L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux

Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le vendredi 8 décembre 2017 - Vol. 44 N° 174

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 157, Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Mme Line Beauchesne

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Autres intervenants

M. Yves St-Denis, président suppléant

Mme Lucie Charlebois

M. Sylvain Pagé

Mme Lise Lavallée

M. Amir Khadir

M. Alain Therrien

*          M. Yves-Thomas Dorval, CPQ

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Douze heures six minutes)

Le Président (M. St-Denis) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir s'assurer que la sonnerie de leurs appareils électroniques soit bien en position vibration ou silence.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 157, Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Hivon (Joliette) sera remplacée par M. Bourcier (Saint-Jérôme) et M. Turcotte (Saint-Jean) sera remplacé par M. Therrien (Sanguinet).

Le Président (M. St-Denis) : Excellent. À ce stade-ci, je vais avoir besoin d'un consentement pour prolonger la rencontre jusqu'à 13 h 15. Est-ce que j'ai un consentement?

Des voix : Consentement.

Auditions (suite)

Le Président (M. St-Denis) : Oui. Merci beaucoup. Alors, ce matin, nous entendrons Mme Line Beauchesne, professeure titulaire au Département de criminologie à l'Université d'Ottawa et professeure associée au Département de santé communautaire à l'Université de Sherbrooke. Également, nous rencontrerons le Conseil du patronat du Québec.

Alors, maintenant, je souhaite la bienvenue à Mme Line Beauchesne. Mme Beauchesne, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons ensuite à la période d'échange. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.

Mme Line Beauchesne

Mme Beauchesne (Line) : Bonjour. Merci de m'accueillir ici. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés, Mme la députée et les membres de la commission.

Alors, avant de commencer directement dans le coeur du débat, j'aimerais faire certaines précisions de vocabulaire, parce que le vocabulaire est donc important quand on parle de prévention, quand on parle sur le sujet du cannabis. Et je suis professeure, mais aussi je fais des présentations en prévention auprès des parents, et une des premières choses que je leur dis pour qu'ils retrouvent un pouvoir sur les drogues, c'est qu'il faut apprivoiser le mot «drogue», il faut lui redonner son sens pharmacologique. L'alcool, c'est une drogue; les médicaments, c'est des drogues; la caféine, en concentré dans le Red Bull, c'est une drogue, et il faut reconnaître autour de soi les situations de consommation, et il faut sortir du grand soir, comme en sexualité, où on parlait, la veille des noces, voici, la sexualité, c'est quoi.

Maintenant, je veux dire, un enfant de cinq ans peut dire : D'où viennent les enfants?, puis on commence à répondre et on complexifie. Bien, c'est la même chose avec les drogues si on leur fait perdre leur aura. L'enfant en voit, des situations de drogue. Il voit mononcle Roger aux fêtes, qui a trop consommé puis à qui on a enlevé les clés parce qu'il ne pouvait pas conduire. Bien, s'il pose une question, il faut être capable de dire : Mononcle Roger a pris une drogue qui s'appelle l'alcool et puis il ne peut pas conduire parce que, quand on en prend beaucoup... Et donc le terrain se prépare doucement. Il n'y a pas comme la grande arrivée du cannabis tout d'un coup.

Et le cannabis, à cet égard-là... Et j'avoue que, Mme la ministre, vous m'avez interpellée quand vous avez dit : Je ne peux pas dire cannabis récréatif. Et j'ai pensé, j'ai dit : Elle a raison. Pourquoi tout d'un coup on sépare le cannabis comme... il y avait le thérapeutique et le récréatif. Et j'ai réalisé ça après que j'ai remis mon mémoire, mais c'est très important, la réflexion que vous m'avez fait faire, et j'ai dit : Non, il ne faut pas dire cannabis médical, il ne faut pas dire cannabis récréatif.

• (12 h 10) •

La raison pour laquelle je dis ça, c'est que, comme toute drogue, comme l'alcool, on la prend de temps en temps pour socialiser, pour se détendre, pour fuir, parce qu'on n'est pas bien, parce qu'on est bien, parce qu'on est fatigué, parce que, si j'ai eu une journée hyperstressante, et que j'arrive à la maison, et que j'ouvre le frigidaire, et que je bois tranquillement une bière dans le silence de ma maison, ce n'est pas un récréatif, c'est que je m'automédicamente.

Et donc j'ai dit : On ne dit pas ça de l'alcool, l'alcool récréatif. Et donc j'ai une suggestion pour... Je pense qu'on doit parler du cannabis prescrit à des fins thérapeutiques pour le champ thérapeutique et du cannabis en vente libre pour celui qu'on est en train de réguler. Mais c'est des modes d'approvisionnement qu'on est en train de réguler, pas des effets, et c'est un vocabulaire beaucoup plus approprié, d'autant plus que les produits sont les mêmes. Que ce soit pour les produits prescrits à des fins thérapeutiques ou en vente libre, la majorité des produits, aux États-Unis, qui circulent viennent d'abord du marché des produits... du marché thérapeutique.

Et ça me permet de revenir sur quelqu'un hier qui parlait du vapotage. Effectivement, il a raison, aux États-Unis, dans les États sur lesquels on a des données, le joint traditionnel est minoritaire comme mode de consommation. C'est le vapotage et c'est les produits comestibles qui vont arriver chez nous dans un an, selon le fédéral. Alors, il faut tenir compte de ça dans le sens que ce n'est pas juste du monde qui vont fumer. Oui, mais ce n'est pas que ça.

Un autre mot de vocabulaire, c'est la définition de la consommation à risque, et puis là on se demande c'est quelle quantité. Si je vous dis : J'ai pris deux bières hier, vous allez dire : Bien, ça ne me regarde pas vraiment. Mais, si je vous dis : J'ai pris deux bières hier, à 9 heures le matin, avant d'aller travailler. Même produit, même quantité. Alors, une consommation à risque, c'est toujours trois éléments : produit, personne, environnement. Alors, soit un produit frelaté, soit un produit trop concentré, soit... Et la relation que j'ai avec le produit à 9 heures le matin n'est certainement pas la même que le soir, et l'environnement dans lequel je consomme.

Alors, pour comprendre si une consommation devient problématique, il faut arrêter de focaliser sur le produit et se demander quelle relation, la personne, elle a avec le produit. Ce n'est pas l'idée si elle a pris ou non un joint. C'est pour ça à cet effet-là d'ailleurs... mais vous n'avez pas à me répondre, peut-être vous n'avez pas la réponse, mais je me demandais... Ça a été tellement efficace, la taxation selon le taux de concentration d'alcool pour diriger les gens vers les produits à basse concentration, j'espère qu'on va reproduire le modèle avec le cannabis parce que c'est un excellent moyen pédagogique.

L'autre mot de vocabulaire, c'est protéger les jeunes. Vous savez, protéger peut vouloir dire deux sens diamétralement opposés. Si je veux empêcher mon jeune de se faire heurter par une voiture quand il traverse la rue, je peux décider que je l'enferme dans la maison jusqu'à ses 18 ans, et il ne se fera pas frapper. Mais je peux décider aussi que je lui apprends à traverser la rue, à regarder à gauche, à regarder à droite, et puis qu'un jour il va traverser la rue tout seul. Est-ce que je vais avoir peur au début? Oui, mais l'idée, c'est qu'il la traverse tout seul. Et ce n'est pas avec les interdits qu'on apprend à quelqu'un à devenir autonome et à faire des choix quand il est adulte. Je garroche, là, parce que mon temps est comme petit.

Le mot «dépendance», je voudrais y revenir parce que, ça aussi, on peut aborder ça dès qu'ils sont petits. Il y a la dépendance aux sucreries, aux jeux vidéo, à toutes sortes de... Le rapport que la personne établit avec les produits, on peut en parler déjà très tôt. C'est pour ça que je dis de dire un jour à quel moment on commence à faire de la prévention sur les drogues, dès qu'il y a des questions, et sur bien des objets.

Les quatre plans à la maison maintenant. Vous savez, j'écoutais les interventions de... et je me disais : Mon Dieu! est-ce qu'ils pensent que tout d'un coup la négligence parentale va monter en flèche au Québec et qu'on ne saura pas ranger son cannabis, on ne saura pas... Je veux dire, les parents ne laissent pas la bouteille d'eau de Javel ouverte à côté des boîtes de LEGO. Ils ne laisseront pas leur sac de cannabis à côté de la boîte de céréales du petit. Je ne sais pas pourquoi tout d'un coup on se mettrait à penser que les parents ne prendraient pas de précautions comme ils prennent pour l'alcool, comme ils prennent pour les médicaments.

Est-ce que la négligence parentale, ça existe? Oui. Ça n'a rien à voir avec le cannabis. Il y en avait avant, il va y en avoir après. Est-ce qu'il arrive des accidents? Oui. J'ai laissé ma sacoche là, le petit a pris les médicaments. Ça arrive, mais je ne vois pas pourquoi les parents n'auraient pas la même vigilance et la même attention, parce qu'il y a du cannabis dans la maison, qu'ils ont avec tous les produits, les autres drogues qu'il peut y avoir dans la maison.

