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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 10 mai 2016 - Vol. 44 N° 106

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 92, Loi visant à accroître les pouvoirs de la Régie de l’assurance maladie du Québec et modifiant diverses dispositions législatives


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Table des matières

Auditions (suite)

Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU)

Protecteur du citoyen

Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ)

Conseil pour la protection des malades (CPM)

Intervenants

M. Jean Habel, président suppléant

M. Marc Tanguay, président

M. Gaétan Barrette

Mme Diane Lamarre

M. François Paradis

*          M. Claude Ménard, RPCU

*          M. Pierre Blain, idem

*          Mme Raymonde Saint-Germain, Protectrice du citoyen

*          Mme Diane Francoeur, FMSQ

*          M. Paul G. Brunet, CPM

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Habel) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à tous de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Donc, nous sommes à la commission réunis afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 92, Loi visant à accroître les pouvoirs de la Régie de l'assurance maladie du Québec et modifiant certaines dispositions législatives.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par M. Habel (Sainte-Rose) et Mme Sauvé (Fabre) par M. Bourgeois (Abitibi-Est).

Le Président (M. Habel) : Alors, comme la séance a commencé à 10 h 35, y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, soit à 12 h 5?

Des voix : Consentement.

Auditions (suite)

Le Président (M. Habel) : Consentement. Alors, ce matin, nous recevrons le Regroupement provincial des comités des usagers et le Protecteur du citoyen. Donc, je souhaite la bienvenue à nos invités.

Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et par la suite nous allons procéder à une séance d'échange de 35 minutes. La parole est à vous.

Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU)

M. Ménard (Claude) : M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, je me présente, Claude Ménard. Je suis le président du Regroupement provincial des comités des usagers et, aujourd'hui, je suis accompagné du directeur général, M. Pierre Blain.

Le projet de loi n° 92 vise à accroître les pouvoirs de la Régie de l'assurance maladie du Québec de recouvrer d'un professionnel de la santé ou d'un tiers une somme illégalement obtenue d'une personne assurée.

Le RPCU appuie le projet de loi n° 92 dans sa forme actuelle et avec les contraintes que ce projet de loi ajoute afin de nous assurer, comme Québécoises, Québécois, que l'argent de nos impôts serve aux bonnes fins. Nous notons toutefois l'absence, encore une fois, des usagers dans le processus de mise en place de cette loi.

M. Blain (Pierre) : D'entrée de jeu, le RPCU croit que, de façon générale, les professionnels de la santé et des services sociaux qui réclament des honoraires auprès de la Régie de l'assurance maladie du Québec le font de façon honnête, et il peut cependant survenir des erreurs de bonne foi. Il peut arriver également que l'on tente d'abuser du système. C'est de cela que traite le projet de loi et qui intéresse les usagers : l'argent détourné pour des services non dispensés à des usagers ou pour des frais accessoires.

Le phénomène est-il limité ou répandu? Personne ne peut dire l'ampleur des erreurs commises de bonne foi ou intentionnellement. Nous pouvons néanmoins établir une échelle de grandeur. Supposons un taux de 1 % d'erreur ou de fraude, cela équivaudrait à environ 75 millions de dollars, lequel serait détourné et ne servirait pas aux usagers. Cette somme dépasse les frais de stationnement demandés aux usagers dans les établissements. C'est plus que la facturation des chambres privées dans les hôpitaux ou les frais accessoires actuellement facturés aux usagers.

Le RPCU croit que les amendes, la revue des délais et le pouvoir d'inspection sont toutes des mesures raisonnables et nécessaires. Certains usagers pourraient même souhaiter aller plus loin, car le gouvernement est souvent plus sévère envers les erreurs commises par les personnes vivant de l'aide sociale.

La fédération et les associations de médecins tentent de nous convaincre que le projet de loi n° 92 n'est pas le bon moyen. La véritable question à se poser aujourd'hui est si l'on doit laisser les médecins s'autoréguler. Le RPCU ne le croit pas. Il devient donc nécessaire de nous doter d'un mécanisme de contrôle pour nous assurer de recevoir les services auxquels nous avons droit. Le RPCU estime que nous en sommes arrivés à devoir imposer des balises et des contrôles sur la façon dont nous rémunérons nos médecins et sur la façon dont nous assurons le suivi de leurs comptes.

En tant que représentant des usagers, le RPCU affirme que l'on ne peut plus aujourd'hui se fier sur un «gentleman's agreement», car, si on endosse cette logique, nous devrions accepter une entente basée sur l'honneur et non coercitive. Le Québec n'est plus en mesure de perdre des sommes importantes qui pourraient être investies dans les soins et les services aux usagers.

Le RPCU soulève une autre problématique : des médecins ont recours à des agences spécialisées. Pourraient-elles être payées au rendement? Le RPCU recommande que le projet de loi n° 92 prévoie spécifiquement une disposition pour interdire la rémunération à la commission. Cela est prévu d'ailleurs déjà pour les lobbyistes, et la même chose devrait exister pour les médecins.

Il nous apparaît important que les usagers puissent constater une volonté gouvernementale de transparence, une condition qui devient de plus en plus essentielle à la confiance du public. Il serait en effet trop facile pour un gouvernement de modifier un règlement sans que cela passe sous le radar de l'opinion publique.

Comment le médecin fait-il, donc, sa facturation? Nous présumons que le médecin inscrit le service rendu ou les services rendus dans ses dossiers. Mais qui dit que les services ont été réellement rendus? Encore une fois, le projet de loi ignore le rôle que l'usager pourrait avoir dans le contrôle des coûts. Le seul qui sait vraiment si les services ont été rendus est l'usager lui-même. Pourtant, il n'a aucune trace des services reçus. Ne serait-il pas temps que l'usager reçoive une attestation quelconque des services qu'il a reçus d'un professionnel? Cette méthode est facile à mettre en place. Pourquoi est-ce possible pour certains professionnels comme les dentistes et les pharmaciens et non pour les médecins? Le RPCU recommande un amendement pour ce faire. La technologie, d'ailleurs, nous le permet, actuellement, d'aller plus loin.

Nous proposons donc que le médecin, en plus d'un récépissé attestant de la visite, remette par écrit aussi aux usagers son diagnostic et le suivi qui doit être fait. Cela éviterait la fameuse question quand on retourne à la maison : Qu'est-ce que t'a dit ton médecin? Et la réponse : Bien, je ne m'en souviens plus parce que je n'ai pas compris. Le RPCU a proposé d'ailleurs à l'INESSS d'être maître d'oeuvre de cette mesure. Ce dernier pourrait normaliser les diagnostics et la façon de le faire. Les médecins auraient ainsi une banque de données à utiliser pour informer les usagers et les renseigner sur les diagnostics.

Le projet de loi traite aussi d'une autre problématique, qui est la fraude commise par un usager. Le RPCU croit que la carte d'assurance maladie devrait comporter des éléments sécuritaires qui la rendraient difficile à altérer. Enfin, le RPCU croit que l'article 46 devrait être ajusté et ajouter un amendement au projet de loi, car on pense que, si on n'amende pas également l'article 19.1, bien, il n'y aura pas de fin en soi pour cet amendement-là.

Donc, en conclusion, je laisse le président conclure, s'il vous plaît.

• (10 h 40) •

M. Ménard (Claude) : Le RPCU estime que, de façon générale, les professionnels de la santé et des services sociaux qui réclament des honoraires auprès de la RAMQ le font en toute honnêteté et n'abusent pas du système. Le projet de loi n° 92 répond à des besoins particuliers et il est nécessaire. Les amendes, la revue des délais et le pouvoir d'inspection sont des mesures raisonnables et souhaitables. Un resserrement des contrôles sur la facturation peut générer des économies importantes. Le Québec n'est plus en mesure de perdre des sommes importantes, lesquelles pourraient être investies dans les soins et dans les services aux usagers.

La loi devrait être modifiée afin d'inclure une disposition pour interdire la facturation et la rémunération à la commission. L'usager devrait aussi être impliqué dans le contrôle des actes rendus par le professionnel. En plus d'un récépissé, le médecin devrait remettre, soit par écrit ou par un moyen électronique, aux usagers son diagnostic et le suivi qui doit être fait. L'INESSS devrait être le maître d'oeuvre pour l'implantation de cette mesure. La carte de l'assurance maladie devrait comporter des éléments sécuritaires qui la rendraient difficile à altérer. Et le RPCU croit qu'il faut ajuster l'article 46 et ajouter un amendement au projet de loi. Merci.

Le Président (M. Habel) : Merci beaucoup, M. Blain, M. Ménard, de votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Donc, la durée totale est de 35 minutes. Le gouvernement dispose de 17 min 30 s; l'opposition officielle, 10 min 30 s; et la deuxième opposition, sept minutes. Alors, je cède la parole au ministre de la Santé.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Blain, bonjour, M. Ménard. C'est toujours un plaisir de vous recevoir ici, évidemment, pour que vous nous fassiez part de la vision de l'usager face à une problématique, face à un projet de loi qui, lui, est déposé pour régler une problématique.

Je comprends quand même de vos propos... le fond, le coeur de vos propos et que vous êtes en appui avec le projet de loi, là. On s'entend là-dessus, là. Vous l'avez dit à plusieurs reprises. Et ça vient répondre à bien des commentaires qui ont été faits dans le passé, notamment à celui de la Vérificatrice générale.

En fait, je vais vous poser cette question-là : Est-ce qu'à votre avis le projet de loi répond à ce que vous comprenez des propos de la Vérificatrice? Est-ce que ça répond complètement, partiellement?

M. Blain (Pierre) : M. le Président, à notre point de vue, le projet de loi répond complètement aux attentes que nous pouvions avoir. Je pense que oui. Cependant, nous croyons que nous devons aller un peu plus loin aussi.

M. Barrette : O.K. Bien, bon, d'abord, on s'entend là-dessus. Moi aussi, je pense que le projet de loi répond entièrement aux préoccupations de la Vérificatrice et aux constats qu'elle a faits récemment.

Maintenant, vous nous dites que vous voulez aller un petit peu plus loin, puis je vais vous avouer que je me demande si on a la même compréhension, vous et moi, de certaines problématiques que vous soulevez, là, dans votre mémoire et dans votre présentation.

Vous semblez penser qu'il y a un incitatif à la mauvaise facturation parce qu'il y a une commission par les agences de facturation. Moi, je vous dirais que... Puis je vais me permettre de faire un parallèle, si vous le voulez, puis je vais vous inviter à commenter la chose. À un moment donné, là, dans n'importe quelle entreprise, et puis je ne veux pas dire que la médecine est une entreprise, mais, à quelque part, il y a une comptabilité qui doit se faire, qu'elle soit faite... Vous savez, qu'on soit à l'hôpital, qu'on soit dans un CLSC ou qu'on soit dans un cabinet, il y a quelqu'un qui doit faire la comptabilité. Et cette comptabilité-là, elle est faite par quelqu'un. Alors, tout le monde reçoit un montant d'argent, là, pour faire cette comptabilité-là. Même dans le réseau hospitalier, il y a quelqu'un qui fait une comptabilité. Alors, moi, j'ai de la misère à vous suivre là-dessus.

C'est sûr qu'il doit y avoir une forme de rétribution. Et la forme de rétribution, qui est non pas une commission au sens où vous l'entendez, parce que le mode de paiement desdites entreprises, parce que vous les avez qualifiées comme ça, puis c'est vrai, c'est des agences de facturation... ce sont des agences, bon. La seule chose, peut-être qu'il n'y a pas une bonne compréhension ou une compréhension mutuelle qui est similaire entre vous et moi, l'agence, elle existe pour transmettre à la RAMQ des données fournies par les médecins et qui, elle... et la personne n'est pas payée avec des bonifications, là. C'est un pourcentage du volume. Mais vous, vous insinuez que ces gens-là pourraient être poussés à faire de la fausse facturation. Ça m'étonne beaucoup, là.

M. Blain (Pierre) : Si vous permettez, M. le Président. Pour répondre à votre question, M. le ministre, c'est qu'on a été surpris. On a regardé un peu sur Internet comment certaines agences se présentaient, et certaines disaient aux médecins : Bien, on va optimiser vos revenus. Si c'est fait de façon légitime, je n'ai aucun problème. Il n'y a pas de problème. Mais la différence, c'est plutôt : on va vous trouver le plus d'argent possible, et ça, vous allez nous payer à la commission, comme, supposons, une agence de publicité qui dit : 15 % sur tous les placements média. Et ça, présentement, c'est déjà défendu par la Régie de l'assurance maladie du Québec.

Une personne, quand on envoie une facturation, et ça, on a le formulaire de la Régie de l'assurance maladie du Québec, on interdit justement à ce que ça se fasse sous une forme de rémunération en pourcentage. Et c'est là que nous, on pense que, peut-être, vous pourriez introduire ce genre de méthode là également dans le projet de loi parce que ça, c'est un règlement, puis c'est un règlement qui vient de l'assurance maladie, qui peut être changé en tout temps. On pourrait dire plutôt : Ça ne peut pas dépasser 15 %, je ne le sais pas. Pour nous, à partir de ce moment-là, on ne connaît pas l'ampleur. Effectivement, c'est tellement énorme, la facturation qui est faite. On parle de 11 000, 20 000 actes différents possibles. Effectivement, il faut les facturer. Mais, à partir de ce moment-là, est-ce qu'on augmente de façon... indûment la facturation qui est faite auprès de l'assurance maladie du Québec? Je pense que, dans certains cas, un peu ce que vous allez introduire bientôt avec la rémunération à l'acte pour le système, je pense qu'on pourrait peut-être regarder dans des forfaitaires semblables pour certaines problématiques.

Donc, c'est une suggestion que nous vous faisons pour éviter justement que, de façon... indûment, on augmente la rémunération. Et déjà, d'ailleurs, cette facturation-là existe dans la loi sur les lobbyistes. Un lobbyiste ne peut pas dire : Je vais aller faire, auprès du gouvernement, une action, puis tu vas me donner 15 % des revenus que tu vas faire. Certains avocats le font dans certains cas quand ils font des règlements pour des actions en justice, mais nous, on pense que ce n'est pas la bonne façon de faire dans le milieu. Est-ce que ça se pratique? Je ne le sais pas, je ne peux pas vraiment vous dire. Sauf que moi, je pense que ça pourrait être une bonne idée, justement, pour le public de s'assurer qu'il en a pour son argent et qu'on ne facture pas de façon... indûment.

M. Barrette : Écoutez, je vais poser la question aux fédérations médicales. Il y en a une des deux qui vient cet après-midi. Alors, je vais leur poser la question. Mais je vais vous informer quand même de la façon dont ça fonctionne. Ce n'est pas compliqué, là. Ce n'est pas comme un lobbyiste. Un lobbyiste va facturer un pourcentage en fonction d'un éventuel revenu, alors que les médecins, eux, c'est la facturation comme telle, et le pourcentage est de 1 % à 2 % parce que c'est l'équivalent d'un salaire, mais il n'y a pas de salaire comme tel parce que c'est variable d'une semaine à l'autre, d'une personne à l'autre.

Mais par contre je prends vos questions en note, et on les posera aux fédérations médicales, qui nous expliqueront, eux autres, s'il y a des enjeux particuliers avec ça.

Vous avez fait référence à l'information à donner à l'usager. Moi, je suis bien d'accord avec ça, mais ne pensez-vous pas que le fait que les usagers aient accès à leur dossier, peut-être pas facilement, bientôt plus facilement, je l'espère, mais ne pensez-vous pas que ça, c'est comme suffisant comme mesure?

• (10 h 50) •

M. Blain (Pierre) : M. le Président, vous avez tout à fait raison, et je suis content de vous entendre, là, parce que c'est une des suggestions que nous avions faites, le RPCU, déjà dans le passé, le dossier informatisé de l'usager pour qu'on y ait accès. Présentement, on n'y a pas accès.

En Ontario, l'usager a accès à son dossier. Et j'ai vu ce matin, d'ailleurs, je vous en félicite, les clés USB, justement, qui vont pouvoir avoir un accès avec les médecins. Mais nous aussi, les usagers, on devrait y avoir accès. Le problème est toujours la même chose, cependant : il y a des confidentialités. La loi sur la santé, actuellement, dit que, même si un usager veut avoir accès à son dossier, il y a des délais de 45 jours, dans certains cas, pour... ou expurger des choses, je ne le sais pas. Alors, si c'est juste pour dire : Accès à son dossier pour avoir son diagnostic, naturellement, je suis très content que vous ouvriez cette porte-là, mais il faudrait, dans ce cas-là, amender la loi sur la santé aussi pour enlever le délai du 45 jours. Mais, oui, c'est une excellente idée. Ça peut être ça.

La raison pour laquelle on vous a dit qu'il y a une attestation qui peut se faire, c'est parce que la plupart des cliniques médicales, maintenant, ont un petit... peuvent justement... le médecin peut peser sur un bouton, et on sort un petit papier. J'en ai une preuve ici, devant moi, d'un de mes employés qui est allé récemment, mais ça permettrait justement de savoir. Et, pour moi, je pense que l'INESSS serait en mesure de standardiser certaines choses, comme les pharmaciens ont présentement avec les médicaments. C'est sûr que c'est plus standard, les médicaments, mais le pharmacien, en même temps qu'il remet la facture à l'usager, lui remet aussi une façon de voir son médicament, comment le prendre. Et à ce moment-là je pense que tout ça pourrait être fait ensemble. Ça peut être une idée. On vous lance cette idée.

M. Barrette : Bien, écoutez, M. Blain, là, je reçois bien vos choses, mais là vous venez de dire une chose à propos de laquelle je ne peux pas ne pas réagir. Vous nous dites : Le délai, quand... Vous posez la question si les 45 jours ne nous permettraient pas de purger le dossier de certaines informations. Ça, ça m'apparaît très gros, là. Ça veut dire que nous, comme réseau de la santé, on interviendrait dans le dossier pour enlever des informations. Bien là, je tiens à rassurer la population qui nous écoute. Ce que vous évoquez, ça n'existe pas. Ce serait une faute grave, que ce soit de la part du personnel dans le réseau, que des médecins, là. Là, vous dites une chose, là. Je peux vous le dire, là, ça n'existe pas. Alors, le 45 jours, il existe simplement parce que, le dossier clinique qui existe aujourd'hui étant majoritairement papier, il est impossible de faire en sorte qu'une personne arrive aux archives, demande dans la minute d'avoir accès à son dossier et de l'avoir dans la demi-heure. On n'est pas capables de faire ça, là. On n'est juste pas capables. Alors, le 45 jours, c'est une marge de manoeuvre qu'on donne au réseau non pas pour empêcher d'avoir accès à leur dossier, ou de cacher, ou de faire disparaître les informations. Vous m'étonnez beaucoup là-dessus, là. Mais ce n'est pas le cas. C'est un délai.

Maintenant, on arrive dans un monde où les choses sont numérisées, et, comme vous le dites, et ça, vous avez raison, la prescription du médicament, là, ce n'est pas grand-chose. C'est sûr que ça sort directement de l'ordinateur. Un dossier médical, c'est un peu plus complexe dans bien des cas. Parfois, ça ne l'est pas nécessairement, mais, un jour, les gens auront accès à ça sans aucun problème. Mais là, aujourd'hui, de demander au réseau de faire en sorte que, quand la personne quitte le médecin, elle ait des copies du dossier, et ainsi de suite, faites-vous-en pas, le jour où on sera électroniques, les gens auront accès à ça. Mais, aujourd'hui, ce n'est juste pas faisable. Bien, c'est faisable, mais pas dans le délai que vous voudriez qu'on le fasse.

