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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mercredi 19 février 2014 - Vol. 43 N° 79

Consultations particulières et auditions publiques sur les conditions de vie des adultes hébergés en centre d’hébergement et de soins de longue durée


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Table des matières

Auditions (suite)

Ordre des dentistes du Québec (ODQ)

Fédération québécoise des sociétés Alzheimer (FQSA)

Protecteur du citoyen

Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ)

Institut canadien-polonais du bien-être inc. (ICPBEI)

Intervenants

Mme Suzanne Proulx, vice-présidente

M. Lawrence S. Bergman, président

Mme Jeannine Richard

Mme Marguerite Blais

M. Yves Bolduc

Mme Stéphanie Vallée

Mme Diane Gadoury-Hamelin

*          M. Barry Dolman, ODQ

*          M. André Lavallière, idem

*          M. Christian Caron, idem

*          Mme Lise Lalande, FQSA

*          Mme Geneviève Grégoire, idem

*          Mme Ginette Labrosse, idem

*          Mme Raymonde Saint-Germain, Protectrice du citoyen

*          M. Nicolas Rousseau, bureau du Protecteur du citoyen

*          M. Michel Clavet, idem

*          Mme Sylvie Tremblay, OPHQ

*          Mme Anne Bourassa, idem

*          Mme Noée Murchison, idem

*          M. Georges Tormen, ICPBEI

*          Mme Violetta Sikora, idem

*          Mme Monika Szpotowicz, idem

*          Mme Frances Sztuka, idem

*          M. George Pajuk, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente-huit minutes)

La Présidente (Mme Proulx) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder à des consultations particulières et auditions publiques sur les conditions de vie des adultes hébergés en centre d'hébergement et de soins de longue durée.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Non, Mme la Présidente.

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Proulx) : Merci. Alors, nous accueillons, ce matin, l'Ordre des dentistes du Québec et la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer. Nous ajournerons nos travaux, un peu plus tard, vers 18 heures.

Je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Ordre des dentistes du Québec (ODQ)

M. Dolman (Barry) : Merci. Je tiens à remercier la commission et les parlementaires de nous offrir à nouveau l'occasion d'être ici aujourd'hui. Permettez-moi d'abord de me présenter : Dr Barry Dolman, président de l'Ordre des dentistes du Québec et dentiste en pratique. Également, vous présenter les personnes qui m'accompagnent : le Dr André Lavallière, dentiste-conseil auprès de la Direction de la santé publique de l'Estrie, le Dr Christian Caron, directeur fondateur du Centre d'excellence pour la santé buccodentaire et le vieillissement et directeur du programme de la formation spécialisée en gérontologie à l'Université Laval, deux personnes qui vivent l'expérience professionnelle de la santé en CHSLD; et Me Caroline Daoust, directrice générale de l'Ordre des dentistes du Québec.

Sous la présente législature, nous eûmes le privilège d'être entendus par vous à deux reprises : sur le dossier de la fluoration et celui de l'assurance autonomie. Nos préoccupations sont les mêmes, et nous sommes heureux de l'intérêt que vous nous accordez. Les personnes qui sont hébergées en CHSLD ont un accès très limité, voire inexistant à des soins buccodentaires adaptés à leur condition.

• (11 h 40) •

Le mémoire de l'Ordre des dentistes du Québec a pour objectif d'alerter les instances gouvernementales quant à la nécessité et à l'urgence qu'il soit reconnu de façon générale que la santé buccodentaire fait partie de la santé globale. L'Ordre des dentistes du Québec se veut un partenaire tant de la promotion de la santé buccodentaire auprès de tous les intervenants que de la recherche de solutions en vue de donner à tous accès à un diagnostic établi par un dentiste et un plan de traitement préventif et curatif. Il demande aux instances gouvernementales de reconnaître le droit aux soins buccodentaires dans un objectif de santé globale.

Nous soutenons l'importance et l'urgence de prendre charge de la santé buccodentaire des adultes en CHLSD. Nous constatons que la santé buccodentaire ne faisait pas partie des orientations ministérielles de 2003 et qu'elle n'est pas encore spécifiée dans le document de consultation ayant mené à vos travaux. Cet état de fait doit changer. L'ordre fait de la promotion de l'accès aux soins buccodentaire un objectif principal. On constate l'état de santé buccodentaire plus pauvre chez certains groupes dans les clientèles âgées en perte d'autonomie, l'accès aux soins buccodentaires pour ces personnes reste très limité. 49,3 % des résidents ayant au moins une dent présentent de la carie dentaire; 21.8 % des résidents ayant au moins une dent ont besoin d'un traitement dentaire; 49,3 % des résidents ayant au moins une dent nécessitent un détartrage dentaire ou un traitement chirurgical à la gencive. Ces statistiques datent de 2006, la situation s'aggrave.

Peu de dentistes visitent des clientèles en centre d'hébergement notamment en raison des restrictions imposées par le système. Les dentistes qui veulent contribuer n'ont pas aisément accès aux établissements et les dentistes des réseaux ne sont pas généralement remplacés lorsqu'ils prennent leur retraite. Les CHLSD disposent par ailleurs de peu d'équipements pour les besoins d'une équipe dentaire. Les soins d'hygiène dentaire sont rarement inclus dans des plans d'intervention en CHLSD, sinon carrément absents. Les bénéficiaires n'ont pas d'examen buccodentaire à l'admission. Plusieurs résidents ont des problèmes latents liés aux caries et aux maladies de la gencive; d'autres, en développement. Bien que les hygiénistes dentaires puissent faire les dépistages, enseigner des principes d'hygiène et brosser les dents, elles sont presque absentes des CHLSD et des domiciles.

L'importance de la santé dentaire a été approuvée par des études qui démontrent sa relation avec la cause de nombreuses maladies. De plus, chez ces clientèles, la prise des médicaments engendre une sècheresse de la bouche qui provoque des caries de la racine dentaire. L'absence des caries et des maladies de la gencive est essentielle. Une mauvaise hygiène permet la plaque d'accumuler, durcir. La plaque se transforme en tartre, qui favorise une perte osseuse et de l'infection. Ne pas se préoccuper de ces conditions, c'est accepter la perte des dents, l'augmentation des risques et des problèmes de santé, dont la dénutrition et d'autres plus importants comme la pneumonie par l'aspiration.

Le médecin et le dentiste doivent donc collaborer pour assurer une prise en charge adéquate. Le dentiste est le docteur qui veille sur votre bouche. L'accès aux soins buccodentaires est un droit au même titre que l'accès des soins qui concernent les autres parties du corps. Toute personne a donc un droit à un diagnostic et un plan de traitement établis par un dentiste. Un suivi et l'exécution de certaines des composantes de plan de traitement pourront être réalisés par des professionnels formés pour le faire. Une ordonnance faite par un dentiste est un outil privilégié. Les services des dentistes doivent être favorisés dans des institutions publiques. Il est nécessaire de former des préposés et le personnel soignant aux techniques de brossage quotidien des dents. La clientèle est lourde, il s'agit souvent même de lui procurer des soins de fin de vie ou palliatifs.

Nous sommes prêts à nous investir dans des solutions. Des initiatives sont déjà mises en place. Des recommandations seront faites au printemps 2014 au terme du travail du comité de l'accès sur les soins buccodentaires pour favoriser l'accès pour les clientèles les plus vulnérables. Un projet sera présenté pour soutenir les bienfaits des soins buccodentaires en CHLSD, nous serons en mesure de vous présenter les détails au printemps.

Certaines solutions sont à notre portée, dont l'implantation des infrastructures propices à recevoir des patients. Aucun de ces voeux ne serait vraiment porteur sans une volonté politique claire de votre part. Regardez à gauche, à droite, c'est presque garanti qu'au moins un d'entre nous va vivre l'expérience de vivre dans un CHSLD. L'absence de soins buccodentaires n'est pas un dossier qui concerne les autres. Des décisions législatives importantes doivent être prises pour inclure la santé buccodentaire dans chaque dossier de santé. Ces changements doivent être des pierres angulaires de l'amélioration des services pour les personnes en perte d'autonomie. C'est une responsabilité que vous avez et que nous avons tous envers les citoyens québécois. Merci.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup pour votre présentation, Dr Dolman. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec le groupe formant le gouvernement. La parole est à la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à chacun de vous, Dr Dolman, Dr Lavallière, Dr Caron et Me Daoust. Bienvenue à cette commission parlementaire qui discute de la situation des personnes hébergées en CHSLD. Vous apportez évidemment un dossier très important, qui est la santé buccodentaire pour les personnes qui sont hébergées. Merci beaucoup de votre mémoire et de vos explications que vous nous apportez.

J'aimerais tout d'abord essayer de voir pour quelle raison il y a peu de dentistes qui vont en CHSLD, peut-être élaborer davantage là-dessus. Et vous dites aussi que c'est difficile pour les patients d'aller en clinique privée ou aller visiter le dentiste, ça prend un accompagnateur, souvent c'est assez difficile. Maintenant, pourquoi on ne réussit pas à augmenter le nombre de soins qui sont donnés, là, à nos personnes hébergées en CHSLD?

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Dolman.

M. Dolman (Barry) : Je pense que je vais passer la parole à Dr Lavallière, qui a beaucoup plus d'expérience à l'intérieur du système, peut-être qu'il peut répondre.

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Lavallière.

M. Lavallière (André) : Il y a plusieurs obstacles à l'organisation des services dans les centres d'hébergement. De déplacer les bénéficiaires en cabinet privé devient de plus en plus complexe. On sait que l'alourdissement des clientèles dans les centres d'hébergement rend les déplacements plus difficiles. À l'occasion, le transport adapté, accompagné d'un auxiliaire du personnel de l'établissement… D'offrir les services au sein de l'établissement serait beaucoup plus facile, non seulement des services ponctuels, mais des services organisés de façon plus systématique au niveau de l'ensemble de la clientèle.

Par le passé, la majorité de la clientèle hébergée était complètement édentée, les gens avaient des dentiers. Ça fait qu'en termes de besoins dentaires dans les centres d'hébergement les besoins étaient quand même réduits au minimum. Il y avait des denturologistes qui se déplaçaient, à l'occasion quelques dentistes. Mais actuellement les nouvelles clientèles qui arrivent dans les centres d'hébergement ont des dents. Environ 40 % des gens actuellement dans les centres d'hébergement ont des dents. Bien sûr, ils n'ont pas la totalité de leurs dents, mais les dents qu'ils ont en bouche doivent être maintenues en bonne santé.

Et souvent, dans le processus de la perte d'autonomie, les gens cessent les visites régulières chez leur dentiste. Et, lorsqu'ils arrivent en hébergement, des fois ça fait cinq, 10, 15 ans qu'ils n'ont pas vu le dentiste. Et c'est la raison pour laquelle on dit qu'environ la moitié de ces gens-là ont besoin de soins dentaires soit parce qu'il y a des caries qui sont très grosses, des abcès, des dents qui sont cassées, qui génèrent de la douleur, de la souffrance, des infections dans la bouche. C'est des situations qui sont inacceptables. Comment une personne peut bien s'alimenter si elle n'a pas une condition buccodentaire adéquate?

Maintenant, pourquoi qu'on n'a pas plus de dentistes dans les centres d'hébergement? D'offrir des services dentaires nécessite des conditions minimales pour pouvoir les offrir, c'est-à-dire, ça nécessite des équipements, de l'instrumentation, un espace. Mais il y a un préalable à tout ça, c'est de sensibiliser les gestionnaires à la problématique qui existe, sensibiliser les gestionnaires qu'il y a un problème important en termes de santé dentaire et que ces problèmes de santé dentaire là, on doit s'en occuper au même titre que tous les autres problèmes de santé. Si un bénéficiaire a un problème au niveau du coeur, de l'estomac, au niveau dermatologique, au niveau orthopédique, on va s'en occuper. Pourquoi on ne s'occupe pas d'une partie du corps? C'est comme si on avait exclu la bouche du corps humain.

• (11 h 50) •

On a un système de santé mais excluant la bouche, et c'est une situation qui est un peu inacceptable. Et souvent, dans notre système de santé, au niveau des gestionnaires, ce que j'ai perçu, moi, c'est qu'ils doivent offrir des services de santé, mais souvent, quand on pense services de santé, on pense à des services médicaux, des services infirmiers, mais on oublie qu'il y a des services dentaires aussi qui sont nécessaires pour maintenir une bonne santé. Ça fait que la sensibilisation, je pense, des directives claires de la part du ministère que les soins dentaires sont tout aussi importants que les autres soins médicaux, infirmiers, qui sont nécessaires, est un préalable.

Par la suite, au sein des établissements, c'est certain que la question de la formation… et Dr Caron pourrait en parler, ça nécessite une formation particulière. La majorité des dentistes sont formés pour offrir d'excellents services en cabinet privé, mais le fait d'offrir une formation complémentaire en gérodontologie permet de développer des compétences qui permettent de mieux s'intégrer à l'équipe de soins. Mais progressivement on va devoir déployer ces services-là parce que le besoin est en croissance très, très rapidement actuellement, au Québec, pour des services curatifs, mais aussi pour des services préventifs. C'est bien de rétablir la condition buccodentaire, mais, si on mettait en place des services préventifs dès la perte d'autonomie — on a présenté lors des audiences sur l'assurance autonomie — si on agissait de façon plus précoce, on limiterait énormément les besoins en services curatifs lors de l'hébergement par la suite. Je pense que la réflexion que le ministère de la Santé devrait avoir serait de prendre un peu de recul et de préparer une politique ou une réflexion sur des services véritablement bien intégrés dès le début de la perte d'autonomie jusqu'à l'hébergement et même jusqu'en fin de vie.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Merci beaucoup. On a parlé aussi d'hygiène buccodentaire, c'est très important. On a parlé, hier, avec les nutritionnistes, et tout ça, qui voyaient aussi justement toute la région de la bouche qui est très, très importante et qui est négligée parfois, et que l'hygiène buccodentaire devrait être systématiquement vérifiée.

Vous parlez aussi, dans votre mémoire, qu'on devrait moderniser le cadre réglementaire par rapport à tous les professionnels, justement, qui interviennent dans ce dossier, entre autres pour les hygiénistes dentaires. Nous avons reçu en commission, ici, à un moment donné, les hygiénistes dentaires, qui réclament de pouvoir faire plus d'actes de prévention, entre autres de nettoyage, qu'ils puissent le faire sans avoir la supervision d'un médecin parce que ça leur permettait, avec de l'équipement mobile, d'aller en CHSLD et justement de prévenir des problèmes qui vont, après ça, nécessiter l'intervention des dentistes. Qu'est-ce que vous pouvez nous parler par rapport au cadre réglementaire? Et aussi comment vous voyez d'élargir le cadre de compétence des hygiénistes dentaires?

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Dolman.

M. Dolman (Barry) : Je pense que c'est très important d'éclaircir un petit peu la désinformation qui se propage autour de cette question. D'abord, présentement, il y a quasi-absence des hygiénistes dans les CHSLD. Pourquoi? À l'intérieur des compétences présentes de dépistage, de faire instruction d'hygiène, des choses qui peuvent améliorer l'état de ces citoyens, on peut faire ça demain matin, sans aucune modification de cette législation. Ça, c'est une chose.

Deuxième chose. À l'Ordre des dentistes du Québec, on est prêts dès demain de travailler avec des ordonnances pour encourager un autre futur et une autre modernisation. On n'est pas contre, mais il faut qu'on ait une solution beaucoup plus globale, parce que, quand on regarde, par exemple, juste en Ontario, où ils ont eu certains actes élargis, depuis plusieurs années les tarifs n'ont pas descendu, l'accès n'a pas augmenté. Alors, ce n'est pas juste une question d'augmenter, par exemple, par législation, des actes que les hygiénistes peuvent faire parce que la réalité, c'est la formation de travail avec cette cible de population, c'est très difficile. Je suis en pratique 35 ans, même si je rentre, demain matin, dans le CHSLD, ce n'est pas tout à fait facile de travailler avec ce genre de clientèle. Et c'est des patients hautement médicaments, c'est des patients qui prennent des... un genre de collaboration.

Mais l'Ordre des dentistes est en faveur de faire une collaboration interdisciplinaire avec les hygiénistes. On a fait une proposition il y a plusieurs années, ça a été rejeté par l'Office des professions. On va aller de l'avant encore pour voir si on peut avancer ce contexte d'ordonnances. On a déjà eu des projets dans Sherbrooke, et Dr Caron peut aussi parler de son expérience personnelle. On est ici pour les solutions. Mais comment est-ce qu'on peut avoir une solution de base si, tout au début, avant d'ouvrir la porte, le patient n'est pas examiné, il n'y a pas un diagnostic, il n'y a personne qui regarde la bouche? Pour moi, c'est une pierre angulaire d'avoir un diagnostic chez le dentiste avant de réagir. Après ça, tout le reste du voyage peut être fait facilement.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Merci, Mme la Présidente. Effectivement, vous avez affaire à une clientèle qui est quand même difficile, différente de ce que vous voyez en clinique privée, parce que ça prend la collaboration puis ce n'est pas évident que les gens vont vouloir collaborer. Surtout s'il y a de la douleur ou quoi que ce soit, ce n'est pas évident que vous pouvez avoir la collaboration. On en entend parler aussi pour tous les soins que… pour les personnes qui sont en perte d'autonomie, mais aussi en déficit cognitif. J'aimerais peut-être avoir un aperçu de la formation qui est donnée aux dentistes pour cette clientèle particulière, si vous pouvez nous parler de formation spécifique pour les personnes aînées.

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Caron.

M. Caron (Christian) : Oui. Moi, je voudrais commencer par vous dire que ce n'est pas seulement les dentistes qu'il faut former, il faut former l'ensemble des gens qui entourent la personne âgée, y compris les proches aidants, pour le suivi quotidien des soins à faire pour la bouche. Je ne réponds pas à votre question, mais je vais y venir.

Ce qui est important dans… Ça, au niveau des dentistes, présentement, dans les facultés dentaires, on essaie d'instaurer de plus en plus des parties de cours et des contacts directs avec cette clientèle parce qu'une des réalités, c'est que c'est une clientèle qui est quand même peut-être plus difficile à traiter puis, présentement, à cause du manque de structure qu'on a dans l'offre des soins, c'est plus difficile pour un dentiste ou un jeune dentiste qu'on forme de voir comment pourrait être son avenir en traitant cette population-là.

Donc, ce qui manque, dans le fond, comme je l'ai dit, c'est une structure à laquelle le dentiste pourrait s'intégrer pour offrir les soins. Ça devient extrêmement difficile pour eux. Il y a des exemples épars de petites cliniques dentaires mobiles qui se forment, il y en a quelques-unes au Québec, mais c'est très peu. Et, si on veut régler le problème d'une façon plus définitive, la formation doit être amplifiée, mais il faut aussi voir aussi quel genre de carrière on peut offrir à ces gens-là qui vont se dédier à cette population-là qui est plus difficile. Ça leur prend une infrastructure à la fois fixe dans certains endroits, mais aussi mobile, parce qu'il y a des gens qu'on ne pourra pas atteindre avec un cabinet traditionnel. Même si on en mettait dans les CHSLD publics, on sait combien qu'il y a des petites résidences privées, semi-privées conventionnées qui ont quand même moins de lits et qui ne pourraient pas voir une clinique dentaire.

Donc, on a besoin d'un modèle qui est diversifié pour aussi structurer, qui fait que les jeunes dentistes, une fois formés, vont pouvoir voir : Où est-ce que je peux m'intégrer, moi, dans ce système de santé là, et aussi comment est-ce que je vais pouvoir aussi, en faisant ça, être capable de gagner ma vie honorablement?, dans le sens où cette clientèle-là, comme vous l'avez dit, nous demande beaucoup plus de temps à traiter, et souvent on a des gens qui ne coopèrent pas. Présentement, le système de rémunération à l'acte fait en sorte que, lorsqu'on traite un patient et qu'il ne coopère pas, bien l'acte ne se fait pas et donc il n'y a pas de facturation possible.

Donc, c'est un ensemble d'éléments qui fait qu'au niveau de la formation on l'accélère, mais il faut aussi qu'on voie ce qui va venir après. Présentement, on a fait un programme de deuxième cycle, nous, donc on forme des spécialistes en gérodontologie qui justement apprennent tous les problèmes de comportement associés à des gens qui sont atteints de démence, la gestion de ces patients-là, toute la question du patient qui est médicalement compromis. Alors, chez le patient gériatrique, c'est aussi ça, c'est un patient qui est en perte d'autonomie, mais qui a une panoplie de médicaments et de problématiques médicales qui fait que la pratique du dentiste devra être modifiée, si ce n'est, par exemple, que, lorsqu'on extrait une dent, il faut vérifier qu'il n'y a pas d'anticoagulants pour ne pas mettre à risque le patient.

Et, dans cette optique-là, je reviendrai un peu sur ce que Dr Dolman a dit, et c'est pour ça qu'on insiste aussi autant pour dire qu'avant qu'un patient soit traité par d'autres professionnels de la santé pour leur bouche, il faut qu'il y ait en premier lieu un diagnostic et une évaluation du patient pour sa sécurité aussi. Donc, c'est aussi dans cette optique-là qu'on amène cette venue-là. On pense que les autres professionnels vont pouvoir venir nous aider à endiguer ce problème, qui est important, là, sauf que, comme je vous dis, il faut qu'il y ait, préalablement à ça, une évaluation qui soit faite.

Pour ce qui est de la formation des autres intervenants que je dis, c'est très important qu'on forme les gens qui sont en CHSLD, les infirmières. Les infirmières, c'est tellement important qu'elles reçoivent une formation sur la santé buccodentaire parce que c'est elles vraiment qui coordonnent les soins dans les résidences, c'est elles qui…

• (12 heures) •

La Présidente (Mme Proulx) : M. Caron, désolée, le premier bloc est épuisé. Vous allez peut-être pouvoir poursuivre dans les échanges avec la députée de l'opposition officielle. La parole est maintenant à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci, Mme la Présidente. Dr Dolman, Dr Lavallière, Dr Caron, Me Daoust, vous pouvez poursuivre sur ce que vous parliez, là…

M. Caron (Christian) : Je vais y aller brièvement.

Mme Blais : …concernant la formation, parce qu'hier on a reçu l'Ordre des infirmières, et elles nous parlaient comment c'était important, et la différence entre une infirmière et un préposé, et comment, quand l'infirmière faisait l'acte de nourrir la personne, il y avait toute une évaluation. Donc, vous êtes en train de dire : Il faut aller plus loin aussi pour la formation buccodentaire.

M. Caron (Christian) : Ce que je disais, c'est que les infirmières, c'est une personne pivot et c'est elle qui gère les gens qui vont prendre soin au quotidien de la personne. Il y a un plan de soins qui est fait, le plan de soins buccodentaire doit être intégré et plus suivi que ce l'est présentement. Et ça, ça va venir par la formation de ceux qui disent aux autres qu'est-ce que vous devez faire avec ce patient-là.

Donc, dans mon élan tout à l'heure, ce que je disais, c'est que les infirmières, on doit les former pour deux choses principalement. Un, détecter les anormalités rapidement pour qu'il y ait une référence rapide. Nous, les dentistes, c'est beaucoup plus facile de traiter une petite lésion qu'une grosse lésion d'une dent ou une dent qui est détruite. Donc, on veut intervenir précocement. Deuxième chose, elles doivent comprendre un peu qu'est-ce qu'il y a dans une bouche, parce qu'il y a toutes sortes de types de prothèses maintenant. Maintenant, il y a des implants, il y a des prothèses fixes, il y a des prothèses amovibles. Il faut qu'elles connaissent un peu ce qui se passe, les principales pathologies qu'on retrouve dans la bouche, mais vraiment dans un but pas de diagnostic, mais de détecter l'anormalité de la normalité pour qu'on ait une référence rapide, donc, toute, aussi, la prise en charge au quotidien pour qu'elle puisse elle-même, après ça, au niveau de ses préposés, faire une certaine formation, un suivi, etc. Donc, on a aussi à former ces gens-là, et c'est beaucoup par eux, par ça qu'on va réussir à intégrer de la prévention puis de réduire la force de caries comme on le voit présentement. Donc, il y a ça.

Les proches aidants, c'est la même chose, il faut aussi qu'on ait un programme. On le fait, nous, avec la société d'Alzheimer, où on a introduit un programme de formation pour les aidants. Pour les infirmières, on a un cours qui va se donner ici, à l'Université Laval, qui va être de 45 heures, pour justement préparer les infirmières à cette tâche-là.

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Dolman.

M. Dolman (Barry) : Juste pour un complément. Je peux dire que moi, j'ai passé cinq ans avec le président présent de l'Ordre des infirmières dans un CHSLD quand j'ai suivi une longue maladie de ma mère qui est finalement décédée d'Alzheimer. Alors, j'ai vu toute la détérioration d'elle et aussi des personnes sur l'étage. J'ai eu beaucoup de conversations avec le président de l'Ordre des infirmières du Québec, et c'est évident qu'on ne peut pas nécessairement juste cibler ou le dentiste, ou les hygiénistes, ou de changer un petit peu de législation, il faut avoir le portrait de cette situation et essayer d'agir avec un programme interdisciplinaire pour voir, avec des préposés, des infirmières, tout le monde qui travaille à l'intérieur de… pour aider ces citoyens, pour donner une vie avec un petit peu de dignité.

J'ai écouté un petit peu l'histoire, il y a à peu près une demi-heure, vis-à-vis la question d'être capable d'avoir un bain dans un CHSLD. Ça, c'est des choses qui sont vraies. Alors, tu peux voir que la bouche devient quelque chose d'un petit peu oublié. Mais c'est tellement important pour le futur des citoyens, parce que, pour revenir à la conclusion, les citoyens qui vont rentrer dans des CHSLD, c'est nous.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Vous me direz si je me trompe, mais j'ai comme l'impression qu'en quelque part il y a peut-être une difficulté d'accès. Moi, par exemple, si je vais chez le dentiste, je dois payer si je n'ai pas d'assurance. Et, à un moment donné, quand on se retrouve, les personnes plus âgées, en CHSLD, et même les personnes en situation de handicap, plus jeunes… Comment êtes-vous rémunérés? Comment ça fonctionne? Je veux comprendre ça. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles c'est beaucoup plus difficile d'avoir des dentistes en CHSLD ou si je me trompe?

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Dolman.

M. Dolman (Barry) : …de rémunération, je pense que Dr Lavallière peut répondre, mais c'est selon le même barème que le patient va payer pour l'hébergement.

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Lavallière.

M. Lavallière (André) : Actuellement, au Québec, il y a des services assurés par la Régie de l'assurance maladie du Québec pour les enfants de zéro à neuf ans, pour les prestataires de l'aide de dernier recours. Mais, pour les personnes, les adultes qui ne sont pas sur l'aide sociale ou les personnes âgées, il n'y a aucun service assuré.

Pour les clientèles qui sont en hébergement, il y a une directive administrative, il y a une politique pour les besoins spéciaux, c'est-à-dire que la personne qui est hébergée, si elle est admissible au supplément de revenu garanti, à ce moment-là, il y a un budget au sein de l'établissement qui permet de contribuer aux honoraires qui sont demandés pour ces traitements.

