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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le jeudi 20 février 2014 - Vol. 43 N° 80

Consultations particulières et auditions publiques sur les conditions de vie des adultes hébergés en centre d’hébergement et de soins de longue durée


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Table des matières

Auditions (suite)

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Mme Marie-Andrée Bruneau

Mémoires déposés

Remarques finales

Mme Hélène Daneault

Mme Marguerite Blais

M. Yves Bolduc

Mme Suzanne Proulx

Le président, M. Lawrence S. Bergman

Autres intervenants

Mme Diane Gadoury-Hamelin

*          M. Jean-Pierre Ouellet, FTQ

*          M. Benoit Hamilton, idem

*          M. Pierre-Guy Sylvestre, idem

*          Mme Nancy Vasil, accompagne Mme Marie-Andrée Bruneau

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente et une minutes)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Collègues, la commission est réunie afin de procéder à des consultations particulières et auditions publiques sur les conditions de vie des adultes hébergés en centre d'hébergement et de soins de longue durée.

M. le Secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Non, M. le Président.

Auditions (suite)

Le Président (M. Bergman) : Merci. Alors, on reçoit maintenant la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Bienvenue. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Mais, pour fins d'enregistrement, on a besoin de vos noms et vos titres. Et le prochain 10 minutes, c'est à vous.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Ouellet (Jean-Pierre) : Jean-Pierre Ouellet, président du Syndicat québécois des employés de service affiliés à la FTQ et vice-président de la FTQ. Je suis accompagné, à ma gauche, de — votre droite — Benoit Hamilton, conseiller aux communications du SQEES-298, et, à ma droite, Pierre-Guy Sylvestre, économiste au Syndicat canadien de la fonction publique.

Merci, M. le Président, merci, Mmes et MM. les parlementaires, de nous permettre de vous entretenir sur la situation des CHSLD. La FTQ représente 60 000 travailleuses et travailleurs, que ce soit dans le secteur public, dans les résidences privées de personnes âgées, 8 000 travailleuses, ou dans le réseau d'économie sociale, dans les coopératives de maintien de soins… d'aide à domicile pour les aînés au Québec, nous représentons environ 2 000 travailleuses. Nous représentons sur, quoi… 600 000 membres qui sont, bien entendu, très inquiets face au vieillissement de la population.

La FTQ a signé le contrat social en faveur des aînés du Québec l'an passé, en avril 2013, où, dans ce contrat social là, à la FADOQ, on demande que, dans chaque geste qu'on posera dans la société, on tienne en compte le vieillissement de la population sur quatre points : la santé, le bien-être, la sécurité et l'appartenance. Une petite blague, en passant, sur l'appartenance : On n'aime pas voir la vieillesse au Québec. Quand qu'on entend des déclarations du premier magistrat de la ville de Québec, le maire Labeaume, dire : Un CHSLD sur la Grande Allée, wo! là, ça en dit long sur le regard qu'on a sur la perte d'autonomie de nos vieux, de nos aînés au Québec.

Vous savez, le pouvoir gris est à nos portes. Vous connaissez déjà les chiffres. D'ici 2031, plus de 2,2 millions de la population aura plus de 65 ans, et on évalue que les gens en perte d'autonomie légère ou lourde, ça va être entre 400 000 et 600 000 personnes. On est inquiets du désengagement de l'État dans les soins aux aînés et par rapport à la vieillesse. Encore aujourd'hui, on va parler des CHSLD. Je suis un peu d'accord avec M. Paul Brunet, du conseil provincial des malades, il me semble qu'on en parle beaucoup puis il me semble qu'on a apporté des solutions qui sont longues à être mises en vigueur sur le terrain. Et je pense que les parlementaires, vous les connaissez, les solutions. J'aurais le goût de dire : Comme en relations de travail, vous êtes victimes un peu de votre propre turpitude.

Depuis 10 ans, on ferme des milliers de lits dans les CHSLD publics et privés. On annonce, dans la région de Québec, encore 151 fermetures de lits dans les CHSLD, dans la région de Montréal, 500 fermetures de lits dans les deux ans. 202 CHSLD au Québec, 81 jugés vétustes, on est inquiets à savoir si vous allez les fermer. 3 800 personnes en attente d'hébergement dans les CHSLD. C'est le ministère de la Santé qui a décidé d'augmenter le nombre d'heures-soins pour accéder aux CHSLD, à trois heures-soins et plus, provoquant ainsi un alourdissement de la clientèle. À l'heure actuelle, et je prends votre document, 76 % des gens hébergés en CHSLD ont plus de 75 ans, dont, on évalue, entre 60 % et 80 % ont des problèmes cognitifs, alzheimer et de démence. Après 10 ans de CSSS, qu'est-ce que nous constatons? 3 000 cadres de plus dans le réseau de la santé, pas beaucoup de préposés aux bénéficiaires de plus sur le terrain pour donner des soins de qualité, et qui sont déjà donnés en qualité.

J'ai vu la déclaration de l'AQESSS il y a deux jours : CHSLD victimes d'une campagne de dénigrement, et nous sommes en parfait accord avec cette déclaration-là. Vous savez, les CHSLD au Québec, c'est 38 000 personnes hébergées avec un personnel de qualité, des professionnels des soins de la santé : infirmiers, infirmières auxiliaires, ergothérapeutes, physiothérapeutes, et des milliers de préposés aux bénéficiaires, qui sont les bras, les jambes de nos gens en perte d'autonomie, qui font un travail extraordinaire, avec empathie, compassion, don de soi, dévouement au quotidien. Il ne faudrait pas prendre quelques dérapages qu'on voit sur la place publique et généraliser ça à l'ensemble des CHSLD au Québec.

Ce n'est sûrement pas en utilisant des agences de placement à outrance, du personnel d'agences de placement, surtout dans la grande région de Montréal, qu'on va penser à améliorer la qualité des soins et des services. Ce n'est sûrement pas en implantant des «lean» Toyota avec des personnes en perte d'autonomie, souffrant de maladies cognitives, qu'on va améliorer la qualité des soins. Avec ce genre de clientèle là, ça prend du temps, ça prend de la douceur. Il ne faut pas calculer le temps à la minute près.

J'ai l'impression, des fois, que vous faites penser à Luc Langevin, parce que les parlementaires, vous avez la responsabilité ultime… Puis le ministère de la Santé ne se dirige pas tout seul, hein? Vous avez la responsabilité ultime… Et, quand je dis que vous me faites penser à Luc Langevin, de la main gauche, on montre toujours les CHSLD, mais, pendant ce temps-là, on ne voit pas ce que la main droite fait. La main droite, là, c'est la clientèle de moins de trois heures-soins. Où est-elle?

Tu sais, on voit un développement anarchique des ressources d'hébergement dans les secteurs des aînés en perte d'autonomie. On a rien qu'à regarder : 2006, 86 000 places d'unités locatives en résidence privée de personnes âgées; en 2014, 120 000 places dans les résidences privées de personnes âgées — et dites-moi pas que c'est juste de l'hébergement, là, il se fait des soins dans les résidences privées de personnes âgées, de plus en plus une clientèle alzheimer, avec des unités fermées, des gens… — une certification qu'on ne finit pas de réaliser. Et il s'agissait de voir le feu de L'Isle-Verte pour apprendre qu'on s'apprêtait à reporter d'un an la formation des préposés aux bénéficiaires, les seuils minimaux du personnel. Et ça, il a fallu de voir un feu pour que ça sorte, parce que je ne suis pas sûr qu'on l'aurait vu passer. Si c'est si important que ça, la qualité de vie de nos aînés au Québec, rapidement la formation des préposés aux bénéficiaires... Je vous rappelle que, dans ce secteur d'activité là, on a élargi le Code des professions pour pouvoir permettre des soins invasifs donnés par des préposés. Donc, rapidement une formation obligatoire.

Sans parler des milliers de lits qui se développent en ressources intermédiaires. On prend de l'argent du public pour envoyer développer des lits en ressources intermédiaires opérées par des gens du secteur privé qui ne sont pas visés par la certification des résidences privées de personnes âgées. Ça fait qu'on a un peu d'inquiétude qu'est-ce qui peut se passer dans les RI. Je ne veux pas vous parler aussi des PPP, on en parlera un peu plus tard, parce que, pour nous, quant à nous, les PPP, c'est un fiasco dans l'hébergement des aînés au Québec.

Ça amène aussi un grave problème. Cessons de parler d'universalité, d'accessibilité et de gratuité. Quand tu es en CHSLD, il y a un plafond maximum pour le paiement d'hébergement. Dans les résidences privées de personnes âgées, ce n'est pas vrai que c'est universel, accessible et gratuit, là, c'est entre 1 500 $ et 6 000 $, dépendant de la résidence, dépendant des soins que tu auras besoin. Si tu es chanceux, tu vas gagner à la loterie de la RI, parce que, dans les RI, il y a un plafond maximum aussi pour le coût de l'hébergement, mais, si tu n'es pas chanceux, comme ma belle-mère, tu vas te ramasser dans une résidence privée de personnes âgées, alzheimers, mais — je vais prendre le langage du gouvernement, des fonctionnaires — qui ne cote pas assez pour aller dans un RI ou dans un CHSLD public.

• (11 h 40) •

Vous savez, les conditions de travail des gens qui oeuvrent dans ce secteur d'activité, dans les résidences privées, dans les RI, frisent le salaire minimum, moyenne salariale de 12 $ de l'heure. Ça fait que surprenez-vous pas qu'il y ait un roulement de personnel énorme. Dans la région de Montréal, dans les établissements qu'on représente, 50 % du personnel change en un an. Dès que tu as la chance d'améliorer ton sort monétairement, tu t'en vas chez un autre employeur. Ce n'est sûrement pas ça qui est la garantie des soins de qualité dans le secteur privé. Nous sommes convaincus que, quand tu opères des résidences pour personnes âgées avec une notion de faire de l'argent, à but lucratif, il peut y avoir des dérapages et il va y avoir des dérapages. À ce propos, la CSN et la FTQ avons demandé au ministère de la Santé une table de travail sur les conditions de travail dans les résidences privées pour personnes âgées et dans les ressources intermédiaires.

En terminant, nous apprenions, le 11 février dans Le Devoir, CHSLD : une philosophie à changer, Marie-France Simard et André Gagnière, qui président le comité scientifique et le comité consultatif du ministère de la Santé, qui nous disent qu'après avoir consulté les experts il faudra avoir beaucoup de courage pour dire maintenant que, les CHSLD, ce sont des soins palliatifs : «Changer la philosophie en CHSLD nécessiterait de revoir toute l'offre de services, selon Mme Simard. Bien des pratiques ne trouvent plus leur sens quand les mois sont comptés.» Ça fait qu'on passe d'un milieu de vie espéré… maintenant, on nous parle d'un milieu de soins palliatifs. Nous sommes inquiets que ça cache encore des coupures dans les services offerts à la clientèle que nous devons prendre soin quotidiennement, à tous les jours. Merci.

Le Président (M. Bergman) : Merci, M. Ouellet, pour votre présentation. Maintenant, pour le bloc ministériel, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Ouellet, M. Hamilton et M. Sylvestre. Bienvenue parmi nous. Alors, j'entends bien que vous avez plusieurs préoccupations à plusieurs niveaux dans tout ce qui concerne, là, l'hébergement en centre de soins de longue durée. Vous parlez, entre autres, de cette nécessaire continuité dans les soins. Alors, dans une logique de continuum de soins, comment vous voyez la place des CHSLD dans cette logique-là?

Le Président (M. Bergman) : M. Ouellet.

M. Ouellet (Jean-Pierre) : La place des CHSLD… Parce qu'à partir du moment où est-ce qu'on décide que c'est une clientèle avec plus de trois heures-soins c'est sûrement un service de dernière ligne et non pas de première ligne. Sans ça, la première ligne… Avant ça, il y a quelques années, on hébergeait une clientèle beaucoup plus légère. C'est un endroit pour donner… Trompons-nous pas, hein? Une clientèle de plus de 75 ans avec plus… tout près de 75 % de cette clientèle avec des soins de troubles cognitifs, ça a changé le portrait, hein, il y a quelques années et ça amène une problématique. Parce que, là, on parle beaucoup des aînés en perte d'autonomie. Il y a toujours bien 11 % de la clientèle en hébergement dans nos CHSLD qui ne sont pas des aînés. Je ne sais pas comment qu'ils peuvent se retrouver dans ce… Il faudrait voir peut-être à établir pour ce genre de clientèle là soit des unités spécifiques, et ainsi de suite, parce que ce n'est pas la même sorte de services de santé que tu vas donner à une clientèle qui est en perte cognitive qu'à une clientèle… un cas de sclérose en plaques de 35 ans, de 40 ans, qui a toute sa tête. Parce que tous… Les pertes cognitives, là, c'est la mémoire, c'est le sensoriel, et ainsi de suite. Et ça aussi, il faudrait voir à trouver des solutions à ça, là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui. Vous soulevez un point qui nous a été mentionné à maintes reprises, là, parmi les groupes qui sont venus témoigner devant nous : toute cette préoccupation par rapport aux personnes qui ont des profils diversifiés et des besoins diversifiés et de l'intérêt que ça peut représenter, de les regrouper dans des îlots ou dans des unités particulières. On nous a en même temps parlé, quand on nous rapportait, par exemple, des exemples à l'intérieur d'un CHSLD où il peut y avoir des unités particulières, de défis liés aussi à l'organisation du travail. Et on nous mentionnait qu'on a souvent besoin d'une plus grande flexibilité dans l'organisation du travail. Comment vous voyez ça? Est-ce que, pour vous, c'est quelque chose qui est une avenue intéressante? Et comment vous voyez, là, le fait d'organiser le travail autrement?

Le Président (M. Bergman) : M. Ouellet.

