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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le vendredi 8 novembre 2019 - Vol. 45 N° 38

Mandat d'initiative - Augmentation préoccupante de la consommation de psychostimulants chez les enfants et les jeunes en lien avec le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH)


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Table des matières

Auditions (suite)

Hôpital de Montréal pour enfants (HME)

Mme Christiane Laberge

M. Jean-Claude St-Onge

Regroupement des Associations PANDA du Québec

Autres intervenants

M. Luc Provençal, président

Mme Isabelle Lecours

M. François Tremblay

Mme Marie-Claude Nichols

M. Sylvain Gaudreault

Mme Marilyne Picard

M. Sol Zanetti

*          M. Martin Gignac, HME

*          M. Frédéric Boisrond, Regroupement des Associations PANDA du Québec

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Provençal)  : Bon matin à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative concernant l'augmentation préoccupante de la consommation de psychostimulants chez les enfants et les jeunes en lien avec le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements pour ce mandat?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lafrenière (Vachon) est remplacé par M. Bachand (Richmond); M. Benjamin (Viau), par Mme Nichols (Vaudreuil); Mme David (Marguerite-Bourgeoys), par Mme Sauvé (Fabre); M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), par M. Gaudreault (Jonquière).

Auditions (suite)

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, Mme la secrétaire. Nous entendrons, ce matin, les organismes suivants : le service TDAH de l'Hôpital de Montréal pour enfants, dont la présentation sera réalisée par le Dr Martin Gignac, la Dre Christiane Laberge, M. Jean-Claude St-Onge et le Regroupement des associations PANDA du Québec.

Comme la séance a commencé à 9 h 35, y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, soit jusqu'à 12 h 35? «Midi» 35, pour qu'on se comprenne.

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je souhaite maintenant la bienvenue au représentant du service TDAH de l'Hôpital de Montréal pour enfants. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. Je vous cède la parole.

Hôpital de Montréal pour enfants (HME)

M. Gignac (Martin) : Alors, bonjour. Merci de nous avoir invités à nous entretenir avec vous ce matin. Donc, on va s'entretenir sans plus tarder de l'augmentation de consommation des psychostimulants chez les jeunes. Donc, je suis psychiatre d'enfants et d'adolescents, je suis psychiatre légiste. Je travaille principalement à l'Hôpital de Montréal pour enfants et à l'institut Pinel de Montréal. Je suis aussi professeur dans les deux facultés de médecine à McGill et à Montréal.

Donc, mon background pour parler de ce sujet-là, c'est que j'ai fait une formation complémentaire après ma formation en médecine et ma résidence, j'ai fait un fellowship au Massachusetts General Hospital, où j'ai travaillé avec un groupe de recherche qui s'intéressait particulièrement aux suivis longitudinaux d'enfants avec TDAH et sans TDAH. C'est une des plus grandes cohortes qui ont été créées à travers le monde. Il y avait à la fois des garçons et à la fois des filles qui étaient suivis. Je suis un psychiatre spécialisé, un expert médicolégal et je suis témoin quotidiennement d'histoires de jeunes et de leurs familles dont le parcours change positivement avec une approche individualisée pour la prise en charge du TDAH.

Donc, on sait tous que la prévalence du TDAH augmente depuis quelques années. Je pense que vous avez entendu l'INESSS. J'ai participé à certains travaux de l'INESSS et j'ai pu constater les statistiques et les données de la littérature, et je pense qu'aujourd'hui mon propos ce n'est pas de nier cette évidence-là.

Par contre, si on compare dans d'autres domaines médicaux, comme l'asthme par exemple, on constate aussi qu'il y a une augmentation de la prévalence des troubles comme l'asthme ou des maladies pulmonaires. On constate aussi que, dans d'autres domaines de la psychiatrie, il y a une augmentation de certains troubles. On parle des troubles anxieux, des troubles dépressifs. À l'urgence de l'Hôpital de Montréal pour enfants, on a constaté, dans les 10 dernières années, une augmentation du risque de suicide, des consultations pour idées suicidaires, qui avaient augmenté de façon vertigineuse. Alors, bien sûr, c'est pertinent, comme société, qu'on se questionne sur ces augmentations-là, mais le problème n'est pas unique au TDAH.

Donc, le TDAH repose sur une étiologie hétérogène. Vous avez certainement entendu parler de la diathèse familiale, de la génétique, du tabagisme durant la grossesse, et il y a d'autres enjeux. Et j'aimerais pointer l'adversité psychosociale comme un des facteurs importants à prendre en considération. Vous comprendrez que je travaille beaucoup avec les centres jeunesse. Entre autres, je travaille avec des jeunes qui ont commis des délits, et plusieurs d'entre eux ont grandi dans des milieux où il y avait beaucoup d'adversité psychosociale, beaucoup de traumatismes. Et on se questionne, à l'heure actuelle, sur la contribution des temps d'écran dans les bas âges chez les très jeunes enfants. On sait que c'est un autre problème de santé publique. Et je pense que vous êtes certainement au fait qu'on se questionne aussi sur l'impact du cannabis sur le cerveau. Je pense que vous en avez traité abondamment dans d'autres circonstances dans cette noble enceinte.

• (9 h 40) •

Alors, le TDAH, ce n'est pas un problème esthétique, hein? Au-delà du fonctionnement scolaire, le TDAH, ça touche plusieurs enjeux du développement des enfants. On parle ici d'estime de soi, de conflits interpersonnels, d'accidents, de blessures. Il y a plus de consultations dans les urgences pédiatriques avec des enfants TDAH que des enfants sans TDAH. On parle de toxicomanie, d'enjeux légaux, on parle d'accidents de véhicules motorisés. Ces enfants-là, ces adolescents-là, ces jeunes adultes ont un plus grand risque au niveau de la mortalité précoce. On parle de grossesses précoces, de conflits familiaux, de comorbidité psychiatrique.

Et j'aimerais vous entretenir, entre autres, de l'impact de la pharmacothérapie sur la comorbidité psychiatrique. Alors, il y a une grande étude qui a été menée, là, à travers les États-Unis, et le site de l'Hôpital de Montréal pour enfants était un site de recrutement pour cette étude-là, qui s'appelle le Multimodal Treatment Analysis. Si vous avez une étude de recherche à aller consulter dans la littérature, je vous inviterais à consulter celle-ci. Elle était financée par le NIMH, complètement indépendante des financements pharmaceutiques. Et on voit que les enfants, les adolescents et les jeunes adultes, parce que c'est des cohortes qui ont été suivies de façon longitudinale, sont très rarement seulement atteints de TDAH, ils ont souvent des comorbidités. Et plus on vieillit avec le TDAH, plus la comorbidité augmente. Donc, le risque d'avoir de la dépression augmente avec le temps si on ne traite pas le TDAH. Le risque d'avoir des troubles anxieux augmente si on ne traite pas le TDAH. C'est vrai aussi pour la toxicomanie. Et une des études longitudinales, dont le groupe de Boston avec lequel j'ai travaillé, est arrivée à la conclusion que, quand on traite de façon précoce le TDAH, on arrive à prévenir ces comorbidités plus tard dans la vie adulte. Alors, c'est quand même une donnée importante quand on vient tenter de justifier la mise en place d'un traitement chez un enfant pour essayer de regarder le suivi longitudinal, quel impact ça peut avoir ultérieurement.

Il y a aussi des données qui viennent de la Scandinavie qui nous indiquent que le TDAH, par exemple en milieu carcéral, lorsqu'il est bien traité, réduit le risque de récidive.

Alors, ces médicaments qu'on utilise pour le TDAH, ce n'est pas seulement pour la performance scolaire. Bien sûr, on espère que ça va aider la performance scolaire, mais il faut regarder d'autres aspects du fonctionnement des individus qu'on traite avec un TDAH, et je pense que c'est ce que je tente de vous faire comme démonstration maintenant.

Donc, plus spécifiquement, le TDAH dans le cadre scolaire... On dit souvent que les enfants vont être envoyés en consultation parce que les professeurs ont remarqué que ces enfants-là ne cadraient pas bien dans le fonctionnement scolaire, et on se demande est-ce que c'est un problème de tolérance dans le milieu scolaire. Et les interventions qui sont souvent préconisées pour ces enfants qui sont perturbateurs, bien, ils sont expulsés, ils sont suspendus, ils sont mis en détention, ils ont des punitions corporelles — espérons que c'est en train de disparaître, ce genre de chose là — mais on ne parle pas beaucoup de favoriser leur développement, on parle d'essayer d'éteindre un comportement. Et on note que, lorsqu'on les traite de façon adéquate, ils sont plus fonctionnels et ils sont plus susceptibles de répondre à des approches qui vont au-delà des approches restrictives et des approches d'encadrement qui sont punitives.

Alors, si on en revient à l'étude du Multimodal Treatment Analysis, une des données très éclairantes de cette recherche scientifique, c'est que la médication fait une différence. Quand on applique des mesures d'intervention psychosociale et qu'on ajoute un traitement pharmacologique, on augmente l'efficacité des mesures d'intervention psychosociale.

Alors, en conclusion, j'aimerais vous inviter, aussi, à aller revisiter ce document qui a été produit par l'Institut national de santé publique du Québec où on parlait d'un avis scientifique sur les programmes de formation aux habiletés parentales. L'intérêt, c'est : Est-ce qu'on est capables de mieux former les parents pour intervenir de façon précoce pour essayer de prévenir les conséquences au long cours dont je vous ai entretenus ce matin? Est-ce qu'on est capables, aussi, d'intervenir avec le jeune de façon précoce pour peut-être enrayer un développement qui va mener à certaines comorbidités plus tard, dont les troubles de comportement? Et est-ce que ces approches-là peuvent être combinées à une approche pharmacothérapeutique, lorsqu'indiqué, bien sûr, pour essayer d'optimiser le traitement et le rendre le plus efficace possible?

Alors, les psychiatres du Québec sont sortis dans les médias récemment, mais c'est une réflexion qui se déroule, actuellement, à l'Association des médecins psychiatres, à savoir est-ce qu'on peut implanter, actuellement, un cours d'éducation à la santé mentale dans nos écoles pour aider les enfants à avoir une meilleure reconnaissance émotionnelle. Alors, pour des enfants vulnérables qui ont un TDAH, pour les enfants vulnérables qui grandissent dans un milieu où les parents n'ont pas été très bien outillés, est-ce que le milieu scolaire est capable d'offrir certains cours sur des habiletés, avoir de meilleures habiletés pour essayer de contrôler nos émotions? Ça peut aider dans le fonctionnement scolaire. Et, si ces habiletés-là sont potentialisées avec une approche pharmacologique, on pense qu'en bout de ligne c'est ce qui va rendre le fonctionnement optimal, de ces jeunes-là.

Alors, je vous donne ici un exemple, là, d'outils qu'on peut enseigner puis qu'on peut utiliser dans le cadre scolaire, puis des fois je me dis : Peut-être, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale aussi, on pourrait enseigner à certains députés l'utilisation de la reconnaissance des émotions, mais ceci est une blague. Je ne vais pas nommer de noms, bien sûr, là, mais, bon...

Donc, en conclusion, j'invite la commission à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Je pense que c'est important de prendre en considération que ces approches pharmacologiques qui sont utilisées pour le TDAH sont très utiles et sont supportées par une littérature scientifique qui est solide. L'augmentation est préoccupante, l'augmentation de l'utilisation de ces médicaments, mais il ne faut pas voir ça comme un phénomène unique au TDAH. On a d'autres domaines de la médecine où on voit une augmentation, aussi, de la prévalence de certains troubles et l'utilisation de certains produits pharmaceutiques. Une approche multimodale est essentielle, donc ne pas se ramener seulement à l'approche pharmacologique. Mais essayer de mettre en place, par exemple, une approche d'habiletés parentales qui serait universellement implantée au Québec, je pense que ce serait très, très utile. Et, le traitement pharmacologique, ce que je dis souvent à mes patients, c'est que c'est souvent nécessaire mais rarement suffisant. Alors, je vous remercie pour votre attention.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie, Dr Gignac, pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. Alors, on débute cette période avec la députée de Lotbinière-Frontenac.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Tout à l'heure, vous avez parlé que vous avez fait des études à Harvard puis que vous aviez étudié des groupes de filles et de garçons. Est-ce qu'il y a une différence, concernant le TDAH, quand vous avez fait des études sur les garçons ou les filles? Est-ce qu'il y a plus une grande proportion de garçons ou de filles qui ont ce trouble-là?

M. Gignac (Martin) : On sait que la présentation des symptômes du TDAH diffère entre les garçons et les filles. Alors, les garçons vont souvent se présenter plus avec des symptômes moteurs, des symptômes d'hyperactivité, des symptômes d'impulsivité. Chez les filles, on a, à l'avant-plan, les symptômes cognitifs, moins de symptômes moteurs d'impulsivité et d'hyperactivité. Et je ne pense pas qu'en proportion il y a nécessairement plus de garçons qui en souffrent que de filles, mais les filles semblent être identifiées plus tardivement dans leur suivi. Et, quand on arrive à l'âge adulte, les proportions d'hommes, pour femmes, qui sont traités avec le TDAH sont équivalentes. Donc, on est dans du un pour un à l'âge adulte, mais il semble qu'on identifie davantage les garçons précocement de par leur présentation. En clinique pédiatrique puis en clinique de pédopsychiatrie, on parle souvent de trois garçons pour une fille qui viennent en consultation, et il y a même des endroits où on cite des chiffres qui vont jusqu'à neuf garçons pour une fille, mais je pense qu'en moyenne ce qu'on retrouve le plus dans la littérature, c'est trois garçons pour une fille. Je peux vous dire qu'à l'institut Pinel, où je travaille avec des jeunes avec des troubles d'inconduite, il y a une grande proportion qui sont des garçons. On voit moins de filles, mais on en voit quand même quelques-unes.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : O.K. Merci. Vous avez parlé, aussi, qu'il y avait un lien du TDAH avec le suicide. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Gignac (Martin) : Mais je n'ai pas fait ce lien-là. Ce que j'ai dit, c'est qu'on remarque, dans notre salle d'urgence, qu'il y a aussi une augmentation des conduites suicidaires chez les jeunes, et je pense qu'il faut s'attarder à ce problème de santé publique là. Donc, l'augmentation du TDAH, en termes d'augmentation de prévalence puis augmentation d'utilisation des médicaments pour le traiter, ce n'est pas un phénomène unique en médecine. On note qu'il y a aussi une augmentation de l'utilisation du Ventolin pour l'asthme. On note qu'il y a une augmentation des crises suicidaires de consultation à l'urgence. On note qu'il y a une augmentation des troubles anxieux. On parle beaucoup, là, d'écoanxiété, actuellement, chez les jeunes. On en voit beaucoup, en clinique pédopsychiatrique, de ce genre d'enjeux là, et je pense qu'il faut regarder l'ensemble de notre société pour comprendre comment ça se fait qu'on a une augmentation de ces prévalences de troubles là. Certains sont de l'ordre de la santé physique et d'autres sont de l'ordre de la santé mentale, mais ce n'est pas un phénomène unique au TDAH.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Parfait. Puis est-ce que vous pouvez nous parler du TDAH puis le lien avec le temps d'écran ou l'impact, s'il vous plaît?

• (9 h 50) •

M. Gignac (Martin) : Donc, j'ai fait exprès pour noter... On ne fait pas de lien de cause à effet encore. Il y a eu des écrits, dans le passé, qui ont quand même suggéré qu'il y avait un signal d'association entre le temps d'écran et la présence d'un TDAH. Ce qu'on n'est pas tout à fait capables de démontrer, c'est est-ce que les enfants qui ont un TDAH sont davantage exposés à des temps d'écran prolongés parce que ça devient un substitut à l'encadrement parce que c'est des enfants qui sont exigeants. Alors, je ne blâme pas les parents, là, mais il y a des parents, des fois, qui eux-mêmes sont TDAH, qui ont un enfant TDAH et peut-être qu'ils font une surutilisation de cet outil-là parce qu'ils se rendent compte que, quand l'enfant est sur le temps d'écran, au moins il est calme, puis on a moins besoin de l'encadrer puis d'intervenir.

Donc, il y a ce lien-là qui est ressorti dans la littérature, et on pense que les enfants TDAH sont particulièrement vulnérables à tous les phénomènes de dépendance aux substances, la toxicomanie, mais aussi les phénomènes de dépendance aux jeux vidéo en ligne. Alors, on voit que, dans les cohortes de TDAH, les jeunes atteints de TDAH qui font un surusage des jeux vidéo en ligne, c'est plus élevé. Ça ne veut pas dire que c'est les jeux vidéo en ligne qui causent le TDAH, mais ils sont associés, les deux ensemble.

Alors, c'est une question qu'on se pose, puis espérons qu'avec les études et les recherches on aura davantage de réponses, éventuellement, mais il y a un lien qui est remarqué dans la littérature.

Le Président (M. Provençal)  : M. le député de Dubuc.

M. Tremblay : Merci, M. le Président. Bonjour.

M. Gignac (Martin) : Bonjour.

M. Tremblay : Merci pour la contribution à nos travaux. Dites-moi, on a un mandat, on travaille sur un mandat précis qui regarde l'augmentation préoccupante de la consommation de psychostimulants chez les enfants avec le TDAH. Ce que je comprends de vos interventions, c'est que, dans le fond, ce titre-là est pertinent, mais que, dans les faits, ça devrait être un mandat d'initiative beaucoup plus large, avec un titre, peut-être, beaucoup plus large qui permettrait de mettre en lumière les véritables lacunes qui peuvent être répertoriées à l'heure actuelle. Est-ce que je me trompe?

M. Gignac (Martin) : Bien, en partie, je pense qu'effectivement c'est ce que je tentais de dire, c'est-à-dire que je note qu'il y a une augmentation préoccupante de plusieurs enjeux au niveau de la santé mentale et même dans certains troubles comme les troubles de santé physique. Et de poser cette question spécifiquement avec le TDAH, c'est bien, parce que ça permet d'en parler puis ça permet de réfléchir aux causes, mais, effectivement, ça serait intéressant de regarder plus globalement qu'est-ce qui se passe, actuellement, pour les autres troubles qui ne sont peut-être pas directement associés au TDAH, mais peut-être qu'ils le sont. La dépression, l'anxiété, les conduites suicidaires, c'est des enjeux avec lesquels on travaille régulièrement, en santé mentale.

M. Tremblay : Dites-moi, on parle de l'usage des appareils électroniques, on est dans cette ère-là, bien, ça fait quand même quelques années que tout ça a démarré, mais, si on place la portée d'études scientifiques puis de recherches sur les conséquences sur... bon, par rapport à nos jeunes, plus spécifiquement, avez-vous l'impression qu'on n'est pas déjà un peu en retard par rapport à... Les études commencent à entrer sur... de nous dire, par exemple, que deux... moi, j'avais entendu deux heures d'usage par jour maximum pour un enfant. On a entendu, chez d'autres invités... par exemple, une neuropsychologue qui est venue nous signifier que 30 minutes par jour pour des enfants d'âge primaire, une heure maximum pour des jeunes de niveau secondaire, quand on comprend que ce n'est pas évident d'enlever l'appareil à quelqu'un qui est dans l'adolescence, là, puis qu'il figure que c'est à lui, l'appareil... Ma question, c'est ça : Avez-vous l'impression qu'on pose déjà les actions concrètes pour s'assurer de ne pas être trop en retard par rapport au besoin de réagir?

M. Gignac (Martin) : Bien, je pense que c'est difficile de se prononcer sur le temps d'écran maximal ou le temps d'écran optimal. Je pense que c'est vraiment selon le fonctionnement d'une personne. Moi, ce qui me préoccupe, c'est que la surutilisation des réseaux sociaux, actuellement, fait en sorte que les jeunes sont de plus en plus isolés, finalement. Donc, c'est supposé nous connecter ensemble, mais ça nous isole énormément. Et les jeunes avec qui on travaille qui ont un TDAH, souvent ils ont de pauvres habiletés sociales, ils ont souvent été rejetés, ils ont des conflits interpersonnels très fréquents, et eux, ils sont susceptibles de faire appel à ces réseaux-là parce qu'ils ont de la difficulté à entrer en relation réelle, donc ils sont en relation virtuelle. Et, si l'isolement augmente avec l'utilisation, la surutilisation de ces réseaux-là puis de ces appareils-là, je pense qu'on les place à plus haut risque de se retrouver dans des états dépressifs puis peut-être d'avoir, éventuellement, des conduites suicidaires. Donc, c'est préoccupant, dans la perspective où on regarde est-ce que c'est associé avec des mesures de dysfonctionnement chez les enfants et chez les adolescents.

Maintenant, de dire : On va leur permettre deux heures, ou leur permettre 30 minutes, ou leur permettre quatre heures, moi, ce que j'aurais tendance à dire à des parents puis aux enseignants, c'est : Regardez comment l'individu fonctionne avec son outil puis encadrez cet individu spécifiquement en lien avec cet outil-là. C'est très difficile, je trouve, de tirer des conclusions. Récemment, il y avait des données qui sortaient, là, avec l'institut de santé publique, où on disait qu'effectivement le seuil de deux heures semblait être un seuil où on voyait apparaître plus de difficultés, après deux heures. Donc, c'est peut-être un seuil auquel on devra d'intéresser, mais je ne peux pas dire que ça fait partie de notre pratique courante, de dire ou de dicter aux parents : Ne permettez pas plus que 30 minutes, ne permettez pas plus que deux heures. Je pense que c'est vraiment selon l'évaluation de la personne qui est devant nous.

