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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 27 avril 2016 - Vol. 44 N° 105

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 92, Loi visant à accroître les pouvoirs de la Régie de l’assurance maladie du Québec et modifiant diverses dispositions législatives


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Gaétan Barrette

Mme Diane Lamarre

M. Marc Picard

Auditions

Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ)

Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ)

Collège des médecins du Québec (CMQ)

Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ)

Ordre des dentistes du Québec (ODQ)

Autres intervenants

Mme Marie Montpetit, présidente suppléante

M. Marc Tanguay, président

M. Amir Khadir

M. François Paradis

*          M. Jacques Cotton, RAMQ

*          Mme Annie Rousseau, idem

*          M. Bertrand Bolduc, OPQ

*          Mme Manon Lambert, idem

*          Mme Marie-Hélène LeBlanc, CMQ

*          M. Charles Bernard, idem

*          M. Louis Godin, FMOQ

*          M. Barry Dolman, ODQ

*          Mme Caroline Daoust, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures quatorze minutes)

La Présidente (Mme Montpetit) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires et autres appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 92, Loi visant à accroître les pouvoirs de la Régie de l'assurance maladie du Québec et modifiant diverses dispositions législatives.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Aucun, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Montpetit) : Parfait. Alors, ce matin, nous allons débuter avec les remarques préliminaires, puis nous recevrons la Régie de l'assurance maladie du Québec et l'Ordre des pharmaciens du Québec. Sans plus tarder, je vous invite... Oui?

M. Khadir : ...demander, si vous permettez, le consentement de mes collègues pour m'ajouter aux remarques préliminaires, peut-être une minute, si mes collègues veulent bien me l'accorder.

La Présidente (Mme Montpetit) : J'aurais besoin du consentement des collègues pour ce faire. Donc, il n'y a pas de consentement, M. le député de Mercier.

Remarques préliminaires

Alors, sans plus tarder, je vous invite, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, à faire vos remarques préliminaires. Vous disposez de six minutes.

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. Alors, bien, vous me permettrez, Mme la Présidente, de vous souhaiter la bienvenue, évidemment, et de souhaiter la bienvenue à tous nos collègues de toutes les formations politiques pour ces audiences, où on aura à rencontrer, évidemment, les principales organisations concernées à propos... par le projet de loi n° 92, alors le projet de loi, Mme la Présidente, évidemment, comme je pense que vous l'avez dit — ou, si vous ne l'avez pas dit, je vais le rappeler — visant à accroître les pouvoirs de la Régie de l'assurance maladie du Québec et modifiant diverses dispositions législatives.

Alors, simplement pour mettre les choses en contexte et faire un peu l'historique, on se rappellera que les lois qui traitent du secteur dans lequel oeuvre la Régie de l'assurance maladie ne sont pas une seule loi, mais bien, évidemment, trois lois. La Régie de l'assurance maladie exerce dans un secteur administratif qui est beaucoup plus vaste que celui de la simple rémunération des médecins, la Régie de l'assurance maladie a beaucoup de responsabilités, évidemment, et j'y reviendrai dans quelques instants.

La Régie de l'assurance maladie existe évidemment depuis maintenant plus de 40 ans, et les lois n'ont pas été régulièrement nécessairement ajustées où les fonctions ou les pouvoirs de la Régie de l'assurance maladie ont périodiquement eu besoin d'être ajustés, et c'est un peu l'essence du projet de loi qui est devant nous aujourd'hui, dont nous allons faire l'étude.

Et particulièrement, Mme la Présidente, c'est un moment qui a été provoqué peut-être, dans une certaine mesure, par diverses interventions dans les dernières années, tant par les observateurs de notre système de santé externes, tant que par des institutions, des instances plus formelles de l'Assemblée nationale. Et, dans le cas présent, je fais référence spécifiquement au Vérificateur général, qui périodiquement regarde le fonctionnement de la Régie de l'assurance maladie, et puis évidemment c'est tout à fait normal, ça fait partie du mandat que détient et qu'exerce le Vérificateur général. Et l'année dernière il y a eu une attention particulière de leur part portée sur les travaux de la Régie de l'assurance maladie, et des constats ont été posés et des recommandations ont été faites.

• (11 h 20) •

En même temps, bien, ça se fait un contexte qui est celui de l'évolution de notre système de santé, de l'évolution des diverses ententes avec les divers organismes, qu'ils soient professionnels ou non, de ce secteur d'activité. Et force est de constater, M. le Président, qu'on arrive à un point où on doit apporter des modifications pour s'assurer que, s'il y a des mailles dans le filet du secteur de gestion de la RAMQ, bien, que ces mailles ou ces trous, s'il y en avait, soient colmatés.

Quand je suis arrivé en poste, M. le Président, mais vraiment quand je suis arrivé en poste, en 2014, après ma nomination, j'étais bien au fait de certains problèmes et j'étais surtout au fait, M. le Président, des difficultés que pouvait avoir la Régie de l'assurance maladie pour exercer toutes ses fonctions, et particulièrement ses fonctions qui traitent de l'inspection et de l'application des différentes règles qui sont mises en place, avec ou sans négociation, il y a des règles, évidemment, qui découlent de la loi ou des lois. Et à mon arrivée en poste j'avais choisi de faire la révision des travaux du gouvernement précédent. Et, dans la période précédente, j'ai rencontré la Régie de l'assurance maladie puis je leur ai dit quelque chose de très simple, je leur ai dit : Regardez, on comprend, je comprends que vous n'avez pas nécessairement tous les leviers nécessaires pour exercer totalement vos fonctions... ou, si vous avez les leviers d'exercer vos fonctions, peut-être que vous ne pouvez pas aller aussi loin que vous le voudriez. Et c'est pour cette raison-là que j'ai demandé la chose très simple : Déposez-moi un projet de loi qui corrigerait toutes ces lacunes, perçues ou réelles. Et je dois dire, M. le Président, que la Régie de l'assurance maladie a fait un travail absolument exhaustif, tellement exhaustif que j'ai dû refuser une ou deux propositions qui allaient probablement à l'encontre de certains éléments de la Charte des droits, là, mais simplement pour dire que la Régie de l'assurance maladie a fait un travail certainement exhaustif dont le résultat est le projet de loi qui est sur la table actuellement.

Alors, M. le Président, ces travaux-là aujourd'hui vont être très intéressants, parce que je m'attends à ce que toutes les organisations, incluant la Régie de l'assurance maladie, s'il y a des nouvelles idées qui sont soulevées... de les déposer. Et je suis très, très ouvert à améliorer, comme toujours, le projet de loi, donc, l'améliorer, et c'est de s'assurer que la portée des responsabilités de la RAMQ soit totalement exercée.

Je termine simplement en disant, M. le Président, que la Régie de l'assurance maladie, bien, ça traite de trois lois : la Loi sur la Régie de l'assurance maladie, la Loi sur l'assurance médicaments et la Loi sur la Régie de l'assurance maladie comme telle. Alors, M. le Président, c'est un secteur, enfin, qui est très vaste. Et, contrairement au projet de loi n° 491 qui avait été déposé par notre collègue du Parti québécois, notre projet de loi est beaucoup plus exhaustif, va beaucoup plus loin. Par exemple, le projet de loi n° 491 évitait complètement le monde pharmaceutique, et on peut s'interroger pourquoi, alors que notre projet de loi traite de tous les aspects de tous les secteurs sous la juridiction de l'assurance maladie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, j'invite notre collègue de Taillon pour ses remarques préliminaires, pour 3 min 30 s.

Mme Diane Lamarre

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour à tous les collègues. Bonjour aux représentants... au président de la RAMQ et ses collègues.

Effectivement, un projet de loi intéressant, projet de loi n° 92, qui répond à une demande et à un besoin déjà exprimés par le Parti québécois. Le constat, c'est que les pratiques... et puis je constate que, dans les mémoires qu'on a déjà reçus, les pratiques et l'environnement des professionnels de la santé changent très rapidement, et la santé est dorénavant soumise à certaines règles de spéculation et à un milieu qui gravite autour d'elle, les professionnels de la santé sont exposés à beaucoup plus de situations qui n'ont pas encore, dans nos lois actuelles, été anticipées correctement, été prévues, et je pense qu'il est plus que temps que ce soit actualisé. Quand j'étais présidente de l'Ordre des pharmaciens, j'ai communiqué à plusieurs occasions avec le président de la RAMQ, et à plusieurs occasions on a eu l'occasion de souligner le fait que nous n'avions pas les moyens, ni lui ni moi, pour régler les environnements qui gravitaient autour des professionnels de la santé, et je pense que le projet de loi n° 92 répond à ces nouveaux besoins.

Je crois par contre qu'on va devoir même regarder d'autres réalités et d'autres groupes qui gravitent autour des professionnels de la santé. Déjà, ça fait... Dès l'entrée en vigueur, le ministre l'a clairement dit, c'était connu que la RAMQ demandait plus de pouvoir, et je pense qu'il est urgent de le lui donner. Moi, autour des frais accessoires, qui était vraiment une priorité et que le ministre a choisi de régler différemment en les autorisant, j'ai déposé un projet de loi n° 491 et qui répondait très bien à ce qu'on retrouve dans les objectifs, les grands objectifs du projet de loi n° 92, c'est-à-dire l'augmentation des pouvoirs d'enquête, d'inspection, des amendes significatives qui ont un certain pouvoir exemplaire et dissuasif, des délais de prescription qui sont appropriés.

Alors, en réponse aux commentaires du ministre, je suis tout à fait ouverte à ce que le monde pharmaceutique soit également couvert à travers le projet de loi n° 92. Et je crois que nous aurons même à regarder ça à la lumière des mémoires que nous recevons d'autres ordres, sur le fait que d'autres professionnels de la santé que le médecin et le pharmacien doivent être visés également par le projet de loi n° 92.

Alors, j'entreprends ces travaux avec beaucoup, beaucoup d'ouverture et d'une façon très, très positive, de voir à ce qu'on actualise nos instruments. Je pense qu'on devra même garder une perspective un peu avant-gardiste en lien avec les nouvelles stratégies au niveau de la médecine personnalisée, au niveau de certains nouveaux enjeux qui pourraient aussi intervenir, puisque la révision de nos lois se fait souvent en retard, après des années d'une première adoption. Alors, je nous invite aussi à regarder cette projection sur des stratégies et des approches qu'on connaît déjà, même si elles ne sont pas encore complètement bien implantées au Québec. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour ses remarques préliminaires, j'invite le collègue de Chutes-de-la-Chaudière pour 2 min 30 s.

M. Marc Picard

M. Picard : Merci, M. le Président. C'est un plaisir pour moi d'être ici ce matin pour cet important projet de loi, comme disait tout à l'heure le ministre, qui fait suite à plusieurs rapports du Vérificateur général. Et je ne vous cacherai pas que nous, à la Coalition avenir Québec, on est d'accord pour l'ajout de pouvoirs à la RAMQ, mais pas n'importe comment non plus, là, je pense qu'il va falloir quand même baliser de manière importante les nouveaux pouvoirs et aussi, pour le ministre, d'avoir accès à certains documents, je pense qu'il y a certaines contraintes, certaines limites qu'il ne faudra pas franchir.

Et vous me connaissez, M. le Président, toujours constructif dans mes propos. Je pense qu'aussi on va avoir certains amendements à proposer pour qu'il y ait une certaine reddition de comptes. C'est bien, d'adopter des lois, mais il faut aussi être capable de voir à long terme l'impact que ça va avoir sur le quotidien et sur les finances du Québec aussi.

Donc, je serai bref, M. le Président. Donc, moi, je suis toujours d'attaque pour travailler correctement les différents projets de loi amenés par le gouvernement. Merci, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je souhaite maintenant la bienvenue à nos invités, les représentants de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Vous disposez d'une période de présentation de 10 minutes, par la suite vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Je vous prierais, pour les fins d'enregistrement, de bien préciser vos noms et fonctions, également ceux qui vous accompagnent. Alors, la parole est à vous.

Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ)

M. Cotton (Jacques) : Merci, M. le Président. Mon nom est Jacques Cotton, président-directeur général de la Régie de l'assurance maladie du Québec.

M. le président de la Commission de la santé et des services sociaux, M. le ministre de la Santé, M. Gaétan Barrette, Mmes et MM. les députés, membres de la Commission de la santé et des services sociaux, mesdames et messieurs, bonjour. À titre de président-directeur général de la Régie de l'assurance maladie du Québec, je saisis l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour vous faire part des impacts que le projet de loi n° 92, Loi visant à accroître les pouvoirs de la Régie de l'assurance maladie du Québec et modifiant diverses dispositions législatives, pourrait avoir sur l'accomplissement de notre mission quant à l'application de nos contrôles et de nos vérifications auprès des professionnels de la santé, des dispensateurs des services assurés, de même qu'auprès des fabricants et des grossistes en médicaments, et sur les interventions que la RAMQ pourrait faire lorsque des irrégularités et des fraudes potentielles sont constatées. C'est donc avec un grand intérêt que je vous entretiendrai des pouvoirs accrus de la RAMQ qui sont contenus dans le projet de loi n° 92 et que je répondrai à vos questions à ce sujet.

Mais, avant de débuter, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent : M. Alexandre Hubert, vice-président à la rémunération des professionnels, et Mme Annie Rousseau, directrice générale des affaires juridiques.

Dans un premier temps, je souhaite revenir brièvement sur certains propos que j'ai tenus le 18 février dernier, lors de la comparution de la RAMQ devant la Commission de l'administration publique qui faisait suite au rapport de la Vérificatrice générale du Québec sur l'administration, le contrôle et la rémunération des médecins.

J'ai indiqué que la RAMQ disposait de pouvoirs limités pour s'assurer du respect de la Loi sur l'assurance maladie, entre autres au chapitre du contrôle de la rémunération des médecins et des frais facturés par ces derniers ou par les cliniques médicales aux personnes assurées.

Les pouvoirs limités de la RAMQ ont aussi une incidence sur l'application de la Loi sur la Régie de l'assurance maladie du Québec et la Loi sur l'assurance médicaments, notamment en ce qui a trait aux activités des fabricants et grossistes en médicaments.

Plus précisément, j'ai fait référence aux constats suivants relativement à la rémunération des professionnels de la santé : le délai de prescription est de trois ans à compter du paiement au professionnel de la santé, il n'y a pas de suspension de cette période de prescription en cours d'enquête ou d'inspection; le délai de prescription pour une poursuite pénale est de deux ans à compter de la perpétration de l'infraction et non pas à compter de la connaissance de l'infraction; l'absence de la possibilité pour la RAMQ de demander à la Cour supérieure de prononcer une injonction pour faire cesser une pratique illégale; l'absence d'amendes en cas d'entrave au travail des inspecteurs et des enquêteurs; le montant des amendes peu élevé, il s'étend de 500 $ à 2 500 $ et au double en cas de récidive; la RAMQ n'a pas de pouvoir d'inspection qui pourrait lui permettre de se présenter dans les bureaux des professionnels de la santé et d'exiger des renseignements ou des documents.

J'ai aussi souligné qu'à l'automne 2013 la RAMQ avait entrepris des démarches afin de faire modifier les dispositions de la Loi sur la Régie de l'assurance maladie du Québec et celles de la Loi sur l'assurance maladie concernant les frais facturés aux personnes assurées.

• (11 h 30) •

Pour toutes ces raisons, nous accueillons favorablement le projet de loi n° 92 qui vise à accroître nos pouvoirs et qui, par le fait même, nous donnerait les moyens nécessaires pour favoriser davantage l'accomplissement de notre mission.

Effectivement, le projet de loi n° 92 comporte des dispositions qui répondraient aux préoccupations que nous avons exprimées. Ainsi, le pouvoir d'inspection nous permettrait de nous rendre sur place pour requérir auprès des personnes présentes tout renseignement ou tout document concernant les activités ou les fonctions d'un professionnel de la santé, d'un dispensateur de services assurés, d'un fabricant de médicaments ou d'un grossiste en médicaments reconnu. Une infraction pénale est prévue en cas d'entrave au travail d'un inspecteur ou d'un enquêteur de la RAMQ.

La suspension de la prescription applicable à une réclamation de la RAMQ auprès d'un professionnel de la santé, d'un dispensateur, d'un fabricant ou d'un grossiste, à compter de la notification d'un avis d'enquête, pour une période d'un an ou jusqu'à rapport final d'enquête, selon le plus court délai, ferait en sorte que la RAMQ disposerait de plus de temps pour mener ses enquêtes et utiliser ses recours lorsque nécessaire.

Par ailleurs, la possibilité de demander à la Cour supérieure de prononcer une injonction nous permettrait de faire cesser immédiatement des pratiques qui contreviennent à une disposition des lois que la RAMQ est chargée d'administrer. Ainsi, au chapitre des frais facturés aux personnes assurées, la RAMQ pourrait intervenir rapidement auprès d'un médecin ou d'une clinique médicale pour faire cesser une pratique illégale qui consiste à facturer des frais non autorisés aux patients pour des services assurés.

À titre d'exemple, une clinique médicale exige des patients qu'ils paient des frais pour avoir accès à un médecin. Cette pratique est illégale. Malgré les interventions de la RAMQ, la clinique refuse de mettre fin à cette pratique. Dorénavant, avec le pouvoir de demander à la Cour supérieure de prononcer une injonction, la RAMQ sera en mesure de faire cesser cette pratique.

D'ailleurs, à ce pouvoir de demander à la Cour supérieure de prononcer une injonction s'ajoute le pouvoir de recouvrer, par compensation ou autrement, toute somme versée par une personne assurée à un professionnel de la santé ou un tiers à l'encontre de la Loi sur l'assurance maladie sans que la personne assurée n'ait fait de demande de remboursement au préalable à la RAMQ. Actuellement, la RAMQ doit attendre qu'une personne assurée lui fasse une demande de remboursement, par exemple, pour des frais qui lui ont été illégalement facturés par une clinique médicale pour avoir accès à un médecin. Si le projet de loi est adopté, la RAMQ pourrait récupérer directement l'argent auprès de la clinique. Elle pourrait ensuite communiquer avec la personne assurée pour l'inviter à faire une demande de remboursement. Dans la même lignée, la prolongation d'un an à trois ans du délai accordé aux personnes assurées pour demander le remboursement des frais à la RAMQ à compter du paiement accorderait à cette personne beaucoup plus de temps pour procéder à cette fin.

Par ailleurs, à la suite d'enquêtes de nature pénale, le projet de loi prévoit une augmentation substantielle des amendes pouvant aller jusqu'à 150 000 $. Concrètement, les professionnels de la santé qui factureraient illégalement la RAMQ s'exposeraient à des amendes beaucoup plus élevées.

À titre d'exemple, un professionnel de la santé a facturé des frais à la RAMQ en prétendant avoir rencontré des patients, alors qu'il ne les a pas vus. Il s'agit là d'un service non fourni au sens de la loi. Les amendes actuelles sont de 1 000 $ à 2 000 $ et de 2 000 $ à 5 000 $ s'il y a récidive. Or, si le projet de loi est adopté tel que présenté, les amendes seraient de 5 000 $ à 50 000 $ et portées au double en cas de récidive.

De plus, la RAMQ pourrait ajouter des sanctions administratives pécuniaires de l'ordre de 10 % ou de 15 % au montant dont le professionnel de la santé est redevable. Par exemple, si un professionnel de la santé doit à la RAMQ 150 000 $ pour des actes non conformes à l'entente, la régie pourrait ajouter 15 000 $ à titre de sanction administrative pécuniaire. De telles sanctions constitueraient des incitatifs au respect de la loi et des ententes.

Parlons maintenant de la modification au délai de prescription pour intenter une poursuite pénale en lien avec une infraction à la Loi sur l'assurance maladie ou la Loi sur l'assurance médicaments. Cette prescription, qui est actuellement de deux ans à compter de la perpétration de l'infraction, passerait à un an depuis la connaissance de l'infraction par le poursuivant, soit le Directeur des poursuites criminelles et pénales, sans toutefois dépasser cinq ans depuis la perpétration. Par conséquent, la RAMQ aurait un délai beaucoup plus long pour mener ses enquêtes et transmettre les dossiers au DPCP. En effet, la RAMQ disposerait alors d'au moins quatre ans depuis la perpétration de l'infraction pour faire enquête, comparativement à un an et demi présentement, prenant pour acquis que le DPCP évalue actuellement à six mois son délai d'examen de dossier.

En matière d'assurance médicaments, le projet de loi n° 92 prévoit que la RAMQ peut rendre des décisions contre les fabricants ou les grossistes ayant consenti des ristournes, gratifications ou autres avantages à l'encontre des conditions ou des engagements prévus par règlement du ministre, aux fins de recouvrer un montant équivalent aux avantages ainsi consentis. Enfin, le projet de loi n° 92 prévoit aussi l'application d'infractions pénales dans le cas où un pharmacien, un fabricant ou un grossiste en médicaments reçoit ou consent, selon le cas, des ristournes, gratifications ou autres avantages non autorisés.

Ces pouvoirs contribueraient à renforcer les contrôles actuellement exercés par la RAMQ, qui chaque année compare des registres de pharmaciens avec des rapports annuels de fabricants de médicaments génériques afin de s'assurer du respect de la réglementation applicable. Ainsi, dans le cas où la RAMQ constate un dépassement de la limite permise, elle pourrait imposer au fabricant des sanctions administratives pécuniaires, en plus du montant excédentaire.

Les mesures dont je viens de traiter favoriseraient non seulement les contrôles que la RAMQ exerce à l'égard des professionnels de la santé, des dispensateurs des services assurés, des fabricants et des grossistes en médicaments, mais constitueraient également des incitatifs au respect des lois que la RAMQ administre.

Autres dispositions du projet de loi. Pour ce qui est de la carte d'assurance maladie, le projet de loi prévoit permettre à la RAMQ de réclamer de quiconque ayant aidé une personne à obtenir ou à utiliser sans droit une carte d'assurance maladie le coût des services assurés qu'elle a assumé. Le prêt d'une carte d'assurance maladie entre personnes apparentées constitue un bel exemple, à savoir lorsqu'une personne assurée détenant légitimement une carte d'assurance maladie prête sciemment celle-ci à une personne de sa famille ou de son entourage afin qu'elle puisse obtenir gratuitement des soins de santé alors qu'elle n'est pas admissible à l'assurance maladie. À titre d'exemple, ce type de situation est susceptible de se manifester dans le cas d'une personne qui arrive au Québec spécifiquement pour accoucher ou pour obtenir des soins. Malgré la vigilance du personnel hospitalier, il se peut que cette personne réussisse à obtenir des soins en utilisant une carte qui lui a été prêtée, et ce, avant de repartir définitivement dans son pays d'origine. La personne à qui appartient la carte serait tenue de restituer les sommes dues pour les services obtenus solidairement avec la personne ayant reçu sans droit des services assurés. De plus, l'augmentation des amendes pouvant leur être imposées devrait avoir un effet dissuasif, et la modification du délai de prescription faciliterait l'institution de poursuites pénales.

Enfin, pour les dispensateurs de services assurés qui fournissent des orthèses, des prothèses ou d'autres appareils, le projet de loi prévoit des dispositions similaires à celles applicables aux professionnels de la santé, notamment à l'égard du recouvrement par la RAMQ de paiements non autorisés réclamés ou obtenus par ces dispensateurs. Prenons, si vous le voulez bien, l'exemple d'un dispensateur qui facture à la RAMQ l'attribution d'orthèses faites sur mesure, lesquelles ont un coût plus élevé que des orthèses préfabriquées. À la suite d'une inspection faite auprès des personnes assurées, avec leur consentement, la RAMQ constate qu'il s'agit d'orthèses préfabriquées. Il s'agit donc de services faussement décrits. La RAMQ procéderait par compensation à la récupération du trop-perçu par le dispensateur et pourrait y ajouter une sanction administrative pécuniaire. S'il y a récidive, le dossier pourrait être transféré au Directeur des poursuites criminelles et pénales en vue d'une poursuite pénale et de l'imposition d'une amende.

En conclusion, je rappelle que la Régie de l'assurance maladie du Québec accueille favorablement le projet de loi n° 92 visant à accroître les pouvoirs de la Régie de l'assurance maladie et modifiant diverses dispositions législatives. Nous avons déjà fait état de la problématique liée au fait que nos pouvoirs actuels sont insuffisants pour nous permettre d'accomplir efficacement notre mission, qui vise notamment la rémunération des professionnels de la santé et des dispensateurs de services assurés, les activités des fabricants et des grossistes en médicaments et l'utilisation légale de la carte d'assurance maladie. La RAMQ a besoin de plus de pouvoirs, et, en ce sens, le projet de loi n° 92 tient compte de nos préoccupations et répond à nos besoins. Par le fait même, le projet de loi n° 92 nous donnerait les moyens nécessaires pour favoriser davantage l'accomplissement de notre mission. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour une période d'échange, pour 14 minutes restantes, M. le ministre, la parole est à vous.

• (11 h 40) •

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Cotton, bienvenue. M. Hubert, Me Rousseau. Alors, bienvenue à cette commission parlementaire. Évidemment, vous êtes habitués de ces démarches-là, de ces procédures-là.

Alors, je vais simplement commencer par faire une ou deux remarques, à la suite des remarques préliminaires qui ont été faites par les collègues, en soulignant l'ouverture de notre collègue la députée de Taillon quant au projet de loi. Alors, je suis bien content d'entendre ça.

Par contre, je n'ai pas été surpris, évidemment, d'entendre la députée de Taillon nous dire qu'elle allait s'intéresser beaucoup aux frais accessoires, et je pense que ses interventions seront beaucoup portées là-dessus. Et vous me permettrez, M. Cotton, de prendre un petit moment pour rappeler, évidemment, qu'au Parti québécois on a changé d'orientation de façon radicale, le Parti québécois qui est le parti qui a créé les frais accessoires, en 1979, qui les a mis à jour quelques années plus tard. Aujourd'hui, alors qu'à la dernière campagne électorale le Parti québécois avait clairement dit qu'il était déterminé... Je le montre encore une fois, M. le Président, à l'écran, parce qu'on se rappellera que le slogan du Parti québécois, c'était Déterminée, et il avait été clairement écrit dans le programme du Parti québécois, en 2014, et je le cite, que le Parti québécois voulait «doter le système de santé de balises claires afin de protéger l'accès aux services et d'encadrer les frais accessoires abusifs». Alors, on comprendra que le Parti québécois, jusqu'à très récemment, était heureux de sa création et qu'il avait manifesté son intention de la faire vivre mais de l'encadrer pour enlever les abus, et on peut se demander comment ça se fait qu'aujourd'hui on a changé de position. Mais je comprends, puisque le Parti québécois les avait créés et qu'il trouvait qu'il y avait, selon leur opinion, puis je dois avouer qu'effectivement il y a eu des dérapages... qu'il veuille les encadrer. Maintenant, aujourd'hui, évidemment, on n'est plus là, on est ailleurs. On a l'impression que le Parti québécois veut revenir sur son propre passé et défaire ce qu'ils ont fait en abolissant les frais accessoires.

Mais, encore une fois, je suis content de constater la satisfaction de la députée de Taillon, dans ses remarques introductives, face au projet de loi, qui manifestement est une réponse aux différents problèmes qui ont été évoqués par d'autres observateurs, par vous-mêmes, à la Régie de l'assurance maladie, et par la Vérificatrice générale.

