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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mardi 19 février 2019 - Vol. 45 N° 4

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 2, Loi resserrant l’encadrement du cannabis


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Table des matières

Auditions (suite)

Association des neurologues du Québec (ANQ)

Citoyenneté Jeunesse

Mouvement Santé mentale Québec

Mmes Marianne Dessureault et Isabelle Samson, et
MM. Richard Bélanger et Bastien Quirion

Ville de Montréal

Union des municipalités du Québec (UMQ)

Autres intervenants

M. Luc Provençal, président

M. Lionel Carmant

M. André Fortin

M. Sylvain Gaudreault

Mme Kathleen Weil

M. Sol Zanetti

Mme Nancy Guillemette

Mme Marilyne Picard

M. Enrico Ciccone

Mme Isabelle Lecours

M. Louis-Charles Thouin

M. Mathieu Lévesque

M. Frantz Benjamin

Mme Marie-Claude Nichols

*          Mme Arline-Aude Bérubé, ANQ

*          Mme Julie Durot, Citoyenneté Jeunesse

*          M. Nicolas Lavallée, idem

*          Mme Monique Boniewski, Mouvement Santé mentale Québec

*          Mme Renée Ouimet, idem

*          Mme Valérie Plante, ville de Montréal

*          M. Sylvain Caron, idem

*          M. Alexandre Cusson, UMQ

*          Mme Sylvie Pigeon, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures deux minutes)

Le Président (M. Provençal)  : Alors, bon matin. Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques. Merci.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 2, Loi resserrant l'encadrement sur le cannabis.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) remplace Mme David (Marguerite-Bourgeoys) et M. Gaudreault (Jonquière) remplace M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine).

Auditions (suite)

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Alors, cet avant-midi, nous entendrons l'Association des neurologues du Québec. Et je vous demanderais... Comme la séance a commencé un peu plus... On a commencé à 10 h 1. À titre de précaution, je vous demande : Y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue? Ça va, consentement? Consentement. Merci beaucoup.

Je souhaite maintenant la bienvenue à la représentante de l'Association des neurologues du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé. Bienvenue à la commission.

Association des neurologues du Québec (ANQ)

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Merci. Donc, je m'appelle Arline-Aude Bérubé. Je suis neurologue au CHUM. L'Association des neurologues du Québec m'a approchée la semaine dernière pour réviser la littérature concernant l'usage du cannabis récréationnel, là, récréatif, en fait. Puis on a été deux neurologues, en fait, à réviser la littérature, parce qu'on a eu quand même un court laps de temps pour...

Bien, la question qui nous a été posée, là, c'est s'il y avait une rationnelle strictement neurologique pour retarder l'utilisation du pot, du cannabis à 21 ans. Donc, on a fait une revue de littérature, puis, en fait, ce qui ressort... Puis on s'en est tenus strictement à la question neurologique. Il faut bien comprendre que, comme neurologues, on a à coeur la santé neurologique des patients. Mais on n'a pas axé notre recherche sur les aspects psychiatriques, même si les psychiatres et nous, on partage le même organe puis on a souvent des problématiques psychiatriques avec l'usage du cannabis. Donc, toute cette question-là, on l'a élaguée, là, de la recherche de littérature. Alors, ce que je vais vous présenter, c'est strictement les conclusions des études scientifiques à jour sur l'effet du cannabis sur le cerveau entre la fin de l'adolescence et l'âge adulte.

Donc, dans les études qu'on retrouve, qui sont valides... Parce qu'il faut savoir qu'il y a beaucoup, beaucoup d'études qui ont été faites sur le cannabis, sur des cohortes, qui sont plutôt rétrospectives, parce qu'on ne peut pas donner du cannabis à des gens à leur insu puis faire une étude contre placebo. On s'entend qu'on sait déjà, chez l'animal, que ça a des effets nocifs. Bon, donc, on n'a pas d'études, disons, qui seraient parfaites, étant donné qu'on a affaire à une substance qui a longtemps été illicite, qu'on ne pouvait pas, disons, protocoliser ou utiliser dans une méthode scientifique habituelle comme on le fait habituellement.

Donc, ce qu'on sait par contre, on sait que le cerveau du jeune adulte finit sa maturation beaucoup plus tard que 18 ans, donc, puis les dernières zones à se connecter entre elles, ce sont les zones du cortex préfrontal. C'est un peu scientifique, là. Je vais essayer de vous vulgariser ça rapidement. Mais ce qu'on sait, c'est que la connectivité entre les structures qui s'occupent beaucoup de la gestion des informations de l'environnement à caractère affectif puis émotionnel... se connectent avec le lobe frontal, les zones préfrontales, qui vont être responsables essentiellement des processus décisionnels en situation d'incertitude à contenu affectif.

Je vais essayer de vous vulgariser ça le plus possible. Mais, quand on compare des jeunes de 18, 19 ans, on les soumet à des tests neurocognitifs. On parle strictement d'expériences en neuropsychologie, pour ceux qui savent un peu... Je pourrai détailler plus tard. Puis on teste des groupes qui ont plus entre 23 et 25 ans. La grosse différence, c'est dans les processus de décision. Les plus jeunes, dans les groupes d'âge de 18 à 19 ans, vont prendre des décisions plus en fonction d'un gain immédiat, une recherche de plaisir immédiate, tandis que les groupes plus vers l'âge de 23 à 25 ans vont prendre des décisions un petit peu plus en fonction d'un gain à long terme, donc ce qui plaît à l'esprit étant donné... Dans le langage courant, on appelle ça atteindre une certaine maturité. La grosse différence aussi, ça va être en gestion de conflit. Donc, il va y avoir un peu plus d'erreurs décisionnelles chez les plus jeunes de 18, 19 ans et une maturité qui s'acquière plus vers l'âge de 23 à 25 ans.

Ça se traduit non seulement dans les tests neuropsychologiques, mais aussi dans la connectivité qu'on voit quand on teste ces jeunes-là en résonance magnétique fonctionnelle. Donc, on leur fait faire des tâches où ils ont des processus décisionnels à prendre en fonction, des fois, d'un contenu qui est à caractère émotif, puis on regarde quelles zones sont en train de s'activer dans le cerveau. Et on voit qu'à l'âge de 18, 19 ans c'est un petit peu plus les zones postérieures, les zones du cortex plutôt pariétal, qui, lui, on le sait déjà, mature durant l'adolescence puis atteint sa pleine maturité plus vers l'âge... entre 12 et 14 ans. Puis la grosse différence, c'est... Le cortex préfrontal est activé beaucoup plus entre l'âge de 23 et 25 ans. Ça fait qu'on le sait, que la fin de la maturation du cerveau, ce qui fait vraiment la différence, finalement, en langage courant, là, entre un adolescent et un adulte, c'est la maturité, le sens des responsabilités, la prise de décision, la gestion de conflit, bien, ça s'acquiert, ça se connecte, ces zones-là, beaucoup plus vers l'âge de 23 à 25 ans.

L'autre chose qu'on sait, c'est : sur les études animales, quand on expose des animaux, généralement c'est des rongeurs, des rats ou des souris, au cannabis versus placebo, durant la phase adolescente des animaux, on a des effets permanents, à long terme, sur ces zones-là. Donc, ces zones-là ne maturent pas comme elles devraient. Elles ne trouvent pas leurs connexions. Et puis c'est sûr qu'on ne peut pas faire ce genre d'expérience là chez des adolescents, évidemment, parce qu'on a déjà des évidences animales que c'est délétère puis qu'on induirait potentiellement un dommage permanent. Mais, quand on regarde des cohortes prospectives de jeunes puis on les teste, bien, on sait que les jeunes qui vont consommer... ils commençaient à consommer durant l'adolescence, ils vont présenter des moins bonnes performances aux tests neuropsychologiques plus tard, vont atrophier les zones en question, qui sont affectées par le cannabis, et, ces effets-là, on a de plus en plus d'évidences qu'ils sont permanents. Ça va entraîner aussi beaucoup plus de troubles affectifs parce que, comme j'ai dit, c'est la maturation de la connectivité entre, finalement, les zones qui s'occupent de la gestion puis, finalement, de toute l'interprétation du contenu émotif, de ce à quoi on est exposés dans l'environnement et les processus décisionnels.

On sait qu'une consommation chronique, régulière, finalement, qui débute à l'adolescence ou à l'âge adulte... Qu'on commence à consommer régulièrement à l'âge adulte ou à l'adolescence, on sait qu'une consommation régulière, au fil du temps, atrophie les zones que je vous ai mentionnées et entraîne, là, à la longue, beaucoup de troubles affectifs surtout, troubles anxieux, entre autres, puis des troubles, aussi, cognitifs, mais de l'ordre un petit peu plus, encore là, des processus décisionnels en situation d'incertitude, recherche de gains à court terme, recherche de plaisir immédiat versus recherche de l'intérêt à plus long terme.

• (10 h 10) •

Donc, ce qu'on sait maintenant, de plus en plus, les études montrent que, quand on est exposé, même de façon occasionnelle, durant l'adolescence, ce processus-là de maturation serait finalement altéré. Puis, bien, on a de plus en plus d'évidences, là, qui nous pointent vers un effet qui serait probablement permanent, donc, avec une personnalité, finalement, puis des capacités d'adaptation à l'environnement qui sont altérées pour tout le reste de la vie des jeunes.

Donc, à la question, on n'a pas d'étude comparative qui a étudié des cohortes de 18 versus 21 ans spécifiquement. Dans la littérature, on n'a pas ce genre d'étude là. Ce qu'on est obligés de vous dire, à l'ANQ, c'est, dans le fond, qu'il n'y a pas d'étude qui a étudié spécifiquement la question qui nous a été posée. Mais on peut inférer des études animales puis de ce qu'on sait de la maturation du cerveau entre l'âge de 18 et 25 ans que c'est délétère, finalement, de consommer de façon récréative à tout âge, qu'une consommation même occasionnelle à l'adolescence, c'est plus délétère qu'une consommation, probablement, occasionnelle à l'âge adulte, une fois que la maturation du cortex préfrontal est terminée, puis qu'on devrait retarder... En fait, on ne devrait jamais consommer cette substance-là de façon même occasionnelle. On serait mauvais neurologues de ne pas le souligner, là.

Mais probablement que la réponse scientifique la meilleure à ce stade-ci, c'est, bien, de retarder la consommation le plus tard possible. Puis il n'y a pas d'âge, pour nous, entre 21 et 18 ans, qui, d'après nos études, est plus sécuritaire. Donc, on n'a pas d'étude qui nous montre que c'est plus sécuritaire de consommer à 21 ans qu'à 18 puis que... Mais tout ce qu'on peut inférer des études animales qu'on a actuellement, c'est : le plus tard possible. Puis la fin de la maturation du cerveau, c'est vraiment plus vers l'âge de 25 ans, et non 21 ans ou 18. C'est tout.

Le Président (M. Provençal)  : Votre présentation est terminée?

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Oui.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Alors, on permet maintenant aux différents membres d'échanger avec vous. Je cède la parole à notre ministre en lui rappelant que 16 min 30 s vous sont allouées pour échanger avec la présentation qui vient être faite.

M. Carmant : Merci beaucoup, Dre Bérubé. Bonjour, tout le monde, pour cette deuxième semaine de commission parlementaire.

On a bien écouté ce que vous venez de dire, et je crois que ça confirme le fait que le cannabis doit être pris au sérieux. Ça renforce aussi notre message, de vouloir envoyer un message clair à l'encontre... que l'impression que le cannabis est un produit banal quel que soit l'âge de consommation. Puis nous, on pense que, vraiment, le but du projet de loi n° 2, c'est vraiment de diminuer la consommation chez les adolescents et non pas seulement chez les 18-20 ans, et ça le fait... ça sera un frein de le faire... ça sera en retardant l'âge de la première consommation.

La semaine dernière, les psychiatres nous ont appris que, lorsqu'un adolescent consomme du cannabis, il augmente son risque de troubles psychotiques, son risque de devenir dépressif, et, même, augmente le risque suicidaire d'environ 50 %. Mais, vous, ce que vous nous dites... parce qu'au début vous nous avez bien indiqué que vous n'avez pas considéré les problèmes psychiatriques, mais, à la lecture de votre mémoire et à vous écouter aujourd'hui, on comprend qu'en plus du risque psychiatrique il y a des risques au niveau du quotient intellectuel, au niveau de l'attention chez les enfants, au niveau des troubles de mémoire.

Mme Bérubé (Arline-Aude) : ...au niveau du quotient intellectuel global, parce que le Q.I. global... Bien, les études sont difficiles à faire dans le Q.I. global parce qu'il faudrait avoir un portrait du Q.I. avant l'âge de... avant la première consommation puis faire des groupes vraiment très homogènes. C'est très difficile. Il y a une étude, entre autres, qui avait comparé les Q.I. verbaux. Il y avait une petite baisse dans les groupes qui consommaient, disons, plus régulièrement à l'adolescence, mais c'était vraiment plus... Ce qui est difficile, là, c'est qu'en neurosciences les changements neuropsychologiques sont en termes de comparaison à des groupes normatifs. Puis le Q.I. global n'est pas nécessairement affecté parce que le Q.I. global va être plus en fonction des raisonnements logiques. Puis les raisonnements logiques, on le sait, là, commencent à maturer quand même relativement très tôt dans l'enfance puis l'adolescence.

Mais ce que fait le cannabis... Les récepteurs au cannabis, là, CB1, CB2, sont vraiment plus au niveau de l'amygdale, qui est notre centre émotif, là, finalement, notre centre de modulation des réponses émotionnelles. Donc, ça, ce n'est pas quelque chose qui est mesuré par le quotient intellectuel global. Ça fait que ce qui est mesuré, ce qui va chercher un peu plus ces facultés-là, ces facultés de réagir aux conflits, de se corriger avec les erreurs, de réagir à quelqu'un ou à des messages agressifs, des choses comme ça, ou à être influencé par les pairs, bien, ça, ce n'est pas nécessairement mesuré facilement. Puis c'est probablement la raison pour laquelle c'est si banalisé, c'est que les gens ne s'aperçoivent pas nécessairement d'un changement parce que les changements sont subtils puis sont à long terme. Mais le cannabis fait vraiment cet effet-là. Donc, il va vraiment moduler les synapses que les régions, finalement, du centre d'intégration des émotions font avec le cortex préfrontal, qui, lui, est responsable des décisions finales, de l'initiative.

Donc, ce n'est pas tant au niveau des raisonnements logiques, mais au niveau de la motivation, donc on va avoir du décrochage scolaire, de tout le sens de l'initiative, de dire : Je me prends en main, je veux aller quelque part, j'ai un objectif à long terme. Mais ça, c'est très difficile à mesurer. C'est ce qui fait que c'est si difficile de faire des études, parce qu'il faut les faire à très long terme, puis la majorité des cohortes se perdent à la... Parce qu'entre l'adolescence et l'âge adulte, c'est une zone qui est cruciale en termes de décisions. C'est là où tous les étudiants ou les jeunes adultes prennent leurs décisions de choix de carrière, etc. Puis là, bien, si on commence à consommer, c'est ça, ce qu'on voit, c'est beaucoup une perte de motivation, le début des troubles anxieux, des problèmes adaptatifs. Puis étudier ces cohortes-là, c'est difficile parce qu'ils déménagent. Ils font leurs choix de vie. Ils ne sont pas motivés à rentrer dans les études, etc. Puis 18 à 25 ans, c'est là où tout se joue pour bien des gens, là, bien des jeunes adultes.

Donc, est-ce que ça répond à la question? Tu sais, en termes du Q.I., ce n'est pas là que ça se joue. C'est vraiment...

M. Carmant : Mais en fait c'est très intéressant. Donc, ils ne sont pas moins intelligents, mais ils prennent plus de mauvaises décisions, si je comprends bien, hein?

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Exact, c'est ça. Ça fait que, dans des études neuropsychologiques, on les soumet à des jeux, disons, de hasard, où il y a un certain apprentissage qui est nécessaire pour prendre les bonnes décisions pour avoir le plus grand nombre de gains sur plusieurs essais. Bien, c'est des groupes qui vont prendre jusqu'à seulement 30 % de bonnes décisions, versus les groupes qui ne consomment pas, qui vont prendre 60 % de bonnes décisions, puis qui vont rechercher des gains très court terme. C'est des gens un peu de gambling, si on veut, alors que les groupes qui ne consomment pas vont rapidement apprendre de leurs erreurs puis ils vont chercher un gain final plus global, tandis que les groupes qui consomment, même occasionnellement, vont avoir des moins bonnes performances dans ce genre de décision là.

Ça fait que ce n'est pas quelque chose qui est visible. Bien, généralement, c'est trop subtil pour être perceptible, peut-être, dans une perspective macroscopique. Mais, si on faisait, peut-être, ou si on avait la chance d'avoir des études assez long terme, on pourrait peut-être voir les effets, peut-être, permanents. C'est ce qu'on craint, en tout cas.

M. Carmant : Mais pensez-vous que, pour un jeune, par exemple, qui est en secondaire V ou qui amorce son cégep, ça pourrait avoir un impact sur sa vie de tous les jours?

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Bien, ça, on le sait. Il y a plus de décrochage, là, quand la consommation est plus régulière à l'adolescence. Donc, il y a plus de décrochage scolaire. Il y a ça puis il y a plus de retrait social, de phobie sociale, et tout ça. Ça, on le sait déjà, ça, que ça nuit à la persévérance scolaire.

M. Carmant : Ça fait que, vous, qu'est-ce que ce serait, votre message à la société québécoise, là, à propos des jeunes puis la consommation?

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Bien, en fait, ce n'est jamais bon. Il y a toujours un risque à consommer. Ça a des effets essentiellement nocifs sur le cerveau, mais qui sont plus nocifs et potentiellement permanents à l'adolescence parce qu'on voit une atrophie des zones qui devraient normalement se connecter comme il faut pour atteindre ce qu'en langage commun on appelle la maturité adulte. Donc, pour nous, c'est ça, c'est comme... On a une obligation de prudence puis de ne pas nuire à nos patients. Donc, on ne devrait pas consommer. C'est une substance qui est essentiellement nocive pour le cerveau. Mais on n'est pas législateurs. Ce n'est pas notre rôle de donner des... On s'en tient strictement à la santé neurologique. Le plus tard possible... Bien, en fait, c'est jamais, mais, s'il y avait un âge, c'est le plus tard possible.

M. Carmant : Il y a eu certaines études, puis même l'INSPQ le mentionnait, là, dans son mémoire, qui ont montré qu'en matière de consommation d'alcool le fait de rehausser l'âge légal entraînait une diminution de la consommation chez les adolescents et que, même, le contraire, là, de diminuer l'âge, ça pouvait augmenter la consommation chez les adolescents. Penseriez-vous que ce principe-là pourrait s'adapter au cannabis?

• (10 h 20) •

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Je n'ai pas de réponse scientifique à faire, mais, le gros bon sens, je pense que c'est peut-être la... Les croyances qui sont liées à la substance ou à ses effets sont probablement assez directement liées au comportement de consommation, là. Plus on pense qu'une substance, c'est banal, bien, plus on va se permettre, j'imagine, là... Mais je n'ai pas de réponse plus scientifique à vous faire.

M. Carmant : Vous avez parlé beaucoup de l'imagerie fonctionnelle. Puis aussi vous avez mentionné un mot, je ne suis pas sûr que tout le monde a compris, là, vous avez parlé d'atrophie de ces zones-là, peut-être un peu plus parler de ce que veut dire «atrophie», le définir pour tout le monde, et aussi parler des changements anatomiques qui sont vus chez les jeunes consommateurs chroniques et fréquents et comment ça corrèle avec les changements de comportements que vous nous avez si bien décrits.

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Oui, c'est ça, c'est ce que j'expliquais tantôt, c'est quand on... Bien, il y a de plus en plus d'études dans ce qu'on appelle en imagerie fonctionnelle. Dans le fond, c'est une résonance magnétique. Peut-être, j'imagine, la majorité de vous savent c'est quoi. C'est un scan, essentiellement, qui utilise le champ magnétique, là, pour aller faire des images vraiment, au niveau de la structure du cerveau, très précises, en fait au millimètre près, là, ça fait qu'on peut bien définir toute l'anatomie. La substance grise est bien délimitée par rapport à la substance blanche. Puis avec les... Finalement, maintenant, ce qui n'était pas disponible il y a 40 ans, il y a 30 ans, là, ce qui est disponible maintenant, on peut mesurer le volume non seulement du cerveau, mais précisément de chaque zone du cerveau, la matière grise, son volume est de combien à l'adolescence, à chaque âge, à l'âge adulte.

Puis, bien, on peut prendre des consommateurs ou des non-consommateurs, les soumettre à une résonance magnétique à un temps x, puis, trois à quatre ans plus tard, les questionner sur leur consommation, leur fréquence de consommation, puis remesurer ces mêmes zones là. Ça fait que c'est ce qui a été fait. Puis on peut corréler ça aussi à leurs tests neuropsychologiques que je parlais tantôt, où on les met en situation de prise de décision avec des facteurs d'incertitude, des facteurs émotifs, des gains, des pertes. Puis là on peut voir leur sensibilité à la perte, la sensibilité aux gains, la sensibilité à la menace, à la peur, à des choses comme ça. Donc, ce qui corrèle, c'est le volume des zones que je vous ai parlé, qui maturent en dernier à l'âge adulte. Ces zones-là sont moins volumineuses, s'atrophient davantage, en fait, s'atrophient, point, versus les autres, quand les gens consomment même occasionnellement durant l'adolescence.

Le «cutoff», en anglais, la limite à laquelle ce phénomène-là ne survient plus vers la fin de l'adolescence, on ne sait pas l'âge parce qu'on n'a pas comparé des cohortes de 19, 20 ans versus 21. On n'a pas cette précision-là dans la mesure. Par contre, on a des jeunes du secondaire qui consomment versus des non-consommateurs. Quand on prend une photo à 22 ans, bien, ceux qui ont consommé ont ces zones-là plus petites en volume. Donc, c'est des pertes neuronales, c'est des pertes de connectivité. Ça veut dire qu'il y a moins... On a un moins gros pool de neurones chez ces jeunes-là dans ces zones-là du cerveau. Donc, ces zones-là ne se sont pas connectées.

Donc, le cannabis, qu'est-ce que ça fait, c'est ça, ça a comme fait élaguer certaines zones du cerveau. Puis là, bien, dans le fond, le jeune a toute une connectivité du cerveau qui est différente de celle qu'il aurait eue s'il n'avait pas consommé, avec les conséquences au niveau souvent plus de l'humeur, là, troubles anxieux, troubles anxiodépressifs, anhédonie, qui est plus la perte de motivation, là, le manque de motivation à s'activer, que ce soit dans toutes les sphères de la vie, là, avec plus de difficulté à gérer le conflit relationnel puis à gérer la réaction émotionnelle en situation d'erreur, etc.

M. Carmant : La semaine dernière, on a reçu la Fédération étudiante collégiale du Québec, en fait les jeunes du cégep, là, puis leurs représentants nous rapportaient la détresse psychologique que vivaient les étudiants du cégep. Puis je pense que tout le monde à l'Assemblée nationale s'inquiète de la santé mentale de nos jeunes. Il parlait d'un problème d'anxiété, de perte de motivation. Puis il semblait également nous dire qu'une bonne... presque une majorité des étudiants semblaient avoir consommé du cannabis. Est-ce qu'on peut faire un parallèle entre ces plaintes que nous rapportent les étudiants au cégep et puis le fait que bon nombre d'entre eux aient consommé du cannabis?

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Ce serait peut-être une question à poser aux psychiatres, là, parce que c'est plus de l'ordre de la psychiatrie. Par contre, ce qu'on sait, c'est que, lors d'une intoxication aiguë, là, lors de la consommation immédiate, là, disons, du cannabis, on a un effet qui est anxiolytique, la raison, probablement, pourquoi les gens cherchent cet effet-là. Le problème du cannabis, c'est que, contrairement à d'autres substances qui ont un effet vraiment ponctuel, uniquement durant l'intoxication, les récepteurs du cannabis dans le neurone affectent toute la connectivité vraiment à long terme des synapses. Ils vont vraiment modifier où les neurones vont se connecter entre eux dans le cerveau. Donc, ce n'est pas lors de l'intoxication que les effets délétères sont. Ils sont après coup. Donc, les troubles de l'humeur arrivent après, donc après la consommation, parce que c'est toute la formation des synapses du cerveau qui est altérée par ça à long terme, ce qu'on ne voit pas dans d'autres substances.

M. Carmant : Puis vous n'avez pas parlé du tout de changement au niveau de la mémoire. Est-ce qu'on voit, dans ces études de psychologie, neuropsychologiques, des problèmes de mémoire?

Mme Bérubé (Arline-Aude) : On a des études en neuropsychologie sur la mémoire. On sait que, les consommateurs réguliers, là, ça affecte la mémoire, là, parce que les lobes... Le cortex préfrontal est responsable de la mémoire de travail puis la mémoire de récupération des souvenirs à long terme. Par contre, on a plus cet effet-là chez les consommateurs réguliers. Dans les cohortes qu'on a, d'adultes ou de jeunes qui ont une consommation occasionnelle, c'est relativement bien préservé. C'est vraiment dans un usage chronique. Mais ça, même chez l'adulte, un usage chronique à partir de... Généralement, dans les études, ils vont séparer les consommateurs d'une fois par semaine avec les consommateurs de plus d'une fois par semaine. Donc, quand je parle d'un usage régulier, je parle d'un usage de plus qu'une fois par semaine et non un usage nécessairement quotidien, là. Là, on a des effets à long terme, puis, même chez les adultes, on a une atrophie des zones que je vous ai mentionnées, dans le cerveau.

M. Carmant : Puis, peut-être en terminant, pourriez-vous me parler de... Tu sais, parmi les intoxications au cannabis, est-ce que vous en avez vu... Quelle serait la présentation clinique la plus sévère que vous avez jamais vue?

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Bien, c'est sûr qu'en neurologie adulte on n'est pas en première ligne pour les intoxications. C'est plus les urgentologues et les psychiatres qui les voient. Nous, ce qu'on va voir dans nos cliniques, c'est plus les consommateurs réguliers. Puis ce qu'on observe le plus souvent, c'est plus les changements psychiatriques, donc les psychoses, les psychoses aiguës. Donc, c'est sûr que ça va être plus les effets psychiatriques dans les périodes où la consommation est élevée, là, les symptômes plus paranoïdes, tout ça. Ça fait que, quand je parlais de la réactivité, là, émotionnelle à l'environnement, c'est un peu ça, là. Mais, en intoxication aiguë, c'est peut-être un autre chapitre sur lequel nous, on s'est moins concentrés dans notre recherche de littérature, étant donné que, comme neurologues adultes, on a plus la santé au long cours à coeur, là. Donc, c'est sûr que, pour nous, une consommation aiguë, ce n'est jamais sécuritaire, y compris pour la conduite automobile. C'est sûr que ça affaiblit toutes les facultés, là.

M. Carmant : D'accord. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le ministre. Maintenant, je vais céder la parole au député de Pontiac pour la période d'échange de l'opposition officielle.

M. Fortin : Très bien. Merci, M. le Président. Bonjour, tout le monde.

M. Gaudreault : ...de directive. Est-ce qu'on sait si le gouvernement a pris tout son temps? Excuse-moi, André.

Le Président (M. Provençal)  : Il restait 10 secondes, je pense.

M. Gaudreault : Ah! 10 secondes.

M. Fortin : Tu peux les avoir. Ça ne me dérange pas.

M. Gaudreault : Non, 10 secondes, c'est beau. O.K., merci.

• (10 h 30) •

M. Fortin : Merci. Bonjour, tout le monde. Bonne semaine. Docteure, merci d'être avec nous aujourd'hui, de prendre de votre temps pour nous partager ce que vous savez, ce que vous avez lu, ce que vous avez entendu et, de par votre profession, ce dont vous avez été témoin.

Vous avez commencé vos remarques en disant que ce n'est pas toujours clair, qu'il n'y a pas d'études qui sont faites sur les humains, nécessairement, parce qu'on ne peut pas donner du cannabis aux gens pour tester certaines suppositions. Mais vous semblez quand même nous amener des faits intéressants au niveau du développement du cerveau. Vous dites qu'il y a certaines parties du cerveau qui sont plutôt développées à 12, 14 ans, certaines qui se développent encore, entre autres le centre émotif, vous y avez fait référence, là, jusqu'à 23, 25 ans, mais qu'entre 18 puis 21 ans c'est peut-être difficile, disons, de voir là où s'arrête le développement de certaines parties du cerveau et le lien avec la consommation du cannabis.

Vous savez que le projet de loi qu'on étudie aujourd'hui, qui a été déposé par le gouvernement, essentiellement, en grande partie, là, ferait en sorte que l'âge légal de consommation, d'achat, de possession passerait de 18 à 21 ans et, jusqu'à un certain point, que la consommation ne serait plus permise en public.

Donc, j'ai deux questions pour vous à ce niveau-là. Le «21 ans», là, est-ce que, selon vous, vous pouvez comprendre il vient d'où, le chiffre proposé par le gouvernement? Si vous nous dites : Effectivement, il y a un impact où le développement du centre émotif, comme vous l'appelez, du cortex préfrontal se poursuit jusqu'à 23, 25 ans, est-ce que 21 ans, d'après vous, c'est un âge adéquat pour limiter la consommation ou est-ce qu'il y aurait un autre âge qui, scientifiquement, ferait plus de sens? Mais on s'entend, là, vous et moi, quand vous dites : La consommation a toujours des effets négatifs, on peut comprendre ça, mais est-ce que, de façon pointue, vous comprenez d'où vient le «21 ans» que le gouvernement met de l'avant?

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Je ne pense pas que ce soit une question de comprendre ou de ne pas comprendre les contingences du législateur, là, c'est que les contingences légales sont complètement différentes de nos préoccupations médicales. Donc, je ne pense pas que ça nous appartienne de juger de tous ces facteurs-là qui sont, finalement, complètement différents de notre réalité comme médecins, là. Donc, ce n'est pas un aspect pour lequel nous, on se sent nécessairement concernés, au sens où on ne veut pas nécessairement...

Tu sais, on ne comprend pas tous les enjeux, là, qui sont plus de... qui occupent le législateur. Donc, nous, ce qu'on retrouve essentiellement dans l'ensemble de nos connaissances, c'est qu'effectivement on n'a pas de preuve scientifique que 21, c'est plus sécuritaire, en fait, que c'est moins délétère. On ne devrait même pas parler de sécurité. Ce n'est jamais sécuritaire, à notre sens, de modifier la chimie du cerveau avec cette substance-là. Donc, le plus tard possible, c'est la réponse scientifique la moins mauvaise qu'on peut vous faire...

M. Fortin : Mais sur le développement...

Mme Bérubé (Arline-Aude) : ...ou la meilleure dans les circonstances, le temps qu'on ait plus de données. C'est sûr qu'il va y avoir des données prospectives, éventuellement, on va avoir de plus en plus d'études qui vont sortir, on va finir par avoir la réponse. Mais ça prend du temps avant de rassembler assez de personnes, assez d'observations, les mettre toutes ensemble, être sûr que tous les facteurs confondants ont été pris en ligne de compte pour arriver à des conclusions robustes au niveau scientifique. Effectivement, ce n'est pas simple, là. Mais le plus tard possible, définitivement.

M. Fortin : Merci. Dans son argumentaire, par le passé, le ministre a fait référence à des études, entre autres le Journal of Neuroscience, si je ne me trompe pas, qui, il y a quelques mois, là, avait cité une étude où, par imagerie, le cerveau de 46 adolescents avait été analysé, des adolescents de 14 ans qui, eux, disaient avoir fumé du cannabis à une ou deux reprises. Ce qu'on pouvait comprendre dans cette analyse-là, c'est que, dans plusieurs zones particulières du cerveau, la matière grise des jeunes qui avaient déjà fumé était plus développée que celle des non-consommateurs, même si l'exposition était plutôt minime. Mais ce qu'on pouvait dire aussi, c'est que le fait que certaines zones du cerveau soient plus volumineuses n'indiquait pas nécessairement que les neurones avaient été affectés, parce que ça pouvait être toutes sortes d'autres facteurs, ça pouvait être des liquides qui étaient plus abondants. Alors, est-ce qu'on peut réellement dire que la taille du cerveau ou la taille des matières grises a un impact direct sur le développement ou s'il y a toutes sortes d'autres facteurs qu'il faut aussi considérer?

Mme Bérubé (Arline-Aude) : L'étude en question, là, c'est sûr qu'il y a eu des... Dans la revue de littérature, on a vu plusieurs études comme ça, où, quand les mesures sont faites à très, très jeune âge, là — 14 ans, c'est encore très jeune — il y a effectivement des zones qui sont un petit peu plus volumineuses. Puis les hypothèses qui sont avancées, c'est que... Ce qu'on ne sait pas, c'est si, à ce moment-là, le cerveau essaie de compenser, donc va multiplier certaines connexions pour essayer de compenser pour la substance qui affecte les facultés, ou si c'est l'inverse.

C'est que, normalement, on naît avec un certain nombre de neurones, mais ces neurones-là ne sont pas connectés. Alors, c'est pour ça que le bébé, l'enfant n'atteint pas toutes ses pleines capacités avant l'âge adulte. Donc, il y a un élagage, on appelle ça... c'est vraiment ça, c'est «synaptic pruning» en anglais. Donc, il y a un élagage qui se fait entre les connexions. Donc, il y a certaines zones qui vont être un peu... qui vont avoir plus de connexions pendant certaines périodes, puis d'autres qui vont finalement... il va y avoir un élagage de connexions synaptiques, puis il y a d'autres régions qui vont, au contraire, multiplier leurs connexions.

Donc, dans les phases précoces de la consommation, on a l'impression qu'il y a effectivement une petite phase, au moins temporaire, où ça se peut que le cerveau soit en train de réagir ou d'essayer de voir comment il va réagir à ce changement-là de la chimie de son cerveau. Mais ça reste des hypothèses.

Ce qu'on sait par contre, dans les études qui ont été faites plus prospectivement... Parce que c'est une chose de prendre une photo dans un temps donné chez des gens qui ont déjà consommé, c'en est une autre... Idéalement, ce qu'on veut, c'est avoir un état de base. Donc, on suit une cohorte d'enfants jusqu'à l'âge adulte, l'âge avancé, puis on les teste à plusieurs temps de leur vie, puis on voit lesquels ont commencé à consommer. Ça fait que, dans les études où on sait que les gens n'avaient pas consommé au temps zéro puis se sont mis à consommer après, bien là, on voit effectivement qu'il y a un changement avec plus une perte neuronale dans les zones en question.

