L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux

Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 19 août 2015 - Vol. 44 N° 59

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Association pour les droits des non-fumeurs (ADNF)

MM. Gaston Ostiguy et André Castonguay

Fondation des maladies du coeur et de l'AVC, Québec

Association des restaurateurs du Québec (ARQ)

Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA)

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Association des propriétaires du Québec (APQ)

Intervenants

M. Marc Tanguay, président

M. Jean Habel, président suppléant

Mme Marie Montpetit, présidente suppléante

Mme Lucie Charlebois

M. Jean-François Lisée

Mme Chantal Soucy

*          M. François Damphousse, ADNF

*          M. Daniel Turp, idem

*          Mme Manon Lecours, Fondation des maladies du coeur et de l'AVC, Québec

*          M. Timothy Dewhirst, idem

*          Mme Francine Forget Marin, idem

*          M. François Meunier, ARQ

*          M. Claude Ménard, idem

*          M. Martin Vézina, idem

*          M. André Forget, ADA

*          M. Florent Gravel, idem

*          Mme Martine Hébert, FCEI

*          M. Martin A. Messier, APQ

*          M. Robert Soucy, idem

*          Mme Annie Lapointe, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n°44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Paradis (Lévis) est remplacé par M. Surprenant (Groulx).

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ce matin, nous entendrons l'Association pour les droits des non-fumeurs, les Drs Gaston Ostiguy et André Castonguay ainsi que la Fondation des maladies du coeur et de l'AVC, Québec.

Auditions (suite)

Alors, nous commençons donc avec les représentants de l'Association pour les droits des non-fumeurs. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Peut-être, d'entrée de jeu, vous demander de prendre le soin de vous nommer, préciser vos fonctions, et la parole est à vous. Merci.

Association pour les droits des non-fumeurs (ADNF)

M. Damphousse (François) : Bon, bien, merci. Merci, M. le Président, merci à tous les membres de la commission de nous donner cette opportunité de présenter notre point de vue sur cet important projet de loi. Mon nom est François Damphousse, je suis le directeur, bureau du Québec, de l'Association pour les droits des non-fumeurs depuis 20 ans et je travaille dans la lutte au tabagisme depuis 22 ans. Puis, avant de commencer, je dois vous dire que c'est tout un privilège pour moi de pouvoir témoigner devant vous avec l'un de vos anciens collègues, M. Daniel... Turp, excusez, de l'Université de Montréal, qui va vous parler plus en détail de la convention-cadre puis de la lutte antitabac.

M. Turp (Daniel) : Oui, l'Université de Montréal, hein, parce que, sur votre document, c'est écrit «Université Laval». Et je suis professeur invité à l'Université Laval aussi, mais mon allégeance va surtout à l'université dont je suis le professeur, oui, tout à fait. Merci.

M. Damphousse (François) : O.K. Alors, mon organisation salue évidemment votre courage pour aller de l'avant avec cette nouvelle révision de la loi. Vous ne pourriez pas avoir choisi un meilleur moment pour débattre d'un tel projet de loi, compte tenu de la décision de la Cour supérieure du Québec qui a été rendue au mois de mai dernier dans le dossier des deux recours collectifs contre les fabricants de tabac. Le juge Riordan a été très cinglant à l'endroit des compagnies de tabac en écrivant : «En choisissant de ne pas informer les autorités de santé publique ou le public directement à propos de ce qu'ils savaient, les fabricants de tabac ont placé leurs profits bien avant la santé de leurs propres clients. Au cours des quelque 50 années visées par les recours, les compagnies ont empoché des milliards de dollars aux dépens des poumons, des gorges et de la santé de leurs clients.»

Il est donc tout à fait justifié de proposer les nouvelles mesures contenues dans le projet de loi, plus particulièrement celles visant la commercialisation des produits du tabac, comme l'interdiction des saveurs. Le gouvernement doit aller plus loin, surtout compte tenu de ses engagements à l'égard de la Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac. Lors de la motion qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale pour approuver la convention en 2004, la ministre des Relations internationales à l'époque a mentionné que le Québec respectait déjà les normes établies par celle-ci. De nombreuses directives ont toutefois été adoptées par la suite pour permettre aux parties de la convention de s'acquitter de leurs obligations juridiques. M. Turp va vous expliquer bientôt à quel point ces directives sont importantes.

• (9 h 40) •

Comme vous avez pu le lire dans notre mémoire, l'absence de toute mesure ciblant l'emballage des produits de tabac constitue probablement la plus grosse lacune du projet de loi. Pourtant, l'article 11 de la Convention-cadre est très clair à l'effet que l'emballage ne doit contribuer en aucune façon à la promotion d'un produit du tabac par des moyens fallacieux, tendancieux ou trompeurs. Compte tenu de ce que nous avons récemment appris de la part de la Cour supérieure du Québec sur les fabricants de tabac, est-ce qu'il n'est pas temps pour le gouvernement du Québec de profiter du fait qu'il soit lié à la Convention-cadre pour appliquer les directives s'attaquant à l'emballage des produits du tabac dans le but de neutraliser une fois pour toutes leur véhicule promotionnel le plus important? En bon québécois : Tant qu'à les ramasser, ramassons-les d'aplomb.

Par ailleurs, malgré l'appui de l'ADNF pour un resserrement répété, pour un resserrement de l'encadrement législatif des produits de tabac, il faudra bien un jour se rendre à l'évidence qu'il sera impossible d'éliminer complètement la dépendance à la nicotine chez de nombreux fumeurs et qu'il est temps de recourir à des approches novatrices, comme la réduction des risques, pour leur venir en aide, comme le recommande, par exemple, la Santé publique en Angleterre. La cigarette électronique leur offre cette possibilité. Il ne fait aucun doute que ce dispositif doit être encadré comme il est proposé dans la loi. Et le fait de les soumettre, justement, à la loi représente probablement l'option la plus pratique pour le gouvernement du Québec en ce moment dans le but d'éviter des dérapages. Il faudra évidemment continuer à surveiller l'évolution de ces produits sur le marché, mais, pour le moment, la recherche démontre qu'ils sont beaucoup moins nocifs, n'entraînent toujours pas de renormalisation du tabagisme et aident de nombreux fumeurs à se départir des produits du tabac.

Dans un tel contexte, l'ADNF soutient la décision du gouvernement de permettre des saveurs dans les cigarettes électroniques parce qu'elles sont effectivement utilisées par les adultes qui veulent réduire ou cesser leur consommation de tabac. Puis mon organisation consentirait même à ce que les étalages de cigarettes électroniques soient permis dans les boutiques spécialisées dans le but d'inciter davantage de fumeurs à opter pour ce produit moins nocif.

J'aimerais maintenant céder la parole à mon collègue Daniel Turp.

M. Turp (Daniel) : Merci. M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, je me réjouis d'être à nouveau dans ce Parlement, qui est le vôtre, où j'ai siégé pendant quelques années, de façon à pouvoir commenter le projet de loi visant à renforcer la lutte contre le tabac, dont l'adoption, d'ailleurs, transformera l'actuelle Loi sur le tabac en une loi concernant la lutte contre le tabagisme. Et à lui seul, donc, le nouveau titre que l'on veut conférer à la loi est une indication claire de la volonté du Québec de mettre en oeuvre, peut-être mieux encore, la convention-cadre sur la lutte antitabac, qui a été adoptée par l'Organisation mondiale de la santé il y a quelques années et que l'Association de droits des non-fumeurs, que je remercie, m'a demandé de commenter au bénéfice des membres de la commission en regard du projet de loi que vous examinez.

Je vous rappelle que, dans l'exercice de notre doctrine Gérin-Lajoie, dont on célèbre d'ailleurs le 50e anniversaire cette année, en 2015, et qui porte sur le prolongement international des compétences du Québec, le gouvernement du Québec avait d'abord donné son agrément à la signature, par le Canada, de cette convention. Il l'avait fait en 2003.

Cette convention avait été considérée par le gouvernement à l'époque comme un engagement international important, de telle sorte qu'il devait être déposé à l'Assemblée et approuvé par l'Assemblée, ce qui s'est produit le 15 décembre 2004. Et, comme la Loi sur le ministère des Relations internationales, que connaît bien l'ancien titulaire, le député de Rosemont, cette approbation permettait au gouvernement d'adopter un décret, de prendre un décret et de faire en sorte que le Québec se déclare lié par cette convention. Et cela s'est produit le 14 février 2016, et je vous fais remarquer que ça s'est produit... 2006, pardon, et je vous fais remarquer que cette Loi sur le tabac était antérieure à cette déclaration en vertu de laquelle le Québec se liait. La ministre avait à l'époque dit que la législation québécoise se conformait déjà à cette convention, mais, depuis lors, et c'est ce qu'il me semble important de vous indiquer, il y a eu des directives d'application adoptées par la conférence des parties de l'Organisation mondiale de la santé.

La convention prévoit que la conférence des parties peut adopter des directives qui visent à amener les États à adopter des mesures supplémentaires pour donner effet à la convention. Et ces directives ont été adoptées après, donc, la Loi sur le tabac, et je crois que votre commission, les membres de la commission, notre Assemblée nationale devraient avoir l'intention de donner suite à ces directives et d'en tenir dûment compte dans l'examen de ce projet de loi pour que le Québec se conforme à la convention et les directives d'application, qui ont d'ailleurs été adoptées par consensus. Donc, le Canada a accepté. Je crois comprendre que le Québec n'est pas vraiment associé au débat sur ces directives. N'étant pas toujours présent aux réunions de la conférence des parties, il est peut-être consulté.

Mais, en tout cas, moi, ce que je souhaiterais des membres de la commission — je crois que l'association est d'accord avec cela — c'est que vous ayez à l'esprit non seulement la convention, mais les directives d'application. Et il y en a plusieurs qui ont été adoptées entre 2007 et 2014. C'est un document assez important en dimension, mais il y a là vraiment des directives à votre intention, en quelque sorte. Parce que, si on veut vraiment respecter la convention à l'égard de laquelle nous nous sommes déclarés liés, il faut s'intéresser à ces directives, et chercher à les respecter, et les mettre en oeuvre. Et, pour moi, c'est une source incontournable de référence pour vous. Et d'ailleurs on avait dit qu'il s'agissait d'instruments précieux de mise en oeuvre de la convention. Et, à mon avis, là-dedans, votre examen du projet de loi n° 44, notre future loi concernant la lutte contre le tabagisme, devrait être en tous points conforme non seulement aux obligations juridiques contenues dans la convention à l'égard de laquelle nous nous sommes liés, mais aussi qu'elle tienne compte des instruments précieux — c'est les termes, d'ailleurs, du directeur général ou du jurisconsulte de l'OMS — que sont les directives de l'application. Et, dans le mémoire qui a été préparé, il y a certaines suggestions visant à apporter des modifications au projet de loi n° 44, tel qu'il se trouve, pour se conformer mieux encore aux directives.

Et je vous dis et je me permets de suggérer que l'on respecte mieux les directives qui ont été élaborées par la conférence des parties sur la question de l'emballage, parce que le projet de loi n° 44, dans l'état où il se trouve, ne comporte pas de disposition qui concerne l'emballage ou qui vise à modifier puis à bonifier la loi sur la question de l'emballage. Et les directives d'application relatives à l'article 11 de la convention, qui concernent l'emballage et l'étiquetage, visent à amener les États à favoriser ce que l'on appelle le conditionnement neutre. Et on pourra en débattre, parce que je crois que c'est une question qui mérite l'attention de votre commission. L'idée d'avoir un emballage neutre comme le font maintenant l'Australie, la France et un certain nombre de pays devrait être considérée par votre commission parce qu'il s'agirait d'une façon de mieux respecter la convention et ses directives d'application. Je vous remercie pour votre attention.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous débutons donc une période d'échange. À la demande de Mme la ministre, vous avez pu, évidemment, excéder le 10 minutes afin de compléter votre présentation, ce qui laisse 21 minutes pour l'échange avec Mme la ministre.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, M. Turp et M. Damphousse, merci d'être là et de nous présenter vos préoccupations concernant le projet de loi. Et évidemment vous êtes un groupe qui défend un peu beaucoup l'absence de tabac au maximum. En tout cas, j'entends que vous êtes favorables à notre projet de loi, d'entrée de jeu.

• (9 h 50) •

M. Damphousse (François) : Ah! très certainement, là, tu sais, on l'a mentionné en partant. La question pour mon organisation, c'est : Il faut absolument réduire au maximum le taux de morbidité et de mortalité relié au tabagisme. On veut évidemment, avec toutes les mesures qu'on met en place, réduire le tabagisme, mais, comme je l'ai mentionné dans ma présentation, à un moment donné, il faut recourir à des avenues innovatrices, et, entre autres, comme ils le font en Angleterre, c'est de recourir, par exemple, à des approches de réduction des risques.

Ça fait 22 ans que je travaille dans la lutte au tabagisme. On ne pourra jamais arriver à se débarrasser ou avoir une abstinence complète à la nicotine. Selon moi, ça ne sera pas possible de le faire. Et, malheureusement, il y a beaucoup de fumeurs qui sont très, très dépendants à la nicotine à cause de la présence des produits de tabac sur le marché. Et il faudra à un moment donné regarder comment est-ce qu'on peut leur offrir de la nicotine de façon propre, parce que ce n'est pas la nicotine... comme le mentionnait le Dr Juneau hier, ce n'est pas la nicotine qui crée les problèmes, c'est toute la combustion de la feuille de tabac. Et il existe sur le marché comme une échelle de risque pour beaucoup de produits, puis évidemment les produits les plus sécuritaires, c'est les thérapies de remplacement de nicotine qui sont prescrites, là, puis qu'on peut aller chercher en pharmacie, en vente libre aussi.

Mais est-ce qu'il n'y a pas lieu de réfléchir sur d'autres options qui peuvent être disponibles? Puis on n'a jamais vu un engouement aussi important qu'on a actuellement avec la cigarette électronique. D'ailleurs, j'aimerais déposer à la commission une revue justement des différents produits qui sont sur le marché avec les niveaux de risque de chacun de ces produits-là, puis, entre autres, un des auteurs de ce document, c'est Karl Fagerström. Je ne sais pas si vous le connaissez, c'est le plus grand expert sur la nicotine sur la planète. C'est lui qui a développé le test sur le degré de dépendance à la nicotine. Puis, justement, par exemple, la cigarette électronique, le niveau de risque, pour eux autres, c'est 95 % moins élevé que la cigarette de tabac. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen... Bien d'accord avec les mesures qui sont contenues dans la loi, c'est juste que je voudrais qu'on considère ça comme approche nouvelle, innovatrice, considérant qu'on a mis en place énormément de mesures pour réduire le tabagisme puis qu'il reste encore quand même des gens qui sont dépendants à la nicotine.

M. Turp (Daniel) : Et moi, Mme la ministre, je pense que j'ajouterais une chose. Je pense que le Québec, là, s'est montré à la face du monde comme un pionnier par la loi qui a été adoptée et par les mesures qui ont déjà été adoptées pour la mettre à jour. Et je crois que c'est un très beau geste et c'est un geste qui va probablement permettre à cette commission puis au Parlement de montrer une belle unanimité. C'est des beaux moments de grâce dans une Assemblée quand on est favorables à un projet de loi, mais je crois que vous avez aussi l'occasion de démontrer jusqu'à quel point le Québec veut continuer d'être un pionnier et je crois que, pour ce faire, vous pourriez démontrer que vous voulez mettre en oeuvre, de façon impeccable, exemplaire, la convention et ses directives. Et je crois que vous pourriez laisser votre marque comme ministre, parce qu'on parle, dans le monde, de ce que font les Parlements et les gouvernements. Il y a 50 pays qui ont adopté une législation de mise en oeuvre, et le Québec en adopte une ou en a adopté une, puis aujourd'hui il a l'occasion même... C'est pour ça que je vous l'ai signalé. Moi, ça m'a frappé, le titre que vous vouliez donner à la nouvelle loi, puis ça va se parler dans le monde, là, que le Québec n'a pas une loi sur le tabac, il a une loi concernant la lutte contre le tabagisme.

Alors, c'est pour ça que moi, je voudrais que le Québec continue de faire sa marque dans cette lutte contre le tabagisme en alignant le mieux possible cette loi sur la convention et ses directives d'application.

Mme Charlebois : ...des questions qui vont concerner la convention, mais je vais revenir aux avenues novatrices dont parlait M. Damphousse et aux exemples réduction de risque. Outre la cigarette électronique, est-ce que vous avez d'autres exemples en tête? On va les retrouver sur votre document sûrement.

M. Damphousse (François) : Un des meilleurs exemples, puis ça fait figure de précédent à l'échelle planétaire, c'est ce qu'on appelle le snus.

Le snus, c'est un produit oral qui est un petit sachet que les gens mettent dans leur bouche et c'est banni en Europe, à l'excepté des pays scandinaves. Et, entre autres, la Suède, c'est les plus importants consommateurs de snus, puis le niveau de mortalité dû au cancer, par exemple, du poumon a chuté énormément en Suède. Ça ne veut pas dire que... Il y en a encore, des gens qui fument des cigarettes traditionnelles, il y en a beaucoup, mais le taux de mortalité dû au cancer... parce qu'avec le tabac oral, particulièrement avec le snus, parce qu'il n'y a pas de nitrosamine, qui est la substance... ou il y en a très peu — c'est la substance cancérigène la plus dangereuse — il n'y a pas de combustion, ça fait qu'il n'y a pas de maladie... la MPOC, il n'y a pas d'emphysème, il n'y a pas de cancer du poumon, et les gens obtiennent, finalement, la nicotine dont ils ont besoin. Et, malgré les succès qu'ils ont en Suède avec ce produit-là, l'Europe ne veut pas revoir sa position puis continue, finalement, à le bannir sur tout son territoire, ce qui est malheureux. Et ça ne veut pas dire que c'est absence de tout risque. Il y en a, des risques, et avec la cigarette électronique il y a des risques aussi, mais c'est d'amener les consommateurs de passer du produit qui est le plus dangereux... et il faut resserrer l'encadrement législatif le plus possible pour ce produit-là, qui est le produit de tabac, la cause de la combustion puis d'amener les gens vers le produit qui est le moins à risque.

Alors, on a déjà une expérience dans une population qui est dans les pays scandinaves, où est-ce que ça fonctionne. Alors, c'est pour ça que la réflexion doit se faire avec un produit qui, on voit... Je n'ai jamais vu dans mes 22 ans de carrière qu'il y a un engouement comme on peut le voir pour la cigarette électronique. Est-ce que ça veut dire qu'on ne doit pas l'encadrer? Au contraire. Il faut non seulement avoir la loi ici, au Québec, comme vous la proposez, mais on fait des représentations... Il faut que le gouvernement fédéral... Il y a eu des audiences devant le Comité permanent de la santé, qui a publié justement un rapport qui fait des recommandations au gouvernement fédéral pour, justement, l'encadrer, pas juste la promotion, puis son usage, puis la vente, mais, je veux dire, il faudrait encadrer finalement... pour être sûrs que la qualité du produit... comme, par exemple, que ça soit juste du propylèneglycol, de la glycérine végétale, puis qu'on évite finalement d'avoir des saveurs qui peuvent être à risque pour les poumons, et tout ça. Alors, c'est ça que moi, je trouve qu'on devrait... On a une opportunité qui est là puis on devrait sérieusement envisager cette opportunité-là.

Mme Charlebois : Je vous entends puis j'ai entendu aussi que... Bon, vous comprendrez que... M. Turp a fait allusion au titre du projet de loi, mais vous avez sûrement constaté qu'on s'est référés aussi au rapport de la commission sur la mise en oeuvre et on vise à protéger les jeunes du tabagisme et réduire aussi la prévalence au tabac chez les jeunes. Et, la cigarette électronique, j'ai des questionnements. J'entends, là, que la combustion d'une cigarette est beaucoup plus dommageable, il y a beaucoup plus de danger que pour la cigarette électronique. Une cigarette ordinaire, comme vous le disiez, il y a la combustion. Hier, on a entendu parler des spécialistes aussi.

J'entends que vous êtes favorables à un certain encadrement. Puis vous savez que le contenu du produit, c'est légiféré par le gouvernement fédéral et pas nous. Et, honnêtement, il faut quand même encadrer, je pense — puis c'est ce que propose le projet de loi — l'usage, la vente, l'affichage, etc., mais il ne faut pas l'interdire, parce que, comme vous le disiez, il y a des gens qui s'en prévalent pour arrêter de fumer. Cependant, ce qui m'inquiète un petit peu... Vous avez vu qu'on a fait l'interdiction des saveurs. Dans le projet de loi, on propose une interdiction des saveurs au niveau du tabac, au niveau de la chicha, au niveau de tous les produits du tabac finalement, sauf la cigarette électronique, parce qu'on nous indique que, s'il n'y a pas ça, les gens ne la consommeront pas pour arrêt de tabagisme, mais juste fumer de la nicotine dans la... à vapoter de la nicotine — il ne faut pas que j'utilise le même terme — avec les cigarettes électroniques.

On nous disait que... hier, j'ai entendu qu'il y a... Puis vous savez que les études sont relativement récentes, alors, on n'a pas la science long terme, donc, il nous manque d'études concluantes. On a entendu que les jeunes ne commençaient pas à fumer avec ça, généralement. On n'a pas dit que tout le monde ne commençait pas à fumer avec ça, mais on a dit : Généralement, les jeunes ne commencent pas à fumer avec ça. Les gens...

M. Damphousse (François) : ...

Mme Charlebois : ... — toujours, oui — ne vapotent pas...

M. Damphousse (François) : O.K. Excusez.

Mme Charlebois : ...pour en venir à fumer avec ça. Et, hier soir, je me rends compte qu'il y a une étude américaine qui nous dit le contraire, que l'usage de la cigarette électronique a triplé chez les jeunes Américains et ça les amène vers les produits conventionnels. Qu'est-ce que vous pensez de ces études-là?

• (10 heures) •

M. Damphousse (François) : Bien, c'est cette étude-là. Parce qu'un des gros problèmes que j'ai, moi, actuellement avec tout ce qui concerne la prévalence de l'usage de la cigarette électronique, c'est qu'on pose souvent la question auprès des jeunes : Est-ce que vous avez déjà essayé une cigarette électronique une fois dans votre vie ou une fois au cours du dernier mois?, et, selon moi, ça ne reflète pas à voir s'il y a un usage régulier actuel de la cigarette électronique. Il faut qu'il y ait un partage en termes de l'information qu'on puisse avoir pour déterminer ceux qui en font un essai juste parce qu'ils l'essaient, parce que, hein, souvent, les jeunes finalement en font l'essai, puis ceux qui en font un usage régulier. Puis, si on regarde au Québec... là, vous mentionnez aux États-Unis, si on regarde au Québec puis dans bien des pays aussi, c'est que, quand on regarde le rapport de l'Institut de la statistique du Québec, on mentionne que 20 % des jeunes non-fumeurs ont déjà essayé la cigarette électronique au cours de leur vie, mais, quand on regarde si c'est au cours du dernier mois, c'est 4 %, puis, quand on regarde, parmi ces 4 % là, c'est qui, la majorité qui font l'usage de la cigarette électronique : c'est des jeunes fumeurs, comme le mentionnait Martin Juneau hier. Et c'est la même chose au niveau de l'Angleterre, que... Je vais vous en donner une autre, étude, ici, où est-ce qu'on fait une revue de littérature de tous les sondages qu'il y a en Angleterre. La très grande majorité des utilisateurs de la cigarette électronique, c'est des jeunes qui font l'usage de la cigarette traditionnelle avant.

Alors, on ne veut pas que les jeunes aient accès à un produit qui crée de la dépendance, mais, comme le Dr Juneau le disait hier, si j'ai un jeune qui fume le tabac, bien je préférerais davantage qu'il utilise la cigarette électronique plutôt que le produit de tabac. Alors, moi, si je regarde l'ensemble de la littérature qui existe actuellement, c'est très rare que ce soient des jeunes... puis vous allez l'entendre d'autres témoins aussi, c'est très rare que ce soient des jeunes qui n'ont jamais fumé qui utilisent la cigarette électronique, sinon ils vont juste l'essayer. Mais d'en faire un usage régulier, c'est bien différent. On n'a même pas de donnée sur un usage régulier actuel. Pour le tabac, on le fait tout le temps, mais, pour la cigarette électronique, c'est soit ils l'essaient au cours de leur vie ou au cours du dernier mois.

Ça fait que j'aimerais juste remettre celle-là ici pour vous donner un profil. C'est deux pages. Ça vous donne un profil justement de ce qui se passe en termes de l'utilisation de la cigarette électronique au niveau de la population et des jeunes.

Mme Charlebois : Est-ce que vous êtes favorables à l'encadrement qu'on lui donne comme... En fait, c'est comme un produit du tabac, sauf pour les saveurs. C'est-à-dire que l'usage est interdit aux mineurs, ça fait que ça va régler le problème...

M. Damphousse (François) : Le fait...

Mme Charlebois : ...quand on parle des jeunes. Quand on parle de l'usage dans les lieux puis aussi tout ce qui concerne... On a laissé les saveurs, mais vous savez qu'on a aussi une porte ouverte pour de la réglementation si on sent qu'il y a une tendance par les jeunes d'utiliser ce produit-là, pour ensuite se transformer en consommation tabagique. Est-ce que vous êtes à l'aise avec ça?

M. Damphousse (François) : Oui, on est à l'aise. Évidemment, actuellement, il n'y a aucune loi qui interdit la vente de la cigarette électronique auprès des mineurs. Ça va de soi. Vous avez vu la couverture dans La Presse ce matin, c'est la première page, c'est toute la couverture, de la publicité de style de vie pour la cigarette électronique.

C'est clair que l'encadrement que vous proposez dans la loi, c'est tout à fait correct, mais, dans un autre sens, il faudrait aussi donner l'information au public sur les risques réels de ces produits-là. Une des choses qu'on constate, c'est que tous les reportages médiatiques qu'on voit sur la cigarette électronique actuellement... puis c'est de valeur, vous n'avez pas posé la question — peut-être qu'ils l'ont mentionné — à Martin Juneau puis à Dr Poirier hier, toute la publicité qu'on donne actuellement dans les médias sur la cigarette électronique, malheureusement, il y a bien des gens qui pensent que c'est plus dangereux maintenant que la cigarette traditionnelle, puis ça, c'est dommage. Puis il y a des patients que le Dr Juneau mentionne... Vous allez avoir le Dr Ostiguy après moi, vous lui poserez la question, il va vous le dire. Il y a, malheureusement, des gens qui pensent que c'est encore plus dangereux.

Oui, il faut réglementer la publicité, il ne faut pas avoir de la publicité de style de vie, mais il faudrait que les gens aient accès à une information qui représente le niveau de risque que ce produit-là peut avoir, et ça, c'est important. Et le fait que vous vous dotiez de pouvoirs réglementaires si vous voyez qu'il y a des dérapages, c'est parfait, mais ce pouvoir réglementaire là peut être utilisé dans les deux sens. Si vous voyez que finalement c'est essentiellement des fumeurs qui utilisent la cigarette électronique puis qu'ils quittent le marché puis qu'on voit maintenant que le marché de la cigarette traditionnelle est en train de descendre, mais donnez-vous les mécanismes pour pouvoir leur donner encore un plus grand avantage, et avec la connaissance qui va... D'ailleurs, la position écrite de l'Association pour les droits des non-fumeurs, je vous l'ai tout envoyée au cours de l'année, la dernière recommandation, c'est de vraiment porter une attention à la recherche scientifique sur qu'est-ce qui se passe avec la cigarette électronique. Et, si on voit que finalement ça a des avantages en termes de santé publique, mais dotez-vous des moyens pour pouvoir profiter finalement des avantages que ça peut vous apporter.

Mme Charlebois : Est-ce que vous êtes d'accord... Parce que vous savez que l'usage autant du tabac que de la cigarette électronique va être interdit dans les établissements, dans tout ce qui est espace public. Est-ce que vous êtes d'accord? Parce qu'il y a des gens qui nous ont fait part hier qu'ils souhaitaient que... l'Association canadienne, je pense, du vapotage, nous disait qu'ils souhaitaient que, dans les boutiques spécialités... spécialisées, excusez-moi, on puisse faire usage de la cigarette électronique, notamment justement pour enseigner les gens sur l'utilisation, comment utiliser ce produit-là, puis etc., pour favoriser une meilleure utilisation en vue d'une cessation tabagique.

M. Damphousse (François) : Comme je l'ai mentionné dans mon allocution initiale, mon organisation consentirait à ce que, oui, les produits soient visibles dans les boutiques spécialisées pour que les gens puissent regarder qu'est-ce qu'il y a de disponible, mais...

Une voix : ...

M. Damphousse (François) : ...à l'intérieur de la boutique évidemment, mais ne va pas aussi loin à ce que permettre... finalement, la position qu'on a adoptée, c'est de ne pas aller aussi loin à ce qu'on utilise, finalement, dans les boutiques de cigarettes électroniques... On peut très bien, en utilisant la cigarette électronique, montrer comment est-ce que ça fonctionne, puis il n'y a rien qui empêche les gens d'aller à l'extérieur de la boutique pour qu'on puisse l'essayer aussi.

Ça fait qu'à ce moment donné là la recherche, comme le Dr Juneau et Dr Poirier hier ont mentionné... c'est qu'au point de vue de la science on n'est pas là pour savoir si ça comporte des risques pour celui qui ne l'utilise pas. La seule chose que j'ai vue à date, c'est que, pour les non-utilisateurs, il peut y avoir des traces de nicotine dans le sang mais à des niveaux tellement bas... mais, compte tenu que c'est un produit qui est relativement nouveau sur le marché, comme je mentionnais tantôt, on va accumuler d'autres informations puis on va voir si les risques vont être là ou pas, mais pour le moment utilisons le principe de précaution puis finalement pour autant... Ce n'est pas pour nécessairement les utilisateurs dans les boutiques qu'on mentionne ça, c'est surtout pour les travailleurs qui sont là à longueur de journée. Alors, c'est pour ça que mon organisation, comme, l'utilisation de la cigarette électronique dans les lieux de travail ou lieux publics finalement, appuie votre position de l'interdire, finalement, comme la cigarette.

M. Turp (Daniel) : Et je vous rappelle que l'OMS s'est intéressée à la cigarette électronique, même s'il n'y a pas de disposition dans la convention, et donc dans les directives d'application, et il y a des études de l'OMS qui ont été critiquées par certains qui, comme l'association a une position plus favorable pour permettre la cessation tabagique... Et je vous invite quand même... j'invite le gouvernement à s'intéresser à l'évolution des travaux de l'OMS sur la cigarette électronique, parce qu'elle est concernée, là, par son utilisation.

Mme Charlebois : ...de la Convention-cadre, j'allais justement vous poser des questions. Vous nous disiez tantôt que vous souhaitiez que nous nous conformions à la convention mais aux directives aussi de l'OMS et vous sembliez me faire part qu'il y avait plusieurs États qui se conformaient. Mais combien il y en a qui se conforment à l'entièreté des directives et de la convention de l'OMS?

M. Turp (Daniel) : Bien, je pense qu'il n'y a pas d'évaluation globale de la conformité totale ou partielle à la convention. Et, même dans le rapport périodique que font les États en application de la convention, on estime toujours, en général, d'être conforme. Mais les questions sont posées aux États. Et je crois que la question maintenant qu'il faut se poser, là, c'est : Est-ce qu'on est non seulement conformes à la convention, mais est-ce qu'on tient compte des directives? Et c'est là où les efforts des États, y compris le Québec, doivent être faits. Et je pense que finalement ce qu'on souhaiterait, c'est que, quand on se compare, on soit les meilleurs, on soit les plus conformes.

M. Damphousse (François) : Puis j'aimerais rajouter là-dessus effectivement qu'il y a bien des pays qui n'ont pas nécessairement les ressources en santé publique pour pouvoir mettre en application toutes les mesures dans la Convention-cadre. Ça permet aux pays, finalement, d'aller plus loin pour justifier, justement, le resserrement des règles pour encadrer les activités de commercialisation de l'industrie du tabac. Mais, comme je l'ai mentionné dans mon mémoire, pour le Québec, c'est très important d'aller le plus loin possible avec son encadrement des produits de tabac, parce que vous servez d'exemple au niveau international. Et ça, c'est très important, vous créez des précédents.

Comme par exemple, je prends... l'exemple qui me vient à la tête, c'est l'emballage générique. L'Australie a été le premier pays à le faire. Qu'est-ce qui est arrivé par après? C'est qu'il y a d'autres pays, finalement, qui ont suivi la marche : le Royaume-Uni, l'Irlande, la France. Pourquoi? Bien, c'est parce qu'il y a un premier pays qui l'a mis en vigueur puis qui l'a défendu avec succès en cour. Ça fait que, pour vous, c'est très important, le précédent que vous créez, quand vous travaillez dans la lutte au tabagisme. Vous donnez des exemples pour bien des pays pour venir vous voir ou pour regarder qu'est-ce que vous avez, finalement, comme encadrement puis qui vont l'utiliser. Ça fait que c'est très important.

M. Turp (Daniel) : Et, quand le Canada va faire son rapport périodique, il va donner l'exemple du Québec comme étant une juridiction où on respecte et on a tenu à respecter la convention et ses directives d'application, et ça, ça va être rendu public au niveau de la communauté internationale.

Mme Charlebois : C'est dommage, parce que j'avais plein d'autres questions en rapport... Mais juste revenir sur le paquet neutre, là. Ce que je comprends, puis corrigez-moi si je me trompe, là, la France et ailleurs, ils ont l'intention, mais ce n'est pas encore en oeuvre, là, les paquets neutres...

M. Turp (Daniel) : En Australie, c'est en oeuvre. La France, je pense, c'est en cours, la législation est devant l'Assemblée ou le Sénat.

M. Damphousse (François) : Bien, l'Irlande a adopté la loi, le Royaume-Uni a adopté la loi. À savoir quand est-ce que ça va rentrer en vigueur, ça, c'est une autre chose, mais les lois ont été adoptées, là. C'est de savoir quand est-ce que... Parce qu'il y a toujours un délai. On accorde un délai auprès des compagnies.

Mme Charlebois : ...

M. Turp (Daniel) : Et vous vérifierez, parce que je crois avoir lu dans les journaux récemment — j'étais en France — que c'est en voie d'adoption devant...

M. Damphousse (François) : Si ce n'est pas déjà fait.

M. Turp (Daniel) : ...devant l'Assemblée nationale ou au Sénat français. Donc, la France peut-être pourrait vouloir qu'on la suive et qu'on prenne exemple sur elle comme elle a souvent pris exemple sur nous.

Mme Charlebois : Le temps qui m'est imparti achève, et je ne pourrai pas vous poser d'autres questions, mais on le fera en privé. J'aurais aimé ça vous entendre sur la standardisation plutôt que le paquet neutre, bref, une étiquette plus large de danger qui rendrait conformes ou identiques les paquets, mais, comme le temps me manque...

• (10 heures) •

Le Président (M. Tanguay) : ...

M. Damphousse (François) : Bien, vite, vite. Oui, allez-y, madame.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue député de Rosemont pour un bloc de 13 min 30 s.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Merci, M. Damphousse. Me Turp, très heureux de vous voir. Je vais me tourner vers le constitutionnaliste de l'Université de Montréal, ancien membre de cette Assemblée, ancien membre de la Chambre des communes.

Sur le pouvoir constitutionnel du Québec, alors, vous dites dans votre mémoire... vous applaudissez le fait que le projet de loi retire la clause d'harmonisation qui figurait précédemment, qui faisait en sorte que le Québec devait s'harmoniser à la législation fédérale, et vous écrivez : Cette disposition était inutile, ligotait les mains du gouvernement québécois pour «introduire des normes au niveau des produits du tabac et était d'autant plus aberrante que le dossier du tabac et l'adoption de normes visant à renforcer la lutte contre le tabagisme concernent la santé et [ressortent] de la compétence constitutionnelle du Québec». Alors, il y a des gens qui nous disent : Bien, ce n'est pas tout à fait vrai, ça. Par exemple, sur l'emballage neutre, il y a des gens qui nous disent : Non, non, vous ne pouvez pas faire ça, c'est de compétence fédérale, puis, de toute façon, on ne peut pas imposer aux cigarettiers d'avoir un emballage pour le Québec puis un emballage pour le reste du Canada. Qu'est-ce que vous répondez à ça?

M. Damphousse (François) : Qui qui a mentionné ça, par contre? C'est les avocats, probablement, de l'industrie du tabac.

M. Lisée : Mais je vous demande quel est l'état du droit.

M. Turp (Daniel) : Le Québec est compétent, c'est une question ancillaire à la santé, et je crois qu'effectivement des gens pourraient tenter de contester cette compétence comme ils l'ont fait dans toutes sortes d'autres instances concernant le tabac. Mais le Québec a décidé de légiférer, il a adopté sa Loi sur le tabac, je crois qu'il doit aller aux limites de ses compétences et devrait vouloir s'intéresser à l'emballage et l'étiquetage, qui est une question de santé publique.

M. Damphousse (François) : Aussi, mon organisation a obtenu, à un moment donné, une opinion juridique sur la question de la compétence des gouvernements provinciaux d'arriver avec l'emballage générique, et c'est possible. Je pourrais vous l'envoyer aussi. C'est un avis qui date d'un certain nombre d'années. Mais, en 1994, quand il y a eu la guerre des taxes puis qu'on a perdu cette guerre-là, le Comité permanent de la santé, au niveau fédéral, a étudié la question de l'emballage générique, puis c'étaient des questions qui étaient soulevées, et aussi, à ce moment donné là, on avait vérifié si les provinces avaient les compétences, puis elles l'avaient, à notre avis. L'avis de l'industrie du tabac, mais ça, ça sera à eux...

M. Turp (Daniel) : Mais je crois que le gouvernement ne devrait pas hésiter à exercer... ou à dire qu'il a la compétence. Et, si ça devait être testé devant les tribunaux, il a de bonnes chances de gagner. Il a, sans doute, des avis juridiques, mais il ne voudra pas les rendre publics, là, hein?

M. Lisée : ...sage de ne pas rendre publics les avis juridiques. Mais, puisque vous êtes juriste, je vous le demande, et vos avis sont publics.

Sur la question du contenu du produit du tabac, et en particulier sur la question du contenu du produit de la cigarette électronique, évidemment on est dans la phase un peu far west de la cigarette électronique, où il y a toutes sortes de contenus — parfois, c'est désigné sans nicotine, alors qu'il y en a — et donc il y a une volonté de normaliser — la France l'a fait — de normaliser à la fois le dispositif et le liquide pour les cigarettes électroniques. Est-ce que le Québec aurait la capacité juridique de le faire?

M. Turp (Daniel) : Oui. Moi, je crois que oui. Ça rentre dans sa compétence générale en matière de santé puis tout ce qui lui est ancillaire. La seule chose vraiment, là, je pense, qu'on peut dire comme constitutionnaliste, c'est qu'on ne pourra pas affecter la marque de commerce. Ça, c'est clair. La compétence sur les maques de commerce est fédérale, et on ne pourrait pas adopter une disposition qui affecte la marque de commerce, qui empêche que cette marque de commerce puisse être utilisée. Et là, par exemple, s'il s'agissait d'interdire la marque de commerce, là il y aurait un problème de nature constitutionnelle. Mais ça ne veut pas dire que, si on est empêché de faire ça, on ne peut pas faire tout le reste, et tout le reste, ça compte bien davantage que de légiférer sans empêcher l'utilisation de la marque de commerce, parce que c'est ce qui compte à la fin, c'est que l'emballage soit neutre. Et le fait que la marque de commerce puisse continuer d'y être, même si ça peut affecter dans une certaine mesure la neutralité, bien ça aura été diminué considérablement s'il y a un conditionnement neutre de l'affichage.

M. Damphousse (François) : Pour le contenu, c'est l'agence française des normes qui a proposé des normes auprès de la cigarette électronique et c'est des normes volontaires. Évidemment, ça, ces normes-là, si on les regarde, il n'y a rien qui empêche le Québec de reprendre ça comme modèle pour pouvoir imposer ces normes-là au niveau de la vente des cigarettes électroniques qu'il y a sur le marché au Québec. Ça fait que le travail est déjà fait.

M. Lisée : Par exemple, on nous disait... hier, on avait l'association des vapoteurs puis on a discuté de différentes études, et on voit qu'il y a une étude américaine, californienne, sur les cigarettes électroniques jetables, dont certaines sont produites par les cigarettiers, qui, du fait de leur dispositif, ont des substances cancérigènes ou du chrome, des métaux lourds qui ne sont pas présents dans les autres cigarettes électroniques. Alors donc, ce que vous nous dites, c'est que le Québec aurait le pouvoir de définir la norme et possiblement d'interdire les cigarettes électroniques jetables, qui sont nocives pour la santé, et ne permettre que celles qui sont beaucoup moins nocives.

M. Damphousse (François) : C'est parce que ça répond... comme mentionnaient Martin Juneau et Dr Poirier hier, ça répond à deux types de clientèle. Au niveau des cigarettes électroniques qui ressemblent aux cigarettes régulières... C'est sûr que les boutiques de cigarettes électroniques où est-ce que c'est des... avec réservoir veulent compétitionner contre les cigarettes électroniques qui ressemblent à des cigarettes régulières, mais les deux produits ne sont pas nécessairement exempts de toute substance. Ce qu'il faut vérifier, c'est comparer ce qu'il y a comme substances dans la cigarette électronique toujours en comparaison avec la cigarette traditionnelle.

M. Lisée : ...d'opportunité. Là, je pose la question de notre capacité. Je veux dire que notre capacité de réguler les types de contenu et de dispositif des cigarettes électroniques nous appartient. Ensuite, il faut se poser la question : Veut-on le faire? Parce qu'effectivement on sait qu'il y a des gens qui adoptent la cigarette électronique, commencent par la cigarette jetable et ensuite passent à la cigarette électronique non jetable, qui est moins nocive.

M. Damphousse (François) : Mais pourquoi que les normes ne seraient pas applicables finalement aux deux : des cigarettes électroniques qui ressemblent à la cigarette traditionnelle, aussi aux cigarettes électroniques avec des dispositifs, avec des réservoirs?

M. Lisée : Bien sûr. On pourrait avoir des normes pour les deux, mais on pourrait décider que certaines cigarettes excèdent les normes que nous voulons pour la nocivité. Ça, ça fait partie de notre capacité législative.

M. Damphousse (François) : Mais il faudrait évaluer justement lequel. Si c'est le cas, que finalement la cigarette électronique qui ressemble à la cigarette traditionnelle, finalement, comporte justement ces problèmes-là, dont on vous a mentionné hier... puis ce sera à vous justement de décider quelles devraient être les normes, pas nécessairement de l'interdire, mais de dire aux fabricants : Mais, écoutez, là, vous devez, à partir de maintenant, respecter ces normes-là pour que votre produit soit le plus sécuritaire possible sur le marché.

M. Turp (Daniel) : Et, M. le député de Rosemont, moi, je suis d'avis que le Québec a une compétence lorsqu'il s'agit d'interdictions sur le contenu. Et, si vous voulez vous rassurer, bien, je pense que vous pourriez demander un avis juridique, comme commission, pour éviter que les grandes compagnies, déjà, disent : Ah! le Québec ne peut pas faire ça, et peut-être assurer par cette prévention que l'on ne conteste pas l'autorité du Québec de le faire.

M. Lisée : Bien, de toute façon, vous savez que les cigarettiers ont contesté la capacité de l'Australie de légiférer là-dessus et ont convaincu le Togo qu'il ne l'avait pas, alors qu'il l'avait. Donc, il faut être prêts à tout et ne pas craindre la capacité des cigarettiers de contester notre capacité et la validité de nos législations.

Je reste sur la cigarette électronique et la publicité. Donc, vous pensez que la publicité devrait être interdite pour ce qui est de la promotion, mais vous dites : C'est très important que l'information sur la moins grande nocivité de la cigarette électronique puisse passer d'une façon ou d'une autre. Est-ce que ça peut être fait sur les avertissements? Parce qu'on avait les gens de l'Institut de cardiologie, hier, qui nous disaient : Bien, justement, sur l'avertissement, ça devrait être écrit : Ce produit est nocif, mais beaucoup moins que la cigarette normale. Est-ce que ça, ça suffit ou vous pensez qu'on devrait permettre la publicité dans les journaux mais normée pour que ça soit une publicité informative et non style de vie?

• (10 h 20) •

M. Damphousse (François) : O.K. Pour rectifier, là, ce qui s'est dit hier : ce n'étaient pas les avertissements du gouvernement fédéral, hein, c'était : on a un règlement, en vertu de notre Loi sur le tabac, ici qui permet la publicité dans les publications avec un lectorat de 85 % d'adultes, puis il y a une obligation d'avoir les avertissements de santé. Alors, si vous allez assujettir la cigarette électronique en vertu de la Loi sur le tabac, en théorie, les compagnies de cigarettes électroniques pourraient faire cette publicité-là, parce qu'elle n'est pas assujettie. Au Québec, on n'a pas le droit de publicité à cause de la combinaison des deux lois, la loi fédérale et la loi du Québec, mais elle n'est pas encore réglementée au fédéral.

Ça fait que cette publicité-là, elle serait permise, mais il faudrait que justement l'avertissement qui soit sur cette publicité-là reflète ce que la recherche finalement a, à ce jour, déterminé sur le risque relatif de ce produit-là. Premièrement, la première chose, en toutes lettres, c'est de dire que ce produit contient de la nicotine et la nicotine crée une dépendance. Il faut que les gens soient avertis de ça. Et de dire que la cigarette électronique, elle n'est pas, comme je vous mentionnais... il n'y a pas une absence complètement de risque, mais, comparativement à la cigarette traditionnelle, c'est beaucoup moins risqué. Et le problème qu'on a actuellement, comme je le mentionnais tantôt, c'est qu'il y a bien des gens qui croient maintenant que la cigarette électronique est plus dangereuse que la cigarette traditionnelle.

M. Lisée : C'est la perception qu'il faut renverser. Dans le document que vous nous avez transmis tout à l'heure sur la nocivité comparée des différents produits du tabac, alors, il y a le snus, dont vous avez parlé tout à l'heure, donc, qui se met dans la bouche. Nous avions hier les représentants de l'industrie du tabac sans fumée, donc, qui est ici, «smokeless unrefined», qui est différent de snus, et ils nous disaient que, tous leurs produits, donc, il n'y a pas de combustion, donc c'est beaucoup moins nocif que la cigarette. Ils disaient : Bien, la majorité de nos produits, 60 %, ont des arômes, alors, si vous nous interdisez d'avoir des arômes, il y a beaucoup de gens qui vont arrêter d'acheter notre produit. Où iront-ils? Ils n'iront pas fumer de la cigarette avec arôme, parce qu'on va l'interdire aussi, mais vous, vous dites : C'est un produit moins nocif que la cigarette. Alors, est-ce que vous nous conseillez de les laisser avoir de l'arôme, parce que c'est un produit de remplacement moins nocif, ou qu'on devrait quand même retirer les arômes de ce produit-là?

M. Damphousse (François) : Je vais faire la distinction : les saveurs n'ont aucune place dans aucun produit de tabac. Si on peut éliminer finalement... Parce que les produits, arômes, mais qu'ils soient... ne causent pas de cancer du poumon, ne causent pas d'emphysème, ne causent pas de maladie chronique pulmonaire obstructive parce qu'il n'y a pas de combustion, mais ils ont quand même un taux de nitrosamine qui peut être assez élevé, puis on peut voir une prévalence assez importante de cancer de la bouche.

M. Lisée : ...puis la mâchoire, oui.

M. Damphousse (François) : Oui, c'est ça, la mâchoire. Ça fait que ce qu'on veut faire, c'est éviter à ce que les gens soient attirés aux produits de tabac en rajoutant des saveurs. Ça fait qu'on va diminuer... Puis, s'ils disent qu'on va perdre notre marché... Mais ce n'est pas ça, notre objectif. C'est notre objectif de notre loi, ça fait que... Mais on veut les amener quand même... C'est pour ça que je parlais de la cigarette électronique, parce que ce n'est pas un produit de tabac.