En Estrie, on a réussi à développer des services en centre d'hébergement où est-ce que le dentiste est rémunéré par la Régie de l'assurance maladie du Québec, rémunéré à salaire. Le dentiste n'est pas rémunéré à l'acte. Et, à ce moment-là, lorsque les services sont rendus au sein de l'établissement, les honoraires, vu que les services ne sont pas assurés par la Régie de l'assurance maladie du Québec, l'établissement doit facturer le bénéficiaire pour les services qui sont rendus. Ça fait qu'à ce moment-là il y a une facturation qui est faite, mais l'argent appartient à l'établissement. Et cet argent-là peut permettre de payer l'assistante dentaire, l'hygiéniste dentaire, les fournitures, les matériaux, ce qui fait que les services, lorsque le dentiste est rémunéré à salaire par la Régie de l'assurance maladie du Québec, de développer des services au sein d'un établissement de santé, les services peuvent presque s'autofinancer.

Ce ne serait pas une charge financière très, très, très importante pour des établissements. Les gens qui ont des revenus paieraient pour leurs services, les gens qui sont vraiment à très, très faibles revenus, la politique pour les besoins spéciaux vient améliorer beaucoup l'accessibilité, Et, à l'occasion, pour certains clients, les tarifs sont réduits vraiment pour favoriser l'accessibilité. Ça fait qu'en hébergement la contrainte financière, elle est relativement atténuée. Pour les clientèles qui sont en perte d'autonomie à domicile, et tout ça, là il y a un problème majeur en termes de barrière financière, sur lequel on devrait se pencher. C'est la raison pourquoi on s'était présentés, lors de l'assurance autonomie, pour essayer d'atténuer cette barrière financière là.

Mais, au niveau des établissements, actuellement il y a des modalités. Une des grosses difficultés qu'on a, c'est d'obtenir l'autorisation du ministère de la Santé pour rémunérer un dentiste à salaire ou à tarif horaire. Ça, il y a un obstacle majeur qui est là depuis 10 ou 15 ans. Et, à chaque fois qu'au sein d'un établissement on demande des heures pour rémunérer un dentiste à tarif horaire ou à honoraires fixes, on doit se battre avec le ministère de la Santé. Et ça ne devrait plus exister en 2014. Le besoin, il est là, il est énorme, et il devrait nécessairement y avoir un assouplissement de la part du ministère pour attribuer beaucoup plus d'heures pour que les établissements puissent organiser beaucoup plus facilement les services au sein de leur établissement.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : On se rend compte de l'importance de cette commission parlementaire, parce que, si on veut améliorer les conditions de vie des personnes, des adultes qui sont dans les CHSLD… et, quand vous venez nous dire qu'en 2003, quand il y a eu les orientations ministérielles favorisant les milieux de vie, puis que vous n'étiez pas là, puis que vous n'êtes à peu près pas là ou un peu, puis que là vous faites un projet pilote à Sherbrooke, ça veut dire que ce n'est pas rendu partout à travers le Québec. J'aimerais que vous nous parliez de votre projet pilote à Sherbrooke et comment ça pourrait changer la qualité de vie des gens.

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Lavallière.

• (12 h 10) •

M. Lavallière (André) : C'est plus qu'un projet pilote. Les services dentaires en hébergement existent depuis 30 ans à Sherbrooke. La fusion des établissements a fait en sorte qu'on a pu étendre les mêmes services dans les autres installations, ce qui fait que les quatre installations en hébergement à Sherbrooke sont desservies. On a installé des équipements fixes au niveau du CSSS-IUGS. Il y a des équipements fixes dans chacun des établissements avec des lève-patients. Si le patient arrive en chaise roulante, en fauteuil gériatrique ou même sur une civière, on peut soulever le patient avec un lève-patient qui est sur rail au plafond. Le patient est déplacé au-dessus de la chaise dentaire et déposé en toute sécurité.

On a deux dentistes qui desservent les quatre installations, et ça fonctionne très, très bien. C'est un mode qui fonctionne bien, mais il ne faudrait pas se limiter à ce mode-là. Il pourrait y avoir de la rémunération à l'acte ou d'autres modes de rémunération. Je pense qu'on doit s'asseoir, au Québec, il y a un problème qui est là, qui est identifié, il faut s'asseoir et collectivement trouver des solutions. Les ordres professionnels, le ministère, ça interpelle plusieurs partenaires, ça implique de la formation. Il faut s'assurer que le brossage des dents… qu'il y ait au moins un brossage de dents de fait quotidiennement. On sait qu'il y a des bénéficiaires qui n'ont pas eu les dents brossées depuis plus d'un mois, O.K.? Il y a des situations… Il y a des bénéficiaires qui sont en situation de dépendance et même de situation de négligence en termes d'hygiène. On pense beaucoup à l'hygiène corporelle, mais l'hygiène de la bouche doit se faire quotidiennement aussi, et ça fait partie de la problématique.

Ça fait que, oui, c'est possible d'organiser les services, mais moi, je souhaite beaucoup plus que des petits projets pilotes à gauche et à droite. Je pense que ça nécessite une réflexion, au niveau national, de bien se pencher sur la problématique, de bien planifier les services, de bien coordonner les services en question. La dentisterie au Québec, c'est une multitude de cabinets privés, mais sans coordination au niveau national, c'est-à-dire qu'un système de santé, c'est la responsabilité de l'État de s'assurer que les services de santé rejoignent les gens qui en ont le plus besoin.

Et on sait qu'au niveau de la santé dentaire, ce qu'on offre en cabinet privé, c'est très, très bien, mais on sait qu'il y a des clientèles qui sont complètement oubliées au Québec, dont la clientèle en hébergement. Et il faut se pencher sur cette problématique-là au niveau collectif et arriver avec quelque chose qui est… pas une multitude de petits programmes à gauche et à droite et une multitude de petits projets pilotes. Je pense qu'on doit vraiment s'asseoir et aller vers une politique de santé dentaire qui pourrait inclure la fluoration, les services dentaires pour les enfants, les services en cabinet privé, mais aussi tous les services qui sont nécessaires pour les clientèles les plus vulnérables.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Je voulais dire «initiative», j'ai dit «projet pilote». Et, vous me corrigerez si je me trompe, mais j'ai comme l'impression que, dans les ordres professionnels, ça se heurte beaucoup et c'est ça qui fait en sorte que parfois on a beaucoup de difficultés à avancer, là. À un moment donné, j'ai entendu que l'ordre des professions rejetait l'idée d'alliance avec les hygiénistes dentaires. Vous pourriez, je ne sais pas, faire un front commun aussi avec l'ordre des nutritionnistes, des diététistes. Je pense que ça va ensemble, ça. Plus vous serez d'ordres ensemble pour faire avancer le dossier, je pense que vous pourriez défoncer des portes. Mais j'ai comme l'impression que c'est cloisonné puis que tout le monde travaille en silo. Est-ce que j'ai raison ou si je me trompe?

La Présidente (Mme Proulx) : Dr Dolman.

M. Dolman (Barry) : On essaie beaucoup d'ouvrir les portes et d'avoir un dialogue respectueux avec tous les intervenants parce que c'est la seule façon qu'on peut déclencher un processus à travers le Québec. La réalité, c'est, en bureau privé, les dentistes, les hygiénistes, les denturologues, tout le monde travaille en collaboration tous les jours. Et je pense qu'il y a une façon de faire le même geste pour essayer de trouver des solutions pour les citoyens. Mais il ne faut pas nier le fait qu'à l'intérieur de toutes les démarches on parle toujours de la santé de la bouche, de la santé. Il y a quelque chose qui ne marche pas. La santé, c'est la santé de la bouche, la santé des yeux, la santé des oreilles, des poumons.

Il faut déclencher un processus important, que chaque fois, parmi vous autres en train de regarder une législation, des plans d'action pour la santé, que ce n'est pas une question de faire un plan, un diagnostic et, après ça, de regarder : Bon, la bouche. Il faut que la santé ça va englober la santé de la bouche, des oreilles, les yeux, le coeur parce que l'intégration de la santé, c'est une pierre angulaire vis-à-vis la médecine. Et le dentiste est un docteur. Et, si on quitte cette salle et on commence à oublier cet objectif principal de l'Ordre des dentistes du Québec, c'est difficile d'entraîner un futur qu'ensuite, si c'est le DSQ, l'accès, le diagnostic… C'est complètement normal, si, par exemple, tu vas chez le médecin, que le médecin va regarder en bouche, même s'il n'est pas dentiste. C'est la même chose par exemple, dans le CHSLD. Quand tu regardes, par exemple, l'évaluation à la porte, je pense que c'est tout à fait normal que quelqu'un regarde la bouche, pas juste les yeux pour voir si le patient si a une cataracte, pas juste les oreilles, pas juste de regarder si le patient a une haute pression, pas juste si le patient a un diabète. Il faut regarder l'ensemble, et ça, c'est la clé pour les actions dans le futur.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Il me reste un petit peu de temps encore. On va recevoir la fédération des sociétés Alzheimer du Québec. Quand vous êtes confrontés à soigner une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer — puis on sait qu'il y a une évolution — comment vous faites? Comment vous vous y prenez pour traiter cette personne qui n'est pas toujours volontaire à vouloir? Écoutez, moi, je n'aime pas bien ça aller chez le dentiste, vous vous imaginez, des fois, des personnes qui sont en déficit cognitif.

Le Président (M. Bergman) : Dr Dolman.

M. Dolman (Barry) : J'étais avec ma mère pour cinq ans, j'ai vu une détérioration à travers les années. C'est une situation qui prend beaucoup de patience, beaucoup de patience de toutes les personnes qu'ils ont encadrées à l'intérieur du système : le dentiste, l'infirmière, le préposé. C'est quelque chose, c'est un défi énorme. C'est un défi énorme pour les familles, pour l'institution et pour l'État. Et c'est difficile à dire, mais ça va augmenter avec les années qui vont venir. Parce que, si vous êtes entourés avec tous les spécialistes du monde, des fois le patient ne veut rien savoir, et ça prend beaucoup de courage à tout le monde. Mais peut-être Dr Caron peut donner un petit peu son idée.

Le Président (M. Bergman) : Dr Caron.

M. Caron (Christian) : En complément, ce que je pourrais dire, c'est que… rapidement, c'est que, ces gens-là, là, on peut les segmenter aussi en diverses clientèles. Tu as les gens qui, plus en début de maladie, ont besoin de stimulation, d'autres qui ont besoin de stimulation et d'aide, par exemple, au brossage quotidien, et ceux qui sont plus loin dans la maladie, où, là, eux ont vraiment de la difficulté de coopération, tant pour les soins quotidiens que pour les nôtres, nos soins.

Mais le jeu dans ça qui est important, c'est qu'il ne faut pas attendre à l'entrée des CHSLD pour faire quelque chose. Il faut que, dès que les gens sont sur un programme de soutien à domicile, qu'on commence, à ce moment-là, la prévention pour réduire le fardeau des caries qu'on va avoir lorsqu'ils vont être hébergés.

Donc, si déjà on endigue une partie du problème avant qu'ils rentrent en hébergement par… Par exemple, il y a des infirmières de soutien à domicile qui y vont, on peut penser à des visites à domicile pour être capables d'engendrer une prévention plus agressive, pour que, quand on arrive au niveau de l'hébergement puis qu'on a fait un bon examen à l'entrée, après ça on ait un suivi qui va demander moins d'interventions. Et ça, c'est important parce qu'il faut agir en amont de l'hébergement, au moment où la perte d'autonomie commence à se développer, et ça, là, c'est un message très important de prévention qui coûte beaucoup moins cher à l'État que d'offrir des soins et de structurer toute une machine pour donner des soins.

Donc, c'est important que vous réfléchissiez à ça, même si on parle ici, là, de la qualité de vie en hébergement parce que c'est un corollaire, si on commence à l'avance à avoir cette qualité de vie là… parce qu'une bonne qualité de vie… aussi, une santé buccodentaire, c'est synonyme d'une bonne qualité de vie pour le patient.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Dr Dolman, Me Daoust, Dr Lavallière, Dr Caron, merci d'être ici avec nous, partager votre expertise avec nous.

Et je demande aux gens de la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer pour prendre place à la table et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 12 h 20)

(Reprise à 12 h 21)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on souhaite la bienvenue à la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer. Bienvenue. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Pour les fins d'enregistrement, on a besoin de vos noms et vos titres. Et le prochain 10 minutes, c'est à vous.

Fédération québécoise des sociétés Alzheimer (FQSA)

Mme Lalande (Lise) : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour à tous. Je me présente, mon nom est Lise Lalande et je suis la directrice générale de la Société Alzheimer Laval et de sa Maison Francesco Bellini. Je suis accompagnée aujourd'hui de Geneviève Grégoire, qui est directrice générale de la Société Alzheimer de la Rive-Sud et de la Maison au Campanile, elle est également membre du conseil d'administration de la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer; et de ma collègue Ginette Labrosse, qui est une conseillère spécialisée à la Société Alzheimer Laval et responsable de la formation professionnelle.

Mes collègues et moi représentons aujourd'hui la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer et ses 20 sociétés régionales. Nous vous remercions de nous avoir invitées à participer à cette importante réflexion sur les conditions de vie des adultes hébergés en centre d'hébergement et de soins de longue durée. La mission commune de nos organismes est d'alléger les conséquences sociales et personnelles de la maladie d'Alzheimer et des maladies apparentées, d'aider les personnes atteintes, les proches aidants, ainsi que de promouvoir la recherche.

Nous souhaitons représenter aujourd'hui les personnes touchées par la maladie d'Alzheimer, défendre leur cause et leurs droits. Notre intention n'est pas tellement de porter un jugement sur ce qui se fait ou ne se fait pas en centre d'hébergement et de soins de longue durée, mais plutôt de partager avec vous notre philosophie d'intervention et notre expérience en matière d'accompagnement et d'hébergement de personnes atteintes de troubles cognitifs. Notre expertise vise une majorité d'adultes qui résident en CHSLD, soit les personnes qui présentent des déficits cognitifs. J'aimerais aussi ajouter que notre philosophie d'intervention est pertinente à tout être humain et correspond tout à fait aux orientations et aux sept principes directeurs du ministère de la Santé et des Services sociaux quant à la philosophie et aux pratiques qui doivent prévaloir en CHSLD.

Depuis plus de 30 ans, le Mouvement Alzheimer québécois met en pratique et préconise l'approche humaniste centrée sur la personne dans l'aménagement et la prestation de services de soutien et de soins. Nous recommandons cette approche parce qu'elle continue de faire ses preuves au quotidien en permettant une meilleure qualité de vie aux résidents, en favorisant la présence et la participation des proches et parce qu'elle permet aux divers membres de l'équipe soignante de se sentir appréciés et valorisés, ce qui contribue de façon importante à une meilleure rétention du personnel. Par exemple, à la Maison Francesco Bellini, nos résidents sont accompagnés par 20 employés permanents, et la moyenne d'eux ont 4,6 années d'ancienneté.

L'approche humaniste, centrée sur la personne, reconnaît l'individualité de chaque être humain, son droit à la dignité et au respect. Elle mise sur les ressources et les capacités de la personne et n'est pas guidée par les déficits. Elle exige une souplesse organisationnelle qui s'adapte à la personne. Tous les membres du personnel — et là j'inclus la direction — doivent apprendre à connaître chaque résident, ce dernier étant considéré comme l'expert de sa routine et de ses besoins. Lorsque la personne n'est plus en mesure de le faire elle-même, les proches jouent un rôle crucial en relayant les informations pertinentes.

En s'appuyant sur cette philosophie, les cinq maisons d'hébergement des sociétés Alzheimer du Québec offrent des milieux de vie où les résidents, le personnel et les familles sont appréciés et respectés et où ils sont traités comme des partenaires égaux dans la planification et la coordination des activités quotidiennes et des décisions en matière d'accompagnement et de soins. C'est à partir d'une vision différente des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer que l'implantation d'une approche centrée sur la personne peut se concrétiser. Elle n'est ni utopique, ni irréalisable, mais elle exige de changer les façons de penser et, bien sûr, de faire.

Les sociétés Alzheimer du Québec souhaitent que l'approche centrée sur la personne devienne la norme non seulement dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée, mais également dans toutes les résidences et établissements de soins de santé au Québec. Le respect de notre approche d'intervention repose sur l'engagement de chacun des membres du personnel, qui doivent tout d'abord être recrutés non seulement pour leur savoir-faire, mais tout autant pour leur savoir-être. Ils doivent bien connaître chaque résident, être sensibles à leurs besoins spécifiques. L'accompagnement de la personne doit toujours avoir priorité sur les tâches à accomplir. La relation de confiance qui est établie entre l'intervenant et le résident permet de mieux comprendre la personne atteinte, ce qui diminue les frustrations reliées aux pertes cognitives et qui peuvent mener à des comportements déroutants.

La qualité de vie est soutenue par un environnement souple où la personne est maître de son horaire, encouragée à collaborer et à participer aux activités de la vie quotidienne. Dans nos maisons, chacun se lève et se couche à l'heure qui lui convient, peut choisir ce qu'il veut pour le petit déjeuner, reçoit sa famille sans restriction d'heures, etc. Notre modèle d'hébergement permet une transition aussi beaucoup plus douce entre le domicile et le milieu d'hébergement, qu'elle se rapproche du milieu familial. Nous croyons qu'il est important d'aménager des milieux de vie qui accueillent un maximum de 12 personnes et qui permettent la poursuite d'activités de la vie quotidienne telles que se faire un petit déjeuner, un goûter, faire du jardinage, avoir des espaces aussi pour recevoir nos proches.

Chacun de nous a une définition bien différente et personnelle de ce qu'est la qualité de notre vie. Il y a toutefois des critères qui sont communs à tout le monde : le besoin d'intimité, l'importance de contrôler sa vie quotidienne et de faire des activités qui nous intéressent. Tous ceux qui participent à la vie des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée doivent savoir ou apprendre que ces personnes sont capables d'éprouver du plaisir, de la satisfaction, peu importent les changements et les pertes de facultés. La maladie d'Alzheimer ne dépossède pas la personne de sa capacité d'apprécier, de réagir, de ressentir des sentiments comme la colère, la peur, l'amour, la tristesse, la joie. Reconnaître les capacités, les intérêts et les compétences permanentes de la personne aide à conserver le plus longtemps possible ses habiletés et à améliorer sa qualité de vie.

Le personnel des centres d'hébergement et de soins de longue durée doit reconnaître qu'il joue un rôle majeur dans la qualité de vie de la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer et de celle de ses proches et rechercher les stratégies d'accompagnement et de soins qui permettront à tous une meilleure qualité de vie. La qualité de vie doit servir de point de mire dans l'accompagnement et les soins prodigués à la personne. Enfin, il est possible d'apprendre à faire autrement et ainsi d'atteindre un meilleur équilibre entre l'accompagnement et les tâches à accomplir.

Les sociétés Alzheimer du Québec travaillent déjà avec les instances locales et régionales du ministère de la Santé et des Services sociaux. Il est évident que les orientations ministérielles en matière d'hébergement sont en accord avec celles de la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer et de nos 20 sociétés régionales. C'est pourquoi nous souhaitons étendre ce partenariat à notre programme de formation professionnelle, sur l'approche humaniste centrée sur la personne et à l'accompagnement des équipes de travail à l'intérieur des CHSLD. La mise en pratique de notre philosophie promet un impact positif majeur sur la qualité de l'accompagnement et des soins offerts aux résidents qui présentent particulièrement des déficits cognitifs. De plus, nous savons qu'elle permet de contrer les problèmes de recrutement, de rétention et de valorisation du personnel.

En terminant, on a un petit exercice très simple pour évaluer la condition de vie dans un CHSLD. On se demande : Est-ce qu'on travaille chez nos résidents ou est-ce qu'ils vivent dans notre milieu de travail? Merci.

Le Président (M. Bergman) : Merci, Mme Lalande. Maintenant, pour le bloc du gouvernement, Mme la députée de Sainte-Rose.

• (12 h 30) •

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Lalande. Bonjour, mesdames qui accompagnez Mme Lalande. Je pense que votre dernier commentaire est assez percutant. Je pense que l'image est très forte. Je trouve ça extrêmement intéressant. On aura beaucoup de questions, là, sur votre présentation, mais moi, j'en ai une pour vous, à titre de Société Alzheimer de Laval. Vous savez, dans mon comté de Sainte-Rose, il y a un CHSLD, qui s'appelle Sainte-Rose-de-Lima, que vous connaissez probablement, sûrement, que j'ai eu l'occasion d'aller visiter et dans lequel ils ont implanté ce qu'on appelle une salle multisectorielle, selon l'approche, là, Snoezelen, et j'ai été vraiment impressionnée de voir ça. Il y avait là une douzaine de personnes avec des graves problèmes cognitifs, et on nous disait : Ces personnes-là sont là, ici, parce qu'elles ont beaucoup de problèmes de comportement, elles font de l'errance, elles sont très agitées, tout ça, et il y régnait un calme, un apaisement dans cette salle-là. J'aimerais ça que vous me parliez un peu de… Vous, comme société Alzheimer, est-ce que vous avez analysé un peu cette approche-là? Est-ce que vous pensez que l'implantation de ces salles multisectorielles… multisectorielles! pardon, multisensorielles peuvent être quelque chose d'intéressant, là, à implanter un peu partout?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lalande.

Mme Lalande (Lise) : Oui, effectivement, je pense que c'est certainement un plus, un positif, d'avoir des activités de ce type-là dans les résidences, mais toute la vie, tous les jours de la semaine et non pas à des heures précises. On doit quand même avoir un regard sur la qualité de vie des gens qui vivent là, ils doivent choisir eux-mêmes. Et, si on est bien dans notre milieu de vie, si on se sent bien accompagné, en sécurité, mais aussi maître de notre quotidien, il y a moins de frustration. Alors, je pense que, oui, toutes ces activités sont intéressantes, mais la base de la vie, l'heure à laquelle on se lève, ce qu'on mange, comment on véhicule nos activités, comment est-ce qu'on vit notre journée, c'est ce qui va contribuer beaucoup à notre bonheur et puis possiblement à moins de stress et de frustration.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui. En fait, ce dont je vous parlais, c'est… il y a cette salle multisensorielle, mais c'est beaucoup plus toute une approche où il y a un étage vraiment complètement dédié à des personnes qui sont plus atteintes et qui fait en sorte que ces personnes-là ont une liberté. Si ça leur tente de se promener toute la nuit, elles peuvent déambuler. Si ça leur tente de manger à trois heures de l'après-midi, elles ont l'opportunité de le faire. Alors, c'est vraiment une approche centrée sur les personnes et ça rejoint un peu votre approche humaniste, là.

Mme Lalande (Lise) : Exactement. Et c'est ce qu'on promouvoit, de permettre à ces gens-là de vivre à leur rythme. Ce n'est pas très compliqué. C'est plus compliqué à faire dans un système, mais ce n'est pas si compliqué.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : En fait, il suffit de s'organiser en fonction de ça.

Mme Lalande (Lise) : Exactement. Et puis il y a beaucoup… Bon, souvent on va dire : Mais comment on peut organiser le matin si on ne lève pas tout le monde à la même heure? Mais, justement, c'est beaucoup plus simple de les accompagner à leur rythme. Chez nous, bien, il y en a qui vont se lever à 7 heures, d'autres, 7 h 30, d'autres, 9 h 30, 10 heures. Alors, l'équipe a le temps d'accompagner chaque résident dans sa petite routine du matin. Il y en a qui préfèrent déjeuner en robe de chambre puis d'autres qui disent : Bien, moi, j'aimerais ça faire ma toilette, m'habiller avant d'aller déjeuner. Mais on a le temps de le faire parce qu'on n'a pas un système rigide, on a une souplesse dans notre horaire. Et nos intervenants, ils ont une souplesse dans leur possibilité de faire autre chose. Ils ne font pas que donner des bains, qu'accompagner une personne à une activité, ils vont accompagner la personne, c'est ce qu'elle veut faire, on la suit, on est là pour l'accompagner, l'aider.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui. Je vais laisser ma collègue députée des Îles-de-la-Madeleine…

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, ça me fait plaisir de vous rencontrer. Puis c'est un dossier qui me tient vraiment à coeur. Je suis la porte-parole pour la société Alzheimer des Îles-de-la-Madeleine… c'est Gaspésie—Les Îles-de-la-Madeleine, je suis la porte-parole pour la Marche de la mémoire aux Îles-de-la-Madeleine. Alors, je marche fièrement, en juin, avec toutes les personnes qui veulent bien le faire pour amasser les sous. Ça fait que c'est un dossier qui me tient à coeur aussi de façon personnelle. Maintenant, alors, bienvenue.

Et j'aimerais savoir de votre part qu'est-ce que vous pensez, en CHSLD, les personnes qui sont hébergées, qui ont la maladie, qui sont atteintes de la maladie d'Alzheimer, comment vous percevez la vie de ces gens-là en CHSLD, étant donné que c'est le but de notre commission d'essayer de voir la situation des personnes hébergées, les personnes qui sont atteintes d'Alzheimer puis voir vos recommandations, peut-être voir un peu un état de situation, vu qu'on n'a pas vu, là, exactement votre perception de ce qui se passe dans les CHSLD, et vos recommandations par rapport à la vie des personnes qui sont hébergées.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lalande? Mme Grégoire.

Mme Grégoire (Geneviève) : Bien, écoutez, je pense que, dans le milieu des CHSLD, je pense qu'il y a de plus en plus le souhait de créer des milieux de vie justement, pas nécessairement juste pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, mais pour tous les résidents de la maison, donc je pense qu'il y a un souhait qui… Et je le dis assez fièrement parce que je suis aussi sur le conseil d'administration du CSSS Pierre-Boucher, alors je sais ce qui se passe dans les sept CHSLD de mon CSSS. Donc, je peux dire que c'est une vision qui apparaît clairement dans plusieurs endroits, de créer des milieux de vie avant de créer des milieux de travail pour les gens qui y sont.

Alors donc, je crois que, si on pouvait multiplier cette philosophie-là dans les CHSLD, c'est sûr qu'en termes d'organisation du travail c'est une chose, je pense que ça prend des gestionnaires qui ont la vision de vouloir un peu changer les choses et d'axer évidemment les responsabilités des gens sur les personnes plutôt que sur les tâches, ça demande un revirement un peu de situation ou, en tout cas, on change la direction, mais je pense que le souhait de vouloir donner une qualité de vie à nos aînés et surtout aux gens qui sont atteints de la maladie d'Alzheimer, elle est présente dans nos CHSLD. C'est un soutien et une formation qu'il faut leur donner par rapport à l'approche que nous, on prône évidemment dans nos sociétés Alzheimer où on a de l'hébergement.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Merci. Mais est-ce que, la situation, d'après vous, à travers le Québec, est-ce que vous avez une vision un peu plus générale? Quelle serait la situation à travers le Québec? Est-ce que ça répond justement à l'approche humaniste, centrée sur la personne, ce qui est magnifique? Et quelles recommandations avez-vous à apporter?

Le Président (M. Bergman) : Mme Grégoire.

Mme Grégoire (Geneviève) : Je pense que, en fait, ce vers quoi les CHSLD devraient tendre, c'est d'aller vers une approche centrée sur la personne, donc de donner la formation à leur personnel dans ce sens, pour moi, ça, c'est important. On peut connaître le savoir-faire… le savoir-être, c'est une chose, mais le savoir-faire, c'en est une autre, et, quand on parle de la maladie d'Alzheimer, c'est un contexte particulier d'approche. Évidemment, chaque personne est différente, chaque personne est atteinte différemment, donc, je pense que c'est important, tous les gens qui sont en lien direct avec les gens qui sont atteints de la maladie d'Alzheimer devraient avoir une formation appropriée, surtout quand on parle de comportements déroutants. L'idée, ce n'est pas de frustrer la personne qui est devant nous, c'est le contraire, c'est d'essayer de s'ajuster à ses besoins plutôt que, nous, essayer d'ajuster la personne aux besoins, évidemment, soit de la tâche ou de la journée. Donc, je pense que le souhait et, en fait, ce qu'il devrait être important de véhiculer à travers les CHSLD, c'est cette approche-là, cette formation-là. Je ne sais pas si vous voulez…

Mme Labrosse (Ginette) : Je veux juste rajouter quelque chose.