Donc, cette étude-là en question n'avait pas réussi à répondre à la question que vous avez posée, mais on en a d'autres, après, qui sont venues, qui vont plus dans le sens d'une atrophie au long cours.

M. Fortin : Très bien. Peut-être une dernière question avant de passer la parole à ma collègue. D'entrée de jeu, là, en réponse à ma première question par rapport au «21 ans», vous m'avez dit : Tu sais, c'est difficile, pour nous, disons, de juger tout ce que le législateur peut prendre en compte dans son analyse du meilleur âge potentiel où limiter la possession, l'achat ou la consommation. Là, je vous demande peut-être plus le point de vue de l'association, plutôt que le vôtre, là.

Est-ce que l'association... parce que... Je peux m'y reprendre? L'Institut national de santé publique est venu ici la semaine dernière, et, eux, ce que j'ai apprécié de leur présentation, c'est justement qu'ils semblent vivre un peu dans le vrai monde, c'est-à-dire qu'ils essaient de prendre en considération tout ce qui peut avoir un impact sur la décision de consommer ou de ne pas consommer et comment on peut s'assurer, comme gouvernement, comme législateurs, d'avoir un impact le plus positif possible sur la santé des jeunes ou la santé de façon générale. Alors, ces gens-là... Et il y avait d'autres groupes qui étaient venus avant, qui nous ont dit un peu comme vous, là : Tu sais, on n'est peut-être pas les experts pour, justement, prendre toutes ces choses-là en compte, mais on devrait se fier sur l'INSPQ. Est-ce que l'association considère que l'INSPQ est un véhicule raisonnable pour prendre en compte toutes ces choses-là et proposer la meilleure solution possible?

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Je n'ai pas la réponse des membres à cette question-là, ce n'est pas quelque chose sur lequel on s'est penchés en association.

M. Fortin : Mais de par votre expérience à vous dans ce cas-là?

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Ah! bien, je suis mandatée par l'ANQ, je ne pourrai pas m'avancer sur cette question-là.

M. Fortin : Très bien. Je vais laisser ma collègue continuer. Merci.

Mme Weil : Merci, Dre Bérubé. Votre présentation va beaucoup dans le sens des experts du cerveau. Je vais les appeler les experts du cerveau parce qu'il y a deux groupes, il y a santé publique, sur la prévention, etc., vous, vous analysez le cerveau. Donc, je vais m'en tenir à des questions très précises.

 Parce que, je comprends, vous n'avez pas de jugement à porter sur les décisions d'un gouvernement, du législateur, quelle est la meilleure approche, et tout, mais on voit, dans les études — le ministère de la Santé a une étude qui date de 2015 — que, la consommation, la grande cohorte, c'est de 15 à 24 ans, donc la consommation commence à 15 ans. Puis vous avez parlé de l'âge plus jeune, disons 15, 16, 17, où c'est plus impulsif, disons, c'est comme ça que je le retiens, on veut le plaisir, donc on ne va pas porter jugement, puis plus on vieillit, plus on porte jugement sur l'acte qu'on va faire. C'est ce que vous avez dit. Et donc vous dites : Mieux de reporter à plus tard.

Est-ce qu'il y a moyen... Est-ce que vous, vous êtes en mesure... Est-ce que vous travaillez avec d'autres professionnels dans le domaine du développement du cerveau...

Le Président (M. Provençal)  : ...

Mme Weil : ...on peut agir plus tôt sur le jugement par des mesures d'éducation et de sensibilisation puis que vous voyez le résultat de ça?

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Pas dans les études que j'ai révisées, ça ne portait pas sur cette question-là spécifiquement. L'adolescence, c'est une période où la gestion des émotions est difficile, là, mais ça, c'est sans égard à la consommation. Tout le monde a été adolescent, là. Donc, c'est une période qui est très... où l'émotivité est plus difficile à contrôler, puis c'est l'histoire naturelle, là, de l'évolution d'un cerveau. C'est sûr que nous, on le voit dans une perspective de neurosciences et non... Tu sais, un endocrinologue vous dirait : C'est les hormones. Nous, on le voit plus dans un processus de maturation.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup.

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Merci.

• (10 h 40) •

Le Président (M. Provençal)  : Je ne voulais pas être impoli. J'invite le député de Jonquière à adresser ses questions au Dr Bérubé, en vous rappelant que vous avez 2 min 45 s.

M. Gaudreault : Oui. Merci, Mme Bérubé, merci beaucoup de votre présence ici. Je suis entièrement d'accord avec vous quand vous dites qu'il faut retarder l'âge de consommation le plus tard possible. Et, jusqu'au 17 octobre dernier, c'est ce que le Code criminel, historiquement, faisait, même au point de rendre ça prohibitif de consommer du cannabis. Mais pourtant ça ne marchait pas parce que, de tous âges et de toutes époques, il y a toujours eu de la consommation du cannabis, malheureusement. Donc, on peut dire que d'avoir une prohibition par la loi, ce n'est pas très efficace.

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Je vous dirais que, dans les études que j'ai révisées, dans les États américains qui ont légalisé la consommation, il y a une perception par les adolescents d'un effet beaucoup plus banal du cannabis puis une consommation un petit peu augmentée chez les femmes enceintes, les jeunes femmes. Donc, je n'ai pas la notion, dans les études que j'ai révisées dernièrement, là, dans la dernière semaine, que c'est un effet direct, là, que la prohibition est nécessairement inefficace, parce qu'on voit que la légalisation a ses impacts aussi. Mais je ne peux pas m'avancer nécessairement beaucoup plus avant parce que ce n'était pas la question qu'on nous avait posée, là. Mais, dans la revue de littérature que j'ai faite, il y avait quelques... j'ai révisé par intérêt, là, quelques articles sur les États qui ont mesuré l'impact de la légalisation, puis ce n'étaient pas nécessairement des impacts qui étaient positifs.

M. Gaudreault : O.K. Vous dites qu'il n'y a pas d'étude qui dit aussi qu'il y a une... qui dirait qu'il y a une différence entre 18 et 21 ans, sur les impacts. Donc, il n'y a pas d'étude non plus qui dit qu'il y a une réelle différence entre 18 et 25 ans. Est-ce que c'est ce que je comprends?

Mme Bérubé (Arline-Aude) : C'est qu'on n'a pas d'étude de sécurité. C'est-à-dire que, quand on fait un protocole de recherche, on a une question scientifique à répondre, on fait une hypothèse, puis il n'y a pas d'étude qui a ciblé l'hypothèse que consommer à 21 ans, c'est plus sécuritaire ou moins délétère que consommer à 18 ans. Ça fait qu'on n'a pas d'étude spécifique sur la question qui nous a été posée. C'était le sens, là, de mon commentaire. Donc, on n'a pas cette étude-là, de dire c'est quel âge qui est le moins délétère pour commencer à consommer. On ne l'a pas, cette étude-là, scientifiquement ciblée là-dessus.

M. Gaudreault : Donc, on ne peut pas dire que c'est 21 ans, pas plus qu'on peut dire que c'est 22 ou 25 ans?

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Exactement.

Le Président (M. Provençal)  : Il n'y a plus de temps pour la suite. Merci. Maintenant, c'est au tour du député de Jean-Lesage à adresser son questionnement au Dr Bérubé.

M. Zanetti : Merci beaucoup, Dre Bérubé, pour votre présentation. Je comprends ce que vous dites. Je retiens aussi, juste pour le signifier, qu'au fond il n'y a pas d'étude qui démontre que c'est plus dangereux de consommer à 18 ans qu'à 21 ans, mais que c'est une hypothèse plausible, disons, qu'on peut avancer. La question a été soulevée, c'est-à-dire...

Et j'aime beaucoup la retenue que vous avez, là, de dire : Bien, en tant que neurologue, je suis ici comme neurologue et je réponds comme ça. Donc, comme neurologue, on ne peut pas nécessairement dire : Le meilleur moyen de réduire les méfaits, c'est telle ou telle loi. Donc, je trouve ça très appréciable, je le souligne, parce que je pense que c'est une des questions importantes de la commission, hein? Moi, si j'avais un problème de dépression, je n'irais pas voir un spécialiste de la santé publique, et comme, bien, je n'irais pas voir nécessairement un neurologue, en tant que neurologue, pour déterminer une loi sur la santé publique, à moins qu'il soit aussi un expert de santé publique par ailleurs.

Je poserais une question. Parce qu'il y a une question plus philosophique, là, qui m'est venue pendant qu'on discutait, puis aussi les autres ont posé d'excellentes questions. On parle du développement du cerveau, là, que, jusqu'à 21 ans, on remarque, c'est la période où se développent les sections du cerveau où on apprend à prendre des décisions davantage à long terme et donc plus avantageuses globalement, puis moins être impulsif. Est-ce qu'il y a des études, par exemple, neurologiques qui démontrent qu'un certain contexte social peut favoriser un développement plus hâtif des lobes préfrontaux, là, et que certains contextes sociaux font en sorte que cette maturité-là s'acquiert plus tard, par exemple? Curiosité.

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Non. Puis en fait une des principales études, là, qui a étudié une cohorte, là... Quand je vous ai parlé de la résonance magnétique fonctionnelle, là, ce qui nous a permis de déterminer... On a plusieurs études, là, mais il y a une étude, entre autres, qui nous a permis de voir que vraiment il y a une différence entre une cohorte de jeunes de 18, 19 ans versus une cohorte de jeunes de 23 à 25 ans. C'était une cohorte homogène d'étudiants universitaires. Donc, ces gens-là, a priori, étaient engagés dans des études universitaires, donc étaient dans un contexte, disons, assez homogène, puis, dans ce contexte-là homogène, on voit qu'il y a une différence, chez ces jeunes-là, entre 18, 19 versus 23, 24.

Donc, sans égard au contexte environnemental, on sait que la maturation va se faire dans ces zones-là à un certain âge. Il n'y a pas moyen d'accélérer ce processus-là, c'est un processus qui est biologique, là, qui est physiologique essentiellement. Ça fait que les autres cohortes qui ont été, là, disons, plus... qu'ils sont allés cibler des jeunes un petit peu plus dans les collèges ou dans la population en général montrent essentiellement la même chose, là. Il faut laisser le temps au corps de faire ses connexions.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie beaucoup...

Mme Bérubé (Arline-Aude) : Et interindividus, oui, il peut y avoir une différence, une maturité qui peut s'acquérir plus vers l'âge de 22, 23, chez certains individus, puis les autres vers 24, 25. D'autres encore un peu plus tard...

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, Dre Bérubé. Je m'excuse. Alors, je réitère mes remerciements pour votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci beaucoup de votre collaboration et de votre attention.

(Suspension de la séance à 10 h 47)

(Reprise à 15 h 42)

Le Président (M. Provençal)  : La Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 2, Loi resserrant l'encadrement du cannabis.

Cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : Citoyenneté Jeunesse; le Mouvement Santé mentale Québec; et le Dr Richard Bélanger, pédiatre spécialisé en médecine de l'adolescence et clinicien-chercheur au Centre hospitalier universitaire de Québec, la Dre Isabelle Samson, présidente de l'Association des spécialistes en médecine préventive du Québec, Mme Marianne Dessureault, porte-parole de l'Association pour la santé publique du Québec, ainsi que M. Bastien Quirion, professeur agréé au Département de criminologie de l'Université d'Ottawa, qui viendront nous présenter un mémoire conjoint.

Il était prévu que nous terminions à 17 h 45, mais, puisque nous avons du retard, je vous propose de terminer au plus tard à 18 heures. Est-ce que ça vous convient à tous? Alors, est-ce que j'ai le consentement? Oui? Merci beaucoup.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de Citoyenneté Jeunesse. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. Merci.

Citoyenneté Jeunesse

Mme Durot (Julie) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je me présente, Julie Durot, administratrice et vice-présidente aux communications au Forum jeunesse de la région de la Capitale-Nationale faisant partie du Réseau des forums jeunesse régionaux du Québec.

M. Lavallée(Nicolas) : Bonjour. Nicolas Lavallée, je suis conseiller stratégique à Citoyenneté Jeunesse.

Citoyenneté Jeunesse, c'est anciennement connu comme la Table de concertation des forums jeunesse régionaux du Québec. Notre mandat principal, c'est d'oeuvrer en participation citoyenne des jeunes et également, là, d'avoir un rôle conseil en matière de jeunesse, et on est ici aujourd'hui justement pour contribuer, essayer de bonifier avec vous, là, le projet de loi n° 2.

Mme Durot (Julie) : La loi canadienne sur le cannabis vise notamment à protéger les jeunes, à sensibiliser la population aux risques pour la santé et à prévenir les activités illicites reliées au cannabis. C'est dans cette optique que nous souhaitons vous présenter aujourd'hui trois points principaux.

Dans un premier temps, nous traiterons la question du seuil d'âge à partir duquel il est permis de consommer du cannabis. Dans un deuxième temps, nous aborderons l'importance d'informer, de sensibiliser et de prévenir les jeunes sur les risques négatifs reliés à la consommation du cannabis. Et, pour finir, nous aborderons la question de l'utilisation des revenus de la vente du cannabis.

M. Lavallée (Nicolas) : Donc, une des questions qui a été les plus débattues, là, évidemment, c'est la question de l'âge à partir duquel on peut consommer du cannabis ou on peut acheter du cannabis. Les lois fédérales, provinciales, évidemment, empêchent déjà de pouvoir vendre à des mineurs. Le projet de loi n° 2, lui, dont il est question, propose de monter cela à 21 ans. Cependant, les dernières études de l'enquête québécoise sur la santé de la population, qui est faite par l'Institut de la statistique du Québec, démontrent qu'il y a près de 40 % des jeunes de 15 à 24 ans qui ont consommé du cannabis dans les 12 derniers mois précédant l'enquête, là, en 2014-2015. C'était la dernière mouture de cette enquête-là.

Quand on compare les proportions entre les adolescents, donc on parle de 15 à 17 ans, et les jeunes adultes, donc de 18 à 24 ans, on remarque que la consommation occasionnelle des adolescents est demeurée relativement stable entre 2008 et 2014. Par contre, au niveau des jeunes adultes, elle a augmenté, passant de 21,4 % à 29,9 %. On constate donc que les jeunes de 15 à 24 ans fumaient et fument du cannabis. On sait que les jeunes de 18 à 20 ans et les jeunes de 18 à 24 ans, là, respectivement, constituent de 2 % et 10 % des clients de la SQDC, malgré le fait que ce soient les groupes d'âge, bien, qui ont la plus grande proportion de consommateurs, là, de cannabis. On peut conclure que les jeunes de 18 à 20 ans sont nombreux à consommer, mais aussi qui consomment... et continuent, en fait, de s'approvisionner sur le marché noir, avec du cannabis qui est non contrôlé, potentiellement plus dangereux pour leur santé que celui qui est vendu à la SQDC.

Lors du dépôt du projet de loi encadrant le cannabis, en 2017, de notre côté, à Citoyenneté Jeunesse, on a sondé, bien, plus de 450 jeunes de moins de 35 ans, et, si on se fie aux répondants de notre sondage, la limite de 18 ans, qui est actuellement en vigueur pour l'achat également d'alcool et des produits du tabac, était la plus populaire, à 56 %. C'est une majorité de répondants et de répondantes, là, de notre côté, qui étaient favorables à une limite d'âge à 18 ans.

Certains groupes qu'on a consultés également, là, dans le cadre de ce dépôt de projet de loi là ont toutefois mis de l'avant qu'il fallait vraiment faire attention avec le fait de banaliser la consommation de cannabis, puisqu'il y a une augmentation de risques d'effets négatifs sur la santé, sur le cerveau en développement, et ce, jusqu'à environ 25 ans. Évidemment, bien, d'autres argumentaient que, bien, comme 18 ans, c'est la coutume au Québec en matière de prise de décision, pour un individu, concernant la consommation de substances récréatives comme l'alcool et le tabac, bien, les individus ayant atteint la majorité, mais peut-être pas le seuil légal pour acheter du cannabis, pourraient être tentés de se procurer la substance sur le marché noir.

Citoyenneté Jeunesse est d'avis qu'en contrôlant la qualité des produits vendus, il serait possible d'atténuer les effets négatifs de la consommation de cannabis des populations un peu plus à risque, qu'il s'agisse, dans un premier temps, de peut-être réduire le pourcentage de THC dans les produits qui sont accessibles aux jeunes, que ce soit peut-être d'augmenter le pourcentage de CBD, advenant que cette hypothèse-là devienne intéressante, là, au niveau de la science. Peut-être limiter la quantité légale d'achat de cannabis, là, de la part des jeunes pourrait être aussi une façon de fonctionner.

De notre côté, finalement, c'est qu'on comprend que la répression, elle a prouvé son inefficacité, en fait. Interdire de consommer un produit et empêcher l'accès aux jeunes de 18 à 20 ans n'entraîne ni une diminution ni une disparition, finalement, de la consommation, mais plutôt la création ou la continuité d'un système d'achat de produits sur le marché noir, où, rappelons-le, la sécurité du produit n'est tout simplement pas assurée.

• (15 h 50) •

Mme Durot (Julie) : La légalisation du cannabis soulève de nombreuses questions, comme on le sait. En effet, le changement de l'approche gouvernementale, si longtemps axée sur la sécurité publique, vers une approche de santé publique amène des défis de taille. La démarche est de déjudiciariser, mais surtout de ne pas banaliser la consommation de cannabis, notamment chez les jeunes. Nous croyons ainsi que l'information, la sensibilisation et la prévention, est cruciale.

Dans ce document de consultation de l'été 2017, le ministère de la Santé et des Services sociaux met en garde contre les effets négatifs de la consommation du cannabis. Il est notamment précisé que les adolescents ainsi que les jeunes adultes sont les groupes les plus à risque de développer des problèmes liés à cette consommation de cannabis. Les risques mentionnés sont notamment l'augmentation de l'anxiété, la diminution de la motivation, l'altération du jugement, la difficulté à traiter l'information et le déclenchement de psychoses. On énumère également les nombreux risques reliés au fait même de fumer, parce qu'en général le cannabis est habituellement inhalé.

De plus, selon les intervenants du forum d'experts organisé en juin 2017 par le ministère, de nombreux mythes circulent sur le cannabis, notamment lorsque celui-ci est comparé à l'alcool. Dans le même sens, l'ensemble des groupes consultés par Citoyenneté Jeunesse est d'avis que le meilleur moyen de contrer les mythes devrait se faire par des campagnes de sensibilisation et de prévention ciblées surtout auprès des jeunes. Celles-ci se doivent d'être axées sur les faits entourant la consommation de cannabis et d'éviter de moraliser les consommateurs, en particulier les jeunes.

Ainsi, Citoyenneté Jeunesse propose au gouvernement de continuer d'utiliser toutes les plateformes pertinentes afin d'informer et de sensibiliser les jeunes aux impacts de la consommation du cannabis et de privilégier de façon non exclusive les plateformes des réseaux sociaux à même les écoles secondaires également ainsi qu'à la télévision et sur les plateformes semblables.

M. Lavallée (Nicolas) : Pour ce qui est des ressources financières engendrées, en fait, les revenus engendrés par la vente de cannabis, bien, évidemment, là, on le sait, là, il faut décider où vont ces ressources. Confrontés à un choix, les répondants de notre consultation en 2017, pour la moitié, là, voulaient, en fait, prioriser l'instauration de mesures de santé publique et également, là, tout ce qui tournait autour de la sensibilisation puis l'information. Au total, quand on rajoute aussi ceux et celles qui voulaient qu'on investisse en recherche, on arrivait à 75 %. Les groupes consultés ont formulé également les mêmes priorités, parce que le financement de la recherche, finalement, a fait consensus, qu'il s'agisse d'effectuer la recherche sur... bien, notamment, les effets du cannabis sur la santé, évidemment, sur les moyens d'enrayer le marché noir aussi ou encore de développer des outils pour détecter la présence de cannabis dans le sang d'un conducteur, par exemple.

Toujours en lien avec la recherche, la Loi encadrant le cannabis permet par ailleurs, là, la possession de cannabis sur les campus universitaires, permet également de fumer à des fins de recherche. Par contre, dans le projet de loi n° 2, on propose d'empêcher la possession de cannabis sur les campus universitaires, incluant, là, une exception pour les déplacements, pour aller et revenir des résidences, là, vers l'extérieur du campus. Toutefois, là, comme il n'y a aucune exception qui est mentionnée concernant, finalement, les locaux destinés à la recherche universitaire, on s'inquiète un peu de la capacité de mener de telles études. Est-ce qu'il s'agit d'une erreur? Est-ce qu'il s'agit d'un oubli? On ne sait pas, mais, pour nous, comme la recherche, c'est important, il faut pouvoir, là, permettre cette recherche-là en milieu universitaire, notamment sur l'ensemble des effets qu'on a nommés, là, tout à l'heure sur la santé des jeunes. Donc, on tenait à vous en faire part, là. On pense que c'est peut-être une façon de bonifier, là, le projet de loi actuel.

Mme Durot (Julie) : Donc, pour conclure...

Le Président (M. Provençal)  : Une minute pour conclure.

Mme Durot (Julie) : Oui. Pour conclure, dans une optique de protéger les jeunes des impacts négatifs liés à la consommation de cannabis non réglementé et non contrôlé, Citoyenneté Jeunesse est d'avis que le seuil d'âge légal devrait demeurer à 18 ans. Citoyenneté Jeunesse propose au gouvernement du Québec d'innover en adoptant une approche priorisant l'information, la prévention et la sensibilisation. Afin d'y arriver, nous proposons également d'investir les revenus de la vente du cannabis dans les campagnes à ces fins, mais aussi dans la recherche.

Donc, la question à se poser n'est pas à savoir si nous réussirons à empêcher un groupe ou un autre de consommer, mais bien vers quel type de substance et quel type de marché nous allons amener ces jeunes. Nous vous remercions et vous souhaitons... Nous attendons vos questions.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, vous avez 16 min 30 s pour vos échanges avec les représentants de Citoyenneté Jeunesse.

M. Carmant : Merci beaucoup pour votre présentation. J'ai beaucoup apprécié. Merci aussi de vous être déplacés. On sait que les délais ont été relativement courts. Nous sommes très heureux de vous accueillir ici, à la commission parlementaire, puis, comme je vous dis, votre contribution est très appréciée.

Encore une fois, le projet de loi n° 2, son but principal, c'est vraiment de retarder l'initiation de la première consommation. Je sais que tout le monde focusse beaucoup, là, sur le 18, 20 ans, mais, nous, ce qu'on veut, c'est vraiment retarder l'âge de la première consommation chez les adolescents, parce que c'est là que les dommages chroniques se font, quand ils consomment à 11, 12, 13, 14 ans. Plusieurs personnes nous ont dit, incluant même le Dr Poirier, de l'INSPQ, que, quand on rehausse l'âge, par exemple, pour l'alcool ou pour le tabac, ça peut diminuer ou ça peut retarder, justement, cette fameuse initiation... âge d'initiation à la consommation. Donc, ce qu'on espère, c'est qu'au lieu de commencer en moyenne à 16 ans, puis parfois jusqu'à 11 ans, c'est qu'ils commencent le plus tard possible.

Ce qu'on aimerait savoir... La première question, c'était... Vous avez parlé de la division dans le groupe, là, 54 % versus 46 %, en faveur de le laisser à 18 ans versus augmenter l'âge. Ce qui est intéressant aussi, c'est que, parmi votre sondage à travers vos membres, c'était écrit ici également que 77 % des membres avaient dit avoir déjà consommé du cannabis. Comment interprétez-vous le 44 % de vos membres ou quelle valeur donnez-vous à ce petit chiffre là qui serait favorable au rehaussement de l'âge légal? Qu'est-ce que vous concluez de ce quand même haut chiffre, là, qui sont en faveur de l'augmentation de l'âge légal?

M. Lavallée (Nicolas) : Bien, en fait, nous, ce qu'on retient assurément, c'est qu'il s'agit d'une majorité, hein, qui vont vers le 18 ans. Une fois qu'on a dit ça, on est aussi d'avis qu'idéalement, là, on est en mesure de réduire l'âge de la première consommation. Or, ce qu'on remarque, c'est que, même sous un régime de répression, même sous un régime où on pourrait avoir un casier criminel, ça n'a absolument pas empêché les jeunes, et surtout les jeunes de 18 à 24 ans, d'augmenter leur consommation de 2008 à 2014.

Donc, à partir de là, on n'est pas en défaveur de mesures qui peuvent réduire la première consommation, mais il y a des statistiques qui nous démontrent que les aspects plus répressifs ne fonctionnent pas. Donc, c'est dans cette optique-là où on se dit : Bien, comme les jeunes vont fumer, on devrait leur permettre d'avoir, dès qu'ils le veulent, de façon consensuelle, c'est-à-dire le 18 ans, la possibilité d'acheter un produit mais qui peut-être a des effets moins nocifs, comme on le disait, là, avec un pourcentage de THC moins élevé, un pourcentage de CBD plus élevé, si on découvre, là, qu'effectivement ça a les vertus que la recherche pense pouvoir lui attribuer, là.

M. Carmant : Bien, d'ailleurs, parlant de taux moins élevés, j'aimerais vous entendre sur la possibilité de réglementer l'accès aux 18-20 ans avec un taux de THC progressif. Ce qu'on trouve, c'est que les jeunes ayant consommé avant l'âge de 18 ans des taux plus élevés de THC, ce qu'on ne veut pas, nous non plus... Comment vous allez vous arranger ou comment on pourrait s'arranger pour qu'en magasin on les convainque d'utiliser des taux progressifs de THC? Comment vous visionnez ça, ce modèle-là qui nous a été avancé puis que vous avancez également?

M. Lavallée (Nicolas) : Je pense que, dans un premier temps, la loi permet, en fait, de légiférer dans ce sens-là. C'est possible de pouvoir restreindre à un certain niveau et d'aller dans le détail, peut-être, par règlement. Mais je pense que ce que ma collègue disait sur la question de travailler en amont sur, peut-être, les plus jeunes, faire passer ce message-là, c'est probablement une avenue.

Mme Durot (Julie) : Oui, puis la SQDC peut justement servir de médium, d'outil pour aiguiller davantage ces jeunes lorsqu'ils ont des questions. Donc, c'est un outil d'information, de sensibilisation par rapport, justement, au fait que ces dits jeunes là aillent s'approvisionner dans des lieux qui ne sont pas contrôlés, ne sont pas réglementés. Donc, c'est notre avis là-dessus, que la substance soit contrôlée puis que les jeunes puissent avoir l'information de qualité par rapport à ce sujet-là.

M. Carmant : Mais on est tout à fait d'accord avec vous, là, de la priorité puis l'importance de l'éducation en amont. Le problème avec la SQDC, avec le modèle de prévention à la SQDC, c'est que ce n'est plus vraiment de la prévention, étant donné qu'ils ont déjà consommé. C'est un peu paradoxal de dire qu'on va se fier sur la SQDC pour prévenir à 18 ans.

M. Lavallée (Nicolas) : ...prévenir les effets négatifs ou les risques négatifs de la santé si on découvre effectivement que, d'un pourcentage à un autre de THC, par exemple, il y a une différence sur le niveau d'effets. Est-ce qu'il y aurait un effet? Probablement, mais là, après... je suis loin d'être chimiste, mais au moins on a une idée de vers où on envoie les jeunes, versus le marché noir, où on n'a aucune idée et surtout le gouvernement n'a aucune capacité d'action sur ce qui va se passer dans ces milieux-là. Et, à notre avis, c'est probablement plus dommageable.

M. Carmant : Dans votre argumentaire, vous mentionnez que les données démontrent que la répression de la consommation du cannabis n'a pas prouvé son efficacité. Cependant, ce matin, Dre Bérubé nous a mentionné qu'après avoir révisé toute la littérature sur le sujet du cannabis il y a certaines évidences qui ressortent de la littérature au niveau des profils de consommation. Dans les États où le cannabis a été légalisé, il y a eu une augmentation de la consommation du cannabis chez plusieurs personnes de la société. En fait, en général, la consommation augmente quand le cannabis est légalisé. Puis ce qui nous a inquiétés le plus, c'est de voir que, même chez les femmes enceintes, il y a une certaine banalisation, et elles fument alors qu'elles sont enceintes. Comment réagissez-vous à ceci, puisque vous semblez dire le contraire?

• (16 heures) •

Mme Durot (Julie) : En fait, l'objectif, ce n'est pas de banaliser la consommation de cannabis, comme on l'a souligné dans le mémoire, mais vraiment d'agir en amont, aussi d'axer sur le cannabis réglementé. Donc, on est bien conscients des effets négatifs que peut avoir justement la consommation de cannabis, notamment chez les femmes enceintes, comme vous dites, d'où la nécessité d'axer vraiment sur des campagnes de sensibilisation, de prévention, et d'orienter justement ces jeunes vers des ressources pertinentes pour qu'ils puissent éviter d'en consommer et être orientés comme il se doit.

M. Carmant : D'accord. J'aimerais passer la parole à ma collègue la députée de Roberval pour la prochaine question.

Mme Guillemette : Donc, selon la SQDC, selon les chiffres qu'ils nous ont transmis au premier trimestre sur la vente en ligne, donc, les 18 à 24 ans représentent 10,4 % des ventes et les 18 à 20 représentent 2,6 % des ventes. Donc, on sait qu'ils sont les plus grands consommateurs de cannabis présentement, mais on constate qu'ils ne sont pas les plus grands dans le... au niveau de la consommation à la SQDC. Donc, qu'est-ce qui expliquerait ça, selon vous? Et pensez-vous que les... Pourquoi vous pensez que les jeunes ne se dirigent pas vers la SQDC? Est-ce que c'est un problème d'habitude? C'est quoi, votre analyse de cette situation-là?

M. Lavallée (Nicolas) : Évidemment, la SQDC est toute jeune. On a quatre mois d'analyse et quatre mois de campagne aussi pour essayer de diriger les jeunes vers la SQDC. Évidemment, il y a des gens qui avaient des habitudes de consommation qu'ils ne sont peut-être pas prêts à laisser, c'est-à-dire aller voir leurs dealers. Bon, évidemment, avec le temps, cette réalité-là risque de disparaître, puisque, si on contrôle bien l'expansion de la SQDC versus le marché noir, bien, le marché noir, pour les jeunes, ne sera probablement plus une option intéressante. Donc, à ce moment-là, dans le temps, probablement que ça va se réduire. Mais effectivement, à ce moment-ci, les chiffres ne sont peut-être pas encourageants. Mais j'ai le goût de dire : Donnons une chance à notre toute nouvelle société d'État qui est aussi à ses premiers pas, là.

Mme Guillemette : Mais, outre le temps, est-ce que vous auriez des suggestions à faire pour faire adhérer nos jeunes à...

Mme Durot (Julie) : Bien, par exemple, au niveau des écoles secondaires, donc, où se situe, on va dire, un bassin important de consommateurs actuels, et puis, au fil des années, on a vu que c'est persistant dans la proportion de ceux qui consomment déjà, donc, d'informer ceux qui travaillent au sein des écoles secondaires d'axer toujours sur la prévention et puis de faire des ateliers, par exemple, en relation avec cette prévention-là.

M. Lavallée (Nicolas) : Et je vous dirais aussi qu'un autre moyen de les envoyer vers la SQDC, c'est de ne pas les envoyer vers le marché noir. Si on leur dit : Vous ne pouvez pas acheter légalement, bien, forcément, ces gens-là vont continuer dans des patterns de marché noir et de consommation illicite.

M. Carmant : Alors, ça aussi, c'est un point qu'on nous ramène souvent, du marché noir. Si on prend deux exemples bien connus, là, l'alcool et le tabac, qui sont des substances légales, pourtant la contrebande de ces deux substances est un problème majeur pour notre société. Comment expliquez-vous que, même si le produit est légal, il y a de la contrebande de tabac et d'alcool?

M. Lavallée (Nicolas) : À ma connaissance, là, il n'y a pas beaucoup de jeunes de moins de 18 ans qui s'approvisionnent chez un grand-père qui a un alambic, là. Ceci dit, je pense qu'il y a une déstigmatisation de la question de l'alcool pour les jeunes de moins de 18 ans, là. Il y a plusieurs parents qui vont aller acheter de l'alcool pour leurs adolescents. Ça se voit, chose qui ne se voit pas avec le cannabis, par contre. Et ce n'est pas quelque chose qui risque d'arriver à court terme dans la société puisqu'il y a une stigmatisation reliée à cette substance-là. C'est là où la crainte du marché noir est probablement plus fondée que pour d'autres substances récréatives.

M. Carmant : Pourquoi vous pensez que les parents ne vont pas consommer avec leurs enfants puisque c'est légal?

M. Lavallée (Nicolas) : Tout simplement parce que ça fait des années, et des années, et des années qu'ils sont socialisés à ne pas trouver le cannabis... bien, à ne pas trouver que c'est une substance qui est acceptable, là, même si elle est légale aujourd'hui.

M. Carmant : Mais aujourd'hui c'est illégal... bien, en tout cas, là, avant le 17 octobre. Donc, les mentalités vont changer. Justement, c'est ce risque de banaliser les choses, parce que, là, on est dans une société actuellement où grand-papa, papa et fiston ont tous consommé du cannabis. Donc, vous ne pensez pas qu'on a un risque de voir des parents consommer avec leurs enfants?

M. Lavallée (Nicolas) : Écoutez, rendu là, là, c'est une possibilité, mais c'est une possibilité aussi que ça n'augmente pas non plus dans ces groupes d'âge là. Ce n'est pas les groupes d'âge, là, grand-papa et papa, qui sont les plus grands consommateurs, de toute façon.

M. Carmant : Et, moi, ce que j'ai aimé dans votre réponse, c'est que vous m'avez parlé de... En fait, ce n'est pas le crime organisé qui effraie tout le monde. Moi, je pense que c'est le problème du revendeur. Pensez-vous qu'on pourrait faire une action ciblée contre le revendeur, qui pourrait régler ce problème qui semble être vraiment un genre d'épine, là, qui énerve un peu tout le monde, à propos du... Est-ce qu'on pourrait le réadapter, le revendeur, par exemple, parmi toutes les mesures qu'on veut associer à notre projet de loi n° 2?

M. Lavallée (Nicolas) : C'est une excellente question. On ne s'est pas posés sur cette question-là, par contre, là. Donc, on aurait de la difficulté à vous répondre.

M. Carmant : L'INSPQ a écrit dans son rapport : «En matière de consommation d'alcool, des recherches ont montré que le rehaussement de l'âge légal de consommation pouvait conduire à une diminution de la précocité de l'âge de l'initiation, [et] les changements à la baisse de l'âge légal [entraînaient] une plus grande précocité.» Les experts de l'INSPQ ont aussi dit que le rehaussement de l'âge légal est une stratégie qui a fait ses preuves, à condition qu'elle soit combinée à d'autres mesures. Êtes-vous d'accord avec eux?

