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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le jeudi 28 septembre 2017 - Vol. 44 N° 158

Étude détaillée du projet de loi n° 130, Loi modifiant certaines dispositions relatives à l’organisation clinique et à la gestion des établissements de santé et de services sociaux


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Document déposé

Intervenants

M. Richard Merlini, président

M. Gaétan Barrette

Mme Diane Lamarre 

M. François Paradis

Journal des débats

(Onze heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare donc la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine de bien vouloir éteindre toutes sonneries, avertisseurs de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre son mandat de l'étude détaillée du projet de loi n° 130, Loi modifiant certaines dispositions relatives à l'organisation clinique et à la gestion des établissements de santé et de services sociaux.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements ce matin?

La Secrétaire : Oui, M. le Président, il y a un remplacement : M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys) sera remplacé par M. Polo (Laval-des-Rapides).

Étude détaillée (suite)

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme la secrétaire. Lors de l'ajournement de nos travaux hier soir, nous étions à l'étude d'un sous-amendement du député de Lévis à l'amendement déposé par le ministre à l'article 7 du projet de loi. Je vous rappelle par ailleurs que les articles 8, 9, et 36, et 65.1 sont suspendus. Je crois que la parole était à Mme la députée de Taillon lorsque nous avons ajourné hier soir. Mme la députée de Taillon, la parole est à vous.

Mme Lamarre : Merci, M. le Président. Alors, ce que nous proposions, en fait... on demandait au ministre de nous expliquer... Pour remettre un peu les choses en contexte, là — les gens se joignent à nous — je vais juste relire l'article : «Afin de combler [les] besoins en [médecins] de famille ou en médecine spécialisée, le ministre peut, lorsqu'il donne l'approbation requise en vertu de l'article 240 de cette loi, exiger l'ajout de certaines obligations aux privilèges que le conseil d'administration compte octroyer au médecin.

«Le gouvernement prévoit, par règlement, les balises qui doivent guider le ministre dans l'exercice du pouvoir prévu au premier alinéa. Dans l'élaboration de ce règlement, les organismes représentatifs des médecins doivent être consultés.»

Et le sous-amendement du député de Lévis précise donc, après le mot «exiger», «, après consultation du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens,».

Alors, il faut comprendre l'objectif de cet article-là, qui est probablement un des articles les plus, je vous dirais, coercitifs du projet de loi n° 130, c'est-à-dire, c'est un projet de loi qui vient donner au ministre le pouvoir de retirer les privilèges, c'est-à-dire la possibilité pour un médecin d'exercer dans un hôpital, par exemple, ou dans un CLSC, ou dans un établissement du CISSS ou du CIUSSS. Alors, c'est très, très puissant comme article. Et le ministre... Et c'est lui qui avait ajouté, déjà : «Dans l'élaboration de ce règlement, les organismes représentatifs des médecins doivent être consultés.»

Or, hier, le ministre nous a dit que, parmi ces organismes, il pouvait y avoir les deux fédérations médicales, donc, qui sont des syndicats, il pouvait y avoir le CMDP, mais pas obligatoirement le CMDP, alors... Mais, en même temps, il nous a dit que, pour lui, c'était presque sûr que ça voulait dire aussi le CMDP. Alors, à partir du moment où le ministre a dit : Bien, dans mon esprit, c'est quand même ça que je vois, il reste que les organismes représentatifs, il peut y en avoir beaucoup, puis on peut en exclure certains.

Donc, le sous-amendement déposé nous confirme que le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de l'établissement sera pris en considération et que le ministre aura eu au moins l'obligation d'entendre le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens.

Pour expliquer aux gens ce que c'est, eh bien, ce sont les médecins, dentistes et pharmaciens qui travaillent dans le CISSS ou dans le CIUSSS. Alors, ce sont des gens qui ont comme mission justement de travailler à l'organisation des soins, à la bonne répartition, à l'utilisation des plages horaires, à s'assurer que l'organisation rend bien service à la population.

Donc, je pense que, dans un contexte où le ministre veut sanctionner des gens qui n'auraient pas bien répondu aux obligations liées à l'octroi de leurs privilèges, c'est tout à fait positif. Même, je dirais que ça peut être perçu comme une approche éducative, jusqu'à un certain point, parce que ça donne l'opportunité au ministre d'informer clairement le CMDP que des attentes spécifiques n'ont pas été rencontrées.

Ça donne aussi, par contre, la possibilité au CMDP d'expliquer — conseil des médecins, dentistes, là, et pharmaciens — au ministre certains contextes particuliers, spécifiques, transitoires qui ont pu expliquer le non-respect des obligations ou le fait que ces obligations-là soient différées dans l'atteinte de leurs objectifs.

Alors, dans ce contexte, je pense que la proposition est tout à fait acceptable. Et, à partir du moment où le ministre nous dit : Mais, oui, mais, dans les organismes représentatifs, je suis pas mal sûr que j'inclurais le CMDP, bien, nous, on dit : Mettons-le clairement. Alors, moi, j'avais même dit : Les organismes représentatifs, dont le CMDP. Si c'est l'esprit du ministre, je suis prête à... et je pense que je vois mon collègue député de Lévis qui serait d'accord, donc on pourrait aussi le formuler de cette façon-là.

• (11 h 40) •

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la députée de Lévis. M. le ministre.

M. Barrette : Bien, je me suis pas mal exprimé, là, M. le Président, là. Peut-être juste un commentaire, là. Encore une fois, on me prête l'intention d'être coercitif puis d'avoir le pouvoir de... Non, c'est une règle qui dit que, lorsqu'un conseil d'administration, là, c'est implicite, donne des privilèges — parce que le ministre ne donne pas de privilège aux institutions — lorsque le ministre... pas lorsque le ministre... c'est-à-dire, lorsqu'un conseil d'administration choisit de... pas choisit... Je vais le formuler correctement.

Le conseil d'administration qui a la responsabilité d'octroyer les privilèges, O.K.? Une administration, là, par cette loi, peut choisir de donner... d'exiger des obligations supplémentaires. C'est ça qui est écrit, là, «exiger l'ajout de certaines obligations aux privilèges que le conseil d'administration compte octroyer au médecin». Le conseil d'administration, à toutes fins utiles, doit, compte tenu du sous-amendement que j'ai fait adopter, qui a été adopté, consulter les organismes représentatifs.

Et là c'est large, c'est volontairement large parce que ça ne peut pas... Là, il faudrait avoir des règles qui prévoient tous les cas de figure. Alors, c'est pour ça que c'est large, parce que tous les cas de figure ne vont pas être écrits dans un amendement. Je me suis exprimé, là, là-dessus, je n'ai rien de plus à ajouter.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le ministre. Est-ce que j'ai d'autres interventions sur le sous-amendement du député de Lévis? Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Bien, on va reprendre un exemple concret, là, mais : «...le ministre peut, lorsqu'il donne l'approbation requise en vertu de l'article 240 de cette loi, exiger l'ajout de certaines obligations aux privilèges que le conseil d'administration compte octroyer au médecin.»

Alors, on comprend que le conseil d'administration peut dire à un médecin : Tu vas devoir faire telle ou telle chose. Il le fait individuellement, mais il le fait pour chacun des médecins, donc il y a aussi une vision qui doit être collective. Or, le conseil d'administration a l'obligation d'en tenir compte de façon individuelle, parce que c'est «au médecin» au singulier.

Le CMDP est probablement l'organisme, à l'intérieur de l'établissement, qui est le plus à même de faire valoir au ministre qu'il y a trois congés de maternité qui vont s'appliquer au cours de la prochaine année, et donc qu'il y a des fonctions, pour ce médecin dont individuellement on tenterait d'évaluer, ou de rehausser, ou d'augmenter les obligations reliées à ses privilèges, qui risquent d'être mises à contribution pour remplacer les congés de maternité. Le ministre a clairement dit, à plusieurs reprises, là, qu'il y avait eu un décès d'un anesthésiste...

Alors, ce contexte propre à la vie d'une communauté médicale, dans un grand CISSS ou CIUSSS, le ministre doit se donner l'instrument de l'entendre et d'être sensible à ça avant d'imposer des obligations à un médecin qui ne tiennent pas compte, peut-être, des besoins collectifs. Et je pense que c'est tout simplement ça qu'on peut avoir. Le ministre pourra quand même juger, après consultation du CMDP, que l'environnement ou les contraintes particulières de l'environnement ne justifient pas qu'il n'applique pas les obligations supplémentaires, mais, au moins, il y aura une opportunité pour le CMDP de dire : Attention! ce que vous êtes en train d'imposer à un médecin, ça va déstabiliser l'ensemble de l'équipe et ultimement l'offre de soins, la disponibilité de services et de soins de santé à l'intérieur du CISSS ou du CIUSSS.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la députée de Taillon. M. le ministre.