M. Tremblay : D'accord. Dites-moi, on a parlé de... bien, on va reconduire un poste de Commissaire à la santé. Croyez-vous que ce poste-là, avec ce que ça implique comme mandat, ne pourrait pas donner place à une priorité sur un axe jeunesse qui rencontrerait un mandat plus élargi par rapport au phénomène? Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Gignac (Martin) : Je serais tout à fait en faveur avec ce genre d'initiative. Je pense qu'il y a effectivement des phénomènes, actuellement, en pédopsychiatrie... On veut dépister précocement, on veut intervenir de façon précoce, on veut instaurer des approches universelles, et je pense que ça va prendre, effectivement, beaucoup de leadership pour en arriver à choisir lesquelles interventions on va privilégier, à quels moments clés est-ce qu'on va offrir ces interventions-là. Et moi, je suis certainement prêt à travailler conjointement... puis je pense que l'hôpital dans lequel je travaille, actuellement, est intéressé à s'investir dans ces projets-là, tout comme l'Association des médecins psychiatres. Donc, je pense qu'il y a plusieurs parties, là, qui sont impliquées et puis qui veulent travailler dans ce sens-là.

M. Tremblay : Autre exemple, dites-moi, il y a eu, je peux le nommer, Dr Bernard Hammarrenger...

Des voix : Hammarrenger.

M. Tremblay : ... — Hammarrenger? — neuropsychologue...

M. Gignac (Martin) : Oui, je connais Dr Hammarrenger, oui.

M. Tremblay : ...en conclusion, venait à signifier que lui était disposé... il croyait pertinent d'avoir un comité qui pourrait plancher sur des lignes de pratiques interprofessions. Croyez-vous que ça peut être, aussi, un outil intéressant? Croyez-vous qu'à l'heure actuelle... On a beaucoup parlé, depuis le début, du réseau qui implique la famille, qui implique la structure scolaire, qui implique le réseau de la santé, évidemment, notre société dans l'ensemble. Est-ce qu'on a suffisamment d'instances sur le terrain pour intervenir dans une démarche d'amélioration ou s'il y aurait place à un nouveau catalyseur qui permettrait de davantage mettre en lumière le phénomène?

M. Gignac (Martin) : Bien, moi, j'avais travaillé un peu avec l'INESS, là, sur penser au cheminement des enfants qu'on identifie comme potentiellement TDAH dans des milieux scolaires, puis une des choses qu'on notait puis, je pense, qui mériterait une attention, c'est... comme le système scolaire, le système de santé fonctionnent dans deux ministères différents, on aurait intérêt à ce que ces deux ministères-là... mais en fait à ce que les deux systèmes et que les écoles et les systèmes de santé se parlent davantage. Donc, tout ce qui va favoriser cette interface-là, je pense que ça va améliorer la prise en charge des enfants.

Par ailleurs, par rapport à cette idée d'avoir des lignes directrices qui nous guident dans la mise en place, là, d'approches puis d'interventions, bien, peut-être j'aurais dû le divulguer, là, je suis nouvellement président de CADDRA, le Canadian ADHD Resource Alliance, alors, on a fait des lignes directrices. Dre Vincent, que vous avez entendue aussi, est impliquée dans ces lignes directrices là. Je pense qu'on aurait intérêt à avoir peut-être une approche interdisciplinaire. Donc, certainement qu'on pourrait collaborer avec d'autres groupes. Les psychologues sont déjà impliqués, mais pas spécifiquement les neuropsychologues, mais certainement que leur apport serait pertinent, là. Donc, oui, je suis plutôt en faveur de supporter le développement de lignes directrices.

• (10 heures) •

M. Tremblay : On a parlé de... bien, il a été question d'un certain manque de rigueur, à certains égards, au niveau des diagnostics, dans la démarche d'établir le diagnostic. On fait même allusion à des disparités avec les régions, où, peut-être par manque d'effectifs, entre autres, on arrive à des taux qui sont assez différents, assez significatifs. Croyez-vous qu'à l'heure actuelle il y a vraiment une rigueur au niveau des... Est-ce qu'il y a un manque de rigueur au niveau des diagnostics qui sont prononcés en région comme en grand centre, peu importe, dans l'ensemble de l'oeuvre? Est-ce qu'on ne devrait pas... Est-ce qu'il n'y a pas urgence à intervenir?

M. Gignac (Martin) : Je pense que c'est un signal qui est important. Il faut regarder qu'est-ce qui fait en sorte qu'on a des taux de prévalence qui varient d'une région à une autre. Il y a plusieurs hypothèses en arrière de ça. On pourrait penser que l'adversité psychosociale varie d'une région à une autre, on pourrait penser que le Québec n'est pas un endroit uniforme en termes de niveaux de services. Il y a des endroits où les listes d'attente pour avoir un service en CLSC en santé mentale, c'est presque un an, il y a d'autres endroits, les enfants sont vus en 30 jours. Alors, il y a une disparité dans l'offre de services. Je pense que ça aussi, ça doit faire partie de notre réflexion.

Par ailleurs, si on identifie qu'il y a un problème de compétence médicale au niveau des diagnostics ou incompétence de psychologues qui posent des diagnostics psychologiques de TDAH, c'est certainement aux ordres professionnels d'identifier ces cas-là, qui sont particuliers. Il y a beaucoup d'initiatives au niveau de la formation continue. J'avais participé... avec un programme du Collège des médecins qui avait été implanté partout dans la province pour vraiment s'assurer que tout le monde était au même niveau par rapport à l'utilisation d'outils.

Donc, je ne suis pas sûr que la raison numéro un, c'est un problème de compétence. Je pense que la raison numéro un, c'est un problème de synergie, peut-être des disparités qui sont régionales, peut-être qu'il y a plus d'adversité psychosociale dans certaines régions. Et, si la compétence est un enjeu, bien, il y a certainement des instances en place qui pourront aborder ça, et je pense qu'il faut s'y attarder, c'est certain, mais je ne suis pas sûr que c'est la première chose qui est en haut de la liste.

M. Tremblay : Encore du temps?

Le Président (M. Provençal)  : Une minute.

M. Tremblay : J'aurais tendance à dire : Ce que j'en comprends, sans prétendre à pouvoir vulgariser tout ça, on a une société de performance. Au niveau des familles, il y a du travail à faire au niveau de la conscientisation par rapport au phénomène. Je comprends qu'au niveau du milieu scolaire il y a du travail, aussi, à faire au niveau des effectifs, peut-être de mettre davantage d'énergie sur la réalité, conjointement avec les parents, les familles, puis qu'effectivement il faut renforcer, probablement, le maillage avec la médication. C'est à peu près le constat que j'en fais, dans le fond. C'est un problème de société qui est vraiment réel.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Il me fait plaisir de céder, maintenant, la parole à la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Merci, M. Gignac, d'être ici aujourd'hui. J'ai épluché votre C.V., vos réalisations, vos implications, je suis très emballée, mais aussi très impressionnée par votre C.V. Et je vois que vous avez même le temps de faire des Ironman, donc je ne sais pas où vous trouvez le temps, mais, en tout cas, vous pourrez nous donner des trucs, tout en nous donnant des cours sur la gestion des émotions. Mais en fait c'est très enrichissant que vous soyez aussi ici aujourd'hui pour partager avec nous votre vision, votre expertise et vos connaissances.

On entend... C'est presque gênant de poser des questions, parce que j'ai l'impression qu'on est... En fait, cette commission-là, on apprend beaucoup. Vous savez, nous, on fait de la politique puis on n'a pas des champs d'expertise... en fait, on a des champs d'expertise très variés sur plusieurs domaines, mais rarement très pointus comme, entre autres, les personnes qui viennent en cette commission apporter leur input ou apporter... En fait, ça nous apporte beaucoup de nouvelles connaissances puis ça nous questionne... ça porte à questionnement par la suite.

Je veux peut-être juste... La commission, aujourd'hui, c'est à la demande de mon collègue, et, à la fin, ce qu'on va faire, c'est qu'on va rendre des observations, des observations et des recommandations. Donc, on va se réunir après, on a un recherchiste qui travaille avec nous, donc, toutes les personnes qui vont être passées ici, on va faire ça ensemble puis on va mettre, tu sais, probablement, ce qui a le plus attiré notre attention. Bien, moi, j'aimerais savoir, vous, là, dans les recommandations puis dans les observations, là, s'il y a quelque chose qu'on devrait définitivement inscrire dans notre rapport, ce serait quoi.

M. Gignac (Martin) : J'aurais de la difficulté à choisir une recommandation, mais ce que je tentais de souligner, là, dans mes conclusions, c'est que je pense qu'une approche universelle d'habiletés parentales offerte de façon équitable partout sur le territoire, une approche manualisée, où chaque intervenant qui s'implique avec les parents utilise la même approche, ça serait très, très utile, au Québec. Je pense qu'il y a des initiatives qui se sont faites, mais ce n'est pas une approche universelle. Donc, je pense que ça, ça serait une recommandation intéressante et forte.

Je pense que le cours d'éducation à la santé mentale — comment comprendre les habiletés sociales, résolution de conflits, régulation émotionnelle — serait utile de façon précoce en milieu scolaire, avec un cursus qui pourrait toucher les différentes phases de développement et les besoins des enfants.

Et je pense qu'il faut quand même prendre en considération qu'on est choyés, au Québec, d'avoir un programme d'accès à la médication qui... Quand je me compare avec mes collègues du Canada, dans les autres provinces, on est mieux outillés, au Québec, pour avoir accès aux traitements pharmacologiques, entre autres pour le TDAH, et ça, je pense que c'est quand même une donnée intéressante à remettre en lumière. C'est-à-dire que notre taux qui est plus élevé par rapport à ailleurs au Canada peut être en partie attribuable au fait qu'on a un meilleur programme d'accès. Et, pour bien de mes collègues en Colombie-Britannique, par exemple, avoir accès à une molécule pharmacologique psychostimulante longue durée, à moins que la personne paie de sa poche ou ait un programme d'assurance privée, ça ne sera pas disponible. Alors, là-dessus, je pense qu'il faut quand même appuyer sur le fait qu'au Québec on a fait de bonnes choses. Et il ne faut pas, comme je le disais tantôt, là, jeter le bébé avec l'eau du bain, c'est-à-dire qu'il faut garder les bonnes choses qui ont été faites et continuer à bâtir sur ces bonnes choses là. Alors, peut-être, dans ces trois domaines-là, c'est ce que j'aurais comme message clé, là, pour la commission.

Mme Nichols : On a entendu divers intervenants, puis ce qu'on semblait retenir, c'est qu'il y avait entre autres une problématique... En fait, l'accès aux médicaments, vous en avez parlé, l'accès aux médicaments était peut-être facile ici, au Québec, mais il semblait y avoir une difficulté pour qu'est-ce qui était... Parce qu'on s'entend qu'on doit travailler, probablement, les deux ensemble, pas juste le médicament, mais travailler aussi les à-côtés, la thérapie, le suivi, là, et cette partie-là semble plus difficile d'accès. Est-ce qu'à votre connaissance il y a une...

M. Gignac (Martin) : Donc, souvent, ces familles-là vont aller chercher des services en services spécifiques, là, qu'on appelle la première ligne. Donc, ils vont tenter d'avoir un support psychosocial, un travailleur social, un psychoéducateur, un éducateur spécialisé. Il y a des écoles qui offrent ce genre de services là, il y a d'autres écoles qui sont moins bien nanties. Il y a des CLSC où c'est très facile d'y avoir accès et des CLSC où il y a des temps d'attente qui sont prolongés.

Puis je pense qu'il faut prendre en considération que, dans les CLSC qui sont implantés dans des milieux vulnérables, je pense à certaines régions de Montréal ou même en région, en Mauricie ou dans Lanaudière, il y a certainement des endroits où il y a des CLSC qui sont plus sollicités que d'autres parce qu'il y a des populations vulnérables qui y demeurent, bien, il faut s'assurer que notre offre de services est adaptée à la vulnérabilité de la population. Et, si on est capables d'avoir un accès qui est plus uniforme, plus équitable, peut-être qu'on va voir un rééquilibrage dans l'utilisation de la médication, peut-être qu'on va être capables de faire d'autres types d'interventions en substitution à un traitement pharmacologique.

Mme Nichols : Parce que je comprenais... puis vous avez dit que c'est rarement juste le TDAH, qu'il y a d'autres choses à traiter aussi, ça fait qu'il y a un lien à faire, aussi, avec les services qui doivent, justement, accompagner. Vous avez parlé que le risque augmente d'avoir des troubles anxieux, des troubles de dépression, des troubles bipolaires, donc il y a un lien à faire, et, justement, je présume qu'en combinant c'est la clé du succès.

M. Gignac (Martin) : Exactement. Donc, les approches multimodales, où on est capables de faire... Bien sûr, la pharmacothérapie, c'est utile, mais ça ne va pas résoudre les problèmes, là. En anglais, on dit «pills don't build skills», c'est-à-dire que les médicaments n'amènent pas de nouvelles capacités aux personnes, il faut faire autre chose.

Je vous ai vus sourire, parce que je ne suis peut-être pas le premier à citer cette fameuse phrase là, mais c'est notre mantra, je pense.

• (10 h 10) •

Mme Nichols : J'ai une question qui peut paraître un peu étrange : Est-ce que le TDAH, c'est inné? Est-ce que c'est un trouble qui est inné puis ça se développe dépendamment dans le milieu dans lequel on est ou, dépendamment... justement, on a parlé de milieux favorisés, des milieux défavorisés, de la surexposition aux écrans, des enfants qui vont moins jouer dehors. Donc, est-ce que le TDAH, c'est inné puis c'est quelque chose qui peut se développer en fonction de notre entourage ou en fonction de notre milieu dans lequel on vit?

M. Gignac (Martin) : Donc, il y a beaucoup de recherches qui ont été faites sur ces questions-là. La génétique est le facteur numéro un, donc la transmission... On ne sait pas, on ne pense pas que c'est un gène, là, mais on sait qu'il y a une transmission qui est intergénérationnelle. Je vous dirais que, dans les dernières décennies, on s'est beaucoup intéressés au phénomène épigénétique, c'est-à-dire qu'il y a des gènes qui n'étaient pas activés dans une génération antérieure mais qui le deviennent parce qu'ils ont vécu des stress spécifiques dans leur environnement, et là ils vont transmettre cette activation génétique aux futures générations, donc il va y avoir un phénomène d'amplification. Donc, on peut voir, même dans la génétique, des variances d'une génération à une autre, selon ce qu'ils ont vécu. Alors, par exemple, si, moi, ma génération antérieure a vécu une guerre x dans un territoire y, bien, j'ai plus de chances d'avoir des phénomènes épigénétiques qui vont me rendre vulnérable à développer certains troubles. Et on pense que, pour le TDAH, il y a des phénomènes épigénétiques. Donc, l'adversité psychosociale, l'environnement a un impact sur l'expression de certains gènes et a un impact aussi sur le développement de certains troubles de l'humeur, TDAH et l'anxiété. Donc, on parle, par exemple, des enjeux d'attachement, on parle de traumatismes précoces, des enfants qui ont été victimes d'abus physiques, abus sexuels, c'est des phénomènes qui sont associés avec la présentation de TDAH. Donc, la génétique et l'environnement semblent jouer un rôle, la génétique ayant un rôle un peu plus marqué, là, selon la littérature, que l'environnement, mais il y a des facteurs environnementaux à prendre en considération.

Mme Nichols : Puis est-ce qu'il peut y avoir un élément déclencheur ou est-ce qu'il peut y avoir quelque chose sur un... en fait, un événement sur un laps de temps? Hier, on abordait, avec des sociologues, par exemple, un divorce, le divorce des parents. Est-ce que ça peut s'exprimer sur un court laps de temps ou, non, on serait plus, là, dans un autre trouble, un trouble anxieux ?

M. Gignac (Martin) : Habituellement, le TDAH n'apparaît pas dans la vie, à moins d'avoir subi un traumatisme crânien, là. Le TDAH, c'est un phénomène qu'on va rechercher à partir de la naissance, là. Souvent, il y a des caractéristiques. Des fois, le divorce ou des stresseurs dans l'environnement vont faire en sorte qu'on perd nos repères, puis donc la maladie s'exprime davantage, mais il y avait des signes avant-coureurs, là, ça ne va pas apparaître soudainement à un âge parce qu'on a vécu un stress. Mais, si on grandit dans un milieu où l'adversité psychosociale est grande à partir de notre naissance, là ça nous rend plus vulnérables à développer les troubles, entre autres le TDAH.

Mme Nichols : Merci beaucoup. Merci.

Le Président (M. Provençal) : La parole est maintenant au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, M. le Président. Est-ce que je récupère le temps de parole du député de Jean-Lesage... en tout cas, de... je ne veux pas nommer personne... de la deuxième opposition ou... avec consentement?

Le Président (M. Provençal) : Avec consentement, on va vous donner du temps... le temps supplémentaire, ce qui est...

M. Gaudreault : Alors, je demande le consentement pour avoir le temps non utilisé de la deuxième opposition.

Le Président (M. Provençal) : Moi, je pense que, comme personne qui a initié ce mandat-là, vous méritez ce temps-là.

M. Gaudreault : Oh! avoir su, M. le Président, j'aurais fait d'autres demandes avant.

Merci beaucoup, M. Gignac, de votre présence. C'est vraiment très instructif, tout ce qu'on entend depuis le début de cette commission parlementaire. Je pense que les Québécois auraient intérêt à suivre davantage. Je suis content de voir qu'il y a des caméras, parce que ça montre qu'on ne fait pas juste avoir des problèmes de gestion d'émotions, à l'Assemblée nationale, mais on a aussi des préoccupations extrêmement sensibles sur les besoins réels de nos enfants, entre autres.

Je ne sais pas trop par où commencer tellement qu'il y aurait de choses. Moi, en tout cas, il y a un phénomène qui m'interpelle beaucoup depuis le début de cette commission, j'aimerais ça vous entendre là-dessus : Est-ce qu'au Québec on n'est pas en train... ou est-ce qu'on n'a pas commencé, au fond, à médicaliser un problème social ou un phénomène social? Ce qui était, avant, un enfant plus turbulent, un peu plus actif, un peu plus créatif, même, bien là, aujourd'hui, c'est rendu un TDAH ?

M. Gignac (Martin) : C'est toujours le débat du... à quel seuil est-ce qu'on pense que ça devient problématique. Donc, moi, l'approche que j'ai, habituellement, c'est de regarder, dans le continuum de fonctionnement de l'enfant, à quel moment est-ce qu'il y a une certaine rupture de fonctionnement. Donc, quand l'enfant est toujours dans un mécanisme où il s'adapte à son environnement puis que l'environnement est capable d'encadrer c'est enfant-là, habituellement ça ne mène pas à un diagnostic. Donc, le TDAH, ce n'est pas... Même si on utilise des critères diagnostiques qui sont catégoriels, c'est-à-dire qu'on dit : Ah! ça, c'est un cas TDAH, ça, ce n'est pas un cas TDAH, il y a un continuum de troubles. Et souvent, quand je donne des conférences grand public, par exemple, il y a toujours des gens dans la salle qui disent : Ah! je viens de me découvrir que j'ai un TDAH. Mais en même temps vous travaillez, vous êtes stable au plan familial, vous êtes capable de vous occuper de vos enfants, peut-être que vous avez des symptômes qui sont minimes, mais ça ne veut pas dire que vous avez le trouble.

Alors, le trouble devrait s'appuyer sur un ensemble de symptômes avec des difficultés fonctionnelles qui sont quand même bien définies, là, dans notre DSM puis dans les autres outils qu'on utilise pour poser le diagnostic. Donc, peut-être qu'il y a des gens qui utilisent un seuil qui est plus près que ce que vous apportez, là, c'est-à-dire qu'il y a peut-être des gens qui vont avoir à dire : Bien, lui, il dérange, donc on va le traiter. Mais est-ce qu'on est capables de mettre en lumière... Puis est-ce qu'une autre personne qui observerait cet enfant-là aurait le même avis sur son niveau de dysfonctionnement? C'est très variable d'un professeur à un autre. Parfois, c'est très variable d'un parent à un autre quand les enfants sont en garde partagée.

Alors, je proposerais d'avoir... quand ces questions-là se posent, est-ce que c'est plus un problème d'encadrement, un problème qui est plus mineur, de s'assurer qu'on va chercher plusieurs sources d'information pour mettre en lumière que cet enfant-là, finalement, il n'a pas besoin d'être traité. C'est un tempérament, c'est comme ça qu'il fonctionne, mais il s'adapte bien puis il est fonctionnel, donc on ne va pas mettre en place un traitement pharmacologique.

Et peut-être que, là-dessus, il y a des gens qui ont ramené le seuil un petit peu trop près de la norme, peut-être, là, mais je n'aime pas beaucoup le terme de «norme», en santé mentale, parce que c'est un continuum, là, et tout le monde a des petits troubles ici et là. Mais, quand on commence à tomber dans de graves dysfonctionnements — des difficultés à réussir à l'école, je n'ai pas d'amis, je ne suis pas invité jamais, je n'arrive pas à réussir, j'ai une pauvre estime de moi-même, je commence à avoir des symptômes dépressifs — et là que les choses s'accumulent, le TDAH, ce n'est pas juste adaptatif, dans ce cas-là, ça devient vraiment un problème, puis on a des outils pour traiter ces enfants-là.

M. Gaudreault : Vous l'avez abordé tout à l'heure, le fait que le médicament est accessible au régime de remboursement ici, au Québec, là, l'assurance maladie, est-ce que ça pourrait être une des causes de la surmédicamentation?