Maintenant, M. Cotton, j'aimerais vous poser une question très simple. Bien, d'abord, je vais vous féliciter encore une fois aujourd'hui pour le travail que vous avez fait et la volonté que vous avez affirmée et exercée clairement dans vos travaux pour amener aujourd'hui... nous amener à ce projet de loi.

Maintenant, à partir du moment où le projet de loi est maintenant connu depuis un certain temps, est-ce que vous avez eu d'autres commentaires à la lecture du projet de loi par d'autres instances, par d'autres personnes, par d'autres professionnels qui aujourd'hui vous amèneraient à nous faire des recommandations additionnelles? Ma compréhension étant que le projet de loi, tel qu'il est écrit, répond à vos aspirations réglementaires et administratives quant à vos responsabilités d'appliquer les lois et règlements, est-ce qu'aujourd'hui il y a quelque chose de nouveau qui vous est apparu comme étant manquant dans le projet de loi? Aujourd'hui, comme vous le savez, évidemment, vous êtes expérimenté dans ces procédures-là, nous sommes là pour améliorer le projet de loi, et, s'il serait advenu que vous avez de nouvelles idées, on va les recevoir très favorablement, évidemment, on est là pour ça.

M. Cotton (Jacques) : Depuis, effectivement, qu'on a terminé ces travaux et que le projet de loi est public, du côté de la RAMQ, il n'y a pas rien d'autre qu'on serait en mesure de vous suggérer, on a vraiment retrouvé dans ce projet de loi tous les éléments, là, qui depuis quelques années créaient des irritants dans l'application de notre mission. Et on n'a pas reçu non plus de commentaire autre que les mémoires qu'on a pu avoir à date, là, il y en a trois, là, qu'on a reçus hier, qu'on a commencé à en prendre connaissance, mais, au-delà de ça, il n'y a pas eu d'autres interventions qui ont été faites à notre niveau. Et, par rapport à l'organisation comme telle, on est à l'aise avec ce qu'il y a dans le projet de loi actuellement, et ça répond à l'ensemble des éléments qui nous préoccupaient, et des situations qu'on pouvait vivre, puis les différents éléments qu'on a, disons, constatés dans les dernières années.

M. Barrette : Parfait. Merci. Évidemment, à la RAMQ, vous appliquez des lois et des règlements qui en découlent. Il y en a trois, je le... bien, je ne le répéterai pas, mais je les ai mentionnées à plusieurs reprises. Donc, vous êtes dépendants des changements législatifs que nous apportons.

Alors, comme vous le savez, il y a la loi n° 20 qui a été promulguée, pour laquelle un règlement sera annoncé dans les prochaines semaines. À la lumière de ce que vous connaissez de la loi n° 20, par rapport aux frais accessoires, est-ce que le projet de loi n° 92 qui est actuellement celui que nous étudions va être suffisant... En fait, je vais le poser différemment : Est-ce que le projet de loi n° 92, s'il est adopté, va vous permettre sans problème de jouer votre rôle d'inspection, de chien de garde, à toutes fins utiles, même en fonction de ce qui... pas même, mais également en fonction de l'adoption éventuelle du règlement sur d'éventuels, potentiels frais accessoires qui découlent de la loi n° 20?

M. Cotton (Jacques) : C'est certain que, pour nous, plus on va clarifier qu'est-ce qui est permis dans les frais facturés aux personnes assurées, en partant, déjà là, pour nous, c'est plus facile même d'appliquer notre loi actuelle, même si elle nous limite beaucoup, mais, avec ce qu'il y a dans le projet de loi n° 92, on a l'ensemble de ce qu'on a de besoin pour faire respecter une éventuelle réglementation et ce qui est permis au niveau des ententes déjà négociées avec les fédérations médicales.

Et j'insiste sur le fait qu'actuellement ce qui est difficile pour nous, au niveau des frais facturés, c'est qu'on constate des illégalités et on n'a vraiment pas de pouvoir pour les arrêter. C'est de là que vient le pouvoir d'injonction qu'on a demandé dans la loi, de pouvoir demander une injonction pour faire cesser une pratique illégale. Actuellement, on les constate. Dans le pire des scénarios, on peut répéter des amendes à une clinique, disons, dans notre exemple, et des fois les amendes sont si faibles que c'est plus intéressant pour la clinique de continuer d'être illégale, puis on n'a pas d'autre pouvoir.

Donc, ce qu'on a prévu dans 92 actuellement nous donne toute la latitude nécessaire. Un, les amendes sont beaucoup plus élevées, et, deux, on a un pouvoir d'injonction pour faire cesser une approche qu'on qualifie d'illégale par rapport à la loi.

M. Barrette : Et on comprend que ce pouvoir-là, là, hein, il était souhaité par vous et il est nouveau, là, c'est quelque chose qui n'existait pas avant.

M. Cotton (Jacques) : Il est nouveau et très souhaité par nous pour faciliter, justement, l'application, entre autres, là, des frais facturés aux personnes assurées.

M. Barrette : O.K. Et on comprend que ce pouvoir d'injonction là s'applique aux trois lois qui sont... peut-être pas les lois sous votre juridiction mais qui s'appliquent aux travaux de la RAMQ, contrairement à précédemment, lorsque le Parti québécois s'était avancé, c'était plutôt de l'injonction du côté seulement médical.

M. Cotton (Jacques) : Actuellement, dans ce qui est sur la table devant nous, effectivement, il s'applique sur les trois lois, le pouvoir d'injonction.

M. Barrette : C'est bon. J'aimerais ça que vous nous éclairiez, là, juste... Je ne veux pas que vous nous révéliez des choses, ce n'est pas ça qui est l'objectif. Je pense que, du côté médical, vous avez actuellement clairement plus de pouvoir et, à ma lecture, vous avez vraiment un pouvoir effectif, que je dirais, en ce sens que vous avez la capacité d'intervenir, d'inspecter, de voir des livres, voir des dossiers médicaux. Vous avez accès à l'information, du côté médical, je pense qu'on pourrait dire, sans limitation aucune, là.

M. Cotton (Jacques) : En utilisant notre pouvoir d'enquête, oui, notre pouvoir d'enquête, oui.

M. Barrette : Oui, oui, tout à fait, tout à fait, on...

M. Cotton (Jacques) : Là, ce qui serait nouveau, par rapport au pouvoir d'inspection qui est demandé dans la loi n° 92, c'est qu'on pourrait procéder directement à partir d'une inspection pour obtenir des informations, des dossiers, sans utiliser un processus, qui est quand même là, qui est disponible mais qui est plus complexe, d'un pouvoir d'enquête.

M. Barrette : Mais, quand on regarde du côté pharmaceutiques, qui, elles, sont des entreprises au sens purement commercial du terme, puis je vais jusqu'aux grossistes, là, est-ce que votre pouvoir a la même portée? Êtes-vous satisfaits de ce pouvoir-là quant à la situation où vous devez avoir accès à une certaine documentation?

M. Cotton (Jacques) : Je dirais que c'est du même niveau, c'est du même niveau. C'est du même niveau puis ça va nous permettre d'aller chercher des informations où actuellement, là, on en vit, des situations où il faut s'adresser aux tribunaux pour avoir des informations, là. Donc, ça nous permettrait d'exiger des informations pour faire des constats puis compléter nos enquêtes de façon beaucoup plus efficace.

• (11 h 50) •

M. Barrette : Parfait. Pourriez-vous nous donner quelques exemples des difficultés que vous aviez dans le passé quant à l'utilisation des cartes d'assurance maladie? Donc, l'utilisation frauduleuse, là, on s'entend, là. Ceux qui l'utilisent normalement, il n'y a pas de problème.

Je vous pose cette question-là parce que j'ai été très surpris... Lors des auditions devant la commission des affaires publiques, notre collègue la députée de Taillon vous avait posé des questions sur l'utilisation régulière ou irrégulière des cartes d'assurance maladie, et j'avais constaté dans son projet de loi n° 491 que non seulement on ne s'adressait pas au monde pharmaceutique, mais on ne s'adressait pas non plus à l'utilisation inappropriée des cartes d'assurance maladie. C'est un peu une des raisons pour lesquelles j'avais constaté que le projet de loi déposé était assez tiède, là, il n'avait pas beaucoup de portée, ça ne corrigeait pas les situations.

Pourriez-vous nous indiquer, dans votre expérience, quelle est l'ampleur du problème que vous avez expérimenté dans les dernières années?

M. Cotton (Jacques) : Je vous dirais, ce qui a été vu dans les dernières années, puis il y a des cas qui ont été médiatisés, c'est, je dirais, des groupes organisés qui utilisent la carte faussement au niveau de l'arrivée de citoyens qui viennent ici, au Québec, pour utiliser cette carte-là, mais pas juste l'utiliser pour la partie hospitalisation ou services de santé, et tout ça, mais qui peut donner droit aussi à d'autres services dans d'autres ministères et organismes, si on parle... les allocations familiales au niveau de la Régie des rentes, là, l'aide sociale, tout ça. Donc, on a déjà découvert des réseaux de gens, lors de nos enquêtes, qui utilisaient... à partir de la carte d'assurance maladie, qui vous donne quand même une identité, de développer effectivement des... aller chercher des services. Et certaines de ces personnes-là ne résidaient même pas au Québec.

Donc, je ne dis pas, là, qu'il y en a, là, des milliers, mais il y a eu des cas. Et on n'a tellement pas de pouvoir pour aller plus loin dans ces situations-là puis d'éléments dissuasifs qu'il y a eu... dans ces cas-là qui ont été médiatisés, on a pu retrouver des fois quelques années plus tard le même scénario qui se répétait. Donc, actuellement, il n'y a pas vraiment d'élément dissuasif dans la loi qui vont empêcher les gens, là, d'avoir l'idée de frauder à partir de la carte d'assurance maladie pour aller chercher un ensemble de bénéfices que le gouvernement du Québec offre, là, aux citoyens.

M. Barrette : C'est donc probablement la raison pour laquelle vous nous aviez recommandé d'avoir des amendes beaucoup plus substantielles pour les fraudeurs, un élément qui non seulement n'était pas... on ne s'y était pas adressé, dans le projet de loi n° 491, mais on n'avait pas prévu d'amende non plus. Ça, vous considérez que l'effet dissuasif va s'exercer, là?

M. Cotton (Jacques) : Oui. Puis c'est à partir de faits vécus, documentés.

M. Barrette : O.K. Bien, M. le Président, j'ai pas mal... À moins que vous ayez quelque chose à ajouter, M. Cotton, j'aurais terminé mon segment.

M. Cotton (Jacques) : Peut-être Me Rousseau voudrait ajouter quelque chose.

Mme Rousseau (Annie) : Oui, M. le Président. Alors, aussi, à l'égard de l'utilisation des cartes d'assurance maladie, ce qui est proposé dans le projet de loi, c'est de pouvoir faire en sorte que la personne qui a prêté sa carte non seulement soit passible d'une poursuite pénale, d'une amende, mais aussi qu'elle soit obligée de rembourser les frais qui ont été, donc, facturés à la régie ou à un établissement de santé, de sorte que ça aussi, c'est très dissuasif.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je me dois maintenant, comme président, de céder la parole... Vous aurez l'occasion, donc, de poursuivre les échanges. Je dois tenir le temps, alors ne m'en voulez pas. Alors, pour 9 min 30 s, le temps appartient à notre collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. M. Cotton, M. Hubert, Me Rousseau, bienvenue. Bonjour.

Alors, je vous dirais que, juste pour taquiner le ministre, il y a des gens qui changent tellement d'idée qu'ils changent même de parti. Alors, il y a parfois des changements encore plus marqués que d'autres dans les opinions des gens.

Des questions assez précises, parce que neuf minutes, c'est très court : Est-ce que les agences de facturation sont couvertes dans les organismes que vous pourriez inspecter? Parce qu'on a beaucoup parlé des fraudes par les médecins. Moi, je ne suis pas si sûre que ça qu'il y a tant de médecins... je suis même assez convaincue qu'il y a peu de médecins qui fraudent, mais je pense qu'il y a peut-être des erreurs ou en tout cas des tentations qui peuvent provenir des agences de facturation. Est-ce que vous avez les bons leviers pour aller vérifier les agences de facturation aussi?

M. Cotton (Jacques) : Lorsqu'on mentionne, dans le projet de loi, les tiers, ça vise également, entre autres, les agences de facturation, et bien d'autres, là, mais ça couvre effectivement le volet des agences de facturation.

Mme Lamarre : Excellent. Une autre question très pharmaceutique. Dans le cas d'une enquête qui s'est réglée hors cour avec McKesson, 43 millions de dollars, souvent on constatait qu'il y avait des ententes qui se réglaient hors cour. Ça empêche d'avoir accès à une jurisprudence qui éviterait, finalement, de reproduire ces démarches-là plusieurs fois quand les compagnies ou les fabricants, les grossistes, les multinationales qui gravitent ont tendance à reproduire... Avec les pouvoirs que la loi n° 92 vous donne, que le projet de loi n° 92 vous donne, est-ce que vous auriez été capables d'aller chercher vraiment un jugement qui nous aurait permis d'avoir une jurisprudence?

M. Cotton (Jacques) : Je vais demander à Me Rousseau de répondre à cette question.

Mme Rousseau (Annie) : En fait, lorsqu'on fait un règlement hors cour, c'est sûr qu'il y a une balance qui est faite entre les risques et les chances de succès, et tout ça, mais on ne peut jamais deviner l'issue d'un jugement. Alors, avec les pouvoirs qu'on va avoir ici, on va avoir plus de pouvoirs, c'est sûr, si, naturellement, le projet de loi est adopté, mais on ne pourra pas plus deviner, là, l'issue du jugement.

Mme Lamarre : Non, mais le projet de loi n° 92 vous donne accès plus facilement à des données. Est-ce que certaines de ces données-là ne vous étaient pas accessibles dans des grands jugements que vous avez dû régler hors cour et que maintenant vous y aurez accès plus facilement, de façon obligatoire aussi de la part des tiers qui sont impliqués?

M. Cotton (Jacques) : Oui, à ce chapitre-là, effectivement, on va avoir accès à de l'information plus rapidement, puis peut-être moins de démarches devant les tribunaux pour obtenir des informations, ce qui nous permettrait, comme je l'ai dit, je pense, tantôt, de compléter nos enquêtes peut-être plus rapidement. Mais ça n'empêche pas que peut-être, dans certaines situations, on va quand même accepter de faire un règlement hors cour, en fonction de la preuve accumulée puis des délais, en tout cas, un peu ce que Me Rousseau expliquait, là. Mais effectivement ça va nous permettre d'avoir accès plus rapidement à de l'information dans certains cas.

Mme Lamarre : Excellent. Le projet de loi n° 92 augmente beaucoup vos pouvoirs d'enquête, d'inspection. Ça veut dire aussi que ça prend des effectifs supplémentaires et ça prend un support informatique plus adapté. Est-ce que vous avez estimé les effectifs supplémentaires qui seraient nécessaires? Moi, je ne veux pas vous priver, là, je veux juste avoir une idée des effectifs supplémentaires, je pense qu'il faut donner à la RAMQ les bons moyens. Alors, qu'est-ce que ça prendrait pour que vous puissiez bien appliquer les pouvoirs qui vous seraient conférés par le projet de loi n° 92?

M. Cotton (Jacques) : Actuellement, on est justement à faire l'évaluation, si jamais le projet de loi était voté, des impacts dans notre organisation du travail, parce qu'honnêtement on va devoir réévaluer le travail de nos inspecteurs, le travail de nos enquêteurs. Est-ce que ça, automatiquement, nous amène à un nombre plus élevé? On n'est pas certains. Il faut voir un peu, avec les nouveaux pouvoirs, comment on va travailler, et c'est ça qu'on regarde actuellement, là, l'organisation du travail.

Deuxièmement, au niveau des supports informatiques, effectivement, vous avez raison, on est à implanter notre nouveau système de rémunération, depuis le 1er avril, on est en mode implantation, là, tel qu'on l'avait dit à la Commission de l'administration publique, et ça devrait se terminer au 31 décembre. Ce nouvel outil là va nous permettre d'avoir des meilleurs contrôles et nous indiquer plus rapidement des anomalies potentielles au niveau de la facturation. Donc, on va se servir de notre outil, justement, de notre nouveau système de rémunération pour détecter de façon différente, revoir notre échantillonnage en fonction, là, aussi des commentaires qu'avait faits la Vérificatrice générale sur notre échantillonnage.

Et l'impact sur les ressources, bien là on est à l'évaluer, mais, à première vue, ça va demander avant une réorganisation du travail en fonction des nouveaux pouvoirs pour regarder après, en bout de ligne, est-ce que ça prend quelques ressources de plus à l'inspection, aux enquêtes, aux services juridiques, parce que j'imagine que ça va amener du volume — elle me dit oui — aux services juridiques, mais ce n'est pas... Vous savez, là, ce ne sera pas, là, 30, 40, 50 personnes, là, on est dans des ajustements beaucoup moindres que ça, mais en précédant le tout par une réorganisation du travail en fonction des nouveaux pouvoirs.

• (12 heures) •

Mme Lamarre : Bien, compte tenu de l'ampleur des sommes dont vous êtes, quelque part, garants, hein, je pense qu'il faut investir dans la Régie de l'assurance maladie du Québec et il faut vous donner des bons outils.

Au niveau, par exemple, du projet de loi n° 92, on voit qu'il y a des dimensions au niveau du choix des orthèses, au niveau... Par exemple, quand on a eu la Commission de l'administration publique, la Vérificatrice générale avait attiré notre attention sur certains paramètres au niveau des mesures incitatives, qui sont de plus en plus importantes, dans les ententes, pour lesquelles actuellement la vérification de la RAMQ était surtout sur les actes posés mais peu sur les mesures incitatives.

Est-ce que vos systèmes informatiques vont vous permettre de détecter facilement, par exemple, les déviances par rapport à certaines utilisations d'orthèses qui seraient beaucoup plus chères à un endroit qu'à un autre ou bien des moments de chirurgie où on ferait beaucoup, beaucoup d'urgence le samedi parce que ça donne deux fois les honoraires par rapport aux jours de semaine? Est-ce que vous allez avoir ce genre de précision dans vos systèmes informatiques?

M. Cotton (Jacques) : C'est très clair qu'avec notre nouveau système on augmente le niveau d'information et de précision, entre autres l'heure où l'acte est posé, ce qu'on n'avait pas ou qu'on avait peu avant. Donc, ça, ça va être un ajout.

Et c'est certain qu'on va avoir des nouveaux indicateurs à partir de ce système-là, il a été pensé aussi pour être flexible, être capable qu'on puisse facilement le programmer à nous sortir des nouveaux indicateurs en fonction des tendances puis de l'évolution des ententes. Là, actuellement, on travaille avec un système qui date de 30 ans et qui n'a pas cette flexibilité-là. Donc, si dans deux ans il arrive des nouveaux indicateurs qu'on voudrait suivre, des nouvelles primes, des nouveaux services qui sont offerts, des nouveaux incitatifs, bien on peut programmer le système pour être capable de nous sortir ces indicateurs-là et d'amener ce qu'on appelle des alertes, pour mieux surveiller un peu, mieux contrôler la rémunération.

Mme Lamarre : Excellent. Justement, dans ces indicateurs, quand vous parlez de cartes d'assurance maladie utilisées de façon frauduleuse, qu'est-ce que ce sont, vos indicateurs pour ça? Est-ce que c'est seulement par délation, il faut que quelqu'un vous appelle pour vous dire qu'il a un soupçon, ou si vous avez d'autres paramètres qui vous permettent de détecter ça?

M. Cotton (Jacques) : Je vous dirais que c'est souvent par des dénonciations, entre autres. On fait de l'inspection aussi au niveau des personnes assurées. Entre autres, on vérifie la présence au Québec, hein, c'en est un des critères importants au niveau de l'admissibilité à avoir des services. Donc, on fait des vérifications. Quand on soupçonne qu'un citoyen ou des citoyens ne seraient pas présents au Québec, on les questionne, on demande des documents, il faut qu'ils nous fassent la preuve qu'ils résident au Québec, puis il y a différents critères qui sont prévus pour qu'ils nous fassent la démonstration qu'ils sont bien au Québec. Et on fait de l'inspection sur place aussi, même au niveau des personnes assurées.

Mme Lamarre : Je regarde dans le mémoire du Collège des médecins, qui va venir un peu plus tard, et je pense que dans d'autres ordres aussi on a vu... on a une recommandation que la RAMQ soit tenue d'informer les ordres professionnels si une sanction est prise à l'endroit d'un professionnel en regard de l'application de la Loi sur l'assurance maladie ou sur l'assurance médicaments. Comment vous voyez cette demande des ordres?

M. Cotton (Jacques) : Tout à fait à l'aise. Et actuellement il y en a, des dossiers qu'on transfère au collège, dans différentes situations. Notre loi actuelle ne nous empêche pas de leur transférer, actuellement, des dossiers sur lesquels nous soupçonnons, là, de la mauvaise facturation ou des choses comme ça.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour 6 min 30 s, la parole est au collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. M. Cotton, M. Hubert, Me Rousseau, merci d'être là.

Lors des auditions de la Commission des finances publiques, le thème a été abordé, bien sûr, puis ça semblait assez clair. Puis là vous venez de dire que ça bouge un peu, puis c'est correct, c'est normal lorsqu'on est en préparation à, dans la mesure où le projet de loi devient loi, mais vous aviez dit : Dans l'état actuel des choses, on a les effectifs nécessaires, j'y reviens un peu. Là, vous dites : Ça bouge un peu, on est en train d'évaluer. Parce que les gens se surprendront, hein, puis le commun des mortels, avec la charge de travail que vous avez, le nombre de demandes qui sont faites, les gens sont toujours étonnés qu'il y ait seulement quatre médecins-conseils à votre service. Rappelez-moi... 26 enquêteurs? Ou corrigez-moi, là, sur le nombre.

M. Cotton (Jacques) : C'est que souvent, dans les chiffres qu'on publie, là, il y a enquêteurs, il y a les inspecteurs, puis des fois on a de la difficulté à séparer. C'est 19 personnes aux enquêtes, puis à l'inspection on en a... 10 professionnels à l'inspection.

Mais, juste pour revenir sur quand on avait parlé des quatre fameux médecins, là, ce qu'il faut aussi savoir, c'est qu'ils sont entourés d'une équipe de professionnels. Ce n'est pas eux qui font le premier travail de recherche des anomalies, puis tout ça, on a une équipe de... Combien de personnes en tout, là? Une dizaine de personnes qui les supportent, et qui font les analyses de facturation, puis tout ça, et qui soumettent les dossiers problématiques à ces quatre médecins-là.

M. Paradis (Lévis) : Je ne veux pas, là, faire une mauvaise analogie, mais je veux que les gens comprennent, là. C'est parce que c'est important de voir la charge que vous avez, ce que ça va apporter également, que vous ayez les ressources en ce moment ou quelque chose, que vous ayez, évidemment, tout ce qu'il faut pour arriver à un objectif. Vous me direz si c'est boiteux, mais je comparerais un peu vos médecins-conseils, qui finalement reçoivent la masse d'information et décideront si on va plus avant, à des espèces de procureurs de la RAMQ, si on veut, qui auront à décider de la finalité d'un dossier ou pas. Alors, ça, à ce chapitre-là, je vous pose la question parce que j'imagine que, votre service informatique étant de plus en plus performant, avec ce que vous êtes en train de mettre en place, qu'il y aura des alertes, il y aura aussi cette possibilité d'aller chercher de l'information, devançant même une plainte potentielle d'un client, alors vous pourrez agir à ce moment-là, tout le processus des injonctions potentielles également. Les procureurs médecins-conseils de la RAMQ, j'imagine, vont se retrouver avec davantage de dossiers. Le but de l'exercice est là. Vous aurez plus de pouvoir puis une meilleure machine pour amener ça.

Est-ce que vous êtes spécifiquement à vous demander si dans une classe précise d'intervenants à la RAMQ, médecins-conseils, on devra peut-être, là, avoir davantage de gens qui seront à même de dire : On continue ce dossier-là, ou : On laisse tomber?

M. Cotton (Jacques) : Oui. Mais je complète. Effectivement, notre équipe de quatre médecins, on est à revoir effectivement, avec les impacts du nouveau système de rémunération, avec les impacts des nouveaux pouvoirs, qui vont nous demander effectivement de modifier certains contrôles parce qu'on sait qu'on va être capables d'aller plus loin... Quand je parlais d'organisation du travail, tantôt, on fait un exercice, actuellement, là, de revue du processus complet, de tous nos contrôles, à la RAMQ, pour justement évaluer les impacts sur chacune des couches de personnel.

Et, quand j'avais dit, au mois de février, qu'on devrait avoir suffisamment les ressources, globalement oui, ça va être des ajustements à la marge, mais possiblement rajouter au niveau des effectifs médicaux, ça, c'est clair, puis ajuster au niveau de notre personnel qui fait des enquêtes. Donc, ça peut demander des fois, comme je disais tantôt, avec un pouvoir d'inspection plus grand puis d'injonction, peut-être moins d'enquêtes, donc déplacer peut-être des gens. Donc, c'est un peu ça qu'on regarde avant de dire, là : Voici combien qu'on a besoin de ressources. Mais déjà, au niveau de l'équipe de procureurs, comme vous les appelez, de la RAMQ, de première instance, parce qu'on a nos procureurs de deuxième instance, effectivement, ça va demander des ajustements, tout à fait.

M. Paradis (Lévis) : ...puis je me pose la question. Évidemment, vous avez toujours dit aussi, quand on a parlé du projet de loi n° 92, que l'objectif était dissuasif; le but visé, ce n'est pas d'être à tout prix contraignant. Alors, quand on tente de savoir ça pourrait faire quoi comme vérifications par rapport à ce qui a déjà été fait, on sait que le vérificateur a déjà parlé, là, évidemment, des besoins que vous aviez, du personnel, avait déjà dit... bon, on a parlé de 133 dossiers de mauvaise facturation de médecins pour 3 millions de dollars, puis là le réflexe, pour les citoyens, c'est dire : Est-ce que ces nouveaux pouvoirs là vont faire en sorte qu'on va avoir davantage de dossiers puis qu'on va récupérer davantage? Puis, à ce chapitre-là, M. Cotton, vous me corrigerez, mais vous avez dit : L'objectif premier, c'est la dissuasion. Donc, vous n'avez pas dans votre esprit le fait de ce que ces nouveaux pouvoirs là pourront vous apporter en nombre de vérifications, en dossiers potentiels à venir, il n'y a pas de fourchette entre ce qui est fait maintenant, avec les pouvoirs que vous avez, et ceux que vous aurez éventuellement?