M. Barrette : Je n'ai rien à ajouter.

Le Président (M. Merlini) : Rien à ajouter? Est-ce que j'ai d'autres interventions? M. le député de Lévis, à vous la parole.

M. Paradis (Lévis) : Bien oui, bien, on complétera, M. le Président, sur ce dossier-là. Écoutez, c'est drôle, parce qu'à travers ce qu'on se dit depuis déjà plusieurs heures, dans ce contexte-là, j'ai comme l'impression qu'il y a des formules qui reviennent puis il y a des souhaits qui sont exprimés. Et, encore une fois, il faut que les gens comprennent : ce qui est proposé là n'empêche en rien puis ne change en rien le but de l'amendement du ministre. C'est de s'assurer, au profit des particularités locales ou d'une organisation, une consultation — c'est une consultation — qui ne handicape pas non plus le pouvoir du ministre de pouvoir décider, par la suite, tel qu'il est inscrit là. Alors, c'est seulement... Je comprends très mal, puis ça sera la décision du ministre, là, je comprends mal en quoi... Puis j'en suis, hein, de modifier pour dire : Mettons-le dans le deuxième paragraphe tel que proposé par le ministre lui-même. «Dans l'élaboration de ce règlement, les organismes représentatifs de médecins», dont le conseil, le CMDP... C'est ça. On s'assure qu'il ait une vision de particularités qui vont aussi l'aider à prendre sa décision. C'est seulement ça. Alors, c'est ça qu'on demande.

Alors, il n'y a rien qui change quoi que ce soit. C'est simplement de faire en sorte qu'on puisse aussi convenir que ces gens-là puissent informer le ministre de situations particulières, lui facilitant son travail. Alors, c'est bien loin de changer, puis radicalement prendre une autre position puis une autre direction. Ce n'est qu'un ajout qui rassure puis qui, dans notre esprit, en tout cas dans le mien, probablement dans celui de ma collègue de Taillon, facilite le travail du ministre puis reflète aussi des particularités qui peuvent survenir. Alors, je ne vois pas en quoi c'est dommageable, inquiétant puis dérangeant. Je m'étonne un peu de la position du ministre dans ce dossier-là. Je soutiens et je continue à penser que c'est un ajout important. On le placera à l'endroit qui fait le bonheur du ministre en fonction du fait que ça puisse s'y retrouver. Alors, je maintiens notre proposition en espérant que le ministre, soudainement, dise : Bien, O.K., d'abord, ça a bien de l'allure.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Lévis. Est-ce que j'ai d'autres interventions sur le sous-amendement du député de Lévis? Je vais donc le mettre aux voix. Est-ce que le sous-amendement à l'amendement à l'article 7 est adopté?

Des voix : Rejeté.

Le Président (M. Merlini) : Il est rejeté. Nous revenons donc à l'amendement du ministre. Est-ce que j'ai des interventions, en vous rappelant qu'à l'amendement, Mme la députée de Taillon, il vous reste 1 min 50 s, et, M. le député de Lévis, il vous reste 9 min 30 s? Est-ce que j'ai des interventions à l'amendement du ministre? Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Oui, je demanderais au ministre de nous déposer une liste des organismes représentatifs des médecins qui doivent être consultés, une liste écrite, s'il vous plaît.

Le Président (M. Merlini) : M. le ministre.

M. Barrette : Je déposerai une liste lorsqu'elle sera confectionnée.

Le Président (M. Merlini) : Alors, très bien. Donc, je comprends bien que vous allez la déposer au secrétariat de la commission, qui en fera la distribution...

M. Barrette : Éventuellement.

Le Président (M. Merlini) : ...aux membres de la commission. Merci, M. le ministre. Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : J'aimerais que le ministre s'y engage avant la fin de nos travaux. On comprend la commission, mais est-ce qu'on pourrait avoir de sa part un engagement verbal, officiel, sur micro à l'effet que ce sera avant la fin des travaux, avant la fin des travaux du projet de loi n° 130?

Le Président (M. Merlini) : M. le ministre.

M. Barrette : Oui, je m'engage.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le ministre. Est-ce que j'ai d'autres interventions sur l'amendement à l'article 7? Est-ce que l'amendement à l'article 7 proposé par le ministre est adopté?

M. Barrette : Adopté.

Mme Lamarre : Sur division.

Le Président (M. Merlini) : Adopté sur division. Nous revenons donc à l'article 7 tel qu'amendé. Est-ce que j'ai des interventions? Je n'en vois pas. Est-ce...

M. Barrette : ...non...

Le Président (M. Merlini) : Oui, M. le ministre? Je vous en prie.

M. Barrette : Juste une seconde.

Le Président (M. Merlini) : Vous avez une intervention.

M. Barrette : Juste une petite seconde, M. le Président, pour ce qui est de la séquence des amendements, là... Alors, j'ai un amendement supplémentaire à présenter à cet article-là, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Alors, il y a une proposition d'amendement du ministre. Nous allons en faire la distribution. Merci. Alors, M. le ministre, pour votre proposition d'amendement à l'article 7, votre nouvelle proposition d'amendement, à vous, pour la lecture.

M. Barrette : Alors, article 7 : Insérer, après l'article 60.1 de la Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l'abolition des agences régionales proposé par l'article 7 du projet de loi, le suivant :

«60.2. Malgré l'article 240 de cette loi, le ministre peut, dans des situations exceptionnelles, notamment pour assurer un accès suffisant aux services, autoriser, aux conditions qu'il détermine, un établissement à accepter la demande de privilèges d'un médecin ou d'un dentiste même si le nombre de médecins ou de dentistes autorisés au plan des effectifs médicaux et dentaires de l'établissement est atteint.

«L'article 239 de cette loi ne s'applique pas dans le cas d'une telle autorisation.»

Le Président (M. Merlini) : Pour vos explications, M. le ministre.

• (11 h 50) •

M. Barrette : Alors, les explications. Elle est, ici, très simple. Juste une seconde...

M. le Président, depuis que nous avons un régime de gestion des plans d'effectifs médicaux... Et pour mettre les choses en perspective, pour les collègues et ceux qui nous écoutent, la gestion des effectifs médicaux se fait par un plan qui autorise un nombre défini de médecins par établissement par spécialité. Ça va, jusque-là, M. le Président? Alors, ce plan étant défini, il n'est donc, par définition, pas dépassable. Or, il peut arriver... Non, non. Bien, depuis que l'on a une gestion des effectifs médicaux, on a toujours permis, dans des circonstances exceptionnelles, de dépasser le plan d'effectifs médicaux établi quand une situation clinique le justifiait.

Alors, je vais donner un exemple simple. Vous êtes dans un hôpital pédiatrique. Un développement de clientèle devient tel qu'on a besoin d'un chirurgien transplanteur supplémentaire. Alors, on a un candidat qui revient de formation. Le plan d'effectifs comprend cinq chirurgiens généraux. On se lance, sous autorisation, dans le développement de la transplantation. Et là il nous faut un candidat entraîné pour donner ces services-là. Le plan ne le prévoyait pas. On donne une dérogation pour permettre à ce candidat-là d'arriver. C'est une situation d'exception. L'important, ici, là, c'est l'exception.

Nous avons fait ça pendant des années. Et nous avons constaté récemment que les lois ne l'avaient pas statué d'une façon formelle. L'article qui est ici a comme but unique de régulariser une situation qui ne l'était pas sur le plan légal, législatif. C'est tout.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le ministre. Est-ce que j'ai des interventions à l'amendement à l'article 7? Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Bien, tantôt, j'ai entendu le ministre parler de spécialité, mais ma compréhension de l'article 7 était que ça concernait principalement les médecins de famille.

M. Barrette : C'est juste. D'ailleurs, l'amendement...

Le Président (M. Merlini) : M. le ministre.

M. Barrette : D'ailleurs, l'amendement dont on traite actuellement, on parle bien de médecins de famille ou de médecine spécialisée.

Le Président (M. Merlini) : Mme la députée.

M. Barrette : En fait, on parle de médecins au sens général du terme.

Mme Lamarre : Je vais demander une suspension, M. le Président, parce qu'on prend connaissance de l'article, puis il fait référence à la LSSSS, qui est un document volumineux, à des articles, et qui ont déjà été modifiés par le ministre. Alors, j'aimerais demander une suspension, s'il vous plaît.