Également, je me demandais... Vous savez, il y a 500 personnes, près de 500 personnes, à l'heure actuelle, au Québec, qui peuvent cultiver cinq, 10 ou 15 plants à domicile, dépendant de leurs prescriptions, parce qu'ils ont la permission de Santé Canada de cultiver à la maison depuis l'arrêt Allard, et ça n'a pas fait un drame. Il n'y a personne qui le sait, il n'y a pas personne que... L'enregistrement de quatre plants à la maison, ce n'est pas obligé d'être très, très compliqué, là. Tu peux aller dire à la ville : Vous pouvez venir voir, c'est sécuritaire.

Également, la question, Mme la ministre, que vous avez posée : Est-ce qu'avec quatre plants on peut être gelé pendant toute l'année, pendant... Bien, vous savez, là, si vous regardez l'alcool que moi, j'ai dans la maison, là, je peux être ivre toute l'année, 365 jours. C'est une décision de consommer de cette manière-là, ça ne dépend pas du produit qu'on a dans la maison. Et c'est pour ça que je ne suis pas obligée de consommer tout ce que j'ai le même soir, parce que... Mon Dieu! le temps file. Je saute au point suivant.

Facultés affaiblies. Avoir les facultés affaiblies, ça veut dire ne pas avoir les réflexes nécessaires pour faire quelque chose. Et donc les facultés affaiblies peuvent être causées par la fatigue. D'ailleurs, sur la route, c'est, dépendant des études, un sur quatre ou un sur cinq accidents qui est causé par la fatigue. Ça peut être des médicaments qui créent la somnolence, ça peut être la maladie qui baisse les réflexes, l'âge. Ça peut être toutes sortes d'affaires.

Et là, tout d'un coup, on décide qu'on allait repérer ceux qui prenaient du THC, peu importe qu'ils ont ou non les facultés affaiblies, et on allait sortir tout l'appareillage. C'est vraiment l'industrie des tests de drogue qui est rentrée dans une peur des gens, mais ce n'est pas... on n'est plus en facultés affaiblies. Mesurer les facultés affaiblies, là, c'est que tous les policiers...

Le Président (M. St-Denis) : En conclusion.

Mme Beauchesne (Line) : ...aient leurs trois jours de formation pour passer le TSN.

Le Président (M. St-Denis) : En conclusion, Mme Beauchesne.

Mme Beauchesne (Line) : Pardon?

Le Président (M. St-Denis) : En conclusion.

Mme Beauchesne (Line) : Et donc de faire des tests de réflexes. Et enfin, je veux dire, l'article 55, moi, je l'enlèverais, en conclusion.

Le Président (M. St-Denis) : Merci beaucoup. Alors, merci pour votre exposé. Nous allons alors débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. D'abord, vous saluer, Mme Beauchesne. C'est un plaisir de vous retrouver. Vous avez fait plusieurs de nos consultations publiques, et je vous retrouve avec la même vivacité d'esprit, mais surtout la même passion quand vous affirmez vos propos. Je suis contente que vous soyez venue, on va avoir un bon échange.

Je vais faire vite puis je vais vous donner l'occasion de continuer sur ce que vous aviez commencé, mais je veux d'abord aller à l'âge. Donc, vous considérez, vous, que ce n'est pas tant l'âge comme la capacité qu'on aura de faire de la prévention, de l'éducation, de la sensibilisation, tant auprès des enfants que des parents de ces enfants-là pour leur permettre d'avoir un comportement responsable. Est-ce que je comprends bien que 18 ans, vous, ça ne vous fatigue pas?

Mme Beauchesne (Line) : Oui. C'est beaucoup plus le discours qu'on va mettre autour, de prévention.

Mme Charlebois : D'accord.

Mme Beauchesne (Line) : Le site Internet, à cet égard, peut être extraordinaire.

Mme Charlebois : Le site Internet de la société québécoise?

Mme Beauchesne (Line) : Oui, le site Internet, moi, je ne le vois pas comme un site de vente, même s'il y a vente. Je vois onglet «produits», pour acheter, mais je vois plein d'autres onglets pour faire les liens avec les informations aux parents, les informations aux jeunes, les informations, si tu veux suivre quelque chose. Mais je vois un site qui est la porte d'entrée et je voudrais que ce site-là, quand on discute à table : Non, non, oui, oui, ce n'est pas... On va aller voir sur le portail de la SQC. Et, tu sais, je trouve que ce site-là peut être un lieu extraordinaire.

Mme Charlebois : Quelque chose que vous ne nous avez pas parlé, c'est la quantité de possession. On a mis, dans le projet de loi, la même quantité que pour le cannabis thérapeutique, soit, à l'achat, 30 grammes à la fois et 150 grammes de possession, à la maison, de cannabis séché. Êtes-vous à l'aise avec ça?

• (12 h 20) •

Mme Beauchesne (Line) : Oui, mais pour les raisons suivantes. C'est que, pour le moment, il y a un marché illégal et il faut que les policiers puissent distinguer si quelqu'un est dans le marché illégal ou est dans une consommation régulière.

Moi, je pense qu'à la longue, lorsque le marché illégal sera très marginal, ça ne voudra pas rien dire. On peut emmagasiner ce qu'on veut chez nous en alcool. Mais, pour le moment, on est dans une situation où il y a un marché illégal, et la police, elle a besoin de savoir si la personne est en train de faire du commerce ou si c'est pour ses fins personnelles.

Mme Charlebois : Bien, c'est un peu ça, le but, puis ce n'est pas tout le monde qui aura la chance d'avoir la boutique à côté de chez eux, alors peut-être qu'ils vont s'approvisionner pour un peu plus longtemps.

Les lieux de consommation, en ce moment, vous savez que c'est tabac plus. On a ajouté les campus universitaires, les collèges, mais, pour ce qui est de lieux publics, on laisse de l'espace libre à chacune des municipalités, si elles veulent réglementer plus fort. C'est déjà interdit dans les parcs où il y a des enfants. C'est déjà interdit dans les cours d'école. C'est déjà interdit, bon, à plein d'endroits, comme le tabac. Mais, comme exemple... J'ai donné un exemple hier : à la plage. Je prends la plage de Saint-Zotique, c'est encore permis de fumer, mais est-ce que vous croyez qu'on prend une bonne décision que de laisser ce pouvoir réglementaire là aux municipalités plutôt que de faire un article dans la loi qui dit : On enlève tous les lieux publics? Puis hier on avait les propriétaires d'édifices à logements qui disaient : Bien, pas dans nos édifices à logement. Ça fait que là je me dis : On légalise, mais, si on ne laisse plus de place pour consommer, on fait quoi, là?

Mme Beauchesne (Line) : Effectivement, ça se pose dans les États américains. C'est d'ailleurs ce qui a amené beaucoup et rapidement le vapotage, parce que ça ne sent pas. Alors, à moins que tu fouilles mon huile que j'ai mise pour savoir si c'est de l'huile pour le tabac ou c'est de l'huile pour le cannabis... Alors, ça a accéléré beaucoup le vapotage. Je pense que plus c'est harmonisé avec les lois sur le tabac, plus ça simplifie la question, effectivement, parce que sinon, vous allez vérifier qui a mis quoi dans sa pipe à vapoter. Alors, ça n'a pas de bon sens. Je veux dire...

Donc, ce n'est pas applicable. Alors, je pense qu'il faut rester en harmonie avec les lois sur le tabac, et plus on fait des restrictions, plus les gens, quand les produits comestibles vont arriver, vont aller vers les produits comestibles. C'est tout. Alors donc, ça n'a rien à voir avec le cannabis, ça a à voir avec la fumée et puis si la fumée dérange ou pas. Alors, j'harmoniserais ça avec les lois sur le tabac, simplement.

Mme Charlebois : Je vous ramène sur les facultés affaiblies. Ce qu'on a prévu dans la loi, oui, c'est tolérance zéro. À partir du moment où on a un appareil qui va nous être possible... homologué par Santé Canada, mais aussi sécurité civile Québec pour dire : consommation récente. Est-ce que... Ça, ça va arriver quand on aura les bons appareils. En attendant, on fait déjà conduite avec les facultés affaiblies. Vous vous positionnez où là-dedans?

Mme Beauchesne (Line) : Moi, je dis qu'on a déjà les appareils, si on veut, avec le TSN, le test de sobriété normalisé, le test de réflexes sur le bord de la route, et on met des sanctions administratives... c'est-à-dire moi, peu importe la raison pour laquelle la personne n'a pas les réflexes pour conduire, je ne la veux pas sur la route pour sa propre protection et pour la mienne. Et donc je ne vois pas pourquoi on doit focaliser sur le cannabis.

Et en plus, mettre le pied dans cet engrenage-là, c'est vraiment comme le iPhone 5, 6, 7, là. Vous allez voir, ils vont vous donner les premiers appareils puis ensuite ils vont dire, dans six mois : Non, vous savez, il en faut d'autres, et vous allez devoir changer. Ça va vous coûter des fortunes.