Le Président (M. Bergman) : Mme Labrosse.

Mme Labrosse (Ginette) : Merci. Je veux juste rajouter que l'idée générale, en fait, c'est vraiment de voir la personne derrière la maladie. Et c'est important d'avoir des connaissances sur la maladie d'Alzheimer et sur l'évolution de la maladie d'Alzheimer aussi, comment ça se déroule un petit peu. Au niveau aussi affectivement, des comportements déroutants, c'est important vraiment d'avoir des connaissances pour pouvoir mieux intervenir auprès des personnes atteintes et mieux les accompagner.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Merci. Je pense aussi que, dans votre présentation, vous avez parlé qu'il y ait maximum 12 personnes, que ce soient des regroupements de clientèles, je pense que vous favorisez que les gens soient regroupés mais en plus petits îlots, aussi qu'on ait des départements plus petits, à ce moment-là, pour accueillir les personnes et avoir des soins plus personnalisés.

Ensuite, je voulais un peu vous entendre sur… On a reçu les spécialistes en éducation et les loisirs en institution hier. Par rapport aux loisirs qui sont offerts, et tout ça, qu'est-ce que vous auriez comme recommandation, là, pour la commission?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lalande.

• (12 h 40) •

Mme Lalande (Lise) : Merci. Bien, tout d'abord, les loisirs, c'est certain que c'est extrêmement important, pour les gens qui ont moins à faire dans leurs journées, d'avoir des activités intéressantes sur lesquelles ils peuvent… bon, s'amuser, se divertir. Mais il ne faut pas oublier aussi que la vie est une activité. Et, si on est dans un petit milieu, un milieu qui répond mieux à l'attente des gens qui ont passé leur vie dans une maison, dans leur propre domicile, bien c'est de leur permettre de participer aux tâches, de faire des choses normales qu'ils feraient à la maison, alors de se faire une petite collation s'ils ont faim, de participer. Alors, oui, ça prend des activités structurées, et on peut les encourager à participer, mais il ne faut pas négliger l'aspect général de la routine. Parce qu'on dit : Bien là, il y a deux activités, une l'après-midi, une le soir, ça va être merveilleux. Toute la journée... La vie est une activité. Alors, c'est un peu ça, là, je pense qu'il faut faire attention de ne pas combler un par l'autre.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste deux minutes.

Mme Proulx : Oui, j'aimerais vous entendre sur votre vision, là, du rôle des familles et des... Ceux qui étaient des proches aidants, ils sont toujours des proches aidants une fois que la personne entre en CHSLD. C'est souvent une période extrêmement difficile, là, pour les familles qui ont à faire des choix et à en arriver à cette solution-là. Vous, comme fédération, est-ce que vous avez des programmes... ou comme société, plutôt, pardon, est-ce que vous avez des programmes ou est-ce que vous avez des initiatives, des activités pour accompagner, expliquer comme il faut la maladie, accompagner, en fait, les familles et les proches? Comment vous intervenez auprès des proches?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lalande, dans une minute.

Mme Lalande (Lise) : D'accord. Alors, bien, les sociétés Alzheimer offrent un accompagnement tout au long de la maladie tant à la personne atteinte qu'aux proches. Alors, c'est certain que nos conseillers spécialisés vont faire le cheminement avec les proches, les préparer : Voilà ce à quoi vous devez vous attendre quand votre proche va être hébergé, et tout ça.

Mais, il y a toujours un bobo. Quand les gens arrivent en maison d'hébergement, souvent on se fait dire : On va vous expliquer comment ça marche chez nous. Et souvent ils nous reviennent puis ils disent : Mais ils ne m'ont jamais demandé comment mon conjoint... lui, c'est quoi, sa routine, qu'est-ce qu'il a besoin, qu'est-ce qu'il veut. C'est : On va vous dire comment ça marche chez nous. Alors, ça, c'est un gros problème de l'accueil, de pouvoir tout d'abord donner la place au client, dire : Mais on doit apprendre, nous, à connaître votre conjoint. Et bien sûr on va expliquer un fonctionnement, là. Mais ça, je pense que c'est primordial.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci, M. le Président. Mmes Lalande, Labrosse, Grégoire, merci d'être ici. Je tiens à vous féliciter, tout d'abord, parce que j'ai beaucoup d'admiration pour les sociétés d'Alzheimer du Québec. Vous faites un travail remarquable et je voulais vous le dire. Je marche avec la Société Alzheimer de Montréal et, quand j'ai eu le privilège… parce que c'est un privilège d'être ministre, on a été capables de soutenir plusieurs sociétés qui avaient des projets pour aider les aînés, puis j'ai même découvert qu'il y avait des personnes de 40 ans atteintes de la maladie d'Alzheimer, là.

Moi, ma première question, c'est… Je privilégie beaucoup les petits milieux et je suis une amoureuse un peu de la Maison Carpe Diem, mais j'ai aussi découvert la maison Bellini. Et c'est une question très technique et économique : Ça coûte combien à opérer par année, un petit milieu de vie comme la maison Bellini? Combien ça coûterait au gouvernement pour opérer ça? Et est-ce que vous recevez de l'aide gouvernementale pour vos cinq maisons actuellement?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lalande.

Mme Lalande (Lise) : C'est certain… Oui, merci. Notre édifice a été un cadeau de la communauté lavalloise, alors on n'a pas d'hypothèque, c'est un gros plus. Alors, je ne peux pas mettre ça dans l'équation, mais ça nous coûte à peu près 750 000 $ par année. On reçoit une subvention pour à peu près 380 000 $. Alors, le reste, c'est de l'autofinancement. Nos clients ont aussi un loyer à payer, les résidents, les 10 résidents ont un loyer.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : C'est une approche assez similaire à celle de Carpe Diem, finalement, là…

Mme Lalande (Lise) : Mais oui, c'est la…

Mme Blais : …c'est cette approche-là, là.

Mme Lalande (Lise) : C'est cette approche, exactement.

Mme Blais : Est-ce que vous auriez dans la tête… Est-ce que ce serait quelque chose qu'on devrait multiplier plutôt qu'à un moment donné de juste avoir de très grands endroits qu'on doit transformer, comme la députée de Sainte-Rose parlait, là, de son CHSLD Rose-de-Lima, où on doit transformer, où c'est parfois très difficile? Est-ce qu'on aurait intérêt à avoir des agents multiplicateurs de petites maisons comme ça un peu partout?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lalande.

Mme Lalande (Lise) : C'est certain qu'il y a un plus à avoir une plus petite résidence. Notre jardin, bien, c'est un jardin de maison, on vit une vie normale d'une maison normale. Alors, c'est certain que plus petit est le milieu, plus tout le monde est près. Les familles arrivent, vont venir dans le jardin, on va, bon, cultiver des plants de tomates ou… C'est peut-être moins possible dans un grand édifice, CHSLD où il y aurait 300 personnes, même si elles sont dans des petits milieux à l'intérieur, de pouvoir avoir cette espèce d'atmosphère. Nous, les résidents peuvent sortir dehors, aller prendre le café sur la terrasse, là, c'est… Ils ouvrent la porte puis ils sortent, c'est fini. Ce n'est pas la même chose. Alors, c'est certain que les plus petits milieux…

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Parce qu'il reste encore beaucoup de tabous. Moi, évidemment, je suis très sensibilisée à toute la question de la maladie d'Alzheimer, mais, dans le public en général, est-ce qu'il reste beaucoup de tabous, par exemple un membre d'une famille qui commence à être atteint de la maladie d'Alzheimer, la négation qui est autour de ça, la difficulté, à un moment donné, de la personne à vouloir accepter d'être placée parce qu'on ne veut pas quitter le domicile, toute cette problématique-là qui est autour d'une personne qui peut développer la maladie d'Alzheimer?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lalande.

Mme Lalande (Lise) : Il y a moins de tabous qu'il y en avait, c'est certain. Mais il y a combien de maladies graves pour lesquelles on fait encore des blagues? Il n'y en a pas, sauf qu'on dit souvent : Ah! Je dois faire de l'Alzheimer.

Mme Blais : On a les sourds. On fait beaucoup de blagues sur les sourds.

Mme Lalande (Lise) : Alors, c'est certain qu'il y a, dans la population en général, une méconnaissance de la gravité, ils vont dire : Bien, regarde, il perd la mémoire, ce n'est pas grave. Ou les familles aussi ont une pudeur face à la condition de leur proche qui est atteint, donc on va plus dire : Bien oui, il ne me reconnaît pas. C'est quand même assez anodin, «il ne me reconnaît pas», mais on ne dit pas tout ce que ça implique derrière. Ce n'est pas juste de ne pas reconnaître la famille. C'est tellement complexe, c'est tellement une maladie qui affecte toutes les facultés, toutes les capacités. Alors, oui, on a vraiment besoin de faire connaître ce qu'est la maladie d'Alzheimer, et aussi ça permettrait à des gens d'arriver à des services plus rapidement, parce qu'ils sont mal à l'aise, gênés, ils sont…

Une voix : Je peux-tu rajouter?

Mme Lalande (Lise) : Oui.

Le Président (M. Bergman) : Mme Labrosse.

Mme Labrosse (Ginette) : Oui. Je rajouterais peut-être… Bon, dans l'animation, par exemple, du groupe des personnes qui ont moins de 65 ans et qui ont un diagnostic de maladie d'Alzheimer, c'est une des principales difficultés, ils trouvent que l'entourage s'éloigne, les amis, les anciens collègues de travail, ou quand, au début, ils vont les aider ou les amener dans certaines activités ou venir les rencontrer. Mais c'est une des premières choses qu'ils trouvent difficiles, c'est que les amis, les connaissances s'éloignent. Je voulais rajouter quelque chose, mais là j'ai perdu mon idée… Ah oui! L'utilisation…

Une des premières questions que les gens vont nous… Les proches aidants et les personnes atteintes, en début de maladie, une des premières questions qu'ils nous posent : Est-ce que la maladie d'Alzheimer, c'est de la démence? Parce que c'est un mot encore utilisé naturellement dans le milieu médical, et c'est un mot qui, pour eux… nous disent que ça leur fait beaucoup peur parce que c'est comme si les gens nous voient comme si on n'avait plus de contrôle de nos actions, comme si on était vraiment déments. La démence réfère à quelqu'un qui est fou. Alors, ça, ils trouvent ça difficile. C'est un tabou aussi, pour ça.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Mme Grégoire, vous êtes membre du conseil d'administration de votre CSSS Pierre-Boucher. Est-ce que vous avez vu une évolution au niveau de la façon d'agir dans le CHSLD, les CHSLD sur votre territoire? Je pense que vous en avez un ou deux.

Mme Grégoire (Geneviève) : On en a sept.

Mme Blais : Vous en avez sept. Est-ce que vous avez vu une évolution au niveau de… Dans les CHSLD, est-ce que vous constatez que c'est davantage des milieux de vie qu'auparavant? Je veux que vous me parliez de ça.

Le Président (M. Bergman) : Mme Grégoire.

Mme Grégoire (Geneviève) : Merci. Oui, de plus en plus, il y a une volonté pour le CSSS Pierre-Boucher de rendre les CHSLD plus… un milieu de vie plus qu'un CHSLD ou, en tout cas, un centre de soins. C'est sûr qu'on ne peut pas tout changer. Ça reste qu'il y a des… Quand on parle de maladie d'Alzheimer, bon, bien, chez nous, par exemple, dans nos sociétés, on a les gens en début et en milieu de maladie. Quand on arrive vers une période plus avancée de la maladie, on va les transférer en CHSLD. Et ce qu'on voit, c'est qu'on essaie de préserver un peu le souci du milieu familial. Et on voit aussi certaines transformations, ça, je l'ai vu à travers la Société Alzheimer Rive-Sud, où on a des résidences privées aussi qui aujourd'hui décident de modifier des étages.

Si je prends, par exemple, la résidence Bois-de-Boulogne, dans le nord de la ville, c'est une résidence qui a carrément transformé son deuxième étage en milieu de vie, changé la décoration, camouflé les racks pour les soins ou des choses, c'est plus camouflé, la salle à manger, c'est plus feutré. On a l'impression de rentrer vraiment dans le domicile de quelqu'un. Alors, je pense qu'il y a vraiment une volonté de s'approprier cette philosophie-là à travers les CHSLD et à travers les résidences privées, de créer ce milieu de vie là. C'est pour ça qu'on le fait dans les sociétés Alzheimer.

Il ne faut pas oublier que plus on va créer ou recréer le milieu de vie le plus familial possible, le plus souple possible, on va garder les repères le plus longtemps possible aux gens qui sont atteints de la maladie d'Alzheimer. Ça, c'est important de le souligner, aussitôt qu'on en voit… Et ça, c'est une crainte. En fait, c'est ce qu'on entend souvent de la part des familles, quand les gens sont transférés en CHSLD, il y a comme une déchirure qui se fait parce qu'ils savent qu'entre le milieu de vie qui est chez nous… Nous autres aussi, on a un grand jardin thérapeutique, on a le plus grand au Québec, sur la Rive-Sud. Mais de quitter ce milieu-là vers le CHSLD, c'est vraiment une déchirure pour les familles, c'est d'une tristesse de les voir partir parce que les familles se sentent qu'elles n'auront pas la même chose au niveau familial, au niveau petits groupes. C'est pour ça qu'eux ils sont 12, nous, on est 23, mais, dans nos 23 résidents, on a trois secteurs, on a trois maisons dans notre maison, donc c'est neuf personnes, neuf personnes, cinq personnes. Même à travers 23 personnes, on a voulu recréer un plus petit milieu justement pour faciliter… en tout cas, s'apparenter à un peu plus le milieu familial. Alors, quand on transfère une personne de chez nous à un CHSLD, c'est une crainte de voir qu'on ne retrouvera pas ce milieu-là feutré ou ce milieu-là familial qu'on a chez nous. Mais de plus en plus, dans la résidence privée ou dans certains CHSLD, on voit les transformations.

• (12 h 50) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, il vous reste cinq minutes.

Mme Blais : J'aimerais qu'on parle d'une réalité assez méconnue, les personnes beaucoup plus jeunes atteintes de maladie d'Alzheimer. On pense souvent que ce sont des personnes très âgées, il y en a, c'est majoritaire, mais il y a aussi… Je me souviens, aux Petits Frères des pauvres, je voyais cette personne beaucoup plus âgée qui était avec une personne plus jeune, puis il dit : Je suis avec mon fils, il est atteint de maladie d'Alzheimer. Il avait 40 ans. Alors, c'est aussi une réalité, puis je veux vous entendre sur cette réalité plutôt méconnue.

Le Président (M. Bergman) : Mme Labrosse.

Mme Labrosse (Ginette) : Merci. Les personnes de 65 ans et moins qui ont un diagnostic de maladie d'Alzheimer, nécessairement leurs besoins ne sont pas les mêmes que des personnes qui étaient déjà à la retraite. Souvent, eux, ils étaient au travail, ils ont commencé à remarquer des difficultés, alors… Et généralement le diagnostic se fait quand même assez sur un long terme parce que, bon, les personnes sont jeunes justement, mais ça peut créer aussi des difficultés financières, hein, parce que, quand on travaille tous les deux, bien, quand le conjoint malheureusement perd son emploi parce qu'il a un diagnostic de maladie d'Alzheimer, eh bien ça peut créer des difficultés au niveau financier.

C'est sûr aussi, comme je le disais tantôt, ils se sentent un petit peu abandonnés parfois, pas par la famille immédiate, mais par l'entourage. Il y a 5 % à 7 % des personnes qui ont moins de 65 ans qui sont atteints de maladie d'Alzheimer, mais… Donc, c'est ça, leurs besoins sont vraiment différents, comme par exemple, au niveau de l'évolution de la maladie, à un moment donné, ils viennent dans nos groupes de soutien, au début, seulement pour un après-midi, mais éventuellement, quand la maladie évolue, qu'ils seront en phase modérée, si le conjoint continue de travailler, bien, à ce moment-là, ils viennent au centre d'animation-répit passer la journée pour justement pouvoir être en activité, continuer d'avoir des liens sociaux avec les gens, pour continuer d'avoir une vie, là.

Le Président (M. Bergman) : Madame… M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Il vous reste trois minutes.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bienvenue à notre commission. Vous faites beaucoup de travail à la maison avec les familles, vous leur offrez du support. Ce que je comprends, vous avez également des endroits où ils peuvent aller demeurer lorsqu'ils ont une perte d'autonomie. Est-ce que ça peut être une perte d'autonomie aussi forte que celle en CHSLD ou c'est plus comme ressource intermédiaire?

Mme Lalande (Lise) : Plus ressource intermédiaire.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Ressource intermédiaire. Et après ça, si la personne se détériore, elle peut être appelée à transférer en CHSLD. Est-ce que vous faites le suivi depuis le domicile, la ressource intermédiaire jusqu'au CHSLD ou, lorsqu'ils sont en CHSLD, à ce moment-là ils sont pris en charge plus par l'établissement CHSLD?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lalande.

Mme Lalande (Lise) : Oui, exactement. On les accompagne dès qu'ils arrivent chez nous avec un diagnostic. Et, une fois qu'ils quittent notre résidence, ils sont relocalisés parce qu'on n'a aucun… On n'a pas d'équipement pour pouvoir lever les personnes. C'est leurs meubles dans leur chambre, c'est leur maison, on travaille chez eux. Alors, c'est certain, quand ils arrivent à nécessiter à peu près, on dit, trois heures-soins personnels par jour chacun, bien, à ce moment-là, on fait une demande de relocalisation. Le temps que ça prend pour qu'ils soient relocalisés, c'est certain qu'on accompagne les gens qui sont plus avancés dans la maladie. Mais, par contre, une fois qu'ils s'en vont en CHSLD, on les visite, les familles continuent d'avoir des contacts avec nous, mais on n'a plus de juridiction sur les soins qu'ils reçoivent.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste deux minutes.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Et puis est-ce que ça peut arriver que les gens décèdent dans vos maisons?

Mme Lalande (Lise) : Chez nous, on a eu une résidente qui est décédée, ça a été la seule depuis l'ouverture en 2006. Elle a fait une crise cardiaque, elle est décédée dans son sommeil. Mais, des suites de la maladie d'Alzheimer, ça ne va pas jusque-là.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste 1 min 30 s.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Donc, autrement dit, vous êtes seulement une place de transition. Puis, comme modèle de services, est-ce que vous trouvez que c'est un modèle qui est intéressant? Parce que, si vous ne les preniez pas, je suppose que ces gens-là s'en iraient soit directement en CHSLD ou dans une ressource intermédiaire peut-être moins adaptée pour les gens qui ont la maladie d'Alzheimer.

Mme Lalande (Lise) : Les gens qui arrivent en hébergement… Parce que, nous, en tout cas, à Laval, on est un petit peu différent que Rive-Sud, là, mais on fonctionne avec le système régional d'admission. Alors, ce n'est pas nous qui décidons de qui est sur notre liste d'attente et qui arrive en hébergement chez nous, ça se fait avec l'agence. C'est comme : Bon, c'est un miracle, la prière a fonctionné, notre conjoint va arriver et va venir demeurer à la maison Francesco… Les gens adorent, on a une longue liste d'attente. C'est ce que les gens recherchent, un milieu de vie comme le nôtre.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Mme Lalande, Mme Labrosse, Mme Grégoire, merci d'être ici avec nous aujourd'hui et partager votre expertise avec nous.

Et, collègues, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures cet après-midi. Et vous devez prendre vos dossiers avec vous.

(Suspension de la séance à 12 h 57 )

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, la commission reprend ses travaux. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de procéder à des consultations particulières et auditions publiques sur les conditions de vie des adultes hébergés en centre d'hébergement et de soins de longue durée.

Alors, on a le privilège de recevoir maintenant le Protecteur du citoyen. Merci d'être ici avec nous, bienvenue. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Pour fins d'enregistrement, on a besoin de vos noms, vos titres. Et les prochaines 10 minutes, c'est à vous.

Protecteur du citoyen

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Merci, M. le Président. Alors, je suis Raymonde Saint-Germain, Protectrice du citoyen. Et je suis accompagnée, à ma gauche, de M. Michel Clavet, qui est conseiller expert, et, à ma droite, de M. Nicolas Rousseau, qui est délégué pour les enquêtes en Soutien à l'autonomie des personnes âgées. Mes deux collègues pourront aussi compléter et répondre à vos questions terrain.

Alors, M. le Président, Mmes, MM. les députés membres de la commission, j'apprécie votre invitation à contribuer à ce mandat d'initiative et je vous en remercie. Le mémoire que nous avons adressé à la commission respecte l'angle que vous avez choisi, c'est-à-dire celui de l'hébergement en CHSLD. Avant de vous présenter certains de nos constats et suggestions, toutefois j'aimerais vous formuler trois remarques.

Ma première remarque concerne l'importance de considérer l'hébergement et les soins aux personnes âgées dans un continuum de services qui inclut des services de soutien à domicile, l'accès aux hôpitaux et l'hébergement de transition. Le mémoire, d'ailleurs, de la commission y fait référence en introduction. En adoptant cette vision d'ensemble, on constate que les personnes âgées qui le requièrent ne sont pas toutes hébergées dans un CHSLD, faute de place. L'impact de cette réalité sur l'organisation et la qualité des services ainsi que sur le respect des droits des personnes âgées ne doit pas être occulté ni en CHSLD, ni en ressource intermédiaire et ni en résidence pour personnes âgées.

Ma deuxième remarque concerne le travail en CHSLD et plus particulièrement le personnel qui y oeuvre. Malgré les lacunes qui peuvent être observées dans le cadre de nos enquêtes, je tiens à souligner que nous constatons souvent la bonne volonté, l'expertise et le dévouement du personnel des CHSLD. Plusieurs des enjeux que nous soulevons dans notre mémoire dépassent leur seule capacité et leur bon vouloir, et nous constatons aussi qu'ils travaillent dans des conditions difficiles et avec des personnes qui ont des besoins et des exigences très intensives.

Ma troisième remarque concerne les constats et analyses contenus à notre mémoire. Ils s'appuient principalement sur des problématiques que nous avons identifiées lors de nos enquêtes. Le Protecteur du citoyen ne conclut pas sur les seules allégations et sur le ouï-dire, mais à la suite d'une enquête méthodique qui aura permis de vérifier les faits allégués. Au cours des cinq dernières années, le Protecteur du citoyen est intervenu dans 128 des 202 CHSLD du Québec, c'est-à-dire dans 63 % d'entre eux. Au total, 75 % des plaintes et signalements que nous avons conclus fondés portaient sur la qualité des soins et des services, l'environnement et le milieu de vie ainsi que le respect des droits. Pour la seule année 2012-2013, 56 CHSLD du Québec ont été visés par une ou des plaintes et signalements fondés.

Notre mémoire couvre chacun des défis qu'a retenus la commission. Compte tenu du temps qui m'est imparti maintenant, je vous ferai part de quelques observations en lien avec trois de ces défis : l'accessibilité, les services, les soins et le suivi de leur qualité.

Relativement au défi de l'accessibilité aux CHSLD, il est documenté que le vieillissement de la population s'accentue et que l'attente est déjà démesurément longue pour y accéder. Compte tenu que le nombre de places est stagnant, voire en diminution, nous nous interrogeons sur l'accessibilité réelle des places en CHSLD pour la prochaine génération. Nous formulons trois suggestions à la commission. Elles concernent les modalités d'accès à l'hébergement, y inclus transitoire, la qualité et la clarté des communications à ce propos avec les personnes âgées et leur famille, et enfin l'impact de l'augmentation prévisible de la demande d'hébergement public sur l'offre de services.

Relativement au défi des services et des soins, l'assistance aux activités de la vie quotidienne constitue la source la plus importante d'insatisfaction des résidents hébergés dans les CHSLD. Alors que le maintien et le renforcement des capacités des personnes hébergées sont l'un des principes directeurs des orientations ministérielles pour un milieu de vie de qualité, nos enquêtes révèlent que le plan de travail quotidien des préposés laisse peu de marge de manoeuvre pour respecter ces conditions pourtant à la base d'une réponse adéquate aux besoins.

Dans plusieurs CHSLD ayant fait l'objet d'une enquête, nous observons, par exemple, que le personnel n'est pas en mesure de prendre le temps de s'asseoir pour aider les résidents durant les repas ou pour interagir avec eux de façon personnalisée à un moment qui est opportun. Nous faisons le même constat pour les soins d'hygiène et le seul bain hebdomadaire. Des résidents déplorent aussi le long délai d'attente que l'on met à répondre à leurs appels en utilisant les cloches d'appel. Des aménagements dans l'organisation du travail ne sont pas toujours faits pour favoriser un maximum de présence du personnel aux périodes de pointes. Pour soutenir l'implantation d'un milieu de vie adapté aux besoins particuliers des résidents hébergés, on ne peut faire l'économie d'une meilleure organisation du travail et d'une mobilisation accrue du personnel afin qu'il adapte ses façons de faire pour mieux répondre aux besoins de base des résidents.

• (15 h 10) •

J'aborde maintenant le défi du suivi de la qualité des services et des soins. Dans son document de consultation, la commission s'interroge sur la suffisance et sur la capacité des sept mécanismes qu'elle identifie pour assurer des services et des soins de qualité dans les CHSLD. À notre avis, ces mécanismes sont théoriquement adéquats et certes assez nombreux. Ce qui nous préoccupe, c'est le manque de proactivité, de constance ainsi que des lacunes dans le suivi des recommandations pourtant acceptées par les instances à qui elles ont été adressées. De plus, lorsque des problèmes sont identifiés dans ces mécanismes, les délais sont beaucoup trop longs pour les corriger.

J'en prends pour exemple les difficultés que nous observons dans le contrôle de la qualité lorsqu'il y a achat de places d'hébergement transitoire dans le contexte d'ententes conclues entre les CSSS ou les agences et des ressources privées. Le phénomène est d'ailleurs croissant en raison des délais d'accès aux CHSLD. Le Protecteur du citoyen a à maintes reprises identifié des lacunes dans ces ressources d'hébergement transitoire quant à la formation de la main-d'oeuvre et à l'encadrement clinique sur place. Ces lacunes ne permettent pas d'assurer une prestation de soins adéquate et sécuritaire pour les résidents en toutes circonstances et en toutes ressources. Or, l'usager a besoin et a droit à la même qualité des soins et des services, peu importe le type d'hébergement où le réseau public le réfère en attendant qu'une place en CHSLD, celui de son choix, se libère.

Le Protecteur du citoyen n'a pas en soi de réserves quant au principe des ententes d'achat de places. Cependant, il a marqué et continue de marquer son inquiétude envers le contrôle insuffisant du suivi de la qualité que nous constatons. Plusieurs CSSS et agences ne se dotent pas de procédures adéquates pour favoriser un choix éclairé et judicieux d'un partenaire privé. À notre avis, les éléments suivants liés à l'organisation du travail méritent d'être mieux considérés : les critères d'évaluation et d'embauche du personnel de ces ressources, les habiletés et les compétences de ce personnel en fonction du profil de la clientèle, les ratios de personnel par rapport au nombre de résidents dans ce milieu particulier et les outils d'encadrement clinique.