Il y a un autre élément, là, que j'ai pris une note puis je l'ai mal écrite, vous vouliez que l'INESSS soit à la tête du déploiement d'un type d'information de nos patients. Moi, la réponse que je vous fais avec ça, je pense que le patient doit avoir accès à son dossier au complet. Il l'a au moment où on se parle. Que les choses soient claires, là, le dossier est accessible au patient au Québec. Il n'y a pas de circonstance où il ne l'est pas, à l'exception de certaines données particulières, notamment en santé mentale. Mais sinon, là, le dossier, il est accessible au patient en toutes circonstances avec, vous avez raison, vous l'avez noté avec justesse, un délai, mais qui est un délai essentiellement clérical.

Maintenant, c'était quoi, l'autre élément, parce que je l'ai mal noté, dans les quatre recommandations que vous nous faisiez?

M. Blain (Pierre) : C'est l'article 46. C'est que vous avez modifié un article... Attendez une seconde. Vous avez modifié un article, sauf que vous avez oublié de modifier l'article 79.1 de la loi parce que l'article 78, que vous modifiez, qui reprend à peu près la formulation de l'article 78.1, vous avez exactement à peu près la même formulation, sauf que l'article 78.1 est modifié ailleurs dans la loi, qui est à l'article 19. Et donc il faudrait, à notre point de vue, que vous modifiiez le 78 pour l'inclure dans l'article 19 aussi.

M. Barrette : Aujourd'hui, la conséquence que vous estimez voir est laquelle?

M. Blain (Pierre) : C'est qu'à partir de ce moment, si vous ne l'excluez pas, à ce moment-là, ça va prendre le consentement écrit de l'usager pour que cette donnée-là soit transmise.

M. Barrette : Mauvaise idée, hein?

M. Blain (Pierre) : Pardon?

M. Barrette : J'ai dit : Mauvaise idée de passer par un consentement au cas par cas.

M. Blain (Pierre) : Bien, tout simplement, c'est parce que vous avez des exceptions déjà qui sont prévues dans la loi et vous avez exactement la même chose. À moins que vous enleviez toutes les exceptions, qui est le 19, et à ce moment-là tout le monde devra donner son consentement écrit. Mais je pense qu'à ce moment-là, comme la formulation du 78 est exactement pareille comme le 78.1, vous devriez l'exempter de la même façon pour justement accélérer. C'est pour permettre justement à la Régie de l'assurance maladie et à vous, le ministre, de pouvoir faire les vérifications advenant où le dossier, il y aurait des vérifications à faire.

M. Barrette : Mais vous comprenez qu'actuellement dans l'état du projet de loi on va quand même beaucoup plus loin en termes d'obtention de données documentaires et/ou preuves documentaires que jamais, là.

M. Blain (Pierre) : Sauf qu'à notre point de vue il faut que vous exemptiez, dans le 19 à ce moment-là, votre... L'article 78, de la façon que vous le rédigez...

M. Barrette : ...bien ce que vous me dites, M. Blain, j'en prends note, et on va regarder ça avec nos équipes juridiques.

M. Blain (Pierre) : On est pointilleux, des fois, hein, pour tout.

M. Barrette : Oui, mais là vous avez pointillé pas mal fort à matin, je trouve, là, mais je comprends. Vous faites bien, d'ailleurs, d'être pointilleux. C'est comme ça qu'on trouve le juste milieu, en allant aux extrêmes. Voilà.

Bien, merci beaucoup, M. Blain, M. Ménard. C'est toujours très intéressant. Donc, je prends bonne note de vos commentaires.

Le Président (M. Habel) : Merci, M. le ministre. Nous allons procéder maintenant à la personne de la deuxième opposition. Mme la députée de Taillon, vous avez 10 min 30 s.

Mme Lamarre : 10 min 30 s?

Le Président (M. Habel) : 10 min 30 s.

Mme Lamarre : Merci. Alors, bonjour, M. le Président, bonjour, M. Blain, M. Ménard. Merci pour votre présentation et votre mémoire très concis. On va aller tout de suite au vif du sujet, mais j'ai plusieurs questions. Donc, c'est possible d'y répondre le plus brièvement possible.

Vous avez fait référence... D'abord, je rejoins votre volonté de rendre accessible le plus possible facilement par voie informatique les informations aux usagers en ce qui concerne leur dossier santé, à l'exception de quelques informations, mais je pense qu'on est, en 2016, rendus là et je pense qu'il y a énormément d'informations utiles et également d'économies parce qu'on sait que beaucoup d'examens sont repris, sont multipliés parce que les gens ne sont pas capables de garantir que l'examen a vraiment été fait, et donc il y a de la surfacturation et des tests inutiles qui sont répétés.

J'essaie de voir parce que vous vous positionnez clairement en fonction d'un meilleur contrôle. Il y a déjà eu, il y a très longtemps, un système où les usagers, un certain échantillonnage, pas tous, mais mettons un patient sur 20, un citoyen sur 20, recevait une facture de ce qui a été facturé en son nom à cause d'un épisode de soins à l'hôpital ou dans un GMF, par exemple. Aujourd'hui, est-ce que vous seriez d'accord avec ça? Est-ce que vous recommanderiez ce genre de... parce que ça avait été évoqué aussi à la Commission de l'administration publique.

M. Blain (Pierre) : Oui, pour nous, c'est quelque chose qui est tout à fait envisageable. Effectivement, notre recommandation vient de ça, de ces expériences dans le passé où on recevait, dans certains cas, non pas une facture, mais plutôt une nomenclature et combien pouvaient coûter les choses. Oui, effectivement. Nous, on pense que c'est...

Mme Lamarre : Donc, vous pensez que ce serait quelque chose... ce serait un investissement qui permettrait aux citoyens d'être un peu des sentinelles. On l'a vu, là, avec les papiers de Panamá, on fait appel à la population pour être un petit peu... contribuer à la surveillance. Donc, de cette façon-là, les citoyens pourraient aussi reposer des questions et faire préciser des choses.

• (11 heures) •

M. Blain (Pierre) : Oui, absolument. Ça nous donne une trace... Actuellement, l'usager n'a pas de trace du tout de ce qu'on facture à son nom. Alors, c'est dans ce sens-là que nous, on pense que c'est une bonne idée, de la même façon qu'on pense que c'est une bonne idée d'avoir le nom de notre maladie.

Mme Lamarre : J'entends que vous êtes contre la surfacturation et je pense que c'est tout à fait le rôle du regroupement, mais je me suis étonnée, je vous avoue, à ce que nous ne soyez pas partie prenante du recours juridique contre les frais accessoires. La semaine dernière, il y a 22 organismes qui représentaient beaucoup les citoyens, l'Alliance des patients, le Conseil pour la protection des malades... Est-ce que je peux vous demander pourquoi vous n'avez pas senti la pertinence de manifester contre les frais accessoires, parce que, vraiment, pour les usagers, c'est une forme d'inéquité très, très importante, là?

M. Blain (Pierre) : Premièrement, je remets en question beaucoup la représentativité de certains de ces groupes. Je vous en ai déjà parlé. J'en ai parlé à tous les partis politiques. Et le fait aussi que nous ne croyons pas que le RPCU doit faire de la politique. Pour nous, nous sommes contre les frais accessoires, mais non pas dans la forme que cette coalition a voulu prendre.

Mme Lamarre : Mais moi, je pense que chacune de vos interventions devient politique parce que vous représentez les usagers et, dans ce sens-là, je pense que vous avez une responsabilité de les défendre sur les enjeux qui les touchent et qui perturbent l'atteinte de l'équité au niveau des usagers. C'est un dossier qui est majeur dans le cas des frais accessoires.

M. Blain (Pierre) : Vous avez tout à fait raison, vous avez tout à fait raison de le mentionner. La différence, c'est que, quand on est dans des groupes comme celui-là, où on peut faire des amalgames, nous, on a un peu de problèmes. Et d'ailleurs vous nous verrez... On n'est jamais embarqués dans plusieurs de ces problématiques-là, on n'est jamais embarqués là-dedans. On a toujours voulu justement donner le point de vue de l'usager parce que ce sont eux que nous représentons. Nous les représentons dans notre façon, mais nous ne voulons pas non plus embarquer dans des problématiques de certaines choses.

Un de ces groupes-là, c'est un peu difficile pour nous de le faire étant donné que le président considère que je suis une personne incompétente. Alors, pour moi, c'est difficile d'aller m'asseoir à la même table.

Mme Lamarre : Mais, en fait, c'est que, juste dans l'introduction de votre mémoire, vous vous présentez comme représentant les 8 millions d'usagers du réseau, les 600 comités des usagers. Et on a vu récemment, là, qu'il y a des usagers qui, de toute évidence, ne se sentent pas bien représentés. Il y a le Réseau d'échange des comités des usagers qui s'est créé en représentation pour témoigner de ce qui se passait de discordant dans le système actuellement. Donc, je veux juste que vous preniez la mesure, peut-être, de ce qui se passe sur le terrain et de l'écoute qui est nécessaire et je pense que vous avez les ressources pour ça.

M. Blain (Pierre) : Si vous permettez, si je peux me permettre, Mme la députée, je voudrais revenir sur ce... Premièrement, un comité des usagers n'a pas de membership individuel. Un comité des usagers est un comité institué par l'établissement... par la loi, et il n'y a pas de membership individuel. Donc, des opinions de certaines personnes, ça n'existe pas dans un comité des usagers. C'est le comité des usagers qui est là pour travailler aussi à un autre endroit, c'est pour travailler à l'intérieur de son établissement. On ne peut pas le relire, l'article 212, sans lire l'article 209 parce que le comité est là pour travailler à l'intérieur de son établissement.

Par conséquent, si un groupe veut se former, je n'ai aucun problème pour être au même niveau que le RPCU, il peut le faire, mais il ne peut pas le faire à titre individuel de comité des usagers parce que le membership individuel n'existe pas, à mon point de vue.

Mme Lamarre : Mais, dans votre mémoire, vous dites, là, que vous êtes le porte-parole des 600 comités des usagers, des résidents et des résidents des établissements. Actuellement, il y a combien de comités des usagers qui sont membres du RPCU, et combien se sont désaffiliés?

M. Blain (Pierre) : Bien, aucun ne s'est... Il y en a trois, effectivement, actuellement, qui nous ont dit qu'ils ne renouvelaient pas leur membership, mais nous avons un membership qui dépasse les 80 %. La représentativité, madame, est toujours relative. On peut regarder la représentativité à tous les niveaux. La représentativité d'un député peut représenter un certain nombre de personnes. Mais, nous, le RPCU, notre charte nous dit bien, c'est la mission qu'on s'est donnée, qu'on représente les usagers. Donc, par conséquent, je pense qu'on parle en leur nom à ce niveau-là parce que notre première mission est de parler au nom des usagers eux-mêmes.

Mme Lamarre : Dans ce sens-là, est-ce que, si je reviens... Alors, j'entends, là, qu'il y a quand même 20 % des usagers, là, qui ont besoin, là, d'avoir une voix qui est différente parce qu'ils ont besoin peut-être d'exprimer des choses qu'ils observent. Est-ce que vous avez, dans le contexte, là, du projet de loi n° 92 sur les frais et comme un peu dans la ligne de ce qu'on avait parlé tantôt, vérifié... est-ce que vous avez fait un sondage ou est-ce que vous envisagez faire un sondage auprès des usagers, parce qu'il me semble que vous seriez l'organisme tout indiqué pour le faire, pour voir non pas si les gens ont vu ou pas vu leur médecin... parce que je pense que, clairement, il n'y a pas de médecin qui estime ou qui facture avoir vu un patient s'ils ne l'ont pas vu ou, s'il y en a, c'est vraiment très marginal. Mais ce que les gens nous rapportent, et moi, je les entends, ces citoyens-là qui viennent dans mon bureau de circonscription, dire : Écoutez, j'ai passé deux minutes avec le médecin, 30 minutes avec l'infirmière ou avec l'IPS, et ça, ça s'est fait toute l'année. Alors, j'aimerais ça voir qu'est-ce qui a été facturé en mon nom auprès du médecin en lien avec le nombre de minutes. Mais, pour pouvoir faire cette adéquation-là, il n'y a à peu près que les usagers qui peuvent en témoigner.

Alors, est-ce que vous avez envisagé questionner, par un échantillonnage ou un sondage auprès des usagers, pour permettre justement à des organisations comme la Vérificatrice générale ou le Protecteur du citoyen d'avoir une image, un portrait de ce qui se vit vraiment et de faire une corrélation entre le coût facturé, et le temps passé, et les compétences? Parce qu'on peut passer quelques minutes mais avoir quand même posé un geste significatif, mais, je veux dire, si ça se répète, là, on se rend compte que, là, ça peut être plus problématique.

M. Blain (Pierre) : Présentement, nous avons justement... nous recevons beaucoup de commentaires des usagers, et, notre façon générale, c'est comme ça que nous pouvons préparer aussi certaines interventions.

Dans le cas qui nous préoccupe, c'est des observations que nous avons faites depuis de nombreuses années, c'est des choses qui nous viennent des usagers eux-mêmes, c'est certain. Mais, comme tel, nous n'avons pas les moyens, comme organisation, étant donné que nous ne sommes pas financés pour notre mission comme telle, contrairement à d'autres organisations, nous n'avons pas les moyens de faire des sondages continuels. Nous faisons des sondages parfois, effectivement, de façon générale, mais, dans ce cas-ci, non, nous n'avons pas pu faire de sondage. De toute façon aussi, la vie parlementaire étant ce qu'elle est, quand on nous demande de préparer un mémoire, de façon générale, on a à peu près deux ou trois semaines pour le faire. Donc, on n'a pas pu faire ce sondage-là. C'est d'après nos informations que nous avions déjà, effectivement.

Mme Lamarre : Mais moi, je parle de ce sondage comme d'un outil qui aiderait à faire le suivi. Donc, il n'est jamais trop tard pour bien faire, là. Il est encore le temps de faire ce sondage-là qui permettrait... parce qu'on comprend que la RAMQ, ce qu'elle fait, c'est qu'elle évalue les écarts. Mais là ce qui s'est peut-être passé, c'est qu'avec les annonces de facturations on a standardisé. Donc, il n'y en a plus, d'écart, mais la question est : Est-ce que la pertinence de l'acte qui est facturé reflète bien... est-ce que le coût de l'acte facturé reflète bien l'intensité, parce qu'il peut y avoir deux, trois actes semblables avec des niveaux de rémunération différents? Alors, ça, je pense que ce sont vos usagers qui peuvent donner l'information.

Le Président (M. Habel) : En 15 secondes, là.

M. Blain (Pierre) : Et c'est ça que nous avons essayé de faire dans notre mémoire en disant que l'usager devrait être partie pour qu'il puisse avoir une trace, effectivement.

Le Président (M. Habel) : Merci beaucoup. Le temps alloué à l'opposition officielle étant terminé, je cède la parole au député de Lévis pour une période sept minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bonjour aux collègues, en ce début de semaine, du gouvernement et de l'opposition. Je vous salue également, M. Ménard, M. Blain. Merci d'être là.

Je vais faire un petit peu de chemin. On va un petit peu continuer là-dessus parce que vous étiez dans ce sommaire exécutif de votre page 7 où vous dites : «L'usager devrait aussi être impliqué dans le contrôle des actes rendus par des professionnels.»

Alors, si vous postulez ceci, vous songez à des moyens vous permettant de mener à terme la recommandation, en tout cas, le principe que vous nous exposez. Quels sont les outils avec lesquels ou sur lesquels vous réfléchissez pour arriver à cet idéal-là?

M. Blain (Pierre) : D'abord, merci pour la question, effectivement. D'ailleurs, c'est la base de tout, le contrôle. Quand on a notre carte de crédit puis qu'on fait un achat, on a une trace. La carte d'assurance maladie, est-ce qu'il y a une trace qui est laissée comme telle? Je ne pense pas. Je ne sais pas, là, je m'avance peut-être un peu beaucoup, mais je ne suis pas sûr qu'au niveau informatique il y a une trace comme telle. Il y a une trace dans le dossier. Par la suite, le contrôle qui doit être fait, c'est le contrôle qui est fait par la Régie de l'assurance maladie, qui, justement, dans certains cas, le...  Alors, est-ce qu'on devrait étendre la vérification à ce niveau-là? C'est une autre chose.

Alors, oui, je pense que c'est une bonne idée, et c'est pour ça que nous, on dit que l'usager a un rôle à jouer à l'intérieur de ça comme tel.

• (11 h 10) •

M. Paradis (Lévis) : Est-ce que je comprends qu'au moment où l'on se parle ce rôle, que vous souhaiteriez voir évoluer, est tellement restrictif, en fait, que, pour l'instant, on n'a aucune façon de participer au processus?

M. Blain (Pierre) : Vous avez tout à fait raison, il n'y a aucune façon de participer au processus parce qu'on n'a pas de trace, nous, comme usagers, comme telle.

M. Paradis (Lévis) : Vous dites, en page 10, que les médecins ne doivent pas s'autoréguler. Et d'ailleurs, corrigez-moi, mais je pense qu'à la base, sur le projet de loi et dans sa vision, vous en êtes, sinon que de pouvoir... vous souhaitez bonifier certains éléments. Il y a des médecins qui sont venus nous dire ici : Vous savez, le drame du projet de loi n° 92, c'est l'effet que ça peut avoir, la perception que ça laisse, celle de voir des médecins qui... et là les gens auront l'impression que ce sont des gens qui veulent sortir du système, déraper, aller chercher ce qu'ils ne doivent pas aller chercher. Vous dites noir sur blanc : Ils ne doivent pas s'autoréguler.

Comment confrontez-vous cette inquiétude des médecins dans le lien de confiance? Est-ce qu'il n'y a pas danger que les usagers disent : Bien, coudon, nos soignants, nos médecins, nos professionnels, c'est des gens qui veulent abuser d'un système qu'on finit par payer nous-mêmes?

M. Blain (Pierre) : J'ai participé, justement... Tout ça, ce débat-là, a été lancé par l'Association médicale du Québec, qui, justement, il y a deux ans, avait fait un colloque dans lequel ils voulaient qu'il y ait un contrat social entre les médecins et la population en leur disant : Bien, nous, les médecins, on s'engage sur l'honneur à ne pas surfacturer, à ne pas avoir trop de diagnostics, etc. Nous, on y a... puis moi, j'y ai participé, à cette table ronde. Et je vais vous dire franchement, là, j'étais un de ceux qui étaient les plus virulents dans cette façon de faire. Moi, je pense qu'on a dépassé ça. Excusez-moi, là, mais ça n'existe plus, là, de l'autorégulation, là. Je pense qu'on en est rendus à des moyens de contrôle et je pense que c'est là. On ne peut plus se permettre de ne pas avoir ça.

Et, la même chose, on devrait faire le ménage dans le nombre d'actes possibles. Je suis convaincu qu'on est capables de simplifier parce que comment peut-on se reconnaître dans autant d'actes? Alors, je pense que c'est ce qui est la façon la plus simple de faire les choses.

