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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le jeudi 3 septembre 2015 - Vol. 44 N° 63

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme


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Table des matières

Auditions (suite)

Direction de la santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux

Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS)

Association médicale du Québec (AMQ)

Société canadienne du cancer (SCC), division Québec

M. André Gervais et Mmes Nancy Haley, Johanne Harvey et Jennifer O'Loughlin

Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ)

M. Marvin Rotrand

Document déposé

Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l'Île-de-Montréal
(CIUSSS─Nord-de-l'Île-de-Montréal)


Mémoires déposés

Autres intervenants

M. Marc Tanguay, président

Mme Marie Montpetit, présidente suppléante

Mme Lucie Charlebois

M. Jean-François Lisée

Mme Chantal Soucy

M. Pierre Giguère

M. François Paradis

*          M. Horacio Arruda, Direction de la santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux

*          M. Yovan Fillion, idem

*          M. Mario Bujold, CQTS

*          Mme Sophie-Rose Desgagné, idem

*          M. James Repace, idem

*          Mme Yun Jen, AMQ

*          Mme Mélanie Champagne, SCC-Québec

*          M. Rob Cunningham, idem

*          Mme Micheline Bélanger, idem

*          Mme Geneviève Berteau, idem

*          Mme Diane Francoeur, FMSQ

*          Mme Isabelle Samson, idem

*          M. Richard Bélanger, idem

*          M. Alain Beaupré, idem

*          M. Pierre Gfeller, CIUSSS─Nord-de-l'Île-de-Montréal

*          M. Alain Desjardins, idem

*          Mme Marie-France Simard, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Huit heures quarante minutes)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons débuter notre séance. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Auditions (suite)

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Iracà (Papineau) est remplacé par Mme Tremblay (Chauveau).

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons le directeur national de santé publique, le Conseil québécois sur le tabac et la santé, l'Association médicale du Québec et la Société canadienne du cancer, division du Québec.

Alors, nous souhaitons la bienvenue à nos invités ce matin, les représentants du directeur national de santé publique, de l'institution. Je vous demande, donc, de bien vouloir peut-être vous nommer, préciser vos fonctions, d'entrée de jeu. Vous aurez une période de 10 minutes de présentation. Par la suite s'ensuivra un échange avec les parlementaires. La parole est à vous.

Direction de la santé publique du ministère
de la Santé et des Services sociaux

M. Arruda (Horacio) : Bonjour. M. le Président, madame. Présentement, je suis Horacio Arruda, directeur national de santé publique, médecin et sous-ministre adjoint à la santé publique au ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. Je suis accompagné de Yovan.

M. Fillion (Yovan) : Yovan Fillion, coordonnateur de la lutte contre le tabagisme au ministère de la Santé et des Services sociaux.

M. Arruda (Horacio) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, permettez-moi de vous saluer et de vous remercier, la commission, pour le privilège qu'elle m'offre d'être invité ici pour vous témoigner de l'importance de l'adoption de ce projet de loi et d'offrir tout l'appui des équipes de santé publique à son implantation et suivi au cours des prochaines années.

Je tiens à préciser que c'est à titre de directeur national de santé publique que je suis ici, comme médecin de population, et non comme sous-ministre adjoint de santé publique au MSSS. Mes propos sont en lien avec mon champ d'expertise et ne couvrent pas nécessairement les aspects plutôt législatifs ou juridiques. Dans ce contexte, vous comprendrez qu'il est clair que, comme médecin de santé publique, mes propos sont en cohérence avec ceux de mes collègues directeurs de santé publique et sont basés sur les mêmes références scientifiques des organisations et sociétés en la matière. Je suis aussi très sensible aux arguments de mes collègues cliniciens qui doivent accompagner les victimes du tabagisme dans leurs efforts à diminuer et cesser leur consommation de tabac.

Ce projet de loi, tout comme dans le cadre du programme québécois de lutte contre le tabagisme, vise à répondre aux objectifs numéro un, qui sont de prévenir l'initiation du tabagisme; 2°, protéger les non-fumeurs de la fumée de tabac dans l'environnement; et, 3°, accompagner les fumeurs dans leur démarche d'abandon du tabagisme. Il va consolider et augmenter les acquis en santé publique et contribuer à renforcer la norme sociale. On n'a qu'à voyager un peu, aller dans d'autres pays pour se rendre compte qu'on a l'impression de reculer en voyant autant de fumée dans l'environnement, et le Québec a fait des travaux importants, mais il faut encore continuer dans le sens.

Le statu quo est inacceptable, parce qu'il y a encore beaucoup de gains qui peuvent être faits, et, si on arrête ici, on risque de perdre du terrain devant l'effet des entreprises, et la société québécoise est prête à aller de l'avant, tel qu'on l'entend par rapport à ce que la population nous rapporte. Il ne faut pas oublier qu'il est question ici de santé de la population du Québec actuellement et des générations à venir.

En médecine populationnelle, c'est avec nos statistiques et l'épidémiologie que l'on mesure l'impact des phénomènes sur les populations, mais on est très conscients que derrière ces chiffres se trouvent des histoires de vies humaines, et on désire agir pour éviter ce qui est évitable. C'est le leitmotiv de la médecine préventive. Et donc, quand on connaît les causes, on connaît les déterminants, on est capables d'agir sur eux et ainsi réduire ce qui est évitable. Les choix des actions qui découleront de ces travaux auront un impact important sur la vie et la qualité de vie de milliers de nos concitoyens. Le temps avance, il faut agir rapidement, parce que le phénomène du tabagisme est excessivement dynamique, les rapports de force qui font que des initiations commencent sont importants dans la société.

Globalement, bien qu'on ait fait des gains, ce qui nous indique que, comme société, on peut agir et changer la norme sociale... donc, on est fiers de ce qu'on a réalisé jusqu'à maintenant. Par contre, quand on fait une analyse plus fine des données, ça démontre clairement que, dans certains sous-groupes, la prévalence du tabagisme est inacceptable et, particulièrement, il y a des inégalités de santé qui existent, et le tabagisme vient les accentuer. Ces populations vont bénéficier beaucoup des amendements et des lois qu'on va mettre en place ainsi que du programme québécois de lutte contre le tabac.

L'épidémie de tabagisme est encore présente, ses conséquences sont évitables, et chaque nouveau jeune qui commence à fumer est une victime d'un produit qui crée une dépendance comparable à celle de l'héroïne ou de la cocaïne. Cette dépendance, à mon avis, vient anéantir le concept que fumer est un choix libre et éclairé. Un peu plus tard cet après-midi, dans leur mémoire, le Dr Gervais et ses collègues... bien démontrer l'effet potentiel de la nicotine pour développer la dépendance chez les jeunes et chez les très jeunes enfants. Vous allez le voir un petit peu dans le cadre de sa présentation.

Il ne faut pas oublier que le tabac rend malade et tue. En plus de toutes les maladies pulmonaires et cardiovasculaires, il cause près du tiers de tous les cancers dans les pays industrialisés. Imaginez l'impact positif de l'élimination du tabagisme dans nos sociétés, qui sont à la recherche continue de traitements et de «palliations» pour les cancers. Malheureusement, ils représentent, à peu près, la cause de 85 % des cancers du poumon, cancers qui souvent sont incurables au moment du diagnostic. Il importe aussi de préciser que le gouvernement du Québec s'est engagé à lutter contre le tabac aux côtés de nombreux pays en se déclarant lié par le décret à la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac.

Devant les stratégies mises de l'avant par l'industrie pour résister aux mesures de contrôle du tabac, nous devons agir rapidement, sans timidité, et suivre de près les réactions et l'évolution des comportements afin d'apporter les ajustements nécessaires.

Je pense que, par rapport aux quelques constats et éléments à prendre en considération, je l'ai déjà dit, le tabac rend malade et tue, et ça constitue, le tabagisme, la principale cause évitable de mortalité et de morbidité en Amérique du Nord. Au Québec, il est responsable d'un peu plus de 10 000 décès annuellement, et 50 % de ces décès surviendront avant l'âge de 69 ans. Leur espérance de vie est réduite d'au moins 10 ans par rapport aux non-fumeurs, puis au moins la moitié des fumeurs vont mourir des suites de leur consommation de tabac. Et, en plus, par rapport à un certain mythe, même une consommation quotidienne réduite de cigarette peut augmenter la mortalité. Donc, la question de penser que, si on fume peu, il n'y a pas d'effet sur la mortalité est complètement fausse. Il n'y a pas de seuil sécuritaire de consommation. C'est important de le mentionner. Ça a des effets sur les différentes mesures qu'on doit mettre en place.

Par rapport à la fumée dans l'environnement, on sait que la fumée dans l'environnement... il y a plus de 7 000 substances chimiques qui sortent d'une consommation de cigarette et 69 substances cancérigènes. Donc, il est très clair que la fumée dans l'environnement constitue l'un des risques environnementaux les plus dangereux pour la santé dans le monde, dépassant tous les autres agents contaminants présents dans l'air domestique. Les risques pour la santé qui y sont associés sont sérieux et scientifiquement démontrés. Quand on regarde les normes qu'on mettait en place pour la qualité de l'air, par exemple, on se rend compte qu'on gère le risque en diminuant au maximum les expositions ou l'envoi, dans l'environnement, de produits toxiques et chimiques. Et la fumée de cigarette, dans les faits, correspond à un risque important.

Il est clair que seuls les espaces 100 % non-fumeurs offrent une protection efficace et qui réduit à zéro. Donc, comme acteurs de santé publique, il est clair que, en théorie, plus on aura d'endroits qui sont sans fumée, plus on diminue le risque de l'exposition des jeunes et des gens à la fumée de cigarette. On sait aussi que les bébés et les jeunes enfants, compte tenu de leur maturité immunologique et aussi de leur développement, sont aussi affectés de façon très importante par les effets de la fumée et aussi sont plus susceptibles de fumer à leur tour s'ils sont exposés à la fumée de cigarette. Dr Gervais en parlera un peu plus tard.

Le phénomène du tabagisme est un phénomène qui évolue, est un phénomène qui est très dynamique, et il faut le suivre de très près, parce que les réactions de l'industrie aux mesures qu'on met en place permettent d'aller chercher des nouvelles clientèles avec différentes stratégies. On estime que, pour le cycle 2013‑2014, c'est 21 % de la population âgée de 12 ans et plus qui fumait, ce qui représente quand même 1,4 million de fumeurs au Québec. On remarque aussi que, selon la catégorie d'âge, les jeunes adultes de 20 à 34 ans sont ceux qui fument le plus. Près de 30 % — 29 % — des 20 à 34 ans fument actuellement, qui sont des jeunes adultes qui vont devenir les adultes de demain et qui vont avoir des conséquences de la maladie du tabac.

Quand on regarde aussi plus en détail les données en regard avec les saveurs et les jeunes, on se rend compte, par exemple, que, toujours à l'affût des nouvelles clientèles, on a vu des mouvements de compagnies de tabac pour offrir des cigares et cigarillos avec des saveurs, ce qui a entraîné un déplacement de la consommation de la cigarette vers les cigares et cigarillos, ce qui nous démontre qu'il faut être très prudent en lien avec tout nouveau produit du tabac qui implique des saveurs. Et, quand on regarde aussi la progression du tabagisme au niveau du secondaire, on se rend compte que, alors que 3 % des étudiants de secondaire I fument en première année du secondaire, près de un sur quatre étudiants va fumer au niveau du secondaire V.

• (8 h 50) •

Donc, il est très important d'être à l'affût et analyser les données de façon plus précise et non pas le taux global de tabagisme. Il faut comprendre aussi par rapport à la saveur qu'en effet, au Québec, 71 % des consommateurs du produit de tabac chez les élèves du secondaire ont consommé des produits aromatisés et aussi 26 % des élèves du secondaire ont fait usage de cigarettes ayant du menthol au cours des derniers 30 jours.

La cigarette électronique est un phénomène nouveau. Quand on parle de cigarettes électroniques, l'enjeu qu'on a actuellement, c'est qu'il s'agit de toute une série de dispositifs avec des composantes différentes. Elles sont en continuelle évolution avec aussi des produits à l'intérieur qui peuvent être avec nicotine ou sans nicotine. Ce n'est vraiment pas contrôlé. Mais ce qu'on sait déjà, c'est qu'elles attirent les jeunes de façon importante. Parce qu'on s'est rendu compte, par exemple, que, dans les cas des élèves du secondaire, 28 % d'entre eux ont rapporté en avoir déjà fait l'essai. Chez les 15 à 24 ans, 30 % auraient fait de même. Autre donnée d'intérêt : 18 % des étudiants qui n'auraient jamais fumé auraient utilisé la cigarette. Donc, dans les faits, on a des inquiétudes de façon importante en lien avec le fait de renormaliser le phénomène de fumer et d'attirer les jeunes vers des produits avec nicotine qui pourraient entraîner une dépendance. Même si la science n'est pas encore là, compte tenu des risques potentiels de normalisation, ces données-là sont très importantes.

Écoutez, essentiellement, en regard du projet de loi, le directeur national de santé publique... je considère qu'on doit adopter l'ensemble des mesures qui sont proposées dans le projet de loi n° 44 parce qu'elles viennent attaquer, à mon avis, les secteurs clés en lien avec l'initiation, la saveur, contrôler les phénomènes potentiels de normalisation auprès des jeunes en contrôlant la cigarette électronique, permettre par contre d'utiliser le potentiel, pour les fumeurs, d'abandon de la cigarette électronique en encadrant adéquatement le phénomène. Et je pense qu'en termes d'amendements ou recommandations je recommanderais qu'on interdise de fumer sur les terrains des établissements du réseau de la santé et des services sociaux et que soit planifiée l'élimination des chambres non-fumeurs au cours des prochaines années. Il est très important, à mon avis, compte tenu de la dynamique associée au tabagisme et à l'effet de l'industrie sur les différentes stratégies, qu'on se donne des pouvoirs réglementaires pour suivre de très près l'évolution de nos mesures et leurs effets afin de permettre d'identifier de nouveaux lieux sans fumée. En regard des emballages, je recommande qu'on intervienne sur les emballages en développant une ou plusieurs mesures robustes sur le plan juridique s'inscrivant dans un cheminement qui nous amène vers l'emballage neutre.

Il faut maintenir aussi l'ensemble des mesures autres que la loi dans le cadre d'un programme de lutte contre le tabagisme, par de l'éducation, par l'augmentation des activités pour aider la cessation du tabagisme. Et le gouvernement possède aussi d'autres pouvoirs réglementaires pour s'assurer de l'application de la loi et aussi peut évaluer en termes de levier l'utilisation de la taxation, qui est aussi une façon importante de réduire le tabagisme.

Je demeure donc disponible pour répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, Dr Arruda. Donc, avec l'accord de la ministre, je vous ai laissé compléter avec un petit trois minutes de plus, temps qui sera retranché à la partie gouvernementale. Donc, Mme la ministre, pour une période de 20 min 30 s.

Mme Charlebois : Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. Arruda et M. Fillion, d'être parmi nous ce matin, de partager vos connaissances en ce qui concerne le tabagisme, c'est fort intéressant. J'avais tout lu votre mémoire, mais j'ai trouvé intéressante votre présentation, parce que ça me ramène à des points qui m'accrochent de façon importante.

Au début de votre mémoire, vous nous parlez de la dépendance, et ça m'a tellement frappée que je pense que je vais vous demander de nous réexpliquer ça plus à fond. Vous dites que consommer une à cinq cigarettes par semaine — ce n'est pas beaucoup — ça crée la même dépendance... bien, en tout cas, c'est une dépendance qui se compare à celle associée à la consommation d'héroïne et de cocaïne. C'est ça que vous avez dit?

M. Arruda (Horacio) : Oui, tout à fait. Ce qu'il faut comprendre — ce n'est pas pour rien que c'est si difficile d'arrêter de fumer — c'est que la nicotine entraîne une dépendance importante à la cigarette avec à la fois une dépendance physique qui peut être associée à des éléments de retrait puis une dépendance psychologique. Tantôt, vous aurez l'occasion d'avoir aussi le Dr Gervais, qui pourra vous expliquer aussi les effets de certaines cigarettes, même d'une consommation très mineure, chez les jeunes par rapport à leurs comportements futur comme tels.

Et ce n'est pas pour rien d'ailleurs qu'on se rend compte, dans le fond, là, que les fumeurs... Et c'est pour ça que je dis que, dans les faits, ce n'est pas un choix libre et éclairé, parce que, quand on fume, on a un certain plaisir qui va y être associé. D'ailleurs, on est initié avec les saveurs pour diminuer l'effet irritatif du tabac. Mais, très rapidement, on développe cette dépendance à la nicotine, qui fait qu'on a absolument de continuer à consommer la cigarette. Et ça entraîne des éléments de sevrage, etc. Donc, c'est très puissant comme effet, la nicotine, en termes de dépendance. Ce n'est pas elle qui va créer nécessairement tous les effets néfastes et les cancers, etc., c'est plus la fumée de tabac par les éléments chimiques, mais elle est là pour entretenir cette dépendance, le besoin de revenir consommer la cigarette.

Mme Charlebois : C'est quand même important, hein? Je tenais à le refaire souligner, parce que, tu sais, souvent on va dire : Ah! je ne fume pas beaucoup. Les gens me disent ça des fois : Ah! je prends juste une ou deux, trois... des fois cinq, ça peut aller, mais c'est le maximum. Mais il n'en demeure pas moins qu'il y a déjà un danger pour la santé. Mais ce qui est clair, c'est qu'il y a une dépendance.

M. Arruda (Horacio) : Oui, tout à fait, et elle est à la fois physique par rapport au fait qu'on doit maintenir un certain niveau puis aussi psychologique. On n'a qu'à voir l'effet, par exemple, chez un ancien fumeur, de quelqu'un qui lui présente une cigarette, là. Ca peut stimuler, comme tel. Donc, cet acte-là aussi de fumer, psychologiquement, est important. Puis, on aura beau dire qu'il n'y a pas toujours de preuve, pourquoi d'ailleurs les compagnies de tabac font autant de promotion avec cette image de la cigarette, puis etc.? Parce qu'il y a aussi, dans le contexte de fumer, toute une anthropologie sociale par rapport au geste lui-même, là, qui est associée à ça.

Donc, il y a à la fois une dépendance physique par la nicotine qui est bien démontrée mais aussi une dépendance psychologique qui s'installe.

Mme Charlebois : Je voulais vous parler un petit peu plus tard de la cigarette électronique, mais, puisque vous me parlez de la renormalisation du geste, étant une ancienne fumeuse moi-même, je constate que... Honnêtement, j'ai arrêté en 2005, j'ai cessé de consommer les produits du tabac en 2005, et vous savez quoi?, depuis que la cigarette électronique a fait son apparition, deux fois, en situation de stress, je me suis dit : Ah! peut-être que. Finalement, je me suis dit : Non, non, non, on ne va pas se donner de chances, parce que c'est un retour peut-être pour moi potentiel, étant déjà... Je considère que je vais toujours être fragile.

Mais est-ce que vous pensez que la cigarette électronique, au-delà... Parce que vous savez qu'il y a deux écoles de pensée : il y a ceux qui disent que ça permet d'arrêter de fumer puis il y en a d'autres qui disent : Non, non, ça renormalise le geste. Ça fait en sorte qu'il y en a qui fument et qui consomment ça. On n'a pas de statistique évidente... en tout cas, je ne pense pas. Pouvez-vous me parler des études concernant la consommation des cigarettes électroniques? Comment vous voyez ça? Est-ce que c'est plus sécurisant de voir ça arriver sur le marché? Parce que j'ai questionné les compagnies de tabac, puis on m'a dit qu'ils avaient fait de l'acquisition.

M. Arruda (Horacio) : Oui. Écoutez, il faut comprendre que, quand on parle de cigarettes électroniques, premièrement, on parle de toute une série d'objets et de différentes valeurs; il y a ces appareils qui sont plus gros, contrôlés avec nicotine, qui sont utilisés notamment pour les anciens fumeurs. Quand on fait face à une population... La population du Québec est composée de jeunes, de non-fumeurs, de fumeurs, de fumeurs très, très sévères, de fumeurs qui ont essayé d'arrêter, puis etc. Donc, dans les faits, il faut voir que c'est un phénomène relativement nouveau.

Les études comportent des différents types comme tels, puis ils sont en continuelle évolution. Il n'y a pas de donnée qui semble dire actuellement de façon scientifique claire que la cigarette électronique est supérieure à d'autres méthodes, mais il y a un potentiel que la cigarette électronique soit aidante, utilisée adéquatement avec des doses adéquates, contrôlées. Donc, je pense que, pour nos amis cliniciens qui voient des clientèles qui ont fumé de façon importante, qui ont essayé d'arrêter, l'ajout de la cigarette électronique peut avoir certains bénéfices, mais c'est encadré. Mais, par contre, d'un autre côté, les cigarettes électroniques qu'on voit un peu partout, qui sont similaires, à mon avis, à celles d'un petit cigare, qui visent particulièrement les jeunes, qui sont associées à des saveurs, sont là, à mon avis... et ce n'est pas pour rien que les compagnies de tabac les achètent, sont là pour initier un processus, renormaliser l'acte de fumer. C'est très difficile de faire la distinction entre eux, etc.

Donc, devant cet inconnu — puis on n'a pas de donnée contrôlée — il faut agir avec prudence. Je pense que le projet de loi encadre la cigarette électronique pour lui permettre, à mon avis, d'appliquer les mêmes restrictions que le cigare, empêcher qu'il y ait des saveurs, puis etc., qu'elle ne soit pas vendue aux jeunes, etc., mais permettra de donner accès à ces fumeurs qui peut-être pourront bénéficier, dans le cadre d'un abandon, après avoir essayé d'autres mesures qui sont reconnues efficaces, d'être... utiliser.

Moi, je pense que, devant ce phénomène émergent et toutes ces tendances-là, il est important, à mon avis, de l'encadrer. Il n'y a personne qui a la vérité, là, mais je pense qu'il faut être excessivement prudent par rapport au phénomène de normalisation sans empêcher ceux qui pourraient en bénéficier d'en bénéficier. On n'est pas en train de la bannir, mais on est en train de l'encadrer et de l'utiliser à des fins adéquates pour les bonnes populations. Comprenez-vous? C'est ça qui est important. Je ne pourrais pas, par exemple, statuer que je considère que le vapotage pour des fins récréatives est un phénomène adéquat. Je ne vois pas l'effet positif du vapotage pour des fins récréatives. Vapoter pour abandonner le tabac ou pour être en réduction des méfaits pour des sous-populations, c'est correct, mais, pour la population en général, je pense que ce n'est pas adéquat.

• (9 heures) •

Mme Charlebois : Ce que nous ont dit les médecins qui prônent l'arrêt de tabagisme avec la cigarette électronique, ils nous ont demandé de garder les saveurs justement pour ceux qui fument déjà, parce qu'apparemment que, vapoter juste avec de la nicotine, il n'y a pas d'intérêt, les gens vont continuer à fumer. Alors, avec des saveurs, ça permet cet arrêt de tabagisme.

Est-ce que vous êtes d'accord à ce qu'on laisse les saveurs? Dans l'encadrement qu'on a, on a laissé les saveurs seulement pour la cigarette électronique, sauf qu'on s'est gardé une porte ouverte avec les dispositions réglementaires pour faire en sorte que, si on s'aperçoit qu'il y a un phénomène en émergence et que ça touche particulièrement des populations jeunes ou autres, on pourra faire une interdiction sans réouvrir nécessairement la loi. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

M. Arruda (Horacio) : Dans les faits, il faut comprendre que ce qui est très important, c'est que les jeunes n'aient pas accès à la cigarette électronique, les mineurs n'aient pas accès à la cigarette électronique. Je pense que, dans votre position, ce qui est important, c'est la question de suivre la situation de très près pour voir quels sont les marchés qui se développent, une fois l'encadrement mis, qu'est-ce qui va être fait, continuer à surveiller les choses.

Si la saveur peut être un phénomène qui va motiver certaines personnes à embarquer, si vous me permettez, initier une démarche d'abandon du tabac, je pense que c'est tout à fait acceptable pour le moment, mais il faut se réserver, à mon avis, une possibilité de suivre la situation de très près et s'assurer qu'on applique de façon adéquate, d'être vigilants, que les saveurs ne soient pas consommées par des jeunes ou que certaines saveurs soient attirées par des jeunes pour pouvoir le faire. Moi, je pense que c'est ça qui est important, parce que la question de la saveur est surtout là pour éviter l'initiation du tabagisme chez les jeunes, ce qu'on veut contrôler. Pour le moment, dans le contexte actuel, qu'elle soit maintenue dans la cigarette électronique, avec les bémols que je vous dis, actuellement, je pense que ça peut être acceptable. Puis il faut suivre la situation de très près. Ça, ça va être majeur, à mon avis, parce que c'est un phénomène... ça va à une vitesse excessivement croissante et difficile même à suivre actuellement, le phénomène, et en espérant que l'encadrement va nous permettre de savoir qu'est-ce qu'on met sur le marché, parce qu'actuellement on retrouve à peu près n'importe quoi, et ça devient difficile pour moi, comme directeur national qui s'adresse à la population en général, de recommander l'utilisation d'un produit ou l'autre parce que je ne sais pas ce qu'il contient.

Mme Charlebois : Tant qu'à parler de saveur, parlons donc du menthol. J'ai entendu plusieurs points de vue. Il y en a qui nous disent : Éliminez toutes les saveurs, puis c'est ce qui est prévu au projet de loi, comme vous le savez. Par contre, les détaillants, les compagnies de tabac, évidemment, et quelques personnes nous ont fait mention que c'est faux que les jeunes commencent à fumer avec ça, c'est faux que ça attire la... parce que ce qu'on vise, c'est particulièrement les populations jeunes, avec les saveurs. Et j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, dans ma tête, que ce soit menthol, fraise, n'importe quoi d'autre comme saveur, quant à moi, c'est de la saveur.

M. Arruda (Horacio) : Écoutez, je pense que les données qu'on a, nous, d'études faites avec l'Institut de la statistique du Québec démontrent bien que les jeunes utilisent le menthol. Le menthol a l'avantage, en plus d'avoir une bonne saveur, d'un peu anesthésier la gorge et faciliter le...

Mme Charlebois : ...juste pour les besoins de la cause et les gens qui nous écoutent. L'Institut de la statistique du Québec, c'est des professionnels qui travaillent là, hein? C'est des études crédibles, normalement?

M. Arruda (Horacio) : Oui, tout à fait. Les gens de l'Institut de la statistique du Québec sont des gens qui utilisent des méthodologies d'enquête qui sont standardisées, qui sont comparables au niveau international, qui sont répétées dans le temps pour être capables de garder le même type de mesure, puis etc., donc je pense qu'on peut se fier sur leurs méthodologies tant en termes d'échantillonnage — d'ailleurs, c'est des études qui sont assez coûteuses — que de méthodologie et aussi de tendances pour être capables de suivre les tendances dans le temps. Parce que, quand on change la méthode d'un moment à un autre, les données ne sont pas comparables. Donc, ça, je pense qu'il faut comprendre que l'Institut de la statistique du Québec, tout comme Statistique Canada, utilise des méthodologies qui sont reconnues par les autorités internationales.

Donc, je pense que ces données-là sont basées sur du réel comme tel. Et, de toute façon, je vous dis ça, il y a tout à fait une plausibilité que le menthol, par ses effets anesthésiants par la gorge et par le fait qu'il a une bonne saveur, soit un processus qui initie. La première cigarette n'est pas agréable à fumer, vous le savez. En tout cas, moi, quand j'ai essayé une fois celle de mon père, ce n'était pas agréable à fumer. Mais cet élément-là va adoucir le phénomène et va permettre probablement d'initier la cigarette. Les études le démontrent. L'OMS le recommande, plein d'organisations le recommandent, que le menthol est un effet.

D'ailleurs, pourquoi insister autant sur le menthol si jamais il n'y a aucun effet? Je me pose toujours la question, là. Pourquoi l'industrie s'intéresse autant à ça s'il n'y a pas d'effet?

Mme Charlebois : Vous avez une bonne question. Puis l'idée de l'effet anesthésiant... je ne sais pas, je n'ai jamais fumé des saveurs, là, quand je fumais, mais je pense que ce n'est pas dans les autres saveurs, c'est vraiment dans le menthol. Alors, vous avez raison, pourquoi ils défendent tant ça si ça n'occupe pas beaucoup de leurs ventes puis si les jeunes ne l'achètent pas?

M. Arruda (Horacio) : Oui. Je vais vous dire, en contrôle du tabac, si vous me permettez, en fonction de la Convention-cadre puis des stratégies que l'industrie déploie, on a souvent une certaine timidité qui, à mon sens, ne doit pas être là compte tenu des effets majeurs que ce risque-là représente pour la société. Pour beaucoup d'autres risques en société, notamment en contamination dans l'environnement, normes en milieu de travail par rapport à des risques chimiques, etc., on a une attitude assez agressive. En tabac, c'est sûr que c'est... culturellement, anthropologiquement parlant, le tabac est accepté, mais on fait face à un cancérigène de façon importante. On sait que, dans notre société, on l'a accepté, il y a toute une anthropologie associée à la cigarette, mais, si, en termes de santé publique pure, je regarde les risques importants que représente la fumée de tabac, on est plus agressifs comparativement à des attentes qu'on a dans le domaine du contrôle des contaminants ou des cancérigènes dans l'air et dans l'environnement.

Mme Charlebois : Vous m'amenez directement sur le prochain point que je voulais aborder : les terrains de jeu et les terrasses. Quand on parle de fumée secondaire, c'est deux endroits où la fumée secondaire peut toucher des clientèles, notamment les terrains de jeu, nos clientèles enfants, puis vous avez dit tantôt, si j'ai bien entendu, que les enfants qui sont exposés à la fumée de cigarette sont des populations qui sont plus appelées à fumer plus tard parce qu'ils sont déjà sensibilisés ou, en tout cas, ils y ont déjà touché sans même avoir besoin d'y toucher physiquement, juste dans l'air. Alors, je vais vous demander de me donner votre opinion, je vais vous demander les deux sujets, je sais que vous êtes capable de composer avec deux questions en même temps.

Sur les terrasses; est-ce que vous croyez que c'est exagéré que d'interdire de fumer sur les terrasses? Est-ce vrai que la contamination de l'air n'est pas aussi présente qu'on veut bien le prétendre? Est-vrai que, si on fait une section fumeurs puis une section non-fumeurs, ça peut être très bien puis que les populations qui sont dans la section non-fumeurs ne seront pas visiblement tant touchées que ça? Est-vrai que, sur les terrains de jeu, il y a contamination? En tout cas, je veux vous entendre me parler de c'est quoi, les conséquences de l'environnement sur une terrasse pour la population qui ne fume pas et dans les terrains de jeu.

M. Arruda (Horacio) : Écoutez, il faut comprendre, en termes de principe, il ne faut pas oublier un élément qui est très important : dans la fumée, il y a 69 cancérigènes. Il n'y a pas de seuil sécuritaire par rapport à plusieurs de ces cancérigènes-là. La réaction d'un individu vis-à-vis une exposition de dose n'est pas identique d'un individu à d'autres. Certaines personnes qui ont été exposées longtemps ne feront pas de cancer, mais d'autres, même à des faibles quantités, vont développer des cancers. Donc, en théorie, là, c'est vraiment un espace sans fumée qui est la meilleure façon de protéger les choses.

Par contre, il faut comprendre aussi que je ne peux être favorable qu'à toutes les mesures qui vont diminuer le maximum d'exposition à la fumée de tabac à la fois pour les clientèles et les travailleurs qui y sont exposés, O.K.? Il ne faut pas oublier que, dans les terrasses de restaurant, il y a des clientèles qui passent plusieurs heures là. Selon les conditions de l'air, selon où va pousser le vent, selon la quantité de gens qui vont fumer, bien il va y avoir une dispersion de la fumée de cigarette. Donc, à mon avis, je pense que, dans les terrasses, il y a des risques d'exposition des individus. Et cette fumée secondaire là, elle entraîne des problèmes importants. C'est la même chose de tout endroit, à mon avis, où il y a des jeunes qui pourraient être exposés à de la fumée de tabac, parce que, certes, il y a dispersion, mais il y a une dose qui est absorbée, comme tel.

Donc, à mon avis, il y a des démonstrations qui ont été faites que c'est possible. D'autres provinces l'ont appliqué. On l'a fait à l'intérieur des restaurants. On nous avait prédit un cataclysme économique important. Les gens se sont ajustés. Et je pense que la majorité des Québécois et Québécoises aimeraient avoir un espace sans fumée dans les terrasses. Même à l'extérieur, il n'y a pas une dilution assez importante, selon certaines conditions — la quantité de personnes qui fument, où vont les vents, puis etc. — il y a des expositions. Et il y a des travailleurs qui vont être exposés à la fumée de tabac dans l'environnement au niveau des terrasses. Je suis d'accord, j'appuie à la fois cette interdiction dans les terrasses. J'appuie la question des neuf mètres autour des portes d'entrée pour ne pas avoir des concentrations et je pense que c'est ce qu'il faut viser. Il faudrait aussi viser les terrains de jeu des enfants, à mon avis, là où... des jeunes qui sont plus susceptibles pour être exposés aux fumées.

De façon progressive, à mon avis, il faudra aussi suivre l'évolution et à la fois, quand il y aura de plus en plus de milieux... Et, on l'a vu aussi, même on a eu des présentations de centres hospitaliers sans fumée, sans... Les gens, indépendamment de la loi, ont pris des mesures. Je pense qu'il faut surveiller ces tendances-là et peut-être même prévoir au niveau réglementaire l'ajout de zones où on pourrait abandonner... parce que tout ça visant à accompagner les fumeurs à cesser. Et il faut comprendre aussi que, quand on a des zones non-fumeurs, à la fois ça protège de l'initiation au tabagisme, ça protège les non-fumeurs, mais ça aussi encourage les fumeurs à aller soit vers la cessation tabagique ou à diminuer leur consommation. Il ne faut pas oublier ça, là, ça a aussi un effet bénéfique pour les fumeurs. Et je pense que même certains fumeurs le revendiquent.

• (9 h 10) •

Mme Charlebois : Vous avez tout à fait raison, ça a été mon cas. Avec la loi qui interdit de fumer dans les établissements, là, j'étais tellement tannée d'organiser mon horaire pour aller fumer dehors, j'ai dit : Bon, bien là, ça va faire, je vais arrêter de fumer. Puis, si ça a été le mien, mon cas, je suis certaine que ça a été le cas d'autres personnes. Honnêtement, c'est plus les conséquences que je voudrais toucher pour conclure, parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, puis je veux vous entendre là-dessus. On sait que, des baisses du pourcentage de la prévalence au tabac, il y a une épargne monétaire pour le réseau de la santé, mais je veux que vous nous parliez aussi des conséquences. Tu sais, quand vous disiez tantôt : Le tiers des cancers proviennent de la dépendance du tabagisme... C'est effrayant, là. Ce n'est pas juste des cancers du poumon. Puis je lisais en quelque part dans la littérature que le...

M. Arruda (Horacio) : ...

Mme Charlebois : Oui.

M. Arruda (Horacio) : ...langue, tout le système respiratoire haut peut être atteint, et, en plus des cancers, c'est toutes les maladies cardiovasculaires qui y sont associées, les complications, les problématiques d'asthme chez les enfants, puis etc. C'est aussi une question de qualité de vie. C'est vivre beaucoup moins de temps que les autres. Et plus on vieillit, plus on trouve que 69 ans, c'est jeune. Et donc perdre 10 ans de vie, c'est vraiment important : c'est à la fois important pour l'individu puis c'est important pour une société aussi qui est vieillissante, pour une société qui doit maintenir une population jeune adulte en fonction. Je pense aux jeunes de 24 à 30 ans qui fument à 30 % actuellement, bien ça va être les malades de demain. Donc, il faut comprendre que les impacts sont à la fois monétaires pour le système de soins, pour être capables de le maintenir public, et etc., mais aussi en termes de qualité de vie et de tabagisme. Et, contrairement à beaucoup de recherches qu'on fait pour des cancers, etc., on a ici la cause directe comme telle, puis donc il ne faut pas se gêner pour intervenir.

Mme Charlebois : Mais ce que j'insiste, là, c'est que, puis ça m'a frappée, là, ce n'est pas juste les poumons, c'est : tous les organes sont touchés, puis les gens, des fois, on est moins sensibles à ça, mais vous l'avez bien expliqué. Et, quand on voit les jeunes commencer à fumer, on se dit : Mon Dieu! Si on peut leur épargner ça, hein, ce... Mais, à partir du moment où la dépendance est installée, c'est un combat pour le restant de nos jours. Alors, c'est là notre rôle, je pense, de faire en sorte que ces jeunes-là ne commencent pas à fumer.

En terminant, j'aimerais ça que vous me parliez... Dans les chambres d'hôpitaux — vous en avez glissé un mot tantôt — qu'est-ce qu'on va faire avec la marijuana thérapeutique?

M. Arruda (Horacio) : Bien, il faut comprendre que, dans une loi, à mon sens, si on s'adresse au tabagisme, dans n'importe quelle situation de vie, il y a des exceptions particulières.

L'utilisation de la marijuana thérapeutique, si vous me permettez, elle est marginale actuellement, elle va être encadrée par certaines indications. Je pense qu'il y a moyen d'aménager une situation par rapport à la marijuana dans les indications qui sont faites. Mais c'est un phénomène marginal et, pour moi, à mon avis, ça ne doit pas venir influencer le reste des choses. Dans la vie, il y a toujours des exceptions, il y a toujours place au jugement, à mon avis, par rapport à ça. Puis, comme ce n'est pas une pratique importante — ce n'est pas vrai qu'on va avoir 40 % des chambres des hôpitaux qui vont être remplies de gens avec de la marijuana — ça va être des éléments excessivement marginaux. Je pense qu'il faut viser de plus en plus à aller vers des endroits en santé où il n'y a pas d'espace pour fumer, de façon progressive. Il faut peut-être le prévoir dans la loi. C'est pour ça qu'actuellement aussi, dans les établissements de santé, je recommanderais d'ajouter le fait qu'on ne puisse pas fumer sur le terrain des établissements de santé, ce qui peut permettre aussi à certains fumeurs d'initier, durant le processus, un début de cessation tabagique. Et je pense qu'on a aussi un devoir, c'est très clair.

Mme Charlebois : Je veux juste vous dire merci beaucoup pour la préparation de votre mémoire. Honnêtement, c'était fort intéressant. Puis je sais que mes collègues vont avoir plein d'autres questions complémentaires. J'aurais souhaité vous en poser plus, mais je laisse le soin à mes collègues de finir le questionnement.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour une période de 13 min 30 s.

M. Lisée : Merci beaucoup. Merci, Mme la ministre, M. le Président, Dr Arruda, M. Fillion.

D'abord, sur les statistiques que vous avez dans votre mémoire, bon, on sait que, globalement, de 1998, première loi du Dr Rochon du Parti québécois, jusqu'à 2013, donc après la loi de l'actuel premier ministre, qui a été ministre de la Santé, on a une baisse de 33 % à 12 %. Donc, c'est considérable. Cependant, lorsqu'on regarde les fumeurs par catégorie, la catégorie la plus résistante, c'est un peu la force vive du Québec, de 20 à 34 ans... En fait, ça a varié, depuis 2007 à 2014, entre 31 % et 29 %, dans la marge d'erreur. Alors donc, on a une population jeune. Donc, presque un jeune adulte sur trois — de 20 à 34 ans — fume. Comment expliquer ça?

M. Arruda (Horacio) : Il faut comprendre que ces jeunes-là ont initié le tabagisme plus jeunes et ont continué à l'utiliser. Ça démontre tout l'effet de la dépendance qui a été entraînée par le fait de commencer à fumer en jeunesse puis être maintenu.

M. Lisée : ...de 12 de 19 ans, il y a une baisse. En fait, il y a juste 11 %, en 2013‑2014, des 12 à 19 ans qui fument. Bon, je suppose que c'est les 12, 13, 14 ans qui baissent la moyenne. Si on avait les gens de 19 ans, ce serait beaucoup plus élevé, mais il y a quand même un bond de 11 % à 30 %. C'est comme si le début de l'âge adulte réel, le travail... comme s'il y avait, là, un passage favorable au tabac qui commence à se défaire à partir de 35 ans, parce que, là, on voit qu'il y a des baisses importantes.

M. Arruda (Horacio) : Je pense que c'est pour ça, l'importance qu'il faut renforcer nos mesures actuellement et ne pas oublier cette population-là, parce que l'initiation tabagique peut se faire au niveau du secondaire mais aussi lors du passage à la vie adulte comme telle, d'où l'importance, à mon avis, de renforcer les mesures, de ne pas oublier cette population-là et de contrôler la situation auprès de ces clientèles.

M. Lisée : ...que ce que ça dit aussi, c'est que l'arrivée sur le marché du travail est un moment soit de stress, soit de libération des moeurs, soit de plus grande influence des pairs qui fument, et donc peut-être que, dans les programmes de prévention, le marché du travail, les entreprises, les entreprises sans fumée, ça devrait être une piste, en tout cas, que ces statistiques me suggèrent.

M. Arruda (Horacio) : C'est un très bon commentaire. Parce qu'il faut comprendre que, dans le cadre des stratégies de lutte contre le tabac, la loi est un élément très important, la taxation est un élément très important. Il faut investir, à mon avis, dans toutes les autres perspectives du programme québécois de lutte contre le tabac, ce qui va viser à diminuer l'initiation mais aussi à avoir de plus en plus de milieux sans fumée et justement, probablement, dans les milieux de travail, favoriser, à travers des politiques de tabac et d'abandon du tabagisme, à aider ces jeunes populations là, parce que c'est une population active actuellement qui va risquer d'avoir des complications, diminuer leur survie.

M. Lisée : Tout à fait. Alors donc, on s'enorgueillit de la baisse de 33 % à 12 %, mais, chez nos jeunes adultes, c'est toujours 30 %.

M. Arruda (Horacio) : D'où l'importance de regarder les statistiques macros. En tout cas, l'indicateur macro est une tendance, mais il faut regarder les sous-populations, et, si vous regardez les populations plus vulnérables aussi, dans certains secteurs, les taux de tabagisme chez les gens des milieux plus défavorisés sont beaucoup plus élevés, leurs enfants vont être aussi plus à risque de fumer, et ces gens-là vont bénéficier d'interventions rigoureuses de la part du gouvernement.

M. Lisée : Alors, à la page suivante, à la page 10, vous avez une statistique sur la proportion de la population exposée à la fumée secondaire au cours des 30 derniers jours, et on voit que, parmi les 12 à 19 ans, il y a eu une augmentation, entre 2007 et 2014, de la proportion de 18 % à 25 %. C'est-à-dire qu'en ce moment, là, 2013‑2014, 25 % des 12 à 19 ans sont exposés à la fumée secondaire, c'est davantage qu'avant. Ce sont les plus exposés de tous. Avez-vous une explication?

M. Fillion (Yovan) : Bien, en fait, l'effet des restrictions d'usage semble s'être essoufflé dans certains lieux publics. On remarque quand même qu'il a un bon respect, mais cette statistique-là nous démontre, dans le fond, qu'il faut en rajouter puis qu'il faut en rajouter de manière continue pour s'assurer que l'ensemble des catégories de la population bénéficie du même niveau de protection de manière continue. Et, les jeunes, il faut ajouter qu'ils ne sont pas toujours les personnes responsables des lieux qu'ils vont fréquenter, ils vont suivre leur famille, et tout ça, et donc, en ajoutant des restrictions d'usage puis notamment celles qui sont proposées ici, on imagine que les jeunes vont être mieux protégés.

• (9 h 20) •

M. Arruda (Horacio) : ...plus détaillées qu'on peaufine nos interventions, puis il va falloir suivre ces tendances-là aussi, si vous me permettez, et c'est pour ça d'ailleurs qu'on recommande des mesures législatives, réglementaires, éventuellement, pour ne pas attendre des cycles de 10 ans pour réajuster rapidement la situation, suivre le phénomène.

M. Lisée : Tout à fait. Alors, vous avez dit tout à l'heure, Dr Arruda : On a une certaine timidité face au tabac qu'on ne devrait pas avoir. Je pense qu'il faut lever cette timidité.

Je regarde vos recommandations. Alors, quelle est la position de l'opposition officielle, du Parti québécois, sur vos recommandations? «Que soit adopté l'ensemble des mesures proposées dans le projet de loi n° 44 — bien sûr. Qu'il soit interdit de fumer sur le terrain des établissements du réseau de [...] santé et des services sociaux et que soit planifiée l'élimination des chambres fumeurs — nous sommes d'accord. Que soit ajouté un pouvoir réglementaire pour identifier de nouveaux lieux sans fumée — oui, vous avez raison, il faut, sans revoir la loi, que le pouvoir réglementaire permette d'ajouter des lieux. Que le gouvernement intervienne sur les emballages en développant une ou plusieurs mesures aussi robustes que possible sur le plan juridique, ces mesures s'inscrivant dans un cheminement menant à l'imposition d'un emballage neutre et standardisé pour tous les produits du tabac.» Alors là, c'est le diplomate qui parle, c'est le sous-ministre adjoint qui parle, parce que, donc, une des questions posées dans le débat qu'on aura en article par article, c'est : Est-ce qu'on devrait adopter ici maintenant l'emballage neutre? Pour l'instant, la ministre écoute mais n'a pas proposé cela.

Qu'est-ce que vous voulez dire par «un cheminement menant à l'imposition d'un emballage neutre»? Est-ce qu'on ne pourrait pas cheminer rapidement en adoptant tout simplement un amendement l'établissant?

M. Arruda (Horacio) : En termes de principe, si vous le permettez, je pense que d'agir sur les emballages, c'est majeur, parce que ce n'est pas pour rien que les industries ont développé toutes sortes d'emballages comme tels pour aller chercher des nouvelles clientèles, O.K.?

La position que j'amène ici est en lien avec le fait que ce projet de loi là, qu'on attend depuis longtemps — et je trouve ça extraordinaire d'avoir le privilège, dans le cadre de mon mandat, qu'un projet de loi soit déposé — contient toute une série de mesures qui vont avoir des effets importants, notamment sur la saveur, sur la cigarette électronique, etc. Ce que je ne voudrais pas voir, si vous me permettez, par rapport aux effets... parce qu'en tabagisme il faut agir sur plusieurs fronts et avec différentes stratégies comme telles, et puis il n'y a pas une seule solution qui va en régler le problème, O.K.? On sait que la taxation est un élément indépendant pour diminuer la consommation puis on sait que ça prend une combinaison de stratégies, et les stratégies ne sont pas les mêmes selon les clientèles qu'on veut atteindre.

Donc, dans ma perspective, moi, ce que je veux vous dire, c'est qu'on sait que les compagnies de tabac vont probablement intenter des poursuites de façon importante. D'ailleurs, elles l'ont fait en Australie. L'emballage neutre, on a des données qui semblent dire qu'il a un effet direct sur le taux de tabagisme, mais je ne voudrais pas voir, si vous me permettez, à cause de certains débats ou... retarder l'adoption du projet de loi, parce que, pour nous, il faut agir rapidement sur les saveurs, sur la cigarette électronique, puis etc. La robustesse...

M. Lisée : Pourquoi ça retarderait l'adoption, le fait qu'on pense qu'on va être poursuivis par les compagnies de tabac?

M. Arruda (Horacio) : Bien, c'est-à-dire que ça peut dépendre de la robustesse... Là, moi, je ne suis pas un expert... si vous me permettez, là, ce n'est pas la diplomatie du sous-ministre adjoint, c'est que j'aimerais qu'on vise l'emballage neutre sans retarder l'application des autres processus. Et, au point de vue juridique, ce qui se passe... Puis d'ailleurs on a à l'OMS, en mai 2016, une rencontre en lien avec toute la question de l'emballage neutre et des différentes mesures. C'est que, scientifiquement parlant, on pense que ça a un effet, mais il y a des éléments juridiques qui doivent être pris en considération pour s'assurer d'avoir une mesure robuste qui puisse être implantée rapidement, etc. Donc, il y a différentes stratégies. Moi, je ne suis pas en mesure actuellement de vous dire, oui ou non, si ça peut passer la rampe. C'est encore à l'étude au niveau... tous les pays regardent un peu qu'est-ce qu'il en est. Il y a des enjeux juridiques aussi en termes de responsabilités entre le Québec et le fédéral.

Moi, dans ma perspective, en termes de santé publique, ce que je recommande, c'est que, un, il faut adopter le projet de loi le plus rapidement possible à cause des effets potentiels des autres et évaluer, dans le pouvoir juridique du Québec, un cheminement où on pourrait... et ça pourrait être acceptable, à mon avis, qu'on joue sur la question de la mise en garde, qui aura un effet sur l'emballage comme tel, puis éventuellement en arriver à l'emballage neutre. Mais, si on est capables d'y arriver rapidement, je ne serais pas contre, je ne peux pas être contre. Mais, par contre, je dois vous dire, les poursuites potentielles...

M. Lisée : Bien...

M. Arruda (Horacio) : Oui. O.K.

M. Lisée : ...écoutez — juste parce qu'il me reste trois minutes puis je voudrais couvrir deux ou trois autres sujets — nous, ce qu'on a entendu, c'est que la capacité constitutionnelle du Québec d'agir là-dessus, elle est là, elle est claire. Les compagnies de tabac ont fait quatre poursuites en Australie, elles les ont perdues. Donc, il y a déjà des précédents, et, à mon avis, on a une certaine timidité sur le tabac qu'on ne devrait pas avoir.

Je poursuis : «Que le gouvernement maintienne l'ensemble des interventions visant à lutter contre le tabagisme à la suite de la révision de la loi — bien sûr. Que le gouvernement utilise de manière continue et systématique l'ensemble des pouvoirs réglementaires prévus à la loi — oui.» Mais, lorsqu'on dit que l'action de promotion, l'action de la publicité, les interventions, etc., soient faites, je suis d'accord avec vous, mais vos budgets ont été coupés de 7 %. Alors, avec quel argent est-ce que vous pourriez décider que, dans les trois années à venir, si ces coupures se maintiennent, et la probabilité est qu'elles empirent... Quel argent allez-vous utiliser pour faire ça?

M. Fillion (Yovan) : Effectivement, les budgets ont réduit au cours des dernières années, mais, essentiellement, la réduction a été absorbée au niveau vraiment de l'administration, des effets... bien, en fait, de nos activités d'inspection, puis on a tout simplement amélioré notre efficacité au niveau des activités d'inspection, et d'ailleurs le volume des inspections a beaucoup augmenté au cours de cette période-là, puis c'est là qu'on l'a absorbée. On n'a pas touché, dans le fond, à notre force de frappe en matière de lutte contre le tabagisme au niveau du ministère de la Santé.

M. Lisée : Auriez-vous les marges nécessaires pour augmenter votre force de frappe, pour... Par exemple, là, ici, on fait les terrasses, puis on fait les pataugeoires, puis on fait tout ça, puis on fait tout ce que vous dites, là. Il y a une augmentation des besoins d'inspection, de mise en place, d'information. Cet argent-là, est-ce que vous l'avez?

M. Fillion (Yovan) : Les estimations qu'on a faites, c'est qu'on est capables, avec les budgets qu'on a, d'assurer l'application des mesures qui sont prévues dans le projet de loi que vous avez.

M. Lisée : Même une campagne publicitaire télévisuelle qui coûte les yeux de la tête?

M. Fillion (Yovan) : En fait, comme lors de la dernière révision de la loi puis la première, là, il y a toujours des productions de matériel à l'intention des exploitants, à l'intention de la population pour les informer des nouvelles dispositions qui vont être mises en oeuvre. C'est prévu.

M. Lisée : En Colombie-Britannique, il y a une loi qui a été adoptée qui fait en sorte de tarifer les cigarettiers et les distributeurs, pas les détaillants, les cigarettiers et les distributeurs et d'utiliser cette somme-là pour financer des campagnes de prévention sur le tabac. Est-ce que ça serait une bonne idée qu'on fasse ça?

M. Arruda (Horacio) : ...que toute source de revenus qui va venir aider à la prévention puis à la lutte est la bienvenue, là. Il faut juste voir la volonté gouvernementale de le faire. D'ailleurs, une proportion des fonds de la taxation vient aider à nos programmes de prévention.

Par rapport aux inspections nouvelles, puis etc., il faut comprendre qu'en fonction des nouveaux éléments de la loi on ajuste aussi nos stratégies comme telles. On n'inspecte pas tout, mais on va aller là où on pense qu'il y a des nouvelles choses à vérifier puis à se conformer.

M. Lisée : Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour neuf minutes.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour. Vous êtes directeur national de la santé publique et sous-ministre, vous conseillez le gouvernement et la ministre sur le projet de loi. Vous écrivez dans votre mémoire que le gouvernement intervient «sur les emballages en développant une ou plusieurs mesures aussi robustes que possible sur le plan juridique». Qu'est-ce que vous voulez dire par «aussi robustes que possible»?