M. Ouellet (Jean-Pierre) : C'est une avenue intéressante, mais il faut être conscient qu'avec ce genre de clientèle là il y a beaucoup plus de besoins à répondre. Une clientèle qui a tous ses sens cognitifs, je prends toujours l'exemple d'une personne sclérose en plaques, ce n'est pas vrai qu'en deux minutes tu vas pouvoir faire une toilette. Il va falloir que tu mettes… Moi, je pense qu'avec ce genre de clientèle là ça prend plus de personnel qu'avec une clientèle en perte cognitive. Les besoins sont plus grands. Juste sur l'échange verbal, c'est sûr que, quand tu donnes une toilette à une personne qui est alzheimer, tu vas échanger avec elle, mais tu n'auras probablement pas le retour d'ascenseur. Mais la personne qui est sclérose en plaques, là, qui a des problèmes, qui a des problèmes de douleur, qui a des problèmes... ce n'est pas facile, d'être dans un CHSLD, il faut que tu prennes plus de temps, il faut que tu jases plus longtemps, il faut que tu y ailles avec douceur. Vous savez, être sclérose en plaques dans un lit, que tu ne peux pas te gratter un coude, là, puis tu as besoin de te faire gratter le coude, là, bien, ça prend du personnel. Mais, si tu es dans des formules «lean» Toyota, que tu dois donner 15 minutes à un client, cinq minutes pour faire manger, c'est sûr que tu vas passer à côté des besoins.

Vous savez qu'il y a quelques années on répondait à 90 % des besoins de la clientèle. Maintenant, on dit : Taux de satisfaction, 60 %. Il y a toujours bien 40 %, là, qui est évacué quelque part. Il me semble qu'on devrait viser l'excellence et non pas le plus bas pourcentage.

M. Hamilton (Benoit) : Concernant l'organisation...

Le Président (M. Bergman) : M. Hamilton.

M. Hamilton (Benoit) : Woups! Pardon. Concernant l'organisation du travail, on laisse entendre, dans le document de consultation, qu'il y a une rigidité par rapport notamment aux conventions collectives. Il faut comprendre que, souvent, c'est l'employeur qui rigidifie les relations de travail aussi avec les employés. C'est parfois beaucoup plus simple d'aller et d'appliquer la lettre de la convention, de la part de l'employeur, pour s'assurer d'avoir un milieu de travail... s'assurer de ne pas avoir de problème au niveau des relations de travail. La rigidité, là, ne vient pas nécessairement des syndicats. À vrai dire, le syndicalisme aujourd'hui, là, ce n'est pas nécessairement ce qu'on entend sur les chaînes de nouvelles continues ces temps-ci, là. On est prêts, nous, à aller s'asseoir avec les employeurs, à trouver des façons de travailler en harmonie. En fait, on ne souhaite que ça. D'ailleurs, certains de nos membres s'en plaignent, quand il y a une rigidité à outrance sur l'application de la convention collective ou des spécifications locales, que l'employeur change son mode de gestion pour appliquer à la lettre... Ça fait beaucoup de malheureux, là, dans le milieu de travail aussi, là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui, effectivement, je pense qu'il y a un grand constat qu'on peut faire quand il s'agit des relations de travail. Ce sont des liens de réciprocité. C'est quelque chose... c'est une danse qui se danse à deux, vous avez tout à fait raison.

Et je poursuis sur l'organisation du travail. Vous avez mentionné un peu... J'entends des préoccupations, là, tout ce processus «lean» qui est implanté. Et il y a d'autres que vous dans cette… pas nécessairement cette commission-ci, mais que j'ai entendus dans d'autres dossiers, des gens qui nous ont parlé de la firme Proaction, qui a implanté ce processus «lean» et ce minutage de chacun des actes. Alors, j'aimerais ça, vous entendre sur votre vision et comment vous percevez, là, ce processus-là.

Le Président (M. Bergman) : M. Ouellet.

M. Ouellet (Jean-Pierre) : On le disait, ce n'est sûrement pas en confiant à des firmes du privé des modèles de gestion «lean» Toyota... Peut-être qu'une gestion «lean» Toyota sur une chaîne de montage de conserves, ça peut aller, mais «lean» Toyota avec une clientèle en perte d'autonomie… Vous savez, aller au rythme d'une personne âgée qui est alzheimer, là, si vous la bousculez — puis, quand je dis «bousculez», là, ce n'est pas au terme physique — au terme de la rapidité, vous la déstabilisez complètement. C'est le contraire, il faut prendre plus de temps, plus de douceur, plus d'empathie. Cette personne-là a perdu ses repères, n'a plus la mémoire. J'ai beau être — je suis un préposé de bénéficiaires de formation — le meilleur préposé aux bénéficiaires, dans cinq minutes, je vais revenir, elle ne me reconnaîtra pas. Ça fait que, si je veux la bousculer, c'est là, des fois, que tu vas avoir des réactions d'agressivité, de colère, parce que, malgré qu'ils n'ont pas de mémoire, ils ont encore des sentiments et des sensations. Ce n'est pas avec des formules Proaction et «lean» Toyota, où qu'on veut minuter le temps du repas, le temps de la toilette, le temps pour amener la personne à la toilette, qu'on va réussir à humaniser les soins dans nos CHSLD.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

• (11 h 50) •

Mme Proulx : Oui. Et j'aimerais ça que vous nous parliez de l'impact de ce processus-là aussi sur les travailleurs. Parce qu'on entendait justement, hier, un centre qui venait nous parler d'une dynamique extrêmement positive qui semblait y avoir place et à quel point c'était important d'avoir l'engagement des gens et d'avoir vraiment du personnel qui a envie de s'investir auprès des bénéficiaires. Et là vous parlez de l'impact, hein, du minutage des activités sur les bénéficiaires. Mais le personnel, lui, comment vos membres réagissent dans cette façon de faire, là?

Le Président (M. Bergman) : M. Ouellet.

M. Ouellet (Jean-Pierre) : Bien, c'est... le personnel n'apprécie pas. Vous savez, je l'ai dit d'entrée de jeu que c'est un personnel dévoué au quotidien, qui sont là avec leur compassion, leur empathie. Quand tu as l'impression de terminer ta journée puis que tu n'as pas fait le devoir accompli... Moi, j'ai vu des gens rester après leurs heures de travail, bénévolement, hein, pour pouvoir rendre un service à une cliente ou un client parce que, dans le cadre de leur travail, avec le minutage, ils ne sont pas arrivés à faire tout ce qu'ils voulaient. S'en aller chez eux, le soir, tu n'enlèves pas ton habit de préposé puis tu la laisses dans ta case, au travail, là, puis tu t'en vas. Tu travailles avec des êtres humains. La perte de tel être… Le décès, là, ne pensez pas que les gens, ce sont des machines — je parle des préposés, là — la perte d'un être cher, parce que... Remarquez qu'on s'attache beaucoup moins, hein? La moyenne de vie est de 18 mois maintenant en CHSLD. Tu as moins le temps de t'attacher à ta clientèle, compte tenu de l'alourdissement. Mais ce ne sont... Moi, je reviens toujours à la base : Travailler avec des humains, ce n'est pas travailler avec des cannes de conserve, et y aller sur la base du temps de travail, c'est déshumaniser les soins qu'on a à donner.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui. J'aimerais maintenant aborder — ...

Le Président (M. Bergman) : ...

Mme Proulx : …oui — la dimension du financement de notre système public, le système d'hébergement. Alors, quels sont les grands constats que vous faites et... mais c'est surtout… Vous savez, l'intérêt pour nous, de la commission, c'est aussi d'avoir des recommandations. S'il y a des choses que vous trouvez qui ne fonctionnent pas de manière optimale, j'aimerais entendre aussi quelles seraient vos recommandations pour améliorer le système.

Le Président (M. Bergman) : M. Ouellet.

M. Sylvestre(Pierre-Guy) : Bien, écoutez, si on parle...

Le Président (M. Bergman) : M. Sylvestre.

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Oui. Si on parle des CHSLD en PPP, bon, présentement, il y a eu des expériences malheureuses, par exemple le CHSLD en PPP de Saint-Lambert-sur-le-golf. Ici, le modèle PPP, c'est bien le modèle où est-ce qu'on a la conception, la construction, on a la maintenance, la gestion et le financement sur 25 ou 30 ans. Donc, en anglais, là, on va appeler ça le «Design-Build-Finance-Maintain-Operate», là. Ça, c'est le modèle, là, bon, qui a été importé. Et, si on prend ce modèle-là, le problème, au niveau du financement, et ça, c'est connu, ça a été reconnu même par le P.D.G. de PPP Canada inc., le financement privé coûte plus cher. N'importe quelle grande multinationale privée va avoir… lorsqu'elle va aller sur le marché des capitaux, va toujours emprunter à un taux qui est beaucoup plus élevé. Donc, ça, une fois que c'est démontré, on sait que le financement privé est plus cher.

Maintenant, où est l'avantage du privé? Bien, d'un point de vue théorique, c'est qu'il va y avoir une concurrence qui va être tellement forte qu'on va avoir des économies qui vont être réalisées parce qu'il va y avoir une plus grande productivité. Par contre, si on n'a pas une concurrence qui est très forte, et ça a été le cas dans les PPP au Québec, autant pour le CHUM, le CSUM que les CHSLD en PPP, bien, à ce moment-là, la seule source d'économie qui peut être faite, c'est sur le dos des travailleurs. Donc, si vous voulez avoir une qualité qui est égale mais avec des conditions salariales ou une rémunération globale qui sont 10, 20 ou 30 fois... 30 % inférieures à celles du réseau public, bien, à ce moment-là, ce qu'on envoie comme message… Le résultat de la politique, ici, va être de diminuer la qualité. Donc, on privatise, les économies proviennent de la diminution de la qualité de services.

Si on regarde concrètement le dossier du CHUM, bien, récemment il y a un expert, M. Pierre Hamel, qui a démontré que ça allait coûter le double. Donc, il n'y a pas eu d'économie parce qu'on a privatisé les services de santé. Si vous regardez le cas du CSUM, je n'ai pas besoin d'élaborer longtemps sur la faible compétition qu'il y a eu. Vous connaissez mieux que moi, probablement, le dossier du CSUM. Donc, ça, ce sont deux exemples, ici, concrets, en santé, qui démontrent que ça a coûté plus cher. Pour le CHSLD Saint-Lambert-sur-le-golf, il y a eu des problèmes de qualité, mais je suis persuadé que, dans quelques années, on sera capable de démontrer qu'il n'y a pas eu d'économie.

Et puis, bien là, si on s'écarte du milieu de la santé puis qu'on regarde d'autres PPP, tout récemment, les entreprises Aires de service Québec, là, pour les haltes routières qui ont été construites en PPP — et là c'est des projets simples, là, en santé c'est des projets complexes, où est-ce qu'il y a beaucoup plus de risques — bien, il y a eu des problèmes. Ils ont fait faillite et ils poursuivent aujourd'hui le gouvernement parce qu'ils disent que le contrat a été mal interprété.

Donc, voilà pour l'aspect financement privé. Je pense que ça a été démontré, il y a plusieurs chercheurs qui ont écrit des études qui sont assez théoriques, mais qui sont capables de démontrer avec plusieurs exemples, également au Québec, que c'est un gros problème.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste une minute.

Mme Proulx : Oui. Alors, rapidement, j'aimerais vous entendre sur cette nécessité que vous soulevez, de revoir la tarification des usagers dans les CHSLD.

Le Président (M. Bergman) : M. Ouellet.

M. Ouellet (Jean-Pierre) : À l'heure actuelle, si tu es en CHSLD, il y a trois barèmes : 1 711 $ — de mémoire, j'y vais de mémoire, là — chambre simple, chambre double et plus de… 1 400 quelques. RI, à moins de me tromper, je pense que ce sont les mêmes critères. Si tu es dans un RI, c'est les mêmes barèmes. La tarification dans le secteur privé, les résidences privées de personnes âgées, puis je vous dirais que c'est là qu'il y a le plus de monde hébergé, on parle de 120 000 personnes hébergées, entre 1 500 $ et 6 000 $. On a vu, dans une résidence privée pour personnes âgées à Valleyfield, facturer les services… un menu de services facturés à la carte. J'ai été scandalisé d'apprendre qu'on facturait… Un préposé qui parle avec une résidente 15 minutes, on facture la cliente. Si c'est ça, humaniser les soins, revenons au secteur public, on ne facture pas dans le secteur public, il y a un plafond. Imaginez-vous la pression… Tantôt, je disais : Gagner à la loterie de la RI. Quand tu es une personne en perte d'autonomie et que tu ne réponds pas…

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît. En conclusion.

M. Ouellet (Jean-Pierre) : …aux plus de trois heures, que tu dois aller dans le privé, la pression sur les familles… Vous savez, ma belle-mère, là, à 2 500 $ par mois, nous devons compenser en fouillant dans nos poches. Ça fait que je me dis : Les personnes qui sont seules, qui n'ont pas les moyens, où sont-elles? Probablement que ce sont eux qui se retrouvent dans les RI, les chanceux, parce qu'il y a un maximum. Mais tous ceux qui sont dans le privé, là…

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps pour ce bloc s'est écoulé. Maintenant, le bloc de l'opposition officielle. Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci beaucoup, M. le Président. M. Ouellet, M. Hamilton, M. Sylvestre, bienvenue. Vous le savez, la commission se termine aujourd'hui. Je tiens tout d'abord à, peut-être, mettre en perspective… Vous avez parlé, en commençant, de Me Paul Brunet. Quand il a quitté la commission parlementaire, ce n'était pas aussi noir que lorsqu'il est arrivé, parce qu'à un moment donné, en parlant, il a avoué : Oui, il y a eu des améliorations au cours des ans, oui, il y a beaucoup de choses qui ont été faites. Parce que souvent, quand on revendique, on voit le côté beaucoup plus sombre des choses que le côté qui est plus intéressant et l'évolution.

Vous avez raison de dire que vous appuyez l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux qui parle de campagne de dénigrement. C'est l'une des raisons pour laquelle on fait cette commission parlementaire. Il faut que le dénigrement, au niveau de nos centres d'hébergement de soins de longue durée, cesse. Il faut qu'on soit capable aussi de montrer un portrait positif. Et, durant cette commission parlementaire, on a eu beaucoup d'exemples de petits milieux de vie, de petits CHSLD, des gens qui sont venus nous dire comment ça se passait, comment c'était merveilleux, comment ils étaient capables de composer, ne serait-ce que le centre polonais, hier, qui était ici, ou Saint-Jean-Eudes. On a eu beaucoup d'exemples.

On voulait aussi faire la démonstration que, les plus jeunes qui vivent en CHSLD, leur stimulation intellectuelle n'est pas la même. Et ça, je crois que cette commission parlementaire a réussi à dire que, si on est capable de créer des milieux de vie à l'extérieur de CHSLD, ce serait le choix ultime, parce qu'évidemment c'est plus difficile pour les jeunes, le 11 %, de se retrouver en CHSLD. Donc, on a cheminé énormément. Vous avez même dit, M. Ouellet, qu'on est rendu… en 2003, on parlait de milieu de vie, et là, maintenant, on parle de soins palliatifs. Ça fait que vous voyez comment ça évolue très, très, très rapidement.