M. Gignac (Martin) : Bien, c'est sûr qu'il faut d'abord établir qu'il y a surmédicamentation. Je pense qu'on est dans des seuils qui sont plus élevés qu'ailleurs dans les autres provinces canadiennes, ça, je pense que c'est indéniable. Est-ce qu'on a dépassé le seuil de prévalence de la maladie? Il semble que, pour certains groupes d'âge, c'est le cas, donc il faudrait se poser des questions sur qu'est-ce qui s'est passé avec ce groupe d'âge là. Je pense qu'aussi c'est un symptôme du fait qu'on n'a peut-être pas accès à d'autres approches, et donc ça fait en sorte que le seuil d'utilisation de médication est de plus en plus bas. Donc, on se dit que cet enfant-là a de légères difficultés, on voudrait qu'il ait accès, par exemple, à une thérapie x, y, z, mais, si cette thérapie-là n'est pas accessible en un temps donné, bien, peut-être que les médecins vont dire : Bien, on va tenter de traiter ses symptômes puis on va voir si ça améliore le fonctionnement. Donc, peut-être que cette hypothèse-là pourrait expliquer pourquoi est-ce qu'on a une augmentation comme celle qu'on constate, actuellement.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie, Dr Gignac, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 10 h 19)

(Reprise à 10 h 21)

Le Président (M. Provençal)  : Je souhaite maintenant la bienvenue à la Dre Christiane Laberge. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. À vous la parole, madame.

Mme Christiane Laberge

Mme Laberge (Christiane) : Merci. Alors, je suis Christiane Laberge, je suis médecin de famille au ras des marguerites, donc je suis dans celles qui sont les imprimantes à prescriptions, celles dont on nous taxe de trop prescrire.

Alors, je vais vous raconter une histoire, parce qu'on parle... Je suis intéressée aux propos de Martin, qui disait : Éducation et santé ensemble, on devrait faire un mix, ce serait beaucoup plus efficace. Alors, comment je suis venue au TDAH, à m'intéresser à cette problématique-là? En 2000, il y a cinq écoles du réseau Lachine, les écoles en difficulté de Lachine, la Duff-Court, près de la route 20, des unités d'HLM, dont les écoles qui drainaient cette clientèle-là avaient des problèmes parce qu'un pédiatre avait pris sa retraite et que les enfants qui étaient porteurs de TDAH prenaient 60 % du temps du personnel non enseignant — psychologues, «psychoeds», techniciens spécialisés, orthopédagogues, orthophonistes. Donc, toute l'équipe-école et personnel non enseignant passaient 60 % de leur temps à gérer ces enfants-là, alors ils ont demandé au CLSC : Pouvez-vous nous aider?

Au CLSC, une coordonnatrice a décidé de mettre sur pied comment on va fonctionner, école et CLSC. Elle a réussi à motiver tout le monde — travailleurs sociaux, «psychoeds» aussi, psychologues, infirmières — à tous travailler ensemble. Entre autres, une fois qu'on est arrivés à un consensus, on a regardé d'abord ce qu'était le TDAH, parce que, dans les années 2000, ce n'était pas évident, ce n'était pas aussi connu que maintenant, la médication, ça commençait, les longues actions. Alors, on a commencé à regarder tout ça et on a convenu d'un formulaire où on donnait aux parents la qualité de parent : Vous avez un enfant extraordinaire, on va le découvrir ensemble, on va travailler ensemble, et vous allez autoriser l'école, de par son personnel non enseignant, ses professeurs et ses directions, à parler ouvertement. Donc, on a une confidentialité partagée entre les deux modes d'établissement.

Alors, on a fonctionné comme ça, au point où, par exemple, quand ça venait de l'école, on avait un enfant qui était référé par la psychologue qui avait fait toutes ses évaluations et qui disait : Cet enfant-là est porteur, par exemple, d'un trouble d'apprentissage — avec l'orthopédagogue — était porteur d'un TDAH. On voyait l'enfant au CLSC, on avait un questionnaire médical formel sur l'alimentation, sur le mode de vie : Est-ce que cet enfant-là dort à 1 heure le matin avec ses jeux technos ou si c'est un enfant qui se couche à 7 h 30 puis qui s'endort 7 h 45? Alors, on avait les habitudes de vie de l'enfant. On voyait l'enfant au CLSC avec un examen médical formel avec... S'il était pâlotte, on faisait aussi une prise de sang pour voir s'il y avait de l'anémie, parce que, quand tu es anémique, tu es fatigué, quand tu es fatigué, tu apprends mal. Alors, on éliminait les causes physiques et ensuite on allait dans les causes psychologiques, et on regardait, avec nos psychoéducateurs, avec l'école, quelles avaient été les approches qui avaient été faites pour ne pas dédoubler, et on essayait d'avoir, avec la famille, le plus de possibilités de développer l'encadrement de cet enfant-là et les moyens de permettre d'adapter à ces situations. On a évidemment donné la médication. Comme je suis la seule qui pouvait donner la médication, c'est clair que c'est moi qui imprimais.

Donc, on a traité les enfants, sauf qu'on donnait une continuité et on donnait un suivi au mois au début, des fois aux 15 jours, on disait aux parents... puis on avait une secrétaire, aussi, qui était fixe, donc qui était accueillante et que... si le parent téléphonait au travers de ça, on pouvait revoir l'enfant sur demande. Alors, on a fonctionné comme ça, ça allait très bien. On avait beaucoup de succès, on avait de l'encadrement. Et les autres visites se faisaient à l'école, parce que, ces parents-là, avec l'école, dès qu'ils sont appelés à l'école, les poils leur retroussaient, puis ils disaient : Que c'est qu'il a fait encore? Donc, on les a réapprivoisés à fréquenter l'école, au point qu'il y a même des parents qui sont devenus des surveillants de dîner. Alors, on a fait un mix comme ça. On avait aussi une action avec un travailleur social de la Duff-Court. Donc, la demande pouvait venir de l'école, mais la demande pouvait venir de chez nous. Les parents pouvaient se présenter directement au CLSC, et là on faisait l'évaluation, on essayait de voir quels étaient les problèmes puis on arrimait avec l'école, on avait des plans d'intervention concertés.

Et, à un moment donné, c'est trop beau, hein, il fallait qu'il y ait des gens qui s'en aillent. Donc, la coordonnatrice, qui était quelqu'un, vraiment, de conciliation et de créativité, je dirais, est partie, les psychologues de l'école ont pris leur retraite, les directions d'école ont pris leur retraite, les secrétaires ont changé, les professeures sont parties en congé de maternité, au point qu'on avait... j'ai des enfants qui n'ont jamais eu moins de quatre professeures par année tout le long de leur cursus primaire. Alors, on a eu plusieurs bémols de ce type-là. Il est arrivé des coupures dans le système d'éducation, vous le savez, donc on a perdu de nos personnels non enseignants, malgré la difficulté de ces écoles-là. Et on aussi, au CLSC, eu les coupes, les grands groupes, les transferts de troisième ligne en première ligne, mais on n'a jamais défini la deuxième, hein? Vous allez tomber en bas de votre chaise, mais on ne sait pas c'est quoi, une deuxième ligne. On a une première ligne, qui est au ras des marguerites, on a une troisième ligne dans les instituts psychiatriques, mais entre les deux, ce n'est pas défini. Alors, on a aussi eu des obligations pour les travailleurs sociaux de voir les patients six, huit, 10 fois, hein? La thérapie courte, ça marche pour tout le monde. Or, le TDAH, c'est une maladie chronique... c'est un trouble chronique — ce n'est pas une maladie, mais c'est un trouble chronique — l'anxiété, on s'entend que c'est pas mal chronique, et, la dépression, on ne veut pas que ça devienne chronique.

Alors, nos ressources se sont rétrécies comme peau de chagrin, et est apparu les silos, qui sont revenus en place parce que, là, on allait dans la confidentialité. Et le ridicule de l'histoire... À un moment donné, j'ai un jeune de 15 ans avec lequel on doit discuter, DPJ, école, et j'étais là, faisant partie du plan d'intervention, et là la DPJ disait : Non, je n'ai pas le droit de divulguer parce que j'ai la confidentialité, puis l'école disait : Ah bien, nous aussi, on est dans la... Aïe, là, on va arrêter de niaiser, là, on va aller chercher le jeune, on va lui demander s'il est d'accord qu'on se parle, O.K., puis, comme ça, on va sauver du temps puis on va encadrer notre jeune, parce que le client, c'est le jeune, le patient, c'est le jeune. Donc, arrêtez de dire qu'on n'a pas de client parce que la demande n'est pas claire d'un bord puis de l'autre, on va se parler, c'est quoi, son problème aujourd'hui, et on va régler ça comment, puis avec lui. Alors, le jeune est descendu de sa classe, il a signé le papier, il a dit : Arrangez-vous puis vous me donnerez ce que vous faites avec moi, parce que moi, je ne sais pas ce que je vais faire avec moi. Donc, on a trouvé des solutions, à condition de se mettre ensemble. Et, bien, ce qui a foiré, effectivement, c'est le bris de continuité dans les services.

Et je pense que c'est ça qui est le principal problème, aujourd'hui, c'est qu'on est, tant à l'école que dans le système de santé, dans des approches ponctuelles. C'est quoi, le problème? Tu as mal à l'orteil? Je vais te guérir ton orteil, mais je ne regarde pas pourquoi tu as mal à ton orteil, parce que ça frotte dans ton soulier, parce que tes bas sont trop épais, des niaiseries comme ça. Mais on ne cherche plus beaucoup les causes, on ne regarde plus beaucoup l'ensemble. On a maintenant une prise en charge d'un patient, mais, avec un groupe de médecine de famille, vous consultez quand vous avez des bobos, puis le suivi n'est pas nécessairement fait par la même personne qui vous connaît sur une longueur de temps. Et, quand vous parlez d'utilisation des psychostimulants, ça demande un suivi. Ce n'est pas des bonbons, on le sait. Est-ce qu'il y a des lignes directrices? Vous posiez la question tantôt. Oui, il y a des lignes directrices, et elles sont claires, les lignes directrices.

Je vais juste vous taquiner un peu. On vous a parlé, avec Dre Vincent, du programme VIP, du programme attentiondeficit-info pour savoir ce que c'est, pour aller voir les trucs et astuces. Combien parmi vous sont allés, juste pour voir?

Une voix : ...

• (10 h 30) •

Mme Laberge (Christiane) : Vous, vous êtes allé? Juste parce qu'on demande la même chose à nos parents. On offre aux parents des services, on prend nos pads puis on leur montre comment accéder. On a 50 % de gens pour qui la littératie, c'est un problème, et ça, effectivement, il faut les rejoindre. Deuxièmement, il faut les rejoindre dans ce qu'ils sont comme parents. Et, si j'ai un parent qui est TDAH, là, bien, il ne m'a pas regardée plus que 3 min 15 s, parce qu'il est déjà ailleurs. Donc, il faut regarder aussi l'ensemble. Si on a un parent qui est très porteur de TDAH, est-ce qu'il aura de la difficulté à encadrer son jeune? Bien oui, parce qu'il va jouer aux vidéos autant que son jeune, il ne verra pas que le temps passe. Donc, il faut s'adresser à la famille, il faut mettre des psychoéducateurs de milieu. Quand on dit : Bien, vous viendrez au CLSC parce qu'on n'a pas le temps de se déplacer, bien, si on ne se déplace pas puis va voir le milieu physique où l'enfant vit, on va manquer des informations, on va manquer des outils que le parent pourrait nous fournir, on va manquer, au niveau de l'adulte aussi, des données. Alors, c'est pour ça que, comme médecin de famille, je pense qu'il faut remettre le titre de médecin de famille à prendre soin de la famille.

Est-ce qu'on s'est trompé dans la prescription? Bien certain qu'on s'est trompé, parce qu'on a vu que c'était un TDAH, bon, tout à coup, on s'est rendu compte qu'il y avait une majeure d'anxiété. Woups! On va changer notre approche, on va aller chercher les problèmes d'anxiété, on va aller diminuer ça, et peut-être que mon TDAH va être moins floride.

Il y a un orthopédagogue qui m'a donné la permission de vous parler. La madame a fait son cours d'orthopédagogie, maîtrise, avec des post-it partout pour ne pas oublier. Elle a marié un gars qui avait bien de l'allure puis qui est très encadrant. Ça allait très bien, il s'occupait des affaires plates qu'elle n'aimait pas, faire la business, puis elle, elle faisait la créativité. Deux enfants, elle, elle s'occupait du côté enfants, c'était le fun, monsieur faisait les affaires qu'il aimait, lui, c'était parfait. On fait une rénovation de maison, on a des moisissures, on est obligés de tout défaire, et là le bordel prend, et en plus madame a été affectée à trois écoles, elle ne se comprend plus, elle est tombée en trouble d'adaptation.

Le Président (M. Provençal)  : ...

Mme Laberge (Christiane) : Pardon?

Le Président (M. Provençal)  : Je vais vous demander de conclure.

Mme Laberge (Christiane) : Oui. Alors, cette dame-là s'est présentée pour anxiété et dépression, on a découvert qu'en dessous il y avait un TDAH. On a traité le TDAH et on a apaisé la mise, et maintenant on va apaiser aussi la récidive potentielle.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup de votre exposé, de votre présentation. Alors, nous débutons cette période d'échange avec la députée de Soulanges.

Mme Picard : Merci, M. le Président. Bonjour, Dre Laberge. J'ai une question, particulièrement, à propos du système scolaire pour vous, comme vous connaissez beaucoup le dossier, parce que je vois que nos petits cocos, ils souffrent, nos petits cocos, ils ont besoin d'aide énormément. Il y a beaucoup d'anxiété, beaucoup de dépressions, une pression, aussi, sur la réussite scolaire. Selon vous, le lien avec l'alimentation, tant dans les lunchs à l'école, l'alimentation à la maison... le sommeil aussi, mais particulièrement pour l'alimentation, j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Laberge (Christiane) : On sait que, pour l'alimentation, par exemple, le sucre n'a pas d'effet. C'est le party dans lequel tu vas manger du sucre qui va t'exciter, mais c'est beaucoup plus ça, le sucre n'a pas été prouvé. Deuxièmement, les colorants n'ont pas été prouvés. Les enfants qui ne mangent pas le matin, on sait que c'est assez important, parce qu'il y a des parents qui nous répondent : Bien, moi non plus, je n'ai pas faim le matin. Excuse-moi, ma grande, mais toi, tu as fini de grandir, ton petit n'a pas fini de grandir. Donc, effectivement, le repas le matin, pour partir sa journée, est très important.

Deuxièmement, au niveau des dîners, il y a des parents qui commencent à manquer d'imagination, parce que pas de pinottes, pas de moutarde, pas de poisson, pas de ci, pas de ça, ça dépend des écoles. Perso, je prendrais une classe, je mettrais mes allergiques dans la classe, puis je laisserais la paix aux autres, parce qu'on sait qu'il y a des parents qui sont pauvres, qui n'ont pas beaucoup d'argent... et, je regarde, puis le beurre d'arachide, c'est quand même des protéines. Donc, oui, au niveau de l'alimentation, on pourrait améliorer beaucoup. On pourrait améliorer, parce que, quand on regarde le Lab-École, on pourrait montrer aux enfants à faire la cuisine et ils auraient des... au sein de l'école, là, il y aurait des réalisations où ils sont à succès, même si tu as un TDAH. Donc, de vivre des succès, c'est une mesure de protection contre les ravages de ton TDAH. Alors, oui, l'alimentation a une énorme importance.

Quand on prend la médication, il n'y avait pas... on dit tout le temps : Ça diminue la croissance. «No», ça dépend du soin que vous avez pris avec vos parents pour leur enseigner qu'il faut grossir le déjeuner, et que ton enfant, s'il prend une molécule qui donne 12 heures de protection, bien, s'il a mangé à 6 h 30, il n'aura pas faim avant 6 h 30 le soir. Donc, si on dit aux parents québécois : On mange à 5 heures, puis qu'il picosse son souper, puis il a faim à 7 h 30, puis on lui donne quatre barres tendres, bien, ça ne fera pas la tâche. Il faut, à ce moment-là, différer... oui, on peut manger ensemble à 5 heures, mais il faut différer le souper pour que, là, l'enfant qui a faim, on lui donne vraiment ce qu'il doit avoir. Il va se coucher à 8 heures... les enfants n'ont pas tellement de reflux, pas tellement de problèmes de digestion, surtout si on les fait bouger, qui va équilibrer leurs affaires. Est-ce que ça répond à votre question?

Mme Picard : Oui, merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Bien, avant de me présenter en politique, j'ai beaucoup réfléchi à savoir qu'est-ce que je pourrais apporter de mieux ou de plus que mes collègues, puis, c'est ça, j'ai quand même fait une liste. Puis, dans la liste, j'avais l'idée de faire un cours à l'école, parce que, tu sais, notre société, ça ne va pas très bien. Puis, au niveau des enfants, c'est mon avis, là, on a beaucoup laissé aller. Puis j'avais pensé faire un cours de citoyenneté pour développer les habiletés sociales des enfants et en faire des bons citoyens, des meilleurs citoyens. Je me demandais... Puis, là-dedans, il y aurait... tu sais, du primaire jusqu'à la fin du secondaire, puis développer les habiletés des jeunes pour être bien en société. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Laberge (Christiane) : Bien, pour être bien en société, il faut être bien avec soi-même, hein, il faut développer l'empathie. Et je dois vous avouer qu'il y a beaucoup de programmes qui font ça. On a aussi les programmes de méditation pleine conscience pour les enfants, et je peux vous dire que ça fonctionne très bien et qu'il y a des données probantes pour la méditation pleine conscience. Juste la cohérence cardiaque, trois minutes, trois fois par jour, ce n'est pas long. C'est gratuit, hein, en passant, RespiRelax, sur les appareils technos.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Ça, est-ce que ça se donne à l'école, là?

Mme Laberge (Christiane) : On donne les moyens à l'école et aux parents. Combien le font? Les parents se présentent le mois d'après en disant : Tu ne seras pas contente, je ne l'ai pas fait. On n'a pas d'impact. Les gens courent après leur queue, puis malheureusement les outils qu'on leur donne qui sont non pharmacologiques ne sont pas toujours utilisés.

Sauf que, quand ils sont utilisés, c'est magique. Un ti-pit de 14 ans à qui tu donnes... tu lances ça dans l'air, tu dis : Fais Petit BamBou, qui est une technique de 15 minutes de méditation pleine conscience, et tu dis : Fais ton RespiRelax, le petit gars arrive au bout de quatre mois, il dit : J'ai monté mes notes de 10 points partout. Qu'est-ce que tu as fait? Bien, tu m'as dit de faire RespiRelax puis Petit BamBou. O.K., mais qu'est-ce que ça a changé dans ta vie? Bien, quand j'arrive à l'examen, je respire puis je me dis : Tu lis la question, tu réfléchis à la question puis tu réponds à la question ici, maintenant. Puis j'ai dit : Tu as monté de 10 points partout, j'ai dit, tu dois te trouver bon. Il dit : Quand tu médites, tu ne juges pas. J'ai fait : O.K., je peux-tu te cloner? Parce qu'effectivement il avait tout compris et il avait fait ça gratuitement, par lui-même, parce que ça l'avait intéressé. Donc, il y a des moyens simples qui ne coûtent rien, mais auxquels on peut exposer les enfants.

Et, au niveau des habiletés sociales, meilleure acquisition, c'est de jouer, jouer, de jouer ensemble, mais, ça aussi, on n'a plus beaucoup le temps. Ils n'ont plus le droit de courir dans la cour d'école parce que tout à coup ils se râperaient un genou puis qu'on aurait une poursuite parce que le genou saigne. Il y a des enfants qui sont empêchés de bouger. On devrait les faire bouger, ceux qui ont le goût de bouger, puis ceux qui ont le goût de chanter, on les fait chanter, puis ceux qui ont le goût de dessiner, on les fait dessiner. On n'est pas tous pareils. On a tous des forces, par exemple, et c'est ça qu'il faut retenir.

Il faut développer l'empathie. Il y a eu des programmes Harmonie, qu'on s'est ingénié à couper. Il y a des programmes avec les infirmières qui étaient dans les écoles, qui faisaient autre chose que juste des vaccins, parce que ça vous tente-tu de parler à celle qui vous pique tout le temps? Pas vraiment. Les travailleurs sociaux, maintenant, sont rapatriés aux CLSC, il n'y en a presque plus qui sont dans les écoles. Donc, on n'a plus de place pour que les enfants puissent aller chercher un hameçon, quand ils sont en détresse, à l'intérieur de leurs cours autant qu'avant.

Donc, oui, il y a des choses à faire si vous voulez vous impliquer. Actuellement, il y a la Fondation Philippe-Laprise, en TDAH, qui va faire des initiatives au niveau des groupes, au niveau des écoles, favoriser tout ça. Dre Vincent, qui est toujours très impliquée, si vous voulez avoir les bonnes passes, où c'est qu'ils sont, les projets, là, elle, elle est pas mal branchée là-dessus. Donc, oui, il y a des outils, et on ne refuse pas de monde.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Parfait. Est-ce qu'il nous reste encore du temps?

Le Président (M. Provençal)  : Député de Dubuc ou députée de Soulanges? M. le député de Dubuc.