Nous attendons avec intérêt les suites concrètes de la révision en profondeur qu'a entreprise le ministère de la démarche des visites d'évaluation dans les CHSLD, qui se feraient dorénavant sans distinction à l'égard du statut public ou privé d'une instance et en considérant les achats de places dans des ressources privées. La mise en oeuvre de cette nouvelle approche est prévue pour ce printemps.

Dans le contexte où les ressources aux partenaires privés iraient en s'accroissant, il est d'autant plus essentiel que les CSSS et les agences assument leurs responsabilités de suivi de la qualité des services dispensés aux usagers qu'ils dirigent vers ces partenaires privés. C'est pourquoi nous suggérons à la commission de demander au ministre de la Santé et des Services sociaux d'instaurer une politique d'assurance qualité assortie d'un plan d'action à la lumière de la présente consultation et d'inclure dans ses préoccupations l'examen de procédures qui favoriseront le choix éclairé d'un partenaire incluant les mécanismes de contrôle de qualité auxquels il serait assujetti.

En conclusion, relever les neuf défis qu'a retenus la commission exige une vision d'ensemble, un plan d'action intégré incluant un contrôle adéquat de la qualité et une action soutenue. Pour ce faire, l'adhésion et l'appropriation concrète du concept de milieu de vie par tous les acteurs du réseau, notamment les dirigeants d'établissement, est essentielle. Leur leadership fort doit faire la différence, car les problèmes à solutionner et leurs causes sont bien connus, un leadership centré sur la résolution de problèmes et qui ne perd pas de vue la dimension humaine, de loin la plus primordiale que doivent considérer tant les gestionnaires que les membres du personnel à tous les niveaux. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation. Maintenant, pour le bloc gouvernemental, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, Mme Saint-Germain. Ça me fait plaisir d'échanger avec vous. Plaisir, oui et non. Je vous avoue que, quand on vous entend, on a une impression, là, qu'il y a énormément de problèmes à régler dans notre système.

Vous mentionnez dans votre mémoire, là, qu'au cours des cinq dernières années le Protecteur du citoyen est intervenu dans 128 CHSLD et qu'il y avait 51 % des plaintes qui étaient fondées, comparativement à 43 % dans le reste du système de santé. Est-ce que vous pouvez expliquer cet écart? Avez-vous une explication par rapport à cet écart en termes de niveau de plaintes fondées qui paraissent plus élevées dans les CHSLD?

Le Président (M. Bergman) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Merci. Alors, M. le Président, effectivement cette explication, nous, on l'oriente beaucoup vers le fait que, dans les CHSLD, il y a une demande qui est plus grande que la capacité actuelle de satisfaire les besoins, d'une part, et que, d'autre part, des alternatives ont été prises, qui devaient être prises mais qui en soi entraînent aussi un certain nombre de difficultés, et j'en ai fait état dans ma présentation. Notamment, souvent, on a nécessité de désengorger les hôpitaux. On doit donc utiliser des ressources de transition mais qui ne sont pas toutes adaptées ou qui n'ont pas toutes en temps opportun le personnel en mesure de prendre charge adéquatement personnes. Donc, délai d'attente important et, je dirais, offre de services qui n'est pas toujours adaptée aux besoins de la clientèle.

Vous me permettrez, M. le Président, vous dites que c'est un peu, comment dire, ce n'est pas le mot que vous avez utilisé, mais je vais dire «décourageant» d'entendre le Protecteur du citoyen. Je vous dirais que non, au contraire, parce qu'il faut bien voir que d'une part nous faisons la part des choses, nous reconnaissons aussi qu'il y a des bonnes pratiques, qu'il y a du personnel dévoué, et surtout il faut regarder qu'une plainte pour laquelle on trouve une solution, c'est un intrant pour améliorer la qualité. Donc, il faut regarder aussi les choses constructivement. Je reconnais que ce qui est positif, ce qui est une bonne nouvelle ne fait pas nécessairement les manchettes, mais je tiens quand même à vous dire que le Protecteur du citoyen fait la part des choses.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : J'aimerais, de votre point de vue, savoir si vous constatez plutôt une amélioration ou une dégradation de la situation si on prend comme indicateur les plaintes et non seulement le nombre, mais la sévérité. Est-ce que vous voyez un changement dans les dernières années? Est-ce qu'on a tendance à voir des situations plus graves qui sont la cause, là, des plaintes que vous recevez ou si, au contraire, vous constatez une amélioration de la situation?

Le Président (M. Bergman) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, nous constatons que la situation comme telle est plus complexe à gérer qu'elle ne l'était il y a 15 ans, il y a 20 ans. Votre document de consultation y fait aussi référence, c'est que les besoins des personnes sont de plus en plus complexes, et l'adaptation du réseau n'est pas encore parfaitement au niveau. Et, sur ce point, M. Rousseau, qui m'accompagne, M. le Président, est un délégué qui est spécialisé dans les enquêtes auprès des personnes âgées, et j'aimerais qu'il vous donne des exemples très précis de ce qu'on constate sur le terrain et qui est justement une illustration… pas exceptionnelle, mais une illustration probante de situations vécues dans ce contexte d'aggravation.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui. Bien, je laisserais monsieur nous donner ses exemples.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : M. Rousseau.

Mme Proulx : M. Rousseau.

Le Président (M. Bergman) : M. Rousseau.

M. Rousseau (Nicolas) : M. le Président, la question qui nous est posée, c'est : L'évolution, au cours des dernières années, de la situation, est-ce qu'il y a une détérioration, une amélioration? C'est sûr qu'au cours des dernières années il y a eu des bouleversements dans la clientèle qui était accueillie en CHSLD. Aujourd'hui, 85 % de la clientèle qui est reçue en CHSLD, ou environ, aura des déficits cognitifs. On remarque une augmentation des gens qui, avec ces problèmes cognitifs là, ont des troubles de comportement, agressivité, d'autres troubles de comportement. Et nous, notre préoccupation de sécurité par rapport à ça, c'est surtout une préoccupation sur les agressions qui surviennent entre les résidents de plus en plus.

Il y a beaucoup de familles qui s'adressent à nous en se plaignant, dans le fond, que d'autres résidents entrent dans la chambre de leur parent, en se plaignant que leur parent est pris par les poignets par d'autres résidents qui ont des troubles de comportement, qui sont devenus agressifs, pas parce qu'ils sont agressifs, mais parce qu'ils sont malades, dans le fond, des gens qui rentrent dans leur chambre, qui crient des vulgarités, qui disent des obscénités. Donc, souvent, c'est la préoccupation qu'on a par rapport à l'évolution de la clientèle. C'est, dans le fond, l'accentuation de la présence de troubles de comportement qui crée, sur les unités d'hébergement régulières, des frictions entre des types de clientèles qui ne sont pas toujours compatibles.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : J'aimerais ça que vous nous donniez peut-être encore, M. Rousseau, si vous avez des exemples, ou Mme Saint-Germain, par rapport aux mesures transitoires, parce que vous n'êtes pas les premiers à nous soulever cette question, cette préoccupation, là, par rapport aux mesures transitoires, et j'aimerais ça que vous puissiez nous illustrer la nature des plaintes… en fait, la nature des difficultés que rencontrent les personnes âgées avant de pouvoir arriver réellement dans un milieu qui répond à leurs besoins.

Le Président (M. Bergman) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : M. le Président, avant de laisser la parole au délégué qui effectivement va dans les CHSLD, là, directement, notre préoccupation dans ces situations-là, elle est aussi en amont du transfert, et des recommandations sont faites précisément. Il est important que ces ressources-là soient choisies à la fois pour leur capacité d'accueillir des personnes qui normalement devraient être en CHSLD mais pour lesquelles on n'a pas encore de place. Et là est une partie des difficultés qu'on rencontre, c'est que, malgré toute la bonne volonté… encore une fois ce n'est pas un blâme, mais il y a un choix de ressources qui ne répond pas toujours aux standards qui sont ceux du ministère de la Santé, qui sont des standards adéquats : personnel insuffisamment qualifié, insuffisamment formé pour composer avec des personnes qui exigent un comportement particulier du personnel pour bien les encadrer, bien travailler avec eux. Alors, ce sont toutes sortes de dimensions. Je vais demander à M. Rousseau de vous illustrer des cas concrets, qui ne sont pas, encore une fois, des cas d'exception, mais qui sont représentatifs des plaintes que nous concluons... nous constatons.

• (15 h 20) •

Le Président (M. Bergman) : M. Rousseau.

M. Rousseau (Nicolas) : Merci, M. le Président. Par rapport à l'hébergement de transition, nous, ce qui nous inquiète le plus et ce qu'on nous reflète le plus comme insatisfaction chez les familles, c'est... Parce que, présentement, avant d'accéder au centre d'hébergement que les familles ont choisi comme lieu permanent d'hébergement, bien il y a une transition qui est imposée, un hébergement de transition dont la durée varie mais qui est presque systématiquement imposé avant d'accéder, dans le fond, au centre d'hébergement de notre choix.

Ça, ça implique nécessairement que toutes les personnes âgées ou à peu près ont à vivre au moins dans deux CHSLD différents avant d'accéder dans celui-là qu'ils ont choisi. À ça, des fois il faut ajouter un centre d'hébergement où ils ont été évalués pendant 30 jours ou 45 jours. Donc, on peut compter trois CHSLD. Et à ça s'ajoutent les autres transitions que la personne a vécues avant d'arriver en CHSLD : quitter son domicile, aller en résidence privée, aller en ressource intermédiaire, et ainsi de suite.

C'est sûr que nous, ce n'est pas rare qu'on reçoive des... La plupart de nos dossiers, les personnes âgées qu'on rencontre dans nos dossiers ont souvent vécu cinq, six déménagements dans les deux ou trois dernières années précédentes. C'est souvent plus de déménagements que tout ce qu'ils ont vécu dans leur vie de 90 ans souvent et plus, là. Donc, c'est sûr que c'est une préoccupation qu'on nous reflète souvent, la question des transitions, surtout que le lieu de la transition n'est pas choisi, c'est imposé.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui. Et toujours en lien avec cette question, est-ce que vous pouvez nous dire si la situation que vous décrivez, on la rencontre particulièrement dans les régions ou en région urbaine, Montréal, Québec? Est-ce que vous pouvez nous faire le comparatif, là, de ces situations-là?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : On peut vous faire un comparatif qui est relatif. On a fait cet exercice de documenter nos plaintes en proportion par les régions, et il est bien évident que plus il y a de population, plus il y a de CHSLD, plus le nombre de plaintes était important. C'est presque une question de logique mathématique. On s'est donc rendu compte qu'il y a une conclusion qui n'est pas liée aux régions, mais qui est plus liée aux établissements. Il y a des établissements qui sont plus performants et qui vont, par exemple, prendre des mesures qui sont liées à l'organisation du travail, prendre des mesures qui sont liées à un personnel davantage formé, davantage axé vers la réponse aux besoins des usagers, et ce sont ces expériences-là qui sont, je dirais, les plus probantes. Et on en trouve dans différentes régions, mais on ne peut pas dire qu'elles sont concentrées dans une région plutôt que dans une autre. On voit, par exemple, au niveau des plaintes, Montréal est surreprésentée. En d'autres termes, c'est 36 % de nos plaintes qui proviennent de Montréal, alors que la proportion de la population de Montréal est de 30 %. Je me retourne vers le statisticien, là.

Le Président (M. Bergman) : M. Clavet.

M. Clavet (Michel) : Oui, M. le Président. Mme, MM. les députés. C'est 39 %, en fait, le chiffre qu'il fallait...

Mme Saint-Germain (Raymonde) : 39 % de nos plaintes, c'est ça.

M. Clavet (Michel) : Voilà, mais il compte pour 30 % des établissements, mais on n'a pas encore réussi à comptabiliser le nombre de places d'hébergement qu'il y a dans ces établissements-là. Donc, on s'attend, une ville comme Montréal, que les CHSLD soient de plus grande amplitude que ce qu'on retrouve en région qui n'est pas urbanisée de cette façon-là.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Donc, pour répondre à la question, il faudrait qu'on ait compté le nombre de places par région. Mais on pense que, même si on le faisait, ce ne serait pas si probant parce que c'est beaucoup la question de l'initiative d'un directeur d'établissement, du directeur ou de la directrice des programmes, qui fait en sorte que, dans ces ressources-là qui sont... ou pour lesquelles on a moins de plaintes et où on trouve un plus grand degré de satisfaction des résidents, tout est axé en fonction du service, je dirais, de la souplesse aussi. Par exemple, pourquoi les bains sont tous le matin? Dans les exemples réussis qu'on a, on trouve des situations où le bain est donné le soir. Il y a des personnes pour qui c'est mieux comme ça. Pourquoi le travail n'est pas organisé en conséquence?

On a trouvé des situations — moi-même, j'ai de la difficulté à accepter ça — où l'organisation du travail fait en sorte qu'une partie du personnel va prendre ses repas en même temps que la clientèle. Il faut organiser autrement le travail. Et, je dirais, ça, ce n'est même pas une question d'argent, là. Dans tout ce qu'on vient de donner comme exemples de réussite, il n'y a pas, encore une fois, une question d'argent, il y a une question d'être tourné vers ce service à la clientèle, le respect du milieu de vie, le respect des besoins de la clientèle.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Vous soulevez quelque chose d'extrêmement important et, encore une fois, ce sont des commentaires… ou des constats plutôt qu'on a entendus de d'autres intervenants qui sont venus témoigner. Toute cette question, en fait, c'est une question, comme vous le dites, d'organisation du travail où — tu sais, tout dépend de la vision et du point de vue — ou bien on adapte la personne bénéficiaire à l'organisation du travail de l'institution ou, au contraire, on adapte les services aux besoins de la personne.

Et, avec les visites que vous faites, là, pour les enquêtes que vous faites sur les plaintes que vous recevez, quel constat vous faites, de façon générale, au Québec, dans l'ensemble des CHSLD, de cette vision et de cette volonté d'organiser les services autour des besoins des personnes? Est-ce que c'est quelque chose que vous trouvez qui est présent ou qui n'est encore pas vraiment développé et que ce sont uniquement quelques initiatives ici et là, ou si c'est de plus en plus généralisé?

Le Président (M. Bergman) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, notre angle, bien sûr, est toujours celui d'une plainte, hein? Ce qui déclenche notre intervention, c'est une insatisfaction. On constate que les orientations ne sont pas suffisamment implantées de façon généralisée, elles sont implantées à certains endroits, mais il y a encore beaucoup de place à l'amélioration. Et ça, c'est un constat qui est décevant, parce que ces orientations-là, elles datent quand même d'une dizaine d'années. Et, au-delà des orientations, quand on est à la direction d'un établissement qui a pour mission d'accueillir des personnes âgées, de les accueillir sur une période de relative longue durée — moi, quand on me dit 18 mois, c'est presque des soins palliatifs, je suis en total désaccord avec ça —je pense qu'on n'a même pas besoin d'orientation pour réaliser que ces vers ces personnes-là, vers la satisfaction de leurs besoins qu'il faut se tourner.

Alors, ce qu'on constate, je dirais, il y a de la bonne volonté, mais il y a encore un tour de roue très important à donner dans les CHSLD mais aussi dans les partenariats, dans les ressources qui sont partenaires des CHSLD pour que partout les personnes soient vraiment prises en compte et mieux considérées. Et, encore une fois, c'est une question d'organisation du travail, de formation du personnel.

Et c'est une question de leadership de la part des directeurs d'établissement. Il faut qu'ils soient sur le terrain aussi, et, dans nos enquêtes, on ne les trouve pas tous dans les corridors, sur le terrain. On trouve beaucoup plus de personnel… et de plus en plus, d'ailleurs, du personnel qui est du personnel de… des préposés aux bénéficiaires, des infirmières auxiliaires. Ils forment de plus en plus la majorité du personnel qui s'occupe le plus des personnes hébergées en CHSLD. Alors, c'est un constat qu'il faut faire : formation adéquate du personnel, encadrement adéquat du personnel et prise en compte des besoins des usagers.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Si je comprends bien ce que vous dites, quand vous parlez de c'est une question de leadership, c'est vraiment une question de vision, là, c'est une question de volonté, parce que, sinon, on peut difficilement expliquer les disparités entre les centres autrement que par une question de volonté et de vision, et d'assumer un leadership, et de centrer les services sur la personne.

Le Président (M. Bergman) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : …de prendre quand même des initiatives. M. Rousseau le soulignait notamment, il y a de plus en plus de situations où des personnes âgées qui sont en perte cognitive vont vivre des difficultés de… par exemple, qui vont les rendre agressives, ou encore une mixité de clientèles où il y a des personnes qui avaient des problématiques de santé mentale toute leur vie et, bien sûr, qui les ont encore à cet âge-là. Et pourquoi il n'y a pas plus d'étages qui sont réservés ou de chambres qui sont réservées avec ces personnes-là avec, à ce moment-là, un ratio de personnel qui soit suffisant? Dans certaines situations, on va en trouver qui sont parsemés un peu partout sur les étages. Alors, il y a encore place, à mon avis, à de l'initiative.

Et, si vous permettez, je pense que M. Rousseau serait en mesure de donner encore des exemples de situations vraiment concrètes et, encore une fois, je le redis, qui ne sont pas des cas d'exception, mais qu'on trouve dans différents CHSLD dans différentes régions.

Le Président (M. Bergman) : M. Rousseau.

M. Rousseau (Nicolas) : Oui. Merci, M. le Président. Dans le fond, ce qui ressort pas mal de nos dossiers, des situations qu'on voit dans nos enquêtes, c'est justement, comme Mme Saint-Germain vient de dire, l'approche milieu de vie qui est encore incomplète, qui est encore implantée de manière partielle dans beaucoup d'établissements, pas par mauvaise volonté, mais c'est ça.

Par exemple, le moment du repas, on sait que c'est un moment important, un moment crucial dans la vie des personnes qui vivent en CHSLD. C'est l'activité principale pour certains d'entre eux, pour plusieurs d'entre eux. Or, nous, on voit, dans nos enquêtes, souvent des lacunes sur l'approche, sur l'ambiance des repas, sur… Par exemple, beaucoup de membres du personnel restent encore debout, qui nourrissent les personnes âgées debout plusieurs à la fois, soit parce qu'ils n'ont pas eu la formation qu'il faut, soit ils ne sont pas assez nombreux pour suffire à répondre à tout le monde. On voit aussi des délais d'attente pendant les repas qui ne sont pas animés, où les personnes attendent leurs repas toutes installées mais que ça attend longtemps sans être stimulées. D'autre fois, on voit aussi, après que le repas soit terminé et que la personne a fini son assiette, on voit que des gens sont laissés pendant un bon moment à eux-mêmes. Il y en a même qu'on voit s'endormir devant leur assiette, avec leur tablier encore puis de la nourriture au coin des lèvres.

Donc, c'est dans des trucs concrets comme ça que nous, on dit que l'approche milieu de vie n'est pas encore implantée complètement et que, si on voulait le faire, c'est de résoudre des situations comme ça. On pourrait aussi parler de soins d'hygiène, qui, dans beaucoup d'endroits encore, malheureusement, le personnel y va un peu machinalement, n'a pas le temps ou ne prend pas le temps de créer un lien personnel avec le résident pour justement avoir ce qui est à la base d'une approche milieu de vie.

• (15 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste trois minutes.

Mme Proulx : Est-ce que vous pourriez nous parler un petit peu de votre vision, là, du mode de financement des CHSLD et quels sont les constats que vous êtes à même de faire?

Le Président (M. Bergman) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Merci, M. le Président. Au niveau du financement, d'une part, la contri­bution ou la hauteur de la contribution de la personne hébergée ne fait pas l'objet de plainte chez nous. Jusqu'à maintenant, on n'a pas reçu de plainte en disant que c'était un montant qui était trop élevé par rapport aux personnes, et cela — notre interprétation — est dû au fait qu'il y a notamment un programme qui est géré par la RAMQ, qui permet de tenir compte de la situation particulière de certaines personnes et de donner des exonérations, bon, totales ou partielles.

Par contre, sur cette question-là, il y a la dimension, je dirais, plus globale du financement, pour laquelle je laisserais mon collègue M. Clavet, qui a examiné particulièrement nos plaintes et les solutions qu'on préconise dans ce volet-là, là, de votre… pour ce défi-là, pardon.

Le Président (M. Bergman) : M. Clavet.

M. Clavet (Michel) : Oui, merci, M. le Président. Oui, c'est un important défi, en effet, comme Mme Saint-Germain l'indique. La hauteur, en effet, de la tarification, la répartition ou la hauteur de la contribution maximale qui est demandée aux usagers ne fait pas l'objet de plaintes chez nous. Cependant, les plaintes se portent particulièrement sur le Règlement d'application de… — je vais vous le nommer avec son titre officiel — Règlement d'application de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris, chapitre S-5, r.1. Mais, en fait, c'est dans ce règlement d'application là que sont déterminés les paramètres puis les exemptions qui sont permises au niveau de l'allocation financière maximale qui est permise, qui est encore de 2 500 $, qui est reliée au règlement d'application de l'aide sociale qui date de 1983. Et ces hauteurs de financement là qui sont accessibles aux usagers, elles n'ont pas été modifiées depuis ce temps-là. Ça cause un problème. Ça, c'est un premier problème.

L'autre problème qu'on rencontre, c'est que les autorités administratives en place, elles ne peuvent pas… elles ne disposent pas d'un pouvoir d'exception dans des cas qui sortent de l'ordinaire. Il y en a qui ont été médiatisés. Par exemple, c'est le cas d'une mère de famille avec trois enfants, qui était, bien entendu, en bas de 65 ans, et qui avait une maladie de dégénérescence, qui a fallu habiter en CHSLD, et son conjoint n'était pas exempté parce que sa conjointe était considérée comme une personne à charge puisqu'ils étaient mariés. Les conjoints de fait ne sont pas assujettis à cette particularité-là. Donc, à ce moment-là, ça a pris une décision discrétionnaire du ministre pour que les versements soient ajustés en conséquence. Nous, on considère qu'il y a un problème là, au niveau du règlement, et on a écrit au ministre pour l'aviser de ça. Puis le ministre même reconnaît le problème et aussi dit… Oui…

Une voix :

M. Clavet (Michel) : Merci.

Le Président (M. Bergman) : …le temps est écoulé pour le côté ministériel. Maintenant, pour l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bienvenue à notre commission puis félicitations pour votre travail. Puis j'ai beaucoup aimé votre commentaire. Les gens voient une plainte comme étant une question de qualité, mais il faut voir aussi, dans le réseau de la santé, une plainte comme étant une façon de s'améliorer et de l'amélioration continue. D'ailleurs, dans les établissements, il y a des programmes où on encourage les gens à dire leurs insatisfactions, de façon à ce qu'on puisse savoir c'est quoi qu'il y a à améliorer.

Ça fait que c'est triste parce que souvent, la perception de la population, une plainte égale avec mauvaise qualité, alors qu'il faut voir aussi une plainte comme étant un processus d'amélioration. Et, lorsqu'on voit ça juste comme étant un jugement qui est mauvais, c'est le contraire, les gens ont tendance à diminuer le nombre de plaintes. Puis un des constats qu'on fait dans le réseau de la santé, c'est, des endroits où est-ce qu'il y a beaucoup de plaintes, ce n'est pas parce que c'est mauvais, c'est souvent parce qu'ils s'en occupent et, plutôt que de dissimuler les plaintes, ils les traitent, ils les déclarent comme il faut. Je ne sais pas si c'est le constat que vous avez vu également, là.

Le Président (M. Bergman) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Il y a deux volets dans les constats qu'on fait au niveau du traitement des plaintes. Souvent, ce sont des plaintes individuelles ou avec un effet collectif, disons, dans un CHSLD, une insatisfaction sur la façon dont les repas sont servis, et effectivement, pour une plainte, si c'est bien pris en charge, ça va prévenir 10, 12, 20 plaintes. Ça, ça va bien et ça se règle bien dans ces situations-là.

Mais ce qui est plus difficile, c'est lorsque ça va toucher des problèmes systémiques, des modifications à des règlements, à des pratiques ou des ententes qui sont, comment dire, mal... une organisation du travail qui est inadéquate et qui ne se corrige pas au fur et à mesure des plaintes. Il y a beaucoup d'enjeux qui sont liés à une organisation du travail qui est déficiente, et moi, je redis que ce n'est pas, dans ces cas-là, une question d'argent. On dit souvent : Ça coûte cher, hein, régler ces problèmes-là, mais, dans plusieurs situations qu'on observe, on n'est pas à des solutions qui ont une incidence financière.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Et je suis entièrement d'accord avec vous. Et même, souvent, quand on fait les correctifs, quand vous regardez au financier, ça peut coûter moins cher parce que les gens se donnent la peine de revoir les processus et de corriger la défectuosité ou encore la méthode de travail. Vous avez eu combien de plaintes concernant les CHSLD au cours d'une année comme l'année dernière?

Le Président (M. Bergman) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, sur cinq ans, le nombre concernant les CHSLD strictement, c'était 831, et l'année dernière spécifiquement, nous sommes à...

M. Clavet (Michel) : Entre 125 et 150 par année.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Mais je dois préciser que le Protecteur du citoyen est le dernier recours, hein? Sans qu'il traite les plaintes, il y a quand même... Nous, on encourage beaucoup le rôle des comités d'usagers pour faire de la prévention. Il y a aussi, bien sûr, le commissaire local aux plaintes et à la qualité des services, qui reçoit, lui, beaucoup plus de plaintes que nous parce que c'est quand même en premier niveau. Nous, c'est le dernier recours.

Alors, c'est quand même significatif comme nombre de plaintes, compte tenu aussi du fait que les personnes qui se plaignent ou leurs proches sont dans des situations assez particulières. Et, pour se plaindre, il faut vraiment, là, avoir essayé les autres recours, avoir essayé autrement de régler le problème, et, si ça ne s'est pas réglé, donc on vient au dernier recours qui est le protecteur.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Merci, M. le Président. Moi, j'allais vous faire décrire, justement, ce processus-là, où il y a des plaintes qui peuvent être déposées au niveau de l'établissement. Chaque établissement de santé au Québec a un responsable de la qualité et des plaintes, et puis, après ça, il y a un recours à votre niveau lorsque les gens sont insatisfaits. Mais il reste que... Je suis d'accord que c'est significatif, mais il n'en demeure pas moins… puis je ne veux pas diminuer l'importance des plaintes, mais il n'en demeure pas moins que c'est 40 000 usagers que nous avons à chaque année dans le réseau de la santé. Donc, c'est 125 pour 40 000 usagers que nous avons dans le réseau de la santé.

Le Président (M. Bergman) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : ...M. le Président, c'est une approche... Si on dit ça comme ça, on laisse de côté toutes les personnes vulnérables ou toutes les lacunes d'un système qui, malgré tout, a encore des lacunes. Et, comme on le disait tout à l'heure, l'important, c'est de considérer, là où il y a eu des dysfonctionnements, les causes de ça — parfois, c'est simple à régler, parfois, ça l'est moins — et qu'on ait justement un plan de match pour que ça ne survienne plus.

