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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mardi 19 novembre 2013 - Vol. 43 N° 59

Consultations particulières sur le livre blanc sur la création d'une assurance autonomie intitulé L'autonomie pour tous


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Association québécoise des centres communautaires pour aînés (AQCCA)

M. Claude Castonguay

Coalition Solidarité Santé

Ordre des dentistes du Québec

Association québécoise de gérontologie

Centre de recherche sur le vieillissement

Autres intervenants

M. Lawrence S. Bergman, président

Mme Suzanne Proulx, vice-présidente

M. Réjean Hébert

Mme Marguerite Blais

M. Yves Bolduc

Mme Jeannine Richard

Mme Sylvie Roy

M. Stéphane Le Bouyonnec

*          M. Jacques Brosseau, AQCCA

*          M. André Guérard, idem

*          M. Jacques Benoit, Coalition Solidarité Santé

*          M. Denis Falardeau, idem

*          Mme Isabelle Langlois, idem

*          M. Guy Jolicoeur, idem

*          M. Barry Dolman, Ordre des dentistes du Québec

*          M. Christian Caron, idem

*          M. André Lavallière, idem

*          Mme Catherine Geoffroy, Association québécoise de gérontologie

*          Mme Nathalie Adams, idem

*          Mme Ghyslaine Lalande, idem

*          Mme Marie-Claude Messier, idem

*          M. Michel Tousignant, Centre de recherche sur le vieillissement

*          M. Yves Couturier, idem

*          Mme Mélanie Levasseur, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures trois minutes)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le livre blanc sur la création d'une assurance autonomie intitulé L'autonomie pour tous.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Daneault (Groulx) est remplacée par Mme Roy (Arthabaska).

Auditions (suite)

Le Président (M. Bergman) : Merci. Alors, nous avons le plaisir de recevoir l'Association québécoise des centres communautaires pour aînés. Bienvenue. Pour les fins de l'enregistrement, on a besoin de vos noms, vos titres. Et les prochaines 10 minutes, c'est à vous pour faire votre présentation.

Association québécoise des centres
communautaires pour aînés (AQCCA)

M. Brosseau (Jacques) : Oui. Jacques Brosseau, je suis président de l'Association québécoise des centres communautaires pour aînés.

M. Guérard (André) : André Guérard, directeur de l'Association québécoise des centres communautaires pour aînés. Vas-y, Jacques.

M. Brosseau (Jacques) : D'accord. M. le Président et membres de cette commission, permettez-moi de vous remercier de nous offrir l'opportunité de présenter notre mémoire sur le livre blanc concernant la mise en place de l'assurance autonomie, lors de cette consultation particulière.

D'abord, il est important de mentionner que l'Association québécoise des centres communautaires pour aînés est particulièrement interpellée par la volonté ministérielle de mettre en place l'assurance autonomie. Tout mettre en oeuvre pour déployer les services et soins essentiels permettant aux aînés qui le désirent de demeurer à domicile dans des conditions sécuritaires et sécurisantes constitue, sans contredit, un projet de société qui… une orientation souhaitable. Les centres communautaires, par leur appartenance aux milieux dont ils sont issus, ont été, au cours des quatre dernières décennies, des acteurs importants par leur contribution au maintien des aînés dans la communauté.

Les 58 centres membres représentés par l'AQCCA et implantés dans 14 régions du Québec sont des acteurs de première ligne établis et reconnus dans leurs communautés, qui rejoignent et soutiennent les aînés qui désirent demeurer à domicile. Quotidiennement, les CCA sont des témoins privilégiés de leurs réalités et de leurs aspirations. En leur offrant des services et des activités adaptés à leurs besoins, les CCA les accompagnent dans leur volonté de demeurer socialement actifs tout en respectant les différents rythmes et capacités de chacun. Par la proximité et les liens précieux qui s'établissent et facilitent une relation de confiance, l'individu en lien avec un CCA développe ou maintient son pouvoir d'agir, améliorant ainsi sa propre qualité de vie. Par notre présence aujourd'hui, nous espérons présenter un survol de l'expertise développée par des CCA, également exposer nos questionnements et préoccupations émanant du livre blanc, tout en proposant certaines recommandations afin de relever tous ensemble les défis qui attendent la mise en place de ce projet de société.

Plus spécifiquement, la mission de l'AQCCA est d'offrir une structure provinciale de représentation et de soutien aux CCA en tenant compte des spécificités propres à chacun. Ses objectifs sont de promouvoir des CCA au Québec, représenter des CCA auprès des instances gouvernementales et autres regroupements et instances impliqués dans leur milieu, soutenir et assister des CCA dans leur développement, reconnaître les problématiques spécifiques aux CCA et favoriser l'émergence de pistes de solution communes, favoriser des échanges et assurer une liaison entre les membres. Les objectifs qui définissent les centres communautaires pour aînés sont de promouvoir une image positive des aînés, de favoriser la participation sociale et les interactions avec la communauté environnante, d'aider et maintenir l'autonomie physique et intellectuelle des aînés, de voir à l'organisation d'activités correspondant aux besoins et aux intérêts des aînés, de stimuler l'entraide sous diverses formes, de favoriser l'émergence de leadership chez les aînés, de faciliter le maintien et le développement du pouvoir d'agir et la participation des aînés à l'amélioration de leurs conditions de vie et finalement de susciter le développement de projets novateurs.

La structure des CCA fait appel au savoir, au savoir-être et au savoir-faire des aînés qui contribuent, tout au long de leur parcours de vie, au maintien de leur autonomie personnelle, à l'amélioration de leur qualité de vie et à l'enrichissement de leur communauté. De favoriser l'autonomie de tous, c'est le défi relevé par les centres communautaires pour aînés, en tenant compte évidemment du vieillissement démographique, par des approches et des expertises pour favoriser l'autonomie de tous, par des actions pour préserver et stimuler l'autonomie et maintenir des personnes dans sa communauté. Nos moyens passent par des services, des activités physiques et intellectuelles, des activités intergénérationnelles et intragénérationnelles, des formations, etc.

Finalement, nous voulons offrir un milieu de vie sécuritaire et sécurisant. En effet, au cours des ans, plusieurs centres ont réalisé que leurs programmes d'activités et de services, bien que pertinents, rejoignent peu les aînés en situation de vulnérabilité. Pour pallier à ce constat, ils ont développé des initiatives particulières, des initiatives de travail de milieu auprès des aînés en situation ou à risque de vulnérabilité, c'est-à-dire des ITMAV. Par celles-ci, les CCA ont développé une expertise unique qui offre de nouvelles réponses au défi que pose le vieillissement de la population. Ces réponses adaptées à différents milieux et réalités s'opposent au fatalisme condamnant ces personnes à un recours, souvent prématuré, aux services publics tels que les CHSLD. Nous visons donc la prévention.

Depuis leur mise en place, les ITMAV ont permis de rejoindre des milliers d'aînés en situation d'isolement qui n'étaient pas en lien avec le réseau de santé et des services sociaux et qui pourtant vivaient de lourdes problématiques. Cette liste pourrait, malheureusement, encore s'allonger, mais mentionnons que plusieurs interventions ont permis d'accompagner et de référer ces personnes aux services dont elles avaient besoin. Que ce soit pour des questions de malnutrition, d'insalubrité ou plus simplement d'isolement social, les CCA étaient aux premières loges pour repérer, accompagner et contribuer à l'amélioration de la qualité de vie de ces personnes fragilisées.

À ce titre, nous sommes d'ailleurs très inquiets de la volonté gouvernementale de mettre en place, tel qu'annoncé dans la politique Vieillir et vivre ensemble — Chez soi, dans sa communauté, en mai 2012 le programme dédié aux ITMAV, garantissant un investissement de 18 millions sur cinq ans. En effet, malgré les travaux d'un comité de travail et la bonne volonté du Secrétariat aux aînés pour la réalisation de ce programme, nous sommes toujours en attente de résultats concrets. Cette situation met en péril de nombreuses interventions auprès d'aînés en situation de vulnérabilité en brisant le lien de confiance qui les unit aux CCA, puisque plusieurs postes de travailleurs et travailleuses du milieu devront être abolis le 31 mars 2014, faute de financement.

À ce titre, nous espérons qu'enfin nous pourrons compter sur un financement dépassant une année, permettant ainsi de pérenniser le lien de confiance que nous arrivons à établir avec les aînés plus vulnérables et/ou à risque d'isolement.

Je laisse maintenant la parole à M. André Guérard, qui vous présentera, en fonction du temps qu'il nous reste, notre vision de l'assurance autonomie, nos questionnements et des recommandations en provenance de nos membres.

• (10 h 10) •

M. Guérard (André) : M. le Président, je présenterai donc, maintenant, les recommandations concernant l'assurance autonomie. Ces recommandations sont issues des propos et des commentaires recueillis lors de rencontres avec nos membres directement sur le terrain.

En premier lieu, nous voudrions que soient revus les délais d'implantation de l'assurance autonomie et de son application afin qu'elle réponde à la définition d'un projet de société méritant une réflexion approfondie et une coordination bien structurée. En agissant de la sorte, nous nous assurons d'une meilleure adhésion de toutes les parties impliquées, une meilleure compréhension de la population et un déploiement efficace donnant des résultats positifs.

En deuxième lieu, nous insistons pour que soit inscrite prioritairement dans le projet d'assurance autonomie la composante de la prévention et que soient prises en compte les ressources communautaires, telles que les centres communautaires pour aînés, qui maintiennent et développent ce modèle d'intervention. Nous demandons également que soit mis en place un comité national intégrant toutes les ressources concernées par l'assurance autonomie, permettant de définir les balises applicables sur l'ensemble du territoire québécois, favorisant ainsi l'équité lors de l'identification des ressources disponibles et l'accessibilité aux services pour les aînés concernés.

Nous espérons fortement que les mesures de financement et d'application de l'assurance autonomie ne contribuent pas à accentuer l'appauvrissement de la population et plus particulièrement des aînés les plus démunis. À ce titre, nous voudrions que soit revue l'application des crédits d'impôt qui bénéficient à un nombre limité de personnes, laissant de côté les moins bien nantis. Il faut également simplifier l'utilisation de ces crédits et du chèque emploi-services lorsqu'il y a lieu, car leur complexité actuelle prive plusieurs personnes des bénéfices qu'elles pourraient en retirer et alourdit souvent le travail des proches aidants. Nous demandons également que soit respecté le continuum du vieillissement de la personne afin d'offrir les soins et services de santé répondant à ses besoins, et ce, en suivant scrupuleusement l'évolution de sa situation. Nous demandons donc, à ce niveau, une mise à jour régulière du plan de services. Et peut-être, selon les besoins de la personne, comme la situation peut changer rapidement, on trouve qu'il faut que ce système-là soit mis en place quand même avant l'application de l'assurance autonomie.

Il faudrait que soit mis en place un mécanisme de soutien aux aînés à risque d'isolement ou en situation de vulnérabilité qui, pour diverses raisons et dans des contextes particuliers, ne pourront être évalués selon le processus conventionnel prévu. Les centres communautaires pour aînés soutiennent des personnes qui vivent des problématiques importantes et qui hésitent à faire appel au milieu institutionnel. Cette réalité ne peut être exclue de la réflexion concernant le projet d'une assurance autonomie pour tous.

Nous demandons également que dans le projet d'assurance autonomie soient reconnues la contribution et l'expertise des centres communautaires pour aînés en ce qui a trait au maintien des aînés dans leur communauté et que leur mission préventive soit appuyée, qu'elle respecte l'autonomie de l'action communautaire autonome et considère les centres communautaires pour aînés comme des partenaires à part entière en améliorant leur financement de base par l'entremise du Programme de soutien aux organismes communautaires, le PSOC, afin que ceux-ci ne soient pas constamment à la recherche de fonds pour consolider leur offre de services et d'activités.

Dans la mesure où ce projet deviendrait un projet de loi, nous demandons à ce qu'il soit soumis à une consultation élargie pour que le plus de personnes possible puissent se prononcer sur cet éventuel projet de société.

En conclusion, et tel qu'il est écrit dans le livre blanc, répondre aux aspirations des aînés qui veulent «vieillir à domicile et recevoir les services adaptés à leurs besoins là où ils ont fait le choix de vivre» tombe à point alors que notre système de santé, malgré plusieurs réformes, peine à accompagner de façon préventive les gens qui en font la demande. L'assurance autonomie sera-t-elle la cure dont notre réseau de santé a besoin? Quoi qu'il en soit, elle est une orientation qui, si les moyens et les temps nécessaires sont pris en compte, demeure sensée pour favoriser l'autonomie et le maintien des aînés dans la communauté.

Les actions mises en oeuvre par les centres communautaires permettent d'accompagner les aînés tout au long de leur vieillissement et les soutiennent de manière à limiter les effets cumulés de la diminution de leurs capacités. Elles permettent également de rejoindre les aînés qui ne sont pas en lien avec les ressources de la communauté, dont les CSSS. D'une certaine façon, ces actions retiennent la pression que le vieillissement de la population exerce sur divers services publics, dont les CHSLD, et permettent ainsi à l'État d'économiser d'importantes sommes d'argent. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Merci, M. Brosseau, M. Guérard, pour votre présentation. Et maintenant, pour le bloc du gouvernement, M. le ministre.

M. Hébert : Merci beaucoup, messieurs, de votre mémoire. Je voudrais dans un premier temps que vous nous décriviez, surtout pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, là, les services que les CCA donnent aux personnes en perte d'autonomie. On parlera de la prévention tout à l'heure, là, qui est un élément important de votre action, mais j'aimerais que vous puissiez détailler quels sont les services que vous donnez, que vos centres donnent aux personnes qui ont une perte d'autonomie.

Le Président (M. Bergman) : M. Brosseau.

M. Brosseau (Jacques) : En fait, il y a des services et les activités. Les services sont souvent des accompagnements transport, ça va être des visites d'amitié, des appels de sécurité, ça va être des accompagnements pour des commissions, ça va être toute cette forme-là de maintien de la personne dans sa communauté.

Or, nous, on ne fait pas du service à domicile au niveau des soins corporels, c'est vraiment de l'accompagnement pour faire en sorte de maintenir la personne le plus autonome possible dans sa communauté, donc avec la personne, donc pas pour la personne. Et, au niveau des activités, c'est qu'on promeut beaucoup les activités physiques et intellectuelles, parce que c'est prouvé par différentes études scientifiques que plus la personne est active tant physiquement que moralement… ça lui permet donc de contribuer davantage et plus longtemps dans sa communauté et d'éloigner la période où le vieillissement va s'installer de façon plus systématique. Donc, ça va être des formations.

L'objectif des centres communautaires pour aînés, c'est beaucoup d'outiller les aînés à mieux vivre dans leur communauté, donc c'est de faire en sorte… on parlait de projets innovateurs, c'est d'écouter ces membres et de faire en sorte d'aller chercher les outils pour leur permettre d'être actifs et aussi de s'intégrer dans la communauté, parce que les centres communautaires pour aînés, il ne faut pas l'oublier, ça n'a peut-être pas été mentionné clairement, mais c'est beaucoup de bénévolat. Donc, c'est des heures et des heures de bénévolat, c'est des gens qui s'impliquent au sein de leurs centres et dans leur communauté.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Les transports accompagnement, ça inclut le transport accompagnement pour des rendez-vous médicaux, j'imagine?

M. Brosseau (Jacques) : Excusez, il faut juste parler un peu plus fort parce les tendances au vieillissement ont commencé sur moi, et je suis un petit peu sourd. Il faudrait juste…

M. Hébert : Est-ce que le transport accompagnement inclut les transports et l'accompagnement pour des rendez-vous médicaux?

M. Brosseau (Jacques) : Les visites médicales, oui.

M. Guérard (André) : Pour l'accompagnement transport, bien peut-être que je pourrais répondre. L'accompagnement transport effectivement permet à des aînés d'aller à leurs rendez-vous médicaux mais permet aussi à des aînés d'aller à leur épicerie, d'aller visiter des proches, des aidés, parce que souvent on travaille aussi avec des proches aidants, et l'accompagnement transport permet aussi à ces personnes de venir participer aux activités dans les centres communautaires, qui facilitent justement leur propre prise en charge mais favorisent justement la prévention des vieillissements et des pertes cumulées.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Est-ce qu'il y a des frais qui sont demandés aux personnes âgées qui utilisent les services?

M. Brosseau (Jacques) : Généralement, les frais sont très minimes. Il y a beaucoup d'activités qui sont gratuites parce que nous, on favorise l'accessibilité. Donc, on ne veut pas que les gens soient discriminés en fonction de leurs revenus. Donc, au niveau des accompagnements transport, il y a des frais minimes qui sont demandés, pas pour… C'est pour financer, finalement, le coût de l'essence, en fait, mais c'est vraiment… on tient compte de la réalité des aînés aussi beaucoup. Je veux dire, l'objectif des centres, ce n'est pas… on ne fait pas d'argent avec ça, c'est l'idée de faire une contribution, mais on ne discriminera jamais personne en fonction de ses revenus, ça, c'est clair et net.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Depuis que votre mémoire a été rédigé, on a annoncé une bonification du PSOC, là, du Programme de soutien aux organismes communautaires, de 40 millions, alors j'imagine que vous recevez ça comme une bonne nouvelle parce que c'est la mission globale qui est bonifiée ici.

Le Président (M. Bergman) : M. Brosseau.

• (10 h 20) •

M. Brosseau (Jacques) : C'est comme un bon départ. Nous, les centres communautaires, en lien avec nos regroupements nationaux, on vise un seuil plancher. La plupart des centres communautaires pour aînés en sont loin. Je considère que c'est un rattrapage, parce que, depuis quelques années, en regardant l'ensemble des membres de l'AQCCA, on constatait qu'ils s'en allaient dans une direction où il y avait beaucoup de… où le financement n'était pas assez adéquat. Donc, ils étaient beaucoup dans le déficit, donc ça devenait inquiétant pour la situation.

La nouvelle situation permet au moins un certain équilibre, de respirer un peu. On considère quand même que c'est un bon départ, mais malheureusement ça ne comble pas tous les besoins, parce que, quand on parle du vieillissement de la population, le montant qui nous a été attribué face aux demandes qui vont nous être présentées dans le futur… donc il va falloir faire l'équation éventuellement. Nous, on n'est pas spécialistes de… L'AQCCA, on n'est des spécialistes dans le financement au niveau… on a des regroupements qui nous représentent à ce niveau-là, mais évidemment on fait des revendications de nos membres.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Et vous manifestiez une certaine inquiétude concernant le financement de la mission de base de vos organismes. Je tiens à vous rassurer que le PSOC va rester et ne sera pas intégré à l'assurance autonomie. Le financement de base va faire partie du Programme de soutien aux organismes communautaires et ça ne sera pas modifié, ce financement de base, par l'assurance autonomie.

Toutefois, lorsque certains services sont utilisés via l'allocation de soutien à l'autonomie, il est possible que certains de vos organismes puissent être sollicités. Et je voyais une certaine inquiétude sur l'autonomie des organismes versus la reddition de comptes. Il nous apparaît important, lorsque des services sont contractés avec des organismes communautaires ou avec des organismes privés, d'avoir un certain standard de qualité, et je pense que vous partagez cette préoccupation de standard de qualité. Alors, c'est cette gestion publique, c'est-à-dire d'avoir des standards de qualité pour les services qui sont donnés, qui va être associée à un certain nombre d'ententes de service. Et ça, ça ne handicape en rien votre mission de base, là. Mais, lorsqu'il y a des services qui sont utilisés en contrepartie de l'allocation de soutien à l'autonomie, il y aura un certain nombre de standards de qualité qui vont être exigés de la part des organismes et des organismes communautaires.

Le Président (M. Bergman) : M. Brosseau.

M. Brosseau (Jacques) : C'est sûr que nous sommes très à l'aise avec la reddition de comptes. On est conscients que c'est des fonds publics et qu'on doit avoir transparence, là. Il n'y a aucun problème au niveau des centres communautaires pour aînés. Au niveau des qualités, on sait que, bon, il va y avoir probablement beaucoup d'ententes de service.

La difficulté? Par exemple, je vais vous donner le transport accompagnement. C'est fait par des bénévoles. L'acte bénévole est un acte libre et gratuit. Donc, c'est des gens qui choisissent de faire du bénévolat en conséquence, selon leur temps qu'ils ont de disponibilité. Et de garantir un transport à un aîné, c'est la volonté de tous les centres pour aînés qui font ce type de service là. Par contre, quand on fait affaire avec des bénévoles, ce n'est pas aussi précis que ça, on ne peut pas garantir à 100 % que la personne aura son service. Parce que la majorité de nos membres, ce sont des bénévoles. Les équipes de travail sont minimes. On n'a pas de professionnel de payé pour le transport ou de professionnel… de fonds pour financer des... donc c'est délicat. Et nous, évidemment, comme vous, on vise la qualité à 100 %, mais on ne peut pas garantir à 100 %. Ça, c'est une grande différence. Et c'est par la volonté aussi des membres. Et, parce que les centres ont été fondés par les aînés et pour les aînés, il y a tout aussi la volonté de maintenir cette forme d'indépendance là. On ne veut pas devenir des sous-traitants de l'État. Nous, ce qui importe, je pense, c'est… Les gens, les membres des centres communautaires pour aînés, sont extrêmement sensibles à leur communauté, donc ils sont très à l'écoute et ils vont faire en sorte qu'on puisse développer nos centres en fonction de ces besoins-là.

Mais, quand vous parlez d'évaluation au niveau des services, ce n'est pas qu'on est contre. Souvent, même, par rapport aux ITMAV que je parlais tantôt, il y a même tout un volet au niveau de l'autoévaluation qui existe. Les centres communautaires avec le regroupement ont développé des outils pour s'autoévaluer, autoévaluer leur qualité. Ces documents sont accessibles sur Internet pour les différents regroupements. On est très à l'aise avec ça, mais c'est de voir, par rapport à l'État, comment va prendre la forme d'évaluation. Ça, c'est une inquiétude qu'on a.

Le Président (M. Bergman) : M. Guérard.

M. Guérard (André) : J'ajouterai, si vous me permettez, que la crainte n'est pas tellement... Tout le monde est en accord avec l'offre de qualité de services, et les centres communautaires, les organismes communautaires sont tout à fait conscients de cette nécessité. Je crois que de toute façon, déjà sur le terrain, ça se pratique beaucoup.

Par contre, c'est plus au niveau de l'alourdissement de ces tâches administratives où il y a des inquiétudes. Et, à ce niveau-là, lorsque vous mentionnez, oui, la hausse au niveau des missions globales, je crois que c'est justement un pas dans la bonne direction pour accompagner les groupes dans ce type de tâches qu'ils auront à effectuer. En contrepartie, tout le volet ententes de service inquiète les groupes communautaires parce qu'on ne voudrait pas que les argents qui pourraient éventuellement être mis dans la mission globale soient diminués pour être dirigés vers les ententes de service.

Il y a des inquiétudes de ce type-là dans le réseau. Et c'est sûr qu'il y a des groupes qui vont, oui, probablement signer des ententes de service. Par contre, je vous dirais, compte tenu qu'on relève de la communauté, ce n'est pas le principe même des centres communautaires pour aînés de signer des ententes de service. C'est donc pourquoi on insiste autant sur le financement de la mission globale.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Et c'est pour ça que ce sont des enveloppes qui vont rester séparées, le PSOC et l'assurance autonomie. Les ententes de service vont être concernées par l'assurance autonomie, alors que, la subvention à la mission de base, c'est le PSOC qui va continuer à s'appliquer, de sorte qu'il n'y ait pas de vases communicants, comme vous le craignez. Alors, on va s'assurer que ça n'arrive pas.

J'aimerais vous entendre un peu plus sur vos activités de prévention et en particulier les initiatives de travailleurs de milieu, alors, pour que vous puissiez nous dire comment ça fonctionne et quel est l'impact de ces activités de prévention.

Le Président (M. Bergman) : M. Brosseau.

M. Brosseau (Jacques) : Moi, je vais vous parler au niveau des activités, puis M. Guérard vous répondra au niveau de tous les programmes ITMAV.

Au niveau des activités, on voit beaucoup de programmes pour contrer les chutes, par exemple le programme PIED que… ensuite, toutes des activités de… C'est beaucoup la prévention au niveau des chutes, au niveau de l'alimentation, comment se nourrir sainement. On organise des cuisines collectives. On organise différentes rencontres pour que les gens apprennent à mieux manger, à mieux s'occuper de leur corps et aussi à donner des activités au niveau de l'intellectuel. On n'est pas dans des activités de loisirs. Ce n'est pas la mission des centres communautaires pour aînés. Ça, il y a des groupes pour ça. Les clubs d'âge d'or, par exemple, eux, sont axés sur le loisir. Nous, on est vraiment axés sur des activités qui vont être au niveau d'expliquer le vieillissement du cerveau. Par exemple, on a des ateliers qui sont là-dessus. On va avoir des activités aussi qui vont permettre d'exercer notre mémoire, d'exercer… donc des spécialistes et parfois même des bénévoles à la retraite qui — quand je vous parlais de bénévolat — vont monter des ateliers pour stimuler les membres, en fait, et donc de… C'est des ateliers qui fonctionnent de plus en plus. C'est des choses qui attirent les gens parce qu'ils ont conscience… Plus ils vont retarder le processus de vieillissement, moins ils vont avoir à utiliser les services de l'État.

Et donc il y a toute cette sensibilité-là. Donc, ça va être des programmes pour contrer les chutes aussi. On explique autant le vieillissement qu'on essaie de le contrer. C'est deux façons de faire qu'on utilise dans nos centres. Au niveau des ITMAV, j'inviterais M. Guérard.

M. Guérard (André) : Au niveau des initiatives, écoutez, comme Jacques le mentionnait un peu plus tôt, les groupes ont rencontré certaines difficultés, au cours des ans, à rejoindre des populations qui n'étaient pas en lien avec le réseau de la santé, entre autres, et pour diverses raisons.

Il y a des gens qui ne voudront jamais, à quelque part, faire affaire avec un CSSS ou, pour différentes difficultés — on peut parler de difficultés juste de lire des documents, des trucs comme ça — ne seront pas en lien avec le réseau. Et tranquillement s'est développée sur le terrain une fonction, je vous dirais, de repérage de ces aînés, de ces personnes qui sont en difficulté et qu'il faut accompagner un peu plus, je dirais, profondément mais avec qui il faut développer un lien de confiance. Et, un lien de confiance, souvent on a constaté qu'il se développait mieux avec les groupes communautaires qui sont du milieu, qui sont connus par le milieu et par différents individus et, de cette façon-là, on arrive à établir un contact avec des personnes qui, comme je le mentionnais, ne sont pas en lien avec le réseau. C'est donc, je vous dirais, la première tâche des initiatives de travail de milieu qui s'est dispersée sur le territoire québécois de différentes façons, parce que justement on est en respect avec les centres communautaires pour aînés et leur mission.

Donc, différemment, oui, dans certains cas, on peut parler de travail de milieu dans les tours d'habitation, mais on peut parler aussi de porte-à-porte. Ça, c'est fait accompagné par des ressources du milieu, dans le cas de Montréal, le SPVM. Mais tout ça fait en sorte que lentement s'est mise en place une espèce de réseau, je dirais, au niveau des groupes communautaires, en lien également avec le CSSS mais dans le respect des missions des organismes pour faire en sorte de repérer ces individus et aussi de leur faire connaître les possibilités qu'ils avaient d'utiliser les ressources existantes, que ce soient les ressources communautaires, que ce soient les ressources du réseau.

Mais on a retrouvé, donc, des situations assez, on le sait, parfois problématiques. On parlait d'insalubrité, on parlait d'isolement social. Et souvent ces gens-là ont pu lentement mais avec leur volonté… parce que ça vient quand même de là, il faut qu'ils acceptent tout d'abord de faire le pas, et c'est dans ce sens-là que les initiatives de travail de milieu les accompagnent pour peut-être justement se déplacer vers un centre communautaire, se déplacer vers une ressource mais faire en sorte que leur situation s'améliore. On ne parle pas d'un accompagnement à long terme, parce que ce serait beaucoup trop lourd et beaucoup trop, j'oserais dire, prétentieux pour les centres communautaires et les travailleurs de milieu d'assumer ce rôle-là. Par contre, on est passés, je vous dirais, du court à du moyen terme dans l'accompagnement. Mais c'est vraiment une fonction principale de repérage, et, comme le mentionnait le Vérificateur général, souvent le repérage se fait à l'urgence. Nous, on veut que le repérage se fasse avant d'arriver à l'urgence, et pouvoir accompagner ces personnes, et éviter justement qu'elles soient en situation de se retrouver à l'urgence où souvent, on le sait, les impacts d'une hospitalisation ne sont pas très positifs, la plupart du temps.

• (10 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Est-ce que certains des CCA utilisent les mêmes outils de repérage qui sont utilisés dans le réseau, comme le PRISMA-7 par exemple? Est-ce que c'est, à votre connaissance, utilisé?

Le Président (M. Bergman) : M. Brosseau.

M. Brosseau (Jacques) : Non, on n'est pas… Je sais qu'il y a quelques endroits — sous toutes réserves, c'est en mon nom personnel — que j'ai entendu dire... Mais ce n'est pas des outils qu'on utilise beaucoup. On n'a pas évidemment beaucoup accès. Par contre, nous, par notre expérience, on travaille quand même souvent en lien avec les travailleurs sociaux. Donc, il y a quand même un lien qui s'est établi avec notre CSSS. C'est plus par ce niveau-là que par… On ne le fait pas nous-mêmes parce qu'on n'a pas les compétences. On ne veut pas non plus remplacer les travailleurs sociaux. Nous, c'est en complémentarité qu'on veut travailler, pas en compétition et pas pour remplacer.

Donc, l'objectif de nos démarches, comme le travailleur de milieu, c'est de faire en sorte de référer les gens au bon endroit, à la bonne personne, donc c'est de travailler ensemble dans notre communauté pour pouvoir… Parce que parfois il y a des situations où les gens n'auront pas besoin d'avoir accès au CSSS, et ce ne sera pas nécessaire. Par exemple, on a beaucoup développé des liens avec le SPVM, dans le cas de Montréal, là, avec les policiers sociocommunautaires. Donc, il y a tout un lien de prévention qui s'est établi, où il y a du travail qui est effectué, mais sans nécessairement avoir besoin de passer par le réseau de santé et services sociaux. Donc, ça décongestionne, finalement, parce que normalement les gens se seraient retrouvés là. Mais, par notre approche, bien ça fait en sorte que les gens sont dirigés vers une autre direction, ils sont accompagnés, et les résultats sont là aussi pour…

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre, il vous reste quatre minutes.

M. Hébert : Oh là là! Vous parlez, avec beaucoup de justesse, du rôle des gestionnaires de cas et de l'importance de procéder aux réévaluations périodiques de la personne et à la mise à jour du plan de services individualisé. C'est une recommandation qui est extrêmement importante et qu'on doit prendre en considération, parce que, comme vous le dites, la base même d'une intervention adéquate, c'est une bonne évaluation et une bonne réévaluation du plan de services. Alors, je retiens cette recommandation.

J'aimerais, comme dernière question, que vous nous parliez un peu plus des crédits d'impôt. Vous recommandez qu'ils soient revus. Alors, j'aimerais ça vous entendre sur ce que vous suggérez.

M. Guérard (André) : ...bon, on n'est pas des fiscalistes, sauf que ce qu'on rencontre sur le terrain souvent, c'est la complexité d'utiliser soit les crédits d'impôt ou soit les chèques emploi-services.

Personnellement, pour l'avoir vécu avec mon père, on a trouvé effectivement que c'était une lourdeur administrative supplémentaire pour les proches aidants. L'utilisation de ces crédits et du chèque doit être simplifiée. Il faut, si on veut que les gens vraiment en bénéficient, en profitent, il faut vraiment arriver à mettre des choses en place qui soient simples pour que les aînés puissent bénéficier au maximum, justement, de leurs retombées. Outre ça, il reste que les crédits d'impôt… on le sait, pour avoir un crédit d'impôt, il faut payer de l'impôt. Il y a des gens qui ne paient pas d'impôt mais qui ne sont pas plus en moyens, n'est-ce pas, d'obtenir les services. En tout cas, il y a… Comme je vous disais, on n'est pas des fiscalistes, mais il y a des trucs, là, à regarder pour être sûrs que tous puissent avoir accès, justement, à de meilleurs services, et le moins dans une ligne d'appauvrissement de la population.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Je reviens au chèque emploi-services. Certains nous ont recommandé qu'on puisse prévoir que des organismes ou des entreprises d'économie sociale puissent accompagner des personnes handicapées ou des personnes âgées dans la gestion du chèque emploi-services en étant des mandataires, en d'autres termes. Sans donner le service, ils sont au moins mandataires pour sélectionner le personnel, assurer un suivi du personnel.

Est-ce que cette disposition-là pourrait simplifier pour la personne l'utilisation du chèque emploi-services, pour ceux qui le veulent?

Le Président (M. Bergman) : M. Guérard.

M. Guérard (André) : Je vous dirais que ça, c'est un pas dans la bonne direction. Effectivement, il faut utiliser toutes les possibilités. Maintenant, si, à la base, déjà tout le système était simplifié, je crois que ça pourrait aider également, là, à l'application des chèques emploi-services, entre autres.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Bien, juste vous dire que nous aurons l'occasion de nous revoir, sans doute, parce qu'il y aura un projet de loi, une prochaine étape où il y aura des consultations, encore une fois, sur les dispositions législatives qui vont être soumises à l'Assemblée nationale. Alors, c'est un processus où votre participation va être accueillie très favorablement. Alors, je vous remercie beaucoup de votre participation aujourd'hui.

Le Président (M. Bergman) : Merci. Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci, M. le Président. M. Brosseau, M. Guérard, je tiens tout d'abord à féliciter votre association et les centres communautaires pour aînés qui jouent un rôle fondamental pour l'équilibre et le maintien de nos aînés dans la communauté.

Comme vous le savez, la politique Vieillir et vivre ensemble — Chez soi dans sa communauté au Québec… «sa communauté» prend un sens très important quand on parle de villes, de villages, de milieux de vie et «sa communauté», ça passe aussi par les centres communautaires, par la formation, par la prévention et par l'aspect social des aînés, parce que l'autonomie des aînés, bien sûr ce sont des services de soins et de santé, mais ce sont également des activités, comme vous l'avez mentionné, pour retarder, entre autres, l'apparition rapide du vieillissement.

MM. Brosseau et Guérard, vous avez parlé, tout à l'heure, des intervenants de travail de milieu pour les aînés vulnérables, et c'est un, je dirais, programme qui me touche particulièrement. Je me souviens très bien, quand nous avons fait la consultation publique sur les conditions de vie des aînés avec le ministre de la Santé, ça commençait à naître, ces intervenants, qu'on appelait des intervenants de rue, un peu — on avait entendu les terme — les intervenants de rang, les intervenants de HLM. Et là on s'était posé des questions et nous avions posé des questions, et c'était un peu un calque de ce qui se passait pour les plus jeunes, une transposition.

Et je sais, entre autres, qu'il y en a qui vont jusque dans la rue pour joindre des aînés qui se retrouvent en situation d'itinérance, et souvent même abandonnés, et vous faites le lien avec les centres de santé et de services sociaux. J'ai raison dans ce que je suis en train de dire?

M. Brosseau (Jacques) : Absolument, oui.

Le Président (M. Bergman) : M. Brosseau.

M. Brosseau (Jacques) : Oui, absolument. Les travailleurs de milieu vont souvent dans les milieux où se trouve l'aîné.

Donc, on va vers la personne. Donc, ça va être n'importe quel endroit. Ça va être les centres d'achats. Ça va être les endroits où on sait... susceptibles… où on a détecté qu'il y avait un nombre important d'aînés qui se retrouvaient, par exemple les centres d'achats où les gens vont prendre des cafés. Mais le travailleur de milieu se présente à eux, se fait connaître. Le porte-à-porte est un moyen qui a été très utilisé, en tout cas à Montréal. Je peux dire que, par exemple, dans le quartier Rosemont, au cours des années, 10 000 portes ont été frappées, donc, ont été cognées. Et ce qui est important avec ce type de démarche là, c'est que ça sensibilise non seulement l'aîné, là, qu'on rencontre, mais ça sensibilise aussi toute la communauté parce qu'ils sont mis à contribution pour détecter et pour rejoindre leur aîné vulnérable qui va peut-être être leur voisin, leur locataire ou leur membre de famille. Donc, c'est important. C'est que le travail se fait. On atteint, comme c'est des aînés isolés... Et rarement les personnes ne se vanteront pas… dire : Bien, je suis maltraité ou je suis… Donc, ce qu'on fait, c'est de… comme on ne peut pas toucher directement la personne, on essaie de rejoindre des noyaux autour pour rejoindre le coeur du noyau.

Donc, c'est différentes tactiques qui sont utilisées, qui ont fait leurs preuves au cours des années. On a mille et un cas qu'on pourrait vous présenter, mais le temps est limité. Mais c'est très, très efficace comme moyen.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Je me souviens, entre autres, d'une initiative, dans les HLM, où on accrochait près des portes... quelqu'un avait la responsabilité. On accrochait, par exemple, un peu comme à l'hôtel, une présence et, si le carton n'était pas accroché, on savait qu'il y avait peut-être une difficulté et qu'il y avait une personne responsable sur l'étage. Donc, les aînés, pour les aînés, deviennent en quelque sorte responsables entre eux autres. Et je pense que ça peut sauver des vies et des situations très, très, très difficiles, là.

M. Brosseau (Jacques) : ...des vies.

Le Président (M. Bergman) : M. Brosseau.

• (10 h 40) •

M. Brosseau (Jacques) : Pardon. Excusez, M. le Président, je prends trop d'initiative.

Donc, en fait, c'est qu'il y a des milieux qu'on considère un peu plus protégés, soit les résidences ou... Les HML, c'est quand même des milieux où il y a une proximité, en sorte que les gens sont plus en lien. Mais on vise aussi beaucoup les gens qui vivent en appartement, en logement ou à la campagne, par exemple, dans des rangs, dans des maisons isolées, pour faire en sorte que cette même contribution-là soit applicable dans l'ensemble des situations.

Donc, on prend exemple, comme vous nous avez raconté, au niveau des HLM, mais on essaie de transposer toute cette démarche-là aussi dans l'ensemble de la communauté, parce que non seulement ça fait en sorte qu'il y a une solidarité sociale qui est augmentée, mais aussi ça combat beaucoup l'âgisme aussi parce que l'aîné contribue aussi à participer au maintien et à la sécurité de son environnement, et pas seulement les générations qui suivent, mais l'aîné en fait partie aussi, donc...

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Le ministère de la Famille et des Aînés avait commencé à financer des projets sur une année et par la suite sur trois ans parce que le ministère n'avait pas la capacité de dépasser trois ans pour le financement. Et finalement, quand il y a eu le dépôt de la politique, ça s'est avéré qu'il y avait un programme qui était de 18 millions, qui était créé pour financer les intervenants, les travailleurs de milieu sur une plus longue période et peut-être favoriser… non seulement peut-être, mais favoriser l'apparition de nouveaux intervenants de milieu. Et vous croyez que ce programme est essentiel au maintien de la qualité de vie des aînés vulnérables pour assurer leur autonomie si on veut mettre en place une assurance autonomie qui se tienne debout?

Le Président (M. Bergman) : M. Brosseau.

M. Brosseau (Jacques) : Absolument. C'est vraiment un programme qui est essentiel parce qu'il rejoint les gens qui ne sont pas en lien avec le réseau de santé et de services sociaux, parce qu'il y a toute une... De passer uniquement par les CSSS, ce serait exclure des gens. Et ces travailleurs et travailleuses là ont accès à des gens, détectent des gens qui sont dans des situations qu'on n'aurait pas l'occasion... Et le fait de faire une pérennité quand même de trois ans, qui fait la différence quand même... Parce que le lien de confiance... C'est des gens qui ont subi des situations qui font qu'ils sont vite... le lien de confiance peut être difficile à établir. Mais, par le processus un peu plus lent, par des rencontres, par des moyens, le contact peut s'établir, mais ça prend... En une année, par exemple, si c'est dans un milieu où ça n'existe pas du tout, en une année on va instaurer le projet, mais on n'aura pas le temps de le développer et d'en arriver à des résultats concluants.

Il faut que ça soit réévalué à tous les trois ans. Ça, je pense que... De toute façon, on parlait d'évaluation et de voir si tout ça, c'était important aussi, de voir aussi les directions, parce que la société aussi évolue. Mais c'est important d'établir un programme qui va être à plus long terme au moins pour pouvoir rejoindre ces gens-là et de bien instaurer ces programmes-là. C'est un programme qui est en parallèle avec le réseau de santé et de services sociaux et qui l'accompagne finalement et qui, comme je disais tantôt, décongestionne même le réseau de santé et de services sociaux. Donc, pour le coût versus les actions et les succès rencontrés, je pense que ça vaut l'investissement.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Vous évaluez à combien de personnes qui ne sont pas en lien avec le réseau de la santé et des services sociaux, que vous touchez? Est-ce que vous l'avez faite, cette évaluation, ou...