M. Lisée : ...une minute, Dr Damphousse, Me Turp. Alors, lorsque vous dites «appliquer la convention et les huit directives» et qu'on fait la liste de ce qu'il manque au projet de loi... il y a l'emballage neutre, vous dites : «...interdire de fumer dans les endroits où des personnes sont hébergées comme dans les centres d'hébergement [...] de soins de longue durée ou d'un centre hospitalier psychiatrique.» Qu'est-ce qu'il manque d'autre?

M. Damphousse (François) : Une des choses que j'aimerais bien voir, c'est ce que l'Uruguay a fait. Actuellement, un des messages les plus trompeurs auprès des consommateurs, c'est toutes les variantes d'une marque de cigarette. On a pu, avec le Bureau de la concurrence, au fédéral, éliminer juste les descripteurs «douce» et «léger», mais les fabricants de tabac ont trouvé d'autres descripteurs, comme «velouté», ou d'autres expressions.

M. Turp (Daniel) : «Spécial».

M. Damphousse (François) : «Spécial». Puis c'est tout le temps une marque de commerce comme du Maurier, mais on a une variante d'à peu près 10 produits différents. Et qu'est-ce que ça donne comme message, c'est qu'on pense que le produit qui est velouté est moins nocif que le produit original. Ce n'est pas le cas. Et, l'Uruguay, qu'est-ce qu'ils ont fait en vertu de la Convention-cadre, parce que c'est une suggestion dans les directives, c'est qu'il n'y ait seulement qu'une variante par marque et que les compagnies de tabac n'ont pas le droit d'avoir des variantes.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour un bloc de neuf minutes.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci d'être ici.

Lors du dépôt du projet de loi, la ministre a dit qu'elle n'imposerait pas l'emballage neutre, parce que c'est de compétence fédérale puis que le fédéral allait légiférer en ce sens. Comme nous sommes en élection fédérale puis on ne sait pas qui va former le prochain gouvernement, on ne sait pas non plus son agenda législatif, alors la ministre avait-elle raison... a-t-elle raison, en fait, d'attendre le fédéral sur ça?

Je comprends qu'en même temps il y a le respect du champ des compétences respectives, ils ne veulent pas empiéter, et tout, mais, selon vous, est-ce qu'elle a raison d'attendre le fédéral?

M. Damphousse (François) : Écoutez, je ne prendrai pas de parti pris entre le fédéral et le Québec. Notre objectif à nous, c'est que finalement on ait, au Québec, les deux juridictions qui aillent le plus loin possible pour encadrer ce marché-là. Et, si le fédéral veut y aller de l'avant avec l'emballage générique et qu'ils sont les premiers à le faire avant le Québec, vous allez voir que tous les groupes de santé vont l'appuyer puis qu'ils vont applaudir finalement le gouvernement pour le faire.

Ce qu'on voulait dire ce matin, c'est de dire : Écoutez, le Québec, ils peuvent le faire aussi. Puis, nous, ce qu'on veut, c'est que ça se fasse le plus rapidement possible. Et, compte tenu que le Québec a adopté son décret le liant à la Convention-cadre, mais la disposition de l'emballage neutre est là... alors on le souhaiterait aussi, à savoir, bon, bien... J'aimerais bien avoir une boule de cristal puis savoir quand est-ce que le gouvernement fédéral va arriver avec leurs mesures, j'aimerais bien savoir quand est-ce qu'ils vont arriver avec les normes sur la cigarette électronique, mais on va pousser sur les deux pour vous demander d'agir. Et, comme Mme la ministre semblait être intéressée à intervenir pour avoir des emballages standardisés, mais ça ferait un pas de plus. Ça fait qu'on...

M. Turp (Daniel) : ...le premier geste, c'était d'enlever la clause d'harmonisation, puis la logique voudrait qu'on veuille assumer pleinement les compétences qui sont les nôtres puis d'interpréter la Constitution dans le sens qu'on a une compétence pour faire cela. Et là on va peut-être même guider l'attitude du Parlement du Canada, et peut-être voudra-t-il légiférer, lui aussi, sur la question, puis on aura des législations complémentaires, et tout ça. Et il ne faut pas craindre, à mon avis, sur cette question un débat constitutionnel, il faut agir, il faut agir et il faut faire ce qui est nécessaire pour mettre en oeuvre la convention, puisque moi, je suis d'avis qu'il s'agit d'une question qui relève de nos compétences.

Mme Soucy : Tantôt, vous parliez... vous nous avez suggéré, en fait, de demander un avis juridique de la commission parlementaire. C'est quoi, la différence que la commission parlementaire demande un avis juridique, alors que la ministre a déjà demandé un avis juridique, le gouvernement a demandé un avis juridique? Donc, ça serait quoi, la plus-value pour la commission parlementaire de demander un avis juridique?

M. Turp (Daniel) : ...il va être public, tout le monde va pouvoir prendre connaissance d'un avis juridique qui pourra être demandé à des constitutionnalistes réputés, des gens qui seront choisis pour leur objectivité puis qui donneront l'heure juste aux parlementaires, et la population sera aussi au courant des capacités de votre Parlement d'adopter cette législation, ce qui sera su aussi des compagnies de tabac qui contesteraient, par exemple, la capacité du Québec d'adopter de telles mesures.

Mme Soucy : Je vais profiter de votre expérience parlementaire également. Ça fait qu'on demande au gouvernement, on demande... Comment ça se...

M. Turp (Daniel) : ...au président de votre commission, je crois. Et vous essayez d'obtenir le soutien d'une majorité des membres de votre commission.

Mme Soucy : Selon votre connaissance, ailleurs, comme en Australie, selon vous, le gouvernement australien, est-ce qu'il a eu à défendre en justice la décision d'aller de l'avant avec l'emballage neutre ou... Si c'est le cas, c'est quoi, les arguments qui avaient été invoqués?

M. Damphousse (François) : Bien, même ici, au Canada, quand il y a eu le débat devant le Comité permanent de la santé en 1994 puis que, les experts de l'industrie du tabac, leurs avocats sont venus, en grande pompe, des États-Unis puis ils parlaient d'une expropriation de leurs marques de commerce puis qu'ils voudraient avoir finalement une compensation financière parce que leur bien le plus précieux, c'est leurs marques de commerce... alors, ils ont fait cet argument-là jusqu'à la cour la plus élevée en Australie, à dire que c'était une expropriation de leurs marques, et la cour a statué que le gouvernement, en adoptant leur loi sur l'emballage générique, ne profitait pas de l'emballage générique, autrement dit, il ne s'accaparait pas de la marque de commerce des compagnies de tabac.

M. Turp (Daniel) : Et du droit de propriété.

M. Damphousse (François) : Et du droit de propriété.

M. Turp (Daniel) : C'était fondé sur la question du droit de propriété.

M. Damphousse (François) : Ça fait que c'est à ce niveau-là qu'ils ont essayé. Puis probablement qu'ici, si on y va de l'avant avec finalement l'emballage générique, c'est là-dessus qu'ils vont se plaindre puis qu'ils vont essayer d'avoir une compensation. Mais, compte tenu que c'était une loi de santé publique et non finalement pour s'accaparer du droit de propriété, la demande de l'industrie du tabac a été rejetée.

M. Turp (Daniel) : Je pense que ce serait utile pour vous qu'on vous fasse parvenir le texte de la décision de la High Court of Australia...

Mme Soucy : ...

• (10 h 30) •

M. Turp (Daniel) : ...et probablement que la Cour suprême du Canada statuerait d'une façon analogue.

Il y a un dialogue entre les cours suprêmes de plus en plus, et je crois qu'on tiendrait compte de la façon dont la Cour suprême... mais ça ne règle pas la question de la compétence, là, de légiférer est-ce que c'est le Québec ou le Parlement du Québec ou le Parlement du Canada, mais, je vous l'ai dit tout à l'heure, sur la question de la marque de commerce, il me semble que c'est assez clair que l'on ne peut pas légiférer là-dessus ici, au Québec, mais on peut légiférer sur toutes les autres questions qui concernent l'emballage.

Mme Soucy : Dans votre mémoire, vous dites que l'étalage et la promotion des cigarettes électroniques doit se faire, bon, uniquement dans les lieux accessibles pour une clientèle adulte, bien entendu. Selon vous, ça serait quoi, l'endroit où est-ce qu'on devrait légiférer? Est-ce que ça devrait être, supposons, les salons de cigarettes électroniques? Est-ce que ça pourrait être d'autres endroits?

M. Damphousse (François) : Bien, écoutez, il faut aussi comprendre qu'il faut avoir une accessibilité aux produits, aux cigarettes électroniques dans tous les points de vente. La question, c'est que, dans un point de vente comme un dépanneur, il faudrait que ce soit soumis aux mêmes réglementations que la cigarette traditionnelle. Mais, dans une boutique de cigarettes électroniques spécialisée, à ce moment donné là, que ce soient juste les cigarettes électroniques et leurs accessoires qui soient vendus et, à ce moment-là, qu'il y ait... Parce que, là, à ce moment-là, il ne pourrait pas y avoir de fréquentation de mineurs, tandis que, dans un dépanneur, les jeunes vont y avoir accès. Ça fait qu'on ne veut pas qu'il y ait finalement une visibilité, un rappel, que ce produit-là soit là pour les mineurs, pour ne pas qu'ils soient intéressés au produit, mais qu'il soit disponible.

Mme Soucy : Mais qu'il soit disponible. Vous ne craignez pas un peu, en fait, qu'il n'y ait pas... dans les dépanneurs, qu'il n'y ait pas les conseils qui viennent avec la cigarette électronique? Parce que, bon, c'est quand même plus compliqué que la cigarette ordinaire.

M. Damphousse (François) : Puis, vous avez raison, c'est que c'est surtout... bien, des cigarettes électroniques qui ressemblent à des cigarettes ordinaires, tu n'as pas besoin de formation, c'est qu'on prend le produit puis on l'utilise, tandis que le produit qui est modifié, qu'on appelle les Mods, avec les réservoirs, c'est un petit peu plus compliqué à utiliser, puis souvent... comme vous allez peut-être entendre le Dr Ostiguy après moi, ça prend quand même une certaine formation pour savoir comment les utiliser de façon appropriée. Puis malheureusement, malheureusement, il y a beaucoup de fumeurs qui abandonnent l'utilisation de la cigarette électronique parce qu'on leur a mal montré et aussi on les a mal conseillés en termes de niveau de nicotine dans la cigarette électronique, puis c'est ça qui est de valeur, parce qu'il faut leur donner la possibilité d'avoir les doses de nicotine qui leur conviennent pour subvenir à leur dépendance. Puis, la nicotine, on peut l'utiliser pour le restant de nos jours, puis ça ne comporterait quasiment pas de risques, ça fait que c'est ça qu'on pourrait utiliser, là. Puis, quand on est dépendant, c'est d'éliminer toute la fumée de tabac. Comme le café. Le café, on en prend...

M. Turp (Daniel) : Le café. Vous donnez l'exemple du café, qui me semble un très bon exemple. On peut boire du café modérément puis survivre.

Mme Soucy : ...de plus, en fait, que les gens qui vendent ces produits-là, ils aient la formation, une formation adéquate pour bien conseiller le consommateur. Alors, ça m'amène à vous poser la question : Selon vous, le gouvernement devrait-il imposer un permis pour la vente de ce produit-là pour s'assurer, en fait, que les gens qui le vendent aient une formation adéquate?

Une voix : ...

M. Damphousse (François) : O.K. Bien, écoutez, à savoir : Est-ce qu'il va y avoir un permis?, je n'ai pas réfléchi sur cette question-là, mais à savoir... Le commerçant qui va mieux démontrer à ses clients comment bien fonctionner la cigarette électronique, c'est elle qui va réussir, les autres vont fermer leurs portes, de toute façon.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, merci beaucoup, M. Damphousse, de l'Association pour les droits des non-fumeurs, et Me Turp également.

Alors, je demanderais maintenant aux Drs Ostiguy et Castonguay de prendre place. Et nous suspendons quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 33)

(Reprise à 10 h 37)

Le Président (M. Tanguay) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux et nous accueillons maintenant Dr Gaston Ostiguy et Dr André Castonguay. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation, et je crois que vous allez le faire, pour les bénéfices des gens dans la salle, à l'aide d'un PowerPoint ou d'une présentation à l'écran. Je vous demanderais, dans un premier temps, peut-être de préciser vos fonctions, à moins que ce soit sur une base personnelle, évidemment. Je viens de vous nommer. Alors, vous disposez de 10 minutes. Par la suite, vous aurez un échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

MM. Gaston Ostiguy et André Castonguay

M. Ostiguy (Gaston) : Alors, mon nom est Gaston Ostiguy, je suis médecin pneumologue interniste et professeur à la Faculté de médecine de l'Université McGill. Je suis un semi-retraité actuellement et, depuis 2000, je dirige la... je dirigeais la clinique de cessation tabagique. Alors, ce matin, je vais vous parler en tant que clinicien mais aussi en tant qu'enseignant, mais également chercheur clinique.

M. Castonguay (André) : Alors, M. le Président, merci. Mme la ministre, distingués membres de la commission, mon nom est André Castonguay, ma formation est en chimie, et je suis professeur titulaire retraité de l'Université Laval. J'ai travaillé plus de 35 ans en toxicologie de la fumée de tabac et j'ai publié plus de 100 articles scientifiques sur le sujet. Mon collègue le Dr Gaston Ostiguy et moi, on couvrira exclusivement la cigarette électronique. J'aborderai très brièvement quatre points.

Alors, le point n° 1 : la cigarette électronique est une révolution dans l'historique du tabagisme. Dans la cigarette de tabac, le seul rôle de la combustion du tabac est de générer la chaleur qui est nécessaire pour vaporiser la nicotine. Avec la cigarette électronique, une solution pure de nicotine est utilisée, et le vapoteur n'est pas exposé aux produits de combustion.

Point n° 2 : la cigarette électronique est considérablement moins toxique que la cigarette de tabac. Alors qu'on a répertorié 69 cancérogènes dans la fumée de tabac, la vapeur de cigarette électronique en contient au plus 11 en des quantités qui varient de 10 à 450 fois plus faibles. À l'encontre de la cigarette de tabac, la cigarette électronique ne génère pas de monoxyde de carbone, qui est le principal facteur des maladies cardiovasculaires chez les fumeurs.

Point n° 3 : la cigarette électronique n'a rien de commun avec la cigarette modifiée de tabac comme la cigarette à bout filtre et la cigarette ventilée. La cigarette électronique ne sera jamais aussi toxique que la cigarette de tabac. Par contre, il est possible de réduire la toxicité, déjà faible, de la cigarette électronique.

Dernier point : la cigarette électronique est un outil valable de réduction des risques et des méfaits pour les fumeurs. Il est déplorable que les compagnies de tabac fassent l'acquisition des fabricants de cigarette électronique. Les compagnies de tabac ont longuement démontré leur incurie en santé publique et ne sont certainement pas habilitées à favoriser l'achat, par les Québécois, de produits moins toxiques et qui seraient également moins dispendieux.

• (10 h 40) •

M. Ostiguy (Gaston) : Alors, merci, M. le Président, merci, Mme la ministre, et sans oublier M. Gagné, qui est à notre écoute, MM. les membres de l'opposition. Alors, je vais vous parler en tant que clinicien et je vais être très pragmatique, vous parler de notre expérience à la clinique de cessation tabagique et essayer de vous donner des résultats qui sont le plus justes possible.

Alors, on sait où se situent les récepteurs nicotiniques, et ce sont ces récepteurs nicotiniques qui ont besoin d'être assouvis par l'inhalation de nicotine. Maintenant, il faudrait réaliser que tous les fumeurs sont loin d'être pareils. Vous voyez que, pour un nombre égal de 20 cigarettes par jour, le taux de cotinine, pas de nicotine mais de cotinine, qui a une demi-vie beaucoup plus longue que la nicotine dans le sang, peut varier de façon considérable. Et ça, c'est notre expérience également à la clinique, puisque, les fumeurs qui viennent à notre clinique, on mesure chez eux à leur première visite la cotinine sanguine et on la mesure à six mois et après un an. Alors, la nicotine se dirige au cerveau très rapidement, et, si le fumeur veut cesser de fumer, il faut trouver un moyen d'assouvir ses récepteurs nicotiniques avec une nicotine qui va rejoindre le cerveau de façon aussi rapide, et actuellement, certainement, le meilleur moyen, encore meilleur que les inhalateurs de nicotine, eh bien, c'est la cigarette électronique. Et, si on veut avoir du succès pour que quelqu'un cesse de fumer, il faut qu'il soit maintenu dans une zone confortable. C'est-à-dire que, s'il n'est pas maintenu dans une zone confortable, il va lâcher, il va abandonner ses tentatives. Alors, c'est très important. Et c'est probablement la raison pour laquelle la cigarette électronique est si bien acceptée, c'est que justement elle peut permettre à l'individu de se doser en termes de nicotine et de se maintenir dans une zone tout à fait confortable.

Alors, je vais vous présenter très rapidement... vous avez, je pense, à votre disposition les détails de notre suivi de 18 mois. Alors, vous voyez, à notre clinique on voit des gens qui y sont référés. On ne prend pas le fumeur qui travaille à la Place Ville-Marie ou chez Bell Canada, on prend des gens qui ont un dossier médical au Centre universitaire de santé McGill, qui nous sont référés par leurs médecins, qui se sont fait dire des dizaines de fois qu'ils devaient cesser de fumer. Ils ont essayé à de multiples reprises de le faire, sans succès, et pour eux cesser de fumer, ce n'est pas de la prévention, c'est du traitement. Alors, vous voyez, on a deux groupes : il y a un groupe qui a utilisé la cigarette électronique et un groupe qui n'a pas utilisé la cigarette électronique. Quand le patient vient nous rencontrer, on le voit, on fait son historique, on voit ce qu'il a essayé et on lui offre ce qui est disponible sur le marché, et c'est en fait à lui de choisir, selon ses expériences antérieures, le moyen qu'il veut prendre pour essayer de cesser de fumer. Et vous voyez que ces gens-là ont des cotinines sanguines qui sont quand même assez élevées de même qu'un CO expiré qui est également élevé et un Fagerström qui est également élevé. Alors, vous voyez que ce sont des gens qui sont malades, hein, ils ont beaucoup de comorbidité. C'est la raison pour laquelle ils sont référés à notre clinique. Et un point que je dois souligner, c'est qu'il y en a à peu près 50 % quand même qui ont des problèmes de santé mentale, ils ont fait des dépressions, ils ont été hospitalisés, ils ont été vus en psychiatrie. Et, très souvent, la très grande majorité de ces gens-là prennent des psychotropes. Ce n'est pas une clientèle facile.

Alors, à notre suivi, vous allez voir que, les abstinents qui ont utilisé la cigarette électronique, eh bien, on avait 45 % de totalement abstinents et 29 % pour ceux qui ont utilisé la pharmacothérapie dûment acceptée par Santé Canada. Et vous voyez que, naturellement, un bon nombre sont demeurés abstinents pour plus d'un an. C'est important pour les gens qui veulent demeurer abstinents avec la cigarette électronique qu'ils sachent s'en servir de façon adéquate, alors, qu'ils partent avec une concentration de nicotine qui est adéquate et qu'ils s'en servent de façon quotidienne et qu'ils s'en servent de façon appropriée. Alors, même chez les gens... et là on n'est pas orthodoxes, là, on est réellement des délinquants dans ce domaine-là, vous voyez que même ceux qui ont utilisé la cigarette électronique ont utilisé d'autres produits en même temps : on associait souvent la cigarette électronique, la varénicline ou les thérapies de remplacement de nicotine de façon à ce que l'individu se sente confortable.

Vous voyez, également, ce qui est important, c'est que... et ça, ça démontre un peu l'acceptabilité de la cigarette électronique, c'est qu'on a beaucoup plus de rechutes, d'échecs et d'abandons ou de pertes au suivi chez les gens qui n'ont pas utilisé la cigarette électronique. Autrement dit, ceux qui ont utilisé la cigarette électronique, eh bien, ont été plus satisfaits dans leur démarche que ceux qui ne l'utilisaient pas. Et tous n'ont pas nécessairement abandonné complètement l'usage du tabac, mais on voit que plus de 55 % ont diminué leur consommation de tabac de 75 % à 80 %, et la très grande majorité ont diminué leur consommation de tabac de plus de 50 %. Et, même si les gens n'abandonnent pas complètement le tabac, le fait de le diminuer améliore considérablement leur condition cardiorespiratoire. Il reste qu'il y a toujours des doubles utilisateurs, et, pour huit sur 20 des doubles utilisateurs, c'étaient des gens qui consommaient plus que 30 cigarettes par jour. Notre champion en consommait 75, cigarettes, par jour. Ça fait un an qu'il n'a pas touché à une cigarette de tabac. Il avait de la difficulté à monter les six marches pour se rendre à la clinique et après un an il a pris une chambre dans sa maison pour s'en faire un gymnase.

Alors, c'est urgent de réglementer la cigarette électronique pour s'assurer que les gens achètent un produit de qualité qui respecte des standards bien établis — il ne faudrait pas en rendre l'achat plus difficile que l'achat de la cigarette de tabac; encadrer la cigarette électronique dans une réglementation particulière spécifique. Et ce qui nous déçoit à l'heure actuelle, c'est que, comme ça a été mentionné précédemment, beaucoup de gens viennent nous voir pour nous dire : Pourquoi je prendrais la cigarette électronique, puisque c'est aussi dommageable que la cigarette de tabac?, alors, ce qui est absolument faux, mais c'est la notion qui est véhiculée. Et je dois vous avouer que l'article 1 du projet de loi n° 44 nous déçoit un peu, dans ce sens qu'on met sur le même pied la cigarette de tabac et la cigarette électronique, et beaucoup de gens nous font cette remarque : Pourquoi abandonner la cigarette de tabac si c'est aussi dangereux que la cigarette électronique?

Pour les autres recommandations inscrites dans le projet de loi n° 44, eh bien, pour essayer de dissuader les jeunes de commencer à fumer, de protéger les gens contre la fumée secondaire, bravo, nous les appuyons à 100 %, mais je pense que ce qui ressort de notre expérience, eh bien, c'est que la cigarette électronique peut être utile pour les gens à diminuer leur consommation de tabac ou même à l'abandonner complètement. Bien sûr, comme ça a été mentionné, il ne faut pas tomber dans le piège de ce qui se fait aux États-Unis avec une publicité éhontée pour la cigarette électronique. Ceci est un exemple bien décent de ce que je peux vous montrer, et probablement que vous en avez déjà vu d'autres. Alors donc, pas de publicité en termes de style de vie.

Et, pour le restant, tout a été mentionné, et nous sommes parfaitement d'accord, donc je vais un peu terminer ici. Mais j'aime bien cette citation du Dr John Britton, en Angleterre, qui dit : «Despite the controversies, it is clear that e-cigarettes are far less hazardous than is tobacco. And smokers die from tar, but they smoke for tobacco.» Également, on a parlé de la Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé. J'aime bien cette image du Dr Derek Yach, qui a été un peu le chef pour faire adopter cette convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé au niveau de la lutte contre le tabac et qui a été responsable justement du domaine des maladies non transmissibles, à l'Organisation mondiale de la santé. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, à la demande de la ministre, nous vous avons permis d'excéder votre temps, donc, de 2 min 30 s. Et, sans plus tarder, pour un échange avec la ministre, un premier bloc pour une période de 20 minutes.

• (10 h 50) •

Mme Charlebois : Alors, bonjour, Dr Ostiguy et Dr Castonguay. Merci de votre présence. Merci de nous partager vos connaissances. Et on va certainement, avec nos questions, mes collègues les parlementaires... on va certainement aller puiser des ressources dans vos réponses.

J'ai compris, à vous écouter puis à la lecture des notes que vous nous avez fait parvenir, que la durée de votre programme est seulement de 18 mois pour la cessation de tabagisme.

M. Ostiguy (Gaston) : Non. Là, ce que je vous ai présenté, ce sont 179 nouveaux patients qui ont été inscrits à la clinique. On ne vous a pas parlé des suivis parce qu'on voulait les prendre à partir de leur première visite à la clinique et voir ce qui se passait. Naturellement, ça fait, comme je vous dis, depuis 15 ans qu'on a cette clinique-là, mais, avec la venue de la cigarette électronique, les gens viennent nous voir et c'est eux... Souvent, ils ont déjà acheté leurs cigarettes électroniques, mais, ayant entendu toutes sortes de choses à son sujet, bien ils nous demandent : Est-ce que vous pensez que ça pourrait m'être utile? J'aurais pu vous envoyer une citoyenne de la circonscription électorale de chez vous qui était une fumeuse depuis 40 ans et qui pensait qu'elle ne serait jamais capable d'arrêter de fumer et qui l'a fait avec la cigarette électronique. Elle n'y a pas touché maintenant depuis un an, et, ce printemps, bien, elle a reconstruit le muret en pierre de son entrée de garage. Et ça, des «success stories», là, des histoires à vedette, là, je pourrais vous en donner à profusion.

Mme Charlebois : En fait, ce qui m'intéresse beaucoup, c'est, votre clientèle, la durée moyenne du programme d'encadrement pour vos patients. Mais là vous dites que, la dame, non seulement elle ne fume plus, mais elle ne vapote plus non plus?

M. Ostiguy (Gaston) : Elle vapote encore.

Mme Charlebois : Elle vapote. Avec de la nicotine ou sans nicotine?

M. Ostiguy (Gaston) : Avec de la nicotine, mais ces gens-là ont tendance à diminuer la concentration de nicotine avec les mois.

Mme Charlebois : O.K. Est-ce que vous pensez... ils ont tendance, mais vous n'avez pas de preuve qu'ils vont finir par y arriver, d'éliminer toute la nicotine de leur...

M. Ostiguy (Gaston) : Ah! il y en a qui l'ont fait, oui. Il y en a qui l'ont fait, oui.

Mme Charlebois : Oui? Dans quel pourcentage?

M. Ostiguy (Gaston) : À l'heure actuelle, je ne pourrais pas vous donner de pourcentage, là, il faudrait que je retourne à mes données de base, là.

Mme Charlebois : O.K. Si vous trouvez l'information, pouvez-vous la faire parvenir à la commission? Ce serait fort intéressant.

Parlez-moi davantage de votre clientèle. Est-ce que c'est tous des clients de 18 ans et plus?

M. Ostiguy (Gaston) : Oui. Aucune expérience avec les enfants.

Mme Charlebois : O.K. Est-ce que vous êtes à l'aise avec l'encadrement qu'on... Je comprends que vous êtes un peu déçus qu'on l'ait inclus avec les produits du tabac, parce que vous dites qu'il se véhicule une notion, mais nous, on n'a jamais dit, là, que c'était plus toxique que le tabac, là. Ce qu'on a dit, c'est qu'on l'inclut pour l'encadrement, parce qu'en santé publique vous savez qu'il y a un principe qui dit que, tant qu'on n'a pas des études à long terme, il y a un principe de précaution. Alors, c'est là-dedans qu'on est.

Par contre, vous avez vu qu'on a laissé les saveurs justement pour permettre à ceux qui veulent faire l'arrêt de tabagisme, la fumée comme telle... on a laissé les saveurs puis on a laissé une porte réglementaire ouverte au cas où on s'apercevrait que les jeunes, dans l'illégalité, commencent à vapoter pour ensuite transférer aux produits du tabac. Pourriez-vous me parler de comment vous voyez ça?

M. Ostiguy (Gaston) : Bien, écoutez, c'est parce que c'est... la façon dont c'est énoncé dans l'article 1, c'est comme si la cigarette électronique était du tabac, ce qui n'est pas le cas. Alors, nous, ce que l'on trouverait idéal, si c'est possible — je ne suis pas un avocat ni un législateur — hein, ce serait de faire une réglementation spéciale, une annexe à la loi qui régirait justement l'utilisation, l'usage de la cigarette électronique, et, eh bien, à ce moment-là, il n'y aurait pas de confusion qui pourrait exister. Et je pense que depuis hier on a entendu beaucoup de gens qui nous ont dit, à l'heure actuelle, à quel point ce serait difficile d'utiliser les restrictions qui sont imposées à l'utilisation de la cigarette électronique. Et, pour la cigarette de tabac, ça, je ne m'en préoccupe pas, là, c'est bien correct, là, mais, pour la cigarette électronique, eh bien, on voit, là, que ça pose énormément de difficultés et de problèmes. Et c'est un peu ce qui a été suggéré à la commission parlementaire au niveau fédéral, que ce serait possible d'avoir une législation ou une réglementation spécifiques pour la cigarette électronique, et, à ce moment-là, avec l'évolution, eh bien, il serait possible, à ce moment-là, de faire des modifications et des adaptations.

Des études à long terme... Écoutez, comme l'a mentionné le Dr Juneau hier, comme nous, on voit des gens qui sont malades, plus on retarde à diminuer leur consommation de tabac, plus on retarde à ce qu'ils cessent de fumer, eh bien, plus ces gens-là crèvent. Alors, éthiquement, ce serait difficile.

Et, deuxièmement, faire une étude à double insu contrôlée par placébo chez des gens comme ceux-là, je pense que la technologie évolue tellement rapidement que ce serait excessivement difficile de le faire. Et puis, à l'heure actuelle, si on analyse bien et on s'assure que les solutions de liquide de la cigarette électronique contiennent le moins de contaminants possible... Et on sait que c'est possible de par la pharmacopée d'avoir des solutions de nicotine à 99,5 % pures. Il y aura toujours des contaminants, parce que la nicotine est toujours extraite de la feuille de tabac, mais, s'il y en a le moins possible, eh bien, tant mieux. Mais ça a été analysé par plusieurs laboratoires, les composantes de la cigarette électronique, et, que ce soit la nicotine, que ce soit le propylèneglycol, que ce soient les glycérines végétales, que ce soient les saveurs que l'on met dans nos aliments, il n'y a rien là-dedans qui est cancérigène. Et, s'il y avait des produits nocifs pour le coeur et pour les poumons, après 10 ans d'utilisation on aurait vu, dans la littérature, apparaître des rapports d'accident, et à l'heure actuelle, à part de cet unique cas de pneumonie lipoïdique, là, qui a été rapporté par les gens de l'Oregon, eh bien... et qui était un rapport tout à fait mal documenté, eh bien, on ne rapporte pas d'accident ou d'effet secondaire important avec la cigarette électronique.

Alors, écoutez, ça serait très difficile, vu que les fumeurs fument de façon très différente les uns des autres, eh bien, de faire une bonne étude prospective sur les valeurs de la cigarette électronique. J'attends encore, je me le dis souvent, la méta-analyse qui va me dire que je peux traiter tous les diabétiques avec la même dose d'insuline.

Mme Charlebois : Merci. Écoutez, moi, je souhaite vous entendre sur : Est-ce que vous êtes d'accord à ce qu'on encadre la cigarette électronique, l'empêcher d'être consommée, achetée par des mineurs? Est-ce que vous êtes d'accord à ce qu'on encadre les endroits où peuvent être utilisées les cigarettes électroniques, notamment dans les espaces publics, les restaurants, notamment dans un bureau, notamment... un peu partout, finalement, là? Est-ce que vous êtes d'accord aussi à ce qu'on encadre tout l'affichage? Parce que vous en avez montré, une publicité, tantôt, qui était un petit peu spéciale, on va dire ça comme ça. Est-ce que vous êtes d'accord, finalement? Parce que ce que l'OMS nous dit, c'est : Encadrer par principe de précaution. Ils ne nous disent pas de l'interdire.

Puis je suis d'accord avec vous, là, qu'il y a moins de nocivité chez la cigarette électronique que le tabac fumé, que la combustion de tabac peut créer, mais est-ce qu'il n'y a pas lieu d'encadrer quand même? Moi qui est une ex-fumeuse, Dr Ostiguy, je dois vous dire que, quand je vois quelqu'un vapoter, je me suis surprise, dans deux périodes de stress intense, à dire : Bien, peut-être que ce ne serait pas si mal, finalement. Mais, non, en tant qu'ex-fumeuse, je ne peux pas me permettre ma première poffe, je vous le dis, ça va me conduire à mon premier paquet, et je ne veux pas ça. Alors, moi, quand je vois des gens vapoter... Puis je ne veux pas me servir de mon expérience, mais j'ai parlé à des gens cet été, puis ils me disent la même chose, ils ne sont pas... Puis même les vapoteurs, ils se disent : Bien... tu sais, il y en a qui voudraient vapoter tout le temps, mais il y en a beaucoup qui disent : Bien non, on peut aller dehors pour vapoter, sans problème.

Comment vous voyez ça, vous? Outre le fait qu'on l'a assimilé aux produits du tabac, là, est-ce que vous êtes favorables à tout l'encadrement que nous avons mis dans le projet de loi?

M. Ostiguy (Gaston) : Oui, je suis d'accord avec l'encadrement, mais je pense que cet encadrement-là devrait être basé sur des raisons sociales. Un peu comme le mentionnait Martin Juneau hier, on fait partie d'une société, et je pense qu'il ne faudrait pas utiliser des arguments scientifiques ou médicaux pour justifier cet encadrement-là. Mais, si la société juge opportun que ce n'est pas adéquat de fumer dans un restaurant, dans une salle à manger, eh bien, même si c'est inoffensif pour l'entourage, eh bien, je pense que c'est une décision de société, et vous êtes aussi bien placés que moi pour la prendre.

C'est sûr, quand j'étais à Saint-Pétersbourg, en Russie, ça m'horripilait de voir des gens se promener sur la rue avec une bouteille de bière, hein? Bon, ils ne faisaient pas de tort à personne, là, ils ne commettaient pas de crime, mais ça ne faisait pas partie de nos valeurs sociales. Alors, ça, c'est un peu... en ce qui concerne l'encadrement comme ça, c'est un peu à vous de prendre la décision mais pour des raisons de société et non pas d'éléments... ne pas l'appuyer sur des raisons médicales ou scientifiques.

• (11 heures) •

Mme Charlebois : Est-ce qu'il y a des éléments du projet de loi qui vous portent à croire qu'on indique que c'est sur des raisons scientifiques ou si c'est un texte législatif qui dit seulement qu'il y a un encadrement?

M. Ostiguy (Gaston) : Non, je vais plus loin en disant : Si les gens vous posent la question : Pourquoi vous faites ça?, eh bien, je pense qu'à ce moment-là la réponse serait une justification sociale. Mais, que l'on ne permette pas le vapotage, par exemple, dans les parcs où il y a des enfants, je pense que c'est tout à fait raisonnable. Maintenant, je regardais les tenanciers de bar qui vous parlaient hier, la situation ne semblait pas être facile pour eux de faire appliquer une telle législation. Je crois que Mme Lamarre est ici. On a mentionné que les pharmaciens pourraient jouer un rôle important, mais, à l'heure actuelle, les pharmaciens, ils ne vendent pas de cigarette. Alors, est-ce qu'à ce moment-là on va leur permettre de vendre des cigarettes électroniques et de faire de l'éducation? Ils seraient très bien placés pour le faire.

Mme Charlebois : Moi, honnêtement, la raison de l'interdiction de consommation dans le projet de loi, là, ce qui m'a habitée, là, vraiment, c'est des raisons sociales et/ou scientifiques, la renormalisation — on ne peut pas ignorer ça, là — du geste de fumer, là. Quand mes petits-enfants voient ça, bien ils voient un geste... Tu sais, tout le monde peut voir un geste là où on dit : Bien, c'est normal de porter quelque chose à sa bouche, puis tout ça, puis je pense que vous en êtes conscients aussi. On dit les mêmes choses dans des mots différents, là, mais, bon...

Question de lieux de vente, d'affichage, etc. Comment vous voyez ça, vous, qu'on interdise l'affichage vu de l'extérieur, les gens vont pouvoir mettre leur nom de boutique de vapotage, ou je ne sais pas quoi? Par contre, on ne veut pas que l'affichage se voie de l'extérieur, mais, si on permettait l'affichage, à l'intérieur, du produit, comment vous verriez ça?

M. Ostiguy (Gaston) : Bien, je pense que ce n'est pas pire pour une boutique de cigarettes électroniques d'avoir à l'extérieur une affiche disant qu'ils sont des vendeurs de cigarette électronique que d'avoir une affiche de la SAQ.

Mme Charlebois : C'est un élément assez percutant que vous venez de nous donner là. Je ne sais pas s'il y a de mes collègues qui ont des questions. Moi, honnêtement, je ne sais pas où c'est véhiculé, la notion de... en tout cas, je veux juste vous rassurer, là, ce n'est certainement pas du gouvernement... où on a véhiculé la notion de dangerosité aussi grande et même plus grande que la fumée de tabac chez la cigarette électronique. Ce n'est pas nous qui véhiculent ça, et ça n'a jamais été dans notre intention non plus, parce qu'on est conscients... Mais on ne peut pas prétendre que... Puis je vais entendre votre collègue là-dessus, là, sur la nocivité de... Est-ce que vous pouvez dire que c'est risque zéro, que, quand les vapeurs de nicotine sont émises, il y a zéro danger?

M. Castonguay (André) : Dans la vapeur passive, il y a du glycol, il y a de la glycérine, du propylèneglycol, mais, principalement, c'est des quantités très, très faibles de nicotine. Or donc, à tout point de vue, le vapotage passif est très peu dangereux, là, il y a très peu de toxicité. Mais je suis tout à fait d'accord avec le Dr Ostiguy, les Drs Juneau et Poirier que ce n'est pas des bases analytiques sur lesquelles on doit se poser pour interdire la cigarette électronique dans les milieux publics.

M. Ostiguy (Gaston) : Si vous me permettez...

Mme Charlebois : ...en main un article. Ce matin, j'ai vu que Dre Bois... vous connaissez certainement Dre Geneviève Bois, qui nous parle des publicités, puis elle demande spécifiquement d'encadrer les publicités. C'est pour ça que je vous demandais, Dr Ostiguy, tantôt... sur les lieux de vente, mais partout, là, les publicités doivent être encadrées, parce qu'elle, ce qu'elle prétend, c'est que... puis, honnêtement, on l'a entendu hier, hein, il y a des compagnies de tabac qui achètent, en ce moment, plein de shops ou... je ne sais pas comment le dire, là, de boutiques de vapotage, et, moi, ça m'inquiète. Ça m'inquiète parce qu'on les sait rusés — on va dire ça comme ça — et, pour ne pas perdre leur clientèle, je ne sais pas, là... Vous ne voyez pas un danger puis vous ne voyez pas là où... Moi, honnêtement, c'est là où je suis interpellée puis, quand je vois Dre Bois, qui nous dit la même chose puis, elle aussi, nous parle des adolescents et de l'étude américaine...

M. Ostiguy (Gaston) : Oui. Je pense que la publicité de la cigarette électronique comme mode de vie, comme style de vie, ça doit être prohibé. J'ai peut-être mal saisi votre intervention, mais je comprenais à votre intervention : Est-ce que le propriétaire d'une boutique de cigarettes électroniques pourrait, à l'extérieur, s'identifier comme tel? Moi, je pense qu'il a le droit de le faire et que, si je me promène sur la rue Wellington à Verdun, bien, que je sache que Vape Shop sont installés là. Mais, que l'on fasse de la publicité genre style de vie comme ça se fait actuellement, à outrance et de façon, excusez le mot, mais dégueulasse, aux États-Unis, je pense que ça, effectivement, dans ce contexte-là, on ne devrait pas le permettre.

Mme Charlebois : Dans l'article ici, il est dit, ce matin — puis je vais vous amener à me commenter ça : «Selon un rapport des centres américains de contrôle [...] de prévention des maladies publié en avril, l'usage de la cigarette électronique a triplé chez les jeunes Américains en à peine un an et dépasse pour la première fois celui des produits conventionnels.» Comment vous voyez ça?

M. Ostiguy (Gaston) : Bon, écoutez — je reprends peut-être ce qu'a dit François Damphousse tantôt — ça dépend de quelle façon la question a été posée, et je n'ai pas lu l'article, là, qui a paru dans JAMA — certainement, je le lirai, mais je hais ça commenter des articles que je n'ai pas lus — mais, sans prétendre que les journalistes font une mauvaise job, là... Mais moi, je préfère cette étude britannique qui vient d'être publiée où on a questionné au moins 32 000 jeunes, pas 2 000, pas 1 000, 32 000 jeunes deux fois en Angleterre, une fois en Écosse, une fois au pays de Galles, 32 000 sur un an, et là on a analysé : Est-ce que vous êtes des consommateurs réguliers de cigarette électronique? Est-ce que vous les utilisez à tous les mois? Est-ce que vous l'utilisez à toutes les semaines? Est-ce que vous l'avez juste essayée? Est-ce que vous ne l'avez jamais utilisée? Et ceux qui l'ont utilisée sans avoir jamais fumé, c'est moins de 2 %.

Mme Charlebois : Mais, de toute façon, vous êtes d'accord avec moi, avec la loi, ça ne sera pas plus permis, et les amendes substantielles qui sont attribuées au jeune qui consomme, le parent qui va en acheter ou un adulte qui va acheter un produit du tabac, que ça soit la cigarette électronique ou autre, ça va probablement éliminer ce facteur de risque là. Est-ce que vous convenez avec moi qu'on devrait le voir réduire?

M. Ostiguy (Gaston) : Oui. En fait, sur la présentation dont vous avez des copies...

Mme Charlebois : Ce n'est pas légiféré.

M. Ostiguy (Gaston) : ...je ne suis pas allé à travers toutes les suggestions, ou les recommandations, ou les propositions que l'on voulait faire, mais elles sont là. Je ne voulais pas dépasser mon temps, je l'ai déjà dépassé.

Mme Charlebois : Oui. Bien, c'est sûr qu'en ce moment les jeunes peuvent en consommer, puisque ce n'est pas encadré, on n'a pas légiféré là-dessus. Mais, une fois la loi adoptée, moi, je pense que... Est-ce qu'il reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Tanguay) : Une minute.

Mme Charlebois : Il reste une minute. Moi, je n'ai plus d'autre question, parce que vous êtes très clairs dans vos explications, mais je pense que vous aviez quelque chose à ajouter.

M. Castonguay (André) : ...peut-être ajouter à vos inquiétudes sur les achats des fabricants de cigarette électronique par les cigarettiers. Mon inquiétude, c'est surtout qu'ils n'accordent pas l'importance aux produits de réduction des méfaits tels que la cigarette électronique. Ils vont continuer, à mon avis, à vendre le produit qui est le plus rentable et qui apporte l'eau au moulin, indépendamment de la toxicité relative des produits. On a accès à un document interne de Philip Morris qui montre que la compagnie veut développer différentes cigarettes électroniques, différents modèles de cigarette électronique et également des produits qui chauffent le tabac mais qui ne le brûlent pas.

Alors, on voit que les compagnies de tabac essaient de couvrir toutes les niches possibles de «market»... de marché, pardon, de marché du tabac, alors...

• (11 h 10) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je dois maintenant — pardonnez-moi de vous couper la parole — céder, justement, la parole à notre collègue de Rosemont pour poursuivre cet échange. Alors, je vous remercie.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Dr Ostiguy, Dr Castonguay, merci de votre présence, merci de la qualité des données que vous nous avez présentées, qui sont fondées sur votre expérience personnelle. Alors donc, on n'est pas en train de lire une étude faite par quelqu'un, on est en train d'avoir accès à votre expérience sur la cigarette électronique.

Dr Castonguay, je voudrais revenir justement sur cette inquiétude que vous évoquez, sur le fait que les cigarettiers veulent bouger à l'intérieur du marché des cigarettes électroniques. Bon, on le sait, ils ont déjà acheté des compagnies, ils veulent produire des cigarettes électroniques, ils veulent produire des cigarettes électroniques qui ressemblent à la cigarette normale. Les publicités qu'on voit aux États-Unis font en sorte que, pour un public non informé, c'est du pareil au même parce qu'on voit des publicités de style de vie, c'est le retour du Marlboro Man, dont on sait maintenant qu'il a eu un grave cancer du poumon, celui qui faisait les publicités, mais enfin il y a toujours des candidats pour être le Marlboro Man de l'année.

Et donc, quand on parle de renormalisation, est-ce qu'on peut penser que les compagnies de tabac voient là une opportunité pour justement dire : Bon, bien, le geste de fumer revient à la mode avec la cigarette électronique, fumer une cigarette électronique devrait être un point d'entrée vers la vraie cigarette? Alors donc, on débat des études qui disent : Oui ou non, est-ce que c'est un point d'entrée? Et, pour l'instant, ça ne semble pas probant, c'est-à-dire qu'ils ne semblent pas... les études les plus vastes dont vous avez parlé, Dr Ostiguy, ne semblent pas montrer que des jeunes commencent avec le vapotage et passent à la cigarette conventionnelle.

Mais n'est-ce pas là, si vous étiez Philip Morris ou Imperial Tobacco, l'objectif, de faire en sorte que la cigarette électronique devienne le point de passage vers la vraie cigarette, qui, elle, offre un profit beaucoup plus important?

M. Castonguay (André) : Bien, à mon avis, ils vont continuer à promouvoir la cigarette de tabac parce que c'est le gros vendeur. C'est le gros tueur, c'est le gros vendeur. Ils vont réagir. Les compagnies de tabac réagissent beaucoup plus qu'agir. Ils vont réagir à l'évolution du marché. Ils vont aller chercher la part du marché qui est disponible pour la cigarette électronique. Ils vont aller chercher la part du marché des gens qui veulent arrêter de fumer mais qui ne sont pas contents de la cigarette électronique. Ces gens-là, ils vont leur offrir un autre produit qui a une toxicité intermédiaire entre la cigarette de tabac et la cigarette électronique. Alors, à mon avis, ce n'est pas les compagnies de tabac qui vont promouvoir un produit qui est moins nocif, moins toxique.

M. Lisée : On disait hier... certains de vos collègues de l'Institut de cardiologie, des pneumologues, qu'effectivement la cigarette électronique n'est pas efficace pour cesser le tabagisme chez les gros fumeurs, parce qu'ils trouvent que la sensation n'est pas assez forte. Vous, vous n'êtes pas complètement d'accord — mais laissez-moi terminer — et donc, selon vous, Dr Castonguay, il y aurait un marché pour les cigarettiers de dire : Bien, nous, on va vous donner une cigarette électronique avec une sensation forte, mais la toxicité sera évidemment plus forte. C'est ce que vous dites?

M. Castonguay (André) : Bien, lorsqu'on a un produit qui est moins toxique, comme la cigarette électronique, à mon avis, on devrait encourager plus la cigarette électronique, on devrait encourager le produit qui est le moins toxique et également le produit qui est le plus simple.

M. Lisée : Je comprends, mais du point de vue, là... On essaie de décoder la stratégie des cigarettiers.

M. Castonguay (André) : Les cigarettiers? C'est de faire de l'argent tout de suite, aujourd'hui; pas demain, aujourd'hui.

M. Lisée : Oui, oui. Oui, ça, je le sais, je le sais. Mais là ils en font un peu moins, donc ils veulent... Donc, ce que vous dites... j'ai compris de votre intervention qu'ils veulent développer un nouveau produit intermédiaire. Alors, parlez-moi un peu plus de ce qu'on sait de ça.

M. Castonguay (André) : Bien, c'est un produit que ça fait depuis les années 90 qu'on essaie de mettre en marché. C'est un... ce qui ressemble à une cigarette. Le produit de Philip Morris, c'est un ensemble de batteries dans lequel vous introduisez une cigarette particulière qui contient un type de tabac bien, bien particulier, et vous avez un élément chauffant qui fait entrer de l'air chaud sur le tabac et vous inspirez une vapeur qui contient de la nicotine et plusieurs autres arômes qui ont été ajoutés à la feuille de tabac.

M. Lisée : Et il n'y a pas de combustion.

M. Castonguay (André) : Il n'y a pas de combustion, mais c'est un élément chauffant. Alors, Philip Morris avait cette cigarette, qui s'appelle la Next, et R. J. Reynolds avait la cigarette Eclipse, mais, pour des raisons qu'on ne connaît pas, ils n'ont pas continué la mise en marché de ce produit-là. Certains intervenants en santé publique sont un peu suspicieux de l'échec de ces produits-là, alors...