Le Président (M. Merlini) : Très bien. Alors, nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 53)

(Reprise à 11 h 59)

Le Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons donc nos travaux suite à des échanges d'information sur la proposition d'amendement du ministre. La parole est à Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Merci, M. le Président. Alors, je veux juste avoir un peu plus de précisions. Le ministre dit : C'est comme ça que ça se passe. Combien de fois on a eu besoin d'avoir recours à cette mesure-là du côté du ministre?

Le Président (M. Merlini) : M. le ministre.

• (12 heures) •  

M. Barrette : ...on donne... Là, c'est très, M. le Président, très approximatif, là. On doit donner, au total, là, je dirais, là, c'est approximatif, là, une dizaine de dérogations par année. Et les dérogations qu'on donne sont des dérogations sur la base soit de besoins soit de développement inattendu ou de croissance inattendue de besoins.

Les dérogations sont exceptionnelles — exceptionnelles. Je vais donner un exemple. Il y a eu un hôpital à Montréal où, il y a peut-être un an et demi, sans le nommer, là, sans personnaliser les choses, il y a eu un médecin... bon, je vais essayer de ne pas trop donner d'information... dont l'état de santé a présenté une problématique qui annonçait que, potentiellement, ça allait être problématique pour la poursuite de la carrière en question.

Un candidat qui était en formation a frappé à la porte. Ces gens-là, évidemment, sur le terrain, quand arrive une situation comme ça, ils frappent à notre porte : on sait que le plan d'effectifs ne le permet aujourd'hui, mais il est raisonnablement prévisible que... Bien, on a donné la dérogation.

Un autre exemple que je peux donner : dans une spécialité donnée, le gouvernement rentre un nouvel équipement. Bon, l'équipement arrive puis il n'a pas nécessairement été planifié en fonction des effectifs. Bon, là, arrive une offre de services supplémentaires, il y a une justification pour mettre un effectif de plus. Mais c'est toujours exceptionnel, c'est toujours un petit nombre et c'est toujours en fonction des besoins ou du développement d'un nouveau secteur.

Ça se fait depuis... Depuis que moi, je suis là-dedans, là, ça remonte à la fin des années 90. Et ça a toujours été éminemment exceptionnel, d'une part, critiqué par certains parce que, les dérogations, il y a des gens qui voudraient les avoir puis qu'on ne les donne pas. Ce n'est pas : Dérogation demandée, dérogation donnée. Mais, dans la loi, au sens absolu de la loi, on a constaté parce qu'on nous l'a fait constater, que la loi ne le prévoyait pas de façon formelle. Alors, on vient littéralement fermer notre porte de critiques légales de certains individus.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : M. le Président, ce qui me préoccupe, en fait, où je voudrais avoir un petit plus de précisions, c'est que ce que la modification du ministre amène, c'est que c'est le ministre qui «peut, dans des situations exceptionnelles, notamment pour assurer un accès suffisant — mais on se rend compte que le "notamment" n'exclut pas d'autre motif — [...]autoriser, aux conditions qu'il détermine, un établissement à accepter la demande de privilèges...»

Alors, «aux conditions qu'il détermine», ça peut aussi vouloir dire qu'il peut accepter, par exemple... Mettons une situation hypothétique. Un CISSS ou un CIUSSS dirait : Nous, on aurait besoin d'avoir trois médecins de famille de plus sur le territoire. Et le ministre pourrait dire : D'accord, je vous en donne un, deux ou trois, là, exceptionnellement, mais je veux absolument qu'ils travaillent dans des supercliniques, et non pas à l'urgence de l'hôpital, ou dans un GMF, ou ailleurs. Est-ce que ma lecture est possible? Il le fait «aux conditions qu'il détermine»... veut dire que le ministre peut aussi désigner le lieu d'exercice du médecin?

Le Président (M. Merlini) : M. le ministre.

M. Barrette : Cet article-là, c'est un article qui s'adresse aux établissements. Et, dans l'exemple qui est donné, les supercliniques et les groupes de médecine de famille ne sont pas dans les établissements au sens de la loi actuellement. Donc, ce cas de figure là, ça ne s'adresse pas...

Mme Lamarre : Donc, ça ne peut pas s'appliquer aux supercliniques ni aux GMF, mais ça pourrait s'appliquer à un centre de protection de la jeunesse, à un centre de réadaptation...

M. Barrette : Oui, ça fait partie des établissements. Oui.

Mme Lamarre : ...un CSLC. C'est ça. O.K. Quel genre de conditions le ministre pourrait déterminer? Est-ce qu'il peut nous donner quelques exemples?

Le Président (M. Merlini) : M. le ministre.

M. Barrette : On pourrait exiger d'une personne qui arriverait avec une expertise très pointue qu'elle participe à l'activité générale de sa spécialité, par exemple. Un expert, là, qui arrive, qui est spécialisé dans la chirurgie de la tumeur du cinquième orteil, on pourrait l'obliger à participer à l'activité oncologique du membre inférieur au complet. Là, on caricature, là, mais c'est un peu dans cet ordre-là.

Mme Lamarre : Mais on pourrait faire l'inverse aussi, c'est-à-dire que, si, par exemple, le conseil d'administration du CISSS dit : Nous, on a surtout besoin d'avoir des médecins de famille ou des médecins de pratique générale dans le CLSC, le ministre pourrait dire : Bien, moi, la belle candidature que j'ai, c'est une candidature avec une expertise et c'est celle-là que je privilégie.

M. Barrette : Bon, prenons un exemple de ce genre-là. Un CISSS, pour lequel on accepterait une dérogation parce qu'il a des besoins, et que les besoins sont d'amplitude variable entre deux installations, on pourrait dire : Oui, c'est correct, on va donner une dérogation pour ce médecin-là, pour pratiquer à l'urgence de l'hôpital principal, mais on va exiger qu'il ait une participation au CLSC de son quartier, par exemple.

Le Président (M. Merlini) : Ça va, Mme la députée de... Mme la députée de Taillon? J'étais pour faire le même lapsus qu'hier soir.

Mme Lamarre : Moi, je veux juste rappeler l'objectif général, mais le ministre, il est à Québec. C'est sûr qu'il a des antennes, il a des liens avec les CISSS et les CIUSSS, mais les conseils d'administration des CISSS et des CIUSSS, on les a choisis, on les a désignés parce qu'ils sont nos yeux, nos oreilles du terrain, des besoins de la population, des besoins spécifiques de sous-territoires d'un CISSS ou d'un CIUSSS, parce que, dans un même CISSS, en Montérégie-Est, par exemple, on a la ville de Longueuil, mais on a aussi Saint-Hyacinthe et Sorel. Alors, le conseil d'administration, sa mission, c'est beaucoup de faire monter les besoins de la population au ministre.

Et là ce que je lis, c'est que le ministre, il dit que ça se faisait, mais là on voit, là, que c'est... en le rendant légal, c'est sûr que là on fait en sorte qu'on institutionnalise la possibilité que le ministre vienne vraiment juger... Ce matin, le Protecteur du citoyen mettait l'emphase sur le fait qu'il y avait plus de soins, puis des articles dans les journaux aussi nous disent, bon : C'est orienté plus curatif et moins prévention, santé publique, santé mentale, déficience intellectuelle.

Alors, le ministre peut finalement orienter des choix, et c'est des choix difficiles. Mais entre avoir un spécialiste très pointu dans un domaine ou avoir trois médecins de famille, bien, le conseil d'administration pourrait juger que c'est les trois médecins de famille dont il a le plus besoin plutôt que l'expert spécialiste. Et là ce qu'on vient officialiser, ce que le ministre dit, bien, c'est qu'il vient de se donner la possibilité d'«autoriser, aux conditions qu'il détermine, un établissement à accepter la demande de privilèges d'un médecin».

Le Président (M. Merlini) : M. le ministre.

M. Barrette : Bon. Alors là, on va clarifier encore une fois les mots et leur sens. Alors, un, ça n'a aucun rapport et ça ne peut avoir aucun rapport avec les critiques qui viennent d'être citées. O.K.? Pourquoi? Pour la simple et bonne raison que ce qui est écrit ici, là, je vais le lire : «...peut, dans des situations exceptionnelles, [...]autoriser [...] un établissement à accepter la demande de privilèges d'un médecin...»

C'est le médecin qui demande des privilèges. C'est le conseil d'administration qui, ipso facto, demande l'autorisation. Ce n'est pas le ministre qui arrive puis qui dit à un établissement : Cher établissement, je vous envoie un médecin de plus parce que j'ai le pouvoir de vous envoyer un médecin de plus. Ici, ce qui est écrit, là, c'est la régularisation d'une situation courante qui existe depuis la nuit des temps dans la gestion des effectifs médicaux, dans le modèle actuel, selon lequel, régulièrement, il y a des institutions qui demandent au ministre...