Le Président (M. Bergman) : M. Brosseau.

M. Brosseau (Jacques) : Je n'ai pas la capacité de nommer... Je ne pourrais pas vous donner un pourcentage, mais je sais que par... Moi, je suis directeur général aussi d'un centre communautaire pour aînés dans le quartier Rosemont, à Montréal, et ma travailleuse du milieu détecte… et travaille avec une moyenne de 200 personnes par année. Elle est à temps partiel. Et ce n'est pas des... La plupart de ces gens-là n'étaient pas en lien avec le réseau de santé et de services sociaux.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Peut-être avant de passer la parole à mon collègue, juste... Vous avez parlé des crédits d'impôt tout à l'heure et de cette difficulté.

Je suis toujours extrêmement concernée par les crédits d'impôt. Il y a des crédits d'impôt remboursables, hein? Ça, la terminologie, on pense toujours que, les crédits d'impôt, il faut payer de l'impôt, mais il y a des crédits d'impôt qui sont remboursables, et ça n'a rien à voir avec nécessairement le fait qu'on contribue, comme il y a un crédit d'impôt pour les proches aidants, là. Mais toujours est-il que c'est toujours bien complexe. Et vous semblez dire que, même si on travaille année après année pour essayer de décomplexifier la chose, ça demeure compliqué.

Le Président (M. Bergman) : M. Brosseau? M. Guérard.

M. Guérard (André) : Effectivement, c'est ce qu'on entend sur le terrain quand on rencontre les aînés ou les proches aidants.

Souvent, les gens ne s'y retrouvent pas, à l'intérieur soit des crédits d'impôt ou des programmes de chèques emploi-services. Et, pour nous, c'est quelque chose qui est répété depuis des années, des années et des années. On sait qu'il y a sûrement des fiscalistes qui travaillent à simplifier les choses. Je pense qu'il y en a d'autres qui travaillent peut-être à les complexifier parfois. Mais je crois qu'il faut avoir ce souci d'accessibilité. Pour nous, c'est vraiment de l'accessibilité aux services à tous les niveaux, que ce soit pour les crédits d'impôt, que ce soit pour la santé ou pour d'autres avenues. On sait qu'au Québec, dans d'autres endroits aussi, mais notre système fiscal est assez, quand même, complexe. Nous, qui sommes quand même habitués dans les organisations à aider les gens, parfois, nous-mêmes, on doit référer à d'autres, on ne s'y retrouve pas toujours. Et donc on pense qu'il y a un travail là qui est important à faire.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bienvenue à notre commission, puis inutile de vous dire que dans le futur vous allez être très, très, très utiles à la société, parce qu'une des catégories de gens qu'il va y avoir de plus en plus dans notre société, ça va être les personnes aînées qui vont avoir besoin de plus de services. Et je pense que, comme société, on compte sur des organisations comme la vôtre pour pouvoir travailler en collaboration.

Vous nous avez apporté un élément, qu'au niveau financier vous auriez peut-être besoin d'avoir des enveloppes plus protégées pour s'assurer de la pérennité de vos organisations. Comment vous verriez ça? Parce qu'actuellement vous êtes probablement financés par les organismes communautaires. Ça veut dire quoi, pour vous, avoir une enveloppe protégée?

Le Président (M. Bergman) : M. Brosseau? M. Guérard.

M. Guérard (André) : Bien, c'est une façon, je dirais, de garantir aux groupes une certaine longévité, une certaine assurance dans leur action, et ça permet également de les soutenir dans leur développement, de faire en sorte que… Souvent, dans des groupes communautaires, oui, on répond aux demandes qui nous viennent du terrain et on doit rapidement s'adapter. Or, si les enveloppes ne sont pas sécurisées, je dirais, si on n'est pas certains, on doit souvent se tourner vers du financement par projets. Et ce n'est pas par mauvaise volonté, mais d'assurer la pérennité du financement de projets qui sont issus du financement par projets, ça devient toujours très compliqué.

Il y a énormément de causes, je vous dirais, que ce soit en santé, que ce soit en environnement, et tout le monde y va un peu de… je ne parlerai pas de saupoudrage, mais tout le monde accompagne les groupes dans la mesure où ils le peuvent. Et par contre, pour les groupes, d'avoir des enveloppes, je dirais, spécifiques va permettre d'avoir une vision à plus long terme dans le développement de leur organisation. Pour nous, c'est comme essentiel, là, à la vie des organisations communautaires, et j'inclus toutes les organisations, pas uniquement les centres communautaires pour aînés.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Actuellement, est-ce qu'à chaque année il y a une insécurité parce qu'on ne sait pas ou on sait tard dans l'année que... le budget qu'on va avoir l'année d'après ou on vous a sécurisés, pour les trois ou quatre ou cinq prochaines années, au niveau des enveloppes gouvernementales des organismes communautaires?

Le Président (M. Bergman) : M. Brosseau? M. Guérard.

M. Guérard (André) : Oui, je vais y aller. C'est sûr qu'avec, par exemple, bon, les annonces qui ont été faites récemment on sait que c'est du financement long terme. Par contre, ça faisait quand même déjà quelques années qu'il y avait un besoin de rehaussement important.

Oui, tout ça va sécuriser, je dirais, justement, le développement des programmes que les groupes mettent en place. Mais encore, comme le mentionnait Jacques, c'est un pas dans la bonne direction. Mais on croit que, pour accompagner, entre autres, les aînés dans un processus justement de prévention, de faire en sorte qu'ils puissent demeurer à domicile plus longtemps, il faut vraiment que la prévention soit prise en compte et soit à quelque part financée pour ce qu'elle est, pour ce qu'elle évite, je dirais, en coûts à l'État. Et souvent, et peu importe, je vous dirais, le gouvernement qui est en place, la prévention est souvent laissée de côté ou on voit la prévention comme des actes de sensibilisation, des campagnes promotionnelles, et il faut aller au-delà de ça. Quand on parlait des initiatives de travail de milieu, pour nous, c'est de la prévention. Les actions qui sont faites dans les centres communautaires, ce sont des actions de prévention. Et il faut accompagner à la hauteur de leurs attentes — bon, parfois, oui, on peut comprendre les contraintes budgétaires — mais ces groupes qui font en sorte qu'en bout de ligne l'État économise.

Je n'aime pas parler d'économie quand je parle de la santé des gens, je vous dirais, je préfère qu'on priorise, justement, le bien-être de la population. Mais il reste quand même qu'il y a des coûts associés à tout cela.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

• (10 h 50) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Je vais vous rassurer, là, on ne voit pas ça comme une dépense, on voit ça comme un investissement. Et, si l'investissement est fait au bon moment, avec les bonnes personnes, dans une bonne organisation, avec un bon niveau de performance, ça nous évite des coûts plus tard. Et, comme société, compte tenu que l'enveloppe est fermée, nous sommes tous gagnants. Donc, là-dessus, là, vous avez tout notre support. Puis on sait qu'en général un dollar investi dans la prévention... on va récupérer plusieurs dollars au niveau soit du traitement ou encore de placement des gens.

La semaine dernière, on a rencontré la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer. Et eux ont eu une demande de la part du ministère, de préparer un genre de plan de développement. On n'a pas eu les détails, là, mais ce qu'on pouvait comprendre dans les discussions, c'est que c'est des organisations qui vont être appelées à prendre plus de place, compte tenu de l'évolution de la maladie, et également le ministère leur aurait demandé un plan de développement. Est-ce que vous avez eu la même demande de la part du ministère?

Le Président (M. Bergman) : M. Guérard.

M. Guérard (André) : Non, on n'a pas eu ce type de demande.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Vous comprenez que, si on veut avoir une vision globale du développement des services aux personnes aînées, c'est important que chacun de nos organismes, surtout un organisme comme le vôtre, qui a un retentissement provincial, soit capable de faire des prévisions sur ce qu'il aurait besoin comme développement. Ce qu'on voit souvent dans le projet de l'assurance autonomie… Il y a plusieurs choses qui ont été mises en place, entre autres les grands principes dans lesquels nous croyons tous — je pense qu'on veut tous que les gens demeurent le plus longtemps possible à domicile — la prévention et la prise en charge. Mais ça prend, tant du côté gouvernemental que des organismes paragouvernementaux et des organismes communautaires, un plan de développement pour savoir c'est quoi, les services qui vont être mis en place, combien ça va coûter et c'est quoi, l'échéancier qui est réaliste. Vous n'avez pas eu de demande en ce sens-là?

Le Président (M. Bergman) : M. Guérard.

M. Guérard (André) : De demande? Non. Je vous dirais qu'on est quand même, si vous me permettez, on est quand même consultés, les organismes communautaires. On pense au comité des partenaires non gouvernementaux, provinciaux. On est quand même consultés. Dans la mesure où ça vise spécifiquement certains volets de l'assurance autonomie, oui, on en a discuté, tout ça.

Moi, je vous ramènerais par contre dans le fait que, quand on demande de mettre en place un comité national, pour nous, il y a de ça là-dedans, de permettre aux gens, justement, sans imposer, parce qu'on comprend qu'on veut respecter les régions... mais, d'avoir des balises nationales qui auraient été discutées par toutes les ressources impliquées, on croit qu'on va un peu dans le sens de ce que vous mentionnez. Et, pour nous, c'est important pour pouvoir justement évaluer ce qu'il y a, sur le terrain, à développer. Et, dans les régions, oui, ils pourront adapter, et on est tout à fait en respect avec cela. Mais il reste quand même qu'on croit que, pour éviter certains ratés dans différents milieux, il faut quand même arriver à mettre ensemble toutes les ressources, que tout le monde puisse travailler à ce projet-là, qui est, on le sait, un projet de société.

Pour nous, quand on parle d'un projet de société, on parle d'implication de tout un chacun, d'une responsabilité sociale. Et, dans ce sens-là, je vais un peu dans le sens où vous parlez d'un plan de développement. Bon, on n'avait pas utilisé ces mots-là, mais, pour nous, un comité national qui permettrait de mettre en place des grandes balises va un peu dans cette direction-là.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'ailleurs, ça irait dans une logique d'évaluer les clientèles, d'évaluer les besoins de ces clientèles, suivie de savoir quels services ils vont avoir besoin et, par la suite, de faire une quantification, au niveau monétaire, des ressources nécessaires pour pouvoir le mettre en place. Ça, à votre connaissance, ça n'a pas été fait encore, puis c'est ce que vous demandez par la mise en place d'un comité national?

Le Président (M. Bergman) : M. Guérard.

M. Guérard (André) : Oui. Moi, je vous dirais que notre souci est moins peut-être au niveau des chiffres, de ce que coûte tout cela. Comme je vous disais, nous ne sommes pas des fiscalistes. Par contre, notre souci, c'est de s'assurer que les ressources, les services disponibles... on veut s'assurer d'une équité partout à travers le Québec. Comment tout cela doit se faire? Bon, je crois qu'il y a des parlementaires qui sont là pour, justement, assister la population à l'intérieur de ça, mais on est soucieux qu'effectivement soient mises en place certaines balises pour bien évaluer les impacts aussi de ce changement. C'est quand même un changement majeur pour une société, et on croit qu'il faut, là, travailler, tout le monde ensemble.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste quatre minutes.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Vous savez que, dans le projet de l'assurance autonomie, il y a la création d'une caisse mais également d'une nouvelle façon de faire où les besoins vont être déterminés avec un certain montant alloué pour chaque personne. Et cette personne-là, théoriquement, ça va être géré au niveau de l'assurance maladie, de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Donc, le processus, là, c'est vraiment : cette évaluation des besoins détermine un peu comment ça va être octroyé. Et la façon dont ils vont l'octroyer, c'est par le budget de la Régie de l'assurance maladie du Québec, qui sera un budget protégé.

Vous, dans le projet qui est déposé, si je comprends bien, vous ne rentrez pas dans ce processus-là, vous restez dans un processus plus d'allocation budgétaire provenant d'une enveloppe globale, probablement des organismes communautaires.

Est-ce que c'est comme ça que vous le voyez ou vous aimeriez être intégrés avec la Régie de l'assurance maladie du Québec?

Le Président (M. Bergman) : M. Guérard.

M. Guérard (André) : Il y a effectivement à l'intérieur de ça un dilemme parce que certains groupes communautaires vont, oui, effectivement signer des ententes de service et seront, je dirais, sollicités de toute façon pour offrir les services à la population, et, d'un autre côté, il y a le financement à la mission. Je crois qu'un et l'autre peuvent se compléter.

À l'association, on travaille avec nos groupes. Jamais nous n'oserions dire à nos groupes : Vous n'avez pas à signer d'ententes de service. C'est quelque chose qui existe sur le terrain, c'est quelque chose qui existera. Je ne veux pas sembler fataliste, là, on compose avec. Par contre, comme je le nommais tout à l'heure, on ne veut surtout pas que le principe de développer des ententes de service ait un impact quelconque sur le développement du programme PSOC pour la mission des groupes. On priorisera toujours le développement par la mission, le financement à la mission, c'est sûr et certain. En contrepartie, compte tenu des besoins et des réalités, il y aura toujours des possibilités que les groupes désirent et veulent signer des ententes de service. Par contre, on sait que tout ça implique une reddition de comptes supplémentaire et on s'inquiète un peu de la lourdeur administrative de tout ça.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste deux minutes.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. On sait qu'il y a une intention de mettre en place le régime d'assurance autonomie pour le 1er avril 2014, là. C'est dans quelques mois. Il y a encore beaucoup de travail à faire.

Dans vos documents, vous disiez que l'échéancier était trop serré. Qu'est-ce qu'il manque pour réussir à dire que, le 1er avril, ça pourrait être mis en place? Ou y a-tu des éléments vraiment qui doivent être mis sur la table avant qu'on puisse dire que l'assurance autonomie est un projet qui est valable pour la société? Puis je vous rappellerai qu'on est tous d'accord avec les grands principes, mais est-ce qu'on a besoin de l'assurance autonomie, une structure, que nous autres, on trouve bureaucratique, avec plein de processus, puis changer toutes sortes de façons de faire, alors qu'on ne devrait pas se concentrer plutôt à l'amélioration de la performance du réseau de la santé pour les personnes aînées?

Le Président (M. Bergman) : M. Guérard? M. Brosseau?

M. Guérard (André) : Oui, effectivement, on a nommé que, pour nous, un projet de société demande du temps, demande des consultations, en même temps qu'on est conscients qu'il faut avancer, avancer peut-être rapidement, compte tenu de l'impact du vieillissement de la population.

En contrepartie, on ne veut pas que ce soit fait dans la précipitation. On tient à ce que justement, quand on parlait d'un comité national, que ces gens-là puissent justement faire en sorte qu'au moment jugé opportun par les gouvernements de mettre en place cette assurance autonomie tout soit déjà prêt. On a vécu par le passé... On va parler de virage ambulatoire, on va parler de restructuration des CLSC avec les CSSS et parfois on est obligés d'admettre qu'il y a eu certains ratés. Et on se dit : Pour cette fois-ci, est-ce que c'est possible de mettre en place tout ce qu'il faut et, à un moment précis, dire : Bon, c'est beau, on a les ressources qu'il faut, on est certains qu'il n'y aura pas trop de ratés, parce que c'est sûr qu'il y en aura toujours? On travaille avec des êtres humains, et parfois, puis ce n'est pas par mauvaise volonté, mais tout ne s'attache pas correctement.

On veut qu'un maximum de choses soit attaché avant qu'on puisse appliquer le principe de l'assurance autonomie sur le terrain. Ça peut demander un peu plus de temps. Moi, je ne crois pas qu'il faut parler, là, de décennie. On peut parler qu'à l'intérieur d'un an... je crois que tout le monde pourrait justement avoir mis la main à la pâte, et enrichir tout le processus pour faire en sorte qu'on puisse éventuellement mettre en place tout ça, et répondre adéquatement aux besoins des aînés.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. Brosseau, M. Guérard, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous aujourd'hui et partager votre expertise.

Collègues, je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 10 h 59)

(Reprise à 11 h 1)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, nous avons le grand honneur de recevoir M. Claude Castonguay. M. Castonguay, bienvenue. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Alors, le micro, c'est à vous, M. Castonguay.

M. Claude Castonguay

M. Castonguay (Claude) : Merci. M. le Président, j'essaie juste, là, d'ajuster mon appareil. Je m'excuse. D'abord, je vous remercie de me recevoir ce matin, et d'autant plus que le problème auquel vous vous adressez est un problème réel. Avec le vieillissement de la population, l'augmentation du nombre de personnes qui sont soumises à des maladies chroniques, évidemment il y a un problème majeur qui est devant nous, celui de satisfaire les besoins de cette population vieillissante.

La question de l'assurance autonomie est une question complexe évidemment, et il y a plusieurs dimensions à la question. Il n'est pas possible de toutes les aborder, de toutes les discuter. Alors, moi, j'ai essayé de m'en tenir aux aspects essentiels en tant que programme d'assurance sociale.

Dans les pays développés, on retrouve deux approches pour l'assurance autonomie, ou les soins à domicile, ou le maintien des personnes à domicile. Il y a des régimes qui ont des programmes, un régime d'assurance autonomie comme la France, l'Allemagne, l'Espagne. Ce sont des pays qui ont organisé leur système de santé à partir de caisses d'assurance, des caisses mutuelles qui couvraient une partie de la population, des caisses qui couvrent certains risques spécifiques, et c'est l'addition de ces différentes caisses là qui a fait en sorte que des systèmes universels d'assurance dans ces pays-là ont été établis. Il y a l'autre approche qui est celle de la couverture par les systèmes de santé, les systèmes de santé, qui ont été créés de toutes pièces, comme en Angleterre, comme en Suède, comme ici, au Canada et au Québec. Et les soins et services qui sont offerts ou qui sont produits pour satisfaire les besoins de la population sont produits à l'intérieur de ce système, des systèmes de santé, alors que, dans les autres pays comme la France, l'Allemagne, l'Espagne, si vous avez une caisse d'assurance, pour que ce soit vraiment une caisse d'assurance et un véritable régime d'assurance, il y a des cotisations, des cotisations qui font en sorte que le système est capitalisé, et une génération finance les coûts ou les dépenses qu'elle subira ou qu'elle occasionnera lorsqu'elle arrivera à la retraite.

Alors, c'est donc deux modèles différents qui sont utilisés. Dans le régime qui est proposé dans le livre blanc, on ne retrouve ni l'un ni l'autre, en fait. Vous n'avez pas de cotisation, ce qui veut dire que le régime va être financé simplement par des transferts de budget. Il n'y a pas de capitalisation. Ça veut dire que, si on augmente les coûts de ce régime, c'est la population active qui va être tenue de financer ces coûts additionnels. Et nous savons que les transferts intergénérationnels, dans le moment, c'est la chose à éviter. On s'en va vers une population active qui va être moins élevée et une population de personnes âgées qui va en augmentant. Alors, on laisse aussi à la population active une dette qui est très élevée et donc on ajouterait à ce fardeau-là.

Le fait aussi qu'il n'y ait pas de cotisation, qu'il n'y ait pas de financement précis par des cotisations et que ce n'est que des transferts de budget ne donne, à mon avis, aucune assurance, puisque les budgets qui seraient donnés à l'assurance autonomie pourraient être très bien compensés par des diminutions de budgets à d'autres postes. Alors, il n'y a pas cette garantie d'une caisse avec cotisation et capitalisation.

Il y a un autre aspect, moi, qui m'apparaît extrêmement important, c'est qu'il n'y a aucune évaluation réelle des coûts. On ne sait pas quel serait le montant des allocations qui pourrait être donné pour l'achat de services ou la provision des services. On ne connaît pas le niveau de besoin d'une façon précise, il y a juste des approximations très générales, et on ne connaît pas non plus, par rapport à ces besoins, jusqu'à quel point la demande actuelle y répond. Et je crois, moi, que, dans un programme d'assurance sociale comme celui qui est proposé… moi, je n'ai jamais vu un programme d'une telle ampleur être offert, être proposé sans qu'il y ait des projections valides des revenus et des dépenses.

Sur les autres points, en plus de cet aspect du système d'assurance, on note dans la lecture du document que l'approche en est une de vouloir planifier les ressources, organiser les ressources, coordonner, et c'est donc une approche, encore une fois, qui part du ministère, qui s'en va en descendant vers ceux qui produisent et qui donnent les soins. Cette approche-là a été prise dans le passé, quand on a établi le Dossier santé. Au lieu d'aider les gens dans les cliniques, dans les hôpitaux à créer un dossier santé et après ça de raccorder tous ces systèmes, on a pris une approche globale. Et on sait que ça a coûté extrêmement cher et on sait aussi qu'il y a des retards importants, alors que le Dossier santé pourrait grandement faciliter la tâche de tous ceux qui interviennent et réduire les dépenses.

C'est un peu la même approche qui a été prise pour les groupes de médecine familiale : au lieu de laisser une certaine latitude aux gens dans le milieu au niveau de l'action sur le terrain, on a établi, on a planifié, on a organisé, on a coordonné, mais finalement on a fait en sorte que la structure est tellement lourde qu'un bon nombre de médecins ne veulent pas adhérer à des groupes de médecine familiale. Donc, après une dizaine d'années, on est encore loin des objectifs visés.

Moi, ce que je crois qui devrait être fait, c'est une approche qui s'inscrit directement dans notre système de santé. Tout ce qui a été discuté ou tout ce qui est proposé au niveau des services, ça peut très bien être fait à l'intérieur de notre système de santé sans qu'il soit nécessaire de créer une nouvelle structure, et l'approche qui devrait être prise devrait être une approche où on met l'accent sur stimuler la production des services, aider les gens qui sont sur le terrain à répondre à la demande.

• (11 h 10) •

Par exemple, les aidants naturels. On sait très bien que la grande majorité des personnes qui sont à domicile et qui vont demeurer à domicile, c'est l'objectif de ce que nous discutons, ils dépendent d'aidants naturels. Les aidants naturels, c'est la partie probablement la plus importante de cette équation-là, comment répondre aux besoins des personnes qui vont être à domicile, et le livre blanc ne les mentionne à peu près même pas. On ne clarifie par leur statut, on ne dit pas si on va les aider financièrement, on ne dit pas si ce sont eux qui vont être responsables des dossiers. Au contraire, on a l'impression que c'est quelqu'un extérieur à la famille qui va prendre charge du patient, alors que ça devrait être l'inverse. Alors, la même chose pour les ressources communautaires, on devrait — on a entendu, là, un groupe — on devrait mettre l'accent... et leur donner la latitude de s'organiser au lieu d'essayer toujours de tout structurer. Même chose pour les coopératives d'économie sociale.

Alors, en définitive, moi, je crois qu'à l'intérieur de notre système de santé, si on veut bien regarder ce qui se passe sur le terrain, c'est là qu'on devrait mettre l'accent. La Grande-Bretagne, qui est un pionnier dans ce domaine, prend cette approche de stimuler et de tout faire pour que les gens sur le terrain puissent répondre à la demande et met la responsabilité sur le patient, sur les aidants naturels pour gérer les ressources qui sont à leur disposition. Je voudrais simplement mentionner enfin, M. le Président, que le Vérificateur général, dans son rapport de juin 2013, a examiné la question, et lui, il conclut — et c'est dans son rapport — que la question de satisfaire les besoins des personnes en perte d'autonomie, ça n'est pas un problème de financement, au premier titre, mais plutôt un problème d'organisation et de production des services. Il mentionne même que, s'il y a un problème aussi grand, là, un écart aussi grand entre la demande et l'offre, ça viendrait du fait, selon lui, que seulement 11 % du temps des intervenants qui sont sur le terrain est consacré aux services.

Alors, ma conclusion, c'est qu'on devrait mettre tout l'accent, dans ce qui est proposé ici, non pas sur le financement par un régime qui n'en serait pas vraiment un, mais mettre l'accent sur la production au niveau du terrain.

Le Président (M. Bergman) : Merci, M. Castonguay, pour votre présentation. Maintenant, pour le bloc du gouvernement, M. le ministre.

M. Hébert : Merci beaucoup, M. Castonguay, de votre présentation. Vous êtes le père de l'assurance maladie et vous vous souvenez très bien que cette assurance maladie a été mise en place pour couvrir les soins hospitaliers et les soins médicaux et que la règle canadienne était que ces soins devaient être médicalement nécessaires. Et là, et une partie importante du problème, c'est que les soins à domicile ont été développés en marge de ce système de santé, et ce développement a été extrêmement variable d'une province à l'autre, certaines provinces les incluant en partie, d'autres les excluant complètement. On pense à l'Alberta. Mais, même au Québec, l'État finance entre rien du tout, dans certaines résidences privées et dans des HLM, et 15 % des besoins de soutien à domicile, ce qui est loin de faire en sorte que c'est couvert par l'universalité de notre système, et surtout c'est loin d'être équitable, comme le rappelaient d'ailleurs la Protectrice du citoyen et le Vérificateur général.

Alors, il y a actuellement, au Québec, là, même un vide juridique sur quelle est la couverture des soins à domicile, quelle est cette couverture qui devrait être rendue disponible aux personnes, et il faut corriger ce vide, il faut qu'on éclaircisse qu'est-ce qui est couvert et qu'est-ce qui n'est pas couvert par nos régimes de protection sociale.

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

M. Castonguay (Claude) : Je suis parfaitement d'accord avec vous, M. le ministre, et d'ailleurs on a vu comment ça peut être fait à l'intérieur de notre système au cours des années. En fait, lorsqu'il a été question de fertilisation in vitro, on n'a pas été obligés de créer un nouveau régime ou de procéder hors du régime.

Il s'agit de déterminer, dans la définition de ce qui est couvert par la Régie de l'assurance maladie ou encore par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, la couverture de nouveaux soins ou de nouveaux services, comme ça a été fait dans le cas, par exemple, de l'imagerie médicale. On a exclu du système de santé ou de la couverture l'imagerie médicale lorsqu'elle est produite dans les cliniques privées. On le couvre uniquement à l'hôpital. Si on voulait couvrir l'imagerie médicale en clinique privée ou en clinique médicale, on pourrait le faire à l'intérieur du système, on n'aurait pas besoin de créer une nouvelle structure. Les soins optométriques; il y en a, des soins optométriques, qui sont couverts. Il n'y a pas de régime particulier pour les soins optométriques.

Alors, l'idée, dans les soins et services à domicile, je suis d'accord avec vous, il faudrait que ça soit beaucoup mieux défini et, à l'intérieur du système, il est possible de les couvrir.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous nous rappelez les deux grands systèmes — bismarckien et beveridgien — qui ont conditionné le développement des systèmes de santé, mais vous savez très bien que tous ces systèmes ont évolué et qu'on a de plus en plus des systèmes qui sont mixtes, où à la fois des systèmes bismarckiens sont financés par les fonds de l'État, comme c'est le cas en France, et des systèmes beveridgiens, à l'opposé, sont parfois financés par des modes de cotisation. Le fonds santé, le FINESSS, est un bel exemple québécois de cette évolution vers un système mixte. Et ces systèmes… en fait, cette distinction des deux systèmes s'applique mal aux soins de longue durée. Les pays scandinaves qui ont des systèmes beveridgiens en fait ont complètement délégué les soins de longue durée aux municipalités, alors ce n'est pas le système de santé qui prend la responsabilité de ces systèmes-là. Et les assurances autonomie qui ont été développées au Japon ou en Corée sont des systèmes qui ne sont pas nécessairement calqués sur les systèmes d'assurance sociale.

Alors, il n'y a pas, dans le domaine des soins de longue durée, ce même clivage entre le système bismarckien et le système beveridgien. Encore faut-il qu'il existe encore même dans les systèmes de santé.

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

M. Castonguay (Claude) : Je suis d'accord avec vous qu'il y a eu de l'évolution.

Alors, reprenons notre système. Tel qu'il est présentement, il est financé par les revenus généraux de la fiscalité, et c'est probablement ce qu'il y a de plus équitable. On répartit les coûts sur l'ensemble de la population, et les entreprises, les gens paient selon leurs niveaux de revenus, ils ont des exemptions ou des crédits si leurs revenus sont moins élevés.

Là, on propose tout à coup de créer un système où les cotisations vont être ajoutées au fardeau fiscal qui est déjà très lourd. On sait que nous avons le fardeau fiscal le plus lourd au Canada et même en Amérique du Nord. Alors, on veut ajouter à ce fardeau fiscal et pour financer des services à des personnes qui arrivent présentement à la retraite, alors qu'on aurait dû faire ça il y a longtemps et capitaliser. Si on ne capitalise pas, on transfère le fardeau à la génération qui nous suit, alors que, si on laisse ça à l'intérieur du système, toutes les personnes à la retraite qui ont des revenus suffisants vont continuer de payer des impôts, alors que, là, avec une cotisation, dès que vous allez arriver à l'âge de la retraite, les cotisations vont se terminer. Je ne vois pas, moi, pour quelles… Pour des raisons d'équité, moi, je crois qu'on devrait garder le système que nous avons. Et, même si dans d'autres pays qui ont des approches très différentes on a évolué vers quelque chose de différent, ça ne veut pas dire… ce n'est pas une bonne raison, à mon avis, de dire qu'on devrait faire de même ici. Il faudrait qu'il y ait une justification plus profonde et plus importante.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

• (11 h 20) •

M. Hébert : Alors, je comprends que vous ne soutenez pas une des hypothèses qui était dans le livre blanc et qu'on avait mise à la discussion, qui était de pouvoir capitaliser cette caisse-là. Nous avons pris une position gouvernementale. Mme la première ministre, il y a deux semaines, a déclaré en Chambre que ce seraient les impôts qui financeraient l'assurance autonomie, alors c'est la décision que le gouvernement a prise.

Maintenant, ce que je voudrais, je voudrais vous entendre sur... Puis vous savez qu'on a eu des échanges. On s'est même rencontrés. J'étais un peu étonné, dans une émission de télévision, que vous disiez qu'on ne s'était jamais rencontrés là-dessus. On a eu des échanges sur les assurances long terme, sur le projet d'assurance autonomie, et vous aviez évoqué un certain nombre des réserves que vous réitérez dans votre mémoire. Il n'y a aucune des assurances à long terme, aucune, aucune… que ce soient l'Allemagne, la France, le Japon, la Corée, l'Espagne, il n'y a aucune qui a capitalisé, et c'est du «pay-as-you-go». Dans tous les systèmes d'assurance long terme qui existent actuellement, ce n'est que du «pay-as-you-go».

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

M. Castonguay (Claude) : Écoutez, il y a deux choses, là. D'abord, je voudrais juste vous mentionner que, quand j'ai parlé à la télévision de nos échanges, je n'ai jamais dit qu'on ne s'était jamais rencontrés, j'ai dit qu'à un moment donné le dialogue que nous avons eu, lorsque j'ai posé certaines questions, il s'est terminé. On a eu un échange de lettres. Je les ai encore. Je les ai avec moi. C'est tout ce que j'ai dit.

Maintenant, la question de la capitalisation, je m'excuse, mais, même si Mme la première ministre a dit qu'elle voulait capitaliser, ça se fait à l'avance, capitaliser, ce n'est pas un transfert de budget. Ce n'est pas de la capitalisation, ça, c'est du «pay-as-you-go». Maintenant, si c'est l'approche que vous prenez, le «pay-as-you-go», pourquoi appeler ça une assurance autonomie? C'est ça qui est notre système présentement. En tous les cas, on tourne un peu autour de la question.

Moi, je crois que ça n'est pas un problème de financement qui est devant nous, c'est un problème d'organisation et de faire en sorte que les services soient produits en volume plus grand partout où ils sont nécessaires. Il n'y a rien qui empêche — il y a des questions de disparité entre les régions — de faire des réallocations. C'est ce que vous faites constamment dans l'allocation des budgets entre les régions, selon l'évolution des populations, selon l'évolution des besoins. L'approche populationnelle, elle peut s'appliquer tout aussi bien ici pour les soins à domicile et les soins aux personnes en perte d'autonomie.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : L'élément essentiel du projet qu'on a devant nous, c'est l'allocation de soutien à l'autonomie, c'est-à-dire cette allocation qui est établie en fonction de l'évaluation des besoins de la personne. D'ailleurs, vous recommandiez dans votre rapport du groupe de travail sur le financement des soins de santé que la couverture soit justement ajustée en fonction du degré de dépendance, alors c'est essentiellement ce que nous faisons. Et cette allocation-là, elle est remise pas en espèces, mais elle est à la disposition de la personne. Et c'est là le changement majeur : au lieu de financer les établissements, on finance les personnes, et les personnes peuvent faire appel à différents prestataires de services.

C'est ça, l'essence même de l'assurance autonomie, et en cela nous rejoignons une des recommandations de votre groupe de travail, là, qui voulait qu'on puisse graduer les services en fonction de la dépendance. Moi, je préfère appeler ça l'autonomie, mais en fonction de l'autonomie des personnes.

M. Castonguay (Claude) : Écoutez…

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

M. Castonguay (Claude) : …je suis heureux de voir que vous mentionnez le rapport de mon groupe de travail, parce que, dans la bibliographie, vous avez mentionné le rapport Clair, vous avez mentionné le rapport Ménard, mais vous avez bien pris soin de ne pas mentionner le rapport que j'avais présidé. En tous les cas, ça, ce n'est pas grave, là. Mais c'est vrai que nous avions proposé une allocation. Maintenant, cette allocation-là, elle peut être gérée de deux façons : par un fonctionnaire qui va prendre... Il va y avoir une évaluation du statut de la personne qui va être faite, mais c'est le fonctionnaire qui va décider comment l'allocation va être dépensée. Moi, je crois que c'est la personne, ou l'aidant naturel, ou le délégué de la personne qui devrait le gérer, et votre livre blanc, à mon avis, n'est pas clair sur ce point-là.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Alors, permettez-moi de clarifier. C'est le gestionnaire de cas qui a tout, sauf le statut de gestionnaire, donc c'est un professionnel, travailleur social ou infirmière, et ils sont déployés actuellement dans le réseau, c'est le gestionnaire de cas qui, avec la personne et sa famille, va gérer l'allocation de soutien à l'autonomie et s'assurer que, les services qui sont nécessaires, qui ont été convenus dans un plan de services individualisés, ces services-là puissent être financés à même l'allocation.

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

M. Castonguay (Claude) : Mais qui va prendre la décision finale? Est-ce que c'est l'aidant naturel, le malade ou son représentant ou est-ce que c'est le gestionnaire?

M. Hébert : La personne. La personne.

M. Castonguay (Claude) : Ah bon! Ah bon!

M. Hébert : Et, dans le projet de loi, on aura une disposition très claire, où il faut une approbation formelle de la personne.

M. Castonguay (Claude) : Très bien. Parce que, dans votre livre blanc, moi, je l'ai lu attentivement, je ne crois pas que ce soit mentionné très clairement.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Un livre blanc, c'est fait pour justement recevoir les commentaires des différents intervenants et de pouvoir avoir une évolution dans le principe qui est mis de l'avant.

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

M. Hébert : L'autre élément, M. le Président…

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : …vous mentionnez dans votre mémoire qu'il faut passer «à un mode décentralisé et dynamique», orienté vers le développement des milieux de services non institutionnels. Encore là, c'est l'essence même du projet, que nous avons devant nous, pour qu'on puisse profiter, dans le bon sens du terme, de l'ensemble des prestataires de services, que ce soient des entreprises d'économie sociale, des organismes communautaires, des résidences privées, où il y a de plus en plus de personnes qui habitent, ou encore des résidences à loyer modique, ou encore des coopératives d'habitation.

Alors, l'essence même, encore une fois, c'est de pouvoir utiliser pas juste les ressources du public, mais l'ensemble des prestataires de services et d'en retrouver une gestion publique, c'est-à-dire que l'État puisse contrôler la qualité des services et la formation du personnel qui dispense des services.

M. Castonguay (Claude) : Oui, très bien, sauf qu'encore une fois vous lisez le livre blanc, et ce qui se dégage — je ne me souviens pas, je pense, c'est à la page 14 — c'est que l'on commence, encore une fois, en parlant de planification, de coordination, alors l'accent est toujours du haut vers le bas dans tout l'esprit de ce livre blanc là. Et, moi, c'est à cet aspect-là que j'ai réagi. Si on prend l'approche beaucoup plus pratique d'essayer d'aider directement dans le milieu sans, encore une fois, impliquer toute une armature, toute une structure, ça va être, à mon avis, la chose à faire, et, si c'est cette voie que vous prenez, je vais être le premier à applaudir.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Merci. Je voudrais revenir sur l'allocation en espèces, ce que les Anglo-Saxons appellent le «cash for care» ou, les Britanniques, le «personal health budget».

Vous n'êtes pas sans avoir qu'il y a des effets pervers importants. Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de critiques sur ce «personal health budget», en Angleterre, qui a des effets pervers, d'abord, des effets pervers de laisser place à l'abus, à l'abus financier des personnes, à mettre en place une espèce de marché noir, comme ce fut le cas en Italie, d'ailleurs, avec les «badanti», ces immigrants, pour la plupart, qui sont engagés par les personnes avec cette allocation en espèces. On n'a pas d'évaluation ou de prise sur la qualité des services, et ça confine les femmes dans un rôle traditionnel de rester à la maison, de quitter leur emploi et de devenir des proches aidants financés par une allocation de ce type-là. Alors, il y a des effets pervers importants que nous ne souhaitons pas voir au Québec, là, et c'est pour ça qu'on veut limiter l'utilisation d'une allocation en espèces à des situations où on utilise le chèque emploi-services, avec, encore une fois, un contrôle sur la qualité des interventions qui sont faites par le personnel.

Et ce qu'on souhaite, nous, c'est que les femmes restent sur le marché du travail et puissent même intégrer le marché du travail dans des entreprises d'économie sociale ou dans des entreprises publiques, au contraire, et qu'on n'aille pas dans la voie de la rémunération du proche aidant avec le «personal health budget».

• (11 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

M. Castonguay (Claude) : J'ai une analyse ici de ce qui se fait en Angleterre. Ça leur a pris un certain nombre d'années avant d'arriver au stage où ils en sont aujourd'hui. Ce n'est pas quelque chose qui a été fait subitement.

Alors, je suis d'accord avec vous qu'il faut que ce soit bien organisé et qu'il peut y avoir des abus. Et, s'il est possible de le faire par un moyen où il n'y a pas de cash qui pourrait être utilisé à des fins qui ne sont pas celles pour lesquelles l'argent est mis, est rendu disponible, très bien, il n'y a rien… je ne vois pas aucune raison pourquoi on devrait s'objecter à ça. Mais il reste qu'il n'y a pas de système où il n'y a pas certains effets pervers, là, comme dites. Mais il reste que l'ensemble de ce qui est fait avec le «personal budget» en Angleterre… il reste que les résultats, dans l'ensemble, sont positifs. Il faut éviter les effets non visés ou les défauts que ça peut créer, à certains égards, mais il reste que l'ensemble est encore une approche qui est valable.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Justement, pour obvier ces effets pervers, nous préférons l'allocation, le soutien à l'autonomie, qui permet d'utiliser des prestataires dont la qualité des services est certifiée, et dans certains cas d'utiliser le chèque emploi-services pour un certain nombre de services qui sont difficilement disponibles auprès des prestataires. Et c'est une façon d'obvier ces effets pervers, là, de pouvoir implanter cette assurance autonomie avec l'allocation de soutien à l'autonomie.

Vous portez dans votre mémoire un jugement extrêmement sévère sur deux dossiers qui ont été menés par le gouvernement précédent : le Dossier santé Québec et les GMF. Et vous avez un jugement sévère. Et j'aimerais que vous nous expliquiez, là, quelle est votre appréciation de ces deux mesures qui ont été développées au cours des dernières années par le gouvernement qui m'a précédé.

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

M. Castonguay (Claude) : Je vois que vous avez lu le rapport de mon groupe de travail de 2008 sur le financement des services de santé.

On avait examiné la question du Dossier santé à l'époque, ça fait déjà, là, cinq ans, là, de ça. Ce que nous proposions, c'est qu'on mette l'accent sur le développement, dans les cliniques, dans les établissements, d'un dossier patient à ce niveau-là et qu'on le fasse avec une méthodologie ou une technologie qui est compatible, de telle sorte qu'une fois que les cliniques, les hôpitaux auront développé leurs dossiers patients, si c'est à partir d'une technologie qui est compatible, on pourra faire les raccordements qui s'imposent. Mais l'approche, cette approche-là, qui avait été prise à l'origine et qui donnait lieu à de grandes difficultés et des dépassements de coûts, a été maintenue. Et c'est la raison pour laquelle moi, je trouve qu'après tant d'années, depuis le début de ce dossier-là, quand je constate que, dans notre système de santé, il y a encore un grand nombre… la majorité des gens n'ont pas un vrai dossier patient — je ne parle pas, là, d'un dossier comme celui, là, qui est développé, le Dossier santé — un dossier patient qui rendrait des services énormes à tous les intervenants et à la population, bien je ne peux pas m'empêcher de le déplorer et de le dire. Qu'est-ce que vous voulez, je regrette tout simplement l'état de la situation, je ne vise personne en particulier.