Qu'on s'en aille vers des sanctions administratives, non, je regrette, vous n'avez pas les réflexes, et puis on saisit la voiture, et puis tu paies pour aller la chercher à la fourrière. On donne des points de démérite, et puis les assurances vont faire le reste. Vous savez ce dont les gens ont le plus peur? C'est de perdre leur voiture puis d'être pris. Mais, s'ils ont l'impression que c'est une sanction qui arrive rarement, ça ne changera pas grand-chose.

Le Président (M. St-Denis) : Alors, je vous remercie. Merci, Mme la ministre. Alors, je passe la parole maintenant au député de Labelle pour une durée de 3 min 30 s.

M. Pagé : Oupelaïe! Trois minutes. C'est malheureux parce que c'est toujours très intéressant de vous entendre. Je vous ai vue lors de la tournée. Vous avez dit, très rapidement : Article 55, non... On enlève ou on met une date pour...

Mme Beauchesne (Line) : C'est-à-dire que...

M. Pagé : Pour essayer plus tard ou...

Mme Beauchesne (Line) : Je suis d'accord avec votre point de vue, ça peut s'ajouter par la suite. Mais moi, les gens parlent beaucoup du marché illégal ici. Moi, j'ai plus peur du marché thérapeutique, honnêtement, que du marché illégal. Le marché thérapeutique, il installe en ce moment, et c'est avec... il fait plus de profits aux États-Unis que le marché en vente libre. Et les produits viennent de là, les brevets viennent de là. C'est des multinationales. Neutrogenic s'en vient au Québec. C'est une multinationale qui contrôle une grande partie du marché thérapeutique en Australie. Ce n'est pas des petits joueurs. Pensez à des compagnies pharmaceutiques, ce n'est pas des petits joueurs.

Et donc c'est juste pour dire, l'article 55, pour le moment, ne laissons pas la porte ouverte, parce que moi, je me demandais : J'ai-tu raté des choses dans le projet de loi? Et je me suis dit : Ce n'est pas grave, je vais écouter Aurora, je vais écouter Hydropothicaire, ils ont tous les avocats, puis tout ça, qui vont avoir cherché les virgules puis les espaces entre deux mots où ils peuvent rentrer. Je peux être votre observateur, je peux vous économiser sur la poste pour livrer à la maison.

Alors, moi, je me dis : l'article 55, ils vont... Alors, attendons puis, si on voit que l'article 55 a une pertinence pour un groupe, écrivons-le pour ce groupe-là. Mais, pour le moment, je l'enlèverais, je trouverais ça plus prudent.

M. Pagé : On nous a dit à plusieurs occasions qu'on devrait même inscrire dans la loi que 100 % des profits doivent aller aux saines habitudes de vie, pour contrer la dépendance, la santé publique. Est-ce que vous souhaitez que l'on inscrive clairement dans la loi?

Mme Beauchesne (Line) : Oui, oui.

M. Pagé : Au niveau de la composition du conseil d'administration de la SQC et même du comité de vigilance, on a un peu de description par rapport au comité de vigilance, très peu par rapport au conseil d'administration de la SQC. Ça va être laissé à la discrétion.

Moi, bon, je pense que les gens sont toujours de bonne foi, là, je pars toujours de ce principe-là, mais seriez-vous d'accord à ce qu'on inscrive aussi dans la loi que les gens doivent vraiment être totalement indépendants de l'industrie? Est-ce qu'on devrait aller jusque-là?

Mme Beauchesne (Line) : Je pense que oui parce que, si on regarde les organismes — vous allez me dire : je suis loin, mais ça ne fait rien, je ne suis pas si loin que ça — les organismes de contrôle des médicaments, etc., puis qu'on regarde les parcours de carrière de ces personnes-là, ils viennent de l'industrie ou ils s'en vont dans l'industrie après. Alors, je veux dire... pour plusieurs d'entre elles. Et donc, plus on va être capable de spécifier que dès qu'il y a un conflit d'intérêts, tu ne peux pas être là, je pense que c'est important.

M. Pagé : O.K. Vous n'avez pas parlé du 18 ans, je ne pense pas. 18, 21 ans?

Mme Beauchesne (Line) : ...avec Mme la ministre.

M. Pagé : Ah! j'ai manqué.

Mme Beauchesne (Line) : ...de 18 ans. J'ai dit : Plus qu'on faisait un... 18 ans, ça va. Je veux dire, plus qu'on... Mais c'est juste... il faut penser à la prévention, comme je disais, à partir de petites bribes, dès que l'enfant est petit, préparer les parents.

Vous savez, les meilleurs messagers de la prévention, c'est les parents. Et donc c'est eux qu'il faut outiller en premier pour qu'ils puissent répondre aux premières questions sur les drogues, qui vont être sur l'alcool qu'a pris mononcle Roger, comme je disais tout à l'heure, ou sur les médicaments que prend matante Yvette. Je veux dire... mais c'est des drogues, et elles peuvent être pour toutes sortes de raisons, mais il faut que ce soit les parents qui rouvrent les premiers le langage et qu'après ça on le complexifie. Et donc le site peut beaucoup contribuer, je pense, mais c'est... l'âge doit être 18 ans.

Le Président (M. St-Denis) : Merci beaucoup. Alors, je vais céder la parole maintenant à la députée de Repentigny.

Mme Lavallée : Oui, bonjour. Tout à l'heure, vous avez parlé des facultés affaiblies. Pour les policiers, c'est un problème, parce que, bon, la difficulté de ne pas avoir d'appareil pour détecter, mais aussi, vous, vous dites : Bien, on est capable, des fois, de le voir si la personne a des facultés affaiblies ou pas. Mais, on le sait, souvent, ces choses-là vont être contestées, même dans le cas de consommation de boisson. Puis ça peut être un problème parce que vous ne voulez pas être sur la route pour y rencontrer, avoir un accident avec quelqu'un qui était sous l'effet du cannabis. Ce n'est pas évident de trouver une solution pour ça.

Mme Beauchesne (Line) : Oui. Si on fait des sanctions administratives, les gens, s'ils ont une amende à payer pour leur voiture, ils ne commenceront pas à poursuivre au tribunal devant le judiciaire. Ils vont payer leur amende puis... Il faudrait aussi un détail, mais c'est facile aujourd'hui, ça serait compliqué autrefois : filmer. Filmer tout simplement le test de réflexes, et donc ça constitue la preuve. Le policier peut dire : Je calcule que la personne n'était pas en état de conduire.

Mme Lavallée : Oui, mais ça arrive que des gens vont contester...

Mme Beauchesne (Line) : Oui, tu as le film. Le juge jugera, je veux dire, avec le film. Ce n'est pas plus compliqué, par rapport à tous les millions qu'ils veulent nous faire mettre dans les tests...

Mme Lavallée : Qand vous avez un accident avec quelqu'un puis qu'il était sous l'effet du cannabis, la personne n'a pas été filmée, là. Donc, je trouve que ça pose un problème. En tout cas, pour le policier, ça pose un problème, ce que vous avancez, parce qu'en n'ayant pas de film c'est sûr que la personne va contester. On conteste déjà les amendes puis les pertes de points avec la consommation d'alcool.

Mme Beauchesne (Line) : Lorsqu'il y a des accidents avec blessés ou morts, de toute manière, là, ils prennent des prises de sang, là, ils prennent des tests en suivi pour identifier la cause parce qu'ils doivent l'identifier lorsqu'il y a des blessés et des morts. Alors, ça, c'est un autre créneau. Ça n'enlève pas le premier créneau qui est de prévenir les personnes qui conduisent avec les facultés affaiblies. Mais vous avez raison, lorsqu'il y a des blessés et des morts, c'est une autre procédure parce qu'on doit identifier la cause pour les tribunaux.

Le Président (M. St-Denis) : Alors, c'est terminé. Merci. Je cède maintenant la parole au député de Mercier pour une période d'une minute. Donc, c'est rapide.

• (12 h 30) •

M. Khadir : Moi, je vous ai déjà entendue à la radio et je trouve que, pour une criminologue, vous avez apporté des éclaircissements vraiment très, très utiles et appréciés pour l'ensemble du public et des législateurs.

Test de sobriété normalisé. Pouvez-vous le décrire, pour ceux qui nous écoutent?

Mme Beauchesne (Line) : Bien, le test de sobriété normalisé, c'est... sur le bord de la route, on marche en ligne droite, un pied devant l'autre. On touche le nez, on nous fait suivre un crayon, on lève un pied, je pense, c'est six secondes, comme ça. Puis il y en a un cinquième que je... Mais c'est tout simple.

M. Khadir : Puis ça a été démontré que c'était un très bon test de dépistage?

Mme Beauchesne (Line) : C'est un bon test pour savoir si tu as des réflexes. Et on peut le raffiner, ce test. Je n'ai pas de problème à ce qu'on le raffine, mais c'est un bon test pour voir si tu as des problèmes de réflexes, si tu n'es pas capable de marcher en ligne droite ni de toucher ton nez. Et ça peut être raffiné, un test, mais je trouve que c'est une meilleure voie pour dire : Je travaille en facultés affaiblies, je ne travaille pas contre les gens qui prennent du cannabis. Et on va être plus protégés.