Parce que, dans tous les cas de figure, les effectifs médicaux sont autorisés par le ministre, tous les cas de figure. Les plans d'effectifs sont proposés, mais adoptés, acceptés par le ministre. Alors, lorsqu'un établissement prend fait et cause pour une demande de médecins, parce que c'est l'établissement qui fait la demande au nom du médecin... Le médecin arrive avec une demande, et l'établissement, lui, c'est le premier à dire : Oui, on supporte cette demande-là, on l'appuie, on l'envoie au ministre, qui, lui, a le pouvoir ou non de dire oui et peut faire un petit ajustement si nécessaire. C'est ce qui se fait aujourd'hui.

Et jamais le ministre... jamais, je n'ai jamais vu ça, je suis là-dedans depuis 1996, M. le Président, je n'ai jamais vu un ministre, un gouvernement dire à un hôpital : Cher hôpital, je t'autorise un effectif de plus sans en avoir eu la demande au préalable. Ça n'existe pas. Alors, ce qui existe, ce sont des demandes, qui parfois ne sont tellement pas exceptionnelles qu'évidemment on y dit non, mais parfois aussi sont très exceptionnelles, et là on analyse. Quels déséquilibres ça fait, tata, tata; qu'est-ce qu'on devrait ajuster, s'il y a un ajustement nécessaire... C'est tout. Ça se fait depuis toujours.

Maintenant, juste pour informer les collègues, la raison pour laquelle on normalise ça, là, c'est parce qu'il y a des fédérations médicales qui voudraient défaire des dérogations, parce qu'elles disent : Vous n'aviez pas la loi pour le faire. Là, vous savez, dans le jeu de rapports de force avec des fédérations médicales, des fois, il y a des gestes qui sont posés qui sont juste à finalité perturbatrice. Alors là, on vient simplement normaliser une situation qui s'est toujours bien exercée, je dirais. Et, à un moment donné, il faut fermer cette porte-là, là. C'est un «loophole» comme on dit en anglais, là.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le ministre. Ça va, Mme la députée de Taillon?

• (12 h 10) •

Mme Lamarre : Bien, en fait, j'apprécie les précisions que le ministre nous a données parce qu'effectivement ça apporte un éclairage intéressant. Mais je note quand même que, dans sa lecture, là, il a sauté «aux conditions qu'il détermine». Il a sauté cette... Alors, «le ministre peut, dans des situations exceptionnelles, notamment pour assurer un accès suffisant aux services, autoriser, aux conditions qu'il détermine, un établissement à accepter la demande de privilèges d'un médecin».

Je comprends l'idée d'empêcher le détournement, mais ce qu'on lit... Et puis, des fois, c'est juste : quand on travaille un paragraphe, on sait ce qu'on veut dire, mais on change un peu le sens. Moi, ce que je comprends du ministre, c'est qu'il me dit que jamais ça ne se fait, sauf s'il y a une demande du conseil d'administration.

Le Président (M. Merlini) : M. le ministre.

M. Barrette : En général, la demande émane du P.D.G., là, mais le P.D.G. n'a pas le choix de parler de ça à son conseil, là.

Mme Lamarre : O.K. Alors, est-ce qu'à ce moment-là, pour être sûrs... Parce que, quand on le lit, là, M. le Président, quand on le lit à froid, là, puis les juristes, ils regardent ça, eux autres, cinq ans après, là, puis ils disent : Bien là, ça donne au ministre la possibilité de faire ça. Le ministre nous dit : Moi, je me base sur un historique où ça ne s'est jamais fait. Mais la lecture de ça, ça dit que ça donne le pouvoir au ministre de le faire.

M. Barrette : Non.

Mme Lamarre : Alors, si on ajoutait «à la demande du C.A. d'un CISSS ou d'un CIUSSS»... Parce que le ministre dit : Jamais ça ne s'est fait qu'un ministre n'ajoute ça de lui-même, c'est toujours suite à la demande d'un C.A. d'un établissement...

M. Barrette : Oui, oui. Mais c'est implicite, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Un instant, M. le ministre. Mme la députée n'a pas fini.

Mme Lamarre : Donc, si c'est toujours à la demande du C.A. d'un CISSS ou d'un CIUSSS, moi, ça répond à la première préoccupation que j'avais évoquée dans ma première intervention, c'est-à-dire : On redonne l'initiative de cette demande-là au conseil d'administration. Et le ministre l'arbitre, et il peut dire oui, il peut dire non, il peut la bonifier, il peut la commenter, il peut faire des conditions particulières, mais, au moins, il ne peut pas initier par lui-même ce privilège-là. Donc, si on ajoute «à la demande...

M. Barrette : Bien, non...

Mme Lamarre : ...du C.A. d'un CISSS ou d'un CIUSSS», puisque le ministre dit : Jamais ça ne se produit, sauf quand le conseil d'administration en ressent le besoin et achemine la demande — puis c'est presque une dérogation dont on parlait — au ministre...

Le Président (M. Merlini) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, là, c'est limpide, là, en français et en termes juridiques, là, c'est limpide. Plus limpide que ça, c'est impossible : Peut autoriser pour... C'est autoriser : je ne peux pas le faire sans une demande, hein? C'est : Autoriser un établissement. L'établissement, ipso facto, c'est un conseil d'administration. C'est implicite. L'article 240 qu'on a adopté le 8 juin dit clairement que «le conseil d'administration doit, avant d'accepter la demande de privilèges d'un médecin ou d'un dentiste, obtenir l'approbation»... bon, de l'agence, il n'y en a plus, là, mais c'est comme ça. Et, après ça, évidemment, ça va au ministre. Tout, dans la loi, émane du conseil d'administration. On ne peut pas lire ce texte-là d'une manière qui dit autre chose que ce qu'il dit, le texte.

Je dois autoriser une demande qui vient d'un établissement, qui, lui, dans les faits, c'est le conseil d'administration... où c'est écrit noir sur blanc à 240. C'est noir sur blanc. C'est clair, clair, clair. C'est le conseil qui fait le cheminement. Je ne peux pas l'imposer, je peux juste accepter ou non une demande. Et une demande qui est par-dessus le plan d'effectifs est, par définition, une dérogation, qui est 60.2. Et, en passant, là, «l'article 239 de cette loi ne s'applique pas dans le cas d'une telle autorisation», parce que 239, ce qu'il dit, c'est que tout octroi de privilèges par-dessus les plans d'effectifs est nul, nullité absolue. Alors là, voilà, qu'est-ce qu'il fait de plus, là? C'est écrit noir sur blanc dans les textes.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Bien, pour moi, il y a une différence entre autoriser un établissement à accepter une demande et autoriser une demande faite par un établissement. C'est deux choses distinctes. En termes de pouvoirs, ce n'est pas du tout la même chose. Alors, je le répète, autoriser un établissement à accepter une demande, c'est une chose; autoriser une demande qui provient d'un établissement, ça, c'est autre chose.

Et donc, moi, ce que je comprends, c'est que le ministre, il dit clairement qu'il est prêt à dire que ça va toujours être une demande d'un établissement, mais ce n'est pas là, le mot «demande» d'un établissement. Ce qui est marqué, c'est «autoriser [...] un établissement». Alors, autoriser quelqu'un à faire quelque chose... je peux l'autoriser sans nécessairement avoir eu une demande. Alors, si on veut être plus précis, on a juste à ajouter le mot «demande» : «...[d']autoriser, aux conditions qu'il détermine, une demande d'un établissement à accepter [les demandes] de privilèges d'un médecin ou d'un dentiste...»

Le Président (M. Merlini) : M. le ministre.

M. Barrette : Bon, M. le Président, je vais patiemment lire 240, encore : «...le conseil d'administration doit, avant d'accepter la demande de privilèges d'un médecin — le conseil d'administration doit, avant d'accepter la demande de privilèges d'un médecin — ou d'un dentiste, obtenir l'approbation de l'agence», qui est, aujourd'hui, le ministre. Et cette demande-là ne peut être acceptée que si elle est conforme au plan d'effectifs.

240, conseil d'administration : établissement qui réagit à une demande d'un médecin. 60.2, le ministre, dans des circonstances exceptionnelles, peut autoriser un établissement à accepter la demande de privilèges d'un médecin. C'est le même chemin, c'est les mêmes mots, c'est la même démarche, même si, évidemment — c'est ça qui est l'exception — ça dépasse le plan d'effectifs. 239, ce que ça dit, c'est que, si un établissement donne des privilèges au-delà du plan d'effectifs, c'est nul et de nullité absolue. Qu'est-ce qui n'est pas clair là-dedans, là? J'ai de la difficulté, là.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : M. le Président, ce qui est clair, là, ce qui est clair, clair, clair, sans équivoque, c'est que le conseil d'administration, il ne peut pas donner des privilèges sans l'accord du ministre. Ça, là, c'est clair, c'est sans ambiguïté, c'est sans aucune hésitation. Ce qui n'est pas clair, c'est, et ce qu'on ne veut pas, là, ce n'est pas clairement dit, mais le ministre, lui, il peut prendre une initiative sans demander au C.A.