La même chose pour les groupes de médecine familiale. Vous savez fort bien, vous-même, vous l'avez dit à quelques reprises depuis que vous êtes en poste, que, la première ligne, il y a encore des besoins importants qui ne sont pas satisfaits. Et l'approche qui a été prise est une approche encore très directive, très réglementaire, très contrôlée, et, tant qu'on va la maintenir, on va avoir les mêmes résultats. Je pense que c'est Einstein qui disait : Si on refait les choses de la même façon, on va avoir les mêmes résultats. Mais, tant qu'on n'aura pas changé l'approche prise pour les groupes de médecine familiale, leur financement, leur autonomie, leurs façons de s'organiser… Si on leur laissait plus de liberté, on progresserait. Mais, tant qu'on va continuer avec l'approche qui a été prise, on va se buter aux mêmes problèmes. Alors, c'est pour ça que ce sont des choses, moi, que je trouve très importantes quand je constate qu'après tant d'années il y a encore autant de problèmes au niveau de la première ligne.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre, il vous reste deux minutes.

M. Hébert : Alors, vous serez heureux d'apprendre que nous avons changé la façon au niveau du Dossier santé Québec. Nous avons annoncé 60 millions pour que les GMF puissent s'informatiser, et ils ont le choix de leurs solutions informatiques. Et déjà une bonne proportion de GMF sont passés à la solution, au dossier médical électronique, et se branchent au Dossier santé Québec, qui verra le jour enfin au cours de la prochaine année. Alors, on a remis ça justement pour faire en sorte que ce soit localement que le développement puisse se faire.

Et, comme vous citiez Einstein, c'est sûr que les soins à domicile ne se sont pas développés jusqu'à maintenant parce qu'on a toujours fait les choses de la même façon et on s'est toujours buté aux mêmes échecs. Alors, il faut faire les choses différemment, et c'est ce que propose l'assurance autonomie, de faire les choses différemment pour justement être capables de réussir. Alors, si on n'a jamais réussi, c'est peut-être parce qu'on a toujours fait la même chose. Et ici voici une voie qui nous permet de regarder le développement des soins à domicile de façon différente et de pouvoir faire évoluer le système de santé. Merci beaucoup, M. Castonguay.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé pour le bloc du gouvernement. Pour le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Castonguay, merci d'être ici. Vous êtes vraiment considéré comme un de nos grands experts, puis on sait que vous avez beaucoup publié. Juste pour clarifier le dernier point que le ministre a parlé par rapport à ce qu'il dit qu'il a mis en place, je pense qu'il faut au moins qu'il ait l'honnêteté intellectuelle de dire que l'entente a été signée en août 2012 et annoncée en novembre 2012. Donc, c'est avant les élections que ce budget-là était prévu, et nous avions signé l'entente avec la FMOQ. Ça fait qu'il faut peut-être mettre les choses en relation de ce qui s'est vraiment passé.

Également, puis je suis d'accord avec vous, quand le dossier a été mis en place, on pensait à une grande plateforme centralisée. Mais, en 2010, on a fait une réforme où on a parlé d'interopérabilité, et maintenant le système va se développer avec une interopérabilité à trois niveaux : au niveau du Dossier santé Québec qui va fournir les informations; au niveau des établissements de santé également qui doivent transférer des informations; puis au niveau des groupes de médecine de famille où toutes les cliniques médicales, sans être groupes de médecine de famille, devraient être informatisées. Et puis moi, je travaille actuellement avec un dossier électronique, et, je peux témoigner, mes patients vont tous vous dire que je n'ai pas de papier devant moi, seulement que le dossier électronique. Donc, on a quand même fait des grandes avancées. Mais c'est un dossier qui prend plusieurs années, ça, il faut le reconnaître, mais je pense que ça va être, à la fin, un grand succès. Mais, je suis d'accord avec vous, là, à partir de centralisation, on a passé vraiment à la décentralisation, et le mot clé, c'est «interopérabilité». Je pense que c'est l'élément important.

J'aimerais ça qu'on revienne sur ce que vous avez présenté. En passant, je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit. Le Vérificateur général, la semaine passée, est venu ici devant la commission où il a témoigné. Et à la fin on a même vu un article dans le journal qui dit qu'il a réussi à réconcilier les deux partis, le ministre et moi, comme ancien ministre, en disant qu'on a tous la même intention : on veut investir un peu plus… puis beaucoup plus, même, dans les soins à domicile et au niveau des personnes aînées, c'est dans la façon de faire qui est différente. Le ministre, lui, il pense qu'en faisant une nouvelle structure administrative, en changeant les façons de faire, ça va améliorer, alors qu'on sait que, dans le réseau de la santé, on peut utiliser beaucoup mieux nos ressources, Et, avant de rajouter plus d'argent en grande quantité, il faut au moins améliorer la performance. Et ça, depuis plusieurs années, on a commencé à faire ce qu'on a appelé les projets «lean» au Québec, où on essaie d'améliorer la performance, avec les mêmes ressources, voir plus de patients. Ce n'est pas normal que, dans une journée, un professionnel, même si on prescrit qu'il peut avoir l'autonomie, il voie deux ou trois patients seulement. C'est ça que le Vérificateur général disait. Puis, si seulement on se mettait au niveau de la moyenne, on améliorerait probablement de beaucoup notre performance, ce qui fait qu'on serait capables de traiter plus de personnes. Et, si à chaque année on va chercher dans le réseau de la santé 1 % de performance supplémentaire, c'est suffisant pour combattre le vieillissement en termes de services que l'on va donner.

Je pense que c'est ça, votre position à vous, c'est-à-dire qu'avant de tout faire une grande réforme — puis on parlera tantôt d'où on en est rendus avec l'assurance autonomie — il faut d'abord améliorer la performance du système et peut-être revoir les façons de faire.

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

M. Castonguay (Claude) : …d'accord avec vous. En fait, il y a bien des mesures qui devraient, à mon avis, être prises, en plus, là, de ce que vous avez mentionné, l'approche «lean» : le financement des soins par épisode de soins ou par activité — je vois que vous semblez être d'accord sur ça; la rémunération des médecins; les médecins de première ligne avec un système de capitation et un système de paiement à l'acte, de telle sorte qu'on ait, dans une population, là, où le suivi est important, où vous avez des gens qui ont des conditions chroniques, ont besoin d'être suivis et non pas recevoir des actes médicaux spécifiques, alors un système mixte de rémunération. C'est une autre chose qui est importante.

Quant au dossier patient, tout ce que j'entends, que vous dites de part et d'autre, me semble très positif. J'ai hâte par contre de le voir, là, sur le terrain, concrètement, là. Et on ne le voit pas encore partout, loin de là. Alors, oui, je suis d'accord avec vous qu'il faut mettre l'accent sur la performance, et c'est précisément, moi, l'esprit de ce que j'ai proposé dans mon mémoire.

• (11 h 40) •

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Puis, M. Castonguay, je vais vous inviter à venir le voir, je vous ferai une démonstration du dossier électronique. Je pense que c'est ça qui est en train de se généraliser dans notre réseau de la santé.

Tantôt, vous avez parlé de l'assurance autonomie, la conception qui avait été faite au début avec une caisse autonomie, également une cotisation qui arriverait directement des gens. Il faut voir que ce que le ministre a écrit au cours des années et ce qu'il nous livre dans son livre blanc est complètement différent, parce que, comme de fait, au début le ministre, il prévoyait une assurance autonomie avec capitalisation, mais, après un certain temps, il s'est rendu compte que ce n'était plus possible. Là, il est arrivé avec le discours : Vous savez, il n'y a aucun pays qui capitalise vraiment. Et également, au début, il devait y avoir une caisse qui était complètement indépendante avec, comme je vous disais, une cotisation, une taxe spéciale, mais on a fait dire à la première ministre voilà deux semaines que ce serait pris à partir des impôts.

Donc, il faut voir que ce qu'il veut mettre en place, c'est d'abord de sortir l'argent du réseau de la santé, donc d'enlever ce qu'on appelle l'intégration et la continuité, et dire que ça va être une caisse à part. Ce qui est difficile de savoir, puis le ministre ne le sait pas non plus — on l'a vu la semaine passée avec le Vérificateur général — c'est qu'à la fin il ne sait pas en quoi vont consister tous les besoins à remplir, et, à partir du moment qu'il ne sait pas qu'est-ce que vont être tous les besoins à remplir, il ne sait pas non plus la facture. Mais la façon dont il monte le système, à partir du moment que le besoin va être défini puis que lui, il dit qu'il paie une partie de ces besoins-là, si je comprends, c'est un système… comme vous dites dans votre document, c'est comme, un peu, le système des garderies. Si on est obligé de payer, la facture va aller en fonction de ce que les gens vont nous commander, et le gouvernement n'aura pas le choix de payer ce montant-là. Ce qu'il implique à la fin, de façon réaliste, là, c'est : nécessairement, il va y en avoir beaucoup plus à répondre, donc il va avoir une facture. Et je ne vois pas comment est-ce qu'on ne prendra pas plus d'argent dans les poches des contribuables si ça coûte plus cher, parce qu'on n'aura pas le choix de payer parce que c'est conçu comme ça.

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

M. Castonguay (Claude) : Moi, quand j'ai examiné, j'ai analysé un peu ce qui se faisait à l'extérieur, j'ai vu que les systèmes d'assurance autonomie qui avaient des cotisations avaient capitalisé dans une caisse en vue des besoins futurs.

Si on est rendu avec un système de «pay-as-you-go» dans ces pays-là, ce que je ne nie pas, je ne l'ai pas lu, je ne l'ai pas vu, ça… Mais, si on est rendu là, c'est que les besoins ont été beaucoup plus grands que ceux qu'on avait anticipés, et les caisses se sont vidées. Alors, de là l'importance d'une grande prudence en établissant un système comme celui-là, où c'est la pression de la population qui va générer, qui va déterminer le niveau de demandes et qui va mettre de la pression sur l'offre de services.

Alors, à mon avis, moi, il devrait y avoir des projections beaucoup plus rigoureuses de l'évolution des besoins, de l'évolution des dépenses pour voir vers quoi on s'en va. Et le livre blanc ne contient pas ces projections-là. Alors, je pense, moi, que la prudence serait de mise… une plus grande prudence, en tous les cas.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'ailleurs, c'est ce que l'on dit. C'est que le ministre est en train de mettre un système en place, puis, une fois qu'il va être mis en place, il n'aura pas le choix d'assumer la facture. Mais il ne saura pas combien ça va coûter, mais je pense que ça ne le dérange pas. Ce que je peux voir, c'est que la priorité, puis on est d'accord qu'il y a eu une priorité pour les personnes aînées, mais ça va peut-être se faire au détriment d'autres types de clientèle, dont, entre autres… Si on pense qu'il doit y avoir une assurance autonomie pour les personnes aînées, puis ça va avec votre principe, là, d'avoir un seul système de santé qui gère tous les programmes, pourquoi il n'y aurait pas une assurance autonomie ou une assurance santé mentale? Pourquoi on n'aurait pas une assurance chirurgie? Pourquoi on n'aurait pas une assurance maladie diabétique? Pourquoi on n'aurait pas une assurance maladie cardiaque?

C'est que, là, on commence à fragmenter notre système. Puis ce qu'on n'a pas beaucoup parlé ici, mais que moi, je vois depuis le début, puis j'en ai glissé un mot, c'est qu'on est en train de désintégrer un système qui est intégré, et on est en train de le fragmenter. Et, en termes d'équité… Parce que c'est sûr qu'aujourd'hui on a un ministre qui croit dans les personnes aînées, parce que moi aussi, je pense qu'il faut y croire, mais, si à un moment donné on a un psychiatre qui vient, est-ce qu'on va créer une assurance santé mentale? Je pense qu'il faut faire attention à ça, puis ça prend une équité aussi entre les différentes clientèles.

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

M. Castonguay (Claude) : Je suis bien d'accord. Pour moi, l'assurance autonomie, si on procédait par une structure différente, ce serait comme essayer de greffer un corps étranger sur notre système de santé, alors qu'on devrait le garder, ce corps-là, à l'intérieur du système. Moi, il me semble qu'il est possible d'améliorer toute cette problématique-là à l'intérieur de notre système. Je ne vois pas qu'est-ce qui empêche qu'on le fasse à l'intérieur du système.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bien, c'est comme je vous dis, dans le fond, là, ce n'est plus de l'assurance autonomie qu'on a, c'est une manière de financer différemment. Parce que la caisse, ça va être pris à partir des quelques milliards qui sont disponibles pour les personnes aînées, qu'il va mettre à un endroit, mais, à la fin, la part du 100 millions qu'on met de plus par année, il n'y a rien qui change. La seule affaire, la façon dont il va le changer, c'est qu'on ne sait pas par la suite ça va être quoi, la facture qui va venir, parce qu'il va y avoir une obligation de la payer, et c'est ça qui est inquiétant, et c'est ça d'ailleurs que... en attendant d'avoir plus de chiffres, de savoir exactement qu'est-ce qu'il va payer et ça va être quoi, la contribution de l'usager.

Parce qu'il y a un autre élément, puis j'aimerais avoir votre commentaire là-dessus. Vous savez, la façon dont c'est conçu, c'est que le ministre, il dit également : Il va y avoir une détermination de l'allocation pour la personne. Mais, selon vos revenus, c'est possible que vous, vous n'ayez pas droit à ça, parce que, si vous avez des hauts revenus, vous ne serez pas accessible aux services, vous allez devoir les payer vous-même, comme si, quand vous rentrez en CHSLD, vous devez payer 21 000 $ de votre poche pour demeurer en CHSLD. Donc là, on se retrouve dans un système — au niveau justice, je ne sais pas si ça fait du sens — la personne pourrait contribuer toute sa vie à l'assurance autonomie dans les impôts généraux, et à la fin, lorsqu'elle arrive pour retirer les services, on lui dit : Tu as assez d'argent, toi, parce que tu as un fonds de retraite, pour maintenant te dire que c'est toi qui vas te payer tes propres services. Parce que le ministre au début nous disait qu'il couvrirait beaucoup plus que ça et que tout le monde pourrait rester à domicile. Mais là on est rendus qu'il y a une partie qui va aller en CHSLD, une partie qui va aller en ressources intermédiaires, mais également les gens vont devoir contribuer de leurs poches sur un principe d'équité.

Il me semble que ça ne fait pas beaucoup de sens que celui qui paie par ses impôts, à la fin, parce qu'il a du revenu, n'aura pas la possibilité de retirer des services ou devra payer ses propres services.

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

M. Castonguay (Claude) : Là, je pense bien que la question devrait être adressée au ministre plutôt qu'à moi, là. Ce n'est pas un aspect, là, sur lequel je me sens bien en position, là, de discuter parce que je ne sais pas exactement ce que sera le projet lorsqu'il sera présenté.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Vu que vous êtes quand même quelqu'un qui connaît assez bien le système de santé du Québec puis le canadien, puis vous avez eu votre commission… Un des éléments qu'on ne parle pas beaucoup… Puis là je ne veux pas non plus arriver en disant que c'est trop à risque, là. Quand je suis allé visiter Georges-Pompidou pour me faire expliquer le paiement à l'activité, ce qu'on nous a dit là-bas : que le paiement à l'activité, ça peut être une bonne méthode. Mais, lorsqu'on y va avec l'évaluation par des gens qui travaillent pour le CSSS, généralement il y a comme une pression qui est faite pour aller chercher le maximum d'argent, donc, d'évaluer au maximum les besoins de la personne. Parce qu'il faut voir que, de la façon dont c'est conçu actuellement, si le gestionnaire de cas dit : Telle personne a tel besoin, tel besoin, tel besoin, de façon objective, vous savez, quand même, c'est l'objectif, mais avec une certaine subjectivité. Les gens essaient toujours d'aller chercher le maximum. Puis, en sachant que ce n'est pas payé par l'établissement en tant que tel mais par la RAMQ, il y a une pression sur ces gens-là pour dire : Bien, essayez d'aller chercher le maximum pour le client. Ce qui peut être correct, mais ça, ça amène qu'il y a quelqu'un d'autre qui paie, qui est la RAMQ.

Donc, il y a eu une augmentation des coûts, lorsqu'ils ont mis le financement à l'activité à Georges-Pompidou puis en France, de 30 %, tout simplement parce que les établissements ont payé des gens au niveau bureaucratique pour s'assurer qu'ils aillent chercher le maximum de montants en allant à la limite supérieure des besoins des gens. Est-ce que vous voyez que ça pourrait être un risque dans l'assurance autonomie?

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

• (11 h 50) •

M. Castonguay (Claude) : …un groupe de travail, qui est en place présentement, sous la présidence, là, de Mme Wendy Thomson, et je pense qu'une des conclusions auxquelles ils arrivent, c'est qu'avant de s'engager dans cette voie-là il faut être capables de connaître exactement les coûts réels que ça importe, produire tel épisode de soins ou tel type d'activité. Et c'est par là que ça part.

Et, une fois qu'on aura établi les coûts, là, aussi rigoureusement que possible, si le système est mis en marche, ceux qui sont très efficaces vont prendre cette voie-là, vont vouloir développer davantage les… répondre davantage à la demande. Et ceux qui ne sont pas efficaces, qui reçoivent moins que ce qui a été établi, bien vont probablement essayer de corriger ou, en d'autres termes, cesser de faire certaines activités et se concentrer sur ce qui est plus efficace.

En d'autres termes, le financement par activité, s'il est bien fait, peut introduire un élément de stimulation et d'émulation entre les organismes, ce qui est une bonne chose. Le système, il existe dans un certain nombre de pays, ça semble être la voie que de plus en plus de systèmes veut prendre… ou veulent prendre. Et je comprends qu'il comporte des risques et qu'il comporte certains dangers, mais ils ne sont pas insurmontables, à mon avis. Et d'ailleurs j'ai hâte de voir qu'est-ce que Mme Thomson va faire comme proposition. Je ne pense pas, pour l'avoir entendue encore une fois prononcer une conférence il y a une couple de semaines au forum international sur la santé… Je l'ai entendue parler d'une façon positive, d'une façon réaliste, mais d'une façon positive de ce système-là après avoir consacré probablement un an, là, à peu près, à l'étude de la question. Alors, je crois, moi, que ça doit être… J'ai hâte de voir ce qu'elle va proposer.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. De ce que vous avez vu dans le livre blanc sur l'assurance autonomie, est-ce que vous croyez… Dans ce que vous avez vu dans les tableaux, là — le ministre nous montre toujours ces trois lignes qui montrent les dépenses sur les 15 prochaines années — est-ce que vous jugez qu'il y a un cadre financier qui est suffisant ou même qu'il y ait un cadre financier, tout court, dans le projet d'assurance autonomie?

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

M. Castonguay (Claude) : Non, je pense que c'est un livre blanc, et heureusement cet aspect-là, à mon avis, mérite d'être travaillé beaucoup plus. Je l'ai dit tantôt, je le répète, je crois, moi, qu'il devrait y avoir des projections beaucoup plus rigoureuses, avec certaines hypothèses de niveau de besoins, de telle sorte qu'on puisse voir quel est l'élément, là, de risque que l'on prend et à quel niveau on devrait fixer les allocations.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Alors, merci beaucoup, M. le Président. Pour terminer, M. Castonguay, vous avez dit que — je crois, et vous me corrigerez — l'aidant naturel était l'équation la plus importante de ce livre blanc, et pourtant il n'y avait que deux lignes qui étaient consacrées à l'aidant. Je voudrais vous entendre parler de la place de l'aidant dans toute cette question d'autonomie de la personne, qu'elle soit en situation de handicap ou qu'elle soit en perte d'autonomie, là, une personne âgée. Je veux vous entendre parler de son rôle et comment l'État devrait soutenir davantage le proche aidant.

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

M. Castonguay (Claude) : D'abord, à l'âge que j'ai, je connais un certain nombre de personnes, des amis et des connaissances, des témoignages de personnes, là, qui ont choisi de rester à domicile et qui ont pris les moyens de répondre aux besoins de la personne, soit un malade chronique, soit une personne en perte d'autonomie, peu importe comment on la définit.

Et les personnes qui prennent ces situations-là en main, l'idée n'est pas de les sortir du marché du travail pour en faire des genres d'intermédiaires sous obligations, ce sont des personnes qui le font, à ma connaissance, de façon volontaire et qui jouent un rôle extrêmement important. On a vu, d'ailleurs, des reportages à la télévision sur ce qu'elles vivent. Elles ont besoin de support. On ne doit pas tout viser, tout organiser en pensant uniquement aux malades, mais il faut penser justement aux aidants naturels parce qu'ils jouent un rôle clé. Et j'en ai rencontré un certain nombre. Il y a un CLSC, dans le comté où je demeure, qui fait un travail merveilleux. J'ai rencontré les gens à quelques reprises et je pense que ce qu'ils me disent doit correspondre pas mal à ce qui se passe à bien des endroits. Ils me disent que bien souvent l'aidant naturel, lorsqu'il est présent, lorsqu'il fait un bon travail, c'est presque un signal pour qu'on offre moins de services dans… de services publics, en fait. On les laisse davantage à leur sort, parce qu'ils font un bon travail, au lieu d'être aidés.

Alors, moi, je crois que, les aidants naturels, on devrait y mettre beaucoup plus d'attention, on devrait faire en sorte qu'à l'occasion ils puissent se reposer, à l'occasion, on tienne davantage compte de leur présence au lieu de réduire les services lorsqu'on voit qu'ils sont là. On devrait aussi clarifier leur statut. C'est quoi, un aidant naturel? Est-ce qu'on en fait, là, un partenaire vraiment de notre système ou si c'est quelqu'un qui est là, disponible dans la famille? Moi, je crois, là, qu'on a une réflexion à faire sur ce plan-là.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste 4 min 30 s.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Merci, M. le Président. On parle de l'organisation des services. Nous avons dit que nous sommes tous d'accord avec les principes : maintien à domicile, meilleure organisation des services. Je pense qu'il faut améliorer la performance avant de remettre beaucoup plus d'argent, mais ça prend quand même un certain réinvestissement. Mais, dans le projet — puis on était avec le Vérificateur général la semaine passée, puis lui, il a confirmé ce que je dis que ça nous prendrait comme élément, puis j'espère que le ministre va le mettre de l'avant — ça nous prend certainement le nombre de personnes à qui on pourrait donner le principe d'assurance autonomie.

Deuxièmement, pour ces personnes-là, il faut faire une évaluation du niveau d'intensité de soins de chacun. Ça nous prend, pour ce niveau d'intensité, quel est le coût en termes de services, et par la suite arrivent des discussions. Une fois que vous avez déterminé le coût du service pour la personne, il y a deux autres éléments qui sont importants, puis ça, c'est le citoyen contribuable. Cette même personne qui a besoin, un exemple, de 20 000 $ de services, est-ce qu'on va lui donner 20 000 $ en services ou encore on va lui dire : Selon ton revenu — puis c'est ça que le ministre doit répondre — selon ton revenu, est-ce que toi, tu vas recevoir 5 000 $ puis, l'autre 15 000 $, tu vas le payer dans ta poche, le principe des CHSLD qu'on a actuellement?

Mais l'autre question qu'on doit poser : Si la facture est de tant, qui va la payer, comme contribuable? Et là il semble avoir exclu la taxe spéciale, mais il y a une taxe qui va se faire dans l'impôt. Puis on a un groupe qui est venu ici qui… avec le niveau de performance du réseau actuel, dans plusieurs cas, ça pourrait aller jusqu'à 1 000 $ de taxes de plus par contribuable qui travaille. Ça, est-ce que vous pensez que c'est des chiffres qui sont essentiels de savoir avant de s'embarquer dans un projet comme ça ou on embarque dans le projet puis après ça on augmentera les taxes parce que le besoin va avoir été créé et que la structure va avoir été mise en place?

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

M. Castonguay (Claude) : On revient toujours au même point : Est-ce qu'on veut couvrir les soins à domicile à l'intérieur de notre système? Et, si, à l'intérieur de notre système, on doit changer certaines règles quant à la participation des personnes aux coûts, que ce soit dans les CHSLD, est-ce qu'on varie davantage ce que les gens doivent payer selon les revenus ou si on fait la même charge à tout le monde? Est-ce que, dans les services ambulanciers, on facture les gens qui ont des revenus ou si les services ambulanciers sont gratuits ou ne sont sujets qu'à une charge plutôt nominale?

Alors, ces questions-là se posent dans notre système, et je crois qu'elles doivent continuer d'être posées. Si on sort et qu'on entre dans une autre dynamique qui est celle, là, d'une nouvelle structure, bien là ça va soulever encore davantage de questions, à mon avis.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste 1 min 30 s.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bien, juste pour conclure, M. Castonguay. Moi, si je comprends bien, on n'a pas besoin de tout un rebrassement des structures pour être capables d'atteindre le même but au niveau de nos personnes âgées, c'est-à-dire le maintien à domicile, une meilleure intégration, une meilleure continuité des services, puis il faut améliorer la performance, on n'a pas besoin d'un projet que maintenant, vous avez dit, ce n'est même plus une assurance autonomie, de la façon dont il est défini, c'est un changement juste dans les structures administratives.

Le Président (M. Bergman) : M. Castonguay.

M. Castonguay (Claude) : On a un système de santé qui est très lourd. On a créé des agences en 1990 qui devaient soulager le ministère. Le ministère a gardé sa taille, et on a ajouté les agences. En plus des agences, on a créé les CSSS qui font un autre niveau, là, de structure et là, si on va dans la voie de l'assurance autonomie, on va ajouter une autre structure additionnelle.

Alors, notre système est déjà très lourd et très coûteux en termes de structures. Alors, je crois, moi, qu'on devrait être prudents, on devrait mettre plutôt l'accent dans l'autre direction.

Le Président (M. Bergman) : …le temps s'est écoulé. M. Castonguay, merci d'être ici et partager votre expertise avec nous.

Collègues, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'après les affaires courantes, vers 15 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 15 h 25)

La Présidente (Mme Proulx) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre, sans plus tarder, les consultations particulières et auditions publiques sur le livre blanc sur la création d'une assurance autonomie intitulé L'autonomie pour tous.

Je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins de l'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Coalition Solidarité Santé

M. Benoit (Jacques) : Alors, mon nom est Jacques Benoit, je suis le coordonnateur de la Coalition Solidarité Santé. Je vais laisser mes collègues se présenter.

M. Falardeau (Denis) : Denis Falardeau. Je suis coordonnateur de l'Association coopérative d'économie familiale de Québec, plus communément appelée ACEF de Québec.

Mme Langlois (Isabelle) : Bonjour. Isabelle Langlois. Je suis cocoordonnatrice à L'R des centres de femmes du Québec, le regroupement national des centres de femmes. Bonjour. Merci de nous inviter.

M. Jolicoeur (Guy) : Bonjour. Mon nom est Guy Jolicoeur, je suis trésorier de la coalition et travailleur social dans un CSSS de Montréal.

M. Benoit (Jacques) : Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, la Coalition Solidarité Santé regroupe une quarantaine d'organisations syndicales, communautaires, féministes et religieuses.

Depuis sa fondation en 1991, elle défend le droit à la santé pour l'ensemble de la population québécoise sans égard au statut ou aux revenus des citoyennes et citoyens. Solidarité Santé défend les grands principes qui ont conduit à la mise sur pied du système public de services sociaux et de santé, soit le caractère public, la gratuité, l'accessibilité, l'universalité et l'intégralité sans frais modérateurs ou tarification ni surfacturation, des principes qu'on retrouve dans la Loi canadienne de la santé et dans le pacte relatif aux droits sociaux, économiques et culturels signé par le Québec en 1976. La Coalition Solidarité Santé salue aujourd'hui la volonté ministérielle de rehausser et d'améliorer la réponse aux besoins de services à domicile de la population, particulièrement auprès des personnes en perte d'autonomie, pour leur maintien dans leur communauté. Mais cette volonté, selon nous, doit se traduire en respectant les objectifs de notre système public de services sociaux et de santé, c'est-à-dire une augmentation, une intégration et une continuité des services déjà offerts et que ceux-ci soient financés par des impôts. Le ministre ne doit pas utiliser et promouvoir des services privés, fussent-ils d'économie sociale et financés par une nouvelle caisse santé.

Nous aimerions rappeler à la commission que le projet qui nous est présenté est la troisième grande réforme de notre système public en moins de 20 ans. On a eu d'abord le virage ambulatoire, qui comportait un volet soins et services à domicile. Lors de ce virage, comme coalition, nous avons mis en garde sur les ressources nécessaires et le fait qu'il fallait absolument qu'elles suivent les patients et patientes et on a dénoncé les risques et les dangers liés à des ressources qui ne suivraient pas. Mais on nous a assuré qu'il n'y avait aucun danger que ça allait se faire. Pourtant, les ressources requises n'ont pas toutes suivi. Le problème est encore là et n'est toujours pas réglé. Ensuite, on a eu la fusion des CLSC, CHSLD et CH pour en faire de gros CSSS, cette fusion qui allait régler les problèmes de continuité des services jusque dans les domiciles. Là encore, nous avons dénoncé les risques et dangers des fusions, dont l'hospitalocentrisme, qui risquait de transformer l'hosto en première ligne avec des urgences qui déborderaient, avec la fonction hospitalière qui boufferait tous les budgets au détriment des services de prévention, qui seraient réduits comme peau de chagrin, des listes d'attente qui ne feraient qu'augmenter, etc. Mais on nous a assuré qu'il n'y avait aucun danger et que ça n'arriverait pas. Au contraire, 10 ans plus tard, on est en plein dans les problèmes que nous avions prédits.

Alors, quand on soulève et qu'on souligne à grands traits les risques et dangers de la réforme qui nous est présentée, nous croyons que notre moyenne au bâton de deux en deux devrait suffire pour qu'on soit pris au sérieux. Et c'est parce que nous nous souvenons de l'histoire que nous recommandons, d'entrée de jeu, au ministre qu'avant de s'embarquer dans une nouvelle réforme il procède par ordre et assure d'abord une meilleure réponse aux citoyennes et citoyens qui sont actuellement en attente de services et une meilleure intégration de ces services.

• (15 h 30) •

Nous recommandons que cette réponse soit le début d'un état des lieux permettant, d'une part, de tracer le portrait des besoins des citoyennes et citoyens et, d'autre part, d'amener les CSSS à procéder à une évaluation obligatoire et sérieuse des problèmes actuels au sein du réseau de la santé et des services sociaux. Et nous parlons ainsi de la santé du personnel, des ressources disponibles, de la coordination des services et de la surveillance actuelle de leur qualité.

Le ministre nous semble pressé de reconnaître un nouveau droit à des services. Avons-nous besoin de lui faire remarquer qu'en l'absence des ressources publiques nécessaires pour y répondre la construction dans l'opinion publique de ce nouveau droit n'aura pour effet que de justifier l'arrivée, l'existence et l'utilisation de services privés? Nous espérons qu'il ne s'agit pas là d'un objectif non avoué du ministre.

Le livre blanc fait grand cas de ce que ça va nous coûter si nous ne faisons rien. Nous voulons souligner au ministre que bien d'autres éléments sont des sources plus importantes de coût et que ni son gouvernement pas plus que le précédent n'y ont fait quoi que ce soit. Le ministre lui-même témoignait de l'existence de ces éléments problématiques en 2006 en commission parlementaire. Il parlait des médicaments, des nouvelles technologies, de l'utilisation de l'hôpital comme première ligne, et de la sous-traitance, et de l'utilisation des services et de la main-d'oeuvre privée. À cela nous ajoutons aujourd'hui la rémunération et le mode de rémunération des médecins.

De plus, en vue de réellement diminuer les coûts de services de santé, nous recommandons que le gouvernement renforce les activités de prévention et les services sociaux dans le réseau public de santé, qu'il prenne en considération les impacts de l'ensemble de ces décisions et de ces agissements sur les conditions de vie des personnes, qui sont des déterminants des conditions de santé, et qu'il étudie toutes les avenues possibles pour réduire la médicalisation des services de santé et le recours aux services d'urgence des hôpitaux comme porte d'entrée du réseau. L'objectif qui doit guider cette réforme, ce n'est pas le maintien à domicile, mais le maintien dans le milieu de vie et le soutien à l'amélioration de la capacité physique, psychique et sociale des personnes d'agir dans leur milieu et d'accomplir les rôles qu'elles entendent assumer d'une manière acceptable pour elles-mêmes et pour les groupes dont elles font partie, quels que soient leur âge et leurs limitations fonctionnelles, bref l'article 1 de la loi de la santé et des services sociaux. Nous disons ici que la sécurité physique et psychologique des personnes doit être une valeur traversant toutes les composantes d'une assurance autonomie tant pour celles qui reçoivent les soins et services que pour des personnes qui les donnent et celles qui les aident. C'est pourquoi nous disons qu'il faut que les bonnes personnes soient au bon endroit. Cela signifie qu'il faut retourner au consensus de 1996, à savoir que le soutien aux activités de la vie quotidienne soit de la responsabilité des services publics et réservé aux personnels formés et qualifiés des équipes d'intervention multi, pluri ou interdisciplinaires des CSSS. Nous parlons ici des auxiliaires familiales et sociales, des infirmières auxiliaires ou des préposés aux bénéficiaires.

Selon nous, le livre blanc s'égare en séparant des personnes selon leurs âges et en associant «perte d'autonomie» à «personnes âgées». On peut avoir une limitation fonctionnelle à tout âge. L'admissibilité devrait être fonction des besoins et non de l'âge en tenant compte des besoins particuliers. Cela favoriserait une meilleure intégration des soins et services. Nous considérons que personne, personne ne devrait payer ni pour ses limitations ni pour sa perte d'autonomie. Il faut assurer les services à tous ceux et celles qui en auront besoin, quels que soient leur âge, leur type de limitation ou leurs revenus, parce que, quoi qu'on en dise, les services à domicile font partie du réseau public de services sociaux et de santé. Le fait de changer le lieu de prestation ne change pas ni la nature ni l'objet de la prestation. Pour cette raison, les services à domicile doivent profiter de la même couverture que ceux prodigués dans des institutions du réseau. Tous les services déterminés par les besoins évalués doivent être gratuits à l'usage pour toutes et tous.

Enfin, sur la question du financement, outre ce que nous avons mentionné au début sur le contrôle des coûts, qui pourraient dégager, selon certaines estimations, entre 500 millions et 1 milliard de dollars, le financement des services de soutien à l'autonomie doit se faire de la même façon que pour les autres services publics sociaux et de santé, à savoir par des impôts progressifs appliqués aux revenus des individus et des entreprises et pas par des qualifications, contributions, taxes dédiées, comme une taxe santé, modulées ou non. Le principe de l'utilisateur-payeur qu'a voulu imposer l'ancien gouvernement est totalement contraire à l'équité et à la justice sociale et doit être banni.

Enfin, nous mettons en garde le ministre d'agir trop rapidement avec sa politique. Pour nous, là, comme dans d'autres choses, il vaut mieux prévenir que guérir. Ça fait moins mal puis ça coûte moins cher. Nous aimons nous rappeler cette phrase souvent répétée dans le mouvement communautaire : C'est parce qu'il y a urgence d'agir qu'il faut prendre le temps de bien faire les choses. Il faut prendre le temps de bien faire parce que ce n'est pas un jeu. On n'aura pas le loisir de le refaire. C'est pourquoi, lors du dépôt du projet de loi suivant le livre blanc, nous demandons au ministre qu'il tienne de nouveau une consultation à l'ordre de tous les intervenantes et intervenants concernés et intéressés à apporter leurs contributions. En...

La Présidente (Mme Proulx) : En conclusion, M. Benoit.

M. Benoit (Jacques) : En conclusion, nous disons au ministre que, pour que son projet profite à l'ensemble de la société, l'objectif de sa nouvelle politique ne doit pas être de tarifer, d'économiser et de privatiser mais de desservir efficacement et adéquatement des personnes en toute sécurité avec les ressources appropriées. Merci.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec le groupe formant le gouvernement. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Hébert : Merci beaucoup, messieurs, madame, de ce mémoire. Je reprendrais vos dernières paroles — je suis tout à fait d'accord avec la dernière phrase : L'objectif ne doit pas être de tarifer, d'économiser et de privatiser, l'objectif doit être de...

M. Benoit (Jacques) : J'entends très peu ce que vous dites, je pense que c'est...

M. Hébert : O.K., alors je vais recommencer. Je suis tout à fait d'accord avec votre dernière phrase : L'objectif ne doit pas être — il ne l'est pas — de privatiser, de tarifer et d'économiser.

L'objectif, c'est de fournir des soins de qualité et des soins sécuritaires aux personnes âgées qui présentent des pertes d'autonomie et aux adultes handicapées qui ont des situations de handicap et d'incapacité qui nécessitent des soins à domicile. C'est ça, l'objectif, et que ça soit clair. Et ce que je souhaite par l'assurance autonomie, c'est de retrouver un financement public et une gestion publique des services de soutien à l'autonomie que nous avons perdus avec le temps. Et c'est ça, l'objectif de ce qui est devant nous.

Lorsque vous nous dites : Il faut trouver des moyens de pouvoir contrôler les coûts… écoutez, à peine étions-nous arrivés que nous avons aboli la règle des 15 ans au niveau des médicaments, que nous avons introduit le concept du prix le plus bas pour des médicaments d'équivalence, notamment au niveau des inhibiteurs de la pompe à protons. Nous avons mis en place des stratégies qui visent à contrôler le coût des médicaments. Nous avons amélioré les règles de gestion des GMF. Nous avons travaillé sur une politique nationale de prévention, qu'on rendra publique très bientôt, une première politique nationale de prévention au Québec, et nous avons renforcé l'intégration des services, notamment pour les personnes âgées, pour compléter les réseaux intégrés de services. Alors, nous sommes résolument engagés.

La rémunération des médecins avait été conclue par entente avec le gouvernement précédent, on ne peut rien y faire jusqu'à la prochaine ronde de négociation. Mais je suis tout à fait d'accord avec vous que l'augmentation des coûts de santé, et je le redis, n'est pas due au seul vieillissement de la population, qui est responsable de 1,1 %, à peu près, de l'augmentation des coûts de santé, mais à d'autres facteurs que vous avez très bien soulignés. Mais il faut regarder quelle est la situation actuelle. Actuellement, les gens à domicile ne reçoivent que 15 % des services, qui sont requis, par l'État, 15 %. Le reste, ils doivent soit les donner en nature via les proches aidants ou ils doivent se les payer de leurs poches. Les gens qui sont en résidence privée, ils ne reçoivent rien de l'État, ils paient pour les services. Les gens qui reçoivent le Programme d'exonération financière, le minimum qu'ils doivent payer, c'est 7 $ de l'heure pour recevoir le service. Alors, il n'y a pas de financement public. Quand vous parlez de gratuité, là... il n'y a pas de gratuité actuellement.

Ce que nous voulons avec l'assurance autonomie, c'est retrouver un financement public de ces services-là et faire en sorte que ce financement public soit modulé pour que les personnes les moins nanties de notre société reçoivent un financement public plus important. C'est ça qu'on veut faire avec l'assurance autonomie. On ne veut pas privatiser, on veut retrouver un financement public et on veut retrouver une gestion publique. Et j'y reviendrai tout à l'heure. Alors, je ne comprends pas votre dernière phrase de votre mémoire, parce qu'on est exactement sur la même longueur d'onde.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Benoit.

• (15 h 40) •

M. Benoit (Jacques) : On croit, nous, que la question du financement, de la gestion, c'est important, mais la question de la prestation l'est autant. Parce que, si on ne contrôle pas la prestation, on ne finira pas par contrôler les prix, ce n'est pas vrai. Le privé, pour donner la même qualité que donne le public, va finir par charger toujours plus cher et va toujours nous coûter plus cher. Donc, ce n'est pas à notre avantage. On ne viendra pas nous dire là qu'on va mieux gérer si on confie, si on sous-traite les services à faire.

Pour nous, il faut que la prestation soit de l'ordre public, surtout pour, je dirais, tout ce qui concerne les AVQ. Ça devient, pour nous, absolument nécessaire que ce soit de l'ordre des services publics.

Il y a là des soins à la personne, et ça, ça ne relève pas de n'importe qui. Il ne faut pas que ce soit fait n'importe comment par n'importe quoi. Ça nous prend des gens, du personnel qui est qualifié pour faire ce travail-là, et qui va être capable, et qui travaille en plus en équipes multidisciplinaires, pluridisciplinaires — maintenant, il y a plusieurs termes qui sont utilisés mais qui visent la même chose — qui font en sorte que la personne qui va aller donner le bain, par exemple, pour ne prendre que cet exemple-là parce que c'est celui que tout le monde connaît… Le bain, bien ce n'est pas juste de donner le bain, c'est aussi de se rendre compte, à travers cet exercice-là, de l'état de santé de la personne. M. le ministre, vous le savez, je ne veux pas vous décrire ça, vous le savez, comment la personne bouge, si elle est capable de faire ci, de faire ça, ces choses-là. Ce sont des observations que la personne qui s'occupe de ça peut rapporter ensuite à son équipe et faire en sorte que l'équipe puisse ajuster les choses, les services et soins qui seront apportés à la personne. Si on éclate ça, si la personne qui fait ce soin-là ou ce service-là, ça devient quelqu'un du privé, quelqu'un d'une entreprise, quelqu'un qui est à côté de l'équipe, bien, à ce moment-là, les observations ne seront pas rapportées, il n'y aura pas d'ajustement des choses, et ça fera en sorte qu'on ne va pas prévenir une dégradation de l'état de la personne, on va la laisser se dégrader. Elle ne sera pas sous surveillance, elle va être toute seule dans sa maison. Son domicile va devenir… à la limite, pourra devenir sa prison, elle sera prise là-dedans. Elle n'aura pas du monde qui vont l'aider. C'est ça qu'on veut. C'est ça qu'on soulève.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci, M. Benoit. Il y avait M. Falardeau qui voulait ajouter quelque chose.