M. Cotton (Jacques) : Non, c'est très difficile d'évaluer, parce que, oui, on va avoir des pouvoirs additionnels, mais qu'on veut vraiment dissuasifs, vous avez raison, parce que sinon ce serait de présumer que la majorité de notre clientèle essaie de nous frauder, et ce n'est pas le cas. Donc, les nouveaux pouvoirs se veulent, un, dissuasifs. Et, je vous dirais, pour les cas qui restent, parce qu'il y en aura toujours, quelques cas, ça se veut avec une conséquence grave, ce qui n'est pas le cas actuellement avec la loi qu'on a. Donc, c'est beaucoup pensé justement pour que, le peu de cas qui pourront rester ou qu'on pourra remettre en questionnement sur la validité de la facturation qu'on a eue, il y ait des conséquences importantes. Actuellement, la conséquence, c'est de nous rembourser, point.

M. Paradis (Lévis) : Est-ce qu'il est possible... Est-ce que c'est trop s'avancer de penser que ces nouvelles ressources potentielles dont vous auriez besoin pour mener à terme puis faire en sorte que le travail se fasse bien puissent, quelque part... Parce qu'on est beaucoup à l'échelle des budgets équilibrés puis des sous qui ne sont pas disponibles partout. Avez-vous songé à ce qu'on pourrait avancer le fait qu'on puisse autofinancer les nouvelles ressources du fait qu'il y ait davantage d'actions de votre part, d'amendes, de remboursements, bon, etc.? Est-ce qu'on peut penser être gagnant-gagnant là-dessus?

(Consultation)

M. Cotton (Jacques) : O.K. Excusez, je voulais juste vérifier.

M. Paradis (Lévis) : C'est correct.

Le Président (M. Tanguay) : ...que quelques secondes, quelques secondes.

M. Cotton (Jacques) : Effectivement, l'argent qu'on récupère actuellement ne peut pas nécessairement servir à ça, mais globalement je suis convaincu que ça s'autofinance, dans un budget global du gouvernement, là, oui.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, au collègue de Mercier pour trois minutes.

• (12 h 10) •

M. Khadir : Merci, M. le Président. Ce que j'aurais voulu dire dans des remarques préliminaires, qui m'a été refusé par magnanimité, c'est qu'en fait... Et ça illustre le problème. Aujourd'hui, vous avez lu comme moi un article dans La Presse sur 25 médecins qui facturent à peu près 2 millions de dollars par année au Québec. M. Cotton, Mme Rousseau, M. Hubert, croyez-moi, pour quiconque connaît un peu la pratique médicale, à moins d'une grande capacité de facturation créative, ce n'est pas possible de facturer 2 millions de dollars d'actes médicaux au Québec, d'accord? Et malheureusement, donc, il y a beaucoup de facturation créative, et ça, je pense que vous en êtes conscients, d'ailleurs vous l'avez nommé de toutes sortes de manières, c'est un problème qui ne relève pas uniquement de surfacturation ou d'un problème de fraude généralisé mais d'un système de paiement à l'acte et des ententes sur la manière de facturer ça et de contrôler ça qui laissent la place à beaucoup de, je dirais, créativité, qui sont dans la marge de ce qui est répréhensible ou pas.

Ceci étant dit, c'est un problème qui date de longtemps. Ça fait combien d'années qu'à la RAMQ on est conscient qu'il y a des problèmes dans la loi pour pouvoir, de manière adéquate, l'appliquer? Parce que, si vous vous rappelez, là, dès 1970, c'est dit dans l'article 18 de la loi introduite en 1970 par l'Union nationale, qu'un médecin, un professionnel de la santé ne peut exiger ni recevoir, pour de tels services, aucune autre rémunération que celle qui lui est payable par la régie et qui est prévue à l'entente, toute convention à l'effet contraire est nulle et de plein droit. Donc, ça, on le sait depuis près de 45 ans. Est-ce qu'à la RAMQ vous avez déjà, dans le passé, fait des demandes, vous avez fait des demandes à des ministres passés de changer la loi pour vous donner plus de pouvoirs?

M. Cotton (Jacques) : Écoutez, moi, je suis arrivé à la RAMQ en juin 2013, et en 2013 on a fait un premier exercice parce qu'on constatait... avec les équipes qui étaient en place à ce moment-là, on a fait le point sur le fait qu'on avait de la difficulté puis qu'il nous manquait des pouvoirs. Est-ce que...

M. Khadir : Mais vous êtes le premier président de la RAMQ à avoir observé ça ou il y avait eu d'autres observations dans le passé?

M. Cotton (Jacques) : Je ne peux pas vous répondre, là, parce que...

M. Khadir : Est-ce que je peux demander à madame...

M. Cotton (Jacques) : Oui, mais elle n'était pas là non plus. L'équipe a changé complètement, à la RAMQ, là, il n'y a pas personne vraiment... Parce qu'on l'a posée, moi-même, je l'ai posée, la question, parce que le Vérificateur général, dernièrement, dans son exercice sur les frais facturés aux personnes assurées, nous a posé cette question-là, et le plus loin qu'on a pu remonter, là, c'est peut-être 2011, où il y avait un début de constat de problématique au niveau de l'application de la loi. Et la première fois où il y a eu une demande officiellement à un ministre, là, ça a été fait en 2013.

Une voix : ...

M. Cotton (Jacques) : Oui.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avons, c'est déjà terminé. On a même dépassé un peu. Alors, merci beaucoup aux représentantes, représentants de la Régie de l'assurance maladie du Québec.

Je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 13)

(Reprise à 12 h 15)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Nous rencontrons maintenant les représentants et représentantes de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation, par la suite vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Pour les fins d'enregistrement, je vous prierais de bien vouloir vous nommer, préciser vos fonctions. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ)

M. Bolduc (Bertrand) : Merci, M. le Président. Mon nom est Bertrand Bolduc, je suis président de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Je suis accompagné de Mme Manon Lambert, directrice générale et secrétaire de l'ordre. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, l'Ordre des pharmaciens du Québec tient à vous remercier de l'occasion qui lui est donnée de commenter le projet de loi n° 92.

Rappelons que l'ordre a pour mission de protéger le public. C'est avec cette préoccupation première que nos recommandations sont formulées.

L'ordre appuie le principe du projet de loi qui consiste à donner des pouvoirs plus importants à la RAMQ à l'encontre des personnes qui abusent ou qui fraudent. L'ordre est tout aussi préoccupé que le ministre par les professionnels qui cherchent à contourner les règles ou à abuser du système. Il s'agit de comportements inacceptables que l'ordre condamne et que son conseil de discipline sanctionne lorsque les faits portés à sa connaissance sont avérés.

Par contre, lorsqu'on exige d'un professionnel des informations qui relèvent du secret professionnel, rappelons que ce secret est nécessaire à la relation de confiance entre le professionnel et son patient. À ce sujet, l'ordre invite les parlementaires à la prudence, il faut s'assurer que cela est absolument nécessaire. Et nous posons cette question : Est-ce que l'objectif poursuivi ne pourrait pas être atteint par un autre mécanisme qui porterait moins atteinte à ce droit fondamental et éviterait de placer le professionnel entre l'arbre et l'écorce, d'autant que la loi prévoit déjà l'obligation pour la personne assurée de fournir à la RAMQ ces renseignements?

Par ailleurs, l'ordre a toujours été favorable à ce que la RAMQ puisse exiger d'un professionnel le remboursement de ce qui a été payé en trop pour des services non requis du point de vue médical. L'ordre soutient également l'imposition de sanctions administratives pécuniaires lorsque le professionnel réclame des services qui n'ont pas été fournis, qu'il n'a pas fournis lui-même ou qu'il a faussement décrits. Cela représente une fraude que l'on ne saurait tolérer, elle doit être sanctionnée de façon dissuasive et efficace.

En revanche, lorsqu'il est question d'imposer une sanction, il faut distinguer les situations où le professionnel a agi de bonne foi et celles où, manifestement, le professionnel cherche à abuser ou à frauder le système. L'ordre croit que, dans une société de droit comme la nôtre, à moins de preuve du contraire, la bonne foi des personnes doit être présumée lorsqu'il est question de punir un comportement. C'est d'ailleurs une obligation faite par le Code civil.

L'ordre soutient le ministre dans sa volonté de mettre en place des mesures plus efficaces et dissuasives pour ceux qui contreviennent aux règles, par exemple prévoir qu'un pharmacien qui reçoit des ristournes, des gratifications ou autres avantages non autorisés est passible d'une amende de 10 000 $ à 100 000 $. L'ordre croit même qu'il serait opportun d'imposer les mêmes sanctions dans d'autres circonstances, dans les cas où... un médecin qui sollicite ou reçoit un avantage illégal d'un pharmacien ou d'une chaîne et bannière en pharmacie pour orienter la clientèle ou une résidence pour personnes âgées qui sollicite ou reçoit un avantage illégal d'un pharmacien ou d'une chaîne et bannière en pharmacie pour orienter une clientèle.

Dans un autre ordre d'idées, la commission parlementaire sur le projet de loi n° 81 a démontré que les fabricants, les grossistes et les chaînes et bannières en pharmacie exercent une influence importante sur la distribution des médicaments au Québec. Cette influence impose des contraintes importantes aux pharmaciens, à la RAMQ, aux assureurs privés et surtout aux patients.

Considérant l'objectif poursuivi par le régime général d'assurance médicaments d'assurer à l'ensemble de la population du Québec un accès raisonnable et équitable aux médicaments, l'ordre suggère de rétablir certains principes qui assureraient un système d'approvisionnement orienté d'abord et avant tout pour répondre aux besoins des patients. Cela signifie qu'il faut avoir une distribution efficace et sécuritaire, mais surtout équitable des médicaments partout au Québec.

Ainsi, l'ordre suggère d'ajouter certaines mesures à la loi ou, selon le cas, de modifier les engagements du fabricant et du grossiste envers la RAMQ. Les besoins des patients devraient représenter l'objectif premier de toute activité de la chaîne d'approvisionnement des médicaments. Dans cet esprit, il faudrait instaurer une série d'interdictions et d'obligations pour ceux-ci.

• (12 h 20) •

D'abord, les programmes de fidélisation pour les fabricants, pour ne pas orienter le choix des molécules, devraient être interdits. Aucune gratuité de médicament avant son inscription à la liste ne devrait être tolérée afin d'éviter de créer une pression indue sur les décideurs.

On devrait obliger les grossistes et les fabricants à reprendre et créditer sans condition tous les produits non servis, pour éviter le gaspillage et les coûts supplémentaires pour le régime, tant pour les payeurs publics que privés. On devrait exiger aux fabricants et aux grossistes de fournir à la RAMQ tout renseignement sur ses stocks et ses commandes en souffrance et l'autoriser, surtout, à partager cette information avec les professionnels de la santé afin de réduire l'impact des pénuries sur les patients.

De plus, on ne devrait pas tolérer d'entente restreinte ou exclusive de distribution de médicaments de la part de certains fabricants avec certains grossistes ou même certaines pharmacies, pour préserver la liberté de choix des patients.

L'ordre observe aussi d'autres tendances inquiétantes, notamment la mise en place de réseaux préférentiels de pharmacies ou ce qu'on appelle en anglais des «preferred provider networks», dans les autres provinces au Canada, et des tentatives du même genre ici même, au Québec. Pour contrer ce phénomène qui brime la liberté de choix des patients, l'ordre suggère d'interdire à un assureur privé ou un courtier en assurance de conclure une entente particulière avec un fabricant, un grossiste, une chaîne, une bannière de pharmacie ou des pharmacies en particulier pour orienter la clientèle.

L'ordre croit que, pour jouer son rôle dissuasif, la loi doit prévoir que le montant de l'amende imposé aux personnes morales, par exemple les fabricants, les chaînes, les bannières et les grossistes, soit supérieur à celui imposé aux personnes physiques ou aux professionnels exerçant en société. De plus, l'ordre souhaiterait que, lorsqu'une personne morale verse de façon systématique des ristournes, des gratifications ou d'autres avantages illégaux ou prohibés à plusieurs professionnels, la RAMQ puisse prendre un chef d'accusation distinct pour chaque professionnel visé, on multiplierait ainsi les amendes. L'ordre est d'avis que la peine devrait être proportionnelle à la responsabilité. Or, un tiers qui soudoie de façon systématique plusieurs professionnels est imputable d'une plus grande responsabilité.

Dans le même esprit, le projet de loi n° 92 ne confère aucune protection aux dénonciateurs. Pourtant, une telle protection s'impose. M. Cotton l'a bien dit, plusieurs informations viennent de dénonciateurs.

Alors, pour l'ordre, des sommes illégalement obtenues détournent les deniers publics. De plus, des sommes versées par des professionnels pour obtenir des contrats et l'intervention de tiers dans ces manoeuvres minent la confiance du public et dévalorisent les professions. Elles pénalisent considérablement les professionnels justes et honnêtes et peuvent mener à ériger cette conduite en système. Or, pour paraphraser le juge Binnie de la Cour suprême du Canada, les stratégies commerciales doivent s'adapter aux principes éthiques et juridiques plutôt que l'inverse. Il importe donc que les acteurs qui tentent d'influencer les professionnels soient punis aussi sévèrement que ceux-ci pour assurer un réel effet dissuasif, prévenant ainsi la collusion.

L'ordre croit que le législateur devrait saisir l'occasion pour mettre en place certaines mesures permettant d'orienter le système de distribution des médicaments pour répondre d'abord et avant tout aux besoins du patient. Les mesures proposées par l'ordre vont en ce sens.

Nous terminerons en insistant sur le point suivant : Dans toutes les situations où un intermédiaire tente d'influencer un professionnel ou un patient, c'est parce qu'il y a un avantage à en tirer. Ultimement, les payeurs, qu'ils soient du système public ou privé, en paient le coût, sans que ce soit justifié. C'est l'un des principes importants qui a guidé l'ordre dans la rédaction de son mémoire, situation à laquelle nous croyons qu'il faut remédier sans tarder. Nous sommes prêts à recevoir vos questions.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, je cède la parole au ministre pour un échange de 17 min 30 s.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Bolduc, Mme Lambert, bienvenue. J'avais hâte de vous entendre.

Je ne sais pas si vous étiez là quand la Régie de l'assurance maladie a comparu, il y a quelques minutes, et je demandais s'il y avait de nouvelles suggestions qui avaient été apportées. Vous les apportez aujourd'hui, manifestement. Et ça ne se fait pas, là, mais, si je pouvais, je réinviterais M. Cotton à venir se joindre à vous pour voir si les choses...

Une voix : ...

M. Barrette : Non, non, non, je ne veux pas nécessairement aller là, là, mais je pourrais effectivement le faire. Mais peut-être qu'on le fera un petit peu plus tard ou peut-être que quelqu'un d'autre le fera, là.

Et là je vais au coeur de votre mémoire, là, parce que votre mémoire apporte beaucoup de choses nouvelles. Et puis là je vous pose la question, là : Ce que vous suggérez, que je considère très intéressant, alors là je pèse mes mots, là, très, très, très intéressant, est-ce que ça s'inscrit dans le cadre de la loi n° 92 ou ailleurs?

Alors, je m'explique, là, au cas où je n'ai pas été clair. Vous nous proposez de mettre en place des... vous êtes quasiment dans la déontologie des différentes organisations plutôt que dans le pouvoir d'inspection. Puis c'est dans ce sens-là que j'aurais posé la question à M. Cotton : Est-ce que l'inspection peut s'appliquer à des règles telles que vous les proposez? Parce que je ne mets pas en opposition l'un et l'autre, là. C'est un projet de loi sur l'inspection et l'application des lois et règlements qui sont sous la responsabilité de la RAMQ. Vous, vous allez plus loin. Autrement dit, c'est comme si vous nous disiez : Voici ce qui manque dans notre système, là, et voici ce sur quoi il faudrait aussi inspecter. Alors, c'est comme si vous arriviez avec de nouveaux substrats sur lesquels exercer le levier de la RAMQ. Je pense que la RAMQ nous dirait : Oui, on peut inspecter ça si on a le mandat d'inspecter là-dessus, ce serait la question que j'aurais eu à poser. Maintenant, c'est comme si vous arriviez avec : Voici les nouvelles choses qu'on devrait regarder. Est-ce que je me trompe?

Mme Lambert (Manon) : Bien, en fait, on s'attendait avec à cette question-là, parce qu'on l'a évidemment discutée...

M. Barrette : ...c'est grave.

Mme Lambert (Manon) : Pardon?

M. Barrette : J'ai dit : Vous lisez dans mes pensées, c'est grave.

Mme Lambert (Manon) : Mais on a posé la question à nos avocats, on a dit : Écoutez, on comprend qu'on étire peut-être un peu les choses. Ce qu'ils nous ont répondu, c'est : Évidemment, si on donne le pouvoir avec la loi, bien, effectivement, ces pouvoirs-là pourront être exercés.

Le principe, pourquoi on a mis ces éléments-là, et qui peuvent avoir l'air peut-être un petit peu à l'extérieur, c'est que, bon, prenons les résidences pour aînés, par exemple, la majorité de la clientèle est une clientèle assurée RAMQ, donc les interventions des tiers là-dedans impliquent des clientèles RAMQ. Et même sans avoir de données objectives là-dessus, puis c'est écrit dans notre mémoire, on pense qu'il y a peut-être une partie, pas tout, parce qu'il y a d'autres raisons pour la hausse de l'utilisation des piluliers, le vieillissement de la population, et tout ça, mais on pense que ces manoeuvres-là peuvent même être responsables d'une augmentation des coûts par rapport à... des coûts de l'État dans certaines circonstances.

Donc, on s'est dit, dans le contexte, c'est des clientèles assurées avec la RAMQ, ce sont des professionnels qui reçoivent la rémunération de la RAMQ. Il nous semblait opportun que la RAMQ ait des pouvoirs à ce niveau-là.

Bien sûr, l'ordre ou les ordres ont des pouvoirs sur leurs professionnels, mais, en matière de dissuasion, il faut autant dissuader la main recevante que la main donnante.

M. Barrette : Je vous relancerai parce que, dans votre mémoire et dans votre présentation, vous nous amenez aussi ailleurs. Moi, je pense que, si on allait de l'avant avec vos recommandations, la RAMQ pourrait sans aucun doute pouvoir faire une inspection dans ce cadre-là, et c'est des discussions que l'on aura avec la RAMQ, si on allait de l'avant avec vos recommandations. Mais vos recommandations sont doublement surprenantes, et je vous dis pourquoi.

Premièrement, vous êtes l'ordre professionnel, et donc vous, là, s'il y a quelqu'un qui... Vous l'avez dit dans votre introduction, vous êtes là pour protéger le public. Mme Lambert, vous invoquez le fait que, dans la protection du public, il y a aussi un effet primaire ou secondaire sur le contrôle des finances de l'État, la bonne gestion des impôts et des taxes des citoyens, puis on est tout à fait d'accord avec ça, vous avez bien raison, mais vous allez aussi ailleurs parce que vous allez dans le territoire de la loi n° 81, du projet de loi n° 81, là, vous y êtes allée, vous l'avez nommé vous-même, et c'est doublement étonnant parce que vous êtes l'ordre, vous avez ce rôle-là, vous venez nous proposer de faire des changements législatifs, et ceux qui vous ont précédés, et j'ai nommé évidemment notre collègue de l'opposition officielle, la députée de Taillon, n'a pas, elle, jugé bon de mettre ça dans son projet de loi n° 491. Je trouve ça étonnant de voir qu'on est... Parce que vous êtes très loin du projet de loi n° 491. Notre projet de loi n° 92 est très loin de 491, puis vous, vous allez encore plus loin, ce qui, honnêtement, m'impressionne.

Mais ce qui m'impressionne, c'est que volontairement, dans votre mémoire et dans votre allocution, vous entrez dans le territoire de 81. Vous venez nous décrire, là, essentiellement, qu'il y a des problèmes, entre autres, de l'indépendance du pharmacien, vous allez quasiment à 100 % dans le rapport de M. Paul... de Me Fernet lorsqu'il est venu ici. Alors, je vais vous demander... je vais poser la question directement : Vous acquiescez donc à bien des conclusions de Me Fernet?

• (12 h 30) •

M. Bolduc (Bertrand) : Alors, notre position est la suivante, on va plus loin pour la raison suivante, c'est que le projet de loi n° 92, c'est un projet de loi qui vise à donner des pouvoirs nouveaux à la RAMQ, renforcés, envers les professionnels à qui ils remboursent des services, mais indirectement, en remboursant des services pharmaceutiques à des pharmaciens, vous remboursez des fabricants, vous remboursez des grossistes à travers les pharmaciens, et le projet de loi n° 92 ne punit pas autant ces intervenants-là, qui sont aussi vos clients. D'ailleurs, vous allez les recevoir bientôt à cette même commission parlementaire. Alors, vous mettez le fardeau de la punition presque exclusivement sur les professionnels. Alors, nous, on dit : Oui, il faut punir les professionnels qui sont des pécheurs et qui sont des tricheurs, absolument, mais ceux qui les incitent, ce sont les fabricants, ce sont les grossistes, ce sont les chaînes et bannières, ce sont les gens qui tentent d'influencer les professionnels, et nous trouvons extrêmement important que ce soit fait aussi.

Ailleurs dans le monde, en France, par exemple, l'ordre des pharmaciens de France gère l'industrie et les grossistes parce qu'ils obligent des pharmaciens à être présents et à répondre de leurs actes. Ici, au Québec, nous n'avons pas ce pouvoir. Je vous l'ai dit à la commission sur le projet de loi n° 81, si vous voulez exiger des grossistes et des fabricants qu'ils aient des pharmaciens responsables, redevables à l'ordre, ça va nous faire plaisir de les inspecter et de gérer leur pratique, mais présentement on n'a pas ce pouvoir-là. Donc, tant qu'à donner des pouvoirs supplémentaires à la RAMQ envers les professionnels, profitons de l'occasion, que ce soit dans la loi ou dans les règlements qui gèrent les engagements du fabricant et du grossiste, pour renforcer ce pouvoir-là envers les gens qui incitent nos professionnels à agir de façon non déontologique.

M. Barrette : C'est très lourd, ce que vous venez de dire là, là, et je l'apprécie, j'apprécie grandement que vous veniez ici nous dire ça, parce que ce que vous venez de nous dire, essentiellement, vous venez, vous qui êtes dans le milieu du médicament qui est servi aux citoyens, là, dans le milieu de l'assurance médicaments, dans le milieu des assurances privées, dans le milieu de la consommation du médicament... vous nous confirmez, là, qu'il y a, dans la chaîne qui part de la molécule, là, qui est active du médicament jusqu'au patient, des intermédiaires qui ont une influence qui pourrait être négative sur le patient par l'influence sur le pharmacien et qu'il y a un coût qui est généré au système. Vous nous dites ça, là. Sans nous mettre de chiffre, vous nous confirmez ça, et vous nous invitez à agir sur ce secteur-là. C'est ça que vous nous dites, là. Vous nous dites, là...

Puis là je vais prendre un exemple, là. Vous-même, là, vous avez parlé de l'approvisionnement; je vous écoutais, là, j'étais en train de relire dans ma tête l'article sur Uniprix qui est passé cette semaine, là, où on a rapporté qu'il y avait l'obligation de faire affaire avec certains fournisseurs, pas d'autres. Vous allez plus loin, vous nous dites : Non seulement il y a une influence, mais il y a des échanges de nature commerciale, donc il y a un impact en dollars, et ça, au bout de la ligne, c'est imputé à notre système, et notre système, conséquemment, paie trop cher. C'est ça que vous nous dites. Vous êtes en train de venir, avec plaisir, puis moi, ça me fait plaisir, c'est pour ça que je suis quasiment... je suis si radieux aujourd'hui... Vous venez de nous confirmer l'importance de la loi n° 81.

Mme Lambert (Manon) : En fait, c'est public, M. le ministre, que l'ordre a agi dans le passé, on a été un des ordres qui avons le plus agi dans le domaine des pratiques commerciales. Dans le dossier des avantages non autorisés, il y a plusieurs années, effectivement, on a agi. Dans le dossier de la conformité, avec le groupe McKesson, l'ordre a agi. Donc, clairement, l'ordre agit dans ces situations-là. Puis effectivement il y a des avantages qui ont été donnés par des tiers. D'ailleurs, les pharmaciens ont été pénalisés dans ce contexte-là.

Ce qu'on vous dit aujourd'hui, c'est que, comme ordre professionnel, on va continuer à faire notre travail, mais on aimerait que, du côté de la RAMQ... On comprend que la RAMQ est intervenue avec McKesson et a fait une entente hors cour, mais ce qu'on dit, c'est : Allons-y avec des sanctions dissuasives et allons-y encore plus avec des sanctions qui vont être par pharmacien ou par médecin, éventuellement, s'il y a ce genre de conduite là, ou par autre professionnel, allons-y par personne, et là les pénalités vont être vraiment dissuasives. Parce qu'on veut s'assurer de deux choses. On veut s'assurer effectivement que les médicaments seront au bon prix, mais on veut aussi s'assurer... L'autre tendance lourde qu'on voit beaucoup dans le système actuellement, c'est la tendance à prendre la clientèle en otage et à l'orienter où on veut, et là, à ce moment-là, ce sont les intermédiaires qui influencent ces pratiques-là. Et, quand on enlève la liberté au consommateur, quand on enlève la liberté au patient, bien on vient de mettre à mal les lois sur la concurrence, on vient de mettre à mal une capacité d'avoir les meilleurs prix, on vous le concède, et surtout on vient faire en sorte que des professionnels sont pris dans un système au sein duquel il est extrêmement difficile de se sortir si des organismes de réglementation, comme l'ordre, comme la RAMQ, n'agissent pas de façon importante.

M. Barrette : Si je traduis bien votre propos, les pharmaciens, les professionnels que sont les pharmaciens sont eux-mêmes un peu pris en otage d'un système qui a une certaine, on va dire, opacité?

Mme Lambert (Manon) : En fait, effectivement, puis on l'a mentionné dans le mémoire, lorsqu'on n'a pas des moyens suffisamment dissuasifs, en raison, justement, de la concurrence, il peut faire en sorte que des pratiques qui par ailleurs seraient isolées s'érigent en système.

M. Barrette : Est-ce que vous... Oui, M. Bolduc.

M. Bolduc (Bertrand) : Je rajouterais que ce n'est pas juste les pharmaciens qui sont pris en otage, c'est vos patients, vos patients qui se font dire par un médecin qui veut prescrire un traitement dispendieux : Bien, écoutez, si vous vous enrôlez dans ce programme où... évidemment, on ne le mentionne pas, mais où vous allez donner de l'information confidentielle sur votre condition de santé, bien la différence de prix entre ce que la régie couvre et ce qui est couvert sera payée pour vous, et même votre coassurance et votre franchise seront payées également. Alors, on encourage le service de produits beaucoup plus dispendieux que ce qui serait peut-être nécessaire, on oriente le patient vers parfois une pharmacie en particulier, ou un grossiste, ou une organisation, un programme, une clinique médicale en particulier, donc on a un système où le patient est pris en otage aussi.

Et ça, c'est important. Nous, on veut défendre le patient, on veut défendre sa liberté, et là on se retrouve avec des patients qui sont pris pour aller dans une pharmacie pour un truc, leur pharmacie habituelle dans d'autres trucs, on a des dossiers incomplets, un danger. Lorsque le pharmacien analyse le dossier pharmacologique, il n'y a pas toutes les informations. Et on a, à la fin de la journée, des coûts supplémentaires pour le régime d'assurance santé... médicaments, que ce soit public ou privé.