M. Arruda (Horacio) : Bien, dans les faits, une mesure qui va permettre de diminuer le risque d'application de contestations par les compagnies de tabac ou qui va permettre d'être appliquée rapidement pour obtenir des gains, compte tenu de l'évaluation que peuvent faire les juristes. Il faut comprendre que, là, actuellement, je rentre dans un champ qui n'est pas le mien, O.K.? Je vous le dis, là, je vous recommande... Moi, je vais vous dire, je pense qu'il faut agir sur les emballages. Il y a différentes stratégies qui peuvent être déployées, dont une qui pourrait être d'agir de façon réglementaire, si on enlève l'harmonisation avec le fédéral, sur la mise en garde, qui est un élément important de l'emballage. Si on peut faire ça rapidement dans le processus, à mon avis, c'est une mesure qu'on devrait mettre en place peut-être de façon intermédiaire avant de se rendre à l'emballage neutre.

Pour ce qui est de la question juridique, ce n'est pas moi, l'expert juriste. À ce moment-là, le gouvernement a ses conseillers qui peuvent leur dire un petit peu quels sont les risques potentiels pour la mise en application de ce genre de mesures là.

• (9 h 30) •

Mme Soucy : Est-ce que vous pensez que ce serait une bonne idée de mandater un avis juridique sur l'emballage neutre?

M. Arruda (Horacio) : Je pense que, oui, ce serait une bonne idée, et de suivre, à mon avis, aussi tous les travaux qui se font au point de vue international en lien avec la Convention-cadre de l'OMS. D'ailleurs, en mai prochain, si... à chaque mai, je suis à l'OMS, à l'Assemblée nationale, il y a une réunion spéciale des pays membres en lien avec l'emballage neutre et les différentes mesures qui pourraient être mises en place pour avoir un peu plus de solidité tant au point de vue de la santé publique, par rapport à la démonstration de la mesure, puis des éléments juridiques.

Mme Soucy : Qu'est-ce que vous pensez de ceux qui affirment que l'interdiction des saveurs du tabac pour éloigner les jeunes du tabac est inutile, puisqu'ils vont aller s'en procurer d'une manière illégale avec la contrebande? Qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Arruda (Horacio) : Écoutez, je pense que la contrebande, c'est un effet secondaire de certaines interventions — on fait un acte, il y a des effets pervers à côté — mais c'est contrôlable.

Je pense que le Québec a démontré que, la contrebande, on est capables de la contrôler, à mon avis. Je pense que ce n'est pas un argument solide pour empêcher... N'oubliez pas, l'objectif de la loi, là, c'est de réduire l'initiation du tabagisme. Les saveurs sont un phénomène utilisé par les compagnies de tabac pour attirer des nouvelles clientèles, le menthol est utilisé dans une perspective de cette nature-là. Donc, moi, à mon avis, ce n'est pas un argument qui vient, à mon avis, empêcher qu'on le fasse, compte tenu de l'importance de l'effet sur l'acquisition du tabagisme et des cancers et des maladies qui vont survenir. Je pense qu'il y a moyen, par des mesures, de contrôler.

M. Fillion (Yovan) : Si je peux me permettre d'ajouter. Évidemment, le recours à la contrebande... bien, un déplacement vers la contrebande, c'est souvent ce qu'on nous amène, mais il ne faut pas oublier qu'il y a aussi d'autres options que les fumeurs vont avoir, notamment de se tourner vers d'autres produits du tabac qui n'en comportent pas, vers les cigarettes électroniques, qu'elles soient aromatisées ou non, ou encore arrêter de fumer, ce qu'on souhaite. Et d'ailleurs, dans la littérature, il y a quand même une proportion significative de gens qui vont pour la voie de l'arrêt tabagique.

Mme Soucy : On a reçu des détaillants ici, et puis ils nous ont suggéré d'instaurer le cartage obligatoire. Alors, est-ce que ce serait un bon moyen de lutter contre le tabagisme si on instaurait le cartage obligatoire partout puis on faisait des campagnes? Parce qu'ils nous ont parlé aussi beaucoup de campagnes de sensibilisation pour justement informer les gens que le cartage est obligatoire dans tous les endroits, là, autant pour le tabac, comme il y avait... il avait donné, par exemple, la... comme la SAQ fait présentement.

M. Arruda (Horacio) : Il faut comprendre que la responsabilité en lien avec la lutte contre le tabac, elle appartient à l'ensemble de la société, aux détaillants, aux parents, à tout adulte en lien avec les jeunes. Nous, ce qui est important pour nous, c'est qu'on ne veut pas — absolument pas — qu'une mesure comme le cartage diminue le niveau de responsabilité du détaillant, c'est-à-dire que... Comprenez-vous, là? Parce que, dans le fait que les gens se disent : Bon, là, j'ai la carte, je l'ai passée, ils ne vérifient pas vraiment, là... Ça, c'est ça qui est important pour nous. Que les gens fassent du cartage obligatoire, ce n'est pas un problème, mais on ne veut pas qu'il y ait une déresponsabilisation par un effet d'automatisme, là. C'est ça qui est le principe qu'on veut défendre, de notre côté.

Mme Soucy : Mais ce ne serait pas plus simple? Parce que je comprends votre point, sauf que les détaillants nous demandent de leur donner les outils pour que ça soit plus facile, pour leur faciliter la vie au quotidien. Alors, vous dites : Le but, c'est que les jeunes en bas de 18 ans... ça soit plus difficile, hein, que ça soit pratiquement impossible de s'en procurer. Alors, ce que les détaillants nous demandent, c'est de changer un petit mot dans la loi puis que ça soit obligatoire, le cartage. Donc, vous ne pensez pas que ce serait beaucoup plus facile, leur faciliter la vie avec ça? Aux États-Unis, le cartage est obligatoire, et puis le taux de tabagisme est à 15 %.

M. Fillion (Yovan) : Bien, écoutez, là-dessus — je vais revenir sur la question d'automatisation — s'il y a des mécanismes qui font en sorte que les gens sont cartés systématiquement, on ne peut pas être contre, mais il reste que le détaillant doit garder la responsabilité. Ça fait que, même si les consommateurs vont là, ont l'obligation de prouver leur âge, le détaillant doit garder la responsabilité de le vérifier, l'âge, aussi, pour le confirmer parce que, sans ça, une mesure, je dirais... complètement le cartage obligatoire, qui pourrait devenir complètement automatisé, nous, on y voit des risques que ça devienne plus facile pour des jeunes d'accéder au tabac.

Mme Soucy : Mais c'est possible de faire les deux. Je veux dire, le détaillant, il a quand même la responsabilité de demander les cartes, mais le consommateur a l'obligation de donner les cartes, sinon, bien, il n'a pas le produit de tabac.

M. Fillion (Yovan) : On peut vous donner des exemples d'outils qui existent. On sait qu'il y a notamment, là, des types de logiciels qui verrouillent les transactions dès lors que c'est un produit du tabac qui est vendu. Donc, ça oblige le détaillant, si, par exemple, son jeune caissier... Parce qu'on a beaucoup entendu que c'étaient des jeunes, là, qui étaient à l'emploi des détaillants. Si son jeune caissier n'a pas eu l'oeil suffisamment aiguisé pour déterminer que c'était une personne qui pouvait être potentiellement mineure, bien la transaction est verrouillée. Donc, à ce moment-là, pour que ce soit déverrouillé, il doit rentrer manuellement une date qui est... et préciser la carte d'identité qui est disponible. C'est une espèce de formule qui vient contrôler l'accès et qui peut faciliter aussi la vie des détaillants en évitant qu'ils échappent des ventes aux mineurs de cette façon-là.

Mme Soucy : Mais ils ne demandent même pas d'aller jusque-là, là, ils demandent seulement qu'on mette dans la loi le mot «obligatoire» et non pas qu'on le suggère, mais que ça soit obligatoire. Pour quelles raisons exactement que vous ne voulez pas que... Parce que, là, il ne l'est pas, présentement, dans le projet de loi. C'est quoi, la raison?

M. Arruda (Horacio) : Bien, comme je vous le dis, l'objectif... Écoutez, on est à la commission parlementaire pour entendre les propos des individus. L'objectif qui est au clair avec nous, c'est que, tant et aussi... on veut éviter, là... La raison pour laquelle il ne l'est pas, c'est qu'on veut éviter que ce soit pris comme étant à un niveau qu'ils ne sont plus responsables du cartage. Si on peut les instrumenter pour les aider à gérer leurs responsabilités, ça y est, mais, si c'est pour, comme dans certaines expériences, en arriver au fait que ça soit automatique puis qu'il n'y ait pas de vérification par le détaillant, on pense que ça serait un recul. Puis c'est arrivé que... plus de 500 ventes où les détaillants n'en ont demandé aucune, carte. Donc, on ne voudrait pas que ça soit une avenue pour se déresponsabiliser, c'est dans ce sens-là. Mais, si le projet de loi peut aider à ce que le cartage soit fait mais que le détaillant conserve sa responsabilité, nous, on pense que c'est important.

Mme Soucy : O.K. Dernière question, parce qu'il me reste quelques secondes. Il y en a qui disent : Bon, la carte d'assurance maladie, ce n'est pas tout le monde qui l'a. Avez-vous le pourcentage de gens au Québec qui ne détiennent pas de carte d'assurance maladie?

M. Arruda (Horacio) : Personnellement, je n'ai pas la donnée. On pourra peut-être vous la trouver. On va la trouver en appelant la RAMQ, qui va pouvoir nous donner l'information.

Mme Soucy : Parfait.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, et merci de peut-être déposer l'information au secrétariat de la commission, et nous nous assurerons de la distribuer aux parlementaires.

Alors, ceci met fin à l'échange. Nous vous remercions beaucoup pour votre apport ce matin, et je suspends momentanément nos travaux.

(Suspension de la séance à 9 h 38)

(Reprise à 9 h 45)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant les représentantes, représentants du Conseil québécois sur le tabac et la santé. Bienvenue à votre Assemblée nationale.

Je vous demanderais de bien vouloir vous nommer, préciser vos fonctions, et par la suite vous disposerez d'une période de 10 minutes de présentation. Ensuite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS)

M. Bujold (Mario) : Merci, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. Je m'appelle Mario Bujold, je suis le directeur général du Conseil québécois sur le tabac et la santé et je vous remercie de l'occasion que vous nous offrez aujourd'hui de pouvoir vous transmettre nos commentaires et réflexions sur le projet de loi n° 44.

Puisque l'un des objectifs au coeur du projet de loi à l'étude est de prévenir le tabagisme chez les jeunes, nous avons trouvé qu'il serait approprié d'inviter avec nous une jeune qui représente les adultes de demain. Elle s'appelle Sophie-Rose et elle fait partie de La Gang allumée, qui est notre programme de prévention du tabagisme depuis maintenant 20 ans. Je serai également en compagnie de M. James... Repace, pardon, qui est biophysicien et un expert international de la pollution causée par la fumée secondaire et à qui nous avons demandé une analyse scientifique de la question de l'interdiction de fumer sur les terrasses des bars et des restaurants. M. Repace est d'ailleurs le chercheur qui a publié le plus d'études scientifiques revues par des pairs sur cette question à l'échelle internationale.

Vous ne serez pas surpris d'apprendre que notre organisme est favorable à l'ensemble des mesures proposées dans le projet de loi n° 44. Toutefois, nous croyons aussi que les amendements suivants pourraient être apportés à celui-ci afin qu'il protège plus efficacement les non-fumeurs de la fumée de tabac secondaire et qu'il contribue davantage à prévenir et réduire le tabagisme chez les jeunes.

En matière de protection accrue contre la fumée de tabac secondaire, nous croyons que le projet de loi devrait étendre l'interdiction de fumer aux lieux suivants : les terrains de jeu pour enfants, en incluant idéalement un rayon autour des installations; les garderies en milieu familial en tout temps et non seulement lorsque des enfants s'y trouvent; les terrains d'écoles primaires et secondaires en tout temps et non seulement aux heures durant lesquelles les mineurs s'y trouvent; et également sur les terrains des cégeps, collèges et universités. La loi devrait aussi interdire les fumoirs dans les centres jeunesse, les départements ou unités psychiatriques et les centres de réadaptation. Nous trouvons important aussi que le gouvernement se dote d'un pouvoir réglementaire pour interdire de fumer dans d'autres lieux, si cela s'avère nécessaire. Puisque l'emballage des produits du tabac est une stratégie de marketing très efficace pour attirer les consommateurs, notamment les jeunes, nous croyons que le gouvernement devrait adopter l'emballage neutre et standardisé. S'il n'a pas la capacité d'introduire cette mesure dans le présent projet de loi, le gouvernement devrait minimalement standardiser les mises en garde sur les paquets par voie réglementaire à la suite de l'adoption du projet de loi n° 44.

Finalement, dans le cadre de ce projet de loi ou lors d'une prochaine étape si cela s'avère impossible maintenant, le gouvernement devrait se pencher sur la présence du tabac à l'écran afin de prévenir le tabagisme chez les jeunes. Pourquoi? Parce qu'on retrouve une proportion beaucoup plus grande de personnages qui fument dans les films que d'individus qui le font dans la vraie vie. Or, il est maintenant clairement démontré que regarder des films qui incluent des scènes où le tabac est présent amène les jeunes à commencer à fumer. Selon le U.S. Department of Health and Human Services, plus les jeunes sont exposés à ce type de scènes, plus ils ont de risque de commencer à fumer. Une étude à notamment estimé que 44 % des jeunes fumeurs sont initiés au tabagisme à cause d'une exposition répétée à des produits du tabac dans des films.

Dans ce sens, nous croyons que le gouvernement devrait minimalement demander au ministère de la Culture et des Communications d'intervenir auprès de la Régie du cinéma afin qu'elle classifie les films faisant un usage excessif des produits du tabac comme c'est déjà le cas pour ceux comportant de la violence, de l'érotisme ou du langage vulgaire. Sophie-Rose.

• (9 h 50) •

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Bonjour. Je m'appelle Sophie-Rose Desgagné, j'ai 14 ans et demi et j'ai commencé mon secondaire III hier à l'école secondaire l'Aubier à Saint-Romuald.

Ce n'est pas tous les jours que des jeunes du Québec peuvent s'adresser directement au gouvernement. Merci de nous donner une voix aujourd'hui. Je l'apprécie particulièrement, en tant que leader officielle de La Gang allumée de Chaudière-Appalaches. La Gang allumée, c'est un programme de prévention du tabagisme par et pour les jeunes du Québec. En leur nom, je veux aussi vous dire merci de concocter une loi qui va nous protéger du tabac.

Les neuf autres leaders et moi-même ainsi que les milliers d'adolescents qui composent les gangs allumées à travers le Québec, on poursuit un grand rêve : réaliser, d'ici 10 ans, une première génération sans tabac. On la voit d'ici. En 2025, le taux d'initiation au tabac sera à peu près nul au Québec, les écoles secondaires n'auront plus de petites cliques de fumeurs à la limite de leurs terrains, et tous les jeunes, où qu'ils soient, pourront respirer un air sans fumée. Aujourd'hui, en 2015, on n'en est, malheureusement, pas encore là. Nous autres, les ados québécois, on est plus exposés à la fumée secondaire que tous les autres adolescents canadiens, et jusqu'à deux fois plus en voiture. On consomme nous-mêmes plus de tabac aromatisé que tous les autres jeunes d'un bout à l'autre du pays.

Dans ma propre école, il y a un groupe de jeunes qui fument, et là-dedans il y a des sportifs qui abîment leurs performances jour après jour, cigarette après cigarette, petit cigare après petit cigare, et en plus ils vapotent aussi en alternance. Dans mon école, d'ailleurs, il y a beaucoup d'autres jeunes non-fumeurs qui essaient la cigarette électronique par simple curiosité ou juste pour suivre la mode. Je les regarde, et ça me fait de la peine parce que je les connais et parce que je comprends que, derrière les goûts de fraise et de chocolat, qu'ils soient fumés ou vapotés, il y a le piège du tabagisme avec tout ce que ça comporte.

À l'occasion de la Journée mondiale sans tabac du 31 mai dernier, des jeunes de La Gang allumée ont fait circuler une pétition qui appuie le projet de loi n° 44 tout en réclamant encore plus de mesures d'interdiction de fumer dans les lieux fréquentés par les enfants et les ados. Ces jeunes demandent aussi au gouvernement d'interdire de fumer dans les parcs et les terrains de jeu afin de mieux les protéger de la fumée secondaire, bien sûr, mais aussi pour que l'usage du tabac ne leur paraisse ni naturel ni normal. Il me fait donc particulièrement plaisir de vous remettre aujourd'hui cette pétition, signée par plus de 1 000 personnes, principalement des jeunes.

Pour ces jeunes-là et aussi pour tous les autres du Québec, votre projet de loi n'ira jamais trop loin. S'il vous plaît, faites en sorte d'adopter le projet de loi qui protégera le mieux les adolescents du Québec, parce que, on aura beau travailler très fort pour informer les jeunes, pour les sensibiliser aux dangers du tabac, pour essayer de les mettre à l'abri des beaux emballages et les convaincre de ne pas toucher à ce poison, je suis certaine que nous n'arriverons pas tout seuls, sans une loi audacieuse et solide, à la réaliser d'ici 2025, cette fameuse première génération sans tabac, qui nous tient tellement à coeur. Merci beaucoup de votre attention et de votre appui.

M. Bujold (Mario) : Mr. Repace.

M. Repace (James) : Honorable Members of the National Assembly, my name is James Repace. I have served 19 years as a senior air policy analyst for the United States Environmental Protection Agency, and I'm now retired, and I'm currently a consultant on air pollution from secondhand smoke. I have published more than 50 peer-reviewed scientific papers on the hazard, exposure, dose, risk and control of secondhand smoke. I strongly support all the provisions of Bill 44, including the ban on smoking on outdoor terraces of bars and restaurants, which will protect the health of both nonsmoking bar and restaurant waitstaff as well as the restaurant patrons.

There is a scientific consensus that secondhand smoke poses dire risks to human health : it is a known human carcinogen, it has immediate adverse effects on the cardiovascular system, and chronic exposure causes fatal heart disease. There is no known risk-free level of exposure to secondhand smoke. A high proportion of nonsmokers report eye irritation, headache, nasal discomfort, coughing, sore throat or sneezing when exposed to secondhand smoke. Even brief exposures can induce sensory irritation in healthy nonsmokers at very low levels which increases with the duration of exposure. A U.S. study of nonsmokers' body fluids demonstrated that nonsmokers who are exposed to secondhand smoke on outdoor terraces of a bar and restaurant for just three hours absorb significant doses of secondhand smoke fine particles and carcinogens. I calculate from their data that the nonsmokers' fine particulate matter exposure from secondhand smoke constitutes code red, or very poor air quality, when evaluated by the three-hour Canadian Air Quality Index. Risk assessment shows that this exposure constitutes a significant risk of material impairment of health when judged by the standards of the United States Occupational Safety and Health Administration.

Separation of the outdoor patios into smoking and nonsmoking sections would only serve to increase the secondhand smoke exposure of the estimated 16 625 nonsmoking Québec restaurant and bar waitstaff, who would have to serve in the smoking sections surrounded by smokers in the bar and restaurant terraces. Nonsmoking sections on terraces would also fail to protect the nonsmoking patrons from secondhand smoke carried by the wind from the smoking sections into the nonsmoking sections. The results of 13 field studies in as many countries around the world demonstrate conclusively that fine particulate matter air pollution on outdoor terraces is overwhelmingly higher than that from heavy street traffic.

A study commissioned by the Union of Bar Owners of Québec asserts that air quality on open-air terraces would not be significantly affected by smokers by a separation of only 1.5 meters. However, this claim is contradicted by the results of three different U.S. studies which showed that harmful levels of secondhand smoke fine particles and carcinogens from a single cigarette smoked on outdoor terraces occurred at downwind distances from four to 13 meters. Two of those studies are mine. Because these secondhand smoke pollutants decline inversely with distance, smoke from multiple smokers will reach out proportionally to greater distances. Thus, the smoking separation distance of 1.5 meters proposed by the Union of Bar Owners of Québec must be rejected in favor of a total terrace smoking ban as proposed by Bill 44. My remarks are amplified in my written testimony. Thank you for the opportunity to testify, and I will be pleased to answer any questions.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons débuter les périodes d'échange. À la demande de la ministre, nous vous avons permis de compléter votre présentation, ce qui fait en sorte qu'il lui reste 17 minutes pour échanger. La parole est à vous, Mme la ministre.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. D'abord, M. Bujold, Sophie-Rose — quel beau témoignage! — et M. Repace, merci beaucoup d'être là. Mais, honnêtement, c'est tellement rafraîchissant, Sophie-Rose, d'avoir entendu ton témoignage et les buts visés par la gang d'allumés. Honnêtement, là, une première génération sans tabac, je vais applaudir avec toi si ça arrive, et on va travailler pour que ça arrive, on va travailler, en tout cas, pour qu'on... On a un objectif, c'est qu'il y ait de moins en moins de tabagisme, et notamment chez les jeunes. J'ai des petits-enfants plus jeunes que toi, évidemment, ils sont tout petits, quatre ans en descendant, mais je viens de voir un bébé à la sortie, puis je me disais : S'il y a une chose que je retiens aujourd'hui — il y a un monsieur qui est venu nous présenter son bébé, qui travaille ici, à l'Assemblée nationale — ne serait-ce que pour ce bébé-là, là, qu'il n'y ait pas d'environnement-fumée, honnêtement, c'est... on ne travaille pas pour rien, là, parce qu'on sait, hein, depuis le début des consultations à quel point c'est nocif, le tabagisme, à quel point ça touche tous les organes de notre corps. Mais la fumée secondaire, M. Repace vient d'en parler, c'est très clair, là, qu'il y a un impact.

Sophie-Rose, tu trouves que notre projet de loi n'ira jamais assez loin. Y a-tu des choses, toi, que tu voudrais voir ajoutées dans le projet de loi?

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Bien, c'est sûr que — comme tantôt, il y avait un monsieur qui en parlait — les paquets neutres — moi, ça, j'ai déjà fait des recherches, aussi j'ai fait un billet de blogue sur ça — en Australie, ça avait marché. Moi, c'est sûr que, si j'étais un tant soit peu attirée par la cigarette — mais je ne le suis pas — puis que je voyais un paquet de cigarettes avec, je ne sais pas, comme une forme d'iPod ou une forme de... plein d'affaires pour les adolescents, c'est sûr que je serais attirée par ça, mais là je ne le suis pas.

Puis, avec des paquets neutres, je crois que ce serait encore plus pratique parce que les jeunes seraient moins attirés peut-être par ça. Les terrasses aussi, dans le fond, même... les terrasses, moi, je suis vraiment pour ça, même si je n'ai pas l'âge d'aller, exemple, dans les bars puis sur les terrasses pour prendre une bière, là, mais ma...

• (10 heures) •

Mme Charlebois : ...aller au restaurant?

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Oui, je peux aller au restaurant, je peux aller... Il y a des terrasses, des fois, sur les restaurants. Moi, je suis vraiment pour... Même ma mère, là, elle, elle va dans des bars aussi, sur les terrasses, puis, même pendant les heures de dîner ou pendant même... juste parler puis qu'elle reçoit de la fumée... Elle est vraiment pour l'interdiction de la cigarette sur les terrasses.

Mme Charlebois : Non seulement c'est désagréable, mais c'est nocif, hein?

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Oui.

Mme Charlebois : Qu'est-ce qui fait, selon toi... Je m'excuse, je vais revenir à vous, mais ça a été tellement inspirant, son témoignage. Qu'est-ce qui fait, selon toi, en majeure partie, que les jeunes sont tant attirés par les produits du tabac? Est-ce que les saveurs, ça les attire vraiment ou si on est complètement dans le champ, là, quand on travaille là-dessus?

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Moi, je crois que les saveurs, c'est quelque chose qui les attire encore plus, parce qu'il y a des goûts de fraise, de chocolat. Toutes ces saveurs-là, ça peut les attirer. Ça fait : Mmm! Ça sent bon, ça goûte bon, na, na, na. Puis j'en connais qui ont essayé la cigarette puis que peut-être qu'il y avait des saveurs. Mais, moi, c'est sûr que je ne leur demande pas, parce que, quand ils fument... bien, quand ils essaient une cigarette électronique, moi, je me tiens loin de ça. Mais j'en vois. C'est ça.

Mme Charlebois : Ça semble facile pour les jeunes de s'en procurer malgré une interdiction. Si on renforce l'interdiction, si on met des mesures pour que les adultes ne puissent pas acheter pour les jeunes, comment tu vois ça?

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Bien, moi, c'est ça, nous autres, La Gang allumée, les leaders de La Gang allumée, on fait de la sensibilisation, donc ça peut aider.

Mme Charlebois : Comment tu penses que les jeunes se procurent des cigarettes? As-tu une idée?

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Ça peut être de leurs parents. On ne sait jamais, peut-être qu'ils peuvent en prendre discrètement ou bien juste en acheter d'autres personnes. Ça, je ne le sais pas parce que je ne suis pas dans le...

Mme Charlebois : Tu ne fumes pas.

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : C'est ça, je ne fume pas. Ça fait que je ne peux pas vraiment savoir, mais c'est sûr qu'il y a plein de moyens pour s'en procurer, là, même si on n'est pas majeur.

Mme Charlebois : Tu as tout à fait raison, puisqu'il y a des jeunes qui fument.

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : C'est ça.

Mme Charlebois : Alors, M. Bujold, je vais revenir à vous. Sophie-Rose nous a un petit peu dit ce qui la préoccupe, et j'ai trouvé ça fort intéressant. On a beaucoup de témoignages qui vont dans le même sens depuis le début. J'ai vu que M. Repace, il a 58 publications. Je vais certainement le questionner là-dessus.

Vous, vous êtes d'accord avec l'ensemble du projet de loi, c'est ce que je comprends, mais vous souhaitez qu'on renforce au niveau des terrains de jeu, au niveau des centres de la petite enfance en milieu familial. Voulez-vous m'en parler davantage?

M. Bujold (Mario) : Oui. Bien, toute la question des terrains de jeu ne fait pas partie du projet de loi, et, à notre avis, c'est vraiment un manque, compte tenu davantage de l'image que ça transmet puis de la pollution que ça crée dans ces lieux-là, où les jeunes se retrouvent, que de l'effet à court terme d'être exposés à la fumée secondaire.

C'est sûr que, dans un espace extérieur comme, disons, un terrain de football, la fumée va plus se dissiper que sur une terrasse, mais ce n'est pas juste sur le principe de l'exposition. Puis, encore là, ça dépend des conditions, puis M. Repace l'a dit puis il a fait beaucoup de recherches là-dessus, mais, compte tenu de l'espace, de l'environnement, des vents, de jusqu'à quel point la fumée va rester ou pas, évidemment il peut y avoir des risques. Mais, dans le cas des terrains de jeu, c'est davantage tout l'aspect d'image que ça projette, et, si on veut dénormaliser l'usage du tabac, je ne vois pas pourquoi on maintiendrait le fait de fumer dans des endroits comme ceux-là fréquentés par les jeunes, d'autant plus que de nombreuses provinces l'ont déjà fait et plusieurs municipalités au Québec aussi ont adopté des règlements dans ce sens-là.

Pour ce qui est des autres mesures d'interdire de fumer, c'est plus de réajuster certains éléments de la loi. Parce qu'actuellement la loi disait : On ne permet pas de fumer sur les terrains des écoles, sauf s'il n'y a pas d'élève dans ces écoles-là. Même chose pour les garderies en milieu familial : on ne permet pas de fumer pendant que les enfants sont là, mais, avec les effets de la fumée secondaire mais aussi la fumée tertiaire, on sait très bien que ces effets-là peuvent perdurer. Donc, c'est plus, pour nous, un rattrapage sur des mesures qui étaient déjà en place et élargir, notamment pour l'interdiction de fumer, sur les terrains des cégeps, des universités, des collèges, qui n'existait pas, qui est, à notre avis, un non-sens aussi. Les jeunes adultes... puis on en parlait tantôt — M. Lisée en parlait — qu'il y a un taux de tabagisme particulièrement élevé chez les jeunes adultes et c'est un grave problème. Bien, si on permet partout sur les campus des cégeps, des universités... il est clair que ça n'aide pas à faire un travail efficace de prévention puis de réduire à la fois l'exposition à la fumée secondaire mais aussi la tentation que ces jeunes-là commencent à fumer. Peut-être que le milieu des collèges, des universités est plus propice pour que les jeunes adultes commencent à fumer, et, dans ce sens-là, je pense, c'est important d'améliorer des volets de la loi qui étaient déjà bien faits mais qui peuvent aller plus loin.

Donc, pour nous, la loi est très bonne, et on peut l'améliorer encore avec des mesures sur la fumée secondaire qui vont aller un peu plus loin, qui vont mieux protéger la population des effets de la fumée secondaire, et aussi, notamment, la question des emballages, qui, à mon avis, est vraiment un élément manquant dans une stratégie qui va donner des meilleurs résultats.

Mme Charlebois : Sur l'interdiction des lieux, je vous ai entendus — puis il y a quelqu'un d'autre qui nous a mentionné aussi les universités — honnêtement, j'ai regardé ça, j'ai réfléchi à ça puis je pensais notamment à l'Université Laval ici, à Québec. Ça occupe un grand espace, hein, le campus est grand; c'est un village. Dans mon comté, c'est un village. Imaginez-vous que, si on astreint, on réduit, on dit : Pas de fumée sur le terrain du campus... Avez-vous pensé à la superficie? Voyez-vous ça comme possible, vraiment?

M. Bujold (Mario) : Tout à fait, tout à fait. Je ne vois aucune difficulté dans ce sens-là. Il s'agit d'un message cohérent. Puis évidemment c'est à géométrie variable. C'est un peu comme les établissements de santé : il y a aussi des hôpitaux qui ont des très grands terrains, mais on interdit de fumer sur les terrains. C'est le principe. Ce n'est pas juste la question de dire : Bien, à neuf mètres ou à une certaine distance. Parce qu'actuellement c'est ce qui s'applique. Moi, je pense que c'est d'être cohérents dans nos mesures. Si on dit qu'il y a un risque associé à l'exposition à la fumée secondaire, bien, ce risque-là, il est présent, et on doit agir en conséquence.

Donc, pour moi, ça ne poserait pas de problème, je ne vois pas de difficulté... C'est probablement même plus facile pour les établissements d'enseignement, parce qu'à ce moment-là c'est très clair. On ne dit pas : Bien, ce coin-là, c'est permis; ce coin-là, ce n'est pas permis. Ça devient vraiment l'ensemble du terrain, c'est facile à identifier pour tout le monde, il peut y avoir de l'affichage aux périmètres du terrain, et c'est la meilleure façon d'y arriver.

Mme Charlebois : M. le Président, me permettez-vous de laisser la parole à un de mes collègues qui voudrait poser une question à Sophie-Rose?

Le Président (M. Tanguay) : Oui, tout à fait. Collègue de Saint-Maurice.

M. Giguère : Oui. Ma question, c'est pour Sophie-Rose. Tu as fait un beau témoignage tantôt. Puis j'ai une fille de ton âge aussi qui a commencé son secondaire III. Et puis tes amis, quand ils vont fumer, ils vont fumer à la limite du terrain, sur la voie publique, c'est ça?

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Oui.

M. Giguère : Donc, moi, mardi, cette semaine, à 3 heures de l'après-midi, j'ai été chercher ma fille — elle avait un rendez-vous — à l'école, et il y avait à peu près 70 jeunes sur le bord de la rue et, sur ça, il y en avait au moins 60 qui fumaient.

Une voix : ...

M. Giguère : Sur 600 élèves. Donc, un 10 % qui fumait — des élèves. Puis j'ai attendu dans mon véhicule, et ça sentait la fumée même jusque dans le véhicule. J'ai attendu cinq minutes. Où est-ce que tu voudrais qu'on aille plus loin? Sur la voie publique? Où sont les lieux des écoles? Est-ce que tu voudrais qu'on aille encore plus loin, que les enfants aillent fumer plus loin ou c'est...

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Bien, moi, là, honnêtement, même sur les terrains de l'école, même plus loin. Tant qu'on voit de l'école, d'après moi, ça devrait être interdit, parce que ça peut inciter les adolescents, même qui voient, là... que ce soit à 60 mètres, mais qu'on le voit pareil, on voit la fumée. Que ce soit de la cigarette ou de la cigarette électronique, moi, je crois qu'on devrait vraiment interdire ça. Qu'ils ne le fassent pas du tout ou qu'ils le fassent juste chez eux. Mais, même, il ne faudrait pas qu'ils le fassent du tout, là. Mais moi, je crois que ça devrait vraiment être interdit, carrément, là, qu'on le voie, là, ce serait interdit pour les adolescents.

M. Giguère : O.K. Parce qu'il y a aussi le phénomène qu'ils amènent d'autres amis qui ne fument pas avec eux. Ils se tiennent ensemble. Donc, ces amis-là, ils ont la fumée secondaire. Donc, je te remercie beaucoup pour ton témoignage.

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Merci à vous.

Le Président (M. Tanguay) : Mme la ministre.

Mme Charlebois : Merci, collègue. C'est impressionnant quand même, là. Ce que tu viens de dire, là, c'est un témoignage qui, encore là, me frappe, me touche, et ce sera peut-être un endroit où on devra aller faire des petites visites.

Je vais poser une question à M. Repace, parce qu'on a entendu des points de vue de l'association... bien, en fait, de l'Union des tenanciers de bars, qui prétendent que les études ne sont pas concluantes, et vous nous avez dit que c'est tout à fait le contraire, que les études que vous avez, vous, que vous détenez comme physicien, je crois — vous êtes physicien — prouvent exactement le contraire. Et vous avez dit que dans le sang circule même une exposition limitée... on constate qu'il y a d'importantes particules dans le système.

J'aimerais vous entendre davantage nous parler de ça. Et, si vous avez une idée des conséquences, est-ce qu'automatiquement on commence à aborder la question de la dépendance? Comment vous voyez ça?

• (10 h 10) •

M. Repace (James) : I see it as an issue of...

Une voix : ...

M. Repace (James) : Yes. I see it as an issue of health, particularly for those people who are chronically exposed, such as waiters and bartenders who have to work in the smoking areas of these outdoor terraces.

In the nonsmoking sections — I'll briefly explain — when you have a cigarette and the wind blows, what you get is sort of an ice cream cone shaped plume of smoke that goes downwind, and the further away you get from the cigarette, the wider the mouth of the cone is. However, if there are many smokers, these plumes will overlap and then they will concentrate before they dissipate. So, when you have a strong wind, it will blow the smoke a very considerable distance. I have actually measured smoke from a single smoker out to 13 meters, which is, I believe, about 44 feet or so from that single smoker. It came into a neighbour's house, and the neighbour was very irritated and complained about it. In fact, he sued the smoker to try to get him to stop smoking outdoors. So, it is a big problem for multiple smokers in areas where they congregate or in front of doors, where the smoking gets sucked into the building, in front of air intakes of buildings or windows that are open. Smokers should not congregate underneath the windows.

We had a situation when I was a consultant to the Tufts University School of Medicine in Boston, which I was for five years. The professors were conducting a study of smoke in body fluids of nonsmokers and the nicotine metabolite cotinine and they wanted to use themselves as nonsmoking controls, but several of the professors found that they had high levels of cotinine in their body fluids and they were stunned by this result. And it turned out that they all had their offices near the street, on ground level, and the smokers, who are not allowed to smoke in the building, would come out and smoke on the sidewalk, and the smoke would come into their windows, and it was actually detectable in their body fluids. So, then, they had to ban smoking on the sidewalk as well.

And so, a nine-meter rule, I think, is a very good rule to keep the smokers away from doors, from entrances, from air intakes and from the fronts of buildings. So, this is a very good idea.

Mme Charlebois : Merci.

M. Repace (James) : And the biggest risk, I think, for occasional exposures for people who don't work in an area with smoke is for asthmatics, who can get a severe asthmatic attack and have difficulty breathing from walking in a plume of smoke. Even on the sidewalk, if you have a line of smokers, you can never get out of the smoke.

Mme Charlebois : Vous avez tout à fait raison. Puis les statistiques de jeunes enfants qui ont l'asthme sont de plus en plus importantes. Alors, il y a une raison à ça, là, ça n'arrive pas par hasard.

M. Bujold, je veux juste vous demander : Est-ce que vous croyez — moi, j'ai mon opinion, mais je veux entendre la vôtre — que la société est rendue là, qu'on les traite en tant que citoyens responsables à interdire la fumée dans les terrains de jeu, dans les cours d'école complètes, de mettre les distances de neuf mètres, d'être aussi restrictifs? Est-ce que vous croyez que même les fumeurs québécois sont rendus là et sont assez respectueux des autres pour pouvoir permettre l'application de cette loi-là?

M. Bujold (Mario) : Oui, sans aucun doute, très clairement, puis il y a plusieurs sondages récents qui le démontrent, sondages populationnels avec des appuis très élevés à ces mesures-là. Notamment, au cours de l'été, puis vous avez peut-être vu ces donnés-là, il y a eu la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac qui avait demandé à Léger de faire un sondage auprès de la population québécoise, et on a vu qu'en fait 71 % de la population est favorable à ce qu'on interdise de fumer totalement sur les terrasses, c'est 91 % pour les terrains de jeu, puis il y avait d'autres éléments aussi dans le sondage. Donc, on voit très bien qu'il y a un appui.

Je pense que c'est depuis très longtemps que la population a compris que le tabac était un problème majeur dans notre société et qu'il fallait tout faire pour en réduire l'effet. Et là-dessus, là, même, il y a une forte proportion de fumeurs qui sont d'accord avec ça, plus de 60 % des fumeurs veulent arrêter de fumer, selon les sondages, dans les 30 prochains jours. Donc, ils sont pris avec une dépendance, mais l'objectif, il est clair, ils se disent : Je veux me défaire de ce produit-là. Donc, le rôle du gouvernement, puis d'une commission, puis de l'Assemblée nationale, c'est vraiment d'adopter les mesures qui vont le plus loin possible pour permettre ça, pour en arriver justement à notre génération sans tabac, souhaitée.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Bujold. C'est, malheureusement, tout le temps dont nous disposons. Vous poursuivez l'échange avec notre collègue de Rosemont pour une période de 12 minutes.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Merci d'être là, M. Bujold, Mlle Desgagné. Mr. Repace, welcome to the National Assembly.

D'abord, je tiens à vous féliciter, votre organisation est une de celles qui a été engagée dans la poursuite contre les compagnies de tabac qui s'est soldée par un jugement de première instance en votre faveur, en faveur des citoyens québécois, de 15 milliards de dollars. Je sais que vous êtes en appel, mais j'ai bon espoir que vous allez avoir gain de cause, parce que la preuve est irréfutable sur l'attitude systématique des compagnies de tabac de nier, diluer, retarder, s'opposer, poursuivre dans le seul but de vendre un produit toxique. Alors, bravo pour votre résilience, et sachez que nous vous appuyons pour la suite.

Merci, Sophie-Rose Desgagné, merci pour votre engagement, votre témoignage. Est-ce que vous envisagez une carrière en politique?

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Je ne sais pas. Moi, je vise plus une carrière dans le domaine de la santé.

M. Lisée : Vous êtes bien partie.

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Merci.

M. Lisée : Est-ce que c'est cool, fumer, en Beauce, en ce moment, pour les jeunes de votre âge?

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : En Beauce, je ne le sais pas.

M. Lisée : Vous, vous êtes de quel endroit?

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Chaudière-Appalaches.

M. Lisée : Chaudière-Appalaches.

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Oui.

M. Lisée : À quel endroit en Chaudière-Appalaches?

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Bien, Saint-Romuald.

M. Lisée : O.K. Bon, à votre école, là, dans votre entourage, là, est-ce que c'est cool de fumer?

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : En fait, ceux qui fument, ils disent que c'est cool, mais il y a beaucoup de personnes qui disent : Non, ce n'est pas cool, on ne devrait pas fumer. Puis, j'ai regardé ça sur Facebook, il y avait beaucoup de personnes de mon école qui disaient qu'elles étaient pour l'interdiction de fumer dans les voitures en présence d'enfants de moins de 16 ans.

M. Lisée : Et dans la cour d'école et autour de la cour d'école?

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Il y en a qui fument, mais ce n'est pas autant que 60 ou 70. Il y en a quand même une vingtaine à peu près, là, qui fument. Puis, quand même, j'aimerais ça que le nombre soit zéro, qu'il n'y ait aucun fumeur sur le bout du trottoir.

M. Lisée : Quel est l'argument qui fonctionne le mieux pour convaincre un jeune de ne pas fumer ou d'arrêter de fumer?

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : En fait, je ne crois pas que c'est nécessairement un argument, je crois que c'est les actions qu'on fait : comme, on fait beaucoup d'actions de sensibilisation, comme, on a fait signer des pétitions, on leur explique un peu qu'est-ce que ça fait, la nicotine, tous les produits toxiques qui sont dans la cigarette. Je crois que ça, ça leur fait penser à arrêter.

M. Lisée : Il y a des études américaines qui disent que l'argument qui fonctionne le mieux, ce n'est pas un argument de santé, parce que les jeunes se sentent invincibles, c'est des arguments qui disent : Vous êtes manipulés par des grosses compagnies qui essaient de vous vendre que c'est cool alors qu'ils font des profits sur votre dos. Est-ce que vous avez utilisé cet argument-là?

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Oui, on l'a utilisé. Il y a beaucoup de personnes... Bien, nous autres, dans le fond, à notre école, c'est surtout la fumée secondaire qui nous inquiète, c'est notre enjeu principal, mais, oui, on utilise tous les autres enjeux aussi. Le tabac à l'écran, aussi, c'est... juste, exemple, dans le film Les 101 dalmatiens, la méchante, elle fume. Ça peut inciter...

M. Lisée : «La méchante», c'est une image négative.

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Je ne sais plus son nom.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Lisée : Dans Star Wars, Darth Vader fume. D'ailleurs, il a des problèmes de respiration assez évidents. Je pense que c'était un fumeur.

Des voix : Ha, ha, ha!

• (10 h 20) •

M. Lisée : Très bien. Merci beaucoup, puis continuez votre engagement.

Mr. Repace, I was very interested in your study and what you explained a moment ago about the cone. So, the smoker is there, the wind blows, and, contrary to an instinctive belief, you say that the stronger wind will keep the secondhand smoke lower and the lighter wind will disperse it higher in the atmosphere. So, people will say, «Well, when there's a strong wind, it goes away.» That's not true.

M. Repace (James) : No. I have made measurements on the campus of the University of Maryland, in Baltimore, by request of the Department of Health Services there, because they were proposing an outdoor ban, and the Faculty Senate said, «Well, there is no scientific evidence that it just doesn't dissipate in the air.» So, they asked me to come up and make some measurements. And it turned out that the day that I came up was a day when we had a lot of sun, and the air was very turbulent, and there were some clouds, and it was very windy. So, we had winds which were running, oh, with gusts of above 20 mph. So, on that particular day, I was able to measure the smoke from a single cigarette out to seven meters, so 21, or more, feet out from a single cigarette — and, if we had had many smokers, it would have been a much greater distance — when I could discern a difference between the background and the cigarette smoke and, interestingly enough, I was measuring both fine particle air pollution and carcinogenic air pollution and I found both of those were quite elevated.

M. Lisée : So, when our bar owners in Montréal say that if we put a buffer of 1.5 meters... what you're saying is, even at a strong wind, from seven meters a nonsmoker in a nonsmoking section would be exposed to a significant amount or an insignificant amount?

M. Repace (James) : Yes, it would be a significant amount, because you would have all the smokers, basically, who would attend the restaurant who would be sitting in the smoking section. So, it would be a big area source. So, you might have 10, 15 smokers all smoking at the same time, and it would create a huge cloud of smoke which would just blow downwind. Now, suppose...

M. Lisée : So, it would be more dangerous for the nonsmokers than for the smokers.

M. Repace (James) : Well, if you're working in the smoking section, you'd be simply surrounded by smokers, and it would be very bad. But, yes, it would blow into the nonsmoking section and it would be very offensive and would certainly interfere with the enjoyment of the nonsmokers.

And, in fact, there was a study in Massachusetts that found, in the days when they had smoking indoors, that there were more nonsmokers who avoided going to smoky bars and restaurants than the total number of smokers in the State. So, it drives the nonsmokers away. Frankly, I don't think it's good for business.

M. Lisée : You went so far as to test the amount of particles in the air and carcinogens on the deck of a cruise ship that was moving. And, of course, we would all instinctively say, «Well, if you smoke on the deck of a cruise ship that is moving, there is no impact to no one.» That's not what you found. Tell us about it.

M. Repace (James) : That is correct. On this particular ship, they had smoking which was confined to the bar areas, which are, of course, on the smoking deck of the ship, and I made measurements of about three or four meters from the smokers in the bar, and the ship was under way at about 20 knots, so there was quite a breeze blowing, and I was amazed to find that the levels that I was measuring there and on the cigar deck as well were almost as high as in the casino, where smoking was allowed. So, it...

M. Lisée : The indoor casino.

M. Repace (James) : Indoors, yes. It was quite a surprise for me.

M. Lisée : So, this cruise ship had a cigar deck and a cigarette deck?

M. Repace (James) : Yes.

M. Lisée : Did it have a marijuana deck?

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Lisée : No, not yet.

M. Repace (James) : No, I don't think they had a marijuana deck. But, you know, the way it's being legalized, I wouldn't be surprised.

Actually, smoking is pretty much banned now on most cruise ships, I think. They've changed the rules quite a bit. Smoking marijuana, like smoking cigarettes, produces many of the same pollutants. Marijuana doesn't have nicotine, but it has tetrahydrocannabinol, which, of course, affects the brain in a different way. But, in terms of the irritation and the carcinogenic and heart disease risks, marijuana smoke is pretty much the same as cigarette smoke.

M. Lisée : Is there a way to... I know we're off topic, but, since you're an expert, is there a way to modify the blend of marijuana to lower the unhealthy effects?

M. Repace (James) : If you burn the marijuana, you're going to get the unhealthy effects, there's no escaping from it. If, in some places, it's prescribed for medical use, well, you have to extract the substance and maybe ingest it rather than to inhale it. Inhaling any substance which is burned at low temperatures, red heat, like cigarette or marijuana smoke, creates products of incomplete combustion. These are volatile organic compounds, many of which are very damaging to the lung. It creates the fine particles, it creates the carcinogens which can break the bonds in the DNA and lead to cancer. And it can also accelerate the rate at which cholesterol is deposited on the coronary arteries, and so it can lead to heart disease or, if it happens in the brain, to a stroke.

So, these are all things that are in common with this low combustion, and it's... you know, marijuana certainly isn't as common as smoking tobacco, so you don't want to be exposed to this kind of smoke if you're a nonsmoker, particularly.

M. Lisée : You mentioned, a moment ago, Tufts University, where these professors were smoking secondhand smoke from the sidewalk. Now, that's an issue here because, well... and elsewhere, because, on many of our streets, we have terraces where the property of the terrace stops at the terrace, and then there's only the sidewalk, and there's no discussion of banning smoking on the sidewalks. Are you telling me that there are some jurisdictions where smoking is banned on sidewalks?

M. Repace (James) : My understanding is that, in front of certain buildings in Manhattan, they do restrict smoking on the sidewalk. I think that's not a general rule throughout the city, but they don't want the smokers to congregate in front of the building and then have that smoke blown into the building or get sucked in. Some buildings are not properly ventilated, and so they're pulling more air out than they're bringing in, and so they create a partial vacuum, and so, when the door is open, the air will rush in through the door. I think a lot of us have experienced that. Sometimes, it's hard to open the doors. So, if there's people smoking out there, it can get sucked in, and it is a problem. I know, my daughter, who lives in Manhattan, says she often walks to work and she tries to avoid the sidewalks where there are many bars and restaurants because people smoke out in front of them; this is particularly true in the afternoon. So she goes out of her way not to walk on those sidewalks. So, it is a problem, and it is offensive to most nonsmokers.

M. Lisée : Juste une phrase, si vous permettez, M. le Président. Une idée, Mme la ministre, ce serait de donner le pouvoir aux villes de désigner des rues ou des sections non-fumeurs si elles le décidaient.

Une voix : Ils peuvent le faire.

M. Lisée : Ils peuvent le faire?

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Lévis pour une période de huit minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bienvenue à Sophie-Rose, M. Bujold, M. Repace.

Une première question à Sophie-Rose. C'est agréable. Sophie-Rose est dans ma circonscription, ceci dit, alors, extrêmement active... j'ai eu l'occasion déjà de lui parler dans le cadre de mes fonctions antérieures, et tout ça, alors, extrêmement active dans ce domaine-là.

Est-ce que les mises en garde sur les paquets de cigarettes actuellement font en sorte que ceux que tu côtoies et qui fument, que tu tentes de convaincre... est-ce que ça a un effet ou absolument rien?

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : C'est sûr qu'ils sont au courant des dangers, mais je ne sais pas vraiment si ça leur fait peur de fumer puis de se dire : Ah! bien, il pourrait m'arriver ça. Je crois qu'il faudrait non seulement mettre ça, mais aussi mettre les paquets neutres. Je crois que ça serait encore plus bon pour eux, pour se dire : Ah! bien, je vais arrêter de fumer.

• (10 h 30) •

M. Paradis (Lévis) : Parce que, manifestement, tu sens que l'attrait pour la couleur, la forme, le paquet, ça fait cool, c'est le fun, alors, ça incite, donc, à se procurer des produits de ce type-là.

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : ...autour de leurs amis : Ah! regardez mon paquet de cigarettes, na, na, na, il est beau, puis je crois que ça pourrait inciter plus d'adolescents.

M. Paradis (Lévis) : C'est sûr que tu ne vas pas voir ceux à qui tu t'adresses ou que tu tentes de convaincre pour tenter de voir ce qu'ils fument.

Tu as parlé de tabac aromatisé. On a beaucoup parlé de menthol. Est-ce qu'il y a beaucoup, chez les jeunes que tu côtoies, pour ce que tu en sais, des gens qui décident... Tu as parlé de gomme balloune, puis de fraise, puis de chocolat, mais, tu sais, le menthol semble être un produit qui est très populaire. Est-ce que tu le sens aussi chez les jeunes fumeurs, qui ne devraient pas fumer?

Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Honnêtement, je ne sais pas qu'est-ce qu'ils fument, quelles sortes de cigarette ils fument, comme, si c'est à la fraise, au chocolat, au menthol, parce que, quand ils fument, moi, je me tiens loin, je ne vais jamais voir ceux qui fument. Donc, je ne peux vraiment pas le savoir, mais c'est sûr qu'il y en a. Moi, je crois, d'après moi, ils sont plus attirés vers les saveurs, les ados.

M. Paradis (Lévis) : Je vais poser une question à M. Bujold, je poserai une question à M. Repace également. M. Bujold, il y a beaucoup de personnes qui... Vous savez, il y a un noyau dur, hein, de gens qui disent : Regarde, laissez-nous, on décidera pour chacun de nous. Au-delà de ceux qui ne fument pas et qui subissent les contrecoups des fumeurs, les fumeurs se sentent montrés du doigt. Il y a des gens qui disent que ce serait inutile d'interdire, par exemple, les tabacs aromatisés, le tabac au menthol, parce que, bon... porte d'entrée chez les nouveaux fumeurs et chez les jeunes.

Les jeunes, en principe, ne devraient pas avoir de cigarette, parce qu'ils sont mineurs. Alors, il faut s'attaquer sur l'approvisionnement, bien sûr, et là toute la notion du cartage. Il y a des groupes, des associations qui sont venus dire ici : Rendons obligatoire dans la loi... que ce soit prévu dans nos lois que le cartage est obligatoire pour se procurer des produits du tabac. Est-ce que vous seriez d'accord avec une mesure comme celle-là? Est-ce qu'elle pourrait faire la différence?

M. Bujold (Mario) : C'est une très bonne question et à laquelle il y a plusieurs nuances de réponse à donner, je pense.

Premièrement, un programme de cartage, c'est une initiative de l'industrie du tabac. Il y a eu, depuis des années, cette mesure-là qui a été mise en oeuvre. Et pourquoi l'industrie du tabac l'a-t-elle fait? Parce qu'elle savait qu'elle était inefficace, tout simplement. Ça, c'est documenté. Il y a des recherches qui prouvent ça aux États-Unis, il y a toutes sortes de données là-dessus. Première des choses.

Deuxième des choses, il ne faut pas enlever aux détaillants la responsabilité qu'ils ont. La loi dit : Vous ne devez pas vendre de tabac aux mineurs sous peine de représailles. Et je pense que ces représailles-là doivent être importantes pour être dissuasives. Parce qu'on sait comment ça se passe. Il y a des gens dans des commerces... des jeunes qui vont travailler les fins de semaine qui ont 14 ans, 15 ans et qui voient des jeunes arriver qu'ils connaissent qui ont 14 ans, 15 ans : Regarde, je vais t'en vendre, des cigarettes, là, il n'y a personne autour qui nous voit puis... Et c'est comme ça que ça se passe.

Donc, la responsabilité, là, elle incombe aux détaillants. Et, oui, le gouvernement peut mettre un encadrement, des mesures pour permettre un meilleur contrôle, mais la responsabilité, elle va toujours demeurer là. Donc, est-ce que c'est une formule de cartage améliorée? Parce qu'il faudrait qu'elle soit améliorée. Parce que, si c'est le cartage, tel qu'on connaît, qui a été développé par l'industrie, là, il y a des études qui disent : Ne faites pas ça, ça ne donne rien. En fait, ça a le potentiel d'avoir l'effet contraire, parce que ça dit aux jeunes : Pas avant 18 ans. Mais, pour un adolescent, lui dire : Pas avant que tu sois adulte... Il dit : Je vais aller voir ce que c'est, ça m'intéresse. Donc, il faut faire bien attention à la façon dont on communique l'information sur cet enjeu-là parce que c'est, à mon avis, beaucoup plus complexe que de dire : On va demander des cartes, donc ça va régler le problème.