M. Lisée : On peut penser qu'ils continuent à chercher le bon mécanisme. Mais je comprends que votre inquiétude aussi, c'est de dire : Bon, bien là, on a des compagnies de cigarettes électroniques... Et on avait une association hier que c'est des anciens fumeurs, et ils sont antitabac, ils sont antitabac, ils sont contre les cigarettiers, c'est clair, ils n'aiment pas l'idée que les cigarettiers vont entrer sur leur marché, et donc on a donc une partie du mouvement antitabac qui est engagée dans la cigarette électronique. Et vous, vous dites : Bien là, si les cigarettiers se mettent à faire des cigarettes électroniques, c'est évidemment pour faire des sous puis évidemment pour renormaliser l'idée de fumer et pour vendre leurs propres cigarettes en plus. Est-ce que vous allez jusqu'à dire, si on en avait la capacité légale, d'interdire aux cigarettiers de produire des cigarettes électroniques, c'est-à-dire de les maintenir simplement dans le tabac? Vous avez dit tout à l'heure que vous étiez déçus que le projet de loi tel qu'il est semble assimiler dans son article 1 la cigarette électronique et l'industrie du tabac ou le tabac conventionnel, et que donc on pourrait décider que ce sont deux industries séparées, et qu'il ne peut pas y avoir de propriétés transversales de l'une vers l'autre.

M. Castonguay (André) : Je ne suis pas un avocat, mais ce serait l'idéal d'avoir une entité des fabricants de cigarette électronique qui sont en compétition avec les cigarettes de tabac, les compagnies de cigarettes de tabac, et je pense qu'on aurait une meilleure perception. Le public aurait avantage à avoir ce genre de séparation, mais je n'ai aucune idée si c'est possible.

M. Lisée : Il faudrait trouver un mécanisme. Oui, Dr Ostiguy?

M. Ostiguy (Gaston) : Il a été mentionné dans des réunions antérieures et particulièrement à la commission parlementaire à Ottawa que, si on mettait sur le marché une cigarette électronique qui ressemble trop à la cigarette de tabac, eh bien, qu'à ce moment-là qu'on l'interdise parce que, ça, on ne sait pas si ça ne sera pas justement une porte d'entrée pour les jeunes vers le tabagisme de tabac, hein? Et ça, là, on ne peut pas vous répondre si ça pourrait l'être ou si ça ne pourrait pas l'être, mais c'est certainement un danger et quelque chose à considérer, et je ne sais pas si, sur le plan législatif, il serait possible d'interdire la production ou la vente de produits de cigarette électronique qui ressemblent trop à la cigarette de tabac.

M. Lisée : Bien, à partir du moment où on peut édicter des normes sur la cigarette électronique, on peut édicter toutes les normes qu'on veut, tu sais, on peut décider qu'elles sont toutes violettes ou qu'elles sont de telle dimension, puis effectivement, donc, on a la capacité d'interdire qu'une cigarette électronique ressemble à une cigarette. Mais, si on en a la capacité — je pense que c'est le cas — vous, vous seriez favorables à cette disposition-là, qu'une cigarette électronique ne puisse pas être identique à une cigarette traditionnelle?

• (11 h 20) •

M. Ostiguy (Gaston) : Oui, oui. À l'heure actuelle, les cigarettes à réservoir qu'on vous a présentées hier ont relativement peu d'attrait chez les jeunes aussi.

C'est peut-être pour ça qu'on en voit peu, de jeunes qui n'ont jamais fumé le tabac, acheter des cigarettes électroniques avec réservoir, parce que c'est une dépense initiale assez onéreuse pour un jeune, ça, hein, ça se vend assez cher. Souvent, les gens sont obligés d'en acheter deux, parce qu'ils sont obligés de recharger les batteries régulièrement, changer les éléments chauffants. Donc, ça demande de l'entretien, ça demande de la discipline, et ça, ce n'est pas sûr que ça soit très attrayant pour les jeunes. Mais une cigarette électronique qui ressemblerait beaucoup à la cigarette de tabac, à mon avis, ça représente un danger.

M. Lisée : Est-ce que vous avez dans votre pratique... Parce que vous dites qu'un certain nombre de vos patients utilisent des psychotropes aussi. Quel est le lien que vous voyez entre cigarette, marijuana, autres psychotropes? Est-ce que ceux qui passent de la cigarette au vapotage quittent aussi la marijuana, pour ceux qui en consomment?

M. Ostiguy (Gaston) : Je peux vous dire que, par expérience, en 15 ans, j'ai vu une seule personne qui a arrêté de fumer la cigarette de tabac et qui a continué à fumer du pot, une seule. C'était une jeune dame. Et la majorité des gens qui fument la marijuana, là... je ne parle pas d'expérience personnelle, là, mais ces gens-là mettent du tabac dans leur marijuana. Alors, ceux qui continuent à mettre du tabac dans leurs joints, eh bien, à ce moment-là, ces gens-là, ils se vouent à l'échec. Alors, ça, c'est quelque chose de...

M. Lisée : ...vous voulez dire?

M. Ostiguy (Gaston) : Ah! ils n'abandonnent jamais la cigarette.

M. Lisée : Ils n'abandonnent pas la cigarette.

M. Ostiguy (Gaston) : Ils vont l'abandonner pour deux semaines, trois semaines, mais ils vont revenir à la cigarette de tabac, alors...

M. Lisée : Et, des cigarettes de marijuana électroniques, est-ce que vous avez vu ça?

M. Ostiguy (Gaston) : Ah! ça, ça s'en vient.

M. Lisée : Ça s'en vient?

M. Ostiguy (Gaston) : Ça existe, ça existe, oui. Ça existe déjà. Il y a des gens qui mettent de la marijuana dans leurs vaporisateurs.

M. Lisée : Et puis est-ce que, donc, parce qu'il n'y a pas de combustion, il y a un changement dans l'impact du psychotrope?

M. Ostiguy (Gaston) : Ah! je n'ai pas la compétence pour répondre à votre question.

M. Lisée : O.K. On fera une commission parlementaire juste là-dessus, peut-être qu'on pourrait demander à Justin Trudeau de venir.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Lisée : Je vous remercie beaucoup, tous les deux, pour votre travail, pour votre implication, pour votre science. Merci d'être avec nous aujourd'hui.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour un bloc de neuf minutes.

Mme Soucy : Merci. Bonjour. L'objectif de la cigarette électronique, c'est bien d'arriver à cesser de fumer, on s'entend sur ça. Ça m'amène à vous poser la question : Qui a la compétence pour s'assurer de la bonne dose pour arriver à l'objectif ultime, qui est de cesser de fumer?

M. Ostiguy (Gaston) : Bon, il y a deux principes de base dans la cessation tabagique, hein : il y a la pharmacothérapie pour rendre l'individu confortable dans ses besoins de nicotine, mais il y a également le counseling, et donc ce n'est pas nécessaire que ce soit un médecin qui soit en charge de ça. Moi, j'ai des infirmières qui travaillent avec moi qui sont d'une compétence extraordinaire. Les pharmaciens pourraient le faire, beaucoup de professionnels de la santé, mais ça demande quand même une certaine formation.

Au début, quand nos patients allaient dans des boutiques pour s'acheter une cigarette électronique, ils leur demandaient : Vous fumez combien de cigarettes? Puis là, si nous, on leur avait dit : Écoutez, moi, je n'ai pas d'objection à ce que vous portiez un timbre de nicotine puis que vous utilisiez la cigarette électronique, ils allaient dans la boutique de cigarettes électroniques, puis on leur disait : Aïe! Ne fais pas ça, c'est mortel, ton affaire, là, hein, c'est dangereux.

Alors, quelle est la différence entre utiliser un inhalateur de nicotine puis porter un patch en même temps, ce qu'on appelle la double thérapie? Alors, il n'y a réellement pas de différence. Mais déjà ça demande une certaine collaboration entre les vendeurs et les propriétaires de boutique et les professionnels de la santé. Et, comme je vous dis, ce n'est pas nécessaire d'être cardiologue, pneumologue, interniste pour faire ce genre de travail là, beaucoup de professionnels de la santé bien formés... Je dois vous dire que récemment je donnais une conférence à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, et ça faisait partie d'un projet de recherche d'une de nos étudiantes en médecine, et on leur posait la question à savoir à quel point ils étaient à l'aise avec justement ce domaine-là de la cigarette électronique. Et c'est incroyable comme les omnipraticiens sont ignorants de la cigarette électronique, à tel point que ma conférence va être mise sur leur site Web.

Mme Soucy : Alors, c'est important pour nous, législateurs, de s'assurer que, vu que l'objectif est toujours de cesser de fumer, ça soit une personne qui soit compétente pour que les doses soient... arrivent à un bon sevrage, en fait, que le sevrage fonctionne.

Alors, pourquoi... en fait, ça aurait été ma sous-question : Pourquoi la cigarette électronique n'aide pas tous les fumeurs? Est-ce que c'est justement parce que la dose n'est pas... en fait, ce n'est pas bien dosé puis que le sevrage est inefficace?

M. Ostiguy (Gaston) : Bon, je pense que la principale raison, à l'heure actuelle, c'est justement... et ça, vous n'en êtes pas responsables avec le projet de loi n° 44, comme le disait Mme Charlebois, c'est la notion qui circule, à l'heure actuelle, que la cigarette électronique est aussi dangereuse que le tabac, donc les gens n'osent pas l'utiliser. Et ceux qui s'en achètent, bien souvent, l'utilisent très mal. Souvent, ce sont des personnes d'un certain âge, et puis ils n'ont pas la discipline, ils n'ont pas tous les trucs nécessaires, ils oublient de changer l'élément chauffant, qui doit être changé à toutes les trois ou quatre semaines, par exemple, pour éviter justement la production de métaux ou de contaminants dans la vapeur.

Mme Soucy : Donc, la vente dans les dépanneurs, pour vous, c'est à bannir, ce n'est pas une bonne chose?

M. Ostiguy (Gaston) : Ah! ça, je pense que ça serait... Non, c'est... Et les dépanneurs n'ont pas la formation et n'ont pas le temps... ne prendront pas le temps non plus pour vendre des cigarettes électroniques.

Mme Soucy : Parce que c'est un peu complexe, parce que, bon, la cigarette électronique, elle ne se veut pas... bien, en fait, on ne voudrait pas, hein, qu'elle soit un produit du tabac, puisque vous-même, vous l'avez dit d'entrée de jeu, que vous n'étiez pas d'accord, parce que justement ça faisait partie de l'article 1 du projet de loi. Mais en même temps, bien, ce n'est pas non plus un médicament, parce que, si ça l'était, il faudrait qu'elle contienne des additifs qui sont autorisés ou sinon, bon, produire des recherches pour prouver, en fait, le caractère inoffensif de l'utilisation. Donc, ce n'est pas ça non plus. Donc, c'est difficile de la catégoriser.

Considérant que le produit est mis en contact avec une source de chaleur, comme vous l'avez expliqué, selon vous, il n'y a aucun danger que le produit soit susceptible de se modifier puis de modifier la nature même du produit?

M. Ostiguy (Gaston) : Je ne suis pas sûr que je saisis bien votre question, là.

Mme Soucy : Bien, en fait, le... bien, le produit est chauffé, c'est une source de chaleur. Alors, selon vous, il n'y a aucun danger de toxicité moléculaire... cellulaire, plutôt?

M. Ostiguy (Gaston) : Bien, peut-être que mon ami le Dr Castonguay serait plus en mesure de... Mais, quand on a analysé la vapeur secondaire, eh bien, on a trouvé des traces de contaminant et à des niveaux... Par exemple, les gens s'inquiètent beaucoup, par exemple, du taux de nicotine dans la vapeur secondaire. Bien, ça a été mesuré, c'est 3,4 nanogrammes par mètre cube dans la vapeur secondaire, puis, dans la fumée secondaire, c'est 34, alors c'est 10 fois moins.

Alors, ça a été bien analysé. Mais il y aura toujours la possibilité de contaminants, et c'est la raison pour laquelle une réglementation s'impose de façon à ce que les gens puissent s'acheter un produit qui est de qualité.

M. Castonguay (André) : La grande différence entre la cigarette électronique et la cigarette de tabac, c'est que, la cigarette de tabac, dans le cône de combustion de la cigarette de tabac, vous atteignez des températures de 900 degrés centigrades, alors que, dans la cigarette électronique, le vaporisateur atteint au maximum 300°. Alors, la nicotine peut être vaporisée vers 300°, alors la chimie est tout à fait différente dans la cigarette électronique. Et il n'y a... pour répondre à votre question, le processus de vaporisation n'entraîne pas de modification de la nicotine.

Mme Soucy : Non, mais des arômes?

M. Castonguay (André) : Oui. Ah! ça, les arômes, il va falloir que ça soit régularisé, qu'il y ait des règlements sur ça, parce qu'il peut y avoir, on peut imaginer, des choses qui sont toxiques, par exemple, comme l'eugénol, qui peut être utilisé mais qui est très toxique. Il va falloir réglementer ces arômes-là.

Mme Soucy : Merci beaucoup.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, Drs Ostiguy et Castonguay, nous vous remercions.

J'invite maintenant les représentants de la Fondation des maladies du coeur et de l'AVC, Québec à prendre place, et nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 29)

(Reprise à 11 h 36)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux maintenant en accueillant les représentantes, représentants de la Fondation des maladies du coeur et de l'AVC, Québec.

Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de présentation de 10 minutes. Par la suite, vous aurez le bénéfice d'échanger avec les parlementaires, et les parlementaires bénéficieront également de ce même bénéfice. Peut-être, s'il vous plaît, bien prendre soin de vous nommer, pour les fins d'enregistrement, et de préciser vos fonctions, et la parole est à vous.

Fondation des maladies du coeur et de l'AVC, Québec

Mme Lecours (Manon) : Bonjour à tous. Alors, M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, mon nom est Manon Lecours, directrice, Relations gouvernementales, à la Fondation des maladies du coeur et de l'AVC, Québec. Je suis accompagnée ce matin par ma collègue Francine Forget Marin, directrice, Affaires santé et recherche, et du Dr Timothy Dewhirst, professeur associé au Département de marketing de l'Université de Guelph. Le Pr Dewhirst est un expert international reconnu en matière de marketing du tabac et des politiques publiques. Nous sommes convaincus que sa présence aujourd'hui suscitera des échanges constructifs et éclairants en regard du marketing du tabac et des cigarettes électroniques.

Nous avons été satisfaits en prenant connaissance du projet de loi n° 44, déposé par le gouvernement en mai dernier, puisqu'il vient appuyer de nombreuses demandes faites par notre organisation au fil des ans. Pour notre fondation, il est impératif que ce projet de loi et tout amendement qui sera adopté fassent en sorte de mieux protéger les enfants, les adolescents et les non-fumeurs, de ne pas perdre les acquis de la lutte contre le tabagisme et de prioriser la santé de la population québécoise. Il ne faut pas oublier que le tabagisme demeure l'un des principaux facteurs de risque des maladies cardiovasculaires et des AVC, que le taux de tabagisme demeure élevé au Québec et que 10 000 Québécois en meurent chaque année.

Nous appuyons particulièrement l'interdiction de toutes les saveurs, incluant le menthol, à l'ensemble des produits de tabac, l'interdiction de fumer sur les terrasses publiques, dans les véhicules en présence d'enfants et dans les lieux communs d'édifices de plus de deux logements, et finalement assujettir la cigarette électronique à la Loi sur le tabac afin d'interdire sa vente aux mineurs, la publicité style de vie ainsi que son usage là où fumer est interdit nous semble incontournable.

Afin d'assurer une certaine cohérence quant à la protection des enfants, nous croyons qu'il faille aller un petit peu plus loin en bonifiant le projet de loi et inclure une interdiction de fumer sur les terrains de jeu pour enfants, dans les garderies en milieu familial avant l'arrivée des enfants, sur les terrains d'écoles primaires et secondaires relativement à tous les produits de tabac en tout temps et sur les terrains des cégeps. Nous souhaitons que le pouvoir réglementaire permis dans la loi soit utilisé pour introduire minimalement des mesures transitoires telles que la standardisation des mises en garde, ce qui représenterait une véritable avancée au niveau de l'emballage et ferait progresser le Québec vers l'emballage neutre. Le Québec alors deviendrait à nouveau chef de file de la lutte contre le tabagisme tant au Canada qu'en Amérique.

Le phénomène de la cigarette électronique demande qu'un encadrement minimal soit en vigueur au Québec, et nous sommes en accord avec les dispositions prévues au projet de loi. Soyons clairs, nous sommes en faveur de tout moyen encourageant la cessation tabagique. La cigarette électronique semble offrir un potentiel important de cessation, selon plusieurs intervenants, mais il faut aussi convenir que plusieurs questions, d'un angle de santé publique, notamment en regard de l'innocuité et de la sécurité, demeurent sans réponse probante. De plus, l'usage et la mise en marché de ce nouveau produit ne doivent pas avoir des répercussions sur la lutte contre le tabagisme en contribuant à une renormalisation de la norme tabagique.

• (11 h 40) •

Je céderais, M. le Président, si vous me le permettez, la parole à mon collègue Timothy Dewhirst.

M. Dewhirst (Timothy) : Good morning. I prepared a section I entitled Electronic Cigarette Promotion and Undermining Tobacco Control Policy, which is included in my colleagues' brief. Hopefully, it's before you now for review. At the beginning of that section, I outlined that in recent years marketing expenditures for e-cigarettes have increased substantially and this has coincided with an increase in the consumption of e-cigarettes.

One area of concern with existing prevailing e-cigarette promotion has been that many contained youth-relevant appeals, so they're offering products that are in flavors, including cherry, vanilla, grape, watermelon, bubble gum and cotton candy.

And then, in the United States, as seen here, e-cigarette promotion has commonly circulated in magazines that are known to have readerships with a younger age demographic, such as Maxim, Cosmo, Rolling Stone and, as seen here, within Sports Illustrated. The advertisement that you see on the screen at present is for Blu e-cigarettes, and this particular ad was placed in the swimsuit edition of Sports Illustrated during 2014. A Blu branding, you can see, is at the forefront of a skimpy bikini here. I could speak of this ad being offensive in terms of its representation of women, but the important point that I am making here at present is that certainly this has been placed where the intended target is a younger male demographic. Here's another example of an e-cigarette promotion for Blu that has been placed in magazines in the United States, and it features actor Stephen Dorff, so it exemplifies an example of celebrity endorsements, and this is very reminiscent of the type of conventional cigarette advertising that you would see during the 1950s. We've also seen e-cigarette advertising that very much mimics conventional cigarette advertising's return to mediums in the U.S. such as television, where a conventional cigarette advertising has not been seen since 1971. If turning our attention to this particular ad that is on the screen, it very much does mimic what we would see in conventional cigarette advertising, where it is very much emphasizing lifestyle and themes such as independence, freedom and rugged masculinity, which are dimensions known to be particularly appealing to male youth.

Here are some examples of additional print ads that have been circulating and prevailing in the United States. Again, what we see here is the mimicking of conventional cigarette ads, where there is a heavy emphasis on lifestyle : the ad on your left emphasizing sexual appeal and romance; the ad that you see on your right on the screen talks about social acceptance, sociability, but the focus is on the actual consumer, the male seen at front and center there, being the leader of the pack, someone that people aspire to be. Additional Blu cigarette or e-cigarette ads that have circulated in the United States, again heavy placement on lifestyle portrayals : on your left, with glamour, prestige, luxury, where it appears that she is in a private jet; and then, on your right, is a depiction of a male model who is smoking an e-cigarette, but he appears particularly youthful.

With a lot of the ads that you've just seen on the screen, there is also the emphasis or inferring dual use of where they're emphasizing that for conventional cigarette smokers e-cigarettes present an opportunity to continue to smoke in settings where they might otherwise not be allowed.

I've been reviewing or giving some examples of what has been circulating in the United States. I would now like to draw your attention to some examples of e-cigarette promotion that have circulated here, in the Province of Québec, and so one such example you see on the screen now for Vapur — and a part of my translation with French — but it appears that the ad copy is talking about the freedom to cheat or have an affair on your cigarette. And here they're using a metaphor in which it is very much again emphasizing dual use : having an affair would normally be seen as a more temporary circumstance for consuming e-cigarettes, but the more committed relationship, so to speak, and where you're spending more of your interaction and time would be still for conventional cigarettes.

Some additional examples of Vapur ads that have circulated here, in the Province of Québec, again, the portrayal of lifestyle : the women here, very sexually appealing, glamourous, at a sort of hip setting where, the others that are there, their attention is drawn completely to her, you look at the man seen in the ad : despite being in the company of another woman, his focus is very much on the woman at the forefront; and one more example where here is again a lifestyle portrayal of sociability, recreation, vitality, and this type of ad creative is very reminiscent for what you see for Newport Cigarettes advertising.

We've also seen within the Province of Québec, in Canada more broadly, the return of promotions at the point-of-sale for e-cigarettes, and this particular example for Vapur is from a convenience store where the promotion is placed directly behind the cash register and where conventional cigarettes are available for sale. The reason why this particular type of promotion would be of concern is because again the creative very much resembles and mimics convention cigarette advertising, and it's well established in the academic literature with cue activation paradigms that for existing conventional cigarette smokers, if they see environmental cues that very much remind them of smoking, it will prompt a very strong urge or craving to smoke, and the concern here is that it can prompt impulse or unplanned purchases of conventional cigarettes when they go into the convenience store, or a gas station, or other retail settings.

This is the final slide that I'll speak to you with the time that I've been allotted, but it's just to make mention that initially there was a number of independent operators and manufacturers of e-cigarettes, but as there has been a considerable market potential being demonstrated, the multinational tobacco companies are now acquiring e-cigarette brands or offering e-cigarettes of their own. One such example is, Phillip Morris International has been marketing the Mark Ten electronic cigarette, and it is a particularly interesting example, because the e-cigarette brand is virtually identical to the branding of Rothman's, Benson & Hedges or Phillip Morris International's conventional cigarette brand, Mark Ten, which has a presence here, in the Province of Québec, as well as in the Maritime provinces.

So, in, I guess, my conclusion or closing remarks, I say : Left unregulated, e-cigarette promotion will undermine existing tobacco control policy efforts, and a dense environment of electronic cigarette promotion and lifestyle imagery would serve to renormalize smoking generally. Thank you.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much for your presentation. Now, we will get started with an open discussion with the members of the National Assembly. Alors, Mme la ministre, pour une période de 19 minutes, la parole est à vous.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, Mme Forget, Mme Lecours et M. Dewhirst, merci beaucoup d'être là et de nous faire part de vos préoccupations.

Évidemment, ce que je comprends, c'est que vous êtes favorables avec l'ensemble du projet de loi, à la seule différence que vous souhaiteriez qu'on aille plus loin sur certains aspects. Et je vais vous amener justement sur les aspects sur lesquels vous souhaiteriez qu'on aille plus loin et je vais certainement échanger avec vous sur tout ce que vous avez parlé sur la cigarette électronique.

Alors, commençons donc par la cigarette électronique, parce qu'on en a parlé beaucoup tantôt. Vous semblez d'accord à ce qu'on réglemente tout ce qui encadre l'usage, les lieux, là, finalement, où on pourrait utiliser la cigarette électronique. Vous semblez favorables aussi à interdire aux mineurs de pouvoir se procurer la cigarette électronique et vous semblez aussi, avec toutes les publicités que vous venez de nous montrer, favorables à l'interdiction de publicité et d'affichage de la cigarette électronique. J'aimerais ça vous entendre me parler davantage de pourquoi vous êtes favorables à tout ça, mais surtout parlez-moi des lieux et parlez-moi aussi de la publicité.

Si les boutiques de vapotage avaient la possibilité, quand elles ont pignon sur rue, de mettre le nom de leur boutique... Autrement dit, moi, au coin de la rue, chez nous, je vois que la boutique vapotage Untel est là, mais je sais qu'ils vendent des cigarettes électroniques, mais que je ne vois pas de publicité, je sais très bien, quand je me rends sur les lieux, que je m'en vais acheter une cigarette électronique. Et, si la publicité était permise à l'intérieur de la boutique spécialisée, est-ce que vous y verriez un inconvénient? Et parlez-moi aussi de pourquoi vous souhaitez qu'on encadre l'usage la cigarette électronique, des lieux où on peut l'utiliser.

• (11 h 50) •

M. Dewhirst (Timothy) : There are several aspects to that question. I'll try to address each of your comments as best I can.

I guess, one area of concern is that tobacco products, commercial tobacco products, if you look at the distribution and where they're made available, it's what's referred to in the marketing circles as intensive distribution, meaning that it's widely available : it's available at convenient stores, gas stations, grocery stores, and so on. So, there is concern that promotion at point of sales... that it could be very pervasive in terms of, you know, the extent of where it would be seen. There was mention specifically within... was it at vape shops you're asking... With respect to that, I guess my recommendation would be that there are certain criteria in terms of how one would treat a vape shop as a retailer. One would be that it is exclusively vape products and accessories and that they're not making available other products, whether it's sundries such as pop and chips or whether... not also selling lottery tickets and other things where there would be the chance of prompting impulse purchases of tobacco-related products if they did enter into that venue for the purchase of other products.

Other criteria that could be considered is that if promotion was allowable within a vape shop, it's only for those of age of majority they enable to have access, so 18 or older. And then also my recommendation would be to not allow for any exterior signage, so certainly within the interior, but not the exterior, where it can draw people in from the outside. So, those would be the examples of some of the criteria that I would make the recommendation for, with respect to vape shop retailers' promotion.

Mme Charlebois : From what I see, you're not... Vous n'êtes pas d'accord avec le fait que l'on puisse vendre des cigarettes électroniques dans les dépanneurs, parce que vous dites : Évitons de vendre des chips, évitons de vendre... Vous savez qu'ils vendent des dispositifs qui sont exactement comme celui que j'ai dans les mains en ce moment, là, qui sont vendus légalement. Ma petite-fille de quatre ans pourrait en acheter, là... pas ma fille à moi, mais ma petite-fille, et on va légiférer là-dessus, puis c'est là-dessus, là, qu'il y a des inquiétudes, en tout cas, pour la plupart des gens. Parce que ce qu'on vise avec le projet de loi, c'est réduire la consommation de tabac, réduire la prévalence au tabagisme. Ça, c'en est une, cigarette électronique, qui est très attrayante pour une jeune. Là, vous savez qu'on va légiférer là-dessus. Vous me dites que, ça, on pourrait le vendre, ce que vous recommandez, juste dans les boutiques spécialisées et non dans les dépanneurs, c'est ça?, même s'ils ne sont pas affichés, même s'ils ne sont pas à la vue des gens. Parce que vous conviendrez avec moi que ça peut être comme assez attrayant, puis on ne sait pas trop ce qu'il y a là-dedans, là, hein?

Ici, il y a quelque chose d'autre que j'ai dans les mains qui ressemble assez étrangement à un petit cigare, puis ça aussi, c'est électronique, mais ce n'est pas du tout ce qui est visé comme but avec la cigarette électronique, là. Là, on reproduit le pattern de fumer avec ça, là, on renormalise le geste. Alors, ces deux prototypes-là, vous me dites : Un, il faudrait que ça se vendre dans des boutiques spécialisées; deux, on ne veut plus de cigarettes électroniques dans les dépanneurs. Est-ce que c'est ce que je comprends de votre propos?

M. Dewhirst (Timothy) : No. Let me clarify; I'm not saying that electronic cigarettes should be made only available in vape shops, but what I am making a recommendation for is that there should not be e-cigarette promotion at point of sales in convenient stores, where e-cigarettes could be made available behind closed cabinets like conventional cigarettes, but my concern, especially with the image they displayed at the point-of-sale behind the cash register of a convenient store, is that a lot of the e-cigarette promotion very much closely mimics and resembles conventional cigarettes ads. Cue activation theory would suggest that, you know, for existing or former smokers that could prompt strong urges or cravings for cigarettes and prompt impulse purchases of conventional cigarettes. So, I hope that this will bring further clarification.

Mme Charlebois : Vous reconnaissez que, oui, il n'y a pas d'étude concluante, il reste qu'il y a des risques de dépendance, de danger, etc., mais vous reconnaissez qu'il y a moins de nocivité dans la cigarette électronique que dans la cigarette ordinaire.

Mme Forget Marin (Francine) : On reconnaît le potentiel de la cigarette électronique comme processus d'arrêt tabagique. Oui, il n'y a pas d'étude concluante; donc on recommande qu'il y ait d'autres études justement pour garantir l'innocuité du produit et aussi... potentiel d'arrêt tabagique, mais on reconnaît le potentiel. On craint par contre, avec la cigarette électronique, tout ce qui est de la renormalisation. C'est pour ça qu'on est d'accord avec le projet de loi, disant d'interdire la cigarette électronique là où c'est interdit aussi de fumer, pour le geste de fumer.

Mme Charlebois : O.K. J'ai aussi une question qui concerne l'interdiction de consommation de tabac proprement dit. Vous nous faites allusion dans votre mémoire, bon, à tout ce qui est service de garde en milieu familial, au moins huit heures avant, puis vous nous dites aussi de restreindre l'accès aux terrains de jeu publics, vous nous dites... sur les terrains où il y a des installations où sont les écoles, où il y a des installations où les jeunes peuvent aller en dehors des heures, vous dites, prolonger les heures, bref, que ce soit interdit en tout temps.

Je vous entends me parler de terrains de jeu, de propriétés publiques, d'aires de jeu où on accueille du public. Est-ce que vous considérez, vous, qu'un terrain de football, c'est un terrain de jeu? Un terrain de golf? Une plage? Jusqu'où vous voudriez qu'on aille?

Mme Forget Marin (Francine) : Bon. Ça nous amenait à ce propos-là parce que dans la loi on interdit de fumer dans les autos où il y a des mineurs, on interdit de fumer aussi dans les cours d'école quand il y a des mineurs. Nous, c'est toujours la prévention de la fumée pour les enfants et les adolescents, donc, tous les endroits où il y aurait possibilité d'avoir des enfants. Alors, c'est un peu ça. Les terrains de jeu et les terrains aussi où il y aurait possibilité d'avoir des enfants. Déjà en Ontario et au Manitoba, ils interdisent justement de fumer sur les terrains de jeu, et il y a des municipalités au Québec... je ne sais pas si dans ces municipalités-là il y a des terrains de golf ou des terrains, mais, justement, à L'Ancienne-Lorette, Sainte-Adèle... il y en eu à peu près cinq, municipalités, au Québec, qui défendent de fumer sur les terrains de jeu. Alors, nous, c'est surtout par rapport aux enfants, alors... Et aussi, bon, pour... ça, c'est les terrains de jeu.

Au niveau des garderies...

Mme Charlebois : Est-ce que vous qualifiez un terrain de golf un terrain de jeu? Moi, je connais des terrains de golf où il y a des enfants, là, qui vont jouer au golf, qui ont des cours de golf. Là, vous êtes en train de me dire que le fumeur non seulement, en ce moment, il ne peut pas fumer en dedans, il ne pourra plus fumer sur la terrasse, mais non plus sur le terrain de golf, au grand air. Je ne suis pas sûre que les gens vont abonder dans ce sens-là. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Forget Marin (Francine) : Bon. Moi, ce que je dis par rapport à ça, moi, je... la décision que vous prendrez, c'est de prendre en considération, les endroits où on retrouve des enfants, de ne pas... d'avoir la cigarette permise, là... pas la cigarette, de fumer, que ce ne soit pas permis.

Mme Charlebois : Finalement, ce qu'on dit, c'est : Vous pourrez fumer chez vous quand vous n'avez pas... Partout où il y a des enfants maintenant, là. Non, mais c'est-u un peu ça? J'essaie juste de comprendre votre propos. Comment on peut le définir dans une loi, là? C'est ça, là, ma question.

Mme Forget Marin (Francine) : On voyait, dans les terrains de jeu, surtout les terrains où il y a des terrains de jeu dans les municipalités. Là où est-ce que sont les terrains de golf et puis les autres...

Mme Charlebois : Les plages.

• (12 heures) •

Mme Forget Marin (Francine) : ...c'est ça, les autres terrains, on ne s'est pas prononcés jusque-là. Donc, c'étaient plutôt les terrains de jeu où il y avait des enfants. Alors là, je laisse... En autant que les enfants soient protégés, là, je vous laisse légiférer là-dessus.

On parlait des garderies. Si on légifère, à l'intérieur des voitures, de ne pas fumer quand il y a des enfants; aussi dans les cours d'école, dans les garderies en milieu familial, on reconnaît que c'est des enfants qui se font garder dans les garderies, et, déjà en Ontario, c'est interdit de fumer en tout temps. On sait que, la fumée secondaire, il y a des particules qui restent dans l'air pendant quelques heures et qui sont néfastes aussi pour les non-fumeurs. Les enfants, ils sont en plein développement, le métabolisme est plus élevé, la respiration, plus rapide, et puis, dans les garderies, on a des enfants, alors c'est pour ça qu'on demanderait au moins, plusieurs heures avant que les enfants arrivent en garderie, qu'il n'y ait pas... que personne n'ait fumé avant qu'ils arrivent. Bon, on propose huit heures, on vous laisse légiférer là-dessus, mais on pense que c'est important pour la protection des enfants également en garderie en milieu familial qu'ils ne soient pas en présence de fumée.

Et vous aviez parlé aussi de terrains d'école, oui, parce que, sur les terrains d'école, à l'extérieur des heures de classe, il y a quand même des enfants qui sont là, il y a des joutes de soccer qui se font sur les terrains d'école. Alors, c'est pour ça qu'on dit de ne pas fumer en tout temps. Et, au cégep, bien, il y a des mineurs qui sont au cégep quand ils commencent le cégep... pour la protection des mineurs, encore une fois. Alors, c'est pour ça que ça fait partie de nos amendements qu'on demande.

Mme Charlebois : Je vous entends. Puis, quand j'ai entendu les revendications de Dre Bois et de la coalition, j'ai comme porté une attention plus spéciale, pendant mes vacances, à... Justement, ma cour arrière chez moi donne sur une cour d'école, puis, honnêtement, je dois vous dire que les gens sont assez sensibilisés, parce que je n'ai pas vu personne fumer avec des jeunes, puis il y a un petit parc, là. Puis ça m'a un petit peu fait plaisir, parce que je me suis dit : Bon, bien, les gens sont rendus là, à ne pas fumer en présence d'enfants. Mais vous avez raison que ce n'est probablement pas tout le monde qui est au même niveau de sensibilisation, alors on va regarder ça.

J'ai une question aussi concernant les terrasses, parce que j'ai vu que vous aviez mis l'accent aussi, dans votre mémoire, sur les terrasses, et vous avez certainement vu hier que la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes sont venus nous voir et nous expliquer combien il est difficile pour eux d'appliquer l'interdiction sur les terrasses, puisque... neuf mètres de la porte. Ils nous disaient qu'ils voulaient un lieu pour permettre aux fumeurs d'aller fumer, que ça leur occasionnait des coûts en ce sens que, quand le personnel est en dedans à surveiller tout ce qui est l'équipement, loterie vidéo, bien ils ne peuvent pas mettre quelqu'un à la porte en bas, les empêcher de sortir avec un verre. On a compris que c'était complexe comme application pour eux. Et on a aussi l'union des propriétaires, là — vous avez dû voir ça à la télé — qui sont sortis assez vigoureusement.

Comment vous voyez ça, vous, l'interdiction qu'on a suggérée dans le projet de loi versus les commentaires qu'ils nous ont faits? Comment vous voyez qu'on pourrait arriver à un terrain d'entente avec eux, faire en sorte que leur clientèle puisse consommer du tabac sans nuire aux autres? Comment on peut permettre aux propriétaires de bar et interdire ailleurs? Comment vous voyez ça?

Mme Forget Marin (Francine) : Bien, nous, on doit toujours...

Mme Charlebois : Avez-vous des pistes de solution pour nous autres, bref?

Mme Forget Marin (Francine) : On doit toujours, nous, revenir à la santé des gens, à la fumée secondaire qui est présente sur les terrasses. Oui, j'ai entendu ce qu'ils ont dit, mais c'est que, si on permet de fumer, il y a toujours la fumée secondaire, puis c'est... on reconnaît que, chez les non-fumeurs, les non-fumeurs qui ont accès à la fumée secondaire, ça augmente de 20 % à 50 % le risque de crise cardiaque et d'AVC. En présence de ces particules-là, les non-fumeurs vont tousser. Alors, si on veut la protection des non-fumeurs, la protection des enfants, à ce moment-là, pour nous, pour garantir la santé au niveau des Québécois, on maintient qu'on devrait y aller avec l'interdiction de fumer sur les terrasses.

Mme Charlebois : Et vous pensez que l'ensemble de la population, notamment les clients de ces établissements-là, vont se conformer sans problème comme ils l'ont fait pour à l'intérieur?

Mme Forget Marin (Francine) : Je ne connais pas d'étude ou de statistique... mais la population continue à fréquenter les restaurants, même s'il y a l'interdiction de fumer, ainsi que les bars, et peut-être qu'on devrait se poser la question s'il y a des non-fumeurs qui ne vont pas sur les terrasses parce que c'est permis de fumer. Donc, au niveau de santé publique, là, peut-être qu'il y a plus de non-fumeurs qui iraient sur les terrasses.

Mme Charlebois : Parlez-moi maintenant de l'emballage neutre et standardisé. Vous nous faites mention que l'utilisation d'un pouvoir réglementaire avec une mesure transitoire pourrait vous satisfaire. J'aimerais ça vous entendre m'expliquer davantage ce que vous voulez dire par là.

Mme Lecours (Manon) : Alors, c'est sûr qu'au départ on était satisfaits du projet de loi tel que déposé, mais on était un petit peu déçus de ne pas retrouver quelque chose sur l'emballage neutre. Mais on a bien entendu la ministre, lors du dépôt, spécifier que c'était en analyse, qu'elle avait un pouvoir réglementaire puis qu'elle regardait à mettre minimalement peut-être des mesures transitoires sur l'emballage.

On sait que l'emballage neutre, c'est notre objectif, puis on souhaite ça pour notre province, on a cette ambition-là pour notre province, de redevenir un leader au Canada et en Amérique via l'emballage neutre, parce qu'il y a quand même des exemples probants, là, notamment l'Australie. Vous avez pris connaissance, là, du taux de tabagisme, qui est passé de 15,1 % en 2010 à 12,8 % en 2013. Alors, c'est extraordinaire. C'est vraiment directement lié à l'emballage neutre. L'âge de l'initiation est passé de 14,2 en 2010 à 15,9 en 2013, et le nombre de cigarettes consommées par semaine a baissé de 111 à 96. Donc, c'est sûr qu'on tend vers ça. C'est sûr qu'il y a plusieurs options qu'on pourrait mettre dans les mesures transitoires, bon, et c'est sûr qu'il y a la standardisation des mises en garde. Je ne suis pas une experte là-dedans, mais on peut comprendre que c'est un outil puissant lorsqu'il y a une mise en garde qui est évidente puis elle serait standardisée sur tous les paquets. Honnêtement, je pense que ça ferait un message très, très, très fort, puis on encourage le gouvernement à aller dans ce sens-là. On ne touche pas au paquet, on touche vraiment à standardiser la taille, la taille des mises en garde et...

Mme Charlebois : Pour qu'elles soient suffisamment grosses pour faire en sorte que les paquets soient tous des mêmes formats, là, éviter les petits paquets.

Mme Lecours (Manon) : Tout à fait, tout à fait. Exactement. C'est sûr que ça l'éliminerait. On comprend que ça éliminerait probablement des formes de paquet qui existent aujourd'hui.

Mme Charlebois : Ça?

Mme Lecours (Manon) : Exact.

Mme Charlebois : Des petits paquets qui ont l'air des paquets de rouge à lèvres, puis ça éliminerait probablement du coup les petites cigarettes, oui.

Mme Lecours (Manon) : Exact. Mais, si on a à coeur la santé des Québécois, je pense, la mise en garde, c'est le meilleur outil de communication pour communiquer le message, là, que le gouvernement veut faire au niveau de la santé publique.

Mme Charlebois : ...je vais vous dire, ça prend quasiment une loupe, là, pour voir la mise en garde, là. Honnêtement, là, ce n'est pas évident. En terminant, parlez-moi un peu... On légifère, là, parce qu'on veut réduire le tabagisme au Québec. On se rend compte que, chez les jeunes, ça n'augmente pas, comme tel, mais il n'y a pas de diminution importante, puis c'est là où on devrait voir une diminution importante. Le taux est stagnant depuis un certain temps.

Pour réduire le tabagisme, avec ce qu'on a dans le projet de loi, est-ce que vous considérez que 6 % sur cinq ans, c'est réaliste... baisser le tabagisme de 22 % à 15 %, 16 %?

Le Président (M. Tanguay) : En 15 secondes.

Mme Lecours (Manon) : Alors, oui, je pense que c'est réaliste, mais ce n'est pas juste le projet... Le projet de loi, c'est un outil, mais vous faites des campagnes de sensibilisation extraordinaires, on a des organismes sur le terrain qui mettent la main à la pâte. Je pense qu'il faut que le gouvernement continue à financer toutes ces initiatives-là, C'est un outil, ça, définitif...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Je dois maintenant céder la parole à notre collègue de Rosemont pour un bloc de 12 min 30 S.

• (12 h 10) •

M. Lisée : Merci, M. le Président. Merci de votre présence, Mme Forget Marin, Mme Lecours, M. Dewhirst. Welcome to the National Assembly.

Sur la question de la fumée secondaire, dans votre mémoire, vous avez un extrait que je vais lire, puis ça va nous amener à la question des terrasses et un petit peu des garderies. Alors, vous dites : «La littérature scientifique a, depuis de nombreuses années déjà, établi que l'exposition à la fumée de tabac dans l'environnement représente un facteur de risque relié à divers problèmes de santé, parmi lesquels se retrouvent les cancers ainsi que les maladies cardiovasculaires et respiratoires. La fumée secondaire qui se retrouve dans l'air ambiant contient non seulement de l'amiante, de l'arsenic, de l'ammoniac et du benzène, mais aussi une quantité de monoxyde de carbone et de goudron supérieure à celle présente dans la fumée inhalée par le fumeur — ça, ça veut dire que le fumeur qui fait la combustion de ces substances cancérigènes, en fait, en inhale moins que la fumée secondaire, donc il ne devrait pas respirer sa fumée, il devrait juste inhaler ce qu'il brûle. Ces produits chimiques demeurent dans l'air longtemps après que la cigarette ait été éteinte. Par conséquent, ils peuvent causer une toux chez les non-fumeurs qui sont fréquemment exposés à la fumée secondaire, et augmentent le risque de maladie du coeur, de cancer du poumon, d'emphysème et d'infections pulmonaires, et de ce fait, de décès prématuré chez ces personnes. Les risques de maladie cardiovasculaire sont accrus de 20 % à 50 %. Ils apparaissent même si la concentration de fumée de tabac dans l'environnement est relativement faible.»

Alors, déjà ça fait peur, mais là vous continuez : «Même après que la fumée se soit estompée, ces substances toxiques peuvent se retrouver sur les surfaces environnantes, un effet appelé fumée tertiaire. Une étude publiée dans la revue Pediatrics nous apprend que plusieurs personnes ne sont pas conscientes de ce problème — ça, c'est le cas, je l'apprends. "Nous savons que certaines composantes de cette fumée tertiaire sont toxiques. Les résidus de quelque 250 métaux, substances chimiques et autres éléments toxiques contenus dans la fumée de cigarette s'incrustent dans les meubles, les tentures, les tapis et les autres surfaces et y demeurent longtemps après que la fumée se soit dissipée", explique le Dr Andrew Pipe, chercheur de la fondation affilié à l'Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa. Une fois de plus, l'exposition à la fumée de cigarette, primaire, secondaire ou tertiaire, est déclarée dangereuse.»

Alors, ma question, c'est : Pour les garderies — moi, j'ai des enfants en garderie — pourquoi ne demandez-vous que huit heures avant l'arrivée des enfants et ne pas faire comme l'Ontario et dire : Bien, dans l'environnement de la garderie, c'est un environnement sans fumée, point à la ligne?

Mme Forget Marin (Francine) : C'est sûr que de le demander en tout temps, c'est la chose à faire. C'était comme un peu un pas, et, comme on dit, on suggérait huit heures, mais, tu sais, ça peut être plus d'heures, parce que, oui, effectivement, l'Ontario le demande en tout temps, et, si on considère la fumée secondaire et tertiaire, ça devrait l'être en tout temps. Nous, c'était comme un premier pas, mais, selon les données scientifiques, ça devrait être tout le temps.

M. Lisée : C'est sûr que, bon, la science est claire, l'impact sur les mineurs... et plus les enfants sont jeunes, plus l'impact est grand à cause de leur métabolisme, à cause de l'absorption puis de la concentration qui est plus forte dans un organisme qui est plus petit.

Et, tout à l'heure, avec la ministre, vous avez eu une discussion à savoir, bien, jusqu'où on va dans l'interdiction. Vous, vous dites : Bon, les terrains de jeu, bon, les garderies, les terrains des écoles primaires, secondaires, du cégep parce qu'il y a des gens de 17 ans. Vous n'allez pas «à l'université». Mais finalement est-ce qu'on n'est pas à un point où ce serait plus simple de faire la liste des endroits où c'est permis, hein? Parce que, dans la logique que vous faites, vous dites : Bien là, s'il y a des mineurs, ça devrait être interdit. Je prends l'exemple de la ministre tout à l'heure, du terrain de golf; bien, c'est vrai, il y a des mineurs qui jouent au golf, et parfois on joue au golf en famille. Alors, peut-être que la règle, ce serait : Bien, s'il y a des mineurs dans une zone de six mètres autour de vous, vous ne pouvez pas fumer. Ça pourrait être ça. Bon, s'il y a une présence de fumeurs, vous ne pouvez pas fumer, point à la ligne.

Maintenant, il y a un problème aussi avec les stades. On va voir du baseball, on va voir du football, on va voir du soccer, il y a des mineurs, il y a des... à certains endroits la fumée est permise, à certains endroits elle n'est pas permise. Est-ce qu'on ne devrait pas arriver à une règle générale où tous les endroits où il y a présence de mineurs, c'est un endroit sans fumée?

Mme Forget Marin (Francine) : Bon, c'est sûr que, si on se rapporte à ce qu'on disait tout à l'heure, la prévention des enfants, on pourrait dire «les lieux habituels», puis à ce moment-là, là, c'est à vous de voir où vous arrêtez, là, l'interdiction de fumer, parce que, oui, selon les études scientifiques, partout où il y a des enfants, des mineurs, oui, c'est dangereux de fumer autour. Et là c'est de voir où on va y aller. Est-ce qu'on y va avec les lieux habituels où il y a le plus de mineurs? Est-ce qu'on l'étend pour plus? Est-ce qu'on y va progressivement? Là, à ce moment-là, c'est de voir, parce que l'idéal, oui, ce serait ça, mais jusqu'où vous pouvez aller, ça, c'est de voir si vous y allez de façon graduelle ou si vous y allez total.

M. Lisée : Parce que, pour les cégeps, même les universités, et les écoles secondaires a fortiori, en ce moment ce sont des édifices publics qui sont couverts par la loi, et donc on ne peut pas fumer, sauf si on est à neuf mètres de la porte d'entrée. Donc, ça, c'est déjà régulé. Ce que vous dites, c'est : Sur les terrains, terrains de jeu, etc. Bien, je suis sûr que, dans un certain nombre de cas, c'est déjà interdit.

Je vais venir sur... bien, sur la question de l'Australie, O.K.? Alors, les compagnies de tabac affirment, bon, qu'elles ont été très meurtries de cette idée de l'emballage neutre et standardisé et qu'elles ont tout fait pour essayer d'empêcher les juridictions de l'appliquer. Vous donniez, tout à l'heure, des statistiques sur la baisse du tabagisme au cours des années brèves qui ont suivi l'adoption. Les compagnies de tabac affirment que bien, en fait, ces données-là ne montrent que la baisse tendancielle qui existait avant l'introduction de la mesure sur l'emballage neutre et que donc il n'y a pas de changement, qu'ils ne voient pas comment ça a eu un impact. On serait arrivé à ces niveaux-là avec ou sans l'interdiction de l'emballage normal.