Et ça, ces situations-là, pour nous, c'est intolérable, et elles se multiplient de plus en plus. Et c'est pour ça que, la régie, non seulement, dans le projet de loi n° 92, vous devez vous assurer que les professionnels font bien leur travail, de façon honnête, mais aussi les autres intervenants du système que sont les fabricants, les grossistes.

M. Barrette : Je n'irais pas jusqu'à dire qu'ils sont malhonnêtes, mais il y a certainement des impacts qui sont significatifs sur le prix du médicament.

Est-ce que vous croyez... Bien, en fait, j'aurais quasiment envie de vous poser la question en quoi ce que vous nous proposez va nous permettre d'aller chercher l'information factuelle, précise qui nous permettrait de déterminer le montant, à toutes fins utiles, la proportion de notre coût qui est inutilement dépensée entre le fabricant et le pharmacien qui, lui, a à servir ce médicament-là au patient.

M. Bolduc (Bertrand) : Le but...

M. Barrette : Parce que je m'explique, là, pour que je sois bien clair, là. Quand il y a eu la commission, les consultations publiques sur 81, évidemment qu'il y a bien du monde qui sont venus dire l'un le contraire de l'autre, mais on pouvait décoder qu'il y avait ce que vous dites aujourd'hui. Mais la problématique, c'est d'avoir accès à des livres qui vont nous indiquer les chiffres.

Est-ce que vous pensez que ce que vous nous amenez, conjointement et... de façon pas simplement conjointe, mais conjugué avec les nouveaux pouvoirs de la RAMQ, on va nous permettre de vraiment avoir le contrôle? Puis je m'explique, là. Vous l'avez dit vous-même dans votre introduction, puis c'est dans le texte puis c'est très bien dit, tout le monde essaie de trouver une manière de contourner les règles. Est-ce que ça, c'est assez pour fermer les portes, la petite porte d'en arrière, la porte du sous-sol, la porte du grenier, et ainsi de suite, là?

• (12 h 40) •

M. Bolduc (Bertrand) : Bien, comme vous le savez, M. le ministre, M. le Président, les gens sont créatifs. Évidemment, les mesures qu'on propose vont fermer très certainement plusieurs portes. Est-ce qu'il va s'en créer d'autres? On peut l'imaginer très certainement.

Le but, avec les mesures qu'on propose pour le projet de loi n° 92, c'est de fermer ces portes-là et de s'assurer que la distribution est juste et équitable, que les patients reçoivent ce dont ils ont besoin à l'endroit qu'ils choisissent, avec le professionnel de leur choix, de façon équitable.

Est-ce qu'il y aura des économies de coûts associées à ces mesures-là? Je pense que c'est indiscutable. En ce qui concerne 81, on vous a déjà fait une recommandation à ce niveau-là. Alors, si on peut du moins s'assurer que la distribution est faite de façon équitable partout au Québec, de façon libre, par des professionnels honnêtes qui ont accès à tous les produits de la même façon, au même coût, on aura de la concurrence. Et, quand on a de la concurrence, on a des économies.

M. Barrette : Éric Yvan Lemay, dans le Journal de Montréal du 19 avril, parle de la cotisation supplémentaire de 100 000 $. Est-ce que ça, c'est une prison pour les pharmaciens?

Mme Lambert (Manon) : Évidemment, je vais répondre comme je réponds toujours à ceux qui veulent avoir un avis de l'Ordre des pharmaciens sur une question qui pourrait potentiellement être déontologique : C'est notre bureau du syndic... Moi, quand j'ai vu cet article-là... Notre bureau du syndic est au courant de cette question-là et il va faire son travail, s'il s'avérait que ce ne soit pas déontologique, au moment où on se parle.

On voit là par contre un peu ce que M. Bolduc vient de dire, c'est qu'il y a de la créativité dans le système. On fonctionne d'une façon, il y a d'autres façons qui surgissent, et il faut vérifier au fur et à mesure. Je regardais l'avocate de la RAMQ. Avec tout le travail qui s'en vient... C'est pour ça que nos avocats ne cesseront jamais d'avoir du travail, parce qu'effectivement il y a toujours de nouvelles façons, de nouvelles tentatives de faire des choses.

Donc, c'est quelque chose dont on est au courant, puis on va vérifier effectivement la légalité ou l'aspect déontologique de tout ça.

M. Barrette : Il me reste 15 secondes pour vous remercier de votre courage d'avoir fait les propositions que vous avez faites. J'imagine que le téléphone va sonner chez vous, puis vous n'allez pas avoir nécessairement des félicitations de certains intervenants.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, maintenant, nous sommes à un échange avec notre collègue de Taillon pour 10 min 30 s.

Mme Lamarre : Merci, M. le Président. Alors, M. Bolduc, Mme Lambert, bienvenue.

Je voudrais d'abord, moi aussi, vous remercier pour les informations que vous avez données. En remarques préliminaires, j'ai fait référence à la vision future que le projet de loi n° 92 devait avoir pour anticiper les problèmes et les gérer et prévoir au niveau de la législation ce qui nous empêcherait d'avoir des difficultés comme celles-là.

Alors, je vois que le ministre essaie beaucoup d'opposer les projets de loi nos 491 et 92. Je pense que ce sont deux projets qui ont tout à fait leur pertinence, et ils visent des objectifs différents mais tous deux nécessaires. Et clairement dès le départ j'ai donné mon appui sur ce qui est défendu, ce qui est proposé dans le projet de loi n° 92.

Je voudrais juste citer... Je sais que vous avez des bonnes relations avec le Collège des médecins, mais, dans leur mémoire — on va les accueillir cet après-midi, mais je pense qu'il faut le dire tout de suite — ils décrivent en deux phrases quelque chose que vous avez traduit : «Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, le Québec est devenu depuis quelques années une terre de prospection pour tous les promoteurs dans le domaine de la santé voyant dans les faiblesses de notre système public de santé autant d'occasions d'affaires.»    Et un autre élément : ce n'est pas le collège qui détermine les services — dans ce cas-ci, médicaux, mais ça pourrait être l'ordre et les services pharmaceutiques — devant être couverts ou non par le régime public, non plus que les ententes entre les médecins — ou les pharmaciens — les fédérations médicales et le ministère de la Santé et des Services sociaux. «La voie disciplinaire est très mal adaptée à l'objectif de sauvegarde de notre système [...] de santé [public]. Le gouvernement du Québec, tous partis confondus, doit assumer sa part de responsabilité, et déterminer les règles du jeu du financement de notre système de santé, et demander à certains organismes — comme la RAMQ et le Collège des médecins — de gérer les situations d'exception.»

Donc, on est tout à fait là. Le gouvernement doit prendre charge et doit être conscient que, quand il signe des ententes, il amène par les ententes qu'il signe des comportements qui peuvent avoir des effets de cascade et qui peuvent engendrer des situations que vous avez très clairement dénoncées.

Alors, vous avez plusieurs informations précises, et, comme le temps file... La première réserve que vous aviez, c'était au niveau du secret professionnel, dans votre mémoire. Je suis assez sensible à ça, mais en même temps je cherchais des voies de sortie. Ce que j'entendais tantôt, c'est qu'au niveau de la RAMQ il y a des inspecteurs qui sont des professionnels de la santé. Alors, si les inspections, un peu comme dans les ordres professionnels, se faisaient — et je lance le message au ministre — par d'autres professionnels de la santé, est-ce qu'on aurait une meilleure protection par rapport aux risques du secret professionnel qui serait trahi par des enquêteurs qui ne seraient pas liés à ce secret professionnel là, par exemple?

Mme Lambert (Manon) : Bien, en fait, comme on l'a écrit dans notre mémoire, on a eu peu de temps pour réfléchir à partir du moment où on a été invités puis à partir du moment où on comparaît, donc difficile, à ce moment-ci, de vous dire quels seraient les mécanismes, parce qu'il n'y a pas juste le professionnel comme tel, parce que le professionnel, à ce moment-là, de la RAMQ est un employé de la RAMQ, il y a toute la question, effectivement, de la protection de ces renseignements-là, de l'utilisation de ces renseignements-là devant les tribunaux, donc qu'est-ce qui pourrait sortir, qu'est-ce qui ne pourrait pas sortir.

Nous, ce qu'on va faire, puis on le marque, on l'indique dans le mémoire, c'est qu'on va continuer d'analyser la situation. On comprend le besoin qui est exprimé ici, on comprend qu'il est nécessaire d'avoir accès à certaines informations pour que la RAMQ puisse faire son travail. Maintenant, quel est le mécanisme qui va nous permettre, par ailleurs, de ne pas mettre à mal la relation de confiance entre un professionnel et son pharmacien?

Je vous donne l'exemple, là. L'exemple qu'on donne, c'est le cas du pharmacien qui doit fournir l'information à la RAMQ. Le patient dit : Non, tu ne fournis pas ça parce que ce n'est pas nécessaire au recours. Le pharmacien doit le fournir parce que, la RAMQ, sinon, il est en infraction pénale. Puis, s'il le fournit, par ailleurs, la relation de confiance avec le patient qui va dire non, parce qu'il doit informer le patient, là, la relation de confiance est brisée, et il risque même une poursuite disciplinaire, s'il s'avérait que l'information n'est pas nécessaire au recours.

La façon dont c'est rédigé, au moment où on se parle, c'est un peu intenable pour le professionnel puis problématique pour la relation de confiance. Donc, donnez-nous le temps de regarder un petit peu plus, puis on va vous faire un complément pour essayer de vous faire des propositions qui vont peut-être minimiser nos craintes par rapport à ça.

Mme Lamarre : Donc, vous nous proposez d'apporter des pistes de solution.

Mme Lambert (Manon) : Oui, tout à fait.

Mme Lamarre : D'accord. La dimension des amendes pour les personnes morales, donc, vous voulez vraiment qu'elles soient individuelles et qu'elles soient plus substantielles. Est-ce que vous considérez que, compte tenu des enquêtes que vous avez eues, l'ampleur prévue dans la loi, le projet de loi n° 92, est suffisante?

Mme Lambert (Manon) : Bien, en fait, ce qu'on transpose ici, c'est un principe qu'on retrouve dans d'autres lois, hein? Le Code des professions, c'est exactement ça, c'est-à-dire qu'une personne physique paie une amende différente d'une personne morale. Souvent, ça va du simple à 10 fois, là, si on regarde au niveau du Code des professions.

Par ailleurs, l'autre élément qui est très important, puis c'est déjà prévu, là, ce n'est pas... Quand on dit : Il faudrait prendre un chef par professionnel soudoyé, la RAMQ a déjà tout ce pouvoir-là. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait, si on veut vraiment... Et j'ai entendu M. Cotton dire à plusieurs reprises qu'il voulait quelque chose de dissuasif. Bien, la journée où on va avoir quelques dizaines ou centaines de professionnels qui ont été soudoyés par une compagnie puis qu'on prendra autant de chefs, qui pourrait être de l'ordre de centaines de milliers de dollars, il me semble qu'on va atteindre un effet un petit peu plus dissuasif que ce qu'on a aujourd'hui.

Mme Lamarre : Parce que la nature des amendes, elle est fixée par le ministère de la Justice, là, pour l'ensemble des politiques gouvernementales, mais l'approche que vous préconisez permettrait quand même de les multiplier et d'avoir... peut-être d'atteindre l'effet dissuasif qui est recherché.

Mme Lambert (Manon) : C'est un principe en droit, hein, c'est un principe en droit : celui qui donne devrait être plus puni que celui qui reçoit, celui qui donne à plusieurs a un niveau de responsabilité qui est plus important, et les personnes morales devraient être punies de façon plus grande que les personnes physiques. C'est des principes qu'on retrouve dans beaucoup d'autres lois et des principes généraux, là, de notre droit ici.

Mme Lamarre : On essaie de pallier à ce qui existe déjà, on essaie aussi d'anticiper les prochaines activités. Il y a des pharmaciens qui vont être dorénavant employés dans les GMF, qui vont travailler, qui vont collaborer dans les GMF, mais, contrairement aux autres professionnels, les pharmaciens ne seront pas désignés par le CISSS ou le CIUSSS. Est-ce que vous voyez quelque chose qu'on pourrait ajouter dans le projet de loi n° 92 qui éviterait... Parce qu'historiquement il y a déjà eu des ententes médecins-pharmaciens qui ont été dénoncées. Si on veut prévenir, là, la tentation avant même que ce soit commencé, est-ce qu'on peut penser à quelque chose?

M. Bolduc (Bertrand) : Bien, on espère qu'à ce niveau-là il n'est pas trop tard, puisqu'il y en a plusieurs qui sont déjà embauchés, mais c'est des représentations qu'on a faites à différents niveaux dans le passé. On a expliqué aux intervenants, que ce soit au ministère, que ce soit aux fédérations médicales, qu'il pouvait y avoir des problématiques sur le terrain et que d'embaucher le pharmacien à 500 mètres plutôt que celui à 10 kilomètres... Il y a le kilométrage, il y a la distance. Il y a l'indépendance de ces pharmaciens-là. Donc, oui, c'est des problématiques qu'on a anticipées et dont on a fait part aux différents intervenants dans le passé.

• (12 h 50) •

Mme Lambert (Manon) : C'est pour ça, par ailleurs, qu'on insisterait pour que notre disposition qui vise les relations commerciales médecins-pharmaciens, qui ne sont pas prévues dans le projet de loi, soit effectivement intégrée. On ramène ce dossier-là, c'est un dossier qui a fait couler de l'encre dans le passé. On le ramène, ce n'est pas par hasard, on a encore des pharmaciens qui nous disent subir des pressions, mais on a le dossier des GMF qui nous interpelle puis on a encore une décision récente; encore demain, devant notre conseil de discipline, on va avoir un dossier de relations commerciales médecins-pharmaciens. Donc, on pense que la recommandation pourrait aussi jouer dans le dossier des GMF.

Mme Lamarre : Et peut-être que ce serait intéressant d'anticiper non pas seulement la relation pharmaciens-médecins, mais chaînes et bannières, par rapport aux GMF, parce qu'il pourrait y avoir tentation, à tout le moins, quand on regarde le dossier que le ministre évoquait tantôt, qu'une chaîne ou une bannière essaie de se positionner de façon plus favorable ou privilégiée par rapport à des avantages en contrepartie.

Mme Lambert (Manon) : Notre mémoire prévoit effectivement les chaînes et bannières, mais, comme on sait que tout est intégré, ça pourrait être via le grossiste ou via le fabricant, parfois il y a un mélange des genres ici, là, au Québec.

Mme Lamarre : Dans les enquêtes qui ont été faites à l'endroit des pharmaciens, là, dans les dernières années par la RAMQ, est-ce que vous voyez des choses qui ne sont pas prévues dans le projet de loi n° 92? Vous avez évalué, présenté différentes options, mais c'était plus au niveau systémique. Mais, au niveau des comportements de pharmaciens, de la surfacturation, de la facturation pour des services non rendus, est-ce qu'il y aurait d'autres... Est-ce qu'il y a des façons de repérer des pharmaciens qui auraient tendance à vouloir frauder puis qui pourraient être précisées davantage dans le projet de loi n° 92?

M. Bolduc (Bertrand) : Je ne pense pas, je pense qu'on a mis beaucoup de situations où... Je pense que, dans la très, très, très grande majorité, sinon la presque totalité, les services qui sont facturés par les pharmaciens sont bien rendus et sont justifiés. Et parfois on a des situations qui peuvent sembler abusives mais qui ne le sont pas vraiment, par exemple un service journalier, par exemple, pour un patient qui a besoin de venir chercher ses médicaments à tous les jours. On lui en donne pour deux jours, il va les prendre tous d'un coup, alors le médecin et le pharmacien, ensemble, conviennent que, pour ce patient-là, il doit être servi à la journée. Ça peut sembler un peu beaucoup, mais en même temps c'est ce que le patient a de besoin et c'est justifié.

Mais en général je pense qu'on a couvert les situations qui étaient principalement visées.

Mme Lambert (Manon) : Puis ce qu'on voit...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, je dois céder la parole à notre collègue de Lévis pour sept minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. M. Bolduc, Mme Lambert, merci d'être là.

Je reviens sur un dossier qui est important quand même, puis il y a une notion de temps aussi dans ce dossier-là. Vous parlez... Je reviens sur la notion du secret professionnel, parce que vous avez une inquiétude manifeste relativement à ça, puis je pense que vous l'avez dit, on a donné un exemple succinct de l'élément de confiance entre le patient... des recours potentiels par la suite, si ça devait servir ou pas servir, puis, bon, les implications que ça a également. Puis en même temps moi, je dis qu'il y a une notion de temps, dans la mesure où la volonté du ministre, et je pense qu'il l'a déjà exprimé, c'est de faire en sorte qu'on puisse adopter assez rapidement ce projet de loi là pour qu'il devienne loi. M. Cotton disait que ce serait intéressant parce qu'ils vont pouvoir faire autre chose là-dessus, puis je pense que quelque part, bien, vous n'êtes pas fermés à ça non plus. Mais sauf que, cette notion-là de secret professionnel, on a peu de temps pour la régler. Entre le moment où on vous entend puis le moment où on ira plus loin, le moment où on adoptera, s'il a à être adopté, c'est un mois. C'est une contrainte, là.

Vous voyez ça comment? Est-ce qu'il faut que ça se règle dans la loi? Est-ce que vous avez l'impression que ça doit se gérer dans un règlement? Est-ce qu'on doit donner la possibilité à votre organisation et à d'autres qui vont soulever ça, là, de proposer des choses? Parce que vous me dites, là : Écoutez, c'est une préoccupation, mais on n'a pas de solution.

Mme Lambert (Manon) : Bon, pour lever... Bien, on dit qu'on n'a pas de solution immédiatement parce que c'est complexe, hein, ça...

M. Paradis (Lévis) : Mais vous pouvez en donner une, là, tu sais, succinctement, si vous voulez, là.

Mme Lambert (Manon) : C'est ça, c'est ça. Mais en fait la levée du secret professionnel par disposition législative doit se faire dans une loi, ça doit être une disposition expresse qui doit répondre à un certain nombre de critères. La réalité, c'est qu'on est plusieurs ordres professionnels à avoir cette préoccupation-là puis on est déjà au travail ensemble, on travaille maintenant beaucoup en interdisciplinarité, donc on travaille tous ensemble puis on va mettre les efforts pour vous amener un éclairage. Puis peut-être même que, quand d'autres ordres vont venir, la réflexion va avancer. Et on est tous en communication, parce qu'au-delà de la question de relation de confiance c'est un droit fondamental, là, le droit au secret professionnel, c'est un droit qui est prévu à la charte, donc il ne faut pas toucher ça à la légère. Mais je vous garantis qu'on va agir rapidement dans ce dossier-là.

M. Paradis (Lévis) : En même temps, à travers ce que vous me dites, je considère ou j'ai l'impression... ce que j'entends, c'est qu'il faut que ça passe par là. Est-ce que c'est une voie quasi obligatoire? Il faut la baliser, il faut arriver avec des suggestions, mais on est rendu, et vous le dites, les ordres, on parle... ce n'est pas d'hier, là, qu'à un moment donné on se questionne sur le secret professionnel. Dans le contexte de ce dont on parle là, il faut passer par là, il faut trouver quelque chose.

Mme Lambert (Manon) : Il y a fort à penser, effectivement, qu'il faudra avoir d'une façon ou d'une autre une levée du secret professionnel. C'est ce qu'on pense a priori, là. Évidemment, vous me pardonnerez si jamais on en vient à une autre solution par la suite, parce qu'on est en train d'y réfléchir.

Mais je pense que vous avez mis le doigt sur le point, c'est probablement les balises. Dans quelles circonstances on va le lever? Comment on va le lever? Et quelles limites on va mettre et quelles mesures de sécurité on va mettre pour s'assurer que le secret ne soit pas éventé à tout vent et que le professionnel, aussi, ne se retrouve pas dans une situation problématique? Ça fait que, oui, c'est probablement au niveau des limites que ça va se retrouver.

M. Paradis (Lévis) : Vous aurez peu de temps pour réagir. Vous aurez à présenter vos suggestions aux législateurs, je veux dire, vous allez nous faire parvenir... Il n'y a pas seulement votre ordre, il y a plusieurs ordres qui actuellement cogitent là-dessus puis travaillent là-dessus.

Mme Lambert (Manon) : Oui, tout à fait, tout à fait. Donc, ce qu'on va faire, probablement, c'est qu'on pourra vous retourner des recommandations, aux parlementaires de la commission, rapidement pour vous donner notre opinion là-dessus.

M. Paradis (Lévis) : Ça, c'est une préoccupation majeure que vous avez puis vous arriverez... vous vous mettez en mode solution. Donc, je comprends que ce n'est pas insoluble à vos yeux, là, il y a moyen de faire quelque chose, puis vous avez probablement des idées que vous présenterez au moment opportun.

L'autre problématique que vous dites aussi, c'est la protection des dénonciateurs. Vous abordez quand même beaucoup, là... il y a beaucoup d'emphase mise là-dessus, parce que, vous nous dites, hein, noir sur blanc, c'est aussi beaucoup par là que ça passe. Dans le régime, actuellement, c'est ça, là.

Mme Lambert (Manon) : Oui, bien, vous avez raison. Quand il est question de main donnante, de main recevante, quand il est question de celui qui donne, celui qui... il n'y a pas de victime évidente, hein, il n'y a pas de victime évidente, la victime, c'est le public en général, et il y a peu d'occasions ou peu de situations où les gens vont se plaindre. Alors, il faut que ce soient des témoins de ces gestes-là qui nous mettent au courant. Souvent, quand c'est des choses qui sont illégales, on ne retrouvera pas ça dans les papiers, dans les contrats, dans les dossiers, donc il faut qu'on ait effectivement des témoins.

Et je dois vous dire que, quand, à l'ordre, au conseil de discipline, on amène des pharmaciens, pas souvent, mais ça arrive, là, des pharmaciens qui ont fraudé la RAMQ, la plupart du temps c'est par des dénonciateurs qu'on le sait. Or, on a déjà eu une situation où effectivement ce dénonciateur-là a subi ensuite des représailles et on trouvait ça extrêmement dommage et pas incitatif à ce que d'autres nous ramènent ce genre d'information là. Donc, on pense que c'est extrêmement important que, dans un dossier où effectivement on a parfois des mains donnantes, des mains recevantes, les gens qui ont le courage de dénoncer soient protégés par les lois.

M. Paradis (Lévis) : Dans ce contexte-ci — puis ce n'est pas seulement dans ce contexte-ci — la notion des dénonciateurs revient assez fréquemment. La protection ou la vision qu'on a d'eux, même, à ce chapitre-là, vous avez aussi fait un bout de chemin puis, vous dites, là, dans le 92, ce qu'on s'aperçoit, c'est qu'il n'y a pas de ça, là.

Vous souhaiteriez quoi, inscrit dans ce projet-là, qui satisferait à cette protection-là?

Mme Lambert (Manon) : Bien, vous avez des... Ça, on a été quand même plus volubiles que le secret professionnel, on a emprunté des dispositions d'autres lois, donc des protections par rapport à la loi sur la protection des renseignements personnels, donc que la personne ne puisse pas se faire poursuivre là-dessus, protection... normes du travail, donc pas de représailles, pas de harcèlement. Il y a un certain nombre... Là, il faudrait que je revoie, mais on a vraiment des suggestions très précises à vous faire pour protéger les dénonciateurs dans notre mémoire.

M. Paradis (Lévis) : ...plus à ce dossier-là, sur ce dossier-là, je présume que c'est au terme d'avis juridiques aussi pour voir si tout ça tient la route.

Mme Lambert (Manon) : Oui, tout à fait.

M. Paradis (Lévis) : O.K. Je vous pose une question, puis ça n'a vraiment rien à voir, maintenant, avec les dénonciateurs, puis tout ça, mais, pour le temps qu'il reste, il en reste peu... Parce qu'il y a des gens qui ont été surpris quand vous parlez de la relation entre les pharmaciens et les dirigeants de résidence privée pour aînés et que vous mettez à jour une problématique. Dieu sait qu'on a parlé de piluliers il n'y a pas bien, bien longtemps, hein?

Vous dites que notamment environ 15 % des pharmaciens ont mentionné à l'inspection professionnelle que des dirigeants de résidence privée pour aînés leur imposaient un mode de distribution. C'est une nouvelle tendance? C'est une tendance en expansion qui vous inquiète, à ce chapitre-là?

Mme Lambert (Manon) : Bien, écoutez, le dossier des résidences pour aînés a déjà soulevé la controverse il y a plusieurs années de ça. Vous avez noté dans notre mémoire que l'ordre a été extrêmement actif dans ce dossier-là. Maintenant, ce qu'on dit, c'est que, malgré toutes ces interventions-là, le problème semble perdurer. Donc, l'ordre va continuer comme il a toujours fait, va faire son travail, mais là ce qu'on dit, c'est qu'on a besoin d'aide, on a besoin d'aide de la RAMQ. Puis, comme c'est des clientèles essentiellement assurées par la RAMQ, on devrait pouvoir travailler sur... ou compter sur notre grand frère dans ce dossier-là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, merci pour votre présence, représentante et représentant de l'Ordre des pharmaciens du Québec.

Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 15 h 45.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 50)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 92, Loi visant à accroître les pouvoirs de la Régie de l'assurance maladie du Québec et modifiant diverses dispositions législatives.

Nous en sommes maintenant rendus à souhaiter la bienvenue aux représentants, représentantes du Collège des médecins du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation, et par la suite vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien vouloir préciser vos noms et fonctions. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Collège des médecins du Québec (CMQ)

Mme LeBlanc (Marie-Hélène) : Bonjour. Je suis Marie-Hélène LeBlanc, je suis la vice-présidente du collège.

M. Bernard (Charles) : Alors, Charles Bernard, le président-directeur général du Collège des médecins.

Le Président (M. Tanguay) : Merci.

M. Bernard (Charles) : Dre LeBlanc, qui est cardiologue, s'est fait remplacer pour sa garde, pour vous honorer de sa présence, alors elle a ce mérite-là aujourd'hui. Et elle va retourner à sa garde après.

Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les parlementaires, le Collège des médecins vous remercie de lui permettre de vous présenter les commentaires et les observations concernant le projet de loi n° 92.

Une loi malheureusement nécessaire. Le Collège des médecins veut d'emblée exprimer son accord avec les objectifs et les moyens proposés par le projet de loi. Toutefois, la préservation des acquis de ce bien collectif qu'est le régime d'assurance maladie, implanté en 1970, ne peut reposer sur les activités d'un seul organisme chargé de la surveillance, de faire des enquêtes, d'imposer des sanctions et de recouvrer des montants perçus en trop.

Si la Régie de l'assurance maladie du Québec, la RAMQ, a besoin de nouveaux pouvoirs pour surveiller l'application de la Loi de l'assurance maladie, c'est qu'au cours des dernières années nous avons observé que de plus en plus de frais sont facturés aux patients afin d'avoir accès aux services de santé. Depuis 2011, le Collège des médecins du Québec a dénoncé publiquement à plusieurs reprises cette situation dont les causes sont multiples : l'arrivée sur le marché de nouveaux traitements et de nouvelles technologies n'ayant pas fait l'objet d'ententes et de couverture publique n'est pas claire; des ententes liant la couverture publique de certains services médicaux au lieu où ils sont dispensés, comme, exemple, l'échographie; une offre de services de plus en plus importante hors établissement nécessitant un appareillage spécialisé et dispendieux qui n'était pas prévu aux ententes; l'intervention de promoteurs non-médecins offrant des forfaits santé de toute nature.