Le Président (M. St-Denis) : Merci beaucoup. Merci, Mme Beauchesne.

Mme Beauchesne (Line) : Alors, désolée de me transformer en citrouille, là, mais je dois...

Le Président (M. St-Denis) : Merci pour votre contribution aux travaux.

Alors, je suspends quelques instants les travaux afin de permettre aux représentants du prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 12 h 33)

Le Président (M. St-Denis) : Nous reprenons les travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil du patronat du Québec, M. Thomas Dorval et M. Lamy. Bienvenue parmi nous.

Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Et je vous invite donc à vos présenter puis à commencer votre exposé. Merci.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci, M. le Président. Merci aux membres de la commission. Mon nom est Yves-Thomas Dorval. Je suis le président-directeur général du CPQ, le Conseil du patronat du Québec, et je suis accompagné, à ma gauche, par Me Guy-François Lamy, qui est notre vice-président, Travail et affaires juridiques.

Alors, d'entrée de jeu, vous savez, le CPQ représente, directement ou indirectement, plus de 70 000 employeurs au Québec. Et nous avons, dans notre plateforme, plusieurs priorités et qui ont un intérêt par rapport aux questions... que ce soit les questions de main-d'oeuvre et de travail, que ce soit la question de la réglementation, des finances et du rôle du secteur privé dans les activités économiques.

Alors donc, c'est pour ça qu'on s'est intéressés à la chose, même si on n'est pas des spécialistes dans le domaine du cannabis et de ses effets, mais on a quand même un intérêt en tant que représentants d'employeurs. On a vu, dans le projet de loi... et l'objectif... Les questions d'intérêt de santé publique sont importantes, les questions qui ont trait à la criminalité sont importantes. Nous, on s'intéresse aussi aux enjeux en lien avec la santé et sécurité au travail et, évidemment, aux questions qui touchent l'économie.

Alors, on voudrait tout d'abord saluer les consultations qui ont été faites par le gouvernement là-dessus et les autres parties prenantes. Il y a eu quand même passablement de consultations. Et le CPQ ne se prononce pas aujourd'hui ou... ne l'a pas fait et ne le fera pas non plus sur la pertinence ou non de légiférer, de légaliser ou de permettre, etc. Pourquoi? C'est le rôle des législateurs de faire ça.

Nous, on apporte plutôt notre réflexion sur qu'est-ce que ça peut avoir comme impact pour les employeurs et pour l'économie. Donc, de ce côté-là, on n'est pas des promoteurs, là, de la légalisation ou non. Nous n'avons pas d'opposition au projet de loi comme tel. Il y a plusieurs bonnes choses. On a quelques réserves, des commentaires, qu'on voudrait faire part, et ça sera évidemment aux législateurs d'en tenir compte ou non dans leurs réflexions.

Nos préoccupations en tant que représentants d'employeurs, bien, la première, c'est la question de la santé et sécurité au travail liée à la banalisation. Alors, quand on rend des substances comme le cannabis légal, etc., nous croyons qu'il peut arriver, malgré des beaux efforts qui peuvent être faits, malgré des campagnes, il peut arriver une certaine banalisation, et ça peut avoir des impacts en matière de santé et sécurité au travail, tant pour les travailleurs, tant pour les biens des employeurs que pour également les ensembles des Québécois qui peuvent être exposés au risque associé à ça.

Alors, ce sont les préoccupations que nous avons, que nous faisons part dans notre mémoire. Et loin de nous d'exagérer, cependant, ces considérations-là. Tu sais, ce n'est pas parce qu'il y a le projet de loi que, tout à coup, c'est nouveau. La réalité, c'est qu'il y a de la consommation de cannabis, comme il y a de la consommation d'autres substances, de drogues, de psychotropes, ça peut être des médicaments prescrits ou non, de l'alcool et ainsi de suite. Donc, notre objectif, ici, ce n'est pas de commencer à faire la chasse aux sorcières, là, parce que le cannabis sera légalisé.

La réalité, par contre, c'est que, s'il y a une plus grande banalisation, on peut assister, donc, à un risque plus élevé du côté du cannabis, essentiellement notre préoccupation. Or, il y a des employeurs, dans différents domaines, en fait dans tous les domaines, mais entre autres dans les domaines plus à risque, que ce soit dans le domaine du transport, dans le domaine de la manutention d'explosifs, que ce soit dans le domaine de la construction, d'équipements dangereux et ainsi de suite, bien, évidemment, il y a des risques davantage, à ce moment-ci, reliés à ça s'il y a une plus grande banalisation.

Un des éléments qui est mentionné souvent, c'est la question de la détection ou du dépistage. Alors, là-dessus, encore une fois, on ne fera pas... On n'exagérera pas, là, les enjeux. Il reste qu'il y a déjà une jurisprudence quand même qui est assez établie. Donc, le cadre juridique n'existe peut-être pas aussi bien dans les lois, mais, dans la jurisprudence, il y a quand même pas mal de choses de ce côté-là. C'est certain que, s'il y a une plus grande banalisation, les employeurs sont inquiets, sont préoccupés. Et ça, c'est légitime parce qu'on pourrait assister à des enjeux au niveau des milieux de travail.

Là-dessus, je vous dirais, encore une fois, ça existe déjà au niveau des drogues, au niveau de l'alcool et au niveau du cannabis. Et, parmi nos membres, on nous a dit que plusieurs avaient déjà commencé à élaborer, pour d'autres raisons, ou ça existe déjà, des guides de formation des gestionnaires pour tenter de déceler, hein, des situations. Donc, ce n'est pas entièrement nouveau, ces questions-là. La dame qui nous a précédés a mentionné qu'il y avait des protocoles, des processus. Bien, ça existe aussi dans ce domaine-là.

Cependant, ce n'est pas nécessairement bien connu, ce n'est pas nécessairement réparti pour tous les employeurs et ce n'est pas nécessairement non plus facile à faire. Quand on arrive dans la technologie, lorsqu'on a une raison suffisamment importante pour penser qu'il y a un enjeu puis qu'on arriverait avec la technologie, bien, on sait que la technologie peut détecter certaines choses, mais ça ne nécessite pas nécessairement ou ça ne conclut pas nécessairement au changement de comportement ou aux enjeux reliés à ça. Donc, évidemment, ça nous inquiète.

Dans le projet de loi, de façon plus particulière... Et là on va vous apporter des réflexions qui ne sont pas un parti pris pour quoi que ce soit, c'est des considérations. D'abord, la question de la responsabilité de l'État. J'ai déjà eu l'occasion de le dire sur la place publique à quelques occasions, lorsque l'État décide de faire en sorte que c'est lui qui va faire à la fois, je dirais, le grossiste et le détaillant, à travers son organisation, bien, l'État devient une partie prenante importante.

Je vais faire une analogie avec le tabac. Dans plusieurs États à travers le monde, il y avait des compagnies qui étaient la propriété de l'État, des compagnies de cigarette qui étaient la propriété de l'État. Elles se sont départies de la propriété de ces compagnies-là pour plusieurs raisons, mais, entre autres, elles se sont libérées aussi d'être exposées à des litiges éventuels en matière de recours collectifs ou autres.

• (12 h 40) •

Je ne vous dis pas que ça va arriver nécessairement, mais il n'est pas impossible de penser que d'ici 30 ans il y aura des possibilités de poursuites, et là, à ce moment-là, l'État sera une partie prenante à ce niveau-là. Cela dit, encore une fois, c'est légitime quand même puis c'est légitime de la part de la population de dire : Quand on légifère dans un nouveau domaine comme celui-là, on serait plus rassurés que ce soit l'État. C'est ce qui est arrivé dans le domaine des loteries, c'est ce qui est arrivé dans d'autres domaines également. Donc, on n'est pas en train de faire le procès de ça, je vous dis juste qu'il y a un risque associé à ça.

La question du secteur privé, on apprécie que dans le projet de loi il y a la possibilité d'avoir des projets, hein, des projets au niveau... de différentes façons. Nous, on n'est pas en train de dire que, encore là, le secteur privé doit être le vecteur de distribution ou de détail. Ce qu'on dit, par contre, on ne peut pas attaquer le secteur privé en disant qu'il ne serait pas capable de le faire. Encore là, il y a une préoccupation légitime des Québécois et des Québécoises là-dessus. Dans les autres provinces, ils ont décidé de faire autrement. Nous, ce qu'on dit, c'est que le secteur privé, à moins d'avis contraire, pourrait aussi en faire — je parle évidemment de la question de la vente — pourrait aussi... également le faire, mais, cela dit, je comprends aussi les réserves qu'il y a à ce moment-ci. C'est pour ça que c'est important, des projets pilotes, mais il faut que les projets pilotes puissent permettre quand même de bien mesurer ça. Donc, ce n'est pas un, deux ou trois projets qui vont nécessairement arriver aux conclusions.