Qu'est-ce que vous répondez?

M. Dewhirst (Timothy) : If I could respond to that, I would like to draw your attention to... There's a special issue within the British Medical Journal publication, Tobacco Control, within the last six months, that was released, where there are a number of studies, within that special issue, that speak specifically to what was seen with smoking rates after the implementation of plain and standardized packaging in Australia, and what was demonstrated is that smoking rates have declined in Australia following the implementation of plain and standardized packaging, and it had an important role on a few accounts, one is that there is an increased number of quit attempts among existing smokers, and than also the package became much less attractive, there is a lot less substantial brand imagery among young people associated with specific cigarette brands, so for young people that are prospective new users of products they were much less attracted. So, I would actually really encourage that special issue...

M. Lisée : I would like you to send us the reference, of course, but the counterargument is that the trend towards less consumption was already set in Australia before these measures were adopted, and so it made no difference in the downward trend.

M. Dewhirst (Timothy) : Well, my understanding is that, in that peer-reviewed literature, it was demonstrated that there were those effects from the standardized plain packaging, but also, as mentioned previously with my colleagues, there is the importance that it's part of a comprehensive tobacco control strategy. So, certainly, I would argue that plain and standardized packaging is an important initiative, but it's also to be accompanied by a number of other factors, whether it's taxation levels, you know, what kind of restrictions are on advertising and promotion, where one can smoke, and so on.

M. Lisée : Sur la question de la cigarette électronique, on a eu plusieurs pneumologues qui sont venus nous dire : Écoutez, le gain de la cigarette électronique en remplacement de la cigarette traditionnelle est tellement important qu'il faut donner un avantage comparatif à la cigarette électronique. Donc, ils sont d'accord pour interdire la vente aux mineurs, ils sont d'accord pour qu'il n'y ait pas de publicité, etc., très bien, mais il faut un avantage comparatif. Et certains ont dit : Bien, oui, il devrait y avoir la vente en pharmacie mais aussi chez les dépanneurs, et on devrait pouvoir le voir, et l'information qui doit être visible, c'est que c'est moins nocif que la cigarette.

Est-ce que j'ai bien compris que vous, vous êtes plutôt contre l'idée de la vente de ces cigarettes en dépanneur? Où est-ce que vous tracez la ligne sur la promotion ou l'absence de promotion? Et comment donner un avantage comparatif à la cigarette électronique en respectant les balises que vous voulez avancer?

M. Dewhirst (Timothy) : I mean, it's generally recognized that electronic cigarettes are less harmful than conventional cigarettes and that it should also qualify... I'm not a chemist, I'm not an epidemiologist, I'm here as an expert marketer and I'm speaking about the kind of marketing and promotional activities that we've seen prevailing for electronic cigarettes. My concern is that the type of electronic cigarette promotion that has been prevailing has the opportunity to recruit prospective new users who might be at risk for graduating to a more normal smoking, a dual use, and then...

M. Lisée : We agree on that, we agree on that. What would you allow in terms of comparative advantage?

M. Dewhirst (Timothy) : I mean, I was speaking about concerns about the kind of promotion prevailing that I was outlining, but I was not stating that e-cigarettes should not be made available where conventional cigarettes are. What I was arguing for is that there shouldn't be promotions like we've seen prevailing at point of sales or displays right at the cash register at point of sales, but I certainly wasn't arguing that electronic cigarettes should not be made as available as conventional cigarettes.

• (12 h 20) •

M. Lisée : O.K. Mais c'est ça. Donc, vous dites : No display at the point of sale, OK? Nous, on appelle ça des dépanneurs, les Anglo-Montréalais appellent ça des dépanneurs aussi, mais, donc, c'est les petits vendeurs, là où on trouve des cigarettes qui sont camouflées maintenant.

Est-ce que vous êtes favorables ou défavorables à ce que les petits commerces vendent des cigarettes électroniques? Puis est-ce que je comprends que, si votre réponse est oui, elles ne devraient pas être à la vue du public?

M. Dewhirst (Timothy) : I mean, small shops... I assume you're referring to the vape shops that have... No?

M. Lisée : The small shops, mom-and-pop corner stores.

M. Dewhirst (Timothy) : OK. I mean, I was just trying to point out that it should be... that, in small mom-and-pop shops, I mean, it would be consistent with the kind of regulation that is seen for conventional cigarettes, where, I presume, there would be a black-and-white price board that could name what is available and what its price is, but what I would not make the recommendation for is that it's a pervasive environment where there's displays and point-of-sale promotions like we see right now, especially considering how much it mimics conventional cigarette advertising and promotion and could prompt impulse purchases among existing or former smokers.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. Nous allons maintenant continuer notre échange avec la collègue de Saint-Hyacinthe pour une période de 8 min 30 s.

Mme Soucy : Bonjour. Merci d'être ici. Hier, nous avons reçu les propriétaires de cafés où est-ce qu'il y a consommation de la chicha, puis les propriétaires nous mentionnaient qu'il y avait plusieurs commerces qui opéraient dans l'illégalité et puis que le gouvernement ne faisait pas de contrôle de ça. Alors, ça m'amène à vous poser la question, parce qu'à lire vos recommandations, que vous interdisez, mettons, l'utilisation des cigarettes, bon, partout où est-ce qu'il se trouve des enfants, exiger un huit heures avant que les enfants arrivent dans les garderies en milieu familial... comment est-il possible de faire respecter toute cette législation-là quand on a de la difficulté à faire appliquer la législation qui est actuellement en vigueur? Parce que c'est dans l'idéal, mais il faut... Parce que légiférer, écrire la loi, c'est une chose; la faire appliquer, c'en est une autre.

Est-ce que vous pensez que c'est possible de faire appliquer cette loi-là de cette façon-là, particulièrement dans les garderies en milieu familial? Parce que le huit heures avant que les enfants arrivent, tu sais, c'est dans un domicile privé, une garderie en milieu familial.

Mme Forget Marin (Francine) : ...en milieu familial, c'est très réglementé, il y a des normes, naturellement, au niveau de la formation du personnel en garderie en milieu familial et aussi il y a des normes qui sont bien établies, et puis ce serait de rajouter, justement, cette réglementation-là à ces normes-là, parce que c'est déjà assez réglementé, les garderies en milieu familial. Alors, on verrait que ce serait une addition de règlements pour les garderies.

Mme Soucy : Mais mettre cette réglementation-là, c'est une chose, mais s'assurer qu'elle est appliquée, vous en conviendrez, que c'est une autre paire de manches, là.

Mme Forget Marin (Francine) : Oui, c'est comme toutes les lois au niveau de l'application.

Mme Soucy : L'utilisation de la cigarette électronique dans les lieux publics où est-ce que les mineurs... en présence de mineurs, est-ce que vous appliquez la même chose pour les cigarettes électroniques que pour les cigarettes ordinaires? Est-ce que ça fait partie aussi de...

Mme Forget Marin (Francine) : Comme on est d'accord, dans le projet de loi... Parce que, nous, ce qu'on craint par rapport à l'utilisation de la cigarette électronique dans les lieux publics, c'est au niveau de la renormalisation, c'est-à-dire qu'on ne veut pas perdre les acquis qui ont été faits depuis plusieurs années. On a eu un taux de tabagisme de 50 % qui est descendu à 16 %, il est encore élevé au Québec, près de 20 %, et c'est le fait de... le geste de fumer la cigarette électronique et justement de perdre ça et que ça l'entraîne une renormalisation de la norme tabagique.

Mme Soucy : Mais moi, je... bien, en fait, ma question, c'était : Dans les endroits à l'extérieur, ça aussi, c'est la même...

Mme Forget Marin (Francine) : Oui.

Mme Soucy : O.K. Alors, considérant que la cigarette électronique, c'est un outil, hein, pour permettre aux fumeurs de cesser de fumer, vous ne trouvez pas ça un peu excessif? Parce qu'il faut aider les fumeurs qui veulent s'en sortir. C'est un outil thérapeutique, si je peux dire. Vous ne trouvez pas que trop les encadrer, ça va créer l'effet contraire, en fait?

Mme Forget Marin (Francine) : Comme j'ai dit, oui, c'est un potentiel pour la cessation tabagique, et on est pour les moyens de cessation tabagique parce qu'il n'y a rien de pire que le tabac. Et puis, bon, pour les maladies cardiovasculaires, que les gens arrêtent de fumer, oui, c'est un avantage. Mais, d'un autre côté, il faut penser aussi santé publique, renormalisation. On sait que les jeunes essaient la cigarette électronique, on sait que, bon, certaines études... Bon, c'est sûr que les études, c'est complexe, c'est nouveau, elles sont contradictoires, sauf que certaines disaient que, bon, les adolescents qui essaient la cigarette électronique continuent, donc, continuent de l'utiliser et/ou vont vers la cigarette traditionnelle. Alors, de ce côté-là, au niveau renormalisation, on veut garder les acquis qu'on a faits et puis aussi on a toujours les enfants, là.

Mme Soucy : Parce que vous dites : C'est une question de santé publique. Par contre, hier, on a reçu plusieurs médecins, et puis, bon, eux autres, ils disaient : Ce n'est pas une question de santé, puisqu'ils mentionnaient qu'il n'y avait aucune donnée scientifique qui démontrait les effets négatifs sur... la fumée secondaire, particulièrement à l'extérieur, sur les terrasses, à plus de deux mètres, c'était plus un symbole social qu'il fallait tenir compte. À partir de ce moment-là qu'on sait que ce n'est pas nocif pour la santé, ce n'est pas une question de santé publique, là.

Mme Forget Marin (Francine) : Bien, il y a aussi la question... au niveau de la santé, les études ne sont pas concluantes à cet effet-là, les études doivent continuer pour garantir l'innocuité du produit aussi, de garantir son potentiel, en fait, de cessation tabagique également, là.

Mme Soucy : Merci. Ma question s'adresserait à monsieur. Dans votre présentation visuelle, vous avez montré une image d'une publicité d'une cigarette électronique dans un dépanneur ici, au Québec. À votre connaissance, est-ce que c'est quelque chose qui est répandu ou c'est quelque chose qui est exceptionnel, ce genre de publicité là? Parce que je vous avoue qu'on se consultait tantôt, puis personne n'avait remarqué ce genre de publicité là, que vous avez démontré tantôt, qui se trouve dans les dépanneurs. Est-ce que vous avez vérifié à plusieurs endroits ou c'est vraiment un cas d'exception?

M. Dewhirst (Timothy) : Well, considering that I don't reside in Québec, I cannot speak specifically of the convenient stores in Québec. They have been made available at point of sales in convenient stores, they are also available online in terms of marketing communication and digital media.

But the one photograph where I took a Vapur that was directly behind the cash register, that was from my hometown, Guelph, in Ontario, and it seems, certainly within my hometown, to be quite pervasive, if you walk into a convenient store. To complement that poster that was seen, there was also what resembled a conventional cigarette, but it was an e-cigarette for the cherry flavor that was suspended actually in the windows, so it was also visible from the exterior. And those particular photos that I took were of a convenient store that was directly across the street from the University of Guelph campus. But, I guess, given that I do not reside in Québec, it's very difficult for me to speak from direct experience and observation.

Mme Soucy : Bien, merci, vous avez fait une excellente présentation puis vous avez bien démontré en expliquant les images. Puis je suis de votre avis que les adolescents sont tellement influençables, alors... J'avais d'ailleurs soulevé le point hier avec la même photo de minceur qui faisait référence à... le fait de fumer rendait la femme mince, donc il y avait une association de faits.

Vous demandez l'interdiction de fumer, bon, dans les garderies pour la cigarette conventionnelle. Réclamez-vous aussi l'interdiction de la cigarette électronique pour les mêmes heures ou ça serait différent?

Mme Forget Marin (Francine) : ...préciser ça, parce qu'au niveau... on traite la cigarette électronique la même chose que la cigarette ordinaire, et puis il n'y a pas de donnée concluante encore dans les études qui garantisse l'innocuité de la cigarette électronique.

Mme Soucy : Selon vous, ce ne serait pas plus simple et plus sain de justement la légiférer d'une autre façon? Vous dites que vous la considérez comme du tabac. Effectivement, dans la loi, c'est comme ça. Pensez-vous que ce serait une bonne idée d'en faire une loi à part ou une annexe à part pour justement la traiter différemment?

Mme Lecours (Manon) : Moi, personnellement, puis au nom de la fondation, moi, je crois que l'assujettir à la Loi sur le tabac, c'est la voie, parce que ça donne un cadre minimal. Une loi, on ne change pas ça souvent. Un règlement, on peut le modifier rapidement, tout ça.

Une loi, ça enchâsse, ça donne un message très, très fort. Puis avec l'engouement — on l'entend, tous les groupes, là — tout ça, il y a... C'est tellement nouveau. Le député de Rosemont parlait que c'était le far west, etc. Effectivement, il y a tellement d'informations contradictoires, ça nous prend minimalement un cadre, puis on va l'assurer avec la Loi sur le tabac.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, merci beaucoup aux représentantes, représentants de la Fondation des maladies du coeur et de l'AVC, Québec.

Compte tenu de l'heure, je suspends nos travaux jusqu'à 16 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

(Reprise à 16 h 6)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Nous accueillons aujourd'hui les représentations... les représentants, qui vont nous faire des représentations, de l'Association des restaurateurs du Québec.

Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation et, par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. S'il vous plaît, pour les fins d'enregistrement, prenez soin de vous nommer, préciser vos fonctions, et la parole est à vous. Merci.

Association des restaurateurs du Québec (ARQ)

M. Meunier (François) : Alors, merci M. le Président. Bonjour, Mme la ministre, ainsi qu'à vous, Mmes et MM. les députés. Je me présente, je suis François Meunier, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales pour l'Association des restaurateurs du Québec, connue aussi sur le sigle ARQ. Je suis accompagné aujourd'hui, à ma gauche, du président du conseil d'administration de notre association et propriétaire, depuis 30 ans, des restaurants Le Montagnais à Sainte-Anne-de-Beaupré et à Saint-Tite-des-Caps, M. Claude Ménard, et, à l'extrême gauche, également avec nous, M. Martin Vézina, qui est conseiller aux communications et aux affaires publiques de l'ARQ.

L'Association des restaurateurs du Québec réunit maintenant plus de 4 800 membres qui contribuent, dans toutes les régions, au développement économique, touristique et agroalimentaire du Québec. Depuis maintenant 77 ans, nous jouons un rôle clé à représenter les intérêts des restauratrices et des restaurateurs. L'ARQ est aussi reconnue pour contribuer constructivement aux grands débats de société, notamment sur la question spécifique de l'usage du tabac dans les restaurants. L'ARQ est depuis toujours le principal interlocuteur à qui les autorités gouvernementales s'adressent.

Au fil des années, le gouvernement québécois a implanté différentes mesures législatives pour réduire le tabagisme et limiter les impacts de la fumée secondaire dans les lieux publics. Chaque fois, l'ARQ, en tant que porte-parole de l'industrie de la restauration, a exprimé, dans les exercices de consultation, une position positive et progressiste. Lors de l'adoption de l'actuelle Loi sur le tabac en 2005, l'ARQ a appuyé l'interdiction de fumer à l'intérieur des restaurants, puisqu'un consensus suffisant avait été atteint, permettant d'aller dans ce sens. Notre contribution a permis une mise en oeuvre souple et harmonieuse des nouvelles dispositions législatives et renforcé leur acceptation. Le ministre de la Santé de l'époque, M. Philippe Couillard, avait d'ailleurs salué l'apport de l'ARQ dans le débat.

C'est donc dans ce même esprit que l'ARQ aborde la présente étude du projet de loi n° 44, et nous remercions les membres de la commission de nous recevoir aujourd'hui. À notre avis, le projet de loi contient, dans son ensemble, de bonnes mesures, notamment l'assujettissement de la cigarette électronique aux mêmes dispositions que la cigarette traditionnelle. Par contre, certains éléments du projet de loi mériteraient d'être améliorés. Le mémoire que nous avons déposé à la commission, que nous résumons aujourd'hui, expose trois points sur lesquels nous proposons des modifications qui, à notre point de vue, faciliteront l'application de la législation sans nuire aux objectifs souhaités.

J'invite maintenant M. Ménard à vous parler du premier élément sur lequel nous désirons attirer votre attention.

M. Ménard (Claude) : Merci, François, et bienvenue à tous. Si l'ARQ a pris position en faveur de l'interdiction complète de fumer à l'intérieur des restaurants, mesure en vigueur depuis le 31 mai 2006, c'est notamment parce qu'un accommodement, soit les terrasses extérieures, était proposé à la clientèle des fumeurs. Avec un endroit délimité où il était possible d'allumer une cigarette, on s'assure que les fumeurs vont se cantonner dans cet espace. On évite donc de voir des groupes de fumeurs se déplacer vers l'entrée de l'établissement ou sur les domaines publics. Pourtant, deux mesures du projet de loi à l'étude semblent aller en contresens de cette position de compromis.

Tout d'abord, l'une des mesures prévues au projet de loi n° 44 impose l'interdiction de fumer sur les terrasses extérieures, qu'elles soient fermées ou non. À cela s'ajoute la création d'un nouveau périmètre non-fumeurs de neuf mètres de rayon à partir de toute porte d'accès d'un bâtiment commercial, à l'exception de la partie donnant sur le domaine public. Ces deux mesures auront comme conséquence de transformer une grande partie des secteurs commerciaux et industriels en zones d'exclusion des fumeurs. Le seul refuge pour les fumeurs sera soit le trottoir ou l'extrémité d'un stationnement.

Or, en milieu urbain, où l'aménagement des terrasses extérieures se fait souvent en contreterrasse, les fumeurs auront tout le loisir de se mettre en périphérie de la terrasse, sur la partie du domaine public. En regardant les photos apparaissant aux pages 8 et 9 de notre mémoire, on peut en effet constater qu'il sera très facile pour tout fumeur de se déplacer de quelques pas pour se diriger vers le domaine public et allumer une cigarette tout en restant à proximité des gens assis sur la terrasse. Par conséquence, les gains que l'interdiction de fumer sur les terrasses apportera en matière de santé publique seront négligeables, et il apparaît dans toutes les circonstances peu justifié de changer la situation actuelle pour le modèle proposé par la loi n° 44.

Il va sans dire, par ailleurs, que cette interdiction aura un impact sur l'achalandage, et cela, dans un environnement économique qui est particulièrement difficile pour notre industrie. Elle sera aussi contraignante pour les exploitants qui devront assurer une surveillance accrue afin d'éviter d'être accusés de nuire à la tranquillité publique. C'est pourquoi l'ARQ réitère donc sa position de laisser aux exploitants de restaurant la décision de permettre ou non l'usage du tabac sur les terrasses.

Je passe maintenant la parole à M. Vézina pour la suite.

• (16 h 10) •

M. Vézina (Martin) : Merci, M. Ménard, et merci à vous tous pour votre accueil.

S'il y a une mesure dont les conséquences envisageables nous apparaissent plus qu'inquiétantes, c'est bien celle créant une nouvelle zone non-fumeurs de neuf mètres autour de tout bâtiment qui accueille le public. Touchant, à ce jour, principalement les établissements de santé et les maisons d'enseignement, cette disposition de l'actuelle Loi sur le tabac sera étendue, si le projet de loi est adopté tel quel, à toutes les entreprises commerciales et industrielles, sans exception. Les exploitants deviendront, par le fait même, des policiers du tabac à temps plein afin d'éviter d'être sanctionnés. En effet, l'article 11 de l'actuelle Loi sur le tabac impose une présomption de tolérance de la part de l'exploitant d'un lieu ou d'un commerce lorsqu'un client fume dans un espace interdit. Par exemple, si un client fume à l'intérieur de la limite de neuf mètres de la porte d'entrée, même si le restaurateur n'est pas à l'affût de ce geste, un inspecteur devra non seulement remettre un constat d'infraction à la personne qui fume, mais aussi à l'exploitant. Le restaurateur devra montrer hors de tout doute qu'il a posé tous les gestes prouvant qu'il n'a pas toléré le fumeur fautif en exerçant une surveillance réelle et continuelle de la zone de neuf mètres.

Cette interprétation peut sembler exagérée, pourtant l'ARQ reprend celle qui a été exprimée lors de la cause opposant le Directeur des poursuites criminelles et pénales et la commission scolaire Marie-Victorin en 2011. Le jugement intégral est d'ailleurs à la fin de notre mémoire. Dans ce dossier, un inspecteur du ministère de la Santé a surpris des élèves à fumer dans la cour d'une école de la commission scolaire Marie-Victorin. Comme aucun surveillant de l'école n'était présent au moment de l'infraction, l'inspecteur a émis aussi un constat à la commission scolaire en vertu de l'article 11 de la Loi sur le tabac. La direction de l'école a tenté en vain de plaider la diligence raisonnable en dressant l'inventaire des nombreuses actions d'information et de sensibilisation réalisées auprès des élèves portant sur la réglementation en vigueur sur ce sujet, mais le juge de paix a expliqué que l'évaluation de la diligence raisonnable nécessite l'action d'empêcher le geste interdit, comme par exemple, en s'assurant de la présence de surveillants. Ainsi, avec les mesures que prévoit le projet de loi, les exploitants d'établissements commerciaux et industriels n'auront pas le choix, ils devront assurer une surveillance constante pour empêcher l'action de fumer.

L'ARQ recommande, pour ces raisons, de retirer du projet de loi la disposition obligeant l'ensemble des bâtiments commerciaux et industriels à respecter une zone non-fumeurs de neuf mètres de toute porte d'entrée et elle recommande aussi, finalement, d'abroger le deuxième alinéa de l'article 11, portant sur la présomption de tolérance.

Je laisse la parole maintenant à M. Meunier, qui va conclure en abordant la question des amendes.

M. Meunier (François) : Merci, Martin. Alors, pour terminer, nous constatons également que l'augmentation des pénalités prévues au projet de loi n° 44 est considérable, et cela, pour toutes les infractions.

L'ARQ ne conteste pas nécessairement le fait de hausser les amendes, mais, à notre avis, le pourcentage d'augmentation pour une première offense dépasse l'entendement. À titre d'exemple, l'amende maximale prévue pour une première offense d'un exploitant ayant toléré qu'une personne fume dans son établissement passerait de 4 000 $ à 25 000 $. On parle d'une augmentation de 525 %, un pourcentage que nous qualifions de déraisonnable. Pour plusieurs membres de notre industrie, une telle somme d'argent pourrait tout simplement signifier la fermeture de l'entreprise. Dans une perspective où le projet de loi, une fois adopté, risque de donner un fardeau supplémentaire aux exploitants en contrôlant un périmètre de neuf mètres à partir de leur porte d'accès, il existe une forte probabilité qu'un exploitant reçoive une amende salée parce qu'un des clients fume à l'intérieur de la zone interdite. L'ARQ croit donc qu'il est important de réduire les barèmes maximaux des amendes afin qu'ils soient plus raisonnables que ce que prévoit le projet de loi actuellement.

Pour terminer, ce mémoire et les recommandations qu'il contient confirment une fois de plus l'esprit de collaboration qui anime les restauratrices et restaurateurs. Notre industrie soutient les objectifs gouvernementaux en matière de lutte au tabagisme, mais elle ne peut voir d'un bon oeil le renforcement de la Loi sur le tabac qui se ferait sur son dos notamment en faisant jouer en permanence aux restauratrices et aux restaurateurs le rôle de policiers antitabac. Ainsi, à l'instar de 2005, notre complète collaboration vous est offerte pour assumer la mise en oeuvre, de manière harmonieuse, d'une loi qui pourra faire consensus et dont la portée sera réfléchie. Nous vous remercions de l'intérêt que vous accorderez à nos demandes et vous remercions de votre attention. Merci.

Le Président (M. Habel) : Je vous remercie pour votre présentation. Nous allons débuter la période d'échange avec la partie gouvernementale pour un temps de 22 min 30 s.

Mme Charlebois : Alors, merci beaucoup d'être ici au nom de l'Association des restaurateurs du Québec, M. Ménard, M. Meunier, M. Vézina. Réel plaisir de vous entendre. On a entendu hier la corporation des tenanciers de bars et restaurateurs. On entend à la télé... mais on recevra demain l'union, qui a des points de vue aussi.

D'entrée de jeu, j'ai le goût de vous demander : Est-ce que vous êtes pour ça, comme individus, la réduction de la prévalence au tabac, notamment chez les jeunes, mais aussi dans l'ensemble de la population? Est-ce que vous croyez que penser de réduire de 6 % en cinq ans la prévalence au tabac, soit passer de 22 % à 16 %, c'est un objectif louable? Est-ce que vous êtes conscients des coûts que ça engendre au système de santé, mais aussi les coûts humains que provoque le tabagisme?

M. Meunier (François) : Mme la ministre, merci de votre question. Bien sûr, on est tout à fait conscients, comme citoyens, là, des impacts que peut causer le tabagisme sur la santé des citoyens, et je vous réitère, comme on l'a mentionné et dans notre mémoire et dans la présentation d'aujourd'hui, qu'on souscrit aux objectifs.

Par contre, il faut, de notre point de vue, s'assurer d'une législation qui soit applicable, qui soit raisonnable, qui soit mise en oeuvre de manière harmonieuse. À notre avis, si on regarde historiquement... moi, j'ai la chance d'être là depuis 30 ans, donc, j'ai participé à de nombreuses consultations visant le renforcement des différentes lois sur le tabac, j'ai même contribué au règlement de la ville de Sainte-Foy, qui a été un des premiers règlements municipaux, à celui de Montréal, qui a été le deuxième, alors je peux vous dire qu'on a joué notre rôle et on a participé à tout ce processus-là, et sans aucun doute que, pour nous, la santé de la population, la santé de nos travailleurs et travailleuses est importante, mais je dois vous réitérer la nécessité que tout ça se fasse en souplesse pour assurer évidemment que tout ça obtienne un consensus suffisant pour assurer une application qui soit la plus harmonieuse possible.

Mme Charlebois : Est-ce que vous avez pris connaissance du sondage Léger Marketing qui dit que 73 % de la population est en accord avec le fait qu'il n'y ait pas de fumée sur les terrasses? Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Meunier (François) : Bien sûr, et ce n'est pas surprenant. D'ailleurs, je vous ai dit que je suivais le dossier depuis longtemps et, si j'avais dit aujourd'hui que j'avais été surpris de voir le gouvernement aller de l'avant vers une interdiction de fumer sur les terrasses, je vous aurais autorisés à ne pas me croire. Pour moi, c'était un secret de Polichinelle que les parlementaires... Suivez un peu le rapport de mise en oeuvre de la loi de 2005, et les échanges qu'ils ont eus ici même, dans ce même bâtiment, touchant ce rapport-là nous indiquaient clairement que c'était une volonté gouvernementale d'interdire sur les terrasses.

Nous, ce qu'on vous dit, c'est que, finalement, de bannir l'usage des terrasses, considérant l'aménagement des terrasses d'aujourd'hui, considérant le fait que vous ne pourrez pas interdire de fumer sur le domaine public, ça aura très peu d'impact en termes de santé publique. C'est davantage un symbole sur lequel vous vous attaquez. Mais, pour le reste, c'est très discutable à savoir si vraiment, dans un espace libre, vous atteindrez des objectifs d'amélioration de la santé de la population de cette manière-là.

Mme Charlebois : Est-ce que vous ne croyez pas que la fumée secondaire est dommageable? Et, quand on croise des gens... pour l'avoir vécu, moi, cet été, quand j'étais assise à côté d'une table d'un gars qui fumait, j'ai fumé autant que lui, sinon plus, puis j'étais sur une terrasse, puis assez qu'il en riait, là, le monsieur, là. Est-ce que vous ne croyez pas que les dommages causés par la fumée secondaire sont présents?

• (16 h 20) •

M. Meunier (François) : On n'a pas l'intention, nous, de participer à un débat scientifique à savoir s'il y a des risques pour la santé ou pas de fumer davantage sur une terrasse que respirer les émanations des véhicules automobiles, on n'est pas du tout dans ce modèle-là. Ce qu'on vous dit, c'est que, finalement, si vous avez été incommodé par un fumeur aujourd'hui sur une terrasse, vous le serez tout autrement, peu importent le règlement, la législation que vous proposez, puisque, finalement, avec les contreterrasses... Regardez, Grande Allée, ici, là, la personne n'aura qu'à se déplacer sur le trottoir, elle pourra peut-être même continuer à converser avec ses compagnons, ses compagnes, et finalement envoyer la fumée aux clients qui sont là.

À Montréal, on aménage en contreterrasse, on pourra fumer sur le trottoir, entre la terrasse et le restaurant. Alors, là aussi, on pense que, nous, finalement, les gains que vous souhaitez atteindre de cette manière-là ne le seront pas. Par contre, au niveau de la gestion pour l'exploitant, ça apparaîtra quelque chose qui va être comme une contrainte supplémentaire par rapport à la situation d'aujourd'hui.

Mme Charlebois : En quoi c'est une contrainte supplémentaire pour l'exploitant?

M. Meunier (François) : Parce que les gens vont se lever, parce que, dans le cas des bars notamment, les gens vont même se lever probablement même avec leurs consommations de boissons alcoolisées. On va se retrouver en contravention par rapport à d'autres dispositions de la législation, alors il y a un aspect gestion qui rentre en ligne de compte.

Bien sûr, vous ne trouverez pas chez nous un discours qui va vous prévoir l'apocalypse, là, on n'est pas à ce niveau-là, on est dans quelque chose qui est raisonnable, souple, mis en vigueur de manière graduelle. Et, bien sûr, c'est important pour nous de vous manifester... ou, du moins, de vous sensibiliser au fait que pour une partie de l'industrie il y a encore la nécessité de servir adéquatement l'ensemble de la clientèle, dont une clientèle fumeurs. Et, pour nous, si le Québec est un exemple sur la manière de faire harmonieusement en termes de politiques de santé publique sur l'usage du tabac, c'est aussi parce qu'on a prévu des mesures souples. Et je vous rappelle que c'est vrai que, dans plusieurs grandes villes au Canada, il y a une interdiction de fumer sur les terrasses, mais ce n'est pas nécessairement vrai aux États-Unis. À New York, notamment, on a encore le droit de fumer sur les terrasses, même si, finalement, on conviendra que les États-Unis ont mis en place des mesures antitabac depuis bien... longtemps que nous et avec beaucoup plus d'agressivité.

Alors, si on a une volonté d'assurer une certaine souplesse ailleurs, on pense que ce n'est pas déraisonnable d'envisager une certaine souplesse ici.

Mme Charlebois : Vous venez de me dire... Vous convenez qu'il y a plusieurs provinces au Canada qui interdisent déjà la fumée sur les terrasses. C'est ça que vous venez de dire, là.

M. Meunier (François) : Et d'ailleurs l'Ontario, depuis le 1er janvier dernier.

Mme Charlebois : O.K. Les terrasses sont ouvertes de quel mois à quel mois?

M. Meunier (François) : Ça dépend s'il fait beau.

Mme Charlebois : Est-ce que, sincèrement, vous croyez que ça va changer quelque chose dans votre chiffre d'affaires que les gens se lèvent et qu'ils aillent fumer sur le trottoir, pour ceux qui ont un établissement en bordure d'un trottoir? Parce que ce n'est pas tout le monde qui a un établissement en bordure d'un trottoir dans vos membres.

M. Meunier (François) : En fait, ce qu'on vous dit, ce n'est pas nécessairement en termes de chiffre d'affaires, mais il est clair que de penser que tout ça n'aura pas d'impact, ça serait de la pensée magique. Il y aura des ajustements, il y aura des choses à adapter. Et je vous... peut-être, je vous amène tout de suite la question des bars. Vous avez parlé de nos collègues d'autres organisations. On est des associations totalement indépendantes, autonomes, avec des réalités totalement différentes. Et d'ailleurs je vous mentionne que les personnes qui remettent en question les difficultés qu'ont vécues les bars depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur le tabac en 2005, évidemment, sont de mauvaise foi ou ont de la mauvaise information, parce que c'est vrai que les impacts économiques ou... pas nécessairement où il y a du tabac, mais que les bars ont eu énormément de difficultés au cours des 10 dernières années.

Mais la réalité des restaurants est différente. Si on a pu connaître une interdiction de fumer à l'intérieur, c'est non seulement parce qu'on avait un consensus social suffisant, mais il était socialement et facilement acceptable de ne pas fumer dans un lieu fermé et dans un lieu où on mange. Alors, c'est la même chose qui va arriver en ce qui concerne les terrasses extérieures, la situation n'amènera pas de catastrophe en ce qui concerne le chiffre d'affaires, mais on ne peut nier que tout ça va demander des réajustements et une réorganisation qui va pouvoir être faite et qui va peut-être amener des difficultés à certains exploitants.

Mme Charlebois : Je vous lance sur votre propre terrain. Si vous me dites que l'interdiction est problématique, qu'est-ce que vous suggérez pour faire en sorte qu'il n'y ait personne qui absorbe cette fumée secondaire là? Parce que c'est de ça dont on parle. On protège les gens de la fumée secondaire, qui, vous savez, est plus dommageable souvent que la fumée que le fumeur inhale lui-même. Qu'est-ce que vous me proposez comme modifications dans l'application d'un projet de loi comme ça?

M. Meunier (François) : En fait, je veux peut-être que vous précisiez votre question. Vous m'avez dit : Pour empêcher que les gens fument totalement. Alors, bien sûr, c'est une question qui m'apparaît un peu fantaisiste, parce que la seule manière serait finalement que les produits du tabac deviennent totalement illégaux et que ça soit interdit de le fumer même dans un lieu public.

Mme Charlebois : ...qu'on va commencer à parler de prohibition. Tant qu'à ça, là, si vous voulez me parler de totalement interdire la cigarette, on va totalement interdire la boisson, là. Vous me dites que ma question est fantaisiste. Votre commentaire l'est tout autant, quant à moi, là — excusez-moi, là.

M. Meunier (François) : Ah! bien, en fait, ce que je voulais vous dire, c'est que, finalement, je n'ai pas de proposition pour vous pour empêcher les gens totalement de fumer. Comme proposition, par contre, ce qu'on peut vous faire, c'est d'assurer une mise en oeuvre harmonieuse de la législation.

Mme Charlebois : Comment? C'est ça que je vous demande.

M. Meunier (François) : Présentement, la loi prévoit un délai de six mois. Il va être important de s'assurer que l'interdiction des terrasses ne se fasse pas en plein mois de juillet, par exemple. Alors, l'adoption de la loi, si elle se fait le 1er... tu sais, on est dans des hypothèses, là, mais se fait le 15 décembre, ce n'est certainement pas une bonne idée.

D'ailleurs, à l'époque de 2005, la loi prévoyait une interdiction de fumer au 1er janvier, elle a été reportée au 31 mai justement pour considérer cette situation-là. Et par ailleurs, si vous voulez d'autres options, présentement, il est permis de fumer sur une terrasse, même si la terrasse a un toit. Alors, on sait très bien que, si on enlève le toit, on permet une libre circulation de l'air, ce qui évidemment serait une mesure atténuante et qui pourrait permettre une transition pour s'assurer d'une élimination de l'usage du tabac sur les terrasses. Par ailleurs, je tiens à vous dire, là, qu'il y a de nombreux restaurateurs qui ont déjà fait le choix d'abolir... On n'est pas dans un mode «vous êtes obligés de». C'est le libre choix qui est notre approche, parce que dans certains cas il y a des gens qui ont une catégorie ou un pourcentage de leur clientèle qui est suffisant, qui est important, mais, dans d'autres cas, il y a des gens qui ont déjà fait le choix... Il y a de nombreuses terrasses sur Grande Allée, par exemple, qui n'acceptent pas que les clients fument, et c'est très bien comme ça. On n'est pas du tout dans un mode, là, qui empêcherait les gens de ne pas accueillir les fumeurs.

Mme Charlebois : Non, mais je vous demandais la question, parce que je me dis : Si les gens veulent conserver leur terrasse, les propriétaires de restaurant, de bar, etc., ils ont-u une proposition à me faire pour éviter justement que la fumée secondaire atteigne les autres consommateurs sur la terrasse?

Je constate que vous me parlez du délai de mise en oeuvre, mais vous n'avez pas d'autre proposition à me faire, notamment, ne serait-ce que pour protéger vos travailleurs, ceux qui travaillent dans votre industrie, là, qui ne fument pas, là, puis qui sont en constante... pour le temps que les terrasses sont ouvertes, parce que, comme on le sait, ça dépend de la température, sont en constant contact avec la fumée secondaire, eux autres, là. C'est eux autres qui sont encore les plus vulnérables, puis on sait... dernièrement, j'ai croisé une femme, puis, écoutez, là, je n'ai pas les statistiques, là, mais je vous parle de une, là, qui a une trace évidente sur les poumons à avoir été en contact avec des fumeurs, alors qu'elle n'a jamais fumé de sa vie. Puis ce n'était pas chez elle, là, parce qu'il n'y a personne qui fume chez elle. Comment vous voyez ça pour votre main-d'oeuvre?

M. Meunier (François) : Si je peux me permettre...

Mme Charlebois : Oui.

M. Meunier (François) : Évidemment, c'est, sans aucun doute, un enjeu plus que réel à l'intérieur. À l'extérieur... on n'est pas des experts de santé publique, mais évidemment je pense qu'on peut convenir que les risques pour la santé à l'extérieur, dans un endroit qui n'est pas en confinement, pas de mur, pas de plafond... il faudrait voir jusqu'à quel point tout ça est un risque majeur pour la santé même d'un travailleur.

Mme Charlebois : Je voudrais vous amener sur la présomption de la tolérance, je pense que c'est votre collègue de l'extrême droite qui en a parlé. Et c'était déjà dans la loi de 2005, vous savez ça.

M. Vézina (Martin) : Oui, on le sait. En 2005, ça a été ajouté par le ministre de la Santé de l'époque plus pour une... parce que les inspecteurs de l'époque disaient qu'ils ne pouvaient pas reprocher à l'établissement... ils ne pouvaient recueillir de preuve. Vous pouvez voir, là... par le Journal des débats, là, c'est ce qui est indiqué. Je l'ai avec moi, si vous le voulez. Et aussi à cette idée-là, la présomption de tolérance, c'était en fonction de la Loi du tabac, qui était à l'époque... qui était l'interdiction à l'intérieur. À ce moment-là, les restaurateurs, ils peuvent contrôler à l'intérieur si les gens fument ou pas, ils peuvent établir un contrôle à l'aide de leur personnel, à l'aide des gérants pour pouvoir s'assurer que la réglementation puisse être respectée. Cependant, dans une zone de neuf mètres à l'extérieur, on demande finalement à ce qu'il y ait une surveillance constante, qu'on prenne un membre du personnel de salle peut-être dans un temps où il y a un rush pour qu'il aille à l'extérieur pour valider que : Ah! O.K., il n'y a personne qui a fumé ou, s'il y a quelqu'un qui a fumé, il faut sortir pour aller l'avertir, parce que présentement la jurisprudence, elle demande ça, qu'il y ait quelqu'un qui surveille, qui empêche le geste.

À l'époque, en 2005, l'idée du législateur, c'était tout simplement, à l'intérieur, d'empêcher le geste, ce qu'un gérant ou un restaurateur peut faire facilement.

• (16 h 30) •

Mme Charlebois : Quand vous me parlez de jurisprudence, c'est par rapport au jugement avec la commission scolaire?

M. Vézina (Martin) : Tout à fait.

Mme Charlebois : On parle d'autre chose. Mais, s'il y avait affichage, si votre personnel les avise qu'ils n'ont pas le droit... Actuellement, là, en tout cas, moi, je sors, là, puis je n'ai jamais vu de police dans les restaurants. Puis il y a des grandes surfaces, Dieu sait qu'il y a des grands restaurants, hein? Il n'y a personne qui vient, puis il y en a qui vapotent, là, puis, je vais vous dire, ça devient même difficile à distinguer entre vapoter puis fumer avec certaines cigarettes. Il n'y a pas de police comme telle. Mais les gens sont conscientisés. J'ai de la difficulté à penser que les gens, une fois que la loi va être exprimée, qu'on va les renseigner, ils vont quand même contrevenir puis que ça... Tu sais, une fois que l'exploitant va avoir fait la preuve... parce qu'en passant — je reviendrai sur les amendes — une fois que l'exploitant va avoir fait sa preuve, là, puis qu'il va... tu sais, honnêtement, je ne peux pas croire que les gens, ils vont tous sortir fumer à quatre mètres.

M. Vézina (Martin) : Vous savez, en hiver — on peut prendre l'exemple de la Grande Allée — les gens vont fumer à l'extérieur, sur le côté de la porte. Est-ce qu'ils vont aller vers le trottoir? Ce n'est peut-être pas nécessairement le cas, et ça sera le restaurateur qui devra s'assurer ou l'exploitant de tout... parce qu'on parle de tous bâtiments commerciaux et industriels. Donc, une boutique aussi va être le même problème. Un centre d'achats, ça va être le même problème. Il va s'assurer que quelqu'un ne fume pas à la porte, mais devra s'éloigner pour s'assurer de respecter le neuf mètres.

Peut-être, oui, même avec de la sensibilisation, comme vous le dites, et que le gouvernement sensibilise, ça ne serait peut-être pas sûr assez. Il faut comprendre que l'affichage n'est pas uniquement la seule chose — pour répondre à votre question — il faut empêcher le geste pour exprimer une diligence raisonnable. C'est ce que les cours entendent comme «diligence raisonnable». Donc, il faut empêcher le geste. Une signalisation n'empêche pas le geste, il faut s'assurer qu'il y a un contrôle. Si on prend, par exemple, des employés qui fument, pour pouvoir se défendre, il faut clairement dire qu'on a surveillé. Si on a pris des employés en flagrant délit de fumer dans une zone où il l'était interdit, il faut s'assurer aussi qu'il y ait des sanctions, chose qu'on ne peut pas faire avec des clients, évidemment. Mais il faut s'assurer qu'il y ait une politique de sanctions pour éviter d'avoir l'amende en vertu de l'article 11 de la loi actuelle sur le tabac. La signalisation ne serait pas suffisante.

Mme Charlebois : C'est dans le cas du neuf mètres. Mais pour les restaurateurs que le terrain ne va pas jusqu'à neuf mètres...

M. Vézina (Martin) : Évidemment, si ça va sur le domaine public, à ce moment-là, il n'y a pas de restriction, sauf qu'entre la porte d'entrée et le domaine public il faut s'entendre qu'il y a une partie de terrain qui appartient soit au restaurateur ou qui est sous la responsabilité du restaurateur, et, à ce moment-là, l'article 11, la présomption de tolérance, va s'appliquer.

Mme Charlebois : On m'indique, là, qu'un indice de tolérance, c'est, exemple, quand un exploitant met un cendrier dans une zone interdite. Ça, ça incite ton consommateur à fumer dans la zone interdite. Mais moi, je prétends que, s'il y a affichage, si les gens sont avisés, je ne peux pas croire que... Tu sais, c'est la même chose que sur les terrains des commissions scolaires. C'était clair qu'il ne pouvait pas y avoir de cigarette. Dans le cas qui nous occupe, c'est encore pire, c'est des enfants qui fumaient. Là, on rend la cigarette illégale puis on met des amendes substantielles. Mais là on parlait d'enfants qui fumaient sur le territoire d'une commission scolaire. On ne peut pas laisser faire ça, là, vous convenez ça avec moi, alors que, là, on parle de restauration. Puis, honnêtement, là, la loi s'est appliquée dans la première mouture, puis je ne peux pas comprendre que ça ne pourrait pas... Il y a une évolution des mentalités. Vous convenez ça avec moi?

M. Vézina (Martin) : Le problème, ce n'est pas nécessairement... je ne veux pas aller sur le cas où l'enfant fume. Je suis d'accord avec vous, puis on est d'accord avec vous que, le geste, on comprend le côté santé publique. Nous, on vous parle plus d'opérationnaliser la législation afin justement de répondre à vos obligations de santé publique. Dans le cas qu'on parle avec la commission scolaire Marie-Victorin, oui, il y a eu des enfants, la loi était connue. La législation était de 2005, et on parle d'un jugement qui est de 2012. Donc, c'était connu, l'école faisait de la sensibilisation, et l'élève a fumé pareil dans la cour d'école, dans une zone où il l'était interdit. Donc, ça pourrait être le même cas pour un client, puis là on parle d'ici sept ans après l'adoption la législation.

Ce qu'on veut dire ici, c'est tout simplement : Ne donnez pas un fardeau aux exploitants de tout commerce à gérer un neuf mètres pour empêcher qu'un client qui, lui, décide que la législation, ça ne fait pas son affaire... bien, qu'il va fumer, puis que, malheureusement, nous, on va avoir un constat d'infraction, puis il va falloir plaider une diligence raisonnable hors de tout doute.

M. Meunier (François) : Si je peux ajouter un complément d'information, M. le Président. Sachez que l'article 11 prévoit une présomption de tolérance. Alors, on présume que l'exploitant a toléré dès que quelqu'un fume dans une zone interdite. Il devra se défendre après, mais sachez que ce fardeau-là, là, c'est quelque chose qui est significatif pour un commerce.

Présentement, on parle d'une zone de neuf mètres dans des endroits gérés par le gouvernement où il y a des surveillants : un hôpital, un palais de justice, une maison d'enseignement. Là, vous parlez de tout lieu de travail, vous parlez de restaurants dont la moyenne, là, du chiffre d'affaires, là, c'est 450 000 $ par année. M. Ménard est chef opérateur, là. Lui, là, il fait la nourriture, l'heure du dîner, le soir, il prépare des banquets la fin de semaine. Il n'y a pas une caméra de surveillance qui surveille son stationnement, où il y aura des gens probablement qui vont se réunir, jaser entre eux, s'allumer une cigarette et être en contravention, et d'avoir quelqu'un... parce qu'un jour quelqu'un devra la faire respecter, cette loi-là, une ville pourra nommer des inspecteurs et aller chercher les revenus des amendes et dire : Je donne des avis d'infraction, et le restaurateur ira prouver devant la cour qu'il a fait preuve de toute la diligence raisonnable, et on verra comment la cour décidera.

Tout ce processus-là, c'est quelque chose qui, à notre point de vue, est beaucoup trop lourd, et finalement on donne un fardeau de surveillance et de contrôle à des commerçants dont ce n'est pas la responsabilité dans un lieu qui est à l'extérieur de leur lieu d'opération.

Quand quelqu'un fume à l'intérieur, aujourd'hui, là, on le sent tous, vous êtes en mesure de dire : Il y a un client qui fume. Je vais aller lui dire : Aïe! Monsieur, vous n'avez pas le droit de fumer, puis il n'y a plus personne qui fume. Puis, d'ailleurs, regardez le rapport de mise en oeuvre de la Loi sur le tabac, le taux de respect dans les restaurants était presque aussi haut dans les députés, on n'a... dans les hôpitaux, on n'a presque pas donné d'amendes, mais...

Une voix : ...

M. Meunier (François) : Oui, ça fumait plus à l'Assemblée nationale, je pense, que ça fumait dans les restaurants vers 2010 à peu près.

Une voix : ...

M. Meunier (François) : Ah! en 2007-2008, il y avait encore du monde qui fumait dans leur bureau.

Mme Charlebois : Je vous dirais, jusqu'à 2005, parce que moi, j'ai arrêté en 2005, puis on était nombreux, vous avez raison.

M. Meunier (François) : O.K. Bon. Ceci étant dit, là, on parle de surveiller l'extérieur, ce qui apporte un fardeau supplémentaire. Et d'ailleurs, toute la notion du domaine public, je vous invite à faire les vérifications. Ceux qui connaissent le Quartier Dix30 à Brossard, il y a des rues qui sont du domaine privé là-dedans. Donc, il y a une rue principale, là, entre deux rangées de commerces, là, bien ça, c'est du domaine privé, ça appartient au complexe et à l'entretien. Alors, avec le neuf mètres, là, on va avoir un méchant sérieux contrôle à faire.