Moi, je vous ai entendu beaucoup plus brosser le côté sombre, mais je pense qu'il y a l'autre côté aussi de la médaille, qui fait en sorte que ça va bien. Je veux vous dire, je suis d'accord avec vous : Il faut que les préposés aux bénéficiaires aient tous la même formation. Ça aussi, on l'a entendu ici. Ça ne se peut pas qu'il y ait une formation pour un puis une formation pour un autre, que ce ne soit pas équivalent puis qu'on puisse embaucher quelqu'un comme préposé aux bénéficiaires du jour au lendemain, sans que les personnes n'aient reçu de formation. Ça, il faut que ça cesse, il faut que ce soit la même formation.

Ça fait que je veux vous entendre là-dessus puis je veux vous entendre aussi sur le côté qui s'appelle aussi… un côté intéressant de ce milieu de vie. Puis après ça je passerais la parole à mon collègue le député de Jean-Talon.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Ouellet.

M. Ouellet (Jean-Pierre) : Je suis content de savoir que les gens de Saint-Jean-Eudes sont passés ici, et l'Institut canadien-polonais, ce sont des travailleuses et travailleurs syndiqués chez nous et…

Mme Blais : Ils s'entendent bien avec le syndicat.

• (12 heures) •

M. Ouellet (Jean-Pierre) : Tout à fait. Et le côté sombre que vous décrivez, que vous dites qu'on décrit, ce n'est pas dans les CHSLD, là, on vous a parlé du côté des résidences privées de personnes âgées, des RI et des PPP. Parce que, je vous le dis, dans les CHSLD publics et privés, il se fait des… C'est pour ça que je disais… Puis ce n'est pas deux, trois dérapages qui vont venir ternir la réputation de milliers de travailleuses et travailleurs qui se dévouent au quotidien puis qu'il y a des beaux résultats. Je pense à Yvon-Brunet à Montréal. Il y a des résultats positifs dans les CHSLD.

La formation. Vous savez, la clientèle s'est alourdie dans les CHSLD : les maladies cognitives. Tout ce qu'on a pu réussir à obtenir lors de la dernière négociation de la convention collective du secteur public, parce que c'était une de nos priorités pour les préposés aux bénéficiaires, c'est la formation AGIR, un budget de 14 millions. Une formation de deux jours dans une durée de vie de convention collective de cinq ans, avec une clientèle qui évolue, avec les diagnostics qui évoluent rapidement, ce n'est pas suffisant. Ça prendrait une formation continue.

Le côté sombre n'est pas nécessairement du côté des CHSLD. Par contre, si je reviens encore dans les résidences privées, on retarde d'un an, jusqu'en 2016, par un décret ministériel, la formation des préposés aux bénéficiaires. Parce qu'en résidence privée, je vous le répète, en résidence privée, à l'heure actuelle, il y a des préposés qui donnent des médicaments, qui vont donner de l'insuline, qui n'ont pas de formation. On a poussé pour avoir de la formation, on a applaudi la certification qui exigeait une formation. C'est pour ça que je pense que, dans ce secteur-là, il va falloir accélérer le processus. Parce que, je le répète, les gens qui sont en CHSLD, ce n'est peut-être pas un système parfait, mais il y a une équipe multidisciplinaire complète pour donner des soins de qualité et peut-être pas un milieu de vie parfait. Tu n'as pas ce bagage-là et ce personnel-là dans les résidences privées et dans les RI, et c'est là qu'on héberge 120 000 personnes. C'est-u moins important parce qu'ils ont moins de trois heures-soins? Nous ne croyons pas. Ce sont des êtres humains comme vous et moi. Ils n'ont peut-être pas assez d'heures pour aller en CHSLD, où est-ce qu'il va y avoir des ergothérapeutes, des physiothérapeutes, une diététicienne au service alimentaire. Tu n'as pas ça dans les résidences privées de personnes âgées. Ça fait que, vivement, terminons la certification.

La Présidente (Mme Proulx) : M. Hamilton.

M. Hamilton (Benoit) : Oui. Je voudrais peut-être ajouter à ce que vient de dire mon confrère Ouellet, que, concernant la formation, il y a un consensus clair, là, de part et d'autre, comme quoi il faut améliorer la formation, notamment des préposés aux bénéficiaires, autant dans le privé que dans les RI ou les CHSLD.

Cela étant dit, la nouvelle réglementation qui va rentrer en vigueur, là, bientôt dans les résidences privées pour personnes âgées, il faut être conscient que ça va créer une pénurie de main-d'oeuvre. Ça va créer une pénurie de main-d'oeuvre, il va y avoir une demande, il va y avoir aussi, entre les employeurs… tenter d'aller recruter des gens qui sont formés comme il se doit.

Je crois qu'il est plus que temps, il est plus que temps… en tout cas, c'est notre volonté, nous, à la FTQ, et avec nos collègues de la CSN, on demande à aller s'asseoir et regarder comment qu'on pourrait améliorer la rétention des employés, s'assurer qu'il y ait moins de gens qui… du va-et-vient, là, dans les résidences. Et il faudrait explorer comment… et en collaboration avec les employeurs, par ailleurs, qui vont, eux-mêmes, aussi en tirer profit, plutôt que se tirer dans le pied, les uns, les autres. Donc, nous, on demande à ce qu'il y ait une table de travail sectorielle qui pourrait se mettre en place pour regarder c'est quoi, les avenues qui s'offrent à nous pour s'assurer du meilleur service possible et d'employés heureux. Des employés heureux, ça contribue à faire un milieu de vie où est-ce que les bénéficiaires aussi sont heureux.

La Présidente (Mme Proulx) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à notre commission. Par rapport à la formation des préposés, je pense que c'est unanime, il faut regarder comment le faire, puis je suis d'accord. Puis, je prends la balle au bond, là, on apprécie beaucoup aussi que les gens veuillent collaborer pour améliorer les soins. Ça, en passant, l'organisation du travail, là, ça se fait vraiment à deux. Puis, moi, en tout cas, ce que j'ai vu dans le réseau, là, lorsque j'étais ministre, là, il y a une bonne collaboration avec vos organisations. C'est sûr, quand on arrive publiquement, là, il faut se le dire, là, on sort dans les journaux, chacun sort ses positions, mais, quand on arrive autour de la table puis qu'on travaille ensemble, les gens veulent vraiment que ça fonctionne mieux.

En passant, c'est pour le bien des patients mais aussi pour le bien des travailleurs. Et il n'y a aucun avantage à avoir des travailleurs qui ont de la frustration, des travailleurs qui sont déçus, surtout des travailleurs qui n'aiment pas rentrer le matin. Mais, je tiens à le témoigner, dans le réseau de la santé, c'est 300 000 personnes, la grande majorité, quand ils rentrent, ils veulent travailler avec les gens, travailler en équipe. C'est des emplois quand même qui sont intéressants, avec une certaine sécurité d'emploi. Mais c'est surtout des gens de coeur qui veulent travailler. Et là-dessus je tiens à vous dire que, dans cette commission… un type de professionnel qu'on apprécie beaucoup, qu'on doit vraiment mettre sur la place publique… parce qu'on parle souvent des infirmières, des médecins, des pharmaciens, mais les préposés, c'est le coeur de notre système actuellement.

Les personnes aînées, ce qu'elles ont besoin beaucoup, c'est des gens attentifs à leurs besoins, mais c'est des gens aussi qui vont s'occuper de leurs besoins quotidiens, journaliers. Souvent, ce n'est pas de la haute science qu'on a besoin, là, c'est vraiment du «care», là. Vous savez, en médecine, on dit toujours… ou en santé, là, on dit toujours : Il y a le «cure» puis le «care», hein? Ceux qui veulent… Quand tu vas voir un médecin, c'est parce que tu veux être… tu veux guérir. Mais ce qu'on va avoir de plus en plus besoin dans notre société, c'est des personnes aînées qui ont des pertes d'autonomie et qu'il faut aider pour justement répondre à leurs besoins de base.

Ça fait que, ça, là-dessus, je pense qu'on partage… Je dois vous avouer, pour avoir rencontré vos syndicats à plusieurs reprises, là, autour d'une table privée : Je pense qu'on a le même discours. En public, on comprend qu'il y a des positions syndicales, là, qui se prennent, un peu comme vous avez prises tantôt, là, mettons, contre la méthode «lean», ou des choses comme ça. Mais l'expérience, par contre, qu'on a eue… Même avec vos syndicats, ça a été discuté, ça. Et puis les gens ont pris le projet Proaction… qui, en passant, n'est pas un projet «lean», hein? «Lean», là, ce n'est pas du… Proaction, c'est un projet temps et mouvement.

Mais je vais vous donner un exemple. Moi, je suis allé au CSSS du Lac-Mégantic, et puis, quand j'ai fait ma tournée, il y a une préposée, pas n'importe qui, là… c'est probablement une de vos membres à Lac-Mégantic, là. En tout cas, peut-être, ce n'est pas vos membres, ils sont au moins membres d'un syndicat, certain, là. Et puis elle m'a accroché puis elle a dit : Dr Bolduc — elle a dit — la plus belle expérience que j'ai eue, c'est le projet «lean» que notre établissement nous a fait faire, parce qu'ils nous ont demandé notre opinion, ils ont travaillé avec nous autres, puis, à la fin, la transformation qui a été faite, là, c'était en fonction de, moi, ce que je pense qui est le mieux, mais avec des supports… des gens qui nous supportent.

Parce que, quand vous avez… tantôt, là… Je vous invite à changer votre langage, là, mais le problème «lean», Toyota, là, c'est… un, ça s'applique partout, puis ce n'est pas vrai que c'est inhumain. La plupart des gens qui l'ont fait, là, c'est vraiment le côté humain. Et le premier principe du projet «lean», c'est les gens qui sont sur le terrain, vos membres, qui travaillent ensemble pour voir comment on va travailler ensemble pour justement éviter de faire du travail inutile, comment on fait pour travailler ensemble pour que la préoccupation du patient… Et puis, juste pour vous dire, là, au début, là, le ministre actuel, il se posait des questions, puis actuellement c'est l'un de nos plus gros promoteurs de «lean» au Québec, pas du projet Proaction, on est d'accord — Proaction, ça a été mis de côté — mais des projets «lean», il en a annoncé pour plusieurs millions de dollars l'année dernière.

Et puis la littérature scientifique, pas, là, l'idéologie, l'opinion puis comment est-ce que moi, je pense que ça devrait être, là, la littérature scientifique, là, bien éprouvée, là, dit que, lorsqu'on applique ça, les gens, ils travaillent moins en atteignant les mêmes résultats. Parce que l'objectif… Vous regarderez les 14 principes des projets «lean», là, un des objectifs, c'est que les gens travaillent moins, éliminer la surcharge de travail. Je pense qu'on partage cette opinion-là. L'autre objectif, c'est que ce soient les gens sur le terrain, les gens qui prennent des décisions entre eux, qui, eux autres, décident c'est quoi, les meilleures manières de faire. La troisième chose, dans le projet… Regardez, je ne sais pas si vous les connaissez, les 14 principes de la méthode Toyota. Les connaissez-vous?

M. Ouellet (Jean-Pierre) : Non.

• (12 h 10) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bon, bien, on a avantage à en parler, dans ce cas-là. Troisième principe, là, c'est, entre autres, un programme de formation. Il faut former nos gens au maximum. Toyota est la compagnie qui forme le plus les gens au monde. Puis, si, aux États-Unis, ils prennent ça dans leurs hôpitaux, en France, ils prennent ça dans leurs hôpitaux… Je suis allé également en Belgique, en Angleterre, c'est unanime, tout le monde dit : Si on pouvait utiliser ces méthodes-là… Puis ils essaient de les utiliser, de généraliser ça, pour laisser aux gens sur le terrain… pour le faire.

Le quatrième, c'est d'utiliser les meilleures technologies simples, là, éprouvées, mais que les gens peuvent utiliser eux autres mêmes. C'est sûr, si vous ne connaissez pas les 14 principes de la méthode Toyota, je vais vous inviter peut-être à aller le voir, puis moi, je vous inviterais même à faire une formation puis aller en faire un, projet.

Et, en passant, pourquoi je vous dis ça? Ce n'est pas pour vous contredire, parce que je pense que vous avez pris votre position tantôt, là, ce n'est pas pour vous contredire. C'est qu'en médecine j'ai appris quelque chose : à un moment donné, il ne faut pas vivre selon les mythes ou ce que les gens disaient auparavant, il faut aller voir qu'est-ce qui fonctionne puis qu'est-ce qui est bon. Puis moi, je l'ai vendue, la méthode Toyota, là, parce que c'est une méthode pour les employés. C'est pour que les employés travaillent moins, que les employés soient plus heureux. Puis, dans la méthode Toyota… Puis allez voir, là… Puis vous m'avez dit, je ne sais pas… On s'est rencontrés en réunion privée, première chose que j'ai dite : Il faut éliminer la surcharge de travail dans le réseau de la santé. Il faut éliminer la surcharge de travail dans le réseau de la santé, les gens travaillent trop fort. Ils travaillent trop fort parce qu'on est mal organisés, on est mal organisés. Puis on l'a vécu, on a vu…

Puis, en passant, allez dans les colloques, là, ou… c'est fait dans des projets de CHSLD. On a eu des échos récemment, les gens commencent par dire : On a revu tout le processus d'accueil, mais on l'a revu avec la méthode «lean», les principes, et c'est les employés qui viennent témoigner comment aujourd'hui ça fonctionne mieux. Puis l'objectif, ce n'est pas de les faire travailler plus fort, c'est de les faire travailler moins fort. C'est sûr que, si vous ne connaissez pas la méthode, vous ne connaissez pas les 14 principes, vous n'avez pas vu les projets puis que vous dites à vos membres : N'embarquez pas là-dedans parce que c'est l'employeur qui ne travaille pas bien, puis qu'on n'embarquera pas là-dedans, on n'est pas sur la même base. Mais, si vous ne voulez pas appeler ça du «lean», ça ne me dérange pas, là, mais les principes, ce sont les mêmes. En passant, ce qui a été prouvé…

La Présidente (Mme Proulx) : En conclusion, M. le député.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Je pense que je suis en train de les convaincre, c'est dommage que je n'aie pas autant de temps, là. Mais moi, je vous inviterais, là, écoutez… Puis, vous avez vu, mon discours est très respectueux, là. Je vous inviterais officiellement — il y a des gens qui nous écoutent, là : Travaillons donc ensemble, cherchons donc les meilleures façons pour que nos employés soient les plus heureux dans le réseau de la santé puis également, à la fin, travaillons pour le bien-être du patient. On partage la même chose…

La Présidente (Mme Proulx) : …M. le député.