M. Paradis (Lévis) : Les gens de la RAMQ sont venus aussi nous parler puis nous dire : Vous savez, ce projet de loi là va nous donner des outils dont on ne disposait pas. Je reviendrai sur un de ceux-ci, notamment les accès plus faciles à des dossiers ou à des données confidentielles. Je veux savoir si ça vous inquiète quelque part parce que ça a été aussi mentionné, mais, juste avant, je ferme la parenthèse, la Régie de l'assurance maladie nous disait : Vous savez ce n'est pas parce qu'on a ça qu'on va engranger de l'argent et réinvestir parce que le processus, en tout cas, et puis la finalité est marginale. La majorité des médecins suivent la voie. Vous vous inquiétez sur le principe de facturation, bon, etc., vous en avez parlé également. Avez-vous cette vision-là que ces dérapages-là, ces surfacturations, facturations non appropriées, sont marginaux?

M. Blain (Pierre) : On parle de deux choses différentes. On parle d'erreurs et on parle de fraude. Pour moi, je pense que la fraude, effectivement, est marginale. Mais je parle d'erreurs. Mais l'erreur est aussi importante parce que, si on ne parle que d'une marge de 1 % d'erreur, bien, c'est 75 millions, selon le modèle.

D'ailleurs, si vous regardez, dans ce cas-là, le ministère du Revenu ne devrait pas faire de contrôle non plus, étant donné que tout le monde paie ses impôts sans aucun problème. Alors, je pense que c'est la même chose.

De la facturation, il y a toujours des erreurs. Nous-mêmes, on en fait quand on fait notre membership auprès de nos membres et on doit faire des ajustements. Donc, je pense que c'est ça. Et c'est là la différence. C'est qu'à mon point de vue la Régie de l'assurance maladie n'axe que sur cette partie-là en disant : Ça me prend plus de moyens pour faire des contrôles. Mais je pense que ce n'est pas ça, le vrai problème. Le vrai problème, c'est : Est-ce qu'on te facture correctement? Est-ce qu'on a une trace de ce qui est fait? Est-ce que c'est juste une trace dans un dossier qui dit qu'on fait ça? On en est à l'ère électronique maintenant, on devrait aussi, quand on utilise notre carte d'assurance maladie du Québec, pouvoir avoir un contrôle.

M. Paradis (Lévis) : J'aborderai un des pouvoirs qui reviendrait à la régie, c'est-à-dire celui d'avoir plus de facilité à aller chercher au-delà de la plainte d'un usager, c'est-à-dire de prendre les devants, même s'il n'y a pas eu plainte, puis d'aller chercher de l'information dans des dossiers confidentiels. Certains ont exprimé une crainte à ce chapitre-là, c'est-à-dire demandé des balises très claires pour éviter qu'il y ait du dérapage à ce chapitre-là. Quelle est votre position là-dessus? Est-ce que vous avez une inquiétude à ce chapitre-là?

M. Blain (Pierre) : Oui, j'ai une inquiétude parce que je pense que c'est important, ce que vous venez de dire, effectivement. Je ne sais pas si le président voudrait...

M. Ménard (Claude) : J'abonde dans le même sens, effectivement. Je pense que la journée où l'usager va être devant les faits accomplis, il va plus comprendre. Qu'est-ce qui fait que, un, lorsque... Je vais prendre l'exemple de ma mère, qui vit en Ontario. Elle a chuté, elle s'est brisé la hanche. Son assurance a envoyé l'état de compte et la partie que l'assurance paie, et apparaît également la partie qui est chargée au niveau... du côté ontarien. Ça, c'est l'OHIP. C'est épeurant de voir le coût qui est engendré avec, là, un tel constat, là. Alors, je me dis : La journée où l'ensemble des usagers vont réaliser le coût que ça engendre, est-ce qu'il n'y aura pas une conscience sociale, dans le sens de dire, bien...

Le Président (M. Habel) : Merci beaucoup, M. Blain, M. Ménard, du Regroupement provincial des comités des usagers. Je vous remercie pour votre présence à la Commission de la santé et des services sociaux. Je vais suspendre les travaux quelques instants pour inviter le prochain groupe à prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 16)

(Reprise à 11 h 19)

Le Président (M. Habel) : Alors, nous reprenons nos travaux... les gens du Protecteur du citoyen. Donc, pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter et présenter aussi l'équipe qui vous accompagne. Vous disposez de 10 minutes, et par la suite nous allons procéder à une période d'échange. Merci.

Protecteur du citoyen

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, merci, M. le Président. Je suis accompagnée de trois de mes collaborateurs. À ma droite, M. Michel Clavet, à ma gauche, Me Stéphanie Julien, et, à sa gauche, Mme Vicky Pageau. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mme la députée, MM. les députés membres de la commission, je vous remercie de votre invitation ce matin.

L'angle premier de notre examen du projet de loi a été celui de l'effet concret de ses dispositions sur la qualité des services et sur le respect des droits des usagers. Nous avons ainsi tenu compte de son éventuel impact positif sur la récupération de sommes indûment déboursées par la Régie de l'assurance maladie du Québec à même le trésor public dans la perspective où ces sommes récupérées devraient normalement être utilisées au bénéfice des personnes légalement assurées.

(11 h 20)

Avant de vous présenter les principaux constats de notre examen, je tiens à faire deux remarques. La première, je souligne l'ampleur des mandats et la qualité du travail d'envergure qu'effectuent en général les équipes de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Également, deuxième remarque, je demeure convaincue qu'au Québec la vaste majorité des médecins exerce sa profession dans le respect des principes éthiques et déontologiques et souvent même au-delà des exigences du code de déontologie.

Maintenant, je vous présente les constats et les recommandations qui sont consécutifs à notre examen du projet de loi. Le premier constat, il demeure nécessaire d'agir pour interdire les frais accessoires aux services assurés, car, même s'ils sont dorénavant interdits par le neuvième alinéa de l'article 22 de la Loi sur l'assurance maladie, les ententes avec les fédérations de médecins continuent à s'appliquer, et de tels frais sont toujours facturés par des professionnels qui profitent de ces zones grises qui n'ont pas encore été enrayées. De plus, l'entrée en vigueur de l'article 14 du règlement modifiant le Code de déontologie des médecins concernant la facturation des frais accessoires a été à nouveau reportée par décret. Considérant cela, je recommande que le 12e alinéa de l'article 22 de la Loi sur l'assurance maladie, lequel prévoit que «malgré les interdictions énoncées aux neuvième et 11e alinéas, le gouvernement peut, par règlement, prescrire des cas et des conditions dans lesquels un paiement est autorisé», ainsi que l'article 47 du projet de loi soient abrogés.

Deuxième constat de notre analyse, je suis d'avis qu'il est nécessaire de rembourser les citoyens qui auraient été lésés par les pratiques illégales de facturation sans que ceux-ci aient à en faire une demande expresse à la régie. Les lois applicables favorisent, en matière de remboursement à la régie, la règle du deux poids, deux mesures entre les citoyens et les professionnels de la santé. Ainsi, lorsque la régie réclame des sommes à une personne, la Loi sur l'assurance maladie prévoit qu'elle est tenue de lui restituer ces sommes. Donc, la personne doit et non peut. Mais, lorsque c'est la régie qui devrait rembourser une personne assurée pour des sommes perçues illégalement par un professionnel, la loi prévoit que la régie peut le faire et non doit. Considérant cela, je recommande que l'article 22.0.1 de la Loi sur l'Assurance maladie, tel que proposé par l'article 12 du projet de loi n° 92, soit modifié pour y introduire l'obligation pour la régie de rembourser la personne assurée sans qu'elle ait à formuler une demande.

Troisième constat, la communication de renseignements à certains organismes ainsi qu'aux ordres professionnels doit être systématisée. Je souscris aux dispositions du projet de loi qui visent à élargir de façon balisée la communication de renseignements entre la régie et des organismes chargés de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions. Ces échanges seraient autorisés, pour autant que les renseignements transmis soient requis aux fins d'une poursuite pour une infraction à une loi applicable au Québec.

Alors que le projet de loi élargit l'éventail des ordres professionnels auxquels la régie peut communiquer des renseignements, il ne modifie pas la nature ou les circonstances de l'actuelle collaboration de la régie avec les différents ordres professionnels. Alors, considérant cela, je recommande que la régie se fasse un devoir de communiquer aux ordres professionnels concernés les renseignements obtenus dans le cadre de l'application de la Loi sur l'assurance maladie chaque fois qu'elle est d'avis qu'un professionnel a contrevenu à cette loi.

Quatrième constat, il est nécessaire de prévoir une protection contre les représailles pour les personnes qui dénoncent à la régie des actes répréhensibles et contraires aux lois et aux règlements qu'elle administre.

Nous l'avons constaté à maintes reprises, des personnes assurées hésitent à réclamer les remboursements auxquels elles auraient droit par crainte de représailles, entre autres, celle de ne plus avoir accès à leur médecin. Dans le présent contexte, les dénonciateurs pourraient également être des professionnels ou des tiers agissant au nom de l'intérêt public à qui il faut aussi assurer une protection adéquate.

Considérant cela, je recommande de modifier le projet de loi n° 92 afin d'y inclure une protection législative contre les représailles, qui pourrait se lire ainsi : «Nul ne peut exercer ou tenter d'exercer des représailles, de quelque nature que ce soit, à l'égard d'une personne qui formule ou entend formuler une demande de remboursement, ou qui dénonce ou entend dénoncer un comportement illégal, à la Régie de l'assurance maladie du Québec.»

Cinquième constat, il est urgent de clarifier les frais de fonctionnement des cabinets et des cliniques médicales afin d'établir un régime permanent de compensation selon les coûts réels. Cette évaluation nécessite un élargissement des obligations qui incombent à la régie. À cet égard, la recommandation de notre avis sur les frais accessoires, en octobre 2015, est encore valable. Il n'y a toujours pas de certitude que l'imposition de frais accessoires ne sera pas permise par règlement.

Je réitère cette recommandation que le ministre de la Santé et des Services sociaux confie à la régie le mandat d'élaborer, administrer et appliquer un programme permanent d'évaluation des frais administratifs des cabinets et des cliniques médicales dans le but de déterminer leur coût réel de fonctionnement ainsi que des scénarios de financement.

Sixième constat, l'encadrement d'un autre type de frais, soit ceux pouvant être exigés pour des services de nature administrative liés à un service non assuré, est requis pour que la régie puisse exercer à cet égard aussi les pouvoirs accrus que lui confère le projet de loi n° 92.

Un exemple parmi d'autres de situation à baliser : le formulaire d'évaluation de la capacité de conduire d'une personne âgée. D'un professionnel à un autre, ces frais peuvent varier de 50 $ à 300 $ sans aucune justification. Il est essentiel que ces frais soient balisés selon leur coût réel, établis par règlement et connus des citoyens au moyen d'un affichage adéquat.

À la suite de l'adoption, en novembre 2015, de la Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée, le Protecteur du citoyen a pris acte avec satisfaction du nouvel article de la Loi sur l'assurance maladie, lequel prévoit que, désormais, «le gouvernement peut, par règlement, prescrire le tarif maximal qui peut être exigé d'une personne assurée pour un service de nature administrative lié à un service non assuré», mais un tel règlement n'a toujours pas été édicté.

Septième constat, la reddition de comptes de la Régie de l'assurance maladie, après la sanction du projet de loi n° 92, devrait être ajustée en conséquence et être plus détaillée et complète sur les éléments qui sont liés à l'exercice et au résultat de l'exercice de ces nouveaux pouvoirs.

Je conclus, M. le Président, en rappelant qu'une fois le projet de loi n° 92 sanctionné la régie sera investie de pouvoirs accrus. Je suis d'avis qu'ils lui sont nécessaires pour mieux remplir sa mission. Cependant, pour que la nouvelle loi ait son plein effet, ses pouvoirs, dont celui d'initiative, devront être véritablement exercés et l'être avec diligence pour mieux protéger la population et renforcer le contrôle des fonds publics en jeu.

Son conseil d'administration sera aussi appelé à jouer un rôle clé dans l'énoncé des orientations de la régie et dans la surveillance de sa gestion. Y siègent des acteurs de premier plan en mesure d'identifier et de trouver les moyens de contrer les situations d'abus, de fraude et d'illégalité.

Alors que l'article 22 de la Loi sur l'assurance maladie interdisait déjà les pratiques de facturation de frais accessoires pour les services assurés, sauf dans les cas prescrits ou prévus par entente, de nombreuses situations d'abus dénoncées privément et publiquement ont perduré. L'absence de pouvoirs et de moyens a souvent été invoquée par la régie, y inclus par des membres de son conseil d'administration, pour justifier leur incapacité d'agir.

L'action en temps opportun pour contrer et sévir contre l'usurpation des importants fonds publics que gère la régie devrait résulter de la sanction du projet de loi n° 92. Cela doit s'inscrire dorénavant dans son imputabilité et celle de son conseil d'administration auprès du ministre et auprès de l'Assemblée nationale. Je vous remercie.

Le Président (M. Habel) : Je vous remercie pour votre présentation. Nous allons début la période d'échange pour un temps de 30 minutes. Donc, je ventile : le gouvernement, 17 min 30 s; opposition officielle, 10 min 30 s; et le deuxième groupe d'opposition, 7 minutes. Donc, je cède la parole au ministre de la Santé pour un temps de 17 min 30 s.

• (11 h 30) •

M. Barrette : Merci, M. le Président. Mme la protectrice, bienvenue et merci de nous avoir déposé ce mémoire. Me Clavet, Mme Julien et Mme Pageau, bienvenue également.

Alors, si vous me le permettez, parce que votre mémoire, on l'a eu il y a quelques... on va dire heures, là, c'est quasiment une heure, mais je suis content que vous veniez nous en faire part et je n'ai pas de surprise dans ce que vous nous dites. Donc, c'est facile pour moi de m'adresser à ce que vous nous avez relaté. Et soyez assurée que ça ne sera pas comme vos prédécesseurs, le Regroupement provincial des comités des usagers, là, je ne vais pas tout faire pour discréditer votre position, au contraire. Je suis, contrairement à ce qu'on a vu tantôt, là, contrairement... c'est-à-dire, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous nous dites, mais il y a une chose qui me surprend, Mme la Protectrice. Ce que je comprends, c'est que vous êtes très favorable et vous recevez très positivement ce projet de loi là, mais il y a certains éléments où vous trouvez que ça ne va pas assez loin. Est-ce que je peux bien résumer votre position comme ça, là?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Oui. Je pense que la régie avait déjà des pouvoirs importants. Les pouvoirs qui lui sont accordés vont lui permettre d'agir avec beaucoup plus de diligence et d'obtenir plus de résultats. Et, en même temps, je pense que le projet de loi apporte des dispositions qui accroissent la protection des droits des citoyens. Alors, dans ce sens-là, j'appuie, je souscris au projet de loi et j'ai des recommandations pour le bonifier.

M. Barrette : Mais, à l'exception, peut-être, des représailles, vous dites : Ce sont des pas de plus dans les éléments qui sont dans le projet de loi, les représailles étant pour ce qui est des tierces personnes, on va le dire comme ça. Ça, c'est un ajout clair par rapport au projet de loi qu'on a déposé.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Oui. La protection contre les représailles m'apparaît importante parce que plusieurs usagers, et ça, on le constate régulièrement, vont hésiter à dénoncer une situation, à se plaindre, à réclamer des remboursements de frais illégaux parce qu'ils ont déjà de la difficulté à avoir accès à un médecin, et donc ils craignent que ce médecin soit mécontent envers eux, et donc qu'ils n'aient plus accès à ce médecin. Donc, c'est important.

M. Barrette : Quand vous nous dites que vous avez rappelé que la RAMQ se plaignait dans le passé de ne pas avoir suffisamment de moyens pour parvenir à exercer ses fonctions, est-ce que vous trouvez actuellement que les moyens d'enquête et de détection sont suffisants dans le projet de loi actuel?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Dans le projet de loi, je considère que les moyens, effectivement, sont importants, sont pertinents et seront suffisants. Ce qui me préoccupe encore, d'où la recommandation, c'est que je trouve que la régie est très bien outillée quand il s'agit de réclamer à des citoyens des remboursements indus, ce avec quoi je suis tout à fait d'accord. La fraude, qu'elle provienne des citoyens ou d'un professionnel de la santé, ce n'est pas acceptable. Mais je considère que, dans les situations où la régie doit, elle, rembourser des usagers qui ont été trop facturés ou illégalement facturés, c'est bureaucratique, c'est plus compliqué, et la régie a déjà les moyens de connaître les usagers qui ont été l'objet de surfacturation et de facturation illégale. Alors, je pense que la demande ou l'exigence d'une demande de remboursement n'est pas nécessaire. Et en plus c'est coûteux, c'est bureaucratique. Alors, moi, je vous propose un allégement administratif dans l'intérêt de la régie comme des usagers.

M. Barrette : Ce point-là, pour moi, n'est pas problématique mais l'est sur le plan du concept, mais l'est sur le plan, à mon avis, là, légal. Je ne suis pas avocat, mais je veux vous entendre là-dessus, je veux entendre votre opinion, votre point de vue, là. C'est sûr que, dans le projet de loi, on a dit que la régie pouvait intervenir sans avoir un signalement, on va le dire comme ça, sur la base des frais abusifs, et ainsi de suite. Maintenant, sur la question du remboursement, vous ne voyez pas un problème? Parce que c'est vraiment... Je comprends ce que vous voulez me dire, là, mais je vous pose la question. Mais, en fait, vous êtes accompagnée de quelqu'un qui a peut-être plus de compétence que moi, là. Je ne sais pas si vous, vous avez des informations que moi, je n'ai pas. Mais est-ce qu'il est possible, parce que ça va...

Le remboursement, évidemment, dans la manière dont ça fonctionne à la Régie de l'assurance maladie, le remboursement, ce n'est pas l'État qui rembourse, c'est le médecin qui est ponctionné. Lorsqu'on constate qu'il y a un manquement, une personne a facturé quelque chose d'illégal, et là-dessus je suis 100 % d'accord avec vous, à partir du moment où un médecin fait une facturation comme ça au patient, il doit rembourser le citoyen. Et nous, on force le médecin à rembourser parce qu'on retient des montants de son paiement et on envoie un chèque à la personne.

Maintenant, ce que vous proposez, vous, essentiellement, c'est : lorsqu'on voit un profil qui est inapproprié, bien là, on prend tout le monde et on rembourse. Vous ne voyez pas là un problème? Puis, si vous ne le voyez pas, vous voyez cette action-là sur quelle période de temps? C'est un peu comme l'impôt qui remonte dans le passé. Si je constate qu'un docteur, par exemple... Je veux juste comprendre votre position. Si je vois un médecin, là, qui facture — et ça, c'est illégal aujourd'hui — un frais d'ouverture de dossier de 150 $, et on... Dieu sait si ça existe, et c'est complètement illégal aujourd'hui, là. Ça, il n'y a même pas de trou, dans la loi, qui le permet, ni de flou. Ça, c'est illégal. Et, vous avez raison, les gens hésitent parce qu'ils ont peur de perdre leur médecin, puis ça, c'est indécent en soi. Mais on fait quoi? Ça veut dire que, je dirais, dans votre esprit, pour la dernière année, les deux dernières années, les 10 dernières années, à chaque fois qu'il y a eu un nouveau patient chez ce médecin-là, je vais le couper de 150 $. Est-ce que c'est comme ça que vous le voyez?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Non, M. le ministre... M. le Président, le pouvoir d'initiative, qui est très pertinent, qu'apporterait le projet de loi n° 72 une fois sanctionné, donc pouvoir d'initiative à la Régie de l'assurance maladie d'aller récupérer des montants qui ont été illégalement facturés ou surfacturés, fait en sorte que ces montants-là, qui seraient récupérés, la loi prévoit que les citoyens, les personnes qui sont visées, qui auraient été surfacturées, doivent en faire une demande de remboursement à la régie. Mais, avec ce pouvoir d'initiative qu'a la régie, elle aura récupéré du médecin les sommes en question et elle pourra les retourner aux personnes qui ont été surfacturées. Ces sommes sont... Elle peut même aller jusqu'à des sanctions de nature criminelle.