M. Lavallée (Nicolas) : Bien, on est assurément d'accord que d'autres mesures sont importantes. Si, par exemple, il n'y a aucune sensibilisation qui est faite, bien, évidemment, peu importe le seuil d'âge auquel on va mettre la légalité, il y a beaucoup d'informations, beaucoup de mythes, comme a dit ma collègue, qui vont perdurer, et ça va être problématique.

M. Carmant : D'accord. M. le Président?

Le Président (M. Provençal)  : Oui?

M. Carmant : J'aimerais passer la parole à ma collègue la députée de Soulanges.

Le Président (M. Provençal)  : Ça va.

Mme Picard : Merci. Bonjour. Merci d'être venus. Vous avez mentionné tantôt qu'il y aurait des prochaines campagnes publicitaires qui pourraient être faites dans les écoles. C'est ce que vous avez dit tantôt. Comment vous voyez votre stratégie? Comment vous voyez la campagne de publicité qui pourrait se faire dans les écoles, particulièrement?

Mme Durot (Julie) : Bien, c'est sûr qu'on n'a pas élaboré sur cette question-là dans notre mémoire. Et puis les mieux outillés, ça serait les gens qui travaillent dans le domaine de la communication ou, justement, les professionnels dans les écoles secondaires. Donc, on leur laisserait plutôt la parole.

M. Lavallée (Nicolas) : Bien, peut-être un seul élément, essayer d'éviter la moralisation. Du moment où on va essayer de moraliser les jeunes, ils vont se mettre en mode réponse, et réaction, et opposition, et ça, bien, évidemment, ce qu'on ne veut pas, c'est cette réponse-là.

Mme Picard : Est-ce qu'il y aurait des stratégies meilleures que d'autres, selon vous, là, qui pourraient plus fonctionner?

M. Lavallée (Nicolas) : Pas particulièrement.

Mme Picard : Oui, Nancy, tu avais une question?

M. Carmant : On peut passer la parole à la députée de Roberval, M. le Président?

Le Président (M. Provençal)  : Oui, allez-y.

Mme Guillemette : Mais, depuis le début, nous, notre objectif, de ce projet de loi là, c'est de protéger les jeunes et de réduire le plus possible la première consommation, de l'amener le plus tard possible. Donc, dans cette optique, on a décidé d'interdire les points de vente à proximité des établissements d'enseignement postsecondaire. L'interdiction de 150 mètres à Montréal et de 250 mètres dans le reste du Québec, c'était dans l'ancien projet de loi, mais ce n'était pas pour les cégeps et les universités. Donc, nous, on a décidé d'appliquer la mesure également aux cégeps et aux universités. Qu'est-ce que vous pensez de cette mesure?

M. Lavallée (Nicolas) : Juste pour être bien sûr de comprendre, là, d'empêcher, finalement, la possession sur les campus?

Mme Guillemette : Et les universités.

M. Lavallée (Nicolas) : Les universités, oui. Bien, évidemment, nous, sur la question des campus universitaires, c'est particulièrement problématique sur la question de la recherche. Si on a le droit de faire de la recherche universitaire mais qu'on n'a pas le droit de se rendre au local pour faire la recherche universitaire, c'est probablement une question de virgule, là, dans la loi, mais c'est sûr que c'est problématique.

Outre ça, bien, évidemment, il y a des complexités sur les campus. C'est difficile de savoir, bien, finalement, qui se promène vers une résidence, qui sort d'une résidence et va à l'extérieur du campus. C'est très difficile d'identifier qui, en fait, est en train de faire cette situation-là versus traverser d'un pavillon à un autre, finalement. Il n'y a aucun moyen de savoir cette information-là. Donc, c'est très difficile de savoir qui est en situation de légalité ou d'illégalité par rapport à cet aspect-là.

Au-delà de ça, évidemment, là, il y a d'autres organisations, je pense, qui ont eu la chance d'en parler, mais les associations étudiantes semblaient dire que c'était plutôt difficile à mettre en place. Malheureusement, là, je pense qu'il y en a qui sont venues, il y en a d'autres qui n'ont pas pu venir, mais c'est ce qu'ils nous ont dit également, là.

Mme Guillemette : O.K. Puis, selon vous, est-ce qu'il y aurait une distance qui pourrait être suffisante pour protéger nos jeunes?

Mme Durot (Julie) : On n'a pas élaboré sur cette question-là non plus. Mais c'est intéressant comme problématique. Et puis certainement qu'il faut s'y pencher avec attention.

Mme Guillemette : Parfait. Merci. Merci, M. le Président.

M. Carmant : Encore un peu de temps?

Le Président (M. Provençal)  : Il reste cinq secondes.

• (16 h 10) •

M. Carmant : D'accord.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous l'accorde.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Provençal)  : Je cède la parole au représentant de l'opposition officielle et député de Pontiac. À vous la parole, s'il vous plaît.

M. Fortin : Merci, M. le Président. Merci à vous deux d'être avec nous aujourd'hui, de nous partager votre point de vue. Je ne veux pas vous faire d'exposé. Je sais que le ministre a commencé, d'entrée de jeu, en vous expliquant un peu sa position. Je ne vais pas faire la même chose. Je veux juste vous demander peut-être de commenter sa position à lui. Il a essentiellement dit, d'entrée de jeu, bien : Le projet de loi augmente l'âge légal de... La possession et la consommation passent de 18 à 21 ans pour protéger les enfants de 11 ans. Ça ressemblait à ça un petit peu. Ça vous a-tu convaincus?

M. Lavallée (Nicolas) : Bien, comme on a dit, nous, on pense que les chiffres démontrent, là, que ce n'est pas une question de seuil d'âge. Il y a des jeunes qui consomment. Donc, ça ne va pas les empêcher de consommer. Notre seul point de vue là-dessus, c'est : essayons de les diriger vers là où il y a une ressource qui existe, une substance qui est contrôlée et, justement, de l'aide potentielle, c'est-à-dire à la SQDC.

M. Fortin : Très bien. Si je regarde votre tableau, tableau 1, là, en page 3 de votre mémoire, je regarde, disons, la colonne «2008», là, pour les consommateurs occasionnels entre 15 et 17 ans, donc il y a 22,1 % des 15-17 ans qui consommaient de façon occasionnelle, et, entre 18-24 ans, 21,4 %. Donc, somme toute, là, c'était pas mal le même nombre de monde, en pourcentage, là, qui consommait. Donc, ce que vous êtes en train de dire... Parce qu'à 15-17 ans, un jour, là... maintenant ça devient illégal, à 18-24 ans, c'est légal. Ce que vous êtes en train de dire avec ces chiffres-là, c'est que ça ne change absolument rien. C'est ça?

M. Lavallée (Nicolas) : Ça risque de ne changer pas grand-chose, effectivement.

M. Fortin : O.K., très bien. Je vais reprendre la question de la députée de Roberval. Je vais la regarder sous un autre angle. Dans le projet de loi, il y a une disposition qui fait en sorte que les points de vente de la SQDC doivent être plus loin des campus collégiaux et universitaires qu'en ce moment. Est-ce que vous avez une quelconque indication, une quelconque preuve, une quelconque étude qui vous mène à croire que ça va dissuader un seul jeune de fumer?

M. Lavallée (Nicolas) : On n'a pas ces études-là.

M. Fortin : Très bien. Au niveau de la possession, vous avez fait un point sur la recherche. Je comprends votre point. On va le soulever en étude article par article, je vous le dis tout de suite, M. le ministre. Parce que le projet de loi demande ou exigera, s'il est adopté, qu'on ne possède pas de cannabis sur un campus universitaire, sauf pour certaines situations très précises. Est-ce que vous avez une seule étude, une seule indication, une seule raison de croire que ça va dissuader un jeune de fumer?

M. Lavallée (Nicolas) : Bien, un peu comme sur la question des pourcentages de consommation, là, du tableau 1 que vous avez nommé, il y a des jeunes qui consomment sur les campus actuellement et il y en a qui le faisaient avant d'avoir le droit de le faire. Et là ils n'auront plus le droit de le faire, mais on n'a pas de raison de croire que ça va cesser.

M. Fortin : Parce que vous continuez de me dire que, pour toutes ces situations-là, vous n'avez pas de raison de croire, ou vous n'avez pas d'étude, ou vous n'avez pas d'information — puis ce n'est pas de votre faute, il n'y en a pas — que ces mesures-là peuvent contribuer à ce que les jeunes cessent de fumer. Outre l'éducation, l'information, dont vous faites l'apologie, avec raison, dans votre mémoire, est-ce qu'il y a des mesures de prohibition ou des mesures de coercition qui vont faire en sorte, selon vous, qu'un seul jeune va arrêter de fumer?

M. Lavallée (Nicolas) : Bien, je pense que peut-être que les points qu'on a amenés sur la possibilité, par exemple, d'avoir des produits qui sont moins élevés en termes de THC, la quantité, peut-être qu'à ce niveau-là il y a quelque chose à faire.

M. Fortin : ...ils vont juste avoir un produit qui est moins nocif.

M. Lavallée (Nicolas) : Exactement.

M. Fortin : Très bien. Sur l'information, la publicité, il y a une grande partie de votre mémoire qui s'attarde à cette question-là, je vous le dis, avec raison. Étiez-vous là au dernier projet de loi? Étiez-vous venus en commission parlementaire?

M. Lavallée (Nicolas) : Pas parlementaire. On est allés aux commissions... bien, aux audiences du ministère et du SAJ.

M. Fortin : C'était bien. Il y avait un grand processus de consultation. C'était le fun. Dans ce projet de loi là, le gouvernement mettait de l'avant une provision pour qu'il y ait 25 millions par année qui soient dépensés, justement, que ce soit en prévention, en information ou avec d'autres mesures comme celles-là. À ce jour, selon tout ce qu'on sait, tout ce qu'on entend, tout ce que le ministre a mis de l'avant, il y a zéro qui a été dépensé. D'après vous, est-ce que c'est plus utile de dépenser ce 25 millions là au moment de la légalisation ou plus tard dans le temps?

M. Lavallée (Nicolas) : Je veux juste bien comprendre le contexte que vous avez mis, là.

M. Fortin : Oui. Le projet de loi ou la loi... Le projet de loi n° 157, la première loi qui a été adoptée, faisait en sorte que 25 millions devaient être dépensés annuellement au cours des cinq premières années suite à la légalisation. À ce jour, selon notre information, selon ce qu'on sait, selon ce qu'on a vu du gouvernement, il n'y a rien qui a été dépensé. D'après vous, est-ce que cet argent-là serait plus utile initialement, lors du moment de la légalisation, lors du moment où on parle de cannabis, ou plus tard dans le temps, un jour, éventuellement, peut-être?

Mme Durot (Julie) : Bien, c'est sûr qu'il faudrait que ce soit étalé dans le temps, donc que ça soit régulier, récurrent puis que ça soit bien réparti. Dans quelle mesure? On n'a pas l'information, mais, définitivement, il faut que cette enveloppe-là soit utilisée à bon escient.

M. Fortin : Si je vous apprends qu'il y a zéro qui a été dépensé jusqu'à date, est-ce que ça vous inquiète?

M. Lavallée (Nicolas) : C'est sûr qu'il faudrait que ce soit dépensé. À ma connaissance, il y a, ceci dit, des campagnes qui sont faites.

M. Fortin : Effectivement.

M. Lavallée (Nicolas) : Donc, je ne sais pas les détails de par où c'est financé. Mais je suis un peu surpris.

M. Fortin : On ne le sait pas. Le ministère refuse nos demandes d'accès à l'information. Donc, on n'a absolument aucune idée comment est-ce qu'ils sont en train de dépenser ou de faire des plans pour dépenser cette information-là... ces sommes-là. Donc, je ne sais pas si vous avez suivi les premiers mois du débat qu'on a eu depuis l'arrivée du gouvernement de la CAQ sur ce dossier-là, mais, à un moment donné, le ministre a insinué ou avancé... disons, avancé, pour être plus honnête, sur Twitter qu'il pourrait y avoir un autre 25 millions qui serait disponible pour faire justement de la prévention ou de l'information, etc. Quelques heures plus tard, le ministre s'est rétracté en disant : Non, finalement, il n'y en a pas d'autre, 25 millions. D'après vous, est-ce que des sommes additionnelles pourraient être bénéfiques pour limiter la consommation plutôt que la prohibition?

Mme Durot (Julie) : Tout à fait. Donc, plus il y a des financements et mieux c'est orienté dans le sens de travailler en amont, nous, on trouve ça bénéfique de le faire, bien sûr.

M. Lavallée (Nicolas) : Évidemment, je pense qu'il y a aussi un aspect de... On a plusieurs sous-groupes de population. Donc, si on segmente, bien, forcément, on va devoir investir un peu davantage pour aller chercher ces différents groupes là avec différents moyens, différents médiums. Mais ce n'est pas une mauvaise idée, effectivement.

M. Fortin : Parfait. Je crois que certains de mes collègues ont peut-être également des questions pour vous. Le député de Marquette en a peut-être une aussi.

M. Ciccone : Vas-y.

Mme Weil : Combien de secondes?

Le Président (M. Provençal)  : Il vous reste 3 min 18 s.

Mme Weil : Oui. Bon, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire le mémoire du Barreau. Je vous invite à le faire parce qu'à quelque part vous touchez des enjeux... mais vous amenez d'une façon différent, parce que vous avez fait comme votre propre consultation avec un groupe d'âge qui est important, c'est des jeunes adultes, essentiellement, et c'est la question d'applicabilité. Au-delà de la question de... Donc, eux, ils parlent d'un risque de contestation basé sur la discrimination. Mais une autre section de ce mémoire... Et j'en parle parce que je comprends que le Barreau... Malheureusement, moi qui suis membre du Barreau, je pensais qu'ils viendraient, parce que le débat juridique est important. Ils parlent de l'inapplicabilité de cette loi s'il n'y a pas adhésion.

Dans votre consultation, on voit où sont les jeunes, et la majorité sont vraiment : maintenir le 18 ans, faire de la prévention, pas de banalisation, être bien conscient du danger. Parce qu'on a bien entendu tout ce que les experts ont dit. Il n'y a personne qui ne croit pas à ça. Je pense que toute la question de législation, c'est de s'assurer qu'on va avoir l'adhésion de la population, et quelle est la façon la plus efficace de le faire. Avez-vous senti ça dans les discussions avec cette tranche de jeunes, que... Et, en plus, déjà qu'ils consomment alors que c'était illégal, alors, d'autant plus si c'est rendu légal et puis qu'on fait juste une différence de quelques années, l'adhésion ne sera pas là. Donc, comment appliquer cette loi et comment trouver les espaces, justement, pour exercer son droit? Donc, ça devient un non-droit, essentiellement. Est-ce que c'est l'impression? C'est un peu ce qui se dégage de votre consultation, selon moi. Eux, ils le mettent en termes juridiques, là, et législatifs, mais...

• (16 h 20) •

M. Lavallée (Nicolas) : C'est un peu ce qui se dégage, effectivement, du constat des répondants et répondantes qu'on a consultés, qu'on a sondés. C'est aussi ce qui se dégage des quelques groupes jeunes qui nous ont parlé très récemment, notamment, comme je disais tout à l'heure, les associations étudiantes, qui voient mal, à leur connaissance, comment on peut l'appliquer, et ce qui, peut-être, là, comme vous dites, ramène vers le manque d'adhésion.

Mme Weil : Je pense que ça complète les secondes. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Il reste encore une minute pour des questions.

M. Ciccone : Bien, rapidement, je pense que les statistiques démontrent clairement qu'avant le 17 octobre 2018, je veux dire, les jeunes consommaient déjà. Ce n'est pas un secret. Maintenant, il y a un double débat ici : monter ça à 21 ans, qui va faire en sorte qu'on va ralentir la consommation chez les jeunes. Vous l'avez abordé, mais je veux vous l'entendre par un oui ou un non. Est-ce que monter, justement, la légalisation de 18 à 21 ans va faire en sorte que les jeunes de 18 à 20 ans ne consommeront plus ou moins?

M. Lavallée (Nicolas) : Pas à notre connaissance.

M. Ciccone : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Ça conclut? Alors, il restait 15 secondes.

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal)  : Il n'y a pas de consentement. Alors, les échanges se poursuivront avec le deuxième groupe d'opposition. La parole est au député de Jonquière pour 2 min 45 s.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup d'être ici. Moi, je veux vous entendre sur la façon dont ça va fonctionner sur les campus versus les résidences. Avez-vous consulté un peu vos gens là-dessus? Parce qu'on pourrait en avoir dans les résidences, mais pas dans les campus, sauf quand on se déplace. Alors, est-ce que ça va prendre une police du cannabis sur les campus?

M. Lavallée (Nicolas) : On n'a pas consulté notre réseau sur cette question-là particulière. Ça n'a pas pu être possible dans le temps. Ceci dit, ce qu'on entend, c'est que ça va être très difficile d'appliquer cette partie-là de la loi. Et, bien, idéalement, non, ça ne prendrait pas plus de ressources dans les services de l'ordre sur les campus. Ils font déjà leur travail, ça va. Mais ce n'est pas souhaitable non plus d'avoir un agent à chaque porte, là, du campus.

M. Gaudreault : Pourquoi vous pensez que ce sera inapplicable, parce que c'est trop complexe?

M. Lavallée (Nicolas) : Bien, comme je disais tout à l'heure, c'est très, très, très difficile de faire la différence entre un individu qui passe d'un endroit a à un point b sur le campus... en sachant si cette personne-là est en train de quitter sa résidence vers l'extérieur du campus, ou si elle s'en va tout simplement à un autre pavillon, ou si elle s'en va prendre l'autobus, par exemple.

M. Gaudreault : Très bien. Merci. Votre recommandation 2, sur la gradation des produits, là, en fonction de l'âge, est-ce que... Dans le fond, vous reprenez votre recommandation 6 de votre mémoire en 2017. Alors, déjà, à ce moment-là, vous trouviez que c'était approprié. Donc, vous revenez avec ça. Mais est-ce que ce n'est pas aussi, d'une certaine manière, une discrimination ou autant moralisateur, parce qu'on dit : Parce que tu es plus jeune, tu peux acheter avec une gradation moins élevée?

M. Lavallée (Nicolas) : Bien, de notre côté, c'est vraiment après avoir consulté plusieurs groupes qu'on s'est rendu compte qu'effectivement les effets, les risques sur la santé peuvent être assez néfastes pour qu'on propose ce possible mécanisme, si on veut, par étapes. Donc, ce n'est pas dans une optique de moralisation, ce point-là, c'est vraiment dans une optique de... On doit garder les jeunes vers la SQDC. Mais on peut reconnaître qu'au-delà d'un certain pourcentage, par exemple, de THC, c'est assez dangereux pour que nous-mêmes, on ne le mette pas de l'avant, comme gouvernement, par exemple.

Le Président (M. Provençal)  : 20 secondes.

M. Gaudreault : Et là-dessus, bien, vous proposez, dans le fond, d'être conformes à ce que la science nous dit globalement et d'aller jusqu'à 25 ans, quant à ça, là?

M. Lavallée (Nicolas) : Oui.

M. Gaudreault : O.K., merci.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, les 2 min 45 s serviront pour conclure ces échanges. La parole est au député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci. Alors, dans les consultations que vous avez faites auprès de vos membres, est-ce qu'ils vous ont dit ou est-ce que vous avez senti qu'ils se sentaient infantilisés par l'idée d'augmenter l'âge légal de consommation à 21 ans?

M. Lavallée (Nicolas) : Pas spécifiquement, mais, comme les jeunes ont spécifié qu'il ne fallait pas être moralisateur sur l'enjeu du cannabis, auquel cas on les perd, bien, j'ai l'impression que ça rentre peut-être un peu là-dedans.

M. Zanetti : Et pourquoi pensez-vous qu'ils ne veulent pas se faire faire la morale?

M. Lavallée (Nicolas) : Parce que c'est un réflexe de jeunesse de... Si on se fait dire non, on a le goût d'y aller quand même.

M. Zanetti : Alors, vous pensez que les lois morales sont inefficaces?

M. Lavallée (Nicolas) : Je ne sais pas si j'irais jusque-là, mais il y a un aspect moralisateur qui, effectivement, là, ne fonctionne pas chez les jeunes adolescents, minimalement.

M. Zanetti : Et que pensez-vous de l'idée d'éloigner les SQDC des lieux d'enseignement, là, considérant que ceux qui peuvent l'acheter en ligne peuvent l'acheter avec leurs téléphones?

M. Lavallée (Nicolas) : Effectivement, il y a peut-être un problème à ce niveau-là.

M. Zanetti : Et, sinon, est-ce qu'à votre avis, là, avant le 17 octobre dernier, il y avait des problèmes d'accès au cannabis sur les campus ou pour, en général, les jeunes de 18 à 21 ans?

M. Lavallée (Nicolas) : Les données démontrent que non.

M. Zanetti : J'aurais posé d'autres questions, mais ils sont si clairs. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, j'en conclus que la période d'échange est terminée. Merci. Je remercie les représentants de Citoyenneté Jeunesse pour leur contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci encore de votre contribution.

(Suspension de la séance à 16 h 26)

(Reprise à 16 h 28)

Le Président (M. Provençal)  : Le député de Jonquière nous permet, malgré qu'il est absent, de reprendre les travaux. Alors, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Mouvement Santé mentale Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à commencer votre exposé. À vous la parole.

Mouvement Santé mentale Québec

Mme Boniewski (Monique) : Bonjour. Je vous présente Renée Ouimet, directrice à l'association... pardon, au Mouvement Santé mentale Québec. Moi, je suis sur le conseil d'administration, Monique Boniewski.

• (16 h 30) •

Mme Ouimet(Renée) : Alors, juste rapidement, le Mouvement Santé mentale Québec est un regroupement d'organismes communautaires et qui travaille particulièrement en promotion, prévention en santé mentale. Et c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui, pour vous parler de plutôt promouvoir la santé mentale et s'occuper de nos jeunes plutôt que de judiciariser ou de rendre illégale la consommation de cannabis chez les 18 à 21 ans.

Je voudrais commencer en vous racontant une histoire. Parce que venir à une commission, ça demande à notre C.A. de prendre position, mais ça nous ramène dans notre propre histoire, et je me suis rappelé que j'avais 16 ans, que j'étais chez nous puis que ma mère est venue rencontrer mes amis pour leur dire : J'ai su que vous consommez de la drogue, que vous consommez du pot, et je voudrais que vous n'en ameniez pas chez nous, et surtout que vous n'en vendiez pas. J'ai 61 ans, j'avais 16 ans.

J'ai une de mes amies qui fait de l'éducation, que je trouve qui est une éducatrice extraordinaire, puis elle, elle dit : Après trois fois qu'on a fait quelque chose avec nos enfants, si ça ne marche pas, c'est qu'on n'a pas la bonne solution. Ça fait que je vous dirais que, si, après toutes ces années-là, et que le cannabis était illégal, et que la consommation la plus intense est entre 15 et 25 ans... c'est qu'on n'a pas réussi quelque chose, et que le fait de... c'est-à-dire, pas de mettre en place, mais de garder ce qui était déjà là, ce n'est pas une solution.

Il y a un projet... Il y a une loi qui est déjà en place, et, pour nous, c'est une loi qui n'est pas parfaite, mais qui a eu... Il y a eu une vaste consultation à travers le Québec, et c'est une loi qui est acceptable. Et on devrait garder cette loi-là, et l'évaluer dans quatre, cinq ans, et là prendre le temps de revoir ce qu'on doit remettre en question par rapport à cette loi-là. Le faire actuellement, c'est beaucoup trop tôt parce qu'on ne sait pas encore les effets de cette loi-là à long terme. Même les sociétés, les SQDC, ne sont pas efficaces à 100 %, il n'y en a pas à beaucoup d'endroits. Ça fait que c'est difficile d'avoir déjà une idée de comment ça se passe.

Pour nous, créer du sens et de la cohérence, c'est fondamental. Je le sais, que, M. le ministre, pour vous, ce n'est pas incohérent de dire qu'à 21 ans... qu'on va interdire jusqu'à 21 ans le cannabis. Pour nous, c'est une incohérence sociale parce qu'on a fait le choix il y a 40 quelques années de choisir que les gens soient adultes à partir de 18 ans.

Alors, c'est un peu de ça qu'on va vous parler. L'objet de la loi, vous le connaissez déjà, puis c'est, entre autres, de réduire le fardeau sur le système de justice pénale, ce que le projet de loi ne fait pas parce que, là, on va encore pénaliser les 18-21 ans, et c'est de donner accès à un approvisionnement de cannabis dont la qualité fait l'objet de contrôles, ce qu'on aimerait pour nos jeunes qui consomment. De toute façon, ils consomment, ça fait que fermons-nous pas les yeux, ils ne vont pas... La consommation, comme les prédécesseurs ont dit, de 2008 à 2015, a augmenté chez les 15-25 ans. Alors, on n'est pas du tout pour la banalisation. On est vraiment pour l'information, prendre le temps d'expliquer, donner... accompagner nos jeunes, être là tout le temps, mais ne pas remettre... ne pas empêcher les jeunes d'avoir accès à des produits de qualité et continuer à les protéger en leur donnant accès à des produits de qualité, mais surtout en faisant de l'information et en donnant des services de qualité à nos jeunes.

Il y a 47 ans, on a dit qu'à 21 ans on pouvait... à 18 ans on pouvait consommer de l'alcool, on peut se marier, on peut avoir des dettes, on peut signer des contrats, on peut faire tout ça. Et je vous dirais que, même aujourd'hui, à 18 ans, on pourrait acheter des actions, et des actions de compagnies qui produisent du cannabis, ce qui est un peu particulier dans notre fonctionnement social. Remettre l'âge de la consommation du cannabis en question, c'est considérer nos jeunes comme des immatures et des incapables. Ce qu'il faut, c'est vraiment être là quotidiennement pour nos jeunes dans les écoles, leur offrir des services, les accompagner, les informer, accompagner les parents, et c'est l'essence même du travail qu'on doit faire.

On doit travailler... Je vous ai apporté ici des facteurs de protection en santé mentale. On doit outiller nos jeunes vraiment le plus possible, et là ils vont avoir la capacité de choisir s'ils veulent ou pas, mais on ne pourra jamais les protéger complètement. Je sais qu'on aimerait bien les mettre sous une cloche de verre puis leur faire attention, puis on les aime tellement, mais on ne peut pas faire ça. On peut les accompagner comme adultes et aller le plus loin possible là-dedans.

Alors, il y aurait une perte de sens social, je vous dirais, si on fait ce choix-là. Puis donner du sens, c'est se rappeler qu'on a choisi 18 ans comme âge de la majorité. Ce n'est pas remettre en question le pouvoir d'agir des jeunes. C'est reconnaître leurs forces, leurs capacités, leur intelligence, et c'est surtout les accompagner dans le passage à la vie adulte, et d'être là pour eux, de leur offrir de la prévention, de la promotion, des services accessibles, de qualité, rapides. Puis alors on va y arriver. De la promotion dans les loisirs, de la prévention des méfaits, alors on est vraiment dans la promotion et la prévention.

Le choix, ça a été vraiment... en tout cas, on a l'impression que c'est un choix qui a été plus un choix médical qu'un choix de santé publique parce que les risques de psychose, ça augmente de... tu sais, c'est vraiment petit. Ceci dit, on ne veut pas banaliser, mais, on se dit, pour une majorité, une grande, grande, grande majorité des jeunes, est-ce qu'on va interdire à tous les 18-21 ans une consommation légale de pot, de cannabis?

Mais, ceci dit, on veut un meilleur contrôle de la qualité. On a toutes les mêmes positions que la Santé publique, que vous connaissez déjà, un meilleur contrôle de l'accessibilité géographique, mieux informer, mieux sensibiliser, favoriser une discussion, diminuer la stigmatisation des consommateurs, faire de la recherche plus approfondie, réduire les activités criminelles, réduire les méfaits associés au cannabis.

Et puis les dépendances sont énormes, hein? Les jeunes, ils peuvent être dépendants de l'alcool, ils peuvent être dépendants du jeu, ils peuvent être dépendants de la porno. Et ce n'est pas quelque chose qu'on leur interdit. Et on a à les accompagner par rapport à toutes ces dépendances-là pour qu'ils soient le moins dépendants possible.

Alors, notre rôle, c'est de les écouter, de les outiller, de les informer et de promouvoir la santé. Puis, promouvoir la santé, ça veut dire d'agir en amont et de renforcer la population, tu sais? Parce qu'on voit, je ne sais pas, vous avez dû... ils ont déjà dû vous dire ces chiffres-là, mais la consommation de cannabis est 1,5 fois plus élevée chez les jeunes qui ont un niveau de détresse élevé. Si on accompagne nos jeunes à réduire la détresse, bien, il va y avoir moins de consommation de cannabis. 1,5 fois plus élevée chez les jeunes qui présentent un risque élevé de décrochage scolaire. Si on accompagne nos jeunes dans des écoles en ayant tous les services appropriés, bien, il va y avoir moins de décrochage et moins de consommation de cannabis. Alors, c'est vraiment dans ce sens-là que nous, on pense qu'il faut intervenir. Alors, il ne s'agit donc pas d'interdire mais d'accroître les forces, les ressources, les connaissances, les atouts en matière de santé.

Le Président (M. Provençal)  : ...30 secondes pour conclure, madame.

Mme Ouimet (Renée) : Oui? Bon, bien, pour conclure, là, je ne vous parlerai pas... Dans la rue, dans les parcs, je vous dis ça vite, on va créer des illégalités incroyables si on ne permet pas au monde de consommer dans des parcs, comme on le fait pour la cigarette, parce que les gens, dans leurs appartements, ils ne peuvent pas. Les jeunes, on va les envoyer dans des lieux à risque. Ça va avoir des effets secondaires.

Je voulais vous parler de l'économie du cannabis. Et, bien, écoutez, je pense que, dans un souci de cohérence, je vous ai à peu près tout dit...

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup pour votre exposé...

Mme Ouimet (Renée) : ...regarde, passe ça par là-bas pour que les gens connaissent les astuces sur lesquelles on doit miser pour bien accompagner nos jeunes puis les facteurs de protection.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Provençal)  : Nous allons commencer la période d'échange avec vous. Alors, M. le ministre, vous avez 16 min 30 s pour vos échanges.

• (16 h 40) •

M. Carmant : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, mesdames, de votre présence aujourd'hui. Encore une fois, on s'excuse des courts délais.

J'ai beaucoup apprécié votre discours, là, qui est clairement animé par une passion au niveau de la santé mentale puis un désir d'aider nos jeunes, là. Puis j'appuie tout à fait votre désir de vouloir les accompagner, mais... Je comprends, là, le fait qu'il y a 40 ans on a pris une décision, en tant que société, de réduire l'âge de la maturité, mais, nous, ce qu'on dit, c'est qu'à l'époque, les données qu'on avait au niveau des conséquences des substances illicites ou des substances toxiques sur le cerveau et le développement du cerveau, on ne les avait pas comme on les a aujourd'hui.

Et aujourd'hui on ajoute une nouvelle substance dans l'arène, alors qu'on sait qu'on est dans une période où nos jeunes ont quand même une très grande souffrance au niveau de leur santé mentale. La jeunesse connectée, c'est une jeunesse qui se sent isolée, et qu'on veut aider le plus possible. Puis je vous rassure aussi qu'on ne veut pas criminaliser. Ça ne fait pas partie du projet de loi n° 2.

Les représentants de l'association des premiers épisodes psychotiques nous ont confirmé la semaine dernière que le cannabis augmente le risque de psychose, là, vous en avez mentionné. Je pense que, pour ceux qui souffrent de maladie mentale, ceux qui souffrent de schizophrénie, une augmentation de 40 %, là, même si ça fait passer de 2 % à 2,8 %, donc de 1,5 % à 3 %, c'est quand même quelque chose de très significatif pour notre société. Ces gens-là, ils ont vraiment un pronostic à long terme, là, qui n'est pas très bon.

Mais, quand on parle de chiffres plus consistants, une chercheure de l'Université McGill, elle, nous apprenait que le risque d'une dépression chez les consommateurs adolescents était de 7 %, ce qui représente à peu près 25 000 Canadiens par année, et environ 5 000 adolescents québécois chaque année, là, qui vont se faire diagnostiquer de dépression en lien avec la consommation de cannabis qu'ils ont eue quand ils étaient plus jeunes.

Pourquoi ne croyez-vous pas qu'il serait prudent d'augmenter l'âge légal de consommation du cannabis pour protéger la santé mentale de nos adolescents?

Mme Ouimet (Renée) : Quand vous parlez de psychose, la population en général, c'est 1 %, si je ne m'abuse, puis ça augmente de 1 % à 1,4 % les risques, ce qui est très, très peu dans une population en général. Il y a beaucoup de dépendances qui peuvent être toxiques pour nos jeunes et, je vous dirais... Puis, quand vous parlez de dépression et d'anxiété, l'anxiété est de plus en plus élevée chez les jeunes. On a des chiffres par rapport au cégep. C'est là-dessus qu'il faut intervenir, pas sur réduire la consommation du pot, l'augmenter à 21 ans. Il faut travailler sur qu'est-ce qui crée la santé mentale, et c'est beaucoup la santé mentale, et notre malaise et nos... vouloir faire comme nos amis, aussi. Ça, ça va être un passage, ça risque de ne pas durer. Mais c'est beaucoup le malaise qui va faire qu'on va consommer puis qu'on va consommer à long terme.

Et, je vous dirais, si on a à mettre de l'argent à quelque part, actuellement le taux d'anxiété chez les jeunes au niveau des cégeps est vraiment élevé, et il faut qu'on intervienne en amont et qu'on les aide à réduire ce niveau d'anxiété là. Tu sais, si on a à agir... C'est une grande majorité comparativement au petit 1,4 %. Puis le taux de détresse psychologique et d'anxiété au cégep est rendu de combien, 35 %, je crois? C'est énorme, versus 1,4 %. Ça fait que c'est là qu'il faut agir, là.

M. Carmant : Mais, contrairement... Je pense que les dernières études qui sont sorties ces dernières années, là, Patricia Conrod, de Sainte-Justine, Dre Gobbi, là, de Mc Gill, ils ne sont pas d'accord avec le concept d'autosoins que vous soulevez, là, où ils consomment pour s'autosoigner. Mais plutôt ils semblent dire que c'est la consommation étant jeune adolescent qui entraîne les problèmes plus tard. C'est pour ça que nous, on propose d'essayer le plus possible d'éviter cette consommation chez les adolescents.