M. Paradis (Lévis) : J'ai beaucoup de questions, puis finalement le temps file, alors je veux bien l'occuper. M. Repace est là, et je veux profiter de son expérience, alors la question s'adresse à vous. J'ai des gens qui me disent : Un édifice bien ventilé... Et d'ailleurs il y a des gens qui ont décidé... des fumeurs, qui, pour protéger leur famille, décident de fumer sous la ventilation de la cuisinière électrique, hein, pour éviter de contaminer les enfants puis le conjoint, etc.

Est-ce que, de fait, c'est une fausse impression que de penser qu'une ventilation adéquate dans un établissement ou à la maison alors qu'on fume sous la hotte de la cuisinière électrique, c'est efficace? Est-ce que c'est efficace ou pas? La ventilation a-t-elle un effet sur la dangerosité dont vous me parlez?

M. Repace (James) : In general, ventilation of buildings cannot control tobacco smoke efficiently. I have made measurements in Toronto, in the Black Dog Pub, before and after a smoking ban — this was around 2002, 2003, 2004 — and they had a very high technology ventilation system which pulled in fresh air from the outside into a nonsmoking area which was the restaurant, into the smoking area, which was the bar, and then pumped it outside, single pass, no return, OK? And the claim was made that in the nonsmoking section of the restaurant it was just as pristine as outdoors. Well, I made measurements there for four hours in the smoking section and in the nonsmoking section. I found that the smoking section was as contaminated as any bar that I've ever measured, and I've measured a lot of them, it was pretty bad. In the nonsmoking section, it was lower, but, after the smoking ban, the pollution levels for fine particles and carcinogens dropped 60%, to outdoor levels.

So, while ventilation can lower the levels, it really cannot solve the problem of smoking indoors. In fact, the American Society of Heating, Refrigerating and Air-Conditioning Engineers, which has a Canadian branch as well, says that, no matter how high the technology you have for ventilation or air cleaning, it is not a solution to the ventilation problem.

M. Paradis (Lévis) : J'ai une dernière question pour vous et rapidement. Les États-Unis, actuellement, affichent, et on nous le dit, un taux de tabagisme de l'ordre de 14 %. Qu'est-ce qu'ont fait les États-Unis pour arriver à ce taux de tabagisme de 14 %? Y a-t-il des mesures dans le projet de loi dont on parle qui sont appliquées là-bas et qui ne le sont pas? Quelle est la recette aux États-Unis actuellement? Parce que ce n'est pas uniforme.

Une voix : ...

M. Repace (James) : Yes. I think that 14% might be California and maybe Utah. If you go to places like Indiana and Kentucky, I think you'll find smoking rates are as high as 25%. Overall, I think the United States is running about 18% right now.

The methods, I think, that are most effective, particularly if you look at the State of California, which has the best tobacco control program in the U.S., they have high taxes on cigarettes, they have very strong smoking bans indoors and out. The State of California has declared tobacco smoke to be a toxic air pollutant, and this is by the agency that regulates outdoor air pollution : California Air Resources Board. And so they ban smoking in outdoor patios, they ban smoking indoors and they have high taxes, and that combination of high taxes and smoking bans is very effective at reducing tobacco use, particularly with a very aggressive advertising program that educates both thesmokers and the nonsmokers as to the harm of active and passive smoking.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. Alors, merci beaucoup aux représentants du Conseil québécois sur le tabac et la santé.

Je suspends quelques instants nos travaux.

(Suspension de la séance à 10 h 39)

(Reprise à 10 h 48)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux.

Des voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : ...nos travaux. Je vous remercie beaucoup de prendre place.

Nous accueillons maintenant la représentante de l'Association médicale du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de présentation de 10 minutes. Bien prendre le soin de vous nommer, peut-être de préciser vos fonctions également, et la parole est à vous. Merci.

Association médicale du Québec (AMQ)

Mme Jen (Yun) : Merci, M. le Président. Alors, je me présente, je suis Dre Yun Jen, présidente de l'Association médicale du Québec.

Tout d'abord, j'aimerais remercier les membres de la Commission de la santé et des services sociaux d'inviter l'AMQ à exprimer son point de vue sur le projet de loi n° 44. Pour ceux qui ne connaissent pas l'AMQ, on est la seule association québécoise qui rassemble l'ensemble de la profession médicale du Québec. On a environ 10 000 membres, qui sont composés d'omnipraticiens, de spécialistes, de résidents et des étudiants en médecine, et on compte sur ce grand réseau pour réfléchir sur des enjeux auxquels on est confrontés dans la profession et pour proposer des solutions pour non seulement améliorer la pratique médicale, mais aussi, et je le souligne, pour améliorer la santé de la population.

Alors, d'entrée de jeu, on aimerait féliciter Mme la ministre pour le travail accompli dans le projet de loi n° 44. Il n'y a pas eu de révision sur la Loi sur le tabac depuis 2005, et alors l'AMQ considère que ce projet de loi permet au Québec de rattraper le retard accumulé par rapport aux autres provinces dans la lutte contre le tabac.

• (10 h 50) •

On est très en retard dans la lutte contre le tabagisme, c'est malheureux de constater ça, mais, en même temps, notre retard nous donne l'avantage de bénéficier des leçons apprises d'autres juridictions, puis là on parle d'autres provinces canadiennes ou d'autres pays qui ont aussi révisé leurs législations sur le tabac.

Là, on apprend beaucoup. D'abord, on apprend que, malgré qu'on a tendance à penser que les mesures de prévention, comme les mesures législatives, ont des impacts sur la santé seulement à long terme et qu'elles n'ont pas vraiment beaucoup d'impact à court terme, c'est-à-dire qu'on ne voit pas de bénéfice sur la santé dans les quelques années qui suivent et surtout pas à l'intérieur d'un mandat, l'expérience terrain d'autres juridictions nous prouve le contraire, elle nous prouve plutôt que, dans le cas du tabac, une législation sévère et contraignante apporte rapidement des gains pour la santé de la population. On n'a pas besoin de regarder très loin. À titre d'exemple, une étude récente menée en Ontario qui a été publiée dans le journal de l'Association médicale canadienne nous montre que l'application de la loi antitabac en Ontario serait associée à une baisse importante dans les hospitalisations pour les conditions cardiovasculaires et respiratoires, une baisse de 39 % des taux d'admission hospitalière pour les problèmes cardiovasculaires — donc, on parle d'angine, d'infarctus aigu du myocarde, accidents cérébrovasculaires, etc. — et une baisse de 33 % pour les problèmes respiratoires. Ces résultats ont été observés dans les deux ans — seulement deux ans — qui ont suivi l'implantation complète de la loi. Ces résultats sont cohérents avec d'autres études similaires qui ont été menées en Angleterre et aux États-Unis qui ont aussi conclu que l'implantation de lois antitabac est suivie par une diminution des hospitalisations. Donc, on voit, à traves ces études, tout l'intérêt de réduire au plus possible l'exposition à la fumée du tabac par une législation plus sévère.

C'est pourquoi l'AMQ supporte la proposition présentée dans le projet de loi d'avoir une plus grande étendue des zones sans fumée, mais on aimerait que le projet de loi aille encore plus loin. Pour la population générale, on demande l'interdiction de fumer dans un rayon de neuf mètres des portes mais aussi des fenêtres et prises d'air d'un établissement public. Pour les jeunes, on demande d'étendre l'interdiction de fumer en tout temps sur les terrains de jeu, les terrains d'écoles primaires et secondaires et les cégeps. Pour les travailleurs de la santé et les patients, on demande également d'interdire de fumer dans les établissements de santé, à l'exception des centres d'hébergement et de soins de longue durée, où des fumoirs isolés et ventilés vers l'extérieur pourraient être réservés à leurs résidents. Dans le même ordre d'idées, la question de la marijuana médicale est également traitée dans le projet de loi à l'article 60. L'AMQ croit que les dispositions concernant le tabac devraient s'appliquer aussi à la marijuana médicale, puis c'est une question de logique. On vient d'entendre de notre expert américain que la fumée secondaire de marijuana est aussi nocive. Donc, il faut être cohérents avec nous-mêmes. En plus, cet été, Santé Canada a autorisé la distribution de l'huile de cannabis. Les patients ne sont donc plus limités à utiliser la marijuana dans sa forme séchée, ça veut dire qu'ils peuvent maintenant la consommer au lieu de la fumer. Donc, la même exception pourrait s'appliquer aux centres d'hébergement et de soins de longue durée.

Donc, il est évident que, si on veut faire respecter les zones sans fumée, il faut aider le plus possible les fumeurs à arrêter de fumer, ce qui nous amène au sujet de la cessation de tabac. On invite le gouvernement à s'engager à ce que le soutien des professionnels de la santé, les outils et les programmes de cessation de tabac continuent d'être accessibles et abordables pour les personnes qui voudraient arrêter de fumer, et, dans ce contexte, les programmes de cessation de tabac devraient être mieux financés. Actuellement, on a 150 centres d'abandon du tabac à travers le Québec et, selon un rapport d'évaluation ministériel, on sait que, même si ces centres d'abandon du tabac réussissent à répondre à des demandes de milliers de personnes, on réussit mal à rejoindre les groupes vulnérables, notamment le groupe d'âge des jeunes de 12 à 17 ans. Si on considère qu'en 2014‑2015 les taxes sur le tabac ont généré un peu plus de 1,1 milliard de dollars, l'AMQ croit que peut-être on pourrait être plus généreux dans le soutien apporté à l'abandon du tabac.

Les cigarettes électroniques. L'AMQ juge qu'il est essentiel que le gouvernement finance des études sur les avantages et les risques liés à la cigarette électronique compte tenu de la rareté des données qu'on a actuellement sur le sujet. L'AMQ craint que la cigarette électronique soit un vecteur d'initiation au tabagisme particulièrement chez les jeunes, et c'est pour ça qu'on considère qu'il est essentiel d'encadrer et de réglementer l'usage de la cigarette électronique pour ne pas perdre tous les efforts qu'on a mis dans la dénormalisation du tabagisme, la dénormalisation du geste de fumer. En même temps, on est d'avis que la cigarette électronique pourrait être un outil pour aider les personnes qui veulent arrêter de fumer et que c'est important d'analyser plus en profondeur son efficacité comme outil de cessation tabagique. On est d'accord.

En conclusion, l'AMQ présente ces quelques amendements surtout dans l'optique de réduire encore plus la grosse pression qu'il y a actuellement sur le système de services et soins de santé. Les deux dernières présences de l'AMQ en commission parlementaire... et, lors de ces deux dernières présences, participations, nous avons parlé de la capacité des médecins et du système à offrir des services suffisants à la population. En fin de compte, on parle beaucoup d'offrir plus de services, plus de soins de santé, et, si vous remarquez bien, c'est assez rare, puis, je dirais, presque jamais, qu'on parle de comment on pourrait réduire la demande de services et de soins de santé.

Pour nous, le projet de loi n° 44 est l'exemple parfait d'une mesure qui aura l'effet de réduire la demande, de réduire la pression sur le système de santé, parce que, au fond, le tabac, c'est encore la première cause évitable de maladie et de décès au Québec.

Actuellement, les sommes dépensées pour couvrir les coûts directs en soins de santé liés au tabagisme sont estimées à environ 1,6 milliard de dollars par année au Québec. Ça, ça veut dire qu'à chaque jour qu'on attend l'adoption de ce projet de loi c'est 4,4 millions de dollars qui sont dépensés dans le réseau de la santé pour traiter des maladies ou des problèmes de santé qui sont pourtant évitables, puis ils sont évitables chez les 1,4 million de fumeurs au Québec et les gens qui les entourent. Alors, c'est vraiment beaucoup de gens qui sont touchés par ce fléau, ce fléau social du tabagisme. Puis je pense que, pendant toutes les consultations, vous avez été noyés de chiffres, on vous a parlé beaucoup de coûts, beaucoup de statistiques, beaucoup de données scientifiques au cours des consultations, mais j'aimerais ça vous rappeler que derrière chaque chiffre il y a un visage humain. Puis on connaît tous dans notre entourage proche quelqu'un qui a un problème de santé lié au tabac, quelqu'un qui fume et qui est à risque d'avoir un problème de santé. Ces gens-là, ce sont des parents, ce sont des enfants, ce sont des conjoints, ce sont des amis. On se doit de les aider comme société, et les membres de l'AMQ vont continuer à faire notre part dans la lutte contre le tabac, et ce projet de loi, quand ce sera adopté, va nous aider à aller plus loin pour améliorer la santé de la population. Merci. Je suis prête à recevoir les questions.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je vais amputer le temps que vous avez utilisé, 1 min 15 s, à la ministre. Pour une quinzaine de minutes, Mme la ministre, la parole est à vous.

• (11 heures) •

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, Dre Jen, merci beaucoup d'être là. Honnêtement, j'ai beaucoup apprécié la fin de votre présentation, parce que, vous avez raison, on a beaucoup de chiffres, on a beaucoup de statistiques, on a beaucoup d'études, on a beaucoup de pourcentages de prévalence au tabac, qui consomme plus ou moins, puis comment, puis avec quel produit, puis etc., mais vous avez tellement raison de parler d'humain et de son entourage. À la fin du compte, là, vous avez raison, oui, il y a un coût sur le système de santé, oui, il y a une question d'accès au système de santé aussi, parce que c'est des patients qui sont là dans les hôpitaux et aussi dans les cabinets de médecins, mais, au-delà de tout ça, c'est des gens qui sont impactés dans leur vie de tous les jours. Puis, quand il y a un membre de la famille qui est malade, bien tout le monde en souffre — ce n'est pas vrai qu'il y a juste la personne qui est malade qui est impactée — toute la famille en souffre, puis plus le degré de la maladie est important, bien, plus est important... l'entourage, comment il est touché. Alors, moi, je veux vous remercier pour ça parce que c'est vraiment important de retenir ça, c'est pour qui on fait ce qu'on fait. C'est exactement ça, on a la même préoccupation, c'est le citoyen, c'est celui qui va bénéficier de moins de fumée finalement dans son environnement.

Je vous ai entendue sur plusieurs sujets, puis c'est fort intéressant, puis je sens qu'il y a comme une forme de consensus dans le milieu médical, c'est parce que vous êtes près des gens. Alors, vous constatez les conséquences néfastes du tabagisme mais aussi de la fumée secondaire et vous souhaitez qu'on réduise, oui, le tabagisme, mais aussi l'exposition à la fumée. J'ai le goût de vous entendre parler pour les terrasses, parce que les tenanciers de bar trouvaient qu'on allait trop loin, les restaurateurs aussi, mais je sais qu'à Ottawa c'est déjà le cas puis il n'y en a pas, de problème. Je sais qu'il y a des restaurateurs au Québec que c'est déjà le cas, qu'ils interdisent la cigarette. Il n'y en a pas, de problème.

Est-ce que vous pensez qu'on doit écouter plus ceux qui désirent avoir une partie encore pour les non-fumeurs? Est-ce que vous pensez que de demander d'interdire complètement les terrasses, c'est une bonne idée? Comment vous voyez ça? Puis est-ce que vous voyez que, comme je sais que les terrains de jeu aussi vous préoccupent, je pense... J'aimerais ça vous entendre dire comme dans quel établissement ou sur quelle exposition extérieure vous souhaitez qu'il y ait de moins en moins de fumée secondaire et de moins en moins de cigarettes?

Mme Jen (Yun) : Merci beaucoup, Mme la ministre. C'est une très bonne question. Là-dessus, j'aimerais souligner que la mission de l'AMQ, c'est vraiment d'agir, réfléchir dans l'intérêt de la santé de la population, on n'est pas là pour représenter les intérêts commerciaux ni les intérêts économiques. Nous, ce qu'on a en tête, c'est comment améliorer la santé des gens, et c'est pour ça que j'ai beaucoup insisté sur le fait que, dans d'autres juridictions, on a réussi à voir qu'effectivement ce sont des stratégies qui sont faisables. Elles sont non seulement faisables, elles contribuent à améliorer la santé de la population. Et, juste sur la base de ces expériences terrain, et ce sont des expériences réelles, nous, on approuve la stratégie que le projet de loi est en train de présenter pour élargir la zone d'interdiction de fumer sur les terrasses.

Mme Charlebois : Et, l'encadrement du neuf mètres, vous souhaitez qu'on mette ça plus large encore, c'est-à-dire aux fenêtres, aux...

Mme Jen (Yun) : Oui, effectivement, parce que, si on veut être cohérents avec nous-mêmes, si on veut poursuivre notre logique jusqu'au bout... On sait que la fumée réussit à rentrer par les fenêtres et par les prises d'air, alors c'est juste cohérent et logique qu'on interdise l'accès à l'intérieur de neuf mètres de ces zones-là.

Mme Charlebois : Juste avant vous, on avait M. Repace, biophysicien — je ne sais pas si vous avez eu la chance de l'entendre — qui nous parlait d'analyse de fluides corporels de personnes qui étaient dans un environnement-fumée, puis il nous a même dit en privé après qu'il était déçu de ne pas avoir eu la chance de nous dire qu'il a un blogue qui nous parle de... je ne me souviens pas exactement les termes en anglais, là, mais qui disait de comparer l'intoxication ou le... oui, l'intoxication à la fumée de diesel par rapport à la fumée de cigarette puis il disait qu'il y a eu une expérience de faite avec un camion diesel qui poussait, à l'intérieur d'un établissement, de la fumée de diesel. Ils ont mesuré puis ensuite ils ont mesuré la fumée, à l'intérieur d'un même établissement qui avait été ventilé, et tout, là, d'une personne qui a fumé deux cigarettes, et c'était beaucoup plus toxique, selon lui, l'air ambiant, après deux cigarettes qu'après la fumée de diesel. C'est quand même incroyable.

Mme Jen (Yun) : Effectivement, c'est impressionnant et c'est pour ça que c'est toujours apprécié d'avoir des experts internationaux comme lui. Évidemment, l'AMQ ne fait pas d'étude scientifique, alors nous, on apprécie toujours les témoignages des experts, d'autres chercheurs qui sont capables de nous donner les données scientifiques, les preuves qui supportent les stratégies qu'on met en place. Alors, moi, je vous félicite.

Mme Charlebois : En parlant de données scientifiques, il y a un groupe qui nous a dit que nos données n'étaient pas fiables. J'ai rétorqué en disant qu'il y avait quand même l'Organisation mondiale de la santé, l'Institut de la statistique, Santé Québec, Santé Canada, bon... etc. Je pense que nos chercheurs ont de bonnes études. Puis, même dans l'interprétation, quand ce n'est pas bon, ce n'est pas bon. Êtes-vous d'accord avec mes prémisses?

Mme Jen (Yun) : Oui, je suis entièrement d'accord. Puis, en plus, ce qui est vraiment impressionnant, c'est qu'il semble y avoir un consensus, il y a une convergence dans ce que les experts disent — ce qui n'est pas toujours le cas dans tous les dossiers — puis c'est fort apprécié, dans le dossier du tabac, ce qui souligne, là, l'importance d'agir, d'agir vite compte tenu qu'il y a un certain consensus. On n'a pas besoin d'attendre longtemps pour avoir plus de données scientifiques. On a assez d'informations, on a assez de preuves. Donc, nous avons des idées, nous avons des stratégies, on sait que c'est faisable, alors agissons.

Mme Charlebois : Vous avez parlé d'un impact rapide sur les coûts de système de santé et vous avez dit, puis ça m'a frappée, qu'en Ontario il a été observé, après l'implantation... pas de la dernière adoption, mais de l'autre, la précédente, 39 % de réduction d'hospitalisation pour les gens qui ont des conditions cardiovasculaires problématiques et 33 % pour ceux qui ont des conditions respiratoires problématiques. C'est beaucoup.

Mme Jen (Yun) : Oui, absolument. Je pense que les chercheurs eux-mêmes étaient étonnés, mais, selon les analyses statistiques qu'ils ont faites sur ces résultats-là, ce sont des données qu'on appelle statistiquement significatives, on peut vraiment se fier à ces résultats-là.

Mme Charlebois : Et ça, deux ans après l'implantation.

Mme Jen (Yun) : Oui, deux ans après l'implantation complète. C'est-à-dire, leur implantation s'est passée en trois phases, et ils ont comparé les résultats de deux ans après la fin de l'implantation aux données hospitalières de trois ans avant l'implantation. Alors, c'est assez fiable.

Mme Charlebois : Ça veut dire que, si on réduit la prévalence au tabac de 1 % par année pendant cinq ans, ça pourrait avoir des conséquences assez positives sur le système de santé et des conséquences extrêmement positives pour les gens qui sont touchés par la fumée secondaire.

Mme Jen (Yun) : Oui. Nous avons tendance à penser comme vous.

Mme Charlebois : C'est quand même incroyable que, depuis le début de la commission — ça m'a frappée, puis aujourd'hui je vais le dire — il n'y a plus personne... Moi, je m'attendais à avoir un genre de contestation pour la fumée de tabac dans les voitures, je m'attendais à ce que des gens allaient s'opposer à ça. Personne n'en a parlé. Tout le monde est d'accord, et même que je vous dirais que le monde pense comme : Comment ça, ce n'est pas déjà adopté? Les gens pensent que c'est déjà en vigueur. Est-ce que ça vous surprend, ça?

Mme Jen (Yun) : Oui puis non. Je pense que les gens sont de plus en plus conscientisés face aux problèmes et risques que pose la fumée secondaire puis surtout par rapport aux jeunes. Moi, je pense qu'encore une fois nous avons tous les ingrédients nécessaires pour agir : on a les connaissances, on sait que c'est faisable puis, en plus, on a l'acceptabilité, on a l'appui du public. Alors, il ne reste pas beaucoup de raisons pour attendre plus longtemps, donc élargir le retard qu'on a déjà dans l'adoption du projet de loi.

• (11 h 10) •

Mme Charlebois : Puis je pense qu'honnêtement, là, le 20 % de gens qui fument, là-dedans je serais curieuse de savoir combien il y en a qui veulent arrêter mais qui sont tellement dépendants. Puis, pour avoir déjà fumé, là — j'ai arrêté en 2005, moi — je vais vous dire, je comprends que c'est difficile, arrêter de fumer, mais c'est faisable, mais c'est difficile, puis il faut être accompagnés, hein, parce que plus on a d'encadrement, mieux c'est. Il vaut mieux être accompagnés, puis avoir des bonnes stratégies, puis avoir tout ce qu'il faut.

Mais tout ça pour vous dire que je comprends que c'est difficile d'arrêter de fumer, mais c'est faisable. Je veux lancer le message aux gens. Si moi, j'ai arrêté, c'est possible pour d'autres. Puis je ne suis pas surhumaine, moi, là, là, je suis juste une citoyenne parmi tant d'autres. Mais tout ça pour vous dire que, si on imagine que dans le pourcentage... Parce que j'entendais tantôt, à la télé, des parents fumeurs. Il y a une dame qui était là avec son fils. Son fils disait : Moi, je suis pour ça, qu'il n'y ait plus de fumée dans les parcs. La maman fume puis elle dit : Mon fils est pour ça, puis moi aussi. Je serais curieuse... puis je pense que je l'ai entendue le dire, mais je ne veux pas m'avancer trop, mais je pense que je l'ai entendue dire : Il faudrait que j'arrête de fumer, mais c'est bien difficile.

Ça fait que je pense que, dans le pourcentage de fumeurs qui reste, il y a déjà beaucoup de gens qui veulent arrêter de fumer et qui ont de la difficulté. Alors, je pense qu'il faut faire le combat pour dire : Il faut aider les jeunes à ne pas commencer à fumer, pour ne pas avoir à vivre ce combat-là. Êtes-vous d'accord avec moi?

Mme Jen (Yun) : Je suis absolument d'accord. Pour répondre à votre question : on estime que 40 % des fumeurs aimeraient arrêter de fumer. C'est pas mal de gens. On estime que ça serait 500 000 fumeurs au Québec. Et actuellement les centres d'abandon du tabagisme réussissent à répondre à la demande de peut-être... je ne sais pas, je lance des... Selon les chiffres, c'est assez approximatif, mais, selon le rapport d'évaluation, c'était autour de 26 000, 30 000 personnes. On est loin du nombre de fumeurs qui voudraient arrêter de fumer, qui est estimé à environ 500 000.

Alors, je suis d'accord, c'est important de soutenir ces gens-là dans leur désir d'arrêter de fumer. Et ce n'est pas déconnecté, comme vous êtes en train de démontrer, de la stratégie de prévenir l'initiation du tabac chez les jeunes. Évidemment, les jeunes trouvent, chez les adultes, des modèles de rôle. Si quelqu'un arrête de fumer, ça lance un message assez puissant, surtout si ça vient d'un adulte significatif dans la vie d'un jeune. Alors, tu sais, on a tendance à séparer initiation au tabagisme chez les jeunes puis cessation de tabac chez les adultes, mais ce sont deux enjeux connexes, ils sont interreliés.

Mme Charlebois : Dernière question. Je veux vous entendre nous parler davantage sur les établissements de santé, vous qui... les médecins, vous vivez là-dedans continuellement. On a eu, tout le monde ici, la chance d'entendre des gens, du monde la santé qui nous a dit : L'Institut Philippe-Pinel, il n'y en a plus, de fumée. Puis pourtant, à Philippe-Pinel, il y en a, des zones de stress, là. Il y a un centre jeunesse qu'il n'y a plus de jeune qui fume du tout, mais ils ont eu des programmes de cessation de tabagisme. Ils ont eu des phases, ils ont eu de l'accompagnement, ils ont fait des étapes, et je pense qu'on peut s'inspirer de leurs pratiques.

Est-ce que vous croyez que c'est facilement faisable dans tous les établissements de santé ou s'il faut le faire en phase ou il faut y aller progressivement? Comment vous voyez ça?

Mme Jen (Yun) : Bonne question. De façon générale, je ne crois pas qu'il y ait de recette pour rien. On a beau émettre des stratégies, mais la mise en oeuvre n'est pas évidente. C'est complexe, et ça doit varier avec chaque contexte. C'est aux différents milieux de vie puis aux établissements de trouver les meilleures façons, pour leur contexte local, de mettre en oeuvre les stratégies qu'on va mettre en place à travers la loi. Alors, je suis d'accord, ce n'est pas facile, mais, si on a des témoignages des instituts comme l'institut Pinel, ça lance un message d'encouragement très puissant pour les autres établissements.

Mme Charlebois : Peut-être que, si on va dans cette voie-là — je dis bien «si», parce qu'on va examiner l'ensemble des propositions qu'on a reçues ici, à la commission — il faudrait y avoir un genre de zone, de période tampon pour permettre aux gens de bien élaborer leur stratégie dans chacun des établissements, puis tout ça. C'est un peu ça que vous me dites, n'est-ce pas?

Mme Jen (Yun) : Oui. Absolument. Oui.

Mme Charlebois : Je n'ai plus beaucoup de temps, il me reste 40 secondes, j'aimerais ça vous entendre un petit peu plus sur la cigarette électronique, le geste de... tu sais, on veut faire en sorte que ça ne redevienne pas normal, le geste de poser quelque chose à sa bouche, mais aussi sur l'encadrement qu'on veut donner à la vente de la cigarette électronique. Bref, on veut encadrer ça de la même façon qu'on parle du tabac, cacher les produits, l'interdire aux mineurs, etc. Comment vous voyez ça?

Mme Jen (Yun) : C'est une question vraiment difficile. Comme j'ai dit dans ma présentation, la question de l'efficacité de la cigarette électronique dans l'optique de la cessation de tabac n'est pas si claire que ça. On a besoin de plus de données pour savoir exactement comment on pourrait l'encadrer. On sait qu'on a besoin d'encadrement, ça, c'est certain, mais on en est encore au b. a.-ba. Ça prend beaucoup plus d'études là-dessus pour savoir exactement comment est-ce qu'on devrait faire ça. Chose...

Le Président (M. Tanguay) : ...

Mme Jen (Yun) : O.K.

Le Président (M. Tanguay) : Maintenant, je cède la parole à notre collègue de Rosemont pour 10 minutes.

M. Lisée : Bonjour. Merci, M. le Président. Merci d'être là, Dre Jen. Parlez-moi d'abord un peu de vous. Votre pratique médicale est dans quelle spécialité?

Mme Jen (Yun) : Je suis médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive.

M. Lisée : Et vous exercez où?

Mme Jen (Yun) : Ah! j'exerce actuellement à l'Institut national de santé publique du Québec, je suis médecin-conseil.

M. Lisée : D'accord. Donc, vous êtes responsable, justement, de la recherche sur ce sujet-là ou... Quelle est votre activité?

Mme Jen (Yun) : Actuellement, je travaille plutôt dans le domaine de l'obésité.

M. Lisée : De l'obésité. Bien, on va vous revoir là-dessus, là, parce qu'il faut agir sur l'obésité aussi.

Mme Jen (Yun) : Absolument.

M. Lisée : D'accord. On prend rendez-vous, d'accord? On va parler de taxer les boissons sucrées.

Bien, justement, vous revenez deux fois, dans le mémoire, sur la question du financement, là. Vous dites : «Dans son budget 2014‑2015, le gouvernement québécois indique que les revenus de taxation provenant de la vente des produits du tabac s'élèvent à 1,1 milliard de dollars — c'est des sous. Toutefois — vous continuez — ces revenus ne sont pas directement réinvestis dans les soins de santé pour traiter les maladies causées par le tabac, ni dans des programmes de cessation tabagique, ni dans des campagnes pour réduire l'initiation au tabac chez les jeunes.» Ces revenus sont versés dans les coffres de l'État, alors, il y a sûrement certains de ces dollars qui finalement se retrouvent dans la santé publique, mais dont on a coupé le budget... enfin, dont les libéraux ont coupé de 7 % le budget cette année.

«Actuellement, ces revenus sont versés dans les coffres [...] sans qu'aucune partie ne soit dédiée spécifiquement à la lutte contre le tabac. Nous verrons plus loin [...] à quel point il est nécessaire de soutenir la cessation tabagique[...]. L'AMQ est d'avis que les fonds accordés à la lutte contre le tabagisme devraient être beaucoup plus généreux compte tenu des revenus engendrés par la vente de ces produits.»

Qu'est-ce que vous demandez, exactement?

Mme Jen (Yun) : C'est une excellente question. Pour répondre... justement, j'en ai beaucoup discuté à l'interne, à l'AMQ, sur combien on devrait demander, et, au fond, pour répondre à cette question-là, il faut savoir combien est-ce qu'on met dans les services de cessation du tabac. Et on a beau chercher l'information, on a eu de la difficulté à la trouver, et peut-être je relancerais la question aux autorités actuelles de savoir combien on met actuellement dans les services d'abandon du tabac. Ce n'est pas très clair, on n'a pas réussi à trouver ces informations.

M. Lisée : Mais vous avez l'impression, quelle que soit la somme exacte, puis on la demandera, puis je suis sûr que la ministre nous la donnera, que c'est insuffisant. Pourquoi?

Mme Jen (Yun) : Parce qu'on ne réussit... et ça, c'est encore selon le rapport d'évaluation ministériel, on ne réussit pas à rejoindre, à travers les services de cessation de tabac... on ne réussit pas à rejoindre les groupes vulnérables. Puis là j'ai mentionné les jeunes de 12 à 17 ans, chez qui ça prend des stratégies différentes d'offre de services, on parle des femmes enceintes qui fument, on parle des personnes avec des problèmes de santé mentale, donc, essentiellement, tous les groupes vulnérables qui nécessitent une attention ou des stratégies différentes pour les rejoindre. Actuellement, avec ce qu'on investit dans les services, on ne réussit pas à les rejoindre adéquatement, et ça, c'est selon un rapport officiel d'évaluation des centres d'abandon du tabac.

M. Lisée : Et, pour l'instant, il n'y a rien qui est prévu pour les rejoindre correctement, là. On constate que l'effort est insuffisant, on n'arrive pas à rejoindre ces gens-là.

Mme Jen (Yun) : On n'arrive pas à les rejoindre.

M. Lisée : C'est ça. Tout à l'heure, justement, il y avait les responsables de la santé publique à qui j'ai posé la question. J'ai dit : Puisqu'il y a un certain nombre de tâches supplémentaires qui vont découler de la loi, et que vos budgets ont été coupés, et que, pour l'instant, on n'a aucune indication qu'ils ne seront pas coupés davantage, pensez-vous avoir les moyens de le faire? Ils ont dit oui. Bien, ils travaillent pour la ministre, alors ils sont... Je crois qu'ils ont donné peut-être pas la vraie réponse, mais la bonne réponse, mais je suis certain qu'ils aimeraient avoir des sommes supplémentaires.

Vous dites aussi un peu plus loin : «Compte tenu des revenus engendrés par la taxation des revenus des produits du tabac et des coûts de soins de santé causés le tabagisme, les programmes de cessation et de sensibilisation aux conséquences du tabagisme devraient être adéquatement financés.»

Vous dites que, donc, les outils que vous avez, en tant que médecins, pour prescrire des formules de cessation de tabac, pour l'instant, le remboursement n'est pas suffisant. Qu'est-ce que vous voulez dire, exactement?

• (11 h 20) •

Mme Jen (Yun) : D'abord, les services d'abandon ou les stratégies pour soutenir l'abandon du tabac ne se résument pas à des services professionnels uniquement, il y a aussi toute la question de l'accessibilité à ces thérapies, à la pharmacothérapie, l'accessibilité à des services. Donc, quand on parle... oui, les services pourraient être gratuits, mais, s'ils ne sont accessibles pour une question d'horaire — il y a beaucoup de gens qui peuvent tout simplement ne pas se permettre de quitter leur travail pour recevoir des services qui sont offerts seulement le jour — bien ça, c'est un problème de financement aussi.

M. Lisée : Alors, ce que vous dites, c'est que la pharmacothérapie, elle est couverte par l'assurance maladie, cependant l'offre de services n'est pas assez abondante et flexible pour permettre à des gens qui voudraient le prendre de le prendre, parce qu'ils travaillent le jour et ils sont juste disponibles le jour. C'est ça?

Mme Jen (Yun) : ...par exemple. C'est une question complexe qui doit être approfondie davantage.

M. Lisée : O.K. Je donnais l'exemple, tout à l'heure, de la Colombie-Britannique, qui a une loi qui impose une tarification supplémentaire pour les cigarettiers et les distributeurs et que, là, cette tarification-là est dédiée pour les campagnes de prévention ou le financement du tabagisme. Pensez-vous que ce serait une bonne idée?

Mme Jen (Yun) : Nous, on prône une augmentation, tout simplement, du financement des services. La stratégie qu'on va s'y prendre — je ne suis pas experte, je ne suis pas fiscaliste, j'aurais beaucoup de difficultés à me prononcer sur la meilleure façon de générer plus de financement — je laisse ça à la délibération des gens qui sont plus compétents dans ce domaine.

M. Lisée : Vous qui suivez de près toutes les questions de santé publique — c'est votre spécialisation — pensez-vous qu'il est vraisemblable que de retirer 7 % du budget de la santé publique au Québec n'a aucun impact sur la capacité de la santé publique de faire correctement son travail?

Mme Jen (Yun) : Là, j'aimerais quand même souligner que je suis médecin spécialiste en santé publique, mais je suis ici aujourd'hui à titre de présidente de l'Association médicale du Québec. Alors, oui, effectivement, l'association est préoccupée par la réduction dans le financement des services de santé publique. D'ailleurs, on a présenté une motion récemment, au conseil général de l'Association médicale canadienne, sur l'idée de freiner le financement des services de santé publique qui sont observés non seulement au Québec, mais à travers le Canada. Il semble y avoir une tendance qui est assez inquiétante. Et, lors de ces discussions-là en conseil général, il y a eu un consensus — la motion a été adoptée — pour se prononcer pour l'augmentation du financement des services de santé publique.

M. Lisée : Je suis d'accord avec vous, docteure. Je vous remercie beaucoup pour votre témoignage.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Lévis pour 6 min 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Dre Jen, bonjour. Vous parliez que vous êtes spécialisée dans l'obésité, notamment, en santé publique. Bien, savez-vous qu'il y a manifestement un lien? Vous devez l'entendre souvent, hein? Combien de gens disent : Bien, je ne peux pas arrêter de fumer, je vais prendre du poids, hein? Vous devez l'entendre fréquemment. Ça fait aussi partie des raisons probablement qu'ont certaines personnes de tarder à tenter d'abandonner la cigarette, parce qu'on a l'impression que ça a une incidence sur le corps et la suite des choses. Donc, il y a comme un lien direct.

Revenons, si vous voulez bien, sur la cigarette électronique, et ensuite je reviendrai sur ceux et celles à qui vous vous adressez quand on parle de santé publique et de prévention. Vous parliez, il y a deux instants, avec le collègue, de pharmacothérapie. Est-ce que la cigarette électronique est, à votre avis, un outil thérapeutique pour cesser de fumer qui devrait être pris en compte dans les moyens et la pharmacothérapie reliés à la cessation de l'usage du tabac?

Mme Jen (Yun) : Effectivement, nous, on est d'avis qu'il s'agit d'un outil intéressant pour la cessation de tabac. On a eu beaucoup de témoignages de la part de nos membres comme quoi que, dans leur pratique clinique, ils ont vu, observé des effets très, très intéressants avec l'utilisation de la cigarette électronique. Encore une fois, il n'y a pas de consensus quant à l'efficacité réelle de cette stratégie d'abandon du tabac, et c'est pour ça que nous, on prône de faire plus d'études là-dessus.

M. Paradis (Lévis) : Vous savez, je connais des gens qui voudraient arrêter de fumer, mais manifestement... et, la ministre le disait, elle a réussi, tant mieux, bravo! mais il y a des gens qui ont beaucoup de difficultés, puis, tentative après tentative, c'est des échecs. Et ils veulent, hein? Je connais des gens qui ne veulent pas exposer leurs proches à de la fumée secondaire, qui aimeraient bien cesser mais qui n'y arrivent pas et qui ont peur, quelque part, qu'on démonise la cigarette électronique, qui semble être, dans les nouveaux outils, peut-être le seul qui leur permet... en tout cas, celui qu'ils imaginent leur permettant d'arrêter de fumer.

On doit faire quoi avec la cigarette électronique? Parlons, par exemple, de la cigarette électronique sur les terrasses. Dans la mesure où on n'a pas de preuve scientifique sur la nocivité de la vapeur rejetée ou quoi que ce soit, est-ce que, pour vous, la cigarette électronique doit être identifiée à un produit du tabac systématiquement?

Mme Jen (Yun) : C'est une excellente question et c'est pour ça que j'ai mentionné que c'est un dilemme. On peut voir la cigarette électronique... et je pense que vous avez entendu abondamment... on peut la voir comme un outil intéressant de cessation de tabac, mais, en même temps, il est possiblement un vecteur d'initiation au tabagisme pour les jeunes, alors c'est une arme à double tranchant. Quels seraient les effets réels? Quels seraient les bilans de tous ces effets-là? On ne le sait pas. Et c'est pour ça que nous, en attendant d'avoir plus de connaissances là-dessus... l'AMQ est plutôt d'avis qu'il faut utiliser les principes de précaution et assujettir la cigarette électronique au projet de loi sur le tabac.

M. Paradis (Lévis) : Alors, à ceux qui penseraient pouvoir... ou, en tout cas, qui imagineraient peut-être avoir la possibilité de prendre une cigarette électronique sur une terrasse, ayant l'impression qu'il n'y a pas de nocivité et rien qui prouve une nocivité de la vapeur rejetée, dans votre tête à vous, c'est une mauvaise direction.

Mme Jen (Yun) : C'est une mauvaise direction possiblement, parce qu'il n'y a pas juste la question de la sécurité physique, la nocivité physique, l'effet sur la santé physique, il y a une question de l'effet sur la norme sociale, qu'est-ce qu'on est en train d'envoyer comme message aux enfants qui fréquentent aussi et qui sont présents sur les terrasses quand on voit des adultes s'allumer. Ce n'est pas toujours évident que... Tu sais, c'est le même geste, c'est la même forme. Qu'est-ce qu'on est en train de faire sur des années de travail qu'on a mis pour dénormaliser ce geste de fumer? On ne le sait pas. Il faut être prudent. Il faut être très prudent, parce qu'il y a eu beaucoup de travail qui a été mis là-dessus pour arriver là où est-ce qu'on est aujourd'hui.

M. Paradis (Lévis) : Qu'est-ce qui peut convaincre un fumeur d'arrêter de fumer, mis à part le fait qu'il soit confronté à un problème de santé qui le touche directement, problème de santé majeur? Et, on le voit, les statistiques le prouvent, il y en a beaucoup. Mais vous devez rencontrer des gens ou vos collègues à vous doivent rencontrer des fumeurs avec lesquels vous travaillez. Qu'est-ce qui fait peur à un fumeur pour faire en sorte qu'il puisse sortir de cette habitude nocive là, au-delà de son propre problème de santé à lui? Est-ce que les mises en garde lui font peur? Moi, j'ai entendu, ces jours-ci, plein de fumeurs me dire : C'est à moi, les oreilles, laisse-moi faire, je sais quoi faire. C'est quoi, l'argument massue, pour que quelqu'un arrête de fumer, s'il n'y a pas un problème de santé évident à lui présenter?

Mme Jen (Yun) : Si on avait la réponse à cette question-là, on aurait réglé beaucoup, beaucoup de problèmes. C'est une question complexe. Ça dépend de la personne, ça dépend du stade de... où est-ce qu'il est dans son habitude de tabagisme, où est-ce qu'il est rendu. Ce n'est pas facile. Et c'est la raison pour laquelle on ne peut pas se fier à une seule stratégie. Même si on avait démontré que la cigarette électronique est efficace, ça ne devient pas la nouvelle recette miracle, là. Il faut toujours prendre plusieurs stratégies, d'où l'importance d'avoir un programme intégré de cessation de tabac.

M. Paradis (Lévis) : Dre Jen, en terminant. On a beaucoup parlé de tabac aromatisé, et moi, je connais des fumeurs qui ont décidé de passer au menthol, parce qu'il est question, beaucoup, du menthol, parce qu'ils ont l'impression qu'ils ne fument plus, il y a moins de dommage, c'est moins irritant, c'est moins... Sentez-vous cette tendance-là? Et, au bénéfice de ceux et celles qui nous écoutent aujourd'hui, c'est la même saprée affaire sur la dangerosité et les effets sur la santé.

Mme Jen (Yun) : Et l'AMQ est d'accord, et c'est... je ne l'ai pas mentionné dans la présentation, mais c'est mentionné dans le mémoire qu'on appuie l'interdiction des produits aromatisés. C'est évident, ce sont des produits très populaires, et, avec des ingrédients comme le menthol qui réussissent à masquer les effets irritants du tabac, on a tendance à croire que ça fait la promotion du tabagisme. Donc, nous, on est en appui de l'interdiction de l'aromatisation des produits de tabac.

M. Paradis (Lévis) : Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Mme Yun Jen, représentante de l'Association médicale du Québec.

Je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 30)

(Reprise à 11 h 35)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux. Nous accueillons maintenant les représentantes, représentants de la Société canadienne du cancer, division du Québec. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de présentation de 10 minutes à l'intérieur de laquelle nous vous demanderions, s'il vous plaît, de bien vouloir vous identifier, préciser vos fonctions. Et la parole est à vous.

Société canadienne du cancer (SCC), division Québec

Mme Champagne (Mélanie) : M. le Président, Mme la ministre, distingués membres de la commission, bonjour. Merci de recevoir la Société canadienne du cancer. Je m'appelle Mélanie Champagne, je suis directrice des questions d'intérêt public. Je suis accompagnée de Me Rob Cunningham et de Geneviève Berteau, qui sont tous deux analystes des politiques, et de Mme Micheline Bélanger, qui est une ex-fumeuse et survivante d'un cancer du poumon.

Le cancer, ça nous touche tous, hein? Ça fait 75 ans que la Société canadienne du cancer lutte contre cette maladie, qui est maintenant la première cause de mortalité au Québec. On investit bien sûr en recherche, en prévention, en soutien et aussi en défense de l'intérêt public, et c'est justement pour défendre l'intérêt du public qu'on est ici aujourd'hui pour trouver des façons ensemble de lutter contre la cause du tiers des cancers. C'est une hécatombe. Pour cette raison puis parce qu'on croit que le p.l. n° 44 est solide et ambitieux, la SCC appuie l'ensemble des mesures qui sont présentes dans le projet de loi. Et j'en profite pour saluer le travail de la ministre Charlebois et de son équipe, bien sûr, mais aussi remercier l'appui des partis d'opposition.

Tout d'abord, la SCC veut souligner son fort appui aux trois mesures suivantes.

Un, l'interdiction des saveurs dans tous les produits du tabac, incluant le menthol. C'est la saveur la plus dangereuse et la plus populaire chez les jeunes. Moi-même, je me suis rappelé, comme Mme la ministre, que j'étais tombée dans le piège du tabac avec le menthol. J'en ai parlé à mon conjoint, même chose pour lui. Il me semble qu'on ne devrait pas vendre le cancer dans des emballages attrayants, avec des saveurs agréables.

Deuxièmement, l'encadrement de la cigarette électronique. On estime nécessaire et prudent d'appliquer à celle-ci les mêmes contraintes de vente, de promotion et d'usage dans les lieux publics que la cigarette tout en permettant, bien sûr, aux fumeurs adultes qui veulent se la procurer de le faire si ça peut les aider à arrêter de fumer. Ça serait aussi indispensable d'instaurer des normes sur le contenu des cigarettes électroniques et sur l'étiquetage et aussi, j'ajoute, d'interdire certaines saveurs ou de restreindre le nombre de saveurs disponibles. Je ne sais pas si vous le savez, mais, présentement, il y en a 7 000 sur le marché. C'est beaucoup. Puis peut-être que barbe à papa, popcorn, Red Bull, Coke, bacon, ça ne vise peut-être pas nécessairement la personne adulte qui veut cesser de fumer. Aussi, bien que ce soit présentement interdit, quand le projet de loi n° 44 va être adopté, il sera possible de faire du marketing croisé, «cross-branding», qu'on appelle, c'est-à-dire que ça, ça pourrait être possible... c'est-à-dire qu'on pourrait voir apparaître des cigarettes électroniques du Maurier, par exemple. Alors, c'est essentiel que le projet de loi ferme cette faille-là et spécifie qu'une cigarette électronique ne pourra pas adopter la marque ou une image de marque d'un fabricant. Je pourrai vous expliquer après peut-être pourquoi.

Troisièmement, l'interdiction de fumer sur les terrasses, c'est la majorité des provinces qui l'interdisent déjà. Plusieurs... en fait, toutes les grandes villes canadiennes le font aussi, sauf au Québec. La preuve scientifique, vous l'avez entendu, là, elle est faite hors de tout doute : la fumée, c'est toxique. Il n'y a aucune raison valable de justifier de laisser des employés, des clients non-fumeurs, des ex-fumeurs être attablés et être incommodés ou intoxiqués par le tabac. Et il ne faudrait pas oublier aussi que les bars n'ont pas l'apanage de la terrasse, hein, il y a beaucoup de restaurants qui ont des terrasses, donc fréquentation familiale. Donc, pour nous, ça coule de source, l'interdiction sur les terrasses.

Ensuite, on vous suggère... parce que lutter contre le tabac, c'est la meilleure façon de lutter contre le cancer, carrément, on vous suggère des amendements pour aller plus loin dans la loi. Une mesure touchant l'emballage, ça fait longtemps qu'on la réclame. Malgré ce que l'industrie veut bien nous faire croire — l'Australie en a fait la preuve — l'emballage, c'est extrêmement... l'emballage neutre, extrêmement efficace pour diminuer l'attrait du tabac.

• (11 h 40) •

Par contre, si l'ajout de cette mesure-là retardait l'adoption rapide du projet de loi n° 44, on serait quand même en faveur d'une mesure transitoire comme la standardisation des mises en garde. Et, s'il y avait standardisation, elle devrait consister en deux choses : la dimension minimale, bien sûr, des mises en garde sanitaires, mais aussi la standardisation intérieure du produit pour ne pas permettre encore des ultraminces comme ça qui sont de véritables attrape-filles. En Australie, il y l'emballage neutre, mais ils n'ont pas pensé à standardiser l'intérieur, donc on voit encore ces petites cigarettes là. Donc, ça permettrait d'interdire ça. C'est extrêmement populaire chez les femmes et les jeunes filles au Québec, hein, ces cigarettes-là, c'est incroyable. On a déjà l'autorité réglementaire pour agir sur l'extérieur et sur l'intérieur du produit et on est très confiants que ça va se faire partout au Canada. La question, c'est : Qui va prendre le leadership au Canada? Pourquoi pas le Québec?

Autre amendement à ajouter absolument : l'interdiction de fumer dans les parcs et les terrains de jeu pour enfants. Oui, il faut protéger les enfants, dans leurs milieux de vie, de l'exposition à la fumée secondaire, mais, plus encore, je dirais que, contrairement à moi, puis à mes parents, puis à mes grands-parents avant eux, je voudrais que la génération actuelle grandisse sans penser que c'est normal de fumer, que tout le monde le fait puis qu'on le fait un peu partout, parce que, chez les enfants, on le sait, «monkey see, monkey do». Je vous remercie puis je passe la parole à Me Cunningham.

M. Cunningham (Rob) : Merci, M. le Président. Donc, j'aimerais souligner que les mesures clés dans le projet de loi n° 44 ont déjà été implémentées avec succès ailleurs. À titre d'exemple, le Québec est la cinquième province à avoir déposé un projet de loi afin d'interdire la présence d'arômes, y compris le menthol, dans les produits de tabac.

En ce qui a trait à la cigarette électronique, le Québec est la septième province à avoir déposé un projet de loi pour encadrer ce type de produit. Concernant l'amendement proposé visant à interdire les noms de marques de tabac sur les cigarettes électroniques, du Maurier par exemple, soulevé par Mme Champagne, des douzaines de pays ont déjà passé à l'action en ce sens. Pour le Québec, une telle initiative s'insérerait tout simplement dans le cadre de l'actuelle Loi sur le tabac. Au chapitre des terrasses sans fumée, le Québec se joint à six autres provinces et territoires ainsi qu'à de nombreuses municipalités. L'Ontario applique cette mesure dans l'ensemble de la province depuis le 1er janvier sans aucun problème. Les terrasses sans fumée y sont bien acceptées, tout se passe bien, comme ce sera le cas au Québec. Il y a des terrasses sans fumée depuis 10 ans à Terre-Neuve et depuis neuf ans en Nouvelle-Écosse pour toute la province. Quant à l'interdiction totale de fumer dans les endroits en plein air, comme les terrains de sport ou les terrains de jeu pour enfants, on constate plusieurs interventions au pays non seulement au niveau municipal, mais aussi à l'échelle provinciale; en Ontario depuis le 1er janvier et au Nouveau-Brunswick depuis le 1er juillet.

Parlons maintenant de la taille minimale des mises en garde sur les emballages. Il est important de souligner que les mises en garde et les emballages neutres sont deux aspects totalement différents. L'emballage neutre concerne la portion de l'emballage réservée à la marque et utilisée par l'industrie à des fins promotionnelles. Les mises en garde peuvent et devraient être renforcées, même si on n'exige pas encore l'emballage neutre. En Europe, l'emballage neutre sera en vigueur d'ici mai 2016 en Irlande, au Royaume-Uni et en France, mais également, en mai prochain, les 28 pays membres de l'Union européenne exigeront tous des mises en garde d'une dimension minimale de sorte que les paquets ultraminces comme ça, ce sera interdit partout dans tous ces 28 pays. Aucune mesure de ce genre n'a encore été implémentée au Canada. C'est vraiment un excellent moment pour que le Québec reprenne sa place de leader dans la lutte au tabac.

Mme Champagne (Mélanie) : Je passerais maintenant la parole à Mme Bélanger, qui va nous raconter un peu son histoire avec le tabac.

Mme Bélanger (Micheline) : Oui. Alors, bonjour. Moi, je suis un des visages humains des conséquences du tabagisme. Mon nom est Micheline Bélanger, je suis une ex-fumeuse et j'ai survécu à un cancer du poumon. J'ai commencé à fumer à 12 ans et je suis tout de suite devenue accro à la nicotine. J'ai vécu pour fumer pendant 48 ans. En dernier, je fumais deux gros paquets de cigarettes par jour, je me réveillais même la nuit pour fumer. Même si j'étais de plus en plus mal en point, que j'étais essoufflée, ma santé a d'abord été hypothéquée par l'emphysème, et je n'avais plus aucune qualité de vie. Je n'arrivais même presque plus à monter les escaliers et j'avais de plus en plus de mal à respirer, juste respirer.

Comme tant d'autres, j'ai essayé de cesser de fumer à d'innombrables reprises, mais sans jamais réussir. Moi, il m'a fallu le deux-par-quatre. J'ai reçu mon diagnostic de cancer du poumon le jour même de mon anniversaire, le 14 septembre 2010. Ce jour-là, j'ai beaucoup pleuré, pas par apitoiement, mais par désespoir, parce que j'étais certaine que je n'arriverais jamais à arrêter de fumer, ne serait-ce que pour me donner une petite chance de survivre. C'est beaucoup de détresse et beaucoup de culpabilité aussi. Le pire moment de ma vie a été d'annoncer mon cancer du poumon à mes fils, qui m'appelaient pour me souhaiter bonne fête. Je ne me suis jamais dit : Pauvre moi! Je ne me suis jamais demandé : Pourquoi moi? Je connaissais trop bien la réponse. Du moins, je le croyais. J'ai fumé ma dernière cigarette deux heures avant ma chirurgie pour l'ablation du lobe supérieur de mon poumon droit.