M. Bolduc (Jean-Talon) : …mais éliminons nos préjugés. Merci, Mme la Présidente. Dommage, ils n'auront pas le temps de répondre.

La Présidente (Mme Proulx) : Alors, le bloc pour l'opposition officielle est maintenant écoulé. On va maintenant aller avec la députée de Groulx pour le deuxième groupe d'opposition.

Mme Daneault : Merci, Mme la Présidente. Merci de votre présence. Bien, j'abonde un peu dans le même sens que mon collègue. Je pense que, qu'on appelle ça la méthode Toyota, qu'on appelle ça la méthode «lean»… Puis, je dirais, c'est péjoratif un petit peu comme nom. Déjà, au départ, on a l'impression qu'on va couper du temps, on va couper des ressources. Quand moi, je… «Lean», là, ce n'était peut-être pas le meilleur nom pour être attractif.

Mais, moi, ce que je vous suggérerais… Puis je sais que vous ne ferez pas l'éloge du privé, là, ça, on ne s'attend pas à ça, mais il reste qu'il y a eu des belles réalisations dans le privé. Là, vous avez pris les pires exemples, mais il y a aussi des très beaux exemples, puis moi, sincèrement, je voudrais que les beaux exemples, que ça soit du privé ou du public, soient la base de nos discussions, soient la base de notre remise en question. On ne peut plus aujourd'hui continuer à fonctionner de la même façon qu'il y a 10 ans, puis qu'il y a 20 ans, puis en confrontation.

Je pense que la première des choses, c'est qu'on s'assoit tout le monde à la table. Moi, je peux vous dire qu'on achève l'exercice, là, de la commission, mais tous les gens qui sont venus ici ont eu des témoignages, ont des expériences positives. Moi, j'aimerais ça que tout ce beau monde là se retrouve autour d'une même table puis qu'on soit capables d'arriver… Je pense qu'on doit revoir le mode de travail au sein des CHSLD, on doit ouvrir avec… une ouverture, mais avec nos employés, avec nos bénéficiaires en premier, on doit arrêter d'imposer des façons de faire. Je pense qu'il y a des gens, dans le réseau, qui sont créatifs, qui ont eu des belles expériences, qui avancent, mais malheureusement on a de la misère à l'exporter parce que les gens résistent au changement.

Puis aujourd'hui moi, je voudrais vous entendre dire que vous êtes prêts, vous aussi, à collaborer pour arriver à ce qu'on modifie nos façons de faire de façon à appliquer les meilleures pratiques. On a à sortir du mode centre hospitalier qui s'est importé dans les CHSLD. On doit revoir notre rigidité au niveau de chacun des employés, de ses tâches. Et je pense que plus vite on va le faire, mieux on va arriver, mais plus on va rendre nos employés, aussi, heureux. Parce que ce n'est pas une tâche facile, à chaque jour, de travailler avec des gens qui sont en perte d'autonomie. Il y a des gens qui étaient… qui deviennent agressifs, et, à chaque jour, de leur donner de l'amour, de leur donner des soins, ça prend une patience. Ces employés-là méritent des médailles à chaque jour, méritent de l'encouragement, méritent du support de la part des employeurs, de la part des syndicats. On doit revoir… Mais il y en a, des exemples où ça se passe bien, où finalement, malgré le fait que c'est exigeant, on réussit à rentrer au travail le matin puis à être heureux. Et les bénéficiaires, eux, les patients, c'est les premiers à en bénéficier. Puis moi, je pense qu'on est à l'étape… puis c'est vrai qu'il y a plusieurs recommandations, mais on doit revoir ça puis on doit, je pense, vous entendre aujourd'hui nous dire que vous êtes d'accord à faire ce pas-là.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci, Mme la députée de Groulx. Le temps est malheureusement écoulé.

Mme Daneault : Vous ne laissez pas répondre monsieur? D'habitude, on leur laisse un deux minutes.

La Présidente (Mme Proulx) : Oui. Alors, s'il y a consensus, je vous invite à répondre. M. Ouellet.

M. Ouellet (Jean-Pierre) : Le «care» et le «love», pour nous, ça ne va pas avec le «lean» Toyota. Et peut-être qu'on ne connaît pas les 14 principes, mais les travailleuses et les travailleurs qui nous en parlent ne nous en parlent pas de façon positive. Je suis d'accord avec Mme Daneault, moi, il faut faire un débat, et nous sommes prêts à collaborer. Mais le débat ne doit pas se faire autour d'une table dans une commission parlementaire. C'est un débat de société tellement important. 2,2 millions, en 2031, de plus de 65 ans. J'ai le goût de vous dire : Où avez-vous pris le mandat pour accélérer la privatisation au Québec? Où avez-vous pris le mandat pour décider... Quand avez-vous fait un débat de société sur l'hébergement de nos aînés et la clientèle en perte d'autonomie au Québec?

En terminant, j'aurais le goût de vous dire : Vous avez su vous élever au-dessus de la partisanerie pour le mourir dans la dignité, on devrait être capables de s'élever au-dessus de la partisanerie et faire un sommet sur le vieillir dans la dignité au Québec. Et nous serons partie prenante et nous amènerons des solutions à ce sommet-là.

Le Président (M. Bergman) : Merci. Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. Ouellet, M. Hamilton, M. Sylvestre, merci pour être ici avec nous aujourd'hui et partager votre expertise.

Je demande à Dre Nancy Vasil pour prendre sa place à la table et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 12 h 17)

(Reprise à 12 h 18)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, on reçoit maintenant Dre Marie-Andrée Bruneau et Dre Nancy Vasil. Bienvenue à la commission. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Pour les fins d'enregistrement, on a besoin de vos noms, vos titres. Et le prochain 10 minutes, c'est à vous.

Mme Marie-Andrée Bruneau

Mme Bruneau (Marie-Andrée) : D'accord. Je suis donc Dre Marie-Andrée Bruneau. Je suis gérontopsychiatre à l'institut de gériatrie de Montréal et je suis aussi directrice de la Division de gérontopsychiatrie à l'Université de Montréal.

Mme Vasil (Nancy) : Et je suis Dre Nancy Vasil, gérontopsychiatre à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Le Président (M. Bergman) : Alors, le prochain 10 minutes est à vous pour faire votre présentation.

Mme Bruneau (Marie-Andrée) : Oui. Moi, comme gérontopsychiatre, je travaille comme consultante à l'Institut universitaire de gériatrie, aux programmes de longue durée entre autres, à la clinique de cognition et aussi au programme d'hébergement pour orientation. Dre Vasil, donc, est gérontopsychiatre à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont.

On vient ici parce qu'on est des témoins privilégiés des coupures budgétaires imposées aux établissements par le ministère de la Santé, qui, selon nous, ont des répercussions directes sur la qualité des soins. Nous assistons tous les jours nos collègues infirmières, professionnelles de la santé, qui sont débordées et qui ne peuvent pas accorder les soins requis à des patients vulnérables en fin de vie. Les coupures budgétaires ont des répercussions sur la qualité des soins, la salubrité des lieux, la qualité alimentaire et même sur la quantité de fournitures.

• (12 h 20) •

Comment voulez-vous accorder des soins de qualité dans ce contexte? Comment on peut créer un milieu de vie dans ces conditions? Où trouver le temps de rencontrer les patients, leur parler, tenir compte de leurs habitudes quand des restrictions de poste confinent les employés à voir juste à la tâche minimale? Comment voir au bien-être et à la sécurité de 220 résidents en perte d'autonomie sévère lorsqu'on est la seule infirmière de plancher la nuit? C'est pourtant des ratios de personnel standard au Québec actuellement. Et que dire des ratios des ressources intermédiaires, qui sont encore moindres, ou des résidences privées? Jusqu'à dernièrement, il n'était pas nécessaire d'avoir sur place en tout temps un intervenant possédant des compétences cliniques.

Nous constatons également quotidiennement la souffrance induite aux patients et à leurs familles par le processus d'hébergement actuel, où on inflige de multiples déménagements successifs, déménagements souvent arbitraires et précipités, à des clientèles fragilisées.

Nous sommes ici parce que nous ne pouvons pas rester impuissantes dans nos bureaux d'hôpitaux sans dénoncer ce que nous voyons sur le terrain depuis plusieurs années et sans chercher à trouver des pistes de solution. Nous nous faisons également la voix de nos collègues médecins mais aussi autres professionnels de la santé qui soignent des personnes âgées au quotidien.

Donc, le problème... je présume que, rendus ici, vous connaissez bien sûr les statistiques de vieillissement de la population, ça fait que je peux me permettre de passer ça. Vous savez que ça représentera, en fait, les personnes âgées, 23 % en 2026. Il y a une enquête de l'Institut de la statistique du Québec aussi qui a démontré que la proportion de personnes âgées vivant seules est du quart chez les 75 ans et de la moitié chez les plus de 85 ans, que la plupart vivent... en fait, plus du tiers vivent sous le seuil de faibles revenus, que la proportion d'aînés qui ont une incapacité modérée ou grave augmente d'un groupe à l'autre pour atteindre 60 % chez les 85 ans et plus, et qu'en raison de leur incapacité près de la moitié des personnes âgées ont besoin d'aide pour l'une ou l'autre de leurs activités de la vie quotidienne ou domestiques. Donc, bien sûr, ça engendre un besoin croissant en soins de longue durée.

On constate l'alourdissement dans les soins de longue durée de la clientèle, hein? La moyenne d'âge est désormais de... en fait, 89 % des personnes hébergées ont maintenant en haut de 65 ans et ils ont des degrés d'incapacité croissants. Et on remarque que le groupe qui nous intéresse particulièrement, ceux avec déficits cognitifs avec ou sans trouble de comportement, augmente constamment. En 2008, c'était déjà 60 % à 80 % des résidents.

Vous savez sans doute qu'en raison du vieillissement accéléré de la population les maladies dégénératives, autrement appelées démence ou troubles neurocognitifs désormais, dont la maladie d'Alzheimer, vont atteindre des proportions préoccupantes. Donc, la démence, c'est un syndrome avec une dégradation de la mémoire, du raisonnement, mais aussi du comportement et de l'aptitude à réaliser les activités quotidiennes. La prévalence augmente avec l'âge : 10 % chez les 65 ans, jusqu'à 40 % chez les très âgés.

La progression des démences, ça engendre certes des déficits cognitifs mais aussi des troubles du comportement, appelés désormais SCPD pour symptômes comportementaux et psychologiques de la démence, et ça, ça inclut autant des symptômes d'anxiété, de dépression que de la psychose, des hallucinations, des délires, de l'errance, des cris répétitifs, de la désinhibition agressive, donc les patients atteints de troubles neurocognitifs peuvent présenter ça. En fait, on dit que 80 % à 97 % des personnes atteintes de démence d'alzheimer vont présenter, à un moment de leur évolution, un ou l'autre de ces SCPD.

Les SCPD sont associés à une détérioration cognitive plus rapide et à un hébergement précoce. Ça augmente les incapacités fonctionnelles et la mortalité, et ça diminue la qualité de vie du résident et de sa famille. On le sait, hein, que les soignants, les aidants font plus d'anxiété et de dépression quand il y a ces problématiques associées. Dans les milieux de soins, par exemple, on estime que 40 % à 60 % des résidents atteints de la maladie d'Alzheimer présentent de l'agitation, de l'agressivité ou de l'irritabilité, et la proportion de patients hébergés en longue durée qui étaient traités avec des antipsychotiques en 2005 était de 25 % à Montréal, et il y a une progression dans le taux de prescription, malgré des avertissements de Santé Canada. L'augmentation s'explique sans doute par des difficultés à implanter des mesures non pharmacologiques, qui sont pourtant le traitement de première intention, en raison de ressources matérielles et humaines insuffisantes.

Est-ce que vous avez analysé le rapport alzheimer dans la commission de 2009? Êtes-vous au courant de ce rapport? Vous le connaissez bien? Vous savez qu'on citait des problématiques à ce niveau-là, donc de formation inadéquate du personnel, de manque d'encadrement, d'alourdissement de la tâche des infirmières, du personnel en nombre insuffisant, un manque de stabilité du personnel, les difficultés d'accès à des ressources médicales et infirmières, l'attente pour être admis dans un milieu substitut choisi qui est très longue, etc. Et on recommandait...

Donc, les recommandations sont de «favoriser, pour les stades moins évolués de la maladie, des regroupements de six à 14 personnes dans des espaces au design architectural approprié et où travaille un personnel formé aux besoins psychologiques et physiques des personnes atteintes»; et «promouvoir [aussi] le développement de milieux de vie substituts polyvalents capables de répondre aux besoins du malade non seulement dans les phases précoces, mais aussi [quand] ses besoins changent. [...]d'un environnement sécuritaire [quand il y a] des problèmes [...] d'errance ou d'agressivité, ou d'un milieu enrichi en soins infirmiers [quand] la dépendance physique grandit ou que la personne a besoin de soins palliatifs»; et aussi la disponibilité d'une unité sécuritaire pour les patients qui présentent de l'agressivité physique importante ou des troubles du comportement incompatibles avec la vie sur les autres unités. Et ça, ça nécessite un ratio personnel-patients plus élevé que celui des unités habituelles et des services d'un consultant psychiatrique.

Où en sommes-nous actuellement sur le terrain? Les directives ministérielles actuelles sont à l'effet de diminuer le nombre de lits en CHSLD et de revoir la clientèle, à savoir une clientèle très lourde, qui n'aurait plus qu'un pronostic vital de 18 mois. Est-ce que le ministère détient les données démographiques et cliniques précises sur sa clientèle hébergée ainsi que sur leurs besoins lorsqu'on impose des changements massifs dans les orientations de services? Les patients qui n'auraient pas ce pronostic ou qui ne cotent pas dans les ISO-SMAF très sévères — pour ceux qui connaissent les catégorisations — devraient se retrouver dans des ressources dites intermédiaires ou dans le réseau privé. Bien. Mais les ressources intermédiaires, comme vous le savez, c'est des places achetées par le gouvernement, là, dans le réseau privé, qui accueillent des personnes âgées nécessitant entre une à trois heures-soins par jour, selon les cotations. Le problème, c'est qu'il n'y a actuellement aucun ratio de personnel-résidents qui est imposé en fonction de leur taille. En fait, on doit garantir seulement la présence constante d'une personne qui possède une formation en réanimation cardiorespiratoire.