• (10 h 40) •

M. Tremblay : Écoutez, j'ai une question, oui — merci, M. le Président — très simple. Dans le fond, ce que j'en comprends... corrigez-moi si je me trompe, mais ce qu'on entend, c'est que, dans le fond, c'est un projet de société, tout ça. Puis je salue votre intervention, qui est rafraîchissante, qui est humaine, parce que, je ne sais pas, j'ai l'impression qu'on a le réflexe de rendre tout ça très complexe. Est-ce qu'on ne travaille pas peut-être un peu en silo? Philippe Laprise, finalement, arrive par la bande à travers, bien, sa réalité à lui, mais aussi à travers Le Grand Défi Pierre-Lavoie, où il est devenu «chummy» avec Pierre puis il a poussé son audace puis son projet à lui plus loin. Et puis là, bien, moi, j'aurai vécu du Montessori avec une de mes filles, j'aurai vécu de l'école apostolique dans le privé, on est revenus au public. Il y a différentes approches qui avancent en même temps au Québec, mais, dans le fond, on se rend compte que c'est un projet de société, dans la mesure où tout ce réseau-là... Puis je donnerais un exemple, je me souviens encore... je ne dirai pas en quelle année parce que ça ne me rajeunit pas. Ceci dit, je me souviens que les slogans, c'était, par exemple, Le français, je le parle par coeur. Bon, c'était du marketing, mais c'était dans un contexte précis puis c'était un axe que l'État avait implanté dans le milieu scolaire pour des raisons x, y.

Bien, je suis en train de réaliser... Je ne sais pas comment vous le voyez, mais effectivement, nous, l'ère numérique, le train de vie des familles, la cadence qu'on donne, la performance, tout ça fait en sorte qu'on est un petit peu en dehors d'un sentier qui, finalement, en tout cas, nous fait éviter un autre sentier où il y aurait beaucoup plus de fleurs puis de trucs simples à réaliser, mais collectivement.

Mme Laberge (Christiane) : Je demeure très optimiste parce que je regarde la génération des 30 ans et je regarde cette génération qui commence à virer de bord, c'est-à-dire diminuent la consommation, commencent à cultiver leur jardin, bien, quand ils ont des enfants, ils cultivent les jardins avec les enfants, commencent à utiliser le vélo, bien que ça nous fasse suer, parce qu'il n'y a plus place pour stationner les voitures, quand on a un certain âge puis qu'on fait moins de vélo pour aller travailler. On a des parents qui commencent à diminuer la performance d'être inscrit au hockey, puis au patin, puis s'en aller à droite, à gauche.

J'ai une maman, entre autres, là, exemple précis, qui dit : Moi, j'ai arrêté de me garrocher partout. J'ai mon kit de sport sur le poteau de l'escalier. Quand j'arrive de travailler, je dis : O.K., il fait beau, on s'en va courir... 12, 10, six, la petite avec son petit bicycle, on s'en va courir pendant 20 minutes, on revient, on a sorti notre fou, on a fait notre exercice, on est de bonne humeur. Les enfants s'installent à table, «quick» douche, cinq minutes, changent de linge, on fait le souper, puis les enfants sont là puis ils font leurs devoirs, puis le calme est revenu. Il ne fait pas beau? On s'en va danser en bas, dans le sous-sol. Donc, cette mère-là a évité d'aller au hockey, au patin, à ci, là, se garrocher partout, faire un souper à la sauvette, puis on a quand même l'esprit d'équipe. Puis elle dit : Maintenant, les fins de semaine, on va faire de la montagne, ça ne coûte rien, on a du plaisir, on fait des pique-niques, on s'amuse. On s'est équipés de raquettes, ça ne coûte rien non plus, donc on peut faire ça dans le terrain de golf à côté, de telle sorte qu'ils se sont donné une qualité de vie.

Et je pense qu'il y a des parents, aujourd'hui, des trentenaires... je pense qu'ils commencent à revenir. Ils commencent à arrêter les cellulaires au souper, les fermer, parce que, quand vous me parlez puis que vous êtes au cellulaire : Attends une minute, attends une minute, allez-vous me parler? Vous rappelez-vous de quoi vous vouliez me parler? Pas vraiment. Donc, on manque énormément d'information avec nos enfants avec les appareils électroniques des parents. Alors, si on prend juste cette habitude-là, on va être capables d'être plus focus. Vous écoutez, vous regardez les yeux dans les yeux, et on va augmenter nos compétences sociales.

Jouer aux cartes puis voir si vous me bluffez... Les enfants ne voient plus si on le bluffe ou pas. Ils n'ont plus cette lecture du regard. Donc, on peut se repratiquer, et ça, juste jouer aux cartes à l'école, pour ceux qui aiment ça, ça pourrait être quelque chose d'intéressant, ça ne coûte rien. Donc, il y a plein d'outils, plein, plein, plein d'outils qu'on peut utiliser qui ne coûtent rien.

M. Tremblay : Je me pose la question, il me semble qu'on n'en a peut-être pas parlé, comme partenaires dans l'équation, les aînés, les grands-parents qui sont... en tout cas, on parle peut-être d'un phénomène de société, mais qui sont... pas cantonnés mais qui se retrouvent dans des résidences structurées, un peu dans le même phénomène, tu sais, où, finalement, tout est encadré... Puis souvent on entend parler, en région, qu'il y a des problèmes au niveau des programmes pour faire faire de l'activité physique, pour dynamiser puis contrer en amont des maladies x ou y. Est-ce qu'on n'oublie pas un peu...

Mme Laberge (Christiane) : L'intergénérationnel?

M. Tremblay : Oui, bien, on en parle, de l'intergénérationnel. Même au niveau des municipalités, tu sais, on souhaite que les équipements puis les investissements impliquent tout ça, mais est-ce qu'on ne devrait pas davantage...

Mme Laberge (Christiane) : Arrimer les deux?

M. Tremblay : Oui.

Mme Laberge (Christiane) : Bien, il y a des initiatives qui sont prises là-dessus, et ils se sont trouvé que les enfants aimaient ça quand les vieux leur lisaient des histoires... les vieux dont je suis, leur lisent des histoires, et les personnes âgées aimaient ça quand les enfants leur racontaient des histoires. Donc, oui, il y a des arrimages possibles, il s'agit juste d'ouvrir certaines portes.

Mais, chez nous, je me rappelle, entre autres, une psychologue qui avait... J'ai dit : Bien, on va l'envoyer aux scouts, le ti-pit, ou bien donc on va l'envoyer aux cadets, tu sais, parce que les petits gars, ils aiment ça, les cadets, c'est un peu régimenté : Tu fais ça, tu as un bonbon, tu fais ça, tu as une conséquence, mais au moins tu sais où tu t'en vas, c'est encadré, donc d'habitude ils aiment ça. Les porteurs de TDAH aiment plus ça que la majorité. Alors, on dit : O.K., on va faire cette initiative-là. La psychologue a dit : Ah non, je ne peux pas recommander ça parce que tout à coup il y a un pédophile dans le groupe, puis après ça je pourrais être accusée d'avoir favorisé... Oh! arrête, il peut s'en aller sur la rue puis il va en rencontrer un, pédophile, là.

Alors, oui, il y a des fois où... comme je vous parlais tantôt de la confidentialité, qui est vue comme un outil, malheureusement, parfois pervers pour éviter d'échanger des informations à la demande des parents. Si le parent dit : Je ne veux pas que vous le disiez, là on garde la confidentialité très, très, très grande, que ce soit le grand-parent qui a reçu un secret du petit... Est-ce que c'est un secret qui est transmissible ou pas transmissible? Mais on va laisser un petit peu de place au jugement.

Et, quand vous parlez de la... je vais aller au-devant des coups, si vous me permettez, parce que la commission est ici pour la surconsommation des médicaments. Tantôt, Martin a parlé des instances professionnelles qui chapeautent l'application des protocoles. Actuellement, il y a deux bémols. La semaine passée, je ne sais pas si vous avez vu, par rapport à la dépression, des consultations de 2 min 25 s à 14 min 10 s avec une prescription systématique pour les 10 cas, avec sept non suivis. Si j'avais une demande à faire — vous demandez des outils pratiques — je demanderais à la RAMQ et au Collège des médecins de se pencher sur les médecins qui voient 50, 60 patients par jour au sans rendez-vous et qui ont 10, 15 diagnostics de santé mentale. J'aimerais ça savoir combien de temps ont-ils passé pour faire le diagnostic, combien de temps ont-ils passé pour faire le suivi, et est-ce que c'est la même personne qui a fait le suivi ou si c'est une fois. Parce que, les patients, ce qu'ils nous reprochent... quand on parle de TDAH dans des grands groupes, comme Martin disait...

Une voix : ...

Mme Laberge (Christiane) : ... — santé! — quand on donne des conférences, c'est que les gens disent : Il m'a vu cinq minutes puis il m'a prescrit ça. La mère : Bien, vu que mon fils est TDAH puis j'ai l'air TDAH, j'ai eu une prescription.

Alors, oui, je sais que, ce qu'on nous reproche, il y a des fois où c'est vrai, mais on peut virer le bateau de bord, on peut demander de l'aide des instances professionnelles pour aller voir ce qui se passe, et ça, je pense qu'on a le pouvoir de faire ça.

M. Tremblay : Une dernière question, vous me permettez, M. le Président, en quelques secondes?

Le Président (M. Provençal)  : Rapidement.

M. Tremblay : Vous ouvrez une porte sur un mandat. Est-ce qu'un phénomène comme celui-là, une réalité de société comme celle-là ne devrait pas être portée à l'attention d'un éventuel commissaire à la santé?

Mme Laberge (Christiane) : Bien sûr, parce que tout ce qui regarde la santé, la continuité, le prendre soin, l'attachement, ça fait partie de la santé. Il faut que les gens... On parlait d'habiletés sociales. C'en est une, habileté sociale, de vivre en société puis de se faire prendre soin, donc, oui, ça va avec la santé. Il faut assurer la continuité.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup.

Mme Laberge (Christiane) : Je vous en prie.

Le Président (M. Provençal)  : Je vais maintenant céder la parole à notre collègue de Vaudreuil. À vous.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Merci, Dre Laberge, d'être ici, parmi nous, aujourd'hui. J'aime beaucoup votre franc-parler. Je trouve que vous vulgarisez bien des termes qui sont, pour nous... Comme je le disais à l'intervenant précédent, on n'est pas des experts, on n'a pas des notions aussi pointues que les vôtres, donc j'apprécie vraiment que vous soyez ici. J'apprécie aussi les témoignages, les cas, là, que vous nous partagez.

J'avais une petite question. Au début, là, vous nous parliez, là, des écoles. Est-ce que c'était dans le cadre d'un projet pilote ou c'était vraiment de l'initiative du milieu?

• (10 h 50) •

Mme Laberge (Christiane) : C'est une initiative au secours du milieu, envers le CLSC. Puis c'est le directeur des services professionnels qui est venu me chercher à l'autre CLSC puis il dit : Ça t'intéresserait-u de faire ça? J'ai dit : Ah oui, ça pourrait être intéressant, puis c'est comme ça que j'ai abouti là-dedans. Je ne connaissais rien. C'est Dre Vincent, d'ailleurs... puis tout le monde, la petite équipe du TDAH du Québec, mais Annick est devenue mon mentor et nous a enseigné, à l'infirmière avec qui je travaillais, entre autres, Louise Froment, qui a été une infirmière extraordinaire... Et ce qui nous a amenées à la retraite du CLSC, c'est justement cet effritement de la continuité, cet effritement de...

Je vais vous donner un exemple. Un patient qui a un TDAH, il est toujours dans le chaos, tout le temps, tout le temps. Le papa, il est toujours dans le chaos, et, si on ne l'appelle pas pour dire : Vous avez rendez-vous avec la psychologue avec votre enfant mercredi, à 2 heures, il va l'oublier parce qu'il est toujours en train d'être dans la tempête, dérangé. Mais, si on ne l'appelle pas... parce qu'il n'y a personne pour l'appeler, mais je pense que ça fait partie du travail du professionnel d'attacher le patient — votre appel est important pour moi — puis après ça on lui donne de l'autonomie. Mais là ce qu'on fait, c'est qu'on ne confirme pas les rendez-vous, de telle sorte qu'il y a plus de 30 % des patients qui ne se rendent pas aux rendez-vous, et ce sont des ressources qui sont directement dans le caniveau. Alors, il faut qu'on essaie d'avoir cet attachement au service et dire : Oui, votre appel est important pour moi. Donc, pour répondre à votre question, non, ce n'était pas un projet pilote, ça l'est devenu après.

Mme Nichols : Oui? Mais c'est intéressant. Est-ce qu'à la suite de... bien, on va dire un projet pilote, mais je sais que ce n'est pas un projet...

Mme Laberge (Christiane) : À la suite de cette époque-là?

Mme Nichols : ...oui, est-ce que vous avez rédigé des recommandations?

Mme Laberge (Christiane) : Oui, il y a eu un bouquin, là, au niveau des... un petit bout d'un petit chapitre là-dedans, mais je vous avoue que ça s'est tout effrité. Donc, oui, ça a existé, mais, oui, maintenant, c'est tout effrité, parce que ça demande, comme je vous disais tantôt, la première condition, de la continuité. Il y a eu des endroits où les intervenants auprès des enfants avec problème d'attachement, ils ont exigé des intervenants trois ans à rester là, un contrat de trois ans ferme — tu ne t'absentes pas dans les trois prochaines années, à moins que tu aies une cause majeure, là, mais tu ne t'absentes pas, tu ne prévois pas t'absenter pour les trois prochaines années — pour donner une continuité aux enfants. Donc, ça fait partie de ça, dans la...

Mme Nichols : Une stabilité.

Mme Laberge (Christiane) : La stabilité.

Mme Nichols : La stabilité, je pense que c'est important dans des cas comme ceux-là. Parce que je me demandais s'il y avait quelque chose, des recommandations, des observations qui avaient été rédigées à la fin. Combien de jeunes ou d'étudiants en ont bénéficié? Et, bien que ça ne soit pas nécessairement très scientifique ou appuyé sur...

Mme Laberge (Christiane) : Sur 16 ans, je ne peux pas vous dire, parce que ça fait pas mal de monde.

Mme Nichols : O.K., ça a été sur 16 ans?

Mme Laberge (Christiane) : Ça a été sur 16 ans, l'appartenance à la Clinique santé mentale jeunesse. C'est devenu officiellement Santé mentale jeunesse, et puis après ça on a... avec les structures qui se sont mêlées et les statistiques obligatoires que les gens doivent faire, qui ne rendent pas toujours compte de la réalité, souvent pas, d'ailleurs...

Mme Nichols : Mais les résultats étaient quand même...

Mme Laberge (Christiane) : Les résultats ont été probants au niveau des années où ça a duré, oui, oui. La collaboration était importante. On a même offert à l'orthopédagogue qui y travaillait... l'orthophoniste qui travaillait, plutôt, dans un garde-robe puis qui se trimballait d'une école à l'autre, qu'elle partage mon bureau, parce qu'elle, elle pouvait voir les parents. Si elle faisait du midi à 8, bien, elle pouvait voir les parents qui étaient au travail sans pénalité. Puis moi, je n'avais pas besoin de mon bureau, je travaillais deux jours-semaine au CLSC, donc je pouvais... Mais là, syndicalement, ça ne marchait pas, puis le ministère de l'Éducation, puis le ministère de la Santé... de telle sorte qu'on n'a pas pu le faire, mais alors qu'elle aurait pu faire plus d'évaluations, n'ayant pas à trimballer son stock sur le dos et puis de s'en aller... Les conditions de travail, là... elle était dans une armoire à balais, là, avec le chauffe-eau à côté, là. Ça fait que c'est vraiment très difficile pour elles, parce que c'est souvent des filles... mais de se trimballer d'école en école, puis tu perds beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps. Donc, ça serait le fun d'avoir des locaux. Et c'est d'ailleurs pour ça que j'ai arrêté d'aller dans les écoles, parce qu'il n'y avait plus de place pour nous recevoir.

Mme Nichols : C'est dommage, hein? C'est des obstacles qui ont des répercussions importantes sur nos jeunes, entre autres.

Mme Laberge (Christiane) : Oui, oui, absolument.

Mme Nichols : On a parlé beaucoup, beaucoup d'approche multimodale...

Mme Laberge (Christiane) : Oui, c'est essentiel, c'est essentiel parce qu'on demande aux parents... Par exemple, je vous disais tantôt qu'on faisait d'abord l'évaluation de l'hygiène de vie, hein, puis on suggère à un parent... on dit : O.K., il se couche à 11 heures, le soir. Il y a un petit loup... une professeure qui me parlait la semaine passée, un petit gars de deuxième année qui se couche sur son pupitre, il n'est pas disponible parce qu'il joue aux jeux vidéo jusqu'à 1 heure du matin. Il a sept ans. Alors, tu dis aux parents : Qu'est-ce que vous diriez si on coupait le wifi à 20 h 30, juste comme ça? Il ne pourrait plus jouer, là, puis on enlève le jeu. Oui, mais il ne voudra pas. Aïe! Fais une danse à 10 $, braille, puis roule-toi à terre, puis ça va passer, là. Ce n'est pas négociable, là. Ça fait que ce n'est pas négociable, ce n'est pas négociable, mon ti-pit, là. On va faire d'autres choses, on va aller lire une histoire, on va aller faire d'autres choses, mais ce n'est pas négociable, arrête. Mais ça ne se fait pas. Ça ne se fait pas pourquoi? Parce qu'il faut que tu tolères les cris, il faut que tu tolères la colère, il faut que tu tolères qu'il soit fâché contre toi, puis ça, les parents n'ont pas toujours l'énergie pour le faire, non plus. Ça fait que ça demande de la constance.

Et, l'autre chose, c'est que... vous parliez, tantôt, d'éduquer les enfants à la civilité. Moi, je ferais des cours pour les parents des enfants porteurs de TDAH, des réunions de parents. On a eu des groupes PANDA, mais sauf que ça naît puis ça retombe. Ça naît puis ça retombe parce que c'est des bénévoles. Et ce sont toujours les mêmes, vous le savez, les CDM, toujours les mêmes. Alors, c'est pour ça que ça ne tient pas. Et, s'il y avait des organismes avec une porte ouverte qui dit : Tous les mardis, ici, on reçoit des parents qui ont des enfants TDAH et qui sont eux-mêmes TDAH, puis c'est un groupe ouvert, ça prendrait peut-être cinq ans avant que la pérennité se crée, ça prendrait peut-être deux ans, mais on ouvre un lieu puis on dit : Venez-vous-en... Et tous les organismes qui vous disent... que ce soit pour les hommes en difficulté, que ce soit pour les femmes en difficulté, les groupes, ça prend deux ans. Alors, si on s'attend à des résultats au bout de six mois puis, après ça, on dit : Ah non, ça ne marche pas, on ferme, bien, ça ne marchera jamais. Donc, ça prend des gens, aussi, de la communauté qui disent : O.K., nous autres, on va y aller. Moi, je suis policier, moi, je suis docteur, j'ai un TDAH... On a un médecin qui avait parti un mouvement TDAH Québec, mais effectivement ça demande des gens qui embarquent et qui continuent, mais malheureusement les gens s'essoufflent.

Mme Nichols : On parle d'approche multimodale essentielle, mais on parle d'inclure les acteurs, puis les acteurs, c'est autant les parents, l'école, le milieu, et malheureusement il y a des barrières quand vient le temps de parler du dossier avec la DPJ, avec l'école. Ce que je comprends, c'est que, parfois, c'est rigide, puis on oublie le bénéfice qui va revenir à l'enfant dans tout ça.

Mme Laberge (Christiane) : On oublie qu'on a un patient qui est en avant qui s'appelle un enfant. Et, si on n'a pas de parents qui ont suffisamment de ressources... On a-tu une grand-mère, on a-tu un oncle, on a-tu... Il y a combien d'enfants que vous connaissez qui ont été réchappés par quelqu'un qui est devenu un pilier de résilience pour lui? Bien, c'est ça qu'on cherche pour ces enfants-là, on cherche un pilier de résilience et on cherche des exemples qui ont réussi et non pas des gens qui disent : Ah! moi, j'adore mon TDAH. Ce n'est pas vrai, tu arrives chez vous, tu es brûlé, tu te chicanes avec ton chum, tu n'es plus capable parce que tu as fait ta tâche très bien, mais ça t'a demandé tout ton jus.

Mme Nichols : Bien, justement, là, on parle des enfants, là, à un moment donné, je me demande comment on peut accompagner les enfants au passage adulte. Vous nous avez parlé d'un cas, tantôt...

Mme Laberge (Christiane) : D'une adulte.

Mme Nichols : ...d'une adulte, là, j'étais curieuse, là, je me demandais elle avait quel âge, cette adulte-là.

Mme Laberge (Christiane) : Elle avait 32 ans.

Mme Nichols : O.K. Ça fait que ça a été diagnostiqué à 32 ans.

Mme Laberge (Christiane) : Ça a été diagnostiqué à 32 ans, parce que, tout ce temps-là, elle a adapté, elle avait le gars pour elle, elle avait les études pour elle, parce qu'elle était organisée, c'est une fille hyperorganisée. Elle a même créé une petite anxiété de performance. Tu sais, quand tu dérangeais ses affaires, elle ne se retrouvait plus. Tu ne demandes pas à un TDAH : Perdez-vous vos clés? Bien non, adulte, il va dire : Bien non, moi, je ne les perds pas. Combien de temps par jour tu passes à les chercher? Ça, c'est la question. Donc, effectivement, les adultes réussissent à s'adapter, ils mettent toujours la clé dans la poche de droite, ils se donnent des outils, ils s'entourent de personnes. Une bonne secrétaire puis un TDAH très performant, écoute, c'est un couple extraordinaire, parce que ça opère. La secrétaire, elle dit : Ça, c'est pour demain, pas négociable, ils vont le faire.

10 % des doctorants et des maîtrises ne rendent pas leur mémoire à temps et manquent leur fin de diplôme. À Washington, ils ont mis des coachs qui les ramassent et ils ont augmenté la diplomation, parce que la procrastination chez l'adulte, c'est la forme plus fréquente de handicap. Donc, combien il y en a qui ne paient pas le compte, qui ont des mauvaises cotes de crédit, etc., chez des professionnels, là? Alors, oui, il y a des gens qui ont des difficultés, et l'encadrement peut être de tous ordres et l'aide peut être de tous ordres.

