Bien, vous allez payer 1 000 $ de plus d'impôt, ça va être la cotisation que vous allez payer à partir de votre impôt régulier pour qu'on soit capables de se payer une assurance autonomie dans 15, 20 ans, alors qu'on sait que cette classe moyenne là, là, est déjà à la gorge… Les gens, là, juste les taxes scolaires, là... vous avez vu les taxes scolaires, c'est… En passant, les taxes scolaires, ce n'est pas nos plus grosses taxes, c'est les taxes municipales, les plus grosses taxes. Juste le fait d'avoir augmenté les taxes scolaires, il y a des gens que ça a eu de l'implication. Mais moi, je pense que — puis je ne vous parle pas des gens qui sont riches, là, je vous parle des gens qui sont dans la classe moyenne, là — ces gens-là, quand on va leur dire, là, qu'«à partir de maintenant vous allez payez, quoi, 400 $, 500 $, peut-être jusqu'à 1 000 $ de plus pour mettre en place un système d'assurance autonomie», est-ce que vous pensez que le contribuable, qui, en passant, va être l'usager, qui peut être aussi un travailleur… est-ce que ça ne vaudrait pas la peine qu'on lui demande avant : Est-ce que tu es prêt à assumer ça, selon les services qu'on va donner?

C'est parce que, là, on met une grande priorité sur tout ce qui devrait être mis en place, mais, à un moment donné, là, il faut être réaliste, il y a quelqu'un qui va devoir avoir à payer cette facture-là. Le ministre, il dit qu'on va demander ça aux élections. Bien, peut-être qu'aux élections, si les gens savent combien ça va coûter, là… combien ils savent que ça va coûter, peut-être que les… on va demander d'être raisonnables. Là, on nous offre des gros, gros besoins. Là, on dit aux gens : Vous allez tout avoir. Puis, juste pour vous dire, calculez tout ce qui… Puis, en passant, les gens venaient en disant : Si vous me donnez ce que j'ai de besoin, je suis d'accord, mais, si je ne donne pas pour ce que j'ai de besoin, bien on va en rediscuter. Mais cette facture-là, là, du contribuable, là… Moi, je défends les patients, mais, à un moment donné, là, il faut voir que, le même patient, là, s'il a moins d'argent dans ses poches, là, ça va avoir de l'impact sur sa famille.

Ne pensez-vous pas qu'on devrait le savoir avant? Même qu'on fasse les prochaines consultations, il faut que le ministre nous dépose ce cadre financier là.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne (Andrée) : Oui. Bien, je pense que pour tout le monde ça va être important de connaître le financement avant son application. C'est normal.

Mais moi, j'aurais peut-être un petit bémol au niveau des 40 ans, parce que ce que je vois au niveau des jeunes, c'est que, contrairement à ce qu'on vivait antérieurement, ils n'ont pas la capacité de devenir aidants naturels, ils n'ont pas la capacité et le temps. Donc, si pour eux on leur explique… sans que ça coûte une fortune évidemment, mais qu'on leur explique que l'assurance autonomie va leur éviter de devenir, en obligation, un aidant naturel pour les parents, bien peut-être qu'il y a quelque chose qui va allumer ou ils vont dire : Bien, ça pourrait peut-être être intéressant à cet égard-là. Mais en même temps il y a des limites, toujours, à ce financement-là, et il ne faut pas non plus que ça déborde, là, que ça devienne un montant épouvantable qui va même les amputer. Parce qu'on sait très bien qu'à 40 ans aussi tu n'as pas la pensée non plus qu'à 75 ans tu vas en avoir besoin. Tu sais, ce n'est pas là que ça se passe.

Ça fait que le seul élément qui ferait en sorte qu'ils accepteraient l'assurance autonomie, qu'ils accepteraient d'y participer, c'est de dire : Bien, ça va nous éviter de devenir un proche aidant, un aidant naturel qui va faire en sorte que nous, on va continuer de travailler, et il y a quelqu'un qui va s'occuper de nos proches.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Vous comprenez que notre rôle, de l'opposition, c'est de poser des questions et également de faire un débat, et on veut avoir des réponses à des questions qui sont légitimes.