M. Barrette : Où ça? Où ça? Où ça?

Mme Lamarre : Bien, l'article contraire n'est pas écrit. Le ministre, quand on lit l'amendement qui est déposé, le ministre autorise un établissement à accepter la demande de privilèges d'un médecin ou d'un dentiste. Donc, cette demande de privilèges ou... il a dit que ça pouvait passer par le P.D.G.. Donc, une demande d'un privilège est faite, elle est faite au P.D.G.. Le ministre dit : Ça devrait passer par le C.A. — là on n'est pas sûrs — et donc le P.D.G. achemine la demande au ministre. Le ministre dit oui, et il revient, et il l'impose au C.A. Est-ce que c'est un scénario qui est possible?

Le Président (M. Merlini) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, je pense que j'ai lu les textes et ils sont clairs. Et je n'ai rien à rajouter. Et là on essaie de construire une... je pense qu'on est plus dans le conte que dans la réalité des textes proposés ici.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : M. le Président, moi, je pense qu'on est dans la lecture rigoureuse des termes comme ils sont écrits. Et je redemande au ministre, puisqu'il dit que ça ne peut pas être sur sa propre initiative à lui, que ça doit toujours venir du conseil d'administration, pourquoi on n'ajouterait pas, après «aux conditions qu'il détermine», «une demande d'un établissement» à accepter les privilèges qui sont demandés par un médecin ou un dentiste? Alors là, on synchronise vraiment les actions, c'est-à-dire qu'il faut, au départ, qu'il y ait une demande d'un conseil d'administration. Et le ministre dit qu'il est d'accord avec ça. Il dit que les cas d'exception qui ont été rapportés, c'était toujours à la demande d'un conseil d'administration — à l'époque, c'était une agence — mais donc qui va faire en sorte qu'il y a un besoin particulier. Alors, ça vient du terrain, la demande. Ça ne vient pas du ministre qui, tout à coup, pourrait, à la limite, changer la vocation d'un département ou d'une offre de services sur un territoire en proposant des gens qui ont une expertise, au détriment de certains, d'autres qui auraient d'autres expertises.

Le Président (M. Merlini) : M. le ministre.

Mme Lamarre : Alors, ce qu'on veut, c'est que ça parte du C.A. C'est ça, l'idée.

• (12 h 20) •

M. Barrette : M. le Président, là, je pense que je l'ai bien expliqué, là. Imaginez, là, notre collègue voudrait qu'on écrive qu'on autorise une demande de l'établissement qui répond à la demande d'un médecin, alors que le texte dit : «autoriser [...] un établissement à accepter». Ça se peut-u que ça veuille vouloir dire clairement que, si j'autorise un établissement à accepter quelque chose, c'est parce que l'établissement m'a demandé de l'accepter? Ça se peut-u que ça soit ça que ça veuille dire en français, là?

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le ministre. Est-ce que j'ai d'autres interventions à l'amendement? Je n'en vois pas. Je mets donc l'amendement à l'article 7 aux voix. Est-ce que l'amendement proposé par le ministre est adopté?

Des voix : Adopté.

Mme Lamarre : Sur division.

Le Président (M. Merlini) : Adopté sur division. Nous revenons donc à l'article 7 tel qu'amendé. Est-ce que j'ai des interventions? Je n'en vois pas. Est-ce que l'article 7 ainsi amendé est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Président (M. Merlini) : Adopté.

M. Barrette : Bon, M. le Président...

Le Président (M. Merlini) : Nous allons donc... J'ai besoin de votre consentement pour poursuivre l'étude de l'article 8 qui avait été suspendu. Est-ce que j'ai votre consentement?

Des voix : ...

Le Président (M. Merlini) : Est-ce que j'ai votre consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Merlini) : Le consentement est donné. Alors, nous reprenons donc l'étude de l'article 8. M. le ministre.

M. Barrette : Alors, M. le Président, nous avons un amendement.

Le Président (M. Merlini) : Donc, proposition d'amendement de M. le ministre. Nous allons en faire la distribution.

M. Barrette : Oui, parce qu'elle est complexe.

Le Président (M. Merlini) : Je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 21)

(Reprise à 12 h 28)

Le Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux.

Document déposé

Avant de procéder à l'étude de l'amendement de l'article 8, nous avons reçu la liste des organismes qui seront consultés en application de l'article 7 du projet de loi, liste à laquelle le ministre s'est engagé à la déposer au secrétariat de la commission. Et les membres ont reçu la copie de ladite liste.

Alors, M. le ministre, pour la lecture de votre proposition d'amendement à l'article 8.

M. Barrette : Alors, ça, c'est un amendement très important, M. le Président, qui se lit comme suit : Remplacer l'article 8 du projet de loi par le suivant :

8. L'article 61 de cette loi est remplacé par le suivant :

«61. En plus des éléments prévus à l'article 242 de cette loi, la résolution du conseil d'administration d'un centre intégré de santé et de services sociaux ou d'un établissement non fusionné doit prévoir que les privilèges sont accordés à un médecin ou à un dentiste pour l'ensemble des installations de l'établissement et préciser dans quelles installations s'exercera principalement sa profession. Elle prévoit également les obligations déterminées en application de l'article 60.1, le cas échéant, et elle indique que le médecin est responsable, collectivement avec les autres médecins exerçant leur profession au sein de l'établissement, de s'assurer qu'il n'y ait pas de rupture d'accès aux services de l'établissement. La résolution par laquelle le conseil d'administration nomme un pharmacien en vertu de l'article 247 de cette loi doit prévoir les installations pour lesquelles la nomination s'applique.

«La répartition des effectifs médicaux et dentaires de l'établissement doit tenir compte des exigences liées au maintien des compétences des médecins et dentistes et, le cas échéant, respecter les orientations ministérielles relatives à la gestion des effectifs médicaux visées à l'article 240 de cette loi.»

• (12 h 30) •

Le Président (M. Merlini) : Pour vos explications, M. le ministre.

M. Barrette : Oui. Alors là, je vais attirer l'attention de nos collègues, M. le Président, sur la phrase qui dit ceci, dans le premier alinéa : «...le médecin est responsable, collectivement avec les autres médecins exerçant leur profession au sein de l'établissement, de s'assurer qu'il n'y ait pas de rupture d'accès aux services de l'établissement», O.K.? Et évidemment, le dernier paragraphe, c'est évidemment un paragraphe qui traite... au maintien des compétences, et tout le monde va être d'accord avec ça.

Alors, qu'est-ce que ça dit, exactement? Ça dit, dans le premier alinéa, essentiellement, qu'un médecin dans un établissement, un établissement étant soit un CISSS ou un établissement non fusionné... On comprendra que cet alinéa-là a une portée qui traite essentiellement des CISSS et des CIUSSS, parce qu'un établissement non fusionné, il est tout seul. Alors, ça s'applique, là, parce que la loi s'applique partout, mais ça n'a pas la même conséquence, la même portée. Alors, ça dit que... Et on va parler simplement d'un CISSS, là, pour résumer, là, on va parler d'un établissement qui a plusieurs installations. Ça dit ceci, ça dit que, dans le contexte actuel où un CISSS a une responsabilité territoriale, territoriale pour les raisons que l'on connaît, territoire dans lequel il y a plusieurs installations, dans lequel une offre de services doit être offerte, ça dit à un médecin : Cher docteur ou dentiste, vous avez des privilèges dans le CISSS au complet, les privilèges sont universels dans le CISSS, mais il est possible que votre pratique soit principale et même totale dans une seule installation, l'hôpital a parmi les hôpitaux a, b, c, d, e. Ça dit ça. Mais ça dit aux médecins : Vous avez une responsabilité collective, collective d'organiser les services pour qu'ils soient rendus disponibles, accessibles. Alors, si docteur, monsieur le dentiste, si vous avez l'autorisation de pratiquer 99 % de votre carrière dans une installation plutôt que de pratiquer de façon rotatoire dans tout l'établissement, vous avez une responsabilité collective de vous organiser entre vous pour que la desserte de services soit adéquate sur le territoire. Conséquemment, vous ne pouvez pas revendiquer le fait d'avoir une pratique principale dans un établissement et même totale pour ne pas aider vos collègues dans votre domaine à donner les services sur tout le territoire.