Face à la lutte contre le tabac, on a compilé toutes sortes de statistiques sur les fumeurs, l'âge, le sexe, le revenu, etc., et les dommages qu'il fait : les maladies, les décès, les coûts sociaux, etc. Vous les connaissez, vous savez combien ces statistiques sont lourdes.

Mes statistiques à moi sont celles-ci — je suis en période de rémission : si je réussis à survivre jusqu'au 15 décembre prochain, je ferai partie du maigre 15 % des gens qui survivent à un cancer du poumon. Aujourd'hui, j'ai beaucoup de mal à croire que j'ai vécu la plus grande partie de ma vie à fumer une cigarette après l'autre, sans arrêt, et que j'ai déboursé jusqu'à 400 $ par mois pour avoir le privilège de me suicider au profit d'Imperial Tobacco. J'ai appris depuis que, quand j'ai commencé à fumer à 12 ans, les compagnies de tabac avaient déjà réalisé des études, fait des recherches et savaient déjà à l'époque que, lorsqu'un adolescent commençait à fumer, commence à fumer de façon régulière, ces compagnies ont un client à la vie à la mort. J'ai toujours assumé ma responsabilité de fumeuse adulte qui était incapable d'arrêter, mais maintenant je sais que, quand j'étais adolescente, j'étais une victime : j'étais une victime ciblée d'un crime organisé, d'un crime très bien organisé. Maintenant que ma génération de fumeurs se meurt de cancer, d'emphysème, de maladies cardiaques, et le reste, les cigarettiers, qui ont besoin d'attirer une nouvelle clientèle, font preuve d'une ingéniosité abjecte et même sadique pour attirer les jeunes fumeurs et les rendre accros comme ils l'ont fait avec moi.

Alors, je vous le dis du fond du coeur, il faut que ça cesse et il n'y a plus de justification pour ne pas empêcher l'hécatombe des nouvelles générations. Vous en avez le pouvoir, vous en avez la responsabilité morale. Il y a 50 ans, on ne savait pas. Aujourd'hui, on sait, et, quand on sait, il est impardonnable de ne pas agir. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la ministre pour une période de 18 min 30 s.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Après un témoignage comme ça, on ne peut qu'être touchés et bouleversés même, je dirais. Pour avoir fumé moi-même, je comprends très bien. J'ai commencé au même âge que vous, en cachette évidemment, mais ça a donné les mêmes résultats. Ça ne fait pas bien longtemps — c'est en 2005 — moi, que j'ai réussi à arrêter, mais vous avez tellement raison quand vous dites que ce n'est pas si facile que ça, là. Tu sais, les gens qui nous disent des fois : Ah! tu as juste à arrêter. Non, non, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Quand je dis que ça prend un accompagnement puis que c'est même mieux d'être encadré, c'est sérieux, là, parce qu'on a besoin d'aide.

Quand je vous entends, là, j'ai presque le goût de vous dire : C'est dommage que les compagnies de tabac ne soient pas ici pour vous entendre, c'est dommage que l'Union des tenanciers de bars ne soit pas ici pour vous entendre, dommage. J'espère qu'ils nous écoutent ce matin. J'espère grandement qu'ils vous écoutent. Moi, j'ai vu mon père quitter, alors je comprends très bien ce que vous pouvez vivre, et on va vous envoyer toute l'énergie positive qu'on peut vous envoyer, mais merci de nous partager votre expérience et votre souffrance, mais je sens que ça devrait bien aller. Je vous le souhaite, en tout cas.

• (11 h 50) •

Vous avez tellement raison quand vous dites qu'il y a 50 ans on nous disait : Bien, tu sais, ce n'est pas bon, fumer. Oui, mais c'était quoi exactement, la conséquence, c'était quoi exactement, les problèmes que ça a engendrés? Ce n'est pas pour rien qu'aujourd'hui, là, on fait un constat. Moi, je me souviens, quand j'ai commencé la politique en 2003, j'allais à chaque porte. À ma première campagne électorale, ce qui m'a frappée, c'est d'entendre parler d'autant de cas de cancer. La différence entre quand j'étais enfant puis quand je suis devenue une adulte puis j'ai décidé d'aller en politique en 2003, j'ai vu une progression fulgurante du cancer. Mais ce n'est pas étonnant, parce qu'à cette époque-là tout le monde fumait. Ça fait que les conséquences sont arrivées plus tard. Puis c'est là qu'on a commencé à les voir. Puis tantôt il y a des gens qui sont venus qui nous ont dit : Tous nos organes sont touchés par la fumée de cigarette. Ce n'est pas étonnant qu'il y ait des conséquences puis que c'est aujourd'hui qu'on les voit.

Il y a 50 ans, on peut dire qu'on ne savait pas à quel point c'est dommageable, mais aujourd'hui on le sait. Et, vous avez raison, on a le pouvoir d'agir, et vous savez quoi?, l'ensemble des parlementaires qui sont ici, ce que je sens, c'est que tout le monde veut agir pour le bien-être de la population. Alors, je veux vous réconforter en ce sens-là, parce qu'on est justement plus conscients, tout le monde, mais tout le monde ici assis à la table, que ce soient les députés du gouvernement ou les députés de l'opposition, on a tous la même volonté : faire en sorte qu'il y ait de moins en moins de gens qui fument, pour leur bien-être, pas pour jouer dans leurs libertés personnelles, pour leur bien-être, pour faire en sorte qu'ils aient une meilleure qualité de vie. On est dans une société où on vit de plus en plus longtemps. Si on peut avoir une meilleure qualité de vie, ce n'est que plus profitable. Et, je veux vous rassurer, on va agir, on va agir dans l'intérêt de la population. Merci encore pour votre témoignage. Je m'excuse de... mais ça me touche tellement, là. Bon, on ne peut pas ne pas être touché.

Quand vous avez commencé votre présentation... J'ai même oublié de dire merci à tout le monde tellement vous m'avez touchée. Mme Champagne, M. Cunningham, Mme Berteau et Mme Bélanger, merci d'être là. Excusez-moi, hein? Vous avez commencé votre présentation en disant... Puis ça m'a tellement frappée, je me suis dit : Elle a dû faire un lapsus, puis, à un moment donné, j'ai dit : Non, c'est vraiment ça qu'elle voulait dire. Vendre le cancer dans des emballages attrayants. C'était vraiment voulu, hein, quand vous avez dit ça?

Mme Champagne (Mélanie) : C'est ça qu'on fait. Moi, j'ai fumé pendant une quinzaine d'années puis je peux vous dire que ça... j'ai arrêté, comme vous, en 2005, ça va faire 10 ans à l'automne, puis je peux vous dire : Certainement, que, quand je regarde ça, je les trouve vraiment belles. Puis, en plus, le menthol, bien ça sent bon, ça goûte bon, puis je fais tout le temps ça quand je rencontre des élus, parce qu'il n'y a personne ici qui va dire que ça ne fait pas glamour. C'est encore ça la perception, puis j'ai l'air très élégante, puis c'est ça, c'est sûr que je fumerais ça si je fumais encore, sûr et certain. Ma voisine fume ça, ma meilleure amie fume ça, ma belle-mère fume ça puis elles ont tellement l'impression qu'elles fument moins pire parce que c'est petit, c'est mince, c'est délicat.

Une voix : ...

Mme Champagne (Mélanie) : Ça nous hallucine, sincèrement, que ça ait l'air de ça, que ça ait l'air de ça, un produit qui tue un utilisateur régulier sur deux et qui cause le tiers des cancers. C'est complètement aberrant. On est rendus là, on est rendus à travailler sur l'emballage. Puis c'est tellement important de travailler sur l'emballage pour la cessation mais aussi pour la prévention du tabagisme. C'est une des mesures les plus efficaces.

Mme Charlebois : Quand vous nous dites : La standardisation de la taille de la mise en garde, etc., pour en arriver éventuellement... parce qu'on aura certainement le temps de débattre de tout ça à l'article par article, mais qu'est-ce que... j'aimerais ça vous entendre davantage sur l'impact de la mise en garde. Quels seraient les formats que vous croyez... Vous m'avez montré tantôt, avant qu'on commence l'audition, comment ils gèrent l'intérieur des paquets, là, parce qu'ils ont standardisé je ne sais plus trop dans quel pays puis ils ont mis même du carton pour laisser rentrer les petites cigarettes dedans. J'aimerais ça que vous nous parliez davantage de ça, parce que je suis certaine qu'on va avoir à travailler là-dessus.

Je pense que tous les collègues sont d'accord ici qu'il faut faire quelque chose en ce sens-là, mais parlez-moi de l'étiquette de mise en garde et aussi de ce que vous m'avez montré à l'intérieur du paquet, là, comment on peut éviter tous ces pièges-là.

Mme Champagne (Mélanie) : Je vais laisser Me Cunningham répondre parce qu'il est vraiment expert légal dans ce dossier-là, mais, avant... je ne pense pas que c'est tous les parlementaires autour de la commission qui ont vu avant que ça commence qu'en Australie, quand ils ont fait les emballages neutres, ils n'ont pas pensé à standardiser l'intérieur du paquet. Donc, ce qu'ils font maintenant, c'est qu'ils vendent toujours des ultraminces mais que, vu que ça prend moins de place que les cigarettes régulières, ils mettent un carton pour bloquer l'espace. Donc, ils sont très ingénieux. Alors, on dit que, tant qu'à standardiser l'extérieur, standardisons donc l'intérieur, on a le pouvoir de le faire.

M. Cunningham (Rob) : Donc, on connaît que les mises en garde peuvent être très efficaces pour décourager la consommation. Des mises en garde avec photos, c'est plus efficace que seulement le texte. Et, quand on augmente la grandeur, c'est plus efficace. On peut comparer deux marques, deux produits, sur le marché actuellement, regardez la différence avec la grandeur de mise en garde. Ça a un effet. Et, une des raisons que ça dépend... parce que la ligne sans frais pour la cessation, la ligne J'arrête, sur ces paquets, c'est minuscule. Et le site pour l'Internet, c'est important que c'est très visible et axé pour les personnes. Donc, on veut sensibiliser la population, on veut les encourager à cesser. Les mises en garde, c'est une manière incroyablement efficace. Chaque jour, les paquets, ces messages sont là, dans les mains de tous les fumeurs au Québec, peut-être 20 fois par jour. L'industrie du tabac a des tactiques pour réduire et minimiser l'impact de ces mises en garde, de les rendre plus petites, et ça, c'est pourquoi maintenant on voit que leur stratégie au Canada est que les paquets sont plus petits.

Après ces nouvelles mises en garde de 75 %, qu'est-ce qu'on devrait faire? Avoir peut-être une surface minimale de centimètres carrés. Donc, on fait ça. Arrangez le paquet comme vous voulez, mais c'est un minimum comme ça ou peut-être une dimension hauteur et grandeur pour des dimensions, quelques options pour le faire, mais on va avoir quelque chose comme ça, pas comme ça.

Mme Charlebois : Avez-vous des suggestions sur les dimensions, comme le paquet que vous aviez entre les mains, là?

M. Cunningham (Rob) : Oui. Donc on a «king-size» et on a régulier. Donc, une dimension comme ça, comme minimale, une surface comme ça pour tous les «king-size» et réguliers, c'est parfait pour le Québec. On peut mesurer juste comme ça.

Mme Charlebois : En standardisant l'étiquette, là, de mise en garde, on standardise le paquet inévitablement, hein?

M. Cunningham (Rob) : Mais, avec l'emballage neutre, l'aspect promotionnel va être enlevé pour les fabricants, donc ça va être une seule couleur, brun, avec la marque. Mais on doit éliminer toutes sortes de types de choses du paquet ou on peut... Ce paquet de Player's, on peut enlever... donc on n'a plus de mise en garde, peut-être. Donc, c'est un problème. On ne veut pas ça.

Mme Charlebois : Ça aussi, il faut réglementer ça, là.

M. Cunningham (Rob) : Oui. Et aussi on a des paquets de du Maurier où c'est octogonal, et donc une partie de la mise en garde, c'est sur les huit côtés du paquet. Donc, c'est encore une tactique de réduire un peu la visibilité. Donc, vraiment, qu'est-ce qu'on veut comme priorité, c'est d'avoir des dimensions minimales, une surface qu'on ne peut pas avoir des petites mises en garde.

Mme Charlebois : Oui, il y a beaucoup de choses à ne pas oublier quand on va toucher à ces aspects-là, vous avez raison.

Je vais vous amener sur les cigarettes électroniques. Vous avez dit : Il y a beaucoup trop de saveurs, 7 000 saveurs. Moi, je pensais qu'il y en avait 4 000, mais vous me dites qu'il y a 7 000 saveurs. Comment vous entrevoyez... Bref, je vous explique l'esprit dans lequel le projet de loi a été rédigé. Ce qu'on entrevoyait, c'était : pour ceux qui désirent arrêter de fumer, ce qu'on nous a dit, c'est qu'il était bien qu'il y ait des saveurs, parce que juste vapoter de la nicotine, ça a l'air que c'est terrible pour eux, pour ceux qui veulent arrêter de fumer, je vous le répète, là. Alors, ils nous ont dit : Laissez les saveurs pour ces gens-là, pour en venir à ce qu'ils vapotent juste les saveurs puis, éventuellement, ils délaissent la nicotine, etc., puis j'ai dit : C'est une bonne idée, une bonne idée, mais on s'est gardé, par voie de règlement, une mesure qui nous permettrait d'interdire les saveurs éventuellement si on s'aperçoit que ça accroche les jeunes, si... Bon. Mais 7 000 saveurs, vous avez raison, c'est beaucoup de saveurs. Comment on peut réglementer ça? On va-tu faire des listes de saveurs interdites puis de saveurs permises?

• (12 heures) •

Mme Champagne (Mélanie) : ...exactement comme les thérapies de remplacement de nicotine, les gommes, les timbres, et tout ça, c'est offert à la menthe, orange, cannelle, point. Pourquoi pas? Pourquoi ne pas avoir quelque chose pareil avec la cigarette électronique? Je ne pense vraiment pas que les saveurs de, comme je disais tantôt, bacon, popcorn...

Mme Charlebois : ...pas pour quelqu'un...

Mme Champagne (Mélanie) : ...ce n'est pas nécessairement mon voisin travailleur de la construction qui va acheter ça pour arrêter de fumer, là, ce n'est pas ça. Ça fait que je pense que ça attire vraiment des jeunes. Puis on a une bonne collègue à la Société canadienne du cancer qui... elle a un fils de 15 ans puis elle nous expliquait que lui puis ses trois amis, c'est des non-fumeurs. Ils ont acheté une vraie cigarette électronique, une bonne, là, tu sais, assez chère, puis, chaque semaine, c'est un des amis qui achète un liquide différent parce qu'ils veulent essayer toutes les saveurs. C'est ça, le jeu. Puis ça, on l'entend beaucoup, beaucoup, beaucoup chez les jeunes : C'est le fun, ça goûte bon. Tu sais, le popcorn... Ah! c'est le fun, on fait des nuages, puis ça sent, ça goûte le bacon, c'est drôle, c'est cool. Donc, chaque semaine, il y en a un qui achète une bouteille de liquide. Ce n'est pas très cher pour un jeune du secondaire, tu sais, une semaine sur quatre, ça fait qu'une par mois, puis ça leur dure toute la semaine, puis ils amènent ça, puis ils fument ça, puis ils ont bien du plaisir.

Mme Charlebois : Mais là ça va être interdit pour les jeunes, selon le projet de loi qui est là, de l'acheter...

Mme Champagne (Mélanie) : De l'acheter. Absolument.

Mme Charlebois : ...à moins qu'un adulte lui fournisse en cachette, parce que même un adulte ne pourra pas acheter pour un jeune. Il ne faut pas que ce soit vu, en tout cas, ou connu ou... en tout cas, bref...

Mme Champagne (Mélanie) : Parce que, présentement, ça fait quand même 20 ans, là, que la cigarette, c'est interdit de vente aux jeunes, là, aux mineurs.

Mme Charlebois : Vous avez raison.

Mme Champagne (Mélanie) : Mais il y a, bon an, mal an, au moins 15 % des jeunes qui... enfin, des dépanneurs qui ne respectent pas l'interdiction aux mineurs.

Mme Charlebois : Ça, c'est la première fois qu'on a un témoignage comme ça, là, de jeunes... Je l'ai posée, la question, mais c'est la première fois que j'entends quelqu'un me dire que les jeunes sont attirés. C'est ça, mon inquiétude.

Mme Champagne (Mélanie) : ...en sortir des tonnes. Je ne dis pas que c'est une porte d'entrée vers le tabagisme nécessairement. On n'a pas ces données là encore. Pour être capable de vraiment mesurer l'effet passerelle, ça prend au moins 10 ans, à peu près, dans les chiffres, puis la cigarette électronique, même si elle a été inventée en 2004 en Chine, chez nous, c'est à peu près en 2011, là, qu'on a vu le début de l'effervescence. Donc, on ne peut pas encore prouver hors de tout doute qu'il y a un effet passerelle. Ce qu'on sait par contre, c'est qu'ailleurs, aux États-Unis par exemple, chez les jeunes, l'usage a triplé dans la dernière année seulement. Ce qu'on sait aussi, c'est qu'au Québec il y a... en fait, au Québec, par rapport au Canada, c'est là où les jeunes fument le plus la cigarette électronique, deux fois plus qu'en Ontario, notamment. Puis les chiffres montrent, comme le disait l'INSPQ, que l'accès est très facile au Québec. Il y a absolument, de façon certaine, un attrait puis un accès à la cigarette électronique, puis ce n'est pas étranger justement aux saveurs. Puis on a fait nous-mêmes des sondages avec Léger Marketing en posant la question aux jeunes et aux adultes, fumeurs ou non-fumeurs : Pourquoi vous utilisez la cigarette électronique? Puis ça confirme ce qu'on entend ailleurs aussi : ce n'est pas la cessation qui est la première raison, jamais, ni chez les adultes, ni chez les jeunes, encore moins chez les jeunes. C'est l'attrait de la nouveauté, c'est : Je veux essayer toutes les saveurs — c'est dans notre mémoire, on a les chiffres et les sources — c'est la curiosité, c'est un paquet de raisons. Il y avait peut-être d'autres raisons, Geneviève. Il me semble qu'il y avait...

Mme Berteau (Geneviève) : C'est principalement l'expérimentation; évidemment, la cessation arrive aussi. Bon.

Mme Champagne (Mélanie) : Mais chez les jeunes, c'est vraiment la curiosité puis les saveurs qui arrivaient en...

Et on n'est pas en train de démoniser la cigarette électronique. Ce n'est pas parce qu'on veut que ce soit encadré puis qu'on veut avoir des réponses à nos questions qu'on est contre le produit, pas du tout. Vous savez qu'on héberge la ligne J'arrête, la ligne de cessation J'arrête, qui est financée par le ministère de la Santé, c'est nous qui s'en occupons, la Société canadienne du cancer, et on sera les premiers à la recommander si les positions officielles changent et on recommande ce produit-là. Mais, pour l'instant, ce qu'on entend, c'est... J'ai fait sortir un rapport des appelants qui posaient des questions sur la cigarette électronique. Je sais qu'on a entendu parler Dr Juneau et Dr Ostiguy, qu'on connaît très bien, puis on est vraiment d'accord avec eux sur ce qu'ils vivent. Leur réalité, c'est des cas lourds avec du counseling puis c'est une réalité y, x, mais on a la réalité y aussi, qui est : on utilise en combinaison 10 vapotages par jour avec des timbres; a bon goût; je me sens mieux; mélange 5 milligrammes de e-cig nicotine avec zéro milligramme pour faire un dosage approximatif de 2 milligrammes. J'utilise avec un timbre, mais c'est trop fort, je coupe en deux le timbre. Je pense que je respire mieux. J'ai fait deux ACV, devrais-je utiliser la cigarette électronique? Opéré il y a trois mois pour le cancer du poumon, j'en fumais 30 par jour, maintenant je fume cinq cigarettes par jour. Dois-je prendre du 10 milligrammes? C'est — je pourrais vous le lire comme ça : J'ai brûlé mes lèvres, j'ai de l'engourdissement aux jambes.

La réalité, là, c'est tout et n'importe quoi pour l'instant. Ça fait que, moi, ça, c'est... puis c'est pour ça que je pense qu'on est capables peut-être de vous amener du terrain, c'est parce qu'on a quand même 30 000 bénévoles...

Mme Charlebois : Ça, c'est des sondages, c'est des études que vous me...

Mme Champagne (Mélanie) : Non, c'est des rapports. À chaque appel à la ligne J'arrête, ils doivent remplir un rapport de ce qui a été dit, puis les sujets qui ont été abordés, puis le counseling qu'ils ont fait, puis il y a des appels qui concernent la cigarette électronique, puis ça montre un peu... je trouvais ça intéressant de voir les questions que les gens se posaient sur ce sujet-là. Parce que nous, on est très «grassroots», là, la Société canadienne du cancer. On est vraiment partout sur le terrain, partout au Québec, ça fait qu'on a accès aux personnes, puis on leur demande. Ça reste de l'anecdote, mais ça confirme...

Mme Charlebois : Est-ce que c'est possible d'en avoir une copie, de ces genres de question?

Mme Champagne (Mélanie) : Absolument. Absolument, puisque c'est l'anonymat des appelants.

Mme Charlebois : Si vous pouviez le transmettre à la commission, j'aimerais ça.

Mme Champagne (Mélanie) : Tout à fait.

Mme Charlebois : Merci, parce que ça nous éclaire. Je n'avais pas envisagé le produit... 7 000 saveurs, mais on va certainement réfléchir à ça. Et, l'effet passerelle, comme vous dites, certainement, on n'est pas très, très encore au fait, là.

On sait que les normes de la cigarette électronique vont être... c'est fait par Food and Drugs Canada, ce n'est pas nous qui va faire ça, mais il n'en demeure pas moins qu'on ne sait pas exactement ce qu'il y a dans ces produits-là, puis ça, ça doit faire partie de vos commentaires, là. Les gens, tu sais, ils ont... J'ai vu une petite bouteille, moi, en tout cas, il n'y avait rien d'écrit. Ce n'est pas compliqué, il n'y avait absolument rien d'écrit sur celle que j'ai apportée au bureau, là. C'est inquiétant, vous ne trouvez pas? Poussez-vous sur le fédéral?

Mme Champagne (Mélanie) : Je dirais que c'est un euphémisme, parce que... Je vais laisser Rob parler, après, de la portion fédérale parce que Rob est à notre bureau d'Ottawa, il travaille avec le fédéral.

Ce que je peux vous dire, c'est que, même si ça date de deux ans, c'est quand même vieux, les chiffres, puis on sait que le marché de la cigarette électronique évolue très rapidement. Mais, il y a deux ans, on a fait tester... on a acheté comme ça, au hasard, en dépanneur, en «vape shop», sur différents lots, différents produits, des jetables, des pas jetables, etc., et on les a fait tester par le Département de chimie de l'Université de Montréal pour voir si l'étiquetage était bon, si le dosage était bon. La majorité des produits étiquetés sans nicotine contenaient de la nicotine. Donc, imaginez un enfant, un jeune qui fume ça puis, lui, qu'il devient tranquillement accro à la nicotine puis il ne le sait pas. Ça, c'était dans les jetables, ça, je dois préciser, c'était jetable, vendu ça dans les dépanneurs. Puis la majorité des cigarettes électroniques, encore une fois, étaient mal étiquetées sur le dosage. Donc, ça disait «20 milligrammes de nicotine», mais il y en avait deux ou ça disait «quatre», mais il y en avait 18. Ça fait que c'est sûr que ça nous a préoccupés. Est-ce que je peux dire que, maintenant, c'est la même chose? Je ne peux pas le dire. Ça fait deux ans. Je pense qu'il y a des «vape shops» qui font les choses de façon très sérieuse, mais il y en a encore beaucoup qui font des petits mélanges dans leurs sous-sols. Donc, oui, c'est essentiel de standardiser.

Mme Charlebois : Je vais juste compléter, puis peut-être que mes collègues pourront poser d'autres questions, mais juste compléter en disant : Oui — puis mon collègue de Rosemont va sûrement poser des questions là-dessus — mais vous dire que c'est tellement inquiétant qu'on va s'arrêter à penser pour les jeunes qu'est-ce qu'on va faire avec ça, non seulement qu'il y ait de la nicotine, alors que c'est écrit «zéro nicotine».

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour 13 minutes.

• (12 h 10) •

M. Lisée : Merci. Bien, d'abord, bienvenue et puis bienvenue à mes voisins de Rosemont, parce que la Société canadienne à ses bureaux dans ma circonscription. Je suis allé vous visiter l'an dernier. J'ai vu la ligne d'appel, d'ailleurs, très efficace, très occupée.

Alors, merci pour vos propositions. Je voudrais en passer quelques-unes en revue. Bon, sur l'abolition des saveurs, nous sommes d'accord. L'encadrement de la cigarette électronique; alors, vous n'êtes pas les seuls. Vous vous êtes concertés, les groupes de lutte contre le tabac, en disant : Bien oui, bien sûr, il faut... ça n'a pas de sens comment les compagnies de tabac réussissent, avec les petits emballages, à faire en sorte que ce soit assez difficile de voir tout ce qu'on a fait depuis 20 ans pour les mises en garde, et la meilleure solution, c'est le paquet neutre et standardisé. D'ailleurs, ces jours derniers, on vient d'avoir les derniers résultats australiens sur la chute de consommation conséquente à leur décision, qui montrent — oui, c'est ça, voilà, vous avez le même article que moi — qu'il y a eu une chute spectaculaire, les 12 derniers mois, de la consommation après cette décision-là, et c'est pourquoi les compagnies de tabac y sont si, si, si réfractaires, parce qu'elles savent qu'elles vont perdre de l'argent. C'est tout ce qui les intéresse.

Alors, vous nous dites comme d'autres groupes : Écoutez, ce serait ça, la solution. Et d'ailleurs vous êtes en faveur du fait que la ministre introduise l'abolition de la clause d'harmonisation avec le Canada, qui nous aurait obligés à attendre Ottawa là-dessus. Vous dites : Bien là, on enlève la clause d'harmonisation, on n'a pas besoin d'attendre Ottawa. Il y a des gens qui disent : Oui, mais, vous savez, on ne peut pas vendre un paquet de cigarettes différent au Québec que dans le reste du Canada. Vous dites : Un instant, il est possible de trouver facilement, sur le marché, des paquets différenciés que ce soit par la langue ou par des images. JTI-Macdonald a habillé sa nouvelle marque, Macdonald Spécial, en deux couleurs, il y a des étiquettes très nationalistes : la feuille de lys en bleu pour le Québec; la feuille d'érable en rouge pour le Canada. Ça fait que qu'ils ne viennent pas nous dire qu'ils ne sont pas capables de s'adapter aux deux marchés.

Alors là, vous nous dites : Donc, ça serait la bonne solution d'adopter au Québec, tout de suite, immédiatement, comme l'Australie, plusieurs Européens, cette décision-là, mais on ne veut pas que ça retarde. Tu sais, c'est comme si quelqu'un vous avait dit : Ça va être bien compliqué dans le cabinet du Parti libéral, ça va être long, ça va être compliqué, il y a quelque chose qui... Puis vous dites : Bon, bien, peut-être dans une deuxième étape.

Alors, moi, j'ai été conseiller de premier ministre pendant cinq ans, j'ai été ministre pendant un an et demi, puis je vais expliquer comment ça marche. Tous les ministres ont des bonnes idées. La... disons, un certain nombre de ces bonnes idées sont partagées par le premier ministre, son chef de cabinet puis le secrétaire général du gouvernement. Ce sont les trois personnes qu'il faut convaincre, O.K.? Le ministre des Finances, le Conseil du trésor aussi, c'est bon de les avoir de son côté. Mais, sur le tabagisme, sauf sur la taxe sur le tabac, ça va assez bien. Et là c'est clair que la ministre, notre amie, madame, a une bonne idée d'avoir une loi sur le tabac, et là elle s'est battue pendant un an pour dire : Bien, c'est-u mon tour? C'est-u mon tour? C'est-u mon tour? Puis le premier ministre... Puis là il y a quatre autres bonnes idées, puis il y a des priorités, puis etc. Puis là, finalement, elle a réussi, et je la félicite, de dire : C'est son tour. Ça fait que, là, c'est son tour, elle passe sa loi, on va la voter avant Noël, puis là elle reviendrait l'an prochain puis en disant : Ah! j'ai oublié de mettre dans la loi le paquet standard. Ils vont dire : C'est une bonne idée. Tu l'as eu, ton tour. Tu l'as eu, ton tour. Tu peux réglementer — c'est ce qu'elle propose — la grosseur de la mise en garde sur le petit paquet, 75 % du petit paquet, mais, standardiser le paquet par voie réglementaire, je ne suis pas sûr, on en discutera. Mais, en tout cas, si l'idée, c'est de revenir en législation là-dessus, son tour est passé pendant plusieurs années, pendant le mandat, puis c'est sûr qu'ils n'auront pas un deuxième mandat, là, mais, même dans le mandat du Parti québécois qui va commencer en octobre 2018, quand on va arriver avec cette idée-là, ils vont dire : Bien là, ça a été fait il y a cinq ans, il y a d'autres priorités. Il y a tellement de choses à réparer du gouvernement libéral, il y a... tu sais?

Bon. Alors, c'est pour ça que je vous dis, là : Le train passe maintenant. Tout ce que vous voulez faire sur le tabac, c'est maintenant qu'il faut le faire, parce que, c'est vrai, puis vous le dites vous-même, la loi prévoit que, dans cinq ans, il y a une évaluation. Il y a eu, après cinq ans de la dernière loi, une évaluation, puis ça a pris un autre cinq ans avant d'avoir un projet de loi. Puis ce n'est pas parce que le gouvernement, pendant ces années-là, ne trouvait pas ça important, mais, dans ses priorités, il n'arrivait pas à décider que c'était sa priorité.

Donc, c'est pourquoi je vous dis : Nous, on va se battre très, très, très fort pour que ça soit maintenant, les propositions que vous faites, y compris le moratoire sur la mise en marché de nouveaux produits du tabac. C'est intéressant, parce qu'il y a des gens qui nous disent : Ah! bien, c'est très hypothétique, ça, qu'il y ait des nouveaux produits du tabac, mais vous dites : Ce n'est pas hypothétique du tout. Vous dites qu'il y a plusieurs... Il dit : «Après les saveurs, quel sera le prochain succès de l'industrie? Les bâtonnets de nicotine croquables ou les chauffe-cigarettes sans combustion?» Ça existe, ça?

Mme Champagne (Mélanie) : ...existe ailleurs, oui, en France, aux États-Unis, absolument.

M. Lisée : Donc, il y a déjà des nouveaux produits du tabac qui ont été mis en marché. O.K.

Mme Champagne (Mélanie) : Je vais commencer par répondre à votre question, qui est quand même assez longue...

M. Lisée : Oui. C'était plus un commentaire.

Mme Champagne (Mélanie) : ...en soulignant votre feu et votre passion, que j'aime beaucoup. Vous êtes, d'ailleurs, mon député. Je ne fais pas que travailler dans Rosemont, j'y habite aussi. Donc, ça fait vraiment plaisir de voir le coeur que vous y mettez, puis sachez que nous, on s'est battus... Si la ministre s'est battue pendant un an pour avoir son projet de loi à l'agenda, nous, ça fait cinq ans qu'on attend cette révision de loi là, qui tarde, hein? Puis, pendant ce temps-là, c'est...

Une voix : ...

Mme Champagne (Mélanie) : Cinq ans.

Des voix : ...

Mme Champagne (Mélanie) : Vous aussi, Mme la ministre, on aime votre feu et votre passion. 250 jeunes qui commencent à fumer à chaque semaine, 28 Québécois qui meurent chaque jour, c'est... aujourd'hui, 28 personnes qui meurent, là, pendant qu'on est ici en audience toute la journée.

Nous, on s'est battus pendant cinq ans, donc, croyez-nous, on a ramassé une pétition de 55 000 noms; on a un appui de 65 organismes, les médecins, les pharmaciens, les infirmières, nommez-les, et les municipalités, oui. Donc, on comprend très bien le combat, on comprend très bien que le train, c'est maintenant ou jamais.

Ce qu'on dit, c'est que la meilleure mesure, oui, c'est l'emballage neutre, hors de tout doute, mais la meilleure mesure, c'est celle qu'on a. Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. Dans le pouvoir réglementaire, la ministre peut très bien adopter un projet de loi maintenant, tel qu'il est, avec les amendements et dire que, pour un gros morceau comme ça, on a la standardisation ou l'emballage neutre dans le pouvoir réglementaire, les deux, avant Noël. Si c'est possible, on vous suit à 100 milles à l'heure. Mais le projet de loi n° 44, il est bon, il est solide, on est très contents, alors on ne voudrait pas mettre en péril — parce que chaque jour qui passe, ça compte — toutes les mesures du p.l. n° 44 pour une mesure. On pense que la standardisation, parce qu'on a entendu la ministre en parler dans les médias, c'est quelque chose qui est faisable. Puis déjà ça, ce serait quelque chose qui ne s'est jamais vu au Canada. On serait très contents, entendons-nous là-dessus. Mais, si on est capable d'aller chercher l'emballage neutre, soyez certains qu'on va pousser avec vous comme vous aurez rarement vu.

M. Lisée : Très bien. Bien, la seule chose qui pourrait mettre en péril l'adoption, d'ici Noël, de cette mesure, ce serait le refus du gouvernement de le faire...

Mme Champagne (Mélanie) : Ou de longues études sur l'impact économique, sur l'impact légal.

M. Lisée : Bien, ce serait la décision du gouvernement de se soumettre à de longues études. Donc, on est complètement dans le domaine de la volonté politique.

Je vais vous poser une autre question sur les cigarettes électroniques. Donc, j'ai noté, vous l'avez mentionné, que vous avez fait cette étude sur les deux tiers des produits qui se disaient sans nicotine, qui, en fait, avaient de la nicotine, et puis tout ça. Encore une fois, nous avons la capacité, au Québec, même si, normalement, on laisse ça à Ottawa puis à Santé Canada, nous avons la capacité de déterminer une norme de contenu et de l'appliquer. J'avais ici... bien, dans une autre salle, le responsable de la santé publique de Montréal, je lui ai posé la question : Est-ce qu'on pourrait, si on le décidait, adopter la norme française, par exemple, qui vient d'être adoptée ou la modifier? Est-ce qu'on pourrait vérifier, inspecter, avoir les laboratoires? Il a dit : Oui, c'est tout à fait possible. Est-ce que ce serait une bonne idée qu'on le fasse pendant que le train passe?

M. Cunningham (Rob) : Donc, c'est un produit qui n'est pas réglementé et qui devrait être réglementé, le pouvoir est là pour Québec et pour le fédéral pour le faire. Le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a recommandé un nouvel encadrement, un nouveau type de réglementation pour la cigarette électronique. Santé Canada prépare une réponse à ça, le rapport est en mars. Mais, d'une manière ou d'une autre, on a besoin d'avoir la réglementation, Québec ou le fédéral.

M. Lisée : Donc, si nous, on le faisait avant Noël, si le Canada puis les autres provinces veulent le faire après, ils auraient l'exemple québécois.

M. Cunningham (Rob) : Oui, mais ça, c'est une question pour la réglementation, parce que c'est très technique, quelles sortes d'émissions est-ce qu'on va avoir dans le... etc.

M. Lisée : Non, non, parce que, là, il va y avoir un gouvernement fédéral qui va être élu le 19 octobre. Si c'est un nouveau gouvernement, ils vont avoir 45 priorités, alors, quand est-ce qu'ils vont agir là-dessus, on ne le sait pas. Si c'est le gouvernement actuel, ce n'est pas une priorité. Alors, moi, je pense qu'on devrait y aller.

Je voudrais vous permettre, dans le temps qu'il me reste, de répondre à... Un mémoire qui nous a beaucoup attristés, la ministre, moi, mon collègue de la CAQ, est celui de la Fédération des chambres de commerce du Québec, qui est venue dire : «...parfois [le] plaidoyer — des groupes antitabac — tombe dans l'excès et même la désinformation. Nous n'en citerons qu'un exemple. Selon ces protagonistes, le tabac serait associé à une proportion exorbitante des problèmes de santé. La Société canadienne du cancer affirme que "le tiers des journées complètes d'hospitalisation dans les grands hôpitaux du Québec sont liées à la consommation de tabac"! À partir d'un tel constat, l'organisme prône diverses [mesures] de bannissement du tabac.» Et ils disent que c'est de la désinformation.

Alors, je sais que, lorsque vous dites ça, vous vous appuyez sur une étude du Groupe d'analyse. Pouvez-vous nous en parler? Est-ce que cette étude est de la désinformation ou est-ce que ce sont des statistiques probantes? Et comment en êtes-vous venus à cette conclusion?

• (12 h 20) •

Mme Champagne (Mélanie) : Je vais vous en parler, avec plaisir. Juste pour le commentaire, il y a quelqu'un qui me disait il n'y a pas longtemps : C'est quoi, le secret de la longévité de la Société canadienne du cancer? Puis je lui disais : La rigueur. C'est la première chose que je répondrais, c'est la rigueur, et ça fait la reconnaissance. Donc, peut-être que nous, on a peut-être moins de liens avec l'industrie du tabac, ça expliquerait peut-être la différente interprétation des chiffres.

Redonnons à César ce qui appartient à César, c'est une étude qui a été commandée par la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, du Groupe d'analyse, que vous semblez connaître, Ouellette, Crémieux, Fortin, des économistes, des sommités au Québec. Le Groupe d'analyse a des bureaux dans trois pays. Donc, oui, c'est très sérieux. Et, pour préciser, c'est qu'au minimum 33 % des coûts encourus par les journées d'hospitalisation au Québec sont directement attribuables au tabagisme, et je dis «au minimum» parce que, et je cite, «l'estimation [...] est manifestement conservatrice parce que [...] ne tient pas compte des personnes hospitalisées, ni celles dans un état de santé critique», c'est-à-dire à long terme; les coûts estimés ne représentent qu'une portion réelle des coûts de 24 heures d'opération, parce qu'ils ont compté seulement les pleines journées, ils n'ont pas compté les demi-journées; ça n'inclut pas certaines composantes des hôpitaux, comme les centres de réadaptation ou les cliniques externes; et ça n'inclut pas non plus l'impact de la fumée secondaire. Alors, les sources utilisées viennent des enquêtes sur la santé et collectivités canadiennes, Statistique Canada et plusieurs autres sources. C'est extrêmement solide. Parce qu'on oublie aussi que ce n'est pas juste les cancers puis, oui, les maladies cardiaques. C'est aussi l'emphysème. C'est aussi beaucoup de problèmes de guérison, parce qu'on sait qu'un fumeur qui est opéré, soigné et traité, ça va prendre beaucoup plus de temps à ce qu'il soit guéri, donc, il va rester plus longtemps à l'hôpital, etc.

Ça me fera grand plaisir de vous partager cette étude-là détaillée à la commission.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

Une voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : Juste un instant. Je vais maintenant... Oui, M. Lisée, pour... pardon, collègue de Rosemont.

M. Lisée : Je le transmettrai à la Fédération des chambres de commerce.

Mme Champagne (Mélanie) : Ça nous fera plaisir.

Le Président (M. Tanguay) : Vous pouvez continuer le débat, M. Cunningham. Je dois maintenant céder la parole... Nous sommes dans le bloc appartenant à notre collègue de Lévis pour 8 min 30 s, mais vous pourrez poursuivre l'échange. Collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Oui, l'échange pourra se continuer, mais permettez-moi d'aller ailleurs d'abord, puis ça va... d'ailleurs, je m'adresserai à vous. Bienvenue, tout le monde, Mme Champagne, M. Cunningham, Mme Berteau, Mme Bélanger.

Je reviens sur la Fédération des chambres de commerce, qui parlait notamment, concernant la standardisation ou l'emballage neutre, qu'il s'agissait d'une expropriation de la marque de commerce. Et là on tentait de faire la démonstration que, manifestement, il y avait, sur le plan commercial, quelque chose de dérangeant à l'adoption d'une formule comme celle-là. De un, vous en dites quoi, M. Cunningham? Et, secundo, est-ce que vous craignez, avez-vous l'impression, parce que certains nous le disent, que les compagnies de tabac sont déjà prêtes à réagir juridiquement à une position comme celle-ci, à l'image de ce qu'elle a fait en Australie, où les contestations, bien qu'ayant été perdues dans un cas, ne soient pas complétées?

Est-ce que vous vous attendez à une réplique de cette industrie, qui veut sauver son marché et son commerce?

M. Cunningham (Rob) : Premièrement, est-ce que c'est l'expropriation? La réponse est non. The High Court of Australia, la plus haute cour dans le pays, a rejeté cet argument. Ici, à Québec, les fabricants de tabac avaient cet argument pour les mises en garde à 50 %, et ça a été rejeté par la Cour supérieure, rejeté par la Cour d'appel du Québec. Donc, ce n'est pas l'expropriation, il n'y a pas de changement de personne qui a le titre de propriété.

Oui, les compagnies de tabac vont se battre contre les lois qui sont efficaces pour réduire leurs ventes. Est-ce qu'elles vont commencer les poursuites? Oui, on peut anticiper, mais on va gagner ces poursuites. Les compagnies de tabac, juste pour soulever une autre chose qui était... lundi, avec ces fameux contrats, donnent des paiements de promotion aux détaillants. Cette information, c'est choquant, ça nous inquiète. Ce type de promotion devrait être interdit. Et juste une petite modification au projet de loi à la Loi sur le tabac pourrait interdire ce type de... On ne devrait pas avoir des encouragements de vendre plus de tabac, d'avoir des voyages si on vend plus de tabac.

M. Paradis (Lévis) : Je comprends fort bien, et c'est important, ce que vous dites, parce qu'on parle d'emballage neutre, de standardisation, de possibilité d'aller plus vite et d'adopter, et il ne faudrait pas, à l'image de ce que vous nous dites, craindre une réplique du milieu des manufacturiers pour nous fragiliser dans nos démarches et nos avancements.

Mme Champagne (Mélanie) : ...si je peux compléter l'idée. C'est qu'il leur reste deux façons, en gros, de faire de la promotion, à l'industrie du tabac : de façon très, très évidente avec l'emballage, parce que tout le reste est assez encadré; et de façon beaucoup plus cachée, en passant ces contrats et en donnant un bonus à ces dépanneurs qui vendent plus et en les encourageant à vendre le moins cher possible leur tabac pour qu'ils en vendent le plus possible, dans le fond.

Alors, «moins cher possible» veut dire «plus grand accès aux jeunes». Puis le prix, c'est ce qui a le plus d'impact sur les jeunes. Donc, si on augmente le prix, les jeunes fument moins. Donc, si on garde le prix le plus bas possible, on s'entend que c'est très contre-productif. Donc, on était très contents que le sujet soit amené en commission. Ça ne devrait pas exister, ces pratiques-là.

M. Paradis (Lévis) : Êtes-vous en train de me dire que, parmi les amendements les plus importants qu'on devrait apporter à ce projet de loi, dans votre tête à vous, si on n'adoptait pas la standardisation et l'emballage neutre, on manque le coche, on manque le train?

Mme Champagne (Mélanie) : Ça prend une mesure sur l'emballage. Ça fait des années qu'on la réclame.

M. Paradis (Lévis) : Et qu'il ne faudrait pas craindre la réplique d'un milieu ou de manufacturiers qui ont beaucoup d'argent, pour retarder pareille adoption?

M. Cunningham (Rob) : C'est certain que les fabricants vont opposer à l'emballage neutre, ils opposent au Canada depuis 20 ans, ils opposent dans... après pays, après pays. Et maintenant on a du momentum, on voit les pays qui adoptent ça, on... C'est inévitable qu'on va avoir l'emballage neutre. C'est inévitable qu'on va avoir des poursuites, mais on doit anticiper ces poursuites et les gagner.

M. Paradis (Lévis) : Vous nous dites... puis la préoccupation à travers vos chiffres... puis ce n'est pas d'hier qu'on en parle, ce n'est pas d'hier que j'en parle non plus, puis on a eu... regarde, c'est un... vous le savez, hein, c'est quasiment depuis la nuit des temps, à partir du moment où s'on s'est rendu compte que la cigarette était ce qu'elle est, que le tabac était ce qu'il était. Si les jeunes ne fumaient pas, si les jeunes n'avaient pas accès au produit, si on n'avait pas ces statistiques concernant les 12 à 17 ans, par exemple, on ne règle pas rien, il faudrait continuer quand même à faire en sorte que ceux qui fument comprennent la dangerosité puis qu'on ait des mesures, encore une fois, pour éviter l'effet de la fumée secondaire, ou tout ça.

C'est quoi, la mesure, la mesure pour faire en sorte que nos jeunes, qui ne doivent pas acheter... En fait, ils ne doivent pas en avoir, hein? En principe, il n'y en a pas, de problème. Avant 18 ans, ils ne doivent pas toucher à ça, mais ils y touchent. Qu'est-ce qu'il faut faire pour que ça ne se fasse pas?

Mme Champagne (Mélanie) : Ce qu'on fait présentement avec le p.l. n° 44, ce qu'on fait présentement avec la cessation, ce qu'on fait... Là, vous parlez de prévention, donc les jeunes. C'est ce qu'on fait... Si on pouvait interdire le tabac demain matin...

M. Paradis (Lévis) : Mais il est accessible, le produit, ils l'ont. Malgré qu'il ne doive pas l'être, ils l'ont quand même.

Mme Champagne (Mélanie) : Il n'est pas juste accessible, M. Paradis, il est attirant, il n'est pas cher, il goûte bon, il est coloré. Ce n'est pas normal, ce n'est pas normal que du cancer, ça goûte le bonbon. Ce n'est vraiment pas normal.

M. Paradis (Lévis) : Allons plus loin que ça. Outre le fait que ça puisse goûter du chocolat ou ce que vous voudrez, en principe, il n'est pas disponible. Il y a une problématique parce qu'il est disponible. C'est-à-dire, de mille et une façons, ils se le procurent. On fait quoi?

Mme Champagne (Mélanie) : Peut-être que vous voulez m'amener sur la question du cartage obligatoire, qui a été proposé.

M. Paradis (Lévis) : Est-ce que ça, c'est une mesure, de faire en sorte que, dans la loi, on prévoie un cartage obligatoire? Est-ce que ça peut faire en sorte qu'on ne voit plus de jeunes aux abords des écoles avec une cigarette qu'ils ne devraient pas avoir parce qu'ils n'ont pas l'âge légal pour s'en procurer?

Mme Champagne (Mélanie) : Ça, ça va arriver encore, M. Paradis, parce que les jeunes se procurent des cigarettes de source sociale, beaucoup, d'amis, de parents, etc. Mais ce sur quoi on peut agir par contre, oui, c'est sur la vente aux mineurs. On n'a pas de position là-dessus, à la Société canadienne du cancer, mais on ne s'oppose pas non plus au cartage obligatoire. Rob, tu veux compléter?

M. Cunningham (Rob) : Plusieurs autres provinces ont ça dans leurs lois sur le tabac, et à quelqu'un qui paraît moins de 25 ans on demande une identification.

M. Paradis (Lévis) : Vous avez parlé de cigarette électronique. Je vais l'aborder, parce que pour plusieurs fumeurs c'est un outil thérapeutique, j'ai déjà eu l'occasion d'en parler également, puis, pour certains d'entre eux, c'est peut-être la voie qui va les mener vers la cessation. Et là plusieurs ont l'impression qu'on démonise la cigarette électronique et que le fumeur qui veut sortir de son vice se dit : Voilà l'outil qui aujourd'hui va peut-être me permettre de faire la différence, mais là on va le juger comme une cigarette, je n'ai plus de place nulle part, donc, enfermez-moi dans une garde-robe, puis je vivrai ma vie de cette façon-ci. Qu'est-ce qu'on fait? La cigarette électronique sur les terrasses; votre position.

Mme Champagne (Mélanie) : Premièrement, on peut avoir l'impression qu'on démonise la cigarette électronique, mais il y a des enquêtes qui ont été faites, des sondages, et qui montrent que la grande majorité des gens pense que la cigarette électronique, c'est beaucoup moins nocif que le tabac.

M. Paradis (Lévis) : Mais est-ce qu'on comprend... avouons-le, là...

Mme Champagne (Mélanie) : Donc, quand même, il y a une perception...

M. Paradis (Lévis) : ...comprenons, là, les éléments... On comprend, là. Il faut quand même placer les choses dans le contexte. La cigarette électronique n'est pas une cigarette.

• (12 h 30) •

Mme Champagne (Mélanie) : Donc, il ne faut pas penser non plus que les gens ont si peur que ça du produit.

Quant à l'utilisation sur les terrasses, ça ne devrait pas avoir lieu, parce que — je pense, ça a été dit ce matin de façon très claire — on a travaillé pendant des années pour dénormaliser le tabagisme, et le geste est très fort, hein? Il y a une étude ontarienne qui a prouvé que, quand c'est interdit de fumer sur les terrasses, les fumeurs ont beaucoup moins le goût de fumer, fument moins en quantité et ont plus le goût d'arrêter. C'est une mesure d'aide à la cessation.

Donc, pour la cigarette électronique, c'est le même geste, c'est la même boucane, disons, ça fait qu'il n'y a pas de raison de permettre ça sur les terrasses non plus. Il y a ça puis il y a aussi les propriétaires de dépanneur... de terrasse, pardon. Ils vont être là en... Parce qu'il y en a, là, qui sont très, très semblables à des cigarettes. Bon, celle-là...

M. Paradis (Lévis) : Mais est-ce qu'on doit travailler là-dessus aussi, l'aspect de la cigarette électronique, glamour, couleurs, etc., par rapport à une espèce de tuyau d'échappement qui, manifestement, fait que ce soit peut-être moins attirant sur le plan esthétique?

Mme Champagne (Mélanie) : C'est une excellente question. Rob?

Le Président (M. Tanguay) : Quelques secondes.

M. Cunningham (Rob) : Donc, dans les autres provinces, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Ontario, ça vient en janvier, c'est interdit sur les terrasses, donc, pour des raisons comme Mme Champagne vient de mentionner.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les représentantes et représentants de la Société canadienne du cancer, division du Québec, et, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 14 h 15)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux. Je demande à toutes les personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Et nous allons donc poursuivre nos consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme.

Nous entendrons cet après-midi le Dr André Gervais et les personnes qui l'accompagnent; la Fédération des médecins spécialistes du Québec; Marvin Rotrand, conseiller de Snowdon, ville de Montréal; et le Centre intégré universitaire de santé et services sociaux — CIUSSS — du Nord-de-l'Île-de-Montréal.

Alors, merci beaucoup et bienvenue au Dr Gervais et aux personnes qui vous accompagnent. Pour des fins d'enregistrement, je vous demanderais peut-être de bien vouloir nommer, préciser vos fonctions. Et vous disposez, dès maintenant, de 10 minutes de présentation. La parole est à vous.

M. André Gervais et Mmes Nancy Haley,
Johanne Harvey et Jennifer O'Loughlin

M. Gervais (André) : André Gervais, médecin pneumologue, Centre hospitalier de l'Université de Montréal.

Mme Harvey (Johanne) : Johanne Harvey, pédiatre, spécialiste en médecine de l'adolescence, pratiquant à Chicoutimi.

Mme O'Loughlin (Jennifer) : Jennifer O'Loughlin, épidémiologiste, CRCHUM, Université de Montréal.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

M. Gervais (André) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je remercie les groupes parlementaires d'avoir accepté ma demande de participation aux auditions de la Commission de la santé et des services sociaux et de me permettre de m'exprimer sur le projet de loi n° 44.

Je tiens tout d'abord à féliciter Mme la ministre Lucie Charlebois pour son projet de loi et aussi tous les députés qui travaillent à faire un meilleur projet de loi. Et j'étais ici ce matin et aux autres commissions et je suis très impressionné de la façon dont vous posez vos questions.

J'ai commencé ma carrière de pneumologue à 35 ans en soignant des patients souffrant de maladies pulmonaires causées par le tabagisme et trop souvent déjà incurables. J'ai réalisé que je devais m'adresser à la véritable cause de leur maladie. À l'Hôpital Notre-Dame, j'ai tenté de créer des espaces sans fumée et d'organiser des services d'abandon du tabagisme. Ce n'est qu'après la Loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics, en 1986, que des locaux sans fumée et des services d'abandon sont devenus réalité. Depuis, j'ai été appelé à soutenir de nombreux établissements de santé qui sont devenus sans fumée. À ma clinique hebdomadaire, j'accompagne encore des fumeurs dans leurs démarches d'abandon du tabac. Convaincu de l'importance de l'impact des lois, j'ai participé aux campagnes menant à l'adoption de la Loi sur le tabac en 1998 et en 2005 et aussi, en 2013, aux auditions publiques concernant la Loi sur le tabac 2005‑2010.