Toutes ces situations ont placé la Régie de l'assurance maladie du Québec, qui est responsable de l'application de la Loi de l'assurance maladie, ainsi que nous, le Collège des médecins du Québec, responsables de l'application des normes professionnelles applicables à l'exercice de la profession médicale et du Code de déontologie des médecins, sous la pression des médias pour tenter d'intervenir avec les moyens que la loi met à leur disposition afin de réduire ces frais, pas toujours injustifiés, mais pour lesquels la population, à juste titre, devient de plus en plus réfractaire, ne comprenant plus les règles du jeu du financement de notre système de santé. Elles expliquent le besoin de la RAMQ d'avoir recours à de nouveaux pouvoirs d'enquête et de contrainte afin d'obtenir les informations requises pour documenter des abus, de recouvrement des sommes injustement perçues et d'imposer des sanctions, le cas échéant, aux personnes ou aux organisations en infraction. L'article 12 du projet de loi décrit très bien la nature des nouveaux pouvoirs octroyés à la RAMQ.

Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, le Québec est devenu, depuis quelques années, une terre de prospection pour tous les promoteurs dans le domaine de la santé voyant dans les faiblesses de notre système de santé public autant d'occasions d'affaires. Souvent, les compagnies nées de ces initiatives, auxquelles les médecins ne sont pas actionnaires ou le sont de façon minoritaire, ne sont assujetties à aucun encadrement légal. Cet état de fait les met à l'abri des pouvoirs d'enquête de plusieurs organismes, notamment le nôtre, le Collège des médecins, qui n'a de juridiction que sur les médecins et non sur les compagnies avec lesquelles ils peuvent exercer leur profession. Cette juridiction limitée est invoquée pour justifier de ne pas collaborer aux enquêtes et de ne pas fournir les ententes ou les contrats les liant aux médecins, et la RAMQ pourrait également faire face à ce type de limitation.

Alors, voilà pourquoi, aux pouvoirs qui sont déjà prévus à l'article 12 du projet de loi, il faudrait une disposition donnant le pouvoir à la RAMQ de contraindre les tiers, qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale, avec lesquels les professionnels de la santé exercent de fournir sur demande tout document, information, entente ou contrat dans le cadre d'une enquête de la RAMQ. Non seulement faut-il faire enquête pour recouvrer les montants illégalement perçus, mais il faut ajouter à ces pouvoirs le devoir de prévention par l'exemplarité et la diffusion des décisions prises par la RAMQ, pour éviter des plans d'affaires de même nature. À cet égard, il nous apparaît que l'article 42, qui permet à la RAMQ de demander à la Cour supérieure de prononcer une injonction dans toute matière se rapportant à une loi qu'elle administre, mériterait de mentionner de façon plus explicite qu'une telle injonction pourrait être requise non seulement envers le professionnel de la santé, mais envers toute organisation, personne morale ou physique exerçant directement ou indirectement avec un professionnel de la santé dans le cadre du régime d'assurance maladie.

L'article 24 mentionne que la RAMQ peut communiquer des renseignements obtenus pour l'exécution de la loi à un corps de police ainsi qu'à certains ministères et organismes. Nous souhaiterions, si une décision de la RAMQ implique un médecin, que la RAMQ informe le collège systématiquement de ces situations. Si le médecin peut être en infraction par rapport à la Loi de l'assurance maladie, il peut également l'être à l'égard de ses obligations déontologiques, ce qui relève de la compétence du collège. L'obligation de communication entre la RAMQ et le collège permet également de réitérer le fait que, depuis plusieurs années, le collège, à cause de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, n'a plus accès à des banques de données comme MED-ECHO, et, de ce fait, la portée de son travail est considérablement réduite par l'absence d'accès à l'information utile pour le faire.

À l'instar de la RAMQ, le collège a des pouvoirs actuellement très limités en ce qui a trait aux frais facturés aux patients pour des soins médicaux. En effet, en tant qu'ordre professionnel, la mission première de protection du public s'exerce à travers les outils offerts par le Code des professions, à savoir notre code de déontologie, l'accès à notre profession, l'inspection professionnelle, les enquêtes, la discipline et, enfin, l'arbitrage de compte. Tous ces outils visent d'abord à assurer la conformité de l'exercice du médecin avec les normes de qualité en vigueur et la promotion du bon comportement du médecin envers son patient, et non pas la sauvegarde d'un régime de santé relevant davantage d'une décision politique et de société.

Malgré que la sauvegarde du régime public de santé n'est pas la première mission du Collège des médecins, nous reconnaissons le bénéfice collectif et individuel d'avoir accès à des soins médicaux de qualité pour tous indépendamment du revenu. Voilà pourquoi non seulement nous avions dans le code de déontologie et dans nos règlements des dispositions exigeant du médecin qu'il n'abuse pas financièrement de sa position, mais éventuellement que le collège accueille les réclamations des patients, dans le but d'en faire la conciliation de compte. De plus, nous avons rendu plus sévères les dispositions de notre code de déontologie depuis le 1er janvier 2015.

D'autres dispositions concernant particulièrement la vente d'appareils, d'examens ou de médicaments, qui sont les articles 73 et 79, devaient également entrer en vigueur en juillet 2015. Toutefois, à cause du risque que les services médicaux hors établissement ne se donnent plus à cause de ces dispositions, le gouvernement suspendait par décret l'application de ces articles jusqu'à ce que des grilles tarifaires pour les services non assurés, prévues par le projet de loi, soient rendues disponibles.

Le collège a fait son effort. Peut-être nous reprochera-t-on de ne pas avoir déposé suffisamment de plaintes disciplinaires pour les frais facturés aux patients, mais, selon nous, la voie disciplinaire judiciarise et pénalise des individus avec de très longs délais pour une question qui est fondamentalement politique. Ce n'est pas le Collège des médecins qui détermine les services médicaux devant être couverts ou non par le régime public, non plus que les ententes avec les médecins relevant des fédérations médicales et du ministère de la Santé et des Services sociaux. La voie disciplinaire est très mal adaptée à l'objectif de sauvegarde de notre système public de santé. Le gouvernement du Québec, tous partis confondus, doit assumer sa part de responsabilité, et déterminer les règles du jeu du financement de notre système de santé, et demander à certains organismes, tels que la RAMQ et le Collège des médecins, de gérer les situations d'exception. Il ne peut demander à ces organismes de prendre des décisions en son nom ou de laisser croire que c'est la responsabilité de ces organismes.

• (16 heures) •

En conclusion, le Collège des médecins est favorable aux objectifs poursuivis par le projet de loi et aux pouvoirs proposés pour que la RAMQ puisse mieux exercer son mandat. Le collège recommande qu'en plus des professionnels les organisations ainsi que les personnes physiques et morales soient contraintes à collaborer aux enquêtes de la RAMQ en fournissant les documents et les informations requis à l'application de la loi et souhaite que les pouvoirs du collège soient élargis de façon analogue. Le collège recommande également que la RAMQ soit tenue d'informer le collège si une sanction est prise à l'endroit d'un médecin en regard de l'application de la Loi de l'assurance maladie, dans le but de vérifier le respect de ses obligations déontologiques; recommande également au gouvernement de clarifier une fois pour toutes les services médicaux couverts ou non couverts par le régime public d'assurance maladie et établisse au bénéfice de tous les acteurs les tarifs réglementaires autorisés; et, enfin, demande au gouvernement de permettre au Collège des médecins du Québec et aux ordres professionnels de la santé d'avoir accès aux banques de données soit de la RAMQ ou du ministère de la Santé, notamment le Dossier santé Québec, pour exercer adéquatement leur mandat de surveillance de la qualité de l'exercice de leurs membres et de la protection du public.

Alors, M. le Président, on vous remercie. Mmes, MM. les parlementaires, ça va nous faire plaisir de répondre à vos questions... Oh! madame, excusez! On a changé.

La Présidente (Mme Montpetit) : Il y a eu un petit changement...

M. Bernard (Charles) : Mme la Présidente, alors, je m'excuse. Parce que ça a commencé avec un président.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, Dr Bernard, pour votre présentation. Donc, on va donc échanger avec... on va commencer la période d'échange avec M. le ministre pour une durée de 16 min 30 s.

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. Alors, Dre LeBlanc, Dr Bernard, bienvenue dans ces consultations publiques. Vous avez l'expérience des consultations publiques au gouvernement, alors on... Vous savez un peu comment ça fonctionne, on va aller directement au vif du sujet.

D'abord, je vous remercie, évidemment, de nous avoir déposé ce mémoire-ci, qui est un mémoire bien étoffé, dans lequel vous abordez un certain nombre de choses. Avant d'aller aux sujets que vous abordez, j'aimerais juste vous poser une première question : Est-ce que vous aussi, vous appuyez le projet de loi, mais, du point de vue de la RAMQ... Je comprends que vous n'êtes pas la RAMQ, là, mais, dans votre vision du rôle et de l'exercice des fonctions de la RAMQ, est-ce que vous considérez que le projet de loi va suffisamment loin? Y a-t-il des améliorations à faire, vu sous l'angle de la RAMQ, d'après vous?

M. Bernard (Charles) : Bien, écoutez, comme on a dit, une des propositions qu'on a faites dans le mémoire, là, dit qu'on devrait étendre à des tiers partis le pouvoir de contrainte ou d'avoir des documents, on veut que ce soit peut-être plus clair dans le document. Alors, j'imagine que la RAMQ va le souhaiter aussi comme nous, on le souhaiterait, ce qui n'est pas accessible, pour l'instant, pour le Collège des médecins, et je ne crois pas que c'est accessible actuellement dans la Loi de la Régie de l'assurance maladie, à ma connaissance à moi. Et je n'ai pas consulté la RAMQ directement pour savoir s'ils voudraient ça, mais, moi, ce que, M. le ministre... Je suis bien d'accord qu'on doit essayer de trouver les fautifs professionnels, mais de plus en plus ce que l'on constate, et je pense que la régie doit constater ça aussi, c'est que les combines ne sont pas uniquement chez les professionnels, c'est beaucoup plus étendu, maintenant, avec des corporations, des compagnies ou... Comme je vous ai dit dans la présentation, il y a énormément... on est très créatif pour être capable d'aller chercher soit de la facturation ou des frais connexes, des frais accessoires, appelez ça comme vous voulez. Mais je pense que cet aspect-là doit être considéré. Et, si vous voulez que le travail se fasse de façon complète, je pense que cet aspect-là doit être inclus dans ce projet de loi là. Et on souhaite qu'un jour on ait le même pouvoir.

M. Barrette : Compris.

M. Bernard (Charles) : Ça répond-u à votre question, M. le ministre?

M. Barrette : Oui. C'est parce que je suis étonné que vous considériez que, dans le projet de loi actuel, il n'y a pas suffisamment de pouvoirs pour avoir accès à des, entre guillemets, preuves documentaires chez des tiers.

M. Bernard (Charles) : Bien, écoutez, moi, ce que j'en ai lu, c'est ma compréhension... Peut-être que, si des juristes le regardent, ils vont me dire que je n'ai pas raison, moi, je le regarde de mon oeil de médecin, là, mais c'est sûr et certain qu'il faudrait que ce soit très clair que ce soit un pouvoir qui soit donné à la RAMQ mais aussi au Collège des médecins.

M. Barrette : L'ordre professionnel qui vous a précédés, qui est l'Ordre des pharmaciens, avait soulevé pas de l'opposition mais une certaine réticence, mesurée, sur le secret professionnel. Avez-vous, vous, de ce côté-là, dans le cadre d'une enquête, des réticences à nous exprimer?

M. Bernard (Charles) : L'organisme au Québec qui contient le plus de secrets, c'est la RAMQ, alors... La RAMQ a votre nom, a votre adresse, a votre diagnostic, a le nombre de consultations que vous avez faites pendant l'année. Est-ce qu'il y a des informations plus cruciales et plus personnelles que ça au Québec? Je pense que c'est encore plus personnel que notre revenu puis le ministère du Revenu, à mon point de vue. Moi, qu'on regarde mon rapport d'impôt, je m'en sacre, mais, qu'on regarde mon dossier de santé, ça, c'est une autre paire de manches.

Alors donc, la RAMQ est déjà le coffre-fort, si vous voulez, de ces informations-là, alors moi, je n'ai pas trop, trop d'inquiétude que, la RAMQ, dans l'encadrement qui est là, le secret professionnel soit brisé. De toute façon, quand on est un service d'enquête, je pense que, tous les gens qui ont des services d'enquête, comme nous, au Collège des médecins, le secret professionnel est conservé jalousement et religieusement.

M. Barrette : Dans votre présentation et dans votre mémoire, vous faites beaucoup de parallèles entre les pouvoirs d'enquête et les pouvoirs d'intervenir dans les murs, dans les documents des médecins ou des tiers par la RAMQ, et vous faites beaucoup de parallèles avec votre pouvoir d'enquête à vous dans le cadre de votre juridiction à vous, et vous réclamez plus de pouvoirs.

M. Bernard (Charles) : Actuellement, le Collège des médecins a des pouvoirs très étendus sur le professionnel, sur l'individu qu'est le médecin, et je pense que le syndic d'un ordre professionnel, pas uniquement au Collège des médecins, dans chaque ordre professionnel, a énormément de pouvoirs pour enquêter sur le professionnel. Mais ce qu'on observe depuis plusieurs années, et particulièrement dans les deux, trois dernières années, c'est que l'organisation, si vous voulez, des services ou des soins, particulièrement hors établissement, ne s'organise pas uniquement avec le professionnel mais avec des compagnies, avec des cliniques, avec toutes sortes de choses, ce qui fait qu'il nous manque des informations, auxquelles on n'a pas accès quand on fait une enquête. Alors, le syndic vous dirait que, s'il y a une combine avec une compagnie, avec deux compagnies, une qui fournit, par exemple, des services de laboratoire et une clinique, puis le médecin est membre là, le contrat liant ces deux entités-là, on n'y a pas accès. Est-ce que le médecin retire des avantages à ça? On ne peut pas le juger puis on ne peut pas le mesurer. Alors, c'est une des difficultés qu'on rencontre actuellement.

M. Barrette : Si on va un peu plus loin dans cet esprit-là, vous recherchez quel type d'accès? Quels sont les leviers que vous rechercheriez? Quels sont les éléments que vous voudriez voir dans une loi pour vous permettre d'avoir les leviers pour accomplir vos tâches?

M. Bernard (Charles) : ...ici, c'est d'avoir un pouvoir de contrainte sur les tiers, que ce soit une personne physique ou une compagnie, qui pourrait nous donner accès à ces informations-là, c'est assez bien décrit, là, dans ce que je viens de vous lire. Et ça permettrait à la RAMQ et au Collège des médecins de... Parce qu'actuellement on tape uniquement sur le professionnel, mais le professionnel, souvent, n'est pas l'acteur principal, et on essaie de... L'exemple classique, c'est que les gens disent : Ah! bien, les médecins, dans notre code de déontologie, on n'a pas le droit de faire des profits sur le dos des patients, je l'ai souligné tantôt, c'est un des articles majeurs de notre code de déontologie. Mais peut-être que, si j'inspecte un professionnel puis je n'ai pas accès à ces informations-là, à ces ententes avec des corporations ou avec des cliniques, à ce moment-là, je ne pourrai pas le trouver puis je ne pourrai pas le savoir. Alors, c'est un peu cet aspect-là qu'on voudrait voir inclus, nous aussi, dans notre loi, qui est la Loi médicale.

M. Barrette : À ce moment-là, est-ce que je dois comprendre que les éléments que vous avez mentionnés dans votre mémoire sont la totalité des éléments auxquels vous vous adresseriez? Plus clairement, est-ce que les types de données auxquels vous voudriez avoir accès sont exhaustivement décrits dans votre mémoire? Vous avez fait référence, il y a quelques instants, là, maintenant, aux données de tiers au pluriel. Vous avez fait référence, dans votre allocution, à des données MED-ECHO. Est-ce que je dois comprendre que...

M. Bernard (Charles) : ...on parle de deux choses, M. le ministre.

M. Barrette : Oui, je sais. Je fais exprès, là, de parler des deux choses parce que les deux choses vont dans la même finalité, qui est celle d'exercer votre pouvoir d'enquête, là.

M. Bernard (Charles) : Oui, oui, vous avez raison.

M. Barrette : Alors, dans cet esprit-là... Vous pouvez m'en énumérer d'autres, là, c'est le fond de ma question. Quand vous abordez le projet de loi n° 92 sous cet angle-là, est-ce que ce qu'il y a dans votre mémoire, c'est tout ce que vous voudriez avoir comme leviers ou il y a d'autre chose, ce ne sont que des indications?

• (16 h 10) •

M. Bernard (Charles) : Bien, je pense que, si la RAMQ ou le Collège des médecins a... Ce qui est dans le mémoire, particulièrement ce dont vous avez fait état, là, les MED-ECHO et les informations qu'on peut avoir là-dedans, nous permettrait de mieux analyser, si vous voulez, les services qui sont offerts. Parce que souvent on demande au Collège des médecins de se prononcer sur, bon, bien, écoutez, est-ce que la pratique entourant, par exemple, un service ou une pathologie, elle est correcte, au Québec. Nous, on peut le prendre sous l'angle d'un professionnel, on peut investiguer ce qui se passe dans un milieu hospitalier et dans un milieu... chez un individu ou dans un cabinet de façon très restreinte. Antérieurement, quand on avait accès à ces données-là, on pouvait faire des analyses, des méta-analyses, si vous voulez, où on pouvait donner notre opinion. On n'est plus capables de faire ça, maintenant. Alors, on est obligés de faire des recherches à la pièce ou de faire un détournement et d'essayer de faire comme un projet de recherche pour avoir accès à un certain nombre de données. On trouve que c'est très limitatif. Et, si les gens... Parce qu'on est très sollicités pour donner des opinions est-ce que c'est correct. Puis je vais donner des exemples qui nous sont arrivés dans peut-être les deux, trois dernières années : Est-ce qu'il se fait trop d'amygdalectomies au Québec? Est-ce qu'il se prescrit trop de médicaments au Québec? J'aimerais bien vous donner une opinion sur ce qui se passe au Québec. Moi, je suis capable de vous dire qu'un professionnel, il en prescrit trop, ou un professionnel, il fait trop d'amygdalectomies comme individu, parce que je suis capable d'investiguer ce cas-là, mais je ne suis pas capable de vous répondre à la question au Québec. Si j'avais accès à ces données-là, je pourrais faire une analyse beaucoup plus large, exhaustive, puis on pourrait donner ce genre d'opinion là.

M. Barrette : Quel est l'obstacle?

M. Bernard (Charles) : C'est l'accessibilité aux banques de données.

M. Barrette : Et quel est l'obstacle?

M. Bernard (Charles) : Bien, c'est les lois, c'est... Comme j'en ai fait part, là, il y a une loi d'accès...

M. Barrette : O.K., là, vous voulez dire... C'est la Commission d'accès à... J'imagine que vous faites référence à...

M. Bernard (Charles) : Ici, au Québec, il y a une loi qui s'appelle... qui est la CAI, et ça nous limite de façon très importante. Écoutez, je ne veux pas critiquer un organisme que vous avez créé vous-même, mais...

M. Barrette : On est dans une dynamique d'enquête, d'inspection.

M. Bernard (Charles) : Je pense qu'il faut distinguer... Quand, tantôt, là, tout le monde a... C'est sûr que, les informations personnelles, on est très jaloux de ça, puis je respecte ça, j'en suis. Mais, par contre, si on veut donner des mandats à des organismes de surveillance ou de contrôle, il faut leur donner les instruments pour le faire correctement. Si on ne l'a pas, on ne peut pas... Je ne peux pas vous donner toute cette information-là si je n'ai pas accès à des données, je pense que c'est clair.

Alors, je pense qu'il devrait y avoir, dans ces lois-là, des exceptions puis... Exemple, ici, au Québec, là, le seul organisme qui a accès totalement à tout, c'est l'INESSS.

Une voix : ...

M. Bernard (Charles) : Pardon?

M. Barrette : Même pas eux autres.

M. Bernard (Charles) : Bien, en tout cas, ils ont plus accès que les autres, qualifions ça comme ça. Alors, pourquoi d'autres organismes qui ont un rôle de surveillance... Parce que, là, eux ont un rôle consultatif, ils n'ont aucun pouvoir pour contraindre qui que ce soit dans leur pratique, c'est un rôle consultatif, de conseil au gouvernement ou à l'Assemblée, mais, quand vous avez des organismes qui ont un contrôle, qui ont un pouvoir sanctionnel, eux, ils n'ont pas accès à rien, alors... ou en tout cas de façon très, très difficile. Alors, voyez-vous, c'est comme deux poids, deux mesures. Et nous, on juge que, les organismes qui doivent faire de la surveillance, qui doivent assurer que la qualité est là, bien, à ce moment-là, il faudrait leur donner une possibilité d'avoir accès à ça.

M. Barrette : Alors, je... Parce que, comme j'allais dire tantôt, on est ici dans un projet de loi qui est un projet de loi, manifestement, d'enquête et d'inspection, qui implicitement exige d'avoir accès à des données, il y a beaucoup d'articles dans la loi qui viennent donner le pouvoir à la RAMQ d'avoir accès à certaines données. Ce que vous nous dites, vous, aujourd'hui, si je vous comprends bien, c'est que, dans votre rôle d'ordre professionnel, vous aussi, qui avez également un rôle d'enquête et d'inspection, il y a des données pour lesquelles il y a des obstacles, et ce que je comprends de votre propos, c'est que la réglementation qui est sous l'égide de la Commission d'accès à l'information est, pour vous, un problème de fluidité, on va dire.

M. Bernard (Charles) : Vous l'avez bien exprimé, M. le ministre. Puis, si je peux me permettre d'ajouter quelques commentaires, c'est que, quand on fait de l'inspection professionnelle, dans un ordre professionnel, c'est difficile d'aller voir tous les membres, hein, il y a des milliers de membres. On ne peut pas, à chaque année, visiter les milliers de membres. Alors, qu'est-ce qu'on utilise, dans les ordres professionnels, c'est des indicateurs, on repère des indicateurs qui nous disent : Tel type de professionnel, il y a soit une pratique marginale ou il y a quelque chose qui est en dehors de la track. Et, pour cibler ça puis avoir des indicateurs, il faut avoir accès à des banques de données.

Alors là, on en crée, je pourrais donner une foule d'exemples d'indicateurs qui nous disent : Bien, il faut aller visiter tel établissement ou tel professionnel de la santé, mais on aurait un regard beaucoup plus complet, puis ça nous permettrait de faire un travail beaucoup plus complet, si on avait accès à ces banques de données là.

M. Barrette : Le temps file, évidemment. Je vais vous poser une question qui va peut-être vous surprendre. Quand on regarde l'état de la situation sous cet angle-là, au Québec, du Collège des médecins, je sais que vous avez sans doute des communications ou des relations peut-être étroites avec les ordres professionnels correspondant dans les autres provinces... Est-ce qu'on est très différents des autres?

M. Bernard (Charles) : Oui, on a un système professionnel différent parce qu'on a un code des professions puis on a un office des professions, qui n'existent pas dans les autres provinces. Il y a moins d'inspection professionnelle, elle se fait différemment aussi. Si on compare avec l'Ontario, parce que, le Québec, c'est l'étalon de comparaison, habituellement, c'est la seule province qui est un petit peu plus grosse que nous autres, alors, effectivement, ils n'ont pas les mêmes programmes d'inspection et d'enquête que nous, on a. Et disons que l'accessibilité aux données est différente dans les autres provinces.

Mais ils ne font pas le même travail que nous. Alors, eux, ils sont plus dans l'émission des permis et de permettre aux gens d'accéder à la profession, plus que le pouvoir d'enquête que nous, on a.

M. Barrette : Donc, ce que vous me dites, c'est que ce sont elles, les autres provinces, qui auraient plus à tirer des enseignements de nous que l'inverse?

M. Bernard (Charles) : C'est toujours comme ça dans la profession médicale, M. le ministre. À travers le Canada, pour ce qui est du Collège des médecins, puis je suis très fier de ça, on est l'étalon de référence, si je peux m'exprimer comme ça, et les gens nous envient beaucoup dans tous les sujets. Et tout ce qui s'est fait comme inspection professionnelle, enquête, formation médicale continue, etc., là, et récemment encore dans les guides qu'on a faits pour les soins de fin de vie, tout le monde nous copie, si je peux m'exprimer comme ça, nos modèles, et ils sont très contents puis ils nous disent qu'on fait bien notre travail, puis on en est bien fiers. Et tant mieux si on peut aider les autres provinces.

M. Barrette : Est-ce qu'en lien avec... Parce que, la santé, il y a une interdisciplinarité, il doit y avoir quand même une collaboration entre les ordres au Québec. Sur le plan de l'inspection et des enquêtes, est-ce que, là, il y a quelque chose de problématique ou à améliorer?

M. Bernard (Charles) : Oui.

M. Barrette : Pouvez-vous élaborer?

M. Bernard (Charles) : Bien, certainement. Alors, nous, dans notre façon de voir les choses, c'est qu'on favorise, au Collège des médecins, une collaboration avec les autres professions, que ce soit... principalement les infirmières, les pharmaciens, qui sont nos collaborateurs les plus près. Et on a fait récemment un énoncé de position sur la médecine de famille, qui actuellement est bousculée et qui travaille de très près avec les infirmières, puis on a fait un document où on propose justement des inspections professionnelles conjointes, c'est-à-dire que, quand on descend dans une clinique pour vérifier si tout se fait bien, ce ne soit pas juste le médecin qui soit vérifié mais l'ensemble de l'oeuvre, c'est-à-dire la collaboration entre les infirmières et les médecins, et tout ça. Alors, je pense que...

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, Dr Bernard, c'est tout le temps qu'on avait pour l'échange.

M. Bernard (Charles) : Ah! Excusez-moi.

La Présidente (Mme Montpetit) : Donc, on va passer à l'opposition officielle, la députée de Taillon, pour une durée de 10 minutes.

Mme Lamarre : Merci beaucoup. Bonjour, Dr Bernard. Bonjour, Dre LeBlanc. Alors, merci. Je trouve que votre mémoire est un exemple de concision et de précision, vous allez droit au but, alors c'est très intéressant.

M. Bernard (Charles) : ...travail d'équipe, madame...

Mme Lamarre : Pardon?

M. Bernard (Charles) : Je dis : Merci, c'est un travail d'équipe, Mme la députée.

Mme Lamarre : Oui, oui, oui. Je voulais vérifier avec vous certains éléments. Vous avez clairement parlé de la contrainte sur les tiers. Dans les informations qu'on a eues de d'autres, la protection des dénonciateurs, est-ce que vous considérez que c'est quelque chose qui serait souhaitable? Dans un contexte de travail interdisciplinaire, vous parlez, là, de... s'il y a quelque chose à dénoncer, est-ce que ce ne serait pas souhaitable d'avoir quelque chose comme ça?