Mme Ouimet (Renée) : Bien, vous avez raison que les recherches, elles démontrent qu'une consommation peut avoir un effet. Ça, c'est des recherches, là... je ne sais pas si toutes les recherches disent ça, mais entraîner un niveau de dépression à long terme, et... Mais ça, informons nos jeunes, disons-leur, allons dans les écoles, parlons-leur de ça, et puis ils vont l'écouter. Puis il va quand même y en avoir qui vont consommer, c'est sûr. Mais, les jeunes, je ne dis pas qu'ils font de l'autotraitement, je dis que, ceux qui sont dans des situations plus défavorisées, plus démunies, plus souffrantes, il y en a qui consomment plus. Mais ce qu'il faut, c'est les accompagner d'entrée de jeu pour qu'ils soient... de travailler sur l'axe du bien-être des jeunes. Mais vous avez raison qu'on n'est pas pour «go! consommons», là. Ce n'est pas dans ce sens-là que notre intervention est faite. Mais, l'information, donnons-la.

M. Carmant : O.K. bien compris. M. le Président, j'aimerais passer la parole à la députée de Soulanges.

Le Président (M. Provençal)  : ...à vous la parole.

Mme Picard : À la lecture de votre mémoire, il y a une recommandation que j'aimerais que vous développiez, que vous n'avez pas parlé tantôt. Vous semblez vouloir qu'il y ait une discussion sur l'impact environnemental de la production de cannabis, de l'emballage et aussi le transport du cannabis. Pouvez-vous développer un peu plus sur ce volet-là du mémoire, s'il vous plaît?

Mme Ouimet (Renée) : Je vais oser vous dire que c'est des préoccupations personnelles, mais que je n'ai pas eu d'interdiction de mon C.A. de poser ces questions-là. C'est quelque chose qui est nouveau, qu'on est en train de mettre en place, et on a des grandes préoccupations environnementales actuellement. Alors, il me semble que, dans tout développement de nouvelles industries, on devrait avoir des règles qui prennent soin de notre environnement, parce que ça débute, parce que ça commence et qu'on peut déjà intervenir. On a déjà de la misère à faire changer des vieilles industries qui existent depuis nombre d'années. Eux, ils commencent, ça fait qu'on pourrait déjà avoir une réglementation avec les nouvelles entreprises sur comment faire un développement responsable, je dirais.

Mme Picard : Est-ce que vous avez des idées de qu'est-ce qu'on pourrait exiger aux producteurs pour que ça aille mieux dans ce niveau-là?

Mme Ouimet (Renée) : Je pense qu'il y a du monde tellement mieux équipé que moi pour vous répondre à ça.

Mme Picard : C'est bon. Bien, merci, M. le Président. Je passerais la parole à la députée de Lotbinière, s'il vous plaît, si possible.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Frontenac.

Mme Picard : Frontenac.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Depuis le début, notre objectif avec ce projet de loi, c'est de protéger les jeunes. D'autres groupes en ont parlé, mais j'aimerais vous entendre sur l'interdiction des points de vente à proximité des établissements postsecondaires. Qu'est-ce que vous pensez de cette mesure-là?

Mme Ouimet (Renée) : On ne s'est pas posé la question, mais moi, je suis en santé depuis longtemps, puis on veut interdire le... tu sais, on fait déjà cette démarche-là par rapport à la malbouffe, mais par rapport aux écoles primaires, secondaires. Je ne sais pas, peut-être que l'intégrité fait qu'on va se poser la question sur tout ce qui peut avoir des méfaits sur la santé aussi, que ça serait dans un même... Mais, écoutez, on n'a pas de position spécifique par rapport à ça. Mais l'important, c'est d'avoir une cohérence sociale dans nos choix.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : O.K. Donc, mes autres questions étaient : La distance de 150 mètres versus 250 mètres, est-ce que ça vous semblait suffisant pour protéger efficacement les jeunes?

Mme Ouimet (Renée) : Vous parlez des cégeps, universités?

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Oui, postsecondaires.

Mme Ouimet (Renée) : Postsecondaires. Non, ce n'est pas loin, puis ça va les faire marcher.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Ouimet (Renée) : Excusez-moi. Non, non, sérieusement, on n'a pas de position par rapport à ça.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Parfait. Donc, moi, je repasserais la parole à M. le ministre.

M. Carmant : D'accord, merci. Puis je vais revenir à votre mention historique, là, que je trouvais intéressante. Alors, les mêmes années... en fait, la même année aux États-Unis, ils ont également baissé l'âge de la majorité, là, de 21 à 18 ans. Et ce n'est que 10 ans plus tard que les Américains ont décidé de rehausser l'âge de la consommation d'alcool à cause qu'ils avaient remarqué — parce qu'eux, ils suivent de près leurs statistiques chez les adolescents — qu'il y avait beaucoup d'adolescents qui se tuaient sur la route à cause de leur consommation d'alcool. En fait, en cinq ans, la consommation d'alcool était passée d'on ne sait pas trop combien à presque 80 % des adolescents qui consommaient de l'alcool. Quand vous dites qu'il faut attendre cinq ans pour évaluer l'impact de la légalisation du cannabis au Québec, alors qu'on n'a même pas d'outils fiables ou, en tout cas, disponibles facilement pour mesurer l'impact de cette consommation sur les capacités affaiblies des conducteurs, ne pensez-vous pas que c'est un peu... bien, qu'il faut être plus prudent que pas assez prudent dans ce contexte-là?

• (16 h 50) •

Mme Ouimet (Renée) : Je veux juste vous ramener à ce qui s'est fait au Québec par rapport à l'alcool. Et je trouve que les jeunes se sont beaucoup responsabilisés par rapport à l'alcool, en nommant un chauffeur désigné, en faisant attention à leur consommation. Et c'est une campagne de sensibilisation qui a eu un effet, un effet bénéfique. Et ce que ça montre, c'est qu'on peut faire des choses qui transforment les manières de faire de notre population puis des jeunes. Et ça, je trouve que c'en est un.

Moi, je vois plein de jeunes que je connais puis qui disent : Bien, non, moi, je ne consomme pas ce soir, c'est moi qui est chauffeur désigné. Ça ne veut pas dire que les autres ne prennent pas d'alcool, mais qu'il y a peut-être des choses à mettre en place comme ça. Parce qu'on a vu des approches qui ont été positives et qui ont donné des effets positifs au Québec. Puis j'aimerais mieux qu'on se compare à ça, ce qui a été positif dans ce qu'on a fait et comment les jeunes ont embarqué, que se comparer aux États-Unis, à quelque chose qui est négatif, parce qu'on a eu des bons résultats au Québec.

M. Carmant : Puis, pour vous, ça prendrait quelle forme, une campagne de sensibilisation positive dans le contexte du cannabis? Par exemple, celle qu'on a mise sur le... Dans les campagnes publicitaires qu'on fait actuellement, est-ce que ce serait quelque chose qui aurait un impact majeur, selon vous? Ou comment vous la verriez?

Mme Ouimet (Renée) : Écoutez, vous savez que les campagnes, c'est à long terme qu'ils font effet, que d'analyser l'effet d'une campagne, ça ne se fait pas en deux mois ni en trois mois. C'est vraiment la répétition pendant des années qui va donner un résultat. Et ce n'est pas juste la campagne publicitaire, mais c'est aussi l'information qui est autour, l'information qui va être dans les écoles, ceux qui vont aller donner de l'information aux jeunes, qui vont les accompagner, qui vont... que les jeunes vont avoir accès à c'est quoi, les effets secondaires.

Ça fait que je pense qu'on peut parler d'une consommation, qu'on peut informer les jeunes sur... effectivement, sans leur faire peur, mais des effets réels sur leur santé, que les jeunes soient vraiment bien informés de ça, que, s'ils vont acheter du cannabis, les vendeurs soient capables de bien les informer sur les effets, sur les interdictions, sur le fait qu'on ne peut pas conduire après avoir consommé du cannabis. Ça ne se fait pas juste dans une campagne publicitaire à la télé, ça va se faire à tous les niveaux, tu sais, ça se fait dans tous les secteurs en même temps.

M. Carmant : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Puis, par exemple, si on regarde les chiffres, encore une fois pour l'alcool, 30 ans plus tard, après ce changement-là aux États-Unis, par rapport au Québec, eux, là-bas, c'est un sur trois qui consomme de l'alcool chez les adolescents. Ici, on est encore en haut de 50 %. Eux, ils ont atteint le chiffre de 50 %, là, en combinant le changement de loi, tout en laissant l'âge de la majorité à 18 ans, et la campagne publicitaire, là, parce qu'eux aussi, ils ont eu leur campagne publicitaire. Ça leur a pris moins de 10 ans pour diminuer à 50 %. Donc, nous, on pense qu'une combinaison de ces deux efforts-là pourrait nous aider de façon significative. Ne pensez-vous pas que combiner les effets serait comme synergique?

Mme Ouimet (Renée) : J'ai de la misère avec l'idée de l'âge. Les jeunes, ils ont voté pour vous, et vous êtes là pour ça aujourd'hui. Ils sont assez matures pour faire ça. Mais on ne les considère pas assez matures pour choisir... C'est vrai qu'ils font des gaffes, puis c'est vrai qu'ils vont continuer à en faire, puis c'est vrai qu'il y en a un qui va fumer trop, puis ils vont l'expérimenter, puis les parents, on va les relever, puis on va leur donner de l'information. Puis à l'école, ils le font déjà, ils font... Ils vont leur interdire puis ils vont leur dire de quitter l'école parce qu'ils sont venus puis qu'ils ont consommé. C'est en faisant de... On ne croit pas, nous, que c'est en interdisant qu'on va atteindre les objectifs, que c'est vraiment plus en accompagnant.

M. Carmant : Il me reste un petit peu de temps, peut-être revenir sur le phénomène des difficultés scolaires des jeunes. La neurologue, ce matin, qui est venue nous visiter nous expliquait que les connexions du cerveau sont altérées par la consommation de cannabis chez les adolescents puis que ça affecte beaucoup le lobe préfrontal, là, qui impacte la prise de décision, qui impacte les émotions, etc. Et elle, elle semblait dire qu'effectivement cette consommation entraîne des difficultés chez les étudiants plus tard. Ne pensez-vous pas que ça aussi, c'est un message qu'il faut passer?

Mme Ouimet (Renée) : Oui, c'est un message qu'il faut passer, comme il faut passer le message par rapport à l'alcool, comme il faut passer le message par rapport aux dépendances au jeu, comme il faut passer le message par rapport aux écrans, comme il faut passer le message par rapport à la pornographie, comme il faut passer... Il ne faut pas... Il faut faire attention parce qu'à un moment donné, quand on embarque dans un dossier, on n'a plus de vision globale, on voit juste cannabis, cannabis, cannabis puis on ne voit pas que les dépendances, elles sont multiples et que, si on avait à agir sur la... à interdire toutes les possibilités de dépendance. Parce que vous avez vu dernièrement, ça vient de sortir, sur les déficits d'attention puis les écrans, est-ce qu'on va dire aux parents qu'on va faire une plainte à la DPJ s'il y a un enfant qui est devant un écran, avant cinq ans, pendant plus qu'une demi-heure par jour? Peut-être qu'on va se rendre là un jour, mais ce qui est le plus important, c'est d'outiller les gens pour qu'ils réalisent les impacts.

Et je ne suis pas sûre qu'il y a tant de jeunes que ça qui savent que le fait de consommer du cannabis, ça se pourrait que ça ait un effet dépressif à long terme. Je ne suis pas sûre que cette information-là... Les jeunes à qui je parle, ils ne la connaissent pas, cette information-là. Elle n'est pas dite dans les écoles actuellement, elle n'est pas...

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie pour votre réponse, madame.

Mme Ouimet (Renée) : Excusez, c'est la passion.

Le Président (M. Provençal)  : Non, il n'y a pas de problème. C'est mon rôle d'être obligé de vous interrompre. Les 11 prochaines minutes appartiennent à l'opposition officielle. Alors, M. le député de Pontiac, je vous cède la parole.

M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, merci d'être avec nous. Bien, je vous dirais que ça fait du bien de vous entendre. Le ministre disait ce matin qu'il y avait beaucoup de gens qui venaient parler de psychose, qui venaient parler de... qui avaient un petit peu le même point de vue que lui. Alors, c'est intéressant de vous entendre avec un point de vue différent.

Il y a quelques enjeux que je veux souligner dans votre mémoire. Je veux essayer de bien comprendre. À la page 7, dans la section Un choix médical et non un choix de santé publique, vous faites référence à une affirmation que le ministre a déjà faite, qui dit essentiellement : «Fumer du cannabis augmente vos risques de psychose de 40 %.»

Donc, vous puis moi, on va faire un petit peu de mathématiques, là, si vous le permettez. Si le député de Chapleau... moi, j'apprécie beaucoup le député de Chapleau, j'appréciais plus celui qui était là avant, mais j'apprécie beaucoup le député de Chapleau... Je présume qu'il ne fume pas du cannabis. J'ai raison? D'accord. S'il se met à fumer du cannabis demain matin, le député de Chapleau, est-ce qu'il augmente ses risques de psychose de... Est-ce que ça passe de 0 % à 40 % de chance qu'il fasse une psychose?

Mme Ouimet (Renée) : Non, vous avez la réponse qui est donnée dans notre quiz qu'on avait publié... que l'association québécoise de santé publique a publié.

Écoutez, je suis un peu mal à l'aise de... Vous me mettez dans une situation de malaise parce que je crois que la CAQ veut protéger nos jeunes, et je crois que vous voulez protéger nos jeunes, et je crois que le Parti québécois veut protéger nos jeunes, et je crois que Québec solidaire veulent protéger nos jeunes, et je crois qu'on doit trouver une manière de fonctionner ensemble pour les protéger plutôt que de se rentrer dedans, je vous dirais...

M. Fortin : Vous avez raison. Mais ce que je veux dire, c'est que ce chiffre-là...

Mme Ouimet (Renée) : Mais je ne vois pas le 40 %. C'est un chiffre que je n'ai jamais lu nulle part, mais peut-être que vous avez une information que je n'ai pas.

M. Fortin : En fait, je ne veux pas rentrer dans le député de Chapleau. Je veux le protéger. Je veux m'assurer qu'il comprend bien les risques liés à la consommation du cannabis...

M. Thouin : M. le Président, question de règlement, je demanderais au député de Pontiac de s'adresser au président et non pas directement au député de Chapleau. 35.4°.

M. Fortin : Je ne pensais pas avoir posé une question au député de Chapleau. Mais, si vous voulez...

Le Président (M. Provençal)  : Je prends bonne note. M. le député de Pontiac a amené l'exemple du député de... Mais je vais lui demander de changer...

M. Fortin : J'utiliserai vous comme exemple la prochaine fois, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Oui. Bien, je préférerais que ça soit moi qui sois la tête de Turc, effectivement.

M. Thouin : M. le député de Pontiac, si vous permettez, je crois qu'il y a une question qui a été posée : Est-ce que c'est vrai que tu ne consommes pas... ou vous ne consommez pas? Je pense que c'est une question directement posée au député.

M. Fortin : Très bien, très bien, très bien. Vous avez raison, vous avez raison, M. le député.

Le ministre a fait une affirmation un peu plus tôt, à savoir que la publicité dans la SQDC s'adressait, disons... Si publicité il y a, dans la SQDC, et c'est dans le mandat de la SQDC de le faire, une publicité au niveau de la prévention, de l'information, etc., on s'adresse à des gens qui fument déjà. Selon vous, la publicité ou la promotion, essentiellement la promotion de la prévention, la promotion de l'information, est-ce que ça peut avoir un impact positif à l'intérieur de la SQDC?

Mme Ouimet (Renée) : À l'intérieur?

M. Fortin : Oui, à l'intérieur de... La SQDC a un mandat de faire de la prévention, de faire de l'information.

Mme Ouimet (Renée) : À l'intérieur?

M. Fortin : Oui, absolument.

Mme Ouimet (Renée) : Oui?

M. Fortin : Oui. Est-ce que ça peut avoir un impact positif même si ces gens-là sont des gens qui consomment déjà du cannabis?

Mme Ouimet (Renée) : Bien, oui.

• (17 heures) •

M. Fortin : Très bien. Merci. Le ministre a fait référence un peu plus tôt aux dernières études, des études de l'Université McGill et certaines autres. Parlant de dernières études, il y en a une qui est sortie hier, et on l'a vue, dans le Guardian. Essentiellement, là, c'est des études auxquelles on a fait référence dans le passé dans cette commission-ci. C'est des études qui avaient analysé 40, 50, 60 personnes. Cette étude-là, elle s'est penchée sur 100 000 adolescents dans 38 pays. Et là je vais vous en lire un petit bout, c'est en anglais si ça ne vous dérange pas : «Analysing data about cannabis use among more than 100,000 teenagers in 38 countries — incluant le Canada — the University of Kent study found no association between more liberal policies on cannabis [use] and higher rates of teenage cannabis use.» Donc, essentiellement, ce qu'ils nous disent, c'est qu'ils ont analysé les habitudes de consommation de 100 000 jeunes et le cadre réglementaire ou le cadre législatif du pays et qu'ils n'ont vu absolument aucune corrélation entre les deux. Est-ce que vous croyez que ça fait du sens, ça, qu'il n'y ait pas d'association directe entre un cadre réglementaire qui, disons, prohiberait, ferait la prohibition d'un produit comme le cannabis et l'utilisation chez les adolescents?

Mme Ouimet (Renée) : Moi, j'ai été à plusieurs... pour essayer de m'informer, j'ai été à plein de conférences de chercheurs pour essayer de me faire une tête et j'ai beaucoup entendu dire, un, que la légalisation, à long terme, ne changeait pas la quantité de... c'est-à-dire ne faisait pas qu'il y avait plus de consommateurs de cannabis. Ça ne répond pas à votre question, hein?

M. Fortin : Bien, en partie, je vous dirais, en partie. Mais je pense que votre point de vue est bien compris. J'ai une dernière question pour vous, et ça, je vous dirais que ça me préoccupe beaucoup. Dans votre mémoire, vous parlez : Des jeunes, les plus démunis, seront désavantagés davantage par le fait de mettre dans des situations d'illégalité les consommateurs entre 18 et 21 ans. Est-ce que vous croyez que ça peut mener très directement à une stigmatisation, dans certains quartiers qui sont plus vulnérables, certains usagers qui sont plus vulnérables socioéconomiquement parlant? Vous y faites référence, là, pendant quelques phrases. J'aimerais ça vous entendre élaborer un petit peu là-dessus.

Mme Ouimet (Renée) : Bien, écoutez, c'est sûr que, si, dans un quartier, les jeunes se ramassent tous à une place pour aller consommer ensemble, on va les stigmatiser, mais que, s'ils sont dans un quartier où les parents sont propriétaires, puis ils peuvent fumer sur le terrain, et puis ils ne dérangent pas personne, il ne vont pas vivre la même stigmatisation que la petite gang qui va se retrouver dans un espace en cachette, puis que, là, bon, on risque d'avoir beaucoup de préjugés à l'égard de cette petite gang là de jeunes qui vont aller fumer du pot dans un endroit, oui.

M. Fortin : Très bien. Je pense que mon collègue de Marquette avait une question.

Mme Ouimet (Renée) : ...c'est ça, les enjeux de répression, ça a un impact important sur la santé mentale de la population, puis ça, il ne faut pas l'oublier.

M. Fortin : Très bien. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : M. le député de Pontiac, vous vouliez sûrement me demander que je cède la parole à votre collègue, en tout respect.

M. Fortin : Bien sûr. Vous apprenez bien votre rôle, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, vous voulez que je cède la parole à?

M. Fortin : Bien, à celui que vous voulez, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Non, ce n'est pas à moi à choisir.

M. Ciccone : Est-ce que je peux y aller?

Le Président (M. Provençal)  : Oui, allez-y.

M. Ciccone : Bien, merci beaucoup de votre présence. Moi, je vais y aller un peu sur la mécanique. On a parlé de prévention, on a parlé de problèmes mentaux. Cependant, moi, c'est juste sur la mécanique, puis je trouve qu'il y a des choses qui ne fonctionnent pas puis je veux vous entendre là-dessus.

Selon la réglementation, on empêcherait les utilisateurs de cannabis de fumer dans les lieux publics. Puis, quand je parle de lieux publics ici, là, bien entendu, je parle de l'extérieur. Je parle de l'extérieur, je parle des parcs, je parle des trottoirs. M. le ministre invoque beaucoup le fait d'émettre ce projet de loi là pour protéger, justement, les jeunes le plus longtemps possible. Cependant, forcer des utilisateurs à fumer à l'intérieur... Parce que le seul endroit que je peux voir où on peut fumer du cannabis, avec ces mesures-là, c'est de fumer à l'intérieur.

Alors qu'on dit qu'on veut protéger des jeunes le plus longtemps possible, là, maintenant, on veut fumer à l'intérieur, ce qui va faire en sorte qu'on va exposer les jeunes, justement, ceux qui ne fument pas, et même les adultes, à la fumée secondaire. Alors, on dit vouloir protéger les jeunes et ce qu'on ne dit pas, c'est qu'on expose justement des plus jeunes, même des bambins. Parce qu'il y a des jeunes, puis il y a des enfants, puis il y a des bébés qui vont être dans les maisons. Ne trouvez-vous pas ça, qu'il y a une ambiguïté avec cette mesure-là, justement, proposée par le ministre?

Mme Ouimet (Renée) : Oui. Oui, oui. Bien, on a la même position que la Santé publique, c'est que c'est complexe si on légalise quelque chose, mais on l'interdit partout. Tu sais, c'est deux poids, deux mesures. Puis effectivement les effets secondaires de la fumée, il y en a, ça fait que, si le seul endroit où c'est possible de fumer, c'est dans les maisons, c'est problématique. Puis on sait que, même dans les logements, bien, il y a plein de propriétaires qui l'ont déjà interdit, dans plein de condos, c'est interdit, dans des coopératives d'habitation, c'est interdit. Ça fait que, pour plusieurs, même dans leur lieu privé, c'est interdit, ça fait que ça... Bon, il y a quelque chose de... Tu sais, ça peut protéger la santé. Comme la cigarette, on sait qu'il y a eu quand même une diminution, en interdisant de fumer dans des bars et dans les milieux de travail, mais de là à l'interdire dans les lieux extérieurs... C'est complexe.

M. Ciccone : Avec ces mesures-là, justement, où plusieurs des personnes qui restent en condo, qui restent en appartement, où ça va devenir... on va l'interdire, là, est-ce qu'on ne force pas les gens, justement, à briser la loi, justement? Parce que, là, on n'a pas le choix puis on va être obligé de sortir.

Mme Ouimet (Renée) : Oui, bien oui. Bien, oui puis non. C'est une réponse... C'est oui si on est obligé d'aller fumer dehors, on va devenir illégal en allant fumer dehors, puis, de fumer en dedans, on ne peut pas parce que c'est interdit de fumer en dedans, mais qu'on vend du cannabis au coin de la rue, à la SQDC, et qu'on autorise que ce soit fumé, au Québec. Il faut que quelque part on fasse quelque chose qui a du sens.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. La parole est maintenant au député de Jonquière, représentant la deuxième opposition, pour les 2 min 45 s suivantes. À vous la parole.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup d'être ici. Je voudrais vous entendre sur la proposition qui a été faite, entre autres, par deux groupes, l'INSPQ et, tout à l'heure, Citoyenneté Jeunesse, qui ont proposé de vendre pour les jeunes jusqu'à 21 ans, voire même 25 ans, une gradation selon le niveau de tétrahydrocannabinol dans le produit de cannabis. Alors, est-ce que vous pensez que ça pourrait être une piste d'atterrissage? La question qui tue.

Mme Ouimet (Renée) : Bien, écoutez, je viens juste de lire cette semaine la position de l'INSPQ là-dessus, puis c'était quelque chose que je n'avais pas lu avant. Peut-être que ça peut être une piste d'atterrissage intéressante, mais ce n'est pas... Il faut y réfléchir.

M. Gaudreault : O.K. Donc, vous n'êtes pas totalement fermés, mais vous souhaiteriez peut-être prendre un peu plus de temps...

Mme Ouimet (Renée) : Bien, ni pour ni contre parce qu'on ne s'est pas positionnés, mais l'idée est intéressante. Mais, comme je vous dis, je l'ai lue cette semaine, leur position.

M. Gaudreault : Mais, en tout cas, si jamais vous réfléchissez davantage sur ce point, vous pouvez nous le transmettre, là, comme en annexe à votre mémoire, tant que la commission siège, il n'y a pas de problème. Madame, vous voulez ajouter un point?

Mme Boniewski (Monique) : Je pense qu'on parle beaucoup de consommation raisonnable quand on parle de l'alcool, ça fait que, peut-être, la réflexion serait intéressante aussi quand on parle de ce type de produit là, hein? Ça fait des années qu'on sait que les femmes doivent boire deux verres par jour, les hommes, trois, pas plus que tant par semaine, hein, et on ne boit pas tous les jours. Ça fait que peut-être que ça serait intéressant qu'on aille dans une direction comme ça.

On parlait de ça juste avant de rentrer, sauf qu'on n'avait pas d'élément pour dire : C'est de cette façon-là que ça devrait se faire. Mais, si on est capables de le faire pour l'alcool, si on est capables d'y penser pour la loterie, bien, certainement qu'on est capables de faire quelque chose avec ce type de produit là. Comment l'établir? Aïe! Moi, je ne suis pas marchande du tout, du tout. Communautaire. Ça fait que je n'ai aucune idée comment ça peut s'élaborer. Mais je suis certaine qu'il faut penser à... La consommation sécuritaire, ça devrait faire partie du cadre, peu importe l'âge.

M. Gaudreault : Il me reste du temps?

Le Président (M. Provençal)  : 20 secondes.

• (17 h 10) •

M. Gaudreault : Ah! Pourquoi vous dites que de laisser ça à 18 ans, ce n'est pas banaliser la consommation? En 15 secondes, là.

Mme Ouimet (Renée) : Bien, faire de l'information, parler des effets secondaires, parler des risques, parler d'une consommation responsable, ce n'est pas banaliser, c'est informer. Banaliser, ça serait dire : Le pot, ce n'est pas grave, prenez-en comme vous voulez. Ce n'est pas ce qu'on dit. Ce qu'on dit, c'est que ça a des effets secondaires, ça peut en avoir, c'est important de les connaître, c'est important de le savoir. Alors, c'est dans ce sens-là.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Merci beaucoup, madame. Alors, la finalité de cet échange sera avec la contribution du député de Jean-Lesage, pour les 2 min 45 s restantes. À vous.

M. Zanetti : Merci beaucoup. Merci pour votre témoignage. Moi, ce qui me marque beaucoup dans ce projet de loi, cette idée d'augmenter l'âge légal à 21 ans pour la consommation du cannabis, c'est qu'on crée deux catégories d'adultes. On dit : Il y en a que, bien, leur cerveau n'est pas assez développé pour prendre des bonnes décisions quant à leur propre santé et leurs propres choix de vie, puis il y a ceux qui ont plus de 21 ans. Et la question que je voudrais vous poser, c'est : Selon vous, est-ce qu'en traitant les jeunes adultes comme des enfants on va favoriser leur maturité? C'est la fin de ma question.

Mme Ouimet (Renée) : Selon nous, non. Selon nous, il faut les équiper pour qu'ils puissent agir, les informer, comme je vous disais, les accompagner, leur donner... Tu sais, on parle de soins, pouvoir avoir accès à de la psychothérapie, si on en a besoin, avoir accès à des organismes communautaires, avoir accès... si on a développé une dépendance, avoir un accès rapide à un centre d'intervention puis de connaître, d'être... Les jeunes, ils sont assez... Tu sais, la maturité, là, on passe notre vie à... On a 60 ans, puis on n'est pas encore complètement mature, tu sais? Ça fait qu'on passe notre vie à travailler ça. Ça fait que, 18 ans, c'est aussi d'assumer les risques que l'on fait, mais il faut les connaître, les risques, pour savoir si on les assume ou pas.

Puis il faut être valorisé. Tu sais, les facteurs de protection que je vous ai passés, ce n'était pas une blague, là, c'est si on est bien entouré, si on les valorise, si on leur donne une estime de soi, si leur vie, elle a du sens, c'est agir sur tout ça qui fait une société en bonne santé. Puis les jeunes, ils ne sont pas décrochés du reste de la société. C'est tout l'environnement qui crée la santé des individus. Donc, donnons-leur le pouvoir d'agir. Mais, pour donner un pouvoir d'agir, comme on disait, parce que Monique a donné une conférence là-dessus dernièrement, c'est... Si on veut les amener à pêcher, bien, ça se peut qu'on soit obligé de déblayer le chemin pour les amener jusqu'à la rivière et pour bien les équiper à pouvoir pêcher adéquatement. Ça fait que ce n'est pas juste dire : Va pêcher, mais c'est quoi, les...

Une voix : ...

Mme Ouimet (Renée) : Hein?

Une voix : Il faut toujours qu'il y ait du poisson dans la rivière.

Mme Ouimet (Renée) : Aussi.

M. Zanetti : J'ai une autre question.

Le Président (M. Provençal)  : 10 secondes.

M. Zanetti : Est-ce qu'avant la légalisation les jeunes de 18-21 ans avaient un problème d'accès au cannabis, selon vous?

Mme Ouimet (Renée) : Non.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup.

M. Zanetti : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, je remercie le Mouvement Santé mentale Québec pour leur contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux pour quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup, mesdames.

(Suspension de la séance à 17 h 14)

(Reprise à 17 h 17)

Le Président (M. Provençal)  : Nous poursuivons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue au Dr Richard Bélanger, à la Dre Isabelle Samson, à Mme Marianne Dessureault ainsi qu'à M. Bastien Quirion.

Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. Merci.

Mmes Marianne Dessureault et Isabelle Samson,
et MM. Richard Bélanger et Bastien Quirion

Mme Dessureault (Marianne) : Ah! Parfait. Bonjour. Donc, M. le Président, M. le ministre délégué, Mmes et MM. les députés, bonjour. Merci de l'invitation à cette commission parlementaire.

Mon nom, Marianne Dessureault, avocate et analyste en politique publique pour l'Association pour la santé publique du Québec, organisme qui regroupe citoyens, experts, organismes partenaires, qui a pour mission de faire la promotion des enjeux de santé publique. C'est dans cette perspective de multidisciplinarité que nous avons allié nos compétences pour vous présenter aujourd'hui une opinion commune et multidisciplinaire.

Tout d'abord, j'aimerais juste préciser qu'on comprend les inquiétudes et les préoccupations qui suivent la légalisation du cannabis. Ce n'est pas rien. L'idée n'est pas de banaliser les risques potentiels de la consommation. On partage vraiment l'opinion de l'ensemble des partis. Mais c'est parce qu'on comprend et plutôt qu'on considère ces risques-là qu'on vous présente aujourd'hui la position du maintien du cadre légal actuel, donc, un 18 ans... maintenir l'accès légal à 18 ans et de ne pas augmenter les restrictions relatives à la consommation sur les voies publiques.

Pour ma part, bon, il s'agit d'une opinion... une approche populationnelle qu'on pourra vous expliquer, que mes collègues vont pouvoir vous expliquer. D'un point de vue juridique, j'aimerais quand même, parce que c'est un peu plus ma compétence... je vais vous soumettre, là, quelques arguments.

Le ton prohibitionniste qui est proposé, et le fait de cibler certains jeunes, contrevient, bon, un, aux chartes — je pense que le Barreau a soumis un peu cette idée-là — mais aussi à l'esprit et à l'objet de la loi et du cadre fédéral. Et là ça pose un risque. En agissant de la sorte, on vient stigmatiser et discriminer un groupe de la population, donc les jeunes, et aussi principalement les gens qui n'ont pas accès à la propriété, donc souvent les locataires, qui sont un autre groupe plus vulnérable de la population. Et tout ça, bien, ce faisant, on limite les efforts qui sont investis ensuite en prévention.

Donc, tout cet ensemble de facteurs là viennent jouer sur ces perspectives-là. Puis je parlais, là, c'est... Au niveau des jeunes, on cible beaucoup au niveau des infractions. Les jeunes sont ciblés par les infractions qui sont relatives et les sanctions qui sont émises dans le projet de loi, plus que, exemple, d'autres consommateurs ou les autres parts de la population. Donc, c'est un point, là, que je pourrai développer au besoin. Je vais passer tout de suite la parole, puisqu'on est quatre.

• (17 h 20) •

M. Quirion (Bastien) : Bonjour. Bastien Quirion, je suis professeur de criminologie à l'Université d'Ottawa.

Bien, je tenais tout d'abord à remercier la commission de nous avoir invités. Ça va faire plaisir de répondre à vos questions concernant les recommandations qu'on retrouve dans le mémoire.

Tout simplement vous dire, comme la plupart des chercheurs qui ont passé une partie de leur carrière à étudier les politiques en matière de drogues, j'ai accueilli de façon très, très favorable le projet de... l'initiative du gouvernement fédéral de mettre en place une légalisation du cannabis. Je sais que c'est une initiative qui a suscité beaucoup d'inquiétude, mais je suis convaincu qu'il s'agit en fait de la meilleure avenue pour réduire efficacement les méfaits qui sont liés à l'usage du cannabis parce que c'est une initiative qui permet d'éliminer les conséquences, les conséquences négatives qui sont liées au régime de prohibition, tout en instaurant un contexte qui soit propice à une meilleure prévention auprès des groupes les plus vulnérables.

Or, en resserrant les règles, le projet de loi, tel que proposé, va avoir pour effet, à mon avis, de miner la portée de la légalisation du cannabis, et ça, de deux façons : premièrement, en maintenant un plus grand nombre d'utilisateurs, de consommateurs sous un régime de prohibition, en particulier des groupes de consommateurs particulièrement vulnérables, et, deuxièmement, en multipliant les obstacles à la mise en place d'une prévention efficace. Parce que, malgré ce qu'on peut penser, ce n'est pas en haussant l'âge jusqu'à 21 ans qu'on va retarder l'âge d'initiation au cannabis. On va tout simplement empêcher ce groupe d'âge de pouvoir s'approvisionner à l'extérieur du marché noir et aussi on va rendre la prévention encore plus difficile. J'ai déjà travaillé pendant une douzaine d'années auprès des jeunes en difficulté et je suis convaincu que l'intervention la plus pertinente en termes de prévention doit s'appuyer sur le dialogue, et en resserrant les règles et en interdisant l'usage, ce n'est pas une façon, à mon avis, qui nous permet de créer un contexte qui soit favorable, justement, à ce dialogue-là.