Il y a eu une enquête de l'Association des ressources intermédiaires d'hébergement du Québec, en 2010, qui démontrait que la clientèle de ces ressources s'alourdissait. On faisait état en moyenne d'un ratio d'un employé pour 10 résidents mais que le ratio variait de façon importante, selon le moment de la journée ou le programme. Et, dans ces 10… dans cet employé-là pour 10 résidents, on comptait aussi le personnel dédié à la cuisine ou à l'entretien. Donc, ce n'est pas nécessairement du personnel clinique. 10 % de la clientèle était identifiée comme ayant un trouble grave du comportement, presque 40 % des ressources mentionnaient accompagner les résidents dans leur fin de vie, et seuls 17 % des employés possédaient une formation postsecondaire.

De plus, depuis janvier 2014, les budgets des ressources intermédiaires ont également été coupés. La nouvelle grille d'évaluation des clientèles évalue, dans certains cas, à la baisse les soins nécessaires pour la gestion des troubles de comportement. Le calcul du nombre d'heures-soins minimise souvent la lourdeur engendrée par ces troubles. Par exemple, sur 29 items à l'ISO-SMAF, il y en a un pour le comportement, il n'y en a que cinq sur les fonctions mentales en général.

C'est sûr qu'on accorde une grande importance aux troubles physiques, la mobilité, l'incontinence, etc., qui engendrent la dépendance à un niveau accru de soins, mais un patient mobile et continent, même sans trouble grave de mémoire, peut présenter des comportements perturbateurs. Par exemple, il peut présenter une désinhibition agressive et un trouble du jugement tel qu'il nécessite un encadrement puis des interventions spécialisées 24 heures sur 24. Vous me dites qu'il me reste une minute ou vous voulez dire quelque chose?

Une voix :

Mme Bruneau (Marie-Andrée) : O.K. Bon, je vais devoir m'interrompre à mi-chemin. Vous savez qu'actuellement le maintien à domicile est privilégié comme recours alternatif à l'hébergement. Pourtant, d'après une enquête de l'ISQ, près d'une personne sur cinq avec une incapacité grave a mentionné un besoin d'aide non comblé. Donc, le maintien à domicile, actuellement, ne répond pas à la demande.

La plupart des gens qui ont des besoins d'aide la reçoivent d'une source bénévole ou d'une source payée par eux-mêmes. Il y en avait seulement 18 % qui recevaient une telle aide du CLSC. On voit le fardeau pour les aidants à ce moment-là. L'aide est souvent de trois heures et moins par semaine, et la proportion de personnes ayant un besoin d'aide non comblé augmentait avec la gravité de l'incapacité. Le Protecteur du citoyen, vous le savez, a fait une enquête sur les nombreuses plaintes. Je crois qu'il est venu ici présenter son rapport sur le maintien à domicile.

Je veux absolument vous parler du programme PHPE qui a été mis en place par l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal en 2009 suite à la fermeture des unités de soins prolongés. On oriente donc les patients qui engorgent les urgences actuellement, qui vont peut-être aller en hébergement, vers des unités d'évaluation et d'orientation, pour un maximum de trois mois. Sauf que ces patients-là passent maintenant trois lieux d'hébergement en dedans de leurs parcours, donc d'abord un lit d'évaluation, un lit de transition, puis éventuellement leur hébergement temporaire. Et, s'ils font une rechute à travers ça, bien, il faut qu'ils recommencent tout le processus.

• (12 h 30) •

J'aurais voulu vous donner des exemples de patients. Par exemple, madame Y, qui souffre de schizophrénie, qui a été admise à l'urgence pour une perte d'autonomie. Madame Y n'était plus capable de parler, de manger, de marcher en raison de graves effets secondaires liés à sa médication antipsychotique. À l'hôpital, on l'a déclarée démente et inapte, ses biens ont été vendus, elle a subi une stomie pour l'alimenter sans obtenir son avis. Elle fut envoyée rapidement au programme PHPE. Pourtant, une modification de sa médication lui aurait permis de reparler, de manger et de marcher normalement, ce qui n'avait pas été fait à l'hôpital à défaut du temps et de l'expertise. Moi, je me permets de faire ces traitements-là comme gérontopsychiatre, mais je m'inquiète de tous ces autres patients qui sont dirigés dans des programmes PHPE, où il n'y a pas d'expertise médicale, voire psychiatrique. Donc, les périodes d'évaluation et de transition se traduisent souvent par une détérioration de l'état de ces patients-là, et il est connu que chaque déplacement augmente la morbidité et la mortalité.

Dernièrement, face à l'engorgement chronique des lits hospitaliers par ces patients, l'agence a revu sa politique et a décidé que les CSSS devaient prendre les moyens de retourner à domicile les patients ou les relocaliser dès le signalement de la fin de soins aigus faute de quoi ils ont des pénalités financières. Ça a permis de diminuer le nombre de patients en attente et la durée d'attente à l'hôpital, mais désormais la personne doit attendre à domicile. Cette procédure peut avoir un effet pervers, comme on le voit régulièrement. En l'absence de rehaussement visible des services de maintien à domicile, les soins complexes reposent désormais sur l'aidant naturel principalement, et ça pose un risque pour les patients dont l'aidant est épuisé ou qui retourne seul à domicile dans une condition déjà précaire. Je vois…

Le Président (M. Bergman) : En conclusion.

Mme Bruneau (Marie-Andrée) : …vous voulez que je conclue! J'ai tellement d'autres patients à vous parler.

Le Président (M. Bergman) : Et j'apprécie le travail que vous avez fait pour cette présentation.

Mme Bruneau (Marie-Andrée) : Bon. Bien sûr, le ministère fait état des hausses dans l'investissement pour le maintien à domicile, mais, du même coup, impose des compressions budgétaires au réseau, hein, on a parlé de 45 millions pour le soutien à domicile en 2011, mais des compressions de 300 millions.

En deçà des restrictions budgétaires puis des contraintes à recevoir de l'aide à domicile, pourquoi les lits hospitaliers demeurent engorgés encore? Est-ce qu'on a bien évalué le problème?

Heureusement, il y a des initiatives bénéfiques dans tout ce processus-là, entre autres l'implantation de l'approche adaptée à la personne âgée dans les milieux de soins aigus, qui devrait aider à améliorer les soins à cette clientèle. Je travaille moi-même sur plusieurs comités sur l'organisation des soins pour les SCPD, et on fabrique, avec le ministère, des outils, des guides de pratique, d'évaluation et d'intervention.

Il a été démontré qu'il est possible de réduire des comportements d'agitation grâce à une évaluation rigoureuse du comportement puis un plan d'intervention individualisé, souvent par des moyens de nature plus organisationnelle, comme une approche de soins centrée sur la personne, mais aussi une modification de l'environnement physique, qui y est pour beaucoup, donc — on en a parlé — des petits îlots de patients, de 10 à 12 personnes, avec des mesures de sécurité discrètes, des chambres simples, personnalisées qui permettent de minimiser les stimuli perturbateurs, de prévoir différents espaces avec différentes fonctions et des aménagements de type résidentiel.

Il faut aussi, d'après nous, regrouper des clientèles pour répondre aux besoins spécifiques. Pour nous, ça fait du sens que, par exemple — et la littérature recommande ça aussi — les patients soient regroupés selon, par exemple, s'ils ont des troubles cognitifs sans trouble de comportement, ceux qui font beaucoup d'errance, ceux qui ont des problèmes graves d'agressivité, qui nécessitent une prise en charge particulière, les patients jeunes, les patients qui n'ont que des problématiques de santé mentale, et, à ce moment-là, l'organisation des soins puis l'expertise du personnel se construisent autour des besoins spécifiques des clientèles, avec des bénéfices sur la qualité des usagers. Bien sûr, ça prend un processus souple d'attribution des places et de la collaboration interétablissements.

Et l'autre point fort, c'est l'importance de valoriser le personnel qui travaille en soins prolongés et d'assurer une formation adéquate — nous sommes en train de… On vient de recevoir les budgets pour faire un programme en e-learning sur les SCPD qui va être offert à l'ensemble du Québec, nous l'espérons, d'ici les prochains mois ou années — et de veiller aussi à ce que le personnel soit en nombre suffisant…

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Bruneau (Marie-Andrée) : … — c'est cela! — en termes de ratio personnel pour favoriser la stabilité des équipes.

Le Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation. Je vois que vous avez fait beaucoup de travail pour cette présentation, on vous remercie beaucoup. Maintenant, pour le bloc du gouvernement, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour, Dre Bruneau, Dre Vasil. Bienvenue. D'entrée de jeu, je voudrais vraiment vous féliciter et vous remercier pour toute cette présentation. C'est vraiment un tour d'horizon très complet, et je pense qu'on est en mesure de constater que vous avez certainement mis beaucoup de temps et d'énergie, là, à nous préparer cette présentation, et je vous en remercie.

Ce qui ressort, je pense, de votre présentation, c'est les défis et les pressions sur le système, aussi, de toute l'évolution de la clientèle, l'alourdissement et toute cette prévalence que vous semblez dire de plus en plus grande, là, au niveau de problèmes cognitifs, et ça, bien, on l'a entendu de d'autres. On l'entend de vous, on l'a entendu de d'autres aussi, à quel point ça présente des défis en termes d'équipe soignante, en termes d'approche, en termes d'organisation physique des lieux aussi. Vous préconisez des plus petits îlots, le regroupement des bénéficiaires par type de problématique ou par profil plus séminaire, et ça, c'est quelque chose qui est revenu souvent, là, tout au long de la commission. Ça semble être une piste à tout le moins intéressante, et on avait même des commentaires à l'effet que ce n'est pas quelque chose qui coûte nécessairement beaucoup plus cher. C'est une question bien souvent d'organisation des ressources existantes.

À ce niveau-là, vous avez parlé de ratio et vous avez parlé de l'importance, là, au niveau des équipes soignantes, du... J'aimerais ça que vous nous élaboriez un peu plus sur votre vision optimale, je dirais… tu sais, on ne regardera pas si on a les moyens, on regardera ça après, mais votre vision optimale d'un ratio dans l'équipe soignante, par rapport aux infirmières, aux infirmières auxiliaires, aux préposés. Qu'est-ce que c'est, la meilleure formule, à votre avis?

Le Président (M. Bergman) : Dre Bruneau.

Mme Bruneau (Marie-Andrée) : Oui. Ça dépend du regroupement de clientèle dont on parle. Si je me préoccupe des patients, par exemple, errants, ça va être beaucoup l'aménagement physique qui va être nécessaire, plus que le ratio de personnel, donc pour sécuriser l'environnement, pour faire en sorte qu'il puisse y avoir de l'errance thérapeutique.

Si on parle de patients qui ont des troubles de comportement de type agressivité, agitation, irritabilité, en général on parle de ratios beaucoup moindres que ça, c'est-à-dire à peu près un patient pour… Qu'est-ce que je vais dire? C'est combien? Bien, en fait, en général, sur les unités, là, qu'on a déjà fait l'exercice, d'à peu près 12 lits, on parle qu'il doit y avoir quatre ou cinq équivalents temps plein de jour, donc au moins une infirmière formée, une auxiliaire, deux préposés. Idéalement, il faut qu'il y ait des temps partiels soit de psychoéducateurs, ou de récréothérapeutes, ou d'ergothérapeutes qui puissent faire des programmes d'activité thérapeutique. Parce qu'on a beau penser que, tu sais, on met des patients dans un environnement puis qu'ils passent leur vie à attendre, à regarder le mur, bien, ça, ça génère des troubles de comportement, donc il faut planifier un peu un horaire, une journée qui a des activités... En fait, les interventions non pharmacologiques les plus probantes dans la littérature, c'est d'avoir des activités sociales organisées et aussi d'avoir des activités physiques qui sont appropriées à l'état physique de la personne, donc des circuits de marche, de pouvoir aller dehors de façon sécurisée.

Donc, il y a l'environnement qui est très important, il y a le personnel qui est formé. Mais surtout, encore une fois, au niveau du personnel, il y a le ratio, mais il y a la formation et il y a l'approche, qui change tout au tout lorsqu'on a un patient avec des troubles de comportement où on peut arriver à limiter la médication quand on a un environnement approprié. Vous avez parlé de succès. Il y en a, des résidences qui ont bâti des environnements qui sont appropriés. Donc, il y a tout ça, un peu, à regarder, là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Et, puisque vous parlez de formation, j'aimerais vous entendre un peu plus. Vous êtes toutes les deux, si je ne me trompe pas, gérontopsychiatres. Donc, si je vous parle un peu plus, là, des clientèles avec des problèmes de santé mentale, des troubles cognitifs, est-ce que vous pensez que, dans le réseau actuel des CHSLD au Québec, nous avons ce qu'il faut? Et, en termes de formation du personnel, est-ce que le personnel est suffisamment outillé pour avoir une approche adéquate envers ces clientèles-là? Et, si non, qu'est-ce que vous préconisez, qu'est-ce que vous recommanderiez?

Le Président (M. Bergman) : Dre Bruneau.

• (12 h 40) •

Mme Bruneau (Marie-Andrée) : Bien, évidemment, comme dans le rapport alzheimer, on fait état d'une formation insuffisante à l'heure actuelle, donc c'est pour ça que le ministère a mis en branle un groupe de travail, dont je fais partie, qui voit à mettre en place, donc, un programme de formation. Comme je le disais dans mon exposé, on a eu les budgets pour développer des capsules de formation sur le Web, qui vont être… que les employés vont pouvoir s'approprier dans des réunions d'équipe après un cas difficile, dans des discussions un peu à tout moment de la journée, selon des thématiques. C'est un peu ça, l'idée, et de le diffuser d'abord au projet d'implantation du plan alzheimer, éventuellement, au Québec. C'est sûr qu'on espère… c'est un début, on espère que le ministère va continuer dans cette voie-là, parce que ce n'est quand même pas des gros budgets actuellement pour le plan alzheimer, comparativement à ce qui a été donné en France ou aux États-Unis, là, par ratio de population. Donc, on espère continuer, dans ce sens-là, à former le personnel. Nos formations s'adressent beaucoup aux préposés, aux infirmières auxiliaires, mais ça peut faire toute la chaîne. On se rend compte que nos médecins aussi ont besoin de formation, les gestionnaires ont besoin de formation pour comprendre c'est quoi, le problème, puis comment leur politique s'applique à ces patients-là.