M. Falardeau (Denis) : Oui. M. le ministre, en tant que représentant d'un groupe de défense des intérêts des consommateurs, j'ai lu avec intérêt votre livre blanc, mais aussi parce que je fais partie fort probablement de la génération d'âge, là, qui va, dans un futur rapproché, là, bénéficier, justement, du système de santé et de services sociaux. Et je dois vous avouer qu'avec mes deux chapeaux, représentant des consommateurs et aussi pour moi personnellement, c'est un peu inquiétant.

Et je suis prêt à vous croire quand vous dites : Notre intention première, ce n'est pas de privatiser. Je suis prêt à vous croire. Mais malgré tout, lorsque je regarde un peu les tenants et aboutissants du livre blanc, veux veux pas, ça fait partie des probabilités. Et j'en veux pour preuve, entre autres, à la page 20, lorsque vous parlez des trois mouvements nécessaires à l'instauration de l'assurance autonomie, le troisième mouvement. Vous parlez d'une disponibilité d'une enveloppe financière protégée pour une couverture de services adaptée aux besoins et pour optimiser l'utilisation des ressources. Je ne suis pas économiste, mais, dans mon esprit, ça laisse entendre une enveloppe fermée, donc un budget fermé. Et, peu importent les besoins ou les imprévus, il va falloir faire avec cette enveloppe-là, faisant en sorte que... Et c'est là où la porte à l'utilisation de services alternatifs, tant privés communautaires que privés plus traditionnels, s'ouvre grandement. Puis ce n'est pas une question, tu sais, d'économie de coûts. Et c'est dans ce sens-là que j'ai personnellement des craintes, puis d'autant plus que votre… comment dire, votre prospective en termes, là, d'un futur rapproché est quand même inquiétante.

Vous le faites mention vous-même, il y a une bonne partie des futures personnes âgées qui ne vont pas être en mesure d'atteindre le fameux 60 % de revenus nécessaires pour avoir un revenu de retraite intéressant. Vous faites mention que, parmi les personnes qui souffrent de handicaps et qui sont à logement, il y en a une bonne partie qui sont dans des logements qui nécessitent des réparations majeures. Quand je vois tout ça, là, c'est quand même inquiétant.

M. Hébert : Mais je voudrais revenir sur la prestation parce que ça semble être le point d'achoppement entre nos deux positions.

Actuellement, là, la prestation, là, on ne se cachera pas, la prestation est faite par du privé associatif, des entreprises d'économie sociale non seulement dans les tâches domestiques, là. Plus de 50 % des entreprises d'économie sociale font des activités de la vie quotidienne. Les HLM d'habitation, ils sont venus ici. Ils offrent des services de soutien aux activités de la vie quotidienne, ils font payer les gens. Même chose pour les résidences privées lucratives : ils font payer les gens.

Nous voulons retrouver le financement public de ça et la gestion publique pour s'assurer de la qualité des services. Que les services soient donnés par une entreprise d'économie sociale, qu'ils soient donnés dans le public, qu'ils soient donnés dans une résidence privée, il faut qu'on ait la même qualité de services, et c'est pour ça qu'on met un processus d'accréditation des prestataires, pour que la formation soit normée et pour que la qualité soit au rendez-vous. On veut retrouver la gestion publique. Et ce que vous me proposez, c'est qu'on nationalise les services de soutien à l'autonomie. On a besoin de tous les acteurs. On a un défi important qui est devant nous. On a besoin de la contribution de tous les acteurs qui sont actuellement dans ce secteur-là. Il faut mieux les encadrer. Il faut que ça soit une gestion publique et un financement public, mais, d'éliminer tous ces acteurs-là, je pense que ce n'est pas une bonne stratégie si on veut être capables de répondre aux besoins d'une population vieillissante.

Il faut que l'État assure la saine gestion et la qualité des services et assure le financement de ces services-là, quitte à ce que la prestation, comme elle l'est actuellement… Actuellement, la prestation est, en grande partie, privée, privée associative ou privée lucrative, mais elle l'est. C'est la réalité.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Benoît.

M. Benoit (Jacques) : La situation actuelle, on le sait, ce qu'elle est. D'ailleurs, on aimerait quand même qu'on arrête de dire quelque chose, là, qui est comme… Ce n'est pas une vérité que de dire que la majorité des EESAD font des AVQ. 47 %, M. le ministre, ce n'est pas une majorité. 47 %...

M. Hébert : 55 %.

M. Benoit (Jacques) : Mme Neamtan, du Chantier d'économie sociale, c'est le chiffre qu'elle utilise. Je sais que pour certains...

M. Hébert : …elles-mêmes nous ont dit «55 %», écoutez.

M. Benoit (Jacques) : …peut-être que ce serait le fun que la loi sur la clarté référendaire soit écrite dans ce sens-là, mais on pense, nous, que 47 %, ce n'est pas quand même une majorité.

Ce n'est pas parce que, hein, je... On parle de revenir au consensus de 1996. En 1996, il avait été clairement établi que les AVQ relevaient des services publics, des CLSC et que les AVD pouvaient aller aux entreprises d'économie sociale. Je ne sais pas pourquoi… Je pourrais toujours le dire, oui… mais enfin, oui, je pourrais le dire, je sais pourquoi, mais, enfin, il y a eu une dérive qui s'est faite et qui a fait en sorte que cette limite-là n'a pas été respectée. On croit que, là, maintenant, là, votre... Vous émettez la volonté claire de pouvoir corriger la situation? Bien, c'est ça, on est d'accord avec ça. Commençons d'abord par faire un état des lieux et remettre de l'ordre. Remettre de l'ordre, M. le ministre, ça peut vouloir dire à un moment donné qu'il y a des choses qu'on a faites, qu'on ne refera plus, qu'on doit cesser de faire parce qu'elles ne sont pas bonnes, Elles sont peut-être risquées. On a peut-être pris des risques jusqu'à maintenant. On n'est pas obligés de continuer de prendre des risques, d'autant plus que, là, on veut développer. Est-ce qu'on veut développer les risques? Je ne crois pas. Je crois que ce n'est pas votre intention. Par conséquent, il faut cesser les pratiques qui sont à risque, il faut établir les bonnes pratiques.

Quand vous parlez de contrôler la qualité, bien, je suis désolé, mais on ne me fera pas croire que la qualité des services donnés par une entreprise d'économie sociale égale la qualité des services donnés en secteur public. Même le Chantier d'économie sociale le reconnaît. Alors, ce n'est même pas nous autres tout seuls qui affirment ça. Le Chantier d'économie sociale le reconnaît. Puis je n'ai pas besoin d'avoir bien, bien des chiffres puis bien, bien des études là-dessus. Quand on sait, par exemple, que le PDSB, hein, les principes de déplacement sécuritaire de la personne, hein, du bénéficiaire… la formation que suivent les auxiliaires familiales, qui est de l'ordre de 750 à 1 000 heures de formation, alors que quelqu'un qui est en économie sociale va peut-être avoir une formation de 50 à 100 heures, j'imagine... Je ne peux pas imaginer, M. le ministre, que, si on prenait un médecin puis on divisait sa formation par 10, on penserait que le médecin serait aussi compétent que l'autre. C'est la même chose pour la personne qui accompagne des gens à la maison. Ce n'est pas la même qualité.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

• (15 h 50) •

M. Hébert : C'est là où on ne s'entend pas au niveau de la stratégie. Moi, ce que je veux, ce que nous souhaitons, c'est que nous puissions rehausser la qualité et s'assurer de la formation, d'une formation normée dans tous les prestataires de services et non pas les éliminer. Nous voulons rehausser cette qualité-là et nous voulons nous assurer que cette qualité-là soit au rendez-vous. Et de la même façon, dans le système public, hein, vous savez qu'il n'y a pas de norme actuellement sur la formation des préposés. Alors, il faut que le système public puisse aussi avoir des normes qui s'appliquent chez tous les prestataires. Alors, c'est là où est la différence. Nous voulons rehausser la prestation dans l'ensemble des services de soutien à l'autonomie.

Et je vous rappellerai que l'intégration, là, ce n'est pas une intégration à l'intérieur du réseau public. L'intégration des services pour les personnes âgées, c'est l'ensemble des partenaires. C'est une intégration de l'ensemble des partenaires. Ce n'est pas une interdisciplinarité de machine à café, là, c'est une interdisciplinarité de l'ensemble des partenaires qui participent au maintien à domicile, que ce soit la popote roulante, que ce soient l'entreprise d'économie sociale, le réseau public, et ainsi de suite.

Alors, c'est vraiment une interdisciplinarité qui déborde le réseau de la santé et des services sociaux. Et c'est ça, l'intégration des services qui a été implantée au cours des dernières années dans le réseau de la santé, c'est l'ensemble des partenaires qui travaillent à donner des services de qualité en coordination pour que les services puissent être rendus de la façon la plus adéquate possible. Et ceci, l'allocation de soutien à l'autonomie et l'assurance autonomie, va venir renforcer cet élément-là pour ajouter des contrôles de qualité, des contrôles de la formation de tous les prestataires. Et c'est ça, l'intention, donc de retrouver le financement public et de retrouver la gestion publique des services de santé.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Langlois.

Mme Langlois (Isabelle) : Mais, sur la question que vous parliez tout à l'heure : Est-ce qu'on veut nationaliser?, ce n'est pas une question de vouloir nationaliser mais plutôt de voir comment on veut assurer les citoyens en perte d'autonomie des soins et services nécessaires à leur participation sociale.

Et, pour nous, ce qu'on vous dit — peut-être qu'effectivement on n'est pas d'accord, je pense qu'on en convient — c'est que, dans la prestation des soins, non seulement c'est mieux coordonné, mieux intégré quand c'est des soins qui sont donnés par le système de santé et services sociaux qui est public, en plus ça coûte moins cher. Donc, il existe actuellement des équipes multidisciplinaires qui font le travail de services à domicile. Elles sont insuffisantes, il manque de sous, vous l'avez nommé. On a salué la volonté de réinvestir en ce sens-là versus l'hospitalocentrisme, c'est très bien, mais pourquoi on n'investit pas dans ces équipes-là qui sont sur place, qui travaillent bien, qui ont une compétence, que ça roule, ça va bien mais qui ne répondent pas à la demande, hein? Les quatre exemples qu'on vous a nommés en début de notre mémoire, c'est des femmes qui souffrent d'une situation de manque de services de soins à domicile en santé et services sociaux. Donc, oui, on veut améliorer le service, mais pourquoi on n'améliore pas ce qui est là, ce qui fonctionne déjà bien et qui coûte moins cher que de faire appel à divers prestataires, comme vous nommiez tout à l'heure?

L'autre chose, c'est qu'au niveau des normes on est d'accord pour qu'il y ait des normes dans le réseau de la santé et des services sociaux, on est d'accord qu'il y ait des normes par rapport aux AVD qui sont données puis qui sont, comme on en parlait… Il y a des AVD qui sont en soutien à la qualité de vie et à l'état de santé des personnes, qui ne sont pas des luxes, qui sont vraiment à un niveau… qui sont en lien avec le système santé et services sociaux, que les entreprises d'économie sociale donnent. Et ça, je pense que c'est important qu'il y ait des normes. Mais, au niveau des organismes communautaires, les activités qui sont offertes par les organismes communautaires, pour nous, c'est très clair que c'est alternatif au réseau de la santé et services sociaux, et ça ne doit pas devenir un sous-traitant ou une parure parce que le réseau n'arrive pas à les rendre. Je pense que de vouloir couvrir ces soins-là aujourd'hui, c'est de dire... Quand la Loi canadienne sur la santé a été créée, ça n'existait pas, ça ne faisait pas partie de la vie, du quotidien. Maintenant, on est face à ça. Qu'est-ce qu'on fait avec la situation actuelle? On connaît la situation actuelle. C'est sûr qu'il y a des prestataires, différents prestataires. Est-ce qu'ils peuvent continuer à offrir quelque chose qui est à part du système de santé et services sociaux, puis qu'on consolide notre système de santé et services sociaux public? Nous, c'est le choix qu'on vous recommande aujourd'hui, qu'on émet aujourd'hui.

Puis je voudrais continuer sur la question des femmes. J'ai nommé les exemples qui étaient beaucoup des femmes. Vous aviez parlé, M. le ministre, dans les rencontres préestivales que votre projet était là pour l'émancipation des femmes. Je voudrais me permettre de vous dire que le premier élément incontournable pour l'émancipation des femmes, c'est d'écouter ce qu'elles ont à dire et de ne pas parler en leur nom, hein? Les femmes sont les premières personnes en première ligne de leur lutte comme sujet à part entière, pas comme des victimes, puis les femmes sont très préoccupées. Moi, je voudrais vous amener cette perspective-là. C'est sous-jacent dans le mémoire, mais on en parlait tout à l'heure, puis on était tous d'accord, que dire : Oui, on est… Les femmes, qu'elles soient infirmières, auxiliaires familiales, travailleuses du communautaire, proches aidantes, mères ou malades, témoignent actuellement, largement, du fait que la coupe est pleine, elles sont essoufflées. Il y a une surtâche qui découle des vagues successives des coupures dans le système de santé et des services sociaux. On est passés de l'État-providence à maman-providence. Là, maman-providence, elle est fatiguée, puis c'est ça qu'elle vous dit aujourd'hui.

La réforme que vous proposez soulève, encore une fois, cette préoccupation de la tendance du transfert des responsabilités de l'État aux organismes communautaires, aux familles, aux aidantes naturelles — je le dis comme ça parce que ce n'est pas naturel, hein? — que l'on prend pour acquis. On sent que les aidantes naturelles sont prises pour acquises dans votre réforme, et ces femmes-là risquent de se retrouver avec un poids plus lourd sur les épaules. C'est pour ça que, dans notre mémoire, on recommande que le ministre respecte les bénévoles et leurs organismes ainsi que les proches aidantes et qu'aucun ne fasse partie, sans son consentement, de la détermination de l'organisation et de la prestation des services de soutien.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : …tout à fait d'accord avec notre approche, qui est de considérer les proches aidantes comme des partenaires et non pas comme des ressources et de faire en sorte que les proches aidantes ne soient pas obligées de quitter un emploi rémunérateur pour s'occuper d'un proche.

L'allocation de soutien à l'autonomie va permettre d'avoir des services, d'avoir des services pour les gens en soutien à domicile et de ne pas obliger les proches aidantes, comme elles sont obligées actuellement, d'être la ressource par défaut, parce que l'État ne fournit que 15 % des services publics, et, le reste, bien c'est la proche aidante. On est tout à fait… Moi, je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Langlois.

Mme Langlois (Isabelle) : Oui. En même temps, on est préoccupés des pertes d'emploi, qui risquent d'arriver du système, qui passent du système de santé et de services sociaux, en termes d'emplois de qualité pour les femmes, versus des emplois dans les entreprises d'économie sociale qui font un travail louable mais qui sont des conditions de travail qui sont moindres.

M. Hébert : Il n'y aura pas de transfert, je vous rassure tout de suite.

Mme Langlois (Isabelle) : Puis là notez que ce n'est pas une perspective syndicale, là, c'est une perspective de femmes.

M. Hébert : Je vous rassure tout de suite. Je vous interromps. Je vous rassure tout de suite, il n'y aura pas de transfert de la sorte…

Mme Langlois (Isabelle) : De postes?

M. Hébert : …ce que vous dites.

Il n'y aura pas de transfert de postes, je vous rassure tout de suite, il y en a pour tout le monde. Il y a une population âgée qui augmente de façon importante et il y en a autant pour les intervenants du réseau de la santé et des services sociaux que pour les entreprises d'économie sociale ou les gens qui vivent dans un milieu résidentiel. Il y en a pour tout le monde. On a besoin de tout le monde. On a besoin de tout le monde pour donner des services, et le transfert que vous supposez ne se produira pas parce qu'on a besoin de tous les intervenants, que ce soient ceux qui travaillent actuellement dans le réseau, que de ceux qui travaillent dans les entreprises d'économie sociale ou dans le système résidentiel, qu'il soit lucratif ou non lucratif. On a besoin de tout le monde, mais il faut s'assurer de la qualité des services, il faut s'assurer de cette qualité.

Lorsqu'on ne confine pas les femmes dans un rôle de proche aidant, non seulement on laisse les femmes sur le marché du travail, mais il y aura des possibilités d'emplois pour les femmes dans tous les réseaux, que ce soit le réseau public ou que ça soit le réseau privé, associatif ou non. Et l'assurance autonomie redonne une allocation à la personne, à la personne âgée ou la personne handicapée, une allocation qui lui permettra de recevoir les services, qui lui permettra de vraiment exercer son choix de prestataire de services.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci, M. le ministre. Alors, nous allons maintenant poursuivre les échanges avec le groupe formant l'opposition officielle. Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, la parole est à vous.

Mme Blais : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, madame, messieurs, bienvenue ici.

J'aime beaucoup votre discours, c'est un discours franc, c'est un discours honnête. Vous avez beaucoup d'expérience, vous avez vu énormément de changements. Moi, je n'ai pas eu la chance, comme vous, de vivre tous ces changements, mais je peux vous dire que j'ai des inquiétudes actuellement par rapport à l'implantation de l'assurance autonomie. Entre autres, je vois qu'il y a des coupures d'infirmières dans le réseau, dans les CHSLD. J'entends aussi des organismes dire : Il manque de travailleurs sociaux sur le terrain, il manque de professionnels. Alors, oui, c'est beau, dire : On va embaucher des femmes, il n'y a personne qui va manquer d'emploi, mais comment se fait-il qu'actuellement il y ait des coupures, puis qu'il y ait des gens en attente, puis qu'on n'est pas capable de régler le problème des gens en attente, puis qu'on est en train de parler d'un projet qui va régler le sort du monde? Alors, moi, je pense qu'en premier il faut véritablement régler les difficultés actuelles, qui sont de donner les services.

Et vous avez dit quelque chose qui m'a touchée, parce qu'on parle beaucoup de personnes âgées, mais ça parle des personnes en perte d'autonomie à partir de l'âge de 18 ans, et il ne faudrait pas que les personnes en situation de handicap se sentent un peu négligées par rapport à ce projet-là, qui ne touche pas que la clientèle aînée, mais vraiment une clientèle en perte d'autonomie à partir de l'âge de 18 ans.

Alors, je veux vous entendre là-dessus, sur ce que vous vivez sur le terrain. Est-ce vrai que vous ressentez ces coupures et est-ce que ça vous inquiète?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Jolicoeur.

• (16 heures) •

M. Jolicoeur (Guy) : Écoutez, Mme Blais, vous me donnez l'occasion, là, de parler de ce qui se passe sur le terrain.

Je vais vous dire, mes intervenantes sociales au niveau des différents CSSS de Montréal vivent des choses très difficiles présentement. Elles portent sur elles, leurs épaules, en tant que tel, les changements du système, surtout tous les effets de l'optimisation qui est en train de rendre la vie impossible à mes collègues. Il y a des choses aussi qui sont difficiles à accepter, par exemple les mesures de désengorgement des urgences. On parle de HMR, de Santa Cabrini. On donne des services de 68 heures à des personnes pour les sortir de l'hôpital, mais on donne ça par des agences privées, O.K.? Et, ces agences privées, finalement, de maintien à domicile, on n'a aucun retour de la part de ces gens-là qui donnent des bains, comme on dit, à domicile. Et pourtant ça aurait dû être fait de façon adéquate.

Alors, quand on dit qu'on va mettre tout le monde dans la même galère et que tout le monde va se parler... présentement, ça ne fonctionne pas. Je veux dire, ces gens-là, comme on dit, font leurs services, ils sont payés une heure pour chaque 15 minutes de bain, O.K.? Donc, déjà, on va sauver de l'argent là-dessus si on va donner ça au secteur public. Et, d'autre part, si la personne âgée refuse de prendre le bain, bien on charge quand même une heure au CLSC, comme on dit, au CSSS pour cette chose-là. Alors, j'essaie de voir où sont les économies dans le système, je ne les vois pas.

En plus, ces gens-là, malheureusement, ont peu d'expérience au niveau de donner des soins intimes, comme on dit, à nos aînés en perte d'autonomie, et on les met, comme on dit, à risque qu'il y ait des accidents, comme on dit, dans leur baignoire. Et le ministre laisse aller comme si tout ça était normal et acceptable, comme on dit, et on parle en 2013. Alors, je vous le dis, avant de parler de l'assurance autonomie, réglons d'abord les situations qui se passent présentement à Montréal. Et, moi, ça m'inquiète énormément parce qu'on dit qu'on va avoir des gestionnaires de cas qui vont gérer ça.

Moi, je parle à mes collègues, ils me disent : On n'aura pas le temps de faire ça. Ce n'est pas qu'on ne veut pas le faire, c'est qu'on nous demande de remplir tellement de formulaires, il y a tellement de choses, qu'on dit, qu'on doit remplir chaque jour pour la clientèle ordinaire, on va nous demander de faire encore plus, comme on dit, comme intervenantes sociales au niveau du maintien à domicile. Ces gens-là sont débordés, ils ne réussissent pas à faire leur travail tous les jours tout simplement parce qu'on les surcharge, comme on dit, de travail présentement, et en plus des coupures, et en plus du manque de personnel. Parce que, quand on décourage du personnel, comme on dit, ces gens-là ne reviennent pas, ils changent de secteur, ils ne reviennent pas au niveau du maintien à domicile. On a perdu énormément d'intervenantes sociales d'expérience parce qu'on les a écoeurées présentement à Montréal. Alors, je m'excuse de dire ça, mais c'est la réalité, présentement, terrain.

Alors, avant de partir une nouvelle expérience — puis on n'est pas contre l'assurance autonomie — mais on va s'assurer qu'on ait les ressources satisfaisantes, que ces gens-là, comme on dit, soient compétents et qu'ils soient capables de faire la job adéquatement avant de partir un nouveau système.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Vous ne vouliez pas dire quelque chose?

Une voix :

Mme Blais : Moi, j'ai une autre inquiétude. Et, ce matin, il y avait M. Claude Castonguay qui était ici et qui parlait qu'on devrait travailler avec le système actuel plutôt que de sortir 4,3 milliards de dollars du système, le confier à la RAMQ, finalement, avoir une nouvelle structure pour donner des soins à tout le monde et en injectant 100 millions par année. Je ne suis pas certaine que tout le monde va pouvoir avoir les soins gratuits, je ne suis pas certaine, moi, que ça puisse arriver.

Qu'est-ce que vous pensez de ça? Est-ce que vous pensez qu'à un moment donné, inévitablement, il y a quelqu'un qui va devoir payer pour les soins?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Benoit.

M. Benoit (Jacques) : Bien, c'est pour ça aussi qu'on dit dès le début, je dirais, du mémoire qu'il y a des éléments, il y a des sources de coûts élevés dans le système actuel sur lesquels on peut faire quelque chose pour y faire un contrôle et récupérer de l'argent, parce qu'on croit qu'il faut récupérer de l'argent, il y a des choses qui sont mal faites.

Est-ce qu'on va réussir à faire en sorte que tout soit gratuit? Je crois que c'est ce qu'on doit viser quand il s'agit de soins, de services sociaux et de soins de santé. Oui, on doit le viser parce que c'est ça qu'on a tenté de faire quand on a fait l'assurance maladie et l'assurance hospitalisation. C'est ce qu'on a fait quand on a mis sur pied notre système public de services sociaux et de santé. On a dit : Ce ne sera plus l'épaisseur du portefeuille qui va définir la quantité de soins et de services dont on va pouvoir bénéficier, ça va être le cas, ça va être l'évaluation du cas, ça va être la priorité du cas, c'est ça qui va faire en sorte que vous allez avoir accès. Et on a fait en sorte qu'il y ait le maximum d'accès possible, égal partout, peu importe où est-ce qu'on habite sur le territoire. Il est évident, puis on le sait tous, que, quand tu es à Havre-Saint-Pierre, ça se peut que tu n'aies pas tout à fait les mêmes services que quand tu es en plein coeur de Montréal. Mais il y a une volonté de faire en sorte que ces soins et services soient accessibles, soient disponibles, hein? Et il y a eu un travail, il y a différentes choses. On est conscients que ça ne peut pas être mur à mur totalement. Il n'y a personne qui dit ça. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a cette volonté-là qui doit être là et qu'on doit chercher à l'atteindre.

Quant à savoir c'est quoi, les ressources qu'on dispose, bien sûr il faut… On parlait de contrôler les coûts, mais on pense aussi qu'il y a des éléments au niveau de l'impôt, qu'il nous faut utiliser. Il ne faut pas oublier une affaire, qu'entre 1996 et… dans les 20 dernières années, mettons, les impôts, là, ils ont baissé de 4,5 milliards à peu près, individus et compagnies. Ce n'est pas vrai, on ne me fera pas croire, puis il n'y a personne ici qui va croire ça, que la richesse de la société québécoise a diminué pendant les 20 dernières années. Elle a augmenté, le PIB a augmenté. On est rendu à avoir je ne sais pas combien de mesures. On a Standard & Poor's. Mais on avait un Dow Jones, alors que maintenant on est rendu avec trois, quatre indices pour mesurer la richesse tellement on en a. Bien, si on a tout ça comme richesse, bien on est capables d'en prendre une partie un peu plus importante et s'occuper de la santé et des services sociaux pour notre population à nous. C'est nous, c'est nos parents, c'est nos frères, nos soeurs, nos enfants, nos parents, nos grands-parents. Je ne vois pas pourquoi est-ce qu'on n'a pas des moyens.

La richesse qu'on produit dans la société, elle sert à quoi? Elle doit servir à notre mieux-être en soi, à notre mieux-être collectif. C'est à ça qu'elle doit servir. Si on n'a pas compris ça, qu'est-ce qu'on fait en société? Nous voulons un projet de société qui vise à ce qu'il y ait un partage de la richesse pour le mieux-être de la population. C'est ce à quoi nous croyons. Et nous croyons que le système public de services sociaux et de santé est le meilleur moyen de redistribution de cette richesse-là produite. Et on doit l'utiliser pour faire en sorte que les gens aient une accessibilité aux soins et services dont ils ont besoin.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Avant de passer la parole à mon collègue... Ce matin, M. Castonguay faisait remarquer que... Tout à l'heure, le ministre a parlé que les proches aidants devaient devenir des partenaires, une dyade entre la personne, qui est malade, et l'aidant. Moi, je suis tout à fait d'accord avec ça. Mais il disait, M. Castonguay, qu'il y avait à peu près deux lignes sur le rôle du proche aidant dans le livre blanc de l'assurance autonomie. Quelle place, quel rôle voyez-vous pour le proche aidant dans ce livre blanc? Et comment voulez-vous qu'on reconnaisse la place du proche aidant? Parce que vous avez dit, madame — je m'adresse peut-être plus à la personne qui le souhaite, là — mais qu'entre guillemets ce n'était pas tout à fait naturel. À un moment donné, ça ne devient pas naturel de jouer le rôle de proche.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Langlois ou M. Benoit?

Mme Langlois (Isabelle) : Bien, moi, je voulais juste compléter ce que Jacques disait tout à l'heure en disant que le système de santé et de services sociaux publics, c'est la meilleure façon pour la redistribution de la richesse.

Puis, pour répondre à M. le ministre, c'est aussi la meilleure façon pour assurer la marche vers l'égalité hommes-femmes, selon nous. C'est-à-dire que c'est un système qui a permis l'émancipation des femmes, qui a permis que les femmes sortent de la maison, aillent sur le marché du travail, qu'elles aient un choix qui est possible dans les conditions de... Alors, de renforcer ce système-là, c'est aussi la façon qu'on met de l'avant pour améliorer le sort des femmes.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Benoit.

M. Benoit (Jacques) : Sur la question des proches aidants, je vais me permettre d'abord de répondre à partir de mon expérience personnelle. Je vais passer ensuite la parole à mon collègue ici.

J'ai été proche aidant pour ma mère qui est décédée il y a deux ans. Comme proche aidant, c'est difficile de voir ta mère dont l'état de santé se détériore, puis tu veux comme l'accompagner au maximum. Mais ma mère était à Saint-Hyacinthe, moi, j'étais à Montréal, donc j'étais proche aidant, mais pas tout à fait proche, mettons, hein? Ça fait que donc je suivais les choses à distance, mais, de plus en plus, la distance Montréal—Saint-Hyacinthe, je l'ai faite je ne sais pas combien de fois, là, hein, plus ça allait, plus je la faisais souvent. Ce que moi, je voulais assurer, je voulais être sûr que ma mère puisse avoir accès à tous les soins et services possibles. Je voulais, moi, comme personne aidante, me sentir aussi en sécurité qu'elle. Je voulais qu'elle soit en sécurité et que moi, je n'aie pas à craindre pour elle. Je voulais donc avoir aussi ma sécurité, me dire : Si je ne suis pas là, il n'y a pas de danger. Parce que, comme proche aidant, c'est la première chose à laquelle on pense, c'est qu'on veut prendre soin de— hein, en anglais, ils disent «taking care», hein? — mais prendre soin. On oublie que le système de santé et services sociaux, c'est à ça qu'il sert : prendre soin, pas donner des soins vite, à la vitesse, pour en donner le maximum, non, prendre soin. Puis pendre soin, c'est prendre du temps. La personne, elle va se guérir, mais elle a besoin d'être soignée. Elle a besoin d'être entourée, d'avoir quelqu'un qui prend soin. S'il n'y a pas ça, ça ne l'aide pas à guérir, ça rend les choses plus difficiles.

Moi, comme proche aidant, dans mon cas à moi, j'avais besoin de sentir ça, de me sentir en sécurité, parce que je sentais que ma mère était en sécurité, et ça, ça pouvait nécessiter un certain nombre de choses, mais s'assurer que les soins et services dont elle avait de besoin étaient présents puis qu'elle y avait accès. Je pense que Guy veut dire quelque chose.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Jolicoeur.

• (16 h 10) •

M. Jolicoeur (Guy) : Oui, rapidement. Juste vous dire que les budgets de... Il faut du répit et des budgets de gardiennage. C'est important parce que, si vous ne voulez pas épuiser votre aidante naturelle, en tant que tel, il faut qu'elle puisse quitter le milieu en toute sécurité. Elle ne quittera pas sa personne, comme on dit, son conjoint malade si elle ne sent pas, en tant que tel, qu'il y a quelqu'un de confiance qui est auprès d'elle. Et ça, tous les budgets de gardiennage ont comme diminué au cours des dernières années, malheureusement.

Autre chose aussi des clientèles : malheureusement, il y a des communautés culturelles qui gardent leurs proches, comme on dit, très longuement à la maison et, quand ils en ont besoin, comme on dit, de répit, bien là il n'y a plus de budget pour eux parce qu'ils ne sont pas dans le système. Je pense, entre autres, à la communauté italienne, par exemple, à Montréal. C'est des gens qui naturellement gardent leurs aînés chez eux le plus longtemps possible. Ce n'est pas dans leur culture de laisser ça dans le réseau. Le problème, c'est : quand ils ont besoin d'avoir du répit, bien là il n'y a plus de réponse, il n'y a pas… parce qu'on n'a pas les budgets nécessairement et que la personne n'était pas inscrite.

En terminant, ressources intermédiaires, bien il y a des clientèles qui se retrouvent là, qui ne devraient même pas se retrouver là. Je pense, entre autres, à des cas d'errance invasive, des gens, en tant que tel, là, qui quittent leur chambre pour aller dans les chambres des autres en plein milieu de la nuit. Bien, ça, là, ça devrait être en CHSLD et non pas en ressources intermédiaires parce qu'il n'y a pas, comme on dit, le personnel suffisant pour s'occuper de ça. Les troubles cognitifs, les contentions qu'on retrouve en ressources intermédiaires, qui ne devraient même pas être là, faute de places en CHSLD… Alors, quand le ministre nous dit qu'il faudrait diminuer le nombre de places en CHSLD, je m'excuse, mais il y a encore des besoins énormes au niveau de ces clientèles-là. Merci.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à notre commission. Écoutez, je vais essayer de parler un peu plus fort parce que…

Une voix :

M. Bolduc (Jean-Talon) : Je trouve ça intéressant. Parce que le ministre a dit au début qu'il n'était pas sûr de tout comprendre ce que vous disiez, mais moi, je vous suivais puis je trouvais que votre logique est cohérente.

Vous dites : Nous autres, on veut la gratuité, on veut également qu'il y ait une équité entre les gens, on ne voudrait pas que les gens paient. Ça, je pense que c'est un élément important. Puis, ce que je comprends également, il ne faut pas nécessairement que ce soit en fonction des revenus. Vous dites également qu'il faudrait consolider le réseau actuel. Vous ne voulez pas de bureaucratie, vous voulez avoir plus d'argent qui va… Mais, à la fin, je ne sais pas, vous dites tout ça, puis à la fin on appuie l'assurance autonomie. Je ne sais pas, mais ça fait quatre semaines qu'on est ici, le ministre a été très, très clair : les gens vont devoir contribuer selon leurs revenus, il n'y aura pas de gratuité.

En plus de ça, vous dites : On ne veut pas de privatisation. Écoutez, on l'a fait dire 50 fois au ministre, là, et on va s'en souvenir, c'est tout enregistré, il y a un élément de privatisation là-dedans, là. Quand il dit que c'est public, là il fait juste dire : L'argent vient du public. En plus de ça, la gestion de la qualité va être publique, puis l'allocation va être publique, mais, la prestation, il l'a dit clairement, la personne va choisir. Puis ça, je peux déjà vous le prédire, là, les organisations comme les résidences privées, ils vont organiser pour donner les services avec leurs employés, puis ça, il va y en avoir de plus en plus, de ça. Également, les logements communautaires, ils vont également donner leurs services de cette façon-là. Puis, on ne se le cachera pas, les entreprises d'économie sociale… Moi, je le vois venir. Je ne sais pas, là, c'est des gens, ils sont dans une bulle, là, mais il faut sortir de cette bulle-là. Les entreprises d'économie sociale, le ministre l'a dit souvent, c'est eux autres qui vont avoir les AVD, puis ils vont avoir les AVQ. À la fin, là, je pense qu'on va avoir un équilibre de réseau dans lequel le réseau va être utilisé.

En passant, le discours, au début, là, ça devait tout être public. Mais c'est ça, là. Mais là le projet de loi qui va être déposé, ça va être ça. Je vous le dis, là, honnêtement, là, ça va être ça. Est-ce que vous me dites encore que vous êtes pour la… À la fin, vous finissez : Malgré tout ça, on est pour l'assurance autonomie. Expliquez-moi ça. Là, j'ai bien de la misère à comprendre ça. En passant, tous les groupes viennent avec… comme vous, là : On est pour l'assurance autonomie, puis, quand ils ont fini de tout énumérer, là je leur dis : Écoutez, c'est-u les mêmes choses qu'on voit? Peut-être qu'on est beaucoup là-dedans, nous autres, on le voit, là, mais ça va être ça, l'assurance autonomie à la fin.

Est-ce que vous me dites que vous êtes encore pour l'assurance autonomie, ce projet-là?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Benoit.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Là, ça nous prendrait une réponse claire. Pas une réponse : Oui, mais peut-être, là. Si vous aviez à voter, comme moi, là, est-ce que vous voteriez pour?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Benoit.

M. Benoit (Jacques) : Je me permettrais de redire ce que j'ai dit dans ma présentation.

On saluait la volonté ministérielle de rehausser et d'améliorer la réponse aux besoins en services à domicile de la population, particulièrement auprès des personnes en perte d'autonomie, pour leur maintien dans la communauté. On n'a pas dit que ça prend… que ça s'appelle l'assurance autonomie, puis on n'a pas dit : Vive l'assurance autonomie! On a dit qu'on était d'accord et on veut un rehaussement des services à domicile qui permet et qui vise à accompagner les gens dans un maintien dans leur communauté. Pour nous, c'est ça qu'on veut. Que ça s'appelle n'importe comment, on s'en fout, ce qu'on veut, c'est ça.

Que ça s'appelle assurance autonomie, ça pourrait s'appeler ça, ce n'est pas plus grave que ça. Mais le contenu, c'est ça, et ce qu'on dit comme contenu là-dedans, c'est que, ces services-là, ces services-là qu'il faut rehausser et qu'il faut donner, il faut qu'ils soient accessibles à tous, il faut qu'ils soient publics, il faut qu'ils soient financés par des impôts puis qu'on arrête de nous parler d'une gestion publique. Ce que le ministre apporte, ce n'est pas de la gestion publique, c'est de la nouvelle gestion publique qui implique automatiquement de la marchandisation du marché de… Je suis désolé, M. le ministre, mais c'est de ça dont… Ce n'est même pas moi qui l'invente. Ça s'enseigne dans les universités, la nouvelle gestion publique. Vous n'allez quand même pas me dire que ça n'existe pas. Je veux dire, on nous parle d'une nouvelle gestion publique qui est une place où est-ce qu'on fonctionne avec le marché, avec le libre-échange, avec la marchandisation, où on va utiliser le privé.

Au bout de la ligne, qu'est-ce que c'est? C'est une façon de faire en sorte de privatiser et de démanteler nos services publics. On ne fonctionne pas… on ne veut pas ça. On ne veut pas juste une nouvelle gestion publique qui fait qu'on peut utiliser le privé puis oublier le public, non. On s'est donné des services publics. C'est pourquoi? On s'est donné des services publics parce qu'on savait que c'était la meilleure façon pour se donner des soins et services qu'on avait puis ça nous coûterait moins cher que le privé. Parce qu'il y en avait, du privé, avant. Pourquoi c'est faire qu'on s'est donné du public? Parce qu'on en avait, parce qu'on… je ne sais pas, parce qu'on s'est… on a rêvé à ça? Non. Parce qu'on le savait, que c'était la meilleure façon. On dirait qu'on a oublié ça. On est en train de dire : Comme si ça, ça n'existait plus. Ça existe toujours. Nous considérons que…

La Présidente (Mme Proulx) : Oui. Merci, M. Benoit. M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. C'est juste parce que je n'ai pas beaucoup de temps puis… Juste pour vous dire, là, ce que vous me dites là, c'est ce que je comprends, mais, honnêtement, là, là, on mélange des choses. Ce n'est pas parce que quelqu'un dit qu'il y a des… En passant, là, je l'ai dit, moi, comme ministre, pendant cinq ans : Il faut développer les soins à domicile, il faut investir dans les soins à domicile. On l'a fait puis on en a mis. On en mettait, de l'argent, puis on avait un plan. On l'a tout dit, ça, là.

Là, j'ai un problème, là, je tiens à vous le dire encore. Vous me dites : Tout ce qui va… Ce n'est pas parce que le ministre l'a dit que c'est ça, l'intention, que les moyens qu'il prend sont en relation avec ça. Là, la question que vous devez vous poser : Vous êtes députés… Puis, je pense, tous les groupes doivent se la poser là-dessus. Ce projet-là, c'est juste pour dire que c'est l'intention d'investir plus. Je peux vous dire, tout le monde entier veut ça, là, il n'y a pas de problème. C'est le moyen. Êtes-vous d'accord avec le moyen ou vous dites : C'est la marchandisation, là? Pas de problème avec ça, mais à la fin, là, quand vous allez vous lever, comme moi, comme député, c'est ça, vous allez dire oui à ça, là.

Est-ce que vous allez vous lever, oui ou non, si c'est ce que je vous ai dit tantôt qui est dans le projet? Là, la question, là, ce n'est pas peut-être, là, des discussions : Est-ce qu'on se lève ou ne se lève pas puis on vote pour le projet?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Langlois.

Mme Langlois (Isabelle) : Bien, il faut attendre de voir c'est quoi, le projet de loi…

M. Bolduc (Jean-Talon) : Le projet de loi, on le sait pas mal…

Mme Langlois (Isabelle) : …parce que le projet de loi, le projet d'assurance… On ose espérer que nous sommes en discussion, qu'il y a de l'écoute, qu'il y a… Alors, on est en consultation. C'est un livre blanc. Quand que le projet de loi… moi, je vais me lever sur le projet de loi, avec les articles, avec qu'est-ce que ça implique, avec le cadre financier, avec… etc., qu'est-ce qui aura été retenu de nos commentaires et pas… Mais, dans sa version actuelle, oui, on a plusieurs préoccupations avec l'assurance autonomie, c'est sûr.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : C'est juste pour vous dire… Ce n'est pas parce que je veux vous interrompre, mais il ne nous reste plus beaucoup de temps puis il faut aller au fond de cette discussion-là, là. Le ministre, il s'est obstiné avec vous autres tantôt puis il vous a tous expliqué qu'est-ce qu'il y aurait dans son projet. Ça va être ça, son projet de loi, là. À la fin, là, je tiens à vous le dire, là, ne pensez pas que ça va changer grand-chose. Parce qu'on en a fait quatre semaines, là. Ça va être ce que je vous ai dit tantôt.