Je travaille avec de nombreux professionnels de la santé et chercheurs sur différents volets du tabagisme, c'est pourquoi j'ai demandé à la Dre O'Loughlin, spécialiste en dépendance du tabac, et à la Dre Johanne Harvey, spécialiste en médecine de l'adolescence, de m'accompagner pour appuyer le projet de loi et pour vous proposer des amendements et recommandations. Vous reconnaîtrez les grandes lignes du mémoire des directeurs régionaux de santé publique, dont je suis coauteur, dans ce mémoire, et ce mémoire représente nos positions personnelles et non celles de tous les organismes auxquels on appartient.

D'abord, ne nous mettons pas la tête dans le sable, et Dr Arruda l'a déjà dit ce matin, le tabagisme, c'est une maladie pédiatrique. L'initiation se fait durant l'adolescence, la dépendance s'installe rapidement et insidieusement. Il est faux de croire que les jeunes doivent fumer pendant deux ou trois ans et avoir consommé au moins 100 cigarettes avant de devenir dépendants. La dépendance à la nicotine passe par des étapes bien définies. Les premiers symptômes de manque de nicotine sont ressentis après les premières bouffées et permettent de prédire qu'un plus grand nombre de jeunes deviendront fumeurs quotidiens. Environ 30 % à 50 % des jeunes qui ont essayé à peine quelques bouffées deviendront des fumeurs adultes. Des facteurs d'ordre génétique, environnementaux, possiblement même l'exposition à la nicotine in utero prédisposent le jeune à devenir dépendant avant même qu'il ait pris sa première bouffée. Les jeunes non-fumeurs qui ont vécu avec des parents fumeurs et qui ont été exposés à la fumée dans l'automobile présentent plus de risques de développer des symptômes de dépendance. Alors, la nicotine provoque des changements neurophysiologiques dans le cerveau — et vous voyez le cerveau là-bas — il y a un impact sur le développement du cerveau, notamment dans les régions liées au plaisir et à la récompense, ce qu'on appelle les «rewards and saliences», et les régions reliées au stress et à l'impulsivité, qui sont les régions frontales. Le cerveau est en développement jusqu'à l'âge de 25 ans, alors notre cerveau change et il peut être atteint par la nicotine et être modifié jusqu'à l'âge de 25 ans.

• (14 h 20) •

La prévention commence avant la première bouffée, parce qu'après il est souvent trop tard.

Nous appuyons le projet de loi, et vous voyez ici les principales mesures que nous voulons appuyer spécifiquement. Vous avez déjà, j'oserais quasiment dire, tout entendu là-dessus en cinq jours de commission parlementaire, mais je veux souligner d'abord l'interdiction de l'aromatisation, incluant le menthol. C'est le produit le plus populaire chez les jeunes, c'est encore plus utilisé au Québec qu'ailleurs, et, si on veut que notre cerveau ait ce contact avec la nicotine, qui va accrocher les jeunes, il faut leur donner un moyen de faire entrer la fumée puis d'amener la nicotine au cerveau. L'exposition de la fumée dans les véhicules, ça expose les jeunes à des quantités importantes de produits toxiques. On est toujours inquiets des maladies. Dre Harvey pourra témoigner qu'on n'a pas besoin d'attendre d'être adulte pour être malade des maladies causées par le tabac, mais la nicotine aussi à laquelle on est exposés dans une automobile peut nous prédisposer à développer des symptômes de dépendance.

Nous appuyons donc tout ce qu'il y a sur ces principales mesures, mais j'insiste sur la dernière, qui est l'étendue du champ d'application à la cigarette électronique, et nous appuyons entièrement le projet de loi, parce que ça va permettre de limiter l'accès aux jeunes à la cigarette électronique et ça va éviter de renormaliser l'usage du tabac. Et on espère que, s'ils ne touchent pas à la cigarette électronique, aussi ils ne vont pas s'exposer à de la nicotine d'une autre façon qui pourrait éventuellement les amener à fumer la cigarette conventionnelle ou même à devenir dépendants de la cigarette électronique indéfiniment.

Six propositions d'amendement, deux recommandations. La première, c'est, je pense, le grand oublié dans le projet de loi. Le projet de loi ne prévoit aucune mesure pour les établissements de santé. La loi actuelle prévoit pour les patients hébergés 40 % de chambres fumeurs et des fumoirs, et puis les patients et les travailleurs sont exposés à la fumée du tabac de façon inéquitable, et ça rend la gestion des patients qui fument dans le milieu hospitalier très difficile à vivre. Vous avez entendu de nombreux témoignages, et vous allez en entendre encore en fin d'après-midi, d'établissements qui sont devenus sans fumée et qui vont vous dire que c'est bénéfique de devenir sans fumée. Donc, la première proposition d'amendement, c'est l'interdiction des chambres pour fumeurs et fumoirs dans tous les établissements de santé. Et on a laissé, pour fins de compassion, une exception pour les CHSLD. Également, on croit que, quand on entre dans un établissement de santé, on devrait s'adresser au problème du tabagisme. Alors, ce n'est pas juste interdire de fumer.

Alors, notre deuxième amendement, c'est qu'on pense que tous les CIUSSS, CISSS, établissements de santé devraient devenir des établissements sans fumée mais on devrait offrir systématiquement du soutien à l'abandon partout. Les fumeurs, ils sont là, ils sont surreprésentés dans les milieux hospitaliers, et, contrairement à nos centres d'abandon du tabac, on a de la difficulté à les attirer pour qu'ils viennent demander de l'aide et être soutenus. Ils sont là, puis on n'utilise pas ce moment précieux où on peut commencer à les aider à devenir non-fumeurs.

Les établissements d'éducation supérieure. On a interdit, dans beaucoup de terrains d'école, de garderie, d'utiliser la cigarette, mais on a oublié les établissements d'éducation supérieure. 15 % des jeunes commencent à fumer après leur secondaire, le cerveau des jeunes est en développement jusqu'à 25 ans. Alors, bon, je pense que ça dit tout. Alors, quand on passe du secondaire, c'est comme si on avait un rite de passage : maintenant, vous avez le droit de fumer. Moi, je trouve que ce n'est pas cohérent, et c'est pour ça que moi, je crois que les cégeps — en fait, quand je dis «je», je veux dire «nous», parce qu'on est tous partie du mémoire — les cégeps, les collèges, les universités... ajoutés à la liste des lieux visés pour l'interdiction de fumer, terrains en tout temps.

Les terrains de jeu pour enfants, un peu la même chose. On a des mesures pour que les enfants soient protégés à l'extérieur à peu près partout. Les terrains de jeu, il semble que c'est un endroit agréable. Alors, de voir des fumeurs là, ce n'est peut-être pas autant par la fumée qu'un enfant va... avec laquelle il va être en contact... quoique, ce matin, Dr Repace vous a bien dit qu'un coup de vent, ça peut vous amener des tas de fumée très toxique dans le visage. Si on est un enfant, on est beaucoup plus susceptible à faire des maladies à cause de ça puis peut-être même à devenir dépendant. Alors, les terrains de jeu me semblent être un ajout qui devrait être là, où on a une interdiction de fumer en tout temps.

J'ai été très surpris de voir que le projet de loi propose des normes pour des abris de fumeurs. Les abris de fumeurs, ça a été beaucoup de problèmes. Il y a même eu un cas de décès où un abri s'est écrasé. Et la fumée dans un abri de fumeurs, c'est un peu comme une automobile : c'est un lieu fermé, puis, si on a beaucoup de fumeurs, ça fait une fumée qui est d'une densité incroyable, alors c'est dangereux pour la santé des fumeurs. S'il y a des non-fumeurs qui s'aventurent là, c'est vraiment dangereux. Alors, moi, je ne pense pas qu'on devrait permettre aux fumeurs ou leur dire : C'est encore bon, c'est normal que vous puissiez aller fumer dans un abri. Et moi, je retirerais du projet de loi le pouvoir d'aménager des abris et des normes pour les fumeurs.

Les salons de cigares ou de pipes à eau, on en a encore 25 qui ont un avis de reconnaissance, et la problématique, c'est que beaucoup d'autres établissements disent qu'eux aussi, ils ont le droit, surtout pour la chicha, d'utiliser de la chicha. Alors, à chaque fois qu'on entre à quelque part où il y a une chicha : Oui, oui, j'ai un permis, j'ai le droit. On ne le voit pas affiché, on ne sait pas si c'est vrai, ça crée un gros problème. Et, encore une fois, la chicha, c'est un bon moyen pour exposer les enfants à de la nicotine très tôt, c'est un produit qui est dangereux, on sous-estime son danger. Alors, le retrait des avis de reconnaissance émis par le ministère aux 25 salons exemptés par la loi, pour nous, c'est quelque chose qui devrait être fait.

J'arrive finalement à la cigarette électronique. La cigarette électronique n'est pas réglementée; accessible à tous, y compris aux jeunes. Bon, la cigarette, d'abord, avec nicotine — je pense que c'est bien important, c'est celle-là qui compte — elle est illégale, puis son contenu est indéterminé. On a toutes sortes de choses, on ne sait pas ce qui est sur le marché. Dans l'enquête de Montréal sur la cigarette électronique, c'était 70 % de ceux qui l'avaient utilisée dans les 30 derniers jours qui disaient que c'était une cigarette avec nicotine. On sait que les élèves... on l'a mentionné ce matin, 28 % des élèves du secondaire au Québec ont déjà essayé la cigarette électronique, alors c'est quand même beaucoup. Alors, il est possible que ça rende le tabac plus attrayant et que ça fasse que des jeunes commencent à fumer. C'est aussi possible qu'ils deviennent simplement, entre guillemets, dépendants de la nicotine. Je ne pense pas que c'est ce qu'on souhaite non plus.

Dans un premier temps, il faut absolument que le gouvernement du Québec soutienne la recherche sur les effets, sur la santé, de la cigarette électronique, et ça, c'est dans le sens large. Ça veut dire voir s'il y a plus de jeunes qui fument, utilisent des saveurs, même aussi de la recherche sur l'abandon et la réduction des méfaits. Mais il faut qu'on ait une réglementation, il faut qu'on sache ce qu'il y a dans les produits qui sont sur le marché, et ça, c'est vrai pour la nicotine mais aussi pour les autres composants. Pour que la cigarette électronique puisse avoir un effet pour aider les fumeurs, il faut qu'il y ait assez de nicotine, mais on ne veut pas que ce soit un produit toxique. Donc, dans ma proposition, je demandais de demander au gouvernement fédéral... mais, moi, ce qui importe, c'est qu'on ait des normes sur ces produits-là.

Et vous voyez, en prochaine diapo — et ça, je suis surpris un peu que personne n'en ait parlé — ça, c'est la cigarette électronique de Philip Morris. Elle est déjà sur le marché au Japon depuis novembre dernier. Et ça, c'est une annonce qui vient d'un «vape shop» de Suisse qui m'a été envoyée la semaine dernière, parce que c'est disponible maintenant depuis le début d'août en Suisse et en Italie, et vous voyez le dispositif qui chauffe le produit mais qui le vaporise aussi. Alors, on ne sait pas vraiment ce qu'il y a dans ça, et c'est certainement inquiétant.

Ma dernière recommandation, dernier enjeu. La vapeur est beaucoup moins nocive que la fumée du tabac, et la cigarette électronique a un potentiel pour l'abandon du tabac et la réduction des risques. Alors, on pense, nous, qu'une fois que le gouvernement fédéral, ou provincial, aura établi des normes fixant les concentrations maximales il faut que la cigarette électronique, elle demeure disponible pour les adultes qui veulent l'utiliser. Et on a trois recommandations. On pense qu'il est important...

Le Président (M. Tanguay) : Dr Gervais, vous avez déjà dépassé de 3 min 30 s, alors si vous voulez vous garder du temps pour... C'est sur le temps de la ministre, pour discuter avec la ministre.

M. Gervais (André) : ...diapo, et j'ai terminé. On en a trois, recommandations : interdire les saveurs qui sont les plus attrayantes pour les jeunes — on a déjà idée de ce que c'est — affiche des avis de santé sur les risques des produits des cigarettes électroniques et exige des instructions détaillées sur l'utilisation pour que les fumeurs qui vont vouloir l'utiliser pour vapoter sachent comment faire.

• (14 h 30) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, du bloc d'échange de 20 minutes que vous avez avec la ministre on doit en enlever quatre, donc il reste 16 minutes. À vous la parole, Mme la ministre.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Dr Gervais et Mme Loughlin — c'est-u comme ça qu'on le prononce? — ...

Une voix : O'Loughlin.

Mme Charlebois : ...O'Loughlin, excusez-moi, et Dre Harvey, merci d'être là, parce que ça va enrichir nos connaissances. Jusqu'à la fin de l'après-midi, on a des mémoires, puis je trouve ça important de prendre le temps d'entendre tout le monde avant de fixer nos positions, parce qu'on peut apprendre plein de choses jusqu'à la fin de la journée, et, oui, le projet de loi va mériter des amendements. Ce qu'on souhaite, c'est de bonifier le projet de loi, tout le monde ici, autant les députés du gouvernement que les députés de l'opposition, alors on va écouter les mémoires jusqu'à la fin de la journée, ensuite on va pouvoir travailler, tout le monde ensemble, pour bonifier le projet de loi.

Ceci étant, merci d'être venus nous rencontrer et nous exposer... J'aime la façon dont vous avez commencé votre présentation, parce qu'honnêtement ça touche, «maladie pédiatrique». Là, là, c'est assez clair que ça commence jeune, les dépendances, hein? Là, ce que j'ai compris, ce que j'ai entendu, c'est que la fumée secondaire touche déjà les jeunes et les rend déjà dépendants, donc potentiellement les futurs fumeurs. Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Harvey (Johanne) : Vous avez bien compris. Mais même avant ça. C'est-à-dire que les études démontrent, et de plus en plus, que, même in utero, le foetus exposé à, dans le fond, de la fumée et à la mère qui fume est déjà exposé et peut avoir des conséquences éventuelles là-dessus, sur une éventuelle dépendance. Mais dès la naissance... je ne suis jamais surprise, lorsque je fais les conseils en pouponnière... parce que, oui, je suis spécialiste en médecine de l'adolescence, mais je couvre les gardes en pédiatrie générale et en néonatalogie. On donne toujours des conseils, au départ, de prévention, et tout ça, et je suis toujours estomaquée par la fameuse hotte que vous parliez ce matin, comment... en peu de temps, j'essaie, du mieux que je peux, de prévenir et d'enseigner aux parents comment cette fumée secondaire là a une puissance, si on veut. Alors, l'importance de la prévention est là, mais, comme je le dis souvent à mes collègues médecins de famille et gynécologues, avant même que le bébé soit né. Donc, oui.

Et un cerveau en développement... Le Dr Gervais vous l'a montré sur la diapo, mais les études le démontrent de plus en plus, et, entre autres, aux États-Unis, des gens nous présentent là-dessus aussi, que le développement... On pensait qu'à l'adolescence... à la fin de l'adolescence, on pensait au chiffre magique de 18 ans, mais ce n'est pas le cas, on parle maintenant de 24, 25 ans, d'où, possiblement, le 20... vous disiez, à partir de 20 ans, justement, où vous étiez surpris que les statistiques étaient toujours à la hausse. Ça plaît à l'esprit qu'une de ces particularités-là vient justement de l'effet de l'importance de la nicotine et la dépendance que ça crée au niveau du cerveau. Et ce qu'on sait aussi, c'est que cette dépendance-là à la nicotine peut nous amener à d'autres types de dépendance à d'autres drogues aussi, ce qui est inquiétant. Donc, la susceptibilité de notre cerveau d'adolescent, il faut en prendre soin puis il faut prendre soin de notre génération qui s'en vient.

Mme Charlebois : C'est important, ce que vous dites là. Non seulement on crée une dépendance chez l'enfant à venir et/ou l'enfant qui est déjà là, mais on a entendu ce matin que le tabagisme magane — c'est parce que je pense toujours à la campagne Magane pas tes organes, là — magane les organes de toute la population, y compris les jeunes, attaque le cerveau, le développement du cerveau d'un jeune. Ce que j'ai entendu, c'est que, honnêtement, les zones de récompense et de stress et d'émotivité sont touchées. C'est grave, là.

Mme Harvey (Johanne) : Avant de laisser la parole à ma collègue Jennifer, j'aimerais dire aussi que ce qu'on ne parle pas assez souvent... Oui, on a parlé, ce matin — Dr Arruda, entre autres — de l'asthme en pédiatrie aussi, mais je peux être en mesure de vous dire, à titre de clinicienne aussi travaillant avec des jeunes atteints de fibrose kystique, atteints de maladies chroniques comme le diabète, l'arthrite, etc., les études nous démontrent aussi qu'ils sont à risque d'augmentation de complications de leurs maladies plus précocement. Entre autres, dans le diabète de type 1... tu sais, on pense que c'est loin, les atteintes vasculaires, et tout ça, mais ils ont 30 % à 50 % d'augmentation de morbidité et mortalité, ces jeunes-là, dans le futur, avec le diabète de type 1. Donc, ce n'est pas juste... C'est, oui, beaucoup, on le voit —ce matin, vous le mentionniez aussi, dans l'asthme, entre autres — et, oui, effectivement, je suis d'une tristesse lorsque je donne congé à des jeunes avec, oui, des inhaleurs, et tout ça, pour traiter... la cortisone, etc., mais que je sais que je laisse partir cet enfant-là ou cet adolescent-là dans un milieu d'exposition secondaire immense. Pourquoi? Parce que, quand je rentre, en plus, dans la chambre, ça sent la cigarette partout. Alors, même moi, je suis exposée, parce que les parents ne sont pas là pour que je puisse leur donner les conseils, ils sont partis fumer justement à la porte de mon établissement.

Je laisserais Jennifer vous parler plutôt de l'impact, là, justement, au niveau...

Mme O'Loughlin (Jennifer) : O.K.

(Interruption) Je m'excuse, je pense que je fais un petit peu de l'asthme, moi.

Ça me fait penser aux deux études qu'on a faites chez nous, et ce sont des études qui ont été faites chez les jeunes qui n'ont jamais fumé, c'est-à-dire, les jeunes de 10 à 12 ans dans la première étude puis je pense que c'est 12 à 13 ans dans la deuxième étude. Ils n'ont jamais eu le «nicotine delivery device» dans la bouche, O.K.? Puis on a posé des questions pour mesurer la dépendance à la nicotine chez les jeunes. C'est un peu un défi. Comme n'importe quelle mesure, il faut prouver la validité, la fiabilité, et tout ça. On a utilisé les très bonnes mesures avec ces jeunes. Ils comprennent les questions; aucune question. On a fait des «focus groups», etc. On a trouvé que 5 % de ces jeunes... Il y a eu, dans le premier échantillon, 1 400; puis, dans le deuxième, je pense que c'était 2 000 quelque chose. Puis, dans le premier, 10 à 12 ans, 5 % des enfants rapportent des symptômes de dépendance à la nicotine. Dans le deuxième, c'était un petit plus âgé, 7,8 %. Quand on a investigué c'est quoi, les facteurs qui prédisent ça, c'est surtout les jeunes qui vivent dans les familles où il y a les fumeurs et aussi le fait de voyager dans une automobile où il y a des personnes qui fument. Donc, «you know», je pense que c'est une illusion maintenant de penser que, «you know», les seules personnes qui peuvent avoir des expériences de symptômes de dépendance, c'est les gens qui mettent la cigarette dans la bouche. Nos enfants ont des expériences de la dépendance, puis, pour moi, j'aimerais ne pas voir ça.

Mme Charlebois : Il serait souhaitable... On a eu une petite fille ce matin, là, une jeune fille, là, une adolescente, qui est venue nous faire un témoignage, puis, elle, son rêve, c'est qu'on ait une génération sans fumée éventuellement. Mais pour ça il va falloir que les adultes se prennent en main, parce qu'on est des modèles pour eux, hein? Et, honnêtement... moi, je vous le dis, là, j'ai entendu plein de choses, j'ai entendu les dépendances, mais, quand on commence à parler... quand on dit «tous les organes»... puis là on est allé dans le cerveau, c'est quelque chose qui est inquiétant. Je pense que, si tous les gens avaient entendu ce qu'on a entendu depuis cinq jours, il n'y a plus grand monde qui fumerait, honnêtement. Comment on peut continuer de plaider, comme la compagnie de tabac qui est venue ici... Je ne sais pas comment ils font, mais, en tout cas, ils l'ont fait.

Parlons donc des chambres fumeurs dans les établissements. Vous nous avez parlé de ça et vous souhaitez qu'il n'y en ait plus, sauf dans les CHSLD.

M. Gervais (André) : ...les chambres fumeurs, je pense qu'elles devraient être interdites partout, c'est les fumoirs que je pense qu'ils pourraient rester en CHSLD, en exception, par compassion. D'abord, les chambres fumeurs, c'est très difficile à gérer. Ils sont censés les mettre toutes ensemble et, s'il y en a une un peu partout... On a entendu ce matin comment la fumée de tabac, elle passe partout, on est exposés. Et, en plus de ça, ce n'est pas seulement les patients, c'est les travailleurs de la santé. Et, au cours des années, moi, j'ai reçu plein d'appels de travailleurs de la santé, même qui vont faire des visites à domicile des fois, qui se plaignent puis qui disent : Qu'est-ce que je peux faire pour ne pas être exposé, ça fume tout le temps? Et je n'ai pas beaucoup de réponses à leur donner, là. Alors, c'est inéquitable et pour les patients non-fumeurs et aussi pour les travailleurs de la santé.

Les fumoirs; c'est très difficile d'installer un fumoir qui fonctionne. La loi, elle prévoit que c'est un fumoir avec pression négative qui a une porte qui se ferme automatiquement. Le service d'inspection, ils ont vu qu'ordinairement ce n'est pas respecté, les fumoirs ne sont pas conformes. Souvent, les portes sont ouvertes, il y a de la fumée qui s'échappe. Alors, c'est pour ça que je pense que, s'il reste des fumoirs, il faut qu'ils soient selon les règles, mais il devrait y avoir seulement ça, puis seulement en CHSLD, en compassion. Et, à part ça, je pense, ça devrait être éliminé totalement.

Mme Charlebois : Mais ce que vous souhaitez en même temps, c'est qu'il y ait des programmes d'abandon du tabagisme, du coup, implantés, parce que le patient qui arrive... Moi, je pense à mon père. Quand il est arrivé à l'hôpital pour fin de vie, parce qu'à l'époque on n'avait pas de maison de soins palliatifs dans notre région, bien, même s'il était en train de mourir d'un cancer du poumon, la dépendance était tellement forte qu'à l'occasion il me demandait : Descends-moi en bas, je veux aller fumer, et il n'y arrivait pas en plus, tu sais.

Mais tout ça pour vous dire que, si on réglemente, c'est : pas sur le terrain, il n'y a plus de fumoir, il n'y a plus rien, donc, il va falloir aider les gens, parce que ce n'est pas tout du monde en fin de vie, là, il y en a qui se font opérer pour le foie ou pour toutes sortes d'affaires.

• (14 h 40) •

M. Gervais (André) : Là, on parle de pour tous les établissements de santé. Et on fait déjà ça, il y a beaucoup d'hôpitaux à Montréal... et vous allez avoir Dr Alain Desjardins cet après-midi qui va vous venir vous parler, qui a un programme extraordinaire à Sacré-Coeur, et l'idée, c'est que, quand quelqu'un entre à l'hôpital, qu'il est fumeur, il faut qu'il soit identifié et il faut tout de suite qu'on lui offre des thérapies de remplacement de nicotine, s'il ne peut pas fumer, pas pour le faire cesser de fumer, mais pour éviter qu'il soit en sevrage quand il entre à l'hôpital. Parce qu'il y a beaucoup de patients, ils sont tellement inconfortables ou... Si vous fumez deux paquets par jour ou même un paquet, vous rentrez à l'hôpital, vous ne pouvez pas fumer, c'est l'enfer. Alors, qu'est-ce que vous faites? Vous trouvez un moyen de vous sauver pour aller fumer à l'extérieur ou vous avez un préposé qui va vous amener, avec tout ce que ça implique de trouble.

Alors donc, il faut d'abord leur donner quelque chose pour les aider à ne pas avoir le sevrage puis tout de suite commencer la démarche pour les aider à cesser de fumer et...

Mme Charlebois : Est-ce que c'est déjà comme ça?

M. Gervais (André) : Il y a beaucoup d'hôpitaux qui sont déjà comme ça à Montréal. On a eu, je pense, au cours des 10 dernières années, une dizaine d'hôpitaux... Dr Desjardins va pouvoir vous donner un témoignage là-dessus tout à l'heure, parce qu'il va aussi parler de l'Institut Albert-Prévost, qui devient sans fumée, là.

Mme Charlebois : Oui. Puis on a eu Pinel, puis il y a un centre jeunesse...

Une voix : ...

Mme Charlebois : Vous savez que, dans les centres jeunesse, qui relèvent aussi de ma responsabilité, ce que j'ai appris, c'est qu'il y a plus de fumeurs à la sortie que quand ils sont arrivés.

Mme Harvey (Johanne) : J'ai demandé à ma collègue qui travaille au centre jeunesse, parce qu'on est deux à couvrir un peu les soins aux adolescents... et puis on a deux centres jeunesse, dans le fond, un au Lac-Saint-Jean, un à Saguenay. Donc, celui à Saguenay, il y a environ une cinquantaine de jeunes, 70 % sont fumeurs, mais 40 %, en général, selon leurs statistiques, initient la cigarette durant leur séjour en centre jeunesse. Donc, c'est quand même impressionnant. On leur permet dans ce qui n'est pas fermé, là, dans le... ceux qui ne peuvent pas sortir ne peuvent pas sortir, mais, ceux qui ont la possibilité de sortir, on leur permet cinq cigarettes par jour, accompagnés d'un éducateur qui souvent ou la plupart du temps va également, malheureusement, fumer avec le jeune qu'il supervise. Et la seule autre règle qu'ils ont, du moins dans mon secteur, c'est que ces cigarettes ne soient pas aromatisées mais... et ni de cigarettes électroniques pour l'instant. Mais c'est quand même inquiétant, là, de savoir effectivement que des jeunes déjà en situation, si on veut, fragilisés au niveau, si on veut, entourage psychologique, etc., sont exposés puis, en plus, ressortent avec cet instrument, comme on a dit ce matin, pour la mort éventuelle.

Mme Charlebois : On a eu un témoignage d'une dame ce matin. Il y a 50 ans, de temps à autre, quelqu'un nous disait : Ce n'est pas bon, fumer. Aujourd'hui, on sait que ce n'est vraiment pas bon, on sait que ça amène le cancer, on sait ces choses-là. Est-ce que les gens sont sensibilités au fait que les adolescents... et jusqu'à l'âge adulte, 25 ans, les cerveaux sont touchés? Est-ce que c'est connu, ça, dans la population?

Mme O'Loughlin (Jennifer) : Moi, quand on fait les projets de recherche, on va dans les écoles secondaires, puis on donne des discours aux élèves puis on dit, «you know», qu'est-ce qui se passe avec la fumée une fois que tu as inhalé ça dans le corps, puis : Ah! ça va dans les poumons. Puis ils n'ont aucune idée que ça rentre dans le cerveau, que ça change qu'est-ce qui est, «you know», les centres... ça «activate» les centres spécifiques dans le cerveau. Il y a un manque de connaissances sur la biophysiologie de qu'est-ce que la nicotine fait.

Puis il y a aussi une autre chose, c'est les façons qu'on métabolise la nicotine, c'est très important, il y a beaucoup d'études là-dessus, si on a les métabolisateurs lents ou normaux, O.K., et ça dépend sur la génétique. Tous les systèmes, tout ce qui se passe dans le cerveau, dans le corps, et tout ça, il y a une base génétique à ça. Quand on a la base génétique puis l'environnement, quand il y a les interactions, c'est ça qui cause les risques, et tout ça. Qu'est-ce que je voulais dire? Je pense que je voulais dire que, dans notre population, il y a les gens qui sont très, très, très à haut risque à cause du profil génétique, à cause de la neurophysiologie, à cause de la biologie, à cause de l'environnement social.

Les jeunes à risque modéré puis les jeunes qui peuvent fumer des cigarettes, dans nos études, 72 % des jeunes qui essaient la cigarette ne font pas la progression, ils n'ont pas ces profils de risque. C'est les 28 %, 30 %, puis... il nous dit : C'est 50 %. C'est ce sous-groupe-là que, si j'ai un outil magique où je peux dire : Bon, c'est vous qui êtes à risque... «you know», il faut faire quelque chose, des approches à haut risque. Parce que, maintenant, toutes nos approches — santé publique, la loi, et tout ça — ce sont les approches populationnelles. Ça touche tout le monde, et tout ça. Mais là il y a un sous-groupe, je suis convaincue... je pense que mes collègues sont convaincus que ce sous-groupe à risque génétiquement, «neurobiologically» puis d'une façon sociale, ça, c'est le groupe avec lequel il faut travailler.

Le Président (M. Tanguay) : Un dernier mot, Mme la ministre?

Mme Charlebois : Je vais laisser mes collègues... mais j'aurais aimé ça vous entendre parler de menthol, parce que je comprends que les compagnies de tabac ont intérêt à aller sur les groupes à risque, notamment chez les jeunes.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je dois maintenant céder la parole à notre collègue de Rosemont pour une période de 12 minutes.

M. Lisée : Merci infiniment, Dr Gervais, et vous tous, d'être là. Dre O'Loughlin, Dre Harvey, merci. Écoutez, on est à la fin d'un certain nombre de jours de présentation, donc on a couvert beaucoup de terrain.

Effectivement, comme l'a dit la ministre, vous apportez un éclairage nouveau sur ce qui est l'impact sur le cerveau, puis effectivement les dernières connaissances... J'ai entendu parler de ce débat-là, d'ailleurs, sur la responsabilité criminelle jusqu'à 25 ans. Est-ce que, jusqu'à 25 ans, on sait vraiment... Normalement, on dit : L'âge de raison, c'est à sept ans. Si tu as un fusil puis tu tires, quelqu'un va mourir, tu devrais le savoir. Alors, il y a tout un débat sur la déresponsabilisation ou la réalité du développement du cerveau, puis, comme vous l'avez noté tout à l'heure, j'étais frappé de voir qu'il y a eu une stabilité de 30 % de fumeurs dans le groupe de 20 à 35 ans. «They should know better, doctor.»

Maintenant, quand on dit que le cerveau de l'enfant se développe... et du jeune adulte, jusqu'à 25 ans, il n'en reste quand même pas plusieurs... tu sais, il doit avoir 98 % qui est développé à 20 ans puis il lui en reste 3 % à... Qu'est-ce qu'on sait, là, de ce qui manque, disons, entre 18 et 25 ans? Quel est l'état de la science là-dessus?

Mme Harvey (Johanne) : En fait, ce qu'on découvre, je dirais, avec les années... parce que, comme vous disiez tout à l'heure, ça fait 50 ans, hein, qu'on voit des nouvelles sciences arriver là-dessus, mais là, en fait, ce qui est nouveau pour nous aussi dans les dernières années, c'est, dans le fond, la façon dont se développe le cerveau et dans quels secteurs en premier et lesquels en dernier. Alors, ce qu'on découvre, c'est surtout que tout ce qui est en frontal, comme on dit, en avant, où le front, c'est les dernières parties qui semblent, au niveau du développement, arriver. Alors, c'est tout ce qui implique, là, l'impulsivité, le potentiel de décision, etc. Donc, si on veut me rendre dépendante à la nicotine, mais, en plus, mon pouvoir ou ma capacité de décision, ou quoi que ce soit, est un peu, si on veut, pas encore mature, bien ça me met encore plus à risque de poursuivre mon...

M. Lisée : ...ils ne le voient pas parce qu'on n'est pas à l'écran. Donc, c'est le contrôle...

Mme Harvey (Johanne) : ...bleu à gauche, en haut.

M. Lisée : ...oui, le contrôle de l'inhibition.

Mme Harvey (Johanne) : De l'inhibition, exactement.

M. Lisée : Alors, moi, j'ai une fille de quatre ans qui veut tout tout de suite, donc, elle n'a pas appris que ça ne sera pas tout de suite, O.K., et, même si elle comprend que ça ne se peut pas que ça soit tout de suite parce qu'on n'est pas arrivés encore, elle continue à le dire, alors il lui manque donc la gestion de...

Mme Harvey (Johanne) : Vous en avez encore pour 21 ans.

M. Lisée : Oui, c'est ça. J'espérais seulement 14. Alors, c'est la mauvaise nouvelle de la journée. Alors donc, c'est la capacité de dire non ou de comprendre qu'il y a des choses qui ne se font pas ou de comprendre les conséquences de nos gestes. Mais je reviens à ma question. Donc, évidemment, il y a de l'inhibition qui se développe à partir de l'âge de raison et même avant. Donc, qu'est-ce qui manque dans les dernières années, est-ce qu'on le sait, ça?

• (14 h 50) •

Mme Harvey (Johanne) : Le pourcentage, on ne le connaît pas exactement, mais, je vous dirais, par expérience clinique de quelques années maintenant, je disais souvent aux parents pour les jeunes qui avaient certains facteurs de risque, ce qui n'est peut-être pas l'état de votre jeune actuellement... mais ce que je disais souvent : Écoutez, moi, je vais le suivre, votre jeune, jusqu'à 18 ans, mais ne craignez rien, on va continuer, jusqu'à 21 ans, à voir son potentiel; j'en ressens un, il y a une flamme, il y a quelque chose. À 23 ans, vous allez vraiment être un peu soulagés, mais, à 25 ans, vous allez le savoir.

Et je n'avais pas nécessairement toute cette science-là, mais c'est un peu le développement que j'ai pu voir chez des jeunes qui ont un bon potentiel mais qui parfois, autour d'eux... ou ont certains facteurs de risque, mais avec, si on veut, une prévention autour soit par du personnel que ce n'est pas nécessairement médical, mais des gens autour pour les supporter, ils vont finir par avoir une meilleure qualité de vie, si on veut.

Pour l'initiation au tabac, clairement, les deux principaux facteurs de risque qui sont connus, c'est le tabagisme parental et la dépendance de mes parents au tabac. Donc, les deux ont rapport à nos parents adultes. Donc, il faut aussi énormément travailler sur cette perspective-là de cessation tabagique chez l'adulte pour pouvoir aussi aider nos jeunes. Donc, le projet de loi... merveilleux, mais il faut aussi penser à tout l'impact qu'on fait de par le rôle de modèle de ses parents.

M. Lisée : Évidemment, là, la disposition, qui n'est pas contestée, d'interdiction de fumer dans une voiture pour des enfants jusqu'à 16 ans... Pourquoi on dit «16 ans»? Pourquoi est-ce que ça ne serait pas 18 ans?

Mme Harvey (Johanne) : ...effectivement, un de mes questionnements personnels. En fait, premièrement, j'ai très hâte d'assister à mon conseil d'administration de la Société canadienne de pédiatrie pour dire qu'enfin maintenant le Québec va joindre les autres provinces pour le tabac en véhicule. Je vous dis — je suis un peu gênée, parce qu'on publie aux deux ans : En faisons-nous assez? Et puis, à chaque fois, bien nous, on n'a pas fait ça encore. Le 16 ans, je suis d'accord avec vous, personnellement, ce serait 18 ans. Mais, bon, il semble que le jeune à 16 ans peut conduire, mais il peut ne... tu sais, il serait passager à 16 ans, mais, en tout cas, la fumée... il serait... en tout cas. Moi, personnellement, c'est 18 ans, comme bien d'autres provinces, mais, bon, je laisse, si on veut, le côté législatif, et autres, regarder ça, mais, de toute manière, on ne devrait pas fumer, ni l'adulte ni le jeune, exactement.

Mme O'Loughlin (Jennifer) : ...je peux ajouter quelque chose. Vous savez probablement qu'aux États-Unis ils enlèvent l'âge pour acheter les cigarettes, il y a des mouvements pour que ça soit 21 ans, puis c'est exactement à cause du fait qu'il y une neuroplasticité dans les cerveaux de jeunes, et c'est pour un peu avoir un délai dans le temps où les jeunes commencent. Puis nous venons de finir une étude qui est sous revue actuellement dans laquelle on a comparé les jeunes qui ont commencé à 14 ans — c'est de 13 à 14 — avec les jeunes de 15, 16 ans, O.K.? Puis on a mesuré le temps que ça a pris pour rapporter les symptômes de «craving», parce que le «craving», dans l'histoire naturelle de la dépendance, c'est un des symptômes qui apparaît en premier, avant le «withdrawal», beaucoup avant sans cigarette, et tout ça. Puis, même avec nos instruments de mesure, que moi, j'appelle «clunky», puis même seulement avec trois mois entre chacune des mesures, on a observé une différence entre 14 et 16 ans.

Les jeunes de 14 ans rapportent les symptômes de «craving» beaucoup plus tôt que les jeunes de 16 ans. Puis moi, j'étais un peu choquée même, moi, une chercheuse, parce que je pense que, «you know», le fait de capter cette différence avec ce type de données, ça dit que c'est un vrai problème. Puis je doute beaucoup que ce n'est pas seulement à 14 à 15; je pense que c'est un continuum, probablement jusqu'à un âge de 25, 26 ans.

M. Lisée : Aux États-Unis, donc, l'âge légal pour l'alcool, c'est 21 ans depuis très longtemps, ce qui fait la fortune des bars montréalais. On a beaucoup de New-Yorkais et de Bostonnais qui viennent, alors je ne voudrais pas changer ça. Et l'alcool est nocif mais ne crée pas une dépendance aussi forte que la nicotine, hein, c'est un continuum. Ce que vous nous dites, c'est qu'on devrait interdire la vente de tabac jusqu'à 21 ans si on voulait s'approcher de la fin des inhibitions. Mais c'est la même chose pour la loterie. Je veux dire, si quelqu'un à 18 ans n'a pas la capacité de dire non, de voir la conséquence, bien, à la loterie, c'est la même chose. Parce que moi, je suis favorable à ce qu'on ait un régime identique pour la loterie, l'alcool, et le tabac pour le cartage, par exemple, mais, si on suit votre logique, là on irait dans cette direction-là, de 21 plutôt que 18.

Mme Harvey (Johanne) : On pourra revenir pour ce projet de loi.

M. Lisée : Vous savez, la difficulté de... la difficulté parentale, on dit qu'en fait la période la plus difficile pour les parents d'âge des enfants, c'est la quarantaine. C'est le premier divorce, et puis tout ça, c'est ça qui est la difficulté.

Vous allez plus loin que plusieurs autres dépôts de mémoire et vous mettez les établissements d'éducation supérieure. Il y en a beaucoup qui ont dit «cégeps», mais vous, vous mettez «universités». Alors, sur le campus de l'Université de Montréal, Sherbrooke, McGill, on ne pourrait pas, nulle part sur le campus, fumer une cigarette. Vous pensez que ça passerait? Vous êtes des universitaires.

M. Gervais (André) : Moi, je vous dis : Pourquoi pas? C'est vraiment ça, avec tout ce qu'on vient de vous dire. C'est jusqu'à 25 ans où on commence à... on commence à fumer, et c'est un fait que ce groupe d'âge là, là, qui se rend jusqu'à 30 ans, où on voit qu'il y a beaucoup de fumeurs, puis ça ne change pas... Alors, pour moi, c'est important de l'interdire à ce moment-là aussi.

Expérience personnelle, aussi, intéressante : il y a... je pense que c'est après la première Loi sur le tabac, on interdisait les publicités partout, et puis, sur le campus de l'Université de Montréal, il y avait des pleines pages de publicité sur le tabac...

Une voix : ...

M. Gervais (André) : ...parce que c'était comme un endroit où on avait décidé de cibler ces groupes-là, et à ce moment-là j'étais avec le Conseil québécois, on avait même écrit des lettres et manifesté qu'on pensait que ce n'était pas une bonne idée de continuer toute la publicité dans le milieu universitaire. Et je ne peux pas vous dire, là, vraiment où ils en sont rendus. Il me semble qu'on a réussi à ce qu'ils abandonnent cette publicité-là. Il est clair qu'ils ciblaient l'université. Et il y a toutes sortes d'histoires, dans les universités, sur des initiations où il y a de l'alcool, il y a toutes sortes de choses qui sont fournies par...

M. Lisée : ...d'alcool. Absolument, oui.

M. Gervais (André) : Oui. Écoutez, les jeunes, je pense qu'ils sont encore en maturation, là, puis là on l'a prouvé, là, scientifiquement, le cerveau, il est encore en phase de maturation puis il n'est pas encore capable de faire toutes les décisions éclairées; bien, on met le paquet là. Alors, pourquoi est-ce qu'on permet que les jeunes puissent fumer? Le message, c'est de leur passer que ce n'est pas bon pour eux non plus.

M. Lisée : Mais rien n'empêche une université en ce moment de se déclarer zone sans fumée. Est-ce qu'il ne serait pas préférable... Parce que moi, je ne suis pas timide, là, vous avez peut-être remarqué, dans les mesures antitabac, mais je sais que, dès qu'on touche le milieu de jeunes adultes, la question de la liberté individuelle puis de l'autodétermination est très forte, et on ne veut pas non... en tout cas. Donc, il faut en discuter. Et vous parlez des jeunes dans la jeune vingtaine qui sont dans les universités. L'immense majorité des jeunes dans la jeune vingtaine sont au travail, dans des lieux de travail, et est-ce que ce ne serait pas une bonne idée peut-être, dans un premier temps, de faire une campagne, déclarer votre université, votre entreprise lieux sans fumée? Et puis ça serait relativement facile de faire en sorte que les universités soient les premières à le faire. Puis là, tu sais, on veut généraliser les lieux sans fumée. C'est une idée que je vous soumets.

M. Gervais (André) : Il y a 30 ans, c'était dans les hôpitaux que je faisais cette campagne-là pour avoir des lieux sans fumée, et puis le seul moyen que j'ai réussi à les avoir, c'est quand vous avez passé la loi en 1986. Et j'ai passé trois ans en comité, en rencontre, j'ai rencontré beaucoup de personnes que je connais encore et que j'aime beaucoup, là, ça a été une bonne occasion de rencontrer des collègues. Mais, à moins que vous traciez le chemin puis que vous disiez : Écoutez, dans notre société, ce qui est normal, c'est de ne pas fumer, ça ne se passe pas parce que, là, à ce moment-là, chaque établissement doit le faire.

Même chose pour les établissements de santé. Là, si vous ne dites pas : On ne fume plus sur les terrains extérieurs, bien là on va faire des comités puis des rencontres comme on a fait avec le Centre jeunesse de Montréal. Ça nous a pris au moins deux, trois ans avant qu'ils fassent ce qu'ils font actuellement. Ils sont venus vous présenter un beau témoignage.

M. Lisée : ...ce serait d'augmenter la cotisation salariale du fonds des soins de santé, donc patronale, pour ceux qui refusent de se déclarer sans fumée. Il y aurait, à ce moment-là, une incitation forte...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous cédons maintenant la parole à notre collègue de Lévis pour huit minutes.

• (15 heures) •

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, bienvenue, merci d'être là. Il y a beaucoup de choses, oui, qui se sont dites depuis le début. Mme Harvey disait : Je suis gênée. Hein, vous disiez : Je suis gênée de voir qu'on n'interdise pas aux gens de fumer dans un habitacle, dans un véhicule automobile, en compagnie de jeunes.

Puis, en même temps, allons plus loin : c'est gênant de voir des gens qu'on est obligés d'autoréglementer... ou de réglementer, plutôt. Tu sais, de voir un papa qui va conduire les jeunes à la pratique de hockey du samedi matin en fumant dans la voiture, en faisant faire du sport aux jeunes, c'est vrai que c'est... et ça aussi, c'est gênant. Qu'est-ce qui fait... Expliquez-moi, parce que vous avez poussé très loin l'analyse. Les parents fumeurs ou les fumeurs, en tout cas ceux que je rencontre, me disent : On comprend très bien ce que vous nous dites là depuis toutes ces heures-là. Ils comprennent très bien l'incidence sur la santé, le danger pour les proches. Ils le comprennent, et c'est ce qu'ils nous disent souvent : On n'est pas fous, on le sait.

Est-ce qu'il faut que je comprenne que cette dépendance à la nicotine dont vous me parlez est à ce point puissante qu'au-delà de ce qu'on sait faire puis le mal qu'on se fait puis qu'on fait aux autres on ne peut pas s'en sortir? C'est à ce point-là? Est-ce qu'on parle là d'une des substances les plus addictives que l'on connaisse?

M. Gervais (André) : Je pense qu'on va tous dire oui. On n'a pas beaucoup de dissidence là-dessus.

Mme Harvey (Johanne) : Le Dr Arruda avait mis la table ce matin là-dessus, mais oui.

M. Paradis (Lévis) : Alors, il faut forcer les gens, on n'a comme pas le choix dans ce domaine-là. À tous ceux et celles... parce que vous savez que dans tout ce qui se dit...

Mme Harvey (Johanne) : ...que les autres provinces qui l'ont fait, entre autres, dans les véhicules automobiles, bien, oui, ça démontre... c'est malheureux, mais actuellement, oui, les lois, les taxes, c'est des outils qui sont utiles et nécessaires actuellement dans notre société, oui, mais, entre autres, parce que le pouvoir de dépendance important de cette substance-là...

M. Paradis (Lévis) : Je suis la logique et je profite du fait que vous soyez là parce qu'on est écoutés. Il y a des gens qui, au terme de l'exercice, vont dire «vous allez trop loin» ou «ça n'a pas de bon sens» ou «laissez-nous vivre, arrêtez de nous montrer du doigt». Vous l'avez entendu 1 000 fois comme moi.

Alors, je profite du fait que ces gens-là écoutent peut-être pour comprendre, à travers vos paroles, l'importance de ce dont on discute ici, donc la dépendance. Dans les études que l'on fait, lorsqu'on sort des statistiques et qu'on dit que, chez les jeunes de 12-17 ans, par exemple, x pour cent, puis c'est déjà très élevé, l'ont déjà essayée, la cigarette, ou la cigarette électronique... ou dans les derniers 30 jours, est-ce qu'on a réussi à ventiler ces statistiques-là et ces pourcentages-là? Et je m'explique. Est-ce que de ces jeunes-là que l'on a ciblés comme étant des fumeurs débutants... est-ce qu'ils sont issus de familles où ça fume?

Mme O'Loughlin (Jennifer) : ...que, dans notre étude qu'on a faite à Montréal, Nicotine Dependance in Teens, qu'il y a des jeunes Québécois... on les a suivis pendant 13 ans, on a commencé à 12, 13 ans, puis on voit que, jusqu'à 24 ans, 66 % vont essayer la cigarette, O.K., 66 %, mais, parmi ce groupe-là, il y a des sous-groupes, il y a des sous-groupes qui vont essayer une fois puis laisser, ils vont essayer deux, trois, quatre fois. Ce sont des jeunes qui ne progressent pas, il n'y a pas une «escalation» dans leur tabagisme.

Mais il y a 28 % à 30 %... pense que c'est 50 %, qui sont les jeunes qui vont faire une «escalation» à cause des facteurs génétiques, à cause des facteurs neurobiologiques puis à cause des facteurs environnementaux. Puis André nous a dit qu'il y a 6 % parmi le 30 % qui sont «love at first sight», puis moi, je pense que ce sont les gens où ils étaient en «exposure in utero» puis après c'est une «exposure» à la maison, école élémentaire, école secondaire, «they're primed». Eux autres, leurs cerveaux sont prêts à aller... Puis, une fois qu'ils ont le «nicotine delivery device» dans leur bouche, ils disent : Moi, je suis chez moi, j'ai trouvé qu'est-ce que j'ai besoin de...

M. Paradis (Lévis) : C'est le groupe à risque que vous identifiiez tout à l'heure sur lequel on devrait intervenir davantage.

Mme O'Loughlin (Jennifer) : Très à risque. Mais moi, je pense que c'est le 25 %, 30 % qui vont devenir des fumeurs, à long terme, «sustained», avec une dépendance à la nicotine. Parmi ce groupe, il y a un groupe très, très, très à risque pour ces raisons-là.

M. Paradis (Lévis) : Je profite de votre science également. Vous me parlez de nicotine et de dépendance, et là il y a des fumeurs qui nous diront... puis je m'adresse à eux, là, il y a des fumeurs qui disent : Bien, moi, O.K., je vais tomber dans la cigarette électronique, j'enlève tous les produits qui risquent de me coûter la vie, parce que la nicotine, ce n'est pas dangereux. Il n'y en a pas, de danger pour la santé, sinon que ça va changer, par exemple, dans la formation du cerveau, des zones dont vous me parlez, ou etc.

Est-ce qu'il y a un danger, outre la dépendance au produit, à la santé pour quelqu'un qui décide de fumer, par exemple, une cigarette électronique avec de la nicotine, se disant : Bien, j'évite le cancer?

M. Gervais (André) : Votre question est très large, là. D'abord, vapeur avec une cigarette électronique : beaucoup moins dangereux que fumer avec le tabac. Ce n'est pas une vapeur pure de nicotine actuellement. C'est un produit qui a encore des risques plus élevés que la nicotine pure ou à peu près pure qu'on a dans nos timbres de nicotine, nos gommes ou nos pastilles. J'ai des patients... j'en ai même qui, depuis 12 ans, prennent des gommes de nicotine, et on n'a pas d'étude qui montre qu'il y a des risques à long terme de prendre de ces produits-là, qui sont de la nicotine à peu près pure. Alors, on n'a pas beaucoup d'études, mais au moins on n'a pas beaucoup d'évidences. Alors, la nicotine seule, ce n'est pas ça qui cause toutes les maladies reliées au tabac, c'est les 7 000 autres produits, là. Alors donc, c'est une chose.

Actuellement, la cigarette électronique, un produit où on n'a pas... on ne connaît pas le contenu, il n'y pas juste de la nicotine. Il y a encore des produits cancérigènes — formaldéhyde, nitrosamines — là, qu'on vous a montrés dans les autres sessions. Le produit que je vous ai montré, iQOS, c'est un produit du tabac, il en a probablement encore plus. C'est pour ça qu'avant d'utiliser la cigarette électronique on a besoin de normes pour savoir combien il y a de nicotine mais aussi combien il y a de certains de ces autres produits.

Puis je peux aller plus loin dans ma réponse : la cigarette électronique, actuellement, ce n'est pas un traitement reconnu médicalement pour le traitement pour faire cesser les gens de fumer.

M. Paradis (Lévis) : Est-ce que ça devrait l'être?

M. Gervais (André) : Ça va peut-être le devenir avec la recherche qu'on va avoir.

M. Paradis (Lévis) : Parce que de vos collègues vantent les mérites de cette cigarette-là pour...

M. Gervais (André) : Oui, mais ils le vantent, et ce n'est pas un traitement reconnu. Et personnellement — j'ai ma clinique de fumeurs — j'ai des fumeurs qui vont prendre la cigarette électronique seulement après qu'on va avoir tout essayé et j'en ai qui ont cessé, j'en ai beaucoup plus qui utilisent les deux en même temps : ils prennent la cigarette électronique, la cigarette conventionnelle. Peut-être que ça va mener à l'arrêt complet du tabac. Et, quand ils vont avoir arrêté complètement le tabac, s'ils prennent juste la cigarette électronique, c'est moins dangereux, mais ce n'est pas comme mes gommes de nicotine. C'est encore des produits qui ont un risque plus élevé que de la nicotine toute seule. Alors, il va falloir attendre pour pouvoir dire que c'est le traitement reconnu et qu'on peut le recommander.

M. Paradis (Lévis) : On a parlé de salons de cigares, il n'y a pas bien, bien longtemps, et de chichas, des gens pour dire... dans des salons de cigares, le cigare roulé avec la feuille de tabac, pour certains qui l'utilisent, ils disent : Il n'y en a pas, de problème. Le petit cigarillo, là, où il y a plein de produits... mais le cigare roulé, la feuille de tabac pur, il n'y en a pas, de problème. Ils ont raison ou ils ont tort?

Le Président (M. Tanguay) : En quelques secondes, s'il vous plaît.

M. Gervais (André) : Tous les produits du tabac ont des risques, et, si on inhale le cigare, c'est aussi... tu sais, ils sont tous risqués. Alors, ce n'est pas des produits à bas risque. S'il y a des produits qui ont moins de risque, c'est de la nicotine, là, comme dans la vapeur, qui va avoir beaucoup moins des autres produits. Pour moi, chichas, cigares, cigarillos, c'est tout de la fumée, alors c'est tout dangereux, il n'y a pas de bas risque à ça.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous vous remercions beaucoup pour votre présentation.

Je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 8)

(Reprise à 15 h 14)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux. Nous accueillons maintenant les représentantes, représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation et par la suite vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Peut-être prendre le soin de bien vous nommer, préciser vos fonctions, et la parole est à vous.

Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ)

Mme Francoeur (Diane) : Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, Mmes et MM. les parlementaires, je me présente, mon nom est Dre Diane Francoeur, je suis présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de la Dre Isabelle Samson, présidente de l'Association des médecins spécialistes en santé communautaire du Québec; du Dr Richard Bélanger, représentant de l'Association des pédiatres du Québec; et du Dr Alain Beaupré, président de l'association des pneumologues du Québec.