Et j'ajouterais même, il y a une partie de ces plaintes-là que l'on considère non fondées et pour lesquelles le Protecteur du citoyen motive aux usagers ou à leurs proches pourquoi l'établissement a bien agi, en fonction de quels droits, de quels programmes, de quels services c'était adéquat de fonctionner comme ça. Alors, ça amène autant, je dirais, au niveau des usagers, à une plus grande confiance dans les établissements et dans le traitement adéquat qui a été donné qu'à une correction, auprès des établissements, de dysfonctionnement. Et c'est étonnant de voir combien de représentants d'établissement, que ce soient des commissaires, des directeurs généraux, même des présidents de conseil d'administration, qui nous remercient, quand on a fait des enquêtes, de la manière respectueuse dont on a fonctionné, impartiale aussi, et ils sont d'accord avec nos recommandations et ils les mettent en place. Donc, il faut le voir constructivement, effectivement.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

• (15 h 40) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : D'ailleurs, c'est comme ça que je le vois, parce que toute plainte mérite d'être traitée, et ce qui est important, c'est qu'on ait confiance dans le traitement des plaintes. Et puis moi, ce que j'ai vu dans le réseau, parce que j'ai participé, justement, à la mise en place de la loi, puis je donnais la formation sur les plaintes… Puis je peux vous dire que le fait d'avoir des gens qui s'occupent des plaintes, ça permet de dire aux gens : Au moins, je sais que je peux aller cogner à une porte. Parce qu'il y a eu une époque, tu allais voir le directeur général, tu allais voir le directeur, tu ne savais pas où aller, tandis que là il y a une porte d'entrée qui est unique, qui est le responsable des plaintes, qui par la suite a l'obligation de traiter la plainte.

Moi, je pense que ça a beaucoup augmenté la confiance dans le réseau, mais surtout ça a beaucoup augmenté la qualité, parce que, si on se donne la peine de traiter la plainte, surtout dans la perspective de mettre en place un système qui fait que ça ne se reproduira pas... Parce que 90 % des gens, quand vous leur demandez : Pourquoi vous faites une plainte?, regarde, on ne veut juste pas que les autres vivent la même chose, c'est souvent ça qu'ils vont dire. Ça fait que je veux vous féliciter pour le travail avant de passer la parole à nos collègues. Et vous êtes essentiels dans notre réseau de la santé pour s'assurer de la qualité puis surtout d'établir une confiance avec les usagers.

Le Président (M. Bergman) : Mme Saint-Germain, voulez-vous faire un commentaire?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : M. le Président, je pense que ces propos-là vont faire plaisir à mon équipe, qui travaille vraiment très, très fort. Alors, je les accepte et je les accepte en leur nom. Ils le méritent vraiment.

Et je dirais qu'il y a aussi le comité des usagers. Vous cherchez souvent, et nous aussi, des exemples de bonnes pratiques. Les directeurs d'établissement, les conseils d'administration, qui travaillent de près avec les comités des usagers, c'est souvent ceux qui ont les plus grands succès parce qu'ils font plus de prévention puis ils sont capables de faire vraiment la part des choses. Et les comités des usagers sont sur le terrain. Alors, c'est vraiment important aussi de les considérer.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : On veut tous vous poser des questions, alors je serai succincte. Une question 1 avec a et b. Vous savez, pendant la consultation publique sur les conditions de vie des aînés, qui s'est déroulée en 2007, et par la suite, les gens m'ont souvent demandé un ombudsman pour les aînés. Nous avons résisté parce qu'on se disait : Il y a le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne, commissaire aux plaintes, commissaire local aux plaintes. À un moment donné, une multiplication de structures, je trouvais que c'était trop. Est-ce que vous considérez qu'il y aurait de la place pour un ombudsman ou si ma résistance était la bonne décision?

Le Président (M. Bergman) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Moi, je vous réponds, M. le Président, que je suis l'ombudsman des aînés, comme je suis l'ombudsman des contribuables, comme je suis l'ombudsman correctionnel, «je» étant l'institution du Protecteur du citoyen.

La Commission des droits de la personne a un mandat très particulier en matière de discrimination au sens de la charte. Ça, c'est un enjeu très précis. Il n'y a pas de dédoublement entre nous, d'ailleurs, parce que, lorsque nous avons — et c'est très rare, d'ailleurs — des plaintes de cette nature, nous les référons à la Commission des droits de la personne. Mais autrement, avec ce régime à deux niveaux, donc un premier niveau local ou régional, et le Protecteur du citoyen, qui est une institution indépendante de l'Assemblée nationale, je pense qu'il y a matière à bien canaliser ces plaintes-là. Et ça créerait, je trouve, si on... D'abord, en plus d'entraîner des coûts additionnels, ça créerait, je crois, un dédoublement, et, à mon avis, les citoyens ne seraient pas mieux servis.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Je suis contente d'entendre ce que vous venez de dire, Mme Saint-Germain.

Ma question b. J'ai déposé un projet de loi pour contrer la maltraitance chez les personnes vulnérables, hein — je spécifie, «personnes vulnérables» — qui ferait en sorte que, dans le réseau de la santé, nous pourrions à la fois faire un signalement à la Commission des droits de la personne, et ça protégerait l'employé, le professionnel, le bénévole pour ne pas perdre son emploi. Sans entrer dans les détails, est-ce que vous considérez que c'est une bonne idée?

Le Président (M. Bergman) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : J'ai avec moi votre projet de loi. Parce qu'effectivement je pense que le personnel des établissements est fort bien placé pour voir certaines choses, certaines situations. À mon avis, la première étape, dans le cas du personnel, c'est d'avertir l'établissement, d'avertir les gestionnaires. Mais, lorsqu'il n'y a pas de mesures adéquates qui sont prises, effectivement il faut que ces personnes-là puissent non seulement faire des signalements — c'est en leur âme et conscience, au fond, qu'ils le font — mais aussi qu'elles soient protégées de représailles. Et je dois vous dire que ça se fait déjà auprès du Protecteur du citoyen, d'ailleurs, de la part également de médecins. Nous avons des signalements de la part de professionnels, dont des médecins, et aussi de la part du personnel. Mais je sais, nous savons, en allant sur les lieux, que certaines personnes ont peur, évidemment, des conséquences pour elles.

Alors, oui, c'est important et c'est important de vous dire aussi que, nous, dans ces situations-là, nous avons des méthodes d'enquête qui nous permettent de protéger autant l'identité des gens qui nous font un signalement... Nous prenons même des signalements anonymes. Nous ne savons pas, dans certaines situations, qui fait les signalements. Bien sûr, on commence toujours par vérifier si un signalement est fait de bonne foi. Ça, c'est très important. Mais donc les signalements de notre part reçoivent une considération particulière, tant dans le but de vérifier et de protéger la personne qui a signalé que de protéger la personne qui est l'objet du signalement, parce qu'on sait que les aînés ont des craintes aussi de se plaindre et d'avoir des représailles d'une personne qui donne les repas, qui donne les bains, qui répond aux appels des clochettes. Alors, c'est important dans toutes ces situations-là.

Le Président (M. Bergman) : Question. M. Rousseau, vous avez fait mention à cinq ou six déménagements, on sait, les fameux lits d'évaluation, les lits de transition. À mon avis, un déménagement est trop. Il doit y avoir une tolérance zéro.

Et on a reçu au bureau de comté des visites des conjoints, des visites des enfants qui sont vraiment dans une situation de crainte énorme. Et nous, comme députés, on n'a pas des réponses à ces questions. Et je me demande si ça prend des législations. Je m'excuse à mes collègues, car j'ai demandé cette question à quelques reprises et à quelques intervenants et je n'ai pas eu… J'ai eu l'état de situation, mais je n'ai pas eu la réponse que je voudrais avoir, qu'il y a tolérance zéro pour ce type de situation. Et je me demande si ça prend des législations de la part du gouvernement pour éviter ces situations et éviter qu'il doive y avoir un lit d'évaluation, un lit de transition, un lit d'attente, etc.

Et récemment, sur ce même sujet mais un peu à part, on a eu connaissance d'une autre situation, dumping, qu'un CHSLD envoie un patient à un hôpital, l'hôpital dit : On n'a pas de place pour le patient, ce n'est pas nécessaire. Ils mettent le patient dans un taxi avec une jaquette ou quelque chose et, dans l'hiver, ils le retournent au CHSLD : Il ne doit pas être ici, ce n'est pas à nous pour avoir le patient.

Je me mets dans l'esprit de cette personne, un aîné qui a donné tellement à notre société, et, à la fin de ses jours, on le traite comme ça, je pense que c'est inexcusable et inacceptable. Je suis un peu honte pour les familles et certainement pour l'aîné qui a fait tellement pour notre société. Et maintenant, on n'a pas des réponses spécifiques. Et, comme vous avez dit, vous êtes l'ombudsman des aînés. Alors, je me demande, c'est quoi, la réponse, c'est quoi, la manière pour prévenir ce type de situation.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, je vais commencer, M. le Président, la réponse et je vais demander à M. Rousseau de donner d'autres exemples concrets.

Pour nous, le dumping, c'est vraiment se débarrasser — c'est le mot, là — de personnes âgées qui sortent de l'hôpital, et, comme on n'a pas de place de transition, on les retourne à leur domicile, lorsqu'il y a un domicile, ou chez un proche. Là-dessus, on n'a pas de plainte. Je pense que ça se règle plus au premier niveau. Les plaintes que nous avons, ce sont des transits multiples, et on a plusieurs plaintes à cet égard parce qu'à ce moment-là l'usager n'a pas le choix de l'hébergement transitoire et doit quitter rapidement l'hôpital pour désengorger les lits, ce que l'on peut comprendre, et il va se retrouver dans des contextes où parfois c'est un hébergement transitoire dans une ressource privée, un CHSLD privé ou privé conventionné qui est plus loin de sa famille, qui est plus loin de son proche aidant.

Et la solution — avant qu'on vous redonne d'autres exemples — nous, on recommande, c'est une de nos suggestions, en fait, à la commission, que vous demandiez au ministre de la Santé une analyse de cette situation-là en vertu de trois paramètres puis qu'un plan d'action soit préparé. Les paramètres, c'est, au fond, les modalités d'accès à l'hébergement, incluant des délais qui seraient réalistes pour des attentes, les conséquences d'un recours systématique à un hébergement transitoire, les conditions de sortie de l'hôpital dans ces situations-là. À mon avis, on ne devrait jamais permettre une sortie d'hôpital sans avoir l'assurance que l'hébergement où s'en va la personne, que ce soit un retour au domicile, que ce soit un CHSLD public, privé, que ce soit une autre ressource transitoire ou une résidence privée, est adéquat en fonction de la situation médicale de la personne. Après tout, elle quitte un hôpital.

Et évidemment que le troisième paramètre, ce serait qu'on regarde l'adéquation, donc, avec l'augmentation prévisible de la demande. Parce que nous regardons la courbe démographique et nous disons : Cette situation, qui s'aggrave au fil des ans, elle va continuer de s'aggraver. Alors, ça m'apparaît important. Si vous permettez, s'il y a encore le temps, pour des situations de transits multiples, je pense que M. Rousseau pourrait vous donner aussi d'autres exemples.

Le Président (M. Bergman) : M. Rousseau.

• (15 h 50) •

M. Rousseau (Nicolas) : Pour vous donner un exemple qui est assez représentatif du genre de situation qui est portée à notre attention, on est présentement en traitement d'une plainte d'une famille qui refuse que son parent aille en transition dans un endroit qui est à une heure de route du conjoint de la dame qui est hébergée. Or, le conjoint en question est la seule personne que l'usagère reconnaît encore, parce que cette dame-là a des problèmes cognitifs, donc c'est la seule personne qu'elle reconnaît encore. Et présentement le mari visite deux fois par jour à l'hôpital, mais, à une heure de route, étant lui-même une personne âgée, ne pourra pas potentiellement faire le même soutien auprès de son épouse, et qui est la seule personne qu'elle reconnaît encore.

Donc, nous, ce qui ressort des plaintes qu'on reçoit sur le mécanisme d'hébergement, c'est que le mécanisme porte bien son nom, dans le sens qu'il est un peu intransigeant dans la prise en compte de l'aspect humain des situations dans les cas particuliers comme celui-là où est-ce qu'on a un conjoint âgé qui va se ramasser à distance et qui ne pourra pas faire le trajet, des fois n'a plus de permis de conduire lui non plus. Donc, c'est une espèce d'engrenage dans lequel on n'a pas la capacité, nous… on a de la difficulté, nous, à faire valoir des aspects humains. Donc, essentiellement, c'est la réponse…

Le Président (M. Bergman) : Si mes collègues me le permettent, juste… Cette question d'une heure de route, vraiment, comme société, on brise le couple, on brise le mariage dans un instant et on n'a pas le droit pour faire ça comme société. Mme Saint-Germain, mais je vais passer après au député de Gatineau.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Rapidement, si vous permettez, M. le Président. Dans des situations comme celle-là, on va probablement gagner, là, ce dossier-là. Mais imaginez le stress de la personne hébergée et de son conjoint, qu'ils vivent, là, depuis qu'ils sont chez nous. C'est un signalement, donc c'est venu directement chez nous. Imaginez le…

Une voix :

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Pardon? C'est une plainte. Imaginez le stress de ces personnes-là, là, c'est inhumain.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau, vous avez cinq minutes.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup de votre présentation, de votre présence ici. Vous avez brièvement effleuré la question des personnes hébergées qui ont moins de 65 ans. Je comprends que vous avez eu peu de plaintes qui ont été formulées.

J'ai une question. On entend les groupes et on se rend compte qu'effectivement ce n'est pas tout à fait adapté, la routine des CHSLD n'est pas toujours adaptée à la routine d'un jeune adulte ou d'un adulte. Est-ce qu'il est toujours opportun… Est-ce que c'est vraiment la meilleure façon d'héberger cette clientèle-là que de les héberger à l'intérieur d'un CHSLD en compagnie d'une clientèle aînée qui a d'autres besoins? Est-ce que c'est toujours opportun de fonctionner comme ça? Est-ce qu'il y aurait lieu de revoir toute la question de l'hébergement pour les personnes de 65 ans et moins qui ne peuvent rester à domicile? Malgré tous les efforts, il y a des milieux familiaux qui ne peuvent pas être adaptés et puis il y a un besoin de soins qui est plus important. Je n'ai pas posé la question à d'autres intervenants parce que je crois que vous, à titre de Protecteur du citoyen, vous avez une vision d'ensemble. Et je ne sais pas si vous avez eu la chance de vous pencher sur cette question-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Merci, M. le Président. On a eu moins de plaintes parce que le nombre est moins important. Mais le document de la commission réfère à 4 113 personnes, je crois, il y a deux ans. Ces personnes-là sont manifestement en CHSLD par défaut d'établissements ou de ressources qui répondraient mieux à leurs besoins. Et la difficulté…

Et là il y a une difficulté régionale. C'est que, dans plusieurs régions, il n'y a pas une masse critique pour dire : On serait en mesure, disons, d'avoir une ressource qui pourrait répondre à leurs besoins. On a certains cas qui sont quand même assez tristes, là, où on se rend compte que, d'une part, c'est démoralisant pour ces personnes-là, l'adaptation des services, des activités n'est pas faite en conséquence pour eux. Et la solution, elle est beaucoup plus dans des ressources de type beaucoup plus à échelle humaine, plus petites, où on pourrait regrouper ces personnes-là, malgré tout, par affinités et avoir des programmes d'activités en conséquence. Alors, oui, il faudrait que ce soit ailleurs qu'elles soient hébergées, mais, encore là, ça prendrait des ressources plus adaptées, justement, en réadaptation et en animation. On a une situation… M. Rousseau… Si vous permettez, M. le Président, sur l'occupation du jeune dont on a parlé…

Le Président (M. Bergman) : M. Rousseau.

M. Rousseau (Nicolas) : Merci, M. le Président. Dans le fond, les personnes plus jeunes, quand elles s'adressent à nous, souvent nous mentionnent leurs insatisfactions sur le milieu de vie qui leur est offert. C'est sûr que, par rapport aux personnes âgées, ils ont des besoins différents, mais le milieu de vie, pour nous, ça devrait être une adaptation aux besoins individuels de chacun, dépendant de son histoire de vie, de là où il est rendu, ainsi de suite.

Par exemple, les personnes plus jeunes qui s'adressent au protecteur, on nous dit qu'il n'y a pas assez d'activités, qu'il y a de l'isolement, qu'il n'y a pas d'amis pour parler, pour discuter, qu'on voudrait faire des visites, des sorties, se coucher plus tard, faire des activités, dans le fond, adaptées à l'âge. Donc, par exemple, on nous a déjà demandé d'avoir des visites d'un animal de compagnie, mais ça avait été refusé par l'établissement pour des raisons de sécurité, de milieu de soins. Donc, là, la personne avait invoqué, dans le fond, son droit à l'autonomie, son droit de prendre des risques pour elle-même.

Donc, c'est des demandes qui sont différentes des personnes âgées, mais, dans un milieu de vie, tout le monde peut en profiter, que ça soit une personne plus jeune, personne âgée. C'est juste que les personnes âgées, étant donné les déficits cognitifs, des fois n'ont pas tendance à revendiquer ça, mais en ont besoin tout autant.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau, il vous reste une minute.

Mme Vallée : Je comprends que vous formulez des recommandations pour revoir un peu toutes les politiques encadrant les jeunes, mais, à court terme, qu'est-ce qu'on pourrait faire, faute... Je comprends aussi les enjeux, les défis au niveau de la régionalisation et du nombre. Qu'est-ce qu'on pourrait faire à court terme pour rendre ce milieu de vie plus adéquat pour cette clientèle-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Saint-Germain, pour une courte réponse.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Courte réponse. Deux hypothèses. On n'est pas obligés de faire du mur-à-mur. Dans certains CHSLD, pourquoi il n'y aurait pas une aile ou une partie d'une aile réservée à ces plus jeunes personnes qui ont des problèmes importants et, à ce moment-là, avoir du personnel qui vient les voir, du CLSC, des CSSS, et du personnel qui prend mieux en charge leurs besoins? On pourrait ajuster les horaires en conséquence, même le genre de repas qui sont servis. Le jeune dont M. Rousseau parlait nous dit passer ses journées à faire de l'ordinateur.

L'autre hypothèse, dans d'autres régions, c'est d'utiliser notamment les ressources en hébergement, en centre de réadaptation, où il y a aussi une capacité d'avoir du personnel qui pourrait tenir compte davantage de leurs besoins et donc organiser l'offre de services, les activités, les programmes, les horaires en conséquence. Donc, des solutions, je dirais, alternatives de gros bon sens au fur et à mesure et selon le contexte de chacune des raisons, donc ce qu'on appelle le plan de services individualisé, pourraient être bien adaptées dans ces contextes-là, tout en reconnaissant que ce n'est pas facile et qu'effectivement il n'y a pas la masse critique, là, de personnes partout.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Mme Saint-Germain, M. Clavet, M. Rousseau, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous aujourd'hui et partager votre expertise.

Et je demande aux gens de l'Office des personnes handicapées du Québec pour prendre leur place à la table et je suspends pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 58)

(Reprise à 16 heures)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors collègues, on reçoit maintenant l'Office des personnes handicapées du Québec.

Bienvenue. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Pour fins d'enregistrement, on a besoin de vos noms, vos titres et votre présentation.

Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ)

Mme Tremblay (Sylvie) : M. le Président, donc Sylvie Tremblay, directrice générale de l'Office des personnes handicapées. Je suis accompagnée de Mme Anne Bourassa, directrice de l'intervention nationale, et de Mme Murchison, qui est conseillère à cette même direction.

M. le Président, membres de la commission, je rappelle à la commission que l'office a pour mandat général de veiller à la coordination des activités relatives à l'élaboration et à la prestation des services qui concernent les personnes handicapées et leurs familles. Il doit aussi favoriser et évaluer l'organisation, l'intégration scolaire, professionnelle et sociale des personnes handicapées, promouvoir leurs intérêts, les informer, les conseiller, les assister et faire des représentations en leur faveur. Le mandat d'initiative sur les conditions de vie des adultes hébergés en centre d'hébergement et de soins de longue durée interpelle l'office.

Parmi les enjeux soulevés dans le cadre de la présente consultation, l'hébergement en CHSLD des personnes âgées de moins de 65 ans nous préoccupe au premier chef. En effet, au 31 mars 2012, elles étaient près de 3 650, soit 11 % des personnes hébergées. Ces adultes handicapés représentent donc une proportion préoccupante de la population hébergée en CHSLD. Contrairement aux résidents en fin de vie, ceux qui ont moins de 65 ans sont généralement des personnes handicapées ayant été, comme certaines le disent, placées en CHSLD faute de choix. Pour l'office, cette situation n'est pas conforme à certaines orientations de la loi qui visent à favoriser leur autonomie, leur maintien ou leur retour dans leur milieu de vie de manière à accroître leur participation sociale.

Bien que ces personnes en CHSLD reçoivent un important nombre d'heures de services pour réaliser leurs activités de vie quotidienne et domestique, ce type d'hébergement ne permet pas une réalisation optimale de leurs autres activités courantes et l'exercice de leurs rôles sociaux comme la participation à des activités éducatives, professionnelles ou de loisirs. La raison de leur placement en CHSLD est généralement liée à une offre trop limitée d'heures de service de soutien à domicile ou l'absence de ressources résidentielles alternatives mieux adaptées.

À titre de référence, quelques statistiques de notre Service de soutien à la personne pour 2012‑2013. Ainsi, 11 % des demandes reçues concernent les ressources résidentielles, soit environ 2 200 interventions. Il s'agit d'une hausse de 20 % par rapport à l'année précédente. 6 % des demandes reçues au Service de soutien à la personne de l'office concernent le soutien à domicile, soit à peu près 1 100 quelques interventions.

Et voici quelques exemples de cas soutenus par nos intervenants à l'office. Un homme dans la mi-trentaine ayant une paralysie cérébrale depuis sa naissance, occupant un poste à temps plein, vivant en logement autonome, a été orienté vers le CHSLD en raison d'un plafond d'environ 30 heures de service à domicile par semaine. Cette personne même est en lien avec le protecteur. Dans un autre cas, une femme dans la vingtaine ayant une paralysie cérébrale sévère et vivant chez ses parents s'est retrouvée admise en CHSLD en raison d'une réduction de ses heures de soutien à domicile qui passèrent de 100 à 50 heures. Un dernier cas, celui d'une personne qui, au début de la vingtaine, ayant une incapacité physique et une déficience intellectuelle sévère a été admise en CHSLD par manque de ressources résidentielles et alternatives dans sa région.

En accord avec la politique de soutien à domicile Chez soi : le premier choix, adoptée en 2003, et dans le respect du choix des individus, l'office soutient que le domicile doit d'abord être priorisé comme milieu de vie. L'office souhaite donc un virage inclusif en matière d'hébergement et de soins de longue durée privilégiant l'accès à un continuum de formules et de services résidentiels favorisant le chez-soi d'abord partout au Québec. Ce continuum doit inclure une offre suffisante de services de soutien à domicile ainsi que des formules résidentielles alternatives plus légères de proximité et de qualité, bien sûr, exemplaire afin que les personnes puissent se loger adéquatement, selon leurs besoins spécifiques, dans un lieu librement choisi répondant à leurs attentes et celles de leurs familles.

À cet égard, il y a des formules intéressantes. Je vous donne, par exemple, le projet Habitations Pignon sur roues à Montréal. Cette formule accueille des locataires âgés de moins de 65 ans ayant des déficiences physiques et d'importants besoins d'assistance. Ils y occupent des logements de façon autonome et, grâce à la mise en commun de leurs heures-service, bénéficient d'un service optimisé de 24/7, comme on dit dans le jargon. Il existe plusieurs projets innovants du genre qui peuvent servir d'exemple afin de développer sur tout le territoire une offre plus diversifiée de formules résidentielles pour les personnes dont les besoins se situent entre le domicile et le CHSLD.

L'office est d'avis que le CHSLD ne devrait toujours constituer qu'une solution de dernier recours pour ces personnes. C'est pourquoi nous jugeons essentiel que soit dressé un portrait global de la situation des personnes handicapées de moins de 65 ans hébergées en CHSLD et que soit développé un plan national de transition leur permettant d'accéder dans les délais les plus courts aux ressources et aux services résidentiels correspondant à leurs besoins, leurs choix et leurs projets de vie, des types d'hébergement dont je vous décrivais un peu… que je vous décrivais un peu tantôt.

D'ici à ce que chaque région du Québec puisse compter sur une variété suffisante de ressources résidentielles, l'hébergement en CHSLD demeure, dans certains cas, la seule option pour les handicapés de moins de 65 ans. Pour ces derniers, il importe alors que le CHSLD constitue un réel milieu de vie favorisant leur autonomie, leur donnant accès à une offre suffisante et variée d'activités à la fois éducatives, professionnelles, civiques, sociales et récréatives et, bien sûr, adaptées à leurs attentes et à leurs besoins individuels.

Par exemple, la création de ce genre de milieu… j'aimerais vous citer le centre d'hébergement du Centre-Ville de Montréal qui regroupe les jeunes résidents ayant un profil semblable au sein d'îlots qui leur offrent un cadre de vie plus adapté. C'est là une autre initiative porteuse qui pourrait être étendue à l'ensemble des régions du Québec. Pour l'office, la détermination de ces besoins doit s'appuyer sur une planification individualisée et coordonnée des services, notamment par le biais des plans… les PSI et des PAI, afin que soient assurées une continuité, une cohérence, une complémentarité de services.

En conclusion, l'office considère urgent d'apporter une solution à la situation des adultes handicapés vivant en CHSLD. Il est impératif que les travaux découlant de la présente consultation mènent au développement de solutions novatrices pour améliorer le continuum de ressources et de services résidentiels qui leur sont offerts. L'office offre son concours et son entière collaboration au ministère de la Santé et les partenaires afin de contribuer au développement dans toutes les régions du continuum de ressources et de services souhaités. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Merci, Mme Tremblay. Alors, maintenant, pour le bloc gouvernemental, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Tremblay, Mme Bourassa, Mme Murchison. Écoutez, c'est vraiment très intéressant de vous entendre, parce que c'est une très grande préoccupation, effectivement, les jeunes personnes handicapées qui se retrouvent hébergées en CHSLD, confrontées à des situations extrêmement difficiles à vivre pour elles.

J'aimerais ça, dans un premier temps, que vous nous fassiez le portrait un peu des personnes handicapées et de la fréquence, là, de l'hébergement en CHSLD comme réponse à leurs besoins d'hébergement. C'est quoi, la proportion à peu près, là?

• (16 h 10) •

Mme Tremblay (Sylvie) : Nos dernières statistiques...

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : Merci, M. le Président. Nos dernières statistiques datent du 31 mars 2012. Il y a environ 3 500... pas environ, 3 597 personnes qui sont handicapées et qui sont âgées entre 25 et 64 ans; 51 personnes ont moins de 25 ans; et il y aurait, au 31 mars 2013, 285 personnes handicapées en attente, ce qui fait à peu près 7 % de l'ensemble. Donc, c'est, grosso modo, le portrait que nous avons des personnes handicapées en hébergement en CHSLD.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Donc, si je comprends bien, à peu près 7 % des personnes qui sont en CHSLD. Est-ce que c'est ça que vous dites?

Mme Tremblay (Sylvie) : 11 % des personnes...

Mme Proulx : Handicapées?

Mme Tremblay (Sylvie) : ...handicapées sont...

Mme Proulx : …sont en CHSLD.

Mme Tremblay (Sylvie) : 11 % des personnes en CHSLD sont handicapées, et il y a 7 % qui sont en attente.