En ce qui concerne l'interdiction de consommer dans les endroits publics, il s'agit d'une mesure qui va se traduire par une discrimination en ce qui concerne certains groupes d'individus qui sont déjà dans une situation de vulnérabilité. C'est-à-dire que les individus qui bénéficient le moins d'accès à la propriété ou à des espaces privés vont subir une certaine forme de discrimination à laquelle vont échapper des gens qui sont dans une situation où ils sont un peu mieux nantis. On pense, en particulier, à des groupes d'individus qu'on retrouve... qui sont dans une situation de précarité, particulièrement en milieu urbain, on pense aux itinérants, aux jeunes de la rue, aux personnes qui sont hébergées dans des institutions. Et la mise en place de ces nouvelles mesures risque de conduire à la création, à mon avis, d'un système de régulation à deux vitesses, donc d'un système qui traiterait différemment les individus en raison de leurs ressources financières.

Donc, c'est pour cette raison que nous sommes d'avis qu'on ne devrait pas opter pour des mesures plus restrictives. Le gouvernement provincial serait beaucoup plus avisé de mettre en place des campagnes de sensibilisation et d'essayer d'attendre une période pour aller évaluer l'impact de la législation actuelle, pour vérifier si effectivement il y a des ajustements qui pourraient être faits dans quelques années. Merci.

M. Bélanger (Richard) : Bonjour. Richard Bélanger. Je vais tenter d'être bref. Pédiatre, médecin d'adolescence, je suis aux premières loges des inquiétudes qui entourent le cannabis et sa légalisation.

Consommer du cannabis, c'est loin d'être avantageux pour le cerveau des jeunes, nul doute à ce sujet. Ces évidences ne peuvent, par contre, pas seules dicter une politique publique, selon nous. Faut-il rappeler que ce n'est pas parce que le cannabis est bon que sa légalisation fut faite au Canada, mais parce qu'il est consommé par plusieurs, dont les jeunes, et que l'encadrer vise à minimiser les dégâts qui peuvent lui être associés? Les minimaliser en établissant des limites importantes pour tous, mais particulièrement pour les jeunes. En cela, la légalisation actuelle apparaît acceptable : absence de marketing, distance minimale des établissements scolaires. La légalisation du produit a également créé l'opportunité de réaliser des campagnes d'information nationales, provinciales et, on le souhaite, pourra systématiser les interventions en milieux communautaires et scolaires par des montants dédiés. Dans quelques mois, des données sur l'impact de la législation québécoise sur les perceptions et l'usage du cannabis par les adolescents du secondaire seront même disponibles.

Si c'est par le message qu'il lance aux jeunes que le projet de loi n° 2 souhaite atteindre sa cible, nous croyons qu'il fait fausse route. Bien que l'adolescent développe ses aptitudes et son esprit critique sur plusieurs années, il n'en est pas moins rapidement un fin détecteur d'illogismes et d'injustices. Comment comprendre qu'il peut voter, accepter seul des interventions pour son état de santé ou même acheter de l'alcool et du tabac à 18 ans et non du cannabis maintenant légal? Introduire une telle incongruité, c'est menacer la confiance des jeunes envers les messages lancés par le gouvernement et ses institutions. La protection du mineur, restons inflexibles sur ce point, mais la confiance en des adolescents et des jeunes adultes bien informés, c'est ce qui devrait être envisagé.

Par contre, l'arrivée prochaine, légale, de produits comestibles du cannabis est un nouvel élément à suivre de près. Les données américaines mais également européennes indiquent une hausse des cas d'intoxication, chez les enfants et les adolescents, associés à ces produits, tout comme ceux de haut niveau de THC. Les États américains ayant permis la vente de certains produits du cannabis d'allure anodin sont revenus sur leur décision et ont changé leur législation devant les évidences. C'est dans de telles contraintes, et non dans la hausse de l'âge de la légalisation, que des gains sont envisageables pour les jeunes.

Mme Samson (Isabelle) : Je vais m'aventurer, mais j'en ai plus qu'une minute à dire, mais je n'en ai pas plus que trois. Alors, merci pour votre travail. J'aimerais éclairer nos échanges en y ajoutant la perspective des médecins spécialistes de mon association, dont je suis la présidente, les médecins qui se spécialisent en santé publique, et médecine préventive, et en médecine du travail, quoique je vais surtout parler ici d'une perspective de santé publique.

Comme vous le savez, les médecins, nous sommes formés pour faire du diagnostic et du traitement en tenant compte non seulement des dimensions physiques, mais psychologiques et sociales. Les médecins de mon association, on y travaille, mais moins individu par individu, plus groupe par groupe. Et, pour ce faire, pour faire notre diagnostic, on a des outils un peu différents. On a de la formation en épidémiologie pour voir comment évoluent les maladies et les comportements, en enquête pour déconstruire les enquêtes, et bien les interpréter, et aussi pour apprécier les études scientifiques, les forces, les faiblesses de ces études, distinguer les associations des éléments qui peuvent révéler de la causalité et aussi voir c'est quoi, ces risques relatifs, comme du 40 %, qu'est-ce que ça peut vouloir dire en termes de risque absolu. Tout pour nous aider à faire un bon diagnostic.

Ici, on trouve qu'on malmène un petit peu la science. Mais néanmoins, même si on généralise certains risques, nous partageons qu'il y a un risque pour certains, en ce qui concerne le cerveau, et qu'il faut être prudent avec cette substance et le message qu'on lance aux jeunes. Il nous faut donc un traitement. Et notre façon de penser au traitement, c'est groupe par groupe.

Il y a ici trois groupes. Alors, pour le premier groupe, les non-utilisateurs, il faut faire des efforts de prévention, c'est sûr, et il y a une science à la prévention, mais il faudrait aussi aller au-delà de de la sensibilisation et d'agir sur l'âge légal. Mais les deux autres groupes sont les consommateurs occasionnels et les consommateurs réguliers — je termine sous peu. Pour les consommateurs occasionnels, il faut éviter à tout prix qu'ils consomment du cannabis puissant et dangereux qui peut accroître le risque de psychose et de dépendance. Et les forcer de s'approvisionner dans la rue n'est pas un bon traitement. Et, pour les consommateurs réguliers, qui ont souvent des comorbidités, et là, le débat, c'est la poule ou l'oeuf, eux, ils ont besoin de services en temps opportun et de bonne intensité. Et c'est pour ces raisons qu'on vous recommande le maintien...

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie. Je vous ai laissé quand même un temps supplémentaire que je trouvais louable pour votre présentation. Je vous remercie. Alors, l'exposé étant terminé — excusez-moi — nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour les 16 min 30 s.

M. Carmant : Merci beaucoup de vous être déplacés. Encore une fois, merci, surtout avec le court délai, là, pour vous préparer, merci d'être là puis de nous faire une présentation si bien montée. Je pense que votre contribution, là, surtout les trois groupes, là, c'est des choses qui vont faire avancer nos réflexions.

Encore une fois, je le répète, là, nous, ce qu'on vise dans le projet de loi n° 2, c'est vraiment aider aussi les adolescents. Et, tu sais, tout ce concept de donner accès à des produits, tu sais, comme de la SQDC, comment on peut appliquer ça chez les plus jeunes, en fait? Comment vous voyez que ça pourrait... Pourquoi vous dites que, si on augmente l'âge, on n'aura pas d'impact sur nos adolescents?

Mme Samson (Isabelle) : Je ne serais pas prête à dire qu'il n'y aurait pas d'impact. Je pense ici qu'il faut revenir à la notion de groupe. Alors, pour les non-utilisateurs, il y aurait peut-être un potentiel, surtout si la substance n'était pas par ailleurs si disponible, comme... il n'y avait pas un marché clandestin florissant. Mais, dans le cas actuel, il ne faut pas oublier, comme je l'ai dit, les deux autres groupes, qui sont les utilisateurs déjà. La vaste majorité ne sont que des utilisateurs occasionnels. Pour eux qui consomment déjà, pour un certain temps, enfin, de les forcer à s'approvisionner dans la rue n'est pas la solution.

Alors, l'impact de l'âge légal, c'est une science assez imprécise, je pense qu'il y en a qui vous l'ont dit, mais ce n'est pas dit que ça n'aura jamais d'impact. Des fois, ça a des impacts paradoxaux, des fois non. Mais c'est comme si c'était tout un marché de non-utilisateurs, alors que ce n'est pas la réalité actuelle.

• (17 h 30) •

M. Carmant : En fait, nous, on les voit comme... En fait, les chiffres, c'est : 75 % sont déjà des utilisateurs. Donc, ce concept de les ramener est puissant, oui, mais ce n'est pas ce qu'on voit dans la réalité. En fait, les chiffres qu'on a de la SQDC nous disent que seulement 2 % des 18-20 ans — en tout cas, les chiffres en ligne — vont s'approvisionner à la SQDC. Puis ça, il me semble, c'était prévisible, quand on comprend la situation dans laquelle ces jeunes sont.

Mme Dessureault (Marianne) : Si je peux me permettre, votre question aussi, tout à l'heure, était : Comment les protéger, ces adolescents, avec les produits de la SQDC? Les produits de la SQDC étant contrôlés, on sait exactement ce qui s'y trouve. Je pense que ça, c'est peut-être le meilleur moyen. Les employés ont également une formation sur place.

À mon sens, ce n'est pas en excluant une portion de ces jeunes qu'on va justement les ramener. On ne les ramènera pas après le 21 ans non plus. S'ils n'ont pas commencé plus tôt ou été sensibilisés au produit, que ce soit... les moyens de sensibilisation, plus jeunes, donc dès le 18 ans qu'ils ont accès... on ne pourra pas... on va les exclure de manière permanente. Donc, c'est sûr que ces moyens de prévention là, c'est peut-être la meilleure manière, auprès de la SQDC, justement.

M. Carmant : J'aimerais vous poser quelques petites questions spécifiques, là, par rapport à l'aspect légal, justement. La loi fédérale, ça permettait la culture de quatre plants de cannabis à domicile, et ceci n'a pas été adopté avec le projet de loi n° 157. Pourtant, on n'a pas eu de représailles du gouvernement fédéral. Pourquoi êtes-vous si inquiets qu'on modifie l'âge? Parce que la loi dit aussi qu'on a le droit de décider l'âge de début de consommation, et, dans d'autres provinces, ils ont choisi 19 ans.

Mme Dessureault (Marianne) : Je vous dirais là-dessus, bon, oui, c'est de la compétence provinciale de décider. Par contre, il ne faut pas oublier que, là, on marque un écart important entre deux substances, entre plus... la majorité, l'âge de majorité et l'âge pour un droit pour avoir accès au cannabis. Donc, cette incohérence crée un effet discriminatoire, mais c'est surtout l'aspect prohibition. Dans le fond, on dit : Au Canada, à 18 ans, vous avez le droit de voter, vous avez le droit de faire preuve... d'être émancipé de l'autorité parentale, mais vous ne pouvez pas acheter de cannabis. Pourtant, le cadre fédéral, donc l'esprit de la loi fédérale est vraiment... l'objet étant de permettre.

Il y a un adage souvent qu'on entend : On ne peut pas faire indirectement ce qu'il est interdit de faire directement. Je vous le dirais a contrario. Donc, c'est un peu le même principe, donc c'est l'aspect un peu prohibition, qui est permis par l'esprit de la loi fédérale, que, là, je crains qu'au niveau légal... qu'on soulève dans le mémoire, est plus dangereux. Je ne dis pas... En tant que tel, oui, ça paraît de compétence provinciale, mais il faut maintenir l'esprit de la loi fédérale, puis c'est là que c'est un danger.

M. Carmant : Puis, à propos de cette contradiction, si on regarde, par exemple, aux États-Unis, l'âge de la majorité est aussi à 18 ans, et pourtant ils consomment l'alcool et le cannabis à 21 ans. Est-ce que vraiment nos jeunes sont si différents d'un côté et de l'autre de la frontière?

M. Quirion (Bastien) : Probablement pas. Je reviendrais juste sur la question de l'âge de 21 ans. Le principal problème que je vois, je l'ai mentionné tout à l'heure, c'est qu'on va maintenir un groupe d'âge dans un régime de prohibition. Et je sais que les inquiétudes sont autour de la question à savoir: Est-ce qu'il va y avoir une augmentation de l'utilisation de cannabis dans nos sociétés? Bien, on est devant un fait que c'est un groupe d'âge qui consomme déjà plus que les autres groupes d'âge, donc on est déjà avec une population qui a un taux de consommation.

Et moi, je pense que, là où le gouvernement doit s'attarder, ce n'est pas tant sur le taux de consommation qu'on a dans la société, mais sur le fait qu'on est face à un usage qui peut être dangereux, qui peut ouvrir sur des dépendances, qui peut ouvrir sur des problèmes de santé. Et il faut qu'on ait un régime qui permette, justement, de réduire les problèmes qui sont associés à la consommation, et non pas de réduire la consommation en tant que telle. Et, dans ce sens-là, de maintenir un régime de prohibition, c'est qu'on est en train de... ça empêche de mettre en place une véritable campagne de prévention qui va justement éviter qu'il y ait plus de problèmes de consommation problématique qui soient associés à l'usage.

M. Carmant : Bien, en fait, moi, je pense... Nous, on compte absolument faire cette campagne de prévention, et, en fait, contrairement à ce qui a été dit auparavant, l'argent dédié au fonds de prévention du cannabis n'a pu être dépensé, car le gouvernement précédent avait négligé d'établir les règles de gestion du fonds et des revenus du cannabis, se contentant d'annoncer les millions sans faire le travail qu'on a dû faire quand on est arrivés au pouvoir.

Ce que je voulais dire aussi, également, c'est que l'INSPQ nous a écrit un document disant qu'en matière de consommation d'alcool des recherches ont montré que le rehaussement de l'âge légal de consommation pouvait conduire à une diminution de la précocité de l'âge d'initiation, et les changements à la baisse de l'âge légal, à une plus grande précocité.

Donc, que pensez-vous de ce qu'ils avancent? Est-ce contraire à ce que vous nous dites?

Mme Samson (Isabelle) : Non, je pense que c'est tout à fait ce que je disais tantôt. C'est qu'il y a plusieurs groupes ici dont on... La réalité, c'est qu'il y a présentement des gens qui sont non utilisateurs, puis d'augmenter l'âge légal... Enfin, il y a toutes sortes de méthodes d'influencer les normes sociales. Les normes sociales, si on travaille bien, ont un impact certain sur l'initiation. C'est que, là, en ce moment, on est dans un marché qui vient d'être légalisé, et les produits illicites sont abondamment disponibles, des produits illicites. Votre jeune va s'approvisionner dans la rue, ce qui n'est pas le cas pour l'alcool. L'alcool, c'est du détournement de stock légal que les jeunes en bas de 18 ans prennent. Ce n'est pas le même contexte. Éventuellement, peut-être serons-nous là, mais je ne pense pas qu'on peut comparer les réalités de l'alcool, en ce moment, à celles du cannabis.

Je ne sais pas si mes collègues ont de quoi à ajouter, mais je pense que, pour l'instant, on n'est pas là.

M. Carmant : Mais pourquoi... Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il vaut mieux être prudents, prévenir. On a vu, par exemple, ce qui s'est passé pour la Loi sur le tabac, qui a été resserrée à multiples occasions. Nous, on dit : Soyons stricts dès le départ, et, si tout va bien, là, on pourra se donner un peu d'espace.

Mme Samson (Isabelle) : On a la même intention, stricts à la bonne place, pas stricts à des endroits qui vont avoir des effets pervers. Je veux dire, dans plusieurs... Dans le tabac, par exemple, il y a eu, à un moment donné, des intentions, des bonnes intentions. On va sensibiliser au primaire. C'est le passage du primaire au secondaire qui fait le problème. On s'est mis à donner des informations sur le tabac à l'âge primaire. Il y a eu une augmentation du taux de tabagisme. La science de la... La prévention, il y a une science. Ce n'est pas tout resserrement et toutes précautions qui vont donner les effets escomptés. Chaque chose en son temps.

Et là, présentement, considérant le taux de jeunes qui consomment du cannabis, ce n'est pas le temps de les empêcher d'aller vers le marché légal. On les force à rester, la consommation, dans la rue. Puis, les gens dans la rue, je ne suis pas sûre qu'ils ont une éthique et une... enfin, je ne les connais pas tellement, mais je ne suis pas sûre qu'ils n'ont pas une logique marchande, eux autres avec, puis ils n'ont pas des intentions... En tout cas, moi, je serais bien dérangée si mon jeune consommait dans la rue. Puis je ne sais pas ce qui va arriver avec l'alcool. Il y a un détournement de stock légal vers les plus jeunes. Je ne sais pas ce qui va arriver avec le cannabis. Alors, chaque chose en son temps.

M. Carmant : Et ne pensez-vous pas qu'en fait ce n'est pas dans... c'est dans la cour d'école? Ne pensez-vous pas que notre stratégie devrait pointer le revendeur qui est dans la cour d'école en le réadaptant? Ne serait-ce pas une bonne stratégie?

Mme Samson (Isabelle) : Je ne suis pas criminologue, là, ça fait que...

M. Quirion (Bastien) : Oui. Dans la cour d'école, oui, il faut protéger les enfants contre ce contact-là. Mais la question de... Je reviens à la question de monter l'âge de 18 à 21 ans. Je pense qu'on sort de la cour d'école. On parle de jeunes adultes qui, en principe, sont supposés être des gens qui sont autonomes. Ils ont accès à des privilèges qui sont donnés à tous les citoyens. Je verrais mal comment on puisse justifier le fait que, par rapport à ce produit-là en particulier, il y aurait une exception, à ce moment-là.

Et je reviens avec cet argument en disant que la meilleure façon, je pense, de rendre ces adultes autonomes là encore plus responsables, c'est de leur transmettre l'information, leur transmettre les informations disponibles. Et ce que plus de 100 ans de prohibition en Amérique du Nord nous a démontré, c'est que, dans un régime de prohibition, c'est très difficile de faire des campagnes de prévention où on transmet l'information aux gens pour qu'ils soient capables d'arriver à un usage qui soit responsable puis un usage qui soit contrôlé.

Donc, dans ce sens-là, j'ai bien peur qu'en étendant le contexte de la prohibition à un groupe d'âge de plus on risque de perdre cette tranche d'âge là pour mettre en place des campagnes de prévention qui soient efficaces puis qui pourraient justement éviter qu'il y ait un dérapage vers des pratiques qui soient plus problématiques.

M. Carmant : Même si on fait ces campagnes-là en amont du début de la consommation?

• (17 h 40) •

M. Quirion (Bastien) : Ah! il faut le faire le plus tôt possible, je suis bien d'accord, sauf que, comme je vous dis, si on ne peut pas... Je l'ai mentionné tout à l'heure, si on n'est pas dans un contexte où on peut ouvrir le dialogue avec les jeunes sur les risques, sur les méfaits qui peuvent être associés à la consommation, ça devient très difficile de mettre en place une campagne comme celle-là. Et, dans un contexte d'interdiction, le dialogue est particulièrement difficile. J'ai travaillé pendant longtemps avec des jeunes qui étaient placés dans des centres d'accueil. Dans un registre où c'est interdit, c'est très difficile d'en arriver à une campagne de prévention qui soit efficace.

Donc, ça permettrait, pour les jeunes adultes, à ce moment-là, d'être capable de mieux cibler les besoins de ce groupe-là.

M. Carmant : D'accord. M. le Président, est-ce qu'on pourrait passer la parole... vous pourriez passer la parole au député de Chapleau?

Le Président (M. Provençal)  : Oui.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour. Donc, comme vous savez probablement, donc, les jeunes consomment de l'alcool autour de 13, 14 ans. On pense que rehausser l'âge à 21 ans permettra de retarder la première consommation de cannabis chez les jeunes. Dans le fond, le rehaussement de l'âge légal a fait ses preuves en matière de tabac et d'alcool, notamment aux États-Unis. On a pu le constater dans plusieurs États américains à cause, évidemment, de l'élimination de l'effet de la consommation de proximité.

À l'exception de la prévention puis la sensibilisation, est-ce que vous connaissez d'autres mesures plus efficaces pour retarder la première consommation chez les jeunes? Avez-vous des idées par rapport à ça?

Mme Samson (Isabelle) : À l'exception de quoi, vous avez mentionné?

M. Lévesque (Chapleau) : Donc, de la prévention et la sensibilisation, là.

Mme Samson (Isabelle) : Bien là, la prévention, c'est énorme, là. C'est ce que vous...

M. Lévesque (Chapleau) : Donc, il y a l'aspect législatif qu'on propose, nous, ici. Il y a aussi la prévention.

Mme Samson (Isabelle) : Oui, puis ça peut rentrer dans le monde des préventions.

M. Lévesque (Chapleau) : C'est ça, prévention, sensibilisation.

Mme Samson (Isabelle) : Les politiques publiques rentrent dans le monde de la prévention.

M. Lévesque (Chapleau) : Puis est-ce qu'il y a autre chose, selon vous?

Mme Samson (Isabelle) : Bien, là où la loi est très forte, puis chapeau! c'est tous les aspects de casser le marketing, là. Je vous le dis, avec la cigarette électronique puis la Juul qui s'en vient, tassez-vous, là. Je veux dire, au niveau du cannabis, la loi, en ce moment, elle a été solidement faite, là, parce que... Et puis là tout le nerf de la guerre, ça va être de rester comme ça puis ne jamais tomber dans une logique marchande. Mais, vous voyez, ça, on est dans des grosses politiques publiques, là, on est loin d'être dans la prévention individuelle, là.

Chose certaine, c'est que c'est... Quand on parle de la prévention individuelle, souvent on ne parle que de la sensibilisation, et tout ça, mais il y a beaucoup plus dans la prévention. Je pense qu'on vous l'a déjà dit, il y a tout le renforcement des facteurs de protection à bas âge, et tout, mais je ne sais pas... Je ne pense pas que c'est ça que vous voulez entendre, là, mais...

M. Lévesque (Chapleau) : Je vous écoute, c'est beau. Donc, vous reconnaissez en quelque sorte que le volet législatif peut être un atout important pour retarder la première consommation. C'est ce que j'en comprends.

Mme Samson (Isabelle) : Bien, le volet législatif est très important. La question, c'est le rehaussement de l'âge, et là-dessus, nous, on dit que ce n'est pas le bon moment, que ce n'est pas la bonne mesure en ce moment.

M. Bélanger (Richard) : Ce n'est pas le bon contexte aussi. Vous avez fait référence au tabac, à l'alcool aux États-Unis, au rehaussement de l'âge, particulièrement dans les années 70, dans un contexte où le milieu n'avait pas accès à du tabac illégal ou bien moins qu'actuellement face au cannabis, la même chose par rapport à l'alcool. Ce qu'on décrit ici, c'est que la politique publique doit être faite en fonction, en effet, de la région, de l'endroit, et de l'historique, et de l'accès.

Donc, la population québécoise est un grand consommateur de cannabis, pas le plus élevé au Canada. La population des jeunes reste la population de grands consommateurs aussi. Donc, de rendre l'accès aux jeunes un peu plus tard, nous, en effet, on ne croit pas que ça va favoriser la première consommation plus tardive. Au final, ils vont consommer, mais de manière illégale parce que le produit, il est disponible.

M. Lévesque (Chapleau) : J'aimerais ça revenir également sur un point que vous avez dit, le fait de rehausser l'âge pourrait rendre inopérante, donc, la loi. Si on prend l'exemple de l'alcool, je vais parler pour mon comté et ma région, donc il y a la frontière avec l'Ontario, en Ontario, l'alcool, c'est 19 ans, dans d'autres provinces également. Ça n'a pas rendu pour autant la loi inopérante, le fait qu'à 18 ans ils n'aient pas accès à l'alcool, donc, en Ontario. Donc, je ne vois pas en quoi le fait qu'à 21 ans ça rendrait inopérante la loi.

Mme Dessureault (Marianne) : Mais, rapidement, c'est la différence. On parle d'un an, même quelques mois seulement de différence d'âge. Là, on parle de trois ans. Donc, c'est dans l'aspect de longueur de cette prohibition-là, là, qui rend... qui augmente les facteurs de risque d'une contestation constitutionnelle, là, un petit peu plus.

Le Président (M. Provençal)  : Il reste six secondes. L'opposition officielle prend le relais des échanges pour les 11 prochaines minutes. La parole est à M. Fortin.

M. Fortin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs dames. Merci d'être avec nous, de nous faire valoir votre point de vue. Je vous connais une grande expertise en santé publique, de toute évidence, et j'aimerais qu'on s'attarde aux risques en matière de santé publique.

Si je vous propose, par exemple, deux scénarios, j'aimerais que vous nous disiez lequel de ces deux scénarios aurait un plus grand risque en matière de santé publique. Est-ce que quelqu'un qui fume à l'intérieur des quatre murs de son appartement, fume un joint de cannabis, disons, à l'intérieur des quatre murs de son appartement, avec des gens autour, pose un plus grand risque en matière de santé publique que quelqu'un qui fume dehors? Avec un oui, non et pourquoi.

M. Quirion (Bastien) : Oui, tout à fait, c'est clair. Ce que les études démontrent, les études démontrent... de la même façon que pour le tabac, les effets de la fumée secondaire sont réels, O.K.? Mais, les études, ce qu'elles ont permis de constater aussi, c'est qu'il y a des facteurs environnementaux qui vont jouer sur l'effet négatif que va avoir la fumée secondaire : la question, par exemple, de la durée de l'exposition, la pièce, l'aération, la ventilation. Ce qui fait que, dépendamment du milieu dans lequel on est, on peut essayer de réduire l'effet secondaire associé à la fumée, que ce soit du cannabis ou du tabac.

Je pense qu'un des problèmes qu'on a autour du resserrement sur l'usage dans l'espace public, dans les rues ou dans les parcs, c'est que ça risque de pousser les gens à aller consommer dans des endroits fermés, dans des endroits privés ou des endroits où il n'y a pas les facteurs environnementaux qui pourraient permettre de réduire, justement, le caractère néfaste qui est associé à ça. Donc, ce serait, à mon avis, contre-productif.

M. Fortin : Alors, pour quelqu'un, disons, qui est propriétaire de sa résidence, son condo, disons, ce que le projet de loi du gouvernement ferait, c'est faire en sorte que cette personne-là devrait fumer à l'intérieur des quatre murs de son condo, puisqu'il ne pourrait pas fumer dehors sur l'espace public, et donc il y aurait un plus grand risque de santé publique.

Maintenant, si je pense au locataire, la ville de Gatineau est venue nous dire essentiellement, la semaine dernière, que le projet de loi fait en sorte que, pour poser un geste légal, fumer, la personne devrait poser un geste illégal, fumer dehors. Une des solutions de rechange du ministre, c'était que cette personne-là consomme des produits dérivés ou des produits autres qu'un produit fumé.

D'un point de vue de santé publique, est-ce que c'est meilleur pour moi ou est-ce que c'est moins pire pour moi de fumer, ou de consommer, ou d'avoir, même dans l'appartement... ou de consommer un produit dérivé? Qu'est-ce qui pose le plus grand risque en matière de santé publique, outre le risque très évident, là, disons, qu'un enfant consomme un produit en pensant que c'est un biscuit, un gâteau ou autre chose, ce qui s'est déjà passé à quelques reprises, là, au cours des derniers mois?

Mme Samson (Isabelle) : Il y a des risques aux deux scénarios, là. La fumée intérieure, ce n'est pas bon, pas tant juste pour la fumée, mais aussi parce qu'on est en plus grande proximité de nos enfants, souvent, qui vont plus nous voir. Puis il y a un enjeu de normes, de banalisation si tu vois tes parents fumer, comme on voit les parents prendre un verre de vin constamment devant les enfants. On ne voudrait pas se rendre là avec le cannabis. Il ne faut pas répéter les erreurs du passé.

C'est sûr qu'il y a des enjeux avec les comestibles aussi. C'est sûr qu'on les craint beaucoup, les comestibles, puis peut-être que, Richard, tu voudrais ajouter là-dessus. Mais c'est sûr qu'il y a un effet pervers, il y a un apprentissage beaucoup plus complexe de la consommation et puis les effets beaucoup plus longs avec la consommation. Je te laisse peut-être prendre le relais.

M. Bélanger (Richard) : Pour répondre correctement à votre question, il faudrait prendre, un peu comme on l'a fait dans d'autres situations, des contextes encore plus précis. Chez un non-consommateur, de s'exposer la première fois à un produit comestible, est-ce que c'est la meilleure manière de prévenir les méfaits? Bien, en fait, ce qu'on voit, c'est : dans l'inexpérience, il y a plus de chances de s'intoxiquer. C'est pour ça qu'on voit, particulièrement chez les jeunes, une hausse des cas de consultation aux urgences qui sont en lien avec les produits comestibles. Donc, il y a une inquiétude.

Est-ce que c'est une bonne réponse pour ne pas exposer les jeunes, les enfants, les autres membres de la famille aux produits nuisibles par la combustion du cannabis? En effet, c'est une alternative qui apparaît moins nuisible. De manière intéressante, une étude, aux États-Unis, qui a regardé des jeunes hospitalisés pour des problématiques de santé respiratoire a retrouvé, chez un fort pourcentage, presque une vingtaine de pour cent, du THC à l'intérieur de l'urine de ces jeunes-là. Juste pour vous dire que de l'exposition passive aux THC, aux cannabinoïdes, ça existe.

M. Fortin : Alors, de toutes ces situations-là, disons, celle qui pose le risque le moins grand en matière de santé publique, surtout pour les gens autour du consommateur initial, c'est de fumer dehors, si je comprends bien.

• (17 h 50) •

Mme Samson (Isabelle) : Absolument, parce que le scénario de fumer à l'intérieur puis le scénario de se virer vers les comestibles, c'est les deux pires scénarios des trois que vous nommez. Fumer dehors est le moins pire des scénarios, absolument.

M. Fortin : D'un point de vue de santé publique, risque de santé publique, qu'est-ce qui est plus nuisible pour la personne de 19 ans qui est un consommateur en ce moment, là, aujourd'hui, qui consomme et qui va consommer après le passage hypothétique du projet de loi de la Coalition avenir Québec : s'approvisionner à la SQDC, avec un produit dont on connaît la teneur en THC, en CBD, ou s'approvisionner dans la rue, là, comme vous l'avez dit tantôt, chez un revendeur comme on les connaît, disons?

M. Bélanger (Richard) : Je pense qu'on peut tous se prononcer, c'est à la SQDC.

M. Fortin : Alors, à travers le projet de loi présenté par la CAQ, voyez-vous un aspect, que ce soit le 18-21 ans, que ce soit la consommation en public... Voyez-vous un aspect du projet de loi qui peut diminuer le risque au niveau de la santé publique?

Mme Samson (Isabelle) : Je vais vous conter une anecdote où... Je suis présidente de l'association de médecins spécialistes. Vous savez que les psychiatres étaient très vocaux à l'effet que ça devait être 21 ans, et moi, avant que ça devienne un projet de loi, d'accroître l'âge légal, là, je me disais : Bien, je trouve ça bien correct que les psychiatres sortent puis qu'ils disent : Faites attention à votre cerveau, parce qu'on ne veut pas banaliser.

Ceci dit, quand on rentre dans la législation, connaissant le contexte actuel puis les trois groupes dont je vous ai mentionné, donc des consommateurs occasionnels puis des consommateurs réguliers, je ne vois rien et je crois que personne ici ne voit d'avantage dans les changements législatifs actuels. Ce n'est pas le bon moment.

M. Fortin : Très bien. Je vous remercie, c'est très clair. M. le Président, je crois que ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce a également des questions.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Ça me fait plaisir de vous accorder la parole.

Mme Weil : Bien, merci beaucoup, M. le Président. Alors, je comprends qu'il y a un intérêt pour parler des enjeux juridiques, et donc le Barreau... je voulais savoir si vous avez eu l'occasion de lire leur mémoire.

Donc, il faut savoir qu'on ne peut pas comparer de juridiction à juridiction. Donc, on a la charte canadienne, qui est reconnue comme la plus forte des chartes dans le monde, et même Ruth Bader Ginsburg, en recommandant à d'autres pays qui veulent adopter des chartes, s'inspire de la charte canadienne. Elle, c'est une sommité, évidemment, à la Cour suprême des États-Unis.

Comme on ne peut pas nécessairement... Donc, le Canada peut se comparer, mais c'est toujours un test. Alors, je voulais juste confirmer que, bon, vous êtes d'accord avec cette analyse du Barreau, et donc c'est sûr qu'il y a... c'est l'équilibre entre la... Il y a la question de proportionnalité. Il faut être capable de démontrer, donc, le bienfait. Donc, je voulais aller sur cette question.

Et par ailleurs le Barreau souligne l'enjeu de l'applicabilité, qui revient beaucoup aussi. Moi, ce que je trouve intéressant, c'est : en écoutant tous les acteurs de santé publique, il y a un parallèle qu'on peut faire avec des arguments que le Barreau fait, mais dans un cadre juridique. Donc, l'objectif d'une législation, c'est qu'il doit être applicable et qu'il y ait adhésion à la population qu'on cible. Dès qu'on n'a pas d'adhésion, on manque, on rate notre objectif et notre cible parce qu'on ne va pas rejoindre les objectifs qu'on s'est donnés de réduire la consommation. Et il souligne justement les objectifs de santé publique. Donc, on voit que la justice... c'est-à-dire l'analyse juridique vient rejoindre beaucoup la santé publique.

Parce que vous êtes beaucoup sur ces questions-là, je me demandais si vous avez une réaction à cette question d'inapplicabilité parce que les règles, elles sont difficiles à appliquer. Il y a deux enjeux, l'âge évidemment, mais aussi le territoire où on ne peut pas fumer — on n'en a pas beaucoup parlé — ou consommer.

Mme Dessureault (Marianne) : Bien, exactement, oui, je suis d'accord, il y a un... je suis d'accord avec l'opinion que le Barreau a émise. Au niveau de l'applicabilité, c'est sûr que, s'il n'y a pas moyen d'appliquer la loi ou que les forces de l'ordre ne soient pas capables de s'y retrouver, il y a une incohérence. On parle objectifs, ça ne sert à rien.

Vous mentionnez ensuite, là, au niveau... vous avez parlé, là, l'applicabilité, là, au niveau de la loi. On en parlait d'ailleurs dans le mémoire, que ce soit pour les locataires... Où iront-ils? Où iront-ils? Ils se retrouvent dans l'illégalité. Donc, on veut qu'ils respectent la loi, que nos citoyens respectent la loi d'un côté, mais ensuite on ne leur offre pas l'opportunité de la respecter. Donc, il leur faut un cadre, il faut trouver un endroit, et c'est là que ça se joue.