La question, là : Si c'est ça qu'il y a dans le projet de loi — je vais vous le mettre avec un «si», là — si c'est ça qu'il y a dans le projet de loi, êtes-vous pour ou contre?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Benoit.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Puis là vous aurez à vous lever, là, il n'y a pas de «peut-être», là.

M. Benoit (Jacques) : Alors, écoutez, on va être clairs. Si le projet de loi est exactement ce qu'il est là, je ne crois pas qu'on va appuyer ça.

Maintenant, ceci étant dit, c'est la raison pour laquelle nous demandons, en terminant, au ministre que, quand son projet de loi sera déposé, il tienne des consultations pour que toutes les personnes intéressées et concernées puissent venir s'exprimer là-dessus. Parce qu'on pense… on ne présume pas, on pense que le ministre ne tient pas cette consultation-là pour rien. On suppose qu'il le fait pour entendre, pour écouter et pour possiblement modifier des choses dans ce qu'il nous a présenté. Et, je dirais même, c'est la chose qu'il… c'est la procédure normale. Je veux dire, il nous soumet une proposition et il dit que ses intentions sont celles-ci. Nous interprétons ses intentions peut-être mauvaisement, c'est possible, alors on dit : Bien, écoutez, si ce ne sont pas vos intentions, nous, on est prêts à vous croire, alors on attend de voir maintenant, à partir de ce qu'on vous a dit…

Vous voyez qu'il y a des choses qui ne sont pas claires, vous voyez qu'il y a des choses qui prêtent à interprétation, ça fait que clarifiez-les dans votre projet de loi pour nous assurer que ce que nous craignons ne sera pas là. Puis, s'il le fait, alors à ce moment-là nous serons pour. S'il ne le fait pas et qu'il va plutôt dans le sens de ce que nous craignons, on ne sera sûrement pas pour.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci, M. Benoit. Alors, le temps étant maintenant écoulé, la commission suspend les travaux quelques instants, et j'invite le prochain groupe à prendre place. Merci pour votre présentation.

(Suspension de la séance à 16 h 19)

(Reprise à 16 h 23)

La Présidente (Mme Proulx) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission va reprendre ses travaux. Je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Ordre des dentistes du Québec

M. Dolman (Barry) : Je tiens à remercier la commission et les parlementaires de nous offrir l'occasion d'être ici aujourd'hui. Permettez-moi d'abord de me présenter. Dr Barry Dolman, président de l'Ordre des dentistes du Québec et dentiste en pratique. Également, je vous présente les personnes qui m'accompagnent : à la droite, le Dr André Lavallière, président de l'Association des dentistes en santé publique et dentiste-conseil en santé publique de l'Estrie; le Dr Christian Caron, directeur fondateur du Centre d'excellence pour la santé buccodentaire et le vieillissement et directeur de programme de formation spécialisée en gérontologie à l'Université de Laval; et, à la gauche, Me Caroline Daoust, directrice générale de l'Ordre des dentistes du Québec.

Avec un changement rapide de la démographie qui nous amène à planifier des besoins pour une clientèle dont le nombre sera sans précédent, nous entrons en terrain inconnu. Nous avons à coeur la santé des Québécois. Nous soutenons l'objectif premier de l'assurance autonomie qui est d'améliorer l'accès. Nous sommes convaincus qu'un projet de société novateur doit inclure les soins buccodentaires, qui font partie de la santé globale. Les personnes qui seraient admissibles à l'assurance autonomie sont parmi celles qui ont un accès très limité à des soins buccodentaires. La population vieillissante conserverait de plus en plus ses dents et constituerait une clientèle présentant des problèmes beaucoup plus complexes à soigner. Les nouvelles politiques fondées sur la personnalisation en masse doivent être adoptées afin de soigner cette population.

La médecine dentaire inclut le diagnostic et les traitements des déficiences et des maladies des dents, de la bouche, des maxillaires ou des tissus avoisinants chez l'être humain. Le dentiste est habilité à prescrire des médicaments, des radiographies et divers tests diagnostiques. L'ordre fait de la promotion de l'accès aux soins buccodentaires un objectif principal. En mars dernier, nous mettions sur pied un comité d'accès aux soins buccodentaires pour faire le point sur l'accès chez des populations vulnérables, notamment celles en perte d'autonomie.

La promotion de la santé buccodentaire est un défi. Le Québec est la province qui a le pire bilan en matière de santé buccodentaire. Depuis les années 50, la situation s'est améliorée, mais malheureusement pas auprès des groupes qui en ont le plus besoin. La couverture publique des soins, les régimes d'assurance privée, la scolarisation accrue, l'adoption de saines habitudes d'hygiène dentaire, la fluoration de l'eau sont autant d'éléments qui ont contribué à une meilleure santé buccodentaire, mais il reste beaucoup à accomplir. Force est de constater que 50 % de la population ne fréquente pas de cabinet dentaire, et ce, même pour la population qui bénéficie des services couverts. L'éducation, la peur et le coût des soins constituent des obstacles majeurs.

On constate un état de santé buccodentaire plus pauvre chez certains groupes, dont les clientèles âgées en perte d'autonomie. L'accès aux soins dentaires pour ces personnes reste très limité. Peu de dentistes visitent des cliniques en centre d'hébergement ou se rendent à domicile notamment en raison des restrictions imposées par le système. Les dentistes qui veulent contribuer n'ont pas aisément accès aux établissements, et les dentistes du réseau ne sont pas généralement remplacés lorsqu'ils prennent leur retraite. Les soins d'hygiène sont rarement inclus dans des plans d'intervention en CHSLD. Les bénéficiaires n'ont pas d'examen buccodentaire à l'admission, ce qui fait que plusieurs résidents ont des problèmes liés à la carie et à la maladie des gencives. Bien que, sans modification législative, les hygiénistes dentaires peuvent faire du dépistage, enseigner des principes d'hygiène et brosser les dents, elles sont presque absentes des CHSLD et des domiciles. L'importance de la santé a été prouvée par des études qui démontrent la relation avec les causes de nombreuses maladies. De plus, chez des clientèles, la prise de médicaments engendre une sécheresse de la bouche, qui provoque des caries à la racine. L'absence de caries et de maladies de la gencive est essentielle. Une mauvaise hygiène permet à la plaque de s'accumuler et durcir, et les plaques se transforment en tartre qui favorise une perte osseuse et une infection. Ne pas se préoccuper de ces conditions, c'est accepter la perte des dents et l'augmentation des risques de problèmes de santé, dont, plus importante, la pneumonie par l'aspiration. Le médecin et le dentiste doivent donc collaborer pour assurer une prise en charge adéquate.

L'accès aux soins de santé buccodentaire est un droit, au même titre que l'accès aux soins qui concernent les autres parties du corps. Toute personne a donc droit à un diagnostic et un plan de traitement établis par le dentiste. Un suivi et l'exécution de certaines des composantes d'un plan de traitement pourront être réalisés par des professionnels formés pour le faire. Une ordonnance faite par un dentiste est un outil privilégié.

Les services des dentistes doivent être favorisés dans des institutions publiques et à domicile. Il est nécessaire aussi de former des préposés et le personnel soignant aux techniques de brossage quotidien des dents. Les dentistes sont des professionnels de première ligne. Leur expertise et leurs services doivent faire partie des paniers de soins de santé. Le Dossier santé Québec doit inclure les dentistes sans tarder. Enfin, toute initiative de santé globale doit comprendre la santé dentaire.

Nous sommes prêts à nous investir dans des solutions. Des initiatives sont déjà mises en place, et des recommandations seront faites en avril 2014, au terme du travail de comités sur l'accès aux soins buccodentaires. Et la Fondation de l'Ordre des dentistes du Québec s'implique pour favoriser l'accès pour les clientèles les plus vulnérables. Certaines solutions sont à notre portée, dont l'implantation des infrastructures propices à recevoir des patients.

Aucun de ces efforts ne sera vraiment porteur sans une volonté politique claire de votre part. Merci.

• (16 h 30) •

La Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec le groupe formant le gouvernement. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Hébert : Merci beaucoup, Dr Dolman, Me Daoust, Dr Lavallière, Dr Caron, merci de ce mémoire.

J'aimerais peut-être, d'emblée, interpeller Dr Caron sur les principaux problèmes qui sont identifiés chez les personnes âgées et aussi les personnes handicapées, parce que vous devez avoir également un certain nombre de données là-dessus. Alors, si vous pouviez nous faire un résumé de ce que la littérature et votre expérience vous enseignent.

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Caron.

M. Caron (Christian) : Oui. Bonjour. Chez cette population-là que moi, je traite, là, activement, donc ce n'est pas juste des études, que je vois quotidiennement... Mais, dans les données, la dernière grande étude qui a été faite, c'est l'étude de Corbeil, qui date de 2008, et c'est important de comprendre que, dans cette étude-là, les données qui sont là sous-estiment grandement les problèmes qui sont présents dans la population, à la fois hébergée et la population qui reçoit du soutien à domicile. Pourquoi? Parce que, dans cette étude-là, seulement 21 % des gens qui étaient en CHSLD ont été interpellés, et c'est la clientèle la plus en santé qui était là, les autres ont été exclus pour des raisons de coopération, et on parle d'à peu près 90 % qui étaient des patients avec un certain degré de démence, ce qui fait que les données qu'on a, qui sont présentées dans l'addenda, entre autres, sur le mémoire, sous-estiment cette réalité-là. Mais déjà, quand on regarde les données, on voit quand même que 61 % des gens qui sont hébergés ont au moins une dent qui est cariée, 47,1 % de ceux qui sont en soutien domicile… Donc, c'est quand même une question assez importante.

Pour vous faire une idée encore plus précise de ce qu'on rencontre, qui vaut encore mieux que des statistiques, ce sont les photos qui sont dans l'annexe que je vous ai présentée et qui représentent quand même... et, bien qu'on ne veuille pas se le... qu'on n'aime pas les voir... représentent, moi, mon quotidien quand je vais dans les CHSLD ou lors de soutien à domicile, parce que justement les soins dentaires sont à peu près absents. On voit aussi dans cette étude-là, qui n'est pas... Ça, c'est l'étude de Corbeil. On voit aussi que 14 % et 16 % des gens, que ce soit à domicile ou en centre... qui sont en soutien à domicile, ont des dents à extraire. On sait que, lorsqu'on a des dents à extraire, il y a plusieurs causes à ça : des abcès dentaires qui causent des douleurs; des enflures du visage; des dents qui sont cassées, coupantes, qui souvent donnent des abrasions au niveau des tissus mous. On voit aussi beaucoup de cas de mobilité dentaire qui peuvent même être des risques à une aspiration. Il y a une mauvaise haleine qui est endémique, qui est reliée à ça, et qui donne des problèmes de contact social avec les autres bénéficiaires ou avec les gens qui les environnent ou même les gens qui leur donnent des soins.

Donc, quand vous voyez les photos, on peut comprendre à quel point la santé dentaire des personnes en perte d'autonomie au Québec est pauvre. Et je pense que, dans cette optique-là, le fait d'inclure au moins une solution, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de l'assurance autonomie... Il est important de commencer à s'attarder à cette problématique-là parce qu'elle a aussi des conséquences non seulement sur le quotidien des gens, leur qualité de vie, parce que ça, c'est important, mais aussi sur la santé en général, que ça soit par les choix alimentaires qu'ils vont faire, considérant l'état dentaire dans lequel ils sont et l'état de souffrance qui souvent... Dr Hébert va sûrement comprendre encore plus ça. C'est que les gens qui sont agités et qui ne peuvent pas l'exprimer… souvent viennent de douleurs qu'ils ne sont pas capables d'exprimer. Et, des douleurs dentaires, quand on voit ce qu'on voit sur les photos, bien on peut penser qu'il y en a.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Dolman (Barry) : ...

La Présidente (Mme Proulx) : Donc, Dr Dolman.

M. Dolman (Barry) : Un complément. Si tu regardes… Et je ne sais pas, c'est difficile, même à 4 heures, de regarder les photos, mais, si tu regardes la photo sur la page 5, la première photo, c'est un patient, même avec des caries dentaires, qui a eu un détartrage. Et souvent on parle que le détartrage est la solution magique pour tout. Mais tu peux regarder un mois plus tard le même patient après le détartrage. Alors, on n'a pas des solutions magiques, il faut avoir l'entretien et même des solutions de base. Juste l'éducation et le brossage des dents peuvent amener une meilleure qualité de vie pour ce genre de population.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Au niveau de l'accès aux services dentaires à domicile, quel est l'accès pour les personnes âgées? Et ce n'était pas... Chez les personnes de cette génération-là, souvent le dentiste n'était pas une habitude qui a été suivie pendant toute leur vie, là. Quelle est la situation, actuellement, au Québec, pour les gens qui vivent à domicile, d'accès aux services dentaires?

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Caron.

M. Caron (Christian) : Une chose qui est importante, si vous regardez, aussi on a fait une recension, dans le fond, du nombre de dentistes présentement qui oeuvrent en milieu hospitalier ou dans le système public. Et on voit, là, qu'il y a à peu près entre 50 et 70 personnes. Ça, c'était en 2008 qu'on a fait cette recension-là. On a appelé tous les CHSLD. On a appelé aussi toutes les petites résidences privées, les plus grandes. On les a tous appelés. Et on a vu qu'il y a seulement 9 % des gens qui ont des cliniques dentaires dans les CHSLD publics et à peu près 0,5 %, dans les résidences privées. On peut comprendre peut-être pourquoi.

L'important de ça, c'est que pour… Là, je ne réponds pas à votre question, mais c'est pour vous dire jusqu'à quel point présentement les infrastructures sont déficientes tant en termes d'équipements, pour qu'on donne un service à ces gens-là, qu'aussi en termes d'organisation au niveau du personnel qu'on va y mettre pour être capables de régler cette situation-là.

Donc, présentement, il est bien certain que, les visites à domicile, il y en a. Ici, dans la région de Québec, on en fait, avec l'Université Laval, dans le programme de gérodontologie, où on forme des étudiants justement pour traiter cette population-là, et moi, j'en fais aussi dans ma pratique privée. Ce n'est pas généralisé au Québec. Il y a quelques initiatives québécoises qui se rendent à domicile. Il y a des gens qui vont ne faire que le dépistage pour après ça transporter les gens vers un lieu de soins central. Ça, c'est une façon. Il y a des gens qui font le dépistage et offrent les soins à domicile à l'aide de l'équipement portable. Ça, c'est une autre façon de faire. Et il y a des gens qui le font de manière, aussi, hybride, dépendamment du secteur où ils oeuvrent, par exemple dans la région de Montréal, où il y a une partie qui se fait justement en soins transportés et d'autres, en soins mobiles. Mais ça reste quand même des initiatives marginales. Mais il faut comprendre qu'il y a une quantité de patients qui sont en perte d'autonomie telle que le fait de les transporter vers un autre lieu va faire en sorte… je parle surtout des déments… ils ne pourront pas, vont devenir tellement confus, vont dépenser leur peu de capacités d'adaptation au moment du transport. Et, quand ils arrivent dans une salle privée, traditionnelle, ils vont avoir beaucoup de difficultés à recevoir les soins parce qu'ils vont être confus dans l'environnement nouveau dans lequel ils vont se trouver.

Donc, ça, là, cette portion-là devrait bénéficier justement de soins à domicile pour justement être capable de rendre plusieurs soins. Parce qu'imaginez, là, le proche aidant qui a de la misère à transporter la personne jusqu'au cabinet dentaire, puis, arrivés là-bas, on ne peut pas la traiter.

Une autre situation : petit centre d'accueil privé qui perd une ressource parce qu'elle va chez le dentiste, parce que ça prend un accompagnement pour le rendre s'il y a un niveau de démence. Ce qu'ils vont faire, c'est qu'ils vont attendre que le patient soit dans un niveau de douleur ou de symptomatologie telle... soit qu'il ne mangera plus ou soit qu'il va être tellement souffrant qu'ils vont dire : Il faut absolument qu'on l'amène chez le dentiste. Donc, ça, c'est important aussi de comprendre qu'il y a une strate qui va nécessiter ces soins à domicile là. Ce n'est pas pour tout le monde, et le domicile n'est pas la panacée. Ça prend un système intégré où il y a deux modes. Ça prend un système fixe et privé pour être capable de résoudre cette problématique-là.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Quels sont les obstacles? Pourquoi, en d'autres termes, les personnes âgées ne consultent-elles pas le dentiste, que ce soit à domicile ou en CHSLD?

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Dolman.

M. Dolman (Barry) : …plusieurs obstacles de consulter le dentiste, et même pour les personnes qui n'ont aucun problème médical.

Moi, je pratique à Montréal puis je rencontre des personnes qui ont les moyens de payer, et elles ne consultent pas le dentiste. Même à l'intérieur des régimes couverts par l'État, on n'a jamais atteint plus que 50 % des gens qui consultent le dentiste. Alors, question d'éducation, question de peur, question d'accès physique aussi.

C'est un problème beaucoup plus complexe qu'on pense. Et il faut qu'on commence à faire ou regarder des solutions ciblées pour chaque secteur de patients : des patients qui ont des problèmes de comportement, des problèmes d'Alzheimer; des autres patients qui ont des handicaps. On ne peut pas nécessairement traiter avec le même genre de système.

• (16 h 40) •

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Mais quelles sont les solutions donc que vous proposez, tant à domicile qu'en institution d'hébergement? Qu'est-ce que vous proposez pour améliorer la santé dentaire des Québécois?

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Dolman.

M. Dolman (Barry) : La première solution pour l'ordre, et la raison qu'on est ici, c'est d'assurer que la santé buccodentaire est une considération à l'intérieur de la législation. Parce que, quand je regarde, par exemple, votre projet, qui a beaucoup de bénéfices, je ne vois aucune mention, à l'intérieur, des soins buccodentaires. Alors, comment est-ce qu'on peut penser de régler un problème si on exclut une portion du corps humain dans des discussions?

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Mais l'assurance autonomie n'inclut pas ni les services médicaux, ni les services hospitaliers, ni… Alors, ce que vous voudriez, c'est qu'il y ait un financement public des soins buccodentaires. Est-ce que c'est l'interprétation que je fais de vos suggestions?

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Dolman. Docteur…

M. Lavallière (André) : Il y a comme deux dimensions pour améliorer la santé dentaire de la population : il y a tout l'aspect curatif lorsque les gens ont des caries, lorsque les gens ont des abcès, mais il y a toute la dimension préventive aussi.

Et on sait qu'au Québec on accuse un retard important en termes d'état de santé dentaire. On a les taux d'édentation les plus élevés au Canada ou en Amérique du Nord. On sait que nos enfants, les adultes ont des taux de caries plus élevés. Il nous apparaît essentiel de faire un virage préventif important. Sinon, le nombre de personnes de 65 ans et plus avec des dents augmente et il augmente rapidement. Chez les baby-boomers, la préoccupation d'une bonne santé dentaire est de plus en plus présente, et on sait que la demande de soins, au courant prochaines années, va augmenter de façon importante. La demande de soins va augmenter, mais le nombre de dents en bouche aussi augmente de façon très, très, très rapide, et les risques de caries, le nombre de dents à traiter, le nombre d'abcès qu'on va avoir à rencontrer vont augmenter aussi de façon importante.

C'est très bien d'organiser des services curatifs, mais il va falloir aussi faire un virage préventif important, et on pense que, dans le cadre de l'assurance autonomie, dans le cadre des activités de vie quotidienne, au niveau de l'hygiène… on pense souvent beaucoup à l'hygiène corporelle, mais l'hygiène de la bouche… Quand on pense d'accréditer pour avoir des services de qualité, on pense qu'on va devoir avoir des critères spécifiques concernant l'hygiène de la bouche pour s'assurer que le brossage des dents est fait à la fois à domicile ou en établissement de santé et de mettre en place l'ensemble des mesures préventives qui pourraient être faites par non seulement le personnel dentaire — dentistes, hygiénistes — mais on pense que les préposés aux soins, préposés aux bénéficiaires, les infirmières auxiliaires peuvent faire beaucoup en termes de prévention des problèmes buccodentaires.

Et on pense qu'à ce niveau-là, au niveau de l'assurance autonomie… toute la dimension préventive, on pense qu'elle devrait faire partie de l'assurance autonomie et, si c'est possible, aussi des services curatifs, si c'est possible, à l'intérieur de l'assurance autonomie ou à l'intérieur d'autres mécanismes.

M. Caron (Christian) : Est-ce que je peux ajouter?

La Présidente (Mme Proulx) : Oui. Dr Caron.

M. Caron (Christian) : En complément, je voudrais aussi dire que présentement il y a une certaine couverture publique des soins dentaires pour les gens, qui sont hébergés en centre d'hébergement public, à travers la directive des besoins spéciaux où, selon ton degré de richesse, tu as à payer un certain montant pour tes soins dentaires. Ça comprend aussi les lunettes et les appareils auditifs. On est dans cette même enveloppe-là.

Et donc ce qu'on dit, c'est que probablement que, si on veut faire bénéficier des soins dentaires à des gens qui sont en perte d'autonomie, mais d'une manière plus large, il devrait peut-être y avoir une réflexion pour que ce même type de couverture là puisse éventuellement, en tout cas, être réfléchi, peut-être pensé d'être implanté, pas seulement pour ceux qui sont hébergés en centre public, mais que ça s'étende aux gens qui sont en perte d'autonomie, compte tenu des statistiques qu'on voit, où le taux de caries est endémique. Donc, à partir du moment où tu perds l'autonomie, tu perds ta capacité de prendre en charge ton hygiène quotidienne. Et elle ne sera jamais aussi bonne que si c'est soi-même qu'on la fait, même si c'est quelqu'un qui la fait pour nous. Et, dans cette optique-là, on doit penser à des besoins préventifs, comme le dit le Dr Lavallière, et à travers justement le système de santé.

Si vous regardez, là, l'annexe qu'on vous a présentée, l'annexe 5… le patient s'est fait détartrer les dents… L'annexe où il y a la photo n° 5. Le patient s'est fait détartrer les dents un mois avant. Oui. Regardez en haut, il s'est fait détartrer les dents. Là, on voit le résultat de photos qui ont été prises un mois plus tard. Ça, ce que ça démontre, c'est qu'il y a un besoin de formation énorme dans les milieux de soins, que ça soit dans les CHSLD ou les endroits de... les résidences privées, mais aussi pour les soins à domicile de gens qui sont en perte d'autonomie, parce que ces gens-là vont avoir la même situation. On voit que le taux d'édentation est semblable, d'ailleurs.

M. Dolman (Barry) : Si je peux faire une complémentaire...

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Dolman.

M. Dolman (Barry) : On parle beaucoup des projets et des coûts, mais la base de la discussion, c'est peut-être un diagnostic et un examen au début.

Comment est-ce qu'un patient peut rentrer à l'intérieur d'une institution et voir sans examen? Pour moi, c'est hallucinant. Comment est-ce que tu peux faire un plan de traitement pour des citoyens québécois sans examiner le patient? Alors, ça, c'est parce que dans le passé, les dents sont exclues, la bouche était exclue. La langue, de regarder à l'intérieur de la bouche, le dépistage de cancer, tout ça est à l'extérieur. Je sais pourquoi, c'est parce que, pour plusieurs années, le système en médecine dentaire est plutôt privé. Alors, il y a un petit peu un oubli à l'intérieur des législations dans le passé. Mais bientôt ça va changer.

Le vieillissement actuel de la population représente le changement démographique le plus important observé depuis la Deuxième Guerre mondiale, et l'intégration des soins dentaires dans les politiques globales de santé devient incontournable. Je dis souvent que je suis en conflit d'intérêts parce que, quand je suis ici, je suis ici pour moi et pour peut-être les autres personnes autour de la table. Qui va s'occuper des personnes avec des caries, des problèmes dentaires dans le futur, ou à domicile ou à l'intérieur des institutions?

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Dernière question avant de céder la parole à mes collègues. On a eu ici, en commission parlementaire, l'Ordre des hygiénistes dentaires puis qui sont venus nous dire qu'ils voudraient avoir un peu plus d'autonomie professionnelle en ce qui concerne les activités de prévention. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Dolman.

M. Dolman (Barry) : Pour moi, l'autonomie, c'est la capacité d'agir avec une indépendance, d'une façon responsable et sans contrainte.

Ça, ça veut dire que, dans le cadre de la prestation des services professionnels, les hygiénistes de la profession réglée par un ordre professionnel sont déjà autonomes. L'Ordre des dentistes a rentré dans une entente avec l'Ordre des hygiénistes du Québec en 2011, une entente pour donner plus d'activités, pour être capable de servir une population. Et la seule chose qu'on a demandée, c'est de collaborer avec l'Ordre des dentistes du Québec vis-à-vis des personnes avec des maladies. Cette entente a été rejetée par l'Office des professions. La seule chose qu'on a demandée, c'est un diagnostic préalable avant de réagir pour un détartrage et pour certains autres actes, parce qu'on pense qu'il y a des problèmes vis-à-vis la sécurité des patients. En 2013, encore à l'extérieur de ce débat, dans la modernisation, l'ordre a offert de régler cette situation en permettant sans diagnostic l'application du fluor et un détartrage selon les conditions parodontales.

Je pense que c'est complètement normal, et c'est la base de la médecine, la pierre angulaire, le travail avec des ordonnances. Et je peux dire qu'encore, en personne — je suis un dentiste en pratique privée — si, par exemple, je reçois une ordonnance d'un pneumologue demain matin, je ne me sens pas lésé ou moins capable d'exercer ma pratique. Je ne me sens pas moins autonome parce que je travaille avec le médecin pour une ordonnance pour travailler sur un patient qui a de l'apnée du sommeil. Alors, il est difficile pour moi de comprendre pourquoi on ne peut pas avoir un accord avec l'Ordre des hygiénistes dans l'optique de servir la population.

La Présidente (Mme Proulx) : Il reste à peu près 30 secondes. Mme la députée.

• (16 h 50) •

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Bien, je vais vous remercier. Puis évidemment on reçoit bien ce que vous nous apportez par rapport au virage préventif important qu'il faut faire pour augmenter les soins buccodentaires. Je pense qu'à 50 %, là, ce n'est pas suffisant. Évidemment, il faut augmenter et faire de l'éducation, je pense, auprès de nos jeunes. Puis je vous remercie. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Proulx) : Nous allons maintenant poursuivre les échanges avec le groupe formant l'opposition officielle. La parole est à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Alors, maître, docteurs, au pluriel, merci d'être ici. Tout d'abord, Dr Caron, on se dit que, pour travailler comme vous le faites, avec des personnes qui ont cette mauvaise santé buccale, ça prend quand même... il faut être missionnaire, il faut avoir la passion de ce qu'on fait parce que ça doit être extrêmement difficile. Et je trouve que c'est une magnifique tribune pour pouvoir en parler, parce qu'on ne parle pas assez de santé buccale. Et évidemment il y a des personnes qui ont accès à des soins dentaires, mais il y en a d'autres qui, par pauvreté, n'ont pas accès aux soins dentaires. Même nous, les députés, là, on n'a pas de couverture. Alors, on le fait parce que c'est devenu normal, parce qu'on a appris au fil des ans, puis on n'aime pas ça.

Et, quand vous parliez des personnes atteintes de maladies cognitives, qui se sentent bouleversées, je peux vous dire que, personnellement, je suis... Quand j'étais plus jeune, je m'assoyais sur la chaise de mon dentiste et je repartais avant le traitement, parce qu'il n'y a personne qui veut aller chez le dentiste. Mais, en même temps, je considère que c'est très important.

Dr Caron, est-ce qu'il y a beaucoup de cliniques mobiles, des cliniques dentaires qui pourraient se promener un peu partout à travers le Québec pour aller dans les CHSLD, les résidences, parce qu'il doit y avoir une inégalité de services entre Montréal, Québec et, par exemple, la Gaspésie, où on pourrait offrir ce genre de soins, où la personne, bon, se sentirait peut-être un peu moins bouleversée d'aller vers chez le dentiste parce que ça serait une proximité, là?

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Caron.

M. Caron (Christian) : Bon, premièrement, ce qu'il est important de comprendre, c'est que... Et je l'ai déjà fait devant vous lors de la commission sur les aînés, de même que M. le ministre Hébert, où j'avais déposé un mémoire.

Ce qu'il est important de comprendre, c'est que les soins à domicile ne sont pas la seule façon de rendre des soins. Il faut avoir une organisation globale qui ne comprend pas que les dentistes ou l'équipe dentaire, mais c'est un travail d'équipe interdisciplinaire avec le réseau de la santé, donc les infirmières sur place pour nous aider au dépistage, donc, et aussi les infirmières visiteuses sur le terrain qui se déplacent à domicile et qui peuvent nous faire un dépistage précoce pour qu'on puisse traiter plus précocement les problèmes buccodentaires qu'on voit, là, qu'on ne veut pas, qu'on veut cacher un peu, parce que c'est un peu, je dirais, honteux de voir ce que je vous présente sur les photos, dans un pays si riche comme on l'est. Ça, c'est ma première intervention.

C'est certain qu'il y a différents modèles qui existent. Au Québec, il y a différents modèles. Il y a un modèle à Sherbrooke qui ont... Dr Lavallière va vous en parler, moi, je vais parler précédemment d'autres choses, mais je vais laisser Dr Lavallière après ça vous parler de ça... qui établit une façon de faire pour traiter les personnes de ce type-là en les déplaçant, en faisant, je pense, certaines visites à domicile. Le modèle que je vous avais présenté lors de la commission sur les aînés, ça s'appelait le modèle accessible, où il y avait une composante mobile et une composante fixe sur un territoire donné qui était celui des centres de santé. Les territoires de centres de santé, il y en a 96 au Québec. Et, dans ce modèle-là, effectivement il y avait deux composantes : la composante mobile, mais aussi la composante fixe, pour justement faire en sorte qu'on puisse aussi rendre des services qui sont un peu plus complexes que ceux qui peuvent être offerts avec le service à domicile, qui sont des soins plus de base et qui comprendraient des obturations, certaines extractions mais, tu sais, dans un domaine plus limité, selon aussi l'état de santé du patient. Donc, oui, on peut rêver à ça parce que, dans d'autres endroits, ça se fait.

Aux États-Unis, il y a certains endroits qui ont... on appelle des cliniques «outreach», où on va vers les gens. Et il y a des données là-dessus, sur la proactivité aussi qu'il faut avoir, si on peut dire ce mot-là, là, dans l'offre de soins. Il ne faut pas être réactifs et attendre que les gens nous demandent des soins, il faut être proactifs et faire une offre de soins, que ça soit par du dépistage agressif et de l'intervention préventive à domicile. Et ce qui est important, c'est de connaître le point d'inflexion, au niveau de la perte d'autonomie, où la santé buccodentaire se dégrade. Et donc, en amont de ça, on travaille très agressivement, préventivement, pour déplacer ce point-là dans le temps le plus loin possible, où ça se dégrade.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Si je comprends bien, Dr Caron, ce modèle-là n'a pas été appliqué.

M. Caron (Christian) : Partiellement, on a eu… Dans la région du Saguenay, on a commencé ce modèle-là avec l'hôpital de Saguenay, où on a eu deux dentistes qui ont fait des visites à domicile et des visites, O.K., avec leur base d'opération qui était l'hôpital de Saguenay. Ils ont débuté avec un projet pilote où on s'est déplacé dans deux centres ciblés. Donc, ce n'était pas accessible pour les soins à domicile, mais ils se déplaçaient dans deux CHSLD pour offrir des soins.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

M. Caron (Christian) : Et, à Québec aussi, on a... moi, je le fais de façon… pas quotidienne, là, parce que j'ai d'autres activités, mais par semaine. J'y vais au moins à toutes les semaines, à domicile.

Mme Blais : Depuis le début de votre présentation, on parle uniquement des personnes aînées, mais l'assurance autonomie touche aussi toutes les personnes en situation de handicap. Est-ce que, dans vos pratiques, vous touchez aussi ces personnes? Et ont-elles autant de difficultés à l'accessibilité aux soins dentaires?

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Dolman.

M. Dolman (Barry) : Je suis très heureux que vous mentionniez cette cible de population parce que j'étais dans la salle quand vous avez posé cette même question à l'autre groupe.

C'est très important de ne pas oublier ces citoyens les plus vulnérables et les gens qui sont handicapés, et pas nécessairement des personnes vieillissantes, des personnes avec des accidents, des problèmes mentaux. Et des fois ça prend des outils beaucoup plus avancés pour faire ce genre de traitements. Un problème qu'on a présentement, c'est le manque d'accès au bloc opératoire à travers la province de Québec, parce qu'on n'a pas des systèmes… tu peux avoir plus d'accès à Montréal, moins d'accès à Rouyn-Noranda. Et, à l'intérieur des hôpitaux, on n'a pas nécessairement les mêmes règles pour tous les citoyens, et ça pose des problèmes énormes pour faire des services en santé buccodentaire. Et je peux dire que, même à Montréal, pour les jeunes qui ont besoin, on parle des jeunes malades, la liste d'attente à Sainte-Justine, la liste d'attente à Montreal General, c'est plus qu'un an. Je pense qu'en 2014, pour une société, c'est complètement anormal.

Mais j'aimerais peut-être donner une chance à Dr Lavallière de, peut-être, parler du système à l'intérieur de Sherbrooke aussi.

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Lavallière.

M. Lavallière (André) : En Estrie, au niveau de l'hébergement, il y avait un centre d'hébergement qui avait une clinique dentaire depuis au-delà de 30 ans. On a reproduit le même modèle dans les autres centres d'hébergement publics en Estrie, c'est-à-dire un dentiste rémunéré à tarif horaire ou à honoraires fixes, parce qu'on pense que c'est le meilleur mode de rémunération pour le professionnel pour être en mesure de traiter les clientèles en perte d'autonomie en fonction de leurs véritables besoins.

Les cliniques dentaires sont aménagées de façon à pouvoir recevoir les clientèles en perte d'autonomie, donc, dans un local qui est plus grand qu'une clinique dentaire habituelle, avec un lève-patient sur rail au plafond qui permet de soulever le patient, de le déplacer de façon tout à fait sécuritaire, de le déposer sur la chaise du dentiste et de le traiter dans une clinique qui comporte sensiblement les mêmes équipements que dans une clinique privée conventionnelle qu'on connaît mais qui est adaptée à des besoins spécifiques. De façon systématique, quelques jours ou quelques semaines après leur admission, les bénéficiaires sont examinés par le dentiste, et il y a un plan de soins qui est adapté en fonction de chacun des bénéficiaires pour, d'abord, éliminer les sources d'infection, éliminer les douleurs qu'ils peuvent avoir dans la bouche et d'adapter la dentisterie en fonction du niveau de soins que la personne ou la famille a décidé, parce que bien sûr il faut tenir compte du niveau de soins, et par la suite la mise en place de mesures préventives de façon à éviter que les problèmes réapparaissent, c'est-à-dire s'assurer que, sur les étages, l'hygiène dentaire au quotidien est faite… des applications topiques de fluorure aussi qui sont faites sur une base régulière.

On pense que ce modèle de soins là est le modèle de soins le plus approprié pour offrir les services en hébergement. Et ces services-là aussi, une fois que les infrastructures sont en place, pourraient être utilisés pour traiter des gens qui sont à domicile mais qui sont encore mobiles et qui peuvent se déplacer et que des cliniques dentaires privées ne peuvent pas recevoir parce que l'organisation physique de la clinique ne le permet pas, nécessairement.

On tente actuellement d'étendre ce modèle-là dans les autres établissements de la région. Un des obstacles majeurs qu'on a, c'est d'obtenir l'autorisation du ministre de la Santé pour la rémunération à tarif horaire ou à honoraires fixes. Ce problème-là existe dans plusieurs régions du Québec depuis plusieurs années. Et tout à l'heure on parlait des obstacles, des barrières à l'organisation des services. C'est certainement une barrière qui existe au niveau de notre réseau de la santé, qu'on devrait chercher à atténuer de façon importante parce qu'on prive la population qui a des besoins vraiment importants, des clientèles vulnérables d'avoir accès à des services.

Bien sûr, les services en établissement, la majorité des services actuellement ne sont pas des services assurés. Donc, l'établissement doit facturer quand même le bénéficiaire pour les services qu'il reçoit, mais, avec des équipements semblables, avec un modèle de soins semblable, il est souvent possible d'offrir des services à des coûts plus intéressants pour le bénéficiaire en considérant aussi la politique sur les besoins spéciaux, l'organisation de cliniques dentaires, en travaillant au niveau des structures, en atténuant les barrières financières. Et ça permet aussi, lorsqu'on a un dentiste qui est payé à tarif horaire ou à honoraires fixes, de s'impliquer beaucoup au sein de l'établissement, s'impliquer auprès des nutritionnistes, s'impliquer aussi avec l'ergothérapeute. Des fois, il y a des bénéficiaires qui sont encore capables de brosser leurs prothèses ou leurs dents mais en adaptant une brosse à dents ou il y a des brosses à dents qui peuvent être collées sur l'évier et que la personne peut frotter sa prothèse. Et ça permet aux professionnels de s'impliquer.

La rémunération à l'acte, elle est intéressante, mais elle ne permet pas aux professionnels de s'impliquer autant au sein de l'établissement et de travailler en interdisciplinarité avec les autres professionnels.

• (17 heures) •

M. Dolman (Barry) : L'importance, dans le projet de Sherbrooke, c'est un projet idéal qu'on peut… Par exemple, on a parlé de dentistes et d'hygiénistes. Le dentiste a fait le diagnostic, et l'hygiéniste travaille sur ordonnance. L'hygiéniste rentre un ou deux jours après, tout le travail est fait, encadré à l'intérieur d'une institution, et le public est protégé.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Vous avez une députée ici qui est prête à vous soutenir beaucoup, parce que je considère que, d'une part, il y a une rareté de médecins-dentistes qui accomplissent les tâches que vous faites. Ça, il y a cette rareté-là. C'est plus facile de travailler dans un cabinet privé, toujours, parce qu'on est confronté évidemment au vieillissement, à une santé buccale qui n'est pas une mauvaise santé buccale, à des obstacles, aussi, majeurs. Alors, ça fait en sorte que je crois que, si on veut véritablement implanter l'assurance autonomie pour offrir des soins, il va falloir prendre en considération tout cet aspect.

Et je vous ai bien entendus lorsque le ministre vous posait la question par rapport aux hygiénistes, là, l'Ordre des hygiénistes, qui sont venues ici pour plaider le fait qu'elles ont le goût de travailler davantage, que vous êtes prêts à… Ce n'est pas vous, je pense, le problème, là. Je crois qu'il y a une difficulté à quelque part à l'intérieur du ministère peut-être — je me trompe peut-être, mais je pense qu'il y a une difficulté là — mais qu'on pourrait travailler à cette amélioration-là qui ferait en sorte qu'il y aurait une plus grande fluidité dans les services qui seraient donnés à la fois aux personnes en situation de handicap et aux personnes vieillissantes, dans le réseau de la santé, comme les CHSLD, les ressources intermédiaires et même à domicile.

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Dolman.

M. Dolman (Barry) : …présentement en collaboration à travers la province de Québec et je ne vois pas comment est-ce qu'on ne peut pas trouver des solutions pour les citoyens, pour respecter une bonne qualité des services, des diagnostics et d'utiliser une interdisciplinarité intégrale pour les besoins des citoyens du Québec. C'est complètement normal.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Mme la Présidente. Bienvenue à notre commission. Vous êtes des habitués, parce que je pense que vous faites connaître votre profession de façon très adéquate par votre implication.

Lorsqu'on parle des personnes aînées, on arrive souvent avec des personnes qui sont non coopératives, des gens qui peuvent avoir des troubles cognitifs assez avancés, légers ou modérés. Et, lorsqu'on arrive pour faire des soins dentaires, c'est quoi, les plateaux techniques que vous avez? C'est quoi, les techniques que vous employez pour réussir à garder leur santé buccodentaire adéquate, s'ils sont non collaborateurs? Puis on assume qu'il y a quelqu'un qui autorise les soins, là, parce que... question de consentement. Mais comment vous procédez avec ces gens-là? Puis est-ce que nous avons les services, au Québec, dans la majorité des endroits?

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Dolman.

M. Dolman (Barry) : …M. Caron, mais je veux dire que ma mère, elle est décédée maintenant, mais elle était une patiente d'Alzheimer. Et j'avais beaucoup d'expérience. J'ai passé presque cinq ans, tous les jours, dans un CHSLD avec elle. Et j'étais chanceux d'avoir, en charge de cette institution, la présidente de l'Ordre des infirmières qui était en charge des services à cette époque, et elle est la première personne à me dire que même des préposés à l'intérieur de ce genre d'institution, juste d'ouvrir la bouche, juste d'être avec un contact avec ses patients, c'est assez difficile.

Alors, ce n'est pas juste une question d'envoyer n'importe quelle personne à l'intérieur de l'institution parce que le patient ne peut pas être coopératif. Mais, pour la réalité de jour en jour, je te donne le Dr Caron parce qu'il vit cette situation.

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Caron.