Exemple. Là, je vais prendre un exemple trivial, et là ça ne mettra personne dans l'embarras, on va prendre le CISSS des Laurentides. Dans le CISSS des Laurentides, ce n'est pas très complexe, parce qu'il y a essentiellement trois institutions hospitalières, il y a des centres jeunesse, il y a des CHSLD. Ce n'est pas là que ça pose un problème. Le problème, il est principalement dans les soins plus aigus. Alors, dans le CISSS des Laurentides, il y a essentiellement quatre établissements hospitaliers : il y a Saint-Eustache, il y a Sainte-Agathe, il y a Saint-Jérôme et il y a Mont-Laurier. O.K., il y a Rivière-Rouge, là, mais ce n'est pas un hôpital, Rivière-Rouge, là. Il n'y a pas de salle d'opération, là, à Rivière-Rouge.

Alors, on dit ici, là : Chers ophtalmologues — on prend l'exemple de l'ophtalmologie — chers ophtalmologues, au pluriel, bien sûr, vous êtes autorisés à pratiquer la majorité de votre temps pour la moitié à Saint-Jérôme, la moitié à Saint-Eustache, on n'a pas de problème avec ça, mais vos privilèges sont dans le CISSS, et vous avez la responsabilité collective de vous assurer d'une desserte de services adéquate à être établie par le conseil d'administration à Mont-Laurier. Alors, s'il est convenu, par exemple, qu'à Mont-Laurier, pour des raisons simples de volume, de liste d'attente, d'expertise, d'équipement, et ainsi de suite, s'il est convenu — puis là je donne un exemple théorique qui n'est pas loin de la réalité — qu'il est nécessaire d'avoir un ophtalmologue qui va à Mont-Laurier une fois toutes les trois semaines pour desservir la population locale, bien vous, collectivement, là, vous avez cette responsabilité-là. Vous vous organisez. Vous devez, ensemble, donner les services. Vos privilèges sont conditionnels à ça. Vous ne voulez pas participer? Bien, peut-être que vous n'aurez plus de privilège au bout de la ligne.

Alors, on dit aux médecins — puis on est très généreux — on dit aux médecins, là : Regardez, là, vous êtes dans une institution qui est le CISSS, on ne vous demande pas de faire la rotation systématique à tout le monde, on ne vous demande pas ça. Par contre, on vous demande de vous organiser collectivement pour donner les services partout, sachant que les services ne peuvent pas être identiques partout. On le sait, ça. On sait, là, qu'on n'a pas besoin d'avoir un ophtalmologue à temps plein à Mont-Laurier, dans les Laurentides, ni à Sainte-Agathe. On sait, par contre, qu'il y a des patients qui en ont besoin. Ça, on le sait, ça.

Alors, on dit, là, dans cet article-là, qui a une portée territoriale de CISSS et non de Québec, pour cet élément-là, on dit : Vous avez l'obligation, pour avoir vos privilèges, d'assumer votre responsabilité collective dans votre secteur. Ça ne dit pas à un médecin : Vous, l'ophtalmologue, vous allez faire des gardes en chirurgie générale. Ce n'est pas ça que ça dit. Ça dit à l'ophtalmologue : Vous, en ophtalmo, là, il y a des besoins sur le territoire, on veut que les services soient donnés, puis on s'assoit, là, et on les organise. Un coup qu'on a convenu — ça, c'est l'administration qui fait ça — un coup qu'on a convenu telle chose, telle chose, telle chose, bien là vous avez la responsabilité, l'obligation d'y participer.

Alors, ça, là, plus centré sur le patient que ça, c'est assez difficile. Alors, ça, ça vient pallier des problématiques chroniques de desserte de services sur le territoire. Là, il est possible que vous abordiez la problématique du Québec. Ça, c'est une autre affaire. Ce n'est pas ça que ça traite, 61, ça traite de la desserte de services dans le territoire du CISSS ou du CIUSSS. Bon, on s'entend que ça s'applique aussi aux hôpitaux non fusionnés, mais le territoire de l'hôpital non fusionné, c'est l'hôpital non fusionné lui-même. Alors, évidemment, ça s'applique, mais ça n'a pas de conséquence par rapport aux conséquences que ça a lorsqu'on l'applique dans un CISSS ou un CIUSSS. Voilà.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le ministre, pour ces explications. Mme la députée de Taillon.

• (12 h 40) •

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Je vois deux possibilités : je vois la bonne foi du ministre et la volonté du ministre de favoriser une imputabilité territoriale, et on souscrit à cette approche-là. Notre objectif, c'est quand même d'être prudent, parce qu'à chaque fois qu'on essaie de corriger quelque chose dans le système de santé, sans faire exprès, on dirait qu'on génère des déviations ou des effets secondaires qui, finalement, ne donnent pas toujours ce qu'on aurait voulu.

Je me souviens que, dans le projet de loi n° 10, on avait marqué un 70 kilomètres de distance. Je suis contente de voir que le ministre l'enlève parce qu'on a vu que, dans le dossier de La Pocatière, ça avait fait... de Rimouski, ça avait fait... finalement, ça avait justifié les gens de ne pas se déplacer.

Mais il y a quand même une caractéristique au Québec : ce sont les grandes distances. Et, pour un CISSS — le ministre prenait l'exemple du CISSS des Laurentides — il faut aussi maintenir une certaine attractivité pour les spécialistes dans les régions. Et cette attractivité-là, elle doit absolument être reconnue parce que, je regarde l'exemple que le ministre nous a donné tantôt, quatre établissements : Saint-Eustache, Sainte-Agathe, Saint-Jérôme, Mont-Laurier... mais, si on demande à un médecin, à un ophtalmologiste, de faire Saint-Eustache et Mont-Laurier, eh bien, c'est deux heures et demie de distance d'un endroit à un autre, 212 kilomètres. Alors, c'est sûr que ce... mettons qu'on a un jeune ophtalmologiste qui termine, quel est l'intérêt pour lui d'aller dans ce territoire-là? On peut créer un grand désincitatif et même un désert médical. Et l'exemple qui nous frappe actuellement, c'est celui des anesthésistes. Alors, les anesthésistes, il y en a autour de 1 000 à Montréal, il y en a autour de 500 à Québec, mais, après ça, dans les territoires et les régions plus éloignées, on n'a pas beaucoup d'anesthésistes. Alors, imaginons que, dans un territoire, on n'ait que 10 anesthésistes. Quand arrive la période des vacances, quand arrive un décès, si on n'a pas un processus qui permet une certaine mobilité, il faut peut-être la prévoir et la demander, cette mobilité-là des anesthésistes de Montréal et de Québec. Mais, historiquement, elle se faisait, je vous dirais, spontanément, moyennant une bonification de leurs conditions de travail, qui avait un coût. Et là c'est sûr que de dire qui sera l'anesthésiste qui aura envie d'aller travailler dans un hôpital... Puis ce n'est pas seulement la distance, parfois, c'est la diversité ou le volume d'actes qui est plus difficile à justifier, dans certains territoires, et qui affecte directement, là, la rémunération des spécialistes.

Alors, ma crainte... et j'aimerais que le ministre m'explique comment il va pallier, par cette modification législative là, au fait que certaines régions pourraient être complètement, je dirais, boudées ou désertées par des spécialistes qui diraient : Moi, l'enjeu, c'est vraiment énorme, là, les distances à parcourir, comment je vais pouvoir m'assurer de voir mes enfants le soir quand je rentre chez nous? Il va falloir que j'habite deux jours par semaine à Saint-Eustache puis trois jours par semaine à Mont-Laurier. Ce n'est pas vivable. Donc, moi, je ne choisis pas cette spécialité-là ou je ne choisis pas cette région pour m'installer. Et, à court ou moyen terme, on va avoir vraiment des déserts de spécialistes.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la députée de Taillon. M. le ministre.

M. Barrette : Bon, alors, M. le Président, je vais... Notre collègue nous expose souvent sa connaissance du milieu de la santé, et là elle vient de nous dire qu'il y avait 1 000 anesthésistes à Montréal et 500 à Québec. Il y en a 750 au Québec au complet, alors...

Mme Lamarre : ...divisé par 10.

M. Barrette : Bien, parce qu'il n'y en a pas 1 000 à Montréal puis il n'y en a pas 500 à Québec, là. Il y en a à Sherbrooke et à Trois-Rivières aussi, là. Rien que pour ces deux villes-là, là, c'est plus du double. Et, si on ajoute les autres, là... Là, il y a une méconnaissance du réseau.