Quant à la rétroactivité, je ne propose pas de rétroactivité au niveau des sanctions parce que ce sont des sanctions de nature criminelle, et ce n'est pas souhaitable de faire cela. Mais tous les montants qui sont remboursés ou récupérés, pardon, par la régie, pour lesquels elle connaît les usagers... Dans le cadre de son enquête, elle aura accès aux dossiers et elle saura quels sont les usagers du médecin concerné qui ont été soit illégalement facturés ou surfacturés. À ce moment-là, la régie, c'est possible pour elle de prendre l'initiative de rembourser ces personnes sans qu'il y ait une demande. Et ça va être moins coûteux pour elle, d'ailleurs.

M. Barrette : Mais ça, je suis d'accord avec vous. Et là je me rends compte, dans votre réponse, que je me suis mal exprimé dans ma question. Alors, la problématique, là, c'est la détermination factuelle qu'il y a eu cette surfacturation-là parce que... Et là je vais vous dire quelque chose que je soupçonne, ce n'est pas sur... parce que je l'ai constaté, mais je soupçonne que ce ne sera pas toujours inscrit à quelque part dans le dossier du patient qu'il y a eu un frais d'ouverture de dossier. C'est dans cet esprit-là, moi, là... Alors, on va le dire de façon plus crue, on en attrape un et, essentiellement, on postule qu'il y en a d'autres. Mais là est-ce qu'on le fait sur un postulat ou sur un constat?

Alors là, la RAMQ a le pouvoir d'aller voir sans que quelqu'un se plaigne. Alors, ça, c'est fantastique. Il n'y avait pas ce pouvoir-là avant parce que les gens hésitaient à se plaindre. Là, la RAMQ peut aller voir sur une dénonciation, sur un changement de profil, sur une rumeur, peu importe. Ils peuvent y aller. Maintenant, si on ne trouve pas de faits qui montrent qu'autrement dit ça n'a pas été écrit dans un livre, est-ce que vous allez jusqu'à nous dire dans votre recommandation : Remboursez pareil parce qu'on présume qu'il l'a fait chez tout le monde?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, M. le Président, je remercie le ministre de ces précisions parce qu'elles sont effectivement importantes dans le contexte.

D'abord, un élément est important, il y a des frais qui sont facturés pour des services assurés qui ne devraient pas être facturés, d'où l'importance de donner suite à ce que... votre intention énoncée publiquement de faire en sorte que ces frais ne soient plus facturables. Pour ce qui est des autres frais, qu'ils soient soit facturables ou parce que ce sont des frais administratifs, il est certain que la recommandation du Protecteur du citoyen n'est pas de faire des déboursés auprès de citoyens sans que la régie ait récupéré les sommes illégalement facturées. Donc, ça, c'est vraiment clair. Il faut que la régie puisse avoir récupéré ces sommes-là. Vous avez raison de dire que cette fraude-là, elle n'est généralement pas... ou, enfin, elle n'est pas toujours consignée par écrit, d'où l'importance du régime de plaintes, l'importance que des citoyens puissent attester qu'ils ont payé tel montant. Et le cumul des plaintes, la crédibilité des citoyens qui se plaignent auprès de la régie vont faire en sorte qu'à ce moment-là il y aura une capacité, dans les enquêtes, de faire des démonstrations. Mais, vous avez raison, la fraude n'est pas toujours facile à contrer.

Je vous donne un exemple, l'exemple de l'azote. On a une plainte qui est rentrée encore la semaine dernière, une personne qui s'est fait facturer des frais très importants, 90 $, pour simplement deux petites poussées de pression d'azote. Bien là, dans ce cas-là, on l'a, le nom du médecin, là. Ce dossier-là va probablement se régler maintenant qu'il y aurait un pouvoir d'initiative. Et, dans un cas comme ça, la citoyenne, son nom est connu, elle s'est plainte. Alors, ce sera facile de régler la question. Mais la régie pourrait découvrir que ça a été fait pour d'autres usagers, et le pouvoir d'initiative permet aussi d'aller faire des enquêtes auprès d'autres usagers qui ont utilisé la carte d'assurance maladie. Alors, ce sera à la régie de voir à raffiner ses méthodes d'enquêtes. Mais, concrètement, je partage votre préoccupation qu'il ne faut pas que la régie ait à débourser des sommes qu'elle n'aurait pas récupérées pour rembourser des citoyens.

• (11 h 40) •

M. Barrette : Le temps file, je vais aller à un autre sujet parce qu'on pourrait en parler encore plus longtemps, là. Vous nous demandez... En fait, je vais le garder pour la fin au cas que j'aie... parce que, celui-là, il faut absolument qu'on en traite ensemble. Et je comprends de votre propos, même si vous ne le dites pas d'une façon... vous le dites de façon formelle, là, mais sans insister dessus. Je comprends de votre vision des choses de Protectrice du citoyen que, dans le régime actuel, il est normal qu'il y ait certains frais, dont les frais administratifs, à la charge du patient. Est-ce que je peux dire ça? Est-ce que, dans votre esprit, c'est normal? Qu'ils soient balisés, qu'ils soient plafonnés, vous vous attendez à ça, mais vous n'êtes pas contre le fait.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, monsieur...

M. Barrette : Je vais préciser ma pensée, je m'excuse de vous interrompre, parce que le règlement que l'on va faire, là, qui va permettre certaines choses et ne pas permettre l'immense majorité, là, il y en a qui pourraient être permises, dont l'administratif, mais avec un montant établi. Est-ce que je comprends que c'est ça, votre vision aussi?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : M. le Président, il y a clarification ici qui est très importante. Les frais accessoires pour des services assurés parce que médicalement requis ne devraient jamais être facturés par un médecin ou un professionnel de la santé à une personne au Québec. Les services non assurés, par contre, il est normal que des frais, notamment de nature administrative, soient facturés, mais ce qu'il faut, c'est que ces frais soient balisés parce qu'il y a des abus dans la facturation. Et pourquoi il y a eu ces abus-là? Bien, c'est lié aux enjeux de rémunération des médecins, c'est lié au régime de négociation. Les médecins se sont compensés par des frais accessoires chargés aux usagers tant pour des services médicalement requis que pour des services non assurés, parce qu'ils considéraient que leur rémunération n'a pas été ajustée à tous égards par rapport à tous leurs frais de fonctionnement. Alors, tout ça est interrelié. La question de la rémunération des médecins, le mode de rémunération, le mode de négociation a des impacts sur les frais accessoires aux usagers.

M. Barrette : Mais, à la question du côté des frais administratifs, vous nous demandez de les baliser et non pas de les interdire.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Frais administratifs pour les services non assurés, effectivement, je vous demande de les baliser par règlement. Et les frais accessoires pour des services assurés ne devraient pas être chargés aux citoyens.

M. Barrette : Vous avez déjà évoqué... puis je ne veux pas vous mettre dans l'embarras, peut-être même que je vais trop loin, puis, si je vais trop loin, vous me le direz. Le panier de services, à ce moment-là, est-ce que vous recommandez de le regarder? Puis je vais vous donner un exemple, qui est l'exemple que j'utilise souvent. La vasectomie devrait-elle être dans le panier?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Le Commissaire à la santé et au bien-être a fait des réflexions sur ces questions-là, et je pense qu'il était mieux placé que moi pour répondre à ces questions-là. Ce qui est clair pour moi, c'est que les services médicalement requis, effectivement, le panier de services doit demeurer le plus complet, le plus large possible. C'est un enjeu de nature politique. C'est un enjeu de gouvernance de déterminer lesquels services doivent être dans le panier des services assurés. Mais je pense qu'il faut quand même regarder les enjeux de rémunération, concrètement voir comment plus peut être fait pour améliorer la performance du régime au niveau des coûts. Je ne veux pas parler au nom de la Vérificatrice générale, vous l'entendrez, d'ailleurs, mais elle a fait ressortir des enjeux importants en gestion des risques et de contrôle de la rémunération. Je pense que c'est la première chose à faire avant de revoir le panier de services pour des services qui sont médicalement requis.

M. Barrette : Vous parlez d'enjeu de la rémunération, et je vais faire le lien avec les frais de fonctionnement. Moi, mon opinion, et c'est comme ça que je me gouverne, là, la question ici, ce n'est pas l'enjeu de rémunération au sens du titre mais bien de définir de la façon la plus précise ce qui est payé et ce qui ne l'est pas et à quelle hauteur. Moi, je vous soumets... puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus, là, parce qu'il nous reste 1 min 30 s, là, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Moi, la problématique que je vois, là, dans le grand ensemble, et c'est comme ça que je le vois depuis toujours, là, la problématique, ce n'est pas le mode. Quand vous, vous recevez des plaintes, vous recevez des plaintes à propos de choses qui sont non prévues dans les réglementations actuelles ou mal balisées. Et, quand vous faites référence, et je fais le lien avec les frais de fonctionnement, bien là, ça, ce vers quoi ça pointe, ça pointe vers un argumentaire qui est mis de l'avant par un groupe de professionnels qui n'est pas traité objectivement dans les cas de rémunération. Est-ce que je peux penser que vous seriez d'accord avec ça?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : M. le ministre, je persiste à dire que le mode de rémunération, chaque acte est rémunéré, que le mode de négociation qui se fait avec moins de transparence que pour les autres professionnels, notamment les autres professionnels de la santé, mérite d'être regardé de manière très attentive avant de faire en sorte que le panier de services et les frais additionnels... et des frais additionnels soient chargés aux usagers. Pour moi, c'est vraiment une dimension qui est fondamentale.

Et on parle d'éventuellement revoir possiblement le panier de services...

Le Président (M. Habel) : En conclusion.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : ...dans votre question. À mon avis, l'universalité du régime de santé et de services sociaux, c'est fondamental, c'est très important, et il ne faudra pas le faire au détriment du respect de ce principe.

M. Barrette : M. le Président, juste un commentaire court, une phrase. Je n'évoque pas la possibilité de revoir le panier de services, mais, comme ça a déjà été évoqué, je vous demandais votre opinion, tout simplement.

Le Président (M. Habel) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Taillon en lui rappelant que l'opposition officielle dispose de 10 min 30 s.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Saint-Germain, Mme Pageau, Me Julien, M. Clavet, merci encore une fois pour un mémoire très éclairant, un mémoire qui nous permet de vraiment comprendre et cibler des enjeux nouveaux. D'accord avec vous pour l'obligation de la RAMQ de rembourser la personne assurée. La communication aux autres professionnels des renseignements des professionnels qui ont contrevenu, je pense que c'est également essentiel. La protection contre les représailles pour dénonciation traduit encore votre très grande proximité avec les préoccupations et les difficultés des citoyens.

L'évaluation des frais administratifs des cabinets et des cliniques médicales, ça, je vous avoue, vous innovez à ce niveau-là, et je vois très bien le lien avec aussi l'extrapolation qui a été faite au niveau des frais de cabinet. Et donc, à la page 11 de votre mémoire, vous faites une de vos recommandations : «Que le ministre de la Santé et des Services sociaux confie à la régie le mandat d'élaborer, administrer et appliquer un programme permanent d'évaluation des frais administratifs des cabinets et des cliniques médicales dans le but de déterminer leurs coûts réels de fonctionnement ainsi que des scénarios de financement.»

À l'étude de crédits récemment, on a bien vu qu'il y avait un montant approximatif, là, de 440 000 $ qui était, en moyenne, donné à chacun des GMF, qui incluait des frais... bien, en fait, du remboursement de professionnels, deux infirmières, mais aussi des frais de loyer, d'informatique, d'autres frais de gestion. Est-ce que vous faites référence à ces frais-là, donc, que vous recommanderiez qu'il y ait peut-être un dépôt de facturation, des pièces justificatives et qu'on détermine le vrai coût réel de fonctionnement, ce qui pourrait libérer une masse monétaire qui permettrait de rembourser ou d'offrir d'autres services actuellement remis en question?

• (11 h 50) •

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, M. le Président, la façon de fonctionner actuelle fait en sorte qu'il y a une compensation. Les médecins effectuent... doivent même, dans certains cas, effectuer une compensation parce qu'ils ne le sont pas autrement pour des frais de fonctionnement qui sont notamment liés aux coûts additionnels des composantes techniques et technologiques. C'est quand même des frais réels qu'ils doivent assumer.

Alors, je réfère bien sûr aux frais additionnels illégaux ou abusifs qui sont facturés aux usagers, mais je réfère surtout et encore une fois au mode de rémunération des médecins, qui doit être beaucoup plus transparent, qui doit inclure ces frais de fonctionnement et qui doit bien sérier ce qui peut être facturé, ce qui peut leur être payé en termes à la fois de rémunération et de frais de fonctionnement, et sérié avec ce qui peut être chargé aux usagers au niveau de frais accessoires pour des services non assurés, raisonnables, bien balisés et ne pas être chargé aux usagers parce que ce sont des frais accessoires qui sont liés à des services médicalement requis.

Et j'insiste pour que les frais de fonctionnement que les médecins doivent légitimement réclamer soient des frais basés sur leur coût réel et non pas des frais auxquels on ajoute des profits ou une... Alors, c'est encore une fois, je le dis, lié au mode de rémunération.

Mme Lamarre : Actuellement, dans le fond, ces frais-là, ils sont estimés, gérés et répartis à l'intérieur des enveloppes des deux fédérations médicales, la FMOQ et la FMSQ. Votre recommandation 5, c'est de demander que la régie exerce un contrôle, une vérification, et reçoive, donc, les coûts réels à partir probablement d'évaluations plus précises. Est-ce que ma lecture est juste?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : C'est que la régie, de manière extrêmement rigoureuse, selon les critères et les standards requis, évalue le coût réel de fonctionnement, d'administration d'un cabinet médical d'un GMF, incluant le coût des composantes techniques et technologiques, et qu'elle détermine à ce moment-là quels sont les coûts qui devraient être remboursés au médecin. C'est cette dimension-là qui m'apparaît devoir être assumée par la régie. Le ministre a un pouvoir d'exiger cela de la régie. Et je dois vous dire aussi que le conseil d'administration de la Régie de l'assurance maladie, je le soulève, comporte des membres indépendants et des membres non indépendants. Lorsqu'ils sont au conseil d'administration de la régie, ils sont là dans l'objectif d'assurer la meilleure gouvernance de la Régie de l'assurance maladie dans le respect des droits des citoyens et dans le respect du contrôle des sommes importantes que la régie affecte à ses programmes et à la rémunération des médecins.

Alors, il faut que ça soit clair aussi, cette dimension-là. Et je pense que les pouvoirs qui sont donnés au ministre, et, M. le ministre, évidemment, je parle de tous les ministres de la Santé, sont des pouvoirs importants et que le ministre ne doit pas hésiter à utiliser s'il avait le moindre doute sur l'inefficacité de la régie parce qu'il y a une proximité très grande entre la régie et le ministère, il faut bien le voir. La régie, au fond, est un agent d'administration et de recouvrement des programmes d'assurance médicaments et d'assurance maladie pour le compte du ministère de la Santé. Donc, tous les pouvoirs sont déjà là à cette fin-là.

Mme Lamarre : Parce que, quand on fait l'étude de crédits, on constate qu'il y a déjà des provisions qui sont prévues de l'ordre d'environ 30 % pour les médecins qui exercent en cabinet. Donc, le même acte posé en cabinet privé ou à l'hôpital par un médecin de famille est bonifié d'environ 30 % quand il est fait en cabinet privé.

Du côté des spécialistes, il y a même une colonne désignée, dédiée spécifiquement aux frais de cabinet qui fluctuent en fonction, effectivement, des spécialités, en particulier des spécialités qui ont des frais d'équipement, comme les ophtalmologistes ou les dermatologues. Donc, il y a déjà énormément d'argent dans l'organisation, mais qui n'est pas objectivé, disons qu'actuellement... et qui, de plus est, est considéré comme insuffisant puisqu'il a justifié l'ajout des frais accessoires, depuis une dizaine d'années, aux citoyens, alors que, pendant 30 ans, c'était considéré comme tout à fait raisonnable et ça comportait vraiment strictement le produit qui était utilisable, qui devait être utilisé en cabinet privé.

Très contente que vous évoquiez la composition du conseil d'administration de la RAMQ parce que c'était ma prochaine question. Effectivement, on note la présence des deux présidents de la fédération et du président de l'association des pharmaciens propriétaires au sein de ce conseil d'administration, qui doit, jusqu'à un certain point, s'auto... qui doit déterminer les règles de son auto-évaluation. Est-ce que vous recommandez des modifications dans la composition du conseil d'administration de la RAMQ?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : M. le Président, je reviens brièvement sur votre commentaire précédent concernant les frais de fonctionnement qui sont déjà payés aux médecins omnipraticiens, aux spécialistes, là, selon des proportions différentes. Dans notre avis sur les frais accessoires en octobre dernier, nous insistions sur l'importance qu'il n'y ait pas double facturation dans le sens où les usagers ne doivent pas payer en plus pour des frais déjà assumés. Mais la prétention, et je ne doute pas qu'il y ait des fondements à cela, des médecins est que les frais qui leur sont défrayés pour le fonctionnement ne sont pas suffisants compte tenu de l'évolution des coûts. Et c'est pour ça — je reprends votre mot, «objectiver» — que je recommande que la régie fasse un examen objectif et impartial pour s'assurer de la réalité de ces coûts. Ça m'apparaît important.

Composition de la régie, je pense que le ministre a des pouvoirs importants. Je ne veux pas prêter de mauvaise foi à personne, mais je suis quand même étonnée qu'avec la composition de la Régie de l'assurance maladie du Québec et de son conseil d'administration et les moyens, les pouvoirs qu'elle avait à sa disposition dans la loi, la question des frais accessoires, qui a été dénoncée privément et publiquement depuis nombre d'années, n'ait pas été réglée plus tôt. Et encore, il faut des modifications réglementaires, mais il a fallu que le ministre soit très vigilant et décide d'agir, encore que l'action, à mon avis, je le répète, doit être complétée, là, par l'abrogation de certains articles de la loi.

Alors, je m'étonne. Tous ces acteurs, qui ont une bonne connaissance du dossier, qui ont les moyens d'agir, les délais qui ont été pris à le faire m'étonnent, c'est le moins que je puisse dire. Et, si, avec les nouveaux pouvoirs qu'aurait la régie si le projet de loi n° 92 est sanctionné, la situation ne se règle pas sans délai, si le pouvoir d'initiative de la régie n'est pas utilisé comme il le doit, des questions vont se poser, effectivement, sur la composition du conseil d'administration.

Mme Lamarre : Alors, pour revenir au mode de rémunération, je pense qu'effectivement du côté des médecins ce que vous envisagez, ce que vous nous dites, c'est qu'il doit y avoir... et le Commissaire à la santé avait donné des pistes pour revoir le mode de rémunération des médecins. Le ministre aime évoquer qu'il n'y a que ce mode-là ou le salariat. Je pense qu'il y a toute une gamme de modalités entre les deux. Mais, clairement, il y a lieu de revoir des choses.