Mme Charlebois : ...juste rectifier, ça, là, parce que le neuf mètres, ça a l'air d'être compliqué à comprendre, là. Le neuf mètres, là, c'est neuf mètres de la porte sur le terrain de l'établissement. Alors, si la porte de l'établissement et la fin du terrain arrivent à quatre mètres, bien ça s'arrête à quatre mètres.

M. Meunier (François) : Ça, pas de problème. Je vous parle du Dix30, qui a une rue qui est du domaine privé. Vous regarderez dans les règlements de la ville.

Mme Charlebois : Oui. Bien, après le terrain de l'établissement, les personnes vont pouvoir fumer.

M. Meunier (François) : Ah! mais vous êtes juste dans le privé, là. Il y a toute une rue, là, elle n'est que dans le privé. Il n'y a pas de public. Le public est...

Mme Charlebois : Bien, on finit le terrain de l'établissement puis on tombe...

M. Meunier (François) : Non, la rue est du domaine privé.

Mme Charlebois : Oui, mais on n'enverra pas les gens fumer dans la rue.

M. Meunier (François) : Non, c'est du domaine... Ce que je veux vous dire, c'est que sur le plan... dans la loi, on parle bien de domaine public, et moi, je vous parle d'un territoire qui est nommément du domaine privé.

Mme Charlebois : En tout cas, je veux juste...

Le Président (M. Tanguay) : ...

Mme Charlebois : Quelques secondes. Je veux juste revenir sur les amendes, là. Je veux juste vous dire que les augmentations des amendes, qui vous apparaissent substantielles, sont déterminées par la justice mais en cohérence avec l'ensemble de toutes les lois, là. Ce n'est pas juste parce que je me suis levée un matin, là, puis que j'ai décidé que ça ne marche pas comme ça. Mais on aura d'autres échanges en privé, monsieur.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour une période de 13 min 30 s.

• (16 h 40) •

M. Lisée : MM. Ménard, Meunier et Vézina, merci d'être là. Je suis très sensible à vous arguments. J'ai lu votre mémoire avec attention. Je comprends que pour un objectif de société louable, la baisse de la prévalence du tabagisme, on impose un fardeau à des gens dont c'est le travail d'accueillir des clients et de dire que le client a généralement raison, les accueillir dans des restaurants, dans des terrasses qui sont extraordinairement populaires au Québec. D'ailleurs, la principale innovation, depuis 20 ans, depuis la première Loi sur le tabac en 1998, sur les terrasses, c'est probablement la multiplication des réchauds pour prolonger la période d'utilisation des terrasses et la devancer. Pas sûr que ça soit une bonne idée pour le réchauffement de la planète... enfin, une bonne idée pour le réchauffement de la planète, mais pas contre. Je serais curieux de voir ça, mais je dois dire que je suis un utilisateur de terrasses, comme la majorité des Québécois.

Contrairement aux gens qu'on a vus hier qui représentaient les bars, les brasseries et les tavernes, donc, qui sont limités aux personnes majeures, vous, dans vos restaurants, il y a des familles, il y a des familles qui vont dans les terrasses. Alors, quand je dis : Je suis sensible à vos arguments... en ce sens que, dans votre mémoire, vous faites la démonstration statistique qu'il y a eu une baisse de vos chiffres d'affaires qui n'est pas due directement au tabac ou quoi que ce soit, mais simplement au fait que les consommateurs québécois, canadiens consomment moins qu'avant dans vos commerces, dans vos restaurants, et donc il y a une fragilité relative de vos entreprises. Moi, mon père était un entrepreneur, il était aussi dans l'immobilier, puis les immeubles qu'il vendait le plus souvent, c'était pour des restaurants. Il vendait le même immeuble à tous les deux ans, parce que le roulement dans les restaurants, c'est important, parce que c'est difficile de vivre avec un restaurant. Alors, je suis tout à fait conscient de ce que vous nous dites et je pense que ça va être notre travail, comme législateurs, de faire en sorte que les dispositions qui vont sortir d'ici soient les plus inoffensives possible pour votre travail. Alors, c'est ce que je tiens à vous dire.

Et, sur la question du neuf mètres et sur la question de vous donner l'obligation de vérifier, l'hiver, à l'extérieur de vos établissements, s'il y a quelqu'un qui est en train de fumer à votre insu, sinon vous allez avoir une amende salée, je pense que c'est une difficulté. Et votre mémoire... la jurisprudence que vous citez, bon, on la fera vérifier avec le reste de la jurisprudence, mais ça me semble assez convaincant que dans d'autres cas, commissions scolaires, et autres, les juges ont estimé qu'il fallait que la commission scolaire — et, dans votre cas, ce serait le restaurateur — empêche factuellement quelqu'un de fumer dans la zone de neuf mètres à l'extérieur, même si toutes les portes sont fermées puis il fait moins 30°, et que donc ça vous créerait une obligation d'avoir du personnel de surveillance ou quelqu'un qui regarde la caméra puis qui sort pour empêcher quelqu'un d'allumer sur ce périmètre. Alors, je suis d'accord avec vous qu'il y a un problème et il faut le résoudre, il faut trouver une solution à ça.

Maintenant, vous avez dit tout à l'heure : Je pense qu'on peut convenir que, lorsqu'on est à l'extérieur, dans une terrasse, le vent, ça circule, etc., il n'y a pas un grave problème de santé publique. On ne peut pas convenir ça. Et je suis content que vous le disiez, parce que les gens ont cette impression-là. Et je vais vous citer un extrait du mémoire de la Fondation des maladies du coeur et de l'AVC du Québec qu'ils nous ont présenté ce matin : «Chaque année, au pays, plus d'un millier de personnes n'ayant jamais fumé la cigarette meurent en raison de l'exposition à la fumée secondaire, et des milliers d'autres apprennent qu'elles sont atteintes d'une maladie attribuable au tabagisme. La littérature scientifique a, depuis de nombreuses années déjà, établi que l'exposition à la fumée de tabac dans l'environnement représente un facteur de risque relié à divers problèmes de santé[...]. La fumée secondaire qui se retrouve dans l'air ambiant — intérieur et extérieur — contient non seulement de l'amiante, de l'arsenic, de l'ammoniac et du benzène, mais aussi une quantité de monoxyde de carbone et de goudron supérieure à celle présente dans la fumée inhalée par le fumeur. Ces produits chimiques demeurent dans l'air longtemps après que la cigarette ait été éteinte. Par conséquent, ils peuvent causer une toux chez les non-fumeurs qui sont fréquemment exposés à la fumée secondaire et augmentent le risque de maladie du coeur[...]. Les risques de maladie cardiovasculaire sont accrus de 20 % à 50 %. Ils apparaissent même si la concentration de fumée de tabac dans l'environnement est relativement faible. Même après que la fumée se soit estompée, ces substances toxiques peuvent se retrouver sur les surfaces environnantes, un effet appelé fumée tertiaire.»

Alors, c'est pire que vous pensez, c'est nettement pire que vous pensez. C'est le consensus scientifique. Alors, c'est dire qu'il faut agir puis, en bons citoyens, puis en bons pères de famille, puis en bonnes mères de famille, il faut agir sur les terrasses et surtout les terrasses où il y a des familles et les terrasses sur lesquelles vos employés travaillent, ils sont exposés quotidiennement.

Alors, on a discuté hier avec les responsables de brasserie, les propriétaires de brasserie, de bar et de taverne, et, eux, la solution qu'ils proposaient, c'est dire : Écoutez, permettez qu'on ait un fumoir fermé. Nous, on veut que nos clients fumeurs puissent aller quelque part. Ils quittent la terrasse, ils vont dans un fumoir, il y a une ventilation, ils amènent leurs consommations s'ils sont en train de boire, mais pas, je suppose, leurs plats s'ils sont en train de manger, et là ils fument, ils reviennent, et donc il y a une solution.

Vous, vous dites : Bien, nous, on était d'accord en 2005 pour interdire la cigarette dans le restaurant parce qu'il y avait une solution, c'était la terrasse. Maintenant, vous nous enlevez la solution, qui est la terrasse, ça en prend une autre. Est-ce qu'une idée comme celle-là, donc de vous permettre un fumoir fermé et ventilé, ce serait quelque chose qui vous intéresserait?

M. Meunier (François) : En fait, je vous rappelle que la loi prévoit déjà la possibilité d'aménager des fumoirs à l'extérieur de la zone du neuf mètres. Alors, le seul problème, c'est de pouvoir s'y déplacer avec notre consommation, qui demanderait une modification d'une autre législation, qui est la Loi sur les permis d'alcool.

Par ailleurs, sachez que ce n'est pas tout le monde qui va avoir accès à un terrain de neuf mètres, beaucoup d'établissements en milieu urbain...

M. Lisée : ...oubliez le neuf mètres.

M. Meunier (François) : Mais l'aménagement d'un fumoir fermé sur une terrasse existante, par exemple, sur les terrasses aménagées en contreterrasses à Montréal, c'est quelque chose qui m'apparaît quelque chose d'à peu près impossible à aménager.

M. Lisée : Et, si, donc, on permettait de le faire à l'intérieur du restaurant, c'est-à-dire vous êtes sur la terrasse, vous voulez fumer, il y a un fumoir dans le restaurant?

M. Meunier (François) : C'est une option admissible, mais sachez qu'à l'époque déjà il y avait l'option d'aménager des cubicules, des aquariums, et finalement le législateur a choisi d'éliminer cette option-là. Les salons de cigares ont cette exemption-là aujourd'hui. Alors, bien sûr, il y a un processus d'organisation qui pourrait être envisageable, mais, à la fin, ce n'est pas tout le monde qui est propriétaire de son bâtiment, ce n'est pas tout le monde qui a le système de ventilation qui est adéquat, ça nous apparaît quelque chose qui n'est pas universel mais qui... Regardez, s'il y a des choses à évaluer et étudier pour permettre d'aller dans cette direction-là, pourquoi pas?, mais ça paraît... quelque chose qui ne serait pas retenu par beaucoup de gens.

M. Lisée : O.K. Comme vous le savez, l'interdiction de fumer sur les terrasses existe chez un certain nombre de nos voisins : Alberta, Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve, Nouvelle-Écosse, Ontario, Yukon. Est-ce que vous avez eu des contacts avec vos collègues de ces provinces-là? Est-ce que vous savez comment ça s'est passé chez eux? Avez-vous des raisons de penser que ça a été compliqué, que ça a été dommageable?

M. Meunier (François) : ...et, oui, on a eu des contacts, comme on en a eu, d'ailleurs, lors de l'interdiction totale à l'intérieur.

Je vous rappelle que ce que nous, on souhaite avoir, c'est une marge de manoeuvre. Ce qu'on souhaite avoir, c'est la possibilité d'accommoder nos clients fumeurs, mais on comprend très bien que le législateur est rendu à imiter les gestes posés par les autres provinces canadiennes à ce moment-ci dans le cadre de la révision de la législation parce qu'elle est...

M. Lisée : Est-ce qu'il y a des enseignements de ce qui se passe dans d'autres provinces qui pourraient s'appliquer ici? Est-ce qu'il y a des solutions qui ont été trouvées qui ont satisfait les restaurateurs de l'Ontario ou du Yukon?

M. Meunier (François) : Je pense qu'on avait atteint le consensus social suffisant ailleurs. Ce que je peux vous dire, c'est que, regardez, historiquement, par contre, le Québec est un exemple dans la manière d'avoir mis en place une législation qui a fait consensus, qui a été mise en oeuvre sans faire de soubresauts, quels qu'ils soient, et, dans ce sens-là, c'est parce qu'il y a eu une reconnaissance ou une mise en oeuvre souple de la législation. Et on pense que, dans la suite des choses, oui, tout à fait, on doit avoir des objectifs de santé publique, oui, tout à fait, on doit reconnaître que la fumée secondaire, c'est quelque chose qui est nuisible à la santé, mais, si on le fait sans nécessairement forcer dans la gorge à tout le monde la réglementation, ça va se faire beaucoup mieux.

M. Lisée : Mais là on est là pour jaser, là, justement, pour essayer d'explorer ensemble, d'avoir une conversation constructive. Vous me dites : En Ontario... L'Ontario, c'est juste à côté, une population semblable, pas aussi distincte que nous, je suis d'accord avec vous, c'est une autre nation, mais quand même, si on se compare, l'Ontario est plus proche de nous que le Yukon. Alors, vous dites : Eux, ils ont atteint le consensus social pour interdire de fumer dans les terrasses, et ça s'est bien fait. C'est peut-être un peu tôt pour le dire, mais, en tout cas, ça s'est bien fait, puis nous, non. Pour nous, vous dites : Laissez-nous le libre choix. Mais, en Ontario, ils n'ont pas le libre choix. Qu'est-ce que les Ontariens ont de plus que nous pour franchir cette étape-là?

• (16 h 50) •

M. Meunier (François) : On interdisait de fumer dans la plupart des grandes villes en Ontario avant la législation provinciale — Toronto, Ottawa, Mississauga.

M. Lisée : ...interdit de fumer dans la ville...

M. Meunier (François) : Les villes avaient déjà réglementé le tabac sur les terrasses depuis longtemps.

M. Lisée : Donc, déjà, les villes avaient agi sur les terrasses avant la loi provinciale, oui, mais quand même, donc, ils ont réussi à le faire et puis ils n'ont pas ce problème de fumer sur le trottoir, fumer dans les neuf mètres, etc. Pourquoi...

M. Meunier (François) : Est-ce que le neuf mètres s'applique en Ontario?

M. Lisée : Je vous pose la question.

M. Meunier (François) : Je ne crois pas. Je ne pense pas que l'Ontario interdit de fumer dans un commerce... neuf mètres. En tout cas, faites la validation.

M. Lisée : Comme vous savez, dimanche dernier, 174 villes du Québec ont demandé au gouvernement de légiférer sur la question. C'est vrai qu'ils n'ont pas adopté la réglementation, mais la volonté municipale, elle est là.

M. Meunier (François) : ...ne l'a pas fait avant. Ils avaient le pouvoir réglementaire de le faire.

M. Lisée : Ils avaient le pouvoir, vous avez raison, vous avez raison. Mais moi, je me tourne vers la ministre et son équipe, de dire : Bien, ce serait intéressant d'avoir un tableau comparatif des mesures prises dans les autres provinces canadiennes sur justement le périmètre, qu'est-ce qu'ils ont prévu, qu'est-ce qu'ils n'ont pas prévu. On pourrait s'inspirer du Canada. Ce n'est pas interdit de s'inspirer de ce qui se fait au Canada, ce n'est pas interdit. Ce n'est pas toujours une bonne idée, mais parfois, parfois... Alors, vous avez l'expérience avec vos clients.

Est-ce que c'est fréquent que vos clients sur les terrasses se plaignent de la présence de fumeurs près de leurs tables à eux?

M. Meunier (François) : Moi, je peux vous dire, honnêtement, là, on reçoit des centaines d'appels de restaurateurs, aussi des appels de clients et, depuis de nombreuses années, on n'a pas eu de plainte en ce qui concerne la cohabitation des fumeurs et des non-fumeurs sur les terrasses.

M. Lisée : C'est également votre expérience?

M. Ménard (Claude) : Moi, je suis restaurateur. J'ai une terrasse depuis seulement au début de l'été, ça fait que c'est un petit peu difficile comme modèle, mais, si je regarde celles-là de mes collègues, je veux dire, on n'a pas eu vraiment de plainte. Ça arrive une fois de temps en temps. Moi, il y en a qui essaient de fumer sur la terrasse, on leur dit, puis, tout simplement, quand on leur dit, tu sais... Oh! c'est correct, je pensais qu'on avait le droit de fumer. Puis, tu sais, ça finit là. Ça fait qu'alors...

M. Lisée : Vous, dans votre terrasse, il est interdit de fumer?

M. Ménard (Claude) : Oui, c'est interdit de fumer.

M. Lisée : O.K. Vous, c'est le choix que vous avez fait.

M. Ménard (Claude) : C'est un règlement personnel.

M. Lisée : O.K. Et, quand vous dites : C'est interdit, les clients se conforment immédiatement?

M. Ménard (Claude) : Oui.

M. Lisée : Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Je vous remercie beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour une période de neuf minutes.

Mme Soucy : Merci. Merci d'être ici avec nous. Dans votre mémoire, bon, vous recommandez d'abroger l'article 11 pour la présomption de culpabilité. Je suis d'accord avec vous que ça va être très difficile pour un inspecteur de passer dans toutes les entreprises puis ça va être d'autant plus difficile pour vous d'appliquer cette loi-là du neuf mètres, ça, je suis d'accord avec vous, mais il y a... Tu sais, ce n'est pas un débat contre les effets négatifs de la fumée secondaire, parce que c'est prouvé, tu sais, c'est prouvé scientifiquement... quand je parle de la fumée secondaire de la cigarette conventionnelle, là, je parle. Je ne parle pas de la cigarette électronique, je parle de la cigarette conventionnelle. Donc, il n'est pas possible d'exclure ces effets pervers là de la fumée secondaire. À partir de ce moment-là... ce n'est pas parfait, ce n'est pas parfait, là, la règle du neuf mètres, puis, oui, ça va être difficile pour vous, mais il n'y a pas d'autre... tu sais, on ne voit pas d'autre solution, là, à l'heure actuelle. Parce que, je vous écoute, vous ne proposez rien. Tu sais, vous n'avez pas proposé de solution concrète.

Ça m'amène à vous demander : Pensez-vous vraiment que ça va être appliqué, qu'il va y avoir des inspecteurs qui vont passer pour vraiment cibler le genre de commerces que vous êtes? Parce que la jurisprudence que vous me donnez, c'est une jurisprudence... Depuis 2005, savez-vous combien qu'il y a eu de décisions qui ont été rendues dans cette directive-là que le propriétaire a été tenu coupable, avec l'article 11?

M. Vézina (Martin) : Bien, déjà, j'en ai trois, quatre, cas où elle a été à ce niveau-là, et certains cas reprennent le jugement qui a été fait par le juge de paix, donc, que vous voyez dans le mémoire, en annexe. Donc, c'est surtout des cas où il y a un propriétaire. Il y a un autre cas où c'est un propriétaire d'un bâtiment, parce qu'il avait laissé... Il y avait des gens qui fumaient dans les aires communes, et ils ont dit qu'il était responsable puis que, s'il n'était pas capable de régler le problème, il avait juste à engager plus d'inspecteurs ou plus de gardiens de sécurité.

Dans des bâtiments commerciaux, peut-être que c'est possible d'avoir des gardiens de sécurité, mais il n'y en a pas dans les restaurants. Puis, s'il y a un neuf mètres, la présomption de tolérance fait que c'est le commerçant qui doit prouver qu'il ne l'a pas toléré. À l'extérieur, ça va demander pas juste un collant, mais une surveillance constante.

Mme Soucy : Parce que le fait d'abroger l'article 11... alors, vous faites quoi avec les industries, les compagnies industrielles qui vont mettre, supposons, des cendriers dans leurs commerces? Qu'est-ce que vous faites avec les restaurateurs qui vont mettre quand même à la disposition des clients des cendriers pour qu'ils fument? Ça va être très difficile de faire appliquer la loi s'il n'y a pas cet article-là, là.

M. Meunier (François) : En fait, le problème de la présomption de tolérance, c'est que, présentement, si on nous confirme que l'intention du législateur, c'est de démontrer que finalement on a éduqué et informé adéquatement notre clientèle, c'est suffisant, bien je ne vous croirai pas, parce que finalement c'est les tribunaux qui vont décider. Et là envoyez un message clair ou assurez-vous que la loi soit claire pour aller dans ce sens-là, parce que vous allez créer un monstre bureaucratique qui va finalement ajouter une responsabilité importante. Et, à la fin, si vous nous dites : Ah! de toute façon, ça ne sera pas appliqué... Moi, je vais vous dire bien honnêtement, comme citoyen, là, je trouve ça particulier d'adopter des lois quand on sait que ça ne sera pas appliqué ou que ça va être appliqué uniquement dans des cas d'exception ou des cas extrêmes.

À la fin, on se pose des questions, là, sur la légitimité de la démarche, d'autant plus que la loi prévoit présentement que les villes peuvent recevoir les revenus des amendes. Qu'est-ce qui empêcherait une ville d'embaucher quelqu'un puis dire : Vous allez, en vertu de la nouvelle loi, faire des visites dans tous les commerces de la ville, et, dès qu'il y a quelqu'un qui fume dans la zone interdite, on donne l'amende, et ils se débrouilleront pour démontrer qu'ils ont fait preuve de diligence raisonnable? Est-ce que c'est un scénario farfelu? Je vous laisse le soin d'en décider. Mais moi, je pense que c'est quelque chose qui est envisageable, de trouver, à un moment donné, quelqu'un qui dira : Nous allons s'assurer de faire respecter la loi, on a le pouvoir de le faire, c'est dans la loi.

M. Vézina (Martin) : Et, pour revenir avec votre question sur le cendrier, s'il y a un cendrier sur une table, l'inspecteur du ministre de la Santé va avoir une preuve pour pouvoir donner comme quoi le restaurateur, il a toléré. Ça fait que, le problème, il va avoir la preuve, il va pouvoir le démontrer, ça fait que la présomption de tolérance n'est pas nécessaire.

Mme Soucy : Peut-être que des changements sont nécessaires, là, pour ce cas-là en particulier, mais toutefois ce n'est pas une raison pour accepter de fumer sur les terrasses. Je veux dire, c'est quand même démontré scientifiquement que la fumée secondaire... donc je pense que des ajustements sont peut-être nécessaires. Toutefois, ce n'est pas une raison, là, de laisser les gens fumer sur une terrasse. Dites-moi, quels types de restaurant ont le plus de clients fumeurs?

M. Meunier (François) : Il est clair que les terrasses qui ont une vocation bar ont davantage la problématique. Dans le cas où on fréquente une terrasse pour manger, l'intention, ou l'intérêt, ou la motivation à fumer, là, est quelque chose qui est aujourd'hui à peu près totalement... n'a plus de sens pour beaucoup de gens, là.

Mme Soucy : Je vous pose la question, parce qu'on se consultait, quelques collègues, et puis vous avez donné tantôt l'exemple sur Grande Allée. On les fréquente quand même à l'occasion, les terrasses sur Grande Allée. Honnêtement, je ne vois pas personne fumer, je n'en vois pas. Donc, je me dis : Ça ne se peut pas que toutes les terrasses sur Grande Allée interdisent la fumée, interdisent les gens de fumer. Puis je n'ai jamais vu d'affiche non plus. Puis, honnêtement, on est des parlementaires ici, puis je ne sais pas s'il y en a qui ont souvent vu des gens fumer sur les terrasses; moi, je n'en ai pas vu, puis, même à Montréal, même sur l'île de Montréal, c'est très rare que je vois des gens fumer.

Alors, tu sais, considérant que ce n'est pas tout le monde qui fume sur les terrasses, considérant que vos terrasses sont ouvertes quelques mois par années, vous ne pensez pas qu'il y a un gain à aller faire d'empêcher les gens de fumer sur vos terrasses? Parce qu'il y a sûrement des gens qui s'empêchent peut-être d'aller dans les types de restaurant peut-être qui permettent... ou que les gens fument plus. Peut-être qu'ils s'empêchent d'y aller parce que, justement, ils n'ont pas le goût d'avoir des fumeurs à côté. Vous ne pensez pas qu'il y a cet effet-là qui pourrait...

• (17 heures) •

M. Meunier (François) : Le meilleur exemple qu'on a à notre disposition, c'est l'interdiction de fumer à l'intérieur. Si, d'un côté, nous, on n'a jamais utilisé un discours catastrophe pour parler des impacts négatifs qu'aurait l'interdiction de fumer à l'intérieur, on n'a pas non plus été partie prenante d'un autre discours qui nous prévoyait une augmentation des ventes. Ça n'a pas été le cas. D'ailleurs, j'ai les résultats d'un sondage fait deux mois après l'entrée en vigueur de la loi : Avez-vous remarqué un changement de votre chiffre d'affaires depuis le 31 mai? Évidemment — on était quelque part au 31 juillet : 14 % de hausse; 52 %, aucun; 28 % de baisse. Ça fait que finalement, là, il n'y a rien de significatif à ce niveau-là.

Donc, à la fin, là, oui, il y a peut-être un vase communicant, mais l'idée, ce n'est pas tant de... Est-ce qu'on va récupérer une certaine partie de clientèle, parce que maintenant on interdit de fumer sur les terrasses? C'est une démonstration, là, qui est extrêmement difficile à faire mais qui pourrait dans certains cas s'avérer vraie, mais, pour d'autres, pas.

Mme Soucy : Ça pourrait s'appliquer aussi dans votre supposition, que vous allez perdre de la clientèle, parce que vous l'interdisez.

M. Meunier (François) : Tout à fait. Et vous avez vu dans...

Mme Soucy : C'est interdit partout, mais les gens vont quand même sortir de chez eux à un moment donné.

M. Meunier (François) : Vous avez vu, dans notre mémoire... je pense qu'il y a au total peut-être une douzaine de pages, je pense que le volet économique, là, ne représente pas plus qu'un tiers de page. Alors, on aurait pu vous sortir des pages et des pages visant à démontrer l'impact négatif économique, on n'est pas à ce niveau-là. On est dans l'aspect application intelligente, harmonieuse, souple et admission des difficultés que pourraient vivre certains suite à une mise en oeuvre de cette législation-là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à notre échange. Nous remercions les représentants de l'Association des restaurateurs du Québec.

Nous demandons aux représentants de l'Association des détaillants en alimentation du Québec de prendre place et nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 2)

(Reprise à 17 h 5)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant les représentants de l'Association des détaillants en alimentation du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale! Vous disposez d'une période de 10 minutes pour vous exprimer. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Je vous demanderais de bien vouloir, pour des fins d'enregistrement, vous identifier, dire votre nom et préciser vos fonctions. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA)

M. Forget (André) : Bonjour, mon nom est André Forget. Moi, je suis vice-président du conseil d'administration de l'ADA, marchand-détaillant aussi, propriétaire de dépanneurs Beau-Soir — cinq magasins Beau-Soir — dans la région de Montréal.

M. Gravel (Florent) : Florent Gravel, je suis président-directeur général de l'association, un ancien détaillant de troisième génération.

M. Forget (André) : Donc, en matière de produits de tabac, l'ADA a été l'instigateur, auprès de la RACJ, du Comité de concertation sur la vente de substances proscrites aux personnes d'âge mineur, d'un projet d'uniformisation et de formation à la vente aux personnes d'âge mineur ainsi qu'un des partenaires du projet VITAL, visant à s'attaquer à la contrebande de tabac initialement à Laval mais, par la suite, étendu à plusieurs secteurs. De plus, l'ADA est également membre de la Coalition nationale contre le tabac de contrebande.

Donc, les détaillants en alimentation sont des partenaires de premier plan du gouvernement en matière de vente de produits de tabac. Au fil du temps, nous avons toujours collaboré afin d'adapter nos pratiques pour respecter les objectifs de santé publique, que ce soient le cartage, les présentoirs, zones sans fumée, etc. Chaque jour qui passe, nous sommes plus de 8 000 points de vente un peu partout sur le territoire québécois à réaliser une mise en marché ordonnée des produits de tabac.

Par ce mémoire, l'ADA soumet ses recommandations et/ou réflexions à la Commission de la santé et des services sociaux relativement au projet de loi n° 44. L'ADA ne s'oppose pas à l'encadrement de la vente de tabac. Bien au contraire, nous croyons qu'elle doit se faire uniquement par des commerçants consciencieux et légalement autorisés. Par contre, nous sommes persuadés que l'État devrait mettre en place un ensemble de mesures qui permettront d'infléchir véritablement le tabagisme chez les jeunes et non seulement de se limiter à la répression des détaillants par la hausse des amendes et des suspensions déraisonnables. Bien que nous n'en parlerons pas en détail dans ce mémoire, notre organisation pourrait être favorable à l'imposition du cartage systématique des consommateurs de tabac si le gouvernement accompagnait cette obligation d'une campagne publique de sensibilisation. Le cartage systématique de tout achat de produits de tabac assurerait certes une meilleure protection des personnes d'âge mineur mais engendrerait également un ralentissement du service dans les commerces et de l'insatisfaction chez de nombreux consommateurs majeurs. Sans une campagne d'envergure, nous ne pouvons adhérer à cette avenue, puisqu'il faut s'assurer que l'ensemble de la population emboîte le pas. Les détaillants légaux ont leur part de responsabilité, mais on ne peut encore faire reposer 100 % de la responsabilité du contrôle sur leurs épaules.

Le taux de tabagisme chez les jeunes atteint aujourd'hui 4,3 %, selon un rapport de Statistique Canada de 2014. Il s'agit d'une décroissance marquée, puisque les moins de 18 ans n'ont jamais été aussi peu nombreux à consommer des produits de tabac. Dans le projet de loi n° 44, l'article 24, nous constatons que le gouvernement croit être en mesure de faire diminuer encore davantage la consommation de tabac chez les jeunes en bannissant les produits aromatisés, notamment le menthol. À notre avis, c'est une solution qui semble plutôt calquée sur la volonté d'imiter d'autres juridictions qui ont appliqué une mesure similaire. Nous voyons difficilement comment cela peut avoir un impact significatif. D'abord, il faut savoir que les acheteurs de produits de menthol ne sont pas majoritairement les jeunes, mais plutôt une clientèle plus âgée, particulièrement féminine. S'ils sont bannis, les consommateurs risquent de s'approvisionner autrement, soit sur les marchés illicites ou encore en se tournant vers d'autres produits de tabac.

• (17 h 10) •

Ensuite, le coeur du problème de consommation des personnes d'âge mineur n'est pas la disponibilité des produits de tabac aromatisés, puisqu'ils n'ont pas le droit de s'approvisionner sur le marché légal. Le problème est surtout que rien ne les empêche d'en consommer. Résultat : le plus grand défi d'un hypothétique consommateur de produits mentholés d'âge mineur est de s'approvisionner. Pourquoi le gouvernement entend-il laisser le champ libre aux contrebandiers? Bannir les produits nous semble une solution simpliste qui témoigne d'une incompréhension profonde de la portée des produits illicites partout sur le territoire québécois. Un meilleur encadrement de la consommation des personnes d'âge mineur serait, à notre avis, une formule à retenir qui permettrait au gouvernement d'atteindre rapidement les objectifs de santé publique.

La lutte au tabagisme chez les jeunes : très bonne priorité, très mauvaise cible. Nous partageons la volonté du gouvernement de mettre en place des mesures pour s'assurer d'éloigner les personnes d'âge mineur du tabac. Toutefois, à la lecture du projet de loi n° 44, nous constatons que Québec se trompe malheureusement de cible. Quel est le réel objectif que le gouvernement doit se donner? La réponse est bien simple, il doit prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que les personnes d'âge mineur n'aient, en aucun temps, en leur possession des produits du tabac. Au lieu d'outiller les détaillants pour en faire de véritables partenaires du gouvernement dans sa lutte au tabagisme chez les jeunes, le projet de loi n° 44 est truffé de mesures visant à complexifier leurs opérations et à augmenter les sanctions envers ceux-ci. Il ne semble pas y avoir une volonté de collaboration ni de concertation.

La Régie des alcools et des courses, des jeux, la RACJ, et l'ADA ont été à l'origine de deux tentatives de mise en place d'un comité de concertation sur la vente de substances proscrites aux personnes d'âge mineur : d'abord, en 2004‑2005, puis en 2011. Plusieurs groupes concernés ont joint cette initiative : le CCDA, la NACDA, l'ABQ, la SAQ, l'AMDEQ, Loto-Québec, le MDEIE et, bien entendu, le MSSS. Tous les partenaires s'accordaient sur notre incapacité individuelle à mettre un terme à la vente des substances proscrites aux personnes d'âge mineur et ils étaient convaincus que, sans une concertation de tous les acteurs concernés, nous n'obtiendrions pas de résultat concret. Ce comité souhaitait intervenir par trois axes tout aussi importants : l'uniformisation des procédures et des règles de vente; le développement d'outils intégrés pour faciliter l'application des mesures; et l'approche commune quant aux moyens à mettre en oeuvre en matière de sensibilisation, de prévention et de surveillance.

La hausse des amendes : la répression a ses limites. En 2015, vendre du tabac s'apparente à faire du triathlon : il faut savoir naviguer au travers du système pour obtenir un permis, pédaler pour réussir à aménager son commerce selon les normes exigibles et finalement courir contre la montre afin de s'assurer que chaque employé comprenne et applique les tenants et aboutissants de la Loi sur le tabac. Comme tout bon entraînement, il faut répéter, répéter et répéter encore l'information aux nouveaux comme aux anciens employés afin d'éviter que le pire ne survienne. Malgré tous ses efforts, le propriétaire ne pouvant être présent en tout temps dans son commerce, une erreur humaine commise par l'un ou l'autre de ses employés est susceptible de faire en sorte qu'il perde son droit de vendre des produits de tabac, en plus de payer une amende non négligeable.

À ce sujet, nous aimerions mieux comprendre les éléments qui justifient le fait de quintupler la valeur des amendes imposées au détaillant dont l'un des employés est pris à vendre du tabac à une personne d'âge mineur. Signe qu'ils prennent leurs responsabilités à coeur, tant les taux de conformité des commerçants que le nombre de suspensions de permis ne sont pas catastrophiques. La pénalisation et la répression ont une limite que s'apprête à franchir le gouvernement avec son projet de loi. Prévoir une possible peine de 125 000 $ d'amende pour une première infraction dépasse l'entendement. Un petit commerçant obligé de payer une telle amende sera fort probablement contraint à fermer ses portes. On ne parle pas ici d'un récidiviste, mais bien d'une première offense. Les personnes d'âge mineur peuvent s'approvisionner en toute impunité, de différentes façons qui sont souvent bien plus simples — par l'entremise de réseaux illicites, d'adultes de leur entourage, etc. — qu'en ayant à aller braver le regard inquisiteur d'un caissier sous haute pression.

En conclusion, nous sommes reconnaissants envers la Chambre de cette... les membres, excusez, les membres de cette commission de nous avoir permis de déposer ce mémoire et ainsi contribuer à la réflexion entourant la modification de la Loi sur le tabac. Le rôle des détaillants en alimentation en matière de lutte au tabagisme est névralgique, et nous espérons que nos commentaires, basés sur plusieurs décennies d'expérience terrain, vous seront utiles. Nous souhaitons également avoir réussi à vous convaincre que nous partageons l'intérêt du gouvernement, qui souhaite réglementer la vente des cigarettes électroniques, mais qu'il serait prématuré de les cacher aux yeux du consommateur. À ce sujet, notre message est clair : il est important d'évaluer les risques associés à la consommation de ces nouveaux produits de tabac afin de pouvoir déployer les mesures appropriées pour en encadrer la vente. Concernant les produits aromatisés, les bannir est une solution simpliste qui risque fort de n'avoir aucun effet sur le taux de tabagisme chez les jeunes et qui, au final, servirait plutôt les intérêts des contrebandiers. Bref, avant de bannir, l'État devrait plutôt songer à une façon de mieux encadrer la vente de tels produits dans les points de vente légaux.

Justement, un meilleur encadrement et surtout un meilleur accompagnement de la part de l'État sont deux aspects sur lesquels les détaillants en alimentation nous interpellent sans cesse. Vous comprendrez donc notre déception à la lecture du projet n° 44, dont le contenu propose plutôt une complexification de leurs opérations et surtout une augmentation ahurissante des amendes en cas d'infraction. Pousser les détaillants légaux à la faillite ne leur permettra certainement pas d'être mieux outillés pour faire face à leurs obligations. Pour faire réellement fléchir le tabagisme chez les jeunes, l'État devrait plutôt outiller les détaillants légaux et parallèlement arrêter d'avoir peur d'interdire la possession de tabac par les personnes d'âge mineur comme c'est le cas pour l'alcool. Tel que mentionné en introduction, le cartage systématique serait aussi une avenue à considérer, à condition qu'une campagne d'information nationale d'envergure soit mise en branle. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, afin de vous permettre de terminer, la ministre, évidemment, vous a concédé de son temps. Alors, débutons les échanges entre elle et vous. Pour une période de 21 min 30 s, je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, M. Gravel et M. Forget, merci d'être là et de nous faire part de votre point de vue. Et, comme je l'ai dit d'entrée de jeu dans mes remarques préliminaires hier, tous les points de vue sont entendus. Qu'on soit divergent au projet de loi, qu'on soit en convergence avec le projet de loi, tous les points de vue sont entendus et pris en considération. Et par la suite nous allons analyser à l'article par article ce qu'on fera avec le projet de loi, comment on verra à le bonifier. Mais soyez certains que vos opinions seront prises en considération.

Je vous ai entendus parler de beaucoup de choses. Je vais vous interpeller sur quelques-unes de celles-ci, là, des choses que vous avez abordées. Vous parlez de l'interdiction des saveurs, qui serait une mesure simpliste. Est-ce que vous avez pu constater, depuis le début de la commission... mais aussi si vous avez pris connaissance, à travers le temps, des études qui démontrent exactement le contraire, que les jeunes commencent à fumer à travers des saveurs, notamment le menthol — c'est statistiquement prouvé — et que la prévalence au tabac, qui ne diminue plus depuis un certain nombre d'années, est justement parce qu'on découvre qu'on a plus de jeunes qui commencent à fumer avec ces saveurs-là? C'est ça qui rend le tabac attrayant pour les jeunes. Est-ce que vous avez eu vent de ces statistiques-là?

M. Forget (André) : Bien, moi, ce que j'ai comme expérience dans les commerces que j'ai, c'est que, quand on parle de jeunes fumeurs, moi, les saveurs, c'est plus une clientèle de 25 ans et plus qui fume ça. Parce que les jeunes fumeurs, là, autour de 18-20 ans ne sont pas dans... en tout cas, dans mes points de vente à moi, ce n'est pas marquant comme volume, là.

Mme Charlebois : Bien, en ce qui concerne les jeunes, vous savez que dans la loi il va être interdit pour un mineur d'acquérir des cigarettes — vous en parlez pendant votre mémoire — mais ce que je veux vous dire, c'est que, 25 ans, on n'est pas encore considéré vieux. Puis peut-être que, dans vos établissements, vous faites le constat que c'est 25 ans et plus, mais les statistiques nous démontrent qu'un jeune commence vers l'âge de 12-13 ans, en ce moment, à fumer avec les cigarettes à saveur, notamment le menthol, parce qu'il y a un analgésique là-dedans qui permet l'absorption du tabac sans être irrité. En tout cas, ce n'est pas Lucie Charlebois qui le dit, là, c'est les statistiques de santé publique et de partout dans le monde qui...

Vous savez, cette mesure-là est en directe ligne avec les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé. Alors, je comprends que vous trouvez ça simpliste, là... J'ai noté le mot, parce que j'ai dit : Eh boy! C'est fort.

M. Gravel (Florent) : Mais, plus que ça, on trouve que le gouvernement est frileux, parce que, depuis des années, les détaillants sont contre-vérifiés et contre-vérifiés, on a des contraintes importantes, puis le gouvernement, pour nous, n'est pas capable de mettre ses culottes pour punir le mineur qui va fumer.

Mme Charlebois : Non, mais moi, je vous parle des saveurs, là.

M. Gravel (Florent) : Oui, mais vous avez parlé que le mineur, quand il va l'acheter, là, il a une amende.

• (17 h 20) •

Mme Charlebois : On va revenir sur les mineurs. Oui, bien, on va revenir sur les mineurs, mais parlez-moi des saveurs. Est-ce que vous êtes favorables à augmenter la prévalence au tabac avec les saveurs ou vous êtes conscients...

M. Gravel (Florent) : Nous, la conclusion qu'on a, c'est que, si vous bannissez le menthol de nos magasins, vous allez permettre, encore une fois, la contrebande du tabac, parce que le citoyen qui fume, là... Puis, on le sait, là, on a déjà, pas mal tout le monde, fumé, ici, un jour. Aujourd'hui, il y en a plusieurs d'entre nous qui ne fumons pas, avons compris. Il en reste encore qui fument, puis ceux qui fument des cigarettes au menthol qui viennent dans nos magasins, premièrement c'est moins de 5 % de nos ventes; deuxièmement, ces gens-là, ils vont vouloir continuer à en fumer, puis, étant donné qu'on n'aura plus de produit légal dans nos magasins, ils vont aller à la contrebande. Ça, c'est sûr et certain.

Et, si la préoccupation du gouvernement est à l'effet que la cigarette de menthol est un produit plaisant pour les jeunes, pour les personnes d'âge mineur, bien, c'est simple, hein, pénalisons les jeunes qui fument, là. Les jeunes, s'ils viennent chez nous puis ils achètent un produit du tabac... Vous avez vu les amendes. Voulez-vous avoir les clés de nos magasins? Tu sais, demain matin, 125 000 $ d'amende, là, on n'est pas capables de supporter ça, là, c'est complètement disproportionné.

Mme Charlebois : Concernant les amendes, je vais me permettre de vous répéter ce que j'ai dit au groupe précédent : Le niveau d'augmentation des amendes a été déterminé par le ministère de la Justice selon les critères applicables à l'ensemble des lois du Québec. Ce n'est pas nécessairement juste aux lois... Quand on est en infraction, on est en infraction, que ce soit à vendre du tabac, que ce soit à vendre de l'alcool, que ce soit à vendre des produits illicites; on est en infraction. Alors, quand on a un commerce — et je suis une ancienne personne du monde des affaires, soit dit en passant — il faut s'assurer qu'on fait les choses correctement et qu'on forme notre personnel.

Une fois que je vous ai dit ça... Puis je vous entends me dire : Pénalisons les jeunes, puis laissons-nous... pas faire n'importe quoi, parce que ce n'est pas vrai, là, ce n'est pas ça que vous dites, mais, tu sais, nous autres, on va essayer de... Il y a, en ce moment, là, cette année, à ce jour, là, 514 infractions dans les établissements comme les vôtres, là. Puis ces inspections se font principalement l'été. Vous convenez de ça? Puis souvent ce qu'on me dit, c'est qu'il y a de la récidive, il y a des gens qui répètent la même infraction.

M. Gravel (Florent) : ...là, chez nos membres, même très rare. Puis, juste pour vous dire, voilà une dizaine d'années, il y avait à peu près 600 inspections par année, on est rendus pas loin de 3 000 inspections par année. Ça fait qu'on parle d'à peu près 10 % de délinquance, ce qui, à mon avis, dans le monde où on est, peut arriver.

Le gouvernement, il y a plusieurs années, nous a obligés à avoir des heures d'ouverture beaucoup plus prolongées, ce qui fait qu'on a beaucoup plus de personnel qu'avant. Le commerce de détail est la porte d'entrée pour les étudiants pour venir travailler. Ça fait que, quand j'ai une jeune demoiselle qui a à peu près 18 ans qui commence sa première journée de travail, il faut qu'elle se souvienne des codes de fruits et légumes, comment la caisse, elle marche, comment ci, comment ça, puis là elle veut servir le client le mieux possible... on l'a formée, on lui a fait signer des papiers comme de quoi les ventes, pas seulement du tabac, là, l'alcool, la bière, le vin, les billets de loterie, puis il arrive une personne au comptoir, puis elle n'a pas été capable de voir que c'était une personne d'âge mineur, fait une transaction... Ça fait que, là, avec les amendes qu'on va... pensez-vous qu'une étudiante qui travaille 15 heures par semaine, qui gagne 10 $ de l'heure, 150 $ par semaine... Si on commence à donner des amendes comme ça, on va tuer le commerce de détail. Si on met...

Mme Charlebois : ...vous êtes en train de me dire que votre personnel peut vendre de la boisson à un mineur, parce qu'il n'identifie pas le mineur?

M. Gravel (Florent) : C'est déjà arrivé, ça, vous l'avez testé, ça, il y a eu des enquêtes qui sont faites, mais...

Mme Charlebois : Puis c'est correct, on doit laisser faire ça?

M. Gravel (Florent) : Non, non, ce n'est pas correct. Puis ce n'est tellement pas correct qu'aujourd'hui on les informe, on les fait signer des papiers. Ça fait qu'aujourd'hui, quand vous me dites qu'il y a 500 demandes, là, qui... nous autres, là, les détaillants, maintenant, ils les contestent tous, puis on les gagne pratiquement tous, parce que justement on forme notre personnel, on les éduque, on les fait remplir des papiers, on a toute la signalisation nécessaire, puis là c'est l'employée qui, malheureusement, supporte l'infraction, le geste qu'elle a commis, tandis que, si on regarde avec Loto-Québec... Loto-Québec, éventuellement, là, ils faisaient le même processus qu'on vit ici avec le tabac.

Mais est-ce qu'on est là pour essayer d'avoir un système répressif au maximum ou si on est là pour travailler? Les dépanneurs, là, pendant des générations, c'est des Québécois qui les ont eus. La deuxième génération, là, qui a vu leurs pères travailler sept jours par semaine, ils n'en veulent pas. On est rendus avec des Asiatiques, à 30 %, 35 %, qui ont les commerces, qui ne parlent pas souvent le français, qui ne parlent pas l'anglais, qui font leur possible, qui arrivent ici, qui veulent nourrir leur famille, vont faire une infraction comme ça puis ils ne savent pas qu'est-ce qui arrive.

Le gouvernement, au lieu d'imposer des amendes sur la première infraction, devrait regarder ce qui se fait avec Loto-Québec puis les détaillants puis travailler à la formation des gens qui ont eu une problématique importante. Allez voir ce qui se fait avec Loto-Québec. On a diminué le taux de non-cartage de... on est passés, je pense, de 40 % à peu près à 80 %. Puis c'est sûr que dans le tabac on le voit, là : dans les dernières... on est à moins de 10 %, puis des fois il y a des années à 5 %. Allez voir ce qui se fait chez Loto-Québec puis... Tu sais, vous nous demandez un permis, on a le permis; vous nous demandez de les cacher, on les cache. Ça ralentit le service à la clientèle. On fait tout ce que vous nous demandez. Mais on peut-u avoir un support de votre part, les détaillants, pour que, si jamais on a une de nos employées ou un de nos employés qui commet une infraction, on puisse, à tout le moins, faire comme avec Loto-Québec, travailler avec le détaillant?

Initialement — ça, ça a été corrigé un peu — on recevait des avis d'infraction plusieurs mois après. Nous, la plupart de nos magasins, il y a des systèmes de surveillance, il y a des systèmes de caméras à cause du vol, à cause de ci, à cause de ça. Quand on reçoit l'avis d'infraction deux, trois mois après, là... Les caméras, souvent, là, après un mois, elles s'effacent. On peut-u au moins avoir l'avis d'infraction au moment où ça se passe, pas une semaine, deux, trois semaines, quatre mois... comme ça se faisait avant? Parce que, nous, il faut aussi s'assurer que le reste du personnel est instruit, que ça ne se produise pas. Ça fait qu'on n'a pas votre support du tout, on a juste : Paf! Le fouet. Paf! Le fouet. Puis après ça on dit : Bien, vous ne faites pas la job, les détaillants. Bien, je regrette, les heures d'ouverture qu'on est ouverts, le personnel qui change fréquemment, parce que justement c'est un emploi à temps partiel pour aider des étudiants, on aimerait avoir votre support pour mieux encadrer cette réglementation-là.

Mme Charlebois : Quelle forme de support vous voulez?

M. Gravel (Florent) : De la formation, de l'encadrement.

Mme Charlebois : Quel genre de formation vous voulez donner? J'ai de la difficulté à comprendre, là, peut-être que c'est moi qui est fatiguée aujourd'hui, là. Mais, quand on dit : C'est interdit à un mineur d'acheter du tabac, la formation est assez élémentaire : tu ne vends pas de tabac, d'alcool et de loterie à un mineur; donc, il arrive un jeune, tu cartes.