Et, oui, il y a une complémentarité entre la santé publique, les objectifs juridiques. Le juridique, bon, on vient interpréter la loi, on vient l'appliquer tout simplement, sauf que ça se base... souvent, ces argumentaires légaux là se basent sur des principes sociaux de nature plus... de droit naturel. Et là la santé publique entre en jeu de manière très importante, parce qu'il faut que les objectifs urgents ou les liens rationnels se basent sur la science, qui sont mes collègues, là, plus en santé publique. Donc, oui, il y a tout à fait un lien.

Mme Weil : Donc, c'est ça. Donc, si on adopte une loi, si la loi est tout simplement aussi ignorée parce qu'inapplicable, elle perd son sens. Et le législateur doit adopter des lois qui seront applicables. C'est l'objectif, essentiellement. Donc, ce que je comprends de ce que vous dites, allons beaucoup par la prévention, le dialogue, la sensibilisation précoce, à tous les âges, pour que l'adulte, jeune adulte, à 18 ans, 19 ans, puisse agir en conséquence.

Mme Dessureault (Marianne) : ...si je peux me permettre, oui, parce que vous avez aussi vos forces de l'ordre qui doivent être en mesure de l'appliquer, mais aussi ne pas que les jeunes se sentent ciblés non plus. On le sait, là, en général, là, on en entend, des groupes, ils se disent : Ah! mon Dieu, bon, je me sens persécuté, la police, etc. Bien, c'est la même chose, il faut qu'on ait une adhérence collective à une loi et, dans cette mesure, il faut que ce soit logique, il faut que les gens la comprennent. Et là on n'est pas dans une perspective que le jeune de 18 ans ne comprendrait pas pourquoi je peux fumer, je peux voter, je peux m'acheter une maison, mais, le cannabis, pourtant, je n'y ai pas accès, alors que je voudrais me retrouver dans un système légal, respecter la loi pour les années à venir avec un produit à moindre risque et contrôlé de la SQDC puis avec l'information aussi qui est donnée par les employés de la SQDC.

Le Président (M. Provençal)  : Je dois vous interrompre. Je vous remercie beaucoup. Le député de Jonquière utilisera les 2 min 45 s qui suivent, qui ont été attribuées au deuxième groupe de l'opposition. À vous.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup d'être ici. J'aime bien la composition de votre quatuor : avocate, criminologue, pédiatre, médecin. Ça donne vraiment une belle diversité et surtout une solidité puis une rigueur à votre présentation.

Je vous trouve sévères dans votre mémoire, pages 11 et 12, sur les liens entre la recherche et, je dirais, les conséquences, là, de cette recherche-là. Et vous dites, au fond, que les liens sont trop ténus entre cannabis et schizophrénie pour en faire une loi d'application générale, là. C'est comme si le ministre voulait utiliser un canon pour tuer une mouche, là, disons. Alors, est-ce que je me trompe? Est-ce que vous pouvez aller un peu plus loin là-dessus?

Mme Samson (Isabelle) : Oui, absolument.

M. Gaudreault : Absolument, je me trompe?

Mme Samson (Isabelle) : Encore là, oui, je vais... Non, non, pardon. Je vais en dire un peu plus. On ne nie pas, il y a certaines études assez solides, surtout pour la psychose toxique, puis Dr Bélanger pourra poursuivre là-dessus. Pour ce qui est de la schizophrénie, les études sont moins solides. Mais, tu sais, c'est un débat sémantique.

Ce qu'on voulait apporter dans le mémoire, c'est ce que j'ai mentionné tantôt, c'est de faire attention de transposer un risque relatif de 40 %. Quand on le regarde d'une façon absolue, c'est beaucoup moindre. Et en médecine, si je peux me permettre, il y a le fameux «number to treat», alors le nombre de cas qu'on devrait prévenir de consommer du cannabis pour prévenir un cas de schizophrénie.

Puis c'est très ambitieux de penser que la loi peut avoir un effet aussi solide que de diminuer. Admettons que relation causale il y avait, ce qui n'est pas du tout le cas pour la schizophrénie, c'est loin d'être prouvé, mais plus fort pour la psychose toxique, il faut penser à la puissance de l'intervention thérapeutique. Est-ce qu'elle peut atteindre ses fins, cette... ce changement législatif pour prévenir un cas de schizophrénie, par exemple? Mais nous, on croit que non.

M. Bélanger (Richard) : Pour répondre à votre question, en fait, la science autour du développement du cerveau devrait être utilisée pour ce qu'elle est et non pour prendre des décisions de santé publique. C'est l'argument principal, en fin de compte, avancé dans le mémoire. C'est toute la science sur le développement cérébral, sur les impacts au niveau de la dépression, du risque suicidaire, qui a sûrement été nommé aussi, quand on voit des jeunes qui consomment de manière régulière avant l'âge de 18 ans, les risques augmentés. C'est des réalités que nos jeunes vivent, c'est des réalités qu'on voit à l'intérieur même de notre pratique clinique.

Est-ce que c'est sur cette base-là que l'âge de la légalisation devrait être changé? Bien, pour l'instant, en fait, des évidences en santé publique sur la meilleure manière, outre les aspects de prévention, d'arrêt de marketing, des choses qui ont été réalisées aux États-Unis, qui répondent très bien à ce questionnement-là, ce n'est pas présent. Donc, à partir de ce moment-là, essayons de se baser sur l'expertise des personnes en santé publique pour établir des politiques de santé publique.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. La conclusion va appartenir au député de Jean-Lesage. Alors, à vous la parole pour les échanges.

• (18 heures) •

M. Zanetti : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. C'est très éclairant.

Il y a une question sur laquelle je voudrais vous entendre développer, c'est la question des suites légales qu'il pourrait y avoir à ça. Par exemple, vous soulevez l'idée que la loi pourrait être, disons, difficile à accepter par rapport aux chartes, là, et j'aimerais savoir quel genre de recours légal les citoyennes et citoyens pourraient entreprendre, advenant que cette loi-là soit mise sur pied?

Mme Dessureault (Marianne) : Bien, c'est un recours... Disons, une personne qui va se faire arrêter, par exemple, va devoir contester et faire les requêtes. Donc, monter cette contestation-là, avec les coûts de représentation que cela représente, donc c'est vraiment... Si c'est une amende, au niveau provincial, ça demeure une cour municipale. Donc, c'est sûr que ce n'est pas criminel. La loi fédérale le dit clairement. Par contre, ça vient augmenter, là, l'embourbement des cours municipales, Régie du logement, s'il s'agit des baux de location, donc, tout dépendant du contexte. Mais c'est sûr que, pour a monter, si on veut venir contester la constitutionnalité ou... en vertu de la charte, c'est des plaintes auprès soit de la Commission des droits de la personne... et c'est de le monter. C'est le genre de dossier, selon moi, qui monterait assez haut, là. On n'arrêterait pas ça en simple cour municipale, là. Ça irait en Cour supérieure, si ce n'est pas en Cour d'appel et, encore là, peut-être en Cour suprême.

Donc, c'est sûr que c'est beaucoup d'investissements. C'est un citoyen... On en avait parlé avec les plants de cannabis. Je pense qu'il y avait certains citoyens qui s'étaient alors, à ce moment-là, manifestés en disant : Nous voulons contester toute arrestation ou toute amende reçue. Ce serait le même principe.

M. Zanetti : Super, merci. Et, sinon, selon vous, l'accès au cannabis, là, pour les 18-21 ans, avant le 17 octobre dernier, est-ce qu'il était difficile ou est-ce qu'il posait problème à ceux qui voulaient consommer, selon l'expérience que vous en avez?

M. Bélanger (Richard) : Non, pas du tout.

M. Zanetti : O.K. Excellent. Et quel est, selon vous... Parce qu'on a parlé de plusieurs méfaits. D'ailleurs, c'est l'argument aussi du INSPQ, là, c'est-à-dire augmenter l'âge à 21 ans puis interdire dans les lieux publics va créer plus de méfaits qu'actuellement. Alors, selon vous, mettons, si vous aviez à les hiérarchiser, là... J'adresse ma question, on va voir qui y répond, mais quel serait le pire méfait, disons, parmi ceux qui sont là?

Le Président (M. Provençal)  : Rapidement, s'il vous plaît. 10 secondes.

Mme Samson (Isabelle) : Bien, on l'a dit à plusieurs reprises, c'est qu'on garde les jeunes à s'approvisionner dans la rue, puis ce n'est vraiment pas le bon contexte actuellement pour faire ça.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie les quatre membres du collectif pour votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. Et merci d'avoir permis à notre collègue d'utiliser son temps.

(Suspension de la séance à 18 h 3)

(Reprise à 19 h 32)

Le Président (M. Provençal)  : Alors, bonsoir. La Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 2, Loi resserrant l'encadrement du cannabis.

Ce soir, nous entendrons la ville de Montréal et l'Union des municipalités du Québec. Avant de procéder, je demande votre consentement pour permettre à la députée de Vaudreuil de participer à la séance de ce soir. Dans nos règlements, l'article 132, «participation d'un non-membre», tous les critères, madame... Excusez-moi. La députée de Vaudreuil possède tous les critères pour pouvoir participer à la rencontre. Cependant, j'ai besoin de l'acceptation ici, savoir si j'ai votre consentement. Consentement? Merci. Ça va? Merci beaucoup.

Alors, est-ce qu'on a besoin d'extension de temps? Alors, compte tenu qu'on a commencé un petit peu plus tard, 19 h 32, je demande s'il y a un consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue. Ça va? Merci beaucoup.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la ville de Montréal. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à commencer votre exposé. À vous la parole, Mme la mairesse.

Ville de Montréal

Mme Plante (Valérie) : Merci beaucoup. Alors, tout d'abord, je tiens à saluer M. le ministre, bien sûr, M. le Président, ainsi que Mmes et MM. les députés. Et je tiens à présenter celui qui m'accompagne ce soir, M. Sylvain Caron, le chef de police de la ville de Montréal.

La loi fédérale légalisant le cannabis a certainement introduit un changement important dans notre société. Cette situation est nouvelle pour tous et toutes. Et, en tant que mairesse de la métropole, je partage les préoccupations des citoyens à l'égard de cette nouvelle réalité, qui, on le rappelle, demeure tributaire d'une décision du gouvernement fédéral. D'emblée, je souhaite dire qu'en tant que mairesse de Montréal j'encourage la population à adopter de saines habitudes de vie et de limiter la consommation de cannabis, alcool ou tabac.

Afin de se préparer adéquatement en vue de ce passage vers la légalisation, la ville de Montréal a, comme vous le savez, élaboré une approche prudente et mesurée, appuyée sur des études et des données probantes. Nous avons également appuyé notre réflexion sur les travaux d'un comité d'experts indépendants, composé de chercheurs, de criminologues, de médecins oeuvrant dans le domaine de la santé publique, ainsi que d'organismes du milieu, tels que La Maison Jean-Lapointe, L'Anonyme, CACTUS Montréal et le réseau pour la stratégie autochtone en milieu urbain. Permettez-moi, d'ailleurs, de les remercier pour leur incroyable travail. Ce comité nous accompagne depuis 2017 dans le développement d'une approche cohérente, structurée, et surtout adaptée à notre réalité urbaine et métropolitaine.

La ville de Montréal a fait connaître en 2018 son approche à l'égard de l'encadrement du cannabis dans le cadre des consultations relatives au projet de loi n° 157. Comme nous le faisions valoir alors, la mise en oeuvre d'un modèle efficace, inclusif et socialement acceptable de légalisation du cannabis au Québec ne peut pas se faire sans un partenariat réel et solide entre tous les ordres de gouvernement. La métropole estime que le modèle d'encadrement qui a été développé depuis est adéquat et qu'il tient compte de sa réalité.

Le projet de loi n° 2 introduit, quant à lui, des restrictions accrues qui, dans le contexte montréalais, soulèvent d'importants défis d'applicabilité. L'approche mur à mur qui est proposée ne convient tout simplement pas à la réalité de Montréal. Dans une perspective de reconnaissance des statuts de métropole et de gouvernement de proximité, et en conformité à l'entente Réflexe Montréal, je vous demande, M. le ministre, d'adapter votre projet de loi en fonction des éléments suivants.

Tout d'abord, nous nous devons de soulever d'emblée les importantes difficultés que pose, pour nous, l'interdiction de fumer du cannabis sur les voies publiques. Si l'odeur de fumée de cannabis constitue pour certaines personnes un désagrément, la ville de Montréal est d'avis que la fumée secondaire extérieure ne peut pas être assimilée à une nuisance justifiant une interdiction totale de la consommation sur les voies publiques. Les experts en santé publique sont unanimes. L'exposition à la fumée est plus dommageable à l'intérieur qu'à l'extérieur. C'est particulièrement vrai pour les personnes plus vulnérables, comme les enfants, les femmes enceintes, les personnes aînées et les personnes souffrant de maladies cardiorespiratoires. Je suis très sensible à cette réalité.

En ce qui concerne l'habitation, nous devons noter que, si les restrictions proposées dans le projet de loi peuvent aisément s'appliquer là où l'on retrouve un cadre bâti peu dense et principalement constitué de résidences unifamiliales, ces mêmes restrictions ne sont pas compatibles avec la réalité urbaine et le tissu social complexe de la métropole. Vous le savez, Montréal se distingue par sa très grande densité, sa démographie ainsi que sa réalité immobilière unique. On compte plus de 60 % de locataires et un nombre très élevé de personnes vivant en copropriété. Nous savons également que de très nombreux propriétaires privés, 86 % des membres de la CORPIQ, ont modifié ou modifieront les baux afin d'interdire de fumer du cannabis dans leurs logements. De nombreuses conventions de copropriété ont également été modifiées en ce sens. Nous respectons ce droit en tous égards.

Donc, l'interdiction de fumer du cannabis dans les lieux publics, introduite dans le projet de loi n° 2, risque d'affecter davantage certaines catégories de personnes, notamment les jeunes adultes, qui sont plus nombreux à être locataires et à fumer du cannabis, car, oui, la quasi-totalité des consommateurs de cannabis, 95 % selon l'Institut de la statistique du Québec, en font usage sous forme fumée. Je ne suis pas une experte en santé publique, mais je suis une femme pragmatique et je considère que les Montréalais seront mal desservis par une approche théorique qui ne peut pas s'appliquer dans la réalité métropolitaine. Outre les enjeux d'équité sociale soulevés précédemment en ce qui a trait aux personnes locataires, on doit aussi considérer sérieusement l'impact d'une telle mesure sur les personnes marginalisées, notamment les personnes en situation d'itinérance. L'interdiction de fumer du cannabis dans les lieux publics et dans les parcs aura pour effet de les placer de facto en situation d'illégalité.

Par ailleurs, il est illusoire de penser que la consommation de cannabis fumé, qui était une réalité dans l'espace public alors que la substance était illégale, cessera alors que la substance est maintenant légale. Une interdiction de consommation mur à mur dans les lieux publics entraînera un décalage entre les attentes de la population quant aux mesures coercitives pour empêcher la consommation dans l'espace public et les ressources disponibles pour y arriver.

Les restrictions contenues dans le projet de loi n° 2 soulèvent d'importants enjeux d'applicabilité pour la ville de Montréal, et plus particulièrement pour son service de police, qui se voit confier davantage de responsabilités quant au contrôle des comportements des citoyens. Tel que mentionné dans le document de positionnement de la direction de la santé publique sur la consommation de cannabis fumé dans les lieux publics extérieurs, et je cite, «il peut être difficile pour un administrateur de la loi de distinguer si une personne fume un produit du tabac ou un produit du cannabis, en particulier lors de l'utilisation d'une vapoteuse ou lorsqu'une personne se trouve à une certaine distance — par exemple dans un parc».

Sur ce, je passe la parole au chef du SPVM, M. Sylvain Caron.

• (19 h 40) •

M. Caron(Sylvain) : Alors, d'une part, cela crée dans la population des attentes très élevées à l'égard des policiers, alors que les ressources disponibles sont loin de permettre un tel niveau de réponse. Le SPVM ne dispose pas des ressources nécessaires pour surveiller les comportements de chacun des fumeurs et fumeuses montréalais, et encore moins pour contrôler le type de substance qu'ils fument. La légalisation du cannabis en octobre dernier a entraîné dans la population montréalaise de nouvelles habitudes de consommation sur la voie publique. Les nouvelles restrictions introduites par le projet de loi n° 2 impliquent que le SPVM devrait contrecarrer ces mêmes habitudes acquises en toute légalité au cours des derniers mois. Le SPVM anticipe par conséquent une hausse de volume d'appels liés à l'application de ces restrictions.

Actuellement, le délai de réponse, c'est-à-dire le temps qui s'écoule entre l'appel au 9-1-1 et l'arrivée des policiers sur les lieux d'un incident classé de catégorie 3, catégorie qui serait classée pour la nature de l'appel, se situe aux alentours de 15 minutes. L'ajout de plaintes relatives à la consommation de cannabis sur la voie publique risque d'accroître davantage les délais de réponse. À ceci s'ajoute l'effort supplémentaire en matière de présence policière qui serait requis pour assurer un effet dissuasif à la consommation de cannabis fumé sur la voie publique. En effet, les interventions policières ne découlent pas uniquement d'appels logés au 9-1-1, mais également des observations des policiers lors de patrouilles préventives ou patrouilles de visibilité. Prises globalement, ces mesures entraîneront une augmentation de la charge de travail des policiers, ce qui occasionnera des coûts additionnels pour les contribuables montréalais et des délais supplémentaires pour le traitement de certains dossiers. Je repasse la parole à Mme Plante.

Mme Plante (Valérie) : À la lumière des informations annoncées par le chef du SPVM, la ville de Montréal souhaite que l'application du chapitre IV de la Loi encadrant le cannabis soit confiée à des inspecteurs relevant du gouvernement du Québec selon le même modèle qui est en place pour le contrôle du tabac. De plus, sur la base des réflexions énoncées précédemment, qui tiennent compte à la fois des objectifs de santé publique, de la densité et de la réalité montréalaise, nous demandons qu'un amendement soit inclus au projet de loi n° 2 de manière à permettre à la ville de Montréal de se soustraire à l'interdiction introduite à l'article 7 de la consommation de cannabis fumé sur les voies publiques et dans les parcs.

Avant de conclure, j'aimerais aborder l'enjeu financier. Dans son mémoire déposé en 2018 relativement au projet de loi n° 157, la ville de Montréal avait exposé avec grande rigueur les coûts de la légalisation du cannabis sur ses opérations. À ce titre, la ville est satisfaite des termes de l'entente fédérale-provinciale sur le partage des revenus. Ceci a notamment permis la mise en place du programme Actions concertées pour contrer les économies souterraines, le programme ACCES Cannabis. Toutefois, des sommes supplémentaires destinées aux autres fonctions municipales sont toujours attendues avec impatience pour l'ensemble des municipalités québécoises. La ville de Montréal compte notamment dédier ces sommes pour appuyer des actions en prévention et en sensibilisation, notamment auprès des jeunes.

En conclusion, j'aimerais rappeler que des actions concertées et développées en partenariat avec les municipalités, les directions régionales de santé publique et les acteurs du milieu sont la clé d'une transition harmonieuse vers la légalisation du cannabis au Québec. La Loi sur l'encadrement du cannabis doit respecter les principes d'autonomie municipale et de respect de ses compétences d'aménagement du territoire et d'urbanisme. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Merci pour votre exposé. Nous allons commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole vous appartient pour 16 min 30 s.

M. Carmant : Alors, merci beaucoup, Mme la mairesse, M. Caron, de votre présence puis aussi d'avoir déposé le mémoire dans un si court délai.

Comme nous le répétons depuis le début de la commission, notre volonté est vraiment de lancer un message clair et fort pour protéger nos jeunes, incluant les adolescents, des effets néfastes du cannabis. La légalisation banalise le cannabis. Pourtant, c'est un produit néfaste pour les jeunes. Nous savons que le geste de fumer en public contribue à banaliser encore plus cette drogue et le tabac aussi. Les interdictions liées à la cigarette ont fait en sorte que le geste de fumer n'est plus socialement acceptable, et le tabagisme a fortement diminué. En fait, c'est le double de fumeurs de cannabis par rapport au tabac. Donc, on augmenterait de beaucoup la population en train de faire ce geste de fumer.

La semaine dernière, le maire de Gatineau aussi nous a proposé d'inclure un droit de retrait pour sa ville. Ceci permettrait à sa municipalité de se retirer de l'application dans les lieux publics. Si vous aviez la possibilité de permettre l'usage du cannabis dans votre ville, comment le feriez-vous?

Mme Plante (Valérie) : Bien, en fait, on continuerait à appliquer la loi telle qu'elle est actuellement, c'est-à-dire de se coller à la même réglementation que la consommation du tabac, et pour des raisons très simples, à savoir pour une question de cohérence. Pour l'instant, un utilisateur, que ce soit de cannabis ou de tabac, a les mêmes règles. On ne peut pas fumer, par exemple, dans une aire de jeu pour enfants ou autour des... Il y a un périmètre, une distance autour des établissements d'enseignement. Bref, il y a une cohérence, c'est-à-dire : on se colle aux mêmes règles, que ce soit la question du cannabis ou que ce soit la question du tabac, puisque, dans les deux cas, ces substances sont légales.

M. Carmant : Par exemple, si on prend un lieu, par exemple, comme... la loi a été acceptée en octobre, mais, par exemple, cet été, comment verriez-vous la consommation libre à la place des Festivals, par exemple? Comment ça se traduirait?

M. Caron (Sylvain) : Écoutez, lorsque la loi est claire, évidemment, il y a une application qui se fait. Alors, compte tenu des festivités, c'est-u familial, c'est-u un rassemblement populaire, alors il y aurait évidemment, peut-être, des dispositions particulières à adopter en fonction des particularités des fêtes qui sont sur le territoire de la ville de Montréal, puisqu'il y a plusieurs fêtes et plusieurs rassemblements au cours de l'année. Alors, on va appliquer la loi évidemment en fonction de ce que le législateur va décider d'appliquer, là, pour... d'édicter.

Mme Plante (Valérie) : Et, si je peux rajouter, M. le ministre, déjà, depuis l'application, nous avons décidé que... Pour différents événements, entre autres dans le centre-ville, je pense à la parade de la Saint-Patrick, également à la Fête des neiges, donc, la Saint-Patrick qui se passe dans la rue et la Fête des neiges qui est dans le parc Jean-Drapeau, on a déterminé... on a fait une ordonnance que, pour un périmètre délimité ainsi que pour des dates précises, toute consommation de cannabis est interdite, parce que, bien sûr, ce sont des rassemblements où il y a beaucoup de monde et, bien sûr, beaucoup de familles.

M. Carmant : Et est-ce que ces règles-là ont été respectées?

Mme Plante (Valérie) : Si elles ont été respectées? Oui. En fait, pendant la Saint-Patrick, on a eu très, très peu... Il n'y a pas eu d'appels particuliers, il n'y a pas eu de plaintes qui ont été émises. Et on en discutait, M. le chef de police et moi, comme quoi, vous savez, c'était déjà le cas, bien sûr, avec le tabac, mais même... Maintenant, le cannabis est légal, mais avant, même quand il était illégal, les gens le consommaient. Et il y avait toujours, quand même, une approche de civisme qui était appliquée de façon, comment dire, assez naturelle. M. Caron?

M. Caron (Sylvain) : Il y a tout le temps eu, quand même, une certaine tolérance dans certaines activités au cours des années antérieures, même avant le 17 octobre. Alors, évidemment, dépendamment du type de rassemblement auquel on se trouve, alors c'est des fêtes familiales, comme je disais tantôt, ou des rassemblements populaires, il y a tout le temps eu quand même une certaine tolérance. Si on pense au mont Royal, avec les tam-tam du dimanche après-midi, s'il avait fallu appliquer la réglementation à cet endroit-là, écoutez, on n'a pas la capacité, là, et à tous les dimanches, depuis tout le temps, je crois, légal ou pas légal...

M. Carmant : Et ceci ne pose pas de problème pour vous dans le futur?

M. Caron (Sylvain) : Écoutez, ce qui arrive, c'est qu'actuellement ces genres d'appels là, évidemment, ne sont pas traités de façon prioritaire. Et, quand il n'y a pas de débordement, ou il n'y a pas de désagrément, ou il n'y a pas de problème de sécurité publique comme tel, bien, nos policiers vont traiter ça en dernier recours. Alors, on donne des priorités. Vous savez qu'à chaque jour, actuellement, sur l'île de Montréal, il y a plus de 100 appels en lien avec la santé mentale. Bien, une personne qui est en problématique de santé mentale est plus urgente que d'aller s'occuper d'une personne qui fume à quelque part une substance qui est devenue légale maintenant.

Et là, évidemment, c'est difficile de mesurer les impacts au moment où on se parle parce que, depuis le 17 octobre, on est dans une période hivernale. Alors, les impacts de la légalisation vont commencer à se connaître au cours des prochains mois, là, avec l'été qui s'en vient, évidemment. Mais actuellement il n'y a pas de débordement puis ça se déroule quand même assez bien sur la voie publique et les endroits où que les gens... Il n'y a pas de débordement actuellement.

M. Carmant : Et, M. Caron, nous remarquons que de plus en plus de jeunes considèrent le cannabis comme une drogue sans danger. Comment pensez-vous que les adolescents considèrent le cannabis depuis la légalisation? Est-ce que leur conception a changé?

• (19 h 50) •

M. Caron (Sylvain) : Écoutez, je ne suis pas un expert dans le domaine, évidemment, là. Alors, moi, je suis là pour appliquer une réglementation. Est-ce que les jeunes ont changé de comportement? À ma connaissance, non. Évidemment, on a eu... Je pense que l'ouverture de la SQDC, de la société québécoise... a eu quand même assez des impacts importants. Je pense que les jeunes s'inscrivent dans la démarche d'aller l'acheter sur le marché licite, malgré qu'on a des gens qui sont à contrecarrer, de la contrebande. Il y a du travail qui se fait depuis que les équipes sont en place, à l'automne passé. Plusieurs enquêtes sont en cours.

Alors, évidemment, notre priorité, c'est de s'occuper de la contrebande, clairement, puis de la conduite avec les capacités affaiblies. Alors, évidemment, ça, c'est des priorités que le service de police entend axer au cours des prochains mois et des prochaines années, considérant la légalisation du cannabis.

Mme Plante (Valérie) : Sinon, pour compléter, bien, effectivement, dans les sommes qui ont été négociées, il y a une partie qui est intimement liée à tout ce qui touche la sensibilisation et faire des campagnes de sensibilisation, et ça, c'est absolument essentiel. Et on veut pouvoir faire ce travail-là en amont avec nos jeunes, mais avec tous et toutes. Et, bien sûr, je comprends votre préoccupation pour les jeunes, mais je tiens quand même aussi à mentionner les communautés marginalisées, qui sont très nombreuses à Montréal parce qu'effectivement on est plus nombreux. C'est, entre autres, une réalité. Mais il faut absolument garder en tête... Et il y a beaucoup de ces jeunes qui sont, entre autres, marginalisés, mais on ne veut pas encore plus les marginaliser. On ne veut pas les rendre illégaux, dans une perspective où, actuellement, encore une fois, c'est légal de pouvoir en consommer, encore faut-il savoir où.

M. Carmant : M. Caron, pourriez-vous nous parler un peu plus de la contrebande que vous avez mentionnée? Comment ça se manifeste? Que pouvez-vous nous dire un peu sur la contrebande?

M. Caron (Sylvain) : Bien, écoutez, c'est sûr que, depuis le... C'est très récent, O.K.? On se comprend que, depuis le 17 octobre, alors, évidemment, il y a du travail qui se fait. Il y a quand même un marché illicite qui est présent, et qu'il faut détecter, et puis enquêter, puis, évidemment, traduire devant les tribunaux. Alors, quelle sera l'ampleur? Actuellement, je ne suis pas en mesure de vous dire l'ampleur que peut prendre... parce que c'est très récent comme impact. Ce que je peux vous dire, c'est que les gens qu'on a, évidemment, affectés à cette unité-là ont beaucoup de travail à effectuer, et il y a des résultats, déjà, des accusations de portées. Alors, je serais plus en mesure après un an d'évaluer, je pense, l'impact important en termes de contrebande. Mais, clairement, c'est nécessaire d'avoir des équipes qui s'occupent de cet aspect-là, parce qu'il restera toujours un petit marché illicite, puis ça va prendre quelques années avant qu'on puisse, évidemment, voir une certaine accalmie de ce côté-là.

M. Carmant : Toujours dans l'optique de protéger les jeunes du cannabis, on a inclus, dans notre loi, ajouté des distances par rapport aux établissements postsecondaires. À Montréal, la limite est de 150 mètres au lieu de 250, vu la proximité des établissements scolaires. Que pensez-vous de cette mesure, Mme la mairesse?

Mme Plante (Valérie) : Bien, écoutez, encore une fois, je pense que ça revient à dire que les villes doivent être à même de décider ce qui fait... excusez-moi l'anglicisme, mais ce qui fait du sens sur leur territoire, parce que les distances à Montréal n'ont rien à voir avec... dans un tissu urbain, ou dans une région, par exemple, ou une plus petite municipalité. Et alors, à ce moment-là, nous, encore une fois, on était très confortables avec ce qui avait été mis en place jusqu'à maintenant parce qu'on était... ça correspondait à la proximité des établissements scolaires et des habitations en général.

Alors, c'est vraiment dans cet esprit-là qu'on vient vous voir, nous, c'est vraiment de pouvoir vous dire : On veut que ça fonctionne, mais, pour y arriver, on a besoin des outils nécessaires pour que ce soit applicable. Et je pense que c'est ça, notre plus grand message aujourd'hui. Il faut que ce soit applicable. Si on envoie, d'une part, un mauvais message, comme quoi... les attentes vont être démesurées par rapport à la capacité de nos forces policières. Et aussi, jusqu'à un certain point, bien, puisqu'il y a un état de fait, c'est une légalisation qui nous est, somme toute, imposée, si je peux dire, une décision qui a été prise par un ordre gouvernemental supérieur, alors nous devons faire avec. Et, au niveau des distances, bien, c'est là où, à Montréal, ça tient plus ou moins.

M. Carmant : Et vous ne seriez pas à l'aise d'aller avec nous vers la forme comestible dans les lieux publics pour justement diminuer tout ce qu'on a parlé...

Mme Plante (Valérie) : Bien, écoutez, la question de la forme comestible, ça, je pense que la division... la direction de la santé publique l'a énoncé, puis il y a beaucoup d'organismes terrain qui en ont parlé, à savoir qu'il y a un chiffre qui parle. 95 % des utilisateurs le fument, fument le cannabis, et d'utiliser des vapoteuses ou des instruments, des outils comme ceux-là, bien, c'est plus dispendieux, même la forme comestible l'est également. Alors, c'est...

Moi, je pense toujours aux communautés les plus marginalisées. Puis je vais vous donner un cas bien ordinaire, là, mais, moi, le sans-abri, là, qui peine à se trouver... qui fait de refuge en refuge puis que lui, pour des problèmes, peut-être, de santé mentale ou pour différentes raisons, consomme du cannabis, bien, je ne vais pas aller le voir puis lui dire : Écoutez, il faudrait vous acheter une pipe, là, parce que, sinon, là, vous êtes dans l'illégalité. Et, nécessairement, le service de police se retrouve dans une situation difficile, de te dire : Bon, bien, moi, je vais-tu encore plus pénaliser une personne qui est marginalisée dans la société?

Alors, c'est vraiment de cet ordre-là où, pour moi, je peux difficilement me prononcer pour ou contre la forme comestible. Bien honnêtement, au final, je pense que, si le problème, c'est de le voir, moi, j'aurais tendance à dire : C'est ça, la réalité en ce moment, 95 % des gens le consomment. Et surtout essayons de ne pas marginaliser ceux qui le sont déjà.

M. Carmant : M. le Président, est-ce qu'on pourrait passer la parole au député de Chapleau, s'il vous plaît?

Le Président (M. Provençal)  : Oui. M. le député.

M. Lévesque (Chapleau) : Alors, M. le ministre, Mme la mairesse, M. le directeur, bonsoir. Donc, notre but avec l'absence de fumer dans les lieux publics, c'est d'harmoniser, dans le fond, l'application de la loi encadrant la consommation du cannabis. Présentement, avec les différents arrondissements qu'on connaît à Montréal, ça pourrait peut-être mener à des arrestations illégales. Pour la police, n'y a-t-il pas un certain avantage à harmoniser la loi?

M. Caron (Sylvain) : Le monde idéal, c'est d'avoir une uniformité dans l'application des règlements. Par contre, le monde idéal n'existe pas dans tout. Alors, après plus de 35 ans d'expérience, il est rarement arrivé des endroits où qu'on avait une uniformité au niveau de la réglementation. Alors, nos policiers, dans une ville donnée, vont adopter le règlement qui est en vigueur à ce moment-là. Puis, dans une autre ville, bien, le règlement sera différent. Comme il l'est actuellement, ça ne pose pas tellement problème. C'est sûr que l'idéal, c'est d'avoir une uniformité. Mais, une fois que c'est connu, c'est clair, puis que, nos policiers, on leur donne la formation ou l'information requise, à ce moment-là, c'est applicable, pas de problème.

M. Lévesque (Chapleau) : Je comprends que l'idéal, c'est l'uniformité. Merci. Donc, même si on assouplit la loi sur les lieux publics, comment vous pensez gérer les problèmes de cohabitation entre les utilisateurs et les non-utilisateurs sur la voie publique? Vous avez parlé tout à l'heure des femmes enceintes, des personnes fragilisées, des personnes ayant des troubles respiratoires. Ce n'est pas nécessairement plus efficace de bannir le cannabis dans les lieux publics, justement, pour ces personnes-là?

Mme Plante (Valérie) : J'aimerais rappeler que l'utilisation du cannabis à l'extérieur peut être un désagrément, mais il est d'autant plus nocif lorsqu'il est consommé à l'intérieur. Et, quand on parle des personnes marginalisées, bien, entre autres, c'est cette notion-là. N'oublions pas qu'à Montréal c'est 60 % de locataires. Bon, peut-être que, dans d'autres municipalités, on peut dire : Écoutez, fumez ça chez vous, puis, coudon, si c'est les gens de votre famille qui souffrez la... qui vont être mis devant la fumée secondaire, bien, coudon... Mais ce n'est pas comme ça, ce n'est pas ça, la réalité de Montréal. Et, comme je vous disais, 85 %, déjà, des propriétaires ont l'intention, ou l'ont déjà fait, de modifier les baux. Alors, qu'est-ce qui se passe à ce moment-là? Et je pense que la fumée secondaire extérieure est beaucoup moins nocive. En fait, ce n'est pas moi qui le pense, c'est la division... la direction de la santé publique qui le fait.