Je comprends les frais de GMF, par exemple, mais j'essaie de voir, parce qu'à l'intérieur de ces frais-là, dans le 440 000 $ en moyenne par GMF, il y avait quand même, par exemple, la rémunération de deux infirmières cliniciennes, deux infirmières bachelières ou la rémunération d'une infirmière praticienne spécialisée.

Le Président (M. Habel) : En terminant.

Mme Lamarre : Et donc tout ça permet d'augmenter le volume d'actes, quelque part. Et donc, puisqu'on est dans un mode de rémunération à l'acte, il y a déjà un retour, je vous dirais, sur cette contribution que le gouvernement donne.

Le Président (M. Habel) : En 10 secondes.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je pense que tout ça doit être examiné, et surtout qu'on doit accroître la transparence en ce qui concerne les modes, les conditions de rémunération, et que les rapports objectifs, les examens que doit faire la RAMQ doivent être considérés.

Le Président (M. Habel) : Merci beaucoup. Merci, Mme la députée de Taillon. Je cède maintenant la parole au député de Lévis en lui rappelant que le deuxième groupe d'opposition dispose de sept minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Mme Saint-Germain, bienvenue. Bonjour, Mme Pageau, Me Julien, M. Clavet.

Je vais revenir sur des éléments dont on a parlé, mais qui sont extrêmement importants. Et j'aborderai la compensation dont vous parlez pour les frais administratifs de fonctionnement ou les frais de fonctionnement.

Est-ce qu'il faut comprendre que cette compensation-là devrait se limiter, dans votre vision à partir du moment où on évalue bien ce que ça veut dire, au prix coûtant, sans profit, c'est-à-dire qu'on ne compense que le coût réel sans ajouter quelque marge de profit que ce soit?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, M. le Président, en ce qui a trait aux services non assurés parce qu'ils ne sont pas médicalement requis, par exemple, des services administratifs pour remplir des formulaires de la Société de l'assurance automobile, les médecins et autres professionnels pourraient facturer, mais en fonction d'un coût réel et d'un coût qui soit raisonnable et balisé par règlement parce que ça sert à compenser autre chose que le coût de ces frais administratifs, présentement, et c'est ça qui n'est pas acceptable.

Par ailleurs, je reviens au mode de rémunération et de négociation, il est normal que les médecins soient correctement compensés pour leurs frais de fonctionnement. Et présentement moi, comme Protectrice du citoyen, je n'ai pas l'heure juste sur le fait qu'ils le soient ou qu'ils ne le soient pas de manière adéquate.

• (12 heures) •

M. Paradis (Lévis) : Je fais une parenthèse parce qu'elle est intéressante, et, quand vous parlez notamment... Puis je pense que des gens se retrouveront à travers des problématiques comme celle-là. Vous parlez de formulaires à être remplis au besoin pour les patients, et combien de fois... Et là je ne veux pas prendre tout le temps, mais... Et vous le constatez un peu. Je veux seulement vous entendre là-dessus, comme quoi c'est un problème évident. Des gens qui viennent me voir pour dire : On m'a chargé, par exemple, à un endroit, un montant x, à un autre, un autre, vous parlez de 50 $ à 300 $, avec des modalités de paiement qui ne sont pas à l'image de ce que le patient peut faire. Par exemple, on lui exige de payer de telle façon, bon, et c'est... Vous avez sur vos tables... et vous êtes consciente d'un problème qui est en recrudescence en ce qui concerne cette pratique-là.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Absolument. On exige souvent, d'abord, de payer comptant, que ce ne soit pas par le personnel de la clinique, mais payé directement au médecin en argent comptant. On a cette dame, dont la plainte est entrée il y a quelques jours, qui a payé 90 $ pour faire remplir son formulaire pour la Société de l'assurance automobile pour attester qu'elle était encore en mesure de conduire, 90 $ comptant. Alors, je ne veux pas être anecdotique, mais on l'a eu suffisamment souvent pour considérer que ce n'est pas normal. Ce n'est pas normal, des ophtalmologistes qui, pour, justement, encore la SAAQ, chargent 50 $, d'autres, 75 $. Ce n'est pas balisé, ce n'est pas normé. C'est généralement en argent comptant. Alors, ce n'est pas acceptable.

M. Paradis (Lévis) : Il y a des gens qui vont dire : Mon Dieu! Il me semble qu'on se retrouve... qu'on a hâte qu'il puisse se faire des choses à ce chapitre-là.

Vous l'avez dit, mais je reviens. Vous dites, et corrigez-moi si je me trompe, là, mais : La première chose à faire, ce qu'il y a de plus important actuellement — vous l'avez mentionné dans plusieurs de vos réponses — c'est de réfléchir, et de revoir, et de repenser le mode de rémunération des médecins avant même de réfléchir ou d'entamer quelque réflexion que ce soit ou quelque changement que ce soit au niveau du panier de services. Je comprends... En tout cas, moi, je comprends... je vois votre vision de cette façon-là. Est-ce que je vois bien? Et pourquoi c'est important de suivre ces étapes-là?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Bien, d'une part, le panier de services, il est pensé en fonction de ce qui est médicalement requis et de l'universalité qui est à la base de notre régime de santé. Alors, je pense qu'avant de remettre ça en question il y a autre chose qui doit être fait.

On constate, l'évolution de la rémunération des médecins, elle est importante. Et il y a parallèlement des justifications et des demandes qui se font de la part des médecins en disant : Bien, mes coûts, mes coûts de fonctionnement augmentent. Toute la pharmacologie aussi qui a beaucoup évolué et qui induit d'autres approches, d'autres façons de faire. Alors, tout ça mérite d'être évalué objectivement pour qu'on s'assure que les médecins, oui, sont justement rémunérés, que le Québec demeure compétitif et a une qualité de pratique médicale, sur le plan scientifique, qui est enviable, mais, en même temps, il faut s'assurer d'une plus juste mesure et que les citoyens, les droits des citoyens sont protégés dans la conception de ce régime. Ça ne date pas d'hier, cet avis-là. Les experts Chicoine et Castonguay l'avaient souligné dans des rapports bien étoffés et bien rigoureux. Et encore une fois la Vérificatrice générale, il y a quelques semaines, déposait un rapport qui démontre que, du côté du contrôle de la facturation et de la rémunération, la gestion des risques de la Régie de l'assurance maladie doit être améliorée. Je pense que le projet de loi n° 92 accorde des pouvoirs... accorderait, s'il est sanctionné, des pouvoirs qui vont aller dans le bon sens à la Régie de l'assurance maladie.

M. Paradis (Lévis) : Et, dans le projet de loi n° 92, on parle évidemment du secret professionnel, de cette possibilité-là d'aller chercher de l'information supplémentaire de façon plus facile. Bon, le secret professionnel, de le lever lorsque le besoin se fait sentir entre un patient et son médecin. Pharmaciens, dentistes, optométristes, plusieurs ordres professionnels sont venus ici pour nous dire : Ça nous inquiète un peu. Ça va devoir être extrêmement bien balisé. Il y a une forme d'inquiétude sur cette notion-là, puis il y a une notion de confiance à travers tout ça. Est-ce que vous exprimez des craintes à ce chapitre-là? Est-ce qu'on devrait baliser de façon particulière cette possibilité d'agir?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, M. le Président, je n'ai pas de crainte parce que c'est déjà très bien balisé, et la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels demeure. Il y a déjà des raisons médicales — le ministre y faisait d'ailleurs allusion tout à l'heure — pour lesquelles un médecin a le pouvoir et la capacité d'extraire certaines données, certaines informations dans l'intérêt du patient, de son dossier, avant qu'il lui soit communiqué. Alors, moi, je n'ai pas de crainte à ce niveau-là. Ce serait extrêmement balisé.

Il ne s'agit pas de dire : Ça, c'est des dossiers qui deviennent publics, là, bien au contraire. C'est l'accès au patient, c'est l'accès aux fins d'enquête. C'est un accès qui est protégé dans le sens aussi des enquêtes, et qui permet de trouver des correctifs et d'aller, dans l'intérêt public, rectifier des abus, et qui permettrait aussi aux ordres professionnels... parce que j'ai bien noté que le Collège des médecins, son président faisait valoir qu'il aimerait aussi avoir plus d'informations en provenance de la Régie de l'assurance maladie sur des cas d'abus. Alors, moi, je n'ai pas d'inquiétude dans la mesure où ce sera géré dans le respect de la loi d'accès et de protection des renseignements.

Le Président (M. Habel) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Clavet, Mme Saint-Germain, Mme Julien, Mme Pageau du Protecteur du citoyen. Je vous remercie pour votre présence à la Commission de la santé et des services sociaux. Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 16 h 15. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 6)

(Reprise à 16 h 18)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 92, Loi visant à accroître les pouvoirs de la Régie de l'assurance maladie du Québec et modifiant diverses dispositions législatives.

Cet après-midi, nous allons recevoir dans un premier temps les représentantes, représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec et, par la suite, les représentantes, représentants du Conseil pour la protection des malades.

Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux personnes qui représentent la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Merci d'être parmi nous, d'être avec nous. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous pourrez échanger avec les parlementaires. Je vous demanderais, pour les fins de l'enregistrement, s'il vous plaît, de bien vouloir préciser vos noms et fonctions. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ)

Mme Francoeur (Diane) : Merci. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. Je me présente, Dre Diane Francoeur, je suis présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de Mme Nicole Pelletier, qui est la directrice des Affaires publiques et des Communications, et de Me Sylvain Bellavance, qui est le directeur des Affaires juridiques et de la Négociation.

M. le Président, la Fédération des médecins spécialistes du Québec remercie les membres de la Commission de la santé et des services sociaux pour cette invitation à prendre part aux consultations particulières et aux auditions publiques portant sur le projet de loi n° 92, soit la Loi visant à accroître les pouvoirs de la Régie de l'assurance maladie du Québec et modifiant diverses dispositions législatives.

• (16 h 20) •

Je vous rappelle que la Fédération des médecins spécialistes du Québec regroupe plus de 10 000 médecins oeuvrant dans l'une des 59 spécialités reconnues. Interlocutrice unique au nom des médecins spécialistes reconnue par le gouvernement du Québec, la FMSQ collabore étroitement avec le ministère de la Santé et des Services sociaux dans divers dossiers.

L'expertise de la FMSQ va bien au-delà du rôle consistant à négocier le renouvellement de ses ententes avec le gouvernement. En outre, la FMSQ participe à la répartition des effectifs médicaux spécialisés sur l'ensemble du territoire, propose la mise en place de nouveaux services en réponse aux besoins populationnels, s'assure que les conditions propices soient réunies pour leur déploiement. Elle est partie prenante des processus visant l'optimisation, l'acquisition et le renouvellement des équipements médicaux. Elle est régulièrement consultée, et contribue activement à l'élaboration des grandes orientations gouvernementales en matière de dispensation des soins et services en médecine spécialisée, et s'assure que les problématiques rencontrées dans chaque spécialité médicale soient adéquatement relayées aux autorités pour être résolues et dans l'intérêt des patients.

Précisons que 70 % des médecins spécialistes du Québec pratiquent exclusivement en centre hospitalier, que 22 % pratiquent à la fois en centre hospitalier et en cabinet médical et que 8 % pratiquent uniquement en cabinet. Ils traitent donc tous les types de clientèle et toutes les pathologies. Ils sont aux premières loges pour poser un regard objectif sur l'organisation et le fonctionnement du système public de santé ainsi que pour juger de l'état de santé de la population dans une perspective globale et intégrée.

M. le Président, d'entrée de jeu, permettez-moi d'être on ne peut plus claire en réitérant le fait que la FMSQ ne défendra jamais les comportements abusifs, voire frauduleux des médecins spécialistes sur le plan de la facturation. Qui plus est, nous sommes d'avis que la RAMQ doit posséder les pouvoirs requis pour exercer pleinement ses responsabilités, notamment pour mieux contrôler la rémunération des professionnels de la santé. Le projet de loi n° 92 contient des mesures auxquelles nous souscrivons, notamment pour les patients. Cependant, nous questionnons de nouveaux pouvoirs qui seraient dévolus à la RAMQ si ce projet de loi était adopté dans cette version. En effet, contrairement à la perception, aucune démonstration n'a été faite à l'effet que ces nouveaux pouvoirs s'avéraient nécessaires. Les recommandations contenues dans le rapport du Vérificateur général du Québec de novembre 2015 sont éloquentes à cet égard. Elles mettent surtout l'emphase sur les correctifs que la RAMQ doit apporter ainsi qu'à l'optimisation de ses activités de contrôle, de leur application ainsi qu'aux mécanismes de surveillance. On ne peut donc affirmer que le présent projet de loi découle de ce rapport.

Nous avons scrupuleusement lu et relu la transcription des débats lors du passage des représentants de la RAMQ, le 18 février dernier, dans le cadre des travaux de la Commission de l'administration publique qui donnaient suite au rapport du Vérificateur général. Ceux-ci n'ont pas été en mesure de justifier de façon concrète la nécessité d'obtenir de nouveaux pouvoirs. Les réponses aux questions des parlementaires sont demeurées évasives quant aux limites des pouvoirs actuels.

M. le Président, de son aveu même, la RAMQ peut actuellement et pleinement s'acquitter de ses responsabilités en matière de vérification et de contrôle de la facturation. Je vous rappelle d'ailleurs que la RAMQ a reconnu n'avoir imposé aucune amende à des professionnels de la santé. L'argument voulant que les montants actuels ne soient pas suffisamment dissuasifs tombe ainsi à sa face même.

Selon nous, l'enjeu pour la RAMQ, répétons-le, consiste plutôt à utiliser à meilleur escient les pouvoirs qu'elle détient déjà tout en veillant à optimiser ses ressources et ses processus actuels, une démarche que la RAMQ a déjà entreprise, par ailleurs. En effet, depuis de nombreuses années, la FMSQ et la RAMQ ont mis en place des mécanismes conjoints d'évaluation, tels que les comités médicaux aviseurs, les comités de conciliation et les comités de travail conjoints ministère-FMSQ-RAMQ, afin de s'assurer que la facturation soit effectuée en respectant l'esprit et la lettre des ententes convenues. L'évaluation concerne tant des codes déjà en place que des nouveaux codes créés pour refléter l'évolution de la pratique médicale, notamment lorsque de nouveaux services sont développés et mis en place.

La FMSQ juge qu'il est essentiel de préserver un juste équilibre entre les droits des professionnels de la santé et les pouvoirs d'un organisme de surveillance auxquels ils sont assujettis. Or, le projet de loi n° 92 comporte des éléments qui risquent de briser cet équilibre.

M. le Président, dans ce contexte, la fédération demande aux membres de la commission de revoir certaines dispositions de ce projet de loi. Mentionnons d'abord la mesure qui aurait pour effet de rendre le médecin exerçant en cabinet responsable des actes commis ou des décisions prises par des tiers, en l'occurrence des propriétaires ou des dirigeants de cabinet où il loue des espaces et utilise du personnel et des équipements pour y donner des services. Nous attirons aussi votre attention sur les éléments suivants : le gel pendant un an des délais de prescription civile, un pouvoir que Revenu Québec n'a même pas, la modification des délais de prescription pénale, l'ajout de sanctions administratives, l'augmentation importante des amendes sans que les amendes actuelles n'aient jamais été appliquées, la diminution des délais de contestation du professionnel de la santé, qui passent de six mois à 60 jours, et le pouvoir de récupérer des sommes liées aux frais accessoires tant que cette problématique ne sera pas résolue. Nous invitons les parlementaires à jouer de prudence quant à la portée des articles touchant ces aspects dans le projet de loi.

De manière à préserver l'équilibre entre les droits des professionnels de la santé et les pouvoirs consentis à la RAMQ, la FMSQ demande également que soient insérés les éléments suivants au projet de loi : élargir les circonstances exceptionnelles où un professionnel de la santé peut réclamer ses honoraires en dehors de la période de 90 jours, permettre la rémunération par la RAMQ des services dispensés par un médecin dans un cas urgent à une personne dont la carte d'assurance maladie est expirée et qui serait autrement admissible au système d'assurance maladie. Nous faisons référence, entre autres, aux soins psychiatriques des itinérants ainsi qu'aux accouchements, qui ne sauraient être mis en attente le temps de régulariser l'admissibilité de l'assuré.

M. le Président, nous invitons les parlementaires à la vigilance, étant d'avis que le législateur ne devrait pas répondre de façon favorable à l'octroi de pouvoirs additionnels prévus au projet de loi n° 92, à moins qu'il n'ait été démontré que ces pouvoirs sont requis pour permettre à la RAMQ de s'acquitter de ses responsabilités. À notre avis, cette démonstration n'a pas encore été faite. Je vous invite à prendre connaissance du contenu de notre mémoire, où nos arguments sont davantage détaillés, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, on débute maintenant la période d'échange pour un bloc de 16 minutes. Je cède la parole au ministre de la Santé.

• (16 h 30) •

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Dre Francoeur, Me Bellavance et Mme Pelletier, merci d'avoir le courage, je dirais, de venir vous exprimer en commission parlementaire et à la face du public dans une période où il semble être de bon ton de, disons, peut-être politiquement dénigrer la profession médicale. Mais, ceci dit, il n'en reste pas moins qu'il y ait des questions légitimes qui sont posées de la part du public, surtout, je dirais, de d'autres personnes sur un autre ton, vous allez probablement le constater tantôt, mais il y a quand même des questions qui sont fondées, là, de la part de public. Puis je vais vous en poser quelques-unes parce que, nous, évidemment, comme parlementaires, notre responsabilité est auprès du grand public. Peu importe la formation politique que nous représentons, notre fonction première est de défendre les intérêts de la population. Vous faites partie de la population. Alors, il y a une collision, parfois, des intérêts, mais les intérêts du public, théoriquement, ont une certaine prépondérance.

Je vais commencer par la question suivante : Ça m'étonne quand vous nous dites qu'il n'y a pas de justification, que la démonstration n'est pas faite que les pouvoirs, qui sont additionnels ou plus précis, qui sont inclus ou prévus au projet de loi ne sont pas justifiés. Et je vais vous dire pourquoi ça m'étonne. Face à une situation que je connais bien, évidemment, et face, évidemment, aux critiques qui existent et qui sont, elles, exprimées par des instances que l'on ne peut pas qualifier de partiales... je ne pense pas que l'institution qu'est le Vérificateur général ou le Protecteur du citoyen puisse être qualifiée de partiale. Ces gens-là disent immense ce type de pouvoir là. Moi, comme ministre, je suis en place et je me tourne de bord, je vais voir la RAMQ et je leur dis la chose suivante : Écoutez, là, M. le Président, est-ce que certains pouvoirs vous manquent pour exercer de façon pleine et entière vos fonctions? Et la réponse qu'on me dit, c'est oui. Et je leur propose, avec, évidemment, la Direction des affaires juridiques, de m'écrire le projet de loi qui va résoudre une fois pour toutes cette problématique-là.