M. le Président, à notre avis, le projet de loi n° 44 s'inscrit dans une suite logique d'évolution et de nécessaire adaptation à la loi. C'est pourquoi la fédération et ses associations médicales affiliées accueillent favorablement le dépôt de ce projet de loi renforçant la lutte contre le tabagisme. Aussi, cette pièce législative vise à améliorer l'environnement de tous, et ce, dès le plus jeune âge, et nous nous en réjouissons.

Nos commentaires porteront spécifiquement sur les nouvelles mesures introduites par ce projet de loi, vues sous l'angle des spécialités médicales ayant collaboré à la rédaction de notre mémoire.

D'emblée, nous souscrivons pleinement aux sept principales mesures qui sont contenues dans le projet de loi n° 44, c'est-à-dire l'article 2, portant sur l'assimilation de la cigarette électronique aux produits du tabac aux fins de l'application de la loi; l'article 4, portant sur l'interdiction de fumer dans un véhicule en présence d'un mineur de moins de 16 ans et sur l'interdiction de fumer dans les aires communes des immeubles d'habitation comportant deux logements ou plus; l'article 5, portant sur l'ajout des terrasses et des aires extérieures exploitées dans le cadre d'une activité commerciale au titre des espaces publics où l'interdiction de fumer s'applique; l'article 15, sur le resserrement des règles afférentes à l'identification des mineurs dans les points de vente de tabac; l'article 16, portant sur l'interdiction aux adultes d'acheter des produits du tabac pour les mineurs; et finalement l'article 24, l'interdiction de vente au détail ou de distribution du tabac comportant une saveur ou un arôme autres que ceux du tabac.

Historiquement, la première mouture de la Loi sur le tabac, la loi n° 44, a été adoptée à l'unanimité en juin 1998, et ce, en dépit des vives protestations du milieu des affaires. Elle a été ensuite revisitée en juin 2005 avec la loi n° 112, elle aussi adoptée à l'unanimité. Ce qui veut dire qu'en près de 20 ans cet enjeu de santé publique a transcendé la partisanerie, faisant en sorte que tous les partis politiques ont appuyé les pièces législatives visant à combattre ce fléau, et nous les en félicitons. Nous osons espérer la même unanimité pour le projet de loi n° 44.

En février 2014, des médecins spécialistes associés à plusieurs partenaires demandaient une nouvelle révision de la loi. Avec ce projet de loi, le gouvernement répond favorablement aux principales demandes exprimées, et la FMSQ y souscrit totalement.

M. le Président, le tabac tue 6 millions de personnes par année dans le monde. Au Québec, le tabac serait responsable de la mort de plus de 10 000 personnes chaque année, et chaque décès attribuable au tabagisme en est un de trop. Ceci dit, des progrès importants ont été accomplis dans la lutte au tabagisme. Au début des années 1990, le Québec comptait près de 40 % de fumeurs chez les personnes de 15 ans et plus. On fumait partout, même dans les hôpitaux. Aujourd'hui, la proportion de fumeurs se situerait entre 17 % et 22 %. Malheureusement, force est de constater qu'il semble impossible d'éradiquer ce problème, puisque la masse de fumeurs se renouvelle constamment. En effet, encore trop de Québécois sont dépendants du tabac, et trop de jeunes s'y initient. Chaque année, 34 000 élèves de niveau secondaire commencent à fumer. L'initiation au tabagisme survient à l'âge moyen de 12 ans et demi, et 71 % de ces élèves auront consommé un produit aromatisé. Par conséquent, la loi doit encore évoluer pour s'adapter. Il faut savoir que les effets du tabagisme sur la santé sont largement documentés. 85 % des cancers du poumon, le tueur numéro un au Québec, sont attribuables au tabac, ainsi que 30 % de tous les autres cancers. Le tabagisme augmente de manière importante les risques de développer diverses maladies cardiaques, et les risques de décéder de ces maladies sont multipliés par quatre avec le tabagisme. De plus, 25 % des maladies ischémiques du coeur, 85 % des maladies pulmonaires chroniques, 75 % des bronchites chroniques seront causées par le tabac.

Le tabac affecte aussi la maternité. Le foetus exposé au tabac sera programmé à développer des maladies cardiaques à l'âge adulte. Le tabagisme est aussi une maladie pédiatrique à part entière, en commençant par augmenter les risques de mort subite du nourrisson. Soulignons aussi que la prévalence du tabagisme est nettement plus élevée dans les milieux défavorisés.

• (15 h 20) •

Autre fait, nos jeunes de la sixième année du primaire jusqu'à la cinquième année du secondaire s'initient davantage au tabac que ceux ailleurs au Canada. C'est donc la période critique. L'arrivée de nouveaux produits contenant des arômes menace d'annuler les gains réalisés, puisque 26 % des élèves du secondaire en ont déjà fait l'usage, comparativement à 13 % dans les autres provinces canadiennes. Le gouvernement cible ces produits dans le projet de loi, et nous en sommes très heureux. Il faut savoir aussi qu'environ un élève sur trois au secondaire a déjà fait usage de la cigarette électronique. Fait à noter, l'intérêt pour ce produit est, encore une fois, plus répandu ici qu'aux États-Unis, en France ou en Angleterre, et ce, même chez les adultes. Soulignons aussi qu'aucun produit servant à vaporiser ou à administrer de la nicotine par inhalation n'a reçu d'autorisation de mise en marché de Santé Canada. Quant aux cigarettes électroniques sans nicotine, elles sont considérées comme des objets récréatifs, elles n'ont donc pas à obtenir d'approbation.

M. le Président, comme nous l'avons mentionné, le projet de loi n° 44 s'inscrit dans un processus législatif entamé il y a 20 ans. Nous invitons donc les membres de la commission à faire preuve de la même détermination que vos prédécesseurs et à résister, coûte que coûte, devant toutes les objections qui vous seront présentées. C'est pourquoi nous pensons qu'il faut agir sur tous les fronts pour éviter des limites potentielles à la législation.

Voici donc les principales recommandations que nous désirons porter à votre attention : premièrement, que le projet de loi cible aussi les parcs publics et les terrains de jeu pour enfants, cet aspect s'inscrivant comme un message clair sur les risques associés à la fumée secondaire; deuxièmement, que le gouvernement privilégie l'étendue des heures d'interdiction afin qu'il soit interdit en tout temps de fumer dans les établissements, sur les terrains des écoles, incluant les cégeps — cette même interdiction devrait s'appliquer également aux pièces que fréquentent les enfants dans les garderies en milieu familial; qu'une interdiction complète de fumer s'applique au personnel et aux visiteurs sur toute la superficie des terrains des établissements de santé et de services sociaux. Nous souhaitons que le gouvernement mette en place un fonds entièrement dédié à la lutte contre le tabagisme financé à même une partie significative des revenus de la taxe sur le tabac afin que les sommes versées dans ce fonds permettent de financer adéquatement une politique de prévention et un soutien à la cessation tabagique. Nous recommandons aussi que le ministère de la Santé et des Services sociaux adopte une position claire dans son futur plan québécois de prévention du tabagisme chez les jeunes quant aux mesures à mettre en place en milieu scolaire ou communautaire. Pour ce faire, que le ministère travaille en étroite collaboration avec le ministère des Loisirs et des Sports notamment en portant une attention particulière aux écoles situées en milieu défavorisé, lieux jugés plus sensibles pour l'initiation tabagique. De plus, que le gouvernement mette à profit les maisons de jeunes en leur confiant un mandat en matière de prévention et de cessation tabagique et que ces maisons soient assujetties aux dispositions de la loi.

Enfin, nous souhaitons que le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada et Santé Canada s'entendent pour clarifier une fois pour toutes la définition actuelle accolée à la cigarette électronique, que ces gouvernements s'entendent pour resserrer les règles entourant la vente et la distribution de solutions avec nicotine et que des études épidémiologiques soient entreprises sans tarder afin de mesurer l'impact de la cigarette électronique sur la santé des consommateurs.

Finalement, la Fédération des médecins spécialistes du Québec est favorable à l'adoption de règles visant à rendre les emballages de ces produits neutres et standardisés, tout en uniformisant le volet graphique des mises en garde sur ces mêmes emballages.

Par ailleurs, nous invitons les parlementaires à réfléchir à l'opportunité d'inclure dans le présent projet de loi une disposition prévoyant la mise en place et le déploiement d'un programme de cessation tabagique dans tous les établissements de santé du Québec. Nous suggérons également aux parlementaires de se pencher sur les paramètres actuels du programme de remboursement des produits antitabac, dont la période de couverture actuelle de 12 semaines par année est insuffisante. M. le Président, grâce aux différents ajouts et resserrements qui vous sont ici proposés, presque tous les aspects non couverts auparavant par la loi le seront. En misant sur des stratégies efficaces, ces mesures permettront notamment de réduire les effets néfastes sur la santé, qui, trop souvent, commencent dès le jeune âge.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec espère donc vivement que les observations et commentaires contenus dans le présent mémoire permettront aux membres de la commission de bonifier ce projet de loi en vue de son adoption rapide, car, plus que jamais, il importe de briser le cercle vicieux de cette dépendance au tabac en stoppant rapidement le renouvellement critique de la masse de consommateurs. Des milliers de vies sont en jeu tous les jours ici même, au Québec. Leur avenir est maintenant entre vos mains. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, pour une période de 19 minutes, Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, j'ai noté, Mme Francoeur, Mme Samson, M. Bélanger, M. Beaupré, merci d'être là et de nous partager vos préoccupations. C'est vraiment important. Je constate que l'ensemble de l'appareil médical, et de tous les spécialistes, et des médecins omnis, que ce soit... En tout cas, il y a quelque chose, il y a une unanimité là qui devrait nous inspirer tous, les parlementaires, parce que, si tout le monde en médecine dit à peu près la même chose, dépendamment des spécialités et/ou de la pratique que chacun fait dans son domaine spécifique, bien il y a quelque chose, là, il y a quelque chose d'assez évident.

Et vous avez entendu la présentation qui vous a précédés. On a même parlé du cerveau des jeunes. À chaque présentation, il y a des éléments nouveaux qui nous sont relatés. Et je souhaite que nous puissions être entendus à plusieurs endroits et je souhaite que tout ça fasse partie d'un éventuel programme de prévention. D'ailleurs, je vais profiter de l'occasion, parce que vous avez parlé d'une politique de prévention au tabagisme, je vais vous dire qu'on travaille actuellement sur la prochaine politique de prévention en santé, évidemment la prévention au tabagisme va en faire partie, et, une fois que le document de consultation va être prêt, mon adjointe parlementaire, Mme la députée de Crémazie, va partir en consultations. Alors, si vous avez le goût d'émettre des opinions sur différents sujets dans la politique de prévention, ça sera certainement une grande occasion, et nous comptons travailler là-dessus cet automne.

Alors, dans le début de votre mémoire, vous avez parlé des risques qui sont multipliés par quatre. C'est assez frappant, ça aussi. C'est le fun, parce qu'il n'y a pas un corps dans vos professions qui arrive avec les mêmes images, mais ça frappe tout autant à chaque fois. Les risques de maladie multipliés par quatre quand il y a consommation de tabagisme. On n'a pas besoin de revenir sur les cancers, sur les maladies cardiovasculaires. C'est ce qu'on entend depuis le début des auditions.

On entend que le tabagisme est plus élevé dans les milieux défavorisés. Comment vous expliquez ça? Puis que peut-on faire pour eux spécifiquement?

Mme Francoeur (Diane) : Je passerais peut-être la question à Dre Samson, qui est en santé communautaire. Ça fait partie de ce qu'on appelle les déterminants de la santé. Et je l'inviterais à vous répondre, si vous permettez.

Mme Samson (Isabelle) : Bonjour. Merci de l'opportunité. Bien, il y a principalement deux raisons.

D'une part, l'éducation, définitivement, fait en sorte que les gens, d'une part, vont moins fumer ou vont aller chercher plus les ressources de cessation tabagique. Alors, la personne éduquée, elle est plus apte à aller consommer les programmes puis répéter ces initiatives.

Deux, il y a aussi le fait que ces gens-là sont soumis à plus de stress, alors ça peut augmenter le désir de fumer, mais il y a aussi les environnements dans lesquels ces gens habitent. Souvent, il y a plus... puis ça, on n'a pas de cartographie, là, des points de vente de tabac, mais on pense qu'il y a plus de points de vente pour le tabac autour de ces milieux, ce qui fait que c'est plus prévalent. Ce sont des éléments de réponse.

Mme Charlebois : Êtes-vous en train de me dire que les détaillants savent dans quels milieux s'installer?

Mme Samson (Isabelle) : Bien, c'est quelque chose qui serait à valider. C'est une initiative qui serait intéressante de faire une cartographie des points de vente, mais c'est une hypothèse que je soumets. Ce n'est pas fait, mais c'est une hypothèse que je soumets.

Mme Charlebois : Mais on est rendu loin, là. Ça veut dire qu'il y a un marché, ça part du fabricant, là.

Mme Samson (Isabelle) : Souvent, les environnements dans les endroits favorisés sont plus favorables à la santé que les environnements dans les endroits défavorisés. C'est vrai aussi pour l'alimentation et pour la sécurité routière, la vitesse, c'est vrai pour plusieurs choses.

Mme Charlebois : Ça doit être aussi vrai... quand on parle d'adolescence, les périodes critiques, ça doit être encore plus sensible dans les milieux défavorisés que dans les milieux qui le sont un peu plus, parce que les jeunes ont encore... on parle d'éducation, on parle d'environnement, on parle de tout ça. Ça doit être encore plus vrai à l'adolescence chez ces populations-là.

• (15 h 30) •

Mme Samson (Isabelle) : Bien, les adultes en milieu défavorisé fument plus, les jeunes sont plus exposés à la fumée de tabac secondaire. Les jeunes sont plus aptes, je pense qu'on l'a dit, à fumer aussi par après. Et puis ils n'ont pas toujours tout le soutien nécessaire pour l'arrêt tabagique. C'est pour ça que souvent, dans des initiatives de prévention, on va cibler d'emblée les milieux... bien, enfin, d'une façon plus importante, les milieux défavorisés.

Mme Charlebois : Vous nous avez dit que la cigarette électronique était plus répandue ici, au Québec, qu'ailleurs, qu'on considérait ça comme plus récréatif. Comment ça se fait que les Québécois, on est plus portés à essayer toutes sortes d'affaires comme ça? Ça, c'est une bonne question, hein?

Mme Francoeur (Diane) : Ai-je besoin de vous démontrer pourquoi le Québec est parfois une société distincte? Mais on sait que l'adolescence est une période où on aime être différent mais être surtout comme les autres, et souvent c'est la contamination par... dès qu'un petit groupe autour de soi va commencer à avoir un comportement, que ce soit... On sait que les adolescents, dans leur quête de se détacher de leurs parents, vont souvent copier les comportements des gens qui les entourent. Alors, pourquoi, au Québec, les modes sont peut-être plus populaires que d'autres? Je ne sais si mon collègue pédiatre a des...

Mme Charlebois : Même chez les adultes.

Mme Francoeur (Diane) : Même chez les adultes, oui, mais surtout chez les adolescents. Mais les pourcentages sont différents aussi chez les adultes. Dr Bélanger, avez-vous quelque chose à rajouter?

M. Bélanger (Richard) : Il n'y a pas une raison particulière au Québec, mais, en effet, c'est ce qu'on voit avec beaucoup de substances, beaucoup de types de consommation qui sont différents. C'est comme si nos adolescents québécois étaient à l'affût de la nouveauté à l'intersection entre l'Europe et les États-Unis.

Mme Charlebois : Plus curieux. On va dire ça comme ça.

M. Bélanger (Richard) : Ou plus intelligents.

Mme Charlebois : Bien, la curiosité est un signe d'intelligence, non?

Une voix : ...

Mme Charlebois : Bon. Alors, vous avez raison de dire qu'on est dans une démarche de 20 ans, qu'on évolue. Il y a une jeune fille qui est venue nous dire qu'elle rêve d'une génération sans fumée. Est-ce que vous croyez que notre objectif est trop ambitieux, soit 6 %, sur cinq ans, de réduction de prévalence au tabac, évidemment?

Mme Francoeur (Diane) : Tant qu'on aura tant de mal à diminuer le renouvellement de la masse critique de fumeurs, je pense que toute volonté législative sera toujours la bienvenue. Et, si on est encore ici après 20 ans, c'est que ce n'est pas demain la veille qu'on n'aura plus de travail à faire. Je pense que d'avoir des objectifs nobles, c'est toujours une bonne idée. Maintenant, est-ce qu'on sera capables d'atteindre une génération sans fumée? C'est un concept qui est relativement nouveau. Encore une fois, peut-être que Dre Samson pourrait nous en parler davantage, mais c'est sûr qu'on a quand même... vous avez vu, avec tous les groupes qui se sont présentés devant vous, on a encore beaucoup de travail à faire. Alors, je pense que d'avoir des idées, ce n'est jamais trop.

Dre Samson, voulez-vous parler du nouveau concept, de la génération sans fumée? C'est un nouveau concept en santé communautaire.

Mme Samson (Isabelle) : Écoutez, c'est un membre qui m'a parlé de ça, là, je ne peux pas dire que je maîtrise le sujet, mais, si vous voulez qu'on vous en dise plus... Il paraît qu'il y a quelques places, dont la Tanzanie, près de l'Australie, qui, au niveau législatif, changent l'âge d'accessibilité au tabac. Donc, c'est 18 ans, mais 18 ans, ça peut faire transcender le message que, bien, à 18 ans, je suis un grand, donc je peux fumer. Ça peut même passer un message paradoxal d'attrait. Alors, eux autres, ils augmentent l'âge au fur et à mesure que la cohorte vieillit. C'est innovateur, là, mais je ne peux pas vous dire que je suis au courant de toute la science. Si vous le désirez, moi, je peux interpeller ce membre-là puis aller vous donner quelques articles sur ça. Mais c'est de la nouveauté, c'est audacieux. C'est très audacieux.

Mme Charlebois : Ils vont jusqu'à quel âge, justement?

Mme Samson (Isabelle) : Bien là, c'est ça que je vous dis, je n'ai pas les détails, là, mais...

Mme Charlebois : ...même si, dans ce projet de loi ci...

Mme Samson (Isabelle) : ...mais il y a peut-être d'autres places, là, mais c'est l'exemple qui me...

Mme Charlebois : Vous parlez d'intervenants tabagiques dans les écoles, c'est dans votre mémoire. Qui seraient ces personnes-là, puis, parmi les ressources actuelles, qui devrait porter ce titre-là, puis comment ils devraient aborder leur travail?

Mme Francoeur (Diane) : Bien, je vous répondrai que nous sommes tous responsables, c'est un devoir collectif, que ce soit dans nos familles respectives, dans nos milieux de travail, dans les écoles, que ce soient les professeurs, les surveillants, les aides aux devoirs, les étudiants plus vieux. À partir du moment où on se sentira tous investis de contrer les méfaits du tabac, je pense qu'on va réussir à accomplir davantage au niveau de nos objectifs.

Cela dit, ça prend un leader, ça prend des sous, ça prend des programmes, ça prend des subventions pour y arriver, et c'est clair qu'on souhaite que, dans les écoles, par exemple, le corps professoral prenne une place importante à ce niveau-là, mais toute cette bonne volonté doit descendre près des jeunes et parmi leurs cercles d'amis, parmi tous ceux qui organisent des activités parascolaires, et autres. Ça doit devenir un enthousiasme qui ne vient pas seulement de la direction et des professeurs, qui représentent l'autorité, il faut que ça vienne aussi du noyau.

Mme Samson (Isabelle) : Au niveau des stratégies efficaces à la lutte au tabagisme, c'est sûr que la législation, c'est vraiment ce qu'il y a de mieux, puis c'est pour ça qu'on est contents, là, puis aussi il y aurait l'augmentation des taxes qui pourrait être regardée, mais il va demeurer des gens qui vont être tentés par la cigarette, donc il y a quand même des interventions terrain. Puis, pour compléter, parce que c'est vrai, mais il y a une science derrière les stratégies efficaces de prévention sur le terrain, puis ça prend une certaine dose, une certaine intensité puis des conditions d'implantation qui sont bonnes. C'est pour ça qu'évidemment — là, je vais prêcher pour ma paroisse — ça prend un certain financement de la santé publique à ce niveau-là, parce que c'est comme pour tout traitement, d'ailleurs. Je veux dire, si on prescrit un antibiotique deux fois par jour pendant 10 jours, puis la personne le prend une fois par jour pendant 10 jours, bien ça ne sera pas efficace. Puis même chose si elle le prend cinq jours; ce ne sera pas efficace. Puis, dans la science de la sensibilisation de l'éducation en milieu scolaire, ça prend une certaine dose, ça prend une certaine intensité puis ça prend des personnes dûment formées; souvent, c'est des adultes. Les stratégies, c'est des stratégies sociales où les pairs sont beaucoup impliqués, puis il y a du «countermarketing», puis, en tout cas, il y a l'influence sociale, mais ça prend des adultes formés et impliqués.

Ça fait que, comme pour tout traitement, il y a une dose nécessaire puis il y a une qualité nécessaire, puis c'est vrai en santé publique, aussi dans les programmes de prévention.

Mme Charlebois : Mais deux éléments que vous avez apportés... puis je sais que mon collègue de Rosemont va aller là-dessus avec grand plaisir, parce que ça fait deux, trois fois qu'il le fait aujourd'hui, il va y aller, sur la santé publique avec le 7 %, mais je vais juste rabrouer tout ça tout de suite, là, parce que je suis tannée de l'entendre depuis le début de la journée, avant qu'il commence : le 7 %, il était administratif et non pas dans les services, et vous le savez très bien. Deuxième élément...

Une voix : ...

Mme Charlebois : Bien, si c'est coupé dans les services chez vous, il y a un problème dans votre direction régionale.

Une voix : ...

Mme Charlebois : Oui. Je suis d'accord avec vous. Mais l'autre élément sur lequel je veux vous amener et... Non, non, c'est correct, on est là pour échanger. C'est parce que j'ai prévenu le coup, là, je le sais, qu'il me fait ça à chaque fois. On s'aime beaucoup, là, hein, en passant. Depuis le matin qu'on se taquine comme ça. En tout cas, moi, je le taquine, je ne sais pas s'il trouve ça drôle, là, mais, bon... Je vous amène... parce qu'on parle beaucoup de prévention, de la prévalence au tabac, de la prévention sur le tabagisme, la lutte au tabagisme. J'ai le goût de vous entendre, parce que moi, je crois beaucoup que la prévention, en général, a un rôle sur tous les éléments, dont le tabagisme. Notamment, quand on parle de prévention, on parle d'alimentation, d'activité physique. Quand on s'active physiquement, on n'a pas trop le goût de fumer, parce que, premièrement, on n'a pas le temps puis, deuxièmement, quand tu cours, c'est difficile quand tu as le souffle court. On s'entend-u?

Alors, est-ce que vous êtes d'accord avec moi que dans la politique de prévention devrait être tenu en compte, justement chez les jeunes, si on les occupe... Moi, j'ai toujours dit : Un jeune pas occupé, lui, il s'occupe. Qu'est-ce que vous pensez de mon affirmation?

Mme Samson (Isabelle) : Bien, tout à fait. On dit qu'on met de l'avant un fonds pour la lutte au tabagisme, mais on sait aussi que le tabac subventionne d'autres fonds, les fonds de prévention entre autres. Alors, quand on s'affaire au développement de l'enfant, quand on s'affaire à l'activité physique, aux saines habitudes de vie, c'est sûr que, par ricochet, on crée un climat favorable à la santé puis on rend le jeune plus solide et moins apte à fumer. C'est pour ça que, si vous me disiez qu'on investissait tout l'argent du tabac juste dans la cessation tabagique, je dirais qu'on manque un peu la cible. Et, vous avez sans doute entendu, dans notre jargon de santé publique, c'est l'intervention globale, donc, oui, le tabac, oui, les substances nocives mais, en même temps, l'intervention en amont aux déterminants même de l'individu : le développement de l'enfant, les bonnes habitudes de vie, l'activité physique. Absolument.

Mme Charlebois : Qu'est ce que vous dites du neuf mètres? Parce que beaucoup de gens nous ont parlé de la distance de neuf mètres des établissements publics. Pas beaucoup; il y a certaines personnes qui nous ont parlé de ça puis qui nous ont dit que ça va être très difficile dans l'application. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Outre les terrains de centre hospitalier, où on parle, dans le projet de loi, d'éliminer complètement le tabagisme, dans les établissements scolaires, là, mais, dans les autres établissements, on dit : À neuf mètres des portes. Est-ce que vous pensez que c'est un voeu pieux? C'est-u applicable? Pensez-vous que c'est faisable?

• (15 h 40) •

Mme Francoeur (Diane) : Bien, écoutez, tout dépend toujours du milieu qu'on cible. Dans le Vieux-Québec, où les immeubles sont collés les uns sur les autres et il n'y a pas neuf mètres entre les deux trottoirs, ce sera peut-être difficile à appliquer, mais je pense que, si déjà on a la volonté de l'appliquer dans les lieux où ce sera possible... Il ne faut pas se le cacher, tous les gens qui consultent dans un centre hospitalier et qui doivent traverser un rideau de fumeurs avant de pouvoir entrer se sentent agressés par ce rideau de fumée et de fumeurs. Donc, c'est clair que d'étendre la zone davantage, c'est ce qu'on souhaite, mais évidemment la géographie et les lieux feront que ce ne sera pas applicable, tout simplement, dans certains milieux.

Mme Charlebois : C'est neuf mètres de la porte de l'établissement, moyennant jusqu'où va le terrain, évidemment, à la limite du terrain.

Je comprends que vous êtes favorables au projet de loi, mais quelle mesure qui n'est pas dans le projet de loi que vous voudriez voir absolument retenue? Et vous en avez nommé, mais lesquelles sont les plus importantes, selon vous?

Mme Francoeur (Diane) : Bien, je pense que, pour nous, les enjeux, comme Dre Samson l'a dit, liés à la prévention sont très importants. Nous sommes arrivés à la fin de la présentation précédente, mais les enjeux de toute la programmation foetale, c'est une science qui est relativement nouvelle qui n'était pas connue il y a 20 ans. Moi, je suis obstétricienne gynécologue. C'est quelque chose qui m'intéresse énormément. On sait que le foetus... bon, on vous a parlé du développement du cerveau, mais on sait aussi que le foetus développe son coeur et ses artères pendant la période foetale et, s'il est exposé au tabac, il y a beaucoup plus de risques d'avoir le syndrome métabolique, d'avoir des problèmes cardiaques, d'avoir des problèmes d'obésité plus tard.

Alors, ça, c'est une science qui est nouvelle. Donc, ce que nous souhaitons, c'est qu'effectivement toutes les politiques commencent dès la conception et même avant, parce qu'on sait que le tabac affecte aussi la fertilité, qu'on commence avec le cycle de vie, pendant la vie foetale, pendant la vie de l'enfant, de protéger nos adolescents parce qu'on sait qu'ils sont une... c'est une période où ils sont plus à risque, et ensuite, évidemment, de s'adapter à la vraie vie. Tout l'enjeu autour de la cigarette électronique, si c'était facile d'arrêter de fumer, on n'aurait pas besoin de tout ça. Mais pour les vrais médecins — et je vais laisser la parole à Dr Beaupré, mon collègue pneumologue — quand les patients ont tout essayé... C'est comme la diète, là, quand tu as tout essayé, puis ça ne fonctionne pas, bien, s'il y a un petit quelque chose qui peut marcher, là... À la limite, même si c'était de la sorcellerie, on va encourager les gens à essayer encore une fois, parce que le tabac est tellement délétère pour leur santé.

Mme Charlebois : ...sur la cigarette électronique, Dr Beaupré, tant qu'à vous donner la parole. Il y a le groupe avant vous qui nous a dit : 8 000 produits, c'était beaucoup trop... 8 000 saveurs, en fait. Est-ce que vous croyez que c'est une bonne chose de limiter le nombre de saveurs pour la cigarette électronique?

M. Beaupré (Alain) : La réponse est oui, mais je veux faire ça plus global comme réponse, si vous voulez. Je ne sais pas si les gens saisissent bien la différence, je crois, que tous mes collègues ont dû faire en passant avant moi, qu'est celle de cigarette électronique avec nicotine comme forme de traitement pour aider nos malades puis la cigarette électronique, qui est le cheval de Troie, qui permet de faire fumer plein de monde.

Alors, moi, je pense que, représentant mes 250 pneumologues, je peux vous dire que la plupart ont eu des expériences favorables avec certains malades chez qui ils ont tout essayé, les patchs, les pilules, tout ça, puis qui, avec la cigarette électronique, ont diminué le tabagisme puis ont réussi parfois à faire cesser, parfois à continuer avec la cigarette électronique. Mais, dès que vous leur parlez un peu, que vous grattez, on a une sainte horreur de la cigarette électronique pour les enfants et pour tout ce qui s'en vient là, Puis, bon, les compagnies de tabac, elles ne sont pas folles, elles sont presque aussi riches que vous autres et elles mettent toute leur énergie dans le fait de favoriser cette cible-là, puis on le voit. Alors, c'est aromatisé, c'est beau, c'est fin, c'est hot, puis là, s'ils peuvent les accrocher à fumer la cigarette électronique puis vapoter — c'est-u beau! — deux, trois fois, on est faits, parce que, là, vous allez les renouveler, puis là moi, après ça, à l'autre bout de la ligne... bien, je ne serai plus là, là, mais mes collègues, mes successeurs vont encore avoir des maladies pulmonaires, vont encore soigner ça, puis on n'aura pas réussi à faire ce qu'on voulait faire. Vous avez réussi avec votre loi à rendre le fait que la société québécoise n'est plus une société pleine de boucane. Parce que, moi, quand j'ai commencé, mes collègues bummaient des cigarettes à leurs patients sur les étages. C'est pour vous dire. Là, maintenant, il n'y a plus personne qui voit ça d'un bon oeil, de fumer, mais, si vous rentrez le tabac par le biais de la cigarette électronique, on est faits.

Ça fait que je réponds à une autre question : si vous avez une place où vous devez vous arranger pour que ça passe raide, c'est la cigarette électronique. Comme disait André Gervais tout à l'heure, qu'on sache ce qu'il y a dedans, qu'elle soit réglementée puis qu'elle soit prescrite, quant à moi.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour une période de 12 minutes.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Mme Francoeur, merci d'être là, Dr Bélanger, Dr Beaupré, Dre Samson.

D'abord, donc, en lien avec la discussion sur les adolescents québécois, qui essaient des choses à un niveau plus important qu'ailleurs, dans une autre vie, quand j'étais journaliste, j'avais interviewé un bureau de consultants montréalais qui avait fait une étude nord-américaine et qui disait que les Québécois étaient, en Amérique du Nord, des réformateurs pragmatiques. Ça voulait dire, pour tous les produits de consommation, qu'ils étaient plus prompts à utiliser rapidement des innovations, quelles qu'elles soient, donc un genre d'ouverture d'esprit, mais qu'ensuite ils faisaient un tri, c'est-à-dire que ce n'était pas parce qu'ils l'essayaient qu'ils le gardaient. Bon, évidemment, lorsque le produit de consommation a un facteur d'accoutumance, c'est plus compliqué, mais donc le fait que les adolescents ou les adultes soient plus perméables aux changements au Québec, ça semble être un invariant de la vie québécoise. D'ailleurs, aux dernières élections fédérales, on a tous essayé le NPD, tu sais, on s'est dit : Bon, on va essayer quelque chose de neuf. Pas sûr que c'était une bonne idée, on verra s'ils le gardent, hein? Bon. Mais voilà. Mais ce que vous proposez, c'est, justement dans les écoles... et vous insistez beaucoup sur la prévention et sur agir en amont. D'ailleurs, le ministre de la Santé Dr Hébert était très avancé dans une politique générale de la prévention des déterminants de la santé, un document sur lequel je suis sûr que la ministre peut s'appuyer, parce qu'il y avait déjà beaucoup de travail qui avait été fait, donc il n'y a pas de raison d'attendre très, très longtemps.

Mais vous dites, par exemple, qu'il faudrait la désignation d'intervenants tabagiques dans les écoles et ailleurs vous parlez de «programme de cessation tabagique dans tous les établissements de santé du Québec». Pouvez-vous nous expliquer comment ça fonctionnerait?

Mme Francoeur (Diane) : Dans un monde idéal, je vous dirais, chaque patient qui est hospitalisé et que, lorsqu'on fait son histoire de cas, nous dit qu'il fume devrait idéalement être rencontré par une équipe de cessation tabagique pour profiter du séjour hospitalier pour offrir des patchs, de la gomme, etc., pour essayer d'arrêter de fumer. On avait, à un certain moment, une couverture qui était quand même assez généralisée des établissements du Québec, là, avec un programme de cessation tabagique. Évidemment, ça n'a pas tenu la route parce qu'il y a eu beaucoup de coupures dans le réseau, et ce ne sont pas tous les établissements qui peuvent se prévaloir maintenant d'offrir ces services-là. C'est le genre de mesures qu'on sait qui va aider. Dans ma vie d'obstétricienne gynécologue, on le faisait systématiquement avec toutes les femmes enceintes, et effectivement on réussissait à faire arrêter plusieurs femmes pendant leur hospitalisation. Et ça, c'est le genre de mesures dans les établissements. Évidemment, ce n'est pas parce que vous êtes assis dans une salle d'attente en attente de votre rendez-vous que vous allez être ouvert à vous faire faire un discours sur la cessation tabagique. Mais, lorsque vous êtes couché dans un lit puis que vous attendez, vous êtes malade, oui, c'est un moment propice, surtout lorsque vous êtes hospitalisé pour un problème de santé qui peut être relié à l'utilisation du tabac.

Cela dit, les hôpitaux, on est parfois un peu en retard, parce qu'il y a déjà une maladie qui est parfois installée. Par contre, c'est qu'on souhaite que la prévention se fasse en amont et pas seulement dans les écoles, au niveau des garderies, des garderies en milieu familial, où il n'y a pas de législation qui permet de protéger les enfants, parce qu'on... comme vous avez eu quand même plusieurs personnes qui vous ont fait des recommandations là-dessus, la fumée secondaire, c'est une réalité qu'on connaît maintenant, et on pense que tous les milieux de vie ou tous les milieux que fréquentent les enfants devraient être des endroits où on devrait encourager les programmes de prévention et de cessation tabagique.

• (15 h 50) •

M. Lisée : Alors, ça pose la question des ressources, évidemment. Comme vous dites, même, les ressources ne sont pas suffisantes pour offrir ce service-là dans la santé. Et puis, a fortiori, au moment où on coupe énormément les éducateurs spécialisés et les ressources connexes dans les écoles, de dire : Bon, bien, on va mettre un responsable du tabagisme dans chaque école, disons que je pense que ce ne sera pas dans le prochain budget du gouvernement libéral.

Et d'ailleurs je n'étais pas pour parler de la santé publique, mais, puisqu'on m'ouvre la porte, je veux juste rappeler des éléments que j'avais mentionnés amicalement à la ministre en période de questions, qui dit que c'est tout de l'administration, des gens qui travaillent sur des fichiers Excel qui ont été mis à la porte. J'ai dit : Non, en Estrie, la nutritionniste qui s'occupait de la saine alimentation des enfants de zéro à cinq ans a été virée; à Montréal, l'infirmière de la clinique des accidentés du travail, virée, tout comme le toxicologue qui analysait la qualité de l'eau et des sols; la pharmacienne qui s'occupait des maladies chroniques, virée; la sexologue qui donnait de l'information sur les maladies transmises sexuellement, virée. Les services directs, ces gens-là n'étaient pas des administrateurs, leurs postes ont été coupés.

Mais comment trouver de l'argent? Parce que je sais que la ministre, elle voudrait en avoir, de l'argent. Et ce que vous dites, c'est que l'argent qu'on retire des taxes sur le tabac, d'abord, n'est pas complètement utilisé aux ressources sur le tabac, et, pour ce qui est de l'argent qui est dédié, il n'est pas complètement dédié à... il n'y a rien qui est dédié à la lutte contre tabagisme. Est-ce qu'on pourrait se dire : Écoutez, bien, justement, on va faire exprès? Ça coûte 1,6 milliard de dollars par année en frais de santé, le tabac. Il y a d'autres frais pour la société, ça monte à 4 milliards, mais, pour la santé, c'est ça. Et en plus, bien, il y a ce que ça coûte de faire de la prévention puis ce que ça coûte d'avoir des responsables de tabagisme, etc. On pourrait faire le calcul puis dire : Bon, bien, c'est ça qu'on va prélever de différentes façons sur la taxe sur le tabac — la Colombie-Britannique, c'étaient des licences sur les compagnies de tabac — en disant : Bien, le prix ne sera pas aléatoire, on va compter ce que ça nous coûte de gérer ce problème, et on va le percevoir auprès des compagnies de tabac ou à la vente, et on va le dédier à ce problème-là.

Mme Francoeur (Diane) : Je vous répondrai, M. Lisée, que toutes les réponses sont bonnes. Là, je lis déjà dans vos pensées qu'on vient encore demander de l'argent, là, mais la réalité est tout autre.

Vous savez, la prévention, là, ça commence à la maison, là. Alors, le jour où on va réussir à convaincre toutes les mamans, tous les papas, toutes les grandes soeurs, les grands frères, les profs, tous ceux qui sont autour des enfants sur de saines habitudes de vie, c'est déjà un pas. Ça, ça ne coûte rien, il faut juste disséminer la bonne nouvelle. C'est sûr que des programmes de santé publique, ça coûte, il y a des coûts qui sont reliés à ça, et nous, on souhaite que le maximum puisse être investi. Encore là, on est à une ère aussi où on aime bien mesurer nos investissements. Tous ces programmes-là doivent être évalués au niveau du contenu, au niveau de la pertinence, au niveau des objectifs, est-ce qu'ils ont été atteints ou pas. Je pense qu'aujourd'hui on parle du tabac, mais on pourrait très bien, comme Dre Samson vous le disait tout à l'heure, au sein des... on ne peut pas s'attaquer juste au tabac et ne pas s'attaquer à tous les autres déterminants de la santé, ne rien faire pour tous les autres problèmes, qui vont être plus prévalents dans les milieux pauvres, et tout ça, là.

M. Lisée : Alors, vous dites : «De façon générale, la [fédération] est favorable à l'adoption de règles visant à rendre les emballages des produits neutres et standardisés et celles visant à uniformiser le volet graphique des emballages concernant les mises en garde. Ces éléments ne figurent pas dans l'actuel projet de loi.» Vous pouvez compter sur moi pour tenter de les y inclure.

L'objectif du projet est de réduire de 6 % en cinq ans la prévalence du tabagisme au Québec, mais vous, vous faites partie de 50 organisations qui avez proposé 10 % en 10 ans. Donc, est-ce que vous pensez que cette mesure sur l'emballage est indispensable si on veut se rendre à un objectif aussi ambitieux?

Mme Francoeur (Diane) : Je préférerais ne pas avoir le choix de choisir quelle mesure on laissera tomber en cours de route. Il est clair que l'emballage, ça fait partie... c'est visuel, c'est direct. Il ne faut pas oublier, on parle de milieux défavorisés, il faut avoir des images graphiques, ce n'est pas tout le monde qui sait lire, ce n'est pas tout le monde qui comprend non plus. C'est sûr que, lorsque c'est de façon standardisée, toujours pareil, on ne le regarde plus, mais, encore une fois, comme on sait qu'une partie de la stratégie de prévention est d'essayer de stopper dès les débuts... par exemple, les emballages qui seront standardisés et visuellement plus faciles vont peut-être avoir un effet plus important au niveau des jeunes. Avez-vous d'autres choses à ajouter face à ça, vous?

Mme Samson (Isabelle) : Bien, c'est sûr que c'est une mesure qui est, encore là, relativement nouvelle, là, tout comme l'initiative de la Tasmanie que je vous disais. Il y a des outils dans la loi actuelle, mais, si c'était pour un amendement puis c'était pour ne pas retarder de trop l'acceptation du projet de loi... c'est sûr, c'est une mesure efficace qui va aider à atteindre les statistiques, là, puis augmentez les taxes puis mettez plus d'argent en prévention aussi. Mais c'est toutes des stratégies efficaces bien documentées, là, puis là il y a de plus en plus de documentation qui sort pour le paquet standardisé, là. Ça fait qu'on ne peut pas le cacher, là, qu'il y a un potentiel là pour aider l'atteinte des cibles.

M. Lisée : Merci beaucoup. Merci à vous.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Lévis pour huit minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bienvenue à toutes et à tous.

Je vais faire du chemin un petit peu là-dessus également, je vais continuer, parce qu'encore une fois il y a beaucoup de choses qui ont été dites, il y a beaucoup de... On a l'impression de temps en temps qu'on fait un peu de la redite et qu'on... bon, et c'est correct et c'est normal, puis je pense que, quelque part, ça a valeur d'enseignement. À force de répéter, on comprend davantage. Et si, quelque part, des gens qui fument encore et qui se questionnent... parce que vous devez en voir, et c'est quand même assez étonnant, je veux dire, de voir des gens qui nous disent... et je présume que, dans la pratique, vous en avez, des hommes, des femmes qui disent : Oui, je le sais, que ce n'est pas bon, je le sais, que ce n'est pas bon pour moi, puis je sais que ce n'est pas bon pour ceux qui m'entourent, mais je fume quand même. Alors, il y a comme une espèce de mur à la réceptivité puis la difficulté d'arrêter aussi parce que, on en a parlé avec vos collègues il y a peu de temps, il y a un niveau de dépendance, hein? Il ne faudrait pas penser que c'est facile. Je connais des gens qui sont autour de moi puis, je veux dire, j'arrête d'en parler puis de leur dire : Arrêtez ou arrête, parce que les gens me disent : Écoute, je veux bien, mais ce n'est pas un automatisme. Puis, à les forcer davantage, j'ai l'impression que plus j'en parle, plus ils fument. Ça fait que j'ai commencé à lever le pied sur la pédale un peu.

Mais on a l'impression, quand on parle à des jeunes, qu'il y a une notion d'invincibilité, c'est-à-dire que, je ne sais pas — et là renseignez-moi à travers ce que vous voyez dans le communautaire, dans votre pratique également — on a comme l'impression que le jeune, il ne comprend pas que ça puisse être dangereux pour la santé, voire même certains m'ont dit, moi, que l'image, ça ne les dérange pas, tu sais, je veux dire, ce n'est pas ça, ça n'a pas d'importance. Ils sont jeunes puis, de toute façon, ils vont pouvoir arrêter quand ils voudront, puis etc. On fait quoi? Parce que cette notion-là, elle est... Et, si du jour au lendemain on n'en vend pas, de cigarettes, à des jeunes, si on est capables de faire en sorte que la loi soit respectée, que personne en bas de 18 ans ne puisse s'en procurer, je veux dire, déjà on vient de faire tomber un sapré bon problème. Mais là les jeunes en ont, ils s'initient à ça. C'est quoi, la meilleure façon, c'est quoi, le message pour faire en sorte que le jeune comprenne puis, à la limite, que le jeune dise à son père ou à sa mère : Ce serait peut-être le fun que tu arrêtes, parce que ta santé est menacée? On dit quoi pour le convaincre?

Mme Francoeur (Diane) : Je vais passer la parole à Dr Bélanger, mais, avant, je vous dirais — vous avez des enfants, M. Paradis : On répète, on répète, on répète et on ne baisse jamais les bras, parce que, le jour où on abandonne, il n'y a personne qui va être là pour prendre le relais. Alors, nous, on est convaincus qu'on va finir par réussir. Et puis parfois, bien, c'est plus long, mais il ne faut pas abandonner. Je ne sais pas si vous avez...

M. Paradis (Lévis) : Dans votre stratégie d'intervention, est-ce qu'on devrait s'adresser au jeune qui est un fumeur en devenir parce que... puis on craint ou aux adultes qui fument mais qui sont des irréductibles parce que c'est dur de se débarrasser de l'habitude?

M. Bélanger (Richard) : Comme Dre Harvey vous le disait tout à l'heure — c'est une pédiatre, c'est un médecin de l'adolescence, j'ai un peu le même profil — toutes les interventions qu'on va faire face aux jeunes, c'est une intervention majeure pour réduire le tabac au long terme et toutes les complications de santé que vous connaissez. Un jeune qui fume à 16 ans a 80 % des chances de rester fumeur à l'âge de 24 ans. Si j'interviens sur un jeune et je suis capable de le faire arrêter de fumer ou bien donc par lui-même, à l'intérieur de son milieu, il ne commence pas de fumer, on vient de gagner une partie de la guerre contre le tabagisme.

Donc, particulièrement toutes les interventions à l'intérieur du projet de loi actuel ou d'interventions supplémentaires qui pourraient être insérées ciblant les jeunes, pour moi, pédiatre, c'est la manière de vaincre le tabagisme.

M. Paradis (Lévis) : Et on en fait une priorité, notre cible prioritaire.

M. Bélanger (Richard) : Et on en fait une priorité.

M. Paradis (Lévis) : Vous avez parlé de cigarettes électroniques. J'y reviens. Il y a la cigarette électronique. Pour bien des gens, il y a celle avec nicotine, mais il y a celle pas de nicotine, puis pas de nicotine, c'est un jouet, puis avec nicotine... bien là les gens disent : Ah, il peut y avoir un phénomène de dépendance, mais c'est quand même bien moins pire que tout ce qu'une cigarette comporte, les dommages pour la santé. Et plusieurs vous diront : Ce qui est dangereux, ce n'est pas la nicotine, c'est les produits qu'il y a autour, puis c'est ça qui peut me donner un cancer ou une maladie avec laquelle je devrai composer plus tard. Est-ce qu'on les interdit... je fais attention, interdit toutes? Est-ce qu'on les réglemente toutes de la même façon? Sans nicotine, avec nicotine? Est-ce que, pour vous, il y a une différence dans le traitement, dans la façon de la... Oui.

• (16 heures) •

M. Beaupré (Alain) : Bien, premièrement, celle avec nicotine, c'est assez clair qu'il faut la réglementer. Le danger de celle sans nicotine, c'est qu'elle peut devenir une façon de prendre l'habitude de l'utiliser, c'est le geste, un peu comme la cigarette l'était, et puis, après ça, de passer à l'autre, de l'essayer pour voir ce que c'est puis de retomber dans la nicotine. Il faut faire des gradations. Je ne peux pas vous dire que tout est pareil. Il y en a peut-être une qui est moins pire, mais elle me fait aussi peur, d'une certaine façon, parce qu'elle introduit l'autre. Mais commençons par celles avec nicotine. Puis, comme je vous dis, je ne suis absolument pas contre pour ceux qui fument qui en ont besoin, mon propos, c'est ceux qui ne fument pas et qui vont s'habituer à fumer avec ça et qui vont devenir, par la suite, probablement des fumeurs. Peut-être vous dites «juste avec ça», mais je pense que ça pourrait être très facile de shifter, surtout si on a commencé avec la nicotine. Les autres, je vous admets que je ne sais pas si ça va les amener, mais, en plus, je ne sais pas ce qu'il y a dedans, je ne sais pas exactement le produit, je ne sais pas ce que ça va faire. Donc, je ne vais sûrement pas encourager qu'on débute quelque chose si je ne sais pas où ça nous mène. Non.

Une voix : M. Paradis, si vous permettez, Dre Samson avait un commentaire à faire.

Mme Samson (Isabelle) : Oui. Il y a deux niveaux de précaution à avoir. Il y a la précaution — c'est en santé environnementale — au niveau toxicologique, là : Est-ce que ça va être un produit sécuritaire pour le consommateur? C'est mieux que le tabac, mais est-ce que ça va être un produit sécuritaire pour le consommateur? Et puis, par rapport à ce que ça rejette dans les vapeurs, ça va-tu être sécuritaire pour les autres? On ne la sait pas, la réponse. Mais il y a aussi une précaution à faire au niveau marketing, parce qu'il y a toute la publicité qui se fait qui rappelle le tabac, et là, tu sais, on sait que, dans la science des solutions, changer la norme sociale, c'est une bonne chose. Ça fait que, si on laisse la cigarette électronique refaire réapparaître toutes les images de cigarette, et tout ça, là on a un risque de renormaliser. Ça fait qu'il y a la préoccupation, il y a la précaution appliquée au niveau de la substance elle-même pour le consommateur et l'entourage, mais aussi au niveau de tout l'effet marketing et recul sur la norme sociale.

M. Paradis (Lévis) : Cette inquiétude que vous manifestez, et vous l'avez dit, docteur, il y a quelques instants... vous avez même dit : On devrait faire en sorte que la cigarette électronique soit prescrite. Puis, en même temps, il y a des gens qui vous diront : Le fumeur qui décide de laisser le tabac parce que, quelque part, il y a un commerce qui vendra une cigarette électronique à laquelle il prendra peut-être habitude, mais, en tout cas, potentiellement moins dommageable pour sa santé... Le fait de limiter à la prescription d'un médecin l'outil, entre guillemets, thérapeutique va faire en sorte que la pénétration de l'outil ne sera pas si importante que ça.

Simplement dit, le fumeur qui dit : Regarde, ça me tente d'essayer d'arrêter, et je n'irai peut-être pas chez mon médecin — il n'est déjà pas toujours facile à voir, le médecin, là — alors donc je vais m'en procurer une quelque part, vous en dites quoi?

M. Beaupré (Alain) : Bien, je vous reviens avec les étapes. Je pense qu'on ne doit pas aller directement à ça. Je pense qu'on peut arrêter de fumer avec d'autres stratégies. C'en est une. Moi, personnellement, je pense que ça devrait être la dernière stratégie quand tout le reste n'a pas marché, puis c'est dans ce sens-là que j'irais jusqu'à en faire un objet de prescription pour éviter justement les dérives qui peuvent se produire et pour en limiter l'usage, pour ne pas qu'elle soit accessible à tout le monde.

M. Paradis (Lévis) : Quelque chose à ajouter sur ça?

M. Bélanger (Richard) : Surtout pas accessible aux jeunes, M. Paradis. Un jeune qui fume la cigarette électronique à l'âge de 14 ans et qui n'a jamais tenté la cigarette régulière a de deux à quatre fois plus de risques, l'année d'après, d'être devenu fumeur de cigarette. Ça, c'est une étude qui est parue il y a deux semaines. Donc, il commence à y avoir de la littérature qui émerge sur les conséquences de l'usage de cigarette électronique sur la prédisposition à devenir fumeur de cigarette, et ça, c'est inquiétant.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les représentantes, représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, et je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 4)

(Reprise à 16 h 11)

La Présidente (Mme Montpetit) : Alors, je souhaite la bienvenue à notre invité : M. Marvin Rotrand. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter, votre nom ainsi que votre fonction. Je vous rappelle que vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

M. Marvin Rotrand

M. Rotrand (Marvin) : Merci. Et j'apprécie énormément l'invitation. Mme la ministre, M. le Président, membres de la commission, mon nom est Marvin Rotrand, je suis conseiller municipal du quartier Snowdon dans l'arrondissement de Côte-des-Neiges—Notre-Dame-de-Grâce. J'ai représenté ce quartier au conseil municipal de Montréal depuis novembre 1982. Je suis ici comme individuel. Je ne représente pas la ville de Montréal et je ne représente pas autre personne officiellement, mais officieusement je parle pour un grand consensus dans le monde municipal.

Depuis un certain temps, la question du tabac est devenue une cause très importante pour les élus municipaux à cause des interventions des citoyens, et je vais expliquer ça dans un instant. Mais, pour commencer, j'aimerais déposer des résolutions adoptées par 181 municipalités québécoises de toutes tailles — des petites, des moyennes et des larges — incluant Montréal, qui a une population totale de plus que 3 millions de Québécois et Québécoises. Ces motions sont presque pareilles, mais il y a quelques différences entre une et l'autre, mais, grosso modo, elles appuient l'approche 10 % en 10 ans qui est parrainée par la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac et démontre la volonté des élus municipaux pour une refonte majeure de la Loi sur le tabac. Les résolutions appuient l'approche de la loi n° 44 mais demandent certains amendements pour renforcer cette loi.

Document déposé

Donc, M. le secrétaire, j'ai envoyé un mémoire avec quelques documents annexes, mais je n'ai pas envoyé les résolutions, donc j'aimerais les déposer formellement aujourd'hui.

Une voix : Merci.

M. Rotrand (Marvin) : Et j'apprécierais si vous pouviez les partager en forme électronique avec les membres de la commission.

La Présidente (Mme Montpetit) : Exactement. Donc, je vous demanderais de faire suivre à la commission la version électronique, puis on la partagera avec les parlementaires, les membres de la commission.

M. Rotrand (Marvin) : Exactement. Merci. J'aimerais dire que c'est sans précédent qu'il y ait une grande concertation municipale sur un sujet qui touche la santé publique. Et, je peux vous rassurer, ce n'est pas terminé. Jusqu'à maintenant, il y a 181 villes. J'ai reçu un courriel de M. Gaëtan Ruest, qui est le maire d'Amqui, et qui m'a dit que la MRC du Bas-Saint-Laurent, elle a l'intention soit d'adopter une motion en appui dans exactement le même sens ou d'inviter chaque de ses 20, 25 villes membres de faire des résolutions municipales pour ajouter au nombre de villes. La ville de Montréal-Ouest m'informe que ça doit aller bientôt à leur conseil municipal, et les autres... qui sont en train d'être adoptées.