Maintenant, ce qui est proposé ici, ce n'est pas du tout le scénario que la collègue, évidemment, expose, là, en ce sens qu'il n'y a personne à qui on va demander, de façon systématique, de faire deux jours à Saint-Eustache, et deux jours à Mont-Laurier, puis un troisième à Sainte-Agathe. J'ai même pris cet exemple-là à dessein pour montrer à quel point couvrir Mont-Laurier, ses besoins en ophtalmo, ça demande à un groupe d'une vingtaine d'ophtalmologues pas grand-chose. On ne parle pas ici, à tous les jours, de s'en aller à deux heures d'auto à Mont-Laurier. On parle de périodiquement, dans l'année, avoir une cédule rotatoire qui est la responsabilité du groupe d'ophtalmologues de la région, d'aller, par exemple, dans l'exemple que j'ai donné, une journée aux trois semaines pour donner des services à la population qui est petite en nombre. Petite en nombre, par définition, il n'y a pas beaucoup de clientèle.

Alors là, c'est la balance, là, des avantages et des inconvénients. Alors, c'est sûr que ça, là, c'est un inconvénient qui va... ça va être perçu par un inconvénient par les professionnels, mais nous sommes là, comme législateurs, pour corriger des situations. Corriger la situation de la pénurie, ce n'est pas simplement envoyer quelqu'un à un moment donné, c'est d'assurer la pérennité, la permanence de la couverture. Et ça, là, là, je rejoins ma collègue de Taillon, M. le Président, c'est vrai que les médecins — c'est vrai, là, je vous dis, c'est vraiment vrai — que les médecins, quand on met une mesure en place, font tout pour la contourner. Ça, c'est vrai, là, avec un v majuscule. Alors, à un moment donné, là, c'est vrai, là, qu'on a enlevé le 70 kilomètres pour le remplacer par ça, c'est tout à fait vrai, parce que c'est tout à fait vrai que des gens ont regardé Google, là, puis ils ont dit : Ah! ça, c'est 71 kilomètres, je n'y vais pas. Parce qu'il y a des gens, là, qui choisissent... des gens, des professionnels choisissent leur confort versus le besoin de la population, malgré une rémunération qui est à la hauteur appropriée.

Ce qu'on demande, dans cet amendement-là, ce n'est pas de l'esclavage, ce n'est pas une vie ruinée, c'est un aménagement ponctuel rotatoire qui n'est pas très lourd. Et je dis souvent ça aux médecins : Quand on part en congrès pendant une semaine à l'autre bout de l'Amérique du Nord, on n'est pas avec ses enfants, on n'est pas là, puis on le fait pareil pour des besoins de maintien de compétences. Pourquoi la même demande pour les besoins de la population serait une lourdeur inaccessible... pas inaccessible, mais inacceptable?

Là, il y a deux écoles, et là, manifestement, là, on n'est pas... et l'école ou l'approche, il y a deux ou trois approches, l'approche de notre collègue me surprend. Combien de fois, dans le mandat, le Parti québécois s'est-il levé, et incluant ma collègue, pour décrier la rémunération des médecins? Trop d'argent! Encore ce matin, à la période de questions, le chef de l'opposition officielle n'avait que ça à la bouche. Et là, essentiellement, ce que notre collègue nous dit clairement, puis ce n'est pas la première fois qu'elle nous le dit, elle l'a dit en Chambre, elle le redit aujourd'hui, elle veut qu'on donne plus d'argent aux médecins pour qu'ils viennent, eux, couvrir les zones de découverture, plus d'argent aux médecins pour lesquels on dit qu'ils en ont déjà trop, alors que moi, j'arrive avec un aménagement, là, qui est très simple, qui ne va pas entraîner une désertification des Laurentides, parce que la charge demandée est très légère, mais ça va se faire à l'intérieur des enveloppes actuelles. Il n'y a pas d'argent additionnel qui est octroyé pour faire ça. Mais on fait quoi, par exemple? On oblige des gens à s'organiser d'une façon permanente. Permanente, là, c'est 365 jours par année. Et c'est pourtant les exemples qu'on a vécus, là, dans les dernières années. Et c'est vrai, c'est des exemples vécus, parce qu'il y a toujours une règle à côté de laquelle on passe. Alors, on souhaite ici, une fois pour toutes, fermer ces portes-là.

Je dis à la collègue que je suis étonné qu'elle veuille mettre plus d'argent. Je vais vous dire une chose : Il n'y a aucun problème, hein? Les médecins, là, si on triple, quadruple le tarif de tel ou tel acte pour aller en région, ils vont y aller en courant. Ils n'iront pas toute l'année, par exemple, ils vont choisir leurs moments. On va quand même avoir de la misère l'été, on va quand même avoir de la misère dans le temps des fêtes, on va quand même avoir de la misère dans les vacances scolaires, et ainsi de suite, parce que la nature humaine est ce qu'elle est. Ça va marcher le reste du temps, ça va coûter cher, c'est une option, mais elle m'étonne beaucoup venant d'un parti qui, par définition, dénonce, décrie, pointe — et je n'utiliserai pas d'autres qualificatifs — la rémunération des médecins. Alors là, là, d'utiliser cette solution-là, bien, ça m'étonne, ça m'étonne beaucoup. Mais, que voulez-vous, la vie parlementaire est faite d'une succession de surprises aussi surprenantes les unes que les autres.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Merci, M. le Président. Le ministre a fait preuve d'une certaine interprétation, je dirais, démagogique. Je pense qu'à l'intérieur d'une enveloppe fermée il est tout à fait possible de répartir et de créer les incitatifs, pas des incitatifs orientés vers... Et là c'est la mission d'un syndicat de protéger et de faire en sorte que les conditions soient les plus rentables et les moins contraignantes pour ses membres. Alors, à l'intérieur de la même enveloppe, sans ajouter de l'argent, on peut rebrasser le jeu de cartes, comme on dit, et faire en sorte que les personnes qui sont les plus vulnérables, soit par la condition de leur état de santé, soit par le fait qu'elles habitent des régions qui sont moins faciles d'accès, moins attrayantes, eh bien, que ces régions-là soient privilégiées, et il y a déjà des primes d'éloignement qui sont prévues pour les médecins. Donc, c'est tout à fait possible de gérer ça sans augmenter la rémunération des médecins. Je sais que c'est un rêve de notre ministre, c'est un puits sans fond, et ce ne sera jamais suffisant. C'est très malheureux, parce que, moi, quand je lis le rapport du Protecteur du citoyen ce matin et que je vois toutes les contraintes, tous les bris d'accès, toutes les conséquences que les personnes vulnérables ont subies, je suis certaine que, si les médecins étaient conscients que le 900 millions de dollars qu'ils reçoivent cette année en augmentation pourrait avoir une portée inestimable sur les gens qui ont des problèmes de santé mentale, sur les gens qui ont des besoins en soutien à domicile, je suis certaine qu'ils exprimeraient des choix différents de ceux que le ministre fait à leur place.

Alors, je reviens au niveau de la répartition d'une enveloppe fermée, donc sans ajout d'argent neuf, je pense qu'il y en a eu beaucoup, mais, ce qui est clair, c'est que cet argent neuf, qui a été en bonne partie négocié par le ministre avant qu'il soit ministre, au moment où il était président de la FMSQ, n'a pas su être lié à des obligations de disponibilité et d'accès pour la population du Québec, ce qu'on ne voit pas dans d'autres provinces. Et c'est ça qu'on paie depuis 10 ans, au Québec, c'est cette lacune d'avoir associé les augmentations faramineuses qui ont été données aux médecins du Québec depuis 10 ans à un objectif d'accessibilité et de garantie de soins. Alors, j'espère bien que le ministre ne leur en redonnera pas plus, mais qu'il va tout simplement dire : Avec ce que vous avez, organisez-vous pour que les gens de toutes les régions du Québec soient bien servis et qu'on ait une garantie d'accès pour des services essentiels, entre autres, comme ceux des anesthésistes, des ophtalmologues.

Pour le nombre des anesthésistes, c'était un ordre de grandeur, M. le Président. Mais j'aimerais ça que le ministre me dise, sur les 750 anesthésistes qu'ils ont, il y en a combien qui sont à Montréal, il y en a combien qui sont à Québec, puis il en reste combien pour l'ensemble du Québec.

• (12 h 50) •

Le Président (M. Merlini) : M. le ministre.

M. Barrette : Dans la grande région de Montréal, M. le Président, c'est environ... près de la moitié, environ le quart dans la grande région de Québec, et le reste distribué dans le reste du Québec, approximativement.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le ministre. Mme la députée.