Mais là vous, vous êtes en opposition avec cette position-là des Affaires juridiques et de la RAMQ. Vous dites, d'un côté, comme présidente de la fédération, qu'il n'y a pas de justification qui est démontrée. La RAMQ me dit : Oui, il me manque des pouvoirs. Les Affaires juridiques me proposent un texte qui corrigerait la situation, qui répond aux observations et critiques qui viennent à la fois du Vérificateur général et de la Protectrice du citoyen. Et là c'est là qu'est le grand mystère et le grand dilemme. Vous êtes vous-même sur le conseil d'administration de la RAMQ. Alors là, moi, je trouve que, là, il y a un noeud gordien. D'un côté, vous êtes sur le conseil d'administration d'une organisation qui me dit : Il me manque des pouvoirs. Je fais un projet de loi, je dépose un projet de loi qui va en ce sens-là, et vous nous dites, là, comme présidente de la fédération : Ça ne marche pas, il n'y a pas de justification. Alors, je vous propose de me résoudre ce noeud gordien là.

Mme Francoeur (Diane) : Avec plaisir, M. le ministre. Vous savez comme moi, pour avoir siégé en tant qu'ancien président de la fédération sur le C.A. de la RAMQ, que, parfois, il peut y avoir, dans un conseil d'administration, certaines positions différentes. Et, cela dit, que la possibilité que chacun des administrateurs puisse exprimer ses positions fait partie d'une saine gouvernance.

À la fédération, nous n'avons jamais défendu l'indéfendable. Nous participons à toutes les demandes de la RAMQ pour travailler sur des groupes de travail et nous considérons que nous allons arriver à des meilleurs résultats pour bien encadrer la pratique médicale parce que, entendons-nous, les cas de fraude sont rarissimes. La plupart des problématiques sont associées à des mauvaises interprétations de l'entente, et, par rapport à ça, je pense que nous serons beaucoup plus efficaces de donner des bonnes explications aux médecins, des informations, donner des indicateurs à la RAMQ plutôt que de les envoyer errer.

Je vais vous donner un exemple. Dans le rapport, dans ce qui est prévu, on parle d'étudier 35 dossiers. Lorsque j'ai quitté ma pratique, juste en cabinet, j'avais 2 384 dossiers pour une pratique à temps partiel. Alors, 35, c'est une goutte d'eau dans l'océan de ma pratique. Donc, nous pensons que nous pouvons guider plus facilement la RAMQ pour qu'elle puisse faire son travail.

Cela dit, de doubler le montant des amendes lorsqu'on ne les a jamais appliquées, c'est comme faire des menaces qu'on n'appliquera jamais. Pour nous, ce n'est pas là la solution du problème. Commençons d'abord par appliquer les possibilités qui sont offertes à la RAMQ de régler rapidement. Assurons-nous qu'ils ont le personnel suffisant pour pouvoir procéder à leur enquête, et, à ce moment-là, je pense que nous serons en mesure de mieux servir la population parce qu'au bout de la ligne qu'est-ce qu'on veut? C'est qu'il n'y ait pas de mauvaise facturation, qu'il n'y ait pas de fraude et que les patients puissent avoir les services dont ils ont droit.

M. Barrette : Même si, actuellement, le discours, certainement, de l'opposition officielle semble aller dans la direction où à peu près tous les médecins du Québec sont fraudeurs...

Mme Lamarre : M. le Président, on me prête des intentions.

M. Barrette : J'ai dit «semble».

Mme Lamarre : Oui, à l'effet que l'opposition officielle prétend que l'ensemble des membres de la FMSQ sont des fraudeurs...

Le Président (M. Tanguay) : Oui, juste faire attention, faire attention...

Mme Lamarre : C'est plus qu'une intention, je pense, M. le Président. Sincèrement, là, c'est vraiment des intentions qui sont prêtées et qui ne traduisent pas du tout aucune des informations que j'ai données.

Le Président (M. Tanguay) : D'accord. Alors, peut-être, M. le ministre, juste faire attention par rapport au fait...

Mme Lamarre : ...retirer ses mots, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : ...de ne pas prêter d'intention, s'il vous plaît. Alors, la parole est au ministre.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, je ne prête pas d'intention, évidemment. J'ai dit «semble». Je n'ai pas affirmé que c'était le cas, mais des observateurs externes pourraient penser ou tirer cette conclusion-là, on ne le sait pas. Mais, une chose est certaine, moi, je ne pense pas que la majorité des médecins soient des fraudeurs.

Mais, Dre Francoeur, j'aimerais que vous vous exprimiez quand même sur un élément. Et cet élément-là, il est très simple : Ne trouvez-vous pas quand même qu'il y ait ça, par contre, certainement plus que de la fraude, qu'il y ait des abus et que, s'il y a des abus, bien, c'est qu'ils ne sont pas contrés? Et, s'ils ne sont pas contrés, c'est parce qu'il n'y a pas de règle suffisamment forte pour les contrer, que ce soit le pouvoir d'inspection de la RAMQ, que ce soit l'effet dissuasif des amendes, que ce soient les ententes elles-mêmes. Est-ce qu'on peut raisonnablement dire aujourd'hui, là, de votre part, qu'il n'y a pas d'abus dans le système en termes de frais accessoires? Ça, je pense que vous avez une opinion là-dessus. Je ne peux pas croire que vous n'en avez pas. Et, si la réponse est oui pour les abus, bien, c'est donc obligatoirement qu'il manque quelque chose pour que ces abus-là n'existent pas.

Mme Francoeur (Diane) : Alors, M. le ministre, vous qui savez tout, vous savez comment on fait le suivi des nouvelles ententes et des codes de facturation. Alors, laissez-moi d'abord rassurer Mme Lamarre. Je suis le seul médecin en pratique dans la salle et je n'ai jamais fraudé. Alors, vous en avez au moins une. Donc, on a une exception.

Tout d'abord, ce n'est pas ce que le rapport du VG dit, là, qu'il y a nécessairement des abus, et il ne faut pas qu'il y en ait non plus. Le dossier des frais accessoires est complexe. Aujourd'hui, c'est une journée qui est quand même intéressante puisqu'on a eu le rapport, qui est sorti il y a à peine quelques heures, où les conclusions démontraient que le flou des frais accessoires nuit à tout le monde. Il nuit surtout aux patients et il nuit aux médecins parce qu'il traîne, et tout ce qui traîne se salit. Ça fait des années qu'on demande à ce que ce dossier-là soit mis au clair pour cesser justement les abus potentiels.

Cela dit, je reviens à mon explication que je vous ai donnée tout à l'heure. Je ne pense pas que d'envoyer un inspecteur chercher à l'aveugle les abus potentiels va rapporter beaucoup. Ce serait très intéressant de faire une étude dans le cadre d'une administration de la santé et de voir un inspecteur qui a très peu de consignes, un inspecteur à qui on va expliquer les ententes et lui dire : Vérifiez ci, vérifiez ça, vérifiez ça, vérifiez ça parce qu'on les connaît, les abus possibles, et c'est pour ça que le livre de facturation est si complexe, parce qu'on essaie de les circonscrire même avant qu'ils n'arrivent.

Alors, nous croyons définitivement que nous pouvons limiter les abus. J'exclus le dossier des frais accessoires parce que je pense que c'est un dossier qui est à part. En ce qui concerne la facturation, nous sommes en mesure de déterminer des critères. Et à ce moment-là il sera plus facile pour la régie d'aller voir où sont les abus. Et, par exemple, des projets, pour n'en citer juste un, qu'on a proposés à la RAMQ, c'est de dire : Bon, dans une journée, on peut faire combien de telles chirurgies, on peut faire combien de consultations? Il y a un paramètre qui restera toujours le même. Chaque journée n'aura que 24 heures, et, à part lorsqu'on est de garde, la plupart des gens ne travaillent pas 24 heures de suite. Donc, on est capables d'avoir déjà des paramètres et de dire : Au-delà de tant d'actes, il devrait y avoir un critère qui sort automatique, et ces individus-là devraient être vérifiés. C'est le genre de mesures, par exemple, qui peut très bien s'établir en lien avec la RAMQ. Et ils iront faire leurs enquêtes et faire le nécessaire par la suite. D'augmenter les amendes ne va pas régler aucune de ces problématiques, bien au contraire.

M. Barrette : J'ai de la misère à vous suivre là-dessus, Dre Francoeur, parce qu'une amende, aussi grande soit-elle, n'a aucun effet chez quiconque respecte les règles.

Mme Francoeur (Diane) : Oui, mais est-ce qu'on a besoin de faire des menaces, si grandes soient-elles, pour se faire respecter des règles qu'on s'est entendus? Je pense, contrairement à ce que les médias essaient de faire comprendre à la population, que la plupart des médecins sont honnêtes, j'en suis convaincue. Ils ne le sont pas tous. Il y a des exceptions comme dans n'importe quelle profession. Et je pense que c'est en resserrant les règles qui sont déjà sur place, et en les appliquant, et en faisant un suivi, et en s'assurant que la RAMQ a les équipes nécessaires pour faire ses enquêtes dans un délai bref... Même si on allonge les délais d'enquête, tout ce que ça fait, c'est... pour les médecins qui auraient soit mal compris ou mal interprété une entente, les mauvaises habitudes vont être déjà accomplies, alors que, si on est capables de faire les enquêtes plus rapidement, on va être en mesure de corriger les mauvaises habitudes plus vite.

• (16 h 40) •

M. Barrette : Je vais aborder une autre sujet parce qu'il a été abordé ce matin par le Regroupement provincial des comités d'usagers. Je ne sais pas si vous avez eu la chance de suivre les travaux ce matin. Et il y a une question qui a été posée par le RPCU qui m'a beaucoup étonné parce que, là, ça nous amenait dans une problématique de perception. Puis j'aimerais que vous expliquiez à ceux qui nous écoutent, aux parlementaires qui ne sont pas familiers avec ça, puis je vais vous mettre en situation, et au grand public parce qu'ici on est évidemment vus par le grand public. Alors, ce matin, le Regroupement provincial des comités des usagers est venu critiquer le fait que les honoraires, c'est-à-dire la rémunération que les médecins recevaient, ils la recevaient à la suite, peut-être pas pour la totalité, mais pour une grande partie, d'une facturation qui était exercée en pratique par une agence, une compagnie qui fait la facturation à la RAMQ au nom du médecin. Et le regroupement, le RPCU, voyait là une entorse grave, un potentiel de malversation, à toutes fins utiles, qui venait du fait que ces compagnies-là étaient payées à pourcentage. Et ils faisaient le parallèle avec les lobbyistes, qui, eux, reçoivent un pourcentage d'un éventuel contrat, profit, et ainsi de suite. Et c'était, pour eux, perçu très négativement. Et je me suis engagé à vous demander votre lecture de cette situation-là.

Trouvez-vous normal et permis, parce que je vois que vous êtes accompagnée par Me Bellavance, qui a une grande connaissance juridique en la matière, est-ce qu'à votre connaissance c'est permis par la RAMQ, d'avoir une entente qui permet à une compagnie qui fait la facturation en pourcentage? Leur position est que c'est interdit. Est-ce qu'il y a un potentiel d'abus de ce côté-là parce que c'est à pourcentage? Ça a été présenté d'une façon extrêmement négative. Alors, je me suis engagé à relayer la question ici aux deux fédérations. Je reposerai à même question à la fédération des omnipraticiens s'ils viennent. Éclairez l'assemblée et le grand public.

Mme Francoeur (Diane) : Alors, c'est une question qui est intéressante, mais je vous répondrais, M. le ministre : Qui n'a pas de comptable pour faire ses impôts? Une agence de facturation, c'est un peu comme un comptable. On arrive avec nos documents, on fait notre état de situation et on lui dit : Voici l'état de situation. Maintenant, je pense que la question qui peut être d'actualité, c'est : Est-ce que le médecin est responsable de cette agence de facturation? Et ma réponse c'est : Oui, le médecin est responsable de ce qu'il va demander à son agence de facturer pour lui. Mais par ailleurs, si vous avez...

M. Barrette : Si vous me permettez, parce qu'il me reste juste une minute, puis je vais vous mettre vraiment le focus sur la bonne affaire... bien pas que ce n'est pas la bonne affaire, là, votre réponse, au contraire, mais le RPCU, eux autres, là, là, ils nous disaient qu'ils regardaient dans les revues de médecins, puis, dans les revues de médecins, c'est marqué, les agences font une publicité : Nous allons optimiser vos revenus, la facturation. Est-ce qu'il y a là, à votre avis, ou non un potentiel d'abus, éventuellement peut-être même de fraude? Là, je dis ça au sens, évidemment, très théorique du terme, là.

Mme Francoeur (Diane) : Alors, par rapport aux annonces des agences de facturation, je pense qu'on mélange les choses dans le sens que les agences de facturation peuvent optimiser la facturation dans le sens qu'on sait que, parfois, les médecins ne sont pas au courant de plusieurs subtilités des ententes qui sont négociées. Par exemple, qu'il va y avoir un supplément le soir ou la nuit, il y a encore des médecins, de façon surprenante, qui ne sont pas au courant parce qu'ils ne vont pas souvent le soir à l'urgence ou la nuit. C'est le genre de faits que ces agences-là vont amener à leur attention. Et, oui, bien, s'ils facturent tout ce qu'ils ont droit, leur rémunération sera plus grande.

Est-ce que cette publicité peut inciter à la fraude ou être irrespectueuse des ententes, je pense que c'est une question de conscience professionnelle. Et les médecins n'ont pas besoin de frauder le système pour avoir une rémunération adéquate. Puis, cela dit, ils ont besoin de lire ou de se faire expliquer leurs codes de facturation parce qu'effectivement c'est complexe, et la raison pourquoi c'est complexe, c'est parce qu'on veut limiter le plus possible les écarts lors des demandes de paiement.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour une période de 9 min 30 s, je cède la parole à notre collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Merci, M. le Président. Dre Francoeur, Me Bellavance, Mme Pelletier, bonjour. D'abord, je tiens tout de suite à rectifier l'affirmation du ministre à l'effet que... Je n'ai jamais prétendu et je suis convaincue qu'il n'y a pas de médecins fraudeurs de façon supérieure à ce qu'on retrouve dans l'ensemble de la population, en pharmacie, en soins infirmiers, dans toutes les professions et les métiers. Je pense qu'on a quand même une responsabilité d'essayer de les dépister, mais je pense effectivement qu'il y a eu peut-être des formes de dérive qui sont possibles. Et, par rapport à votre affirmation de départ, qui dit que la RAMQ n'a pas fait état de ces besoins-là, eh bien, juste vous dire que, dans leur mémoire, en tout cas, clairement, ils évoquent six aspects précis au niveau du délai de prescription, au niveau de différents paramètres dont ils ont besoin et que la loi doit leur donner. Et ils terminent en disant : «La RAMQ a besoin de plus de pouvoirs et, en ce sens, le projet de loi n° 92 tient compte de nos préoccupations et répond à nos besoins.»

Donc, simplement, je comprends qu'on peut parler de contrôle, mais il reste que la législation est une bonne façon de donner un peu plus de pouvoirs. Ceci étant dit, c'est sûr que la RAMQ a également une responsabilité de contrôler 11 milliards de dollars de notre budget, ce qui correspond à 15 % du budget de dépenses du gouvernement. Et je pense qu'on a tous, comme citoyens payeurs de taxes et d'impôts, la responsabilité de donner à la RAMQ les instruments adéquats dont elle a besoin pour exercer une surveillance, une vigilance.

Moi, je vais aborder ça sous un autre angle complètement parce qu'à la lecture et à ma participation aux commissions d'administration publique j'ai pu constater que la RAMQ, hein, les instruments qu'elle a et, probablement, qu'elle aura aussi, parce qu'on ne réussira pas à changer complètement ça, elle réussit surtout, et vous en avez donné un exemple tantôt, à évaluer les écarts importants par rapport à une moyenne. Vous avez parlé tantôt, donc, de chirurgies possibles dans une journée. Mais on sait que, depuis quelques années dans les ententes, il y a beaucoup de mesures incitatives. Ces mesures incitatives là, quand j'ai questionné la RAMQ, ils ont clairement dit qu'ils avaient très peu de moyens pour évaluer si vraiment ils donnaient la conséquence de ce qui avait été prévu dans les objectifs. Et je vous donne quelques exemples, là, mais très concrets parce que c'est sûr que, quand on est responsable de l'opposition officielle en santé, les gens nous donnent des exemples. Par exemple, certaines gardes, des gardes en psychiatrie qui ne seraient jamais utilisées. Alors, les gens reçoivent un montant, mais est-ce que... Donc, ça, ça appartient à la FMSQ et non pas à la RAMQ. D'autres éléments : la sélection, par exemple, par un chirurgien de faire une intervention un samedi plutôt qu'un vendredi parce que ça donnerait une rémunération qui serait doublée, par exemple. Alors, ce ne sont pas vraiment des fraudes, mais ce sont des tentations d'aménager la rémunération à sa faveur, et ces éléments-là, je pense, appartiennent aux ententes de la FMSQ.

Est-ce qu'on pourrait penser à une façon de concilier le travail RAMQ-FMSQ pour assurer que la population obtienne vraiment le maximum de ce qu'elle investit, de ce qu'elle donne pour sa santé, en particulier dans un contexte où on a un criant besoin d'accès autant dans les délais en chirurgie oncologique que dans la première ligne?

• (16 h 50) •

Mme Francoeur (Diane) : Merci. Alors, Mme Lamarre, ça me fera plaisir de vous expliquer que les gardes... La fédération, c'est 35 associations, 59 spécialités. Il y a des gens qui sont malades le dimanche soir, pendant la nuit, et c'est pour ça qu'il y a des gardes 24/7. Cela dit, les seules gardes qui ne sont pas justifiées, ce sont celles dont on n'a pas besoin. Et, de toutes les demandes qu'on a eues, on n'a pas dit oui à tout. On a dit oui aux gardes pour lesquelles il y avait des besoins. Cela dit, il y a des spécialités qui sont plus occupées que d'autres, c'est vrai, mais on doit avoir des médecins spécialistes disponibles en tout temps parce que les patients sont malades sept jours par semaine, 24 heures par jour. Et c'est à ça que ça sert, les gardes en disponibilité. C'est un forfait de base pour s'assurer que le Québec ait une couverture complète de tous les spécialistes nécessaires en tout temps. Et, je vous dirais, lorsqu'on sort un petit peu du Québec, c'est une des choses que l'Ontario regarde avec beaucoup d'intérêt parce que c'est un des fleurons de la médecine spécialisée au Québec : il y a toujours quelqu'un au bout du téléphone. Que ce soit en niveau 2, en niveau 3, en niveau 4, vous allez être transféré. Peu importe, Québec, Noël, Montréal, le jour de l'An, fête des Mères, il y aura toujours quelqu'un. Ça fait que je pense que cet exemple-là... C'est facile de dire qu'une garde ne sert à rien, mais on ne rendra toujours bien pas les gens malades juste pour tester si la garde est nécessaire. Je pense que ça répond de soi à votre question.

En ce qui concerne les chirurgies le samedi par rapport au vendredi, je vous répondrai que ça, c'est de la gestion hospitalière. Et je pense que le ministre a la réputation de terroriser ses P.D.G. Donc, ça, on ne rentre pas dans le budget, là, quand on opère le samedi au lieu du vendredi. Ça m'étonnerait énormément qu'ils permettent ce genre de pratique. Et, vous savez, je suis une chirurgienne. Quand je suis obligée d'opérer des cancers le mardi soir à 11 heures parce qu'ils n'ont pas été faits de jour, ce n'est pas le fun. Je suis obligée de faire rentrer le pathologiste, je suis obligée de faire rentrer un deuxième chirurgien pour venir m'aider s'il y a des problèmes qui nécessitent un collègue en urologie pour venir disséquer les uretères à 2 heures du matin. On ne fait jamais ça par plaisir. On fait ça parce qu'on n'a pas réussi à le faire pendant la journée, et qu'on sait qu'en cancer le temps est un ennemi, et on veut que les cas soient faits le plus rapidement possible.