Comment est-ce que tout ça a commencé? Ça a commencé quand la cigarette électronique est devenue un peu plus répandue. Les élus ont commencé d'avoir des appels des citoyens, des conflits : Quelqu'un a utilisé une cigarette électronique où ce n'est pas permis, selon la loi, de fumer, qu'est-ce que vous allez faire? Les élus municipaux, c'est la première ligne pour les citoyens. Difficile d'expliquer, c'est une loi provinciale, et il y a une façon d'appliquer cette loi. Les gens veulent de l'action, ils veulent de l'action tout de suite, vous êtes les élus municipaux; pas seulement à Montréal, presque partout au Québec, et pas seulement là, pour la juridiction municipale.

Les sociétés de transport avaient les mêmes problèmes. J'ai l'honneur d'être le vice-président à la Société de transport de Montréal, et ça, depuis novembre 2001. Les gens ont commencé de téléphoner pour dire : Il y a des cas de gens qui utilisent cet instrument dans le métro, sur l'autobus, je ne veux pas qu'ils le fassent, mais le monsieur m'a dit qu'il n'y a pas aucune loi pour dire qu'il ne peut pas le faire. La STM a modifié son règlement R-036, qui touche le comportement des passagers dans le réseau de métro et autobus. L'arrondissement de Montréal-Nord a agi seul pour dire : Effectivement, on veut bannir ça dans les bâtiments municipaux, mais un grand débat a commencé, et plusieurs élus ont décidé de travailler ensemble.

Vous avez, dans les annexes que j'ai envoyées, une motion qui a été adoptée par le conseil municipal le 15 septembre 2014, que j'ai proposée, qui a été appuyée par toutes les formations au conseil municipal avec un appuyeur, les indépendants et le maire Coderre, qui effectivement demande au gouvernement du Québec d'inclure la cigarette électronique à la Loi sur le tabac pour que leur utilisation soit interdite dans tout endroit où l'usage de la cigarette est interdit au Québec. Je vous remercie pour avoir fait exactement ça dans la loi n° 44. Ça répond à une revendication majeure de nous autres. Mais ça a commencé, les gens, à parler, parce que les citoyens, depuis des années, disent aux élus : Les villes en santé, la promotion des saines habitudes de vie, c'est un dossier municipal et pas seulement un dossier qui appartient aux gouvernements supérieurs. La question du tabac, c'est important pour nous autres. D'introduire la cigarette électronique, c'est bon, mais le Québec est en arrière des autres provinces. Donc, les élus municipaux ont commencé de concerter, parler d'une ville à l'autre, de qu'est-ce qu'on doit faire. Et nous avons pris connaissance de la campagne 10 % en 10 ans de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. Cette campagne semble répondre à ce qui est nécessaire et à nos attentes, c'est-à-dire d'assurer dans l'avenir qu'il y a moins de fumeurs, que les jeunes ne deviennent pas fumeurs pour commencer, qui est très, très important, mais aussi d'avoir des contrôles sur le marketing vers les jeunes, aussi d'élargir les espaces où on ne peut pas fumer. L'idée que des espaces publics deviennent plus larges et certains éléments dans la loi répondent à ce que 10 % en 10 ans propose, mais les élus ont décidé d'aller un peu plus loin.

Donc, vous avez devant vous les résolutions qui touchent la cigarette électronique, mais elles vont beaucoup plus loin. Au temps que ces résolutions étaient adoptées, les journaux étaient pleins des articles : Qu'est-ce que l'Ontario fait? Qu'est-ce que la Nouvelle-Écosse fait? Qu'est-ce que le Nouveau-Brunswick fait? Et faites un saut dans l'avenir, et les gens commençaient à dire : Peut-être que le Québec doit le faire. Nous avons trouvé en faisant un peu de recherche qu'on est la seule juridiction canadienne où c'est légal de fumer dans une voiture avec un bébé à bord. Incroyable! On était choqués parce qu'on a su ça, et effectivement l'idée de prier le gouvernement d'agir est nécessaire. Je remercie vraiment Mme Charlebois pour avoir pris le taureau par les cornes et déposé cette loi. Je sais qu'il y a opposition de l'industrie et celle qui voit seulement le court terme. Je sais, il y a des tenanciers de bar qui pensent qu'ils vont perdre des clients, mais j'aimerais répliquer tout de suite que, dans les autres provinces où ça, c'est déjà la loi et dans la ville de Vancouver, où il y a un règlement municipal, les bars et restaurants ont fait beaucoup plus d'affaires qu'avant.

80 % des Québécois sont des non-fumeurs. C'est-à-dire, vous demandez aux gens qui sont des non-fumeurs de siéger à côté de quelqu'un qui fume sur une terrasse, et il y a des tenanciers de bar qui ne peuvent pas voir que leur chiffre d'affaires va monter si on fait cette interdiction. Je pense, c'est normal, et le consensus social existe, même la majorité des fumeurs au Québec acceptent ça, et je vous invite à ne pas donner suite à la revendication qui est faite par l'association des bars et restaurants du Québec. Et, je pense, M. Sergakis était devant vous.

Donc, vous avez déposé la loi, et je vous félicite. Il y a des choses majeures pour nous autres qu'il y a dedans. Je note avec satisfaction, et c'est dans nos résolutions comme municipalité, l'interdiction sur le tabac aromatisé et menthol. Ça, c'est une façon avec laquelle les jeunes commencent à fumer. Toutes les études démontrent ça, que, les jeunes de 15, 16, 17, 18 ans, la proportion de ces jeunes qui utilisent le menthol ou les autres tabacs aromatisés est très, très élevée en comparaison avec les fumeurs adultes, et c'est une initiation vers le tabagisme.

• (16 h 20) •

Donc, le fait que vous avez bouché ce trou, vous allez faire un geste pour rejoindre la Nouvelle-Écosse, l'Ontario, les autres provinces, c'est bien apprécié. Et, comme j'ai dit déjà, les bars, les restaurants sont déjà dans la loi, mais où on pense que peut-être vous pouvez et devez aller plus loin, c'est sur la question des terrains de jeu et les terrains sportifs. J'aimerais juste lire... de la loi Ontario sans fumée. Il y a la loi et les règlements que le gouvernement a adoptés pour mettre en oeuvre la loi. Article 13.2... je m'excuse, article 13.1 : «Terrains de jeu et aires de jeu pour enfants.

«13.1. (1) Les terrains de jeu pour enfants et toutes les aires publiques se trouvant à moins de 20 mètres de tout point situé sur le périmètre d'un terrain de jeu pour enfants constituent des endroits prescrits pour l'application de la disposition 7 du paragraphe 9 de la loi.

«(2) Pour l'application du présent article, un terrain de jeu pour enfants est un endroit qui n'est ni un lieu public clos ni un lieu de travail clos et qui satisfait à tous les critères énoncés aux dispositions suivantes :

«1. L'endroit est principalement destiné au loisir des enfants et comprend de l'équipement de jeu pour enfants, notamment :

«i. des toboggans,

«ii. des balançoires,

«iii. des appareils d'escalade,

«iv. des aires de jeux d'eau,

«v. des pataugeoires,

«vi. des bacs à sable.

«2. Le public est ordinairement invité à l'endroit où l'accès [...] est ordinairement permis, expressément ou implicitement, que des frais d'entrée soient exigés ou non.

«3. L'endroit ne fait pas partie des commodités qu'offre un lieu de résidence, notamment un ensemble d'habitations locatives ou en copropriété [...].

«(3) Il est entendu qu'un hôtel, un motel, une auberge ou un endroit semblable n'est pas un "lieu de résidence" [...].

«Aires d'activités sportives.

«13.2. (1) Les endroits suivants constituent des endroits prescrits pour l'application de la disposition 7 du paragraphe 9 [...] :

«1. Les aires d'activités sportives.

«2. Les aires de spectateurs adjacentes aux aires d'activités sportives.

«3. Les aires publiques se trouvant à moins de 20 mètres de tout point situé sur le périmètre d'une aire d'activités sportives ou d'une aire de spectateurs adjacente à une aire d'activités sportives.

«(2) Pour l'application du présent article, une aire d'activités sportives est un endroit qui n'est ni un lieu public clos ni un lieu de travail [...] :

«1. L'endroit appartient à la province, à une municipalité, à un mandataire de la province ou d'une municipalité, ou à un établissement postsecondaire [dans ce sens].

«2. Le public est ordinairement invité à l'endroit ou l'accès lui est ordinairement permis, expressément ou implicitement, que des frais d'entrée soient exigés ou non — et finalement.

«3. L'endroit, que des frais d'utilisation soient exigés ou non, est principalement destiné à la pratique de sports, sauf le golf, notamment — et pas exclusivement :

«i. le soccer,

«ii. le football,

«iii. le basket-ball,

«iv. le tennis,

«v. le baseball, le softball ou le cricket,

«vi. le patinage,

«vii. le volley-ball de plage,

«viii. la course à pied,

«ix. la natation,

«x. la planche à roulette.»

Et je dépose cet article de règlement pour la loi en Ontario et j'invite les gens de prendre connaissance... Les Québécois ont le droit d'avoir la même protection des gens qui habitent à côté de nous autres, dans la belle province d'Ontario.

La Présidente (Mme Montpetit) : J'en profiterais, M. Rotrand, pour vous inviter à conclure — nous avons déjà pris deux minutes sur le temps de la ministre — si vous voulez avoir le temps d'échanger avec elle.

M. Rotrand (Marvin) : Je termine en indiquant trois choses : les résolutions à appuyer l'emballage neutre, que je pense que les autres intervenants ont déjà mentionnées, et je vous invite aussi de prendre connaissance d'un hyperlien, dans mon document, vers le prix de tabac partout au Canada. Le Québec a les taxes d'accise les plus basses, c'est-à-dire le prix du tabac est le plus abordable au Québec. C'est à l'extérieur de votre séance d'aujourd'hui, mais pour réflexion d'avenir. Et je termine en disant que le consensus social existe pour faire pas seulement adopter cette loi, mais faire les amendements qui sont proposés dans les résolutions des 181 municipalités. Merci.

La Présidente (Mme Montpetit) : Merci à vous. Je vous remercie pour votre présentation. Donc, nous allons débuter la période de...

M. Rotrand (Marvin) : Je dois dire, 10 minutes, ça va très, très rapidement.

La Présidente (Mme Montpetit) : Ça va extrêmement vite. Et donc nous allons débuter la période d'échange avec Mme la ministre pour une période de 17 minutes.

Mme Charlebois : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Rotrand, merci d'être venu nous exposer vos préoccupations. Je sais que pour vous c'est un sujet qui vous tient particulièrement à coeur et je sais que vous êtes un allié, bref, dans la lutte au tabagisme, et merci pour ça. Merci de vous inquiéter pour nos jeunes mais aussi pour l'ensemble de la population.

Je vois que vous allez dans le même sens que plusieurs de nos recommandations, en fait, dans plusieurs de nos directives qui sont dans le projet de loi et même que vous nous invitez à aller un peu plus loin. Et je vous entendais parler, à la fin, des terrains de jeu, et vous avez précisé, avec le projet de loi de l'Ontario, plusieurs endroits, puis j'avais le goût justement d'aller un peu plus loin, parce que vous avez dit — puis je n'ai pas eu la chance de le demander aux autres groupes précédemment puis j'ai voulu le demander deux, trois fois, puis on a manqué de temps — à combien de distance des terrains de jeu... Parce que, quand on commence à parler de périmètre, bien là, si le terrain de jeu est là, il faut aller... puis vous avez dit : 20 mètres. Vous ne trouvez pas ça élevé?

M. Rotrand (Marvin) : Ontario a fait 20 mètres comme périmètre de terrain de jeu.

Mme Charlebois : 20 mètres du terrain de jeu.

M. Rotrand (Marvin) : C'est ça, exactement. Mais trois arrondissements de Montréal — et peut-être il y a plus maintenant... — sont allés encore plus loin... qui a noté que la ville de Côte-Saint-Luc et, je pense, deux, trois autres villes au Québec ont déjà un règlement qui touche l'ensemble des parcs, pas seulement des terrains de jeu dans les parcs, mais l'ensemble des parcs. Ça, c'est l'arrondissement LaSalle et l'arrondissement Saint-Laurent, où les maires ont pensé que Québec doit être leader dans ça et ne pas seulement ajouter les terrains de jeu, mais ajouter tout l'espace vert. Je note que, dans la province du Nouveau-Brunswick, on ne peut pas fumer dans les parcs provinciaux.

Donc, la façon avec laquelle vous pouvez régler la question du périmètre est de faire une interdiction pour l'ensemble des espaces verts. Mais je vous suggère une façon de le faire. Peut-être que vous allez proposer un amendement commençant avec les terrains de jeu et les terrains sportifs, mais je propose également de prendre un certain pouvoir réglementaire. J'appuie aussi l'inclusion du pouvoir réglementaire permettant d'interdire de fumer dans d'autres lieux d'ici les prochaines révisions de la loi, qui n'auraient vraisemblablement pas lieu avant cinq ans. Il est très probable qu'il y aura des circonstances où une interdiction s'avérerait appropriée. Donc, prendre ça comme un pouvoir que le ministre peut invoquer pour ajouter à la loi entre l'adoption de la loi n° 44 et la prochaine révision.

Mme Charlebois : O.K. Ça fait que, si on dit, mettons : Les terrains de jeu en ce moment et les parcs, vous dites : S'il y a moyen d'aller plus loin, si la population le demande, bien vous aurez le pouvoir réglementaire, c'est ça?

M. Rotrand (Marvin) : Oui, exactement. Vous devez peut-être commencer avec les terrains de jeu, parce que les Québécois ne comprennent pas pourquoi ce n'est pas dans la loi qui a été proposée. Le grand consensus était... oubli, et on peut facilement régler cet oubli. Et c'est déjà, je pense, la loi dans six ou sept provinces et en beaucoup de grandes villes canadiennes où il n'y a pas une loi provinciale.

Les sondages faits les dernières quelques années ont démontré une évolution dans la façon avec laquelle les Québécois voient le tabac. Même les fumeurs veulent cesser de fumer. C'est une dépendance. Les gens veulent une action. Oui, il y a toujours les récalcitrants, c'est vrai, oui, il y a des opposants «shortsighted», comme on dit en anglais, mais la grande majorité des gens, même des fumeurs, veulent des gestes qui vont restreindre l'utilisation du tabac. J'ai passé une partie de mes vacances au Japon et j'ai été vraiment surpris de voir, à Osaka, à Himeji et Kagoshima, qu'on ne peut pas fumer à l'extérieur dans ces villes, on doit aller dans une zone réservée pour les fumeurs à l'extérieur où il y a des murailles, des barrières. Je ne pense pas qu'on en est là actuellement au Québec, mais effectivement il y a un débat partout. Les gens ont compris, le tabac, ça cause la mortalité, la maladie, il y a un coût énorme au réseau de santé. Les gens veulent réduire le tabagisme. Ce n'est plus controversé.

Quand j'étais jeune, j'étais fumeur, oui, parce que c'était cool, et tout le monde dans mon année à l'école secondaire, on était tous fumeurs. Je suis heureux de dire que presque tout le monde a cessé, ceux qui vivent toujours ont cessé. Mais la société a évolué, et les gens pensent que c'est vraiment légitime pour le gouvernement de dire : Ce n'est pas bon pour vous autres, et on va prendre des gestes pour effectivement protéger les non-fumeurs et faire des conditions si vous voulez utiliser ce produit.

Mme Charlebois : Je reprends la balle au bond : terrains de jeu; on parle de modules. Vous nous avez dit ça puis vous dites : Commencez par ça. Mais, si je vous dis : Terrains de soccer, «skateparks»?

• (16 h 30) •

M. Rotrand (Marvin) : Pourquoi pas? Les terrains sportifs, c'est nos enfants qui jouent là-bas. Comment pouvez-vous leur dire qu'on ne peut pas fumer dans un terrain de jeu mais on peut aller à 15 mètres, où les mêmes enfants jouent au soccer avec leur club d'enfants de sept ou huit ans, et il y a quelqu'un qui aurait le droit de fumer? Donc, les deux, pour moi, vont ensemble, et, si vous avez un problème de faire votre périmètre, je vous suggère de regarder l'idée de faire les parcs.

Comme j'ai dit, les sondages qui ont été faits les dernières quelques années démontrent un fort consensus pour les terrains de jeu, les terrains sportifs, pour l'interdiction sur le tabac aromatisé. Le contrôle des cigarettes électroniques, les gens sont d'accord avec ça aussi. Je pense que vous êtes sur la bonne route et ça va être une loi qui va avoir beaucoup d'appui public, même des fumeurs. Quand j'ai proposé la première motion sur la cigarette électronique au conseil municipal de Montréal, M. Richard Bergeron se lève pour dire : Je regarde votre liste des appuyeurs, ils sont tous des non-fumeurs, je suis fumeur, je suis d'accord avec vous et j'aimerais ajouter mon nom. Et j'ai pensé : C'est un geste élégant qu'il a fait, qui a démontré à la population : on travaille ensemble pour attaquer un problème de santé publique.

Mme Charlebois : Vous avez effectivement raison, vous avez un certain pouvoir dans chacune des villes, dans chacune des municipalités, et les gens peuvent déjà réglementer, mais on ne va pas attendre que tout le monde réglemente, on va faire ça ici, à Québec. Et je veux vous assurer que je sens un certain consensus autour de la table. C'est sûr qu'on va tous déposer des amendements, on va travailler à bonifier... On va voir dans quelle mesure on est capables d'améliorer les choses dans le meilleur intérêt des Québécois.

Ceci étant, j'ai le goût de vous demander, étant donné que vous êtes un représentant municipal : Vous n'avez pas de bar, de restaurant, de terrasse chez vous? Il n'y a personne qui vous interpelle là-dessus?

M. Rotrand (Marvin) : J'étais à un bar-restaurant sur la rue Monkland, à Notre-Dame-de-Grâce, l'autre soir, avec le maire Russell Copeman, le maire de mon arrondissement, et, malheureusement, on a été incommodés par les fumeurs. On a dû aller dedans sur un jour où il y a une vague de chaleur, le soleil est au... on veut prendre une bière sur la terrasse, on n'était pas capables de le faire. Donc, il y a quatre ou cinq fumeurs à l'extérieur. Il y a une vingtaine de personnes à l'intérieur. Et ils n'étaient pas là parce que c'est l'air climatisé, ils étaient là parce que les terrasses n'étaient pas un endroit où ils veulent être quand les gens fument. La fumée passive est un incommodant pour ces personnes. On a le droit de prendre un verre ou de prendre un repas dans un restaurant en été sur une terrasse sans avoir de lutter avec des fumeurs pour l'espace.

Mme Charlebois : Est-ce que vos citoyens savent la position que vous tenez par rapport aux bars et aux terrasses? Do your citizens know that you're opposed to the...

M. Rotrand (Marvin) : Oh yes, absolutely. Mme la ministre, je pense que j'ai eu beaucoup plus de couverture médiatique sur la question de tabac que tous mes dossiers municipaux depuis des années. Et ça démontre l'intérêt médiatique, parce que le public est là.

Je dois dire, j'avais eu quelques personnes qui disent : Ah! ce n'est pas bon, vous voulez bannir la cigarette électronique. Mais, vous regardez, notre motion, ça ne relève pas de nous autres. Ça va être un autre palier gouvernemental qui va faire la décision finale si on peut légalement acheter les cigarettes électroniques au Canada ou non. La seule chose qu'on demande est l'encadrement pour que c'est dans la Loi sur le tabac. Et, quand les gens comprennent ça, 90 %, 95 % des gens sont d'accord. Je dois dire, les appels, les courriels, les gens qui m'arrêtent dans la rue sur cette question, c'est 20 à une en faveur des positons que j'ai prises publiquement.

Mme Charlebois : Saveurs. Vous nous avez parlé de l'interdiction des saveurs. Vous êtes favorable à ça. J'ai noté que vous étiez aussi favorable à l'interdiction du menthol. Chose étrange, puis je ne sais pas si vous allez pouvoir me commenter ça — dans le projet de loi, vous savez que toutes les saveurs seraient interdites — les détaillants, les compagnies de tabac nous disent : C'est une infime partie de notre marché, mais ils tiennent à le garder. Comment vous expliquez ça?

M. Rotrand (Marvin) : I'm not sure how to say this word in French : «Disingenuous.» Disingenuous. Je ne veux pas dire «malhonnête», parce que ce n'est pas exactement même sens en français. C'est une façon de donner une coloration qui n'est pas exacte à un argument, O.K., «disingenuous». J'aimerais juste lire un paragraphe qui vient de Food and Drug Administration in the United States — dans les États-Unis : «Menthol, the only cigarette additive that is actively marketed by manufacturers, is particularly favored by youth and ethnic/racial minorities. There is growing evidence that menthol cigarettes are starter products for youth, impede cessation, increase relapse following cessation and undermine social justice by the insistent targeted marketing of these products to these communities.»

Donc, effectivement, ils sont bien clairs. Et toutes les études démontrent que pour des adultes le menthol est utilisé par une très petite partie du marché, mais pour les jeunes c'est un tiers à une moitié. Et je ne prétends pas d'être un expert. Je ne suis pas docteur, ou spécialiste, ou scientifique, mais j'ai fait ma recherche sur l'Internet, et toutes les études sont catégoriques : le menthol, c'est une façon pour introduire les jeunes à un tabac un peu plus doux pour qu'ils deviennent fumeurs sur le long terme. Pour les compagnies de tabac, il n'y a aucun doute que leur produit fait une dépendance. Et, une fois qu'on est fumeur, c'est très difficile d'arrêter. Donc, l'idée est de faire le marketing vers la nouvelle génération pour qu'ils deviennent fumeurs. Et le menthol était un outil qu'ils utilisent... les autres saveurs qu'ils utilisent pour attirer le jeune qui, autrement, ne va pas acheter des choses.

En Ontario... j'ai trouvé intéressant quand, dans leur loi, où le tabac va être vendu, ils obligent — je ne me souviens pas du numéro d'article, mais c'est dans le règlement — ils obligent un grand panneau dans tous les endroits à venir qu'on peut acheter du tabac qui va dire le suivant : Le produit du tabac crée une dépendance et tue un fumeur sur deux à long terme. Ça, c'est fort. Et effectivement on doit prendre nos responsabilités. Jusqu'au temps où on dit que ce produit est illégal, on doit utiliser les outils qu'on a pour vraiment lutter contre une situation où 10 000 Québécois meurent chaque année à cause des maladies liées au tabagisme. Dans la littérature d'Ontario que j'ai lue, c'est dit : En Ontario, 13 000 personnes meurent chaque année à cause du tabagisme. Le tabagisme, c'est la cause numéro un de mortalité et maladies dans la province. Donc, ce n'est pas différent ici. Il faut prendre des mesures fortes pour assurer qu'il n'y a pas une nouvelle génération de fumeurs.

L'affichage, ça va aider. L'attaque contre le marketing va aider. L'emballage neutre, je comprends, comme élus, ça va prendre un certain courage pour devenir les premiers au Canada de faire ça. C'est la loi en Australie, et ça marche. Le taux de tabagisme tombe. L'Irlande a adopté ça malgré la pression et les poursuites de l'industrie.

Mme Charlebois : ...la Société canadienne du cancer est venue puis ils nous ont montré une mise en garde qui était... premièrement, elle avait une dimension réglementée sur un paquet pour je ne me souviens plus quel pays, et ça couvrait les trois quarts, puis ça prend un certain format au paquet parce que l'étiquette est tellement grosse que...

Une voix : ...

Mme Charlebois : C'est où?

Une voix : Australie.

Mme Charlebois : Non, c'était le paquet neutre, ça, Australie. Non, parce qu'on voyait les marques de cigarettes. Je ne me souviens pas c'est où. En tout cas, il y avait un paquet où on voyait la marque de cigarettes dans le bas, mais l'étiquette de mise en garde concernant le tabagisme était vraiment...

Une voix : ...

Mme Charlebois : ...oui, puis il était réglementé, il y avait une surface. Ils semblaient me dire que ça pouvait faire une partie du travail jusqu'à ce qu'on arrive à un paquet neutre. Est-ce que vous seriez d'accord avec ça?

M. Rotrand (Marvin) : La position des villes, c'est le paquet neutre. Si vous nous rencontrez à mi-chemin...

Mme Charlebois : ...que le mi-chemin, là, on ne voit presque rien sur le paquet. Puis il ne pourra plus y avoir de petits paquets, parce que, admettons que ça, ça serait un paquet de cigarettes, là, bien il reste à peu près cet espace-là dans le bas, là. Tout le restant, c'est une étiquette de mise en garde.

M. Rotrand (Marvin) : Mme Charlebois, si vous faites ça, vous aurez l'appui de la population, ça, c'est clair. Nos motions vont beaucoup plus loin. On va dire que la ministre n'a pas répondu à 100 %, mais est-ce qu'on va être déçus? Probablement pas, et certainement pas publiquement. Ce que j'aimerais dire, qu'effectivement...et je comprends les enjeux politiques...

Mme Charlebois : ...

M. Rotrand (Marvin) : Je comprends les enjeux quand même. Je ne peux pas dire oui, mais je ne veux pas dire non, O.K.?

Mme Charlebois : Dans une perspective où on peut aller rapidement puis faire en sorte que... On a déjà un plan d'action.

• (16 h 40) •

M. Rotrand (Marvin) : La standardisation de la mise en garde et de la rendre plus visible, tout ça, est un grand gain, un grand gain pour la santé publique, ça va avoir un impact.

Toute la question de marketing est importante, parce que l'industrie essaie d'avoir l'emballage vraiment sexy pour attirer les jeunes. Si vous allez rayer ça et leur capacité de faire ça et standardiser ce qu'ils doivent faire, ça va avoir un impact, et les jeunes vont comprendre.

Mme Charlebois : Merci. Je n'ai pas d'autre question, mais merci beaucoup pour votre préoccupation pour l'ensemble de la population. C'est vraiment gentil d'être venu.

M. Rotrand (Marvin) : C'est moi qui vous remercie.

La Présidente (Mme Montpetit) : Alors, nous allons poursuivre avec l'opposition officielle pour une durée de 12 minutes. M. le député de Rosemont, la parole est à vous.

M. Lisée : Merci, Mme la Présidente. Très heureux de vous voir, alors, avec mes deux chapeaux : critique en prévention, santé publique et critique pour la métropole. Alors, on est tout à fait convergents. Je suis d'accord avec presque tout ce que vous avez dit. J'ai quelques questions. Vous savez que, sur l'emballage neutre, nous, c'est notre position. Donc, merci d'appuyer cette position, qui est reprise par beaucoup de gens. On pense qu'on pourrait agir rapidement.

Mais ce que je veux vous poser comme question... puis vous avez parlé des villes japonaises où vous êtes allé, où un certain nombre de lieux publics sont désignés non-fumeurs par les municipalités. Vous pourriez le faire. Et d'ailleurs est-ce que ce ne serait pas une réponse à la question qui nous tarabuste, la ministre, moi et les collègues, depuis le début? Les rues à terrasses, Saint-Denis, Monkland, et les autres... Et d'ailleurs je vous signale que je suis allé voir hier sur Saint-Denis La grande terrasse rouge, qui fait plusieurs coins de rue, et c'est magnifique, c'est un très bel aménagement urbain. Alors, ce qui nous tarabuste, c'est que, si on dit qu'on ne peut pas fumer sur la terrasse, mais jusqu'à neuf mètres... mais il n'y a pas de neuf mètres, parce que la terrasse, c'est la fin de la propriété du restaurant, et, à côté, il y a une autre terrasse, où vont aller les fumeurs? Bien, ils vont s'agglomérer quelque part sur le trottoir, devant une des terrasses ou devant un commerce qui n'a pas de terrasse qui ne sera pas content.

Est-ce que la solution, ce n'est pas que la municipalité dise : Bon, il y a un certain nombre de rues à terrasses qui seraient non-fumeurs?

M. Rotrand (Marvin) : Je ne pense pas que ça, c'est une solution, pour la raison suivante : quand on fait une loi, ça s'applique partout, à l'uniformité, les gens le comprennent. Ma grande crainte est, effectivement, chaque municipalité, chaque arrondissement va avoir des différentes règles. Il y aurait quelques-uns qui vont refuser de le faire, les autres qui vont être plus stricts, les autres qui vont avoir des règles qu'ils appliquent de différentes façons à différents temps de la journée que l'autre à l'autre côté de la rue. Et ça mène à la confusion. Le plus facile est que le gouvernement du Québec dise : C'est la loi provinciale.

M. Lisée : On est d'accord qu'il n'y ait pas de fumée sur les terrasses. Je comprends, c'est votre position, c'est la nôtre aussi. Mais là ensuite il y a le problème du trottoir. Moi, si, dans Rosemont, par exemple, l'arrondissement dit : Bien, nous, on décide que, sur la rue Masson, de telle rue à telle rue, ce sera non-fumeurs le soir, mais que, sur la rue Crescent, ils disent : Non, non, non, nous, on veut rester fumeurs, mais la société de développement commercial de la rue Saint-Denis dit : Bien, nous, on va avoir un bout non-fumeurs si les commerçants le veulent aussi ou si l'arrondissement peut décider de l'imposer, est-ce que ce ne serait pas là votre responsabilité de désigner des espaces publics fumeurs ou non-fumeurs?

M. Rotrand (Marvin) : ...ne pas répondre à votre question, parce que ce me semble de créer une «hodgepodge» qu'effectivement, même dans le même arrondissement, vous aurez des différentes règles sur différentes artères commerciales. Beaucoup plus difficile à appliquer, beaucoup plus difficile d'avoir des inspecteurs qui vont aller seulement sur un bout de rue et pas à un autre, et l'artère commerciale voisine ne va pas être touchée. Je pense, vraiment, la solution est globale. On avait ce débat parmi nous autres. Il n'y a pas consensus si on doit aller de l'avant. Côte-Saint-Luc a fait la question des parcs, a causé des problèmes ailleurs, les gens ne sont pas sûrs s'ils doivent suivre ou non. Des gens disent : Bon, laisse ça au gouvernement du Québec, il y a une loi provinciale qui va appliquer... On n'aurait pas le problème des différentes règles d'un endroit à l'autre. Je sais, on pense que les villes peuvent agir, mais qu'est-ce qui arrive si...

M. Lisée : ...de notre responsabilité, là. Nous, on ne peut pas désigner une partie de la rue Saint-Denis non-fumeurs, là. Vous demandez plus de pouvoirs sur la métropole, on est d'accord, mais il y a un moment où... Parce que, les exemples japonais que vous donnez, il y en a dans d'autres villes aussi, des espaces publics, des rues, des bouts de rue qui sont désignés.

M. Rotrand (Marvin) : Est-ce que je peux prendre votre question comme une offre d'ajouter à la loi un nouveau pouvoir pour les villes d'aller plus loin que... Parce que les pouvoirs réglementaires de la ville dans ces matières ne sont pas clairs, à moi, O.K.? Et je ne suis pas avocat. «Talented amateur, you know», mais pas avocat.

Donc, je vous invite à poursuivre la recherche. Vous avez beaucoup plus de ressources que moi. J'ai suggéré à la ministre un pouvoir réglementaire au provincial. Si vous voulez ajouter à cette loi un pouvoir encore pour les villes d'aller plus loin, j'accepte ça.

M. Lisée : D'accord. Bien, on avait déjà évoqué la chose ce matin, donc on en rediscutera. Il semble que la ministre a dit que le pouvoir réglementaire, il existe, mais on le regardera dans le travail article par article puis, si on doit le préciser, on le précisera, parce qu'effectivement ce serait un bon moment pour que... on parlait plus tôt aussi que les universités puissent s'autodésigner zones non-fumeurs, il faut qu'elles en aient la capacité légale. Peut-être ne l'ont-elles pas. Et on ne veut pas ouvrir la voie à des contestations, donc on devrait aussi permettre à des entreprises, des universités, des écoles, des villes, des arrondissements de désigner des places non-fumeurs s'ils le désirent, aller plus loin que la législation.

M. Rotrand (Marvin) : Vous avez soulevé la question d'aller plus loin. Est-ce que c'est permis pour les témoins de poser des questions aux députés?

M. Lisée : ...

M. Rotrand (Marvin) : O.K. Parfait. J'aimerais savoir si vous êtes au courant des mouvements, dans les États-Unis, qui ajoutent les collèges aux endroits où on ne peut pas fumer et la loi qui est adoptée à Hawaii qui a augmenté l'âge pour fumer. Les jeunes moins que 21 ans ne peuvent pas maintenant acheter de tabac ni fumer à Hawaii. Et aussi ils ont ajouté dans leur loi la possibilité de faire des vérifications très, très strictes. Ontario, «by the way», a la même chose. Dans leur loi, ça indique que, si vous êtes 25 ans ou moins et vous voulez acheter des cigarettes, l'âge légal : 19 à 25, vous devez démontrer votre identification. Et je sais que vous avez essayé de renforcer notre loi, ça, c'est bon, mais j'aimerais juste que vous preniez connaissance qu'il y a des autres endroits où vous pouvez aller si vous voulez ajouter à cette loi. Pour moi, les cégeps, c'est normal. Si on protège celles en écoles secondaires, pourquoi pas d'avoir une atmosphère, un environnement de santé dans les cégeps? Et juste pour que vous utilisiez vos ressources pour regarder les mouvements qui commencent dans les États-Unis pour dire non à la vente des cigarettes aux jeunes de moins de 21 ans... C'est seulement à Hawaii où est cette loi. Californie, le Sénat a adopté une résolution, l'assemblée n'a pas, jusqu'à maintenant, entériné... La Pennsylvanie a commencé une étude. Et, j'imagine, si trois États... un a commencé, les autres vont commencer de parler aussi.

M. Lisée : Eux, ils ont déjà l'âge légal pour acheter de l'alcool à 21 ans, d'ailleurs ce qui aide l'économie montréalaise, parce que plusieurs jeunes Américains viennent boire ici entre 18 et 21. Donc, il y a une certaine homogénéisation qui se fait de leur côté. Nous, il faudrait distinguer l'âge pour le tabac et l'âge pour l'alcool. Ça serait peut-être un peu plus compliqué.

Dites-moi quels sont les... Parce que vous dites que vous avez participé à une conférence sur des villes en santé avec Mme Suzanne Roy, présidente de l'UMQ, M. Denis Lapointe, président du Réseau québécois de villes et villages en santé, plus de 300 professionnels pour échanger sur les questions de santé publique. Alors, je suppose que... outre que de demander au gouvernement québécois d'agir à l'Assemblée, ce que nous allons faire, quelles sont les initiatives que les villes ont? Quelles sont les bonnes pratiques? Qu'est-ce que vous, vous pouvez inventer en ce sens-là?

M. Rotrand (Marvin) : Les villes, faire leur part avec les moyens qu'elles ont. Il y a beaucoup de villes qui ont adopté des politiques de saines habitudes de vie, c'est-à-dire d'améliorer leurs offres de nourriture qu'elles ont dans leurs propres facilités, soit les arénas ou les bibliothèques, maisons de culture, même aux bâtiments comme celui des travaux publics pour nos propres employés, dans les machines distributrices, d'offrir une meilleure nourriture, mais aussi d'ajouter l'activité physique dans la planification urbaine. Chez nous, nous avons commencé avec ça... et appel aux restaurateurs de retirer les huiles et graisses qui ont des gras trans. À notre grand étonnement, un grand nombre... on a fait publiquement, disant : Bon, on répond favorablement à l'appel de l'arrondissement. Nous avons commencé d'offrir les pistes de ski de fond dans l'hiver. Et nous ne sommes pas les seuls, il y a beaucoup de villes québécoises... Dans nos moyens, on a fait des marchés de quartier dans nos plans d'urbanisme, on ajoute des sentiers verts. La planification commence de favoriser le transport actif, et il y a beaucoup plus de pistes cyclables. L'idée que l'autobus doit avoir une certaine priorité devient plus commune dans la pensée des municipalités.

Mais, sur la question du tabac, le consensus à ces réunions... et c'était très fort, j'étais vraiment impressionné. J'ai commencé ça avec 10 autres élus montréalais, et 350 personnes ont finalement... joindre à nous, «everybody who's anybody in the health network» et aussi des élus de presque partout au Québec. On était bien heureux d'avoir Mme Roy et avoir un conduit à l'UMQ pour que l'UMQ prenne ce qu'ils ont entendu et faire partager avec l'ensemble des municipalités du Québec. Sur le tabac, c'est clair, on aime la loi n° 44, on veut aller plus loin.

• (16 h 50) •

M. Lisée : M. le conseiller, merci beaucoup pour votre engagement dans la lutte au tabagisme, merci de votre présence, merci de votre travail.

M. Rotrand (Marvin) : ...M. le député. C'est la première fois que je suis en commission parlementaire depuis 1994.

M. Lisée : Revenez quand vous voulez.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Alors, nous allons poursuivre avec le député de Lévis pour une durée de huit minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, M. le conseiller. Vous dites que votre dernière visite date de 1994. Une fois aux 20 ans, hein... Vous pouvez venir frapper plus souvent puis venir faire votre tour, c'est agréable de vous entendre.

On a parlé tout à l'heure, et vous avez dit : D'inscrire dans la loi... c'est-à-dire, de mettre, dans la loi, des exigences, ça fait toute la différence, et vous en avez parlé notamment pour les parcs, les terrains sportifs, bon, etc., davantage que de réglementer ou de régir du côté municipal. Juste avant d'aborder les oppositions auxquelles vous avez été confronté... Le cartage, carter pour être capable d'avoir, d'obtenir des produits du tabac, c'est-à-dire d'être obligé de s'identifier... les détaillants nous ont dit, les dépanneurs nous ont dit qu'ils apprécieraient avoir, dans le projet de loi, l'obligation de carter ceux et celles qui, jusqu'à 25 ans, souhaitaient acheter un produit du tabac. Pour l'instant, c'est laissé à leur discrétion. C'est-à-dire, ils ont la responsabilité, ils ont l'obligation, mais la responsabilité est sur eux de le faire. Eux réclamaient que, dans la loi, ce soit inscrit. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée?

M. Rotrand (Marvin) : Je n'ai aucune objection. C'est dans la loi de l'Ontario. Effectivement, c'est ce que la loi en Ontario dit. Peut-être, c'était le même argument en commission parlementaire là-bas. Pour moi, ce qui est important est... les gens qui vont aller essayer d'acheter le tabac vont savoir qu'ils doivent faire une preuve d'identité, et, probablement, ils vont être refusés, donc ils ne vont pas même aller...

L'autre aspect de la question : on doit avoir des punitions pour des adultes qui achètent du tabac pour les jeunes, parce que, si vous êtes stricts avec les jeunes, ils vont essayer de trouver une autre façon de procurer ce produit. Donc, je sais que les amendes sont haussées, et ça, c'est une bonne chose. Je n'ai aucune objection de quelle façon vous... le faire, l'objectif est d'assurer que les jeunes n'achètent pas de tabac.

M. Paradis (Lévis) : À ce chapitre-là, les amendes, plusieurs détaillants et commerçants ont dit que c'était trop élevé, la différence était trop importante, que ça mettait en péril la survie de certaines entreprises, sachant pertinemment que des propriétaires de dépanneur qui comptent dans leurs produits les produits du tabac, bien sûr, ne gagnent pas une fortune et risquent, s'ils sont pris en flagrant délit parce qu'un employé aurait décidé, par exemple, de mal agir... ils pourraient être acculés à la faillite. Est-ce qu'à ce chapitre-là vous trouvez que ces amendes-là sont trop sévères et devraient être revues? Est-ce qu'on devrait revoir la notion de récidive, première récidive, deuxième récidive, troisième récidive avant de retirer, par exemple, les produits du tabac? Est-ce qu'on doit revoir ça?

M. Rotrand (Marvin) : Non. Je ne trouve pas que c'est trop punitif. Effectivement, ça rejoint le niveau des amendes ailleurs au Canada, et ce qui est arrivé n'était pas comme les dépanneurs, «convenience stores» en Ontario... est allé en faillite. Ce qui est arrivé, ils commençaient d'être vraiment prudents avec les acheteurs potentiels pour assurer que le problème n'existe pas. Il y a une étude que j'ai lue sur l'Internet juste il y a quelques jours, j'ai oublié de l'imprimer. Les inspecteurs au Nouveau-Brunswick ont trouvé que 57 % des détaillants à Bathurst, au Nouveau-Brunswick, vendent régulièrement le tabac illégalement aux jeunes, et c'est à cause du fait qu'il n'y était pas une vraie punition. La loi a été changée, le taux des personnes qui ne respectent pas leurs obligations légales a chuté. La même chose va arriver ici. Ça va devenir normal pour les détaillants de demander une carte d'identité, et celui qui va essayer d'acheter illégalement va y penser deux fois. Donc, le problème va disparaître assez rapidement. Les amendes sont raisonnables devant une épidémie qu'on vit au Québec.

M. le ministre, 10 000 morts chaque année que nos médecins nous disent qu'on peut éviter. Donc, «it's a no-brainer».

M. Paradis (Lévis) : Vous dites que c'est correct. Parlons d'application, la notion du neuf mètres. À Montréal notamment, des propriétaires de restaurant-bar se battaient encore tout récemment pour réussir à avoir une terrasse. En fonction de tous les travaux qui se font présentement au centre-ville de Montréal, ils réussissaient à peine à avoir quelques pieds devant leurs établissements pour servir les clients qui souhaitaient manger à l'extérieur. Dans l'applicabilité, c'est-à-dire de faire en sorte qu'on ne puisse fumer, la distance, etc., les gens qui représentaient les bars et les restaurants parlaient d'une notion de 1,5 mètre, on est à neuf mètres. Est-ce que voyez un problème dans l'application de cette norme-là?

M. Rotrand (Marvin) : En 1987, je me suis levé au conseil municipal de Montréal et j'ai demandé, en l'absence d'une loi provinciale sur l'usage du tabac, un règlement municipal pour protéger les non-fumeurs dans les restaurants et autres endroits. Le maire Doré a cédé et a dit : Oui, je vais le faire. Il l'a fait. La loi était très faible. J'ai continué de pousser, j'ai dit : Bon, on doit avoir une loi pour tout le Québec. Le gouvernement du Québec a finalement dit oui, et j'ai demandé beaucoup plus d'inspecteurs, j'ai dit : Parce que je ne crois pas que les gens vont respecter de ne pas fumer dans les bars. Le gouvernement du Québec n'a pas embauché plus d'inspecteurs. Et savez-vous ce qui est arrivé? Tout le monde a respecté la loi. J'avais tort, j'avais une peur irraisonnable que les gens ne respectent pas une loi de leur Assemblée nationale. Vous autres avez des pouvoirs ici, vous êtes les leaders de notre société. Quand vous faites une loi, les gens la suivent — presque tous les gens — la suivent. Et, si c'est neuf mètres, ça va être respecté.

Je n'ai pas toutes les statistiques pour les autres provinces. Il y en a quelques-unes où c'est plus long, les autres, c'est moins long, mais, dans tous les cas, tous les élus que j'ai consultés ailleurs ont dit : Aucun problème, les gens le respectent. Donc, je pense que vous pouvez rester avec le neuf mètres. Oui, vous aurez des gens qui vont vous dire après : Vous avez été trop durs, mais ça va disparaître en six mois.

M. Paradis (Lévis) : Je vous poserai une dernière question. Ce n'est pas d'hier que vous travaillez à ce dossier-là, vous le dites, hein, et vous en faites un cheval de bataille, mais vous avez aussi rencontré des opposants. Ceux qui trouvent que tout ça est trop sévère, quels sont les arguments qu'ils vous servent? Comment expliquent-ils le fait qu'ils ne soient pas d'accord avec ce dont on parle présentement?

M. Rotrand (Marvin) : Je connais M. Sergakis pendant plus que 25 ans. Selon lui, il est convaincu que son chiffre d'affaires va diminuer d'une façon qui va mettre en péril pas seulement son entreprise, mais celles des autres collègues dans la même industrie. J'ai vraiment essayé d'expliquer, et il a utilisé le même argument que quand nous avons légiféré pour les restaurants, et le ciel n'est pas tombé. Effectivement, il fait une bonne affaire, et c'est assez bon qu'il y a même des chaînes de restaurants qui... «non-fumeurs» sur leurs terrasses avant cette proposition dans la loi n° 44. C'est une crainte pas basée sur les études, c'était seulement une crainte qui motivait la majorité de leur opposition.

Je comprends l'industrie. Pour l'industrie, c'est leur profitabilité qui est possiblement en jeu. S'il n'y a pas une nouvelle génération de fumeurs, leur profit va diminuer en 10 ans, en 20 ans, en 30 ans, ça va être une industrie en disparition. Pour les autres, je ne vois pas qu'il y a grand opposition. J'ai lu quelques sondages et je ne peux pas vous dire lequel aujourd'hui... pour les terrains de jeu, 90 %, 92 % des Québécois étaient d'accord; pour le tabac aromatisé, c'est presque pareil; sur les terrasses, les non-fumeurs, c'est 90 %, et même les fumeurs étaient à presque 60 %, 62 %. Donc, le consensus existe, et, une fois que la loi est en application, les gens vont voir : Bon, ce n'était pas assez mauvais comme ça, je n'étais pas vraiment incommodé, j'ai toujours les autres options. Donc, M. le député, je pense que vous pouvez voter pour cette loi en bonne foi.

M. Paradis (Lévis) : Merci, monsieur.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie énormément, M. Rotrand, pour votre exposé et le temps que vous avez accordé aux parlementaires.

Sur ce, je vais suspendre les travaux quelques instants et j'invite le prochain groupe, les représentants du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l'île-de-Montréal, à bien vouloir prendre place.

(Suspension de la séance à 17 heures)

(Reprise à 17 h 5)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux et nous accueillons maintenant les représentants, représentantes du CIUSSS du Nord-de-l'Île-de-Montréal. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Et, s'il vous plaît, peut-être prendre soin de bien vous nommer, préciser vos fonctions dans votre intervention. Alors, la parole est à vous.

Centre intégré universitaire de santé et de services
sociaux du Nord-de-l'Île-de-Montréal
(CIUSSS─Nord-de-l'Île-de-Montréal)

M. Gfeller (Pierre) : Parfait. Alors, bonjour tout le monde. M. le Président, Mme la ministre déléguée, membres de la commission, je vous remercie de nous recevoir. Je suis le Dr Pierre Gfeller, président-directeur général du nouveau Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l'Île-de-Montréal. Je suis accompagné aujourd'hui de membres de ce CIUSSS. À ma gauche, il y a Mme Marie-France Simard, directrice générale adjointe, Programmes sociaux, réadaptation et première ligne, auparavant directrice générale de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Mme Simard a notamment été présidente du comité scientifique du ministère de la Santé et des Services sociaux visant la révision de l'offre de services en centres d'hébergement. À ma droite, voilà le Dr Alain Desjardins, pneumologue à l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal. Mentionnons que Dr Desjardins a été médecin expert pour représenter les victimes de la maladie pulmonaire chronique et du cancer du poumon dans le recours collectif contre des manufacturiers de cigarettes. Au terme de ce mégaprocès, les cigarettiers ont été reconnus coupables et condamnés à verser des indemnités de 15 milliards de dollars aux victimes.

J'aimerais, d'entrée de jeu, souligner l'appui de notre CIUSSS au projet de loi n° 44. En tant qu'établissement de santé, c'est notre devoir absolu de lutter contre le tabagisme, et nous avons l'obligation d'être des leaders dans ce domaine, ce que nous avons été au cours des dernières années. Aucun effort ne devrait donc être ménagé pour combattre le tabagisme et ses conséquences.

Nous sommes très fiers du mémoire que nous déposons aujourd'hui, particulièrement parce qu'il a été rédigé en consultation avec nos trois conseils professionnels : le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, le conseil multidisciplinaire et le conseil des infirmiers et infirmières. Nous voulons aussi vous exprimer nos remerciements parce que nous sommes le seul CISSS, ou CIUSSS, véritable détenteur de la responsabilité populationnelle qui est invité à vos travaux, et, en plus, nous sommes les derniers à être entendus, et donc les derniers à parler. Introduction.

Alors, j'aimerais maintenant vous dresser un bref portrait du CIUSSS du Nord-de-l'Île-de-Montréal. Notre CIUSSS organise, développe et assure la prestation des services de santé et de services sociaux de première ligne pour la population du Nord-de-l'île-de-Montréal en plus d'offrir des soins spécialisés à 1,8 million de Québécois dans les domaines de la traumatologie, de la santé respiratoire et de la santé cardiovasculaire. 411 000 personnes sont desservies sur notre territoire local, et on estime qu'environ 19 % d'entre elles fument la cigarette. Plus de 11 000 employés et 500 médecins travaillent dans nos installations. L'Hopital du Sacré-Coeur de Montréal, l'Hôpital Jean-Talon, l'Hôpital Fleury, l'Hôpital Rivière-des-Prairies et le Pavillon Albert-Prévost sont intégrés à notre CIUSSS. Nous avons également six CLSC et 11 CHSLD publics. Notre CIUSSS est également affilié à l'Université de Montréal et regroupe deux centres de recherche : celui de Sacré-Coeur et celui de recherche et de partage des savoirs interactifs en sciences sociales de l'ancien CSSS de Bordeaux-Cartierville-Saint-Laurent.

Je céderai maintenant la parole au Dr Alain Desjardins.

M. Desjardins (Alain) : Je désire aborder avec vous l'interdiction de fumer sur les terrains des établissements de santé et de services sociaux, qui constitue la première proposition de notre mémoire.

Nous considérons que les établissements doivent servir d'exemples et offrir un environnement des plus sains aux travailleurs et aux usagers. C'est pourquoi nous proposons d'être des précurseurs et d'instaurer l'interdiction de fumer sur l'ensemble des terrains des établissements. Rappelons qu'actuellement il est interdit de fumer à l'intérieur d'un rayon de neuf mètres des portes d'accès des établissements. L'élargissement de cette interdiction permettrait d'éliminer les barrières de fumée que les patients et visiteurs doivent régulièrement traverser pour entrer et sortir de nos installations. Un sondage effectué auprès de 1 000 employés de notre CIUSSS en 2014 révèle que 13,8 % d'entre eux sont des fumeurs. Si cette mesure pouvait encourager ces employés à cesser de fumer, le support nécessaire leur serait offert via le Programme d'aide à la cessation tabagique.

Parlons maintenant des programmes d'abandon du tabac dans les hôpitaux, proposition 5 de notre mémoire. Depuis quelques années, tous les établissements de notre CIUSSS sont sans fumée, à l'exception de quelques centres hospitaliers ou de soins de longue durée. Ainsi, le dernier fumoir interne de l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal a été fermé en 2008, tandis que les trois fumoirs internes du pavillon psychiatrique Albert-Prévost l'ont été en 2011. Les fumeurs hospitalisés se trouvent donc obligatoirement contraints au sevrage tabagique dès qu'ils sont admis. Le Programme d'aide à la cessation tabagique, ou PACT, a été inauguré à l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal pour répondre aux besoins de la clientèle ambulatoire en 2004 puis s'est adressé aux besoins des patients hospitalisés depuis 2009. Il offre aux fumeurs hospitalisés une thérapie de remplacement nicotinique dans plusieurs départements et services à l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal.

• (17 h 10) •

Depuis 2007, le PACT et la Direction des ressources humaines de l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal ont organisé, deux fois par année, le défi six semaines sans fumer afin de promouvoir l'abandon du tabac auprès du personnel. De plus, des consultations individuelles sont offertes au PACT. Le PACT offre une infirmière spécialisée qui rencontre les fumeurs référés sur une base individuelle, émet des recommandations de traitement et de stratégie adaptative et organise un suivi téléphonique ou les dirige vers un centre d'abandon du tabac à leur congé. Le directeur médical du PACT agit comme consultant expert en rencontrant les patients qui ont des besoins particuliers, par exemple des rechutes dues à une forte dépendance au tabac et des problèmes d'intolérance aux médicaments usuellement utilisés. La formation des infirmières des divers départements portant sur la thérapie de remplacement de la nicotine permet d'atténuer les symptômes de sevrage tabagique et de promouvoir l'abandon du tabac chez les fumeurs hospitalisés. Parallèlement, dans nos trois CLSC, les infirmières des centres d'abandon du tabac offrent un soutien ambulatoire aux patients fumeurs désireux de cesser.

Comme vous pouvez le constater, notre programme d'abandon du tabac est étoffé et a fait ses preuves. C'est pourquoi nous proposons de rendre obligatoire, d'ici 2020, la mise en place d'un programme d'abandon du tabac pour la clientèle hospitalisée et ambulatoire dans tous les hôpitaux.

Avant de céder la parole à Mme Simard, je tiens à souligner notre appui à l'article de loi portant sur l'assimilation de la cigarette électronique à un produit du tabac et de l'inclure dans la définition de fumer. L'efficacité de la cigarette électronique pour la cessation tabagique et son innocuité à long terme n'ont pas été clairement démontrées. La cigarette électronique demeure donc un moyen encore controversé pour aider spécifiquement certains types de fumeurs très dépendants qui ont échoué avec les méthodes conventionnelles. La cigarette électronique a par ailleurs le potentiel de réduire la motivation de cesser complètement son usage et occasionne un recul par rapport à la dénormalisation du tabac dans la société. De plus, plusieurs fumeurs l'utilisent dans les zones où la cigarette est prohibée. Mentionnons qu'en 2014 plusieurs installations de notre CIUSSS ont assujetti la cigarette électronique à la même interdiction que la consommation de tabac.

Je cède maintenant la parole à Mme Marie-France Simard.