M. Gravel (Florent) : Je vous encourage à aller voir ce que Loto-Québec fait avec nous, puis ça va tout vous expliquer le cheminement. Puis ça, c'est très bien accepté dans le commerce de détail, puis ça fonctionne énormément bien puis ça empêche, justement... parce que, s'il arrive une infraction, c'est comme s'il y avait un encadrement plus serré, il y a une deuxième visite, il y en a une troisième, puis, s'il ne se passe rien, bien c'est fini, mais, s'il y a une deuxième infraction, là il y a une amende, mais là il y a une gradation, tandis que, là, vous autres là, vous prenez une pénalité qui était de 500 $ à 2 000 $, vous la montez à 2 500 $ jusqu'à 125 000 $. Savez-vous combien d'argent fait un dépanneur dans une année? Même pas 1 % de profit. Ça veut dire que, sur un chiffre d'affaires de 5 millions de dollars, il ne fait même pas 50 000 $ de profit. Il va arriver devant le juge, puis, le juge, admettons qu'il dit que... blablabla, on peut aller jusqu'à 125 000 $, je te donne 100 000 $, on vient de lui enlever deux ans de profit.

Mme Charlebois : Un dépanneur avec 5 millions de chiffre d'affaires a combien d'employés, à part du propriétaire, évidemment, et de sa conjointe, là?

M. Forget (André) : Une dizaine, une dizaine.

Mme Charlebois : Une dizaine?

M. Forget (André) : Une dizaine d'employés, oui. Bien, c'est parce qu'il y a beaucoup de temps-partiels, là, mais ça... Oui.

Mme Charlebois : Dans ces jeunes-là... Parce que moi, j'ai déjà été jeune. J'ai déjà travaillé dans des restos, j'ai déjà travaillé à bien des endroits, puis il me semble que, quand mon employeur me donnait une consigne, je finissais par comprendre c'était quoi, la consigne, puis ça ne me prenait pas six mois. C'est difficile tant que ça d'expliquer à quelqu'un, de dire : On ne vend pas à un mineur?

M. Forget (André) : Oui, je vais vous expliquer, là. C'est que, quand on passe en entrevue nos gens puis je l'embauche, là... là, après ça, je dis : Là, tu as une formation en ligne pour Loto-Québec, tu as une formation en ligne pour détecter... pour ne pas vendre des produits de tabac à un jeune, O.K., puis là... mais le problème qu'on a, c'est que le jeune, lui, là, il n'a aucune responsabilité vis-à-vis de ça. Si le jeune, il vient acheter, là...

Mme Charlebois : ...maintenant, le jeune, là, il va en avoir, une amende... bien, avec le projet de loi.

M. Forget (André) : Oui, mais, jusqu'à maintenant, il n'y en avait pas, là. Moi, quand je m'en suis venu à matin, il n'y en avait pas, là.

Mme Charlebois : ...avec le projet de loi, là. Il n'est pas adopté encore, là, mais admettons qu'il l'est, là. Il en aurait une, responsabilité, là.

M. Forget (André) : O.K. Bon, bien, ça, c'est déjà un grand pas, là, ça, c'est déjà un grand pas, mais on forme nos gens, nous... À tous les trois mois, moi, je refais faire la liste, je repasse la liste aux employés, puis on révise les textes de loi parce qu'on a l'alcool, on a le tabac, les loteries, mais, écoutez, qu'il arrive une erreur d'inattention de temps en temps, ça peut arriver, là, ça peut arriver. Parce que, si je regarde le taux de conformité, en 2012‑2013, il y avait 91 %, puis le 2013‑2014, il avait 85 %. Moi, quand j'allais à l'école puis j'avais des scores comme ça, là, je pense que c'était bon.

Si pour le gouvernement, au niveau du tabac, ça prend des 98 %, bien là c'est parce que... On n'est pas rendus là. On va y arriver, mais on n'est pas rendus là.

• (17 h 30) •

M. Gravel (Florent) : Mais pourquoi, comme dans l'alcool, le gouvernement ne rend pas illégale la permission de fumer pour les jeunes? Pourquoi? C'est un objectif important, on parle de santé. Pourquoi vous pénalisez juste l'achat du jeune dans nos magasins puis vous lui permettez de fumer sur la rue?

Mme Charlebois : Mais ce n'est pas seulement le jeune, là, c'est l'approvisionnement du jeune et par les adultes, hein? Vous avez lu dans le projet de loi : un adulte qui va acheter puis que c'est pour le donner à un jeune, l'adulte a un problème, là.

M. Gravel (Florent) : Mais vous savez que le mineur qui boit une bouteille de bière sur la rue, il a une pénalité, puis ça coûte 100 $ d'amende. Puis la bouteille de bière, elle est bien moins nocive que le tabac, c'est ça que vous convenez aujourd'hui, ça fait que pourquoi vous permettez... Ça fait que ça faciliterait la vie de tout le monde. Les policiers, quand ils passeraient proche des cours d'école, ça faciliterait beaucoup, on aurait beaucoup moins de fumeurs. Mais, non, vous permettez encore aux jeunes... puis vous arrivez avec des amendes vraiment, là, injustifiées à notre égard. Vous dites : O.K., on a... ce n'est pas nous autres qui regardaient ce bout-là, là, mais, pour nous autres, là, ça n'a pas de bon sens, là.

Mme Charlebois : Bref, dans vos recommandations, vous nous dites... Vous savez que le but du projet de loi, c'est de réduire le tabagisme de 6 % sur cinq ans, vous savez que c'est les jeunes qui sont principalement ciblés, on veut protéger la santé des non-fumeurs par la fumée secondaire puis on veut aider les gens qui veulent arrêter de fumer. Là, vous nous dites : Conservez les saveurs, n'augmentez pas les amendes; les jeunes, bien, si on se trompe, bien adviendra que pourra. J'essaie de comprendre. Honnêtement, si vous voulez travailler avec nous à faire en sorte que la réduction du tabagisme... parce que, dans vos dépanneurs, là, il n'y a pas que du tabac; je ne peux pas croire, puis vous contrôlez la boisson déjà d'un jeune.

M. Gravel (Florent) : Visez la bonne source si vous voulez diminuer le tabagisme.

Mme Charlebois : Pardon?

M. Gravel (Florent) : Visez la bonne source si vous voulez diminuer le tabagisme.

Mme Charlebois : Bien, l'approvisionnement, je pense, c'est une bonne source.

M. Gravel (Florent) : Quand le taux de contrebande au Québec était à 35 %, 40 %, pendant des années, nous, on a travaillé pour essayer de faire comprendre au gouvernement que la contrebande, c'était une préoccupation. Pour les protabac, là, ça, ce n'était pas une préoccupation. On a travaillé à un projet pilote avec VITAL, qui était la vente illégale de tabac à Laval. Ça a eu une réussite importante sur le territoire, le projet a pris de l'expansion dans d'autres villes, puis VITAL aujourd'hui permet d'avoir diminué le taux de tabagisme au Québec, parce que ce qui se faisait en contrebande a été de beaucoup diminué.

Aujourd'hui, on voit, dans les journaux à toutes les semaines, là, des personnes qui se font arrêter pour la contrebande, il y a des amendes qui sont données. Puis ça, ça permet au citoyen qui est sur la ligne, là, de dire : Woups! Moi, je vais rentrer dans la droite ligne, je vais acheter mon tabac, là, dans le marché légal. Si on permettait aux policiers comme le gouvernement fédéral l'a fait... Il y a des jeunes, là, qui veulent s'en aller dans d'autres pays, puis, si on soupçonne qu'ils s'en vont voir les États islamiques, hein, ils ne peuvent pas partir. Puis, si c'est un peu plus serré, on leur enlève leur passeport. Pourquoi, les policiers, on ne leur donne pas le pouvoir, alentour des réserves, de pouvoir faire des vérifications de voitures qui sortent des réserves? Aujourd'hui, ils ne peuvent pas le faire s'ils n'ont pas de mandat, mais, si on veut travailler à la contrebande puis on veut travailler à diminuer la cigarette...

Mme Charlebois : ...là, là, je veux juste vous ramener dans l'ordre, là. C'est le ministère des Finances qui travaille sur la contrebande. Et savez-vous quoi? Mon comté, c'est Soulanges. Avant d'être ministre, je suis députée. Je sais très bien de quoi vous parlez, O.K.? Vous savez où il est, mon comté, je n'ai pas besoin de vous faire un dessin qu'on est proche...

M. Gravel (Florent) : Oui. Vous êtes en plein dedans.

Mme Charlebois : Bon. Voilà. Et ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a déjà beaucoup de lutte à la contrebande. Et effectivement vous en voyez beaucoup dans le journal, mais il y a eu une réduction des méfaits sur la contrebande. Est-ce qu'il y a encore du travail à faire? Oui, O.K., on convient de ça.

Moi, mon mandat, c'est de voir à la santé publique de la population. Alors, moi, on peut bien parler de la contrebande, on peut bien parler des pays islamiques, on peut bien parler... mais, moi, mon mandat, aujourd'hui, c'est de vous parler de santé publique et de réduire — réduire — la prévalence au tabac, notamment chez les jeunes. Alors, moi, j'essaie de comprendre en quoi... Honnêtement, si le menthol, il représente seulement 5 % de vos ventes, je ne vois pas où ça pose un problème. Et, à partir du moment où moi, je vais sentir quelqu'un sur le chemin qui va fumer une cigarette à la fraise, je vais savoir qu'il est dans l'illégalité, puisque ce ne sera plus permis. Les saveurs vont être bannies, si le projet de loi est accepté tel qu'il est, du tabac, du tabac sans fumée, il y a juste la cigarette électronique qui va avoir la permission de. Et, en parlant de cigarette électronique, vous nous demandez de laisser ça ouvert. Puis on sait très bien que ce n'est pas la cigarette électronique des «vape shops», là, que vous vendez majoritairement, c'est les petites cigarettes à 10 $, j'en ai montré une ce matin. C'est là aussi que les jeunes commencent à s'entraîner en fumant.

Alors, j'essaie de comprendre comment on peut arriver à travailler ensemble. Notre but, là, ce n'est pas de vous rentrer dedans comme vous pensez le prétendre, là. Je suis une ancienne entrepreneure, là, ça fait que...

Une voix : ...

Mme Charlebois : Non, mais savez-vous quoi? Souvent, les gens sont avisés, puis on pourra voir comment on peut... Je vous entends me parler de 125 000 $, là, à la première infraction, mais on pourra voir s'il n'y a pas lieu d'amenuiser ça pour faire en sorte... Mais, le 125 000 $, il va falloir qu'il vienne pour ceux qui ne font pas attention puis qui n'avisent pas leur personnel.

M. Gravel (Florent) : ...pas d'une seconde, là, c'est dans la première offense.

Mme Charlebois : Tu sais, je vous entends me parler de formation, mais il y en a qui récidivent, vous le savez très bien. J'en ai, des dépanneurs, dans mon comté, puis, même si on ne parle pas la langue... Ne pas connaître une loi n'est pas une bonne excuse, hein? Prétendre que, parce qu'on ne connaît pas la loi, on est absent d'une loi, ça ne marche pas. On ne peut pas vendre de la boisson à un mineur puis on ne peut pas se mettre à vendre de la drogue ouvertement sur la rue. Bon, bien ça, c'est un peu la même chose.

Alors, moi, je veux vous entendre me parler de solutions. Vous m'avez parlé de formation en ligne, puis ça, ça pourrait être quelque chose qui pourrait vous intéresser. Est-ce que vous avez d'autres suggestions qui vont nous permettre dans le projet de loi de réduire la prévalence au tabac? La saveur dans les cigarettes, c'est statistiquement prouvé que c'est les jeunes qui commencent à fumer ça et qui développent une dépendance, alors il faut vous faire une idée, là, c'est clair, clair, clair.

M. Gravel (Florent) : ...prouvé que, si nos adultes ne retrouvent pas le produit dans nos magasins de façon légale, ils vont aller sur la contrebande. Puis on va revenir... Quand on dit qu'on veut diminuer de 6 % — puis vous regarderez la réglementation sur les boissons alcooliques — moi, je pense que vous devriez regarder de façon très importante que la possession de tabac par une personne d'âge mineur devrait être mieux encadrée; pas juste l'achat, la possession. Si on veut diminuer de 6 %, il faut couper à la source ce besoin-là qu'ont les jeunes, puis, si vous leur permettez de se promener avec des paquets de cigarettes, fumer sur la rue, vous n'obtiendrez pas l'objectif.

Mme Charlebois : Vous savez qu'en ce moment, là, l'Ontario, l'Alberta, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard, ils interdisent les saveurs, là. On n'est pas tout seuls, là.

Et, pour revenir aux amendes, là, ce n'est pas à la première infraction, là, que le 125 000 $ va être appliqué, là, ça va être quand vous allez avoir des avis, là. Et puis, à force d'avoir des avis, à un moment donné, il y en a... Vous le savez, il y en a qui font très bien leur travail, mais il y en a d'autres qu'il faut...

M. Gravel (Florent) : Ce n'est pas ça que ça dit, Mme la ministre, ça dit : À la première infraction.

Mme Charlebois : Oui, mais il y a quand même un pouvoir discrétionnaire, vous le savez, les inspecteurs vous...

M. Gravel (Florent) : Oui, je sais. Mais là vous m'avez parlé de l'Ontario, qui fait ci, qui fait ça. Vous irez à la page 13 de notre mémoire puis vous allez voir, là, aux États-Unis ce qui se fait, puis il y a, je pense, 46 États... je ne me souviens pas, 46 États sur 51 qui n'hésitent pas à punir les personnes d'âge mineur qui sont en possession... 46. On parle, des fois, de regarder ce qui se fait ailleurs, là. 46 États. Vos gens du ministère devraient avoir cette étude-là. Puis, si vous regardez, là, la même interdiction, l'achat, comme on veut faire, possession, l'usage : amendes entre...

Mme Charlebois : ...qu'on doit responsabiliser les adultes qui vendent ces produits-là à ces jeunes-là?

M. Gravel (Florent) : Les deux. Ils sont déjà pénalisés, eux autres, les adultes.

Mme Charlebois : Oui, mais le jeune aussi va l'être, pénalisé, quand il va acheter maintenant. Avant, il ne l'était pas, là...

M. Gravel (Florent) : Il y a même au Vermont, là...

Mme Charlebois : ...non seulement celui qui lui vend, celui... l'employé, puis le jeune qui va acheter, là, dans ce qui est stipulé en ce moment.

M. Gravel (Florent) : Oui. Puis il y a même... au Vermont, là, le gars, il peut avoir son permis de conduire suspendu. Ça fait qu'allez regarder ce qui se fait aux États-Unis. Puis nous autres, on pense que, si vous voulez atteindre un objectif, premièrement, vous allez enlever de la pression chez nous. Puis, si les jeunes, ils n'ont pas le droit de fumer, premièrement, sur le trottoir, on ne les verra plus, proche des cours d'école on ne les verra plus, puis vous allez atteindre beaucoup plus facilement votre 6 %.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour une période de 13 min 30 s.

M. Lisée : M. Gravel, M. Forget, bienvenue. J'ai rencontré des membres de votre association dans la préparation de cette commission. Mon père était détaillant aussi, alors il y a des choses dans les conversations que j'ai eues et dans votre mémoire que je trouve que ça a plein de bon sens, parce qu'encore une fois notre objectif, c'est de réduire la prévalence du tabagisme. Ce n'est pas de rendre la vie impossible aux détaillants. Des détaillants, on en a, on en a besoin, on en a beaucoup dans Rosemont, on en a ailleurs, et effectivement avoir 125 000 $ d'amende pour une première infraction d'un étudiant qui a été embauché, qui a été formé... On lui a dit : Il faut carter, puis ça prend 18 ans, mais c'est un de ses chums qui est venu, puis : Tu peux bien me le vendre quand même, puis pourquoi pas?, puis là il lui a vendu, puis là l'inspecteur était là, puis là c'est 125 000 $.

Ça n'a pas de sens, O.K., moi, je suis d'accord avec vous là-dessus. Et que la récidive... si on trouve un dépanneur qui est récidiviste et qui, donc, fait de l'argent avec ça, parce qu'il y en a — il y en a même qui vendent à l'unité les cigarettes, vous êtes contre ça, on est contre ça — bien, qu'on les punisse, très bien.

On parle de solutions. Bon, vous parlez de Loto-Québec puis vous parlez du problème de cartage puis que ça vous aiderait donc si le gouvernement du Québec disait : Écoutez, la carte d'assurance maladie, les adolescents, ils l'ont; les adultes, ils l'ont. Si on veut acheter un billet de loterie, si on veut acheter du tabac, si on veut acheter de l'alcool, ça prend la carte d'assurance maladie, puis, si tu ne l'as pas, retourne la chercher. C'est ce que vous demandez. Pourquoi est-ce que c'est si difficile de l'avoir?

• (17 h 40) •

M. Gravel (Florent) : Depuis des années qu'on demande à ce que le citoyen ait une carte, puis la carte d'assurance maladie, c'est la plus facile, tous les citoyens en ont. Pouvons-nous avoir une carte d'assurance maladie, pour les mineurs, d'une certaine couleur, puis, pour les adultes, d'une autre couleur, puis qu'on pourrait passer sur notre lecteur optique? Ça, on demande ça depuis des années, mais la loi nous interdit de demander une carte de permis de conduire, une carte d'assurance maladie. Ça fait que le gouvernement, qui veut qu'on carte, ne nous donne pas les outils nécessaires pour justement pouvoir carter le citoyen québécois. Ça, c'est une problématique.

M. Lisée : ...si on mettait, sur la carte d'assurance maladie, dans le codage, quelque chose qui indique l'année de naissance... Elle est déjà là, mais vous le voulez sur le codage informatique pour que, quand on la passe sur vos lecteurs, on dise : Ah! toi, tu n'as pas 18 ans, ça bloque l'achat tout simplement, tabac, alcool, loto.

M. Gravel (Florent) : ...

M. Lisée : Ça, ça vous aiderait énormément.

M. Gravel (Florent) : Oui.

M. Lisée : Bon. Vous demandez aussi... Moi, je trouve que ça a de l'allure, puis on va en discuter avec la ministre. On va voir c'est quoi, les problèmes légaux que ça pose, puis est-ce qu'on pourrait réussir à trouver la solution. Moi, je trouve que ça a de l'allure.

Deuxièmement, vous dites : On voudrait un truc progressif, première infraction, deuxième infraction, troisième infraction, comme Loto-Québec, donc, que ce soit standardisé. Et puis, à la troisième infraction, bien là vous pouvez perdre la licence de vente de tabac. Ça, vous êtes d'accord avec ça?

M. Gravel (Florent) : Oui.

M. Lisée : Bon. «Three strikes, you're out.» Bon. Je trouve que ça a de l'allure, moi.

Troisièmement, vous dites : Sur la question, donc, il y a ça, le codage, le cartage... Ah oui! Puis vous demandez la permission de demander les cartes à tout le monde. Là, vous savez, maintenant, avec les liftings, c'est plus difficile à dire qui a quel âge, mais vous demandez de pouvoir dire : Écoutez, peu importe...

M. Gravel (Florent) : Surtout chez la gent féminine. Ça, on a plus de misère.

M. Lisée : Ah! vous savez, maintenant, avec les métrosexuels, il y a de tout, il y a de tout. Alors, vous demandez la permission de pouvoir demander les cartes à tout le monde qui demande un des produits dont la vente est réservée aux personnes majeures.

M. Gravel (Florent) : Ça va régler le problème.

M. Lisée : Bon. Écoutez, moi, je pense que moi, je suis parlable là-dessus, je suis parlable, puis je vais en parler à la ministre. Ça, je suis parlable là-dessus. Bon.

M. Gravel (Florent) : ...

M. Lisée : Oui?

M. Gravel (Florent) : ...si le Québec a été capable de refaire son cadastre à travers la province, je ne vois pas comment on ne peut pas réussir dans une période x, cinq ans peut-être, à uniformiser la carte d'assurance maladie pour permettre au détaillant d'avoir une carte qu'il peut demander aux citoyens.

M. Lisée : Maintenant...

Des voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : Allez-y, collègue de Rosemont.

M. Lisée : On verra, on verra sur les détails. On essaiera de combler les brèches, O.K.? Bon, maintenant, vous dites : Nous, on fait notre travail, puis il y a une augmentation très forte du nombre de vérifications, puis vous sentez que vous êtes un petit peu visés, une augmentation — vous dites de combien de pour cent, là — du nombre...

M. Gravel (Florent) : ...600, à peu près, à 3 000.

M. Lisée : À 3 000 par année. C'est ça.

M. Gravel (Florent) : Il y a 8 000 points de vente, ça veut dire...

M. Lisée : Vous êtes très, très surveillés. Pourtant, vous-mêmes, dans votre mémoire, vous dites que le taux de conformité, donc refus de vente aux mineurs, est de 85 % en 2013‑2014. Ça veut dire qu'il y a 15 % des points de vente qui ne sont pas conformes, puis c'est tout à fait cohérent avec l'enquête de l'Institut de la statistique sur le tabac qui disait : En 2013, 23 % des jeunes répondent que leur mode d'approvisionnement principal était «acheter moi-même», 43 % disaient qu'ils ne se font jamais demander leur âge lors d'un achat, et 53 % disaient ne jamais s'être fait refuser la vente.

C'est quand même beaucoup, 15 % de non-conformité, après plusieurs années de travail. Comment vous expliquez ce 15 % de non-conformité?

M. Gravel (Florent) : Bien, premièrement, il y a beaucoup de ces commerces-là qui ont été en infraction qui ne sont pas membres chez nous, donc, n'ont pas nécessairement toute l'information, parce que, vous savez, nous, on défend les intérêts de 8 000 commerçants, mais on a à peu près 2 000 membres à travers des 8 000. Ça fait que, comme on a dit tantôt, comme les gens... des Asiatiques qui arrivent, souvent c'est plutôt une communauté fermée, ils ne sont pas membres des associations comme chez nous, ça fait qu'il peut arriver qu'il y ait des... Mais, si justement, dans ce 15 % là, au lieu d'arriver avec le fouet le premier coup, on leur permet, comme dans le dossier de Loto-Québec, un meilleur encadrement pour leur permettre de mieux comprendre, puis de les aider à cheminer, puis après ça de faire un autre suivi peut-être un mois après ou deux mois après, on va justement aider à diminuer ce 15 % là.

M. Lisée : Il y a une autre chose que vous dites, c'est remettre l'infraction immédiatement, parce que, là, l'inspecteur passe, plusieurs mois après vous avez le constat d'infraction, et, si vous allez en cour, ça peut être un an après. Est-ce que ce serait possible de faire en sorte que, comme un policier qui donne une contravention, la contravention soit donnée immédiatement, remise au propriétaire? Il sait ce qu'il vient de se passer, il sait quel est l'employé qui est fautif, il peut décider de le suspendre, ou de le virer, ou de mieux le former. Mais ça, c'est quelque chose que vous demandez.

M. Gravel (Florent) : Oui, parce que, si je brûle un feu rouge, on m'arrête, on me donne mon constat d'infraction tout de suite. Si je pense que je n'ai pas de raison... je le conteste, etc. Si un de mes employés a vendu... Parce qu'aujourd'hui, surtout dans les grandes surfaces, ce n'est pas le propriétaire qui est sur la caisse, là. C'est un employé. Si mon employé a commis une infraction puis qu'on m'adresse tout de suite l'avis d'infraction, je vais pouvoir aller dans mes caméras voir comment ça s'est passé, qu'est-ce qui est arrivé vraiment puis est-ce que vraiment la personne qui nous a été envoyée avait de l'air d'un mineur, parce que, si on m'envoie quelqu'un de 15 ans qui a de l'air de 22 ans... Ça se peut, là. Le gars, il joue au football, il mesure 6 pi 2 po puis il pèse 225 livres, puis mon employé a dit : Wo! Tu sais, il n'a pas vu la relation... Ça peut arriver, les apparences sont trompeuses. Ça fait que, si, là, j'ai mon constat d'infraction, je peux immédiatement m'assurer de la conformité des autres employés puis de revenir peser sur le piton.

M. Lisée : Moi, je trouve, ça tombe sous le sens. Là où je ne vous suis vraiment pas, c'est sur le menthol. Là, vous dites : Ah! bien, vous savez, finalement, les saveurs, c'est surtout les majeurs qui prennent ça, puis finalement ça n'aura pas un gros impact. Mais, écoutez, là on est dans une dynamique... puis vous dites : Ils vont aller à la contrebande.

Bon. Je ne dis pas que le risque est nul, mais, dans le nouveau contexte, on dit : On abolit les saveurs pour les cigarettes normales, on les laisse pour les cigarettes électroniques, ça fait que le jeune ou l'adulte qui veut avoir sa cigarette au menthol, il a une alternative, il peut passer à la cigarette électronique. C'est ce qu'on veut de toute façon, parce que la nocivité est moins grande. Vous voulez garder la capacité de vendre des cigarettes électroniques aux adultes, évidemment. Donc, ne pensez-vous pas que c'est beaucoup plus simple de passer à la cigarette électronique au menthol que d'aller sur une réserve indienne?

M. Gravel (Florent) : Moi, je pense que présentement il y a une... d'année en année, puis on voit le taux de fumeurs qui diminue d'année en année. Il n'y a pas juste des gens qui décèdent, là, il y en a qui arrêtent de fumer. Puis, si aujourd'hui on coupe le menthol... Parce qu'on ne parle pas de saveur, là. On parle de menthol, on parle d'une saveur qui est le menthol, qui est un produit qui est à peu près à hauteur de 5 % dans nos ventes. On vient de couper à une population qui a fait un choix de s'en aller dans le menthol... Est-ce que la personne qu'on va lui couper le menthol va s'en aller dans une cigarette sans filtre qui va être beaucoup plus dommageable? Qu'est-ce qu'elle va changer comme produit? Parce qu'elle va le changer.

Les saveurs, on l'a vu, ça a été coupé. Moi, je pense que le menthol a, comme le produit régulier, encore sa place dans nos commerces, il faut permettre à la clientèle... Puis peut-être que, dans deux, trois, quatre ans, cinq ans, quand on va réviser la loi, ça ne sera peut-être plus juste 1 % des ventes, puis à ce moment-là on le regardera, mais je pense qu'aujourd'hui il y a un risque de permettre que ces produits-là soient transférés dans des Ziploc, puis, au lieu de nous aider ensemble à diminuer le tabagisme, je pense qu'on se tire dans le pied en soustrayant le menthol... pas les saveurs, le menthol, présentement, de la vente légale.

• (17 h 50) •

M. Lisée : Ça, là-dessus, on ne sera pas d'accord, O.K., je vous le dis, là-dessus on n'est vraiment pas d'accord, d'autant que, justement, les consommateurs qui choisissent le menthol, les cigarettes au menthol... c'est parce que le menthol fait en sorte que la cigarette est moins âcre, est plus facile à avaler. Elle est aussi nocive, sinon plus, parce qu'ils l'aspirent davantage, se méprenant sur la nocivité, et donc de passer à une cigarette normale du menthol, c'est vraiment vouloir fumer beaucoup, et donc la nocivité va être la même. Mais il y a la possibilité de la cigarette électronique.

M. Gravel (Florent) : ...va nous le démontrer, M. le député.

M. Lisée : L'avenir nous le dira. Là, nous, je pense qu'on est... On s'en reparlera dans cinq ans.

Est-ce que vos membres ont continué parfois de recevoir des paiements de fabricants du tabac suite à l'interdiction des étalages, par exemple, dans le cadre de programmes de fidélisation ou de performance du volume de ventes? Est-ce que ça existe encore?

M. Forget (André) : Sur des performances de vente? Non.

M. Lisée : Non?

M. Forget (André) : Non, il n'y a pas d'entente sur des performances.

M. Lisée : Est-ce qu'il y a quelques programmes de fidélisation, que ce soit de compagnies de tabac, avec des dépanneurs, qui sont en cours en ce moment?

M. Forget (André) : Bien, nous, ce qu'on a, c'est des ententes. On a des ententes de distribution. C'est-à-dire que, tu sais, tu as besoin de ce qu'ils appellent des «skews», là, le nombre de formats et de sortes, tu as un minimum à conserver, là, mais il n'y a pas d'entente de performance ou de favoriser, là...

M. Lisée : ...financière à utiliser Imperial Tobacco plutôt que Philip Morris, ou des choses comme ça?

M. Forget (André) : Non, pas de cette façon-là, mais, nous, ce qu'on reçoit... Quand on reçoit de la rétribution, de l'argent, c'est pour avoir un inventaire de produits, un nombre de «skews». Mais, non, il n'y a pas d'incitatif de favoriser une compagnie versus l'autre, là.

M. Lisée : O.K. Très bien. Bien, écoutez, moi, je comprends globalement de votre message que vous nous dites que vous êtes d'accord avec l'objectif de la loi, vous pensez qu'on ne vous aide pas assez à faire votre travail de cartage, il y a des solutions, y compris dans le domaine public avec Loto Québec, et, si on vous donne davantage d'outils, vous pourrez performer encore mieux.

M. Gravel (Florent) : Oui.

M. Lisée : Alors, c'est là-dessus qu'on va essayer de travailler.

M. Gravel (Florent) : Puis on espère que vous allez être moins frileux pour ce qui est de la possession. Regardez ce qui se fait aux États-Unis.

M. Lisée : Bien, la possession, là, c'est vrai — j'ai été aux États-Unis puis je voyais ça — y compris enlever le permis de conduire, c'est très dissuasif, mais le problème, c'est les 18 ans. Ça, ça veut dire qu'à 17 ans c'est complètement illégal, c'est très dur, mais dès 18 ans, là, c'est socialement accepté, je peux garder mon permis de conduire, je peux fumer. Et ça, moi, j'ai une fille de 16 ans, là, puis jouer là-dedans, le 16 ans puis le 18 ans, je trouve... ce n'est pas mon premier choix d'intervention à cause de la normalisation dès 18 ans.

M. Gravel (Florent) : ...c'est de l'empêcher de fumer, il faut lui enlever la cigarette dans les doigts.

M. Lisée : Je le sais.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à ce bloc. On n'a pas terminé encore, il reste encore neuf minutes d'échange avec notre collègue de Saint-Hyacinthe. Alors, collègue de Saint-Hyacinthe, la parole est à vous pour neuf minutes.

Mme Soucy : Merci. Alors, merci d'être ici. Je vais y aller rapidement, j'ai quelques questions en rafale.

Vous écrivez dans votre mémoire que vous voulez, bon, bannir les saveurs, le menthol puis vous dites que ça va amener les clients à se tourner vers d'autres produits du tabac. D'une chose, ça va les amener... s'il n'y en a pas du tout, de saveur, ça va les amener où? Vous dites : Vers la contrebande. C'est ce que vous dites.

M. Gravel (Florent) : Oui, ou un autre produit, mais la contrebande.

Mme Soucy : Bien, si c'est un autre produit, il va l'acheter chez vous, tu sais. Si c'est un autre produit, il va l'acheter chez vous, donc vous n'avez pas de perte. Puis vous dites : La contrebande. Bien, la contrebande, depuis 2008, il y a eu plusieurs réglementations, puis la contrebande est passée de 30 % du marché en 2008 à 14 % en 2015. Et il y en a eu quand même plusieurs, réglementations sur le tabac. On a ici... les gens du Parti libéral vont s'en rappeler, ils ont fait trois hausses de taxe, puis la contrebande a diminué.

M. Gravel (Florent) : À cause de VITAL, de la répression sur le terrain. Les arrestations, les amendes qui sont données, ça fait peur aux gens. Confiscation de véhicule, confiscation de...

Mme Soucy : Là, on parle de la contrebande, là, vous dites : Ça va augmenter la contrebande.

M. Gravel (Florent) : ...permettre au citoyen qui veut fumer du menthol d'aller sur le marché de la contrebande, il y a juste là qu'il va y en avoir.

Mme Soucy : Moi, je vous dis que, malgré la réglementation, la réglementation qu'il y a depuis 2008, il y en a eu, une diminution de la contrebande.

M. Gravel (Florent) : Oui, parce qu'on fait le travail sur le terrain avec la police.

Mme Soucy : Moi, je pense que c'est un faux débat, là, la contrebande, là.

M. Gravel (Florent) : Bien, quand ils étaient à 40 %, ce n'était pas un faux débat.

Mme Soucy : Non, mais là c'en est un, puisque, on le voit, là, ça a diminué.

M. Gravel (Florent) : Parce qu'on a fait le travail sur le terrain.

Mme Soucy : La lutte contre la contrebande, on peut aussi s'y attaquer. Un n'exclut pas l'autre.

Vous dites que vous avez des problèmes au niveau de, bon, savoir l'âge, bon, puis c'est vrai que c'est difficile de distinguer quelqu'un qui a, parfois, 16 ans, 18 ans, je suis d'accord avec vous. Pourquoi, à ce moment-là, vous ne cartez pas tout le monde? Vous avez cité tantôt les États-Unis. Bien, s'il y a une place où est-ce qu'on va... Partout aux États-Unis, on a beau avoir 30 ans, ils nous cartent. Vous allez dire : Bien, voyons donc! J'ai 30 ans, je n'ai pas l'air d'avoir 18 ans, tu sais, parce que ça prend 21 ans. «It's the law.» Pourquoi vous ne cartez pas tout le monde, à ce moment-là?

M. Gravel (Florent) : Parce que, premièrement, vous ne nous donnez pas l'outil pour carter.

Mme Soucy : Non, mais...

M. Gravel (Florent) : Non, je n'ai rien pour demander. On vous demande depuis des années : Donnez une carte de citoyen aux Québécois pour que, quand ils vont venir en magasin, on puisse les carter, un; deux, mettez-le dans la réglementation, qu'il y ait une obligation de cartage. Parce que moi, là, si je carte chez nous puis je ralentis, mon client va dire... Puis on a besoin de vous autres, faites de la publicité. Comme la SAAQ, là, ils en ont font, de la publicité sur les accidents. Faites de la publicité sur le cartage.

Mme Soucy : ...de comprendre, parce que j'ai vraiment de la misère à comprendre votre logique. La carte d'assurance maladie; vous pouvez la demander, la carte d'assurance maladie, à un jeune qui vient? Il y a une photo dessus. Vous pouvez la demander.

M. Gravel (Florent) : On n'a pas le droit.

Mme Soucy : Pourquoi vous ne pouvez pas la demander?

M. Gravel (Florent) : Parce que, dans la loi, on n'a pas le droit de demander ça.

Mme Soucy : Il y a une loi qui interdit...

M. Gravel (Florent) : Bien, il y a de l'information privilégiée dessus, puis on ne peut pas la demander.

Mme Soucy : O.K. À ce moment-là...

M. Gravel (Florent) : Les propriétaires de logement aussi, ils ne peuvent pas la demander. Permettez-nous d'avoir une carte qu'on peut demander aux citoyens.

Mme Soucy : Si vous le faites quand même, vous demandez de carter quelqu'un qui arrive, puis vous dites : Bien, écoutez, on exige la carte comme la SAQ le fait, comme la SAQ le fait...

M. Gravel (Florent) : Vous savez ça va être quoi, la réponse? Moi, j'ai une adolescente...

Mme Soucy : Mais, monsieur, je veux juste savoir...

M. Gravel (Florent) : ...dire : Aïe! Toi, là, tu ne m'écoeureras pas, puis, ma carte, là, je ne la montrerai pas, puis moi, je l'ai, l'âge, vends-moi mon produit.

Mme Soucy : Pensez-vous que, s'il y a une carte de citoyen, il ne fera pas la même chose?

M. Gravel (Florent) : Ça va être obligatoire, parce que vous allez faire la promotion...

Mme Soucy : Mais, monsieur, c'est obligatoire. Je veux dire, le moyen que vous preniez, le moyen que vous voulez... si c'est 18 ans, il faut qu'il le prouve, qu'il a 18 ans, sinon, bien, vous n'en vendez pas.

M. Gravel (Florent) : Bien oui, puis là il s'en va chez le voisin, puis le dépanneur...

Mme Soucy : Ah! bien c'est là qu'est le problème.

M. Gravel (Florent) : Bien oui, parce que...

Mme Soucy : Alors, dites-moi pas que c'est parce que gouvernement ne vous donne pas les moyens.

M. Gravel (Florent) : Bien, certainement. Vous ne faites pas la job.

M. Forget (André) : S'il y a un règlement...

Le Président (M. Tanguay) : Peut-être juste un à la fois, s'il vous plaît. On va prendre le temps. Il reste 4 min 22 s. Ce sera 4 min 22 s, je peux vous le garantir, qui vont être paisibles et sereines dans notre parlement.

Alors, je cède la parole à M. Forget. Vous vouliez prendre la parole? La parole est à vous.

M. Forget (André) : Si c'est une norme qui est instaurée par un règlement ou une loi, là, à ce moment-là ça va être tout le monde, tous les commerçants vont être sur un pied égal, mais moi, je ne veux pas être la personne qui part à carter systématiquement tous les clients quand mon compétiteur de la porte à côté, lui, il ne le fait pas parce que, mettons, qu'il a un meilleur oeil que moi ou il prend plus de risques.

Mme Soucy : Mais, quand je vous demande... Vous avez le droit de le faire. C'est parce que vous ne voulez pas le faire pour ne pas vous priver d'un revenu, parce que dans la loi, là, c'est écrit que ça prend 18 ans. Vous l'avez, là, la loi, puis tout le monde, tous les commerçants sont supposés respecter le fait que ce soit 18 ans.

Des voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : Attendez, attendez, attendez! M. Gravel, il faut faire attention, il y a le décorum. Alors, il faut faire attention, je vous demanderais de faire attention à vos propos.

Une voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : Non, non, non, mais les propos que vous avez tenus, pour un parlementaire, ils seraient sanctionnés. Il nous reste trois minutes. Je vous invite, collègue de Saint-Hyacinthe également et monsieur...

Une voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : Pardon?

M. Gravel (Florent) : Je vais laisser mon V.P. parler les trois dernières minutes.

Le Président (M. Tanguay) : Non, mais je vous laisse la parole, je fais juste... Faites attention.

M. Gravel (Florent) : Non, non, c'est correct, mais c'est parce que...

Le Président (M. Tanguay) : Alors, M. Forget, je pense que M. Gravel vous cède la parole.

M. Forget (André) : Oui. Bien là, allez-y, là, je...

Le Président (M. Tanguay) : Oui, collègue de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Vous dites que c'est à peu près 5 % de vos clients qui utilisent le menthol, puis on en a reçu d'autres aussi hier qui nous ont dit aussi : Le menthol, le marché est très restreint. Pourquoi tenez-vous tant à ce qu'on garde la saveur du menthol si c'est un pourcentage si minime?

M. Forget (André) : Bien, le commerce de détail, là, c'est une addition de plein de petites choses que tu vends, il n'y a pas un marché de la... tu sais, il n'y a pas un marché que tu n'as pas... tu ne tiens pas en magasin 120 produits quand trois produits équivalent à 80 % de tes ventes, là, c'est des micromarchés en soi. Ça fait qu'un 5 % est important, un 7 % est important, là, c'est clair.

• (18 heures) •

Mme Soucy : Ça m'amène à vous dire que, si on le... il n'y a plus personne qui va en vendre. Supposons que la loi passe, bien il n'y en aura plus, de menthol. À ce moment-là, le client va aller vers un autre produit, vers le tabac ordinaire ou il va aller vers, au pire, la cigarette électronique, puis ça va l'amener à arrêter de fumer, voyez-vous.

M. Forget (André) : Le problème, s'il y a un règlement qui dit que les fabricants n'ont pas le droit d'en fabriquer, personne n'en vend de légales, mais il y a des fabricants de cigarettes qui sont sur des réserves. Eux autres vont en fabriquer, du menthol, puis eux autres vont en mettre sur le marché, du menthol. Ça, c'est clair aussi, là.

Mme Soucy : Bien, ça, il faut lutter contre ça. Ça, je suis d'accord avec vous, il faut lutter contre ça. Mais vous êtes d'accord qu'on ne peut pas garder le statu quo en se disant : Bien, on va garder le statu quo au cas qu'il y ait de la contrebande qui se fait sur une réserve. Vous comprenez le point de vue. L'idée là-dedans, c'est qu'on veut travailler avec vous. On vous demande qu'est-ce qu'on peut faire pour vous aider, mais on veut arriver à l'objectif de réduire le tabagisme.

M. Forget (André) : Oui, mais, je pense... parce que c'est tout le temps un problème, la contrebande. Même si elle a diminué beaucoup, la contrebande existe encore, puis soyez assurés que ces personnes-là, là, ne sont pas les bras croisés en attendant que la business de la contrebande diminue encore, là. Ils font des pieds et des mains pour l'augmenter. Il y a quand même une lutte, quelque chose de bien qui se fait, mais il faut rester vigilants, puis moi, je pense qu'en enlevant les cigarettes mentholées, bien, on va le favoriser, ce marché-là.

Mme Soucy : Dernière question, puis c'est vraiment pour mon information, là, j'essaie de comprendre le... Parce que vous dites... bien, pour la vente d'alcool, vous la demandez, la carte. Pour quelqu'un qui va chez vous puis qui veut avoir de l'alcool, est-ce que vous les cartez, les jeunes qui vont...

M. Forget (André) : Bien, on les carte, oui, quand on n'est pas certain de leur âge, parce que, nous, la norme, c'est que, s'ils ont de l'air plus jeunes que 25 ans à notre oeil, on demande une carte d'identité.

Mme Soucy : Puis qu'est-ce qui vous empêche de faire la même chose pour le tabac?

M. Forget (André) : On le fait.

Mme Soucy : Ah! vous le faites. O.K.

M. Forget (André) : On le fait, on le fait.

Mme Soucy : O.K.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, voilà tout le temps que nous avions pour l'échange. M. Gravel, M. Forget, merci beaucoup. Vous étiez de l'Association des détaillants en alimentation du Québec. Je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

(Reprise à 18 h 8)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! J'invite tous les parlementaires à prendre place. Nous accueillons maintenant la représentante de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, Mme Martine Hébert. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de présentation de 10 minutes. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Et, pour les fins d'enregistrement, je vous prierais de bien préciser vos fonctions au sein de l'organisme. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Mme Hébert (Martine) : Merci, M. le Président. Alors, je me présente : Martine Hébert, vice-présidente principale et porte-parole nationale de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la FCEI.

M. le Président, distingués membres de la commission, d'abord, je vous remercie sincèrement de nous donner l'occasion de nous faire entendre sur cet important projet de loi qu'est le projet de loi n° 44. Comme vous le savez, à la FCEI, on représente les PME, on regroupe 24 000 chefs d'entreprise au Québec. De ce nombre, on en compte environ, là, 6 000 qui sont dans les secteurs du commerce de détail, de la restauration, de l'hébergement, des bars et... donc, qui sont touchés par le projet de loi.

Bien qu'on souscrive aux objectifs visés par le gouvernement en matière de santé publique dans ce projet de loi là, on est quand même fortement préoccupés par certaines de ses dispositions qui nous apparaissent imposer, là, un fardeau excessif aux entreprises visées, et ce, sans qu'on voie, en tout cas, nous, les bénéfices ou les gains additionnels en termes de santé publique, là, que ça va apporter. Autrement dit, M. le Président, dans notre mémoire... et on s'est demandé : Est-ce qu'on aurait pu obtenir les mêmes résultats en empruntant d'autres voies, à certains égards, qui nous apparaîtraient plus raisonnables et plus équitables pour les entreprises visées? Alors, on pense que oui.

• (18 h 10) •

Premièrement, j'aimerais parler de la fameuse règle du neuf mètres. Et j'étais contente d'assister aux audiences précédentes, parce que j'ai pris note que la ministre avait précisé ce que cette disposition-là... En tout cas, le sens que le législateur voulait donner à cette disposition-là, visiblement, ce n'est pas très clair, et je pense que ça va mériter clarification, M. le Président, parce que, la façon que ça a été interprété par plusieurs groupes, dont nous, ce n'était pas dans le sens des explications que la ministre a données. Donc, j'étais quand même contente, là, d'entendre ça, mais ça veut quand même dire que ce fameux article-là va devoir nécessairement être clarifié, ça va être important de le faire.

Alors, autre élément important, M. le Président, la question des responsabilités. Il y a plusieurs groupes, là, dont mes prédécesseurs, qui sont venus vous le dire... il y a plusieurs articles du projet de loi actuel qui traitent de la responsabilité des entreprises à l'égard du respect de la loi. Puis je tiens à préciser, M. le Président, que les commerçants au Québec sont prêts à faire leur part, que ce soient les hôteliers, les restaurateurs, les tenanciers de bar, les propriétaires de dépanneur, d'épicerie, ceux qui vendent des produits du tabac. On est prêts à faire notre part, mais on pense qu'il y a peut-être un déséquilibre, dans la législation à l'heure actuelle, à plusieurs égards par rapport à la responsabilité qui leur incombe en matière de lutte contre le tabagisme. Premièrement, il faut bien préciser que plusieurs responsabilités relatives à l'observance de la loi reposent sur les épaules des commerçants, et, pour nous, on pense que cette responsabilité-là devrait être partagée, et les fumeurs et les gouvernements devraient aussi avoir des responsabilités. L'ADA vient de vous en parler, de certaines d'entre elles. Et je vous dirais qu'au niveau du gouvernement je pense aussi que le gouvernement a une responsabilité en matière de lutte au tabagisme et que cette responsabilité-là n'est pas seulement réglementaire et législative, mais qu'elle est aussi à d'autres égards, comme par exemple la question des campagnes de sensibilisation, qui sont très importantes pour justement faire en sorte de prévenir plutôt que de guérir et aussi faire en sorte de bien outiller les commerçants, à qui on demande, dans le fond, de participer à cet effort collectif là. On a nommé l'exemple de Loto-Québec. Dans notre mémoire, on a repris ce même exemple-là. Je pense qu'il y a des modèles, il y a des meilleures pratiques qui existent, et on devrait s'en inspirer dans ce projet de loi ci. On parle de responsabilisation, responsabiliser les acheteurs, qu'ils soient obligés de prouver leur âge, par exemple, et on a donné l'exemple tantôt de ce qui se faisait pour l'alcool. Je pense que c'est toutes des avenues, en tout cas, qui sont à explorer et qui sont à envisager si on veut atteindre les objectifs qu'on recherche.

M. le Président, je ne peux pas m'empêcher de parler de la présomption de culpabilité qui existe dans la loi actuelle et qui ouvre la porte à des abus potentiels, à des situations où des commerçants risquent de se voir injustement déclarés coupables, alors que, dans les faits, puis on l'a vu, ils ont pris tous les moyens possibles pour éviter qu'une personne fume dans un endroit où cela est interdit ou encore pour éviter qu'un de leurs employés vende des produits du tabac à un mineur. En effet, M. le Président, d'autant plus que quels sont les pouvoirs dont disposent, par exemple, les restaurateurs ou les tenanciers de bar pour faire respecter la réglementation? Une fois qu'ils ont avisé la personne qui était en train de fumer, particulièrement si on veut interdire sur les terrasses, là... Écoute, tu n'as pas le droit de fumer ici, tu veux-tu écraser?, une fois qu'ils ont fait ça, ce n'est pas... les tenanciers, ce n'est pas des policiers, ils n'ont plus d'autre pouvoir. Le temps qu'ils appellent la police pour dire : Aïe! Il y a quelqu'un qui fume sur ma terrasse, la cigarette va être finie, puis, à Montréal ou dans les grands centres urbains, avant que la police ne se déplace pour ça, il va avoir eu le temps de fumer quatre paquets de cigarettes. Et c'est là où le bât blesse, je vous dirais.

Il faut, je pense, donner des outils aux commerçants et aux restaurateurs, là, pour qu'ils soient en mesure de faire respecter la loi. Pour ces raisons, donc, on recommande, là, que l'article qui donne la présomption de culpabilité, là, ce qu'on appelle le fameux article 11, je crois, soit modifié pour renverser le fardeau de la preuve.

L'article 39 du projet de loi vient aussi introduire une autre responsabilité injustifiée aux commerçants, à notre avis, en tout cas, de la façon qu'on le comprend. Je rappelle, M. le Président, que celui-ci se lit comme suit : «L'exploitant d'un point de vente de tabac qui, en contravention de l'article 14.3, vend du tabac à une personne majeure alors qu'il sait ou aurait dû savoir — et je mets l'emphase sur le "ou aurait dû savoir" — que celle-ci en achète pour un mineur...»