Et au début, quand les gens sont arrivés avec l'assurance autonomie, ça a été vendu comme étant... Vous regardez l'annonce qui est faite à la télévision, qui a coûté 1 million de dollars, là, tu vois une madame qui dit : On vous garantit que vous allez rester à domicile. Mais la réalité, à un moment donné... Moi, je suis médecin, je vois les patients puis je vois les familles également. Et, à un moment donné, les gens, ils perdent tellement de la capacité que, même si vous voulez les garder à domicile, même pour les aidants naturels, avec tous les services, c'est peu possible.

Juste pour vous dire, vous parliez tantôt, là : Les gens veulent demeurer à domicile, puis on va les admettre dans les CHSLD. Actuellement, je ne connais pas beaucoup d'endroits qui admettent des patients qui sont légers, parce qu'ils manquent de moyens. Parce qu'une heure, 1,5, deux heures-soins, ça ne rentre plus dans les CHSLD, hein? C'est du trois heures, 3,5 heures. La preuve, si vous regardez, la plupart des gens qui vont rentrer dans les CHSLD sont beaucoup à la fin de vie puis ils vont souvent mourir dans l'année ou les deux années qui suivent. Le taux de décès dans les CHSLD, parce que les gens sont en fin de vie — hein, c'est la réalité — est d'environ entre 35 % et 40 %. Ça, ça veut dire que, dans un CHSLD, il y a 35 % des gens qui vont décéder parce qu'ils sont à la fin de vie. C'est la situation actuelle et c'est la situation qu'on a déjà depuis quelques années. Mais là on nous dit : Vous savez, ces gens-là vont rester à la maison. Je ne suis pas sûr qu'on est réaliste quand on fait cette prévision-là. Puis on nous dit, en plus de ça : Vous savez, cette clientèle-là, on va les garder à la maison, ça va nous empêcher de développer des lits de CHSLD.

Moi, je pense que, pour les cinq, six prochaines années, il y a une marge de manoeuvre. Mais après ça il va falloir ajuster notre nombre de CHSLD qui, d'après moi... La norme est autour de 2,5 lits par 100 personnes de 65 ans et plus. Descendre en bas de ça, ça va être difficile. Il y a comme une réalité aussi, il faut être... Moi, en tout cas, je suis un docteur, là, je suis un clinicien, puis le ministre aussi l'est, puis je suis certain qu'il réalise que ce n'est pas vrai qu'on va garder tout le monde à domicile. Mais, moi, ce que je veux, je veux juste qu'on dise la vérité, puis je veux juste qu'on dise les vraies choses, puis je veux qu'on prenne une décision sur ce projet-là, pas sur un flash, ou une idée, ou une image à la télévision. Je veux qu'on prenne les décisions selon ce qu'on pense qui est le mieux pour les patients puis à la fin, il faut y penser aussi, là, la capacité à payer du contribuable. Ça, c'est mes deux critères.

Et, quand on fait des idées où on arrive puis on dit : Vous savez, notre projet, vous allez tous rester à domicile, vous ne pouvez pas croire ça. Mais les gens le croient parce que ça a été vendu comme ça. Qu'on se dise les vraies choses. Puis peut-être que le projet, à la fin, moi, je vais être le premier à dire : C'est un bon projet. Mais actuellement il y a tellement de doutes. Et tout le questionnement que vous avez mis, là... On ne s'était pas parlé, c'est vrai, on ne s'était pas parlé avant. Tout le questionnement que vous avez mis, là, j'ai le même questionnement. Et c'est à ça qu'on doit répondre dans le projet.