Dernier petit point par rapport à votre point de tout à l'heure, les arrondissements. L'uniformité est toujours l'idéal. Mais n'oublions pas une chose, c'est que, sur les 19 arrondissements, il y en a cinq qui ont passé différentes règles par rapport au cannabis. Et, comme vous le savez, à Montréal, comme ailleurs, on est habitués que, d'un arrondissement à l'autre, les panneaux ne sont pas toujours les mêmes, les interdictions de stationnement, le déneigement. Vous savez, à Montréal, on ne peut pas tourner à droite au feu rouge, mais, quand on arrive à Longueuil, oui.

M. Lévesque (Chapleau) : Vous avez également parlé du manque potentiel de ressources policières, là, à la ville de Montréal. Pouvez-vous nous expliquer en détail ce qu'il y a dans le projet de loi n° 2... ce qui vous entraînerait, dans le fond, à devoir augmenter vos ressources?

M. Caron (Sylvain) : Bien, écoutez, c'est difficile pour moi d'établir à ce moment-ci les impacts réels que l'organisation va avoir, dépendamment des dispositions de la loi qui seront adoptées. Alors, c'est très récent comme situation. Clairement, si le service de police se retrouve à appliquer une réglementation telle qu'elle est édictée, on sait clairement qu'il va falloir des ressources additionnelles pour être capable d'appliquer cette réglementation-là au cours des prochains mois. Quel sera le nombre? Là, évidemment, c'est difficile à évaluer, mais, vous comprendrez, avec l'étendue du territoire et de l'ensemble des postes de quartier, des régions que nous avons à desservir, les endroits, on parle de plus d'une centaine de policiers, clairement. Exactement, je ne peux pas... Évidemment, on n'a pas fait d'étude à ce niveau-là.

M. Lévesque (Chapleau) : O.K., merci. Mais justement l'applicabilité de la loi, ça ne pourrait pas être facilité justement si on interdit tout simplement sur les lieux publics? Ça ne semble pas plus facile à appliquer pour vous, pour le corps de police?

M. Caron (Sylvain) : S'ils ne peuvent pas fumer à l'intérieur, dans leur résidence, puis ils ne peuvent pas fumer sur la voie publique, ça va nous amener des problématiques de regroupements à des endroits assez importants, je crois, par expérience. Alors, quels seront les endroits qui seront identifiés illégalement, évidemment, parce que pas le droit sur une place publique, pas le droit sur une place privée? Alors, ça va amener des problématiques assez importantes. J'anticipe.

M. Lévesque (Chapleau) : Puis là tout le monde semble parler du marché noir du cannabis et que la légalisation va pouvoir, dans le fond, en finir avec le marché noir. Pourtant, l'alcool et le tabac sont des substances qui sont légales, mais il me semble qu'on n'en finit pas nécessairement avec la contrebande de ces deux substances-là. Pensez-vous vraiment qu'en gardant l'âge de consommation à 18 ans on va réussir à faire disparaître le crime organisé?

M. Caron (Sylvain) : On ne fera jamais disparaître le crime organisé. Alors, c'est sûr que vous ne me ferez pas dire ça ce soir, évidemment. Par contre, je crois qu'il y a des efforts importants qui ont été faits au niveau alcool et tabac au cours des années. Ça a porté ses fruits. Évidemment, il y a des moments, évidemment, qu'on reprend... Il y a des hausses qui reviennent. Par contre, ce qui va se passer si on amène l'âge à 21 ans, je ne parlerai pas du côté santé publique, côté sécurité publique, évidemment, je crois que ça va ouvrir un marché encore plus au marché illicite pour les jeunes qui consomment, parce que c'est clairement identifié que les jeunes de 15 ans à 24 ans, c'est des grands consommateurs de cannabis. Alors, on s'expose à avoir un marché plus important du côté illicite pour ces jeunes-là qui ont pris des habitudes de consommer. Alors, il y a un risque. Je vous ne dis pas qu'il n'y a pas de risque. Il y a un risque.

• (20 heures) •

M. Lévesque (Chapleau) : Je voudrais revenir sur quelque chose que vous avez dit tout à l'heure. Vous avez dit que vous recevez 100 appels par jour pour des problèmes de santé mentale. Justement, le projet de loi vise à faire en sorte de repousser le plus tard possible, dans le fond, la première consommation chez les jeunes pour éviter, justement, le type de problèmes de santé mentale qu'on connaît, associés au cannabis. Donc, ces 100 appels là que vous avez, il y aurait peut-être un potentiel, grâce à ce projet de loi là, qu'on réduise ce nombre d'appels là, évidemment, dans le temps. Évidemment, on ne peut pas faire de présupposition ce soir, mais c'est quand même, oui...

Le Président (M. Provençal)  : Maintenant, M. le directeur, compte tenu qu'il y a une question qui a été posée, on va se permettre de vous permettre de répondre, mais très succinctement, s'il vous plaît.

M. Caron (Sylvain) : Je ne peux pas faire de corrélation directement entre ce que vous dites puis par rapport à...

Le Président (M. Provençal)  : C'est maintenant à l'opposition officielle de participer aux discussions. Alors, pour les échanges, je cède la parole au député de Pontiac.

M. Fortin : Merci, M. le Président. Merci d'être là avec nous, Mme la mairesse, M. Caron. Vous comprendrez qu'avec trois députés de Montréal à mes côtés, deux anciens élus municipaux, je vais essayer de faire rapidement de mon côté.

J'ai deux questions très simples pour vous, mais je veux vous dire que j'apprécie, un, le fait que vous soyez ici. À la qualité de votre exposé, je comprends et je me souviens pourquoi on s'est battus pendant deux mois avec le gouvernement pour nous assurer que vous étiez ici. Mais j'apprécie que votre mémoire est basé, comme vous le disiez d'entrée de jeu, sur des données probantes, que vos propositions font en sorte que l'approche qui serait mise de l'avant ne serait pas une approche mur à mur, que vous parlez de la réalité de Montréal qui est différente de la réalité partout ailleurs. Vous avez fait état, Mme la mairesse, souvent, dans vos délibérations publiques, du fait que vous avez plus de locataires chez vous qu'ailleurs au Québec, et donc la réalité, elle est différente, et, entre autres, c'est fort probablement pour ça que vous avez permis la consommation sur la voie publique, parce que la réalité, elle est différente à Montréal.

Maintenant, scénario hypothétique mais fort probable suite à ce qu'on entend de la part du gouvernement, si le projet de loi ne change pas dans sa forme actuelle et que le gouvernement va de l'avant tel quel, est-ce que vous voyez... même avec des ressources supplémentaires, M. Caron, est-ce que vous voyez des enjeux majeurs d'applicabilité par rapport au projet de loi? Comment vous allez faire? Comment un policier va s'y prendre sur un campus universitaire, disons, pour savoir qui possède du cannabis et qui n'en possède pas? Comment est-ce que... Parce que vous me dites que depuis toujours il y a certains moments, disons, dans la semaine, à Montréal, où on consomme publiquement, et c'est, disons, toléré — je vais utiliser le mot «toléré» — gentiment de la part des policiers municipaux. Alors, comment vous allez faire pour décider qu'à un moment c'est toléré, à un autre moment ce n'est pas toléré? Parlez-moi des enjeux d'applicabilité du projet de loi s'il est adopté tel quel.

M. Caron (Sylvain) : Il y a deux aspects importants, je crois. Le contexte dans lequel se déroule l'appel auquel on fait allusion, c'est-u un rassemblement de jeunes, c'est-u un rassemblement familial, c'est-u un rassemblement... bon, etc., je pense que c'est des aspects qui sont regardés pour établir la priorité d'appel et de délai de réponse, évidemment, en fonction de ce qui nous est soulevé.

Puis l'autre aspect le plus important : Est-ce qu'un groupe... des gens regroupés ensemble fument tous du cannabis? Alors, d'aller vérifier ce que les gens fument exactement va devenir un enjeu important aussi. Alors, est-ce que les gens qui sont regroupés dans un endroit, qui ont fait l'objet d'un appel au service de police, représentent nécessairement des gens qui fument tous du cannabis? Ça, ça devient un enjeu important et une difficulté pour les policiers d'appliquer la réglementation.

M. Fortin : Dans le contexte... Vous parlez de priorités d'appel, là. Avec tous les appels que vous recevez en ce moment, des appels de violence conjugale, des appels de voies de fait, des appels d'accident de la route, des appels de santé mentale, dans l'ordre, là, un appel pour consommation, sur la voie publique, de cannabis, ça se retrouve où?

M. Caron (Sylvain) : Bien, écoutez, il y a des niveaux de priorité qui sont donnés. Ce n'est pas la priorité numéro un, c'est la priorité... ça peut être une priorité trois, puis ça peut devenir une priorité deux si le contexte fait en sorte qu'il y a des enfants puis il y a une fête familiale. Alors, c'est une priorité dans laquelle on peut traiter l'appel en dedans de 45, 50 minutes, une heure, dépendamment des journées, des heures, des incidences journalières que nous avons, puis ça peut être dans un endroit où on a peu d'appels à ce moment-là, puis on va le répondre en dedans de 15 minutes.

Alors, c'est très difficile de répondre exactement à votre question. Clairement, c'est lorsque la personne qui prend l'appel, qui fait l'analyse de l'appel, qui transmet l'information... c'est à partir de ces éléments-là qu'il va décider le délai de traitement de cet appel-là.

M. Fortin : Très bien. Le maire de Gatineau était ici la semaine dernière. Le maire de Gatineau a pris la... ou le conseil municipal de Gatineau a pris la même décision que Montréal quant à la possibilité, en ce moment, de consommer le cannabis sur la voie publique. On lui a demandé : Suite au 17 octobre, depuis que le cannabis est consommé publiquement, légalement, à Gatineau, est-ce que ça a créé un enjeu majeur? Est-ce que vous avez un surplus d'appels au 3-1-1 ou au 9-1-1? Est-ce qu'il y a des plaintes nombreuses? Selon ce que vous entendez des citoyens, est-ce que c'est un enjeu majeur? Quand on a demandé au maire de Gatineau, il nous a essentiellement dit : Non, le seul monde qui appelle au 3-1-1, c'est pour savoir où ils pourraient s'en procurer. Est-ce que la réalité ressemble à ça chez vous?

Mme Plante (Valérie) : Bien, pour le 3-1-1, il n'y a pas eu un nombre important lié au cannabis, à savoir on veut qu'il y ait une intervention ou quoi que ce soit. On a beaucoup plus d'appels liés... Je ne vous le cacherai pas, le 3-1-1, pour nous, là, c'est essentiellement des dépôts sauvages de déchets. Même, à la limite, la question canine est beaucoup plus populaire que la question du cannabis, ça, c'est certain. Donc, on ne se classe même pas dans le top cinq, là, des questions.

M. Fortin : Donc, la cohabitation n'est pas si différente qu'elle ne l'était, disons, entre le consommateur et le non-consommateur, pas si différente qu'elle ne l'était avant le 17 octobre 2018.

Mme Plante (Valérie) : Encore une fois, moi, je pense qu'il ne faut pas oublier que cette loi-là a été appliquée le 17 octobre dernier. Et, lorsqu'on a déposé notre mémoire, avec tout le travail... et je tenais à les mentionner tantôt, tous les groupes de travail qui ont participé, autant des chercheurs que des groupes terrain, bien sûr le SPVM, et d'autres, on se disait... l'idée, c'était aussi de pouvoir aller... Non seulement on s'est basés sur les données probantes, mais il faut aller en chercher, des données, pour, après ça, faire des ajustements ou faire un changement de cap. Mais on n'a pas grand-chose à ce moment-ci parce qu'on n'a pas encore laissé la loi, comment dire, se déposer.

M. Caron le disait tout à l'heure, également, le printemps... bon, n'est pas à nos portes, malheureusement, mais il s'en vient à un moment donné. Donc, on a besoin de ces données-là également. Et puis, comme la loi prévoyait déjà une révision deux ans plus tard, nous, on trouvait que c'était un moment important pour justement faire l'état de la situation.

M. Fortin : Très bien. M. le Président, je crois que le député de Viau — que vous connaissez très bien, Mme la mairesse — a certaines questions pour la mairesse.

Mme Plante (Valérie) : Dans une autre vie...

M. Benjamin : Dans une autre vie. Merci. Merci beaucoup, collègue. Mme la mairesse, merci pour votre présentation, votre excellente présentation. M. Caron, j'aurais pu aborder avec vous les questions relatives à la complexité du travail policier, mais vous comprendrez que le temps qui nous est imparti est beaucoup trop court.

Il y a quelques jours, Mme la mairesse, justement, il y a une délégation de Gatineau... le maire de Gatineau, ainsi qu'une conseillère municipale, nous a parlé des effets de l'éventuelle application de cette loi-là. Notamment, elle a parlé de ciblage, et je la cite, de ciblage des jeunes. Elle a aussi évoqué, comme vous d'ailleurs, les aspects néfastes en termes d'équité sociale. Notamment, on comprendra que l'application d'une pareille loi ferait en sorte que, notamment, donc, les locataires, donc, n'auraient plus les mêmes privilèges ou les mêmes droits, donc, que les propriétaires. Si on parle de ciblage, si on parle de manque d'équité sociale, est-ce que vous serez d'accord avec moi pour dire que cette loi-là, telle qu'elle est formulée, pourrait avoir des portées de profilage social?

Mme Plante (Valérie) : Le projet de loi, celui qui est étudié en ce moment... Bien, écoutez, comme je vous disais, c'est que ça crée différentes catégories de citoyens et citoyennes, et je pense que ça, pour moi, comme mairesse... Et je pense que, nous tous, ce qu'on veut, c'est avoir un principe d'équité, et ça, c'est fondamental. Et encore une fois, moi, l'idée de judiciariser ou de marginaliser des personnes qui le sont déjà pour différentes raisons... Je pense que l'exemple de la personne itinérante, en situation d'itinérance en est un très bon, parce qu'en plus il y a tellement de profils différents liés à l'itinérance. Mais ça montre à quel point cette idée d'avoir des règles différentes où consommer, encore une fois, dans le contexte montréalais, parce que je tiens à le rappeler, moi, je suis ici pour défendre la réalité de Montréal et je ne veux pas donner de leçons à aucune autre municipalité, bien, ça peut créer un précédent et créer une iniquité, absolument.

M. Benjamin : Merci. Collègue.

Le Président (M. Provençal)  : Je cède la parole à la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Merci beaucoup, M. le Président. Merci. D'abord, un merci d'être ici. Je trouve que c'est superimportant de venir parler d'autonomie municipale. Je pense que c'est un principe que... en fait, c'est quelque chose qu'on vous a donné via une loi, l'autonomie municipale, et je pense sincèrement que la ville de Montréal s'est très bien adaptée au principe d'autonomie municipale. Justement, elle l'a adapté parce que c'est un milieu... le rural puis le urbain, en effet, il y a beaucoup de différences. Donc, je vous félicite de la façon que vous l'avez adapté. Et qui de mieux que les élus municipaux pour prendre des décisions sur leur territoire? Et je pense que vous le faites très bien.

Justement, ce projet de loi là, c'est une atteinte directe à l'autonomie municipale. Est-ce que... bien, un, est-ce que vous êtes inquiets peut-être de la façon que vous allez pouvoir légiférer dans ce contexte-là, dans le contexte de la loi qui pourra être adoptée?

• (20 h 10) •

Mme Plante (Valérie) : Bien, écoutez, vous l'avez dit, avec le statut de métropole, mais également dans toute la question de l'autonomie des municipalités, je pense que mon collègue le maire de Drummondville, le président de l'UMQ, pourra vous en parler davantage tout à l'heure, mais c'est un principe qui nous est cher parce que nous sommes des gouvernements de proximité. C'est nous qui devons gérer les impacts positifs et négatifs de toute réglementation.

Et la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui, c'est parce que, quand il est question de cannabis, c'est que tous les impacts sont vraiment d'ordre municipal, sont vraiment d'ordre de gestion dans les maisons, sur les coins de rue, dans les parcs, autour des écoles. C'est nous... et je me tourne vers le chef de police, mais c'est nous qui devons trouver des façons de créer de la solidarité, devoir gérer différentes populations, différents besoins et, encore une fois, avec ce principe d'équité.

Alors, c'est pour ça que je suis ici ce soir, parce que, principalement, c'est au niveau municipal que ça se gère au quotidien, dans la vie des gens, et ce principe-là d'autonomie est important. Donc, oui, nous avons plus de pouvoirs depuis que le statut de métropole, par exemple, a été voté, mais n'oublions pas que nous avons plus de pouvoirs mais également plus de responsabilités, puis on prend ça bien au sérieux.

Le Président (M. Provençal)  : Il reste à peine 10 secondes.

Mme Nichols : Alors, bien, merci, merci de votre présence, merci des précisions.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Les échanges se poursuivent avec le député de Jonquière. Vous avez 2 min 45 s. À vous la parole.

M. Gaudreault : Oui. Merci, Mme la mairesse. Merci, M. le directeur du service de police.

Depuis tantôt que je me dis : Bon, sous quel angle que je vais aborder la question? Mais je vais vous dire bien franchement, là, ce que je trouve assez incroyable, quand même, la mairesse de la ville la plus importante du Québec, de la métropole, le chef de police de la ville la plus importante du Québec, de la métropole du Québec viennent dire au ministre puis au gouvernement : Gardez ça à 18 ans, n'étendez pas ça... c'est-à-dire, n'interdisez pas dans les voies publiques puis dans les parcs. Il me semble que c'est puissant comme message. Alors, j'aimerais ça peut-être que vous en ajoutiez un peu là-dessus.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Gaudreault : Non, mais ce que je veux dire, c'est que c'est quand même... le ministre aime bien parler de banalisation, là, ce n'est pas banal, là. Ce n'est pas banal. Ce n'est pas une belle heure pour les médias, mais c'est quand même... Moi, je trouve que c'est un gros message que vous nous envoyez aujourd'hui comme métropole du Québec. M. l'agent, vous connaissez ça, là, et c'est le message que vous nous livrez. Alors, sinon, c'est le droit de retrait. En tout cas, j'aimerais ça... Comment vous réagissez à ça?

M. Caron (Sylvain) : Bien, écoutez, c'est sûr que d'empêcher complètement la consommation sur voie publique, un endroit public, compte tenu que 60 % de la population de Montréal, c'est des locataires ou des espaces condos, on va se retrouver avec une problématique certainement que je ne connais pas, que je ne peux pas évaluer au moment où on se parle.

Par contre, si on a des endroits réservés, ou des parcs, ou des endroits qui sont... des moments dans l'année où que les gens ne peuvent pas parce qu'il y a des rassemblements familiaux, où on restreint certains endroits publics, eh bien, c'est différent alors. Parce que de l'interdire complètement... C'est légal. C'est légal depuis le 17 octobre, là. On va interdire partout? Ça va être difficile, ça va être très difficile à appliquer, puis je ne peux anticiper exactement quelles seront les ambiguïtés qu'on rencontrera si ça venait qu'à être illégal comme c'est édicté actuellement.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la mairesse.

Mme Plante (Valérie) : Mais, écoutez, moi, je... Tu sais, derrière tout projet de loi, il y a des raisons, comment dire, dont... il y a des raisons qui sont, somme toute, nobles, là. L'idée de ne pas vouloir, par exemple, banaliser le cannabis, personne n'est contre ça. C'est évident, on ne veut pas, puis on ne banalise pas, puis on ne veut pas que ça soit le cas.

Mais j'aurais envie de vous dire du même souffle qu'il ne faut pas non plus banaliser l'application de règles. Il ne faut pas banaliser les impacts négatifs de quelque chose qui a l'air d'une bonne idée. Mais encore une fois, si moi, je me retrouve à marginaliser des gens ou judiciariser des gens qui ne devraient pas l'être, ou si je commence à créer des problèmes, ou si je commence à exposer des gens plus vulnérables dans leur habitation, qui ne peuvent même plus fumer nulle part, alors que c'est légal, c'est là où, pour moi, il y a un problème.

Alors, le motif derrière est noble, mais moi, je suis de l'école, et c'est pour ça qu'on a travaillé avec la direction de la santé publique, qui en est une de réduction des méfaits. Pour moi, ça passe par l'éducation, la sensibilisation, le contrôle du marché, le contrôle du produit. Pour moi, c'est très, très, très important. Et ce n'est pas pour être pour ou contre le cannabis, mais je dois faire avec des éléments, encore une fois, des faits qui me parlent. Et moi, j'avance dans cette mouvance-là au meilleur de mes connaissances, en me disant : Bien, peut-être que, dans un an ou deux ans, on aura plus de données, mais, pour l'instant, on a une situation qui fonctionne bien à Montréal en se collant à la consommation du tabac, où c'est clair pour tout le monde.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Alors, on termine les échanges avec la ville de Montréal par le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci beaucoup. Alors, on a parlé de la question du droit de retrait plus tôt puis vaut-il mieux que les lois soient uniformes à toutes les villes, etc. On concluait : Ah! l'uniformité, c'est mieux. Mais aussi, en même temps, je pense qu'on concluait : l'uniformité d'une bonne loi. C'est-à-dire que, si c'était à 18 ans, on dirait : On veut que ce soit uniforme. Mais, si je comprends bien... corrigez-moi si je me trompe, mais, si vous demandez un droit de retrait, c'est parce que c'est à cause que la loi qu'on prévoit appliquer est problématique à bien des égards. C'est donc, pour vous... l'idéal, ce serait une bonne loi uniforme, mais là disons que le compromis, ce serait au moins un droit de retrait pour Montréal. C'est ce que je comprends.

M. Caron (Sylvain) : Bien, il y a deux aspects à votre question. Évidemment, la question d'interdire complètement, c'est qu'on n'est pas capable d'évaluer actuellement quelles sont les conséquences de l'interdiction totale sur les lieux publics. Alors, ça, c'est un aspect très important, évidemment. Puis la renonciation de la ville, évidemment, comprend cette partie-là, mais comprend également un aspect peut-être... un autre aspect que la mairesse voudrait peut-être expliquer par rapport à la renonciation du droit de la... la loi comme telle.

Mme Plante (Valérie) : Bien, écoutez, à ce moment-ci, nous, comme je disais, c'est vrai, on demande, encore une fois, sur le principe de l'autonomie des villes, qu'on respecte la réalité de Montréal, qu'on respecte notre capacité à prendre les meilleures décisions basées sur notre réalité, et je ne reviendrai pas puisqu'on l'a fait à plusieurs égards, et qu'on puisse avoir un droit de retrait sur l'application de la loi n° 2 telle qu'elle est, donc de ne pas pouvoir consommer de cannabis sur la voie publique, parce qu'encore une fois c'est déconnecté de notre réalité à nous.

M. Zanetti : Et, à votre connaissance, avant le 17 octobre dernier, est-ce que les jeunes de 18 à 21 ans semblaient avoir de la difficulté à se procurer du cannabis à Montréal?

Mme Plante (Valérie) : Non, mais là je... parce que c'est quelque chose sur lequel on essaie... bien là, vous êtes mieux placé que moi pour parler de ça, je pense.

M. Caron (Sylvain) : Bonne question. Écoutez, 18 à 21 ans, là, c'est difficile à établir. Je ne suis pas en mesure de vous dire les arrestations ou les interventions qu'on avait à faire concernant une clientèle de tel âge à tel âge. C'est plus au niveau de la santé publique, je pense, qu'il a été clairement identifié la consommation se faisait à quel âge.

Est-ce que l'accessibilité du cannabis était présente? Bien oui, c'est sûr. Je dirais que, dans toutes les interventions que nos policiers font depuis les dernières années, souvent, ils vont faire une intervention d'ordre violence conjugale, woups! il y a du cannabis, il y a de la drogue. Il y a tout le temps un élément de drogue à quelque part depuis plusieurs années. Alors, ce n'est pas nécessairement seulement du cannabis. Clairement, dans nos interventions policières, constamment il y a des arrestations qui se font pour toutes sortes de nature puis il y a tout le temps, évidemment, présence de drogue, ou de cannabis, ou de pilules, ou drogues contrôlées, non contrôlées, là, dépendamment.

M. Zanetti : Vous parliez de...

Le Président (M. Provençal)  : Excusez. Ceci termine la période d'échange. Je remercie Mme la mairesse et M. le directeur pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup de vous être déplacés.

(Suspension de la séance à 20 h 19)

(Reprise à 20 h 23)

Le Président (M. Provençal)  : Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Union des municipalités du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à commencer votre exposé. À vous la parole.

Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Cusson (Alexandre) : Alors, merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je me présente, Alexandre Cusson, maire de Drummondville, président de l'Union des municipalités du Québec. Je suis accompagné ce soir de Mme Sylvie Pigeon, conseillère aux politiques à l'Union des municipalités du Québec.

Alors, d'entrée de jeu et au bénéfice de ceux qui nous écoutent via le canal de l'Assemblée et des parlementaires, j'aimerais débuter en présentant brièvement l'Union des municipalités du Québec. Nous fêtons cette année notre 100e anniversaire. L'UMQ représente des municipalités de toutes les tailles, dans toutes les régions du Québec et regroupe, par celles-ci, pas moins de 85 % de la population québécoise et du territoire du Québec.

Nous vous remercions d'avoir invité l'UMQ à partager ses impressions et ses commentaires sur les dispositions du projet de loi n° 2, Loi resserrant l'encadrement du cannabis. Dans l'ensemble, nous partageons la vision du gouvernement, qui souhaite éviter de banaliser la consommation du cannabis, notamment chez les jeunes. Le cannabis n'est pas sans risque. Il est important de sensibiliser l'ensemble de la population à ce sujet.

Depuis la légalisation du cannabis par le gouvernement fédéral et l'adoption du projet de loi n° 157 par l'Assemblée nationale, les gouvernements de proximité ont travaillé. Ils ont réfléchi afin que le tout se fasse de la manière la plus harmonieuse possible sur leurs territoires, des territoires qui sont différents, je pense que la mairesse de Montréal l'a très bien exprimé, il y a quelques instants.

Plusieurs municipalités ont formé des comités de travail, des comités dans lesquels on retrouvait des spécialistes de la santé, des gens de la sécurité publique, des gens du milieu sociocommunautaire. Elles ont également consulté leur population, tenu des séances d'information. Certaines ont été accompagnées, je le mentionnais, par des experts en santé publique. Bref, les gouvernements de proximité ont fait leurs devoirs.

Notre participation, d'ailleurs, aux précédentes consultations sur le projet de loi n° 157 a également permis d'apporter des bonifications qui font maintenant consensus. Il a été notamment reconnu de laisser l'autonomie nécessaire aux municipalités pour définir selon leurs spécificités locales les lieux publics extérieurs pour la consommation du cannabis ainsi que l'emplacement des points de vente.

Avant de tomber dans le vif du sujet, nous voulons rappeler certains éléments à la commission. Le gouvernement du Québec a reconnu que la mise en oeuvre de la nouvelle législation sur le cannabis allait générer des coûts pour les municipalités. Des sommes ont été annoncées à ce sujet dans le budget 2018-2019, mais elles sont toujours attendues par les municipalités.

Dans la même logique, l'UMQ souhaite rappeler que l'entente de deux ans survenue entre le gouvernement fédéral et les provinces sur le partage de la taxe fédérale d'accise devrait être pérennisée afin que les municipalités puissent recevoir leur juste part des revenus fiscaux provenant de la vente de ce produit.

Aussi, les relations entre le gouvernement du Québec et les municipalités ont complètement changé depuis l'adoption, en juin 2017, du projet de loi n° 122 sur les gouvernements de proximité. L'autonomie municipale n'est pas un concept désincarné. Il doit toujours être dans la tête du décideur public lorsqu'il choisit de légiférer et il doit évaluer les impacts possibles dans les champs de compétence des municipalités.

Le projet de loi n° 2, s'il est adopté tel quel, empiétera, selon nous, sur les compétences des municipalités, notamment celles ayant trait à l'aménagement du territoire et au maintien de la paix et du bon ordre dans l'espace public. C'est la raison pour laquelle nous sommes devant vous ce soir. Nous souhaitons faire respecter l'autonomie municipale et nous vous proposons deux recommandations pour y arriver.

La première consiste en la nécessité pour les municipalités de pouvoir adopter leur propre réglementation afin de déterminer par elles-mêmes les lieux publics extérieurs, sur leur territoire, où il sera permis ou interdit de fumer du cannabis. Lors des consultations sur le projet de loi n° 157, l'UMQ avait demandé que les municipalités puissent avoir l'autonomie nécessaire pour déterminer les autres lieux publics extérieurs, rues, parcs, trottoirs, et tout le reste, où la consommation de cannabis serait permise ou interdite, et ce, en respect des pouvoirs que leur confère, à son article 85, la Loi sur les compétences municipales en matière de paix et bon ordre. La connaissance de leur milieu et des différents enjeux qui leur sont propres fait en sorte que les municipalités sont les mieux placées pour déterminer ces lieux publics.

La mairesse de Montréal, qui était devant vous il y a quelques instants, a bien expliqué qu'une interdiction complète ne convenait pas du tout à la réalité terrain de sa ville. Parce que c'est là qu'on retrouve les élus municipaux et leurs équipes, sur le terrain, dans la réalité, au jour le jour. La réglementation doit donc pouvoir être modulée et adaptée aux réalités et spécificités locales. De plus, depuis que le cannabis a été légalisé, le 17 octobre dernier, les municipalités n'ont pas constaté de problèmes majeurs liés à la consommation de cannabis dans l'espace public.

Ainsi, nous vous demandons de respecter l'autonomie municipale et de revoir la disposition du projet de loi sur le sujet.

La seconde recommandation traite plutôt des lieux les plus appropriés pour l'établissement des points de vente de la Société québécoise du cannabis. Le projet de loi n° 2 vient interdire l'établissement d'un point de vente de la SQDC à moins de 250 mètres d'un établissement d'enseignement collégial ou universitaire ainsi que des services éducatifs en formation professionnelle et pour les adultes en formation générale.

L'UMQ tient à rappeler au gouvernement du Québec que les municipalités sont les premières responsables de l'aménagement de leurs territoires. Elles sont les mieux placées pour déterminer les zones les plus adéquates où installer les points de vente, de concert avec les dirigeants de la SQDC. D'ailleurs, les discussions sur le choix des emplacements des points de vente à la SQDC ont été, jusqu'à maintenant, jugées très satisfaisantes par les municipalités concernées. Nous demandons donc au législateur de laisser aux municipalités la possibilité de déterminer, avec les dirigeants de la SQDC, les lieux les plus appropriés pour l'établissement des points de vente de ce produit.

En conclusion, j'aimerais aussi dire un mot sur le nouvel âge prévu pour pouvoir consommer du cannabis, qui sera fixé à 21 ans. L'UMQ comprend que la consommation de cette substance pose des risques réels pour la santé, notamment chez les jeunes, mais nous nous questionnons, tout comme la ville de Montréal, sur le fait que les jeunes de 18 à 21 ans seront obligés de s'approvisionner auprès du marché noir et du crime organisé, avec tous les risques que cela suppose. Cela va à l'encontre de l'un des objectifs initiaux de la légalisation du cannabis. Celle qui m'a précédé l'a mentionné, ce n'est pas un choix municipal, c'est un choix fédéral avec lequel nous devons vivre, soit de détourner les consommateurs de cette substance du marché illicite et de leur offrir des produits contrôlés. Il est possible que la diminution appréhendée de la consommation pour ces jeunes n'ait tout simplement pas lieu, mais encourage plutôt une consommation d'un produit non encadré. Il importe d'abord et avant tout de continuer, et c'est très important de le faire, à faire des campagnes de sensibilisation et de prévention auprès de ces personnes, plutôt que de simplement leur en interdire l'accès.

Je vous remercie et je suis prêt à répondre à vos questions.

• (20 h 30) •

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie pour votre exposé. Maintenant, commençons la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Carmant : Encore une fois, merci beaucoup de votre présence aujourd'hui. Merci également pour le rapport, là, qui était très complet et très intéressant. Lors des auditions sur la loi n° 157, vous aviez demandé qu'une partie des revenus du cannabis soit transférée aux municipalités, encore une fois pour respecter le principe d'autonomie des villes. On parlait même de 33 %. Finalement, ce qui avait été accepté, c'était que les revenus seront séparés dans le fonds des revenus, dans le fonds de prévention, et tout serait géré par le gouvernement provincial. En fait, vous avez reçu cette somme promise... qui d'ailleurs vous seront versées. On croyait que les tâches administratives avaient été effectuées, mais, à ma grande surprise, nous avons dû les effectuer nous-mêmes.

Ce qu'on aimerait savoir, c'est : Avec ces revenus-là, que comptiez-vous faire par rapport à la consommation de cannabis sur votre territoire?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, un peu comme le gouvernement du Québec, hein, évidemment assumer nos responsabilités au niveau de la prévention, au niveau de la sécurité publique. On rappellera que les sommes, là, sont réparties en deux. Donc, sur deux ans, 42 millions qui va vraiment vers la sécurité publique, les différents programmes qui sont gérés par le gouvernement du Québec, et il y a 20 millions, 10 millions par année, pour les autres obligations des villes. Les municipalités ont de nouvelles dépenses. Mais les municipalités depuis toujours, avant même qu'il y ait des revenus, ont eu des dépenses, ont assumé des réalités liées au cannabis, et, dans ce contexte-là où il y a trois paliers de gouvernement qui sont touchés par la consommation du cannabis, légal ou non, maintenant qu'il y a des revenus, c'était clair pour nous que nous devions faire partie de ce partage-là, et ce principe-là a été reconnu.

M. Carmant : Et pourquoi vous pensez que cette demande vous a été refusée lors du dernier projet de loi?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, on a été satisfaits de ce qui a été prévu dans le dernier budget du gouvernement du Québec, c'est-à-dire qu'on a évalué, là, c'était... Nous, on disait que ça représentait à peu près 30 millions par année, le tiers. Donc, quand on nous a dit 62 pour deux ans, ça nous paraissait correct dans un contexte où on ne connaissait pas les vrais revenus, qu'on ne connaissait pas la réalité. À l'image de l'entente entre Ottawa et les provinces, donc, de revenir après deux ans, ça nous est apparu satisfaisant, là, dans le budget qui a été déposé au printemps dernier.

M. Carmant : Qu'est-ce qui arrive après deux ans?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, là, on va être en face d'une réalité, on va savoir comment ça se passe, on va connaître les vrais revenus, on va connaître les vrais impacts et évidemment on devra avoir de nouvelles discussions avec le gouvernement du Québec là-dessus.

M. Carmant : D'accord. Et est-ce que c'était pour des ressources en prévention, interventions, ressources policières? Pouvez-vous détailler un petit peu ce que vous ciblez?