L'autre point, c'est de s'assurer de la cohérence sur les lois sur le tabac, parce que, quand même, on assiste à des domaines similaires. J'attire votre attention sur un petit élément dans le projet de loi, puis là je ne suis pas un expert nécessairement, mais dans le projet de loi on parle entre autres, puis ça, ce n'est pas dans notre mémoire, on parle entre autres du lieu de consommation, puis on va parler du milieu de travail, puis on va parler des milieux de travail fermés. Or, il y a beaucoup de milieux de travail qui ne sont pas des milieux de travail fermés. Ça fait que j'attire votre attention là-dessus parce qu'on dit : On ne peut pas consommer le cannabis dans les milieux de travail, mais on précise en tête que c'est les milieux fermés. Donc, un chantier de construction, ce n'est pas un milieu fermé. J'attire juste votre attention là-dessus. Ça se colle avec la Loi sur le tabac qui est ainsi décrite, et je ne vous dis pas que c'est un problème, je vous dis juste... j'attire votre attention, peut-être qu'il faudrait regarder ça un peu mieux.

Finalement, vous savez, les grands enjeux, et vous l'avez beaucoup dans le projet de loi, c'est des enjeux de place, c'est des enjeux de promotion, c'est des enjeux de produits. À la fin, il y a la question du prix, puis là je vais terminer, M. le Président, en vous disant... faire une petite analogie, parce que dans le fond, l'objectif avec la décision sur le prix va être de limiter évidemment le marché illégal, et on comprend très bien ça.

Dans le domaine du tabac, hein, le prix d'une cartouche de 200 cigarettes, en moyenne, ça se détaille 90 $. Les marques plus haut de gamme se détaillent 110 $. Ça, c'est pour une cartouche de 200 cigarettes. 65 % de ce prix-là, c'est des taxes. Alors, juste vous ramener ça, là. Et on peut avoir accès à un sac de plastique de 200 cigarettes sur le marché illégal autour de 15 $ en moyenne, puis ça va jusqu'à 10 $. Alors, vous comprendrez que c'est la raison pour laquelle il y a un écart dans la vente, versus les ventes légales et illégales, d'à peu près 25 %. Ça peut varier, selon les milieux, de 20 à 30 %.

Donc, le prix va être important aussi là-dessus quand on veut lutter sur le marché illégal, mais, on le regarde dans le tabac, on n'a pas nécessairement réussi pour ça, puis il y a une raison pour ça. En termes de politiques publiques, on a voulu mettre un prix très important, mais ça donne aussi accès au marché illégal. Donc, ce n'est pas facile, le travail que vous allez avoir puis que le gouvernement va avoir, on en convient, puis je pense que le gouvernement l'a fait aussi, puis il l'a dit, c'est un premier projet, il pourra y avoir des améliorations. Moi, tout ce que je vais vous dire là-dessus, c'est qu'on est là pour répondre à vos questions aussi.

Le Président (M. St-Denis) : Merci, M. Dorval. Vous allez pouvoir répondre à... compléter votre exposé de cette façon-là. Alors, nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la période est à vous... la parole est à vous.

Mme Charlebois : Merci, M. Dorval et M. Lamy, d'être ici parmi nous pour nous faire part de vos réflexions et de vos préoccupations, puis, vous avez raison, pour avoir rencontré plusieurs personnes du monde des affaires, il y a de l'inquiétude, mais à chaque fois je leur dis... Il y a de l'inquiétude, mais il y a comme une boule qui s'emballe. Je ne sais pas comment vous le dire, j'essaie de relativiser mes propos. Ça existe déjà, vous l'avez dit vous-même, il y a déjà des façons de voir la chose. Le cannabis n'est pas né hier, la boisson est là.

Les gens, quand ils vont travailler, tu sais, oui, il peut y avoir des exceptions, mais, à mon sens, ce sont des cas d'exception qui méritent un accompagnement plus que... Parce que les mesures disciplinaires fortes, honnêtement, pour en avoir vu qui en ont déjà appliqué, ça n'a rien réglé parce que la personne a le droit de revenir au travail, continue le même train-train. Ça fait que je pense qu'un accompagnement et par l'employeur, mais ses pairs, c'est plus profitable.

Alors, j'essaie de toujours amener ça, mais je ne suis pas en train de banaliser, par exemple. J'entends qu'il y a des inquiétudes et je dis toujours aux employeurs : Bien, il y a des politiques claires que vous pouvez adopter. Vous avez, oui, des obligations, mais les employés aussi ont des obligations sur le marché du travail, en termes de règles qui sont déjà existantes.

Alors, moi, je pense qu'on peut faire appel au sens de la responsabilisation, puis la prévention en milieu de travail, c'est certainement un secteur sur lequel on va se pencher. Il y a déjà des choses qui se font, mais est-ce qu'on peut améliorer la situation puis en profiter? Parce que les dépendances, que ce soient l'alcool ou les drogues, le cannabis, à mon sens, c'est une dépendance, puis, quand il y a une problématique de consommation, ça peut être à plusieurs niveaux. Alors, je pense qu'on va devoir travailler là-dessus puis on va certainement revenir au milieu, justement, du travail pour améliorer notre prévention, notre documentation pour accompagner mieux les employeurs, mais surtout ceux qui y travaillent.

Je veux vous amener sur les sujets — parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, comme vous le savez, le temps imparti a été rapetissé à cause de la prolongation des travaux en Chambre — sur certains enjeux dont vous nous parlez, puis sachez qu'on ne veut pas banaliser le produit qu'est le cannabis, il n'en est nullement question, pas plus que l'alcool. Vous nous avez parlé de milieux de travail fermés, ouvert. Je l'ai pris en note. Mon équipe l'a pris en note. Oui, vous avez raison, on parle beaucoup plus de milieu fermé, mais un milieu de travail, c'est un milieu de travail. Qu'il soit à l'extérieur ou à l'intérieur, c'est un milieu du travail; ou quand on est en train de conduire une grue, bien, tu es dehors, mais, sais-tu quoi, tu es dangereux pour les autres, là, si tu n'es pas en état de piloter ta grue.

Vous avez parlé du projet pilote. Je vais aller tout de suite là-dessus parce que le temps, comme je vous dis, file. Vous êtes un des premiers ou, en tout cas, il n'y a pas beaucoup de monde jusqu'à date qui nous parlent en bien des projets pilotes. Bien que le projet pilote parle de prévention, il y a même des gens qui se sont dits bien inquiets. Bien, tu sais, ça peut être un projet pilote de prévention pour faire mieux notre prévention, examiner comment ça se fait. Ça peut être un projet pilote au niveau de la production, voir comment on fait mieux pour mieux contrôler.

Ce n'est pas juste un projet pilote pour la vente, là, il y a plusieurs sortes de projets pilotes. Et, oui, dans l'article 55, on arrive ensuite à dire qu'il pourrait y avoir un projet pilote de cinq bureaux de vente, pas 5 000, là, pas 500, pas 50, cinq bureaux de vente pour tout le Québec, qui seraient différents de ce que la Société québécoise du cannabis ferait. Et honnêtement j'ai entendu vos arguments au niveau des poursuites possibles, mais je vais vous dire, j'ai entendu un cas d'un monsieur, puis ça, ça m'a un petit peu, cette semaine, titillée. Il y a un monsieur d'une autre province qui a acheté de l'alcool dans pas sa province à lui et qui a eu une poursuite de sa province à lui parce qu'il a dépassé les quantités, puis là il plaide contre le monopole, puis là c'est rendu en Cour supérieure, si je ne me trompe pas.

Une voix : Suprême.

Mme Charlebois : Suprême? C'est encore pire. Bon, alors, est-ce que vous voyez ça comme un... Un projet pilote de cinq, là, pensez-vous qu'on va virer tout l'appareil que la Société québécoise du cannabis sera ou bien si on ne peut que s'en servir pour bonifier les opérations de la société, en tout cas, nous donner un comparable? Comment voyez-vous que vous pourriez concilier avec cinq projets pilotes le fait que... dans cinq projets pilotes, comment on peut faire en sorte que la marge de profit ne serait pas une entrave à la santé et la sécurité de la population? Parce que c'est ça qu'on cherche dans le projet de loi, c'est toujours de protéger la santé et la sécurité de la population. Je m'arrête ici, je vous laisse répondre.

• (12 h 50) •

M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci, M. le Président. Deux, trois petits points.

Concernant l'accompagnement des employeurs dont on a parlé tantôt, c'est clair que les employeurs vont, au même titre que toutes sortes d'autres groupes, avoir besoin d'aide pareil par rapport à ces éléments-là. Et des fois on a tendance à penser que l'employeur, parce qu'il fait des revenus, bien, c'est à lui à assumer l'impact des décisions puis il reste tout seul. Nous, ce qu'on dit, c'est que l'employeur, au même titre que d'autres groupes, il va faire face à une nouvelle problématique, un nouvel enjeu. Pas qu'il n'en existait pas. Je pense que vous avez reconnu que j'ai... on a présenté ça d'une façon très posée parce qu'on a bien mentionné que les risques existaient déjà.

Donc, on n'est pas des gens qui exagérons les choses, mais on tient compte des préoccupations de nos membres, qui nous sont formulées. Ils ne veulent pas être laissés tous seuls de ce côté-là, d'autant plus qu'il n'y a pas nécessairement des technologies actuellement disponibles pour les aider. Un.