Mme Nichols : Je ne pense pas qu'il me reste beaucoup de temps...

Le Président (M. Provençal)  : Moins d'une minute.

Mme Nichols : ...moins d'une minute. Mais, je comprends, dans le fond, cette dame-là, là, inconsciemment ou consciemment, je ne sais pas, mais a adapté sa vie en fonction des faiblesses qu'elle avait puis elle a su s'entourer pour aller chercher, là, les points forts qui lui manquaient.

Mme Laberge (Christiane) : Absolument.

Mme Nichols : Je ne sais pas si elle en était consciente quand elle...

Mme Laberge (Christiane) : Non, non.

Mme Nichols : ...probalement pas... Probablement, tout s'est écroulé, justement, au moment où...

Mme Laberge (Christiane) : Le chaos est arrivé.

Mme Nichols : ...le chaos est arrivé, la moisissure.

Mme Laberge (Christiane) : Oui, oui, effectivement.

Mme Nichols : Mais il y a des personnes, justement, qui ne le réaliseront pas, puis c'est ceux-là, je pense, qu'il faut accompagner vers la vie adulte. Mais, encore là, un enfant vers la vie adulte, comment on peut les accompagner? Il n'y a pas de diagnostic ou de test précis pour y arriver.

Mme Laberge (Christiane) : Bien, dans le temps où il y avait un médecin de famille qui les voyait à peu près une fois par année, que c'était encore recommandé mais complètement inutile, on les voyait planter, on les voyait avoir de la difficulté, on les voyait arriver à un défi qui les dépassait. Tant que le défi est négociable, il n'y en a pas, de problème, mais, quand le défi devient trop grand pour ta capacité d'adaptation, là tu te mets à déraper et là tu deviens symptomatique. Et ces patients-là plus âgés arrivent avec de l'anxiété, arrivent avec des troubles d'adaptation avec humeur anxiodépressive et arrivent avec des troubles panique, des fois. Alors, c'est là où on va, entre guillemets, voir ce qui va arriver. Mais, un peu comme la violence conjugale, pensez-vous que la personne cogne à la porte puis elle dit : Allo, j'ai été violentée? Tu dis : Non, tu as des bleus partout, ma grande, qu'est-ce qui s'est passé? Je me suis cogné sur la porte. Alors, c'est un petit peu la même chose. Il faut les suivre, il faut les connaître, il faut s'y attacher. Il faut faire de la médecine familiale.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup.

Mme Laberge (Christiane) : Je vous en prie.

Le Président (M. Provençal)  : Nous allons compléter cet échange avec le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci. Est-ce que je dois redemander le consentement?

Le Président (M. Provençal)  : Non.

M. Gaudreault : Non? O.K.

Mme Laberge (Christiane) : Vous avez une cote.

• (11 heures) •

M. Gaudreault : Oui, c'est ça, j'ai des Airpoints. Moi, je procrastine beaucoup quand ça vient le temps de faire la vaisselle, le ménage, le lit, le lavage, alors je comprends ce que vous voulez dire par procrastination.

Vous vous qualifiez vous-même comme imprimante à prescriptions.

Mme Laberge (Christiane) : Bien sûr.

M. Gaudreault : C'est qui qui pèse sur le piton de l'imprimante? Est-ce que les profs, les commissions scolaires et les parents sont ceux qui insistent? Est-ce que vous avez vécu ça dans votre pratique? Est-ce que vous avez déjà vu ça?

Et là je vais être encore plus insidieux. Considérant qu'il y a du financement associé à des écoles puis à des commissions scolaires pour soutenir les enfants en difficulté, est-ce qu'il pourrait y avoir, sans que ça soit conscient, un certain biais pour dire : Plus on a d'enfants diagnostiqués, plus on va avoir du budget, donc de là le piton sur l'imprimante à...

Mme Laberge (Christiane) : La réponse est non, parce que j'ai une tête de cochon, de telle sorte que, quand...

M. Gaudreault : Mais vous, vous avez une tête de cochon, mais est-ce que les autres... est-ce que tous vos collègues...

Mme Laberge (Christiane) : Oui. Au niveau des pressions de la part des parents, en général, quand on suit nos lignes directrices, c'est rare qu'on va commencer avec une prescription. On va commencer par une réévaluation. Donc, on va donner le temps aux parents, s'il y a des mesures d'hygiène de vie à mettre en place, de les mettre en place, de voir leur degré de motivation, de voir leur degré de coopération potentielle, et à la prochaine visite, là on pourra enclencher. C'est exceptionnel qu'on a donné la médication la première fois, parce qu'on leur dit tout le temps : Vous n'êtes pas en crise d'angine, vous n'avez pas besoin de nitroglycérine pour vivre, là, donc on peut prendre le temps de faire un plan, et de se revoir, et d'y songer. Quand on donne la médication, on va donner des petites doses, qu'on va augmenter, parce que je n'ai pas de recette, ce n'est pas marqué dans votre front lequel va fonctionner et lequel ne fonctionnera pas. On sait qu'il y a 20 % des patients qui ne répondront à aucune molécule, donc il faut les suivre pour ne pas donner ça pour rien non plus.

L'autre chose au niveau de la médication, il faut savoir que de 30 % à 35 % des patients ne prennent pas les médications prescrites ou les prennent tout croche. Quand tu fais trois mois avec une prescription d'un mois, probablement que ce n'est pas pris de la bonne façon. Quand la médication n'est prise... puis que tu rencontres ton patient, puis tu vois ça, là, des phénomènes de décalage comme ça, tu dis : Bien, est-ce que ça ne deviendra pas la drogue de l'examen, hein, de la performance? Et, si c'est ça, moi, en tout cas, je leur réponds que ce n'est pas le but de l'histoire. Moi, quand je mets mes lunettes j'en ai autant besoin pour mes dossiers que pour lire mon Coup de pouce. Donc, si j'ai besoin vraiment de lunettes, c'est-à-dire de la molécule, j'en ai besoin la fin de semaine, parce que, la fin de semaine, quand je fais la cuisine, j'ai besoin d'un début, un milieu puis une fin. J'ai besoin de vivre des victoires, j'ai besoin de développer d'autres compétences que celles académiques. Et on le prend ou on ne le prend pas. Si le patient veut le prendre juste comme drogue de performance, c'est non, ne pèse pas sur le piton.

Au niveau des pressions scolaires, je n'en ai jamais eu, vraiment. Ça a toujours été négociable.

M. Gaudreault : O.K. C'est un problème très, très, très complexe.

Maintenant, est-ce que les médecins de famille ont ce qu'il faut pour diagnostiquer et traiter le TDAH? Est-ce qu'ils ont tout ce qu'il faut entre les mains pour faire le travail?

Mme Laberge (Christiane) : Théoriquement, c'est les ordres professionnels qui doivent voir à ça, c'est eux qui... Maintenant, entre autres, le Collège des médecins vient d'imposer 250 heures de formation. Est-ce que ces formations sont toutes requises dans le champ d'expertise des médecins, habituellement? Oui, je vous dirais, éthiquement, oui, mais ça, ça regarde l'éthique de chacun. Je n'ai pas de réponse précise à vous donner. Théoriquement, on devrait être habilité, quand on traite quelque chose, une pathologie... d'être habilité de la traiter. Et, si on n'est pas habilité, on a le devoir de transférer aux gens qui savent, dans n'importe quelle spécialité.

M. Gaudreault : Exact. Et le respect de l'interprofessionnalisme et de...

Mme Laberge (Christiane) : Oui, oui, oui.

M. Gaudreault : C'est ça. O.K.

Mme Laberge (Christiane) : Si tu ne le sais pas, pose la question à la bonne personne, oui.

M. Gaudreault : Exact. L'interdisciplinarité, c'est ça. Il me reste-tu du temps?

Le Président (M. Provençal)  : 30 secondes.

M. Gaudreault : 30 secondes, bien, pour vous dire merci. J'ai bien entendu le message sur le bris de continuité dans les services, bris de continuité chez les jeunes, jeunes, mais aussi, quand ils passent à l'âge adulte, là, pouf! ils passent entre deux chaises.

Mme Laberge (Christiane) : Bien, de moins en moins parce que, maintenant, on a agrandi jusqu'à 25 ans les cliniques jeunesse, donc on a théoriquement eu... parce qu'avant tu étais trop vieux pour les jeunes, trop jeune pour les vieux, mais maintenant on a amélioré le passage, mais ce n'est encore pas très évident.

M. Gaudreault : Merci.

Mme Laberge (Christiane) : Je vous en prie. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie la Dre Laberge pour sa contribution à nos travaux.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 05)

(Reprise à 11 h 08)

Le Président (M. Provençal)  : Je souhaite maintenant la bienvenue à M. Jean-Claude St-Onge. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à débuter.

M. Jean-Claude St-Onge

M. St-Onge (Jean-Claude) : Bonjour. Alors, tout d'abord, je vous remercie pour l'invitation et puis pour l'intérêt que vous portez à cette question.

Alors, le TDAH a un pôle... on le conçoit comme une neuropathologie dont les causes principales sont génétiques. À l'autre extrême, il y a des médecins... comme par exemple, le Dr Saul, un neurologue, qui dit que le TDAH n'existe pas parce qu'effectivement il refléterait d'autres problèmes. Et finalement, un peu entre les deux, vous avez le Dr Keith Conners, qui est un grand spécialiste du TDAH, qui dit que nous sommes devant une fausse épidémie — ce sont ses termes — et un désastre qui serait attribuable à la promotion de l'industrie.

Alors, une autre explication est possible. Ce qu'on appelle le TDAH représenterait une série de réalités cliniques différentes et hétérogènes qui ne peuvent être conçues sur le mode d'une catégorie unique et homogène qui serait identifiée par une neuropathologie commune et invariante à tous les cas.

Alors, les monographies des fabricants de psychostimulants sont unanimes. Par exemple, le fabricant du Vyvanse dit : Les causes spécifiques du TDAH sont inconnues, et la même chose, par exemple, pour le fabricant du Ritalin. Alors, par cette affirmation, ce qu'il faut entendre, c'est qu'on n'a pas réussi à trouver une signature génétique particulière qui permettrait d'identifier et de distinguer cette condition-là par rapport à d'autres.

 (11 h 10)

Alors, les critères d'identification du TDAH qui figurent au DSM, qu'on appelle la bible des psychiatres, sont subjectifs et fondés sur les symptômes. C'est d'ailleurs ce qui faisait dire à Thomas Insel, qui était le directeur des NIMH aux États-Unis, des instituts de santé mentale, que le DSMne pouvait... qui disqualifiait le DSM comme outil diagnostique. Alors, par exemple, à cause de ce caractère très subjectif des critères du TDAH, c'est ainsi que, par exemple, aux États-Unis, le diagnostic varie entre 1 % et 16 % selon le pédiatre qui est consulté. Alors, ce qui veut dire que, sur 1 000 patients, le premier va en diagnostiquer 10 et le deuxième, 160, avec, évidemment, toutes sortes de valeurs entre ces deux extrêmes-là. Alors, pour une même tranche d'âge et selon les pays et les régions d'un même pays, la prévalence et la consommation de psychostimulants varient considérablement. Par exemple, au Kentucky, ils sont 3,3 fois plus nombreux à recevoir le diagnostic qu'au Nevada. Et, selon les centres de contrôle des maladies aux États-Unis, 19 % des garçons du secondaire ont reçu le diagnostic, contre 27,4 % au Québec, selon la dernière enquête sur les jeunes. Alors, les jeunes Québécois de 13 à 17 ans consomment 3,3 fois plus de psychostimulants que leurs pairs dans le reste du Canada, et la consommation aux États-Unis est 35 fois plus élevée qu'en France.

Alors, plusieurs raisons nous incitent à remettre en question l'unicité puis la cohérence du diagnostic. Alors, pour reprendre les propos d'un pédopsychiatre de Québec, Jacques Thivierge, dans la plupart des cas que nous appelons TDAH, on n'a pas constaté d'atteinte au cerveau. Alors, les symptômes peuvent découler, par exemple, d'une maladie organique non cérébrale comme l'apnée du sommeil, d'habitudes de vie comme la surexposition aux écrans, de conditions de vie difficiles et de maltraitance, d'une atteinte au cerveau, par exemple encéphalite virale, ou exposition aux substances neurotoxiques, pour s'en tenir à ces quelques exemples là. Puis, quant à ceux qui ont subi une atteinte au cerveau, est-ce qu'on peut postuler qu'ils partagent tous et toutes une même neuropathologie?

Alors, il y a jusqu'à 70 % des plus jeunes de leur classe, parce qu'il peut y avoir quasiment un an de différence entre les plus jeunes et les plus vieux, qui obtiennent plus souvent le diagnostic. Et, selon certaines études, il y aurait jusqu'à 73 % des jeunes qui éprouvent des problèmes de sommeil. Alors, est-ce que c'est un TDAH ou bien est-ce que c'est un problème de sommeil? Alors, notamment les adolescents qui sont programmés temporairement pour se coucher plus tard, quand ils se lèvent le matin, ils sont fatigués, ils sont inattentifs, etc. Alors, leurs symptômes, finalement, est-ce qu'ils résultent d'une atteinte au cerveau, d'un autre problème de santé ou de la médicalisation des problèmes sociaux et culturels? Alors, jusqu'à neuf TDAH sur 10 reçoivent plus d'un diagnostic, souvent trois ou quatre, comme spectre de l'autisme — ils seraient environ 48 % à 50 % au Québec dans ce cas — traumatisme crânien, trouble de la thyroïde, déficience intellectuelle, épilepsie, trouble oppositionnel, dépression, trouble de l'audition centrale. Les prématurés, c'est la même chose. Les enfants, par exemple, dont la mère a connu des complications à l'accouchement sont dans la même situation.

On peut également se poser la question à savoir s'il est justifié de superposer un diagnostic de TDAH par-dessus un diagnostic de déficience intellectuelle, ou d'anxiété, ou d'autisme, ou d'épilepsie. Alors, est-ce qu'un diagnostic d'autisme, finalement, ne suffit pas à rendre compte des difficultés de ces enfants-là et puis des difficultés non seulement de ces enfants-là, mais aussi de leurs familles? Et ici on peut invoquer un vieux principe philosophique qu'on appelle le rasoir d'Occam, à savoir que la théorie, hein, qui peut rendre compte d'une situation avec le moins d'hypothèses possible est la meilleure.

Alors, quand on peut les tolérer, les psychostimulants ont une certaine efficacité à court terme, mais la monographie du Ritalin précise qu'aucune étude contrôlée n'a été réalisée quant à l'efficacité et la sécurité long terme du Ritalin, contrairement à ce qu'on lit, d'ailleurs, dans les lignes directrices de la CADDRA. Et en outre la monographie du Ritalin recommande d'arrêter le traitement à la puberté.

Alors, une méta-analyse de la collaboration Cochrane — c'est à peu près ce qui se fait de mieux — signale à quel point les études commanditées et/ou rédigées par des auteurs liés à l'industrie sont biaisées. Inversement, vous avez cinq études à long terme qui n'ont reçu aucun financement de l'industrie qui montrent que les médicaments à long terme n'améliorent pas les résultats scolaires, et puis ils et elles, surtout, présentent un peu plus d'anxiété, d'humeurs dépressives et de tristesse. Et, selon l'étude MTA aux États-Unis, après trois ans il n'y a aucune différence entre les groupes médicamentés et non médicamentés ou sous thérapie, et après six ans les sujets médicamentés affichaient une augmentation des symptômes. Et une étude australienne montrait que les sujets médicamentés présentaient une augmentation de la pression diastolique de 10,79 points, ce qui est considérable et ce qui peut les rendre sujets, effectivement, je veux dire, à une polypharmacie.

Alors, la méta-analyse de Cochrane signalait que les effets indésirables des psychostimulants sont largement sous-déclarés dans les études commanditées. Alors, vous connaissez les effets secondaires les plus fréquents, je ne les répéterai pas, mais une chose qu'il vaut la peine de souligner, c'est que les dernières études montrent qu'effectivement les sujets qui sont médicamentés à long terme présentent une densité osseuse inférieure à la normale jusqu'à 25 %, et sur cinq ans 11 % des utilisateurs développent des hallucinations.

Alors, parmi les effets indésirables qui sont rares ou peu fréquents, il y en a un sur 660 qui développerait une psychose. Alors, quand vous considérez, par exemple, qu'aux États-Unis il y a 19,5 millions d'utilisateurs de psychostimulants, ça fait environ 30 000 personnes qui développeraient une psychose. Et certaines études font état d'un lien plausible, hein, la relation de cause à effet n'a pas été démontrée jusqu'à date, mais entre l'utilisation, donc, des psychostimulants et l'apparition tardive de symptômes semblables à la maladie de Parkinson. Et, selon la base de données de Santé Canada, le Strattera et le Concerta arrivent aux deuxième et troisième rangs parmi les médicaments suspectés d'effets indésirables sérieux.

Alors, évidemment, les psychostimulants peuvent aider dans certains cas, dans les cas les plus graves. Et, selon les centres de contrôle des maladies aux États-Unis, il y en a 14 % qui présenteraient des symptômes sévères, alors, possiblement ceux que la CIM, la Classification internationale des maladies, qui a changé d'avis en juillet dernier, appelait les hyperkinétiques, hein, dont la prévalence tournerait autour de 1,5 %, qui serait une véritable maladie neurologique.

Le Président (M. Provençal)  : Je vais vous demander de conclure votre présentation.

M. St-Onge (Jean-Claude) : Alors, voilà, je conclus. On en reparlera. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. St-Onge, pour votre exposé. Nous allons débuter l'échange avec la députée Lotbinière-Frontenac.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Bien, merci pour votre présentation. Vous avez dit beaucoup de choses, j'ai un peu de difficulté à suivre. Je vais poser ma première question sur... Tu sais, on a entendu plusieurs études que... vous avez énuméré plusieurs études, là, tout ça. Bien, c'est quoi, votre solution pour qu'il y ait moins de médication?

• (11 h 20) •

M. St-Onge (Jean-Claude) : Parmi les solutions, je pense, la Dre Laberge en a proposé un certain nombre. Alors, ça, c'est un fait, effectivement. Et puis il y a beaucoup d'études qui ont montré, par exemple, que la formation des parents, que la prise en charge, finalement... le fait que les enfants ne bougent pas suffisamment, le fait que les enfants doivent bouger davantage, etc. Je veux dire, il y a énormément de solutions qui sont disponibles, effectivement, comme par exemple, bon, il y a des techniques, des technologies qui nous permettent... comme la remédiation cognitive, par exemple, on peut entraîner le cerveau, à travers des jeux, à se concentrer et puis à...

Alors donc, il y a énormément... la formation des parents, pas seulement que la formation des parents, mais également la formation des professeurs. Dans l'étude MTA, par exemple, ce qu'on a fait, c'est qu'on a formé les professeurs pendant trois mois, on a formé les parents pendant trois mois, et finalement on a réussi, effectivement, je veux dire, à éliminer, je veux dire, toutes ces formes et tous ces problèmes de manque de concentration. Alors, les élèves dont les parents avaient été formés, dont les professeurs avaient été formés ne présentaient aucune différence entre ceux qui avaient été diagnostiqués TDAH et ceux qui ne l'étaient pas au niveau de la réalisation des devoirs, par exemple. Autrement dit, ils pouvaient se concentrer aussi bien. Alors, c'est les interventions psychosociales, je pense, qui sont les plus importantes, à ce niveau-là, pour contrer les symptômes du TDAH.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Quelle sorte de formation qui était offerte aux professeurs?

M. St-Onge (Jean-Claude) : La formation qui était offerte aux professeurs, on n'en parlait pas en détail dans les articles sur l'étude, mais on montrait aux professeurs, finalement, comment traiter ces problèmes-là, on montrait aux professeurs comment utiliser, finalement, divers moyens pour que les élèves puissent se concentrer davantage. Alors donc, il y a effectivement, je veux dire, d'autres solutions que les médicaments. Ce qui ne veut pas dire que les médicaments ne sont jamais... être utilisés dans les cas les plus graves, effectivement, comme solution temporaire, oui.

Le Président (M. Provençal)  : M. le député de Dubuc.

M. Tremblay : Oui, merci, M. le Président. D'abord, enchanté de vous rencontrer. Dites-moi, vous avez parlé... En fait, on a entendu des réalités provenant de neuropsychologues qui... Bien, en fait, il y a eu un certain crescendo, en tout cas, quant à ce que moi, j'ai perçu, dans le sens où on pouvait avoir l'impression qu'il y avait effectivement, par rapport au titre de la commission qui nous regarde... du mandat d'initiative sur lequel on doit se pencher aujourd'hui... Finalement, on se rend compte, avec le témoignage de neuropsychologues, qu'il y a effectivement des cas qui nécessitent une médication, on nous expose cette réalité-là. Votre travail, au niveau de la littérature, a été reçu par des spécialistes d'une certaine approche, qui est plus philosophique. Comment vous voyez la position des neuropsychologues qui viennent nous exposer, malgré tout, qu'il y a beaucoup de travail à faire pour améliorer la démarche qui nous amène à un diagnostic plus précis? Je ne sais pas si vous comprenez un peu le sens de...

M. St-Onge (Jean-Claude) : Effectivement, il y a pratiquement un consensus. Par exemple, si vous regardez ce qu'on dit dans le DSM, c'est qu'on n'a pas trouvé de marqueurs biologiques pour quelque diagnostic qu'on retrouve dans le DSM. Et, quand on dit, par exemple, que le TDAH, c'est un problème neurologique dont les causes principales sont génétiques, on n'a pas véritablement...