M. Cusson (Alexandre) : Toute la question de la sécurité publique, là, est dans le premier 42 millions. L'autre 20 millions, on parlait d'un transfert inconditionnel aux municipalités. Alors, nous, on s'est inscrits d'abord dans une logique... au-delà de la logique des dépenses, hein, on a dit depuis le début : On ne va pas pour des sommes qui sont... Bon, 10 millions par année pour les municipalités, vous allez dire que c'est beaucoup. Quand on le répartit sur 1 000 municipalités, il en reste beaucoup moins pour chacune, et surtout qu'il y en a des très importantes. On a dit : On ne va certainement pas mettre en place une bureaucratie plus lourde que le montant qu'on va recevoir. Donc, il faut que ce soit simple. On parle d'un transfert inconditionnel.

Donc, nous, on est dans une logique où trois paliers de gouvernement sont concernés par une situation, donc ces trois paliers de gouvernement là se partagent les revenus. Donc, on s'est toujours refusé à dire : On ne fera pas des comptes de dépenses, puis des factures, puis des démonstrations, etc., pour des sommes qui, ultimement, sont minimes, là, hein? On en a assez, de bureaucratie, déjà, je pense que vous allez être d'accord avec nous pour ne pas en ajouter.

M. Carmant : Et, parlant de dépenses, et tout ça, on avait dit que la légalisation de cannabis devrait se faire à coût nul pour les municipalités. Après quelques mois... c'est sûr, c'est court, là, quatre mois, mais quand même êtes-vous en mesure de dire aujourd'hui si ça se passe comme on avait prévu?

M. Cusson (Alexandre) : ...comme on ne nous a pas encore confirmé le mode de partage, on ne peut pas vous dire que ça se passe à coût nul, parce qu'on n'a pas vu la couleur de l'argent pour l'instant.

M. Carmant : Et par rapport à ce qui était anticipé?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, jusqu'à maintenant, ce que mes collègues me disent, je pense que des maires qui sont passés ici avant moi l'ont mentionné, il n'y a pas de chaos dans les municipalités, mais il n'en demeure pas moins que, les campagnes de prévention, on n'attendra pas qu'il y ait le chaos pour les mettre en place. Le soutien aux organismes communautaires qui viennent en aide aux jeunes, aux moins jeunes qui ont des problèmes de consommation, c'est maintenant que ça doit se passer. Et c'est pour ça qu'on doit rapidement régler la question de ce transfert financier là.

M. Carmant : Puis comment vous évaluez votre rôle par rapport au ministère quant à, justement, les campagnes de prévention puis l'aide aux organismes communautaires?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, il y a, dans chacune des municipalités, hein, des organismes, des organisations qui oeuvrent, qui sont souvent reconnus par le ministère, qui viennent cogner aux portes des villes, demander un soutien particulier pour des problématiques locales, des problématiques qu'on observe. Et les municipalités acceptent de les soutenir. Alors, c'est dans ce sens-là, mais toujours en complémentarité. Vous comprendrez que nous, on ne va pas soutenir les organismes qui, par exemple, n'iraient pas dans le même sens que ce qu'on souhaite, qui ne répondent pas aux objectifs qu'on se donne, qui ne sont pas des organismes à but non lucratif, etc., là. Il y a une foule de critères. Mais on est là pour appuyer les initiatives dans nos municipalités.

M. Carmant : D'accord. Et on a entendu les présentateurs auparavant parler également de droit de retrait. Parmi les 360 villes membres de votre regroupement, combien, pensez-vous, seraient prêtes à avoir une telle clause dans la loi?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, pour nous, bon, droit de retrait ou autorisation de prendre nos décisions, c'est un peu du pareil au même, là. C'est le mécanisme qui est différent. Écoutez, chacun des milieux est différent. Il y a des milieux et des villes de toutes les tailles qui ont choisi de s'en tenir à la loi, d'autres qui ont décidé de l'interdire systématiquement dans les lieux publics, et d'autres qui ont fait un amalgame pour tenir compte de leur réalité suite à la consultation publique, suite à l'échange avec la population dans leurs secteurs, suite aux discussions avec les corps de police, etc.

Donc, c'est difficile pour nous, là, à ce moment-ci, parce qu'il y a plusieurs, municipalités, qui ont choisi d'attendre, qui ont dit... Hein, il y a des gens qui ont adopté des règlements dès l'été et il y en a d'autres qui ont dit : Bien, écoutez, on va voir comment ça va se passer puis on va réagir, on va s'ajuster. Parce que le monde municipal a ça d'intéressant, c'est son agilité, sa capacité de s'ajuster rapidement, de prendre des décisions pour tenir compte d'une réalité. Et c'est pour ça d'ailleurs que, dans la Loi sur les compétences municipales, c'est prévu que la paix et le bon ordre sont des compétences municipales, parce que, justement, on agit.

La mairesse de Montréal mentionnait que, dans des événements bien précis, ils ont adopté une réglementation vraiment adéquate, ponctuelle pour tenir compte de cette réalité-là. Parce que, quand on met un règlement en place, nous qui sommes sur le terrain, le premier critère qui nous apparaît extrêmement important, c'est l'applicabilité. Et c'est dans ce sens-là que les municipalités ont voulu mettre en place des règlements.

Chez nous, par exemple, à Drummondville, quand on a fait la discussion là-dessus... Nous, on fait partie des villes qui sont allées entre les deux, donc qui ont ajouté à la liste des interdictions certains lieux publics, donc, élargis. Par exemple, on a précisé des parcs pour être sûrs qu'on avait la même définition, etc. Sur certains éléments, on n'y a pas touché parce que nos policiers nous ont parlé du critère d'applicabilité, nos organismes sont venus, par exemple, sur la question des gens qui vivent en appartement, etc. Donc, c'est dans ce contexte-là qu'on peut penser que ça sera en constante évolution, du côté municipal, en fonction de la réalité. Mais, clairement, les villes comme Montréal et Gatineau nous ont fait savoir, là, comme ils vous l'ont fait savoir...

M. Carmant : Ça fait que, juste pour simplifier la réponse, là, actuellement, est-ce que c'est une majorité de villes qui veulent le retrait?

M. Cusson (Alexandre) : Je n'ai pas cette statistique-là. Peut-être que Sylvie...

Mme Pigeon (Sylvie) : Non, je n'ai pas la... On n'a pas fait de sondage auprès de nos membres à ce sujet-là, mais c'est une position qui a été adoptée par l'UMQ, quand même, qui faisait consensus, là.

M. Cusson (Alexandre) : Moi, je vous dirais qu'actuellement une majorité de nos municipalités s'en sont tenues au projet de loi n° 157, donc à ce qui est actuellement permis dans la loi, et n'ont pas ajouté de limites supplémentaires.

M. Carmant : Et trouvez-vous qu'il devrait y avoir une différence entre les grandes puis les plus petites municipalités? Là, on a entendu la mairesse nous parler de son taux de locataires élevé. Qu'est-ce que vous en pensez, de ça, vous?

• (20 h 40) •

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, quand on parle d'autonomie municipale, quand on parle de respect des compétences municipales, ça ne vient pas seulement qu'avec la taille de la ville, hein? Ce n'est pas parce que la ville est plus grande que les élus vont prendre des meilleures décisions pour leurs gens. Les gens des plus petites municipalités peuvent aussi prendre des décisions adaptées à leur réalité. Il est certain que toute la question du nombre de locataires, celle-là touche davantage les villes plus densément peuplées, mais ce n'est pas seulement que les 10 grandes villes, c'est vraiment aussi dans des villes de taille moyenne, par exemple comme celle où je suis maire.

Donc, pour nous, c'est avant tout... Parce que je l'ai dit, hein, ce n'est pas une question de banalisation. Pour nous, c'est une question de principe sur l'autonomie municipale. Comme, je suis convaincu, l'Assemblée nationale n'aurait pas accepté qu'Ottawa légifère dans des domaines qui sont de compétence provinciale, hein? Si, par exemple, Ottawa avait dit : Ça va être 18 ans partout, je pense qu'avec raison l'Assemblée nationale aurait affirmé sa compétence, son pouvoir de décider sur l'âge. Bien, le monde municipal vous dit aujourd'hui : En ce qui nous concerne, les compétences en termes de gestion, de bon ordre, tel que c'est prévu dans la Loi sur les compétences municipales, on considère être en mesure de les assumer.

M. Carmant : Et est-ce que vous aviez des critères? Vous avez parlé tantôt de retrait de certains lieux. Est-ce qu'il y a des critères qui se partagent dans le monde des municipalités?

M. Cusson (Alexandre) : Écoutez, je pense que, clairement, la question des parcs, par exemple, où les gens ont ajouté... Souvent, on a vu des définitions encore plus précises sur les parcs, la préoccupation selon le type d'événement aussi. Les réflexions ont porté sur les festivals, les événements publics qui se retrouvent dans les villes de toutes les tailles. Donc, il y a, je pense, là, ce qui a toujours primé, et je me répète là-dessus, c'est la question de l'applicabilité. Les gens veulent faire des règlements qu'ils vont être en mesure d'appliquer.

M. Carmant : M. le Président, si vous voudriez passer la parole au député de Chapleau, je serais à l'aise. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Oui.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci, madame, M. le ministre, M. le maire, Mme la conseillère. Donc, j'aimerais revenir sur le volet de la légalisation à coût nul, ce dont vous nous aviez parlé un petit peu précédemment. Est-ce que vous avez vu ou vous anticipez peut-être une différence entre les différentes régions, là, du Québec?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, si on considère les coûts de sécurité publique, bien évidemment, selon le type de police, ce n'est pas le même impact. Donc, il faut que les mécanismes de partage tiennent compte de la réalité : SQ, pas SQ, qui paie. Il ne faut pas que les gens paient deux fois. Ça, il y a cette réalité-là. C'est certain que certaines municipalités, par exemple, où il y a des succursales et d'autres où il n'y en a pas, ça, ça peut être un autre facteur. Mais il faut quand même se dire que le partage inconditionnel, c'est 10 millions, là. On parle d'à peu près 1,25 $ par citoyen. Donc, il ne faut pas non plus faire une formule qui va être longue comme ça pour, somme toute, arriver à des sommes qui ne sont quand même pas très conséquentes à la fin.

M. Lévesque (Chapleau) : O.K. Merci. Donc, si un droit de retrait était permis, justement, dans le projet de loi n° 2, comme l'UMQ semble demander, comment vous pensez que les petites municipalités avec peut-être moins de ressources policières ou moins de ressources tout court pourraient gérer les problèmes de cohabitation entre les utilisateurs et les non-utilisateurs de la voie publique, donc sur la voie publique, donc, ceux qui consomment du cannabis?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, ce n'est pas différent de maintenant. Actuellement, là, si on fait le tour du Québec, les problématiques majeures, là, des augmentations de plaintes, etc., il n'y en a pas ni dans les plus petites municipalités ni dans les plus grandes municipalités. Donc, pour nous, de respecter l'autonomie municipale, ce principe-là est un principe gagnant, et toutes les municipalités, quelle que soit leur taille, sont capables d'y faire face, et elles travaillent ensemble.

Évidemment, dans une MRC, par exemple, les plus petites municipalités, avec la ville centre, très souvent, là, on va s'entendre parce qu'on va essayer d'avoir des règlements qui se ressemblent, parce que c'est les mêmes policiers qui l'appliquent. C'est l'autonomie, mais on n'est pas complètement fou, là. Donc, c'est certain, quand on va passer dans un petit village, à l'autre petit village, à l'autre petit village, les gens se parlent, les gens sont habitués de travailler ensemble, là. Les élus municipaux, il faut arrêter de penser que, parce qu'ils sont des élus municipaux, ils sont moins fins que les autres, là. Clairement, en tout cas, j'espère que ce n'est pas l'image que nos élus ont ici, à Québec.

M. Lévesque (Chapleau) : Aucunement, aucunement.

M. Cusson (Alexandre) : On aimerait que ça paraisse dans le projet de loi.

M. Lévesque (Chapleau) : Aucunement. Je pense que votre travail est immensément respecté. Mais, vous ne pensez pas, justement, pour simplifier la tâche à ces villes et villages tout simplement bannir ne serait pas la meilleure chose, justement?

M. Cusson (Alexandre) : Écoutez, ces villes, ces villages, comme vous le mentionnez... Nous, chez nous, là, on a 85 % de la population du Québec, et c'est de façon unanime qu'ils ont appuyé, qu'ils ont dit : On veut que notre autonomie soit respectée. Alors, on les a consultés, on a leur réponse.

M. Lévesque (Chapleau) : Certains nous accusent d'enrichir le crime organisé, avec notre projet de loi n° 2, et de pousser nos jeunes vers des dealers et de la scrap, car la légalisation devrait en finir avec le marché noir. Pourtant, l'alcool et le tabac sont des substances légales, et il existe encore d'importants problèmes de contrebande de ces deux substances. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation-là?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, si on regarde la quantité, hein, on le sait, là. Mais il est clair que c'est l'objectif principal de la légalisation du cannabis que vous remettez en question. Donc, pour nous, évidemment... Puis les gens avant moi l'ont dit aussi, là, il y en aura toujours, de la contrebande, on le sait. Mais on est convaincus que, sur la question de l'âge, de 18 à 21 ans, ces jeunes-là, bien, vont continuer d'aller chercher le cannabis sur le marché noir, et là il y a des risques, pour nous, il y a des risques clairs de produits qui ne sont pas contrôlés, et ça nous préoccupe. Ceci dit, on reconnaît que c'est une compétence de l'Assemblée nationale, et c'est pour ça qu'on n'en a pas fait une recommandation claire. On a commenté, mais on ne se permet pas de faire des recommandations sur ce qui regarde les compétences des autres.

M. Lévesque (Chapleau) : Est-ce que j'en comprends qu'en gardant l'âge de consommation à 18 ans on va, dans le fond, réussir à faire disparaître le crime organisé?

M. Cusson (Alexandre) : Non, vous me faites... pas complètement, ça, c'est certain. Mais je ne vous dis pas que ce sera mieux de le mettre à 21 ans, par contre.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup. C'est tout pour moi, M. le Président. J'aimerais repasser peut-être la parole au ministre.

Le Président (M. Provençal)  : Il reste 1 min 30 s.

M. Carmant : Non, on va terminer là. C'est bon pour nous.

Le Président (M. Provençal)  : C'est terminé?

M. Carmant : C'est terminé. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je cède la parole à l'opposition officielle, qui va prendre la parole pour les 11 minutes qui suivent. Donc, M. Fortin, à vous.

M. Fortin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, merci. Bonsoir, en fait. Merci d'être avec nous. Le député de Jonquière, il n'a pas beaucoup de temps ici, dans cette commission parlementaire ci, donc je vais peut-être faire du pouce sur ce qu'il a dit tantôt, puis il pourra peut-être se... ou peut-être qu'il pourra continuer là-dedans, mais peut-être qu'il pourra se concentrer sur d'autres choses. Quand la mairesse de Montréal était devant nous, tantôt, le préambule du député de Jonquière se terminait en disant : Il me semble que c'est puissant, comme message. C'est ça, c'était ça à peu près?

M. Gaudreault : Oui, mais sans accent...

M. Fortin : Ah oui! O.K. Je m'excuse. J'aurais de la misère...

Le Président (M. Provençal)  : M. le député de Pontiac, je m'excuse, mais je ne veux pas voir d'échange entre les députés, là.

M. Fortin : Bien, M. le Président...

Le Président (M. Provençal)  : Non, mais, excusez-moi...

M. Fortin : ...quand on demande : «C'est ça?» à un député... Si on est pour travailler ensemble pour les quatre prochaines années, là, il va falloir que ce soit un petit peu plus...

Le Président (M. Provençal)  : Oui, oui. Non, mais, moi, ce que je veux vous dire, c'est qu'une commission c'est pour recevoir les gens, pour que les gens puissent présenter leurs mémoires puis, par la suite, qu'on fasse des échanges avec ces gens-là.

M. Fortin : M. le Président, vous allez me permettre de citer correctement le député de Jonquière.

Le Président (M. Provençal)  : Et je vais vous redonner le temps que j'ai pris, ne vous en faites pas. Je suis conscient que j'ampute votre temps.

M. Fortin : Très bien.

Le Président (M. Provençal)  : Mais j'aimerais ça que l'échange se fasse avec les gens d'en face, s'il vous plaît. Merci.

M. Fortin : Oui. Pour le bienfait du commentaire que je m'apprête à faire, je veux citer correctement le député de Jonquière, qui a terminé son allocution initiale, je n'ai pas besoin de lui demander, je m'en souviens bien, puis je suis certain que tout le monde ici s'en souvient très bien aussi, en disant : Il me semble que c'est puissant, comme message — je le vois hocher de la tête, ce n'est pas une question pour le député de Jonquière, je le vois hocher de la tête — d'avoir la mairesse de la plus grande ville du Québec, la métropole du Québec, avec le chef des services policiers de la plus grande ville du Québec, envoyer un message plutôt clair — si je me souviens bien de l'intervention de la mairesse et du chef policier — au gouvernement que son projet de loi actuel ne correspond pas aux réalités de la ville de Montréal.

Et aujourd'hui on a devant nous... bien, «aujourd'hui», ensuite on a devant nous le président de l'UMQ, le maire de Drummondville, en soi qui est une des grandes villes du Québec, disons... L'UMQ qui représente 85 % de la population québécoise, il me semble que c'est encore plus puissant comme message qu'uniquement le message de la métropole du Québec. Avez-vous l'impression que le gouvernement entend votre message et apportera des modifications suite à vos recommandations et à celles de la mairesse de Montréal?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, on l'espère. Dans un premier temps, vous l'avez mentionné, Montréal, la ville la plus populeuse... Je pensais que vous alliez dire : Drummondville, une des plus belles villes. Mais quand même, c'est bien. Pour nous, effectivement, c'est le premier projet de loi du nouveau gouvernement dans lequel, évidemment, le monde municipal est touché, et ce qu'on souhaite, évidemment... et on pense que ce serait un message positif à donner au monde municipal que de respecter ses compétences dans le premier projet de loi qu'on a à travailler ensemble. Il faut se faire confiance.

Je pense que les gens du monde municipal sont très préoccupés. Évidemment, hein, on ne banalise pas, je le répète. On a adopté des règlements, on veut s'assurer qu'ils soient applicables. Pour nous, ce n'est pas... on n'a pas l'intention de dire : Allez-y, tout le monde, c'est parti, le party est commencé. Loin de là. On veut intervenir, mais on veut intervenir de façon efficace et on souhaite être capables de le faire. C'est une question de principe pour nous. On veut travailler avec le gouvernement du Québec. S'il faut s'asseoir, s'il faut déterminer des objectifs ensemble, on va le faire. Mais on demeure responsables de la paix et du bon ordre, et on ne veut pas recevoir comme message que le gouvernement du Québec ne nous fait pas confiance pour relever ce défi-là, pour assumer nos compétences.

• (20 h 50) •

M. Fortin : Très bien. Vous en avez parlé un peu, la mairesse de Montréal en a aussi parlé, l'entente financière, en ce moment, disons, le partage des coûts semble satisfaisant, selon ce que vous avez indiqué au député de Chapleau ou au ministre tantôt, là, je ne me souviens plus, là, mais semble vous satisfaire. Dans le contexte où vos policiers municipaux, les policiers municipaux des différents corps à travers le Québec, incluant celui de la ville de Montréal, devraient s'assurer, sur les campus universitaires, que les gens ne possèdent pas de cannabis sur leur personne, devraient s'assurer que les jeunes de 18 à 21 ans ne consomment pas, n'achètent pas de cannabis, dans le contexte où il y aurait nécessairement des ressources policières supplémentaires nécessaires — le chef de police de la ville de Montréal, tantôt, a parlé de 100 policiers supplémentaires, au minimum, disons, là, c'était une estimation initiale minimale, ça veut dire que, pour 85 % de la population, le chiffre serait encore plus grand — auriez-vous accepté une offre à la hauteur de celle que vous avez acceptée? Et, sinon — je présume que non parce qu'il vous incomberait des coûts supplémentaires — vous attendez-vous à ce que, si le projet de loi est adopté tel quel et qu'il y a des répercussions sur vos corps policiers municipaux, le gouvernement, lors du prochain budget, vous alloue des sommes supplémentaires pour ces services policiers là?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, moi, je vous dirais qu'il y a clairement une question de coût plus élevé pour appliquer une réglementation qui est différente. Mais le coût le plus important, pour moi, ce n'est pas un coût financier, c'est un coût de crédibilité. Demander à nos policiers d'appliquer quelque chose qui n'est pas applicable, au-delà de coûter cher, ça va faire en sorte qu'on va réduire leur crédibilité, et ça, c'est plus important pour moi, encore, que ce que ça peut coûter.

M. Fortin : Donc, les deux sont importants, mais l'applicabilité est encore plus importante?

M. Cusson (Alexandre) : Tout à fait.

M. Fortin : Très bien. M. le Président, je crois que la députée de Vaudreuil a des questions.

Le Président (M. Provençal)  : Ça me fait plaisir de vous céder la parole.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Merci, M. Cusson, merci, Mme Pigeon, d'être ici. Bien intéressant, votre mémoire. Je rappelle qu'il y a 1 131 municipalités au Québec. Vous en avez... Des municipalités et des villes qui sont membres de l'UMQ, si je ne me trompe pas, l'UMQ, c'est plus les... Nous, comme...

M. Cusson (Alexandre) : De la plus petite à la plus grande ville, elles sont membres chez nous, de toutes les tailles, dans toutes les régions du Québec.

Mme Nichols : Exactement. Il y en a qui sont membres de la FQM et de l'UMQ aussi, donc. Mais vous faites bien ça, vous représentez bien vos membres. Et je me souviens qu'on a travaillé ensemble, entre autres, sur le projet de loi n° 122, le projet de loi justement sur la compétence municipale. Et on a travaillé ensemble le projet de loi sur le gouvernement de proximité, et c'était une belle collaboration, mais une belle collaboration aussi avec les oppositions. Mais l'UMQ a beaucoup apporté, justement, par la contribution de vos membres, de leurs commentaires, et je pense qu'on a... on dit : On a pondu, mais, enfin, on a élaboré, là, une belle loi ensemble.

Et je reviens encore sur le respect de l'autonomie municipale parce que je pense que ça a été un gros gain pour le monde municipal en juin 2017, ce que le gouvernement provincial vous a donné. Ou, en fait, on peut dire qu'on a fait des échanges, là, mais, en gros, je pense que l'autonomie municipale qui vous a été accordée, c'était superimportant. Et, par le projet de loi, veux veux pas, là, l'autonomie municipale des différentes municipalités ou villes est vraiment écorchée. On parle de l'érosion de l'autonomie municipale. Et, dans le fond, ce que je comprends, dans les membres que vous avez, il y en a qui ont décidé d'y aller pour une interdiction complète, d'autres qui sont allés avec une interdiction plus modérée. Tantôt, vous parliez de la ville de Drummondville, justement, qui sont allés à mi-chemin. Alors, la même chose pour les points de vente, là, on a vu aussi qu'il y avait eu une belle collaboration entre le gouvernement puis vos villes.

Vous, vous représentez les municipalités, donc, avec certaines interdictions, d'autres, un peu moins. Mais, dans l'ensemble, l'UMQ, vous ne vous ingérez pas, vous, dans l'autonomie municipale de vos membres?

M. Cusson (Alexandre) : Non, tout à fait. Et d'ailleurs plusieurs membres qui ont interdit la consommation dans les lieux publics sont à l'aise avec cette position-là parce qu'ils disent : Nous, on s'est posé la question, on a consulté nos citoyens, on a parlé avec nos élus, on a parlé avec notre monde puis on en est venus à la conclusion que c'était la meilleure solution pour notre ville, et donc on a pris cette décision-là. Et on souhaite que Montréal, que Lachenaie, que n'importe quelle autre ville, si c'est une autre solution qui est la meilleure pour elle, on soit capable de le faire. Il n'y a pas beaucoup d'exemples, dans la vie, où le mur-à-mur, c'est ce qu'il y a de mieux. C'est très rare qu'on est fier du mur-à-mur, qu'on est satisfait du mur-à-mur. On pense que c'est la même chose.

Et, toute la question de l'autonomie, vous savez, oui, on a fait des gains sur la reconnaissance, mais cette reconnaissance-là, elle n'est valable que si elle est appliquée au quotidien, si elle devient un réflexe pour le législateur, si elle devient un réflexe pour le gouvernement du Québec de se poser la question : Est-ce que dans mon projet de loi, est-ce que dans mes orientations, j'ai un impact sur les municipalités, et, si c'est le cas, comment je travaille avec les municipalités?

Donc, on aurait pu étudier des solutions, on aurait pu regarder des façons de rejoindre des objectifs du gouvernement en respectant l'autonomie municipale, mais malheureusement on n'a pas eu l'occasion de le faire avant la commission parlementaire.

Mme Nichols : Donc, je comprends que l'UMQ respecte ses villes membres, que ça soit l'interdiction complète ou l'interdiction à mi-chemin?

M. Cusson (Alexandre) : Nous, on guide nos municipalités. On a fourni des guides, on a identifié des questions que les municipalités peuvent se poser pour adopter une réglementation et on a donné des modèles. Mais chacun prend ses décisions.

Mme Nichols : Puis, en gros, c'est quoi, la réaction des membres par rapport à cette autonomie-là qu'on veut peut-être... qu'on veut, pas «peut-être», qu'on veut leur retirer?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, vous savez, c'est un concept qui est très récent, l'autonomie municipale. Alors, nos membres, quand ils voient ça, ils se disent : Bien, finalement, c'est un beau concept sur papier, mais on a de la misère à passer de la parole aux actes. C'était le thème de ma tournée, comme président de l'Union des municipalités du Québec, en 2018, partout au Québec, De la parole aux actes, parce qu'on a dit : Oui, c'est sur papier, mais ce sera un principe désincarné tant et aussi longtemps qu'on ne l'appliquera pas systématiquement.

Mme Nichols : Merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Il reste 35 secondes.

Mme Nichols : Ah! M. le Président, peut-être mon collègue de Viau.

M. Benjamin : Écoutez, rapidement. Merci, M. Cusson, pour votre présentation. Dans votre mémoire, vous formulez une question, un risque de profilage chez les jeunes de cette tranche d'âge qui fumeront à l'extérieur. J'aimerais rapidement vous entendre sur ce risque-là.

M. Cusson (Alexandre) : Peut-être, Mme Pigeon, vous pourriez aller là-dessus.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous alloue une minute supplémentaire, compte tenu de mon intervention, parce que je veux respecter ma parole.

Mme Pigeon (Sylvie) : Oui. Bien, comme l'a soulevé aussi, précédemment, la ville de Montréal, c'est sûr qu'en interdisant la consommation de cannabis chez les jeunes entre 18 à 21 ans, veux veux pas, je veux dire, si les policiers appliquent ça aussi sur le terrain... Est-ce qu'à chaque fois qu'on va voir un ou une jeune dans la rue qui semble fumer quelque chose... est-ce que ça va attirer automatiquement l'attention des policiers? On peut se poser la question, là. Donc, on vient vraiment cibler une partie de la population, par ailleurs, où la consommation de cannabis, là, reste légale, là.

M. Benjamin : ...j'étais au congrès de l'UMQ et je vous ai entendu, M. le président. Donc, à ce moment-là, j'étais de l'autre côté de la barrière, donc, j'étais un élu municipal, et je partageais parfaitement votre point de vue sur la nécessité de respecter les gouvernements de proximité. Et l'actuel premier ministre s'était engagé au respect de ce gouvernement de proximité. Comment vous, actuel président de l'UMQ, et dans l'esprit de ce qu'a été votre discours et des engagements qui ont été pris par rapport au respect des gouvernements de proximité, de l'autonomie des villes, des municipalités, comment vous prenez... comment vous jugez ce projet de loi?

M. Cusson (Alexandre) : Inquiétant.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Je cède la parole à M. Gaudreault, représentant de la deuxième opposition. M. Gaudreault.

M. Gaudreault : Oui. Sur l'âge minimal requis pour la consommation de cannabis, je relisais votre mémoire, et vous y allez beaucoup par des détours, des euphémismes. «Ça soulève plusieurs enjeux.» Vous l'amenez sous l'angle des questions, vous dites : Ça émet un doute. Vous parlez de campagne de sensibilisation. Pourquoi vous ne le dites pas directement comme la ville de Montréal, là, vous êtes pour garder l'âge à 18 ans?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, d'une part, j'y ai fait un peu allusion tout à l'heure, on pose des questions, on amène la commission à y réfléchir, parce qu'on reconnaît que de déterminer l'âge de consommation, c'est une compétence de l'Assemblée nationale. Alors, on vient de passer 45 minutes à vous dire qu'on a des compétences, on souhaite qu'elles soient respectées. Et c'est pour ça qu'on dit : Bien, écoutez, on vous soumet respectueusement des questions là-dessus, mais on respecte vos compétences et on s'attend à ce que vous respectiez les nôtres.

M. Gaudreault : O.K. Écoutez, je trouve un... il y a un point, vraiment, où vous vous distinguez, là, sur la question de l'emballage des contenants et des contenants de cannabis. Ça m'interpelle particulièrement, là, toute la question du suremballage en particulier. Pouvez-vous nous dire quelques mots, vite, vite, avec le temps qu'il me reste, là-dessus?

• (21 heures) •

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, ça aussi, c'est une question qu'on soulève sans faire de recommandation. Mais évidemment on est préoccupés par toute la question environnementale. Et c'est peut-être une question qu'on aurait pu soulever au moment de l'étude du projet de loi n° 157, mais là, on dit, posons-nous cette question-là : Qu'est-ce qu'on peut faire pour nous assurer d'interdire le suremballage ou d'interdire une création, encore une fois, de déchets qu'on va enfouir, qu'on ne sera pas capables de récupérer, etc.? Donc, la SQDC, bien, c'est une société d'État. On pense que le gouvernement du Québec devrait demander à sa société d'État d'être un modèle en ce sens-là.

M. Gaudreault : O.K. Est-ce que, déjà, depuis la légalisation au mois d'octobre, vous sentez, dans les municipalités qui sont membres chez vous, un problème relié à ça, des déchets supplémentaires, une plus grande gestion dans les centres de tri, etc.?

M. Cusson (Alexandre) : Pas spécifiquement, non.

M. Gaudreault : O.K. Alors, vous recommandez quoi précisément? Peut-être de légiférer pour limiter l'emballage?

M. Cusson (Alexandre) : Oui, bien, de regarder ce qui peut être fait. Je pense que ça peut être un travail, hein, ça peut être légiférer, mais ça peut être aussi de donner des orientations à la SQDC, de réfléchir à ce qu'on peut faire pour être meilleurs de ce côté-là.

Le Président (M. Provençal)  : 25 secondes.

M. Gaudreault : 25 secondes. Pour la question des points de vente, ce que je comprends, c'est que vous voulez laisser une marge de manoeuvre quand même aux municipalités sur l'emplacement des points de vente, là. Est-ce qu'il n'y a pas un risque que ce soit un peu n'importe quoi à travers le Québec, là, bon, entre autres sur la question de la proximité des campus, là?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, c'est toute la question de l'aménagement de l'urbanisme, hein, qui relève des municipalités. Mais, vous savez, le risque que ce soit un peu n'importe quoi, quand c'est les gens qui vont avoir à le gérer après, quand c'est des gens qui vont avoir à s'en occuper, à mon avis, il est beaucoup moins grand que quand la décision, elle est prise par des gens qui ne seront pas là quand ça va être la réalité terrain. Et, jusqu'à maintenant, là, ça a été une collaboration, je dois dire, exemplaire avec la SQDC. Il y a eu des petites choses à ajuster, mais les gens ont été très, très ouverts à identifier des lieux avec les municipalités.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Notre consultation de ce soir se conclura avec le questionnement du député de Jean-Lesage, M. Zanetti.

M. Zanetti : Oui. Merci beaucoup. Merci d'être venus nous faire part de votre point de vue. Avec la mairesse de Montréal puis vous, qui représentez, ensemble, là, 85 % de la population québécoise, vous avez vraiment un mandat fort, hein?

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Zanetti : O.K., c'est une joke. Bon. Donc, est-ce qu'il y a, à votre connaissance, des gros problèmes de contrebande d'alcool au Québec?

M. Cusson (Alexandre) : Non. En tout cas...

M. Zanetti : Ça ne vous a pas été rapporté?

M. Cusson (Alexandre) : Non.

M. Zanetti : Vous le sauriez parce que... en tout cas, c'est ce qu'on peut supposer. Ne craignez-vous pas aussi que ça va créer un embourbement des cours municipales, les contraventions données, les gens qui vont les contester parce qu'ils vont dire : Aïe! puis en plus... Bon, c'est ça. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Cusson (Alexandre) : Avant même d'arriver aux cours municipales, je pense que c'est une intervention fort intéressante, il y a la question de l'établissement des priorités pour les corps de police, hein? Parce que, si on multiplie les raisons pour appeler la police, déplacer la police, bien, ces policiers-là, si on n'a pas davantage de policiers, vont devoir tasser autre chose ou faire attendre. Je me rappelle d'un maire qui disait : Bien, moi, je n'ai pas envie qu'il se développe des problèmes à des endroits parce que j'ai des policiers qui sont en train de remplir des constats parce que quelqu'un a été pris avec du cannabis, puis etc., et, pendant ce temps-là, il y a peut-être de la violence en quelque part, puis ils n'y vont pas parce qu'ils sont en train de remplir un document parce que quelqu'un a consommé du cannabis à un endroit qui n'était pas le bon bord de la rue. Donc, la question d'abord des priorités policières, et ensuite, évidemment...

Et, pour ce qui est de l'embourbement des cours, ce n'est pas un phénomène nouveau, c'est une préoccupation qu'on a au Québec. Évidemment, on ne souhaite pas voir arriver cette situation-là, dans nos cours municipales, de façon importante.

M. Zanetti : J'aimerais... Je ne sais pas si vous l'avez fait, mais, si vous ne l'avez pas fait encore, ce serait vraiment pertinent comme information, je ne sais pas si ça peut se faire rapidement, mais ce serait intéressant de calculer en argent ce que ça pourrait coûter, l'embourbement, justement, des cours municipales par des enjeux liés aux contraventions de cannabis. Je ne sais pas si vous avez des chiffres ou si c'est possible de faire une estimation.

M. Cusson (Alexandre) : Non, mais on pourra dresser un état de situation, vous le faire parvenir.

M. Zanetti : Ce serait fort apprécié. Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, je remercie M. Cusson et Mme Pigeon pour leur participation à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 20 février, après les affaires courantes, où elle poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 2. Merci.

(Fin de la séance à 21 h 5)

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