Vous savez, en médecine, il y a très peu, encore, de formation pour les personnes âgées dans les facultés, aussi, médicales de nursing, etc. Très peu de temps est consacré à l'enseignement des soins aux personnes âgées, et ça, c'est voué à changer, mais il faut comme infiltrer un peu tous ces milieux-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Je pense que ma collègue de Masson voulait intervenir.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson, il vous reste 4 min 30 s.

Mme Gadoury-Hamelin : O.K. Alors, merci, mesdames, d'être là. Vous avez abordé la question de la clientèle qui souffre de troubles cognitifs, plusieurs personnes nous ont dit, effectivement, que c'est très, très présent, de plus en plus. Il y a des gens qui nous ont parlé, dans la région de Granby, entre autres, avoir réussi à faire des choses intéressantes, entre autres à réduire beaucoup la médication, en collaboration avec l'équipe de médecins, qui a collaboré à cette réalisation-là. Ils nous ont dit avoir réussi à réduire beaucoup la médication, les contentions, naturellement, et d'aborder aussi un horaire plus souple en fonction des réalités des gens, pas lever les gens nécessairement tous au même moment, leur donner une certaine liberté en tant que… Compte tenu que c'est votre formation et vos connaissances, et votre compétence est à ce niveau-là, croyez-vous que c'est vraiment possible, là, de faire ce genre de mouvement là puis que ça peut être réussi pour nos aînés qui sont dans cette situation-là?

Le Président (M. Bergman) : Dre Bruneau.

Mme Bruneau (Marie-Andrée) : Tout à fait, quand il y a une collaboration entre l'administration qui a ce désir-là, qui comprend les besoins, et le personnel, et les patients, et les aidants. On en a plein, d'exemples de réussite de la sorte. C'est sûr, je pense, qu'il y a des milieux où c'est plus facile à faire, quand il n'y a pas la complexité de Montréal, où il y a je ne sais plus combien de CSSS, puis les hôpitaux, puis c'est le «free-for-all» pour attribuer le patient va où. Je vous dirais qu'à Montréal c'est pour ça qu'on s'arrache les cheveux régulièrement. Dans d'autres régions, je pense que c'est peut-être plus simple de s'organiser.

Et on est pris aussi avec des bâtiments vétustes dont le budget de rénovation est important. En même temps, on voit des fois… Chez nous, on a réussi avec peu de moyens à faire, par exemple, peindre des fresques sur les unités fermées pour que les patients errants, qui vont toujours sur la porte de bout de corridor puis qui rendent fou tout le monde, arrêtent d'aller là parce qu'il y a une fresque qui représente une bibliothèque, c'est comme un trompe-l'oeil qui est fait par des artisans très compétents, et donc juste ça, ça vient diminuer l'agitation. De pouvoir aménager nos salles de bains, que ça ait l'air un petit peu plus spa que les tuiles vertes et blanches hospitalières puis le spot dans le front quand ils se font laver, ça diminue la résistance aux soins. Ça fait qu'il y a quand même des aménagements qui peuvent se faire à peu de frais, mais c'est sûr que ça prend beaucoup d'énergie et d'imagination de la part du personnel.

Puis, dans la dernière année, on a assisté — en tout cas, chez nous — à des coupures budgétaires qui font en sorte qu'il y a de moins en moins de place à pouvoir être imaginatif, parce que les employés sont débordés par la tâche. Il n'y a plus moyen d'aller chercher un toast pour monsieur X la nuit, parce que lui, il est agité la nuit puis parce qu'il a faim. Si on lui donne un toast, il va aller se recoucher. Mais on ne lui donne pas de toast parce que le budget de la cafétéria a été coupé puis parce qu'il n'y en a plus, d'employé, pour aller la chercher, ils sont occupés à couvrir les 220 lits de patients lourds qui ne vont pas bien la nuit. Ça fait que ça a des répercussions quand il y a des coupures comme ça.

Alors, je pense que c'est une réflexion qui doit se faire à tous les niveaux de la société et qui doit impliquer autant la haute direction que le personnel. Mais je pense que c'est urgent de le faire parce qu'on… Je vous enverrai le mémoire, où il y a plein d'exemples de patients, où, tous les jours, on vient révoltés de voir comment nos patients sont traités.

Le Président (M. Bergman) : Dre Vasil.

Mme Vasil (Nancy) : C'est parce que… Si je peux me permettre. Bon, O.K., plus de personnes âgées, plus de démence, de plus en plus de symptômes comportementaux et psychologiques dans la démence, hein, 80 % en moyenne. Ces patients-là… Bon, O.K., il faut que notre personnel soit bien formé, mais il faut qu'il soit en nombre suffisant. Je tape encore sur ce clou-là parce que l'approche préconisée internationalement, pas juste au Canada… mais toutes les revues de littérature disent que l'approche numéro un, c'est l'approche non pharmacologique. L'approche non pharmacologique, à la base, ça veut dire : Je connais mon patient, je connais qui il est, son identité, ses besoins, ses habitudes, ses routines, et c'est ça qui va me permettre, à l'aide d'une grille, d'identifier, bien, pourquoi il est agressif à ce moment-ci. Et il y a autant de raisons d'être agité, agressif ou en détresse psychologique qu'il y a de patients. Donc, on ne peut pas avoir des recettes toutes faites. Il faut connaître les gens. Et, quand on a un personnel en nombre insuffisant ou instable et que les patients ne connaissent pas, c'est une problématique, aussi, centrale, si je peux me permettre.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Et il y a maintenant le bloc pour l'opposition officielle. M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bienvenue. Puis d'abord je suis très heureux que vous soyez nos dernières personnes qui viennent présenter, parce que, la gérontopsychiatrie, il y a plusieurs personnes qui ne savent même pas c'est quoi et puis qui ne savent pas qu'en termes de spécialité médicale c'est quand même une spécialité qui est en train de se développer beaucoup. Et puis, juste pour vous… En tout cas, je pense qu'il y a beaucoup de… il va y avoir beaucoup de développement au cours des prochaines années dans ce domaine pour une raison très simple : il y a plus de clientèle. Et puis on avait les données, hein? C'est 80 % des gens qui sont en CHSLD qui ont des problèmes cognitifs. Donc, aussi, il y en a qui ont des problèmes de comportement. Donc, il va falloir que ces approches-là se généralisent. Moi, je suis quand même confiant qu'on n'aura pas le choix d'investir là-dedans. C'est un… Puis c'est urgent de le faire. Ça, je pense que vous nous faites un beau message.

Juste en passant, le plan sur les maladies Alzheimer, c'est le Dr Bergman qui l'a fait. Bien, notre président, c'est son frère, ça fait que c'est un beau hasard, là. Ça fait qu'on est fiers de notre… M. Bergman.

Une voix :

M. Bolduc (Jean-Talon) : Ah oui! Aïe, oui! D'ailleurs, j'ai rencontré Dr Bergman très récemment, là, qui est responsable maintenant de la médecine de famille à l'Université McGill.

Et puis je trouvais intéressant… Puis je reçois très bien, très, très, très bien vos messages. Puis on ne fera pas de politique, mais on est conscients qu'on est dans un contexte de coupures. Ça, je pense que c'est ce que vous veniez dénoncer, dans un premier temps. Mais je pense aussi que ce qu'il faut dire, c'est qu'on n'aura pas le choix, au Québec, d'avoir une stratégie pour prendre en charge ces clientèles-là qui, de toute façon… Vous l'avez très bien décrit, on les a de toute façon, on ne les a juste pas à la bonne place puis on ne les a pas avec les meilleurs soins. Et, plutôt que d'investir dans les médicaments, on doit investir dans les nouvelles approches que vous prôniez.

Légalement, moi, je vais vous… Également, je vais vous dire, là, il y a une différence entre Montréal puis ailleurs dans la province. Ça, récemment, j'ai eu une expérience personnelle à l'unité de gériatrie du CHUL, où on a rencontré des gérontopsychiatres, et je tiens à les féliciter publiquement, là, ils ont fait un travail extraordinaire. Et, ce que vous demandiez, au CHUL, actuellement, ils ont fait une nouvelle unité, qu'on a inaugurée il y a… je pense que c'est deux ou trois ans, et cette unité-là est très, très, très fonctionnelle. Et ça, je tiens à vous le dire, là, il y a des choses qui se font bien.

Montréal, quelles solutions que vous… Parce que moi, je pense qu'il y a beaucoup de développement à faire partout, mais, Montréal, là, c'est vraiment une problématique particulière. Et récemment il y a des changements, également. Entre autres, le programme a été aboli, là, le programme qui avait été mis en place. Je pense au…

Mme Bruneau (Marie-Andrée) : …abolition et des…

M. Bolduc (Jean-Talon) : C'est ça. Comment vous voyez l'avenir pour ces clientèles-là à Montréal?

Le Président (M. Bergman) : Dre Bruneau.

• (12 h 50) •

Mme Bruneau (Marie-Andrée) : Hum! Je ne sais pas, moi. Je ne connais pas bien l'agence de Montréal. C'est sûr que, de l'extérieur, l'impression qu'on en a, c'est de proposer souvent des projets et que, d'année en année, on repropose, on repropose, on repropose. On a proposé une unité, justement, de réadaptation pour des troubles de comportement, parce qu'on se rendait compte que, tous les patients PHPE, il y en avait encore qui étaient refusés, qui restaient dans les hôpitaux en raison de troubles de comportement. Ça fait qu'on s'est dit : On va offrir un peu ce qui se fait à l'institut de santé mentale de Québec ou au Moe Levin, au Douglas, une unité où on va essayer de stabiliser ça pour les retourner vers des milieux d'hébergement moins restrictifs. Bon, ça fait des années, on ne sait pas où est rendu le dossier. J'ai eu des rencontres, là, récemment avec l'agence, et le message est de fermer les unités specs, de diminuer le parc de lits.

Je ne sais pas comment c'est organisé. Moi, je pense qu'il faudrait qu'il y ait un leadership qui… il faudrait qu'il y ait un leadership politique qui regarde ce qui se fait au niveau de l'agence et qu'il y ait une coordination avec les CSSS. On voit que, différents CSSS, c'est épars : dépendamment si mon patient en externe a besoin de maintien à domicile, dans un CSSS le lendemain c'est fait, dans l'autre je peux attendre deux ans, puis il a le temps de mourir à domicile. Je ne le sais pas comment… Je pense que ça prend un leadership, et revoir comment travaille l'agence pour qu'il y ait vraiment une coordination de ça. Il y a quand même des belles initiatives aussi à Montréal, mais, bon, encore une fois, on a des coupures qui sont imposées aussi par l'agence, qui sont importantes.

Je pense qu'on n'arrête pas de redire les mêmes principes sur différentes tables pour ces patients-là, il faudrait à un moment donné que ça se mette en action, en plan d'organisation.

Pour ce qui est de la gérontopsychiatrie, pour vous dire, le collège royal a reconnu cette surspécialité-là depuis peu. Il y a eu les premiers examens à l'automne dernier — nous avons eu la joie de les repasser, Dre Vasil et moi — et actuellement on est à peu près 40 gérontopsychiatres certifiés au Québec, donc… bien, certifiés, mais il y en a qui sont des grands-pères, mais donc…

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste cinq minutes.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Moi, je pense que, définitivement, il va falloir augmenter le nombre de résidents en gérontopsychiatrie puis je pense qu'il y a de l'orientation à ce niveau-là. Vous savez qu'on est en train de diminuer les résidents dans les spécialités chirurgicales. En tout cas, on commence à en avoir assez, mais même les associations nous demandent de diminuer le nombre. Par contre, en gériatrie... en gériatrie générale, en gérontopsychiatrie, de la physiatrie, tout ce qui est médical qui était peu populaire auparavant, la rhumatologie — parce que c'est également associé avec le vieillissement — tout ce qui est en regard du vieillissement, il faut qu'on augmente nos ressources.

Il n'y a pas seulement que des gérontopsychiatres aussi, ça nous prend des équipes… des neuropsychologues. Tu sais, voilà 10 ans, les gens, neuropsychologie, ils ne connaissaient pas beaucoup ça, maintenant c'est beaucoup utilisé. Et puis on ne peut plus faire des évaluations de patient comme auparavant, juste avec un questionnaire, ça prend toute la batterie de tests qui va avec. Donc, c'est ça qu'on doit mettre en place progressivement.

La difficulté qu'il y a actuellement, c'est dans un contexte de difficultés financières très fortes au niveau du gouvernement, où même les gens veulent réinvestir, mais, s'ils n'ont pas l'argent, ils ne seront pas capables de le mettre, on va se retrouver avec des patients qui ne seront pas pris en charge, donc on va les prendre en charge au mauvais endroit. Je voudrais peut-être vous écouter là-dessus, là, oui.

Le Président (M. Bergman) : Dre Vasil.

Mme Vasil (Nancy) : Si je peux faire un commentaire aussi sur la question auparavant, c'est-à-dire comment réorganiser, je pense que ça va être important de consulter les gens sur le terrain puis de ne pas mettre le fardeau… Parce qu'on parle beaucoup de soins à domicile, mais, quand une famille est épuisée, que le patient a des troubles de comportement, qu'ils l'amènent à l'hôpital, c'est un peu son dernier recours, et, quand on lui dit : On va le retourner à domicile pour attendre l'hébergement, bien, il y a des familles, là, qui sont dévastées, qui sont au bout du rouleau. Je pense qu'il faut être très prudent à ce niveau-là. Le maintien à domicile, c'est excellent pour plusieurs personnes âgées, là, je ne dénonce pas ça du tout, mais, quand on a des troubles de comportement et des familles épuisées, il ne faut pas que ça soit les CSSS, qui ne sont pas en contact avec ces gens-là, qui décident de l'orientation, ça perd du sens. Donc, il faut respecter aussi les évaluations des gens sur le terrain.