Du côté des questions de consommation et ainsi de suite, vous savez, la préoccupation des gens, elle est légitime, mais, en même temps, il y a beaucoup de jeunes qui sont des mineurs et qui consomment également des spiritueux. Puis ils ne sont pas vendus, les spiritueux, dans les magasins privés, ils sont vendus à la Société des alcools. Ce n'est pas eux autres qui les achètent, c'est d'autres personnes pour eux, ou ils les prennent dans l'armoire de leurs parents, etc. La marijuana, le cannabis, ça va être la même chose. Donc, il faut faire attention entre l'endroit de vente versus les enjeux de santé publique, parfois.

Le secteur privé est déjà impliqué dans la vente de plusieurs produits, que ce soit alcool, cigarettes, etc. On ne dit pas que c'est nécessairement le meilleur secteur. Quand on parle de marge profitable et de marge de profit, il faut comprendre que, dans le secteur privé, lorsqu'on est dans le commerce au détail, avec plusieurs autres substances ou plusieurs autres produits, bien, on reproduit... la masse critique des ventes fait en sorte que tu peux générer un certain surplus, une certaine marge de manoeuvre ou un bénéfice, mais ce n'est pas nécessairement sur un seul produit.

Là, j'attire votre attention que l'organisation d'État va être seulement sur un produit. Donc, l'ensemble des activités va être axé seulement sur ce produit-là. Quand on parle de marge de profit, hein, eh bien, il faut comprendre aussi, au-delà de la santé publique, le commerce, comment ça fonctionne. Bien, c'est plus que seulement un élément, c'est plusieurs éléments. Il y a des magasins, par exemple, de commerce au détail dont la profitabilité vient aussi de l'achalandage, et il y a plusieurs autres produits en même temps. Donc, c'est là-dessus qu'il faut faire attention.

S'il y a un problème majeur, qu'on le dise. Moi, je pense qu'il ne faut pas stigmatiser les entreprises privées en disant : Ah! ils ne peuvent pas faire ça parce qu'ils ne sont pas capables. Ils le font déjà dans d'autres produits qui comportent des risques. Cela dit, je comprends aussi les préoccupations du public. Le gouvernement est aux prises avec cette préoccupation-là. On ferait un sondage demain, puis une majorité dirait : Aïe! on veut voir ça dans une société d'État. Mais ce n'est pas parce que les gens ont une perception puis ont une crainte... de la même façon qu'on dit : Il ne faut pas que les employeurs non plus exagèrent les craintes, bien, c'est la même chose pour le grand public. C'est vrai aussi... puis il y a des entreprises privées qui font un travail tout à fait remarquable aussi, de manière responsable.

Alors, pour toutes ces raisons-là, ce qu'on dit, c'est : Il faut faire attention. Il y a de l'évolution. Il ne faut pas stigmatiser l'entreprise privée parce qu'on a un enjeu ici, mais, en même temps, ça ne veut pas dire qu'on ne comprend pas les préoccupations du public là-dedans.

Mme Charlebois : Est-ce que vous considérez, vous, que ces cinq projets pilotes là, qui pourraient être, comme vous le dites, privés, on pourrait former les travailleurs au même titre qu'on les formera dans la Société québécoise du cannabis? Parce que ça va prendre une formation préalable, à la Société québécoise du cannabis, pour vendre du cannabis. Et est-ce que vous ne croyez pas que l'intérêt d'une boutique privée ou de... je ne sais pas comment on peut l'appeler, là, appelons ça une autre... les cinq projets pilotes... Est-ce que, quand on va ailleurs qu'à la Société québécoise du cannabis ça ne va pas permettre de...

Parce que vous savez que ça va être interdit de faire de la promotion. Je vais aller au plus court, là. Bien, la promotion et la publicité, ça va être totalement interdit. Alors, pour quelqu'un autre que la Société québécoise du cannabis, est-ce que son intérêt, ce ne sera pas d'en faire la promotion, justement, pour en vendre plus? Alors que nous, ce qu'on souhaite, c'est faire un peu comme le tabac, c'est diminuer l'achalandage, ramener les gens du monde illicite vers un monde licite, légal, mais on ne souhaite pas en faire la promotion pour en vendre plus, là.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Alors, c'est légitime, ce que vous dites, mais il n'y a pas plus de publicité ou de promotion sur le tabac non plus. Alors, actuellement, c'est le cas, hein? C'est déjà fait. Moi, ce que je vous dirais... Bien, il y a d'autres provinces qui ont fait le choix autrement. Regardons ce qui va se passer aussi dans les autres provinces, parce que là, on parle de quelques projets pilotes. Moi, ce que je vous dis, c'est que les leçons de quelques projets pilotes ne nous permettront pas de regarder l'impact sur la réalité. Par contre, on va avoir des exemples juste à côté de chez nous, dans d'autres provinces où ça va se faire. Alors, profitons donc de cette expérience-là pour regarder.

Mais, malgré tout ce que je viens de dire, M. le Président, ce qui nous préoccupe le plus, c'est de ne pas stigmatiser le secteur privé comme étant incapable de faire des choses responsables. Ce n'est pas vrai, ils le font déjà dans plusieurs secteurs, ce qui n'empêche pas qu'il y a des organisations, comme il y a des humains, qui parfois ne fonctionnent pas de la meilleure façon. Puis ça peut être dans le secteur public comme dans le secteur privé. Cela dit, nous, on est très fiers de la Société des alcools, la façon dont ils assurent leur mandat, et on les appuie fortement.

Mme Charlebois : Est-ce que vous croyez... parce que vous savez que le seul qui va être apte à vendre le cannabis, vous allez... Tu sais, les cinq projets pilotes, peu importe ce que ce sera, une coop, un entrepreneur indépendant... Puis je rappelle, là, c'est cinq boutiques, là, pas 50, pas 500, pas 5 000, cinq dans tout le Québec.

J'ai eu une idée hier en lisant un article de journal. J'ai vu qu'il y a des pharmacies qui ont commencé à changer de point de vue. Ils étaient totalement fermés à ça, puis tout à coup, woups! il y a une certaine forme d'ouverture. Est-ce que vous croyez que ça pourrait être là et est-ce que vous croyez que ce sont des gens qui sont suffisamment habilités à vendre déjà des drogues, qui pourraient certainement être un des cinq projets pilotes qui nous donneraient un comparable?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Moi, j'étais très proche du débat qu'il y a eu, à une certaine époque, sur les pharmacies qui vendaient des cigarettes. Je vous ai dit qu'on ne s'est pas prononcés sur le produit tout à l'heure. Je pense que les pharmaciens et l'Ordre des pharmaciens auront à se prononcer sur ces questions-là. Moi, personnellement, la seule chose... et je vous le répète, je comprends très bien ce que le gouvernement veut faire, je comprends les craintes de la population. Ce que je vous dis, il ne faut pas penser que le secteur privé ne peut pas être également correct dans la vente. On verra avec les autres provinces. Au secteur des pharmacies, je pense que je vais laisser ça aux professionnels en matière de déontologie et d'éthique sur le rôle des pharmacies versus un produit comme celui-là.

Mme Charlebois : Que pensez-vous des lieux de consommation qu'on a mis dans le projet de loi? Vous n'avez pas vraiment parlé de ça, mais ça touche la place publique, excusez-moi. On a dit : On va mettre «tabac plus», c'est-à-dire que c'est les mêmes règles que pour le tabac, sauf qu'on a ajouté les secteurs collégial et universitaire, les terrains, sauf les résidences parce qu'il y en a qui m'ont dit hier soir que les résidences, ça allait être interdit de consommer. C'est comme ton lieu de résidence. Une résidence à l'université ou bien chez vous, c'est une résidence. Tu y habites, c'est ton milieu de vie. Mais, sur les terrains, ça va être défendu en public. Tout ce qui reste permis, c'est les autres terrains qui ne sont pas des terrains de jeux pour enfants, qui ne sont pas des parcs, qui ne sont pas des cours d'école, qui ne sont pas... bref, une plage, un lieu de festival.

Qu'est-ce que vous pensez de ça, vous? Si on ne laisse pas de place aux gens, une fois que c'est légalisé, que pensez-vous que ça peut faire? Si vous aviez le choix entre l'appartement, parce que les propriétaires d'appartements nous ont dit hier qu'on ne veut pas ça, les propriétaires d'édifices à logement, et le lieu public, quel serait votre choix?

M. Dorval (Yves-Thomas) : M. le Président, nous, on dit d'abord cohérence avec la question du tabac, hein? Puis en passant, là, la consommation du cannabis peut être sous différentes formes, en théorie. Là, on précise certaines choses, mais il faut faire attention, parce que le principal problème, ce n'est pas le tabac, c'est la combustion, c'est la fumée de cigarette. Alors, il faut faire attention aussi par rapport à ce qu'on va regarder en termes d'impact.