M. Caron (Christian) : …des patients non coopératifs, ça existe, je ne suis pas magicien. C'est la première chose, ma première réponse. Donc, aussi, on sait que le degré de coopération d'un patient varie d'une journée à l'autre, varie aussi dans la maladie d'Alzheimer. Il y a des fenêtres d'opportunité, donc il faut connaître… donc il faut être bien formés à la réalité de ce qu'est la démence aussi quand on intervient auprès de ces personnes-là.

La deuxième chose, c'est que c'est certain que, dans un environnement connu, le peu de capacités d'adaptation qui reste à ces gens-là, parce que, là, on parle de cas avancés, ces gens-là… c'est sûr que, si on l'exploite lors d'un transport, ce n'est peut-être pas la meilleure façon d'avoir la coopération d'une personne. Donc, comme je disais tout à l'heure, il y a une strate de la population qui bénéficie de rester dans son environnement sécure, où on est capable, avec son proche, souvent le faire coopérer. Quand ce n'est pas possible, un modèle de soins pour des cas extrêmes… Parce qu'il faut comprendre aussi que ces gens-là arrivent aussi à un endroit où ils sont en soins palliatifs, où il reste quand même souvent peu de temps de vie. Ça ne veut pas dire de ne pas les traiter, mais en médecine on a aussi une façon de faire pour les soins palliatifs qui est les soins de confort et pour que les gens n'aient plus de douleur.

Donc, dans ces cas-là où on est rendus si avancés, on a peu de coopération, qu'est-ce qu'il nous reste? Il nous reste deux solutions, deux solutions : soit d'aller vers les plateaux techniques hospitaliers où on fait une anesthésie générale — est-ce que c'est toujours souhaitable? pas toujours, compte tenu des répercussions à court terme que ça a sur le patient; deuxièmement, on a la sédation intraveineuse qui peut être aussi une voie pour les aider à coopérer. On a la coopération de certains médecins dans certaines institutions qui supervisent une sédation à l'endroit, au CHSLD. Par exemple, ça m'est arrivé, moi, dans un des CHSLD que je présente, avec un patient qui était extrêmement agressif et qu'on a réussi à finalement faire l'extraction de la dent qui lui causait des douleurs. Donc, je dirais, j'ai dit deux solutions, mais, la troisième étape, dépendamment aussi du diagnostic et de l'espérance de vie, il faut être certain que le patient n'est pas souffrant dans ces cas-là. Est-ce qu'il faut intervenir tout le temps à tout prix? Il faut qu'il y ait une façon de bien comprendre la limite, à un moment donné, où intervenir devient, dépendamment de l'espérance de vie aussi qui reste… mais il faut toujours considérer le confort du patient pour... de la qualité de vie du patient dans ses derniers moments.

Parce que ce que vous parlez, c'est vraiment de la strate de population non coopérative ou qui sont les plus affectés, là. Donc, ça, il faut tenir ça en considération. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, mais…

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Écoutez, vous avez répondu encore plus que je… Honnêtement, là, vous avez très, très bien répondu.

Quand on prend les différentes catégories de personnes avec les institutions dans lesquelles elles sont, on en a en maintien à domicile. Les gens qui sont à domicile, j'imagine, vous ne pouvez pas aller faire leurs soins sur place, sauf peut-être les hygiénistes dentaires qui pourraient se déplacer puis faire un certain examen limite, mais ces gens-là peuvent se déplacer dans vos cabinets. Après ça, on tombe avec des ressources intermédiaires. Encore là, je pense que les gens peuvent se déplacer. Quand on arrive avec les CHSLD, à la limite, il y a des gens qui pourraient se déplacer parce qu'ils peuvent aller à l'extérieur, mais il y en a qui ne peuvent pas se déplacer.

Avez-vous fait une étude au niveau des CHSLD pour savoir c'est quoi, le pourcentage de couverture des soins par des professionnels? Et puis qu'est-ce qui pourrait être fait pour contrôler ça encore plus, d'augmenter ce pourcentage-là?

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Caron.

M. Caron (Christian) : Pourriez-vous préciser, là? Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Donc, on a quelques centaines de CHSLD au Québec. Avez-vous fait une étude pour savoir il y a combien de CHSLD, avec le nombre de personnes qui ont une couverture en…

• (17 h 10) •

M. Caron (Christian) : Oui, on a fait ça. Je vous ai dit que les cliniques dentaires… il y en avait 9 % qui avaient une clinique dentaire dans les CHSLD. Je crois qu'il y en a une vingtaine, là, de cliniques dentaires. Donc, c'est quand même, présentement… Ça, c'était en 2008. Il y a peut-être eu des ouvertures subséquentes. Peut-être…

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Lavallière.

M. Lavallière (André) : C'est ça. Il y a à peu près 9 % qui ont des cliniques dentaires, mais est-ce que ces cliniques dentaires là fonctionnent à plein régime? Est-ce qu'on a systématisé les soins? C'est une autre question.

M. Caron (Christian) : C'était une journée par semaine lorsqu'on a… Moi, lorsqu'on a fait l'étude, ces milieux-là étaient occupés environ à une journée par semaine, et ça comprend les milieux hospitaliers, par exemple les cliniques hospitalières de maxillo-faciale qui sont occupées peut-être à cinq jours. Donc, il y a des endroits qui n'étaient pas occupés, qui avaient une clinique… un plateau technique inoccupé dans un CHSLD et il y avait des cliniques occupées à plein régime, plus dans les hôpitaux de type deuxième et troisième… Comment on appelle ça, le niveau?

Une voix :

M. Caron (Christian) : Troisième ligne. Deuxième, troisième ligne. Donc, il y avait une grande variabilité dans l'utilisation, mais la moyenne était une journée par semaine. Le médian, je ne l'ai pas.

M. Dolman (Barry) :

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Dolman.

M. Dolman (Barry) : …est en changement majeur parce qu'à l'intérieur des prochains 10 ans et 20 ans tout le monde ou la plupart des patients vont avoir des dents, vont avoir des dents où ils ont déjà fait des traitements de canal, des couronnes, des fois même des implants. Il va y avoir un autre genre de traitements, des maladies de la gencive avancées, des abcès, des fois, des restaurations qui sont en train de briser. On a besoin des ressources énormes pour être capables de servir cette population, parce que, dans un côté, vous avez plus de… et, dans un autre contexte, vous avez un patient qui est plus malade. De combiner les deux… ça, c'est au début, quand… dans le mémoire, quand j'ai parlé d'un terrain inconnu… on est dans un terrain inconnu. On ne peut pas nécessairement utiliser des statistiques qui datent de 10 ans pour faire des décisions dans le futur.

Et, pour un complément, je vais dire que j'ai assisté à une conférence en assurance de qualité à Édimbourg il y a à peu près un mois, et, le grand problème, la plupart des statistiques médicales sont basées sur un contexte où on prend, par exemple, un patient et on suit des patients qui sont diabètes pour essayer d'évaluer des conclusions, comment est-ce qu'on peut traiter ces gens à l'intérieur des populations. Mais la majorité des patients en vieillissement maintenant, ils ont un, deux, trois, quatre, cinq problèmes, des fois, diabète, haute pression, problèmes cardiaques, surmédicaments, et c'est un autre… ce n'est pas évident, la façon de traiter ces genres de patients.

Même pour moi, avec 35 ans en expérience en clinique privée, quand j'ai un patient qui est… de prendre l'ascenseur chez moi…

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Dolman.

M. Dolman (Barry) : ...c'est une autre question.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup. Malheureusement, le temps est écoulé.

Alors, la commission suspend ses travaux quelques instants. Je demande au prochain groupe de prendre place. Merci pour votre présentation.

(Suspension de la séance à 17 h 13)

(Reprise à 17 h 16)

La Présidente (Mme Proulx) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission va poursuivre ses travaux. Je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Association québécoise de gérontologie

Mme Geoffroy (Catherine) : Bonjour. Merci beaucoup. Je suis Catherine Geoffroy, la présidente de l'Association québécoise de gérontologie, et je suis accompagnée aujourd'hui par trois de mes collègues qui ont participé à la rédaction de notre mémoire : Ghyslaine Lalande, qui est la première vice-présidente de l'AQG; Nathalie Adams, qui est directrice générale du Centre d'assistance et d'accompagnement aux plaintes de Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine et qui est secrétaire de l'AQG; et Marie-Claude Messier, qui est la présidente fondatrice de Cercle et Moi et administratrice de l'AQG. Alors, voici l'équipe.

L'Association québécoise de gérontologie remercie la Commission de la santé et des services sociaux de lui donner l'occasion de présenter ses commentaires et ses propositions concernant le document intitulé Livre blanc sur la création d'une assurance autonomie. Mes collègues et moi, nous commenterons certaines sections du livre blanc avant de conclure et de synthétiser nos propositions de réflexion et pistes d'action. À la fin, nous serons très heureuses de répondre à vos questions. Depuis 1978, l'AQG, qui est un organisme à but non lucratif francophone, s'intéresse aux différents aspects du vieillissement dans le contexte de la société québécoise et collabore avec d'autres groupes et associations pour travailler ensemble à améliorer la qualité de vie des aînés. En vertu de notre mission, notre point de vue est celui des professionnels et des intervenants membres de l'Association québécoise de gérontologie. L'AQG a tenu, en mars 2013, un colloque sous le thème Un Québec qui vieillit bien, colloque qui portait en grande partie sur l'assurance autonomie. Le ministre d'ailleurs y participait, et de nombreux acteurs touchés par l'assurance autonomie ont contribué à la réflexion. Nous avons rapporté leurs propos, d'ailleurs, dans notre revue Vie et vieillissement — petite publicité — et notre mémoire s'inspire de ces discussions.

L'Association québécoise de gérontologie appuie clairement la création d'une assurance autonomie. Aussi, nous ne pouvons qu'applaudir les intentions du gouvernement quand il propose de réformer en profondeur le système actuel, puisque ce sont des revendications que les gérontologues portent depuis longtemps.

Comme beaucoup d'autres associations, nous déplorons les dysfonctionnements majeurs dans le système actuel. Cependant, un projet aussi ambitieux comporte de nombreux écueils, et les changements doivent être opérés avec soin et tact pour éviter que les résultats ne soient à l'opposé du but recherché. Il ne s'agit pas seulement de recycler ou d'optimiser un périmètre budgétaire mais bien de l'agrandir. Compte tenu de la pénurie de ressources et de l'organisation des services fort différente d'un territoire à l'autre, situation qui ne changera pas du jour au lendemain, l'exercice d'un droit pour tous aux services restera difficile. Créer des attentes qui ne pourront être satisfaites ne rend service à personne. L'AQG encourage aussi le ministre à établir son plan d'implantation sans précipitation afin de s'assurer que les rôles de tous les acteurs clés et les outils de communication soient bien définis et compris.

Avant de céder la parole à Nathalie, j'aimerais aussi partager avec vous la fierté que nous devrions avoir quant aux innovations qui sont proposées dans ce livre blanc, car il faut reconnaître que la valeur scientifique et la faisabilité de cette démarche, avec ses outils suggérés purement «made in Québec», ont été reconnues par de nombreux chercheurs à travers le monde. Il est donc essentiel de prendre connaissance de leurs conclusions pour mieux en saisir le contenu. Merci. Nathalie.

• (17 h 20) •

Mme Adams (Nathalie) : En ce qui concerne les services assurés, nous apprécions le fait qu'on puisse regrouper plusieurs services. Pour une réelle accessibilité, par contre, nous pensons qu'il y a des services qui sont présentement accessibles qui devraient être rehaussés, que ce soit au niveau de l'adaptation du domicile, au niveau des aides techniques ou encore l'accès au transport, pour que les gens puissent aller chercher leurs services de santé.

Il faut inclure aussi le soutien aux proches aidants au niveau de l'assurance autonomie, et les services médicaux 24/7 doivent être aussi assurés, là, pour un plus grand nombre. Il y a un élément également qui est important, c'est de s'assurer que le déploiement de l'assurance autonomie soit fait au niveau de l'ensemble du territoire pour justement éviter les inégalités qui sont déjà vécues présentement au niveau des services en maintien à domicile. De plus, il faut y avoir aussi une collaboration avec les partenaires de façon multisectorielle afin de pouvoir offrir les services et l'accessibilité des services aux gens, ça, on entend, par rapport… au niveau du transport, par exemple.

Je laisse la parole à Ghyslaine.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Lalande.

Mme Lalande (Ghyslaine) : Oui. Je vous parlerai ici, d'abord, du cheminement de la personne admissible et, ensuite, de l'allocation de soutien à l'autonomie.

Concernant le cheminement de la personne admissible, ce qui est proposé dans le livre blanc, on est complètement réjouis qu'on s'appuie sur des innovations qui ont déjà été expérimentées et validées, par exemple l'évaluation, par un gestionnaire de cas, de la condition de la personne avec l'outil multiclientèle qui va pouvoir mener à un plan de services qui sera en plus approuvé par la personne et ses proches. Ceci dit, sur la question de la gestion de cas, nous avons trois points à souligner. La première, on vient de le dire, l'attention aux proches aidants, on pense que ça vaudrait la peine de bonifier l'outil multiclientèle en ajoutant vraiment… Il y a des outils qui ont été développés au Québec, là, sur les proches aidants, qui permettraient d'être meilleurs dans ce domaine-là. Le deuxième, l'expertise des gestionnaires de cas, ça va être crucial dans le système, et pour ça on pense qu'il faut vraiment s'assurer de développer une formation adéquate, et ça, ça peut se faire en partenariat avec les universités. Ça existe, mais ça pourrait être déployé davantage et ça pourrait être adapté aussi. Le troisième point, c'est qu'il faut développer des conditions d'exercice facilitantes aux gestionnaires de cas. On pense ici à des charges de travail, à l'accès de la supervision. Il va y avoir aussi… Actuellement, les gestionnaires de cas ne gèrent pas les aspects financiers, alors ça va alourdir leur travail. Alors, on pense que ça pourrait être intéressant de développer des normes de gestion de cas qui diraient qu'est-ce que c'est qu'une charge de travail optimale, etc.

Le deuxième point que je veux souligner : l'allocation de soutien à l'autonomie. Alors, là-dessus, tout ce qu'on veut mentionner, c'est qu'elle doit être suffisante. Il est question d'une contribution des usagers. On dit que la contribution… dans le livre blanc, la contribution ne devrait pas constituer un obstacle au maintien de la condition de la personne et à l'accès aux services. Si on veut parler d'une vraie liberté de choisir, il faut que la personne puisse avoir accès financièrement. Et on sait que les personnes âgées sont sensibles aux coûts. Donc, il faut que l'allocation soit suffisante.

Concernant l'harmonisation avec la contribution de la personne hébergée, on voudrait bien ici que la solution d'harmonisation ne soit pas de remonter la contribution de la personne hébergée. On pense que l'indexer, ce serait suffisant. Et idéalement ce serait de l'indexer à l'augmentation des revenus des personnes âgées, qui souvent ne sont pas elles-mêmes indexées.

Et je parlerai rapidement du financement. Alors, on est d'accord avec l'idée de travailler, dans les prochaines années, à même, je dirais, la caisse commune, là, qu'est… les revenus de l'impôt. Là-dessus, on pense qu'il y a une question de solidarité intergénérationnelle. Les personnes âgées paient l'assurance parentale, paient le système d'éducation. On trouve que ce n'est pas normal dans une perspective intergénérationnelle que l'ensemble des contribuables paient pour les services de maintien à l'autonomie. On a une proposition concernant le crédit d'impôt. Dans le crédit d'impôt — d'abord, il faut savoir que c'est assez complexe — il y a comme deux parties de services admissibles : il y a des services qui relèvent plus de l'entretien, de l'approvisionnement et d'autres qui sont plus les services d'aide à la personne. On pense que ça pourrait être intéressant de garder un volet puis peut-être de transférer les sommes, qui vont maintenant aux services d'aide à la personne, dans la caisse d'assurance autonomie, parce que c'est effectivement ça que l'assurance autonomie... c'est le même type de services qui serait couvert.

Alors, c'est une proposition qu'on propose de regarder. Marie-Claude.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Messier.

Mme Messier (Marie-Claude) : Oui, merci. Je vais parler, moi, des prestataires de services et du rôle des CSSS.

Au niveau des prestataires de services, l'AQG appuie la proposition de faire relever les activités de vie quotidienne et domestique par une seule et même administration, par une ou quelques mêmes personnes également. Réduire le nombre d'intervenants, pour nous, permet d'assurer la continuité des services et la continuité de la relation entre les aînés et les intervenants, et c'est très important.

La question des conditions de travail des intervenants va devenir très importante aussi. C'est une question qui est très importante. La qualité des services vient avec la qualité personnelle des intervenants et aussi avec les compétences, et la formation, et l'expérience. Il faudra reconnaître celle-ci par des conditions de travail attrayantes afin de retenir le personnel compétent et éviter la rotation de personnel. Ces dimensions devront donc être incluses dans les scénarios de budgétisation également.

Le livre blanc poursuit la pratique, déjà bien entamée, de privatisation des services. En dehors de l'obligation pour tous les prestataires de services d'avoir fait l'objet d'une reconnaissance explicite et encadrée, il faudra aussi élaborer des normes de qualité à l'intention des entreprises qui offriront des services. Il faudra également donner la possibilité, avec ces normes de qualité là, de porter plainte et d'exercer certains recours. En plus, il semble important d'encadrer, voire même de limiter l'allocation directe aux proches aidants de manière à prévenir la maltraitance et à éviter l'épuisement des proches aidants. Peut-être qu'on aurait dû le présenter dans l'autre ordre, donc éviter l'épuisement des proches aidants et éviter la maltraitance.

Enfin, le rôle des organismes communautaires comme les popotes roulantes et les services de transport, c'est brièvement énoncé, il faudrait juste ne pas l'oublier, c'est une contribution très importante dans notre société. Au niveau des rôles des CSSS, nous saluons le maintien du rôle central du CSSS dans la proposition du livre blanc. Par contre, comme dans le cas des résidences pour aînés, l'AQG propose de confier aux agences de santé et de services sociaux l'application des normes de surveillance des prestataires. Et je repasse la parole à Nathalie.

La Présidente (Mme Proulx) : Le temps est écoulé, alors vous pourrez poursuivre peut-être dans les échanges. Nous allons débuter les échanges avec le groupe formant le gouvernement. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Hébert : Merci beaucoup, mesdames, merci de ce mémoire, bravo pour le colloque, que vous avez organisé spécifiquement, sur l'assurance autonomie avec les membres de votre association qui sont, rappelons-le, les professionnels, les formateurs et également les personnes âgées qui sont intéressées par toutes les questions de développement social des personnes âgées. Bravo pour vos 35 ans! Vous aviez un gala, qui fut un très grand succès, avec la participation de Mme la première ministre. Ce fut une soirée tout à fait réussie, alors bravo aussi.

Alors, votre mémoire dit bien que le système actuel présente des dysfonctionnements majeurs et que le statu quo n'est pas une solution. De rajouter juste de l'argent, un peu plus d'argent, ça ne changera pas le dysfonctionnement actuel. J'aimerais vous entendre sur les principaux éléments de dysfonctionnement que vous identifiez dans le réseau actuellement et dans les services de soutien à domicile.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Geoffroy.

Mme Geoffroy (Catherine) : Mais, dans les principaux qu'on avait identifiés, on parle évidemment de la mauvaise utilisation des ressources qui sont existantes mais qui sont mal utilisées, d'une reconnaissance insuffisante de l'apport et du soutien aux proches aidants. On compte beaucoup sur eux et puis on ne les appuie pas assez. Je pense qu'on les use au coton et puis je pense qu'ils auraient besoin d'avoir plus d'aide. Les services à domicile qui peuvent être coûteux, et c'est inégal dans la province… Tout le monde n'a pas le même service. Ils n'ont pas accès au même genre de services, alors c'est inégal. Et le système de santé et de services sociaux aussi n'est peut-être pas assez adapté à la réalité des personnes âgées.

Alors, ça, c'est les principaux qu'on a identifiés. On pourrait en ajouter, là, mais disons que ceux-là, c'est les principaux.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Actuellement, comme vous le savez, l'État fournit 15 % des services requis dans les soins à domicile pour les gens qui habitent dans des domiciles individuels, mais, pour les gens qui habitent dans les résidences collectives, ça peut aller jusqu'à 0 % en fait parce que l'ensemble des services sont payés par la personne.

Nous voulons, avec l'assurance autonomie, évidemment ne pas couvrir 100 % des besoins, mais, si on pouvait aller jusqu'à 40 % et pouvoir moduler cette allocation pour que les moins nantis puissent en avoir un peu plus, je comprends que vous êtes en accord avec cette orientation de l'assurance autonomie.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Geoffroy.

• (17 h 30) •

Mme Geoffroy (Catherine) : Oui, tout à fait. Si on arrive à 40 %, je pense qu'on aura déjà accompli beaucoup, on aura mis un système qui sera fonctionnel et qui sera cohérent pour que tout le monde puisse continuer.

Il y a un problème aussi d'information. Les gens, ce n'est pas tout le monde qui connaissent leurs possibilités de services à domicile. Alors, il y a une partie qu'il faut mettre de l'avant aussi, là, c'est de bien informer les gens que c'est bien beau de rêver ou de vouloir vieillir à domicile et même éventuellement mourir à domicile, mais les gens ne se rendent pas compte de l'aide dont ils vont avoir besoin et qu'ils vont en demander beaucoup à leurs proches aidants, et on ne va pas chercher assez d'informations sur les réseaux qui existent sur leur territoire ou pas loin de chez eux.

Alors, je pense qu'il va falloir que, bon, les CLSC, parce que c'est première ligne, mais des gens comme... moi, je dirais, comme les pharmaciens, parce que c'est les incontournables, là, ils sont là, tout le monde va à la pharmacie… donc pour passer l'information, la communication.

La Présidente (Mme Proulx) :M. le ministre.

M. Hébert : Vous mentionnez avec beaucoup de justesse que l'implantation de l'assurance autonomie va se baser sur des acquis scientifiques. Vous mentionnez le SMAF, les profils ISO-SMAF, le réseau intégré avec le modèle PRISMA, les gestionnaires de cas. Donc, par rapport à d'autres pays qui ont tout implanté ça en même temps, notamment le Japon, qui me vient en tête, avec la formation de milliers de gestionnaires de cas, le Québec peut s'appuyer sur ces acquis-là, ce qui va faciliter d'autant l'implantation de l'assurance autonomie, donc.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Lalande.

Mme Lalande (Ghyslaine) : Oui. Je pense que oui. Effectivement, il y a des régions où les choses sont pas mal avancées de ce côté-là, je pense à l'Estrie, d'où je viens.

Par contre, ce n'est pas nécessairement, comment dire, compris et avancé de la même façon dans toutes les régions, et là-dessus je pense qu'il y a des endroits où il va y avoir du travail à faire. Je pense, dans les grands centres métropolitains en particulier, on sait que ça a tardé un peu à s'implanter. Donc, ces outils-là, il va falloir choisir aussi des modèles, parce que, là, on est resté un peu dans le flou. Il y a différents modèles de gestion de cas, et chacun a fait un peu ce qu'il voulait par rapport à ça. Ça, je pense qu'il va y avoir une direction qui va devoir être donnée de la part du ministère pour dire : Bon, bien voici de quelle façon on travaille. Et le défi, ça va être de le faire sans uniformiser, parce qu'il faut tenir compte des différents milieux. Alors, ça, ça va être ça, l'art, c'est de regarder, parce que les dynamiques ne sont pas les mêmes, les besoins ne sont pas les mêmes d'une région à l'autre.

Alors, il faut pouvoir respecter ça mais en même temps donner une orientation claire, et c'est le gestionnaire de cas, à mon avis, qui va être le pivot pour assurer la cohérence dans tout ça. C'est lui qui va faire le lien entre les différentes ressources, les personnes. Alors, c'est pour ça qu'on insiste beaucoup sur ce rôle-là qui est important. Et je ne suis pas certaine, en tout cas pour avoir travaillé dans la formation de gestionnaires de cas, là, je ne suis pas certaine que tout le monde a compris qu'il ne s'agit pas juste de coordonner les services, surtout que, là, on ajoute la question du courtage. Ce n'était pas juste un rôle de courtage, les gestionnaires de cas. Alors, ça, ça va s'ajouter. Donc, il va y avoir un plus à aller chercher de ce côté-là.

L'autre élément que je voudrais mentionner sur la gestion de cas — j'ai glissé vite là-dessus tantôt : quand moi, j'ai travaillé sur la gestion de cas avec Dre Bonin, par exemple, là, qui est une des personnes là-dessus, on parlait de la nécessité d'utiliser les gestionnaires de cas pour un petit pourcentage des personnes âgées. Il y a différents niveaux de perte d'autonomie. Actuellement, les gens, par exemple, qui ont besoin d'une aide domestique, qui sont au début du processus de perte d'autonomie, ils n'ont peut-être pas besoin nécessairement de passer par le gestionnaire de cas, mais ils peuvent avoir besoin de l'allocation de soutien à l'autonomie parce que ça va leur permettre d'avoir accès au PEFSAD. Alors, ça, je pense que ça sera important peut-être de moduler ça finement. Je pense qu'actuellement c'est les CSS qui doivent donner l'autorisation pour que le PEFSAD paie la personne, mais ça peut être un travailleur social qui n'est pas forcément gestionnaire de cas.

Ça fait que je pense qu'il va falloir utiliser les ressources de la façon la plus fine possible. Quand ce n'est pas nécessaire d'y aller avec le grand professionnel, avec des multiples ressources, on pourrait alléger. Donc, à ce moment-là, c'est peut-être de parler de la gestion, de… comment dire, d'autoriser l'ASA par le CSS qui pourra décider. Ça pourra peut-être être des techniciens des fois. Ça dépendra de comment ils diviseront le travail.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Adams.

Mme Adams (Nathalie) : Je voudrais rajouter par rapport aux éléments peut-être aussi à améliorer. Si on parle, par exemple, de la pénurie de main-d'oeuvre, présentement il y a beaucoup de gens qui doivent attendre pour avoir des services parce qu'on n'a pas la main-d'oeuvre nécessaire pour offrir les services. On croit qu'au niveau de la planification de la main-d'oeuvre il faudrait aussi prévoir à valoriser les professions en lien avec les personnes aînées. Ça n'a pas la cote, mais pourtant c'est un emploi ou des emplois intéressants. Donc, il y aurait peut-être une démarche à faire au niveau d'un marketing social pour amener des jeunes à travailler avec… les jeunes et les moins jeunes à travailler avec les personnes aînées.

Il y a aussi, au niveau de la formation… ce qu'il faudrait faire attention, c'est qu'on a développé, au niveau des centres hospitaliers, des approches qui sont adaptées aux personnes âgées avec des problématiques spécifiques ou multiproblématiques. Si ces gens-là décident de rester à la maison, l'aidant naturel, il va falloir… l'aidant naturel ou la personne qui va offrir le service, il va falloir lui transférer un minimum de connaissances pour qu'on puisse répondre adéquatement aux services, aux besoins de la personne aînée. Il y a également, au niveau des services... présentement, aussi, on va évaluer, par des outils, bon, le besoin de la personne. Par contre, on voit souvent les gens qu'ils ont… ils ont été évalués, mais n'ont pas accès à assez de services. Donc, ce n'est pas rare de voir une personne qui est… qu'il lui manque 10 heures par semaine. Et là, à ce moment-là, on joue sur la sécurité de la personne qui décide de rester en maintien à domicile.

Au niveau de la formation aussi, on pense que, bon, au niveau des personnes qui ont une profession d'auxiliaire personnelle ou de préposée, il va falloir pas juste penser à une formation de mise à niveau mais aussi le maintien de ces formations-là. Et, comme le vieillissement de la population se fait très rapidement, on va en avoir de plus en plus besoin, de ces gens-là formés. Et ce qui est important aussi à retenir, c'est que la formation est aussi un élément, un déterminant de la qualité de services au niveau des personnes.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous anticipez toutes les questions. Je voudrais revenir à la formation des gestionnaires de cas. Et je pense que vous avez soulevé un point extrêmement intéressant, c'est qu'on n'a pas besoin de sortir l'artillerie lourde pour des gens qui ont une perte d'autonomie légère ou même modérée et qui nécessitent quelques services seulement. Alors, le gestionnaire de cas devrait être réservé à des cas plus complexes. Effectivement, les professionnels du réseau peuvent faire l'évaluation pour les cas plus simples.

La formation des gestionnaires de cas, pour vous, c'est… Il y a deux composantes. On a questionné les ordres professionnels, l'Ordre des infirmières, l'Ordre des travailleurs sociaux, sur la formation initiale. On nous a dit que dans les formations initiales, universitaires on avait intégré les éléments qu'il fallait pour la gestion de cas. Maintenant, il faut que les gens qui sont déjà en exercice — c'est ce qu'ils nous ont dit — les gens qui sont déjà en exercice puissent avoir une formation d'appoint en gestion de cas. Alors, ça veut dire quoi, une formation d'un gestionnaire de cas?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Geoffroy.

Mme Geoffroy (Catherine) : Non. Je vais laisser ça à Ghyslaine.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Lalande.

Mme Lalande (Ghyslaine) : Oui. Il y a, je dirais… En tout cas, moi, ce que j'ai vu, là, avec les étudiants avec lesquels on a travaillé, il y a… Bon, les gens vont avoir un baccalauréat, par exemple, en travail social ou en «nursing». À supposer qu'ils ont été formés pour la gestion de cas, ils ont peut-être eu 45 heures, là, sur la coordination des services.

Même actuellement les formations qu'on a n'incluent pas toute la partie administrative. Alors, ça, déjà, si on prend des gens qui sont formés pour la relation d'aide, puis tout ça, là, la partie administrative, il faudra voir : Ça va-tu leur prendre des secrétaires, ce monde-là? Ils vont-u déléguer ça à des agents administratifs? Qu'est-ce qu'ils vont avoir à faire exactement au niveau financier? Il y a un besoin de formation. Mais je m'en veux presque de vous dire ça d'abord parce que ce que je voudrais, c'est que ce soit la dernière chose, au fond, qu'on regarde, mais qu'on me parle d'abord… Il y a toute la question de bien comprendre le processus. Qu'est-ce que ça veut dire, être gestionnaire de cas? Comment prendre sa place dans le réseau de services? Un des problèmes qu'on a actuellement, en tout cas au début de l'implantation de gestionnaires de cas, c'est que les autres professionnels, entre autres, là, ils ne savent pas trop qu'est-ce que c'est que le gestionnaire de cas. Ça fait que lui, il doit le savoir, il doit faire des propositions, il doit faire des suivis dans des milieux, par exemple, hospitaliers. On a vu ça à Sherbrooke. À mesure que ça s'est implanté, les gens ont senti le besoin de négocier des droits… comment on appelle ça?, les médecins ont ça dans les hôpitaux, là, les droits de…

Une voix :

• (17 h 40) •

Mme Lalande (Ghyslaine) : …des privilèges d'exercice. Alors, les gestionnaires de cas, si un de leurs patients est hospitalisé, ils peuvent aller à l'hôpital rencontrer les soignants et s'assurer que le retour à domicile se fasse correctement, qu'il ne se fasse pas trop tôt, parce que, s'il se fait trop tôt, il revient. Alors, il y a ça.

Il y a toute la question de la négociation donc avec l'ensemble des partenaires. Il y a toute la question de l'accompagnement de la personne âgée et des aidants, et ça, moi, je vais donner des cours encore en fin de semaine, là, à des intervenants du réseau. Puis la question des aidants, là, c'est une découverte. Dans notre programme, on a ça, on a deux crédits là-dessus. C'est comme une découverte pour bien des gens. Ils n'ont comme pas compris toute la participation, toute la part que joue la famille, parce que la famille, elle fait beaucoup de gestion de cas avant d'embarquer un autre gestionnaire de cas. Donc, il y a vraiment un tandem à travailler là-dessus, et ça, c'est une expertise à travailler. Ce n'est pas juste remplir une grille avec une chose informatique, c'est vraiment de développer un partenariat et une croyance que la personne aidante, non seulement elle peut, mais est un agent important puis qu'il faut en prendre soin.

Alors, il y a ça. Et puis il y a la question de toutes les maladies complexes aussi. Par exemple, en service social, les gens ne connaissent pas nécessairement le processus physique du vieillissement… ils vont connaître au niveau social ou psychologique, mais, le processus physique, les maladies, qu'est-ce que ça entraîne, etc. La même chose, les infirmières souvent vont moins connaître la partie sociale, l'importance du réseau, de l'environnement. Donc, ça, ça fait partie des compétences que les gestionnaires de cas doivent développer, puis tout le partenariat avec les ressources du milieu : les organismes communautaires, les entreprises privées, les entreprises d'économie sociale, etc.

Mme Messier (Marie-Claude) : Si je peux rajouter…

M. Hébert : Merci beaucoup…

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Messier.

M. Hébert : C'est parce qu'on n'aura pas le temps.

La Présidente (Mme Proulx) : Oui.

M. Hébert : O.K., allez-y.

Mme Messier (Marie-Claude) : Si je peux rajouter sur la gestion de cas, oui, la gestion des équipes, parce qu'en effet l'enveloppe de services qui va être offerte va être distribuée par différents fournisseurs de services, incluant le privé, le public, différents intervenants. Donc, la gestion des équipes est très importante, mais la communication.

On parlait tantôt aussi des outils. C'est très important de mettre en disponibilité les rapports d'évaluation. Les différents outils qu'on a aujourd'hui sont souvent réservés à quelques personnes seulement du CLSC. Par exemple, quand l'aîné habite dans une résidence de personnes âgées ou quand l'aîné habite à la maison, les intervenants autres que les intervenants du CLSC… même pas tous les intervenants du CLSC ont le profil de l'individu. Alors, il faudra améliorer la communication de l'état de santé et des besoins de l'individu jusqu'aux fournisseurs de services et au prestataire lui-même. Souvent, le prestataire, on lui dit : Fais ça, mais on ne donne pas l'information sur quelle est la situation globale du client ou du patient.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : On a eu toutes sortes de débats ici sur les AVQ. Certains groupes, notamment les groupes syndicaux, souhaiteraient que les AVQ soient réservées aux employés du réseau de la santé et des services sociaux, d'autres voient un rôle pour les entreprises d'économie sociale. Vous avez, là, dans votre mémoire une position assez claire là-dessus, sur le rôle des entreprises d'économie sociale pour les AVQ et les AVD, alors j'aimerais vous entendre sur les raisons qui justifient votre position.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Messier.

Mme Messier (Marie-Claude) : Oui. En fait, moi, j'ai la chance d'avoir moi-même une petite entreprise de services à domicile pour les personnes âgées, et une des grandes forces de ce qu'on offre, c'est que c'est la même personne qui offre les services et c'est vraiment basé là-dessus : la même ou la même équipe. C'est sûr que, si on offre 40, 60 heures de service chez une personne, ça devra être une équipe de personnes, mais c'est la régularité pour surtout les clients qui sont avancés et qui veulent vivre le plus longtemps possible à la maison, de ne pas avoir une personne qui va faire des tâches, mais d'avoir une personne qui va aider monsieur, madame à vivre à la maison le plus longtemps possible. On s'occupe de la vaisselle, on s'occupe de sortir les poubelles, on s'occupe de donner les soins d'hygiène personnelle. On parlait d'hygiène dentaire. On s'occupe de tout ça. Donc, on s'occupe de l'aîné, d'abord, de sa maison, de faire ses courses, d'aller faire des commissions, et tout ça. C'est donc un agent personnel qu'on envoie à nos aînés, qui a bien sûr les certifications pour le faire. Une préposée, une auxiliaire familiale est formée pour faire tous ces soins-là et également pour sortir les poubelles, faire le ménage, le lavage. Quand on le fait pour le bien de l'aîné, ce n'est pas du ménage qu'on fait, on fait du bien à l'aîné. Ce n'est pas la même chose.

Alors, très, très, très important de former et conscientiser nos ressources pour faire le ménage avec le même sourire que faire l'hygiène personnelle.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : De là l'importance d'encadrer la formation et la qualité de ces prestataires, qu'ils soient privés…

Mme Messier (Marie-Claude) : Pas juste dans la tâche.

M. Hébert : Exactement. Alors, j'étais très intéressé de vous entendre sur le rôle soit du CSSS ou de l'agence pour faire ce genre d'accréditation. Vous mentionnez dans votre mémoire que ça devrait être l'agence. Alors, j'aimerais vous entendre sur les raisons, là, qui vous poussent à confier ça à l'agence, le rôle d'accréditer des prestataires.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Messier.

Mme Messier (Marie-Claude) : Ce n'est pas tant l'accréditation qui est importante que la supervision.

En fait, le CSSS, le CLSC va travailler en collaboration, quotidiennement, avec les différentes équipes de prestation, que ce soient des entreprises d'économie sociale ou les petites entreprises privées. Alors, eux, ils seront plus des collaborateurs, et donc l'agent de certification peut-être, mais surveillant certainement, est peut-être un petit peu le marteau, et, lui, on va le mettre un petit peu plus à l'extérieur. Donc, c'est pour favoriser une collaboration.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre, environ deux minutes.

M. Hébert : Dans votre mémoire, vous appuyez la création d'une caisse réservée, spécifique pour le financement de l'assurance autonomie. J'aimerais vous entendre sur les raisons de votre positionnement là-dessus.

Mme Lalande (Ghyslaine) : En fait...

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Lalande.

Mme Lalande (Ghyslaine) : Oui. Ce qu'on dit, c'est qu'on est ouverts à une... comment dire, on est soucieux de bonnes relations intergénérationnelles. Et, si la caisse d'autonomie permet à toutes les générations d'y procéder, on n'est pas fermés à ça. À vrai dire, on n'est pas des experts ici en fiscalité et on n'est pas allés dans le détail de ce que ça implique. Ce qu'on dit, c'est que, d'une part, on ne trouve pas ça anormal que ça soit payé à même la caisse, les impôts.

Pour ce qui est de créer une caisse d'autonomie avec capitalisation... C'est ça? Non, ce n'est pas de ça. O.K.

M. Hébert : ...réservé, un budget réservé.

Mme Lalande (Ghyslaine) : Juste la caisse? La caisse, c'est, dans le fond, d'avoir un budget, une enveloppe particulière d'où viennent les choses. Ça, oui, on est tout à fait en accord avec ça, on n'a pas de problème avec ça. Y a-tu des gens qui ont des problèmes?

M. Hébert : Parfois.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre, environ 30, 40 secondes.

M. Hébert : Alors, en rafale. Je reçois très positivement votre note sur le soutien aux proches aidants, surtout l'évaluation de leurs besoins dans l'Outil d'évaluation multiclientèle, et également vos recommandations concernant l'inclusion des aides techniques, l'aménagement du domicile. Donc, c'est des recommandations que je trouve intéressantes et je vous remercie beaucoup de votre mémoire et de l'appui à ce projet de société important. Merci.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup. Alors, nous allons poursuivre les échanges avec le groupe formant l'opposition officielle. M. le député de Jean-Talon, la parole est à vous.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à notre commission. C'est très intéressant de vous entendre, puis vous avez fait un très bon mémoire. Il y a des gens qui viennent de Sherbrooke, je crois, hein?

Une voix :

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, de l'Estrie. Puis je pense que, dans l'Estrie, vous avez déjà fait des transformations, au cours des dernières années, qui ont donné des bons résultats. En tout cas, j'ai eu l'occasion de pouvoir les constater. Pouvez-vous nous en parler un peu?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Lalande.

Mme Lalande (Ghyslaine) : Écoutez, moi, j'étais à l'Université de Sherbrooke, j'étais au Centre de formation en gérontologie, alors je n'étais pas au CSS IUGS comme tel.

Je pense que c'est beaucoup là que les gens ont fait des transformations. Entre autres, bien il y a eu tout le projet PRISMA qui a débuté il y a plusieurs années, dont M. le ministre était le responsable à l'époque, et je sais que l'apport des chercheurs, d'abord, a aidé les gens à… comment dire, à préciser un peu leur focus. Et tranquillement ils ont... Je pense que la principale chose, c'est qu'ils ont ajouté le nombre de gestionnaires de cas suffisant pour être capables de répondre à la demande. Je ne sais pas combien ils sont rendus maintenant, mais, on me disait — quelqu'un qui y a travaillé : On était 15 dans le temps, ils sont rendus à 45 ou 50. Donc, le système est bien implanté. Je pense qu'ils ont... Je parlais tantôt... Le travail avec les autres ressources du réseau a été fait aussi. Tout le travail de PRISMA s'est fait en collaboration avec des gens de l'agence, des organismes communautaires, du CSS, de l'université et d'un peu partout. Donc, c'est un travail auquel tout le monde s'est attaché, et tout le monde a travaillé ensemble.