Et moi, je pense qu'on est peut-être partis d'une grande idée, mais, quand on va arriver pour la réaliser sur le terrain, ça va être difficile. Savez-vous pourquoi? Deux raisons. Premièrement, je pense que l'argent ne sera pas au rendez-vous. Deuxièmement, je ne suis pas sûr qu'on va avoir tout le personnel pour réaliser ça. Et l'illusion de penser qu'il va y avoir moins de monde en CHSLD parce qu'on va fermer des lits de CHSLD, on n'en ouvrira pas, puis on va mettre de l'argent dans les soins à domicile, là, ça, ça s'appelle le virage ambulatoire. On va vous couper vos ressources puis après ça on va vous investir dans la communauté. Mais, quand est arrivé le temps d'investir dans la communauté, l'argent n'était pas là. C'est ça, notre réalité.

Ça fait que, moi, ce que je demande, c'est d'avoir la vérité, d'avoir les vrais chiffres puis d'avoir un plan qui est crédible, ce que nous n'avons pas actuellement.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne.

• (21 h 20) •

Mme Lamontagne (Andrée) : Bien, en fait, c'est un complément. En fait, c'est ce qu'on souhaite avoir comme réponse. C'est qu'on veut rassurer nos aînés sur les avantages de l'assurance autonomie. C'est sûr que le plan de base, il est intéressant, et c'est la volonté des aînés de vieillir à la maison. C'est sûr que les services qui seront rendus à la maison pourront, à tout le moins... Je pense que les aînés ne sont pas dupes non plus de savoir qu'ils vont tous mourir à la maison. Je pense qu'ils le savent. Et ils ont aussi des choix, qu'ils font, de maison pour aînés, des maisons privées.

Ils savent qu'ils ont ce choix-là aussi, mais ça peut reporter, si on fait… le CHSLD. Et je ne pense pas qu'ils sont... qu'ils croient, là, vraiment... D'ailleurs, c'est les interrogations qu'ils nous ont données et c'est vraiment les préoccupations quant à l'assurance autonomie et sa réussite. S'ils ont des garanties sur un financement qui pourrait être acceptable, s'ils ont des garanties qu'ils peuvent avoir les services, c'est sûr qu'ils vont adhérer à l'assurance autonomie. Et c'est ce qu'on disait tantôt : Si on réussit à les faire adhérer, les intervenants et les personnes, c'est assuré que l'assurance autonomie sera quelque chose, là, d'assez intéressant. Mais il faut faire ça avant.

Le Président (M. Bergman) : Maintenant, pour le bloc du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence, merci aussi de votre franchise.

Alors, ce qu'on comprend de vos recommandations ce soir, c'est que, «oui, on est en faveur de l'assurance autonomie», oui, dans le fond, vous adhérez à la philosophie des gens qui veulent le plus possible demeurer à domicile, tant qu'il se peut. Par contre, à quel coût? Je pense qu'aujourd'hui la question, elle a été posée à plusieurs reprises. Et maintenant on devra avoir des réponses avant d'aller plus loin et des réponses qui sont beaucoup plus claires que ce qu'on a là. Et, quand vous mentionnez le virage ambulatoire, je peux vous dire que — je suis médecin, moi aussi — j'ai été témoin de ce virage ambulatoire qui était aussi parti d'une idée qui est plutôt noble, comme celle de l'assurance autonomie, mais qui a fini avec des dérapages. C'est, à tout le moins, des fermetures de lits, des fermetures d'hôpitaux ou on avait la pensée magique qu'on pouvait, au lendemain du virage ambulatoire, se retrouver à la maison. Et ce qui est arrivé, c'est que les gens se sont retrouvés à la maison, mais ça a été les aidants naturels qui sont devenus les infirmières à domicile, qui ont dû prendre soin de leurs proches. Et effectivement on a payé le prix longtemps de la mise à la retraite massive des infirmières, et des infirmières qui étaient des infirmières d'expérience, hein? Moi, je me souviens, c'étaient les infirmières-chefs qui ont pris leur retraite le 1er juillet 1996, tout le monde en même temps, et les médecins aussi, la même journée. Alors, ça a été plutôt catastrophique, et les mots me manquent.