M. Bernard (Charles) : Oui, bien, vous avez raison. On n'a pas soulevé cet aspect-là dans notre mémoire, mais, si vous me posez la question, la réponse, c'est oui. Les «whistle-blowers», comme on dit en français, devraient effectivement être capables d'avoir une protection, si jamais il y en a, effectivement.

Mme Lamarre : O.K., c'est bon. Sans inculper qui que ce soit, on est obligé de constater que la complexité et le nombre d'actes ont amené beaucoup ou la plupart, même, des médecins maintenant à confier leur facturation à des agences de facturation. Est-ce que, dans votre travail, dans vos enquêtes ou dans les plaintes que vous avez reçues, vous avez déjà eu à dire... Là, vous n'avez pas le pouvoir de les inspecter, ces agences-là.

• (16 h 20) •

M. Bernard (Charles) : C'est-à-dire que, ces organismes de facturation là, nous, on n'a pas vraiment de contact avec eux autres, parce que c'est plutôt la Régie de l'assurance maladie qui fait ce genre d'enquête là. Il faut vous rappeler que, nous — ce n'est pas à vous que je vais dire ça — c'est que, nous, notre pouvoir s'intéresse au travail, à la qualité du travail du professionnel, c'est-à-dire, le médecin, est-ce qu'il respecte son code de déontologie, est-ce que son comportement, la qualité des services qu'il donne aux patients est impeccable. Alors, ça, c'est notre travail.

Mais c'est sûr et certain que la question financière peut avoir des impacts, et c'est pour ça que nous, on réagit à ce projet de loi là, parce qu'on pense que, si quelqu'un a des problèmes avec la Loi de l'assurance maladie, il pourrait peut-être en avoir également avec la déontologie ou sa pratique, sa qualité de pratique.

Mme Lamarre : D'accord. Mais la fin de ma question, c'était : Est-ce que, dans certaines enquêtes que vous avez eu à faire, ça aurait pu être utile pour vous d'avoir accès à la facturation par des organismes responsables de la facturation?

M. Bernard (Charles) : Je vous dirais peut-être encore plus certaines ententes qui existent dans différentes organisations, médecins, compagnies qui offrent des services. C'est encore mieux que la facturation, parce que la facturation, ça ne dit que le nombre d'actes. Est-ce qu'ils sont nécessaires ou pas? Ça, nous, on regarde ça, si le médecin pose des gestes qui sont médicalement requis. Si quelqu'un multiplie des actes inutiles, bien là ce n'est pas la facturation qui nous le dit; nous, on le voit dans le dossier médical puis dans notre enquête. Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire. C'est comme deux mondes.

Mme Lamarre : Mais il y a une corrélation potentielle.

M. Bernard (Charles) : On pourrait avoir accès à ça, oui, oui, il y a une relation, il y a une relation. D'ailleurs, on a quand même... Même si on demande plus de fluidité entre la RAMQ et le collège, on a déjà des contacts avec la RAMQ, c'est-à-dire que, si c'est nécessaire, lors d'une enquête, d'avoir un profil d'un médecin en particulier, on a accès à ça.

Donc, il y a une certaine collaboration, là, qui est positive entre la RAMQ et le Collège des médecins, mais, je le répète, c'est très, très limité aux professionnels. Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire. C'est qu'on est concentrés sur un individu, mais nous, on pense qu'il y a bien des choses qui se passent que ce n'est pas juste l'individu qui est responsable. Il ne faut pas toujours accuser l'individu, des fois il y a d'autres autour. Je n'ai pas dit «vautour», j'ai dit «autour».

Mme Lamarre : «Autour», j'ai bien entendu, même si on est loin l'un de l'autre.

Moi, j'ai beaucoup aimé, ce matin je l'ai citée, mais une phrase qui justifie justement l'urgence d'aborder le projet de loi n° 92, parce que vous dites : «Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, le Québec est devenu depuis quelques années une terre de prospection pour tous les promoteurs dans le domaine de la santé voyant dans les faiblesses de notre système public de santé autant d'occasions d'affaires.» Je pense que vous mettez vraiment le doigt sur un enjeu qui appelle à actualiser, je pense, les moyens législatifs d'enquête, d'inspection que nous voulons donner à la Régie de l'assurance maladie.

Avec le ministre, on a parlé d'à peu près toutes vos recommandations, sauf peut-être une, alors je vais l'aborder. Vous avez une recommandation qui dit : «...recommande au gouvernement de clarifier une fois pour toutes les services médicaux et connexes couverts et non couverts par le régime public d'assurance maladie et établisse au bénéfice de tous les acteurs les tarifs réglementaires autorisés.» On comprend qu'on parle beaucoup des frais accessoires à ce moment-ci.

Vous avez eu des décrets qui ont suspendu l'application de vos lois. Jusqu'à maintenant, comment vous avez... Avant, là, la suspension du décret, il y avait quand même un code de déontologie. Comment vous abordiez ces dossiers-là?

M. Bernard (Charles) : Dans ce dossier-là, on ne pouvait pas passer à côté de vous souligner, à vous à l'Assemblée nationale, ici, cet aspect fort important dans notre réseau de santé public. Nous, on est dans une situation inconfortable déjà depuis fort longtemps, fort longtemps. Moi, je suis au Collège des médecins à titre de président depuis 2010, et ma première grande sortie publique, c'était en début de 2011 puis c'était là-dessus, les frais accessoires, peut-être que certains s'en souviendront, où on disait : Il ne faut pas prendre les patients en otage face à cette situation-là, parce qu'il y avait des déboursés inexpliqués faramineux, épouvantables qui étaient facturés à des patients qui en avaient de besoin, et les gens n'ont pas tous les moyens de payer ces sommes-là. Alors, nous, on voulait... Écoutez, il y a des sommes qui sont justifiées, on le sait, il y a des choses qui ne sont pas incluses. Parce que ce que je comprends, c'est qu'il y a eu des ententes avec l'assurance maladie qui datent de fort longtemps, qui n'ont pas toutes été révisées, je comprends ça, là, mais sauf qu'à un moment donné il faudrait que ce soit clair. Et, nous, vous me demandez... Le Collège des médecins, on nous demande d'être le juge, mais, si on n'a pas de paramètres ou de balises, comment voulez-vous juger?

C'est un peu ça que je dis dans le mémoire, c'est que ce n'est pas à nous à décréter les politiques sociales au Québec. Si vous me le demandez, bien, donnez-moi les pouvoirs, puis on va le faire, mais nous, on est là pour gérer, en fait, les situations d'exception, parce que théoriquement, quand on a une loi, les gens devraient tous la respecter, et, ceux qui sont en contravention de la loi, bien là, nous, comme la RAMQ, d'ailleurs, on est là pour ramener dans le droit chemin les gens qui s'égarent. Mais ce n'est pas à nous à baliser tout le chemin, je ne sais pas si vous comprenez ce que... C'est notre vision.

Mme Lamarre : Tout à fait.

M. Bernard (Charles) : Et là, jusqu'à maintenant, les médias et tout le monde nous ont dit : Bien, vous n'êtes peut-être pas assez sévères. Ce n'est pas une question de sévérité, c'est que nos lois qui nous régissent — et les règlements — sont très, très limitées, elles sont limitatives. Alors, moi, si on me demande de faire de la conciliation de comptes, je n'ai pas plus de pouvoirs que ça, je ne peux pas envoyer quelqu'un en prison si je n'ai pas ce pouvoir-là, là. Alors donc, c'est ce qu'il faut comprendre de notre situation inconfortable.

Mme Lamarre : Vous avez dit qu'une de vos premières sorties publiques, en 2010, ça avait concerné les frais accessoires. Est-ce que, selon vous, c'est une situation qui a dérivé plus spécifiquement au cours des dernières années? Je ne pense pas que vos prédécesseurs avaient eu à faire des sorties comme celle-là sur les frais accessoires. Est-ce que vous diriez qu'il y a un problème qui a émergé au cours des 10 dernières années?

M. Bernard (Charles) : Bien, écoutez, si vous me demandez : Est-ce que la situation est corrigée aujourd'hui, en 2016?, la réponse est non, on n'est pas encore assez clair. Et on est en attente. Je l'ai simplement rappelé.

Est-ce que la situation existait avant que j'arrive? Oui. Il y a eu des groupes de travail auxquels nous, on a même participé, on avait des syndics qui ont participé à des groupes de travail qui avaient fait des recommandations. Si mon souvenir est bon, c'était en 2008 ou 2007, là, je ne me souviens pas de l'année, là, mais ça fait quand même un certain nombre d'années, et la situation perdure. Alors, nous, on pense que ça peut aider aussi la situation, de bien éclaircir c'est quoi, les frais accessoires.

Mme Lamarre : Exactement. Bien, ce que je constate, là, c'est que, depuis 10 ans, il y a eu, je dirais, une extension, une expansion de ces frais accessoires, qui pendant une trentaine d'années ont été plutôt bien gérés, bien... — je vois que Dre LeBlanc acquiesce de la tête — donc qui ont été normalement bien compris et qui concernaient davantage des frais très modestes prévus dans le bureau du médecin pour une circonstance vraiment plus contrainte, plus contextualisée. Mais, depuis 10 ans, il y a eu débordement.

M. Bernard (Charles) : Oui, mais il faut comprendre qu'en médecine, là, il y a une évolution technologique épouvantable, sensationnelle pour les patients mais épouvantable à gérer pour les médecins, parce qu'on sort de plus en plus les choses, avec les réformes du milieu hospitalier, ça nous prend de plus en plus d'équipement pour faire les soins, mais les ententes, les facturations, et tout ça, ne sont pas là. Donc, les médecins... Écoutez, je ne veux pas justifier les médecins, parce qu'ils ont peut-être abusé. Il y a un certain nombre de médecins qui ont dit : Bien, vu qu'on n'a pas le droit, puis on veut compenser, puis on veut donner le service, hein...

L'exemple qui a été classique, là, il y a quelques années, c'était l'exemple des gouttes, parce qu'il y avait un appareil d'échographie qui coûtait cher, puis qu'ils n'étaient pas capables de se faire payer dans leur clinique, puis ils ont pris cette voie-là. Ce n'était peut-être pas correct, mais ça illustre... C'est une forme de détournement.

Alors, je pense que, dans ce temps-là, il faut être clair, on dit : Bien, si vous faites ça, c'est inclus, ce n'est pas inclus, et tout ça, puis une fois... c'est réglé après ça. Alors...

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, Dr Bernard.

M. Bernard (Charles) : Ah! excusez-moi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je m'excuse, hein, j'ai le rôle ingrat de tenir le temps.

M. Bernard (Charles) : Non, non.

La Présidente (Mme Montpetit) : Donc, nous allons poursuivre avec la deuxième opposition, le député de Lévis, pour une durée de 6 min 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Dr Bernard, Dre LeBlanc, merci d'être là.

On va continuer à peu près sur le même dossier, finalement, parce que, bon, on était quand même bien partis. Mais, concernant notamment cette problématique-là, vous demandez que le gouvernement clarifie une fois pour toutes les services assurés, hein, vous le dites ici, il va falloir qu'on ait des balises claires, qu'on sache de quoi on parle. D'ailleurs, vous venez de le dire, hein, on est dans une position inconfortable depuis un bout de temps.

La loi s'apprête à donner des pouvoirs à la RAMQ, des pouvoirs de contrôle, mais, le règlement sur les frais accessoires, on ne l'a pas encore, il est à venir. Mais ça va se faire vite parce que, la loi, dans le meilleur des mondes, le ministre souhaiterait qu'elle soit adoptée avant la fin de la présente session, on a à peu près un mois de jeu.

Je vous pose la question comme ça, très candidement : Est-ce qu'on fait les choses à l'envers? Est-ce qu'il aurait été préférable d'avoir le règlement avant de donner les pouvoirs sur lesquels on devrait les appliquer?

M. Bernard (Charles) : Si vous étiez capables de faire les deux en même temps, ce serait merveilleux. C'est sûr et certain que le Collège des médecins attend avec impatience ces règlements-là sur les frais accessoires parce que ça va nous sortir d'une position inconfortable, et on va pouvoir faire librement notre travail et adéquatement notre travail. Et là on est un peu sur comme le «hold», si je peux m'exprimer en anglais, on retient un peu les choses, mais on ne peut pas me demander de faire des choses quand je n'ai pas les balises et puis je n'ai pas les règlements nécessaires pour l'appliquer. Alors, c'est sûr et certain que nous, on le souhaite ardemment.

• (16 h 30) •

M. Paradis (Lévis) : Vous nous dites et vous nous avez dit, il y a quelques instants, que la RAMQ détenait beaucoup d'informations confidentielles. Vous avez fait un parallèle avec Revenu Québec puis la Régie de l'assurance maladie du Québec.

Cependant, et j'y reviens parce que ça a été dit ce matin de façon très, très directe, l'Ordre des pharmaciens disait : On a des problèmes avec la notion de secret professionnel, et d'autres ordres professionnels s'apprêtent également à faire rapport puis à suggérer des façons de faire pour éviter qu'il y ait des bris de confiance puis des bris dans ce qui est, bon, manifestement un secret entre professionnel et patient.

Vous l'avez abordé en disant : Il y a pire secret; que, bon, la RAMQ possède beaucoup d'informations. Avez-vous quand même certaines réserves relativement à cette partie du projet de loi concernant la possibilité de lever le secret professionnel?

M. Bernard (Charles) : Bien, dans mes yeux, ce n'est pas lever le secret professionnel, parce qu'on est dans une enquête. Alors, si on fait ça pour une enquête... On le fait actuellement mais sur une base individuelle du professionnel. Si vous allez voir le dossier, les enquêteurs du Collège des médecins, lorsqu'ils vont dans un bureau de professionnel, ils ont accès aux dossiers des patients, ils voient les informations des patients. Donc, le bris, si c'est ça que vous considérez comme un bris, bien, écoutez, ça se fait déjà depuis des lunes, là.

Ce que je ne comprends pas, c'est qu'est-ce que vous entendez par «bris». Si vous me dites que ces informations-là vont circuler, là c'est une autre chose, mais...

M. Paradis (Lévis) : ...crainte exprimée, justement, que ça puisse éventuellement circuler.

M. Bernard (Charles) : Oui, mais là, si c'est ça... Mais, écoutez, le Collège des médecins, on fait des enquêtes depuis des décennies et des décennies, et habituellement les renseignements qui sont dans nos enquêtes... Il y a bien des gens qui essaient d'avoir les informations, je pourrais vous dire, de façon quotidienne on a des journalistes qui nous appellent pour avoir des résultats d'enquête ou tout ça. Alors, on divulgue les informations uniquement lorsque c'est passé au conseil de discipline ou que ça va... il y a des sanctions ou un jugement est rendu.

Mais une enquête, ça reste confidentiel, et je pense que la loi ne brise pas ce secret de l'enquête.

M. Paradis (Lévis) : ...nouveaux pouvoirs pour accéder à des infos confidentielles, donc, relativement à ça, d'avoir des balises très précises puis...

M. Bernard (Charles) : Ça dépend ce que vous recherchez. Si vous voulez essayer de contrer un cancer, bien, vous êtes aussi bien d'avoir les outils d'investigation nécessaires pour pouvoir bien le traiter, sinon, bien, votre cancer, il va continuer à se développer, puis vous ne serez pas capable de le contrer.

Alors, c'est un peu comme ça que je peux le comparer dans mon domaine à moi. Alors, est-ce que je vais me priver d'instruments pour être capable de régler un problème? La réponse, pour le Collège des médecins, c'est non.

M. Paradis (Lévis) : Permettez-moi de comprendre. Quand vous avez besoin d'information, vous êtes avec la Régie de l'assurance maladie du Québec, il y a quand même une harmonie, mais c'est très limitatif. Quand on a besoin d'information, là, il faut vraiment que ce soit précis.

M. Bernard (Charles) : ...comme je dis, pour un professionnel en particulier, si on a de besoin, par exemple, d'un profil pharmaceutique, hein, qu'est-ce qu'il prescrit, qu'est-ce qui est prescrit, on peut avoir accès à ça actuellement.

M. Paradis (Lévis) : Est-ce que l'accès à ces données-là, lorsque vous le demandez, est automatique ou vous devez...

M. Bernard (Charles) : Il faut qu'on le demande, là, il faut le demander.

M. Paradis (Lévis) : ...demande, mais vous n'avez pas besoin de passer par...

M. Bernard (Charles) : Puis il y a un petit délai, là. Eux autres, ils analysent la demande puis ils nous répondent, là.

Mais habituellement, comme je vous dis, dans les pouvoirs qu'on a actuellement, ça se passe bien, mais c'est limitatif, je vous le répète. C'est pour des professionnels particuliers ou des enquêtes particulières.

M. Paradis (Lévis) : Et vous avez abordé à plusieurs reprises, vous avez dit... J'entends et je comprends que, bon, quelque part, et c'est un petit peu l'image que vous avez utilisée, le fait de ne pas avoir toutes les informations pertinentes, vous empêchant de juger des tiers également, fait en quelque sorte que le médecin, dans certains dossiers, puisse subir les dommages, permettez-moi l'expression, là, collatéraux de ce qui est fait par un premier tiers qui est le principal, celui qui aura davantage dérapé.

Advenant que vous ayez... Parce que j'ai comme l'impression que vous êtes un peu... puis je le dis comme ça aussi, là, vous regardez... on a l'impression que vous êtes un peu jaloux de ces pouvoirs qu'aura la RAMQ par rapport à ceux que vous possédez. Si vous en aviez davantage, ça vous permettrait de quoi, de clarifier des situations versus, justement, des médecins qui ne sont pas les premiers intéressés dans une situation conflictuelle?

M. Bernard (Charles) : Je vous le répète, avec les médecins, actuellement, les pouvoirs sont suffisants, là. Nous, ce qu'on veut, c'est les tiers et les personnes physiques ou morales qui sont autres que des médecins. On a eu des dossiers, je ne peux pas vous parler de ça ici, là, mais qui nous ont illustré ces situations-là dans les derniers mois, où on fait une enquête sur un médecin, mais ce n'est pas nécessairement le médecin qui est le fautif, je ne sais pas si vous voyez, c'est probablement une organisation, comme vous avez dit, qui est en amont qui est responsable de toute cette organisation-là, et on n'a pas de prise puis on ne peut pas avoir toutes les informations. Alors, les documents, comme je l'ai dit dans notre mémoire, les gens vont nous dire : Non, la loi, c'est la loi, vous n'avez pas accès à ça. Alors, moi, mon rôle...

M. Paradis (Lévis) : ...il faudrait peut-être changer la loi à l'accès à l'information.

M. Bernard (Charles) : Bien oui. Moi, je pense... C'est une demande qu'on a déjà manifestée.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, c'est tout le temps que nous avions pour les échanges. Dr Bernard, Dre LeBlanc, merci pour les échanges que vous avez eus avec les parlementaires.

Je vais donc suspendre les travaux quelques instants. Et j'invite la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec à prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 35)

(Reprise à 16 h 37)

La Présidente (Mme Montpetit) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite donc la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et par la suite nous procéderons aux échanges avec les parlementaires. À vous la parole.

Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ)

M. Godin (Louis) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. le ministre. MM., Mmes les parlementaires. Je suis le Dr Louis Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, du Dr Marc-André Amyot, premier vice-président de la fédération, président de l'association des médecins de Laurentides-Lanaudière; à ma gauche, du deuxième vice-président de la fédération et président de l'Association des médecins de CLSC, le Dr Sylvain Dion; et, à mon extrême gauche, de Me Pierre Belzile, chef des services juridiques à la fédération.

Mme la Présidente, d'abord, je vous remercie de nous recevoir et de nous permettre de vous livrer certains commentaires sur le projet de loi n° 92. Je vous dis d'emblée que, ces commentaires-là que l'on vous livre, on vous les livre avec l'oeil des médecins de famille et non de l'ensemble des professionnels de la santé au Québec.

D'entrée de jeu, je vous dirais qu'on est tout à fait d'accord avec l'objectif que l'on doit débusquer, lever les fraudeurs et les abuseurs. Je veux dire, pour nous, les gens qui fraudent ou qui abusent de notre système doivent être débusqués et pénalisés. Pour nous, c'est clair.

Cependant, il est important de noter qu'à notre lecture à nous ces cas-là, particulièrement pour les médecins de famille, demeurent des cas exceptionnels et que la majorité des cas qui sont soulevés dans les processus d'enquête, que ce soit d'inspection ou d'enquête, touchent surtout des questions d'interprétation de l'entente. Je n'ai pas à vous dire la complexité de nos ententes, c'est quelque chose qui est bien connu et qui a bien été rapporté. Donc, pour nous, le problème que l'on veut régler par le projet de loi n° 92 n'a pas l'ampleur qu'on veut souvent laisser croire à l'intérieur de ça. Et de l'avis même de la RAMQ, qui d'ailleurs le témoignait devant la Commission de l'administration publique, la grande majorité des cas que l'on retrouve... qui font l'objet d'inspections ou d'enquêtes sont beaucoup plus des erreurs d'interprétation, et les questions de fraude ou d'abus demeurent quelque chose de très marginal. Et c'est encore plus vrai du côté des médecins de famille.

• (16 h 40) •

En regardant la loi actuelle, nous croyons que la Régie de l'assurance maladie possède déjà tous les pouvoirs nécessaires pour remplir son mandat, particulièrement par les problèmes qui ont été soulevés, notamment, récemment par la Vérificatrice générale. Donc, nous croyons donc que, dans l'exercice de tout ça, le projet de loi, comme tel, n'apporte pas beaucoup d'éléments nécessaires pour améliorer la situation par rapport aux enquêtes, particulièrement en ce qui concerne, comme je vous le mentionnais, les médecins de famille.

J'aurais quand même quelques commentaires de façon spécifique sur le projet de loi n° 92. Le premier touche les pouvoirs d'inspection, où on vient renforcer le fait qu'un inspecteur, un enquêteur peut pénétrer sans avertissement dans n'importe quelle clinique. On sait déjà que ces enquêteurs-là ou les inspecteurs ont les mêmes pouvoirs qui sont donnés aux commissions d'enquête, donc ils ont déjà ce pouvoir d'intervenir, d'obtenir les renseignements qu'ils veulent à l'intérieur de ça. Et nous, compte tenu des éléments qui sont souvent regardés, comme je vous le mentionnais, qui sont souvent les questions d'interprétation d'entente, on pense que l'approche doit être adaptée à l'intérieur de ça. Et de spécifier ça dans la loi alors que ça existe déjà, ça ne vient que renforcer encore l'image qu'il y a un risque important, compte tenu qu'il y a possiblement peut-être beaucoup de fraudeurs, qu'on détruise des pièces ou qu'on enlève des éléments de preuve à l'intérieur de ça.

Et une des choses qui nous frappent là-dedans, compte tenu de l'importance de ça : sur le site même de la Régie de l'assurance maladie, on souligne certains commentaires ou certaines descriptions des visites d'inspection et, sur ce qu'on publie là-dessus, on dit aux gens : Lorsque vous êtes visités, on sait que ça peut vous troubler, ça peut vous perturber, et on vous suggère même du soutien professionnel.

Donc, pour nous, la façon dont c'est décrit, dont c'est abordé, je pense qu'il faut être prudent. Et cette mention spécifique de visite sans avertissement dans toute clinique alors qu'on sait que ce pouvoir-là existe déjà dans les règles actuelles, des articles actuels, ça nous apparaît quelque chose de superflu et même de contre-productif.

Un élément important que l'on veut soulever, c'est la responsabilité que l'on peut donner aux médecins par rapport à une faute causée par un tiers. Le projet de loi prévoit que, dans une situation où une infraction est faite par un tiers, la Régie de l'assurance maladie, même si ce n'est pas le médecin directement qui l'a provoquée, peut être compensée. Pour nous, ça risque de mettre les médecins souvent dans des situations qui ne sont pas faciles. On sait qu'il existe de plus en plus d'organisations, particulièrement dans les nouvelles cliniques médicales, où ce sont des tiers qui administrent ou qui parfois même sont propriétaires de ladite clinique.

On parle également d'une suspension du délai de prescription. On sait de toute façon, dans les faits, que, lorsqu'il y a inspection ou enquête, rapidement, dans la très grande majorité des cas, on va suspendre, les deux parties vont demander de suspendre le délai de prescription pour donner lieu de l'enquête et éviter qu'une décision précipitée soit rendue. On parle maintenant d'une suspension qui peut aller jusqu'à une période d'un an. Notre crainte par rapport à ça, c'est qu'on y voit un risque de déclencher un nombre d'enquêtes supplémentaires, puisqu'on dépose l'enquête, on la signifie, et à partir de ce moment-là on peut prendre beaucoup plus de temps pour livrer la conclusion. Et je vous mentionnais tout à l'heure tout l'effet que ça peut créer chez les médecins qui sont inspectés, et, rappelons-le, qui sont la plupart du temps inspectés pour des questions de mauvaise interprétation de l'entente, beaucoup plus que pour des questions frauduleuses qui pourraient amener vers des peines pénales. On pense qu'on devrait beaucoup plus s'attarder à prioriser, à continuer à prioriser des enquêtes à partir de certains indicateurs, plutôt que de simplement allonger le délai de prescription et de le suspendre automatiquement dès que l'enquête est débutée.

En ce qui concerne les amendes, je vous dirais, ce qui nous préoccupe beaucoup plus là-dedans, c'est la notion du message. On disait qu'il y avait peu de situations où les médecins de famille se sont retrouvés dans des situations donnant lieu à une sanction pénale. On ne voit pas nécessairement l'intérêt d'augmenter de façon très significative pour un pouvoir dissuasif alors que, de l'aveu même des dirigeants de la RAMQ, on nous dit : Ça demeure des situations qui sont vraiment peu fréquentes, où on se retrouve là-dedans.

Le dernier commentaire que l'on aurait, c'est par rapport à la rétroactivité de la loi. On sait qu'il y a certaines dispositions qui seraient applicables de façon rétroactive. Honnêtement, par principe, nous avons beaucoup de difficultés avec l'application rétroactive des lois, donc je me permets de vous livrer nos réserves par rapport à l'application rétroactive.

Donc, en conclusion, je vous dirais, nous avons quelques commentaires à vous formuler sur l'application sur la loi. Nous ne pensons pas, cependant, qu'il était nécessaire, du moins pour les médecins de famille, de procéder à ces modifications législatives là, puisque la Régie de l'assurance maladie, selon nous, possédait déjà amplement de pouvoirs pour permettre de faire les contrôles qui étaient nécessaires.

J'aurais terminé le message que j'avais à vous livrer, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie beaucoup, Dr Godin. Donc, on va enchaîner avec le ministre pour une durée de 16 min 30 s.

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. Alors, Dr Godin, Dr Amyot, Dr Dion et Me Belzile, bonjour, pour une énième fois en consultation publique. C'est toujours un plaisir de rencontrer les gens de la santé, ce qui est en général normal quand on est ministre de la Santé, je dirais, mais ça me fait plaisir quand même de vous rencontrer aujourd'hui.