Pour ce qui est des lieux, nous, on dit cohérence avec le tabac, d'une part. D'autre part, si le législateur croit qu'il est pertinent, pour des raisons de santé publique, d'écarter aussi d'autres milieux où on pourrait fumer de la cigarette, par exemple, versus le cannabis, nous, ce qu'on dit, c'est que les responsables de ces lieux-là ou de ces événements-là devront aussi être aidés, comme les autres employeurs, parce qu'ils vont faire face aux mêmes problèmes, où est-ce qu'il va y avoir de la pression, puis il va falloir qu'il y ait des mesures de contrôle, d'aide, etc.

Il faut faire attention pour ne pas prendre une législation dont la responsabilité pour un employeur ou un responsable d'établissement ou de festival, on lui donne des responsabilités nouvelles, additionnelles, puis on ne l'aide pas, alors que dans les faits c'est une décision gouvernementale, en passant, qui vient d'abord du fédéral.

Mme Charlebois : Une question qui va être oui ou non : Est-ce que vous pensez qu'on laisse l'espace public à la disposition des municipalités qui, elles, selon leur profil, pourront réglementer plus sévèrement que le gouvernement du Québec, si elles le désirent?

Le Président (M. St-Denis) : En oui ou non, comme l'a dit la ministre.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Les gouvernements de proximité sont toujours des bons lieux pour arriver à des décisions de ce côté-là. Cependant, les questions de santé publique sont égales, qu'on soit à Montréal, à Québec ou en région.

Le Président (M. St-Denis) : Merci beaucoup. Merci, Mme la ministre. Je passe maintenant la parole au député de Sanguinet pour une période de neuf minutes.

• (13 heures) •

M. Therrien : Merci, M. le Président. Merci. Je dois d'abord vous saluer, M. le Président. Le décorum l'exige, et j'y tiens. Je salue la ministre. C'est la première fois que j'ai la joie de travailler avec la ministre dans une commission parlementaire. Je vous salue et je salue votre équipe, les députés de la partie gouvernementale. Ma collègue de Repentigny aussi, je pense que c'est la première fois qu'on se voit en commission parlementaire. Je suis très content de travailler avec vous.

M. Lamy et M. Dorval. Ça, M. Dorval, je ne peux pas dire que c'est la première fois que je vous entends, par exemple, là. Je pense que je vous vois souvent, et vous êtes d'ailleurs la source de mon arrivée ici. Je voulais vous rencontrer, vous voir. J'ai beaucoup de respect pour ce que vous faites, évidemment, beaucoup d'intérêt pour vos propos. Alors donc, je vais y aller tout simplement avec des questions, comme d'habitude, et puis vous aurez le temps voulu, là, pour répondre à ça.

Quand je lisais votre mémoire, bien, honnêtement, j'ai été étonné, mais pas, tu sais, négativement du tout, là. Mais, tu sais, de facto, vous avez parlé de santé et sécurité au travail. J'ai trouvé ça très intéressant. À prime abord, je pensais... Tu sais, quand je m'imaginais vous voir arriver ici, je ne pensais pas que vous aborderiez d'abord cet aspect. J'ai trouvé ça très intéressant. J'aimerais ça vous entendre sur ce qui se passe actuellement parce que, tu sais, il y a des gens qui prennent du cannabis actuellement, on le sait, on n'est pas fous. Est-ce qu'il y a des expériences passées au sein des entreprises qui ont été vécues suite à la consommation et qui nous portent à dire que c'est peut-être pire que l'alcool ou moins pire? Mais qu'est-ce qu'on a fait ou qu'est-ce que les entreprises ont fait face à cette consommation-là pour, en tout cas, essayer d'endiguer le plus possible son utilisation? Parce que vous le mentionnez, que le dépistage est difficile. Qu'est-ce qui se fait actuellement par les entreprises pour justement contrôler cette consommation-là? Et quelles suggestions vous auriez, si ça devient légal, pour qu'on puisse être plus efficaces dans l'interdiction de l'utilisation de ce produit-là?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci. M. le Président, c'est important puis c'est intéressant, la question. D'abord, il y a plusieurs employeurs qui ont élaboré différents types de politique là-dessus. Avant d'inventer des nouvelles politiques, là, au niveau gouvernemental, je pense qu'on pourrait demander aux employeurs : Pouvez-vous collecter qu'est-ce que vous avez comme outils, politiques, etc., pour ne pas réinventer la roue? Parce que, trop souvent, on arrive avec une nouvelle politique qui se rajoute à d'autres. Alors, il y a déjà des choses qui existent. Et ça nous fera plaisir de faire la collecte auprès de nos membres si vous voulez vous en inspirer, un.

Deux, il y a des milieux qui sont plus à risque, je pense, entre autres, dans le domaine de la construction. Vous savez, dans les aspects santé et de sécurité au travail, ils ont rajouté de la réglementation, les gens de la construction, ou des politiques par rapport à ces éléments-là. Pourquoi? Parce qu'il y a des dangers plus particuliers de ce côté-là. Donc, il y a des expériences, dans certains milieux plus à risque sur des choses où on a voulu préciser certaines choses.

La troisième. On parlait de dépistage tantôt. J'ai en tête au moins un groupe, mais on me l'a raconté, je ne l'ai pas vu, je ne peux pas vous l'affirmer, mais on me dit qu'au moins dans un secteur qui est membre chez nous, ils ont travaillé avec des spécialistes en santé publique, des médecins, etc., pour élaborer, par exemple, une grille de détection, hein, qui fait partie de la formation aux gestionnaires pour essayer, à travers différents signaux... comme le témoin précédent à la commission parlementaire a mentionné qu'il y avait des processus pour ça. Alors, dans leur cas, ils l'ont fait parce qu'eux autres aussi sont à risque. Alors, l'idée ici, c'est qu'il existe des choses. Je ne les connais pas toutes. Je pense qu'on pourrait s'inspirer de ce qui existe déjà plutôt que réinventer la roue. Encore une fois, c'est dans un esprit d'accompagnement, puis d'aider les employeurs.

M. Therrien : Je ne sais pas... Je ne veux pas oser proposer des choses parce que je suis un peu nouveau, là, dans ce projet de loi là, mais je pense que ça pourrait être intéressant pour la ministre d'avoir ces informations-là. Je ne sais pas si c'est déjà fait, la demande a déjà été faite. Je me sens un peu mal à l'aise de vous suggérer ça, mais je pense que ça pourrait être intéressant pour qu'on soit au courant, là, justement, de ce qui se fait actuellement comme vous dites dans certains domaines, là, et c'est beaucoup plus précis comme démarche. Puis je pense que ça pourrait être intéressant pour tout le monde, là, d'être vraiment à l'affût de ce qui se passe, puis de s'en inspirer, comme vous dites, pour ne pas réinventer la roue parce que, là, à un moment donné, on n'est pas fou à temps plein, on sait que ça a déjà existé, là, cette consommation-là. Moi, j'en ai entendu parler, là, mais bon. Alors, ça va pour ça.

Santé Canada versus MAPAQ, la délivrance de permis. On sait que l'UPAC... l'UPAC! mon Dieu! Excusez-moi! On sait que l'UPA suggère que, pour que la production soit québécoise, ce soit le MAPAQ qui délivre les permis. Voyez-vous d'un bon oeil le fait qu'on essaie de favoriser la production québécoise?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci de la question. Encore là, c'est intéressant. Je pense que — et le Conseil du patronat s'est prononcé à chaque fois qu'il a pu le faire — lorsqu'on peut produire localement, quand je dis localement, sur le territoire québécois, parce qu'on n'ira pas dans chacune des villes, là, mais lorsqu'on peut produire au Québec des produits qui sont consommés au Québec et que ça peut se faire de la façon la plus éthique, la plus correcte possible, bien, c'est toujours davantage... Nous, on fait des campagnes sur l'achat local et l'achat québécois, donc on croit à ça. Vraiment, c'est... à mon avis, ça, c'est plus la question du législateur, à savoir où est le bon endroit. Mais c'est sûr que la production locale, c'est... quand je dis locale, encore une fois, québécoise, là, parce que ça, c'est un autre enjeu, la production très, très, très locale, c'est la production à domicile. Et là, on tombe dans un autre enjeu.

M. Therrien : O.K. Merci pour votre réponse. En tout cas, on est... nous, on est... je pense qu'on voit ça d'un bon oeil, là, que ce soit une production, là, quand vous dites locale, on parle au niveau provincial, là, on est d'accord avec cette idée-là.

Les coûts de production. Je pensais que vous... Quand j'ai lu votre mémoire, je pensais que vous parleriez abondamment de coûts de produire. Je vous connais un peu, puis c'est correct, là, mais aidez-moi, parce que je ne connais pas du tout, du tout, là, la différence entre ce qui se fait dans le... sur le marché noir puis qu'est-ce qui va se faire en serre, potentiellement, ou à plus grande échelle, qui n'est pas camouflé de la réalité économique qu'on connaît. Est-ce que ça va être plus... moins coûteux de produire officiellement que celui du marché, de la production du marché noir, selon vous?