Alors, je pense que les gens ont vu, au fur et à mesure, les problèmes qu'ils avaient, et ils ont cherché des solutions, et c'est comme ça, par exemple, qu'est venue l'idée d'avoir des privilèges en milieu hospitalier. Ça, on me disait que c'était un gros problème, parce que souvent la personne était hospitalisée, elle ressortait, et personne n'en avait entendu parler, le gestionnaire de cas l'apprenait. Alors, à partir de là, je pense que c'est les médecins du CSS IUGS qui l'ont proposé, ils ont dit : Bon, bien, si, nous, on a des privilèges à l'hôpital, peut-être qu'on pourrait en donner aux gestionnaires de cas. C'est un système qui s'est développé, qui a été négocié localement. Ça fait partie des choses dont on m'a parlé, là, parce que mon bureau était quand même situé dans le centre de recherche et à l'institut.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Et puis dans l'Estrie, à Sherbrooke, vous avez le CSSS qui est fusionné également avec l'institut universitaire, à ma connaissance.

Mme Lalande (Ghyslaine) : Oui.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Ça également, ça fonctionne quand même relativement bien. C'est-à-dire que, ce qu'on a dans le projet d'assurance autonomie, il y a plusieurs des mesures qui sont déjà en place dans votre région, puis je crois que ça donne des très bons résultats.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Lalande.

• (17 h 50) •

Mme Lalande (Ghyslaine) : Et ça a été validé. Je pense que ce qui a été très utile, là, M. le ministre n'insistera peut-être pas là-dessus, mais ça a été validé par un processus de recherche, ça a été contrevérifié aussi, et je pense que les chercheurs australiens — on les cite dans notre mémoire — qui ont repris l'ensemble des études sont arrivés à la conclusion que non seulement c'était efficient au niveau... dans le sens où ça réduit l'utilisation des ressources lourdes, mais c'est aussi apprécié par les personnes. Ça augmente ce qu'on appelle l'«empowerment», les gens prennent en main leur situation. C'est plus centré sur leurs besoins, et on peut diversifier les ressources qu'on va mettre de l'avant en collaboration avec la personne et sa famille et non pas juste se demander, par exemple, si on a les ressources qu'il faut pour donner le bain ou si on ne les a pas. Souvent, dans les… et je l'ai vue, là, par des étudiants, des fois, la question de : Bien, on ne peut pas rien faire parce qu'on n'a pas les ressources, tout ce que je peux offrir, c'est un bain.

Mais la gestion de cas, c'est vraiment de se demander quels sont vos problèmes et quelles sont les ressources qu'on peut utiliser dans votre entourage. Ça, c'est un effort à faire aussi avec les gestionnaires de cas.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Puis, à ma connaissance, ça a donné des bons résultats, parce que, sur le territoire de l'Estrie, le nombre de places en CHSLD, le nombre de ressources intermédiaires semblent adéquats. Puis on parle maintenant… Je pense que le ministre a adopté la norme, là, de… à un moment donné, qu'on devrait être à 2,5 places par 100 personnes de 65 ans et plus pour les CHSLD. Je crois que vous êtes à ce niveau-là. Puis, avec le maintien à domicile, ça va bien, ça fait que… puis, à l'hôpital, je suppose que l'achalandage va être raisonnable par rapport aux gens qui sont en attente de placement dans les CHSLD.

Mme Lalande (Ghyslaine) : La bonne gestion de l'hôpital est utile aussi dans tout ça. Mais, oui, je pense qu'ils sont arrivés à ces résultats-là mais avec beaucoup d'efforts.

Ceci dit, je suis certaine qu'on va trouver des gens, dans l'Estrie, qui vont vous dire que ça ne marche pas bien, là, parce qu'ils n'ont pas eu exactement ce qu'ils voulaient. Mais je pense que, globalement, c'est un système qui a été éprouvé, qui avait été éprouvé d'abord dans Arthabaska, du côté de… CLSC de L'Érable aussi… CSSS de L'Érable, et puis il y en a quelques autres qui l'ont essayé aussi, je pense.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, je peux vous dire, on a toujours les trois mêmes coupables, là — c'est positif, là : Arthabaska Les érables, après ça l'Estrie, Saguenay—Lac-Saint-Jean. Je pense, également, dans la région du Bas-Saint-Laurent, il y a du développement qui se fait.

Je dois vous avouer qu'au Québec actuellement, à peu près partout, ils sont en train de rééquilibrer. Même ici, à Québec, il y a une transformation qui est en train de se faire. Je voyais aujourd'hui un communiqué où ils parlaient de faire de la transformation des ressources, parce qu'ils savent qu'ils manquent de ressources intermédiaires, donc, ils doivent ouvrir des ressources intermédiaires. Mais je pense que toutes les régions sont en train de faire cette transformation, qui est commencée d'ailleurs depuis plusieurs années.

Vous avez parlé tantôt que… un problème au niveau de la métropole. Vous vouliez probablement parler de Montréal, qui a été plus lente à faire cette transformation. Ça, c'est quelqu'un qui a parlé de ça, je crois, tantôt.

Mme Lalande (Ghyslaine) : Je pense, c'est connu, là. C'est connu, ne serait-ce…

M. Bolduc (Jean-Talon) : J'aimerais ça que vous l'exprimiez pour que ce ne soit pas dit par moi, mais par quelqu'un d'autre, là.

Mme Lalande (Ghyslaine) : Bien, je ne suis pas une spécialiste de la région de Montréal, je ne sais pas s'il y en a d'autres qui le sont plus ici, mais ce qu'on… Il y a une difficulté dans les grands centres urbains, c'est qu'il n'y a pas juste un hôpital puis il n'y a pas juste un CSSS. Et, quand un territoire reçoit des gens qui viennent de plusieurs hôpitaux, déjà ça suppose d'être en lien avec plus de ressources que dans une région. Je pense que ça, c'est une réalité.

L'autre chose, j'avoue que des fois je ne comprends pas. Et j'ai des gens qui me parlent un peu de comment ça fonctionne à Montréal versus ce que je connais, moi. Mais on dirait que le système ne répond pas, est dépassé continuellement, et les gens ont des réflexes. D'après ce que j'ai vu, là, puis, moi, ça me vient toujours par les étudiants... Par exemple, je me souviens d'une étudiante qui disait : Bien, on sait comment faire quand on veut que notre client rentre dans le système. Alors, les gens n'ont pas compris, là, que, si on pousse, après ça on bloque ces ressources puis qu'on a des problèmes après. Et il y a un peu des réflexes de cet ordre-là, je pense, là, qui nuisent, qu'il va falloir dépasser.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Vous aviez un commentaire?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Geoffroy.

Mme Geoffroy (Catherine) : Juste rajouter que quand même les infrastructures et les hôpitaux ou même les CSSS, tout ça, là, c'est quand même beaucoup plus gros, il y a beaucoup plus de défis aussi par rapport à la…

Bon, il y a la question de la culture, écoute. C'est complètement une autre réalité à Montréal dont il faut tenir compte. Et effectivement on ne comprend pas, quand on est sur un territoire, que les gens devraient se parler, mais il y a beaucoup de silos, ça ne se parle pas. La question des communications, il y a beaucoup à faire, puis c'est beaucoup de monde à outiller, beaucoup de monde à former, beaucoup de… et les résidences, c'est pareil. Ce n'est pas seulement le public. Au niveau privé aussi, on dirait qu'ils n'ont pas les mêmes règles que les autres ou ils fonctionnent toujours à la marge. Alors, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, et on voudrait… Et je pense qu'il y a beaucoup de bonne volonté. Nous, on n'est pas corporatistes parce qu'on n'est pas un ordre professionnel. On est multiprofessionnels, et c'est important de comprendre qu'on ne va pas défendre une profession plutôt que l'autre, mais ce que nous, on souhaite faire, et peut-être c'est un rôle qu'on va se donner aussi, c'est de s'assurer de mieux intégrer des communications ou d'au moins les faire se parler entre eux. On a fait plusieurs colloques où ce qui ressortait, c'est… et, même au 35e, ça ressortait. Vous avez réuni, vous avez rassemblé des gens qui ne sont jamais ensemble.

Donc, il faut qu'ils se parlent, il faut que les ordres… les présidents d'ordres professionnels se parlent entre eux pour… et parlent aussi aux praticiens, ceux qui sont sur le terrain. Alors, bon, la réalité à Montréal, c'est sûr que c'est beaucoup plus difficile de se rejoindre que si on est dans une communauté plus à échelle humaine, je dirais. Alors, voilà.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. D'ailleurs, je vous posais des questions parce que vous connaissez un peu qu'est-ce qui se passe un peu partout. Puis, juste pour vous dire une différence entre Montréal puis les autres régions, les autres régions, c'est souvent un territoire, une population, une organisation. Donc, à l'interne, ils peuvent mieux discuter.

À Montréal, la personne dans l'ouest peut être habituée d'être traitée dans l'est. Puis, à Montréal, une caractéristique, puis je pense qu'un jour les études vont le démontrer : lorsque vous êtes une grande ville, vous avez environ 15 % de la population qui est en banlieue, qui vient consulter chez vous. Que vous alliez n'importe où, là, c'est comme ça. Puis juste pour vous donner un exemple, les gens parlent… Gatineau, Ottawa, on veut tout ramener à Gatineau, mais, dans tous les endroits, il y a toujours 15 % qui va aller consulter vers la plus grande ville et rarement vers la plus petite ville. C'est un phénomène qu'on retrouve partout au Québec, qu'il faut tenir compte lorsqu'on fait l'allocation des ressources. Pourquoi je vous posais ces questions-là? À plusieurs endroits, au Québec, les principes qu'on a dans l'assurance autonomie, ça a été mis en place déjà puis ça fonctionne. L'assurance autonomie va amener peut-être une façon différente de fonctionner, mais tous les ingrédients… que les gens sont pour l'assurance autonomie dans plusieurs régions au Québec, ça fonctionne, et les régions que ça ne fonctionne pas sont en train de se le doter, sauf qu'à Montréal c'est une situation qui est différente, il faut travailler encore plus l'intégration des services, comme vous disiez, la collaboration. Il y a un principe en informatique : informatiser un système qui ne fonctionne pas, ça ne donne pas des bons résultats.

Et l'assurance autonomie nous est souvent présentée en disant : Regardez, il y a des iniquités. En passant, c'est en train de se corriger, c'est juste une question de protéger le budget à l'intérieur des établissements en disant que tel montant va aller dans tel secteur, et ça se fait très bien. Ça s'est fait en chirurgie puis ça se fait dans différents secteurs. Ça fait que, là, ce qu'on nous dit, c'est que ça va régler le problème de Montréal, puis ça va régler le problème du Québec, alors que, si ça ne va pas bien, en termes d'organisation, à Montréal, de changer la structure de financement, bien ça ne leur donnera pas plus les principes. Tantôt vous disiez : Est-ce qu'on fait une caisse? Je ne comprends pas qu'il y ait des gens qui ne... avoir une caisse indépendante. Bien, il y a plusieurs personnes qui sont venues nous voir pour dire : Si vous mettez ça de façon indépendante, on a l'impression que notre budget est protégé, mais, d'un autre côté, on fait ce qu'on appelle de la fragmentation du système. On sépare un bloc complet, qui est l'enveloppe de maintien à domicile, on la met à part, puis on leur dit : Maintenant, ça va être géré différemment, indépendamment du reste. Bien, on a l'impression qu'on se protège, mais, à la fin, on fonctionne dans un système de soins intégrés.

Si on fait un principe de justice sociale, on peut le faire pour ça, mais il faudrait être sûr qu'il faudrait faire la même chose pour la santé mentale puis avoir une caisse pour la santé mentale, une caisse pour la chirurgie puis une caisse pour ci puis une caisse pour ça. Vous savez, qu'est-ce qu'on a fait, au Québec? Lorsque c'était tout séparé, il y a quelqu'un qui est arrivé puis il disait : Écoutez, ce n'est pas normal que ça soit séparé, on devrait tout remettre ça ensemble. Puis ça, en passant, c'est le principe de gestion qui va le mieux, c'est les soins intégrés, les soins continus, et là on fait le contraire, on sépare. Je pense qu'il y a un problème d'organisation quand on pense comme ça. Oui, on fait une discussion, hein, c'est intéressant.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Geoffroy.

Mme Geoffroy (Catherine) : Oui, c'est intéressant, mais vous ne pouvez pas comparer ça avec la santé mentale, vous ne pouvez pas comparer ça avec les autres fragmentations parce qu'on n'aura pas tous un problème de santé mentale, on n'aura pas tous un problème dans les autres… Vous avez l'air de douter, vous pensez qu'on va…

M. Bolduc (Jean-Talon) : Non. Ma réponse, là, c'est : 15 % des gens de 65 et plus qui ont besoin de services d'autonomie… ce ne sera pas tous les gens qui vont en avoir besoin. Il y en a beaucoup qui vont en avoir besoin, on est d'accord, mais ce n'est pas tout le monde qui va en avoir besoin. Ça fait qu'on ne peut pas généraliser comme ça.

Mme Geoffroy (Catherine) : Oui, mais par rapport…

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Geoffroy.

Mme Geoffroy (Catherine) : …au vieillissement, je veux dire, c'est comme une espèce de dénominateur commun.

Alors donc, on rajoute les autres, mais on ne peut pas comparer parce qu'il faut que ce soit intégré avec tous les différents éléments. Et c'est le vieillissement, là. On parle du vieillissement de la population qui va vieillir de plus en plus et qui… bon, on l'espère, qu'ils vont vieillir bien le plus longtemps possible, mais il y a quand même un pourcentage qui va avoir besoin de…

• (18 heures) •

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Moi, je suis un médecin clinicien, là. Quand je vois des diabétiques, c'est la même notion. Les gens qui ont le cancer, c'est le même principe.

Je dis juste qu'on est dans un système de santé dans lequel on prend en charge tous les services, tous les besoins des gens, et puis, à un moment donné, on a fait une allocation de ressources pour s'occuper de ces besoins-là. Puis il y a un équilibre, il y a une équité qui doit exister entre les différents groupes. Là, c'est sûr qu'on a un ministre qui est gériatre, puis il dit : Moi, c'est ce que je veux pousser. On est d'accord avec ça. En passant, on veut, parce que c'est une clientèle qui va aller en augmentant, mais, si on avait un ministre chirurgien, ça voudrait-u dire que demain matin il faudrait prendre la chirurgie puis la séparer du système?

Je vous pose la question en termes… C'est le fun, on peut parler d'éthique ici puis de justice aussi. On est d'accord qu'il y a des groupes qui viennent... puis savoir qu'il faut changer le système, mais il y a un principe également lorsqu'on fait ça puis on enlève l'enveloppe. Et on crée une bureaucratie qui est complètement à part, là.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Lalande.

Mme Lalande (Ghyslaine) : Moi, je dirais qu'on vit un tel manque au niveau du continuum de la perte d'autonomie, et c'est un problème qui est grandissant, qu'en tout cas au moins transitoirement ça vaut la peine de focusser là-dessus et de s'assurer qu'on a un niveau suffisant de services qui est donné et qu'on fait un suivi très proche de ça.

Le problème, c'est qu'en général le vieillissement, ça a passé sous le radar depuis des années, puis là, tout à coup, on se découvre ça, là, ça va vieillir. Mais c'est écrit dans les statistiques, les démographes nous disent ça depuis très longtemps. Mais on n'a pas encore organisé ça d'une façon, je dirais, suffisante. Peut-être que le… comment dire, le modèle de gestion de cas… etc. Puis d'ailleurs je pense que c'est un modèle qui peut s'appliquer à d'autres clientèles aussi, à la famille, aux personnes handicapées, puis à tout. Mais moi, je pense qu'à ce moment-ci de l'histoire, je dirais, des services sociaux ça vaut la peine d'intégrer les choses d'une façon... d'être sûrs qu'on l'attache correctement, puis après ça, bien, on verra. Parce que, la santé, on a toujours tout mis dans l'hôpital, dans les soins à court terme, puis là on est dans des mesures qui durent dans le temps puis qui demandent une autre façon de s'organiser.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Juste pour vous dire, je fais attention parce que les gens ont toujours parlé d'hospitalocentrisme, mais je peux vous dire qu'il y a plusieurs, plusieurs endroits au Québec — Arthabaska, Saguenay—Lac-Saint-Jean, l'Estrie, ce sont des exemples — qu'on a sortis du modèle, et on a sorti les patients vers la maison puis on les a gardés là avec des services externes. Puis je peux vous dire que les gens nous rapportent ça. D'ailleurs, je trouve que des fois les gens nous parlent mais comme si le modèle n'avait pas évolué depuis 20 ans, mais, depuis 20 ans, moi, en tout cas, je l'ai vu évoluer.

Je vais vous donner un exemple : les chirurgies, là. Les patients qui restent à l'hôpital, là, aujourd'hui, c'est 60 %, 70 % qui ont des chirurgies en externe. Quand on avait avant ça une tumeur, un nodule pulmonaire, on rentrait à l'hôpital, puis on investiguait… aujourd'hui, ça se fait tout en externe, la majorité des examens sont en externe. Puis allez voir dans les hôpitaux c'est qui, les patients qui sont là. C'est des patients qui ont besoin souvent d'être à l'hôpital ou qui sont... je suis d'accord avec la transformation, qu'ils auraient possiblement d'aller en hébergement. D'ailleurs, quand on prend une décision comme l'assurance autonomie… Et, dans votre mémoire, vous dites quelque chose : C'est un projet extrêmement ambitieux. La question, c'est : Est-ce qu'on doit tout transformer le réseau puis mettre deux, trois puis quatre ans d'énergie là-dessus ou on prend les modèles qu'on à l'esprit puis on n'essaie pas de les appliquer encore plus rapidement dans le territoire, entre autres, à Montréal? Juste pour vous dire, Montréal, même si l'assurance autonomie n'est pas passée, Montréal a déjà commencé cette transformation-là. Ça fait qu'avec ou sans assurance autonomie la transformation va se faire à cause de l'actualisation des CSSS puis de la façon dont ils travaillent plus en collaboration actuellement.

On fait un dialogue, là, je pense qu'il faut le regarder parce que, là aussi, ça va impliquer de l'argent, puis pas nécessairement juste investi dans les soins. Il y en a beaucoup qui vont être investis, d'après moi, autour pour créer une nouvelle structure. Puis, vous, je pense, ce qui vous intéresse, c'est les soins indirects aux patients puis l'organisation.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Geoffroy.

Mme Geoffroy (Catherine) : Oui, c'est surtout les services qui entourent la personne âgée. Je ne veux pas vous contredire, mais, quand on va donner des conférences dans les différentes régions, que ce… Gatineau, ou même à Jonquière, ou dans Lanaudière, les gens se plaignent que, pour avoir de l'aide, pour avoir des services, services à domicile... À Laval, moi, personnellement, juste avec les contacts que j'ai en plus, là, ça a pris un an et demi avant que ma tante ait ces services. Je veux dire, ce n'est quand même pas commun, là.

Alors, on n'est quand même pas dans un système qui est prêt. Alors, je vois mieux… Et j'ai assisté au congrès à la conférence des coopératives de soutien à domicile, et ça m'a vraiment beaucoup encouragée d'entendre leur discours, et leurs objectifs, et l'énergie qu'il y avait. Et ils étaient très nourris par l'espoir qu'avec l'assurance autonomie ça va clarifier certaines choses, ça va clarifier des territoires. Et disons que ça m'a encouragée de voir qu'eux, qui vont être vraiment à donner des services, ils sont… c'est comme une armée qui se prépare, là, puis ils sont… ils veulent travailler, puis... Alors voilà.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup, Mme Geoffroy. Le temps est écoulé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec la députée d'Arthabaska pour le deuxième groupe d'opposition.

Mme Roy (Arthabaska) : Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie pour votre mémoire, mais je vais profiter du micro, que j'ai, pour mettre au courant mes deux collègues, l'ancien et le nouveau, pas Testament, mais ministre de la Santé. Bon, il y a une dépêche, qui vient de sortir chez nous, régionalement, sur le CSSS Arthabaska-L'Érable, disant qu'ils viennent d'être agréés par Canada à une note de 94,4 %, ce qui est très bien, tout le monde va… Ça fait que 55 % des personnes, puis ça, ça a été pris en cause dans l'évaluation chez nous avec les services de ce CSSS là, meurent à domicile. Par contre, au Québec, la moyenne, c'est 9 %. Ils ont donc certainement fait quelque chose pour que ça donne ces résultats-là. Ce n'est pas une question de hasard. Un petit clin d'oeil au ministre, en passant : on pourrait leur donner un prix de félicitations puis leur donner leur… il serait peut-être temps de les féliciter.

Maintenant, il y a certainement une… Je veux savoir si vous avez évalué, dans les endroits comme là ou comme ceux de mes collègues, où ça va bien, si vous avez évalué le nombre de personnels requis puis de quelle formation… par habitant, per capita, par personne âgée, je ne le sais pas. Est-ce que vous avez fait des recherches pour savoir, là, qu'est-ce que ça prend comme professionnels, techniciens, organismes bénévoles, à but lucratif, sans but lucratif? Est-ce que vous l'avez évalué?

Mme Geoffroy (Catherine) : Pas en termes…

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Geoffroy.

Mme Geoffroy (Catherine) : Pardon. Pas en termes quantitatifs ou que… Ce n'est pas nécessairement dans notre mandat de faire ça. On est une petite équipe, je veux dire. Ça prendrait des ressources, mais ça serait intéressant de le faire.

C'est sûr que c'est une question qui est très pertinente pour le savoir. Je pense qu'il y en a qui le savent. On peut trouver cette… Je pense que c'est déjà… Surtout dans les régions qui sont à un peu plus à petite échelle, ils doivent savoir et... Je crois que ça doit être connu. Mais je ne sais pas, je regarde — non? — si on peut les avoir, ces statistiques-là. Là où ça nous intéresse, nous, plus, c'est, par exemple, le contenu des formations, que doivent contenir les formations. Ça, c'est beaucoup plus dans notre domaine, de dire : Est-ce qu'ils ont assez d'heures de formation? Les travailleurs sociaux, ça... Et je félicite Marie Beaulieu, à Sherbrooke, qui a réussi à rentrer un trois crédits sur la gérontologie pour les travailleurs sociaux. Et ça, je pense que c'est essentiel. Les travailleurs sociaux vont être des incontournables. Ils le sont déjà dans certains endroits, mais là ils vont probablement avoir un rôle très important à jouer.

Alors, nous, notre rôle, ce serait vraiment beaucoup plus d'essayer d'encourager les ordres professionnels, et c'est un objectif qu'on a, d'encourager les ordres professionnels à réaliser qu'il y a peut-être de l'âgisme dans leurs milieux parce qu'ils ne veulent pas… ils n'encouragent pas les gens à aller dans les milieux de personnes âgées.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme la députée d'Arthabaska.

Mme Roy (Arthabaska) : Vous avez dit qu'il y a déjà des problèmes de manque de main-d'oeuvre qui génèrent une attente.

S'il faut former cette main-d'oeuvre-là, qui est déjà… il en manque déjà, puis qu'on veut donner plus de services, parce qu'on en couvrirait 15 % puis on veut en mettre plus, il faut évaluer combien de main-d'oeuvre il va nous manquer, dans quels domaines puis combien de temps ça prend à les former. C'est pour ça que je me pose cette question-là. Ça veut dire optimiser. Optimiser le système, ça peut prendre combien de temps? Ça prend combien de personnes pour qu'on sache un peu dans quel bateau on s'embarque?

Mme Geoffroy (Catherine) : Ça dépend des sous.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Geoffroy.

Mme Geoffroy (Catherine) : J'ai dit : Ça dépend des sous. Ça dépend des ressources qu'il va y avoir, mais c'est aussi… Et je pense que Marie-Claude, qui est vraiment dans cette situation-là au niveau de la formation, elle va pouvoir répondre.

• (18 h 10) •

Mme Messier (Marie-Claude) : Sans m'adresser directement à la formation, pour répondre à cette question-là, ce qu'il me semble, moi, évident, c'est qu'au niveau ressources et peut-être budgets ça ne coûtera pas plus cher que d'envoyer les aînés dans un CHSLD. Ça fait que ce qui est important, c'est de mettre ça en priorité et de le mettre de l'avant puis arriver… Et de toute façon la situation est là. Aujourd'hui, ce qui arrive, c'est qu'il y a plein de personnes à domicile, des personnes âgées à domicile qui… on ne le sait pas, ont besoin de services, mais eux ne savent pas que les services existent, et nous, on n'a pas fait leur évaluation parce qu'on est débordés.

Alors, ce qu'on veut, c'est… disons, commençons par accélérer. Puis, oui, il faudra faire un plan pour mettre les ressources en place, et tout, mais ça ne demandera pas plus de ressources que des ressources en CHSLD. Et c'est le désir de l'aîné, de vivre le plus longtemps possible à domicile, alors c'est clair qu'il faut aller de l'avant. Puis la première étape, ça sera bien sûr d'évaluer le nombre de ressources requises par région, de faire un plan d'implantation. Dans le mémoire, ce qu'on dit, c'est : Allons-y rapidement mais sûrement, donc, étape par étape. C'est clair qu'il ne faut pas lancer ça dans toutes les régions à pleine capacité, il faut y aller à la hauteur de formations et... Mais un plan de projet sera requis, certainement.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup, Mme Messier. Alors, le temps s'est écoulé.

Je suspends les travaux, compte tenu de l'heure, jusqu'à 19 h 30. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 18 h 11)

(Reprise à 19 h 31)

La Présidente (Mme Proulx) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre, sans plus tarder, les consultations particulières et auditions publiques sur le livre blanc sur la création d'une assurance autonomie intitulé L'autonomie pour tous.

Je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Centre de recherche sur le vieillissement

M. Tousignant (Michel) : Mme la Présidente de la commission, M. le ministre Hébert, Mmes et MM. les députés, je suis Michel Tousignant, directeur scientifique du Centre de recherche sur le vieillissement. C'est avec grand plaisir que le Centre de recherche sur le vieillissement du CSSS-Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke a répondu à l'appel de présenter un mémoire dans le cadre de l'assurance autonomie, et nous vous en remercions.

J'aimerais commencer par vous présenter les personnes qui m'accompagnent, soit Pre Mélanie Levasseur, professeure à l'école de réadaptation de l'Université de Sherbrooke et chercheure au Centre de recherche sur le vieillissement, et Pr Yves Couturier, professeur à l'École de travail social de l'Université de Sherbrooke, chercheur au Centre de recherche sur le vieillissement et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les pratiques professionnelles d'intégration des services.

Nous avons abordé ce mémoire sous l'angle d'un paramètre crucial, selon notre point de vue, soit l'intégration des services. En effet, notre Centre de recherche a développé une expertise digne de mention dans ce domaine. Pensons, entre autres, à l'étude PRISMA qui sert de modèle à l'implantation des réseaux intégrés de services pour les personnes âgées et qui est même citée en Australie présentement. Tel que convenu, notre équipe prendra les 10 minutes allouées pour faire une courte présentation portant sur le contenu du mémoire. Nous serons par la suite disponibles pour répondre aux différentes questions. Cependant, nous allons vous offrir nos avis de chercheurs en s'éloignant des opinions non scientifiques.

Sur ce, il me fait plaisir de passer la parole à Pr Couturier, qui est un expert en intégration des services, qui, à nos yeux, semble être un facteur dominant. Pr Couturier.

La Présidente (Mme Proulx) : Pr Couturier.

M. Couturier (Yves) : Alors, merci. Mesdames et messieurs, bonsoir.

Alors, tel que présenté dans le mémoire, le Centre de recherche sur le vieillissement du CSSS-IUGS accueille très favorablement la création de l'assurance autonomie. Toutefois l'implantation réussie d'une telle innovation requiert un certain nombre de conditions structurelles sur lesquelles notre présentation orale insistera. Mais, avant de les discuter autour des 11 recommandations que nous avons formulées, il importe de justifier brièvement cet appui. Nous partons du postulat très important que l'assurance autonomie est profondément interdépendante de la réforme de 2004 visant l'intégration des services pour les clientèles présentant des situations cliniques complexes. Nous estimons que la création de l'assurance autonomie constitue une condition très favorable à la complétion de cette importante réforme, mais, pour la même raison, l'assurance autonomie est tributaire de la qualité de l'implantation de cette réforme qui en sera, en pratique, la principale assise.

L'analyse de l'effectivité de cette réforme nous a permis de tirer quelques leçons desquelles sont issues les 11 recommandations que nous vous présentons.

Pour la première d'entre elles, nous pensons qu'il importe de développer une stratégie intégrée d'accompagnement du changement assortie des ressources dédiées et suffisantes pour ce faire. Nous vous rappelons que la majorité des innovations jugées bonnes en principe, voire démontrées scientifiquement performantes meurent de leur belle mort le plus souvent par faute d'un accompagnement de qualité. La réforme de 2004 s'appuyait d'ailleurs sur des preuves solides et sur une méthodologie fondée scientifiquement. L'accompagnement du changement du MSSS fut en deçà de ce que requérait l'ampleur de la réforme. Cela explique sans doute pourquoi, par exemple, la composante gestion de cas n'est pas complètement implantée aujourd'hui.

La seconde recommandation découle de la première, assortie d'une stratégie volontariste de conduite du changement. Il importe que le MSSS énonce avec plus de clarté les paramètres de conception des composantes fonctionnelles de l'intégration des services. Bien entendu, nous savons qu'il faut trouver un bon équilibre entre prescription du changement et capacité locale d'adaptation des modèles, mais un défaut de prescription des éléments clés de l'innovation fera en sorte qu'elle perde de son pouvoir transformateur, les anciennes pratiques perdurant alors. Cela se voit aujourd'hui sur le terrain, la plupart des composantes du modèle de la réforme n'ayant pas eu autant d'effets que voulu.

La troisième recommandation porte sur les outils cliniques requis au bon fonctionnement de l'assurance autonomie. Nous pensons que le duo outil multiclientèle et profil ISO-SMAF est bon et efficace et que son usage est, en gros, adéquat. Nous pensons cependant utile de soutenir à moyen terme l'évolution des outils cliniques en question vers une intensification des perspectives de restauration de l'autonomie, de participation sociale et de promotion de la santé et du bien-être.

Quant à la quatrième recommandation, nous soulignons qu'une intensification d'une approche restaurative et de participation sociale nécessitera un meilleur accompagnement et une meilleure reconnaissance de l'importante contribution des organismes communautaires et des proches aidantes.

La cinquième recommandation porte sur le monitorage de l'implantation de cette importante politique publique. Tous les écrits scientifiques soulignent la nécessité d'un suivi continu du changement, notamment de ses éventuels effets inattendus. Force est de constater que la réforme de 2004 n'a pas été suffisamment monitorée pour donner au MSSS une capacité de conduite proactive du changement. Pour contrer cela, une équipe ministérielle de monitorage du changement attentive aux effets pervers des adaptations locales doit être créée. Cette équipe doit avoir plus de moyens que celle qui monitora la réforme de 2004. Nous vous suggérons aussi de soutenir une équipe de recherche développementale indépendante, chargée de l'évaluation continue de son implantation.

La sixième recommandation porte sur la formation des professionnels et des gestionnaires. Dans les systèmes complexes, comme c'est le cas, bien entendu, des bureaucraties professionnelles dans le champ de la santé et services sociaux, le changement ne peut pas venir que de décisions managériales. Ces décisions doivent être accompagnées d'une stratégie explicite de formation et de qualification des cadres et des professionnels, notamment ici des gestionnaires de cas.

La septième recommandation porte sur une condition fonctionnelle essentielle à l'assurance autonomie. De notre point de vue, l'une des conditions parmi les plus critiques de la mise en oeuvre réussie et durable de la réforme de 2004, et donc de l'assurance autonomie, est le parachèvement de l'informatisation clinique. Il y a d'ailleurs quelques leçons à tirer de l'ObamaCare à ce propos. Au Québec, il importe de se doter collectivement d'un plan pour accomplir la solution RSIPA, en gros, telle qu'elle a été conçue initialement. À défaut d'une telle complétion, l'assurance autonomie peinera à accomplir le changement de pratique visé.

La qualité fonctionnelle du lien entre hôpitaux tertiaires et CSSS dans les continuums de services constitue le thème de notre huitième recommandation. La réforme de 2004 a exclu du mouvement de fusion les hôpitaux tertiaires. Nous ne proposons pas de les fusionner, mais force est de constater que la collaboration entre CHU et CSSS demeure un enjeu très important en termes de continuité des services. Nous proposons de constituer, à ce propos, un comité de travail national sur les conditions d'un continuum fonctionnel et efficace entre CSSS et hôpitaux tertiaires.

• (19 h 40) •

La neuvième recommandation est sans aucun doute la plus importante, elle porte sur l'enjeu de contrôle de la qualité des services offerts hors CSSS, soit la condition environnementale adverse la plus risquée en termes de pérennisation de l'assurance autonomie. Il importe de créer dès que possible un cadre normatif général de la qualité des services hors CSSS assorti des moyens nécessaires à son bon fonctionnement. À défaut de l'établissement de cette condition, le ministre et son ministère seront condamnés à gérer une longue succession de microcrises qui mineront à terme la capacité de l'assurance autonomie à atteindre ses objectifs, malgré sa qualité intrinsèque.

La dixième recommandation porte sur le risque de détournement de la conception clinique de l'assurance autonomie vers une conception trop managériale. Il importe d'endiguer tout risque d'usage technocratique des allocations de soutien à l'autonomie et de déviation de la fonction clinique des profils ISO-SMAF en énonçant clairement que ces outils ont une finalité, avant tout, clinique. Cela confortera les cliniciens, dont certains craignent que leur travail soit altéré par un usage administratif de l'allocation d'assurance autonomie. Ce constat souligne l'importance de nos recommandations portant sur la formation et l'accompagnement du changement.

Enfin, la dernière concerne la composante la plus souvent oubliée du modèle conceptuel ayant fondé la réforme de 2004, soit la concertation. La création de l'assurance autonomie suscitera l'expansion des réseaux locaux de services, ce qui est une très bonne chose. Pour accompagner cette expansion, il faudra revaloriser et soutenir davantage la concertation autour de ces réseaux locaux de services.

En conclusion, l'assurance autonomie est, de notre point de vue, et ce, de façon indiscutable, une politique publique très importante qui a le potentiel de contribuer de manière cruciale au parachèvement de la grande réforme de 2004. Nous invitons cependant le ministre à prendre appui sur une analyse rigoureuse des conditions structurelles qui ont conduit à une implantation, en partie, décevante de cette réforme très importante. En fait, cela est au coeur de notre message. Les mêmes causes auront les mêmes effets si elles ne sont pas prises en considération dès maintenant. Heureusement, nous avons la chance de pouvoir tirer, ce soir, ensemble des leçons de cette très importante expérience. Le présent mémoire vous a présenté l'analyse que nous en faisons. Merci.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup. Alors, avant d'aller plus loin, j'aimerais demander aux membres de la commission s'il y a consentement afin de permettre au député de La Prairie de participer à la séance. Consentement? Consentement. Merci.

Alors, nous allons maintenant débuter la période d'échange avec le groupe formant le gouvernement. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Hébert : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue, messieurs, Dre Levasseur.

Vous présentez l'assurance autonomie comme étant le dernier élément de l'intégration des services. On sait qu'il y a eu deux expériences importantes d'intégration des services au Québec, SIPA et PRISMA. SIPA devait inclure un changement dans le mode de financement qu'ils n'ont pas été capables de mettre en application étant donné le caractère expérimental de SIPA, même chose pour PRISMA. Certains disent que les modèles d'intégration vont s'implanter et que l'assurance autonomie ne sera pas nécessaire pour pouvoir procéder à l'implantation. Ce n'est pas ce que vous semblez affirmer, puisque vous dites que de donner le levier de l'allocation de soutien à l'autonomie aux gestionnaires de cas pour pouvoir avoir les services, c'est un élément extrêmement important. Alors, j'aimerais ça vous entendre sur cet aspect.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

M. Couturier (Yves) : Oui. Alors, vous avez bien compris le coeur de notre message.

Pour donner une illustration, on pourrait dire que la réforme de 2004, qui a été si importante, hein, c'est la réforme la plus importante depuis la création du réseau québécois, eh bien, cette réforme-là, c'est des fondations, et l'assurance autonomie, c'est un peu comme la clé de voûte. L'ensemble va tenir si l'un et l'autre sont cohérents. Et, dans ce sens-là, c'est plus qu'une assurance ou qu'une modalité particulière de financement, bien que ça soit important que ça soit dédié, mais c'est une composante essentielle de parachèvement de cet important effort qui a été créé, qui a été fait au Québec depuis en fait les années 90… d'abord, des innovateurs locaux… qui a abouti lors de la grande réforme de 2004.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Incidemment, les experts internationaux d'intégration — puis je cite Dennis Kodner, que vous connaissez bien — jugent fondamentales l'intégration financière et la modification du financement des prestataires, des prestations de services. Alors, ça s'appuie aussi sur une littérature internationale.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

M. Couturier (Yves) : Oui. Et c'est des débats qu'on voit un peu partout effectivement, où on discute de ces questions-là. Je pourrais vous dire ceci : On a mis beaucoup d'efforts à innover de manière brillante au Québec, on est des chefs de file à cet égard-là, hein, Dennis Kodner, notamment, cite le Québec comme un exemple dans le monde, mais tout ça s'est fait sans qu'on touche à une condition structurelle cruciale qui est le financement. Et donc on peut innover tant qu'on veut. Si l'ordre des choses financier demeure le même, on… il y a un plafond de verre, et, je pense, on est un peu rendus au plafond de verre. Je mets beaucoup d'espoir dans la création d'une telle assurance pour engager la suite des transformations requises pour le bien-être notamment des personnes âgées qui nous intéressent mais de toute personne en perte d'autonomie fonctionnelle.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Je voudrais profiter de la présence de Dre Levasseur pour approcher un point que vous soulevez dans votre mémoire, qui est la participation sociale. On sait que, chez les personnes âgées et surtout chez les personnes handicapées plus jeunes, c'est un élément important. Vous soulignez qu'il faudrait accorder plus d'importance à la participation sociale. J'aimerais vous entendre sur cet aspect-là.

La Présidente (Mme Proulx) : Dre Levasseur.

Mme Levasseur (Mélanie) : Bien sûr. En fait, oui, la participation sociale est un élément crucial si on s'intéresse aux déterminants de la santé des aînés et des personnes en perte d'autonomie.

Donc, effectivement, le SMAF, le Système de mesure de l'autonomie fonctionnelle, a été identifié comme étant une mesure qui ne permettait pas de bien cibler le fonctionnement et les activités sociales. Par contre, il y a le SMAF social qui a été développé et validé à l'intérieur même, là, du Centre de recherche sur le vieillissement. Donc, cette dimension, cette nouvelle composante là du SMAF, elle est prête à être intégrée, là, à l'outil… et à considérer cet aspect-là qui est important pour permettre aux CSSS de réaliser leur responsabilité populationnelle de la santé et du bien-être de l'ensemble de la population. Donc, de permettre aux gens, aux intervenants d'agir en amont à la perte d'autonomie, donc avant que l'instauration d'une diminution de l'autonomie survienne, donc, par les loisirs, par les activités dans la communauté, c'est toutes des choses qui permettent de maintenir l'autonomie fonctionnelle et de rejoindre la responsabilité populationnelle des CSSS, responsabilité qu'ils partagent avec des partenaires clés, qui sont les organismes communautaires, dont le rôle et l'apport peuvent être mis davantage en évidence grâce à l'assurance autonomie.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Certains groupes ici ont questionné la validité du SMAF et surtout des profils ISO-SMAF pour les personnes handicapées. Et je sais que vous avez mené des travaux, notamment des travaux internationaux, Dr Tousignant et votre équipe, sur les profils ISO-SMAF chez les personnes handicapées. J'aimerais que vous nous en parliez un peu.

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Tousignant.

M. Tousignant (Michel) : Certainement. Bon, commençons par citer des travaux qui ont été faits ici, au Québec, dans notre contexte québécois, où, chez des personnes qui recevaient des services de soutien à domicile des CLSC de la Montérégie, on a pris des gros échantillons — c'est une population, donc tous les gens qui recevaient des services — et il y avait 6 000 personnes âgées en perte d'autonomie, et on avait 2 000 personnes en déficience physique. Donc, on a testé l'application des profils d'ISO-SMAF. Est-ce qu'on est aussi précis dans l'identification des besoins pour ces deux groupes-là qui sont différents? Les résultats publiés dans le livre PRISMA sont concluants. Pour les personnes âgées, cette identification de besoins tourne autour de 95 %. C'est fameux. Pour les personnes en déficience physique, cette concordance des besoins est de 87 %. Ce n'est pas parfait, on voit une petite migration, mais c'est quand même un outil fort intéressant qui peut nous dire qu'on est capables de capter l'ensemble des besoins de cette clientèle-là.

Une autre étude a été faite en France où on a implanté l'outil SMAF dans un territoire français, la Dordogne. Donc, la France a payé des Québécois pour aller implanter un outil chez eux dans le but de faire un peu l'évaluation des besoins de tout un territoire. Donc là, on n'a pas dit : On va commencer à sectoriser les différentes clientèles. Vous avez tout un territoire de personnes, des adultes, des personnes avec déficience physique, des personnes âgées en perte d'autonomie, et on a utilisé le système de la mesure de l'autonomie fonctionnelle et les profils d'ISO-SMAF. Le but était pour eux de dresser un portrait de la population et d'en dégager les besoins de façon à être capables de développer des offres de services cohérentes. Encore là, dans cette expérimentation-là, il n'y a pas eu d'exclusion, il n'y a pas eu de paramètres qui nous ont dicté que cet outil-là ne pouvait pas bien évaluer les besoins des déficiences physiques.