Mme Bruneau (Marie-Andrée) : Actuellement, les CSSS viennent dans les hôpitaux évaluer les patients avec leur grille ISO-SMAF sans nécessairement consulter les dossiers ou parler à l'équipe traitante qui essaie de le stabiliser. Ils prennent des décisions en disant : C'est en bas de trois heures-soins, donc retour à domicile pour attendre l'hébergement. Et on retourne les patients, des fois, dans des conditions qui n'ont pas de bon sens, des troubles de comportement justement, là, qui vivent dans des lieux insalubres parce qu'ils ne sont plus capables, mais ils font de l'accumulation, on va les retourner là attendre leur hébergement, ça ne fait aucun sens. Ou des aidants, justement, épuisés parce qu'ils se sont fait frapper puis que ça fait des années qu'ils sont là 24 heures sur 24, bon, on leur dit : Bien, il va attendre à domicile l'hébergement. Donc, il y a cet aspect pervers là des nouvelles directives. Il faut que les gestionnaires viennent sur le terrain voir les contrecoups, des fois, des décisions, qu'on espère toutes être faites de bonne foi, là, mais…

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste deux minutes.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, merci, M. le Président. Bien, écoutez, moi, je reçois très, très, très bien votre message, là, parce que c'est de la coordination que ça prend, des soins intégrés.

Juste pour vous dire : Il y a plusieurs choses que vous nous parlez, des interventions qui doivent être faites, ce n'est pas plus cher, c'est juste qu'il faut savoir quoi faire. Et, au Québec, je le sais, il y a des endroits… Quand, tantôt, vous parliez du programme pour l'approche adaptée, là, ça a été sorti en janvier 2010, on en a fait beaucoup la promotion, mais, avant que ça s'installe dans chacun des établissements — entre autres, j'avais rencontré les gens de Maisonneuve-Rosemont — comment on fait pour s'organiser que, dès qu'ils arrivent à l'urgence, on puisse les prendre en charge, hein? Parce que vous savez… vous connaissez le principe : un patient âgé qui passe 24 heures sur une civière à l'urgence, s'il a 75 ans quand il entre à l'urgence, le soir il a 85 ans, puis, en plus de ça, avec les troubles cognitifs, les troubles d'orientation que ça va apporter…

Je pense qu'on a les recettes, puis on sait qu'est-ce qui doit être fait. La difficulté se situe à deux niveaux : c'est qu'il faut que les gens changent leur façon de faire et puis que tout le monde collabore, tant du côté du ministère, l'agence, et puis les établissements, et aussi les professionnels de la santé sur le terrain. Et puis cette résistance-là doit partir. Et puis on ne pourra pas faire ça s'il n'y a pas d'injection d'argent. S'il n'y a pas de l'argent qui vient avec ça, ça sera… on ne pourra pas réussir ça.

Le Président (M. Bergman) : Dre Bruneau, un commentaire, pour une minute seulement.

Mme Bruneau (Marie-Andrée) : Bien, je pense que les professionnels que je côtoie quotidiennement veulent changer leur façon de faire, veulent développer des stratégies alternatives à la médication, mais il faut leur donner les moyens, et ça, ça veut dire du temps et des ressources, aussi, matérielles, ce qui n'est pas le cas actuellement. J'ai un collègue ontarien qui donnait comme exemple qu'il y a un patient qui a des SCPD, vous savez, le cerveau dégénère, c'est un peu comme le cerveau des petits enfants qui n'est pas encore développé — ce n'est pas une analogie pour faire de l'infantilisation, au contraire, mais c'est pour la compréhension neurobiologique — il dit : Un bébé qui pleure, qui fait des coliques, la maman va commencer par se demander : Est-ce qu'il a faim? Est-ce qu'il a soif? Est-ce que sa couche est pleine? Est-ce qu'il a besoin d'être changé? Est-ce qu'il a assez dormi?

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Bruneau (Marie-Andrée) : Il ne va pas sauter dessus pour lui faire une injection d'Haldol, hein? Et c'est un peu la même chose avec quelqu'un qui n'est plus à même d'exprimer ses besoins. Il faut le connaître, il faut savoir ses habitudes puis il faut répondre à ses besoins de façon adéquate.

Le Président (M. Bergman) : Maintenant, pour le bloc… le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx, pour une période de 3 min 30 s.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Alors, merci d'être ici. Votre témoignage est très utile à la commission, je peux vous dire, et c'est aussi de la musique à mes oreilles, parce que je pense qu'effectivement les mesures non pharmacologiques, maintenant, sont bien connues mais malheureusement ne sont pas suffisamment appliquées au Québec et je pense qu'il est urgent qu'on agisse en ce sens-là, parce que nos aînés méritent d'être aimés, d'avoir un confort et une dignité en fin de vie plutôt qu'une médication pour les calmer, et je vais être la première à vous appuyer en ce sens-là.

Vous avez mentionné les PHPE, et plusieurs groupes nous ont informés de cette situation-là, qui est déplorable, qui fait en sorte qu'on a à déplacer le même patient plusieurs fois et évidemment se retrouver devant, souvent, une dégradation de son état. Selon vous, est-ce que c'est la majorité de la clientèle qui passe par ce canal-là pour l'évaluation et…

Le Président (M. Bergman) : Dre Bruneau.

Mme Bruneau (Marie-Andrée) : Bien, en fait, antérieurement, les hôpitaux avaient des unités de soins de longue durée. C'est là que les patients passaient des fois plusieurs mois avant d'avoir un hébergement permanent, puis ça donnait le temps de réfléchir, en quelque part, où était le lieu le plus approprié pour eux. Puis c'étaient un peu des petites unités de vie, hein, dans le fond, avec le médecin puis le personnel qui s'adaptaient à cette clientèle-là. Donc, en décidant de couper ça, ils ont mis en place le PHPE, ce qui fait que ces patients-là en attente d'hébergement passent nécessairement par ça. Donc, ils sont sortis des hôpitaux, envoyés dans des programmes PHPE.

Il faut comprendre qu'il y en a chez nous, à l'institut de gériatrie, il y a du personnel médical spécialisé, des spécialistes, mais il y en a qui se retrouvent dans des CHSLD où il y a un médecin une demi-journée par semaine. Et, des fois, moi, je vois des patients qui sortent du PHPE, en fait, ils sont passés à l'urgence, ça fait quatre jours qu'ils sont à l'urgence, et on a décidé qu'ils allaient aller en hébergement, congé, fin de soins actifs, ils arrivent chez nous instables. On n'a pas les dossiers, on doit recommencer. On se bat avec l'hôpital pour les retourner, pour dire : Pouvez-vous les soigner? Il refuse ses médicaments, il refuse l'hébergement. On n'a pas fait des démarches judiciaires pour dire : Refus catégorique du majeur inapte. On doit avoir des ordonnances d'hébergement ou de soins. On se bat avec les hôpitaux pour les retourner. Le patient se fait trimbaler d'un bord et de l'autre comme ça, il passe en transit, après ça ailleurs, des fois dans nos lits à nous, parce qu'on a aussi des soins de longue durée, avant d'aller en hébergement permanent. S'il n'était pas décompensé au début, il l'est à la fin, croyez-moi, puis la gérontopsychiatre a de la job dans ce contexte-là. Ça fait que…

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Dre Bruneau, Dre Vasil, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous aujourd'hui et partager votre expertise avec nous.

Je suspends pour quelques instants, collègues, avant de procéder aux remarques finales.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 13 h 2)

Mémoires déposés

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, nous sommes à l'étape des remarques finales. Avant de procéder aux remarques finales, je dépose les mémoires des organisations qui n'ont pas été entendues en consultation. Et aussi, pour votre information, collègues, on a entendu 36 groupes depuis qu'on a commencé ces auditions et aussi on a reçu deux autres mémoires des organisations, que je viens de déposer. Et, à date, on a reçu, sur notre questionnaire en ligne, 150 personnes qui ont rempli leurs questions en ligne pour l'envoyer à la commission.

Remarques finales

Alors, maintenant, pour les remarques finales, j'invite maintenant la députée de Groulx, la porte-parole du deuxième groupe d'opposition, à faire ses remarques finales. Mme la députée de Groulx.

Mme Hélène Daneault

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Alors, d'abord, je voudrais souligner et remercier les différents intervenants qui sont venus nous sensibiliser à ce qu'est le milieu de vie en CHSLD et à ce qu'on devrait dorénavant, je pense, promouvoir. Je pense que ça a été très clair de la part de plusieurs intervenants qu'actuellement on a de plus en plus de mesures non pharmacologiques qui ont été scientifiquement démontrées beaucoup plus efficaces que les manoeuvres thérapeutiques, alors pharmacologiques. Je pense qu'actuellement on le sait, on est au courant, mais on doit l'implanter à l'ensemble du réseau, parce que je pense que tous les Québécois et les Québécoises, nos aînés, méritent d'avoir cette qualité de vie, d'avoir cette dignité en fin de vie.

Et je pense qu'on a aussi mis en évidence qu'on a besoin de plus de formation au niveau du personnel soignant. Je pense qu'on est confrontés de plus en plus au vieillissement de la population, à de plus en plus de maladies cognitives, de troubles de comportement qui sont méconnus des familles d'abord, mais aussi du personnel soignant. Et je pense qu'on aurait tous avantage à être mieux informés, à être mieux formés pour rassurer nos patients, nos aînés, et de manière à les aimer davantage, à leur donner un soin de confort plutôt que de la médication pour les calmer.

Je pense qu'on a vu, au fil des entrevues… Je pense qu'il y a des beaux exemples qui se font actuellement au Québec, qui méritent d'être importés. Et je pense que ces exemples-là, ils sont autant dans le milieu public que dans le milieu privé, et on a à les importer, je pense, à l'ensemble du Québec. Et on a entendu vraiment des beaux exemples, on a entendu des gens qui sont impliqués dans le réseau et qui veulent faire mieux. Et on a entendu aussi des gens qui sont venus nous dire : Ça fait longtemps qu'on vous le dit, qu'on vous le répète, maintenant on doit agir. Et je pense que, comme élus, on a la responsabilité, maintenant, d'agir. Et moi, je peux vous dire que j'en fais une de mes préoccupations et une de mes priorités. Parce que nos aînés méritent d'être traités dans le meilleur, dans le plus grand des conforts. Et, peu importe du milieu social d'où ils viennent, ils doivent avoir droit à ce qui se fait de mieux. Et je pense qu'on a des exemples au Québec, mais on doit absolument s'assurer que tout le monde puisse en bénéficier.

Je pense qu'une autre préoccupation qu'on doit avoir, c'est l'évaluation de nos aînés, on n'a pas le droit de les promener d'un milieu à l'autre, de faire trois transitions pour arriver à leur trouver l'endroit qui est le plus adapté à leurs besoins. Je pense qu'on est… On a, aujourd'hui, le constat… On a, bon, établi cette politique-là il y a quelques années, on doit revoir ça, parce qu'on s'aperçoit… Le constat, il est clair, de la majorité des intervenants : Quand on fait subir ça à ces gens-là, premièrement, on assiste à une détérioration de leur état et… pour eux, mais aussi pour leurs familles. Alors, ça, pour moi, c'est une urgence, qu'on doit évaluer les patients dans leur milieu, soit milieu hospitalier, soit à domicile, une fois pour les diriger au bon endroit. On ne doit plus leur faire subir ces multiples déménagements là, ni à eux ni à leurs familles.

Alors, en terminant, je veux remercier l'ensemble des intervenants qui sont venus, je pense que ça nous a fait grandir. Et je veux remercier mes collègues de l'opposition comme du gouvernement. Je pense qu'encore une fois on a fait la démonstration qu'on est capables de travailler de façon non partisane, et, bon, on l'a fait dans mourir dans la dignité. Je pense qu'encore une fois on l'a démontré aujourd'hui, puis plus on va le faire, plus c'est les Québécois et les Québécoises qui vont en bénéficier et plus moi, je vais être heureuse de participer à cet exercice-là. Alors, merci de m'avoir permis d'être heureuse puis d'avoir… Puis je pense qu'on va pouvoir permettre aux Québécois et aux Québécoises de l'être davantage. Merci, M. le Président.

• (13 h 10) •

Le Président (M. Bergman) : Merci, Mme la députée de Groulx. Maintenant, pour l'opposition officielle, pour ses remarques finales, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Marguerite Blais

Mme Blais : Merci beaucoup, M. le Président. Contrairement aux remarques préliminaires, d'entrée en matière pour le début de la commission parlementaire, je n'ai pas écrit de notes, je veux y aller spontanément, avec mon coeur.

Je trouve qu'on a vécu, M. le Président, une expérience extraordinaire et je tiens, premièrement, à vous remercier, vous, à remercier toute votre équipe, l'équipe de la recherche aussi pour l'excellent travail, toutes les personnes qui se sont déplacées. Et il y a des gens qui sont partis, là, de la Gaspésie, d'un peu partout, pour venir nous rencontrer, ce sont des moments importants pour eux, et nous avons cette obligation de respect, d'écoute. Et je tiens évidemment à souligner l'excellent travail de la partie ministérielle et de la CAQ, et je trouve qu'on a été capables de faire une équipe ensemble. Et elle a raison, ma collègue la députée de Groulx, de s'élever au-dessus de la partisanerie politique.

Vous savez, M. le Président, quand j'ai déposé cette idée de vouloir faire une commission parlementaire pour étudier les conditions de vie des adultes hébergés en CHSLD, je pense que ça n'a pas passé comme une lettre à la poste. Je me souviens très bien d'un échange : Pourquoi une commission parlementaire sur ce sujet? On avait eu une consultation publique. Mais finalement, ne serait-ce que pour parler des jeunes qui se retrouvent... du 11 % de personnes de 65 et moins qui se retrouvent dans les CHSLD, qui vivent vraiment des situations de vie très, très, très différentes des personnes beaucoup plus âgées et à un âge très avancé, de leur stimulation intellectuelle qui n'est pas la même, et d'entendre parler des façons dont on devrait faire différemment, peut-être les regrouper, peut-être faire de plus petits îlots, je crois que ça va nous donner, à nous, parlementaires, et au gouvernement, une possibilité d'aller beaucoup plus loin, d'autant plus qu'actuellement le gouvernement parle énormément d'assurance autonomie, de faire en sorte de maintenir les aînés à la maison le plus longtemps possible. Et nous sommes tous d'accord avec ça. Mais vient un moment où on ne peut plus rester à la maison, et ça prend inévitablement des lieux sécurisés, avec du personnel à la bonne place, des infirmières, des infirmières auxiliaires, ça prend des préposés aux bénéficiaires, ça prend des bénévoles, ça prend des conseils d'administration, ça prend des comités des usagers, des conseils d'administration, ça prend des médecins dans les CHSLD. On vient d'entendre actuellement, là, qu'il y a très peu de gérontopsychiatres, il y en a quatre d'accrédités. Donc, on voit qu'il y a une très, très grande évolution.