Mme Proulx : Mais, sur l'ensemble des personnes handicapées au Québec, une idée de la proportion qui doit être hébergée en CHSLD. Est-ce que c'est fréquent? Est-ce que c'est beaucoup?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : La proportion des personnes handicapées en... L'office n'évalue pas la proportion des personnes qui sont hébergées en CHSLD en fonction des autres problématiques. Pour nous, l'idée, quand on accompagne les personnes, par exemple, au soutien à la personne, souvent elles changent de milieu de vie, et c'est comme ça qu'on l'accompagne, et c'est comme ça qu'elles vont en hébergement, l'idée étant, pour l'office et pour probablement tous les intervenants — et je pense que la réflexion que vous faites est intéressante — l'idée étant... C'est que, bien sûr, il y a des personnes qui ont besoin de beaucoup d'heures de service, qui sont handicapées, qui doivent vivre en CHSLD. Mais, à l'âge où ces personnes y entrent et y restent, les CHSLD doivent s'adapter à leurs conditions de vie et à leur vie aussi. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il ne peut pas y avoir partout, au Québec, on comprend, d'alternatives aux CHSLD, parce qu'il y a peu... comme vous disiez, comme disaient les principaux intervenants précédents, il n'y a pas de masse critique, on pourrait dire. Mais de réaliser des CHSLD adaptés, des îlots adaptés, cela ne demande pas beaucoup de réorganisation au niveau de l'hébergement, et je pense que les administrations publiques pourraient faire un tour de roue supplémentaire pour pouvoir héberger de façon adéquate ces personnes-là.

L'office est soucieux aussi et initie avec d'autres partenaires dans les régions… On vous parlait de Pignon sur roues tantôt. Il y a beaucoup, beaucoup de développements, par des OSBL, d'initiatives fort intéressantes, dans à peu près toutes les régions du Québec, en fonction du type de handicap. Je pourrais vous en donner, M. le Président, si vous êtes d'accord.

Le Président (M. Bergman) : Certainement.

Mme Tremblay (Sylvie) : Donc, on parle de... Et ça, c'est porteur, et ce sont des initiatives qui sont à la fois… — peut-être pour mettre en perspective — des initiatives qui sont à la fois faites par les personnes elles-mêmes, leurs familles, les CSS, les comités d'usagers quelquefois aussi, qui connaissent des gens qui pourraient ne pas entrer puis, bon, des centres de réadaptation. Donc, c'est des initiatives porteuses, et je pense qu'il faut les soutenir, et il faut qu'elles soient le plus présentes au Québec.

Pignon sur roues, c'est pour des personnes, donc, qui ont des déficiences physiques; il y a l'îlot adapté de Drummondville pour les personnes qui ont une déficience cérébrale, une déficience motrice; Résidence Entre-deux, Trois-Rivières, des personnes qui ont des paralysies cérébrales ou déficiences motrices; à Charlesbourg, une résidence qui devrait venir bientôt pour les personnes qui ont des problèmes... qui ont des handicaps au niveau de la dystrophie musculaire; et bien d'autres. Donc...

Une voix : ...

Mme Tremblay (Sylvie) : Oui, absolument, absolument, un bel exemple aussi, effectivement. Donc, l'idée étant, c'est qu'il faut soutenir ces initiatives-là à l'hébergement en CHSLD. Je vous dirais que quelquefois, quand les gens viennent au soutien à la personne et que nous les accompagnons... on les accompagne, les gens nous disent… Par exemple, dans certaines régions du Québec, vous parliez, tout à l'heure, de mari et femme, mais il arrive aussi que les personnes âgées de moins de 65 ans disent : Nous, on veut rester près de nos familles, et des ressources plus adaptées devraient nous... on devrait être obligés de déménager, et nous, ça ne nous convient pas. Donc, la formule du CHSLD demeure la seule. C'est ce qu'on vous dit. Dans le fond, c'est... Alors, il n'est pas le seul handicapé qui a probablement besoin de services, qui en aura besoin, donc il faut adapter ce réseau de CHSLD aux besoins de ces personnes-là. Idéalement, elles ne devraient jamais être en CHSLD, mais, bon...

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Justement, puisque vous en parlez, j'aimerais ça échanger avec vous sur toute la question du maintien à domicile de ces personnes-là pour éviter qu'elles en arrivent à devoir être hébergées en CHSLD. Vous mentionnez notamment votre préoccupation pour un continuum de services et de services résidentiels aussi, là, pour les personnes, et vous mentionnez spécifiquement, à la page 12, que le projet d'assurance autonomie pourrait représenter une avenue intéressante. J'aimerais ça que vous nous parliez un peu plus de votre vision sur cet aspect-là et de ce que ça pourrait représenter, là, si on faisait un virage vers, par exemple, une assurance autonomie pour maintenir à domicile le plus longtemps possible les personnes handicapées et leur offrir les services que leur état nécessite.

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : M. le Président, lorsque nous sommes allés en commission parlementaire sur cet aspect, sur l'assurance autonomie, ce que nous avons dit, et c'est ce qu'on reflète encore aujourd'hui, c'est qu'en interministériel il va falloir qu'il y ait développement de ressources alternatives, et de un, et qu'on puisse offrir une multitude d'hébergements adaptés pour les personnes, bien sûr, de moins de 65 ans qui sont en CHSLD. Ce que ça veut dire, c'est à moindre coût aussi et que ça permet aussi d'avoir une meilleure qualité de vie pour les personnes et qu'elles participent socialement à la société.

Pour nous, cette option permettrait donc de dédier… Parce que ce qu'on voit dans le réseau depuis nombre d'années, et vous le voyez aussi, c'est que le financement ne permet pas, justement, ces solutions alternatives. Et, quand les personnes sont en CHSLD, les solutions sont plus coûteuses. Ce que l'on dit, c'est : Offrez la possibilité d'avoir des solutions alternatives et de cibler des montages financiers pour au moins réaliser l'ensemble de l'oeuvre pour à la fois le maintien à domicile et l'hébergement. Donc, revoyez l'ensemble des formules pour être capables minimalement de pouvoir offrir pour les personnes handicapées des milieux adaptés. Donc, c'est dans ce sens-là que nous étions favorables à la discussion et à l'ouverture par rapport à cette assurance autonomie.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci. Et, en fait, je pense qu'il y a effectivement un espace pour des solutions alternatives. Et, en termes de financement, quand on regarde le coût, qui est évalué à peu près à 90 000 $ par année, d'une place, d'une personne… d'une place en CHSLD pour une personne hébergée, comparativement à un groupe qu'on a reçu hier, où ils ont développé une ressource pour, si je ne me trompe pas, 14 personnes et pour un coût de 550 000 $... Ça m'a frappée, ce ratio du nombre de personnes qui sont dans un milieu de vie beaucoup mieux adapté, premièrement, qui ressemble, en partant, à un milieu de vie et non pas à un hébergement en institution. Ça fait que je pense que, quand il y a une volonté et une volonté d'aller de l'avant avec des initiatives et des projets novateurs, il y a certainement des espaces possibles pour aller de l'avant dans des projets qui répondent beaucoup mieux aux besoins notamment des personnes handicapées.

Mme Tremblay (Sylvie) : M. le Président, si je peux...

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : Si je peux ajouter. Les solutions dont on vous parlait tantôt, donc les initiatives mentionnées sont souvent en lien avec le soutien à domicile en logement social, et on évalue à peu près à 12 000 $ par année pour une personne, contrairement, comme vous dites, à 90 000 $, là, par rapport à un hébergement en CHSLD. Donc, un OSBL qui vient... Des gens qui se regroupent en logement social, regroupent leurs heures de service, ont une qualité de vie intéressante. Pour les personnes handicapées âgées de moins de 65 ans, c'est la solution... en tout cas, ce n'est pas la meilleure... Pour que ces personnes se regroupent, et le fassent, et qu'elles nous demandent l'appui, je pense que c'est très porteur.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

• (16 h 20) •

Mme Proulx : Tout à fait, parce que l'exemple que vous soulignez dans votre mémoire, je le trouve très frappant et très triste en même temps. Ce jeune homme qui occupe un emploi, et qui vit dans un logement adapté, et qui tout à coup n'obtient pas le nombre d'heures que sa situation… qu'il avait, et que, par le fait même, il se retrouve obligé de s'en aller en CHSLD… Et là ça veut dire, tout l'impact de ça, cette personne-là ne peut plus vivre sa vie de citoyen à laquelle il pourrait légitimement aspirer et se retrouve avec, bon, tous les effets négatifs, là, de ce qu'on peut appeler un placement en CHSLD et qui l'empêche de poursuivre sa vie sociale. Et la même chose…

En fait, les cas que vous illustrez, là, je trouve que ce sont des cas qui ne devraient tout simplement pas arriver. Et on parle de jeunes personnes, malgré un handicap, qui peuvent aspirer à vouloir s'impliquer, à vouloir avoir une vie sociale active qui tienne compte de leurs limites, mais qui pourrait leur permettre, là, de vivre de manière beaucoup plus enrichissante leur vie d'adulte et, bien souvent, de jeune adulte aussi.

Ceci étant dit, les personnes qui, actuellement, sont quand même hébergées en CHSLD, j'aimerais ça avoir votre point de vue sur l'approche... en fait, je pense que ça relève de la formation des intervenants en CHSLD, l'approche pour répondre aux besoins de jeunes personnes handicapées, contrairement aux besoins... répondre aux besoins des personnes aînées. Est-ce que, selon vous, les intervenants en milieu de CHSLD ont la formation requise et ont ce qu'il faut pour pouvoir répondre de façon optimale aux besoins particuliers des personnes handicapées?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : Je vous citerais certaines personnes… Dans certaines régions du Québec — nous, on est partout au Québec — il y a des tables de concertation sur différents sujets. Et, entre autres, en Montérégie, il y a des personnes qui ont un handicap, qui ont une sclérose en plaques, qui sont en CHSLD, ils ont produit un questionnaire, justement, un peu, de qualité… Ce n'est pas l'Institut des statistiques, mais c'est très révélateur. Et ce qu'on voit, c'est que, considérant leurs conditions de vie, ils sont assez... ils nous disent que c'est passable, donc que c'est... Et je vais vous donner un peu les différentes préoccupations qu'ils ont.

Donc, les heures de lever et de coucher ne respectent pas les désirs des résidents, les heures de bain non plus, les contraignant parfois à devoir annuler des sorties, puisque les bains sont parfois offerts en plein après-midi. Ces personnes de moins de 65 ans, comme on se disait, veulent participer socialement, veulent sortir, vont à l'école, font des choses. Donc, ça les limite parce que les horaires, Mme la protectrice le disait aussi, les horaires sont encadrés en fonction des conditions... des services, mais pas vraiment au niveau des besoins des personnes. Les heures de repas, on vous en a parlé tantôt. Et il y a même, pour les très jeunes… disant : Nous, effectivement, au niveau des technologies, au niveau même de la cuisine — ils parlaient, par exemple, de cuisine orientale — nous, on veut goûter à autre chose. Et il y a comme une espèce de diminution de choix d'options.

Donc, les gens, ils sont de bonne volonté dans les CHSLD, mais le problème, c'est que ce milieu de vie ne répond pas très adéquatement à leurs aspirations. Donc, voilà.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste...

Mme Proulx : Oui, merci, M. le Président. Je sais qu'à l'office vous vous préoccupez aussi beaucoup de toute la mobilité des personnes handicapées. Alors, si je prends le cas des personnes qui sont actuellement hébergées en CHSLD, qui sont des personnes handicapées, comment ça s'organise et quels sont les constats que vous faites par rapport à la disponibilité de transport adapté pour pouvoir avoir des activités externes? Parce que c'est un défi, là. Et quel est le constat que vous faites?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : M. le Président, c'est un défi et un problème. Je laisserais peut-être Mme Bourassa vous entretenir sur ce sujet-là.

Mme Bourassa (Anne) : Donc, d'une part, par rapport au transport adapté, dans certaines régions, le transporteur peut peut-être, exceptionnellement, là, accepter de transporter ces gens-là, mais, règle générale, les personnes qui sont hébergées en CHSLD n'ont peut-être pas nécessairement accès au service de transport adapté… ou à des heures très limitées. Donc, comme on le disait tout à l'heure, par rapport à des jeunes ou par rapport au jeune homme — l'exemple qu'on avait tout à l'heure — qui avait un emploi, qui allait travailler avec l'aide du transport adapté à tous les jours, à une heure qui convenait, bien, à ce moment-là, en étant en CHSLD, il se voyait ne plus avoir ce service-là au niveau du service de transport adapté, ou avec des heures réduites, ce qui fait en sorte que le maintien à son emploi est compromis aussi.

Les gens, s'ils désirent aussi avoir des activités de loisirs, et tout ça, c'est beaucoup plus difficile, à ce moment-là. On parle aussi de personnes qui peuvent se déplacer aussi avec des aides… plus les aides à la mobilité motorisée, là, les AMM, comme on les appelle, quadriporteurs, triporteurs. Bien, à ce moment-là, aussi, souvent ce qu'on dit : C'est au CHSLD à faire l'achat pour ses résidents, donc une personne ne peut pas avoir son équipement pour se déplacer. Il y a des problèmes aussi parfois au niveau de l'adaptation de véhicules. Donc, les gens, quand ils sont en CHSLD, n'ont peut-être pas accès au programme, là, d'adaptation de véhicules actuellement.

Donc, c'est toutes des choses qui vont venir faire en sorte qu'une personne qui est hébergée en CHSLD a peut-être beaucoup moins de possibilités de se déplacer, de participer selon sa capacité aussi à la société, aussi d'être contributive. Quand qu'on parle de jeunes qui étaient à l'emploi, ils participent, ils sont contributifs, ils ont des amis, et tout ça, et souvent, là, c'est ça, ça va être restreint, là, s'il y a un placement. Donc, c'est pour ça qu'on se dit : Si jamais c'est la seule possibilité, l'hébergement en CHSLD, il faut peut-être essayer de prévoir que ces gens-là puissent continuer quand même à avoir un milieu de vie adéquat et qui répond à leurs besoins. On sait qu'il y a certains exemples où ils ont formé des îlots, les partenaires, tout à l'heure, en ont parlé également, donc des îlots qui peuvent être faits aussi à même le CHSLD, mais nous, on le voit vraiment s'il n'y a vraiment pas d'autres ressources, là, d'autres alternatives possibles pour ces personnes-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui. Il reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bergman) : Il reste peut-être 2 min 30 s.

Mme Proulx : Bon. Alors, bien, je voudrais vous parler de financement. En fait, vous recommandez, dans votre mémoire, de revoir les critères d'accessibilité et de tarification, j'aimerais ça vous entendre un petit peu là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : Je vais laisser Mme Murchison, si vous permettez, répondre.

Le Président (M. Bergman) : Mme Murchison.

Mme Murchison (Noée) : Oui, merci, M. le Président. Donc, la difficulté, c'est qu'il y a des critères d'admission qui sont liés au profil de besoins des individus, et il y a d'autres critères qui vont être liés à leurs revenus ou à leur capacité de payer selon la ressource. Alors, parfois, il y a des gens qui pourraient profiter d'une ressource plus légère, que ce soit une résidence privée pour aînés ou encore du logement autonome, mais ils n'y ont pas accès. D'une part, ils peuvent ne pas avoir les moyens de payer le montant qui est demandé par la résidence privée pour aînés ou encore ils peuvent avoir un revenu trop élevé pour accéder à une ressource alternative qui est un projet de logement social. Donc, la difficulté, en fait, c'est de s'assurer que les gens aient accès à la ressource qui répond le mieux à leurs besoins, donc que les critères soient harmonisés de façon à ce qu'on ait la solution la plus efficace et qui répond aux besoins des individus.

Mme Proulx : En fait…

Le Président (M. Bergman) : Vous avez à peu près une minute.

Mme Proulx : O.K. Bien, en fait, juste pour bien comprendre. Si je comprends bien, ce que vous recommandez, c'est de revoir la tarification en fonction des besoins des personnes et non pas de leurs revenus. Est-ce que c'est ce que vous recommandez?

Le Président (M. Bergman) : Mme Murchison ou Mme Tremblay?

Mme Tremblay (Sylvie) : Oui, j'ajouterais… Oui. Et il y a le principe de neutralité qu'on a ajouté dans notre mémoire, qui dit ceci : c'est qu'une personne handicapée ne devrait pas s'appauvrir parce qu'elle a un handicap, ne devrait pas s'enrichir non plus, donc il y a une équité derrière ça, c'est sûr, parce qu'elle est doublement pénalisée en soi. Parce qu'une personne handicapée ça coûte plus cher pour beaucoup, beaucoup de choses. Ce n'est pas vrai qu'on rembourse l'ensemble des coûts. Donc, nous, on est très préoccupés du fait que les personnes ne s'appauvrissent pas davantage…

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Tremblay (Sylvie) : … parce qu'elles ont un handicap.

Le Président (M. Bergman): Alors, le temps s'est écoulé pour le bloc du gouvernement. Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

• (16 h 30) •

Mme Vallée : Mesdames, merci beaucoup pour votre présence en commission parlementaire. Je suis particulièrement intéressée par vos recommandations. Tout à l'heure, la Protectrice du citoyen nous disait que le regroupement des adultes de moins de 65 ans sous un même toit pouvait s'avérer difficile en raison de la régionalisation parce que, dans certaines régions, on a un nombre moins important de personnes hébergées en CHSLD qui ont moins de 65 ans. Et je suis sensible à cet enjeu-là, habitant moi-même une communauté rurale et étant aussi très sensible à l'importance pour les personnes hébergées d'avoir des liens avec leurs familles, avec leurs amis. J'ai un cas en tête et je me demande si cette jeune dame là qui est hébergée actuellement en CHSLD à Maniwaki, si on devait régionaliser ne serait-ce qu'à Gatineau-Centre, si elle aurait autant accès à sa jeune pitchounette, si elle aurait autant accès à ses amis, à son conjoint, à sa famille.

Donc, comment on pourrait… Comment on relève ce défi-là? Parce que je comprends très bien quand vous dites : Ce n'est pas les mêmes besoins, ce n'est pas les mêmes défis. C'est une clientèle différente avec des besoins différents, plus jeune, plus dynamique et ayant le goût bien souvent de faire la même chose que les gens de leur âge, de leur génération. Mais comment on concilie tout ça avec également le besoin d'être près de ceux et celles qui vont mettre un petit rayon de soleil dans notre vie aussi?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : Cette préoccupation aussi nous arrive par les gens qui sont, bien sûr, comme je vous disais tantôt, qui arrivent avec le… qui nous demandent de l'accompagnement, par exemple, pour un plan de services et qui doivent arriver en… qui doivent aller en CHSLD, et on les accompagne. Et ce que je vous disais, et vous avez tout à fait raison, c'est : Dans des régions où il n'y a pas d'autres alternatives — puis on y reviendra — je pense que c'est aux établissements à revoir les façons de faire pour créer des milieux de vie à l'intérieur de leur ressource, de leur CHSLD afin de s'adapter aux personnes et non l'inverse.

Il arrive, et c'est arrivé chez nous, que les personnes disent : Moi, je ne déménagerai pas — exactement un peu comme vous dites —parce que tout mon réseau est ici, et c'est déjà difficile, je ne déménagerai pas. Et il n'y a pas de ressource intermédiaire. Il y a beaucoup d'adaptation à faire dans les CHSLD, mais, s'il y a au moins une adaptation qui devrait se faire dans des délais plus courts, c'est, pour ces personnes, donc, avec le PSI qui est là, donc, d'évaluer les besoins et de réaliser un lieu de vie pour ces personnes-là, dans cet hébergement-là, qui corresponde à ces attentes. Anne Bourassa me titille. M. le Président, Mme Bourassa.

Le Président (M. Bergman) : Mme Bourassa.

Mme Bourassa (Anne) : Peut-être aussi, je ne sais pas si vous vouliez voir un peu comment on peut instaurer aussi ou… bon, par rapport à des projets novateurs. Il commence à y en avoir dans quelques endroits. Souvent, c'est un regroupement, les parents… Parce qu'il y a beaucoup aussi de parents qui hébergent leur jeune, qui se voient vieillissants et qui ont crainte que leur jeune adulte… bon, qu'eux partent, et qu'il n'y ait aucune ressource, et que, justement, il se retrouve en CHSLD.

Donc, souvent, dans certains endroits, il y a des groupes de parents qui se sont formés et qui sont déjà reliés avec une association de personnes handicapées. On voit souvent des ressources au niveau de la paralysie cérébrale, au niveau de sclérose en plaques. On a vu, là, il y a une initiative au niveau des gens qui ont une dystrophie musculaire. Donc, souvent, c'est des gens qui vont se regrouper, qui vont regarder un peu l'évaluation de leurs besoins, qui vont aller chercher des conseils avec le CSSS, avec leur association. Souvent, ils viennent cogner aussi à notre porte au niveau de l'intervention collective régionale, pour voir qu'est-ce qu'on peut faire pour les aider. On regarde avec la SHQ différentes possibilités, avec l'agence. Et c'est comme ça qu'au fur et à mesure on peut regrouper souvent quelques personnes…

Parce que, vous le disiez, une personne isolée, il n'y aura pas une ressource juste pour elle. Mais, à ce moment-là, quand il y a un regroupement, qu'on prouve les besoins… C'est sûr que c'est des dossiers souvent de longue haleine. Il y a certains dossiers sur lesquels on a travaillé pendant peut-être quatre, cinq, six ans, sept ans, mais par la suite il y a une ressource qui est là, et la ressource, elle demeure aussi. Après ça, c'est aussi de s'assurer, là, que les services sont toujours disponibles, et tout, là. On sait que, des fois, il y a certaines difficultés à ce niveau-là, mais c'est quand même plus facile. Donc, souvent, c'est un processus, c'est une initiative, des fois, d'une personne ou d'un groupe de parents. Et par la suite on peut voir, là, certaines opportunités qui arrivent et des ressources qui sont intéressantes et aussi, après ça, qui stimulent dans d'autres régions aussi une démarche similaire. Donc, nous aussi, on est là au niveau de l'intervention collective régionale pour accompagner parfois, là, nos partenaires, là, dans des démarches à ce niveau-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Lorsque vous parliez qu'à court terme il y aurait lieu d'adapter davantage le milieu de vie à la clientèle plutôt que de demander à la clientèle de s'adapter au milieu de vie, qu'est-ce que ça veut dire, concrètement? Est-ce qu'il y a de gros coûts? Est-ce que vous avez une idée de ce que ça peut engendrer comme coûts pour les établissements ou est-ce qu'on a besoin de plus de ressources humaines? Est-ce qu'on a besoin de différents types de ressources humaines? Ça veut dire quoi comme implication, ça?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : Je dirais que c'est de l'adaptation de ressources humaines et aussi d'intersectorialité avec les autres partenaires, dans le sens où une personne qui veut garder un lien avec l'extérieur, la participation sociale, donc l'ouverture aux bénévoles, l'ouverture à des activités autres que prescrites à l'intérieur, le développement de liens aussi avec des partenaires de l'école, du milieu de loisirs, donc de créer un réseau pour cette personne-là qui permettra une participation sociale.

Tout ne se fait pas en CHSLD, les personnes qui y sont sont très, très occupées. Mais les besoins pour les personnes adultes sont différents. Donc, de permettre à cette administration-là d'être en complémentarité avec les autres ressources et de trouver des façons de faire pour que cette personne-là puisse continuer à vivre et s'intégrer… Donc, je pense que ce n'est pas nécessairement un changement de type de ressources à l'interne, mais c'est plutôt de s'ouvrir en intersectorialité pour permettre à d'autres personnes de participer à… le fait que la personne continue à participer socialement à la vie collective de son patelin, de sa ville et puis même avec sa famille aussi.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Je vais céder la parole à ma collègue.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci beaucoup. Mme Tremblay, Mme Bourassa, Mme Murchison, c'est toujours un privilège pour moi que de pouvoir interroger l'office… «interroger» je n'aime pas le terme, là, mais de pouvoir échanger — c'est plus délicat — les membres de l'Office des personnes handicapées.

Aujourd'hui, je suis un peu une personne indignée et, en vieillissant, je deviens de plus en plus indignée. Quand on regarde que l'Année internationale des personnes handicapées était en 1981 et que le thème en anglais, c'était Never Without Us, ne jamais prendre de décisions sans nous, c'était ça, la thématique, et on se retrouve aujourd'hui, en 2014, on sait qu'il y a du chemin de parcouru, mais il y a tant d'obstacles encore, tellement d'obstacles pour les personnes en situation de handicap qui doivent se battre pour rester à la maison, les maisons ne sont pas adaptées, qui doivent se battre pour le transport, qui doivent se battre pour ne pas aller en CHSLD, qui doivent se battre pour la reconnaissance de leurs droits, qui doivent se battre constamment, qui doivent se battre contre les préjugés, contre la stigmatisation. Moi, je pense qu'à un moment donné il faut dénoncer ça.

Puis une personne en situation de handicap, c'est un être humain comme un autre être humain. Puis vous avez raison quand vous dites que ce n'est pas forcément la place des personnes… Vous avez même dit : Ce n'est pas la place des personnes… ultimement, ce n'est pas la place des personnes en situation de handicap que les CHSLD. Mais encore faut-il que les milieux de vie soient adaptés, et ça, ce n'est pas toujours facile. Parce qu'on ne vient pas au monde nécessairement en situation de handicap, hein? Des fois, on le devient subitement à cause d'un accident, puis là il faut tout adapter l'environnement, puis ça coûte cher, puis ce n'est pas toujours facile, et c'est difficile.

Vous avez mentionné des milieux qui sont formidables, comme Saint-Charles-Borromée, qu'on appelle maintenant, aujourd'hui, le centre-ville, là, où les gens… — ça n'a pas toujours été facile, mais c'est mieux maintenant — où les jeunes peuvent sortir parce qu'il y a la rue Saint-Denis, il y a le centre-ville, il y a les festivals, donc il y a peut-être cette façon de s'évader de l'établissement plus que dans d'autres endroits. Je pense, entre autres, à Yvon Lamarre, pour les personnes atteintes de déficience intellectuelle, qui a créé des maisons un peu partout à travers Montréal. Je pense à L'Arche aussi, qui est une oeuvre pour les personnes, je pense, trisomiques. Mais il faut vraiment qu'on travaille là-dessus. Je pense qu'il faut qu'il y ait des petits milieux de vie un peu partout, beaucoup plus que de penser à recréer des milieux de vie à l'intérieur des CHSLD. Puis je veux que vous le confirmiez une fois de plus au microphone, là, parce qu'il faut changer cette façon de voir les choses.

• (16 h 40) •

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : Je réitérerai avec même la recommandation que nous faisions. C'est-à-dire que ce qu'on disait, c'est qu'il fallait recenser, et de voir les besoins de ces 3 000 personnes là, et d'arriver à un plan d'action pour qu'éventuellement elles ne soient plus dans ces ressources-là. C'est le bonheur qu'on leur souhaite.

Vous parliez de ressources intermédiaires, de ressources plus légères, c'est la solution d'hébergement pour les personnes handicapées dans toutes les régions du Québec. Et, si ce n'est pas possible, il faut privilégier, dans les milieux de CHSLD, des îlots adaptés, des chambres, des coins adaptés pour répondre aux besoins de ces adultes-là.