Par contre, je suis un peu surpris de l'approche que vous avez aujourd'hui. Je comprends le fond de votre commentaire, qui traite plus de la forme et de l'impact de ce que l'on fait que des fondements du projet de loi n° 92. Je m'explique. Le projet de loi n° 92, comme je l'ai dit dans la conférence de presse initiale où je l'ai présenté, comme je l'ai dit aujourd'hui lors de mes commentaires introductifs, que vous avez peut-être eu la chance ou la malchance d'entendre, c'est selon votre perception, il y a une chaîne d'événements, là. Il y a l'évolution de notre système de santé, une perception de cette évolution-là qui est exprimée par la voix de divers commentateurs. Puis, quand je dis «commentateurs», c'est à peu près tout le monde, du citoyen au politicien, en passant par les partis politiques et certainement l'opposition officielle. Je ne le dis pas négativement, je dis simplement que c'est un point d'intérêt qui est assez soutenu, je dirais, de la part de l'opposition officielle. Néanmoins, à partir du moment où la Vérificatrice générale constate, rapporte qu'il y a une problématique quant à la possibilité de la RAMQ de faire une enquête, j'ai de la misère à vous suivre quand vous me dites que vous ne voyez pas, à toutes fins utiles, même l'utilité, si vous me permettez le pléonasme, là, d'avoir ces modifications au projet de loi.

Alors, je suis un peu étonné, là, de cette approche-là parce que, et c'est ce que j'ai dit et dans ma conférence de presse et dans les commentaires introductifs, j'ai simplement dit que j'avais demandé à la Régie de l'assurance maladie, à son P.D.G., M. Cotton, une fois pour toutes, compte tenu des critiques, qu'on peut juger fondées ou non mais qui à un moment donné ne peuvent être autrement qu'être fondées, quand le Vérificateur général dit : Il y a potentiellement un problème... bien là je demande qu'une fois pour toutes on fasse les ajustements législatifs pour corriger quelque chose. Et là c'est comme si vous veniez de nous dire : La Vérificatrice générale s'est trompée, elle avait tort, tout va bien. Pourquoi changer ce qui est aujourd'hui parfait? C'est ce qu'on vient vous dire, M. le ministre.

C'est un peu comme ça que vous nous présentez les choses, puis ça m'étonne beaucoup.

• (16 h 50) •

M. Godin (Louis) : Je vais rectifier un peu ou je vais essayer de vous le dire autrement, M. le ministre, en sachant qu'on a souvent l'occasion d'échanger ensemble sur différents forums.

Quand on regarde, justement, ce qui a été dit par la Vérificatrice générale, où elle parlait surtout de débusquer les fraudeurs et les abuseurs, lorsque je regarde la situation des médecins de famille, comme je vous le mentionnais, et que ça demeure quelque chose d'exceptionnel, pour ne pas dire qu'on n'en a pas vu récemment, et qu'on analyse la Loi de l'assurance maladie et les pouvoirs qu'elle a actuellement, notre perception, vision de la lecture de la loi actuelle, je veux dire, on avait amplement les outils pour le faire, c'est notre lecture. Je ne peux pas répondre pour M. Cotton, il s'est probablement exprimé devant vous puis il vous a probablement lancé un message contraire ou différent du mien. Ce que je vous dis : Nous, la lecture que l'on a, on avait les moyens de le faire. Donc, de dire...

Et notre crainte, honnêtement, c'est peut-être surtout le climat qui entoure ça, où souvent on a l'impression que c'est un problème majeur que l'on a devant nous et ça demande une intervention très musclée. Et c'est là qu'est notre réserve par rapport à ça, mis à part, je vous dirais, les quelques éléments que je vous ai mentionnés en commentaires plus spécifiques.

Et, je vous répète, on est tout à fait d'accord qu'un médecin... Un médecin de famille qui frauderait ou qui abuserait du système, pour nous, il ne nous retrouvera pas pour le défendre, et on aura toutes les raisons du monde de le débusquer. Mais on pense que la situation le permettait ailleurs, et c'est pour ça que l'on a ce commentaire-là aujourd'hui, M. le ministre.

M. Barrette : Je vais reprendre un peu les choses, là. Moi, je peux vous assurer qu'il n'y a personne ici, dans cette enceinte, aujourd'hui, là, du côté des parlementaires, et certainement pas les non-parlementaires, parce que les gens qui vous accompagnent devraient penser comme ce que je vais dire, évidemment, là... je ne pense pas qu'ici il y a personne qui pense que le Québec est peuplé de médecins fraudeurs, je ne pense pas que personne pense ça. À mon avis, là, je regarde mes collègues, là, puis il n'y a personne qui pense ça. Et je pense que, quand vous vous exprimez, vous exprimez un sentiment qui vise plus l'image consécutive au projet de loi, que ça peut donner au corps médical, plutôt que le fond qui est celui d'avoir des outils pour débusquer ceux qui ne sont pas — et vous êtes d'accord avec ça — défendables. Parce que l'objet ici, essentiellement, là, c'est de donner à la RAMQ... Parce que c'est un peu aussi le portrait qu'a dressé la Vérificatrice générale dans son rapport d'avant Noël. La RAMQ a-t-elle suffisamment de leviers, d'outils pour pouvoir débusquer les fraudeurs ou les gens qui sont, disons, initiateurs d'irrégularités — je vais être fin, là, pour soigner... prendre les pincettes que vous recherchez, là, puis je le comprends très bien? C'est ça qui est l'objet, là. 92, là, c'est une réponse aux experts ou aux observateurs neutres que sont, entre autres, le vérificateur — ou la vérificatrice, pour ce mandat-ci — d'avoir ou non les leviers pour faire ce travail-là, qui est un travail de détective, dans une certaine mesure, pour débusquer les fraudeurs, et après d'avoir les leviers pour en obtenir la preuve, et après avoir des sanctions. Puis on comprend que, les sanctions, hein, le premier objet, c'est la dissuasion, hein, on s'entend là-dessus, là.

Alors, moi, il me semble qu'on doit saluer ça. Moi, j'ai salué et je salue encore M. Cotton quand il a choisi, à ma demande, là, d'aller de l'avant. Puis, oui, on va mettre en place les leviers qui sont nécessaires pour faire cette job-là. Je comprends que ça peut être inconfortable, mais je vois difficilement comment on peut être contre ça. Je comprends l'inconfort que ça peut générer.

Et d'ailleurs je trouve que dans votre mémoire vous allez loin, parce que vous allez jusqu'à dire que ça pourrait dissuader, diminuer l'attrait de la médecine de famille ou de la médecine en général vis-à-vis d'éventuelles candidatures. Moi, je trouve que c'est se soucier beaucoup de l'image plutôt que de l'autre image qui est celle qui, à mon avis, importe le plus. La population a-t-elle vraiment confiance dans ses institutions quant à l'application de certaines règles, notamment quand vient le temps de détecter des fraudes et d'agir, lorsqu'il y a un constat de telles choses? Diminuer l'attrait, comme vous dites dans votre mémoire, là, de la médecine ou de la médecine de famille, je trouve que c'est fort, là.

Il me semble que, de votre côté, aujourd'hui, pour l'image, puisque c'est un souci, vous devriez aller dans le sens de 92, parce que dans ce que vous me dites, là, je n'ai pas entendu une seule phrase... à l'exception de dire qu'à votre avis tout ce qu'il y a actuellement il n'y a pas besoin de le changer, là, mais je n'ai pas entendu d'argument contre ce qui est dans 92.

M. Godin (Louis) : Je vous ai simplement souligné certains éléments par rapport à 92. Ce que j'ai voulu souligner... Et là c'est un point important que vous avez relevé aussi, M. le ministre. Et jamais dans notre tête on n'a pensé que dans l'esprit des parlementaires... qu'ils considéraient que les médecins étaient pour la plupart des fraudeurs, là, ce n'est pas notre perception, là, loin de là, là. Mais il demeure quand même qu'on vit dans un environnement, et vous le savez très bien, où souvent il peut y avoir des perceptions, et effectivement le message que ça peut lancer, ça peut être celui-là. Et je suis obligé de vous dire que, depuis quelques mois, les médecins de famille sont devenus très, très sensibles à cette situation-là, et c'est en ce sens-là, je vous dirais, qu'on s'est manifestés.

Et, quant au projet de loi comme tel, à partir du moment où il est là... Parce qu'on ne prétend pas d'aucune façon, même si je vous dis : Aujourd'hui, M. le ministre, je ne pense pas que vous aviez besoin de le faire, que vous allez retirer le projet de loi n° 92, là. Je ne suis quand même pas rendu là, ne soyez pas inquiet. Et je vous ai fait certains commentaires spécifiques par rapport au projet de loi n° 92, et qui était principalement celui que je vous ai mentionné concernant la responsabilité face à un tiers qu'un médecin pouvait devoir supporter tel que c'était là. Je pense qu'il faut être prudent de ne pas transférer la responsabilité d'un tiers sur un médecin de famille dans la récupération de ça à partir du moment où il n'est pas dans une position où il est directement responsable de la situation.

M. Barrette : Je comprends ce que vous me dites sur ce point-là, mais je n'ai pas le choix, Dr Godin, de réagir, si ce n'est pas aux propos, aux écrits, parce que votre mémoire, il est public. Et à la page 5, dans votre mémoire, vous nous taxez d'une récupération politique d'une problématique qui est soulevée par la Vérificatrice générale, qui, elle, ne peut, à mon avis, être taxée de récupération politique.

M. Godin (Louis) : ...M. le ministre, vous savez très bien tout le débat qui a entouré le dépôt de la Vérificatrice générale au cours des derniers mois et vous savez très bien comme moi qu'on ne peut pas faire fi de ça.

M. Barrette : Alors, je pense que c'est important que ceci soit établi : le projet de loi n° 92 est une réponse aux critiques formelles et informelles fondées... Et en général pas loin d'être fondées, là, je ne pense pas que toutes les critiques qui ont été exprimées dans le passé étaient non fondées. Et les lois, à un moment donné, on le sait, là, c'est un classique de l'évolution des sociétés, les lois sont toujours en retard sur les événements, puis c'est, en fait, normal, c'est assez difficile de faire des lois en prévision de ce qui arriverait, là, mais il n'en reste pas moins qu'à un moment donné un gouvernement doit ajuster ses lois en fonction de la réalité, qui, elle, évolue. Et 92, il faut le lire comme ça, même si ça peut être indisposant lorsqu'on est l'objet de ladite loi.

M. Godin (Louis) : Remarquez, comme je vous le mentionnais, ce n'était pas l'objectif qui était visé. C'est que, nous, l'analyse, et je vous le répète, que l'on faisait, c'est qu'on pensait et on pense encore que la régie a tous les pouvoirs actuellement pour le faire et tous les outils pour le faire, voilà.

M. Barrette : Vous comprendrez, Dr Godin, que, si j'avais pensé ça, je n'aurais pas déposé le projet de loi n° 92.

M. Godin (Louis) : ...encore une fois, M. le ministre, pour une des rares fois, nous ne sommes pas du même avis, donc.

M. Barrette : Alors, j'aimerais ça que vous reveniez quand même de façon un peu plus détaillée sur l'argument qui est peut-être plus factuel dans vos critiques ou dans vos commentaires du projet de loi, sur la responsabilité du médecin par rapport à un geste posé par un tiers dans son organisation. Là-dessus, j'ai un peu de la difficulté à vous suivre. Je vous dis pourquoi : parce que c'est sûr qu'en médecine, et particulièrement dans un cabinet, il y a bien des actes qui sont délégués, puis on sait bien que, dans notre régime légal, la délégation, par définition, amène une responsabilité ultime qui est sur les épaules du médecin. J'ai de la misère à comprendre le chemin que vous faites pour arriver à la critique que vous exposez, là.

• (17 heures) •

M. Godin (Louis) : Je vais préciser un peu plus la situation, là. Ce n'est pas tellement par rapport aux actes délégués, M. le ministre. On a de plus en plus de cliniques médicales, maintenant, où les médecins sont des locataires, où la clinique est gérée par un tiers, souvent un non-médecin, ou, à l'occasion, par un autre professionnel. Il y a souvent, à l'occasion, des frais qui peuvent être chargés ou des choses qui peuvent être demandées aux patients qui peuvent ne pas correspondre à l'application de la loi. Et notre lecture de la loi, ce que l'on en comprend, un tiers, dans une situation comme celle-là — et là je ne suis pas dans la délégation des actes, là, du tout, là — un tiers, dans cette situation-là, pourrait être le responsable sans que le médecin ait le plein contrôle sur cette situation-là, parce que, la façon dont la clinique est opérée ou l'environnement dans lequel il est, il n'a pas tous les contrôles, et c'est ce tiers-là qui serait, si on veut, coupable de cette infraction-là, mais on pourrait compenser, aller récupérer directement sur le médecin, plutôt que d'aller sur le tiers qui, lui, est vraiment le responsable de cette situation-là.

M. Barrette : Sauf que je vous rétorquerais qu'en médecine on a souvent vu des cas où l'utilisation d'un tiers — et je pèse mon mot — l'utilisation d'un tiers était faite à dessein, le dessein étant justement de passer à côté de la régulation pour charger des frais, qui finissent dans la poche du médecin en passant par un tiers, justement, lequel n'était pas assujetti à la Loi de l'assurance maladie ou de la RAMQ. Cette mécanique-là, là, a existé, ça s'est vu, là.

M. Godin (Louis) : Et c'est peut-être là aussi que cette responsabilité-là, lorsqu'elle peut être évitée par différentes règles... Parce qu'on sait qu'il y a eu des situations où ça a pu exister, c'est peut-être celles-là qu'on doit baliser ou renforcir un peu plus dans la loi, pour justement éviter que, dans une situation où ce n'est pas cette combine-là qui existe, là, mais que le médecin soit simplement un outil, un peu malgré lui, de ça... qu'il en soit responsable, en bout de ligne, c'est tout simplement ça.

M. Barrette : Mais je vous dirais, Dr Godin, dans les secondes qu'il me reste, que la guerre froide nous enseigne que quelques missiles nous permettent d'éviter bien des guerres, réelles. La dissuasion, ça marche. Et je pense que les médecins ont la responsabilité de s'assurer de ne pas s'entraîner eux-mêmes dans une mécanique qui va faire en sorte qu'ils seront tentés de penser qu'ils peuvent peut-être passer à côté d'une réglementation parce que les règles ne visent pas spécifiquement tel ou tel type d'organisation. Et vous et moi savons très bien que ça s'est vu. Et je pense qu'à cet égard-là cet aspect-là dans la loi n° 92 aura son effet, qui est celui de la dissuasion, et mettra la responsabilité sur les épaules du médecin de ne pas s'embarquer là-dedans.

M. Godin (Louis) : Malgré tout, il peut arriver que...

La Présidente (Mme Montpetit) : Merci. Je vous remercie. Ça met fin aux échanges avec la partie ministérielle. On va enchaîner avec la députée de Taillon pour une durée de 10 minutes.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Dr Godin, Dr Amyot, Dr Dion, Me Belzile, bienvenue.

Alors, on va aller très vite parce que les secondes filent. D'abord, vous rassurer, je pense qu'on partage... en tout cas, pour ma part, je partage bien votre impression que la fraude, comme tel, il n'y en a pas plus chez les médecins que chez d'autres professionnels, il y a toujours un très, très faible pourcentage de fraudeurs. Donc, ce n'est pas ça qui est l'enjeu. Mais on est quand même conscients que, dans un contexte où on a un budget important qui est payé par les Québécois, 55 millions de demandes de paiement, donc, on a un devoir de surveillance. Et moi, je vois beaucoup, beaucoup, dans cette perspective-là, une surveillance rigoureuse, étroite, et clairement, dans plusieurs dossiers, la RAMQ nous a démontré qu'elle n'avait pas les outils, les leviers pour exercer cette surveillance-là. Et la Vérificatrice générale a même ciblé, par exemple, certaines nouvelles... de nouveaux éléments, dans la rémunération et dans la facturation, qui relèvent beaucoup des nouvelles mesures incitatives. Alors, pour les nouvelles mesures, la RAMQ semble avoir développé une certaine compétence pour évaluer des actes, puis comparer, puis trouver des profils déviants sur la facturation d'actes, mais, dans les mesures incitatives, ça semble être plus compliqué actuellement. Alors, ne serait-ce que de s'assurer... Puis je me souviens de vous avoir déjà vu, dans Médecin du Québec, préciser les modalités de ce qui était inclus, acceptable, non acceptable, et tout ça. Donc, je me dis, ce devoir de surveillance, il doit être là, on doit avoir des ressources pour le faire.

Et donc est-ce que... Parce que j'ai vu que vous êtes aussi membre du conseil d'administration. Est-ce que c'est déjà venu sur la table, de se questionner sur le nombre d'inspecteurs que la RAMQ avait, par exemple, puisqu'ils en ont vraiment 26, là, pour, on le voit, là, l'ensemble de tous les actes, et des responsabilités, et du budget qu'ils ont à faire? Est-ce que c'est une question qui est évoquée de temps en temps dans le budget?

M. Godin (Louis) : Vous comprendrez, Mme la députée, je suis un peu mal à l'aise à répondre à cette question-là, parce qu'aujourd'hui je ne suis pas assis ici comme membre du conseil d'administration de la Régie de l'assurance maladie du Québec mais comme président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Ce que je vous dirais par rapport à ça, c'est qu'il est clair... Je ne voudrais pas laisser l'impression, par mes propos que j'ai tenus, que nous sommes contre les activités de surveillance et qu'on ne doit pas avoir un contrôle. On dépense presque la moitié de l'argent qu'on collecte au Québec à notre système de santé, donc on ne peut pas laisser aller ça sans qu'il y ait contrôle et surveillance.

Vous soulevez la question des indicateurs. C'est sûr qu'à un moment donné c'est difficile, mais je ne vois pas, dans le projet de loi, d'élément plus spécifique sur le développement d'indicateurs. On devrait probablement beaucoup plus chercher comment on priorise, comment on est capable d'aller chercher les «red flags» qui vont nous dire : Ça, je dois regarder ça. Ça, je pense que c'est quelque chose qui doit être fait, et que ce soit avec la loi actuelle ou avec le projet de loi n° 92.

Par rapport au nombre d'enquêteurs ou d'inspecteurs, je vous dirais, c'est à la Régie de l'assurance maladie de s'exprimer là-dessus, mais je pense qu'elle doit avoir les effectifs nécessaires pour faire les inspections qu'elle a besoin de faire, mais en faisant bien attention aussi à ne pas tomber dans des inspections qui deviennent non justifiées, sur lesquelles il n'y a pas vraiment de signe précis ou d'indicateur qui nous dit : Oui, là, je devrais aller regarder ça.

Quant à la complexité de le faire, vous avez raison, il y a beaucoup de nouvelles mesures, ça change rapidement, c'est souvent réaménagé. Et ce n'est pas un travail facile, j'en conviens, mais, je pense, c'est une voie qui est beaucoup à explorer.

Mme Lamarre : Bien, je pense qu'il y a un besoin, en tout cas, du rehaussement informatique, d'un raffinement informatique par rapport, entre autres, aux mesures incitatives, parce qu'elles ne doivent plus se mesurer ou s'apprécier de la même façon que des actes qui étaient beaucoup plus simples et beaucoup plus... dans une seule dimension. Et ça, je pense que ce matin, en tout cas, on a évoqué le besoin clair de rehaussement au niveau de l'informatique, et j'espère que ça pourra se traduire, là, dans le budget mais également dans certains éléments du projet de loi n° 92.

Je vais aussi... Parce que, dans les mémoires qui nous ont été présentés, dans la surveillance, il est sûr que, dans des choses que la RAMQ a essayé de surveiller, il y a les frais accessoires, et on a vu qu'elle n'avait pas les outils pour le faire d'une façon appropriée. Je constate... Et ça, c'est dans les crédits, les questions qu'on pose lors des crédits. On vient tout juste... on a terminé hier, donc les chiffres sont quand même récents. Mais, du côté des médecins de famille, pour un revenu moyen brut de 278 000 $, il y a des frais de cabinet qui sont autour de 47 000 $ qui sont estimés, approximativement, on n'en est pas à... ça peut fluctuer d'un médecin à l'autre, mais, quand je regarde du côté des spécialistes, je vois que les spécialistes qui ont peut-être été plus ciblés sur les frais accessoires, on parle beaucoup des ophtalmologistes, les dermatologues, bien, on a des frais de cabinet qui sont au moins le double de ça.

Est-ce qu'avec votre lecture ça aurait pu être suffisant, sans qu'on ait à refacturer les patients en plus?

• (17 h 10) •

M. Godin (Louis) : Je pense que, la question des frais accessoires, ça a été soulevé par nos prédécesseurs ici, il y a un gros, gros élément de la technologie qui est disponible, là. Malheureusement, la question des frais accessoires est une question qui est là depuis fort longtemps, qui n'a pas évolué, mais la technologie, elle, a évolué énormément. Et naturellement elle a surtout évolué du côté, beaucoup plus, de la médecine spécialisée, bien qu'elle ait évolué un peu du côté des médecins de famille, mais pas de la même façon. Et c'est clair qu'aujourd'hui on utilise du matériel, dans les cliniques spécialisées, chez les médecins spécialistes, que l'on n'utilise pas chez les médecins de famille, et ça explique en partie, probablement, une des différences que l'on retrouve là-dedans.

Et je pense que la voie, la solution demeure dans ce qui a été mis sur la table de déterminer quels doivent être les frais accessoires pour qu'une fois pour toutes on règle cette situation-là. De mémoire, déjà en 2007 on s'attardait à ça dans ce qui était appelé le rapport Chicoine, et, je veux dire, on est rendus en 2015, où, là, on a décidé de trouver une voie pour le régler. Et c'est la seule façon de bien baliser les frais accessoires, et c'est d'autant plus important que cette technologie-là va continuer à évoluer, là, ça ne s'arrêtera pas, là. Et probablement qu'on va le retrouver aussi de plus en plus chez les médecins de famille, parce qu'il y a des équipements qu'il était impensable d'utiliser dans nos cabinets qu'on va probablement être capables d'utiliser prochainement parce qu'ils vont devenir utilisables, plus abordables, pour les utiliser dans nos activités quotidiennes.

Mme Lamarre : Je comprends ce que vous dites, mais en même temps, à partir du moment où on demande aux citoyens de le payer et aussi aux contribuables d'en payer une partie, l'espèce de... en fait, de laisser pleine autonomie, c'est assez étonnant. Et, moi, je me dis, quand on a des montants, là, de 45 000 $ de plus pour certains types de spécialité par rapport à ce que vous, vous avez dans vos bureaux, puis qu'on a des ophtalmologistes, par exemple, qui travaillent en équipes de cinq dans une clinique, à un moment donné, aussi, on achète l'équipement qu'on a les moyens d'avoir. Et j'essaie juste de voir... Parce que je ne vois pas, avec ce que vous me décrivez, comment on va réussir à faire en sorte que les patients ne seront pas toujours, continuellement sollicités. Parce qu'on va sortir une liste, mais ce que vous me dites, c'est que six mois plus tard il va y avoir autre chose, et il va falloir changer cette liste-là. Donc, il y a une façon aussi, je pense, d'intégrer dans les frais de cabinet... ou bien on exclut complètement les frais de cabinet puis on parle vraiment avec juste des honoraires, mais je ne pense pas que ce soit ça qui soit le mieux non plus. Mais il y a comme un juste balancier qui m'apparaît hors contrôle de tout le monde actuellement, et la mesure du projet de loi n° 20 m'inquiète parce qu'elle va faire en sorte d'officialiser quelque chose qui en lui-même, comme vous le dites, va continuer d'évoluer.

Et donc ça va être... Je pense qu'il y a un choix à faire, quelque part, et il y a des orientations à faire à l'intérieur des enveloppes, qui ne sont pas précisées non plus, il y a comme une zone plus grise à l'intérieur des enveloppes. Là, on va essayer de baliser de l'extérieur, mais, d'après moi, il y a une transition qui n'est pas claire.

M. Godin (Louis) : Si j'ai bien saisi ce que vous me dites, lorsque je parle d'évolution, ce n'est pas parce que ce que je vais déterminer aujourd'hui, je vais avoir besoin de le revoir la semaine prochaine, là. J'ai des choses que je ne peux pas faire aujourd'hui dans mon cabinet que je vais probablement pouvoir faire dans deux ans, dans cinq ans, parce que la technologie va me le permettre, j'aurai l'instrumentalisation pour le faire.

Quant à la question sur les frais accessoires, je pense que tout le monde convient que c'est important d'être capable de contrôler ça en déterminant quels sont... le juste prix, parce que, si on dit demain matin : On exclut ça complètement, puis on dit : On ne balise pas ça, bien là on peut risquer d'avoir des dérives. Mais, de la même façon, si on devient trop rigide là, il ne faut pas s'en cacher, il y a un grand pan de l'accessibilité qui va être touché par ça, et ça, on ne peut pas mettre ça de côté, là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je dois maintenant céder la parole à notre collègue de Lévis pour 6 min 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Dr Godin et Dr Amyot, Dr Dion et Me Belzile, bonjour.

Je reviens sur votre notion de base où vous dites : Il y a une problématique de perception, c'est ce que je comprends de votre intervention. Dans cette loi-là, vous dites, ça peut être dommageable au chapitre de la perception, on donne comme l'impression... Vous me corrigerez, mais c'est ce que je comprends depuis tout à l'heure. Vous dites : On a des outils, et là on donne comme l'impression qu'il y a davantage de gens qui ne suivent pas les règles et qu'il faut absolument intervenir de façon plus musclée, puis ça laisse un mauvais message. C'est ce que je comprends, grosso modo, de votre vision du n° 92 par rapport à l'effet que ça a sur vos membres et ceux que vous représentez. On suit jusqu'à maintenant?

Puis en même temps, corrigez-moi si je me trompe, mais vous dites : L'autre crainte qu'on a, c'est de ne pas gérer avec modération. Autrement dit, ce que j'entends de vous, c'est que vous dites : Ces pouvoirs-là risquent de faire en sorte qu'on puisse investiguer n'importe quand, n'importe où, puis se servir de ces nouveaux pouvoirs là.

Pourquoi votre crainte? Qu'on puisse démarrer des vérifications non nécessaires sous prétexte qu'on veut donner l'impression qu'on fait un travail de vérification adéquat? Elle est quoi, votre crainte? Qu'on abuse de ça?

M. Godin (Louis) : Bien, en fait, lorsqu'on a analysé l'historique et qu'on a questionné certaines personnes, de notre côté, par rapport à... Là, vous parlez de suspension du délai de trois mois, probablement. On sait que, dans les faits, je veux dire, on suspend toujours les délais de prescription dès que l'enquête est débutée, elle se fait en général, cette suspension, très rapidement de toute façon. Donc, de l'inscrire, on se dit : Peut-être qu'on aura le réflexe de déclencher les inspections, on suspend, mais on sait maintenant qu'on a un délai d'un an devant nous, là, pour procéder et arriver au bout de la vérification. Et, comme on est souvent dans des questions d'interprétation d'entente, et qu'il y a toujours un peu de zones floues, puis le médecin ne sait pas trop, trop dans quelle situation elles se passent, on se dit qu'il peut y avoir un risque potentiel, à l'intérieur de ça, qu'il y ait plus d'enquêtes reliées à ça. C'est un risque que l'on souligne.