Et, avant de céder la parole à mon collègue qui veut parler, le député de Jean-Talon, juste dire que j'ai été heureuse d'entendre même la Protectrice du citoyen — et ce n'est pas du tout partisan — hier, dire qu'elle appuyait le projet de loi n° 399. Et, quelle que soit la situation dans l'avenir, j'espère que le gouvernement, quel que soit le gouvernement, adoptera une loi, un jour, pour protéger les personnes vulnérables dans les réseaux de la santé, dans le réseau de la santé et des services sociaux. Je pense qu'on est rendus là, à protéger davantage nos personnes vulnérables. Et il y a bien d'autres champs d'application. Alors, merci beaucoup. Merci encore une fois à toute l'équipe pour l'excellent travail.

Le Président (M. Bergman) : Merci, Mme la députée. M. le député de Jean-Talon.

M. Yves Bolduc

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, M. le Président, je voudrais remercier les députés du gouvernement puis notre collègue de l'opposition, parce qu'on a fait vraiment des auditions non partisanes. On cherche ensemble des solutions pour améliorer le sort de nos aînés.

On a pris la perspective CHSLD, mais, lorsque vous prenez la perspective CHSLD, nécessairement vous devez avoir des discussions sur la condition générale de nos aînés depuis les résidences privées, soins à domicile, également les ressources intermédiaires. Le constat que je fais, M. le Président, dans un premier temps : il y a des belles choses qui se font au Québec. Il y a eu de l'évolution au cours des dernières années, puis je pense que cette évolution continue dans le bon sens. Mais il y a encore beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail à faire, travail au niveau des conditions de nos personnes aînées en CHSLD, c'est vrai, mais également dans tout le continuum de services qu'on veut mettre en place ici, au Québec. Ce continuum de services là, il est important, parce que tous constatent que, oui, il y a des CHSLD, mais il y a toute la partie avant les CHSLD. Et, si on veut utiliser nos CHSLD à bon escient, il faut qu'on s'organise pour que les gens n'y arrivent seulement qu'au moment opportun. D'où l'importance des évaluations. Ça, je pense qu'indépendamment des partis on veut tous la même chose, on veut tous avoir ce bon continuum de services là.

Également, ce que nous avons vu, c'est les investissements qui seraient nécessaires. Tout le monde sont venus nous dire que ça prend plus de formation, ça prend plus de personnel, ça prend aussi une nouvelle organisation du travail, ça prend les infrastructures. M. le Président, aujourd'hui, ce que je nous fais comme message : Prenons en considération tout ce qui a été dit, regardons ensemble comment on peut le travailler pour réussir à l'appliquer le plus rapidement possible, en tenant compte, naturellement, du contexte, qui n'est pas un contexte facile au niveau financier. Mais, si on ne s'en occupe pas, ces patients-là vont être dans des lits de courte durée, vont nous coûter encore plus cher. Et chacun d'entre nous, un jour, on va avoir des personnes près… Puis, je suis certain, il y en a plusieurs d'entre vous qui en ont déjà, comme j'en ai, moi, présentement, qui ont besoin de ces services. Et, un jour, ce sera nous aussi qui vont devoir en profiter. Donc, pour le Québec, c'est important qu'on prenne en considération les soins aux personnes aînées, mais, en plus de ça, qu'on développe chacune des ressources nécessaires pour qu'à un moment de notre vie on soit capables de répondre en temps réel.

J'insisterais là-dessus pour terminer, M. le Président : Ce qu'on doit viser maintenant, M. le Président, c'est d'éliminer tous les délais dans le réseau de la santé. Lorsqu'une personne attend six mois dans une ressource temporaire parce qu'elle n'a pas de lit disponible, il y a un problème d'ajustement de ressources. Donc, il faut qu'on développe les bonnes ressources aux bons endroits, mais surtout on doit avoir comme ça… comme objectifs : éliminer les délais, évaluation dans des délais courts, mise en place des traitements dans des délais courts puis avoir la bonne personne à la bonne place dans des délais courts, puis je pense qu'on aurait des grands gains et surtout des meilleurs soins à donner à nos personnes aînées.

Je tiens à remercier tout le monde dans votre équipe, M. le Président, pour le travail qui a été fait.

Le Président (M. Bergman) : Merci, M. le député. Maintenant, sur le côté ministériel, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Suzanne Proulx

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Permettez-moi de saluer tout d'abord les membres de la commission, mes collègues du gouvernement, mes collègues des deux groupes d'opposition et vous, M. le Président.

Écoutez, d'entrée de jeu, moi aussi, je souhaite souligner le caractère non partisan de cette commission. Comme le soulignait ma collègue de Groulx, on a fait la démonstration, à travers l'étude du projet de loi n° 52, que c'était possible. Et donc serait-ce dire que la Commission de la santé et des services sociaux est en train de développer un nouveau modèle? Je pense que ce serait certainement souhaitable.

Les conditions de vie en CHSLD sont bien sûr un sujet d'une très grande importance. En même temps, il s'agit aussi d'un sujet très sensible, pour lequel il est nécessaire d'avoir une écoute, de la compassion et de l'empathie aussi envers les intervenants qui oeuvrent auprès des clientèles dont il a été question ici depuis un mois. Je pense que cette commission, notre commission, a su faire un travail minutieux d'écoute et qu'elle s'est engagée dans une réflexion qui saura certainement bénéficier à l'ensemble des personnes aînées du Québec.

Parce que le Québec est un des endroits dans le monde qui vieillit le plus rapidement. Sa population âgée de 65 ans et plus croît très rapidement et devrait représenter plus de 25 % de la population d'ici 2007. Cette réalité en soi est un véritable défi, le défi 2017, oui. Le défi, entre autres, c'est de réfléchir aux moyens et aux mesures qui peuvent être mis en place pour assurer le bien-être, la sécurité et la santé des aînés, quel que soit le milieu de vie dans lequel ils choisissent de vivre. Que ce soit à domicile, en résidence privée pour aînés ou encore en CHSLD, nous devons revoir nos façons de faire dans le réseau de la santé afin de répondre le mieux possible aux besoins particuliers de cette population.

Mais les CHSLD n'hébergent pas que des aînés, et voilà un autre défi majeur dont on ne parle pas assez souvent. Lors de cette commission, nous avons mis en lumière la problématique des adultes hébergés et qui ne se retrouvent pas toujours dans le milieu de vie qui serait le plus favorable à leur épanouissement, tant personnel que social. Ainsi, l'amélioration de nos pratiques doit être un objectif que l'on se donne collectivement. Et je pense que la large participation à cette commission démontre bien qu'il s'agit là d'un objectif partagé par l'ensemble des partenaires et des intervenants qui se sont exprimés devant cette commission. Nous avions pour objectif de dégager des réponses novatrices et efficaces pour mieux répondre aux nombreux défis que pose l'hébergement de soins de longue durée, qui fait face à un alourdissement de ses usagers, dans une logique de continuum de services.

Les CHSLD constituent des partenaires incontournables de notre réseau et continueront de l'être dans le futur. Si, a priori, la commission devait se pencher sur les conditions de vie des adultes hébergés dans les CHSLD, la grande diversité des interventions que nous avons eu le plaisir d'écouter a permis de nous intéresser au bien-être des aînés dans une diversité de milieux de vie et des personnes handicapées en quête d'autonomie aussi. Le fait de pouvoir compter sur la présence d'acteurs et d'intervenants issus d'une variété de domaines, de différents types de milieu de vie et provenant de plusieurs régions du Québec nous a permis d'avoir un portrait plus global de la situation. Et je pense que nous pouvons dire qu'il s'agit d'une valeur ajoutée précieuse pour les travaux de cette commission.

Je me réjouis que cette commission ait pu respecter l'objectif qu'elle s'était donné de souligner et de connaître ce qui se fait de bien dans notre réseau, nos bons coups, les bonnes pratiques à partager avec nos pairs. Les CHSLD n'ont pas toujours eu bonne presse au cours des dernières années. Or, les histoires qui nous sont occasionnellement rapportées ne représentent pas la réalité de la très grande majorité des CHSLD. À preuve, cette commission a pu être le témoin de belles réalisations dans différents établissements ou encore d'idées innovantes qui font avancer nos pratiques dans le réseau québécois de la santé et qui contribuent au bien-être de nos aînés.

Des pistes de solution fort pertinentes ont pu être dégagées lors de cette commission. Je pense, entre autres, à la nécessaire réflexion que nous devons avoir sur toute la question de la formation des personnes qui interviennent au quotidien auprès de cette clientèle particulière que sont les aînés en perte d'autonomie et les personnes en situation de handicap, une clientèle qui représente d'ailleurs des besoins tout aussi particuliers. Je pense également au rôle que peuvent jouer les types d'hébergement autres que les CHSLD dans le continuum de soins et de services offerts en complémentarité avec les ressources intermédiaires, les résidences privées ou encore les coopératives d'habitation, à titre d'exemple. Pour plusieurs encore, le CHSLD est la réponse automatique pour la personne en perte d'autonomie. Et pourtant se soucier du bien-être des aînés et des adultes en quête d'autonomie devrait aller de pair avec le souci de leur offrir le milieu le plus approprié à leurs besoins spécifiques. Par le développement de différents types d'hébergement et l'investissement dans les soins à domicile, nous pouvons retarder le recours au CHSLD. Surtout, le fait de miser sur la complémentarité avec les autres ressources disponibles sur le terrain nous permet d'offrir aux aînés la possibilité de vivre le plus longtemps possible dans un milieu de leur choix et adapté à leurs besoins. La société change, elle vieillit, mais aussi les besoins et les désirs que nous expriment les aînés et leurs proches ont, eux aussi, évolué.

• (13 h 20) •

Je l'avais mentionné dans mes remarques préliminaires au début de cette commission, devant le changement, nous nous devons d'être proactifs. Être proactifs, c'est réfléchir à des solutions innovantes, novatrices et créatives pour améliorer nos pratiques, et c'est ce que nous avons fait au cours du dernier mois. Cette commission nous a permis à tous d'être à l'écoute de nos multiples partenaires et d'éclairer notre réflexion sur les conditions de vie dans les CHSLD et dans plusieurs autres types de milieu de vie, et je tiens à les remercier tous et chacun de nous avoir partagé leur vécu, leurs défis, leurs réalisations et leurs bonnes idées pour améliorer l'ensemble de nos façons de faire dans le réseau, et ce, avec le souci continu d'offrir ce qu'il y a de mieux à nos aînés aujourd'hui et en même temps à ceux que nous serons nous-mêmes demain.

En terminant, je souhaite souligner le travail exemplaire effectué au quotidien par les professionnels oeuvrant en CHSLD, dont on oublie trop souvent le professionnalisme et le dévouement à l'égard des plus vulnérables de notre société.

Finalement, je souhaite remercier tous ceux qui ont collaboré, de près ou de loin, à la tenue de cette commission, ceux qui sont venus témoigner, qui nous ont déposé des mémoires, les membres de la commission, vous, M. le Président, M. le secrétaire, les membres du cabinet, les services de recherche, les membres du secrétariat. Enfin, bref, merci à tout le monde pour votre dévouement et votre engagement dans cette cause. Merci.

Le président, M. Lawrence S. Bergman

Le Président (M. Bergman) : Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres collègues sur le côté ministériel qui veulent faire des remarques finales?

Alors, c'est à moi maintenant pour vous remercier, collègues, pour votre travail exceptionnel, non partisan, dévoué pendant ces auditions, comme j'ai mentionné, on a reçu devant nous 36 groupes — c'est-à-dire 36 heures de travail, c'est incroyable — plus les mémoires que vous avez lus avant d'avoir reçu ces groupes, et pour remercier ces groupes aussi pour avoir rédigé ces mémoires, être venus nous visiter ici et passer du temps avec nous, et les autres deux groupes qui ont soumis les mémoires, qu'on n'a pas eu de temps pour entendre, et certainement les 150 personnes qui ont rempli notre questionnaire en ligne. Alors, vraiment, c'est un travail qui est exceptionnel.

Et j'aimerais aussi remercier notre secrétaire, M. Mathew Lagacé, pour son bon travail, ses conseils tout au long de cette commission, Mme Claire Vigneault, notre assistante qui nous a aidés pendant toutes ces auditions, et, «last but not least», nos deux recherchistes qui travaillent tranquillement à côté de nous, Mme Hélène Bergeron et Mme Julie Paradis.

Mais certainement, collègues, notre travail n'est pas fini. Comme vous vous rappelez, on doit passer trois journées ensemble pour visiter six CHSLD. Alors, après la relâche scolaire, les deux semaines de circonscription, on va tenir une séance de travail pour fixer les dates auxquelles nous allons visiter ces six CHSLD ensemble. Pour moi, j'ai entendu beaucoup des défis avec les groupes devant nous, mais, pour moi, le défi le plus important, que j'ai soulevé à tellement de reprises, c'est les questions des aînés qui doivent faire cinq ou six différents lits, différents CHSLD, les lits de transition, les lits d'évaluation. Et, moi, comme je l'ai dit à maintes reprises, c'est inacceptable. On doit trouver une solution pour nos aînés, nos aînés qui ont bâti notre société, qui chacun a un nom, une histoire, un caractère. Ils sont nos mères, nos pères, nos parents, et on doit beaucoup à eux.

Alors, notre travail n'est pas encore fini. On va visiter les six CHSLD, et après, avec le conseil de nos recherchistes, on va rédiger un rapport qu'on va déposer à l'Assemblée nationale, et finalement on va avoir un débat sur le rapport qu'on va déposer à l'Assemblée nationale. Et ce sera au gouvernement pour prendre nos recommandations pour certainement améliorer le système des CHSLD pour le bénéfice de nos concitoyens et certainement nos aînés.

Alors, collègues, compte tenu de l'heure, je lève la séance, et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci, collègues.

(Fin de la séance à 13 h 25)

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