Comme vous disiez, c'est un peu simple. Ça fait 35 ans que l'office existe cette année. Il y a beaucoup de chemin parcouru, par ailleurs. On regarde, nous, le verre qui est à moitié plein, et on est contents de l'intégration scolaire, le soutien pour toutes sortes de dossiers aussi qui sont proches des préoccupations des personnes handicapées, mais il y a beaucoup de chemin à faire. Et il y a des choses quelquefois plutôt simples et qui sont regardées à la fin parce que, par exemple, pour les CHSLD, c'est un petit nombre dans les statistiques, mais c'est des vies puis c'est de la condition de vie. Je pense qu'il faut être attentif.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Tout à l'heure, je ne sais pas, ça a été plus fort que moi, c'était la partie ministérielle, mais j'ai dit : Ah! La Maison des sourds… Parce qu'il y a la Maison des sourds à Montréal, et ça a pris des années avant que ça arrive, parce qu'on parlait de financement, ça s'est fait aussi avec les AccèsLogis. Et c'est possible, avec la ville de Montréal, avec AccèsLogis, un terrain, de faire en sorte qu'il y ait des milieux… Et les sourds sont capables de se regrouper, jeunes et moins jeunes, ils ont même une salle de spectacle — c'est formidable — où il y a un échange, puis les gens sont bien entre eux. Donc, je pense qu'il y a des possibilités de financement avec AccèsLogis pour permettre aux personnes en situation de handicap de pouvoir vivre…

Je voudrais vous entendre maintenant. Parce que vous avez parlé des droits, des droits de la personne et que souvent les personnes en situation de handicap ont besoin de faire respecter leurs droits, que parfois ce n'est pas toujours facile. On parle de négligence, de maltraitance quand ils se retrouvent dans des milieux institutionnels. Parce que vous parlez entre autres de la ligne Aide Abus Aînés. Donc, pouvez-vous me parler un peu de ça et de l'importance peut-être de lever le secret professionnel pour permettre à ces personnes d'être respectées dans leurs droits?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : Lorsque cette ligne a été mise en place… On est en partenariat avec eux pour être en second, s'il y avait des plaintes. Je vous dirais, il y a peu de plaintes qui arrivent chez nous, avec cette ligne-là. Nous, on est toujours vigilants par rapport à ça. On l'est aussi avec d'autres partenaires, par exemple Services Québec qui reçoivent, comme tout le monde… Les personnes handicapées demandent des informations à Services Québec, mais, nous, en est en partenariat pour être au service des personnes et pour pouvoir aussi, pour toutes sortes de raisons, accompagner, même si elles arrivent sur des choses un peu neutres avec le réseau du gouvernement.

Je reviendrais un peu, par ailleurs, sur… On disait, dans notre mémoire, que les ressources, même si elles sont de type intermédiaire ou autre, il faut que ce soit de qualité. Et la préoccupation que nous avons est que beaucoup d'intervenants ont — ils vous ont probablement dit la même chose aussi — c'est que toute visite d'appréciation, tout mécanisme d'évaluation, que les parents puissent être présents et qu'ils soient bienvenus dans ces ressources-là, c'est d'une importance capitale. Et nous, on est aussi préoccupés de ça.

Vous dire aussi que l'office est en train de faire une évaluation très exhaustive des plans de services individualisés dans toutes les régions. On fait aussi des liens avec les différents ministères, que ce soit l'Éducation et le ministère de la Santé. On devrait déposer un rapport quelque part au printemps de cette année, qui va aussi un peu décrire… Parce que le plan de services doit être l'outil pour aussi permettre une véritable adéquation entre les services et les besoins de la personne. C'est fluctuant d'une région à l'autre et d'un établissement à l'autre, et quelquefois il y a beaucoup d'améliorations à faire. Donc, nous, on est en recherche sur cet aspect-là. Et on pourra aussi, bien sûr, avec les partenaires des établissements et le ministère aussi de l'Éducation et de la Santé, vous donner une idée encore plus précise des besoins des personnes handicapées au niveau des PSI et des PI, et pouvoir cibler un peu plus aussi, en termes d'amélioration, qu'est-ce qui pourra se faire au niveau des prochaines années.

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay, si je peux vous demander une question… Premièrement, on a reçu devant nous le Centre d'hébergement du Centre-Ville de Montréal, et on parlait de la création d'un milieu de vie, et vraiment ça faisait chaud au coeur pour les entendre. Et je me demande : Dans les CHSLD, en ce qui concerne les personnes handicapées, est-ce qu'il y a une mise à jour régulière des évaluations de l'état physique des résidents permettant d'identifier les ajustements requis aux soins et services des personnes handicapées? Et, s'il y a ce type de programme dans les CHSLD en ce qui concerne les personnes handicapées, est-ce que ça peut mener au portrait national de la situation des personnes handicapées de moins de 65 ans que vous suggérez dans votre mémoire? Mais je suis intéressé de savoir : Est-ce qu'il y a cette évaluation régulière des personnes handicapées dans les CHSLD pour évaluer leur situation physique?

Mme Tremblay (Sylvie) : Je vais laisser, si vous me permettez, M. le Président, Mme Bourassa...

Le Président (M. Bergman) : Mme Bourassa.

Mme Tremblay (Sylvie) : ...répondre à cette question.

Mme Bourassa (Anne) : D'accord. Alors, l'évaluation plus des besoins des gens qui seraient hébergés, ça se ferait, là, davantage versus le plan d'intervention. Nous sommes déjà intervenus aussi au niveau du service de soutien à la personne, là, pour aider des personnes au niveau du plan d'intervention, donc, mais sinon c'est la qualité des services qui est évaluée, comme pour toute autre personne, là. Je ne pense pas qu'il y a d'évaluation actuellement davantage, là, au niveau des personnes handicapées. Ce que nous, on propose, c'est plus un portrait, qui est là, quels sont leurs besoins, etc., aussi pour, après ça, peut-être voir, là, des ressources alternatives. Donc, dans ce qui était proposé pour le portrait des personnes hébergées de moins de 65 ans, c'était vraiment plus un portrait global aussi, là, des personnes qui constituent ce groupe-là et aussi de voir leurs besoins pour par la suite y répondre de façon adéquate.

Le Président (M. Bergman) : Est-ce que vous pourriez nous parler de la situation de la formation du personnel dans les CHSLD en ce qui concerne les personnes handicapées? Est-ce que vous pensez que le niveau de formation des personnes, à travers le Québec, en ce qui concerne les personnes handicapées, est à un niveau acceptable pour vous? Est-ce qu'on doit avoir des cours de temps en temps, dans les CHSLD, pour le personnel, en ce qui concerne spécifiquement les personnes handicapées qui nécessitent un soin particulier? Et est-ce qu'il y a un besoin d'une formation spécifique? Mme Tremblay.

• (16 h 50) •

Mme Tremblay (Sylvie) : On parlait tantôt de masse critique, et c'est là tout le problème, M. le Président. Dans un contexte où, dans certains CHSLD, il y a peu de personnes handicapées, les préposées ont souvent peu de formation pour pallier ou pour comprendre aussi la situation de handicap qui n'est pas celle des personnes de 65 ans et plus. Pour les lieux d'hébergement où il y a plus de monde, la formation continue est un petit peu plus intéressante. Donc, c'est à géométrie variable, tout ça. Ce qui est impératif pour nous, c'est que les soins soient de qualité et qu'ils répondent aux besoins des personnes, donc. Et, bien évidemment, il y a besoin, dans les CHSLD, d'une formation un petit peu plus adéquate au niveau des personnes handicapées.

Le Président (M. Bergman) : Merci. Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, Mme Tremblay, Mme Bourassa, Mme Murchison, merci d'être ici avec nous aujourd'hui et partager votre expertise.

Et je demande aux gens de l'Institut canadien-polonais du bien-être de prendre leur place à la table.

Et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 16 h 51)

(Reprise à 16 h 52)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à l'Institut canadien-polonais du bien-être. Bienvenue à l'Assemblée nationale. C'est fort possible, pendant votre présentation, que nous sommes appelés à un vote à l'Assemblée nationale. Alors, on va suspendre la commission pour laisser les députés faire le vote à l'Assemblée nationale et retourner ici. Mais, pour le moment, on attend l'appel pour le vote.

Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Pour les fins d'enregistrement, pouvez-vous nous donner vos noms et vos titres? Et les prochaines 10 minutes, c'est à vous.

Institut canadien-polonais du bien-être inc. (ICPBEI)

M. Tormen (Georges) : Merci, M. le Président. Mmes et MM. les députés, membres de la commission, nous vous remercions de votre invitation. Permettez-moi de vous présenter, à ma droite, M. George Pajuk, qui est le président du conseil d'administration de l'Institut canadien-polonais du bien-être; près de lui, Mme Frances Sztuka, qui est la présidente de la Fondation de l'Institut canadien-polonais. À ma gauche, je vous présente Mme Monika Szpotowicz, directrice générale, qui est présentement en congé de maternité et qui reprendra bientôt ses fonctions à compter du 8 avril 2014. Près d'elle…

Le Président (M. Bergman) : Félicitations!

M. Tormen (Georges) : Près d'elle, je vous présente Mme Violetta Sikora, directrice des soins infirmiers. Pour terminer, je me présente : Georges Tormen, directeur général par intérim pour la durée du congé de maternité de Mme Szpotowicz.

Qu'est-ce que l'Institut canadien-polonais du bien-être? M. le Président, permettez-moi de vous dire humblement que nous connaître, c'est comprendre un peu plus comment la culture est au service du milieu de vie substitut en CHSLD, comment la culture est essentielle au milieu de vie substitut. Vous l'avez vu dans la première partie de notre mémoire et vous l'avez sans doute retenu, l'institut est peut-être petit avec ses 126 lits d'hébergement, mais c'est un diamant au cou de la communauté polonaise, je le dirais aussi, de la communauté ukrainienne et pour les autres communautés slaves. L'institut y occupe une position centrale et y brille de tous ses feux. En fait, même si la chose est peu connue, l'institut est un diamant au cou de la communauté québécoise.

Vous le savez maintenant, nous l'avons expliqué dans notre mémoire, l'institut est, nous nous permettons d'insister, un centre d'hébergement et de soins de longue durée public, mais qui n'est pas regroupé ou pas intégré au sein d'un CSSS et qui est à vocation unique. Ces trois éléments mis ensemble et les conséquences qui en découlent font de notre établissement une entité autonome qui doit disposer des ressources nécessaires et suffisantes pour s'acquitter de sa mission, celle d'héberger des personnes âgées de la communauté polonaise, de la communauté ukrainienne et des autres communautés slaves.

Il suffit de prendre connaissance de son histoire. L'institut est né d'un acte d'entraide et du sens des responsabilités de la communauté polonaise. C'est aussi un témoignage de reconnaissance des immigrants polonais qui ont choisi le Canada comme pays d'adoption et qui ont élu domicile au Québec, terre d'accueil par excellence. Ces immigrants ont fait du Québec leur chez-soi. Ils ont élevé leur famille, ils ont occupé des emplois, des professions, certains et même plusieurs sont devenus célèbres et, tout en s'intégrant dans le mode de vie du Québec, ils ont conservé l'amour de leur patrie d'origine, ses traditions et ses habitudes de vie sociale et culturelle, ethnique et linguistique.

Aujourd'hui et demain, un grand nombre d'entre eux se trouvent et se retrouveront sur notre liste d'attente et sont devenus ou deviendront résidents de notre établissement. Il n'en demeure pas moins que la communauté polonaise, pour ne parler que d'elle, est très bien intégrée au Québec. Ses membres apportent une contribution appréciable dans tous les domaines, diplomatique, politique, religieux, culturel, professionnel, éducatif, sportif, etc.

L'institut a 48 ans d'existence et a hébergé, à ce jour, 1 191 résidents. À ce jour aussi, huit de nos résidents ont 100 ans et plus. Nous avons aussi une résidente qui habite le centre depuis plus de 25 ans. La communauté polonaise est très présente dans toutes nos activités. Nous recevons régulièrement des bénévoles, des troupes folkloriques et même l'ambassadeur, des consuls généraux et d'autres dignitaires de la République de la Pologne qui viennent honorer nos résidents qui ont servi leur patrie d'origine à divers titres.

Approche populationnelle, approche communautaire, approche culturelle et approche relationnelle, toutes les composantes sont présentes, à l'institut, pour réaliser sa vocation unique. Plus encore, à l'institut, la culture est au service du milieu de vie substitut, qui est lui-même fondé sur l'histoire de vie de nos résidents. Le passé de l'institut est élogieux, son présent actuel est honorable. L'institut a reçu, au cours des dernières décennies, de nombreuses reconnaissances : à deux reprises par l'Assemblée nationale, qui lui a confirmé son statut particulier et pour la qualité des soins et services en obtenant son agrément à plusieurs reprises; et récemment, avec honneur, pour une période de quatre ans, par Agrément Canada. Donc, passé élogieux, présent actuel honorable, son avenir, par contre, est incertain, voire en péril, puisque le financement qui lui est alloué et les ponctions récentes en termes d'optimisation ont fragilisé les assises budgétaires et poussent l'institut vers le déficit, même si les performances de l'institut démontrent que les ressources sont gérées de façon efficace et productive.

Quoi dire sur les conditions de vie des personnes âgées en hébergement public, les déterminants? Qu'est-ce que ça implique, vivre en milieu de vie substitut dans un CHSLD public? A-t-on des recommandations à faire pour bien comprendre et agir adéquatement sur les déterminants des conditions de vie? Les conditions de vie des personnes âgées en hébergement public dépendent des assises légales, du statut institutionnel, c'est-à-dire du CHSLD public comme tel, du milieu de travail, des milieux de services et de soins et traitements, de la manière dont le milieu de vie substitut est organisé et de la communauté, par sa participation, incluant les membres de la famille, les proches, les bénévoles, etc.

• (17 heures) •

À partir de notre expérience, de nos 48 années d'existence, nous avons comparé ce que c'est, un chez-soi, et ce que cherche à recréer un milieu de vie substitut. Nous avons identifié les déterminants des conditions de vie des personnes âgées en CHSLD public. D'ailleurs, la deuxième partie de notre mémoire vous livre les résultats de cette démarche. Quant à la troisième partie de notre mémoire, nous vous avons répondu aux 38 questions que la commission a formulées dans son mandat d'initiative.

Pour terminer, nous vous exposons quelques-unes des propositions de recommandation : mettre sur pied un centre d'étude et d'action prospective sur les modalités de création de milieux de vie substituts en CHSLD; entreprendre une démarche de consultation élargie afin d'étudier les impacts de l'implantation des dispositions de la loi sur l'assurance autonomie; créer des enveloppes monétaires pour garantir la transformation des CHSLD qui en font maintenant un lieu public de dernier recours et de fin de vie; intégrer le bénévolat dans le programme d'éducation civique des écoles et subventionner des projets de bénévolat issus des écoles et de la communauté; s'assurer que les CHSLD publics non regroupés à vocation unique reçoivent le financement nécessaire et suffisant pour maintenir leur statut particulier et réaliser leur mission; préserver de toute diminution les budgets de formation en CHSLD, voire les augmenter et y inclure les coûts de remplacement; développer des actions concertées tant au niveau national qu'au niveau local pour augmenter la responsabilisation et la participation à l'accompagnement des résidents par les proches; et enfin mettre en place un mode de gestion de la communication d'information du ministère qui assure non seulement la transparence et la fiabilité des informations rendues publiques, mais la mise en séquence des interventions, la démonstration publique de la démarche concertée, responsable, professionnelle et imputable des porteurs de dossiers de qualité, la responsabilisation de l'image médiatisée, ce qui éviterait la récupération de l'information à d'autres fins que celle de l'amélioration continue de la qualité.

M. le Président, Mmes, MM. les députés, membres de la commission, nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Bergman) : Merci. Merci, M. Tormen pour votre présentation. Alors, pour le bloc ministériel, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Tormen. Ça me fait plaisir de vous accueillir. Je vous salue aussi, M. Pajuk, Mme Sztuka, Mme Szpotowicz et Mme Sikora. Alors, bienvenue à vous. Je ne suis pas pire, hein?

Écoutez, en tout premier lieu, vous me permettrez de saluer la communauté polonaise. Je connais personnellement plusieurs membres de la communauté polonaise et je pense que votre arrivée ici il y a de nombreuses années a contribué de belle façon à l'enrichissement collectif de la société québécoise. Alors, je vous félicite pour ça et je vous félicite aussi pour votre présentation.

Écoutez, vous avez tellement de recommandations qui m'apparaissent pertinentes et intéressantes que je ne sais pas trop par laquelle commencer, mais il y a plusieurs choses que vous avez mentionnées qui ont vraiment suscité mon intérêt. J'aimerais ça, premièrement, que vous commenciez par nous donner un portrait peut-être des personnes que vous hébergez, alors peut-être l'âge, le profil des personnes et un peu à quoi ça ressemble, là, vos résidents.

M. Tormen (Georges) : Permettez-moi de donner la parole à…

Le Président (M. Bergman) : M. Tormen.

M. Tormen (Georges) : Excusez-moi, M. le Président. Permettez-moi de céder la parole à Mme Sikora.

Le Président (M. Bergman) : Mme Sikora.

Mme Sikora (Violetta) : Merci, M. le Président. Alors, depuis quelques mois, les dernières années, notre clientèle a changé énormément. Nous avions… la majorité des résidents qui hébergaient étaient des programmes 21, donc demandant 2,5 heures et moins de soins. Je peux confirmer que, depuis environ deux, trois ans, ce n'est plus, malheureusement, la réalité. Nous avons 19 personnes dans le programme 21 et 107 programmes dans le programme 31. Donc, vous voyez qu'il y a un gros alourdissement de la clientèle.

Et 92,1 % de nos clients ont plus de 80 ans. C'est des personnes qui sont d'origine polonaise, quelques-unes d'origine ukrainienne, et on a une personne d'origine hongroise aussi, qui, à travers leur vécu, ont contribué à la communauté québécoise et canadienne et qui se retrouvent chez nous, dans leur dernière, disons, maison, leur dernière étape de vie. Et nous sommes là pour les héberger et leur offrir une culture, donc aller chercher qu'est-ce qu'ils ont vécu dans le passé, qu'est-ce qui était leur maison, leur chez-soi dans leur pays. On essaie de leur donner une petite terre, une petite maison qui va leur rappeler leur culture, leurs traditions. Donc, on héberge des personnes, comme je vous ai dit, d'origine slave. Notre cuisine est typiquement polonaise, notre musique, nos activités aussi sont adaptées à la culture polonaise. Est-ce que je peux peut-être demander aux collègues de rajouter quelque chose?

M. Tormen (Georges) : Madame a bien décrit la situation. Nous vivons à la polonaise dans un Québec francophone, dans un Québec qui a été accueillant pour les Polonais, qui fait en sorte que, tout en étant très polonais… parce que, vous savez, en vieillissant on retourne vers nos racines et, à toutes fins pratiques, on se rappelle beaucoup plus ce que nous avions connu quand nous étions jeunes, et conséquemment c'est ce qui nous apporte sans doute les plus grandes joies, les plus grands plaisirs. Et n'oubliez pas, à cet âge-là, la saveur, le son, la musique, la lecture d'un poème, tout ça, c'est du bien-être, tout ça, c'est un plaisir de continuer à vivre tout en sachant que ces personnes-là sont malades et qu'elles ont besoin beaucoup de soins. Je pense avoir décrit… peut-être Mme Sikora… Mme Szpotowicz souhaiterait peut-être rajouter quelque chose, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Oui, certainement.

Mme Szpotowicz (Monika) : Non. Je crois que vous avez très, très bien décrit. Je tiens à souligner que M. Tormen n'est pas d'origine polonaise. Il est à l'institut depuis quelques mois et il a très bien compris les besoins de nos résidents, il a très bien… il s'est très bien adapté aussi à la culture. Donc, c'est une personne neutre qui se retrouve ici à défendre, d'une certaine façon, l'institut canadien-polonais.

Mme Proulx : Merci beaucoup. J'aimerais souligner que, dans votre mémoire, vous faites état particulièrement de performances extrêmement intéressantes de l'institut, selon l'agence notamment, qui vous confère un quatrième rang pour les services alimentaires. Alors, j'aimerais un petit peu que vous nous parliez de la qualité de l'alimentation que vous servez dans votre centre et comment vous avez pu atteindre ce succès-là au niveau de la qualité alimentaire.

Le Président (M. Bergman) : M. Tormen.

M. Tormen (Georges) : Oui, M. le Président. Mme Szpotowicz aimerait vous expliquer cela.

Le Président (M. Bergman) :

Mme Szpotowicz (Monika) : Merci, M. le Président. Tout d'abord, je tiens à souligner que notre établissement est parmi ceux dont le taux de sous-alimentation est le plus faible. Donc, le fait d'avoir un petit taux... un petit coût par repas ne signifie pas nécessairement que nos résidences sont mal alimentées.

Je crois que ce qui est important, c'est la volonté des employés de retrouver des recettes polonaises. Donc, il y a beaucoup de choses qui sont faites à la maison, donc de la façon qu'on aimerait le faire à la maison. Donc, bien sûr, ça fait diminuer les coûts. Il y a beaucoup d'employés qui vont même préparer des gâteaux chez eux, à la maison, et qu'ils vont apporter et ils vont partager avec nos résidents. Je vous parle ici des employés de la cuisine. Donc, nos résultats sont excellents parce qu'il y a cette volonté, je crois, de la part des employés de la cuisine, de recréer un repas polonais, mais à des petits coûts. Et bien sûr il y a aussi l'implication de la diététiste qui va faire une évaluation fréquente du menu puis des changements de menu selon la saison, pour s'adapter. Donc, voilà.

Le Président (M. Bergman) : M. Tormen.

M. Tormen (Georges) : Oui, si vous permettez, M. le Président. C'est qu'aussi n'oubliez pas que l'institut polonais partage beaucoup avec sa communauté. Alors, à chaque fois qu'il y a une occasion de fêter, on fête.

Je vous donne l'exemple, le jour du réveillon, la communauté était invitée. Il n'y avait pas simplement que les résidents à la table, il y avait aussi les membres des familles, il y avait des membres du conseil d'administration, il y avait des médecins. C'est l'occasion d'une véritable fête et du partage du pain, là, permettez-moi l'expression. Donc, on partage ce repas, on le fait en musique, on le fait selon les traditions, et le repas n'est plus un repas. C'est l'occasion de se réjouir ensemble, de savourer des saveurs du pays, puisque, même si quelquefois… À l'occasion du réveillon, par exemple, les repas étaient des repas polonais, mais avec une petite touche de modernité, ce qui fait que tout le monde a beaucoup apprécié. Et on était au-delà de 400 à fêter sur toutes les unités et même à la salle à manger en bas.

• (17 h 10) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : M. Tormen, vous nous donnez le goût d'y être. Avez-vous une longue liste d'attente?

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Proulx : Écoutez, j'aimerais ça que vous nous parliez aussi… Parce que vous avez souligné votre entente de gestion et d'imputabilité. Je ne sais pas si c'est M. Tormen, là, qui peut nous en parler sur cette particularité de votre entente qui vous permet de générer des effets aussi positifs, là, dans votre gestion.

Le Président (M. Bergman) : M. Tormen.

M. Tormen (Georges) : Oui, je vous en prie. Merci, M. le Président. Vous savez, l'entente de gestion et d'imputabilité, ça concerne des cibles, hein, comme par exemple l'assurance salaire, des choses comme ça. Écoutez, c'est une opinion personnelle, je n'en fais pas une opinion d'établissement, mais, vous savez, quand les gens travaillent très fort et qu'ils sont malades, c'est difficile de leur dire : Viens donc, la moitié du temps, travailler puis, l'autre moitié, tu restes à la maison malade. Cette question d'imputabilité relativement à ce sujet-là, ce n'est pas ça qui est vraiment la chose la plus importante. Si on donne des bonnes conditions de travail…

Parce que, vous savez, dans mon mémoire, nous avons distingué trois choses, d'abord vis-à-vis le milieu de vie substitut, mais ce milieu de vie substitut là, il ne naît pas comme ça tout d'un coup, là. On ne crée pas des conditions qui font que c'est un chez-soi… J'ai bien décrit ce que c'était un chez-soi puis, quand on arrive en milieu de vie substitut, qu'est-ce que c'est, qu'est-ce qu'on n'a plus. On n'a plus notre chat, on n'a plus notre chien, on n'a plus notre bibliothèque, on n'a plus de jardin, on ne peut plus faire de barbecue. On se retrouve donc confiné dans une chambre ou dans une partie de chambre. Donc, c'est des sacrifices. C'est un abandon d'un certain nombre de choses.

Ce qu'il est important de comprendre, c'est qu'il y a… c'est un milieu de travail aussi, avec son rythme, avec son organisation. Puis vous avez aussi un milieu de soins, de traitements. Donc, il faut savoir conjuguer cet ensemble-là. Moi, je dis toujours : Les cadres qui sont en place — on n'est que trois d'ailleurs, trois à temps complet dans cet établissement — ces cadres-là, il faut qu'ils aident les employés à donner le meilleur d'eux-mêmes parce que, quand ils donnent le meilleur d'eux-mêmes, bien c'est de la qualité qui se produit, là. Puis le meilleur d'eux-mêmes, vous savez, c'est… On ne leur demande pas simplement de poser un geste mécanique, de développer une technique. On leur demande un investissement affectif et émotif. Vous savez ce que ça coûte, ça, un investissement émotif et affectif? C'est énorme, ce qu'on leur demande.

Alors, vous comprenez que, si la lourdeur des patients que l'on a augmente la charge de travail et que l'on n'arrive pas de trouver des moyens pour compenser, automatiquement on les rend malades. Et il ne faut pas les rendre malades. C'est eux qui, sur le 24 heures et les sept jours par semaine, donnent des soins. C'est eux qui offrent, de façon éphémère mais répétée à l'infini, des sourires. C'est eux qui portent une attention particulière à nos résidents. Il faut en prendre soin. C'est un capital humain extrêmement important. Alors, il ne faut pas oublier cette chose-là.

Ce qui fait que les ententes de gestion… Vous savez, tout ce qui peut être des considérations d'ordre administratif ou bureaucratique, ce n'est pas ça qui fait que notre milieu de vie substitut permet à nos résidents de vivre des bons moments, des derniers moments, c'est la présence de la personne, c'est l'accompagnement de la famille. C'est l'ambassadeur de la République de Pologne qui vient d'Ottawa fêter le jour du soldat en remettant de façon honorifique des médailles à nos résidents et résidentes. C'est ce qui fait le milieu de vie et qui rend ce milieu de vie agréable à vivre pour ces gens-là.

Alors, oui, il y a les contraintes budgétaires. Oui, il y a les ententes de gestion, il faut les respecter. Oui, il y a l'équilibre budgétaire, il ne faut pas l'oublier, même si on se trouve coincés, parce que, tout en étant autonome, on ne peut pas avoir des économies d'échelle comme un CSSS, puisqu'on fonctionne comme un CSSS, là. On est un petit établissement, mais ce petit établissement doit se suffire à lui-même. Vous savez, quand on nous a donné cette autonomie, on nous a dit : Vous disposez des ressources suffisantes et nécessaires. Voyez-vous, avec toutes les coupures qu'on a eues, on n'a plus que 1,5 budget pour trois cadres. Et ce n'est pas exagéré, trois cadres à temps complet. Je parlais avec un directeur général qui me disait : Tu sais, avec 8 millions, au moins tu devrais avoir six cadres à temps complet. Combien tu en as? Je n'en ai que trois. Ah, oui? Et tu réussis? Comment tu fais? Bien, c'est la résilience et puis c'est le courage. C'est la détermination de tout un peuple qui est derrière.

Puis aussi l'investissement, bien sûr, on le fait auprès des résidents, essentiellement auprès des résidents. Puis, vous savez, les gens de l'administration qui sont là… Vous savez, le bénéficiaire qui, avec sa chaise roulante, vient voir le monsieur qui s'occupe de la caisse, de son argent, bien il vient d'établir une relation d'affaires avec cette personne-là. La vie, ce n'est pas simplement des loisirs, c'est tout le reste, et ce reste-là, c'est le contact...