Mme Simard (Marie-France) : Merci, Dr Desjardins. J'aimerais maintenant aborder avec vous la question de l'utilisation du tabac en CHSLD, un sujet qui me tient beaucoup, beaucoup à coeur. Je pense que nous avons le devoir d'assurer un milieu de vie sécuritaire à nos personnes âgées extrêmement vulnérables et un milieu de travail sain pour nos employés.

Dans notre CIUSSS, nous avons 1 920 résidents; 139 sont fumeurs, 93 sont des personnes âgées. Donc, seulement 93 sont des personnes âgées. Les autres personnes sont des adultes en perte d'autonomie, alors soit une clientèle avec une problématique de santé mentale ou une clientèle avec une problématique de déficience physique. On pense, entre autres, à des jeunes traumatisés de la route, là, qui sont dans nos établissements. Donc, une clientèle adulte et pas beaucoup, finalement, de personnes âgées qui sont fumeurs. Dans nos CHSLD, sur 11 CHSLD, quatre actuellement permettent de fumer dans les chambres. Pour les autres, c'est un fumoir que nous avons dans chacun des établissements. J'aimerais aussi amener en lumière le fait que les personnes qui sont actuellement admises en CHSLD, et ça, grâce aux initiatives, là, de nos différents gouvernements, c'est une clientèle qui est en très, très grande perte d'autonomie, puisqu'on a beaucoup investi dans le maintien dans le milieu de vie, on a développé beaucoup de ressources sur le territoire, des ressources intermédiaires, différentes ressources qui nous permettent de maintenir dans le milieu de vie les personnes âgées, mais qui amènent, dans nos établissements, donc, des personnes âgées en très, très grande perte d'autonomie. Dans ce contexte-là, on considère aussi que, les gens, au moment où ils arrivent dans notre établissement, la perte d'autonomie est telle que fumer ne fait plus partie de leurs habitudes de vie maintenant.

Alors, dans ce contexte, nous suggérons aujourd'hui à la ministre et à la commission d'étudier la possibilité d'envisager la fermeture graduelle de nos fumoirs en CHSLD. On pense que, d'ici trois à cinq ans, la clientèle se sera considérablement modifiée, considérant les nouveaux critères d'admissibilité, et qu'il serait tout à fait possible de mettre en place un comité de travail qui nous permettrait d'envisager, donc, la fermeture des fumoirs d'ici trois à cinq ans. Pour nous, on pense que l'intégration de la fermeture de ces fumoirs dans une future politique sur l'usage du tabac dans notre CIUSSS permettrait, d'une part, d'offrir des milieux de vie et de travail encore plus en santé et, d'autre part, améliorerait la sécurité de notre clientèle extrêmement vulnérable.

Rappelons que la consommation de la cigarette en CHSLD présente un très, très fort potentiel d'incendie pouvant avoir des conséquences graves.

Bien sûr, un programme de cessation du tabagisme, à ce moment-là, serait aussi initié auprès de notre clientèle fumeurs, et on mettra... on suggère, en tout cas, de mettre en place un programme de formation pour notre personnel permettant de soutenir notre clientèle dans la cessation du tabagisme.

Je laisse maintenant la parole au Dr Gfeller pour le mot de la fin.

M. Gfeller (Pierre) : Alors, membres de la commission, comme vous avez pu l'entendre, nos propositions visent à faire un pas de plus dans la lutte contre le tabagisme, elles cadrent parfaitement avec notre vision de ce qu'est un centre intégré universitaire de santé et de services sociaux, c'est-à-dire un établissement qui assume pleinement la responsabilité qu'il a envers la population, qui offre des services adaptés à ses clientèles et aux nouvelles réalités et qui est un employeur de choix, car il offre un environnement de travail sain et sécuritaire.

J'aimerais terminer cette allocution en saluant l'ensemble de notre personnel. Il s'agit de milliers de personnes qui, tous les jours, font un travail remarquable pour offrir à tous nos usagers et à la population des soins et des services de qualité, et c'est pourquoi nous avons le devoir de leur offrir un environnement de travail sain, donc un environnement sans tabac et sans fumée. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, vous avez maintenant l'occasion d'échanger, en commençant par la ministre, avec Mme la ministre pour une période de 20 minutes.

Mme Charlebois : M. Gfeller, Mme Simard et M. Desjardins, merci d'être là et de nous faire part de vos préoccupations par rapport au projet de loi.

Je suis fort heureuse de voir que vous appuyez fortement le projet de loi, un autre groupe qui appuie fortement le projet de loi. On sent qu'il y a vraiment une forme de consensus, j'irais jusqu'à dire ça, là, dans la société, notamment chez les gens qui oeuvrent dans le système de la santé. Vous êtes bien placés pour voir les dommages que cause le tabagisme, hein, on n'a pas besoin de vous l'expliquer. Même que ça a été fort instructif d'entendre tout le monde apporter un point de vue. Aujourd'hui, on a même parlé du cerveau d'un enfant, ça m'a fascinée, et je souhaite même peut-être intégrer ça dans des campagnes de prévention. En tout cas, j'ai gardé ça en tête, là, parce que je ne suis pas certaine que c'est connu tant que ça par l'ensemble de la population. On sait le cancer, on sait bien des choses, mais le cerveau, le développement d'un adolescent, ça m'a grandement frappée.

Alors, allons dans le vif du sujet. Je vois que, dans votre mémoire, vous appuyez la majoration du montant des amendes — là, je vous amène dans une autre zone complètement de ce que vous nous avez dit — prévues en cas d'infraction sur la Loi sur le tabac. Les détaillants nous ont dit : Vous allez nous faire fermer, en tout cas... parce que vous savez qu'il y a une augmentation substantielle. Alors, est-ce que vous avez jasé avec des détaillants ou si, vous, ça vous importe peu, il faut vraiment que les gens se responsabilisent, et c'est tout?

M. Gfeller (Pierre) : Disons que le CIUSSS est une créature relativement nouvelle, elle a eu cinq mois le 31 août. On n'a pas eu la chance d'échanger encore avec des détaillants à ce sujet-là.

Par contre, moi, je peux vous dire que, d'expérience, puis on en a parlé tantôt, M. Rotrand en a parlé, quand il y a eu des mesures de limitation de l'usage du tabac qui ont été amenées par voie législative, il y a toujours eu des craintes à l'effet que ça serait difficile à appliquer ou encore que les amendes seraient prohibitives. En fait, moi, dans tous les milieux où j'ai travaillé... puis j'ai vécu pas mal d'événements, parce que, quand j'ai commencé mon cours de médecine, on fumait encore dans les salles d'urgence; alors, on se déplaçait pour venir voir un patient qui faisait un infarctus puis le patron, le cardiologue, avait la cigarette au bec. Alors donc, il s'est passé pas mal d'eau sous les ponts depuis ce temps-là. Puis, à chaque fois où on a annoncé une catastrophe, on a dit : Bien là, ça ne sera pas possible d'arrêter le tabac à l'hôpital, ça ne sera pas contrôlable, il va falloir mettre une police dans chaque corridor, mais ce n'est pas ça vraiment qui s'est passé. Ça s'est très bien passé, ça a été accepté. Il y a un consensus social qui va avec ça.

Donc, le CIUSSS, dans son mémoire, n'aborde pas directement cette question-là des amendes, mais, en fait, étant donné qu'on est concernés par la santé de la population, nous sommes d'accord avec toutes les mesures qui peuvent amener une diminution de l'usage du tabac puis diminuer aussi la possibilité pour les gens à commencer à fumer. Donc, toutes ces mesures-là reçoivent notre appui.

• (17 h 20) •

Mme Charlebois : D'accord. Vous faites mention que vous souhaitez que toute la superficie des terrains des établissements de santé soit... qu'il y ait une interdiction de tabagisme, finalement, de fumer et vous faites mention aussi d'ajouter un périmètre d'interdiction de fumer au pourtour des terrasses. Est-ce qu'on ferait la même chose sur les terrains des établissements? Comment vous voyez ça?

Je vous explique une affaire que j'ai vécue il y a... Mon père est décédé en 2000, je l'ai dit souvent pendant la commission, là, d'un cancer du poumon, puis, de temps en temps, il me demandait... puis il n'était plus capable, là, je vous le dis, là, il n'était plus capable de fumer, là — vous qui êtes pneumologue, vous savez c'est quoi à la fin, là — mais il me disait : Descends-moi en bas, il faut que j'aille fumer. Il ne fumait pas pantoute, là, il essayait de tirer une poffe, puis ça arrêtait là. Il n'était pas capable, mais il fallait qu'il y aille, c'était plus fort que lui.

On fait quoi avec ce monde-là? On va-tu les éduquer? Ils sont en fin de vie. On va les amener où fumer? J'aurais poussé la chaise roulante jusque sur le trottoir? Qu'est-ce que j'aurais dû faire, à votre avis, puis qu'est-ce qu'on fait pour l'avenir?

M. Desjardins (Alain) : C'est sûr que c'est une question délicate parce que ça interpelle beaucoup d'émotions. L'expérience que j'ai, c'est quand on aborde un patient qui a un cancer... puis ils sont souvent avancés au moment du diagnostic, et c'est là le drame du cancer du poumon. Ce que je me suis aperçu avec ma pratique — j'ai maintenant 25 ans de pratique — c'est qu'au début de ma pratique ce qu'on m'avait enseigné, c'est qu'il est trop tard puis il ne faut rien faire avec ça. Après ça, il y a eu beaucoup d'articles scientifiques qui ont fait état dans le fait de l'entrave au traitement, O.K., que ce soit une chirurgie, une radiothérapie ou une chimiothérapie, le fait de fumer, c'est la cause du cancer, mais en plus c'est que ça augmente la durée du... la prolifération des cellules cancéreuses et ça diminue la mort cellulaire qui sont induites par les traitements dont on dispose, donc la radiothérapie et la chimiothérapie.

Si on fait maintenant allusion aux soins palliatifs, ça veut dire qu'on a épuisé, qu'on a dépassé ces stades de traitement. Ce que mon expérience m'a montré, c'est que, si je ne parle pas d'arrêt tabagique avec les patients cancéreux qui sont en fin de vie, ça leur induit un état de désespoir profond, O.K.? Et je pense que, comme médecin, l'empathie, ça fait partie des choses importantes à faire, et de ne pas couper l'espoir, même quand il est petit, O.K., de ne pas adresser cette question-là avec un fumeur, ça ajoute à la lourdeur et au drame qu'ils vivent, et les efforts qu'ils font et qui sont récompensés... parce que j'ai des patients, moi, qui ont arrêté des fois une semaine avant de mourir, ils sont tellement fiers, et leurs familles, elles sont tellement contentes que c'est une autre atmosphère qui se dégage à ce moment-là. Donc, c'est un petit peu à l'envers de ce qu'on pourrait croire intuitivement, de ne pas adresser cette question-là en fin de vie, parce que c'est vrai que ça ne changera pas leur survie la plupart du temps, mais ça change autre chose, il y a un sentiment de fierté puis d'accomplissement, Et souvent, quand j'interviens auprès d'un fumeur qui est en fin de vie comme ça, ça fait un ricochet, et les gens qui sont proches d'eux souvent se commettent à arrêter eux-mêmes, parce que c'est souvent des fumeurs dans les familles. Donc, c'est une personne et les proches de cette personne-là qu'on aide en même temps, et tout le monde se sent bien avec ça.

M. Gfeller (Pierre) : Sur la question du neuf mètres, Mme la ministre. Je suis entré en fonction à Sacré-Coeur en août 2012 puis je connaissais le Dr Desjardins, parce que, dans mon ancienne vie, j'étais médecin de famille, Dr Desjardins, c'était un de mes consultants en pneumologie, et, donc, il m'a dit : Pierre, la première semaine, il dit, il faut qu'on étende l'interdiction de fumer à tout le terrain. Mais, vous savez, le terrain de Sacré-Coeur, c'est assez grand, c'est un quadrilatère montréalais. Alors, j'ai dit : Oui, Alain, je sais, je connais la bataille que tu mènes, mais ça me semble un peu radical. Mais c'était en 2012. Depuis ce temps-là, on rentre, on sort de l'hôpital puis on parle des rideaux de fumée, mais ce n'est pas une vue de l'esprit, hein? Quand on arrive à l'hôpital à l'heure de la pause, il faut vraiment franchir un rideau de fumée, en plus d'un rideau de mégots, hein, qui délimite une ligne de neuf mètres, là, à côté de la ligne bleue. Donc, il y a vraiment des conséquences de ça, et je pense qu'on doit considérer cette chose-là ou, du moins, au moins l'étendre peut-être plus loin que les portes d'entrée et de sortie des hôpitaux.

M. Desjardins (Alain) : Moi, j'ajouterais peut-être deux petits commentaires sur ce point-là. C'est que d'abord je trouve que c'est discordant de penser qu'on va protéger nos jeunes en mettant tous les terrains des écoles sans fumée puis que nos établissements de santé ne seront pas assujettis à cette même règle. Ça fait que ça, c'est la première chose qui m'interpelle.

La deuxième, c'est que je peux vous témoigner, quotidiennement, des plaintes ou récriminations de mes patients vulnérables, dont les asthmatiques et les patients qui ont la maladie pulmonaire obstructive chronique, qui doivent justement passer à travers ça et qui, des fois, font des efforts pour cesser de fumer eux-mêmes, puis là ils sont confrontés avec la réalité de rencontrer des fumeurs puis là, bien, avec toute la dynamique que ça suppose.

Mme Charlebois : Vous avez tout à fait raison. J'ai passé à travers toutes ces étapes-là.

Bon. Parlons donc d'ajouter le... vous avez aussi dit : Ajouter un périmètre... parce que moi, je vois, là, que vous allez plus loin que ce que nous autres, on a proposé dans le projet de loi, mais je veux vous faire parler sur ce que vous nous amenez qui nous amène plus loin : ajouter un périmètre d'interdiction de fumer sur le pourtour des terrasses. Non seulement vous dites : C'est parfait, les terrasses, mais on dit : Mettez-en plus autour. Les restaurateurs, là, ils ne vont pas être contents... les tenanciers de bar. Qu'est-ce que vous dites de ça?

M. Gfeller (Pierre) : Bien, ça a été abordé tantôt avec M. Rotrand, je pense, c'est un petit peu la même question, mais notre point de vue là-dessus, c'est que les gens qui circulent sur une rue piétonnière ou sur une rue où il y a des terrasses l'été, quand il fait beau... l'été est relativement court au Québec, mais on pense qu'ils ont le droit aussi d'avoir un environnement sans fumée. Et donc, si jamais les gens circulent sur la rue, et que tout le monde fume sur la rue Saint-Denis, et que les terrasses sont non-fumeurs, bien les gens qui vont passer à côté des terrasses vont, bien entendu, propager de la fumée puis ils vont incommoder les gens qui sont sur les terrasses. C'est dans ce sens-là, je pense, que cette recommandation-là est venue. Je ne suis pas certain qu'elle fasse partie intégrale de notre mémoire en ce qui concerne les terrasses, mais je pense que c'est quand même quelque chose qui est justifié.

Mais, de là, il faut faire attention, parce que les terrasses, souvent, sont très proches de la rue. Il ne faudrait pas causer un autre problème de santé publique. Bien qu'on ait un créneau d'expertise en traumatologie, on ne voudrait pas nécessairement augmenter notre nombre de cas à l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal. Donc, il faudrait être prudent, là, dans les mesures qui seront proposées.

Mme Charlebois : Oui, mais c'est toujours, tu sais, comme quand on parle de la distance de neuf mètres de la porte de l'établissement jusqu'à concurrence de la limite du terrain, évidemment.

J'ai aussi noté que vous souhaitez qu'il soit interdit de vendre du liquide contenant de la nicotine pour la cigarette électronique comportant une saveur ou un arôme autres que ceux du tabac, notamment ceux liés à un fruit, un chocolat, la vanille, le miel, le bonbon, le cacao, et dont l'assemblage... l'emballage, plutôt, laisse croire qu'il s'agit d'un tel produit. Est-ce que le fait que nous ayons, par voie réglementaire, laissé une possibilité d'interdire les saveurs ultérieurement... Puisque de vos collègues nous ont dit que c'était un excellent produit pour la cessation du tabagisme, nous avons laissé les saveurs pour les cigarettes électroniques avec une possibilité, par voie réglementaire, si on s'aperçoit que c'est ce qui fait en sorte que ça devient une passerelle et pour les jeunes et pour d'autres clientèles, que nous pourrions intervenir, interdire les saveurs.

Et l'autre question, qui aurait dû être avant ça : Devrions-nous limiter le nombre de saveurs? Parce qu'on nous a dit qu'il y avait 8 000 saveurs. Moi, je pensais qu'il y en avait 4 000, selon nos connaissances. Non, non, 8 000.

M. Desjardins (Alain) : Je vais prendre cette question. Donc, je dirais, la cigarette électronique, dans le fond, moi, c'est quelque chose que j'avais désigné comme un cheval de Troie, parce que, dans le fond, c'est une cigarette. Quand on regarde le produit, ça a l'air d'une cigarette. Ce n'est pas une cigarette, parce qu'on ne brûle pas de tabac, mais on va vaporiser, dans le fond, de la nicotine qui est dissoute dans un véhicule qui est, souvent, le propylèneglycol ou le glycérol. Sans entrer dans les détails, si on met des saveurs avec ça, là il y a toute une question de marketing, et ça, je pense que ça a été longuement abordé par les intervenants qui m'ont devancé, donc le Dr Gervais et son équipe, et l'équipe, également, de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, ont abordé la question de la pédiatrie. Et la cigarette électronique devient un attrait pour ces jeunes-là qui peuvent se les procurer facilement soit sur l'Internet ou par des boutiques spécialisées. Et le fait de mettre des arômes comme ça, ça les attire comme des bonbons. Ça fait croire que c'est inoffensif pour la santé, alors qu'on ne connaît pas l'innocuité d'utiliser la cigarette électronique à long terme.

À court terme... j'ai quelques études que j'ai parcourues, là, qui inquiètent mais qui ne sont pas encore bien assises, là, sur des données pour pouvoir en faire une bataille, mais, l'année passée, à la société européenne respiratoire, on a fait vapoter des souris, puis c'est la première étude qui montre qu'on peut causer de l'emphysème sans la fumée de cigarette, seulement avec la vapeur de la cigarette électronique. Donc, pour moi, comme pneumologue — j'ai parcouru beaucoup d'études aussi dans ma déposition au recours collectif, là, pour parler de la relation entre le tabac et l'emphysème — bien ça m'interpelle drôlement de penser qu'un produit qui, au premier coup d'oeil, a l'air vraiment sécuritaire, parce que les produits carcinogènes sont beaucoup moins concentrés à l'intérieur de cette vapeur-là... que ça puisse causer de l'emphysème, ça cause, pour moi, beaucoup de questions.

• (17 h 30) •

Et, comme professionnel de la santé spécialisé dans les maladies respiratoires, je me sens interpellé de mettre en garde la clientèle que je soigne parce que je ne sais pas... en fait, il y a beaucoup d'inconnu là-dedans et, en plus, il y a peut-être 8 000 saveurs dans la cigarette électronique, mais il y a à peu près 450 compagnies qui en fabriquent, avec zéro standardisation, O.K.? Donc, on ne sait pas. Il y a aussi des ingrédients ou des proportions qui sont affichés... il y a eu des études qui ont montré que c'était... parfois, ils ont dit qu'ils n'en contenaient pas; ils en contenaient, de la nicotine. Des fois, ça ne contenait pas la proportion qui était indiquée.

Donc, tu sais, on est loin des normes ISO 9002, là, dans ces produits-là. Des fois, on a des compagnies extrêmement... tu sais, avec des scaphandres et une douche avant et après entrer dans l'usine, puis il y en a qui font ça sur le coin de la table. Donc, je pense qu'il y a... quand même, comme professionnel, pour dire que je recommande des produits, je n'ai pas de barème ou de critère pour dire : Cette compagnie-là plutôt que telle autre, O.K.? Et je trouve qu'il y a une confusion actuellement, il faut mettre de l'ordre là-dedans et il faut baliser. Nous, dans notre établissement, on a interdit l'usage de la cigarette électronique justement parce que les fumeurs hospitalisés qui sont en train de... soit d'être en sevrage puis qui essaient de lutter contre ça... si quelqu'un vient dans la chambre puis il vapote, je pense qu'on a un gros problème, là, à ce moment-ci, parce que, dans le cerveau humain, une cigarette électronique puis la vapeur qui en ressort, c'est une cigarette, ce n'est pas une cigarette électronique. Donc, je pense que c'est pour ça que je dis que c'est un cheval de Troie.

En plus, beaucoup de cigarettiers ont investi massivement de leur argent à coups de milliards pour soutenir ça. Et laissez-moi vous dire que j'ai été à même de les affronter par le biais de leurs avocats. Les honoraires des cigarettiers ont atteint des sommes faramineuses dans le recours collectif, là, jusqu'à 350 millions par année, pour retarder ou bien essayer d'invalider les problèmes avec le procès. Je ne pense pas que ces gens-là... investissent des sommes comme ça pour protéger leur commerce, iraient investir dans un produit qui les desservirait. C'est tout ce que je peux vous dire.

Mme Charlebois : C'est une bonne remarque. Donc, vous nous recommandez d'enlever les saveurs maintenant et de ne pas...

M. Desjardins (Alain) : Oui. Ça va empêcher la prolifération, O.K., puis, en plus, si on est capables de réglementer le reste et de restreindre l'utilisation pour les jeunes, je pense qu'on va avoir vraiment gardé le contrôle, parce qu'actuellement on a réussi... Je pense que plusieurs en ont témoigné, puis je peux moi-même en témoigner, parce que, quand j'étais étudiant en médecine — moi, j'ai commencé en 1978 — bien, on pouvait entrer dans... une cigarette dans le local où est-ce que je prenais mes cours, ça n'aurait pas créé de commotion, et maintenant je donne le cours aux étudiants en médecine sur la cessation tabagique et, si j'entrais avec une cigarette, même si elle était fausse comme une... en tout cas, je me ferais fusiller du regard. Puis j'en ai 270. Donc, c'est quelque chose que j'évite...

Mme Charlebois : Mais, l'encadrement, outre les saveurs, on l'encadre déjà, là. Dans le projet de loi, ce qui est stipulé, c'est comme la cigarette tout court : on ne peut pas l'utiliser où tu ne peux pas utiliser la cigarette. Les mêmes conditions pour la vente. Bref, c'est ça qui est encadré ou... Il y a juste les saveurs qui diffèrent, mais vous, vous dites : Moi, j'aimerais mieux que...

M. Desjardins (Alain) : Moi, j'irais plus loin de ce côté-là, justement pour les raisons que je vous ai énumérées.

Mme Charlebois : Une dernière question, M. le Président, puis là je suis embêtée parce que je voudrais dire... parce qu'on n'a pas de remarques finales, hein, puis je voudrais un peu m'adresser aux gens, mais, en tout cas, je vais quand même poser ma question. Pourquoi vous nous proposez d'interdire de fumer dans les chambres des CHSLD puis vous ne nous parlez pas des centres de réadaptation, des soins psychiatriques, etc.? C'est-u parce que vous l'avez assimilé au même...

M. Gfeller (Pierre) : Je vais laisser Mme Simard répondre pour le CHSLD, puis peut-être on pourra faire le volet psychiatrique par la suite. Alors, Marie-France.

Mme Simard (Marie-France) : Bien, les CHSLD, c'est clair que, dans les chambres, il y a une problématique majeure qui tient, d'une part, à la surveillance, qui n'est pas très évidente de ce côté-là, et aux nombreux événements qu'on vit, d'incendies, de brûlures que les gens subissent, et il y a aussi la fumée secondaire, à laquelle on expose, là, tout notre personnel, là. Ça, c'est clair pour nous.

Mme Charlebois : Avez-vous des établissements en réadaptation?

M. Gfeller (Pierre) : Au CIUSSS du Nord de Montréal, il y a seulement une mission de santé mentale, de santé publique et de première ligne.

Mme Charlebois : O.K. Santé...

M. Gfeller (Pierre) : Comme dans l'est de la ville. Dans l'est et dans le nord, il n'y a pas d'établissement de réadaptation spécialisée.

Mme Charlebois : O.K. Ce que je retiens, finalement, c'est, progressivement, en venir à éliminer les fumoirs, puis etc.

M. Gfeller (Pierre) : Peut-être sur la santé mentale, Mme la ministre. En santé mentale, la plupart des hôpitaux ont commencé à retirer la possibilité de fumer même dans les unités à long terme parce que la littérature médicale a démontré que la nicotine, ça agit sur le cerveau et que ça interagit avec les médicaments qu'on donne pour la maladie psychiatrique. Et, dans le fond, alors qu'on pensait que c'était pour augmenter l'agressivité puis les problèmes psychiatriques, quand on a retiré la nicotine puis qu'on a retiré les fumoirs des unités psychiatriques, on a eu l'effet contraire. Donc, par exemple, à Albert-Prévost, à Sacré-Coeur, ça a été un des premiers endroits où... et Dr Desjardins a été impliqué là-dedans, où on a arrêté les fumoirs, on a soutenu les patients, formé le personnel, et les résultats ont été très bien. On n'a plus ce problème-là chez nous à l'heure actuelle, ça a été arrêté.

Mme Charlebois : Merci. J'espère ne pas vous insulter, mais je profiterais de la dernière minute pour m'adresser à l'ensemble des gens qui sont venus, M. le Président, et je veux vraiment vous remercier mais remercier tous les gens qui se sont présentés ici qui nous ont présenté leurs mémoires, mais il y a aussi des mémoires qu'on a reçus qui n'ont pas pu être présentés. Sachez que tout le monde va être lu et tout le monde a été entendu. Vos mémoires vont certainement alimenter la réflexion de tous les parlementaires.

On a entendu beaucoup de commentaires, beaucoup de sujets ont retenu notre attention. Certains nous ont dit que nous allions trop loin, certains autres nous disent : Non, non, allez-y plus loin. C'est ce que vous faites, d'ailleurs. On a retenu des points, il y en a qui ont même déposé des amendements. Moi, je vais attendre de réfléchir à tout ça pour les déposer comme il se doit. La distance de neuf mètres est un sujet qu'on a retenu des établissements; les amendes, les emballages, les terrains de jeu, il y a plusieurs autres sujets sur lesquels on va devoir réfléchir. Ce que je constate, c'est que l'ensemble des parlementaires sont d'accord pour renforcer la lutte au tabagisme, et j'en suis fort heureuse, alors on va pouvoir continuer à travailler dans la bonne harmonie pour faire en sorte que la majorité des Québécois puissent bénéficier d'un bon projet de loi. Je souhaite que ce travail-là se poursuive et je souhaite que... La plupart des éléments dans le projet de loi font consensus, mais ce qu'on a retenu, c'est qu'il faut aller plus loin, par certains groupes.

Merci aux personnes qui ont déposé des mémoires, comme je l'ai dit. Merci aux collègues de l'Assemblée nationale, tant du gouvernement que des oppositions. Merci à mon équipe ministérielle, parce que souvent les gens me félicitent, mais, savez-vous quoi, M. le Président?, je n'ai pas fait ça toute seule, moi, ce projet de loi là, on est toujours entourés. Alors, merci à toute l'équipe du ministère et à mon conseiller politique — parce que, si je ne le dis pas, il va me taper après.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Charlebois : Merci, M. le Président, au personnel de l'Assemblée, mais merci à vous d'avoir maîtrisé ces travaux-là d'une main de maître. Je cède la parole à mon collègue de Rosemont.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour 13 minutes.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Je joins mes remerciements à ceux de la ministre, également pour toute son équipe, la mienne, mon équipe, l'équipe de la deuxième opposition. Merci à tous ceux qui sont venus nous voir. Ça a été extraordinairement instructif. Nous avons réussi à voir tous les côtés de la médaille, y compris le côté sombre de la toxicité, et vous avez le dernier mot.

Alors, Dr Gfeller, Dr Desjardins, Mme Simard, d'abord, je suis content de vous revoir, parce que j'avais visité, on se le disait tout à l'heure, Sacré-Coeur il y a déjà un peu plus d'un an. J'avais été très impressionné à la fois par tout ce que vous faites, aussi par les besoins que vous aviez...

M. Gfeller (Pierre) : Et les locaux dans lesquels on le fait.

M. Lisée : ...et les locaux dans lesquels vous le faisiez, ou tout ça. Donc, j'étais heureux de voir que le dossier progresse. C'est ce que je vous disais déjà sous l'administration de M. Hébert, que vous étiez dans le pipeline. Je vois qu'avec le Dr Barrette vous continuez à l'être. Moi, je pousse pour que Maisonneuve-Rosemont soit aussi dans le pipeline, mais je veux que tout le monde y soit. Alors, je ne veux pas enlever à l'un pour mettre à l'autre.

Je pose une question sur une de vos recommandations : «Nous sommes d'avis que nous pourrions déployer un programme de cessation tabagique pour les résidents actuellement hébergés et pour les nouveaux résidents dès leur arrivée. [...]des formations aux gestionnaires et aux intervenants [devraient se faire] afin que ces derniers puissent intervenir auprès des résidents, [...]particulièrement ceux présentant des troubles de comportement ou des problèmes de santé mentale.»

Pourquoi est-ce que c'est une problématique particulière d'avoir des résidents en santé mentale qui fument?

Mme Simard (Marie-France) : Bien, en fait, nous, ce qu'on souhaite, c'est qu'en CHSLD il n'y ait plus de fumoir, donc d'éliminer les fumoirs en CHSLD. C'est un risque majeur. On a des événements très, très régulièrement, il y a des incendies mineurs, des incendies plus importants qui demandent l'intervention des pompiers. En CHSLD, on a là une clientèle extrêmement vulnérable pour laquelle c'est un risque majeur.

M. Lisée : ...d'arrêter de fumer pour quelqu'un qui est en problème de santé mentale est plus grande?

• (17 h 40) •

M. Gfeller (Pierre) : C'est la question qu'on a abordée un petit peu tantôt. C'est ce qu'on a toujours cru, que, si on leur enlevait la cigarette, il y aurait une augmentation de l'agressivité, des «acting outs», etc., et ce n'est pas ça qui a été démontré dans les milieux où ça a été fait. Dans les statistiques qui ont été mises de l'avant par Mme Simard, vous avez remarqué que le pourcentage des fumeurs est plus élevé chez nos résidents les plus jeunes, parce que, dans un CHSLD, contrairement à l'image qu'on en a, ce n'est pas seulement des personnes très âgées qui sont là.

On a aussi des personnes plus jeunes qui ont des besoins particuliers. Par exemple, des lésés médullaires, des personnes qui ont eu des accidents de voiture ou d'autres types d'accidents, qui sont paralysées, qui sont en chaise roulante, qui ont des besoins énormes, qui ne peuvent plus vivre de façon autonome, parfois, malheureusement, se retrouvent en CHSLD et à un âge qui peut être dans la trentaine ou dans la quarantaine. Chez ces personnes-là, il y a un pourcentage de fumeurs plus élevé et chez ces gens-là souvent il y a eu des traumas du cerveau, il y a des gens qui sont demeurés avec des syndromes cérébro-organiques, qui ont des troubles de personnalité associés avec les dommages qu'ils ont eus à leur cerveau, et ça va peut-être prendre des approches individualisées particulières pour être capables d'arrêter ces gens-là de fumer et un soutien particulier aussi au personnel qui travaille avec eux. C'est dans ce sens-là qu'on a fait cette recommandation.

M. Lisée : Est-ce que vous avez les ressources financières pour faire ça?

M. Gfeller (Pierre) : Bien, dans le fond, dans une grande organisation comme la nôtre, tu sais, on peut toujours le regarder en se disant : On n'a pas assez de ressources financières. On gère à peu près 900 millions, par année, de dollars, et on a des...

M. Lisée : Combien vous devez couper cette année?

M. Gfeller (Pierre) : L'optimisation, cette année au CIUSSS du Nord, était de 25,9 millions.

M. Lisée : 25,9 millions.

M. Gfeller (Pierre) : Après cinq périodes, on vise l'équilibre budgétaire. On pense qu'on est capables de faire ça avec les regroupements qu'il y a eu, etc. Mais, enfin, je vais revenir sur le sujet de la question. Donc, pour nous, on pense que, si on est capables de diminuer le tabagisme, en termes de coûts de santé, les complications, l'agressivité, et tout ça, c'est quelque chose qui ne va pas nous coûter plus cher, puis en plus c'est une mesure de santé pour notre personnel aussi. C'est certainement un bon investissement, parce que j'estime que c'est un investissement en amont des problèmes, et donc, d'habitude, ça rapporte plus que l'argent qu'on y met.

M. Lisée : Ça, on dit toujours ça, puis on dit toujours ça en santé publique, mais encore faut-il faire l'investissement initial pour avoir les coûts évités par la suite, et, pour l'instant, on n'est pas en période de vaches grasses pour faire ça, parce que, là, on demande... On dit déjà que, dans les CHSLD comme dans les hôpitaux, les infirmières sont surchargées et n'arrivent pas à répondre à la demande juste de répartir la médication, etc. Et là, même si vous dites : Bon, on va faire ça à l'intérieur de nos budgets, bien c'est une intervention, vous avez dit, individualisée.

M. Gfeller (Pierre) : On a déjà des équipes spécialisées en première ligne sur l'arrêt tabagique. On a des gens comme Dr Desjardins qui travaillent avec une équipe là-dessus en milieu hospitalier.

Nous avons l'expertise, donc c'est une question de mettre les ressources aux bons endroits. Si on identifie qu'il y a certains résidents de nos CHSLD qui ont un cas particulier, on a toutes les ressources... les organisations sont maintenant assez grandes, nous avons toutes les ressources à l'intérieur de l'organisation, ce n'est plus comme autrefois avec des petites organisations. On devrait être capables de dégager une marge de manoeuvre pour s'occuper de nos résidents et puis leur donner les soins et les services qui leur sont requis.

M. Lisée : D'accord. Vous dites — proposition 6 : «Remboursement sans restriction, tant en nombre qu'en durée, de l'ensemble des traitements pharmacologiques reconnus efficaces pour favoriser l'abandon du tabac, à condition qu'ils soient prescrits...» Alors, quelle est la différence entre ce que vous demandez et la situation actuelle?

M. Desjardins (Alain) : O.K. La situation actuelle, c'est que tous les produits qu'on appelle les aides pharmacologiques pour la cessation tabagique sont remboursés, ce qui est quand même bien par rapport à d'autres provinces canadiennes, mais, pour la nicotine, c'est une prescription par période de 12 mois, O.K., pour 12 semaines. Pour le bupropion, qui est le Zyban, c'est la même chose : pour 12 semaines, une par année. Et, pour la varénicline, on peut le renouveler, c'est le seul qui fait exception parce qu'il y a une étude qui montre que ça baisse la rechute, donc on peut aller à 12 semaines puis on peut la prolonger à 24 semaines. Mais, dans tous les cas, s'il y a un échec, par exemple, et j'interviens auprès d'un patient... La maladie, c'est une maladie à rechute, O.K.? On n'en a pas beaucoup parlé, mais c'est une maladie avec la dépendance, puis la caractéristique de la dépendance fait qu'on fait une tentative, on arrête peut-être pour une semaine ou pour deux jours, des fois on recommence. Après ça, des fois, ça peut être deux mois, puis après ça on recommence. Mais souvent, dans une année, lorsqu'on est un intervenant comme moi, c'est assez difficile d'avoir à dire : Bien là, écoutez, c'est votre deuxième prescription, là, il y en a... puis c'est souvent des milieux défavorisés, il y a plus de patients qui n'ont pas de ressources financières pour pouvoir se payer ça ou, en tout cas, ils ne le voient pas de la façon économique... On pourrait dresser un tableau, là, tu sais, avec les épargnes générées par... L'économie générée par l'arrêt pourrait payer les produits, mais ils ne le voient pas comme ça.

M. Lisée : Oui. Alors...

M. Desjardins (Alain) : Moi, ce que je propose, c'est que, quand on fait une intervention, on ne soit pas limité à une seule prescription, parce que, si on n'a pas réussi du premier coup, bien, dans le fond, ça envoie un message que tu as juste une fois pour ton année, puis ça, je pense que c'est un obstacle. En tout cas, moi, comme clinicien qui intervient sur une base quotidienne là-dessus, c'est un des obstacles les plus frustrants. Des fois, je suis obligé d'aller chercher dans des échantillons, de compléter des prescriptions. Je le fais de bon gré, mais je n'ai pas toujours les ressources, parce que, mettons, la nicotine, c'est rendu un produit de santé familiale au lieu d'être un produit pharmaceutique, donc ils n'aiment pas beaucoup donner des échantillons. Ils les donnent plutôt aux pharmaciens qu'aux médecins.

M. Lisée : Est-ce que vous avez chiffré ce que ça coûterait de plus d'adopter la mesure que vous proposez?

M. Desjardins (Alain) : Non. La réponse exacte, c'est non. Mais, je vous dirais, par les économies générées, arrêter quelqu'un de fumer, ça génère des économies tout de suite. Lorsqu'on empêche un fumeur de commencer, on génère des économies mais à beaucoup plus long terme.

M. Lisée : Ça n'a pas l'air d'être un argument qui marche très fort avec le président actuel du Conseil du trésor. Alors, je vous le dis, là, moi, je suis d'accord avec vous, et il y a beaucoup de gens qui nous disent ça de toutes sortes de façons.

Vous dites aussi : «L'interdiction de vendre un liquide contenant de la nicotine pour la cigarette électronique comportant une saveur ou un arôme autres que ceux du tabac...» Alors, ce que vous nous dites, c'est que, pour la cigarette électronique, il faut que ça ne goûte rien, il faut que ça goûte... Vous voulez limiter les arômes de la cigarette électronique complètement?

M. Desjardins (Alain) : Je vais me répéter par rapport à ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est que, dans le fond, avec les arômes qu'ils présentent, ça banalise le produit, ça le rend au même titre qu'une confiserie, O.K.? Donc, ça peut goûter le chocolat, ça peut goûter le fruit de la passion, ça peut goûter le bonbon.

M. Lisée : Qu'est-ce que ça goûte sans rien?

M. Desjardins (Alain) : Bien, la nicotine, je ne sais pas si vous vous êtes déjà mis ça sur la langue, là, mais ça a un très mauvais goût, ça a un goût plutôt... Ou, si vous sentez un cendrier, là, vous allez avoir une petite...

M. Lisée : Parce que, bon — je sais que vous en avez discuté tout à l'heure, là — il y a des gens qui disent : Bon, bien, justement, on va interdire le menthol, bien, toutes les saveurs pour les cigarettes traditionnelles. Le fumeur qui veut quand même sa dose va au dépanneur, puis le vendeur dit : Bien, il n'y en a plus, de menthol, hein, ils ont décidé ça, là. Les libéraux, puis les péquistes, puis les caquistes, là, ils nous imposent... il n'y a plus de menthol. Ça fait que tu as le choix : acheter de la cigarette normale ou prendre la cigarette électronique au menthol, qui est 95 fois moins nocive. Bon. Alors, on pense que c'est une bonne décision qu'ils prennent ça. Il y a le troisième choix, c'est d'arrêter complètement. C'est le meilleur choix, mais quand même...

On a eu tout à l'heure la Société canadienne du cancer qui nous a dit : Vous devriez limiter le nombre de saveurs de la cigarette électronique : menthol, cannelle et...

Une voix : Orange.

M. Lisée : ...et orange, bon, alors ces trois-là, disons, trois. Je crois que j'avais vu que, sur la cannelle, il y avait un effet secondaire nocif, on pourrait... Mais le principe, c'est dire : Il y aurait juste trois saveurs, donc vous ne pouvez pas décider de choisir une saveur tous les mois, ce qui fait un prolongement. Est-ce que ça, ça serait une solution mitoyenne qui vous sourirait?

M. Desjardins (Alain) : Bien, écoutez, je pense que ça pourrait être regardé, mais, dans le fond, dans votre question, il y a ça, mais il y a aussi le fait que, dans le fond, on assume que c'est 95 fois moins nocif. Mais il y a beaucoup là-dedans de... je dirais, c'est des hypothèses qui n'ont pas encore été vérifiées par le long terme, O.K.? Si on regarde le contenu...

Une voix : ...

M. Desjardins (Alain) : ...non, mais, si on regarde les études toxicologiques dont on dispose pour répondre à cette question-là, ce que ça nous montre, c'est qu'effectivement les produits carcinogènes les plus en vue, les plus impliqués dans la genèse du cancer ou dans les produits irritants et pro-inflammatoires les plus impliqués dans l'emphysème, par exemple, y sont beaucoup moins représentés, sont, à certains niveaux, non détectables ou bien très peu... ça prend des méthodes sophistiquées pour les mettre en évidence. Ça fait que ça, en montrant ça, on dit : Parfait, tout est beau, on a réglé le problème, O.K.? Sauf que, dans le fond, quand on brûle du propylèneglycol puis il y a des... Il y a maintenant... si vous regardez sur Internet, puis je l'ai fait, moi, parce que je donne des conférences, puis, à un moment donné, je veux savoir ce qui existe, tu sais, il y a différents modèles de cigarette électronique, ce n'est pas... Tu sais, il y a eu plusieurs générations. Il y en a avec des gros réservoirs qu'on peut fumer pendant plusieurs jours et des résistances, même il y a des «do-it-yourself kits», là, où est-ce qu'on prend des fils conducteurs en cuivre, là, avec une certaine dimension, on les enroule, puis ça produit une chaleur telle que ça peut dégager, à partir du propylèneglycol, des produits qu'on appelle des carbonyles, là, l'acétaldéhyde, la formaldéhyde entre autres, et ça, c'est cancérigène, O.K.?

Ça fait que pour moi qui est pneumologue puis qui est concerné par la santé de mon patient, si je lui dis d'aller vers ça, bien il y a quand même des balises à mettre là-dedans pour éviter d'avoir une dérive puis de tomber sur un autre produit qu'on a confié, dans le fond, avec notre bon savoir, à quelqu'un.

• (17 h 50) •

M. Lisée : En ce moment, on est dans le far west pour la cigarette électronique. Nous avons eu, pendant les consultations, des gens représentant les «vape shops» nous disant : Nous, on veut de la réglementation, on travaille avec le fédéral pour avoir une norme ISO, on veut les études, on veut se conformer, on est des militants antitabac, on veut que notre produit soit le meilleur possible. Bon, alors ça, c'était sympathique d'entendre. Et on a eu des constitutionnalistes qui sont venus nous dire : Le Québec a toute latitude pour réglementer le contenu et même le contenant de la cigarette électronique s'il le désire. Et le responsable de la santé publique de Montréal a dit : Il n'y a aucun problème, on a le bureau des normes, on a la capacité de faire les vérifications. Donc, plutôt que d'attendre que le fédéral, dans un an et demi, deux ans ou trois ans, finisse par aboutir à quelque chose, nous pourrions, nous, décider que, par... se donner le pouvoir réglementaire de contrôler le contenu, les saveurs, le contenu de ce qu'il y a dans nos cigarettes électroniques sur le territoire québécois. Ça, est-ce que ça vous sourirait?

Une voix : ...

M. Desjardins (Alain) : Oui. Bien, en fait, le problème, c'est vraiment qu'on n'a pas toute la connaissance pour pouvoir guider les recommandations.

M. Lisée : Mais il y a des normes déjà. Par exemple, les Français ont établi des normes, donc on ne part pas de rien.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Quelques secondes.

Une voix : Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Non? Merci. Alors, on poursuit la discussion avec notre collègue de Lévis pour 8 min 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bienvenue, merci d'être là. Moi aussi, je veux prendre quelques secondes pour vous remercier, vous, remercier tous ceux qui sont venus rencontrer les membres de la commission. Et c'est un peu drôle puis paradoxal en même temps, parce qu'on se répète ce qu'on s'est souvent dit au fil des années concernant le tabagisme, sa nocivité, et je pense que les non-fumeurs, anciens fumeurs le savent, que les fumeurs actuels le savent aussi. Alors, ce que ça aura permis, au-delà de bonifier ce qu'on fera par la suite, c'est-à-dire l'étude du projet de loi de façon détaillée, ça aura assurément permis à des gens de se faire redire et réexpliquer ce que ça suppose que de fumer pour eux et pour leur environnement, et, en ce sens-là, bien il y a une oeuvre d'éducation là-dedans, et je pense que c'est important, et vous y avez participé. Alors, merci d'être là, merci à tout le monde, à tous ceux qui sont venus nous renseigner davantage ou nous rappeler des choses qui devaient être rappelées. Merci aux collègues, à la ministre, à son équipe, à l'opposition, à mes collègues ici.

Je reviens sur le sujet et je reviens sur cette notion de cigarette électronique, parce que vous dites : Là, il va falloir qu'on sache véritablement ce avec quoi on travaille. J'ai entendu des médecins, moi, dire... puis des spécialistes comme vous, Dr Desjardins, qui nous avaient dit que pour certains patients ça devenait un outil thérapeutique puis en même temps on ne sait pas trop, trop encore ce que c'est, mais, d'ici à ce qu'on sache vraiment ce que c'est, il va probablement se passer du temps aussi et, entre ce moment-là puis les évidences, bien il y a la cigarette puis il y a ça qui est actuellement disponible.

Est-ce que la cigarette électronique, dans sa forme actuelle, être considérée comme un outil thérapeutique? Puis est-ce qu'il faut faire en sorte qu'on ne la vende plus nulle part? Et il y a un de vos collègues qui disait récemment... bien, aujourd'hui, qui disait, il y a quelques instants : Ça devrait rien qu'être sur prescription. Est-ce qu'il faut aller jusque-là?

M. Desjardins (Alain) : Bien, en fait, je pense que ça, ça a été un débat... Quand c'est apparu, dans le fond, c'était un produit qui... dans le fond, il n'est pas légal, O.K.? Donc, le vide législatif concernant ces produits-là a fait que c'est arrivé un peu parachuté, puis ça a pris beaucoup de monde par surprise parce que ça a eu un engouement vraiment très important depuis que c'est apparu sur le marché. Je pense que c'est 2007, ou quelque chose comme ça, comme entrée sur le marché.

Ça a été fait en Chine en 2003, mais c'est entré vraiment sur le marché nord-américain vers 2007, donc c'est très récent. Et plusieurs organisations scientifiques, l'Organisation mondiale de la santé, des forums de sociétés respiratoires que moi, je lis davantage parce que c'est dans mon domaine, qui ont mis en garde, là, justement, puis qui ont fait des recommandations par rapport à l'utilisation de la cigarette électronique... D'abord, il n'y a pas de preuve concluante que c'est une stratégie pour cesser de fumer, bien que certains fumeurs, dans ma pratique, qui ont échoué avec d'autres moyens, ils prennent ça, puis il y en a quelques-uns qui arrêtent. Mais il y en a beaucoup plus qui en font double usage pour se permettre peut-être d'avoir une satisfaction en dehors des zones permises, par exemple. Vu qu'il n'y a pas de dégagement de monoxyde ou de fumée qui cause des mauvaises odeurs, ça leur permet, à ce moment-là, de soulager leurs symptômes de sevrage de nicotine en allant dans une toilette ou un autre endroit où est-ce qu'ils sont à l'abri des regards pour pouvoir satisfaire leur... tu sais, soulager leurs symptômes d'anxiété et de sevrage.

Puis, par rapport à l'usage, disons, de légiférer pour le changer de chapitre, parce que, là, dans le fond, c'est assimilé au tabac, puis la plupart des juridictions ou des organisations ont fait ce choix-là, de le mettre du côté tabac plutôt que de le mettre du côté aide à la cessation tabagique, l'implication de le faire, ce changement-là, est énorme parce qu'il faudrait qu'elle s'assujettisse à tout un programme d'études. Maintenant, de lancer un nouveau médicament, ça coûte au-delà de 500 millions. Donc, je pense qu'il y a eu un fort soupir de soulagement de la part des fabricants de cigarette électronique de devoir se conformer peut-être juste à une liste d'ingrédients, O.K.? Ils n'ont pas à prouver quoi que ce soit, dans le fond. Ils n'ont pas à prouver qu'ils sont inoffensifs pour la santé, ils n'ont pas à prouver qu'ils sont efficaces pour la cessation, ce qu'ils devraient faire s'ils étaient dans l'autre sphère. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Paradis (Lévis) : Je comprends. J'aborde un autre thème, parce qu'il en est question dans le projet de loi également, puis on a, à plusieurs reprises... en tout cas, il y a des questions qui ont été posées par la ministre puis par l'opposition, bon, par nous également concernant cet aspect-là, mais finalement peu de réponses. De permettre l'utilisation de la marijuana à des fins thérapeutiques, la marijuana fumée, dans les chambres de centre hospitalier; bonne idée ou mauvaise?

M. Desjardins (Alain) : En fait, ceci est, dans le fond, une provision pour quelque chose qui n'existe pas encore, c'est-à-dire que, la marijuana fumée à des fins médicales, vous avez vu comme moi, par les médias, l'entrée progressive, puis le Canada, dans le fond, est un producteur, là. Entre autres, dans les provinces de l'Ouest, ils en produisent, là, surtout en Alberta et, je crois, en Colombie-Britannique aussi.

Au Québec, ce qu'on utilise dans les soins palliatifs comme produits pour aider au soulagement, un des outils dans notre arsenal développé, c'est un médicament qui est un comprimé, donc, à ce moment-là, il n'y a pas de retombée pour autrui, c'est l'individu qui le prend, ça va occuper des récepteurs, mais le problème avec cette méthode, c'est que ça doit passer par le foie, puis le produit, dans le fond, est beaucoup diminué dans son efficacité, O.K., alors que, si on l'inhale comme on inhale une fumée de cigarette, bien ça permet, à ce moment-là, de passer par les poumons, d'aller dans le coeur gauche et de rentrer directement au cerveau sans que le foie soit impliqué. Donc, c'est un outil...

M. Paradis (Lévis) : ...à la lumière de ce que vous me dites. Est-ce que, dans un centre comme le vôtre, parce que c'est immense, et la demande se fait peut-être ou pourrait se faire...

M. Desjardins (Alain) : On a mis ça dans le mémoire pour, dans le fond, considérer cette possibilité de pouvoir permettre à des gens qui sont en fin de vie de pouvoir se soulager si les autres méthodes ont échoué puis de permettre d'avoir un espace restreint pour pouvoir utiliser la marijuana fumée.

M. Paradis (Lévis) : Alors, pour son utilisation fumée dans des conditions très particulières...

M. Desjardins (Alain) : ...pas un usage, tu sais... on n'aurait pas un fumoir à marijuana dans notre hôpital, là, il ne faut pas...

M. Paradis (Lévis) : ...CHSLD, le fumoir régulier pour un fumoir à marijuana. Je comprends. Vous me parliez de CHSLD en terminant, Mme Simard, et vous dites : On espère — et vous le disiez aussi — mettre en place un programme pour permettre aux gens qui arrivent avec de mauvaises habitudes, puis ils ne sont pas si nombreux que ça, à la lumière de vos statistiques, d'avoir un programme, qu'on puisse les prendre en charge. Le collègue l'a abordé. Est-ce qu'on a les moyens de le faire? Est-ce qu'on a les ressources? Et puis vous avez dit : Bon... Bien là, on a parlé de budget.

Est-ce qu'actuellement ça se fait? Il se fait quoi actuellement, au moment où l'on se parle, pour un résident qui arrive dans votre CHSLD et qui a cette habitude-là? Est-ce qu'à ce moment-ci on le prend en charge ou ce que vous souhaitez est à bâtir?

Mme Simard (Marie-France) : En fait, si la personne veut aller vers un programme de cessation du tabagisme, il est disponible, et on va l'accompagner là-dedans sans aucun problème. Par contre, on a la disponibilité d'un fumoir. Donc, nos jeunes adultes qui arrivent avec cette habitude de vie, bien, la conservent, puisqu'il y a un fumoir au CHSLD, avec tous les impacts dont on a parlé tantôt.

M. Paradis (Lévis) : En fait, la disparition du fumoir obligerait la mise en place du programme que vous souhaitez, mais, pour l'instant, bien, on a le loisir de continuer à...

Mme Simard (Marie-France) : On n'a plus les contraintes, puisqu'on a un fumoir.

• (18 heures) •

M. Gfeller (Pierre) : Il y a un enjeu là-dedans entre les libertés individuelles puis la santé collective. On réalise que dans un CHSLD c'est un milieu de vie. C'est l'endroit où les gens vont passer plusieurs années, ils n'ont pas d'autre domicile, plusieurs ont une mobilité qui est restreinte, alors on doit être quand même prudent puis leur donner toute la chance... Avant d'enlever complètement les fumoirs et d'interdire l'usage du tabac, il faut être en mesure de donner aux gens les moyens d'atteindre cet objectif-là, puis c'est pour ça que la recommandation est à l'effet de proposer de considérer la possibilité de regarder ça sur un horizon de trois à cinq ans en s'assurant qu'on aura les programmes pour permettre à ces gens-là d'arrêter de fumer. C'est notre recommandation.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. C'est tout le temps dont nous disposons. Nous remercions les représentants, représentantes du CIUSSS du Nord-de-l'Île-de-Montréal.

Mémoires déposés

Avant de terminer, je dépose les mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions.

Compte tenu de l'heure, je lève la séance, et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux à demain, le vendredi 4 septembre, à 9 h 30, où elle poursuivra un autre mandat. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 1)

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