Cela dit, est-ce que ça n'a jamais été fait? Vous allez sûrement trouver des cas qui pourront démontrer qu'il y a eu des tentations, pour utiliser votre mot, je pense qu'il y a des tentations dans tous les domaines et en tout temps, mais, vous savez, les médecins sont, pour la plupart, respectueux des règles. Et, en ce qui concerne les chirurgies, s'il y a une règle qui est présentement très bien appliquée, surtout avec les pénuries de personnel, il faut que ce soient des vraies urgences pour qu'on les passe. Et même le samedi, vous savez, il y a plus qu'une spécialité qui est de garde.

Mme Lamarre : Ma question est : Est-ce qu'on est sûrs qu'on a bien les bons instruments? Parce que, dans certains cas, ce que vous dites, c'est que ça devrait être des gestionnaires d'hôpital, mais les gestionnaires d'hôpital n'ont pas nécessairement autorité sur les médecins spécialistes ni omnipraticiens, mais également... Bien, moi, ma question n'est pas de dire : Est-ce qu'on a besoin, mais de faire une rétroaction, de regarder. Est-ce qu'en bout de piste... Si on a négocié quelque chose, peut-être pour compléter l'utilisation de l'enveloppe qui était prévue pour une spécialité, et que ça ne s'avère pas optimal, compte tenu qu'il y a tellement de besoins essentiels, auxquels vous venez de faire référence, qui, eux, ne sont pas atteints, qui va donner l'alerte? Qui lever le drapeau pour dire : Écoutez, peut-être que cette somme d'argent, qui est investie à tel endroit, devrait prioritairement être consacrée aux chirurgies oncologie pour lesquelles on a des délais qui sont vraiment non conformes à un pays développé comme celui du Québec?

Mme Francoeur (Diane) : Bien, écoutez, ça, c'est une question de priorisation qui appartient à chaque établissement. On sait que, dans notre réseau, il y a des établissements qui sont des leaders en gestion, il y en a d'autres qui le sont moins.

Cela dit, je vous répondrai que, dans ma fédération, le contrôle, il vient de l'interne parce que, si je donne de l'argent à une spécialité, qui n'est pas justifié, soyez certains qu'il y en a 34 autres qui vont aller le réclamer parce qu'ils vont dire : Moi, je le veux, cet argent-là. Il n'y a pas de services à rendre, j'ai des raisons pour pouvoir l'utiliser. Nous avons une enveloppe et nous devons considérer les besoins de 35 spécialités. Donc, notre évaluation se fait en temps réel par rapport aux besoins qui sont dans les autres spécialités.

Cela dit, comme je vous l'ai déjà démontré tout à l'heure, la fédération travaille avec la RAMQ pour évaluer les critères. Et, vous savez, on ne peut pas nous reprocher, en 2016, de ne pas avoir fait d'évaluation lors des ententes de 2006‑2010, alors que ce n'était pas du tout écrit nullement dans aucune des ententes que nous avons signées. Je pense que, de façon prospective, dans les prochaines ententes, oui, il faut qu'il y ait de la mesure, il faut qu'il y ait de l'évaluation, il faut qu'il y ait des objectifs, il faut qu'il y ait des critères de suivi, et nous le ferons. Mais, présentement, il y en a quand même une bonne partie qui est faite, je peux vous rassurer par rapport à ça.

Mme Lamarre : Il ne me reste que 18 secondes. Alors, est-ce que vous verriez une objection à ne pas être membre du conseil d'administration de la RAMQ, compte tenu de ça?

Mme Francoeur (Diane) : Écoutez, je vous invite à consulter les membres de la RAMQ. Je pense que, le fait d'avoir les présidents de fédérations... Il y a beaucoup de dossiers qui vont toucher les soins directs aux patients. Moi, le DSQ, là, je l'utilise quand je suis de garde. Alors, tous les bogues, je les connais. Quand j'amène un état de situation, des problématiques, des médicaments qui ne sont pas à jour, je suis la personne probablement la mieux placée pour expliquer aux membres du C.A. quelles sont les contingences.

Le Président (M. Tanguay) : Je dois maintenant céder la parole à notre collègue de Lévis pour 6 min 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Dre Francoeur, bonjour, Me Bellavance, Mme Pelletier. Je ferais une finalité à ce questionnement-là. S'il y a des avantages à ce que vous soyez membres du C.A. à la RAMQ, compte tenu de la présentation du projet de loi n° 92, et de ses objectifs, et de votre position, est-ce qu'il y a des côtés négatifs à votre présence? Je connais des choses et j'apporte des éléments. Est-ce qu'on peut vivre à l'envers puis dire : Bien... Y a-t-il des contraintes à ce que vous y soyez?

Mme Francoeur (Diane) : Alors, pour vous répondre, bien, tout d'abord, je pense que d'avoir des conflits d'intérêts sur certains projets de loi ou certains items en particulier ne devrait pas complètement annuler toute l'expertise qu'un représentant peut apporter. Vous savez, autour de la table, il y a un représentant des pharmaciens, représentant des omnis, représentant des professionnels, représentant des établissements. Ce sont les utilisateurs privilégiés du système de santé du Québec. Maintenant, je pense que nous avons une liberté de parole et nous sommes suffisamment professionnels pour nous retirer lorsque certains enjeux nous concernent. Et on l'offre en toute candeur aux membres du C.A., s'ils préfèrent qu'on se retire, et c'est déjà arrivé, quand ça arrive.

Quant au projet de loi n° 92, vous savez, il avait déjà été préparé en 2014 et proposé, donc il était déjà prêt avant que moi, j'arrive. Ce n'est pas un enjeu qu'on a discuté autour du C.A. Alors, je ne me sens aucunement en conflit d'intérêts face à ce projet.

M. Paradis (Lévis) : On a parlé de perception, vous avez parlé de l'effet dissuasif, en tout cas, des amendes, de la justification d'un projet comme celui-là dans le contexte où les médecins, au Québec, n'empruntent pas cette voie-là pour la très grande majorité d'entre eux. Puis je pense que je suis convaincu qu'il n'y a pas un patient au Québec, là, actuellement, qui va rencontrer son spécialiste et qui pense, quand il s'assoit dans la chaise, là, en attente d'un diagnostic ou d'un traitement à venir, qui réfléchit, à savoir : Est-ce que j'ai devant moi quelqu'un qui abuse? Je pense que la perception du patient, c'est d'avoir un professionnel, un spécialiste, un omnipraticien efficace. Mais vous dites qu'il y a quand même une notion de perception. Je veux comprendre. Vous dites : Ça ne prend pas... Des amendes supplémentaires, ça ne fait pas le travail. L'effet dissuasif de ces amendes-là, vous n'y croyez pas vraiment non plus. Vous dites que les principes de base, vous adhérez, c'est fait, qu'on ne peut pas laisser quelqu'un qui agit de façon incorrecte... on ne doit pas le laisser aller. Alors, vous dites oui au principe de base, mais contre la hausse des amendes, contre la prolongation du délai de prescription. Puis vous direz, je l'ai noté : Nous pouvons guider plus facilement la RAMQ pour qu'elle puisse faire son travail, donc avec les outils dont elle dispose présentement.

J'essaie, moi aussi, de suivre, là, j'essaie... Puis, je veux dire, quelque chose de dissuasif, là, ça ne veut pas dire qu'on va en trouver plus, ça ne veut pas dire que tout le monde devient des fraudeurs, là. Je veux dire, qu'on ait des outils pour faire en sorte que, globalement, les gens disent : Ouf! Pour ceux qui seraient tentés, il y a des outils, il y a des dents quelque part, puis, je veux dire, je vais réfléchir, pour les quelques peu qui pourraient y penser. Je ne vois pas la...

Mme Francoeur (Diane) : Permettez-moi d'utiliser un exemple pour vous aider, qui va peut-être répondre en même temps à la question de Mme Lamarre. Si on se donnait comme critère : Nous vérifions le modificateur 18, qui est le supplément de durée utilisé en fin de semaine lorsqu'on fait une chirurgie le samedi. On peut se donner un critère, ça doit être une chirurgie qui était urgente. Alors, on peut sortir toutes les chirurgies qui seront faites par un chirurgien donné un samedi. Si on voit, par exemple, qu'on a fait une ligature tubaire — dans ma spécialité, je l'utilise, c'est facile, je connais tous mes codes — alors, je ne suis pas censée faire une ligature de trompes un samedi après-midi. Je suis censée faire des accouchements, des césariennes, des grossesses ectopiques, des curetages. Alors, à ce moment-là, on peut très bien dire à la régie : Voici les actes qui devraient arriver. Si vous en avez d'autres qui semblent être des actes chirurgicaux électifs, demander les protocoles opératoires, c'est facile.

Maintenant, est-ce qu'un inspecteur va avoir de lui-même ce réflexe-là? Après 20 ans d'inspection, peut-être parce qu'il va comprendre un petit peu plus la mécanique, mais, si nous, on lui dit : Regarde, là, chirurgie, samedi, c'est des urgences seulement, tu sors toutes les autres, là. Ce n'est pas supposé d'être fait, là. Et après ça, posez des questions, faites sortir les protocoles opératoires.

Alors, quelqu'un qui va de lui-même être mandaté à accomplir ce dossier, il peut patauger pendant un certain temps avant d'arriver à cette conclusion, alors que nous, on le sait, c'est pour ça qu'on a négocié ces modificateurs-là.

• (17 heures) •

M. Paradis (Lévis) : Je comprends. Je reviendrais sur les amendes. Je finis seulement cette parenthèse, ce pouvoir ou cette possibilité que vous avez de faire en sorte qu'on puisse rapidement mettre le focus sur une problématique qui peut amener à, bon, des éléments ou des façons de faire qui sont incorrectes, parce que ça ne vient pas d'arriver, là, vous avez cette expérience-là et cette expertise-là. Alors, je comprends que vous dites : Là, maintenant, on pourrait faire ça. Ça faciliterait le travail, mais, alors que tous réclament davantage de résultats, davantage de pouvoirs, vous dites : On peut le faire là. Pourquoi vous ne l'avez pas fait avant?

Mme Francoeur (Diane) : Mais, vous savez, le... Bien, tout d'abord, ce n'est pas tous, là. Dans le rapport de la Vérificatrice générale de novembre, je pense qu'il y avait aussi un point qui ressortait que la RAMQ n'avait peut-être pas suffisamment de personnel pour faire ses enquêtes. Et ça, ça prend du personnel. Même si on augmente les amendes, si vous avez juste une personne, ça va être long, là. C'est sûr que ça va prendre plus de temps. Nous, nous avons la prétention de dire : Il faut qu'on vérifie. Il faut s'assurer qu'effectivement les docteurs, peut-être que c'est de l'argent gaspillé pour rien, s'ils rentrent tous dans le rang puis ils sont tous parfait, bien, on viendra à un autre constat plus tard.

Cela dit, nous pensons qu'on doit avoir peut-être plus d'enquêteurs, des équipes qui sont mieux préparées. Et à ce moment-là on n'a pas nécessairement besoin d'augmenter les délais qui font en sorte qu'au bout de la ligne lorsqu'on augmente les délais, c'est toujours plus compliqué. Le médecin a changé d'hôpital, il n'a plus accès à ses dossiers, il faut qu'il fasse une demande via les archives, ça n'a pas été envoyé à la bonne place, la demande est retournée, et à ce moment-là tout traîne sans avoir nécessairement l'objectif que la RAMQ vise, d'identifier ceux qui appliquent les ententes de façon aberrante.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les représentantes, représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

Je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 2)

(Reprise à 17 h 28)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Nous accueillons maintenant les représentants du Conseil pour la protection des malades.

Avant toute chose, j'aimerais demander aux collègues s'il y a consentement pour terminer nos travaux à 18 heures. Y a-t-il consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Tanguay) : Il y a consentement. Parfait, merci.

Maintenant, pour une période de 10 minutes, je vous cède la parole, et, peut-être pour les fins d'enregistrement, prendre le soin de bien vous nommer et de préciser vos fonctions. La parole est à vous.

Conseil pour la protection des malades (CPM)

M. Brunet (Paul G.) : Merci, M. le Président. Paul Brunet, président et porte-parole du Conseil pour la protection des malades, fondé en 1974 par Claude Brunet. Plus de 200 comités sont affiliés au Conseil pour la protection des malades. Ce sont des comités qui, respectueusement des autorités de la loi, militent, militent en faveur de l'amélioration des soins et de la qualité des services rendus dans le réseau. C'est pour ça et c'est pour cette condition-là que ces comités-là sont affiliés au Conseil pour la protection des malades.

Je suis évidemment accompagné, comme toujours, par un membre de notre conseil d'administration ici en la personne de M. Louis-Aimé Blouin, ingénieur à la retraite et membre actif au conseil d'administration du Conseil pour la protection des malades. Merci, M. Blouin, de m'accompagner.

Le projet de loi n° 92, en fait, M. le Président, c'est assez inusité, après avoir été invités par la commission, on a communiqué pour dire qu'on était pour, on ne ferait pas de mémoire, on est pour en général. Il y a quelques remarques que je vais faire. Et la commission nous a rappelés en nous disant : Venez donc le dire que vous êtes pour. Ça fait que ça nous fait plaisir de venir dire qu'on est pour.

C'est triste, par contre, parce qu'on n'a pas été invités sur deux autres projets de loi, le n° 81, sur les appels d'offres pour les médicaments, puis le lobbyisme, le projet de loi n° 56, où, là, on était contre, mais on n'a pas été invités. Ça fait que ça aurait été intéressant que la commission nous entende ou que la commission sur la justice nous entende aussi sur ces deux projets de loi. On avait des choses à dire.

• (17 h 30) •

Mais parlons du projet de loi n° 92. Et nous avons dit et nous répétons ici, devant cette commission, que nous sommes favorables en général avec les dispositions et le projet de loi lui-même. Pourquoi? J'ai personnellement siégé à la RAMQ, au conseil d'administration, de 1988 à 1993. J'ai aussi occupé la fonction de président du comité de vérification, et, même dans ces années-là, il y avait des problèmes, des outils procéduraux légaux dont le contentieux de la RAMQ ne possédait pas, et il est temps que la RAMQ ait les pouvoirs, les coudées franches pour agir contre les abuseurs. On n'a pas dit que tout le monde abusait, on a dit qu'il y a des abuseurs, et c'est contre eux qu'on doit sévir. Et ça ne touche pas seulement les médecins, ça touche aussi tous les autres professionnels, y compris les pharmaciens. Ça fait que je pense qu'il y a là, dans ce projet de loi là, quelque chose de fort intéressant, et c'est pour ça qu'on est d'accord.

J'aborde très, très succinctement certaines dispositions parce qu'on vous a dit qu'on n'avait pas de mémoire à soumettre, mais, quand même, puisque nous sommes ici, j'ai pensé que nous pourrions... Par exemple, l'article 33 du projet de loi, qui modifie la Loi sur l'assurance maladie, je crois, qui parle des fameuses ristournes, des gratifications ou autres avantages non autorisés, je veux quand même signaler à la commission qu'en cette matière-là l'État, le législateur, encourage littéralement des gens de l'industrie pharmaceutique à payer des ristournes aux pharmaciens, à des pharmaciens, pour que ceux-ci, de l'aveu même de certains d'entre eux, c'est dans Le Journal de Montréal du 16 février dernier, disent à leurs employés pharmaciens quels médicaments, quels produits ils devraient vendre selon les cotes et le niveau de ristourne obtenus.

Encourager quelqu'un financièrement à favoriser un produit plutôt qu'un autre, là, dans le municipal, ça s'appelle de la corruption. Nous avons hâte, au Conseil pour la protection des malades, que nous payions nos pharmaciens à la juste valeur de leurs services. Je pense que c'est rarissime que quelque part, dans la société, le législateur s'ingère pour bonifier une pratique qui, autrefois, a pu démarrer, mais maintenant elle est institutionnalisée dans la loi. Et on n'en revient pas et on pense que les pharmaciens... puis je pense que l'Ordre des pharmaciens est d'accord avec nous là-dessus, même l'AQPP. Moi aussi, j'ai perdu des amis, d'ailleurs, M. le ministre. Je ne suis plus ami avec les gens de l'AQPP, mais, malgré ça, je crois que nous convergeons vers le même objectif, qui est de faire en sorte que nos pharmaciens reçoivent la meilleure rémunération possible parce qu'on voit plus souvent nos pharmaciens que nos médecins.

J'attire aussi l'attention de la commission sur quatre autres articles. En fait, dans ces quatre articles-là, l'article 7, 30, 40 et 46, il est généralement mentionné que la RAMQ veut plus de pouvoirs pour prescrire, pour ordonner à un professionnel, ou à un établissement, ou à quelqu'un d'autre que la loi vise qu'on va sortir un dossier puis on va sortir de l'information qui concerne un usager. Je pense que la moindre des choses qu'on devrait prévoir, c'est d'avertir l'usager qu'on va aller fouiller dans son dossier. En tout cas, pour ces quatre articles-là, j'attire l'attention du législateur qu'il irait de sens commun que nous prévenions l'usager que quelqu'un va aller fouiller dans son dossier. C'est probablement pour une bonne cause, mais je pense que, par égard, sinon en vertu des principes élémentaires de justice... que l'usager soit prévenu.

C'étaient les remarques générales que j'avais à faire sur le projet de loi n° 92. Voilà. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, merci beaucoup. Alors, maintenant, pour la période d'échange de 10 minutes avec le ministre, je cède la parole au ministre de la Santé.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, c'est toujours un plaisir — bienvenue — de vous recevoir. Puis je pense qu'il est très à propos que vous ayez l'occasion de vous exprimer devant la commission. Je fais simplement mentionner que, personnellement, ce n'est pas moi qui fais le choix. Vous comprenez, je pense, un peu comment ça fonctionne, là, vous avez beaucoup d'expérience là-dedans. Et, pour les autres commissions, bien, évidemment, je n'ai pas cette influence-là, mais je comprends votre déception face aux sujets sur lesquels vous auriez voulu vous exprimer.

Par contre, je suis bien content que vous soyez là pas simplement parce que vous venez l'appuyer, mais parce que, du côté de l'usager, vous êtes le Conseil de la protection des malades, alors il y a des gens, il y a des malades qui n'aiment pas ça se faire dire qu'ils sont des usagers, mais ils sont malades quand même, puis moi, je trouve que le nom est bien choisi malgré tout. Alors, du côté des malades, des patients, je pense qu'il y a lieu pour vous d'être ici. Je suis surtout content évidemment pour votre appui et je comprends, de ce que vous me dites, que les moyens et les amendes, de tous les moyens, là, qu'il y a là-dedans, d'inspection, et ainsi de suite, il vous satisfont. Il n'y a pas, à votre avis... Ils vont assez loin. En fait, c'est ça, ma question.