M. Paradis (Lévis) : Il y a des chiffres qui sont parlants, hein? La Vérificatrice générale a amené des recommandations, puis il y a des chiffres qui sont impressionnants, ne serait-ce que le nombre de demandes de paiement traitées par la RAMQ, le fait que peu de médecins ont fait l'objet d'une analyse de leur facturation, et tout ça va permettre... en tout cas cette loi-là va permettre, en tout cas, de pousser plus loin les vérifications et de faire en sorte que, si des gens doivent être sanctionnés, ils le soient.

Vous me dites : C'est marginal, il y en a peu. Et là vous dites que, s'il y a peu de fraude, bon, la hausse des amendes... L'utilité de la hausse des amendes, notamment dans cette loi-là, c'est l'effet dissuasif. Pourquoi être contre l'augmentation des amendes? S'il y a peu de fraude, la hausse des amendes ne devrait pas vous inquiéter, parce que...

M. Godin (Louis) : Vous avez mentionné... Excusez-moi.

M. Paradis (Lévis) : Allez-y, allez-y.

M. Godin (Louis) : Vous avez mentionné quelque chose d'important dans le début de votre intervention, la question de la perception. C'est le message que l'on voulait vous laisser. Est-ce que l'on craint qu'il y ait beaucoup de nos médecins qui soient sanctionnés par les amendes? Non, du tout, mais c'est simplement la perception que ça peut donner : J'ai besoin d'augmenter beaucoup pour dissuader ces gens-là. Je n'ai pas vraiment besoin de les dissuader, ils ne fraudent pas.

Quant à la question que vous mentionniez, tout à l'heure, sur le fait qu'on a besoin du projet de loi n° 92 pour vérifier la multitude d'actes, je vous dirais, actuellement, là, cette possibilité-là, elle existe. Peut-être que la difficulté, elle était dans les ressources dont on disposait pour faire les premières vérifications, se doter d'indicateurs qui nous permettent de déterminer : Oui, on doit intervenir, plutôt que... Les dispositions que l'on a, actuelles, on avait des pouvoirs d'inspection, là, à l'intérieur de la loi actuelle, c'est tout simplement ça que l'on dit, là. Et, oui, il y a des millions d'actes, et à quelque part on doit beaucoup plus bâtir des mécanismes pour comment prioriser, c'est quoi qui est mon signal d'alarme pour me dire : Je vais aller vérifier parce que, là, il peut y avoir vraiment un risque de mauvaise interprétation de l'entente et il n'y a peut-être pas une facturation qui est faite de façon correcte. C'est beaucoup plus ça que de dire : Je vais donner donner plus de pouvoirs d'inspection ou d'enquête, là, ils existent déjà, là.

M. Paradis (Lévis) : En même temps, la Vérificatrice générale dit, puis c'est très clair : Il n'y a pas assez de vérifications.

M. Godin (Louis) : Oui, je comprends, mais tu n'as pas nécessairement besoin de plus de pouvoirs pour vérifier plus, c'est peut-être les ressources que tu as besoin pour vérifier.

M. Paradis (Lévis) : Est-ce qu'un empêche l'autre? Je veux dire, d'avoir plus de pouvoirs, dans la mesure où vous dites que c'est marginal et que vos membres, finalement, ne feront pas l'objet de davantage de transactions remises en question ou quoi que ce soit, je veux dire, est-ce qu'un empêche l'autre? En quoi ça dérange? Tu sais, je comprends la perception, je comprends la vision que vous avez pour dire : Bien là, on donne l'impression qu'il faut chercher bien des coupables parce qu'il y en a une tonne, puis que, dans le fond, vous me dites, ce n'est pas ça, la réalité, mais le pouvoir de vérification, puis les chiffres qui sont donnés, puis la notion de la Vérificatrice qui dit que ça en prend plus, pour la RAMQ, pour avancer davantage dans ce dossier-là, que ça prend plus... est-ce que c'est incompatible avec votre...

• (17 h 20) •

M. Godin (Louis) : ...d'avoir plus de ressources, d'avoir plus de capacité de déterminer des indicateurs, je pense que c'est peut-être la solution qui était à donner à la régie pour regarder ça.

Quant à la question du projet de loi, je l'ai mentionné dès le départ dans ma présentation, mes commentaires sont avec les yeux des médecins de famille, qui regardent ce projet de loi là et qui regardent leur situation, celle de mes membres, et qui disent : La perception que j'ai, dans le dépôt de ça, c'est parce que finalement on pense que je suis peut-être plus fraudeur que ce que je suis en réalité, et cette image-là m'agace. C'est ça, le message, je vous dirais, par rapport à ça.

Ceci étant dit, une fois que... Comme je vous mentionne, les pouvoirs sont là. Ça fait que les pouvoirs sont là. Un peu plus de pouvoirs, ça ne change rien aux pouvoirs de vérification, là, tu sais. Pour ce qu'on a à vérifier, particulièrement sur la pertinence de la facturation, la conformité de la facturation, je pense qu'une des difficultés plus majeures, c'est les ressources et les indicateurs que l'on met en place pour être capable d'y arriver.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Merci à vous, représentants de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Merci pour votre présentation et vos discussions.

Je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 21)

(Reprise à 17 h 24)

Le Président (M. Tanguay) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux. Et nous accueillons maintenant les représentants, représentantes de l'Ordre des dentistes du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de présentation de 10 minutes, et par la suite vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais, s'il vous plaît, de bien préciser vos noms et fonctions. Et, sans plus tarder, bien, la parole est à vous.

Ordre des dentistes du Québec (ODQ)

M. Dolman (Barry) : Merci beaucoup. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, M. le Président. Je me présente : Dr Barry Doleman, président de l'Ordre des dentistes du Québec. Avec moi, Me Caroline Daoust, directrice générale et secrétaire.

L'Ordre des dentistes tient à remercier la Commission de la santé et des services sociaux qui lui donne l'occasion de lui faire part de ses observations et des recommandations dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 92.

Nous sommes en accord avec le contenu qui aurait pour effet de contrôler les coûts et de gérer de façon efficace les budgets de l'État. Nous voulons profiter de cette tribune pour vous sensibiliser afin de bonifier ce projet. À ce titre, nous considérons que les relations entre la régie est les ordres devraient être clarifiées, systématisées et améliorées.

La loi n'interdit pas à la régie de communiquer des renseignements au conseil d'administration ou au conseil de discipline d'un ordre professionnel. Cependant, nous sommes d'avis que la loi devrait obliger un inspecteur de la régie qui a accès à des informations et des documents qui démontrent une offense déontologique, des indices d'incompétence à le dénoncer à l'ordre concerné. Les honoraires facturés pour les gestes non requis constituent non seulement une perte monétaire pour l'État, mais des gestes hautement répréhensibles.

Dans un autre ordre d'idées, nous vous demandons, dans vos débats, de considérer le droit fondamental au secret professionnel en vous assurant que la loi contient les balises nécessaires pour le protéger.

Nous désirons également réitérer l'importance de donner accès aux dentistes au Dossier santé Québec. Le dentiste prescrit des médicaments, procède à des chirurgies sans avoir le droit à des informations essentielles, et ceci est un risque pour la sécurité des patients et rend plus difficile l'inspection de nos professionnels par la régie.

Par ailleurs, et toujours en termes de saine gestion des enveloppes monétaires, nous réitérons que le gouvernement doit investir en prévention afin de réduire les coûts. Nous avons présenté plusieurs de nos demandes concernant le panier de services au Commissaire de la santé et au bien-être, dont nous souhaitons le maintien. Voici quelques-unes des propositions effectuées : la fluoration de l'eau potable, tel qu'il est le cas dans de nombreuses provinces canadiennes et États américains, avec des résultats probants; la couverture des soins préventifs et curatifs des enfants de zéro à 16 ans, elle permet de nous assurer l'acquisition des saines habitudes dès le plus jeune âge et d'assurer à nos jeunes une santé buccodentaire optimale pendant la croissance et pour le futur — la carie est la maladie la plus répandue chez les enfants, et nous savons comment la prévenir, il est donc grand temps d'agir; le diagnostic dentaire et les soins pour les patients en CHSLD afin d'éviter la détérioration dramatique de leur santé buccodentaire, ce qui entraîne automatiquement des effets sur la santé globale et la qualité de vie; la couverture de plusieurs actes dentaires nécessaires pour soigner des pathologies couvertes par la régie, par exemple des analyses de biopsie faites par un dentiste spécialisé en pathologie buccale dans le cas de cancers ou des soins curatifs dentaires nécessaires dans un processus préopératoire en cardiologie. La couverture des différents actes ainsi qu'une meilleure prévention nous permettent d'économiser des montants importants à long terme et de favoriser une meilleure santé globale pour tous les Québécois.

En conclusion, nous souhaitons une synergie avec la régie avec une optimisation du panier de services pour la protection du public et la population. Ça, c'est l'objectif de notre organisation. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, pour une période de 12 min 30 s, M. le ministre.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Dr Dolman, maître, merci d'être venus nous faire part de vos commentaires sur le projet de loi n° 92.

Alors, on a eu récemment le mémoire. Je comprends que, sur le fond du projet de loi n° 92, vous n'avez pas vraiment d'objection, vu de l'angle de votre ordre professionnel.

M. Dolman (Barry) : ...question d'avoir un échange d'information beaucoup plus qu'il existe maintenant, parce que c'est sûr que l'Ordre des dentistes du Québec, dans le mandat de protection du public, on a besoin de cette information. Et, quand des inspecteurs de la régie trouvent des dossiers frauduleux, il faut qu'il y ait un échange direct avec l'ordre pour que nous, on peut prendre notre responsabilité vis-à-vis nos acteurs.

• (17 h 30) •

M. Barrette : C'est prévu, là, dans le projet de loi, que la Régie de l'assurance maladie puisse transférer à l'ordre professionnel des informations à cet effet-là.

Est-ce que peut-être... Je ne sais pas si c'est vous qui prenez la question ou votre collègue. Est-ce que cette provision-là vous satisfait... ou vous voudriez avoir quelque chose de plus exhaustif?

Mme Daoust (Caroline) : Oui, effectivement, ce qu'on recherche, c'est qu'il y ait vraiment une transmission au syndic de l'ordre ou au responsable de l'inspection professionnelle de tout ce qu'un inspecteur, qui est dans certains cas un dentiste, peut voir qui causerait également une infraction déontologique ou un problème évident de compétence.

Ce qui est prévu dans la loi, en ce moment, c'est des transmissions d'information au conseil d'administration ou au conseil de discipline. Or, les organismes en question sont des organismes décideurs au sein de l'ordre. Ce qu'on aimerait, c'est que cette information-là circule au niveau de nos enquêtes. Il pourrait même y avoir, à ce niveau-là, certains échanges d'information.

Par ailleurs, pour répondre à la question que vous avez posée tout à l'heure, on n'a pas d'objection au projet de loi, mais on aimerait que cette balise-là soit améliorée et qu'il y ait également des balises prévues pour la question du secret professionnel.

M. Barrette : Du?

Mme Daoust (Caroline) : Secret professionnel.

M. Barrette : Secret professionnel, pardon. Revenons... Faisons un pas en arrière, là, parce que je veux bien comprendre ce que vous nous dites. Nous, c'est prévu dans le projet de loi, là, qu'il y ait un transfert d'information ou que l'ordre professionnel soit avisé, mais, vous, ce que vous voudriez... Est-ce que je comprends que ce que vous nous demandez, c'est que systématiquement toute information soit transférée à l'ordre?

Mme Daoust (Caroline) : Non. Ce qu'on demande, c'est que, dans les cas où les inspecteurs voient des problèmes qui sont de nature déontologique, l'ordre puisse avoir accès non seulement aux décisions du comité de révision, mais également à la documentation qui pourrait avoir été récupérée chez le dentiste, en l'occurrence, soit les radiographies, les dossiers de patients, que ces informations-là nous soient transmises. Le dossier...

M. Barrette : Donc, on parle de la documentation de l'enquête et des trouvailles, là, au complet, là.

Mme Daoust (Caroline) : Exactement, exactement.

M. Barrette : O.K. En toute...

Une voix : ...

M. Barrette : Pardon?

M. Dolman (Barry) : C'est parce que souvent le travail de la régie, c'est juste de récupérer de l'argent, mais, pour l'ordre, on veut savoir qu'est-ce qui se passe vis-à-vis nos collègues pour être capables de réagir, si c'est une question de...

M. Barrette : Et j'imagine que ce que vous demandez là, c'est dans les cas où il y a eu une démonstration qu'il y a eu une faute et non simplement sur le fait qu'il y a une enquête, évidemment, là.

M. Dolman (Barry) : Oui.

M. Barrette : O.K. Quand vous parlez de transmission d'information, ça se limite à ça ou il y a d'autre chose que vous voyez, là?

Mme Daoust (Caroline) : Non, ça se limite aux documents ou aux informations qui auraient pu être récupérées dans le cabinet du dentiste.

M. Barrette : O.K., parfait. Essentiellement, c'est le fond de votre observation par rapport à 92. Vous nous avez fait part d'un certain nombre d'autres éléments qui, vous allez être d'accord avec moi, n'ont pas vraiment de lien avec la loi n° 92 comme telle, là, pour ce qui est... Je comprends très bien, on en a discuté à plusieurs reprises, je suis convaincu qu'on aura à en parler encore, mais je pense que vous avez saisi l'occasion de me rappeler l'objet de vos aspirations, on va dire ça comme ça.

M. Dolman (Barry) : Absolument. Et merci.

M. Barrette : Parfait, c'est bon. Bon, à ce moment-là, si vous n'avez pas d'autre commentaire sur 92, moi, je vais terminer mes questions ici, là, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, on poursuit les échanges avec notre collègue de Taillon pour 7 min 30 s.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Dr Dolman, Me Daoust. Ça va bien? Vous allez bien?

Mme Daoust (Caroline) : Oui, merci. Oui.

Mme Lamarre : Bien, écoutez, merci pour votre mémoire. Vous avez eu l'occasion de préciser... Quand même, j'ai regardé vos six recommandations à la fin, et il y en a quand même quelques-unes où je voudrais avoir des précisions, de votre côté. La quatrième, vous dites : «...suggère que les autorités de la régie soient autorisées à tenir compte de la qualité des soins et des services dans leurs décisions administratives.» Ça, c'est un peu étonnant, parce qu'historiquement, la qualité des soins, elle est plus évaluée par les ordres professionnels. Avez-vous des exemples de comment la RAMQ pourrait, dans ses inspections, évaluer la qualité?

Mme Daoust (Caroline) : Oui, j'ai des exemples. Vous savez, il y a des dentistes également qui travaillent à la régie, et qui ont accès, par exemple, à des radiographies, et qui peuvent se rendre compte, simplement à la lecture de cette radiographie, qu'il y a un acte qui a été posé sans qu'il soit nécessaire, c'est un exemple. Et là, bien, évidemment, ce que ça provoque, c'est qu'une dent a été traitée alors qu'elle était saine. Alors, est-ce qu'il pourrait... Et c'est une suggestion...

Mme Lamarre : Du sutraitement, du surtraitement en dentisterie.

Mme Daoust (Caroline) : Du surtraitement, exactement. Et ce qu'on a bien écrit, c'est une suggestion, parce qu'on sait bien que ça ne fait pas partie du mandat de la régie de regarder la qualité de l'acte. Mais on parle aujourd'hui d'argent, on parle aujourd'hui de budget. Alors, la régie, je comprends, paie les actes qui sont faits, mais éventuellement est-ce qu'on ne pourrait pas s'interroger sur le paiement d'actes mal faits? Donc, je le répète, c'est une suggestion.

Mme Lamarre : Et, dans le projet de loi comme vous l'avez vu, il n'y a pas de place pour que la RAMQ puisse identifier des paiements? Parce qu'il y a des cas d'abus, de fraude. Il me semble, les actes non faits, c'est prévu, là, dans le projet de loi n° 92. Ce que vous voudriez de plus, ce serait quoi?

Mme Daoust (Caroline) : C'est la qualité. C'est qu'un acte qui n'est pas de qualité doit être repris, donc, autrement dit, en termes de régie, il sera payé deux fois, une première fois parce qu'il a été mal fait puis une seconde fois parce qu'il a été refait.

Est-ce que vous voudriez des listes d'exemples d'acte mal fait? C'est à l'infini.

Mme Lamarre : Donc, vous seriez d'accord... Je ne suis pas sûre que je vous comprends bien, mais je... Donc, s'il y avait reprise d'un acte, sur une démonstration que la première fois l'acte a été mal fait, compte tenu des experts en chirurgie dentaire qui sont au sein de la RAMQ, vous considérez qu'il pourrait y avoir compensation, dans le fond, des frais facturés à la RAMQ sur la deuxième intervention ou sur la première, là, dépendant...

Mme Daoust (Caroline) : Exactement. Mais, je répète, c'est une suggestion qu'on fait. On est bien conscients qu'on n'est pas à ce stade-là dans les interventions de la régie, mais éventuellement, si on parle de sauver de l'argent et de payer pour des actes requis et bien faits, ça devrait être un travail commun. Et c'est pour ça aussi que, dans un premier temps, on offre à la régie... on demande d'avoir accès aux informations, pour qu'à tout le moins on puisse faire enquête, qui puisse éventuellement mener à des plaintes devant un conseil de discipline qui, lui, a le droit de recommander à la régie de ne pas payer pour l'acte qui aurait été rendu en dehors du champ de compétence d'un dentiste.

M. Dolman (Barry) : Juste pour donner un petit peu de précisions, des fois, par exemple, à l'intérieur de la police de la RAMQ, tu peux reprendre un travail à l'intérieur d'un certain nombre de jours, alors c'est la seule chose que la régie regarde. Mais, si, par exemple, le dentiste qui travaille pour la régie regarde que le travail a été mal fait, et ça, c'est les raisons que ça doit être repris dans deux ans, même que légalement c'est acceptable de payer pour l'acte, ce n'est pas nécessairement quelque chose qu'on veut entériner.

Mme Lamarre : O.K. Mais vous êtes prêts à le pointer, puis à le cibler, puis à dire : S'il y a des frais dans deux ans pour reprendre cet acte-là, il faudrait que, finalement, il y ait une compensation de la part de la RAMQ. C'est intéressant comme suggestion.

Moi aussi, je note votre volonté d'être intégrés au Dossier santé Québec. On en avait déjà parlé, effectivement. Avec la médication que les gens prennent maintenant, avec certaines maladies buccodentaires qui découlent de certains médicaments, je pense qu'il y aurait certainement un intérêt à ce que vous soyez intégrés dans ce grand circuit du médicament. Et, comme vous prescrivez aussi, c'est sûr que, du côté des médecins et des pharmaciens, il y a des interactions, il y a des effets secondaires qui pourraient être identifiés et attribués correctement aux médicaments prescrits aussi.

Vous dites que... En fait, j'essaie de... Du côté de la RAMQ, vous savez, il y a eu quand même des articles dans les journaux, il n'y a pas très longtemps, qui évoquaient, bon, les honoraires qui fluctuaient beaucoup. Et, on le sait, des honoraires de professionnel, ça peut fluctuer, il y a toutes sortes de contextes. Il y a des frais de base, il y a la localisation, il y a des taux du pied carré qui sont différents, puis tout ça. Mais il y a quand même parfois des situations d'abus. Comment vous voyez que la RAMQ pourrait repérer ces situations-là?

M. Dolman (Barry) : La meilleure façon de baisser le problème, c'est de couvrir la prévention.

Mme Lamarre : De couvrir la prévention?

• (17 h 40) •

M. Dolman (Barry) : Oui. Présentement, la RAMQ ne couvre pas la prévention, la RAMQ couvre les actes curatifs. Alors, c'est un petit peu, pour moi, comme dentiste qui travaille sur le terrain, en 2016, ridicule qu'on n'ait aucune façon de prévenir le problème, sauf de traiter le problème quand le problème va... ça va arriver.

Alors, on peut intervenir à un jeune âge, de zéro à six ans, par toutes sortes de méthodes même pas faites par le dentiste, des préposés, des hygiénistes, des assistantes, pour faire des vernis, pour faire l'application topique du fluor. Je ne vais pas répéter l'histoire de la fluoration de l'eau, c'est comme... Pour moi, les décideurs ont le vaccin contre le Zika, mais, pour toutes sortes de raisons, on ne va pas utiliser les méthodes pour avancer les technologies telles qu'elles existent.

Alors, c'est sûr que, si on... La carie, c'est une maladie la plus répandue dans l'État, et on a toutes sortes de solutions pour éliminer cette maladie. Je traite des caries depuis 1975, depuis que j'ai fini à l'Université de Montréal, et encore, au Québec, on a le taux de caries le plus élevé à travers le pays.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, nous poursuivons les échanges avec notre collègue de Lévis pour cinq minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Dr Dolman, Me Daoust. Vous avez dit, et corrigez-moi si je me trompe... Il y a deux instants, vous avez dit, peut-être un peu à l'image des représentants d'autres groupes qui sont venus juste avant vous, du Collège des médecins, que vous souhaiteriez avoir accès à davantage d'information de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Dans les faits, aujourd'hui, quand vous avez besoin, quelle est cette collégialité-là entre la régie et vous? Quelles difficultés avez-vous? Puis qu'est-ce que vous souhaiteriez comme pouvoirs supplémentaires ou cette facilité d'accès à de l'information qui est pertinente pour vos dossiers?

Mme Daoust (Caroline) : Alors, en ce moment, ce que nous avons, ce sont les décisions du comité de révision. Peut-être aussi à l'image de ceux qui nous ont précédés, on aimerait vous dire qu'on n'en a pas beaucoup, des cas de récupération de la régie par rapport à des professionnels, et souvent les décisions qu'ont voit concernent des membres qui par ailleurs ont attiré notre attention comme ordre professionnel pour d'autres motifs.

Alors, comment on aimerait améliorer les choses, ce serait d'avoir accès à plus que la décision du comité, d'avoir accès, comme nous disions tout à l'heure à M. le ministre Barrette, à des documents. Parce que, dans le projet, il est dit qu'il y aura des pouvoirs donnés à des inspecteurs de rentrer dans les cabinets, de prendre des documents, de prendre des informations. Alors, nous, ce qu'on aimerait, c'est, si vous voulez, adresser le problème à la source, regarder les documents, regarder ces informations et aller de l'avant, s'il y a lieu, avec des plaintes en matière déontologique ou encore avec des inspections en matière de compétence, pour éviter, dans le futur, qu'il y ait des abus de quelque nature.

Un des problèmes qu'on a, en santé buccodentaire, c'est le surtraitement, alors de traiter des caries inexistantes, par exemple. Alors, c'est sûr que, si on a cette information au départ, on peut intervenir avec le professionnel, qui ne restera peut-être pas dans le système de la régie pendant plusieurs années sans nécessairement être détecté. Alors, les documents qu'on veut, c'est les dossiers qui sont pris.

M. Paradis (Lévis) : Je retiens vos propos puis je les mets en relation avec ce qu'on a aussi entendu alors qu'il a été dit qu'il y avait une problématique... et je reviens à la problématique, qui est probablement fort différente, là, celle des médecins, par rapport à la vôtre, mais où on dit... il y a toute la notion des tiers, là. C'est-à-dire qu'il y a le dentiste ou il y a le médecin, mais, au-delà de ça, il y a tout un environnement sur lequel on n'a pas de pouvoir, on ne peut que sanctionner le professionnel.

Est-ce qu'à ce chapitre-là, un petit peu à l'image de ce que vos prédécesseurs ont apporté comme information, vous souhaiteriez avoir aussi du pouvoir pour être en mesure d'éviter que le professionnel subisse les dommages collatéraux d'une organisation, au-delà du professionnel lui-même?

Mme Daoust (Caroline) : Je vous avoue qu'on ne s'est pas interrogés là-dessus. Mais évidemment, nous, notre juridiction, c'est sur les dentistes, et, par rapport à un cabinet, les personnes avec qui il va se retrouver à travailler, c'est du personnel administratif ou encore des hygiénistes, ou des assistantes, ou des denturologistes. Alors, ce n'est pas quelque chose qui nous interpelle particulièrement.

M. Paradis (Lévis) : Je me permets parce que le temps file, mais je vais vous donner l'opportunité... Parce que vous avez dit tout à l'heure, un élément que vous avez présenté, que c'était une suggestion. Il y en a une, vous proposez, vous suggérez, une de ces propositions-là, et le Dr Dolman l'a exprimé un petit peu tout à l'heure... vous proposez que «des discussions aient lieu sur les services assurés et sur l'opportunité de favoriser l'accès aux soins préventifs et curatifs». Pour l'inscrire là, c'est que c'est majeur et que c'est important. Permettez-moi de mieux comprendre ce qui pourrait vous satisfaire et ce que vous proposez à travers ces discussions-là.

M. Dolman (Barry) : Toutes les personnes qui rentrent dans des CHSLD, dans des résidences, des aînés, des patients les plus vulnérables, ne sont pas couverts par la prévention. En plus de ça, il n'y a même pas un mandat de faire un diagnostic sur ces gens. Alors, on parle des personnes les plus vulnérables dans notre société qui ne sont pas touchées par les dentistes avant de rentrer dans une institution. Le médecin va regarder les oreilles, les yeux, les cataractes, le coeur, mais la bouche, non.

C'est important qu'on commence à regarder. Je pense que notre société québécoise, de plus en plus âgée, il faut trouver des solutions un petit peu innovatrices, de trouver des solutions.

Et des personnes qui rentrent dans des institutions maintenant, ce n'est pas le même genre de personnes qu'il y a 50 ans, comme ma mère, avec des prothèses. Vous autres, j'imagine, le jour que tu vas être là, tu rentres avec les dents. Alors, qui va faire les soins?

Ce n'est pas juste une question de nettoyage, c'est une question de curatif, c'est une question de diagnostic, c'est une question d'être assuré que vous n'avez pas des lésions de cancer. Il faut trouver une autre façon... Et c'est un dossier très complexe, mais il faut s'asseoir peut-être ensemble et trouver des solutions.

M. Paradis (Lévis) : Je crois que vous...

Le Président (M. Tanguay) : Complétez, collègue.

M. Paradis (Lévis) : Je complète. Que vous ayez envie d'en parler, de le proposer, comment on peut arriver à modifier l'état de fait que vous nous racontez? Avez-vous des idées?

M. Dolman (Barry) : Bien, la première chose, vous savez certainement qu'à une certaine époque on avait une couverture de zéro à 16 ans. Quand j'ai fini à l'Université de Montréal, ça, c'était l'état. Après ça, c'est descendu à neuf ans. Après ça, ils ont enlevé la prévention, ils ont enlevé les nettoyages. Le résultat de cette modification : les caris montent. On a beaucoup plus de problèmes, de maladies buccodentaires qu'il y a 20 ans.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, c'est tout le temps que nous avions. Merci beaucoup pour votre présence, Dr Dolman et Me Daoust. Vous représentez l'Ordre des dentistes du Québec.

Alors, chers collègues, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au 10 mai 2016. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 17 h 48)

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