Mme Lamarre : Merci. Alors, mes proportions, M. le Président, étaient tout à fait justes. Donc, mon exemple était pour faire image pour la population, mais on se rend compte que, sur les 750 anesthésistes du Québec, il y en a la moitié à Montréal et il y en a le quart à Québec. Et, dans tout le grand territoire du Québec, avec les milliers de kilomètres qu'on a, il nous en reste seulement... il nous en reste à peu près 180. Alors, on a 550, 600 anesthésistes qui sont à Montréal et à Québec, puis il en reste à peu près 180 qui sont partout dispersés à raison de deux, trois, sur les autres territoires, les autres régions et les autres CISSS. Le ministre me donne raison, alors je le remercie. Ça illustre exactement le danger qu'on a. C'est-à-dire que, si on met des contraintes qui ne tiennent pas compte d'une certaine mobilité de certains anesthésistes qui sont dans des zones plus concentrées, où il y a un petit peu de jeu, même pendant les vacances, pour dire : O.K., on en a... si on a 10 anesthésistes qui prennent des vacances, mais qu'il en reste encore 300, on a la latitude pour dire : On va permettre à certains d'entre eux d'aller couvrir des soins à l'extérieur.

Le ministre nous a répété à profusion que le problème de La Pocatière, qui dure quand même depuis le mois d'avril, c'était dû au décès d'un anesthésiste. Alors, moi, je vais vous dire, dans toutes les entreprises, mais en particulier dans les organisations en santé, un décès, c'est vrai que ça surprend, mais, si ça nous prend six mois, huit mois avant de combler un besoin, on a un réel problème d'organisation. Et ce n'est pas la proposition du ministre qui va améliorer la situation. On va avoir encore moins de facilité à recruter des anesthésistes pour ces régions qui sont plus éloignées.

Alors, j'invite le ministre à énormément de prudence. Et, à moins qu'il me dise qu'il y a un autre amendement où il va permettre, ou un autre article qu'il va nous déposer où il va faire en sorte qu'on ait la possibilité, à l'intérieur des enveloppes, toujours à l'intérieur des enveloppes d'argent, des enveloppes de rémunération, de dire que des anesthésistes de Montréal et de Québec devront venir prêter main-forte trois semaines, un mois par année dans d'autres territoires du Québec... autrement, sa mesure m'apparaît avoir un effet dissuasif majeur sur le recrutement potentiel des spécialistes dans des régions où le volume sera trop faible. Il n'y a pas juste le volume. Il y a parfois aussi la possibilité pour les spécialistes de continuer à se développer, à développer leur expertise, à utiliser des nouvelles technologies, à apprivoiser ces nouvelles technologies-là et à offrir des services de qualité comparable, égale, partout sur le territoire.

Alors, ce que je vois, c'est que vraiment, ma crainte, elle est réelle. Et l'imputabilité d'un territoire, je peux très bien concevoir, M. le Président, qu'elle s'applique pour des médecins de famille. Mais, quand on arrive pour l'imposer du côté des médecins spécialistes, c'est une lame à deux tranchants. Et ce qu'on voit avec les difficultés de recrutement d'anesthésistes, eh bien, c'est clairement quelque chose qu'on ne voyait pas de façon aussi importante dans les années précédentes, et c'est la conséquence du fait que le ministre a interdit aux anesthésistes, cette année, de faire en sorte que ceux de Montréal puissent aller faire du dépannage à La Pocatière. Et ça, le ministre a fait le choix de sauver 23 millions de dollars en les empêchant plutôt que de donner...

Le Président (M. Merlini) : Un instant! Un instant, madame... Un instant, Mme la députée. M. le ministre, vous avez une question de règlement?

M. Barrette : On me prête l'intention d'avoir interdit aux médecins anesthésistes d'aller à La Pocatière. J'invite la collègue à me dire où... Là, c'est faux, là, ça, là. C'est faux. C'est juste faux. Alors là, à un moment donné, ce n'est pas juste prêter des intentions, c'est affirmer que j'ai posé un geste. C'est où, ça, que j'ai interdit aux anesthésistes de Montréal d'aller à La Pocatière? C'est où, ça?

Le Président (M. Merlini) : Mme la députée.

Mme Lamarre : M. le Président...

Le Président (M. Merlini) : Veuillez faire attention aux mots utilisés. Vous le savez, je l'ai dit hier, vous illustrez vos points, vous avez utilisé les anesthésistes comme exemple par rapport à l'amendement qu'on est en train d'étudier, alors je vous prie de faire attention aux propos.

Mme Lamarre : Dans nos travaux antérieurs, M. le Président, sur le projet de loi n° 130, le ministre a clairement dit qu'il y avait eu un enjeu de 23 millions de dollars qui expliquait pourquoi les anesthésistes, qui historiquement faisaient du dépannage ailleurs, dans d'autres territoires du Québec, n'en avaient pas fait cette année. Alors, nous, on dit : Effectivement, il y a un problème. Et le problème, c'est que le ministre n'a pas de contrôle sur l'enveloppe qui a été donnée aux spécialistes et qu'à l'intérieur de cette enveloppe-là on n'a pas prévu les incitatifs significatifs pour que, dans l'enveloppe de rémunération des spécialistes, il y ait une garantie d'offre de services et qu'on ne crée pas ce genre de désert et de non-accès absolu à des services essentiels. Alors, c'est le ministre qui a dit que c'était un enjeu de 23 millions de dollars et que, cette année, il avait décidé qu'il ne le donnerait pas. Alors, ça peut se traduire par des vacances, des périodes, des primes, peu importe, peu importe, M. le Président...

M. Barrette : Article...

Le Président (M. Merlini) : Un instant!

M. Barrette : M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : M. le ministre.

M. Barrette : Encore une fois, ce qu'elle dit, c'est faux. O.K., on peut plaider... O.K., je vais accepter que la collègue plaide l'ignorance, parce que, si ce n'est pas de l'ignorance, c'est de la médisance. C'est pire.

Le Président (M. Merlini) : Il faut faire attention. Il faut faire attention, là, aux propos qui sont utilisés de part et d'autre, là.

M. Barrette : Alors, M. le Président, là...

Le Président (M. Merlini) : Je comprends...

M. Barrette : ...ce que j'ai dit, ce que j'ai dit, dans les travaux parlementaires, c'est que les anesthésistes voulaient, dans une négociation, avoir un bonbon de 23 millions de dollars. En fait, c'est 22. Je n'ai pas enlevé ce 22 là, je n'ai pas empêché, c'est de la négociation. Les anesthésistes ont choisi, ont choisi de poser le geste qu'ils ont posé. Ça, ça s'appelle un moyen de pression. Mais je n'ai pas enlevé, je n'ai pas empêché. Je comprends, là, que le seul et unique style parlementaire de notre collègue est celui de... vous me dites de faire attention...

Le Président (M. Merlini) : Oui.

M. Barrette : ...O.K., celui de maquiller la réalité.

Le Président (M. Merlini) : Non, M. le ministre, ce propos est interdit dans notre lexique parlementaire.

M. Barrette : Il est interdit? O.K.

Le Président (M. Merlini) : On ne peut pas dire qu'on tente de maquiller des choses.

M. Barrette : Il est celui de colorer la réalité aux couleurs du Parti québécois.

Le Président (M. Merlini) : Mais, indirectement ou directement, on ne peut pas dire ces choses-là, M. le ministre, et vous le savez très bien. Alors, vous avez illustré le point qu'il s'agissait d'une tactique de...

M. Barrette : Modifier la réalité, M. le Président?

Le Président (M. Merlini) : Vous avez illustré le point que c'était une tactique de négociation que les anesthésistes ont utilisée, que vous n'avez pas enlevé lesdits montants...

M. Barrette : Comme l'a dit la collègue de Taillon.

Le Président (M. Merlini) : S'il vous plaît, M. le ministre, j'ai la parole en ce moment. Comme l'a dit effectivement la députée de Taillon. Restons factuels dans les choses qui sont dites, comme ça, le déroulement se fait très bien. Vous pouvez continuer, Mme la députée de Taillon. Évidemment, de part et d'autre, faites attention aux propos utilisés. Je préfère que les débats se concluent sereinement. Il nous reste une minute. Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : M. le Président, j'aurais encore beaucoup à dire sur ce sujet, mais je vais me restreindre parce que je veux quand même reconnaître que l'abolition du 70 kilomètres est, je pense, due à la vigilance du député de la région de Matane-Matapédia, qui a démontré que cette limite avait un effet tout à fait négatif sur l'accès. Alors, à ce moment-ci, je vais préférer reconnaître le mérite de mon collègue, et on aura l'occasion de revenir sur d'autres tribunes.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme la députée de Taillon.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne donc ses travaux sine die. Bon appétit à tous!

(Fin de la séance à 13 heures)

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