Si je prends un exemple, par exemple, celui d'un article du Lancet qui est sorti en 2010, hein, on disait, par exemple, que les TDAH... et l'auteur principal de l'étude disait qu'on a trouvé la preuve que le TDAH est génétique. Alors, en quoi consistait cette preuve-là? On a trouvé chez, par exemple, les sujets qui étaient TDAH ce qu'on appelle des CNV de grande taille. Bon, c'est des segments d'ADN qui sont effacés et d'autres qui se répètent, c'est des délétions et des réplications de segments d'ADN. Alors, qu'est-ce qu'on a découvert? On a découvert que c'était le cas chez 12,5 % des TDAH. Ce qui veut dire qu'il y avait 86 %, finalement, des TDAH qui n'exhibaient pas cette signature génétique là, mais qu'il y avait 7,5 % des non-TDAH qui présentaient des CNV de grande taille. Alors, comment peut-on dire, effectivement, je veux dire, que le TDAH, à ce moment-là, est effectivement une condition neuropathologique qui serait déterminée par les gènes? Alors, c'est impossible. Alors, c'est comme ça. Alors donc, il n'y a pas de marqueurs biologiques qui nous permettent de l'identifier. Alors, s'il n'y a pas de marqueurs biologiques... Ce n'est pas comme, par exemple, la méningite. La méningite, vous arrivez chez le médecin, vous avez un certain nombre de symptômes, mais vous avez les tests complémentaires que vous pouvez faire passer, par exemple un IRM, qui montrent que vous avez un oedème au cerveau, et là vous pouvez effectivement confirmer votre diagnostic. Mais, pour le TDAH, aucune de ces choses-là n'existe.

Alors, quand on dit que c'est effectivement, je veux dire, une neuropathologie génétique, il n'y a absolument rien qui nous permet de l'affirmer. Alors, non seulement ça, mais comment pouvez-vous poser un diagnostic minimalement fiable quand quelqu'un se présente chez vous soit parce que, par exemple, il est dans une situation difficile parce qu'il a été victime de maltraitance, parce qu'il a été victime, par exemple, d'intimidation... Puis on sait que beaucoup de jeunes, beaucoup d'étudiants qui sont victimes d'intimidation vont développer les mêmes symptômes que le TDAH. Alors, il n'y a absolument, à l'heure actuelle, effectivement, aucun test objectif qui nous permet de dire que cet enfant-là est TDAH et que cet autre-là souffre plutôt peut-être de dépression parce que ça marche mal à la maison, parce que les parents sont en train de divorcer, puis que le divorce est difficile, parce qu'il est intimidé à l'école. Il n'y a absolument rien, effectivement, qui nous permet de poser le diagnostic différentiel avec un minimum de certitude. Alors, on parle, finalement, d'une condition qui est mal définie, on parle d'un concept qui est mal défini, on parle d'un concept pour lequel on n'a pas de test objectif.

M. Tremblay : Bien, on aura entendu, comme terme, que c'était compliqué de le définir. Maintenant, est-ce qu'on pourrait croire que, dans l'évolution du phénomène ou de la réalité, quand on travaille en amont sur des segments d'âge plus jeune, on ne déclenche pas un processus qui a instantanément des répercussions au niveau des autres segments d'âge qui vont entrer dans un état d'une certaine dépendance par rapport à la médication puis par rapport à cette espèce d'univers là où on a besoin d'un suivi continu? Vous avez enseigné, par exemple, au niveau collégial. Avez-vous perçu des réalités TDAH? On a même parlé de marché noir de médication, rendu à ce niveau-là.

M. St-Onge (Jean-Claude) : Eh oui, effectivement, dans les dernières années, quand j'ai enseigné, il y avait beaucoup de jeunes qui nous arrivaient avec un papier en disant qu'ils étaient TDAH. Pour vous avouer franchement, je n'ai pas perçu véritablement grand différence entre ceux qui étaient identifiés comme étant TDAH... Mais là c'est une anecdote, là. Moi, je me fie plutôt sur les études, et puis je me fie sur ce que la science a à nous apporter, puis j'essaie d'évaluer la valeur de ces études-là. Et puis, en général, les études, effectivement, je veux dire, qui sont commanditées par l'industrie ne sont pas très fiables, alors que les études indépendantes le sont davantage.

Mais, si on revient aux anecdotes, effectivement, je n'ai pas trouvé tellement de... Et puis pourquoi ces étudiants-là seraient-ils inattentifs ou pourquoi seraient-ils... D'abord, les hyperactifs... moi, je n'en ai pas vu en classe, des gens qui ne peuvent pas rester en place, qui dérangent tout le monde, etc., c'est tellement rare. Ça dépend peut-être du prof, là, aussi, parce qu'il y a des profs, bon, disons qu'ils sont endormants. Vous en avez sûrement connu.

Alors donc, non, moi, je n'ai pas trouvé, effectivement, que ceux qu'on identifiait comme étant TDAH étaient plus difficiles, plus inattentifs que les autres. Et, au cours des dernières années pendant lesquelles j'ai enseigné, vous en aviez de plus en plus, de ça. Les critères diagnostiques, là, ne sont pas du tout précis, là. Et puis, comme les critères diagnostiques sont très subjectifs, à ce moment-là, je me dis que les gens qu'on a identifiés comme étant TDAH...

D'abord, c'est facile, hein, de mimer les... Quand vous voulez avoir, par exemple, des psychostimulants pour avoir un «high», c'est très facile, vous allez chez le médecin, vous mimez les critères... vous mimez les symptômes, plutôt, et puis on vous prescrit, à ce moment-là. Et il y en a beaucoup... On me disait, par exemple, qu'il y a des gens, effectivement, je veux dire, des femmes, entre autres, des hommes qui se font prescrire des psychostimulants parce qu'ils veulent maigrir. Et puis c'est très facile, finalement, de mimer les symptômes du TDAH chez le médecin : Bon, j'oublie toujours mes choses, je ne suis pas attentif, etc., puis on va vous prescrire, dans certains cas, assez facilement, je veux dire, des psychostimulants.

M. Tremblay : Dans le fond, est-ce qu'on peut en comprendre qu'il y a des lacunes évidentes au niveau des diagnostics, au niveau du sérieux qu'on devrait y accorder et puis peut-être au niveau des protocoles pour s'assurer, peut-être, des contre-validations puis des suivis plus serrés pour s'assurer qu'on ne contourne pas, finalement, ce qui devrait être très précis, avec des conséquences lourdes?

• (11 h 30) •

M. St-Onge (Jean-Claude) : C'est parce que le problème avec le TDAH, c'est que les symptômes — d'abord, un symptôme, ce n'est pas une maladie — peuvent effectivement, je veux dire, être produits par bien des choses différentes, hein? L'apnée du sommeil, par exemple, exactement, je veux dire, va produire à peu près les mêmes symptômes que le TDAH. Et en l'absence de marqueurs biologiques, comment faites-vous la différence entre ça et puis l'autre chose?

M. Tremblay : Oui, je comprends. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Je redonne la parole à la députée de Lotbinière-Frontenac.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Bien, je suis un petit peu troublée d'entendre ce que vous dites, parce que, bien, en tout cas, ce que moi, je perçois, c'est que vous ne faites pas confiance du tout aux médecins puis à leur capacité de diagnostiquer. La Dre Christiane Laberge, tout à l'heure, nous avait dit que, bien, les médecins ont des lignes directrices claires. Donc, je voudrais vous entendre là-dessus.

M. St-Onge (Jean-Claude) : C'est que les lignes directrices viennent de la CADDRA, qui, elles, viennent du DSM, et le DSM, effectivement, c'est là que les critères diagnostiques du TDAH sont alignés. Or, ces critères-là sont extrêmement subjectifs, comme je l'expliquais, et puis on n'a pas de test objectif, c'est-à-dire qu'on n'a pas pu identifier quelque marqueur biologique que ce soit qui nous permet d'identifier le TDAH. Et, comme je le disais, je veux dire, le diagnostic, aux États-Unis, par exemple, chez les pédiatres — il n'y a pas d'étude ici, alors je ne peux pas vous donner d'étude ici — il varie entre 1 % et 16 %. Alors, on le voit, que les critères ne nous permettent pas d'identifier, effectivement, avec un minimum d'assurance un enfant qui serait TDAH et un enfant qui souffrirait d'autre chose.

Alors, c'est ça, le problème, c'est la confiance qu'on peut avoir au DSM, qui, à mon avis, n'est pas méritée. Pourquoi? Parce que... Puis effectivement, même, par exemple, David Kupfer, qui a dirigé les travaux du DSM-5, disait assez récemment, je veux dire, qu'il n'y a aucun marqueur biologique ou génétique qui n'a été identifié jusqu'à présent pour identifier quelque diagnostic qu'on retrouve dans le DSM, et il y en a environ 360. Alors, on est effectivement un peu dans le vide. Alors, on part effectivement de ce qui est vu, des comportements, des symptômes, mais un symptôme, ce n'est pas une maladie. Si vous avez la fièvre, c'est peut-être un rhume, c'est peut-être une grippe, c'est peut-être un cancer, alors donc on a des tests objectifs, quand même, pour savoir si c'est effectivement de l'influenza ou si c'est un cancer. Mais, dans le cas du TDAH et dans le cas d'à peu près tous les diagnostics, sinon tous les diagnostics, qu'on retrouve dans le DSM, on n'a pas ces marqueurs biologiques là, on n'a pas ces outils-là.

Le Président (M. Provençal)  : Une dernière?

M. Tremblay : M. le Président, j'ai peut-être une dernière question. Si vous aviez l'opportunité, la possibilité de déposer un mandat d'initiative envers les parlementaires, l'État, quel titre pourrait porter le mandat d'initiative?

M. St-Onge (Jean-Claude) : Qu'est-ce que vous entendez par «mandat d'initiative»?

M. Tremblay : Bien, dans le fond, le mandat d'initiative qui a été déposé ici porte sur une question précise au niveau de la médication. Si vous, vous aviez à déposer un mandat d'initiative sur une réflexion précise par rapport à votre vision de la réalité TDAH, quel titre on...

M. St-Onge (Jean-Claude) : Une recommandation, ni plus ni moins?

M. Tremblay : Oui.

M. St-Onge (Jean-Claude) : Bien, dans le cas, effectivement, des enfants qui sont hyperactifs, qui sont impulsifs — ça existe, l'impulsivité, l'hyperactivité puis l'inattention — dans ces cas-là, effectivement, je pense qu'il faut faire une évaluation extrêmement serrée. Alors, il faut regarder, évidemment, le parcours de vie de l'enfant, il faut examiner les conditions dans lesquelles il oeuvre. Je veux dire, que ce soient les conditions à l'école, à la maison, il faut regarder, il faut faire une évaluation complète et objective de sa santé, et puis, effectivement, arriver à poser un diagnostic, qui ne sera pas nécessairement un diagnostic carré, et essayer d'intervenir par le biais d'interventions psychosociales sur cet enfant-là. Et, une fois que vous aurez essayé ça, que ce soit la formation des parents, que ce soit, par exemple, la remédiation cognitive ou que ce soit d'autres choses... et si, effectivement, je veux dire, les symptômes continuent de persister, là avoir recours à la médication, et avoir recours à la médication mais pour les cas véritablement les plus graves.

Alors, le trouble hyperkinétique... parce que la Classification internationale des maladies ne reconnaissait pas, jusqu'à juillet 2019, le TDAH. Le TDAH, c'était même une expression qui n'apparaissait même pas dans la Classification internationale des maladies, on parlait surtout de trouble hyperkinétique, qui serait effectivement une maladie neurologique, bon, et on refusait de l'admettre. Alors, pourquoi la CIM a-t-elle changé...

Le Président (M. Provençal)  : Il faut conclure.

M. St-Onge (Jean-Claude) : ... — parce que je sais qu'il y avait une énorme réticence à reconnaître le TDA dans la Classification internationale des maladies — est-ce que c'est le lobby de l'industrie pharmaceutique qui a fait qu'on a changé? Peut-être, effectivement. Et le trouble hyperkinétique, selon une étude britannique qui date d'il y a quelques années, 2004, quand même, mais une étude du gouvernement britannique assez complète, il affecterait environ 1,5 % des enfants. Alors...

Le Président (M. Provençal)  : M. St-Onge, je dois vous interrompre parce que je vais devoir céder la parole à la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Bonjour, M. St-Onge. Moi, j'ai lu votre mémoire, j'ai lu le document que vous nous avez déposé. J'entends aussi ce que vous nous dites. Ça fait quand même trois jours, là, qu'on entend, là, des experts, des sociologues, des médecins, des neuros, des philosophes, on entend plein de choses. Puis là je suis surprise parce qu'autant votre mémoire ou les propos que vous nous rapportez ça vient contredire... puis, je veux dire, mes collègues, vous n'êtes pas obligés de tout partager, là, mais ça vient beaucoup contredire tout ce qu'on a entendu dans les trois derniers jours et tout ce qu'on a lu dans les trois derniers jours.

Je vous dirais qu'il y a une chose sur laquelle on s'entend, et je pense que les médecins qui sont venus ici, ils ont eu le courage, l'humilité de le dire, à l'effet qu'il y a beaucoup trop de prescriptions. Ça, je pense que tout le monde qui est passé ici nous l'ont dit. Parfois, il y a même des médecins qui en étaient incommodés, qui disaient : Bien oui, on a des collègues qui prescrivent peut-être un peu trop vite. Ça fait que, ça, on s'entend là-dessus, puis je pense que vous nous l'avez dit aussi tantôt, à quel point c'était facile d'obtenir une prescription, qu'on avait juste à aller chez le médecin puis mimer des critères pour obtenir le fameux médicament.

Bon, là, peut-être, où on ne s'entend pas, oui, on peut obtenir le médicament, mais est-ce que les patients sont traités pour rien? On pourra en parler ou en débattre. Ce que je comprends dans ce que vous nous dites, c'est que, oui, il y a des patients qui sont traités pour rien.

Et corrigez-moi si je me trompe, mais, dans ce que vous dites aussi, c'est que le TDAH, bien, ce n'est pas une maladie du cerveau, ce n'est pas inné. C'est pour ça que ça vient défaire un peu, tu sais, ce qu'on entend depuis trois jours. Puis je vous laisse la parole là-dessus, sur le TDAH qui n'est pas une maladie du cerveau.

M. St-Onge (Jean-Claude) : Non, ce n'est pas ça que je dis, hein? Le trouble hyperkinétique est probablement, effectivement, selon beaucoup de spécialistes, une maladie du cerveau. Alors, le trouble hyperkinétique, ce sont, par exemple, les enfants qui présentent tous les symptômes : inattention, impulsivité, hyperactivité, alors que, le TDAH, vous avez trois types, hein, trois sous-types : vous avez le type inattentif, vous avez le type hyperactif impulsif et vous avez le type mixte.

Alors, pour un diagnostic de trouble hyperkinétique, ça exigeait les trois symptômes, d'une part. Non seulement ça exigeait les trois symptômes, mais les enfants, par exemple, qui étaient anxieux, qui étaient dépressifs ou qui souffraient de schizophrénie, hein, ne pouvaient pas recevoir un diagnostic de trouble hyperkinétique. Alors, oui, effectivement, dans certains cas, des enfants qu'on appelle TDAH peuvent souffrir d'un trouble du cerveau.

Et puis, il y a quelques années, juste après la Première Guerre mondiale, il y a eu une épidémie d'encéphalite virale aux États-Unis, et c'est à partir de ce moment-là, effectivement, je veux dire, qu'on a commencé à parler de dysfonction cérébrale mineure chez ces enfants-là. Et, par la suite, ce qui est arrivé, c'est que tous les enfants qui présentaient ces symptômes-là recevaient ce type de diagnostic là.

Alors, ce n'est pas parce que toutes les feuilles sont vertes que tout ce qui est vert est une feuille. Alors, voilà, ce n'est pas parce que, par exemple, il y a beaucoup d'enfants qui vont présenter ces symptômes-là que ces enfants-là souffrent nécessairement d'un trouble du cerveau. Il y en a probablement un certain nombre, oui, effectivement, ceux qui souffraient du trouble... ou ce qu'on appelait le trouble hyperkinétique, pour qui, oui, c'est un problème... c'est une maladie du cerveau. Et prenez les enfants qui ont été exposés à des substances neurotoxiques, l'arsenic à Rouyn, par exemple, le plomb dans l'eau des écoles, bon, ça a des effets sur le cerveau, mais est-ce que c'est une maladie primordialement du cerveau ou est-ce que c'est une maladie environnementale qui a des effets sur le cerveau, qui est secondairement une maladie du cerveau? Et un enfant, par exemple, qui a été victime d'encéphalite virale et puis un enfant qui a été exposé au plomb, est-ce qu'ils souffrent de la même neuropathologie? Probablement pas.

• (11 h 40) •

Mme Nichols : Bien, je ne suis pas une experte, là, je ne me qualifie pas d'experte non plus dans le dossier, mais, quand on parle, mettons, du plomb dans l'eau, on s'entend qu'on est sur un dossier précis, une cause précise. Il y aurait peut-être un lien de causalité, un cause à effet, je ne suis pas certaine, là, tu sais, ça peut avoir un impact sur le cerveau. C'est comme si je fais du vélo puis je tombe par terre, je me grafigne le genou, bien, c'est parce que j'ai fait du vélo puis je suis tombée par terre, mais ça ne veut pas dire que mon genou a une maladie. Bien, en tout cas, j'essayais de simplifier. Puis, je vous le dis, moi, je n'ai probablement pas les notions ni tout le background que les personnes qui viennent ici... viennent témoigner, mais j'essaie de démêler tout ça puis j'ai l'impression d'être, des fois, un peu plus mélangée.

Dans votre mémoire, vous dites : «Si le Québec est vraiment fou de ses enfants, il faudrait peut-être commencer à mettre un tel programme en oeuvre.» Vous parlez du programme... des alternatives?

M. St-Onge (Jean-Claude) : Oui, des alternatives psychosociales, finalement, des interventions psychosociales, pour débuter, pour commencer, effectivement.

Mme Nichols : Puis les psychostimulants avec les services, là, quand on dit que ça peut fonctionner, les deux en parallèle, ou qu'il peut y avoir un accompagnement, vous dites : Oui, ça peut aider dans les cas les plus graves. Est-ce que c'est ce que je comprends?

M. St-Onge (Jean-Claude) : Oui, effectivement.

Mme Nichols : O.K., très bien. Écoutez, je vais vous poser une question peut-être un peu plus générale. Vous savez qu'aujourd'hui, ce qu'on travaille, la Commission sur la santé et des services sociaux, on se penche entre autres sur l'augmentation préoccupante de la consommation des psychostimulants chez les enfants et les jeunes en lien avec les troubles déficitaires de l'attention, les TDAH. Et on fait cet exercice-là, il y a plusieurs personnes qui viennent nous livrer des témoignages, nous envoient des mémoires ou il y a des personnes qui ne viennent pas mais qui nous envoient aussi des mémoires — d'ailleurs, je les remercie, parce qu'on les lit — mais croyez-vous que l'exercice d'aujourd'hui répond à un besoin?

M. St-Onge (Jean-Claude) : Oui, je crois que oui, effectivement. Je veux dire, quand on constate qu'il y a tellement d'enfants qui... puis tellement de jeunes, particulièrement des jeunes du secondaire... 27,4 % des garçons du secondaire reçoivent un diagnostic de TDAH. Est-ce que c'est véritablement possible? Alors, il y a quelque chose, là, qui est profondément dysfonctionnel.

Et puis non seulement ça, mais, si vous tenez compte, par exemple, des autres diagnostics que les enfants sont susceptibles de recevoir, que ce soit diagnostic de dépression, par exemple, de troubles alimentaires, d'abus de substances, ça voudrait dire que quasiment tous les enfants du Québec ont des problèmes psychologiques, ont des problèmes psychiatriques.

Mme Nichols : J'ai un problème. Des fois, je trouve, c'est parfois contradictoire, parce que, tantôt, vous nous avez dit : Des hyperactifs, bien, je n'en ai pas vu dans mes classes, puis là vous nous parlez qu'il y a un 27 %, dans les écoles, du secondaire, qui souffrent de... qui ont été identifiés d'un cas de TDAH. Mais, d'un autre côté, les critères du diagnostic sont très subjectifs, mais vous vous basez sur des données qui ont été diagnostiquées. J'ai de la misère à faire le lien logique dans...

M. St-Onge (Jean-Claude) : Bien, c'est tout simplement parce qu'on peut parler, à ce moment-là, de surdiagnostic, de faux positifs ou de diagnostics erronés. Alors, est-ce que ces enfants-là, par exemple, qui sont déprimés, est-ce que ces enfants-là qui sont anxieux, c'est à cause d'une condition médicale ou bien donc est-ce que c'est à cause du type de société dans laquelle on vit? Est-ce que c'est à cause...

Mme Nichols : Mais ça ne pourrait pas être une condition médicale? Parce que je comprends que ça ne peut pas être une maladie du cerveau, donc ça serait autre chose?

M. St-Onge (Jean-Claude) : Ça peut être une condition médicale, comme par exemple l'acné, mais ce n'est pas une maladie du cerveau, l'acné, nécessairement. Alors, ça peut être une condition médicale sans que ce soit une maladie du cerveau. Par exemple, on sait que, bon, les enfants qui souffrent de plusieurs maladies somatiques sont beaucoup plus susceptibles de recevoir un diagnostic de TDAH que, par exemple, les enfants qui ne souffrent pas de plusieurs maladies somatiques. Alors, il y a surdiagnostic et puis il y a surmédicalisation, il y a surprescription de médicaments.

Mme Nichols : Bien, merci.

Le Président (M. Provençal)  : C'est au tour, maintenant, du député de Jean-Lesage à prendre la parole.