M. le Président, moi, je pense que les termes «ou aurait dû savoir» ouvrent la porte à beaucoup, beaucoup de cas potentiels d'injustice ou encore d'abus potentiel. Comment un commerçant peut-il deviner les intentions d'une personne majeure qui achète des cigarettes? Les gens ne sont quand même pas dans... Quand on vend des cigarettes à un adulte, on n'est quand même pas dans la tête des gens. Alors, je me demande comment cette disposition-là serait interprétée, par exemple, dans un cas où un client est avec un adolescent dans la voiture, son enfant, puis il vient s'acheter des cigarettes au dépanneur. Est-ce qu'il aurait dû savoir que peut-être le père de cet enfant-là va lui donner du tabac alors que l'enfant... et qu'il a acheté ces produits-là pour lui donner? En tout cas, il me semble, là, qu'il y a une ouverture, une porte, en tout cas, qui est ouverte, là, sur plusieurs cas qui vont porter à interprétation. Est-ce que ça va vouloir dire sinon que les commerçants vont devoir refuser de vendre des produits du tabac à un client qui est accompagné par un adolescent, par exemple? C'est tout ça, dans le fond, qu'on vient dire. Bien, cet article-là, si vous voulez, mériterait, là, d'être précisé et mériterait d'être révisé à cette lumière-là.

Pour rester sur le thème des abus et de la présomption de culpabilité, M. le Président, là, je vais maintenant parler des amendes. Je vous dirais que, dans le cas des amendes, là, en tout cas, dans ce qu'on a dans le projet de loi, là, elles ne sont pas juste salées, elles sont saumurées. Vous savez ce que c'est, être en saumure, hein? C'est plus que salé. Je pense que les amendes passent, là, on rappelle, pour la majorité, là, d'un minimum de 500 $, par exemple, à un minimum de 2 500 $, pouvant aller, pour le cas d'une première offense, là, on l'a dit tantôt, jusqu'à 125 000 $, parfois même, dans d'autres cas, à 250 000 $ puis, dans d'autres cas extrêmes, à 1 million, là, selon les cas.

Je pense que, quand on fait des lois, on doit poser des balises qui sont proportionnées et qui se justifient en fonction de l'objectif recherché. Je pense qu'il y a peut-être moyen... Et je comprends que la ministre a précisé tantôt, M. le Président, que c'était le ministère de la Justice qui avait fixé le montant des amendes, mais je tiens à soumettre à la commission que, dans la majorité des lois et des règlements qui existent au Québec, il n'y a pas de présomption de culpabilité, il y a une présomption d'innocence. On n'est pas dans une loi ici où... Alors, je pense que ça mériterait peut-être d'être observé ou, en tout cas, d'être analysé à la lumière de ça, ces dispositions-là concernant les amendes, parce que... et je me demandais... en fait, on se posait la question, à savoir : Sur quelles bases ou quelles données le gouvernement s'est-il basé pour gonfler les amendes à un tel niveau? Est-ce qu'on a, d'ailleurs, aussi des données probantes qui nous prouvent que de tels montants vont mener à une meilleure atteinte des objectifs de la loi? Dans le fond, on se posait la question : Qu'est-ce qu'on veut faire, là, ici? Est-ce qu'on veut réduire le tabagisme ou est-ce qu'on veut étouffer nos petits commerçants?

Alors, M. le Président, je pense que, quand on pense des lois comme celle-ci, on doit penser et tenir compte aussi que le Québec est peuplé de petits commerçants et ce n'est pas tous les dépanneurs qui ont 5 millions de chiffre d'affaires. Je pense que, pour un petit dépanneur, une amende de 2 500 $, là, c'est beaucoup d'argent. La ministre a mentionné tantôt qu'elle connaissait bien le monde des affaires. Elle doit savoir que, pour un petit commerçant, une amende de 2 500 $, c'est beaucoup d'argent. Et ça ne fera pas en sorte qu'on va avoir un score de 100 %, malheureusement, de toute façon. Particulièrement, il faut souligner que nos commerçants ont beaucoup de défis, on l'a vu dans les présentations précédentes. Ils doivent constamment relever le défi de former leurs employés, de les sensibiliser à l'importance d'être vigilants en matière de tabac, mais il y a des limites aussi, comme employeurs, aux sanctions qu'ils peuvent prendre à l'égard de leur personnel. Il ne faut pas oublier qu'il y a d'autres lois au Québec qui existent, hein — la Loi sur les normes du travail, etc. — donc, qui confèrent des droits aux employés et qui limitent les pouvoirs de sanction des employeurs par rapport aux employés. Alors, je pense qu'il faut apprécier les objectifs qu'on vise et le projet de loi dans l'ensemble de cet état de fait là.

Alors, on est d'avis, à la FCEI, que, dans l'état actuel des choses, il faudrait adopter des modifications dans le projet de loi, là, concernant les amendes, concernant la présomption de culpabilité, et aussi j'aimerais parler, M. le Président, de la perte du permis de vente des produits du tabac à la première offense, qui, encore une fois, ici m'apparaît disproportionnée par rapport à la gravité de l'infraction, particulièrement dans le cas des commerçants, qui, on le sait, souvent, agissent de façon diligente et de bonne foi. Alors, M. le Président, je pense qu'il y a des limites à ce qu'on peut faire porter comme responsabilités aux commerçants. On est entièrement d'accord cependant pour punir les délinquants, mais pas sans discernement, comme c'est le cas à plusieurs égards dans le projet de loi.

Un mot maintenant sur la cigarette électronique. Je ne suis pas spécialiste de santé publique, pas du tout, je ne prétends pas l'être non plus, mais on se questionne à savoir si le fait d'assimiler, dans le fond, à part entière ces produits-là aux produits du tabac comme c'est le cas dans le projet de loi à l'heure actuelle... est-ce que c'est correct? Est-ce que c'est la bonne façon de faire? Est-ce que c'est la façon la plus optimale? Parce que ce qu'on a cru, en tout cas, comprendre, c'est qu'il y avait plus de craintes par rapport au contenu, à la fabrication de ces produits-là. Alors, est-ce que la loi visant la lutte contre le tabagisme est le bon véhicule pour adresser ces questions-là? On soumet le tout à la réflexion de la commission à savoir est-ce que c'est la bonne façon de procéder.

• (18 h 20) •

Dernier point important, M. le Président, je voudrais aborder l'impact économique du projet de loi. Vous savez, en tant que coprésidente du comité sur l'allégement réglementaire avec le ministre responsable de l'Allègement réglementaire, évidemment, je dois saluer le fait que le ministère de la Santé et des Services sociaux a fait ses devoirs et s'est conformé à ses obligations, conformément à la politique pour l'allégement réglementaire, en publiant une analyse d'impact réglementaire. Par contre — là, je vais mettre mon chapeau d'économiste — je crois que l'analyse d'impact, là, qui a été effectuée a été sous-estimée à plusieurs égards, notamment en matière, là, des impacts que ça aurait sur les plus petits commerces relativement aux ventes, là, qui pourraient être perdues à la suite, là, de l'interdiction de certains produits. Alors, je pense que... la même chose aussi sur ce qui a été estimé dans l'étude d'impact économique concernant les pertes dans les bars. Ce que je comprends, c'est qu'on a calculé seulement les bars qui avaient des terrasses et non pas les restaurants qui ont des terrasses aussi. Donc, il y a peut-être, là, des petits ajustements, au niveau de l'étude d'impact économique, à faire, mais on doit quand même saluer le fait que le ministère a publié une telle étude.

Alors, je vous dirais qu'en conclusion, M. le Président, on appuie la volonté du gouvernement de lutter contre le tabagisme, mais, sincèrement, on pense qu'il y a plusieurs aspects du projet de loi qui mériteraient d'être revus, que ce soit, là, au niveau de la règle du neuf mètres, qui mériterait d'être grandement clarifiée, des amendes ou encore des responsabilités, là, et de la présomption de culpabilité. On pense qu'il y a moyen d'atteindre les objectifs qui sont poursuivis par le gouvernement, mais peut-être en empruntant des voies, là, qui sont moins imposantes ou qui sont moins répressives pour les petits commerçants. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, avec la permission de la ministre, nous vous avons permis de compléter votre exposé, ce qui fait en sorte qu'il lui reste 18 min 30 s pour discuter avec vous. Alors, la parole est à Mme la ministre.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, Mme Hébert, merci beaucoup d'être venue nous exposer le point de vue de la fédération canadienne des entreprises indépendantes, c'est intéressant. Et je vois que vous étiez aux audiences précédentes, et on va pouvoir clarifier certains points. On manque toujours de temps dans ces audiences-là. Ça fait qu'on va pouvoir clarifier certaines affaires.

Quant aux neuf mètres, j'ai retenu votre proposition, on va trouver une manière de le rédiger, parce que vous dites : La compréhension n'est pas la même pour tout le monde. Puis vous comprenez que l'intention n'est pas d'envoyer le monde fumer sur la ligne blanche dans le chemin, là, hein? Alors...

Mme Hébert (Martine) : ...

Mme Charlebois : Bien, c'est ça. Alors, on va voir comment on peut aménager ça, rédiger l'article en question pour que ce soit encore plus limpide, là, puis etc.

Je vous ai aussi entendue parler beaucoup de... Bien, je vais le clarifier, d'abord, la cigarette électronique, là, pourquoi on fait ça. Parce que vous avez juste lancé une préoccupation puis vous vouliez entendre un peu pourquoi on le fait, pourquoi on l'assimile aux produits du tabac. C'est parce qu'on ne veut pas l'interdire, puis il n'y aura pas... Honnêtement, les gens qui vont vouloir se la procurer pour arrêter de fumer, comme il est prétendu par tous ceux qui vendent la cigarette électronique, les gens vont pouvoir en acquérir et vont pouvoir... Tout ce qu'on encadre, c'est à qui on vend ça, donc pas à des mineurs, les lieux où on peut les consommer, parce qu'on ne veut pas la renormalisation du geste de fumer notamment pour ceux qui ont déjà arrêté mais pour ceux qui auraient le goût de commencer, et on encadre aussi l'affichage, la publicité. Pourquoi? Parce qu'on considère que c'est quand même un nouveau produit, et, comme on sait la capacité des compagnies de tabac de pouvoir s'adapter assez rapidement, bien, on veut interdire l'affichage et on est en train de regarder sur les lieux... On a posé des questions pendant la commission à ceux qui représentaient les boutiques de vapotage : Est-ce que vous pensez que de l'affichage pas vu de l'extérieur, mais vu à l'intérieur...

En tout cas, bref, on a posé beaucoup de questions, on a entendu beaucoup de commentaires. Mais ce que je veux vous dire, c'est pour ça qu'on encadre la cigarette électronique, pas pour l'interdire, c'est juste pour mettre certaines balises étant donné que c'est un nouveau produit et qu'on n'a pas d'analyse, des preuves scientifiques hors de tout doute, sur du long terme, qu'il n'y a pas une conséquence et que les compagnies de tabac ne vont pas s'adapter assez rapidement. Il y a même un spécialiste qui nous a dit qu'ils commençaient déjà à brûler le tabac et non plus juste de la nicotine. Ça fait qu'il faut réagir, parce que ça pousse comme des petits champignons. Mais on ne veut pas l'interdire. Vous comprenez mon point de vue? Parce que pour certaines personnes ça peut créer une dépendance, oui, mais, normalement, c'est en bas âge. Si on interdit ça à des mineurs, d'acquérir ça par des mineurs, bien, ceux qui veulent vraiment l'acquérir pour arrêter de fumer pourront le faire. Ceci étant, ça répond un petit peu à votre préoccupation. Je voulais juste vous le mentionner.

Pour ce qui est de la responsabilité du gouvernement, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion... Vous savez qu'il y a une semaine pour justement la réduction du tabagisme, de prévention en tabagisme, et, cette année, on l'a adressée particulièrement à des jeunes, puis on l'a ici, à l'écran — si tu veux la montrer. Le titre de la campagne cette année, c'était Magane pas tes organes avec la boucane. C'était adressé à des jeunes dans les écoles. C'était précisément pour leur dire qu'il y avait un danger imminent puis il y a un danger de dépendance, mais il y a un danger pour tous nos organes quand on fume. La fumée secondaire puis la fumée, là, chaque organe de notre corps est attaqué directement par la fumée. Alors, ça, ça s'adressait aux jeunes, puis les jeunes, là, ça ne s'arrête pas à 16 ou 18... qu'on ne devient pas vieux, là. Je me considère encore relativement jeune, mais pas aussi jeune que les jeunes dans les écoles, mais, bon... Ceci étant, alors, oui, on prend au sérieux notre campagne de sensibilisation et de prévention. Est-ce qu'on peut en faire plus? C'est sûr, puis on regarde toujours pour faire mieux, pour mieux sensibiliser les gens. Puis, il y a aussi des organismes, hein, qui font ça, je pense à l'organisme qui fait le défi 5/30. Il y a aussi une campagne J'arrête, j'y gagne! Il y a plein de monde qui s'implique dans... Je pense qu'il y a une tendance dans la société à faire en sorte que le tabagisme diminue, mais il incombe une responsabilité aux entrepreneurs, et vous le savez très bien. J'étais en affaires avant, puis, comme vous l'avez dit, on a tous des responsabilités dans la vie, et les entrepreneurs en ont une aussi.

Je vous ai entendue dire que le fardeau de la preuve était un petit peu beaucoup pour les entrepreneurs puis que la loi, avec les amendes... on ne peut pas faire ça n'importe quand, n'importe comment. Mais je vous rappelle que c'est le ministère de la Justice qui a normé les amendes et qui fait en sorte que les amendes vont être entre un montant et un autre par rapport à la responsabilité. Mais je veux vous dire qu'entre un montant x et y, comme il est stipulé dans la loi, la gradation se fait sur le nombre d'infractions, là. On ne passe pas à y tout de suite à la première infraction. Ça, c'est clair. Les récidivistes, plus ils vont avancer, puis ils vont payer cher. Puis le petit dépanneur, comme vous dites, en bas de 5 millions, là, les tout petits dépanneurs — j'en connais dans mon comté — c'est souvent les propriétaires qui sont là tout le temps, ça fait que, je vais vous dire, ils n'en vendent pas, des cigarettes, aux jeunes, parce qu'ils connaissent tous les... ils connaissent les jeunes du village, quasiment, là, tu sais. Ça fait que c'est l'entre-deux que vous me dites qu'il y a comme un questionnement. Et comment on peut faire pour mieux faire? Parce que le projet de loi stipule qu'on va préciser quelles sont les cartes qui vont être admissibles, et ça va être des cartes de tous les ministères, il va y avoir les cartes étudiantes qui vont émaner des commissions scolaires.

On va préciser quelles cartes pourront être présentées aux dépanneurs. Je ne peux pas croire qu'un employé n'est pas capable de lire une date de naissance. Pas besoin d'une carte à puce, là, pour savoir que le 14 juillet 1959, là, ça veut dire que j'ai plus que 18 ans — ça, c'est mon âge, en passant.

Alors, est-ce que vous, vous pouvez nous suggérer certaines autres pièces d'identité ou certains autres moyens? Parce qu'il est évident qu'à part de demander une identification à quelqu'un... Puis un jeune qui travaille dans un dépanneur, là, il est assez capable d'apprendre comment ça fonctionne, une caisse, il est capable de voir s'il y a un mineur dans sa face, là.

Mme Hébert (Martine) : Ce n'est pas toujours évident, par contre, hein? On le sait, là, rendu à un certain âge, là, ce n'est pas évident. Entre le 17 puis le 18, la ligne est parfois mince, Mme la ministre.

Cela étant, pour répondre à votre question — je pense que mes prédécesseurs l'ont bien exprimé aussi, là — le problème qu'il y a, c'est qu'on peut exiger une carte, une pièce, dans le fond, d'identité pour prouver l'âge, mais ce que je comprends, en tout cas, de la législation actuelle, c'est que tu ne peux pas exiger la carte d'assurance maladie ou le permis de conduire, parce que ces cartes-là, elles sont émises pour d'autres fins.

Mme Charlebois : Ça va être stipulé dans le...

Mme Hébert (Martine) : Si c'est stipulé précisément, à ce moment-là, bien, que la personne soit tenue de la montrer aussi. Nous, on pense que — et ça, c'est ce qu'on dit, dans le fond — il faut qu'il y ait une obligation aussi de prouver, dans le fond, l'identité et de prouver l'âge de la personne qui achète du tabac. Et ça, on aimerait ça que ça soit aussi une obligation...

Mme Charlebois : ...dans un bar. S'il n'a pas sa carte d'identité, c'est bien de valeur, il ne rentrera pas, là.

• (18 h 30) •

Mme Hébert (Martine) : Exactement, mais qu'il soit tenu de la montrer et que la loi stipule qu'il doit la... non seulement qu'il doit la montrer juste si elle est exigée, mais qu'il soit tenu de la montrer, que les gens qui achètent des produits du tabac soient tenus de la montrer, comme on disait tantôt, là, le cartage obligatoire, là, d'avoir une espèce de système qui permettrait, dans le fond, d'assurer que ce cartage-là se fait de façon systématique.

Et on parlait de campagnes de sensibilisation. Ça m'amène à ça, Mme la ministre. Vous avez parlé de ça dans votre deuxième point que vous avez abordé dans votre question. Vous avez parlé de campagnes de sensibilisation pour lutter contre le tabagisme, et tout ça, mais je pense que ça prendrait aussi des campagnes de sensibilisation qui aideraient les commerçants à observer la loi et à faire appliquer la loi. Et, dans ce sens-là, l'histoire du cartage, là, tu sais, d'avoir une... tu n'as pas 18 ans : pas d'alcool, pas de tabac, tu sais, c'est comme... pour paraphraser la chanson d'un chanteur québécois. Bien, tu n'as pas 18 ans, «just too bad», il n'y a d'alcool, il n'y a pas de tabac. Tu n'as pas 18 ans, tu n'as pas le droit d'acheter des produits du tabac, c'est illégal ou... En tout cas, bref, il faudrait, je pense, avoir des moyens ou des mécanismes comme ça qui aideraient les commerçants et qui permettraient aussi aux commerçants de bien appliquer la loi. Parce que, vous savez, quand vous avez un commerce, là, puis vous avez six personnes devant le comptoir, puis vous avez deux jeunes qui veulent acheter du tabac, puis là vous n'êtes pas sûrs, puis le monde s'impatiente, puis, bon, vous allez... c'est sûr que, s'il y a des grandes affiches devant le comptoir ou sur le mur qui disent : Bien, je suis un commerçant, désolé, vous devez patienter parce que je suis obligé de carter mon client, je suis obligé de m'assurer que mon client n'a pas... Donc, avoir des outils comme ça pour aider les commerçants à sensibiliser le public aussi que le commerçant, il ne fait pas ça pour faire attendre les gens au comptoir puis par excès de zèle, là, il fait ça parce qu'il est tenu en loi puis il est passible d'une grosse amende s'il ne le fait pas.

Donc, c'est ce genre de campagne là aussi, Mme la ministre, je pense, qui aiderait les commerçants à s'acquitter de leurs obligations, qu'il serait important aussi de mettre en oeuvre. Et ça, on le voit, on l'a vu avec d'autres produits, comme Loto-Québec par exemple, mais on ne l'a pas vu avec nécessairement... suffisamment, en tout cas, avec les produits du tabac.

Vous avez parlé aussi, Mme la ministre, dans votre premier point, de la cigarette électronique, là, et vous avez dit : Je comprends que ce qu'on souhaite aussi, c'est que peut-être des mineurs ne puissent pas se procurer, là, ce genre de produit là parce que ça crée une dépendance, et tout ça. À ce moment-là, en tout cas, peut-être baliser ou restreindre, dans le projet de loi, là, les dispositions qui s'appliquent à la cigarette électronique par rapport à ça, parce que, là...

Mme Charlebois : ...aux mêmes réglementations que le tabac.

Mme Hébert (Martine) : Oui, sauf qu'est-ce qu'on doit les interdire sur les terrasses, est-ce qu'on doit les interdire... Bien, c'est là...

Mme Charlebois : ...c'est ce qui est stipulé en ce moment, là.

Mme Hébert (Martine) : C'est ça, mais c'est là où je vous dis : Peut-être que, si vous voulez limiter... par exemple, ça serait peut-être plus sage de dire : On va limiter les interdictions, relativement à la cigarette électronique, à certains articles ou certaines dispositions du projet de loi, par exemple celles qui concernent les mineurs. Est-ce qu'on est obligé d'aller aussi loin que là où on va, en disant : On va amalgamer ça, là, comme si c'était du tabac puis de la fumée de cigarette à 100 %, en bannissant ça de tous les... des duplex, même... parce que la loi, elle parle même des duplex, là, des aires communes, des duplex, etc.? Donc, est-ce qu'on est obligé d'aller aussi loin que ça? Si ce qu'on veut faire, c'est limiter l'accès aux jeunes, bien balisons ça dans le projet de loi de cette façon-là et restreignons l'application de certaines dispositions, élargissons-la aux cigarettes électroniques, et non pas l'inverse, de dire : On prend la cigarette électronique, puis, tout qu'est-ce qui s'applique au tabac, on l'applique à la cigarette électronique.

Mme Charlebois : En fait, ce que je veux vous dire, c'est que ce n'est pas juste les jeunes, là. Tout ce qui est stipulé dans la loi, on veut que ça s'applique aussi aux cigarettes électroniques, là. On ne veut pas de renormalisation pour l'ensemble de la population.

Mme Hébert (Martine) : Oui. Je comprends, mais...

Mme Charlebois : Et ceux qui vendent, là, ils sont bien à l'aise avec les dispositions qu'on a.

Mme Hébert (Martine) : Bien, en tout cas, ce n'est pas ce que j'ai entendu comme son de cloche de mes membres qui vendent des cigarettes électroniques.

Mme Charlebois : Bien, ceux qui les représentent, en tout cas, nous ont dit qu'ils étaient bien à l'aise.

Mme Hébert (Martine) : Je les représente aussi, puis il y a des avis divergents dans l'industrie, parce que ce n'est pas l'ensemble des représentants ou, en tout cas, des commerçants qui ont des produits de cigarette électronique, là, qui sont nécessairement d'accord avec tout ce qu'il y a là-dedans puis à ce qu'on amalgame la cigarette électronique à 100 % avec les produits du tabac. Parce que, comme votre collègue, d'ailleurs, le ministre de la Santé l'a bien dit, il fait faire attention. Ces produits-là sont aussi, là, utilisés beaucoup, là, pour des personnes qui cessent de fumer. Ça fait qu'il ne faudrait pas se tirer dans le pied en défaisant d'un bord ce qu'on essaie de faire de l'autre. C'est ça que je dis.

Mme Charlebois : C'est pour ça que ce n'est pas complètement interdit. Parce qu'en ce moment...

Mme Hébert (Martine) : Bien, le tabac n'est pas complètement interdit non plus.

Mme Charlebois : ...en ce moment... le produit va être géré par le fédéral, c'est Food and Drugs qui détermine le contenu, mais, pour ce qui est du restant...

Vous savez, en santé publique, moi, mon rôle, là, c'est... Je ne me lève pas le matin en pensant à quel obstacle je pourrais créer dans la vie des gens, là, ce n'est pas ça, là. Mon rôle, c'est de protéger, en termes de santé publique, la santé publique, en général, de la population. Et en ce moment, là, c'est un nouveau produit, et on sait que les compagnies de tabac commencent à s'investir là-dedans notamment et on sait que ça peut... on n'a pas d'études à long terme qui nous permettent de croire que ça va être la panacée. Alors, quand on n'a pas d'étude suffisante, en santé publique il y a un principe de précaution qui s'impose, puis ce n'est pas Lucie Charlebois qui a inventé ça, là, c'est l'OMS. L'Organisation mondiale de la santé recommande la même chose. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on l'a réglementé. Et on n'a même pas interdit les saveurs en ce qui concerne la cigarette électronique, parce qu'on s'est dit : Justement, pour ceux qui désirent arrêter de fumer, c'est un outil, on ne l'interdira pas. Mais on s'est gardé une porte par règlement : si jamais on s'aperçoit qu'il y a une tendance à réaugmenter la prévalence au tabac, on va pouvoir, avant de réouvrir la loi, interdire les saveurs. Mais on n'en est pas là.

Mme Hébert (Martine) : O.K. Écoutez, nous, ce que je vous dis, on a soumis à la réflexion de la commission ce qu'on souhaiterait que la commission examine. Je comprends que ce n'est pas la volonté du gouvernement, mais, moi, ma job, c'est de vous dire ce que nos membres en pensent puis de vous soumettre, dans le fond, des éléments de réflexion là-dessus. Alors, voilà.

Mme Charlebois : Je veux aussi vous entendre... parce que vous dites : Il faut faire attention aux commerçants, notamment les terrasses, et tout, et tout. Le principe de... comment on l'appelle?, de...

Une voix : Présomption.

Mme Charlebois : En tout cas...

Une voix : ...

Mme Charlebois : C'est ça. Tu sais, vous dites : Il faut que vous fassiez des campagnes, puis là c'est les restaurateurs qui vont être pris avec ça, etc. Comment St-Hubert a pu réussir à faire, lui, en sorte que ses terrasses soient sans fumée puis il n'a pas attendu l'aide du gouvernement? Comment plein de commerçants ont réussi à faire que leurs terrasses soient sans fumée sans l'aide du gouvernement? Comment se fait-il qu'il y en a d'autres pour qui ça représente un obstacle immense et que, pour certains, dans l'ensemble des St-Hubert et de d'autres restaurants, ça a pu être évacué des terrasses? Comment vous voyez ça, vous?

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, vous parlez de St-Hubert, vous parlez d'une grosse machine, hein, on n'est pas dans le petit restaurant qui a une petite terrasse au coin de la rue, on n'est pas dans le petit bar — je vois M. le député de Rosemont — dans Rosemont, sur la rue Masson, qui a une terrasse, on ne parle pas des mêmes moyens, on ne parle pas non plus de la même formation du personnel, on ne parle pas de ça. Donc, je pense qu'il faut aider et il ne faut pas présumer. C'est n'est pas toutes les entreprises du Québec, là, qui sont des St-Hubert, ou des Couche-Tard, ou des Bombardier, là.

Une voix : ...

Mme Hébert (Martine) : Oui, oui, je suis d'accord avec vous, mais le fait est, Mme la ministre, que, on aura beau faire des pieds puis des mains, le score, là, il ne sera jamais de 100 %. On peut-u s'entendre là-dessus, là? Le score, il ne sera jamais de 100 %. Il va toujours y avoir un client un peu chaudaille, un soir, sur la terrasse qui décide que lui, il s'allume une cigarette puis qui commence, tu sais, à être violent un peu puis que, là, bien, qu'est-ce que... Là, le commerçant, il peut bien dire : Bien, écrase, écrase, écrase ta cigarette, tu n'as pas le droit de fumer, je te prierais de sortir. Si la personne reste là... Le problème, c'est l'article 11, parce que, même si le commerçant l'a fait, l'article 11 dit bien ceci : «Dans une poursuite intentée pour une contravention au premier alinéa, il y a présomption que l'exploitant du lieu ou du commerce a toléré qu'une personne fume dans un endroit où il est interdit de le faire s'il est prouvé qu'une personne a fumé dans cet endroit.» Alors, le temps qu'il appelle la... il a pris les moyens, il peut lui avoir dit trois fois : Écrase ta cigarette. La personne, si elle n'écrase pas... Non, mais...

Mme Charlebois : ...qu'il y ait quelqu'un qui porte plainte, qui n'ait pas vu quelqu'un lui dire : Non, tu ne peux pas fumer, il faut...

Une voix : ...

Mme Charlebois : ...et/ou que l'inspecteur l'ait vu. Il ne faut pas voir tout dramatique d'un coup, là. Mais moi, je vais vous poser une dernière question. Dites-moi, est-ce que vous ne croyez pas que la société a évolué et que les gens sont rendus là dans l'interdiction du tabagisme?

Mme Hébert (Martine) : Absolument, Mme la ministre. Malheureusement, ce n'est pas 100 % des gens, et, malheureusement, il y aura toujours des délinquants. Moi, ce que je veux éviter, c'est les cas d'abus potentiels, parce que, vous savez très bien... et, en tant que présidente... de coprésidente du comité d'allègement réglementaire, on en voit, des lois puis des règlements, là, et on voit aussi... À la FCEI, on reçoit 8 000 appels par année de nos membres, là, qui appellent notre service aux entreprises pour toutes sortes d'affaires, justement, et c'est toujours des cas, justement, où on se disait : Bien, le législateur disait : Bien, non, ça, c'est exagéré, ça n'arrivera pas. C'est toujours pour des cas comme ça où ça arrive. Alors, pourquoi est-ce qu'on irait, là, essayer de tuer une mouche avec un bazooka si on est capable, par d'autres moyens que ça, de dire... bien, de renverser cette présomption-là en disant : Bien, non, non, c'est à l'inspecteur... Le commerçant, il reçoit un avis, puis à ce moment-là c'est à l'inspecteur à prouver puis à lister au commerçant, là, la preuve qu'il a et d'avoir un plus juste équilibre dans ce fardeau-là. Le problème, là, il est à ce niveau-là. Et vous savez très bien comme moi que qui dit loi dit règlement, dit inspection, dit systématiquement : Oui, il y en a, des abus. C'est comme ça partout.

Regardez, quand Revenu Québec, par exemple, là... les fameux... la remise de la facture dans la main, là, à un moment donné, hein, c'était parti, là, ils se sont mis à distribuer des amendes de 425 $ aux gens qui vendaient un café puis un muffin le matin parce qu'ils n'avaient pas remis la facture dans la main. Alors, ça arrive, je peux vous en donner, des exemples comme ça, là, une liste, là. Et il y en a eu, des cas, aussi, d'abus dans l'application de la loi. Il y en a eu, des cas qui ont été, d'ailleurs, déboutés en cour à cet effet-là, donc ça veut dire qu'il en existe. Et, moi, ce que j'essaie de faire, c'est de dire : Bien, prévenons donc. Et je trouve que c'est inéquitable de mettre la présomption de culpabilité sur les commerçants, alors qu'on sait que, dans la très grande majorité des cas, ils vont prendre tous les moyens nécessaires et agir avec diligence.

• (18 h 40) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour un bloc de 13 minutes.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Mme Hébert, merci beaucoup de votre présence. Comme on l'a dit précédemment à d'autres entrepreneurs... Venant d'une famille d'entrepreneurs de père en fils — sauf moi, pour l'instant — je suis très sensible à un certain nombre d'arguments que vous avancez. On en a discuté avant, de la question des neuf mètres. On en a discuté aussi, de la question de la présomption de culpabilité lorsqu'on est à l'extérieur. Ça va valoir la peine d'en discuter, et puis on est ouverts à vos suggestions, parce que ce qu'on vise c'est l'efficacité, c'est l'efficacité dans notre objectif de réduire la prévalence du tabagisme au Québec en général, chez les mineurs et en général.

Cependant, je note que, bon, par exemple, vous proposez, comme l'a fait l'Union des tenanciers, peut-être des sections fumeurs et non-fumeurs sur les terrasses. Qu'est-ce que vous faites avec le vent? Quand le vent change de côté, est-ce que les fumeurs et les non-fumeurs vont changer de place?

Mme Hébert (Martine) : Vous savez, je pense que la question est de dire : Est-ce qu'on peut exposer le moins possible, là, les gens à la fumée secondaire? Puis, tu sais, vous me posez la question, M. le député, puis votre question est légitime. La seule affaire, c'est qu'à ce moment-là, là, tu sais, on va se mettre à se dire : Bien là, les personnes qui roulent à vélo derrière un autobus sur l'avenue Mont-Royal ou sur la Grande Allée sont exposées, eux autres aussi, à des produits cancérigènes. À un moment donné, il y a toujours bien des limites à ce qu'on peut limiter, là, comme dégâts.

Nous, ce qu'on dit, dans le fond, dans notre mémoire, c'est de dire : Avant de dire «l''interdiction mur à mur», est-ce qu'on a exploré d'autres alternatives, que ce soit d'avoir des sections fumeurs, non-fumeurs? Il y en a qui ont proposé d'avoir un abri pour les personnes qui fument. Bien, pourquoi est-ce qu'on n'examinerait pas ces alternatives-là? Moi, je pense que ce qui est important... et le message qu'on veut livrer à la commission aujourd'hui, vous l'avez dit, ce qui est important, c'est l'efficacité, et l'efficacité passe par une réglementation intelligente, et une réglementation intelligente passe par l'analyse, dans le fond, de différentes alternatives. Et on pense qu'il y a des alternatives au bannissement total.

M. Lisée : Bien, on sait que la fumée secondaire tue 1 000 Canadiens par année. Ça, on sait ça. Et on sait que la fumée secondaire, elle reste dans l'environnement, y compris extérieur, même après que la cigarette soit éteinte. Puis on sait que, s'il y a huit fumeurs dans la section fumeurs de la terrasse et, à 1,5 mètre, il y a des non-fumeurs, mineurs ou non, c'est certain qu'il va y avoir de la propagation. Donc, c'est une solution qui n'en est pas. Vous dites : Oui, mais c'est pire pour le vélo qui est derrière l'autobus. Mais on en a une, réponse à ça, c'est l'électrification des transports. On travaille sur tous les fronts. On travaille sur tous les fronts, puis ce n'est pas parce que c'est pire ailleurs.

Je note aussi que, vous savez, en Ontario et dans plusieurs provinces canadiennes, cette mesure-là a été appliquée, d'interdiction sur les terrasses. Vous qui êtes souvent en contact avec... vous êtes de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, est-ce que vous avez des raisons de penser qu'en Ontario ou ailleurs ça a posé des problèmes graves aux entrepreneurs?

Mme Hébert (Martine) : Il faut toujours apprécier — M. le député, votre question est légitime — dans le fond, les dispositions, dans un projet de loi, à la lumière de l'ensemble du projet de loi. Et, lorsqu'on apprécie les dispositions relatives à l'interdiction en regard à l'article 11 de la loi, qui donne la présomption de culpabilité sur... aussi dans le cas des terrasses extérieures...

M. Lisée : ...

Mme Hébert (Martine) : Bien, c'est ça.

M. Lisée : ...là-dessus, bon, je suis d'accord qu'il y a un problème avec ça, puis on va le regarder. Mais je vous parle de l'interdiction sur les terrasses... qui est interdit dans plusieurs autres provinces où la Fédération canadienne est active.

Mme Hébert (Martine) : Ce qu'on vous dit, à la FCEI, c'est que, tel que c'est le cas actuellement, là, on ne peut pas désincarner l'un de l'autre, parce que vous ne pouvez pas me demander d'analyser juste cet article-là, là, en le désincarnant de tout le reste du projet de loi. Alors, si je le laisse incarné dans la loi actuelle, c'est ça qui ne fait pas de sens. Si le gouvernement ou si le législateur décidait de dire : Bien, O.K., on va renverser cette tendance-là, on va renverser ça, mais on va maintenir la question de l'interdiction de fumer sur les terrasses, on va permettre l'aménagement, par exemple, de fumoirs ou d'espaces pour fumer, etc., qui sont fermés, ventilés, ou peu importe, bien, à ce moment-là, c'est sûr que ça devient une solution — entre deux maux, on choisit le moindre — qui est beaucoup plus acceptable et qui serait beaucoup plus acceptable dans les circonstances.

Mais je ne peux pas vous dire oui ou non à votre question sans l'analyser à la lumière des dispositions actuelles.

M. Lisée : On essaie de distinguer, de dire : On va modifier... Je suis sûr que la ministre va arriver avec des amendements. Nous, on va arriver avec des amendements. C'est ce à quoi servent les consultations.

Bon. Par exemple, vous dites : Le vapotage, est-ce qu'on doit l'interdire au complet, y compris sur les terrasses? Bien, ça, on a posé la question à des gens qui sont venus avant vous. Ils ont dit : Bien là, la difficulté, si on permet le vapotage mais pas la cigarette traditionnelle... et, comme il y a de plus en plus de cigarettes électroniques qui ressemblent à des cigarettes traditionnelles, bien là le fardeau sur les entrepreneurs et les serveurs va être inacceptable. Vous êtes d'accord avec ça?

Mme Hébert (Martine) : Bien, tout à fait.

M. Lisée : Bon.

Mme Hébert (Martine) : Et on revient, dans le fond... et surtout en regard aux dispositions actuelles de la loi.

M. Lisée : Vous avez un argument qui semble assez fort, sur l'interdiction de fumer dans les duplex — «sur­régle­mentation inutile?», dites-vous, avec un point d'interrogation : «Nous avons de la difficulté à bien cerner là où le législateur veut en venir avec une telle disposition. [...]dans le cas de plusieurs duplex ou triplex, plusieurs parties, comme les toits ou les cours extérieures, peuvent être considérées comme des parties communes, malgré qu'elles soient à usage exclusif. Or, tel que libellé, nous comprenons que cette disposition interdirait à un propriétaire de duplex habitant le rez-de-chaussée de fumer dans sa cour — sa propre cour — ou encore à un propriétaire d'un condo ayant une terrasse sur le toit d'y fumer?»

Pourtant, juste après vous, l'Association des propriétaires du Québec, qui représente 15 000 membres dans toutes les régions, vient nous dire qu'ils sont satisfaits de cet article de loi et, en fait, ils voudraient aller plus loin, et ils nous disent : «L'APQ souhaiterait [...] une autre modification à la loi[...], de façon à ce que les balcons ainsi que la cour d'un immeuble à logements soient considérés comme des parties communes et donc inclus dans l'interdiction de fumer.»

Qui devons-nous écouter? L'Association des propriétaires ou la fédération canadienne des entreprises indépendantes?

Mme Hébert (Martine) : C'est évident, la réponse est simple, la FCEI. Mais, dans le fond, je pense que ce que ça soulève comme problématique, la question que vous posez, M. le député, c'est de dire : Est-ce qu'on ne pourrait pas clarifier qu'est-ce qu'on vise exactement ici? Parce que vous me parlez... Si on parle des locateurs avec leurs locataires, c'est une chose; si on parle d'un propriétaire d'immeuble qui est dans une copropriété, par exemple, parce que ça vise les copropriétés aussi, est-ce qu'on doit aller jusque-là? On s'est demandé : Est-ce que, par exemple, une personne, justement, qui a une cour qui est considérée comme partie commune mais à usage exclusif... à ce moment-là, elle est propriétaire chez elle, est-ce qu'elle va pouvoir le faire? Et on a donné ça dans l'optique de soumettre à la réflexion de la commission de dire : Bien, est-ce qu'on ne va pas, encore une fois, un petit peu loin, là, dans tout ça? Et particulièrement il y a des propriétaires d'immeuble aussi qui habitent leurs propres immeubles. Donc, ça nous a été soumis, là, dans les commentaires qu'on a fait parvenir à nos membres, là, qui étaient dans cette situation-là. Et, si la question se pose, je pense qu'il y a peut-être à ce moment-là une distinction à faire au niveau, là, de la location.

Mais, la question que je pose, encore une fois, et puis il faut la regarder en appréciant l'ensemble de la loi : Est-ce qu'à ce moment-là il y a une présomption de culpabilité avec une possibilité d'amendes, là, qui vont jusqu'à 125 000 $ ou si, pour les propriétaires d'immeuble, alors qu'ils ne sont pas sur place puis que leurs locataires fument dans les parties communes... C'est tout ça qu'il faut regarder et, dans ce sens-là, c'est pour ça qu'on pose la question.

M. Lisée : Alors, l'association dit : «...lorsque les locataires fument sur les balcons, cela a souvent pour effet d'incommoder les autres occupants de l'immeuble par l'odeur et la fumée, les balcons étant près des fenêtres et de l'immeuble. Ces dispositions ont une valeur pour les locataires eux-mêmes, car ce sont eux qui subissent les inconforts et les dangers[...]. Il s'agit d'ailleurs d'une préoccupation grandissante chez les locataires ainsi que chez les propriétaires, qui ont l'obligation de procurer la jouissance paisible des lieux à leurs locataires.»

Mais c'est la même chose pour le propriétaire du duplex ou du triplex s'il fume sur son balcon. Parce que votre argument, c'est la liberté de fumer chez soi. On est chez nous, j'ai le droit de fumer, je fume sur mon aire commune, qui est à usage exclusif, mais, si je suis en bas, la fumée monte quand même, le locataire qui est sur le balcon... Là, il y a vraiment un débat de liberté individuelle à la fois pour le propriétaire et pour le locataire. Je trouve ça difficile de distinguer les deux. On ne peut pas le permettre au propriétaire et pas au locataire, il faut le permettre aux deux ou l'interdire aux deux.

• (18 h 50) •

Mme Hébert (Martine) : Mais, écoutez, moi, la question qu'on soulève, c'est de dire, justement : Jusqu'où est-ce qu'on doit aller quand on légifère? Et c'est là-dessus... Parce que vous savez que la réglementation, c'est notre dada, à la FCEI, là. Je veux dire, c'est un des principaux chevaux de bataille de la fédération depuis 44 ans, la réglementation excessive. Alors, quand on va dans ce genre de direction là dans des projets de loi, pour nous, en tout cas, ça pose problème. Et on s'est demandé : Est-ce qu'on est obligé d'aller jusque-là? Parce que, tu sais, on peut réglementer un paquet d'affaires dans la vie, là. On peut se dire : Le brocoli, c'est bon pour la santé, hein, puis, si on veut améliorer la santé publique, on va-tu passer une loi pour obliger tout le monde à en manger trois fois par semaine?

M. Lisée : ...

Mme Hébert (Martine) : Ou plus. Il faudrait demander à M. Arruda qu'est-ce qu'il en pense, c'est combien de fois par semaine qui serait assez.

Mais tout ça pour vous dire que... Est-ce qu'on est obligé d'aller si loin que ça? Et c'est la question qu'on pose : Est-ce qu'on est obligé de considérer les copropriétés, les propriétaires, etc.? On est-u obligé d'aller si loin que ça dans... alors que les propriétaires et les locataires aussi ont le loisir de choisir, par exemple, des appartements ou des immeubles fumeurs ou non-fumeurs, là? Je pense qu'il y a quand même plusieurs propriétaires qui disent... souvent dans les petites annonces, quand vous regardez, hein, qui vont dire : Non-fumeurs, etc. Je pense qu'on jugeait que les dispositions actuelles de la loi, en tout cas, à la lumière des commentaires qu'on a reçus, étaient suffisantes.

M. Lisée : ...de voir que, donc, l'Association des propriétaires, eux, sont pour quelque chose de beaucoup plus large, donc ils veulent une réglementation qui, en fait, ferait en sorte que, si vous êtes à l'intérieur de votre logement ou de votre propriété, vous pouvez fumer, mais, à l'extérieur, essentiellement, ce ne serait plus le cas, donc il y aurait une égalité totale, alors que vous, vous dites : Bien, ça devrait être le libre choix. Mais le problème avec la fumée, c'est qu'elle se déplace. C'est un problème particulier qui n'est pas le cas du brocoli, qui ne se déplace pas, hein? Si j'en mange beaucoup, je ne peux pas vous l'imposer, alors que, si je fume beaucoup sur mon balcon, je vous l'impose.

Mme Hébert (Martine) : ...puis ça pollue.

M. Lisée : Vous êtes d'accord avec cette distinction. Bon, écoutez, je vous remercie pour vos commentaires. Je pense qu'évidemment l'objectif... également, vous êtes contre la surrèglementation et vous pensez aussi que le fardeau fiscal est trop élevé, y compris sur les entreprises. Ça, je ne prends pas un grand risque en disant ça. Mais vous savez que les coûts reliés au tabac pour la santé, c'est 4 milliards de dollars par année. Si on pouvait économiser là-dessus, on pourrait peut-être baisser le fardeau fiscal des petites entreprises.

Mme Hébert (Martine) : Ce serait l'idéal, M. le député...

M. Lisée : Bon. On est d'accord là-dessus.

Mme Hébert (Martine) : ...et on est prêts à accompagner le gouvernement dans ces efforts-là, comme je l'ai dit tantôt, mais dans des paramètres qui sont raisonnables, qui sont équitables et qui sont justifiés. Et on ne veut pas être tout seuls et on ne veut pas non plus nous voir imposer des obligations et des amendes qui sont, comme je l'ai dit tantôt, là, non seulement salées, mais saumurées, dans ce cas-ci.

M. Lisée : ...pour votre présentation.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Donc, pour la suite des choses, je cède la parole à la députée de Saint-Hyacinthe pour une durée de 8 min 30 s.

Mme Soucy : Merci. Bonjour. Dans le but de vous aider, d'aider les propriétaires, bon, de... les détaillants, en fait, d'appliquer la loi pour que ça soit plus simple pour eux autres... Bon, tantôt, j'ai retenu, en fait, les campagnes. Tu sais, vous dites : Faites plus de campagnes publicitaires, un peu comme Loto-Québec en a fait, un peu... bien, comme la SAQ aussi en a fait. Ça, j'ai retenu ça. Croyez-vous qu'il est absolument nécessaire que le gouvernement émette une autre carte d'identité, qu'on pourrait appeler la carte citoyenne, carte de citoyen, là, pour faire la vérification de l'âge de la personne qui se présente devant le détaillant? Pensez-vous que c'est un outil qui est essentiel à ce que vous appliquiez la loi?

Mme Hébert (Martine) : Ce qui est essentiel, là, c'est de donner le pouvoir, clairement, dans la législation concernée, au commerçant de pouvoir exiger une carte qui n'est pas facilement falsifiable, O.K.? Est-ce que c'est la carte... Tout le monde suggère la carte d'assurance maladie parce qu'effectivement il y a plus de jeunes qui ont une carte d'assurance maladie qu'il y a de jeunes qui ont un permis de conduire, O.K.? Est-ce que c'est une carte citoyenne? Le problème qu'on a actuellement, et ils vont l'ont bien dit tantôt, d'ailleurs, c'est que tu n'as pas nécessairement le droit d'exiger spécifiquement une carte en particulier quand tu es un commerçant...

Mme Soucy : Mais ça, est-ce que ça vous cause problème?

Mme Hébert (Martine) : Bien oui, ça cause problème parce que...

Mme Soucy : Pourquoi?

Mme Hébert (Martine) : ...parce que, vu que l'obligation... et l'obligation non plus pour l'acheteur n'est pas faite de montrer une carte en particulier, donc... et c'est là où il y a le problème. Parce que vous savez très bien comme moi... on a tous été jeunes — moi, je ne l'ai pas fait évidemment, mais je connaissais des gens qui l'avait fait — falsifier les cartes étudiantes, par exemple, c'est très facilement falsifiable, surtout qu'aujourd'hui, avec Internet, ils ont tous les moyens nécessaires, là, pour pouvoir le faire.

Alors, je pense que ça va être important de régler cette question-là. Et j'ai entendu M. le député de Rosemont, tantôt, aussi dire que ça faisait du sens, qu'effectivement il y avait quelque chose à regarder de ce côté-là. Je pense qu'il faut outiller les commerçants, il faut leur donner le moyen puis il faut aussi rendre le cartage obligatoire.

Mme Soucy : Donc, dans le projet de loi, c'est bien... on s'assure que ça soit bien inscrit que le détaillant demande une carte, une carte du gouvernement, hein, soit la carte d'assurance maladie, que ça soit n'importe quoi, une carte d'identité, en fait, puis ça, ça vous convient.

Mme Hébert (Martine) : Et que la personne soit tenue de la montrer.

Mme Soucy : Oui, mais, si la personne n'y est pas tenue, alors vous n'êtes pas tenus de lui vendre, hein?

Mme Hébert (Martine) : Oui. Qu'on précise.

Mme Soucy : Ça fait que ça va de soi.

Mme Hébert (Martine) : Mais qu'on précise.

Mme Soucy : Merci. Parce que je voulais être convaincue, je voulais être sûre, là, que c'est... de bien inscrire vos demandes pour que, quand on va faire le projet de loi article par article, on le mentionne.