Effectivement, on ne voudrait pas revoir la même situation, ce que je comprends de vos interventions et de vos craintes, la même chose, et qu'actuellement, dans le paysage québécois… Et je continue de pratiquer et au quotidien j'entends des proches aidants me dire : Mon problème, ce n'est pas de m'occuper de mon proche, c'est d'être capable d'avoir du répit, de devoir me battre avec le CLSC pour avoir des heures-soins, parce qu'ils n'en ont pas; parce que je suis trop bonne, justement, ils ne veulent pas m'en donner. Alors, ces gens-là sont à domicile actuellement, ils sont souffrants, ils sont à bout de souffle. Et, ce qu'ils me disent et ce qu'ils nous disent, ce qui est plus difficile actuellement, ce n'est pas de s'occuper de leurs proches mais bel et bien de gérer le système qui est fermé le soir, que les appels sont… ils ne sont pas capables d'avoir d'appel d'urgence, ils doivent s'en aller à l'urgence. Ils n'ont pas de lien avec le CLSC, de services, et le CLSC n'a pas suffisamment d'heures-soins à leur consacrer.

Alors, effectivement, quand on regarde le plan d'assurance autonomie, il nous manque le financement. On est d'accord avec vous, c'est le nerf de la guerre. Et on doit avoir l'honnêteté et la transparence, envers tous nos aînés, envers tous les Québécois, de dire : Oui, si on veut se payer ce système-là, on peut, mais à quel prix? Et je pense qu'on doit avoir l'honnêteté de le dire à tout le monde, à tous et que ce soit clair, qu'on ait un cadre financier. On ne peut pas partir d'évaluations de 500 millions à certaines personnes qui sont venues ici nous dire : 4,5 milliards par année. L'écart est beaucoup trop grand. On doit savoir où on s'en va. Et on est d'accord à s'en aller et à permettre aux aînés de rester plus longtemps possible à domicile mais dans des conditions qui sont acceptables, qui sont humaines. Et on ne veut pas qu'au lendemain de l'adoption de cette assurance autonomie là la charge soit transférée aux proches aidants, comme ça a été le cas dans le virage ambulatoire.

Alors, est-ce qu'on doit comprendre de vos interventions aujourd'hui qu'on doit avoir, à tout le moins, un cadre financier avant d'aller plus loin dans ce projet-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne (Andrée) : Oui, un cadre financier est absolument nécessaire, mais ce qui est aussi nécessaire, c'est l'assurance des ressources qui seront là, des ressources compétentes, formées et qui pourront rendre le service à domicile. Parce que le problème, il est là : c'est que les gens doutent de la capacité du système à se rendre à domicile pour donner les services. Ils peuvent le faire, mais, sur une base permanente, c'est là qu'est la difficulté. Et, vous l'avez dit tantôt, votre proche aidant, il a besoin de répit et il ne l'a pas parce que la ressource n'est pas là. Donc, la ressource pourrait être là. On parle d'une fin de semaine, on parle d'un 14 heures. Et c'est ça qui manque, actuellement. Certaines fois, ils peuvent l'avoir, mais ce n'est pas une assurance que le service y sera. Donc, le proche aidant vient vraiment fatigué, vient à bout de ressources parce qu'il n'a pas la capacité de récupérer. Et c'est ça qu'on constate dans le milieu et dans le système. Et c'est ça qu'on souhaite.

On dit : L'assurance autonomie va être intéressante, va être satisfaisante si on peut assurer que le service sera rendu à domicile. Et c'est là la grande question et c'est là l'interrogation que nos gens ont et l'incertitude de ne pas l'avoir.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Mme Lamontagne, Mme Tougas, Mme Trottier, Mme Guillemette-Lefebvre, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous ce soir.

Alors, collègues, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 13 novembre 2013, après les affaires courantes, afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le livre blanc sur la création d'une assurance autonomie intitulé L'autonomie pour tous. Bonne soirée, collègues.

(Fin de la séance à 21 h 27)

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