M. Zanetti : Merci beaucoup. Je vais vous poser deux questions en une, répondez-y comme vous voulez. Y a-t-il, à votre avis, un biais épistémologique, dans la production du savoir sur le TDAH, qui est lié à la façon dont la recherche est financée? Puis, si vous avez aussi l'information, est-ce qu'on sait aussi quelle proportion de la recherche en Amérique du Nord est financée... bien, c'est des études indépendantes et quelle proportion est financée par l'industrie qui produit les psychostimulants?

M. St-Onge (Jean-Claude) : Bon, on sait, par exemple... pas nécessairement pour les psychostimulants, là, je n'ai pas vu d'étude là-dessus, mais on sait qu'environ 80 % des essais cliniques sont financés par l'industrie pharmaceutique et on sait également que les chercheurs qui sont liés financièrement à l'industrie — c'est une étude qui est parue, par exemple, dans le journal américain de psychiatrie — que les chercheurs qui sont financés par l'industrie sont 4,9 fois plus susceptibles de trouver des résultats positifs aux études et de penser que le médicament sous étude est plus efficace que le placebo que les chercheurs indépendants ou que les chercheurs qui ne sont pas financés par l'industrie. Alors, il y a véritablement un biais au niveau de l'efficacité des médicaments. Et puis, comme les études, les essais cliniques notamment, je veux dire, leur but principal, c'est de démontrer que le médicament est efficace ou pas et non pas de savoir quels sont les effets indésirables, finalement, des médicaments, parce qu'en général les essais cliniques ne durent pas très longtemps... La vaste majorité, par exemple, des essais cliniques qui ont été faits sur le TDAH ont duré en moyenne quelques semaines, et le plus long a duré 425 jours. Alors, que voulez-vous comprendre ou comment voulez-vous savoir si, effectivement, le médicament qui est pris à long terme peut avoir des effets indésirables lorsque la vaste majorité des études sont des études à court terme? Parce que les effets indésirables des médicaments, hein, se révèlent très souvent après plusieurs années.

M. Zanetti : J'ai-tu encore du temps?

Le Président (M. Provençal)  : 30 secondes.

M. Zanetti : Est-ce que vous pensez que le public devrait financer des études et est-ce que ça serait une façon d'amoindrir ce biais épistémologique là dans la production du savoir?

M. St-Onge (Jean-Claude) : L'industrie pharmaceutique est trois fois et demie plus rentable que les autres industries. Sur les 500 entreprises sur la liste du magazine Fortune,on peut voir, effectivement, que l'industrie pharmaceutique, les 10 compagnies pharmaceutiques étaient trois fois et demie plus rentables. À ce moment-là, je pense qu'une des solutions possibles serait de faire en sorte qu'on taxe, par exemple, les profits de l'industrie, qu'on mette ça dans un fonds, dans un fonds qui pourrait financer la recherche, qui pourrait financer la recherche qui serait faite, à ce moment-là, par des chercheurs indépendants et sur lesquelles on pourrait davantage compter que les études qui sont faites par l'industrie. Parce que c'est l'industrie qui est juge et partie, à ce moment-là, alors comment pouvez-vous vous assurer de l'objectivité des résultats des études, d'une part? Et puis, deuxièmement, hein, bon, ce qui se produit, c'est que les chercheurs qui reçoivent des montants considérables de l'industrie vont effectivement avoir une vision biaisée sur l'efficacité du produit en question.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je vais céder, maintenant, la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Je veux vous remercier de votre présence ici, je veux vous remercier, également, de votre mémoire. Mais, en ce qui me concerne, M. le Président, moi, je n'ai pas plus de questions. Je n'aurai pas de question à poser à M. St-Onge. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Alors, je vous remercie de votre contribution.

Nous allons prendre une pause pour pouvoir permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 50)

(Reprise à 11 h 52)

Le Président (M. Provençal)  : Je souhaite maintenant la bienvenue au représentant du Regroupement des Associations PANDA du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous cède la parole, monsieur.

Regroupement des Associations PANDA du Québec

M. Boisrond (Frédéric) : Bonjour. Je m'appelle Frédéric Boisrond, je suis directeur général du Regroupement des Associations PANDA du Québec.

Alors, notre groupement est un regroupement d'organismes à but non lucratif. Nous mettons sur pied des services de première qualité pour favoriser la réussite scolaire et sociale des personnes atteintes de TDAH pour répondre aux besoins spécifiques de leurs proches. D'autres organismes communautaires en santé mentale offrent aussi des services aux personnes ayant le TDAH. Cependant, avec nos huit associations, nous sommes le seul réseau national d'organismes à but non lucratif dédiés uniquement à l'entraide et à l'aide aux personnes ayant le TDAH et leurs proches. Nous travaillons avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, le milieu scientifique et universitaire pour démystifier le TDAH, réduire les préjugés, améliorer la compréhension de la problématique. Nos associations livrent des services qui favorisent la réussite sociale et scolaire, la réduction des méfaits et de leurs impacts négatifs sur le noyau familial. Nous sommes inscrits dans la trajectoire optimale des services de l'INESSS comme organisme de support à la famille de personnes ayant le TDAH, un rôle que nous assumons depuis plus de 25 ans. Cependant, nous sommes conscients qu'avec seulement huit associations, dont aucune dans les grands centres urbains, notre réseau est à construire, particulièrement face à une demande de plus en plus croissante.

Notre clientèle se divise en trois groupes. Le premier groupe inclut des personnes qui s'autodiagnostiquent. Lorsqu'elles croient avoir des symptômes qui s'apparentent au TDAH, elles décortiquent la littérature scientifique, se basent parfois sur des mythes et sur l'observation de personnes ou de personnalités identifiées comme ayant le TDAH avant de rechercher des services auprès de nos associations. Entre autres, nous les référons vers des services qui leur permettront d'obtenir un diagnostic. En attendant, elles restent inscrites dans nos activités.

Dans le deuxième groupe se trouvent des personnes qui ont recours à la médication et qui réalisent que cette médication ne règle pas tout. Il y a aussi ceux qui se demandent quand est-ce qu'on va arrêter d'en prendre. On sait quand on commence, mais on ne sait pas quand ça finit.

Le troisième groupe est composé de personnes qui ont reçu un diagnostic de TDAH mais pour lesquelles la médication n'est pas recommandée. Sont aussi incluses dans ce groupe des personnes qui, avec ou sans prescription, cherchent une alternative à la médication. Elles viennent nous voir pour trouver des stratégies pour composer avec le TDAH sans les médicaments. À prime abord, nous leur offrons la possibilité d'échanger avec d'autres parents ou adultes ayant le TDAH sur des mécanismes que ces personnes auraient mis en place pour eux-mêmes ou pour leurs enfants.

Le dénominateur commun de ces trois groupes qui composent notre clientèle est la détresse : Ma femme n'est plus capable; notre fils est en train de nous rendre fous; je suis à la veille de perdre ma job; notre fille va se faire mettre dehors de l'école; je ne suis plus capable de moi-même.

Nos associations sont une des principales portes d'entrée du continuum de services. Les parents sont référés vers nous par les écoles, les camps de jour, les services de loisirs, les médecins, les CLSC, les moniteurs d'activités de toutes sortes. Nous sommes aussi la salle d'attente pour celles et ceux qui attendent un diagnostic, pour celles et ceux qui n'ont pas le TDAH mais qui ont des comportements apparentés. Pour désengorger notre réseau, l'Association PANDA Brome-Missisquoi offre l'atelier Ce qui est un TDAH... et ce qui ne l'est pas!

Nous n'avons pas le loisir de refuser qui que ce soit. Au-delà d'être la porte d'entrée, nous sommes souvent le dernier recours et nous devons aider chaque famille à trouver sa propre porte de sortie. Même si nous offrons des activités de groupe, nous accordons beaucoup d'importance à des interventions individuelles. Chaque personne ayant le TDAH est un cas singulier. Au Saguenay—Lac-Saint-Jean, nos intervenants se déplacent pour aller rencontrer les familles à domicile. À Thérèse-De Blainville, nous faisons plus de 600 interventions individuelles par année.

Quand on appelle une association PANDA, c'est qu'on est en situation d'échec, échec causé par un TDAH diagnostiqué, avec ou sans médication. Parce que, s'il faut le rappeler, la médication ne règle pas tout.

Notre travail consiste à faire l'inventaire des connaissances sur le TDAH, un domaine qui évolue très vite. Nous devons départager les informations crédibles et les solutions offertes par des charlatans, décomplexifier et vulgariser des contenus scientifiques pour permettre aux parents de comprendre pour pouvoir prendre des décisions éclairées. Nous devons aussi défaire les mythes autour du TDAH. Pour réaliser cette étape, heureusement, nous sommes épaulés par les meilleurs spécialistes du Québec.

Dans le réseau scolaire, nous amenons les parents à faire équipe avec l'école. L'association Deux-Rives et celle d'Abitibi-Est, malgré des ressources limitées, font l'accompagnement scolaire et l'aide aux devoirs adapté à la réalité des élèves ayant le TDAH.

Mais nous travaillons aussi avec le personnel enseignant pour les aider à développer des outils et à mettre en place des mesures d'accommodement pour faciliter son travail. Là encore, le résultat de notre travail dépend de la volonté de l'enseignant et des moyens que l'école met à sa disposition.

Notre association Basses-Laurentides offre de la formation aux employeurs, aux moniteurs de camps de jour, au personnel qui travaille dans les centres de détention. Elle intervient auprès des détenus qui, médication ou pas, veulent comprendre comment leur TDAH les a amenés en prison et pour trouver des stratégies pour éviter la récidive. Ce sont nos associations qui offrent des stratégies à des entraîneurs de hockey, de soccer, des professeurs de piano, de natation, des responsables des cadets et des scouts pour intégrer les jeunes dans leurs activités dans le but de les amener à briser le cycle des échecs répétitifs.

Les associations PANDA misent sur les forces et les passions de l'individu pour l'aider à compenser ses déficits. Nous proposons des stratégies pour faire vivre des réussites à celle et celui qui ne fonctionne pas au même niveau que les autres, ce qui a poussé l'Association PANDA Bas-Saint-Laurent à développer un atelier sur l'estime de soi. Nous misons sur des méthodes pour permettre aux personnes ayant le TDAH de distinguer ce qui est futile de ce qui est important, ce qui peut attendre de ce qui est urgent. Nous les aidons à gérer leur temps. Les stratégies offertes passent du plus simple au plus complexe, mais elles respectent les limites de chaque enfant, de chaque ado, de chaque adulte et les ressources de la famille pour qui nous transformons l'information en des outils pratiques.

Oui, on peut amener des adultes à accepter qu'un jeune bouge. Oui, on peut amener un employeur à accepter que son employé préfère se promener au fond de la salle pendant une importante réunion mais qu'il entend, il comprend, il apprend. Une liste de tâches sur un frigo, une check-list, c'est bon pour tout le monde. Si on apprend à déposer ses clés toujours au même endroit, la probabilité de les perdre à la maison est quasi nulle. Et si on commençait à apprendre à dormir?

L'Association PANDA de la MRC Les Moulins offre des ateliers spécifiquement pour les parents d'enfants de six à 12 ans : Enlève tes bottes, accroche ton manteau, déshabille-toi, mets tes vêtements dans le panier à linge sale, prends ta douche, viens souper, fais tes devoirs, après tu pourras jouer au PlayStation. On n'a pas besoin d'être TDAH pour en oublier un bout. Si on y allait d'une directive à la fois?

• (12 heures) •

C'est ça, PANDA, sensibiliser, faire comprendre à toutes les personnes autour de celle qui a le TDAH ou les référer vers des ressources plus pointues qui leur permettront de comprendre comment la personne ayant le TDAH gère l'information et le temps. Être défini comme un groupe de support à la famille, c'est savoir qu'autour de la personne ayant le TDAH il y a des parents, des conjoints, la fratrie, des grands-parents, des amis, des coéquipiers, des professeurs, des collègues de travail. C'est tout le réseau autour de cette personne qui subit l'impact du TDAH et sur lequel nous sommes, avec d'autres organismes communautaires, les seuls à agir.

Nous avons voulu vous démontrer, aujourd'hui, que les associations PANDA et d'autres organismes communautaires, avec des stratégies qui invitent à mieux organiser le temps et les activités quotidiennes, font partie de la solution dans la réduction de la médication. Mais nos stratégies ne règlent pas tout, elles sont soit complémentaires à la médication ou une alternative pour ceux qui n'en veulent pas. Force est d'admettre que, si le réseau communautaire n'est pas renforcé, ceux qui s'autodiagnostiquent pourraient être tentés par l'automédication, les personnes ayant le TDAH risquent de rester plus longtemps sur la médication, ceux qui n'en veulent pas n'auront pas d'autres alternatives crédibles et pourraient être tentés par des solutions non éprouvées et non reconnues. Nos associations ne règlent pas tout, elles font partie d'un ensemble de services qui, pour donner des résultats, doit fonctionner en parfaite synchronisation. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, M. Boisrond, pour votre exposé. Nous allons initier cet échange avec la députée de Lotbinière-Frontenac.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Moi, j'aimerais que... Bien, vous avez dit que vos associations sont présentes seulement dans les régions, donc aucune en centre urbain?

M. Boisrond (Frédéric) : Aucune.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Pourquoi?

M. Boisrond (Frédéric) : Parce qu'on n'est pas financés pour ça.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : O.K. J'aimerais savoir, aussi, qui travaille chez vous. Est-ce que c'est des bénévoles? C'est quoi, leur profil de formation?

M. Boisrond (Frédéric) : D'abord, on a des psychoéducateurs, on a, évidemment, des bénévoles, des gens spécialisés en éducation, les travailleurs du domaine, mais nous sommes épaulés, aussi, par les spécialistes que vous avez vus ici, au cours de la semaine, entre autres Dre Laberge, Dre Vincent. Ce sont toutes les personnes... Quand on parle de nos bénévoles, nous parlons aussi de ces gens-là, d'accord? Nous avons accès aux meilleurs.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : O.K. Puis, tout à l'heure, vous avez parlé de défaire des mythes, vous avez parlé, aussi, de charlatans. Comment vous faites ça?

M. Boisrond (Frédéric) : Bien, écoutez, nous allons... nous fonctionnons... évidemment, nous travaillons avec le milieu scientifique, donc, les médecins que vous avez entendus ici, qui nous disent c'est quoi, les dernières informations. Mais nous devons aussi composer avec des gens qui proposent des solutions, qui disent que c'est, par exemple, les colorants alimentaires, c'est... on peut traiter ça en prenant du pot, on peut, on peut, on peut. Donc, nous, on veut s'assurer que, quand on donne une information à notre clientèle, c'est l'information qui est éprouvée scientifiquement et non pas quelque chose qu'on a lu quelque part sur Internet, parce que ça reste aussi une source où les gens vont chercher de l'information qui n'est pas tout à fait appropriée.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : D'après vous, c'est quoi, la recette gagnante quand une personne vient vous voir avec une problématique, là, de TDAH ou non?

M. Boisrond (Frédéric) : Bien, en fait, il n'y a pas une recette, hein, c'est un menu différent pour chaque personne. Donc, les problématiques sont tellement différentes. Parfois, la personne elle-même qui a le TDAH, ce n'est pas elle qui a le plus de problèmes avec la... de comportement, si vous voulez. C'est souvent les parents qui ont beaucoup de difficultés à accepter, aussi, que leur enfant ne sera pas l'idéal qu'ils avaient rêvé. Il y a tellement d'éléments autour d'un enfant ou d'un adulte qui a un TDAH, même les adultes qui réalisent, après 20 ans d'une carrière ponctuée d'échecs, qu'il y a peut-être quelque chose à regarder. Souvent, les parents vont vous raconter qu'ils vont apprendre qu'ils ont eux-mêmes un TDAH quand leur enfant va recevoir le diagnostic. Donc là, on n'a plus une seule personne, là, qui rentre dans une association, c'est deux personnes ayant le TDAH et toute la famille, finalement.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Puis, quand vous rencontrez, par exemple, un enfant, est-ce que, normalement, vous avez de la collaboration de la famille ou c'est un petit peu difficile? C'est quoi, la proportion?

M. Boisrond (Frédéric) : Bien, notre réseau a cet avantage que c'est volontaire, d'accord? Donc, quand les gens viennent rencontrer une association PANDA, c'est un choix, c'est un choix de famille, c'est une décision d'aller chercher de l'aide, d'aller chercher du support, de vouloir échanger avec d'autres parents sur des solutions, des stratégies qu'ils ont adoptées. Donc, non, c'est volontaire, donc, oui, en général, il n'y a pas de souci.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : O.K. Puis est-ce que vous faites, par exemple, de l'éducation? Est-ce que vous faites des conférences dans les écoles, par exemple, ou aux parents?

M. Boisrond (Frédéric) : Toutes nos associations offrent des conférences avec les spécialistes dont je vous ai parlé et d'autres. Toutes nos associations offrent des ateliers pour permettre aux gens de comprendre c'est quoi, le TDAH. D'abord, quand quelqu'un arrive chez nous, a rencontré son médecin, qui lui a donné un diagnostic de TDAH, ce n'est pas évident qu'on lui a tout expliqué. Donc, c'est un peu notre rôle à nous de décortiquer cette information, qui est souvent très scientifique, pour expliquer ce que c'est. Je dois quand même admettre que nous essayons de rester le plus loin possible de la médication, par exemple, hein? On ne veut pas intervenir là-dessus, tout simplement parce que ça ne relève pas de bénévoles ou de psychoéducateurs. Donc, on essaie de dire : Retournez voir votre médecin ou votre pharmacien pour obtenir plus d'information parce que ce n'est pas à notre niveau, ça.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : O.K. Parfait.

Le Président (M. Provençal)  : Député de Dubuc.

M. Tremblay : Oui, merci, M. le Président. Bonjour.

M. Boisrond (Frédéric) : Bonjour.

M. Tremblay : Bravo pour l'engagement!

M. Boisrond (Frédéric) : Merci.

M. Tremblay : Dites-moi, vous avez parlé du milieu carcéral, il en a été question chez d'autres invités aussi. Est-ce qu'il y a une réalité diagnostique sur des segments d'âge? On le comprend... Est-ce qu'on peut établir des liens par rapport au fait de peut-être précipiter des diagnostics? Est-ce qu'il y a des conséquences sur de la criminalité dans l'ensemble? Est-ce qu'il y a des coûts rattachés à ça? Comment vous voyez cette dimension-là?

M. Boisrond (Frédéric) : Je vous réponds strictement comme directeur du Regroupement des Associations PANDA, d'accord? Je peux avoir d'autres opinions, mais, strictement en vous répondant comme ça, c'est de vous dire que notre travail à nous, c'est d'intervenir avec une personne qui est en situation d'échec ou une famille qui est en détresse. On ne questionne pas le cheminement qui a amené quelqu'un en prison, d'accord? Tout ce qu'on sait, c'est que la personne nous dit qu'elle se retrouve là et qu'elle croit que c'est une conséquence d'un TDAH mal géré, d'accord? Et donc, nous, ce qu'on essaie de faire avec cette personne, c'est de lui donner des outils pour mieux gérer ses comportements, mieux gérer ses attitudes, mais nous ne questionnons pas le parcours de l'individu, mais plutôt, à partir de maintenant, comment on fait pour éviter que ça se reproduise.

M. Tremblay : Voyez-vous des différences par rapport à vos interventions sur des jeunes ou moins jeunes, dans un constat d'échec, qui sont sous médication, sinon qui ne sont pas sous médication? Voyez-vous des réalités différentes à ces deux niveaux-là, au niveau de pouvoir travailler avec ces types de clientèle?

• (12 h 10) •

M. Boisrond (Frédéric) : Non, il n'y a pas de différence, parce qu'encore une fois chaque cas est différent. Une personne qui n'a pas de médication — et là j'ai Dre Laberge derrière moi, là, je ne vais pas dire n'importe quoi — ça peut être un cas plus léger qu'un autre, d'accord — vous me direz si elle fait un geste de la tête, là — c'est un cas plus léger qu'un autre. Et des cas plus lourds sous médication, si on ramène tout le monde... Quand on dit que la médication ne règle pas tout, c'est que peut-être qu'elle ramène tout le monde à un certain niveau qui nous permet, nous, d'intervenir pour ajouter à quelque chose. Nous, on dit que nos stratégies sont complémentaires pour la personne qui a une médication, parce que la médication ne règle pas tout. Donc, on ne mesure pas si une personne a une médication ou pas, si on va atteindre de meilleurs résultats, sinon on pousserait tout le monde à aller en chercher. Donc, l'idée, c'est de dire : Chaque personne est à son niveau, et l'intervention qu'on va faire va être en fonction du niveau où la personne se retrouve.

M. Tremblay : Dites-moi, avez-vous l'impression qu'un organisme comme le vôtre est sollicité à sa juste valeur comme potentiel partenaire dans l'amélioration de la réalité actuelle? On a fait état de disparités au niveau des régions, vous dites que vous êtes moins présents en centres urbains pour faute de moyens. Est-ce que PANDA devrait être davantage sollicité comme partenaire dans le phénomène?

M. Boisrond (Frédéric) : Nous, on a travaillé avec l'INESSS pour... on n'a jamais forcé pour être dans le parcours optimum, là, on n'a pas forcé ça. On s'est présenté là, on a travaillé et on s'est rendu compte que, nécessairement, il y avait un rôle pour le communautaire là-dedans. Mais ce n'est pas la première fois, depuis 25 ans, là, qu'on est reconnus comme ça. Cette fois-ci, on l'est encore, d'accord? Mais je pense que, quand on regarde le nombre de personnes qui sollicitent les services des associations PANDA, notre pertinence n'est plus à démontrer, d'accord? Nous, on l'a faite, cette démonstration-là. Que tous les scientifiques au Québec s'assoient autour d'une table et réalisent que le communautaire est indispensable dans le parcours optimal des services, on n'a pas à dire qu'on est pertinents, c'est clair.