Est-ce que vous diriez qu'il y a un type de restaurant où est-ce que ça risque d'être plus problématique de faire appliquer la loi de non fumer, par contre, sur les terrasses, par exemple? Tu sais, parce que, tantôt, vous disiez : Bien, ça risque d'être un peu compliqué parfois, il y en a qui ne seront pas contents, ils vont démontrer leur mécontentement. Pensez-vous qu'il y a un type de restaurant qui peut susciter plus de problèmes pour les propriétaires à faire appliquer la législation?

Mme Hébert (Martine) : Écoutez, Mme la députée, je pense que ce qu'il est important de se dire dans le cas de ce projet de loi là, là, c'est de dire : Ce n'est pas évident pour les... Les commerçants, là, les restaurateurs puis les tenanciers de bar, ils n'en ont pas, de pouvoir, pour faire respecter la loi. Une fois qu'ils ont dit, là, à quelqu'un, là : Regarde, tu n'as pas le droit de fumer ici, il faut que tu écrases, tu es sur une... Là, la personne est sur une terrasse, comme je l'ai dit tantôt, là, il est 2 h 30 du matin, hein, la personne, elle a un petit coup dans le nez. Des fois, tu dis : Bon, bien, pour la... parce qu'on parle de la santé publique, la sécurité des gens sur la terrasse. Bon, ça fait trois fois que je le lui demande. Qu'est-ce qu'on peut faire après? Il n'y a pas de moyen, dans le fond, d'agir, et je pense que, quand on fait une législation... puis alors qu'il y a une présomption de tolérance qui est automatique dans la loi. Alors, je pense que c'est toutes des questions, ça, qu'il faut qu'elles soient appréciées à la lumière de l'ensemble de ce que la loi impose aux commerçants. Puis les amendes sont très salées, hein, jusqu'à 125 000 $ pour une première offense. C'est énorme.

Alors, je pense que c'est tout ça que la commission, en tout cas, devra regarder pour rééquilibrer l'ensemble de ces dispositions-là dans le projet de loi.

Mme Soucy : On vous entend bien, puis je lis entre les lignes que c'est plus les bars ou les restaurants qui sont ouverts tard, exclusivement aux adultes, où est-ce qu'il y a consommation d'alcool, que ça risque d'être un peu plus problématique.

Mme Hébert (Martine) : On pourrait présumer que ça risque d'être ça.

Mme Soucy : Lorsqu'on va étudier le projet de loi article par article — bon, supposons qu'il y a une façon de le rédiger plus clairement — si jamais on mentionnait que le propriétaire doit s'assurer que le client soit informé qu'il y a une interdiction de fumer, puis vous affichez les interdictions de fumer, à ce moment-là, bien vous avez fait votre job. À ce moment-là, vous ne serez pas tenus de l'amende.

Si ça, c'est spécifié, est-ce que c'est quelque chose qui rassurerait les propriétaires?

Mme Hébert (Martine) : C'est sûr qu'à partir du moment où on va venir resserrer dans la loi qu'est-ce qu'on veut dire, là, quand il dit que c'est à lui de prouver qu'il n'a pas toléré qu'une personne fume puis, «n'a pas toléré», qu'est-ce que ça veut dire, par exemple, puis qu'on le précise, là, mettre une affiche, aviser la personne au moins deux fois, etc... Plus on va paramétrer et plus on va donner des outils pour pouvoir faire appliquer la loi, d'une part, et, d'autre part, aussi pour éviter les cas d'abus.

Mme Soucy : Pensez-vous que les montants des amendes actuelles ont facilité certains propriétaires délinquants de continuer à vendre aux mineurs? Par exemple, actuellement, la contravention, au minimum, c'est 500 $. À 500 $, c'est peut-être facile de se rattraper si on vend aux mineurs, c'est...

Mme Hébert (Martine) : Vous savez, le problème avec les lois puis les règlements, c'est toujours les mêmes, c'est-à-dire qu'on fait... Souvent, on va faire une loi, un règlement parce qu'il y a des gens qui sont délinquants, O.K., puis, pour essayer d'attraper les délinquants, bien, on va punir à outrance tout le monde autour, même ceux qui agissent de bonne foi. Et le problème avec le... en tout cas, et c'est là qu'on dit que le projet de loi manque de discernement à cet égard-là, le montant des amendes qui sont là sont disproportionnées. Qu'on coure après les délinquants puis qu'on dise : Les récidivistes, là, puis ceux qui vraiment, là, ont fait ça, là, de plein gré et l'ont fait en toute connaissance de cause... que, eux, on leur colle des amendes salées, je veux dire, qu'on les punisse, c'est une chose. Le problème, c'est que ce n'est pas ça que le projet de loi dit. Le projet de loi dit : Peu importe, si c'est la première... peu importe, là, ta situation, que tu aies essayé, ou que tu n'aies pas essayé, ou que ça fasse trois fois que tu tombes sur des mauvais employés — puis ce n'est quand même pas de ta faute — qui sont délinquants, tu vas payer le même prix pareil. Et c'est là où il y a un manque de discernement dans la législation.

• (19 heures) •

Mme Soucy : Mais on le demandera à la ministre lorsqu'on va étudier le projet de loi. Mais, moi, ce que je vois présentement dans la loi actuellement, c'est : il y a un minimum de 500 $, un maximum de 2 000 $ et, quand il y a récidive, c'est entre 1 000 $ à 6 000 $. Mais là on posera la question au gouvernement : Bien, qu'est-ce qui fait en sorte que c'est 500 $ ou 2 000 $?

Mme Hébert (Martine) : Qu'est-ce qui fait en...

Mme Soucy : C'est ça. Bien là, on posera la question, on verra ce qu'ils vont répondre. Parce que je comprends votre préoccupation, parce que vous dites : Bien, supposons qu'il y a un fonctionnaire qui fait du zèle puis, à la première infraction, il me met 125 000 $, parce que c'est minimalement 2 500 $ à aller à 125 000 $... Je comprends cette préoccupation-là, mais on va le demander quand on sera rendus à l'étude détaillée, qu'est-ce qui fait en sorte que c'est soit 2 500 $ ou 125 000 $. J'imagine qu'il y a une gradation des sanctions qui serait logique, là, mais on va poser la question pour vous.

Mme Hébert (Martine) : Mme la députée, vous savez, qu'est-ce qui justifie, là, qu'on ait passé d'une loi — justement, vous l'avez dit, là — où c'était 500 $ minimum, puis là le minimum passe à 2 500 $, puis le maximum, vous avez dit, c'était...

Mme Soucy : 125 000 $.

Mme Hébert (Martine) : Non, non, le maximum avant était de...

Mme Soucy : Ah! le maximum avant était de 2 000 $ pour la première offense, mais, les récidivistes, c'était 6 000 $.

Mme Hébert (Martine) : C'est ça, de 2 000 $, puis là on va passer à 125 000 $. On s'entend-u, là, qu'on est dans une marge, là, où on fait un saut de géant? On a-tu besoin d'aller sauter, au niveau du plafond des amendes, là, aussi haut que la tour Eiffel? On ne pourrait-u pas aller un petit peu plus bas puis avoir les mêmes résultats ou les mêmes effets recherchés? Parce que je ne suis pas convaincue...

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. C'est tout le temps qu'on avait pour ces échanges.

Mme Charlebois : Est-ce que je peux juste clarifier quelque chose au niveau de la présomption, là?

La Présidente (Mme Montpetit) : J'aurais juste besoin du consentement pour...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Montpetit) : Oui? Parfait.

Mme Charlebois : Ça va? À l'article 11 de la loi déjà existante, qui a été adoptée en 2005 — je vous le lis : «L'exploitant d'un lieu ou d'un commerce visé au présent chapitre ne doit pas tolérer qu'une personne fume dans un endroit où il est interdit de le faire. Dans une poursuite intentée pour une contravention au premier alinéa, il y a présomption que l'exploitant du lieu ou du commerce a toléré qu'une personne fume dans un endroit où il est interdit de le faire s'il est prouvé qu'une personne a fumé dans cet endroit. Il incombe alors à l'exploitant de prouver qu'il n'a pas toléré qu'une personne fume dans un endroit où il est interdit de le faire.»

C'est déjà en vigueur dans la loi — vous nous demandez de revenir en arrière — de 2005. Je voulais juste le porter à votre attention. On pourra en reparler.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Donc, sur ce, je vous remercie, Mme Hébert, pour votre présentation.

Je vais suspendre les travaux quelques instants et j'invite l'Association des propriétaires du Québec à prendre place.

(Suspension de la séance à 19 h 3)

(Reprise à 19 h 6)

La Présidente (Mme Montpetit) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à nos invités de l'Association des propriétaires du Québec. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter et je vous rappelle que vous disposez d'une durée de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Association des propriétaires du Québec (APQ)

M. Messier (Martin A.) : Merci, Mme la Présidente. Mesdames et messieurs, distingués membres de cette commission, mon nom est Martin Messier, je suis président de l'Association des propriétaires du Québec. Je suis accompagné, à ma gauche, de Me Robert Soucy et, à ma droite, de Me Annie Lapointe.

D'abord, merci de nous permettre de faire cette présentation devant vous. La présence de nos membres au sein de la commission est importante, parce qu'on veut vraiment prendre l'occasion de souligner une problématique qui est importante pour les 15 000 membres qu'on représente au Québec, donc, qui ont plusieurs centaines de milliers de logements, qui vivent des problématiques dans le quotidien qui nous interpellent... dans la vie des gens, dans le quotidien des locataires. On a, pour certains immeubles, des difficultés qui sont causées par la propagation de la fumée secondaire. Et, voilà, le but de notre présence aujourd'hui, c'est de vous faire part un petit peu de notre réalité à nous et d'inspirer certaines réflexions dans cette démarche. Et donc, tout de suite, je vais céder la parole à Me Soucy.

M. Soucy (Robert) : Bonjour, Mme la Présidente, MM. et Mmes les députés. Tout d'abord, ce qu'on doit affirmer devant vous aujourd'hui, c'est que nous, on appuie la proposition, là, de la modification de l'article 2, le paragraphe 7°, qui diminue le nombre d'unités nécessaires dans un immeuble, là, pour interdire, là, de fumer dans les aires communes. Donc, on est d'accord à ce que ça passe de six logements et plus à deux logements et plus, on est d'accord avec cette proposition-là.

Cependant, on se posait comme question : Est-ce qu'«aires communes», ça comprend la cour arrière? Exemple, dans des triplex, il y a trois logements, chaque locataire a usage en commun de la cour arrière. Puis là il y a des conflits, à un moment donné il y a des gens qui installent des tables, ils mangent là, d'autres... des enfants qui jouent dans la cour. Est-ce qu'«aires communes» incluraient la cour arrière?

Autre questionnement aussi qu'on s'est posé, nous, comme association, parce qu'on est obligés d'arbitrer les conflits entre locataires, entre propriétaires et locataires, on se demandait s'il y avait des possibilités de prévoir la codification de la jurisprudence actuelle. C'est qu'actuellement les propriétaires d'immeuble, à la conclusion du bail, ont le droit d'interdire de fumer dans les logements. Donc, avant que le locataire signe le bail, il peut déclarer : Moi, mon immeuble, ton logement, ça va être un logement de non-fumeurs. Il peut aussi également, à notre avis... quoique, la jurisprudence, il y a très, très peu de cas, mais, à notre avis, il pourrait aussi aller jusqu'à interdire de fumer sur les balcons. La problématique qu'on a, c'est que des gens, à un moment donné, qui fument sur les balcons extérieurs... en été, les gens ont les fenêtres ouvertes, ça peut être tard le soir, vous êtes couchés, puis, à un moment donné, la fumée de cigarette s'introduit chez vous. Vous respirez ça, vous êtes obligés de vous lever, de fermer les fenêtres, ainsi de suite. Donc, il y a des litiges, des fois, entre des locataires fumeurs et des non-fumeurs. Nous, ce qu'on aimerait, c'est qu'on ait la codification, que la loi reconnaisse aux propriétaires le droit de déclarer un logement non-fumeurs et aussi sur les balcons.

• (19 h 10) •

Ceci étant dit, si la loi donne ce pouvoir-là au propriétaire, si le propriétaire déclare que son logement est non-fumeurs et les balcons, c'est non-fumeurs, on voudrait aussi que, s'il y a des contraventions à la loi, le système d'amendes puisse s'appliquer au contrevenant et non pas au propriétaire, mais au contrevenant. La raison pour laquelle... c'est qu'actuellement, dans l'état actuel du droit, si vous déclarez votre logement non-fumeurs puis que quelqu'un fume dans le logement, vous avez un recours à la Régie du logement pour faire sanctionner le contrevenant, mais il y a des délais d'audition qui sont très, très longs à la Régie du logement. Tout le monde connaît que les cas qui ne sont pas urgents, ça peut prendre un an, un an et demi, même deux ans avant d'avoir un avis d'audition puis une audition. Donc, s'il y a des contrevenants, s'il y avait des amendes, les amendes s'appliqueraient maintenant, ça aurait un pouvoir persuasif beaucoup plus grand que l'actuelle procédure de la Régie du logement. Parce que, si on a une clause de non-fumeurs dans le logement, le locataire fume, c'est quoi, la contravention? C'est quoi, le dommage? À mon humble avis, c'est très, très difficile de demander la résiliation du bail, parce que quelqu'un contrevient au droit de non fumer, là... pardon, à l'interdiction de non fumer. Le dommage est difficile à fixer, selon la jurisprudence. À mon avis aussi, on ne peut pas avoir une expulsion, une résiliation du bail parce qu'il n'y a pas suffisamment de motifs sérieux.

Donc, on a une difficulté, nous, les propriétaires. On peut déclarer le logement non-fumeurs, mais après comment est-ce qu'on fait pour sanctionner les contraventions?

Ceci étant dit, aussi, c'est qu'on doit se poser la question aussi de l'application de la loi. Si on considère qu'on déclare un logement non-fumeurs et que la loi s'applique, nous, on demanderait que la loi considère l'application soit à la conclusion du bail ou lors d'un renouvellement de bail, pas immédiatement en cours de bail. À notre avis, là, ce serait excessif. Mais on pourrait lors d'une conclusion du bail ou au renouvellement du bail. Ça donnerait un choix au locataire de quitter à la fin du bail si, à un moment donné, le logement était déclaré non-fumeurs.

Le problème avec ça, c'est que, lorsqu'on parle de la reconduction du bail, si notre but, c'est d'avoir, à un moment donné, des logements, des immeubles complets non-fumeurs, il y a le problème de la cession de bail : un locataire qui est fumeur cède son bail à un autre locataire qui est fumeur. Donc, il y aurait un droit quasiment acquis à tous les gens qui resteraient dans ce logement-là d'être un fumeur, d'accord? Donc, pour arriver à contrer cette disposition de la loi là, il faudrait qu'aux reconductions du bail on puisse appliquer la loi, parce que nous, on prétend que c'est une question de santé publique, là. Si les gens veulent avoir des logements non-fumeurs, il faut prendre des moyens. Nous, les propriétaires, ce qui arrive, c'est qu'on veut laisser à la discrétion des propriétaires le droit de déclarer le logement interdiction de fumer. Ça dépend aussi de la configuration des lieux. Il y a certains balcons, certaines terrasses où fumer sur la terrasse, ça ne cause aucun problème aux voisins, d'accord? Si on le faisait sans préciser, là, sans discrétion, ça s'appliquerait uniformément à tous les logements, ça pourrait mener, nous autres, on pense, à certains excès, d'accord?

Donc, c'est pour ça qu'on prévoit, là, de laisser une discrétion au propriétaire de déclarer son logement non-fumeurs ou pas mais de faire reconnaître par la loi ce droit-là. C'est un peu ce que je voulais dire.

Je vais laisser la parole à ma collègue Me Lapointe, qui va vous parler du formulaire du bail et du dépôt de garantie.

Mme Lapointe (Annie) : Bonjour. Alors, deux petits points pour terminer. En fait, on croit qu'il serait pertinent d'inclure à l'intérieur du bail obligatoire de logement la possibilité pour le propriétaire d'indiquer si c'est possible de fumer ou non à l'intérieur du logement. Actuellement, il n'y a pas d'emplacement qui est prévu, donc parfois c'est verbalement qu'on va donner l'information au locataire, il y a des oublis. Donc, c'est vraiment dans un souci de clarification. Donc, ce serait vraiment d'indiquer oui, non, est-ce qu'on peut fumer dans le logement. On pourrait ajouter aussi, les balcons, la cour arrière, oui, non, est-ce que c'est possible de fumer à ces endroits-là.

Pour terminer, on croit qu'il serait pertinent également, dans les situations où le propriétaire accepte qu'une personne fume à l'intérieur du logement, que le propriétaire puisse être en mesure de demander un dépôt de garantie, sachant qu'une personne qui fume énormément dans le logement, ça amène des conséquences, donc des dommages, au logement, ça amène des résidus sur les murs, sur les planchers. Parfois, il y a des dommages, des brûlures de cigarette sur les comptoirs, les planchers. Donc, c'est dans un souci de conscientiser le locataire qu'on demanderait, dans cette situation précise là, que le propriétaire soit en mesure de demander, s'il le souhaite, un dépôt de loyer.

M. Messier (Martin A.) : Ça complète, Mme la Présidente, notre présentation.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie beaucoup. Alors, on va débuter la période d'échange avec la partie ministérielle pour une durée de 21 minutes.

Mme Charlebois : O.K. Ce que vous nous demandez en conclusion, là, concernant le dépôt de garantie, je veux juste clarifier cette partie-là et je crois que vous aussi, vous m'aviez fait part d'un changement au bail, qu'on veut faire en sorte que le logement devienne un logement non-fumeurs.

D'abord, je vais commencer par vous saluer. On va faire les choses dans l'ordre, là. Je pense que je suis trop emballée dans mon sujet, hein? On va reprendre les choses comme il faut. M. Messier, M. Soucy et Mme Lapointe, bienvenue. Bon. Je pense que, là, le sujet commence à m'envahir de tous bords tous côtés. Bienvenue, et merci de nous faire part de vos commentaires. Et c'est intéressant, on a un autre point de vue sur un sujet qu'on n'a pas abordé encore : les aires communes.

Alors, je reprends. Concernant la modification au bail ou concernant le dépôt de garantie pour dommages, j'ai déjà entendu des histoires similaires, honnêtement. Vous le dites vous-mêmes dans votre mémoire. Je pense que vous savez que ça relève du Code civil, et donc pas du ministère de la Santé. J'en prends bonne note. On va transmettre l'information. Mais ce n'est pas l'endroit. En fait, c'est ce que j'essaie de vous dire. C'est que nous, on va transmettre l'information, mais c'est le plus loin qu'on peut aller en ce moment avec les informations ou, en tout cas, avec vos demandes, qui pourront être adressées là-bas.

En ce qui concerne l'interdiction, ce qui m'a un petit peu captée au début de la présentation, c'est les aires communes. Bizarre. On s'attendait à une résistance, et, non, vous êtes favorables.

M. Soucy (Robert) : Bien, l'ensemble des propriétaires ne sont pas à l'encontre, là, de l'interdiction de fumer, parce qu'on le sait, là, que la majorité de la population, c'est des non-fumeurs maintenant, puis avec la tendance, là, actuelle, là, les propriétaires... bien, nous, on a des fumeurs, des non-fumeurs puis des gens qui vont peut-être devenir fumeurs, mais, en tout cas, on représente une association, mais, dans les 15 000, il y a une variation, là, des gens, mais en général on prétend que nos membres sont d'accord que, dans les aires communes, il n'y ait pas de cigarette là. Parce que nous autres, écoutez, si on fume dans les aires communes, là... C'est qu'on a des tapis, des fois les odeurs s'imprègnent dans les tapis, il y a des brûlures de cigarette, il y a des risques d'incendie, les gens ouvrent les portes... parce qu'il y a des issues de secours, puis ils ouvrent la porte, puis ils fument dehors, ils jettent la cigarette dehors l'hiver, donc ça crée des problèmes. À un moment donné, la porte de secours, elle ne ferme plus parce qu'il y a de la glace, puis... en tout cas, toutes sortes de petits problèmes, là...

Mme Charlebois : Chicanes de voisins.

M. Soucy (Robert) : ...que nous, on est obligés de gérer à la petite semaine, là.

Donc, les propriétaires, s'ils disent qu'il y a interdiction de fumer, bien là, eux autres, il y a moins de risque d'incendie, moins de risque avec les portes de secours, moins de dommages aux tapis, moins de dommages à la peinture. Donc, eux autres, en général, on prétend que les propriétaires sont d'accord avec cette disposition-là pour les aires communes.

Mme Charlebois : Puis, de toute façon, ça répond à une demande, dans ce sens que, quand c'est une aire commune, si moi, je ne fume pas, puis mon voisin fume, bien, je passe dans son nuage pour me rendre chez moi.

M. Soucy (Robert) : Oui. C'est la même chose un peu, les balcons. Ça peut paraître un petit peu excessif, mais nous autres, on gère, parce qu'à l'Association des propriétaires il y a des gens qui nous informent de leurs problèmes, on est obligés d'essayer de régler les conflits, puis, malheureusement, il y a des non-fumeurs puis des fumeurs dans des appartements puis ils fument sur les balcons, puis c'est la fumée secondaire qui se répand dans les autres logements, puis on reçoit des plaintes là-dessus.

Puis là on se posait la question : Bien, est-ce qu'un balcon, s'il y a interdiction de fumer à l'intérieur du logement... Parce que des propriétaires n'ont pas prévu le cas. Ils interdisent de fumer à l'intérieur des logements, mais est-ce que le balcon fait partie des logements? On sait que dans la loi les accessoires d'un logement, c'est supposé faire partie du bail d'un logement, mais, en tout cas, il n'y a pas de jurisprudence, en tout cas, sur l'interdiction de fumer sur un balcon. C'est pour ça qu'on attirait un petit peu l'attention, là, sur les balcons, mais la jurisprudence, elle reste à être formée, là, par les tribunaux.

Mme Charlebois : Bien, en fait, juste pour répondre à votre question, en ce moment... puis j'entends votre demande, là, mais en ce moment, à l'article 2, c'est clairement indiqué qu'il est interdit de fumer dans tous les lieux fermés. Alors, le balcon ne ferait pas partie du lieu fermé. Est-ce qu'il y aurait lieu de réfléchir à ça? Parce que, vous avez raison, si moi, je fume au deuxième puis l'autre est au troisième puis il reçoit ma fumée pendant... On peut y réfléchir puis on verra ce qu'on peut faire, mais...

Une voix : ...

Mme Charlebois : Le balcon fait partie de l'appartement? Mais est-ce que c'est une aire commune?

Une voix : Non.

• (19 h 20) •

Mme Charlebois : Non. Alors, c'est ça. Il faudra réfléchir à savoir si on met une extension au balcon. En ce moment, ce n'est pas prévu dans le projet de loi, mais on entend votre demande. C'est parce que vous avez beaucoup de plaintes. Quand vous me parlez de plaintes, est-ce que, sur l'ensemble de vos membres, vous en avez suffisamment pour dire que beaucoup de vos membres sont affectés, notamment par les aires communes, par les plaintes sur les balcons? Donnez-moi un petit peu la répartition, tu sais. Dans vos membres, là, combien vous demandent que les logements deviennent... On va commencer par les terrasses, tiens. Réglons les terrasses.

M. Soucy (Robert) : Bien, je pourrais peut-être commencer par l'interdiction de fumer à l'intérieur des logements, là. C'est surtout ça qui a été d'actualité, là, parmi nos membres, là, depuis un certain temps, là, parce qu'il y a eu des débats à la télévision puis, dans la radio, dans les journaux, on a parlé de ça.

Les propriétaires, à un moment donné, ils déclarent que, le logement, c'est un logement non-fumeurs, mais le problème avec ça, c'est comment on gère ça, un contrevenant, comment on attrape un contrevenant qui fume dans son logement, d'accord, parce que la personne peut signer son bail : Je ne fume pas, puis, à un moment donné, il rentre dans son logement puis il fume, c'est le voisin d'en haut qui le voit fumer sur le balcon, qui le voit fumer à l'intérieur, puis là tu es obligé de jouer au détective, tu sais, de rentrer dans la maison. Puis là tu dis quoi? Ça sent la cigarette dans le logement, d'accord? Les gens vont dire : Écoute, moi, là, à mon travail, là, on a... je ne sais pas, je fréquente des places, puis il y a des gens qui fument, puis c'est mon linge qui sent la cigarette, je n'ai pas fumé dans mon logement. On a beaucoup à gérer ces questions-là, là, les propriétaires qui déclarent les logements non-fumeurs.

Maintenant, dans les aires...

Mme Charlebois : ...excusez-moi, la même problématique, même si c'est inscrit dans le projet de loi. Il va falloir le prouver.

M. Soucy (Robert) : Oui, oui, exactement. Ce que je veux dire par là...

Mme Charlebois : Parce que vous pouvez le faire en ce moment. Est-ce que je me trompe?

M. Soucy (Robert) : Oui, on peut le faire, mais la difficulté de preuve... Ce n'est pas facile de prouver que quelqu'un... de prendre un contrevenant sur le fait, d'arriver à la Régie du logement puis faire la preuve que la personne fume dans son logement.

Mme Charlebois : Mais, si on le met dans le projet de loi, comment ça va être plus facile? C'est ça que je n'arrive pas à comprendre.

M. Messier (Martin A.) : Bien, en fait, une des différences, puis c'est un des points à l'entrée en matière, c'est de permettre, en fait, que, si c'est codifié, le locataire puisse être sujet à une amende.

Une des problématiques qu'on a actuellement, c'est le recours. Donc, d'abord, il faut prouver qu'il y a eu contravention au bail ou au règlement de l'immeuble, ensuite, il faut faire une demande à la Régie du logement, donc, on parle de délai d'attente, là, de 18 mois, 24 mois, et après ça il y a la sanction. Moi, je n'ai pas le droit de mettre une amende dans mon règlement. Je ne pourrais pas dire, par exemple, que, si j'attrape quelqu'un qui fume, ça va coûter 50 $ ou 100 $. Mais je n'ai pas cette possibilité-là. J'ai la possibilité de demander à la Régie du logement d'ordonner au locataire de ne pas fumer, alors même qu'il s'est déjà engagé lors de la signature du bail, ou de résilier son bail. Donc, il n'y a pas d'alternative. Et donc, de demander l'expulsion du locataire parce qu'on a fumé, le niveau de preuve est assez élevé, hein, parce qu'on fait déménager quelqu'un parce qu'il a fumé. Et donc le niveau de preuve devant le tribunal est très difficile pour le propriétaire, et on n'a pas cette capacité-là, là, d'investigation puis de jouer au détective.

Donc, un des intérêts de le codifier, c'est de permettre que le contrevenant, évidemment, pas le propriétaire, parce que, on l'a bien établi, on a peu de contrôle dans nos logements, là... C'est un espace privé. On ne se mettra pas à mettre des détecteurs de cigarette branchés après le Service de gestion. Mais ça serait un peu compliqué, assez embêtant, et il y aurait sûrement d'autres arguments qui nous feraient penser deux fois à cette mesure-là. Mais donc d'avoir la possibilité sur plainte... évidemment, vos inspecteurs, pas plus que nous, ne vont se promener dans les logements, mais, sur plainte des locataires avoisinants, environnants, qu'à ce moment-là, puisque ça fait partie de la loi, l'amende puisse viser le contrevenant, en espérant que cette possibilité-là fasse réfléchir les gens avant de contrevenir à la disposition, alors qu'actuellement je dois aller à la Régie du logement demander la résiliation du bail et l'expulsion du locataire. Donc, c'est ça qui est difficile, hein, la marche est assez haute. Quelqu'un fume, je n'ai pas de mesure alternative.

Mme Charlebois : Selon ma compréhension, c'est qu'il faut que ce soit inscrit sur le bail, donc, encore là, c'est le Code civil qui intervient à ce niveau-là. Mais on va transmettre votre message.

Revenons aux aires communes. Vos propriétaires, souvent, il y a un propriétaire qui reste avec... tu sais, un deux logements, ce n'est quand même pas beaucoup, mais vos propriétaires sont souvent dans le même édifice que le locataire et/ou, des fois, c'est deux locataires. Vous avez eu combien de représentations à ce niveau-là? Parce que vous savez qu'il faut, encore là, faire la preuve. Combien vous avez de représentations des gens? Parce que, dans l'aire commune... moi, j'ai entendu parler qu'il y avait beaucoup de chicanes entre les gens : un ne fume pas, l'autre fume, puis, quand tu passes là-dedans puis... En tout cas. En avez-vous beaucoup?

M. Messier (Martin A.) : En fait, ça dépend énormément de la configuration des immeubles, parce qu'il y a des immeubles où l'escalier va mener directement de l'extérieur au logement. On parlait de petits immeubles où les propriétaires habitent eux-mêmes avec leurs locataires.

Dans ce cas-là, on parle plus de la cour arrière, où les gens vont partager des espaces ensemble. Mais sinon on va souvent accéder au logement, carrément, de l'extérieur de l'immeuble, et donc, là, on n'a pas cette dynamique-là. On a la dynamique là où les gens s'installent devant l'immeuble et, bon, fument devant l'escalier commun, mais c'est plutôt dans les grands immeubles où, là, on va avoir des corridors et là on va avoir des gens qui déambulent avec la cigarette, mais actuellement c'est déjà pas mal sous contrôle. Ce qu'on a, c'est des conflits entre locataires, alors qu'on a fait des représentations, par exemple, comme propriétaires d'immeuble, à l'effet qu'il s'agissait d'un immeuble sans fumée dans les cas où on a été en mesure de le faire. Parce que, on en parlait tantôt, la reconduction... une des problématiques, et, encore une fois, peut-être que ça touche un peu vos collègues du ministère de la Justice en ce qui a trait au Code civil, mais, à la reconduction du bail, actuellement, la jurisprudence majoritaire nous dit qu'on n'a pas la possibilité de faire cette modification-là en disant que le droit au maintien dans les lieux du locataire est touché. Donc, on nous dit : Si vous faites une modification visant à interdire au locataire de fumer dans son logement... Évidemment, en faisant la distinction, ça me fait un petit peu sourire, mais c'est important de le faire, ce n'est pas... on ne veut pas interdire un fumeur dans le logement, on veut interdire la fumée dans le logement, définitivement. Et, à ce moment-là, si je ne peux pas le faire à la reconduction du bail, c'est dans certains cas peine perdue, parce que le locataire, au Québec, a droit au maintien dans les lieux, donc, il y a des gens qui restent très longtemps.

On a un processus qui s'appelle la cession de bail, qui permet de transférer le bail avec tous les droits et toutes les obligations. Et, à ce moment-là, si je n'ai pas d'interdiction de fumer, je vais me retrouver avec un immeuble partiellement sans fumée. Et donc ça, c'est encore plus difficile à gérer, parce que, là, j'ai un locataire qui va me dire : Moi, je n'ai pas le droit de fumer, mais l'autre a le droit. Donc, ça, ce n'est pas évident. Et c'est de là qu'on pense qu'une des limitations ou... oui, au droit au maintien dans les lieux devrait nous permettre d'inclure lors de la reconduction du bail une modification au règlement de l'immeuble visant l'exclusion de la fumée dans le logement.

Mme Charlebois : Ce que vous nous demandez, là, c'est d'assujettir la cour des établissements... bien, pas des établissements, mais des blocs-appartements, là, des édifices à logements, la cour intérieure ou extérieure, en tout cas la cour que tout le monde partage. Vous nous demandez d'étendre ça, vous allez plus loin qu'un rayon de neuf mètres encore. Vous ne nous demandez pas le neuf mètres, vous nous demandez toute la cour.

M. Messier (Martin A.) : En fait, ce qu'on vous demande, c'est de permettre au propriétaire de faire cette détermination-là. Pourquoi? Parce qu'à ce moment-là le locataire va être informé. Donc, si je reçois mon avis de reconduction ou je signe un bail, je sais qu'il s'agit d'un immeuble sans fumée et je pourrai faire ce choix-là.

D'autres propriétaires pourraient faire le choix, et le locataire sera avisé également, en fonction de la configuration des lieux — une grande cour, des balcons qui ne se touchent pratiquement pas, il y en a qui sont à distance très respectable les uns des autres — de permettre la fumée. Mais, à ce moment-là, ça nous permet, nous, d'annoncer au locataire cette façon de faire, et donc il est informé de la situation. Et c'est pour ça que le fait de permettre au propriétaire, en fonction de l'immeuble, parce qu'il y a toutes sortes de configurations, de décider et d'annoncer — c'est bien important — à ses locataires quelle est l'orientation qu'il peut prendre en fonction de la configuration des lieux nous semble pertinent. Mais effectivement il y a plusieurs réflexions qui sous-tendent toute cette dynamique-là. Bien conscient de ça. Mais on vous lance la réflexion.

Mme Charlebois : Bien, vous avez déjà l'interdiction à l'intérieur du neuf mètres de la porte de vos établissements... bien, de votre édifice à logements et vous voulez avoir justement en fonction... mais on ne peut pas légiférer puis dire : Bien, laissez pour celui-ci faire ce qu'il veut là puis... Vous avez déjà la possibilité de l'interdire dans les cours intérieures. Ce que vous souhaiteriez, c'est de pouvoir avoir des amendes qui sont liées à l'interdiction que vous voulez.

M. Messier (Martin A.) : Si c'est codifié que le propriétaire peut choisir, mais que c'est codifié, qu'on puisse avoir un recours contre le contrevenant, le sensibiliser, parce qu'il a une amende et que ce n'est pas un recours devant la Régie du logement qui prend 18, 24 mois dans lequel je devrai demander l'expulsion d'un locataire parce qu'il a fumé.

Mme Charlebois : O.K. Vous avez pris connaissance de l'ensemble du projet de loi ou si vous vous êtes concentrés sur ce qui vous concernait?

M. Messier (Martin A.) : On s'est concentrés sur ce qui nous concernait, mais ça me ferait plaisir, si vous avez des questions, de réfléchir avec vous.

• (19 h 30) •

Mme Charlebois : Oui, de partager certaines opinions, tant qu'à vous avoir ici.

Est-ce que vous considérez, dans l'ensemble de l'oeuvre, du projet de loi qui est présenté, qu'on a ciblé les bons... en tout cas, qu'on a ciblé les bonnes actions à prendre pour faire en sorte que nous allons réduire la prévalence au tabac, qu'on va permettre aux gens de... tu sais, que la cessation du tabagisme soit de plus en plus meilleure — on va dire ça comme ça — et que nos jeunes vont être protégés davantage par la fumée de cigarette mais aussi par l'exposition à des produits du tabac? Est-ce que vous considérez que c'est un bon projet de loi, finalement?

M. Messier (Martin A.) : Dans l'ensemble, disons que nos propriétaires, comme, je crois, une bonne partie de la population, sont effectivement sensibilisés et croient que c'est un pas dans la bonne direction, d'autant plus qu'en fait, quand on parlait de plaintes... Et, sans vouloir vraiment généraliser, dans l'ensemble, les émotions qui sont générées par de la fumée de cigarette soit dans les espaces communs ou dans les cours arrières, par exemple à côté de la piscine... c'est souvent une piscine pour enfants, c'est souvent les parents, là, qui vont être touchés et sensibilisés par le fait que leurs enfants, bien qu'eux ne fument pas, soient exposés à de la fumée secondaire à même les aires de jeu ou les aires communes. Donc, oui, je pense que, comme société, c'est une démarche inspirante.

Mme Charlebois : Est-ce que vous trouvez qu'on va loin, vous, avec l'interdiction de fumer sur les terrasses?

M. Messier (Martin A.) : Bien, écoutez, nous, on vous parle de permettre aux propriétaires l'interdiction de fumer sur les balcons, donc je pense que vous avez, de ce fait même, notre position sur les terrasses.

Mme Charlebois : Moi, je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour une période de 12 min 30 s.

M. Lisée : Merci, M. le Président. M. Messier, Me Soucy, Me Lapointe, bienvenue à l'Assemblée nationale. Donc, vous êtes assez favorables à une réglementation plus large pour protéger les non-fumeurs. Et, lorsqu'on parle de duplex ou de triplex — donc, on ramènerait à deux logements — qu'en est-il du propriétaire? Est-ce que le propriétaire, s'il habite le rez-de-chaussée et qu'il a un accès à la cour et à son balcon avant, enfin s'il a un balcon... devrait-il être traité différemment des locataires?

M. Messier (Martin A.) : Bien, en fait, je crois que, un peu comme on le disait auparavant, les propriétaires vont souvent vouloir présenter, diffuser l'information avant de louer, et je verrais mal comment un propriétaire qui informe son locataire que le duplex ou le triplex sera sans fumée, parce que la configuration des lieux, par exemple, rend cette situation préférable... je vois mal comment lui pourrait décider de faire autrement. Prêcher par l'exemple, c'est certainement une bonne idée.

M. Lisée : Mais là les dispositions dont on parle dans votre mémoire concernent les logements. Est-ce qu'il faudrait aussi que la législation désigne également le logement du propriétaire?

M. Messier (Martin A.) : ...ça inclut le... quand on parle de logements. Si c'est un immeuble à logements, le logement du propriétaire n'est pas traité de façon différente sous tous les aspects de la loi.

M. Lisée : Très bien. Mais parlons du problème de la sanction. Alors, vous dites, et je vous entends très bien, que, si un logement est désigné non-fumeurs, le locataire signe et ensuite il y a de la consommation de tabac au sein du logement, d'abord c'est difficile à en faire la preuve et, si vous réussissez à en faire la preuve, le seul remède, c'est l'expulsion, ce qui semble excessif. Bon. Alors, vous dites : Il faudrait introduire la capacité de faire une amende. Mais qui donnerait l'amende?

M. Messier (Martin A.) : Bien, en fait, c'est pour ça qu'on préfère que ce soit inclus à la loi, parce que nous, si on arrive devant la Régie du logement, tout de suite... D'abord, à qui est-ce que l'amende est payable? Puis ensuite les délais de la Régie du logement... Donc, définitivement, ce serait le même service d'inspection.

M. Lisée : Donc, le propriétaire en fait la démonstration, le locataire se défend. La régie dit : Je crois le propriétaire, vous avez une amende de, disons, 50 $ que vous payez à la régie.

M. Messier (Martin A.) : Bien, en fait, ce ne serait pas vraiment à la régie. Dans ce qu'on vous propose, c'est vraiment les mêmes organes qui vous permettent de donner des amendes aux autres contrevenants qui devraient intervenir également dans le monde du logement, justement pour éviter la Régie du logement et cette dynamique plutôt difficile, ne serait-ce que quant aux délais.

M. Lisée : Ce serait aux corps policiers.

M. Messier (Martin A.) : Tout à fait.

M. Lisée : Aux corps policiers. Vous appelleriez la police en disant : Venez dans l'appartement, il n'est pas censé fumer, il a fumé, la loi prévoit qu'il y a une amende de 50 $, donnez-lui une contravention.

M. Messier (Martin A.) : Et à ce moment-là, bien, le policier ou l'inspecteur ferait effectivement son travail et déciderait de la pertinence de donner ou non une contravention un peu comme on le fait actuellement pour le bruit.

Je vous donne l'exemple du bruit parce que, dans certaines municipalités, il y a effectivement des contraventions qui sont émises directement aux locataires. Si on fait du bruit à toute heure du jour et de la nuit en dérangeant les voisins, les forces de l'ordre vont permettre que cette disposition-là soit réglementée et que le règlement soit appliqué.

M. Lisée : O.K. Mais là il y aura toujours le même problème de preuve, c'est-à-dire que, s'il y a un cendrier avec des mégots, ça va être facile à voir; si c'est juste parce qu'on sent le tabac, ça va être plus compliqué.

M. Messier (Martin A.) : Vous avez tout à fait raison, il y a toujours une problématique de preuve, mais évidemment le fardeau de preuve entre demander à la Régie du logement, comme c'est le cas actuellement, d'ordonner l'expulsion d'un locataire et celui de donner une amende ne sera pas nécessairement le même.

M. Lisée : Mais on sait qu'il y a une problématique qui déborde de notre sujet aujourd'hui, sur la transformation d'immeubles à logements en immeubles à condos, et des propriétaires utilisent parfois toutes sortes de techniques pour essayer de faire évacuer les locataires. Ça existe. Maintenant, si on vous donne le droit de déclarer un logement qui n'était pas désigné non-fumeurs... à la fin du bail, de le désigner non-fumeurs, ça ne pourrait pas être utilisé par des propriétaires qui disent : Bon, bien, moi, je veux justement récupérer mon bien, j'ai un locataire qui est fumeur, je vais désigner mon logement non-fumeurs, il va être obligé de s'en aller?

M. Messier (Martin A.) : Bien, écoutez, le logement sera désigné sans fumée et non pas non-fumeurs. Donc, évidemment, le but, ce n'est pas d'évincer les fumeurs, mais pas du tout, mais de restreindre la fumée dans les espaces. Par contre, je vois bien ce que vous dites, où le propriétaire pourrait être tenté... Certainement qu'il serait possible pour le législateur, dans toute sa sagesse, de prévoir que ce ne doit pas être une façon de contourner la loi où, par exemple, si j'ai un six logements, je déclare deux logements sans fumée, où je veux reprendre ces deux logements-là. Donc, sûrement qu'il y a une façon de voir à ce que, si je l'inclus dans la reconduction, le bon sens fait que, normalement, à moins que la configuration des lieux soit différente d'un logement à l'autre, si je veux m'inspirer dans le sens de la loi et respecter son sens, ça devrait normalement être l'immeuble au complet, là.

M. Lisée : On pourrait prévoir pour éviter ça que la désignation nouvelle d'un logement sans fumée ne puisse intervenir que pour un nouveau logement ou lorsqu'il y a un changement de locataire qui est fait normalement, là.

M. Messier (Martin A.) : ...actuellement. En fait, ce que la Régie du logement, dans sa jurisprudence majoritaire, nous indique, c'est que, pour faire la modification... en fait, pour inscrire au bail, il faut que ça soit un nouveau locataire. Et donc la problématique, et c'est le cas actuellement, la problématique, et c'est le questionnement qu'on vous soulève... si, dans un immeuble, on veut faire un immeuble sans fumée mais que j'ai des reconductions, donc des gens qui vont être là pendant encore cinq, 10, 15, 20, 30 années, et qu'éventuellement, au moment de partir, ils peuvent céder le bail avec cette même possibilité-là de fumer, ça va être très difficile d'effectuer un virage, à moins d'avoir des immeubles complètement neufs, ce que, malheureusement, on construit très peu parce qu'on trouve que les rendements sont inférieurs aux condos, donc. Mais ça, c'est un débat d'un autre endroit mais... Et c'est là la problématique. Donc, il faut effectivement voir... entre cette possibilité-là, que peut-être... mais qui se contrôle, de voir qu'il n'y ait pas d'abus de propriétaires qui voudraient se servir de ça pour cibler directement des locataires, et l'inconvénient, sinon, de vivre avec le fait que nos immeubles vont très difficilement devenir sans fumée.

M. Lisée : Est-ce que vous faites une distinction entre la fumée du tabac et le vapotage?

M. Messier (Martin A.) : En fait, pour nous, ce qu'on... on n'est pas des experts en la matière, mais ce qu'on a lu au niveau de la démarche, de certains risques... on a fait certaines allusions ou commentaires dans notre mémoire sur ce point-là, pour nous, à cette étape-ci, l'interdiction devrait être la même, ne serait-ce que pour certains dangers d'incendie, pour certains comportements reproductibles, mais il semble effectivement y avoir des différences au niveau de l'impact de la nicotine, on peut choisir le produit qu'on y insère. Mais, encore une fois, ça devient un autre aspect très difficile à contrôler à partir du moment où c'est permis, là, pour nous, là.

M. Lisée : Il y a une différence aussi sur la dangerosité. Je veux dire, la cigarette à combustion est un risque d'incendie, la cigarette électronique n'a pas de risque d'incendie.

• (19 h 40) •

M. Messier (Martin A.) : Bien, en fait, ce que j'ai lu — puis, encore une fois, vous en connaissez probablement plus que moi sur la matière — c'est qu'il y avait quand même certains risques d'explosion. On les interdit dans les avions en partie pour ces raisons-là. Donc, c'est ce qui nous fait penser que c'est une bonne idée de l'interdire également dans les logements, dans la mesure où on interdit la fumée.

M. Lisée : Très bien. Bien, je vous remercie beaucoup pour vos interventions. Vos propositions, on va les étudier sérieusement.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour une période de 8 min 30 s, je cède la parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci d'être ici. Je vous dirais qu'en avant-midi on a entendu une fondation, et puis là j'écoute vos recommandations puis je vous dis qu'en tant que législateurs, si on applique vos recommandations puis celles de la fondation ce matin, les fumeurs sont mal pris, ils n'auront plus de place pour fumer, parce que... aller jusqu'au balcon du logement autant que dans les terrains de soccer ou tous les autres endroits qu'on a entendus ce matin, alors, je pense qu'il n'y aura plus beaucoup de fumeurs au Québec. Où est-ce qu'ils vont fumer?

Une voix : C'est une question?

Mme Soucy : Bien, non... bien, c'est une question, en fait, parce que, tu sais, c'est dans le logement, ils ne peuvent pas fumer dans le logement, ils ne peuvent pas fumer sur le balcon, ils ne peuvent pas fumer dans leurs voitures non plus, ils ne peuvent pas fumer dans les terrains de soccer, ils ne peuvent pas fumer dans aucun endroit, un espace où est-ce qu'il y a présence d'enfants.

M. Messier (Martin A.) : Écoutez, d'entrée de jeu, je vous dirais qu'effectivement c'est certainement une des considérations qui va animer vos discussions, mais également, à partir du moment où on permet aux propriétaires de choisir — on parlait de configuration d'immeubles, on parlait de choix d'immeubles, d'aviser le locataire et qu'il y ait des choix — il y a nécessairement une certaine polarité qui va se créer dans le marché, où il y a des immeubles qui vont se déclarer sans fumée et d'autres qui vont se déclarer avec fumée, au même titre qu'une section d'une chambre d'hôtel.

Mme Soucy : ...contre le fait de déclarer des logements non-fumeurs, là, ce n'est pas ça, c'est que le balcon m'a un peu surprise.

M. Messier (Martin A.) : Oui, oui. Non, mais je vous le dis, normalement, le marché va réagir à ça. Il y a des propriétaires qui vont dire : Non, moi, la configuration de mon immeuble fait en sorte que ça ne pose pas de problématique puis cet immeuble-là peut très bien vivre avec l'impact de la fumée sans que ça dérange trop les gens, et il y en a d'autres qui vont dire non.

Mme Soucy : Mais on peut l'inscrire dans la législation, mais ça revient à vos propos de tantôt, c'est de l'appliquer, parce qu'en ce moment, juste pour les logements, bien, tu sais, instaurer une amende... Qui va donner l'amende, en plus? Qui va faire le test d'air pour prouver qu'il y a quelqu'un qui a fumé dans le logement? Avec les délais de la régie qu'on connaît actuellement, je pense que vous allez avoir le temps de changer deux fois de locataire avant de régler le problème du locataire qui a fumé. Puis l'idée du policier... je ne sais pas si vous êtes au courant, mais les policiers au Québec, à moins de quelques exceptions, ils ne se déplacent plus quand il y a un vol à domicile, ça fait que je doute vraiment que c'est possible de faire déplacer un policier pour aller vérifier s'il y a eu... pour constater qu'il y a eu fumée dans le logement. Vous comprenez? On peut inscrire... on pourrait s'amuser à en mettre dans la législation, mais, à un moment donné, il faut que ça soit applicable.

Alors, écoutez, on vous a entendus pour les balcons, puis, oui, c'est quand même une question qu'on va devoir se poser, d'après la configuration, puis de laisser le choix aux propriétaires aussi. C'est déjà entendu entre le propriétaire puis le locataire, il sait déjà en quoi... dans quoi qu'il s'embarque, quand c'est au début du bail. Alors, on a... en tout cas, on vous a entendus, on n'est pas fermés à l'idée.

Donc, je n'ai pas d'autre question, ça...

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. Alors, nous remercions les représentants, représentantes de l'Association des propriétaires du Québec pour votre participation. Merci beaucoup.

Compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de la commission à demain, jeudi 20 août, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 19 h 44)

Document(s) associé(s) à la séance