Vous en connaissez beaucoup, des représentants du conseil d'administration qui viennent aux loisirs? En connaissez-vous beaucoup, des bénévoles qui sont là cinq jours par semaine depuis 15 ans et qui ont été préposés pendant 10 ans? Je n'en ai pas connu beaucoup. Moi, quand je suis arrivé à l'Institut canadien-polonais, ça a été pour moi un émerveillement, ça a été une découverte extraordinaire. Moi qui avais connu d'autres choses dans le passé, je n'en revenais pas. Et c'est pour ça que j'ai accepté le mandat puis de remplacer au mieux et de comprendre l'âme polonaise dans cette institution-là, parce qu'il y a une âme, et c'est ce qui fait notre milieu de vie substitut de qualité.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Moi, je suis vraiment fascinée de vous entendre et intriguée à la fois. À quoi vous attribuez cet engagement du personnel, des cadres, que vous semblez avoir été en mesure de susciter? Il doit y avoir une recette en quelque part, là. Qu'est-ce que c'est? Quelle est l'approche que vous préconisez? Parce qu'effectivement ce n'est pas nécessairement courant, ce que vous décrivez comme milieu de vie, de pouvoir en arriver à avoir un environnement et une dynamique comme ça. Donc, ça prend nécessairement du personnel dédié, engagé, vous l'avez dit tantôt, émotivement engagé. Mais comment vous en arrivez à susciter un tel engagement de la part du personnel?

M. Tormen (Georges) : Si vous permettez, M. le Président, je laisserais la parole à Mme Szpotowicz.

Le Président (M. Bergman) : Mme Szpotowicz.

Mme Szpotowicz (Monika) : Merci. Je crois que c'est le sentiment d'appartenance, le sentiment d'appartenance à la communauté, la fierté de faire partie de cette petite Pologne. Parce que l'institut est devenu un peu comme une petite Pologne, on a reproduit le pays. Les gens sont tellement fiers, ils veulent tellement réussir et démontrer un petit peu aux autres communautés qu'on s'est très bien adaptés et qu'on réussit très bien. Ça fait qu'il y a beaucoup de gens qui font du bénévolat.

On peut dire, nous tous, on travaille la fin de semaine, le soir puis même pendant nos vacances. Il y a beaucoup d'employés, comme des préposés, qui vont travailler sur leur pause, ils vont discuter avec des résidents, des gens de l'entretien qui vont jouer de l'accordéon. Donc, tout ça mis ensemble... Je crois qu'en se regardant ça nous motive encore plus de voir où est-ce qu'on s'est rendus.

Le Président (M. Bergman) : M. Tormen.

M. Tormen (Georges) : J'ajouterais, M. le Président, ceci, si vous me permettez, Mme Szpotowicz. La langue, facteur d'unification, les valeurs patrimoniales, le passé, l'importance du passé et de l'histoire, ce sont des choses importantes pour un peuple, et pas seulement pour le peuple polonais, vous savez. Cette chose-là est tellement évidente que, lorsqu'on partage cette culture-là, à travers le folklore, à travers les traditions, à travers les mets traditionnels, c'est évident qu'on est là pour s'entraider.

C'est pour ça que je vous disais : Approche communautaire, hein, populationnelle, bien sûr, puisqu'on se préoccupe d'un segment de la population, approche communautaire, approche culturelle et aussi approche relationnelle, ces composantes-là font en sorte que vous avez quelque chose de tout à fait particulier à l'Institut canadien-polonais du bien-être.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste quatre minutes.

Mme Proulx : Oui. Je vais laisser la parole à ma collègue, qui souhaite intervenir.

Mme Gadoury-Hamelin : Oui, qui a une question qui...

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Merci, M. le Président. Qui a une question qui me brûle les lèvres. Vous avez mentionné tout à l'heure... Bien, bravo à tout le monde, bravo pour ce que vous avez réussi et ce que vous réussissez à faire au quotidien pour les gens qui sont chez vous.

Vous avez parlé tantôt, madame, qu'il y avait un alourdissement de la clientèle, les gens sont plus hypothéqués, ils sont en plus grande perte d'autonomie. Comment arrivez-vous à composer avec cette réalité-là, cet alourdissement-là? Parce qu'il y a des gens qui nous ont dit : Bien, c'est plus difficile. Et puis, ça, j'aimerais ça vous entendre sur cet aspect-là.

• (17 h 20) •

Mme Sikora (Violetta) : Je vous dirais que c'est beaucoup plus difficile d'y arriver, mais, comme Mme Szpotowicz et M. Tormen le disaient, on est une équipe qui veut le meilleur pour notre résident, donc tout employé travaille en pensant à la sécurité, à la qualité des soins. On se réorganise, on refait des plans, on redivise la tâche et on doit y arriver parce qu'au bout du compte, c'est la satisfaction du résident qui compte.

C'est certain que, si le budget serait là, nous pourrions augmenter nos ressources. Parce que c'est certain que, depuis un certain temps, on voit aussi une plus grande assurance salaire au niveau des employés, et c'est normal parce que les personnes sont épuisées. Et on les remercie pour le grand travail, qu'ils mettent tout le coeur à faire leurs tâches auprès des résidents. Mais, comme je vous dis, c'est vraiment une réorganisation, la collaboration de tous et de tous les professionnels de tous les départements. Parce qu'on a un département de réadaptation, on a une diététicienne, on a une pharmacienne, on a un département de loisirs. Donc, c'est vraiment le fait parfois de faire des rencontres interdisciplinaires, de revoir notre plan puis voir quel objectif qu'on doit atteindre. Mais vraiment tous les soins sont faits de façon sécuritaire, et nous suivons les normes recommandées, nous passons les agréments, la visite ministérielle, le milieu de vie. On essaie le plus possible de tout mettre en place pour réussir. Mais c'est certain, les ressources... Si le budget serait beaucoup plus grand, les ressources seraient meilleures puis on serait plus capables de réussir facilement.

Le Président (M. Bergman) : M. Tormen.

M. Tormen (Georges) : Oui. Permettez-moi une information complémentaire. Vous savez, j'ai comparé les revenus nets, si vous voulez, le revenu net par lit reçu par différents centres d'hébergement, de CHSLD publics. Vous savez, il y en a qui reçoivent 82 000 $ par lits; nous en recevons 46 000 $. Nous sommes celui qui recevons le moins par lit. Donnez-moi simplement, comme la caisse le présentait, 70 % du 93 000 $ que coûte un lit ou... ça nous donne 65 000 $, 19 000 $ par lit. Avec 19 000 $ par lit, multiplié par 126, 2,4 millions, nous faisons plus que des miracles.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson, il vous reste une minute...

Mme Gadoury-Hamelin : Oui. J'ai une question. Votre personnel, est-ce qu'ils sont majoritairement des gens d'origine polonaise?

Le Président (M. Bergman) : ...

Mme Sikora (Violetta) : Oui, majoritairement, surtout les préposés parce que c'est le premier contact avec le résident. Donc, un de nos critères, effectivement, c'est la langue polonaise ou une langue slave. Au niveau des infirmières et infirmières auxiliaires, des fois c'est un peu plus difficile. Mais c'est aussi au niveau de la sécurité. Une infirmière a une évaluation qui est un peu plus poussée qu'une préposée. Donc, de façon légale, la personne, l'employé doit connaître un peu qu'est-ce que le résident a besoin et quelle évaluation a besoin d'être faite. Donc, de façon que ça soit sécuritaire, c'est certain qu'on essaie d'avoir du personnel d'origine polonaise, mais on est conscients que ça va être de plus en plus difficile aussi à trouver, que tous parlent la langue polonaise.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le bloc... le temps s'est écoulé pour cette...

Mme Gadoury-Hamelin : ...petit, minicommentaire, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Juste dire à Mme la présidente fondatrice de l'endroit : Vous devez être fière, madame, de voir que ça évolue dans le sens que vous nous présentez aujourd'hui. Alors, vous pouvez être fière d'avoir été la fondatrice de cet endroit.

Le Président (M. Bergman) : Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, vous êtes tellement dynamiques, vous avez tellement de joie de vivre. Je pense, M. Tormen, que vous avez adopté les Polonais, hein?

Une voix :

Mme Blais : Oui, tout à fait, hein? Je vais vous dire que, dans mon comté, j'ai une église polonaise. Moi, je suis dans Saint-Henri—Sainte-Anne, il y a une église polonaise, j'ai une pâtisserie polonaise extraordinaire, j'y vais régulièrement, elle me gâte tout le temps. Et j'ai aussi une résidence pour personnes âgées, qui s'appelle la maison hongroise. Et c'est un peu comme, je dirais, au niveau de la sensation quand je suis invitée dans une fête pour Noël, on ne peut pas partir, là, ou, quand on est invités pour le 24 juin, on ne peut pas partir : les saucisses, les mets hongrois qui arrivent, les familles... Ça ne finit plus. Les gens sont heureux, toujours bien habillés. Et, vous avez tout à fait raison, en vieillissant, la langue d'origine est quelque chose de tout à fait essentiel, et ça fait en sorte qu'il y a un lien, et les gens sont tissés, tricotés serrés.

Avant peut-être de vous parler de côté financier, évidemment il y a des gens qui n'ont pas parlé ici… Vous avez une fondation. Ça serait peut-être intéressant que vous me parliez de votre fondation et qu'est-ce que vous arrivez, avec la fondation, à pouvoir apporter de plus à votre centre canadien-polonais du bien-être.

Le Président (M. Bergman) : Mme Sztuka. Et félicitations à vous, madame.

Mme Sztuka (Frances) : Merci, M. le Président. Ce n'est pas seulement moi, c'est la coopération de toute la communauté polonaise et slave et tous les bénévoles qui nous ont aidés. La fondation a été fondée en 1992. Alors, c'est une assez jeune fondation, mais nous avons réussi, jusqu'à date, de dépenser au-dessus de 700 000 $ dans des affaires qui étaient de besoin pour l'institut, qui n'étaient pas couvertes par le budget du gouvernement du Québec.

Alors, pour donner un exemple, nous avons créé une chambre, qu'on appelle le «Snoezelen room». Parce que nous avons maintenant, à l'institut, beaucoup de résidents qui ont la maladie Alzheimer, puis ça va de pire en pire. Et puis le «Snoezelen room», c'est une place où on donne un genre de thérapie qui a effet à tous les «senses», les sens, vous savez, comme la vue, le goût et le «hearing» — excusez-moi, je mêle les affaires un peu — et puis ça nous a coûté 20 000 $...

Mme Blais : Vous pouvez le dire en polonais aussi.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Sztuka (Frances) : Merci beaucoup. Ça a coûté 20 000 $ et puis c'est beaucoup apprécié jusqu'à date. Aussi, nous avons acheté seulement en septembre… pas seulement, mais en septembre 2013, un nouveau autobus pour les gens handicapés. Ça a coûté à la fondation 99 000 $. Mais c'est un autobus qui est très confortable. Parce que les gens qui vieillissent, ils ont plus besoin de soins, disons, avec leur chariot puis les chaises roulantes et tout ça. Alors, il fallait que cet autobus-là soit très bien installé pour accommoder toutes ces affaires-là, vous savez. Et puis c'est surtout pour conduire les résidents qui sont encore mobiles, dans un sens, avec leurs «walkers» et les chaises roulantes, pour les amener à l'hôpital ou chez les médecins pour les suivis, naturellement. Et puis, surtout en été ou bien quand la température va bien, nous avons des «outings»…

Une voix : Des sorties.

Mme Sztuka (Frances) : …des sorties pour ces résidents-là. Puis ils pensent qu'ils sont en vacances. C'est quelque chose de très merveilleux pour eux. C'est important pour eux, pour changer les idées, d'être toujours, disons, dans leur propre chambre, n'est-ce pas? C'est pareil comme nous, quand on va en vacances, on apprécie ça beaucoup. C'est la même chose pour eux. Alors, il y a beaucoup d'affaires que la fondation a achetées pour nos résidents et grâce aux dons des gens de la communauté polonaise et slave et d'autres membres des autres communautés qui nous ont supportés aussi. Et puis c'est comme ça que la fondation gère.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Ça me fait penser un peu à l'esprit de ce que vous avez au centre gériatrique de la communauté juive, qui nous a rendu visite, où on nous expliquait que c'était une gestion linéaire plutôt qu'en pyramide. On avait beaucoup moins de cadres et beaucoup plus de personnes sur le plancher, que la directrice se promenait sur le plancher, et que les gens étaient pas mal multifonctionnels, et que c'était très familial, et ça faisait en sorte qu'on était capables, évidemment, d'offrir des services plus personnalisés. Puis vous êtes en train de prouver qu'avec beaucoup moins d'argent… parce que, quand je regarde que vous recevez 46 000 $ pour vos lits, 46 245 $, soit 19 149 $ de moins qu'un autre CHSLD qui n'est pas celui le plus cher, vous êtes obligés de faire des miracles. J'imagine, vous avez un bon président de conseil d'administration.

Une voix :

Mme Blais : C'est vous qui faites des miracles? C'est vous qui faites des miracles, là?

Le Président (M. Bergman) : Mrs. Sztuka.

Mme Sztuka (Frances) : Nous avons un très bon président du conseil d'administration, M. George Pajuk.

• (17 h 30) •

Mme Blais : Donc…

Le Président (M. Bergman) : M. Pajuk.

M. Pajuk (George) : Merci, M. le Président. Alors, premièrement, je vais dire un grand merci à notre directeur général par intérim, qui va devenir Polonais dans 11 mois et puis devenir très fier de notre institut, très supportant. Mais, comme vous savez, notre budget est très difficile à gérer parce que nous avons seulement trois cadres et puis, dans les quatre dernières années, il y a eu un remplacement de nos cadres parce que les trois précédents ont pris leur retraite. Et, en même temps, nous sommes frappés par les programmes d'optimisation où on coupait demi des salaires de nos trois cadres, et on se trouve vraiment maintenant dans une situation très précaire, M. Tormen a déjà décrit ça.

Espérons que, par exemple, si on parle d'impôt, si quelqu'un gagne seulement 20 000 $ par année, on nous demande des coupures de taxes additionnelles, on se trouve… peut-être, dans notre cas, on devrait appliquer les mêmes approches. Nous sommes vraiment de base, de base, et, pour demander de nous d'appliquer… couper le programme d'optimisation, c'est vraiment très difficile. Et on devrait voir vraiment est-ce que, dans notre cas, comme nous sommes un CHSLD non associé avec un centre, est-ce qu'on ne peut pas penser de nous donner un peu plus d'argent, peut-être une moyenne des CHSLD ou certainement… prix maintenant 46 000 $ par lit. Et je pense que c'est une demande raisonnable. On travaille fort. On se trouve maintenant avec une situation que notre CHSLD… avec nos résidents qui sont âgés, avec toutes sortes de problèmes pas seulement physiques, mais aussi de santé mentale.

On a besoin aussi beaucoup de formation, nos employés avoir besoin de formation. Et, si on considère couper dans le budget de formation, dans une situation… partout aux CHSLD, c'est vraiment difficile d'accepter de couper 25 % de ce budget. Je pense que c'est un autre budget qui devrait être gardé comme... parce que la difficulté est énorme. L'équipe travaille bien. On essaie de répéter à nos employés que nous sommes très fiers de leur travail, on essaie d'indiquer notre appréciation de notre personnel, mais on a vraiment besoin d'aide financière parce que sinon on se trouve en déficit.

Et on ne désire pas d'être jumelé avec un centre, on désire garder notre autonomie et garder notre esprit d'appartenance, notre fierté. Et, comme M. Tormen et Mme Szpotowicz ont déjà décrit, nous avons une grande implication de notre communauté et aussi de la communauté ukrainienne. Par exemple, régulièrement nous avons une visite par l'excellente chorale ukrainienne avec vraiment... qui est appréciée beaucoup par nos résidents. Et nous, on apprécie d'être reçus par vous, M. le Président et membres du comité. Espérons que vous avez cette habilité de nous aider par indiquer ça dans votre rapport de commission. Merci.

Le Président (M. Bergman) : Merci. Certainement, on va profiter peut-être pour une visite individuelle. M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Si j'ai bien compris, puis je connaissais votre établissement parce que je voyais votre existence à Montréal, lorsqu'est arrivée la fusion des CSSS, vous avez eu une clause spéciale compte tenu de l'origine polonaise. Est-ce que ça a été difficile à obtenir ou… Oui? Avec quel CSSS? Habituellement, vous êtes dans quel territoire de CSSS?

Le Président (M. Bergman) : Mme Szpotowicz.

Mme Szpotowicz (Monika) : Nous sommes associés au CSSS Lucille-Teasdale. C'était en 2003, toute la communauté s'est opposée à cette fusion-là parce qu'on avait peur qu'à force d'être fusionnés finalement on va finir par disparaître. Et, aussi le fait d'être fusionnés, bien il n'y aura plus cette implication de la communauté, donc l'idée d'avoir un institut polonais, ça ne serait plus aussi valable. Donc, on s'est débattus, comme c'était le cas aussi de L'Hôpital chinois, de l'Hôpital Santa Cabrini et aussi de l'Hôpital juif. Donc, c'est quatre établissements qui n'ont pas été fusionnés. Donc, je vais peut-être faire un lien avec la question de tantôt. Je pense que ce qui est important, c'est que, pour avoir cette réussite-là en termes de ressources humaines puis de dépenses qui sont minimes, on peut dire, il faut avoir le sentiment d'appartenance puis des petits établissements aussi. Donc, c'est ça.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Vous couvrez à peu près combien de personnes au niveau de la population polonaise?

Mme Szpotowicz (Monika) : Au Québec, il y a près de 50 000 Polonais d'origine polonaise, et nous avons une liste d'attente d'environ 30 personnes, mais c'est parce qu''elle s'arrête à 30 personnes. Mais nous savons qu'il y a des gens qui attendent depuis plus d'un an. Il y a des gens qui, malheureusement, doivent être placés ailleurs et qui attendent, des fois, deux ans avant de venir chez nous. Donc, la demande est là.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Le pourcentage de personnes qui décèdent à chaque année dans votre établissement, c'est quel pourcentage environ?

Mme Szpotowicz (Monika) : Avant, bien, quand j'ai commencé, c'était environ une personne par mois. Avant mon départ, on pouvait avoir deux à trois décès par mois. Donc, ça a triplé.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : O.K. Puis, le personnel, vous m'avez dit que la majorité des personnes parlent polonais et puis l'autre… Est-ce que vous utilisez comme autres langues le français et l'anglais aussi?

Mme Szpotowicz (Monika) : Tous les documents légaux sont en français. tous les rapports. Puis la langue officielle de communication, c'est le français. C'est sûr que le polonais sert uniquement pour desservir les personnes âgées. Mais toutes nos réunions des fois se déroulent en trois langues, chacun s'exprime dans la langue dans laquelle il est confortable. Nous sommes trilingues, donc il y a des gens qui sont nés ici, il y a des gens qui ont immigré ici qui ont appris le français ou l'anglais. Et aussi nous devons, des fois, avoir des réunions en français puis en anglais uniquement parce qu'il y a des gens qui ne parlent pas polonais.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Et puis c'est quoi, le pourcentage de chambres uniques versus le pourcentage de chambres doubles? Puis avez-vous des chambres triples et quadruples?

Mme Szpotowicz (Monika) : Non. Nous avons 68 chambres simples, donc avec un seul lit, puis 29 chambres avec des lits doubles. Donc, ça représente 58 places. On n'a pas de chambres triples.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Le bâtiment date de quelle année?

Mme Szpotowicz (Monika) : Le bâtiment, en 1966, mais il y a une aile qui a été ajoutée en 1984.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : M. le Président, vous avez vu comme je suis discipliné, hein, je ne parle pas quand vous ne me donnez pas la parole.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Bolduc (Jean-Talon) : On apprend ça avec le temps. Et puis avez-vous un plan pour, à un moment donné, convertir votre établissement seulement qu'en chambres uniques? Parce que, je suppose, quand les gens vivent deux par chambre, ça doit être une source de conflit. Habituellement, dans les CHSLD, la plus grande source de conflit, c'est celle-là. Avez-vous un plan de développement qui vous permettrait soit d'agrandir ou de transformer vos chambres doubles en chambres uniques?

Le Président (M. Bergman) : Mme Szpotowicz.

• (17 h 40) •

Mme Szpotowicz (Monika) : Oui, effectivement, on aimerait bien que nos résidents puissent vivre dans une chambre à lit simple. On a même pensé d'acquérir une clinique qui fermait juste à côté, c'était Domus Médica, pour pouvoir offrir plus de place à nos résidents. Pour le moment, il faut faire des choix quand même pour accommoder la population qui a vraiment besoin de soins. Donc, si on se mettait, à fermer des lits puis à créer des chambres à un seul lit, donc ça veut dire qu'il va y avoir des gens qui vont attendre encore plus longtemps pour être admis à l'institut.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Non, l'objectif, ce n'est pas de diminuer le nombre de chambres, mais peut-être de faire en sorte que vous soyez à 126 lits, mais des chambres simples.

Une dernière petite question avant de passer la parole à mon collègue, c'est au niveau médical. Est-ce que vos médecins parlent polonais? Est-ce que c'est facile à recruter? Et puis généralement, un médecin polonais, probablement qu'il a une petite… il vous favorise un peu en essayant d'aller chez vous? Oui?

Le Président (M. Bergman) : Mme Sikora.

Mme Sikora (Violetta) : Oui. Donc, oui, nous avons trois médecins qui parlent le polonais mais qui ne sont pas nécessairement d'origine polonaise, donc ils sont d'origine slave. Le but premier, c'est que ces médecins-là, quand ils rentrent dans la chambre de nos résidents, puissent communiquer dans leur langue, puis qu'ils les comprennent, puis qu'ils puissent voir c'est quoi, les besoins du résident. Donc, nous avons trois unités, un médecin par unité. Le recrutement, non, ce n'est pas facile, les garder, non, ce n'est pas facile, mais nous essayons tout notre possible de les accommoder. Et ce sont des médecins que nous adorons parce qu'ils sont disponibles pour nous en tout temps quand nous en avons besoin. Donc, il faut prendre bien soin d'eux aussi comme qu'ils prennent soin de nos résidents.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : M. le Président, je vais vous passer la parole.

Le Président (M. Bergman) : Vous avez mentionné que vous avez une liste d'attente. Ces personnes qui sont sur liste d'attente, est-ce qu'elles restent à domicile ou est-ce qu'elles sont placées dans les CHSLD en dehors de votre communauté? Et c'est quoi, les défis pour ces personnes qui probablement parlent seulement le polonais? Est-ce que vos bénévoles visitent ces personnes dans les autres CHSLD? Est-ce qu'il y a une manière pour les intégrer dans votre CHSLD? C'est quoi, les défis que vous avez pour ces personnes pour qui on a de la compassion, car ils n'ont pas les coutumes, et tout ce qui va avec votre CHSLD? Mme…

Szpotowicz (Monika) : Szpotowicz.

Le Président (M. Bergman) : ...Szpotowicz.

Mme Szpotowicz (Monika) : Donc, les personnes qui sont sur notre liste d'attente des fois ils sont à domicile, des fois ils sont dans un autre centre d'hébergement. Des fois, il y a des gens qui sont très bien accompagnés, qui ont des familles. Nos bénévoles, comme c'est une communauté assez restreinte, on connaît, des fois, ces gens-là, donc ils vont visiter ces résidents-là. Mais, des fois, on a des gens qui ont, des fois, parfois perdu tous les membres de leur famille dans la Deuxième Guerre mondiale, donc c'est des gens seuls, qui vivent chez eux seuls, qui n'ont aucun soutien. Donc, ces gens-là, lorsqu'ils arrivent chez nous, c'est comme retrouver leur famille. Donc, c'est un constat très triste, mais c'est la réalité d'une bonne partie de nos résidents.

Le Président (M. Bergman) : Mme Sikora.

Mme Sikora (Violetta) : Oui. Si je peux juste rajouter. Merci, M. le Président. Le fait que la liste est gérée par l'agence, par le service d'admission, nous aide grandement parce qu'on peut facilement repérer les Polonais qui se retrouvent sur d'autres territoires que seulement ceux qui se retrouvent sur le territoire du CSSS Lucille-Teasdale. Donc, quand qu'on regarde la liste d'attente, on voit que seulement un petit pourcentage se retrouve vraiment au niveau de notre territoire, et beaucoup sont soit placés dans d'autres centres d'hébergement comme le centre… prolongés Grace Dart, d'autres qui sont en soins à domicile avec des CLSC un peu éloignés, mais, en regardant la liste, on voit rapidement où qu'on peut les cibler, et je crois aussi que ça nous aide à pouvoir desservir la population polonaise sur l'ensemble du territoire et non pas seulement sur l'île de Montréal, mais vraiment dans l'ensemble du Québec. Par rapport à si on parle dernièrement du fait que le service d'admission serait vraiment au niveau du territoire, je pense que, pour nous, ça restreindrait beaucoup notre accessibilité à notre CHSLD.

Le Président (M. Bergman) : Parmi les CHSLD qui réussissent beaucoup et ceux qui sont venus devant nous, on voit qu'il y a un grand bénévolat, une grande implication de la communauté autour de ces CHSLD. Pouvez-vous nous dire la grandeur, combien de bénévoles que vous avez et les quelques activités de vos bénévoles dans votre institution?

Mme Sikora (Violetta) : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Mme Sikora.

Mme Sikora (Violetta) : Oui. Merci, M. le Président. Donc, c'est des périodes variables, je vous dirais. Comme M. Tormen le disait au début, nous avons deux dames qui viennent depuis des années, plus que 15 ans, quotidiennement s'impliquer — soit c'est directement au niveau des résidents... — donc, qui vont participer aux activités, ils vont les amener à la messe. Parce qu'on a une messe quotidienne à chaque jour, le matin, à 9 heures, ça fait partie des valeurs de nos résidents, ça fait partie de leur vie. Donc, nous avons des bénévoles qui vont s'impliquer directement aux soins avec le résident et d'autres bénévoles qui vont aller aider au département de loisirs, donc décorer, faire que leur maison soit encore plus belle, donc ils vont aider à la décoration à la technicienne en loisirs. Mais nos bénévoles aussi vont faire du temps individuel avec les résidents. Donc, les résidents qui ne peuvent plus vraiment participer à des activités de groupe, ces bénévoles-là vont prendre la main, vont discuter avec des personnes, vont prendre un 10-15 minutes par jour.

Comme je disais au début, c'est des périodes... Surtout au niveau estival, nous avons parfois beaucoup plus de jeunes aussi qui vont venir, parce que c'est le temps des vacances, donc les jeunes vont venir faire du bénévolat. Pendant l'hiver, je vous dirais, c'est un peu plus les personnes qui sont routinières, donc celles qui vont venir quotidiennement à l'année longue. Mais présentement nous avons autour de 10 bénévoles qui viennent régulièrement. Ils participent aussi au programme de marche. Donc, oui, les préposés, ils vont essayer de faire marcher les résidents, mais parfois, à cause de leur plan restreint, nous impliquons aussi les bénévoles. Les bénévoles, si c'est sécuritaire — et ils ont une formation qu'ils reçoivent par le département de réadaptation — si le résident est sécuritaire, les bénévoles vont participer à ce programme de marche. Donc, on a plusieurs aspects pour aider avec les bénévoles.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Comme vous voyez, on n'était pas prêts pour faire un vote, le vote a été reporté pour demain.

Alors, Mme Sztuka, M. Pajuk, Mme Szpotowicz, M. Tormen, Mme Sikora, merci pour votre présentation, merci de partager votre expertise avec nous, votre joie avec nous.

Et, collègues, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à demain matin, après les affaires courantes. Bonne soirée!

(Fin de la séance à 17 h 48)

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