Maintenant, nous, on va continuer à faire ce qu'on peut faire avec ce qu'on a. C'est clair qu'on ne va pas continuer à brûler nos gens, à brûler nos ressources, parce qu'on a déjà été 14 associations particulièrement gérées par des bénévoles. Mais, quand vous avez des bénévoles qui gèrent une association en santé mentale et que ces gens ont des enfants, à la maison, qui ont un TDAH et qu'ils réalisent eux-mêmes qu'ils ont un TDAH, ou le conjoint ou la conjointe a un TDAH, ça ne prend pas de temps qu'on brûle tout le monde. Nous, on a décidé qu'on va faire avec ce qu'on a. Actuellement, nos associations reçoivent des financements qui vont de 0 $ à 170 000 $ par année. On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a, mais on va continuer à le faire.

M. Tremblay : Merci. Bravo!

M. Boisrond (Frédéric) : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Soulanges, s'il vous plaît.

Mme Picard : Merci beaucoup, M. Boisrond. J'avais une question. Vous avez parlé du système carcéral, mais est-ce que vous êtes aussi présents dans les centres jeunesse?

M. Boisrond (Frédéric) : Non.

Mme Picard : Non?

M. Boisrond (Frédéric) : Non. Dans mes informations, là, je n'ai pas de présence particulière dans les centres jeunesse. C'est possible, mais je ne l'ai pas là, au moment où je vous parle, d'accord?

Mme Picard : Intéressant. Et puis...

M. Boisrond (Frédéric) : C'est un peu plus fermé, hein, il y a des secteurs qui sont un peu plus fermés. Même les écoles, ce n'est pas toujours... ce n'est pas toutes les écoles qui ouvrent leurs portes à des ressources, mais nous, on a vraiment fait notre travail parce qu'on est pertinents, donc nous, on est accueillis dans les écoles.

Mme Picard : Vous avez parlé du programme apprendre à dormir. J'aimerais en savoir plus.

M. Boisrond (Frédéric) : En fait, ce n'est pas un programme qu'on a, hein, ce sont des conseils qu'on donne aux gens, et je suis certain, si ce n'est pas fait, des professionnels comme la Dre Annick Vincent en parlent régulièrement, que ça fait partie des choses qu'il faut mettre en place avec les enfants. Un enfant qui ne dort pas, qui ne dort pas assez, qui passe plus temps à jouer au PlayStation, il y a peut-être des impacts aussi, là.

Mme Picard : Selon vous, la démarche jusqu'à un diagnostic, est-ce qu'il y a quelque chose qu'on pourrait améliorer... très certainement, mais qu'est-ce que vous voyez dans la démarche pour atteindre le diagnostic qu'on pourrait améliorer?

M. Boisrond (Frédéric) : Bien, en fait, le souci, c'est le temps d'attente, hein, avant d'avoir un diagnostic, mais, pour nous aussi, c'est une surcharge, parce qu'on a beaucoup de gens qui viennent chercher des services pour un TDAH alors peut-être qu'ils ont autre chose, d'accord? Donc, on dessert des gens et, je le disais, on n'a pas le loisir de dire : Non, on va attendre que vous ayez un diagnostic. On ne peut pas faire ça, parce qu'il y a des enfants, là, qui risquent d'échouer leur année scolaire, là, juste... Vous savez, la première chose qu'on fait... quand les gens arrivent, souvent ils ont cogné ailleurs, puis personne n'a répondu, puis qu'on va être la première organisation qui va donner une réponse. Juste ça, ça calme, ça met les choses en place. Donc, on ne peut pas dire non, si ce n'est que pour ça.

Mme Picard : J'aimerais vous entendre par rapport aux réseaux sociaux, à tout qu'est-ce qui est autour de nos jeunes, qui peuvent peut-être contribuer aussi à... Il y a un intervenant qui nous parlait que les jeunes, ils sentent que l'école, c'est plate parce qu'il n'y a pas rien qui se passe, on est assis sur une chaise. Qu'est-ce que vous pensez, vous, de l'effet que les jeunes sont habitués à avoir un stimuli au quotidien?

M. Boisrond (Frédéric) : Je ne saisis pas trop bien votre question.

Mme Picard : Oui, bien, en fait, on le sait, que les jeunes sont habitués à avoir plein de stimuli. Comment, à l'école, on pourrait rendre ça plus attrayant pour les jeunes? On a parlé d'activité physique, alimentation. Selon vous, dans quelle avenue on pourrait le mieux cibler?

M. Boisrond (Frédéric) : Je ne pense pas que nous, on peut répondre à ça. Je pense que, ça, il y a des spécialistes, au niveau de l'éducation, qui travaillent sur, justement, des concepts différents, là, de transmettre les connaissances, qui sont mieux placés que nous pour le faire.

Tout ce qu'on sait, c'est que nous, quand on travaille avec des personnes qui ont le déficit d'attention, on doit prendre des mécanismes pour s'assurer de décortiquer l'information pour qu'elle soit absorbée. Tantôt, je vous ai donné l'exemple du parent qui donne un ensemble de directives à un enfant, et que, TDAH ou pas, il va en perdre en bout, donc, et puis il va retenir ce qui est le plus stimulant pour lui. Comme moi, d'ailleurs, aussi, j'aurais retenu l'idée de jouer au PlayStation que de ranger le linge sale, hein?

M. Tremblay : Vous auriez l'opportunité d'intervenir, demain matin, sur des priorités précises, vous plancheriez sur quoi? Sur quel mandat vous iriez de l'avant?

M. Boisrond (Frédéric) : Bien, moi, je dirais, développer le réseau communautaire. Je veux dire, ça n'a aucun sens d'avoir un réseau aussi faible en quantité et même en qualité. Parce que, vous savez, nos bénévoles, il faut les former, et c'est un temps qu'on met à former des bénévoles, parce qu'on est en santé mentale, il faut s'assurer que les gens donnent des informations crédibles, scientifiques, qui ne mettent pas les gens en péril parce qu'on ne leur a pas donné une information valable. On travaille avec les meilleurs spécialistes, mais, même encore... ce sont des gens qui sont capables de tenir un discours compréhensible par notre clientèle, mais, encore, nous aussi, on doit être capables d'emmagasiner cette information-là pour être capables de la transmettre aussi, on a besoin d'outils.

On est bons, on est bons, mais on peut tellement être meilleurs. On peut tellement être meilleurs puis on peut tellement rendre des services beaucoup plus intéressants que ce qu'on fait maintenant. On est bons, mais on ne peut pas se contenter d'être bons.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je vais maintenant céder la parole à la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci de prendre du temps pour venir nous parler, entre autres, de votre organisme, en fait. Nous, on a... je pensais que la députée de Soulanges était d'ailleurs pour l'aborder, parce que nous, on a le groupe PANDA dans Vaudreuil-Soulanges...

M. Boisrond (Frédéric) : Il a fermé.

Mme Nichols : ...il a été créé en 2008, puis c'était Karolyne Normand, là, qui en était la responsable, et, oui, il a fermé, puis je me demandais est-ce que c'est une question financement.

• (12 h 20) •

M. Boisrond (Frédéric) : C'est tout. C'est l'épuisement des bénévoles. Vous parlez de personnes qui ont eux-mêmes le déficit d'attention, je le répète, qui ont le déficit d'attention, qui ont des enfants qui ont le déficit d'attention. Vous parlez de ressources qui reçoivent 10 000 $ par année. PANDA Vaudreuil-Soulanges, recevait 10 000 $ par année, puis, bêtement, une année, on s'est retrouvé là-dedans avec un surplus de 5 000 $ puis on s'est fait couper parce qu'il ne faut pas avoir plus que 25 % de surplus à la fin de l'année. Bow!

Alors, vous voyez, ce sont des incohérences comme ça qui font que Vaudreuil-Soulanges, qui était une de nos associations les plus solides en termes de qualité de ce qu'on offrait, pour de l'épuisement, pour l'incapacité d'aller recruter des ressources pour mettre là, ne serait-ce que de payer un employé à temps partiel, bien, on n'a pas le choix que de fermer, et vous avez une région...

Mme Nichols : En explosion démographique.

M. Boisrond (Frédéric) : Merci beaucoup.

Mme Nichols : Oui, on a une région en explosion démographique. Là, vous avez devant vous la députée de Soulanges, qui fait partie du gouvernement, donc, vous avez l'opposition officielle aussi, donc c'est le temps de faire de vos demandes pour réactiver du financement. Je suis sûre qu'il y a une bonne oreille, de l'autre côté. La députée de Soulanges connaît bien la problématique, elle nous a partagé, entre autres, une petite tranche de vie. Donc, vous avez l'opportunité, là, manquez-la pas, là, je vous donne du temps de glace, là.

M. Boisrond (Frédéric) : Ah! moi, je suis certain que j'ai été clair. Vous savez, quand vous avez un problème comme celui-là, un problème de santé mentale, que vous avez entendu, nous, on vous dit : Nous avons huit associations pour l'ensemble du Québec, puis le financement est un financement qui va par région. Donc, quand on a un financement pour Vaudreuil-Soulanges, c'est pour aider les gens de Vaudreuil-Soulanges. Pensez-y, il n'y a aucune organisation, sur le territoire de l'île de Montréal, qui est spécialisée uniquement et spécifiquement en TDAH.

Mme Nichols : Le financement venait d'où?

M. Boisrond (Frédéric) : Du PSOC.

Mme Nichols : Du PSOC.

M. Boisrond (Frédéric) : Programme de soutien aux organismes communautaires.

Mme Nichols : Oui, c'est ça. Le PSOC, on s'entend que tout le monde se l'arrache parce que c'est un financement qui est souvent récurrent.

M. Boisrond (Frédéric) : Et nous avons décidé aussi, au cours des dernières années, de refuser toute forme de financement de l'industrie pharmaceutique parce qu'on se retrouve avec des gens qui s'attendent à ce qu'on fasse la promotion de la médication. Ce n'est pas notre rôle. On n'est pas contre, hein, mais ce n'est pas à nous de faire cette promotion-là ou de suggérer ça à notre clientèle. Ce n'est pas notre job, c'est la job des médecins, c'est la job des pharmaciens.

Mme Nichols : Oui. Je vous félicite, d'ailleurs, je trouve que vous... ça fait partie, là... Vous devez rester... Vous êtes un regroupement sans préjugés, qui accueillez les gens sans les... bien sûr, ils sont identifiés TDAH, mais vous les accueillez, vous les écoutez, vous, les personnes en détresse. Donc, vous êtes un organisme, définitivement... on en a besoin dans Vaudreuil et dans Soulanges.

En moyenne, là, ça... parce que, tu sais, vous disiez que vous aviez environ 10 000 $ par année pour Vaudreuil-Soulanges, mais, en moyenne, dans les autres régions... ou ça vous prend combien de financement pour pouvoir... Puis là dites-moi-le, là, c'est le temps de me dire combien ça vous prend de financement pour que ça fonctionne pour pouvoir réouvrir le bureau dans Vaudreuil-Soulanges, ou en moyenne.

M. Boisrond (Frédéric) : Ah! bien, il faudrait d'abord que j'arrive à retrouver tout ce monde-là pour les remettre ensemble, pour faire des évaluations.

Mme Nichols : Oui, ça je comprends, je comprends, les bénévoles.

M. Boisrond (Frédéric) : Mais, voyez-vous, les besoins sont différents d'une région à l'autre, hein? Je pense que probablement que les gens sont venus vous dire qu'au Saguenay—Lac-Saint-Jean les données sont beaucoup plus élevées qu'ailleurs, hein, donc, tout le monde sait ça. Donc, on est solides, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, mais ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas être meilleurs, d'accord? On fait du bon travail. Au Bas-Saint-Laurent, on n'a aucun financement. L'année dernière, on a fonctionné avec 5 000 $, et c'est essentiellement de la collecte de fonds qui nous a donné 5 000 $ pour faire notre travail. Vaudreuil-Soulanges, c'était 10 000 $. Les associations les mieux financées sont à 170 000 $, donc, on parle de Bas-Saint-Laurent, de Sainte-Thérèse, d'accord, de Thérèse-De Blainville. Donc, ces associations-là aussi, Basses-Laurentides et Thérèse-De Blainville, ces associations-là, parce qu'elles sont un peu plus solides, vont desservir les gens de Laval, par exemple, d'accord, ce pour quoi on n'est pas financés. Donc, c'est un choix qu'on fait, aussi, de ne pas dire non à quelqu'un qui vient de ville LaSalle, qui prend son auto, qui embarque toute la famille, qui s'en vient à Sainte-Thérèse. On ne va pas lui dire : Non, on ne peut pas vous servir. Mais en réalité on n'est pas financés pour ça, c'est nous qui décidons d'aller aussi loin.

Mme Nichols : Je comprends, dans le fond, qu'on identifie deux problématiques : un, les bénévoles, un problème de bénévoles, justement, pour les rencontres ou pour accueillir ces gens-là, et qu'il y a un problème, aussi, de financement.

Puis je ne jette pas le blâme, là, mais ça n'a jamais été porté à mon attention, qu'il y avait un problème de financement de PANDA dans Vaudreuil. Je n'ai jamais personne qui est venu cogner à ma porte puis qui m'a demandé : Est-ce que tu peux aider PANDA? Parce que je le fais avec plusieurs organismes de Vaudreuil, et ça n'a jamais été porté à mon attention. Et je suis très sensible à ce genre de cause, croyez-moi. J'ai été mairesse, j'ai été préfète, je suis maintenant députée, donc je le connais bien... je connais bien mon milieu, puis je le sais, qu'il y a un besoin pour ça. Donc, sachez que je suis là si vous décidez de... Puis je peux peut-être aussi faire des liens avec des bénévoles et avec d'autres organismes, parce qu'on a vraiment beaucoup d'organismes, puis je pense qu'ils peuvent peut-être même se partager dans les...

M. Boisrond (Frédéric) : Parfait. Merci.

Mme Nichols : Alors, voilà. Merci beaucoup. Merci de ce que vous faites, je pense qu'on en a besoin. Je remercie ceux qui s'impliquent, aussi, auprès de vous, vous avez parlé de Dre Laberge, vous avez parlé de Dre Vincent. Bien sûr, je comprends que vous avez besoin aussi de cette expertise-là, et les bénévoles, c'est de la denrée rare maintenant, mais bravo pour le travail que vous faites!

Le Président (M. Provençal)  : Alors, je cède la parole au député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation et votre présence ici. Vous disiez, tout à l'heure, que vous refusez le financement des compagnies pharmaceutiques. Je comprends très bien vos motifs, c'est tout à fait louable. Quel est, selon vous, le rôle des producteurs de psychostimulants dans la situation qu'on vit ici, au Québec, où la prévalence, justement, de consommation est tellement plus élevée que partout ailleurs au Canada, par exemple?

M. Boisrond (Frédéric) : Bien, pour moi, ce sont des entreprises privées, hein, donc qui ont des objectifs de vente. Nous, franchement, ce ne sont pas des questions qu'on se pose, dans la mesure où nous, que la personne prenne une médication ou pas, on l'accueille. Et nous n'avons... et nous ne demandons jamais aux gens de prendre la médication. Nous pouvons leur demander d'aller voir leur médecin, d'aller voir leur pharmacien, mais nous n'intervenons pas dans le domaine de la médication. Donc, nous sommes loin de ça, d'abord parce que nous n'avons aucune expertise, vraiment aucune expertise. Nous sommes vraiment dans des rapports humains, comment aider une personne à trouver des mécanismes pour bien fonctionner, pour atteindre ses objectifs, voyez-vous? Donc, si la médication est un des outils, pour nous, c'est parfait. Si ce n'en est pas, si on peut faire sans la médication, pour nous, c'est parfait. Mais le rôle de l'industrie comme telle, c'est loin, loin, loin de nous.

M. Zanetti : Je comprends. Avez-vous l'impression que notre société a médicalisé des problèmes sociaux? Dans le cas, par exemple, du TDAH, est-ce que vous sentez que, des fois, le problème dépasse simplement un problème de cerveau?

M. Boisrond (Frédéric) : Écoutez, encore une fois, moi, je vous dirais que, quand les gens viennent nous voir, ils viennent nous voir parce qu'ils ne veulent pas en prendre, ils viennent nous voir parce qu'ils en prennent puis que ça ne résout pas tout, ils viennent nous voir parce qu'ils cherchent une alternative ou ils sont sur le bord d'en prendre puis ils préfèrent ne pas en prendre. Ce sont des choix personnels. Dans ce que nous, nous observons, la médication est un choix personnel, ou un choix qui se fait avec les médecins, ou un choix qui se fait, les parents, avec le personnel médical. Encore une fois, ça n'a aucun impact sur notre travail, aucun impact. Quand quelqu'un arrive, il arrive avec ses objectifs, l'objectif de comment je peux faire sans médication, comment je peux arrêter. On a souvent les... quand les jeunes arrivent à l'adolescence ou à la fin de l'adolescence, ils veulent arrêter. Donc, ce n'est plus les parents qui décident, l'individu décide de lui-même. Comment on l'accompagne? Nous, c'est d'accompagner la personne dans ses décisions, dans ses choix. On ne choisit pour personne, en fait.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Nous allons conclure cet échange avec le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci. Merci beaucoup de votre présence. Je constate que vous, vous êtes vraiment au front, tu sais, vous n'êtes pas là pour les grandes stratégies. Ce n'est pas que vous n'êtes pas capables d'en faire, ce n'est pas ça que je dis, mais votre mission, c'est de prendre soin de la personne comme elle est, comme elle se présente devant vous, sans jugement, sans essayer de... bon, et on la fait avancer. Alors, beaucoup, beaucoup de reconnaissance pour ça.

Ceci étant dit, hier, Jeunes et santé mentale nous ont dit : Une de nos demandes, c'est l'accès gratuit à la psychothérapie. Êtes-vous d'accord avec ça?

M. Boisrond (Frédéric) : Autant que nous ne prenons pas parti pour la médication, nous ne prenons parti pour aucune autre forme de thérapie, ou autres. Nous, ce qu'on fait, c'est que, quand les gens arrivent, ils nous disent : Moi, je veux essayer la psychothérapie, on essaie de vous trouver la meilleure information qu'on peut trouver.

(12 h 30)

M. Gaudreault : Oui, mais, quand la meilleure information nous dit : Ça va coûterait 2 500 $ pour un traitement et qu'on fait affaire avec des familles qui peuvent avoir des revenus modestes, ce n'est pas simple, là.

M. Boisrond (Frédéric) : Mais c'est la famille qui fait ce choix-là. Si elle est capable de le payer, c'est la famille qui fait ce choix. Nous, on ne peut pas dire à la famille : Si vous faites ce choix-là, ça va vous appauvrir. Donc, on ne rentre pas là-dedans, là, on ne fait pas de la gestion de budget, d'accord? Donc, vous savez, les offres de soins pour le TDAH, là, vous ne pouvez pas imaginer combien qu'il y en a, là, actuellement, d'accord? Il y en a, là. Il y en a qui sont basés sur la salive, il y en a qui sont basés sur des prises de sang. Il y en a, d'accord?

M. Gaudreault : C'est sûr, il y a un marché. En tout cas, les chiffres nous disent ça.

M. Boisrond (Frédéric) : Bon, c'est ça. Alors, nous, ce qu'on fait, c'est d'essayer de dire, justement, aux gens : Voici ce que nous, nous avons de la médecine conventionnelle, là, qu'est-ce qui se dit de la médecine conventionnelle, voici qui sont les gens qui nous conseillent, nous, quand on vous donne un conseil, d'accord?

M. Gaudreault : Il me reste-tu du temps? Oui?

Le Président (M. Provençal)  : ...secondes.

M. Gaudreault : O.K. Je comprends que vous n'êtes pas un service budgétaire, mais, quand même, est-ce que, chez les gens qui vont chez vous, vous constatez vraiment une différence sur les revenus familiaux par rapport aux jeunes qui ont des problèmes de TDAH? Est-ce que vous voyez qu'il y a une différence par rapport aux revenus familiaux?

M. Boisrond (Frédéric) : Vous savez, quelle que soit la problématique sociale, problématique de santé que vous allez avoir, elle va appauvrir une famille, d'accord? Quand il y a un enfant qui a un problème de santé, la probabilité que le couple reste ensemble diminue en conséquence, donc la probabilité qu'il y ait un seul revenu est plus élevée, la probabilité que la personne qui travaille soit une mère est aussi élevée. Donc, oui, on a affaire à des familles où les gens perdent leur emploi parce qu'ils ont une charge familiale qui vient avec le fait que l'enfant ait un problème de santé, donc, oui, on a affaire à des familles à faibles revenus. Donc, ça, il ne faut jamais le perdre de vue, on a affaire à des familles à faibles revenus. Quand on n'a pas affaire à des familles à faibles revenus, ils sont ailleurs puis ils ont déjà trouvé, ils ont déjà payé pour avoir un diagnostic. Mais nous, on est dans ceux qui sont sur les listes d'attente, on est dans ceux qui sont dans la file.

M. Gaudreault : Merci.

M. Boisrond (Frédéric) : Je vous en prie.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie M. Boisrond, du Regroupement des Associations PANDA du Québec, pour votre participation et votre contribution.

La commission ajourne ses travaux jusqu'à mardi 12 novembre 2019, à 10 heures, où elle accomplira un autre mandat. Merci beaucoup, bon retour à...

(Fin de la séance à 12 h 33)

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