M. Brunet (Paul G.) : Oui, M. le ministre. Comme je le disais tantôt, j'ai siégé de 1988 à 1993 à la RAMQ et comme président du comité de vérification interne. J'ai été expulsé en 1993, quand le PQ a pris le pouvoir. Mais nous étions confrontés, comme d'autres collègues ici, à la commission, ont mentionné tantôt, à certaines discussions très difficiles avec... en la présence de certains présidents de fédération parce que c'est dans la mission et la constitution même de ces organisations syndicales là que de défendre leurs membres, pas d'être objectif. En fait, j'oserais dire que les seuls qui sont... si j'ose dire, si tout le monde est en conflit d'intérêts au conseil d'administration de la RAMQ, les seuls dont le conflit d'intérêts est légitime, c'est les usagers parce qu'ils se battent pour que la mission se matérialise. Les autres ont tous des intérêts. Et je peux témoigner à l'effet que rarement a-t-on vu des présidents ou présidentes de ces fédérations-là travailler vraiment à la mission de la RAMQ et en n'enlevant pas souvent son chapeau de président ou de présidente de ces syndicats-là. Ce n'est pas parce que c'est des mauvaises personnes, mais c'est dans la mission même de leurs propres organisations.

Alors, oui, on pense et on pensait à ce moment-là, et je pense que c'est une avenue intéressante que le législateur se penche là-dessus. Ça fait longtemps que la RAMQ le... La RAMQ, c'est notre assureur. C'est celui qui paie. C'est important qu'il ait les outils pour éviter que des gens abusent. Et je pense qu'il y a de l'abus comme partout ailleurs et je pense qu'il est temps que la RAMQ ait ces outils-là.

M. Barrette : Est-ce que vous iriez jusqu'à dire qu'on devrait revoir la composition des conseils d'administration? De ce conseil d'administration?

M. Brunet (Paul G.) : Bien, j'en parlais avec des gens qui sont dans le réseau depuis fort longtemps et j'entends que c'est la première fois qu'on discute de ça ouvertement. Et je pense qu'il faudrait revoir la composition à la RAMQ parce que... et à moins que... Mais, dans mon temps, en tout cas, il y avait des débats assez importants dans des dossiers très importants qui étaient amenés au conseil d'administration, et parfois ça bloquait. Je me souviens d'une fois au comité de vérification interne en particulier où un médecin de la RAMQ signalait un cas d'un médecin qui avait vu 98 patients dans sa journée, et la RAMQ disait : C'est épouvantable! À moins que vous me disiez, comme médecin, que ça a de l'allure, mais nous, on trouvait que ça n'avait pas d'allure. Et la RAMQ, à ce moment-là, déjà, disait qu'ils ne sont pas capables de voir et de nous démontrer, avec les outils qu'ils n'avaient pas à ce moment-là, que le médecin avait abusé, alors que c'est dans le sens commun. Et on avait eu droit à toute une sortie du président de la FMOQ à l'époque, dont j'oublie le nom.

• (17 h 40) •

M. Barrette : Je vous dirais qu'avoir 90 patients vaccinés pour lesquels on est tarifés, alors que ça ne devrait pas être tarifé, tant qu'à moi, ça, c'est vrai que c'est possible, là. Mais il y a des circonstances qui le permettent, mais je dois vous avouer que 97 patients malades, non, ça n'a pas une minute de bon sens, je suis bien d'accord avec vous.

Mais je suis content aussi que vous souleviez le fait que... parce que, dans le discours public, particulièrement de l'opposition officielle, on ne parle jamais des pharmaciens, évidemment, mais on parle toujours juste des médecins, ce qu'il y a quelque chose d'un peu incidieux là-dedans. Mais je constate que vous-même, vous avez vu qu'il y avait quand même et il y a encore aujourd'hui, tel que la Vérificatrice... tel que d'autres personnes le mentionnent, un potentiel, là, de travers, on va dire, sans accuser personne, là. On va dire de travers parce que, je suis bien d'accord avec vous, quand on est rendus, par des pratiques commerciales qui ont été dénoncées quand même par l'Ordre des pharmaciens, à faire en sorte qu'on influence le choix du médicament, je pense que l'usager, le patient, il n'est pas nécessairement servi objectivement, on va le dire. Alors, je suis bien content que vous abordiez le fait que, des abus, il y en a aussi dans le monde de la pharmacie et d'autres, même si ce n'est pas propre aux médecins, comme voudrait le laisser entendre l'opposition officielle.

Il y a un élément que vous avez abordé qui m'interpelle un petit peu, puis je vais vous dire précisément l'angle parce que le temps passe. Vous avez dit que... puis je comprends votre point, là, je comprends très bien votre point quand vous nous dites : L'usager devrait être informé. Mais, en même temps, à partir du moment où l'usager en soi, là, n'est pas l'objet, lui, de quelque manière que ce soit, de l'enquête, c'est la facturation, c'est l'abus, et ainsi de suite, est-ce que c'est vraiment nécessaire? Parce que ça vient alourdir la procédure. Puis ce n'est pas que je ne veux pas que l'usager ne soit pas nommé. Je vais faire le parallèle, vous allez comprendre. C'est assez évident, là. Quand on fait un protocole de recherche dans les universités, il y a des protocoles de recherche qui impliquent qu'après avoir signé les papiers, et ainsi de suite, le chercheur ait accès à des dossiers. Ils sont nominatifs, les dossiers. Il voit tout, là. Et, bon, c'est un protocole de recherche et ça fait... et ça, c'est comme ça depuis la nuit des temps. Ce n'est pas quelque chose de nouveau. Ça a toujours été comme ça. Et on n'avise pas l'usager que le dossier va être l'objet d'une lecture par un chercheur pour regarder l'évolution du suivi postopératoire de telle chirurgie chez 1 000 cas. Bon, je caricature, mais ce n'est même pas de la caricature.

Alors, comme le patient, l'usager, n'est pas l'objet de la chose et que c'est fait dans un cadre juridiquement et fonctionnellement très, très protégé, je dirais, où il n'y a pas de danger de fuite, de ceci, de cela, vous ne trouvez pas que ce serait demander beaucoup au système d'avertir à chaque fois l'usager? Pas que je suis contre, pas du tout, au contraire. C'est juste une question de lourdeur, alors que, dans d'autres domaines, dont la recherche spécifiquement, on ne fait pas ça.

M. Brunet (Paul G.) : Ce que je comprends, M. le ministre, c'est que, quand ce genre d'études là, auxquelles vous faites référence, qui parfois regroupent des centaines, voire des milliers de patients...

M. Barrette : Oui, tout à fait.

M. Brunet (Paul G.) : ...j'avais compris qu'on avait plutôt dénominalisé, mais gardé le coeur de ce pour quoi l'étude était faite, mais on n'avait pas nécessairement le nom des patients, d'où, pour moi, l'exemple peut-être différent des dispositions dont je parle ici. Quand un professionnel est visé dans un dossier en particulier, sur des actes en particulier, peut-être que le patient... il me semble... En tout cas, comme juriste, il irrite à mon esprit de juriste qu'on se mette à fouiller dans un dossier pour trouver quelque chose sans que celui qui est en l'objet ne soit avisé parce que peut-être qu'il pourrait y avoir effets, des impacts sur d'autres suivis que le professionnel aurait ou aura à faire en conséquence d'un geste ou d'une position prise par la RAMQ après.

Pour moi, il irait de... sauf respect, là, je fais une différence avec les études sur des milliers de personnes qui, à ma connaissance, je ne suis pas un spécialiste de la question, mais, à ma connaissance, sont complètement dénominalisé...

M. Barrette : Pas toujours, je vous dirais, pas toujours.

M. Brunet (Paul G.) : Pas toujours? Oui.

M. Barrette : Particulièrement les études rétrospectives sur les plus petits nombres, là. Mais écoutez, moi, je comprends bien votre point, hein, puis je ne suis pas du tout inconfortable avec votre point. J'irais même un peu plus loin puis je vous soumets ça, écoutez, là, très respectueusement parce que je comprends ce que vous me dites. Mais ne pensez-vous pas que, quand la RAMQ va faire une inspection, là, elle va faire une inspection sur la base d'un vice présumé de rémunération? Disons ça comme ça. Alors là, le médecin, lui, va se sentir attaqué, entre guillemets, là, sur un vice de rémunération, mais ça n'impliquera d'aucune manière le patient parce qu'il n'y aura pas eu de plainte.

Par contre, le patient, lui, pourrait se sentir mal à l'aise parce que, là, dans sa relation avec le médecin, il peut se sentir culpabilisé par ça parce que lui, il ne va pas nécessairement comprendre que, là, la RAMQ... Vous comprenez? Le patient, lui, en général, n'a pas nécessairement... ce n'est pas son quotidien, lui, ces affaires-là, alors que, pour le médecin, c'est son quotidien. Et les médecins s'attendent, un jour ou l'autre, à ce que potentiellement et le collège et la RAMQ puissent faire ce genre d'inspection là, et ça ne vient pas affecter la relation médecin-patient, alors que, dans l'autre sens, ça pourrait. Je vous soumets ça. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Brunet (Paul G.) : Bien, encore une fois, pour moi, quand on fouille dans mon dossier, je veux être prévenu, que ça me concerne ou pas. Et, comme l'a dit Dre Francoeur, en général, ce n'est pas de l'abus, c'est souvent de la mauvaise compréhension des règles. Alors donc, il n'y a personne qui a à sentir mal à l'aise d'une inspection éventuelle de la RAMQ.

M. Barrette : Mais vous comprenez que je comprends très bien ce que vous me dites, là, puis je ne suis pas inconfortable avec ça, là.

Le Président (M. Tanguay) : Maintenant, pour une période de six minutes, je cède la parole à la collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Alors, bonjour, M. Brunet. Bonjour, M. Blouin. Alors, tout à fait d'accord avec votre prémisse, qui dit que, du côté de l'augmentation, du déplafonnement des allocations professionnelles, ce n'est certainement pas la bonne façon de contrôler ce que le ministre semble dire qu'il veut contrôler et qu'il dénonce.

Si je regarde, vous avez dit, dans votre présentation, que vous avez été membre du conseil d'administration de la RAMQ. À ce moment-là, je pense qu'il y avait déjà la possibilité d'un représentant de la FMSQ, là, la fédération, de la FMOQ et de l'AQPP, l'association des propriétaires, et, historiquement, il me semble que ça a toujours été les présidents qui ont été là.

Est-ce que vous voyez maintenant, en 2016... parce que, là, on a une meilleure conception de la gouvernance et ces enjeux-là maintenant. Donc, il y a une différence entre avoir besoin d'exemples de la part de certaines personnes qu'on peut demander comme invitées ad hoc et faire partie du conseil d'administration. À la lumière de votre expérience, est-ce que vous pensez qu'en 2016 c'est encore essentiel que ces personnes, qui représentent, en même temps, d'autres groupes d'intérêt, soient membres du conseil d'administration de la RAMQ?

M. Brunet (Paul G.) : Il me semble y avoir, Mme Lamarre, une proximité dans les enjeux qui sont débattus au conseil d'administration, qui évidemment vont confronter carrément ce pourquoi ces gens-là sont élus président ou présidente. Et les enjeux, à l'ère où on est, avec les questionnements que l'État fait des dépenses publiques, il faudrait vraiment que les membres du conseil d'administration de la RAMQ prennent pour la RAMQ d'abord. Et ça, il ne m'est pas venu souvent de voir ou de sentir que tout le monde autour de la table prenait d'abord pour la RAMQ. Et je vous donne une réponse en vous renvoyant la question. Si les ordres... pas les ordres, mais les syndicats de professionnels tiennent tant à siéger à la RAMQ, pourquoi les patients ne siègent pas au comité de négociation de la rémunération des syndicats de professionnels? Tu sais, nous autres aussi, on a des intérêts. Puis, franchement, avec tout le respect des ministres qui se sont succédé depuis 20 ans, j'en ai vu trois, ententes, passer, on aimerait ça sentir qu'il y a quelque chose pour les patients. M. Couillard nous l'a promis que, la prochaine entente, il y en aurait pour les patients. Il l'a dit. Nous, on aimerait ça le voir.

Alors, si vous n'enlevez pas les présidents des fédérations de la RAMQ, nous, on va demander un siège dans les prochaines... au moins pour aller voir ce qui se passe parce qu'on a moins confiance. On aimerait ça être confondus.

Mme Lamarre : Est-ce que, pendant les années où vous avez siégé, il y a déjà eu, de la part de ces organismes-là, des demandes d'enquête à l'endroit de leurs membres?

M. Brunet (Paul G.) : Ah! non, non. Ce n'est pas venu d'eux-mêmes, évidemment, non.

Mme Lamarre : Et donc c'est au sein du conseil d'administration, quand même, qu'il y a des orientations qui peuvent être données à la RAMQ sur certaines observations et le choix de faire certaines enquêtes ou d'intensifier le personnel sur tel type de ressource et d'inspection.

M. Brunet (Paul G.) : Oui. Bon, dans mon temps, il y avait le P.D.G. qui arrivait, et moi, j'étais qualifié de gauleur parce qu'il y avait des affaires sur lesquelles j'étais capable de débattre, puis comme je le fais, vous me connaissez, et je disais franchement ce que j'en pensais. Et là, une fois qu'on était passé à travers un genre de briefing rapide, parce que ça venait souvent du ministre, le P.D.G. était chargé de faire adopter des choses. Et là il y avait des débats qui, quand ils concernaient la rémunération, ou l'intégrité, ou, j'oserais dire, le fonctionnement de la rémunération des professionnels, évidemment, ça tournait parfois durement.

Mme Lamarre : Bien, je reçois très favorablement votre proposition, en tout cas, d'avoir des représentants au sein des comités qui vont travailler maintenant sur les négociations, peu importe qu'on enlève ou non les fédérations ou l'association des pharmaciens propriétaires sur les conseils d'administration de la RAMQ. Je pense qu'on doit définitivement prioriser les patients maintenant dans les choix qu'on fait. Et il faut des témoins pour dire : Ça, ça aide vraiment les patients. Ça, on n'est pas sûrs que ça aide vraiment les patients en priorité.

J'aurais juste une dernière petite réponse parce que les secondes filent. On a évoqué... Il y a déjà eu des envois de simulation de facturation, juste un relevé de ce qu'un patient avait coûté dans un épisode de soins, par exemple, lors d'une hospitalisation ou lors d'une visite dans un GMF. De façon... un échantillon, là, pas pour l'ensemble. Mais est-ce que vous trouvez qu'il y aurait un effet éducatif et aussi de surveillance, mettre à contribution l'ensemble des citoyens sur un rôle de vigilance, à tout le moins, par rapport aux coûts engendrés?

M. Brunet (Paul G.) : J'ai 57 ans, et, à ma connaissance, cela a déjà existé. Quand on avait une hospitalisation, on recevait une note d'information à l'effet que... voici ce que ça a coûté. Vos impôts ont servi à payer cela et ceci. Je trouve que c'est une information extrêmement intéressante. Bon, il y a la façon de la communiquer aux gens, il ne faut pas que ce soit insultant, mais montrer que... voici à quoi ont servi vos impôts pour votre propre situation, parce que vous gérez, dans le fond, les impôts qu'on paie à l'État. Et, oui, je trouve ça intéressant et je ne vois pas pourquoi on avait abandonné cette pratique-là, déjà.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. Maintenant, pour quatre minutes, la parole est au collègue de Lévis.

• (17 h 50) •

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. M. Brunet, M. Blouin, merci pour votre présence. Je pense que votre vision est assez claire, hein, vous l'avez dit, concernant le projet de loi n° 92, mais j'aborderai deux thèmes parce que je pense que c'est important, ce qui se passe présentement. Puis, quand on prend l'oeil patient, manifestement, ça prend tout son sens. Il y a des groupes qui sont venus nous dire que, selon eux, la RAMQ avait suffisamment de pouvoirs déjà, sauf que ces pouvoirs-là sont mal utilisés. Alors, c'était de donner davantage de possibilités puis au détriment de la perception de la population vis-à-vis, par exemple, la pratique de la médecine. J'aimerais vous entendre là-dessus, sur ce point-là.

M. Brunet (Paul G.) : Écoutez, comme juriste, les éléments et les pouvoirs que la RAMQ vient chercher, là... je veux dire, comment dirais-je les choses, il y a une plomberie juridique procédurale importante soit qui est le résultat d'une créativité de la RAMQ ou qui est présentée pour répondre à la créativité de certains professionnels. Je veux dire, il y a des gens qui sont coquins.

De toute évidence, si la RAMQ a besoin d'autant de pouvoirs particuliers, puis là, tu sais, on entre dans le détail de la procédure, puis la prescription, puis comment se rendre en Cour supérieure, puis comment ne pas y aller, il faut qu'il y ait eu des gens très, très, très créatifs d'un bord ou de l'autre, là, pour qu'on en soit rendus à vouloir et à devoir donner ces outils-là à la RAMQ pour que ça ait un peu d'effet auprès de ceux qui abusent. Et c'est pour ça que, comme juriste, j'ai lu des affaires un peu compliquées sur le plan procédural, mais je pense qu'il y a des outils là qui sont très importants pour la RAMQ. Pour être un ancien membre de la RAMQ, j'appuierai et nous appuyons le projet de loi.

M. Paradis (Lévis) : J'aborderais un deuxième thème parce que ça aussi, ça a été abordé par d'autres groupes, notamment on... Ceux qui disent que le projet de loi prend tout son sens et a tout son sens s'inquiètent malgré tout du fait qu'on ait fait peu de place à la protection des dénonciateurs éventuels. Ça peut être un patient, ça peut être autrement. Est-ce que cette notion-là, le fait qu'il y ait cette espèce d'absence, là, de protection très précise en vertu du dénonciateur, ça vous inquiète également?

M. Brunet (Paul G.) : Bien, évidemment, il faut compter sur la façon de procéder de la RAMQ pour que le malade, le patient, ne soit pas doublement taxé et de la maladie et des affres que le médecin lui signifierait parce qu'on aurait dénoncé une pratique ou une autre. Il faut que ça vienne vraiment d'en haut. En fait, je ferais une analogie. Ce qu'on dit souvent aux usagers ou aux comités d'usagers en région, c'est que, s'il y a un problème que vous n'êtes pas capable de régler, passez-nous-le. Nous, on va intervenir auprès de l'administration d'une façon générale pour ne pas qu'on vise un étage ou une unité ou un groupe particulier mais pour que le problème se règle. Alors, la RAMQ devrait avoir cette façon de procéder, et peut-être que le législateur voudra s'y pencher, mais il ne faut pas que le patient ou l'usager soit en plus taxé, là, d'avoir...

Écoutez, je n'ai pas d'étude pour le démontrer, mais j'ose croire que les déviances apparaissent par en haut plutôt que par en bas et que plein de patients qui veulent rester anonymes ne seraient qu'une partie, là, d'une déviance qui serait examinée dans le profil de pratique d'un médecin ou d'un pharmacien, je ne sais trop. Et je ne vois pas un gros problème là-dessus. Mais vous faites bien de le signaler. Les patients ont très peur de se plaindre du médecin ou du pharmacien.

M. Paradis (Lévis) : Et vous le constatez. Et ça nous est rapporté, des gens qui craignent des représailles, qui craignent la...

M. Brunet (Paul G.) : Oui, bien peut-être sauf le ministre, tout le monde doit avoir peur de... Tu sais, avez-vous déjà critiqué votre médecin parce qu'il est en retard ou je ne sais trop, parce qu'il a cancellé votre... Tu n'oses pas parce que c'est une denrée rare.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. Alors, nous remercions chaleureusement les représentants du Conseil pour la protection des malades.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au 11 mai 2016, après les affaires courantes. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 54)

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