Donc, c'est peut-être les deux grandes études qui nous permettent de se rassurer… vous savez qu'un instrument requiert certaines études de validation et de généralisation… donc, nous permet de nous rassurer, jusqu'à un certain point, de la possibilité de quantifier ces besoins-là.

• (19 h 50) •

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Je voudrais revenir sur le modèle de gestionnaire de cas, le modèle de gestion de cas et plusieurs modèles qui ont été testés. Quel est le modèle que vous retenez ou que vous suggérez, vous recommandez d'implanter au Québec actuellement?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

M. Couturier (Yves) : Ce qui est très important, c'est que le ministère se fasse une tête sur un modèle, en tout cas, privilégié et le diffuser avec force détails pour ne pas que les gens retombent sur leurs pattes à faire des pratiques un peu comme il se faisait auparavant.

Ce que je peux vous dire, et je sais que ça va paraître un peu chauvin, mais je vous dis que ce n'est pas le cas, il faudra me croire sur parole, le contexte sherbrookois a développé une pratique de gestion de cas admirable. Ils ne sont pas meilleurs qu'ailleurs, les gens de Sherbrooke. En fait, ils ont une caractéristique particulière, c'est qu'ils ont eu de manière suivie la présence d'une équipe de recherche sur le très long terme qui les a accompagnés, ce qui montre l'importance de la prescription ou de l'orientation d'un bon modèle de gestion de cas. On peut certainement entendre le fait qu'il doit y avoir de l'adaptation d'un contexte à l'autre, là, et je l'entends bien, mais à travers quelques paramètres tout de même qui vont encadrer un peu ce que les gens doivent faire, sinon… Ça se voit un peu partout au Québec, malheureusement, où on nomme des gestionnaires de cas sans avoir toute la profondeur requise pour bien faire ce travail-là.

Je verrais un travail de gestion de cas en équipe multidisciplinaire avec une composante clinique importante, c'est-à-dire des gens qui vont à la fois faire le travail d'évaluer, planifier et coordonner les services mais avec une composante clinique qui leur permet de rester bien ancrés sur les dimensions cliniques.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Au niveau de la formation des gestionnaires de cas, on a eu ici les deux ordres professionnels, infirmières et travailleurs sociaux, qui nous ont dit que la formation initiale incluait actuellement un certain nombre de connaissances et d'habiletés pour la gestion de cas. J'aimerais, un, vous entendre là-dessus et, deux, vous entendre sur la formation des professionnels en exercice actuellement qui deviennent des gestionnaires de cas.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

M. Couturier (Yves) : Alors, à ma connaissance, il n'y a aucune formation sérieuse en gestion de cas au Québec, mis à part un microprogramme de deuxième cycle qui se donne à Sherbrooke et pour lequel il y a très peu de recrutement.

La stratégie qui a été faite depuis 2004 est une stratégie raisonnable, a été surtout de former les gens en emploi à travers des formations ciblées qui étaient plutôt, à mon avis, de qualité, là, mais qui ne donnent peut-être pas la profondeur qu'il faut pour que ces acteurs-là puissent faire leur travail de démultiplicateurs, si je peux dire. Alors, probablement que proposer une formation panquébécoise universitaire qualifiante, c'est peut-être difficile à envisager, là, mais il pourrait y avoir, dans les paramètres de conception que j'ai évoqués tout à l'heure, une indication sur un certain nombre d'acteurs qui seraient formés de manière plus sérieuse dans des formations universitaires autonomes, si je peux dire.

Mais, je peux vous affirmer, vous… contredire ce que les gens ont dit des ordres professionnels, il n'y a pas de formation sérieuse.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Et vous êtes professeur à l'école de service social de l'Université de Sherbrooke?

M. Couturier (Yves) : Oui.

M. Hébert : O.K. Donc, il faudrait que les universités s'y mettent, si j'ai bien compris.

M. Couturier (Yves) : Il faut que les universités s'y mettent.

M. Hébert : O.K.

M. Couturier (Yves) : Puis on est un peu coincés : soit qu'on investit massivement dans la formation continue en emploi, qui pose une limite logique, hein, les gens travaillent, ils ont… ou soit qu'on crée les conditions pour qu'il y ait des formations qualifiantes à l'université. Et ça, malheureusement, les conditions ne sont pas réunies pour l'instant.

M. Tousignant (Michel) : Je me permettrais un commentaire, et…

La Présidente (Mme Proulx) : M. Tousignant.

M. Tousignant (Michel) : Je m'excuse, madame. Je me permettrais un commentaire. Et je pense qu'il faut saluer les formations qui ont lieu depuis 2004, mais il y avait peut-être une certaine ambiguïté sur qu'est-ce que c'est, la gestion de cas, c'est quoi, les modèles, c'est quoi, les meilleures pratiques, et, si on n'a pas un consensus établi pour donner un enseignement, bien ça fait un peu, je vous dis : Faites ça comme ça, puis l'autre va dire : Bien, c'est peut-être différent, c'est comme ça, ce qui fait un message provincial un petit peu différent.

On a travaillé avec le ministère sur un appel d'offres du ministère récemment pour définir clairement, succinctement, pas dans une brique de 300 pages, dans un document qui tient sur 20 pages, quels devraient être les paramètres importants à inclure dans une formation au personnel en exercice. Donc, c'est une étape de plus qui va sûrement faciliter la formation des intervenants.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Le projet d'assurance autonomie prévoit une gestion publique de l'ensemble des prestataires de services avec l'établissement de normes de qualité et de normes de formation également. Est-ce que vous croyez que cette composante de l'assurance autonomie est importante et devrait être gérée par les agences ou par les centres de santé et de services sociaux? Qui devrait gérer les normes de qualité et l'accréditation des prestataires, en d'autres termes?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

M. Couturier (Yves) : Alors, je n'ai pas de réponse claire à cet égard-là, je n'ai pas travaillé directement sur ce thème-là. Par contre, je dois souligner à grands traits la nécessité d'avoir une stratégie très volontariste à l'égard de la qualité. C'est un enjeu important. Je ne crains pas une déferlante de maltraitance ou... ce n'est pas ça que je crains, je crains du désordre qui pourrait happer de l'énergie que tout un chacun va dépenser pour contrôler des actions. Ça pourrait faire diversion, ça pourrait faire détourner l'esprit, ce n'est pas une bonne chose.

Ce que je peux vous dire aussi, c'est qu'il faudrait prendre le temps d'analyser comment les agences et les CSSS réussissent ou ne réussissent pas à relever le défi de la qualité autour de la question des ressources d'hébergement. Je pense qu'il y a un parallèle très fort à faire. Il ne suffira pas que d'énoncer des principes, il va devoir y avoir des gens qui auront les moyens du mandat qui leur sera accordé à l'égard du contrôle de la qualité.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous parlez, dans votre mémoire, et vous en faites des recommandations, là, de l'accompagnement au changement. J'aimerais ça vous entendre plus en détail sur le type d'accompagnement qui devra être mis en place lors de l'implantation de l'assurance autonomie.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

M. Couturier (Yves) : Non, il y a plusieurs composantes. Sans doute que la première est une prescription beaucoup plus... Quand je dis le mot «prescription», c'est dans le sens d'une orientation plus opérationnelle des grands principes qui guideront l'assurance autonomie.

Si on prend appui sur l'expérience de la réforme de 2004, il y avait des textes fondateurs extrêmement intéressants que je signerais moi-même à deux mains si cela était possible, mais ça manquait d'opérationnalisation. Il faut descendre un peu plus dans les détails. Alors, je sais que ce n'est pas votre mandat de faire de la microgestion, mais, entre la microgestion et l'énonciation de principes généraux, il y a un juste milieu qu'il faut savoir trouver, sinon les gens réinventent les trucs à leur façon dans leur contexte.

J'ai beaucoup travaillé dans le contexte français, à implanter, d'ailleurs, les modèles québécois dans le contexte français, et ils ont développé une stratégie d'accompagnement du changement autour de ce qu'ils appellent, eux autres, des pilotes, des pilotes de projet. C'est des gens qui sont dédiés, qui ont un temps de travail dédié à accompagner les décideurs locaux dans les décisions qu'ils prennent, et ça fait une grande différence. Alors, la compétence requise pour ces gens-là, c'est à la fois une compétence clinique. Ils doivent connaître le tabac, pour le dire simplement. Ils doivent avoir aussi une compétence en termes de gestion de projet, de changement, etc. Il faut aussi qu'il y ait une équipe de monitorage, et elle doit être apte à capter en temps réel les éventuels effets inattendus, voire pervers que va générer cette innovation-là, comme toute innovation. Toute innovation, au moment de l'usage, génère des contre-usages, et une bonne gestion du changement requiert ça. C'est-à-dire, pour le dire simplement, l'équipe qui a travaillé autour de SIPA, l'outil ministériel, a fait tout ce qu'elle pouvait pour collecter de l'information et la redonner aux gens en poste à l'époque. Ils manquaient de moyens pour faire leur travail, ils manquaient de profondeur scientifique pour faire leur travail, et ça, évidemment ça produit une gestion plus à courte vue. Quand on n'a pas toute l'information qu'il faut pour prendre les décisions… C'est important.

J'aimerais attirer votre attention, puis je me tais après, sur cette question-là. 70 % des innovations meurent, et la plupart de ces innovations-là étaient bonnes en principe, et même une grande partie d'entre elles étaient fondées scientifiquement, et toutes les données probantes sur la conduite du changement disent ça : Vous devez mettre autant de… bien, pas autant d'argent, mais avoir une préoccupation aussi intense à l'accompagnement du changement qu'à la conception et qu'à la mise en oeuvre.

• (20 heures) •

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Nous avons reçu ici le centre de recherche de l'institut de gériatrie de Montréal, qui nous faisait la recommandation, la même que la vôtre, de prévoir une évaluation de l'implantation. Quel est le modèle que nous devrions préconiser pour inviter la communauté scientifique? Est-ce que c'est un appel de projets, un appel de subventions, un appel d'offres? Quel est le modèle que vous nous suggérez d'implanter pour s'assurer qu'une équipe de recherche puisse suivre l'implantation?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

M. Couturier (Yves) : Il y a peut-être une idée qui est toute proche du ministère, c'est le modèle qui a été déployé pour monitorer l'implantation des 17 projets pilotes découlant du Plan Alzheimer, et c'est un appel à projets qui avait comme paramètre de conception de réunir les quatre RUISV. Et ça fait en sorte que, plutôt que d'avoir des gens en compétition qui développent leurs trucs dans leur coin… de fédérer les acteurs qui comptent autour d'un objet important. Et cet objet-là, ce n'est pas un objet comme un autre, ce n'est pas un autre projet de recherche pour un objet intéressant.

Il est impératif qu'on réussisse cette implantation-là. Et, dans le modèle que je vous suggère, si vous remarquez bien les mots que j'ai employés, j'ai employé le terme… on a employé le terme de «recherche développementale», c'est-à-dire que le devis pourrait non seulement se mettre en surplomb et documenter les faits puis décréter en fin de parcours : Ça marche, ça ne marche pas, mais plutôt avoir une synergie, un retour d'information continu avec les gens qui implantent l'innovation sur le terrain. Et ça, c'est très important parce que ça donne une chance à l'innovation d'avoir un effet tout en produisant une connaissance substantielle pour la suite des choses.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous soulignez dans votre mémoire l'importance de la liberté de choix du domicile, domicile étant entendu au sens large, résidence individuelle ou collective. J'aimerais que vous étayiez cette affirmation de cette importance-là par les données scientifiques dont vous disposez.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

M. Couturier (Yves) : Alors, tous les modèles, je dis bien «tous», tous les modèles conceptuels récents de la qualité des services insistent là-dessus.

C'est bon pour les personnes parce qu'elles le veulent, c'est bon pour leur santé parce qu'elles n'attrapent pas des maladies nosocomiales sur les poignées de porte, c'est bon sur le plan cognitif parce qu'elles demeurent actives. Et la participation sociale passe par ça. Un domicile permet la participation sociale, et en plus c'est moins cher. Alors, il faut y aller, hein? C'est sûr qu'il faut y aller.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.

M. Hébert : Peut-être une réflexion sur une caisse dédiée pour gérer l'assurance autonomie. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus, sur l'importance de sécuriser les sommes?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

M. Couturier (Yves) : Alors, c'est son caractère dédié qui fait sa valeur. Sans ce caractère-là, bien entendu, on risque de retomber sur des vieux modèles de financement dont on sait qu'ils causent des problèmes depuis… bien, pas des problèmes, qui limitent la capacité des acteurs de terrain à évoluer vers les modèles récents d'organisation des services.

Je mets un tout petit bémol là-dessus en disant ceci : Une des forces importantes du modèle québécois, et ce n'est pas pour rien que le Québec a si innové en matière d'intégration de services, c'est parce qu'on vient d'un modèle dit beveridgien. Je ne vais pas faire un cours, là, mais c'est l'idée qu'il y a une cohérence très forte avec un modèle universaliste. C'est très important, c'est incontournable que l'État garde un contrôle très serré sur cette enveloppe-là. Dit autrement, on pourrait évoquer l'idée d'avoir des modèles assurantiels de type privé, par exemple. Cela est un facteur de désintégration. Si vous voulez vous amuser dans un contexte désintégré, allez voir un modèle de type bismarckien, c'est le modèle français, par exemple, où il y a 50 payeurs potentiels avec des incohérences multiples et des coûts administratifs gigantesques. Le fait que ça soit dédié et sous le contrôle de l'État, entendez-moi bien, ça peut être un contrôle indirect, ça peut être une agence, je ne le sais pas, mais le fait qu'il y ait un contrôle fort permet de poursuivre la cohérence budgétaire et donc de faire front de cet avantage stratégique qu'a le Québec en termes de financement. Mais c'est donc le caractère dédié qu'il faut préserver à tout prix.

En fait, mettre de l'argent dans le système... pas dans le système actuel, dans le mode de financement actuel, c'est comme de l'eau dans le sable. Je suis convaincu que les gens font de quoi de positif avec, là, bien entendu, mais on n'atteindra pas les cibles visées si on fait ça.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Tousignant, il reste environ une minute.

M. Tousignant (Michel) : Un court commentaire sur le dernier point. On a remarqué dans des études qu'on a faites ici, au Québec, que, même si on investissait de l'argent dans le soutien à domicile pour les personnes qui sont, à la maison, en perte d'autonomie, l'argent ne se rendait pas jusqu'à ces personnes-là parce que d'autres programmes qui nécessitent des urgences, exemple… pas des urgences hospitalières, mais, quelqu'un qui rentre à la maison avec une prothèse de genou, il faut qu'on envoie l'infirmière et le physiothérapeute demain, ce n'est pas la semaine prochaine. Donc, malgré le rehaussement du financement, la personne qui est en perte d'autonomie à la maison bénéficiait peu de cet investissement d'argent là, ça retournait plus vers le domaine que j'appelle plus aigu, versus chronique.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci. Alors, nous allons maintenant poursuivre les échanges avec le groupe formant l'opposition officielle. La parole est au député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à notre commission. C'est très intéressant, la conversation, surtout que vous avez quand même une expérience au niveau international.

J'aimerais revenir sur le dernier exemple, là, la prothèse de hanche qui s'en va... ou de la prothèse du genou qui s'en va à domicile. Elle doit recevoir de la physiothérapie parce que, sinon, elle ne sortira pas de l'hôpital. Et là ce que vous dites, c'est qu'il y a de l'argent qui est pris pour le médecin à domicile pour la perte d'autonomie qui irait vers cette prothèse-là?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Tousignant.

M. Tousignant (Michel) : Ce n'est pas ce que je dis, je dis : Dans l'ancien, dans le système de financement qui date des années 2005, dans les investissements qui ont eu lieu, qui devaient aller soutenir les personnes âgées dans la maison, l'enveloppe ne se rendait pas jusqu'à ces personnes-là, elle était dérivée vers d'autres situations peut-être plus urgentes.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Je connais le système quand même depuis longtemps, puis ça, c'étaient des priorités qui ont quand même été faites pour sortir nos patients, qui coûtaient très cher dans les unités de chirurgie, pour les amener vers le domicile. Puis ça, je pense, ça a été quand même une bonne innovation puis un beau virage. Mais ce que je comprends, c'est que ça n'empêche pas qu'il faut aussi de l'argent pour le maintien de l'autonomie.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Tousignant.

M. Tousignant (Michel) : Nous sommes entièrement d'accord sur ce point-là, ça prend aussi de l'argent pour le maintien de l'autonomie.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci. Puis, en passant, ce que vous dites, on endosse ça. Le maintien à domicile, garder nos gens le plus longtemps possible à domicile, c'est vraiment l'orientation qui doit être prise. Je pense que d'ailleurs c'est une orientation qui est prise depuis un certain nombre d'années. Je suppose que vous êtes d'accord avec ça. Je sais, à Sherbrooke, que vous avez fait ce virage-là depuis un certain temps, là.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Tousignant.

M. Tousignant (Michel) : Oui, nous sommes en accord que le virage vers le soutien à domicile est vraiment important. Il y a eu des beaux efforts qui ont été consentis dans les dernières années, et nous ne pouvons que remercier les différents gouvernements, mais on doit faire plus parce que le taux de réponse aux besoins des personnes à la maison varie à peu près autour de 15 %.

Ma position de chercheur sur : Est-ce que les besoins sont comblés à une certaine hauteur qui permet de garder ces personnes-là le plus longtemps possible à la maison? On a peut-être des efforts supplémentaires à faire.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Bon, on a certainement des gains à faire.

Quand vous parliez d'enveloppes dédiées, vous voulez dire «des enveloppes protégées», que ce soit à l'intérieur du budget d'un établissement ou encore dans ce concept un peu de l'assurance autonomie, où on sort complètement de l'établissement, on met ça à l'extérieur, et l'établissement va devoir faire affaire avec cette assurance autonomie là par la suite sous forme d'allocation pour aller chercher l'argent.

Pour vous, est-ce qu'il y a une différence entre les deux, ou le fait d'avoir une enveloppe dédiée, protégée, dans un cas ou l'autre, peut être aussi efficace?

M. Tousignant (Michel) : ...

La Présidente (Mme Proulx) : M. Tousignant.

M. Tousignant (Michel) : Je m'excuse, je ne suis pas habitué. Ce qu'il faut, c'est qu'elle soit dédiée. Le moyen de le faire, ce n'est pas de mon niveau, je ne suis pas un administrateur d'établissement. Il ne faut pas rendre l'accès à ces sommes-là difficile, mais il faut s'assurer qu'on la garde pour ce sur quoi on l'a mise de côté.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

M. Couturier (Yves) : Bien, en complément, dédiée, certes, mais il faut aussi que le mode d'attribution soit différent. Et l'alternative, dans le fond, à... mais, admettons, pour le même coût, ce serait de prendre des sous pour les mettre dans le système tel qu'il existe. On ne change pas le mode de financement historique, en tout cas, pas de manière fondamentale. Ce faisant, ça aurait pour effet d'amputer la grande réforme de 2004 d'une de ses composantes transformatrices les plus importantes.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Bien, j'aimerais ça que vous poursuiviez cette idée-là, là. Quand vous dites : On l'ampute de...

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

• (20 h 10) •

M. Couturier (Yves) : Il y a énormément de services qui se donnent dans la communauté, dans des ressources privées associatives de toutes sortes, etc.

Dans le fond, un des principes qui sous-tend ces approches-là, c'est l'idée qu'il doit y avoir un lien beaucoup plus étroit entre les besoins et le financement plutôt qu'entre les services et le financement. Et un mode traditionnel de financement, c'est un mode qu'on dit «of service driven». C'est les services qui appellent la dépense. Le mode proposé, tel que je le comprends, en tout cas, propose un changement de paradigme où ce sont les besoins des personnes qui vont appeler le changement. Cette bascule-là, là, le «service driven» centré sur l'usager, c'est déjà en cours dans la réforme de 2004. Les outils cliniques font ça. La gestion de cas tente de faire ça. Le PSI, le plan de services individualisé, fait ça également. Accomplir une telle réforme exige un mode de financement qui est en phase avec ça en tout cas pour les services à domicile, hein? Bien entendu, on ne parle pas de l'ensemble des services publics.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Bien, moi, ce que je comprends, c'est sur le principe un peu du financement à l'activité dans lequel on évalue les besoins d'une personne, et, à partir de là, on détermine les services qui vont aller. On calcule un coût pour ce service-là, et puis il y a une allocation qui est faite en fonction de ce coût-là. C'est certain que, quand on le joue, mettons, dans un CHSLD ou le maintien à domicile, la différence avec un CHSLD, où ce que je serais prudent, c'est qu'il y a une équipe de base, et là ça peut rendre un financement relativement fluctuant selon la situation des gens. Mais tu ne contrôles pas les gens qui viennent dans ton CHSLD, tu les prends avec un certain niveau de soins. Donc, là-dessus, je pense qu'il faut quand même être prudents, mais on est d'accord sur le principe.

Vous parliez de la France tantôt. Et puis souvent on nous vendait qu'en France eux autres, ils l'avaient, l'assurance autonomie. Vous connaissez le système français. Puis j'ai l'impression que le système français est plus en train d'emprunter ce qui se fait au Québec que le Québec emprunte sur le système de la France. En tout cas, j'ai rencontré, moi, les présidents des régies — moi, je trouve, c'est l'équivalent des provinces là-bas — où on a fait des présentations, puis les gens avaient l'air de vouloir avoir le modèle intégré du Québec, l'intégration des services, mais étaient loin d'être rendus au niveau des CSSS.

Je ne sais pas si vous avez eu la même perception quand vous travailliez avec le système français.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

M. Couturier (Yves) : Oui. Le système québécois est un système beaucoup plus simple que le système français.

C'est un avantage qu'on a. C'est ce que j'évoquais tout à l'heure. Le modèle beveridgien québécois a une valeur importante. Par contre, dans le contexte français, bien entendu, c'est l'inverse, c'est complexe, il y a plusieurs payeurs, etc., et ce n'est pas tellement efficace. Ils ont un bon système de santé et de services sociaux mais qui coûte extrêmement cher et est déficitaire de manière gigantesque. On pourrait aussi aller voir du côté des modèles scandinaves où, là, il y a… En fait, j'hésite. Je ne suis pas un économiste. J'hésite à parler de financement par activité, mais il y a certainement une forme de capitation à faire, c'est-à-dire d'attacher le financement aux besoins des usagers et, ce faisant, leur donner un peu plus de pouvoir.

La participation sociale, ce n'est pas juste le bowling, hein, c'est aussi permettre aux gens d'orienter les services qu'ils veulent en fonction de leurs besoins, d'être capables d'être eux-mêmes des avocats de leurs propres besoins. Et, ce faisant, tel que je le comprends en tout cas, l'assurance autonomie proposée donnerait une certaine capacité aux acteurs, aux personnes âgées, ou autres, d'infléchir les décisions en dialogue, bien entendu, avec un gestionnaire de cas qui devra être un clinicien pour faire ce travail-là.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bien, théoriquement, on peut penser comme ça, mais en pratique ça va être plus complexe que ça, parce que, si vous avez un patient, vous savez qu'un patient a des besoins. Et puis là, le système qu'il va mettre en place, il va y avoir un système de négociation, parce que les gens sont venus nous dire ici : Bien, écoutez, ça prendrait du monde pour défendre l'intérêt du patient. Puis on va se retrouver dans une situation, en tout cas, moi, comme je le perçois, où, le patient, naturellement, son handicap va lui donner une quantité de services. Et je suis à peu près... pas certain, mais il y a beaucoup de cas qui vont dire : Bien, je veux avoir le maximum de services. Et c'est là qu'on va avoir un enjeu, puis il y a des tractations qui vont se faire.

Donc, quand on arrive dans le concept théorique en disant : Il a des besoins, il va y avoir un montant, il va acheter ses services, dans la réalité ce ne sera pas tout à fait ça, là, hein, même si le ministre a dit que ça va être comme ça. À domicile, on sait déjà qui va aller donner des services. S'il s'agit des médecins, des infirmières, ça va être le système public. Donc, le pouvoir de négociation n'est pas autant que si tu avais le choix entre une entreprise privée, une entreprise de service social et puis le système public. Il va y avoir des… Je pense que c'est plus complexe que ce vous venez… Ça a l'air simple, mais c'est beaucoup plus simple que ça. Moi, en tout cas, je travaille avec des patients, c'est plus complexe que ça, non? Vous êtes là-dedans, là, vous devriez le savoir.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

M. Couturier (Yves) : Alors, ce n'est pas complètement théorique, parce qu'il y a quand même des expériences dans le monde qui vont vers la capitation. J'aimerais aussi souligner le fait qu'il y aura toujours…

M. Bolduc (Jean-Talon) : Juste un…

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Quand vous parlez de capitation, là, c'est «un montant donné pour une certaine population en fonction des besoins»?

M. Couturier (Yves) : C'est-à-dire, c'est une autre logique d'attribution des fonds.

Plutôt que de donner de l'argent à des institutions qui vont développer des services et qui vont établir des règles d'accès aux services, on attache le financement à une lecture clinique des besoins. Et le mot important ici, dans toute cette phrase-là, c'est le mot «clinique». Il y aura de toute façon, dans tous les cas, un acteur professionnel, un gestionnaire de cas qui est lui-même membre d'un ordre professionnel et qui devra, bien entendu, rendre des comptes à son employeur parce que ce n'est pas bar ouvert pour personne. Il y aura des mécanismes de régulation qui demeureront essentiellement cliniques ou qui, en tout cas, devraient essentiellement demeurer cliniques.

Alors, je ne veux pas laisser entendre que le bonheur jaillira au lendemain de cette implantation-là. Vous le savez mieux que moi, un système de santé et de services sociaux, c'est fondamentalement complexe et dynamique. Mais on est obligé de développer une action qui va dans ce sens-là, sinon les efforts de 2004 vont tomber... pas tomber lettre morte, ça serait exagéré, mais, en tout cas, vont être en deçà des attentes qu'on avait tous et toutes à l'époque.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Levasseur.

Mme Levasseur (Mélanie) : En fait, effectivement, une évaluation, par définition, ça prend un personnel compétent, un personnel formé, donc ce n'est pas si simple que ça.

Mais l'idée, c'est qu'à la base d'avoir un instrument de mesure tel le SMAF, qui est un outil clinique standardisé pour lequel on a une formation à suivre pour pouvoir bien l'administrer, fait en sorte que justement cette évaluation-là, elle est basée sur le constat que le clinicien formé en fait, des besoins de la personne, et non pas des besoins qui pourraient être demandés comme ça sans que ça soit requis, là, basée sur ses incapacités, donc des incapacités réelles qui peuvent être rapportées, observées, qu'on peut faire des mises en situation. Comme professionnels, on a souvent développé notre observation. Seulement quand la personne vient nous accueillir dans le domicile, on la voit marcher, on observe plein de petits détails qui nous portent justement à raffiner et à poser les bonnes questions pour arriver à bien cerner les besoins selon les incapacités de la personne.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Tousignant.

M. Tousignant (Michel) : Court commentaire. Le SMAF est un instrument clinique et de gestion. C'est une belle beauté. On n'est pas obligés de faire deux systèmes d'évaluation pour arriver à une donnée pour le gestionnaire et une donnée pour le clinique.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Bien, si on continue sur cette même lancée, si on arrive à la fin puis on met le système en place, on évalue tout, là, assurément, on va se retrouver avec des besoins à remplir avec un coût, est-ce qu'on est capables d'établir présentement combien ça va coûter, au total, de répondre à tous ces besoins-là? Et, juste poser une hypothèse, là, si on arrive à la fin puis on se rend compte que ça coûte quatre fois plus cher, qu'est-ce qu'on a en place actuellement, mais on répond, puis c'est vrai, à plus de besoins mais que la capacité de payer du système n'est pas capable de remplir, comme chercheurs, qu'est-ce que vous en pensez?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Tousignant.

M. Tousignant (Michel) : Comme chercheur, je ne peux pas penser grand-chose de votre question parce qu'on n'a pas fait… ce n'est pas nous qui avons fait les analyses économiques. Nous ne sommes pas des économistes.

Cependant, la force de la stratégie de financement, c'est qu'elle est basée sur l'évaluation des besoins de la personne. Ça, c'est une grosse affaire. Vous avez des besoins x, y, on est capables de les quantifier. On a été, en plus, capables de catégoriser en groupes, profils... 14 groupes, dire : Pour tel groupe, voici le nombre d'heures de service, qu'on pourrait avoir, d'infirmières ou d'assistance, et là on est capables d'associer un coût. D'avoir des données probantes pour établir un financement, il y a même quelque chose là d'intéressant. Est-ce que ça va être la vérité pure? Nous le saurons lors de l'usage. Entre la vérité pure puis la vérité attendue, je crois qu'il y a un pas à faire. Et est-ce que de ne rien faire ne nous amènera pas vers un constat qui pourrait être aussi… pas nécessairement un succès?

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

• (20 h 20) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bien, la question… C'est parce que, vous savez, là, on s'en va dans de l'inconnu, puis, comme chercheurs, c'est intéressant parce qu'on se dit : On va avoir une réponse, mais, comme système de santé, on peut se retrouver avec un problème financier, un gouffre financier, parce qu'à partir du moment que le besoin va être déterminé, comme gouvernement, tu n'as pas le choix de répondre à ça.

Ça, on a vécu ça, en passant, dans beaucoup de systèmes qui ont été mis en place. Il y avait une évaluation des coûts, et, quand vous vous retrouvez quatre ans après, cinq ans après, ça coûte trois puis quatre fois plus cher. Puis là il faut comprendre que, quand tu es dans un principe éthique de justice distributive, l'argent que tu vas mettre là, c'est peut-être bien, là, mais il faut le prendre ailleurs, soit dans l'éducation, soit dans des routes ou encore il faut que tu le trouves à l'intérieur même du système de santé. Ça fait que, quand on a juste ce dossier-là, c'est intéressant, mais il faut avoir une vision globale de la gestion du système de santé. Moi, ma question : Avant de donner le go à quelque chose comme ça, on ne peut pas savoir avant, un peu mieux, qu'est-ce que ça va représenter plutôt que de signer un chèque en blanc puis qu'une fois que tu l'as mis en place tu te rends compte qu'avoir su ce n'est peut-être pas ça que tu aurais fait?

Puis, en passant, vous avez dit quelque chose d'intéressant. La plupart des grandes innovations ont toutes été de très bonnes idées. Le ministre, il riait l'autre fois, quand je lui disais que, neuf fois sur 10, une innovation est devenue un échec. C'est quand même la réalité. Quand vous regardez dans toute l'histoire des innovations, comme les médicaments, la majorité, ils ne viennent pas sur le marché tout simplement parce qu'en cours de route... pas parce que ce n'était pas une bonne idée, c'est que ça n'a pas été capable soit d'être appliqué ou encore c'était peut-être une mauvaise idée qui avait été bien vendue, mais le concept ne fonctionnait pas.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Tousignant.

M. Tousignant (Michel) : Courte réponse à votre première question. Je crois qu'il y a des données populationnelles sur le vieillissement qui sont très solides. Je crois qu'on a des données sur la trajectoire de ces personnes-là au fil des temps qui sont solides. Donc, si j'étais un économiste et je me basais sur des données solides... et là c'est mon expertise d'actuaire qui pourrait me dire : Bien, je produis quelque chose qui est relativement solide. Donc, il n'y a pas aucune variable sur laquelle on peut estimer ces coûts-là.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, vous voulez répondre?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier?

M. Couturier (Yves) : Oui. Vous savez que la Loi canadienne de la santé exclut le soutien à domicile, hein, de l'universalité. Et, de facto, ce que ça veut dire, c'est qu'il y avait, il y a et il y aura des règles d'accession aux services, hein, de toute façon. Ce que ça permet de faire, ce que Michel Tousignant vient de dire, c'est de vous donner, vous, les décideurs publics, un véritable outil pour prendre des décisions éclairées plutôt que prendre des décisions à l'aveugle. Je voulais aussi dire : On a le même argument au taux d'innovation. Il faut accompagner le changement, mais, dans ce cas-ci, ce qui est certain, c'est qu'il faut changer.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Mais, justement, juste pour dire, quand vous dites qu'on a le même argument, c'est lequel?

M. Couturier (Yves) : L'innovation, là.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Que la majorité vont...

M. Couturier (Yves) : Oui.

M. Bolduc (Jean-Talon) : ...vont échouer? O.K. Bon, on est d'accord là-dessus. Ça, je pense que c'est important de le savoir. C'est juste que je suis d'accord qu'il faut explorer, mais, avant de signer un chèque en blanc avec un projet de loi... Le ministre peut déposer son projet de loi, mais, avant de l'adopter, il faut qu'on ait des données beaucoup plus robustes que ce qu'on a eu jusqu'à maintenant.

Deuxièmement, le citoyen qui est le payeur de taxes, il faut également qu'il sache dans quoi il s'embarque. Parce que, là, c'est beau, on est dans le concept théorique, là, mais, à la fin, il faut dire au citoyen jusqu'à quel pourcentage qu'il va être couvert, combien ça va lui coûter. Et vous comprendrez que, la politique, il y a de la recherche aussi. On ne peut pas dire demain matin «on va faire ça» sans tenir compte de l'impact sur les finances publiques. Mais on a plein de bonnes causes : l'éducation, on pourrait investir plus; les ponts, on pourrait en construire plus, mais ça, il faut savoir combien ça coûte et où on va chercher l'argent.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Tousignant.

M. Tousignant (Michel) : Je n'ai pas d'autres commentaires que ceux émis, qu'il y a certaines données très intéressantes qui permettent sûrement à des experts dans le domaine d'avoir des simulations avec des scénarios «worst-case scenarios», des scénarios plus optimaux, de façon à produire des données qui ne seront pas la réalité, parce que, la réalité, on va la vivre en même temps qu'on va implanter et qu'on va monitorer très précisément, à très court terme, l'ensemble des changements qui seront faits.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. L'autre élément que plusieurs nous ont apporté, c'est la question de la rapidité avec laquelle on va faire le changement. Puis on utilisait beaucoup les mots «il ne faudrait pas se précipiter». En termes d'échéancier, une réforme comme celle-là, d'après vous, peut prendre combien de temps? Et est-ce qu'on doit ralentir un peu puis après ça accélérer ou encore on devrait y aller d'emblée pour le 1er avril?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

M. Couturier (Yves) : D'après des données ministérielles, l'implantation de la grande réforme de 2004 est autour de 55 %, 56 %, avec des indicateurs relativement sérieux, là. On est sur des temporalités longues. Et, pour cette raison-là, il ne faut pas attendre trois, quatre ou cinq ans pour bouger, il faut bouger rapidement. Il faut bien faire les choses.

J'ai parlé, tout à l'heure, de la question de la qualité. Il faut agir là-dessus assez rapidement. Mais, comme c'est un gros paquebot, comme vous le savez, il faut bouger maintenant, sachant que le mur... pas le mur, en tout cas, le boom démographique, là, dans cinq, six ans, ça va frapper fort. Et donc c'est des sujets si importants qu'il faut trouver une transcendance, là. Et la transcendance est autour, à mon avis, des besoins des personnes, notamment, âgées, qui nous intéressent particulièrement, mais pas seulement.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon, pour un petit peu moins qu'une minute.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Vous nous avez parlé de l'expérience, l'Estrie, Sherbrooke. Actuellement, êtes-vous satisfaits sur la façon que ça fonctionne dans votre région?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

M. Couturier (Yves) : Là comme ailleurs, il y a encore beaucoup de travail à faire, mais ce à propos de quoi je suis le plus satisfait, c'est qu'on commence à voir les effets d'un changement de vision de la part des cadres et des professionnels, et ça, là, c'est excitant. Parce que faire des innovations qui ne transforment pas les pratiques, c'est à la portée de tout le monde, mais faire des innovations qui commencent à renverser le paradigme, là, c'est ben le fun à voir, et on commence à le voir.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup, M. Couturier. Nous allons poursuivre les échanges avec le deuxième groupe d'opposition. La parole est au député de La Prairie.

M. Le Bouyonnec : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir à mes collègues de l'Assemblée nationale, Dre Levasseur, Dr Tousignant, puis M. Couturier. Je vais dissocier mes questions en deux étapes : la première, sur les questions de financement et, après, sur la question de la prestation de services.

Sur la question du financement, est-ce que vous avez élaboré une réflexion à savoir si l'assurance autonomie allait davantage ressembler au modèle de la régie ou de la RAMQ, donc où le gouvernement est l'unique payeur, ou un modèle plus hybride où l'usager contribue aussi, comme par exemple l'assurance médicaments?

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

M. Couturier (Yves) : Je ne me sens pas costaud pour répondre plus avant à votre question. J'ai quand même évoqué tout à l'heure l'idée qu'une base assurantielle large est plus intéressante qu'une base assurantielle étroite, et l'assurance médicaments est un modèle fragile parce que sa base assurantielle est étroite.

M. Le Bouyonnec : ...vous nous avez parlé, M. Couturier, du modèle français en lui reprochant, là, sa fonction désintégratrice, là, en faisant référence au fait qu'il y avait une multiplication de payeurs. D'un autre côté, on sait aussi que la diversité des payeurs est une problématique, éventuellement, effectivement, de complexification du système, mais, tant qu'on n'a pas résolu le problème de financement… Puis on n'a pas de modèle pour savoir combien ça coûte. Ça peut être aussi une solution dans un modèle, un écosystème hybrides.

Mais, au-delà de ça, est-ce que vous ne pensez pas que ça pourrait peut-être éviter la multiplication des payeurs… et un système plus riche, plus diversifié, une institutionnalisation du soutien à domicile, puis je m'explique, à savoir que… On l'a vu souvent, lorsque des grands programmes gouvernementaux voient le jour… Prenons, par exemple, l'exemple des garderies gouvernementales. Évidemment, il y a un coût d'infrastructure, il y a un coût de prestation, le gouvernement est moins agile des fois pour rendre des services dans certains endroits, c'est assez difficile d'étendre la présence du gouvernement à des coûts raisonnables partout.

On sait aussi qu'au niveau de l'autonomie, les personnes âgées, ce qu'on leur souhaite, c'est d'être autonomes même dans la décision, à savoir : Devrais-je continuer à rester à la maison ou devrais-je aller dans une résidence pour personnes âgées où certains services, surtout ceux offerts par le privé... où il y a une certaine qualité de vie, du moins, c'est ce qu'on entend, dépendamment de la catégorie?, de telle sorte que la décision de rester à domicile ou non puisse être une décision du patient, éviter l'institutionnalisation, donc éviter de leur dire : Non, non, vous devez rester absolument à la maison, même une fois que le conjoint, par exemple, est décédé, et la personne souhaiterait avoir d'autres options.

Et on sait que les autres options sont présentes. Les aidants naturels, depuis des années, nous reprochent de ne pas les supporter davantage. Il y a des groupes communautaires, etc.

Comment voyez-vous une approche centralisée, comme vous le mentionniez, tout en tenant compte de l'autonomie de la personne qui est, par exemple, assurée, qui a même éventuellement contribué à cette assurance-là de pouvoir faire des choix et de changer ces choix au fur et à mesure que la vie et les aléas de la vie viennent changer les décisions ou les options pour cette personne?

• (20 h 30) •

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier.

M. Couturier (Yves) : Il y avait beaucoup d'éléments, je vais essayer de ne pas en oublier.

C'est une des données scientifiques les plus costaudes qui existent. Le système de santé américain est le plus inefficace et le plus cher qui soit, et la raison de ça, c'est l'éclatement des financements. Pour le dire en termes économiques — puis je m'avance un peu, ce n'est pas mon terrain, je suis travailleur social de formation — 15 points de PIB vont à la santé; 9,6 au Canada avec une efficacité clinique beaucoup plus importante. Donc, il n'y a aucun débat à faire là-dessus d'un point de vue de scientifique, là, j'entends. Il peut y avoir un débat politique, là, c'est bien entendu.

Quant au danger d'institutionnalisation du domicile, ça a été évoqué plusieurs fois pendant l'heure, on ne va pas aller chez des gens qui n'ont pas besoin de services. Même avec le plus beau modèle qu'on aurait, on ne comblera pas 100 % des besoins. Et donc il y aura toujours des hommes et des femmes, c'est-à-dire des cliniciens, des cliniciennes, qui vont, avec les proches aidantes, les proches aidants, discuter, négocier, adapter aux situations cliniques singulières, et c'est pour ça qu'il importe beaucoup que ce dispositif-là demeure un outil clinique, qu'il s'inscrive dans une logique clinique avant tout. Et je ne sais pas si ça se fait, mais ça devrait être inscrit dans la loi fondatrice, c'est-à-dire, pour éviter les dérives plus tard, dans 10 ou 15 ans, d'un usage… administratives du truc.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Couturier…

M. Couturier (Yves) : Oui.

La Présidente (Mme Proulx) : …je vous remercie beaucoup. Malheureusement, le temps est écoulé.

Alors, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à mercredi 20 novembre 2013 pour une séance de travail. Merci.

(Fin de la séance à 20 h 32)

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