M. Dorval (Yves-Thomas) : La réponse, c'est oui. C'est plus coûteux, légalement, qu'au marché noir, parce que le marché noir... Qui dit marché... ils vont produire sans payer les retenues à la source pour les employés, ils vont travailler dans des conditions... puis ils ne sont pas nécessairement locaux, dans des endroits... alors, qui dit... Automatiquement, quand on parle de marché noir, ça veut dire qu'on ne déclare pas, donc on peut faire des choses que les producteurs ne peuvent pas se permettre de faire. Cela dit, une chose qui peut aider parfois les grands fabricants, c'est la masse critique, hein, c'est la taille. Mais, dans le domaine de la cigarette, ça... Je vous ai parlé tantôt du prix, hein? Si on enlève le 65 % de taxe, ça veut dire qu'une cartouche de 200 cigarettes, ça coûte à peu près 32 $, incluant le prix de revient. Puis le marché de contrebande, il est en moyenne à 15 $. Donc, vous voyez automatiquement un enjeu de production. Puis, en plus de ça, vous ne contrôlez pas. Vous n'êtes pas obligés de faire du... excusez-moi, mais de la reddition de comptes ou... pour les autorités fédérales, provinciales, les ingrédients que vous mettez, etc. Je veux dire, vous ne respectez aucune règle. Parce que si vous vous mettez dans l'illégal, vous ne voudrez certainement pas commencer à déclarer ce que vous faites.

M. Therrien : Bien, moi, j'avais pensé — vous avez absolument raison — j'avais pensé plus à l'économie d'échelle. Je ne sais pas à quel point les producteurs qui sont dans l'illégalité font de la production à petite échelle, puis que, si on devient producteur plus au grand jour, bien, à ce moment-là, tu peux avoir une économie d'échelle. Bien, tu sais, tu arrives avec une grande serre, puis ainsi de suite. Est-ce qu'il y a moyen, avec une l'économie d'échelle, d'arriver à peut-être ne pas être aussi près que l'illégalité, mais avoir un coût de production qui se ressemble un peu?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Comme je vous ai dit, la loi sur les marchés, M. le Président, la loi sur les marchés fait en sorte que, normalement, plus tu as une taille élevée, moins tes coûts... en fait, tes coûts se répercutent sur une plus grande masse. Cependant, la nature des coûts que vous avez dans le marché légal... Puis l'exemple, encore, à nouveau, c'est la cigarette. Les obligations que vous avez dans le marché légal, ce n'est pas la même chose. Et là on parle de comparaisons très différentes. Alors, il restera toujours une marge bénéficiaire pour les gens qui font des activités légales.

Le Président (M. St-Denis) : Merci. Merci beaucoup. Merci, M. le député Sanguinet. Je passe maintenant la parole à Mme la députée Repentigny pour une période de six minutes.

Mme Lavallée : Merci, M. le Président. Bienvenue, merci d'être là. Dans votre mémoire, vous soulignez le fait que... vous parlez de ne pas banaliser la consommation du cannabis. Puis on sait déjà que la consommation d'alcool dans l'entreprise pose problème, surtout dans certaines entreprises qui demandent d'être toujours vigilants. Le cannabis, en étant légalisé, va probablement voir une hausse de la consommation et, pour les entreprises, c'est un défi. Vous parlez qu'«ainsi, bien qu'un employeur mette sur pied une politique [de] "tolérance zéro", le dépistage des substances demeure un défi». On a entendu avec les corps policiers que c'est un défi pour eux autres parce qu'il n'y a pas d'appareils actuellement qui soient précis. Et, dans une consultation à laquelle j'ai assisté, des groupes d'employeurs souhaitaient pouvoir faire des tests de dépistage, alors que des groupes syndicaux ne souhaitaient pas qu'on puisse faire des dépistages aléatoires. Pour vous, c'est... quelle est la solution idéale pour effectivement limiter les problèmes, les dangers, les dangers pour les autres aussi, là?

• (13 h 10) •

M. Dorval (Yves-Thomas) : Écoutez, M. le Président, la question du dépistage aléatoire, le problème, ce n'est pas qu'on est pour ou on est contre, la question, c'est que la jurisprudence a démontré que c'était inacceptable si on n'a pas des motifs raisonnables de le croire... de le faire, hein? Donc, on ne peut pas faire un dépistage aléatoire. Il faut avoir des motifs raisonnables. Et donc il faut avoir des outils pour faire de la détection, pour arriver à cette conclusion-là. Donc, je comprends, et c'est normal que les employeurs voudraient avoir des outils. On les représente et je les comprends tout à fait. En même temps, il y a une jurisprudence assez élaborée. Mais c'est sûr que, si vous n'avez jamais été exposé à cette jurisprudence-là, bien là vous pensez qu'il n'y a rien, mais il existe des choses. Cependant, c'est sûr que ce serait beaucoup plus facile, faire du dépistage aléatoire, mais la jurisprudence nous dit qu'à quelque part on ne peut pas aller au-delà de ça. Alors, il y a une limite dans ce qu'on peut ou ne peut pas faire, la question des droits et libertés des individus, et ainsi de suite. Alors, on est aux prises avec ça.

Quant à la question de l'alcool, etc., j'avoue. Je vais attirer votre attention sur quelque chose, puis on parle de banalisation, là. Le risque est réel parce que moi, j'ai posé des questions à plusieurs adultes dans la trentaine qui me disent : Savez-vous quoi, M. Dorval, moi, je ne consomme pas de cannabis parce que ça me gênerait d'aller voir un pusher dans une école ou à quelque part pour obtenir le produit, mais je ne haïrais pas ça m'en acheter, un joint, de temps en temps, pour des fins récréatives, par exemple. Donc, on ne parle pas de consommation abusive. Mais les fins récréatives, ça, quand même, affecte tes comportements, ça peut affecter tes actions.

Alors, quand on parle de banalisation, même si on fait des campagnes de prévention, il reste qu'il y a une clientèle qui était gênée d'aller acheter le produit, parce qu'il était sur le marché illégal, pour qui ça ne sera plus gênant. Mais, cela dit, ce n'est pas la faute du gouvernement du Québec, ce n'est pas la faute des parlementaires de l'Assemblée nationale. La réalité, c'est qu'il y a une décision au fédéral de légaliser. À partir de ce moment-là, vous essayez de faire le mieux possible pour éviter la banalisation, pour en profiter pour éloigner le marché criminel, puis, en même temps, faire davantage de prévention en utilisant des sommes à cet effet-là, que vous allez récupérer par le marché. On ne peut pas faire d'autre chose que souscrire à ça. Mais je pense qu'on ne peut pas penser qu'il n'y aura pas une certaine banalisation, malgré tous les efforts, parce que les gens, quand ils regardent la banalisation, on pense souvent au comportement de dépendance, la prévention, etc., mais il y a l'autre comportement qui est l'utilisation pour des fins récréatives, j'allais dire, mais qui affecte les comportements. C'est vrai aussi pour la boisson, c'est vrai aussi pour d'autres produits.

Alors, on n'est pas sortis du bois. La seule chose que je vous dirais, c'est que le bien dans... la valeur ajoutée dans tout ça, c'est d'essayer de bien utiliser les sommes qui seront recueillies par ça, pour faire de la prévention, faire de l'aide, de l'accompagnement, entre autres, auprès des employeurs.

Mme Lavallée : On sait que dans des... les entrepreneurs paient une cotisation pour assurer les employés au niveau des accidents de travail. Est-ce que vous craignez ou est-ce que les entreprises que vous représentez craignent que le cannabis puis l'augmentation de la consommation du cannabis risquent d'avoir un effet financier au niveau des coûts au niveau des accidents de travail?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Ah! je vais être bref là-dessus. 100 % des cotisations en matière de santé et sécurité au travail, c'est les employeurs qui les paient, ce n'est pas dans les taxes, ce n'est pas les employés, c'est les employeurs. Mais est-ce que c'est une préoccupation des employeurs? Je n'ai pas entendu ça. Ce que j'ai entendu de la part des employeurs, c'est un risque accru qui peut affecter la santé et la sécurité des collègues, de l'individu, de l'équipement et du public qui est exposé à ces risques-là. C'est la première préoccupation. Et, à la fin, l'employeur se sent toujours ultimement responsable à quelque part, parce qu'il y a toujours quelqu'un qui va dire : Ah! l'employeur n'en a pas fait assez. Alors, l'employeur va hériter d'une nouvelle chose. Il n'y a pas nécessairement tous les outils, puis on va sûrement le pointer en disant : Tu n'en as pas assez fait. Alors, l'employeur, il commence à en avoir un peu le dos lourd, là, tu sais, le dos commence à être courbé de toutes ces responsabilités-là, puis il vous dit, dans le fond : Bien, aidez-moi, si vous allez de ce côté-là, aidez-moi à faire le plus possible.

Le Président (M. St-Denis) : Alors, c'est tout. Je vous remercie, Mme la députée de Repentigny. M. Dorval, M. Lamy, merci pour votre contribution à nos travaux. J'en profite pour souhaiter de joyeuses fêtes à tout le monde, à tous les gens, les membres de la commission.

Et la commission ajourne ses travaux au mardi 16 janvier 2018, où elle poursuivra son mandat. Merci.

(Fin de la séance à 13 h 14)

Document(s) associé(s) à la séance